Journal des débats de la Commission de la santé et des services sociaux
Version préliminaire
42e législature, 2e session
(19 octobre 2021 au 28 août 2022)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Le
mercredi 6 avril 2022
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Vol. 46 N° 23
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 28, Loi visant à mettre fin à l’état d’urgence sanitaire
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Intervenants par tranches d'heure
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Provençal, Luc
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Dubé, Christian
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Derraji, Monsef
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Derraji, Monsef
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Dubé, Christian
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Provençal, Luc
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Marissal, Vincent
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Arseneau, Joël
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Samson, Claire
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Provençal, Luc
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Dubé, Christian
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Derraji, Monsef
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Marissal, Vincent
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Arseneau, Joël
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Samson, Claire
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Provençal, Luc
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Dubé, Christian
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Barrette, Gaétan
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Barrette, Gaétan
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Provençal, Luc
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Labrie, Christine
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Arseneau, Joël
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Samson, Claire
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Dubé, Christian
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Dubé, Christian
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Provençal, Luc
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Derraji, Monsef
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Labrie, Christine
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Arseneau, Joël
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Provençal, Luc
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Samson, Claire
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Dubé, Christian
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Dubé, Christian
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Provençal, Luc
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Derraji, Monsef
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Marissal, Vincent
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Arseneau, Joël
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Samson, Claire
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Provençal, Luc
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Dubé, Christian
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Derraji, Monsef
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Derraji, Monsef
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Provençal, Luc
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Marissal, Vincent
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Arseneau, Joël
11 h (version révisée)
(Onze heures trente-trois)
Le Président (M. Provençal)
:Bonjour à tous. Ayant constaté le
quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services
sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les
personnes de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électriques.
La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi n° 28, loi visant à mettre fin à l'état d'urgence sanitaire. Mme la
secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Ciccone (Marquette) est remplacé par M. Barrette
(Lapinière).
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Ce matin, nous
entendrons...
11 h 30 (version révisée)
La Secrétaire : ...(Marquette)
est remplacé par M. Barrette (La Pinière).
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Ce matin, nous
entendrons les personnes suivantes : Dr Luc Boileau et Mme Julie
Labbé conjointement avec M. Guy Thibodeau et M. Jean-François Fortin
Verreault.
Comme la séance a débuté 15 minutes
plus tard que notre... alors on va avoir besoin d'un consentement pour terminer
15 minutes plus tard.
Des voix : Consentement.
Le Président (M. Provençal)
:On n'a pas le choix parce qu'on ne
retournera pas le groupe. Merci. Je souhaite la bienvenue au Dr Boileau. Je
vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après
quoi, nous procéderons la période d'échange avec les membres de la commission.
Je vous invite à vous présenter et à débuter votre exposé. Je vous cède la
parole, monsieur.
M. Boileau (Luc) : Merci
beaucoup. Merci, M. le Président. Alors, je... et M. le ministre et Mmes, MM.
les députés. Je me présente, Luc Boileau. Je suis le directeur national de la Santé
publique par intérim. Et je suis ici aujourd'hui pour... d'abord, vous
remercier de m'inviter pour me donner le privilège d'être avec vous pour les
consultations sur le projet de loi n° 28 et de
répondre à toutes vos questions. Alors, je vais tenter de faire mon allocution
à l'intérieur des 10 prochaines minutes et je crois pouvoir y réussir.
Alors, comme directeur de la Santé
publique par intérim, je trouve évidemment important d'expliquer à mon tour,
là, plus en détail pourquoi on a besoin de ce levier législatif pour continuer
de servir et de bien protéger la population. Alors, comme vous le savez, on est
actuellement en plein coeur d'une sixième vague. Il y a des incertitudes sur
cette vague-ci et on ne sait pas comment elle va évoluer avec précision. Mais
il y a une chose qui est sûre, c'est qu'au moment où on se parle, la tendance
reste à la hausse. Alors, on aimerait bien sûr, comme vous tous, je suis
certain, mettre ça derrière nous, mais ce n'est pas la réalité. Et il y a bien
sûr une grande différence entre la levée de la plupart des restrictions et la
fin de la pandémie.
Alors, on est actuellement dans une phase
transitoire de pandémie. Et le projet de loi, tel que je le comprends, vient
appuyer ce processus de transition. L'arrivée de cette nouvelle vague
démontre... pardon, à elle seule toute l'importance d'avoir les leviers et les
pouvoirs nécessaires pour agir de façon responsable et diminuer les impacts sur
la santé de la population.
Comme vous le savez, je suis entré en poste
plus récemment, là, ça fait trois mois, alors que la cinquième vague battait
son plein. Puis elle était bien sûr accélérée par le contexte d'un nouveau
variant, l'Omicron. Mais auparavant, dans mes différentes fonctions, en
particulier bien sûr celles de P.D.G. de l'INESSS, j'étais en mesure d'observer
la situation. Alors, depuis le tout début, de par son caractère très
imprévisible, la pandémie nous met toujours sur le qui-vive puisqu'il y a eu
des changements, vous les avez vus, qui se sont présentés avec l'évolution de
ce virus-là et de ses différentes caractéristiques.
Alors, on a vu au cours des derniers mois
à quel point les nouveaux variants peuvent effectivement changer très
rapidement. Il faut donc pouvoir prévoir, anticiper, mais aussi être agile et
agir lorsque c'est nécessaire. Or, comme directeur national de la Santé
publique par intérim, je suis d'accord qu'on est rendu à un moment... excusez-moi,
ce n'est pas ce que vous craignez que j'aie, à un moment opportun.
Des voix : ...
M. Boileau (Luc) : Non,
non. Moi, je trouve que ça s'inscrit bien dans la conversation, là, mais
rassurez-vous, ce n'est pas ça, j'ai d'autres petits problèmes. Alors, ce que
je disais, c'est que je suis d'accord, comme plusieurs, qu'on est rendus à un
moment où est-ce qu'on... c'est opportun, là, de lever l'état d'urgence
sanitaire, mais il est nécessaire de maintenir certaines mesures transitoires.
Alors, dans ce projet de loi là, il y a des éléments fondamentaux pour nous
permettre de continuer à gérer efficacement la pandémie.
Alors, de la façon dont ça fonctionne au
Québec en temps normal, comme je comprends le système, c'est chaque direction
régionale de santé publique fait des actions de façon locale ou régionale, mais
le plus souvent, c'est local. Contrairement à ce que certains pourraient le
croire, la Loi de la santé publique, selon moi, ne permet pas au directeur
national de santé publique d'avoir une portée nationale dans ses actions. C'est
davantage région par région.
Alors, l'état d'urgence sanitaire, elle,
elle a permis de mettre en place et de mettre en oeuvre des actions de santé
publique sur le plan national. Sans l'état d'urgence, il n'aurait pas été
possible de mettre en place les différentes mesures sanitaires qui permettaient
de réduire les contacts et, par conséquent, la propagation de la maladie sur l'ensemble
du territoire québécois. Alors, impossible alors de rendre obligatoire le port
du masque dans les lieux publics, de rendre obligatoire aussi l'enseignement à
distance pour les enfants, de limiter la capacité d'accueil dans les différents
lieux publics, par exemple.
Alors, comme vous le savez, on est entré
dans une nouvelle étape de la gestion de la pandémie. On met en place le fameux
vivre avec le virus. Alors, il faut peu à peu reprendre la vie normale car la
succession des confinements et des mesures sur la période des deux dernières
années a eu des conséquences sur plusieurs plans pour à peu près toute <la
population...
M. Boileau (Luc) :
...succession
des confinements et des mesures sur la période des deux dernières années a eu
des conséquences sur plusieurs plans pour à peu près toute >la
population. Alors, on est bien conscient de cela. Mais, comme vous le savez, on
a recommandé, plus tôt cette semaine d'ailleurs, que le port du masque
obligatoire soit maintenu pour l'instant, pendant quelques journées de plus,
quelques semaines maximum, mais, en tout cas, pour l'essentiel, c'est pour le
mois d'avril, parce que la plupart des autres mesures ont été levées
progressivement au cours des dernières semaines et des derniers mois.
Et, même si le Québec vit une hausse de
cas et d'hospitalisations, la Santé publique n'a toujours pas l'intention de
renouveler ou de recommander de nouvelles mesures populationnelles. Alors,
c'est maintenant à chacun, pour les autres et pour soi-même, de prendre ses
responsabilités en fonction de la situation des autres et de la sienne aussi.
Alors, chaque personne doit faire ce qu'elle a à faire pour réduire ses risques
d'avoir la COVID et se protéger, mais aussi protéger les autres. On appelle,
globalement, au sens civique de la population... Pardon.
Mais, ceci étant dit, avant la fin de
l'état d'urgence... plutôt avec la fin de l'état d'urgence sanitaire, le projet
de loi, tel que je le comprends encore, nous permet de préserver des leviers
qui sont nécessaires à notre disposition pour pouvoir continuer de protéger la
population. Alors, l'idée est notamment d'être en mesure de mobiliser les
forces vives pour vacciner et dépister efficacement. Ce sont des éléments clés
pour notamment protéger les personnes les plus vulnérables, qui, comme on le
sait, là, sont les plus à risque des complications. Alors, les décrets et les
arrêtés qui demeureraient en vigueur jusqu'à la fin de l'année, au
31 décembre prochain, 2022, sont absolument nécessaires à nos yeux pour
conserver notre agilité puis notre efficacité à protéger la population au cours
des prochains mois.
• (11 h 40) •
Alors, comme je le comprends, le maintien
de certains arrêtés ministériels vise à permettre, entre autres, l'embauche de
personnes salariées temporaires grâce à la plateforme qu'on appelle Je
contribue. Alors, à défaut de pouvoir compter sur ce personnel temporaire, il
faudrait avoir recours aux employés qu'on dit réguliers... pardon, du réseau de
la santé et des services sociaux pour assurer ces services de dépistage et de
vaccination. Et on le voit actuellement, avec la sixième vague, le taux
d'absentéisme chez les travailleurs de la santé est élevé et il ne baisse pas,
là, en ce moment. Alors, dans l'état actuel, sans la contribution des
travailleurs recrutés grâce à la plateforme Je contribue, le dépistage puis la
vaccination essentiels devraient être organisés uniquement avec le personnel
régulier du réseau qui est déjà largement sollicité et qui est en situation de
fragilité, là, avec le contexte actuel. Alors, ça m'apparaît invraisemblable de
pouvoir faire ça.
Un autre élément très important du projet
de loi et qui vise à poursuivre la vaccination pour un nombre ou un grand
nombre de personnes qui sont autorisées, plutôt que par des personnes... qui
sont autorisées à le faire, plutôt que par des personnes qui se retrouvent
habituellement sur la liste des professionnels qui sont habilités, là, de façon
courante à vacciner. Je sais que ça a déjà été abordé, mais je veux juste le
mentionner, en temps normal, ça se limite aux infirmières, aux médecins, aux
infirmières et infirmiers auxiliaires, aux infirmiers, bien sûr, aux
sages-femmes, aux inhalothérapeutes et aux pharmaciens. Mais, dans le contexte
d'une urgence sanitaire, on a eu la nécessité d'élargir le bassin de personnes
autorisées à vacciner et on a pu ainsi compter sur la contribution de plusieurs
autres groupes. D'abord, les étudiants, que ce soit en soins infirmiers, en
médecine, en pharmacie, en sages-femmes, les infirmières auxiliaires ou les
infirmiers auxiliaires aussi, les dentistes, les hygiénistes dentaires, des
diététistes, des nutritionnistes, des optométristes, des orthophonistes, des
physiothérapeutes, des techniciens ambulanciers se sont ajoutés au groupe, et
c'était essentiel pour pouvoir offrir cette vaccination de masse qui était
requise dans le contexte. Alors, en cette sixième vague, mais également au
cours des prochains mois, comme on ne peut pas prédire ce qui va arriver, nous
sommes toutefois assurément convaincus que nous pourrions encore avoir besoin
de ces personnes pour nous appuyer dans le dépistage et dans la vaccination.
D'ailleurs, la vaccination est toujours en
cours. Vous l'avez entendu, la dose de rappel, la quatrième dose a été mise de
l'avant depuis la semaine passée pour les personnes en CHSLD, en RPA, dans
d'autres installations et pour les 80 ans et plus. Et, depuis ce matin,
aujourd'hui, ce sont les personnes de 70 ans et plus qui peuvent prendre
rendez-vous pour cette quatrième dose, tout en respectant un intervalle, bien
sûr, minimum de trois mois entre la troisième et la quatrième dose. Et c'est la
même chose pour les personnes de 60 ans et plus qui vont pouvoir
s'inscrire dès lundi matin prochain. Alors, le vaccin demeure un outil
remarquable, extrêmement efficace pour... vraiment, là, par rapport à quoi que
ce soit d'autre, là, pour prévenir les complications graves, c'est une <bonne
nouvelle...
M. Boileau (Luc) :
...quoi
que ce soit d'autre, là, pour prévenir les complications graves, c'est une >bonne
nouvelle. Et en raison de la venue du variant BA.2, on veut offrir une
immunisation supplémentaire à ces personnes qui sont à risque et qui sont déjà
bien protégées par les doses précédentes, mais qui pourraient être plus à
risque avec le temps parce que l'efficacité vaccinale baisse qu'elle soit
naturelle par l'infection ou par la vaccination. Alors, il faut des ressources
pour l'administrer. Alors, la même chose pour les dépistages. Les tests de
dépistage, ça fait partie des principaux moyens pour lutter efficacement contre
la pandémie de la COVID-19. Alors, il y a eu un virage, on le sait, vers les
tests rapides de dépistage pour une bonne partie de la population, mais il y a
encore beaucoup de dépistage qui doit se faire en clinique. Alors, ces tests
sont réservés aux travailleurs de la santé, oui, mais aussi à plusieurs autres
clientèles, notamment les personnes symptomatiques qui travaillent dans le
milieu scolaire ou les milieux de garde, les proches aidants, les personnes de
65 ans et plus.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, Dr Boileau, je vais devoir
vous interrompre, alors je vais... Les gens auront sûrement des questions à
vous poser pour compléter votre présentation. Je m'excuse. M. le ministre, je
vais vous maintenant vous céder la parole pour débuter cet échange. Vous avez
15 min 15 s.
M. Dubé : Alors, M. le
Président, merci beaucoup. À mes collègues de l'opposition, aux députés du
gouvernement, merci encore une fois d'être là pour ce projet de loi si
important. M. Boileau, je ne peux pas... Dr Boileau, je ne peux pas m'empêcher
de prendre juste quelques secondes pour vous remercier d'avoir accepté ce
défi-là il y a trois mois. Au moment où vous êtes arrivé avec nous, ce n'était
vraiment pas facile d'avoir su relever ce défi-là, je pense, que d'avoir donné
aussi un répit au Dr Arruda qui avait vraiment besoin de se reposer. Je pense
qu'on a eu la chance de vous avoir puis je tiens à vous remercier pour votre
présence. J'entends souvent des commentaires excessivement positifs de la part
du public qui a une grande confiance dans vos sorties, lorsque vous faites vos
points de presse, puis je tenais à vous le mentionner parce que vous avez fait
un travail remarquable depuis que vous êtes là, puis merci beaucoup, Dr
Boileau.
M. Boileau (Luc) : Merci.
M. Dubé : Je vais aller sur
trois, quatre sujets. Le premier, vous le dites souvent, puis je pense que c'est
rendu presque un euphémisme de dire qu'il faut apprendre à vivre avec le virus,
et j'aimerais vous demander deux exemples, un exemple positif de ce que ça veut
dire, vivre avec le virus, puis peut-être un exemple négatif. Ce que je veux
dire, c'est que, si vous aviez à dire à quelqu'un, ça veut dire quoi de
continuer à faire... de vivre avec le virus puis aussi de faire attention de ne
pas faire... parce qu'il y a beaucoup de gens qui vous écoutent aujourd'hui,
qui savent que vous êtes en commission. Je sais qu'on va parler des mesures d'urgence,
mais je vous ai entendu souvent dire : Il faut vivre avec le virus. J'aimerais
ça vous entendre sur un petit conseil à donner et l'autre à ne pas faire.
M. Boileau (Luc) : Bien.
Donc, d'abord, merci pour vos bons mots. Vivre avec le virus, ça veut dire
vivre en... ça ne veut surtout pas dire vivre en oubliant le virus. Vivre avec
le virus, c'est de vivre en toute conscience qu'il y a un risque associé à ce
virus-là qui est un virus qui est très contagieux et qui fait en sorte qu'on
peut être atteint et on peut atteindre d'autres personnes. Alors, le côté
positif de la chose, c'est qu'on a appris, au fil des deux dernières années, qu'il
y a des façons de se protéger, des façons simples. D'abord, le masque, le
lavage des mains, la distanciation, d'être prudents dans nos sorties, qui on
fréquente. Ce n'est pas une question que nos amis sont plus fins que les autres
pour le virus, tout le monde est égal là dessus, mais c'est vraiment de pouvoir
tirer avantage de tout ce qu'on a appris dans les deux dernières années. Et les
choses dont il faut encore se méfier et qui laissent présager aussi des risques
pour la population, c'est une activité de civisme, c'est-à-dire de reconnaître
que, lorsqu'on a des symptômes, bien, on est probablement atteints de cette
maladie-là puisqu'elle est très fréquente et on doit s'isoler. Et si ce n'est
pas la COVID, et si c'est la grippe, puisqu'elle pourrait arriver aussi, alors
de s'isoler aussi pour éviter de propager ça aux autres personnes.
Et cet isolement-là devrait durer
10 jours. Les cinq premiers sont sous une formule d'un isolement plus à
domicile, de rester bien confiné soi-même puisque la charge virale que nous
avons peut être très élevée pendant les cinq premiers jours, et les cinq autres
journées, elle est toujours là, elle va en diminuant, mais donc de pouvoir
sortir et vaquer à quelques activités, mais en s'assurant que nous restions
très prudents, donc toujours porter le masque, ne pas aller danser, chanter,
pas aller au restaurant, pas aller dans les spectacles, de respecter cela.
Alors, le côté très positif de l'histoire de la COVID, c'est que ça a permis
une solidarité, ça a permis aux gens d'adapter de nouvelles mesures, d'être
conscientisés puis de développer ce <sens civique...
M. Boileau (Luc) :
...le côté très positif de l'histoire de la COVID, c'est que ça a permis une
solidarité, ça a permis aux gens d'adapter de nouvelles mesures, d'être
conscientisés puis de développer ce >sens civique. Le côté négatif, c'est
quand on le néglige et qu'on croit que parce qu'on n'a plus de symptômes ou qu'on
a entendu parler que ça pouvait durer moins longtemps, bien, c'est de prendre
des risques pour les autres. Et ce n'est pas soi-même... on ne se réinfectera
pas pendant les journées qui suivent, on peut se réinfecter après, là, bien
sûr, mais on ne se réinfectera pas dans les journées qui suivent, et le côté
négatif, c'est lorsqu'on laisse passer l'opportunité de bien agir pour les
autres, alors que, pour soi-même, on s'en est mieux sorti.
Ça reste une maladie grave, une maladie
qui est fréquente, une maladie qui amène des gens plus à risque dans le circuit
des hôpitaux et, des fois, malheureusement, pire encore. Et ces personnes-là se
connaissent, mais il faut aussi que tout le monde les connaisse, ce sont des
gens de plus de 60 ans en général, qui sont plus fragilisés. Il faut être
conscient que, si on va les rencontrer, bien, il ne faut pas avoir trop de
symptômes, hein, il ne faut pas en avoir, puis il ne faut pas avoir fait des
sorties qui nous amènent à risque de les contaminer.
M. Dubé : Alors, ce que je
retiens, Dr Boileau, puis je vais aller plus spécifiquement sur le p.l. n° 28, mais ce que je retiens, c'est que le virus est
encore bien là, puis il faut continuer de se protéger, alors je pense que vous
avez quand même maintenant régulièrement des points de presse puis je pense que
ces points-là ont été soulevés, notamment encore hier.
Vous avez dit dans votre présentation... puis
je pense que c'est important d'expliquer toute la question des limites
actuelles de la Loi de la santé publique quand vous parlez, par exemple, de la
portée régionale versus nationale, donc d'avoir... j'aimerais ça que vous
élaboriez un petit peu pour expliquer comment ça nous a aidés d'avoir les
mesures d'urgence sur une base nationale plutôt que régionale. Je pense que c'est
peut-être moins connu de la population à cet effet-là, là.
• (11 h 50) •
M. Boileau (Luc) : Oui. Les
leviers disponibles actuellement... législatifs permettent à des directeurs de
santé publique, des directeurs régionaux de santé publique, d'agir localement
lorsque c'est requis. Il y a eu différentes situations pour ce faire. Moi, je
dirigeais la Santé publique de la Montérégie quand on a eu le verglas et il y a
eu certaines situations où on pouvait agir dans des crises associées à cela,
avec de l'influenza et autre chose. Mais ça peut arriver et, habituellement, ce
sont des maladies infectieuses ou des risques environnementaux importants qui
nous permettent de dire : On crée un espace de protection et on empêche
les gens soit d'entrer ou on invite les gens à quitter le territoire. Quand j'étais
très jeune, ça fait déjà un petit bout de temps, il y avait... j'étais en
charge de la situation de Saint-Basile-le-Grand, alors il y avait eu une
évacuation. Ce sont des choses qui peuvent être faites avec les leviers qui
existent en ce moment. D'essayer de répéter ça dans toutes les régions et
toutes les localités pour avoir une approche d'une mesure qui doit être
standard pour l'ensemble d'une population, c'est impossible. Il faut faire ça
avec le levier des états d'urgence, sinon on n'y arrive pas. Ça demande un
circuit de décision qui est beaucoup trop long et qui a des risques majeurs de
dérapage. Et ça ne peut pas se faire ainsi. Et toutes les juridictions à l'extérieur
du Québec ont saisi ces mêmes occasions-là d'amener des mesures pour que l'ensemble
des populations puisse être d'abord avisé de ces risques-là, mais aussi invité
à suivre des règles pour empêcher les propagations. Alors, on n'est pas dans
des pays où on est capable d'être extrêmement sévère de ce côté là, mais ces
leviers là, ici, ont été essentiels et la seule manière de le faire, c'est de
le faire dans un contexte de mesures d'urgence...
M. Dubé : Nationales.
M. Boileau (Luc) : ...nationales.
M. Dubé : Le deuxième point
aussi, puis on en a déjà parlé... parce qu'on se dit souvent, bien... puis un
peu ce que je retiens, on veut être opérationnel parce que ça va tellement vite
lorsqu'une vague revient, puis, etc. Parlez-moi aussi de la flexibilité que les
mesures sanitaires... mesures d'urgence nous ont donné entre les vagues. Parce
que, tu sais, les gens disaient : Bien là, la vague est terminée, vous
devriez arrêter puis vous recommencerez. Je veux juste voir le côté
opérationnel de ça, ce que nous ont permis les mesures d'urgence.
M. Boileau (Luc) : Je n'étais
pas celui qui dirigeait la Santé publique, mais comme je le mentionnais tantôt,
j'étais tout à côté, là, dans un espace de visibilité, là...
M. Dubé : Pas loin.
M. Boileau (Luc) : ...comme P.D.G.
de l'INESSS. Mais il est clair que c'était impossible de ne pas avoir une
continuité dans ces mesures-là pour justement, dans notre propre contexte au
Québec, permettre de faire du dépistage, pour voir arriver comment
reviendraient les autres vagues et de permettre de faire de la vaccination pour
pouvoir justement contrer les effets de cette progression dont on pouvait nous
attendre et de pouvoir également mettre de l'avant des mesures, qui ont été
mises de l'avant, je me répète, là, dans des périodes qui étaient plus creuses
en <termes de risques...
M. Boileau (Luc) :
...également
mettre de l'avant des mesures, qui ont été mises de l'avant, je me répète, là, dans
des périodes qui étaient plus creuses en >termes de risques. Par
exemple, le port du masque, lorsque c'est arrivé, on était entre deux vagues,
et c'était une mesure qui s'annonçait comme essentielle, dans la progression de
la connaissance sur le coronavirus, d'être installée dans une population. On n'avait
pas d'autres outils, on n'avait pas, à ce moment-là, les outils qu'on connaît
aujourd'hui, de vaccination, et ça s'est avéré très utile, et ça s'avère encore
utile, évidemment, avec les décisions qui ont été prises cette semaine après
nos recommandations.
Donc, on ne peut pas regarder l'arrêt d'une
vague en disant : Bon, bien, ça vient de finir aujourd'hui par... l'INSPQ
dit que c'est rendu là, on arrête les mesures. Elles doivent continuer parce qu'il
y a des gens qui continuent, d'abord à être infectés et d'autres qui vont
revenir. Ce sont des cycles qui sont normaux avec des maladies infectieuses
comme ça, contagieuses, il faut s'attendre à ça. L'important, c'est de les voir
venir, d'être bien outillés et de faire en sorte que la vague soit la moins
élevée et la moins dommageable possible.
M. Dubé : Très bien. Je vois
le temps qui file, Dr Boileau. J'aimerais ça aussi vous entendre, parce que je
l'ai entendu souvent, là, puis c'est légitime de poser des questions parce que
le projet de loi a été bâti comme ça... de cette fameuse date là du 31 décembre
2022. C'est quoi, les outils qui vous restent après cette date-là, là, dans le
contexte actuel, où on mettrait, là... il y aurait une acceptation des mesures
transitoires? Quels sont les outils qui vous restent pour qu'on soit protégés
après le 31 décembre 2022? Comment vivre avec le virus... je reviens
encore à ça, mais après le 31 décembre?
M. Boileau (Luc) : Bien, d'abord,
il y a bien des chances que le virus ne suive pas les intentions parlementaires
et qu'il soit encore là après le 31 décembre. Ça, il faut envisager ça, d'une
part. Mais d'autre part, c'est que, je pense que, dans ces mesures transitoires
là, nous serons avec un système adapté pour faire en sorte que le dépistage
soit intégré dans les pratiques plus courantes dans le système de santé et de
services sociaux. Il y a plusieurs pièces qui peuvent, progressivement, dans
cette période transitoire, prendre le relais, et donc on sera outillés, au
lendemain du 31 décembre, pour ce faire. La même chose pour la
vaccination. Sans doute qu'il y aura eu un paysage ajusté pour nous permettre
de maintenir cette force vive là. D'ici là, il faut anticiper, mon collègue Dr
Longtin le disait hier, qu'il y aura... qu'il est possible qu'il y ait une
autre vague. En fait, c'est vraisemblable, c'est toujours comme ça que ça va se
passer. Mais s'il y a une bonne charge qui a été cherchée, en ce moment, d'immunité
et de vaccination, ça va nous permettre d'agir autrement.
L'autre chose, qui est très importante
pour moi, c'est les autres projets qui sont sur la table, donc le... et ça, c'est
ce que je crois, là, que les systèmes d'information et la capacité d'absorber l'information,
de la voir en temps réel le plus possible, nous permettent d'avoir des routes
agiles, rapides, réactives pour connaître l'état des lieux et agir pour
vacciner, ou dépister, ou d'anticiper quelque chose qui arrive, que ce soit le
coronavirus ou autre chose. D'ailleurs, on n'est pas à l'abri, d'abord, de d'autres
variants puis de d'autres choses. Donc, le système va être prêt après.
M. Dubé : Donc, c'est notre responsabilité
d'être sûrs qu'on a les mesures qui sont en place, parce que ça pourrait
continuer après le 31 décembre, je pense qu'on en est tous conscients.
Pendant que je vous ai, il y a eu quand même des développements intéressants
sur un des outils, qui est le fameux médicament Paxlovid, et j'aimerais en
profiter, là, parce qu'encore une fois les choses avancent bien. Qu'est-ce qui
s'est passé, là, dans... Avez-vous senti peut-être, du côté de la population,
peut-être une meilleure acceptation du médicament au cours des dernières
semaines? Parce qu'on sait tous, maintenant, que le médicament est disponible
en pharmacie sans prescription, comme tel. Alors, j'aimerais vous entendre
là-dessus. Parce que vous m'en avez parlé, mais j'aimerais que les Québécois
entendent un peu l'avancée de ça, en termes d'un outil supplémentaire pour ceux
qui contracteraient le virus.
M. Boileau (Luc) : Le
Paxlovid est un médicament... visiblement, une innovation qui peut être très
utile. Tout le Canada est pris avec un problème de complexité pour offrir le
Paxlovid et le rendre disponible rapidement aux personnes ou aux groupes qui en
ont besoin, partout, mais le Québec a mis de l'avant le système qui risque d'être
le meilleur sur la scène canadienne, j'oserais même dire, mondiale. Le fait d'avoir
si rapidement permis de créer un consensus, qui a été couvert par les autorités
gouvernementales, pour faire en sorte que les pharmaciens puissent évaluer les
personnes avec les tests suffisants, la <connaissance suffisante...
M. Boileau (Luc) :
...les
autorités gouvernementales, pour faire en sorte que les pharmaciens puissent
évaluer les personnes avec les tests suffisants, la >connaissance
suffisante et prescrire le Paxlovid et en assurer un suivi, parce qu'il y a une
complexité de ce médicament-là, c'est un atout considérable. Il nous faut
reconnaître que les gens, avec la montée du BA.2, et en particulier les
personnes qui sont très vulnérables, il y a des critères justement de
l'Institut national d'excellence en santé et services sociaux qui sont connus.
Ces personnes-là se connaissent, elles savent que, si elles développent des
symptômes, il faut qu'elles puissent agir rapidement. On a des médicaments, des
anticorps monoclonaux, mais on a le Paxlovid qui se donne plus facilement,
c'est par la bouche, puis on peut la voir en pharmacie. Et il y a des gens qui
n'ont pas profité de la vaccination, au fil des deux dernières années, qui
elles, lorsqu'elles se présentent avec ça, il faut qu'elles puissent aussi être
aidées pour diminuer le risque de complications parce qu'elles n'ont pas le
bénéfice...
M. Dubé : Mais avant, Dr
Boileau, juste parce que vous, vous le savez, là, mais ce que je voulais
peut-être faire ressortir, c'est que, jusqu'à cette annonce-là qui est effective
depuis le 1er avril, c'est que les gens devaient avoir une prescription du
médecin et ils devaient soit aller à l'hôpital ou avoir une prescription du
médecin, ce qui rendait l'accès difficile parce qu'il y a la difficulté
d'avoir... Alors, maintenant, c'est ça qui a changé depuis quelques jours, là. Puis
vous avez vu une augmentation dans l'utilisation du médicament depuis ce
temps-là?
M. Boileau (Luc) : Oui, une
augmentation dans les demandes aussi, parce que les gens... c'est au pharmacien
à faire l'évaluation, mais là les gens viennent à la porte, et puis ils le font
par téléphone aussi, bien sûr, s'ils ont des symptômes, ils ne sont pas bien.
Mais c'est le «game changer», excusez... le changement majeur, c'est le
raccourci de l'accès...
Le Président (M. Provençal)
:...M. Boileau, pour votre
réponse.
M. Boileau (Luc) : Je finis
comme ça, là.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, merci, M. le ministre. Alors,
je cède maintenant la parole au député de Nelligan pour la suite.
• (12 heures) •
M. Derraji : Merci, M. le
Président. Je n'ai pas le même temps que M. le ministre, je n'ai pas le même
temps. Je vais vous poser une question courte, si c'est possible d'avoir une
réponse courte. Vous répondez quoi à quelqu'un qui vous dit : Même si on
attrape la COVID, ça donne un rhume à peu près?
M. Boileau (Luc) : Bien, je
lui dis, il est chanceux que ce soit juste ça, parce que, malheureusement, pour
certains autres, ça peut être plus grave. Mais c'est vrai que, pour la
majorité, ça s'apparente à un rhume, et on est chanceux parce qu'on a été
vacciné. Mais pour d'autres, même si elles ont été vaccinées, elles peuvent développer
une maladie grave, surtout si elles sont plus âgées. Mais la personne a raison
parce que c'est très fréquemment comme ça, mais ça n'empêche pas que certains
ont des risques.
M. Derraji : O.K. C'est-tu
une déclaration responsable et irresponsable?
M. Boileau (Luc) : Pardon?
M. Derraji : Est-ce que c'est
une déclaration responsable ou irresponsable?
M. Boileau (Luc) : Que je
viens de faire?
M. Derraji : Non, non, que
quelqu'un... non, non, mais pas vous...
Des voix : ...
M. Derraji : Non, non, non,
mais pas vous. Si quelqu'un dit que, même si on l'attrape, ça donne un rhume à
peu près, pensez-vous que c'est responsable ou irresponsable?
M. Boileau (Luc) : Bien, en
tout cas, moi, je vais surtout vous dire que c'est vrai, parce que c'est
vraiment le plus souvent comme ça grâce à la vaccination, alors c'est la
réalité. Maintenant, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'autres choses qui
peuvent arriver pour des gens qui ont plus de risques, mais c'est certainement
la réalité et tant mieux.
M. Derraji : Donc, vous dites
que c'est la réalité, c'est un rhume. Vous venez aujourd'hui demander des
mesures exceptionnelles et vous demandez que la période de transition...
qu'aujourd'hui les parlementaires vous donnent une période de transition
jusqu'au 31 décembre 2022. Vous ne voyez pas une contradiction?
M. Boileau (Luc) : Non, pas
du tout, parce qu'il y a quand même... ce n'est pas la totalité des personnes
qui vont avoir une maladie mortelle, et tant mieux. Si nous n'avions pas la
vaccination, nous aurions une situation catastrophique, ce serait épouvantable,
là, vraiment, il ne faut pas imaginer ça. Alors, on a la chance d'avoir déjà
beaucoup de personnes vaccinées, mais il faut maintenir cette immunité-là
justement pour que les gens ne développent pas de maladies graves, et on a
besoin de ces mesures de transition pour surveiller et vacciner.
M. Derraji : Mais, Dr
Boileau, on a... vous l'avez très bien dit à plusieurs reprises, le ministre, le
premier ministre, on a le plus haut taux de vaccination, presque, dans
plusieurs nations. Vous vantez beaucoup de résultats qu'on a le plus haut taux
de vaccination première dose, un peu moins deuxième, un peu moins la troisième
dose. Vous venez de confirmer que la personne qui a déclaré : Même si on
l'attrape, ça donne un rhume à peu près, qu'elle a raison et que c'est une
déclaration responsable. En même temps, vous demandez aux parlementaires que
vous avez besoin de mesures transitoires et de situations exceptionnelles parce
que le virus est encore là, il est encore là. Mais je n'arrive pas à suivre. Si
c'est un rhume, si c'est un rhume, vous venez de le confirmer, si c'est un
rhume, pourquoi autant de mesures exceptionnelles? On a vécu...
M. Dubé : ...
Le Président (M. Provençal)
:Non, M. le ministre. M. le
ministre...
M. Derraji : Mais c'est
sérieux. Mais, M. le Président, il n'a pas le droit...
Le Président (M. Provençal)
:Non, M. le ministre.
M. Dubé : Je veux juste vous demander
conseil, M. le Président...
M. Derraji : Mais, s'il vous
plaît, M. le Président, il n'a pas le droit. M. le Président, il n'a pas le
droit.
M. Dubé : M. le Président...
Le Président (M. Provençal)
:S'il vous plaît!
