Journal des débats de la Commission de la santé et des services sociaux
Version préliminaire
42e législature, 2e session
(19 octobre 2021 au 28 août 2022)
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Le
mardi 8 février 2022
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Vol. 46 N° 4
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 15, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d’autres dispositions législatives
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Intervenants par tranches d'heure
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Provençal, Luc
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Carmant, Lionel
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Weil, Kathleen
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Zanetti, Sol
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Ouellet, Martin
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Provençal, Luc
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Carmant, Lionel
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Lecours, Isabelle
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Weil, Kathleen
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Weil, Kathleen
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Provençal, Luc
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Zanetti, Sol
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Ouellet, Martin
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Provençal, Luc
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Carmant, Lionel
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Weil, Kathleen
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Zanetti, Sol
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Zanetti, Sol
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Provençal, Luc
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Ouellet, Martin
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Carmant, Lionel
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Carmant, Lionel
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Provençal, Luc
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Guillemette, Nancy
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Weil, Kathleen
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Robitaille, Paule
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Zanetti, Sol
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Ouellet, Martin
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Ouellet, Martin
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Provençal, Luc
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Provençal, Luc
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Carmant, Lionel
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Tremblay, François
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Weil, Kathleen
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Weil, Kathleen
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Provençal, Luc
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Zanetti, Sol
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Ouellet, Martin
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Carmant, Lionel
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Carmant, Lionel
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Provençal, Luc
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Guillemette, Nancy
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Weil, Kathleen
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Robitaille, Paule
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Zanetti, Sol
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Zanetti, Sol
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Provençal, Luc
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Provençal, Luc
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Carmant, Lionel
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Guillemette, Nancy
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Weil, Kathleen
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Robitaille, Paule
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Robitaille, Paule
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Provençal, Luc
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Zanetti, Sol
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Ouellet, Martin
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Carmant, Lionel
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Carmant, Lionel
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Provençal, Luc
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Lecours, Isabelle
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Weil, Kathleen
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Zanetti, Sol
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Ouellet, Martin
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Ouellet, Martin
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Provençal, Luc
9 h 30 (version révisée)
(Neuf heures quarante-neuf minutes)
Le Président (M. Provençal)
:Bonjour à tous. Bienvenue à notre
rencontre de ce matin. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la
Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je vous souhaite la
bienvenue et je demande à toutes les personnes de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission est réunie afin de procéder
aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi
n° 15, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres
dispositions législatives.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Derraji (Nelligan) est remplacé par Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce);
Mme Sauvé (Fabre), par Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé); M. Marissal (Rosemont),
par M. Zanetti (Jean-Lesage); M. Arsenau (Îles-de-la-Madeleine), par M. Ouellet
(René-Lévesque).
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Ce matin, nous
débuterons par les remarques préliminaires puis nous entendrons les personnes
et groupes suivants : Mme Régine Laurent, l'Ordre des travailleurs
sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec et l'Ordre des
psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec.
Remarques préliminaires
J'invite maintenant le ministre délégué à
la Santé et aux Services sociaux. M. le ministre, vous disposez de six minutes
pour les remarques préliminaires.
M. Lionel Carmant
M. Carmant : Merci beaucoup, M.
le Président. Bonjour, tout le monde. Très heureux d'être ici avec vous ce
matin. Je tiens à saluer la présence de mes collègues de Soulanges,
Lotbinière-Frontenac, Dubuc et de Roberval. Merci beaucoup d'être là aujourd'hui.
Je tiens à saluer la présence de la directrice nationale de la protection de la
jeunesse. Merci d'être là. Je tiens à saluer également les collègues des
oppositions, opposition officielle, deuxième opposition, troisième position.
Merci d'être là. Je pense que c'est un grand jour pour tout le monde aujourd'hui.
• (9 h 50) •
Je tiens d'abord à vous remercier de votre
présence à cette séance préliminaire de consultations sur le projet de loi n° 15,
loi modifiant la protection de la jeunesse et d'autres dispositions
législatives. Je vous rappelle que ce projet de loi est le fruit de la
commission spéciale constituée suite à la tragédie de Granby, qui a changé nos
vies. Composée de 12 commissaires, dont cinq experts, quatre élus
des différents partis à l'Assemblée nationale ainsi qu'une présidente et deux
vice-présidents, cette commission a tenu une très vaste consultation publique
qui a permis d'entendre plusieurs milliers de personnes de tous les horizons.
Il y a huit mois à peine, notre
gouvernement recevait le rapport de cette commission formée en mai 2019, et nous
nous étions engagés à le mettre en oeuvre. Aujourd'hui, nous tenons parole. Ce
rapport, maintenant connu sous le vocable de rapport Laurent, est l'exercice de
la réflexion la plus imposante entreprise depuis <l'instauration du...
M. Carmant :
...tenons
parole. Ce rapport, maintenant connu sous le vocable de rapport Laurent, est
l'exercice de la réflexion la plus imposante entreprise depuis >l'instauration
du système de protection de la jeunesse, quelque 65 recommandations qui se
déclinent en près de 250 actions que nous réalisons en trois phases, selon
un plan que j'ai présenté en décembre dernier, en plus de ce projet de loi.
Bien que d'autres modifications
législatives aient été apportées depuis 1977, il y a eu huit projets de
loi en tout, le projet de loi n° 15 constitue la plus grande révision que
la Loi de la protection de la jeunesse ait connue depuis 44 ans. Il
contient 60 articles, qui viennent modifier, remplacer ou ajouter près d'une
centaine de dispositions de la Loi sur la protection de la jeunesse, en
introduisant notamment un préambule et en consacrant un chapitre distinct pour
les dispositions relatives aux autochtones, qui reprennent l'essentiel des
recommandations des rapports Viens et ENFFADA.
L'élément clé de ce projet de loi vise à
placer l'intérêt de l'enfant au centre de la loi, de façon primordiale et
prioritaire, pour que toute décision qui soit prise le concernant envisage cet
intérêt de façon primordiale. Nous nous sommes donné les moyens pour que cette
notion devienne une condition sine qua non à toute décision.
Ça ne veut pas dire que les parents n'ont
plus leur rôle à jouer, bien au contraire. Ils demeurent des acteurs principaux
dans le développement et le bien-être de leurs enfants. Nous sommes et serons
toujours là pour les appuyer et appuyer toutes les familles vulnérables.
Cependant, et j'insiste lourdement, le bien-être de l'enfant est ce qui doit
être considéré en premier lieu. Il est révolu le temps où un enfant devait
payer le prix d'une mauvaise interprétation de la loi ou souffrir d'une
situation sur laquelle il n'a aucun contrôle. Parfois, il arrive qu'un enfant
soit mieux de rester en famille d'accueil plutôt que d'être ballotté d'un
milieu à un autre. Il faut le reconnaître, la notion de temps aussi est très
différente chez les enfants. Le placer dans une situation d'incertitude est
traumatisant. L'enfant peut développer des problèmes d'attachement ou d'autres
problèmes à plus long terme.
Ce projet de loi prévoit aussi que le
ministre de la Santé et des Services sociaux est d'office le conseiller du
gouvernement sur toute question relative à la protection de la jeunesse et aux
enfants en situation de vulnérabilité et qu'il doit être consulté lors de toute
décision ministérielle mettant en cause l'intérêt des enfants ou le respect de
leurs droits en matière de protection de la jeunesse.
Par ailleurs, le projet de loi modifie la
Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux pour préciser que le
ministre de la Santé et des Services sociaux doit promouvoir des mesures
propres à répondre aux besoins des enfants et des familles en situation de
vulnérabilité ou à prévenir la compromission de la sécurité ou du développement
des enfants.
De façon plus générale, le projet de loi
n° 15 vise à améliorer la communication des renseignements confidentiels,
harmoniser et améliorer les pratiques cliniques en matière de protection de la
jeunesse, notamment par la nomination d'une directrice nationale de la
protection de la jeunesse, dont on vient préciser les responsabilités et les
pouvoirs, faciliter le passage des jeunes à la vie adulte et reconnaître que
les autochtones sont les mieux placés pour répondre aux besoins de leurs
enfants de manière appropriée.
Je veux également souligner toute l'importance
que ce projet de loi accorde aux Premières Nations et Inuits. C'est avec les
groupes autochtones des communautés conventionnées et non conventionnées et les
Inuits que les propositions d'intervention en protection de la jeunesse en
contexte autochtone ont été développées.
Plusieurs rapports d'enquête nous
proposaient des solutions concrètes pour adapter les services aux enfants
autochtones. Ce que nous proposons aujourd'hui est une mise en œuvre de
plusieurs recommandations des rapports de l'ENFFADA et de la commission Viens.
C'est avec et pour tous nos partenaires des Premières Nations et Inuits que des
adaptations sont proposées à la Loi sur la protection de la jeunesse afin de s'attaquer
notamment à la surreprésentation des enfants autochtones dans le système de
protection de la jeunesse. Je les remercie vraiment de leur apport et de leur
collaboration entière à la réalisation de cette réforme.
En fait, je suis très fier des travaux qui
ont été menés au cours des derniers mois afin de présenter ce projet de loi. Je
tiens à saluer tous ceux qui y ont travaillé de près ou de loin. Il s'agit d'un
premier jalon dans ce grand parcours qui nous amènera à mieux protéger tous les
enfants du Québec.
En terminant, je tiens à mentionner à tout
le monde ma pleine collaboration pour l'amélioration de ce projet de loi. Je
sais qu'ici plusieurs... tous les députés ont à coeur ce projet de loi là, et
on va travailler ensemble pour l'améliorer. Merci, donc, à tous les membres de
cette commission pour leur collaboration. Merci, M. le Président, et bons
travaux à tous.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. le ministre. J'invite
maintenant la porte-parole de l'opposition officielle et députée de
Notre-Dame-de-Grâce à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale
de quatre minutes. À vous la parole.
Mme Kathleen Weil
Mme Weil : Oui. Merci, M. le
Président. Donc, je vous salue ainsi que votre équipe, M. le Président. Je
salue aussi le ministre et toute son équipe, l'appui qu'il aura, incluant la directrice
nationale de protection de la jeunesse — d'ailleurs, on parlera
beaucoup de cette fonction, pour être éclairés par rapport à son rôle, <c'est
bien...
Mme Weil :
...Directrice
nationale de protection de la jeunesse
— d'ailleurs, on
parlera beaucoup de cette fonction, pour être éclairés par rapport à son rôle, >c'est
bien important — et tous les collègues députés de la banquette
ministérielle et des oppositions. Je remercie aussi ma collègue la députée de
Bourassa-Sauvé de m'accompagner, quand elle le pourra, parce qu'elle a d'autres
occupations aussi. Alors, merci pour sa présence.
Alors, nous sommes à une étape extrêmement
importante. Toujours... si on parle avec des collègues, c'est souvent la
meilleure étape, c'est d'écouter les experts, les vrais experts qui sont... qui
viennent nous parler de leur expérience et qui ont toute une... tous ces
experts ont une connaissance fine d'un aspect d'un projet de loi. Et donc ça
commence aujourd'hui, et c'est avec, je vous dirais, un sentiment d'émotion, un
peu comme le ministre le dit, je pense que les collègues partagent ce sentiment
d'émotion. On est là pour nos enfants et nos ados, on est là pour notre avenir,
l'avenir de nos enfants.
Et c'est tout le Québec, évidemment, qui a
été ébranlé. On le sait, la genèse de ce projet de loi et, évidemment, la
suite, une commission qui a fait un rapport extraordinaire, une mine d'or de
réflexions — je le trimballe avec moi quand je peux — mine
d'or de réflexions, de recommandations. Et j'apprécie l'ouverture du ministre
qui dit... il me l'a déjà dit aussi, personnellement, ou c'était peut-être
lorsqu'on faisait un débat... mais qu'il est prêt à le bonifier. Donc, on va
être vraiment à l'écoute des experts et des groupes, on aura l'occasion de
parler. C'est sûr que toutes les recommandations n'ont pas été retenues, pour
diverses raisons, et on ira au fond des choses.
Alors, c'est de la fébrilité que je
ressens, et le ministre l'a bien saisi, parce qu'on est tous là pour la bonne
cause et on va tous vouloir, je pense, bien travailler ensemble. Mais on va
insister, aussi, sur certains éléments, justement, pour être sûrs qu'on est
allés jusqu'au fond d'une question pour avoir les changements, les
modifications qu'il faut pour que le système fonctionne mieux — en
anglais, on parle de «seemlessly», je suis sûr que le ministre comprend ce
concept — donc, sans faille, mais aussi que les gens se parlent et se
consultent, mais qu'il y a ait aussi un chien de garde pour l'enfant, parce que
tous les systèmes ne sont pas parfaits, malgré toutes les réformes qu'on peut
amener.
Alors, je remercie d'avance tous les
groupes qui vont venir nous parler. Nous avons hâte de les entendre. C'est un
moment très, très précieux. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. J'invite maintenant le porte-parole du
deuxième groupe d'opposition et député de Jean-Lesage à faire ses remarques
préliminaires pour une durée maximale d'une minute. À vous la parole.
M. Sol Zanetti
M. Zanetti : Merci, M. le
Président. Merci, M. le ministre, toutes les personnes qui sont présentes ici
pour travailler à ce projet de loi. Très brièvement, c'est un plaisir, une joie
et un honneur d'être ici, pour moi, à travailler à ce projet de loi qui est
essentiel. Puis je vais m'assurer que, vraiment, on maintienne le cap vers là
où s'en va le projet de loi actuel, c'est-à-dire que l'intérêt de l'enfant soit
vraiment placé au centre de nos préoccupations. Alors, voilà, je vous remercie.
J'ai bien hâte de commencer le travail avec vous.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. J'invite maintenant le porte-parole du troisième
groupe d'opposition et député de René-Lévesque à faire ses remarques
préliminaires pour une durée maximale d'une minute. Je vous cède la parole.
M. Martin Ouellet
M. Ouellet : Merci beaucoup, M.
le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, chers membres de cette
Commission de la santé et services sociaux. C'est une première pour moi dans
cette commission, j'ai l'habitude d'être assis ailleurs. Alors, merci de
m'accueillir dans cette commission, qui sera, je l'espère, fort intéressante,
fort pertinente.
