L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de la santé et des services sociaux

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de la santé et des services sociaux

Version préliminaire

42e législature, 2e session
(19 octobre 2021 au 28 août 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le mercredi 6 avril 2022 - Vol. 46 N° 23

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 28, Loi visant à mettre fin à l’état d’urgence sanitaire


Aller directement au contenu du Journal des débats

Intervenants par tranches d'heure

  • 11 h

    • Provençal, Luc
  • 11 h 30

    • Provençal, Luc
    • Dubé, Christian
    • Derraji, Monsef
  • 12 h

    • Derraji, Monsef
    • Dubé, Christian
    • Provençal, Luc
    • Marissal, Vincent
    • Arseneau, Joël
    • Samson, Claire
  • 12 h 30

    • Provençal, Luc
    • Dubé, Christian
    • Derraji, Monsef
    • Marissal, Vincent
    • Arseneau, Joël
    • Samson, Claire
  • 14 h 30

    • Provençal, Luc
  • 15 h

    • Provençal, Luc
    • Dubé, Christian
    • Barrette, Gaétan
  • 15 h 30

    • Barrette, Gaétan
    • Provençal, Luc
    • Labrie, Christine
    • Arseneau, Joël
    • Samson, Claire
    • Dubé, Christian
  • 16 h

    • Dubé, Christian
    • Provençal, Luc
    • Derraji, Monsef
    • Labrie, Christine
    • Arseneau, Joël
  • 16 h 30

    • Provençal, Luc
    • Samson, Claire
    • Dubé, Christian
  • 17 h

    • Dubé, Christian
    • Provençal, Luc
    • Derraji, Monsef
    • Marissal, Vincent
    • Arseneau, Joël
    • Samson, Claire
  • 17 h 30

    • Provençal, Luc
    • Dubé, Christian
    • Derraji, Monsef
  • 18 h

    • Derraji, Monsef
    • Provençal, Luc
    • Marissal, Vincent
    • Arseneau, Joël

 

Journal des débats

11 h (version révisée)

(Onze heures trente-trois)

Le Président (M. Provençal) :Bonjour à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électriques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 28, loi visant à mettre fin à l'état d'urgence sanitaire. Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Ciccone (Marquette) est remplacé par M. Barrette (Lapinière).

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Ce matin, nous entendrons...


 
 

11 h 30 (version révisée)

La Secrétaire : ...(Marquette) est remplacé par M. Barrette (La Pinière).

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Ce matin, nous entendrons les personnes suivantes : Dr Luc Boileau et Mme Julie Labbé conjointement avec M. Guy Thibodeau et M. Jean-François Fortin Verreault.

Comme la séance a débuté 15 minutes plus tard que notre... alors on va avoir besoin d'un consentement pour terminer 15 minutes plus tard.

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Provençal) :On n'a pas le choix parce qu'on ne retournera pas le groupe. Merci. Je souhaite la bienvenue au Dr Boileau. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi, nous procéderons la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à débuter votre exposé. Je vous cède la parole, monsieur.

M. Boileau (Luc) : Merci beaucoup. Merci, M. le Président. Alors, je... et M. le ministre et Mmes, MM. les députés. Je me présente, Luc Boileau. Je suis le directeur national de la Santé publique par intérim. Et je suis ici aujourd'hui pour... d'abord, vous remercier de m'inviter pour me donner le privilège d'être avec vous pour les consultations sur le projet de loi n° 28 et de répondre à toutes vos questions. Alors, je vais tenter de faire mon allocution à l'intérieur des 10 prochaines minutes et je crois pouvoir y réussir.

Alors, comme directeur de la Santé publique par intérim, je trouve évidemment important d'expliquer à mon tour, là, plus en détail pourquoi on a besoin de ce levier législatif pour continuer de servir et de bien protéger la population. Alors, comme vous le savez, on est actuellement en plein coeur d'une sixième vague. Il y a des incertitudes sur cette vague-ci et on ne sait pas comment elle va évoluer avec précision. Mais il y a une chose qui est sûre, c'est qu'au moment où on se parle, la tendance reste à la hausse. Alors, on aimerait bien sûr, comme vous tous, je suis certain, mettre ça derrière nous, mais ce n'est pas la réalité. Et il y a bien sûr une grande différence entre la levée de la plupart des restrictions et la fin de la pandémie.

Alors, on est actuellement dans une phase transitoire de pandémie. Et le projet de loi, tel que je le comprends, vient appuyer ce processus de transition. L'arrivée de cette nouvelle vague démontre... pardon, à elle seule toute l'importance d'avoir les leviers et les pouvoirs nécessaires pour agir de façon responsable et diminuer les impacts sur la santé de la population.

Comme vous le savez, je suis entré en poste plus récemment, là, ça fait trois mois, alors que la cinquième vague battait son plein. Puis elle était bien sûr accélérée par le contexte d'un nouveau variant, l'Omicron. Mais auparavant, dans mes différentes fonctions, en particulier bien sûr celles de P.D.G. de l'INESSS, j'étais en mesure d'observer la situation. Alors, depuis le tout début, de par son caractère très imprévisible, la pandémie nous met toujours sur le qui-vive puisqu'il y a eu des changements, vous les avez vus, qui se sont présentés avec l'évolution de ce virus-là et de ses différentes caractéristiques.

Alors, on a vu au cours des derniers mois à quel point les nouveaux variants peuvent effectivement changer très rapidement. Il faut donc pouvoir prévoir, anticiper, mais aussi être agile et agir lorsque c'est nécessaire. Or, comme directeur national de la Santé publique par intérim, je suis d'accord qu'on est rendu à un moment... excusez-moi, ce n'est pas ce que vous craignez que j'aie, à un moment opportun.

Des voix : ...

M. Boileau (Luc) : Non, non. Moi, je trouve que ça s'inscrit bien dans la conversation, là, mais rassurez-vous, ce n'est pas ça, j'ai d'autres petits problèmes. Alors, ce que je disais, c'est que je suis d'accord, comme plusieurs, qu'on est rendus à un moment où est-ce qu'on... c'est opportun, là, de lever l'état d'urgence sanitaire, mais il est nécessaire de maintenir certaines mesures transitoires. Alors, dans ce projet de loi là, il y a des éléments fondamentaux pour nous permettre de continuer à gérer efficacement la pandémie.

Alors, de la façon dont ça fonctionne au Québec en temps normal, comme je comprends le système, c'est chaque direction régionale de santé publique fait des actions de façon locale ou régionale, mais le plus souvent, c'est local. Contrairement à ce que certains pourraient le croire, la Loi de la santé publique, selon moi, ne permet pas au directeur national de santé publique d'avoir une portée nationale dans ses actions. C'est davantage région par région.

Alors, l'état d'urgence sanitaire, elle, elle a permis de mettre en place et de mettre en oeuvre des actions de santé publique sur le plan national. Sans l'état d'urgence, il n'aurait pas été possible de mettre en place les différentes mesures sanitaires qui permettaient de réduire les contacts et, par conséquent, la propagation de la maladie sur l'ensemble du territoire québécois. Alors, impossible alors de rendre obligatoire le port du masque dans les lieux publics, de rendre obligatoire aussi l'enseignement à distance pour les enfants, de limiter la capacité d'accueil dans les différents lieux publics, par exemple.

Alors, comme vous le savez, on est entré dans une nouvelle étape de la gestion de la pandémie. On met en place le fameux vivre avec le virus. Alors, il faut peu à peu reprendre la vie normale car la succession des confinements et des mesures sur la période des deux dernières années a eu des conséquences sur plusieurs plans pour à peu près toute <la population...

M. Boileau (Luc) : ...succession des confinements et des mesures sur la période des deux dernières années a eu des conséquences sur plusieurs plans pour à peu près toute >la population. Alors, on est bien conscient de cela. Mais, comme vous le savez, on a recommandé, plus tôt cette semaine d'ailleurs, que le port du masque obligatoire soit maintenu pour l'instant, pendant quelques journées de plus, quelques semaines maximum, mais, en tout cas, pour l'essentiel, c'est pour le mois d'avril, parce que la plupart des autres mesures ont été levées progressivement au cours des dernières semaines et des derniers mois.

Et, même si le Québec vit une hausse de cas et d'hospitalisations, la Santé publique n'a toujours pas l'intention de renouveler ou de recommander de nouvelles mesures populationnelles. Alors, c'est maintenant à chacun, pour les autres et pour soi-même, de prendre ses responsabilités en fonction de la situation des autres et de la sienne aussi. Alors, chaque personne doit faire ce qu'elle a à faire pour réduire ses risques d'avoir la COVID et se protéger, mais aussi protéger les autres. On appelle, globalement, au sens civique de la population... Pardon.

Mais, ceci étant dit, avant la fin de l'état d'urgence... plutôt avec la fin de l'état d'urgence sanitaire, le projet de loi, tel que je le comprends encore, nous permet de préserver des leviers qui sont nécessaires à notre disposition pour pouvoir continuer de protéger la population. Alors, l'idée est notamment d'être en mesure de mobiliser les forces vives pour vacciner et dépister efficacement. Ce sont des éléments clés pour notamment protéger les personnes les plus vulnérables, qui, comme on le sait, là, sont les plus à risque des complications. Alors, les décrets et les arrêtés qui demeureraient en vigueur jusqu'à la fin de l'année, au 31 décembre prochain, 2022, sont absolument nécessaires à nos yeux pour conserver notre agilité puis notre efficacité à protéger la population au cours des prochains mois.

• (11 h 40) •

Alors, comme je le comprends, le maintien de certains arrêtés ministériels vise à permettre, entre autres, l'embauche de personnes salariées temporaires grâce à la plateforme qu'on appelle Je contribue. Alors, à défaut de pouvoir compter sur ce personnel temporaire, il faudrait avoir recours aux employés qu'on dit réguliers... pardon, du réseau de la santé et des services sociaux pour assurer ces services de dépistage et de vaccination. Et on le voit actuellement, avec la sixième vague, le taux d'absentéisme chez les travailleurs de la santé est élevé et il ne baisse pas, là, en ce moment. Alors, dans l'état actuel, sans la contribution des travailleurs recrutés grâce à la plateforme Je contribue, le dépistage puis la vaccination essentiels devraient être organisés uniquement avec le personnel régulier du réseau qui est déjà largement sollicité et qui est en situation de fragilité, là, avec le contexte actuel. Alors, ça m'apparaît invraisemblable de pouvoir faire ça.

Un autre élément très important du projet de loi et qui vise à poursuivre la vaccination pour un nombre ou un grand nombre de personnes qui sont autorisées, plutôt que par des personnes... qui sont autorisées à le faire, plutôt que par des personnes qui se retrouvent habituellement sur la liste des professionnels qui sont habilités, là, de façon courante à vacciner. Je sais que ça a déjà été abordé, mais je veux juste le mentionner, en temps normal, ça se limite aux infirmières, aux médecins, aux infirmières et infirmiers auxiliaires, aux infirmiers, bien sûr, aux sages-femmes, aux inhalothérapeutes et aux pharmaciens. Mais, dans le contexte d'une urgence sanitaire, on a eu la nécessité d'élargir le bassin de personnes autorisées à vacciner et on a pu ainsi compter sur la contribution de plusieurs autres groupes. D'abord, les étudiants, que ce soit en soins infirmiers, en médecine, en pharmacie, en sages-femmes, les infirmières auxiliaires ou les infirmiers auxiliaires aussi, les dentistes, les hygiénistes dentaires, des diététistes, des nutritionnistes, des optométristes, des orthophonistes, des physiothérapeutes, des techniciens ambulanciers se sont ajoutés au groupe, et c'était essentiel pour pouvoir offrir cette vaccination de masse qui était requise dans le contexte. Alors, en cette sixième vague, mais également au cours des prochains mois, comme on ne peut pas prédire ce qui va arriver, nous sommes toutefois assurément convaincus que nous pourrions encore avoir besoin de ces personnes pour nous appuyer dans le dépistage et dans la vaccination.

D'ailleurs, la vaccination est toujours en cours. Vous l'avez entendu, la dose de rappel, la quatrième dose a été mise de l'avant depuis la semaine passée pour les personnes en CHSLD, en RPA, dans d'autres installations et pour les 80 ans et plus. Et, depuis ce matin, aujourd'hui, ce sont les personnes de 70 ans et plus qui peuvent prendre rendez-vous pour cette quatrième dose, tout en respectant un intervalle, bien sûr, minimum de trois mois entre la troisième et la quatrième dose. Et c'est la même chose pour les personnes de 60 ans et plus qui vont pouvoir s'inscrire dès lundi matin prochain. Alors, le vaccin demeure un outil remarquable, extrêmement efficace pour... vraiment, là, par rapport à quoi que ce soit d'autre, là, pour prévenir les complications graves, c'est une <bonne nouvelle...

M. Boileau (Luc) : ...quoi que ce soit d'autre, là, pour prévenir les complications graves, c'est une >bonne nouvelle. Et en raison de la venue du variant BA.2, on veut offrir une immunisation supplémentaire à ces personnes qui sont à risque et qui sont déjà bien protégées par les doses précédentes, mais qui pourraient être plus à risque avec le temps parce que l'efficacité vaccinale baisse qu'elle soit naturelle par l'infection ou par la vaccination. Alors, il faut des ressources pour l'administrer. Alors, la même chose pour les dépistages. Les tests de dépistage, ça fait partie des principaux moyens pour lutter efficacement contre la pandémie de la COVID-19. Alors, il y a eu un virage, on le sait, vers les tests rapides de dépistage pour une bonne partie de la population, mais il y a encore beaucoup de dépistage qui doit se faire en clinique. Alors, ces tests sont réservés aux travailleurs de la santé, oui, mais aussi à plusieurs autres clientèles, notamment les personnes symptomatiques qui travaillent dans le milieu scolaire ou les milieux de garde, les proches aidants, les personnes de 65 ans et plus.

Le Président (M. Provençal) :Alors, Dr Boileau, je vais devoir vous interrompre, alors je vais... Les gens auront sûrement des questions à vous poser pour compléter votre présentation. Je m'excuse. M. le ministre, je vais vous maintenant vous céder la parole pour débuter cet échange. Vous avez 15 min 15 s.

M. Dubé : Alors, M. le Président, merci beaucoup. À mes collègues de l'opposition, aux députés du gouvernement, merci encore une fois d'être là pour ce projet de loi si important. M. Boileau, je ne peux pas... Dr Boileau, je ne peux pas m'empêcher de prendre juste quelques secondes pour vous remercier d'avoir accepté ce défi-là il y a trois mois. Au moment où vous êtes arrivé avec nous, ce n'était vraiment pas facile d'avoir su relever ce défi-là, je pense, que d'avoir donné aussi un répit au Dr Arruda qui avait vraiment besoin de se reposer. Je pense qu'on a eu la chance de vous avoir puis je tiens à vous remercier pour votre présence. J'entends souvent des commentaires excessivement positifs de la part du public qui a une grande confiance dans vos sorties, lorsque vous faites vos points de presse, puis je tenais à vous le mentionner parce que vous avez fait un travail remarquable depuis que vous êtes là, puis merci beaucoup, Dr Boileau.

M. Boileau (Luc) : Merci.

M. Dubé : Je vais aller sur trois, quatre sujets. Le premier, vous le dites souvent, puis je pense que c'est rendu presque un euphémisme de dire qu'il faut apprendre à vivre avec le virus, et j'aimerais vous demander deux exemples, un exemple positif de ce que ça veut dire, vivre avec le virus, puis peut-être un exemple négatif. Ce que je veux dire, c'est que, si vous aviez à dire à quelqu'un, ça veut dire quoi de continuer à faire... de vivre avec le virus puis aussi de faire attention de ne pas faire... parce qu'il y a beaucoup de gens qui vous écoutent aujourd'hui, qui savent que vous êtes en commission. Je sais qu'on va parler des mesures d'urgence, mais je vous ai entendu souvent dire : Il faut vivre avec le virus. J'aimerais ça vous entendre sur un petit conseil à donner et l'autre à ne pas faire.

M. Boileau (Luc) : Bien. Donc, d'abord, merci pour vos bons mots. Vivre avec le virus, ça veut dire vivre en... ça ne veut surtout pas dire vivre en oubliant le virus. Vivre avec le virus, c'est de vivre en toute conscience qu'il y a un risque associé à ce virus-là qui est un virus qui est très contagieux et qui fait en sorte qu'on peut être atteint et on peut atteindre d'autres personnes.       Alors, le côté positif de la chose, c'est qu'on a appris, au fil des deux dernières années, qu'il y a des façons de se protéger, des façons simples. D'abord, le masque, le lavage des mains, la distanciation, d'être prudents dans nos sorties, qui on fréquente. Ce n'est pas une question que nos amis sont plus fins que les autres pour le virus, tout le monde est égal là dessus, mais c'est vraiment de pouvoir tirer avantage de tout ce qu'on a appris dans les deux dernières années. Et les choses dont il faut encore se méfier et qui laissent présager aussi des risques pour la population, c'est une activité de civisme, c'est-à-dire de reconnaître que, lorsqu'on a des symptômes, bien, on est probablement atteints de cette maladie-là puisqu'elle est très fréquente et on doit s'isoler. Et si ce n'est pas la COVID, et si c'est la grippe, puisqu'elle pourrait arriver aussi, alors de s'isoler aussi pour éviter de propager ça aux autres personnes.

Et cet isolement-là devrait durer 10 jours. Les cinq premiers sont sous une formule d'un isolement plus à domicile, de rester bien confiné soi-même puisque la charge virale que nous avons peut être très élevée pendant les cinq premiers jours, et les cinq autres journées, elle est toujours là, elle va en diminuant, mais donc de pouvoir sortir et vaquer à quelques activités, mais en s'assurant que nous restions très prudents, donc toujours porter le masque, ne pas aller danser, chanter, pas aller au restaurant, pas aller dans les spectacles, de respecter cela. Alors, le côté très positif de l'histoire de la COVID, c'est que ça a permis une solidarité, ça a permis aux gens d'adapter de nouvelles mesures, d'être conscientisés puis de développer ce <sens civique...

M. Boileau (Luc) : ...le côté très positif de l'histoire de la COVID, c'est que ça a permis une solidarité, ça a permis aux gens d'adapter de nouvelles mesures, d'être conscientisés puis de développer ce >sens civique. Le côté négatif, c'est quand on le néglige et qu'on croit que parce qu'on n'a plus de symptômes ou qu'on a entendu parler que ça pouvait durer moins longtemps, bien, c'est de prendre des risques pour les autres. Et ce n'est pas soi-même... on ne se réinfectera pas pendant les journées qui suivent, on peut se réinfecter après, là, bien sûr, mais on ne se réinfectera pas dans les journées qui suivent, et le côté négatif, c'est lorsqu'on laisse passer l'opportunité de bien agir pour les autres, alors que, pour soi-même, on s'en est mieux sorti.

Ça reste une maladie grave, une maladie qui est fréquente, une maladie qui amène des gens plus à risque dans le circuit des hôpitaux et, des fois, malheureusement, pire encore. Et ces personnes-là se connaissent, mais il faut aussi que tout le monde les connaisse, ce sont des gens de plus de 60 ans en général, qui sont plus fragilisés. Il faut être conscient que, si on va les rencontrer, bien, il ne faut pas avoir trop de symptômes, hein, il ne faut pas en avoir, puis il ne faut pas avoir fait des sorties qui nous amènent à risque de les contaminer.

M. Dubé : Alors, ce que je retiens, Dr Boileau, puis je vais aller plus spécifiquement sur le p.l. n° 28, mais ce que je retiens, c'est que le virus est encore bien là, puis il faut continuer de se protéger, alors je pense que vous avez quand même maintenant régulièrement des points de presse puis je pense que ces points-là ont été soulevés, notamment encore hier.

Vous avez dit dans votre présentation... puis je pense que c'est important d'expliquer toute la question des limites actuelles de la Loi de la santé publique quand vous parlez, par exemple, de la portée régionale versus nationale, donc d'avoir... j'aimerais ça que vous élaboriez un petit peu pour expliquer comment ça nous a aidés d'avoir les mesures d'urgence sur une base nationale plutôt que régionale. Je pense que c'est peut-être moins connu de la population à cet effet-là, là.

• (11 h 50) •

M. Boileau (Luc) : Oui. Les leviers disponibles actuellement... législatifs permettent à des directeurs de santé publique, des directeurs régionaux de santé publique, d'agir localement lorsque c'est requis. Il y a eu différentes situations pour ce faire. Moi, je dirigeais la Santé publique de la Montérégie quand on a eu le verglas et il y a eu certaines situations où on pouvait agir dans des crises associées à cela, avec de l'influenza et autre chose. Mais ça peut arriver et, habituellement, ce sont des maladies infectieuses ou des risques environnementaux importants qui nous permettent de dire : On crée un espace de protection et on empêche les gens soit d'entrer ou on invite les gens à quitter le territoire. Quand j'étais très jeune, ça fait déjà un petit bout de temps, il y avait... j'étais en charge de la situation de Saint-Basile-le-Grand, alors il y avait eu une évacuation. Ce sont des choses qui peuvent être faites avec les leviers qui existent en ce moment. D'essayer de répéter ça dans toutes les régions et toutes les localités pour avoir une approche d'une mesure qui doit être standard pour l'ensemble d'une population, c'est impossible. Il faut faire ça avec le levier des états d'urgence, sinon on n'y arrive pas. Ça demande un circuit de décision qui est beaucoup trop long et qui a des risques majeurs de dérapage. Et ça ne peut pas se faire ainsi. Et toutes les juridictions à l'extérieur du Québec ont saisi ces mêmes occasions-là d'amener des mesures pour que l'ensemble des populations puisse être d'abord avisé de ces risques-là, mais aussi invité à suivre des règles pour empêcher les propagations. Alors, on n'est pas dans des pays où on est capable d'être extrêmement sévère de ce côté là, mais ces leviers là, ici, ont été essentiels et la seule manière de le faire, c'est de le faire dans un contexte de mesures d'urgence...

M. Dubé : Nationales.

M. Boileau (Luc) : ...nationales.

M. Dubé : Le deuxième point aussi, puis on en a déjà parlé... parce qu'on se dit souvent, bien... puis un peu ce que je retiens, on veut être opérationnel parce que ça va tellement vite lorsqu'une vague revient, puis, etc. Parlez-moi aussi de la flexibilité que les mesures sanitaires... mesures d'urgence nous ont donné entre les vagues. Parce que, tu sais, les gens disaient : Bien là, la vague est terminée, vous devriez arrêter puis vous recommencerez. Je veux juste voir le côté opérationnel de ça, ce que nous ont permis les mesures d'urgence.

M. Boileau (Luc) : Je n'étais pas celui qui dirigeait la Santé publique, mais comme je le mentionnais tantôt, j'étais tout à côté, là, dans un espace de visibilité, là...

M. Dubé : Pas loin.

M. Boileau (Luc) : ...comme P.D.G. de l'INESSS. Mais il est clair que c'était impossible de ne pas avoir une continuité dans ces mesures-là pour justement, dans notre propre contexte au Québec, permettre de faire du dépistage, pour voir arriver comment reviendraient les autres vagues et de permettre de faire de la vaccination pour pouvoir justement contrer les effets de cette progression dont on pouvait nous attendre et de pouvoir également mettre de l'avant des mesures, qui ont été mises de l'avant, je me répète, là, dans des périodes qui étaient plus creuses en <termes de risques...

M. Boileau (Luc) : ...également mettre de l'avant des mesures, qui ont été mises de l'avant, je me répète, là, dans des périodes qui étaient plus creuses en >termes de risques. Par exemple, le port du masque, lorsque c'est arrivé, on était entre deux vagues, et c'était une mesure qui s'annonçait comme essentielle, dans la progression de la connaissance sur le coronavirus, d'être installée dans une population. On n'avait pas d'autres outils, on n'avait pas, à ce moment-là, les outils qu'on connaît aujourd'hui, de vaccination, et ça s'est avéré très utile, et ça s'avère encore utile, évidemment, avec les décisions qui ont été prises cette semaine après nos recommandations.

Donc, on ne peut pas regarder l'arrêt d'une vague en disant : Bon, bien, ça vient de finir aujourd'hui par... l'INSPQ dit que c'est rendu là, on arrête les mesures. Elles doivent continuer parce qu'il y a des gens qui continuent, d'abord à être infectés et d'autres qui vont revenir. Ce sont des cycles qui sont normaux avec des maladies infectieuses comme ça, contagieuses, il faut s'attendre à ça. L'important, c'est de les voir venir, d'être bien outillés et de faire en sorte que la vague soit la moins élevée et la moins dommageable possible.

M. Dubé : Très bien. Je vois le temps qui file, Dr Boileau. J'aimerais ça aussi vous entendre, parce que je l'ai entendu souvent, là, puis c'est légitime de poser des questions parce que le projet de loi a été bâti comme ça... de cette fameuse date là du 31 décembre 2022. C'est quoi, les outils qui vous restent après cette date-là, là, dans le contexte actuel, où on mettrait, là... il y aurait une acceptation des mesures transitoires? Quels sont les outils qui vous restent pour qu'on soit protégés après le 31 décembre 2022? Comment vivre avec le virus... je reviens encore à ça, mais après le 31 décembre?

M. Boileau (Luc) : Bien, d'abord, il y a bien des chances que le virus ne suive pas les intentions parlementaires et qu'il soit encore là après le 31 décembre. Ça, il faut envisager ça, d'une part. Mais d'autre part, c'est que, je pense que, dans ces mesures transitoires là, nous serons avec un système adapté pour faire en sorte que le dépistage soit intégré dans les pratiques plus courantes dans le système de santé et de services sociaux. Il y a plusieurs pièces qui peuvent, progressivement, dans cette période transitoire, prendre le relais, et donc on sera outillés, au lendemain du 31 décembre, pour ce faire. La même chose pour la vaccination. Sans doute qu'il y aura eu un paysage ajusté pour nous permettre de maintenir cette force vive là. D'ici là, il faut anticiper, mon collègue Dr Longtin le disait hier, qu'il y aura... qu'il est possible qu'il y ait une autre vague. En fait, c'est vraisemblable, c'est toujours comme ça que ça va se passer. Mais s'il y a une bonne charge qui a été cherchée, en ce moment, d'immunité et de vaccination, ça va nous permettre d'agir autrement.

L'autre chose, qui est très importante pour moi, c'est les autres projets qui sont sur la table, donc le... et ça, c'est ce que je crois, là, que les systèmes d'information et la capacité d'absorber l'information, de la voir en temps réel le plus possible, nous permettent d'avoir des routes agiles, rapides, réactives pour connaître l'état des lieux et agir pour vacciner, ou dépister, ou d'anticiper quelque chose qui arrive, que ce soit le coronavirus ou autre chose. D'ailleurs, on n'est pas à l'abri, d'abord, de d'autres variants puis de d'autres choses. Donc, le système va être prêt après.

M. Dubé : Donc, c'est notre responsabilité d'être sûrs qu'on a les mesures qui sont en place, parce que ça pourrait continuer après le 31 décembre, je pense qu'on en est tous conscients. Pendant que je vous ai, il y a eu quand même des développements intéressants sur un des outils, qui est le fameux médicament Paxlovid, et j'aimerais en profiter, là, parce qu'encore une fois les choses avancent bien. Qu'est-ce qui s'est passé, là, dans... Avez-vous senti peut-être, du côté de la population, peut-être une meilleure acceptation du médicament au cours des dernières semaines? Parce qu'on sait tous, maintenant, que le médicament est disponible en pharmacie sans prescription, comme tel. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus. Parce que vous m'en avez parlé, mais j'aimerais que les Québécois entendent un peu l'avancée de ça, en termes d'un outil supplémentaire pour ceux qui contracteraient le virus.

M. Boileau (Luc) : Le Paxlovid est un médicament... visiblement, une innovation qui peut être très utile. Tout le Canada est pris avec un problème de complexité pour offrir le Paxlovid et le rendre disponible rapidement aux personnes ou aux groupes qui en ont besoin, partout, mais le Québec a mis de l'avant le système qui risque d'être le meilleur sur la scène canadienne, j'oserais même dire, mondiale. Le fait d'avoir si rapidement permis de créer un consensus, qui a été couvert par les autorités gouvernementales, pour faire en sorte que les pharmaciens puissent évaluer les personnes avec les tests suffisants, la <connaissance suffisante...

M. Boileau (Luc) : ...les autorités gouvernementales, pour faire en sorte que les pharmaciens puissent évaluer les personnes avec les tests suffisants, la >connaissance suffisante et prescrire le Paxlovid et en assurer un suivi, parce qu'il y a une complexité de ce médicament-là, c'est un atout considérable. Il nous faut reconnaître que les gens, avec la montée du BA.2, et en particulier les personnes qui sont très vulnérables, il y a des critères justement de l'Institut national d'excellence en santé et services sociaux qui sont connus. Ces personnes-là se connaissent, elles savent que, si elles développent des symptômes, il faut qu'elles puissent agir rapidement. On a des médicaments, des anticorps monoclonaux, mais on a le Paxlovid qui se donne plus facilement, c'est par la bouche, puis on peut la voir en pharmacie. Et il y a des gens qui n'ont pas profité de la vaccination, au fil des deux dernières années, qui elles, lorsqu'elles se présentent avec ça, il faut qu'elles puissent aussi être aidées pour diminuer le risque de complications parce qu'elles n'ont pas le bénéfice...

M. Dubé : Mais avant, Dr Boileau, juste parce que vous, vous le savez, là, mais ce que je voulais peut-être faire ressortir, c'est que, jusqu'à cette annonce-là qui est effective depuis le 1er avril, c'est que les gens devaient avoir une prescription du médecin et ils devaient soit aller à l'hôpital ou avoir une prescription du médecin, ce qui rendait l'accès difficile parce qu'il y a la difficulté d'avoir... Alors, maintenant, c'est ça qui a changé depuis quelques jours, là. Puis vous avez vu une augmentation dans l'utilisation du médicament depuis ce temps-là?

M. Boileau (Luc) : Oui, une augmentation dans les demandes aussi, parce que les gens... c'est au pharmacien à faire l'évaluation, mais là les gens viennent à la porte, et puis ils le font par téléphone aussi, bien sûr, s'ils ont des symptômes, ils ne sont pas bien. Mais c'est le «game changer», excusez... le changement majeur, c'est le raccourci de l'accès...

Le Président (M. Provençal) :...M. Boileau, pour votre réponse.

M. Boileau (Luc) : Je finis comme ça, là. 

Le Président (M. Provençal) :Alors, merci, M. le ministre. Alors, je cède maintenant la parole au député de Nelligan pour la suite.

• (12 heures) •

M. Derraji : Merci, M. le Président. Je n'ai pas le même temps que M. le ministre, je n'ai pas le même temps. Je vais vous poser une question courte, si c'est possible d'avoir une réponse courte. Vous répondez quoi à quelqu'un qui vous dit : Même si on attrape la COVID, ça donne un rhume à peu près?

M. Boileau (Luc) : Bien, je lui dis, il est chanceux que ce soit juste ça, parce que, malheureusement, pour certains autres, ça peut être plus grave. Mais c'est vrai que, pour la majorité, ça s'apparente à un rhume, et on est chanceux parce qu'on a été vacciné. Mais pour d'autres, même si elles ont été vaccinées, elles peuvent développer une maladie grave, surtout si elles sont plus âgées. Mais la personne a raison parce que c'est très fréquemment comme ça, mais ça n'empêche pas que certains ont des risques.

M. Derraji : O.K. C'est-tu une déclaration responsable et irresponsable?

M. Boileau (Luc) : Pardon?

M. Derraji : Est-ce que c'est une déclaration responsable ou irresponsable?

M. Boileau (Luc) : Que je viens de faire?

M. Derraji : Non, non, que quelqu'un... non, non, mais pas vous...

Des voix : ...

M. Derraji : Non, non, non, mais pas vous. Si quelqu'un dit que, même si on l'attrape, ça donne un rhume à peu près, pensez-vous que c'est responsable ou irresponsable?

M. Boileau (Luc) : Bien, en tout cas, moi, je vais surtout vous dire que c'est vrai, parce que c'est vraiment le plus souvent comme ça grâce à la vaccination, alors c'est la réalité. Maintenant, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'autres choses qui peuvent arriver pour des gens qui ont plus de risques, mais c'est certainement la réalité et tant mieux.

M. Derraji : Donc, vous dites que c'est la réalité, c'est un rhume. Vous venez aujourd'hui demander des mesures exceptionnelles et vous demandez que la période de transition... qu'aujourd'hui les parlementaires vous donnent une période de transition jusqu'au 31 décembre 2022. Vous ne voyez pas une contradiction?

M. Boileau (Luc) : Non, pas du tout, parce qu'il y a quand même... ce n'est pas la totalité des personnes qui vont avoir une maladie mortelle, et tant mieux. Si nous n'avions pas la vaccination, nous aurions une situation catastrophique, ce serait épouvantable, là, vraiment, il ne faut pas imaginer ça. Alors, on a la chance d'avoir déjà beaucoup de personnes vaccinées, mais il faut maintenir cette immunité-là justement pour que les gens ne développent pas de maladies graves, et on a besoin de ces mesures de transition pour surveiller et vacciner.

M. Derraji : Mais, Dr Boileau, on a... vous l'avez très bien dit à plusieurs reprises, le ministre, le premier ministre, on a le plus haut taux de vaccination, presque, dans plusieurs nations. Vous vantez beaucoup de résultats qu'on a le plus haut taux de vaccination première dose, un peu moins deuxième, un peu moins la troisième dose. Vous venez de confirmer que la personne qui a déclaré : Même si on l'attrape, ça donne un rhume à peu près, qu'elle a raison et que c'est une déclaration responsable. En même temps, vous demandez aux parlementaires que vous avez besoin de mesures transitoires et de situations exceptionnelles parce que le virus est encore là, il est encore là. Mais je n'arrive pas à suivre. Si c'est un rhume, si c'est un rhume, vous venez de le confirmer, si c'est un rhume, pourquoi autant de mesures exceptionnelles? On a vécu...

M. Dubé : ...

Le Président (M. Provençal) :Non, M. le ministre. M. le ministre...

M. Derraji : Mais c'est sérieux. Mais, M. le Président, il n'a pas le droit...

Le Président (M. Provençal) :Non, M. le ministre.

M. Dubé : Je veux juste vous demander conseil, M. le Président...

M. Derraji : Mais, s'il vous plaît, M. le Président, il n'a pas le droit. M. le Président, il n'a pas le droit.

M. Dubé : M. le Président...

Le Président (M. Provençal) :S'il vous plaît!