M. Derraji : Il n'a pas le
droit de m'interrompre...
12 h (version révisée)
M. Derraji : ...mais, s'il
vous plaît, M. le Président, il n'a pas le droit...
M. Dubé : M. le Président...
M. Derraji : M. le Président,
il n'a pas le droit...
Le Président (M. Provençal)
:S'il vous plaît! S'il vous plaît!
M. Derraji : ...il n'a pas le
droit de m'interrompre, il n'a pas le droit de m'interrompre.
M. Dubé : Je voulais juste
vous demander conseil pour essayer de bien comprendre...
Le Président (M. Provençal)
:Non...
M. Dubé : ...si ce genre de
question là peut être posée. C'est incroyable!
M. Derraji : Il n'a pas le
droit de m'interrompre. Il n'a pas le droit de m'interrompre. Il n'a pas le
droit de m'interrompre...
Le Président (M. Provençal)
:M. le ministre, je m'excuse, c'est un
échange entre le député de Nelligan...
M. Dubé : Je posais une
question...
Le Président (M. Provençal)
:...oui, et le Dr Boileau, et j'ai
fixé... On avait arrêté votre temps pour ne pas...
M. Derraji : ...c'est
difficile. Il n'a qu'à écouter les réponses du Dr Boileau. Dr Boileau, c'est
très important, ce que vous êtes en train de dire. Je vous ai demandé... Il y a
quelqu'un qui a déclaré : Même si on l'attrape, la COVID, ça donne un
rhume, à peu près. Vous êtes d'accord. Vous m'avez même dit que c'est
responsable comme déclaration. Cette déclaration vient du premier ministre du
Québec, ça vient du premier ministre du Québec.
M. Dubé : ...
Le Président (M. Provençal)
:M. le ministre, M. le ministre...
M. Derraji : Donc, ce que je
vous dis, vous... M. le Président, je vous laisse gérer, parce que je n'ai pas
intervenu.
Le Président (M. Provençal)
:Oui, oui.
M. Dubé : ...
Le Président (M. Provençal)
:Non, M. le ministre... M. le
ministre, je suis obligé de vous demander de vous taire...
Des voix : ...
Le Président (M. Provençal)
:M. le ministre...
Des voix : ...
Le Président (M. Provençal)
:M. le ministre... M. le ministre, je
m'excuse...
Des voix : ...
Le Président (M. Provençal)
:M. le ministre, s'il vous plaît...
Des voix : ...
Le Président (M. Provençal)
:S'il vous plaît!
Je vais suspendre la rencontre, s'il vous
plaît.
(Suspension de la séance à 12 h 05)
(Reprise à 12 h 07)
Le Président (M. Provençal)
:Alors, nous reprenons nos travaux. Je
veux spécifier qu'en aucun temps un ministre n'a le droit d'interrompre un
parlementaire de l'opposition, lorsque ce dernier est en train de discuter et
de faire un échange avec les gens qui sont présents. Alors, il sera souhaitable
que ça ne se reproduise plus. M. le ministre, vous avez bien saisi mon message?
M. Dubé : ...M. le Président,
merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. Je vous demanderais votre
collaboration, M. le ministre. Alors, M. le député de Nelligan, là, on
recommence avec le temps qui vous est donné.
M. Derraji : Merci, M. le
Président, de rappeler les bonnes façons de faire dans notre commission.
Dr Boileau, je vous ai posé une question
très simple, je vous ai partagé une déclaration : «Même si on l'attrape,
la COVID, ça donne un rhume, à peu près.» Vous avez dit que c'est la vérité, ça
donne un rhume, pour plusieurs personnes. Ma question est très simple : Si
c'est un rhume que ça donne à une bonne majorité, si c'est... grâce à la
vaccination, on arrive à contrôler, pourquoi vous nous demandez des mesures
exceptionnelles, aujourd'hui, pour continuer l'état d'urgence jusqu'au 31 décembre
2022?
M. Boileau (Luc) :
<C'est
bon?
Le Président (M. Provençal)
:
Oui...
M. Derraji :
...exceptionnelles,
aujourd'hui, pour continuer l'état d'urgence jusqu'au 31 décembre 2022?
M. Boileau (Luc) :
>C'est
bon?
Le Président (M. Provençal)
:
Oui, allez-y.
M. Boileau (Luc) : Si je vous
demande ça, c'est parce que, justement, on souhaiterait que, pour la grande
majorité des gens, sinon on espérerait pour la totalité, ça ne soit qu'un
rhume. Mais malheureusement, pour certains, ce n'est pas que ça. Alors, la
réalité, c'est ça, c'est que, pour plusieurs, et il y a des milliers de
personnes, il y en a... Écoutez, les données de CIRANO nous montrent que la
semaine passée, on était entre 30 000 et 40 000 personnes par
jour qui s'infectent et qui ont la COVID. Donc, si tout le monde se retrouvait
dans les hôpitaux, au bout de 2 jours, on serait finis, là.
Alors, il faut justement s'assurer que,
pour la majorité d'entre ces personnes, ça puisse se traduire comme un rhume,
un rhume ou une petite grippe. Il y en a qui... ça va souffrir plus que ça, et
certains vont se retrouver dans le contexte hospitalier, et d'autres pires que
ça. Alors, les mesures transitoires sont là, justement, pour nous assurer qu'on
puisse tenir cette route-là de santé publique pour protéger les gens et de leur
permettre d'avoir accès à la vaccination, accès au dépistage, accès, comme
système, à l'information pour pouvoir agir rapidement. Ça ne pourrait être
autrement.
M. Derraji : Mais, Dr Boileau,
Dr Boileau, je veux vraiment vous suivre. Vous êtes quelqu'un responsable, vous
êtes à la tête de la Santé publique, mais vous savez très bien le poids des
mots. Je ne vous apprends rien. Vous êtes docteur et vous comprendrez très,
très bien le choix des mots. Je viens de vous poser une question très simple.
Même si on l'attrape, ça donne un rhume, à peu près. Donc, pour une bonne
majorité, c'est difficile de leur... accepter les mesures d'un état d'urgence.
C'est ça que je vous dis. C'est que, si c'est un rhume, et vous le dites très
bien qu'une bonne majorité ne vont pas avoir les complications nécessaires...
D'ailleurs, il y a les médicaments et même pour les gens hospitalisés il y a un
autre médicament. Je vous dis que, sur la place publique, le message que c'est
un rhume, quand j'essaie de voir d'autres côtés, des pouvoirs que le
gouvernement cherche, bien, c'est des mesures exceptionnelles. C'est un état
d'urgence. C'est là où j'essaie de comprendre c'est quoi, la logique, derrière.
• (12 h 10) •
Le Président (M. Provençal)
:Dr Boileau.
M. Boileau (Luc) : Écoutez,
si... à moins que j'aie manqué quelque chose, mais il me semble que le projet
de loi, c'est pour lever l'état d'urgence, ce n'est pas pour le maintenir.
Et...
M. Derraji : Oui, oui, le
premier article est levé, mais il y a cinq arrêtés que... je ne vous apprends
rien. Le ministre vient de vous poser des questions. Nommez-moi...
M. Boivin (Luc) : Mais
regardez les mesures qui sont...
M. Derraji : Oui, oui,
juste... Il y a cinq arrêtés, il y a cinq arrêtés jusqu'au 31 décembre
2022. Cinq arrêtés. Vous avez vu, entendu la Fédération des infirmières, la
semaine dernière, vous avez entendu l'APTS. En après-midi, il y a des spécialistes
en droit qui vont le dire. Vous, vous venez de dire : Écoutez, pour la
bonne majorité, c'est un rhume, mais en parallèle... c'est un rhume, mais je veux
cinq arrêtés parce que, pour moi, la mesure transitoire, c'est important
jusqu'à la fin de l'année.
M. Boileau (Luc) : C'est bon?
Je peux répondre?
Le Président (M. Provençal)
:Oui, allez-y.
M. Boileau (Luc) : Regardez,
je ne sais pas comment le réexpliquer, là, mais je vais le dire comme ça :
c'est un projet qui, à mon sens, trouve sa racine, d'abord, sur le fait qu'on
enlève l'état d'urgence, puisqu'elle n'est plus nécessaire, pour aller de
l'avant avec des mesures populationnelles qui sont d'envergure. Nous ne sommes
pas à l'abri d'un nouveau virus qui pourrait se transformer ou d'un nouveau
variant, mais pour l'instant nous ne le voyons pas à l'horizon. Mais on n'est
pas à l'abri. On a vu l'Omicron arriver. Un.
Deux, dans le contexte du BA.2, même dans
le contexte d'Omicron, mais maintenant dans un contexte du BA.2, c'est encore
plus ça, nous avons besoin de pouvoir maintenir une efficacité des services de
santé publique et du système de soins pour maintenir la vaccination de la
population, son dépistage. Juste en ce moment, là, on donne la quatrième dose,
pour un bon nombre, et on pourra probablement être obligés de le continuer...
M. Derraji : Mais moi, je
vous comprends, je vous comprends.
M. Boileau (Luc) : Bon, bien,
si vous comprenez, tant mieux, monsieur.
M. Derraji : Non, non, je
vous comprends. Si je reviens à la question de départ, le choix des mots est
important en santé publique, je ne vous apprends rien...
M. Boileau (Luc) : Bien, c'est
pour ça que je choisis mes mots, là.
M. Derraji : Oui, oui, mais
vous dites, vous dites : un rhume.
M. Boileau (Luc) : Non, monsieur...
Le Président (M. Provençal)
:...s'il vous plaît.
M. Boileau (Luc) : Regardez,
là, il y a une série de... Les gens, là, des fois, quand ils s'expriment en
quelques mots... Moi, quand je vois un patient, là... quand je voyais, parce
que je n'en vois pas en ce moment, là, à moins que... mais quand je voyais un
patient, là, ce n'est pas en deux secondes. On est obligé de leur dire les mots.
Puis d'ailleurs Boileau avait dit, il y a très longtemps : Ce que l'on
conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire viennent aisément.
Mais il faut encore les dire. Alors, tout ça, ça fait en sorte qu'il y a des
nuances, des fois, qu'on ne peut pas entièrement faire. Mais il est très juste,
il est vrai que, pour la majorité des personnes, actuellement, sur la planète
et au Québec, quand elles sont vaccinées comme elles le sont, le BA.2 s'exprime
par une maladie moins sévère, et tant mieux.
M. Derraji : Excellent. Vivre
avec le virus. Je vous ai entendu <parler...
M. Boileau (Luc) :
...et tant mieux.
M. Derraji :
Excellent.
Vivre avec le virus. Je vous ai entendu >parler des mesures :
masques, réduire les contacts, chaque personne doit faire ce qu'il a à faire; je
ne vous ai pas entendu parler de la qualité d'air. Est-ce que c'est :
vivre avec le virus équivalant ne pas parler de la qualité d'air que ce
gouvernement ne veut pas régler jusqu'à maintenant?
M. Boileau (Luc) :
Spécifiquement au coronavirus ou...
M. Derraji : Je parle du
coronavirus, oui, oui, le coronavirus, absolument, oui.
M. Boileau (Luc) : Parce que
les enjeux de qualité d'air touchent plusieurs dimensions. Et, si on parle du
coronavirus, la situation au Québec, elle n'est pas en péril, pour la question
de la qualité de l'air. Il y a beaucoup d'efforts... D'abord, il y a beaucoup
de mesures qui ont été prises de ce côté-là, si on parle des environnements
intérieurs, évidemment, là.
M. Derraji : Les milieux
clos.
M. Boileau (Luc) : Les
milieux clos, c'est ça.
M. Derraji : Donc, vous ne
partagez pas... (panne de son) ...sur la qualité de l'air sur les milieux clos...
M. Boileau (Luc) : Je n'ai...
M. Derraji : ...la Scientifique
en chef, le rapport qu'elle a fait, qu'elle a envoyé à toutes les provinces
pour agir sur la qualité de l'air dans les milieux clos, y compris les écoles?
M. Boileau (Luc) : Mais c'est
ce qu'on fait. Alors, je partage certainement le fait qu'il faut tenir compte
de ça parce que c'est une variable qui est importante, mais c'est ce qui est
fait. Alors, s'il n'y avait rien qui était fait, je serais inquiet, mais ce
n'est pas ça, c'est ce qui est fait. Et on nous demande souvent notre concours pour
pouvoir analyser les situations et encourager, justement, la validation de
plusieurs situations qui peuvent apparaître à risque, mais c'est ce qui est
fait.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour cette réponse. Nous allons maintenant
passer à la suite des échanges avec le député de Rosemont.
M. Marissal : J'ai combien de
temps, M. le...
Le Président (M. Provençal)
:2 min 37 s.
M. Marissal : O.K., merci.
Bonjour, Dr Boileau. Je ne m'éterniserai pas, là, dans les salutations. Moi,
j'ai un petit malaise, ici, là, je dois vous le dire en toute honnêteté, là. Il
me semble qu'on est en plein mélange des genres. D'habitude, ici, on entend des
témoins. Au bout de la table, il y a des témoins. Là, vous agissez, me
semble-t-il, en promoteur de ce projet de loi là. Quel a été votre rôle dans la
rédaction du projet de loi n° 28?
M. Boileau (Luc) : Est-ce que
je peux répondre?
M. Marissal : Bien sûr,
rapidement.
M. Boileau (Luc) : Mon rôle,
ça a été celui de dire : Si nous enlevons les leviers que nous avons à
notre disposition, nous prenons des risques. Et j'ai essayé de calibrer les
risques par rapport à cela et de dire : Si nous n'avons pas ces
mesures-là, nous ne serons pas capables de tenir la route, en toute vraisemblance,
pour assurer une sécurité quant à la protection de la population, devant le
coronavirus. C'est spécifique au coronavirus. C'est ce que j'ai dit, c'est ce
que j'ai manifesté quand les gens ont dit : On est prêts à lever les
mesures sanitaires. J'ai regardé les conséquences de ça et j'ai avisé, dans les
échanges qui nous ont été permis d'avoir, qu'il nous faut maintenir les
éléments que vous avez sur la table.
M. Marissal : Mais,
comprenez-moi bien, ce n'est pas que c'est désagréable de vous voir, au
contraire, là, moi, je suis de ceux, parfois, qui demandent votre présence en
commission parlementaire pour parler de votre travail puis parler de la
pandémie, mais pas pour parler d'un projet de loi. Les gens qui défendent le
projet de loi sont de l'autre côté, là, puis c'est correct, c'est leur job.
Puis, quand le ministre ou les ministres ont besoin, ils amènent des
fonctionnaires puis des juristes. Là, moi, je suis devant un mélange des genres,
parce que vous, vous défendez... Quand mon collègue de Nelligan vous a demandé :
Pourquoi vous demandez ça?, vous avez répondu : Je demande ça parce que...
Vous n'êtes pas dans l'explication scientifique d'une situation pandémique, là,
vous défendez bec et ongles un projet de loi. Vous ne vous sentez pas un peu
instrumentalisé par le politique? Ou, à moins que ce soit le contraire, vous
poussez le politique?
M. Boileau (Luc) : Est-ce que
je peux répondre?
M. Marissal : Oui, je vous en
prie.
M. Boileau (Luc) : Je ne me
sens pas instrumentalisé, je me sens assez libre et indépendant, vous le savez,
vous m'avez souvent entendu dire cela. Mais je vais juste remettre ça sur la
table comme il faut, avec la clarté que vous exigez puis qui est tout à fait
légitime.
Moi, je comprends que le levier qui est à
ma disposition, comme directeur national de santé publique, s'apparente à ce
qu'on va retrouver dans le projet de loi. Ce qui m'importe, et vous avez raison
là-dessus... ce qui m'importe, c'est que nous puissions maintenir ces activités-là.
Et, s'il y a moyen de les maintenir différemment, tant mieux, mais je n'en vois
aucun. Puis je connais assez... ça fait 40 ans, là, que je suis dans le
système de santé et de services sociaux, j'ai eu l'occasion de regarder ça sous
différents angles, et la manière pour maintenir la mobilisation requise, en ce
moment, trouvez-là, mais moi, je la vois comme essentielle dans cela. Et ça, on
a une inquiétude, dans le domaine de la santé publique, si on devait se...
perdre ces moyens-là, nous serions vraiment mal pris.
Le Président (M. Provençal)
: Nous allons maintenant céder la parole au député des
Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau : Merci beaucoup,
M. le Président. Moi aussi, j'ai peu de temps, je vais aller droit au but.
Merci d'être là, M. Boileau. J'aimerais savoir, c'est la <question...
M. Arseneau :
...
temps, je vais aller droit au but. Merci d'être là, M. Boileau. J'aimerais
savoir, c'est la >question que plusieurs se posent : Qu'est-ce qui
distingue le Québec des autres juridictions pour nécessiter le maintien de
plusieurs décrets et de règles, alors qu'ailleurs on semble pouvoir faire face
et vivre avec le virus sans ces instruments extraordinaires que vous demandez
et que le gouvernement demande?
M. Boileau (Luc) : Je
pense que je n'ai pas... pour être franc, je n'ai pas fait le tour des autres
juridictions sur ces aspects-là. Je regarde ce que nous, nous avons besoin dans
notre propre contexte, avec les leviers et les caractéristiques de notre
système de santé, et de services sociaux, et de santé publique, et cette
analyse-là fait en sorte qu'on réclame le maintien de ces gestes-là au
quotidien, de dépistage et de vaccination.
M. Arseneau : Et ça,
c'est nécessaire pour maintenant, c'est nécessaire jusqu'en décembre? Qu'est-ce
qui vous donne à penser que ce ne sera pas nécessaire en janvier 2023?
M. Boileau (Luc) : Parce
que sur la table, en même temps, dans la progression de la gestion de ce
système-là, on a confiance que des éléments de redimension de ces capacités de
dépistage et de vaccination vont pouvoir avoir lieu. Donc, c'est une période de
transition, c'est une période qu'on a besoin, de quelques... plusieurs mois,
encore, pour pouvoir s'assurer de faire cela. Et on est pas mal en route pour
faire en sorte que ça fonctionne bien d'ici la fin du mois de décembre, d'une
part. Mais d'autre part, c'est que, pour cette période-ci, il y a tout de même
des risques encore. Vous voyez la sixième vague, je ne veux pas annoncer une
septième, là, mais on a des appréhensions sur...
• (18 h 20) •
M. Arseneau : Bien,
justement, parce qu'on ne peut pas annoncer une septième mais qu'on devine
qu'il pourrait y en avoir une sous toutes sortes de formes ou que le virus va
encore muter, ça semble assez évident, pourquoi décembre? Parce que, ces
pouvoirs-là, vous ne les aurez pas davantage une fois que la loi s'éteint.
M. Boileau (Luc) : Non,
mais moi, ce n'est pas les pouvoirs comme les moyens, c'est les moyens de vacciner,
les moyens de dépister...
M. Arseneau : D'accord.
Dépister. J'ai une dernière question : Pourquoi on ne rétablit pas le
dépistage PCR, alors que les tests rapides dépistent tardivement? C'est prouvé,
le BA.2 déjoue les tests antigéniques. Pourquoi... pourquoi on ne rétablit pas ça
à grande échelle?
M. Boileau (Luc) : C'est
une question qui est très bonne, que nous nous posons régulièrement et que...
M. Arseneau : Est-ce que
c'est une question financière?
M. Boileau (Luc) : Non.
M. Arseneau : Est-ce que
c'est une question d'accès aux petits tubes ou aux réactifs?
M. Boileau (Luc) : Non,
non, c'est vraiment une question de... Je vais répondre à votre question. Les
tests PCR sont d'une grande utilité, bien sûr. On est capables de suivre des
groupes et des populations pour faire en sorte que nous puissions agir avec
rapidité. On ajoute un groupe, qui sont les personnes qui ont besoin de
Paxlovid, on le rajoute, là, c'est fait. Alors, ce sont des tests qu'on ne
devrait pas multiplier. L'utilité d'un test rapide qui se présente
différemment, vous avez raison, là, ce n'est pas la même sensibilité...
M. Arseneau : Mais les
gens, actuellement, se promènent alors qu'ils sont testés...
Le Président (M. Provençal)
:Merci...Je m'excuse, M. le
député...
M. Arseneau : ...négatifs
qui sont porteurs.
Le Président (M. Provençal)
:Je dois céder la parole à la députée
d'Iberville.
Mme Samson : Merci, M.
le Président. Bonjour, Dr Boileau.
M. Boileau (Luc) : Bonjour.
Mme Samson : Dr Boileau,
êtes-vous d'accord avec moi que ni les Québécois, ni les Suédois, ni les
Chinois, aucun peuple sur la Terre n'est à l'abri d'un nouveau virus, que ce
soit le coronavirus, le sida ou une autre bibitte qui pourrait se jeter sur
nous parce que quelqu'un, dans le monde, a fait quelque chose de pas correct?
Donc, il n'y a personne qui est à l'abri d'une nouvelle pandémie?
M. Boileau (Luc) : Oui.
Mme Samson : Celle-là,
on l'a connue, c'est la seule qu'en tout cas moi, j'espère que j'aurai connue
de mon vivant. Mais il pourrait y en avoir d'autres de d'autres types, de
d'autres genres?
M. Boileau (Luc) : Oui.
Mais mettons qu'on est capables de voir ça arriver, là. Le coronavirus, on ne
pouvait pas le voir immédiatement arriver, lorsqu'il est arrivé, mais avec la
connaissance qu'on a, on est capables de faire suivre... de suivre ça très,
très bien.
Mme Samson : O.K. Et
êtes-vous d'accord avec moi si je dis que... et c'est le rôle d'un gouvernement
responsable de s'assurer qu'en tout risque de pandémie ses infrastructures puis
ses installations sont habilitées à réagir rapidement et convenablement? Ça,
c'est la job d'un gouvernement, puis d'un ministère de la Santé, puis des
officiers de la Santé, puis des docteurs?
M. Boileau (Luc) : Je
pense que c'est ce qu'on comprend puis c'est ce qu'on fait.
Mme Samson : O.K. Moi,
j'aimerais qu'on m'explique qu'est-ce qui empêche le gouvernement actuel de se
préparer à une pandémie qui pourrait... ou un virus qui pourrait nous tomber
dessus le 6 janvier prochain, si ce projet de loi là n'est pas adopté? Je
ne vois pas qu'est-ce qui empêche un gouvernement responsable de se doter des
infrastructures, de négocier avec les corps de... les syndicats pour s'assurer
d'avoir toute la flexibilité, dans l'éventualité où il devait... Parce que le
gouvernement pourrait toujours déclarer un nouvel état d'urgence sanitaire, c'est
dans ses options. Alors, je ne vois pas qu'est-ce que ce <projet de loi
là...
Mme Samson :
...
d'urgence sanitaire, c'est dans ses options. Alors, je ne vois pas qu'est-ce
que ce >projet de loi là, s'il n'est pas adopté... Puis je pense qu'il
ne devrait pas être adopté, à part le premier article, dans mon livre à moi, ça
n'a pas de bon sens. Qu'est-ce qui l'empêche de se préparer à une autre
pandémie en janvier ou en février prochain? Je ne vois le pas qu'est-ce qui
l'empêche.
Le Président (M. Provençal)
:Vous avez 10 secondes pour
répondre.
M. Boileau (Luc) : Bien,
c'est parce qu'il y a deux choses. Il y a une nouvelle... il y a des mesures
exceptionnelles qui pourraient être prises si on avait quelque chose de complètement
dramatique qui se passait. Puis la deuxième, c'est que, si on arrête tout ça en
ce moment, on va aller vers des risques énormes puis on va tuer du monde. Ça
fait que, donc, il faut quand même être réalistes, là, il faut... Moi, je pense
que... Là, je veux bien, là, mais, si on n'est pas capables de maintenir une
immunité dans la population et de vacciner nos gens, là, c'est une affaire qui
va nous rendre exceptionnels sur la planète, puis pas à peu près.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup de vos réponses, Dr Boileau.
Alors, nous allons suspendre les travaux
pour faire place au prochain groupe. Merci beaucoup de votre collaboration puis
de votre contribution.
(Suspension de la séance à 12 h 25)
(Reprise à 12 h 28)
Le Président (M. Provençal)
:Nous poursuivons maintenant avec un
nouveau groupe. Je souhaite la bienvenue à Mme Julie Labbé,
présidente-directrice générale du CIUSSS du Saguenay—Lac-Saint-Jean,
M. Guy Thibodeau, président-directeur général, CIUSSS de la Capitale-Nationale,
et M. Jean-François Fortin Verreault, président-directeur général du CIUSSS de
l'Île-de-Montréal. Je vous informe que vous disposez de 10 minutes, et par
la suite nous aurons nos échanges. Je vous cède la parole.
Mme Labbé (Julie) : Alors,
bonjour, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Donc, vous
m'avez présentée, Julie Labbé, P.D.G. du CIUSSS—Saguenay—Lac-Saint-Jean,
accompagnée de mes collègues, M. Thibodeau et M. Fortin Verreault.
D'abord, je tiens à vous remercier, au nom
de tous mes collègues du réseau de la santé et des services sociaux, de nous
offrir cette opportunité aujourd'hui. Vous savez, depuis mars 2020, nos vies à
tous ont été chamboulées. Comme vous le savez, notre réseau subissait déjà <une
forte...
Mme Labbé (Julie) :
...
nos vies à tous ont été chamboulées. Comme vous le savez, notre réseau
subissait déjà >une forte pression qui n'a pu que s'accentuer durant ces
deux dernières années. Un contexte d'une ampleur jamais vue commandait sans
aucun doute des mesures exceptionnelles, des moyens inhabituels. Cela s'est
avéré être un défi logistique majeur avec des impacts humains sans précédent.
Nous sommes ici aujourd'hui afin de vous
partager comment cela s'est traduit sur le terrain, entre nos murs, ce que nous
avons véritablement vécu ces dernières années, alors que nous devions soutenir
nos équipes qui étaient au front, au front pour notre population, pour nos
personnes vulnérables, pour nos tout petits, dans l'espoir de pouvoir retrouver
une forme d'équilibre social pour notre santé mentale, parce que l'homme est
grégaire, parce qu'il a besoin de sa communauté, particulièrement en période de
crise.
Les différentes mesures exceptionnelles
mises en oeuvre dans le cadre de l'état d'urgence, les deux dernières années,
ont permis à notre réseau d'intégrer plus d'agilité et d'utiliser des leviers
de gestion importants afin de protéger notre population et de maintenir un
certain niveau de soins et de services à la population québécoise.
Bien évidemment, nous sommes conscients de
la nécessité à ce qu'on apprenne à vivre avec le virus, au cours des années à
venir. Cette volonté nous commande d'apprendre à nous gouverner sans mécanismes
de gestion exceptionnels, et je tiens d'entrée de jeu à vous rassurer, nous
sommes déjà, depuis plusieurs mois, dans une dynamique de transition vers nos
opérations courantes.
• (12 h 30) •
Dans le contexte de l'urgence sanitaire, c'est
l'ensemble de nos façons de faire qui ont dû être revues dans de très courts
laps de temps. L'une des grandes richesses du réseau de la santé et des
services sociaux est son capital humain, porté par des gens passionnés qui se
sont montrés extrêmement engagés et résilients dans cette lutte. En mon nom et
en celui de mes collègues, je profite de l'occasion pour réitérer toute ma
reconnaissance à l'égard du personnel de toutes catégories confondues de la
santé et des services sociaux, des médecins, des gestionnaires, des
partenaires.
Dès la première vague et de façon de plus
en plus soutenue par la suite, nos équipes ont également été déployées dans les
résidences privées pour aînés, des ressources intermédiaires, afin d'assurer la
sécurité des aînés. Elles ont agi comme agents de prévention, aides de
services. Elles ont également soutenu le personnel soignant sur place lors du
rehaussement des mesures de prévention et de contrôle des infections et ont
dispensé de la formation aux proches aidants.
Le réseau de la santé des services sociaux
était fragilisé, la pression était bien réelle avant la pandémie, mais elle s'est
accentuée. 754, c'est le chiffre que nous vous invitons à retenir. 754, aujourd'hui,
c'est le nombre exact de jours que nos équipes cumulent depuis le début de la
pandémie, et malheureusement ce n'est pas terminé, et ça ne le sera pas tant et
aussi longtemps que nous devrons prendre en charge des vagues d'une certaine
ampleur et les besoins d'une population vieillissante qui a des besoins de
soins et de services.
La disponibilité de la main-d'œuvre est un
enjeu incontournable. Dans certaines régions, comme la mienne, la problématique
est d'ailleurs amplifiée par le vieillissement accéléré de sa population, qui
est en avance de 10 ans par rapport à l'ensemble de la province. Nous nous
devons de répondre aux besoins populationnels en contexte de pandémie et de
déployer les actions nécessaires afin que les services essentiels soient
maintenus pour notre population.
Les leviers rendus accessibles par les
arrêtés ministériels ont contribué, que ce soit par le réaménagement dans l'organisation
du travail, par différents incitatifs au volontariat, par l'arrivée massive de
renforts exerçant d'autres professions, à continuer de protéger et desservir la
population en matière de soins de santé. Les primes et les incitatifs
financiers ont effectivement favorisé le volontariat, qui permet d'absorber une
demande amplifiée par la pandémie, mais ce qu'il faut surtout retenir, c'est
que ces incitatifs représentent un gage de reconnaissance envers leurs efforts
soutenus.
En ce qui a trait à Je contribue, la
plateforme Je contribue s'est avérée un atout précieux dès les premiers jours.
Nous avons été aux premières loges pour témoigner de l'esprit de coopération et
la solidarité de notre population qui s'est levée pour soutenir les équipes
offrant et protéger notre communauté.
En plus de cette mobilisation historique,
les processus d'embauche ont été allégés en les rendant davantage flexibles,
rapides et ouverts concernant les différents champs d'expertise. Aussi, les
décrets, en regard des actes réservés à certaines professions, ont évidemment
contribué à ce que nous puissions revoir la manière d'orchestrer les soins et services
et miser sur le plein potentiel de chaque individu.
Il ne faut surtout pas passer sous silence
un retour colossal d'employés retraités du réseau, qui ont repris les armes
pour se joindre à cette force collective. Leur savoir-être, leur expérience et
leur grand dévouement ont fait une différence notable. L'impact de l'arrivée de
tous ces renforts est significatif, et il faut maintenant s'assurer de le
rendre pérenne. Nous avons déjà commencé en revoyant et en intégrant de
nouvelles façons de faire.
La société québécoise, pour lutter
collectivement contre la COVID-19, s'est engagée dès le début dans l'importante
campagne de dépistage menée depuis maintenant deux années. Elle s'est également
mobilisée massivement dans la campagne de vaccination... indispensable dans la
lutte que nous poursuivons ensemble contre la COVID-19.
La rapidité de mobilisation de personnel
ainsi que de l'ensemble des ressources matérielles nous a permis de mener de
front ces deux campagnes auprès du plus grand nombre en très peu de temps et à
travers le déploiement de grands sites tels que le Stade olympique, à Montréal,
ou des sites en proximité, comme il y a au Saguenay—Lac-Saint-Jean. Les
activités de vaccination sont ici une preuve de l'agilité dont ont fait preuve
nos organisations. Pensons...
12 h 30 (version révisée)
Mme Labbé (Julie) : ...de
vaccination sont aussi une preuve de l'agilité dont fait preuve nos
organisations. Pensons au Vaccin-O-Bus qui a circulé dans les quartiers, villes
et événements de la capitale nationale. Les décrets ont également permis la mobilisation
de plusieurs types d'emploi afin de pouvoir protéger nos populations. Le
décloisonnement de certains actes a permis de lancer un appel à la
collaboration envers d'autres professionnels de santé de différents horizons,
qui ont rapidement levé leurs mains pour venir en renfort. Le déploiement de
nos services au plus proche de l'ensemble de la population a été au cœur de nos
activités de dépistage et de vaccination. Offrir un service en santé et
services sociaux à l'ensemble des Québécoises et des Québécois, le principe
même d'un réseau véritable au service des gens.
La télésanté facilitée dans le cadre de l'état
d'urgence est un exemple de l'agilité et de la créativité dont les équipes de
nos établissements ont fait preuve au cours des dernières années. Les soins
virtuels ont démontré leur complémentarité aux services réguliers ainsi que des
bénéfices importants à la population qui, de par leur condition ou éloignement,
pouvait difficilement se déplacer dans nos installations. Il s'agit d'une avancée
notable dont les avantages sont réellement significatifs pour la population.
Annoncé dans le plan santé, le déploiement plus large de la télémédecine sera
un élément important pour les prochaines années. Les mesures transitoires
prévues dans le projet de loi n° 28 permettront donc
de poursuivre encore le développement de la télémédecine tout en intégrant et
consolidant dans nos différentes trajectoires régulières déjà en place.
Enfin, en ce qui concerne les dispositions
légales entourant la gestion et l'attribution des contrats, il s'agit d'un
autre exemple d'arrêtés que nous avons appliqué avec grande vigilance afin d'assurer
une saine transition pour une sortie de ces circonstances exceptionnelles. Les
contrats octroyés de gré à gré qui perdurent à ce jour correspondent
principalement aux baux de location pour l'entreposage et les sites de
vaccination. Nous voyons présentement à stabiliser, à régulariser ces ententes.
À l'heure actuelle, au vu d'une certaine instabilité qui continue de se
projeter, il pourrait être périlleux et plus coûteux pour la population de
mettre un terme à ses contrats dans l'immédiat. Il est nécessaire de maintenir
des mesures temporaires pour permettre une transition harmonieuse. Le projet de
loi n° 28 préparé prévoit le maintien de certaines
mesures pour nous assurer de l'agilité logistique essentielle à la transition
vers la reprise des activités régulières et l'intégration progressive des
activités spécifiques à la COVID à travers nos opérations courantes. Cette
intégration doit se faire de manière graduelle, transitoire, au fur et à mesure
de la diminution d'intensité des différentes vagues.
En conclusion, les leviers que nous a
donnés le gouvernement étaient des mesures temporaires pour répondre aux
besoins criants de la crise. Nous sommes conscients que ces exceptions doivent,
dès que possible, faire place à une gestion opérationnelle régulière. C'est d'ailleurs
ce que nous avons commencé à faire. Nous avons certainement aussi hâte que vous
de reprendre nos opérations courantes, de cesser le délestage, de reprendre nos
efforts afin de développer et d'améliorer l'accessibilité de nos soins et de
nos services. C'est d'ailleurs notre rôle à titre de P.D.G. d'un établissement
de santé et de services sociaux.
Ce projet de loi nous offre de précieux
moyens d'agir de manière responsable et prudente, pour la santé des Québécoises
et des Québécois. Malheureusement, le virus est encore présent. Bien que l'avenir
semble encourageant, nous ne savons pas encore parfaitement à quoi nous devrons
faire face cet automne et au cours des mois à venir. Malgré les réussites
vécues, les troupes sont essoufflées, et la bataille n'est pas terminée. Notre
réseau, tout comme les personnes qui les composent, est résilient et fort, mais
il est ébranlé. En sachant que ces mesures nous ont malgré tout aidés à sauver
des vies humaines, la question ne se pose pas. Nous ne pouvons qu'être
reconnaissants d'avoir pu compter sur des leviers de gestion supplémentaires
pour affronter cette crise sanitaire. Rappelons que l'objectif premier de ces
mesures est de protéger notre population. Aussi, M. le Président, nous vous
remercions encore de cette invitation, et nous serons prêts à recevoir les
questions.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Mme Labbé. Écoutez,
vous avez lu votre présentation, les députés de l'opposition apprécieraient
pouvoir recevoir ce texte-là pour pouvoir mieux participer à l'échange. Alors,
est-ce que ce serait possible de le faire parvenir immédiatement au secrétariat
de la commission, s'il vous plaît?