C'est moi qui ai demandé à mon chef de
siéger sur cette commission, parce que j'avais un intérêt marqué pour le sort de
nos jeunes enfants et notamment pour le sort des jeunes enfants sur la
Côte-Nord. Vous le savez, les statistiques sont afférentes en matière de
protection et de situations dramatiques qu'il y a pour les jeunes sur la
Côte-Nord. Ma collègue de Duplessis a fait un excellent travail sur la
commission Laurent, donc c'est moi qui vais continuer ce chemin avec elle.
Donc, merci beaucoup, et j'ai bien hâte de commencer nos travaux. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Merci pour vos remarques préliminaires.
Auditions
Nous allons maintenant débuter les
auditions. Mais avant, Mme Laurent, est-ce que vous nous entendez bien?
Mme Régine Laurent
Mme Laurent (Régine) : Oui, M.
le Président. Bonjour. Je vous entends très bien.
• (10 heures) •
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Et nous aussi, alors, ça, c'est un bon début.
Alors, nous allons pouvoir débuter. Je souhaite la bienvenue à Mme Régine
Laurent. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de
la commission. Je vous invite à vous présenter puis à débuter votre exposé. Je
vous cède la parole. À vous.
Mme Laurent (Régine) : Merci,
M. le Président. Merci à vous tous de me recevoir. Pour ma présentation, je
vais prendre <appui...
>
10 h (version révisée)
< Mme Laurent (Régine) :
...merci à vous tous de me recevoir. Pour ma présentation, je vais prendre >appui
sur le titre de la commission créée par le gouvernement et que j'ai eu l'honneur
de présider, la commission spéciale sur les droits et la protection de la
jeunesse. Je vais vous faire part de mes commentaires sur ce projet de loi n° 15,
loi d'exception pour nos enfants en besoin de protection. Mais je ne pourrai
faire abstraction de l'importance que ce régime de protection s'inscrive dans
une société bienveillante à l'égard des enfants et des jeunes, une société qui
assure en amont la défense des droits de tous les enfants et la protection de
la jeunesse.
En commentaire général, je vous dirais
que, dans l'ensemble, je peux affirmer que ce projet de loi n° 15 répond à
plusieurs de nos recommandations quant aux changements législatifs qui
concernent la Loi sur la protection de la jeunesse. Le préambule est
intéressant, et on recommandait d'ajouter un préambule à la LPJ pour expliciter
l'objet de la loi et guider l'interprétation de ces dispositions. J'étais donc
heureuse de constater qu'un préambule était proposé dans l'article 1 du
projet de loi.
Mais le libellé du considérant relatif à l'intérêt
de l'enfant me questionne. Pour la commission, il était essentiel que l'intérêt
de l'enfant soit au-dessus des autres considérations. Et, en ce sens, l'intérêt
de l'enfant devrait être la considération primordiale et non une considération
primordiale, une considération parmi d'autres. Pour la commission, il s'agissait
de faire passer l'intérêt de l'enfant avant toute autre considération. Eh oui,
cela pouvait avoir pour effet de faire passer les intérêts des parents et d'autres
intervenants en second plan. Un changement de terme qui porte un changement de
paradigme. J'estime que ce changement est nécessaire pour les enfants couverts
par la LPJ. Et je crois que les Québécois et Québécoises sont d'accord avec
cette orientation. Alors, je me questionne : Pourquoi ne pas avoir été
plus affirmatif et régler cela une fois pour toutes?
Mais, de façon générale, j'aimerais
comprendre le... Je me questionne sur la portée précise du projet de préambule.
Pour nous, à la commission, on formulait notre première recommandation, qui
était que soit institué un commissaire au bien-être et aux droits des enfants,
afin de s'assurer de respecter et de faire la promotion des droits de tous les
enfants et, du même souffle, qu'une charte des droits des enfants soit adoptée.
On proposait que la charte énonce les droits fondamentaux de l'enfant. Je crois
qu'il aurait été important que nous connaissions les intentions du gouvernement
quant à la suite qu'il entend donner à ces recommandations de la commission,
qui concernent tous les enfants, soit avant ou au moment où la présentation des
modifications à la LPJ.
Maintenant, dans le chapitre II,
Principes généraux, droit de l'enfant, de ses parents et responsabilité des
parents, c'est une recommandation à laquelle vous avez répondu positivement en
mettant des chapitres distincts : principes directeurs, droits de l'enfant
et obligations des parents.
Le projet de loi répond aussi aux demandes
de la commission. Le projet de loi propose des changements à l'article 4
de la LPJ qui clarifient que toute décision doit viser à une continuité des
soins ainsi que la stabilité des liens de l'enfant et des conditions de vie
appropriées, mais, aussi et surtout, à prendre en compte sa stabilité
affective, à prendre en considération les liens affectifs que l'enfant peut
avoir développés avec des personnes significatives autres que ses parents
biologiques. De plus, l'obligation de planifier sans délai un projet alternatif
permanent dès que l'enfant est retiré de sa famille assure le droit de l'enfant
à cette stabilité. Lors des audiences de la commission, nous avons entendu de
nombreux témoignages poignants sur les effets néfastes et à long terme lorsque
l'enfant est ballotté d'un milieu à un autre. Pensons aux troubles d'attachement
que ces enfants traînent presque toute leur vie.
L'article 6, lui, énonce très bien, d'une
part, l'importance du respect du droit de l'enfant à une information claire,
adaptée à son âge, d'autre part, le droit pour l'enfant ou ses parents d'être
accompagnés et assistés par une personne de leur choix lorsqu'ils désirent
obtenir des informations ou lorsqu'ils rencontrent la DPJ ou toute autre
personne qui l'autorise.
Quant à la confidentialité des
renseignements, lors des travaux de la commission, à de très nombreuses
reprises, mes questions étaient : La confidentialité pour protéger quoi?
Pour protéger qui? Où est l'intérêt de l'enfant sous ce couvert de
confidentialité? Alors, les modifications proposées aux divers articles sont
très positives à mes yeux. De plus, le fait que l'article 35.4 précise qu'il
sera dorénavant possible d'exiger que soit communiqué un renseignement
concernant l'enfant, un parent ou toute autre personne mise en cause, que cette
disposition s'applique aux personnes liées par le secret professionnel, sauf avocat
et notaire, est, pour moi, un grand soulagement. D'autant que cela devrait
contribuer à briser les silos où se trouvaient isolément des renseignements
pourtant cruciaux à la prise de décision concernant les enfants signalés ou
sous protection.
Dans le même ordre d'idées, je salue le
nouveau libellé proposé à l'article 36 de la LPJ, qui doit permettre
d'avoir accès aux jugements ou actes de procédure en <matière familiale...
Mme Laurent (Régine) :
...sous protection. Dans le même ordre d'idée, je salue le nouveau libellé
proposé à l'article 36 de la LPJ qui doit permettre d'avoir accès aux
jugements ou actes de procédure en >matière familiale. Permettre d'avoir
accès à toutes les informations de la prise de décision, c'est aussi ça, travailler
dans l'intérêt de l'enfant.
Quant à la conservation du dossier de l'enfant,
lors des travaux de la commission, nous avons pu constater que plusieurs jeunes
adultes avaient été dévastés suite à la destruction de leurs dossiers. Par les
modifications proposées, beaucoup d'enfants pourront retrouver le droit à leur
propre histoire, et c'est important.
Quant au passage à la vie adulte, les
articles qui visent ce passage à la vie adulte, ils me paraissent bien faibles.
Par exemple, l'article 4 du projet de loi prévoit l'ajout que, dans l'année
précédant les 18 ans, le DPJ informe l'enfant des services offerts,
surtout offerts par des personnes, des établissements ou des organismes. L'article 35
prévoit un ajout afin que le DPJ ou la personne autorisée puisse, dans les six
derniers mois d'une ordonnance prenant fin à la majorité, autoriser des séjours
prolongés de l'enfant dans un milieu prévu par le plan d'intervention. C'est
deux ajouts à la loi qu'on peut saluer mais qui sont nettement insuffisants
pour réellement préparer et soutenir les jeunes dans leur transition à la vie
adulte. La commission a préparé tout un chapitre de son rapport à cette période
cruciale de transition vers la vie adulte des jeunes qui ont eu un parcours en
protection de la jeunesse. Il est impératif que ces jeunes aient un réel
soutien, accompagnement, entre autres, au logement, à la scolarisation, la
qualification professionnelle, aux revenus. En audience, des jeunes nous ont
dit : Arrêtez d'être une usine à itinérance. Donc, il faut les consulter,
il faut les occuper... les écouter, pardon, et bien les accompagner.
De plus, des familles des jeunes... des
familles d'accueil ont démontré à la commission l'importance pour des jeunes d'être
accompagnés au-delà de 18 ans. Une de nos recommandations est de permettre
aux jeunes qui le souhaitent de demeurer dans la famille d'accueil jusqu'à
21 ans. Cette possibilité est malheureusement absente du projet de loi.
J'arrive aux dispositions particulières
concernant les enfants autochtones. Le projet de loi affirme, avec justesse,
plusieurs droits des enfants autochtones et leurs familles qu'on avait affirmés
dans notre rapport. L'obligation de tenir compte des facteurs historiques,
sociaux, culturels qui leur sont propres, ces facteurs sont clairement définis
dans le projet de loi. Je suis en accord avec les dispositions introductives,
les principes généraux de même qu'avec les sections sur l'intervention sociale
et judiciaire, l'adoption et tutelle coutumière autochtone. Je veux croire que
ces modifications à la Loi de la protection de la jeunesse ne sont que
transitoires puisqu'une de nos recommandations en la matière est de supporter
le droit à l'autodétermination et à l'autonomie gouvernementale en matière de
protection de la jeunesse pour les autochtones.
Pour tous les enfants du Québec... Et je
reviens en lien avec le début de mon intervention, je veux revenir sur le fait
que, parmi les orientations qui ont guidé les travaux de la commission, le
volet de la prévention était central et omniprésent. D'ailleurs, le premier
chapitre du rapport de la commission s'intitule Promouvoir et respecter le
droit des enfants. C'est pour bien asseoir cette orientation que la première
recommandation du rapport de la commission ou, je dirais, là, recommandation-phare
est celle d'instituer un commissaire pour promouvoir le bien-être et les droits
de tous les enfants du Québec. Même si ça ne concerne pas spécifiquement la Loi
sur la protection de la jeunesse, c'est un devoir pour moi de profiter de mon
passage devant vous pour réitérer l'importance de cette recommandation. Cette
recommandation se poursuit par la création d'un commissaire adjoint dédié au
bien-être et aux droits des enfants autochtones, nommé après consultation des
représentants autochtones. Parce que, pour la commission, la situation des
enfants autochtones doit faire l'objet d'une attention particulière.
• (10 h 10) •
Une autre recommandation forte de notre
rapport demande l'adoption d'une charte des droits de l'enfant qui affirme ses
droits fondamentaux. Pour les membres de la commission, l'adoption de cette
charte enverrait un message fort, clair que l'enfant est une personne, un
citoyen à part entière et que le respect de ses droits nous concerne
collectivement.
En conclusion, vous nous avez entendus,
les changements proposés répondent en grande partie à nos recommandations en
regard de la Loi de la protection de la jeunesse. Le projet de loi, évidemment,
par vos travaux, va être bonifié. Mais par la suite je souhaite de tout coeur
que ce projet de loi soit adopté rapidement. Rappelez-vous que, vos collègues
parlementaires, ça a fait consensus. Ils ont siégé à la commission spéciale.
Rappelez-vous aussi qu'il faut aller rondement parce qu'il faudra du temps pour
ce projet de loi, il faudra du temps pour la formation, et le temps presse pour
les enfants et les familles qui ont besoin de nous. Merci pour votre écoute.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, Mme Laurent, pour votre exposé. Nous
allons débuter la période d'échange. M. le ministre, la <parole est à
vous...
Le Président (M. Provençal)
:
...pour votre exposé. Nous allons débuter la
période d'échanges. M. le ministre, la >parole est à vous.
M. Carmant : Merci
beaucoup, M. le Président. D'entrée de jeu, bonjour, Mme Laurent, et merci
beaucoup pour ce que vous avez fait, pour tout le travail qui a été fait par la
commission et sous votre leadership.
J'ai bien entendu tous les points que vous
avez mentionnés. Je pense, celui qui ressort d'emblée, c'est... Vous parlez du
commissaire et de la charte. Nous avons déposé un plan de match en plusieurs
phases, qui incluait l'étude, là, du commissaire et de la charte. Mais je vais
profiter de votre passage aujourd'hui pour avoir peut-être un peu plus de
détails sur ce que vous voyez comme étant le rôle du commissaire versus le rôle
de directrice nationale, parce qu'il y a beaucoup de gens qui semblent vouloir
confondre les deux, pourtant c'était deux recommandations distinctes de la
commission, et, dans un deuxième temps, également, voir également la place de
la charte des jeunes versus la Charte des droits et libertés, là, qui est
beaucoup plus générale. Donc, peut-être commencer par ces deux points-là?
Mme Laurent (Régine) :
Oui. Merci, M. le ministre. Alors, je vais commencer par la fin. Pour nous, la
Charte des droits des enfants, c'est essentiel. Effectivement, les droits... les
enfants ont des droits au Québec, mais c'est inscrit dans des chartes qui
concernent l'ensemble des citoyens de zéro à 99 ans. Or, durant nos
travaux... et les études ailleurs l'ont prouvé, il faut une institution
particulière dédiée uniquement à la promotion et aux droits des enfants.
Et là j'arrive aussi avec le commissaire.
Le commissaire, son rôle, c'est d'intégrer la parole des enfants dans l'exercice
de ses responsabilités. C'est avoir une espèce de vigie. C'est surveiller la
mise en oeuvre de programmes en disant : Est-ce que ça, ça améliore ou non
le bien-être des enfants? Il y a quelque chose aussi qu'on a mis dans le
rapport, c'est que le commissaire doit aussi porter une attention particulière
aux enfants qui ont moins de 25 ans ou issus de groupes qui ont des
difficultés. Donc, c'est de prévoir aussi une espèce de surveillance des enfants
qui décèdent chaque année au Québec, notamment les enfants sous responsabilité
de l'État, pour avoir une vision globale de ce qui se passe avec les décès de
nos enfants au Québec. Donc, tout ça, c'est vraiment un chapeau de surveillance
du bien-être et des droits des enfants.