M. Derraji : Il n'a pas le droit de m'interrompre...


 
 

12 h (version révisée)

M. Derraji : ...mais, s'il vous plaît, M. le Président, il n'a pas le droit...

M. Dubé : M. le Président...

M. Derraji : M. le Président, il n'a pas le droit...

Le Président (M. Provençal) :S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Derraji : ...il n'a pas le droit de m'interrompre, il n'a pas le droit de m'interrompre.

M. Dubé : Je voulais juste vous demander conseil pour essayer de bien comprendre...

Le Président (M. Provençal) :Non...

M. Dubé : ...si ce genre de question là peut être posée. C'est incroyable!

M. Derraji : Il n'a pas le droit de m'interrompre. Il n'a pas le droit de m'interrompre. Il n'a pas le droit de m'interrompre...

Le Président (M. Provençal) :M. le ministre, je m'excuse, c'est un échange entre le député de Nelligan...

M. Dubé : Je posais une question...

Le Président (M. Provençal) :...oui, et le Dr Boileau, et j'ai fixé... On avait arrêté votre temps pour ne pas...

M. Derraji : ...c'est difficile. Il n'a qu'à écouter les réponses du Dr Boileau. Dr Boileau, c'est très important, ce que vous êtes en train de dire. Je vous ai demandé... Il y a quelqu'un qui a déclaré : Même si on l'attrape, la COVID, ça donne un rhume, à peu près. Vous êtes d'accord. Vous m'avez même dit que c'est responsable comme déclaration. Cette déclaration vient du premier ministre du Québec, ça vient du premier ministre du Québec.

M. Dubé : ...

Le Président (M. Provençal) :M. le ministre, M. le ministre...

M. Derraji : Donc, ce que je vous dis, vous... M. le Président, je vous laisse gérer, parce que je n'ai pas intervenu.

Le Président (M. Provençal) :Oui, oui.

M. Dubé : ...

Le Président (M. Provençal) :Non, M. le ministre... M. le ministre, je suis obligé de vous demander de vous taire...

Des voix : ...

Le Président (M. Provençal) :M. le ministre...

Des voix : ...

Le Président (M. Provençal) :M. le ministre... M. le ministre, je m'excuse...

Des voix : ...

Le Président (M. Provençal) :M. le ministre, s'il vous plaît...

Des voix : ...

Le Président (M. Provençal) :S'il vous plaît!

Je vais suspendre la rencontre, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 12 h 05)

(Reprise à 12 h 07)

Le Président (M. Provençal) :Alors, nous reprenons nos travaux. Je veux spécifier qu'en aucun temps un ministre n'a le droit d'interrompre un parlementaire de l'opposition, lorsque ce dernier est en train de discuter et de faire un échange avec les gens qui sont présents. Alors, il sera souhaitable que ça ne se reproduise plus. M. le ministre, vous avez bien saisi mon message?

M. Dubé : ...M. le Président, merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) :Merci. Je vous demanderais votre collaboration, M. le ministre. Alors, M. le député de Nelligan, là, on recommence avec le temps qui vous est donné.

M. Derraji : Merci, M. le Président, de rappeler les bonnes façons de faire dans notre commission.

Dr Boileau, je vous ai posé une question très simple, je vous ai partagé une déclaration : «Même si on l'attrape, la COVID, ça donne un rhume, à peu près.» Vous avez dit que c'est la vérité, ça donne un rhume, pour plusieurs personnes. Ma question est très simple : Si c'est un rhume que ça donne à une bonne majorité, si c'est... grâce à la vaccination, on arrive à contrôler, pourquoi vous nous demandez des mesures exceptionnelles, aujourd'hui, pour continuer l'état d'urgence jusqu'au 31 décembre 2022?

M. Boileau (Luc) : <C'est bon?

Le Président (M. Provençal) : Oui...

M. Derraji : ...exceptionnelles, aujourd'hui, pour continuer l'état d'urgence jusqu'au 31 décembre 2022?

M. Boileau (Luc) : >C'est bon?

Le Président (M. Provençal) : Oui, allez-y.

M. Boileau (Luc) : Si je vous demande ça, c'est parce que, justement, on souhaiterait que, pour la grande majorité des gens, sinon on espérerait pour la totalité, ça ne soit qu'un rhume. Mais malheureusement, pour certains, ce n'est pas que ça. Alors, la réalité, c'est ça, c'est que, pour plusieurs, et il y a des milliers de personnes, il y en a... Écoutez, les données de CIRANO nous montrent que la semaine passée, on était entre 30 000 et 40 000 personnes par jour qui s'infectent et qui ont la COVID. Donc, si tout le monde se retrouvait dans les hôpitaux, au bout de 2 jours, on serait finis, là.

Alors, il faut justement s'assurer que, pour la majorité d'entre ces personnes, ça puisse se traduire comme un rhume, un rhume ou une petite grippe. Il y en a qui... ça va souffrir plus que ça, et certains vont se retrouver dans le contexte hospitalier, et d'autres pires que ça. Alors, les mesures transitoires sont là, justement, pour nous assurer qu'on puisse tenir cette route-là de santé publique pour protéger les gens et de leur permettre d'avoir accès à la vaccination, accès au dépistage, accès, comme système, à l'information pour pouvoir agir rapidement. Ça ne pourrait être autrement.

M. Derraji : Mais, Dr Boileau, Dr Boileau, je veux vraiment vous suivre. Vous êtes quelqu'un responsable, vous êtes à la tête de la Santé publique, mais vous savez très bien le poids des mots. Je ne vous apprends rien. Vous êtes docteur et vous comprendrez très, très bien le choix des mots. Je viens de vous poser une question très simple. Même si on l'attrape, ça donne un rhume, à peu près. Donc, pour une bonne majorité, c'est difficile de leur... accepter les mesures d'un état d'urgence. C'est ça que je vous dis. C'est que, si c'est un rhume, et vous le dites très bien qu'une bonne majorité ne vont pas avoir les complications nécessaires... D'ailleurs, il y a les médicaments et même pour les gens hospitalisés il y a un autre médicament. Je vous dis que, sur la place publique, le message que c'est un rhume, quand j'essaie de voir d'autres côtés, des pouvoirs que le gouvernement cherche, bien, c'est des mesures exceptionnelles. C'est un état d'urgence. C'est là où j'essaie de comprendre c'est quoi, la logique, derrière.

• (12 h 10) •

Le Président (M. Provençal) :Dr Boileau.

M. Boileau (Luc) : Écoutez, si... à moins que j'aie manqué quelque chose, mais il me semble que le projet de loi, c'est pour lever l'état d'urgence, ce n'est pas pour le maintenir. Et...

M. Derraji : Oui, oui, le premier article est levé, mais il y a cinq arrêtés que... je ne vous apprends rien. Le ministre vient de vous poser des questions. Nommez-moi...

M. Boivin (Luc) : Mais regardez les mesures qui sont...

M. Derraji : Oui, oui, juste... Il y a cinq arrêtés, il y a cinq arrêtés jusqu'au 31 décembre 2022. Cinq arrêtés. Vous avez vu, entendu la Fédération des infirmières, la semaine dernière, vous avez entendu l'APTS. En après-midi, il y a des spécialistes en droit qui vont le dire. Vous, vous venez de dire : Écoutez, pour la bonne majorité, c'est un rhume, mais en parallèle... c'est un rhume, mais je veux cinq arrêtés parce que, pour moi, la mesure transitoire, c'est important jusqu'à la fin de l'année.

M. Boileau (Luc) : C'est bon? Je peux répondre?

Le Président (M. Provençal) :Oui, allez-y.

M. Boileau (Luc) : Regardez, je ne sais pas comment le réexpliquer, là, mais je vais le dire comme ça : c'est un projet qui, à mon sens, trouve sa racine, d'abord, sur le fait qu'on enlève l'état d'urgence, puisqu'elle n'est plus nécessaire, pour aller de l'avant avec des mesures populationnelles qui sont d'envergure. Nous ne sommes pas à l'abri d'un nouveau virus qui pourrait se transformer ou d'un nouveau variant, mais pour l'instant nous ne le voyons pas à l'horizon. Mais on n'est pas à l'abri. On a vu l'Omicron arriver. Un.

Deux, dans le contexte du BA.2, même dans le contexte d'Omicron, mais maintenant dans un contexte du BA.2, c'est encore plus ça, nous avons besoin de pouvoir maintenir une efficacité des services de santé publique et du système de soins pour maintenir la vaccination de la population, son dépistage. Juste en ce moment, là, on donne la quatrième dose, pour un bon nombre, et on pourra probablement être obligés de le continuer...

M. Derraji : Mais moi, je vous comprends, je vous comprends.

M. Boileau (Luc) : Bon, bien, si vous comprenez, tant mieux, monsieur.

M. Derraji : Non, non, je vous comprends. Si je reviens à la question de départ, le choix des mots est important en santé publique, je ne vous apprends rien...

M. Boileau (Luc) : Bien, c'est pour ça que je choisis mes mots, là.

M. Derraji : Oui, oui, mais vous dites, vous dites : un rhume.

M. Boileau (Luc) : Non, monsieur...

Le Président (M. Provençal) :...s'il vous plaît.

M. Boileau (Luc) : Regardez, là, il y a une série de... Les gens, là, des fois, quand ils s'expriment en quelques mots... Moi, quand je vois un patient, là... quand je voyais, parce que je n'en vois pas en ce moment, là, à moins que... mais quand je voyais un patient, là, ce n'est pas en deux secondes. On est obligé de leur dire les mots. Puis d'ailleurs Boileau avait dit, il y a très longtemps : Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire viennent aisément. Mais il faut encore les dire. Alors, tout ça, ça fait en sorte qu'il y a des nuances, des fois, qu'on ne peut pas entièrement faire. Mais il est très juste, il est vrai que, pour la majorité des personnes, actuellement, sur la planète et au Québec, quand elles sont vaccinées comme elles le sont, le BA.2 s'exprime par une maladie moins sévère, et tant mieux.

M. Derraji : Excellent. Vivre avec le virus. Je vous ai entendu <parler...

M. Boileau (Luc) : ...et tant mieux.

M. Derraji : Excellent. Vivre avec le virus. Je vous ai entendu >parler des mesures : masques, réduire les contacts, chaque personne doit faire ce qu'il a à faire; je ne vous ai pas entendu parler de la qualité d'air. Est-ce que c'est : vivre avec le virus équivalant ne pas parler de la qualité d'air que ce gouvernement ne veut pas régler jusqu'à maintenant?

M. Boileau (Luc) : Spécifiquement au coronavirus ou...

M. Derraji : Je parle du coronavirus, oui, oui, le coronavirus, absolument, oui.

M. Boileau (Luc) : Parce que les enjeux de qualité d'air touchent plusieurs dimensions. Et, si on parle du coronavirus, la situation au Québec, elle n'est pas en péril, pour la question de la qualité de l'air. Il y a beaucoup d'efforts... D'abord, il y a beaucoup de mesures qui ont été prises de ce côté-là, si on parle des environnements intérieurs, évidemment, là.

M. Derraji : Les milieux clos.

M. Boileau (Luc) : Les milieux clos, c'est ça.

M. Derraji : Donc, vous ne partagez pas... (panne de son) ...sur la qualité de l'air sur les milieux clos...

M. Boileau (Luc) : Je n'ai...

M. Derraji : ...la Scientifique en chef, le rapport qu'elle a fait, qu'elle a envoyé à toutes les provinces pour agir sur la qualité de l'air dans les milieux clos, y compris les écoles?

M. Boileau (Luc) : Mais c'est ce qu'on fait. Alors, je partage certainement le fait qu'il faut tenir compte de ça parce que c'est une variable qui est importante, mais c'est ce qui est fait. Alors, s'il n'y avait rien qui était fait, je serais inquiet, mais ce n'est pas ça, c'est ce qui est fait. Et on nous demande souvent notre concours pour pouvoir analyser les situations et encourager, justement, la validation de plusieurs situations qui peuvent apparaître à risque, mais c'est ce qui est fait.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup pour cette réponse. Nous allons maintenant passer à la suite des échanges avec le député de Rosemont.

M. Marissal : J'ai combien de temps, M. le...

Le Président (M. Provençal) :2 min 37 s.

M. Marissal : O.K., merci. Bonjour, Dr Boileau. Je ne m'éterniserai pas, là, dans les salutations. Moi, j'ai un petit malaise, ici, là, je dois vous le dire en toute honnêteté, là. Il me semble qu'on est en plein mélange des genres. D'habitude, ici, on entend des témoins. Au bout de la table, il y a des témoins. Là, vous agissez, me semble-t-il, en promoteur de ce projet de loi là. Quel a été votre rôle dans la rédaction du projet de loi n° 28?

M. Boileau (Luc) : Est-ce que je peux répondre?

M. Marissal : Bien sûr, rapidement.

M. Boileau (Luc) : Mon rôle, ça a été celui de dire : Si nous enlevons les leviers que nous avons à notre disposition, nous prenons des risques. Et j'ai essayé de calibrer les risques par rapport à cela et de dire : Si nous n'avons pas ces mesures-là, nous ne serons pas capables de tenir la route, en toute vraisemblance, pour assurer une sécurité quant à la protection de la population, devant le coronavirus. C'est spécifique au coronavirus. C'est ce que j'ai dit, c'est ce que j'ai manifesté quand les gens ont dit : On est prêts à lever les mesures sanitaires. J'ai regardé les conséquences de ça et j'ai avisé, dans les échanges qui nous ont été permis d'avoir, qu'il nous faut maintenir les éléments que vous avez sur la table.

M. Marissal : Mais, comprenez-moi bien, ce n'est pas que c'est désagréable de vous voir, au contraire, là, moi, je suis de ceux, parfois, qui demandent votre présence en commission parlementaire pour parler de votre travail puis parler de la pandémie, mais pas pour parler d'un projet de loi. Les gens qui défendent le projet de loi sont de l'autre côté, là, puis c'est correct, c'est leur job. Puis, quand le ministre ou les ministres ont besoin, ils amènent des fonctionnaires puis des juristes. Là, moi, je suis devant un mélange des genres, parce que vous, vous défendez... Quand mon collègue de Nelligan vous a demandé : Pourquoi vous demandez ça?, vous avez répondu : Je demande ça parce que... Vous n'êtes pas dans l'explication scientifique d'une situation pandémique, là, vous défendez bec et ongles un projet de loi. Vous ne vous sentez pas un peu instrumentalisé par le politique? Ou, à moins que ce soit le contraire, vous poussez le politique?

M. Boileau (Luc) : Est-ce que je peux répondre?

M. Marissal : Oui, je vous en prie.

M. Boileau (Luc) : Je ne me sens pas instrumentalisé, je me sens assez libre et indépendant, vous le savez, vous m'avez souvent entendu dire cela. Mais je vais juste remettre ça sur la table comme il faut, avec la clarté que vous exigez puis qui est tout à fait légitime.

Moi, je comprends que le levier qui est à ma disposition, comme directeur national de santé publique, s'apparente à ce qu'on va retrouver dans le projet de loi. Ce qui m'importe, et vous avez raison là-dessus... ce qui m'importe, c'est que nous puissions maintenir ces activités-là. Et, s'il y a moyen de les maintenir différemment, tant mieux, mais je n'en vois aucun. Puis je connais assez... ça fait 40 ans, là, que je suis dans le système de santé et de services sociaux, j'ai eu l'occasion de regarder ça sous différents angles, et la manière pour maintenir la mobilisation requise, en ce moment, trouvez-là, mais moi, je la vois comme essentielle dans cela. Et ça, on a une inquiétude, dans le domaine de la santé publique, si on devait se... perdre ces moyens-là, nous serions vraiment mal pris.

Le Président (M. Provençal) : Nous allons maintenant céder la parole au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci beaucoup, M. le Président. Moi aussi, j'ai peu de temps, je vais aller droit au but. Merci d'être là, M. Boileau. J'aimerais savoir, c'est la <question...

M. Arseneau : ... temps, je vais aller droit au but. Merci d'être là, M. Boileau. J'aimerais savoir, c'est la >question que plusieurs se posent : Qu'est-ce qui distingue le Québec des autres juridictions pour nécessiter le maintien de plusieurs décrets et de règles, alors qu'ailleurs on semble pouvoir faire face et vivre avec le virus sans ces instruments extraordinaires que vous demandez et que le gouvernement demande?

M. Boileau (Luc) : Je pense que je n'ai pas... pour être franc, je n'ai pas fait le tour des autres juridictions sur ces aspects-là. Je regarde ce que nous, nous avons besoin dans notre propre contexte, avec les leviers et les caractéristiques de notre système de santé, et de services sociaux, et de santé publique, et cette analyse-là fait en sorte qu'on réclame le maintien de ces gestes-là au quotidien, de dépistage et de vaccination.

M. Arseneau : Et ça, c'est nécessaire pour maintenant, c'est nécessaire jusqu'en décembre? Qu'est-ce qui vous donne à penser que ce ne sera pas nécessaire en janvier 2023?

M. Boileau (Luc) : Parce que sur la table, en même temps, dans la progression de la gestion de ce système-là, on a confiance que des éléments de redimension de ces capacités de dépistage et de vaccination vont pouvoir avoir lieu. Donc, c'est une période de transition, c'est une période qu'on a besoin, de quelques... plusieurs mois, encore, pour pouvoir s'assurer de faire cela. Et on est pas mal en route pour faire en sorte que ça fonctionne bien d'ici la fin du mois de décembre, d'une part. Mais d'autre part, c'est que, pour cette période-ci, il y a tout de même des risques encore. Vous voyez la sixième vague, je ne veux pas annoncer une septième, là, mais on a des appréhensions sur...

• (18 h 20) •

M. Arseneau : Bien, justement, parce qu'on ne peut pas annoncer une septième mais qu'on devine qu'il pourrait y en avoir une sous toutes sortes de formes ou que le virus va encore muter, ça semble assez évident, pourquoi décembre? Parce que, ces pouvoirs-là, vous ne les aurez pas davantage une fois que la loi s'éteint.

M. Boileau (Luc) : Non, mais moi, ce n'est pas les pouvoirs comme les moyens, c'est les moyens de vacciner, les moyens de dépister...

M. Arseneau : D'accord. Dépister. J'ai une dernière question : Pourquoi on ne rétablit pas le dépistage PCR, alors que les tests rapides dépistent tardivement? C'est prouvé, le BA.2 déjoue les tests antigéniques. Pourquoi... pourquoi on ne rétablit pas ça à grande échelle?

M. Boileau (Luc) : C'est une question qui est très bonne, que nous nous posons régulièrement et que...

M. Arseneau : Est-ce que c'est une question financière?

M. Boileau (Luc) : Non.

M. Arseneau : Est-ce que c'est une question d'accès aux petits tubes ou aux réactifs?

M. Boileau (Luc) : Non, non, c'est vraiment une question de... Je vais répondre à votre question. Les tests PCR sont d'une grande utilité, bien sûr. On est capables de suivre des groupes et des populations pour faire en sorte que nous puissions agir avec rapidité. On ajoute un groupe, qui sont les personnes qui ont besoin de Paxlovid, on le rajoute, là, c'est fait. Alors, ce sont des tests qu'on ne devrait pas multiplier. L'utilité d'un test rapide qui se présente différemment, vous avez raison, là, ce n'est pas la même sensibilité...

M. Arseneau : Mais les gens, actuellement, se promènent alors qu'ils sont testés...

Le Président (M. Provençal) :Merci...Je m'excuse, M. le député...

M. Arseneau : ...négatifs qui sont porteurs.

Le Président (M. Provençal) :Je dois céder la parole à la députée d'Iberville.

Mme Samson : Merci, M. le Président. Bonjour, Dr Boileau.

M. Boileau (Luc) : Bonjour.

Mme Samson : Dr Boileau, êtes-vous d'accord avec moi que ni les Québécois, ni les Suédois, ni les Chinois, aucun peuple sur la Terre n'est à l'abri d'un nouveau virus, que ce soit le coronavirus, le sida ou une autre bibitte qui pourrait se jeter sur nous parce que quelqu'un, dans le monde, a fait quelque chose de pas correct? Donc, il n'y a personne qui est à l'abri d'une nouvelle pandémie?

M. Boileau (Luc) : Oui.

Mme Samson : Celle-là, on l'a connue, c'est la seule qu'en tout cas moi, j'espère que j'aurai connue de mon vivant. Mais il pourrait y en avoir d'autres de d'autres types, de d'autres genres?

M. Boileau (Luc) : Oui. Mais mettons qu'on est capables de voir ça arriver, là. Le coronavirus, on ne pouvait pas le voir immédiatement arriver, lorsqu'il est arrivé, mais avec la connaissance qu'on a, on est capables de faire suivre... de suivre ça très, très bien.

Mme Samson : O.K. Et êtes-vous d'accord avec moi si je dis que... et c'est le rôle d'un gouvernement responsable de s'assurer qu'en tout risque de pandémie ses infrastructures puis ses installations sont habilitées à réagir rapidement et convenablement? Ça, c'est la job d'un gouvernement, puis d'un ministère de la Santé, puis des officiers de la Santé, puis des docteurs?

M. Boileau (Luc) : Je pense que c'est ce qu'on comprend puis c'est ce qu'on fait.

Mme Samson : O.K. Moi, j'aimerais qu'on m'explique qu'est-ce qui empêche le gouvernement actuel de se préparer à une pandémie qui pourrait... ou un virus qui pourrait nous tomber dessus le 6 janvier prochain, si ce projet de loi là n'est pas adopté? Je ne vois pas qu'est-ce qui empêche un gouvernement responsable de se doter des infrastructures, de négocier avec les corps de... les syndicats pour s'assurer d'avoir toute la flexibilité, dans l'éventualité où il devait... Parce que le gouvernement pourrait toujours déclarer un nouvel état d'urgence sanitaire, c'est dans ses options. Alors, je ne vois pas qu'est-ce que ce <projet de loi là...

Mme Samson : ... d'urgence sanitaire, c'est dans ses options. Alors, je ne vois pas qu'est-ce que ce >projet de loi là, s'il n'est pas adopté... Puis je pense qu'il ne devrait pas être adopté, à part le premier article, dans mon livre à moi, ça n'a pas de bon sens. Qu'est-ce qui l'empêche de se préparer à une autre pandémie en janvier ou en février prochain? Je ne vois le pas qu'est-ce qui l'empêche.

Le Président (M. Provençal) :Vous avez 10 secondes pour répondre.

M. Boileau (Luc) : Bien, c'est parce qu'il y a deux choses. Il y a une nouvelle... il y a des mesures exceptionnelles qui pourraient être prises si on avait quelque chose de complètement dramatique qui se passait. Puis la deuxième, c'est que, si on arrête tout ça en ce moment, on va aller vers des risques énormes puis on va tuer du monde. Ça fait que, donc, il faut quand même être réalistes, là, il faut... Moi, je pense que... Là, je veux bien, là, mais, si on n'est pas capables de maintenir une immunité dans la population et de vacciner nos gens, là, c'est une affaire qui va nous rendre exceptionnels sur la planète, puis pas à peu près.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup de vos réponses, Dr Boileau.

Alors, nous allons suspendre les travaux pour faire place au prochain groupe. Merci beaucoup de votre collaboration puis de votre contribution.

(Suspension de la séance à 12 h 25)

(Reprise à 12 h 28)

Le Président (M. Provençal) :Nous poursuivons maintenant avec un nouveau groupe. Je souhaite la bienvenue à Mme Julie Labbé, présidente-directrice générale du CIUSSS du Saguenay—Lac-Saint-Jean, M. Guy Thibodeau, président-directeur général, CIUSSS de la Capitale-Nationale, et M. Jean-François Fortin Verreault, président-directeur général du CIUSSS de l'Île-de-Montréal. Je vous informe que vous disposez de 10 minutes, et par la suite nous aurons nos échanges. Je vous cède la parole.

Mme Labbé (Julie) : Alors, bonjour, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Donc, vous m'avez présentée, Julie Labbé, P.D.G. du CIUSSS—Saguenay—Lac-Saint-Jean, accompagnée de mes collègues, M. Thibodeau et M. Fortin Verreault.

D'abord, je tiens à vous remercier, au nom de tous mes collègues du réseau de la santé et des services sociaux, de nous offrir cette opportunité aujourd'hui. Vous savez, depuis mars 2020, nos vies à tous ont été chamboulées. Comme vous le savez, notre réseau subissait déjà <une forte...

Mme Labbé (Julie) : ... nos vies à tous ont été chamboulées. Comme vous le savez, notre réseau subissait déjà >une forte pression qui n'a pu que s'accentuer durant ces deux dernières années. Un contexte d'une ampleur jamais vue commandait sans aucun doute des mesures exceptionnelles, des moyens inhabituels. Cela s'est avéré être un défi logistique majeur avec des impacts humains sans précédent.

Nous sommes ici aujourd'hui afin de vous partager comment cela s'est traduit sur le terrain, entre nos murs, ce que nous avons véritablement vécu ces dernières années, alors que nous devions soutenir nos équipes qui étaient au front, au front pour notre population, pour nos personnes vulnérables, pour nos tout petits, dans l'espoir de pouvoir retrouver une forme d'équilibre social pour notre santé mentale, parce que l'homme est grégaire, parce qu'il a besoin de sa communauté, particulièrement en période de crise.

Les différentes mesures exceptionnelles mises en oeuvre dans le cadre de l'état d'urgence, les deux dernières années, ont permis à notre réseau d'intégrer plus d'agilité et d'utiliser des leviers de gestion importants afin de protéger notre population et de maintenir un certain niveau de soins et de services à la population québécoise.

Bien évidemment, nous sommes conscients de la nécessité à ce qu'on apprenne à vivre avec le virus, au cours des années à venir. Cette volonté nous commande d'apprendre à nous gouverner sans mécanismes de gestion exceptionnels, et je tiens d'entrée de jeu à vous rassurer, nous sommes déjà, depuis plusieurs mois, dans une dynamique de transition vers nos opérations courantes.

• (12 h 30) •

Dans le contexte de l'urgence sanitaire, c'est l'ensemble de nos façons de faire qui ont dû être revues dans de très courts laps de temps. L'une des grandes richesses du réseau de la santé et des services sociaux est son capital humain, porté par des gens passionnés qui se sont montrés extrêmement engagés et résilients dans cette lutte. En mon nom et en celui de mes collègues, je profite de l'occasion pour réitérer toute ma reconnaissance à l'égard du personnel de toutes catégories confondues de la santé et des services sociaux, des médecins, des gestionnaires, des partenaires.

Dès la première vague et de façon de plus en plus soutenue par la suite, nos équipes ont également été déployées dans les résidences privées pour aînés, des ressources intermédiaires, afin d'assurer la sécurité des aînés. Elles ont agi comme agents de prévention, aides de services. Elles ont également soutenu le personnel soignant sur place lors du rehaussement des mesures de prévention et de contrôle des infections et ont dispensé de la formation aux proches aidants.

Le réseau de la santé des services sociaux était fragilisé, la pression était bien réelle avant la pandémie, mais elle s'est accentuée. 754, c'est le chiffre que nous vous invitons à retenir. 754, aujourd'hui, c'est le nombre exact de jours que nos équipes cumulent depuis le début de la pandémie, et malheureusement ce n'est pas terminé, et ça ne le sera pas tant et aussi longtemps que nous devrons prendre en charge des vagues d'une certaine ampleur et les besoins d'une population vieillissante qui a des besoins de soins et de services.

La disponibilité de la main-d'œuvre est un enjeu incontournable. Dans certaines régions, comme la mienne, la problématique est d'ailleurs amplifiée par le vieillissement accéléré de sa population, qui est en avance de 10 ans par rapport à l'ensemble de la province. Nous nous devons de répondre aux besoins populationnels en contexte de pandémie et de déployer les actions nécessaires afin que les services essentiels soient maintenus pour notre population.

Les leviers rendus accessibles par les arrêtés ministériels ont contribué, que ce soit par le réaménagement dans l'organisation du travail, par différents incitatifs au volontariat, par l'arrivée massive de renforts exerçant d'autres professions, à continuer de protéger et desservir la population en matière de soins de santé. Les primes et les incitatifs financiers ont effectivement favorisé le volontariat, qui permet d'absorber une demande amplifiée par la pandémie, mais ce qu'il faut surtout retenir, c'est que ces incitatifs représentent un gage de reconnaissance envers leurs efforts soutenus.

En ce qui a trait à Je contribue, la plateforme Je contribue s'est avérée un atout précieux dès les premiers jours. Nous avons été aux premières loges pour témoigner de l'esprit de coopération et la solidarité de notre population qui s'est levée pour soutenir les équipes offrant et protéger notre communauté.

En plus de cette mobilisation historique, les processus d'embauche ont été allégés en les rendant davantage flexibles, rapides et ouverts concernant les différents champs d'expertise. Aussi, les décrets, en regard des actes réservés à certaines professions, ont évidemment contribué à ce que nous puissions revoir la manière d'orchestrer les soins et services et miser sur le plein potentiel de chaque individu.

Il ne faut surtout pas passer sous silence un retour colossal d'employés retraités du réseau, qui ont repris les armes pour se joindre à cette force collective. Leur savoir-être, leur expérience et leur grand dévouement ont fait une différence notable. L'impact de l'arrivée de tous ces renforts est significatif, et il faut maintenant s'assurer de le rendre pérenne. Nous avons déjà commencé en revoyant et en intégrant de nouvelles façons de faire.

La société québécoise, pour lutter collectivement contre la COVID-19, s'est engagée dès le début dans l'importante campagne de dépistage menée depuis maintenant deux années. Elle s'est également mobilisée massivement dans la campagne de vaccination... indispensable dans la lutte que nous poursuivons ensemble contre la COVID-19.

La rapidité de mobilisation de personnel ainsi que de l'ensemble des ressources matérielles nous a permis de mener de front ces deux campagnes auprès du plus grand nombre en très peu de temps et à travers le déploiement de grands sites tels que le Stade olympique, à Montréal, ou des sites en proximité, comme il y a au Saguenay—Lac-Saint-Jean. Les activités de vaccination sont ici une preuve de l'agilité dont ont fait preuve nos organisations. Pensons...


 
 

12 h 30 (version révisée)

Mme Labbé (Julie) : ...de vaccination sont aussi une preuve de l'agilité dont fait preuve nos organisations. Pensons au Vaccin-O-Bus qui a circulé dans les quartiers, villes et événements de la capitale nationale. Les décrets ont également permis la mobilisation de plusieurs types d'emploi afin de pouvoir protéger nos populations. Le décloisonnement de certains actes a permis de lancer un appel à la collaboration envers d'autres professionnels de santé de différents horizons, qui ont rapidement levé leurs mains pour venir en renfort. Le déploiement de nos services au plus proche de l'ensemble de la population a été au cœur de nos activités de dépistage et de vaccination. Offrir un service en santé et services sociaux à l'ensemble des Québécoises et des Québécois, le principe même d'un réseau véritable au service des gens.

La télésanté facilitée dans le cadre de l'état d'urgence est un exemple de l'agilité et de la créativité dont les équipes de nos établissements ont fait preuve au cours des dernières années. Les soins virtuels ont démontré leur complémentarité aux services réguliers ainsi que des bénéfices importants à la population qui, de par leur condition ou éloignement, pouvait difficilement se déplacer dans nos installations. Il s'agit d'une avancée notable dont les avantages sont réellement significatifs pour la population. Annoncé dans le plan santé, le déploiement plus large de la télémédecine sera un élément important pour les prochaines années. Les mesures transitoires prévues dans le projet de loi n° 28 permettront donc de poursuivre encore le développement de la télémédecine tout en intégrant et consolidant dans nos différentes trajectoires régulières déjà en place.

Enfin, en ce qui concerne les dispositions légales entourant la gestion et l'attribution des contrats, il s'agit d'un autre exemple d'arrêtés que nous avons appliqué avec grande vigilance afin d'assurer une saine transition pour une sortie de ces circonstances exceptionnelles. Les contrats octroyés de gré à gré qui perdurent à ce jour correspondent principalement aux baux de location pour l'entreposage et les sites de vaccination. Nous voyons présentement à stabiliser, à régulariser ces ententes. À l'heure actuelle, au vu d'une certaine instabilité qui continue de se projeter, il pourrait être périlleux et plus coûteux pour la population de mettre un terme à ses contrats dans l'immédiat. Il est nécessaire de maintenir des mesures temporaires pour permettre une transition harmonieuse. Le projet de loi n° 28 préparé prévoit le maintien de certaines mesures pour nous assurer de l'agilité logistique essentielle à la transition vers la reprise des activités régulières et l'intégration progressive des activités spécifiques à la COVID à travers nos opérations courantes. Cette intégration doit se faire de manière graduelle, transitoire, au fur et à mesure de la diminution d'intensité des différentes vagues.

En conclusion, les leviers que nous a donnés le gouvernement étaient des mesures temporaires pour répondre aux besoins criants de la crise. Nous sommes conscients que ces exceptions doivent, dès que possible, faire place à une gestion opérationnelle régulière. C'est d'ailleurs ce que nous avons commencé à faire. Nous avons certainement aussi hâte que vous de reprendre nos opérations courantes, de cesser le délestage, de reprendre nos efforts afin de développer et d'améliorer l'accessibilité de nos soins et de nos services. C'est d'ailleurs notre rôle à titre de P.D.G. d'un établissement de santé et de services sociaux.

Ce projet de loi nous offre de précieux moyens d'agir de manière responsable et prudente, pour la santé des Québécoises et des Québécois. Malheureusement, le virus est encore présent. Bien que l'avenir semble encourageant, nous ne savons pas encore parfaitement à quoi nous devrons faire face cet automne et au cours des mois à venir. Malgré les réussites vécues, les troupes sont essoufflées, et la bataille n'est pas terminée. Notre réseau, tout comme les personnes qui les composent, est résilient et fort, mais il est ébranlé. En sachant que ces mesures nous ont malgré tout aidés à sauver des vies humaines, la question ne se pose pas. Nous ne pouvons qu'être reconnaissants d'avoir pu compter sur des leviers de gestion supplémentaires pour affronter cette crise sanitaire. Rappelons que l'objectif premier de ces mesures est de protéger notre population. Aussi, M. le Président, nous vous remercions encore de cette invitation, et nous serons prêts à recevoir les questions.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, Mme Labbé. Écoutez, vous avez lu votre présentation, les députés de l'opposition apprécieraient pouvoir recevoir ce texte-là pour pouvoir mieux participer à l'échange. Alors, est-ce que ce serait possible de le faire parvenir immédiatement au secrétariat de la commission, s'il vous plaît?