Mme Labbé (Julie) : Avec
plaisir.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Ceci étant dit, je
vais céder maintenant la parole à M. le ministre pour votre échange.
M. Dubé : Très bien.
Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais, premièrement, Mme Labbé, vous
remercier pour votre intervention, mais j'aimerais aussi prendre juste une
minute pour vous remercier, vous, ce que vous représentez avec vos deux autres
collègues. Vous, vous êtes de la région du Saguenay, M. Thibodeau, de la Capitale-Nationale,
et M. Fortin Verreault, du CIUSSS de l'Est-de-l'Île-de-Montréal. Je pense
que vous représentez très bien trois régions du Québec qui ont eu à travailler
avec la COVID au cours des dernières années. Puis j'en profite pour vous
remercier au nom des Québécois, parce que, souvent, les Québécois voyaient des
points de presse du premier ministre, voyaient des... ce qui se lisait dans les
journaux, mais les gens qui travaillent sur le terrain, c'est vos équipes, c'est
vous, pendant deux ans, et vous l'avez bien dit, puis je pense que c'est
important qu'on ait ce forum-là aujourd'hui pour en profiter pour vous <remercier...
M. Dubé :
...vous
l'avez bien dit, puis je pense que c'est important qu'on ait ce forum-là
aujourd'hui pour en profiter pour vous >remercier, vous et vos équipes
qui travaillez souvent dans l'ombre. Alors, j'en profite pour vous dire un
grand merci pour tout ce que vous avez fait, puis pas toujours dans des
conditions faciles. Alors, je voulais vous le mentionner.
Deuxièmement, vous avez parlé de
l'importance des contrats, parce que c'est un des cinq arrêtés qui va rester
dans le projet de loi. Et on s'était fait demander, la semaine dernière, entre
autres, par les députés de l'opposition, mais aussi par, entre autres, le
Barreau, de donner plus d'information sur les contrats. Et j'en profite, parce
que vu que j'ai le droit de parole présentement, peut-être pour faire deux
précisions, M. le Président, puis après ça, on pourra... Les gens vont mieux
comprendre, je pense, la question de la transition du temps des contrats dont
on parlait ou dont Mme Labbé parlait dans sa présentation.
Il y a eu, effectivement, là, le chiffre
qu'il faut retenir, c'est pour à peu près 5 milliards de contrats de gré à
gré au cours des deux dernières années, là, à peu près 4 milliards jusqu'à
l'exercice 2021, et, jusqu'à l'exercice 2022, c'est à peu près
5 milliards. De ces 5 milliards de contrats là, qui sont pour les
EPI, des équipements de protection, des... il reste seulement pour
37 millions de contrats qui vont devoir être renouvelés pour la
vaccination et le dépistage jusqu'au 31 décembre 2022, donc
37 millions de contrats sur 5 milliards. Il va rester
75 millions de contrats, encore une fois, sur 5 milliards pour la
question d'entreposage qui est pour cinq ans.
Alors, ce que vient de dire
Mme Labbé, je veux juste le mettre en contexte, là, donc 5 milliards
de contrats qui ont été négociés durant deux ans. Et ce que le projet de loi de
demande, c'est de garder pour 37 millions de contrats pour le dépistage et
la vaccination jusqu'au 31 décembre et pour 75 millions de contrats
pour l'entreposage. En termes simples, là, si on prenait 5 000 $ de
contrats, on dirait : C'est 37 $ qui restent pour la vaccination puis
75 $ pour l'entreposage sur cinq ans. Ce qui veut dire qu'il y a eu
environ 4 000 contrats et il en resterait 265 qui sont renouvelés,
justement, pour être efficace, un peu ce que Mme Labbé vient de dire.
• (12 h 40) •
Puis ça, je pense que c'est important de
le mentionner, parce que c'est un point qui a été soulevé souvent par
l'opposition. On s'est engagé, puis je me suis engagé, la semaine dernière,
lors des premiers événements, la première commission, de dire, M. le Président :
On ira plus loin que ce qui est demandé par le rapport. Le rapport ne demande
pas toute cette information-là, alors je trouvais important, au moment où c'est
soulevé par les P.D.G., de pouvoir donner cette information-là, qui sera
disponible lorsqu'on aura le...
Maintenant, j'aimerais Mme Labbé ou
peut-être de vous, puis ça peut être au niveau de la Capitale-Nationale, parce
que je sais qu'il y a beaucoup de contrats qui étaient faits par le CHUQ à
Québec, d'expliquer aux gens pourquoi c'était important de fonctionner de gré à
gré. Puis je ne sais pas lequel de vous trois peut peut-être répondre à cette
question-là. Mais cette agilité-là, au moment... Puis là je pense, entre
autres, à l'achat de ce qu'on appelle des EPI, là, des équipements de
protection individuelle. Comment, pour vous, c'était important d'avoir cette
flexibilité-là lorsqu'on était en plein milieu de la crise? J'aimerais ça que
vous preniez quelques minutes pour nous expliquer ça, mais surtout de
l'expliquer aux Québécois. Et après, bien, on expliquera pourquoi qu'on veut
prolonger quelques-uns de ces contrats-là pour une période déterminée. Je ne
sais pas qui veut répondre, oui.
Mme Labbé (Julie) : Je
pourrais peut-être me lancer, M. le ministre. Alors, pour la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean,
là, pour la première vague, évidemment, là, on a eu à porter des contrats gré à
gré très rapidement pour répondre aux besoins, donc surtout concernant les
équipements de protection individuelle. Pour la région au total, c'est environ
une soixantaine de contrats qui ont été donnés, de l'ordre de 27 millions.
Évidemment, après la première vague, pour notre région, nous nous sommes
assurés d'avoir une gestion très rigoureuse. Donc, même si nous avions la
possibilité d'être gré à gré, la façon dont on a fonctionné pour les vagues
subséquentes, c'est que nous nous sommes assuré d'appeler cinq, six
fournisseurs, ou du moins les fournisseurs concernés par nos besoins, pour leur
permettre de venir soumissionner. Donc, on s'est assuré de façon rigoureuse de
le faire, et ce, à chacune des vagues.
Là où on a demandé aussi de la flexibilité
par rapport au gré à gré, c'est pour nos baux de vaccination. Nous avons sept
sites de vaccination fixes pour répondre aux besoins de l'ensemble de la
population sur un très vaste territoire. Donc, c'est important de garder ces
baux encore <actifs...
Mme Labbé (Julie) :
...fixes
pour répondre aux besoins de l'ensemble de la population sur un très vaste
territoire. Donc, c'est important de garder ces baux encore >actifs, qui
représentent, puis c'est les derniers, un 500 000 $ pour notre
région. Et on doit le poursuivre, en ce sens qu'on ne sait pas quelle va être
la situation épidémiologique pour les prochains mois à venir. On nous demande
de se préparer à une vaccination massive pour l'automne, et ce sera évidemment
à suivre. Donc, c'est comme ça qu'on a fonctionné pour notre région.
M. Dubé : Parce que je vais
manquer de temps, puis je veux profiter du temps que j'ai avec vous, est-ce que
c'est sensiblement la même réponse pour Montréal et Québec, en termes de
proportion?
M. Fortin Verreault (Jean-François) :
Je peux y aller. Oui, effectivement, nous, c'est le même type, là. Et
évidemment le plus gros contrat a été fait avec le Stade olympique pour la
vaccination, où il y a eu plus de 1 million de doses qui ont été données.
On a aussi été dans une logique de prix de marché, je vais vous donner un
exemple, les agents de sécurité, les préposés à l'hygiène salubrité en
main-d'oeuvre indépendante, c'était sur la base des tarifs normés prévus aux
appels d'offres là, là, du Centre d'acquisitions gouvernementales. Donc, est-ce
que les Québécois en ont eu pour leur argent puis est-ce qu'on a été soucieux,
là, d'utiliser ça de façon parcimonieuse? La réponse, c'est oui. On n'avait pas
l'occasion de le faire dans un appel d'offres standard, parce que le besoin de
main-d'oeuvre était extrêmement rapide, là. On l'a vu lors de la dernière
vague, la rapidité fulgurante dans laquelle on a dû se réorganiser, là.
M. Dubé : Peut-être, M. Thibodeau.
M. Thibodeau (Guy) : Oui,
c'est la même chose pour nous, M. le ministre, là. Dans le fond, à chaque fois
qu'on pouvait faire un contrat de façon régulière, on le faisait. Il faut voir
qu'un appel d'offres régulier, c'est minimalement 8 semaines de publication,
tout ça, donc c'est beaucoup de délais avec la capacité puis la rapidité avec
laquelle on devait réagir, donc... Mais nous, on a respecté tous les paramètres
aussi, demandé plusieurs soumissionnaires, quand même utilisé, là, le levier
qu'on avait de façon diligente. Actuellement, là, c'est 17 % de nos
contrats, nous, qui ont été donnés en mode gré à gré sur l'ensemble, là, des
contrats de l'établissement, là. Et il y en aura quelques-uns qui...
évidemment, tout ce qui est vaccination, dépistage et entreposage.
M. Dubé : Merci, M. Thibodeau.
Une des... Puis je vais vous pouvez poser la question à vous trois, là, vous
déciderez qui peut répondre. Une des mesures transitoires qu'on trouve
importantes, c'est d'être capable de prolonger la contribution de ceux qui sont
par Je contribue. Qu'est-ce qui arrive, demain matin, si on lève l'urgence
sanitaire puis on n'a pas cette mesure transitoire là, qu'est-ce qui arrive
dans vos trois régions?
M. Thibodeau (Guy) : Je peux
vous répondre, si vous le souhaitez, M. le ministre et M. le Président, mais
nous, Je contribue, dans la Capitale-Nationale, depuis le début, c'est plus de
6 500 personnes qui sont venues nous aider aux activités de
vaccination, aux activités de dépistage et aux enquêtes de santé publique, là.
Donc, ça a permis évidemment au personnel régulier de l'organisation de faire
le maintien de services. Il y a eu quand même beaucoup d'enjeux, mais c'est
très clair qu'en termes de capacité de réaction on a besoin d'avoir accès
encore temporairement à cette main-d'oeuvre-là pour être capable de réagir
rapidement selon l'évolution de la situation, là.
M. Dubé : Mais, M. Thibodeau,
là, je veux juste être clair, quand je vous dis : Qu'est-ce qui arrive,
demain matin, si on lève les mesures d'urgence puis qu'on n'a pas les mesures
transitoires de Je contribue, est-ce que ces 6 000 personnes-là
peuvent continuer à travailler pour vous?
M. Thibodeau (Guy) : Non, on
ne sera plus capables d'avoir accès à ces personnes-là qui sont hyper utiles
pour le réseau, donc, inévitablement, on va devoir faire des choix très
difficiles au niveau de l'offre de service régulière et les soins spécifiques à
la pandémie, là. Donc, non, si on enlève le levier, on n'aura plus accès à ces
personnes-là qui contribuent, le terme est bon, et c'est clair qu'on ne pourra
pas faire face aux demandes, là, en lien avec l'urgence sanitaire, là, qui ne
sera plus une urgence sanitaire, mais en lien avec les demandes quand même
d'évolution de la pandémie,
M. Dubé : Puis, peut-être,
juste rapidement, Mme Labbé ou M. Fortin Verreault, le nombre de
personnes qui sont par Je contribue dans vos deux régions, s'il vous plaît.
Mme Labbé (Julie) : Oui, pour
nous, c'est 1 500 personnes, là, qui... desquelles on serait privé
d'avoir de leur contribution pour nos centres de dépistage et pour la
vaccination.
M. Fortin Verreault (Jean-François) :
De notre côté, là, on parle de 1 800 personnes au total, là.
M. Dubé : ...pour votre
région, d'abord. Maintenant, on a vu, puis, tout à l'heure, le Dr Boileau, je
ne sais pas si vous avez eu la chance de l'entendre durant sa... lorsqu'il
était là, a parlé de l'importance d'avoir l'urgence sanitaire qui pouvait être
entre les vagues, parce qu'on le sait, on est rendus à notre sixième vague, là,
ce que j'ai... mais ce que j'aimerais bien comprendre : Comment, pour
vous, c'était important d'avoir les mesures d'urgence entre les vagues pour
être capables justement de bien <fonctionner...
M. Dubé :
...comment,
pour vous, c'était important d'avoir les mesures d'urgence entre les vagues
pour être capables justement de bien >fonctionner? Est-ce que je
pourrais vous entendre là-dessus sur... une des personnes, ou si vous voulez
commenter là-dessus? Parce que le Dr Boileau a été très clair, on n'aurait pas
pu enlever les mesures à chaque fois. Est-ce que c'est une question de Je contribue?
Je voudrais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.
M. Fortin Verreault (Jean-François) :
Bien, je peux me lancer. Le premier élément, le virus est toujours avec
nous, hein, ça fait qu'au quotidien, là, je vais prendre des exemples très
concrets dans les centres hospitaliers, à l'Institut universitaire de santé
mentale, on doit quand même, même quand on n'est pas dans une vague, avoir des
zones dédiées avec des gens qui sont en isolement. Puis je vais faire un clin
d'œil aux aides de service qui sont là, qui s'occupent, par exemple, des
registres pour les patients, pour être sûr qu'on soit conformes en lien avec
les procédures de prévention et contrôle des infections. Donc, même si on n'est
pas dans une vague, les patients ont ces besoins-là. Donc, c'est vraiment un
appui pour faire face à la charge supplémentaire que la COVID entraîne. Puis je
pourrais le donner aussi, cette réalité-là est vraie en dépistage, elle est
vraie en vaccination, elle est vraie au niveau communautaire aussi en première
ligne dans la communauté. Même quand on n'est pas dans une vague, on fait des
activités de promotion pour la vaccination, par exemple. Donc, c'est tous des
éléments qui aident, là, à faire face au virus.
M. Dubé : Comme je n'ai
pas beaucoup de temps, est-ce que vous désirez commenter? Peut-être, les autres
régions? Ou c'est sensiblement la même... Oui.
Mme Labbé (Julie) : C'est
simplement la même chose.
M. Dubé : M. Thibodeau,
la même chose à Québec?
• (12 h 50) •
M. Thibodeau (Guy) : Oui,
mais je dirais, pour ajouter à ce que mon collègue dit, on était toujours sur
tension, alors il fallait toujours demeurer prêts à être en mesure de réagir
rapidement. Puis je pense que c'est important de préciser que ces leviers-là ou
tout ce qui venait avec l'urgence sanitaire, on ne l'utilisait pas dans nos
opérations régulières, c'était vraiment pour gérer les activités pandémie. Et
je vous dirais, il fallait qu'on soit prêts à tout moment à intervenir
rapidement, d'où l'importance que ces mesures-là soient en place.
M. Dubé : Très bien. Un
des arrêtés, parce qu'il y en a seulement cinq, un, porte sur les ressources
humaines. Dites-moi comment ça aurait été possible d'avoir l'aide extérieure
que vous avez, ou même l'aide intérieure, si on n'avait pas eu les primes qui
ont été mises en place.
M. Fortin Verreault
(Jean-François) : Mais je peux répondre, là, au début, donner
l'exemple, là, très concret, là, nous, pour la cinquième vague, on a été frappé
très fortement, là, on a dépassé le niveau 5 d'hospitalisation, là, qui était
prévu au plan national. C'est 9 000 quarts de travail supplémentaires
qu'on a été capables d'aller chercher chez les employés cliniques grâce aux
primes. Donc, concrètement, ce que ça a évité, ça a évité d'utiliser les
mesures de l'arrêté, puis forcer des gens à travailler, ou forcer des
déplacements. On n'a presque pas utilisé, là, les mesures contraignantes, on a
été capables de le faire en mode volontaire, ça fait que ça fait un milieu de
travail qui est beaucoup plus sain, puis les gens acceptent de donner plus de
temps.
M. Dubé : D'éviter
d'utiliser le fameux 007, parce que vous aviez mis des primes supplémentaires
pour être capables d'attirer des gens à rester plus longtemps au travail. C'est
bien ce que je comprends, là?
M. Fortin Verreault
(Jean-François) : Exactement.
M. Dubé : Puis est-ce
que Mme Labbé, M. Fortin... M. Thibodeau, même chose dans vos
deux régions?
Mme Labbé (Julie) : Bien,
c'est identique. Puis j'ajouterais aussi la... de nos retraités qui sont venus
aussi nous prêter main forte. Donc, les primes ont aidé à amener une force de
travail supplémentaire pour passer à travers chaque vague, à travers la crise.
M. Thibodeau (Guy) : C'est
la même chose de notre côté, M. le ministre.
M. Dubé : Maintenant, on
a entendu des chiffres astronomiques sur les entrepôts que ça prenait pour être
capable de garder les contrats quand on a mis en place. Ça veut dire quoi à
Québec en termes d'entreposage, M. Thibodeau? Parce que je pense qu'il ne
me reste pas beaucoup de temps.
Le Président (M. Provençal)
:30 secondes.
M. Dubé : Il nous reste
30 secondes. Êtes-vous capable de nous donner un ordre de grandeur pour que
les gens comprennent bien pourquoi c'est important de garder accès à ça?
M. Thibodeau (Guy) : Bien,
nous, dans le fond, c'est deux entrepôts qu'on veut maintenir. Ça représente
tout près de 1 million de dollars, mais il faut voir que, dans nos
entrepôts, on a tous les EPI pour le CIUSSS, mais c'est nous qui répond à tous
les besoins de la région aussi, donc il faut qu'on soit capable de répondre aux
RPA, aux organismes du milieu. Et je ne suis pas dans une position où je peux
me permettre de faire des commandes et attendre que le matériel arrive, là.
Donc, nous, oui, on a, entre autres, un entrepôt qui est assez grand, mais qui
nous sécurise beaucoup parce qu'on est capables de réagir puis de soutenir la
région instantanément.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup.
M. Dubé : Puis, encore
une fois, merci, pour votre travail des deux dernières années, à vous puis à
vos collègues qui vous regardent aujourd'hui. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:La parole est maintenant au député de
Nelligan.
M. Derraji : Merci, M.
le Président. Merci pour votre présentation. Malheureusement, je n'ai pas eu le
temps de la lire. Je n'ai pas de questions, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. M. le député de Rosemont.
M. Marissal : …
Le Président (M. Provençal)
: M. le député...
M. Arseneau : Pas de
questions.
Le Président (M. Provençal)
: Pas de question? Mme la députée <d'Iberville...
M. Arseneau :
...pas
de questions.
Le Président (M. Provençal)
:
Pas de question? Mme la
députée >d'Iberville.
Mme Samson : Je n'ai pas de
questions, M. le Président, puis je vais vous dire pourquoi. J'ai vu beaucoup,
dans ma vie, de productions audiovisuelles, là, puis c'est la première fois que
je vois une vidéo corporative live et sans aucun effet spécial.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, Mme la députée. Alors, merci à
vous trois pour votre présentation, et nous vous souhaitons une bonne fin de
journée.
Alors, la commission va suspendre ses
travaux. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 54)
14 h 30 (version révisée)
(Reprise à 15 h 02)
Le Président (M. Provençal)
:Bonjour à tous. Bienvenue à la Commission
de la santé et des services sociaux. La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi n° 28, Loi visant à mettre fin à l'état d'urgence sanitaire.
Cet après-midi, nous entendrons les
personnes et groupes suivants : le Pr Patrick Taillon, le Pr Louis-Philippe
Lampron, Me Martine Valois et la Ligue des droits et libertés.
Je souhaite maintenant la bienvenue au Pr Patrick
Taillon. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé. Par la suite nous procéderons aux échanges. Alors, je vous invite à
vous présenter et je vous cède immédiatement la parole. Merci.
M. Taillon (Patrick) :
Bonjour, M. le Président, et merci aux membres de la commission pour cette
invitation.
Sortir de l'état d'urgence, c'est
compliqué, c'est surtout névralgique et, si c'est mal fait, ça peut, à long
terme, produire des effets pervers plus graves que ceux associés à sa simple
prolongation. Les options ne sont pas illimitées : grosso modo, à peu près
deux ou trois scénarios possibles.
Le premier, c'est le scénario d'une sortie
rapide de l'état d'urgence, qui peut conduire à un scénario de va-et-vient. Des
périodes courtes et récurrentes d'état d'urgence deviennent, en quelque sorte,
un état d'alerte. Pour bien des raisons, cette voie était difficile à pratiquer
au Québec. Je crois que si ça n'avait été que du virus et des restrictions qui
visaient la population, cela aurait été la bonne voie à appliquer. Mais l'état
d'urgence au Québec est associé aussi à une crise organisationnelle, une crise
de notre capacité de soins, et c'est ce qui explique, à bien des égards...
15 h (version révisée)
M. Taillon (Patrick) : ...crise
de notre capacité de soins, et c'est ce qui explique, à bien des égards, le
fait qu'on a été obligés de prolonger aussi longtemps, probablement trop
longtemps, cet état d'urgence.
Et donc, au point où nous en sommes, après
plus de deux ans, pratiquer le va-et-vient, pratiquer le sortir de l'état d'urgence
coûte que coûte, pour y retourner peut-être à la fin de l'été, à l'automne ou
en décembre, bien, ça pourrait — c'est une opinion bien personnelle,
mais une conviction profonde — être perçu et vécu comme un échec,
comme une incapacité de notre État de prévoir, d'anticiper, une incapacité qui
pourrait miner notre cohésion sociale.
Deuxième façon de sortir de l'état d'urgence,
c'est la plus fréquente, c'est la plus logique et c'est aussi la plus
périlleuse, elle consiste à pérenniser, mais partiellement, certains aspects de
l'état d'urgence. C'est le scénario auquel je m'attendais avec le projet de loi
n° 28. Il faut alors faire l'inventaire du bon et du mauvais et incorporer
le bon ou ce qui est nécessaire dans — vous me pardonnerez le cliché — la
nouvelle normalité. Donc, il faut inscrire dans le droit normalement
applicable, ce qu'on appelle le droit commun, les innovations positives ou restrictives
dont on a besoin pour la suite des choses.
Le projet de loi n° 28 emprunte un
autre chemin. C'est tout à l'honneur du gouvernement qui tente ici de pratiquer
une sortie progressive mais complète, irréversible, de l'état d'urgence.
Néanmoins, ce que l'on ne pérennise pas avec le projet de loi n° 28, on le
fait... on le pérennise ailleurs ou on va le pérenniser plus tard : des
bonnes pratiques comme la télémédecine, le décloisonnement des actes réservés
des professionnels, l'enseignement à distance, des primes salariales. Toutes
sortes de mesures comme celles-là vont, d'une manière ou d'une autre, devoir
trouver un chemin dans la normalité, dans le droit commun, mais ce n'est pas
via le projet de loi n° 28 que ces mesures vont le trouver.
Donc, cette pérennisation partielle et
collective, elle peut se faire plus tard, lorsqu'on aura plus d'informations, elle
peut se faire ailleurs, dans d'autres projets de loi, certains ont déjà été
débattus, voire adoptés, mais il ne faut pas oublier que l'exercice d'inventaire
est, tôt ou tard, nécessaire.
Et donc, à mes yeux, le projet de loi n° 28
est une bonne solution à court terme. Il comporte un immense avantage sur le
plan procédural. Il fait en sorte que le gouvernement va, dès son adoption,
cesser d'adopter de nouveaux décrets. Il va soigner, si je peux dire, sa
dépendance à ce moyen très efficace, surtout en temps de crise, qu'est la
gouvernance par décret.
Sur le fond, il ne faut pas avoir des
attentes démesurées à l'endroit du projet de loi n° 28, puisque les
changements les plus importants ont déjà eu lieu avant son adoption, soit un
déconfinement significatif. Et le projet de loi opère un gel, un cran d'arrêt
pour cinq arrêtés qui perdurent et pour un certain nombre de contrats.
Ma critique ici, elle porte surtout sur la
vision à long terme associée au projet de loi n° 28. Le projet de loi n° 28,
si ça tourne mal, s'il y a une autre vague, s'il y a un nouveau variant qui
serait moins bien adapté à notre dispositif de vaccination actuel, bien, si on
accepte de prévoir le pire, et c'est ça aussi, le travail des élus, si on
accepte de prévoir le pire, le projet de loi n° 28 pourrait nous plonger
dans ce scénario du va-et-vient, du recul, du retour à la case départ, où il
faudrait alors redéclarer un nouvel état d'urgence pour réadopter des mesures
que l'on souhaite... avec lesquelles on souhaite tourner la page.
Sinon, l'autre solution, si jamais il
fallait prévoir le pire, serait d'accepter que d'autres rendez-vous législatifs
seront inévitables. Deux types de rendez-vous législatifs sont à venir. Le
premier rendez-vous probable, à moins que le virus disparaisse et que le
système de santé, sa capacité de soins s'accroît de manière significative,
bien, les débats que le projet de loi n° 28 repousse à plus tard, cette
Assemblée risque d'avoir besoin de les conduire cet automne.
L'exemple le plus manifeste, à mes yeux, c'est
l'exemple du masque dans les transports publics. Là, il fait partie, si je
comprends bien, des mesures visées par le gel des cinq arrêtés, donc pour la
période transitoire, très bien. Mais en décembre, si on a <besoin...
M. Taillon (Patrick) :
...des cinq arrêtés, donc pour la période transitoire,
très bien. Mais
en décembre, si on a >besoin du masque dans les transports publics,
bien, il est fort probable que les solutions, ce sera soit de retourner à l'état
d'urgence, ce que je ne souhaite pas, ou soit de saisir cette Assemblée d'un
projet de loi pour prévoir une capacité gouvernementale, une délégation de
pouvoirs vers le gouvernement, une capacité d'imposer ce masque dans les
transports publics lorsque les circonstances se présentent.
Donc, ce rendez-vous législatif, il est
fort probable. Mais, si vous me permettez un autre scénario encore plus
hypothétique, imaginons qu'il y ait une vague très forte durant la prochaine
élection, cette législature sera alors dissoute, et il sera impossible de
saisir l'Assemblée d'un tel projet de loi durant la prochaine élection. Il n'y
aura alors que la voie du retour en arrière par la déclaration d'urgence, ce
qui, dans un contexte de débat hautement polarisé comme on le rencontre dans
une élection, sera certainement une voie difficile à pratiquer.
• (15 h 10) •
Donc, premier rendez-vous possible, les mesures
qu'il faudra peut-être un jour pérenniser, on risque d'avoir à en débattre à l'automne
prochain.
L'autre rendez-vous, ce deuxième type de
rendez-vous, il est inévitable et souhaitable, c'est la grande réforme à long
terme, la réécriture des règles qui encadrent l'exercice du pouvoir d'urgence
au Québec. Quel est le rôle du Parlement durant l'exercice de ce pouvoir d'urgence?
Il est temps de faire un bilan de l'expérience qu'on a vécue dans les dernières
années et d'en tirer les conséquences qui s'imposent.
Trois suggestions, il y en a plus dans le
court écrit que je vous ai soumis, mais ce sont les trois points qui me
tiennent le plus à coeur pour cette réforme inévitable à venir, j'y vais
rapidement, M. le Président.
Premièrement, il faut que cette réforme
soit plus large que l'urgence sanitaire. La prochaine crise pourrait être une
crise de sécurité civile, elle pourrait être une crise environnementale, donc
il faut réformer l'ensemble du pouvoir d'urgence dont dispose le Québec. Il
faut le faire aussi dans une dynamique d'affirmation de l'autonomie
constitutionnelle du Québec. Il y a trop de gens au Canada qui prétendent que
le pouvoir d'urgence, avant cette crise, c'était l'exclusivité du pouvoir
fédéral. La présente crise a démontré le contraire, et c'est important d'affirmer
cette autonomie-là.
Deuxième changement qui me semble le plus
important, si on devait ne faire qu'un seul changement au rôle du Parlement en
temps de crise, c'est l'article 122 et le pouvoir de désaveu parlementaire
qu'il faudrait faire. Ce pouvoir est extrêmement important, puisqu'il permet à
tout moment aux parlementaires de contrôler et de désavouer l'exercice du
pouvoir d'urgence. Malheureusement, en ce moment, tel qu'il est rédigé, ce
pouvoir est assez flexible, mais très rigide sur le fait que le désaveu, c'est
tout ou rien, il faut désavouer tous les décrets, la déclaration d'urgence d'un
seul coup. Le simple fait de revoir l'article 122 pour permettre aux
parlementaires de choisir une norme, un décret, un problème durant l'état d'urgence
transformerait profondément la capacité de cette Chambre d'exercer un contrôle,
un suivi et éventuellement un désaveu chirurgical de certaines mesures d'urgence.
Enfin, troisièmement, et je conclus
là-dessus, il y a des changements qu'il ne faut pas faire, et il y en a un qui
me semble évident : il ne faut pas créer d'obstacle au déclenchement de l'état
d'urgence. On ne peut pas prévoir les crises. Il faut que, face à l'imprévisible…
il doit rester possible et relativement facile de déclencher l'état d'urgence.
Mais, une fois qu'on préserve cette efficacité, cette simplicité dans le
déclenchement de l'état d'urgence, toutes les mesures, et il y en a quand même
plusieurs dans l'écrit que je vous ai soumis, qui permettent d'augmenter le
rôle de contrôle, d'enquête, de délibération de l'Assemblée nationale et de ses
commissions durant un état d'urgence, sont des mesures souhaitables tant qu'elles
n'ont pas d'effet paralysant ou qu'elles ne minent pas l'efficacité de l'action
gouvernementale. Et, à mon humble avis, là-dessus, on peut s'inspirer de
plusieurs mécanismes, dont celui de la loi fédérale sur les mesures d'urgence,
pour justement sculpter un plus grand rôle pour le Parlement sans que ça se
joue au détriment de l'efficacité nécessaire de l'action gouvernementale en
temps de crise.
Sur ce, je m'arrête.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, M. Taillon, pour votre exposé. Nous
allons immédiatement débuter cette période d'échange avec M. le ministre pour
une période de 15 min 15 s. Mais, avant toute chose, j'aimerais
avoir le consentement pour que la députée de Sherbrooke puisse remplacer, pour
cet échange-là, le député de Rosemont. Consentement?
M. Dubé : Consentement, oui, tout
à fait.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, M. le ministre, les 15 min 15 s
suivantes vous <appartiennent…
M. Dubé :
...
Consentement,
oui,
tout à fait.
Le Président (M. Provençal)
:
Alors,
M. le ministre, les
15 min 15 s suivantes vous >appartiennent.
M. Dubé : Très bien. Alors,
je ne sais pas si on dit Pr Taillon, mais premièrement, merci beaucoup de
venir nous accompagner dans cette analyse-là des mesures d'urgence.
Mais, d'abord et avant tout, M. le
Président, j'aimerais profiter de mon temps de parole pour vous adresser un
commentaire. J'aimerais, avant qu'on poursuive... Puis je reviendrai au Pr Taillon
tout de suite après, ça va être rapide. Ce matin, j'ai entendu le député
libéral de Nelligan qui a parlé d'une déclaration du premier ministre qui dit
que la COVID ressemble à un rhume. Je tiens à mettre au clair quelque chose. Le
député omet délibérément, M. le Président, de mettre en contexte que le premier
ministre indiquait qu'il n'était pas envisagé de mettre de nouvelles mesures en
raison du haut taux de vaccination au Québec, et que, comme le premier ministre
était triplement vacciné, et comme c'est le cas chez bien des Québécois, son
expérience a été celle d'un rhume. Je dirais, M. le Président, qu'on doit tous
être responsables, et c'est notre devoir. Je demanderais au député de
collaborer et non de désinformer. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, M. le ministre, mais, et ça,
ça s'adresse à tout le monde, il va falloir faire attention de ne jamais prêter
d'intention, d'une part ou d'autre. Merci. Sur ce, période d'échange.
M. Dubé : Merci beaucoup.
Alors, M. Taillon, j'ai beaucoup apprécié le travail que vous avez fait. J'ai
lu votre mémoire puis je pense que vous avez une rigueur plus que professorale,
je dirais, législative, qui est exemplaire. Puis merci de prendre le temps de
venir nous rencontrer pour nous éclairer sur la façon, pour nous, de se sortir
correctement des mesures d'urgence. Puis vous l'avez bien expliqué, il y a
plusieurs scénarios, mais une des choses qui me fascine... Puis ce matin… Je
pense que l'équilibre que l'on doit garder puis je pense que vous le soulevez
bien… Ce matin, on a eu la chance d'entendre nos P.D.G., trois P.D.G., je ne
sais pas si... Avez-vous eu la chance d'écouter leur présentation?
M. Taillon (Patrick) : En
partie, oui.
M. Dubé : En partie.
Malheureusement, les députés de l'opposition n'ont pas voulu leur poser des
questions, puis je pense que ce serait instructif de bien comprendre le point
de vue de ceux qui ont été sur le terrain depuis deux ans, de ce qu'ils ont
vécu. Alors, moi, je vais vous la poser, la question. Vous me dites que vous
les avez entendus sur plusieurs sujets. Comment on fait pour garder cet
équilibre-là?
Par exemple... Puis là je vous donne un
exemple très, très concret, moi, je leur ai posé la question ce matin, j'ai dit :
Écoutez, qu'est-ce qui arrive si on enlève, demain matin, Je contribue?
Peut-être que vous avez entendu cette question-là. Puis je comprends très bien
qu'on aimerait ça, mettre ces mesures d'urgence là de côté, mais encore une
fois, aujourd'hui, on est encore dans une sixième vague. Puis vous avez
entendu, quand je leur ai posé la question, j'ai dit : Il vous manquerait
combien de personnes, demain matin, si on enlevait les mesures d'urgence et qu'on
voulait continuer à vacciner? Vous avez entendu les chiffres, 9 000,
6 000, 1 800, dépendamment des régions.
Ce qu'on propose aujourd'hui comme mesures
transitoires temporaires, c'est exactement ça, mais j'aimerais l'entendre d'un
point... Là, on a entendu des gens de terrain, ce matin, j'aimerais ça l'entendre
d'un point de vue de légiste. Parce qu'on essaie de trouver le bon compromis
pour se sortir de l'état d'urgence, mais en même temps, puis comme l'a bien dit
le Dr Boileau, de ne pas se mettre dans le trouble. Parce que notre rôle,
en tant que gouvernement, c'est d'agir pour protéger le public. Ça fait que
vous connaissez bien la loi, je voudrais vous entendre sur cet équilibre-là, s'il
vous plaît.
M. Taillon (Patrick) : Il
pourrait y avoir une solution assez brutale, qui consisterait à prendre le
contenu des cinq arrêtés puis de les inscrire dans une loi et, justement,
pérenniser ce que, dans le projet de loi, n'est qu'une solution temporaire.
