(Onze
heures trente-trois minutes)
Le Président (M. Provençal)
: Bonjour à tous. Ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et
des services sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à
toutes les personnes de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électriques.
La commission est
réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi n° 28, Loi visant à mettre fin à l'état
d'urgence sanitaire.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Ciccone (Marquette) est
remplacé par M. Barrette (Lapinière).
Auditions (suite)
Le Président (M.
Provençal)
: Merci
beaucoup. Ce matin, nous entendrons les personnes suivantes : Dr Luc
Boileau et Mme Julie Labbé conjointement avec M. Guy Thibodeau et M.
Jean-François Fortin Verreault.
Comme la séance a
débuté 15 minutes plus tard que notre... alors, on va avoir besoin d'un
consentement pour terminer 15 minutes plus tard.
Des voix : Consentement.
Le Président
(M. Provençal)
: On
n'a pas le choix parce qu'on ne retournera pas le groupe. Merci. Je souhaite la
bienvenue au Dr Boileau. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes
pour votre exposé, après quoi, nous procéderons à la période d'échange avec les
membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à débuter votre
exposé. Je vous cède la parole, monsieur.
M. Luc Boileau
M. Boileau
(Luc) : Merci beaucoup. Merci, M. le Président. Alors, je... et M. le
ministre et Mmes, MM. les députés. Je me présente, Luc Boileau. Je suis le
directeur national de la Santé publique par intérim et je suis ici aujourd'hui
pour... d'abord, vous remercier de m'inviter pour me donner le privilège d'être
avec vous pour les consultations sur le projet de loi n° 28
et de répondre à toutes vos questions. Alors, je vais tenter de faire mon
allocution à l'intérieur des 10 prochaines minutes et je crois pouvoir y
réussir.
Alors, comme
directeur de la Santé publique par intérim, je trouve évidemment important
d'expliquer à mon tour, là, plus en détail pourquoi on a besoin de ce levier
législatif pour continuer de servir et de bien protéger la population. Alors, comme vous le savez, on est
actuellement en plein coeur d'une sixième vague. Il y a des incertitudes
sur cette vague-ci et on ne sait pas comment elle va évoluer avec précision.
Mais il y a une chose qui est sûre, c'est qu'au moment où on se parle, la
tendance reste à la hausse. Alors, on aimerait bien sûr, comme vous tous, je
suis certain, mettre ça derrière nous, mais ce n'est pas la réalité. Et il y a
bien sûr une grande différence entre la levée de la plupart des restrictions et
la fin de la pandémie.
Alors, on est
actuellement dans une phase transitoire de pandémie, et le projet de loi, tel
que je le comprends, vient appuyer ce processus de transition. L'arrivée de
cette nouvelle vague démontre... pardon, à elle seule toute l'importance
d'avoir les leviers et les pouvoirs nécessaires pour agir de façon responsable
et diminuer les impacts sur la santé de la population.
Comme vous le savez,
je suis entré en poste plus récemment, là, ça fait trois mois, alors que la
cinquième vague battait son plein. Puis elle était bien sûr accélérée par le
contexte d'un nouveau variant, l'Omicron. Mais auparavant, dans mes différentes
fonctions, en particulier, bien sûr, celles de P.D.G. de l'INESSS, j'étais en
mesure d'observer la situation. Alors, depuis le tout début, de par son
caractère très imprévisible, la pandémie nous met toujours sur le qui-vive
puisqu'il y a eu des changements, vous les avez vus, qui se sont présentés avec
l'évolution de ce virus-là et de ses différentes caractéristiques.
Alors, on a vu, au
cours des derniers mois, à quel point les nouveaux variants peuvent
effectivement changer très rapidement. Il faut donc pouvoir prévoir, anticiper,
mais aussi être agile et agir lorsque c'est nécessaire. Or, comme directeur national de la Santé publique par
intérim, je suis d'accord qu'on est rendu à un moment... excusez-moi, ce
n'est pas ce que vous craignez que j'aie, à un moment opportun.
Des voix : ...
M. Boileau
(Luc) : Non, non. Moi, je trouve que ça s'inscrit bien
dans la conversation, là, mais rassurez-vous, ce n'est pas ça, j'ai
d'autres petits problèmes.
Alors, ce que je disais,
c'est que je suis d'accord, comme plusieurs, qu'on est rendus à un moment où
est-ce qu'on... c'est opportun, là, de lever l'état d'urgence sanitaire, mais
il est nécessaire de maintenir certaines mesures transitoires. Alors, dans ce
projet de loi là, il y a des éléments fondamentaux pour nous permettre de
continuer à gérer efficacement la pandémie.
Alors, de la
façon dont ça fonctionne au Québec en temps normal, comme je comprends le
système, c'est... chaque direction régionale de santé publique fait des
actions de façon locale ou régionale, mais le plus souvent, c'est local. Contrairement à ce que certains pourraient le
croire, la Loi de la santé publique, selon moi, ne permet pas au
directeur national de santé publique d'avoir une portée nationale dans ses
actions. C'est davantage région par région.
Alors, l'état d'urgence sanitaire, elle, elle a
permis de mettre en place et de mettre en oeuvre des actions de santé publique sur le plan national. Sans l'état
d'urgence, il n'aurait pas été possible de mettre en place les
différentes mesures sanitaires qui permettaient de réduire les contacts et, par
conséquent, la propagation de la maladie sur l'ensemble
du territoire québécois. Alors, impossible alors de rendre obligatoire le port
du masque dans les lieux publics, de rendre obligatoire aussi
l'enseignement à distance pour les enfants, de limiter la capacité d'accueil
dans les différents lieux publics, par exemple.
Alors, comme vous le savez, on est entrés dans
une nouvelle étape de la gestion de la pandémie. On met en place le fameux
vivre avec le virus. Alors, il faut peu à peu reprendre la vie normale car la
succession des confinements et des mesures sur la période des deux dernières
années a eu des conséquences sur plusieurs plans pour à peu près toute la
population. Alors, on est bien conscient de cela, mais, comme vous le savez, on
a recommandé, plus tôt cette semaine d'ailleurs, que le port du masque
obligatoire soit maintenu pour l'instant, pendant quelques journées de plus,
quelques semaines maximum, mais, en tout cas, pour l'essentiel, c'est pour le
mois d'avril, parce que la plupart des
autres mesures ont été levées progressivement au cours des dernières semaines
et des derniers mois.
Et, même si
le Québec vit une hausse de cas et d'hospitalisations, la Santé publique n'a
toujours pas l'intention de renouveler ou de recommander de nouvelles
mesures populationnelles. Alors, c'est maintenant à chacun, pour les autres et
pour soi-même, de prendre ses responsabilités en fonction de la situation des
autres et de la sienne aussi. Alors, chaque personne doit faire ce qu'elle a à
faire pour réduire ses risques d'avoir la COVID et se protéger, mais aussi
protéger les autres. On appelle, globalement, au sens civique de la
population... pardon.
Mais, ceci étant dit, avant la fin de l'état
d'urgence... plutôt, avec la fin de l'état d'urgence sanitaire, le projet de
loi, tel que je le comprends encore, nous permet de préserver des leviers qui
sont nécessaires à notre disposition pour pouvoir continuer de protéger la
population. Alors, l'idée est notamment d'être en mesure de mobiliser les forces vives pour vacciner et dépister
efficacement. Ce sont des éléments clés pour notamment protéger les
personnes les plus vulnérables, qui, comme on le sait, là, sont les plus à
risque des complications. Alors, les décrets et les arrêtés qui demeureraient
en vigueur jusqu'à la fin de l'année, au 31 décembre prochain, 2022, sont
absolument nécessaires à nos yeux pour conserver notre agilité puis notre
efficacité à protéger la population au cours des prochains mois.
• (11 h 40) •
Alors, comme
je le comprends, le maintien de certains arrêtés ministériels vise à permettre,
entre autres, l'embauche de personnes
salariées temporaires grâce à la plateforme qu'on appelle Je contribue. Alors,
à défaut de pouvoir compter sur ce personnel temporaire, il faudrait
avoir recours aux employés qu'on dit réguliers... pardon, du réseau de la santé
et des services sociaux pour assurer ces services de dépistage et de
vaccination. Et on le voit actuellement, avec la sixième vague, le taux
d'absentéisme chez les travailleurs de la santé est élevé et il ne baisse pas,
là, en ce moment. Alors, dans l'état actuel, sans la contribution des
travailleurs recrutés grâce à la plateforme Je contribue, le dépistage puis la
vaccination essentiels devraient être organisés uniquement avec le personnel
régulier du réseau qui est déjà largement sollicité et qui est en situation de
fragilité, là, avec le contexte actuel. Alors, ça m'apparaît invraisemblable de
pouvoir faire ça.
Un autre élément très important du projet de loi
et qui vise à poursuivre la vaccination pour un nombre ou un grand nombre de
personnes qui sont autorisées, plutôt que par des personnes qui sont autorisées
à le faire, plutôt que par des personnes qui se retrouvent habituellement sur
la liste des professionnels qui sont habilités, là, de façon courante à
vacciner... Je sais que ça a déjà été abordé, mais je veux juste le mentionner,
en temps normal, ça se limite aux infirmières, aux médecins, aux infirmières et
infirmiers auxiliaires, aux infirmiers, bien sûr, aux sages-femmes, aux
inhalothérapeutes et aux pharmaciens.
Mais, dans le contexte d'une urgence sanitaire,
on a eu la nécessité d'élargir le bassin de personnes autorisées à vacciner et
on a pu ainsi compter sur la contribution de plusieurs autres groupes. D'abord,
les étudiants, que ce soit en soins
infirmiers, en médecine, en pharmacie, en sages-femmes, les infirmières
auxiliaires ou les infirmiers auxiliaires
aussi, les dentistes, les hygiénistes dentaires, des diététistes, des
nutritionnistes, des optométristes, des orthophonistes, des physiothérapeutes, des techniciens ambulanciers se
sont ajoutés au groupe, et c'était essentiel pour pouvoir offrir cette vaccination de masse qui
était requise dans le contexte. Alors, en cette sixième vague, mais
également au cours des prochains mois, comme
on ne peut pas prédire ce qui va arriver, nous sommes toutefois assurément
convaincus que nous pourrions encore avoir besoin de ces personnes pour nous
appuyer dans le dépistage et dans la vaccination.
D'ailleurs,
la vaccination est toujours en cours. Vous l'avez entendu, la dose de rappel,
la quatrième dose a été mise de
l'avant depuis la semaine passée pour les personnes en CHSLD, en RPA, dans
d'autres installations et pour les 80 ans et plus. Et depuis ce matin, aujourd'hui, ce sont les
personnes de 70 ans et plus qui peuvent prendre rendez-vous pour
cette quatrième dose, tout en respectant un intervalle, bien sûr, minimum de
trois mois entre la troisième et la quatrième dose.
Et c'est la même chose pour les personnes de 60 ans et plus qui vont
pouvoir s'inscrire dès lundi matin prochain.
Alors, le vaccin demeure un outil remarquable,
extrêmement efficace pour... vraiment, là, par rapport à quoi que ce soit
d'autre, là, pour prévenir les complications graves, c'est une bonne nouvelle.
Et, en raison de la venue du variant BA.2, on veut offrir
une immunisation supplémentaire à ces personnes qui sont à risque et qui sont
déjà bien protégées par les doses
précédentes, mais qui pourraient être plus à risque avec le temps parce que
l'efficacité vaccinale baisse, qu'elle soit naturelle par l'infection ou
par la vaccination. Alors, il faut des ressources pour l'administrer.
Alors, la même chose pour les dépistages. Les
tests de dépistage, ça fait partie des principaux moyens pour lutter
efficacement contre la pandémie de la COVID-19. Alors, il y a eu un virage, on
le sait, vers les tests rapides de dépistage
pour une bonne partie de la population, mais il y a encore beaucoup de
dépistage qui doit se faire en clinique. Alors, ces tests sont réservés
aux travailleurs de la santé, oui, mais aussi à plusieurs autres clientèles,
notamment les personnes symptomatiques qui travaillent dans le milieu scolaire
ou les milieux de garde, les proches aidants, les personnes de 65 ans et
plus.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, Dr Boileau, je vais devoir
vous interrompre, alors je vais... Les gens auront
sûrement des questions à vous poser pour compléter votre présentation. Je
m'excuse. M. le ministre, je vais vous maintenant vous céder la parole
pour débuter cet échange. Vous avez 15 min 15 s.
M. Dubé : Alors,
M. le Président, merci beaucoup. À mes collègues de l'opposition, aux députés
du gouvernement, merci encore une fois d'être là pour ce projet de loi
si important. M. Boileau, je ne peux pas... Dr Boileau, je ne peux pas
m'empêcher de prendre juste quelques secondes pour vous remercier d'avoir
accepté ce défi-là il y a trois mois. Au moment où vous êtes arrivé avec nous,
ce n'était vraiment pas facile d'avoir su relever ce défi-là, je pense, que
d'avoir donné aussi un répit au Dr Arruda qui avait vraiment besoin de se
reposer. Je pense qu'on a eu la chance de vous avoir puis je tiens à vous
remercier pour votre présence. J'entends souvent des commentaires excessivement
positifs de la part du public qui a une grande confiance dans vos sorties,
lorsque vous faites vos points de presse, puis je tenais à vous le mentionner
parce que vous avez fait un travail remarquable depuis que vous êtes là, puis
merci beaucoup, Dr Boileau.
M. Boileau (Luc) : Merci.
M.
Dubé : Je vais aller sur
trois, quatre sujets. Le premier, vous le dites souvent, puis je pense que c'est
rendu presque un euphémisme de dire qu'il
faut apprendre à vivre avec le virus. Et j'aimerais vous demander deux
exemples, un exemple positif de ce que ça veut dire, vivre avec le virus, puis
peut-être un exemple négatif.
Ce que je veux dire, c'est que, si vous aviez à
dire à quelqu'un, ça veut dire quoi, de continuer à faire... de vivre avec le
virus puis aussi de faire attention de ne pas faire... parce qu'il y a beaucoup
de gens qui vous écoutent aujourd'hui, qui savent que vous êtes en commission.
Je sais qu'on va parler des mesures d'urgence, mais je vous ai entendu souvent
dire : Il faut vivre avec le virus. J'aimerais ça vous entendre sur un
petit conseil à donner et l'autre à ne pas faire.
M. Boileau (Luc) : Bien, donc,
d'abord, merci pour vos bons mots. Vivre avec le virus, ça veut dire vivre
en... ça ne veut surtout pas dire vivre en oubliant le virus. Vivre avec le
virus, c'est de vivre en toute conscience qu'il y a un risque associé à ce
virus-là qui est un virus qui est très contagieux et qui fait en sorte qu'on
peut être atteint et on peut atteindre
d'autres personnes.
Alors, le
côté positif de la chose, c'est qu'on a appris, au fil des deux
dernières années, qu'il y a des façons de se protéger, des façons simples.
D'abord, le masque, le lavage des mains, la distanciation, d'être prudents dans
nos sorties, qui on fréquente. Ce n'est pas une question que nos amis sont plus
fins que les autres pour le virus, tout le monde est égal là-dessus, mais c'est
vraiment de pouvoir tirer avantage de tout ce qu'on a appris dans les deux
dernières années. Et les choses dont il faut encore se méfier et qui laissent
présager aussi des risques pour la population, c'est une activité de civisme,
c'est-à-dire de reconnaître que, lorsqu'on a des symptômes, bien, on est
probablement atteints de cette maladie-là puisqu'elle est très fréquente et on
doit s'isoler. Et si ce n'est pas la COVID, et si c'est la grippe, puisqu'elle
pourrait arriver aussi, alors de s'isoler aussi pour éviter de propager ça aux
autres personnes.
Et cet isolement-là devrait durer 10 jours.
Les cinq premiers sont sous une formule d'un isolement plus à domicile, de
rester bien confiné soi-même puisque la charge virale que nous avons peut être
très élevée pendant les cinq premiers jours, et les cinq autres journées, elle
est toujours là, elle va en diminuant, mais donc de pouvoir sortir et vaquer à
quelques activités, mais en s'assurant que nous restions très prudents, donc
toujours porter le masque, ne pas aller danser, chanter, pas aller au
restaurant, pas aller dans les spectacles, de respecter cela.
Alors, le côté très positif de l'histoire de la
COVID, c'est que ça a permis une solidarité, ça a permis aux gens d'adapter de
nouvelles mesures, d'être conscientisés puis de développer ce sens civique. Le
côté négatif, c'est quand on le néglige et qu'on croit que, parce qu'on n'a
plus de symptômes ou qu'on a entendu parler que ça pouvait durer moins
longtemps, bien, c'est de prendre des risques pour les autres. Et ce n'est pas
soi-même... on ne se réinfectera pas pendant les journées qui suivent. On peut
se réinfecter après, là, bien sûr, mais on ne se réinfectera pas dans les
journées qui suivent, et le côté négatif, c'est lorsqu'on laisse passer
l'opportunité de bien agir pour les autres, alors que, pour soi-même, on s'en
est mieux sorti.
Ça reste une maladie grave, une maladie qui est
fréquente, une maladie qui amène des gens plus à risque dans le circuit des
hôpitaux et, des fois, malheureusement, pire encore. Et ces personnes-là se connaissent,
mais il faut aussi que tout le monde les connaisse. Ce sont des gens de plus de
60 ans, en général, qui sont plus fragilisés. Il faut être conscient que,
si on va les rencontrer, bien, il ne faut pas avoir trop de symptômes, hein? Il
ne faut pas en avoir puis il ne faut pas avoir fait des sorties qui nous
amènent à risque de les contaminer.
M. Dubé : Alors,
ce que je retiens, Dr Boileau, puis je vais aller plus spécifiquement sur le
p.l. n° 28, mais ce que je retiens, c'est que le
virus est encore bien là, puis il faut continuer de se protéger. Alors, je
pense que vous avez quand même maintenant régulièrement des points de presse
puis je pense que ces points-là ont été soulevés, notamment encore hier.
Vous avez dit dans votre présentation... puis je
pense que c'est important d'expliquer toute la question des limites actuelles de la Loi de la santé publique
quand vous parlez, par exemple, de la portée régionale versus nationale,
donc d'avoir... j'aimerais ça que vous
élaboriez un petit peu pour expliquer comment ça nous a aidés d'avoir les
mesures d'urgence sur une base nationale plutôt que régionale. Je pense que
c'est peut-être moins connu de la population à cet effet-là, là.
• (11 h 50) •
M. Boileau (Luc) : Oui. Les leviers
disponibles actuellement... législatifs permettent à des directeurs de santé publique, des directeurs régionaux de santé
publique, d'agir localement lorsque c'est requis. Il y a eu différentes
situations pour ce faire. Moi, je dirigeais la Santé publique de la Montérégie
quand on a eu le verglas, et il y a eu certaines situations où on pouvait agir
dans des crises associées à cela, avec de l'influenza et autre chose. Mais ça peut arriver et, habituellement, ce sont des
maladies infectieuses ou des risques environnementaux importants qui
nous permettent de dire : On crée un
espace de protection et on empêche les gens soit d'entrer ou on invite les gens
à quitter le territoire. Quand j'étais
très jeune, ça fait déjà un petit bout de temps, il y avait... j'étais en
charge de la situation de Saint-Basile-le-Grand, alors il y avait eu une
évacuation.
Ce sont des choses qui peuvent être faites avec
les leviers qui existent en ce moment. D'essayer de répéter ça dans toutes les
régions et toutes les localités pour avoir une approche d'une mesure qui doit
être standard pour l'ensemble d'une population, c'est impossible. Il faut faire
ça avec le levier des états d'urgence, sinon on n'y arrive pas. Ça demande un
circuit de décision qui est beaucoup trop long, et qui a des risques majeurs de
dérapage, et ça ne peut pas se faire ainsi. Et toutes les juridictions à
l'extérieur du Québec ont saisi ces mêmes occasions là d'amener des mesures
pour que l'ensemble des populations puisse être d'abord avisé de ces
risques-là, mais aussi invité à suivre des règles pour empêcher les
propagations. Alors, on n'est pas dans des pays où on est capable d'être
extrêmement sévère de ce côté là, mais ces leviers là, ici, ont été essentiels,
et la seule manière de le faire, c'est de le faire dans un contexte de mesures
d'urgence...
M. Dubé : Nationales.
M. Boileau (Luc) : ...nationales.
M. Dubé : Le deuxième point aussi,
puis on en a déjà parlé... parce qu'on se dit souvent, bien... puis un peu ce que je retiens, on veut être opérationnel parce
que ça va tellement vite lorsqu'une vague revient, puis etc... Parlez-moi
aussi de la flexibilité que les mesures sanitaires... mesures d'urgence nous
ont donné entre les vagues. Parce que, tu sais, les gens disaient : Bien
là, la vague est terminée, vous devriez arrêter puis vous recommencerez. Je
veux juste voir le côté opérationnel de ça, ce que nous ont permis les mesures
d'urgence.
M. Boileau (Luc) : Je n'étais pas
celui qui dirigeait la Santé publique, mais, comme je le mentionnais tantôt,
j'étais tout à côté, là, dans un espace de visibilité, là...
M. Dubé : Pas loin.
M. Boileau (Luc) : ...comme P.D.G.
de l'INESSS. Mais il est clair que c'était impossible de ne pas avoir une continuité dans ces mesures-là pour justement,
dans notre propre contexte au Québec, permettre de faire du dépistage,
pour voir arriver comment reviendraient les autres vagues et de permettre de
faire de la vaccination pour pouvoir, justement,
contrer les effets de cette progression dont on pouvait nous attendre et de
pouvoir également mettre de l'avant des
mesures, qui ont été mises de l'avant, je me répète, là, dans des périodes qui
étaient plus creuses en termes de risques.
Par exemple, le port du masque, lorsque c'est
arrivé, on était entre deux vagues, et c'était une mesure qui s'annonçait comme
essentielle, dans la progression de la connaissance sur le coronavirus, d'être
installée dans une population. On n'avait pas d'autres outils, on n'avait pas,
à ce moment-là, les outils qu'on connaît aujourd'hui, de vaccination, et ça
s'est avéré très utile, et ça s'avère encore utile, évidemment, avec les
décisions qui ont été prises cette semaine, après nos recommandations.
Donc, on ne peut pas regarder l'arrêt d'une
vague en disant : Bon, bien, ça vient de finir aujourd'hui par... l'INSPQ
dit que c'est rendu là, on arrête les mesures. Elles doivent continuer parce
qu'il y a des gens qui continuent, d'abord,
à être infectés et d'autres qui vont revenir. Ce sont des cycles qui sont normaux
avec des maladies infectieuses comme ça, contagieuses. Il faut
s'attendre à ça. L'important, c'est de les voir venir, d'être bien outillés et
de faire en sorte que la vague soit la moins élevée et la moins dommageable
possible.
M.
Dubé : Très bien. Je vois le temps qui file, Dr Boileau.
J'aimerais ça aussi vous entendre, parce que je l'ai entendu souvent, là, puis c'est légitime de poser
des questions parce que le projet de loi a été bâti comme ça... de cette
fameuse date, là, du 31 décembre 2022.
C'est quoi, les outils qui vous restent après cette date-là, là, dans le
contexte actuel, où on mettrait,
là... il y aurait une acceptation des mesures transitoires? Quels sont les
outils qui vous restent pour qu'on soit protégés après le 31 décembre 2022? Comment vivre avec le virus, je
reviens encore à ça, mais après le 31 décembre?
M.
Boileau (Luc) : Bien, d'abord, il y a bien des chances que le
virus ne suive pas les intentions parlementaires et qu'il soit encore là
après le 31 décembre. Ça, il faut envisager ça, d'une part. Mais d'autre
part, c'est que je pense que, dans ces mesures transitoires là, nous serons
avec un système adapté pour faire en sorte que le dépistage soit intégré dans
les pratiques plus courantes dans le système de santé et de services sociaux.
Il y a plusieurs pièces qui peuvent, progressivement, dans cette période
transitoire, prendre le relais, et donc on sera outillés, au lendemain du
31 décembre, pour ce faire. La même chose pour la vaccination. Sans doute
qu'il y aura eu un paysage ajusté pour nous permettre de maintenir cette force
vive là. D'ici là, il faut anticiper, mon collègue Dr Longtin le disait hier, qu'il y aura... qu'il est possible qu'il y ait une
autre vague. En fait, c'est vraisemblable, c'est toujours comme ça que
ça va se passer. Mais s'il y a une bonne charge qui a été cherchée, en ce
moment, d'immunité et de vaccination, ça va nous permettre d'agir autrement.
L'autre chose qui est très importante pour moi,
c'est les autres projets qui sont sur la table, donc le... et ça, c'est ce que
je crois, là, que les systèmes d'information et la capacité d'absorber
l'information, de la voir en temps réel le plus possible, nous permettent
d'avoir des routes agiles, rapides, réactives pour connaître l'état des lieux et
agir pour vacciner, ou dépister, ou d'anticiper quelque chose qui arrive, que
ce soit le coronavirus ou autre chose. D'ailleurs,
on n'est pas à l'abri, d'abord, de d'autres variants puis de d'autres choses.
Donc, le système va être prêt après.
M. Dubé : Donc, c'est notre
responsabilité d'être sûrs qu'on a les mesures qui sont en place, parce que ça
pourrait continuer après le 31 décembre, je pense qu'on en est tous
conscients. Pendant que je vous ai, il y a eu quand même des développements
intéressants sur un des outils, qui est le fameux médicament Paxlovid, et
j'aimerais en profiter, là, parce qu'encore une fois les choses avancent bien.
Qu'est-ce qui s'est passé, là, dans... Avez-vous senti peut-être, du côté de la
population, peut-être une meilleure acceptation du médicament au cours des
dernières semaines? Parce qu'on sait tous, maintenant, que le médicament est
disponible en pharmacie sans prescription, comme
tel. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que vous m'en avez parlé,
mais j'aimerais que les Québécois entendent un peu l'avancée de ça, en
termes d'un outil supplémentaire pour ceux qui contracteraient le virus.
M. Boileau (Luc) : Le Paxlovid est
un médicament... visiblement, une innovation qui peut être très utile. Tout le
Canada est pris avec un problème de complexité pour offrir le Paxlovid et le
rendre disponible rapidement aux personnes ou aux groupes qui en ont besoin,
partout, mais le Québec a mis de l'avant le système qui risque d'être le
meilleur sur la scène canadienne, j'oserais même dire mondiale. Le fait d'avoir
si rapidement permis de créer un consensus, qui a été couvert par les autorités
gouvernementales, pour faire en sorte que les pharmaciens puissent évaluer les
personnes avec les tests suffisants, la connaissance suffisante et prescrire le
Paxlovid et en assurer un suivi, parce qu'il y a une complexité de ce
médicament-là, c'est un atout considérable. Il nous faut reconnaître que les
gens, avec la montée du BA.2, et en particulier les personnes qui sont très
vulnérables, il y a des critères, justement, de l'Institut national
d'excellence en santé et services sociaux qui sont connus. Ces personnes-là se
connaissent, elles savent que, si elles développent des symptômes, il faut
qu'elles puissent agir rapidement. On a des
médicaments, des anticorps monoclonaux, mais on a le Paxlovid qui se donne plus
facilement. C'est par la bouche, puis on peut l'avoir en pharmacie. Et
il y a des gens qui n'ont pas profité de la vaccination, au fil des deux
dernières années, qui elles, lorsqu'elles se présentent avec ça, il faut
qu'elles puissent aussi être aidées pour diminuer le risque de complications
parce qu'elles n'ont pas le bénéfice...
M. Dubé : Mais avant, Dr Boileau,
juste parce que vous, vous le savez, là, mais ce que je voulais peut-être faire
ressortir, c'est que, jusqu'à cette annonce-là qui est effective depuis le
1er avril, c'est que les gens devaient avoir
une prescription du médecin et ils devaient soit aller à l'hôpital ou avoir une
prescription du médecin, ce qui rendait l'accès difficile parce qu'il y
a la difficulté d'avoir... Alors, maintenant, c'est ça qui a changé depuis
quelques jours, là. Puis vous avez vu une augmentation dans l'utilisation du
médicament depuis ce temps-là?
M. Boileau
(Luc) : Oui, une augmentation dans les demandes aussi,
parce que les gens... c'est au pharmacien à faire l'évaluation, mais là les gens viennent à la porte et puis ils le
font par téléphone aussi, bien sûr, s'ils ont des symptômes, ils ne sont
pas bien. Mais c'est le «game changer», excusez... le changement majeur, c'est
le raccourci de l'accès...
Le Président (M. Provençal)
: ...M. Boileau, pour votre
réponse.
M. Boileau (Luc) : Je finis comme
ça, là.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, merci, M. le ministre. Alors,
je cède maintenant la parole au député de Nelligan pour la suite.
• (12 heures) •
M. Derraji : Merci, M. le Président.
Je n'ai pas le même temps que M. le ministre. Je n'ai pas le même temps. Je
vais vous poser une question courte, si c'est possible d'avoir une réponse
courte. Vous répondez quoi à quelqu'un qui vous dit : Même si on attrape
la COVID, ça donne un rhume à peu près?
M. Boileau
(Luc) : Bien, je lui dis, il est chanceux que ce soit juste ça, parce
que, malheureusement, pour certains autres, ça peut être plus grave. Mais c'est
vrai que, pour la majorité, ça s'apparente à un rhume, et on est chanceux parce
qu'on a été vacciné. Mais pour d'autres, même si elles ont été vaccinées, elles
peuvent développer une maladie grave, surtout si elles
sont plus âgées. Mais la personne a raison parce que c'est très fréquemment
comme ça, mais ça n'empêche pas que certains ont des risques.
M. Derraji : O.K.
C'est-tu une déclaration responsable et irresponsable?
M. Boileau
(Luc) : Pardon?
M. Derraji : Est-ce
que c'est une déclaration responsable ou irresponsable?
M. Boileau
(Luc) : Que je viens de faire?
M. Derraji : Non,
non, que quelqu'un... non, non, mais pas vous...
Des voix :
...
M. Derraji :
Non, non, non, mais pas vous. Si quelqu'un dit que, même si on l'attrape, ça
donne un rhume à peu près, pensez-vous que c'est responsable ou irresponsable?
M. Boileau (Luc) : Bien, en tout cas, moi,
je vais surtout vous dire que c'est vrai, parce que c'est vraiment le
plus souvent comme ça grâce à la
vaccination, alors c'est la réalité. Maintenant, ça ne veut pas dire qu'il n'y
a pas d'autres choses qui peuvent arriver pour des gens qui ont plus de
risques, mais c'est certainement la réalité et tant mieux.
M. Derraji : Donc, vous dites que c'est la réalité, c'est un
rhume. Vous venez aujourd'hui demander des mesures exceptionnelles et
vous demandez que la période de transition... qu'aujourd'hui les parlementaires
vous donnent une période de transition jusqu'au 31 décembre 2022. Vous ne
voyez pas une contradiction?
M. Boileau
(Luc) : Non, pas du tout, parce qu'il y a quand même... ce n'est pas
la totalité des personnes qui vont avoir une
maladie mortelle, et tant mieux. Si nous n'avions pas la vaccination, nous
aurions une situation catastrophique,
ce serait épouvantable, là, vraiment. Il ne faut pas imaginer ça. Alors, on a
la chance d'avoir déjà beaucoup de personnes vaccinées, mais il faut
maintenir cette immunité-là justement pour que les gens ne développent pas de
maladies graves, et on a besoin de ces mesures de transition pour surveiller et
vacciner.
M. Derraji : Mais, Dr Boileau, on a... vous l'avez très bien
dit à plusieurs reprises, le ministre, le premier ministre... on a le plus haut taux de vaccination,
presque, dans plusieurs nations. Vous vantez beaucoup de résultats qu'on
a le plus haut taux de vaccination première dose, un peu moins deuxième, un peu
moins la troisième dose. Vous venez de confirmer que la personne qui a
déclaré : Même si on l'attrape, ça donne un rhume à peu près, qu'elle a
raison et que c'est une déclaration responsable. En même temps, vous
demandez aux parlementaires que vous avez besoin de mesures transitoires
et de situations exceptionnelles, parce que le virus est encore là. Il est
encore là. Mais je n'arrive pas à suivre. Si
c'est un rhume, vous venez de le confirmer, si c'est un rhume, pourquoi autant
de mesures exceptionnelles? On a vécu...
M. Dubé : ...
Le Président (M.
Provençal)
: Non, M.
le ministre. M. le ministre...
M. Derraji : Mais
c'est sérieux. Mais, M. le Président, il n'a pas le droit...
Le Président (M.
Provençal)
: Non, M.
le ministre.
M. Dubé : Je
veux juste vous demander conseil, M. le Président...
M. Derraji :
Mais, s'il vous plaît, M. le Président, il n'a pas le droit. M. le Président,
il n'a pas le droit.
M. Dubé :
M. le Président...
Le Président (M.
Provençal)
: S'il
vous plaît!
M. Derraji :
Il n'a pas le droit de m'interrompre. Il n'a pas le droit de m'interrompre.
M. Dubé :
Je voulais juste vous demander conseil pour essayer de bien comprendre si ce
genre de question là peut être posée. C'est incroyable!
M. Derraji :
Il n'a pas le droit de m'interrompre. Il n'a pas le droit de m'interrompre. Il
n'a pas le droit de m'interrompre...
Le
Président (M. Provençal)
: M. le ministre,
je m'excuse, c'est un échange entre le député de Nelligan...
M. Dubé :
Je posais une question...
Le Président (M. Provençal)
: ...oui, et le Dr Boileau, et j'ai fixé... On avait arrêté votre temps
pour ne pas...
M. Derraji :
...c'est difficile. Il n'a qu'à écouter les réponses du Dr Boileau. Dr
Boileau, c'est très important, ce que vous êtes en train de dire. Je vous ai demandé...
Il y a quelqu'un qui a déclaré : Même si on l'attrape, la COVID, ça donne
un rhume, à peu près. Vous êtes d'accord. Vous m'avez même dit que c'est
responsable comme déclaration. Cette déclaration vient du premier ministre du
Québec. Ça vient du premier ministre du Québec.
M. Dubé :
...
Le Président (M.
Provençal)
: M. le ministre. M. le
ministre...