La direction de la protection de la
jeunesse, comme on l'a bien inscrit dans le rapport, et, je disais, je n'ai pas
eu le temps d'en parler dans mon 10 minutes, mais ce que vous avez inscrit
dans le projet de loi, ça répond et même ça va plus loin que ce que nous avions
demandé. Pour nous, ça prenait une espèce de chef d'orchestre au niveau
national, et je le dis avec beaucoup de respect, un chef d'orchestre au niveau
national pour, d'une part, s'assurer d'harmoniser les pratiques, s'assurer qu'il
y ait quelqu'un qui s'assure d'avoir un suivi global, au niveau du Québec, de
la trajectoire de soins des enfants, quelqu'un qui va exercer les contrôles
requis aussi pour s'assurer que c'est mis en place. Une fois qu'on a donné des
directives, bien, ça prend quelqu'un pour aller s'assurer que ces directives
sont suivies. Donc, pour nous, c'était ça, un peu rapidement, le rôle de la
personne qui exerce la fonction de directeur national de la protection de la
jeunesse.
M. le ministre, est-ce que j'ai répondu à
toutes vos questions? Il y en avait plusieurs, quand même, je suis désolée.
M. Carmant : Non, non, c'est
excellent. Est-ce qu'actuellement la CDPDJ joue ce rôle, là, de chien de garde,
ou de surveillance, ou... Est-ce que ce serait la cible du commissaire? Parce
que, dans le rapport, on semblait vouloir aller vers autre chose que la CDPDJ.
Mme Laurent (Régine) : C'est
clair pour nous, M. le ministre, sans équivoque, que le commissaire qui est
dédié uniquement à la protection et aux droits des enfants doit... (panne de
son) ...cette portion-là qui est maintenant à la CDPDJ. Pour nous, c'est clair.
Et partout, on l'a vu, où il y a eu cette mise en place de cette institution
dédiée uniquement aux enfants, ça porte fruit. Alors, c'est pour ça, c'est très
clair pour nous qu'il faut que ce soit le commissaire qui occupe ces
fonctions-là.
M. Carmant : Parfait,
merci. Dans un autre ordre d'idées, passage à la vie adulte, comment vous voyez
qu'on puisse aller plus loin? J'ai entendu la notion de 21 ans. Les
juristes nous disent que la loi s'applique jusqu'à 18 ans. Donc, ça aurait
été difficile, là, d'aller mettre un point sur jusqu'à 21 ans, mais on
peut continuer à regarder avec eux, mais voyez-vous d'autres choses qui nous
permettraient d'aller plus loin ou de <faciliter le passage à la vie
adulte au niveau législatif...
M. Carmant :
...mettre un point sur jusqu'à 21 ans, mais on peut continuer à regarder
avec eux, mais voyez vous d'autres choses qui nous permettraient d'aller plus
loin ou de >faciliter le passage à la vie adulte, au niveau législatif?
Mme Laurent (Régine) : C'est-à-dire
que... Deux choses. Un, bon, la loi s'applique jusqu'à 18 ans. Moi, je
fais confiance à tous les juristes de l'État pour trouver une façon que des
enfants puissent rester dans leurs familles d'accueil jusqu'à 21 ans parce
que ça... J'ai parlé de qualification professionnelle. Je vous donne un
exemple, M. le ministre. Un enfant, ça se peut que ce soit à 17 ans et
demi qu'il dise : Oupelaïe! Peut-être que moi, j'aimerais ça être
cuisinier dans la vie. Bien, ça va prendre un certain temps. Et, le fait qu'il
reste dans la famille d'accueil, bien, il ne se ramasse pas dans la rue, et
avec ses rêves brisés. Donc, c'est vraiment important.
De l'autre côté, aussi, vous m'aviez
demandé ce qu'on pourrait faire de plus. Par exemple, je pense qu'en cours des
travaux nous avions demandé au gouvernement d'élargir et de faciliter le
programme de qualification, et ça, ça a été fait, mais on avait demandé aussi,
et je ne sais pas où c'est rendu, qu'il y ait plus de promotion de ce programme
de qualification qui soit faite auprès des jeunes qui sont sous l'autorité de l'État.
On peut aussi mieux faire, et bien avant
le six mois... Parce que, quand on parle des jeunes, on parle de les rendre
autonomes dans toutes les sphères de la vie. Et, pour nous, c'est clair que ça
ne s'apprend pas en six mois. Alors, il faut un programme, peut-être dès l'âge
de 16 ans, 17 ans, pour commencer à leur faire comprendre comment ça
fonctionne, les amener, par exemple, bien avant, visiter, qu'est-ce que ça veut
dire quand tu es dans un logement, ça comprend quoi, comme responsabilité,
comment on peut t'aider à acquérir ces compétences-là pour être autonome dans ton
logement, aller faire l'épicerie. Des choses qui, pour nous, paraissent
banales, courantes dans la vie, mais, pour des jeunes, par exemple, qui ont
passé leur... toute leur adolescence en centre jeunesse, c'est un apprentissage
à faire. Par exemple, les aider au niveau du revenu. Est-ce que, par exemple,
on ne pourrait pas avoir des revenus d'aide particuliers pour les enfants qui
auraient été sous l'autorité de l'État? Donc, ce sont des exemples. Et il y a
des organismes pour les jeunes qui les aident énormément. Donc, il faut
absolument soutenir ces organismes communautaires, qui font un très bon
accompagnement des jeunes, et arrêter de travailler en silo, et permettre à ces
organismes communautaires d'être dans les centres jeunesse, d'être avec les
jeunes, de développer ces liens de confiance qui vont faire que les jeunes vont
probablement se laisser accompagner aussi par ces organismes communautaires.
M. Carmant : Merci
beaucoup. Puis, effectivement, on a rehaussé le programme PQJ. On a... Et on
veut continuer à le faire.
Un autre point assez important, c'était au
niveau des Premières Nations et Inuits. On comprend le point que vous faites,
mais, pour nous, ça devenait... Ça demeure important d'avoir des ententes,
surtout pour gérer la question des jeunes des communautés autochtones qui sont
hors territoire. Comment vous voyez la gestion de ces jeunes et de ces
familles-là dans le contexte?
Mme Laurent (Régine) :
Ce que les témoins autochtones de différentes nations nous ont très, très bien
expliqué, M. le ministre, c'est qu'en bout de piste ils ont besoin d'être
accompagnés, d'être financés pour qu'eux-mêmes développent leurs propres
programmes de protection de leurs enfants. Et j'ai salué ce qu'il y a dans le
projet de loi. C'est vraiment excellent, mais, à la limite, certains et quand
même plusieurs témoins nous ont dit : Nous, on aimerait pouvoir être
accompagnés et développer notre propre... entre guillemets, notre propre loi de
protection de la jeunesse. Et c'est pour ça qu'on a dit : Bien, c'est
supporter ce droit à l'autodétermination et à l'autonomie gouvernementale en
matière de protection de la jeunesse pour les communautés qui le souhaitent.
• (16 h 20) •
Donc, ça permet de respecter tout ce qu'il
y a dans le projet de loi, avec lequel je suis en accord, mais d'aller plus
loin et d'avoir ce sentiment qu'eux-mêmes sont les meilleures personnes placées
pour prendre soin de leurs enfants. Et, quand vous parlez des communautés, des
enfants qui sont hors réserve, bien, je pense que ce qui s'applique aux enfants
en réserve, mot que je déteste, bien, pourquoi est-ce qu'on ne pourrait pas l'appliquer
aux enfants qui sont hors réserve? D'ailleurs, une des raisons pour lesquelles
on parle de l'autodétermination, c'est d'avoir de moins... de moins en moins de
gens qui sont sortis des réserves parce que... pour toutes les raisons
historiques que vous savez, que ça remet le cauchemar des <pensionnats...
Mme Laurent (Régine) :
...moins
de gens qui sont sortis des réserves parce que pour toutes les raisons
historiques que vous savez, que ça remet le cauchemar des >pensionnats.
Donc, il faut tout faire pour garder les enfants dans les réserves. Et ceux qui
sont hors réserve, M. le ministre, on pourrait, avec les communautés... comment
les réintégrer dans leur milieu, parce qu'on a eu des témoignages extrêmement
poignants qui nous ont expliqué à quel point cet attachement à la terre était
majeur dans le développement des enfants et dans leur équilibre.
M. Carmant : Oui, je
comprends, mais je parlais plutôt des familles qui décident, par exemple, d'habiter
dans des communautés à Joliette ou ailleurs. Tu sais, comment on s'informe de
leur origine, de quelle nation ils viennent? Si c'est des couples multinations,
comment on fait pour une famille, par exemple, qui vient de
Colombie-Britannique, qui s'installe au Québec? Donc, il y a plusieurs choses
qui me font encore réfléchir. Avez-vous une opinion là-dessus?
Mme Laurent (Régine) : Je
comprends. On n'est pas allés aussi pointu, M. le ministre, et j'en suis
désolée. Les témoignages qu'on a eus étaient vraiment de façon globale et
peut-être qu'effectivement, avec les Premières Nations, ce sera peut-être une
bonne porte pour essayer de voir comment gérer, effectivement, ces problèmes
particuliers. Mais je me souviens de témoignages où des représentants
autochtones nous disaient : Bien, on est capables aussi de prendre soin de
nos enfants qui ont besoin de protection même s'ils n'habitent pas sur la
réserve. Alors, ça ne pourrait pas aller plus loin, malheureusement.
M. Carmant : Parce que je l'ai
bien... bien, on l'a bien noté dans le préambule, là, comme vous dites, c'est
les... ils sont les mieux placés pour prendre soin de leurs enfants, puis ça,
je suis tout à fait d'accord. Et j'ai bien noté également le considérant n° 2, sur la considération primordiale. M. le Président, je
passerais la parole à la députée de Lotbinière-Frontenac.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, Mme la députée de Lotbinière-Frontenac, je vous
cède la parole. Il vous reste, à titre indicatif, trois minutes.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Parfait. Merci. Donc, bonjour, Mme Laurent. Le projet de loi va assurer
une représentation systématique des enfants par un avocat lorsqu'un dossier est
porté devant le tribunal. Qu'est-ce que vous pensez de cette mesure-là, puis
est-ce que ça va protéger l'enfant? C'est ça, est-ce que ça va protéger l'enfant,
selon vous?
Mme Laurent (Régine) : Pour
moi, Mme la députée, c'est essentiel, et c'est clair dans le projet de loi, il
faut qu'il y ait une garantie, puis je ne sais plus quel qualificatif employer,
une garantie très, très, très forte que l'enfant ait son propre avocat. Et de
plus, dans le projet de loi, il y a l'obligation de fournir l'ensemble de l'information
à l'avocat de l'enfant. Mais, quand je vous parlais tantôt du Commissaire au
bien-être et aux droits des enfants, on allait plus loin, en demandant à ce que
le commissaire, il y a une espèce de certification des avocats qui représentent
un enfant. Alors, c'est extrêmement important pour s'assurer que les droits de
l'enfant soient respectés. Et ça, ça lui prend son avocat à lui.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Puis est-ce que vous pouvez illustrer de quelle façon les mesures d'assouplissement
de l'échange de renseignements entre les différents professionnels... pour
contribuer à protéger l'intérêt de l'enfant?
Mme Laurent (Régine) : Oui,
je peux vous donner un exemple. Et ce n'est même pas pour dire à quel point c'était
en silo. J'ai souvenir d'une famille d'accueil qui nous raconte en audience qu'elle
a reçu une petite fille et, dans sa bienveillance, papa et maman bienveillants
de la famille d'accueil, ils lui ont préparé un bain avec de la mousse, et tout
ça, et, quand la petite fille est rentrée dans la salle de bain, bien, elle a
complètement décompensé, là, et violemment, et pour apprendre par après que,
bien, c'est dans la salle de bain que la petite fille a été abusée chez elle.
Donc, la famille d'accueil nous dit : Mais il semble que c'est une
information importante. Alors, sous couvert de confidentialité, on ne lui avait
pas donné cette information.
Il peut y avoir de l'information aussi qui
vient de travailleuses sociales qui sont au courant de certains problèmes vécus
par les parents mais qui, à cause du secret professionnel, ne donnent pas cette
information. Alors, dans le rapport, nous, ce qu'on dit, c'est que l'information
doit être transmise dans l'intérêt de l'enfant, c'est dans l'intérêt de
l'enfant qu'on connaisse ces informations-là, <toutes les informations
qui le concernent...
Mme Laurent (Régine) :
...dans l'intérêt de l'enfant, c'est dans l'intérêt de l'enfant qu'on connaisse
ces informations-là, >toutes les informations qui le concernent.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, merci, Mme la députée, merci, M. le ministre.
Maintenant, je vais céder la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Vous
disposez, madame, de 10 min 10 s.
Mme Weil : Merci, M. le
Président. Alors, on ne vous voit pas, mais on vous entend, et votre voix est
claire, et votre vision affirmative est vraiment très claire aussi. Merci
beaucoup, Mme Laurent, d'être avec nous.
Dans un premier temps, félicitations pour
ce travail colossal. Je trimballe le rapport avec moi, au besoin, et, bon, avec
des collants puis des trucs soulignés, puis, à chaque fois qu'on le regarde, on
trouve une perle de plus. Et, juste un commentaire, c'est sûr qu'on... Je suis
très contente des commentaires du ministre, dans le sens de vraiment vous
écouter. Il a posé les mêmes questions que j'allais vous poser, mais j'y
reviendrai. Mais on voit que le rapport a une durabilité. Donc, je voulais vous
entendre là-dessus, dans le sens que vos recommandations, elles vont vivre dans
le temps. C'est tellement profond, et il y aura, j'ai l'impression, beaucoup...