Mais même ce scénario très brutal pourrait poser des problèmes, parce qu'il y a
des mesures, notamment dans les relations de travail, qui se justifient en
temps de crise, si jamais elles étaient contestées devant les tribunaux, qui,
si on les inscrit de manière pérenne dans une loi, poseraient problème. Donc,
je comprends que pour les gens qui sont dans les opérations vaccination, Je contribue,
ils ont besoin de règles particulières pour pouvoir poursuivre ces
opérations-là.
Est-ce que ces règles ont absolument
besoin d'être prévues dans des arrêtés? Elles pourraient être inscrites dans la
loi, mais je pense que la solution qui consiste à identifier, de façon précise
et circonscrite, les arrêtés, puis je ne me prononce pas... je n'ai pas assez
une connaissance opérationnelle du terrain pour me prononcer sur le choix de
chacun de ces arrêtés-là, je présume qu'effectivement le volet organisationnel
de la crise de la COVID, la gestion de notre capacité de soins nécessite des <règles...
M. Taillon (Patrick) :
...organisationnel
de la crise de la COVID, la gestion de notre capacité de soins nécessite des
>règles organisationnelles extraordinaires, et donc de les geler
temporairement dans un mécanisme qui est celui qui est proposé me semble une
solution raisonnable. Et je me positionne même comme plutôt sur le spectre des
inquiets en soulevant dans mon mémoire la question de qu'est-ce qui arrivera si
jamais il y avait une vague irrésistible et que, parmi les cinq arrêtés, on
découvrait qu'on en a oublié un sixième et un septième? Et c'est là que porte
peut-être ma critique du projet de loi. Mais sur le fait que ces outils-là sont
pertinents, moi, je n'en doute pas.
M. Dubé : O.K., très
bien. Donc, parce que je veux bien comprendre votre commentaire, puis je ne
sais pas si au moment où vous avez fait votre mémoire, si on avait déposé les
amendements pour clarifier les amendements qui allaient rester. Alors, je ne
sais pas si c'était avant ou après, là.
• (15 h 20) •
M. Taillon (Patrick) : Oui,
oui, oui, j'ai vu les amendements.
M. Dubé : O.K., vous
avez vu les amendements. Alors donc, c'est là que je pense... je vous demande,
là, si vous trouvez que c'est le compromis correct, parce que les amendements
ne sont pas dans la loi, mais on y réfère clairement parce qu'on dit que les
cinq thèmes sont là, là : les ressources humaines, les achats, les primes,
etc., il y a cinq thèmes. Donc, vous êtes à l'aise avec ça? Je veux juste être
certain. Vous trouvez que c'est la bonne façon de faire dans les circonstances?
Je veux juste...
M. Taillon (Patrick) : Bien,
le fait d'énoncer explicitement quels sont les cinq arrêtés ne change pas le
contenu du projet de loi, puisqu'avant c'était implicite.
M. Dubé : Et voilà.
M. Taillon (Patrick) : Sauf
que c'était difficile de savoir exactement c'étaient lesquels. Même des
juristes habitués de lire les décrets, c'est assez unanime que leur lecture est
assez pénible parce qu'il faut comme remonter le courant, remonter la lecture
d'un décret qui en modifie un autre. D'ailleurs, dans mon mémoire, je propose
qu'une éventuelle réforme du pouvoir d'urgence devrait s'accompagner, là, d'une
espèce de codification administrative pour faciliter la lecture.
M. Dubé : Très bien.
Mais d'ailleurs, c'est en écoutant des commentaires comme le vôtre ou comme le
Barreau, au cours des dernières semaines, et, comme le disait le député de
Rosemont, on a écouté les députés aussi, et c'est pour ça qu'on a décidé de
mettre ces arrêtés-là comme amendements au début. Contrairement à d'habitude,
on n'a pas attendu de faire l'article par article, on l'a mis au début de la
commission. O.K., ça va pour ça.
Le deuxième point que j'aimerais soulever
avec vous, puis je pense qu'on aura sûrement la chance de vous reparler, moi,
je voudrais juste m'inscrire, là, clairement, devant les députés puis surtout
les Québécois qui nous écoutent, sur votre recommandation de modifier la Loi de
la santé publique. Et je voudrais juste être très clair, là, on est d'accord, on
est d'accord parce que… Puis d'ailleurs je dois vous dire, vous l'avez sûrement
lu de par votre rôle de ce que vous enseignez, la Commissaire à la santé et au
bien-être, Mme Castonguay, a été très claire dans son rapport du mois de
janvier qu'elle a déposé, pour dire : La Loi de la santé publique devrait
être revue. Elle a été très, très claire pour être sûre, entre autres, là,
qu'il y a une séparation entre la santé publique… garder ça loin du politique.
Vous avez lu.
Alors, moi, mais je veux bien, bien
comprendre puis, encore une fois, j'ai bien lu ce que vous avez dit. En même
temps, on est tous conscients qu'en ce moment, ce qu'il y a urgence de faire,
c'est d'enlever l'urgence et d'avoir des mesures de transition, et que la
révision, une révision en profondeur de la Loi sur la santé publique ne peut
pas se faire comme ça ici avec les autres sujets. Ça va prendre une réflexion beaucoup
plus grande pour aller chercher... Et c'est ça que j'aimerais vous expliquiez
un peu pour que les gens comprennent, entre l'exercice que nous faisons
d'enlever les mesures sanitaires, mais sans se mettre dans le trouble, donc de
garder quelques mesures de transition, puis de ce que vous suggérez, avec
laquelle on est d'accord, que ça prendrait une révision en profondeur de la Loi
de la santé publique.
M. Taillon (Patrick) : Oui,
ça prend une révision en profondeur, et elle ne peut pas se faire sur un coin
de table, il faut en parler avant, pendant et après l'élection pour justement
avoir le temps de faire un vrai bilan de ce qui s'est passé. Il faut éviter de
réécrire ces mécanismes d'urgence en ayant qu'en tête la crise qu'on vient de
vivre. Il ne faut pas que ce soit trop calqué sur cette unique crise parce que
la prochaine va porter sur complètement autre chose d'imprévisible. Et il y a
un contexte, une réalité qui est la suivante, c'est que cette Assemblée a
malheureusement fonctionné au ralenti depuis deux ans. Et donc sa dissolution
est imminente. Et donc le menu, il y a de la congestion législative, donc, il
faut faire des choix. Et je ne pense pas que dans le peu de temps que laisse le
temps <actuel...
M. Taillon (Patrick) :
...législative,
donc, il faut faire des choix. Et je ne pense pas que dans le peu de temps que
laisse le temps >actuel de travaux parlementaires, c'est une réforme...
Moi, ce que je souhaite, c'est d'entendre les partis politiques s'engager dans
la voie de cette réforme-là puis, en même temps, prendre le temps de la faire
lentement et de façon... pour qu'elle ne soit pas le fruit d'une simple
improvisation.
M. Dubé : Bien, je veux…
je veux vous rassurer, là, cet engagement-là, notre gouvernement l'a pris plusieurs
fois. Je le reprends aujourd'hui, donc, pour être très clair, on l'a pris
lorsqu'on a déposé le plan santé, parce qu'on s'est engagé à faire des nôtres
les recommandations de la Commissaire à la santé. Donc, je veux juste vous dire
que cet engagement-là de refaire en bonne et due forme la loi sur... de réviser
la Loi sur la santé publique, je peux vous dire qu'on est d'accord, après avoir
vécu ce qu'on a vécu.
Mais, en même temps, quand vous parliez
tout à l'heure de l'article 122, puis ça, je pense, c'est important d'y
revenir, parce que peut-être que, dans cette loi-là, les Québécois puis même
certains légistes ne connaissent pas tous les tenants et aboutissants de ça, vous
dites : En même temps, comment on peut faire pour peut-être la modifier
sans nécessairement le faire au détriment de l'efficacité gouvernementale? Ça,
j'aimerais vous entendre, parce que c'est un peu ça… pour ça que je faisais
référence tout à l'heure à la conversation qu'on a eue ce matin avec les P.D.G.,
comment trouver cet équilibre-là, en donnant à l'opposition le droit de s'objecter
à certaines choses, en trouvant l'équilibre? Je ne sais pas si... j'aimerais ça
qu'on en parle un peu, je ne sais pas si on a le temps de le faire, là, mais...
M. Taillon (Patrick) : Si
le déclenchement de l'état d'urgence reste facile, fonctionnel, le gros morceau
de l'efficacité gouvernementale qui est préservé, et ensuite que l'Assemblée
joue un rôle plus actif de délibération, d'enquête, ça ne pose pas de problème.
Il y a peut-être juste un obstacle culturel, lorsqu'on compare le
parlementarisme québécois avec l'équivalent au fédéral, c'est que c'est vrai
que dans notre tradition parlementaire à nous, dans les travaux de commission,
les ministres sont présents. Donc, c'est sûr qu'à Ottawa, par exemple, sur la
Loi sur les mesures d'urgence, on lance des enquêtes parlementaires, des
comités d'étude, etc., mais le ministre est absent, donc l'efficacité
gouvernementale est préservée par le fait que le ministre est occupé à autre
chose. Mais à la... sous réserve de cette différence-là, l'inspiration qu'on
peut puiser dans la Loi sur les mesures d'urgence du fédéral, là, c'est quand
même... ils ont fait l'exercice, il y a quelques années, après les abus qu'on a
connus avec la crise d'Octobre, il y a quand même plusieurs mécanismes pour
accroître le rôle des parlementaires qui pourraient être très, très utiles au
Québec. Moi, j'insiste sur 122 parce que, du moment où l'Assemblée peut venir
désavouer non pas tout le dispositif, mais une mesure, elle a le rapport de
force ensuite pour jouer un rôle plus actif.
M. Dubé : Un très bon
point, puis je pense qu'il y aura peut-être un jour une réforme parlementaire
qui permettra ça, mais ça, c'est un autre débat, là, à savoir si les ministres devraient
toujours être là.
Un autre point que je trouve important de
voir avec vous, c'est le fameux rapport qui suit l'état d'urgence. Puis une
autre chose que j'aimerais vous rassurer, vous, en tant que professeur, on a
pris l'engagement, comme gouvernement… Parce que la loi dit que ça doit être
déposé 90 jours suivant la fin de l'état d'urgence. Là, je ne sais pas
quand est-ce qu'elle prendra fin, là, parce qu'on doit voter le projet de loi.
Mais, en même temps, je vous dirais qu'on a pris l'engagement qu'on allait
répondre à cet engagement-là qui est dans la loi en ce moment, bien avant le
90 jours, pour être capable de déposer notre rapport avant la fin de la
session parlementaire. Alors, ça, je veux le répéter parce que je ne me souviens
pas si je l'ai dit ici, en commission. Mais, quand vous dites : On prend
un engagement lorsqu'on est en commission, c'est presque aussi important que
celui qu'on peut prendre par écrit. Ça, c'est le premier point.
Et le deuxième point, M. Taillon, je
l'ai expliqué ce matin, lorsque j'ai parlé des fameux contrats, je ne sais pas
si vous l'avez entendu.
M. Taillon (Patrick) : Non.
M. Dubé : Mais on s'est
engagé à donner plus que ce qui est demandé par la loi en donnant non seulement
les contrats qui sont dans le SEAO, là, le système où ont été adjugés tous les
contrats, mais on s'est engagé à ce qu'ils soient plus faciles à analyser, les
contrats qui ont été donnés, par type de contrat, dans les dates qu'ils ont été
donnés. Puis j'ai donné même quelques statistiques ce matin, vous pourrez l'écouter,
là, du nombre de contrats qui représentent à peu près 2 % des contrats qui
vont être encore en application jusque soit au 31 décembre ou pour les
contrats qui se rapportent aux entrepôts. Donc, c'est pour minimiser un peu, on
a parlé de gros chiffres, là, mais, du 5 milliards, il ne reste même pas 100 millions
de contrats sur les deux termes dont on <parle...
M. Dubé :
...chiffres,
là, mais, du 5
milliards, il ne reste même pas 100 millions de
contrats sur les deux termes dont on >parle. Alors, je pense, ce sera
important de le voir, puis on s'est engagé que ce soit dans le rapport qu'on va
déposer à la fin du processus. Je ne sais pas s'il me reste du temps.
Le Président (M. Provençal)
: 10 secondes, M. le ministre.
M. Dubé : 10 secondes, bien,
pour vous remercier, Pr Taillon, parce que ça a été très éclairant d'avoir
cet équilibre-là dans votre présentation aujourd'hui. Merci beaucoup.
M. Taillon (Patrick) : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, M. le ministre. Nous allons poursuivre cet
échange avec le député de La Pinière pour les 10 min 10 s
suivantes. Alors, M. le député, je vous cède la parole.
• (15 h 30) •
M. Barrette : Merci, M. le
Président. M. le ministre... Je suis sûr que le ministre est heureux de me voir
aujourd'hui, j'en suis convaincu.
Me Taillon, j'ai lu votre mémoire, j'ai
écouté les échanges qui ont eu lieu ce matin. Et, de votre mémoire, je retiens
une chose qui est assez importante, vous considérez que si on avait à revenir à
imposer... réimposer des mesures d'urgence telles qui existent dans la loi, ce
serait perçu comme étant un échec. Bon. Moi, je ne suis pas d'accord avec vous,
là, parce qu'il y a un élément de temporalité là-dedans que ni vous, ni moi, ni
le ministre ne peut contrôler. Les grippes, là, ça arrive dans certaines
saisons. Et, dans l'état actuel du projet de loi dont on discute, il pourrait
très bien, l'hiver prochain, apparaître un variant z qui serait aussi
meurtrier que le premier. Alors donc, c'est circonstanciel, c'est temporel.
La raison pour laquelle je vous pose cette
question-là, c'est que... Quelle est la justification, selon vous, aujourd'hui,
d'avoir un projet de loi qui nous amène au 31 décembre? Ne trouvez-vous
pas cette date-là comme étant purement arbitraire?
M. Taillon (Patrick) : Je
suis d'accord avec vous que la perception d'un retour en arrière, s'il fallait
déclarer à nouveau l'état d'urgence, relève, là, d'une lecture bien
personnelle, mais, bon, c'est une conviction que je vous partage. Vous pouvez,
évidemment... M. le Président, M. le député peut évidemment faire une tout
autre lecture. Et je pense que les choses auraient pu en être autrement. Si on
avait fait du va-et-vient depuis le début, ce ne serait pas la même chose que
de le faire après deux ans.
Sur la date de décembre, bien, il me
semble évident que c'est une date qui est un peu... qui comporte le risque
suivant, c'est qu'habituellement c'est une date qui est associée à un recul de
la situation pandémique. Donc, c'est un peu étrange de terminer à cette
date-là. Elle a la sagesse, cette date-là, par contre, de, je dirais, tasser
la... de créer un gel des... que cette Assemblée va décider, durant la période
électorale, hein, elle installe une forme de paix électorale. Donc, il
fallait... il faut régler quelque chose avant l'élection, ça, ça me semble
impératif. On ne peut pas… Durant... au début de l'automne, le Parlement et...
cette Assemblée va mourir, elle ne pourra plus être convoquée, elle ne pourra
plus se réunir, donc c'est impossible, début de l'automne. Et donc décembre,
novembre, c'est à peu près les seules dates, court terme, qui me semblent
possibles mais qui comportent le risque, là, de se retrouver dans une situation
où on dit qu'on va complètement tourner la page sur les outils temporaires dont
on a besoin, et donc on s'évite la réflexion sur les outils permanents qu'on
aurait besoin, les outils modérés, mais des outils néanmoins canalisés,
encadrés. Peut-être que cette discussion-là, elle sera nécessaire en novembre
ou en décembre.
M. Barrette : Oui. Bon. Quand
on regarde la biologie de la chose, là, la période d'accalmie, elle est avant l'élection,
et la prochaine crise, théoriquement, biologiquement parlant, elle est après.
Le virus, il se comporte comme ça, essentiellement, il y a un passage d'un
hémisphère à l'autre, il y a la température, la saisonnalité, et ainsi de
suite, là. On aurait très bien pu arrêter ces mesures d'urgence là, très bien
pu les arrêter même au mois d'août. Ça n'aurait rien changé, parce que, s'il n'y
avait... s'il y a lieu de revenir à des mesures d'urgence, ça va être après l'élection.
Alors donc, moi, j'ai de la difficulté à
ne pas voir là un opportunisme, dans le sens temporel du terme, je ne qualifie
pas plus ça de ça, politique.
M. Taillon (Patrick) : Oui.
Bien, si les choses étaient à refaire... Moi, j'ai été surpris par la manière
dont... l'habilité du projet de loi n° 28, avec sa stratégie du cran d'arrêt
et du gel, même si j'ai la crainte que je partage devant vous. Mais c'est sûr
que, si c'était à refaire, peut-être que cette stratégie du projet de loi n° 28,
d'identifier rigoureusement les outils que l'on pourrait encore avoir de besoin
et de dire : Bien, laissez-nous que ces outils-là, et maintenant on va travailler
comme avant pour les nouvelles règles...
15 h 30 (version révisée)
M. Taillon (Patrick) : ...dire :
Bien, laissez-nous que ces outils-là, et, maintenant, on va travailler comme
avant pour les nouvelles règles. C'est vrai que c'est une solution qui... moi,
je ne l'avais pas vue venir, mais qui... Elle aurait pu être implantée bien
avant, mais je n'en ferai pas le reproche puisque je n'en ai pas fait moi-même
la suggestion à l'époque.
M. Barrette : Mais, Me
Taillon, moi, ce qui m'intéresse, c'est que, pour vous, c'est vrai, ça aurait
pu être fait avant.
M. Taillon (Patrick) : Ah oui,
oui, oui.
M. Barrette : Là, je vais
vous poser une question qui est vraiment, vraiment intéressante, à mon sens,
parce que vous l'approchez sous l'angle de : de quoi allons-nous avoir
besoin dans le futur? Puis vous avez raison, on peut discuter sur la
temporalité, on vient de le faire, mais ce dont on aura besoin dans le futur,
on peut aussi l'aborder sous l'angle : qu'est-ce qu'on évite comme
problème actuellement?
Quand vous regardez les mesures qui sont
là, là, ne trouvez-vous pas qu'on se paie un évitement de problèmes?, et je
vais m'expliquer, parce que je n'ai pas beaucoup de temps, ça va être très
clair. Écoutez, là, qu'on prolonge des baux pour des centres de vaccination,
permettez-moi l'expression, «big deal». Par contre, on s'évite beaucoup,
beaucoup de problèmes syndicaux parce que, comme on a le décret pour donner des
primes qu'on prolonge... c'est correct, les bénéficiaires de primes, c'est très
bien, mais on sait, vous et moi, qu'il y a bien d'autres enjeux d'ordre
syndical là-dedans, et c'est normal.
Alors, revenons à la temporalité. La
période, entre guillemets, d'accalmie biologique, on va la vivre, là. On va la
vivre, à partir, essentiellement, de la fin de la session parlementaire. Alors,
de prolonger, essentiellement, on se protège. Moi, je le vois comme ça. Est-ce
que vous avez quelque chose à m'objecter? Parce que, quand vous regardez les
cinq décrets, là, il y en a au moins quatre sur cinq... trois, minimum, qui
sont purement de portée syndicale, en termes d'impacts, un qui est une espèce d'intermédiaire,
puis l'autre, bon, écoutez, les baux de centres de... tu sais, «big deal», là,
on s'entend, là-dessus, là, il n'y a pas le problème, là.
M. Taillon (Patrick) : Il ne
faut pas minimiser l'importance de l'aspect relations de travail. Et c'est
probablement le plus complexe parce que, quand je dis que la sortie de crise
implique une pérennisation partielle, pondérée et encadrée, c'est peut-être un
des aspects où le législateur a le moins de marge de manœuvre, en raison de la
jurisprudence de la Cour suprême du Canada sur le droit à la négociation
collective. Alors, même lorsqu'on fait un cadeau ou une prime aux travailleurs
syndiqués, et encore plus lorsque ça a un caractère exceptionnel, dérogatoire
et restrictif, bien, ces mesures-là sont plus difficiles et probablement même
impossibles d'inscrire dans une nouvelle normalité.
Et donc il est probablement plus sage, si
ces mesures sont indispensables, de les inscrire dans un état temporaire et d'exception.
C'est probablement une manière plus appropriée de réussir à les défendre devant
les tribunaux. Et, pour le moment, les tribunaux ont... à l'exception, là, du
décret sur le couvre-feu pour les personnes sans-abri, ont validé toutes les
mesures prises. Donc, on reste dans cette logique qui vise à, probablement, se
préserver d'une contestation qui viendrait si elles étaient... si ces mesures
étaient inscrites dans la durée, dans la longue durée, là, normale.
M. Barrette : Tout à fait, la
longue durée, mais, pour ce qui est de la période en question, la contestation
prend du temps, ça n'a pas d'effet, mais, dans les faits, par opportunisme de
calendrier, je dirais, là, on s'évite un problème. Je le dis comme ça puis je
pense que vous êtes peut-être en accord avec une partie de ce que je disais.
Il me reste deux minutes, Me Taillon, je veux
aborder une affaire. Voulez-vous bien me dire... alors là, ne me reprochez pas
ma familiarité, voulez-vous bien me dire, là, comment ça se fait qu'on n'est
pas capable, là, là, dans ce projet de loi là, là... amener des clauses de
désaveu, là? Il existe... ça existe, vous le dites dans votre mémoire, il y a
un modèle au Canada, il est fédéral, bon. Je comprends que le fédéral, c'est un
péché mortel, là, pour certains — j'ai dit «pour certains» — alors
il me semble que, dans ce projet de loi là, il aurait été possible d'introduire
ça, ça aurait été une espèce de baume au reste. Ça aurait été faisable, là, il
y a... Vous êtes un expert là-dedans, là, alors vous savez que ça existe. Vous
avez conseillé le gouvernement dans les deux dernières années à...
M. Taillon (Patrick) : C'est
vous qui dites ça.
M. Barrette : Bien, c'est-à-dire,
vous avez témoigné...
M. Taillon (Patrick) : C'est
vous qui dites ça. Moi, je...
M. Barrette : C'est une
mauvaise expression, je m'en excuse, Me Taillon, mais disons que vous avez été
une inspiration gouvernementale.
M. Taillon (Patrick) : Bien,
ça, c'est flatteur, en effet.
M. Barrette : Ça, c'est...
voilà. Vous auriez pu être une inspiration pour 122, pour ces clauses-là.
Est-ce que ça aurait été faisable, d'après vous?
M. Taillon (Patrick) : Bien,
moi, je vais répondre bref parce que le temps est précieux, mais il n'y a rien
qui empêche un amendement, dans le cadre du projet de loi actuel, qui
permettrait à l'Assemblée, à tout moment, de désavouer l'un des cinq... des
cinq arrêtés.
M. Barrette : Rien
n'empêche...
M. Taillon (Patrick) : C'est-à-dire
que l'Assemblée, elle est souveraine, elle adopte une loi et elle peut prévoir
tous les mécanismes qu'elle veut <bien...
M. Taillon (Patrick) :
...des
cinq arrêtés.
M. Barrette :
Rien
n'empêche...
M. Taillon (Patrick) :
C'est-à-dire
que l'Assemblée, elle est souveraine, elle adopte une loi et elle peut prévoir
tous les mécanismes qu'elle veut >bien. Ça, c'est d'une part. Et, d'autre
part, durant cette crise, oui, la Loi sur la santé publique minimisait
énormément le rôle du Parlement. On souhaite, ce rôle, qu'il soit plus grand à
l'avenir, mais, à plusieurs reprises, le gouvernement a posé des gestes qui n'étaient
pas obligatoires, comme le projet de loi sur la manifestation devant les
écoles, le débat sur la vaccination du personnel de santé, donc moi, ce que je
dis, c'est : Dans cette sortie de crise, il faut continuer à s'imposer des
standards élevés, même si la loi ne nous les impose pas.
M. Barrette : Donc, il me
reste 10 secondes, Me Taillon...
M. Taillon (Patrick) : Oui,
pardon.
M. Barrette : ...vraiment,
parce que je me chronomètre. Il y avait l'opportunité de le faire, et le choix
a été fait de ne pas le faire, ce n'est pas dedans.
• (15 h 40) •
M. Taillon (Patrick) : Oui,
mais le gouvernement présente un projet, et c'est l'Assemblée qui l'adopte.
M. Barrette : Oui,
faites-vous-en pas, on est encore là.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le député. Nous
allons poursuivre maintenant avec la députée de Sherbrooke, pour
2 min 37 s.
Mme Labrie : Très peu de
temps pour discuter de tout ça. Bonjour, M. Taillon. Vous avez partagé une
crainte, qui est également partagée par nous, qu'advenant un nouveau variant ou
une nouvelle vague, on doive, finalement, malgré ce projet de loi là, recourir
encore à l'état d'urgence. Est-ce qu'il y a un amendement précis que vous nous
recommandez de faire, dans ce projet de loi là, pour éviter que ça se produise?
Est-ce que l'amendement des désaveux, par exemple, serait un compromis à faire
pour nous donner un peu plus de leviers démocratiques advenant qu'on soit
obligé de retourner à l'état d'urgence? Est-ce qu'il y a un autre moyen d'y
arriver?
M. Taillon (Patrick) : Non.
Sur le front de l'inquiétude, si on est covido-inquiet, la stratégie du gel,
elle repose sur le fait que la Santé publique, le ministre, ceux qui ont
préparé le projet de loi ont évalué qu'avec ces outils-là, ils sont capables.
Et donc, si on a besoin d'un autre outil, il faudra soit convoquer cette
Assemblée pour l'adoption d'un projet de loi rapide, soit miser sur les
pouvoirs qui existent déjà : directeur régional de la santé publique a des
pouvoirs, directeur national aussi, mais ça reste assez limité, ou, sinon, ce
qui, pour moi, est un recul, revenir à l'état d'urgence. Mais, dans l'autre
scénario, c'est-à-dire alléger, le projet de loi n° 28, si ça va bien, il
est bien organisé pour aller plus vite que le calendrier prévu, le gouvernement
peut retirer ses arrêtés, mais c'est dans le scénario où ça irait mal.
En même temps, est-ce qu'il faut rester à
tout jamais dans l'état d'urgence parce qu'il faut prévoir le pire? Non. À un
moment donné, il faut trouver un nouvel équilibre, une nouvelle façon d'encadrer
la menace qui perdure — je m'excuse pour le temps.
Mme Labrie : Est-ce que...
Parce que je vous ai entendu dire que la réforme sur l'état d'urgence qu'on
veut faire... vous nous recommandez d'attendre un moment pour la faire plus à
tête reposée, je dirais, pour résumer votre idée.
M. Taillon (Patrick) : Oui.
Mme Labrie : Vous nous
soumettez quand même des propositions de ce qu'on devrait inclure dans cette
réforme-là. Est-ce qu'on ne peut pas commencer quand même à utiliser le projet
de loi n° 28 pour, déjà, amener des éléments de changements, les intégrer
au projet de loi n° 28, en se disant quand même, que la réforme plus
complète, on la fera plus tard, mais déjà intégrer des choses comme la notion
de désaveu, le faire maintenant?
M. Taillon (Patrick) : Oui,
et je pense que le mécanisme de «fade-out», là, de decrescendo, ça se peut que
ça figure dans une prochaine réécriture de la Loi sur la santé publique. Donc,
oui, la loi fixe un cadre minimal. Il y a le droit parlementaire aussi, qui
permet à l'Assemblée des interpellations, toutes sortes de mécanismes aussi
pour forcer le gouvernement à rendre des comptes. Oui, il faut s'imposer dès
maintenant les meilleurs standards, même si ces standards ne sont pas
obligatoires.
Mme Labrie : Donc, on n'a pas
à attendre de faire cette réforme complète, on peut, dès maintenant, dans ce
projet de loi là, amorcer des choses?
M. Taillon (Patrick) : Je l'espère,
oui.
Mme Labrie : Parfait. Je vous
remercie.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Mme la députée. Je
cède maintenant la parole au député des Îles-de-la-Madeleine, pour
2 min 37 s.
M. Arseneau : Merci beaucoup,
M. le Président. Me Taillon, merci d'être là et de partager votre point de vue
avec nous, qui est très éclairant. J'ai accroché, à la page 7, sur le contexte
où l'autonomie constitutionnelle du Québec a souvent été fragilisée. Est-ce que...
Vous suggérez, parce que c'est quand même une réforme importante, là, d'étendre,
justement, les pouvoirs du Québec au-delà de l'état d'urgence et de la Loi sur
la santé publique. Ça ne peut pas être fait maintenant, ce n'est pas ce que
vous suggérez. Vous suggérez qu'on l'attaque comme un chantier plus vaste ou ça
peut être fait plus rapidement, selon vous?
M. Taillon (Patrick) : Quand
la Loi sur la santé publique a été contestée, décision très importante de la
Cour d'appel, je crois, cet hiver, qui a validé le dispositif, on a utilisé la
Loi sur la sécurité civile, parce qu'on n'avait pas assez de débats
parlementaires puis parce que les deux lois sont à peu près identiques. Donc,
au fond, mon propos, c'est de dire : Ça fait des années qu'on entend des
collègues dire que l'urgence, ce n'est que fédéral. C'est faux, on en a
maintenant la preuve. Le Québec, un peu comme la doctrine Gérin-Lajoie nous permet
de... Ce qui est de compétence chez nous est de compétence partout. Bien, si c'est
de compétence du Québec... si c'est de la compétence du Québec, l'urgence en
éducation, l'urgence en environnement, l'urgence en sécurité publique, l'urgence
sanitaire, c'est aussi de notre compétence.
Donc, pour le moment, on a comme deux
lois, peut-être qu'il y en a une troisième qui m'échappe, mais, lors d'une
réécriture, il faudrait peut-être consolider l'acquis de cette crise dans notre
relation avec Ottawa pour bien marquer le fait que ce qui est de notre
compétence l'est aussi en <temps...
M. Taillon (Patrick) :
...dans notre relation avec Ottawa pour bien marquer le fait que ce qui est de
notre compétence l'est aussi en >temps d'urgence. Et c'est ça, l'esprit
de la suggestion.
M. Arseneau : ...l'autre
volet, c'est celui de la crainte du va-et-vient. La crise a...en fait, l'état
d'urgence a duré deux ans, mais moi, j'ai le profond sentiment qu'on n'a pas
été en état de crise pendant deux ans et que le va-et-vient aurait pu être
exercé pendant toute la période, de la même façon que, si on avait une crise en
sécurité civile, il y a un barrage qui éclate, on colmate, la crise est
terminée, on peut investir, et, ensuite, bien, il craque à un autre endroit, une
nouvelle crise, et ainsi de suite. Et est-ce que ce n'est pas le fait,
justement, qu'on n'ait pas respecté l'esprit de la loi sur le 10 jours ou 30
jours puis qu'ensuite on dise : Bien, on revient à un état de
rétablissement, un peu comme on dit en sécurité civile... qu'on est pris avec
une loi comme celle-là pour en sortir?
M. Taillon (Patrick) : Bien,
je dirais deux choses. Si on avait seulement eu besoin de restrictions qui
visent la population, je pense qu'on aurait pu en sortir, faire du va-et-vient,
puis ç'aurait été très sain, mais c'est une crise organisationnelle et de
capacité de soins, puis là je pense que, là, il y a des limbes et un labyrinthe
de problèmes.
Et l'autre aspect, c'est que, si on avait
une loi sur le... qui encadre l'urgence qui permettait de dire : Voilà,
c'est terminé, à partir de maintenant, vous ne pouvez plus adopter de décret,
mais ceux qui sont déjà en vigueur vont produire des effets jusqu'à telle date,
bien là, on aurait pu, je crois, sortir fréquemment de l'état d'urgence. Mais,
même dans les beaux étés qu'on a eus, on a gardé quand même des mesures comme
le masque, et donc, à moins que... c'est peut-être le cas, il y a moyen
d'imposer le masque par d'autres voies — ce n'est pas ma
compréhension de la chose — on est un peu coincé. Donc, il faut...
Pardon.
Le Président (M. Provençal)
:Je vous remercie beaucoup. Non, c'est
moi qui gère le temps, je m'excuse, alors je dois maintenant passer la parole à
la députée d'Iberville, qui va compléter cet échange.
Mme Samson : Merci, M. le
Président. Me Taillon... Préférez-vous maître ou professeur?
M. Taillon (Patrick) : Bien, monsieur,
Patrick... idéal.
Mme Samson : Me Taillon, deux
petites questions très rapides. Pouvez-vous me dire, en droit du travail,
quelle loi empêche un employeur de donner un bonus à un employé?
M. Taillon (Patrick) :
Lorsqu'on a adopté la Charte canadienne des droits et libertés, on a prévu un
article 2 qui prévoit la liberté d'association. La Cour suprême a dérivé de
cette liberté d'association que ça voulait dire le droit de négocier les
conditions de travail. Et donc, même si ça a l'apparence d'un cadeau, d'une
prime, cette jurisprudence, elle fait en sorte... que la mesure décidée
unilatéralement soit positive ou restrictive, elle est une atteinte à la
liberté de négocier les conditions de travail. Et c'est pour ça que, depuis une
dizaine d'années, on voit beaucoup moins de lois spéciales dans le secteur
public. Cette jurisprudence-là est apparue dans ces années-là. Et, par contre,
on ne sait pas si certaines de ces limitations pourraient être justifiées, mais
ça crée un contexte juridique où, là, c'est plus périlleux. Voilà.
Mme Samson : O.K., je
comprends. Donc, la voie de la négociation est inévitable.
M. Taillon (Patrick) : C'est
comme si on place la négociation au-dessus des bonnes conditions.
Mme Samson : Au-dessus des
bonnes nouvelles qu'un patron peut envoyer à ses employés.
M. Taillon (Patrick) : Parce
que, derrière la bonne nouvelle, il peut y avoir un piège ou une fausse bonne
nouvelle, alors on dit : D'abord et avant...
Mme Samson : Oui, oui, une
demande démesurée.
M. Taillon (Patrick) : Voilà.
Mme Samson : Ma deuxième
question, c'est quand on lit, dans la loi, l'impossibilité pour quiconque de
poursuivre quiconque. Comment peut-on s'accaparer autant de pouvoir sans en
avoir les responsabilités?
M. Taillon (Patrick) : Je
dois vous avouer que ça m'a échappé, là, l'impossibilité de poursuivre.
Mme Samson : Personne ne peut
poursuivre personne.
M. Taillon (Patrick) : Oui.
Un, ça m'a échappé, c'est de ma faute, mais...
Mme Samson : Bien, moi,
j'aurais fait une méchante bonne avocate, hein?
M. Taillon (Patrick) : Oui,
mais je sais que, de toute manière, les tribunaux, devant des clauses
privatives de recours, généralement, n'y voient qu'un indice, là. Et,
généralement, c'est... même si le législateur dit : Vous n'avez pas de
recours, généralement, le tribunal va quand même dire : Non, non, il y a
une justice...
Mme Samson : On va écouter.
M. Taillon (Patrick) : Oui,
mais je dois vous confier que ça m'a échappé. Je profiterai de la pause pour...
Mme Samson : Je vais vous le
trouver en fumant une cigarette à la pause.
M. Taillon (Patrick) : Oui,
oui, oui. Tout à fait.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, Mme la députée, je dois vous
dire que vous avez terminé. C'était très intéressant...