M.
Derraji : Donc, ce que je
vous dis, vous... M. le Président, je vous laisse gérer, parce que je n'ai pas
intervenu.
M. Dubé :
...
Le Président (M. Provençal)
: Non, M. le ministre... M. le ministre, je suis obligé de vous demander
de vous taire...
Des voix :
...
Le Président (M.
Provençal)
: M. le ministre...
Des voix :
...
Le Président (M. Provençal)
: M. le ministre, je m'excuse...
Des voix :
...
Le Président (M.
Provençal)
: M. le ministre, s'il vous
plaît...
Des voix :
...
Le Président (M.
Provençal)
: S'il vous plaît! Je vais
suspendre la rencontre, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à
12 h 05)
(Reprise à 12 h 07)
Le Président (M.
Provençal)
: Alors, nous reprenons nos
travaux. Je veux spécifier qu'en aucun temps un ministre n'a le droit
d'interrompre un parlementaire de l'opposition, lorsque ce dernier est en train
de discuter et de faire un échange avec les
gens qui sont présents. Alors, il sera souhaitable que ça ne se reproduise
plus. M. le ministre, vous avez bien saisi mon message?
M. Dubé :
...M. le Président, merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Je vous demanderais votre collaboration, M. le ministre. Alors,
M. le député de Nelligan, là, on recommence avec le temps qui vous est
donné.
M. Derraji :
Merci, M. le Président, de rappeler les bonnes façons de faire dans notre
commission.
Dr
Boileau, je vous ai posé une question très simple, je vous ai partagé une
déclaration : «Même si on l'attrape, la COVID, ça donne un rhume, à peu près.» Vous avez dit que c'est la
vérité, ça donne un rhume, pour plusieurs personnes.
Ma question est très
simple. Si c'est un rhume que ça donne à une bonne majorité, si c'est... grâce
à la vaccination, on arrive à contrôler,
pourquoi vous nous demandez des mesures exceptionnelles, aujourd'hui, pour
continuer l'état d'urgence jusqu'au 31 décembre 2022?
M. Boileau
(Luc) : C'est bon?
Le Président (M.
Provençal)
:
Oui,
allez-y.
M. Boileau (Luc) : Si je vous
demande ça, c'est parce que, justement, on souhaiterait que, pour la grande majorité des gens, sinon on espérerait pour la
totalité, ça ne soit qu'un rhume. Mais malheureusement, pour certains,
ce n'est pas que ça. Alors, la réalité, c'est ça, c'est
que, pour plusieurs, et il y a des milliers de personnes, il y en a... Écoutez,
les données de CIRANO nous montrent que la semaine passée, on était entre
30 000 et 40 000 personnes par jour qui s'infectent et qui ont
la COVID. Donc, si tout le monde se retrouvait dans les hôpitaux, au bout de
deux jours, on serait finis, là.
Alors, il faut justement s'assurer que, pour la
majorité d'entre ces personnes, ça puisse se traduire comme un rhume, un rhume
ou une petite grippe. Il y en a qui... ça va souffrir plus que ça, et certains
vont se retrouver dans le contexte hospitalier, et d'autres pires que ça.
Alors, les mesures transitoires sont là, justement, pour nous assurer qu'on
puisse tenir cette route-là de santé publique pour protéger les gens et de leur
permettre d'avoir accès à la vaccination, accès au dépistage, accès, comme
système, à l'information pour pouvoir agir rapidement. Ça ne pourrait être
autrement.
M. Derraji : Mais, Dr Boileau, je
veux vraiment vous suivre. Vous êtes quelqu'un responsable, vous êtes à la tête
de la Santé publique, mais vous savez très bien le poids des mots. Je ne vous
apprends rien. Vous êtes docteur et vous comprendrez très, très bien le choix
des mots. Je viens de vous poser une question très simple. Même si on
l'attrape, ça donne un rhume, à peu près. Donc, pour une bonne majorité, c'est
difficile de leur... accepter les mesures d'un état d'urgence. C'est ça que je
vous dis. C'est que, si c'est un rhume, et vous le dites très bien qu'une bonne
majorité ne vont pas avoir les complications nécessaires... D'ailleurs, il y a
les médicaments et même, pour les gens hospitalisés, il y a un autre
médicament. Je vous dis que, sur la place publique, le message que c'est un
rhume, quand j'essaie de voir d'autres côtés, des pouvoirs que le gouvernement
cherche, bien, c'est des mesures exceptionnelles. C'est un état d'urgence.
C'est là où j'essaie de comprendre c'est quoi, la logique derrière.
• (12 h 10) •
Le Président (M. Provençal)
: Dr Boileau.
M. Boileau (Luc) : Écoutez, si... à
moins que j'aie manqué quelque chose, mais il me semble que le projet de loi,
c'est pour lever l'état d'urgence, ce n'est pas pour le maintenir. Et...
M. Derraji : Oui, oui, le premier
article est levé, mais il y a cinq arrêtés que... je ne vous apprends rien. Le
ministre vient de vous poser des questions. Nommez-moi...
M. Boivin (Luc) : Mais regardez les
mesures qui sont...
M. Derraji : Oui, oui, juste... Il y
a cinq arrêtés. Il y a cinq arrêtés jusqu'au 31 décembre 2022, cinq
arrêtés. Vous avez vu, entendu la Fédération des infirmières, la semaine
dernière, vous avez entendu l'APTS. En après-midi, il y a des spécialistes en
droit qui vont le dire. Vous, vous venez de dire : Écoutez, pour la bonne
majorité, c'est un rhume, mais en parallèle... c'est un rhume, mais je veux
cinq arrêtés parce que, pour moi, la mesure transitoire, c'est important
jusqu'à la fin de l'année.
M. Boileau (Luc) : C'est bon? Je
peux répondre?
Le Président (M. Provençal)
: Oui, allez-y.
M. Boileau (Luc) : Regardez, je ne
sais pas comment le réexpliquer, là, mais je vais le dire comme ça : c'est
un projet qui, à mon sens, trouve sa racine, d'abord, sur le fait qu'on enlève
l'état d'urgence, puisqu'elle n'est plus nécessaire, pour aller de l'avant avec
des mesures populationnelles qui sont d'envergure. Nous ne sommes pas à l'abri
d'un nouveau virus qui pourrait se transformer ou d'un nouveau variant, mais,
pour l'instant, nous ne le voyons pas à l'horizon. Mais on n'est pas à l'abri.
On a vu l'Omicron arriver. Un.
Deux, dans le contexte du BA.2, même dans le
contexte d'Omicron, mais maintenant dans un contexte du BA.2, c'est encore plus
ça, nous avons besoin de pouvoir maintenir une efficacité des services de santé
publique et du système de soins pour maintenir la vaccination de la population,
son dépistage. Juste en ce moment, là, on donne la quatrième dose, pour un bon
nombre, et on pourra probablement être obligés de le continuer...
M. Derraji : Mais moi, je vous
comprends. Je vous comprends.
M. Boileau (Luc) : Bon, bien, si
vous comprenez, tant mieux, monsieur.
M. Derraji : Non, non, je vous
comprends. Si je reviens à la question de départ, le choix des mots est
important en santé publique, je ne vous apprends rien...
M. Boileau (Luc) : Bien, c'est pour
ça que je choisis mes mots, là.
M. Derraji : Oui, oui, mais vous
dites : un rhume...
M. Boileau (Luc) : Non, monsieur...
Le Président (M. Provençal)
: ...s'il vous plaît.
M. Boileau (Luc) :
Regardez, là, il y a une série de... Les gens, là, des fois, quand ils
s'expriment en quelques mots... Moi, quand je vois un patient, là... quand je
voyais, parce que je n'en vois pas en ce moment, là, à moins que... mais quand
je voyais un patient, là, ce n'est pas en deux secondes. On est obligé de leur
dire les mots. Puis d'ailleurs Boileau avait dit, il y a très longtemps :
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire viennent
aisément. Mais il faut encore les dire.
Alors, tout ça, ça fait en sorte qu'il y a des
nuances, des fois, qu'on ne peut pas entièrement faire. Mais il est très juste,
il est vrai que, pour la majorité des personnes, actuellement, sur la planète
et au Québec, quand elles sont vaccinées comme elles le sont, le BA.2 s'exprime
par une maladie moins sévère, et tant mieux.
M. Derraji : Excellent. Vivre avec
le virus... Je vous ai entendu parler des mesures : masques, réduire les contacts, chaque personne doit faire ce qu'il a à
faire. Je ne vous ai pas entendu parler de la qualité d'air. Est-ce que
c'est... vivre avec le virus équivalant ne
pas parler de la qualité d'air que ce gouvernement ne veut pas régler jusqu'à
maintenant?
M. Boileau (Luc) : Spécifiquement au
coronavirus ou...
M. Derraji : Je parle du
coronavirus, oui. Oui, le coronavirus, absolument, oui.
M. Boileau (Luc) : Parce que les
enjeux de qualité d'air touchent plusieurs dimensions, et, si on parle du
coronavirus, la situation au Québec, elle n'est pas en péril, pour la question
de la qualité de l'air. Il y a beaucoup d'efforts... D'abord, il y a beaucoup
de mesures qui ont été prises de ce côté-là, si on parle des environnements
intérieurs, évidemment, là.
M. Derraji : Les milieux clos.
M. Boileau (Luc) : Les milieux clos,
c'est ça.
M. Derraji : Donc, vous ne partagez
pas... (panne de son) ...sur la qualité de l'air sur les milieux clos, la
Scientifique en chef, le rapport qu'elle a fait, qu'elle a envoyé à toutes les
provinces pour agir sur la qualité de l'air dans les milieux clos, y compris
les écoles?
M. Boileau
(Luc) : Mais c'est ce qu'on fait. Alors, je partage
certainement le fait qu'il faut tenir compte de ça parce que c'est une variable qui est importante, mais
c'est ce qui est fait. Alors, s'il n'y avait rien qui était fait, je serais
inquiet, mais ce n'est pas ça. C'est ce qui
est fait. Et on nous demande souvent notre concours pour pouvoir analyser les
situations et encourager, justement, la validation de plusieurs situations qui
peuvent apparaître à risque, mais c'est ce qui est fait.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour cette réponse. Nous allons maintenant
passer à la suite des échanges avec le député de Rosemont.
M. Marissal : J'ai combien de temps,
M. le...
Le Président (M. Provençal)
: 2 min 37 s.
M. Marissal : O.K., merci. Bonjour,
Dr Boileau. Je ne m'éterniserai pas, là, dans les salutations. Moi, j'ai un
petit malaise ici, là, je dois vous le dire en toute honnêteté, là. Il me
semble qu'on est en plein mélange des genres. D'habitude, ici, on entend des
témoins. Au bout de la table, il y a des témoins. Là, vous agissez, me
semble-t-il, en promoteur de ce projet de loi là. Quel a été votre rôle dans la
rédaction du projet de loi n° 28?
M. Boileau (Luc) : Est-ce que je
peux répondre?
M. Marissal : Bien sûr, rapidement.
M. Boileau (Luc) : Mon rôle, ça a
été celui de dire : Si nous enlevons les leviers que nous avons à notre
disposition, nous prenons des risques. Et j'ai essayé de calibrer les risques
par rapport à cela et de dire : Si nous n'avons pas ces mesures-là, nous
ne serons pas capables de tenir la route, en toute vraisemblance, pour assurer
une sécurité quant à la protection de la population, devant le coronavirus.
C'est spécifique au coronavirus.
C'est ce que j'ai dit, c'est ce que j'ai
manifesté quand les gens ont dit : On est prêts à lever les mesures
sanitaires. J'ai regardé les conséquences de ça et j'ai avisé, dans les
échanges qui nous ont été permis d'avoir, qu'il nous faut maintenir les
éléments que vous avez sur la table.
M. Marissal : Mais, comprenez-moi
bien, ce n'est pas que c'est désagréable de vous voir, au contraire, là. Moi,
je suis de ceux, parfois, qui demandent votre présence en commission
parlementaire pour parler de votre travail puis parler de la pandémie, mais pas
pour parler d'un projet de loi. Les gens qui défendent le projet de loi sont de
l'autre côté, là, puis c'est correct, c'est leur job. Puis, quand le ministre
ou les ministres ont besoin, ils amènent des fonctionnaires puis des juristes.
Là,
moi, je suis devant un mélange des genres, parce que vous, vous défendez...
Quand mon collègue de Nelligan vous a demandé : Pourquoi vous
demandez ça?, vous avez répondu : Je demande ça parce que... Vous n'êtes
pas dans l'explication scientifique d'une
situation pandémique, là, vous défendez bec et ongles un projet de loi. Vous ne
vous sentez pas un peu instrumentalisé par le politique ou, à moins que
ce soit le contraire, vous poussez le politique?
M. Boileau (Luc) : Est-ce que je
peux répondre?
M. Marissal : Oui, je vous en prie.
M. Boileau (Luc) : Je ne me sens pas
instrumentalisé. Je me sens assez libre et indépendant, vous le savez, vous
m'avez souvent entendu dire cela. Mais je vais juste remettre ça sur la table
comme il faut, avec la clarté que vous exigez puis qui est tout à fait
légitime.
Moi, je comprends que le levier qui est à ma
disposition, comme directeur national de santé publique, s'apparente à ce qu'on
va retrouver dans le projet de loi. Ce qui m'importe, et vous avez raison
là-dessus, ce qui m'importe, c'est que nous puissions maintenir ces
activités-là. Et, s'il y a moyen de les maintenir différemment, tant mieux,
mais je n'en vois aucun. Puis je connais assez... ça fait 40 ans, là, que
je suis dans le système de santé et de services sociaux, j'ai eu l'occasion de
regarder ça sous différents angles, et la manière pour maintenir la
mobilisation requise, en ce moment, trouvez-la, mais moi, je la vois comme
essentielle dans cela. Et ça, on a une inquiétude, dans le domaine de la santé
publique, si on devait se... perdre ces moyens-là, nous serions vraiment mal
pris.
Le Président (M. Provençal)
: Nous allons maintenant céder la parole au député des
Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau : Merci beaucoup, M. le
Président. Moi aussi, j'ai peu de temps, je vais aller droit au but. Merci
d'être là, M. Boileau.
J'aimerais savoir, c'est la question que
plusieurs se posent, qu'est-ce qui distingue le Québec des autres juridictions
pour nécessiter le maintien de plusieurs décrets et de règles, alors
qu'ailleurs on semble pouvoir faire face et vivre avec le virus sans ces
instruments extraordinaires que vous demandez et que le gouvernement demande.
M. Boileau (Luc) : Je pense que
je n'ai pas... pour être franc, je n'ai pas fait le tour des autres
juridictions sur ces aspects-là. Je regarde ce que nous, nous avons besoin dans
notre propre contexte, avec les leviers et les caractéristiques de notre
système de santé, et de services sociaux, et de santé publique, et cette
analyse-là fait en sorte qu'on réclame le maintien de ces gestes-là au
quotidien, de dépistage et de vaccination.
M. Arseneau : Et ça, c'est
nécessaire pour maintenant, c'est nécessaire jusqu'en décembre? Qu'est-ce qui
vous donne à penser que ce ne sera pas nécessaire en janvier 2023?
M. Boileau (Luc) : Parce que
sur la table, en même temps, dans la progression de la gestion de ce
système-là, on a confiance que des éléments de redimension de ces capacités de
dépistage et de vaccination vont pouvoir avoir lieu. Donc, c'est une période de
transition, c'est une période qu'on a besoin, de quelques... plusieurs mois
encore pour pouvoir s'assurer de faire cela. Et on est pas mal en route pour
faire en sorte que ça fonctionne bien d'ici la fin du mois de décembre, d'une
part. Mais d'autre part, c'est que, pour cette période-ci, il y a tout de même
des risques encore. Vous voyez la sixième vague, je ne veux pas annoncer une
septième, là, mais on a des appréhensions sur...
• (12 h 20) •
M. Arseneau : Bien, justement,
parce qu'on ne peut pas annoncer une septième, mais qu'on devine qu'il pourrait
y en avoir une sous toutes sortes de formes ou que le virus va encore muter, ça
semble assez évident, pourquoi décembre? Parce que ces pouvoirs-là, vous ne les
aurez pas davantage, une fois que la loi s'éteint.
M. Boileau (Luc) : Non, mais
moi, ce n'est pas les pouvoirs comme les moyens. C'est les moyens de vacciner,
les moyens de dépister...
M. Arseneau : D'accord.
Dépister... J'ai une dernière question. Pourquoi on ne rétablit pas le
dépistage PCR, alors que les tests rapides dépistent tardivement? C'est prouvé,
le BA.2 déjoue les tests antigéniques. Pourquoi on ne rétablit pas ça à grande
échelle?
M. Boileau (Luc) : C'est une
question qui est très bonne, que nous nous posons régulièrement et que...
M. Arseneau : Est-ce que c'est
une question financière?
M. Boileau (Luc) : Non.
M. Arseneau : Est-ce que c'est
une question d'accès aux petits tubes ou aux réactifs?
M. Boileau
(Luc) : Non, non, c'est vraiment une question de... Je vais répondre à
votre question. Les tests PCR sont d'une grande utilité, bien sûr. On est
capables de suivre des groupes et des populations pour faire en sorte que nous puissions agir avec rapidité. On ajoute un groupe,
qui sont les personnes qui ont besoin de Paxlovid.Oon le rajoute, là, c'est
fait. Alors, ce sont des tests qu'on ne devrait pas multiplier. L'utilité d'un
test rapide qui se présente différemment, vous avez raison, là, ce n'est pas la
même sensibilité...
M. Arseneau :
Mais les gens, actuellement, se promènent alors qu'ils sont testés...
Le Président
(M. Provençal)
: Merci...Je m'excuse, M. le député...
M. Arseneau :
...négatifs qui sont porteurs.
Le Président
(M. Provençal)
: Je
dois céder la parole à la députée d'Iberville.
Mme Samson :
Merci, M. le Président. Bonjour, Dr Boileau. Dr Boileau, êtes-vous d'accord
avec moi que ni les Québécois, ni les Suédois, ni les Chinois, aucun peuple sur
la Terre n'est à l'abri d'un nouveau virus, que ce soit le coronavirus, le sida
ou une autre bibitte qui pourrait se jeter sur nous parce que quelqu'un, dans
le monde, a fait quelque chose de pas correct? Donc, il n'y a personne qui est
à l'abri d'une nouvelle pandémie?
M. Boileau
(Luc) : Oui.
Mme Samson :
Celle-là, on l'a connue, c'est la seule qu'en tout cas, moi, j'espère que
j'aurai connue de mon vivant. Mais il pourrait y en avoir d'autres de d'autres
types, de d'autres genres?
M. Boileau
(Luc) : Oui. Mais mettons qu'on est capables de voir ça arriver, là.
Le coronavirus, on ne pouvait pas le voir immédiatement arriver, lorsqu'il est
arrivé, mais avec la connaissance qu'on a, on est capables de faire suivre...
de suivre ça très, très bien.
Mme Samson :
O.K. Et êtes-vous d'accord avec moi, si je dis que... et c'est le rôle d'un
gouvernement responsable de s'assurer qu'en tout risque de pandémie ses
infrastructures puis ses installations sont habilitées à réagir rapidement et
convenablement? Ça, c'est la job d'un gouvernement, puis d'un ministère de la
Santé, puis des officiers de la Santé, puis des docteurs?
M. Boileau
(Luc) : Je pense que c'est ce qu'on comprend puis c'est ce qu'on fait.
Mme Samson :
O.K. Moi, j'aimerais qu'on m'explique qu'est-ce qui empêche le gouvernement
actuel de se préparer à une pandémie qui pourrait... ou un virus qui pourrait
nous tomber dessus le 6 janvier prochain, si ce projet de loi là n'est pas
adopté? Je ne vois pas qu'est-ce qui empêche un gouvernement responsable de se
doter des infrastructures, de négocier avec les corps de... les syndicats pour
s'assurer d'avoir toute la flexibilité, dans l'éventualité
où il devait... Parce que le gouvernement pourrait toujours déclarer un nouvel
état d'urgence sanitaire. C'est dans ses options. Alors, je ne vois pas
qu'est-ce que ce projet de loi là, s'il n'est pas adopté... Puis je pense qu'il
ne devrait pas être adopté, à part le premier article, dans mon livre à moi. Ça
n'a pas de bon sens. Qu'est-ce qui l'empêche de se préparer à une autre
pandémie en janvier ou en février prochain? Je ne vois le pas qu'est-ce qui
l'empêche.
Le Président
(M. Provençal)
: Vous
avez 10 secondes pour répondre.
M. Boileau
(Luc) : Bien, c'est parce qu'il y a deux choses. Il y a une
nouvelle... il y a des mesures exceptionnelles qui pourraient être prises si on
avait quelque chose de complètement dramatique qui se passait. Puis la deuxième, c'est que, si on arrête tout ça en ce
moment, on va aller vers des risques énormes puis on va tuer du monde.
Ça fait que, donc, il
faut quand même être réalistes, là, il faut... Moi, je pense que... Là, je veux
bien, là, mais, si on n'est pas capables de maintenir une immunité dans la
population et de vacciner nos gens, là, c'est une affaire qui va nous rendre
exceptionnels sur la planète, puis pas à peu près.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci
beaucoup de vos réponses, Dr Boileau.
Alors,
nous allons suspendre les travaux pour faire place au prochain groupe. Merci
beaucoup de votre collaboration puis de votre contribution.
(Suspension de la séance à
12 h 25)
(Reprise à 12 h 28)
Le Président
(M. Provençal)
: Nous
poursuivons maintenant avec un nouveau groupe. Je souhaite la bienvenue à Mme Julie Labbé,
présidente-directrice générale du CIUSSS du Saguenay—Lac-Saint-Jean; M. Guy Thibodeau, président-directeur général, CIUSSS de la
Capitale-Nationale; et M. Jean-François Fortin Verreault, président-directeur
général du CIUSSS de l'Île-de-Montréal. Je vous informe que vous disposez de
10 minutes, et, par la suite, nous aurons nos échanges. Je vous cède la
parole.
Mme Julie Labbé et MM. Guy
Thibodeau
et Jean-François Fortin Verreault
Mme Labbé (Julie) : Alors,
bonjour, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Donc, vous
m'avez présentée, Julie Labbé, P.D.G. du CIUSSS—Saguenay—Lac-Saint-Jean, accompagnée
de mes collègues, M. Thibodeau et M. Fortin Verreault.
D'abord, je
tiens à vous remercier, au nom de tous mes collègues du réseau de la santé et
des services sociaux, de nous offrir
cette opportunité aujourd'hui. Vous savez, depuis mars 2020, nos vies à tous
ont été chamboulées. Comme vous le savez, notre réseau subissait déjà
une forte pression qui n'a pu que s'accentuer durant ces deux dernières années.
Un contexte d'une ampleur jamais vue
commandait sans aucun doute des mesures exceptionnelles, des moyens
inhabituels. Cela s'est avéré être un défi logistique majeur avec des impacts
humains sans précédent.
Nous sommes ici aujourd'hui afin de vous
partager comment cela s'est traduit sur le terrain, entre nos murs, ce que nous
avons véritablement vécu ces dernières années, alors que nous devions soutenir
nos équipes qui étaient au front, au front
pour notre population, pour nos personnes vulnérables, pour nos tout-petits,
dans l'espoir de pouvoir retrouver une
forme d'équilibre social pour notre santé mentale, parce que l'homme est
grégaire, parce qu'il a besoin de sa communauté, particulièrement en
période de crise.
Les différentes mesures exceptionnelles mises en
oeuvre dans le cadre de l'état d'urgence, les deux dernières années, ont permis
à notre réseau d'intégrer plus d'agilité et d'utiliser des leviers de gestion
importants afin de protéger notre population et de maintenir un certain niveau
de soins et de services à la population québécoise.
Bien évidemment, nous sommes conscients de la
nécessité à ce qu'on apprenne à vivre avec le virus au cours des années à venir. Cette volonté nous commande
d'apprendre à nous gouverner sans mécanismes de gestion exceptionnels,
et je tiens d'entrée de jeu à vous rassurer, nous sommes déjà, depuis plusieurs
mois, dans une dynamique de transition vers nos opérations courantes.
• (12 h 30) •
Dans le contexte de l'urgence sanitaire, c'est
l'ensemble de nos façons de faire qui ont dû être revues dans de très courts
laps de temps. L'une des grandes richesses du réseau de la santé et des
services sociaux est son capital humain, porté par des gens passionnés qui se
sont montrés extrêmement engagés et résilients dans cette lutte. En mon nom et
en celui de mes collègues, je profite de l'occasion pour réitérer toute ma
reconnaissance à l'égard du personnel de toutes catégories confondues de la
santé et des services sociaux, des médecins, des gestionnaires, des
partenaires.
Dès la première vague et de façon de plus en
plus soutenue par la suite, nos équipes ont également été déployées dans les
résidences privées pour aînés, des ressources intermédiaires, afin d'assurer la
sécurité des aînés. Elles ont agi comme agents de prévention, aides de
services. Elles ont également soutenu le personnel soignant sur place lors du rehaussement des mesures de prévention et de
contrôle des infections et ont dispensé de la formation aux proches
aidants.
Le réseau de la santé des services sociaux était
fragilisé, la pression était bien réelle avant la pandémie, mais elle s'est
accentuée. 754, c'est le chiffre que nous vous invitons à retenir. 754,
aujourd'hui, c'est le nombre exact de jours que nos équipes cumulent depuis le
début de la pandémie, et malheureusement ce n'est pas terminé, et ça ne le sera
pas tant et aussi longtemps que nous devrons prendre en charge des vagues d'une
certaine ampleur et les besoins d'une population vieillissante qui a des
besoins de soins et de services.
La disponibilité de la main-d'oeuvre est un
enjeu incontournable. Dans certaines régions, comme la mienne, la problématique
est d'ailleurs amplifiée par le vieillissement accéléré de sa population, qui
est en avance de 10 ans par rapport à l'ensemble de la province. Nous nous
devons de répondre aux besoins populationnels en contexte de pandémie et de déployer
les actions nécessaires afin que les services essentiels soient maintenus pour
notre population.
Les leviers rendus accessibles par les arrêtés
ministériels ont contribué, que ce soit par le réaménagement dans
l'organisation du travail, par différents incitatifs au volontariat, par
l'arrivée massive de renforts exerçant d'autres professions, à continuer de
protéger et desservir la population en matière de soins de santé. Les primes et
les incitatifs financiers ont effectivement
favorisé le volontariat, qui permet d'absorber une demande amplifiée par la
pandémie, mais ce qu'il faut surtout retenir, c'est que ces incitatifs
représentent un gage de reconnaissance envers leurs efforts soutenus.
En ce qui a trait à Je contribue, la plateforme
Je contribue s'est avérée un atout précieux dès les premiers jours. Nous avons
été aux premières loges pour témoigner de l'esprit de coopération et la
solidarité de notre population qui s'est levée pour soutenir les équipes
offrant et protéger notre communauté.
En plus de cette mobilisation historique, les
processus d'embauche ont été allégés en les rendant davantage flexibles,
rapides et ouverts concernant les différents champs d'expertise. Aussi, les
décrets, en regard des actes réservés à certaines professions, ont évidemment
contribué à ce que nous puissions revoir la manière d'orchestrer les soins et
services et miser sur le plein potentiel de chaque individu.
Il ne faut surtout pas passer sous silence un
retour colossal d'employés retraités du réseau, qui ont repris les armes pour se joindre à cette force collective.
Leur savoir-être, leur expérience et leur grand dévouement ont fait une
différence notable. L'impact de l'arrivée de tous ces renforts est
significatif, et il faut maintenant s'assurer de le rendre pérenne. Nous avons
déjà commencé en revoyant et en intégrant de nouvelles façons de faire.
La société
québécoise, pour lutter collectivement contre la COVID-19, s'est engagée dès le
début dans l'importante campagne de dépistage menée depuis maintenant
deux années. Elle s'est également mobilisée massivement dans la campagne de vaccination, second outil
indispensable dans la lutte que nous poursuivons ensemble contre la COVID-19.
La rapidité de mobilisation de personnel ainsi
que de l'ensemble des ressources matérielles nous a permis de mener de front ces deux campagnes auprès du plus
grand nombre en très peu de temps et à travers le déploiement de grands
sites tels que le Stade olympique, à Montréal, ou des sites en proximité, comme
il y a au Saguenay—Lac-Saint-Jean.
Les activités de vaccination sont ici une preuve de
l'agilité dont ont fait preuve nos organisations. Pensons au Vaccin-O-Bus qui a
circulé dans les quartiers, villes et événements de la Capitale-Nationale. Les
décrets ont également permis la mobilisation de plusieurs types d'emploi afin
de pouvoir protéger nos populations. Le décloisonnement de certains actes a
permis de lancer un appel à la collaboration envers d'autres professionnels de
santé de différents horizons, qui ont rapidement levé leurs mains pour venir en
renfort. Le déploiement de nos services au plus proche de l'ensemble de la
population a été au coeur de nos activités de dépistage et de vaccination.
Offrir un service en santé et services sociaux à l'ensemble des Québécoises et
des Québécois, le principe même d'un réseau véritable au service des gens.
La télésanté facilitée dans le cadre de l'état
d'urgence est un exemple de l'agilité et de la créativité dont les équipes de
nos établissements ont fait preuve au cours des dernières années. Les soins
virtuels ont démontré leur complémentarité aux services réguliers ainsi que des
bénéfices importants à la population qui, de par leur condition ou éloignement,
pouvait difficilement se déplacer dans nos installations. Il s'agit d'une
avancée notable dont les avantages sont
réellement significatifs pour la population. Annoncé dans le plan santé, le
déploiement plus large de la télémédecine sera un élément important pour
les prochaines années. Les mesures transitoires prévues dans le projet de loi n° 28 permettront donc de poursuivre encore le
développement de la télémédecine tout en intégrant et consolidant dans nos
différentes trajectoires régulières déjà en place.
Enfin, en ce qui concerne les dispositions
légales entourant la gestion et l'attribution des contrats, il s'agit d'un
autre exemple d'arrêté que nous avons appliqué avec grande vigilance afin
d'assurer une saine transition pour une sortie de ces circonstances
exceptionnelles. Les contrats octroyés de gré à gré qui perdurent à ce jour
correspondent principalement aux baux de location pour l'entreposage et les
sites de vaccination. Nous voyons présentement à stabiliser, à régulariser ces
ententes. À l'heure actuelle, au vu d'une certaine instabilité qui continue de
se projeter, il pourrait être périlleux et plus coûteux pour la population de
mettre un terme à ces contrats dans l'immédiat. Il est nécessaire de maintenir
des mesures temporaires pour permettre une transition harmonieuse. Le projet de
loi n° 28 préparé prévoit le maintien de certaines
mesures pour nous assurer de l'agilité logistique essentielle à la transition
vers la reprise des activités régulières et l'intégration progressive des
activités spécifiques à la COVID à travers nos opérations courantes. Cette intégration
doit se faire de manière graduelle, transitoire, au fur et à mesure de la
diminution d'intensité des différentes vagues.
En conclusion, les leviers que nous a donnés le
gouvernement étaient des mesures temporaires pour répondre aux besoins criants
de la crise. Nous sommes conscients que ces exceptions doivent, dès que
possible, faire place à une gestion opérationnelle régulière. C'est d'ailleurs
ce que nous avons commencé à faire. Nous avons certainement aussi hâte que vous
de reprendre nos opérations courantes, de cesser le délestage, de reprendre nos
efforts afin de développer et d'améliorer l'accessibilité de nos soins et de
nos services. C'est d'ailleurs notre rôle à titre de P.D.G. d'un établissement
de santé et de services sociaux.
Ce projet de loi nous offre de précieux moyens
d'agir de manière responsable et prudente, pour la santé des Québécoises et des
Québécois. Malheureusement, le virus est encore présent. Bien que l'avenir
semble encourageant, nous ne savons pas encore parfaitement à quoi nous devrons
faire face cet automne et au cours des mois à venir. Malgré les réussites
vécues, les troupes sont essoufflées, et la bataille n'est pas terminée. Notre
réseau, tout comme les personnes qui les composent, est résilient et fort, mais
il est ébranlé. En sachant que ces mesures nous ont malgré tout aidés à sauver des vies humaines, la question ne
se pose pas. Nous ne pouvons qu'être reconnaissants d'avoir pu compter
sur des leviers de gestion supplémentaires pour affronter cette crise sanitaire.
Rappelons que l'objectif premier de ces mesures est de protéger notre
population. Aussi, M. le Président, nous vous remercions encore de cette
invitation, et nous serons prêts à recevoir les questions.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, Mme Labbé.
Écoutez, vous avez lu votre présentation, les députés de l'opposition
apprécieraient pouvoir recevoir ce texte-là pour pouvoir mieux participer à
l'échange. Alors, est-ce que ce serait possible de le faire parvenir
immédiatement au secrétariat de la commission, s'il vous plaît?
Mme Labbé (Julie) : Avec
plaisir.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Ceci étant dit, je
vais céder maintenant la parole à M. le ministre pour votre échange.
M. Dubé : Très bien. Merci beaucoup,
M. le Président. J'aimerais premièrement, Mme Labbé, vous remercier pour
votre intervention, mais j'aimerais aussi prendre juste une minute pour vous
remercier, vous, ce que vous représentez avec vos deux autres collègues. Vous,
vous êtes de la région du Saguenay; M. Thibodeau, de la Capitale-Nationale;
et M. Fortin Verreault, du CIUSSS de l'Est-de-l'Île-de-Montréal. Je pense
que vous représentez très bien trois régions du Québec qui ont eu à travailler
avec la COVID au cours des dernières années. Puis j'en profite pour vous
remercier au nom des Québécois, parce que, souvent, les Québécois voyaient des
points de presse du premier ministre,
voyaient des... ce qui se lisait dans les journaux, mais les gens qui
travaillent sur le terrain, c'est vos équipes, c'est vous, pendant deux ans, et vous l'avez bien dit,
puis je pense que c'est important qu'on ait ce forum-là aujourd'hui pour
en profiter pour vous remercier, vous et vos
équipes qui travaillez souvent dans l'ombre. Alors, j'en profite pour vous
dire un grand merci pour tout ce que vous
avez fait puis pas toujours dans des conditions faciles. Alors, je voulais vous
le mentionner.
