(Onze heures vingt-sept minutes)
Le Président (M. Provençal)
: Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission
de la santé et des services sociaux ouverte.
Je souhaite la bienvenue... Mon Dieu! C'est
l'ordre... excusez-moi, parce que je ne veux pas faire d'erreur, Ordre
professionnel des criminologues du Québec, dont Mmes Goyette et Giroux
seront les porte-parole. Mesdames, je vous rappelle que vous aurez
10 minutes pour votre exposé, et par la suite il y aura échange avec les
membres de la commission. Alors, je vous cède la parole. Merci beaucoup de
votre...
Une voix : ...
Mme Rioux (Josée) : Merci beaucoup.
Alors, M. le Président de la commission...
Le Président (M. Provençal)
: Une minute, une minute, s'il vous plaît, parce que j'ai
oublié de... Je veux être trop rapide ce matin.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Derraji (Nelligan) est remplacé par Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce); Mme Sauvé (Fabre) est
remplacée par Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé); M. Marissal (Rosemont)
est remplacé par M. Zanetti (Jean-Lesage); et M. Arseneau
(Îles-de-la-Madeleine) est remplacé par M. Ouellet (René-Lévesque).
Auditions (suite)
Le Président (M. Provençal)
: Et ce matin nous entendrons les groupes suivants :
l'Ordre professionnel des criminologues du Québec et la Fondation Marie-Vincent.
Alors, mesdames, je vous cède la parole.
Ordre professionnel des
criminologues du Québec (OPCQ)
Mme Rioux (Josée) : Alors, merci
beaucoup. Alors, M. le Président de la commission, M. le ministre, Mmes, MM.
les députés membres de commission et Mme la directrice nationale, bonjour. Je
suis Josée Rioux, criminologue et présidente de l'Ordre professionnel des
criminologues du Québec. Je suis accompagnée ce matin de Mme Michèle
Goyette, qui est également criminologue. Elle est spécialisée en protection de
la jeunesse et la précédente présidente de notre ordre. Mme Goyette nous a
d'ailleurs représentés lors des auditions de la commission Laurent en 2020.
Nous tenons évidemment à saluer la célérité avec
laquelle le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux a déposé ce
projet de loi. Ceci témoigne sans contredit d'une volonté de mettre en oeuvre
les changements proposés par la commission Laurent, à l'instar de plusieurs
collègues qui nous ont présentés depuis mardi. C'est donc avec... C'est donc avec
honneur et privilège de nous présenter devant vous pour commenter ce projet de
loi qui, de notre avis, constitue une pièce maîtresse du devoir que nous avons,
collectivement, d'être une société bienveillante pour nos jeunes et nos
enfants. C'est d'ailleurs le titre que nous avons choisi pour... à donner à
notre mémoire.
D'entrée de jeu, nous sommes d'avis que ce
projet de loi propose plusieurs avancées intéressantes. Nous croyons toutefois
essentiel d'aller plus loin sur certaines questions de fond.
Notre ordre a été constitué en 2015 et compte
près de 1 700 membres. Il a pour mandat premier d'assurer la
protection du public, notamment en encadrant la qualité des services
professionnels fournis par les criminologues aux personnes contrevenantes, aux
personnes victimes et à la communauté. Plus de la moitié de nos professionnels
en oeuvre sont en protection de la jeunesse.
La compétence des criminologues se traduit
notamment par une agilité en contexte volontaire... tant en contexte volontaire
que d'aide contrainte ou sous mandat légal, une polyvalence qui constitue un
atout de taille pour accompagner les enfants, les jeunes et leurs parents dans
leurs démarches d'aide, de réadaptation ou de réinsertion. Bref, les
criminologues sont des spécialistes de l'aide en contexte d'autorité.
• (11 h 30) •
Les enfants d'aujourd'hui sont nos adultes de
demain. Il faut donc faciliter le passage à la vie adulte pour une réinsertion
sociale réussie chez nos jeunes. Trop souvent, ces jeunes en protection se
retrouvent dans les milieux correctionnels adultes, notamment en incarcération,
faute de services adéquats lorsqu'ils atteignent leur majorité. Ce projet de
loi doit impérativement nous donner les moyens de briser le cycle.
La continuité des services et leur accessibilité
demeurent à ce jour un défi important auquel il faut s'adresser rapidement pour
bien guider l'adulte en devenir. Pour cela, il faut se donner concrètement les
leviers et les moyens de nos ambitions. Nous considérons que c'est un important
projet de société.
La protection du public
prend tout son sens lorsqu'on parle de protection de la jeunesse. L'application
de la loi comporte des enjeux importants
concernant les droits fondamentaux des enfants et des familles. La notion de
l'intérêt de l'enfant est complexe, peu définie et perçue de façon variable. Il
demeure primordial d'en donner une définition claire permettant que les
modifications à la loi ne soient pas vaines.
Bien protéger le public implique que nous
puissions baliser les interventions tant sociales que judiciaires, encadrer la
prise de décision afin de s'assurer de la rigueur de celle-ci et du respect de
la loi, tant dans son esprit que dans son libellé. Ainsi, nous devons nous
assurer que la révision de cette loi permette de clarifier sans équivoque ce
que nous entendons collectivement comme étant le fait de prioriser l'intérêt de
l'enfant. Dans cet esprit, nous avons posé
un regard critique face aux éléments retenus dans ce projet de loi et ceux qui,
de notre avis, auraient dû s'y retrouver. Ma collègue Mme Goyette
va y revenir.
En ce qui concerne les enfants autochtones, nous
n'avons pas la prétention de parler au nom des communautés des Premières
Nations. Par ailleurs, nous partageons le point de vue de la commission Laurent
et déplorons l'écart qui existe entre cette prise de position de la commission
et les dispositions du projet de loi en la matière.
Les changements apportés à la déclaration de
principes de loi nous rallient. Nous y adhérons sans réserve. Nous saluons
également la clarification de plusieurs principes accentuant la primauté et
l'intérêt de l'enfant, la responsabilisation parentale, la stabilité des liens,
la collaboration entre les différents intervenants et la clarification des
règles de confidentialité. Toutefois, nous sommes d'avis que pour être
pleinement efficaces, ces principes doivent s'incarner concrètement dans des
modifications législatives touchant certains articles clés de la loi.
Autrement, nous craignons que les écarts d'interprétation subsistent et nuisent
à l'atteinte des objectifs poursuivis par ce projet de loi.
En somme, pour actualiser pleinement la vision
et les principes affirmés haut et fort dans le préambule et les articles touchant les principes généraux, il est
essentiel que ces derniers s'accompagnent de modifications
supplémentaires dans l'esprit des recommandations formulées par la commission
Laurent.
Maintenant, je laisse Mme Goyette aborder
certaines propositions que l'ordre vous fait aujourd'hui.
Mme Goyette (Michèle) : Merci,
Josée. Bonjour, tout le monde. Merci de nous donner l'occasion d'être entendues
ce matin.
Le premier enjeu que nous voulons soulever est
lié à la question de la stabilité des enfants. La commission Laurent a été très
éloquente sur cet enjeu. Une famille pour la vie, voilà l'objectif clair à
atteindre. Les ravages de l'instabilité chez les enfants sont documentés et
très bien connus. Elle a des conséquences sur la vie entière des enfants. Or,
même si, depuis 2007, la loi devrait permettre une plus grande stabilité grâce
aux dispositions sur les durées maximales de placement, force est de constater
que nous n'y sommes pas arrivés. Il faut certes réaffirmer les principes de
façon plus claire, mais il faut surtout fournir des leviers légaux pour que les
principes s'actualisent et changent la vie des enfants vraiment.
Alors, nos recommandations sur ce sujet sont les
suivantes : d'introduire dans la loi l'obligation de planifier un projet
de vie alternatif dès le premier placement d'un enfant de moins de cinq ans;
introduire l'idée que le tribunal doit prendre une décision qui assure la
stabilité de l'enfant, et non pas tend à assurer, tel que libellé actuellement;
indiquer que le tribunal, lors d'une décision de placement permanent, doit
statuer sur les contacts avec les parents et éventuellement sur le transfert
des attributs de l'autorité parentale; préciser que le seul motif pour
outrepasser les délais est l'intérêt de l'enfant, tel qu'analysé et documenté
par le tribunal; préciser que le placement en famille d'accueil à majorité
n'est pas un projet de vie stable; et introduire comme motif d'admissibilité à
l'adoption le dépassement des durées maximales de placement.
Notre deuxième sujet d'intérêt est le passage à
la vie autonome. C'est un sujet qui nous préoccupe. Comme criminologues, nous
accordons une grande importance à l'insertion sociale. Nous saluons, d'abord,
la volonté du législateur de s'y adresser, notamment en donnant des leviers
supplémentaires pour s'assurer qu'une préparation minimale est offerte aux
jeunes avant leurs 18 ans. Nous croyons aussi que la conservation des
dossiers jusqu'à l'âge de 43 ans est
une avancée importante pour ceux dont le dossier, à la protection de la
jeunesse, constitue l'histoire de vie.
Ces changements sont positifs, mais, selon nous,
c'est trop peu. Il y a un vaste chantier à créer et de façon urgente pour
mettre en place des mesures visant à faciliter cette difficile transition pour
les jeunes qui ont été placés. Ces mesures ne sont pas toutes de nature
législative, évidemment, mais nous croyons qu'il y aurait certainement eu lieu
d'introduire dans la loi la possibilité de maintenir le placement d'un jeune
adulte jusqu'à ses 21 ans, avec son accord, évidemment, et sans obligation
de scolarisation.
Notre troisième sujet est la transmission
d'informations confidentielles. Nous souscrivons clairement à la volonté de
profiter de l'actuelle révision législative pour insuffler une plus grande
souplesse dans l'interprétation des règles devant guider les intervenants qui
doivent, au quotidien, échanger des informations. Comme ordre professionnel, cela nous préoccupe tout particulièrement, puisque
nous avons le devoir de veiller sur la qualité des pratiques exercées
dans l'intervention en protection de la jeunesse tout autant que sur le respect
de la confidentialité et du secret professionnel.
Nous sommes tout à fait d'accord avec le
principe sous-jacent de subordonner la transmission d'information à l'intérêt
de l'enfant. Nous recommandons cependant que l'application des changements à la
loi en cette matière s'accompagne d'un chantier de clarification et de
formation pour soutenir les intervenants sociaux et judiciaires. Les ordres
professionnels pourraient être associés à ces travaux. Nous avons, dans notre
mémoire, soulevé certaines balises que je ne répéterai pas ici, mais qui
devraient être prises en considération pour encadrer la transmission
d'information et la levée du secret professionnel.
Nous saluons l'enchâssement dans la loi d'une
fonction de directeur national de la protection de la jeunesse et d'un forum
des directeurs de la protection de la jeunesse. Ces deux mesures permettent une
meilleure harmonisation des pratiques et soutiendront
leur développement. Toutefois, nous aurions souhaité que le directeur national
de la protection de la jeunesse ait un peu plus de pouvoir sur les services de
première ligne pour les enfants et les familles. Il faut agir en amont, comme
l'a martelé la commission Laurent. Et je cite ici le rapport : «Il faut
rehausser, renforcer et compléter une trajectoire robuste de services de
proximité à la famille.» Il faut que quelqu'un porte cette mission. Le nouvel
article 28 institue un rôle-conseil pour le ministre de la Santé et des
Services sociaux concernant la protection de la jeunesse et les enfants en
situation de vulnérabilité. C'est une bonne chose, mais nous souhaitons que la
loi soit plus contraignante à ce sujet.
Nous souhaitons aussi que la fonction de
commissaire aux droits des enfants soit enchâssée dans la loi. Nous formulons
donc deux recommandations : d'ajouter au nouvel article 28 la
création d'une table interministérielle, chapeautée par le ministre de la Santé
et des Services sociaux, pour mettre en place et coordonner des actions
préventives susceptibles de soutenir le développement des enfants; d'instituer
d'ores et déjà, dans ce projet de loi, les fonctions de commissaire et
commissaire adjoint au bien-être et aux droits des enfants.
Je termine avec l'intervention judiciaire. Bien
que la judiciarisation des situations en protection de la jeunesse constitue,
dans certaines circonstances, l'avenue à privilégier, dans le respect des
droits des membres de la famille, le passage au tribunal devrait, selon nous,
être le dernier recours. L'approche contradictoire imposée par l'appareil
judiciaire n'est pas, selon nous, le meilleur véhicule pour faire évoluer les
familles au bénéfice des enfants. Cette approche engendre souvent une
cristallisation des conflits.
En conséquence, il faut, selon nous, moderniser,
humaniser, adapter le processus judiciaire afin qu'il serve mieux l'intérêt de
la famille et des enfants dans le contexte d'application de la loi. Il y a peu
de changements dans le projet de loi qui favoriseront l'utilisation des
approches consensuelles. À titre d'exemple, la conférence de règlement à l'amiable,
instaurée depuis 2007, est toujours sous-utilisée. Y a-t-il lieu de créer dans
la loi des obligations précises de recours à des approches consensuelles? C'est
une question qui mérite réflexion, selon nous.
Nous souscrivons aux dispositions de la loi qui
augmentent la possibilité de conclure des ententes volontaires et nous sommes
aussi d'accord avec la représentation obligatoire des enfants par un avocat. Il
y a trois points, cependant, que nous aimerions amener. Premièrement... Oui?
Le Président (M. Provençal)
: Madame, vous allez m'excuser, mais vous dépassez déjà
largement le 10 minutes, ça fait que je n'ai pas le choix de vous
interrompre.
Mme Goyette (Michèle) :
D'accord.
Le Président (M. Provençal)
: Je vais demander le consentement pour la redistribution du
temps. Oui, ça va? Alors, M. le ministre, vous avez maintenant
16 min 30 s pour l'échange.
• (11 h 40) •
M. Carmant : Parfait. Merci
beaucoup. Bonjour, Mme Goyette. J'espère que je vais vous redonner du
temps pour terminer vos explications en vous posant les bonnes questions.
Mme Rioux, enchanté. Merci d'être là. Merci pour votre mémoire. Merci pour
vos remarques ce matin.
D'entrée de jeu, effectivement, pour nous,
l'intérêt de l'enfant doit primer. Le définir dans la loi pourrait entraîner
des complications, parce que, quand on fait des listes de situations, on en
manque toujours. Donc, quand vous nous suggérez de le définir dans la loi,
comment... qu'est-ce que vous voulez dire par là?
Mme Goyette (Michèle) : Alors, c'est
clair que ce n'est pas une mission facile de définir l'intérêt de l'enfant et
c'est clair que, jusqu'ici, dans l'application de la loi, l'intérêt de l'enfant
n'a pas toujours été compris de la même façon. À partir du moment où on parle
de questions comme la stabilité, par exemple, à partir du moment où on va plus
loin dans des mesures, dans des leviers qui précisent comment on doit
privilégier, par exemple, la stabilité, déjà, bien, on s'attaque davantage à
l'intérêt de l'enfant. Alors, c'est pourquoi que nos recommandations sont
vraiment dans le sens de donner des leviers
supplémentaires, parce que, notre interprétation de l'intérêt de l'enfant, il
faut la préciser dans ces leviers supplémentaires là. Alors, c'est un
peu la façon dont nous, on y répond, avec des leviers supplémentaires.
M. Carmant : Je comprends.
Merci. Un autre point que vous avez mentionné aussi, c'était le calcul de la
durée maximale de placement, là, qui est souvent dépassée, et qu'on doit
vraiment mieux définir, et mettre un point de départ clair. Certains sont même
allés jusqu'à nous proposer de raccourcir ces délais maximaux de placement.
Êtes-vous en accord avec ça ou... Comment vous vous positionnez par rapport à
ça... ou, déjà, juste de les respecter serait suffisant?
Mme Goyette (Michèle) : Si je
peux me permettre, Mme Rioux, je répondrai aussi à cette question. Je
pense que vous avez tout à fait raison, M. le ministre, quand vous dites :
Déjà, de le respecter serait suffisant. On comprend que, quand une situation se produit, à la protection de la jeunesse, qui
nécessite un placement, il y a déjà... il y a plusieurs choses qui ont
été tentées. Et il y a du travail à faire avec les parents pour les amener à
être capables d'assurer la sécurité et le développement de leurs enfants. Il
faut donner ce temps-là. Et les délais qui existent nous apparaissent
suffisants pour donner ce temps-là. Mais, à partir du moment où le temps a été
donné, où les services ont été donnés... Et
ça, c'est un autre aspect très important. Si on donne du temps, mais que les
services qui peuvent aider ces parents-là à évoluer ne sont pas au
rendez-vous, on augmente, à ce moment-là, les délais en disant : Bien, les
parents n'ont pas reçu les services. Mais, pendant ce temps-là, l'enfant, lui,
s'attache ailleurs. Donc, il faut impérativement que les services soient
disponibles.
Mais
c'est possible que, malgré que les services soient disponibles, malgré que les
parents y contribuent, y participent activement... que la situation ne
se résorbe pas. Ça arrive, malheureusement. Bien, à ce moment-là, il y a une
décision très difficile à prendre, mais il faut la prendre. Et c'est là que,
quand on met des leviers, comme expliquer de façon très claire en quoi ce ne serait
pas dans l'intérêt de l'enfant de respecter les délais, on ajoute des
contraintes qui vont faire qu'on va resserrer le respect de ces délais-là.
C'est un peu le point de vue qu'on amène ce matin.
M. Carmant : Aussi, vous avez
mentionné que le placement en famille d'accueil à la majorité n'est pas un
projet de vie stable. Alors, ça, c'est la déclaration qui m'a fait le plus
réfléchir. Qu'est-ce que vous voulez dire par là? Puis comment on peut
améliorer les choses?
Mme Goyette (Michèle) : Encore
une fois, je me permets de répondre, Mme Rioux, si ça vous convient.
Évidemment, ça a été largement documenté dans le rapport de la commission
Laurent que le placement à majorité dans une famille d'accueil, ça n'implique
pas qu'un enfant a une famille pour la vie. Ça peut impliquer qu'il a plusieurs
familles tout au long de sa vie, qu'il se
promène d'une famille d'accueil à l'autre. La décision demeure la même,
placement à majorité. Mais sa vie, elle,
n'est pas stable, parce qu'il se promène d'une famille d'accueil à l'autre.
Alors, c'est sûr que des moyens comme la tutelle ou l'adoption sont des
mesures beaucoup plus aptes à procurer de la stabilité aux jeunes.
Si on s'en va vers des mesures de placement en
famille d'accueil à majorité, il faut s'assurer que ce soit la même famille
d'accueil jusqu'à la majorité, puis, à ce moment-ci, les règles entourant les
contrats avec les familles d'accueil ne permettent pas... En tout cas, il y a
sûrement moyen de trouver une façon de stabiliser ces enfants-là, mais, dans le
moment, ce n'est pas la réalité pour certains d'entre eux. Il y en a certains
qui vont demeurer dans la même famille d'accueil, mais ce n'est pas la
majorité, je dirais.
M. Carmant : D'accord. Merci. Puis,
quand on parle également un petit peu de l'arrimage avec les services pour...
Quand on parle de la transition à la vie adulte, nous, on a quand même déployé
ou accéléré le déploiement du programme Aire ouverte, qui, justement, permet la
transition, là, 18-25 ans, avec une visée surtout santé mentale. Mais je
sais que le chercheur, là, je pense, Dr Goyette aussi, peut-être, là, je ne
sais pas si je confonds les noms, là... mais qu'il nous propose d'utiliser ce
programme-là pour, justement, aider les jeunes qui sortent de la protection de
la jeunesse à faire la transition vers la vie adulte. Avez-vous déjà utilisé
les services d'Aire ouverte ou connaissez-vous le modèle? Puis qu'est-ce que
vous en pensez, de cette option-là?
Mme Goyette (Michèle) :
Personnellement, je ne connais pas le programme, malheureusement. Je connais bien M. Martin Goyette pour l'étendue de ses
travaux, justement, sur le passage à la vie autonome. En passant, il n'y
a pas de lien de parenté. Mais je pense que Mme Rioux a aussi des choses à
mentionner, là, par rapport au passage à la vie autonome.
Mme Rioux (Josée) : Vous savez, nos
jeunes... Bonjour, M. le ministre. Vous savez, nos jeunes n'ont pas toujours
les services requis. Quand on quitte à 18 ans puis qu'on a été cadré toute
sa vie, que... d'arriver à l'âge adulte et devoir se cadrer soi-même, ce n'est
pas quelque chose qui est facile, et de pouvoir bénéficier des services
rapidement, quand on arrive à... quand on passe à la vie adulte, demeure
important. Parce que, pour avoir travaillé longtemps auprès des adultes, on les
voit en centre de détention, ils ne sont pas capables de s'adapter à la vie
adulte. Et, quand un jeune va faire des demandes de services, qu'on soit en
pédopsychiatrie, qu'on soit en psychiatrie ou qu'on soit en services généraux
en CLSC, s'il y a de l'attente, les jeunes, ils ne vont pas persévérer. C'est
sur le moment qu'ils doivent être pris en
charge pour pouvoir développer un lien avec la communauté, de pouvoir
développer des capacités d'être autonomes. Et, si on attend deux, trois, quatre mois, le momentum est terminé, là.
Le jeune, il ne va pas revenir. Et c'est là où est-ce qu'on risque de
les perdre, nos jeunes, et c'est là où c'est important qu'il y ait vraiment une
continuité de services.
M. Carmant : O.K. Donc, c'est en
plein ce qu'on offre avec Aire ouverte, là, un service sans rendez-vous d'aide psychosociale, santé mentale, etc. Donc, je
pense que ce serait important que ce pont-là se confirme, se concrétise.
Mme Rioux (Josée) : Effectivement.
M. Carmant : Je pense que c'est
définitivement sous-utilisé. Merci.
Un autre sujet qui m'intéresse beaucoup, là,
c'est l'hébergement jeunesse. Puis ça, vous l'avez mentionné. Il y a peu de
gens qui l'ont mentionné dans leur rapport, là. Comment voyez-vous la capacité,
là, de rendre ça plus accessible, de rehausser les services d'hébergement
jeunesse puis d'utiliser les ressources pour faciliter la transition, tu sais,
que ce soient ceux de moins de 18 ans, ceux de plus de 18 ans?
Mme Goyette (Michèle) : Si je peux
me permettre, je pense qu'il y a des projets excessivement prometteurs qui ont
été mis en place, notamment par des fondations. Je vais noter l'exemple du
Projet Clé, en Montérégie, où, grâce à des
dons, on soutient des jeunes pour continuer leurs études, on soutient le
paiement de leur appartement, etc. Peut-être que ce n'est pas normal que
ce ne soient que les fondations qui soutiennent budgétairement ces projets-là.
Alors, les jeunes sont ouverts à recevoir de l'aide puis ont besoin de cet
accompagnement-là, mais c'est difficile de trouver le bon véhicule. Alors, dans
le flou qui existe dans tous les services au niveau des jeunes, bien, les
fondations ont retroussé leurs manches, et plusieurs ont fait des projets
intéressants. Mais ça ne peut pas ne reposer que sur les fondations.
Il
y a aussi tout le réseau des Auberges du coeur, qui, année après année,
trouvent difficilement des moyens de se financer, qui ne sont pas financées à
la hauteur des services qu'elles donnent.
Alors, je pense qu'il
y a un investissement à faire pour soutenir cet... l'hébergement et soutenir
aussi le paiement au loyer. La commission
Laurent l'a recommandé... est un point intéressant. Je ne sais pas, Josée, si
tu voulais...
Mme Rioux
(Josée) : Oui. Si vous permettez, on a des réalités régionales aussi,
hein? Ce qui est offert en Montérégie, ce qui est offert à Montréal n'est pas
nécessairement offert sur la Côte-Nord. Alors, c'est certain que plus on va
arriver à pouvoir fournir de l'hébergement comme ça aux jeunes dans toutes les
régions, on va les aider encore davantage, et moins on risque, encore, je
maintiens ma position, de les retrouver, dans le monde adulte, au niveau
correctionnel. C'est vraiment cette portion-là qui est inquiétante, c'est de
voir un dérapage, de voir un glissement rapidement et que... D'offrir un
hébergement dans toutes les régions du Québec, que ce ne soit pas à géométrie
variable, je pense que ce serait quelque chose de gagnant, à ce moment-là.
M. Carmant :
On a offert des PSL, là, des plans de supplément au loyer, qui aident les
jeunes, mais une fois qu'ils sont en situation d'itinérance. Est-ce qu'il y
aurait moyen, selon vous, là, d'utiliser ça comme transition directement vers...
du centre jeunesse?
Mme Goyette
(Michèle) : Absolument, en prévention de l'itinérance, justement.
Mme Rioux
(Josée) : Effectivement. Puis c'est vrai que les Auberges du coeur
peuvent aussi être une bonne alternative.
M. Carmant :
Pour utiliser ces PSL là?
Mme Rioux
(Josée) : Pour offrir l'hébergement, pour pouvoir, là, justement,
prendre en charge les jeunes, parce qu'il y a quand même des bons services dans
les Auberges du coeur.
• (11 h 50) •
M. Carmant :
Mais est-ce qu'ils ont de la capacité additionnelle? Je pense que c'est ça, le
problème.
Mme Rioux
(Josée) : Tout dépendant. C'est, encore là, tout dépendant des
régions, tout dépendant du financement.
M. Carmant : D'accord. Merci beaucoup. M. le Président, je
passerais la parole à la députée de Lotbinière-Frontenac.
Le Président (M.
Provençal)
: Oui. Allez-y, Mme la députée.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Bonjour. Moi, j'aimerais revenir sur ce que
vous avez dit tout à l'heure concernant l'intervention judiciaire. Vous avez
parlé de moderniser, humaniser, et vous avez parlé aussi de règlement à
l'amiable. J'aimerais vous entendre plus longuement là-dessus, s'il vous plaît.
Mme Goyette
(Michèle) : Alors, dès 2007, il y a eu des dispositions, dans la loi,
qui ont favorisé certaines possibilités d'entente consensuelle, la révision
sans audition, et la conférence de règlement à l'amiable était une de ces
dispositions-là. Ça fait quand même 15 ans. Je vous dirais qu'il y a eu beaucoup
de travaux qui ont été faits pour essayer de mettre ça en place, mais, pour des
raisons que je peux difficilement expliquer, ça n'a vraiment pas levé, ça n'a
vraiment pas fonctionné.
Alors, c'est dans ce
sens-là que nous, on pense que, comme l'approche contradictoire, les parents,
l'enfant contre la DPJ au tribunal, ça cristallise des positions, ce n'est pas
de nature à trouver des solutions gagnant-gagnant, si je peux me permettre,
puis de donner du pouvoir aux jeunes puis aux parents.
Nous, on aimerait que
ces approches-là soient davantage utilisées. Alors, comment on fait pour
qu'elles soient davantage utilisées? Bien, nous, on soulève la question :
Y a-t-il lieu de mettre quelque chose d'obligatoire, comme une médiation
obligatoire, ou de rendre ces mécanismes-là plus automatiques?
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : O.K. Moi, j'ai fait un mandat en violence
conjugale. Je le sais, que, quand il y a des séparations de couple, tout ça, la
médiation, c'est... Puis, tu sais, quand il y a eu de la violence conjugale, ce
n'est pas recommandé de faire des règlements à l'amiable, parce que, justement,
on ne peut pas se parler. Quand il y a la DPJ là-dedans aussi, j'imagine que,
quand il y a de la violence... Je ne comprends pas trop la... bien, le
règlement à l'amiable quand...
Mme Goyette
(Michèle) : Bien, en fait, je pense que, si on part du principe que,
dans une situation de protection de la jeunesse, il y a un enfant qui vit...
dont la sécurité et le développement est compromis puis il y a des parents qui
sont certainement... qui aiment cet enfant-là, certainement, et qui veulent son
bien, on devrait être capables de s'entendre sur qu'est-ce que ça veut dire,
son intérêt, et de convenir ensemble de moyens au lieu de s'affronter dans le débat
contradictoire. C'est ce qu'on veut dire.
Et évidemment il y a
déjà des mesures volontaires qui existent. On est contents qu'il y ait une
prolongation possible des mesures volontaires. Mais, le système contradictoire
en tant que tel, par rapport à un problème social, parce
que la protection de l'enfant, c'est un problème social, comme la violence
conjugale, est-ce que c'est le meilleur moyen pour trouver la meilleure
solution? Des fois oui, mais pas toujours. Alors, est-ce qu'on peut aller un
petit peu plus loin dans des ententes consensuelles? C'est la proposition qu'on
fait.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Au niveau de la formation par rapport à
l'enfance, dans les différents curriculums, il y a d'autres groupes qui sont
venus avant puis qui ont dit que c'était... on n'en parlait pas beaucoup dans
les curriculums. Est-ce que c'est le même cas en criminologie? Qu'est-ce qui
devrait être fait, d'après vous?