Mme Labbé (Julie) : Avec plaisir.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Ceci étant dit, je vais céder maintenant la parole à M. le ministre pour votre échange.

M. Dubé : Très bien. Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais, premièrement, Mme Labbé, vous remercier pour votre intervention, mais j'aimerais aussi prendre juste une minute pour vous remercier, vous, ce que vous représentez avec vos deux autres collègues. Vous, vous êtes de la région du Saguenay, M. Thibodeau, de la Capitale-Nationale, et M. Fortin Verreault, du CIUSSS de l'Est-de-l'Île-de-Montréal. Je pense que vous représentez très bien trois régions du Québec qui ont eu à travailler avec la COVID au cours des dernières années. Puis j'en profite pour vous remercier au nom des Québécois, parce que, souvent, les Québécois voyaient des points de presse du premier ministre, voyaient des... ce qui se lisait dans les journaux, mais les gens qui travaillent sur le terrain, c'est vos équipes, c'est vous, pendant deux ans, et vous l'avez bien dit, puis je pense que c'est important qu'on ait ce forum-là aujourd'hui pour en profiter pour vous <remercier...

M. Dubé : ...vous l'avez bien dit, puis je pense que c'est important qu'on ait ce forum-là aujourd'hui pour en profiter pour vous >remercier, vous et vos équipes qui travaillez souvent dans l'ombre. Alors, j'en profite pour vous dire un grand merci pour tout ce que vous avez fait, puis pas toujours dans des conditions faciles. Alors, je voulais vous le mentionner.

Deuxièmement, vous avez parlé de l'importance des contrats, parce que c'est un des cinq arrêtés qui va rester dans le projet de loi. Et on s'était fait demander, la semaine dernière, entre autres, par les députés de l'opposition, mais aussi par, entre autres, le Barreau, de donner plus d'information sur les contrats. Et j'en profite, parce que vu que j'ai le droit de parole présentement, peut-être pour faire deux précisions, M. le Président, puis après ça, on pourra... Les gens vont mieux comprendre, je pense, la question de la transition du temps des contrats dont on parlait ou dont Mme Labbé parlait dans sa présentation.

Il y a eu, effectivement, là, le chiffre qu'il faut retenir, c'est pour à peu près 5 milliards de contrats de gré à gré au cours des deux dernières années, là, à peu près 4 milliards jusqu'à l'exercice 2021, et, jusqu'à l'exercice 2022, c'est à peu près 5 milliards. De ces 5 milliards de contrats là, qui sont pour les EPI, des équipements de protection, des... il reste seulement pour 37 millions de contrats qui vont devoir être renouvelés pour la vaccination et le dépistage jusqu'au 31 décembre 2022, donc 37 millions de contrats sur 5 milliards. Il va rester 75 millions de contrats, encore une fois, sur 5 milliards pour la question d'entreposage qui est pour cinq ans.

Alors, ce que vient de dire Mme Labbé, je veux juste le mettre en contexte, là, donc 5 milliards de contrats qui ont été négociés durant deux ans. Et ce que le projet de loi de demande, c'est de garder pour 37 millions de contrats pour le dépistage et la vaccination jusqu'au 31 décembre et pour 75 millions de contrats pour l'entreposage. En termes simples, là, si on prenait 5 000 $ de contrats, on dirait : C'est 37 $ qui restent pour la vaccination puis 75 $ pour l'entreposage sur cinq ans. Ce qui veut dire qu'il y a eu environ 4 000 contrats et il en resterait 265 qui sont renouvelés, justement, pour être efficace, un peu ce que Mme Labbé vient de dire.

• (12 h 40) •

Puis ça, je pense que c'est important de le mentionner, parce que c'est un point qui a été soulevé souvent par l'opposition. On s'est engagé, puis je me suis engagé, la semaine dernière, lors des premiers événements, la première commission, de dire, M. le Président : On ira plus loin que ce qui est demandé par le rapport. Le rapport ne demande pas toute cette information-là, alors je trouvais important, au moment où c'est soulevé par les P.D.G., de pouvoir donner cette information-là, qui sera disponible lorsqu'on aura le...

Maintenant, j'aimerais Mme Labbé ou peut-être de vous, puis ça peut être au niveau de la Capitale-Nationale, parce que je sais qu'il y a beaucoup de contrats qui étaient faits par le CHUQ à Québec, d'expliquer aux gens pourquoi c'était important de fonctionner de gré à gré. Puis je ne sais pas lequel de vous trois peut peut-être répondre à cette question-là. Mais cette agilité-là, au moment... Puis là je pense, entre autres, à l'achat de ce qu'on appelle des EPI, là, des équipements de protection individuelle. Comment, pour vous, c'était important d'avoir cette flexibilité-là lorsqu'on était en plein milieu de la crise? J'aimerais ça que vous preniez quelques minutes pour nous expliquer ça, mais surtout de l'expliquer aux Québécois. Et après, bien, on expliquera pourquoi qu'on veut prolonger quelques-uns de ces contrats-là pour une période déterminée. Je ne sais pas qui veut répondre, oui.

Mme Labbé (Julie) : Je pourrais peut-être me lancer, M. le ministre. Alors, pour la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean, là, pour la première vague, évidemment, là, on a eu à porter des contrats gré à gré très rapidement pour répondre aux besoins, donc surtout concernant les équipements de protection individuelle. Pour la région au total, c'est environ une soixantaine de contrats qui ont été donnés, de l'ordre de 27 millions. Évidemment, après la première vague, pour notre région, nous nous sommes assurés d'avoir une gestion très rigoureuse. Donc, même si nous avions la possibilité d'être gré à gré, la façon dont on a fonctionné pour les vagues subséquentes, c'est que nous nous sommes assuré d'appeler cinq, six fournisseurs, ou du moins les fournisseurs concernés par nos besoins, pour leur permettre de venir soumissionner. Donc, on s'est assuré de façon rigoureuse de le faire, et ce, à chacune des vagues.

Là où on a demandé aussi de la flexibilité par rapport au gré à gré, c'est pour nos baux de vaccination. Nous avons sept sites de vaccination fixes pour répondre aux besoins de l'ensemble de la population sur un très vaste territoire. Donc, c'est important de garder ces baux encore <actifs...

Mme Labbé (Julie) : ...fixes pour répondre aux besoins de l'ensemble de la population sur un très vaste territoire. Donc, c'est important de garder ces baux encore >actifs, qui représentent, puis c'est les derniers, un 500 000 $ pour notre région. Et on doit le poursuivre, en ce sens qu'on ne sait pas quelle va être la situation épidémiologique pour les prochains mois à venir. On nous demande de se préparer à une vaccination massive pour l'automne, et ce sera évidemment à suivre. Donc, c'est comme ça qu'on a fonctionné pour notre région.

M. Dubé : Parce que je vais manquer de temps, puis je veux profiter du temps que j'ai avec vous, est-ce que c'est sensiblement la même réponse pour Montréal et Québec, en termes de proportion?

M. Fortin Verreault (Jean-François) : Je peux y aller. Oui, effectivement, nous, c'est le même type, là. Et évidemment le plus gros contrat a été fait avec le Stade olympique pour la vaccination, où il y a eu plus de 1 million de doses qui ont été données. On a aussi été dans une logique de prix de marché, je vais vous donner un exemple, les agents de sécurité, les préposés à l'hygiène salubrité en main-d'oeuvre indépendante, c'était sur la base des tarifs normés prévus aux appels d'offres là, là, du Centre d'acquisitions gouvernementales. Donc, est-ce que les Québécois en ont eu pour leur argent puis est-ce qu'on a été soucieux, là, d'utiliser ça de façon parcimonieuse? La réponse, c'est oui. On n'avait pas l'occasion de le faire dans un appel d'offres standard, parce que le besoin de main-d'oeuvre était extrêmement rapide, là. On l'a vu lors de la dernière vague, la rapidité fulgurante dans laquelle on a dû se réorganiser, là.

M. Dubé : Peut-être, M. Thibodeau.

M. Thibodeau (Guy) : Oui, c'est la même chose pour nous, M. le ministre, là. Dans le fond, à chaque fois qu'on pouvait faire un contrat de façon régulière, on le faisait. Il faut voir qu'un appel d'offres régulier, c'est minimalement 8 semaines de publication, tout ça, donc c'est beaucoup de délais avec la capacité puis la rapidité avec laquelle on devait réagir, donc... Mais nous, on a respecté tous les paramètres aussi, demandé plusieurs soumissionnaires, quand même utilisé, là, le levier qu'on avait de façon diligente. Actuellement, là, c'est 17 % de nos contrats, nous, qui ont été donnés en mode gré à gré sur l'ensemble, là, des contrats de l'établissement, là. Et il y en aura quelques-uns qui... évidemment, tout ce qui est vaccination, dépistage et entreposage.

M. Dubé : Merci, M. Thibodeau. Une des... Puis je vais vous pouvez poser la question à vous trois, là, vous déciderez qui peut répondre. Une des mesures transitoires qu'on trouve importantes, c'est d'être capable de prolonger la contribution de ceux qui sont par Je contribue. Qu'est-ce qui arrive, demain matin, si on lève l'urgence sanitaire puis on n'a pas cette mesure transitoire là, qu'est-ce qui arrive dans vos trois régions?

M. Thibodeau (Guy) : Je peux vous répondre, si vous le souhaitez, M. le ministre et M. le Président, mais nous, Je contribue, dans la Capitale-Nationale, depuis le début, c'est plus de 6 500 personnes qui sont venues nous aider aux activités de vaccination, aux activités de dépistage et aux enquêtes de santé publique, là. Donc, ça a permis évidemment au personnel régulier de l'organisation de faire le maintien de services. Il y a eu quand même beaucoup d'enjeux, mais c'est très clair qu'en termes de capacité de réaction on a besoin d'avoir accès encore temporairement à cette main-d'oeuvre-là pour être capable de réagir rapidement selon l'évolution de la situation, là.

M. Dubé : Mais, M. Thibodeau, là, je veux juste être clair, quand je vous dis : Qu'est-ce qui arrive, demain matin, si on lève les mesures d'urgence puis qu'on n'a pas les mesures transitoires de Je contribue, est-ce que ces 6 000 personnes-là peuvent continuer à travailler pour vous?

M. Thibodeau (Guy) : Non, on ne sera plus capables d'avoir accès à ces personnes-là qui sont hyper utiles pour le réseau, donc, inévitablement, on va devoir faire des choix très difficiles au niveau de l'offre de service régulière et les soins spécifiques à la pandémie, là. Donc, non, si on enlève le levier, on n'aura plus accès à ces personnes-là qui contribuent, le terme est bon, et c'est clair qu'on ne pourra pas faire face aux demandes, là, en lien avec l'urgence sanitaire, là, qui ne sera plus une urgence sanitaire, mais en lien avec les demandes quand même d'évolution de la pandémie,

M. Dubé : Puis, peut-être, juste rapidement, Mme Labbé ou M. Fortin Verreault, le nombre de personnes qui sont par Je contribue dans vos deux régions, s'il vous plaît. 

Mme Labbé (Julie) : Oui, pour nous, c'est 1 500 personnes, là, qui... desquelles on serait privé d'avoir de leur contribution pour nos centres de dépistage et pour la vaccination.

M. Fortin Verreault (Jean-François) : De notre côté, là, on parle de 1 800 personnes au total, là.

M. Dubé : ...pour votre région, d'abord. Maintenant, on a vu, puis, tout à l'heure, le Dr Boileau, je ne sais pas si vous avez eu la chance de l'entendre durant sa... lorsqu'il était là, a parlé de l'importance d'avoir l'urgence sanitaire qui pouvait être entre les vagues, parce qu'on le sait, on est rendus à notre sixième vague, là, ce que j'ai... mais ce que j'aimerais bien comprendre : Comment, pour vous, c'était important d'avoir les mesures d'urgence entre les vagues pour être capables justement de bien <fonctionner...

M. Dubé : ...comment, pour vous, c'était important d'avoir les mesures d'urgence entre les vagues pour être capables justement de bien >fonctionner? Est-ce que je pourrais vous entendre là-dessus sur... une des personnes, ou si vous voulez commenter là-dessus? Parce que le Dr Boileau a été très clair, on n'aurait pas pu enlever les mesures à chaque fois. Est-ce que c'est une question de Je contribue? Je voudrais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.

M. Fortin Verreault (Jean-François) : Bien, je peux me lancer. Le premier élément, le virus est toujours avec nous, hein, ça fait qu'au quotidien, là, je vais prendre des exemples très concrets dans les centres hospitaliers, à l'Institut universitaire de santé mentale, on doit quand même, même quand on n'est pas dans une vague, avoir des zones dédiées avec des gens qui sont en isolement. Puis je vais faire un clin d'œil aux aides de service qui sont là, qui s'occupent, par exemple, des registres pour les patients, pour être sûr qu'on soit conformes en lien avec les procédures de prévention et contrôle des infections. Donc, même si on n'est pas dans une vague, les patients ont ces besoins-là. Donc, c'est vraiment un appui pour faire face à la charge supplémentaire que la COVID entraîne. Puis je pourrais le donner aussi, cette réalité-là est vraie en dépistage, elle est vraie en vaccination, elle est vraie au niveau communautaire aussi en première ligne dans la communauté. Même quand on n'est pas dans une vague, on fait des activités de promotion pour la vaccination, par exemple. Donc, c'est tous des éléments qui aident, là, à faire face au virus.

M. Dubé : Comme je n'ai pas beaucoup de temps, est-ce que vous désirez commenter? Peut-être, les autres régions? Ou c'est sensiblement la même... Oui.

Mme Labbé (Julie) : C'est simplement la même chose.

M. Dubé : M. Thibodeau, la même chose à Québec?

• (12 h 50) •

M. Thibodeau (Guy) : Oui, mais je dirais, pour ajouter à ce que mon collègue dit, on était toujours sur tension, alors il fallait toujours demeurer prêts à être en mesure de réagir rapidement. Puis je pense que c'est important de préciser que ces leviers-là ou tout ce qui venait avec l'urgence sanitaire, on ne l'utilisait pas dans nos opérations régulières, c'était vraiment pour gérer les activités pandémie. Et je vous dirais, il fallait qu'on soit prêts à tout moment à intervenir rapidement, d'où l'importance que ces mesures-là soient en place.

M. Dubé : Très bien. Un des arrêtés, parce qu'il y en a seulement cinq, un, porte sur les ressources humaines. Dites-moi comment ça aurait été possible d'avoir l'aide extérieure que vous avez, ou même l'aide intérieure, si on n'avait pas eu les primes qui ont été mises en place.

M. Fortin Verreault (Jean-François) : Mais je peux répondre, là, au début, donner l'exemple, là, très concret, là, nous, pour la cinquième vague, on a été frappé très fortement, là, on a dépassé le niveau 5 d'hospitalisation, là, qui était prévu au plan national. C'est 9 000 quarts de travail supplémentaires qu'on a été capables d'aller chercher chez les employés cliniques grâce aux primes. Donc, concrètement, ce que ça a évité, ça a évité d'utiliser les mesures de l'arrêté, puis forcer des gens à travailler, ou forcer des déplacements. On n'a presque pas utilisé, là, les mesures contraignantes, on a été capables de le faire en mode volontaire, ça fait que ça fait un milieu de travail qui est beaucoup plus sain, puis les gens acceptent de donner plus de temps.

M. Dubé : D'éviter d'utiliser le fameux 007, parce que vous aviez mis des primes supplémentaires pour être capables d'attirer des gens à rester plus longtemps au travail. C'est bien ce que je comprends, là?

M. Fortin Verreault (Jean-François) : Exactement.

M. Dubé : Puis est-ce que Mme Labbé, M. Fortin... M. Thibodeau, même chose dans vos deux régions?

Mme Labbé (Julie) : Bien, c'est identique. Puis j'ajouterais aussi la... de nos retraités qui sont venus aussi nous prêter main forte. Donc, les primes ont aidé à amener une force de travail supplémentaire pour passer à travers chaque vague, à travers la crise.

M. Thibodeau (Guy) : C'est la même chose de notre côté, M. le ministre.

M. Dubé : Maintenant, on a entendu des chiffres astronomiques sur les entrepôts que ça prenait pour être capable de garder les contrats quand on a mis en place. Ça veut dire quoi à Québec en termes d'entreposage, M. Thibodeau? Parce que je pense qu'il ne me reste pas beaucoup de temps.

Le Président (M. Provençal) :30 secondes.

M. Dubé : Il nous reste 30 secondes. Êtes-vous capable de nous donner un ordre de grandeur pour que les gens comprennent bien pourquoi c'est important de garder accès à ça?

M. Thibodeau (Guy) : Bien, nous, dans le fond, c'est deux entrepôts qu'on veut maintenir. Ça représente tout près de 1 million de dollars, mais il faut voir que, dans nos entrepôts, on a tous les EPI pour le CIUSSS, mais c'est nous qui répond à tous les besoins de la région aussi, donc il faut qu'on soit capable de répondre aux RPA, aux organismes du milieu. Et je ne suis pas dans une position où je peux me permettre de faire des commandes et attendre que le matériel arrive, là. Donc, nous, oui, on a, entre autres, un entrepôt qui est assez grand, mais qui nous sécurise beaucoup parce qu'on est capables de réagir puis de soutenir la région instantanément.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup.

M. Dubé : Puis, encore une fois, merci, pour votre travail des deux dernières années, à vous puis à vos collègues qui vous regardent aujourd'hui. Merci.

Le Président (M. Provençal) :La parole est maintenant au député de Nelligan.

M. Derraji : Merci, M. le Président. Merci pour votre présentation. Malheureusement, je n'ai pas eu le temps de la lire. Je n'ai pas de questions, M. le Président.

Le Président (M. Provençal) :Merci. M. le député de Rosemont.

M. Marissal :

Le Président (M. Provençal) : M. le député...

M. Arseneau : Pas de questions.

Le Président (M. Provençal) : Pas de question? Mme la députée <d'Iberville...

M. Arseneau : ...pas de questions.

Le Président (M. Provençal) : Pas de question? Mme la députée >d'Iberville.

Mme Samson : Je n'ai pas de questions, M. le Président, puis je vais vous dire pourquoi. J'ai vu beaucoup, dans ma vie, de productions audiovisuelles, là, puis c'est la première fois que je vois une vidéo corporative live et sans aucun effet spécial.

Le Président (M. Provençal) :Merci, Mme la députée. Alors, merci à vous trois pour votre présentation, et nous vous souhaitons une bonne fin de journée.

Alors, la commission va suspendre ses travaux. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 54)


 
 

14 h 30 (version révisée)

(Reprise à 15 h 02)

Le Président (M. Provençal) :Bonjour à tous. Bienvenue à la Commission de la santé et des services sociaux. La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 28, Loi visant à mettre fin à l'état d'urgence sanitaire.

Cet après-midi, nous entendrons les personnes et groupes suivants : le Pr Patrick Taillon, le Pr Louis-Philippe Lampron, Me Martine Valois et la Ligue des droits et libertés.

Je souhaite maintenant la bienvenue au Pr Patrick Taillon. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite nous procéderons aux échanges. Alors, je vous invite à vous présenter et je vous cède immédiatement la parole. Merci.

M. Taillon (Patrick) : Bonjour, M. le Président, et merci aux membres de la commission pour cette invitation.

Sortir de l'état d'urgence, c'est compliqué, c'est surtout névralgique et, si c'est mal fait, ça peut, à long terme, produire des effets pervers plus graves que ceux associés à sa simple prolongation. Les options ne sont pas illimitées : grosso modo, à peu près deux ou trois scénarios possibles.

Le premier, c'est le scénario d'une sortie rapide de l'état d'urgence, qui peut conduire à un scénario de va-et-vient. Des périodes courtes et récurrentes d'état d'urgence deviennent, en quelque sorte, un état d'alerte. Pour bien des raisons, cette voie était difficile à pratiquer au Québec. Je crois que si ça n'avait été que du virus et des restrictions qui visaient la population, cela aurait été la bonne voie à appliquer. Mais l'état d'urgence au Québec est associé aussi à une crise organisationnelle, une crise de notre capacité de soins, et c'est ce qui explique, à bien des égards...


 
 

15 h (version révisée)

M. Taillon (Patrick) : ...crise de notre capacité de soins, et c'est ce qui explique, à bien des égards, le fait qu'on a été obligés de prolonger aussi longtemps, probablement trop longtemps, cet état d'urgence.

Et donc, au point où nous en sommes, après plus de deux ans, pratiquer le va-et-vient, pratiquer le sortir de l'état d'urgence coûte que coûte, pour y retourner peut-être à la fin de l'été, à l'automne ou en décembre, bien, ça pourrait — c'est une opinion bien personnelle, mais une conviction profonde — être perçu et vécu comme un échec, comme une incapacité de notre État de prévoir, d'anticiper, une incapacité qui pourrait miner notre cohésion sociale.

Deuxième façon de sortir de l'état d'urgence, c'est la plus fréquente, c'est la plus logique et c'est aussi la plus périlleuse, elle consiste à pérenniser, mais partiellement, certains aspects de l'état d'urgence. C'est le scénario auquel je m'attendais avec le projet de loi n° 28. Il faut alors faire l'inventaire du bon et du mauvais et incorporer le bon ou ce qui est nécessaire dans — vous me pardonnerez le cliché — la nouvelle normalité. Donc, il faut inscrire dans le droit normalement applicable, ce qu'on appelle le droit commun, les innovations positives ou restrictives dont on a besoin pour la suite des choses.

Le projet de loi n° 28 emprunte un autre chemin. C'est tout à l'honneur du gouvernement qui tente ici de pratiquer une sortie progressive mais complète, irréversible, de l'état d'urgence. Néanmoins, ce que l'on ne pérennise pas avec le projet de loi n° 28, on le fait... on le pérennise ailleurs ou on va le pérenniser plus tard : des bonnes pratiques comme la télémédecine, le décloisonnement des actes réservés des professionnels, l'enseignement à distance, des primes salariales. Toutes sortes de mesures comme celles-là vont, d'une manière ou d'une autre, devoir trouver un chemin dans la normalité, dans le droit commun, mais ce n'est pas via le projet de loi n° 28 que ces mesures vont le trouver.

Donc, cette pérennisation partielle et collective, elle peut se faire plus tard, lorsqu'on aura plus d'informations, elle peut se faire ailleurs, dans d'autres projets de loi, certains ont déjà été débattus, voire adoptés, mais il ne faut pas oublier que l'exercice d'inventaire est, tôt ou tard, nécessaire.

Et donc, à mes yeux, le projet de loi n° 28 est une bonne solution à court terme. Il comporte un immense avantage sur le plan procédural. Il fait en sorte que le gouvernement va, dès son adoption, cesser d'adopter de nouveaux décrets. Il va soigner, si je peux dire, sa dépendance à ce moyen très efficace, surtout en temps de crise, qu'est la gouvernance par décret.

Sur le fond, il ne faut pas avoir des attentes démesurées à l'endroit du projet de loi n° 28, puisque les changements les plus importants ont déjà eu lieu avant son adoption, soit un déconfinement significatif. Et le projet de loi opère un gel, un cran d'arrêt pour cinq arrêtés qui perdurent et pour un certain nombre de contrats.

Ma critique ici, elle porte surtout sur la vision à long terme associée au projet de loi n° 28. Le projet de loi n° 28, si ça tourne mal, s'il y a une autre vague, s'il y a un nouveau variant qui serait moins bien adapté à notre dispositif de vaccination actuel, bien, si on accepte de prévoir le pire, et c'est ça aussi, le travail des élus, si on accepte de prévoir le pire, le projet de loi n° 28 pourrait nous plonger dans ce scénario du va-et-vient, du recul, du retour à la case départ, où il faudrait alors redéclarer un nouvel état d'urgence pour réadopter des mesures que l'on souhaite... avec lesquelles on souhaite tourner la page.

Sinon, l'autre solution, si jamais il fallait prévoir le pire, serait d'accepter que d'autres rendez-vous législatifs seront inévitables. Deux types de rendez-vous législatifs sont à venir. Le premier rendez-vous probable, à moins que le virus disparaisse et que le système de santé, sa capacité de soins s'accroît de manière significative, bien, les débats que le projet de loi n° 28 repousse à plus tard, cette Assemblée risque d'avoir besoin de les conduire cet automne.

L'exemple le plus manifeste, à mes yeux, c'est l'exemple du masque dans les transports publics. Là, il fait partie, si je comprends bien, des mesures visées par le gel des cinq arrêtés, donc pour la période transitoire, très bien. Mais en décembre, si on a <besoin...

M. Taillon (Patrick) : ...des cinq arrêtés, donc pour la période transitoire, très bien. Mais en décembre, si on a >besoin du masque dans les transports publics, bien, il est fort probable que les solutions, ce sera soit de retourner à l'état d'urgence, ce que je ne souhaite pas, ou soit de saisir cette Assemblée d'un projet de loi pour prévoir une capacité gouvernementale, une délégation de pouvoirs vers le gouvernement, une capacité d'imposer ce masque dans les transports publics lorsque les circonstances se présentent.

Donc, ce rendez-vous législatif, il est fort probable. Mais, si vous me permettez un autre scénario encore plus hypothétique, imaginons qu'il y ait une vague très forte durant la prochaine élection, cette législature sera alors dissoute, et il sera impossible de saisir l'Assemblée d'un tel projet de loi durant la prochaine élection. Il n'y aura alors que la voie du retour en arrière par la déclaration d'urgence, ce qui, dans un contexte de débat hautement polarisé comme on le rencontre dans une élection, sera certainement une voie difficile à pratiquer.

• (15 h 10) •

Donc, premier rendez-vous possible, les mesures qu'il faudra peut-être un jour pérenniser, on risque d'avoir à en débattre à l'automne prochain.

L'autre rendez-vous, ce deuxième type de rendez-vous, il est inévitable et souhaitable, c'est la grande réforme à long terme, la réécriture des règles qui encadrent l'exercice du pouvoir d'urgence au Québec. Quel est le rôle du Parlement durant l'exercice de ce pouvoir d'urgence? Il est temps de faire un bilan de l'expérience qu'on a vécue dans les dernières années et d'en tirer les conséquences qui s'imposent.

Trois suggestions, il y en a plus dans le court écrit que je vous ai soumis, mais ce sont les trois points qui me tiennent le plus à coeur pour cette réforme inévitable à venir, j'y vais rapidement, M. le Président.

Premièrement, il faut que cette réforme soit plus large que l'urgence sanitaire. La prochaine crise pourrait être une crise de sécurité civile, elle pourrait être une crise environnementale, donc il faut réformer l'ensemble du pouvoir d'urgence dont dispose le Québec. Il faut le faire aussi dans une dynamique d'affirmation de l'autonomie constitutionnelle du Québec. Il y a trop de gens au Canada qui prétendent que le pouvoir d'urgence, avant cette crise, c'était l'exclusivité du pouvoir fédéral. La présente crise a démontré le contraire, et c'est important d'affirmer cette autonomie-là.

Deuxième changement qui me semble le plus important, si on devait ne faire qu'un seul changement au rôle du Parlement en temps de crise, c'est l'article 122 et le pouvoir de désaveu parlementaire qu'il faudrait faire. Ce pouvoir est extrêmement important, puisqu'il permet à tout moment aux parlementaires de contrôler et de désavouer l'exercice du pouvoir d'urgence. Malheureusement, en ce moment, tel qu'il est rédigé, ce pouvoir est assez flexible, mais très rigide sur le fait que le désaveu, c'est tout ou rien, il faut désavouer tous les décrets, la déclaration d'urgence d'un seul coup. Le simple fait de revoir l'article 122 pour permettre aux parlementaires de choisir une norme, un décret, un problème durant l'état d'urgence transformerait profondément la capacité de cette Chambre d'exercer un contrôle, un suivi et éventuellement un désaveu chirurgical de certaines mesures d'urgence.

Enfin, troisièmement, et je conclus là-dessus, il y a des changements qu'il ne faut pas faire, et il y en a un qui me semble évident : il ne faut pas créer d'obstacle au déclenchement de l'état d'urgence. On ne peut pas prévoir les crises. Il faut que, face à l'imprévisible… il doit rester possible et relativement facile de déclencher l'état d'urgence. Mais, une fois qu'on préserve cette efficacité, cette simplicité dans le déclenchement de l'état d'urgence, toutes les mesures, et il y en a quand même plusieurs dans l'écrit que je vous ai soumis, qui permettent d'augmenter le rôle de contrôle, d'enquête, de délibération de l'Assemblée nationale et de ses commissions durant un état d'urgence, sont des mesures souhaitables tant qu'elles n'ont pas d'effet paralysant ou qu'elles ne minent pas l'efficacité de l'action gouvernementale. Et, à mon humble avis, là-dessus, on peut s'inspirer de plusieurs mécanismes, dont celui de la loi fédérale sur les mesures d'urgence, pour justement sculpter un plus grand rôle pour le Parlement sans que ça se joue au détriment de l'efficacité nécessaire de l'action gouvernementale en temps de crise.

Sur ce, je m'arrête.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup, M. Taillon, pour votre exposé. Nous allons immédiatement débuter cette période d'échange avec M. le ministre pour une période de 15 min 15 s. Mais, avant toute chose, j'aimerais avoir le consentement pour que la députée de Sherbrooke puisse remplacer, pour cet échange-là, le député de Rosemont. Consentement?

M. Dubé : Consentement, oui, tout à fait.

Le Président (M. Provençal) : Alors, M. le ministre, les 15 min 15 s suivantes vous <appartiennent…

M. Dubé : ... Consentement, oui, tout à fait.

Le Président (M. Provençal) : Alors, M. le ministre, les 15 min 15 s suivantes vous >appartiennent.

M. Dubé : Très bien. Alors, je ne sais pas si on dit Pr Taillon, mais premièrement, merci beaucoup de venir nous accompagner dans cette analyse-là des mesures d'urgence.

Mais, d'abord et avant tout, M. le Président, j'aimerais profiter de mon temps de parole pour vous adresser un commentaire. J'aimerais, avant qu'on poursuive... Puis je reviendrai au Pr Taillon tout de suite après, ça va être rapide. Ce matin, j'ai entendu le député libéral de Nelligan qui a parlé d'une déclaration du premier ministre qui dit que la COVID ressemble à un rhume. Je tiens à mettre au clair quelque chose. Le député omet délibérément, M. le Président, de mettre en contexte que le premier ministre indiquait qu'il n'était pas envisagé de mettre de nouvelles mesures en raison du haut taux de vaccination au Québec, et que, comme le premier ministre était triplement vacciné, et comme c'est le cas chez bien des Québécois, son expérience a été celle d'un rhume. Je dirais, M. le Président, qu'on doit tous être responsables, et c'est notre devoir. Je demanderais au député de collaborer et non de désinformer. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Provençal) :Merci, M. le ministre, mais, et ça, ça s'adresse à tout le monde, il va falloir faire attention de ne jamais prêter d'intention, d'une part ou d'autre. Merci. Sur ce, période d'échange.

M. Dubé : Merci beaucoup. Alors, M. Taillon, j'ai beaucoup apprécié le travail que vous avez fait. J'ai lu votre mémoire puis je pense que vous avez une rigueur plus que professorale, je dirais, législative, qui est exemplaire. Puis merci de prendre le temps de venir nous rencontrer pour nous éclairer sur la façon, pour nous, de se sortir correctement des mesures d'urgence. Puis vous l'avez bien expliqué, il y a plusieurs scénarios, mais une des choses qui me fascine... Puis ce matin… Je pense que l'équilibre que l'on doit garder puis je pense que vous le soulevez bien… Ce matin, on a eu la chance d'entendre nos P.D.G., trois P.D.G., je ne sais pas si... Avez-vous eu la chance d'écouter leur présentation?

M. Taillon (Patrick) : En partie, oui.

M. Dubé : En partie. Malheureusement, les députés de l'opposition n'ont pas voulu leur poser des questions, puis je pense que ce serait instructif de bien comprendre le point de vue de ceux qui ont été sur le terrain depuis deux ans, de ce qu'ils ont vécu. Alors, moi, je vais vous la poser, la question. Vous me dites que vous les avez entendus sur plusieurs sujets. Comment on fait pour garder cet équilibre-là?

Par exemple... Puis là je vous donne un exemple très, très concret, moi, je leur ai posé la question ce matin, j'ai dit : Écoutez, qu'est-ce qui arrive si on enlève, demain matin, Je contribue? Peut-être que vous avez entendu cette question-là. Puis je comprends très bien qu'on aimerait ça, mettre ces mesures d'urgence là de côté, mais encore une fois, aujourd'hui, on est encore dans une sixième vague. Puis vous avez entendu, quand je leur ai posé la question, j'ai dit : Il vous manquerait combien de personnes, demain matin, si on enlevait les mesures d'urgence et qu'on voulait continuer à vacciner? Vous avez entendu les chiffres, 9 000, 6 000, 1 800, dépendamment des régions.

Ce qu'on propose aujourd'hui comme mesures transitoires temporaires, c'est exactement ça, mais j'aimerais l'entendre d'un point... Là, on a entendu des gens de terrain, ce matin, j'aimerais ça l'entendre d'un point de vue de légiste. Parce qu'on essaie de trouver le bon compromis pour se sortir de l'état d'urgence, mais en même temps, puis comme l'a bien dit le Dr Boileau, de ne pas se mettre dans le trouble. Parce que notre rôle, en tant que gouvernement, c'est d'agir pour protéger le public. Ça fait que vous connaissez bien la loi, je voudrais vous entendre sur cet équilibre-là, s'il vous plaît.

M. Taillon (Patrick) : Il pourrait y avoir une solution assez brutale, qui consisterait à prendre le contenu des cinq arrêtés puis de les inscrire dans une loi et, justement, pérenniser ce que, dans le projet de loi, n'est qu'une solution temporaire. Mais même ce scénario très brutal pourrait poser des problèmes, parce qu'il y a des mesures, notamment dans les relations de travail, qui se justifient en temps de crise, si jamais elles étaient contestées devant les tribunaux, qui, si on les inscrit de manière pérenne dans une loi, poseraient problème. Donc, je comprends que pour les gens qui sont dans les opérations vaccination, Je contribue, ils ont besoin de règles particulières pour pouvoir poursuivre ces opérations-là.