Deuxièmement, vous avez parlé de l'importance
des contrats, parce que c'est un des cinq arrêtés qui va rester dans le projet
de loi. Et on s'était fait demander, la semaine dernière, entre autres par les
députés de l'opposition, mais aussi par, entre autres, le Barreau, de donner
plus d'information sur les contrats. Et j'en profite, parce que vu que j'ai le droit de parole présentement, peut-être pour faire deux
précisions, M. le Président, puis après ça, on pourra... Les gens vont mieux
comprendre, je pense, la question de la transition du temps des contrats dont
on parlait ou dont Mme Labbé parlait dans sa présentation.
Il y a eu effectivement, là... le chiffre qu'il
faut retenir, c'est pour à peu près 5 milliards de contrats de gré à gré
au cours des deux dernières années, là, à peu près 4 milliards jusqu'à
l'exercice 2021, et, jusqu'à l'exercice 2022, c'est à peu près
5 milliards. De ces 5 milliards de contrats là, qui sont pour les
EPI, des équipements de protection, des... il reste seulement pour 37 millions
de contrats qui vont devoir être renouvelés pour la vaccination et le dépistage
jusqu'au 31 décembre 2022, donc 37 millions de contrats sur
5 milliards. Il va rester 75 millions de contrats, encore une fois,
sur 5 milliards pour la question d'entreposage qui est pour cinq ans.
Alors, ce que vient de dire Mme Labbé, je
veux juste le mettre en contexte, là, donc 5 milliards de contrats qui ont
été négociés durant deux ans. Et ce que le projet de loi demande, c'est de
garder pour 37 millions de contrats pour le dépistage et la vaccination
jusqu'au 31 décembre et pour 75 millions de contrats pour
l'entreposage. En termes simples, là, si on
prenait 5 000 $ de contrats, on dirait : C'est 37 $ qui
restent pour la vaccination puis 75 $ pour l'entreposage sur cinq
ans. Ce qui veut dire qu'il y a eu environ 4 000 contrats et il en
resterait 265 qui sont renouvelés, justement, pour être efficace, un peu ce que
Mme Labbé vient de dire.
• (12 h 40) •
Puis ça, je pense que c'est important de le
mentionner, parce que c'est un point qui a été soulevé souvent par
l'opposition. On s'est engagé, puis je me suis engagé, la semaine dernière,
lors des premiers événements, la première commission, de dire, M. le
Président : On ira plus loin que ce qui est demandé par le rapport. Le
rapport ne demande pas toute cette
information-là. Alors, je trouvais important, au moment où c'est soulevé par
les P.D.G., de pouvoir donner cette information-là, qui sera disponible
lorsqu'on aura le...
Maintenant, j'aimerais, Mme Labbé ou peut-être...
de vous, puis ça peut être au niveau de la Capitale-Nationale, parce que je
sais qu'il y a beaucoup de contrats qui étaient faits par le CHUQ à Québec,
d'expliquer aux gens pourquoi c'était important de fonctionner de gré à gré.
Puis je ne sais pas lequel de vous trois peut peut-être répondre à cette
question-là, mais cette agilité-là, au moment... Puis là je pense, entre
autres, à l'achat de ce qu'on appelle des EPI, là, des équipements de
protection individuelle. Comment, pour vous, c'était important d'avoir cette
flexibilité-là lorsqu'on était en plein milieu de la crise? J'aimerais ça que
vous preniez quelques minutes pour nous expliquer ça, mais surtout de
l'expliquer aux Québécois. Et après, bien, on expliquera pourquoi qu'on veut
prolonger quelques-uns de ces contrats-là pour une période déterminée. Je ne
sais pas qui veut répondre, oui.
Mme Labbé (Julie) : Je pourrais
peut-être me lancer, M. le ministre. Alors, pour la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean,
là, pour la première vague, évidemment, là, on a eu à porter des contrats gré à
gré très rapidement pour répondre aux besoins, donc surtout concernant les
équipements de protection individuelle. Pour la région, au total, c'est environ
une soixantaine de contrats qui ont été donnés, de l'ordre de 27 millions.
Évidemment, après la première vague, pour notre
région, nous nous sommes assurés d'avoir une gestion très rigoureuse. Donc,
même si nous avions la possibilité d'être gré à gré, la façon dont on a
fonctionné pour les vagues subséquentes, c'est que nous nous sommes assurés
d'appeler cinq, six fournisseurs ou, du moins, les fournisseurs concernés par
nos besoins, pour leur permettre de venir soumissionner. Donc, on s'est assurés
de façon rigoureuse de le faire, et ce, à chacune des vagues.
Là où on a demandé aussi de la flexibilité par
rapport au gré à gré, c'est pour nos baux de vaccination. Nous avons sept sites
de vaccination fixes pour répondre aux besoins de l'ensemble de la population
sur un très vaste territoire. Donc, c'est important de garder ces baux encore
actifs, qui représentent, puis c'est les derniers, un 500 000 $ pour
notre région. Et on doit le poursuivre, en ce sens qu'on ne sait pas quelle va
être la situation épidémiologique pour les prochains mois à venir. On nous demande
de se préparer à une vaccination massive pour l'automne, et ce sera évidemment
à suivre. Donc, c'est comme ça qu'on a fonctionné pour notre région.
M. Dubé : Parce que je vais manquer
de temps, puis je veux profiter du temps que j'ai avec vous, est-ce que c'est
sensiblement la même réponse pour Montréal et Québec, en termes de proportion?
M. Fortin Verreault (Jean-François) : Je
peux y aller. Oui, effectivement, nous, c'est le même type, là. Et évidemment
le plus gros contrat a été fait avec le Stade olympique pour la vaccination, où
il y a eu plus de 1 million de doses qui ont été données. On a aussi été
dans une logique de prix de marché.
Je vais vous donner un exemple. Les agents de
sécurité, les préposés à l'hygiène salubrité, en main-d'oeuvre indépendante, c'était sur la base des tarifs normés
prévus aux appels d'offres là, là, du Centre
d'acquisitions gouvernementales. Donc, est-ce que les Québécois en ont
eu pour leur argent puis est-ce qu'on a été soucieux, là, d'utiliser ça de
façon parcimonieuse? La réponse, c'est oui. On n'avait pas l'occasion de le
faire dans un appel d'offres standard, parce que le besoin de main-d'oeuvre
était extrêmement rapide, là. On l'a vu lors de la dernière vague, la rapidité
fulgurante dans laquelle on a dû se réorganiser, là.
M. Dubé : Peut-être,
M. Thibodeau.
M. Thibodeau (Guy) : Oui, c'est la
même chose pour nous, M. le ministre, là. Dans le fond, à chaque fois qu'on pouvait faire un contrat de façon régulière,
on le faisait. Il faut voir qu'un appel d'offres régulier, c'est
minimalement huit semaines de publication, tout ça. Donc, c'est beaucoup
de délais avec la capacité puis la rapidité avec laquelle on devait
réagir, donc... Mais nous, on a respecté tous les paramètres aussi, demandé
plusieurs soumissionnaires, quand même utilisé, là, le levier qu'on avait de
façon diligente. Actuellement, là, c'est 17 % de nos contrats, nous, qui
ont été donnés en mode gré à gré sur l'ensemble, là, des contrats de
l'établissement, là. Et il y en aura quelques-uns qui... évidemment, tout ce
qui est vaccination, dépistage et entreposage.
M. Dubé : Merci, M. Thibodeau.
Une des... Puis je vais vous poser la question à vous trois, là, vous déciderez
qui peut répondre. Une des mesures
transitoires qu'on trouve importantes, c'est d'être capable de prolonger la
contribution de ceux qui sont par Je contribue. Qu'est-ce qui arrive, demain
matin, si on lève l'urgence sanitaire puis on n'a pas cette mesure transitoire
là? Qu'est-ce qui arrive dans vos trois régions?
M. Thibodeau (Guy) : Je peux vous
répondre, si vous le souhaitez, M. le ministre et M. le Président, bien, nous,
Je contribue, dans la Capitale-Nationale, depuis le début, c'est plus de
6 500 personnes qui sont venues nous aider aux activités de vaccination,
aux activités de dépistage et aux enquêtes de santé publique, là. Donc, ça a
permis évidemment au personnel régulier de l'organisation de faire le maintien
de services. Il y a eu quand même beaucoup d'enjeux, mais c'est très clair
qu'en termes de capacité de réaction on a besoin d'avoir accès encore
temporairement à cette main-d'oeuvre-là pour être capable de réagir rapidement
selon l'évolution de la situation, là.
M. Dubé : Mais, M. Thibodeau, là, je
veux juste être clair, quand je vous dis : Qu'est-ce qui arrive, demain
matin, si on lève les mesures d'urgence puis qu'on n'a pas les mesures
transitoires de Je contribue, est-ce que ces 6 000 personnes-là
peuvent continuer à travailler pour vous?
M. Thibodeau (Guy) : Non, on ne sera
plus capables d'avoir accès à ces personnes-là qui sont hyperutiles pour le
réseau. Donc, inévitablement, on va devoir faire des choix très difficiles au
niveau de l'offre de service régulière et les soins spécifiques à la pandémie,
là. Donc, non, si on enlève le levier, on n'aura plus accès à ces personnes-là
qui contribuent, le terme est bon, et c'est clair qu'on ne pourra pas faire
face aux demandes, là, en lien avec l'urgence sanitaire,
là, qui ne sera plus une urgence sanitaire, mais en lien avec les demandes,
quand même, d'évolution de la pandémie.
M. Dubé : Puis peut-être, juste
rapidement, Mme Labbé ou M. Fortin Verreault, le nombre de personnes
qui sont par Je contribue dans vos deux régions, s'il vous plaît.
Mme Labbé (Julie) : Oui. Pour nous,
c'est 1 500 personnes, là, qui... desquelles on serait privé d'avoir
de leur contribution pour nos centres de dépistage et pour la vaccination.
M. Fortin Verreault (Jean-François) : De
notre côté, là, on parle de 1 800 personnes au total, là.
M. Dubé : ...pour votre région,
d'abord. Maintenant, on a vu... puis tout à l'heure, le Dr Boileau, je ne sais
pas si vous avez eu la chance de l'entendre durant sa... lorsqu'il était là, a
parlé de l'importance d'avoir l'urgence sanitaire qui pouvait être entre les
vagues, parce qu'on le sait, on est rendus à notre sixième vague, là. Ce que
j'ai... mais ce que j'aimerais bien comprendre : Comment, pour vous,
c'était important d'avoir les mesures d'urgence entre les vagues pour être capables,
justement, de bien fonctionner? Est-ce que je pourrais vous entendre là-dessus
sur... une des personnes, ou si vous voulez commenter là-dessus? Parce que le
Dr Boileau a été très clair, on n'aurait pas pu enlever les mesures à chaque fois. Est-ce que c'est une question de Je
contribue? Je voudrais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.
M. Fortin Verreault
(Jean-François) : Bien, je peux me lancer. Le premier élément, le
virus est toujours avec nous, hein? Ça fait qu'au quotidien, là, je vais
prendre des exemples très concrets dans les centres hospitaliers, à l'Institut
universitaire de santé mentale, on doit quand même, même quand on n'est pas
dans une vague, avoir des zones dédiées avec des gens qui sont en isolement.
Puis je vais faire un clin d'oeil aux aides de service qui sont là, qui
s'occupent, par exemple, des registres pour les patients, pour être sûr qu'on
soit conformes en lien avec les procédures de prévention et contrôle des
infections. Donc, même si on n'est pas dans une vague, les patients ont ces
besoins-là. Donc, c'est vraiment un appui pour faire face à la charge
supplémentaire que la COVID entraîne. Puis je pourrais le donner aussi... cette réalité-là est vraie en
dépistage, elle est vraie en vaccination, elle est vraie au niveau communautaire
aussi en première ligne dans la communauté. Même quand on n'est pas dans une
vague, on fait des activités de promotion pour la vaccination, par exemple.
Donc, c'est tous des éléments qui aident, là, à faire face au virus.
M. Dubé : Comme je n'ai pas
beaucoup de temps, est-ce que vous désirez commenter? Peut-être, les autres
régions, ou c'est sensiblement la même... Oui.
Mme Labbé (Julie) : C'est
simplement la même chose.
M. Dubé : M. Thibodeau, la
même chose à Québec?
• (12 h 50) •
M. Thibodeau
(Guy) : Oui, mais je dirais, pour ajouter à ce que mon collègue dit,
on était toujours sur tension, alors il fallait toujours demeurer prêts à être
en mesure de réagir rapidement. Puis je pense que c'est important de préciser
que ces leviers-là ou tout ce qui venait avec l'urgence sanitaire, on ne
l'utilisait pas dans nos opérations régulières. C'était
vraiment pour gérer les activités pandémie, et, je vous dirais, il fallait
qu'on soit prêts à tout moment à intervenir rapidement, d'où l'importance que
ces mesures-là soient en place.
M. Dubé :
Très bien. Un des arrêtés, parce qu'il y en a seulement cinq, un porte sur
les ressources humaines. Dites-moi comment ça aurait été possible d'avoir
l'aide extérieure que vous avez, ou même l'aide intérieure, si on n'avait pas
eu les primes qui ont été mises en place.
M. Fortin
Verreault (Jean-François) : Bien, je peux répondre, là, au début,
donner l'exemple, là, très concret, là, nous, pour la cinquième vague, on a été
frappé très fortement, là, on a dépassé le niveau 5 d'hospitalisation, là,
qui était prévu au plan national. C'est 9 000 quarts de travail
supplémentaires qu'on a été capables d'aller chercher chez les employés
cliniques grâce aux primes. Donc, concrètement, ce que ça a évité, ça a évité
d'utiliser les mesures de l'arrêté, puis forcer des gens à travailler ou forcer
des déplacements. On n'a presque pas utilisé, là, les mesures contraignantes.
On a été capables de le faire en mode volontaire. Ça fait que ça fait un milieu
de travail qui est beaucoup plus sain, puis les gens acceptent de donner plus
de temps.
M. Dubé :
D'éviter d'utiliser le fameux 007, parce que vous aviez mis des primes
supplémentaires pour être capables d'attirer des gens à rester plus longtemps
au travail. C'est bien ce que je comprends, là?
M. Fortin
Verreault (Jean-François) : Exactement.
M. Dubé :
Puis est-ce que, Mme Labbé, M. Fortin... M. Thibodeau, même
chose dans vos deux régions?
Mme Labbé
(Julie) : Bien, c'est identique, puis j'ajouterais aussi la... de nos
retraités qui sont venus aussi nous prêter main forte. Donc, les primes ont
aidé à amener une force de travail supplémentaire pour passer à travers chaque
vague, à travers la crise.
M. Thibodeau
(Guy) : C'est la même chose de notre côté, M. le ministre.
M. Dubé :
Maintenant, on a entendu des chiffres astronomiques sur les entrepôts que
ça prenait pour être capable de garder les contrats quand on a mis en place. Ça
veut dire quoi, à Québec, en termes d'entreposage, M. Thibodeau? Parce que
je pense qu'il ne me reste pas beaucoup de temps.
Le Président
(M. Provençal)
: 30 secondes.
M. Dubé :
Il nous reste 30 secondes. Êtes-vous capable de nous donner un ordre
de grandeur pour que les gens comprennent bien pourquoi c'est important de
garder accès à ça?
M. Thibodeau
(Guy) : Bien, nous, dans le fond, c'est deux entrepôts qu'on veut
maintenir. Ça représente tout près de 1 million de dollars, mais il faut
voir que, dans nos entrepôts, on a tous les EPI pour le CIUSSS, mais c'est nous qui répond à tous les besoins de la région
aussi. Donc, il faut qu'on soit capable de répondre aux RPA, aux
organismes du milieu, et je ne suis pas dans une position où je peux me
permettre de faire des commandes et attendre que le matériel arrive, là. Donc,
nous, oui, on a, entre autres, un entrepôt qui est assez grand, mais qui nous
sécurise beaucoup parce qu'on est capables de réagir puis de soutenir la région
instantanément.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci
beaucoup.
M. Dubé :
Puis encore une fois, merci, pour votre travail des deux dernières années,
à vous puis à vos collègues qui vous regardent aujourd'hui. Merci.
Le Président
(M. Provençal)
: La
parole est maintenant au député de Nelligan.
M. Derraji :
Merci, M. le Président. Merci pour votre présentation. Malheureusement, je
n'ai pas eu le temps de la lire. Je n'ai pas de question, M. le Président.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci.
M. le député de Rosemont.
M. Marissal :
...
Le Président
(M. Provençal)
: M. le député...
M. Arseneau :
Pas de question.
Le Président (M.
Provençal)
: Pas de question? Mme la
députée d'Iberville.
Mme Samson : Je
n'ai pas de question, M. le Président, puis je vais vous dire pourquoi. J'ai vu
beaucoup, dans ma vie, de productions audiovisuelles, là, puis c'est la
première fois que je vois une vidéo corporative live et sans aucun effet
spécial.
Le Président (M. Provençal)
: Merci, Mme la députée. Alors, merci à
vous trois pour votre présentation, et nous vous souhaitons une bonne fin de
journée.
Alors, la commission va suspendre ses travaux.
Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 54)
(Reprise à 15 h 02)
Le Président (M. Provençal)
: Bonjour à tous. Bienvenue à la Commission
de la santé et des services sociaux.
La commission est réunie afin de poursuivre les
consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi
n° 28, Loi visant à mettre fin à l'état d'urgence sanitaire.
Cet après-midi, nous entendrons les personnes et
groupes suivants : le Pr Patrick Taillon, le Pr Louis-Philippe
Lampron, Me Martine Valois et la Ligue des droits et libertés.
Je souhaite maintenant la bienvenue au
Pr Patrick Taillon. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes
pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons aux échanges. Alors, je vous
invite à vous présenter et je vous cède immédiatement la parole. Merci.
M. Patrick Taillon
M. Taillon (Patrick) : Bonjour, M.
le Président, et merci aux membres de la commission pour cette invitation.
Sortir de l'état d'urgence, c'est compliqué,
c'est surtout névralgique et, si c'est mal fait, ça peut, à long terme,
produire des effets pervers plus graves que ceux associés à sa simple
prolongation. Les options ne sont pas illimitées. Grosso modo, à peu près deux
ou trois scénarios possibles.
Le premier, c'est le scénario d'une sortie
rapide de l'état d'urgence, qui peut conduire à un scénario de va-et-vient. Des
périodes courtes et récurrentes d'état d'urgence deviennent, en quelque sorte,
un état d'alerte. Pour bien des raisons, cette voie était difficile à pratiquer
au Québec. Je crois que, si ça n'avait été que du virus et des restrictions qui
visaient la population, cela aurait été la bonne voie à appliquer. Mais l'état
d'urgence au Québec est associé aussi à une crise organisationnelle, une crise
de notre capacité de soins, et c'est ce qui explique, à bien des égards, le
fait qu'on a été obligés de prolonger aussi longtemps, probablement trop
longtemps, cet état d'urgence.
Et donc, au point où nous en sommes, après plus
de deux ans, pratiquer le va-et-vient, pratiquer le sortir de l'état d'urgence
coûte que coûte, pour y retourner peut-être à la fin de l'été, à l'automne ou
en décembre, bien, ça pourrait — c'est une opinion bien personnelle, mais
une conviction profonde — être
perçu et vécu comme un échec, comme une incapacité de notre État de prévoir,
d'anticiper, une incapacité qui pourrait miner notre cohésion sociale.
Deuxième façon de sortir de l'état d'urgence,
c'est la plus fréquente, c'est la plus logique et c'est aussi la plus
périlleuse, elle consiste à pérenniser, mais partiellement, certains aspects de
l'état d'urgence. C'est le scénario auquel je m'attendais avec le projet de loi
n° 28. Il faut alors faire l'inventaire du bon et du mauvais et incorporer
le bon ou ce qui est nécessaire dans, vous me pardonnerez le cliché, la
nouvelle normalité. Donc, il faut inscrire dans le droit normalement
applicable, ce qu'on appelle le droit commun, les innovations positives ou
restrictives dont on a besoin pour la suite des choses.
Le projet de loi n° 28 emprunte un autre
chemin. C'est tout à l'honneur du gouvernement qui tente ici de pratiquer une
sortie progressive mais complète, irréversible, de l'état d'urgence. Néanmoins,
ce que l'on ne pérennise pas avec le projet de loi n° 28, on le fait... on
le pérennise ailleurs ou on va le pérenniser plus tard : des bonnes pratiques
comme la télémédecine, le décloisonnement
des actes réservés des professionnels, l'enseignement à distance, des
primes salariales. Toutes sortes de mesures
comme celles-là vont, d'une manière ou d'une autre, devoir trouver un chemin
dans la normalité, dans le droit commun, mais ce n'est pas via le projet de loi
n° 28 que ces mesures vont le trouver.
Donc, cette pérennisation partielle et
collective, elle peut se faire plus tard, lorsqu'on aura plus d'informations.
Elle peut se faire ailleurs, dans d'autres projets de loi. Certains ont déjà
été débattus, voire adoptés, mais il ne faut pas oublier que l'exercice
d'inventaire est, tôt ou tard, nécessaire.
Et donc, à mes yeux, le projet de loi n° 28
est une bonne solution à court terme. Il comporte un immense avantage sur le
plan procédural. Il fait en sorte que le gouvernement va, dès son adoption,
cesser d'adopter de nouveaux décrets. Il va
soigner, si je peux dire, sa dépendance à ce moyen très efficace, surtout en
temps de crise, qu'est la gouvernance par décret.
Sur le fond, il ne faut pas avoir des attentes
démesurées à l'endroit du projet de loi n° 28, puisque les changements les
plus importants ont déjà eu lieu avant son adoption, soit un déconfinement
significatif. Et le projet de loi opère un gel, un cran d'arrêt pour cinq
arrêtés qui perdurent et pour un certain nombre de contrats.
Ma critique
ici, elle porte surtout sur la vision à long terme associée au projet de loi
n° 28. Le projet de loi n° 28, si ça tourne mal, s'il y a une
autre vague, s'il y a un nouveau variant qui serait moins bien adapté à notre
dispositif de vaccination actuel, bien, si on accepte de prévoir le pire, et
c'est ça aussi, le travail des élus, si on accepte de prévoir le pire, le
projet de loi n° 28 pourrait nous plonger dans ce scénario du va-et-vient,
du recul, du retour à la case départ, où il faudrait
alors redéclarer un nouvel état d'urgence pour réadopter des mesures que l'on
souhaite... avec lesquelles on souhaite tourner la page.
Sinon, l'autre solution, si jamais il fallait
prévoir le pire, serait d'accepter que d'autres rendez-vous législatifs seront
inévitables. Deux types de rendez-vous législatifs sont à venir. Le premier
rendez-vous probable, à moins que le virus disparaisse et que le système de
santé, sa capacité de soins s'accroît de manière significative, bien, les
débats que le projet de loi n° 28 repousse à plus tard, cette Assemblée
risque d'avoir besoin de les conduire cet automne.
L'exemple le plus manifeste, à mes yeux, c'est
l'exemple du masque dans les transports publics. Là, il fait partie, si je
comprends bien, des mesures visées par le gel des cinq arrêtés, donc pour la
période transitoire, très bien. Mais en décembre, si on a besoin du masque dans
les transports publics, bien, il est fort probable que les solutions, ce sera
soit de retourner à l'état d'urgence, ce que je ne souhaite pas, ou soit de
saisir cette Assemblée d'un projet de loi pour prévoir une capacité
gouvernementale, une délégation de pouvoirs vers le gouvernement, une capacité
d'imposer ce masque dans les transports publics lorsque les circonstances se
présentent.
Donc, ce rendez-vous législatif, il est fort
probable. Mais, si vous me permettez un autre scénario encore plus
hypothétique, imaginons qu'il y ait une vague très forte durant la prochaine
élection. Cette législature sera alors dissoute, et il sera impossible de saisir
l'Assemblée d'un tel projet de loi durant la prochaine élection. Il n'y aura
alors que la voie du retour en arrière par la déclaration d'urgence, ce qui,
dans un contexte de débat hautement polarisé, comme on le rencontre dans une
élection, sera certainement une voie difficile à pratiquer.
• (15 h 10) •
Donc, premier rendez-vous possible, les mesures
qu'il faudra peut-être un jour pérenniser. On risque d'avoir à en débattre à
l'automne prochain.
L'autre rendez-vous, ce deuxième type de
rendez-vous, il est inévitable et souhaitable, c'est la grande réforme à long
terme, la réécriture des règles qui encadrent l'exercice du pouvoir d'urgence
au Québec. Quel est le rôle du Parlement durant l'exercice de ce pouvoir
d'urgence? Il est temps de faire un bilan de l'expérience qu'on a vécue dans
les dernières années et d'en tirer les conséquences qui s'imposent.
Trois suggestions. Il y en a plus dans le court
écrit que je vous ai soumis, mais ce sont les trois points qui me tiennent le
plus à coeur pour cette réforme inévitable à venir. J'y vais rapidement, M. le
Président.
Premièrement, il faut que cette réforme soit
plus large que l'urgence sanitaire. La prochaine crise pourrait être une crise
de sécurité civile, elle pourrait être une crise environnementale. Donc, il
faut réformer l'ensemble du pouvoir d'urgence
dont dispose le Québec. Il faut le faire aussi dans une dynamique d'affirmation
de l'autonomie constitutionnelle du Québec. Il y a trop de gens au
Canada qui prétendent que le pouvoir d'urgence, avant cette crise, c'était
l'exclusivité du pouvoir fédéral. La présente crise a démontré le contraire, et
c'est important d'affirmer cette autonomie-là.
Deuxième changement qui me semble le plus
important, si on devait ne faire qu'un seul changement au rôle du Parlement en
temps de crise, c'est l'article 122 et le pouvoir de désaveu parlementaire
qu'il faudrait faire. Ce pouvoir est extrêmement important, puisqu'il permet à
tout moment aux parlementaires de contrôler et de désavouer l'exercice du
pouvoir d'urgence. Malheureusement, en ce moment, tel qu'il est rédigé, ce
pouvoir est assez flexible, mais très rigide sur le fait que le désaveu, c'est
tout ou rien. Il faut désavouer tous les décrets, la déclaration d'urgence d'un
seul coup. Le simple fait de revoir l'article 122 pour permettre aux
parlementaires de choisir une norme, un décret, un problème durant l'état
d'urgence transformerait profondément la capacité de cette Chambre d'exercer un
contrôle, un suivi et éventuellement un désaveu chirurgical de certaines
mesures d'urgence.
Enfin, troisièmement, et je conclus là-dessus,
il y a des changements qu'il ne faut pas faire et il y en a un qui me semble
évident : il ne faut pas créer d'obstacle au déclenchement de l'état
d'urgence. On ne peut pas prévoir les crises.
Il faut que, face à l'imprévisible... il doit rester possible et relativement
facile de déclencher l'état d'urgence. Mais, une fois qu'on préserve cette efficacité, cette simplicité dans le
déclenchement de l'état d'urgence, toutes les mesures, et il y en a quand même plusieurs dans l'écrit que je
vous ai soumis, qui permettent d'augmenter le rôle de contrôle,
d'enquête, de délibération de l'Assemblée nationale et de ses commissions
durant un état d'urgence, sont des mesures souhaitables tant qu'elles n'ont pas
d'effet paralysant ou qu'elles ne minent pas l'efficacité de l'action
gouvernementale. Et, à mon humble avis,
là-dessus, on peut s'inspirer de plusieurs mécanismes, dont celui de la loi
fédérale sur les mesures d'urgence, pour justement sculpter un plus
grand rôle pour le Parlement sans que ça se joue au détriment de l'efficacité
nécessaire de l'action gouvernementale en temps de crise.
Sur ce, je m'arrête.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, M. Taillon, pour votre exposé. Nous
allons immédiatement débuter cette période d'échange avec M. le ministre pour
une période de 15 min 15 s. Mais, avant toute chose, j'aimerais
avoir le consentement pour que la députée de Sherbrooke puisse remplacer, pour
cet échange-là, le député de Rosemont. Consentement?
M. Dubé : Consentement, oui, tout à
fait.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, M. le ministre, les 15 min 15 s
suivantes vous appartiennent.
M. Dubé : Très bien. Alors, je ne
sais pas si on dit Pr Taillon, mais premièrement, merci beaucoup de venir
nous accompagner dans cette analyse-là des mesures d'urgence.
Mais, d'abord et
avant tout, M. le Président, j'aimerais profiter de mon temps de parole pour
vous adresser un commentaire. J'aimerais, avant qu'on poursuive... puis je
reviendrai au Pr Taillon tout de suite après, ça va être rapide. Ce matin, j'ai entendu le député libéral de Nelligan qui a
parlé d'une déclaration du premier ministre qui dit que la COVID ressemble à un
rhume. Je tiens à mettre au clair quelque chose. Le député omet délibérément,
M. le Président, de mettre en contexte que
le premier ministre indiquait qu'il n'était pas envisagé de mettre de nouvelles
mesures en raison du haut taux de
vaccination au Québec, et que, comme le premier ministre était triplement
vacciné, et comme c'est le cas chez
bien des Québécois, son expérience a été celle d'un rhume. Je dirais, M. le
Président, qu'on doit tous être responsables, et c'est notre devoir. Je
demanderais au député de collaborer et non de désinformer. Merci, M. le
Président.
Le Président (M.
Provençal)
: Merci,
M. le ministre, mais, et ça, ça s'adresse à tout le monde, il va falloir faire
attention de ne jamais prêter d'intention, d'une part ou d'autre. Merci. Sur
ce, période d'échange.
M. Dubé : Merci
beaucoup. Alors, M. Taillon, j'ai beaucoup apprécié le travail que vous
avez fait. J'ai lu votre mémoire puis je pense que vous avez une rigueur plus
que professorale, je dirais, législative, qui est exemplaire. Puis merci de
prendre le temps de venir nous rencontrer pour nous éclairer sur la façon, pour
nous, de se sortir correctement des mesures d'urgence. Puis vous l'avez bien
expliqué, il y a plusieurs scénarios, mais une des choses qui me fascine...
puis ce matin... Je pense que l'équilibre que l'on doit garder puis je pense
que vous le soulevez bien... Ce matin, on a eu la chance d'entendre nos P.D.G.,
trois P.D.G. Je ne sais pas si... Avez-vous eu la chance d'écouter leur
présentation?
M. Taillon
(Patrick) : En partie, oui.
M. Dubé : En
partie. Malheureusement, les députés de l'opposition n'ont pas voulu leur poser
des questions, puis je pense que ce serait
instructif de bien comprendre le point de vue de ceux qui ont été sur le
terrain depuis deux ans, de ce qu'ils ont vécu. Alors, moi, je vais vous
la poser, la question. Vous me dites que vous les avez entendus sur plusieurs
sujets. Comment on fait pour garder cet équilibre-là?
Par exemple... puis
là je vous donne un exemple très, très concret. Moi, je leur ai posé la
question ce matin, j'ai dit : Écoutez, qu'est-ce qui arrive si on enlève,
demain matin, Je contribue? Peut-être que vous avez entendu cette
question-là. Puis je comprends très bien qu'on aimerait ça, mettre ces mesures
d'urgence là de côté, mais encore une fois,
aujourd'hui, on est encore dans une sixième vague. Puis vous avez entendu,
quand je leur ai posé la question, j'ai dit : Il vous manquerait combien de personnes, demain
matin, si on enlevait les mesures d'urgence et qu'on voulait continuer à
vacciner? Vous avez entendu les chiffres, 9 000, 6 000, 1 800,
dépendamment des régions.
Ce qu'on propose
aujourd'hui comme mesures transitoires temporaires, c'est exactement ça, mais
j'aimerais l'entendre d'un point... Là, on a entendu des gens de terrain. Ce
matin, j'aimerais ça l'entendre d'un point de vue de légiste. Parce qu'on essaie de trouver le bon compromis pour se sortir
de l'état d'urgence, mais, en même temps, puis comme l'a bien dit le Dr Boileau, de ne pas se
mettre dans le trouble, parce que notre rôle, en tant que gouvernement, c'est
d'agir pour protéger le public. Ça fait que vous connaissez bien la loi, je
voudrais vous entendre sur cet équilibre-là, s'il vous plaît.
M. Taillon
(Patrick) : Il pourrait y avoir une solution assez brutale, qui
consisterait à prendre le contenu des cinq arrêtés puis de les inscrire dans
une loi et, justement, pérenniser ce que, dans le projet de loi, n'est qu'une
solution temporaire. Mais même ce scénario très brutal pourrait poser des problèmes,
parce qu'il y a des mesures, notamment dans les relations de travail, qui se
justifient en temps de crise, si jamais elles étaient contestées devant les
tribunaux, qui, si on les inscrit de manière
pérenne dans une loi, poseraient problème. Donc, je comprends que, pour les
gens qui sont dans les opérations
vaccination, Je contribue, ils ont besoin de règles particulières pour
pouvoir poursuivre ces opérations-là.
Est-ce que ces règles
ont absolument besoin d'être prévues dans des arrêtés? Elles pourraient être
inscrites dans la loi, mais je pense que la solution qui consiste à identifier,
de façon précise et circonscrite, les arrêtés, puis je ne me prononce pas... je
n'ai pas assez une connaissance opérationnelle du terrain pour me prononcer sur
le choix de chacun de ces arrêtés-là, je présume qu'effectivement le volet
organisationnel de la crise de la COVID, la gestion de notre capacité de soins
nécessite des règles organisationnelles extraordinaires, et donc de les geler
temporairement dans un mécanisme qui est celui qui est proposé me semble une
solution raisonnable. Et je me positionne même comme plutôt sur le spectre des inquiets en soulevant dans mon mémoire la
question de qu'est-ce qui arrivera, si jamais il y avait une vague irrésistible et que, parmi les cinq
arrêtés, on découvrait qu'on en a oublié un sixième et un septième? Et
c'est là que porte peut-être ma critique du
projet de loi. Mais sur le fait que ces outils-là sont pertinents, moi, je n'en
doute pas.