Mme Goyette
(Michèle) : Bien, au niveau de la formation des criminologues, il y a
tout ce qui est nécessaire pour travailler
auprès des enfants en besoin de protection. Le cursus a été reconnu par les travaux
concernant le p.l. n° 21 et fait en sorte que
les criminologues font partie des trois ordres professionnels qui ont... qui
ont la capacité d'exercer les activités réservées en protection de la jeunesse.
Les recommandations
qu'on fait, nous, sont beaucoup plus liées vers le monde judiciaire, où on dit,
par exemple : L'avocat qui représente un enfant, comment fait-il pour
déterminer quel est l'intérêt de son client, principalement quand ce client-là
est très jeune et ne peut pas nécessairement s'exprimer lui-même? Ça prend
quelques notions au niveau de qu'est-ce que c'est, le développement d'un
enfant, de quoi un enfant a besoin, toutes les notions d'attachement. À partir
du moment où on connaît ces notions-là, on a une plus grande sensibilité à
toute la question de la stabilité, à toute la question des effets de la
maltraitance sur les enfants.
Alors, nous, notre
position, c'est beaucoup de dire, en plus des formations qui existent déjà,
d'aller un petit peu plus loin, là, au niveau de la magistrature et des avocats
qui exercent auprès des enfants.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous allons poursuivre cet échange
avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Merci,
M. le Président. Donc, bonjour, Mmes Rioux et Goyette. Merci pour votre
mémoire. Très intéressant d'avoir votre point de vue, en étant l'ordre des
criminologues. Et on a entendu plusieurs ordres hier. Donc, il y a certaines
convergences, mais on voit que chacun a sa spécificité, et ça apporte des
lumières intéressantes.
Et d'ailleurs
plusieurs groupes se prononcent sur votre premier sujet, là, dans votre
mémoire, je crois bien que c'est le premier, sur la timidité du projet de loi
sur les enfants autochtones, et que c'est le temps d'aller plus loin. C'est
beaucoup ce que les gens disent. On sent un mouvement dans la population, la
société québécoise. Est-ce que vous pourriez vous exprimer... Est-ce que vous
avez une expérience dans ce domaine?
Mme Goyette
(Michèle) : Si tu me permets, Josée, je vais me prononcer là-dessus.
Mme Rioux
(Josée) : Bien sûr. C'est toi, la spécialiste.
Mme Goyette
(Michèle) : En fait, personnellement, moi, j'ai eu l'occasion de
travailler dans des communautés autochtones dans les dernières années. Et,
quand on dit que l'autodétermination est probablement la meilleure chose, j'en
conviens tout à fait, parce que, dans le rôle que j'ai joué auprès de ces
communautés-là, je constate que les gens des communautés sont les mieux placés
pour déterminer comment résoudre leurs problèmes, comment donner la meilleure
stabilité à leurs enfants, comment soutenir le mieux possible les parents.
Il y a une différence
culturelle importante entre ce que nous, on fait, les Occidentaux, si je peux
me permettre, parce que c'est comme ça, souvent, qu'ils nous appellent, et les
communautés autochtones. Et nos moyens, souvent, se heurtent à leur culture et
à leurs traditions, et il y a comme une incompréhension, puis c'est
particulièrement vrai quand on est à la cour. En général, au tribunal, ce sont
des Blancs qui sont là pour prendre des décisions.
Alors, je pense que
plus on peut aller vers une forme d'autodétermination, mieux ce sera. C'est le
point de vue qu'on a exprimé dans notre mémoire.
Mme Weil : Très
bien. Très intéressant. Oui, à la page 7 de votre mémoire, vous parlez
de... «Nous craignons que les...» Oui, les écarts d'interprétation pour
l'intérêt de l'enfant, et les dérives que ça pourrait comporter, est-ce que
vous pourriez peut-être expliquer... bien, vous parlez déjà de dérives, expliquer
votre expérience à cet égard, donc, l'interprétation des uns et des autres par
rapport à cette notion qui existe dans la loi depuis très longtemps? Peut-être,
aller sur votre expérience et des exemples, ça rend ça très concret.
Mme Goyette (Michèle) : Oui. Alors... Merci, Josée. Effectivement, mon
expérience en protection m'a amenée à voir
que l'intérêt de l'enfant, pour moi, ça peut être une chose et, pour mon
voisin, ça peut être autre chose. Et c'est pour ça que, quand je
répondais tantôt à la question de M. le ministre Carmant, ce que je disais,
c'est que plus la loi est précise dans ses modalités, dans son application,
plus cela va permettre de clarifier.
On est d'accord, tout
le monde, pour dire que l'intérêt de l'enfant, c'est de vivre dans une famille
stable. Ça, tout est documenté, tout est bien expliqué. Mais, si on n'a pas les
leviers légaux pour s'assurer que ça se fait... Moi, je peux être une personne
qui croit beaucoup à la force des liens biologiques, parce que c'est ma
croyance, et, si c'est moi qui a à prendre la décision, je pourrais peut-être
m'écarter de la question de la stabilité. Alors, en mettant des objectifs et
des moyens, des leviers légaux très clairs, on précise des principes qu'on a
mis de l'avant.
Alors, c'est pour ça que nous, on fait les
recommandations qu'on fait, en disant : Oui, c'est beau que ce soit dans
les principes, mais, si on veut que ça s'actualise, il faut aller plus loin que
les principes. Autrement, ça laisse place à
l'interprétation de tout un chacun de qu'est-ce que c'est, l'intérêt de
l'enfant. Parce qu'on le sait, on n'a pas tous la même vision par rapport à ça.
Mme Weil : Comment arriver à
ces précisions? Quel serait l'exercice que le gouvernement devrait faire?
Mme Goyette (Michèle) : Eh
bien, je pense que...
Mme Weil : Est-ce que ce serait
tout de suite dans le projet de loi?
• (12 heures) •
Mme Goyette (Michèle) : Bien,
je pense que le meilleur... Le meilleur exemple qu'on peut donner, c'est
vraiment la question de la stabilité. À partir du moment où il y a des leviers
dans la loi qui disent : Écoutez, si vous dépassez les durées maximales de
placement, il faut vraiment prendre le temps de faire une analyse rigoureuse
que c'est dans l'intérêt de l'enfant et non pas parce que les parents ont eu
telle difficulté, ou il est arrivé telle chose, ou... Est-ce que c'est vraiment
dans l'intérêt de l'enfant de dépasser les durées de placement? Et, si ce ne l'est
pas, on ne les dépasse pas.
Alors, ces leviers-là font en sorte qu'on ne
permet plus autant de latitude pour préciser ces choses-là. C'est vraiment une
question de refermer l'entonnoir par des dispositions légales précises, puis le
projet de loi le fait dans beaucoup de choses. Par exemple, on a dit beaucoup
que ce n'était pas dans l'intérêt de l'enfant, parfois, de ne pas s'échanger
d'information. Effectivement, parfois, ça nuit à des enfants qu'on ne se
transmette pas d'information. Alors là, on
dit : Si c'est dans l'intérêt de l'enfant, vous devez le faire, vous devez
même être relevé de votre secret professionnel. Alors, il y en a déjà,
des moyens dans le projet de loi, beaucoup, et on en est très heureux, mais
nous, on va un petit peu plus loin avec la recommandation qu'on fait.
Mme Weil : Non, mais c'est la
stabilité, je pense que cette notion du temps de l'enfant est incluse un peu
dans cette notion de stabilité, et, assez rapidement, établir cette stabilité
avant qu'il y ait des conséquences sur son développement et son bien-être.
Mme Goyette (Michèle) : Voilà.
Absolument.
Mme Weil : On a parlé déjà de
judiciarisation. J'aimerais vous amener... Bon, vous dites que le Québec est le
cancre du Canada. C'est sûr que, quand je vois ce mot-là et quand je vois ces
comparaisons-là, ça invite à une réflexion pour qu'on soit à niveau concernant,
donc, des programmes pour... des programmes et l'obligation qu'ils soient
ancrés quelque part pour les 18‑21 ans.
Donc, le ministre a évoqué des expériences qui
ont des... qui connaissent des succès, etc. Qu'est-ce que vous avez... Est-ce
que vous avez des exemples de modèles, ailleurs au Canada, que vous trouvez
qu'on peut suivre? Je sais qu'aux États-Unis, apparemment, c'est la Californie
qui a le meilleur programme. C'est ce qu'on a découvert. Et est-ce que c'est
logique ou est-ce qu'on donne la mission et l'autorité — auquel
cas, il faudrait changer la loi — à la DPJ? Est-ce que c'est cette
entité-là qui a cette mission ou est-ce que c'est transféré au ministère de
l'Emploi ou autre et c'est le gouvernement... Puis on trouve qu'ils sont les
meilleurs. Bon, la DPJ fait la préparation, puis ensuite c'est entre les
mains... Donc, comment ils font dans les autres provinces qui sont des modèles?
Mme Goyette (Michèle) : C'est...
Si je peux me permettre, une des choses qui existe dans toutes les autres
provinces que le Québec, mais que nous, on n'a pas, c'est des réseaux
d'entraide entre jeunes placés et ex-jeunes placés, qui sont très... Ces
jeunes-là sont des jeunes adultes qui ont vécu le placement et qui soutiennent
des jeunes dans leur transition à la vie adulte. Ces réseaux-là sont soutenus
financièrement et ces réseaux-là sont écoutés aussi par rapport à quels sont
les besoins. Quand on a vécu le placement, quels sont nos besoins? Ils se sont
présentés à la commission Laurent. Ils ont été très éloquents dans leurs
recommandations. Il y a un petit noyau de réseaux qui existent, au Québec, mais
qui vivotent, si je peux me permettre. Alors, je pense qu'il faut donner la
parole aux jeunes, puis, ces moyens-là, c'est vraiment une façon de le faire.
Ensuite,
est-ce que ce sont des mécanismes qui devraient être dans la loi? Nous, on en
propose un, la question de permettre le placement, la poursuite du
placement jusqu'à 21 ans. Est-ce que ça peut entrer dans la Loi sur la
protection de la jeunesse? C'est une bonne question. Mais c'est clair qu'il y a
un chantier à faire autour de cette question-là.
Bon, le ministre nous a parlé du projet Aire
ouverte. Personnellement, je ne le connaissais pas, mais je pense que c'est le
genre de chose qui doit être développée, et qui doit être développée de concert
avec les gens qui s'occupent des adolescents jusqu'à leur majorité et les gens
qui vont s'occuper d'eux après leur majorité. Il y a un travail de
collaboration à faire là, très important.
Mme Weil : Et c'est toujours
quand même bien, aussi, je pense, d'avoir un ministère ou le gouvernement qui
est aussi... je pense au ministère de l'Emploi pour la portion emploi,
peut-être, en tout cas, donc, de l'ancrer quelque part, donc, pour que ce soit,
comment dire, une obligation, une responsabilité du gouvernement. Je sais ce
que vous dites par rapport aux réseaux. Il y a des réseaux qui existent au
Québec, mais ils sont fragiles. Et hier, donc, Camil Bouchard nous
disait : Des fois, il y a des belles expériences dans la communauté, mais,
ah! les gens ont quitté, ils ont trouvé d'autres fonctions ailleurs, et
finalement ça s'effrite. Mais, quand c'est ancré au gouvernement, et ensuite on
développe l'expertise... Donc, à réfléchir. Donc, il me reste...
Mme Rioux
(Josée) : Vous savez, le Québec est novateur, souvent, dans la
majorité de ses programmes. Alors, que... d'être capables d'imaginer quelque
chose qui pourrait prendre la relève de la DPJ ou du ministère de la Santé, là,
et des Services sociaux, ça pourrait être quelque chose qui pourrait être
intéressant. C'est un chantier, comme Mme Goyette dit, qu'il faut qu'on
prenne en compte. Et, quand je disais tout à l'heure que c'est un... c'est un
chantier de société, hein, c'est là, hein, pour ne pas que le jeune tombe entre
deux chaises. Il faut vraiment qu'on trouve, là, un mécanisme pour pouvoir
maintenir les services avec ces jeunes-là.
Mme Weil : Mais avec du financement
public, essentiellement, parce que sans ce financement stable, c'est de la
bienfaisance et c'est des dons.
Mme Rioux (Josée) : Le financement
public et la responsabilité du ministère aussi.
Mme Weil : Absolument. Il reste une
minute? Pas une minute.
Le Président (M. Provençal)
: C'est terminé.
Mme Weil : Très bien. Merci beaucoup
pour votre présentation.
Le Président (M. Provençal)
: Nous allons compléter cet échange avec le député de
Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci beaucoup. Dans
votre mémoire, vous proposez «d'introduire dans la LPJ l'obligation de planification concurrente d'un projet de vie dès
le premier placement d'un enfant âgé de moins de cinq ans». Pouvez-vous
nous dire pourquoi?
Mme Goyette (Michèle) : Je peux...
Je vais me permettre de répondre. À partir du moment où on décide de retirer un
enfant de moins de cinq ans de sa famille, c'est une décision très lourde de
conséquences. Et c'est une décision qui est prise parce qu'on n'a vraiment pas
le choix, que ce soit par le directeur de la protection de la jeunesse ou par
un tribunal. Ça signale une difficulté importante pour les parents et ça
signale que ce ne sera peut-être pas possible que cet enfant-là revienne. On va
tout faire le travail qu'on peut faire pour que l'enfant revienne dans sa
famille. On va fournir les services, et j'insiste sur la nécessité que ces
services-là soient disponibles pour les parents, mais il faut avoir un
plan B. Il ne faut pas se promener d'une échéance à l'autre, que le jeune
enfant est maintenu dans une famille d'accueil sans jamais savoir s'il va
revenir avec ses parents. Et c'est difficile pour l'enfant de s'attacher à
cette famille d'accueil là. Il y a... Alors, je n'ai pas besoin d'aller plus
loin, là, pour vous illustrer qu'il faut qu'on ait déjà en tête un plan B.
Mais on travaille sur le plan A, évidemment, avec toute l'énergie possible
et avec tous les services requis autant que possible.
M. Zanetti : ...c'est de dire :
Il faut toujours qu'il y ait au moins un plan sûr...
Mme Goyette (Michèle) : Absolument,
absolument.
M.
Zanetti : ...un plan stable.
Je comprends. Puis, sur la question de la confidentialité puis du partage
d'information, est-ce que vous avez un critère à proposer, de balises à ne pas
dépasser, par exemple?
Mme Goyette (Michèle) : Bien, nous,
dans notre mémoire, vous allez voir qu'on a mis différentes balises, mais je
pense que la principale, c'est une balise qui est déjà connue dans les milieux,
qui est la nécessité et la pertinence. Une
information, pour qu'elle soit divulguée... soit pertinente à la protection de
l'enfant et soit en lien avec son intérêt, et que ce soit nécessaire que cette information-là soit divulguée. Alors,
ce n'est pas des critères mathématiques, malheureusement, et on n'est
pas dans des choses qui se tranchent au couteau, mais je pense que tous les
professionnels, et que ce soit dans le
système judiciaire ou dans le système social, qui travaillent avec des
clientèles en protection de la jeunesse doivent avoir en tête ces
balises-là, parce que le respect de la vie privée, c'est un droit aussi. Et je
pense que nous tous, si nous avions une situation où nos informations
confidentielles sont divulguées, on voudrait que la loi soit bien respectée.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Alors, Mme Rioux, Mme Goyette,
merci beaucoup de votre contribution et de votre participation à nos travaux.
Je suspends temporairement les travaux pour
laisser place au prochain groupe. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 09)
(Reprise à 12 h 11)
Le
Président (M. Provençal)
: Nous reprenons nos
travaux. Je souhaite la bienvenue à la Fondation Marie-Vincent.
Mesdames, je vous rappelle que vous aurez 10 minutes pour votre
présentation, et par la suite nous procéderons aux échanges. Alors, je vous
cède immédiatement la parole.
Fondation Marie-Vincent
Mme Gareau (Stéphanie) : Merci.
Alors, bonjour. Bien, tout d'abord, on souhaite remercier la commission pour
cette invitation à contribuer à vos travaux pour cet important projet de loi en
protection de la jeunesse. Je commencerais par vous dire quelques mots sur
notre organisation, puis ensuite je vais céder la parole à ma collègue la
directrice des services cliniques.
Donc, Marie-Vincent, qui sommes-nous? Alors,
nous sommes un organisme à but non lucratif qui soutient les enfants et les
adolescents victimes de violence sexuelle en leur offrant, sous un même toit et
en collaboration avec nos partenaires, les services dont ils ont besoin. On
contribue aussi, à Marie-Vincent, à prévenir la violence sexuelle en misant sur
l'éducation, la sensibilisation, et on aide aussi les enfants qui présentent
des comportements sexuels problématiques, et on outille, évidemment, bien, les
adultes qui les entourent.
Donc, Marie-Vincent est ce qu'on appelle un
centre d'appui à l'enfance et à la jeunesse qui offre des services intégrés.
Ça, ce que ça veut dire, c'est que, du dévoilement à la fin du suivi
thérapeutique, les services dont les jeunes et leurs familles, finalement, ont...
les parents non agresseurs, que nous, on appelle, ont besoin... peuvent avoir
besoin... et ces services-là sont tous
offerts sous un même toit. Par exemple, les corps policiers, les médecins
viennent à Marie-Vincent pour rencontrer les enfants dans des salles
adaptées, dans des salles qui sont plus chaleureuses. Les intervenants de la
protection de la jeunesse aussi se déplacent dans nos centres puis peuvent
accompagner les enfants quelquefois aussi à titre d'adultes significatifs.
Donc, nous, ce qu'on offre avec nos
cliniciennes, bien, ce sont des services psychosociaux, des services
psychothérapeutiques, du soutien aux parents. Tout ça, c'est offert dans notre
centre.
Je vous ai dit, en début, en introduction, qu'on
offre des services cliniques, mais le deuxième pilier de l'offre de services de
Marie-Vincent, bien, c'est la prévention. Donc, on développe des programmes de
prévention auprès des tout-petits, 0-5 ans, auprès des adolescents, 13-17,
puis là on vient d'avoir du financement aussi pour développer des programmes de
prévention pour les 6-12 ans. Donc, on pourra offrir des services
0-17 ans également en prévention.
Marie-Vincent, c'est aussi une offre de
formation, donc on participe au transfert des connaissances avec des formations
pour nos partenaires, les partenaires de la protection de la jeunesse, les
partenaires des écoles, les centres de la petite enfance, d'autres organismes
communautaires, nos partenaires du sociojudiciaire aussi, les avocats, les
CAVAC, les gens qui oeuvrent autour des enfants. On offre des formations
également en prévention, aussi, comme comment recevoir un dévoilement, comment
mieux accompagner les enfants. Ça, ce sont tous des services que nous offrons à
Marie-Vincent.
Maintenant, pour en venir au coeur du sujet,
dans le fond, nos commentaires sur le projet de loi n° 15, bien, selon
nous, il s'agit d'une occasion à saisir pour faciliter la collaboration entre
les partenaires, pour, dans le fond, solidifier notre modèle de centre d'appui
aux enfants, à Marie-Vincent, briser les silos, faciliter la collaboration
entre les partenaires qui gravitent autour des enfants. C'est au coeur du
modèle de notre service. Ce qu'on se rend compte aussi, bien, ce qu'on a
entendu avec bonheur, c'était au coeur aussi des recommandations de la
Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse,
mais, avec le projet de loi n° 15, on voit aussi que c'est une
préoccupation du gouvernement.
Je pense que... On pensait, à Marie-Vincent, que
ce qui était intéressant de notre contribution à vos travaux, c'était aussi que
la directrice des services cliniques, Mme Dionne, puisse vous illustrer,
dans le fond, l'importance de la circulation de l'information puis de la
collaboration avec les partenaires pour le meilleur intérêt des jeunes victimes
de violence sexuelle qui sont accompagnés par nos thérapeutes. Donc, je lui
demanderais peut-être d'illustrer plus concrètement ce que ça veut dire pour
les enfants, pour qu'ensuite de ça vous ayez une meilleure compréhension de nos
recommandations. Merci.
Mme Dionne (Sonia) : En effet,
au-delà de toutes les recommandations qui vont... auxquelles vous pourrez avoir
accès, là, dans notre mémoire, il nous apparaît, là, vraiment très... de façon
très importante... de vous illustrer l'engagement puis l'impact qu'un organisme
comme Marie-Vincent a sur les enfants. Nos familles et les enfants qu'on
rencontre, à Marie-Vincent, on les suit pendant des semaines, des mois et même
des années. On les connaît pendant très longtemps, on les suit pendant très
longtemps. Nos services sont adaptés à leurs besoins, à leurs particularités et
aussi à leur évolution dans le temps. On le sait, les enfants évoluent
rapidement à travers les étapes. On les suit dans leur évolution, ce qui
nécessite un travail essentiel au niveau de la collaboration, donc, oui, avec
la DPJ et aussi avec tous les autres partenaires.
Un partage fluide des informations pertinentes
entre les différents partenaires, pas seulement avec la DPJ, entre les
différents partenaires, est primordial. L'expérience l'a démontré, les échanges
en silo, ça ne nous permet pas d'atteindre nos objectifs de protection des
enfants.
À Marie-Vincent, on a les enfants...
Mme Gareau l'a spécifié, on a les enfants à partir du dévoilement,
quelquefois tout de suite après l'investigation policière, qui se fait dans nos
lieux ou ailleurs, mais aussi par référence de différents partenaires, comme la
DPJ, les écoles, les organismes communautaires, les policiers. Différents
partenaires peuvent nous référer des enfants victimes de violence sexuelle. Dès
les premiers jours, une intervention... (panne de son) ...se fait en parallèle
avec tout ce que les autres partenaires font dans la situation d'urgence suite
à un dévoilement. C'est important pour nous de spécifier que notre travail se
fait toujours en parallèle avec le système de justice,
ce que la DPJ va mettre sur pied pour protéger ces enfants-là. Donc,
l'intervention interdisciplinaire et concertée est le moyen, pour nous,
essentiel à offrir les meilleurs services de sécurité et de protection aux
enfants victimes de violence sexuelle qu'on rencontre dans notre ressource.
Donc, suite à cette
crise-là, suite à ce que nous autres, on image comme la bombe qui tombe dans la
famille suite au dévoilement, il y a ces rencontres qu'on offre aux parents et
aux adolescents pour assurer un filet de sécurité, un filet de sécurité pour
s'assurer qu'ils ont les ressources, qu'ils ont les bonnes personnes de
confiance dans leur entourage pour traiter toutes les difficultés que peut
engendrer une situation de violence sexuelle dans une famille. Les besoins sont
différents d'une famille à l'autre, la structure de la maison qui reçoit une
bombe peut être endommagée de façon différente, et donc on s'adapte à chacun
des besoins. Et chacun des partenaires, selon les besoins, seront interpelés
par un organisme comme nous, et d'autres viendront nous chercher aussi.
Donc, suite à cette crise-là, les enfants auront
droit, là, à une quinzaine d'heures d'intervention psychosociale afin de leur
permettre, là, de travailler sur leur situation, leurs besoins. Et, pendant
toutes ces heures-là, une guidance parentale est aussi offerte. Donc, nous
offrons un service à la famille, et non pas seulement à la victime, pour faire
en sorte que tout le monde travaille ensemble.
Suite à ces rencontres-là, il y a aussi un
service psychothérapeutique. Marie-Vincent a la chance d'être formée d'une
équipe de professionnels expérimentés et spécialisés en violence sexuelle.
Notre expertise est importante, recherchée, et on aime la partager, et on
s'assure que plus... dans les meilleurs moments, on puisse concerter notre
travail avec celui de la DPJ et des autres.
Donc, l'action concertée et adaptée aux besoins
évolutifs des enfants est essentielle. Chaque étape du processus de guérison de
ces enfants que nous soutenons doit être faite avec tous les partenaires concernés
par la situation vécue par les enfants. Je te cède la parole pour terminer,
Stéphanie.
Mme Gareau (Stéphanie) : Oui. Donc,
dans le fond, en conclusion, vous l'aurez vu dans...
Le Président (M. Provençal)
: Moins d'une minute.
Mme Gareau (Stéphanie) : Oui. Bien,
alors ce que je voulais juste dire en conclusion, c'est qu'à Marie-Vincent on
n'est pas des avocats dans notre quotidien. Nous, notre objectif, en
participant aux travaux de la commission, c'est qu'il soit clair, à la fin de
notre témoignage, que, dans le fond, il faut que le projet de loi n° 15
donne aux organismes comme le nôtre les moyens de faire notre travail, de
collaborer, de transmettre de l'information, parce que tout ça, au final, c'est
pour aider les enfants puis pour veiller à leur meilleur intérêt. Merci.
• (12 h 20) •
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup de votre exposé. Avant de céder la parole à
M. le ministre, je veux rappeler aux membres que M. le ministre devra quitter à
12 h 53 pour son débat de fin de séance au salon bleu. Alors, je
tenais à informer les membres. M. le ministre.
M.
Carmant : Merci pour la
nouvelle, M. le Président. Bonjour, Mme Gareau, Mme Dionne. Bien,
premièrement, bien, je vous remercie pour le travail que vous faites, là, pour
nos enfants, là. J'ai eu la chance de vous rencontrer dans le passé, puis c'est
clair que Marie-Vincent, c'est une institution, pour nous, qui est importante.
Puis, le modèle de services intégrés que vous utilisez, on veut le déployer, comme
vous le savez, là, à travers le Québec.
Le point que vous parlez, c'est beaucoup la
communication entre les différents intervenants. Puis on a voulu travailler ça
quand on a parlé au niveau de la confidentialité. Mais vous, est-ce... Quand je
lis votre mémoire, vous semblez plus inquiètes de la... partage d'information
entre les différents professionnels. Mais, pour vous, c'est quand même plus
facile dans un modèle intégré. Comment on... Est-ce que c'est avec la DPJ, les
difficultés de partage d'information, ou c'est vraiment entre les différents
professionnels qui évaluent l'enfant? Ce n'était pas clair pour moi.
Mme Gareau
(Stéphanie) : Bien, je peux
commencer, mais je pense que Sonia pourra compléter parce que c'est davantage elle dans son quotidien, là. Nous, dans
le fond, ce qu'on constate à la lecture du projet de loi n° 15, c'est
qu'il y a beaucoup d'outils pour que la DPJ
puisse aller chercher de l'information. Nous, on veut collaborer, on veut
fournir de l'information, mais il faut que cette conversation-là puisse
avoir lieu dans les deux sens. Ça fait que, oui, la DPJ, mais oui aussi que
l'information puisse circuler entre les différents partenaires qui... dans le
fond, qui entourent l'enfant, là. Peut-être, plus concrètement, Mme Dionne
pourra vous préciser, là, ce que vous cherchez à comprendre mieux, là.
Mme Dionne (Sonia) : En effet,
l'objectif et notre souhait pour le projet de loi, c'est de faire en sorte que
l'information ne soit pas offerte seulement dans une seule trajectoire, donc
qu'elle soit échangée, et que nous ne sommes plus une forme d'outil pour
permettre à la DPJ d'aller jusqu'au bout de leur objectif. Ceci dit, on a des
très bonnes collaborations avec la DPJ. Ce n'est pas visé, mais on pense que la
loi devrait permettre aux travailleurs et aux travailleuses de la DPJ de
pouvoir échanger avec des professionnels tels que nous le sommes, et ceci en
toute humilité, mais nous avons une expertise, et c'est important qu'on puisse
avoir une loi qui nous permet d'échanger et non pas d'être un outil
d'information. C'est dans ce sens-là qu'on évite les silos, on évite de
travailler en silo et de faire en sorte qu'on voit tous les aspects de l'enfant
dans sa généralité, avec tous les acteurs présents, dont la DPJ, pour s'assurer
qu'on a une compréhension globale de la situation de l'enfant et assurer sa
sécurité en bout de ligne.
M. Carmant : O.K. Donc, clairement...
Parce que ça, c'est la... Moi, c'est ce que je voulais, là, comme législateur.