Mme Samson : ...dans ma tête,
là, je suis toute correcte.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, merci beaucoup, M. Taillon, pour votre présence et
la qualité de ces échanges.
Sur ce, je vais suspendre quelques minutes
pour qu'on puisse faire place au prochain... à M. Lampron, qui va prendre la
place.
(Suspension de la séance à 15 h 49)
(Reprise à 15 h 53)
Le Président (M. Provençal)
:Nous reprenons nos travaux. Nous
accueillons maintenant le Pr Louis-Philippe Lampron, professeur de droit à l'Université
Laval. Monsieur, je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour votre
présentation, et, par la suite, nous procéderons à la période d'échange. Alors,
je vous cède immédiatement la parole.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Merci beaucoup, M. le
Président. Alors, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, c'est un plaisir d'être
ici avec vous aujourd'hui. Merci, donc, de cette convocation pour parler du projet
de loi n° 28, initialement baptisé Loi visant à
mettre fin à l'état d'urgence sanitaire, mais je sais qu'il y a un amendement,
là, qui a eu cours le premier jour et qui a rajouté une portion importante, là,
au titre.
Alors, ma présentation d'aujourd'hui vise
essentiellement à faire un retour sur les principes qui sont applicables,
justement, pour encadrer l'état d'urgence sanitaire au Québec, régime juridique
exceptionnel qui permet, il faut le rappeler, là, de rompre temporairement l'équilibre
des pouvoirs qui caractérise tous les États démocratiques, entre les branches
de pouvoir gouvernemental <étatique...
M. Lampron
(Louis-Philippe) :
...démocratiques
entre les branches de pouvoir gouvernemental >étatique, en fait, donc
entre le gouvernement, le législatif et le judiciaire.
Alors, voilà maintenant plus de deux ans
que nous sommes sous l'égide de l'état d'urgence sanitaire qui a été édicté le
13 mars 2020, évidemment, avec l'arrivée de la pandémie de COVID-19. Et l'état
d'urgence sanitaire a été décrété au moment, justement, de l'arrivée de ce
virus-là sur le territoire québécois, par le gouvernement, et il est renouvelé
conformément à l'article 119 de la Loi sur la santé publique depuis, selon
la première option, on aura l'occasion d'y revenir, là, de 10 jours en
10 jours.
Évidemment, dans un contexte où le
gouvernement peut mettre fin à l'état d'urgence sanitaire de sa seule
initiative et sans avoir, pour ce faire, à adopter une loi, c'est quand même
important de le rappeler, bien, l'objectif de ma présentation d'aujourd'hui, c'est
de dire : Donc, tant qu'à adopter une loi, qu'est-ce qu'il est possible de
faire, en fait? Et donc on va le voir, il va y avoir deux grandes parties à ma
présentation. La première, ça va être de parler de la justification des
pouvoirs qui souhaitent être maintenus par le gouvernement pour amorcer cette
phase de transition là. Parce qu'il est important de faire la distinction entre
le régime juridique que représente l'état d'urgence sanitaire, régime juridique
de gouvernance, en fait, exceptionnel, et la crise de la COVID-19, avec
laquelle on doit vivre et on devra vivre au Québec et partout à travers le
monde dans un avenir prévisible.
Alors, à partir du moment où ce qui est
devant nous, avec le projet de loi n° 28, ça semble
être, et j'aurai l'occasion d'en débattre, évidemment, là, avec les membres de
cette commission, un projet de loi transitoire, bien, il faut se demander si
les pouvoirs qui souhaitent être conservés par le gouvernement, ils peuvent se
justifier dans l'état actuel de la pandémie, étant entendu que le régime
juridique exceptionnel qui est l'état d'urgence sanitaire, bien, ce n'est pas
quelque chose qu'on peut maintenir au cas où la crise se rematérialise dans le
futur. En fait, il faut vraiment que ce soit justifié dans l'ici et maintenant.
Et le deuxième volet de ma présentation d'aujourd'hui
va venir... Je vais essayer de traiter des lacunes, en fait, qui se sont
révélées à l'usage, là, en ce qui concerne les dispositions qui encadrent
actuellement les pouvoirs, là, justement, qui permettent au gouvernement de
basculer en état d'urgence sanitaire, et on va parler spécifiquement de l'article 119
et, bien sûr, de l'article 129.
Alors sur la question, d'abord, des
pouvoirs maintenus, bien, il est clair qu'à partir du moment... et je reviens
là-dessus, hein, c'est le point de départ de l'analyse : il n'est pas
nécessaire de légiférer pour mettre fin à l'état d'urgence sanitaire. Il est
nécessaire de légiférer si tant est qu'on souhaite maintenir, et c'est l'essentiel
du projet de loi n° 28, certains pouvoirs en vigueur
le temps qu'on soit capable de finaliser, de sortir de la crise de la COVID-19.
Et donc moi, le premier commentaire que j'aurais à faire, c'est de continuer le
travail d'amendement et, cette fois-là, de retirer le titre initial de la loi.
Pour moi, de mettre dans le titre d'une loi transitoire le fait que c'est un
projet de loi qui vise à mettre fin à l'état d'urgence sanitaire, dans un
contexte où le gouvernement n'a pas besoin de légiférer pour mettre fin à l'état
d'urgence sanitaire, c'est de nature à entretenir la confusion, et, à mon sens,
on aurait tout avantage, collectivement, à vraiment spécifier déjà dans le
titre de la loi c'est quoi, l'objectif de cette loi-là. Et ce n'est pas de
mettre fin à l'état d'urgence sanitaire, mais c'est bien d'assurer la
transition, en fait, et c'est une loi qui concerne spécifiquement la crise de
la COVID-19.
Deuxième commentaire... Ça prend des
fleurs, hein, dans... pour que ce soit crédible, évidemment, et donc j'aimerais
saluer l'amendement qui a été apporté au premier jour des travaux, justement,
là, parlementaires pour discuter du projet de loi n° 28,
qui était nécessaire et qui, sans quoi, aurait fait l'objet des critiques que j'avais
à formuler. C'est de dire de procéder par le biais d'une consolidation des
pouvoirs, hein, les cinq arrêtés qui souhaitent être maintenus et qui
contiennent, selon ma compréhension du projet de loi n° 28,
l'entièreté des pouvoirs que le gouvernement souhaite conserver à partir du
moment où le projet de loi n° 28 deviendrait une loi.
Donc, ça, c'était quelque chose de nécessaire parce que, justement, ça permet d'être
capable de travailler ensemble à déterminer et à discuter de la suffisance des
motifs qui peuvent être avancés, justement, par le gouvernement et, à terme,
par l'Assemblée nationale, là, si tant est qu'on veut les conserver, ces
pouvoirs-là, bon.
Maintenant, il reste le plus dur à faire,
parce que, et là je vais faire un rappel de principes qui sont applicables en
matière de droits et libertés de la personne, quand une crise frappe, une crise
de la nature de celle de la COVID-19, évidemment, l'application des textes sur
les droits et libertés de la personne, on est dans un flou jurisprudentiel
parce qu'on n'a jamais eu, depuis l'ère de la charte canadienne, de crise de
cette ampleur-là. Mais il y a une chose qui est claire, c'est que le
gouvernement jouit, l'État, en fait, jouit d'une marge de manoeuvre
supplémentaire pour justifier des atteintes aux droits fondamentaux, des
restrictions aux droits fondamentaux qui découlent des nombreux décrets qui ont
été adoptés pour être capables de protéger la maison collective, là. Ça, c'est
clair et net dans la jurisprudence, <bon...
M. Lampron
(Louis-Philippe) :
...être capable
de protéger la maison collective, là. Ça, c'est clair et net dans la
jurisprudence, >bon.
Une fois qu'on a dit ça, cette marge de
manoeuvre là pour justifier les atteintes aux droits fondamentaux, elle n'est
pas illimitée et elle décroît au fur et à mesure que la crise avance, en fait.
Alors, évidemment, la marge de manoeuvre était beaucoup plus grande au début,
quand on naviguait véritablement à vue, parce qu'on connaissait très peu de
choses du virus, etc., et que, donc, le gouvernement pourrait justifier, dans
le contexte d'une contestation judiciaire, des mesures même s'il n'était pas
assis sur des données très solides, qui démontrent leur efficacité, en fait,
pour lutter contre la COVID-19, au tout début de la crise. Plus on avance et
plus il faut que les données soient solides pour justifier des restrictions aux
droits fondamentaux.
Et donc là, plus de deux ans après le
début de la crise de la COVID-19, dans un contexte où on espère, hein, on
s'accroche presque à la peinture sur les murs pour espérer un retour à la
normale, bien, nécessairement, le gouvernement va avoir fort à faire pour
justifier les atteintes aux droits fondamentaux qui découlent des pouvoirs
qu'il souhaite maintenir en vertu du projet de loi n° 28.
Ça ne veut évidemment pas dire que c'est impossible, mais il va falloir qu'il
ait des arguments solides à faire valoir.
Et l'autre élément que je voulais
souligner, c'est que, plus l'atteinte aux droits fondamentaux est importante,
qui découle du décret, là, et les cinq arrêtés qui y demeurent, plus le travail
va être important à faire pour justifier la restriction aux droits
fondamentaux. Donc, ça, c'est des éléments dont on doit absolument tenir
compte.
• (16 heures) •
Et, à cet égard-là, même si, dans ma
présentation d'aujourd'hui, hein, 10 minutes, c'est très court, je ne vais
pas m'arrêter trop avant sur... je ne veux pas analyser, là, les cinq arrêtés
en conseil qui ont été adoptés, j'invite les parlementaires à surveiller
notamment l'article 4 du projet de loi n° 28,
qui implique des restrictions importantes au droit à la vie privée sans que le
projet de loi permette vraiment de déterminer pour quelles raisons est-ce qu'on
souhaite garder ces pouvoirs-là, et, évidemment, l'arrêté 2022-030, là,
qui autorise des pouvoirs de contournement des conventions collectives. Dans un
contexte où la négociation collective des conditions de travail, c'est sûr que
c'est au cœur de dispositions qui protègent la liberté d'association en vertu
de la charte canadienne et de la charte québécoise, alors moi, ces pouvoirs-là,
là, m'apparaissent mériter une attention supplémentaire pour s'assurer,
justement, qu'on ait des motifs sérieux à faire valoir dans l'éventualité d'une
contestation.
Deuxième élément, je vois qu'il me reste
deux minutes, ce sera donc vitesse grand V, je crois qu'à partir du moment où
l'Assemblée nationale choisit de sortir de l'état d'urgence sanitaire par le
truchement d'une loi, bien... je pense qu'on ne peut pas faire l'économie de
lacunes importantes qui se sont révélées à l'usage, en fait, en ce qui concerne
les balises qui encadrent le pouvoir discrétionnaire du gouvernement de
basculer en état d'urgence et de maintenir cet état d'urgence là. Je fais
référence, bien sûr, à l'article 119 de la Loi sur la santé publique,
d'une part, là, qui a été interprété par le gouvernement, de manière tout à
fait légale, par ailleurs, ça a été confirmé par la Cour d'appel du Québec dans
l'arrêt Bricka, récemment. Et donc il y a un choix qui était laissé à
l'initiative du gouvernement, soit sur le temps court de la crise. Donc, déclaration
d'état d'urgence, le gouvernement peut faire ça de sa propre initiative.
Renouvellement aux 10 jours, il peut le faire de sa propre initiative. Et
là il y avait le flou entre la lettre et l'esprit, hein, parce qu'il y a un
délai de 30 jours où, là, il faut que l'Assemblée nationale soit mise dans
le coup pour le renouvellement de l'état d'urgence sanitaire, ou de
10 jours si on le fait de 10 jours en 10 jours, et c'est le
choix qui a été fait et qui a été validé par la Cour d'appel, là. C'est permis
par l'état actuel de la Loi sur la santé publique.
Moi, il me semble que tant qu'à légiférer
sur la COVID-19, et dans l'éventualité où il y a toujours une possibilité,
considérant, pour reprendre l'expression de mon collègue Taillon, qui me
précédait, là, la «nature crépusculaire» du projet de loi n° 28...
il y a toujours possibilité, donc, que la crise de la COVID-19 s'emballe à
nouveau et qu'on doive, malheureusement, personne ne le souhaite, rebasculer
dans un état d'urgence, je pense que c'est l'occasion, spécifiquement, de dire :
En ce qui concerne la crise de la COVID-19, si on doit rebasculer en état
d'urgence sanitaire, ça va se faire avec un débat à l'Assemblée nationale. Il
me semble que c'est fondamental d'être capable de rajouter ça dans un projet de
loi de la nature du projet de loi n° 28.
Et le dernier élément, pour les vingt
secondes qu'il me reste, c'est l'article 129, là. Il me semble très, très
important de corriger ce qui apparaît comme une lacune importante là où on en
est rendu dans l'état d'urgence, dans la crise de la COVID-19, considérant le
fait que l'article 119 a permis au gouvernement, de sa seule initiative,
de maintenir ce régime juridique exceptionnel là pendant deux ans sans
discontinuer, de s'assurer qu'on va avoir plus qu'un rapport d'événement,
surtout celui qui est libellé à l'article 129, là, qui peut être, à mon sens,
respecté si on s'en tient à la lettre de la loi, uniquement en collant les
décrets dans un document et en disant : Voici le rapport d'événement.
Alors, voilà ce que j'avais à dire, là,
comme déclaration initiale. Il va maintenant me faire plaisir d'échanger avec
vous, bien sûr.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. Lampron, pour
votre exposé. Nous allons immédiatement débuter cette période d'échange avec M.
le ministre.
M. Dubé : Me Lampron,
c'est un plaisir de vous entendre aujourd'hui. Je pense que l'Université Laval
doit être fière de ses finissants. C'est tellement clair, aujourd'hui, ce que
vous dites. Qu'on soit d'accord ou en désaccord avec certains de vos points, ce
n'est pas ce qui est important. L'important, c'est la clarté de votre exposé...
16 h (version révisée)
M. Dubé : ...c'est
tellement clair, ce que vous dites aujourd'hui. Qu'on soit d'accord ou en
désaccord avec certains de vos points, ce n'est pas ce qui est important. L'important,
c'est la clarté de votre exposé. Puis je veux... je veux vous le mentionner, c'est
très bien. Je voudrais juste revenir sur votre titre. Je veux juste bien le...
Pouvez-vous le répéter? Parce que vous saisissez tellement bien le besoin que,
si on peut en discuter avec nos légistes dans les prochains jours...
Pouvez-vous me le répéter, quelle était votre suggestion pour le titre du
projet de loi?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :C'est de retirer tout
simplement le fait que la loi vise à mettre fin à l'état d'urgence sanitaire.
M. Dubé : O.K., le
reste...
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Oui, ça, ça va, ça va, de
focaliser… oui.
M. Dubé : O.K., je
comprends très bien. C'est ça que je voulais juste être certain, O.K., donc, de
faire référence… Puis, tant qu'à vous avoir, est-ce que ça serait des mesures temporaires
ou transitoires, selon vous, qui serait le mot le plus approprié?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Moi, j'irais pour «temporaires».
M. Dubé : «Temporaires»,
O.K.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :À partir du moment où
on est dans le… ça doit expirer en décembre 2022, tout à fait.
M. Dubé : Bien, au plus
tard…
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Au plus tard.
M. Dubé : …parce qu'on s'entend…
La plupart des mesures auxquelles on réfère pour le 31 décembre, c'est au
plus tard… alors que, pour les contrats, c'est... vous l'avez bien lu.
J'apprécie beaucoup... Mon Dieu! Vous avez
parlé de fleurs, mais effectivement c'est à écouter plusieurs légistes et les
députés de l'opposition qu'on a pris la décision de spécifier comme premier
amendement qu'il fallait avoir une description beaucoup plus claire dans le
projet de loi sur les cinq thèmes. Je vais les appeler comme ça, là. Alors,
merci de l'avoir noté, parce que je peux vous dire qu'il y a plusieurs légistes
au ministère qui ont travaillé très fort pour faire cet exercice-là de
concision et de rassembler tous les décrets pour les mettre sur ces cinq thèmes-là.
Puis je pense que vous pouvez sûrement reconnaître le travail qui a été fait
pour mettre ça ensemble. Alors, merci de le souligner pour, entre autres, les
légistes qui nous… qui nous écoutent aujourd'hui.
Vous avez une expertise… Je regardais sur
le site Web, là, vous avez une expertise particulièrement dans les droits
fondamentaux. C'est quoi, votre intérêt? Parce qu'avant de vous poser les
questions je voulais juste savoir... Vous faites un point qui est excessivement
important, moi, je pense, pour la suite des choses. Alors, dites-moi c'est
quoi, votre expertise en termes, là, de droit, mais spécifiquement pour les
droits et les libertés.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Je travaille
effectivement sur, spécifiquement, la charte canadienne et la charte québécoise
des droits et libertés, et plus particulièrement les libertés fondamentales,
mais également, quand je m'intéresse à ces outils-là qui ont une valeur
supralégislative, bien, je m'intéresse à la reconnaissance juridique du
principe de démocratie et ce que ça prend institutionnellement pour être
capable de s'assurer du maintien, en fait, d'une véritable démocratie, notamment
le fameux équilibre des pouvoirs entre le législatif, le judiciaire et l'exécutif.
Et c'est ce qui me mène à m'intéresser aussi, depuis les dernières années,
notamment aux critères qui permettent ou ne permettent pas d'avoir recours à la
disposition générale de dérogation aux droits et libertés de la personne,
notamment dans le contexte du projet de loi n° 21 et
également dans le contexte de l'état d'urgence, là.
C'est certain que moi… La pandémie, quand
je dis que c'est un apprentissage qu'on a tous fait à la dure, moi, les
dispositions de l'article... des articles 118 et suivants de la Loi sur la
santé publique, avant l'éclatement de la pandémie, je n'avais pas eu l'occasion
de m'y intéresser, là. Mais là où ça rejoint directement mon expertise, c'est
justement parce que les droits et libertés de la personne, c'est le socle de
légitimité en deçà duquel, en principe, les gouvernements et les États ne
peuvent pas aller.
M. Dubé : Je voulais
juste vous mentionner, un peu comme je l'ai fait avec le Pr Taillon un petit
peu plus tôt aujourd'hui… ouvrir cette porte-là sur le besoin de refaire la Loi
sur la santé publique. Puis je pense qu'avec des experts comme vous qu'on
entend aujourd'hui, le Pr Taillon qu'on a écouté tout à l'heure… que notre
gouvernement s'engage de s'embarquer dans cette analyse-là et de refaire… Puis
je suis content qu'on pourra avoir vos coordonnées si jamais on décide d'aller
plus loin là-dedans…
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Je suis facile à
trouver.
M. Dubé : …parce que je pense
que c'est important, puis je l'ai dit, que la Commissaire à la santé nous a
demandé de le faire dans un exercice qui devrait être rigoureux, mais peut-être
à l'extérieur des mesures d'urgence dont on parle. Mais je voulais juste vous
le mentionner, surtout maintenant que je suis conscient de l'expertise que vous
avez.
Maintenant, où je vous demanderais de nous
aider, puis j'ai posé exactement la même question au Pr Taillon ce matin… un
peu plus tôt aujourd'hui, pardon… Vous avez une connaissance de la loi, votre
expertise, on vient d'en parler, dans droits et libertés, mais vous avez aussi,
j'espère, peut-être entendu nos P.D.G., nos P.D.G. qui étaient de trois régions
très différentes puis qui ont eu... Ils nous ont bien expliqué qu'ils avaient
tous les mêmes problèmes de... Puis ils reviennent aux cinq arrêtés qu'on a
décidé de continuer. Quand vous... Avec votre expertise des droits et libertés,
là, est-ce qu'il y en a... Puis je veux vous entendre. Je veux avoir et les
fleurs et le pot parce qu'on est là pour ça. Vous les avez entendus. Qu'est-ce
qui <vous titille...
M. Dubé :
...qui
>vous titille le plus puis qu'est-ce… lesquels vous êtes peut-être plus
d'accord? Parce que c'est important de vous entendre sur les côtés positifs et
négatifs de ça, et c'est pour ça que je pense que notre défi, si vous me
permettez, à part le titre, c'est de trouver l'équilibre dans les prochains
mois, pendant qu'on s'organise de façon permanente, parce que c'est ça, notre
objectif, d'avoir des mesures temporaires qui nous permettent de nous organiser…
Quel est cet équilibre-là entre les droits et libertés et des pratiques sur le
terrain, comme les P.D.G. nous ont expliqué clairement aujourd'hui?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien, c'est-à-dire que
la flexibilité dont on bénéficie à travers des instruments comme la Loi sur la
santé publique ou l'état d'urgence sanitaire, là, ça se justifie sur le temps
court d'une crise. Et donc des décrets comme ceux qui affectent les conditions
de travail, parce que c'est beaucoup de ça dont il est question, évidemment,
dans les présentations auxquelles vous référez, et le besoin que, du côté
employeur, on soit capables, entre guillemets, de se revirer sur un 10 cents
pour être capable de s'assurer de protéger le plus grand nombre, c'est sûr que
c'est une considération qui est importante puis c'est un objectif, là, je
reviens… le critère de l'arrêt Oakes, là, qui passerait le test initial. Est-ce
que c'est un objectif suffisamment important pour...
• (16 h 10) •
M. Dubé : Juste pour que tout
le monde comprenne, quand vous faites référence à l'arrêt Oakes, là, juste
peut-être en dire quelques mots là-dessus.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Oui, effectivement. Je prends
toujours pour acquis que tout le monde sait c'est quoi, l'arrêt Oakes, voilà.
Tout raisonnement, en droits et libertés de la personne, ça fonctionne selon un
raisonnement en deux temps. Un, il faut faire la preuve d'une atteinte au droit
fondamental, et, ensuite, l'État peut essayer de justifier l'atteinte. Et, pour
justifier l'atteinte, il faut passer à travers une grille d'analyse en quatre
étapes, qui est celle qui a été établie en 1986 dans l'arrêt Oakes.
La première étape, c'est l'objectif
suffisamment important, hein? On ne peut pas justifier, en quelque circonstance
que ce soit, une atteinte aux droits fondamentaux sans qu'on poursuive un
objectif considéré comme étant suffisamment important. Alors, en contexte de
pandémie, parce que la pandémie n'est pas terminée, malheureusement, qu'on
poursuive un objectif de flexibilité, ça, ça passe l'étape un.
Là où ça devient plus difficile, parce
qu'on avance dans la pandémie, et qu'il s'agit, bien sûr, d'une atteinte à ce
qui constitue le cœur de la liberté d'association, hein, depuis 2015, là, ça a
été très, très clairement cristallisé par la Cour suprême du Canada,
c'est-à-dire le fait qu'il y ait une négociation collective des conditions de
travail lorsqu'il y a justement… le syndicat a appliqué… unité d'accréditation,
etc.
Alors, c'est certain que de justifier le
maintien de pouvoirs exceptionnels qui permettent de contourner les conventions
collectives sur le temps long d'une crise, bien, ça peut se justifier sur
certaines particularités des pouvoirs qui se retrouvent dans le décret 2022-030.
Et, encore une fois, je n'ai pas fait une analyse détaillée, là, de ces
pouvoirs-là, mais, d'y aller globalement, uniquement en disant que, parce que
la pandémie n'est pas terminée, il faut qu'on continue à avoir ces pouvoirs
exceptionnels là en main au cas où il y ait une résurgence ou que sais-je
encore, ça, c'est certain que c'est plus difficile à justifier plus la crise
avance parce que...
M. Dubé : Ça, c'est dans le
deuxième point. Puis je veux juste vous mentionner… parce qu'effectivement… et
c'est pour ça qu'il était important, suite à vos demandes puis à vos collègues…
de préciser qu'est-ce qui restait dans les arrêtés et qu'est-ce qui partait, parce
qu'on a enlevé 007 qui était… je n'ai pas besoin de vous l'expliquer, vous le
savez, c'est quoi, là, qui... mais, en même temps, on a gardé les primes.
Alors, dans l'article, dans le deuxième critère, il y aurait ce choix-là ou
cette discussion-là, à savoir qu'est-ce qui est resté et qu'est-ce qui n'est
pas resté. Est-ce qu'on parle de la bonne chose, là?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Complètement, exactement…
M. Dubé : O.K., parfait.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :…qu'est-ce qui se
justifie, qu'est-ce qui ne se justifie pas. Puis un critère qui est vraiment
important, là, puis je fais référence à ça, à quelque chose qui a été discuté,
parce qu'il y a un parallèle à faire avec la loi fédérale sur les mesures
d'urgence et le débat qui a eu cours avec le convoi des camionneurs…
M. Dubé : Oui, avec qu'est-ce
qui est arrivé à Ottawa, là.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Exactement. Et donc il
y a eu un débat qui a eu cours à la Chambre des communes, mais ça, ce n'est pas
Justin Trudeau et son gouvernement qui ont décidé, de bonne grâce, de tenir ce
débat-là. Ils ont tenu le débat parce qu'ils étaient forcés de le tenir par la
loi, et ça, c'est un bel exemple, en fait, là, des balises qui permettent
d'encadrer un pouvoir exceptionnel.
M. Dubé : Êtes-vous toujours
dans votre deuxième critère ou vous êtes...
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien, c'était une
introduction. Je me suis permis un commentaire, mais je m'en allais sur le
deuxième critère. Et donc…
M. Dubé : Je veux juste vous
suivre, O.K., parce qu'il me reste… Moi, il me reste sept minutes, puis je
trouve ça excessivement important pour la suite des choses, ça fait que je vous
laisse débouler, là.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Oui, très bien. Et
donc, ensuite, de dire qu'on garde ces pouvoirs-là, encore une fois, de
flexibilité, dans un contexte où la crise perdure, ça passe le test un, mais la
flexibilité, ce n'est pas nécessaire, ce n'est pas une adéquation, en fait, qui
va faire en sorte que l'Assemblée nationale, si jamais le projet de loi n° 28
devient une loi, que cette loi-là est contestée… que les chances de succès
allaient… si c'était éventuellement contesté en vertu des droits et libertés de
la personne, là, seraient très élevées. C'est pour ça qu'il faut vraiment être
certain que c'est en vertu du «ici et maintenant» et non pas du «peut-être
demain» que les pouvoirs se justifient, en fait.
M. Dubé : Voilà, mais on
pourra en reparler parce qu'on manque de temps, mais, quand on a… Quand on parlait
que l'arrêté, par exemple, sur les primes finissait le… on l'avait mentionné,
finissait le 16 avril, puis, lorsque la seizième... la sixième vague, pardon — j'ai
dit la seizième vague, la sixième vague — a été confirmée, pour nous,
c'était évident qu'il fallait rajouter d'un mois… Alors, c'est le genre de
discussion sur le court terme dont vous parlez, je crois.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Exactement.
M. Dubé : Puis les trois et
quatre, c'est <quoi…
M. Dubé :
...les
trois et quatre, c'est >quoi? Je veux juste vous entendre. Vous avez dit :
Il y a quatre choses à prendre en considération.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Oui, on est dans l'arrêt
Oakes, en fait, là.
M. Dubé : Oui, toujours,
parce que c'est important de
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Alors, ensuite, c'est
la proportionnalité. C'est pour ça que ça devient toujours plus difficile pour
l'État à cette étape-là. La première étape, elle passe souvent assez facilement
la rampe.
M. Dubé : Oui, très
bien.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Ensuite, la question, c'est :
Est-ce que les moyens choisis par le gouvernement, par l'État sont
proportionnels par rapport à l'objectif poursuivi?
M. Dubé : À la sévérité,
oui, O.K.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Et là il y a le critère
du lien rationnel, de l'atteinte minimale. Est-ce qu'on a conçu le moyen de
manière à porter atteinte le moins possible aux droits fondamentaux en cause?
Et, à la fin, c'est la balance des effets, en fait. Est-ce que les avantages
produits par la mesure l'emportent sur la gravité de l'atteinte aux droits fondamentaux?
M. Dubé : Très bien, oui,
ça, on en a parlé souvent, de ça.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Tout à fait.
M. Dubé : O.K., c'est
très clair. Maintenant, je reviens à la question que je vous ai posée tout à l'heure.
On a peut-être divergé un peu avec l'arrêt Oakes, mais revenons sur ce que vous
avez entendu des P.D.G. ce matin, là. Ils vous on dit : Écoutez, on a
besoin de… on a besoin de Je contribue, on a besoin de ça pour la vaccination,
tout ce que vous avez entendu. Dans les cinq thèmes, là, qui sont maintenant
précisés par l'amendement qui sera discuté avec les députés, qu'est-ce... est-ce
qu'il y en a qui vous titillent plus que d'autres ou que vous dites : Ça,
pour nous… Vous n'avez pas besoin de ça. J'aimerais ça vous entendre sur ces
cinq-là parce que c'est ce qui reste, là, ces cinq arrêtés-là.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Oui, bien, écoutez, moi
sur les cinq thèmes, puis c'est pour ça que dans... Et d'ailleurs vous allez
avoir un mémoire écrit. C'est simplement que j'ai essayé désespérément d'arriver
avant l'audition et je n'ai pas été en mesure. Alors, je vais...
M. Dubé : Je suis
certain que ça va être clair.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Et j'espère que ça va l'être,
à tout le moins.
M. Dubé : Ça va être
très clair.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Mais là ce ne l'était
pas avant que j'arrive, et donc je ne vous l'ai pas envoyé. Mais donc, moi, ce
qui me titille, pour reprendre votre expression, il y a deux choses, c'est dans
le détail de 2022-030, c'est-à-dire que, globalement, qu'on ait besoin de
certaines mesures, considérant là où on en est dans la sixième vague et qu'on
ait besoin, ici et maintenant, de maintenir une certaine forme de flexibilité
hors convention collective, peut-être que, dans certains cas, ça se justifie,
mais, mur à mur, je ne suis pas certain que ça justifie, surtout en considérant
l'importance du droit fondamental dont il est question. Alors, ça, c'est ce qui
me titille, de un.
M. Dubé : Très bien.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :De deux, moi, c'est l'article 4,
je voudrais peut-être y revenir en disant : Quel est l'objectif de l'article 4?
Parce qu'il y a une capacité importante, là, qui est laissée au gouvernement de
demander des informations qui relèvent de la vie privée, par ailleurs, mais il
n'y a pas de mise en contexte ou… En fait, quand je l'ai lu initialement, puis,
là-dessus, je pense que je partage le point de vue de mon collègue Taillon, on
croyait que c'était pour vous aider dans la reddition de comptes, mais, comme il
n'y a rien d'autre sur la reddition de comptes, je cherche.
M. Dubé : Je peux m'essayer,
M. le Président, parce qu'on a... Il me reste quoi?
Le Président (M. Provençal)
:2 min 30 s.
M. Dubé : Deux minutes,
mais c'est une très bonne question. L'objectif derrière 4 était très clair, c'était
au niveau de l'information qu'on a pour la vaccination, parce que ce qu'on
veut, c'est continuer de… bien, la vaccination et du dépistage, mais,
particulièrement pour la vaccination, vous savez que c'est une donnée
personnelle, hein, c'est un individu, et de la façon dont on a construit nos
systèmes, qui étaient inexistants, on s'est dit : On va aller chercher une
information personnelle, mais on va avoir une information globale. Moi, là,
comme ministre ou nos gestionnaires au ministère, ce n'est pas de savoir qui l'a
eu ou pas, c'est de savoir est-ce qu'on a des tendances, alors c'est dans ce
contexte-là. Alors, est-ce que ça serait peut-être… besoin de le préciser si ça
dérange tant que ça? Ce sera peut-être quelque chose à discuter, mais je
voulais juste expliquer que c'était pour avoir une information qui nous permet
de voir les grandes tendances dans la vaccination, dans le séquençage, toute
une foule de raisons, mais jamais dans l'objectif d'avoir l'information sur un
individu. C'est comme ça que je le résumerais.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Et est-ce qu'il y a
possibilité, dans ce cas-là, de...
(Interruption)
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Excusez-moi. Est-ce qu'il
y a... On dirait Netflix qui vient de commencer.
M. Dubé : La meilleure
façon, c'est de l'enlever.
M. Lampron (Louis-Philippe) :Oui, oui, exactement. Est-ce qu'il y a possibilité, dans ce
cas-là, d'aller chercher les mêmes informations, mais de manière purement
anonymisée à partir du moment où c'est…
M. Dubé : Bien, c'est ce
qui est fait comme étape intérimaire, c'est amassé sur une base personnelle, parce
que quelqu'un qui se fait vacciner, on a son information, mais il faut s'assurer
que l'information qui va, par exemple, au ministère ou au gestionnaire, elle
est sur une base dénominalisée. Alors, voilà.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :O.K., très bien. Alors,
c'est l'objectif.
M. Dubé : Mais c'est un
bon point, puis je suis content que vous le souleviez, parce que, si jamais on
a cette discussion-là avec les collègues de l'opposition, alors… Et je veux
vous rassurer dans votre demande, puis je finis là-dessus, M. le Président, qu'on
va respecter notre engagement de déposer le document, là, avec les... plus d'information
sur les contrats. J'en ai parlé dans la présentation tout à l'heure, de donner
un peu plus d'information qu'il y a dans le SEAO pour que les gens puissent s'y
reconnaître, puis c'est un engagement que j'ai pris. Vous l'avez… Vous en aviez
parlé. Alors, je veux juste dire que c'est un engagement qu'on prend.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le ministre.
M. Dubé : Merci pour
votre présentation, maître.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Nous poursuivons avec le député de
Nelligan pour les 10 min 10 s qui suivent.
M. Derraji : Merci, M.
le Président. On a un excellent <mémoire...
M. Derraji :
...excellent
>mémoire, merci… bien, excellente présentation. Je ne sais pas si je
dois revenir à des propos tenus où je n'étais pas là, M. le Président, mais,
pas de problème, si on veut rectifier le tir, on va le rectifier d'une autre
manière, mais je trouve ça désolant qu'on a répondu sur quelque chose que j'ai
dit. Je n'étais pas là. Donc, merci, M. le Président. Merci de votre
intervention tout à l'heure. Première question : Est-ce qu'on a besoin
d'une loi pour mettre fin à l'état d'urgence sanitaire?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Non.
M. Derraji : Je vais
répéter ma question. Est-ce qu'on a besoin d'un projet de loi ou d'une loi pour
mettre fin à l'état d'urgence sanitaire que le gouvernement a mis en place
depuis mars 2020?
• (16 h 20) •
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Non.
M. Derraji : Donc, pour
vous, le fait d'avoir cette commission parlementaire, comment vous qualifiez...
Et je ne veux pas vous faire dire des choses. Comment vous qualifiez cette
commission parlementaire et le fait qu'on s'assoit ici pour étudier ce projet
de loi?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien, ça revient un peu
au commentaire que je faisais initialement, c'est-à-dire, à partir du moment où
l'essentiel du projet de loi n° 28 ne vise pas à mettre fin à l'état
d'urgence sanitaire, mais vise à mettre en place des pouvoirs qui vont demeurer
en vigueur, le temps de la transition…
M. Derraji : O.K., excellent,
le mot clé, c'est «pouvoir». Donc, est-ce que c'est un gouvernement qui est
assoiffé du pouvoir?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien, je ne sais pas
s'il est assoiffé de pouvoir, mais, assurément, il y a, dans le projet de loi
n° 28, le désir, et c'est même le seul objectif du projet de loi n° 28, de
maintenir des pouvoirs.