M. Dubé :
O.K., très bien. Donc... parce que je veux bien comprendre votre
commentaire, puis je ne sais pas si ,au moment où vous avez fait votre mémoire,
si on avait déposé les amendements pour clarifier les amendements qui allaient
rester. Alors, je ne sais pas si c'était avant ou après, là.
• (15 h 20) •
M. Taillon
(Patrick) : Oui, oui, oui, j'ai vu les amendements.
M. Dubé :
O.K., vous avez vu les amendements. Alors donc, c'est là que je pense... je
vous demande, là, si vous trouvez que c'est le compromis correct, parce que les
amendements ne sont pas dans la loi, mais on y réfère clairement parce qu'on
dit que les cinq thèmes sont là, là : les ressources humaines, les achats,
les primes, etc. Il y a cinq thèmes. Donc, vous êtes à l'aise avec ça? Je veux
juste être certain. Vous trouvez que c'est la bonne façon de faire dans les
circonstances? Je veux juste...
M. Taillon (Patrick) : Bien, le
fait d'énoncer explicitement quels sont les cinq arrêtés ne change pas le
contenu du projet de loi puisqu'avant c'était implicite.
M. Dubé : Et
voilà.
M. Taillon (Patrick) : Sauf que
c'était difficile de savoir exactement c'étaient lesquels. Même des juristes
habitués de lire les décrets, c'est assez unanime que leur lecture est assez
pénible parce qu'il faut comme remonter le courant, remonter la lecture d'un
décret qui en modifie un autre. D'ailleurs, dans mon mémoire, je propose qu'une
éventuelle réforme du pouvoir d'urgence devrait s'accompagner, là, d'une espèce
de codification administrative pour faciliter la lecture.
M. Dubé : Très
bien. Mais d'ailleurs, c'est en écoutant des commentaires comme le vôtre ou
comme le Barreau, au cours des dernières semaines... et, comme le disait
le député de Rosemont, on a écouté les députés aussi, et c'est pour ça qu'on a
décidé de mettre ces arrêtés-là comme amendements au début. Contrairement à
d'habitude, on n'a pas attendu de faire l'article par article, on l'a mis au
début de la commission. O.K., ça va pour ça.
Le deuxième point que j'aimerais soulever avec
vous, puis je pense qu'on aura sûrement la chance de vous reparler, moi, je
voudrais juste m'inscrire, là, clairement, devant les députés puis surtout les
Québécois qui nous écoutent, sur votre recommandation de modifier la Loi de la
santé publique. Et je voudrais juste être très clair, là, on est d'accord. On
est d'accord parce que... Puis d'ailleurs je dois vous dire, vous l'avez
sûrement lu de par votre rôle de ce que vous enseignez, la Commissaire à la
santé et au bien-être, Mme Castonguay, a été très claire, dans son rapport
du mois de janvier qu'elle a déposé, pour dire : La Loi de la santé
publique devrait être revue. Elle a été très, très claire pour être sûre, entre autres, là, qu'il y a une
séparation entre la santé publique... garder ça loin du politique. Vous avez
lu.
Alors, moi...
mais je veux bien, bien comprendre puis, encore une fois, j'ai bien lu ce que
vous avez dit. En même temps, on est tous conscients qu'en ce moment, ce
qu'il y a urgence de faire, c'est d'enlever l'urgence et d'avoir des mesures de transition, et que la révision, une
révision en profondeur de la Loi sur la santé publique ne peut pas se faire
comme ça ici avec les autres sujets. Ça va prendre une réflexion beaucoup plus
grande pour aller chercher... Et c'est ça que j'aimerais vous expliquiez un peu
pour que les gens comprennent, entre l'exercice que nous faisons d'enlever les
mesures sanitaires, mais sans se mettre dans le trouble, donc de garder
quelques mesures de transition, puis de ce que vous suggérez, avec laquelle on
est d'accord, que ça prendrait une révision en profondeur de la Loi de la santé
publique.
M. Taillon (Patrick) : Oui, ça
prend une révision en profondeur, et elle ne peut pas se faire sur un coin de
table, il faut en parler avant, pendant et après l'élection pour justement
avoir le temps de faire un vrai bilan de ce qui s'est passé. Il faut éviter de
réécrire ces mécanismes d'urgence en ayant qu'en tête la crise qu'on vient de
vivre. Il ne faut pas que ce soit trop calqué sur cette unique crise parce que
la prochaine va porter sur complètement autre chose d'imprévisible. Et il y a
un contexte, une réalité qui est la suivante, c'est que cette Assemblée a
malheureusement fonctionné au ralenti depuis deux ans. Et donc sa dissolution
est imminente. Et donc le menu... il y a de la congestion législative, donc, il
faut faire des choix. Et je ne pense pas que, dans le peu de temps que laisse
le temps actuel de travaux parlementaires, c'est une réforme... Moi, ce que je
souhaite, c'est d'entendre les partis politiques s'engager dans la voie de
cette réforme-là puis, en même temps, prendre le temps de la faire lentement et
de façon... pour qu'elle ne soit pas le fruit d'une simple improvisation.
M. Dubé : Bien, je veux vous
rassurer, là, cet engagement-là, notre gouvernement l'a pris plusieurs fois. Je
le reprends aujourd'hui. Donc, pour être très clair, on l'a pris lorsqu'on a
déposé le plan santé, parce qu'on s'est engagé à faire des nôtres les recommandations de la Commissaire à la santé.
Donc, je veux juste vous dire que cet engagement-là de refaire en bonne
et due forme la loi sur... de réviser la Loi sur la santé publique, je peux
vous dire qu'on est d'accord, après avoir vécu ce qu'on a vécu.
Mais, en même
temps, quand vous parliez tout à l'heure de l'article 122, puis ça, je
pense, c'est important d'y revenir, parce que peut-être que, dans cette
loi-là, les Québécois puis même certains légistes ne connaissent pas tous les
tenants et aboutissants de ça, vous
dites : En même temps, comment on peut faire pour peut-être la modifier
sans nécessairement le faire au détriment de l'efficacité
gouvernementale? Ça, j'aimerais vous entendre, parce que c'est un peu ça...
pour ça que je faisais référence tout à l'heure à la conversation qu'on a eue
ce matin avec les P.D.G., comment trouver cet équilibre-là, en donnant à
l'opposition le droit de s'objecter à certaines choses, en trouvant
l'équilibre. Je ne sais pas si... j'aimerais ça qu'on en parle un peu, je ne sais
pas si on a le temps de le faire, là, mais...
M. Taillon (Patrick) : Si le
déclenchement de l'état d'urgence reste facile, fonctionnel, le gros morceau de
l'efficacité gouvernementale qui est préservé, et ensuite que l'Assemblée joue
un rôle plus actif de délibération, d'enquête, ça ne pose pas de problème. Il y
a peut-être juste un obstacle culturel, lorsqu'on compare le parlementarisme
québécois avec l'équivalent au fédéral, c'est que c'est vrai que, dans notre
tradition parlementaire à nous, dans les travaux de commission, les ministres
sont présents.
Donc, c'est
sûr qu'à Ottawa, par exemple, sur la Loi sur les mesures d'urgence, on lance
des enquêtes parlementaires, des comités d'étude, etc., mais le ministre
est absent, donc l'efficacité gouvernementale est préservée par le fait que le
ministre est occupé à autre chose. Mais à la... sous réserve de cette
différence-là, l'inspiration qu'on peut puiser dans la Loi sur les mesures
d'urgence du fédéral, là, c'est quand même... ils ont fait l'exercice, il y a
quelques années, après les abus qu'on a connus avec la crise d'Octobre. Il y a
quand même plusieurs mécanismes pour accroître le rôle des parlementaires qui
pourraient être très, très utiles au Québec.
Moi, j'insiste sur 122 parce que, du moment où
l'Assemblée peut venir désavouer non pas tout le dispositif, mais une mesure,
elle a le rapport de force ensuite pour jouer un rôle plus actif.
M. Dubé : Un
très bon point, puis je pense qu'il y aura peut-être un jour une réforme
parlementaire qui permettra ça, mais ça, c'est un autre débat, là, à savoir si
les ministres devraient toujours être là.
Un autre point que je trouve important de voir
avec vous, c'est le fameux rapport qui suit l'état d'urgence. Puis une autre chose que j'aimerais vous rassurer,
vous, en tant que professeur, on a pris l'engagement, comme gouvernement...
parce que la loi dit que ça doit être déposé 90 jours suivant la fin de
l'état d'urgence. Là, je ne sais pas quand est-ce qu'elle prendra fin, là,
parce qu'on doit voter le projet de loi. Mais, en même temps, je vous dirais
qu'on a pris l'engagement qu'on allait répondre à cet engagement-là qui est
dans la loi en ce moment, bien avant le 90 jours, pour être capable de
déposer notre rapport avant la fin de la session parlementaire. Alors, ça, je
veux le répéter parce que je ne me souviens pas si je l'ai dit ici, en
commission. Mais, quand vous dites : On prend un engagement lorsqu'on est
en commission, c'est presque aussi important que celui qu'on peut prendre par
écrit. Ça, c'est le premier point.
Et le deuxième point, M. Taillon, je l'ai
expliqué ce matin, lorsque j'ai parlé des fameux contrats, je ne sais pas si
vous l'avez entendu.
M. Taillon (Patrick) : Non.
M. Dubé : Mais on s'est engagé
à donner plus que ce qui est demandé par la loi en donnant non seulement les
contrats qui sont dans le SEAO, là, le système où ont été adjugés tous les
contrats, mais on s'est engagé à ce qu'ils soient plus faciles à analyser, les
contrats qui ont été donnés, par type de contrat, dans les dates qu'ils ont été
donnés. Puis j'ai donné même quelques statistiques ce matin, vous pourrez
l'écouter, là, du nombre de contrats qui représentent à peu près 2 % des
contrats qui vont être encore en application jusque soit au 31 décembre ou
pour les contrats qui se rapportent aux
entrepôts. Donc, c'est pour minimiser un peu, on a parlé de gros chiffres, là,
mais, du 5 milliards, il ne
reste même pas 100 millions de contrats sur les deux termes dont on parle.
Alors, je pense, ce sera important de le voir, puis on s'est engagé que ce soit
dans le rapport qu'on va déposer à la fin du processus. Je ne sais pas s'il me
reste du temps.
Le Président (M. Provençal)
: 10 secondes, M. le ministre.
M. Dubé : 10 secondes, bien,
pour vous remercier, Pr Taillon, parce que ça a été très éclairant d'avoir
cet équilibre-là dans votre présentation aujourd'hui. Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, M. le ministre. Nous allons poursuivre cet
échange avec le député de La Pinière pour les 10 min 10 s
suivantes. Alors, M. le député, je vous cède la parole.
• (15 h 30) •
M. Barrette : Merci, M. le
Président. M. le ministre... Je suis sûr que le ministre est heureux de me voir
aujourd'hui. J'en suis convaincu.
Me Taillon, j'ai lu votre mémoire, j'ai
écouté les échanges qui ont eu lieu ce matin. Et, de votre mémoire, je retiens
une chose qui est assez importante, vous considérez que si on avait à revenir à
imposer... réimposer des mesures d'urgence
telles... qui existent dans la loi, ce serait perçu comme étant un échec. Bon,
moi, je ne suis pas d'accord avec vous, là, parce qu'il y a un élément de temporalité là-dedans que ni vous, ni
moi, ni le ministre ne peut contrôler. Les grippes, là, ça arrive dans certaines saisons. Et, dans l'état
actuel du projet de loi dont on discute, il pourrait très bien, l'hiver
prochain, apparaître un variant z qui serait aussi meurtrier que le
premier. Alors donc, c'est circonstanciel, c'est temporel.
La raison pour laquelle je vous pose cette
question-là, c'est que... Quelle est la justification, selon vous, aujourd'hui,
d'avoir un projet de loi qui nous amène au 31 décembre? Ne trouvez-vous
pas cette date-là comme étant purement arbitraire?
M. Taillon (Patrick) : Je suis
d'accord avec vous que la perception d'un retour en arrière, s'il fallait
déclarer à nouveau l'état d'urgence, relève, là, d'une lecture bien
personnelle, mais, bon, c'est une conviction que je vous partage. Vous pouvez
évidemment... M. le Président, M. le député peut évidemment faire une tout
autre lecture, et je pense que les choses auraient pu en être autrement. Si on
avait fait du va-et-vient depuis le début, ce ne serait pas la même chose que
de le faire après deux ans.
Sur la date de décembre, bien, il me semble
évident que c'est une date qui est un peu... qui comporte le risque suivant,
c'est qu'habituellement c'est une date qui est associée à un recul de la
situation pandémique. Donc, c'est un peu étrange de terminer à cette date-là.
Elle a la sagesse, cette date-là, par contre, de, je dirais, tasser la... de
créer un gel des... que cette Assemblée va décider, durant la période
électorale, hein, elle installe une forme de paix électorale. Donc, il
fallait... il faut régler quelque chose avant l'élection, ça, ça me semble
impératif. On ne peut pas... au début de l'automne, le Parlement et... cette
Assemblée va mourir, elle ne pourra plus être convoquée, elle ne pourra plus se
réunir, donc c'est impossible, début de l'automne. Et donc décembre, novembre,
c'est à peu près les seules dates, court terme, qui me semblent possibles, mais
qui comportent le risque, là, de se retrouver dans une situation où on dit
qu'on va complètement tourner la page sur les outils temporaires dont on a
besoin, et donc on s'évite la réflexion sur les outils permanents qu'on aurait
besoin, les outils modérés, mais des outils néanmoins canalisés, encadrés.
Peut-être que cette discussion-là, elle sera nécessaire en novembre ou en
décembre.
M. Barrette :
Oui, bon, quand on regarde la biologie de la chose, là, la période
d'accalmie, elle est avant l'élection, et la prochaine crise, théoriquement,
biologiquement parlant, elle est après. Le virus, il se comporte comme ça,
essentiellement, il y a un passage d'un hémisphère à l'autre, il y a la
température, la saisonnalité, et ainsi de suite, là. On
aurait très bien pu arrêter ces mesures d'urgence là, très bien pu les arrêter
même au mois d'août. Ça n'aurait rien changé, parce que, s'il n'y avait... s'il
y a lieu de revenir à des mesures d'urgence, ça va être après l'élection.
Alors donc, moi, j'ai
de la difficulté à ne pas voir là un opportunisme, dans le sens temporel du
terme, je ne qualifie pas plus ça de ça, politique.
M. Taillon
(Patrick) : Oui, bien, si les choses étaient à refaire... Moi, j'ai
été surpris par la manière dont... l'habilité du projet de loi n° 28, avec
sa stratégie du cran d'arrêt et du gel, même si j'ai la crainte que je partage
devant vous. Mais c'est sûr que, si c'était à refaire, peut-être que cette
stratégie du projet de loi n° 28, d'identifier rigoureusement les outils
que l'on pourrait encore avoir de besoin et de dire : Bien, laissez-nous
que ces outils-là, et maintenant on va travailler comme avant pour les nouvelles
règles. C'est vrai que c'est une solution qui... moi, je ne l'avais pas vue
venir, mais qui... Elle aurait pu être implantée bien avant, mais je n'en ferai
pas le reproche puisque je n'en ai pas fait moi-même la suggestion à l'époque.
M. Barrette :
Mais, Me Taillon, moi, ce qui
m'intéresse, c'est que, pour vous, c'est vrai, ça aurait pu être fait
avant.
M. Taillon
(Patrick) : Ah! oui, oui, oui.
M. Barrette :
Là, je vais vous poser une question qui est vraiment, vraiment
intéressante, à mon sens, parce que vous l'approchez sous l'angle de : de
quoi allons-nous avoir besoin dans le futur? Puis vous avez raison, on peut
discuter sur la temporalité, on vient de le faire, mais ce dont on aura besoin
dans le futur, on peut aussi l'aborder sous l'angle : qu'est-ce qu'on
évite comme problème actuellement?
Quand vous regardez
les mesures qui sont là, là, ne trouvez-vous pas qu'on se paie un évitement de
problèmes? Et je vais m'expliquer, parce que je n'ai pas beaucoup de temps, ça
va être très clair. Écoutez, là, qu'on prolonge des baux pour des centres de
vaccination, permettez-moi l'expression, «big deal». Par contre, on s'évite
beaucoup, beaucoup de problèmes syndicaux, parce que, comme on a le décret pour
donner des primes qu'on prolonge... c'est correct, les bénéficiaires de primes,
c'est très bien, mais on sait, vous et moi, qu'il y a bien d'autres enjeux
d'ordre syndical là-dedans, et c'est normal.
Alors, revenons à la
temporalité. La période, entre guillemets, d'accalmie biologique, on va la
vivre, là. On va la vivre à partir, essentiellement, de la fin de la session
parlementaire. Alors, de prolonger, essentiellement, on se protège. Moi, je le
vois comme ça. Est-ce que vous avez quelque chose à m'objecter? Parce que,
quand vous regardez les cinq décrets, là, il
y en a au moins quatre sur cinq... trois, minimum, qui sont purement de portée
syndicale, en termes d'impacts, un qui est une espèce d'intermédiaire,
puis l'autre, bon, écoutez, les baux de centres de... tu sais, «big deal», là,
on s'entend, là-dessus, là, il n'y a pas le problème, là.
M. Taillon (Patrick) : Il ne faut pas minimiser
l'importance de l'aspect relations de travail, et c'est probablement le plus complexe parce que, quand je dis que la
sortie de crise implique une pérennisation partielle, pondérée et
encadrée, c'est peut-être un des aspects où le législateur a le moins de marge
de manoeuvre, en raison de la jurisprudence de la Cour suprême du Canada sur le
droit à la négociation collective. Alors, même lorsqu'on fait un cadeau ou une
prime aux travailleurs syndiqués, et encore plus lorsque ça a un caractère
exceptionnel, dérogatoire et restrictif, bien, ces mesures-là sont plus
difficiles et probablement même impossibles d'inscrire dans une nouvelle
normalité.
Et donc il est probablement
plus sage, si ces mesures sont indispensables, de les inscrire dans un état
temporaire et d'exception. C'est probablement une manière plus appropriée de
réussir à les défendre devant les tribunaux. Et, pour le moment, les tribunaux
ont... à l'exception, là, du décret sur le couvre-feu pour les personnes
sans-abri, ont validé toutes les mesures prises. Donc, on reste dans cette
logique qui vise à, probablement, se préserver d'une contestation qui viendrait
si elles étaient... si ces mesures étaient inscrites dans la durée... dans la
longue durée, là, normale.
M. Barrette :
Tout à fait, la longue durée, mais, pour ce qui est de la période en
question, la contestation prend du temps. Ça n'a pas d'effet, mais, dans les
faits, par opportunisme de calendrier, je dirais, là, on s'évite un problème.
Je le dis comme ça puis je pense que vous êtes peut-être en accord avec une
partie de ce que je disais.
Il me reste deux
minutes, Me Taillon, je veux aborder une affaire. Voulez-vous bien me dire...
alors là, ne me reprochez pas ma familiarité, voulez-vous bien me dire, là,
comment ça se fait qu'on n'est pas capable, là, là, dans ce projet de loi là,
là... amener des clauses de désaveu, là? Il existe... ça existe, vous le dites
dans votre mémoire, il y a un modèle au Canada, il est fédéral. Bon, je
comprends que le fédéral, c'est un péché mortel, là, pour certains — j'ai
dit «pour certains» — alors
il me semble que, dans ce projet de loi là, il aurait été possible d'introduire
ça, ça aurait été une espèce de baume au reste. Ça aurait été faisable, là, il
y a... Vous êtes un expert là-dedans, là, alors vous savez que ça existe. Vous
avez conseillé le gouvernement, dans les deux dernières années, à...
M. Taillon
(Patrick) : C'est vous qui dites ça.
M. Barrette :
Bien, c'est-à-dire, vous avez témoigné...
M. Taillon
(Patrick) : C'est vous qui dites ça. Moi, je...
M. Barrette : C'est une mauvaise
expression, je m'en excuse, Me Taillon, mais disons que vous avez été une
inspiration gouvernementale.
M.
Taillon (Patrick) : Bien, ça, c'est flatteur, en effet.
M. Barrette :
Ça, c'est... voilà. Vous auriez pu être une inspiration pour 122, pour ces
clauses-là. Est-ce que ça aurait été faisable, d'après vous?
M. Taillon
(Patrick) : Bien, moi, je vais répondre bref parce que le temps est
précieux, mais il n'y a rien qui empêche un amendement, dans le cadre du projet
de loi actuel, qui permettrait à l'Assemblée, à tout moment, de désavouer l'un
des cinq arrêtés.
M. Barrette :
Rien n'empêche...
M. Taillon
(Patrick) : C'est-à-dire que l'Assemblée, elle est souveraine, elle
adopte une loi et elle peut prévoir tous les mécanismes qu'elle veut bien. Ça,
c'est d'une part. Et, d'autre part, durant cette crise, oui, la Loi sur la
santé publique minimisait énormément le rôle du Parlement. On souhaite, ce
rôle, qu'il soit plus grand à l'avenir, mais, à plusieurs reprises, le
gouvernement a posé des gestes qui n'étaient pas obligatoires, comme le projet
de loi sur la manifestation devant les écoles, le débat sur la vaccination du
personnel de santé. Donc, moi, ce que je dis, c'est : Dans cette sortie de
crise, il faut continuer à s'imposer des standards élevés, même si la loi ne
nous les impose pas.
M. Barrette :
Donc, il me reste 10 secondes, Me Taillon...
M. Taillon
(Patrick) : Oui, pardon.
M. Barrette :
...vraiment, parce que je me chronomètre. Il y avait l'opportunité de le
faire, et le choix a été fait de ne pas le faire. Ce n'est pas dedans.
• (15 h 40) •
M. Taillon
(Patrick) : Oui, mais le gouvernement présente un projet, et c'est
l'Assemblée qui l'adopte.
M. Barrette :
Oui, faites-vous-en pas, on est encore là.
Le Président (M.
Provençal)
: Merci
beaucoup, M. le député. Nous allons poursuivre maintenant avec la députée de
Sherbrooke, pour 2 min 37 s.
Mme Labrie : Très
peu de temps pour discuter de tout ça. Bonjour, M. Taillon. Vous avez partagé
une crainte, qui est également partagée par nous, qu'advenant un nouveau
variant ou une nouvelle vague, on doive, finalement, malgré ce projet de loi
là, recourir encore à l'état d'urgence. Est-ce qu'il y a un amendement précis
que vous nous recommandez de faire, dans ce projet de loi là, pour éviter que
ça se produise? Est-ce que l'amendement des désaveux, par exemple, serait un
compromis à faire pour nous donner un peu plus de leviers démocratiques
advenant qu'on soit obligé de retourner à l'état d'urgence? Est-ce qu'il y a un
autre moyen d'y arriver?
M. Taillon
(Patrick) : Non. Sur le front de l'inquiétude, si on est
covido-inquiet, la stratégie du gel, elle repose sur le fait que la Santé
publique, le ministre, ceux qui ont préparé le projet de loi ont évalué qu'avec
ces outils-là, ils sont capables. Et donc, si on a besoin d'un autre outil, il
faudra soit convoquer cette Assemblée pour l'adoption d'un projet de loi rapide,
soit miser sur les pouvoirs qui existent déjà : directeur régional de la
santé publique a des pouvoirs, directeur national aussi, mais ça reste assez
limité, ou, sinon, ce qui, pour moi, est un recul, revenir à l'état d'urgence.
Mais, dans l'autre scénario, c'est-à-dire alléger, le projet de loi n° 28,
si ça va bien, il est bien organisé pour aller plus vite que le calendrier
prévu. Le gouvernement peut retirer ses arrêtés, mais c'est dans le scénario où
ça irait mal.
En même temps, est-ce
qu'il faut rester à tout jamais dans l'état d'urgence parce qu'il faut prévoir
le pire? Non. À un moment donné, il faut trouver un nouvel équilibre, une
nouvelle façon d'encadrer la menace qui perdure... je m'excuse pour le
temps.
Mme Labrie : Est-ce
que... parce que je vous ai entendu dire que la réforme sur l'état d'urgence
qu'on veut faire... vous nous recommandez
d'attendre un moment pour la faire plus à tête reposée, je dirais, pour résumer
votre idée.
M. Taillon
(Patrick) : Oui.
Mme Labrie :
Vous nous soumettez quand même des propositions de ce qu'on devrait inclure
dans cette réforme-là. Est-ce qu'on ne peut pas commencer quand même à utiliser
le projet de loi n° 28 pour déjà amener des éléments de changements, les
intégrer au projet de loi n° 28, en se disant quand même que, la réforme
plus complète, on la fera plus tard, mais déjà intégrer des choses comme la
notion de désaveu, le faire maintenant?
M. Taillon
(Patrick) : Oui, et je pense que le mécanisme de «fade-out», là, de
decrescendo, ça se peut que ça figure dans une prochaine réécriture de la Loi
sur la santé publique. Donc, oui, la loi fixe un cadre minimal. Il y a le droit
parlementaire aussi, qui permet à l'Assemblée des interpellations, toutes
sortes de mécanismes aussi pour forcer le gouvernement à rendre des comptes.
Oui, il faut s'imposer dès maintenant les meilleurs standards, même si ces
standards ne sont pas obligatoires.
Mme Labrie : Donc,
on n'a pas à attendre de faire cette réforme complète, on peut, dès maintenant,
dans ce projet de loi là, amorcer des choses.
M. Taillon (Patrick) : Je l'espère,
oui.
Mme Labrie : Parfait. Je vous
remercie.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, Mme la députée. Je
cède maintenant la parole au député des Îles-de-la-Madeleine, pour
2 min 37 s.
M. Arseneau : Merci beaucoup, M. le
Président. Me Taillon, merci d'être là et de partager votre point de vue avec nous, qui est très éclairant. J'ai accroché,
à la page 7, sur le contexte où l'autonomie constitutionnelle du Québec
a souvent été fragilisée. Est-ce que... Vous suggérez, parce que c'est quand
même une réforme importante, là, d'étendre, justement, les pouvoirs du Québec
au-delà de l'état d'urgence et de la Loi sur la santé publique. Ça ne peut pas
être fait maintenant, ce n'est pas ce que vous suggérez. Vous suggérez qu'on
l'attaque comme un chantier plus vaste ou ça peut être fait plus rapidement,
selon vous?
M. Taillon (Patrick) : Quand la Loi
sur la santé publique a été contestée, décision très importante de la Cour
d'appel, je crois, cet hiver, qui a validé le dispositif, on a utilisé la Loi
sur la sécurité civile, parce qu'on n'avait pas assez de débats parlementaires
puis parce que les deux lois sont à peu près identiques. Donc, au fond, mon
propos, c'est de dire : Ça fait des années qu'on entend des collègues dire
que l'urgence, ce n'est que fédéral. C'est faux, on en a maintenant la preuve.
Le Québec, un peu comme la doctrine Gérin-Lajoie nous permet de... Ce qui est
de compétence chez nous est de compétence partout. Bien, si c'est de compétence
du Québec... si c'est de la compétence du Québec, l'urgence en éducation,
l'urgence en environnement, l'urgence en sécurité publique, l'urgence
sanitaire, c'est aussi de notre compétence.
Donc, pour le
moment, on a comme deux lois, peut-être qu'il y en a une troisième qui
m'échappe, mais, lors d'une réécriture, il faudrait peut-être consolider
l'acquis de cette crise dans notre relation avec Ottawa pour bien marquer le
fait que ce qui est de notre compétence l'est aussi en temps d'urgence. Et
c'est ça, l'esprit de la suggestion.
M. Arseneau : ...l'autre volet,
c'est celui de la crainte du va-et-vient. La crise a... en fait, l'état
d'urgence a duré deux ans, mais moi, j'ai le
profond sentiment qu'on n'a pas été en état de crise pendant deux ans et que le
va-et-vient aurait pu être exercé pendant toute la période, de la même
façon que, si on avait une crise en sécurité civile, il y a un barrage qui
éclate, on colmate, la crise est terminée, on peut investir, et ensuite, bien,
il craque à un autre endroit, une nouvelle crise, et ainsi de suite. Et est-ce
que ce n'est pas le fait, justement, qu'on n'ait pas respecté l'esprit de la
loi sur le 10 jours ou 30 jours puis qu'ensuite on dise : Bien, on revient
à un état de rétablissement, un peu comme on dit en sécurité civile... qu'on
est pris avec une loi comme celle-là pour en sortir?
M. Taillon (Patrick) : Bien, je
dirais deux choses. Si on avait seulement eu besoin de restrictions qui visent
la population, je pense qu'on aurait pu en sortir, faire du va-et-vient, puis
ç'aurait été très sain. Mais c'est une crise organisationnelle et de capacité
de soins, puis là je pense que, là, il y a des limbes et un labyrinthe de
problèmes.
Et l'autre aspect, c'est que, si on avait une
loi sur le... qui encadre l'urgence, qui permettait de dire : Voilà, c'est
terminé, à partir de maintenant, vous ne pouvez plus adopter de décret, mais
ceux qui sont déjà en vigueur vont produire des effets jusqu'à telle date, bien
là, on aurait pu, je crois, sortir fréquemment de l'état d'urgence. Mais, même
dans les beaux étés qu'on a eus, on a gardé quand même des mesures comme le masque,
et donc, à moins que... c'est peut-être le cas, il y a moyen d'imposer le
masque par d'autres voies — ce
n'est pas ma compréhension de la chose — on est un peu coincé. Donc,
il faut... pardon.
Le Président (M. Provençal)
: Je vous remercie beaucoup. Non, c'est
moi qui gère le temps, je m'excuse. Alors, je dois maintenant passer la parole
à la députée d'Iberville, qui va compléter cet échange.
Mme Samson : Merci, M. le Président.
Me Taillon... Préférez-vous maître ou professeur?
M. Taillon (Patrick) : Bien,
monsieur, Patrick... idéal.
Mme Samson : Me Taillon, deux
petites questions très rapides. Pouvez-vous me dire, en droit du travail,
quelle loi empêche un employeur de donner un bonus à un employé?
M. Taillon (Patrick) : Lorsqu'on a
adopté la Charte canadienne des droits et libertés, on a prévu un article 2 qui
prévoit la liberté d'association. La Cour suprême a dérivé de cette liberté
d'association que ça voulait dire le droit de négocier les conditions de
travail. Et donc, même si ça a l'apparence d'un cadeau, d'une prime, cette
jurisprudence, elle fait en sorte... que la mesure décidée unilatéralement soit
positive ou restrictive, elle est une atteinte à la liberté de négocier les
conditions de travail. Et c'est pour ça que, depuis une dizaine d'années, on
voit beaucoup moins de lois spéciales dans le secteur public. Cette
jurisprudence-là est apparue dans ces années-là. Et, par contre, on ne sait pas
si certaines de ces limitations pourraient
être justifiées, mais ça crée un contexte juridique où, là, c'est plus
périlleux. Voilà.
Mme Samson :
O.K., je comprends. Donc, la voie de la négociation est inévitable.
M. Taillon (Patrick) : C'est comme
si on place la négociation au-dessus des bonnes conditions.
Mme Samson : Au-dessus des bonnes
nouvelles qu'un patron peut envoyer à ses employés.
M. Taillon
(Patrick) : Parce que,
derrière la bonne nouvelle, il peut y avoir un piège ou une fausse bonne
nouvelle. Alors, on dit : D'abord et avant...
Mme Samson : Oui, oui, une demande
démesurée.
M. Taillon (Patrick) : Voilà.
Mme Samson : Ma deuxième question,
c'est quand on lit, dans la loi, l'impossibilité pour quiconque de poursuivre
quiconque. Comment peut-on s'accaparer autant de pouvoir sans en avoir les
responsabilités?
M. Taillon (Patrick) : Je dois vous
avouer que ça m'a échappé, là, l'impossibilité de poursuivre.
Mme Samson : Personne ne peut
poursuivre personne.
M. Taillon (Patrick) : Oui. Un, ça
m'a échappé, c'est de ma faute, mais...
Mme Samson : Bien, moi, j'aurais
fait une méchante bonne avocate, hein?
M. Taillon (Patrick) : Oui, mais je
sais que, de toute manière, les tribunaux, devant des clauses privatives de recours, généralement, n'y voient qu'un indice, là
Et, généralement, c'est... même si le législateur dit : Vous n'avez
pas de recours, généralement, le tribunal va quand même dire : Non, non,
il y a une justice...
Mme Samson : On va écouter.
M. Taillon (Patrick) : Oui, mais je
dois vous confier que ça m'a échappé. Je profiterai de la pause pour...
Mme Samson : Je vais vous le trouver
en fumant une cigarette à la pause.
M. Taillon (Patrick) : Oui, oui,
oui. Tout à fait.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, Mme la députée, je dois vous
dire que vous avez terminé. C'était très intéressant...
Mme Samson : ...dans ma tête, là, je
suis toute correcte.
Le
Président (M. Provençal)
: Alors, merci beaucoup,
M. Taillon, pour votre présence et la qualité de ces échanges.
Sur ce, je vais suspendre quelques minutes pour
qu'on puisse faire place au prochain... à M. Lampron, qui va prendre la place.
(Suspension de la séance à 15 h 49)
(Reprise à 15 h 53)
Le Président (M. Provençal)
: Nous reprenons nos travaux. Nous
accueillons maintenant le Pr Louis-Philippe Lampron, professeur de droit à
l'Université Laval. Monsieur, je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour
votre présentation, et, par la suite, nous procéderons à la période d'échange.
Alors, je vous cède immédiatement la parole.
M. Louis-Philippe
Lampron
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Merci beaucoup, M. le
Président. Alors, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, c'est un plaisir
d'être ici avec vous aujourd'hui. Merci, donc, de cette convocation pour parler
du projet de loi n° 28, initialement baptisé Loi
visant à mettre fin à l'état d'urgence sanitaire, mais je sais qu'il y a un
amendement, là, qui a eu cours le premier jour et qui a rajouté une portion
importante, là, au titre.
Alors, ma présentation d'aujourd'hui vise
essentiellement à faire un retour sur les principes qui sont applicables,
justement, pour encadrer l'état d'urgence sanitaire au Québec, régime juridique
exceptionnel qui permet, il faut le rappeler, là, de rompre temporairement
l'équilibre des pouvoirs qui caractérise tous les États démocratiques, entre
les branches de pouvoir gouvernemental étatique, en fait, donc entre le
gouvernement, le législatif et le judiciaire.