Donc, clairement, vous ne trouvez pas qu'on va assez loin. Je sais qu'on a inclus
les familles d'accueil, parce que ce n'était même pas dans le groupe, mais on
parle des professionnels. Donc, qu'est-ce qu'on doit modifier à la loi pour, tu
sais, que, vraiment, cet échange d'information se fasse plus fluidement?
Mme Gareau (Stéphanie) :
Bien, ce qu'on pense, par exemple, c'est que... Tu sais, nous, on trouve que
l'ajout du préambule, c'est une excellente amélioration, puis on se disait...
Bien, dans le rapport de la Commission spéciale sur les droits des enfants, là,
on parlait d'une charte des droits des enfants, mais, dans les considérants
qu'il y avait dans cette charte-là, on parlait, là, que le droit à la
protection de l'enfant, ça implique un partage fluide des informations
pertinentes entre les divers acteurs qui composent le réseau de protection. Ça
fait que nous, ce qu'on dit, c'est... Bon, peut-être que vous n'êtes pas rendus
encore à aller là, vers une charte, mais il y a une occasion, avec l'ouverture
de la Loi sur la protection de la jeunesse, avec le projet de loi n° 15, peut-être
d'intégrer dans le préambule cette notion de partage fluide entre tous les
partenaires.
Tu sais, il y avait quatre points, là, dans le
rapport des commissaires, là, où on parlait... Ils sont reproduits dans notre
mémoire, là, je les répète pour les fins de la discussion, mais il y avait le
partage fluide, il y avait l'importance de reconnaître que l'enfant, dans le
fond, il évolue dans... il a besoin d'une intervention collective et
interdisciplinaire, qu'il faut que ça serve, que le partage, évidemment... il
faut que le partage d'information serve les besoins et l'intérêt de l'enfant,
là, c'est clair pour nous, et puis qu'évidemment les gens qui reçoivent cette
information-là ont un devoir de discrétion. Ces quatre points-là étaient dans
le rapport de la CSDEPJ, puis on pense que ça pourrait être un ajout fort utile
au préambule du projet, avec le projet de loi n° 15.
M. Carmant : Et est-ce que... On a
quand même senti, auprès des différents ordres auxquels on a parlé, une
certaine hésitation ou un certain tiraillement quant au sujet de la
confidentialité, que nous, on veut vraiment élargir. Est-ce que, dans votre
pratique quotidienne, vous avez ce même sentiment-là?
Mme Gareau (Stéphanie) : Bien, dans
tous les cas, ce que j'ai envie de vous dire, c'est que, tu sais, quand la loi
n'est pas claire, bien, on s'abstient. Donc, ça vise exactement ça. Il y a
différents ordres professionnels. Ils ont des codes de déontologie distincts.
Il y a une frilosité qui est plus grande auprès de certains, moins grande
auprès de d'autres. Donc, on se dit, bien, si, dans la loi, on indique
clairement qu'il y a ce partage d'information là, dans le meilleur intérêt de
l'enfant, avec un devoir de discrétion, on pense que peut-être ça va pallier
toutes ces interprétations distinctes que chacun fait. Tu sais, on se dit que,
dans... La Loi sur la protection de la jeunesse, son objectif, clairement,
c'est de veiller au meilleur intérêt de l'enfant. Pour nous, ce qu'on observe,
c'est que ce meilleur intérêt là, il est servi par un partage d'information. Donc, si on intègre à la loi cette
notion-là, ça va clarifier ces interprétations distinctes là.
M. Carmant : Parfait. Merci. Un
autre point qui m'a touché dans votre mémoire, c'est la capacité d'un parent de
pouvoir prendre une décision, surtout dans une situation comme celle des
enfants que vous prenez en charge. Pouvez-vous nous illustrer des exemples où
ce n'est pas possible pour un parent de prendre une décision? Puis comment
on...
Mme Gareau (Stéphanie) : Oui. Sonia,
je pense que tu es mieux placée que moi.
Mme Dionne (Sonia) : Oui. Je peux y
aller avec des exemples concrets. C'est-à-dire que, dans une situation comme à
Marie-Vincent, on se rend compte que, dans la majorité des cas, là, je ne vous
sortirai pas des chiffres que je ne... qui pourraient être faux, mais on a, là,
jusqu'à 99 % des enfants accompagnés à Marie-Vincent qui connaissent leur
agresseur. Donc, quand ça se trouve... Quand on retrouve que l'agresseur est un
parent, soit la mère, soit le père, soit un grand-parent, on se retrouve avec
des situations où les deux parents doivent consentir à des soins, l'agresseur
n'est souvent pas intéressé à donner son accord pour des soins qui pourraient
ne pas lui rendre service dans sa défense. Il est important, pour nous, de
mentionner, dans cette situation-là, que l'offre de soins aux enfants qui n'ont
pas obtenu l'autorisation ou le consentement des deux parents peut être
reportée, puisqu'on doit s'assurer que soit les deux parents donnent leur
consentement ou soit qu'il y ait un ordre de la cour qui nomme qui est le
parent protégeant qui a l'autorité parentale. Donc, ça peut faire en sorte que
des soins sont reportés par cette situation-là quand on pense... dans des
situations de violence sexuelle, où les soins peuvent... ont toute leur
importance et doivent être donnés le plus rapidement possible.
M. Carmant : D'accord. Et ça,
vous... Ce serait... On pourrait l'insérer dans quel article de la loi?
Mme Gareau (Stéphanie) : Honnêtement,
là, les article par article, je suis désolée, je ne suis pas certaine. Quand
j'ai mentionné qu'on n'était pas des avocats...
M. Carmant : Non, non, je comprends.
Je m'excuse.
Mme Gareau (Stéphanie) : ...c'était
exactement ce commentaire-là. Mais, dans le fond, l'idée, pour nous, c'est...
On sent qu'il y a une volonté, au niveau du gouvernement, de répondre à cette
problématique-là, puis c'est ce qu'on nomme dans notre mémoire, c'est-à-dire
que, dans le projet de loi qui modifie le Code civil, tu sais, il y a un
souhait d'aller dans cette direction-là. C'est juste qu'on parle de parents, tu
sais, père, mère, mais nous, des fois... bien, pas des fois, on va voir souvent
des cas de grands-parents, ou de tantes, ou dans la fratrie, puis ça demande
d'aller chercher une autorisation ou une attestation qu'il y a une violence
dans la famille, là, les modifications qui sont proposées. Mais, nous, ce qu'on
dit, c'est que, dans la Loi sur la protection de la jeunesse, un peu à l'instar
que les commissaires l'avaient recommandé, là, dans la commission, la CSDEPJ...
c'est que, dans tous les cas où on est en protection de
la jeunesse, qu'un seul des deux parents puisse consentir aux soins, ça
éviterait, là, les situations dont Mme Dionne vient de parler.
• (12 h 30) •
M. Carmant : D'accord. Parce
qu'effectivement on ne touche pas au consentement aux soins, là. Donc,
j'accueille votre proposition.
Mme Gareau (Stéphanie) : Merci.
M.
Carmant : M. le Président, je passerais, avec votre
consentement, la parole à la députée de Lotbinière-Frontenac, s'il vous plaît.
Le Président (M. Provençal)
: Allez-y, Mme la députée.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Bonjour.
Moi, j'aimerais ça revenir au sujet de la confidentialité. Vous avez dit que
vous n'êtes pas un outil d'information. Ce n'est pas la première fois que
j'entends ça. Moi, j'ai fait un mandat en violence conjugale, puis les gens
dans les maisons d'aide et d'hébergement me disaient la même chose. Jusqu'où
aller dans le partage d'information? Puis c'est... Qu'est-ce qui est pertinent
et non pertinent, selon vous?
Mme Dionne (Sonia) : Est-ce
que je pourrais résumer ça en quelques phrases? Je ne le sais pas, mais c'est
toujours dans le meilleur intérêt de l'enfant. À partir du moment où on fait
affaire avec des gens qui sont des professionnels, comme à la DPJ, comme à
Marie-Vincent, on a des professionnels, des intervenants psychosociaux, des
psychothérapeutes, il faut toujours s'assurer que l'encadrement qui est donné,
c'est que les informations qui sont transmises doivent permettre, dans le
meilleur intérêt de l'enfant, de mieux connaître sa situation en général.
Qu'est-ce qui est nécessaire comme tel? Je pense
que c'est une longue discussion. Je ne pense pas que je peux arriver dans tous
les détails, à moins que tu aies quelque chose à ajouter, Stéphanie, mais il
reste qu'en termes de violence familiale et sexuelle le partage d'information,
le consentement et la confidentialité sont des enjeux de sécurité importants,
et il faut permettre, dans toutes les situations, qu'on puisse échanger
rapidement les informations pour assurer une intervention globale. Qu'est-ce
qui est... Dans chacune des situations, ce sera particulier. Les professionnels
ont cette formation-là pour distinguer quelles sont les informations
pertinentes à partager pour chacune des situations particulières vécues, selon
moi.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Vous
pensez que les gens ont la formation nécessaire. D'après vous, est-ce qu'il
faut baliser, dans le projet de loi, qu'est-ce qui... ou faire de la formation,
ou ce n'est pas nécessaire, vous avez déjà tous les outils?
Mme Gareau (Stéphanie) : Bien, ce
que j'ai envie de vous dire, là, c'est que... Puis c'est pour ça qu'on met
les... dans les quatre points qu'on parlait pour le préambule. C'est que, oui,
on pense que les professionnels sont outillés, on pense que les professionnels
ont l'information. Puis, quand je parlais tantôt que Marie-Vincent fait de la
formation, comment recevoir un développement... un dévoilement, on fait aussi
de la formation sur l'entrevue non suggestive, comment poser les questions. On
ne parle pas... On ne questionne pas un enfant comme on questionne un adulte.
Donc, tout ça, c'est des choses que nous, on offre. Mais on pense que les
professionnels qui oeuvrent autour des enfants, ils ont la compétence de savoir
quelles questions demander, quelles informations aller chercher. Puis le
corollaire de ça, c'est le devoir de discrétion, évidemment, tu sais.
Donc, oui, il faut que l'information circule,
mais la seule raison pour laquelle cette information-là doit circuler, c'est
pour qu'on puisse offrir le meilleur service à cet enfant-là qui est devant
nous, là.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Est-ce que vous pouvez me parler de continuation des services? D'après vous, jusqu'à
quel âge qu'on devrait continuer les services, quels services offrir puis sous
quelle forme?
Mme Gareau (Stéphanie) : Bien là,
c'est sûr que, si vous me parlez de Marie-Vincent, nous, notre clientèle, c'est
0-18 ans, là, ça fait que c'est clair que nous, on est très nichés, là,
dans l'intervention qu'on peut faire. Ça fait que j'aurais le goût de réserver
à ça mes commentaires.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Parfait. Combien de temps?
Le Président (M. Provençal)
: M. le député de Dubuc.
M. Tremblay : Oui, oui. Je vais
aller ailleurs. Merci, M. le Président. Ravi de vous rencontrer. Dites-moi...
On a évoqué le fait de peut-être instaurer des fondations Marie-Vincent à
l'échelle du Québec. Ce que j'aimerais savoir, c'est, à votre avis... Vous
travaillez souvent en réseau... C'est flatteur. Est-ce que toutes les régions,
à l'heure actuelle, en lien avec p.l. n° 15,
sont bien outillées pour offrir le type de services que vous offrez? Dans la
présentation précédente, il était question d'Auberges du coeur, d'hébergement,
mais, bon, ça semble ne pas être nécessairement cohérent au niveau de la
qualité de structure qu'il y a d'une région à l'autre. Êtes-vous au fait s'il y
a du travail à faire? Puis est-ce qu'il y a de la place pour avoir des
structures davantage reconnues, intégrées dans toutes les régions du Québec? On a aussi parlé
de forums, de la réalité d'une région à l'autre. Comment vous voyez cette
potentielle avancée-là au niveau des structures de services?
Mme Gareau (Stéphanie) : Bien, à
votre question : Est-ce qu'il y a l'équivalent de Marie-Vincent partout
dans chacune des régions du Québec?, la réponse, c'est non. Nous, on se fait
approcher par plusieurs régions qui souhaitent développer le modèle ou qui
souhaitent développer un partenariat similaire. Je vous dirais que la bonne
nouvelle, c'est que, là, on est à l'aube d'ouvrir un centre Marie-Vincent en
Montérégie, là, à Châteauguay, pour desservir la population, les jeunes
victimes de violence sexuelle en Montérégie. Mais évidemment, quand on se fait
appeler par d'autres régions... Bon, tu sais, nous, on n'a pas la capacité
d'ouvrir des Marie-Vincent partout au Québec, mais on pense qu'il pourrait y
avoir des forces régionales qui peuvent se concerter. Nous, ça nous ferait bien
plaisir d'être en consultation, ou d'appuyer, ou d'aider au développement,
assurément, là. Là, présentement, on se concentre sur Montréal et sur la
Montérégie, mais j'ai d'autres régions qui nous sollicitent, évidemment. Mais
il n'existe pas cette offre de services partout à travers le Québec, mais il y
a le potentiel qu'elle existe, je dirais.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Alors, la suite des
échanges appartient maintenant à la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Merci, M. le Président.
Donc, Mme Gareau, Mme Dionne, merci beaucoup pour votre présence, et votre
mémoire, et pour le travail que vous faites. Alors, j'ai eu l'occasion, comme
le ministre, de visiter votre centre il y a plusieurs années. Et aussi vous êtes
venus en aide dans un cas qui m'a été référé par un autre comté. Puis je ne
savais pas à quelle porte frapper puis je vous ai appelés, et vous avez répondu
à l'appel. Et c'est vraiment un service d'urgence que vous offrez dans un
domaine tellement complexe et délicat. Donc, vous jouez un rôle essentiel. Je
suis contente d'entendre qu'il y aura un deuxième site, et espérons que ce
modèle va se retrouver un peu partout au Québec, des grands centres comme ça,
parce que vous faites un travail extraordinaire.
Juste pour... Des fois, c'est un soupçon que,
peut-être, la mère peut avoir, un soupçon de quelque chose. L'enfant ne va pas
bien. L'enfant ne va pas bien, ils ne savent pas trop ce que c'est puis ils ont
besoin d'une évaluation. Comment ces gens-là, donc... Parce qu'on a suivi son
parcours, dans le sens qu'on nous a raconté... Elle nous a raconté les portes
auxquelles elle a frappé, puis il n'y avait pas de porte. C'est pour ça que
j'ai pensé à vous. Il n'y avait pas une porte d'ouverte. Les CLSC, etc., donc,
ils ne savaient pas où... à qui... et, en plus, issus de la diversité, là. Mais
ce n'était pas familial. Elle ne savait pas trop ce qui s'était passé, mais
elle avait un doute.
Et donc comment les gens rentrent chez vous, les
parents, ou un parent, ou quelqu'un qui serait inquiet? La DPJ, je comprends
qu'eux, quand ils ont des soupçons, ils vont directement chez vous, la police
aussi, mais, d'autres, est-ce qu'il y a quelqu'un qui les réfère? Sinon, le
filet de sécurité n'est pas très, comment dire, avancé. Une fois qu'ils sont
chez vous, oui, mais, avant ça, ils ne savent pas à quelle porte frapper.
Mme Dionne (Sonia) : Je peux
débuter, si ça convient. Notre service est, évidemment, un service de protection, de référence. Donc, la... toute... la
totalité, en fait, de notre clientèle est référée par des professionnels,
c'est-à-dire que, des situations comme vous la nommez, le parent qui a
besoin de soutien doit passer par des services comme ceux offerts par la
protection de la jeunesse. Il y a des gens, effectivement, qui nous appellent,
à la fondation, pour connaître : Qu'est-ce que je peux faire dans ma
situation? À chaque fois, nous aussi, on va les référer soit à la police s'il y
a des actes criminels qui ont été commis, soit à la protection de la jeunesse,
qui va être là pour évaluer la situation avec la famille pour ensuite les
référer à nos services, à Marie-Vincent, puisque, dans notre offre de services,
il n'est pas possible d'offrir le service à la population directement. On
fonctionne toujours par référence de professionnels et aussi avec l'intervention immédiate, par exemple, ou
avec les... l'investigation policière. Les policiers peuvent venir
directement dans nos locaux, et, à ce moment-là, lorsqu'il y a un dévoilement,
tout de suite, à partir de là, on peut commencer à offrir un support. Mais,
déjà là, c'est passé par la police, par la protection de la jeunesse, et c'est
là que, dès les premières journées, suite au dévoilement, on peut s'inscrire
dans la démarche de soutien à l'enfant et à la famille.
• (12 h 40) •
Mme Weil : Donc, dans toutes les
régions du Québec, ce serait... qui seraient les intervenants? Donc, ça peut
être un membre de la famille, ça peut être l'école, peut-être, qui ferait un
signalement parce qu'ils ont des doutes, ils ont une certaine expérience, les
CLSC, c'est un peu tout. Et donc il y a vraiment, peut-être, une formation de
sensibilisation à faire en attendant qu'il y ait des Marie-Vincent un peu
partout au Québec, mais c'est vraiment de sensibiliser tout le monde à quels
seraient les indices. Parce que c'est un rôle tellement important que vous
jouez, là. Vous êtes capables de faire en sorte qu'un jeune, un enfant qui vit
ce traumatisme puisse s'en sortir et éventuellement devenir un adulte, comment
dire, bien dans sa peau.
Alors, bon,
je pense que vous partagez la vision, certainement, parce que vous allez créer
un autre Marie-Vincent, donc, à Châteauguay, si j'ai bien compris.
Mme Dionne (Sonia) : Et c'est ce
qu'on fait. Tout le... Pardon.
Mme Weil : Allez-y. Non, non,
allez-y.
Mme Dionne
(Sonia) : C'est ce qu'on fait, en fait. Tout le département, là, de
prévention, formation, c'est ce qu'on fait. On va dans les milieux, on va dans
les écoles pour former les enseignants, pour être capables de dépister, pour être capables de recevoir un dévoilement. On va dans
les CPE, on va dans les différents milieux. On va même dans les communautés
autochtones. On est allés dans différents endroits pour, justement,
sensibiliser les professionnels à mieux dépister et à mieux référer, dans des
situations comme celles-là, dans des ressources comme la DPJ mais aussi comme
Marie-Vincent.
Mme Gareau (Stéphanie) : Puis, si je peux me permettre aussi, on parle
beaucoup de former et de sensibiliser les intervenants, mais il y a aussi tout un travail de prévention qui se
fait auprès des jeunes. Quand on parle d'aller dans les CPE, donc, oui, on va former des intervenantes en
centre de la petite enfance, service de garde éducatif, qui vont
instaurer...
On a un programme, par
exemple, qui s'appelle le programme Lanterne, où on fait de l'éducation à la
sexualité, on fait de l'éducation aux relations égalitaires. Donc, les jeunes
vont connaître... les enfants vont reconnaître les situations qui sont plus à
risque. Ils vont pouvoir nommer les choses. C'est important de nommer, de
nommer les situations, de nommer les parties intimes. Comme ça, quand un
enfant, un petit enfant entre, mettons, 0-5 ans ou deux à cinq parle à son
parent, bien, il va dire les choses telles qu'elles sont. Il va savoir ce qui
est inacceptable.
C'est aussi ce
rôle-là qu'on doit jouer. Puis ça, c'est une partie du travail qui est fait à
Marie-Vincent. Oui, former les intervenants,
mais aussi éduquer les jeunes sur la réalité puis ce qui est acceptable et ce
qui est inacceptable aussi.
Mme Weil :
J'aimerais revenir... Combien j'ai de temps, M. le Président?
Le Président (M.
Provençal)
: ...
Mme Weil :
...sur les considérants que vous voudrez rajouter et l'idée d'une charte pour
les enfants.
Le Président (M.
Provençal)
: Quatre minutes.
Mme Weil :
Quatre minutes. Donc, vous avez le temps de partager votre vision des choses
selon ce que la commission spéciale recommande, donc. Donc, parlez-moi de cette
charte des droits de l'enfant et la nécessité ou, selon vous, l'intérêt d'avoir
une charte et une bonne définition de l'intérêt de l'enfant.
Mme Gareau
(Stéphanie) : Bien, dans le fond, nous, on... La charte des droits de
l'enfant en protection de la jeunesse, je pense que c'est un outil qui pourra
aider à la sensibilisation, à la meilleure définition, à une meilleure
compréhension. Mais ce qu'on... Nous, dans le fond, on s'est inspirés de certains
considérants de cette charte-là en se disant : Bien, peut-être qu'on n'est
pas rendus là encore ou peut-être que ça fait partie de ce qu'il y a dans les
projets du gouvernement, mais, comme on a une opportunité maintenant, en
ouvrant la Loi sur la protection de la jeunesse avec le projet de loi
n° 15, bien, il y a peut-être certains considérants qui étaient dans la
charte, qu'on ne sait pas quand elle pourrait voir le jour, donc, utilisons
cette opportunité, parce qu'il y a des principes, il y a des grands principes,
celui du partage fluide de l'information, qui sont essentiels puis qui
s'inscrivent tout à fait dans la logique puis dans la philosophie de la Loi sur
la protection de la jeunesse. Ça fait que c'est cette... C'est plus une
inspiration pour le libellé, pour ce qu'il est important de mettre de l'avant
puis ce qu'il est important de bien établir, je dirais.
Mme Weil :
...des droits et libertés actuelle est trop vaste, n'est pas spécifique, n'est
pas assez pointue. On a eu des discussions avec la Commission des droits de la
personne, hier, par rapport à leur rôle, beaucoup de débats sur, bon, est-ce
que... le fait qu'ils ne sont pas juste dédiés aux enfants, ce qui a créé,
donc, cette recommandation de commissaires. Donc, c'est une charte qui serait
spécifique, mais, entre-temps, vous recommandez d'ajouter des considérants qui
vont justement sur ces points qui seraient dans une charte, donc, des
considérations qu'on doit prendre en compte lorsqu'on regarde... lésion de
droits ou qu'un enfant est vulnérable parce qu'on ne respecte pas certains
droits. C'est bien ça, c'est ça, le lien que vous faites, c'est-à-dire que la
charte québécoise n'est pas assez détaillée.
Mme Gareau
(Stéphanie) : Bien, nous, dans le fond, c'est que l'enjeu du partage
de l'information, de la collaboration, pour nous, c'est ce qui ressortait dans
les commentaires qu'on souhaitait mettre de l'avant sur le projet de loi
n° 15, puis, plutôt que d'inventer un nouveau libellé, on trouvait qu'il y
avait un travail extraordinaire qui avait été fait par les commissaires, qui
élaboraient, finalement, ce que nous, on souhaite mettre de l'avant, ça fait
qu'on se disait : Bien, profitons du travail bien fait, intégrons ces
considérants-là, parce qu'ils touchent le coeur de ce que nous, on a à mettre
de l'avant en lien avec la confidentialité.
Mme Weil :
Oui. Je trouve que c'est... Ça ajoute de la profondeur, d'ailleurs.
Oui. Cette question
de... Vous avez expliqué que, dans un projet de loi actuellement, on discute de
modifications au Code civil. Très intéressant, ce que vous proposez. C'est
qu'on y aille directement, puis on corrigerait tout de suite le problème pour
avoir la permission d'intervenir, un parent puisse procéder sans l'accord de
l'autre, parce que vous expliquez très bien qu'un parent pourrait avoir un genre
de conflit d'intérêts par rapport à lui-même ou quelqu'un d'autre dans la
famille. Ça, c'est intéressant, très intéressant, parce que le gouvernement
pourrait l'instaurer tout de suite dans ce projet de loi qui est dédié aux
enfants, de toute façon, et leur protection. J'imagine qu'il y aura des
discussions avec le ministère de la Justice aussi là-dessus. Mais on comprend
ce que vous recommandez.
Et cette complication
d'attestation, peut-être en parler, justement. C'est-à-dire que, dans la
procédure qui serait dans le Code civil,
il y a une complication, c'est une tierce personne qui doit faire une
attestation, alors que... Peut-être expliquer cet enjeu.
Mme Gareau
(Stéphanie) : Bien, ça revient un peu à ce que ce que ma collègue
disait, c'est que, quand il y a un dévoilement dans une famille, c'est une
bombe qui explose. Donc, on se dit que... Le Code civil, ce qui est fait
dans... Ce qui est proposé dans le projet de loi n° 2 pour le Code civil,
c'est très bien, là, dans le sens où c'est une loi d'application générale. Mais
là on se dit : Là, on est dans la Loi sur la protection de la jeunesse,
est-ce que c'est nécessaire, quand on est dans le spectre de la protection de
la jeunesse, d'avoir recours à une attestation additionnelle? On est dans une
situation où il y a eu un signalement. Donc, le fait qu'il y ait une situation
de violence sexuelle, ou violence parentale, ou violence conjugale est un peu
plus avéré, puis je me promène... Je le mets entre guillemets, évidemment,
parce que la preuve doit être faite, là, puis les enquêtes doivent être faites,
mais on est davantage dans un environnement
où c'est plus probable que pas probable qu'il y ait un enjeu. Donc, pourquoi
ajouter un volet administratif? C'est une famille...
Une famille, là, qui vit un dévoilement, là, de
violence sexuelle, elle est... elle est complètement démunie, là. Donc, ce
qu'on se dit, c'est : Ne mettons pas des barrières additionnelles pour
permettre à l'enfant... Parce que c'est ça, ultimement, l'objectif, c'est que
l'enfant reçoive les services, que la famille soit outillée pour faire face à
cette situation-là. Donc, ce qu'on dit, c'est : On est dans une loi
d'application spécifique, donnons les outils aux gens pour intervenir
adéquatement et rapidement, toujours dans le meilleur intérêt de l'enfant.
• (12 h 50) •
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, Mme Gareau et Mme Dionne, pour votre
participation, votre contribution et la qualité de ces échanges.
Je suspends les travaux jusqu'à cet après-midi,
là, jusqu'à 13 heures... pas jusqu'à 13 heures, mais... oui, c'est
ça, 13 heures. Excusez-moi.
Des voix : ...
Le Président (M. Provençal)
: Oui. Non, c'est parce qu'à 13 heures on a une autre
séance de travail. C'est pour ça que je dois dire 13 heures, M. le
ministre. Et je vais demander aux gens qui ne participent pas à cette séance de
travail de quitter.
Merci beaucoup. Merci beaucoup de votre
collaboration et de votre contribution.
(Suspension de la séance à 12 h 51)
(Reprise à 14 h 02)
Le Président (M. Provençal)
: Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux
membres de la Centrale des syndicats démocratiques. Je vous rappelle que vous
aurez 10 minutes pour votre exposé, et par la suite nous procéderons aux
échanges avec les membres de la commission. Alors, je vous cède la parole.
Merci.
Centrale des syndicats
démocratiques (CSD)
M. Bissonnette (Kaven) : Merci
beaucoup. Vous m'entendez bien? Bien, premièrement, on tient à remercier les
membres de la commission d'avoir accepté de nous entendre aujourd'hui.
La Centrale des syndicats démocratiques
regroupe, sur une base régionale, cinq associations démocratiques de ressources
à l'enfance du Québec, ce qui en fait l'organisation la plus représentative au
Québec avec près de 3 000 familles d'accueil à l'enfance. Notre
mémoire sur le projet de loi n° 15, la Loi modifiant
la Loi sur la protection de la jeunesse, représente donc la perspective des
familles d'accueil sur cette traduction de nombreuses recommandations de la
commission Laurent en texte de loi. En conséquence, vous comprendrez que nous
ne commenterons pas tous les articles du projet de loi n° 15,
d'autant plus qu'aujourd'hui on veut réellement vous présenter la perspective
des familles d'accueil, et non pas une dissertation en droit.
Dans un premier temps, il convient de dire que
la plupart des recommandations du mémoire de la CSD à la commission Laurent
intitulé Les familles d'accueil veulent être traitées en partenaires ont
trouvé écho dans le rapport final de cette commission importante créée pour
réformer le système de protection de la jeunesse au Québec en mettant l'intérêt
de l'enfant de l'avant... à l'avant-plan, un objectif partagé par les familles
d'accueil que nous représentons, d'abord et avant tout parce que le sort des
enfants vulnérables est la préoccupation première des personnes qui décident de
devenir famille d'accueil.