Parce que vous mentionnez beaucoup dans
votre rapport des expériences d'ailleurs, par exemple la question d'un
protecteur de l'enfant, je vais commencer avec cette question-là, donc, un
commissaire, et vous parlez d'autres provinces qui ont justement ce
commissaire. Est-ce que vous pourriez nous parler, dans un premier temps, de
cette expérience, ailleurs au Canada ou dans le monde, où, vraiment, les
résultats sont tangibles, et comment ils l'ont mis sur place, essentiellement?
Mme Laurent (Régine) : Merci,
Mme la députée. Effectivement, nos recommandations ont une durabilité. Le
rapport s'intitule, effectivement, Instaurer une société bienveillante pour
nos enfants et nos jeunes. Donc, pour nous, c'est tout un projet de société
qui est là, donc, qui doit s'instaurer année après année.
Je peux honnêtement vous dire qu'une des
choses que j'ai beaucoup, beaucoup appréciée, quand l'équipe de recherche a
fouillé, est la présentation des témoins concernant ce Commissaire au bien-être
et aux droits de l'enfant. C'est un des pans qui m'a beaucoup emballée, parce
qu'on a su, comme vous le dites si bien, ailleurs, comment ça a donné des
résultats probants pour les enfants et comment est-ce que susciter la
participation des enfants, c'est très, très important. Et apprendre les enfants
à... c'est l'apprentissage de la citoyenneté aussi. Et ils nous ont dit à quel
point les enfants, parce qu'on les considère comme une personne et qu'on leur
dit : Bien, voici vos droits, voici comment l'exercer, voici... Donc, cet
apprentissage-là, ailleurs, ils nous ont dit comment ça a aidé à la
construction même et au développement de l'enfant, parce qu'il se sent
respecté, ses droits aussi.
Donc, ailleurs, ça a été vraiment de... On
a eu des témoignages, à la commission, qui me donnent encore des frissons, là.
C'était tellement intéressant sur ce que ça apporte aux enfants. Et même qu'il
y a eu des... certains témoins nous ont dit comment est-ce que, ce
commissaire-là, les enfants, sachant qu'ils ont quelqu'un juste pour eux, ça a
même eu des effets en éducation, en santé. Donc, c'est vraiment un projet de
société. Il faut voir ce commissaire-là comme une espèce de grand parapluie
pour tous les enfants du Québec. Et c'est surtout d'agir en amont qui est
extrêmement important dans la mission du commissaire.
Mme Weil : Merci. Je dois
dire, quand j'ai lu... Et c'est vraiment votre recommandation-phare, c'est
comme ça que je le décris à ceux qui sont intéressés par ce sujet,
recommandation-phare qui a fait ses preuves ailleurs. Et donc, si j'ai bien
raison, il y a le côté développement de l'enfant, où on va susciter son
engagement, etc., puis il y a le côté chien de garde. C'est bien ce qu'il y a
là-dedans, il me semble, si je résume?
• (10 h 30) •
Mme Laurent (Régine) : Bien,
je ne sais pas si... Nous, on ne l'a pas vu comme chien de garde, mais c'est
surtout, et pour nous, c'était important... c'est la notion de bien-être et des
droits des enfants. Alors, dans notre rapport, c'est vraiment ce bien-être-là,
donc cette surveillance du bien-être de tous les enfants. Et c'était important
de parler de, tous les enfants, agir en amont pour qu'il y ait de moins en
moins d'enfants qui se retrouvent aux soins intensifs que sont la DPJ.
Mme Weil
: Mais là ça
m'amène... j'avais une autre question, mais on va rester là-dessus. Quand vous
dites que vous, vous ne l'avez pas vu comme un chien de garde, dans le <sens
que...
>
10 h 30 (version révisée)
< Mme Laurent (Régine) :
...que
sont la DPJ.
Mme Weil :
Mais
là ça m'amène... J'avais une autre question, mais on va rester là-dessus. Quand
vous dites que, vous, vous ne l'avez pas vu comme un chien de garde, dans le >sens
qu'il peut intervenir, à un moment donné où l'enfant l'interpelle, pour dénouer
un malentendu, dénouer quelque chose — parce que, par la force des
choses, il y a beaucoup de gens qui m'appellent avec les problèmes qu'ils ont,
puis j'essaie de m'adresser au ministre quand je peux, parce qu'au-delà de ça c'est
ce que les députés font, on interpelle le ministre — et donc c'est
cette frustration qu'ils ont... d'une voix neutre, à l'extérieur du système,
qui serait capable d'écouter et d'amener une solution avant que les choses s'enveniment
encore plus, et, des fois, c'est rendu très loin, qu'est-ce que vous en dites?
Qui joue ce rôle actuellement?
Mme Laurent (Régine) : Là-dessus,
effectivement, Mme la députée, sur le fond, effectivement, le commissaire, ce n'est
pas le chien de garde, mais, pour nous, c'était tellement important de toujours
parler du bien-être, alors je ne voudrais pas que ce soit ce vocable de «chien
de garde» qui circule.
Pour nous, ce qu'on veut instaurer dans la
société, c'est la notion de bien-être et des droits des enfants. Donc, ce
commissaire, effectivement, c'est le grand chapeau qui va regarder la situation
de tous les enfants au Québec. Et vous avez raison aussi qu'un enfant ou un
adolescent, mettons, de 12, 13 ans... Et, pour nous, c'était important, dans
le rapport, qu'il y ait une mise en place, puis les moyens technologiques nous
le permettent aujourd'hui, que tous les enfants du Québec puissent contacter le
commissaire. Donc, effectivement, un enfant peut contacter le commissaire. Je
pense, par exemple, à des jeunes qui sont en centre jeunesse. Alors, pourquoi
est-ce qu'ils ne pourraient pas contacter le commissaire pour valider : Est-ce
que ça, c'est correct? Est-ce que ça, ça respecte mes droits ou non?
Donc, effectivement, vous avez raison,
mais c'est juste que je souhaite ardemment que ce soit le bien-être qui soit
mis de l'avant.
Mme Weil : Je vous
entends et je vais m'assurer de faire attention aux mots qu'on utilise. C'est
sûr qu'on a tendance à utiliser ce mot, «chien de garde»... mais donc une voix,
hein? Il va porter la voix de l'enfant.
Mme Laurent (Régine) : Oui.
Mme Weil : C'est comme
ça qu'on pourra le dire. La judiciarisation...
Mme Laurent (Régine) : Vous
avez tout à fait raison.
Mme Weil : D'accord.
Merci. Alors, il y a un chapitre sur la judiciarisation puis le problème des
délais, des délais en justice, il y a tout un chapitre là-dessus. C'est sûr qu'on
va... le Barreau va venir, Commission des droits de la personne, mais est-ce
que vous avez un commentaire là-dessus? Au-delà des ressources, évidemment, c'est
comme dans tous les secteurs, actuellement, publics, c'est un manque de
ressources, et, la justice, je le sais bien, il y a une lenteur additionnelle, comment
privilégier les enfants dans ce système de justice?
Mme Laurent (Régine) : Ce
que nous avons indiqué dans notre rapport, c'est, par exemple... vous le savez
sûrement mieux que moi, l'ensemble des députés, mais la médiation est peu
utilisée en protection de la jeunesse, et on pense que ça pourrait être
effectivement intéressant. Et, nous, ce qu'on a proposé, c'est qu'il ait un
juge qui agisse dans ce processus de médiation et qu'il y ait des gens formés,
des médiateurs formés en jeunesse pour agir et exercer cette médiation. Ça, ça
a donné des fruits dans... ailleurs, dans d'autres causes ou avec des adultes.
On pense qu'effectivement cette médiation pourrait accélérer les choses.
L'autre point intéressant dans la
médiation, c'est que, vous le savez aussi, toutes les parties ont la parole, et
on n'est pas dans un processus de... on n'est pas dans un processus
contradictoire. Autant des parents que des jeunes ont déploré ce processus
contradictoire qui se passe en cour. Donc, c'est la médiation que nous avons
mis de l'avant pour vraiment que ce soit... qu'il y ait une promotion de cette
médiation pour que ce soit moins lourd, moins pénible pour... autant pour les
jeunes que pour les parents. Je ne sais pas si ça répond à votre question?
Mme Weil : Oui, je l'avais
vu. Je voulais vous entendre là-dessus parce que la médiation, oui, en effet,
vous l'aviez dit, ce n'est pas assez utilisé. Mais, avec les stratégies que
vous proposez, c'est bien parce que le Barreau... on entendra le Barreau, je
pense que c'est bien aujourd'hui, donc on pourra parler de ces questions. Puis
ensuite il y a l'avocat. Dorénavant, il y aura un avocat pour chaque enfant.
Donc, tous ces gens peuvent travailler ensemble pour encourager la médiation.
Moi aussi, j'étais surprise, déçue de ne
pas voir vraiment un plan de match annoncé dans... et une obligation pour les
18 ans et plus. Je <comprends, ils sont à l'extérieur de...
Mme Weil :
...et
une obligation pour les 18 ans et plus. Je >comprends, ils sont à
l'extérieur du périmètre de la justice, mais d'autres expériences ailleurs dans
le monde, d'ailleurs, la Californie serait le modèle, apparemment, en matière
de... Donc, les gens sortent de la protection de la jeunesse, et ça continue
après. Donc, c'est dans leurs lois, ils assurent une continuité.
Je voulais vous entendre là-dessus parce
que... des expériences qu'on a pu regarder, même je pense que certaines
provinces aussi, mais les expériences que vous avez vues ailleurs et les
résultats... Il y a une étude qui dit que...
Le Président (M. Provençal)
:Mme la députée, je m'excuse de vous
interrompre, mais votre temps est vraiment...
Mme Weil : Une minute?
Le Président (M. Provençal)
: Non, il ne reste plus de temps, malheureusement.
Mme Weil : D'accord. Mais
je pense qu'on est sur la même page sur cette question.
Le Président (M. Provençal)
: Assurément.
Mme Laurent (Régine) : Tout à
fait.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Je m'excuse, mais je dois gérer le temps. Je vais
maintenant céder la parole au député de la deuxième opposition, député de
Jean-Lesage.
M. Zanetti : Oui. Merci,
M. le Président. Est-ce qu'on pourrait, les deuxième et troisième oppositions,
avoir le temps de la personne qui représente... le membre de la commission qui
n'est pas là, avec le consentement des autres?
Le Président (M. Provençal)
: ...avec le consentement. Consentement? Oui. Alors, à ce
moment-là, vous aurez droit à 3 min 47 s.
M. Zanetti : Ah!
parfait.
Le Président (M. Provençal)
: Je vous cède la parole.
M. Zanetti : Merci.
Merci beaucoup, Mme Laurent, pour cette présentation puis tout ce que...
tout le travail extrêmement important que vous avez accompli. Dans votre
présentation tout à l'heure, vous avez dit quelque chose, puis j'aimerais avoir
des détails par rapport à ça, c'est-à-dire vous disiez que... dans le préambule,
j'ai cru comprendre que vous n'étiez pas pleinement satisfaite de la façon dont
la primauté de l'intérêt de l'enfant a été exprimée, là. Vous sembliez dire que
ça pourrait être plus clair, que ça pourrait être plus marqué. Est-ce que j'ai
bien compris? Puis, si oui, comment... est-ce que vous avez une proposition de
formulation ou comment vous verriez un raffermissement de cet élément-là,
important?
Mme Laurent (Régine) :
Oui. Merci, M. le député. L'intérêt de l'enfant, c'est vraiment au cœur de ces
travaux de la commission. Et, quand on voit... autant dans les considérants que
dans les propositions dans certains articles, on voit : Doit être «une
considération primordiale». Et ce qui me questionne, c'est que, quand on lit
ça, ça veut dire que c'est une considération parmi d'autres. Ce n'est pas du
tout l'esprit dans lequel nous avons travaillé. Pour nous, l'intérêt de l'enfant
doit être la considération. À la limite, je dirais même, là, ça doit être la
seule considération. Mais ça ne s'écrit pas, je comprends, dans un projet de
loi, mais elle doit... ça doit être clair.
Et je vous l'ai dit en présentation, l'intérêt
de l'enfant, là, oui, ça veut dire que l'intérêt des parents risque de passer
en second plan. C'est ça, l'intérêt de l'enfant. L'intérêt de l'enfant, c'est
accepter ce nouveau paradigme là. Ça veut dire beaucoup de choses, ça bouscule,
mais, à mon avis, c'est absolument... pas le mien seulement, l'avis de la commission,
c'est absolument nécessaire. On ne touche pas souvent à la Loi sur la
protection de la jeunesse. Et, pour moi, c'est majeur que ce soit extrêmement
clair que l'intérêt de l'enfant, c'est «la», «la», seulement, la préoccupation
primordiale. Alors, c'est dans ce sens-là que j'avais demandé que ce soit plus
affirmatif, cette partie-là.
M. Zanetti : Je
comprends très bien. Merci. C'est très... très aidant.
Une autre question. Vous mentionniez que l'idéal
serait, pour les nations autochtones, qu'elles puissent être à la fois
financées et accompagnées pour créer leur propre système de DPJ, de protection
de la jeunesse. Est-ce que, dans les témoignages que vous avez recueillis, les
souhaits étaient exprimés, disons, précisément dans le fait d'avoir un système
pour l'ensemble des nations autochtones, ou un par nations autochtones, ou un
mélange des deux, c'est-à-dire des directions, des systèmes qui pourraient
regrouper plusieurs nations puis d'autres qui pourraient être individuels,
ou... Comment ça s'est... les souhaits se sont manifestés lors de vos... bien,
de la commission?
• (10 h 40) •
Mme Laurent (Régine) :
Alors, ce qui était clair, M. le député, c'est que les différentes nations qui
sont venues à la commission ont toutes dit : On est capables de prendre
soin de nos enfants, on les aime, nos enfants. Ils nous ont aussi dit :
Vous devez être capables de respecter le temps et le choix des différentes
communautés. Ils nous ont dit... je traduis, là, c'est qu'il y a des
communautés qui vont vouloir entamer rapidement ce processus pour avoir leur
propre façon de prendre soin des enfants. Peut-être, ça va être une loi, <peut-être...