Alors,
voilà maintenant plus de deux ans que nous sommes sous l'égide de l'état
d'urgence sanitaire qui a été édicté le 13 mars 2020, évidemment, avec
l'arrivée de la pandémie de COVID-19. Et l'état d'urgence sanitaire a été
décrété au moment, justement, de l'arrivée de ce virus-là sur le territoire
québécois, par le gouvernement, et il est renouvelé conformément à
l'article 119 de la Loi sur la santé publique depuis, selon la première
option, on aura l'occasion d'y revenir, là, de 10 jours en 10 jours.
Évidemment, dans un
contexte où le gouvernement peut mettre fin à l'état d'urgence sanitaire de sa
seule initiative et sans avoir, pour ce faire, à adopter une loi, c'est quand
même important de le rappeler, bien, l'objectif de ma présentation
d'aujourd'hui, c'est de dire : Donc, tant qu'à adopter une loi, qu'est-ce
qu'il est possible de faire, en fait? Et donc on va le voir, il va y avoir deux
grandes parties à ma présentation. La première, ça va être de parler de la
justification des pouvoirs qui souhaitent être maintenus par le gouvernement
pour amorcer cette phase de transition là. Parce qu'il est important de faire
la distinction entre le régime juridique que représente l'état d'urgence
sanitaire, régime juridique de gouvernance, en fait, exceptionnel, et la crise de
la COVID-19, avec laquelle on doit vivre et on devra vivre au Québec et partout
à travers le monde dans un avenir prévisible.
Alors, à partir du
moment où ce qui est devant nous, avec le projet de loi n° 28,
ça semble être, et j'aurai l'occasion d'en débattre, évidemment, là, avec les
membres de cette commission, un projet de loi transitoire, bien, il faut se
demander si les pouvoirs qui souhaitent être conservés par le gouvernement, ils
peuvent se justifier dans l'état actuel de la pandémie, étant entendu que le
régime juridique exceptionnel qui est l'état d'urgence sanitaire, bien, ce
n'est pas quelque chose qu'on peut maintenir au cas où la crise se
rematérialise dans le futur. En fait, il faut vraiment que ce soit justifié
dans l'ici et maintenant.
Et le deuxième volet
de ma présentation d'aujourd'hui va venir... Je vais essayer de traiter des
lacunes, en fait, qui se sont révélées à l'usage, là, en ce qui concerne les
dispositions qui encadrent actuellement les pouvoirs, là, justement, qui
permettent au gouvernement de basculer en état d'urgence sanitaire, et on va
parler spécifiquement de l'article 119 et, bien sûr, de
l'article 129.
Alors sur la
question, d'abord, des pouvoirs maintenus, bien, il est clair qu'à partir du
moment... et je reviens là-dessus, hein, c'est le point de départ de
l'analyse : il n'est pas nécessaire de légiférer pour mettre fin à l'état
d'urgence sanitaire. Il est nécessaire de légiférer si tant est qu'on souhaite
maintenir, et c'est l'essentiel du projet de loi n° 28,
certains pouvoirs en vigueur le temps qu'on soit capable de finaliser, de
sortir de la crise de la COVID-19. Et donc moi, le premier commentaire que
j'aurais à faire, c'est de continuer le travail d'amendement et, cette fois-là,
de retirer le titre initial de la loi. Pour moi, de mettre dans le titre d'une
loi transitoire le fait que c'est un projet de loi qui vise à mettre fin à
l'état d'urgence sanitaire, dans un contexte où le gouvernement n'a pas besoin
de légiférer pour mettre fin à l'état d'urgence sanitaire, c'est de nature à
entretenir la confusion, et, à mon sens, on aurait tout avantage,
collectivement, à vraiment spécifier déjà dans le titre de la loi c'est quoi,
l'objectif de cette loi-là. Et ce n'est pas de mettre fin à l'état d'urgence
sanitaire, mais c'est bien d'assurer la transition, en fait, et c'est une loi
qui concerne spécifiquement la crise de la COVID-19.
Deuxième
commentaire... Ça prend des fleurs, hein, dans... pour que ce soit crédible,
évidemment, et donc j'aimerais saluer l'amendement qui a été apporté au
premier jour des travaux, justement, là, parlementaires pour discuter du projet
de loi n° 28, qui était nécessaire et qui, sans quoi,
aurait fait l'objet des critiques que j'avais à formuler, c'est de dire... de
procéder par le biais d'une consolidation des pouvoirs, hein, les cinq arrêtés
qui souhaitent être maintenus et qui contiennent, selon ma compréhension du
projet de loi n° 28, l'entièreté des pouvoirs que le
gouvernement souhaite conserver à partir du moment où le projet de loi n° 28 deviendrait une loi. Donc, ça, c'était quelque chose
de nécessaire parce que, justement, ça permet d'être capable de travailler
ensemble à déterminer et à discuter de la suffisance des motifs qui peuvent
être avancés, justement, par le gouvernement et, à terme, par l'Assemblée
nationale, là, si tant est qu'on veut les conserver, ces pouvoirs-là.
Bon, maintenant, il
reste le plus dur à faire, parce que, et là je vais faire un rappel de
principes qui sont applicables en matière de droits et libertés de la personne,
quand une crise frappe, une crise de la nature de celle de la COVID-19,
évidemment, l'application des textes sur les droits et libertés de la personne,
on est dans un flou jurisprudentiel parce
qu'on n'a jamais eu, depuis l'ère de la charte canadienne, de crise de cette
ampleur-là. Mais il y a une chose qui
est claire, c'est que le gouvernement jouit... l'État, en fait, jouit d'une
marge de manoeuvre supplémentaire pour justifier
des atteintes aux droits fondamentaux, des restrictions aux droits fondamentaux
qui découlent des nombreux décrets qui ont été adoptés pour être
capables de protéger la maison collective, là. Ça, c'est clair et net dans la
jurisprudence.
Bon, une fois qu'on a
dit ça, cette marge de manoeuvre là pour justifier les atteintes aux droits
fondamentaux, elle n'est pas illimitée et elle décroît au fur et à mesure que
la crise avance, en fait. Alors, évidemment, la marge de manoeuvre était
beaucoup plus grande au début, quand on naviguait véritablement à vue, parce
qu'on connaissait très peu de choses du virus, etc., et que, donc, le
gouvernement pourrait justifier, dans le contexte d'une contestation
judiciaire, des mesures même s'il n'était pas assis sur des données très
solides, qui démontrent leur efficacité, en fait, pour lutter contre la
COVID-19, au tout début de la crise. Plus on avance et plus il faut que les
données soient solides pour justifier des restrictions aux droits fondamentaux.
Et donc là, plus de
deux ans après le début de la crise de la COVID-19, dans un contexte où on
espère, hein, on s'accroche presque à la peinture sur les murs pour espérer un
retour à la normale, bien, nécessairement, le gouvernement va avoir fort à
faire pour justifier les atteintes aux droits fondamentaux qui découlent des
pouvoirs qu'il souhaite maintenir en vertu du projet de loi n° 28.
Ça ne veut évidemment pas dire que c'est impossible, mais il va falloir qu'il
ait des arguments solides à faire valoir.
Et l'autre élément
que je voulais souligner, c'est que, plus l'atteinte aux droits fondamentaux
est importante, qui découle du décret, là, et les cinq arrêtés qui y demeurent,
plus le travail va être important à faire pour justifier la restriction aux
droits fondamentaux. Donc, ça, c'est des éléments dont on doit absolument tenir
compte.
Et,
à cet égard-là, même si, dans ma présentation d'aujourd'hui, hein,
10 minutes, c'est très court, je ne vais pas m'arrêter trop avant sur...
je ne veux pas analyser, là, les cinq arrêtés en conseil qui ont été adoptés,
j'invite les parlementaires à surveiller notamment l'article 4 du projet
de loi n° 28, qui implique des restrictions
importantes au droit à la vie privée sans que le projet de loi permette
vraiment de déterminer pour quelles raisons est-ce qu'on souhaite garder ces
pouvoirs-là, et évidemment, l'arrêté 2022-030, là, qui autorise des
pouvoirs de contournement des conventions collectives. Dans un contexte où la
négociation collective des conditions de travail, c'est sûr que c'est au coeur
de dispositions qui protègent la liberté d'association en vertu de la charte
canadienne et de la charte québécoise, alors moi, ces pouvoirs-là, là,
m'apparaissent mériter une attention supplémentaire pour s'assurer, justement,
qu'on ait des motifs sérieux à faire valoir dans l'éventualité d'une contestation.
• (16 heures) •
Deuxième élément, je
vois qu'il me reste deux minutes, ce sera donc vitesse grand V, je crois qu'à
partir du moment où l'Assemblée nationale choisit de sortir de l'état d'urgence
sanitaire par le truchement d'une loi, bien... je pense qu'on ne peut pas faire
l'économie de lacunes importantes qui se sont révélées à l'usage, en fait, en
ce qui concerne les balises qui encadrent le pouvoir discrétionnaire du
gouvernement de basculer en état d'urgence et de maintenir cet état d'urgence
là. Je fais référence, bien sûr, à l'article 119 de la Loi sur la santé
publique, d'une part, là, qui a été interprété par le gouvernement, de manière
tout à fait légale, par ailleurs, ça a été confirmé par la Cour d'appel du
Québec dans l'arrêt Bricka, récemment. Et donc il y a un choix qui était laissé
à l'initiative du gouvernement, soit sur le temps court de la crise. Donc,
déclaration d'état d'urgence, le gouvernement peut faire ça de sa propre
initiative. Renouvellement aux 10 jours, il peut le faire de sa propre
initiative. Et là il y avait le flou entre la lettre et l'esprit, hein, parce
qu'il y a un délai de 30 jours où, là, il faut que l'Assemblée nationale
soit mise dans le coup pour le renouvellement de l'état d'urgence sanitaire, ou
de 10 jours si on le fait de 10 jours en 10 jours, et c'est le
choix qui a été fait et qui a été validé par la Cour d'appel, là. C'est permis
par l'état actuel de la Loi sur la santé publique.
Moi,
il me semble que tant qu'à légiférer sur la COVID-19, et dans l'éventualité où
il y a toujours une possibilité, considérant, pour reprendre
l'expression de mon collègue Taillon, qui me précédait, là, la «nature
crépusculaire» du projet de loi n° 28... il y a
toujours possibilité, donc, que la crise de la COVID-19 s'emballe à nouveau et
qu'on doive, malheureusement, personne ne le souhaite, rebasculer dans un état
d'urgence. Je pense que c'est l'occasion, spécifiquement, de dire : En ce
qui concerne la crise de la COVID-19, si on doit rebasculer en état d'urgence
sanitaire, ça va se faire avec un débat à l'Assemblée nationale. Il me semble
que c'est fondamental d'être capable de rajouter ça dans un projet de loi de la
nature du projet de loi n° 28.
Et le dernier
élément, pour les 20 secondes qu'il me reste, c'est l'article 129,
là. Il me semble très, très important de corriger ce qui apparaît comme une
lacune importante là où on en est rendu dans l'état d'urgence, dans la crise de
la COVID-19, considérant le fait que l'article 119 a permis au
gouvernement, de sa seule initiative, de maintenir ce régime juridique
exceptionnel là pendant deux ans sans discontinuer, de s'assurer qu'on va avoir
plus qu'un rapport d'événement, surtout celui qui est libellé à
l'article 129, là, qui peut être, à mon sens, respecté, si on s'en tient à
la lettre de la loi, uniquement en collant les décrets dans un document et en
disant : Voici le rapport d'événement.
Alors, voilà ce que
j'avais à dire, là, comme déclaration initiale. Il va maintenant me faire
plaisir d'échanger avec vous, bien sûr.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci
beaucoup, M. Lampron, pour votre exposé. Nous allons immédiatement débuter
cette période d'échange avec M. le ministre.
M. Dubé :
Me Lampron, c'est un plaisir de vous entendre aujourd'hui. Je pense que
l'Université Laval doit être fière de ses finissants. C'est tellement clair, aujourd'hui,
ce que vous dites. Qu'on soit d'accord ou en désaccord avec certains de vos
points, ce n'est pas ce qui est important. L'important, c'est la clarté de
votre exposé. Puis je veux vous le mentionner, c'est très bien... Je voudrais
juste revenir sur votre titre. Je veux juste bien le... Pouvez-vous le répéter?
Parce que vous saisissez tellement bien le besoin que, si on peut en discuter
avec nos légistes dans les prochains jours... Pouvez-vous me le répéter, quelle
était votre suggestion pour le titre du projet de loi?
M. Lampron
(Louis-Philippe) : C'est de retirer tout
simplement le fait que la loi vise à mettre fin à l'état d'urgence sanitaire.
M. Dubé :
O.K., le reste...
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Oui, ça, ça va, de
focaliser... oui.
M. Dubé :
O.K., je comprends très bien. C'est ça
que je voulais juste être certain, O.K., donc, de faire référence...
Puis, tant qu'à vous avoir, est-ce que ça serait des mesures temporaires ou
transitoires, selon vous, qui serait le mot le plus approprié?
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Moi, j'irais pour
«temporaires».
M. Dubé :
Temporaires, O.K.
M. Lampron
(Louis-Philippe) : À partir du moment où
on est dans le... ça doit expirer en décembre 2022, tout à fait.
M. Dubé : Bien,
au plus tard...
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Au plus tard.
M. Dubé : ...parce qu'on s'entend...
La plupart des mesures auxquelles on réfère pour le 31 décembre, c'est au
plus tard... alors que, pour les contrats, c'est... vous l'avez bien lu.
J'apprécie beaucoup... Mon Dieu! Vous avez parlé
de fleurs, mais effectivement c'est à écouter plusieurs légistes et les députés
de l'opposition qu'on a pris la décision de spécifier comme premier amendement
qu'il fallait avoir une description beaucoup plus claire dans le projet de loi
sur les cinq thèmes. Je vais les appeler comme ça, là. Alors, merci de l'avoir
noté, parce que je peux vous dire qu'il y a plusieurs légistes au ministère qui
ont travaillé très fort pour faire cet exercice-là de concision et de
rassembler tous les décrets pour les mettre sur ces cinq thèmes-là. Puis je pense
que vous pouvez sûrement reconnaître le travail qui a été fait pour mettre ça
ensemble. Alors, merci de le souligner pour, entre autres, les légistes qui
nous écoutent aujourd'hui.
Vous avez une expertise... Je regardais sur le
site Web, là, vous avez une expertise particulièrement dans les droits
fondamentaux. C'est quoi, votre intérêt? Parce qu'avant de vous poser les
questions je voulais juste savoir... Vous faites un point qui est excessivement
important, moi, je pense, pour la suite des choses. Alors, dites-moi c'est
quoi, votre expertise en termes, là, de droit, mais spécifiquement pour les
droits et les libertés.
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Je travaille
effectivement sur, spécifiquement, la charte canadienne et la charte québécoise
des droits et libertés, et plus particulièrement les libertés fondamentales,
mais également, quand je m'intéresse à ces outils-là qui ont une valeur
supralégislative, bien, je m'intéresse à la reconnaissance juridique du
principe de démocratie et ce que ça prend institutionnellement pour être
capable de s'assurer du maintien, en fait, d'une véritable démocratie,
notamment le fameux équilibre des pouvoirs entre le législatif, le judiciaire
et l'exécutif. Et c'est ce qui me mène à m'intéresser aussi, depuis les dernières
années, notamment aux critères qui permettent ou ne permettent pas d'avoir
recours à la disposition générale de dérogation aux droits et libertés de la
personne, notamment dans le contexte du projet de loi n° 21
et également dans le contexte de l'état d'urgence, là.
C'est certain que moi... La pandémie, quand je
dis que c'est un apprentissage qu'on a tous fait à la dure, moi, les
dispositions de l'article... des articles 118 et suivants de la Loi sur la
santé publique, avant l'éclatement de la pandémie, je n'avais pas eu l'occasion
de m'y intéresser, là. Mais là où ça rejoint directement mon expertise, c'est
justement parce que les droits et libertés de la personne, c'est le socle de
légitimité en deçà duquel, en principe, les gouvernements et les États ne
peuvent pas aller.
M. Dubé : Je voulais juste vous
mentionner, un peu comme je l'ai fait avec le Pr Taillon un petit peu plus tôt
aujourd'hui... ouvrir cette porte-là sur le besoin de refaire la Loi sur la
santé publique. Puis je pense qu'avec des experts comme vous qu'on entend
aujourd'hui, le Pr Taillon qu'on a écouté tout à l'heure... que notre
gouvernement s'engage de s'embarquer dans cette analyse-là et de refaire...
Puis je suis content qu'on pourra avoir vos coordonnées si jamais on décide
d'aller plus loin là-dedans...
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Je suis facile à trouver.
M. Dubé : ...parce que je pense que
c'est important, puis je l'ai dit, que la Commissaire à la santé nous a demandé de le faire dans un exercice qui devrait
être rigoureux, mais peut-être à l'extérieur des mesures d'urgence dont
on parle. Mais je voulais juste vous le mentionner, surtout maintenant que je
suis conscient de l'expertise que vous avez.
Maintenant, où je vous demanderais de nous
aider, puis j'ai posé exactement la même question au Pr Taillon ce matin... un
peu plus tôt aujourd'hui, pardon... Vous avez une connaissance de la loi, votre
expertise, on vient d'en parler, dans droits et libertés, mais vous avez aussi,
j'espère, peut-être entendu nos P.D.G., nos P.D.G. qui étaient de trois régions
très différentes puis qui ont eu... Ils nous ont bien expliqué qu'ils avaient
tous les mêmes problèmes de... Puis ils reviennent aux cinq arrêtés qu'on a
décidé de continuer. Quand vous... Avec votre expertise des droits et libertés,
là, est-ce qu'il y en a... Puis je veux vous entendre. Je veux avoir et les
fleurs et le pot parce qu'on est là pour ça. Vous les avez entendus. Qu'est-ce
qui vous titille le plus puis qu'est-ce... lesquels vous êtes peut-être plus
d'accord? Parce que c'est important de vous entendre sur les côtés positifs et
négatifs de ça, et c'est pour ça que je pense que notre défi, si vous me
permettez, à part le titre, c'est de trouver l'équilibre dans les prochains
mois, pendant qu'on s'organise de façon permanente, parce que c'est ça, notre
objectif, d'avoir des mesures temporaires qui nous permettent de nous
organiser... Quel est cet équilibre-là entre les droits et libertés et des
pratiques sur le terrain, comme les P.D.G. nous ont expliqué clairement
aujourd'hui?
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Bien, c'est-à-dire que
la flexibilité dont on bénéficie à travers des instruments comme la Loi sur la
santé publique ou l'état d'urgence sanitaire, là, ça se justifie sur le temps
court d'une crise. Et donc des décrets comme ceux qui affectent les conditions
de travail, parce que c'est beaucoup de ça dont il est question, évidemment,
dans les présentations auxquelles vous référez, et le besoin que, du côté
employeur, on soit capables, entre guillemets, de se revirer sur un 10 cents
pour être capable de s'assurer de protéger le plus grand nombre, c'est sûr que
c'est une considération qui est importante puis c'est un objectif, là, je
reviens... le critère de l'arrêt Oakes, là, qui passerait le test initial.
Est-ce que c'est un objectif suffisamment important pour...
• (16 h 10) •
M. Dubé : Juste
pour que tout le monde comprenne, quand vous faites référence à l'arrêt Oakes,
là, juste peut-être en dire quelques mots là-dessus.
M.
Lampron (Louis-Philippe) : Oui,
effectivement. Je prends toujours pour acquis que tout le monde sait c'est
quoi, l'arrêt Oakes. Voilà, tout raisonnement, en droits et libertés de la
personne, ça fonctionne selon un raisonnement en deux temps. Un, il faut faire
la preuve d'une atteinte au droit fondamental, et ensuite, l'État peut essayer
de justifier l'atteinte. Et, pour justifier l'atteinte, il faut passer à
travers une grille d'analyse en quatre étapes, qui est celle qui a été établie
en 1986 dans l'arrêt Oakes.
La
première étape, c'est l'objectif suffisamment important, hein? On ne peut pas
justifier, en quelque circonstance que
ce soit, une atteinte aux droits fondamentaux sans qu'on poursuive un objectif
considéré comme étant suffisamment important.
Alors, en contexte de pandémie, parce que la pandémie n'est pas terminée,
malheureusement, qu'on poursuive un objectif de flexibilité, ça, ça
passe l'étape un.
Là où ça devient plus
difficile, parce qu'on avance dans la pandémie, et qu'il s'agit, bien sûr,
d'une atteinte à ce qui constitue le coeur de la liberté d'association, hein,
depuis 2015, là, ça a été très, très clairement cristallisé par la Cour suprême du Canada, c'est-à-dire le fait qu'il
y ait une négociation collective des conditions de travail lorsqu'il y a
justement... le syndicat a appliqué... unité d'accréditation, etc.
Alors, c'est certain
que de justifier le maintien de pouvoirs exceptionnels qui permettent de
contourner les conventions collectives sur le temps long d'une crise, bien, ça
peut se justifier sur certaines particularités des pouvoirs qui se retrouvent dans le décret 2022-030. Et,
encore une fois, je n'ai pas fait une analyse détaillée, là, de ces pouvoirs-là,
mais, d'y aller globalement, uniquement en disant que, parce que la pandémie n'est
pas terminée, il faut qu'on continue à avoir ces pouvoirs exceptionnels là en
main au cas où il y ait une résurgence ou que sais-je encore, ça, c'est certain
que c'est plus difficile à justifier plus la crise avance parce que...
M. Dubé : Ça,
c'est dans le deuxième point. Puis je veux juste vous mentionner, parce
qu'effectivement... et c'est pour ça qu'il était important, suite à vos
demandes puis à vos collègues... de préciser qu'est-ce qui restait dans les
arrêtés et qu'est-ce qui partait, parce qu'on a enlevé 007 qui était... je n'ai
pas besoin de vous l'expliquer, vous le savez, c'est quoi, là, qui... mais, en
même temps, on a gardé les primes. Alors, dans l'article, dans le deuxième
critère, il y aurait ce choix-là ou cette discussion-là, à savoir qu'est-ce qui
est resté et qu'est-ce qui n'est pas resté. Est-ce qu'on parle de la bonne
chose, là?
M. Lampron (Louis-Philippe) : Complètement, exactement, qu'est-ce qui se justifie, qu'est-ce qui ne se
justifie pas. Puis un critère qui est vraiment
important, là, puis je fais référence à ça, à quelque chose qui a été discuté,
parce qu'il y a un parallèle à faire
avec la loi fédérale sur les mesures d'urgence et le débat qui a eu cours avec
le convoi des camionneurs...
M. Dubé : Oui,
avec qu'est-ce qui est arrivé à Ottawa, là.
M.
Lampron (Louis-Philippe) : Exactement. Et
donc il y a eu un débat qui a eu cours à la Chambre des communes, mais ça, ce n'est pas Justin Trudeau et son gouvernement qui
ont décidé, de bonne grâce, de tenir ce débat-là. Ils ont tenu le débat
parce qu'ils étaient forcés de le tenir par la loi, et ça, c'est un bel
exemple, en fait, là, des balises qui permettent d'encadrer un pouvoir
exceptionnel.
M. Dubé : Êtes-vous
toujours dans votre deuxième critère ou vous êtes...
M.
Lampron (Louis-Philippe) : Bien, c'était
une introduction. Je me suis permis un commentaire, mais je m'en allais sur le
deuxième critère. Et donc...
M. Dubé : Je
veux juste vous suivre, O.K., parce qu'il me reste... Moi, il me reste sept
minutes, puis je trouve ça excessivement important pour la suite des choses. Ça
fait que je vous laisse débouler, là.
M.
Lampron (Louis-Philippe) : Oui, très bien.
Et donc, ensuite, de dire qu'on garde ces pouvoirs-là, encore une fois, de
flexibilité, dans un contexte où la crise perdure, ça passe le test un, mais la
flexibilité, ce n'est pas nécessaire. Ce n'est pas une adéquation, en fait, qui
va faire en sorte que l'Assemblée nationale, si jamais le projet de loi
n° 28 devient une loi, que cette loi-là est contestée... que les chances
de succès allaient... si c'était éventuellement contesté en vertu des droits et
libertés de la personne, là, seraient très élevées. C'est pour ça qu'il faut
vraiment être certain que c'est en vertu du
«ici et maintenant» et non pas du «peut-être demain» que les pouvoirs se
justifient, en fait.
M. Dubé : Voilà,
mais on pourra en reparler parce qu'on manque de temps, mais, quand on a...
Quand on parlait que l'arrêté, par exemple, sur les primes finissait le... on
l'avait mentionné, finissait le 16 avril, puis, lorsque la seizième... la sixième vague, pardon — j'ai
dit la seizième vague, la sixième vague — a
été confirmée, pour nous, c'était évident qu'il fallait rajouter d'un
mois... Alors, c'est le genre de discussion sur le court terme dont vous
parlez, je crois.
M.
Lampron (Louis-Philippe) : Exactement.
M. Dubé : Puis les trois et quatre,
c'est quoi? Je veux juste vous entendre. Vous avez dit : Il y a quatre
choses à prendre en considération.
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Oui, on est dans
l'arrêt Oakes, en fait, là.
M. Dubé : Oui, toujours, parce
que c'est important de...
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Alors, ensuite, c'est
la proportionnalité. C'est pour ça que ça devient toujours plus difficile pour
l'État à cette étape-là. La première étape, elle passe souvent assez facilement
la rampe.
M. Dubé : Oui, très bien.
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Ensuite, la question, c'est : Est-ce que les
moyens choisis par le gouvernement, par l'État, sont proportionnels par
rapport à l'objectif poursuivi?
M. Dubé : À la sévérité, oui,
O.K.
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Et là il y a le critère
du lien rationnel, de l'atteinte minimale. Est-ce qu'on a conçu le moyen de
manière à porter atteinte le moins possible aux droits fondamentaux en cause?
Et, à la fin, c'est la balance des effets, en fait. Est-ce que les avantages
produits par la mesure l'emportent sur la gravité de l'atteinte aux droits fondamentaux?
M. Dubé : Très bien, oui. Ça,
on en a parlé souvent, de ça.
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Tout à fait.
M. Dubé : O.K., c'est très
clair. Maintenant, je reviens à la question que je vous ai posée tout à
l'heure. On a peut-être divergé un peu avec l'arrêt Oakes, mais revenons sur ce
que vous avez entendu des P.D.G. ce matin, là. Ils vous on dit : Écoutez,
on a besoin de Je contribue, on a besoin de ça pour la vaccination, tout ce que
vous avez entendu. Dans les cinq thèmes, là, qui sont maintenant précisés par
l'amendement qui sera discuté avec les députés, qu'est-ce... est-ce qu'il y en
a qui vous titillent plus que d'autres ou que vous dites : Ça, pour
nous... Vous n'avez pas besoin de ça. J'aimerais ça vous entendre sur ces
cinq-là parce que c'est ce qui reste, là, ces cinq arrêtés-là.
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Oui, bien, écoutez,
moi, sur les cinq thèmes, puis c'est pour ça que dans... Et d'ailleurs vous
allez avoir un mémoire écrit. C'est simplement que j'ai essayé désespérément
d'arriver avant l'audition et je n'ai pas été en mesure. Alors, je vais...
M. Dubé : Je suis certain que
ça va être clair.
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Et j'espère que ça va
l'être, à tout le moins.
M. Dubé : Ça va être très
clair.
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Mais là ce ne l'était
pas avant que j'arrive, et donc je ne vous l'ai pas envoyé. Mais donc, moi, ce
qui me titille, pour reprendre votre expression, il y a deux choses. C'est dans
le détail de 2022-030, c'est-à-dire que, globalement, qu'on ait besoin de
certaines mesures, considérant là où on en est dans la sixième vague et qu'on
ait besoin, ici et maintenant, de maintenir une certaine forme de flexibilité
hors convention collective, peut-être que, dans certains cas, ça se justifie,
mais, mur à mur, je ne suis pas certain que ça justifie, surtout en considérant
l'importance du droit fondamental dont il est question. Alors, ça, c'est ce qui
me titille, de un.
M. Dubé : Très bien.
M. Lampron
(Louis-Philippe) : De deux, moi, c'est l'article 4. Je
voudrais peut-être y revenir en disant : Quel est l'objectif de
l'article 4? Parce qu'il y a une capacité importante, là, qui est laissée
au gouvernement de demander des informations qui relèvent de la vie privée, par
ailleurs, mais il n'y a pas de mise en contexte ou... En fait, quand je l'ai lu
initialement, puis là-dessus, je pense que je partage le point de vue de mon
collègue Taillon, on croyait que c'était pour vous aider dans la reddition de
comptes, mais, comme il n'y a rien d'autre sur la reddition de comptes, je
cherche.
M. Dubé : Je peux m'essayer, M.
le Président, parce qu'on a... Il me reste quoi?
Le Président (M. Provençal)
: 2 min 30 s.
M. Dubé : Deux minutes, mais
c'est une très bonne question. L'objectif derrière 4 était très clair, c'était
au niveau de l'information qu'on a pour la vaccination, parce que ce qu'on veut,
c'est continuer de... bien, la vaccination et du dépistage, mais,
particulièrement pour la vaccination, vous savez que c'est une donnée
personnelle, hein, c'est un individu, et de la façon dont on a construit nos
systèmes, qui étaient inexistants, on s'est dit : On va aller chercher une information personnelle, mais on va avoir une
information globale. Moi, là, comme ministre ou nos gestionnaires au ministère,
ce n'est pas de savoir qui l'a eu ou pas, c'est de savoir est-ce qu'on a des
tendances, alors c'est dans ce contexte-là.
Alors, est-ce que ça serait peut-être... besoin
de le préciser, si ça dérange tant que ça? Ce sera peut-être quelque chose à
discuter, mais je voulais juste expliquer que c'était pour avoir une
information qui nous permet de voir les grandes tendances dans la vaccination,
dans le séquençage, toute une foule de raisons, mais jamais dans l'objectif
d'avoir l'information sur un individu. C'est comme ça que je le résumerais.
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Et est-ce qu'il y a
possibilité, dans ce cas-là, de...
(Interruption)
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Excusez-moi. Est-ce
qu'il y a... On dirait Netflix qui vient de commencer.
M. Dubé : La meilleure façon,
c'est de l'enlever.
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Oui, oui, exactement.
Est-ce qu'il y a possibilité, dans ce cas-là, d'aller chercher les mêmes
informations, mais de manière purement anonymisée à partir du moment où
c'est...
M. Dubé : Bien, c'est ce qui
est fait comme étape intérimaire. C'est amassé sur une base personnelle, parce
que quelqu'un qui se fait vacciner, on a son information, mais il faut
s'assurer que l'information qui va, par exemple, au ministère ou au
gestionnaire, elle est sur une base dénominalisée. Alors, voilà.
M. Lampron (Louis-Philippe) : O.K., très bien. Alors, c'est l'objectif.
M. Dubé : Mais c'est un bon
point, puis je suis content que vous le souleviez, parce que, si jamais on a
cette discussion-là avec les collègues de
l'opposition, alors... Et je veux vous rassurer dans votre demande, puis je
finis là-dessus, M. le Président, qu'on va respecter notre engagement de
déposer le document, là, avec les... plus d'information sur les contrats. J'en
ai parlé dans la présentation tout à l'heure, de donner un peu plus
d'information qu'il y a dans le SEAO pour que les gens puissent s'y
reconnaître, puis c'est un engagement que j'ai pris. Vous l'avez... Vous en
aviez parlé. Alors, je veux juste dire que c'est un engagement qu'on prend.
Merci pour votre présentation, maître.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, M. le ministre.Nous
poursuivons avec le député de Nelligan pour les 10 min 10 s qui
suivent.
M. Derraji : Merci, M. le
Président. On a un excellent mémoire, merci... bien, excellente présentation.
Je ne sais pas si je dois revenir à des propos tenus où je n'étais pas là, M.
le Président, mais, pas de problème, si on veut rectifier le tir, on va le
rectifier d'une autre manière, mais je trouve ça désolant qu'on a répondu sur
quelque chose que j'ai dit. Je n'étais pas là. Donc, merci, M. le Président.
Merci de votre intervention tout à l'heure. Première question : Est-ce
qu'on a besoin d'une loi pour mettre fin à l'état d'urgence sanitaire?
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Non.
M. Derraji : Je vais répéter ma
question. Est-ce qu'on a besoin d'un projet de loi ou d'une loi pour mettre fin
à l'état d'urgence sanitaire que le gouvernement a mis en place depuis mars
2020?
• (16 h 20) •
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Non.
M. Derraji : Donc, pour vous,
le fait d'avoir cette commission parlementaire, comment vous qualifiez... et je
ne veux pas vous faire dire des choses. Comment vous qualifiez cette commission
parlementaire et le fait qu'on s'assoit ici pour étudier ce projet de loi?
M. Lampron (Louis-Philippe) : Bien, ça revient un peu au commentaire que je faisais
initialement, c'est-à-dire, à partir du moment où l'essentiel du projet de loi
n° 28 ne vise pas à mettre fin à l'état d'urgence sanitaire, mais vise à
mettre en place des pouvoirs qui vont demeurer en vigueur, le temps de la
transition...
M. Derraji : O.K., excellent,
le mot clé, c'est «pouvoir». Donc, est-ce que c'est un gouvernement qui est
assoiffé du pouvoir?
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Bien, je ne sais pas
s'il est assoiffé de pouvoir, mais, assurément, il y a, dans le projet de loi
n° 28, le désir, et c'est même le seul objectif du projet de loi n° 28, de
maintenir des pouvoirs.
M. Derraji : Oui, mais, de
l'autre côté, on vous a dit qu'ils ont besoin de ces pouvoirs pour continuer à
gérer la pandémie qu'on qualifie... que chacun qualifie à sa manière. Le virus
circule encore. Parfois, on a tendance à dire que ça ressemble à un rhume. Parfois, on a
tendance à dire que ça ressemble à autre chose. Un projet de loi sans
reddition de comptes, sans rapport d'événement, une loi transitoire sans
reddition de comptes, est-ce que c'est ça, un État de droit?