Avant de commencer, aussi, dans notre mémoire,
il y a un élément qui ne se retrouve peut-être pas, mais je tiens à le préciser
rapidement. Hier, suite au témoignage, là, de Mme Laurent, quand elle
mentionne qu'au deuxième considérant du projet de loi... qu'on dit que ça
devrait... «considérant que l'intérêt de l'enfant est une considération
primordiale dans toute décision prise à son sujet», la CSD et les associations
de familles d'accueil chez nous partagent son point de vue quand elle dit que
ça devrait être libellé de la façon suivante, dans le sens que... considérant
que l'intérêt de l'enfant, c'est... Au lieu de «est une considération», ça
devrait être «la considération primordiale». Ça, on partage ça, on tient à le
dire, parce que ça ne se retrouve pas dans notre mémoire, mais on le partage.
Par contre, bien que le projet de loi n° 15
constitue une avancée importante pour les droits des enfants au Québec, nous
considérons qu'il ne répond pas pleinement aux recommandations des familles
d'accueil, faites dans le but de faire de l'intérêt de l'enfant la
considération primordiale.
Ainsi... Je vais y aller
en grands blocs, là, pour maximiser l'efficacité de notre temps. L'élément
numéro un, là, qu'on voit, c'est... Pour nous, il est fondamental que les
familles d'accueil soient consultées pour toute décision concernant les enfants
qui leur sont confiés, si le gouvernement est sérieux dans sa volonté de
réforme, les familles d'accueil, qui vivent 24 heures sur 24,
365 jours par année avec des jeunes. Donc, quand on prend des décisions à
leur égard, c'est un incontournable que les familles d'accueil soient
consultées, et non pas simplement de façon facultative.
Donc, quand on regarde au niveau des
considérants également, le septième considérant, on pense qu'on devrait
également y insérer la participation de l'enfant et de ses parents aux
décisions qui les concernent et la prise en compte de leur opinion, mais je
pense qu'on devrait ajouter... on pense qu'on devrait ajouter également «et la
famille d'accueil, le cas échéant». Si un enfant est en famille d'accueil, la
famille d'accueil devrait être impliquée dans le processus.
Le deuxième grand bloc, c'est que, pour nous, on
devrait ajouter un article de loi pour prévoir que, dans tous les cas où un
tribunal doit prendre une décision à l'égard... dans l'intérêt de l'enfant et
que cet enfant-là est en famille d'accueil, il devrait y avoir une obligation
de consulter la famille d'accueil, et non pas une invitation ou une possibilité
pour la famille d'accueil d'y participer. Ça devrait être obligatoire, pour
être certain que les décisions qui sont rendues au regard de cet enfant-là
soient les bonnes et également que toutes les informations pertinentes soient
prises en considération par le tribunal avant de prendre une décision,
considérant que la ressource, la famille d'accueil, est la personne qui vit
24 heures sur 24 avec ce jeune.
Et également on pense... puis ça, c'est une
autre loi, on a une recommandation quand même qu'au niveau de la loi n° 24, la Loi sur la représentation des ressources... que
l'article 63 devrait éventuellement être modifié pour éviter que certains
établissements se cachent derrière les pouvoirs et responsabilités exclusifs de
l'établissement pour mettre de côté l'expertise et les informations
privilégiées connues de la famille d'accueil.
Troisième bloc, c'est au-delà de 18 ans.
Pour nous, un enfant qui est en famille d'accueil ne devrait pas être laissé à
lui-même à 18 ans et une journée. On devrait pouvoir lui offrir les
services, s'il le demande, au-delà de 18 ans. Et ça, c'est un élément qui
est crucial, qui est majeur. On en reparlera, j'imagine, un peu plus loin. Puis
également on demande, les familles d'accueil, que soit réinstituée une forme
d'intervenante-ressource, comme il existait à l'époque, sans qu'il y ait de
lien de subordination.
Nos familles d'accueil ont souvent besoin de
support au-delà du cadre, entre guillemets, professionnel ou des services à
rendre aux jeunes. Nos familles d'accueil, ce qu'ils nous demandent, c'est
que... Les choses ont bien changé, ont bien évolué au fil des dernières années,
mais il y a un côté humaniste qui s'est effrité au profit d'un côté
professionnalisation de ce qui est une famille d'accueil. Il y a du bon. Il y a
eu des éléments, contrôle de qualité, cadre de référence. Une famille
d'accueil, aujourd'hui, effectivement qu'elle est probablement mieux outillée
qu'il y a 30 ans. Mais il y a un côté
humain. Ces gens-là ne font pas ça pour l'argent. Quand on devient famille
d'accueil, c'est qu'on a des convictions profondes, qu'on veut aider des
jeunes. Donc, à cet égard-là, on demande qu'il y ait une forme de réintégration
de cette personne-là qui pourrait être en support à la famille d'accueil et
également qui pourrait donner un coup de main aux familles d'accueil de
proximité.
Familles d'accueil de proximité, quand les
jeunes sont placés chez des personnes significatives pour elles, ces gens-là,
quand ils deviennent famille d'accueil de proximité, n'ont pas suivi un
processus de recrutement puis d'évaluation comme une famille d'accueil
régulière. Donc, ce qu'on comprend puis ce qu'on entend de ces gens-là qu'on
représente, c'est qu'ils ont souvent besoin de beaucoup d'aide, et d'appui, et
de conseils de la part de l'établissement. Donc, dans leur cas à eux,
l'intervenant-ressource prend encore plus toute sa place. Mme Thomas va
vous en parler un peu plus tard.
Et le dernier bloc, bien, c'est sur le forum des
directeurs de la protection de la jeunesse, qui est une très bonne chose en soi. On croit que les organisations de
familles d'accueil devraient pouvoir siéger au sein de ce forum-là pour
qu'on puisse avoir une vision, la vision la plus élargie possible pour... dans
le cadre de la mission de la loi et du projet de loi.
Je vais laisser Mme Thomas. Là, je ne sais
pas, là, il reste un petit peu de temps, je ne sais pas combien de temps, mais
je vais laisser Mme Thomas se présenter.
Le Président (M. Provençal)
: Deux minutes.
• (14 h 10) •
Mme Thomas (Diane) : Bonjour.
Mon nom, c'est Diane Thomas. Je suis la présidente des ADREQ au niveau
provincial. J'ai le plaisir d'avoir plusieurs régions à m'occuper, avec mes
consoeurs qui sont présidentes régionales.
Ce que M. Bissonnette vous a parlé, c'est
vraiment primordial. Il y a des sujets là-dedans... On joue avec la vie des
enfants. Et je crois qu'on est là, les familles d'accueil, et j'aimerais qu'on
nous donne une voix plus forte, une voix pour protéger nos enfants. Souvent, on
est la seule personne qui peut s'exprimer à la place de l'enfant. C'est très difficile pour un enfant, dans un tribunal,
d'aller parler contre son parent qui est assis à côté de lui. Donc, nous, on
pense qu'on a une place dans toutes ces instances-là, qu'il faudrait qu'on soit
présents pour parler au nom de l'enfant pour ce qu'il n'est pas capable de
faire, que nous, nous soyons capables de le faire.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup... Vous pouvez ajouter, oui, allez-y.
Mme Thomas (Diane) : Oui. Je
voulais vous dire, je tiens à coeur... Je sais que ce n'est pas dans les
projets de loi, tout ça, les familles d'accueil de proximité, mais c'est des
familles d'accueil, surtout ceux qui sont en attente. Au Québec, on a une loi
qui protège les enfants, et j'ai l'impression qu'on les a carrément abandonnés,
ces enfants-là. Le jour 1 que le parent, ou le grand-parent, ou l'oncle,
la tante qui est accréditée reçoit cet enfant-là, elle ne reçoit aucune aide.
Donc, ces enfants-là, qui ont des droits, se font bafouer le temps
d'accréditation, qui est une question hyperimportante,
l'accréditation des ressources. Mais pourquoi cet enfant-là perd tous ses
droits? Tout ce qu'il aurait besoin, il n'a pas accès à ça parce qu'il est
placé chez un membre de sa famille. C'est tragique. Je vous expliquerai plus
loin pourquoi, mais ça crée vraiment des problèmes.
Et, pour finir, mes
18-21. C'est essentiel, pour moi, les 18-21, c'est... Il faut se battre pour
eux autres parce que... On vous l'expliquera plus loin, mais c'est des enfants
qui ont besoin de nous autres, parce qu'on ne devient pas adulte à 18 ans.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous
allons débuter cette période d'échange avec M. le ministre. Alors, M. le
ministre, à vous la parole.
M. Carmant :
Merci beaucoup, M. le Président. Mme Thomas, M. Bissonnette, enchanté.
Merci pour votre exposé. Allons-y en grands
blocs, là, comme vous dites. La première chose que j'aimerais voir avec vous,
c'est ce sujet-là que j'entends
souvent, récemment surtout, les familles d'accueil de proximité et cette
période d'évaluation, là, ou de ce que vous appelez d'accréditation.
Qu'est-ce qu'on peut faire pour améliorer ça, là? Tu sais, j'en ai parlé avec
mes collègues, là, tu sais, de rétroactivité ou, tu sais... C'est quoi, le
problème, puis qu'est-ce que vous suggérez pour le régler?
Mme Thomas
(Diane) : Aussi simple... Si je peux me permettre, Kaven, aussi simple
que... le jour 1, qu'ils sortent du tribunal, qu'ils soient accrédités, et
vous ferez les évaluations par la suite. Mais, quand la famille sort du
tribunal avec l'obligation, l'enfant est confié à cette ressource-là, elle
devrait avoir droit au panier de services. Il y a un frais particulier... Il y
a un document qui existe, Frais particuliers pour enfants placés en
ressource, nous, on l'appelle le panier de services, qui donne droit, à cet
enfant-là, à tous les services scolaires, dentiste, les lunettes. Cet enfant-là
a ce droit-là. Et, ces familles-là qui reçoivent ces enfants-là, présentement,
les accréditations peuvent aller de six mois. J'ai même vu 18 mois pour
accréditer. Donc, cette famille-là, là, elle doit tout assumer les frais de cet
enfant-là, et, des fois, c'est ces enfants-là, parce que j'ai vu beaucoup de
fratries. J'ai vu des ressources... des gens recevoir deux, trois enfants qui
arrivent avec des grands besoins, des grandes lacunes.
Et elle-même, la
famille d'accueil, a des besoins particuliers, parce qu'elle... Nous, on se
prépare pendant quelques mois, pendant qu'on se fait accréditer, les familles
d'accueil régulières, mais, les familles d'accueil de proximité, non. Le
jour 1 du tribunal, ils débarquent, ils emmènent trois enfants chez eux,
et leur vie change, mais ils n'ont aucun soutien, aucun support. Ils ont une
intervenante qui y va un petit peu pour voir si tout est correct, mais ils ont
besoin de plus que ça. Ils ont besoin de formation, ils ont besoin d'écoute,
ils ont besoin de nous, qu'on les aide, les associations. L'ADREQ, on est là
pour les aider, mais ils ne sont pas accrédités. Vous comprendrez que je ne
peux pas les défendre, je ne peux pas les représenter, je ne peux pas
représenter non plus le besoin de ces enfants-là, qui est criant. Puis je
trouve ça très triste de les laisser abandonnés avec des familles complètes
puis laisser cette charge-là, souvent, à des grands-parents qui sont obligés
de, des fois, laisser leur travail pour s'occuper de leurs petits-enfants et
toute cette charge financière là, les lacunes. Donc, on prend des enfants, on
appauvrit des familles complètes. C'est triste. Puis ça ne devrait pas, là.
M. Carmant :
Je vous entends. Puis une autre chose que vous avez dite, puis l'autre groupe
de familles d'accueil à qui on a parlé a mentionné la même chose, puis ça
aussi, là, je... (panne de son) ...serrer là-dessus, dans la dernière année, on
a investi quand même 10 millions de dollars, là, pour supporter les
familles d'accueil. Tu sais, on ne voulait pas utiliser le mot que vous avez
utilisé, là, «intervenant-ressource», mais le but, c'était vraiment, tu sais...
On m'avait expliqué que chaque enfant avait son propre intervenant, ça fait que
la famille devait dealer avec plusieurs intervenants. Donc, on voulait vraiment
venir au modèle où une famille d'accueil va avoir le soutien d'un intervenant.
Vous me dites... Vous aussi, vous me dites que, sur le terrain, ça ne s'est pas
matérialisé. Là, on a parlé de soutien aux usagers, là, ou je ne sais pas trop.
Mme Thomas
(Diane) : Oui. Moi, présentement, je n'ai aucune nouvelle de ça, dans
ma région, ça n'existe pas, mes consoeurs non plus. Et présentement on est
beaucoup en pénurie, donc, au contraire, on manque d'intervenants. J'ai des
jeunes... Il y a beaucoup de familles d'accueil qui me rapportent qu'il y a des
jeunes qui peuvent être des mois et des mois sans intervenant ou ne pas les
voir parce que les intervenants sont débordés. Ce n'est pas de la mauvaise
volonté, c'est que les établissements manquent d'intervenants.
M. Carmant :
Oui, mais, tu sais, le but, c'était d'optimiser le processus aussi, là, au lieu
d'avoir trois intervenants qui dealent avec
une famille, qui dealent avec une... Dans quelle région vous êtes? Je peux
savoir, par intérêt?
Mme Thomas
(Diane) : Moi, Chaudière-Appalaches. Et ça va très bien, sauf qu'ils
font avec ce qu'ils ont. Puis, oui, il y a... un intervenant par ressource
pourrait aider, effectivement.
M. Carmant :
O.K. Bien, on va suivre ça. Bon, pour revenir au début, la considération
primordiale, je pense que... comme vous dites, Mme Laurent l'a dit, puis
on a bien pris note de ça, puis c'est l'intention qu'on avait également en
déposant le projet de loi. C'est l'intention du législateur, là. Ça, il n'y a pas
de problème.
La consultation de la
famille d'accueil, expliquez-moi un petit peu, parce que, moi, à ce que je
sache, on vous demande votre opinion, on vous... Tu sais, qu'est-ce que vous
voulez dire : Soyez... être consultés dans les décisions?
M.
Bissonnette (Kaven) :
Bien... Ah! bien, je peux... Je vais y aller. Bien, effectivement, quand...
Trop souvent, les décisions sont prises... Tu sais, je vois deux types,
là, je vois soit devant un tribunal ou dans la vie courante d'une famille
d'accueil. Ça se fait trop souvent. Les décisions, oui, la ressource va être
consultée, mais, les recommandations ou les informations que la ressource va
donner, on n'a jamais aucune garantie que ça va être utilisé dans la prise de
décision. Ça, ça pose souvent problème. On ne demande pas d'être décisionnels.
On comprend que les services, c'est la responsabilité de l'établissement. On ne
demande pas d'avoir ce pouvoir-là, moi... à tout le moins, que la personne qui,
24 heures sur 24, est avec un jeune, 365 jours par année... à tout le
moins, que son expertise soit reconnue puis que ce soit bien inscrit en quelque
part que la ressource, elle dit : Moi, là, voici ce que je constate, voici
ce que je pense qui devrait être fait. Et, trop souvent, ce n'est pas fait. Ça,
c'est le premier volet. Puis j'essaie d'y aller de façon très succincte, là. M.
le ministre, s'il y a de quoi, n'hésitez pas, vous pouvez m'interrompre.
Puis l'autre élément, c'est au niveau du
tribunal. On sait que, depuis la dernière modification, les ressources peuvent
intervenir, une famille d'accueil peut intervenir devant le tribunal pour
présenter ses observations. C'est bien. Mais, nous, ce qu'on pense, c'est que,
dès qu'il y a des décisions qui doivent être prises au regard d'un enfant qui
est placé en famille d'accueil, on ne peut pas rendre... bon, à moins qu'on
parle d'une décision qui soit carrément... mais ce qui est très rare, mais,
généralement, quand on est devant le tribunal avec un jeune, bien, on parle
d'ordonnance, on parle de changement de paramètres, je vois très mal comment un
juge peut prendre une décision sans avoir exigé d'entendre la famille d'accueil
qui vit avec ce jeune-là 24 heures sur 24. Ça, pour nous, ça devrait être
obligatoire, tu sais. Puis je pense que, si on veut le portrait réel d'un
jeune, où il se situe dans le temps, puis de ses besoins, il y a un intervenant
dans le portrait, là, qu'on ne peut pas ignorer, qui est la famille d'accueil,
quand il y en a une, bien sûr.
Ça fait que ça, c'est les deux volets, là, si je
réponds à votre question, là, c'est les deux volets, pour nous, qui sont
primordiaux.
M. Carmant : Puis, le volet 2,
je l'avais déjà entendu, là. Dans le volet 1, est-ce que... J'essaie juste
de bien comprendre puis voir si j'ai bien compris ce que vous avez dit. C'est
comme un manque de transparence un peu. On vous demande de l'information, mais
il n'y a pas de rétroaction, hein? Ça, j'ai entendu ça beaucoup cette semaine.
M. Bissonnette (Kaven) :
Effectivement, puis vous le dites bien. Puis on n'accuse pas personne d'être de
mauvaise foi, là, loin de là. On a tous des charges de travail. On sait que les
intervenants ont des charges de travail qui ne sont pas faciles. Nos
ressources, tout le monde est bien occupé, tout le monde fait son possible. Ça
fait qu'on ne veut surtout pas accuser les intervenants, les établissements de
mauvaise foi, loin de là. C'est que... Mais il y a des informations qui se
perdent puis... et qui sont importantes, et que... et finalement il y a des
décisions, des fois, au regard d'un enfant, qui vont arriver quelques semaines
plus tard, quelques mois plus tard, compte tenu de la charge de travail qu'un
intervenant peut avoir, puis ce ne sera pas nécessairement bon. Et, dans ce qui
va être demandé pour le jeune, bien, les propos, les observations de la
ressource ne se retrouveront pas là, puis on ne le voit pas nulle part. C'est
comme... C'est disparu, puis ça, ça ne devrait pas.
• (14 h 20) •
M. Carmant : Je vous comprends
tout à fait. Forum des directeurs, comment vous voyez votre participation ou
votre interaction avec cet... ce qu'on veut créer, là, comme... Tu sais, ce
n'est pas comme la... C'est un petit peu la... Avant, il y avait la table des
centres jeunesse, là, puis là, tu sais, on veut évoluer vers peut-être un
nouveau modèle. Mais comment vous voyez votre rôle là-dedans? Puis comment vous
participiez avant? Puis comment vous verriez ça, votre contribution?
M. Bissonnette (Kaven) : Tout à
fait. Bien, notre contribution, on la voit... Bien qu'on soit des associations
représentatives, une organisation syndicale, on ne voit pas notre intervention
dans un sens de revendication ou de négociation, loin de là, mais plutôt, et ce
n'est pas... et plutôt dans une intervention sur l'expertise de nos ressources,
de nos présidentes qui consultent, qui rencontrent leurs ressources plusieurs
fois par année, qui reçoivent les appels de l'ensemble de leurs familles
d'accueil, de ce qu'ils vivent, des problématiques. On pense que ce serait une
grande plus-value que nos représentants des différentes organisations de
familles d'accueil puissent avoir des sièges là parce que c'est eux qui sont
toujours en première ligne des problématiques vécues par les familles
d'accueil. Donc, on pense, ce serait une grande plus-value d'avoir les gens qui
sont sur le terrain assis là.
M. Carmant : Parce que moi,
j'aimerais ça qu'il y ait un gros volet formation, là, dans ce projet-là.
Est-ce que vous, vous voyez votre rôle, ici, de la formation, mentorat, tu
sais, comme...
M. Bissonnette (Kaven) : Je
vais laisser Mme Thomas... Au niveau de la formation, elle a une expertise
que je n'ai pas.
Mme Thomas (Diane) : Oui.
Effectivement, la formation, nous, en Chaudière-Appalaches, c'est notre
priorité. Et, les ADREQ, il y a... Beaucoup d'ADREQ ont beaucoup de formations.
C'est une de nos priorités, parce que c'est le meilleur moyen de se comprendre.
Et, à force d'être informé, autant pour le côté... dans ce comité-là que pour
les enfants, que pour les familles d'accueil, c'est toujours aidant. Donc, oui,
le volet formation nous intéresse beaucoup, puis une participation positive,
comme disait mon confrère.
M. Carmant : Puis
penseriez-vous que ça nous aiderait à recruter des familles d'accueil, ça?
Mme Thomas
(Diane) : Effectivement. C'est le meilleur moyen pour savoir... Moi,
j'ai toujours dit : Quand on est transparent et on dit la vérité :
Vous pouvez recevoir tel genre d'enfant, on va vous équiper, on va vous donner
les ressources pour, c'est le meilleur moyen d'avoir des familles d'accueil.
Moi, personnellement, je commencerais le
processus, comme le cadre de référence, l'instrument, je les donnerais à ceux
qui sont postulants pour qu'ils sachent dans quoi qu'ils s'en vont. Au lieu
d'attendre d'être accrédités, je le donnerais avant. Comme ça, nos familles
d'accueil, le jour 1 de l'accréditation, ils seraient outillés et ils sauraient
quoi faire. Présentement, ce n'est pas le cas. Familles d'accueil, là, le temps
que j'aie le temps de faire le tour puis de les former, ça peut me prendre, des
fois, six mois, parce qu'on donne des formations en automne puis au printemps.
Donc, ça peut... Il peut y avoir un laps de temps, et c'est là qu'ils font des
gaffes. Et c'est là aussi que, ne sachant pas comment intervenir avec des
jeunes qui ont des troubles de santé mentale de plus en plus lourds, des
traumatismes de plus en plus fréquents... C'est bon que tout le monde soit
formé.
M. Carmant : D'accord. Une
petite dernière question, parce que... avant de passer la parole à ma collègue.
Vous vouliez dire quelque chose sur les 18-21 ans, puis on vous a un peu
coupée. C'était quoi?
M. Bissonnette (Kaven) : Bien,
je peux-tu? Je peux y aller. Je vais répondre en première... rapidement. Bon,
je suis avocat de formation, je suis vice-président de la CSD depuis 2019 et je
suis un jeune de famille d'accueil. J'ai passé dans le réseau des familles
d'accueil. J'ai eu ce bonheur-là, j'ai eu cette chance-là. Et je ne serais
jamais devenu ce que je suis devenu aujourd'hui sans avoir eu la chance d'avoir
une famille d'accueil. Et d'ailleurs une des raisons pourquoi je suis devenu
avocat, puis je ne veux pas prolonger le temps de la commission, c'est que mon
papa de famille d'accueil, je l'appelle comme ça, il était bibliothécaire à la
Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke, et j'allais lire des livres de
droit en l'attendant, et je regardais les étudiants, et les juges, et les
avocats, puis c'est pour ça que je suis devenu ce que je suis devenu.
Et je veux juste dire une chose. Quand j'ai
quitté à 18 ans, parce que j'ai dû quitter, je me suis retrouvé en
appartement et au cégep à assumer une responsabilité que je n'étais pas prêt à
assumer. Je n'étais pas outillé. Bien que j'aie une bonne famille d'accueil,
j'ai un bagage derrière moi, j'avais bien, bien des choses que j'avais...
j'étais loin d'avoir la maturité nécessaire pour faire face à la vie, et mon
cégep a été un fiasco. Et j'ai perdu plusieurs années de ma vie suite à ça,
alors que c'est le moment où j'aurais eu le plus besoin d'un milieu de vie
stable, de 18 à... 18, 19, 20 ans, le temps de faire mon cégep puis de
commencer à avancer dans la vie.
Puis l'autre élément, puis je vais y aller
rapidement, c'est difficile, quand on arrive à 18 ans en appartement, avec
très peu de ressources financières, et qu'on voit... et qu'on a... toute notre
vie, on s'est senti un peu à part des autres, et là on voit nos amis qui ont
des vies, qui vivent chez leurs parents, qui ont des autos, qui sortent, qui
peuvent aller au restaurant, puis que toi,
bien, tu ne peux pas y aller, bien, à 18 ans, qu'est-ce que tu fais? Tu y
vas puis, le 15 du mois, quand tu as dépensé tes prêts et bourses, bien,
tu n'as plus rien, et donc, éventuellement, tu ne paies pas ton loyer,
éventuellement, tu te fais débrancher le téléphone et... Bref, c'est majeur.
Puis mon frère de famille d'accueil, qui, lui, commençait un D.E.P., ça a été
la même histoire... bien, lui, ça a été plus tragique, il ne s'est même pas
rendu à 19 ans. Il s'est suicidé à 18 ans et neuf mois. Et je suis
convaincu que, s'il avait pu rester dans notre famille d'accueil, il aurait
fait son D.E.P., puis ce ne serait probablement pas arrivé.
Et ça, c'est juste mon exemple et un autre
exemple. C'est majeur. Ce n'est pas juste... Peu importe ce que ça peut coûter
en argent, on ne peut pas passer à côté de ça. À 18 ans, on n'est pas
apte, capable... En tout cas, il y en a peut-être,
mais ça doit être des exceptions. Puis, si on ne le fait pas, on vient un peu
annihiler tout le beau travail qui a été fait avant par nos familles d'accueil. Ça, bien, en tout cas, pour nous, puis
pour moi, personnellement, ça me tient à coeur, ça.
M. Carmant : Je pense que, tout
le monde, ça tient à coeur. Puis merci d'avoir partagé ça avec nous, monsieur.
J'apprécie le courage.
Le Président (M. Provençal)
: ...aimerait intervenir, M. le ministre.
M. Carmant : Oui, bien sûr.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, M. le Président. Bonjour, M. Bissonnette, Mme Thomas. Je vais
faire ça rapidement. Au niveau de la FFARIQ, je veux avoir un peu votre point
de vue, ils recommandaient, eux, entre autres, qu'une personne ou une famille
d'accueil soit admise à l'audience entière de toute demande relative à l'enfant
qui lui est confié. Il y avait aussi une autre recommandation. J'aimerais
savoir, là, êtes-vous en accord avec ces recommandations-là de la Fédération des
familles d'accueil? Et qu'est-ce que cela aurait comme avantage?
M. Bissonnette (Kaven) : Bien,
moi, je suis... On n'est pas... peut-être pas d'accord à 100 %. Toute
demande... Il faut être conscients qu'il peut y avoir des demandes qui ne sont
pas, là, nécessairement... de nature, comment je pourrais dire, plus accessoire, tu sais. Il y a des demandes peut-être
plus accessoires. Je ne pense pas que la famille d'accueil a nécessairement l'intérêt de toujours être là.
Mais, dans la mesure où on a à trancher des questions, rendre des
décisions au regard de l'intérêt de
l'enfant, bien, on pense que, oui, on doit être là. Mais, sur des mesures
purement accessoires, non.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Le temps, malheureusement, est écoulé.
Alors, nous allons poursuivre cet échange avec Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil :
Bonjour, alors, Mme Bissonnette... M. Bissonnette et Mme Thomas. Très
contente de vous avoir et de vous entendre. Et merci de partager, comme le
ministre l'a dit, merci de partager votre expérience, parce que ça vient
toujours, ces expériences personnelles... Et souvent, dans les questions qu'on
pose, on veut que... Vous êtes les experts. Pour nous, de légiférer, surtout si
on n'est pas dans ce domaine ou on n'a pas... et c'est sûr que la plupart des
députés n'ont pas d'expérience à la DPJ, on a besoin de comprendre. On comprend
que les recommandations qui se retrouvent dans le projet de loi sont
appréciées, mais il y a des améliorations, puis, pour qu'on amène ces
améliorations, c'est vraiment très utile d'avoir votre vécu.
Alors, pour revenir aux familles d'accueil,
parce que, ça, on a eu cette recommandation, et qu'on puisse poursuivre, donc,
il y aurait différents scénarios. Mais, là où l'enfant a été placé dans une
famille d'accueil et le lien d'attachement s'est fait, pourquoi ne pas utiliser
cette famille d'accueil pour la suite des choses? D'ailleurs, ils nous ont même parlé, certains, à 40 ans, qu'ils
reviennent poser des questions puis vouloir... parce que la relation est
tellement bonne, est tellement proche que, leur vie durant, quand ils ont des
enfants, ils veulent avoir comme un papa puis une maman, l'expérience, tout ça.
Donc, ça, c'est une voie pour les familles d'accueil.
Pour tous les autres, parce qu'on a parlé des
aspects plus techniques de ça, qui prendraient la relève de ça après la DPJ,
comment crée-t-on, donc, un réseau après 18 ans? Est-ce que vous avez
réfléchi à cette question-là? Vous, vous êtes... Évidemment, vous parlez des
familles d'accueil, mais est-ce que vous avez réfléchi à ça, comment ça
pourrait être construit? Car la compétence de la DPJ, c'est vraiment jusqu'à
18 ans, mais la loi peut faire en sorte que cette compétence et
responsabilité continue. Comment vous voyez ça?