M. Derraji : Oui, mais,
de l'autre côté, on vous a dit qu'ils ont besoin de ces pouvoirs pour continuer
à gérer la pandémie qu'on qualifie… que chacun qualifie à sa manière. Le virus
circule encore. Parfois, on a tendance à dire que ça ressemble à un rhume.
Parfois, on a tendance à dire que ça ressemble à autre chose. Un projet de loi
sans reddition de comptes, sans rapport d'événement, une loi transitoire sans
reddition de comptes, est-ce que c'est ça, un État de droit?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien, la seule
reddition de comptes... Et là je vais profiter de votre question pour revenir
sur ce que le ministre a dit en clôture, bien, c'est certain que le rapport
d'événement... Et c'est pour ça que moi, je... C'est sans doute plus clair que
dans les 20 secondes qui me restaient pour en parler dans ma présentation
ou dans mon mémoire, je l'espère, mais le rapport d'événement,
l'article 129, là, on doit le contextualiser. Moi, je suis heureux
d'entendre le ministre dire : On va mettre plus que ce qui est exigé de
129, mais, à partir du moment où on débat en ce moment d'un projet de loi qui
porte spécifiquement non pas sur la fin de l'état d'urgence sanitaire, parce
que, vous le soulignez, on n'a pas besoin d'une loi pour ça, mais sur la COVID-19.
Comment on va faire pour, à tout le moins, jusqu'au 31 décembre 2022,
gérer le virus qui est toujours avec nous? Et donc la reddition de comptes...
M. Derraji : Oui, oui, mais,
selon cette logique, le virus va disparaître après le 31 décembre. C'est
ça, la loi. Le pouvoir, c'est ça. Encore une fois, vous êtes un homme de droit,
le pouvoir demandé par le gouvernement, c'est jusqu'au 31 décembre. Ce
gouvernement a oublié que, le 31 décembre dernier, ils ont envoyé une Alerte
AMBER à tous les Québécois pour leur rappeler le couvre-feu. Donc, comme par
hasard, le pouvoir, ils n'ont plus besoin de ce pouvoir jusqu'au
31 décembre parce que, le lendemain, le 1er janvier 2023, il n'y aura
plus de pandémie, il n'y aura plus de virus. Donc, comment concilier cette
notion de pouvoir absolu et l'État de droit du moment que vous êtes quelqu'un
qui veille sur l'État de droit?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Oui, bien, il y a la
possibilité de contester les pouvoirs qui sont... qui demeurent en vigueur, si
tant est que le projet de loi n° 28 devient une loi, en vertu des droits et
libertés de la personne. Il faut garder en tête que la marge de manoeuvre dont
bénéficiait le gouvernement, comme je le disais, a été amoindrie au fur et à
mesure qu'on a avancé dans la crise, d'une part. Mais, pour terminer mon idée
sur la reddition de comptes, je pense que ce qui est important, c'est qu'on
corrige la lacune dans le projet de loi n° 28, en fait, de 129, qu'on ne fasse
pas simplement se contenter collectivement d'un engagement et qu'on s'assure,
considérant l'impact très grand pour le futur, en fait, et pour qu'on soit
capables, collectivement, d'apprendre de nos erreurs, quand erreurs il y a sans
doute eues… bien, qu'on libelle, en fait, la nature de la reddition de comptes
qui va devoir avoir cours après, quand on sera sortis de la COVID-19.
M. Derraji : Mais vous
avez raison, Pr Lampron, et c'est très clair, vos propos. Le problème, c'est
que je n'ai pas de rapport d'événement avec la voie utilisée depuis 2020.
Aujourd'hui, le gouvernement, le Conseil des ministres... Le ministre vient
d'arriver d'un conseil des ministres. Aujourd'hui, il y a un renouvellement de
décret encore une fois pour prolonger l'état d'urgence sanitaire, et on est
rendus au 107e. Il n'y a pas de dépôt de rapport d'événement, c'est stipulé
pourtant dans la Loi sur la santé publique. Au lieu de changer la Loi sur la
santé publique.... Il y a des élections au mois d'octobre. Qu'est-ce qu'on
demande? Ils ont interprété... Et, corrigez-moi si je me trompe, ils ont
interprété les deux articles au renouvellement hebdomadaire versus le
renouvellement au mois pour qu'ils nous demandent aujourd'hui un chèque pour
continuer toutes les mesures avec les cinq arrêtés jusqu'au
31 décembre. Est-ce qu'on partage la même lecture?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien, écoutez, ma
critique, elle vient... Moi, je pense que je partage la ligne que vous défendez,
sur le fait qu'il est important d'avoir une reddition de comptes. Je pense que,
pour moi, l'article 129 est absolument insuffisant <pour...
M. Lampron
(Louis-Philippe) :
...insuffisant >pour
assurer le maintien de la confiance de la population envers nos institutions,
parce qu'on a besoin d'un véritable postmortem. Je pense qu'on a tous appris à
la dure et que, ce faisant, les rôles des uns et des autres dans une crise de
la nature de celle de la COVID-19, il y a eu quelques essais-erreurs. Et donc
c'est important qu'on soit capables de revenir pour déterminer quelles sont les
interactions qui, au sens de la légitimité politique, doivent être prévues et
encadrées par la loi entre le directeur de la santé publique, l'INSPQ, le
premier ministre, le ministre de la Santé, etc. Et, pour ça, un rapport
d'événement, en tout cas, tel que libellé à 129, c'est absolument insuffisant,
ça, c'est très clair.
M. Derraji : Mais vous avez
raison, parce que, de plus en plus qu'on avance et on voit les scandales, y
compris le scandale de Herron. On a vu aussi les contrats. On a vu les
sondages, les sondages que le gouvernement faisait, même pour tester la popularité
du premier ministre et du ministre de la Santé. Vous avez vu les contrats de gré
à gré, hein, il y en a pas mal, notamment un cofondateur de la CAQ qui a eu un
contrat. Est-ce que c'est ça, pour vous, la définition d'un État de droit?
Est-ce que c'est comme ça qu'on se gouverne dans un État démocratique, sans les
balises? Parce que, vous l'avez vu, nous… Moi, en tant que député de
l'opposition, est-ce que j'ai joué mon rôle en tant que député de l'opposition?
Parce que le gouvernement a choisi d'une manière délibérée un renouvellement
hebdomadaire de l'état d'urgence par décret et non pas venir à l'Assemblée
nationale, parce qu'on peut interpréter l'article comme on le veut, mais
j'aimerais bien savoir l'interprétation d'un expert en droit. Quand un
gouvernement utilise le même projet de loi, la même loi, le même article, et il
choisit de renouveler, versus l'hebdomadaire, versus le mensuel, ça vous donne
quoi comme lecture sur ce gouvernement?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien, écoutez, je ne
veux pas faire de procès d'intention encore une fois, mais, je veux dire, la
question initiale que vous avez posée, c'est : Est-ce que c'est ça, un
État de droit? Il faut garder en tête que, dans un État de droit, il y a
toujours des pouvoirs qui permettent la sortie de l'équilibre des pouvoirs un
temps court, en fait. Le problème, et ça a été révélé, à mon sens, très
clairement dès la première année de la crise de la COVID-19, hein, parce qu'il
y a eu des accalmies à un certain moment... Alors, la gouvernance par décret
était-elle nécessaire, au sens politique du terme, pendant deux ans sans
discontinuité? Pour moi, c'est largement questionnable, mais ce qui est surtout
largement questionnable, c'est que l'Assemblée nationale a été mise hors jeu
dans les renouvellements, en fait, de l'état d'urgence sanitaire, et ça, c'est,
pour moi, une lacune claire qui a été révélée de la lettre de l'article 129.
M. Derraji : Oui, c'est
excellent parce que... Mais là je vous le dis parce que votre passage en commission
est extrêmement pertinent. Premièrement, on n'a pas besoin de ce projet de loi
pour lever l'état d'urgence. Ce qu'on essaie de dire, c'est que c'est un projet
de loi pour retirer l'état d'urgence. Deux, ce que j'aime dans vos propos,
c'est la notion de reddition de comptes, mais c'est ça, le rôle d'un député de
l'opposition. Le rôle, c'est contrôler les actions du gouvernement. Ce
gouvernement gère avec un pouvoir absolu.
Je ne sais pas si vous avez entendu, la
semaine dernière, les membres de la FIQ et l'APTS, et je sais que la partie
gouvernementale n'aime pas ça. Ils ont même fait un montage avec leurs propos,
mais pas de problème. Ces deux personnes, ces deux regroupements qui
représentent des professionnels de la santé disaient, et j'aimerais bien vous
entendre : Elles sont où, les conventions collectives? On a un ministre de
la Santé qui gouverne dans un système avec des arrêtés, avec des décrets, et
les conventions collectives ne sont presque plus sur la table. Et il y a un
membre qui était dans votre place, qui disait : Bien, je me sens que j'ai
les deux mains du gouvernement sur mon cou.
Vous interprétez comment ce mode de
gouvernance avec des arrêtés et décrets versus le mode de gouvernance normal où
on navigue avec des conventions collectives?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien, écoutez, je veux
dire, on est hors du droit commun à quelque part, c'est-à-dire une situation
qui doit se justifier de manière absolument exceptionnelle, et c'est pour ça
que moi, j'aime parler de l'état d'urgence sanitaire comme étant un bazooka en
matière démocratique. Alors, c'est un outil. On peut y avoir accès, mais on ne
doit y avoir accès qu'avec beaucoup, beaucoup de prudence et de parcimonie, et
c'est pour ça que ça prend des balises très, très claires qui assurent une
reddition de comptes et qui assurent surtout que le lieu des débats à
l'Assemblée nationale, c'est fondamental.
M. Derraji : Merci de
rappeler que le lieu des débats, c'est l'Assemblée nationale. C'est ça, notre
devoir. Vous avez dit «bazooka». Comment vous interprétez le fait qu'on est
arrivés au 107e décret?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Écoutez...
M. Derraji : Mais ça se voit,
ça se voit, votre expression est très claire. Est-ce qu'il y a un autre État
fédéré au monde qui vit la même situation au Québec, avec un gouvernement qui
gouverne par décret et sondages depuis le début de la pandémie?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien, écoutez, je n'ai
pas fait l'analyse comme telle, mais je pense ne pas me tromper en disant qu'au
Canada, à tout le moins, nous sommes la seule province à avoir imposé un état
d'urgence sans discontinuer depuis le début de...
M. Derraji : Merci, merci. Le
gouvernement caquiste confirme l'exception québécoise même en gestion de la
pandémie.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Je vous laisse le mot
de la fin.
M. Derraji : O.K., merci.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, M. le député. Nous allons
poursuivre maintenant avec la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Merci, M. le <Président…
Mme Labrie :
…merci,
M. le >Président. Merci, M. Lampron, c'est un plaisir. Vous avez
tenu des propos inquiétants tout à l'heure. Vous avez dit que le rapport
d'événement, si on s'en tient à ce qui est prévu, ça pourrait être simplement
un collage des différents décrets, rien de plus que ça. C'est préoccupant. Vous
nous avez invités à utiliser le projet de loi pour exiger une meilleure
reddition de comptes. J'aimerais vous entendre. Donc, vous nous confirmez que
c'est possible d'utiliser ce projet de loi là d'abord pour exiger une meilleure
reddition de comptes?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien sûr, bien sûr.
Mme Labrie : D'après
vous, qu'est-ce qu'on devrait inclure comme exigences en matière de reddition
de comptes dans le projet de loi?
• (16 h 30) •
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Je vais revenir à
l'article 129, en fait, puis, si le passé est garant de l'avenir, encore
une fois, il y a eu un débat, dès le début de la pandémie, entre la lettre et
l'esprit de l'article 119. Et donc l'esprit, à cause du temps court et du
temps long, laissait entendre qu'après 30 jours, bien, en principe, ce
n'était pas un vrai choix qui était laissé dans les mains du gouvernement,
alors que la lettre le permettait, et c'est l'interprétation qui a été celle du
gouvernement qui a été validée par la Cour d'appel.
Bon, alors, si le passé est garant de
l'avenir, quand on lit le deuxième alinéa de l'article 129, il prévoit que
le «rapport d'événement doit préciser la nature et, si elle est déterminée, la
cause de la menace à la santé de la population — ça, je pense que ça
va, on la connaît tous — qui a donné lieu à la déclaration d'état
d'urgence sanitaire, la durée d'application de la déclaration — ça
aussi, c'est assez peu contraignant — ainsi que les mesures
d'intervention mises en œuvre et les pouvoirs exercés en vertu de
l'article 33». C'est très minimaliste, en fait.
Donc, essentiellement, on respecte, pour
moi, la lettre. Si jamais j'étais un juriste coquin et que je ne voulais pas de
vraie reddition de comptes, je pourrais très bien me coller à la lettre et dire :
Écoutez, voici les pouvoirs qui ont été exercés, voici les décrets qu'on a
adoptés, on fait un beau document avec ça, on rend ça public, et c'est un
rapport d'événement. Or, on a besoin de beaucoup plus que ça, surtout dans un
contexte où un régime juridique exceptionnel comme l'état d'urgence sanitaire a
été maintenu pendant plus de deux ans et qu'il continue à être maintenu.
Alors, il me semble que de... Et je pense
que, pour ça, il faut s'élever au-dessus des considérations purement partisanes
et aller voir plus loin, en fait, parce qu'une crise de cette nature-là, on va
peut-être en frapper d'autres au Québec, et pas uniquement au niveau
épidémiologique, hein? Je veux dire, il y a peut-être d'autres situations comme
celle-là. Et je pense qu'il est fondamental qu'on soit capables de se regarder
collectivement et de faire un véritable postmortem de comment on a géré la
pandémie pas pour être capables de taper sur les doigts de celles et ceux qui
étaient aux commandes de l'État au moment où la bombe a éclaté, mais pour qu'on
soit capables d'améliorer les procédés. Et, pour moi, c'est valable pas
uniquement pour la Loi sur la santé publique, mais pour tous les mécanismes,
puisqu'il y en a d'autres, qui permettent à un exécutif gouvernemental de
basculer dans ce régime exceptionnel qu'est un état d'urgence, qui peut se
justifier dès qu'il y a une crise qui frappe, et il faut protéger le plus grand
nombre.
Mme Labrie : Vous
semblez adhérer à notre demande de commission d'enquête sur l'ensemble de la gestion
de la pandémie. Donc, si je vous entends bien, on doit exiger, dans ce projet
de loi là, des amendements avec une liste de la reddition de comptes qu'on
souhaite voir, là.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien sûr, oui, absolument,
parce que 129 est largement insuffisant, là. Je veux dire, on pourrait très
bien respecter... En fait, je pourrais moi-même le respecter, le rapport
d'événement, en faisant le collage des décrets, je pense.
Mme Labrie : C'est bien
entendu. Parfait.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Mme la députée. M. le
député des Îles-de-la-Madeleine, on poursuit.
M. Arseneau : Merci
beaucoup. On va poursuivre, effectivement. Merci, Pr Lampron, de partager votre
expertise avec nous et votre appréciation de la façon dont on a géré la
pandémie. Est-ce que je comprends bien, je ne veux pas interpréter vos propos,
que, selon votre conception des choses, on aurait pu utiliser l'état d'urgence
de façon beaucoup plus parcimonieuse ou avec… dans le temps court, à certains
moments, première vague, exemple, deuxième vague, troisième vague, mais, entre
ces périodes-là, lever tout simplement l'état d'urgence? Est-ce que… ce à quoi
on aurait pu s'attendre si on avait interprété la loi d'une autre façon?
M. Lampron (Louis-Philippe) :Mais, bien sûr, puis il y a eu des tentatives dans le
passé. On pense au projet de loi n° 61. Bon, évidemment, ça n'allait pas
dans le sens de mesures transitoires et de lever l'état d'urgence, c'était… Au
contraire, ce qui était proposé, c'était de le maintenir indéfiniment. Mais il
y avait des moments d'accalmie dans la pandémie où on aurait pu effectivement
revenir à un mode de gouvernance plus normal, parce que c'est exceptionnel, le
fait que l'exécutif soit en mesure d'imposer des normes d'application générale.
C'est le rôle de l'Assemblée nationale.
M. Arseneau : Et ce qui
rendrait les choses plus complexes aujourd'hui. Après deux ans, le rapport
d'événement est beaucoup plus touffu qu'il aurait été au bout de la première vague,
par exemple, c'est ce qu'on comprend.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien sûr, absolument.
M. Arseneau : Si on voulait
amender l'article 119 de la loi uniquement, là, comment le faire, ce
serait avec l'assentiment de l'Assemblée nationale dès qu'on dépasse
10 jours, essentiellement, c'est ça?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Oui, bien, on peut
s'inspirer de ce qui se passe avec la loi fédérale sur les mesures d'urgence,
qui permet à l'exécutif de basculer en état d'urgence pour sept jours exécutoires,
mais qu'ensuite il faut que ce soit avalisé suite à un débat à la Chambre des
communes.
M. Arseneau : Et que ce
soit incontournable qu'il y ait débat.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Et que ce débat-là soit
incontournable. Ça, il ne faut pas qu'on permette d'échappatoire, en fait,
parce que c'est trop sensible dans une situation comme celle-là.
M. Arseneau : Absolument.
Le rapport d'événement, je vais y revenir brièvement, vous le voyez non
seulement sur la question des mesures sanitaires, populationnelles, bien
entendu, mais aussi sur toute la question des décrets de gré à gré, mais aussi,
par exemple, aux relations de travail. Est-ce qu'il y a d'autres éléments que
vous voyez sur lesquels...
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien sûr. Bien, moi, il
me semble qu'une crise de cette ampleur-là, qu'on a eu des informations, mais
elles…
16 h 30 (version révisée)
M. Lampron
(Louis-Philippe) :...une crise de cette
ampleur-là, c'est parce qu'on a eu des informations, mais elles étaient
filtrées, en fait, et donc je pense que ce qui est fondamental, c'est qu'on
soit capable d'aller au fond des choses et qu'on soit capable de déterminer
quels sont les standards qui assurent l'indépendance, par exemple, du directeur
ou de la directrice de la Santé publique, de l'INSPQ et dans quelle mesure
est-ce que les décisions qui peuvent être prises par le truchement de ces pouvoirs
exceptionnels là le sont en s'appuyant sur la politique ou, au contraire, en s'appuyant
sur la science, ce que ça prend pour être capable de protéger le plus grand
nombre. Et là, évidemment, je ne veux pas citer, mais je vais le faire quand
même, l'oncle de Spider-Man, mais a grand pouvoir, grandes responsabilités.
Donc, dans une situation comme celle-là où on utilise des pouvoirs
exceptionnels... Et on a le droit, c'est bien que les gouvernements aient accès
à des mesures comme celles-là pour être capable, quand une crise frappe, de
protéger le plus grand nombre. Mais, s'ils le font pour assurer l'adhésion de
la population envers les institutions publiques, c'est fondamental, dans ce cas-là,
de faire preuve d'encore plus de transparence qu'en temps normal parce que ce
sont des pouvoirs exceptionnels.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Nous allons conclure
cette période d'échanges avec la députée d'Iberville.
Mme Samson : Merci, M. le
Président. Me Lampron, je vais revenir à l'article 4 qui vous accroche un
peu. Je ne l'aime pas moi non plus. Mais le ministre nous dit que, dans la
réalité, dans les opérations, les données sont anonymes. Mais, si l'article 4
n'est pas amendé, les données pourraient un jour ne pas être anonymes. Est-ce
que je suis correcte? Il n'y a rien dans l'article 4 qui oblige les
données à être anonymes?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien, je pense que l'article 4
doit s'interpréter en conformité avec le reste de la législation, et donc,
grosso modo, ce que ça permet, ça autorise, en fait, la collecte d'informations,
même personnelles, mais il y a d'autres dispositions qui protègent ces
informations-là une fois qu'elles sont dans les mains du gouvernement, donc...
Mme Samson : Bien, elles sont
où, ces autres dispositions-là?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Là, vous me posez une
colle.
Mme Samson : O.K. J'aime bien
ça faire ça.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Oui. Il y a plusieurs
mécanismes qui protègent, là, les données personnelles.
Mme Samson : O.K. Ça m'inquiétait.
Et j'ai un dernier petit bout et c'est sur l'article 119 ou 129, je pense,
c'est 119, où vous dites que, bon, il faut pouvoir justifier la transition ou
la conservation de mesures x, y, z. Et moi, je soumettrai au ministre qu'il
devrait adopter et inclure les deux petits articles de mon projet de loi n° 898 qui boucheraient ce trou-là...
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Je ne l'ai pas lu.
Mme Samson : ...et permettraient,
à l'Assemblée nationale, de jouer son rôle dans l'éventualité où le
gouvernement souhaite renouveler l'urgence sanitaire et que ce ne soit pas ad
vitam aeternam. Maintenant, on sait qu'ils savent compter jusqu'à 107, mais on
n'est pas obligés de se rendre jusqu'à 226. Merci, M. le Président. C'est tout
pour moi.
Le Président (M. Provençal)
:Ça va? Alors, Me Lampron, on tient à
vous remercier pour votre contribution et votre participation à nos travaux.
Sur ce, je vais suspendre pour laisser place à la prochaine intervenante. Merci
beaucoup.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Merci, tout le monde.
(Suspension de la séance à 16 h 37)
(Reprise à 16 h 41)
Le Président (M. Provençal)
:Nous reprenons nos travaux. Avant de
passer à la présentation de notre invité, ça me prend le consentement pour
permettre au député de Rosemont de reprendre position à notre table comme
membre de la commission. Consentement. Et je tiens à remercier la députée de
Sherbrooke pour sa présence et la contribution aux échanges que nous avons eus
précédemment.
Maintenant, je souhaite la bienvenue à me
Martine Valois, professeure de droit de l'Université de Montréal. Alors, Mme Valois,
vous disposez de 10 minutes pour votre exposé et, par la suite, nous
procéderons aux échanges. Alors, je vous cède la parole, madame.
Mme Valois (Martine) : Merci,
M. le Président. Alors, ça me fait plaisir d'être présente parmi vous et
d'avoir répondu positivement à la convocation qui m'a été envoyée. Donc, M. le
Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, merci pour cette
opportunité de présenter ces observations relativement au projet de loi n° 28. Alors donc, j'ai envoyé un peu tard un mémoire qui,
j'espère, a été distribué aux membres de la commission. Alors, je vais réitérer
ici quelques points importants de ce mémoire.
Donc, ma position, celle que j'exprime en
ce moment, est que le projet de loi n° 28, qui a
vocation de prolonger l'état d'urgence sanitaire au 31 décembre 2022 alors
que les conditions posées par l'article 118 de la Loi sur la santé
publique pour justifier la déclaration d'état d'urgence ne sont plus
satisfaites. Et la prolongation de l'état d'urgence, à mon avis, dans le projet
de loi n° 28, vise des fins autres que la protection
de la santé de la population. Cette prise de position s'appuie sur les trois
considérations principales suivantes.
D'abord, l'évolution de la pandémie et les
progrès de la vaccination ne justifient plus le maintien de l'état d'urgence
sanitaire et des pouvoirs exorbitants du droit commun autorisé par la Loi sur
la santé publique en cas de menace grave à la santé de la population. Ainsi,
les mesures prises en vertu de l'article 23 de la Loi sur la santé publique,
que le gouvernement souhaite prolonger, ne sont pas liées à des menaces à la
santé de la population, elles concernent principalement la gestion des
ressources humaines du réseau de la santé, tandis que les mesures de
prophylaxie, qui permettent de protéger la population contre la COVID-19
peuvent être continuées sous le chapitre IX de la Loi sur la santé
publique sous l'autorité d'un directeur de la santé publique.
Quant aux contrats qui ont été conclus
pendant les deux ans d'état d'urgence, la nécessité de leur renouvellement
jusqu'au 31 décembre 2022 ou pour cinq ans, sans égard aux dispositions de
la Loi sur les contrats des organismes publics, n'a pas été démontrée. Il est
urgent de mettre fin à la gouvernance par décrets et arrêtés ministériels
qu'autorisent les dispositions extraordinaires de la Loi sur la santé publique.
L'Assemblée nationale est la seule autorité ayant la légitimité démocratique
pour intervenir et modifier les normes juridiques applicables à l'ensemble de
la population. Le renversement de la hiérarchie de normes opérées par la
déclaration d'état d'urgence est contraire aux principes de la primauté du <droit
législatif...
Mme Valois (Martine) :
...opérées
par la déclaration d'état d'urgence est contraire aux principes de la primauté
du >droit législatif. Alors, depuis le 13 mars 2020, s'autorisant
de l'article 118 de la Loi sur la santé publique, le gouvernement du
Québec adoptait le décret 177-2020 déclarant l'état d'urgence sanitaire au
Québec. Cet état d'urgence a été renouvelé plus de 100 fois sans jamais
obtenir l'assentiment de l'Assemblée nationale et sans jamais avoir été débattu
devant elle. Cet article 118, qui autorise la déclaration d'état d'urgence,
impose des conditions bien définies pour justifier l'état d'urgence. Il doit
exister une menace grave à la santé de la population, réelle ou imminente, qui
nécessite l'application immédiate de mesures prévues à l'article 123 de la
loi pour protéger la santé de la population.
De manière évidente, la troisième
condition, soit la nécessité de l'application immédiate, n'est plus présente. À
ce jour 82 %, et je tire ces chiffres... et même je pense que c'est rendu
à 83 %, je tire ces chiffres de ce qui est publié par l'Institut national
de santé publique, a reçu au moins deux doses de vaccin contre la COVID-19 et
50 % a reçu trois doses. S'il y a une condition sanitaire qui est
préoccupante au Québec, la maladie de la COVID-19, il n'y a plus d'urgence
sanitaire. Depuis le 13 mars 2020, plus d'une centaine, voire même
150 décrets et arrêtés ministériels, ont été pris sous le coup de cet état
d'urgence, renouvelés sans interruption. Plusieurs de ces décrets et arrêtés
ministériels ont été pris en vertu du dernier alinéa de l'article 123,
celui qui, de manière générale, permet de prendre toute mesure pour protéger la
santé de la population, alors que beaucoup de ces arrêtés ministériels et
décrets ne concernaient pas des mesures visant la protection de la santé de la
population de manière directe. Dans le projet de loi n° 28,
la majorité des décrets que le gouvernement souhaite prolonger ne concerne
aucunement des mesures de prophylaxie visant à protéger la santé de la
population. Ces mesures peuvent être prises par les directeurs de santé
publique et par le ministre, en vertu des pouvoirs réguliers qui sont conférés
par la Loi sur la santé publique, et je parle ici du chapitre IX de la
loi.
En ce qui concerne les mesures
opérationnelles et de gestion du personnel, faute d'urgence celles-ci doivent
être restreintes au minimum et faire l'objet de dispositions législatives
précises qui seront débattues par les élus. Alors, ce que je veux dire ici, c'est
que, malgré qu'on a réduit le nombre de décrets qui pourraient continuer à s'appliquer
après la fin de l'état d'urgence, il reste que ça compose plusieurs pages, un
des décrets compte 75 pages, et l'Assemblée nationale doit pouvoir avoir,
de manière précise, les dispositions qui resteront en vigueur. Comme le Barreau
l'a souligné, il importe de faire une codification d'abord administrative des
mesures qu'on souhaite conserver et ces mesures-là ne doivent pas être
incorporées par renvoi dans le projet de loi, mais être précisées dans le
projet de loi.
En ce qui concerne les contrats publics
conclus à l'encontre des règles de la LCOP, qui est la Loi sur les contrats des
organismes publics, après plus de deux ans de l'état d'urgence, il est plus que
temps que leur renouvellement soit soumis au processus habituel d'octroi des
contrats publics. L'état d'urgence est un état d'exception qui transfère un...
qui opère un transfert de pouvoirs de l'organe législatif vers l'exécutif. Ce
transfert ne peut se justifier que lorsqu'une situation exceptionnelle existe,
qui exige l'application de mesures hors du commun, immédiates et sans
formalités. Pour déclarer l'état d'urgence, une loi de l'Assemblée nationale
devait l'autoriser à agir. C'est ce que fait l'article 118 de la Loi sur
la santé publique. Or, les conditions fixées par l'article 118, comme je l'ai
déjà dit, sont bien définies. Ce pouvoir permet à l'exécutif de prendre toute
mesure, même sans tenir compte, et j'insiste là-dessus, des lois existantes,
parce qu'on dit à l'article 123 : «malgré toute disposition contraire».
Il permet pour ainsi dire au gouvernement de ne pas se soumettre aux autres lois,
comme ça a été le cas pour la Loi sur les contrats des organismes publics. Ce
pouvoir ne doit donc pas être exercé à la légère.
Depuis le 13 mars 2020, un groupe
réduit de membres du conseil exécutif, on le sait que le quorum qui est fixé
par une directive non contraignante pour le conseil exécutif, en vertu de la
Loi sur l'exécutif, est de cinq membres ou le ministre, agissant seul, a pris
des mesures <exceptionnelles...
Mme Valois (Martine) :
...le
conseil exécutif, en vertu de la Loi sur l'exécutif, est de cinq membres ou le
ministre, agissant seul, a pris des mesures >exceptionnelles qui n'ont
jamais obtenu l'assentiment de l'Assemblée nationale ni même été débattues
devant cette Assemblée. Rien dans la situation sanitaire au Québec n'empêchait
l'Assemblée législative, élue par la population du Québec, d'exercer ses
pouvoirs.
Je suis allée sur le site des Publications
du Québec, et j'ai fait le décompte des lois qui ont été adoptées par l'Assemblée
nationale depuis le 13 mars 2020, et j'ai compté 168 lois. Donc, ce
chiffre démontre que cette Assemblée était tout à fait en mesure de délibérer,
d'évaluer et de voter à propos des mesures concernant la lutte contre la
propagation de la COVID-19, et qu'elle peut toujours le faire dans un contexte
sanitaire qui n'est plus urgent. Par conséquent, le projet de loi n° 28, dans sa forme actuelle, doit être complètement
modifié pour répondre aux exigences démocratiques qui veulent que le droit soit
établi par les représentants élus, et pas seulement par un petit groupe d'entre
eux. Je vous remercie.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, maître, pour votre
présentation. Nous allons procéder maintenant à la période d'échange. J'invite
donc le ministre à débuter.
• (16 h 50) •
M. Dubé : Très bien. Merci
beaucoup, M. le Président. Mme... Me Valois, pardon, encore une fois, j'apprécie
énormément votre présence aujourd'hui. Je salue toute l'expertise qui peut nous
être amenée au cours de ce débat-là, pour les membres du gouvernement et de l'opposition,
pour être certains que, s'il y a des modifications à faire au projet de loi, on
les fera. J'ai toujours dit qu'un projet de loi, c'était perfectible. On peut
être d'accord ou en désaccord avec certains de vos commentaires, mais c'est... justement,
on est dans un État de droit et de liberté de parole. Alors, pour moi, je le
répète, je suis... Vous ne m'entendez pas ou... Je ne sais pas...
Mme Valois (Martine) : Oui,
oui...
M. Dubé : O.K. Alors, merci
beaucoup pour votre présentation. Je pense qu'un des défis... Puis là je vous
demande... Vous avez vu quand même... Puis je voulais juste préciser un petit
point technique, là. Lorsqu'on est venu une première fois en commission
parlementaire, en consultations particulières, la semaine dernière,
effectivement, j'ai déposé des amendements pour donner des précisions sur les
arrêtés qui ont été consolidés par nos légistes. Donc, vous avez pu en prendre
connaissance, puis je voulais juste bien comprendre votre demande. Puis encore
une fois, même si on a un désaccord, bien, je veux juste bien comprendre. Vous,
vous dites que ça devrait être inclus, que non seulement on peut y faire
référence... Parce qu'en ce moment ils sont publiés dans la Gazette,
etc., parce qu'ils... depuis qu'on a fait cette condensation. Là, vous dites qu'on
devrait les inclure en détail dans le projet de loi? Est-ce que c'est ça que
vous avez dit?
Mme Valois (Martine) : Oui, c'est
ce que j'explique. Je pense qu'elles devraient être précisées dans le projet de
loi, et non pas être incorporées par renvoi. Et mon deuxième argument est qu'elles
devraient être réduites au minimum, puisque, évidemment, ces mesures ont été
prises sous l'autorité de l'article 123 de la Loi sur la santé publique,
qui permet d'adopter des décrets malgré toute disposition contraire.
M. Dubé : Bon, laissez-moi
juste vous donner deux considérations. Puis encore une fois, je ne suis pas là
pour vous faire changer d'idée, je veux juste bien comprendre votre point. Il y
a des éléments là-dedans... puis je pense que je l'ai mentionné à un ou une des
intervenantes, là, depuis une semaine. Dans les arrêtés, entre autres, sur les
ressources humaines, il y a près de 50 % des termes qui ont été élaborés
qui portent sur les primes. Puis, oui, on peut bien référer qu'il y en a pour
75 pages, mais quand on connaît la complexité de nos conventions
collectives, il faut référer à ce qu'on veut mettre de l'avant, parce qu'il
faut être très clair sur les mesures spécifiques. Il y a donc 50 % des 75 pages
qui sont liées aux primes, hein? Vous en avez pris connaissance, vous pouvez le
voir. Il y a 24 % de ces mesures-là qui sont liées à la main-d'oeuvre
indépendante. Donc, on a 80 %, ou à peu près 80 %, de l'arrêté qui
concerne soient les conventions collectives et qui concernent les engagements
qu'on a pris d'encadrer la main-d'oeuvre indépendante.
La raison pour laquelle je reviens avec
ça, dans votre contexte, votre point... juste qu'on se comprenne bien,
50 % des amendements qui sont là peuvent tomber demain matin, ils n'ont
pas besoin d'être reconduits jusqu'au 31 décembre. Parce que nous avons
dit clairement qu'on avait extensionné les primes pour... jusqu'au 14 mai,
si je me souviens bien de <la date...
M. Dubé :
...qu'on
avait extensionné les primes pour... jusqu'au 14 mai, si je me souviens
bien de >la date. Si on inclut toute cette documentation-là dans le
projet de loi, on n'a plus la flexibilité des arrêtés ou des règlements. Je
voudrais juste vous entendre là-dessus, parce que, là, on rendrait un projet de
loi qui se veut simple... versus d'être capable de mettre toute cette
documentation-là qui, dans un mois ou deux, ne serait pas nécessaire. Alors, je
veux vous entendre là-dessus.
Mme Valois (Martine) : Alors,
si le gouvernement entend mettre fin à ses primes le 14 mai, pourquoi ça
ne se retrouve pas dans le projet de loi n° 28,
actuellement? Parce que c'est là-dessus que les... Si vous prévoyez ne plus
avoir besoin de ces primes-là après le 14 mai, quitte à adopter une autre
déclaration d'urgence et à imposer ces... bien, en fait, à permettre d'octroyer
ces primes-là.