Mme Laurent (Régine) :
...pour
avoir leur propre façon de prendre soin des enfants. Peut-être ça va être une
loi, >peut-être, ça peut être autre chose, mais vous devez respecter les
besoins et les choix des différentes communautés. Je n'ai pas souvenir qu'il y
ait eu des demandes claires que plusieurs communautés ensemble puissent avoir
le même règlement ou la même loi, mais c'est possible, M. le député.
M. Zanetti : Je vous remercie
beaucoup. C'est très apprécié.
Le Président (M. Provençal)
:Merci, M. le député. Je cède
maintenant la parole au député de René-Lévesque. Vous disposez de 3 min 47 s.
M. Ouellet : Merci beaucoup, M.
le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, Mme Laurent. Merci beaucoup
d'avoir gouverné ces travaux-là avec beaucoup d'attention.
(Interruption)
M. Ouellet : C'est-tu
correct? Ça va-tu?
Mme Laurent (Régine) : Oui. Désolée.
C'est chez moi. Ça va s'arrêter.
M. Ouellet : Vous pouvez
prendre l'appel, il n'y a pas de problème.
Mme Laurent (Régine) : Non,
non, ça va s'arrêter.
M. Ouellet : Donc, ce que je
disais, Mme Laurent, merci beaucoup pour le travail. Puis j'aimerais vous
emmener sur deux pistes que j'aimerais des clarifications de votre part. Dans
le rapport de votre commission, vous faites référence d'une des recommandations
qui nous amène à déclarer qu'un seul parent peut consentir aux soins et
services pour son enfant suivi en protection de la jeunesse. J'aimerais que
vous nous exposiez pourquoi on devrait aller de l'avant, parce que le projet de
loi est muet sur cette variable-là, et j'aimerais savoir pourquoi on devrait
aller de l'avant.
Mme Laurent (Régine) : Vous
avez raison, M. le député, le projet de loi est muet là-dessus, mais, pour
nous, c'est important. Je vous donne un exemple très concret qui est frappant :
un enfant qui a été abusé par son père, disons, et la maman voudrait bien que l'enfant
soit suivi par un professionnel de la santé, et le père refuse, alors l'enfant
qui a grandement besoin de ces soins-là n'y a pas droit. Alors, c'est pour ça
qu'on dit qu'un seul parent peut consentir aux soins et services.
Je vous donne l'exemple qu'on nous a donné
en audience, c'est que, si, aujourd'hui, vous amenez votre enfant chez le
dentiste, le dentiste ne vous demande pas le consentement : Est-ce que l'autre
parent est consentant? Alors, pourquoi est-ce que, des enfants qui sont en
besoin de protection, qui ont encore plus besoin d'avoir ces soins-là et ces
services, bien, un des deux parents puisse l'empêcher d'avoir droit à ces soins
et ces services?
Alors, pour nous, c'était important qu'un
seul parent puisse consentir. On parle de soins, là. Alors, c'est important que,
l'enfant qui a besoin de soins, un des deux parents puisse consentir à ces
soins et à ces services.
M. Ouellet : Et, Mme Laurent,
vous ne faites pas une distinction si la personne fautive a été déclarée
coupable ou pas, là. C'est-à-dire qu'il y a eu une constatation d'un
traumatisme vécu chez l'enfant, qu'il soit... été jugé ou non, ce n'est pas
important. Ce qui est important, c'est le bien-être de l'enfant et est-ce qu'on
pourrait effectivement permettre à un seul parent de donner une autorisation
pour apporter des soins. C'est ce que vous nous dites, là.
Mme Laurent (Régine) : Vous
avez tout à fait raison, M. le député. L'idée, ce n'est pas qu'est-ce qui
arrive au parent, c'est l'intérêt de l'enfant. C'est lui qui est au milieu de
ce cercle-là et qui a besoin de bienveillance. Et, si cet enfant-là, au milieu
du cercle, a besoin de soins ou de services, bien, il faut les lui donner puis
arrêter de demander : Bien, c'est quoi qu'il arrive avec le parent? C'est
quoi qu'il arrive avec l'autre parent? Non. Il faut donner les soins et les
services dont l'enfant a besoin.
M. Ouellet : Dans votre
rapport, au chapitre 12, vous voulez reconnaître les impacts des conflits
familiaux et de la violence conjugale sur les enfants.
Mme Laurent (Régine) : Absolument.
M. Ouellet : Quelles
dispositions ou quelles choses on devrait adopter dans le projet de loi pour
être en accord avec cette volonté que les impacts... qu'il y a des impacts des
conflits familiaux et de la violence conjugale sur le bien-être des enfants?
Mme Laurent (Régine) : Oui.
Je vais vous donner ma réponse en deux volets. Peut-être qu'il y a des choses
qui ne sont pas dans le projet de loi spécifique, le p.l. n° 15,
mais, pour nous, c'était important et c'est... il y a quelque chose dans le
projet de loi. Le fait qu'on puisse avoir accès aux informations, en matière
familiale, qui sont sous d'autres juridictions, c'est important. Parce qu'on a
eu des exemples où il y a eu de la violence conjugale et on ne peut pas en
parler, on n'a pas les dossiers en matière familiale, donc ça causait un
préjudice. Et, par exemple, la mère qui ne pouvait pas faire... qui disait :
Bien, voyons, il est violent, il est violent, mais, hum... bon. Alors, vous
voyez le problème que ça pose pour les enfants.
Et c'était important aussi de faire
reconnaître ça parce qu'il y avait tout un imbroglio, qu'on a compris, comment
est-ce qu'on parle de violence conjugale et que souvent on parle de conflit
sévère de séparation. Alors, les <mères...
Mme Laurent (Régine) :
...comment est-ce qu'on parle de violence conjugale et que souvent on parle de
conflit sévère de séparation. Alors, les >mères avaient sur elles tout
le fardeau de démontrer que c'est de la violence conjugale et non pas que ce
soit traité par les intervenants comme un conflit sévère de séparation qui
oblige et la mère et les enfants à avoir des contacts qu'ils ne souhaitent pas
avec quelqu'un qui a été... qui est violent.
Donc, pour nous, ce volet-là, familial, c'était
effectivement important pour les mères, mais surtout pour les enfants. Il y a
des enfants qui nous ont dit : Moi, je ne voulais pas le voir, mon père,
mais on m'obligeait à y aller. Je savais, j'ai vécu comment il avait été
violent. Donc, il faut reconnaître que, oui, la violence, c'est envers la mère,
parfois envers les enfants, mais que, quand il y a une violence dans la
famille, dans le milieu, bien, les enfants, il y a des impacts, et il faut en
tenir compte dans la prise de décision pour aider l'enfant.
M. Ouellet : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, Mme Laurent, pour votre contribution
aux travaux de la commission.
Je suspends les travaux quelques instants
afin qu'on puisse accueillir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à 10 h 47)
(Reprise à 10 h 52)
Le Président (M. Provençal)
:Nous reprenons nos travaux. Je
souhaite la bienvenue aux représentants de l'Ordre des travailleurs sociaux et
des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la
période d'échange. Alors, je vous invite à vous présenter et je vous cède la
parole. Merci.
Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes
conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ)
M. Malenfant (Pierre-Paul) : M.
le Président, M. le ministre, Mme et MM. les députés, mon nom est Pierre-Paul
Malenfant. Je suis travailleur social et président de l'Ordre des travailleurs
sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec. Je suis accompagné
aujourd'hui de Mme Marie-Lyne Roc, qui est travailleuse sociale et
directrice des affaires professionnelles à l'ordre.
Tout d'abord, au nom de l'Ordre des
travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, je
tiens à remercier la commission pour cette invitation à se prononcer sur le projet
de loi n° 15 révisant la Loi de la protection de la jeunesse. L'ordre a
pour mission de soutenir, d'encadrer et de surveiller l'exercice professionnel
de ses 15 000 membres, dont près du tiers travaillent auprès des
jeunes et des familles.
D'emblée, nous croyons important de
rappeler que, bien que le projet de loi à l'étude aujourd'hui réponde à
certaines recommandations-phares du rapport de la commission Laurent, bien d'autres
actions concrètes devront être mises en place pour changer les choses en
protection de la jeunesse au Québec. En ce sens, nous n'insisterons jamais
assez sur l'importance de ne pas voir ce projet de loi comme l'unique réponse
aux drames que nous avons vus dans les dernières années, mais bien comme un des
changements à faire.
Cela étant dit, l'ordre accueille
favorablement le projet de loi n° 15 et souscrit aux grands principes qu'il
guide, soit la primauté de l'intérêt de l'enfant. En effet, bien que figurant
déjà dans la loi depuis environ 40 ans, l'intérêt de l'enfant est
clairement réaffirmé et fait l'objet de précisions dans le projet de loi.
Notons, par exemple, l'article 6 qui affirme la préséance de la stabilité
des liens et de la continuité des soins plutôt que le maintien à tout prix dans
le milieu familial d'origine, une clarification que nous accueillons
favorablement puisque cela s'inscrit en phase avec les connaissances concernant
les liens d'attachement sur le développement des enfants.
Si les précisions apportées sur la notion
d'intérêt de l'enfant semblent assez claires telles que libellées, il serait
impératif de s'assurer que les différents intervenants gravitant autour des
enfants, comme les travailleurs sociaux, les avocats, les juges, en développent
une interprétation commune. En ce sens, le développement de stratégies par les
milieux de pratique eux-mêmes semble une voie intéressante. D'autres moyens,
tels que la formation continue ou la création de guides, de normes,
contribueront aussi à s'assurer que les décisions qui sont prises respectent
les visées de la loi.
L'ordre constate aussi que le projet de
loi n° 15 révise certaines règles concernant la confidentialité et le
partage de renseignements. Nous accueillons favorablement ce changement dans la
perspective où ceux-ci faciliteront l'accès à des informations nécessaires afin
de permettre aux intervenants de prendre des décisions éclairées. Néanmoins,
bien que cette révision soit déjà accompagnée de certaines conditions
particulières, l'ordre recommande de mettre en place des mécanismes de
vigilance afin de s'assurer que le partage d'information se fonde sur les
meilleures pratiques en matière de respect de la vie privée des individus et
évite de leur porter préjudice, tout en priorisant d'abord l'intérêt de l'enfant.
Toujours dans cette perspective d'assurer
le meilleur intérêt de l'enfant, l'ordre est préoccupé par le déclin constant,
depuis plusieurs années, du recours aux mesures volontaires et par l'augmentation
du nombre de dossiers judiciarisés. Comme vous le savez, le processus
judiciaire occasionne non seulement du stress et de l'incertitude, mais aussi
des délais qui retardent ou limitent le déploiement des services nécessaires
afin d'assurer le bien-être des enfants et de mettre fin aux situations de
compromission.
L'ordre reçoit donc positivement toute
disposition pouvant limiter le recours au tribunal ou simplifier le processus
judiciaire. Nous saluons particulièrement la possibilité de prolonger d'un an
les régimes volontaires ainsi que l'assouplissement des règles quant aux projets
d'ententes volontaires et aux règlements à l'amiable qui permettront notamment
de prendre une décision avec un seul parent. Cependant, dans un contexte de
pénurie de personnel et de surcharge des intervenants, l'ordre s'inquiète des
répercussions de l'article 48 sur la qualité des rapports d'expertise qui,
dorénavant, devront être déposés plus tôt au tribunal.
Par ailleurs, l'ordre est favorable aux
nouveautés favorisant, dans le projet de loi... visant à faciliter ou à améliorer
le parcours des jeunes lors de passages en protection de la jeunesse et même
après. Nous le savons, la période de transition vers la vie adulte présente son
lot de défis, particulièrement pour les jeunes recevant des services de la
protection de la jeunesse, et tout soutien supplémentaire lors de ce passage ne
peut être que positif.
En ce sens, l'ordre <voit...
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
...jeunesse, et tout soutien supplémentaire lors de ce passage ne peut être que
positif.
En ce sens, l'ordre >voit d'un
bon oeil la possibilité de prolongation des séjours dans un milieu de vie
lorsque cela est souhaité par le jeune. Question de favoriser une transition
réussie, l'ordre tient ici à réitérer une recommandation importante formulée
par la commission Laurent, soit la mise en place d'un programme de
postplacement pouvant aller jusqu'à l'âge de 25 ans. Ce programme devrait
compter des mesures visant à agir notamment sur les déterminants sociaux de la
santé et du bien-être tels, que la scolarisation, l'accès à un logement et un
revenu adéquat, pour ne nommer que ceux-là.
L'ordre tient également à saluer l'augmentation
du délai de conservation des dossiers, tel que proposé à l'article 23 du
projet de loi. Ces changements, qui cherchent à permettre aux jeunes ayant
reçu, au cours de leur vie, des services de la protection de la jeunesse d'avoir
accès à leur histoire et leur parcours à un moment qui leur conviendra, s'inscrivent
en phase avec les témoignages entendus à la commission Laurent. Il est
également judicieux de prévoir de l'accompagnement psychosocial pour ces jeunes
de 14 ans et plus qui souhaiteraient accéder à leurs dossiers, vu la
nature délicate des informations qui peuvent y figurer. Il serait important que
les ressources nécessaires soient en place pour assurer un soutien
professionnel adéquat à ces jeunes.
Par ailleurs, sur les questions de
gouvernance, l'ordre tient à saluer la création de la fonction de directeur
national de la protection de la jeunesse ainsi que la création d'un forum des directeurs.
Bien que l'ordre encourage le développement et l'harmonisation des pratiques
cliniques au sein de la protection de la jeunesse, il estime important que ces
nouvelles instances tiennent compte des réalités singulières de chaque région, qu'on
pense, ici, aux différences qu'on peut avoir, par exemple, dans le centre-ville
de Montréal, dans l'ouest de la ville... de l'île de Montréal ou sur la Basse-Côte-Nord,
par exemple, aux Îles-de-la-Madeleine. Alors, il y a des particularités de ces
protections de la jeunesse là, donc d'en tenir compte.
L'ordre considère également que le
développement des orientations et des normes de pratiques cliniques applicables
à la DPJ devrait également se faire en étroite collaboration avec les ordres
professionnels dont la mission est de surveiller et d'encadrer la pratique
professionnelle de leurs membres.