Mme Thomas (Diane) : Bien, si je
peux me permettre, présentement, ça existe déjà. Certains jeunes qui n'ont pas
terminé leur secondaire sont suivis, et, après, le dossier se transfère au
CLSC. Il y en a d'autres que c'est des jeunes qui ont des troubles de santé
mentale, donc c'est transféré au CRDI. Le placement se continue jusqu'à
21 ans, et il y a un suivi qui se fait par certains intervenants de
différents milieux.
• (14 h 30) •
Mme Weil : Il faudrait que ce soit,
comment dire, obligatoire ou que ce soit... c'est-à-dire qu'on le garantisse,
une garantie dans la loi.
Mme Thomas (Diane) : Oui. Nous, ce
qu'on aimerait, c'est sûr, si l'enfant veut rester dans sa famille, on aimerait
vraiment que l'enfant puisse. Parce que, ces enfants-là, il faut que vous
compreniez quelque chose, même nos enfants, à 18 ans, ils ne sont pas
prêts. Imaginez un enfant qui arrive chez moi à neuf ans avec son sac à dos
plein de roches. Il faut travailler des années, des années, des années. On a le
pur bonheur qu'il finisse son secondaire avant 18 ans, des fois, on a cette chance-là, et la récompense qu'on leur
donne, c'est : «Whoosh, whoosh!» 18 ans, toi, va-t'en au cégep puis
débrouille-toi.
C'est cruel, parce que cet enfant-là a vidé
peut-être, des fois, en partie son sac à dos, mais il reste avec des chocs
post-traumatiques. Il reste avec, des fois, la maturité qui n'est pas à
18 ans. Le fait qu'il a fallu qu'il se débatte pour de la survie a fait en
sorte que cet enfant-là, en trouble d'attachement, entre autres... Ces
enfants-là, ils n'ont pas la même maturité. Donc, ils partent avec des crises,
en partant. Donc, c'est comme si on les envoyait se planter, puis on le sait,
puis on ne les arrête pas. Moi, je trouve ça cruel. Je veux les aider à
réussir. Je veux que ça devienne des bons citoyens.
Et c'est vous qui allez être gagnant, le
gouvernement, parce que ces enfants-là, s'ils sont bien accompagnés dans leur vie adulte, vont coûter beaucoup moins
cher au réseau en vieillissant, soit en santé mentale, soit en occupation.
On essaie d'éviter que ces jeunes-là
deviennent... Il y en a beaucoup qui finissent à la rue. On a un pourcentage,
dans une étude, qui était, si ma
mémoire est bonne, de 28 % de jeunes qui sortent des ressources et qui
finissent itinérants. On ne peut pas laisser les choses aller comme ça,
c'est immoral. Présentement, là, je trouve ça cruel. Il faut changer les
choses.
Puis, au contraire, vous voyez un enfant qui
fait comme nos enfants, il va au cégep, il a maman qui l'aide. On le laisse
voler de ses propres ailes, mais on adoucit... dès qu'ils sortent du nid, on
adoucit avec un petit coussin, on essaie de mettre les choses en place pour ça
aille bien. Mais il faut qu'on reste dans leur vie. Puis moi, j'en ai de
35 ans, aussi, qui reviennent, puis ils ont encore besoin du budget, ils
ont encore besoin de conseils. Ils veulent acheter une maison, ils viennent me
voir : Quelle meilleure banque? Ils ont besoin que nous, on reste dans
leur vie. On n'est pas une famille d'accueil jusqu'à 18 ans, là...
Mme Weil : Oui, c'est formidable.
L'évolution de la qualité des services, de l'appui que les familles d'accueil
ont du gouvernement, etc., vous voyez une évolution, disons... Vous, ça fait
combien d'années que vous êtes familles d'accueil? Bien, vous deux avez de
l'expérience commune, là, mais ça fait longtemps. C'est ça? Est-ce que vous
avez vu des améliorations, au fil des années, par rapport à l'appui que vous
avez, que vous recevez?
Mme Thomas (Diane) : Il y a beaucoup
eu de changements, dans les dernières années, qui fait que ça ralentit le
réseau, je crois. On manque beaucoup de main-d'oeuvre, donc les enfants n'ont
pas le soutien nécessaire, des fois. Les intervenantes sont brûlées. Je ne sais
pas comment vous dire autrement. Le réseau est fatigué, et ces enfants-là ont
de plus en plus de grands besoins. Moi, les enfants que j'avais, quand j'ai
commencé, il y a 17 ans, avaient beaucoup moins de problèmes et de
troubles de santé mentale qu'aujourd'hui. Aujourd'hui, les enfants sont de plus
en plus lourds. Et ça, ça fait en sorte que...
La chose que
j'ai vue qui s'est améliorée grandement, quand l'établissement le veut bien
puis que la collaboration est là, c'est les formations. On nous outille
pour aider ces enfants-là. Et, quand le partenariat est là... Et ça, c'est la
clé. Il faut que l'établissement ait un bon partenariat
avec l'association pour mettre les choses en place, pour aider les familles
d'accueil. Mais, si ce n'est pas le cas, c'est les enfants qui paient, au bout
de la ligne, et les familles, parce qu'elle ne restera pas famille d'accueil si
elle n'est pas capable de comprendre le trouble d'attachement, si elle n'est
pas capable de contrer les crises puis d'avoir des outils pour calmer ces
crises-là. Et il y a des régions qui ont perdu beaucoup. Avant ça, on avait des
programmes éducateurs qui étaient beaucoup plus présents. Maintenant, on les a,
mais en blocs, ça fait que ça dépend des besoins. C'est tous des programmes
comme ça qu'on aimait beaucoup, comme intervenantes réseau, qui ont disparu
avec le temps.
Mme Weil : Donc, c'est toute une
réflexion, hein, parce qu'il y a du bon dans le passé, il y a la situation, qui
est rendue plus dramatique et plus difficile, il y a la pénurie en même temps.
Pour contrer cette pénurie, j'ai vu deux... deux centres jeunesse qui
avaient... DPJ, qui avaient fait, comment dire, une journée ou deux journées
de... pour attirer les familles, de promotion, si on veut. Et ils se sentaient
obligés de le faire. C'était intéressant. Ils avaient fait des... Ils étaient
sur les réseaux sociaux, etc. Puis je ne sais pas s'ils ont eu des réussites
avec ça. Mais est-ce que c'est difficile d'attirer les familles d'accueil, de
nos jours? C'est plus difficile maintenant que c'était, disons, il y a
20 ans?
Mme Thomas (Diane) : Oui, c'est très
difficile présentement parce que les cas sont de plus en plus lourds. Et, les
familles d'accueil, des fois, on en a qui sont accréditées, mais court terme.
Ils ne restent pas plus de deux ans. S'ils ont trop des jeunes lourds, avec la
connaissance qu'ils ont, dès qu'ils commencent, c'est très, très difficile. Et
n'oubliez pas que, présentement, près de la moitié de nos membres, au Québec,
sont des familles d'accueil de proximité. Donc, eux, aussi, ont la charge de
leurs enfants aussi. Donc, eux, ils ont un volet qui est encore plus lourd.
Puis, pour nos familles d'accueil régulières, écoutez, il n'y en a plus. Il en
faut, des familles d'accueil. J'ai fait des campagnes de promotion avec mon
établissement. On essaie de faire des publicités dans les cinémas, dans les
restos, un peu partout, dans les médias, des campagnes publicitaires, mais...
puis les émissions de télé pour essayer de recruter les gens. Ça a fonctionné à un certain point, mais il en manque
encore beaucoup. Dans mes ADREQ, moi, il en manque encore beaucoup.
Et ça fait en sorte que, quand on parle de
qualité de services à l'enfant, si... Dans une région comme la mienne, mettons
qu'il y a 15 places disponibles, pour dire quelque chose, mais que cet
enfant-là ne... les familles d'accueil ne conviennent pas dans ces
15 places là, ce n'est pas des familles d'accueil qui sont outillées pour
recevoir ce genre d'enfant là, malheureusement, cet enfant-là va avoir un
mauvais pairage, parce qu'on est en manque. Ça fait qu'il faut mettre les
choses en place pour attirer les familles d'accueil, simplifier les choses puis
arrêter de se sentir jugé. Se sentir en partenariat, c'est important. Les
familles d'accueil, souvent, ont peur de parler parce qu'ils ont peur de perdre
les enfants. Il y a des établissements, ça va superbien, mais il y en a
d'autres, seigneur! que, je vais vous dire, le partenariat, là, ce serait à
apprendre. C'est important.
Mme Weil : C'est là où le directeur
national, la directrice nationale peut jouer un rôle, uniformiser les
pratiques, comment... les bonnes pratiques pour... qui est vraiment une
collaboration, un partenariat avec les familles d'accueil, avec ce respect de partager l'information, qui est essentiel.
Tout ça peut être mis dans la loi. Je vous écouterais pendant des
heures, mais je pense que ma collègue a peut-être des questions. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: Malheureusement...
Des voix : ...
Le Président (M. Provençal)
: Je vais vous permettre une question
rapide.
Mme Robitaille : Ah! bien, écoute,
rapide... Parce que c'est tellement... bien, c'est tellement pertinent ce que
vous dites. J'essaie juste de voir... Est-ce que, dans la loi... Parce que je
vous écoute, puis ce que je sens, c'est que c'est de plus en plus lourd pour les familles d'accueil de prendre charge d'un
enfant. Ça explique peut-être pourquoi il n'y a pas beaucoup de familles
qui s'offrent comme familles d'accueil. Qu'est-ce qu'on pourrait insérer dans
la loi pour améliorer, pour envoyer le signal, puis donner les outils pour
mieux outiller les familles d'accueil, puis leur donner le soutien qu'il faut?
M. Bissonnette (Kaven) : Je peux y
répondre. Je pense que, quand on regarde notre mémoire, quand on parle du
partage d'information, quand on parle que la famille d'accueil soit consultée à
plusieurs niveaux, quand il y a des prises de décision, ça, on croit fermement
que ça pourrait être un incitatif pour que nos familles d'accueil... des gens
aient le goût de le devenir et aient le goût de le demeurer, parce qu'on a
souvent des histoires de familles d'accueil où, la relation, parfois, avec
l'établissement ou avec l'intervenant, il n'y a pas une grande synergie, où on
se fait imposer : Bon, voici ce que tu vas faire, voici ce que... et qu'on
ne la consulte pas. Tu sais, quand je disais : Redonner un côté humaniste
à la relation entre la ressource, la famille d'accueil... excusez le terme
«ressource», je suis dans la loi, mais la
famille d'accueil avec l'intervenant, avec l'établissement, réhumaniser, qu'il
y ait ce lien-là, ce lien de confiance là qui est peut-être disparu parce que, bon, il y a eu une loi, il y a eu la
syndicalisation des ressources. Il y a eu plusieurs impératifs qui ont
peut-être fait que tout le monde a voulu rester un peu sur ses gardes. Bien,
ça, c'est nocif, ce n'est pas bon.
Puis on a... Les familles d'accueil, les
associations ont leur raison d'être, ont le droit de négocier, ont des droits, comme tout le monde, mais on pense que... Là, je
vois que le temps est restreint, mais c'est de recréer cette synergie-là
entre l'établissement et la famille d'accueil. Ça, ça aiderait beaucoup à
promouvoir.
Le Président (M.
Provençal)
: Merci beaucoup pour ces
éléments de réponse. Nous allons poursuivre cet échange avec le député de
Jean-Lesage.
M. Zanetti : Oui. Merci. Les
intervenants-ressources dont vous parlez, là, dans votre mémoire, par rapport à
l'importance de reconnaître les familles d'accueil comme partenaires, là,
qu'est-ce qu'ils feraient exactement? Pouvez-vous
nous décrire le rôle de ces intervenants-ressources-là, même s'ils ne
s'appelleraient pas nécessairement comme ça?
• (14 h 40) •
Mme Thomas (Diane) : La différence,
à l'époque puis aujourd'hui, c'est un contrôle de qualité qui vérifie
l'ensemble du service qu'on donne à l'enfant, qui va venir vérifier notre
maison, vérifier nos détecteurs, vérifier si on a des armes, tout ça. Mais,
nous, ce qu'on aimait de nos intervenantes-ressources, c'était la personne qui
venait dans notre cuisine, qui s'assoyait avec nous, qui décortiquait une crise
avec nous puis qui pouvait nous outiller puis nous dire : Moi,
j'essaierais ça comme ça, ça, je ferais ça comme ça. Et il y a des places, au
Québec, que ça ne se fait plus du tout. Et c'est ça qui est triste.
D'avoir l'inspecteur qui arrive dans la maison,
qui vérifie tout... C'est normal que vous vérifiiez tout. Ça, je n'ai pas de
problème. Mais l'intervenant-ressource, elle, c'était la personne qui
s'occupait de la ressource. Elle s'occupait aussi de voir si la famille
d'accueil allait bien, parce que, parfois, je peux vous dire que, par
expérience... que c'est très difficile. Des fois, on a des enfants qui,
malheureusement, doivent quitter, et c'est très touchant pour la famille
d'accueil. Il faut s'assurer que les familles d'accueil vont bien pour qu'elles
reçoivent des... Il faut s'assurer que la famille d'accueil comprend bien le
besoin de l'enfant aussi.
Donc, c'est ce bout-là humain qu'il nous manque,
puis ça, il faut à tout prix aller rechercher ça, parce que c'est là que ça
fait des pairages gagnants, c'est là que, souvent, on évite des déplacements.
C'est peut-être une heure de payée, je le sais, mais c'est une heure qui est
payante, je peux vous le dire.
M. Zanetti : C'est comme si vous
étiez passés dans une dynamique où la famille d'accueil se sent plus perçue
comme un prestataire de services, plus froidement, là, tandis que c'est un
partenaire qu'il faut aider, soutenir, parce que les familles d'accueil
n'arrivent pas nécessairement avec toute l'expérience, tout le temps qu'il faut
pour faire ça, pour jouer ce rôle-là. C'est ça?
Mme Thomas (Diane) : C'est
exactement ça. Le cadre de référence donne une norme à faire, mais c'est froid.
C'est un cadre. C'est très, très froid. Mais la ressource et l'enfant, c'est...
ce n'est pas écrit dans tous les livres, là. Chaque enfant est différent,
chaque ressource est différente, puis il faut faire fitter ces gens-là
ensemble. Puis il faut que les gens soient heureux. Moi, mon mandat associatif,
c'est... Puis je dis toujours qu'une famille d'accueil heureuse fait des
enfants très heureux. Mais il faut que les gens soient bien puis il faut donner
les services pour.
Je vous donne
un exemple. À un moment donné, j'ai eu une jeune qui s'est suicidée à l'âge
adulte. L'intervenante a eu du support, la famille a eu du support, ce
qui est normal, mais personne n'est venu voir la famille d'accueil pour voir si
elle, elle avait besoin d'aide. Et c'est ça qui est triste. Nous, on n'a jamais
de support, nos enfants non plus. Et ça, les gens l'oublient, nos enfants aussi
ont des droits, et ça, c'est important. Le support devrait être donné à toute
la famille. Ce que l'intervenant-ressource faisait, il s'assurait que tout le
monde était correct puis que tout le monde allait bien. C'est ça, la... C'est
ça, notre mission, de le rendre heureux, cet enfant-là.
M. Zanetti : C'est très clair. Je
vous remercie.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, M. le député. Alors,
maintenant, on complète cet échange avec le député de René-Lévesque.
M. Ouellet : Merci beaucoup, M. le
Président. Donc, à mon tour de vous saluer, M. Bissonnette, Mme Thomas.
Qu'est-ce qui fait que ça bloque, qu'on ne soit pas capables de reconnaître
qu'un jeune de 19, 20, 21 ans puisse avoir encore besoin d'aide, là? On a
souvent en tête que la majorité, c'est 18. Un permis de conduire, c'est
16 ans. Fumer du cannabis, c'est 21. Donc, pourquoi, dans le développement
de l'enfant, pour vous, c'est important de ne pas s'arrêter à 18 ans et de
donner un continuum de services à 21 ans? Pourquoi c'est... Parce que, tu
sais, au-delà des témoignages qu'on a entendus, ça semble être une priorité
fondamentale de votre groupe de travailler à faire reconnaître cette
opportunité-là. Donc, qu'est-ce qui bloque? Est-ce que c'est au niveau de la
justice? Est-ce que c'est parce que nos lois sont faites que la majorité est
reconnue à 18 ans et qu'on arrête les services parce qu'on parle que la
personne est rendue un adulte? Qu'est-ce qui
fait que ça bloque? Et comment, comme législateurs, nous, on pourrait faire
débloquer cela?
M. Bissonnette (Kaven) : Je
vais répondre. A priori, ce qu'on se rend compte, c'est que les situations où
un jeune de 18 ans peut demeurer en famille d'accueil, ça va être un
jeune, mettons, qui n'a pas terminé son secondaire V. Ça, ça peut arriver.
Dès qu'il y a un autre agent payeur, que ce soient les... pour parler des prêts
et bourses pour un D.E.P. ou pour le cégep, là, ça ne fonctionne plus, là. Là,
là, il y a une rupture. Il y a un autre agent payeur. S'il y a une demande de
prêts et bourses, on ne peut pas payer une famille d'accueil parallèlement. On
dirait, là — là,
je vous dis, c'est la perception que j'ai — dès qu'il y a un autre agent
payeur qui est disponible, ça ne fonctionne pas. Si le jeune travaille à temps
plein, bien, on oublie ça aussi. Donc, c'est là que ça accroche puis c'est là
que c'est fondamental.
Puis, honnêtement, moi, pour l'avoir vécu, là,
j'aurais aimé bien mieux de ne pas avoir à gérer. Tu sais, j'aurais aimé ça
qu'on m'apprenne à gérer un budget comme il faut, mais j'aurais aimé mieux
pouvoir faire mon cégep dans ma famille d'accueil, comme
mes collègues au cégep, qui vivaient chez leurs parents, puis qui arrivaient le
soir, puis que le repas était fait, puis qui avaient de l'aide dans leurs
devoirs, puis qui avaient un coup de main quand ça n'allait pas
émotionnellement, quand que... Parce qu'au cégep c'est une marche, là, ça fait
qu'il y a une marche entre le secondaire et le cégep. Et, quand tu arrives
d'une famille d'accueil avec ton bagage, qui n'a pas toujours été facile depuis
ta naissance, bien, tu ne peux pas monter cette marche-là seul, là. Tu ne peux
pas. C'est beau, là, qu'on me donne des prêts et bourses, puis tu as droit à un
maximum, qui n'est déjà pas grand-chose, là, mais un maximum parce que, bon, tu
n'as officiellement pas de parent contributeur... Ce n'est pas une question
d'argent, là, c'est une question... On est ailleurs.
Et ça, une famille d'accueil, bien, moi,
j'aurais bien aimé ça pouvoir vivre chez ma famille d'accueil, le temps de
faire mon cégep. Je n'aurais pas perdu autant d'années. Ça n'aurait pas été un
fiasco. Probablement que je serais devenu avocat bien avant aussi.
M. Ouellet : Je crois
comprendre... Vous faites référence à cet important moment de transition de la
vie personnelle entre une vie académique vers une vie plus professionnelle.
Cette transition-là s'opère chez plein de jeunes à 18, à 19, à 20, 21 ans,
moi le premier. J'ai eu la chance de faire mon cégep à Baie-Comeau. J'ai fait
mon université à Québec. Bien, je peux vous dire qu'à 20 ans j'avais
encore besoin de mes parents, un coup de téléphone, la fin de semaine, et un
support, là. Je n'étais pas grand, grand, grand autonome dans ce que j'avais à
faire.
Mais je comprends que, pour des jeunes en centre
d'accueil, en maison d'accueil, ce que ça prend aussi, c'est cette possibilité
d'avoir cette transition facile et qui permet un accompagnement en fonction du
besoin du jeune. C'est ça que vous nous dites aujourd'hui, donnons cette
possibilité que ceux et celles, à 19, 20 ans, qui ont besoin de support...
réussissons cette transition, pas juste de la vie académique à la vie
professionnelle mais de la vie familiale à une vie plus personnelle. C'est ça,
le message que vous nous dites aujourd'hui.
Mme Thomas (Diane) : Exactement
ça, si je peux me permettre. Présentement, le réseau compte sur nous, mais ce
n'est pas toutes les familles d'accueil qui sont capables de garder les
enfants, et ça leur crève le coeur de leur dire de partir. Vous voyez, moi, je
vais être confrontée à ça bientôt. J'ai une jeune de 17 ans qui... Je l'ai
rassurée : Je vais te garder. Mais, moi, comme famille d'accueil, ça me
fragilise, parce que je ne peux pas accueillir un autre jeune, vous comprenez.
Et toutes les familles d'accueil qui gardent leurs jeunes après 18 ans
tombent avec la charge du jeune complètement à 100 %, et personne ne les
aide non plus.
On est des gens de coeur, donc, souvent, on les
garde, mais il y en a qui ne peuvent pas. Puis je les comprends de ne pas
pouvoir, parce que, financièrement, on ne peut pas, des fois, on ne peut pas,
c'est simplement ça. Des fois, c'est une question de contrat aussi.
L'établissement, des fois, ne veut pas qu'on les garde. Et moi, je me
dis : Si un jeune adulte de 18 ans me dit : Diane, je veux
rester chez toi, aide-moi à passer à l'adulte, c'est avec plaisir que je vais
le faire. Mais j'aimerais ça que vous nous donniez le droit de les garder
jusqu'à 21 ans.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour et le témoignage et surtout votre
participation et votre contribution à l'évolution de nos travaux.
Je vais suspendre temporairement les travaux
pour faire place au prochain groupe. Merci beaucoup de vous êtes mis
disponibles pour cette rencontre.
(Suspension de la séance à 14 h 49)
(Reprise à 15 heures)
Le Président (M. Provençal)
: Nous reprenons nos travaux. Je
souhaite la bienvenue à L'Alliance des maisons d'hébergement de 2e étape
pour femmes et enfants victimes de violence conjugale. Nous aurons trois
intervenantes, Mme Lemeltier,
Mme Pontel et Mme Fedida. Alors, mesdames, je vous cède la parole
10 minutes pour votre présentation, et par la suite on fait nos
échanges. À vous.
L'Alliance des maisons
d'hébergement de 2e étape pour
femmes et enfants victimes de violence conjugale
Mme Lemeltier (Sabrina) : Bonjour,
M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Merci de nous recevoir. Je suis Sabrina Lemeltier,
présidente de L'Alliance des maisons d'hébergement de 2e étape pour
femmes et enfants victimes de violence conjugale, et je suis accompagnée de
Maud Pontel, coordonnatrice générale, et de Gaëlle Fedida, coordonnatrice des
dossiers politiques de l'alliance.
L'Alliance représente 35 maisons
d'hébergement de deuxième étape à travers le Québec, et nous tenterons de
porter à votre attention les sérieuses préoccupations des organismes
spécialisés en violence conjugale sur le projet de la loi n° 15.
Pour votre
compréhension, les maisons d'hébergement de deuxième étape offrent un
accompagnement spécialisé en violence
conjugale postséparation aux femmes et aux enfants suite à un séjour en maison
d'aide et d'hébergement, selon des
critères d'évaluation de la dangerosité de l'ex-conjoint. Nous agissons
directement en prévention de l'homicide conjugal. Cela concerne 8 %
des femmes au sortir de l'urgence, soit environ 600 femmes au Québec
chaque année.
L'absence de la
reconnaissance, dans la Loi de la protection de la jeunesse, de la violence
conjugale comme motif de compromission a de très sérieuses conséquences pouvant
aller jusqu'au meurtre des enfants.
Nous partageons avec vous cet exemple. Une maman
et ses enfants arrivent en maison d'aide et d'hébergement pour femmes victimes
de violence conjugale suite aux menaces de mort proférées par le conjoint. Il y
a eu intervention policière, arrestation et une plainte au criminel. En
parallèle, un signalement est fait par la police à la protection de la
jeunesse. Afin de maintenir un filet de sécurité autour de la famille, celle-ci
ira ensuite en maison d'hébergement de deuxième étape. La DPJ s'implique dans
la vie de madame et souhaite mettre en place des visites supervisées pour que
le papa puisse revoir ses enfants. Maman exprime ses craintes, nomme que
monsieur veut la tuer et qu'il pourrait s'en prendre à ses enfants pour lui
faire du mal. Elle est entendue, mais l'intervenante nomme que les événements
ont eu lieu il y a plusieurs mois, qu'elle est en sécurité, ainsi que ses
enfants, que monsieur a droit et qu'il est dans l'intérêt des enfants de voir
papa. Des visites supervisées sont mises en place, et il est demandé à maman de
collaborer dans l'intérêt des enfants. Lors d'une visite supervisée, monsieur
fait une demande à laquelle l'intervenante de la protection de la jeunesse
opposera un refus. Monsieur, en réponse, menace de mort l'intervenante à la
protection de la jeunesse. Ce fut le salut de madame et de ses enfants. La
dangerosité de monsieur est enfin reconnue. Une plainte est déposée. Monsieur
est arrêté, et les visites sont suspendues.
Nous lançons aujourd'hui un cri d'alarme. Les
enfants victimes de violence conjugale ne sont pas protégés actuellement par la
Loi de la protection de la jeunesse, et nous allons, à travers notre
présentation, démontrer comment la loi, telle que modifiée, ne va pas changer
cette affirmation. Merci.
Mme Pontel (Maud) : Quand les femmes
et les enfants arrivent en maison d'hébergement, ils sont souvent désorientés
et affolés d'avoir pris la fuite avec quelques effets personnels, et surtout
confrontés à l'inconnu. Les mères et les enfants sont souvent en état de choc.
Les femmes se mettent en mode de protection pour elles et leurs enfants.
Lorsque l'on parle de violence conjugale, on ne parle pas d'une chicane de
couple mais bien d'une dynamique insidieuse qui s'établit dans le temps et se
poursuit bien au-delà de la séparation. Bien que la violence revête plusieurs
formes, il est important d'évoquer le contrôle coercitif. On parlera alors
d'une multiplicité d'actes de contrôle et de manipulation qui vont petit à
petit isoler les femmes et les enfants, les enfermant psychologiquement et
alimentant leur peur des représailles si leur soumission n'est pas totale.
Considérant notre contexte d'intervention, les
maisons d'hébergement de deuxième étape, nous pouvons affirmer sans aucun doute
que, pour l'ensemble des femmes et des enfants qui y sont hébergés, la fin de
la relation ne constitue pas un arrêt de la violence, mais bien au contraire.
Les techniques de contrôle de l'agresseur se multiplient et se diversifient
afin de maintenir son emprise.
Les femmes victimes de violence conjugale
postséparation qui sont hébergées dans nos maisons craignent pour leur sécurité
et celle de leurs enfants. Alors que ces mères évoquent leur crainte d'un
passage à l'acte sur elles ou sur leurs enfants, cette peur n'est pas
considérée à la hauteur de la gravité qu'elle représente pour eux. Trop
souvent, ce qui est, pour nous, de la violence conjugale postséparation sera
perçu comme un conflit sévère de séparation par les intervenants de la DPJ, où
les actions des mères, qui sont en mode de protection, pourront jusqu'à être
qualifiées de comportements aliénants. En résulte alors une possible mise en
danger du fait que les plans d'intervention proposés par les intervenants de la
direction de la protection de la jeunesse, basés sur une évaluation de la
dynamique familiale plutôt que conjugale, ne sont pas pensés en fonction du
risque de récidive de l'ex-conjoint ou de l'exposition à la violence mais
orientés vers une coparentalité où la responsabilité de la mère et du père sont
mises sur un même pied d'égalité. En
d'autres mots, on rappelle constamment à ces mères leur responsabilité de
collaborer avec leur agresseur. On constate une dissociation entre les
capacités parentales et les comportements violents du père, et, par le fait
même, une minimisation de la violence vécue
et de ses impacts néfastes sur les mères et les enfants. Les mamans auprès
desquelles la direction de la
protection de la jeunesse intervient
ne sont pas responsables du lien père-enfant, tout comme elles ne sont pas responsables de la violence qu'elles ont vécue
et qu'elles continuent d'expérimenter dans un contexte de
postséparation.
Considérant les effets dévastateurs de la
violence conjugale à court, moyen et long terme et les impacts sur le
développement des enfants qui y sont exposés, et ce, même dans un contexte de
postséparation, il nous apparaît impératif de considérer l'exposition de la
violence conjugale comme un motif de compromission en soi. Cela permettrait une
détection et une évaluation beaucoup plus justes des situations et permettrait,
par le fait même, de mettre en place des interventions visant une véritable
mise en sécurité des mères et des enfants. Merci.