Mais je pose d'abord la question,
et ça, les tribunaux n'y ont pas répondu, je pose d'abord la question :
Est-ce que l'article 123, et surtout l'alinéa 8... parce que ce qui
est mentionné dans ces décrets vous autorise à utiliser ces mesures de gestion
du personnel et de gestion opérationnelle pendant deux ans, alors qu'on parle
de mesures qui sont nécessaires pour protéger la population. Donc, les pouvoirs...
M. Dubé : C'est... Oui, excusez-moi,
je vous laisse terminer. Je pensais que vous aviez terminé. Allez-y. Excusez-moi.
Mme Valois (Martine) : Alors,
ces pouvoirs d'urgence là, ils sont définis à l'article 123. Et un des
arguments que j'ai soulevés dans mon mémoire, c'est qu'on devait se référer aux
premiers alinéas, qui parlent vraiment de mesures d'urgence pour empêcher que
la menace à la santé de la population devienne toujours de plus en plus grave.
Donc, je pose déjà la question :
Est-ce qu'elles ont été légalement adoptées en vertu de l'article 123, et
lesquelles doivent absolument être prolongées? Et, si elles ne seront pas
prolongées après le 15 mai ou le 14 mai 2022, ça doit être dans le
projet de loi.
M. Dubé : Alors, je vais
faire le lien entre ma question puis votre réponse. Comme je vous dis, on n'est
pas obligé d'être d'accord, mais, au moins, je comprends un peu plus votre
point de vue. Maintenant, le lien que je veux faire, c'est le danger de la
population. Vous avez entendu nos P.D.G. qui sont venus un peu plus tôt
aujourd'hui. Et, quand je leur demande de dire : Demain matin... Puis,
encore une fois, je vais le répéter, là, notre objectif, c'est d'enlever des
mesures d'urgence. On s'entend, là, tout le monde s'entend là-dessus, on veut
les enlever. Notre point, comme l'a dit le Pr Taillon tout à l'heure, c'est :
Quelles sont les mesures temporaires ou transitoires qu'on devrait avoir? Vous
avez entendu, ce matin, les P.D.G., qui ont dit : Si on enlève les mesures
d'urgence... parce qu'on peut le faire par décrets, on est tous d'accord avec
ça, on peut l'enlever par une décision du Conseil des ministres, mais si on n'a
pas de mesures transitoires, moi, je crois qu'on met la population en danger.
Et c'est là que... Quand vous avez entendu les P.D.G., qu'est-ce qu'ils nous
ont dit ce matin? Ils nous ont dit qu'à Québec, si on n'avait pas Je contribue,
il nous manque 9 000 personnes pour vacciner. En ce moment, vous
l'avez dit, un de nos enjeux, c'est la vaccination. Vous avez dit qu'on avait
peut-être seulement 50 % ou 53 % dans la troisième dose.
Je veux juste vous entendre sur ce
lien-là, parce que je comprends ce que vous dites, mais nous... et ce que
j'entends des P.D.G., ils ont besoin de Je contribue. Ils ont besoin des primes
pour être capables de travailler à court terme en ce moment. Alors, je veux
vous entendre entre ce que vous dites, au niveau droit, au niveau de la
législation, et je respecte votre point, mais qu'est-ce que vous répondez aux
P.D.G. qui, eux, sont sur le terrain et qui ont besoin d'avoir ces gens-là en
place?
Mme Valois (Martine) : Alors,
ma réponse, c'est que je suis légiste, je ne suis pas gestionnaire. Je n'ai pas
eu l'occasion, ce matin, d'entendre les P.D.G., mais la question fondamentale
que je vous pose, M. le ministre, est : Est-ce que vous aviez et que vous
avez toujours besoin de l'article 123 de la Loi sur la santé publique pour
opérer, c'est-à-dire pour imposer des mesures opérationnelles et permettre à
d'autres, par exemple, à d'autres personnes, d'autres professionnels de la
santé, d'opérer et de donner des vaccins sans autre... Il n'y a aucune autre
loi, dans l'arsenal législatif au Québec, qui vous permet d'agir ainsi. Et s'il
s'agit d'autoriser des professionnels de la santé et qu'on pense même à
modifier le <Code des professions...
Mme Valois (Martine) :
...d'agir
ainsi. Et s'il s'agit d'autoriser des professionnels de la santé et qu'on pense
même à modifier le >Code des professions de façon pérenne, pourquoi ne
pas le faire tout de suite?
M. Dubé : Bien, écoutez,
c'est une très, très bonne question. Puis je pense que c'est une question qu'on
a... notamment le Dr Boileau, mais plusieurs des intervenants sont venus le
dire au cours des dernières semaines. Quand quelqu'un nous demandait le
pourquoi de la date du 31 décembre 2022, c'est pour être capable d'avoir
justement ces discussions-là avec l'office des protections... l'Office des
professions, pardon, bien, à titre d'exemple, parce qu'on est tous d'accord, on
est tous d'accord qu'on veut être capable d'avoir une meilleure équipe de
vaccination qui implique qu'on est passé de cinq professionnels, cinq types de
professionnels, qui peuvent vacciner à plus de 20, justement par les mesures
d'urgence, parce qu'on avait besoin de vacciner jusqu'à 100 000,
125 000 personnes par jour.
• (17 heures) •
Et si on n'avait pas eu ces mesures
d'urgence là, je vous dirais que de négocier avec l'Office des professions pour
le faire avec toute la lourdeur que ça implique, alors, est-ce qu'on se donne
jusqu'au 31 décembre pour être capable de mettre ces mesures-là en place?
Je vous dirais que... Donc, à votre question, est-ce qu'on a besoin de cet
article-là? La réponse, c'est oui. Il faut être capable d'avoir des mesures
transitoires qui nous permettent... On est dans la sixième vague en ce moment.
On est capable, madame, de vacciner les gens qui veulent se faire vacciner,
mais il faut avoir des vaccinateurs, il faut avoir les centres de vaccination,
il faut être capable de faire le dépistage.
Alors, je vous entends. Vous avez raison
d'un côté législatif. Mais lorsque vous me dites... Puis c'est pour ça, si
jamais vous avez la chance d'écouter nos P.D.G. ce matin qui viennent nous dire :
Écoutez, si vous nous enlevez ça, c'est dangereux, on ne sera pas capable de
continuer à vacciner les gens. Alors, je vous entends. Puis du côté législatif,
vous avez raison, mais il faut se donner le temps de la transition pour être
capables de dire : Oui, on enlève les mesures d'urgence. Tout le monde le
reconnaît, c'est ça qu'on veut. Mais en même temps, donnez-nous la transition
et le temps nécessaire de pouvoir mettre ces mesures-là. Puis je pense que
votre exemple du Code des professions, de l'interopérabilité, je pense que les
témoignages... qu'on soit d'accord ou pas avec les témoignages des P.D.G.,
c'est eux qui se sont occupés de la COVID sur le terrain au cours des deux
dernières années. Moi, je pense que c'est important de les écouter aussi, là.
Mme Valois (Martine) : Si
je peux me permettre, M. le ministre, j'aimerais vous lire un article de la Loi
sur la santé publique. Et j'ai mentionné dans mon mémoire qu'il y avait des
dispositions dans cette loi, des pouvoirs réguliers donnés aux directeurs, au
directeur de santé publique et au ministre. J'aimerais vous lire
l'article 117 qui se lit comme suit : «Le ministre peut, à la demande
d'un directeur de santé publique ou de directeur national de santé publique,
mobiliser les ressources de tout établissement de santé et de services sociaux
au Québec qu'il estime nécessaire pour répondre à une situation d'urgence en
santé publique. Les établissements de santé et de services sociaux visés sont
alors tenus de se conformer aux directives du ministre.»
Alors, il existe des pouvoirs dans la Loi
sur la santé publique, dans la loi sur les services de santé... la Loi sur la
santé et les services sociaux. Et je crois que le gouvernement, qui a commencé
la campagne de vaccination depuis le début de janvier 2021, ou même avant,
aurait pu prévoir cette transition beaucoup plus rapidement et faire cet
exercice-là qu'on fait un peu à la dernière heure alors qu'il n'y a plus
d'urgence sanitaire.
M. Dubé : Où on peut
débattre qu'il n'y ait pas d'urgence, là, avec le nombre de décès de personnes
qui sont encore affectées? Je vais respecter votre opinion, là, qu'il n'y a pas
de... qu'il n'y a pas d'urgence en la matière. Mais en même temps, je vous
dirais que vous avez entendu aussi les gens qui ont dit qu'en ce moment la Loi
de la santé publique ne permet pas d'avoir ces conditions-là entre les vagues.
Là, vous me parlez de dire : Est-ce qu'on pourrait... parce qu'il était
possible d'avoir peut-être une accalmie entre deux vagues, de faire les
changements que vous parlez. Mais écoutez, on a été très clair. Les P.D.G. ont
dit... la Santé publique nous a dit : Entre les vagues, on doit continuer
de vacciner, on doit continuer de dépister. Et ça, ces personnes-là, on ne les
avait pas, là, si on n'avait pas eu les mesures spéciales comme Je contribue ou
l'interopérabilité.
Alors, je veux juste dire que vous...
Encore une fois, on s'entend sur le principe. Vous dites que c'est tard. Moi,
je vous dis qu'on est prêt à le faire, mais, en même temps, j'ai entendu les
P.D.G. qui sont sur le terrain puis qui nous disent : Écoutez, faites-nous
des mesures transitoires, parce que si vous nous enlevez des mesures d'urgence
comme ça, tout d'un coup, c'est dangereux...
17 h (version révisée)
M. Dubé : ...disent : Écoutez,
faites-nous des mesures transitoires, parce que, si vous nous enlevez les
mesures d'urgence comme ça, tout d'un coup, c'est dangereux. Puis moi, ce que
je pense... Notre objectif en tant que gouvernement, c'est de protéger les
Québécois. Les Québécois, oui, ils sont tannés, mais je pense qu'ils sont... ce
qu'ils veulent, c'est être protégés, puis ils veulent être capables de se faire
vacciner quand ils en ont besoin. Puis on a entendu le Dr Boileau, pas plus
tard qu'en début d'après-midi, qui nous dit, maître : Ce n'est pas évident
ce qu'on vit en ce moment.
Ça fait que je vous entends, je vais
prendre en considération vos points, mais il y a des éléments d'équilibre entre
ce que la loi nous permet de faire, l'agilité qu'on a besoin pour gérer une
pandémie et ce que j'ai entendu, entre autres, des... Mais est-ce qu'on sera
capable, dans un avenir rapproché, de travailler sur la Loi de la santé
publique, qui viendrait peut-être clarifier des éléments que vous amenez
aujourd'hui? 100 % d'accord. Et je l'ai dit tout à l'heure aux deux
personnes qui vous ont précédé, s'il y a un engagement qu'on peut prendre, c'est
de le faire, ce changement-là, mais beaucoup plus global, sur la Loi de la
santé publique. Je pense qu'il faut le faire. Alors, je voulais juste... Je ne
sais pas s'il me reste du temps, là.
Le Président (M. Provençal)
:20 secondes.
M. Dubé : Mais je voulais
vous remercier pour votre contribution, parce que, même quand on n'est pas d'accord,
on est capable d'avancer, et c'est ce que vous nous permettez de faire. Alors,
merci beaucoup pour votre intervention aujourd'hui. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, M. le ministre. Nous allons
poursuivre cet échange avec Me Valois. Et la parole appartient au député de
Nelligan.
M. Derraji : Me Valois, merci
beaucoup, hein? Excellente présentation. Est-ce que vous me suivez?
Mme Valois (Martine) : Oui.
M. Derraji : Ah! excellent. C'est
très clair. Je vais vous citer et... Je vais vous demander, première question :
Est-ce qu'on a besoin de ce projet de loi pour mettre fin à l'état d'urgence
sanitaire?
Mme Valois (Martine) : La
réponse est la même que celle fournie par mon collègue, Louis-Philippe Lampron,
la réponse est non.
M. Derraji : Donc, deux
experts qui nous disent, aujourd'hui, qu'on n'a pas besoin de ce projet de loi
pour lever l'état d'urgence. Merci pour la précision. Je vais vous citer :
«La prolongation de l'état d'urgence par le gouvernement dans le projet de loi n° 28 vise des fins autres que la protection de la santé de
la population». C'est toute une déclaration venant de votre part, mais, comme j'ai
en face de moi une juriste qui pèse ses mots, ça m'intéresse de savoir c'est
quoi, ces fins autres que la protection de la santé de la population.
Pouvez-vous donner des exemples? Pourquoi le gouvernement veut absolument ce
pouvoir?
Mme Valois (Martine) : À mon
avis, ce qui est... les pouvoirs que le gouvernement veut garder concernent
surtout certains alinéas de l'article 123 et, entre autres... et on peut
le comprendre pour l'article... le paragraphe 3 : «Ordonner à toute
personne, ministère ou organisme de lui communiquer ou de lui donner accès
immédiatement à tout document ou à tout renseignement en sa possession.» C'est
ce qui fait qu'à l'Université de Montréal, nos données personnelles ont été
transmises au gouvernement pour vérifier l'état de vaccination du personnel de
l'Université de Montréal. Il y a aussi l'accès... le paragraphe 7... l'alinéa 7 :
«Faire les dépenses et conclure les contrats qu'il juge nécessaires», et le
fameux alinéa 8 : «Ordonner toute autre mesure nécessaire pour
protéger la santé de la population.» Alors, le gouvernement nous dit :
Nous avons besoin du maintien de l'état d'urgence pour continuer, prolonger des
contrats, pour embaucher du personnel, pour donner du personnel non qualifié,
là, de manière générale, selon, là, les lois professionnelles et également pour
la gestion des ressources humaines dans le réseau de la santé.
Ma réponse est que le pouvoir d'urgence
est un pouvoir qui est exceptionnel, et, si on veut maintenir ces mesures-là,
qui n'ont... qui sont... n'ont rien à voir avec la santé de la population, il
faut le faire de manière précise dans le projet de loi. On aurait dû le faire
bien avant. On aurait dû... avec les 168 autres lois qui ont été débattues et
votées par l'Assemblée nationale, on aurait dû faire cet exercice beaucoup plus
tôt.
Il n'est pas trop tard pour le faire et,
au lieu de lancer un ballon, et je m'excuse d'utiliser cette expression-là, la
semaine dernière, en proposant de prolonger tous les décrets <adoptés...
Mme Valois (Martine) :
...au
lieu de lancer un ballon, et je m'excuse d'utiliser cette expression-là, la
semaine dernière, en proposant de prolonger tous les décrets >adoptés
depuis la déclaration d'état d'urgence, on aurait dû mettre dans la loi les
mesures spécifiques et proposer des amendements à des lois, comme on le fait
dans plusieurs projets de loi, pour, justement, permettre aux professionnels de
vacciner les personnes...
M. Derraji : C'est très, très
clair. Je vous remercie, c'est très clair. J'espère que les Québécois vont
écouter vos propos, parce que c'est très clair, vous dites, aujourd'hui, que ça
ne sert à rien, un projet de loi pour lever l'état d'urgence. Vous avez
clarifié beaucoup les fins autres que la protection de la santé. J'espère que
les Québécois... Et d'ailleurs on va avoir partagé vos propos parce que c'est
tellement pertinent et très clair.
Je reviens à une autre question. Vous avez
dit : «L'évolution de la pandémie et les progrès de la vaccination ne
justifient plus le maintien de l'état d'urgence.» On a même entendu le premier
ministre qui disait que, du moment qu'il est vacciné, les symptômes, ça
ressemble à un rhume. Tout à l'heure, j'ai posé la question au directeur
national de la santé publique. Bien, du moment qu'on a une bonne majorité... On
se vante, hein, on se vante qu'on a une bonne population vaccinée au Québec. Et
donc, selon les propos du Dr Boileau, ça ressemble à un rhume, mais,
aujourd'hui, le gouvernement demande des mesures exceptionnelles jusqu'au
31 décembre 2022. Pourquoi, selon vous, le gouvernement tient à ce
pouvoir? C'est quoi, quel justificatif, selon vous?
• (17 h 10) •
Mme Valois (Martine) : Alors,
au mois de mai 2021, sur le site de Radio-Canada, on rapportait les propos de
M. le ministre Christian Dubé, qui admettait que la continuation de l'état
d'urgence donnait une flexibilité au gouvernement. Comme juriste, je crois
qu'on ne peut pas, dans la même phrase, parler d'état d'urgence et de
flexibilité, et c'est la raison pour laquelle je soutiens et je maintiens qu'on
doit mettre fin à la déclaration d'état d'urgence et que, s'il y a des mesures
qui doivent être continuées, elles doivent être faites en dehors de l'état
d'exception.
Et je voudrais juste vous dire que c'est
ma position, mais que je m'appuie, comme vous avez peut-être pu le voir dans
mon mémoire, sur les propos de deux... de trois juristes d'exception qui sont
professeures en administration publique, professeures en santé publique à
l'Université d'Ottawa et qui ont écrit un texte qui s'appelle, et
permettez-moi, là, de vous le... de le citer, L'état d'urgence sanitaire au
Québec : un régime de guerre ou de santé publique? Alors, je vous
invite à lire ce texte-là.
M. Derraji : Oui, je l'ai lu
et je vous remercie, mais c'est tellement intéressant ce que vous dites,
professeure, et je vous remercie parce que ça remet les pendules à l'heure. Ce
gouvernement, qui gouverne par décrets et sondages depuis mars 2020, et vous
avez vu les sondages... Dans un État de droit, mon rôle en tant que le
législateur, c'est contrôler l'action gouvernementale. C'est ça, mon rôle.
Votre rôle, en tant que juriste, c'est contrôler l'État de droit. Pensez-vous
que l'État de droit, en fonction de ce que vous avez sur la table aujourd'hui,
un gouvernement qui gouverne par décrets, qui sonde sur toute chose, y compris
sur la popularité de ses ministres, est... a respecté l'État de droit, sachant
que le rôle de l'opposition est réduit, on n'existe presque plus?
Mme Valois (Martine) : Je
crois que l'État de droit aurait dû permettre le débat des mesures sanitaires
devant l'Assemblée nationale au moins depuis la fin de la première vague.
M. Derraji : Ils ont fait une
interprétation d'un article de projet de loi d'une manière délibérée pour
renouveler l'état d'urgence hebdomadaire. Comme, aujourd'hui, ils ont signé le
107e décret, au lieu de venir chaque mois demander l'avis des membres, des
autres élus du peuple. Il y avait deux choix. Pourquoi ils ont autorisé... ils
ont opté pour l'hebdomadaire, versus le mensuel, selon vous? C'est quoi, votre
interprétation?
Mme Valois (Martine) : Mon
interprétation est que le gouvernement ne voulait pas discuter, ne voulait pas
que les mesures soient débattues et voulait limiter les questions et les
remises en question de l'Assemblée nationale aux périodes de questions, ce qui,
à mon avis, est <insuffisant...
Mme Valois (Martine) :
...les remises en question de l'Assemblée nationale aux périodes de questions,
ce qui, à mon avis, est >insuffisant. Ils ne respectent pas la primauté
du droit législatif sur l'exécutif.
M. Derraji : Pensez-vous que
le droit législatif a été bafoué?
Mme Valois (Martine) : Je
crois que le rôle... qu'on a, de façon délibérée, évincé le rôle de l'Assemblée
législative, formée de représentants élus.
M. Derraji : Vous avez vu le
projet de loi, il n'y a pas de reddition de comptes, encore une fois, il n'y a
pas d'état de... je dirais, de rapport d'événement. Comment vous qualifiez que...
la volonté du gouvernement de dire qu'il veut maintenir l'état d'urgence avec
les cinq arrêtés jusqu'au 31 décembre, et non pas une autre date? C'est quoi, votre
interprétation en tant que légiste?
Mme Valois (Martine) : Mon
interprétation est qu'on veut maintenir l'état d'urgence au moins jusqu'après
la formation du prochain gouvernement, et qui sera, vraisemblablement, là, au
mois de novembre.
M. Derraji : La lecture, elle
est plus élections, on veut avoir le pouvoir total, on ne veut pas renouveler
d'une manière hebdomadaire, on veut plus... renouveler chaque semaine, on veut
un décret jusqu'à la fin de l'année parce qu'on a une élection au mois
d'octobre?
Mme Valois (Martine) : Je
crois que c'est l'objectif de ce projet de loi là. Et, en même temps, une loi,
c'est le... disons, un peu symbolique en disant à la population : On veut
mettre fin à l'état d'urgence. Mais ça fait quand même plusieurs semaines,
voire plusieurs mois, qu'on annonce qu'un projet de loi serait déposé, et je crois
qu'il aurait dû être déposé bien avant.
M. Derraji : Oui, faire
semblant à la population qu'on met fin à l'état d'urgence. C'est ça, votre
propos?
Mme Valois (Martine) : Je ne
dis pas faire semblant, je dis : Il y a un symbole, et on veut maintenir
l'état d'urgence jusqu'au moins après les élections.
M. Derraji : Merci beaucoup.
Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le député. Alors,
on poursuit cet échange avec le député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Me Valois, merci beaucoup d'être là. Les anglophones ont un dicton
qui dit : Faites attention à ce que vous demandez parce que vous pourriez
l'obtenir. En vous écoutant, il y a une autre version qui m'est venue en tête :
Faites attention à ce que vous dites parce que, des fois, vous pourriez avoir
raison. Et j'ajouterais même que ce n'est pas parce qu'on a raison que ça fait
toujours plaisir.
Ce que vous dites quant au maintien et à
la reconduction systématique, depuis deux ans, de l'état d'urgence, c'est
exactement notre position, dans ma formation politique, que le gouvernement a fait
ainsi l'économie de ce que vous appelez la primauté du droit et la primauté
parlementaire. C'est exactement notre point de vue, que les élus de l'Assemblée
nationale ne sont pas des bibelots qu'on peut déplacer et sur lesquels on peut
laisser s'accumuler la poussière quand on ne veut pas qu'ils parlent, mais
qu'ils ont un rôle à jouer. Et ce rôle, nous partageons, je pense, Me Valois,
la même opinion là-dessus, n'a pas été rempli, donc il y a eu un trou dans ce
principe de primauté parlementaire depuis deux ans. Supposons que les six
premiers mois étaient vraiment rock-and-roll puis qu'on devait mettre une
cloche de verre, peut-être, O.K., d'accord, je conviens, mais pas après, pas
après. C'est ce que je comprends de votre point, c'est assez clair, et je vous
en remercie.
On peut débattre des intentions du
gouvernement. J'ai entendu des choses aussi, honnêtement, que je ne crois pas
ou qui me hérisse les poils, par exemple, qu'on a besoin de bafouer des droits
parlementaires pour gérer des palettes dans des entrepôts ou quand le directeur
de la santé publique nous dit, ce matin, qu'il y a des gens qui vont mourir si
on... Je trouve ça un petit peu fort de café.
Cela dit, quand on nous dit : On a
besoin, par exemple, de monde pour faire des opérations de vaccination, ça, ce
n'est pas bête, là, c'est un fait. Je trouve ça assez contradictoire, cela dit,
que, demain, on va fermer, dans ma circonscription, le plus gros centre de
vaccination au Québec, qui est le Stade olympique, là, je trouve ça un peu
contradictoire, là, cela dit, puis ça va pas mal avec ce que vous dites, qu'il
n'y a peut-être plus d'urgence sanitaire au premier titre.
Je ne dis pas que la pandémie est finie,
mais, mettons, là, qu'on dit : O.K., on veut s'assurer de pouvoir rappeler
tout le monde, tous ces gens qui, volontairement puis généreusement, sont
revenus travailler pour piquer, là, par exemple, on fait quoi? Parce qu'il est
tard, là, puis on ne l'a pas fait avant, le gouvernement ne l'a pas fait avant
les discussions avec l'Office des professions, puis on ne l'a pas fait. Ça fait
que, mettons qu'on veut se passer de 28, qui est un mauvais projet de loi, on
fait ça comment?
Mme Valois (Martine) : Alors,
on peut... dans le fond, on peut, dans le projet de loi n°28, proposer les modifications
qui sont... bien, demandées, en fait, par le Code des professions pour
permettre à d'autres professionnels de poser des actes. Alors il <faudrait...
Mme Valois (Martine) :
...qui
sont... bien, demandées, en fait, par le Code des professions pour permettre à
d'autres professionnels de poser des actes. Alors il >faudrait proposer
des amendements aux autres lois concernant les professionnels et le faire dans
le même projet de loi. Alors, c'est juste un exercice législatif, c'est quelque
chose qui peut être fait assez facilement et qui aurait dû être fait avant même
le dépôt de ce projet de loi là.
M. Marissal : Oui. Je vous
remercie, Me Valois. Je n'ai plus de temps. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Excellent. Maintenant, le député des Îles-de-la-Madeleine
va poursuivre cet échange avec vous, maître.
M. Arseneau : Merci beaucoup,
M. le Président. Merci Mme Valois, pour votre présentation... Pre Valois. L'article 1
du projet de loi n° 28, actuellement, se lit comme
suit : «L'état d'urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 est
renouvelé...» «et renouvelé depuis prend fin.» Je comprends que c'est inutile,
puisqu'il s'agit simplement de ne pas renouveler l'état d'urgence pour qu'il n'existe
plus, mais vous dites, dans votre mémoire, qu'en quelque sorte on maintient l'état
d'urgence. Donc, en réalité, moi, ce que je comprends, c'est que vous êtes d'accord
avec notre affirmation lorsqu'on a vu le projet de loi : Que l'on efface l'état
d'urgence mais qu'on maintient la gouvernance par décret, puisque c'est
essentiellement ce que la loi vient faire, maintenir des décrets pour un
certain nombre de mois, voire un certain nombre d'années. Vous partagez cette
analyse-là?
• (17 h 20) •
Mme Valois (Martine) : Oui.
Je partage cette analyse.
M. Arseneau : Lorsque vous
dites qu'on pourrait faire les choses autrement, ça, je trouve ça intéressant
parce que c'est aussi le manque de clarté, au début, qu'on avait dénoncé, dans
le projet de loi qui donnait des pouvoirs extrêmement larges en disant :
Tout ce qu'on n'a pas abrogé est maintenu, essentiellement. C'était extrêmement
difficile de s'y retrouver.
Là, on se vante d'avoir réduit ça à cinq
arrêtés, mais avec des... ou cinq sujets, mais avec des... comment dirais-je,
avec des annexes qui sont passablement longues. Est-ce que vous pensez qu'il
pourrait être réaliste de résumer encore les quelques éléments qui sont
absolument nécessaires dans l'espace de quelques lignes ou quelques phrases, quelques
pages, c'est ce qu'on comprend de votre propos, pour modifier d'autres lois qui
semblent embêter le gouvernement à l'heure actuelle?
Mme Valois (Martine) :
...il y a... c'est l'activité législative, quand on regarde les projets de loi qui
sont déposés, on regarde seulement le projet de loi n° 61,
le projet de loi n° 66 ou des projets de loi qui énoncent certaines règles
et qui vont... Il y a une dernière section qui modifie d'autres lois pour
donner effet au contenu principal du projet de loi.
Je voudrais revenir sur ce que vous avez
dit parce qu'effectivement il y a une contradiction inhérente entre le titre de
la loi, et même entre l'article 1 et l'article 2, puisqu'on dit que l'état
d'urgence prend fin et on maintient des décrets qui ont été adoptés pendant la
déclaration d'état d'urgence. Donc, ou bien ils étaient nécessaires pendant l'état
d'urgence, et alors on doit y mettre fin, ou bien on aurait pu prendre ces
mesures en dehors de l'état d'urgence, par d'autres dispositions qui auraient été
débattues devant l'Assemblée nationale, et on pourrait les continuer puisqu'elles
seraient devenues partie du corpus législatif.
M. Arseneau : Merci beaucoup,
Me Valois.
Le Président (M. Provençal)
:...Me Valois. Alors, nous terminons
cet échange avec la députée d'Iberville.
Mme Samson : Merci, M. le
Président. Merci, Me Valois, pour vos propos. J'aurais aimé vous entendre... et
vous êtes libre de le faire, vous n'êtes pas obligée de répondre à ma question,
mais j'aurais aimé avoir votre opinion sur l'article 2 du projet de loi n° 28,
qui dit que ni le gouvernement, ni le ministre ou toute autre personne ne peut
être poursuivi en justice pour avoir accompli un acte dans le cadre des
décrets. Est-ce que c'est courant, dans un projet de loi, de voir qu'un
gouvernement s'accapare autant de pouvoirs sans reconnaître aucune
responsabilité quant à ses actions? Est-ce que c'est démesuré ou c'est dans la
norme, c'est raisonnable?
Mme Valois (Martine) : C'est
ce qu'on appelle une clause d'immunité, et, oui, cette clause-là, elle est dans
toutes les lois. Et ce qu'il faut retenir, c'est la question de la bonne foi ou
l'exercice des fonctions. Alors, généralement, on dit que toute personne, le
gouvernement... ne peut être poursuivi, tout ministre, pour un acte accompli de
bonne foi dans l'exercice des fonctions. Alors, c'est une clause <d'immunité...
Mme Valois (Martine) :
...pour
un acte accompli de bonne foi dans l'exercice des fonctions. Alors, c'est une
clause >d'immunité qui est là parce que, dans l'histoire du droit public
et de la common law, on pouvait poursuivre en justice toute personne en
dommages.
Alors, non, ce n'est pas une disposition
extraordinaire. Ce n'est pas la disposition extraordinaire qu'on pourrait dire...
qui doit absolument disparaître du projet de loi.
Mme Samson : Je vous
remercie, Me Valois. C'est tout pour moi, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, Mme la députée. Alors, Me
Valois, on tient à vous remercier pour votre collaboration, votre contribution
et votre présence à nos travaux. Les échanges ont été fort appréciés par
l'ensemble des membres de la commission.
Sur ce, je vous salue et je mets fin à cet
échange en demandant une suspension pour permettre au dernier groupe de venir
vous remplacer. Merci beaucoup et bonne fin d'après-midi, madame.
Mme Valois (Martine) : Merci.
Bonne fin d'après-midi à tous.
(Suspension de la séance à 17 h 25)
(Reprise à 17 h 31)
Le Président (M. Provençal)
: Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à
Mme Alexandra Pierre et Mme Diane Lamoureux, qui représentent la
Ligue des droits et libertés. Alors, mesdames, vous avez 10 minutes pour votre
présentation, et, par la suite, nous procéderons à nos échanges. Alors, je vous
cède immédiatement la parole, et vous pouvez vous renommer s'il y a lieu.
Mme Pierre
(Alexandra) :Bonjour, mon nom, c'est
Alexandra Pierre, je suis la présidente du conseil d'administration de la Ligue
des droits et libertés et je suis avec ma collègue, Diane Lamoureux, qui est...
qui siège au conseil d'administration de la ligue.
Donc, avant de commencer, on tient à vous
remercier, donc, à remercier la Commission de la santé et des services sociaux
pour cette invitation à participer aux consultations particulières et aux
auditions publiques du projet de loi n° 28.
Un petit mot sur la ligue. La ligue a été
fondée en 1963 et c'est un organisme à but non lucratif, indépendant et non
partisan qui vise à faire connaître, à défendre et à promouvoir l'universalité,
l'indivisibilité et l'interdépendance des droits reconnus dans la charte
internationale des droits humains... des droits de l'homme. La ligue
interpelle, tant sur la scène nationale qu'internationale, les instances
gouvernementales pour qu'elles adoptent des lois, des mesures, des politiques
qui sont conformes à leurs engagements à l'égard des instruments internationaux
de défense des droits humains. La ligue, elle a aussi pour rôle de dénoncer les
situations de violation dont ces instances gouvernementales sont responsables.
Elle mène des activités d'information, de formation, de sensibilisation dans ce
sens-là et des actions qui visent à faire connaître le plus largement possible
les droits qui se rapportent à l'ensemble des aspects de la vie en société.
Depuis... Rentrons dans le vif du sujet,
donc. Depuis l'entrée en vigueur de l'état d'urgence sanitaire au Québec, le
13 mars 2020, la ligue reconnaît la nécessité d'adopter des mesures
sanitaires individuelles et collectives. Elle a fait et elle fait encore
confiance aux avis de la Santé publique. Cette confiance ne lui a cependant
pas... ne l'a cependant pas empêchée de jouer son rôle de chien de garde du respect
des droits humains pendant toute cette période. En effet, à chacune de ses
interventions, la ligue a rappelé que la gestion de la crise sanitaire ne peut
pas faire l'économie du respect des droits et des libertés des personnes qui
résident sur le territoire québécois.
Il est clair que, depuis mars 2020, la
déclaration et le maintien de l'état d'urgence sanitaire ont interrompu le
débat démocratique, autant sur les enjeux de fond qui affectent la société
québécoise que sur les débats démocratiques sur la pertinence et l'impact des
mesures de gestion de la pandémie. C'est pour ça, d'ailleurs, que la ligue a
lancé, en mars 2021, une campagne pour mettre fin à l'état d'urgence au Québec,
campagne qui, jusqu'à ce jour, a recueilli l'appui de 128 organisations.
Comme le précise notre déclaration, l'état d'urgence sanitaire ne peut pas être
conçu comme un état permanent. La nouvelle norme sécuritaire dans laquelle nous
nous trouvons toujours aujourd'hui et qui prend appui sur l'état d'urgence
sanitaire... qui prend indûment appui sur l'état d'urgence sanitaire est de
nature autoritaire...
17 h 30 (version révisée)
Mme Pierre
(Alexandra) :...l'état d'urgence
sanitaire, qui prend indûment appui sur l'état d'urgence sanitaire, est de
nature autoritaire et elle consiste, selon nous, en une perte démocratique
importante.
Aujourd'hui, au Québec, la vie des
citoyens est littéralement régie par une multitude de décrets et d'arrêtés
ministériels dont les objets vont de la micro, voire de la nanogestion, à la
métagestion. Les pouvoirs du gouvernement et du ministre de la Santé et des
Services sociaux en vertu de la Loi sur la santé publique relative à l'urgence
sanitaire, sont nettement exorbitants et ont donné lieu à l'émergence d'un
régime juridique d'exception dans un État de droit. Ce régime, d'après nous, se
distingue d'abord par son opacité, son manque d'imputabilité, mais aussi son
manque de transparence.
On nous a répété ad nauseam que le
gouvernement avait besoin de l'agilité offerte par la Loi sur la santé publique
durant toute cette période. Or, la ligue croit plutôt que le gouvernement
québécois a trouvé un certain confort, pour ne pas dire un confort certain,
dans l'état d'urgence sanitaire. Encore une fois, on insiste sur la distinction
entre l'état d'urgence et le fait de prendre des mesures nécessaires à la
gestion de la crise sanitaire. Pour le dire autrement, pas besoin d'état d'urgence
pour prendre des mesures appropriées.
Et maintenant, arrive ce projet de loi qui
prétend mettre fin à l'urgence sanitaire, alors qu'il n'en est rien, à notre
avis. Loin de se réjouir, la ligue dénonce fermement ce projet de loi.
Les mesures dont il est question dans ce
projet de loi semblent être celles énumérées et considérées par les arrêtés
ministériels adoptés le 31 mars dernier. En d'autres mots, le gouvernement
demande à l'Assemblée nationale d'avaliser un processus antidémocratique, c'est-à-dire
la gestion par décrets et le non-respect des procédures de négociation
collective, donc d'avaliser ce processus antidémocratique par un éventuel vote
démocratique, c'est-à-dire l'adoption de ce projet de loi n° 28.