Est-ce que ces règles ont absolument besoin d'être prévues dans des arrêtés? Elles pourraient être inscrites dans la loi, mais je pense que la solution qui consiste à identifier, de façon précise et circonscrite, les arrêtés, puis je ne me prononce pas... je n'ai pas assez une connaissance opérationnelle du terrain pour me prononcer sur le choix de chacun de ces arrêtés-là, je présume qu'effectivement le volet organisationnel de la crise de la COVID, la gestion de notre capacité de soins nécessite des <règles...

M. Taillon (Patrick) : ...organisationnel de la crise de la COVID, la gestion de notre capacité de soins nécessite des >règles organisationnelles extraordinaires, et donc de les geler temporairement dans un mécanisme qui est celui qui est proposé me semble une solution raisonnable. Et je me positionne même comme plutôt sur le spectre des inquiets en soulevant dans mon mémoire la question de qu'est-ce qui arrivera si jamais il y avait une vague irrésistible et que, parmi les cinq arrêtés, on découvrait qu'on en a oublié un sixième et un septième? Et c'est là que porte peut-être ma critique du projet de loi. Mais sur le fait que ces outils-là sont pertinents, moi, je n'en doute pas.

M. Dubé : O.K., très bien. Donc, parce que je veux bien comprendre votre commentaire, puis je ne sais pas si au moment où vous avez fait votre mémoire, si on avait déposé les amendements pour clarifier les amendements qui allaient rester. Alors, je ne sais pas si c'était avant ou après, là.

• (15 h 20) •

M. Taillon (Patrick) : Oui, oui, oui, j'ai vu les amendements.

M. Dubé : O.K., vous avez vu les amendements. Alors donc, c'est là que je pense... je vous demande, là, si vous trouvez que c'est le compromis correct, parce que les amendements ne sont pas dans la loi, mais on y réfère clairement parce qu'on dit que les cinq thèmes sont là, là : les ressources humaines, les achats, les primes, etc., il y a cinq thèmes. Donc, vous êtes à l'aise avec ça? Je veux juste être certain. Vous trouvez que c'est la bonne façon de faire dans les circonstances? Je veux juste...

M. Taillon (Patrick) : Bien, le fait d'énoncer explicitement quels sont les cinq arrêtés ne change pas le contenu du projet de loi, puisqu'avant c'était implicite.

M. Dubé : Et voilà.

M. Taillon (Patrick) : Sauf que c'était difficile de savoir exactement c'étaient lesquels. Même des juristes habitués de lire les décrets, c'est assez unanime que leur lecture est assez pénible parce qu'il faut comme remonter le courant, remonter la lecture d'un décret qui en modifie un autre. D'ailleurs, dans mon mémoire, je propose qu'une éventuelle réforme du pouvoir d'urgence devrait s'accompagner, là, d'une espèce de codification administrative pour faciliter la lecture.

M. Dubé : Très bien. Mais d'ailleurs, c'est en écoutant des commentaires comme le vôtre ou comme le Barreau, au cours des dernières semaines, et, comme le disait le député de Rosemont, on a écouté les députés aussi, et c'est pour ça qu'on a décidé de mettre ces arrêtés-là comme amendements au début. Contrairement à d'habitude, on n'a pas attendu de faire l'article par article, on l'a mis au début de la commission. O.K., ça va pour ça.

Le deuxième point que j'aimerais soulever avec vous, puis je pense qu'on aura sûrement la chance de vous reparler, moi, je voudrais juste m'inscrire, là, clairement, devant les députés puis surtout les Québécois qui nous écoutent, sur votre recommandation de modifier la Loi de la santé publique. Et je voudrais juste être très clair, là, on est d'accord, on est d'accord parce que… Puis d'ailleurs je dois vous dire, vous l'avez sûrement lu de par votre rôle de ce que vous enseignez, la Commissaire à la santé et au bien-être, Mme Castonguay, a été très claire dans son rapport du mois de janvier qu'elle a déposé, pour dire : La Loi de la santé publique devrait être revue. Elle a été très, très claire pour être sûre, entre autres, là, qu'il y a une séparation entre la santé publique… garder ça loin du politique. Vous avez lu.

Alors, moi, mais je veux bien, bien comprendre puis, encore une fois, j'ai bien lu ce que vous avez dit. En même temps, on est tous conscients qu'en ce moment, ce qu'il y a urgence de faire, c'est d'enlever l'urgence et d'avoir des mesures de transition, et que la révision, une révision en profondeur de la Loi sur la santé publique ne peut pas se faire comme ça ici avec les autres sujets. Ça va prendre une réflexion beaucoup plus grande pour aller chercher... Et c'est ça que j'aimerais vous expliquiez un peu pour que les gens comprennent, entre l'exercice que nous faisons d'enlever les mesures sanitaires, mais sans se mettre dans le trouble, donc de garder quelques mesures de transition, puis de ce que vous suggérez, avec laquelle on est d'accord, que ça prendrait une révision en profondeur de la Loi de la santé publique.

M. Taillon (Patrick) : Oui, ça prend une révision en profondeur, et elle ne peut pas se faire sur un coin de table, il faut en parler avant, pendant et après l'élection pour justement avoir le temps de faire un vrai bilan de ce qui s'est passé. Il faut éviter de réécrire ces mécanismes d'urgence en ayant qu'en tête la crise qu'on vient de vivre. Il ne faut pas que ce soit trop calqué sur cette unique crise parce que la prochaine va porter sur complètement autre chose d'imprévisible. Et il y a un contexte, une réalité qui est la suivante, c'est que cette Assemblée a malheureusement fonctionné au ralenti depuis deux ans. Et donc sa dissolution est imminente. Et donc le menu, il y a de la congestion législative, donc, il faut faire des choix. Et je ne pense pas que dans le peu de temps que laisse le temps <actuel...

M. Taillon (Patrick) : ...législative, donc, il faut faire des choix. Et je ne pense pas que dans le peu de temps que laisse le temps >actuel de travaux parlementaires, c'est une réforme... Moi, ce que je souhaite, c'est d'entendre les partis politiques s'engager dans la voie de cette réforme-là puis, en même temps, prendre le temps de la faire lentement et de façon... pour qu'elle ne soit pas le fruit d'une simple improvisation.

M. Dubé : Bien, je veux… je veux vous rassurer, là, cet engagement-là, notre gouvernement l'a pris plusieurs fois. Je le reprends aujourd'hui, donc, pour être très clair, on l'a pris lorsqu'on a déposé le plan santé, parce qu'on s'est engagé à faire des nôtres les recommandations de la Commissaire à la santé. Donc, je veux juste vous dire que cet engagement-là de refaire en bonne et due forme la loi sur... de réviser la Loi sur la santé publique, je peux vous dire qu'on est d'accord, après avoir vécu ce qu'on a vécu.

Mais, en même temps, quand vous parliez tout à l'heure de l'article 122, puis ça, je pense, c'est important d'y revenir, parce que peut-être que, dans cette loi-là, les Québécois puis même certains légistes ne connaissent pas tous les tenants et aboutissants de ça, vous dites : En même temps, comment on peut faire pour peut-être la modifier sans nécessairement le faire au détriment de l'efficacité gouvernementale? Ça, j'aimerais vous entendre, parce que c'est un peu ça… pour ça que je faisais référence tout à l'heure à la conversation qu'on a eue ce matin avec les P.D.G., comment trouver cet équilibre-là, en donnant à l'opposition le droit de s'objecter à certaines choses, en trouvant l'équilibre? Je ne sais pas si... j'aimerais ça qu'on en parle un peu, je ne sais pas si on a le temps de le faire, là, mais...

M. Taillon (Patrick) : Si le déclenchement de l'état d'urgence reste facile, fonctionnel, le gros morceau de l'efficacité gouvernementale qui est préservé, et ensuite que l'Assemblée joue un rôle plus actif de délibération, d'enquête, ça ne pose pas de problème. Il y a peut-être juste un obstacle culturel, lorsqu'on compare le parlementarisme québécois avec l'équivalent au fédéral, c'est que c'est vrai que dans notre tradition parlementaire à nous, dans les travaux de commission, les ministres sont présents. Donc, c'est sûr qu'à Ottawa, par exemple, sur la Loi sur les mesures d'urgence, on lance des enquêtes parlementaires, des comités d'étude, etc., mais le ministre est absent, donc l'efficacité gouvernementale est préservée par le fait que le ministre est occupé à autre chose. Mais à la... sous réserve de cette différence-là, l'inspiration qu'on peut puiser dans la Loi sur les mesures d'urgence du fédéral, là, c'est quand même... ils ont fait l'exercice, il y a quelques années, après les abus qu'on a connus avec la crise d'Octobre, il y a quand même plusieurs mécanismes pour accroître le rôle des parlementaires qui pourraient être très, très utiles au Québec. Moi, j'insiste sur 122 parce que, du moment où l'Assemblée peut venir désavouer non pas tout le dispositif, mais une mesure, elle a le rapport de force ensuite pour jouer un rôle plus actif.

M. Dubé : Un très bon point, puis je pense qu'il y aura peut-être un jour une réforme parlementaire qui permettra ça, mais ça, c'est un autre débat, là, à savoir si les ministres devraient toujours être là.

Un autre point que je trouve important de voir avec vous, c'est le fameux rapport qui suit l'état d'urgence. Puis une autre chose que j'aimerais vous rassurer, vous, en tant que professeur, on a pris l'engagement, comme gouvernement… Parce que la loi dit que ça doit être déposé 90 jours suivant la fin de l'état d'urgence. Là, je ne sais pas quand est-ce qu'elle prendra fin, là, parce qu'on doit voter le projet de loi. Mais, en même temps, je vous dirais qu'on a pris l'engagement qu'on allait répondre à cet engagement-là qui est dans la loi en ce moment, bien avant le 90 jours, pour être capable de déposer notre rapport avant la fin de la session parlementaire. Alors, ça, je veux le répéter parce que je ne me souviens pas si je l'ai dit ici, en commission. Mais, quand vous dites : On prend un engagement lorsqu'on est en commission, c'est presque aussi important que celui qu'on peut prendre par écrit. Ça, c'est le premier point.

Et le deuxième point, M. Taillon, je l'ai expliqué ce matin, lorsque j'ai parlé des fameux contrats, je ne sais pas si vous l'avez entendu.

M. Taillon (Patrick) : Non.

M. Dubé : Mais on s'est engagé à donner plus que ce qui est demandé par la loi en donnant non seulement les contrats qui sont dans le SEAO, là, le système où ont été adjugés tous les contrats, mais on s'est engagé à ce qu'ils soient plus faciles à analyser, les contrats qui ont été donnés, par type de contrat, dans les dates qu'ils ont été donnés. Puis j'ai donné même quelques statistiques ce matin, vous pourrez l'écouter, là, du nombre de contrats qui représentent à peu près 2 % des contrats qui vont être encore en application jusque soit au 31 décembre ou pour les contrats qui se rapportent aux entrepôts. Donc, c'est pour minimiser un peu, on a parlé de gros chiffres, là, mais, du 5 milliards, il ne reste même pas 100 millions de contrats sur les deux termes dont on <parle...

M. Dubé : ...chiffres, là, mais, du 5 milliards, il ne reste même pas 100 millions de contrats sur les deux termes dont on >parle. Alors, je pense, ce sera important de le voir, puis on s'est engagé que ce soit dans le rapport qu'on va déposer à la fin du processus. Je ne sais pas s'il me reste du temps.

Le Président (M. Provençal) : 10 secondes, M. le ministre.

M. Dubé : 10 secondes, bien, pour vous remercier, Pr Taillon, parce que ça a été très éclairant d'avoir cet équilibre-là dans votre présentation aujourd'hui. Merci beaucoup.

M. Taillon (Patrick) : Merci.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup, M. le ministre. Nous allons poursuivre cet échange avec le député de La Pinière pour les 10 min 10 s suivantes. Alors, M. le député, je vous cède la parole.

• (15 h 30) •

M. Barrette : Merci, M. le Président. M. le ministre... Je suis sûr que le ministre est heureux de me voir aujourd'hui, j'en suis convaincu.

Me Taillon, j'ai lu votre mémoire, j'ai écouté les échanges qui ont eu lieu ce matin. Et, de votre mémoire, je retiens une chose qui est assez importante, vous considérez que si on avait à revenir à imposer... réimposer des mesures d'urgence telles qui existent dans la loi, ce serait perçu comme étant un échec. Bon. Moi, je ne suis pas d'accord avec vous, là, parce qu'il y a un élément de temporalité là-dedans que ni vous, ni moi, ni le ministre ne peut contrôler. Les grippes, là, ça arrive dans certaines saisons. Et, dans l'état actuel du projet de loi dont on discute, il pourrait très bien, l'hiver prochain, apparaître un variant z qui serait aussi meurtrier que le premier. Alors donc, c'est circonstanciel, c'est temporel.

La raison pour laquelle je vous pose cette question-là, c'est que... Quelle est la justification, selon vous, aujourd'hui, d'avoir un projet de loi qui nous amène au 31 décembre? Ne trouvez-vous pas cette date-là comme étant purement arbitraire?

M. Taillon (Patrick) : Je suis d'accord avec vous que la perception d'un retour en arrière, s'il fallait déclarer à nouveau l'état d'urgence, relève, là, d'une lecture bien personnelle, mais, bon, c'est une conviction que je vous partage. Vous pouvez, évidemment... M. le Président, M. le député peut évidemment faire une tout autre lecture. Et je pense que les choses auraient pu en être autrement. Si on avait fait du va-et-vient depuis le début, ce ne serait pas la même chose que de le faire après deux ans.

Sur la date de décembre, bien, il me semble évident que c'est une date qui est un peu... qui comporte le risque suivant, c'est qu'habituellement c'est une date qui est associée à un recul de la situation pandémique. Donc, c'est un peu étrange de terminer à cette date-là. Elle a la sagesse, cette date-là, par contre, de, je dirais, tasser la... de créer un gel des... que cette Assemblée va décider, durant la période électorale, hein, elle installe une forme de paix électorale. Donc, il fallait... il faut régler quelque chose avant l'élection, ça, ça me semble impératif. On ne peut pas… Durant... au début de l'automne, le Parlement et... cette Assemblée va mourir, elle ne pourra plus être convoquée, elle ne pourra plus se réunir, donc c'est impossible, début de l'automne. Et donc décembre, novembre, c'est à peu près les seules dates, court terme, qui me semblent possibles mais qui comportent le risque, là, de se retrouver dans une situation où on dit qu'on va complètement tourner la page sur les outils temporaires dont on a besoin, et donc on s'évite la réflexion sur les outils permanents qu'on aurait besoin, les outils modérés, mais des outils néanmoins canalisés, encadrés. Peut-être que cette discussion-là, elle sera nécessaire en novembre ou en décembre.

M. Barrette : Oui. Bon. Quand on regarde la biologie de la chose, là, la période d'accalmie, elle est avant l'élection, et la prochaine crise, théoriquement, biologiquement parlant, elle est après. Le virus, il se comporte comme ça, essentiellement, il y a un passage d'un hémisphère à l'autre, il y a la température, la saisonnalité, et ainsi de suite, là. On aurait très bien pu arrêter ces mesures d'urgence là, très bien pu les arrêter même au mois d'août. Ça n'aurait rien changé, parce que, s'il n'y avait... s'il y a lieu de revenir à des mesures d'urgence, ça va être après l'élection.

Alors donc, moi, j'ai de la difficulté à ne pas voir là un opportunisme, dans le sens temporel du terme, je ne qualifie pas plus ça de ça, politique.

M. Taillon (Patrick) : Oui. Bien, si les choses étaient à refaire... Moi, j'ai été surpris par la manière dont... l'habilité du projet de loi n° 28, avec sa stratégie du cran d'arrêt et du gel, même si j'ai la crainte que je partage devant vous. Mais c'est sûr que, si c'était à refaire, peut-être que cette stratégie du projet de loi n° 28, d'identifier rigoureusement les outils que l'on pourrait encore avoir de besoin et de dire : Bien, laissez-nous que ces outils-là, et maintenant on va travailler comme avant pour les nouvelles règles...


 
 

15 h 30 (version révisée)

M. Taillon (Patrick) : ...dire : Bien, laissez-nous que ces outils-là, et, maintenant, on va travailler comme avant pour les nouvelles règles. C'est vrai que c'est une solution qui... moi, je ne l'avais pas vue venir, mais qui... Elle aurait pu être implantée bien avant, mais je n'en ferai pas le reproche puisque je n'en ai pas fait moi-même la suggestion à l'époque.

M. Barrette : Mais, Me Taillon, moi, ce qui m'intéresse, c'est que, pour vous, c'est vrai, ça aurait pu être fait avant.

M. Taillon (Patrick) : Ah oui, oui, oui.

M. Barrette : Là, je vais vous poser une question qui est vraiment, vraiment intéressante, à mon sens, parce que vous l'approchez sous l'angle de : de quoi allons-nous avoir besoin dans le futur? Puis vous avez raison, on peut discuter sur la temporalité, on vient de le faire, mais ce dont on aura besoin dans le futur, on peut aussi l'aborder sous l'angle : qu'est-ce qu'on évite comme problème actuellement?

Quand vous regardez les mesures qui sont là, là, ne trouvez-vous pas qu'on se paie un évitement de problèmes?, et je vais m'expliquer, parce que je n'ai pas beaucoup de temps, ça va être très clair. Écoutez, là, qu'on prolonge des baux pour des centres de vaccination, permettez-moi l'expression, «big deal». Par contre, on s'évite beaucoup, beaucoup de problèmes syndicaux parce que, comme on a le décret pour donner des primes qu'on prolonge... c'est correct, les bénéficiaires de primes, c'est très bien, mais on sait, vous et moi, qu'il y a bien d'autres enjeux d'ordre syndical là-dedans, et c'est normal.

Alors, revenons à la temporalité. La période, entre guillemets, d'accalmie biologique, on va la vivre, là. On va la vivre, à partir, essentiellement, de la fin de la session parlementaire. Alors, de prolonger, essentiellement, on se protège. Moi, je le vois comme ça. Est-ce que vous avez quelque chose à m'objecter? Parce que, quand vous regardez les cinq décrets, là, il y en a au moins quatre sur cinq... trois, minimum, qui sont purement de portée syndicale, en termes d'impacts, un qui est une espèce d'intermédiaire, puis l'autre, bon, écoutez, les baux de centres de... tu sais, «big deal», là, on s'entend, là-dessus, là, il n'y a pas le problème, là.

M. Taillon (Patrick) : Il ne faut pas minimiser l'importance de l'aspect relations de travail. Et c'est probablement le plus complexe parce que, quand je dis que la sortie de crise implique une pérennisation partielle, pondérée et encadrée, c'est peut-être un des aspects où le législateur a le moins de marge de manœuvre, en raison de la jurisprudence de la Cour suprême du Canada sur le droit à la négociation collective. Alors, même lorsqu'on fait un cadeau ou une prime aux travailleurs syndiqués, et encore plus lorsque ça a un caractère exceptionnel, dérogatoire et restrictif, bien, ces mesures-là sont plus difficiles et probablement même impossibles d'inscrire dans une nouvelle normalité.

Et donc il est probablement plus sage, si ces mesures sont indispensables, de les inscrire dans un état temporaire et d'exception. C'est probablement une manière plus appropriée de réussir à les défendre devant les tribunaux. Et, pour le moment, les tribunaux ont... à l'exception, là, du décret sur le couvre-feu pour les personnes sans-abri, ont validé toutes les mesures prises. Donc, on reste dans cette logique qui vise à, probablement, se préserver d'une contestation qui viendrait si elles étaient... si ces mesures étaient inscrites dans la durée, dans la longue durée, là, normale.

M. Barrette : Tout à fait, la longue durée, mais, pour ce qui est de la période en question, la contestation prend du temps, ça n'a pas d'effet, mais, dans les faits, par opportunisme de calendrier, je dirais, là, on s'évite un problème. Je le dis comme ça puis je pense que vous êtes peut-être en accord avec une partie de ce que je disais.

Il me reste deux minutes, Me Taillon, je veux aborder une affaire. Voulez-vous bien me dire... alors là, ne me reprochez pas ma familiarité, voulez-vous bien me dire, là, comment ça se fait qu'on n'est pas capable, là, là, dans ce projet de loi là, là... amener des clauses de désaveu, là? Il existe... ça existe, vous le dites dans votre mémoire, il y a un modèle au Canada, il est fédéral, bon. Je comprends que le fédéral, c'est un péché mortel, là, pour certains — j'ai dit «pour certains» — alors il me semble que, dans ce projet de loi là, il aurait été possible d'introduire ça, ça aurait été une espèce de baume au reste. Ça aurait été faisable, là, il y a... Vous êtes un expert là-dedans, là, alors vous savez que ça existe. Vous avez conseillé le gouvernement dans les deux dernières années à...

M. Taillon (Patrick) : C'est vous qui dites ça.

M. Barrette : Bien, c'est-à-dire, vous avez témoigné...

M. Taillon (Patrick) : C'est vous qui dites ça. Moi, je...

M. Barrette : C'est une mauvaise expression, je m'en excuse, Me Taillon, mais disons que vous avez été une inspiration gouvernementale.

M. Taillon (Patrick) : Bien, ça, c'est flatteur, en effet.

M. Barrette : Ça, c'est... voilà. Vous auriez pu être une inspiration pour 122, pour ces clauses-là. Est-ce que ça aurait été faisable, d'après vous?

M. Taillon (Patrick) : Bien, moi, je vais répondre bref parce que le temps est précieux, mais il n'y a rien qui empêche un amendement, dans le cadre du projet de loi actuel, qui permettrait à l'Assemblée, à tout moment, de désavouer l'un des cinq... des cinq arrêtés.

M. Barrette : Rien n'empêche...

M. Taillon (Patrick) : C'est-à-dire que l'Assemblée, elle est souveraine, elle adopte une loi et elle peut prévoir tous les mécanismes qu'elle veut <bien...

M. Taillon (Patrick) : ...des cinq arrêtés.

M. Barrette : Rien n'empêche...

M. Taillon (Patrick) : C'est-à-dire que l'Assemblée, elle est souveraine, elle adopte une loi et elle peut prévoir tous les mécanismes qu'elle veut >bien. Ça, c'est d'une part. Et, d'autre part, durant cette crise, oui, la Loi sur la santé publique minimisait énormément le rôle du Parlement. On souhaite, ce rôle, qu'il soit plus grand à l'avenir, mais, à plusieurs reprises, le gouvernement a posé des gestes qui n'étaient pas obligatoires, comme le projet de loi sur la manifestation devant les écoles, le débat sur la vaccination du personnel de santé, donc moi, ce que je dis, c'est : Dans cette sortie de crise, il faut continuer à s'imposer des standards élevés, même si la loi ne nous les impose pas.

M. Barrette : Donc, il me reste 10 secondes, Me Taillon...

M. Taillon (Patrick) : Oui, pardon.

M. Barrette : ...vraiment, parce que je me chronomètre. Il y avait l'opportunité de le faire, et le choix a été fait de ne pas le faire, ce n'est pas dedans.

• (15 h 40) •

M. Taillon (Patrick) : Oui, mais le gouvernement présente un projet, et c'est l'Assemblée qui l'adopte.

M. Barrette : Oui, faites-vous-en pas, on est encore là.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, M. le député. Nous allons poursuivre maintenant avec la députée de Sherbrooke, pour 2 min 37 s.

Mme Labrie : Très peu de temps pour discuter de tout ça. Bonjour, M. Taillon. Vous avez partagé une crainte, qui est également partagée par nous, qu'advenant un nouveau variant ou une nouvelle vague, on doive, finalement, malgré ce projet de loi là, recourir encore à l'état d'urgence. Est-ce qu'il y a un amendement précis que vous nous recommandez de faire, dans ce projet de loi là, pour éviter que ça se produise? Est-ce que l'amendement des désaveux, par exemple, serait un compromis à faire pour nous donner un peu plus de leviers démocratiques advenant qu'on soit obligé de retourner à l'état d'urgence? Est-ce qu'il y a un autre moyen d'y arriver?

M. Taillon (Patrick) : Non. Sur le front de l'inquiétude, si on est covido-inquiet, la stratégie du gel, elle repose sur le fait que la Santé publique, le ministre, ceux qui ont préparé le projet de loi ont évalué qu'avec ces outils-là, ils sont capables. Et donc, si on a besoin d'un autre outil, il faudra soit convoquer cette Assemblée pour l'adoption d'un projet de loi rapide, soit miser sur les pouvoirs qui existent déjà : directeur régional de la santé publique a des pouvoirs, directeur national aussi, mais ça reste assez limité, ou, sinon, ce qui, pour moi, est un recul, revenir à l'état d'urgence. Mais, dans l'autre scénario, c'est-à-dire alléger, le projet de loi n° 28, si ça va bien, il est bien organisé pour aller plus vite que le calendrier prévu, le gouvernement peut retirer ses arrêtés, mais c'est dans le scénario où ça irait mal.

En même temps, est-ce qu'il faut rester à tout jamais dans l'état d'urgence parce qu'il faut prévoir le pire? Non. À un moment donné, il faut trouver un nouvel équilibre, une nouvelle façon d'encadrer la menace qui perdure — je m'excuse pour le temps.

Mme Labrie : Est-ce que... Parce que je vous ai entendu dire que la réforme sur l'état d'urgence qu'on veut faire... vous nous recommandez d'attendre un moment pour la faire plus à tête reposée, je dirais, pour résumer votre idée.

M. Taillon (Patrick) : Oui.

Mme Labrie : Vous nous soumettez quand même des propositions de ce qu'on devrait inclure dans cette réforme-là. Est-ce qu'on ne peut pas commencer quand même à utiliser le projet de loi n° 28 pour, déjà, amener des éléments de changements, les intégrer au projet de loi n° 28, en se disant quand même, que la réforme plus complète, on la fera plus tard, mais déjà intégrer des choses comme la notion de désaveu, le faire maintenant?

M. Taillon (Patrick) : Oui, et je pense que le mécanisme de «fade-out», là, de decrescendo, ça se peut que ça figure dans une prochaine réécriture de la Loi sur la santé publique. Donc, oui, la loi fixe un cadre minimal. Il y a le droit parlementaire aussi, qui permet à l'Assemblée des interpellations, toutes sortes de mécanismes aussi pour forcer le gouvernement à rendre des comptes. Oui, il faut s'imposer dès maintenant les meilleurs standards, même si ces standards ne sont pas obligatoires.

Mme Labrie : Donc, on n'a pas à attendre de faire cette réforme complète, on peut, dès maintenant, dans ce projet de loi là, amorcer des choses?

M. Taillon (Patrick) : Je l'espère, oui.

Mme Labrie : Parfait. Je vous remercie.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, Mme la députée. Je cède maintenant la parole au député des Îles-de-la-Madeleine, pour 2 min 37 s.

M. Arseneau : Merci beaucoup, M. le Président. Me Taillon, merci d'être là et de partager votre point de vue avec nous, qui est très éclairant. J'ai accroché, à la page 7, sur le contexte où l'autonomie constitutionnelle du Québec a souvent été fragilisée. Est-ce que... Vous suggérez, parce que c'est quand même une réforme importante, là, d'étendre, justement, les pouvoirs du Québec au-delà de l'état d'urgence et de la Loi sur la santé publique. Ça ne peut pas être fait maintenant, ce n'est pas ce que vous suggérez. Vous suggérez qu'on l'attaque comme un chantier plus vaste ou ça peut être fait plus rapidement, selon vous?

M. Taillon (Patrick) : Quand la Loi sur la santé publique a été contestée, décision très importante de la Cour d'appel, je crois, cet hiver, qui a validé le dispositif, on a utilisé la Loi sur la sécurité civile, parce qu'on n'avait pas assez de débats parlementaires puis parce que les deux lois sont à peu près identiques. Donc, au fond, mon propos, c'est de dire : Ça fait des années qu'on entend des collègues dire que l'urgence, ce n'est que fédéral. C'est faux, on en a maintenant la preuve. Le Québec, un peu comme la doctrine Gérin-Lajoie nous permet de... Ce qui est de compétence chez nous est de compétence partout. Bien, si c'est de compétence du Québec... si c'est de la compétence du Québec, l'urgence en éducation, l'urgence en environnement, l'urgence en sécurité publique, l'urgence sanitaire, c'est aussi de notre compétence.

Donc, pour le moment, on a comme deux lois, peut-être qu'il y en a une troisième qui m'échappe, mais, lors d'une réécriture, il faudrait peut-être consolider l'acquis de cette crise dans notre relation avec Ottawa pour bien marquer le fait que ce qui est de notre compétence l'est aussi en <temps...

M. Taillon (Patrick) : ...dans notre relation avec Ottawa pour bien marquer le fait que ce qui est de notre compétence l'est aussi en >temps d'urgence. Et c'est ça, l'esprit de la suggestion.

M. Arseneau : ...l'autre volet, c'est celui de la crainte du va-et-vient. La crise a...en fait, l'état d'urgence a duré deux ans, mais moi, j'ai le profond sentiment qu'on n'a pas été en état de crise pendant deux ans et que le va-et-vient aurait pu être exercé pendant toute la période, de la même façon que, si on avait une crise en sécurité civile, il y a un barrage qui éclate, on colmate, la crise est terminée, on peut investir, et, ensuite, bien, il craque à un autre endroit, une nouvelle crise, et ainsi de suite. Et est-ce que ce n'est pas le fait, justement, qu'on n'ait pas respecté l'esprit de la loi sur le 10 jours ou 30 jours puis qu'ensuite on dise : Bien, on revient à un état de rétablissement, un peu comme on dit en sécurité civile... qu'on est pris avec une loi comme celle-là pour en sortir?

M. Taillon (Patrick) : Bien, je dirais deux choses. Si on avait seulement eu besoin de restrictions qui visent la population, je pense qu'on aurait pu en sortir, faire du va-et-vient, puis ç'aurait été très sain, mais c'est une crise organisationnelle et de capacité de soins, puis là je pense que, là, il y a des limbes et un labyrinthe de problèmes.

Et l'autre aspect, c'est que, si on avait une loi sur le... qui encadre l'urgence qui permettait de dire : Voilà, c'est terminé, à partir de maintenant, vous ne pouvez plus adopter de décret, mais ceux qui sont déjà en vigueur vont produire des effets jusqu'à telle date, bien là, on aurait pu, je crois, sortir fréquemment de l'état d'urgence. Mais, même dans les beaux étés qu'on a eus, on a gardé quand même des mesures comme le masque, et donc, à moins que... c'est peut-être le cas, il y a moyen d'imposer le masque par d'autres voies — ce n'est pas ma compréhension de la chose — on est un peu coincé. Donc, il faut... Pardon.

Le Président (M. Provençal) :Je vous remercie beaucoup. Non, c'est moi qui gère le temps, je m'excuse, alors je dois maintenant passer la parole à la députée d'Iberville, qui va compléter cet échange.

Mme Samson : Merci, M. le Président. Me Taillon... Préférez-vous maître ou professeur?

M. Taillon (Patrick) : Bien, monsieur, Patrick... idéal.

Mme Samson : Me Taillon, deux petites questions très rapides. Pouvez-vous me dire, en droit du travail, quelle loi empêche un employeur de donner un bonus à un employé?

M. Taillon (Patrick) : Lorsqu'on a adopté la Charte canadienne des droits et libertés, on a prévu un article 2 qui prévoit la liberté d'association. La Cour suprême a dérivé de cette liberté d'association que ça voulait dire le droit de négocier les conditions de travail. Et donc, même si ça a l'apparence d'un cadeau, d'une prime, cette jurisprudence, elle fait en sorte... que la mesure décidée unilatéralement soit positive ou restrictive, elle est une atteinte à la liberté de négocier les conditions de travail. Et c'est pour ça que, depuis une dizaine d'années, on voit beaucoup moins de lois spéciales dans le secteur public. Cette jurisprudence-là est apparue dans ces années-là. Et, par contre, on ne sait pas si certaines de ces limitations pourraient être justifiées, mais ça crée un contexte juridique où, là, c'est plus périlleux. Voilà.

Mme Samson : O.K., je comprends. Donc, la voie de la négociation est inévitable.

M. Taillon (Patrick) : C'est comme si on place la négociation au-dessus des bonnes conditions.

Mme Samson : Au-dessus des bonnes nouvelles qu'un patron peut envoyer à ses employés.

M. Taillon (Patrick) : Parce que, derrière la bonne nouvelle, il peut y avoir un piège ou une fausse bonne nouvelle, alors on dit : D'abord et avant...

Mme Samson : Oui, oui, une demande démesurée.

M. Taillon (Patrick) : Voilà.

Mme Samson : Ma deuxième question, c'est quand on lit, dans la loi, l'impossibilité pour quiconque de poursuivre quiconque. Comment peut-on s'accaparer autant de pouvoir sans en avoir les responsabilités?

M. Taillon (Patrick) : Je dois vous avouer que ça m'a échappé, là, l'impossibilité de poursuivre.

Mme Samson : Personne ne peut poursuivre personne.

M. Taillon (Patrick) : Oui. Un, ça m'a échappé, c'est de ma faute, mais...

Mme Samson : Bien, moi, j'aurais fait une méchante bonne avocate, hein?

M. Taillon (Patrick) : Oui, mais je sais que, de toute manière, les tribunaux, devant des clauses privatives de recours, généralement, n'y voient qu'un indice, là. Et, généralement, c'est... même si le législateur dit : Vous n'avez pas de recours, généralement, le tribunal va quand même dire : Non, non, il y a une justice...

Mme Samson : On va écouter.

M. Taillon (Patrick) : Oui, mais je dois vous confier que ça m'a échappé. Je profiterai de la pause pour...

Mme Samson : Je vais vous le trouver en fumant une cigarette à la pause.

M. Taillon (Patrick) : Oui, oui, oui. Tout à fait.

Le Président (M. Provençal) :Alors, Mme la députée, je dois vous dire que vous avez terminé. C'était très intéressant...

Mme Samson : ...dans ma tête, là, je suis toute correcte.

Le Président (M. Provençal) : Alors, merci beaucoup, M. Taillon, pour votre présence et la qualité de ces échanges.

Sur ce, je vais suspendre quelques minutes pour qu'on puisse faire place au prochain... à M. Lampron, qui va prendre la place.