Mme Fedida (Gaëlle) : En
terminant, une fois qu'on a dit ça, que la violence conjugale doit devenir un
outil de compromission comme tel, il faut aussi parler de l'efficacité de la
loi et des dispositions à prendre pour la mettre en cohérence avec l'ensemble
du travail gouvernemental contre la violence conjugale qu'on a pu connaître
massivement depuis les deux dernières années. Donc, on parle de cohérence avec
la définition qui est incluse dans la Loi sur le divorce, de la violence familiale, qui reprend, justement, ces éléments
de contrôle coercitif qui sont dans la définition de la politique
québécoise. C'est la concordance avec le rapport Rebâtir et, notamment,
tout récemment, donc, la Loi sur les tribunaux spécialisés, qui dispose de la
nécessité de services intégrés pour ces familles, c'est la concordance avec les
recommandations de la commission Laurent,
qui préconisait très, très explicitement le fait d'introduire la violence
conjugale comme un motif de compromission,
et c'est aussi la concordance avec les travaux du coroner, qui démontrent bien
qu'il faut profiter de chaque contact avec
les services pour pouvoir agir pour améliorer la protection et la sécurité des
personnes.
Bien entendu, tout ça, au final, requiert aussi
un investissement majeur dans la formation des personnels. On a déjà vu
plusieurs initiatives dans ce sens sur le terrain. Notre mémoire vous expose
l'initiative que nous avons conduite avec la DPJ de Montréal dans la dernière
année et qui a porté des fruits extrêmement intéressants. On va s'arrêter là.
Je voulais aussi
simplement vous rementionner, pour vous mettre un petit peu dans le contexte de
ce que vivent les enfants, qu'on vous a fait parvenir ce document, qui
s'appelle Il se prenait pour le roi de la maison!, qui est un ouvrage
fait par des chercheurs en sciences sociales avec des enfants victimes de
violence conjugale et qui peut vous éclairer sur la réalité que vivent ces
enfants aujourd'hui. Merci.
Le
Président (M. Provençal)
:
Merci beaucoup. Nous allons maintenant débuter l'échange avec M. le
ministre. M. le ministre, je vous cède la parole.
M. Carmant : Merci beaucoup, M.
le Président. Mme Lemeltier, Mme Pontel, Mme Fedida, merci
d'être là. Merci pour ce que vous faites également pour les femmes vulnérables.
Donc, je pense que la discussion doit vraiment focusser sur votre point, là, la
violence conjugale.
Nous, on avait... Tu sais, comme vous parlez de
l'action gouvernementale, on avait regardé ça. Premièrement, mon collègue ministre
de la Justice, dans son projet de loi n° 2, là, sur le droit de la
famille, a clairement exprimé que la parentalité doit s'exprimer sans violence,
là, ce qui, je pense, est un pas vers l'avant significatif. Puis, nous, ce
qu'on a entendu ici, puis je vais voir si vous êtes... si c'est suffisant ou
si... est-ce que vous... si c'est ce que vous recherchez. M. Hotte nous a parlé
qu'on pourrait mettre dans un alinéa spécifique la violence conjugale, qui,
actuellement, dans la loi de la DPJ, est à l'article 38c, dans le grand
groupe, là, des... comment on appelle ça, des...
Une voix : ...mauvais traitements
psychologiques.
M. Carmant : ...mauvais traitements
psychologiques, exactement. Donc, est-ce que ce serait le genre de modification
que vous regarderiez? Seriez-vous satisfaites?
• (15 h 10) •
Mme Fedida (Gaëlle) : Absolument.
C'est d'introduire un nouvel alinéa qui soit, en soi, un motif de compromission
à l'égard des mauvais traitements psychologiques. Oui, tout à fait.
M. Carmant : D'accord. Bien, ça, on
accepte ça très positivement, là. Puis évidemment on va en discuter avec nos
collègues, mais ça a été accueilli très positivement par tout le monde, je
crois.
Une chose que j'aimerais parler avec vous, là,
puis c'est quelque chose que... dont je suis même sorti publiquement, là, c'est
cette histoire d'aliénation parentale. Comment on améliore ça, là? C'est un
non-sens, là. C'est un paradoxe choquant, là, cette histoire-là. Comment on
règle cette histoire-là?
Mme Pontel (Maud) : Effectivement.
Quand on parle d'aliénation parentale, on se rend compte que ça a été utilisé
sans des données probantes et que le fait d'avoir, justement, cette absence de
contexte, de recherche, etc., ça fait en sorte que c'est utilisé à tort et à
raison.
Donc, ce que
nous, on constate avec les femmes avec lesquelles on travaille... D'une part,
on travaille dans un contexte postséparation.
Donc, quand les intervenants de la DPJ arrivent, là, dans les dossiers des
enfants, la séparation s'est déjà opérée.
Et ce que l'on voit, ce que les... comment dire, les intervenants vont
qualifier soit de conflit sévère de séparation ou encore de comportement
aliénant ou d'aliénation parentale, pour nous, c'est clairement de la violence
conjugale postséparation.
Quand on parle d'aliénation parentale... Et ce
qu'on retrouve, nous, par exemple, chez les femmes avec lesquelles on travaille
dans nos maisons d'hébergement, c'est que ces femmes sont en mode de
protection. Elles ne sont pas en train d'aliéner les enfants en disant que papa
est un malpropre, ou quoi que ce soit, elles sont en mode de protection. Ces
femmes ont vécu de la violence, des abus à répétition, ont été menacées de
mort, de violence physique. Les enfants aussi. Donc, il est tout à fait
légitime, pour ces femmes, pour ces mères, d'exprimer leurs craintes à l'égard
de la violence que le père pourrait faire subir aux enfants ou encore à l'égard
de la violence qu'elles pourraient subir.
Ce qu'on
voit, c'est que, dans une perspective où la parentalité, la coparentalité est
encouragée, où les deux parents sont mis sur un même pied d'égalité,
bien évidemment, ça va fausser toutes les analyses et toutes les évaluations.
Pourquoi? Parce qu'on est en présence d'un débalancement de pouvoir entre une
personne qui agresse et une personne qui est victime. Donc, une personne qui
est victime va exprimer ses craintes, va exprimer ses peurs. Les enfants vont
aussi, eux, exprimer leurs craintes et leurs peurs, et tout de suite on va se
mettre à penser que c'est parce que maman ne veut pas que les enfants voient le
papa, parce que maman porte un discours qui est dénigrant par rapport à papa.
Alors, que les intervenants se mettent dans une perspective de travail de
coparentalité... La coparentalité, c'est quelque chose qui ne fait pas de sens
dans une dynamique de violence conjugale.
Donc, quand
on entend parler d'aliénation parentale, je pense que c'est une manière de
justifier la position du père, de la
parentalité du père versus ce qu'on impose aux mères en termes de responsabilité
et de l'absence de prise en compte de leur
vécu de violence conjugale. Donc, les intervenants vont encourager la
coparentalité, vont encourager la présence du père, mettre en place des plans d'intervention qui ne
font pas de sens et qui mettent en danger la mère et les enfants. Et,
quand les mères ou les enfants abordent
leurs préoccupations, leurs craintes, on va parler d'aliénation parentale. Ça
ne fait absolument aucun sens. Il n'y
a pas de volonté de manipulation, il n'y a pas de volonté de contrôle, il y a
juste une volonté de protection.
M. Carmant : Donc, est-ce que...
Mme Fedida (Gaëlle) : Pour revenir à
la question concernant qu'est-ce qu'on peut faire par rapport à ça, on s'est
rendu compte, justement, qu'avec de la formation auprès des intervenants de la
DPJ aux réalités de la violence conjugale et de la
violence conjugale postséparation c'est là qu'on a vécu... On a vécu, même, des
expériences assez incroyables avec eux. On explique, dans le mémoire, qu'on a
tout un projet avec la DPJ de Montréal. On a fait des sensibilisations auprès
des 500 intervenants de Montréal. Et, au sortir de ces séances, plusieurs
disaient : Mais, mon Dieu! il va falloir que je revoie mon «caseload»,
parce que, là, avec ce que je viens de comprendre ce matin, bien, je me rends
compte que j'en ai échappé puis qu'il y en a qu'il va falloir que j'aille
réviser. C'est vraiment... Et, pour eux, c'est... Pour nous, c'est très
encourageant, parce que c'est une prise de conscience qui mène à l'action.
Donc...
Mme Pontel (Maud) : Et je
rajouterais même que, dans les sensibilisations qu'on a menées, c'était
vraiment d'amener les intervenants à analyser les situations non plus
uniquement au niveau de la dynamique parentale mais aussi de la dynamique
conjugale. Et, à partir de ce moment-là, ça faisait une véritable différence
dans leur capacité à comprendre les situations et à détecter des éléments de
violence conjugale.
M. Carmant : Je suis très
heureux vous entendre dire que la formation est utile et même clé. On va
s'assurer que vous soyez invitées au forum, parce que je pense que ça va être
le bon endroit pour faire ça, là. Je pensais que c'était quelque chose de plus
ancré, mais, si la formation, là... C'est parfait, ça.
Je voulais vous demander également les... Un des
gros enjeux qu'on a discuté cette semaine, puis, vous, je crois que ça va vous
impliquer beaucoup, c'est l'enjeu de la confidentialité, comment on gère ça
dans un contexte, là, de violence conjugale, puis pas juste les... des deux côtés,
du côté de la mère... bien, non, non, je ne devrais pas dire ça, là... du côté
de l'agresseur et du côté de la personne agressée. Comment on gère ça?
Mme Pontel (Maud) : Vu qu'on ne
voit pas notre collègue, là, c'est un petit peu difficile de savoir si jamais
elle veut prendre la parole. Sabrina, je vais commencer, puis éventuellement,
là, si tu veux... si tu veux supporter... Je pense que, quand on parle,
justement, là, au niveau de la confidentialité, à partir du moment où il y a
une évaluation sévère du risque, la confidentialité doit être levée. Donc,
quand on travaille... Moi, j'ai la chance, là, d'être membre du comité du
coroner sur l'analyse des décès en contexte de violence conjugale, et c'est
vraiment une des informations clés, là, dans nos discussions, où, quand on voit
qu'il y a une un risque élevé de passage à l'acte, de dangerosité, il faut
absolument qu'il y ait un partage d'information entre les différents
intervenants clés. Et je pense que ça va aussi dans le sens, là, de la mise en
place des cellules d'intervention rapide en violence conjugale.
Donc, tout ce qui est le projet pilote, là, au
niveau du ministère de la Justice, ça va dans ce sens-là, où on va réunir des
acteurs du terrain qui vont être au courant d'une situation à haut risque de
passage à l'acte, et donc les informations vont pouvoir être partagées dans ce
sens-là. Mais ça fait... c'est une des clés, là, vraiment, au niveau d'une
meilleure intervention puis de la mise en place d'un filet de sécurité rapide
et efficace.
Mme Fedida (Gaëlle) : Et on
comprend que ça pose des questions aux gens de la DPJ, parce que, c'est bien
clair, ils sont dans un cadre, actuellement, où on leur dit : Tout ça,
c'est confidentiel, il faut protéger les données, etc.
Maintenant, les dispositifs en cours, les
cellules de crise, elles sont déployées actuellement dans plusieurs régions,
mais enfin il y en a quand même un certain nombre qui étaient déjà très
fonctionnelles depuis plusieurs, plusieurs années. Et tous les dispositifs de
levée de confidentialité dans le cas de dangerosité sont déjà connus, et on a
déjà des outils pour ça et des processus de... à partir de quand est-ce qu'on
déclenche la levée de confidentialité, par exemple.
Donc, tout ça, ce sont des processus qui existent actuellement et qu'on peut
tout à fait mettre en place également dans un meilleur arrimage et
articulation du travail avec la DPJ.
M. Carmant : Mais moi, je vais vous dire que je suis confronté
régulièrement avec des histoires où un professionnel dans la famille n'a
pas voulu partager l'information, cellule de crise ou pas, là.
Mme Fedida (Gaëlle) :
Effectivement, mais... (panne de son) ...certains ordres aussi et, encore et
toujours, la formation. L'objectif de ces professionnels, leur mandat, ça reste
la protection. Et puis leur mandat, ce n'est pas la protection des données.
Leur mandat, c'est la protection des personnes. Donc, ça, ça fait partie de la
formation, justement, de bien distinguer à quoi sert la confidentialité. Elle
sert elle-même à protéger les personnes. Donc, quand la règle de
confidentialité devient contre-productive par rapport à l'objectif de mise en
sécurité , bien, c'est clair que la règle, elle tombe, effectivement.
M. Carmant : Parfait. C'est bien
entendu, ça. Peut-être, M. le Président, je passerais la parole à la députée de
Lotbinière-Frontenac.
Le Président (M. Provençal)
: Lotbinière-Frontenac? Avec plaisir.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Bonjour, mesdames. Moi, j'aimerais ça qu'on... Bien, on a parlé de... M. le ministre a parlé de confidentialité.
J'aimerais ça que vous parliez, à votre niveau, les maisons d'aide et
d'hébergement, comment ça fonctionne, la confidentialité avec la... par
exemple, les intervenants de la DPJ. Vous parliez souvent, là, de sens unique.
Mme Fedida (Gaëlle) : Sabrina.
• (15 h 20) •
Mme Lemeltier
(Sabrina) : Oui. Je peux... C'est certain qu'à partir du moment que la
protection de la jeunesse est impliquée dans le dossier et que nous recevons
maman et ses enfants une prise de contact va être faite, toujours avec
l'autorisation de maman. Et puis, là, on est vraiment dans, je dirais, une
collaboration active autour de la maman et des enfants.
Où ça va poser, des fois, un problème, et puis
je ne répéterai pas ce qui a été dit un peu plus tôt, c'est quand, par exemple,
nous évaluons que la dangerosité de monsieur est assez élevée. Nous faisons une
analyse auprès de l'intervenant de la
protection de la jeunesse, et qui va nous refléter que nous, nous empêchons
madame de prendre de la distance ou
d'avoir une attitude plus positive par rapport aux droits du papa et, par
exemple, à des accès du papa aux enfants.
Donc, je vous dirais qu'au niveau de la
confidentialité, à partir du moment où la femme est en maison d'hébergement,
nous collaborons activement avec les intervenants de la protection de la
jeunesse.
Mme Fedida (Gaëlle) : Ce qu'on peut
voir, peut-être, simplement, c'est qu'à un moment donné aussi, malheureusement, c'est très personne dépendant, et
on voit des... je dirais, des qualités d'expertise vraiment très, très,
très différentes d'une personne à l'autre, d'une région à l'autre. Donc, c'est
là aussi que l'élément de la formation redevient majeur, parce que c'est là qu'on donne des bases communes, une
compréhension commune de ces enjeux-là aux travailleurs.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
À ce que j'ai compris, là, durant les derniers mois, pendant mon mandat de
violence conjugale, c'est que la formation des intervenants est quand même
différente d'un établissement à l'autre. La notion de violence conjugale n'est
pas vue dans tous les établissements d'enseignement. C'est un peu laissé à
chaque établissement. Est-ce que vous pensez qu'il y aurait un... Tu sais, je
le sais, que vous, vous faites de la formation des intervenants qui sont déjà
en poste, mais il y a beaucoup, beaucoup de... je dirais, de... le terme
anglais, «turnover», là, dans le personnel. Est-ce que la formation en violence
conjugale de tous les intervenants déjà, à la base, dans les établissements
d'enseignement, serait un plus pour vous, là?
Mme Pontel (Maud) : Absolument, absolument.
C'est sûr que, si on prend l'exemple de ce qui s'est passé, là, au niveau de
notre collaboration avec Les Centres jeunesse de Montréal, la première
sensibilisation a permis de toucher plus de 500 personnes, donc,
500 intervenants, des chefs d'équipe, des superviseurs, des... même des
avocats. Et maintenant cette sensibilisation-là, elle a été enregistrée. Elle
est obligatoire pour tous les nouveaux intervenants qui arrivent à la DPJ. Ça
fait partie de leur passeport de formation. Donc, il y a un document qui a été
développé en collaboration, qui s'appelle Les essentiels — Violence
conjugale, violence conjugale postséparation, et donc tous les nouveaux
intervenants, parce qu'effectivement il y a beaucoup de roulement de personnel,
tous les nouveaux intervenants doivent suivre, voir ce webinaire-là et avoir
accès au document sur les essentiels en violence conjugale, violence conjugale
postséparation.
Mais, au-delà de ça, effectivement, on le voit,
d'une région à l'autre, d'un établissement à l'autre, la formation est assez
inégale. Et je pense que ça devrait venir d'en haut pour qu'il y ait vraiment
une uniformisation et une harmonisation quant à la formation en violence
conjugale et violence conjugale postséparation.
Mme Fedida (Gaëlle) : Et effectivement
le fait d'introduire les notions... cette notion-là dans les cursus de
formation initiaux, oui, mais on n'est pas là. Mais, oui, on est tout à fait
favorables à ça, bien entendu. On le dit depuis deux ans, d'ailleurs, sur
beaucoup de corps de métier. Ce n'est pas uniquement au niveau de la DPJ, c'est
au niveau de toutes les occasions de contact que ces femmes et ces enfants ont
avec les institutions. C'est ce qui est démontré aussi dans les rapports de
coroner, où on voit que, malgré... enfin, les homicides ont eu lieu alors que
tous ces gens-là avaient été connus des services... des différents services,
dont la DPJ, mais pas seulement, donc, les occasions ratées d'intervenir et de
bonifier un filet de sécurité. Donc, c'est certain que, si ça faisait partie du
corpus initial dans les formations que reçoivent ces gens-là à l'université ou
dans les écoles, travail social, etc., ce serait, bien évidemment, extrêmement
facilitant pour la suite.
Le
Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous allons poursuivre cet échange
avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Je vous cède la parole, madame.
Mme Weil : Oui. Alors, bienvenue. Et
c'est tellement, comment dire, important que vous soyez là, qu'on puisse avoir
votre point de vue, avec le nombre de féminicides qu'on a vécus et, moi, de
beaucoup de cas personnels, les gens qui m'appelaient. Et je me rappelle quand
le ministre avait réagi sur cette... l'autorité parentale, et c'était un cas
semblable. Il a dit : Il faut corriger absolument la loi. Je ne me
rappelle pas exactement les circonstances, mais c'est les droits de visite
qu'on donnait, donc... bien, qu'on donnait au père violent, même avec un
dossier criminel, et qui... et la femme était victime de violence conjugale.
Alors, les femmes aux prises avec ça avec qui j'ai pu parler, les avocats aussi
disent que la DPJ, les intervenants ne reconnaissaient pas du tout le syndrome
de la femme victime de violence conjugale, pensaient qu'elle était juste têtue
puis faisait à sa tête, puis la primauté parentale faisait qu'ils allaient
toujours essayer de bâtir des ponts, l'enfant terrorisé d'aller passer la fin
de semaine avec son père, qui s'en prenait beaucoup à sa mère.
Alors, tout ça, la formation, je me
demandais : Est-ce qu'il faudrait... C'est tellement important, ce sujet,
tellement important. Il faut que toute la société soit mobilisée autour de ça.
Et là, voilà, la loi est ouverte. C'est sûr qu'il y a certaines intervenantes
et, dépendant des régions, c'est inégal. C'est surtout ça qui est important,
c'est qu'ils ont besoin de formation.
Moi,
je n'aurai jamais connu ça parce que... La plupart des gens ne connaissent pas
ça, mais les avocats ont besoin de bien comprendre, tout le monde, les juges,
etc., les syndromes, les aspects psychologies, qu'est-ce qu'ils ont vécu,
comment l'homme peut agir, hein, bon, même ça, le profil. En psychologie, ils
savent bien reconnaître le type de profil, et j'imagine que vous connaissez
bien le profil aussi. Il y a des patterns qui reviennent. Et on ne parlera pas
de l'aide qu'il faudrait donner, évidemment, à cette personne, mais surtout en
termes de protéger les enfants.
Est-ce qu'il y aurait
un considérant ou un préambule, quelque chose auquel on pourrait réfléchir? Et,
si vous n'avez pas la réponse aujourd'hui... Parce que je trouve que c'est un
sujet tellement important, que la société soit mobilisée autour de cette
question. On le voit, que c'est partout, hein? Ce n'est pas juste au Québec,
c'est au Canada, c'est partout. Mais là on a l'occasion, parce qu'il y a, en
justice... il y a ce projet de loi, ici, le projet de loi protection de la
jeunesse. On serait capables de vraiment mettre de l'avant cet enjeu-là.
Donc, ça, c'est une
question que j'ai, si vous avez pensé à cet aspect-là. Je pense que vous êtes
surtout là pour nous dire que ça prend de la
formation sérieuse et étalée partout au Québec, hein, donc, cette formation.
Est-ce qu'il y a d'autres recommandations que vous voulez mettre en
lumière?
Mme Lemeltier
(Sabrina) : Gaëlle, est-ce que tu me permets?
Mme Fedida
(Gaëlle) : Oui. Go.
Mme Lemeltier
(Sabrina) : Oui. C'est certain que la formation est un élément
important, on l'a souligné, mais ce qui est très important, c'est de s'assurer,
comme il a été nommé un peu plus tôt dans notre présentation, que l'ensemble
des mesures prises par le gouvernement soient cohérentes.
Donc, par exemple,
vous l'avez nommé, on peut être au criminel, avoir un monsieur qui est accusé
de choses très graves et qui va accéder, à travers la protection de la
jeunesse, à des droits d'accès à ses enfants, et les cours ne se parlent pas. À
travers le tribunal spécialisé, c'est ça qui va être possible, c'est-à-dire que
l'ensemble des cours se parlent et qu'on se centre sur les besoins... bien, sur
la sécurité de la maman et des enfants. En ayant une loi n° 15
qui reconnaît la violence conjugale clairement, je vous dirais que je pense que
la formation va suivre, et ensuite nos mesures de protection vont être
cohérentes les unes envers les autres.
Donc, nous, on le
voit vraiment comme un tout. La formation, c'est un plus, mais ce qui est
important, c'est d'avoir des lois claires, d'avoir une orientation
gouvernementale à travers toutes les mesures ensemble pour qu'elles se
complètent et avoir, je dirais, des ancrages juridiques forts qui nous
permettent de... quand on donne les formations, aussi, de dire : Voilà où,
dans la Loi de la protection de la jeunesse, on reconnaît qu'il est nécessaire
de protéger les enfants. Et là on va avoir quelque chose qui va se tenir dans
son ensemble.
Mme Weil :
Tous ceux qui ont une responsabilité vis-à-vis ces enfants, incluant les
familles d'accueil, parce qu'on vient de... Alors là, ils nous ont fait une
présentation. On a eu deux présentations très, très intéressantes sur leur besoin de bien connaître l'historique de l'enfant,
et donc que cette information soit partagée. Eux aussi, ces familles-là,
elles aussi auraient besoin de formation. Donc, c'est de bien réfléchir à tous
ceux qui sont dans le parcours de cet enfant... puissent connaître son parcours
mais être formés pour reconnaître. Parfois, ils ont été victimes eux-mêmes,
parfois non, mais traumatisés, quoi qu'il en soit. Alors donc, vous voyez ça,
cette formation, qui irait sur toute la ligne, essentiellement.
• (15 h 30) •
Mme Fedida
(Gaëlle) : Absolument. Puis la question de la cohérence
gouvernementale aussi. Bon, vous verrez que certains chiffres dans notre
mémoire... Si vous comprenez que les deuxième étape sont là pour héberger ceux
qui sont à plus gros risque de dangerosité et d'événements critiques, bien,
clairement, il faut... clairement, c'est l'arrimage global, là, c'est-à-dire...
Je pense que... Excusez-moi, j'ai perdu mon idée. Je vais repasser la main à ma
collègue Maud et je reviendrai après.
Mme Pontel
(Maud) : Donc, oui, c'est vraiment au niveau de la cohérence entre
toutes ces différentes actions qui se sont... On l'a vu, il y a vraiment une
volonté gouvernementale d'agir par rapport à la violence conjugale. Je vous
dirais aussi, ce qui... c'est un devoir de société. C'est un devoir de société.
La violence conjugale n'est pas uniquement quelque chose qui se passe dans la
sphère privée. C'est quelque chose qui se passe dans la sphère publique. On l'a
vu, vous l'avez dit, 18 féminicides, plusieurs infanticides,
40 enfants orphelins maintenant à cause de ces meurtres-là. C'est un
devoir social qu'on doit se faire que de pouvoir comprendre à quel point la
violence conjugale n'est pas uniquement
quelque chose qui se passe derrière les portes closes, mais que tout le monde a
un rôle à jouer à l'intérieur de ça.
Donc, effectivement,
quand on parle d'avoir un motif de compromission spécifique sur la violence
conjugale, c'est aussi donner une orientation par rapport à tout ce qui va
découler de ça. Donc, il faut que l'instrument législatif puisse donner cette
orientation en démontrant que la violence conjugale est un enjeu de société, et
de là va découler, je dirais, une cohérence dans les actions, une cohérence
dans la formation et une prise de conscience pour toutes les personnes qui vont
travailler à protéger les enfants.
Le Président (M.
Provençal)
: Mme la députée de
Bourassa-Sauvé aurait... voudrait intervenir.
Mme
Robitaille : O.K. Merci. Donc, deux minutes environ?
Le Président (M.
Provençal)
: Deux minutes.
Mme
Robitaille : O.K. Je veux juste revenir un peu sur le point 3,
là, de vos recommandations. Vous dites que les services de la DPJ devraient
avoir l'obligation statutaire de collaborer avec les milieux d'hébergement. Il
me semble que c'est une évidence, c'est vrai, mais vous... selon votre
expérience, ça ne se fait pas assez et ça ne se fait pas systématiquement.
Mme Fedida
(Gaëlle) : Bien, en fait, comme on dit, ça va sans dire, mais ça va
mieux en le disant, je vais répondre comme ça. Comme on l'a expliqué, elle
était très, très, très inégale d'une région à l'autre, puis, même, dans une
même région, ça peut être très inégal d'un service à l'autre.
Après ça, c'est sûr
qu'on essaie quand même de nouer des relations avec les directions, hein,
régionales. Malheureusement, les dispositifs ne sont toujours pas en place
partout. Ça, c'est quand même des mesures du plan d'action qui datent de 2018
et toujours pas en place dans toutes les régions, alors que les budgets sont
là, la volonté politique est là. La mesure, elle est inscrite...
Mme
Robitaille : Mais ça ne bouge pas.
Mme Fedida
(Gaëlle) : ...mais ce n'est toujours pas ce qui se passe dans la
réalité, malheureusement.
J'aurais
juste voulu faire peut-être une... justement, rebondir aussi sur une autre
question qui a été posée sur, O.K., la
formation, d'accord, mais quoi d'autre. Bien, justement, le mandat de la DPJ,
la compréhension du mandat de la DPJ.
Le problème qu'on a,
c'est que, même quand on a des interlocuteurs qui s'assoient avec nous aux
tables de concertation, par exemple, bien, assez régulièrement, je dirais, ce
n'est pas le responsable du service qui est là. Ils envoient quelqu'un qui va
prendre des notes. Il va, éventuellement, comprendre ou ne pas comprendre les
enjeux dont on parle. Puis, voilà, il n'y a pas une présence active, et
consciente, je dirais, et solide de l'institution DPJ dans ces
concertations-là, alors que c'est là que ça se joue, c'est là qu'il serait
capable de comprendre, c'est là qu'il serait capable d'entendre aussi ce que
les maisons disent.
Donc, c'est sûr,
nous, on travaille dans des maisons d'hébergement. Donc, pour nous, un milieu
de vie comme un milieu d'hébergement, c'est certain qu'on a les enfants avec
nous au quotidien, là. Donc, on a quand même une capacité de parler de leur
vécu. Et puis, bon, les intervenants sont aussi des professionnels, là. Ce
n'est pas une gang d'amis, là. Ce sont des gens qui, eux-mêmes... elles-mêmes
aussi, font parfois des signalements à la DPJ. On a, de toute façon, notre
éthique aussi, là.