Pour nous, c'est un tour de passe-passe,
et ça n'empêche ou ça n'efface en rien les deux années de gestion autoritaire.
Ça ne corrige d'aucune façon l'absence de débats et de mécanismes consultatifs
ayant entouré l'adoption effrénée d'une pléthore de décrets et d'arrêtés
ministériels depuis mars 2020. À cet égard, on vous invite à lire, relire l'article 1,
2 et 3 du projet de loi qui, à notre avis, est un peu mystifiante. On dit qu'on
met fin à l'état d'urgence, sans vraiment y mettre fin, et on prolonge... en
fait, on prolonge jusqu'en décembre 2022, et il faut noter, après les
élections. On prolonge donc jusqu'en décembre 2022 le régime juridique d'exception
qui est celui de la gestion par décrets et arrêtés.
Pour la ligue, apprendre à vivre avec le
virus, apprendre à vivre avec la pandémie, ça ne veut certainement pas dire qu'il
faille sacrifier les fondements démocratiques de notre société. En fait, le projet
de loi n° 28 propose une sortie progressive de l'état d'urgence afin de
prolonger des mesures qui avantagent et protègent plus le gouvernement que la
population, donc protègent le gouvernement, mais pas la population. On doit
reconnaître que ce projet de loi maintient l'état d'urgence dans la mesure où
celui-ci comporte une immunité étanche à l'égard de l'exécution des pouvoirs
conférés par l'état d'urgence. C'est l'effet du dernier alinéa de l'article 2
du projet de loi.
Les arrêtés du 31 mars 2022, s'ils
étaient incorporés et énumérés au projet de loi n° 28, auraient pour effet
de maintenir un droit d'exception concernant les rapports collectifs de travail
dans le domaine de la santé et de l'éducation via un vote, une légitimité, à
notre avis, trompeuse de l'Assemblée nationale.
Mme Lamoureux (Diane) : En
présumant que la déclaration de l'état d'urgence prendra fin dans les semaines
qui viennent, la Loi de la santé publique prévoit un rapport d'événement. Le
rapport <d'événement...
Mme Lamoureux (Diane) :
...
viennent, la Loi de la santé publique prévoit un rapport d'événement. Le
rapport >d'événement ne nous donnera pas... on n'aura pas la réponse
cette année, vu l'effet de computation des délais prévus à l'article 129
de la loi, et nous n'aurons pas non plus de rapport... La nature et le moment
de la présentation du projet de loi n° 28 perpétuent, donc, le déficit
démocratique engendré par les modes de gestion de la crise sanitaire de la
COVID. Voilà donc une raison pour laquelle le gouvernement aurait dû et aurait
pu mettre fin à cet état d'urgence l'année dernière.
La gestion de la crise sanitaire a révélé
les lignes de fracture du filet de protection sociale au Québec. Beaucoup
d'attention, et à juste titre, a été accordée au besoin de réorganisation du système
des soins de santé. Mais d'autres aspects de la vie des Québécoises et des
Québécois ont été profondément et, hélas, durablement touchés par cette
gestion. Le cas de l'accès à des données personnelles et la transmission de
celles-ci à des acteurs privés est patent.
Nous constatons néanmoins que, pour
l'heure, le projet de loi n° 28, à son article 4, autorise le
ministre de la Santé et des Services sociaux à ordonner la transmission de
renseignements personnels et confidentiels, si celle-ci s'inscrit dans les
mesures nécessaires à la protection de la santé populationnelle dans le cadre
de la lutte contre la COVID. Ainsi, et contrairement à la lettre de la Loi sur
la santé publique, le gouvernement a profité d'une gestion par décrets pour
inscrire la permanence dans l'urgence. Cette inscription, toutefois, équivaut à
une flagrante violation du respect de la règle de droit.
• (17 h 40) •
L'alinéa 7° de
l'article 123 de la Loi sur la santé publique permet au gouvernement de
conclure des contrats sans autre formalité, mettant ainsi entre parenthèses les
exigences de la Loi sur les contrats des organismes publics. L'article 5
du projet de loi n° 28 n'est pas déraisonnable, mais il cache la forêt.
Qui aura bénéficié de ces contrats durant l'état d'urgence sanitaire? Quels
mécanismes d'imputabilité et de reddition de comptes assortissent ces nombreux
contrats conclus dans l'urgence? Croit-on vraiment qu'un rapport d'événement
fournira la réponse à ces questions?
La tendance accélérée à la conclusion de
contrats de gré à gré, depuis maintenant deux ans, aura ainsi marqué la crise
sanitaire, alors que tout porte à croire que l'identité des gagnants restera
dans l'ombre pour longtemps. Le projet...
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, Mme Lamoureux. Le
temps qui vous était donné pour votre exposé est terminé. Alors, je vais
inviter maintenant M. le ministre à débuter la période d'échange avec votre
groupe.
M. Dubé : Très bien. Alors,
merci beaucoup, M. le Président. Et, mesdames, merci beaucoup pour votre
présence aujourd'hui. C'est très apprécié. Dans un contexte démocratique comme
on a, on a le droit d'avoir nos opinions, puis je pense que c'est important de
pouvoir avoir la chance d'écouter la vôtre. Alors, on n'est peut-être pas obligés
d'être tous en accord avec ce que vous dites, mais on peut au moins en
débattre, et je pense que c'est important de le reconnaître aujourd'hui.
Je voulais juste faire peut-être une
précision, là, puis c'est important de le faire, particulièrement sur votre
commentaire pour le rapport dont on parle qui va être... qui est maintenant
prévu par la loi, comme vous dites, qui doit être déposé dans les 90 jours
qui suivent la fin de l'urgence sanitaire. Mais j'aimerais juste vous rassurer,
parce qu'on a fait cet engagement-là plusieurs fois qu'exceptionnellement,
parce qu'il y avait une fin de la session qui allait peut-être être à
l'intérieur du 90 jours, qu'on s'est engagés, comme gouvernement, à
publier le rapport avant la fin de la session parlementaire, premièrement. Ça,
c'est... je voulais juste faire cette précision-là parce que je ne voudrais pas
qu'il y ait de malentendu sur notre désir de vouloir produire le rapport.
Deuxièmement, nous nous sommes engagés,
puis ça, on pourra le débattre lorsqu'on fera l'article par article... nous
nous sommes engagés à donner beaucoup plus d'informations... qui est établi par
la loi actuelle. Et je vous donne un exemple. L'engagement pourrait être
simplement de produire le rapport de ce qu'on a... des contrats dont vous
parliez tout à l'heure, à la fin de votre exposé, et de simplement dire :
Bien, écoutez, ces rapports-là sont dans ce qu'on appelle le registre, le SEAO,
qui est publié, où chacun des contrats qui a été donné durant la pandémie... et
comme par les autres contrats qui sont donnés par tous les ministères, là.
C'est un site que vous connaissez sûrement. Alors, nous, on s'est engagés à
aller plus loin que ça pour que les gens comprennent bien le type de contrat
qui a été donné et qu'on puisse se retrouver dans cette information-là.
Alors, j'ai dit, ce matin, juste pour...
peut-être que vous n'avez pas eu la chance ou... En tout cas, c'est important
pour moi de le mentionner que, premièrement, il y a eu beaucoup d'informations
qui disaient <qu'il y avait...
M. Dubé :
... pour
moi de le mentionner que, premièrement, il y a eu beaucoup d'informations qui
disaient >qu'il y avait eu pour 17 milliards de contrats, au cours
des deux dernières années, ce qui n'est pas exact. Il y a eu pour 5 milliards
de contrats qui ont été donnés en vertu des mesures d'urgence, et, pendant ces
deux années-là, ça représente environ 4 000 contrats. Ce qu'on va
expliquer, durant le rapport, puis ça pourra être, encore une fois, débattu,
c'est ce qui va rester des contrats qui vont être prolongés, pour des raisons
que les P.D.G. ont expliquées clairement ce matin. C'est que, sur la somme de 5 milliards
de contrats, il y aura pour 37 millions de contrats qui se rapportent à la
vaccination et au dépistage qui vont être prolongés jusqu'au maximum 31
décembre 2022 — je dis bien jusqu'à un maximum — donc 37 millions
sur 5 milliards, et 75 millions de contrats qui se rapportent à
l'entreposage, pour un maximum de cinq ans. Cette liste-là sera publiée, sera
donnée à l'intérieur du rapport, pour être certain que les gens comprennent
bien ce qu'il en est. Je vous mets ça en proportion, là, 37 millions sur 5 milliards,
c'est comme dire qu'il y a pour 37 $ de contrats pour 5 000 $ de
contrats. C'est pour vous donner que c'est une proportion d'environ 2 % de
contrats qui s'appliquent aux articles sur les contrats. Alors donc, je pense
que c'est une précision importante à vous donner.
Deuxièmement, j'aimerais aussi vous
demander si vous avez eu la chance d'écouter... ou l'opportunité, peut-être,
là, on verra votre point de vue, d'entendre les P.D.G., aujourd'hui, qui ont
fait un rapport à la commission sur ce qu'ils ont vécu, trois P.D.G. de CISSS
et de CIUSSS, là, du Lac-Saint-Jean. Vous les avez entendus aujourd'hui? Non, vous
n'avez pas eu cette chance-là? Moi, je vous inviterais à pouvoir écouter, parce
que je pense que c'est ça, l'objectif, c'est d'avoir l'opinion des gens qui ont
été confrontés avec la pandémie. Et j'ai remercié les P.D.G., parce qu'on a une
trentaine de P.D.G., là, des CISSS et des CIUSSS qui ont fait un travail
exemplaire, durant cette pandémie-là, pour être capables de donner un service
aux citoyens, et pas uniquement dans ce qui se rapporte à la COVID, comme la
vaccination, comme le dépistage, mais aussi de fournir aux Québécois un service
sur ce que les Québécois s'attendent en termes de réseau de santé.
La raison pour laquelle, mesdames, j'y
fais référence, puis, encore une fois, on est on n'est pas obligés d'être
d'accord, mais je voulais vous demander si... quand vous aurez la chance de
prendre contact avec leur témoignage... Je comprends très bien les éléments que
vous soulevez, de votre groupe, là, qui s'occupe des droits et libertés, mais,
en même temps, le rôle du gouvernement est aussi de protéger la population sur
une base de santé. Et, lorsqu'on demande d'avoir des mesures temporaires...
Parce que c'est ça qu'on demande, soyons clairs, là, on dit : L'état
d'urgence doit prendre fin, on est tous d'accord avec ça, mais ce qu'on
demande... Puis, pour être certain, on ne parle pas de pouvoirs, on parle de
mesures. Et les mesures qui ont été expliquées par nos P.D.G., aujourd'hui, qui
sont dans le quotidien, ces gens-là nous disent : S'il vous plaît,
assurez-vous que des mesures temporaires ou transitoires, par exemple pour la
vaccination, peuvent continuer pendant un certain temps, parce que... et même,
on l'a vu, là, dans les derniers jours, le Dr Boileau l'a bien expliqué, la
présence de la sixième vague, du variant.
Alors moi, je comprends votre intervention.
Puis malheureusement vous n'avez peut-être pas eu la chance de les entendre,
mais je vous résumerais un point puis j'aimerais vous entendre là-dessus. Ce
qu'ils nous disent, c'est que, si on enlève les mesures d'urgence sans avoir
les mesures temporaires ou transitoires, c'est très dangereux parce qu'on n'est
pas capables de continuer à vacciner les gens, à faire le dépistage nécessaire,
etc. Et je voudrais juste vous entendre, entre ce qui est important, de ce que
vous avez expliqué pour votre priorité, qui est la Ligue des droits et
libertés... mais moi, j'aimerais vous entendre sur la responsabilité du
gouvernement à s'assurer de la sécurité des Québécois dans un contexte de
pandémie. J'aimerais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.
Mme Pierre (Alexandra) :Alors, merci, M. Dubé. Deux choses, là-dessus. Pour nous,
l'état d'urgence n'a plus de légitimité depuis un moment, déjà, et le projet de
loi, à notre avis, perpétue cet état d'urgence. Et comme on l'a dit plusieurs
fois, la ligue n'a jamais été contre les mesures <sanitaires...
Mme Pierre
(Alexandra) :
... d'urgence. Et
comme on l'a dit plusieurs fois, la ligue n'a jamais été contre les mesures
>sanitaires, n'a jamais été contre les mesures qui pouvaient nous
protéger contre la pandémie, mais bien contre le mode d'adoption de ces
mesures, qui se prolonge aussi avec le projet de loi n° 28, c'est-à-dire
l'absence de délibération, la gouvernance par décrets et tous les angles morts
que ça implique. On l'a vu avec les CHSLD, la façon dont les proches aidants
ont été traités, les problèmes d'itinérance, etc., il y a des angles morts.
Pour nous, la délibération, le débat public, notamment par l'Assemblée
nationale, au sein de l'Assemblée nationale, nous permet d'avoir une légitimité
et de réduire ces angles morts.
En dehors de l'état d'urgence, il existe
des mécanismes normaux, démocratiques pour pouvoir prendre de telles mesures.
Rien n'empêche le gouvernement et les partis d'opposition de convenir des
mesures qui doivent être considérées au nom de la santé populationnelle et
d'avoir ce débat au sein de l'Assemblée nationale. Donc, pour nous, c'est un
peu notre position.
Peut-être un deuxième point, aussi, sur la
question du rapport d'événement. Pour nous, deux ans, ce n'est plus un
événement. Ce qu'on comprend du rapport d'événement, c'est que ce rapport-là va
lister les événements, les mesures, les actions qui ont été prises. Nous, ce
qu'on demande, c'est au-delà de cette liste, entre guillemets, c'est une
reddition de comptes. Et à ce propos-là, on pense qu'il doit y avoir la mise en
place d'un mécanisme de reddition de comptes qui concerne la gestion de l'état
d'urgence sanitaire au Québec, la gestion de la crise sanitaire elle-même.
Puis, pour nous, l'institution la mieux habilitée pour faire ça, ça serait une
institution qui pourrait rendre directement compte à l'Assemblée nationale,
comme par exemple le Protecteur du citoyen.
• (17 h 50) •
M. Dubé : Très bien. Alors,
maintenant, je veux revenir aussi sur un point. Vous avez parlé tout à l'heure,
puis je respecte ça énormément, toute la question de protection des données
personnelles. Puis je voudrais peut-être juste apporter une précision puis vous
entendre, là, si vous sentez le besoin de commenter.
Ce qu'on demande, en fait, à l'intérieur
du projet de loi, comme mesures que l'on considère temporaires mais nécessaires,
c'est de continuer d'avoir de l'information qui est dite personnelle sur la
santé des gens pour être capables de bien voir l'évolution de la pandémie.
Alors, je m'explique. Lorsqu'on fait de la vaccination ou du dépistage, on
comprendra très bien que c'est une donnée personnelle, hein? C'est un individu
qui s'est fait vacciner, qu'on doit savoir s'il a été positif ou négatif, s'il
a été dépisté ou s'il a été vacciné. Alors, on comprend bien que, depuis deux
ans, grâce aux mesures d'urgence, ce sont des données personnelles qu'on n'a
pas analysées sur une base individuelle, mais qu'on a travaillées sur une base
que je dirais consolidée pour être capables de bien analyser les tendances, de
voir ce qui se passait par régions, pour être capables, par exemple, de
déterminer que, dans certaines régions ou dans certaines écoles, il y avait des
enjeux de différences importantes en termes de vaccination.
Alors, j'aimerais vous entendre. Comment
on peut... Puis je comprends, encore une fois, là, je reviens au même débat
entre ce que vous défendez, en termes de droits et libertés, mais en même temps
de ce qu'on a besoin de savoir pour bien gérer la pandémie. Comment vous pensez
qu'on pourrait faire autrement pour voir ces tendances-là et bien savoir ce qui
se passe, si on n'avait pas accès à ces données-là, qu'on ne veut pas sur une
base individuelle, pour fins de déclaration, mais bien pour fins de gestion?
J'aimerais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.
Mme Lamoureux (Diane) : Bien,
on comprend qu'il y a besoin d'avoir des données pour des fins de gestion,
mais, je veux dire, à partir du moment où elles sont anonymisées, il y a... ce
n'est plus des données personnelles... où elles sont randomisées, ce n'est plus
des données personnelles au sens de la protection des données personnelles, mais,
je veux dire, il y aurait quand même nécessité d'avoir le consentement de la population.
Je veux dire, quand les gens choisissent de se faire vacciner pour obéir aux
directives de la Santé publique, il y a... ou qu'ils vont se faire tester, ils
doivent pouvoir <signer une...
Mme Lamoureux (Diane) :
...
directives de la Santé publique, il y a... ou qu'ils vont se faire tester, ils
doivent pouvoir >signer une formule de consentement. Ça existe sur à peu
près tous les sites informatiques. Les données de consentement, on en fait tous
les jours. Mais là on n'est même pas consultés.
Mme Pierre
(Alexandra) :Juste pour ajouter. (Interruption)
Oups! Un petit renvoi. Désolée. Pour la ligue, l'un n'empêche pas l'autre.
C'est-à-dire que, comme la Commission d'accès à l'information l'a mentionné à
plusieurs reprises en de... dans différents... à différents moments, il est
important d'accroître le contrôle des citoyens sur leurs propres renseignements
personnels, sur les renseignements qui les concernent. Donc, ça fait partie des
contraintes avec lesquelles le gouvernement a le devoir de gérer ça.
C'est-à-dire que l'idée d'avoir des renseignements pour pouvoir faire de la
vaccination de façon la plus efficace possible, évidemment, ça n'empêche pas
qu'il faut que les citoyens puissent avoir... puissent consentir puis puissent
avoir le plus de contrôle possible sur leurs propres renseignements personnels.
M. Dubé : Je veux juste
pour... Je ne sais pas combien il me reste de temps?
Le Président (M. Provençal)
:Une minute.
M. Dubé : Une minute, ce
n'est pas très long. Mais écoutez, encore une fois, on pourra en débattre. Je
voulais juste vous entendre là-dessus parce que je pense qu'on a le même
objectif. Le même objectif, c'est de protéger l'information des individus. Mais,
vous comprenez, je pense que je vous ai bien entendues, qu'on a quand même
besoin d'avoir cette information-là pour faire une bonne gestion de la pandémie
puis de savoir... Alors, on pourra débattre lors de l'article par article, là,
cette préoccupation-là que vous avez, mais je voulais juste vous rassurer que
notre objectif est de s'assurer que... juste qu'on ait, le temps d'avoir le
projet de loi n° 69, qui est un projet de loi qu'on a
donné... qu'on a déposé un peu plus tôt, l'an dernier, bien, qu'on puisse avoir,
en attendant que ce projet de loi là soit passé, soit accepté par l'Assemblée
nationale... bien, il faut avoir une mesure temporaire qui nous permette de
faire la gestion, ce que j'appelle le projet de loi n° 19
sur les données, qu'on aura sûrement la chance de débattre avec vous, là, dans
un autre moment. Alors ça répond à mes questions, M. le Président. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. Merci beaucoup. Alors, nous
poursuivons avec la Ligue des droits et libertés. La parole appartient au
député de Nelligan.
M. Derraji : Merci, mon
cher Président. Mesdames, merci beaucoup. Je tiens à vous remercier au nom de
notre formation politique, parce que vous avez fait un travail exceptionnel
d'organisation bénévole et un excellent rapport. Donc, je tiens en premier lieu
à vous remercier. Ma première question : Est-ce que le gouvernement, selon
vous, a besoin de ce projet de loi pour lever l'état d'urgence sanitaire?
Mme Pierre
(Alexandra) :Pour nous, il n'a pas besoin
de ce projet de loi là. Vous m'entendez? Oui? Parfait. C'est ça, l'objectif du
présent mémoire, c'est vraiment de dire que nous recommandons le retrait du
projet de loi n° 28 parce que ce projet de loi là
poursuit l'état d'urgence sanitaire sous une autre forme et que nous pensons
que cet état d'urgence aurait dû être levé depuis longtemps.
M. Derraji : Donc, je
vais vous répéter la question, et je n'ai pas le même temps que le ministre, donc
juste des réponses courtes, si vous permettez, s'il vous plaît : Est-ce
qu'on a besoin du projet de loi n° 28, aujourd'hui,
pour lever l'état d'urgence sanitaire?
Mme Pierre
(Alexandra) :Non, on n'a pas besoin de ce
projet de loi. L'état d'urgence sanitaire peut être levé de façon immédiate et
effective sans ce projet.
M. Derraji : Excellent.
Vous avez dit, pour votre organisme : Le nouveau nom du projet de loi est
un tour de magie. Pouvez-vous illustrer la magie que vous voyez dans le
changement de nom?
Mme Pierre
(Alexandra) :Bien, c'est un peu ce qu'on
expliquait, c'est-à-dire que les différents décrets qui sont énumérés dans le
projet de loi ont été, à notre avis... sont... existent à cause d'un processus
antidémocratique. Et on demande en bloc de voter, par le projet de loi n° 28, ces décrets et ces arrêtés qui ont été pris de façon
antidémocratique, de les valider par un vote de l'Assemblée nationale qui les
rendrait par le fait <même...
Mme Pierre (Alexandra) :
... antidémocratique, de les valider par un vote de
l'Assemblée nationale qui les rendrait par le fait >même légitimes. Pour
nous, la seule légitimité qu'il aurait, ça serait de débattre de l'ensemble de
ces décrets et de ces arrêtés au sein de l'Assemblée nationale.
M. Derraji : Vous avez
raison. Vous avez aussi dénoncé l'illusion du projet de loi n° 28, car il
ne rétablit pas l'ordre démocratique. La gouvernance par décrets est déguisée
en loi. Vous avez aussi dit : Pourquoi le projet de loi n° 28 fait du
31 décembre 2022 une date mythique? C'est ce que je disais, tout à
l'heure, à un groupe, que probablement, soudain, le 1er janvier 2023, le
virus va disparaître du Québec. Pourquoi vous dites, vous aussi, que c'est une
date mythique? Il y a... Et je ne sais pas si vous avez vu l'intervenante avant
vous, elle, elle disait qu'écoutez, l'objectif, c'est probablement l'élection.
Il y a une élection, le gouvernement va avoir... veut avoir les deux mains, il
veut continuer à gérer par décrets et arrêtés. Est-ce que vous partagez le même
point de vue que la personne qui était avant vous? Et pourquoi c'est une date
mythique, selon vous?
• (18 heures) •
Mme Lamoureux (Diane) : Bon,
effectivement, il y a une élection, d'ici le 31 décembre, et il y a des
choses que nous ne saurons pas au moment d'aller voter. Et, d'une certaine
façon, essayer de déterminer à l'avance qu'il n'y aura plus de problème, le
31 décembre, ça nous semble assez illusoire, et on risque de se retrouver
avec une énième reconduction de la chose, ce qui, pour la santé démocratique
d'une société, n'est pas un avantage.
M. Derraji : Comme nous, très
critiques à la gestion par décrets. Je le suis. Pour moi, un gouvernement qui
gouverne par décrets et par sondages n'a pas sa place dans une société
démocratique. Vous avez dit, je vous cite : «La vie des citoyens est
littéralement régie par des arrêtés rédigés dans une langue inaccessible. Le
gouvernement a trouvé son confort dans l'état d'urgence.» Et vous avez
dit : «...les mesures destinées à protéger la population et celles qui ont
pour effet de consacrer l'impunité du gouvernement en temps de crise sanitaire.»
C'est quand même des mots forts, par rapport à la gestion par décrets.
Mme Pierre
(Alexandra) :Oui, c'est des mots forts. Comme
l'impact de cette gestion par décrets a des conséquences aussi très, très...
des très fortes conséquences. Ça marque un tournant autoritaire,
antidémocratique, encore une fois. Donc, je pense que les mots qu'on a mis dans
notre mémoire correspondent à l'analyse qu'on fait de cette situation.
M. Derraji : Mais vous
évoquez aussi quelque chose que... ça m'a interpellé, hein, je vais... encore
une fois, je vais vous citer, hein : «Le projet de loi n° 28 ne
respecte pas la dignité citoyenne — quand même fort. Il est inutile
et dangereux pour la démocratie.» Ça, c'est vous, c'est vos propos. Pourquoi
c'est dangereux pour la démocratie et pourquoi le projet de loi déposé par la
CAQ ne respecte pas la dignité citoyenne?
Mme Pierre
(Alexandra) :Bien, encore une fois,
depuis un moment, la ligue prétend que la loi sur l'état d'urgence... ou l'état
d'urgence n'a plus sa raison d'être. Donc, plus on prolonge cet état d'urgence
d'une... par un mode ou par un autre, hein, comme le projet de loi n° 28,
bien, plus les atteintes à la démocratie se cumulent. Pour nous, on peut
prendre des mesures sans être dans un état d'urgence, on peut prendre des
mesures en respectant les processus et les débats démocratiques, et ça fait
partie des droits humains, de la capacité de la population à avoir cette
voix-là et du gouvernement à être imputable, par ailleurs.
M. Derraji : Vous évoquez
beaucoup, dans votre mémoire, la démocratie, le respect des institutions. Je
suis comme vous, nous sommes au sein d'une institution qu'il faut respecter,
parce qu'on n'est pas juste des figurants, hein, on est là pour jouer notre
rôle, et si quelqu'un n'est pas content, il peut démissionner et quitter. Si je
vous dis d'interpréter le processus démocratique depuis le début, de ce
gouvernement, mais je vais me limiter, depuis le début de la pandémie, est-ce
que c'est un recul pour vous? Est-ce vraiment une atteinte? Est-ce que c'est un
recul? Comment vous qualifiez ce qu'on voit avec la CAQ depuis mars 2020? C'est
quoi, cette attitude...
18 h (version révisée)
M. Derraji : ...qualifiez ce
qu'on voit avec la CAQ depuis mars 2020? C'est quoi, cette attitude? Comment
vous qualifiez cette attitude?
Mme Lamoureux (Diane) : Bien,
on pense que le gouvernement par décrets est un recul et un manque de respect pour
nos institutions démocratiques, surtout quand ça s'éternise sur deux ans, O.K.?
Et effectivement on vit dans un régime parlementaire, on est dans une monarchie
parlementaire, et c'est à l'Assemblée nationale... c'est l'Assemblée nationale
qui est imputable, c'est... Bien sûr, on n'a pas une séparation étanche entre l'exécutif
et le législatif, dans un régime parlementaire, puisque c'est la majorité
parlementaire qui constitue le gouvernement, mais, en même temps, il y a quand
même des balises et une plus grande écoute à une diversité de points de vue
présents dans la population quand le Parlement se saisit réellement des enjeux
de société, plutôt que de se faire aviser des décisions gouvernementales.
M. Derraji : Vous avez
évoqué, tout à l'heure, l'élection au mois d'octobre. Le gouvernement risque,
avec sa majorité, de passer ce projet de loi, et fort probablement le Québec
sera prolongé dans un état d'urgence jusqu'au 31 décembre 2022. C'est
quoi, votre lecture?
Mme Pierre
(Alexandra) :Je ne suis pas sûre de votre
question, mais la lecture, c'est que cet état d'urgence, encore une fois, est
illégitime. On ne comprend pas trop quelle est cette date du 31 décembre.
Si ce qui devait être réglé ou commencer à être réglé il y a plus d'un an et demi,
maintenant, ou un certain temps, ne l'est pas aujourd'hui, je ne vois pas
pourquoi ça le serait magiquement le 31 décembre. Donc, voilà, il faut
mettre fin à l'état d'urgence de façon immédiate et effective, et ça, ça
implique de ne pas voter ce projet de loi n° 28.
M. Derraji : Oui, je
comprends que vous êtes contre ce projet de loi, mais, je vous le dis, la CAQ a
75 élus, donc le projet de loi risque de passer. Est-ce que vous serez
déçues si, demain, vous allez voir que le projet de loi a été voté d'une
manière... par 75 députés caquistes, et que l'élection, c'est au mois d'octobre,
et que l'état d'urgence va se poursuivre jusqu'au 31 décembre 2022?
Mme Lamoureux (Diane) : Bien
sûr qu'on va être déçues, parce que nous, on demande, depuis plus d'un an, qu'il
soit levé, l'état d'urgence. Donc, c'est sûr qu'on sera déçues, mais on ne peut
pas empêcher la majorité parlementaire de le faire, mais on peut quand même
souligner l'espèce de tour de passe-passe que ça constitue. C'est notre rôle
comme garants des droits et des libertés.
M. Derraji : Oui, mais souvenez-vous
de ce vote en octobre.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Alors, M. le député
de Rosemont, s'il vous plaît, la suite vous appartient.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Mesdames, merci d'être là. Merci pour votre mémoire. Je n'aurai pas
grand-chose à rajouter, là, on ne s'ostinera pas, là, vous et moi, aujourd'hui.
Si j'avais à résumer, là, la dizaine de témoins entendus à ce jour, je dirais
que les syndicats ont des graves préoccupations. C'est probablement normal. Le
gouvernement et son appareil est pour la loi, pour des raisons
pratico-pratiques de fonctionnement dont on peut débattre, là. Et le droit, du
moins, les gens qui se sont exprimés au nom du droit sont contre, dont vous.
Vous dites, par exemple, que «la mise en
place d'un mécanisme de reddition de comptes concernant la gestion de l'état d'urgence
sanitaire au Québec et la gestion de la crise sanitaire elle-même par une institution
habilitée à rendre compte directement devant l'Assemblée nationale — ça
va jusque là? — que dans l'éventualité où le projet de loi n° 28
serait adopté, une disposition prévoyant formellement un tel mécanisme de
reddition de comptes par une institution habilitée à rendre compte directement
devant l'Assemblée nationale y soit prévue». Vous l'avez dit, mais, pour ma
lanterne puis pour que ce soit bien clair, vous pensez à quoi? Parce que, d'après
moi, ça existe déjà, mais c'est incomplet. Vous pensez à quoi?
Mme Pierre
(Alexandra) :Bien, nous, on pense que le Protecteur
du citoyen serait cet organisme qui pourrait faire le travail. En même temps,
on est plutôt ouverts à d'autres propositions. Mais l'essentiel de notre
demande, c'est qu'il y ait un mécanisme de reddition de comptes au-delà du... je
ne m'en rappelle jamais comment ça s'appelle, mais du rapport d'événement,
puisqu'on considère que deux ans de pandémie, deux ans d'état d'urgence, ce
n'est plus un <événement...
Mme Pierre (Alexandra) :
...puisqu'on considère que deux ans de pandémie,
deux ans d'état d'urgence, ce n'est plus un >événement, puis on a besoin
de plus qu'une liste actuelle.
M. Marissal : Mais à ça,
ce qu'on nous dit... Puis j'ai eu des débats, là, en ondes et hors d'ondes,
avec le ministre ou même avec les sous-ministres. Ce qu'on me dit, c'est
ça : Il faudrait revoir la Loi sur la santé publique et la déclaration de
l'état d'urgence sanitaire, puis ce n'est pas ici qu'on va faire ça. On va le
faire un jour, peut-être, là, on est bien ouverts, mais on ne le fera pas.
Donc, je reviens au point de départ, là :
On est pris avec le projet de loi n° 28, là. Est-ce que c'est amendable à
vos yeux, ou si je dois lire, dans le texte, votre première conclusion, qui est
de rejeter complètement ce projet de loi? Ce qui n'arrivera pas, je vous le dis
tout de suite, là.
Mme Lamoureux (Diane) : Bon,
on ne prend pas nos désirs pour des réalités, mais on peut quand même exprimer
nos désirs, et ce qui nous semble le plus souhaitable dans les circonstances.
Donc, c'est pour ça qu'on demande le retrait du projet de loi.
Par ailleurs, bon, le ministre vient de
nous dire que ce sera un rapport d'événement bonifié, mais ça ne sera pas
vraiment une reddition de comptes. Et alors, nous, ça nous semble important, ça
a été des moments importants dans l'histoire, dans les dernières années de
l'histoire du Québec, et c'est une grande partie du budget de l'État, le
système de santé, c'est important que la population puisse vraiment savoir ce
qui s'est passé.
• (18 h 10) •
M. Marissal : Bien
d'accord. Et je vous remercie. Je n'ai plus de temps. Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. Alors, nous terminons avec le
député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau : Merci
beaucoup, M. le Président. Merci, mesdames Pierre et Lamoureux. Vous avez
mentionné que... comme d'autres aujourd'hui, qu'on vit sous un régime juridique
d'exception. Et puis vous ajoutez qu'il est caractérisé par l'opacité, le
manque d'impunité et le manque de transparence... manque de... non pas... d'imputabilité,
je voulais dire, et de transparence. Et, bon, on est plutôt d'accord avec votre
analyse.
Maintenant, vous demandez, puis je vais
aller sur le même thème que mon collègue de Rosemont, vous demandez le retrait
du projet de loi. Qu'en est-il des mesures qui sont proposées par le
gouvernement, des mesures populationnelles, par exemple, le maintien du port du
masque ou encore les mesures opérationnelles? On parle de vaccination, de
dépistage, d'entreposage. Est-ce que vous estimez qu'on pourrait le faire avec
les moyens réguliers de l'État ou qu'on devrait le faire par l'adoption d'un
projet de loi très, très ciblé?
Mme Pierre
(Alexandra) :Alors, merci pour cette
question. Au risque de nous répéter, la ligue n'a jamais été contre les mesures
visant à protéger la population, mais bien contre leurs modes d'adoption. Il y
a toutes sortes de modes d'adoption, de mécanismes démocratiques pour
maintenir, continuer ces mesures de protection : projet de loi via
l'Assemblée nationale puis il y a aussi des modes de gestion au niveau des
CIUSSS, des CISSS, des santés... pardon, des directions régionales de santé
publique. Voilà, il faut que ces mécanismes-là soient débattus et soient pris de
façon démocratique.
M. Arseneau : D'accord.
Donc, si je vous comprends bien, si on mettait de côté le projet de loi n° 28
et qu'on déposait un projet de loi pour cibler un certain nombre de mesures qui
semblent justifiées, qui seraient débattues par les parlementaires, cela vous
conviendrait, là, à partir du moment où, démocratiquement, on peut justifier ou
non... Enfin, on peut justifier, oui, trouver des motifs pour des mesures
exceptionnelles qui pourraient s'appliquer pour un certain temps.
Mme Lamoureux (Diane) : Oui,
mais sur fond de levée de l'état d'urgence. Parce que ce qui nous semble
important, c'est de... Que des mesures appropriées soient prises pour assurer
la santé publique, on est tout à fait d'accord. Le problème, c'est de quelle
façon ces mesures sont prises. Et, pour l'instant, on est dans un régime
d'exception.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup.
M. Arseneau : C'est tout
le temps que j'ai. Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, Mme Alexandra Pierre et
Mme Diane Lamoureux, de la Ligue des droits et libertés pour votre
collaboration et votre contribution. Je vous souhaite une excellente fin de
journée et merci beaucoup.
Mme Pierre
(Alexandra) :Merci.
Mme Lamoureux (Diane) : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci aux collègues de la commission
pour leur collaboration.
Nous ajournons nos travaux jusqu'au
jeudi 7 avril, après les affaires courantes. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 18 h 14)