L'ordre propose aussi que le rôle du
directeur national de la protection de la jeunesse s'inscrive dans une logique
de gouvernance propre aux réalités des services sociaux. En effet, en accord
avec le chapitre 14 du rapport de la commission Laurent, l'ordre estime
nécessaire d'instaurer dans chacun des établissements du réseau de la santé et
des services sociaux une direction professionnelle des services sociaux. Cela
permettrait notamment d'assurer un leadership transversal des services sociaux,
favorisant ainsi une cohérence et une continuité entre la DPJ avec les
programmes jeunesse, avec les autres programmes services, que l'on pense, ici,
aux services sociaux généraux, aux services en santé mentale, en dépendance, en
déficience intellectuelle et au stress... au trouble du spectre de l'autisme
et/ou en déficience physique. Cette gouvernance devra évidemment s'inscrire
dans une offre de services locaux décentralisés en arrimage avec le milieu
communautaire.
Enfin, bien que le législateur dédie un
chapitre entier aux peuples autochtones dans le projet de loi, force est de
constater que celui-ci ne répond pas à leurs revendications historiques en
faisant abstraction à des conclusions de la commission... je parle de la commission
vérité et conciliation, la commission Viens, la commission Laurent, qui misent
toutes, sans ambiguïté, sur l'autodétermination des communautés en matière de
protection de l'enfance, s'ajoutant à cela l'adoption de la loi C-92, qui
reconnaît la compétence des peuples autochtones en matière de services à l'enfance
et à la famille. L'ordre estime que le législateur rate, ici, une occasion de
faire un pas important vers la reconnaissance de la compétence des peuples
autochtones pour assurer le développement et la sécurité de leurs enfants. Nous
invitons, en ce sens, les parlementaires à être à l'écoute des représentants et
des organisations autochtones qui se présenteront devant vous.
• (11 heures) •
En conclusion, bien que ce ne soit pas l'objet
direct du projet de loi, l'ordre ne pouvait se présenter aujourd'hui devant
vous sans rappeler l'importance de s'attaquer aux conditions de pratique à la
DPJ, que nous jugeons actuellement périlleuses et à haut risque de préjudices
pour les enfants et les familles. Afin de freiner l'exode du personnel
expérimenté à la DPJ et de favoriser le recrutement et la rétention des
intervenants, l'ordre estime que le gouvernement doit tout mettre en oeuvre
pour favoriser des milieux de travail sécuritaires et stimulants, qui offrent
notamment du soutien, de la formation et du mentorat.
Si nous souhaitons vraiment mettre les
enfants au cœur de notre priorité comme société, nous devons également miser
sur la prévention et le développement de réels services de proximité, c'est-à-dire
des services de première ligne situés dans les quartiers, dans les régions,
proches des citoyens, qui favorisent le développement d'une relation de
confiance avec les populations locales et qui permettent de rejoindre les
familles et les enfants plus vulnérables afin d'éviter qu'ils se retrouvent à
la DPJ. Nous devons aussi agir collectivement sur les déterminants sociaux de
la santé et du bien-être, comme la pauvreté et les inégalités sociales. Nous
avons tous un rôle à jouer pour que les enfants puissent se développer et s'épanouir
dans les meilleures conditions.
Enfin, au nom de l'ordre, je souhaite
réitérer notre volonté de collaborer aux <différents...
>
11 h (version révisée)
< M. Malenfant (Pierre-Paul) :
...collaborer aux >différents travaux qui viseront à mettre en place les
mesures nécessaires pour réellement changer la donne en protection de la
jeunesse et éviter que... les situations hautement préjudiciables pour les
enfants et les familles.
Je vous remercie de votre attention, et
nous sommes prêts à recevoir vos questions.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup pour votre exposé.
Nous allons débuter cette période d'échange avec M. le ministre. Alors, je vous
cède la parole, M. le ministre.
M. Carmant : Oui. Merci,
M. le Président. Merci beaucoup pour votre témoignage, merci d'être là. Vous
vous êtes déplacés, aujourd'hui, très heureux de vous voir.
Bien, en premier lieu, je pense que c'est
important pour moi de vous rassurer que le projet de loi est un élément clé des
changements qu'on veut faire au niveau de la protection de la jeunesse, mais
également on travaille sur un plan de match en trois phases, où plusieurs
changements ont déjà été amorcés pour améliorer les services en amont,
améliorer les services de première ligne et, justement, faire que les soins... la
protection de la jeunesse devienne les soins intensifs des services sociaux et non
plus la salle d'urgence, comme c'est trop souvent le cas actuellement.
Dans votre rapport, vous parlez d'un rôle
d'acteur de premier plan de l'État dans la protection de la jeunesse. Pouvez-vous
m'expliquer un peu plus ce que vous entendiez par ça?
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
C'est dans le sens que, vous comprenez, le Québec, en 1977, s'est doté de la
loi 24, une loi qui était à l'avant-garde et qui était reconnue
internationalement comme une façon dont l'État pouvait protéger les enfants. Et
on pense que ce rôle-là doit être maintenu, voire même développé. Donc, je
pense que c'est la responsabilité de tous les citoyens, des familles, des
parents, des communautés, de l'animateur de loisirs ou du professeur, des
professionnels qui gravitent autour des enfants tout au long de leur vie, et,
bien entendu, tout ça dans le cadre de la Loi de la protection de la jeunesse,
mais également dans l'ensemble des recommandations qui ont été faites à la
commission Laurent.
J'ai avec moi, ici, là... lorsque vous avez
rendu public le projet de loi, il y a là beaucoup d'éléments très intéressants.
L'an passé, lorsque la commission Laurent a remis son rapport, j'avais fait une
déclaration à l'effet : Est-ce qu'il ne serait pas intéressant d'avoir une
loi-cadre? Parce que tout est dans le rapport de la commission Laurent. C'est
556 pages, c'est des heures d'auditions, il y a à peu près tout le monde,
au Québec, qui étaient concernés qui ont témoigné et il y a là tous les
ingrédients pour faire en sorte qu'on puisse protéger et assurer le bien-être
des enfants, pas juste à la protection de la jeunesse, mais dans l'ensemble des
services du réseau de la santé et partout dans la société.
M. Carmant : Et on
travaille tous pour être une société bienveillante, comme vous dites. Ensuite,
on parlait surtout de... vous disiez qu'il y avait un intérêt également pour l'interprétation
du principe de primauté de l'enfant. Vous avez même mentionné une certaine inquiétude
quant à son interprétation, qu'elle soit variable d'un endroit à l'autre, ou d'un
individu ou d'un intervenant à l'autre. Quel serait l'outil pour s'assurer qu'il
y ait uniformité dans l'interprétation de ce principe? Est-ce que ce qu'on a
déjà sur pied, là, les tables justice, protection de la jeunesse ou d'autres
tables qu'on veut mettre sur pied, là, au niveau des forums des DPJ... est-ce
que vous avez réfléchi à quel serait le meilleur moyen de s'assurer qu'il y ait
une harmonisation dans la compréhension du concept?
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
Ce serait peut-être Mme Roc... préciser.
Mme Roc (Marie-Lyne) : Oui.
En fait, on en a discuté, et effectivement il y a plusieurs avenues possibles.
Le but, c'est que les gens puissent vraiment développer une façon commune et
partagée, à travers des ateliers... mais pas seulement sur la loi, mais qu'est-ce
qu'on entend par l'intérêt de l'enfant. Par exemple, dans des situations d'abus
sexuels, qu'est-ce que ça a comme impact en termes... sur l'intérêt de l'enfant.
Alors, c'est ces éléments-là qui font en sorte que... quand les différents
partenaires puissent en discuter, aussi vérifier leur compréhension. Bien, c'est
ces éléments-là qui vont arriver, puis aussi avec la jurisprudence, bien évidemment,
à nous amener à avoir une compréhension commune et partagée.
Parce que c'est sûr que le projet de loi a
certains leviers, mais c'est vraiment dans l'application et dans la pratique qu'on
voit qu'il y a plus de difficultés. Donc, ça va prendre des forums <communs...
Mme Roc (Marie-Lyne) :
...que
c'est sûr que le projet de loi a certains leviers, mais c'est vraiment dans
l'application et dans la pratique qu'on voit qu'il y a plus de difficultés.
Donc, ça va prendre des forums >communs entre les différents
partenaires. Donc, ce n'est pas juste l'affaire de la DPJ, c'est tous les
acteurs concernés. Parce qu'en faveur de l'intérêt de l'enfant, bien, en fin de
compte, est-ce que je peux donner telle information? Est-ce que je devrais
intervenir de telle façon? C'est ce qu'on voulait préciser dans le rapport.
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
...compléter, dans le sens que, vous savez, il y a beaucoup de chercheurs
qui se penchent sur ces questions-là, que ce soit au Québec ou à l'international,
je pense qu'il y a des... là, je dirais, il y a des consensus qui s'établissent.
Et, en tant qu'ordre, de notre côté, on recommande également d'établir des
normes. Vous savez, un ordre professionnel vise la protection du public, à
surveiller, à un moment donné, la pratique de nos membres. Mais, lorsqu'on
produit des guides ou des normes, c'est très important que tout ça soit fait en
collaboration avec l'ensemble des gens qui sont impliqués au premier niveau,
là.
M. Carmant : Et est-ce
que ces forums existent? Il faut les créer?
Mme Roc (Marie-Lyne) :
Il faut les créer, effectivement, et de façon, je vous dirais, aussi,
régulière. Donc, est-ce que ça serait des forums sur une base, donc, statutaire,
aussi, ou annuellement, avec des sujets précis qui font en sorte que les
différents points de vue peuvent être un petit peu... être mis à concurrence,
là?
M. Carmant : D'accord.
Ensuite, une autre chose qui m'a interpelé, c'était... vous parliez de
mécanismes de vigilance afin que le partage d'information se fasse de façon
adéquate. Comment instaurer ce mécanisme de vigilance là? Et le fait de
partager l'information entre professionnels, n'est-ce pas quelque chose de
suffisant ou de requis, selon vous?
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
Il existe déjà des...
M. Carmant : Comment ça
peut déraper? C'est ça que j'essaie de comprendre.
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
Oui. Il y a déjà des mécanismes, là, qui existent. Maintenant, il faut
toujours... Écoutez, j'ai été pendant 25 ans en CLSC, j'ai fait plusieurs
programmes, dont jeunesse, et tout ça, et régulièrement, lorsqu'on était appelé
par la DPJ concernant une situation, est-ce que je peux... je peux-tu donner de
l'information ou ne pas en donner? Alors, on est toujours hésitant par rapport
à ça. Et on pense qu'il y a une volonté, chez le législateur, d'ouvrir.
À mon avis, il ne doit pas y avoir aucune
restriction empêchant l'échange d'information lorsqu'un enfant est en danger.
Vous savez, la loi P-38, concernant les personnes, «est un danger pour
elle-même ou bien donc pour autrui», fait en sorte qu'il n'y en a pas, de
barrière. Maintenant, quand on arrive en protection de la jeunesse, on doit un
petit peu y aller dans ce sens-là. Je ne pense pas, moi, qu'il n'y a aucun
enfant qui est maltraité, négligé, abusé qui doit être considéré sous l'angle
de dire : Bien, je ne peux pas en parler, vu le conseil... le secret
professionnel. Alors, on pense qu'il y a une culture à installer, à peaufiner,
là, par rapport à ça pour éviter la rigidité, là, parce qu'on parle du bien-être
et de la sécurité des enfants.
• (11 h 10) •
M. Carmant : Et alors on
est vraiment au même endroit, mais j'avais l'impression, dans votre discours,
que vous aviez quand même une certaine inquiétude sur ce que ce phénomène
dérape, là, entre guillemets, là. Moi, je pense que l'information doit
absolument être partagée. Donc, Mme Laurent nous parlait tantôt d'une
famille d'accueil qui reçoit un enfant, c'est primordial qu'elle ait l'information
par rapport à son...
Mme Roc (Marie-Lyne) : Bien,
effectivement, vous le savez, et nous, les ordres professionnels, on est
toujours dans ces questions de secret professionnel, de levée du secret
professionnel, de confidentialité. En fait, c'est vraiment l'exercice du
jugement puis du jugement professionnel, puis ça, c'est au cœur des décisions.
En fait, il faut être capable de discriminer qu'est-ce qu'il est nécessaire et
pertinent de divulguer, et ça, ça demande vraiment, en fait, de la formation.
Et, quand on vous parlait tout à l'heure
de viser l'intérêt de l'enfant puis de viser aussi son bien-être, je dois être
capable de savoir qui est mon interlocuteur et qu'est-ce qu'il a besoin comme
information pour pouvoir agir dans le sens du meilleur intérêt d'un enfant. Et
ça, ça demande, finalement, des balises. Donc, les balises viennent avec de la
formation, de la formation continue, des cadres de référence, des ateliers
de... pour aussi... de supervision. Il y a toutes sortes de formes. Donc, nous,
on parle d'un mécanisme de vigilance. Ça, ce <sont des...
Mme Roc (Marie-Lyne) :
...référence,
des ateliers de... pour aussi... de supervision. Il y a toutes sortes de
formes. Donc nous, on parle d'un mécanisme de vigilance. Ça, ce >sont
des... vraiment des éléments pour s'assurer que ça soit fait, mais de façon
pour ne pas nuire, parce qu'on peut nuire en donnant de l'information aussi.
M. Carmant : Non, je vous
entends. Puis j'entends souvent le mot «formation». Un autre point intéressant,
bien, en fait, que j'aimerais discuter avec vous, c'est... vous avez parlé
du... que, pour les intervenantes, le prolongement du délai, là, avant de
passer en cour, pour le dépôt des rapports pourrait être un enjeu. Nous, la
législature nous a mentionné que souvent... ou la majorité des décisions prises
sont reportées, justement, à cause du court délai. Comment arriver à un
équilibre, là, entre informer les avocats, le juge de la position qu'on va
avoir dans le dossier et versus donner du temps à nos intervenantes, qui, je
suis d'accord avec vous, sont déjà très, très occupées, pour ne pas dire
débordées? Comment on arrive à cet équilibre-là, là?