Mme Pontel
(Maud) : Mais effectivement il y a un besoin de collaboration puis
d'établir des mécanismes qui puissent faciliter le dialogue et la
collaboration. Et, je dirais, quand on voit des directions qui sont très
ouvertes, justement, à la collaboration, c'est là où il va y avoir, comment
dire, des interventions beaucoup plus positives. Donc, il y a vraiment une nécessité de reconnaître l'expertise, aussi, qui est
en maison d'hébergement, parce qu'effectivement, quand les expertises se
rencontrent et qu'elles avancent dans une même direction, là, on est capables
de faire des avancées quand même remarquables pour la sécurité des enfants.
Mais, dans un dialogue, il faut que les deux personnes aient la volonté de se
parler. Or, ce que l'on peut voir sur le terrain, c'est que, parfois, il y a un
des deux côtés qui est un petit peu plus fermé. Donc, c'est important
d'apporter ça au niveau des directions pour qu'elles entendent ce que les
maisons d'hébergement ont à dire et qu'elles s'inscrivent dans des mécanismes
de collaboration.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous allons poursuivre maintenant avec le député de
Jean-Lesage.
M. Zanetti :
Oui. Je vous remercie. On vient de recevoir, d'ailleurs, le livre. Alors, je
vous remercie pour ça. On sait que le comité, là, qui a mené au rapport Rebâtir
la confiance a été aboli, mais est-ce qu'il y a des éléments de ce
rapport-là, qui touchent la DPJ, qui n'ont pas été nommés aujourd'hui et que
vous voudriez porter à notre attention?
Mme Pontel
(Maud) : Sabrina.
Mme Lemeltier (Sabrina) : Bien, dans le rapport Rebâtir la confiance,
ce qu'on voit vraiment, c'est qu'il y avait... en parallèle, la
commission Laurent avait lieu. Donc, pour avoir participé au rapport Rebâtir
la confiance, on est vraiment... On s'est vraiment dit : La commission
Laurent fait un travail, et ça va être important de pouvoir lui laisser toute sa place. Cependant, si on regarde dans le
rapport Rebâtir, c'est vraiment ce qu'on vient vous présenter
aujourd'hui, c'est-à-dire de reconnaître la violence conjugale, que...
d'arrêter cette confusion avec les conflits sévères de séparation et d'aliénation
parentale, et de former l'ensemble des intervenants afin qu'ils aient une
intervention, je dirais, adéquate et qu'ils participent au filet de sécurité
autour de la femme et des enfants.
J'irais plus loin.
Les discussions qu'il y a beaucoup... qui ont beaucoup, je dirais, animé nos
rencontres, c'était de se dire : On veut très rapidement remettre en place
le lien père-enfant. Est-ce qu'on peut... Est-ce qu'on pourrait se permettre un
temps d'arrêt, un temps d'analyse, laisser aussi... quand il y a des démarches
légales à avoir, qu'elles progressent et qu'elles arrivent à une certaine... je
dirais, à leur conclusion pour nous permettre que l'intérêt de l'enfant soit
réellement au centre des décisions qui vont être prises au niveau de la
protection de la jeunesse?
C'est vraiment, je
vous dirais, l'essence des discussions ou des éléments qu'on peut retrouver
dans Rebâtir, où la partie sur les enfants, là, est quand même... est
quand même petite, mais sachant que la commission Laurent faisait elle-même un
travail sur ce sujet-là.
M. Zanetti :
Je vous remercie.
Le Président
(M. Provençal)
: Nous allons
poursuivre maintenant avec le député de René-Lévesque.
M. Ouellet :
Merci beaucoup, M. le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, mesdames. Je
connais bien la Maison Anita-Lebel, qui est chez moi, sa coordonnatrice, Suzie
Levasseur, car on a l'occasion de se parler à chaque année, pas juste lorsqu'il
y a des événements à souligner, des événements tragiques, des féminicides, mais
aussi lorsque les maisons de deuxième étape
font face à des défis financiers. Je pense que c'est important de reconnaître
leur importance... et du succès qu'elles apportent dans le parcours pour
sortir les femmes d'un milieu violent... de violence, pardon.
J'aimerais peut-être
revenir à la toute fin de votre mémoire ou de votre présentation. Vous
présentez le cas type d'Alice devant la CDPDJ avec les conclusions, que je
résume brièvement, là, qu'il y a un «manque de formation des intervenants de la
DPJ sur la violence conjugale, vision sur la présence du père dans la vie de
l'enfant ne correspond pas à une situation de violence conjugale, non-respect
du rythme de l'enfant compte tenu de son vécu, les autres professionnels
entourant la mère victime de violence conjugale ne sont pas consultés». Bref,
c'est quand même frustrant de voir tout ça. Alors, j'aimerais savoir de votre
part, mesdames, pourquoi la DPJ est autant réfractaire aux organismes oeuvrant
auprès des femmes. Pourquoi, selon vous, il y a un frein?
• (15 h 40) •
Mme Lemeltier
(Sabrina) : Maud.
Mme Pontel
(Maud) : Bien, je pense qu'on ne se le cachera pas, c'est une
institution qu'on peut qualifier de patriarcale. Et donc, quand on essaie de
faire valoir les droits des femmes, les droits des mères et des enfants,
ceux-ci prennent le bord au profit des droits des pères, malgré le fait que ce
soient des agresseurs.
Donc, je pense qu'il
y a beaucoup de choses à changer au niveau de l'institution, beaucoup de choses
au niveau, je dirais, philosophique. On a beaucoup évolué. On travaille
beaucoup. On comprend maintenant que... Ce que nous, on veut dire, c'est qu'il
faut entendre les femmes et les enfants quand ils évoquent leurs peurs, leurs
craintes. Il faut absolument arrêter avec la primauté du droit du père au
profit de la sécurité des mères et des enfants, particulièrement ceux qui sont
victimes de violence conjugale.
Donc, je vous dirais,
il faut faire de l'institution une institution qui puisse faire valoir la
parole de ces femmes, de ces enfants qui vivent dans des climats de peur, qui
vivent dans des climats toxiques et qui veulent absolument pouvoir vivre une
vie sans violence.
M. Ouellet : Vous
faisiez référence tout à l'heure au projet de loi n° 2, qui sera étudié
ici, à l'Assemblée nationale, et je pense que vous nous demandez ici, comme
législateurs, de porter une attention particulière aux discussions et adoption
des règles et des lois qui pourraient maintenant régir le droit de la famille.
Vous nous invitez aussi à s'assurer qu'il y a une certaine concordance.
Donc, ce qu'on va
faire aussi, en parallèle ici, d'être certains que, si on reconnaît, dans un
contexte familial, que les enfants peuvent être victimes des contrecoups de la
violence conjugale envers une femme, c'est aussi le cas en matière de
protection de la jeunesse. Donc, vous nous amenez, comme législateurs, à avoir
une oreille attentive sur ce qui se passe dans une autre commission pour être
certains que, si on convient d'une chose pour ce qui est de la protection de la
femme en matière de violence conjugale pour le droit familial, on doit avoir
cette même préoccupation, encore plus, pour les enfants dans cette commission.
C'est ce que je comprends.
Mme Lemeltier
(Sabrina) : Absolument.
Mme Pontel
(Maud) : Exactement.
M. Ouellet : Parfait.
Merci beaucoup, mesdames, de votre présentation.
Une voix : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, je vous remercie de votre collaboration et de
votre contribution à vous trois.
Nous allons suspendre
les travaux pour faire place au dernier groupe de la journée. Merci.
(Suspension de la séance à
15 h 43)
(Reprise à 15 h 54)
Le Président
(M. Provençal)
: Je souhaite la
bienvenue à M. Jean-Marc Potvin, du groupe des ex-commissaires experts de
la Commission spéciale sur les droits des enfants et sur la protection de la
jeunesse. M. Potvin est accompagné de trois de ses collègues, qui pourront
prendre la parole selon les besoins de la commission. Alors, vous avez
10 minutes pour votre présentation, et par la suite nous aurons nos
échanges. À vous.
Groupe
des ex-commissaires experts de la Commission
spéciale sur les droits des enfants et
sur la protection de la jeunesse
M. Potvin (Jean-Marc) : Alors, bien,
d'abord, merci de nous accueillir devant cette commission. Nous sommes un
groupe constitué des six ex-commissaires experts de la Commission spéciale sur
les droits des enfants et sur la protection de la jeunesse. Je suis accompagné
aujourd'hui de Danielle Tremblay, Gilles Fortin et de Jean Simon Gosselin, qui,
lui, est au téléphone. Outre nous, nous quatre, deux personnes ont participé à
la confection du mémoire. Il s'agit de
Lesley Hill et André Lebon. Alors, tous les six avons une longue expérience en
matière de protection de la jeunesse.
D'entrée de jeu, on veut souligner que la grande
majorité des enfants pris en charge par la DPJ du Québec sont maintenus ou
retournés dans leurs familles dans un délai raisonnable avec succès. Cependant,
il y a une minorité d'enfants qui entrent dans le système de protection et qui
vont y demeurer très longtemps, parfois dans des parcours qui ont commencé à un très jeune âge, marqué par
l'insécurité, les frayeurs, les manques, les ruptures. Les effets pour
ces enfants sont dévastateurs. Ce sont ces enfants qui nous préoccupent, et
qu'il faut cesser de ballotter, et à qui il faut donner une famille pour la
vie.
Il y a plusieurs enjeux adressés dans le p. l. n° 15 et plusieurs avancées. Nous les saluons sincèrement.
Mais nous n'allons traiter ici que de la stabilité de ces enfants, pour
lesquels les avancées nous semblent nettement insuffisantes. Je vais maintenant
passer la parole à Danielle.
Mme Tremblay (Danielle) : ...je
m'excuse. Je vais vous parler d'un enfant qui souffre en silence, bébé Léo. Dès
sa naissance, sa situation est signalée à la DPJ. Malgré l'aide apportée à
Sarah et Maxime, ses parents, on constate rapidement qu'il ne reçoit pas de
réponse régulière à ses besoins. Il pleure pendant des heures parce qu'il a
faim, soif, trop froid, trop chaud, besoin d'être changé. Il est amorphe et
souvent laissé seul dans son lit.
Lors d'une situation de crise, à six semaines,
il doit être placé d'urgence, car ses parents ont consommé et sont
désorganisés. Léo est confié à une famille d'accueil de dépannage au milieu de
la nuit. Les parents refusent de collaborer avec la DPJ mais n'ont pas de
solution à proposer. Le placement se prolonge, et il est déplacé vers une
famille d'accueil régulière.
Léo récupère et progresse bien en famille
d'accueil. Il est plus actif, enjoué, se développe bien. À neuf mois, il
retourne vivre avec sa maman, qui a amélioré sa situation. Il réagit beaucoup à
ce changement de vie. Malgré l'aide reçue, la maman se sent démunie et
rapidement impatiente, d'autant plus que le papa ne s'implique pas. Sept
semaines après son retour, elle n'en peut plus et, en crise, demande qu'il soit
placé, sans quoi elle menace de le frapper. À 11 mois, Léo est donc confié
à une nouvelle famille d'accueil. Cependant, il est perturbé par toute
l'instabilité et l'insécurité vécue depuis sa naissance. C'est un enfant
difficile qui fait des crises et a des retards de développement.
Entre l'âge de 11 mois et huit ans, malgré
une ordonnance de placement à majorité en famille d'accueil survenue à l'âge de
deux ans, Léo connaîtra cinq familles d'accueil. Elles démissionnent l'une
après l'autre devant l'ampleur de ses problèmes. De plus, ses parents exigent
des contacts, ce qui le déstabilise encore plus. Cette spirale d'instabilité
fait en sorte que Léo n'est plus capable de s'intégrer dans une famille. Il
provoque sans cesse le rejet. À huit ans, il est confié dans une ressource
spécialisée, en trouble sévère d'attachement. Il demeurera en ressource de
réadaptation jusqu'à ses 18 ans.
En audience, nous avons reçu des jeunes ayant
vécu un tel parcours d'instabilité. Ils nous ont témoigné des impacts négatifs
sur eux et de la grande détresse qu'ils ont vécue.
Les données de recherche nous indiquent que le
tiers des enfants réunifiés avec leur famille sont replacés dans la première
année qui suit. Le placement en famille d'accueil à majorité est le projet de
vie le plus souvent utilisé, même si c'est celui qui offre le moins de
stabilité. L'adoption et la tutelle sont peu utilisées, et de moins en moins au
fil du temps. Enfin, les durées maximales d'hébergement sont outrepassées la
plupart du temps.
Le placement à majorité constitue une solution
adéquate pour certains enfants. Les familles d'accueil doivent alors avoir tous
les leviers pour bien s'en occuper. Mais le recours à cette mesure, par défaut,
va à l'encontre de l'intérêt de nombre d'enfants, particulièrement lorsqu'ils
sont placés en très bas âge et que les parents demeurent peu impliqués.
Vivre toute son enfance sous la tutelle de la
DPJ ne constitue pas une vie normale d'enfant. S'ils ne peuvent pas retourner
chez leurs parents, l'adoption et la tutelle sont les options les plus
favorables. L'enfant ne se perçoit plus comme un enfant de la DPJ placé jusqu'à
sa majorité. Il est l'enfant d'une famille engagée envers lui pour la vie.
Concernant Léo, pensez-vous que son parcours de
vie aurait pu être différent si des décisions efficaces avaient été prises plus tôt dans sa vie pour lui permettre
de s'ancrer solidement dans une famille en bas âge? Alors, Jean-Marc...
• (16 heures) •
M. Potvin (Jean-Marc) : Alors, pour
nous, le p.l. n° 15 clarifie les principes de la loi,
notamment sur la question de l'intérêt de l'enfant et sur l'importance de la
stabilité affective. C'est très important, mais c'est insuffisant pour
infléchir des trajectoires d'instabilité telles que celle de Léo. Pour
atteindre ce but, il faut introduire dans la loi les leviers nécessaires. Voici
ces leviers.
Concernant l'intérêt de l'enfant, les valeurs et
les convictions de chacun peuvent teinter les décisions sociales et judiciaires
au détriment d'une l'analyse sérieuse des véritables enjeux pour l'enfant. Les
connaissances cliniques et scientifiques sur le développement de l'enfant et
sur ce que l'enfant exprime devraient être prises en compte impérativement dans
l'appréciation de son intérêt. Ce n'est pas toujours le cas. Nous recommandons
donc que la loi prévoie, à l'article 3, que chaque décision, tant sociale
que judiciaire, soit documentée par une analyse rigoureuse de l'intérêt
supérieur de l'enfant.
Concernant les droits et
obligations des parents, nous sommes d'avis qu'il faut sortir de l'apparente
opposition entre les droits des enfants et ceux des parents, comme s'il fallait
toujours forcément trancher en faveur de l'un ou de l'autre. Les droits des parents ne sont pas un absolu. La Cour suprême
du Canada a établi clairement le principe à l'effet que les parents sont titulaires de droits afin de
pouvoir remplir leurs obligations envers leurs enfants. Nous
recommandons donc que la loi énonce clairement, à l'article 11.4, que les
parents sont titulaires de droits afin de pouvoir remplir leurs obligations.
Concernant la permanence et la stabilité des
liens, l'article 91.1 a été introduit à la loi en 2006. Il vise à
actualiser un projet de vie stable dans un délai raisonnable lorsque le retour
de l'enfant dans sa famille n'est pas possible. Les durées maximales
d'hébergement sont alors introduites pour respecter le temps de l'enfant. Nous
constatons aujourd'hui que l'introduction de cet article n'a pas permis
d'atteindre le but visé, alors qu'il constitue l'outil principal pour assurer à
tout enfant un projet de vie stable et viable. Nous recommandons que l'article 91.1,
demeuré inchangé dans le p.l. n° 15, prévoie que les
durées maximales d'hébergement commencent à courir dès le premier placement de
l'enfant et non pas dès la première décision judiciaire sur le fond. On
recommande aussi que le seul motif qui permettrait de passer outre à ce délai
soit l'intérêt de l'enfant dans le cadre d'une analyse rigoureuse de celui-ci
et enfin qu'au terme d'une durée maximale d'hébergement, lorsque le retour de
l'enfant dans sa famille n'est pas possible... que le tribunal, un, doit
statuer... doive rendre une décision qui assure la stabilité et la permanence
des liens plutôt que de... tel que la loi actuelle l'édicte, et, deux, que le
tribunal doive aussi statuer sur le maintien ou non des contacts avec ses
parents et décider ou non du transfert de l'exercice de certains attributs de
l'autorité parentale aux personnes qui en ont la garde, toujours en fonction de
l'intérêt de l'enfant.
Concernant le recours à l'adoption et à la
tutelle, on sait clairement qu'ils constituent les projets de vie alternatifs
qui donnent les meilleures garanties de stabilité, de permanence pour les
enfants. Il faut en faciliter l'accès. Dans d'autres juridictions au Canada ou
ailleurs dans le monde, le seul fait d'atteindre les durées maximales de placement
prévues par la loi est un motif qui donne ouverture à la tutelle ou à
l'adoption. Il faut donc introduire que l'atteinte des durées maximales
d'hébergement sans retour possible de l'enfant chez les parents constitue un
motif donnant ouverture à une demande de déclaration d'admissibilité à
l'adoption ou de tutelle. Il faut aussi introduire l'adoption simple, sans
rupture de lien de filiation, pour favoriser l'adoption d'enfants plus âgés,
pour qui les liens avec leurs parents biologiques peuvent être importants à
leurs yeux.
En conclusion, l'atteinte de la durée maximale
d'hébergement qui respecte le temps de l'enfant doit réellement constituer un
moment charnière dans la vie de l'enfant pour lui offrir un projet de vie
stable, viable, sécuritaire, dans une famille pour la vie. Ce n'est pas le cas
actuellement pour bon nombre d'enfants. La grande majorité des enfants signalés
au DPJ finissent par évoluer harmonieusement auprès de leurs parents, et c'est
heureux. Mais rien n'est jamais à négliger pour soutenir les parents. Le
placement d'un enfant doit être considéré comme une situation qui requiert les
soins intensifs sociaux sans délai, mais, lorsque le retour de l'enfant n'est
pas possible, il faut avoir le courage de prendre des décisions pour préserver
l'enfant. Il importe de le faire, aussi souvent que possible, avec l'adhésion
des parents eux-mêmes. Tous les parents
veulent le bien-être de leurs enfants, y compris les parents qui n'ont pas la
capacité de les assumer.
Mais, en définitive, les décisions doivent
assurer un projet de vie alternatif qui offre les meilleures garanties pour
chaque enfant en particulier. À notre avis, le p.l. n° 15
n'intègre pas certains éléments essentiels pour qu'on puisse y arriver. Nous
sommes convaincus que non seulement il y a maintenant une plus grande
acceptabilité sociale à prendre des décisions claires et non équivoques en
faveur de la stabilité des enfants, mais que la société s'attend à cela des DPJ
et de l'État. Pour nous, le plus grand échec du système de protection est de
prendre en charge un enfant à la naissance et de voir celui-ci sortir, à ses
18 ans, du système vulnérable. Nous estimons que le devoir... l'État a le
devoir et la capacité d'infléchir de telles trajectoires d'enfants, surtout
s'ils ont été pris en charge très tôt dans leur vie. Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre exposé. En premier lieu, je vais
céder la parole au député de Vanier-Les Rivières.
M. Asselin : Bonjour. Merci, M. le
Président. Je voudrais, premièrement, vous remercier beaucoup pour la qualité
de votre mémoire et de votre présentation. Je sais que vous étiez six autour de
la table, et, franchement, votre mémoire, en particulier, m'a beaucoup touché.
À titre d'ex-directeur d'un pensionnat au secondaire, de plusieurs pensionnats
au secondaire, je sais à quel point les ados ont besoin, de temps en temps, de
prendre du recul vis-à-vis de leur famille. Puis c'est important, le travail
que vous avez fait, même si c'est des circonstances particulières dans
lesquelles vous avez présenté votre devoir.
Moi, je
souscris parfaitement au devoir que vous avez institué de donner à chaque
enfant une famille pour la vie. C'est
vraiment important d'y penser, même si parfois il y a des petites pauses qu'on
a besoin que l'enfant vive par rapport à sa famille. Donc, j'aimerais que... peut-être, que vous commenciez par
nous parler de l'atmosphère qui a régné dans votre groupe de six. Je sais que vous avez pris votre
travail au sérieux. Mais parlez-nous un peu des valeurs qui vous ont
guidés.
M. Potvin (Jean-Marc) : Bien, en
fait, nous, on s'est senti la responsabilité de produire un mémoire puis de se
faire entendre, parce qu'on estime que, si, pour la commission spéciale, il y
avait une recommandation-phare qui était d'établir un commissaire pour enfants,
concernant la protection de la jeunesse, la thématique-phare, c'est d'être
capables de procurer à un enfant une famille pour la vie, et là on a
l'impression que le p.l. n° 15 n'introduit pas les
leviers pour faire ça et qu'il y a des enfants qui vont demeurer dans des
parcours d'instabilité. C'est ça qui a animé le groupe des six. Je ne sais pas,
Danielle, si tu veux compléter, là.
Mme
Tremblay (Danielle) : Et, quand on parle d'une famille pour la vie, on
parle de stabiliser les enfants le plus tôt possible dans leur vie. Vous savez,
un tout petit enfant... Et c'est pour ça qu'on vous a présenté l'histoire de
bébé Léo. Mais l'histoire de bébé Léo reflète très bien l'histoire de plusieurs
enfants. Comme l'a bien dit Jean-Marc, ce n'est pas la majorité des enfants qui
font affaire avec le système de la protection de la jeunesse que ça concerne.
Ça concerne une petite proportion de ces enfants-là, mais c'est quand même...
ça représente, au total du nombre, un nombre significatif d'enfants à qui on ne
donne pas ces chances-là de pouvoir s'ancrer solidement dans une famille, de
pouvoir avoir un parcours de développement qui va leur permettre de réaliser
leur potentiel.
Alors... Et, vous
savez, quand on parle... Vous avez entendu beaucoup, dans le cadre de la
commission, parler d'attachement, du temps de l'enfant, mais un enfant qui
développe des troubles de l'attachement, c'est un enfant qui porte des
stigmates pour le reste de sa vie. Ça se manifeste par des problèmes de
comportement, des retards de développement, des retards d'apprentissage, des
difficultés dans ses relations interpersonnelles, et ces difficultés-là
risquent de perdurer tout au long de leur vie. C'est ce que les jeunes sont
venus nous témoigner.
Et, vous savez, bien,
il faut briser ce cycle-là des enfants qui ne sont pas bien pris soin en très jeune
âge pour éviter, justement... On a entendu parler aussi beaucoup, dans le cadre
de votre commission, de la transition à la vie adulte. C'est excessivement
important. Mais il faut essayer de faire en sorte de stabiliser le plus
possible les enfants très tôt dans leur vie, les enfants, bien sûr, qui ne
pourront pas vivre auprès de leurs parents, cette petite proportion d'enfants
là, pour éviter, justement, ces parcours-là, dont on a entendu parler, de
jeunes qui se retrouvent à 18 ans complètement démunis et qui ne sont pas
capables d'assumer leur majorité. Alors, c'est ce qui nous a animés.
M. Asselin : Mme Tremblay, M. Potvin, M. Gosselin, et monsieur... le
troisième qui vous a accompagnés, merci beaucoup pour votre
contribution.
Le Président (M.
Provençal)
: M. le ministre.
M. Carmant :
Merci beaucoup. Mme Tremblay, M. Potvin, Dr Fortin,
M. Gosselin, un plaisir de vous revoir. Merci pour le mémoire aussi puis
pour tout le travail que vous avez fait, là, lors de la commission et par la
suite.
Bon, premier point
superimportant, vous parlez d'analyse rigoureuse de l'intérêt de l'enfant.
Comment on s'assure que ça a été fait puis comment on s'assure que cette
analyse a été rigoureuse? On a entendu beaucoup de nos participants, là, parler
de... tu sais, d'inquiétudes au niveau de la transparence, puis on nous demande
beaucoup d'informations, mais on n'a pas de rétroaction, là. Comment moi, comme
législateur, je vais m'assurer que l'intérêt de l'enfant a vraiment été pris en
compte dans toutes les étapes du processus?
• (16 h 10) •
M. Potvin
(Jean-Marc) : C'est ça. En fait, notre recommandation va dans le sens
de documenter l'analyse de l'intérêt de l'enfant, donc, tant dans les décisions
sociales que judiciaires. Certains vous ont proposé de décrire l'intérêt de
l'enfant dans la loi. On pense aussi, puis on a fait cette réflexion-là à la
commission spéciale, que c'est complexe d'introduire ça dans une loi, des
paramètres de l'intérêt de l'enfant. Par contre, il y a des connaissances
scientifiques, il y a des connaissances cliniques qui sont très claires, qui
nous aident à déterminer ce qu'est l'intérêt de l'enfant dans le cas
particulier de chaque enfant.
Alors, nous, ce qu'on
veut, c'est que ce soit documenté, que le DPJ documente ça, quand il amène une
recommandation à la cour, puis que le juge reprenne ces éléments-là, avec,
évidemment, les arguments des parents, de l'enfant, mais que la discussion soit
obligée devant la cour sur l'intérêt de l'enfant, que la décision de la cour
porte sur une appréciation documentée de l'intérêt de l'enfant à partir des
arguments des parties. Ce n'est pas le cas actuellement. Dans un jugement de
cour, on va simplement invoquer qu'on prend telle décision, puis,
implicitement, on va considérer que c'est dans l'intérêt de l'enfant, sans que
ce soit expliqué. Or, on sait que les valeurs jouent beaucoup dans cette
appréciation de l'intérêt de l'enfant. Forcer la discussion devant le tribunal
sur l'intérêt de l'enfant, ça nous ramène à l'enfant, et c'est ça qui est
important, au développement de l'enfant, notamment, à l'attachement, à ses
besoins.
M. Carmant :
Vous voulez compléter, Dr Fortin?
M. Fortin
(Gilles) : Oui. Si je peux me permettre d'ajouter, justement, à ce que
Jean-Marc vient de dire, il faut aussi se préoccuper d'aller chercher la parole
de l'enfant. On ne peut pas prétendre défendre l'intérêt de l'enfant si on ne
fait pas les efforts de comprendre qu'est-ce qu'il veut, à qui est-il attaché,
qu'est-ce qui le rend heureux. Vous allez me dire : Oui, ce n'est pas
facile. C'est vrai que ce n'est pas facile. Plus l'enfant est jeune, plus c'est
difficile peut-être, mais ça se fait très bien. Il ne s'agit souvent, en bas
âge, que d'observer les comportements de l'enfant. Par ses attitudes, ses
comportements, on voit très bien qui est significatif pour l'enfant et qui est
important pour lui. Et je pense que, quand on parle d'une analyse rigoureuse de
l'intérêt de l'enfant, ça veut dire aussi faire les efforts pour recueillir la
pensée, la parole, les désirs de l'enfant, quel que soit son âge.
M. Carmant :
Et là je vais sauter directement à un autre point, où, tu sais, on veut
introduire la présence d'un avocat pour représenter l'enfant dans toutes les
conditions. On nous a même suggéré d'aller, même, dans les mesures volontaires.
Qu'est-ce que vous pensez de cette proposition?
M. Potvin
(Jean-Marc) : Peut-être Danielle.
Mme
Tremblay (Danielle) : Oui. La recommandation à laquelle on en est
venus, à la commission, c'est... effectivement, la représentation des enfants
est importante. Et, justement, dans le commissaire, on disait : C'est
quand même un exercice très rigoureux pour les avocats de représenter un
enfant. Alors, on suggérait que le commissaire établisse un mécanisme d'accréditation
des avocats pouvant représenter les enfants, parce que ça nécessite des
connaissances particulières.
Maintenant, au niveau
de la... le droit à la représentation, nous, comme on l'a positionné, c'est que
l'avocat, oui, peut être présent à toutes les étapes du processus en protection
de la jeunesse, pas nécessairement uniquement au niveau judiciaire, mais agir à
titre d'accompagnateur et de conseiller de l'enfant. Parce que c'est sûr qu'on
ne veut pas... Actuellement, dans les tribunaux, la majorité des enfants sont
représentés. Mais effectivement on en est venus à la conclusion qu'en amont,
avant qu'on se rende au tribunal, et dans l'espoir d'éviter le tribunal aussi...
lorsque c'est possible, que l'avocat puisse servir d'accompagnateur, de soutien
à l'enfant dans la recherche... dans sa représentation pour la recherche de la
meilleure solution dans son intérêt.