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Bien, la seule reddition
de comptes... Et là je vais profiter de votre question pour revenir sur ce que
le ministre a dit en clôture, bien, c'est certain que le rapport d'événement...
Et c'est pour ça que moi, je... C'est sans doute plus clair que dans les
20 secondes qui me restaient pour en parler dans ma présentation ou dans
mon mémoire, je l'espère, mais le rapport d'événement, l'article 129, là,
on doit le contextualiser. Moi, je suis heureux d'entendre le ministre
dire : On va mettre plus que ce qui est exigé de 129, mais, à partir du
moment où on débat en ce moment d'un projet de loi qui porte spécifiquement non
pas sur la fin de l'état d'urgence sanitaire... parce que, vous le soulignez,
on n'a pas besoin d'une loi pour ça, mais sur la COVID-19. Comment on va faire
pour, à tout le moins, jusqu'au 31 décembre 2022, gérer le virus qui est
toujours avec nous? Et donc la reddition de comptes...
M. Derraji : Oui, oui, mais,
selon cette logique, le virus va disparaître après le 31 décembre. C'est
ça, la loi. Le pouvoir, c'est ça. Encore une fois, vous êtes un homme de droit,
le pouvoir demandé par le gouvernement, c'est jusqu'au 31 décembre. Ce
gouvernement a oublié que, le 31 décembre dernier, ils ont envoyé une
Alerte AMBER à tous les Québécois pour leur rappeler le couvre-feu. Donc, comme
par hasard, le pouvoir, ils n'ont plus besoin de ce pouvoir jusqu'au
31 décembre parce que, le lendemain, le 1er janvier 2023, il n'y aura
plus de pandémie, il n'y aura plus de virus. Donc, comment concilier cette notion
de pouvoir absolu et l'État de droit du moment que vous êtes quelqu'un qui
veille sur l'État de droit?
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Oui, bien, il y a la
possibilité de contester les pouvoirs qui sont... qui demeurent en vigueur, si
tant est que le projet de loi n° 28 devient une loi, en vertu des droits et
libertés de la personne. Il faut garder en tête que la marge de manoeuvre dont
bénéficiait le gouvernement, comme je le disais, a été amoindrie au fur et à
mesure qu'on a avancé dans la crise, d'une part. Mais, pour terminer mon idée
sur la reddition de comptes, je pense que ce qui est important, c'est qu'on
corrige la lacune dans le projet de loi n° 28, en fait, de 129, qu'on ne fasse
pas simplement se contenter collectivement d'un engagement et qu'on s'assure,
considérant l'impact très grand pour le futur, en fait, et pour qu'on soit
capables, collectivement, d'apprendre de nos erreurs, quand erreurs il y a sans
doute eues... bien, qu'on libelle, en fait, la nature de la reddition de
comptes qui va devoir avoir cours après, quand on sera sortis de la COVID-19.
M. Derraji : Mais vous avez
raison, Pr Lampron, et c'est très clair, vos propos. Le problème, c'est que je
n'ai pas de rapport d'événement avec la voie utilisée depuis 2020. Aujourd'hui,
le gouvernement, le Conseil des ministres... Le ministre vient d'arriver d'un
conseil des ministres. Aujourd'hui, il y a un renouvellement de décret encore
une fois pour prolonger l'état d'urgence sanitaire, et on est rendus au 107e.
Il n'y a pas de dépôt de rapport d'événement. C'est stipulé pourtant dans la
Loi sur la santé publique.
Au lieu de changer la Loi sur la santé
publique... Il y a des élections au mois d'octobre. Qu'est-ce qu'on demande?
Ils ont interprété... Et, corrigez-moi si je me trompe, ils ont interprété les
deux articles au renouvellement hebdomadaire versus le renouvellement au mois
pour qu'ils nous demandent aujourd'hui un chèque pour continuer toutes les
mesures avec les cinq arrêtés jusqu'au 31 décembre. Est-ce qu'on
partage la même lecture?
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Bien, écoutez, ma
critique, elle vient... Moi, je pense que je partage la ligne que vous
défendez, sur le fait qu'il est important d'avoir une reddition de comptes. Je
pense que, pour moi, l'article 129 est absolument insuffisant pour assurer
le maintien de la confiance de la population envers nos institutions, parce
qu'on a besoin d'un véritable postmortem. Je pense qu'on a tous appris à la
dure et que, ce faisant, les rôles des uns et des autres dans une crise de la
nature de celle de la COVID-19, il y a eu quelques essais-erreurs. Et donc
c'est important qu'on soit capables de revenir pour déterminer quelles sont les
interactions qui, au sens de la légitimité politique, doivent être prévues et
encadrées par la loi entre le directeur de la santé publique, l'INSPQ, le
premier ministre, le ministre de la Santé, etc. Et, pour ça, un rapport
d'événement, en tout cas, tel que libellé à 129, c'est absolument insuffisant,
ça, c'est très clair.
M. Derraji : Mais vous avez raison,
parce que, de plus en plus qu'on avance et on voit les scandales, y compris le
scandale de Herron... On a vu aussi les contrats. On a vu les sondages, les
sondages que le gouvernement faisait, même pour tester la popularité du premier
ministre et du ministre de la Santé. Vous avez vu les contrats de gré à gré,
hein, il y en a pas mal, notamment un cofondateur de la CAQ qui a eu un
contrat.
Est-ce que c'est ça, pour vous, la définition
d'un État de droit? Est-ce que c'est comme ça qu'on se gouverne dans un État
démocratique, sans les balises? Parce que, vous l'avez vu, nous... Moi, en tant
que député de l'opposition, est-ce que j'ai joué mon rôle en tant que député de
l'opposition? Parce que le gouvernement a choisi, d'une manière délibérée, un
renouvellement hebdomadaire de l'état d'urgence par décret et non pas venir à
l'Assemblée nationale, parce qu'on peut interpréter l'article comme on le veut,
mais j'aimerais bien savoir l'interprétation d'un expert en droit. Quand un
gouvernement utilise le même projet de loi, la même loi, le même article, et il
choisit de renouveler, versus l'hebdomadaire, versus le mensuel, ça vous donne
quoi comme lecture sur ce gouvernement?
M.
Lampron (Louis-Philippe) : Bien, écoutez,
je ne veux pas faire de procès d'intention encore une fois, mais, je veux dire,
la question initiale que vous avez posée, c'est : Est-ce que c'est ça, un
État de droit? Il faut garder en tête que, dans un État
de droit, il y a toujours des pouvoirs qui permettent la sortie de l'équilibre
des pouvoirs un temps court, en fait. Le problème, et ça a été révélé, à mon
sens, très clairement dès la première année de la crise de la COVID-19, hein,
parce qu'il y a eu des accalmies à un certain moment... Alors, la gouvernance
par décret était-elle nécessaire, au sens politique du terme, pendant deux ans
sans discontinuité? Pour moi, c'est largement questionnable, mais ce qui est
surtout largement questionnable, c'est que l'Assemblée nationale a été mise
hors jeu dans les renouvellements, en fait, de l'état d'urgence sanitaire, et
ça, c'est, pour moi, une lacune claire qui a été révélée de la lettre de
l'article 129.
M. Derraji : Oui,
c'est excellent parce que... Mais là je vous le dis parce que votre passage en
commission est extrêmement pertinent. Premièrement, on n'a pas besoin de ce
projet de loi pour lever l'état d'urgence. Ce qu'on essaie de dire, c'est que
c'est un projet de loi pour retirer l'état d'urgence. Deux, ce que j'aime dans
vos propos, c'est la notion de reddition de comptes, mais c'est ça, le rôle
d'un député de l'opposition. Le rôle, c'est contrôler les actions du
gouvernement. Ce gouvernement gère avec un pouvoir absolu.
Je ne sais pas si
vous avez entendu, la semaine dernière, les membres de la FIQ et l'APTS... et
je sais que la partie gouvernementale n'aime pas ça. Ils ont même fait un
montage avec leurs propos, mais pas de problème. Ces deux personnes, ces deux
regroupements qui représentent des professionnels de la santé disaient, et
j'aimerais bien vous entendre : Elles sont où, les conventions
collectives? On a un ministre de la Santé qui gouverne dans un système avec des
arrêtés, avec des décrets, et les conventions collectives ne sont presque plus
sur la table. Et il y a un membre qui était dans votre place, qui disait :
Bien, je me sens que j'ai les deux mains du gouvernement sur mon cou.
Vous interprétez
comment ce mode de gouvernance avec des arrêtés et décrets versus le mode de
gouvernance normal où on navigue avec des conventions collectives?
M.
Lampron (Louis-Philippe) : Bien, écoutez,
je veux dire, on est hors du droit commun à quelque part, c'est-à-dire une
situation qui doit se justifier de manière absolument exceptionnelle, et c'est
pour ça que moi, j'aime parler de l'état
d'urgence sanitaire comme étant un bazooka en matière démocratique. Alors,
c'est un outil. On peut y avoir accès, mais on ne doit y avoir accès
qu'avec beaucoup, beaucoup de prudence et de parcimonie, et c'est pour ça que
ça prend des balises très, très claires qui assurent une reddition de comptes
et qui assurent surtout que le lieu des débats à l'Assemblée nationale, c'est
fondamental.
M. Derraji : Merci
de rappeler que le lieu des débats, c'est l'Assemblée nationale. C'est ça,
notre devoir. Vous avez dit «bazooka». Comment vous interprétez le fait qu'on
est arrivés au 107e décret?
M.
Lampron (Louis-Philippe) : Écoutez...
M. Derraji : Mais
ça se voit, ça se voit, votre expression est très claire. Est-ce qu'il y a un
autre État fédéré au monde qui vit la même situation au Québec, avec un
gouvernement qui gouverne par décret et sondages depuis le début de la
pandémie?
M.
Lampron (Louis-Philippe) : Bien, écoutez,
je n'ai pas fait l'analyse comme telle, mais je pense ne pas me tromper en
disant qu'au Canada, à tout le moins, nous sommes la seule province à avoir
imposé un état d'urgence sans discontinuer depuis le début de...
M. Derraji : Merci, merci. Le gouvernement caquiste confirme
l'exception québécoise même en gestion de la pandémie.
M.
Lampron (Louis-Philippe) : Je vous laisse
le mot de la fin.
M. Derraji : O.K.,
merci. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
: Merci, M. le député. Nous allons poursuivre
maintenant avec la députée de Sherbrooke.
Mme
Labrie : Merci, M. le Président. Merci, M. Lampron, c'est un plaisir. Vous avez tenu des
propos inquiétants tout à l'heure.
Vous avez dit que le rapport d'événement, si on s'en tient à ce qui est prévu,
ça pourrait être simplement un collage
des différents décrets, rien de plus que ça. C'est préoccupant. Vous nous avez
invités à utiliser le projet de loi pour exiger une meilleure reddition
de comptes. J'aimerais vous entendre. Donc, vous nous confirmez que c'est
possible d'utiliser ce projet de loi là d'abord pour exiger une meilleure reddition
de comptes?
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Bien sûr, bien sûr.
Mme Labrie :
D'après vous, qu'est-ce qu'on devrait inclure comme exigences en matière de
reddition de comptes dans le projet de loi?
• (16 h 30) •
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Je vais revenir à
l'article 129, en fait, puis, si le passé est garant de l'avenir... encore
une fois, il y a eu un débat, dès le début de la pandémie, entre la lettre et
l'esprit de l'article 119. Et donc l'esprit, à cause du temps court et du temps long, laissait
entendre qu'après 30 jours, bien, en principe, ce n'était pas un vrai
choix qui était laissé dans les mains du gouvernement, alors que la lettre le
permettait, et c'est l'interprétation qui a été celle du gouvernement qui a été
validée par la Cour d'appel.
Bon, alors,
si le passé est garant de l'avenir, quand on lit le deuxième alinéa de
l'article 129, il prévoit que le «rapport d'événement doit préciser la nature et, si elle est déterminée, la cause
de la menace à la santé de la population — ça, je pense que ça va, on la connaît tous — qui a
donné lieu à la déclaration d'état d'urgence sanitaire, la durée d'application
de la déclaration — ça
aussi, c'est assez peu contraignant — ainsi que les mesures
d'intervention mises en oeuvre et les pouvoirs exercés en vertu de
l'article 33.» C'est très minimaliste, en fait.
Donc, essentiellement, on respecte, pour moi, la
lettre. Si jamais j'étais un juriste coquin et que je ne voulais pas de vraie
reddition de comptes, je pourrais très bien me coller à la lettre et
dire : Écoutez, voici les pouvoirs qui ont été exercés, voici les décrets
qu'on a adoptés, on fait un beau document avec ça, on rend ça public, et c'est
un rapport d'événement. Or, on a besoin de beaucoup plus que ça, surtout dans
un contexte où un régime juridique exceptionnel comme l'état d'urgence
sanitaire a été maintenu pendant plus de deux ans et qu'il continue à être
maintenu.
Alors, il me semble que de... Et je pense que,
pour ça, il faut s'élever au-dessus des considérations purement partisanes et
aller voir plus loin, en fait, parce qu'une crise de cette nature-là, on va
peut-être en frapper d'autres au Québec, et pas uniquement au niveau
épidémiologique, hein? Je veux dire, il y a peut-être d'autres situations comme
celle-là. Et je pense qu'il est fondamental qu'on soit capables de se regarder
collectivement et de faire un véritable postmortem de comment on a géré la
pandémie pas pour être capables de taper sur les doigts de celles et ceux qui
étaient aux commandes de l'État au moment où la bombe a éclaté, mais pour qu'on
soit capables d'améliorer les procédés. Et, pour moi, c'est valable pas
uniquement pour la Loi sur la santé publique, mais pour tous les mécanismes,
puisqu'il y en a d'autres, qui permettent à un exécutif gouvernemental de
basculer dans ce régime exceptionnel qu'est un état d'urgence, qui peut se
justifier dès qu'il y a une crise qui frappe, et il faut protéger le plus grand
nombre.
Mme Labrie : Vous semblez
adhérer à notre demande de commission d'enquête sur l'ensemble de la gestion de
la pandémie. Donc, si je vous entends bien, on doit exiger, dans ce projet de
loi là, des amendements avec une liste de la reddition de comptes qu'on
souhaite voir, là.
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Bien sûr, oui,
absolument, parce que 129 est largement insuffisant, là. Je veux dire, on
pourrait très bien respecter... En fait, je pourrais moi-même le respecter, le
rapport d'événement, en faisant le collage des décrets, je pense.
Mme Labrie : C'est bien
entendu. Parfait.
Le
Président (M. Provençal)
:
Merci beaucoup, Mme la députée.
M. le député des Îles-de-la-Madeleine, on poursuit.
M. Arseneau : Merci
beaucoup. On va poursuivre, effectivement. Merci, Pr Lampron, de partager votre
expertise avec nous et votre appréciation de la façon dont on a géré la
pandémie. Est-ce que je comprends bien, je ne veux pas interpréter vos propos,
que, selon votre conception des choses, on aurait pu utiliser l'état d'urgence
de façon beaucoup plus parcimonieuse ou avec... dans le temps court, à certains
moments, première vague, exemple, deuxième vague, troisième vague, mais, entre
ces périodes-là, lever tout simplement l'état d'urgence? Est-ce que... ce à
quoi on aurait pu s'attendre si on avait interprété la loi d'une autre façon?
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Mais, bien sûr, puis il
y a eu des tentatives dans le passé. On pense au projet de loi n° 61. Bon, évidemment, ça n'allait pas dans le sens de
mesures transitoires et de lever l'état d'urgence, c'était... Au contraire, ce qui était proposé, c'était de le
maintenir indéfiniment. Mais il y avait des moments d'accalmie dans la
pandémie où on aurait pu effectivement revenir à un mode de gouvernance plus
normal, parce que c'est exceptionnel, le fait que l'exécutif soit en mesure
d'imposer des normes d'application générale. C'est le rôle de l'Assemblée
nationale.
M. Arseneau : Et
ce qui rendrait les choses plus complexes aujourd'hui. Après deux ans, le
rapport d'événement est beaucoup plus touffu qu'il aurait été au bout de
la première vague, par exemple. C'est ce qu'on comprend.
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Bien sûr, absolument.
M. Arseneau : Si on voulait amender
l'article 119 de la loi uniquement, là, comment le faire, ce serait avec
l'assentiment de l'Assemblée nationale dès qu'on dépasse 10 jours?
Essentiellement, c'est ça?
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Oui, bien, on peut
s'inspirer de ce qui se passe avec la loi fédérale sur les mesures d'urgence,
qui permet à l'exécutif de basculer en état d'urgence pour sept jours
exécutoires, mais qu'ensuite il faut que ce soit avalisé suite à un débat à la
Chambre des communes.
M. Arseneau : Et que ce soit
incontournable qu'il y ait débat.
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Et que ce débat-là soit
incontournable. Ça, il ne faut pas qu'on permette d'échappatoire, en fait,
parce que c'est trop sensible dans une situation comme celle-là.
M. Arseneau : Absolument.
Le rapport d'événement, je vais y revenir brièvement, vous le voyez non
seulement sur la question des mesures
sanitaires, populationnelles, bien entendu, mais aussi sur toute la question
des décrets de gré à gré, mais aussi, par exemple, aux relations de
travail. Est-ce qu'il y a d'autres éléments que vous voyez sur lesquels...
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Bien sûr. Bien, moi, il
me semble qu'une crise de cette ampleur-là, c'est parce qu'on a eu des
informations, mais elles étaient filtrées, en fait, et donc je pense que ce qui
est fondamental, c'est qu'on soit capable d'aller au fond des choses et qu'on
soit capable de déterminer quels sont les standards qui assurent
l'indépendance, par exemple, du directeur ou de la directrice de la Santé
publique, de l'INSPQ et dans quelle mesure est-ce
que les décisions qui peuvent être prises par le truchement de ces pouvoirs
exceptionnels là le sont en s'appuyant sur la politique ou, au contraire, en s'appuyant sur la science, ce que ça
prend pour être capable de protéger le plus grand nombre.
Et là, évidemment, je ne veux pas citer, mais je
vais le faire quand même, l'oncle de Spider-Man, mais a grand pouvoir, grandes
responsabilités. Donc, dans une situation comme celle-là où on utilise des pouvoirs
exceptionnels... Et on a le droit, c'est bien que les gouvernements aient accès
à des mesures comme celles-là pour être capable, quand une crise frappe, de
protéger le plus grand nombre. Mais, s'ils le font pour assurer l'adhésion de
la population envers les institutions publiques, c'est fondamental, dans ce
cas-là, de faire preuve d'encore plus de transparence qu'en temps normal parce
que ce sont des pouvoirs exceptionnels.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous allons conclure cette
période d'échanges avec la députée d'Iberville.
Mme Samson : Merci, M. le Président.
Me Lampron, je vais revenir à l'article 4 qui vous accroche un peu. Je ne l'aime pas moi non plus, mais le ministre nous
dit que, dans la réalité, dans les opérations, les données sont
anonymes. Mais, si l'article 4 n'est pas amendé, les données pourraient un
jour ne pas être anonymes. Est-ce que je suis correcte? Il n'y a rien dans
l'article 4 qui oblige les données à être anonymes?
M. Lampron (Louis-Philippe) : Bien, je pense que l'article 4 doit s'interpréter en
conformité avec le reste de la législation. Et donc, grosso modo, ce que ça
permet, ça autorise, en fait, la collecte d'informations, même personnelles,
mais il y a d'autres dispositions qui protègent ces informations-là une fois
qu'elles sont dans les mains du gouvernement, donc...
Mme Samson : Bien, elles sont où,
ces autres dispositions là?
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Là, vous me posez une
colle.
Mme Samson : O.K. J'aime bien ça
faire ça.
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Oui. Il y a plusieurs
mécanismes qui protègent, là, les données personnelles.
Mme Samson : O.K. Ça m'inquiétait.
Et j'ai un dernier petit bout et c'est sur l'article 119 ou 129, je pense,
c'est 119, où vous dites que, bon, il faut pouvoir justifier la transition ou
la conservation de mesures x, y, z. Et moi, je soumettrai au ministre qu'il
devrait adopter et inclure les deux petits articles de mon projet de loi n° 898 qui boucheraient ce trou-là...
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Je ne l'ai pas lu.
Mme
Samson : ...et permettraient
à l'Assemblée nationale de jouer son rôle dans l'éventualité où le
gouvernement souhaite renouveler l'urgence sanitaire et que ce ne soit pas ad
vitam aeternam. Maintenant, on sait qu'ils savent compter jusqu'à 107, mais on
n'est pas obligés de se rendre jusqu'à 226. Merci, M. le Président. C'est tout
pour moi.
Le
Président (M. Provençal)
: Ça va? Alors, Me Lampron, on tient à vous
remercier pour votre contribution et votre participation à nos travaux.
Sur ce, je vais suspendre pour laisser place à la prochaine intervenante. Merci
beaucoup.
(Suspension de la séance à 16 h 37)
(Reprise à 16 h 41)
Le Président (M. Provençal)
: Nous reprenons nos travaux. Avant de
passer à la présentation de notre invité, ça me prend le consentement pour
permettre au député de Rosemont de reprendre position à notre table comme
membre de la commission. Consentement. Et je tiens à remercier la députée de
Sherbrooke pour sa présence et la contribution aux échanges que nous avons eus
précédemment.
Maintenant, je souhaite la bienvenue à Me
Martine Valois, professeure de droit de l'Université de Montréal. Alors,
Mme Valois, vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et, par la
suite, nous procéderons aux échanges. Alors, je vous cède la parole, madame.
Mme
Martine Valois
Mme Valois (Martine) : Merci, M. le
Président. Alors, ça me fait plaisir d'être présente parmi vous et d'avoir
répondu positivement à la convocation qui m'a été envoyée. Donc, M. le
Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, merci pour cette
opportunité de présenter ces observations relativement au projet de loi n° 28. Alors donc, j'ai envoyé un peu tard un mémoire qui,
j'espère, a été distribué aux membres de la commission. Alors, je vais réitérer
ici quelques points importants de ce mémoire.
Donc, ma position, celle que j'exprime en ce
moment, est que le projet de loi n° 28, qui a
vocation de prolonger l'état d'urgence sanitaire au 31 décembre 2022 alors
que les conditions posées par l'article 118 de la Loi sur la santé
publique pour justifier la déclaration d'état d'urgence ne sont plus
satisfaites. Et la prolongation de l'état d'urgence, à mon avis, dans le projet
de loi n° 28, vise des fins autres que la protection
de la santé de la population. Cette prise de position s'appuie sur les trois
considérations principales suivantes.
D'abord, l'évolution de la pandémie et les
progrès de la vaccination ne justifient plus le maintien de l'état d'urgence
sanitaire et des pouvoirs exorbitants du droit commun autorisé par la Loi sur
la santé publique en cas de menace grave à la santé de la population. Ainsi,
les mesures prises en vertu de l'article 23 de la Loi sur la santé
publique, que le gouvernement souhaite prolonger, ne sont pas liées à des
menaces à la santé de la population, elles concernent principalement la gestion
des ressources humaines du réseau de la santé, tandis que les mesures de
prophylaxie, qui permettent de protéger la population contre la COVID-19,
peuvent être continuées sous le chapitre IX de la Loi sur la santé
publique sous l'autorité d'un directeur de la santé publique.
Quant aux contrats qui ont été conclus pendant
les deux ans d'état d'urgence, la nécessité de leur renouvellement jusqu'au
31 décembre 2022 ou pour cinq ans, sans égard aux dispositions de la Loi
sur les contrats des organismes publics, n'a pas été démontrée. Il est urgent
de mettre fin à la gouvernance par décrets et arrêtés ministériels
qu'autorisent les dispositions extraordinaires de la Loi sur la santé publique.
L'Assemblée nationale est la seule autorité ayant la légitimité démocratique
pour intervenir et modifier les normes juridiques applicables à l'ensemble de
la population. Le renversement de la hiérarchie de normes opérées par la
déclaration d'état d'urgence est contraire aux principes de la primauté du
droit législatif. Alors, depuis le 13 mars 2020, s'autorisant de
l'article 118 de la Loi sur la santé
publique, le gouvernement du Québec adoptait le décret 177-2020 déclarant
l'état d'urgence sanitaire au Québec. Cet état d'urgence a été renouvelé plus de 100 fois sans jamais obtenir
l'assentiment de l'Assemblée nationale et sans jamais avoir été débattu devant elle. Cet
article 118, qui autorise la déclaration d'état d'urgence, impose des
conditions bien définies pour justifier l'état d'urgence. Il doit
exister une menace grave à la santé de la population, réelle ou imminente, qui
nécessite l'application immédiate de mesures prévues à l'article 123 de la
loi pour protéger la santé de la population.
De manière évidente, la troisième condition,
soit la nécessité de l'application immédiate, n'est plus présente. À ce jour,
82 %, et je tire ces chiffres... et même je pense que c'est rendu à
83 %, je tire ces chiffres de ce qui est publié par l'Institut national de
santé publique, a reçu au moins deux doses de vaccin contre la COVID-19 et
50 % a reçu trois doses. S'il y a une condition sanitaire qui est
préoccupante au Québec, la maladie de la COVID-19, il n'y a plus d'urgence
sanitaire. Depuis le 13 mars 2020, plus d'une centaine, voire même
150 décrets et arrêtés ministériels, ont été pris sous le coup de cet état
d'urgence, renouvelés sans interruption. Plusieurs de ces décrets et arrêtés
ministériels ont été pris en vertu du dernier alinéa de l'article 123,
celui qui, de manière générale, permet de prendre toute mesure pour protéger la
santé de la population, alors que beaucoup de ces arrêtés ministériels et
décrets ne concernaient pas des mesures visant la protection de la santé de la
population de manière directe. Dans le projet de loi n° 28,
la majorité des décrets que le gouvernement souhaite prolonger ne concerne
aucunement des mesures de prophylaxie visant à protéger la santé de la
population. Ces mesures peuvent être prises par les directeurs de santé
publique et par le ministre, en vertu des pouvoirs réguliers qui sont conférés
par la Loi sur la santé publique, et je parle ici du chapitre IX de la
loi.
En ce qui concerne les mesures opérationnelles
et de gestion du personnel, faute d'urgence, celles-ci doivent être restreintes
au minimum et faire l'objet de dispositions législatives précises qui seront
débattues par les élus. Alors, ce que je veux dire ici, c'est que, malgré qu'on
a réduit le nombre de décrets qui pourraient continuer à s'appliquer après la
fin de l'état d'urgence, il reste que ça compose plusieurs pages, un des
décrets compte 75 pages, et l'Assemblée nationale doit pouvoir avoir, de
manière précise, les dispositions qui resteront en vigueur. Comme le Barreau
l'a souligné, il importe de faire une codification d'abord administrative des
mesures qu'on souhaite conserver et ces mesures-là ne doivent pas être
incorporées par renvoi dans le projet de loi, mais être précisées dans le
projet de loi.
En ce qui concerne les contrats publics conclus
à l'encontre des règles de la LCOP, qui est la Loi sur les contrats des organismes publics, après plus de deux ans de l'état d'urgence, il
est plus que temps que leur renouvellement soit soumis au processus
habituel d'octroi des contrats publics. L'état d'urgence est un état
d'exception qui transfère un... qui opère un transfert de pouvoirs de l'organe
législatif vers l'exécutif. Ce transfert ne peut se justifier que lorsqu'une
situation exceptionnelle existe, qui exige l'application de mesures hors du
commun, immédiates et sans formalités. Pour déclarer l'état d'urgence, une loi
de l'Assemblée nationale devait l'autoriser à agir. C'est ce que fait
l'article 118 de la Loi sur la santé publique. Or, les conditions fixées
par l'article 118, comme je l'ai déjà dit, sont bien définies. Ce pouvoir
permet à l'exécutif de prendre toute mesure, même sans tenir compte, et
j'insiste là-dessus, des lois existantes, parce qu'on dit, à
l'article 123, «malgré toute disposition contraire». Il permet, pour ainsi
dire, au gouvernement de ne pas se soumettre aux autres lois, comme ça a été le
cas pour la Loi sur les contrats des organismes publics. Ce pouvoir ne doit
donc pas être exercé à la légère.
Depuis le 13 mars 2020, un groupe réduit de
membres du conseil exécutif... on le sait que le quorum qui est fixé par une
directive non contraignante pour le conseil exécutif, en vertu de la Loi sur
l'exécutif, est de cinq membres... ou le ministre, agissant seul, a pris des
mesures exceptionnelles qui n'ont jamais obtenu l'assentiment de l'Assemblée nationale ni même été
débattues devant cette Assemblée. Rien dans la situation sanitaire au Québec
n'empêchait l'Assemblée législative, élue par la population du Québec,
d'exercer ses pouvoirs.
Je suis allée sur le site des Publications du
Québec, et j'ai fait le décompte des lois qui ont été adoptées par l'Assemblée
nationale depuis le 13 mars 2020, et j'ai compté 168 lois. Donc, ce
chiffre démontre que cette Assemblée était tout à fait en mesure de délibérer,
d'évaluer et de voter à propos des mesures concernant la lutte contre la
propagation de la COVID-19 et qu'elle peut toujours le faire dans un contexte
sanitaire qui n'est plus urgent. Par conséquent, le projet de loi n° 28, dans sa forme actuelle, doit être complètement
modifié pour répondre aux exigences démocratiques qui veulent que le droit soit
établi par les représentants élus et pas seulement par un petit groupe d'entre
eux. Je vous remercie.
Le
Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, maître, pour votre présentation.
Nous allons procéder maintenant à la période d'échange. J'invite donc le
ministre à débuter.
• (16 h 50) •
M.
Dubé : Très bien. Merci beaucoup, M. le Président. Madame...
Me Valois, pardon, encore une fois, j'apprécie énormément votre
présence aujourd'hui. Je salue toute l'expertise qui peut nous être amenée au
cours de ce débat-là, pour les membres du gouvernement et de l'opposition, pour
être certains que, s'il y a des modifications à faire au projet de loi, on les
fera. J'ai toujours dit qu'un projet de loi, c'était perfectible. On peut être
d'accord ou en désaccord avec certains de vos commentaires, mais c'est...
justement, on est dans un État de droit et de liberté de parole. Alors, pour
moi, je le répète, je suis... Vous ne m'entendez pas ou... Je ne sais pas...
Mme Valois (Martine) : Oui, oui...
M. Dubé : O.K. Alors, merci beaucoup
pour votre présentation. Je pense qu'un des défis... Puis là je vous demande...
Vous avez vu quand même... puis je voulais juste préciser un petit point
technique, là. Lorsqu'on est venu une première fois en commission
parlementaire, en consultations particulières, la semaine dernière,
effectivement, j'ai déposé des amendements pour donner des précisions sur les
arrêtés qui ont été consolidés par nos légistes. Donc, vous avez pu en prendre
connaissance, puis je voulais juste bien comprendre votre demande. Puis encore
une fois, même si on a un désaccord, bien, je veux juste bien comprendre. Vous,
vous dites que ça devrait être inclus, que non seulement on peut y faire référence... parce qu'en ce moment
ils sont publiés dans la Gazette, etc., parce qu'ils... depuis qu'on a
fait cette condensation. Là, vous dites
qu'on devrait les inclure en détail dans le projet de loi? Est-ce que c'est ça
que vous avez dit?
Mme Valois (Martine) : Oui, c'est ce
que j'explique. Je pense qu'elles devraient être précisées dans le projet de
loi et non pas être incorporées par renvoi. Et mon deuxième argument est
qu'elles devraient être réduites au minimum,
puisque, évidemment, ces mesures ont été prises sous l'autorité de
l'article 123 de la Loi sur la santé publique, qui permet d'adopter
des décrets malgré toute disposition contraire.
M. Dubé : Bon, laissez-moi juste
vous donner deux considérations. Puis encore une fois, je ne suis pas là pour
vous faire changer d'idée, je veux juste bien comprendre votre point. Il y a
des éléments là-dedans... puis je pense que je l'ai mentionné à un ou une des
intervenantes, là, depuis une semaine. Dans les arrêtés, entre autres, sur les
ressources humaines, il y a près de 50 % des termes qui ont été élaborés
qui portent sur les primes. Puis, oui, on peut bien référer qu'il y en a pour
75 pages, mais quand on connaît la complexité de nos conventions
collectives, il faut référer à ce qu'on veut mettre de l'avant, parce qu'il
faut être très clair sur les mesures spécifiques. Il y a donc 50 % des
75 pages qui sont liées aux primes, hein? Vous en avez pris connaissance,
vous pouvez le voir. Il y a 24 % de ces mesures-là qui sont liées à la
main-d'oeuvre indépendante. Donc, on a 80 % ou à peu près 80 % de
l'arrêté qui concerne soit les conventions collectives et qui concerne les
engagements qu'on a pris d'encadrer la main-d'oeuvre indépendante.
La raison pour laquelle je reviens avec ça, dans
votre contexte, votre point... juste qu'on se comprenne bien, 50 % des
amendements qui sont là peuvent tomber demain matin. Ils n'ont pas besoin
d'être reconduits jusqu'au 31 décembre... parce que nous avons dit
clairement qu'on avait extensionné les primes pour... jusqu'au 14 mai, si
je me souviens bien de la date. Si on inclut toute cette documentation-là dans
le projet de loi, on n'a plus la flexibilité des arrêtés ou des règlements. Je
voudrais juste vous entendre là-dessus, parce que, là, on rendrait un projet de
loi qui se veut simple... versus d'être capable de mettre toute cette
documentation-là qui, dans un mois ou deux, ne serait pas nécessaire. Alors, je
veux vous entendre là-dessus.
Mme Valois (Martine) : Alors, si le
gouvernement entend mettre fin à ses primes le 14 mai, pourquoi ça ne se
retrouve pas dans le projet de loi n° 28,
actuellement? Parce que c'est là-dessus que les... Si vous prévoyez ne plus
avoir besoin de ces primes-là après le 14 mai, quitte à adopter une autre
déclaration d'urgence et à imposer ces... bien, en fait, à permettre d'octroyer
ces primes-là.