M. Malenfant (Pierre-Paul) : Bon,
je ne sais pas aujourd'hui, là, quelle est ce qu'on appelle dans notre jargon
la charge de cas, là, combien un intervenant à l'évaluation, orientation à la
protection de la jeunesse a de familles à s'occuper. Puis, quand on parle de
dossiers, là, il y a peut-être un enfant signalé, mais il y a peut-être un
autre enfant de la famille, puis il y a deux parents, puis il y a bien du
monde. Alors, c'est très complexe, c'est très délicat. Vous comprenez, pour les
professionnels comme les travailleurs sociaux, d'aller à la cour faire des
recommandations devant un juge, devant les parties, ça peut avoir des impacts
très, très importants. Donc, c'est très délicat. Il faut donner le temps aux
professionnels afin de bien comprendre une situation.
Vous savez, nous, la base de notre
profession, c'est l'évaluation du fonctionnement social d'une personne dans son
environnement, hein, son fonctionnement conjugal, son fonctionnement dans son
entourage, son fonctionnement avec ses parents, avec ses enfants, avec son
conjoint. Mais de tout documenter ces éléments-là, ça demande du temps et c'est
souvent très difficile à réaliser. Et, si on demande un délai plus rapide, à ce
moment-là on est inquiets à savoir est-ce que les rapports ne seront pas d'une
moindre qualité. Alors, là-dessus, moi, je pense qu'il faut augmenter les
ressources.
Prenez des jeunes intervenants qui sortent
de l'université, qui se retrouvent, à un moment donné, à travailler à la
protection de la jeunesse, ils ont tout un accompagnement, il y a du coaching,
et tout ça. Mais, avant d'arriver à être, je dirais, agile, d'être vraiment bon
pour produire un rapport pertinent... Puis vous comprenez qu'il y a l'autre
partie, aussi, qui va dire des choses. Donc, c'est un travail qui est très
difficile, et on pense, là, qu'il faut faire en sorte qu'on ait plus d'intervenants
qui pourront prendre plus de temps pour la faire.
M. Carmant : D'accord.
Peut-être une dernière question avant de passer la parole. Sur la gestion avec
les partenaires des Premières Nations, pour nous, c'est difficile de voir
comment on peut ne pas avoir d'entente nation à nation quand on doit prévoir qu'on
va devoir gérer des enfants, par exemple, qui habitent avec leurs familles hors
territoire, des enfants de... ou de mariages internations. Donc, ça nous prend
quand même une entente, je crois, nation à nation pour pouvoir gérer ces
cas-là. Vous, est-ce que vous voyez... Parce que, je vous ai entendu, là, à
propos de donner plus de place, je pense, dans le rapport, on le dit
clairement, là, que les Premières Nations sont les mieux placées pour gérer
leurs enfants. Mais je pense qu'il faut quand même avoir une certaine entente
entre la nation québécoise et les Premières Nations sur notre territoire... sur
le territoire.
M. Malenfant (Pierre-Paul) : ...prend
l'exemple des Attikameks qui, quand même, depuis une quinzaine d'années,
travaillent de ce côté-là en vertu de l'article, je pense, 37.5, sont arrivés à
une entente, donc ils développent leur autonomie. Mais il y a aussi... j'ai
pris connaissance récemment, là, du projet de loi, là, du conseil attikamek d'Opitciwan.
À un moment donné, c'est très, très intéressant de voir la façon dont tout est
organisé dans leur communauté pour assurer la protection des enfants.
Nous, on vous invite vraiment à écouter ce
que les Premières Nations ont à dire. On a été pendant des siècles dans une
approche, auprès des autochtones, des Premières Nations et des Inuits, à un
moment donné, à l'effet qu'ils n'étaient pas capables et qu'on doit les mettre
dans des réserves, hein, qu'ils ne sont pas capables. Je pense que nous, on
doit ouvrir, maintenant. Puis, quand on regarde le mouvement international, le
désir des communautés autochtones de se prendre en charge, je <pense qu'on
doit...
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
...capables. Je pense que nous, on doit ouvrir, maintenant. Puis, quand on
regarde le mouvement international, le désir des communautés autochtones de se
prendre en charge, je >pense qu'on doit ouvrir la voie, vraiment, pour faire
en sorte que les communautés autochtones puissent par elles-mêmes assurer la
protection de leurs enfants.
Les éléments qu'il y a, dans le projet de
loi, sont peut-être, je dirais, une transition et peut-être le moment qui
permettrait, à un moment donné, d'accompagner, en vertu de 37.5, en vertu de ce
qu'il y a dans le chapitre V du projet de loi... de les accompagner.
Maintenant, on pense que, les communautés autochtones, ce n'est pas dans cette
perspective-là qu'ils doivent s'inscrire. Ils demandent de s'inscrire,
vraiment, dans l'autodétermination, et, de notre côté, on est d'accord avec
cette perspective-là.
M. Carmant : Est-ce qu'il
reste du temps?
Le Président (M. Provençal)
: Non, M. le ministre.
M. Carmant : Non?
Désolé. Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: Alors, avant de céder la parole à la députée de
Notre-Dame-de-Grâce, je voudrais faire un petit rappel au niveau des sonneries
des appareils électroniques, parce qu'on a quelques sons qui arrivent, là,
pendant que les gens s'expriment. Alors, par respect pour les gens qui
discutent... Merci beaucoup. Alors, Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, je
vous cède la parole.
Mme Weil : Bonjour.
Merci beaucoup de venir en présentiel, aussi. Ce n'est pas tout le monde qui a
l'occasion de le faire, alors merci de votre présence.
Votre perspective est vraiment
intéressante. Vous avez parlé d'une loi-cadre. Et c'est drôle parce que, quand
on regarde ce rapport et la richesse de ce rapport, on se dit : Mais il
faut absolument que... Je parlais avec Mme Laurent de la vie de ce rapport
et que ce rapport est durable, mais, pour l'implanter, c'est tout un travail.
Donc, ce que vous dites... parce que ça peut toucher plusieurs ministères,
premièrement, et aussi la première ligne. Donc, c'est ça que vous entendez.
Donc, comment nouer tous ces liens, faire en sorte que tout le monde travaille
ensemble dans l'intérêt de l'enfant, par la formation, la communication, le
travail ensemble, et tout ça, donc, c'est un travail colossal.
Dans le projet de loi, voyez-vous des
endroits où on peut, par rapport à vos recommandations notamment, ancrer dans
le projet de loi... Parce que le projet de loi est devant nous, on a ça pour l'instant,
on a cet outil important. Est-ce que vous avez des... Parce que vos
recommandations, certaines, oui, ça touche le projet de loi, d'autres vont plus
large. Alors, c'est une question peut-être un peu technique par rapport à la
législation, mais on peut tout faire en législation : Quelles seraient vos
priorités?
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
Dans le sens que, comme on le dit au début, on considère qu'il s'agit d'un
bon projet de loi, on comprend que c'est un projet de loi sur la protection de
la jeunesse. La protection de la jeunesse, ce sont les soins intensifs de la
jeunesse. Je pense que c'est correct qu'on ait une loi pour les soins intensifs
de la jeunesse. Maintenant, on doit ouvrir les perspectives pour faire en sorte
que, quand on parle du bien-être des enfants, ce n'est pas juste à la
protection de la jeunesse, c'est l'ensemble de la société, c'est le milieu
scolaire, c'est les animateurs en loisirs, c'est les coachs de hockey, c'est
les services communautaires, les organismes communautaires, qui sont partout.
Alors, on ne s'est pas attardés, dans le
projet de loi, est-ce qu'il y aurait un endroit pour le mettre. Je ne suis pas
convaincu, je ne suis pas juriste, mais je reviens avec l'idée, à un moment
donné : Est-ce qu'on ne doit pas ouvrir de façon plus large une
perspective législative pour faire en sorte que l'ensemble... Parce que, vous
savez, Un Québec fou de ses enfants, on en a eu d'autres aussi, là, à un
moment donné, il y a beaucoup de chercheurs qui se sont penchés... qui font des
recommandations, et tout ça. Et tout ça est dans l'air, oui. Maintenant, est-ce
que ça serait pertinent d'avoir une loi-cadre qui irait chercher les ficelles,
à un moment donné, de toutes les composantes de la société? On est en réflexion
là-dessus.
• (11 h 20) •
Mme Weil : Je comprends votre
point, en effet une loi-cadre qui irait chercher d'autres ministères,
notamment, et qui ferait en sorte que tout le monde travaille ensemble. Mais
merci pour cette perspective, c'est intéressant.
J'aimerais vous parler rapidement aussi,
justement, de la transition vers l'âge adulte. Il y a eu des études là-dessus,
quand on accompagne bien plus longtemps que 19 ans, donc jusqu'à 23, on
parle de 24 dans le rapport. Il y a des expériences ailleurs, dans d'autres
provinces, mais aux États-Unis aussi, qui ont vraiment montré une réussite.
Est-ce que je pourrais vous entendre un peu plus sur votre perspective des
besoins, des types de services, au-delà de l'employabilité, mais des types de
services, étant donné le profil du jeune qui sort, et c'est votre expertise, je
vois... qui sort de la protection de la jeunesse?
Mme Roc (Marie-Lyne) :
Bien, en fait, vraiment, ça <s'inscrit dans...
Mme Weil :
...c'est
votre expertise, je vois... qui sort de la protection de la jeunesse?
Mme Roc (Marie-Lyne) :
Bien, en fait, vraiment, ça >s'inscrit dans ce que vous dites, l'état
des connaissances par rapport aux besoins d'une personne. À 18 ans, on n'est
pas encore une personne complètement formée, hein? On sait qu'en fait un
adulte... on est vraiment adulte vers l'âge de 25 ans. Et, comprenant le
profil des enfants issus ou qui ont eu un parcours en protection de la
jeunesse, on sait que, souvent, il y a des besoins particuliers. Ou même,
aussi, il y a eu des lacunes ou des carences, qu'il faut être capable de combler.
Donc, pour nous, c'est vraiment l'idée d'accompagner la personne plus
longtemps.
Et, quand on parle de stabilité,
continuité des soins, c'est d'avoir ça dans l'esprit. Mais souvent les
personnes ne veulent plus, non plus, avoir cette espèce de lien d'appartenance
avec la protection de la jeunesse. Donc, il faut avoir des transitions en lien
pour être dans une participation citoyenne à part entière. Donc, il faut miser
sur des programmes qui encouragent la scolarisation, qui encouragent de pouvoir
s'insérer dans la vie socioprofessionnelle, d'avoir tous ces éléments-là au
plan social, d'avoir un revenu, aussi, décent dans le but de pouvoir vraiment
devenir un citoyen à part entière et de se sortir de cette espèce, aussi, d'étiquette
d'enfant de la protection de la jeunesse.
Mme Weil : Oui, donc...
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
...
Mme Weil : Oui, allez-y.
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
En termes de complément, je voudrais vous raconter une expérience
professionnelle que j'ai vécue au début de ma carrière, dans le
Bas-Saint-Laurent. Un groupe de jeunes, 25 jeunes fortement défavorisés,
là, O.K., on ne les choisissait pas parce qu'ils étaient très bons : parce
qu'ils avaient beaucoup de problèmes. 25 jeunes dans un programme de huit mois,
on leur donnait une paie et on leur montrait comment se trouver un logement
dans le village, comment on travaille. On leur fournissait des équipements de
travail, ils allaient bûcher dans le bois, ils travaillaient en serre. Ensuite
de ça, dans leur démarche, à un moment donné, ils allaient faire des recherches
d'emploi : comment on fait un C.V., comment on se présente chez un
employeur. Et, je vous dirais, aujourd'hui, j'ai encore des émotions parce que
je vois de ces jeunes-là qui étaient des jeunes adultes, à l'époque, je les
vois dans ma communauté aujourd'hui. Il y en a qui se sont mariés, qui ont
élevé des enfants, qui travaillent, qui sont actifs, se sont épanouis, alors qu'ils
sont sortis de leur milieu hyperdéfavorisé, parce qu'on les a pris, jour après
jour, semaine après semaine, pour les accompagner vers l'autonomie.
Mme Weil : ...ce projet?
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
C'est un projet qui était financé, à l'époque, par une entente
fédérale-provinciale pour le développement de l'employabilité chez les jeunes
fortement défavorisés.
Mme Weil : Et ils
avaient quel âge?
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
Les jeunes avaient entre 16 et 25 ans.
Mme Weil : Ah! c'est
intéressant. Mais c'était à l'extérieur du périmètre de protection de la jeunesse.
Mais ce que vous dites, c'est...
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
Ça nous dit que c'est des modèles qui fonctionnent.
Mme Weil : Absolument.
Oui. Très bien. Il reste combien de minutes?
Le Président (M. Provençal)
:Trois minutes, madame.
Mme Weil : Trois minutes. Ah oui! Les familles d'accueil. Vous
avez un chapitre sur les familles d'accueil, est-ce que vous pourriez peut-être
revenir... qu'elles n'ont pas une place assez marquée dans le projet de loi n° 15.
Elles jouent un rôle essentiel, c'est bien ça? «À notre avis»... «Parmi ces
ressources, il en est une qui mériterait, à notre avis, d'occuper une place
plus marquée dans le projet de loi n° 15, il s'agit des familles d'accueil
de proximité.»
Mme Roc (Marie-Lyne) :
Ce n'est pas nous, on... Ce n'est pas nous, ça. En fait, on ne s'est pas
prononcés tellement sur les familles d'accueil. En fait, on a plus misé sur la
question de la transition, mais on n'a pas... Notre rapport, notre mémoire ne
traite pas...
Mme Weil : Oui. Non, je
confonds avec les psychoéducateurs, là, parce que vous êtes à peu près dans des
domaines connexes. Est-ce que vous avez... Donc, vous n'avez pas d'expérience
dans ce domaine-là.