(Suspension de la séance à 15 h 49)

 (Reprise à 15 h 53)

Le Président (M. Provençal) :Nous reprenons nos travaux. Nous accueillons maintenant le Pr Louis-Philippe Lampron, professeur de droit à l'Université Laval. Monsieur, je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour votre présentation, et, par la suite, nous procéderons à la période d'échange. Alors, je vous cède immédiatement la parole.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, c'est un plaisir d'être ici avec vous aujourd'hui. Merci, donc, de cette convocation pour parler du projet de loi n° 28, initialement baptisé Loi visant à mettre fin à l'état d'urgence sanitaire, mais je sais qu'il y a un amendement, là, qui a eu cours le premier jour et qui a rajouté une portion importante, là, au titre.

Alors, ma présentation d'aujourd'hui vise essentiellement à faire un retour sur les principes qui sont applicables, justement, pour encadrer l'état d'urgence sanitaire au Québec, régime juridique exceptionnel qui permet, il faut le rappeler, là, de rompre temporairement l'équilibre des pouvoirs qui caractérise tous les États démocratiques, entre les branches de pouvoir gouvernemental <étatique...

M. Lampron (Louis-Philippe) : ...démocratiques entre les branches de pouvoir gouvernemental >étatique, en fait, donc entre le gouvernement, le législatif et le judiciaire.

Alors, voilà maintenant plus de deux ans que nous sommes sous l'égide de l'état d'urgence sanitaire qui a été édicté le 13 mars 2020, évidemment, avec l'arrivée de la pandémie de COVID-19. Et l'état d'urgence sanitaire a été décrété au moment, justement, de l'arrivée de ce virus-là sur le territoire québécois, par le gouvernement, et il est renouvelé conformément à l'article 119 de la Loi sur la santé publique depuis, selon la première option, on aura l'occasion d'y revenir, là, de 10 jours en 10 jours.

Évidemment, dans un contexte où le gouvernement peut mettre fin à l'état d'urgence sanitaire de sa seule initiative et sans avoir, pour ce faire, à adopter une loi, c'est quand même important de le rappeler, bien, l'objectif de ma présentation d'aujourd'hui, c'est de dire : Donc, tant qu'à adopter une loi, qu'est-ce qu'il est possible de faire, en fait? Et donc on va le voir, il va y avoir deux grandes parties à ma présentation. La première, ça va être de parler de la justification des pouvoirs qui souhaitent être maintenus par le gouvernement pour amorcer cette phase de transition là. Parce qu'il est important de faire la distinction entre le régime juridique que représente l'état d'urgence sanitaire, régime juridique de gouvernance, en fait, exceptionnel, et la crise de la COVID-19, avec laquelle on doit vivre et on devra vivre au Québec et partout à travers le monde dans un avenir prévisible.

Alors, à partir du moment où ce qui est devant nous, avec le projet de loi n° 28, ça semble être, et j'aurai l'occasion d'en débattre, évidemment, là, avec les membres de cette commission, un projet de loi transitoire, bien, il faut se demander si les pouvoirs qui souhaitent être conservés par le gouvernement, ils peuvent se justifier dans l'état actuel de la pandémie, étant entendu que le régime juridique exceptionnel qui est l'état d'urgence sanitaire, bien, ce n'est pas quelque chose qu'on peut maintenir au cas où la crise se rematérialise dans le futur. En fait, il faut vraiment que ce soit justifié dans l'ici et maintenant.

Et le deuxième volet de ma présentation d'aujourd'hui va venir... Je vais essayer de traiter des lacunes, en fait, qui se sont révélées à l'usage, là, en ce qui concerne les dispositions qui encadrent actuellement les pouvoirs, là, justement, qui permettent au gouvernement de basculer en état d'urgence sanitaire, et on va parler spécifiquement de l'article 119 et, bien sûr, de l'article 129.

Alors sur la question, d'abord, des pouvoirs maintenus, bien, il est clair qu'à partir du moment... et je reviens là-dessus, hein, c'est le point de départ de l'analyse : il n'est pas nécessaire de légiférer pour mettre fin à l'état d'urgence sanitaire. Il est nécessaire de légiférer si tant est qu'on souhaite maintenir, et c'est l'essentiel du projet de loi n° 28, certains pouvoirs en vigueur le temps qu'on soit capable de finaliser, de sortir de la crise de la COVID-19. Et donc moi, le premier commentaire que j'aurais à faire, c'est de continuer le travail d'amendement et, cette fois-là, de retirer le titre initial de la loi. Pour moi, de mettre dans le titre d'une loi transitoire le fait que c'est un projet de loi qui vise à mettre fin à l'état d'urgence sanitaire, dans un contexte où le gouvernement n'a pas besoin de légiférer pour mettre fin à l'état d'urgence sanitaire, c'est de nature à entretenir la confusion, et, à mon sens, on aurait tout avantage, collectivement, à vraiment spécifier déjà dans le titre de la loi c'est quoi, l'objectif de cette loi-là. Et ce n'est pas de mettre fin à l'état d'urgence sanitaire, mais c'est bien d'assurer la transition, en fait, et c'est une loi qui concerne spécifiquement la crise de la COVID-19.

Deuxième commentaire... Ça prend des fleurs, hein, dans... pour que ce soit crédible, évidemment, et donc j'aimerais saluer l'amendement qui a été apporté au premier jour des travaux, justement, là, parlementaires pour discuter du projet de loi n° 28, qui était nécessaire et qui, sans quoi, aurait fait l'objet des critiques que j'avais à formuler. C'est de dire de procéder par le biais d'une consolidation des pouvoirs, hein, les cinq arrêtés qui souhaitent être maintenus et qui contiennent, selon ma compréhension du projet de loi n° 28, l'entièreté des pouvoirs que le gouvernement souhaite conserver à partir du moment où le projet de loi n° 28 deviendrait une loi. Donc, ça, c'était quelque chose de nécessaire parce que, justement, ça permet d'être capable de travailler ensemble à déterminer et à discuter de la suffisance des motifs qui peuvent être avancés, justement, par le gouvernement et, à terme, par l'Assemblée nationale, là, si tant est qu'on veut les conserver, ces pouvoirs-là, bon.

Maintenant, il reste le plus dur à faire, parce que, et là je vais faire un rappel de principes qui sont applicables en matière de droits et libertés de la personne, quand une crise frappe, une crise de la nature de celle de la COVID-19, évidemment, l'application des textes sur les droits et libertés de la personne, on est dans un flou jurisprudentiel parce qu'on n'a jamais eu, depuis l'ère de la charte canadienne, de crise de cette ampleur-là. Mais il y a une chose qui est claire, c'est que le gouvernement jouit, l'État, en fait, jouit d'une marge de manoeuvre supplémentaire pour justifier des atteintes aux droits fondamentaux, des restrictions aux droits fondamentaux qui découlent des nombreux décrets qui ont été adoptés pour être capables de protéger la maison collective, là. Ça, c'est clair et net dans la jurisprudence, <bon...

M. Lampron (Louis-Philippe) : ...être capable de protéger la maison collective, là. Ça, c'est clair et net dans la jurisprudence, >bon.

Une fois qu'on a dit ça, cette marge de manoeuvre là pour justifier les atteintes aux droits fondamentaux, elle n'est pas illimitée et elle décroît au fur et à mesure que la crise avance, en fait. Alors, évidemment, la marge de manoeuvre était beaucoup plus grande au début, quand on naviguait véritablement à vue, parce qu'on connaissait très peu de choses du virus, etc., et que, donc, le gouvernement pourrait justifier, dans le contexte d'une contestation judiciaire, des mesures même s'il n'était pas assis sur des données très solides, qui démontrent leur efficacité, en fait, pour lutter contre la COVID-19, au tout début de la crise. Plus on avance et plus il faut que les données soient solides pour justifier des restrictions aux droits fondamentaux.

Et donc là, plus de deux ans après le début de la crise de la COVID-19, dans un contexte où on espère, hein, on s'accroche presque à la peinture sur les murs pour espérer un retour à la normale, bien, nécessairement, le gouvernement va avoir fort à faire pour justifier les atteintes aux droits fondamentaux qui découlent des pouvoirs qu'il souhaite maintenir en vertu du projet de loi n° 28. Ça ne veut évidemment pas dire que c'est impossible, mais il va falloir qu'il ait des arguments solides à faire valoir.

Et l'autre élément que je voulais souligner, c'est que, plus l'atteinte aux droits fondamentaux est importante, qui découle du décret, là, et les cinq arrêtés qui y demeurent, plus le travail va être important à faire pour justifier la restriction aux droits fondamentaux. Donc, ça, c'est des éléments dont on doit absolument tenir compte.

• (16 heures) •

Et, à cet égard-là, même si, dans ma présentation d'aujourd'hui, hein, 10 minutes, c'est très court, je ne vais pas m'arrêter trop avant sur... je ne veux pas analyser, là, les cinq arrêtés en conseil qui ont été adoptés, j'invite les parlementaires à surveiller notamment l'article 4 du projet de loi n° 28, qui implique des restrictions importantes au droit à la vie privée sans que le projet de loi permette vraiment de déterminer pour quelles raisons est-ce qu'on souhaite garder ces pouvoirs-là, et, évidemment, l'arrêté 2022-030, là, qui autorise des pouvoirs de contournement des conventions collectives. Dans un contexte où la négociation collective des conditions de travail, c'est sûr que c'est au cœur de dispositions qui protègent la liberté d'association en vertu de la charte canadienne et de la charte québécoise, alors moi, ces pouvoirs-là, là, m'apparaissent mériter une attention supplémentaire pour s'assurer, justement, qu'on ait des motifs sérieux à faire valoir dans l'éventualité d'une contestation.

Deuxième élément, je vois qu'il me reste deux minutes, ce sera donc vitesse grand V, je crois qu'à partir du moment où l'Assemblée nationale choisit de sortir de l'état d'urgence sanitaire par le truchement d'une loi, bien... je pense qu'on ne peut pas faire l'économie de lacunes importantes qui se sont révélées à l'usage, en fait, en ce qui concerne les balises qui encadrent le pouvoir discrétionnaire du gouvernement de basculer en état d'urgence et de maintenir cet état d'urgence là. Je fais référence, bien sûr, à l'article 119 de la Loi sur la santé publique, d'une part, là, qui a été interprété par le gouvernement, de manière tout à fait légale, par ailleurs, ça a été confirmé par la Cour d'appel du Québec dans l'arrêt Bricka, récemment. Et donc il y a un choix qui était laissé à l'initiative du gouvernement, soit sur le temps court de la crise. Donc, déclaration d'état d'urgence, le gouvernement peut faire ça de sa propre initiative. Renouvellement aux 10 jours, il peut le faire de sa propre initiative. Et là il y avait le flou entre la lettre et l'esprit, hein, parce qu'il y a un délai de 30 jours où, là, il faut que l'Assemblée nationale soit mise dans le coup pour le renouvellement de l'état d'urgence sanitaire, ou de 10 jours si on le fait de 10 jours en 10 jours, et c'est le choix qui a été fait et qui a été validé par la Cour d'appel, là. C'est permis par l'état actuel de la Loi sur la santé publique.

Moi, il me semble que tant qu'à légiférer sur la COVID-19, et dans l'éventualité où il y a toujours une possibilité, considérant, pour reprendre l'expression de mon collègue Taillon, qui me précédait, là, la «nature crépusculaire» du projet de loi n° 28... il y a toujours possibilité, donc, que la crise de la COVID-19 s'emballe à nouveau et qu'on doive, malheureusement, personne ne le souhaite, rebasculer dans un état d'urgence, je pense que c'est l'occasion, spécifiquement, de dire : En ce qui concerne la crise de la COVID-19, si on doit rebasculer en état d'urgence sanitaire, ça va se faire avec un débat à l'Assemblée nationale. Il me semble que c'est fondamental d'être capable de rajouter ça dans un projet de loi de la nature du projet de loi n° 28.

Et le dernier élément, pour les vingt secondes qu'il me reste, c'est l'article 129, là. Il me semble très, très important de corriger ce qui apparaît comme une lacune importante là où on en est rendu dans l'état d'urgence, dans la crise de la COVID-19, considérant le fait que l'article 119 a permis au gouvernement, de sa seule initiative, de maintenir ce régime juridique exceptionnel là pendant deux ans sans discontinuer, de s'assurer qu'on va avoir plus qu'un rapport d'événement, surtout celui qui est libellé à l'article 129, là, qui peut être, à mon sens, respecté si on s'en tient à la lettre de la loi, uniquement en collant les décrets dans un document et en disant : Voici le rapport d'événement.

Alors, voilà ce que j'avais à dire, là, comme déclaration initiale. Il va maintenant me faire plaisir d'échanger avec vous, bien sûr.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, M. Lampron, pour votre exposé. Nous allons immédiatement débuter cette période d'échange avec M. le ministre.

M. Dubé : Me Lampron, c'est un plaisir de vous entendre aujourd'hui. Je pense que l'Université Laval doit être fière de ses finissants. C'est tellement clair, aujourd'hui, ce que vous dites. Qu'on soit d'accord ou en désaccord avec certains de vos points, ce n'est pas ce qui est important. L'important, c'est la clarté de votre exposé...


 
 

16 h (version révisée)

M. Dubé : ...c'est tellement clair, ce que vous dites aujourd'hui. Qu'on soit d'accord ou en désaccord avec certains de vos points, ce n'est pas ce qui est important. L'important, c'est la clarté de votre exposé. Puis je veux... je veux vous le mentionner, c'est très bien. Je voudrais juste revenir sur votre titre. Je veux juste bien le... Pouvez-vous le répéter? Parce que vous saisissez tellement bien le besoin que, si on peut en discuter avec nos légistes dans les prochains jours... Pouvez-vous me le répéter, quelle était votre suggestion pour le titre du projet de loi?

M. Lampron (Louis-Philippe) :C'est de retirer tout simplement le fait que la loi vise à mettre fin à l'état d'urgence sanitaire.

M. Dubé : O.K., le reste...

M. Lampron (Louis-Philippe) :Oui, ça, ça va, ça va, de focaliser… oui.

M. Dubé : O.K., je comprends très bien. C'est ça que je voulais juste être certain, O.K., donc, de faire référence… Puis, tant qu'à vous avoir, est-ce que ça serait des mesures temporaires ou transitoires, selon vous, qui serait le mot le plus approprié?

M. Lampron (Louis-Philippe) :Moi, j'irais pour «temporaires».

M. Dubé : «Temporaires», O.K.

M. Lampron (Louis-Philippe) :À partir du moment où on est dans le… ça doit expirer en décembre 2022, tout à fait.

M. Dubé : Bien, au plus tard…

M. Lampron (Louis-Philippe) : Au plus tard.

M. Dubé : …parce qu'on s'entend… La plupart des mesures auxquelles on réfère pour le 31 décembre, c'est au plus tard… alors que, pour les contrats, c'est... vous l'avez bien lu.

J'apprécie beaucoup... Mon Dieu! Vous avez parlé de fleurs, mais effectivement c'est à écouter plusieurs légistes et les députés de l'opposition qu'on a pris la décision de spécifier comme premier amendement qu'il fallait avoir une description beaucoup plus claire dans le projet de loi sur les cinq thèmes. Je vais les appeler comme ça, là. Alors, merci de l'avoir noté, parce que je peux vous dire qu'il y a plusieurs légistes au ministère qui ont travaillé très fort pour faire cet exercice-là de concision et de rassembler tous les décrets pour les mettre sur ces cinq thèmes-là. Puis je pense que vous pouvez sûrement reconnaître le travail qui a été fait pour mettre ça ensemble. Alors, merci de le souligner pour, entre autres, les légistes qui nous… qui nous écoutent aujourd'hui.

Vous avez une expertise… Je regardais sur le site Web, là, vous avez une expertise particulièrement dans les droits fondamentaux. C'est quoi, votre intérêt? Parce qu'avant de vous poser les questions je voulais juste savoir... Vous faites un point qui est excessivement important, moi, je pense, pour la suite des choses. Alors, dites-moi c'est quoi, votre expertise en termes, là, de droit, mais spécifiquement pour les droits et les libertés.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Je travaille effectivement sur, spécifiquement, la charte canadienne et la charte québécoise des droits et libertés, et plus particulièrement les libertés fondamentales, mais également, quand je m'intéresse à ces outils-là qui ont une valeur supralégislative, bien, je m'intéresse à la reconnaissance juridique du principe de démocratie et ce que ça prend institutionnellement pour être capable de s'assurer du maintien, en fait, d'une véritable démocratie, notamment le fameux équilibre des pouvoirs entre le législatif, le judiciaire et l'exécutif. Et c'est ce qui me mène à m'intéresser aussi, depuis les dernières années, notamment aux critères qui permettent ou ne permettent pas d'avoir recours à la disposition générale de dérogation aux droits et libertés de la personne, notamment dans le contexte du projet de loi n° 21 et également dans le contexte de l'état d'urgence, là.

C'est certain que moi… La pandémie, quand je dis que c'est un apprentissage qu'on a tous fait à la dure, moi, les dispositions de l'article... des articles 118 et suivants de la Loi sur la santé publique, avant l'éclatement de la pandémie, je n'avais pas eu l'occasion de m'y intéresser, là. Mais là où ça rejoint directement mon expertise, c'est justement parce que les droits et libertés de la personne, c'est le socle de légitimité en deçà duquel, en principe, les gouvernements et les États ne peuvent pas aller.

M. Dubé : Je voulais juste vous mentionner, un peu comme je l'ai fait avec le Pr Taillon un petit peu plus tôt aujourd'hui… ouvrir cette porte-là sur le besoin de refaire la Loi sur la santé publique. Puis je pense qu'avec des experts comme vous qu'on entend aujourd'hui, le Pr Taillon qu'on a écouté tout à l'heure… que notre gouvernement s'engage de s'embarquer dans cette analyse-là et de refaire… Puis je suis content qu'on pourra avoir vos coordonnées si jamais on décide d'aller plus loin là-dedans…

M. Lampron (Louis-Philippe) :Je suis facile à trouver.

M. Dubé : …parce que je pense que c'est important, puis je l'ai dit, que la Commissaire à la santé nous a demandé de le faire dans un exercice qui devrait être rigoureux, mais peut-être à l'extérieur des mesures d'urgence dont on parle. Mais je voulais juste vous le mentionner, surtout maintenant que je suis conscient de l'expertise que vous avez.

Maintenant, où je vous demanderais de nous aider, puis j'ai posé exactement la même question au Pr Taillon ce matin… un peu plus tôt aujourd'hui, pardon… Vous avez une connaissance de la loi, votre expertise, on vient d'en parler, dans droits et libertés, mais vous avez aussi, j'espère, peut-être entendu nos P.D.G., nos P.D.G. qui étaient de trois régions très différentes puis qui ont eu... Ils nous ont bien expliqué qu'ils avaient tous les mêmes problèmes de... Puis ils reviennent aux cinq arrêtés qu'on a décidé de continuer. Quand vous... Avec votre expertise des droits et libertés, là, est-ce qu'il y en a... Puis je veux vous entendre. Je veux avoir et les fleurs et le pot parce qu'on est là pour ça. Vous les avez entendus. Qu'est-ce qui <vous titille...

M. Dubé : ...qui >vous titille le plus puis qu'est-ce… lesquels vous êtes peut-être plus d'accord? Parce que c'est important de vous entendre sur les côtés positifs et négatifs de ça, et c'est pour ça que je pense que notre défi, si vous me permettez, à part le titre, c'est de trouver l'équilibre dans les prochains mois, pendant qu'on s'organise de façon permanente, parce que c'est ça, notre objectif, d'avoir des mesures temporaires qui nous permettent de nous organiser… Quel est cet équilibre-là entre les droits et libertés et des pratiques sur le terrain, comme les P.D.G. nous ont expliqué clairement aujourd'hui?

M. Lampron (Louis-Philippe) :Bien, c'est-à-dire que la flexibilité dont on bénéficie à travers des instruments comme la Loi sur la santé publique ou l'état d'urgence sanitaire, là, ça se justifie sur le temps court d'une crise. Et donc des décrets comme ceux qui affectent les conditions de travail, parce que c'est beaucoup de ça dont il est question, évidemment, dans les présentations auxquelles vous référez, et le besoin que, du côté employeur, on soit capables, entre guillemets, de se revirer sur un 10 cents pour être capable de s'assurer de protéger le plus grand nombre, c'est sûr que c'est une considération qui est importante puis c'est un objectif, là, je reviens… le critère de l'arrêt Oakes, là, qui passerait le test initial. Est-ce que c'est un objectif suffisamment important pour...

• (16 h 10) •

M. Dubé : Juste pour que tout le monde comprenne, quand vous faites référence à l'arrêt Oakes, là, juste peut-être en dire quelques mots là-dessus.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Oui, effectivement. Je prends toujours pour acquis que tout le monde sait c'est quoi, l'arrêt Oakes, voilà. Tout raisonnement, en droits et libertés de la personne, ça fonctionne selon un raisonnement en deux temps. Un, il faut faire la preuve d'une atteinte au droit fondamental, et, ensuite, l'État peut essayer de justifier l'atteinte. Et, pour justifier l'atteinte, il faut passer à travers une grille d'analyse en quatre étapes, qui est celle qui a été établie en 1986 dans l'arrêt Oakes.

La première étape, c'est l'objectif suffisamment important, hein? On ne peut pas justifier, en quelque circonstance que ce soit, une atteinte aux droits fondamentaux sans qu'on poursuive un objectif considéré comme étant suffisamment important. Alors, en contexte de pandémie, parce que la pandémie n'est pas terminée, malheureusement, qu'on poursuive un objectif de flexibilité, ça, ça passe l'étape un.

Là où ça devient plus difficile, parce qu'on avance dans la pandémie, et qu'il s'agit, bien sûr, d'une atteinte à ce qui constitue le cœur de la liberté d'association, hein, depuis 2015, là, ça a été très, très clairement cristallisé par la Cour suprême du Canada, c'est-à-dire le fait qu'il y ait une négociation collective des conditions de travail lorsqu'il y a justement… le syndicat a appliqué… unité d'accréditation, etc.

Alors, c'est certain que de justifier le maintien de pouvoirs exceptionnels qui permettent de contourner les conventions collectives sur le temps long d'une crise, bien, ça peut se justifier sur certaines particularités des pouvoirs qui se retrouvent dans le décret 2022-030. Et, encore une fois, je n'ai pas fait une analyse détaillée, là, de ces pouvoirs-là, mais, d'y aller globalement, uniquement en disant que, parce que la pandémie n'est pas terminée, il faut qu'on continue à avoir ces pouvoirs exceptionnels là en main au cas où il y ait une résurgence ou que sais-je encore, ça, c'est certain que c'est plus difficile à justifier plus la crise avance parce que...

M. Dubé : Ça, c'est dans le deuxième point. Puis je veux juste vous mentionner… parce qu'effectivement… et c'est pour ça qu'il était important, suite à vos demandes puis à vos collègues… de préciser qu'est-ce qui restait dans les arrêtés et qu'est-ce qui partait, parce qu'on a enlevé 007 qui était… je n'ai pas besoin de vous l'expliquer, vous le savez, c'est quoi, là, qui... mais, en même temps, on a gardé les primes. Alors, dans l'article, dans le deuxième critère, il y aurait ce choix-là ou cette discussion-là, à savoir qu'est-ce qui est resté et qu'est-ce qui n'est pas resté. Est-ce qu'on parle de la bonne chose, là?

M. Lampron (Louis-Philippe) :Complètement, exactement…

M. Dubé : O.K., parfait.

M. Lampron (Louis-Philippe) :…qu'est-ce qui se justifie, qu'est-ce qui ne se justifie pas. Puis un critère qui est vraiment important, là, puis je fais référence à ça, à quelque chose qui a été discuté, parce qu'il y a un parallèle à faire avec la loi fédérale sur les mesures d'urgence et le débat qui a eu cours avec le convoi des camionneurs…

M. Dubé : Oui, avec qu'est-ce qui est arrivé à Ottawa, là.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Exactement. Et donc il y a eu un débat qui a eu cours à la Chambre des communes, mais ça, ce n'est pas Justin Trudeau et son gouvernement qui ont décidé, de bonne grâce, de tenir ce débat-là. Ils ont tenu le débat parce qu'ils étaient forcés de le tenir par la loi, et ça, c'est un bel exemple, en fait, là, des balises qui permettent d'encadrer un pouvoir exceptionnel.

M. Dubé : Êtes-vous toujours dans votre deuxième critère ou vous êtes...

M. Lampron (Louis-Philippe) :Bien, c'était une introduction. Je me suis permis un commentaire, mais je m'en allais sur le deuxième critère. Et donc…

M. Dubé : Je veux juste vous suivre, O.K., parce qu'il me reste… Moi, il me reste sept minutes, puis je trouve ça excessivement important pour la suite des choses, ça fait que je vous laisse débouler, là.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Oui, très bien. Et donc, ensuite, de dire qu'on garde ces pouvoirs-là, encore une fois, de flexibilité, dans un contexte où la crise perdure, ça passe le test un, mais la flexibilité, ce n'est pas nécessaire, ce n'est pas une adéquation, en fait, qui va faire en sorte que l'Assemblée nationale, si jamais le projet de loi n° 28 devient une loi, que cette loi-là est contestée… que les chances de succès allaient… si c'était éventuellement contesté en vertu des droits et libertés de la personne, là, seraient très élevées. C'est pour ça qu'il faut vraiment être certain que c'est en vertu du «ici et maintenant» et non pas du «peut-être demain» que les pouvoirs se justifient, en fait.

M. Dubé : Voilà, mais on pourra en reparler parce qu'on manque de temps, mais, quand on a… Quand on parlait que l'arrêté, par exemple, sur les primes finissait le… on l'avait mentionné, finissait le 16 avril, puis, lorsque la seizième... la sixième vague, pardon — j'ai dit la seizième vague, la sixième vague — a été confirmée, pour nous, c'était évident qu'il fallait rajouter d'un mois… Alors, c'est le genre de discussion sur le court terme dont vous parlez, je crois.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Exactement.

M. Dubé : Puis les trois et quatre, c'est <quoi…

M. Dubé : ...les trois et quatre, c'est >quoi? Je veux juste vous entendre. Vous avez dit : Il y a quatre choses à prendre en considération.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Oui, on est dans l'arrêt Oakes, en fait, là.

M. Dubé : Oui, toujours, parce que c'est important de

M. Lampron (Louis-Philippe) :Alors, ensuite, c'est la proportionnalité. C'est pour ça que ça devient toujours plus difficile pour l'État à cette étape-là. La première étape, elle passe souvent assez facilement la rampe.

M. Dubé : Oui, très bien.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Ensuite, la question, c'est : Est-ce que les moyens choisis par le gouvernement, par l'État sont proportionnels par rapport à l'objectif poursuivi?

M. Dubé : À la sévérité, oui, O.K.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Et là il y a le critère du lien rationnel, de l'atteinte minimale. Est-ce qu'on a conçu le moyen de manière à porter atteinte le moins possible aux droits fondamentaux en cause? Et, à la fin, c'est la balance des effets, en fait. Est-ce que les avantages produits par la mesure l'emportent sur la gravité de l'atteinte aux droits fondamentaux?

M. Dubé : Très bien, oui, ça, on en a parlé souvent, de ça.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Tout à fait.

M. Dubé : O.K., c'est très clair. Maintenant, je reviens à la question que je vous ai posée tout à l'heure. On a peut-être divergé un peu avec l'arrêt Oakes, mais revenons sur ce que vous avez entendu des P.D.G. ce matin, là. Ils vous on dit : Écoutez, on a besoin de… on a besoin de Je contribue, on a besoin de ça pour la vaccination, tout ce que vous avez entendu. Dans les cinq thèmes, là, qui sont maintenant précisés par l'amendement qui sera discuté avec les députés, qu'est-ce... est-ce qu'il y en a qui vous titillent plus que d'autres ou que vous dites : Ça, pour nous… Vous n'avez pas besoin de ça. J'aimerais ça vous entendre sur ces cinq-là parce que c'est ce qui reste, là, ces cinq arrêtés-là.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Oui, bien, écoutez, moi sur les cinq thèmes, puis c'est pour ça que dans... Et d'ailleurs vous allez avoir un mémoire écrit. C'est simplement que j'ai essayé désespérément d'arriver avant l'audition et je n'ai pas été en mesure. Alors, je vais...

M. Dubé : Je suis certain que ça va être clair.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Et j'espère que ça va l'être, à tout le moins.

M. Dubé : Ça va être très clair.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Mais là ce ne l'était pas avant que j'arrive, et donc je ne vous l'ai pas envoyé. Mais donc, moi, ce qui me titille, pour reprendre votre expression, il y a deux choses, c'est dans le détail de 2022-030, c'est-à-dire que, globalement, qu'on ait besoin de certaines mesures, considérant là où on en est dans la sixième vague et qu'on ait besoin, ici et maintenant, de maintenir une certaine forme de flexibilité hors convention collective, peut-être que, dans certains cas, ça se justifie, mais, mur à mur, je ne suis pas certain que ça justifie, surtout en considérant l'importance du droit fondamental dont il est question. Alors, ça, c'est ce qui me titille, de un.

M. Dubé : Très bien.

M. Lampron (Louis-Philippe) :De deux, moi, c'est l'article 4, je voudrais peut-être y revenir en disant : Quel est l'objectif de l'article 4? Parce qu'il y a une capacité importante, là, qui est laissée au gouvernement de demander des informations qui relèvent de la vie privée, par ailleurs, mais il n'y a pas de mise en contexte ou… En fait, quand je l'ai lu initialement, puis, là-dessus, je pense que je partage le point de vue de mon collègue Taillon, on croyait que c'était pour vous aider dans la reddition de comptes, mais, comme il n'y a rien d'autre sur la reddition de comptes, je cherche.

M. Dubé : Je peux m'essayer, M. le Président, parce qu'on a... Il me reste quoi?

Le Président (M. Provençal) :2 min 30 s.

M. Dubé : Deux minutes, mais c'est une très bonne question. L'objectif derrière 4 était très clair, c'était au niveau de l'information qu'on a pour la vaccination, parce que ce qu'on veut, c'est continuer de… bien, la vaccination et du dépistage, mais, particulièrement pour la vaccination, vous savez que c'est une donnée personnelle, hein, c'est un individu, et de la façon dont on a construit nos systèmes, qui étaient inexistants, on s'est dit : On va aller chercher une information personnelle, mais on va avoir une information globale. Moi, là, comme ministre ou nos gestionnaires au ministère, ce n'est pas de savoir qui l'a eu ou pas, c'est de savoir est-ce qu'on a des tendances, alors c'est dans ce contexte-là. Alors, est-ce que ça serait peut-être… besoin de le préciser si ça dérange tant que ça? Ce sera peut-être quelque chose à discuter, mais je voulais juste expliquer que c'était pour avoir une information qui nous permet de voir les grandes tendances dans la vaccination, dans le séquençage, toute une foule de raisons, mais jamais dans l'objectif d'avoir l'information sur un individu. C'est comme ça que je le résumerais.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Et est-ce qu'il y a possibilité, dans ce cas-là, de...

(Interruption)

M. Lampron (Louis-Philippe) :Excusez-moi. Est-ce qu'il y a... On dirait Netflix qui vient de commencer.

M. Dubé : La meilleure façon, c'est de l'enlever.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Oui, oui, exactement. Est-ce qu'il y a possibilité, dans ce cas-là, d'aller chercher les mêmes informations, mais de manière purement anonymisée à partir du moment où c'est…

M. Dubé : Bien, c'est ce qui est fait comme étape intérimaire, c'est amassé sur une base personnelle, parce que quelqu'un qui se fait vacciner, on a son information, mais il faut s'assurer que l'information qui va, par exemple, au ministère ou au gestionnaire, elle est sur une base dénominalisée. Alors, voilà.

M. Lampron (Louis-Philippe) :O.K., très bien. Alors, c'est l'objectif.

M. Dubé : Mais c'est un bon point, puis je suis content que vous le souleviez, parce que, si jamais on a cette discussion-là avec les collègues de l'opposition, alors… Et je veux vous rassurer dans votre demande, puis je finis là-dessus, M. le Président, qu'on va respecter notre engagement de déposer le document, là, avec les... plus d'information sur les contrats. J'en ai parlé dans la présentation tout à l'heure, de donner un peu plus d'information qu'il y a dans le SEAO pour que les gens puissent s'y reconnaître, puis c'est un engagement que j'ai pris. Vous l'avez… Vous en aviez parlé. Alors, je veux juste dire que c'est un engagement qu'on prend.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, M. le ministre.

M. Dubé : Merci pour votre présentation, maître.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Merci.

Le Président (M. Provençal) :Nous poursuivons avec le député de Nelligan pour les 10 min 10 s qui suivent.

M. Derraji : Merci, M. le Président. On a un excellent <mémoire...

M. Derraji :  ...excellent >mémoire, merci… bien, excellente présentation. Je ne sais pas si je dois revenir à des propos tenus où je n'étais pas là, M. le Président, mais, pas de problème, si on veut rectifier le tir, on va le rectifier d'une autre manière, mais je trouve ça désolant qu'on a répondu sur quelque chose que j'ai dit. Je n'étais pas là. Donc, merci, M. le Président. Merci de votre intervention tout à l'heure. Première question : Est-ce qu'on a besoin d'une loi pour mettre fin à l'état d'urgence sanitaire?

M. Lampron (Louis-Philippe) :Non.

M. Derraji : Je vais répéter ma question. Est-ce qu'on a besoin d'un projet de loi ou d'une loi pour mettre fin à l'état d'urgence sanitaire que le gouvernement a mis en place depuis mars 2020?

• (16 h 20) •

M. Lampron (Louis-Philippe) :Non.

M. Derraji : Donc, pour vous, le fait d'avoir cette commission parlementaire, comment vous qualifiez... Et je ne veux pas vous faire dire des choses. Comment vous qualifiez cette commission parlementaire et le fait qu'on s'assoit ici pour étudier ce projet de loi?

M. Lampron (Louis-Philippe) :Bien, ça revient un peu au commentaire que je faisais initialement, c'est-à-dire, à partir du moment où l'essentiel du projet de loi n° 28 ne vise pas à mettre fin à l'état d'urgence sanitaire, mais vise à mettre en place des pouvoirs qui vont demeurer en vigueur, le temps de la transition…

M. Derraji : O.K., excellent, le mot clé, c'est «pouvoir». Donc, est-ce que c'est un gouvernement qui est assoiffé du pouvoir?

M. Lampron (Louis-Philippe) :Bien, je ne sais pas s'il est assoiffé de pouvoir, mais, assurément, il y a, dans le projet de loi n° 28, le désir, et c'est même le seul objectif du projet de loi n° 28, de maintenir des pouvoirs.