Mais je pose d'abord la question, et ça,
les tribunaux n'y ont pas répondu, je pose d'abord la question : Est-ce
que l'article 123, et surtout l'alinéa huit... parce que ce qui est
mentionné dans ces décrets vous autorise à utiliser ces mesures de gestion du
personnel et de gestion opérationnelle pendant deux ans, alors qu'on parle de
mesures qui sont nécessaires pour protéger la population. Donc, les pouvoirs...
M. Dubé : C'est... Oui, excusez-moi,
je vous laisse terminer. Je pensais que vous aviez terminé. Allez-y.
Excusez-moi.
Mme Valois
(Martine) : Alors, ces pouvoirs d'urgence là, ils sont définis à
l'article 123. Et un des arguments que j'ai soulevés dans mon mémoire,
c'est qu'on devait se référer aux premiers alinéas, qui parlent vraiment de
mesures d'urgence pour empêcher que la menace à la santé de la population
devienne toujours de plus en plus grave.
Donc, je pose déjà la question : Est-ce
qu'elles ont été légalement adoptées en vertu de l'article 123, et
lesquelles doivent absolument être prolongées? Et, si elles ne seront pas
prolongées après le 15 mai ou le 14 mai 2022, ça doit être dans le
projet de loi.
M. Dubé : Alors, je vais faire le
lien entre ma question puis votre réponse. Comme je vous dis, on n'est pas
obligé d'être d'accord, mais, au moins, je comprends un peu plus votre point de
vue.
Maintenant, le lien que je veux faire, c'est le
danger de la population. Vous avez entendu nos P.D.G. qui sont venus un peu
plus tôt aujourd'hui. Et, quand je leur demande de dire : Demain matin...
Puis, encore une fois, je vais le répéter, là, notre objectif, c'est d'enlever
des mesures d'urgence. On s'entend, là, tout le monde s'entend là-dessus, on
veut les enlever. Notre point, comme l'a dit le Pr Taillon tout à l'heure,
c'est : Quelles sont les mesures temporaires ou transitoires qu'on devrait
avoir? Vous avez entendu, ce matin, les P.D.G., qui ont dit : Si on enlève
les mesures d'urgence... parce qu'on peut le faire par décrets, on est tous
d'accord avec ça, on peut l'enlever par une décision du Conseil des ministres,
mais si on n'a pas de mesures transitoires, moi, je crois qu'on met la
population en danger. Et c'est là que... Quand vous avez entendu les P.D.G.,
qu'est-ce qu'ils nous ont dit ce matin? Ils nous ont dit qu'à Québec, si on
n'avait pas Je contribue, il nous manque 9 000 personnes pour
vacciner. En ce moment, vous l'avez dit, un de nos enjeux, c'est la
vaccination. Vous avez dit qu'on avait peut-être seulement 50 % ou
53 % dans la troisième dose.
Je veux juste vous entendre sur ce lien-là,
parce que je comprends ce que vous dites, mais nous... et ce que j'entends des
P.D.G., ils ont besoin de Je contribue. Ils ont besoin des primes pour être
capables de travailler à court terme en ce moment. Alors, je veux vous entendre
entre ce que vous dites, au niveau droit, au niveau de la législation, et je
respecte votre point, mais qu'est-ce que vous répondez aux P.D.G. qui, eux,
sont sur le terrain et qui ont besoin d'avoir ces gens-là en place?
Mme Valois (Martine) : Alors, ma
réponse, c'est que je suis légiste, je ne suis pas gestionnaire. Je n'ai pas eu
l'occasion, ce matin, d'entendre les P.D.G., mais la question fondamentale que
je vous pose, M. le ministre, est : Est-ce que vous aviez et que vous avez
toujours besoin de l'article 123 de la Loi sur la santé publique pour
opérer, c'est-à-dire pour imposer des mesures opérationnelles et permettre à
d'autres, par exemple, à d'autres personnes, d'autres professionnels de la
santé, d'opérer et de donner des vaccins sans autre... Il n'y a aucune autre
loi, dans l'arsenal législatif au Québec, qui vous permet d'agir ainsi. Et s'il
s'agit d'autoriser des professionnels de la santé et qu'on pense même à
modifier le Code des professions de façon pérenne, pourquoi ne pas le faire
tout de suite?
• (17 heures) •
M. Dubé : Bien, écoutez, c'est
une très, très bonne question. Puis je pense que c'est une question qu'on a...
notamment le Dr Boileau, mais plusieurs des intervenants sont venus le dire au
cours des dernières semaines. Quand quelqu'un nous demandait le pourquoi de la
date du 31 décembre 2022, c'est pour être capable d'avoir, justement, ces
discussions-là avec l'office des protections... l'Office des professions,
pardon, bien, à titre d'exemple, parce qu'on est tous d'accord... on est tous
d'accord qu'on veut être capable d'avoir une meilleure équipe de vaccination
qui implique qu'on est passé de cinq professionnels, cinq types de
professionnels, qui peuvent vacciner à plus de 20, justement, par les mesures
d'urgence, parce qu'on avait besoin de vacciner jusqu'à 100 000,
125 000 personnes par jour.
Et si on n'avait pas eu ces mesures d'urgence
là, je vous dirais que de négocier avec l'Office des professions pour le faire
avec toute la lourdeur que ça implique... alors, est-ce qu'on se donne jusqu'au
31 décembre pour être capable de mettre ces mesures-là en place? Je vous
dirais que... Donc, à votre question, est-ce qu'on a besoin de cet article-là?,
la réponse, c'est oui. Il faut être capable d'avoir des mesures transitoires
qui nous permettent... On est dans la sixième vague en ce moment. On est
capable, madame, de vacciner les gens qui veulent se faire vacciner, mais il
faut avoir des vaccinateurs, il faut avoir les centres de vaccination, il faut
être capable de faire le dépistage.
Alors, je vous entends. Vous avez raison d'un
côté législatif, mais lorsque vous me dites... Puis c'est pour ça, si jamais
vous avez la chance d'écouter nos P.D.G. ce matin qui viennent nous dire :
Écoutez, si vous nous enlevez ça, c'est dangereux, on ne sera pas capable de
continuer à vacciner les gens... Alors, je vous entends, puis, du côté
législatif, vous avez raison, mais il faut se donner le temps de la transition
pour être capables de dire : Oui, on enlève les mesures d'urgence. Tout le
monde le reconnaît, c'est ça qu'on veut. Mais en même temps, donnez-nous la
transition et le temps nécessaire de pouvoir
mettre ces mesures-là. Puis je pense que votre exemple du Code des professions,
de l'interopérabilité, je pense que
les témoignages... qu'on soit d'accord ou pas avec les témoignages des P.D.G.,
c'est eux qui se sont occupés de la
COVID sur le terrain au cours des deux dernières années. Moi, je pense que
c'est important de les écouter aussi, là.
Mme Valois (Martine) : Si je
peux me permettre, M. le ministre, j'aimerais vous lire un article de la Loi
sur la santé publique. Et j'ai mentionné dans mon mémoire qu'il y avait des
dispositions dans cette loi, des pouvoirs réguliers donnés aux directeurs, au
directeur de santé publique et au ministre. J'aimerais vous lire l'article 117
qui se lit comme suit : «Le ministre peut, à la demande d'un directeur de
santé publique ou de directeur national de santé publique, mobiliser les
ressources de tout établissement de santé et de services sociaux au Québec
qu'il estime nécessaire pour répondre à une situation d'urgence en santé
publique. Les établissements de santé et de services sociaux visés sont alors
tenus de se conformer aux directives du ministre.»
Alors, il existe des pouvoirs dans la Loi sur la
santé publique, dans la loi sur les services de santé... la Loi sur la santé et
les services sociaux. Et je crois que le gouvernement, qui a commencé la
campagne de vaccination depuis le début de janvier 2021, ou même avant, aurait pu prévoir cette
transition beaucoup plus rapidement et faire cet exercice-là qu'on fait
un peu à la dernière heure. alors qu'il n'y a plus d'urgence sanitaire.
M. Dubé : Où on peut débattre
qu'il n'y ait pas d'urgence, là, avec le nombre de décès de personnes qui sont
encore affectées? Je vais respecter votre opinion, là, qu'il n'y a pas de...
qu'il n'y a pas d'urgence en la matière, mais, en même temps, je vous dirais
que vous avez entendu aussi les gens qui ont dit qu'en ce moment la Loi de la
santé publique ne permet pas d'avoir ces conditions-là entre les vagues. Là,
vous me parlez de dire : Est-ce qu'on pourrait... parce qu'il était
possible d'avoir peut-être une accalmie entre deux vagues, de faire les
changements que vous parlez. Mais, écoutez, on a été très clairs. Les P.D.G.
ont dit... la Santé publique nous a dit : Entre les vagues, on doit
continuer de vacciner, on doit continuer de dépister. Et ça, ces personnes-là,
on ne les avait pas, là, si on n'avait pas eu les mesures spéciales comme Je
contribue ou l'interopérabilité.
Alors, je veux juste dire que vous... Encore une
fois, on s'entend sur le principe. Vous dites que c'est tard. Moi, je vous dis qu'on est prêt à le faire, mais,
en même temps, j'ai entendu les P.D.G. qui sont sur le terrain puis qui
nous disent : Écoutez, faites-nous des mesures transitoires, parce que, si
vous nous enlevez des mesures d'urgence comme ça, tout d'un coup, c'est
dangereux. Puis moi, ce que je pense... Notre objectif, en tant que
gouvernement, c'est de protéger les Québécois. Les Québécois, oui, ils sont
tannés, mais je pense qu'ils sont... ce qu'ils veulent, c'est être protégés,
puis ils veulent être capables de se faire vacciner quand ils en ont besoin.
Puis on a entendu le Dr Boileau, pas plus tard qu'en début d'après-midi, qui
nous dit, maître : Ce n'est pas évident, ce qu'on vit en ce moment.
Ça fait que je vous entends, je vais prendre en
considération vos points, mais il y a des éléments d'équilibre entre ce que la
loi nous permet de faire, l'agilité qu'on a besoin pour gérer une pandémie et
ce que j'ai entendu, entre autres, des... Mais est-ce qu'on sera capable, dans
un avenir rapproché, de travailler sur la Loi de la santé publique, qui
viendrait peut-être clarifier des éléments que vous amenez aujourd'hui?
100 % d'accord. Et je l'ai dit tout à l'heure aux deux personnes qui vous
ont précédée, s'il y a un engagement qu'on peut prendre, c'est de le faire, ce
changement-là, mais beaucoup plus global, sur la Loi de la santé publique. Je
pense qu'il faut le faire. Alors, je voulais juste... Je ne sais pas s'il me
reste du temps, là.
Le Président (M. Provençal)
: 20 secondes.
M. Dubé : Mais je voulais vous
remercier pour votre contribution, parce que, même quand on n'est pas d'accord,
on est capable d'avancer, et c'est ce que vous nous permettez de faire. Alors,
merci beaucoup pour votre intervention aujourd'hui. Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci, M. le ministre. Nous allons
poursuivre cet échange avec Me Valois, et la parole appartient au député de
Nelligan.
M. Derraji : Me Valois, merci
beaucoup, hein? Excellente présentation. Est-ce que vous me suivez?
Mme Valois (Martine) : Oui.
M. Derraji : Ah! excellent. C'est
très clair. Je vais vous citer et... Je vais vous demander, première
question : Est-ce qu'on a besoin de ce projet de loi pour mettre fin à
l'état d'urgence sanitaire?
Mme Valois (Martine) : La réponse
est la même que celle fournie par mon collègue Louis-Philippe Lampron. La
réponse est non.
M. Derraji : Donc, deux experts qui
nous disent, aujourd'hui, qu'on n'a pas besoin de ce projet de loi pour lever
l'état d'urgence. Merci pour la précision. Je vais vous citer : «La
prolongation de l'état d'urgence par le gouvernement dans le projet de loi n° 28 vise des fins autres que la protection de la santé de
la population.» C'est toute une déclaration venant de votre part, mais, comme j'ai
en face de moi une juriste qui pèse ses mots, ça m'intéresse de savoir c'est
quoi, ces fins autres que la protection de la santé de la population.
Pouvez-vous donner des exemples? Pourquoi le gouvernement veut absolument ce
pouvoir?
Mme Valois (Martine) : À mon avis,
ce qui est... les pouvoirs que le gouvernement veut garder concernent surtout
certains alinéas de l'article 123 et, entre autres... et on peut le
comprendre pour l'article... le paragraphe 3 : «Ordonner à toute
personne, ministère ou organisme de lui communiquer ou de lui donner accès
immédiatement à tout document ou à tout renseignement en sa possession.» C'est
ce qui fait qu'à l'Université de Montréal, nos données personnelles ont été
transmises au gouvernement pour vérifier l'état de vaccination du personnel de
l'Université de Montréal. Il y a aussi l'accès... le paragraphe 7...
l'alinéa 7 : «Faire les dépenses et conclure les contrats qu'il juge
nécessaires», et le fameux alinéa 8 : «Ordonner toute autre mesure
nécessaire pour protéger la santé de la population.»
Alors, le gouvernement nous dit : Nous
avons besoin du maintien de l'état d'urgence pour continuer, prolonger des
contrats, pour embaucher du personnel, pour donner du personnel non qualifié,
là, de manière générale, selon, là, les lois professionnelles et également pour
la gestion des ressources humaines dans le réseau de la santé.
Ma réponse est que le
pouvoir d'urgence est un pouvoir qui est exceptionnel, et, si on veut maintenir
ces mesures-là, qui n'ont... qui sont...
n'ont rien à voir avec la santé de la population, il faut le faire de manière
précise dans le projet de loi. On aurait dû le
faire bien avant. On aurait dû... avec les 168 autres lois qui ont été
débattues et votées par l'Assemblée nationale, on aurait dû faire cet exercice
beaucoup plus tôt.
Il n'est pas trop
tard pour le faire, et, au lieu de lancer un ballon, et je m'excuse d'utiliser
cette expression-là, la semaine dernière, en proposant de prolonger tous les
décrets adoptés depuis la déclaration d'état d'urgence, on aurait dû mettre
dans la loi les mesures spécifiques et proposer des amendements à des lois,
comme on le fait dans plusieurs projets de loi, pour justement permettre aux
professionnels de vacciner les personnes...
M. Derraji : C'est
très, très clair. Je vous remercie, c'est très clair. J'espère que les
Québécois vont écouter vos propos, parce que c'est très clair. Vous dites,
aujourd'hui, que ça ne sert à rien, un projet de loi pour lever l'état d'urgence. Vous avez clarifié beaucoup les fins
autres que la protection de la santé. J'espère que les Québécois... Et
d'ailleurs on va avoir partagé vos propos parce que c'est tellement pertinent
et très clair.
Je reviens à une
autre question. Vous avez dit : «L'évolution de la pandémie et les progrès
de la vaccination ne justifient plus le maintien de l'état d'urgence.» On a
même entendu le premier ministre qui disait que, du moment qu'il est vacciné,
les symptômes, ça ressemble à un rhume. Tout à l'heure, j'ai posé la question
au directeur national de la santé publique. Bien, du moment qu'on a une bonne
majorité... On se vante, hein, on se vante qu'on a une bonne population vaccinée au Québec. Et donc, selon les
propos du Dr Boileau, ça ressemble à un rhume, mais aujourd'hui, le gouvernement demande des mesures exceptionnelles
jusqu'au 31 décembre 2022. Pourquoi, selon vous, le gouvernement
tient à ce pouvoir? C'est quoi, quel justificatif, selon vous?
• (17 h 10) •
Mme Valois
(Martine) : Alors, au mois de mai 2021, sur le site de Radio-Canada,
on rapportait les propos de M. le ministre
Christian Dubé, qui admettait que la continuation de l'état d'urgence donnait
une flexibilité au gouvernement. Comme juriste, je crois qu'on ne peut
pas, dans la même phrase, parler d'état d'urgence et de flexibilité. Et c'est
la raison pour laquelle je soutiens et je maintiens qu'on doit mettre fin à la
déclaration d'état d'urgence et que, s'il y a des mesures qui doivent être continuées, elles doivent être faites en dehors
de l'état d'exception.
Et
je voudrais juste vous dire que c'est ma position, mais que je m'appuie, comme
vous avez peut-être pu le voir dans mon mémoire, sur les propos de
deux... de trois juristes d'exception qui sont professeures en administration publique, professeures
en santé publique à l'Université d'Ottawa et qui ont écrit un texte qui
s'appelle, et permettez-moi, là, de vous le... de le citer, L'état
d'urgence sanitaire au Québec : un régime de guerre ou de santé publique?
Alors, je vous invite à lire ce texte-là.
M. Derraji : Oui,
je l'ai lu et je vous remercie, mais c'est tellement intéressant ce que vous
dites, professeure, et je vous remercie parce que ça remet les pendules à
l'heure. Ce gouvernement, qui gouverne par décrets et sondages depuis mars
2020, et vous avez vu les sondages... Dans un État de droit, mon rôle, en tant
que le législateur, c'est contrôler l'action gouvernementale. C'est ça, mon
rôle. Votre rôle, en tant que juriste, c'est contrôler l'État de droit.
Pensez-vous que l'État de droit, en fonction de ce que vous avez sur la table
aujourd'hui, un gouvernement qui gouverne par décrets, qui sonde sur toute
chose, y compris sur la popularité de ses ministres, est... a respecté l'État
de droit, sachant que le rôle de l'opposition est réduit, on n'existe presque
plus?
Mme Valois
(Martine) : Je crois que l'État de droit aurait dû permettre le débat
des mesures sanitaires devant l'Assemblée nationale au moins depuis la fin de
la première vague.
M. Derraji : Ils
ont fait une interprétation d'un article de projet de loi d'une manière
délibérée pour renouveler l'état d'urgence hebdomadaire, comme, aujourd'hui,
ils ont signé le 107e décret, au lieu de venir chaque mois demander l'avis
des membres, des autres élus du peuple. Il y avait deux choix. Pourquoi ils ont
autorisé... ils ont opté pour l'hebdomadaire, versus le mensuel, selon vous?
C'est quoi, votre interprétation?
Mme Valois (Martine) : Mon interprétation est
que le gouvernement ne voulait pas discuter, ne voulait pas que les mesures soient débattues et voulait limiter les
questions et les remises en question de l'Assemblée nationale aux
périodes de questions, ce qui, à mon avis, est insuffisant. Ils ne respectent
pas la primauté du droit législatif sur l'exécutif.
M. Derraji :
Pensez-vous que le droit législatif a été bafoué?
Mme Valois
(Martine) : Je crois que le rôle... qu'on a, de façon délibérée,
évincé le rôle de l'Assemblée législative, formée de représentants élus.
M. Derraji : Vous avez vu le projet de loi, il n'y a pas de
reddition de comptes, encore une fois, il n'y a pas d'état de... je dirais, de rapport d'événement. Comment vous
qualifiez que... la volonté du gouvernement de dire qu'il veut maintenir l'état
d'urgence avec les cinq arrêtés jusqu'au
31 décembre et non pas une autre date? C'est quoi, votre interprétation en
tant que légiste?
Mme Valois
(Martine) : Mon interprétation est qu'on veut maintenir l'état
d'urgence au moins jusqu'après la formation du prochain gouvernement, et qui
sera, vraisemblablement, là, au mois de novembre.
M. Derraji :
La lecture, elle est plus élections. On veut avoir le pouvoir total, on ne veut
pas renouveler d'une manière hebdomadaire, on veut plus... renouveler chaque
semaine, on veut un décret jusqu'à la fin de l'année parce qu'on a une élection
au mois d'octobre?
Mme Valois
(Martine) : Je crois que c'est l'objectif de ce projet de loi là, et,
en même temps, une loi, c'est le... disons, un peu symbolique en disant à la
population : On veut mettre fin à l'état d'urgence. Mais ça fait quand
même plusieurs semaines, voire plusieurs mois, qu'on annonce qu'un projet de
loi serait déposé, et je crois qu'il aurait dû être déposé bien avant.
M. Derraji : Oui, faire semblant à
la population qu'on met fin à l'état d'urgence. C'est ça, votre propos?
Mme Valois (Martine) : Je ne dis pas
faire semblant. Je dis : Il y a un symbole, et on veut maintenir l'état
d'urgence jusqu'au moins après les élections.
M. Derraji : Merci beaucoup. Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, M. le député. Alors,
on poursuit cet échange avec le député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Me Valois, merci beaucoup d'être là. Les anglophones ont un dicton
qui dit : Faites attention à ce que vous demandez parce que vous pourriez
l'obtenir. En vous écoutant, il y a une autre version qui m'est venue en
tête : Faites attention à ce que vous dites parce que, des fois, vous
pourriez avoir raison. Et j'ajouterais même que ce n'est pas parce qu'on a
raison que ça fait toujours plaisir.
Ce que vous dites quant au maintien et à la
reconduction systématique, depuis deux ans, de l'état d'urgence, c'est
exactement notre position, dans ma formation politique, que le gouvernement a
fait ainsi l'économie de ce que vous appelez la primauté du droit et la
primauté parlementaire. C'est exactement notre point de vue, que les élus de
l'Assemblée nationale ne sont pas des bibelots qu'on peut déplacer et sur
lesquels on peut laisser s'accumuler la poussière quand on ne veut pas qu'ils
parlent, mais qu'ils ont un rôle à jouer. Et ce rôle, nous partageons, je
pense, Me Valois, la même opinion là-dessus, n'a pas été rempli, donc il y
a eu un trou dans ce principe de primauté parlementaire depuis deux ans.
Supposons que les six premiers mois étaient vraiment rock-and-roll puis qu'on
devait mettre une cloche de verre, peut-être, O.K., d'accord, je conviens, mais
pas après, pas après. C'est ce que je comprends de votre point, c'est assez
clair, et je vous en remercie.
On peut débattre des intentions du gouvernement.
J'ai entendu des choses aussi, honnêtement, que je ne crois pas ou qui me
hérisse les poils, par exemple, qu'on a besoin de bafouer des droits
parlementaires pour gérer des palettes dans des entrepôts ou quand le directeur
de la santé publique nous dit, ce matin, qu'il y a des gens qui vont mourir si
on... Je trouve ça un petit peu fort de café.
Cela dit, quand on nous dit : On a besoin,
par exemple, de monde pour faire des opérations de vaccination, ça, ce n'est
pas bête, là, c'est un fait. Je trouve ça assez contradictoire, cela dit, que
demain, on va fermer, dans ma circonscription,
le plus gros centre de vaccination au Québec, qui est le Stade olympique, là.
Je trouve ça un peu contradictoire, là, cela dit, puis ça va pas mal
avec ce que vous dites, qu'il n'y a peut-être plus d'urgence sanitaire au
premier titre.
Je ne dis pas que la pandémie est finie, mais
mettons, là, qu'on dit : O.K., on veut s'assurer de pouvoir rappeler tout le monde, tous ces gens qui, volontairement
puis généreusement, sont revenus travailler pour piquer, là, par
exemple, on fait quoi? Parce qu'il est tard, là, puis on ne l'a pas fait avant,
le gouvernement ne l'a pas fait avant les discussions avec l'Office des
professions, puis on ne l'a pas fait. Ça fait que, mettons qu'on veut se passer
de 28, qui est un mauvais projet de loi, on fait ça comment?
Mme Valois
(Martine) : Alors, on
peut... dans le fond, on peut, dans le projet de loi n° 28, proposer les
modifications qui sont... bien, demandées, en fait, par le Code des professions
pour permettre à d'autres professionnels de poser des actes. Alors, il faudrait proposer des amendements aux autres lois
concernant les professionnels et le faire dans le même projet de loi.
Alors, c'est juste un exercice législatif, c'est quelque chose qui peut être
fait assez facilement et qui aurait dû être fait avant même le dépôt de ce
projet de loi là.
M. Marissal : Oui. Je vous remercie,
Me Valois. Je n'ai plus de temps. Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Excellent. Maintenant, le député des Îles-de-la-Madeleine
va poursuivre cet échange avec vous, maître.
M. Arseneau : Merci beaucoup, M. le
Président. Merci, Mme Valois, pour votre présentation... Pre Valois.
L'article 1 du projet de loi n° 28,
actuellement, se lit comme suit : L'état d'urgence sanitaire déclaré le
13 mars 2020 est renouvelé... et renouvelé depuis prend fin... Je
comprends que c'est inutile, puisqu'il s'agit simplement de ne pas renouveler
l'état d'urgence pour qu'il n'existe plus, mais vous dites, dans votre mémoire,
qu'en quelque sorte on maintient l'état d'urgence. Donc, en réalité, moi, ce
que je comprends, c'est que vous êtes d'accord avec notre affirmation lorsqu'on
a vu le projet de loi, que l'on efface l'état d'urgence mais qu'on maintient la
gouvernance par décret, puisque c'est essentiellement ce que la loi vient
faire, maintenir des décrets pour un certain nombre de mois, voire un certain
nombre d'années. Vous partagez cette analyse-là?
Mme Valois (Martine) : Oui, je
partage cette analyse.
• (17 h 20) •
M. Arseneau : Lorsque
vous dites qu'on pourrait faire les choses autrement, ça, je trouve ça
intéressant parce que c'est aussi le
manque de clarté, au début, qu'on avait dénoncé, dans le projet de loi, qui
donnait des pouvoirs extrêmement larges en disant : Tout ce qu'on n'a pas
abrogé est maintenu, essentiellement. C'était extrêmement difficile de s'y
retrouver.
Là,
on se vante d'avoir réduit ça à cinq arrêtés, mais avec des... ou cinq sujets,
mais avec des... comment dirais-je, avec
des annexes qui sont passablement longues. Est-ce que vous pensez qu'il
pourrait être réaliste de résumer encore les quelques éléments qui sont absolument nécessaires dans l'espace de
quelques lignes ou quelques phrases, quelques pages, c'est ce qu'on comprend de votre propos, pour
modifier d'autres lois qui semblent embêter le gouvernement à l'heure
actuelle?
Mme Valois
(Martine) : ...c'est l'activité législative, quand on regarde les projets
de loi qui sont déposés, on regarde seulement le projet de loi n° 61,
le projet de loi n° 66 ou des projets de loi qui énoncent certaines règles
et qui vont... Il y a une dernière section qui modifie d'autres lois pour
donner effet au contenu principal du projet de loi.
Je voudrais revenir
sur ce que vous avez dit, parce qu'effectivement il y a une contradiction
inhérente entre le titre de la loi, et même entre l'article 1 et
l'article 2, puisqu'on dit que l'état d'urgence prend fin et on maintient
des décrets qui ont été adoptés pendant la déclaration d'état d'urgence. Donc,
ou bien ils étaient nécessaires pendant l'état d'urgence, et alors on doit y
mettre fin, ou bien on aurait pu prendre ces mesures en dehors de l'état
d'urgence, par d'autres dispositions qui auraient été débattues devant
l'Assemblée nationale, et on pourrait les continuer puisqu'elles seraient
devenues partie du corpus législatif.
M. Arseneau :
Merci beaucoup, Me Valois.
Le Président (M.
Provençal)
: ...Me
Valois. Alors, nous terminons cet échange avec la députée d'Iberville.
Mme Samson : Merci,
M. le Président. Merci, Me Valois, pour vos propos. J'aurais aimé vous
entendre... et vous êtes libre de le faire, vous n'êtes pas obligée de répondre
à ma question, mais j'aurais aimé avoir votre opinion sur l'article 2 du
projet de loi n° 28, qui dit que ni le gouvernement, ni le ministre ou
toute autre personne ne peut être poursuivi en justice pour avoir accompli un
acte dans le cadre des décrets. Est-ce que c'est courant, dans un projet de
loi, de voir qu'un gouvernement s'accapare autant de pouvoirs sans reconnaître
aucune responsabilité quant à ses actions? Est-ce que c'est démesuré ou c'est
dans la norme, c'est raisonnable?
Mme Valois
(Martine) : C'est ce qu'on appelle une clause d'immunité, et oui,
cette clause-là, elle est dans toutes les lois. Et ce qu'il faut retenir, c'est
la question de la bonne foi ou l'exercice des fonctions. Alors, généralement,
on dit que toute personne, le gouvernement, ne peut être poursuivi, tout
ministre, pour un acte accompli de bonne foi dans l'exercice des fonctions.
Alors, c'est une clause d'immunité qui est là parce que, dans l'histoire du
droit public et de la common law, on pouvait poursuivre en justice toute
personne en dommages.
Alors, non, ce n'est
pas une disposition extraordinaire. Ce n'est pas la disposition extraordinaire
qu'on pourrait dire... qui doit absolument disparaître du projet de loi.
Mme Samson : Je
vous remercie, Me Valois. C'est tout pour moi, M. le Président.
Le Président (M.
Provençal)
: Merci,
Mme la députée. Alors, Me Valois, on tient à vous remercier pour votre
collaboration, votre contribution et votre présence à nos travaux. Les échanges
ont été fort appréciés par l'ensemble des membres de la commission.
Sur ce, je vous salue
et je mets fin à cet échange en demandant une suspension pour permettre au
dernier groupe de venir vous remplacer. Merci beaucoup et bonne fin
d'après-midi, madame.
Mme Valois
(Martine) : Merci. Bonne fin d'après-midi à tous.
(Suspension de la séance à
17 h 25)
(Reprise à 17 h 31)
Le Président
(M. Provençal)
: Nous reprenons nos
travaux. Je souhaite la bienvenue à Mme Alexandra Pierre et Mme Diane
Lamoureux, qui représentent la Ligue des droits et libertés. Alors, mesdames,
vous avez 10 minutes pour votre présentation, et, par la suite, nous
procéderons à nos échanges. Alors, je vous cède immédiatement la parole, et
vous pouvez vous renommer s'il y a lieu.
Ligue des droits et libertés (LDL)
Mme Pierre
(Alexandra) : Bonjour. Mon nom, c'est
Alexandra Pierre. Je suis la présidente du conseil d'administration de la Ligue
des droits et libertés et je suis avec ma collègue Diane Lamoureux, qui est...
qui siège au conseil d'administration de la ligue.
Donc, avant de
commencer, on tient à vous remercier, donc, à remercier la Commission de la
santé et des services sociaux pour cette invitation à participer aux
consultations particulières et aux auditions publiques du projet de loi n° 28.
Un
petit mot sur la ligue. La ligue a été fondée en 1963 et c'est un organisme à
but non lucratif, indépendant et non partisan qui vise à faire connaître, à
défendre et à promouvoir l'universalité, l'indivisibilité et l'interdépendance
des droits reconnus dans la charte internationale des droits humains... des
droits de l'homme. La ligue interpelle, tant sur la scène nationale
qu'internationale, les instances gouvernementales pour qu'elles adoptent des
lois, des mesures, des politiques qui sont conformes à leurs engagements à
l'égard des instruments internationaux de défense des droits humains. La ligue, elle a aussi pour rôle de
dénoncer les situations de violation dont ces instances gouvernementales
sont responsables. Elle mène des activités d'information, de formation, de
sensibilisation dans ce sens-là et des actions qui visent à faire connaître le plus largement possible les droits qui se
rapportent à l'ensemble des aspects de la vie en société.
Depuis...
Rentrons dans le vif du sujet. Donc, depuis l'entrée en vigueur de l'état
d'urgence sanitaire au Québec, le 13 mars 2020, la ligue reconnaît
la nécessité d'adopter des mesures sanitaires individuelles et collectives.
Elle a fait et elle fait encore confiance aux avis de la Santé publique. Cette
confiance ne lui a cependant pas... ne l'a cependant pas empêchée de jouer son
rôle de chien de garde du respect des droits humains pendant toute cette
période. En effet, à chacune de ses interventions, la ligue a rappelé que la
gestion de la crise sanitaire ne peut pas faire l'économie du respect des
droits et des libertés des personnes qui résident sur le territoire québécois.
Il est clair que,
depuis mars 2020, la déclaration et le maintien de l'état d'urgence sanitaire
ont interrompu le débat démocratique, autant sur les enjeux de fond qui
affectent la société québécoise que sur les débats démocratiques sur la
pertinence et l'impact des mesures de gestion de la pandémie. C'est pour ça,
d'ailleurs, que la ligue a lancé, en mars 2021, une campagne pour mettre fin à
l'état d'urgence au Québec, campagne qui, jusqu'à ce jour, a recueilli l'appui
de 128 organisations. Comme le précise notre déclaration, l'état d'urgence
sanitaire ne peut pas être conçu comme un état permanent. La nouvelle norme
sécuritaire dans laquelle nous nous trouvons toujours aujourd'hui et qui prend appui sur l'état d'urgence sanitaire... qui
prend indûment appui sur l'état d'urgence sanitaire est de nature
autoritaire et elle consiste, selon nous, en une perte démocratique importante.
Aujourd'hui, au
Québec, la vie des citoyens est littéralement régie par une multitude de
décrets et d'arrêtés ministériels dont les objets vont de la micro, voire de la
nanogestion, à la métagestion. Les pouvoirs du gouvernement et du ministre de la Santé et des Services
sociaux, en vertu de la Loi sur la santé publique relative à l'urgence
sanitaire, sont nettement exorbitants
et ont donné lieu à l'émergence d'un régime juridique d'exception dans un État
de droit. Ce régime, d'après nous, se distingue d'abord par son opacité,
son manque d'imputabilité, mais aussi son manque de transparence.
On nous a répété ad
nauseam que le gouvernement avait besoin de l'agilité offerte par la Loi sur la
santé publique durant toute cette période. Or, la ligue croit plutôt que le
gouvernement québécois a trouvé un certain confort, pour ne pas dire un confort
certain, dans l'état d'urgence sanitaire. Encore une fois, on insiste sur la
distinction entre l'état d'urgence et le fait de prendre des mesures
nécessaires à la gestion de la crise sanitaire. Pour le dire autrement, pas
besoin d'état d'urgence pour prendre des mesures appropriées.
Et maintenant arrive
ce projet de loi qui prétend mettre fin à l'urgence sanitaire, alors qu'il n'en
est rien, à notre avis. Loin de se réjouir, la ligue dénonce fermement ce
projet de loi.
Les mesures dont il
est question dans ce projet de loi semblent être celles énumérées et
considérées par les arrêtés ministériels adoptés le 31 mars dernier. En
d'autres mots, le gouvernement demande à l'Assemblée nationale d'avaliser un
processus antidémocratique, c'est-à-dire la gestion par décrets et le
non-respect des procédures de négociation collective, donc d'avaliser ce
processus antidémocratique par un éventuel vote démocratique, c'est-à-dire l'adoption
de ce projet de loi n° 28.