M. Potvin
(Jean-Marc) : Mais, pour nous, en complément, ce qui est fondamental,
c'est que les avocats soient très bien formés sur les enjeux de développement
de l'enfant et sur, justement, ce que peut être l'intérêt de l'enfant. Ce n'est
pas toujours le cas actuellement. Il y a beaucoup d'avocats qui prennent des
situations à pied levé, sans nécessairement connaître les... surtout pour les
très jeunes enfants. Quand un adolescent peut s'exprimer, ça va bien, mais,
pour un très jeune enfant, ça prend des connaissances et des compétences
particulières pour les avocats.
M. Carmant :
Puis, d'un autre côté, j'ai été surpris de représentantes, d'intervenants qui
nous ont dit que c'était très difficile pour les enfants de se présenter à la
cour et que, même, on devait considérer qu'en bas d'un certain âge ou en bas...
avec certaines difficultés neurologiques, ou autres, cognitives, on devrait
les... tu sais, comme les... tu sais, ne pas les laisser avoir à vivre un
traumatisme, même, ils parlaient. Puis, tu sais, ils voulaient même qu'on
inclue ça dans la loi. Je ne sais pas si vous avez réfléchi à cet aspect-là.
M. Potvin
(Jean-Marc) : Oui. Bien, peut-être Danielle, sur ça.
Mme Tremblay
(Danielle) : Oui. Bien, écoutez, on vous dit... Dr Fortin vous a
bien dit, tout à l'heure, l'importance de prendre en compte la parole de
l'enfant, ce que l'enfant exprime, et quel que soit son âge, que ce soit par
ses paroles, par ses comportements, par ses réactions. Il faut prendre en
compte. Donc, il faut que la parole de l'enfant puisse être entendue au
tribunal.
Maintenant,
concernant la présence des enfants, une des recommandations qu'on a faite à la
commission, c'est d'adapter les tribunaux à la présence des enfants. On a eu
une jeune femme qui est venue témoigner que la juge était sortie de son estrade
pour venir s'asseoir à côté d'elle et s'adresser à elle personnellement, là.
Vous savez, les cours, les cours de justice, c'est effectivement très, très
impressionnant pour tous les citoyens qui ne sont pas habitués à fréquenter les
palais de justice, alors d'autant plus pour un enfant, et de là la nécessité
d'adapter les lieux, d'adapter les façons de faire, mais pour permettre que
l'enfant qui désire être entendu soit, oui, représenté mais, lorsque c'est dans
son intérêt, qu'il puisse également être présent.
Vous savez, c'est
important pour les décideurs d'avoir une vraie image. Ils ont un enfant réel
devant eux. Alors, toutes les parties sont là, la DPJ, les parents, donc toutes
les parties sont là, et l'enfant ne serait pas là? Pour moi, j'ai de la
difficulté à concevoir ça. Mais il faut le faire dans un contexte où on
l'adapte à la réalité des enfants.
M. Potvin
(Jean-Marc) : C'est d'autant plus important... Oui. Peut-être, Gilles,
tu veux compléter là-dessus?
M. Fortin (Gilles) :
Oui. Je pense qu'il faut quand même... Il faut quand même bien réaliser que,
pour certains enfants, en raison de leur âge ou de la nature des problèmes, ça
peut être traumatisant d'aller au tribunal, mais ça n'empêche pas qu'ils soient
bien représentés par quelqu'un qui a pris le temps de le rencontrer, de l'entendre,
qui va être un vrai porte-parole de sa parole. Comme on l'a mentionné tantôt,
les avocats, des fois, n'ont pas les compétences, des fois, n'ont pas le temps.
Des fois, le dossier leur est remis trop tardivement. Des fois, ils n'ont pas
toutes les informations. Mais je pense que... Est-ce que c'est un avocat que ça
prend chaque fois pour porter la parole de l'enfant devant le tribunal? Je ne
sais pas, mais je pense que c'est important qu'il y ait quelqu'un qui porte la
parole de l'enfant, à défaut du fait qu'il puisse lui-même aller s'affirmer
devant le tribunal.
M. Potvin
(Jean-Marc) : C'est ça. Il faut que l'enfant réel, que sa détresse
soit très tangible pour le tribunal, ce qui n'est pas toujours le cas. La
détresse des parents est tangible, c'est bien, mais il faut que la détresse de
l'enfant soit tangible pour le juge.
M. Carmant :
J'ai bien pris note, là, des changements suggérés au chapitre 91, là.
C'était vraiment très clair. M. le Président, je sais que M. le député de Dubuc
aimerait poser quelques questions. Je lui passerais la parole, avec votre
consentement.
Le Président (M.
Provençal)
: Oui, ça va. Alors, M. le
député de Dubuc.
M. Tremblay : Merci, M. le
Président. Bonjour à vous, messieurs, madame. Ravi de vous rencontrer. Bravo
pour l'ensemble de l'oeuvre! Quelle contribution! Dites-moi... M. le ministre
vient de parler de 91. Vous avez parlé, en début de présentation, de 91.1, qui, selon
vous, au niveau de la durée maximale, serait inchangé, à l'heure où on se
parle, par rapport au p.l. n° 15. Quelles seraient... Pourriez-vous développer davantage sur les
conséquences de modifier 91.1?
M. Potvin (Jean-Marc) : Bien,
peut-être, je peux commencer. 91.1, c'est vraiment l'outil qui fait en sorte
que... Quand un enfant ne pourra pas retourner chez lui au terme des durées
maximales d'hébergement, c'est l'outil qui permet de mettre en place les
conditions pour donner à l'enfant un projet de vie qui soit viable et
sécuritaire. 91.1 a introduit les durées maximales d'hébergement. On sait
qu'elles ne sont pas respectées dans la majorité des cas. Ça devrait être des
durées maximales, donc on devrait aller au plus loin jusque-là avant de donner
un projet de vie qui soit stable et viable à l'enfant. Donc, on veut le renforcer,
91.1. On veut mettre des outils dans ça, dans 91.1. On ne veut pas
nécessairement raccourcir les délais, mais on veut que les délais soient
respectés. Puis on veut notamment que les délais commencent à courir dès le
premier placement de l'enfant, ce qui n'est pas le cas actuellement. Ils
commencent dès la première décision judiciaire, qui peut survenir plusieurs
mois après le placement de l'enfant.
On veut aussi, à 91.1, que le seul motif pour
passer outre au délai, ce soit l'intérêt de l'enfant, et aussi que le juge se
penche sur, maintenant qu'on va ordonner un projet de permanence pour l'enfant,
quelles seront les conditions. Est-ce que les contacts avec ses parents sont
bénéfiques, nécessaires, utiles et répondent aux besoins de l'enfant ou, au contraire,
si on les maintient tout simplement parce qu'on considère que c'est le droit
des parents, mais peu importe le préjudice que ça peut causer à l'enfant? Même
chose, la famille d'accueil qui garde un enfant, bien, elle doit avoir les
leviers au quotidien. Elle doit pouvoir prendre les décisions pour les sorties
scolaires, pour les soins de santé.
Alors, c'est
tout ça qu'on veut, qu'il y ait une appréciation beaucoup plus sérieuse qui
soit faite à cette étape-là pour s'assurer qu'on donne le plus de chances
à l'enfant d'avoir la stabilité. On sait que les projets en famille d'accueil
sont souvent instables, pour toutes sortes de raisons. Alors, 91.1, c'est le
moment de faire cette réflexion-là.
• (16 h 20) •
Mme Tremblay (Danielle) : Et, si je
peux me permettre de compléter... Est-ce que ça va?
Le Président (M. Provençal)
: Oui.
Mme Tremblay (Danielle) : C'est qu'à
l'article 4 il a été introduit une modification fort importante.
L'ancienne... L'article 4 de la loi actuelle dit que la décision doit
tendre à assurer la permanence et la continuité dans la vie de l'enfant, et le
projet de loi n° 15 vient dire : La décision doit assurer, et non pas
tendre à assurer, doit assurer. Et cette nuance-là, elle est très importante.
Mais malheureusement, comme 91.1 n'a pas été modifié d'aucune façon, la
concordance... Dans 91.1, on trouve encore le «tendre à assurer». Alors, ces
deux articles-là, ils vont de pair. Comme disait
mon collègue, l'article 4, c'est le principe, et l'article 91.1,
c'est ce qui... le levier, l'outil pour permettre d'actualiser ce
principe-là. Alors, c'est de là qu'on insiste tant sur la modification de 91.1,
dans le sens de ce qu'on vous recommande.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Alors, maintenant, nous allons poursuivre
avec le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, M. le Président.
Vous proposez, essentiellement, de faciliter la transition entre le placement
en famille d'accueil et l'adoption, ce que j'ai compris de ce que vous avez dit
tout à l'heure. Je comprends les motifs, c'est-à-dire la stabilité pour
l'enfant. Qu'est-ce que ça veut dire, du point de vue des familles d'accueil,
par exemple, le fait de passer du statut de famille d'accueil à famille qui
adopte, du point de vue du soutien que l'État leur donne, par exemple, pour
pouvoir accomplir cette mission? C'est la première question que je vous
poserais.
Puis la deuxième, c'est : Est-ce que vous
pensez... Quel est le point de vue, selon vous, des familles d'accueil par
rapport à ça? Est-ce que c'est quelque chose que vous sentez qui est souhaité
de la part du milieu ou est-ce qu'elles préfèrent, elles, demeurer familles
d'accueil, tout simplement?
M. Potvin (Jean-Marc) : Je ne sais
pas, Danielle, si tu veux commencer.
Mme Tremblay (Danielle) : Bien,
écoutez, vous savez que, dans le cadre des travaux de notre commission, on a
tenu des forums, on a fait la tournée des régions du Québec et on a des
familles d'accueil qui se sont beaucoup mobilisées pour participer aux forums.
Et, si un des thèmes qui est ressorti de façon... je ne dirais pas unanime,
mais très, très forte, c'est l'importance de la stabilité des enfants, d'aller
vers des projets plus stables de permanence. Donc, en soi, sur le principe, les
familles d'accueil, tout comme l'ensemble des citoyens et des professionnels
qu'on a rencontrés, sont majoritairement d'accord avec cet état de fait là,
d'accord avec le fait de stabiliser les enfants le plus tôt possible dans leur
vie.
Maintenant, vous posez la question :
Qu'est-ce qu'elles en disent, de devenir adoptantes ou tuteurs? Bon, au niveau
de la... Dans le fond, il y a des... Il faut savoir qu'il y a différentes
catégories de familles d'accueil, et il y a des familles d'accueil que c'est ce
qu'elles veulent, d'être des familles de permanence pour les enfants. Et le
défi, il est clinique, très rapidement, pouvoir confier les enfants le plus tôt
possible. Lorsqu'on voit, là, qu'on peut travailler très, très fort avec les parents, etc., mais qu'on n'y
arrivera pas, dans l'intérêt de l'enfant, à respecter le temps, hein, le
temps qui leur est dévolu, il faut très rapidement pouvoir confier ces
enfants-là à des familles d'accueil qui, eux autres, veulent s'engager pour la
vie auprès d'un enfant et devenir adoptantes ou tutrices, si c'est le meilleur
projet de vie pour l'enfant.
Maintenant, on a fait, à la commission, encore
là, d'autres recommandations, à savoir d'améliorer le soutien financier aux adoptants et aux tuteurs. Parce
qu'il ne faudrait pas que le placement à majorité soit l'option...
Actuellement, c'est
l'option qui est retenue par défaut, puis il ne faudrait pas que ça perdure,
ça, parce qu'on vous a fait la démonstration que c'est la forme de
permanence la moins stable, justement. Donc, il ne faudrait pas que des enjeux
financiers fassent en sorte que l'intérêt de l'enfant qu'on veut mettre de
l'avant, bien, passe en deuxième pour des enjeux financiers. Alors, on a fait
des propositions d'améliorer le soutien aux tuteurs et aux adoptants,
d'améliorer le soutien, y compris financier, mais aussi le soutien clinique.
Alors, voilà.
Le Président (M. Provençal)
: Merci.
M. Potvin (Jean-Marc) : Peut-être en
complément, c'est que, dès qu'il y a un placement d'enfant, il faut évaluer le
risque que l'enfant ne puisse pas retourner chez lui puis il faut choisir une
famille, une famille d'accueil prête à s'engager à long terme envers l'enfant,
si on estime qu'il y a un risque important que les parents... qu'on ne
réussisse pas, avec les parents, à ce qu'ils reprennent leur enfant. Alors, il
y a des familles d'accueil qui s'engagent à long terme. Parfois, il y a des
familles de proximité, dans l'entourage des parents, qui peuvent s'engager
aussi à long terme envers l'enfant, soit dans une tutelle, par exemple, si
c'est quelqu'un de très apparenté aux parents, ou par adoption. Mais il faut
prévoir ça dès le départ.
Le
Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous
allons poursuivre maintenant avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Oui. Merci beaucoup. À
mon tour de vous féliciter pour un travail extraordinaire. Et je pense que le
document que vous avez produit est tellement durable, dans le sens qu'on ne
verra peut-être pas toutes les recommandations, on le voit déjà, mais que ces
recommandations sont là pour longtemps et qu'il va falloir toujours se pencher
sur les recommandations qui sont dans ce document.
En regardant cette question du moment, un
poupon, par exemple, un poupon, et souvent c'est même à l'hôpital que... Tout
de suite, tout le monde, à l'hôpital, voit que ce n'est pas des parents qui
pourront... hein, c'est assez évident pour les infirmières. Et les gens
racontent des histoires ou des témoignages qu'ils ont, puis souvent ils
agissent très, très rapidement avec la DPJ, puis les résultats sont bons. Donc,
dès l'arrivée de cette personne dans la vie, le lien entre, justement, le
réseau de la santé, le réseau de la santé, qui est interpelé assez rapidement,
et la DPJ, puis les observations... Quand
vous parlez... On sait tellement de quoi vous parlez quand vous dites : Le
temps est tellement précieux. Parce que, ce poupon, aller d'une famille
à l'autre, l'instabilité, retour à la maison... On a juste à voir un bébé en
développement. Et plusieurs d'entre nous, on est des grands-parents, on revit
ce qu'on a vécu, on le voit, à quel point chaque étape est cruciale, de son
développement. Donc, de penser qu'ils vont aller d'un endroit à l'autre,
retourner chez les parents...
Dans la pratique, est-ce qu'assez rapidement la
DPJ est capable d'évaluer la... comment dire, les chances, les chances que cet
enfant va être capable, que les parents vont être capables de vraiment bien
remplir leur rôle? Est-ce que les signaux sont là assez rapidement? Puis, dans
ces cas-là, il faut agir quand même assez vite, et c'est peut-être une question
de mois, il faut agir.
M. Potvin (Jean-Marc) : Oui, c'est
ça. Je peux peut-être commencer, mais Danielle va vouloir compléter, c'est
certain, sur cette question-là, mais je veux juste mentionner qu'il y a déjà
des projets très porteurs sur des questions comme celles-là, des liens qui se
font avant même la naissance de l'enfant. Donc, quand, à l'hôpital, on constate qu'il y a vraiment un environnement à
risque, que les parents ont des problèmes de consommation, par exemple,
importants, qu'il va y avoir des enjeux pour prendre soin de l'enfant, pour
prévenir un placement à la naissance, qui est
un choc pour les parents quand la DPJ débarque, là, à l'hôpital après la
naissance, bien, on commence cette discussion-là avec les parents avant
même la naissance puis là on regarde les conditions dans lesquelles... qu'il
faut mettre en place pour qu'ils puissent assumer l'enfant. On discute avec
eux. Ça se fait avec l'hôpital, avec le DPJ.
Ça, ça se répand, ces projets-là, c'est
maintenant plus généralisé. Mais ça, c'est très important de le faire. Et
souvent ça a permis de faire en sorte que les parents prennent leur enfant,
mais qu'ils ont fait ce qu'il fallait avant la naissance. Puis ils sont
accompagnés dès la naissance, puis ça diminue la judiciarisation. Bon, ça a
beaucoup d'effets bénéfiques. Il faut le faire. Dans d'autres cas, on va
convenir avec les parents que leur mode de vie est trop difficile, trop problématique
pour qu'ils puissent garder l'enfant à la naissance, mais ça évite le choc.
Danielle.
• (16 h 30) •
Mme Tremblay (Danielle) : Bien,
peut-être en complément, effectivement, même les bébés qui sont signalés à la
naissance en raison des inquiétudes qui se présentent... Effectivement,
Jean-Marc a tout à fait raison de dire que l'intervention
même durant la grossesse de la maman
pour tenter de préparer la venue du bébé, les mobiliser, développer
leurs habiletés à prendre soin d'un bébé... Ces projets-là existent de plus en
plus, mais ils doivent être généralisés pour faire en sorte que...
Vous savez, le moment de la naissance, c'est un
moment relativement court dans le temps. On ne peut pas tout évaluer ça en
l'espace d'une couple de jours où la maman va être à l'hôpital. Il faut
préparer la venue du bébé. Tant mieux si les parents s'inscrivent dans les
services pour faire en sorte d'être mieux équipés et continuer, bien sûr, ces
services-là suite à la naissance, mais, lorsqu'on voit qu'il n'y a pas de
mobilisation, de conscientisation ou de capacité des parents à bénéficier des
services qui leur sont offerts, bien, c'est là où la décision se prend.
Mais, vous savez, les enjeux, ils sont nommés
aux parents même durant la grossesse, hein, les enjeux de dire : Bien,
voilà... Puis ce n'est pas des menaces, là, hein? Souvent, on dit : La DPJ
fait des menaces. D'ailleurs, dans ma région, région du Saguenay—Lac-Saint-Jean,
on a un projet comme ça, et c'est une intervention conjointe entre le CLSC et la DPJ pour accompagner les parents tout au long de
la grossesse et pouvoir, près de l'accouchement, faire le constat avec eux, à
savoir : Oui, oui, vous allez sortir de l'hôpital avec votre petit bébé,
avec les services qu'on va continuer à vous dispenser, ou bien,
malheureusement, on a bien essayé, mais la situation... Vous l'avez bien
exprimé, Mme Weil, comment la vulnérabilité d'un bébé est grande. Alors,
voilà.
Mme Weil : Et qui touche cette
notion de temps, parce que le développement est tellement rapide dans ses
premières années, son lien d'attachement. Les sourires viennent quand même
assez jeune, le regard dans les yeux de sa maman, et tout. Et donc, quand vous
parlez du temps de l'enfant aussi, il a... ce temps est précieux dans...
j'imagine, donc, dans son développement. Est-ce que la voie... Donc, par
exemple, dans les situations que vous mentionnez, où, très, très tôt, les gens
se parlent, on fait appel à la DPJ pour venir regarder, puis peut-être des
discussions avec les parents, l'option, ensuite, l'étape, ce serait famille
d'accueil. Et, quand est-ce que l'option adoption... Il faut que les parents
consentent, hein? Ça, c'est tout un...
Mme
Tremblay (Danielle) : C'est une voie, et je vous dirais que c'est...
C'est une voie... Oui, mon microphone est activé. C'est une voie, et je
vous dirais que c'est la voie qui devrait être privilégiée, de travailler avec
les parents pour les amener à faire le meilleur choix pour leur enfant, et qui
est un choix déchirant pour eux, de confier leur enfant vers une famille
d'accueil qui va s'engager auprès de leur enfant pour la vie.
Maintenant, quand vous dites : À quel
moment... Et c'est là où mon collègue Jean-Marc parlait tout à l'heure de
l'importance d'établir des pronostics. Oui, on va travailler avec les parents à
tenter de développer leurs capacités. Ce que je viens de vous exprimer,
c'est... ça a déjà commencé, même durant la grossesse, là, de tenter de le
faire, O.K.? Mais, si le pronostic est sombre, parce qu'il y a des situations
où le pronostic est sombre, bien, il faut rapidement... le petit bébé, là, il
faut le confier à une famille d'accueil qui est prête, elle, à prendre le risque
de dire : Moi, je m'engage, moi, ce que je veux, là, c'est vraiment de
m'engager pour l'enfant, je vais l'adopter, cet enfant-là, s'il devient
adoptable, O.K., mais, si, par... bon, que le bébé peut finir par retourner
chez ses parents, bien, ce sera moi, comme adulte, qui gérera ma peine, pas le
petit bébé.
Mais, encore là, quand je parle... Si retourné
chez les parents, la recherche nous démontre que, particulièrement chez les
jeunes bébés, lorsqu'il y a des tentatives de retourner chez les parents, ils
sont replacés très rapidement. La recherche nous indique clairement que, pour
les jeunes bébés, ils sont replacés à l'intérieur de 57 jours en moyenne.
C'est très rapide. Alors, quand on prend une décision de retourner un enfant
dans sa famille, cette décision-là, elle est lourde de conséquences pour les
enfants.
Mme Weil : Moi, je pense...
M. Potvin (Jean-Marc) : Peut-être
Gilles.
Mme Weil : Allez-y.
M. Fortin (Gilles) : Oui, je
m'excuse. Rapidement, je pense que ce que vous faites ressortir, Mme Weil,
c'est que le temps de l'enfant et le temps de l'adulte n'est pas le même.
Certains parents ont besoin de plusieurs mois, plusieurs années, voire, pour se
restaurer. Mais l'enfant, lui, ne peut pas arrêter de se développer. Il se
développe, il établit des relations avec la personne qu'il... les personnes qui
l'entourent, et malheureusement, des fois, il y a des rendez-vous manqués.
Mme Weil : ...ce que vous proposez
viendrait rassurer tous ceux qui travaillent dans ce domaine, parce qu'il y
a... c'est un guide. C'est un guide, et on se dit : Bien, ce n'est pas
mes... oui, mes émotions personnelles, mais c'est dans la loi, c'est dans nos pratiques.
Et on va s'organiser autour de ça, parce que le but qu'on a, tout le monde
ensemble, c'est le bien-être de cet enfant et son développement pour toujours,
donc de créer un adulte, une personne qui sera compétente dans... et épanouie,
parce que je pense que ça doit être très, très dur pour la DPJ, les décisions
déchirantes, pour eux, là, qui sont là-dedans. On entend, hein, on le voit dans
des cas qui sont rapportés dans les journaux, des jugements que je lis, et on
voit que la DPJ essaie tout, là, puis essaie d'expliquer aux parents pourquoi
le développement de l'enfant est compromis puis qu'ils ne peuvent pas continuer
à prendre... Donc, on voit les déchirements.
Alors, si, d'entrée de jeu, tout le monde a
cette formation puis c'est bien clarifié dans la loi, comme vous le recommandez,
je pense, c'est une piste qui vient rassurer, en tout cas, moi, c'est mon
opinion, surtout les intervenants et intervenantes auprès de ces enfants. Je ne
dis pas... Ils sont tous contents d'avoir des orientations puis une
modernisation, si on veut, de la loi à la lumière des connaissances qu'on a et
ce rapport, votre rapport. La pénurie, je ne sais pas, on n'a pas... Je ne sais
pas...
Mme Tremblay (Danielle) : Bien, si
je peux me permettre, Mme Weil...
Mme Weil : Parfait. J'ai dit
à ce que j'avais à dire. Donc, merci.
Mme Tremblay (Danielle) : Si je
peux me permettre, Mme Weil, l'idée n'est pas de rassurer nécessairement
les intervenants. Tant mieux, effectivement, si on leur crée des conditions
pour leur permettre de bien travailler à l'intérêt de l'enfant, mais l'idée,
c'est pour les petits bébés, les jeunes enfants, qu'ils soient stabilisés.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci. Nous
terminons cet échange avec le député de René-Lévesque.
M. Ouellet : Merci beaucoup, M.
le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, chers commissaires. Vous avez
fait la commission. Vous avez parcouru le Québec. Vous avez entendu des tonnes
de témoignages. Et, au courant des travaux de cette semaine, dans cette
commission, il y a une tendance qui a commencé à s'installer, la tendance, pour
les maisons d'accueil et... les gens des familles d'accueil, pardon, d'avoir la
possibilité d'accueillir encore les enfants jusqu'à 21 ans. On a entendu
des groupes, pas plus tard que cet après-midi... la reconnaissance de la
violence conjugale comme étant un facteur de prise en compte pour protéger un
enfant. On a entendu aussi d'autres groupes venir nous dire l'importance
d'avoir un continuum de services et l'importance de prendre soin des enfants.
Quand je regarde votre mémoire, il y a une trame
fondamentale qui semble se dessiner. Et je vais vous poser la question qui tue : Pourquoi, pour vous,
c'est fondamental de toucher l'article 91.1? Pourquoi, dans cette
commission-ci, après avoir entendu plein de groupes puis avoir vu le projet de
loi en question, pourquoi, comme législateurs, après avoir adopté la loi à la
fin des années 70 et avoir introduit l'article 91 en 2006, pourquoi
on doit saisir cette occasion aujourd'hui de faire une révision de
l'article 91.1?
M. Potvin (Jean-Marc) :
Écoutez, comme ex-commissaires, on a analysé le projet de loi, puis il y a
beaucoup d'autres enjeux qu'on a vus, sur lesquels on aurait pu intervenir. On
a fait le choix de venir vous parler de l'enjeu de la stabilité des enfants
parce que nous... pour nous, c'est critique, cet enjeu-là. Il y a des enfants
qui se font placer à la naissance puis qui
sortent à leur majorité du système de protection. C'est inacceptable dans notre
société. J'ai été... Il y a trois travailleurs sociaux parmi nous, il y
a un médecin spécialiste en protection de l'enfance, il y a un avocat. On a
tous une longue expérience puis on a vu des enfants qui ont été démolis par
leur expérience, de la naissance à l'âge adulte. Ça n'a pas de bon sens. On
aurait pu choisir une autre thématique, mais celle-là, elle nous apparaît
cruciale. Il faut changer ces trajectoires-là.
On a le pouvoir de... Il faut avoir le courage
de prendre des décisions pour l'enfant, puis ce n'est pas si difficile. Il faut
accompagner les parents dans ça. Il faut apaiser tout le monde dans ça. Tous
les parents souhaitent que leur enfant ne soit pas en difficulté, en détresse
toute leur enfance, adolescence durant, y compris les parents qui ne pourront
pas les assumer. Encore faut-il bien les accompagner. Puis, pour nous, c'est
crucial. Si on n'a pas ce courage-là aujourd'hui, on va se retrouver, dans
trois ans, quatre ans, cinq ans, à dire : Il y a encore des enfants qui
sont ballottés dans le système, il y a encore des enfants dont l'enfance est
démolie. Ce n'est pas acceptable. On a le pouvoir de changer les choses. Et, tous les six, on vient vous dire en choeur que,
pour nous, c'est majeur. Bien sûr, le passage adulte, c'est important,
mais on n'en veut plus, d'enfants qui sortent du système à 18 ans poqués.
C'est ça qu'on veut changer profondément. Je ne sais pas si mes collègues
veulent compléter, là.
Mme Tremblay (Danielle) :
J'ajouterais qu'on a le pouvoir, mais on a le devoir de le faire, d'avoir le
courage de le faire. Je répète, ce n'est pas pour tous les enfants qui
fréquentent, qui ont affaire au système de protection de la jeunesse. C'est pour une minorité d'enfants, mais
qui représente un nombre quand même significatif d'enfants. Et est-ce que le
Québec... On entend parler beaucoup de la dénatalité au Québec. Est-ce que le
Québec a le moyen de se passer de ses enfants, de certains de ses
enfants? À mon avis, non. Alors, il faut prendre le courage à... Et c'est un
devoir, comme société, de se donner les leviers nécessaires pour arriver à
offrir à chacun des enfants une famille pour la vie.
Le Président (M. Provençal)
: Dr Fortin, je pense que vous vouliez conclure?
• (16 h 40) •
M. Fortin (Gilles) : Oui. Je
veux juste signaler qu'en 2006 je suis venu en commission parlementaire pour
demander l'introduction de l'article 91.1, avec d'autres, et
malheureusement je constate, après toutes ces années, qu'il n'a pas livré la
marchandise, et c'est pour ça qu'il faut, je pense, le réviser, le préciser
aujourd'hui.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, M. Jean-Marc Potvin et vos collègues
ex-commissaires. Et on a été très choyés de vous avoir en conclusion de notre
journée. Alors, merci beaucoup de votre présence. Merci beaucoup du temps que
vous nous avez consacré, mais merci aussi pour la qualité du mémoire que vous
nous avez déposé. Je vous souhaite une excellente fin de journée. Je vous
remercie pour votre collaboration.
La commission ajourne ses travaux au
vendredi 11 février, à 10 heures, où elle entreprendra un autre
mandat. Merci beaucoup à vous tous.
(Fin de la séance à 16 h 41)