M. Derraji : Oui, mais, de l'autre côté, on vous a dit qu'ils ont besoin de ces pouvoirs pour continuer à gérer la pandémie qu'on qualifie… que chacun qualifie à sa manière. Le virus circule encore. Parfois, on a tendance à dire que ça ressemble à un rhume. Parfois, on a tendance à dire que ça ressemble à autre chose. Un projet de loi sans reddition de comptes, sans rapport d'événement, une loi transitoire sans reddition de comptes, est-ce que c'est ça, un État de droit?

M. Lampron (Louis-Philippe) :Bien, la seule reddition de comptes... Et là je vais profiter de votre question pour revenir sur ce que le ministre a dit en clôture, bien, c'est certain que le rapport d'événement... Et c'est pour ça que moi, je... C'est sans doute plus clair que dans les 20 secondes qui me restaient pour en parler dans ma présentation ou dans mon mémoire, je l'espère, mais le rapport d'événement, l'article 129, là, on doit le contextualiser. Moi, je suis heureux d'entendre le ministre dire : On va mettre plus que ce qui est exigé de 129, mais, à partir du moment où on débat en ce moment d'un projet de loi qui porte spécifiquement non pas sur la fin de l'état d'urgence sanitaire, parce que, vous le soulignez, on n'a pas besoin d'une loi pour ça, mais sur la COVID-19. Comment on va faire pour, à tout le moins, jusqu'au 31 décembre 2022, gérer le virus qui est toujours avec nous? Et donc la reddition de comptes...

M. Derraji : Oui, oui, mais, selon cette logique, le virus va disparaître après le 31 décembre. C'est ça, la loi. Le pouvoir, c'est ça. Encore une fois, vous êtes un homme de droit, le pouvoir demandé par le gouvernement, c'est jusqu'au 31 décembre. Ce gouvernement a oublié que, le 31 décembre dernier, ils ont envoyé une Alerte AMBER à tous les Québécois pour leur rappeler le couvre-feu. Donc, comme par hasard, le pouvoir, ils n'ont plus besoin de ce pouvoir jusqu'au 31 décembre parce que, le lendemain, le 1er janvier 2023, il n'y aura plus de pandémie, il n'y aura plus de virus. Donc, comment concilier cette notion de pouvoir absolu et l'État de droit du moment que vous êtes quelqu'un qui veille sur l'État de droit?

M. Lampron (Louis-Philippe) :Oui, bien, il y a la possibilité de contester les pouvoirs qui sont... qui demeurent en vigueur, si tant est que le projet de loi n° 28 devient une loi, en vertu des droits et libertés de la personne. Il faut garder en tête que la marge de manoeuvre dont bénéficiait le gouvernement, comme je le disais, a été amoindrie au fur et à mesure qu'on a avancé dans la crise, d'une part. Mais, pour terminer mon idée sur la reddition de comptes, je pense que ce qui est important, c'est qu'on corrige la lacune dans le projet de loi n° 28, en fait, de 129, qu'on ne fasse pas simplement se contenter collectivement d'un engagement et qu'on s'assure, considérant l'impact très grand pour le futur, en fait, et pour qu'on soit capables, collectivement, d'apprendre de nos erreurs, quand erreurs il y a sans doute eues… bien, qu'on libelle, en fait, la nature de la reddition de comptes qui va devoir avoir cours après, quand on sera sortis de la COVID-19.

M. Derraji : Mais vous avez raison, Pr Lampron, et c'est très clair, vos propos. Le problème, c'est que je n'ai pas de rapport d'événement avec la voie utilisée depuis 2020. Aujourd'hui, le gouvernement, le Conseil des ministres... Le ministre vient d'arriver d'un conseil des ministres. Aujourd'hui, il y a un renouvellement de décret encore une fois pour prolonger l'état d'urgence sanitaire, et on est rendus au 107e. Il n'y a pas de dépôt de rapport d'événement, c'est stipulé pourtant dans la Loi sur la santé publique. Au lieu de changer la Loi sur la santé publique.... Il y a des élections au mois d'octobre. Qu'est-ce qu'on demande? Ils ont interprété... Et, corrigez-moi si je me trompe, ils ont interprété les deux articles au renouvellement hebdomadaire versus le renouvellement au mois pour qu'ils nous demandent aujourd'hui un chèque pour continuer toutes les mesures avec les cinq arrêtés jusqu'au 31 décembre. Est-ce qu'on partage la même lecture?

M. Lampron (Louis-Philippe) :Bien, écoutez, ma critique, elle vient... Moi, je pense que je partage la ligne que vous défendez, sur le fait qu'il est important d'avoir une reddition de comptes. Je pense que, pour moi, l'article 129 est absolument insuffisant <pour...

M. Lampron (Louis-Philippe) : ...insuffisant >pour assurer le maintien de la confiance de la population envers nos institutions, parce qu'on a besoin d'un véritable postmortem. Je pense qu'on a tous appris à la dure et que, ce faisant, les rôles des uns et des autres dans une crise de la nature de celle de la COVID-19, il y a eu quelques essais-erreurs. Et donc c'est important qu'on soit capables de revenir pour déterminer quelles sont les interactions qui, au sens de la légitimité politique, doivent être prévues et encadrées par la loi entre le directeur de la santé publique, l'INSPQ, le premier ministre, le ministre de la Santé, etc. Et, pour ça, un rapport d'événement, en tout cas, tel que libellé à 129, c'est absolument insuffisant, ça, c'est très clair.

M. Derraji : Mais vous avez raison, parce que, de plus en plus qu'on avance et on voit les scandales, y compris le scandale de Herron. On a vu aussi les contrats. On a vu les sondages, les sondages que le gouvernement faisait, même pour tester la popularité du premier ministre et du ministre de la Santé. Vous avez vu les contrats de gré à gré, hein, il y en a pas mal, notamment un cofondateur de la CAQ qui a eu un contrat. Est-ce que c'est ça, pour vous, la définition d'un État de droit? Est-ce que c'est comme ça qu'on se gouverne dans un État démocratique, sans les balises? Parce que, vous l'avez vu, nous… Moi, en tant que député de l'opposition, est-ce que j'ai joué mon rôle en tant que député de l'opposition? Parce que le gouvernement a choisi d'une manière délibérée un renouvellement hebdomadaire de l'état d'urgence par décret et non pas venir à l'Assemblée nationale, parce qu'on peut interpréter l'article comme on le veut, mais j'aimerais bien savoir l'interprétation d'un expert en droit. Quand un gouvernement utilise le même projet de loi, la même loi, le même article, et il choisit de renouveler, versus l'hebdomadaire, versus le mensuel, ça vous donne quoi comme lecture sur ce gouvernement?

M. Lampron (Louis-Philippe) :Bien, écoutez, je ne veux pas faire de procès d'intention encore une fois, mais, je veux dire, la question initiale que vous avez posée, c'est : Est-ce que c'est ça, un État de droit? Il faut garder en tête que, dans un État de droit, il y a toujours des pouvoirs qui permettent la sortie de l'équilibre des pouvoirs un temps court, en fait. Le problème, et ça a été révélé, à mon sens, très clairement dès la première année de la crise de la COVID-19, hein, parce qu'il y a eu des accalmies à un certain moment... Alors, la gouvernance par décret était-elle nécessaire, au sens politique du terme, pendant deux ans sans discontinuité? Pour moi, c'est largement questionnable, mais ce qui est surtout largement questionnable, c'est que l'Assemblée nationale a été mise hors jeu dans les renouvellements, en fait, de l'état d'urgence sanitaire, et ça, c'est, pour moi, une lacune claire qui a été révélée de la lettre de l'article 129.

M. Derraji : Oui, c'est excellent parce que... Mais là je vous le dis parce que votre passage en commission est extrêmement pertinent. Premièrement, on n'a pas besoin de ce projet de loi pour lever l'état d'urgence. Ce qu'on essaie de dire, c'est que c'est un projet de loi pour retirer l'état d'urgence. Deux, ce que j'aime dans vos propos, c'est la notion de reddition de comptes, mais c'est ça, le rôle d'un député de l'opposition. Le rôle, c'est contrôler les actions du gouvernement. Ce gouvernement gère avec un pouvoir absolu.

Je ne sais pas si vous avez entendu, la semaine dernière, les membres de la FIQ et l'APTS, et je sais que la partie gouvernementale n'aime pas ça. Ils ont même fait un montage avec leurs propos, mais pas de problème. Ces deux personnes, ces deux regroupements qui représentent des professionnels de la santé disaient, et j'aimerais bien vous entendre : Elles sont où, les conventions collectives? On a un ministre de la Santé qui gouverne dans un système avec des arrêtés, avec des décrets, et les conventions collectives ne sont presque plus sur la table. Et il y a un membre qui était dans votre place, qui disait : Bien, je me sens que j'ai les deux mains du gouvernement sur mon cou.

Vous interprétez comment ce mode de gouvernance avec des arrêtés et décrets versus le mode de gouvernance normal où on navigue avec des conventions collectives?

M. Lampron (Louis-Philippe) :Bien, écoutez, je veux dire, on est hors du droit commun à quelque part, c'est-à-dire une situation qui doit se justifier de manière absolument exceptionnelle, et c'est pour ça que moi, j'aime parler de l'état d'urgence sanitaire comme étant un bazooka en matière démocratique. Alors, c'est un outil. On peut y avoir accès, mais on ne doit y avoir accès qu'avec beaucoup, beaucoup de prudence et de parcimonie, et c'est pour ça que ça prend des balises très, très claires qui assurent une reddition de comptes et qui assurent surtout que le lieu des débats à l'Assemblée nationale, c'est fondamental.

M. Derraji : Merci de rappeler que le lieu des débats, c'est l'Assemblée nationale. C'est ça, notre devoir. Vous avez dit «bazooka». Comment vous interprétez le fait qu'on est arrivés au 107e décret?

M. Lampron (Louis-Philippe) :Écoutez...

M. Derraji : Mais ça se voit, ça se voit, votre expression est très claire. Est-ce qu'il y a un autre État fédéré au monde qui vit la même situation au Québec, avec un gouvernement qui gouverne par décret et sondages depuis le début de la pandémie?

M. Lampron (Louis-Philippe) :Bien, écoutez, je n'ai pas fait l'analyse comme telle, mais je pense ne pas me tromper en disant qu'au Canada, à tout le moins, nous sommes la seule province à avoir imposé un état d'urgence sans discontinuer depuis le début de...

M. Derraji : Merci, merci. Le gouvernement caquiste confirme l'exception québécoise même en gestion de la pandémie.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Je vous laisse le mot de la fin.

M. Derraji : O.K., merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Provençal) :Merci, M. le député. Nous allons poursuivre maintenant avec la députée de Sherbrooke.

Mme Labrie : Merci, M. le <Président

Mme Labrie : …merci, M. le >Président. Merci, M. Lampron, c'est un plaisir. Vous avez tenu des propos inquiétants tout à l'heure. Vous avez dit que le rapport d'événement, si on s'en tient à ce qui est prévu, ça pourrait être simplement un collage des différents décrets, rien de plus que ça. C'est préoccupant. Vous nous avez invités à utiliser le projet de loi pour exiger une meilleure reddition de comptes. J'aimerais vous entendre. Donc, vous nous confirmez que c'est possible d'utiliser ce projet de loi là d'abord pour exiger une meilleure reddition de comptes?

M. Lampron (Louis-Philippe) :Bien sûr, bien sûr.

Mme Labrie : D'après vous, qu'est-ce qu'on devrait inclure comme exigences en matière de reddition de comptes dans le projet de loi?

• (16 h 30) •

M. Lampron (Louis-Philippe) :Je vais revenir à l'article 129, en fait, puis, si le passé est garant de l'avenir, encore une fois, il y a eu un débat, dès le début de la pandémie, entre la lettre et l'esprit de l'article 119. Et donc l'esprit, à cause du temps court et du temps long, laissait entendre qu'après 30 jours, bien, en principe, ce n'était pas un vrai choix qui était laissé dans les mains du gouvernement, alors que la lettre le permettait, et c'est l'interprétation qui a été celle du gouvernement qui a été validée par la Cour d'appel.

Bon, alors, si le passé est garant de l'avenir, quand on lit le deuxième alinéa de l'article 129, il prévoit que le «rapport d'événement doit préciser la nature et, si elle est déterminée, la cause de la menace à la santé de la population — ça, je pense que ça va, on la connaît tous — qui a donné lieu à la déclaration d'état d'urgence sanitaire, la durée d'application de la déclaration — ça aussi, c'est assez peu contraignant — ainsi que les mesures d'intervention mises en œuvre et les pouvoirs exercés en vertu de l'article 33». C'est très minimaliste, en fait.

Donc, essentiellement, on respecte, pour moi, la lettre. Si jamais j'étais un juriste coquin et que je ne voulais pas de vraie reddition de comptes, je pourrais très bien me coller à la lettre et dire : Écoutez, voici les pouvoirs qui ont été exercés, voici les décrets qu'on a adoptés, on fait un beau document avec ça, on rend ça public, et c'est un rapport d'événement. Or, on a besoin de beaucoup plus que ça, surtout dans un contexte où un régime juridique exceptionnel comme l'état d'urgence sanitaire a été maintenu pendant plus de deux ans et qu'il continue à être maintenu.

Alors, il me semble que de... Et je pense que, pour ça, il faut s'élever au-dessus des considérations purement partisanes et aller voir plus loin, en fait, parce qu'une crise de cette nature-là, on va peut-être en frapper d'autres au Québec, et pas uniquement au niveau épidémiologique, hein? Je veux dire, il y a peut-être d'autres situations comme celle-là. Et je pense qu'il est fondamental qu'on soit capables de se regarder collectivement et de faire un véritable postmortem de comment on a géré la pandémie pas pour être capables de taper sur les doigts de celles et ceux qui étaient aux commandes de l'État au moment où la bombe a éclaté, mais pour qu'on soit capables d'améliorer les procédés. Et, pour moi, c'est valable pas uniquement pour la Loi sur la santé publique, mais pour tous les mécanismes, puisqu'il y en a d'autres, qui permettent à un exécutif gouvernemental de basculer dans ce régime exceptionnel qu'est un état d'urgence, qui peut se justifier dès qu'il y a une crise qui frappe, et il faut protéger le plus grand nombre.

Mme Labrie : Vous semblez adhérer à notre demande de commission d'enquête sur l'ensemble de la gestion de la pandémie. Donc, si je vous entends bien, on doit exiger, dans ce projet de loi là, des amendements avec une liste de la reddition de comptes qu'on souhaite voir, là.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Bien sûr, oui, absolument, parce que 129 est largement insuffisant, là. Je veux dire, on pourrait très bien respecter... En fait, je pourrais moi-même le respecter, le rapport d'événement, en faisant le collage des décrets, je pense.

Mme Labrie : C'est bien entendu. Parfait.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, Mme la députée. M. le député des Îles-de-la-Madeleine, on poursuit.

M. Arseneau : Merci beaucoup. On va poursuivre, effectivement. Merci, Pr Lampron, de partager votre expertise avec nous et votre appréciation de la façon dont on a géré la pandémie. Est-ce que je comprends bien, je ne veux pas interpréter vos propos, que, selon votre conception des choses, on aurait pu utiliser l'état d'urgence de façon beaucoup plus parcimonieuse ou avec… dans le temps court, à certains moments, première vague, exemple, deuxième vague, troisième vague, mais, entre ces périodes-là, lever tout simplement l'état d'urgence? Est-ce que… ce à quoi on aurait pu s'attendre si on avait interprété la loi d'une autre façon?

M. Lampron (Louis-Philippe) :Mais, bien sûr, puis il y a eu des tentatives dans le passé. On pense au projet de loi n° 61. Bon, évidemment, ça n'allait pas dans le sens de mesures transitoires et de lever l'état d'urgence, c'était… Au contraire, ce qui était proposé, c'était de le maintenir indéfiniment. Mais il y avait des moments d'accalmie dans la pandémie où on aurait pu effectivement revenir à un mode de gouvernance plus normal, parce que c'est exceptionnel, le fait que l'exécutif soit en mesure d'imposer des normes d'application générale. C'est le rôle de l'Assemblée nationale.

M. Arseneau : Et ce qui rendrait les choses plus complexes aujourd'hui. Après deux ans, le rapport d'événement est beaucoup plus touffu qu'il aurait été au bout de la première vague, par exemple, c'est ce qu'on comprend.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Bien sûr, absolument.

M. Arseneau : Si on voulait amender l'article 119 de la loi uniquement, là, comment le faire, ce serait avec l'assentiment de l'Assemblée nationale dès qu'on dépasse 10 jours, essentiellement, c'est ça?

M. Lampron (Louis-Philippe) :Oui, bien, on peut s'inspirer de ce qui se passe avec la loi fédérale sur les mesures d'urgence, qui permet à l'exécutif de basculer en état d'urgence pour sept jours exécutoires, mais qu'ensuite il faut que ce soit avalisé suite à un débat à la Chambre des communes.

M. Arseneau : Et que ce soit incontournable qu'il y ait débat.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Et que ce débat-là soit incontournable. Ça, il ne faut pas qu'on permette d'échappatoire, en fait, parce que c'est trop sensible dans une situation comme celle-là.

M. Arseneau : Absolument. Le rapport d'événement, je vais y revenir brièvement, vous le voyez non seulement sur la question des mesures sanitaires, populationnelles, bien entendu, mais aussi sur toute la question des décrets de gré à gré, mais aussi, par exemple, aux relations de travail. Est-ce qu'il y a d'autres éléments que vous voyez sur lesquels...

M. Lampron (Louis-Philippe) :Bien sûr. Bien, moi, il me semble qu'une crise de cette ampleur-là, qu'on a eu des informations, mais elles…


 
 

16 h 30 (version révisée)

M. Lampron (Louis-Philippe) :...une crise de cette ampleur-là, c'est parce qu'on a eu des informations, mais elles étaient filtrées, en fait, et donc je pense que ce qui est fondamental, c'est qu'on soit capable d'aller au fond des choses et qu'on soit capable de déterminer quels sont les standards qui assurent l'indépendance, par exemple, du directeur ou de la directrice de la Santé publique, de l'INSPQ et dans quelle mesure est-ce que les décisions qui peuvent être prises par le truchement de ces pouvoirs exceptionnels là le sont en s'appuyant sur la politique ou, au contraire, en s'appuyant sur la science, ce que ça prend pour être capable de protéger le plus grand nombre. Et là, évidemment, je ne veux pas citer, mais je vais le faire quand même, l'oncle de Spider-Man, mais a grand pouvoir, grandes responsabilités. Donc, dans une situation comme celle-là où on utilise des pouvoirs exceptionnels... Et on a le droit, c'est bien que les gouvernements aient accès à des mesures comme celles-là pour être capable, quand une crise frappe, de protéger le plus grand nombre. Mais, s'ils le font pour assurer l'adhésion de la population envers les institutions publiques, c'est fondamental, dans ce cas-là, de faire preuve d'encore plus de transparence qu'en temps normal parce que ce sont des pouvoirs exceptionnels.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Nous allons conclure cette période d'échanges avec la députée d'Iberville.

Mme Samson : Merci, M. le Président. Me Lampron, je vais revenir à l'article 4 qui vous accroche un peu. Je ne l'aime pas moi non plus. Mais le ministre nous dit que, dans la réalité, dans les opérations, les données sont anonymes. Mais, si l'article 4 n'est pas amendé, les données pourraient un jour ne pas être anonymes. Est-ce que je suis correcte? Il n'y a rien dans l'article 4 qui oblige les données à être anonymes?

M. Lampron (Louis-Philippe) :Bien, je pense que l'article 4 doit s'interpréter en conformité avec le reste de la législation, et donc, grosso modo, ce que ça permet, ça autorise, en fait, la collecte d'informations, même personnelles, mais il y a d'autres dispositions qui protègent ces informations-là une fois qu'elles sont dans les mains du gouvernement, donc...

Mme Samson : Bien, elles sont où, ces autres dispositions-là?

M. Lampron (Louis-Philippe) :Là, vous me posez une colle.

Mme Samson : O.K. J'aime bien ça faire ça.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Oui. Il y a plusieurs mécanismes qui protègent, là, les données personnelles.

Mme Samson : O.K. Ça m'inquiétait. Et j'ai un dernier petit bout et c'est sur l'article 119 ou 129, je pense, c'est 119, où vous dites que, bon, il faut pouvoir justifier la transition ou la conservation de mesures x, y, z. Et moi, je soumettrai au ministre qu'il devrait adopter et inclure les deux petits articles de mon projet de loi n° 898 qui boucheraient ce trou-là...

M. Lampron (Louis-Philippe) : Je ne l'ai pas lu.

Mme Samson : ...et permettraient, à l'Assemblée nationale, de jouer son rôle dans l'éventualité où le gouvernement souhaite renouveler l'urgence sanitaire et que ce ne soit pas ad vitam aeternam. Maintenant, on sait qu'ils savent compter jusqu'à 107, mais on n'est pas obligés de se rendre jusqu'à 226. Merci, M. le Président. C'est tout pour moi.

Le Président (M. Provençal) :Ça va? Alors, Me Lampron, on tient à vous remercier pour votre contribution et votre participation à nos travaux. Sur ce, je vais suspendre pour laisser place à la prochaine intervenante. Merci beaucoup.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Merci, tout le monde.

(Suspension de la séance à 16 h 37)

(Reprise à 16 h 41)

Le Président (M. Provençal) :Nous reprenons nos travaux. Avant de passer à la présentation de notre invité, ça me prend le consentement pour permettre au député de Rosemont de reprendre position à notre table comme membre de la commission. Consentement. Et je tiens à remercier la députée de Sherbrooke pour sa présence et la contribution aux échanges que nous avons eus précédemment.

Maintenant, je souhaite la bienvenue à me Martine Valois, professeure de droit de l'Université de Montréal. Alors, Mme Valois, vous disposez de 10 minutes pour votre exposé et, par la suite, nous procéderons aux échanges. Alors, je vous cède la parole, madame.

Mme Valois (Martine) : Merci, M. le Président. Alors, ça me fait plaisir d'être présente parmi vous et d'avoir répondu positivement à la convocation qui m'a été envoyée. Donc, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, merci pour cette opportunité de présenter ces observations relativement au projet de loi n° 28. Alors donc, j'ai envoyé un peu tard un mémoire qui, j'espère, a été distribué aux membres de la commission. Alors, je vais réitérer ici quelques points importants de ce mémoire.

Donc, ma position, celle que j'exprime en ce moment, est que le projet de loi n° 28, qui a vocation de prolonger l'état d'urgence sanitaire au 31 décembre 2022 alors que les conditions posées par l'article 118 de la Loi sur la santé publique pour justifier la déclaration d'état d'urgence ne sont plus satisfaites. Et la prolongation de l'état d'urgence, à mon avis, dans le projet de loi n° 28, vise des fins autres que la protection de la santé de la population. Cette prise de position s'appuie sur les trois considérations principales suivantes.

D'abord, l'évolution de la pandémie et les progrès de la vaccination ne justifient plus le maintien de l'état d'urgence sanitaire et des pouvoirs exorbitants du droit commun autorisé par la Loi sur la santé publique en cas de menace grave à la santé de la population. Ainsi, les mesures prises en vertu de l'article 23 de la Loi sur la santé publique, que le gouvernement souhaite prolonger, ne sont pas liées à des menaces à la santé de la population, elles concernent principalement la gestion des ressources humaines du réseau de la santé, tandis que les mesures de prophylaxie, qui permettent de protéger la population contre la COVID-19 peuvent être continuées sous le chapitre IX de la Loi sur la santé publique sous l'autorité d'un directeur de la santé publique.

Quant aux contrats qui ont été conclus pendant les deux ans d'état d'urgence, la nécessité de leur renouvellement jusqu'au 31 décembre 2022 ou pour cinq ans, sans égard aux dispositions de la Loi sur les contrats des organismes publics, n'a pas été démontrée. Il est urgent de mettre fin à la gouvernance par décrets et arrêtés ministériels qu'autorisent les dispositions extraordinaires de la Loi sur la santé publique. L'Assemblée nationale est la seule autorité ayant la légitimité démocratique pour intervenir et modifier les normes juridiques applicables à l'ensemble de la population. Le renversement de la hiérarchie de normes opérées par la déclaration d'état d'urgence est contraire aux principes de la primauté du <droit législatif...

Mme Valois (Martine) : ...opérées par la déclaration d'état d'urgence est contraire aux principes de la primauté du >droit législatif. Alors, depuis le 13 mars 2020, s'autorisant de l'article 118 de la Loi sur la santé publique, le gouvernement du Québec adoptait le décret 177-2020 déclarant l'état d'urgence sanitaire au Québec. Cet état d'urgence a été renouvelé plus de 100 fois sans jamais obtenir l'assentiment de l'Assemblée nationale et sans jamais avoir été débattu devant elle. Cet article 118, qui autorise la déclaration d'état d'urgence, impose des conditions bien définies pour justifier l'état d'urgence. Il doit exister une menace grave à la santé de la population, réelle ou imminente, qui nécessite l'application immédiate de mesures prévues à l'article 123 de la loi pour protéger la santé de la population.

De manière évidente, la troisième condition, soit la nécessité de l'application immédiate, n'est plus présente. À ce jour 82 %, et je tire ces chiffres... et même je pense que c'est rendu à 83 %, je tire ces chiffres de ce qui est publié par l'Institut national de santé publique, a reçu au moins deux doses de vaccin contre la COVID-19 et 50 % a reçu trois doses. S'il y a une condition sanitaire qui est préoccupante au Québec, la maladie de la COVID-19, il n'y a plus d'urgence sanitaire. Depuis le 13 mars 2020, plus d'une centaine, voire même 150 décrets et arrêtés ministériels, ont été pris sous le coup de cet état d'urgence, renouvelés sans interruption. Plusieurs de ces décrets et arrêtés ministériels ont été pris en vertu du dernier alinéa de l'article 123, celui qui, de manière générale, permet de prendre toute mesure pour protéger la santé de la population, alors que beaucoup de ces arrêtés ministériels et décrets ne concernaient pas des mesures visant la protection de la santé de la population de manière directe. Dans le projet de loi n° 28, la majorité des décrets que le gouvernement souhaite prolonger ne concerne aucunement des mesures de prophylaxie visant à protéger la santé de la population. Ces mesures peuvent être prises par les directeurs de santé publique et par le ministre, en vertu des pouvoirs réguliers qui sont conférés par la Loi sur la santé publique, et je parle ici du chapitre IX de la loi.

En ce qui concerne les mesures opérationnelles et de gestion du personnel, faute d'urgence celles-ci doivent être restreintes au minimum et faire l'objet de dispositions législatives précises qui seront débattues par les élus. Alors, ce que je veux dire ici, c'est que, malgré qu'on a réduit le nombre de décrets qui pourraient continuer à s'appliquer après la fin de l'état d'urgence, il reste que ça compose plusieurs pages, un des décrets compte 75 pages, et l'Assemblée nationale doit pouvoir avoir, de manière précise, les dispositions qui resteront en vigueur. Comme le Barreau l'a souligné, il importe de faire une codification d'abord administrative des mesures qu'on souhaite conserver et ces mesures-là ne doivent pas être incorporées par renvoi dans le projet de loi, mais être précisées dans le projet de loi.

En ce qui concerne les contrats publics conclus à l'encontre des règles de la LCOP, qui est la Loi sur les contrats des organismes publics, après plus de deux ans de l'état d'urgence, il est plus que temps que leur renouvellement soit soumis au processus habituel d'octroi des contrats publics. L'état d'urgence est un état d'exception qui transfère un... qui opère un transfert de pouvoirs de l'organe législatif vers l'exécutif. Ce transfert ne peut se justifier que lorsqu'une situation exceptionnelle existe, qui exige l'application de mesures hors du commun, immédiates et sans formalités. Pour déclarer l'état d'urgence, une loi de l'Assemblée nationale devait l'autoriser à agir. C'est ce que fait l'article 118 de la Loi sur la santé publique. Or, les conditions fixées par l'article 118, comme je l'ai déjà dit, sont bien définies. Ce pouvoir permet à l'exécutif de prendre toute mesure, même sans tenir compte, et j'insiste là-dessus, des lois existantes, parce qu'on dit à l'article 123 : «malgré toute disposition contraire». Il permet pour ainsi dire au gouvernement de ne pas se soumettre aux autres lois, comme ça a été le cas pour la Loi sur les contrats des organismes publics. Ce pouvoir ne doit donc pas être exercé à la légère.

Depuis le 13 mars 2020, un groupe réduit de membres du conseil exécutif, on le sait que le quorum qui est fixé par une directive non contraignante pour le conseil exécutif, en vertu de la Loi sur l'exécutif, est de cinq membres ou le ministre, agissant seul, a pris des mesures <exceptionnelles...

Mme Valois (Martine) : ...le conseil exécutif, en vertu de la Loi sur l'exécutif, est de cinq membres ou le ministre, agissant seul, a pris des mesures >exceptionnelles qui n'ont jamais obtenu l'assentiment de l'Assemblée nationale ni même été débattues devant cette Assemblée. Rien dans la situation sanitaire au Québec n'empêchait l'Assemblée législative, élue par la population du Québec, d'exercer ses pouvoirs.

Je suis allée sur le site des Publications du Québec, et j'ai fait le décompte des lois qui ont été adoptées par l'Assemblée nationale depuis le 13 mars 2020, et j'ai compté 168 lois. Donc, ce chiffre démontre que cette Assemblée était tout à fait en mesure de délibérer, d'évaluer et de voter à propos des mesures concernant la lutte contre la propagation de la COVID-19, et qu'elle peut toujours le faire dans un contexte sanitaire qui n'est plus urgent. Par conséquent, le projet de loi n° 28, dans sa forme actuelle, doit être complètement modifié pour répondre aux exigences démocratiques qui veulent que le droit soit établi par les représentants élus, et pas seulement par un petit groupe d'entre eux. Je vous remercie.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, maître, pour votre présentation. Nous allons procéder maintenant à la période d'échange. J'invite donc le ministre à débuter.

• (16 h 50) •

M. Dubé : Très bien. Merci beaucoup, M. le Président. Mme... Me Valois, pardon, encore une fois, j'apprécie énormément votre présence aujourd'hui. Je salue toute l'expertise qui peut nous être amenée au cours de ce débat-là, pour les membres du gouvernement et de l'opposition, pour être certains que, s'il y a des modifications à faire au projet de loi, on les fera. J'ai toujours dit qu'un projet de loi, c'était perfectible. On peut être d'accord ou en désaccord avec certains de vos commentaires, mais c'est... justement, on est dans un État de droit et de liberté de parole. Alors, pour moi, je le répète, je suis... Vous ne m'entendez pas ou... Je ne sais pas...

Mme Valois (Martine) : Oui, oui...

M. Dubé : O.K. Alors, merci beaucoup pour votre présentation. Je pense qu'un des défis... Puis là je vous demande... Vous avez vu quand même... Puis je voulais juste préciser un petit point technique, là. Lorsqu'on est venu une première fois en commission parlementaire, en consultations particulières, la semaine dernière, effectivement, j'ai déposé des amendements pour donner des précisions sur les arrêtés qui ont été consolidés par nos légistes. Donc, vous avez pu en prendre connaissance, puis je voulais juste bien comprendre votre demande. Puis encore une fois, même si on a un désaccord, bien, je veux juste bien comprendre. Vous, vous dites que ça devrait être inclus, que non seulement on peut y faire référence... Parce qu'en ce moment ils sont publiés dans la Gazette, etc., parce qu'ils... depuis qu'on a fait cette condensation. Là, vous dites qu'on devrait les inclure en détail dans le projet de loi? Est-ce que c'est ça que vous avez dit?

Mme Valois (Martine) : Oui, c'est ce que j'explique. Je pense qu'elles devraient être précisées dans le projet de loi, et non pas être incorporées par renvoi. Et mon deuxième argument est qu'elles devraient être réduites au minimum, puisque, évidemment, ces mesures ont été prises sous l'autorité de l'article 123 de la Loi sur la santé publique, qui permet d'adopter des décrets malgré toute disposition contraire.

M. Dubé : Bon, laissez-moi juste vous donner deux considérations. Puis encore une fois, je ne suis pas là pour vous faire changer d'idée, je veux juste bien comprendre votre point. Il y a des éléments là-dedans... puis je pense que je l'ai mentionné à un ou une des intervenantes, là, depuis une semaine. Dans les arrêtés, entre autres, sur les ressources humaines, il y a près de 50 % des termes qui ont été élaborés qui portent sur les primes. Puis, oui, on peut bien référer qu'il y en a pour 75 pages, mais quand on connaît la complexité de nos conventions collectives, il faut référer à ce qu'on veut mettre de l'avant, parce qu'il faut être très clair sur les mesures spécifiques. Il y a donc 50 % des 75 pages qui sont liées aux primes, hein? Vous en avez pris connaissance, vous pouvez le voir. Il y a 24 % de ces mesures-là qui sont liées à la main-d'oeuvre indépendante. Donc, on a 80 %, ou à peu près 80 %, de l'arrêté qui concerne soient les conventions collectives et qui concernent les engagements qu'on a pris d'encadrer la main-d'oeuvre indépendante.

La raison pour laquelle je reviens avec ça, dans votre contexte, votre point... juste qu'on se comprenne bien, 50 % des amendements qui sont là peuvent tomber demain matin, ils n'ont pas besoin d'être reconduits jusqu'au 31 décembre. Parce que nous avons dit clairement qu'on avait extensionné les primes pour... jusqu'au 14 mai, si je me souviens bien de <la date...

M. Dubé : ...qu'on avait extensionné les primes pour... jusqu'au 14 mai, si je me souviens bien de >la date. Si on inclut toute cette documentation-là dans le projet de loi, on n'a plus la flexibilité des arrêtés ou des règlements. Je voudrais juste vous entendre là-dessus, parce que, là, on rendrait un projet de loi qui se veut simple... versus d'être capable de mettre toute cette documentation-là qui, dans un mois ou deux, ne serait pas nécessaire. Alors, je veux vous entendre là-dessus.

Mme Valois (Martine) : Alors, si le gouvernement entend mettre fin à ses primes le 14 mai, pourquoi ça ne se retrouve pas dans le projet de loi n° 28, actuellement? Parce que c'est là-dessus que les... Si vous prévoyez ne plus avoir besoin de ces primes-là après le 14 mai, quitte à adopter une autre déclaration d'urgence et à imposer ces... bien, en fait, à permettre d'octroyer ces primes-là.