Pour nous, c'est un
tour de passe-passe, et ça n'empêche ou ça n'efface en rien les deux années de
gestion autoritaire. Ça ne corrige d'aucune façon l'absence de débats et de
mécanismes consultatifs ayant entouré l'adoption effrénée d'une pléthore de
décrets et d'arrêtés ministériels depuis mars 2020. À cet égard, on vous invite
à lire, relire l'article 1, 2 et 3 du projet de loi qui, à notre avis, est
un peu mystifiante. On dit qu'on met fin à l'état d'urgence, sans vraiment y
mettre fin, et on prolonge... en fait, on prolonge jusqu'en décembre 2022, et
il faut noter, après les élections. On
prolonge donc, jusqu'en décembre 2022, le régime juridique d'exception qui est
celui de la gestion par décrets et arrêtés.
Pour la ligue,
apprendre à vivre avec le virus, apprendre à vivre avec la pandémie, ça ne veut
certainement pas dire qu'il faille sacrifier les fondements démocratiques de
notre société. En fait, le projet de loi n° 28 propose une sortie
progressive de l'état d'urgence afin de prolonger des mesures qui avantagent et
protègent plus le gouvernement que la population, donc protègent le
gouvernement, mais pas la population. On doit reconnaître que ce projet de loi
maintient l'état d'urgence dans la mesure où celui-ci comporte une immunité
étanche à l'égard de l'exécution des pouvoirs conférés par l'état d'urgence.
C'est l'effet du dernier alinéa de l'article 2 du projet de loi.
Les arrêtés du
31 mars 2022, s'ils étaient incorporés et énumérés au projet de loi
n° 28, auraient pour effet de maintenir un droit d'exception concernant
les rapports collectifs de travail dans le domaine de la santé et de
l'éducation via un vote, une légitimité, à notre avis, trompeuse de l'Assemblée
nationale.
Mme Lamoureux
(Diane) : En présumant que la déclaration de l'état d'urgence prendra
fin dans les semaines qui viennent, la Loi de la santé publique prévoit un
rapport d'événement. Le rapport d'événement ne nous donnera pas... on n'aura
pas la réponse cette année, vu l'effet de computation des délais prévus à
l'article 129 de la loi, et nous n'aurons pas non plus de rapport... La
nature et le moment de la présentation du projet de loi n° 28 perpétuent,
donc, le déficit démocratique engendré par les modes de gestion de la crise
sanitaire de la COVID. Voilà donc une raison pour laquelle le gouvernement
aurait dû et aurait pu mettre fin à cet état d'urgence l'année dernière.
La gestion de la
crise sanitaire a révélé les lignes de fracture du filet de protection sociale
au Québec. Beaucoup d'attention, et à juste titre, a été accordée au besoin de
réorganisation du système des soins de santé, mais d'autres aspects de la vie
des Québécoises et des Québécois ont été profondément et, hélas, durablement
touchés par cette gestion. Le cas de l'accès à des données personnelles et la
transmission de celles-ci à des acteurs privés est patent.
Nous constatons néanmoins
que, pour l'heure, le projet de loi n° 28, à son article 4, autorise
le ministre de la Santé et des Services sociaux à ordonner la transmission de
renseignements personnels et confidentiels, si celle-ci s'inscrit dans les
mesures nécessaires à la protection de la santé populationnelle dans le cadre
de la lutte contre la COVID. Ainsi, et
contrairement à la lettre de la Loi sur la santé publique, le gouvernement a
profité d'une gestion par décrets pour inscrire la permanence dans
l'urgence. Cette inscription, toutefois, équivaut à une flagrante violation du
respect de la règle de droit.
L'alinéa 7° de
l'article 123 de la Loi sur la santé publique permet au gouvernement de
conclure des contrats sans autre formalité, mettant ainsi entre parenthèses les
exigences de la Loi sur les contrats des organismes publics. L'article 5 du projet de loi n° 28 n'est
pas déraisonnable, mais il cache la forêt. Qui aura bénéficié de ces contrats
durant l'état d'urgence sanitaire? Quels mécanismes d'imputabilité et de
reddition de comptes assortissent ces nombreux contrats conclus dans l'urgence?
Croit-on vraiment qu'un rapport d'événement fournira la réponse à ces
questions?
La tendance
accélérée à la conclusion de contrats de gré à gré, depuis maintenant deux ans,
aura ainsi marqué la crise sanitaire, alors que tout porte à croire que
l'identité des gagnants restera dans l'ombre pour longtemps. Le projet...
• (17 h 40) •
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, Mme Lamoureux. Le
temps qui vous était donné pour votre exposé est terminé. Alors, je vais
inviter maintenant M. le ministre à débuter la période d'échange avec votre
groupe.
M. Dubé : Très
bien. Alors, merci beaucoup, M. le Président. Et, mesdames, merci beaucoup pour
votre présence aujourd'hui. C'est très apprécié. Dans un contexte
démocratique comme on a, on a le droit d'avoir nos opinions, puis je pense que
c'est important de pouvoir avoir la chance d'écouter la vôtre. Alors, on n'est
peut-être pas obligés d'être tous en accord avec ce que vous dites, mais on
peut au moins en débattre, et je pense que c'est important de le reconnaître
aujourd'hui.
Je voulais juste faire peut-être une précision,
là, puis c'est important de le faire, particulièrement sur votre commentaire
pour le rapport dont on parle, qui va être... qui est maintenant prévu par la
loi, comme vous dites, qui doit être déposé dans les 90 jours qui suivent la
fin de l'urgence sanitaire. Mais j'aimerais juste vous rassurer, parce qu'on a
fait cet engagement-là plusieurs fois qu'exceptionnellement, parce qu'il y
avait une fin de la session qui allait peut-être être à l'intérieur du
90 jours, qu'on s'est engagés, comme gouvernement, à publier le rapport
avant la fin de la session parlementaire, premièrement. Ça, c'est... je voulais
juste faire cette précision-là parce que je ne voudrais pas qu'il y ait de
malentendu sur notre désir de vouloir produire le rapport.
Deuxièmement, nous nous sommes engagés, puis ça,
on pourra le débattre lorsqu'on fera l'article par article... nous nous sommes
engagés à donner beaucoup plus d'informations... qui est établi par la loi
actuelle. Et je vous donne un exemple. L'engagement pourrait être simplement de
produire le rapport de ce qu'on a... des contrats dont vous parliez tout à
l'heure, à la fin de votre exposé, et de simplement dire : Bien, écoutez,
ces rapports-là sont dans ce qu'on appelle le registre, le SEAO, qui est publié,
où chacun des contrats qui a été donné durant la pandémie... et comme par les
autres contrats qui sont donnés par tous les ministères, là. C'est un site que
vous connaissez sûrement. Alors, nous, on s'est engagés à aller plus loin que
ça pour que les gens comprennent bien le type de contrat qui a été donné et
qu'on puisse se retrouver dans cette information-là.
Alors, j'ai dit, ce matin, juste pour...
peut-être que vous n'avez pas eu la chance ou... En tout cas, c'est important
pour moi de le mentionner que, premièrement, il y a eu beaucoup d'informations
qui disaient qu'il y avait eu pour 17 milliards de contrats, au cours des
deux dernières années, ce qui n'est pas exact. Il y a eu pour 5 milliards
de contrats qui ont été donnés en vertu des mesures d'urgence, et, pendant ces
deux années-là, ça représente environ 4 000 contrats. Ce qu'on va
expliquer, durant le rapport, puis ça pourra être, encore une fois, débattu,
c'est ce qui va rester des contrats qui vont être prolongés, pour des raisons
que les P.D.G. ont expliquées clairement ce matin. C'est que, sur la somme de
5 milliards de contrats, il y aura pour 37 millions de contrats qui
se rapportent à la vaccination et au dépistage qui vont être prolongés jusqu'au
maximum 31 décembre 2022, je dis bien jusqu'à un maximum, donc 37 millions
sur 5 milliards, et 75 millions de contrats qui se rapportent à
l'entreposage, pour un maximum de cinq ans. Cette liste-là sera publiée, sera
donnée à l'intérieur du rapport, pour être certain que les gens comprennent
bien ce qu'il en est. Je vous mets ça en proportion, là, 37 millions sur
5 milliards, c'est comme dire qu'il y a pour 37 $ de contrats pour
5 000 $ de contrats. C'est pour vous donner que c'est une proportion
d'environ 2 % de contrats qui s'appliquent aux articles sur les contrats.
Alors donc, je pense que c'est une précision importante à vous donner.
Deuxièmement,
j'aimerais aussi vous demander si vous avez eu la chance d'écouter... ou
l'opportunité, peut-être, là, on verra votre point de vue, d'entendre
les P.D.G., aujourd'hui, qui ont fait un rapport à la commission sur ce qu'ils
ont vécu, trois P.D.G. de CISSS et de CIUSSS, là, du Lac-Saint-Jean. Vous les
avez entendus aujourd'hui? Non, vous n'avez pas eu cette chance-là? Moi, je
vous inviterais à pouvoir écouter, parce que je pense que c'est ça, l'objectif,
c'est d'avoir l'opinion des gens qui ont été confrontés avec la pandémie. Et
j'ai remercié les P.D.G., parce qu'on a une trentaine de P.D.G., là, des CISSS
et des CIUSSS qui ont fait un travail exemplaire, durant cette pandémie-là,
pour être capables de donner un service aux citoyens, et pas uniquement dans ce
qui se rapporte à la COVID, comme la vaccination, comme le dépistage, mais
aussi de fournir aux Québécois un service sur ce que les Québécois s'attendent
en termes de réseau de santé.
La raison pour laquelle, mesdames, j'y fais
référence, puis, encore une fois, on est on n'est pas obligés d'être d'accord,
mais je voulais vous demander si... quand vous aurez la chance de prendre
contact avec leur témoignage... Je comprends très bien les éléments que vous
soulevez, de votre groupe, là, qui s'occupe des droits et libertés, mais, en
même temps, le rôle du gouvernement est aussi de protéger la population sur une
base de santé. Et, lorsqu'on demande d'avoir
des mesures temporaires... parce que c'est ça qu'on demande. Soyons clairs, là,
on dit : L'état d'urgence doit prendre fin,
on est tous d'accord avec ça, mais ce qu'on demande... puis, pour être certain,
on ne parle pas de pouvoirs, on parle de
mesures. Et les mesures qui ont été expliquées par nos P.D.G. aujourd'hui, qui
sont dans le quotidien, ces gens-là nous disent : S'il vous plaît,
assurez-vous que des mesures temporaires ou transitoires, par exemple, pour la
vaccination, peuvent continuer pendant un certain temps, parce que... et même,
on l'a vu, là, dans les derniers jours, le Dr Boileau l'a bien expliqué, la
présence de la sixième vague, du variant.
Alors, moi, je comprends votre intervention.
Puis malheureusement vous n'avez peut-être pas eu la chance de les entendre,
mais je vous résumerais un point puis j'aimerais vous entendre là-dessus. Ce
qu'ils nous disent, c'est que, si on enlève les mesures d'urgence sans avoir
les mesures temporaires ou transitoires, c'est très dangereux, parce qu'on n'est
pas capables de continuer à vacciner les gens, à faire le dépistage nécessaire,
etc. Et je voudrais juste vous entendre, entre ce qui est important, de ce que
vous avez expliqué pour votre priorité, qui est la Ligue des droits et
libertés... mais moi, j'aimerais vous entendre sur la responsabilité du
gouvernement à s'assurer de la sécurité des Québécois dans un contexte de
pandémie. J'aimerais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.
Mme Pierre (Alexandra) : Alors, merci, M. Dubé. Deux choses, là-dessus. Pour nous,
l'état d'urgence n'a plus de légitimité depuis un moment déjà, et le projet de
loi, à notre avis, perpétue cet état d'urgence. Et, comme on l'a dit plusieurs
fois, la ligue n'a jamais été contre les mesures sanitaires, n'a jamais été
contre les mesures qui pouvaient nous protéger contre la pandémie, mais bien
contre le mode d'adoption de ces mesures, qui se prolonge aussi avec le projet
de loi n° 28, c'est-à-dire l'absence de délibération, la gouvernance par
décrets et tous les angles morts que ça implique. On l'a vu avec les CHSLD, la
façon dont les proches aidants ont été traités, les problèmes d'itinérance,
etc., il y a des angles morts. Pour nous, la délibération, le débat public,
notamment par l'Assemblée nationale, au sein de l'Assemblée nationale, nous
permet d'avoir une légitimité et de réduire ces angles morts.
En dehors de l'état d'urgence, il existe des
mécanismes normaux, démocratiques pour pouvoir prendre de telles mesures. Rien
n'empêche le gouvernement et les partis d'opposition de convenir des mesures
qui doivent être considérées au nom de la santé populationnelle et d'avoir ce
débat au sein de l'Assemblée nationale. Donc, pour nous, c'est un peu notre
position.
Peut-être un deuxième point aussi, sur la
question du rapport d'événement, pour nous, deux ans, ce n'est plus un
événement. Ce qu'on comprend du rapport d'événement, c'est que ce rapport-là va
lister les événements, les mesures, les actions qui ont été prises. Nous, ce
qu'on demande, c'est... au-delà de cette liste, entre guillemets, c'est une
reddition de comptes. Et, à ce propos-là, on pense qu'il doit y avoir la mise
en place d'un mécanisme de reddition de comptes qui concerne la gestion de
l'état d'urgence sanitaire au Québec, la gestion de la crise sanitaire elle-même.
Puis, pour nous, l'institution la mieux habilitée pour faire ça, ça serait une
institution qui pourrait rendre directement compte à l'Assemblée nationale,
comme, par exemple, le Protecteur du citoyen.
• (17 h 50) •
M. Dubé : Très bien. Alors, maintenant,
je veux revenir aussi sur un point. Vous avez parlé tout à l'heure, puis je
respecte ça énormément, toute la question de protection des données
personnelles. Puis je voudrais peut-être juste apporter une précision puis vous
entendre, là, si vous sentez le besoin de commenter.
Ce qu'on demande, en fait, à l'intérieur du
projet de loi, comme mesures que l'on considère temporaires mais nécessaires,
c'est de continuer d'avoir de l'information, qui est dite personnelle, sur la
santé des gens pour être capables de bien voir l'évolution de la pandémie.
Alors, je m'explique. Lorsqu'on fait de la vaccination ou du dépistage, on
comprendra très bien que c'est une donnée personnelle, hein? C'est un individu
qui s'est fait vacciner, qu'on doit savoir s'il a été positif ou négatif, s'il
a été dépisté ou s'il a été vacciné. Alors, on comprend bien que, depuis deux
ans, grâce aux mesures d'urgence, ce sont des données personnelles qu'on n'a
pas analysées sur une base individuelle, mais qu'on a travaillées sur une base
que je dirais consolidée pour être capables de bien analyser les tendances, de
voir ce qui se passait par régions, pour être capables, par exemple, de
déterminer que, dans certaines régions ou dans certaines écoles, il y avait des
enjeux de différences importantes en termes de vaccination.
Alors, j'aimerais vous entendre. Comment on
peut... puis je comprends, encore une fois, là... je reviens au même débat
entre ce que vous défendez, en termes de droits et libertés, mais en même temps
de ce qu'on a besoin de savoir pour bien gérer la pandémie. Comment vous pensez
qu'on pourrait faire autrement pour voir ces tendances-là et bien savoir ce qui
se passe, si on n'avait pas accès à ces données-là, qu'on ne veut pas sur une
base individuelle, pour fins de déclaration, mais bien pour fins de gestion?
J'aimerais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.
Mme Lamoureux (Diane) : Bien, on
comprend qu'il y a besoin d'avoir des données pour des fins de gestion, mais,
je veux dire, à partir du moment où elles sont anonymisées, il y a... ce n'est
plus des données personnelles... où elles sont randomisées, ce n'est plus des
données personnelles au sens de la protection des données personnelles, mais,
je veux dire, il y aurait quand même nécessité d'avoir le consentement de la
population. Je veux dire, quand les gens choisissent de se faire vacciner pour
obéir aux directives de la Santé publique, il y a... ou qu'ils vont se faire
tester, ils doivent pouvoir signer une formule de consentement. Ça existe sur à
peu près tous les sites informatiques. Les données de consentement, on en fait
tous les jours, mais là on n'est même pas consultés.
Mme Pierre
(Alexandra) : Juste pour ajouter.
(Interruption) Oups! Un petit renvoi. Désolée. Pour la ligue, l'un n'empêche
pas l'autre, c'est-à-dire que, comme la Commission d'accès à l'information l'a
mentionné à plusieurs reprises en de... à
différents moments, il est important d'accroître le contrôle des citoyens sur
leurs propres renseignements personnels,
sur les renseignements qui les concernent. Donc, ça fait partie des contraintes
avec lesquelles le gouvernement a le devoir de gérer ça, c'est-à-dire
que l'idée d'avoir des renseignements pour pouvoir faire de la vaccination de
façon la plus efficace possible, évidemment, ça n'empêche
pas qu'il faut que les citoyens puissent avoir... puissent consentir puis
puissent avoir le plus de contrôle possible sur leurs propres renseignements
personnels.
M. Dubé : Je veux juste pour...
Je ne sais pas combien il me reste de temps.
Le Président (M. Provençal)
: Une minute.
M. Dubé : Une minute, ce n'est
pas très long. Mais, écoutez, encore une fois, on pourra en débattre. Je
voulais juste vous entendre là-dessus parce que je pense qu'on a le même
objectif. Le même objectif, c'est de protéger l'information des individus.
Mais, vous comprenez, je pense que je vous ai bien entendues, qu'on a quand
même besoin d'avoir cette information-là pour faire une bonne gestion de la
pandémie puis de savoir... Alors, on pourra débattre lors de l'article par
article, là, cette préoccupation-là que vous avez, mais je voulais juste vous
rassurer que notre objectif est de s'assurer que... juste qu'on ait... le temps
d'avoir le projet de loi n° 69, qui est un projet de
loi qu'on a donné... qu'on a déposé un peu plus tôt, l'an dernier, bien, qu'on
puisse avoir, en attendant que ce projet de loi là soit passé, soit accepté par
l'Assemblée nationale, bien, il faut avoir une mesure temporaire qui nous
permette de faire la gestion, ce que j'appelle le projet de loi n° 19
sur les données, qu'on aura sûrement la chance de débattre avec vous, là, dans
un autre moment. Alors, ça répond à mes questions, M. le Président. Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Alors, nous
poursuivons avec la Ligue des droits et libertés. La parole appartient au député
de Nelligan.
M. Derraji : Merci, mon cher
Président. Mesdames, merci beaucoup. Je tiens à vous remercier au nom de notre
formation politique, parce que vous avez fait un travail exceptionnel
d'organisation bénévole et un excellent rapport. Donc, je tiens, en premier
lieu, à vous remercier. Ma première question : Est-ce que le gouvernement,
selon vous, a besoin de ce projet de loi pour lever l'état d'urgence sanitaire?
Mme Pierre
(Alexandra) : Pour nous, il n'a pas besoin
de ce projet de loi là. Vous m'entendez? Oui? Parfait. C'est ça, l'objectif du
présent mémoire, c'est vraiment de dire que nous recommandons le retrait du
projet de loi n° 28 parce que ce projet de loi là
poursuit l'état d'urgence sanitaire sous une autre forme et que nous pensons
que cet état d'urgence aurait dû être levé depuis longtemps.
M. Derraji : Donc, je vais vous
répéter la question, et je n'ai pas le même temps que le ministre, donc juste
des réponses courtes, si vous permettez, s'il vous plaît : Est-ce qu'on a
besoin du projet de loi n° 28, aujourd'hui, pour
lever l'état d'urgence sanitaire?
Mme Pierre
(Alexandra) : Non, on n'a pas besoin de ce
projet de loi. L'état d'urgence sanitaire peut être levé de façon immédiate et
effective sans ce projet.
M. Derraji : Excellent. Vous
avez dit, pour votre organisme : Le nouveau nom du projet de loi est un
tour de magie. Pouvez-vous illustrer la magie que vous voyez dans le changement
de nom?
Mme Pierre
(Alexandra) : Bien, c'est un peu ce qu'on expliquait,
c'est-à-dire que les différents décrets qui sont énumérés dans le projet de loi
ont été, à notre avis... existent à cause d'un processus antidémocratique. Et
on demande en bloc de voter, par le projet
de loi n° 28, ces décrets et ces arrêtés qui ont été pris de
façon antidémocratique, de les
valider par un vote de l'Assemblée nationale qui les rendrait, par le fait
même, légitimes. Pour nous, la seule légitimité qu'il aurait, ça serait
de débattre de l'ensemble de ces décrets et de ces arrêtés au sein de
l'Assemblée nationale.
M. Derraji : Vous avez raison. Vous
avez aussi dénoncé l'illusion du projet de loi n° 28 car il ne rétablit
pas l'ordre démocratique. La gouvernance par décrets est déguisée en loi. Vous
avez aussi dit : Pourquoi le projet de loi n° 28 fait du
31 décembre 2022 une date mythique? C'est ce que je disais, tout à l'heure,
à un groupe, que probablement, soudain, le 1er janvier 2023, le virus va
disparaître du Québec. Pourquoi vous dites, vous aussi, que c'est une date
mythique? Il y a... et je ne sais pas si vous avez vu l'intervenante avant
vous. Elle, elle disait que, écoutez,
l'objectif, c'est probablement l'élection. Il y a une élection, le gouvernement
va avoir... veut avoir les deux mains, il veut continuer à gérer par
décrets et arrêtés. Est-ce que vous partagez le même point de vue que la
personne qui était avant vous? Et pourquoi c'est une date mythique, selon vous?
• (18 heures) •
Mme Lamoureux (Diane) : Bon,
effectivement, il y a une élection, d'ici le 31 décembre, et il y a des
choses que nous ne saurons pas au moment
d'aller voter. Et, d'une certaine façon, essayer de déterminer à l'avance qu'il
n'y aura plus de problème, le 31 décembre, ça nous semble assez
illusoire, et on risque de se retrouver avec une énième reconduction de la
chose, ce qui, pour la santé démocratique d'une société, n'est pas un avantage.
M. Derraji : Comme nous, très
critiques à la gestion par décrets. Je le suis. Pour moi, un gouvernement qui
gouverne par décrets et par sondages n'a pas sa place dans une société
démocratique. Vous avez dit, je vous cite : «La vie des citoyens est
littéralement régie par des arrêtés rédigés dans une langue inaccessible. Le
gouvernement a trouvé son confort dans l'état d'urgence.»
Et vous avez dit : «...les mesures destinées à protéger la population et
celles qui ont pour effet de consacrer l'impunité du gouvernement en temps de
crise sanitaire.» C'est quand même des mots forts, par rapport à la gestion par
décrets.
Mme Pierre (Alexandra) : Oui, c'est des mots forts. Comme l'impact de cette gestion
par décrets a des conséquences aussi très, très... des très fortes
conséquences. Ça marque un tournant autoritaire, antidémocratique, encore une
fois. Donc, je pense que les mots qu'on a mis dans notre mémoire correspondent
à l'analyse qu'on fait de cette situation.
M. Derraji : Mais vous évoquez aussi
quelque chose que... ça m'a interpellé, hein, je vais... encore une fois, je
vais vous citer, hein : «Le projet de loi n° 28 ne respecte pas la
dignité citoyenne — quand
même fort. Il est inutile et dangereux pour la démocratie.» Ça, c'est vous, c'est
vos propos. Pourquoi c'est dangereux pour la démocratie et pourquoi le projet
de loi déposé par la CAQ ne respecte pas la dignité citoyenne?
Mme Pierre (Alexandra) : Bien, encore une fois, depuis un moment, la ligue prétend
que la loi sur l'état d'urgence... ou l'état d'urgence n'a plus sa raison
d'être. Donc, plus on prolonge cet état d'urgence d'une... par un mode ou par
un autre, hein, comme le projet de loi n° 28, bien, plus les atteintes à
la démocratie se cumulent. Pour nous, on peut prendre des mesures sans être
dans un état d'urgence, on peut prendre des mesures en respectant les processus
et les débats démocratiques, et ça fait partie des droits humains, de la
capacité de la population à avoir cette voix-là et du gouvernement à être
imputable, par ailleurs.
M. Derraji : Vous évoquez beaucoup,
dans votre mémoire, la démocratie, le respect des institutions. Je suis comme
vous, nous sommes au sein d'une institution qu'il faut respecter, parce qu'on
n'est pas juste des figurants, hein, on est
là pour jouer notre rôle, et, si quelqu'un n'est pas content, il peut
démissionner et quitter. Si je vous dis d'interpréter le processus
démocratique depuis le début, de ce gouvernement, mais je vais me limiter,
depuis le début de la pandémie, est-ce que c'est un recul pour vous? Est-ce
vraiment une atteinte? Est-ce que c'est un recul? Comment vous qualifiez ce
qu'on voit avec la CAQ depuis mars 2020? C'est quoi, cette attitude? Comment
vous qualifiez cette attitude?
Mme
Lamoureux (Diane) : Bien, on pense que le gouvernement par décrets est
un recul et un manque de respect pour nos institutions démocratiques,
surtout quand ça s'éternise sur deux ans. O.K.? Et effectivement on vit dans un
régime parlementaire, on est dans une monarchie parlementaire, et c'est à
l'Assemblée nationale... c'est l'Assemblée nationale qui est imputable,
c'est... Bien sûr, on n'a pas une séparation étanche entre l'exécutif et le
législatif, dans un régime parlementaire,
puisque c'est la majorité parlementaire qui constitue le gouvernement, mais, en
même temps, il y a quand même des balises et une plus grande écoute à
une diversité de points de vue présents dans la population quand le Parlement
se saisit réellement des enjeux de société, plutôt que de se faire aviser des
décisions gouvernementales.
M. Derraji : Vous avez évoqué, tout
à l'heure, l'élection au mois d'octobre. Le gouvernement risque, avec sa
majorité, de passer ce projet de loi, et, fort probablement, le Québec sera
prolongé dans un état d'urgence jusqu'au 31 décembre 2022. C'est quoi,
votre lecture?
Mme Pierre (Alexandra) : Je ne suis pas sûre de votre question, mais la lecture,
c'est que cet état d'urgence, encore une fois, est illégitime. On ne comprend
pas trop quelle est cette date du 31 décembre. Si ce qui devait être réglé
ou commencer à être réglé il y a plus d'un an et demi, maintenant, ou un
certain temps, ne l'est pas aujourd'hui, je ne vois pas pourquoi ça le serait
magiquement le 31 décembre. Donc, voilà, il faut mettre fin à l'état d'urgence
de façon immédiate et effective, et ça, ça implique de ne pas voter ce projet
de loi n° 28.
M. Derraji : Oui, je comprends que
vous êtes contre ce projet de loi, mais, je vous le dis, la CAQ a 75 élus,
donc le projet de loi risque de passer. Est-ce que vous serez déçues si,
demain, vous allez voir que le projet de loi a été voté d'une manière... par
75 députés caquistes, et que l'élection, c'est au mois d'octobre, et que
l'état d'urgence va se poursuivre jusqu'au 31 décembre 2022?
Mme Lamoureux (Diane) : Bien sûr
qu'on va être déçues, parce que nous, on demande, depuis plus d'un an, qu'il
soit levé, l'état d'urgence. Donc, c'est sûr qu'on sera déçues, mais on ne peut
pas empêcher la majorité parlementaire de le faire, mais on peut quand même souligner
l'espèce de tour de passe-passe que ça constitue. C'est notre rôle comme
garants des droits et des libertés.
M. Derraji : Oui, mais souvenez-vous
de ce vote en octobre.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Alors, M. le député
de Rosemont, s'il vous plaît, la suite vous appartient.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Mesdames, merci d'être là. Merci pour votre mémoire. Je n'aurai pas
grand-chose à rajouter, là, on ne s'ostinera pas, là, vous et moi, aujourd'hui.
Si j'avais à résumer, là, la dizaine de témoins entendus à ce jour, je dirais
que les syndicats ont des graves préoccupations. C'est probablement normal. Le gouvernement et son appareil est pour la loi, pour des
raisons pratico-pratiques de fonctionnement dont on peut débattre, là, et le
droit, du moins, les gens qui se sont exprimés au nom du droit sont contre,
dont vous.
Vous dites, par exemple, que «la mise en place
d'un mécanisme de reddition de comptes concernant la gestion de l'état d'urgence sanitaire au Québec et la
gestion de la crise sanitaire elle-même par une institution habilitée à rendre
compte directement devant l'Assemblée nationale — ça va jusque-là? — que
dans l'éventualité où le projet de loi n° 28 serait adopté, une disposition prévoyant formellement un
tel mécanisme de reddition de comptes par une institution habilitée à rendre compte directement devant l'Assemblée
nationale y soit prévue». Vous l'avez dit, mais, pour ma lanterne puis
pour que ce soit bien clair, vous pensez à quoi?
Parce que, d'après moi, ça existe déjà, mais c'est incomplet. Vous pensez à
quoi?
Mme Pierre (Alexandra) : Bien, nous, on pense que le Protecteur du citoyen serait
cet organisme qui pourrait faire le travail. En même temps, on est plutôt
ouverts à d'autres propositions. Mais l'essentiel de notre demande, c'est qu'il
y ait un mécanisme de reddition de comptes au-delà du... je ne m'en rappelle
jamais comment ça s'appelle, mais du rapport d'événement, puisqu'on considère
que deux ans de pandémie, deux ans d'état d'urgence, ce n'est plus un
événement, puis on a besoin de plus qu'une liste actuelle.
M. Marissal : Mais à ça, ce
qu'on nous dit... puis j'ai eu des débats, là, en ondes et hors d'ondes, avec
le ministre ou même avec les sous-ministres. Ce qu'on me dit, c'est ça, il
faudrait revoir la Loi sur la santé publique et la déclaration de l'état
d'urgence sanitaire, puis ce n'est pas ici qu'on va faire ça. On va le faire un
jour, peut-être, là, on est bien ouverts, mais on ne le fera pas.
Donc, je reviens au point de départ, là. On est
pris avec le projet de loi n° 28, là. Est-ce que c'est amendable, à vos
yeux, ou si je dois lire, dans le texte, votre première conclusion, qui est de
rejeter complètement ce projet de loi? Ce qui n'arrivera pas, je vous le dis
tout de suite, là.
Mme Lamoureux (Diane) : Bon, on
ne prend pas nos désirs pour des réalités, mais on peut quand même exprimer nos
désirs, et ce qui nous semble le plus souhaitable dans les circonstances. Donc,
c'est pour ça qu'on demande le retrait du projet de loi.
Par ailleurs, bon, le ministre vient de nous
dire que ce sera un rapport d'événement bonifié, mais ça ne sera pas vraiment
une reddition de comptes. Et alors, nous, ça nous semble important... ça a été
des moments importants dans l'histoire, dans les dernières années de l'histoire
du Québec, et c'est une grande partie du budget de l'État, le système de santé.
C'est important que la population puisse vraiment savoir ce qui s'est passé.
• (18 h 10) •
M. Marissal : Bien d'accord. Et
je vous remercie. Je n'ai plus de temps. Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Alors, nous terminons avec le
député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau : Merci beaucoup,
M. le Président. Merci, Mmes Pierre et Lamoureux. Vous avez mentionné que...
comme d'autres aujourd'hui, qu'on vit sous un régime juridique d'exception, et
puis vous ajoutez qu'il est caractérisé par l'opacité, le manque d'impunité et
le manque de transparence... manque de... non pas... d'imputabilité, je voulais
dire, et de transparence. Et, bon, on est plutôt d'accord avec votre analyse.
Maintenant, vous demandez, puis je vais aller
sur le même thème que mon collègue de Rosemont, vous demandez le retrait du
projet de loi. Qu'en est-il des mesures qui sont proposées par le gouvernement,
des mesures populationnelles, par exemple, le maintien du port du masque ou
encore les mesures opérationnelles? On parle de vaccination, de dépistage, d'entreposage.
Est-ce que vous estimez qu'on pourrait le faire avec les moyens réguliers de
l'État ou qu'on devrait le faire par l'adoption d'un projet de loi très, très
ciblé?
Mme Pierre
(Alexandra) : Alors, merci pour cette
question. Au risque de nous répéter, la ligue n'a jamais été contre les mesures
visant à protéger la population, mais bien contre leurs modes d'adoption. Il y
a toutes sortes de modes d'adoption, de mécanismes démocratiques pour
maintenir, continuer ces mesures de protection : projet de loi via
l'Assemblée nationale puis il y a aussi des modes de gestion au niveau des
CIUSSS, des CISSS, des santés... pardon, des directions régionales de santé
publique. Voilà, il faut que ces mécanismes-là soient débattus et soient pris
de façon démocratique.
M. Arseneau : D'accord.
Donc, si je vous comprends bien, si on mettait de côté le projet de loi n° 28
et qu'on déposait un projet de loi
pour cibler un certain nombre de mesures qui semblent justifiées, qui seraient
débattues par les parlementaires, cela vous conviendrait, là, à partir
du moment où, démocratiquement, on peut justifier ou non... enfin, on peut
justifier, oui, trouver des motifs pour des mesures exceptionnelles qui
pourraient s'appliquer pour un certain temps.
Mme Lamoureux (Diane) : Oui,
mais sur fond de levée de l'état d'urgence, parce que ce qui nous semble
important, c'est de... que des mesures appropriées soient prises pour assurer
la santé publique, on est tout à fait d'accord.
Le problème, c'est de quelle façon ces mesures sont prises, et, pour l'instant,
on est dans un régime d'exception.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup.
M. Arseneau : C'est tout le
temps que j'ai. Merci beaucoup.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci,
Mme Alexandra Pierre et Mme Diane Lamoureux, de la Ligue des droits
et libertés, pour votre collaboration et votre contribution. Je vous souhaite
une excellente fin de journée et merci beaucoup. Merci aux collègues de la
commission pour leur collaboration.
Nous ajournons nos travaux jusqu'au
jeudi 7 avril, après les affaires courantes. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 18 h 14)