Mais je pose d'abord la question, et ça, les tribunaux n'y ont pas répondu, je pose d'abord la question : Est-ce que l'article 123, et surtout l'alinéa 8... parce que ce qui est mentionné dans ces décrets vous autorise à utiliser ces mesures de gestion du personnel et de gestion opérationnelle pendant deux ans, alors qu'on parle de mesures qui sont nécessaires pour protéger la population. Donc, les pouvoirs...

M. Dubé : C'est... Oui, excusez-moi, je vous laisse terminer. Je pensais que vous aviez terminé. Allez-y. Excusez-moi.

Mme Valois (Martine) : Alors, ces pouvoirs d'urgence là, ils sont définis à l'article 123. Et un des arguments que j'ai soulevés dans mon mémoire, c'est qu'on devait se référer aux premiers alinéas, qui parlent vraiment de mesures d'urgence pour empêcher que la menace à la santé de la population devienne toujours de plus en plus grave.

Donc, je pose déjà la question : Est-ce qu'elles ont été légalement adoptées en vertu de l'article 123, et lesquelles doivent absolument être prolongées? Et, si elles ne seront pas prolongées après le 15 mai ou le 14 mai 2022, ça doit être dans le projet de loi.

M. Dubé : Alors, je vais faire le lien entre ma question puis votre réponse. Comme je vous dis, on n'est pas obligé d'être d'accord, mais, au moins, je comprends un peu plus votre point de vue. Maintenant, le lien que je veux faire, c'est le danger de la population. Vous avez entendu nos P.D.G. qui sont venus un peu plus tôt aujourd'hui. Et, quand je leur demande de dire : Demain matin... Puis, encore une fois, je vais le répéter, là, notre objectif, c'est d'enlever des mesures d'urgence. On s'entend, là, tout le monde s'entend là-dessus, on veut les enlever. Notre point, comme l'a dit le Pr Taillon tout à l'heure, c'est : Quelles sont les mesures temporaires ou transitoires qu'on devrait avoir? Vous avez entendu, ce matin, les P.D.G., qui ont dit : Si on enlève les mesures d'urgence... parce qu'on peut le faire par décrets, on est tous d'accord avec ça, on peut l'enlever par une décision du Conseil des ministres, mais si on n'a pas de mesures transitoires, moi, je crois qu'on met la population en danger. Et c'est là que... Quand vous avez entendu les P.D.G., qu'est-ce qu'ils nous ont dit ce matin? Ils nous ont dit qu'à Québec, si on n'avait pas Je contribue, il nous manque 9 000 personnes pour vacciner. En ce moment, vous l'avez dit, un de nos enjeux, c'est la vaccination. Vous avez dit qu'on avait peut-être seulement 50 % ou 53 % dans la troisième dose.

Je veux juste vous entendre sur ce lien-là, parce que je comprends ce que vous dites, mais nous... et ce que j'entends des P.D.G., ils ont besoin de Je contribue. Ils ont besoin des primes pour être capables de travailler à court terme en ce moment. Alors, je veux vous entendre entre ce que vous dites, au niveau droit, au niveau de la législation, et je respecte votre point, mais qu'est-ce que vous répondez aux P.D.G. qui, eux, sont sur le terrain et qui ont besoin d'avoir ces gens-là en place?

Mme Valois (Martine) : Alors, ma réponse, c'est que je suis légiste, je ne suis pas gestionnaire. Je n'ai pas eu l'occasion, ce matin, d'entendre les P.D.G., mais la question fondamentale que je vous pose, M. le ministre, est : Est-ce que vous aviez et que vous avez toujours besoin de l'article 123 de la Loi sur la santé publique pour opérer, c'est-à-dire pour imposer des mesures opérationnelles et permettre à d'autres, par exemple, à d'autres personnes, d'autres professionnels de la santé, d'opérer et de donner des vaccins sans autre... Il n'y a aucune autre loi, dans l'arsenal législatif au Québec, qui vous permet d'agir ainsi. Et s'il s'agit d'autoriser des professionnels de la santé et qu'on pense même à modifier le <Code des professions...

Mme Valois (Martine) : ...d'agir ainsi. Et s'il s'agit d'autoriser des professionnels de la santé et qu'on pense même à modifier le >Code des professions de façon pérenne, pourquoi ne pas le faire tout de suite?

M. Dubé : Bien, écoutez, c'est une très, très bonne question. Puis je pense que c'est une question qu'on a... notamment le Dr Boileau, mais plusieurs des intervenants sont venus le dire au cours des dernières semaines. Quand quelqu'un nous demandait le pourquoi de la date du 31 décembre 2022, c'est pour être capable d'avoir justement ces discussions-là avec l'office des protections... l'Office des professions, pardon, bien, à titre d'exemple, parce qu'on est tous d'accord, on est tous d'accord qu'on veut être capable d'avoir une meilleure équipe de vaccination qui implique qu'on est passé de cinq professionnels, cinq types de professionnels, qui peuvent vacciner à plus de 20, justement par les mesures d'urgence, parce qu'on avait besoin de vacciner jusqu'à 100 000, 125 000 personnes par jour.

• (17 heures) •

Et si on n'avait pas eu ces mesures d'urgence là, je vous dirais que de négocier avec l'Office des professions pour le faire avec toute la lourdeur que ça implique, alors, est-ce qu'on se donne jusqu'au 31 décembre pour être capable de mettre ces mesures-là en place? Je vous dirais que... Donc, à votre question, est-ce qu'on a besoin de cet article-là? La réponse, c'est oui. Il faut être capable d'avoir des mesures transitoires qui nous permettent... On est dans la sixième vague en ce moment. On est capable, madame, de vacciner les gens qui veulent se faire vacciner, mais il faut avoir des vaccinateurs, il faut avoir les centres de vaccination, il faut être capable de faire le dépistage.

Alors, je vous entends. Vous avez raison d'un côté législatif. Mais lorsque vous me dites... Puis c'est pour ça, si jamais vous avez la chance d'écouter nos P.D.G. ce matin qui viennent nous dire : Écoutez, si vous nous enlevez ça, c'est dangereux, on ne sera pas capable de continuer à vacciner les gens. Alors, je vous entends. Puis du côté législatif, vous avez raison, mais il faut se donner le temps de la transition pour être capables de dire : Oui, on enlève les mesures d'urgence. Tout le monde le reconnaît, c'est ça qu'on veut. Mais en même temps, donnez-nous la transition et le temps nécessaire de pouvoir mettre ces mesures-là. Puis je pense que votre exemple du Code des professions, de l'interopérabilité, je pense que les témoignages... qu'on soit d'accord ou pas avec les témoignages des P.D.G., c'est eux qui se sont occupés de la COVID sur le terrain au cours des deux dernières années. Moi, je pense que c'est important de les écouter aussi, là.

Mme Valois (Martine) : Si je peux me permettre, M. le ministre, j'aimerais vous lire un article de la Loi sur la santé publique. Et j'ai mentionné dans mon mémoire qu'il y avait des dispositions dans cette loi, des pouvoirs réguliers donnés aux directeurs, au directeur de santé publique et au ministre. J'aimerais vous lire l'article 117 qui se lit comme suit : «Le ministre peut, à la demande d'un directeur de santé publique ou de directeur national de santé publique, mobiliser les ressources de tout établissement de santé et de services sociaux au Québec qu'il estime nécessaire pour répondre à une situation d'urgence en santé publique. Les établissements de santé et de services sociaux visés sont alors tenus de se conformer aux directives du ministre.»

Alors, il existe des pouvoirs dans la Loi sur la santé publique, dans la loi sur les services de santé... la Loi sur la santé et les services sociaux. Et je crois que le gouvernement, qui a commencé la campagne de vaccination depuis le début de janvier 2021, ou même avant, aurait pu prévoir cette transition beaucoup plus rapidement et faire cet exercice-là qu'on fait un peu à la dernière heure alors qu'il n'y a plus d'urgence sanitaire.

M. Dubé : Où on peut débattre qu'il n'y ait pas d'urgence, là, avec le nombre de décès de personnes qui sont encore affectées? Je vais respecter votre opinion, là, qu'il n'y a pas de... qu'il n'y a pas d'urgence en la matière. Mais en même temps, je vous dirais que vous avez entendu aussi les gens qui ont dit qu'en ce moment la Loi de la santé publique ne permet pas d'avoir ces conditions-là entre les vagues. Là, vous me parlez de dire : Est-ce qu'on pourrait... parce qu'il était possible d'avoir peut-être une accalmie entre deux vagues, de faire les changements que vous parlez. Mais écoutez, on a été très clair. Les P.D.G. ont dit... la Santé publique nous a dit : Entre les vagues, on doit continuer de vacciner, on doit continuer de dépister. Et ça, ces personnes-là, on ne les avait pas, là, si on n'avait pas eu les mesures spéciales comme Je contribue ou l'interopérabilité.

Alors, je veux juste dire que vous... Encore une fois, on s'entend sur le principe. Vous dites que c'est tard. Moi, je vous dis qu'on est prêt à le faire, mais, en même temps, j'ai entendu les P.D.G. qui sont sur le terrain puis qui nous disent : Écoutez, faites-nous des mesures transitoires, parce que si vous nous enlevez des mesures d'urgence comme ça, tout d'un coup, c'est dangereux...


 
 

17 h (version révisée)

M. Dubé : ...disent : Écoutez, faites-nous des mesures transitoires, parce que, si vous nous enlevez les mesures d'urgence comme ça, tout d'un coup, c'est dangereux. Puis moi, ce que je pense... Notre objectif en tant que gouvernement, c'est de protéger les Québécois. Les Québécois, oui, ils sont tannés, mais je pense qu'ils sont... ce qu'ils veulent, c'est être protégés, puis ils veulent être capables de se faire vacciner quand ils en ont besoin. Puis on a entendu le Dr Boileau, pas plus tard qu'en début d'après-midi, qui nous dit, maître : Ce n'est pas évident ce qu'on vit en ce moment.

Ça fait que je vous entends, je vais prendre en considération vos points, mais il y a des éléments d'équilibre entre ce que la loi nous permet de faire, l'agilité qu'on a besoin pour gérer une pandémie et ce que j'ai entendu, entre autres, des... Mais est-ce qu'on sera capable, dans un avenir rapproché, de travailler sur la Loi de la santé publique, qui viendrait peut-être clarifier des éléments que vous amenez aujourd'hui? 100 % d'accord. Et je l'ai dit tout à l'heure aux deux personnes qui vous ont précédé, s'il y a un engagement qu'on peut prendre, c'est de le faire, ce changement-là, mais beaucoup plus global, sur la Loi de la santé publique. Je pense qu'il faut le faire. Alors, je voulais juste... Je ne sais pas s'il me reste du temps, là.

Le Président (M. Provençal) :20 secondes.

M. Dubé : Mais je voulais vous remercier pour votre contribution, parce que, même quand on n'est pas d'accord, on est capable d'avancer, et c'est ce que vous nous permettez de faire. Alors, merci beaucoup pour votre intervention aujourd'hui. Merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci, M. le ministre. Nous allons poursuivre cet échange avec Me Valois. Et la parole appartient au député de Nelligan.

M. Derraji : Me Valois, merci beaucoup, hein? Excellente présentation. Est-ce que vous me suivez?

Mme Valois (Martine) : Oui.

M. Derraji : Ah! excellent. C'est très clair. Je vais vous citer et... Je vais vous demander, première question : Est-ce qu'on a besoin de ce projet de loi pour mettre fin à l'état d'urgence sanitaire?

Mme Valois (Martine) : La réponse est la même que celle fournie par mon collègue, Louis-Philippe Lampron, la réponse est non.

M. Derraji : Donc, deux experts qui nous disent, aujourd'hui, qu'on n'a pas besoin de ce projet de loi pour lever l'état d'urgence. Merci pour la précision. Je vais vous citer : «La prolongation de l'état d'urgence par le gouvernement dans le projet de loi n° 28 vise des fins autres que la protection de la santé de la population». C'est toute une déclaration venant de votre part, mais, comme j'ai en face de moi une juriste qui pèse ses mots, ça m'intéresse de savoir c'est quoi, ces fins autres que la protection de la santé de la population. Pouvez-vous donner des exemples? Pourquoi le gouvernement veut absolument ce pouvoir?

Mme Valois (Martine) : À mon avis, ce qui est... les pouvoirs que le gouvernement veut garder concernent surtout certains alinéas de l'article 123 et, entre autres... et on peut le comprendre pour l'article... le paragraphe 3 : «Ordonner à toute personne, ministère ou organisme de lui communiquer ou de lui donner accès immédiatement à tout document ou à tout renseignement en sa possession.» C'est ce qui fait qu'à l'Université de Montréal, nos données personnelles ont été transmises au gouvernement pour vérifier l'état de vaccination du personnel de l'Université de Montréal. Il y a aussi l'accès... le paragraphe 7... l'alinéa 7 : «Faire les dépenses et conclure les contrats qu'il juge nécessaires», et le fameux alinéa 8 : «Ordonner toute autre mesure nécessaire pour protéger la santé de la population.» Alors, le gouvernement nous dit : Nous avons besoin du maintien de l'état d'urgence pour continuer, prolonger des contrats, pour embaucher du personnel, pour donner du personnel non qualifié, là, de manière générale, selon, là, les lois professionnelles et également pour la gestion des ressources humaines dans le réseau de la santé.

Ma réponse est que le pouvoir d'urgence est un pouvoir qui est exceptionnel, et, si on veut maintenir ces mesures-là, qui n'ont... qui sont... n'ont rien à voir avec la santé de la population, il faut le faire de manière précise dans le projet de loi. On aurait dû le faire bien avant. On aurait dû... avec les 168 autres lois qui ont été débattues et votées par l'Assemblée nationale, on aurait dû faire cet exercice beaucoup plus tôt.

Il n'est pas trop tard pour le faire et, au lieu de lancer un ballon, et je m'excuse d'utiliser cette expression-là, la semaine dernière, en proposant de prolonger tous les décrets <adoptés...

Mme Valois (Martine) : ...au lieu de lancer un ballon, et je m'excuse d'utiliser cette expression-là, la semaine dernière, en proposant de prolonger tous les décrets >adoptés depuis la déclaration d'état d'urgence, on aurait dû mettre dans la loi les mesures spécifiques et proposer des amendements à des lois, comme on le fait dans plusieurs projets de loi, pour, justement, permettre aux professionnels de vacciner les personnes...

M. Derraji : C'est très, très clair. Je vous remercie, c'est très clair. J'espère que les Québécois vont écouter vos propos, parce que c'est très clair, vous dites, aujourd'hui, que ça ne sert à rien, un projet de loi pour lever l'état d'urgence. Vous avez clarifié beaucoup les fins autres que la protection de la santé. J'espère que les Québécois... Et d'ailleurs on va avoir partagé vos propos parce que c'est tellement pertinent et très clair.

Je reviens à une autre question. Vous avez dit : «L'évolution de la pandémie et les progrès de la vaccination ne justifient plus le maintien de l'état d'urgence.» On a même entendu le premier ministre qui disait que, du moment qu'il est vacciné, les symptômes, ça ressemble à un rhume. Tout à l'heure, j'ai posé la question au directeur national de la santé publique. Bien, du moment qu'on a une bonne majorité... On se vante, hein, on se vante qu'on a une bonne population vaccinée au Québec. Et donc, selon les propos du Dr Boileau, ça ressemble à un rhume, mais, aujourd'hui, le gouvernement demande des mesures exceptionnelles jusqu'au 31 décembre 2022. Pourquoi, selon vous, le gouvernement tient à ce pouvoir? C'est quoi, quel justificatif, selon vous?

• (17 h 10) •

Mme Valois (Martine) : Alors, au mois de mai 2021, sur le site de Radio-Canada, on rapportait les propos de M. le ministre Christian Dubé, qui admettait que la continuation de l'état d'urgence donnait une flexibilité au gouvernement. Comme juriste, je crois qu'on ne peut pas, dans la même phrase, parler d'état d'urgence et de flexibilité, et c'est la raison pour laquelle je soutiens et je maintiens qu'on doit mettre fin à la déclaration d'état d'urgence et que, s'il y a des mesures qui doivent être continuées, elles doivent être faites en dehors de l'état d'exception.

Et je voudrais juste vous dire que c'est ma position, mais que je m'appuie, comme vous avez peut-être pu le voir dans mon mémoire, sur les propos de deux... de trois juristes d'exception qui sont professeures en administration publique, professeures en santé publique à l'Université d'Ottawa et qui ont écrit un texte qui s'appelle, et permettez-moi, là, de vous le... de le citer, L'état d'urgence sanitaire au Québec : un régime de guerre ou de santé publique? Alors, je vous invite à lire ce texte-là.

M. Derraji : Oui, je l'ai lu et je vous remercie, mais c'est tellement intéressant ce que vous dites, professeure, et je vous remercie parce que ça remet les pendules à l'heure. Ce gouvernement, qui gouverne par décrets et sondages depuis mars 2020, et vous avez vu les sondages... Dans un État de droit, mon rôle en tant que le législateur, c'est contrôler l'action gouvernementale. C'est ça, mon rôle. Votre rôle, en tant que juriste, c'est contrôler l'État de droit. Pensez-vous que l'État de droit, en fonction de ce que vous avez sur la table aujourd'hui, un gouvernement qui gouverne par décrets, qui sonde sur toute chose, y compris sur la popularité de ses ministres, est... a respecté l'État de droit, sachant que le rôle de l'opposition est réduit, on n'existe presque plus?

Mme Valois (Martine) : Je crois que l'État de droit aurait dû permettre le débat des mesures sanitaires devant l'Assemblée nationale au moins depuis la fin de la première vague.

M. Derraji : Ils ont fait une interprétation d'un article de projet de loi d'une manière délibérée pour renouveler l'état d'urgence hebdomadaire. Comme, aujourd'hui, ils ont signé le 107e décret, au lieu de venir chaque mois demander l'avis des membres, des autres élus du peuple. Il y avait deux choix. Pourquoi ils ont autorisé... ils ont opté pour l'hebdomadaire, versus le mensuel, selon vous? C'est quoi, votre interprétation?

Mme Valois (Martine) : Mon interprétation est que le gouvernement ne voulait pas discuter, ne voulait pas que les mesures soient débattues et voulait limiter les questions et les remises en question de l'Assemblée nationale aux périodes de questions, ce qui, à mon avis, est <insuffisant...

Mme Valois (Martine) : ...les remises en question de l'Assemblée nationale aux périodes de questions, ce qui, à mon avis, est >insuffisant. Ils ne respectent pas la primauté du droit législatif sur l'exécutif.

M. Derraji : Pensez-vous que le droit législatif a été bafoué?

Mme Valois (Martine) : Je crois que le rôle... qu'on a, de façon délibérée, évincé le rôle de l'Assemblée législative, formée de représentants élus.

M. Derraji : Vous avez vu le projet de loi, il n'y a pas de reddition de comptes, encore une fois, il n'y a pas d'état de... je dirais, de rapport d'événement. Comment vous qualifiez que... la volonté du gouvernement de dire qu'il veut maintenir l'état d'urgence avec les cinq arrêtés jusqu'au 31 décembre, et non pas une autre date? C'est quoi, votre interprétation en tant que légiste?

Mme Valois (Martine) : Mon interprétation est qu'on veut maintenir l'état d'urgence au moins jusqu'après la formation du prochain gouvernement, et qui sera, vraisemblablement, là, au mois de novembre.

M. Derraji : La lecture, elle est plus élections, on veut avoir le pouvoir total, on ne veut pas renouveler d'une manière hebdomadaire, on veut plus... renouveler chaque semaine, on veut un décret jusqu'à la fin de l'année parce qu'on a une élection au mois d'octobre?

Mme Valois (Martine) : Je crois que c'est l'objectif de ce projet de loi là. Et, en même temps, une loi, c'est le... disons, un peu symbolique en disant à la population : On veut mettre fin à l'état d'urgence. Mais ça fait quand même plusieurs semaines, voire plusieurs mois, qu'on annonce qu'un projet de loi serait déposé, et je crois qu'il aurait dû être déposé bien avant.

M. Derraji : Oui, faire semblant à la population qu'on met fin à l'état d'urgence. C'est ça, votre propos?

Mme Valois (Martine) : Je ne dis pas faire semblant, je dis : Il y a un symbole, et on veut maintenir l'état d'urgence jusqu'au moins après les élections.

M. Derraji : Merci beaucoup. Merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, M. le député. Alors, on poursuit cet échange avec le député de Rosemont.

M. Marissal : Merci, M. le Président. Me Valois, merci beaucoup d'être là. Les anglophones ont un dicton qui dit : Faites attention à ce que vous demandez parce que vous pourriez l'obtenir. En vous écoutant, il y a une autre version qui m'est venue en tête : Faites attention à ce que vous dites parce que, des fois, vous pourriez avoir raison. Et j'ajouterais même que ce n'est pas parce qu'on a raison que ça fait toujours plaisir.

Ce que vous dites quant au maintien et à la reconduction systématique, depuis deux ans, de l'état d'urgence, c'est exactement notre position, dans ma formation politique, que le gouvernement a fait ainsi l'économie de ce que vous appelez la primauté du droit et la primauté parlementaire. C'est exactement notre point de vue, que les élus de l'Assemblée nationale ne sont pas des bibelots qu'on peut déplacer et sur lesquels on peut laisser s'accumuler la poussière quand on ne veut pas qu'ils parlent, mais qu'ils ont un rôle à jouer. Et ce rôle, nous partageons, je pense, Me Valois, la même opinion là-dessus, n'a pas été rempli, donc il y a eu un trou dans ce principe de primauté parlementaire depuis deux ans. Supposons que les six premiers mois étaient vraiment rock-and-roll puis qu'on devait mettre une cloche de verre, peut-être, O.K., d'accord, je conviens, mais pas après, pas après. C'est ce que je comprends de votre point, c'est assez clair, et je vous en remercie.

On peut débattre des intentions du gouvernement. J'ai entendu des choses aussi, honnêtement, que je ne crois pas ou qui me hérisse les poils, par exemple, qu'on a besoin de bafouer des droits parlementaires pour gérer des palettes dans des entrepôts ou quand le directeur de la santé publique nous dit, ce matin, qu'il y a des gens qui vont mourir si on... Je trouve ça un petit peu fort de café.

Cela dit, quand on nous dit : On a besoin, par exemple, de monde pour faire des opérations de vaccination, ça, ce n'est pas bête, là, c'est un fait. Je trouve ça assez contradictoire, cela dit, que, demain, on va fermer, dans ma circonscription, le plus gros centre de vaccination au Québec, qui est le Stade olympique, là, je trouve ça un peu contradictoire, là, cela dit, puis ça va pas mal avec ce que vous dites, qu'il n'y a peut-être plus d'urgence sanitaire au premier titre.

Je ne dis pas que la pandémie est finie, mais, mettons, là, qu'on dit : O.K., on veut s'assurer de pouvoir rappeler tout le monde, tous ces gens qui, volontairement puis généreusement, sont revenus travailler pour piquer, là, par exemple, on fait quoi? Parce qu'il est tard, là, puis on ne l'a pas fait avant, le gouvernement ne l'a pas fait avant les discussions avec l'Office des professions, puis on ne l'a pas fait. Ça fait que, mettons qu'on veut se passer de 28, qui est un mauvais projet de loi, on fait ça comment?

Mme Valois (Martine) : Alors, on peut... dans le fond, on peut, dans le projet de loi n°28, proposer les modifications qui sont... bien, demandées, en fait, par le Code des professions pour permettre à d'autres professionnels de poser des actes. Alors il <faudrait...

Mme Valois (Martine) : ...qui sont... bien, demandées, en fait, par le Code des professions pour permettre à d'autres professionnels de poser des actes. Alors il >faudrait proposer des amendements aux autres lois concernant les professionnels et le faire dans le même projet de loi. Alors, c'est juste un exercice législatif, c'est quelque chose qui peut être fait assez facilement et qui aurait dû être fait avant même le dépôt de ce projet de loi là.

M. Marissal : Oui. Je vous remercie, Me Valois. Je n'ai plus de temps. Merci.

Le Président (M. Provençal) :Excellent. Maintenant, le député des Îles-de-la-Madeleine va poursuivre cet échange avec vous, maître.

M. Arseneau : Merci beaucoup, M. le Président. Merci Mme Valois, pour votre présentation... Pre Valois. L'article 1 du projet de loi n° 28, actuellement, se lit comme suit : «L'état d'urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 est renouvelé...» «et renouvelé depuis prend fin.» Je comprends que c'est inutile, puisqu'il s'agit simplement de ne pas renouveler l'état d'urgence pour qu'il n'existe plus, mais vous dites, dans votre mémoire, qu'en quelque sorte on maintient l'état d'urgence. Donc, en réalité, moi, ce que je comprends, c'est que vous êtes d'accord avec notre affirmation lorsqu'on a vu le projet de loi : Que l'on efface l'état d'urgence mais qu'on maintient la gouvernance par décret, puisque c'est essentiellement ce que la loi vient faire, maintenir des décrets pour un certain nombre de mois, voire un certain nombre d'années. Vous partagez cette analyse-là?

• (17 h 20) •

Mme Valois (Martine) : Oui. Je partage cette analyse.

M. Arseneau : Lorsque vous dites qu'on pourrait faire les choses autrement, ça, je trouve ça intéressant parce que c'est aussi le manque de clarté, au début, qu'on avait dénoncé, dans le projet de loi qui donnait des pouvoirs extrêmement larges en disant : Tout ce qu'on n'a pas abrogé est maintenu, essentiellement. C'était extrêmement difficile de s'y retrouver.

Là, on se vante d'avoir réduit ça à cinq arrêtés, mais avec des... ou cinq sujets, mais avec des... comment dirais-je, avec des annexes qui sont passablement longues. Est-ce que vous pensez qu'il pourrait être réaliste de résumer encore les quelques éléments qui sont absolument nécessaires dans l'espace de quelques lignes ou quelques phrases, quelques pages, c'est ce qu'on comprend de votre propos, pour modifier d'autres lois qui semblent embêter le gouvernement à l'heure actuelle?

Mme Valois (Martine) : ...il y a... c'est l'activité législative, quand on regarde les projets de loi qui sont déposés, on regarde seulement le projet de loi n° 61, le projet de loi n° 66 ou des projets de loi qui énoncent certaines règles et qui vont... Il y a une dernière section qui modifie d'autres lois pour donner effet au contenu principal du projet de loi.

Je voudrais revenir sur ce que vous avez dit parce qu'effectivement il y a une contradiction inhérente entre le titre de la loi, et même entre l'article 1 et l'article 2, puisqu'on dit que l'état d'urgence prend fin et on maintient des décrets qui ont été adoptés pendant la déclaration d'état d'urgence. Donc, ou bien ils étaient nécessaires pendant l'état d'urgence, et alors on doit y mettre fin, ou bien on aurait pu prendre ces mesures en dehors de l'état d'urgence, par d'autres dispositions qui auraient été débattues devant l'Assemblée nationale, et on pourrait les continuer puisqu'elles seraient devenues partie du corpus législatif.

M. Arseneau : Merci beaucoup, Me Valois.

Le Président (M. Provençal) :...Me Valois. Alors, nous terminons cet échange avec la députée d'Iberville.

Mme Samson : Merci, M. le Président. Merci, Me Valois, pour vos propos. J'aurais aimé vous entendre... et vous êtes libre de le faire, vous n'êtes pas obligée de répondre à ma question, mais j'aurais aimé avoir votre opinion sur l'article 2 du projet de loi n° 28, qui dit que ni le gouvernement, ni le ministre ou toute autre personne ne peut être poursuivi en justice pour avoir accompli un acte dans le cadre des décrets. Est-ce que c'est courant, dans un projet de loi, de voir qu'un gouvernement s'accapare autant de pouvoirs sans reconnaître aucune responsabilité quant à ses actions? Est-ce que c'est démesuré ou c'est dans la norme, c'est raisonnable?

Mme Valois (Martine) : C'est ce qu'on appelle une clause d'immunité, et, oui, cette clause-là, elle est dans toutes les lois. Et ce qu'il faut retenir, c'est la question de la bonne foi ou l'exercice des fonctions. Alors, généralement, on dit que toute personne, le gouvernement... ne peut être poursuivi, tout ministre, pour un acte accompli de bonne foi dans l'exercice des fonctions. Alors, c'est une clause <d'immunité...

Mme Valois (Martine) : ...pour un acte accompli de bonne foi dans l'exercice des fonctions. Alors, c'est une clause >d'immunité qui est là parce que, dans l'histoire du droit public et de la common law, on pouvait poursuivre en justice toute personne en dommages.

Alors, non, ce n'est pas une disposition extraordinaire. Ce n'est pas la disposition extraordinaire qu'on pourrait dire... qui doit absolument disparaître du projet de loi.

Mme Samson : Je vous remercie, Me Valois. C'est tout pour moi, M. le Président.

Le Président (M. Provençal) :Merci, Mme la députée. Alors, Me Valois, on tient à vous remercier pour votre collaboration, votre contribution et votre présence à nos travaux. Les échanges ont été fort appréciés par l'ensemble des membres de la commission.

Sur ce, je vous salue et je mets fin à cet échange en demandant une suspension pour permettre au dernier groupe de venir vous remplacer. Merci beaucoup et bonne fin d'après-midi, madame.

Mme Valois (Martine) : Merci. Bonne fin d'après-midi à tous.

(Suspension de la séance à 17 h 25)

 (Reprise à 17 h 31)

Le Président (M. Provençal) : Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à Mme Alexandra Pierre et Mme Diane Lamoureux, qui représentent la Ligue des droits et libertés. Alors, mesdames, vous avez 10 minutes pour votre présentation, et, par la suite, nous procéderons à nos échanges. Alors, je vous cède immédiatement la parole, et vous pouvez vous renommer s'il y a lieu.

Mme Pierre (Alexandra) :Bonjour, mon nom, c'est Alexandra Pierre, je suis la présidente du conseil d'administration de la Ligue des droits et libertés et je suis avec ma collègue, Diane Lamoureux, qui est... qui siège au conseil d'administration de la ligue.

Donc, avant de commencer, on tient à vous remercier, donc, à remercier la Commission de la santé et des services sociaux pour cette invitation à participer aux consultations particulières et aux auditions publiques du projet de loi n° 28.

Un petit mot sur la ligue. La ligue a été fondée en 1963 et c'est un organisme à but non lucratif, indépendant et non partisan qui vise à faire connaître, à défendre et à promouvoir l'universalité, l'indivisibilité et l'interdépendance des droits reconnus dans la charte internationale des droits humains... des droits de l'homme. La ligue interpelle, tant sur la scène nationale qu'internationale, les instances gouvernementales pour qu'elles adoptent des lois, des mesures, des politiques qui sont conformes à leurs engagements à l'égard des instruments internationaux de défense des droits humains. La ligue, elle a aussi pour rôle de dénoncer les situations de violation dont ces instances gouvernementales sont responsables. Elle mène des activités d'information, de formation, de sensibilisation dans ce sens-là et des actions qui visent à faire connaître le plus largement possible les droits qui se rapportent à l'ensemble des aspects de la vie en société.

Depuis... Rentrons dans le vif du sujet, donc. Depuis l'entrée en vigueur de l'état d'urgence sanitaire au Québec, le 13 mars 2020, la ligue reconnaît la nécessité d'adopter des mesures sanitaires individuelles et collectives. Elle a fait et elle fait encore confiance aux avis de la Santé publique. Cette confiance ne lui a cependant pas... ne l'a cependant pas empêchée de jouer son rôle de chien de garde du respect des droits humains pendant toute cette période. En effet, à chacune de ses interventions, la ligue a rappelé que la gestion de la crise sanitaire ne peut pas faire l'économie du respect des droits et des libertés des personnes qui résident sur le territoire québécois.

Il est clair que, depuis mars 2020, la déclaration et le maintien de l'état d'urgence sanitaire ont interrompu le débat démocratique, autant sur les enjeux de fond qui affectent la société québécoise que sur les débats démocratiques sur la pertinence et l'impact des mesures de gestion de la pandémie. C'est pour ça, d'ailleurs, que la ligue a lancé, en mars 2021, une campagne pour mettre fin à l'état d'urgence au Québec, campagne qui, jusqu'à ce jour, a recueilli l'appui de 128 organisations. Comme le précise notre déclaration, l'état d'urgence sanitaire ne peut pas être conçu comme un état permanent. La nouvelle norme sécuritaire dans laquelle nous nous trouvons toujours aujourd'hui et qui prend appui sur l'état d'urgence sanitaire... qui prend indûment appui sur l'état d'urgence sanitaire est de nature autoritaire...


 
 

17 h 30 (version révisée)

Mme Pierre (Alexandra) :...l'état d'urgence sanitaire, qui prend indûment appui sur l'état d'urgence sanitaire, est de nature autoritaire et elle consiste, selon nous, en une perte démocratique importante.

Aujourd'hui, au Québec, la vie des citoyens est littéralement régie par une multitude de décrets et d'arrêtés ministériels dont les objets vont de la micro, voire de la nanogestion, à la métagestion. Les pouvoirs du gouvernement et du ministre de la Santé et des Services sociaux en vertu de la Loi sur la santé publique relative à l'urgence sanitaire, sont nettement exorbitants et ont donné lieu à l'émergence d'un régime juridique d'exception dans un État de droit. Ce régime, d'après nous, se distingue d'abord par son opacité, son manque d'imputabilité, mais aussi son manque de transparence.

On nous a répété ad nauseam que le gouvernement avait besoin de l'agilité offerte par la Loi sur la santé publique durant toute cette période. Or, la ligue croit plutôt que le gouvernement québécois a trouvé un certain confort, pour ne pas dire un confort certain, dans l'état d'urgence sanitaire. Encore une fois, on insiste sur la distinction entre l'état d'urgence et le fait de prendre des mesures nécessaires à la gestion de la crise sanitaire. Pour le dire autrement, pas besoin d'état d'urgence pour prendre des mesures appropriées.

Et maintenant, arrive ce projet de loi qui prétend mettre fin à l'urgence sanitaire, alors qu'il n'en est rien, à notre avis. Loin de se réjouir, la ligue dénonce fermement ce projet de loi.

Les mesures dont il est question dans ce projet de loi semblent être celles énumérées et considérées par les arrêtés ministériels adoptés le 31 mars dernier. En d'autres mots, le gouvernement demande à l'Assemblée nationale d'avaliser un processus antidémocratique, c'est-à-dire la gestion par décrets et le non-respect des procédures de négociation collective, donc d'avaliser ce processus antidémocratique par un éventuel vote démocratique, c'est-à-dire l'adoption de ce projet de loi n° 28.

Pour nous, c'est un tour de passe-passe, et ça n'empêche ou ça n'efface en rien les deux années de gestion autoritaire. Ça ne corrige d'aucune façon l'absence de débats et de mécanismes consultatifs ayant entouré l'adoption effrénée d'une pléthore de décrets et d'arrêtés ministériels depuis mars 2020. À cet égard, on vous invite à lire, relire l'article 1, 2 et 3 du projet de loi qui, à notre avis, est un peu mystifiante. On dit qu'on met fin à l'état d'urgence, sans vraiment y mettre fin, et on prolonge... en fait, on prolonge jusqu'en décembre 2022, et il faut noter, après les élections. On prolonge donc jusqu'en décembre 2022 le régime juridique d'exception qui est celui de la gestion par décrets et arrêtés.

Pour la ligue, apprendre à vivre avec le virus, apprendre à vivre avec la pandémie, ça ne veut certainement pas dire qu'il faille sacrifier les fondements démocratiques de notre société. En fait, le projet de loi n° 28 propose une sortie progressive de l'état d'urgence afin de prolonger des mesures qui avantagent et protègent plus le gouvernement que la population, donc protègent le gouvernement, mais pas la population. On doit reconnaître que ce projet de loi maintient l'état d'urgence dans la mesure où celui-ci comporte une immunité étanche à l'égard de l'exécution des pouvoirs conférés par l'état d'urgence. C'est l'effet du dernier alinéa de l'article 2 du projet de loi.

Les arrêtés du 31 mars 2022, s'ils étaient incorporés et énumérés au projet de loi n° 28, auraient pour effet de maintenir un droit d'exception concernant les rapports collectifs de travail dans le domaine de la santé et de l'éducation via un vote, une légitimité, à notre avis, trompeuse de l'Assemblée nationale.

Mme Lamoureux (Diane) : En présumant que la déclaration de l'état d'urgence prendra fin dans les semaines qui viennent, la Loi de la santé publique prévoit un rapport d'événement. Le rapport <d'événement...

Mme Lamoureux (Diane) : ... viennent, la Loi de la santé publique prévoit un rapport d'événement. Le rapport >d'événement ne nous donnera pas... on n'aura pas la réponse cette année, vu l'effet de computation des délais prévus à l'article 129 de la loi, et nous n'aurons pas non plus de rapport... La nature et le moment de la présentation du projet de loi n° 28 perpétuent, donc, le déficit démocratique engendré par les modes de gestion de la crise sanitaire de la COVID. Voilà donc une raison pour laquelle le gouvernement aurait dû et aurait pu mettre fin à cet état d'urgence l'année dernière.

La gestion de la crise sanitaire a révélé les lignes de fracture du filet de protection sociale au Québec. Beaucoup d'attention, et à juste titre, a été accordée au besoin de réorganisation du système des soins de santé. Mais d'autres aspects de la vie des Québécoises et des Québécois ont été profondément et, hélas, durablement touchés par cette gestion. Le cas de l'accès à des données personnelles et la transmission de celles-ci à des acteurs privés est patent.

Nous constatons néanmoins que, pour l'heure, le projet de loi n° 28, à son article 4, autorise le ministre de la Santé et des Services sociaux à ordonner la transmission de renseignements personnels et confidentiels, si celle-ci s'inscrit dans les mesures nécessaires à la protection de la santé populationnelle dans le cadre de la lutte contre la COVID. Ainsi, et contrairement à la lettre de la Loi sur la santé publique, le gouvernement a profité d'une gestion par décrets pour inscrire la permanence dans l'urgence. Cette inscription, toutefois, équivaut à une flagrante violation du respect de la règle de droit.

• (17 h 40) •

L'alinéa 7° de l'article 123 de la Loi sur la santé publique permet au gouvernement de conclure des contrats sans autre formalité, mettant ainsi entre parenthèses les exigences de la Loi sur les contrats des organismes publics. L'article 5 du projet de loi n° 28 n'est pas déraisonnable, mais il cache la forêt. Qui aura bénéficié de ces contrats durant l'état d'urgence sanitaire? Quels mécanismes d'imputabilité et de reddition de comptes assortissent ces nombreux contrats conclus dans l'urgence? Croit-on vraiment qu'un rapport d'événement fournira la réponse à ces questions?

La tendance accélérée à la conclusion de contrats de gré à gré, depuis maintenant deux ans, aura ainsi marqué la crise sanitaire, alors que tout porte à croire que l'identité des gagnants restera dans l'ombre pour longtemps. Le projet...

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, Mme Lamoureux. Le temps qui vous était donné pour votre exposé est terminé. Alors, je vais inviter maintenant M. le ministre à débuter la période d'échange avec votre groupe.

M. Dubé : Très bien. Alors, merci beaucoup, M. le Président. Et, mesdames, merci beaucoup pour votre présence aujourd'hui. C'est très apprécié. Dans un contexte démocratique comme on a, on a le droit d'avoir nos opinions, puis je pense que c'est important de pouvoir avoir la chance d'écouter la vôtre. Alors, on n'est peut-être pas obligés d'être tous en accord avec ce que vous dites, mais on peut au moins en débattre, et je pense que c'est important de le reconnaître aujourd'hui.

Je voulais juste faire peut-être une précision, là, puis c'est important de le faire, particulièrement sur votre commentaire pour le rapport dont on parle qui va être... qui est maintenant prévu par la loi, comme vous dites, qui doit être déposé dans les 90 jours qui suivent la fin de l'urgence sanitaire. Mais j'aimerais juste vous rassurer, parce qu'on a fait cet engagement-là plusieurs fois qu'exceptionnellement, parce qu'il y avait une fin de la session qui allait peut-être être à l'intérieur du 90 jours, qu'on s'est engagés, comme gouvernement, à publier le rapport avant la fin de la session parlementaire, premièrement. Ça, c'est... je voulais juste faire cette précision-là parce que je ne voudrais pas qu'il y ait de malentendu sur notre désir de vouloir produire le rapport.

Deuxièmement, nous nous sommes engagés, puis ça, on pourra le débattre lorsqu'on fera l'article par article... nous nous sommes engagés à donner beaucoup plus d'informations... qui est établi par la loi actuelle. Et je vous donne un exemple. L'engagement pourrait être simplement de produire le rapport de ce qu'on a... des contrats dont vous parliez tout à l'heure, à la fin de votre exposé, et de simplement dire : Bien, écoutez, ces rapports-là sont dans ce qu'on appelle le registre, le SEAO, qui est publié, où chacun des contrats qui a été donné durant la pandémie... et comme par les autres contrats qui sont donnés par tous les ministères, là. C'est un site que vous connaissez sûrement. Alors, nous, on s'est engagés à aller plus loin que ça pour que les gens comprennent bien le type de contrat qui a été donné et qu'on puisse se retrouver dans cette information-là.

Alors, j'ai dit, ce matin, juste pour... peut-être que vous n'avez pas eu la chance ou... En tout cas, c'est important pour moi de le mentionner que, premièrement, il y a eu beaucoup d'informations qui disaient <qu'il y avait...

M. Dubé : ... pour moi de le mentionner que, premièrement, il y a eu beaucoup d'informations qui disaient >qu'il y avait eu pour 17 milliards de contrats, au cours des deux dernières années, ce qui n'est pas exact. Il y a eu pour 5 milliards de contrats qui ont été donnés en vertu des mesures d'urgence, et, pendant ces deux années-là, ça représente environ 4 000 contrats. Ce qu'on va expliquer, durant le rapport, puis ça pourra être, encore une fois, débattu, c'est ce qui va rester des contrats qui vont être prolongés, pour des raisons que les P.D.G. ont expliquées clairement ce matin. C'est que, sur la somme de 5 milliards de contrats, il y aura pour 37 millions de contrats qui se rapportent à la vaccination et au dépistage qui vont être prolongés jusqu'au maximum 31 décembre 2022 — je dis bien jusqu'à un maximum — donc 37 millions sur 5 milliards, et 75 millions de contrats qui se rapportent à l'entreposage, pour un maximum de cinq ans. Cette liste-là sera publiée, sera donnée à l'intérieur du rapport, pour être certain que les gens comprennent bien ce qu'il en est. Je vous mets ça en proportion, là, 37 millions sur 5 milliards, c'est comme dire qu'il y a pour 37 $ de contrats pour 5 000 $ de contrats. C'est pour vous donner que c'est une proportion d'environ 2 % de contrats qui s'appliquent aux articles sur les contrats. Alors donc, je pense que c'est une précision importante à vous donner.

Deuxièmement, j'aimerais aussi vous demander si vous avez eu la chance d'écouter... ou l'opportunité, peut-être, là, on verra votre point de vue, d'entendre les P.D.G., aujourd'hui, qui ont fait un rapport à la commission sur ce qu'ils ont vécu, trois P.D.G. de CISSS et de CIUSSS, là, du Lac-Saint-Jean. Vous les avez entendus aujourd'hui? Non, vous n'avez pas eu cette chance-là? Moi, je vous inviterais à pouvoir écouter, parce que je pense que c'est ça, l'objectif, c'est d'avoir l'opinion des gens qui ont été confrontés avec la pandémie. Et j'ai remercié les P.D.G., parce qu'on a une trentaine de P.D.G., là, des CISSS et des CIUSSS qui ont fait un travail exemplaire, durant cette pandémie-là, pour être capables de donner un service aux citoyens, et pas uniquement dans ce qui se rapporte à la COVID, comme la vaccination, comme le dépistage, mais aussi de fournir aux Québécois un service sur ce que les Québécois s'attendent en termes de réseau de santé.

La raison pour laquelle, mesdames, j'y fais référence, puis, encore une fois, on est on n'est pas obligés d'être d'accord, mais je voulais vous demander si... quand vous aurez la chance de prendre contact avec leur témoignage... Je comprends très bien les éléments que vous soulevez, de votre groupe, là, qui s'occupe des droits et libertés, mais, en même temps, le rôle du gouvernement est aussi de protéger la population sur une base de santé. Et, lorsqu'on demande d'avoir des mesures temporaires... Parce que c'est ça qu'on demande, soyons clairs, là, on dit : L'état d'urgence doit prendre fin, on est tous d'accord avec ça, mais ce qu'on demande... Puis, pour être certain, on ne parle pas de pouvoirs, on parle de mesures. Et les mesures qui ont été expliquées par nos P.D.G., aujourd'hui, qui sont dans le quotidien, ces gens-là nous disent : S'il vous plaît, assurez-vous que des mesures temporaires ou transitoires, par exemple pour la vaccination, peuvent continuer pendant un certain temps, parce que... et même, on l'a vu, là, dans les derniers jours, le Dr Boileau l'a bien expliqué, la présence de la sixième vague, du variant.

Alors moi, je comprends votre intervention. Puis malheureusement vous n'avez peut-être pas eu la chance de les entendre, mais je vous résumerais un point puis j'aimerais vous entendre là-dessus. Ce qu'ils nous disent, c'est que, si on enlève les mesures d'urgence sans avoir les mesures temporaires ou transitoires, c'est très dangereux parce qu'on n'est pas capables de continuer à vacciner les gens, à faire le dépistage nécessaire, etc. Et je voudrais juste vous entendre, entre ce qui est important, de ce que vous avez expliqué pour votre priorité, qui est la Ligue des droits et libertés... mais moi, j'aimerais vous entendre sur la responsabilité du gouvernement à s'assurer de la sécurité des Québécois dans un contexte de pandémie. J'aimerais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.

Mme Pierre (Alexandra) :Alors, merci, M. Dubé. Deux choses, là-dessus. Pour nous, l'état d'urgence n'a plus de légitimité depuis un moment, déjà, et le projet de loi, à notre avis, perpétue cet état d'urgence. Et comme on l'a dit plusieurs fois, la ligue n'a jamais été contre les mesures <sanitaires...

Mme Pierre (Alexandra) : ... d'urgence. Et comme on l'a dit plusieurs fois, la ligue n'a jamais été contre les mesures >sanitaires, n'a jamais été contre les mesures qui pouvaient nous protéger contre la pandémie, mais bien contre le mode d'adoption de ces mesures, qui se prolonge aussi avec le projet de loi n° 28, c'est-à-dire l'absence de délibération, la gouvernance par décrets et tous les angles morts que ça implique. On l'a vu avec les CHSLD, la façon dont les proches aidants ont été traités, les problèmes d'itinérance, etc., il y a des angles morts. Pour nous, la délibération, le débat public, notamment par l'Assemblée nationale, au sein de l'Assemblée nationale, nous permet d'avoir une légitimité et de réduire ces angles morts.

En dehors de l'état d'urgence, il existe des mécanismes normaux, démocratiques pour pouvoir prendre de telles mesures. Rien n'empêche le gouvernement et les partis d'opposition de convenir des mesures qui doivent être considérées au nom de la santé populationnelle et d'avoir ce débat au sein de l'Assemblée nationale. Donc, pour nous, c'est un peu notre position.

Peut-être un deuxième point, aussi, sur la question du rapport d'événement. Pour nous, deux ans, ce n'est plus un événement. Ce qu'on comprend du rapport d'événement, c'est que ce rapport-là va lister les événements, les mesures, les actions qui ont été prises. Nous, ce qu'on demande, c'est au-delà de cette liste, entre guillemets, c'est une reddition de comptes. Et à ce propos-là, on pense qu'il doit y avoir la mise en place d'un mécanisme de reddition de comptes qui concerne la gestion de l'état d'urgence sanitaire au Québec, la gestion de la crise sanitaire elle-même. Puis, pour nous, l'institution la mieux habilitée pour faire ça, ça serait une institution qui pourrait rendre directement compte à l'Assemblée nationale, comme par exemple le Protecteur du citoyen.

• (17 h 50) •

M. Dubé : Très bien. Alors, maintenant, je veux revenir aussi sur un point. Vous avez parlé tout à l'heure, puis je respecte ça énormément, toute la question de protection des données personnelles. Puis je voudrais peut-être juste apporter une précision puis vous entendre, là, si vous sentez le besoin de commenter.

Ce qu'on demande, en fait, à l'intérieur du projet de loi, comme mesures que l'on considère temporaires mais nécessaires, c'est de continuer d'avoir de l'information qui est dite personnelle sur la santé des gens pour être capables de bien voir l'évolution de la pandémie. Alors, je m'explique. Lorsqu'on fait de la vaccination ou du dépistage, on comprendra très bien que c'est une donnée personnelle, hein? C'est un individu qui s'est fait vacciner, qu'on doit savoir s'il a été positif ou négatif, s'il a été dépisté ou s'il a été vacciné. Alors, on comprend bien que, depuis deux ans, grâce aux mesures d'urgence, ce sont des données personnelles qu'on n'a pas analysées sur une base individuelle, mais qu'on a travaillées sur une base que je dirais consolidée pour être capables de bien analyser les tendances, de voir ce qui se passait par régions, pour être capables, par exemple, de déterminer que, dans certaines régions ou dans certaines écoles, il y avait des enjeux de différences importantes en termes de vaccination.

Alors, j'aimerais vous entendre. Comment on peut... Puis je comprends, encore une fois, là, je reviens au même débat entre ce que vous défendez, en termes de droits et libertés, mais en même temps de ce qu'on a besoin de savoir pour bien gérer la pandémie. Comment vous pensez qu'on pourrait faire autrement pour voir ces tendances-là et bien savoir ce qui se passe, si on n'avait pas accès à ces données-là, qu'on ne veut pas sur une base individuelle, pour fins de déclaration, mais bien pour fins de gestion? J'aimerais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.

Mme Lamoureux (Diane) : Bien, on comprend qu'il y a besoin d'avoir des données pour des fins de gestion, mais, je veux dire, à partir du moment où elles sont anonymisées, il y a... ce n'est plus des données personnelles... où elles sont randomisées, ce n'est plus des données personnelles au sens de la protection des données personnelles, mais, je veux dire, il y aurait quand même nécessité d'avoir le consentement de la population. Je veux dire, quand les gens choisissent de se faire vacciner pour obéir aux directives de la Santé publique, il y a... ou qu'ils vont se faire tester, ils doivent pouvoir <signer une...

Mme Lamoureux (Diane) : ... directives de la Santé publique, il y a... ou qu'ils vont se faire tester, ils doivent pouvoir >signer une formule de consentement. Ça existe sur à peu près tous les sites informatiques. Les données de consentement, on en fait tous les jours. Mais là on n'est même pas consultés.

Mme Pierre (Alexandra) :Juste pour ajouter. (Interruption) Oups! Un petit renvoi. Désolée. Pour la ligue, l'un n'empêche pas l'autre. C'est-à-dire que, comme la Commission d'accès à l'information l'a mentionné à plusieurs reprises en de... dans différents... à différents moments, il est important d'accroître le contrôle des citoyens sur leurs propres renseignements personnels, sur les renseignements qui les concernent. Donc, ça fait partie des contraintes avec lesquelles le gouvernement a le devoir de gérer ça. C'est-à-dire que l'idée d'avoir des renseignements pour pouvoir faire de la vaccination de façon la plus efficace possible, évidemment, ça n'empêche pas qu'il faut que les citoyens puissent avoir... puissent consentir puis puissent avoir le plus de contrôle possible sur leurs propres renseignements personnels.

M. Dubé : Je veux juste pour... Je ne sais pas combien il me reste de temps?

Le Président (M. Provençal) :Une minute.

M. Dubé : Une minute, ce n'est pas très long. Mais écoutez, encore une fois, on pourra en débattre. Je voulais juste vous entendre là-dessus parce que je pense qu'on a le même objectif. Le même objectif, c'est de protéger l'information des individus. Mais, vous comprenez, je pense que je vous ai bien entendues, qu'on a quand même besoin d'avoir cette information-là pour faire une bonne gestion de la pandémie puis de savoir... Alors, on pourra débattre lors de l'article par article, là, cette préoccupation-là que vous avez, mais je voulais juste vous rassurer que notre objectif est de s'assurer que... juste qu'on ait, le temps d'avoir le projet de loi n° 69, qui est un projet de loi qu'on a donné... qu'on a déposé un peu plus tôt, l'an dernier, bien, qu'on puisse avoir, en attendant que ce projet de loi là soit passé, soit accepté par l'Assemblée nationale... bien, il faut avoir une mesure temporaire qui nous permette de faire la gestion, ce que j'appelle le projet de loi n° 19 sur les données, qu'on aura sûrement la chance de débattre avec vous, là, dans un autre moment. Alors ça répond à mes questions, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci. Merci beaucoup. Alors, nous poursuivons avec la Ligue des droits et libertés. La parole appartient au député de Nelligan.

M. Derraji : Merci, mon cher Président. Mesdames, merci beaucoup. Je tiens à vous remercier au nom de notre formation politique, parce que vous avez fait un travail exceptionnel d'organisation bénévole et un excellent rapport. Donc, je tiens en premier lieu à vous remercier. Ma première question : Est-ce que le gouvernement, selon vous, a besoin de ce projet de loi pour lever l'état d'urgence sanitaire?

Mme Pierre (Alexandra) :Pour nous, il n'a pas besoin de ce projet de loi là. Vous m'entendez? Oui? Parfait. C'est ça, l'objectif du présent mémoire, c'est vraiment de dire que nous recommandons le retrait du projet de loi n° 28 parce que ce projet de loi là poursuit l'état d'urgence sanitaire sous une autre forme et que nous pensons que cet état d'urgence aurait dû être levé depuis longtemps.

M. Derraji : Donc, je vais vous répéter la question, et je n'ai pas le même temps que le ministre, donc juste des réponses courtes, si vous permettez, s'il vous plaît : Est-ce qu'on a besoin du projet de loi n° 28, aujourd'hui, pour lever l'état d'urgence sanitaire?

Mme Pierre (Alexandra) :Non, on n'a pas besoin de ce projet de loi. L'état d'urgence sanitaire peut être levé de façon immédiate et effective sans ce projet.

M. Derraji : Excellent. Vous avez dit, pour votre organisme : Le nouveau nom du projet de loi est un tour de magie. Pouvez-vous illustrer la magie que vous voyez dans le changement de nom?

Mme Pierre (Alexandra) :Bien, c'est un peu ce qu'on expliquait, c'est-à-dire que les différents décrets qui sont énumérés dans le projet de loi ont été, à notre avis... sont... existent à cause d'un processus antidémocratique. Et on demande en bloc de voter, par le projet de loi n° 28, ces décrets et ces arrêtés qui ont été pris de façon antidémocratique, de les valider par un vote de l'Assemblée nationale qui les rendrait par le fait <même...

Mme Pierre (Alexandra) : ... antidémocratique, de les valider par un vote de l'Assemblée nationale qui les rendrait par le fait >même légitimes. Pour nous, la seule légitimité qu'il aurait, ça serait de débattre de l'ensemble de ces décrets et de ces arrêtés au sein de l'Assemblée nationale.

M. Derraji : Vous avez raison. Vous avez aussi dénoncé l'illusion du projet de loi n° 28, car il ne rétablit pas l'ordre démocratique. La gouvernance par décrets est déguisée en loi. Vous avez aussi dit : Pourquoi le projet de loi n° 28 fait du 31 décembre 2022 une date mythique? C'est ce que je disais, tout à l'heure, à un groupe, que probablement, soudain, le 1er janvier 2023, le virus va disparaître du Québec. Pourquoi vous dites, vous aussi, que c'est une date mythique? Il y a... Et je ne sais pas si vous avez vu l'intervenante avant vous, elle, elle disait qu'écoutez, l'objectif, c'est probablement l'élection. Il y a une élection, le gouvernement va avoir... veut avoir les deux mains, il veut continuer à gérer par décrets et arrêtés. Est-ce que vous partagez le même point de vue que la personne qui était avant vous? Et pourquoi c'est une date mythique, selon vous?

• (18 heures) •

Mme Lamoureux (Diane) : Bon, effectivement, il y a une élection, d'ici le 31 décembre, et il y a des choses que nous ne saurons pas au moment d'aller voter. Et, d'une certaine façon, essayer de déterminer à l'avance qu'il n'y aura plus de problème, le 31 décembre, ça nous semble assez illusoire, et on risque de se retrouver avec une énième reconduction de la chose, ce qui, pour la santé démocratique d'une société, n'est pas un avantage.

M. Derraji : Comme nous, très critiques à la gestion par décrets. Je le suis. Pour moi, un gouvernement qui gouverne par décrets et par sondages n'a pas sa place dans une société démocratique. Vous avez dit, je vous cite : «La vie des citoyens est littéralement régie par des arrêtés rédigés dans une langue inaccessible. Le gouvernement a trouvé son confort dans l'état d'urgence.» Et vous avez dit : «...les mesures destinées à protéger la population et celles qui ont pour effet de consacrer l'impunité du gouvernement en temps de crise sanitaire.» C'est quand même des mots forts, par rapport à la gestion par décrets.

Mme Pierre (Alexandra) :Oui, c'est des mots forts. Comme l'impact de cette gestion par décrets a des conséquences aussi très, très... des très fortes conséquences. Ça marque un tournant autoritaire, antidémocratique, encore une fois. Donc, je pense que les mots qu'on a mis dans notre mémoire correspondent à l'analyse qu'on fait de cette situation.

M. Derraji : Mais vous évoquez aussi quelque chose que... ça m'a interpellé, hein, je vais... encore une fois, je vais vous citer, hein : «Le projet de loi n° 28 ne respecte pas la dignité citoyenne — quand même fort. Il est inutile et dangereux pour la démocratie.» Ça, c'est vous, c'est vos propos. Pourquoi c'est dangereux pour la démocratie et pourquoi le projet de loi déposé par la CAQ ne respecte pas la dignité citoyenne?

Mme Pierre (Alexandra) :Bien, encore une fois, depuis un moment, la ligue prétend que la loi sur l'état d'urgence... ou l'état d'urgence n'a plus sa raison d'être. Donc, plus on prolonge cet état d'urgence d'une... par un mode ou par un autre, hein, comme le projet de loi n° 28, bien, plus les atteintes à la démocratie se cumulent. Pour nous, on peut prendre des mesures sans être dans un état d'urgence, on peut prendre des mesures en respectant les processus et les débats démocratiques, et ça fait partie des droits humains, de la capacité de la population à avoir cette voix-là et du gouvernement à être imputable, par ailleurs.

M. Derraji : Vous évoquez beaucoup, dans votre mémoire, la démocratie, le respect des institutions. Je suis comme vous, nous sommes au sein d'une institution qu'il faut respecter, parce qu'on n'est pas juste des figurants, hein, on est là pour jouer notre rôle, et si quelqu'un n'est pas content, il peut démissionner et quitter. Si je vous dis d'interpréter le processus démocratique depuis le début, de ce gouvernement, mais je vais me limiter, depuis le début de la pandémie, est-ce que c'est un recul pour vous? Est-ce vraiment une atteinte? Est-ce que c'est un recul? Comment vous qualifiez ce qu'on voit avec la CAQ depuis mars 2020? C'est quoi, cette attitude...


 
 

18 h (version révisée)

M. Derraji : ...qualifiez ce qu'on voit avec la CAQ depuis mars 2020? C'est quoi, cette attitude? Comment vous qualifiez cette attitude?

Mme Lamoureux (Diane) : Bien, on pense que le gouvernement par décrets est un recul et un manque de respect pour nos institutions démocratiques, surtout quand ça s'éternise sur deux ans, O.K.? Et effectivement on vit dans un régime parlementaire, on est dans une monarchie parlementaire, et c'est à l'Assemblée nationale... c'est l'Assemblée nationale qui est imputable, c'est... Bien sûr, on n'a pas une séparation étanche entre l'exécutif et le législatif, dans un régime parlementaire, puisque c'est la majorité parlementaire qui constitue le gouvernement, mais, en même temps, il y a quand même des balises et une plus grande écoute à une diversité de points de vue présents dans la population quand le Parlement se saisit réellement des enjeux de société, plutôt que de se faire aviser des décisions gouvernementales.

M. Derraji : Vous avez évoqué, tout à l'heure, l'élection au mois d'octobre. Le gouvernement risque, avec sa majorité, de passer ce projet de loi, et fort probablement le Québec sera prolongé dans un état d'urgence jusqu'au 31 décembre 2022. C'est quoi, votre lecture?

Mme Pierre (Alexandra) :Je ne suis pas sûre de votre question, mais la lecture, c'est que cet état d'urgence, encore une fois, est illégitime. On ne comprend pas trop quelle est cette date du 31 décembre. Si ce qui devait être réglé ou commencer à être réglé il y a plus d'un an et demi, maintenant, ou un certain temps, ne l'est pas aujourd'hui, je ne vois pas pourquoi ça le serait magiquement le 31 décembre. Donc, voilà, il faut mettre fin à l'état d'urgence de façon immédiate et effective, et ça, ça implique de ne pas voter ce projet de loi n° 28.

M. Derraji : Oui, je comprends que vous êtes contre ce projet de loi, mais, je vous le dis, la CAQ a 75 élus, donc le projet de loi risque de passer. Est-ce que vous serez déçues si, demain, vous allez voir que le projet de loi a été voté d'une manière... par 75 députés caquistes, et que l'élection, c'est au mois d'octobre, et que l'état d'urgence va se poursuivre jusqu'au 31 décembre 2022?

Mme Lamoureux (Diane) : Bien sûr qu'on va être déçues, parce que nous, on demande, depuis plus d'un an, qu'il soit levé, l'état d'urgence. Donc, c'est sûr qu'on sera déçues, mais on ne peut pas empêcher la majorité parlementaire de le faire, mais on peut quand même souligner l'espèce de tour de passe-passe que ça constitue. C'est notre rôle comme garants des droits et des libertés.

M. Derraji : Oui, mais souvenez-vous de ce vote en octobre.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Alors, M. le député de Rosemont, s'il vous plaît, la suite vous appartient.

M. Marissal : Merci, M. le Président. Mesdames, merci d'être là. Merci pour votre mémoire. Je n'aurai pas grand-chose à rajouter, là, on ne s'ostinera pas, là, vous et moi, aujourd'hui. Si j'avais à résumer, là, la dizaine de témoins entendus à ce jour, je dirais que les syndicats ont des graves préoccupations. C'est probablement normal. Le gouvernement et son appareil est pour la loi, pour des raisons pratico-pratiques de fonctionnement dont on peut débattre, là. Et le droit, du moins, les gens qui se sont exprimés au nom du droit sont contre, dont vous.

Vous dites, par exemple, que «la mise en place d'un mécanisme de reddition de comptes concernant la gestion de l'état d'urgence sanitaire au Québec et la gestion de la crise sanitaire elle-même par une institution habilitée à rendre compte directement devant l'Assemblée nationale — ça va jusque là? — que dans l'éventualité où le projet de loi n° 28 serait adopté, une disposition prévoyant formellement un tel mécanisme de reddition de comptes par une institution habilitée à rendre compte directement devant l'Assemblée nationale y soit prévue». Vous l'avez dit, mais, pour ma lanterne puis pour que ce soit bien clair, vous pensez à quoi? Parce que, d'après moi, ça existe déjà, mais c'est incomplet. Vous pensez à quoi?

Mme Pierre (Alexandra) :Bien, nous, on pense que le Protecteur du citoyen serait cet organisme qui pourrait faire le travail. En même temps, on est plutôt ouverts à d'autres propositions. Mais l'essentiel de notre demande, c'est qu'il y ait un mécanisme de reddition de comptes au-delà du... je ne m'en rappelle jamais comment ça s'appelle, mais du rapport d'événement, puisqu'on considère que deux ans de pandémie, deux ans d'état d'urgence, ce n'est plus un <événement...

Mme Pierre (Alexandra) : ...puisqu'on considère que deux ans de pandémie, deux ans d'état d'urgence, ce n'est plus un >événement, puis on a besoin de plus qu'une liste actuelle.

M. Marissal : Mais à ça, ce qu'on nous dit... Puis j'ai eu des débats, là, en ondes et hors d'ondes, avec le ministre ou même avec les sous-ministres. Ce qu'on me dit, c'est ça : Il faudrait revoir la Loi sur la santé publique et la déclaration de l'état d'urgence sanitaire, puis ce n'est pas ici qu'on va faire ça. On va le faire un jour, peut-être, là, on est bien ouverts, mais on ne le fera pas.

Donc, je reviens au point de départ, là : On est pris avec le projet de loi n° 28, là. Est-ce que c'est amendable à vos yeux, ou si je dois lire, dans le texte, votre première conclusion, qui est de rejeter complètement ce projet de loi? Ce qui n'arrivera pas, je vous le dis tout de suite, là.

Mme Lamoureux (Diane) : Bon, on ne prend pas nos désirs pour des réalités, mais on peut quand même exprimer nos désirs, et ce qui nous semble le plus souhaitable dans les circonstances. Donc, c'est pour ça qu'on demande le retrait du projet de loi.

Par ailleurs, bon, le ministre vient de nous dire que ce sera un rapport d'événement bonifié, mais ça ne sera pas vraiment une reddition de comptes. Et alors, nous, ça nous semble important, ça a été des moments importants dans l'histoire, dans les dernières années de l'histoire du Québec, et c'est une grande partie du budget de l'État, le système de santé, c'est important que la population puisse vraiment savoir ce qui s'est passé.

• (18 h 10) •

M. Marissal : Bien d'accord. Et je vous remercie. Je n'ai plus de temps. Merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci. Alors, nous terminons avec le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, mesdames Pierre et Lamoureux. Vous avez mentionné que... comme d'autres aujourd'hui, qu'on vit sous un régime juridique d'exception. Et puis vous ajoutez qu'il est caractérisé par l'opacité, le manque d'impunité et le manque de transparence... manque de... non pas... d'imputabilité, je voulais dire, et de transparence. Et, bon, on est plutôt d'accord avec votre analyse.

Maintenant, vous demandez, puis je vais aller sur le même thème que mon collègue de Rosemont, vous demandez le retrait du projet de loi. Qu'en est-il des mesures qui sont proposées par le gouvernement, des mesures populationnelles, par exemple, le maintien du port du masque ou encore les mesures opérationnelles? On parle de vaccination, de dépistage, d'entreposage. Est-ce que vous estimez qu'on pourrait le faire avec les moyens réguliers de l'État ou qu'on devrait le faire par l'adoption d'un projet de loi très, très ciblé?

Mme Pierre (Alexandra) :Alors, merci pour cette question. Au risque de nous répéter, la ligue n'a jamais été contre les mesures visant à protéger la population, mais bien contre leurs modes d'adoption. Il y a toutes sortes de modes d'adoption, de mécanismes démocratiques pour maintenir, continuer ces mesures de protection : projet de loi via l'Assemblée nationale puis il y a aussi des modes de gestion au niveau des CIUSSS, des CISSS, des santés... pardon, des directions régionales de santé publique. Voilà, il faut que ces mécanismes-là soient débattus et soient pris de façon démocratique.

M. Arseneau : D'accord. Donc, si je vous comprends bien, si on mettait de côté le projet de loi n° 28 et qu'on déposait un projet de loi pour cibler un certain nombre de mesures qui semblent justifiées, qui seraient débattues par les parlementaires, cela vous conviendrait, là, à partir du moment où, démocratiquement, on peut justifier ou non... Enfin, on peut justifier, oui, trouver des motifs pour des mesures exceptionnelles qui pourraient s'appliquer pour un certain temps.

Mme Lamoureux (Diane) : Oui, mais sur fond de levée de l'état d'urgence. Parce que ce qui nous semble important, c'est de... Que des mesures appropriées soient prises pour assurer la santé publique, on est tout à fait d'accord. Le problème, c'est de quelle façon ces mesures sont prises. Et, pour l'instant, on est dans un régime d'exception.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup.

M. Arseneau : C'est tout le temps que j'ai. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) :Merci, Mme Alexandra Pierre et Mme Diane Lamoureux, de la Ligue des droits et libertés pour votre collaboration et votre contribution. Je vous souhaite une excellente fin de journée et merci beaucoup.

Mme Pierre (Alexandra) :Merci.

Mme Lamoureux (Diane) : Merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci aux collègues de la commission pour leur collaboration.

Nous ajournons nos travaux jusqu'au jeudi 7 avril, après les affaires courantes. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 18 h 14)


 
 

Document(s) associé(s) à la séance