Mme Roc (Marie-Lyne) :
On n'a pas d'expérience, c'est-à-dire que, nous, dans le mémoire, ce qu'on a
plus misé, c'est sur la question de la transition, ces éléments-là qu'on avait
aussi fait valoir lors de notre mémoire dans le cadre de la commission
spéciale. Mais, sur la question des familles d'accueil, nous, on va vraiment
dans le sens des recommandations de la commission, c'est-à-dire d'avoir
vraiment une révision de tout le programme au niveau des familles d'accueil.
Parce qu'on est très conscients du manque de familles d'accueil, au Québec,
puis des besoins particuliers aussi d'un type de familles d'accueil. L'apparentement,
là, entre la famille et l'enfant est aussi un enjeu majeur, donc. Et on sait
que les familles d'accueil jouent un rôle essentiel dans le développement des
enfants et peuvent assurer, justement... En ayant plus de familles d'accueil,
on peut éviter le <ballottage, qui est aussi...
Mme Roc (Marie-Lyne) :
...que les familles d'accueil jouent un rôle essentiel dans le développement
des enfants et peuvent assurer, justement... En ayant plus de familles
d'accueil, on peut éviter le >ballottage, qui est aussi un des problèmes
dont on est bien conscients, donc.
Mme Weil : Et en leur donnant
accès à des informations importantes concernant l'enfant et son vécu.
Mme Roc (Marie-Lyne) : Encore
là, de l'information pertinente et nécessaire.
Mme Weil : Mais avec
précaution.
Mme Roc (Marie-Lyne) : Tout à
fait.
Mme Weil : Et là il reste...
Le Président (M. Provençal)
:30 secondes.
Mme Weil : 30 secondes.
Le Président (M. Provençal)
:Allez-y.
Mme Weil : Bon, en 30 secondes,
quelle serait la question... Bien, essentiellement, et vous en parlez beaucoup,
c'est comment faire... les ressources humaines, à la DPJ, leur besoin d'appui,
de formation, puis qu'est-ce qu'on pourrait faire pour renforcer cet aspect-là
dans le projet de loi. On parle beaucoup de gens qui quittent le navire, qui n'ont
pas assez d'appui, des intervenants qui y vont solo sans pouvoir consulter. En
quelques secondes.
M. Malenfant (Pierre-Paul) : Il
faut quand même dire, là, que la dernière réforme du réseau a fait en sorte qu'il
y a eu un exode, hein, de professionnels qui ont quitté la DPJ vers d'autres
programmes. Mais, je vous dirais, écoutez, il y a 800 étudiants qui
sortent du bac en travail social à chaque année, il y en a 5 000 qui font
la demande. Donc, ce n'est pas parce que les jeunes ne veulent pas aller
travailler en travail social ou dans d'autres professions de ce genre-là, c'est
que les programmes sont contingentés, et je pense qu'on doit les
décontingenter. On doit ouvrir, à un moment donné, le nombre de jeunes qui
puissent rentrer dans les programmes, là, pour arriver à compenser cet
exode-là.
Mme Weil : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci pour cette précision. La suite
de cet échange appartient au député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, M. le Président.
Alors, j'ai entre trois et quatre minutes. Je vais aller droit au but à un
point que je trouve important, qu'on doit développer davantage, la question de
la confidentialité. D'un côté, on comprend bien quand Mme Laurent dit :
Ça n'a pas de bon sens... Je ne sais pas si vous entendiez tout à l'heure sa
présentation, mais elle a donné un exemple dans lequel ça n'a pas de bon sens
que l'information sur le jeune n'ait pas été transmise. Ça empêche la famille d'accueil
de bien en prendre soin.
En même temps, quand il n'y a pas de
confidentialité, difficile de créer un espace où le jeune peut véritablement
parler, parce qu'il peut avoir l'impression que tout ce qu'il va dire, tout ce
qu'il va faire va être retenu contre lui, partagé à tout le monde, tout le
monde va le savoir. C'est comme... il peut avoir l'impression qu'il n'a pas d'intimité,
puis ça, ce n'est pas... ce n'est pas bon, tu sais, ça va... Bon, alors,
comment concilier ces deux choses-là?
Puis est-ce que vous pourriez donner, d'abord,
un exemple de choses négatives qui pourraient avoir... de conséquences
négatives sur l'enfant qu'il pourrait y avoir à un trop grand partage d'information,
d'une part? Puis, ensuite de ça, quel genre de balises pourraient être mises
pour avoir le maximum d'information transmise à la famille d'accueil, par
exemple, sans que ça ait un impact négatif sur l'enfant? Est-ce que vous auriez
des propositions de critères par rapport à ça?
Mme Roc (Marie-Lyne) : ...excellente
question, qui, d'ailleurs, fait l'objet de toute une formation qu'on donne en
formation continue à nos travailleurs sociaux. Donc, c'est la preuve que ça
demande... c'est vraiment une question d'exercice du jugement.
Puis je vous dirais que des balises, il
faut faire très attention aussi. Oui, il faut en mettre, mais ça ne peut pas
être des pratiques, là, systématiques : Je suis devant la famille d'accueil,
je fais telle, telle, telle chose, puis, avec l'école, je fais telle, telle
chose. On est vraiment devant des situations où, devant chaque enfant, devant
chaque collaborateur, il faut toujours se poser la même question : Qu'est-ce
que j'ai besoin de dire? En vertu de quoi je le fais? Puis est-ce que cette
personne pourra vraiment apporter une différence si je donne cette information?
Donc, c'est des questions, là, je vous dirais, fondamentales pour pouvoir, par
la suite, décider de donner l'information, et ça, ça demande effectivement du
savoir-faire, ça demande de la préparation.
• (11 h 30) •
Alors, je vous dirais que, pour une
famille d'accueil, par exemple, est-ce qu'on a besoin... est-ce que la famille
d'accueil a besoin de savoir que l'enfant a vécu dans un... a été séquestré
dans une garde-robe pendant tant d'heures, ligoté et avec un manque de
nourriture? Ou ce qu'il a besoin de savoir, c'est : s'il est laissé seul
dans la chambre, il peut crier, et donc venir lui donner... Alors, c'est ça
dont on parle, c'est de vraiment être capable de dire... Et là ça demande des
connaissances. La famille d'accueil n'a pas besoin de connaître le drame autour
de cet enfant, elle a besoin de comprendre le comportement de l'enfant pour
pouvoir l'accompagner. Alors, ça, c'est vraiment... Mais ça, c'est des
connaissances professionnelles et ça demande une connaissance de l'enfant
aussi. Donc, les <familles d'accueil...
>
11 h 30 (version révisée)
< Mme Roc (Marie-Lyne) :
...professionnelles. Et ça demande une connaissance de l'enfant aussi. Donc,
les >familles d'accueil doivent être capables d'être outillées pour
porter assistance, pour pouvoir accompagner l'enfant. Parce que, vous vous
imaginez, en connaissant ça, le parent arrive puis veut... Alors, c'est là qu'il
y a tous les préjugés, parce qu'il faut comprendre des situations. C'est pour
ça que, même à l'école aussi, les enseignants n'ont pas une formation de
professionnel en relation d'aide, ils ont un autre type, mais ils ont besoin de
connaître des informations pour comprendre le comportement de l'enfant pour ne
pas le stigmatiser, par exemple, en classe. Donc, c'est ce genre d'éléments là,
c'est pour ça qu'on vous dit : Nous, c'est une formation qu'on donne à nos
professionnels, puis ils sont déjà formés. Alors, on ne pourra pas faire fi de
ces aspects-là.
M. Zanetti : Merci.
Une voix : ...
Le Président (M. Provençal)
:On va terminer... Oui, allez-y.
M. Malenfant (Pierre-Paul) : Très
simplement, si on peut résumer, c'est d'éviter les extrêmes, dans le sens de ne
donner aucune information et, à l'autre extrême, à un moment donné, donner
toute l'information. Il faut toujours garder à l'esprit l'intérêt de l'enfant,
la protection de l'enfant.
Le Président (M. Provençal)
:Merci. On va compléter cet échange
avec le député de René-Lévesque. C'est à vous.
M. Ouellet : Merci beaucoup, M.
le Président. Donc, j'aimerais faire du rebond sur cet échange que vous avez
avec le collègue de Jean-Lesage. Donc, il faut que les familles d'accueil
puissent avoir accès à de l'information qui va les aider à comprendre dans quel
contexte le jeune a évolué. Ça, je pense qu'on est d'accord là-dessus.
Lorsqu'on a parlé à des familles d'accueil,
ce qu'ils nous ont dit : Nous, on aimerait savoir des informations
pertinentes qui vont nous permettre d'être capables de mieux agir avec l'enfant.
Exemple, si l'enfant a vécu un traumatisme d'être enfermé dans une garde-robe
et à, chaque fois qu'il voit une garde-robe, prise de panique, crise, violence,
violence extrême dans certains cas, c'est important que la famille d'accueil
sache que, malgré le traumatisme vécu, il y a des stigmates qui lui ont resté,
et que la famille d'accueil doit les connaître pour éviter de placer ce
jeune-là dans une situation qui cause les crises. Ça fait que, ça, vous êtes d'accord
avec ça?
Mme Roc (Marie-Lyne) : Encore
là, comme je vous dis, oui, pour pouvoir... Il faut comprendre que la famille d'accueil,
ce n'est pas non plus... son rôle est d'accompagner, mais il faut... Nous, on a
vraiment une perspective : ce sont plusieurs collaborations, c'est un
accompagnement, c'est toute une société qui accompagne un enfant. Donc, la
famille d'accueil, oui, a besoin de savoir certaines informations. Mais, en
même temps, espérons-le, cet enfant-là va avoir aussi d'autres professionnels
qui vont l'accompagner pour pouvoir aussi traiter de ces difficultés dont vous
parlez.
Donc, effectivement, c'est vraiment le
juste équilibre, d'en dire assez pour pouvoir apporter les meilleurs soins,
apporter le meilleur accompagnement, puis, en même temps, en dire pas trop pour
que, finalement, au bout du compte, on dévoile tout, et ça n'implique, aussi,
pas seulement l'enfant, mais ça implique aussi... Et de devoir toujours
répéter, c'est une façon aussi de causer préjudice parce que c'est l'intimité
de la personne, c'est l'intimité de l'enfant et aussi d'autres personnes qui
sont parfois concernées par sa situation.
M. Ouellet : Rapidement, j'aimerais
vous amener au point 8 de votre mémoire, vous apportez une importante
distinction, à savoir qu'il faudrait considérer les réalités singulières de
chaque région, dans un contexte particulier vécu par les différentes DPJ.
Comment on matérialise ça dans un projet de loi? Comment on prend conscience
des réalités régionales dans un souci d'une meilleure intervention et d'une
meilleure protection de l'enfant, là? J'essaie de transcrire, comme
législateur, vos... vos préoccupations, pardon, dans des amendements, dans un
projet de loi. Comment je fais ça?
M. Malenfant (Pierre-Paul) : Dans
le sens que, bon, il y a la question de la protection de la jeunesse, mais, la
protection de la jeunesse, son rôle, c'est de protéger les jeunes. Maintenant,
quand on arrive avec des jeunes qui soient soit à la protection de la jeunesse
ou qui ne sont pas à la protection de la jeunesse, quel est l'environnement
social dans lequel ils vivent, quels sont les services qui sont disponibles? Et
on doit en tenir compte. Est-ce que parce qu'un jeune vit dans un village isolé
au Bas-Saint-Laurent, dans ma région, ce jeune-là, il va se retrouver plus à la
protection de la jeunesse parce qu'il n'y a pas de service autour de chez lui?
Quand on voit plusieurs points de chute de CLSC, de points de service de CLSC à
peu près fermés, alors qu'auparavant on avait des services à ces endroits-là,
ce sont les services sociaux généraux, ce sont les services de première ligne,
c'est les services de prévention, les programmes SIPPE qui sont dans ces
milieux-là, alors... Donc, la protection de la jeunesse peut difficilement
dire : Bien là, l'enfant a tel, tel problème, il aurait besoin, à un
moment donné, de tel <service...
M. Malenfant (Pierre-Paul) :
...dire : Bien là, l'enfant a tel, tel problème, il aurait besoin, à un
moment donné, de tel >service, mais le service est à 50 kilomètres,
est à 100 kilomètres. Alors, c'est ça, à un moment donné, qu'on amène, d'en
tenir compte.
M. Ouellet : Donc, ce que
vous nous dites : Ayez une attention particulière pour faire un 360 autour
de la DPJ régionale pour savoir, autour d'elle, est-ce que les moyens sont
suffisants, est-ce que les ressources sont disponibles. Parce qu'un bon plan d'intervention
dans Montréal-Nord, mettons, ne pourrait pas être un excellent plan d'intervention
du côté du Bas-Saint-Laurent parce qu'il y a des réalités qui sont propres à
chacun des territoires, et, si on veut réussir l'intervention pour le bénéfice
de l'enfant, il faut tenir compte de ce contexte-là. C'est ce que... C'est un
peu le message que vous nous demandez d'avoir en tête pour l'intervention, mais,
de façon législative, c'est peut-être un peu plus difficile d'essayer de
circonscrire ça dans une loi, je comprends.
Mme Roc (Marie-Lyne) : C'est
moins notre expertise, là, d'être capables de proposer quelque chose. Nous, on
vous amène les éléments qu'on ressort. Parce qu'effectivement, comme disait
notre président, c'est qu'en fait, vous savez, on le sait, il y a des
communautés ethnoculturelles qui sont surreprésentées. Tous les DPJ, oui, il
faut absolument qu'il y ait une harmonisation des pratiques, mais il faut avoir
assez d'agilité, je vous dirais, pour être capable de prendre en compte les
réalités distinctes de chacune des régions, puis il y a des expertises qui
peuvent se développer au regard du profil des personnes qui habitent ce
territoire-là. Donc, je vous dirais qu'il faut absolument qu'il y ait ce type
de sensibilité pour avoir des lignes directrices communes, mais avoir assez de
flexibilité pour être très pertinent en fonction des besoins du milieu.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup.
M. Ouellet : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Alors, je remercie Mme Roc et
M. Malenfant pour votre participation et votre contribution à nos travaux.
Je suspends les travaux quelques instants
pour laisser place au prochain groupe. Merci beaucoup, surtout, d'avoir été ici
en présence.
(Suspension de la séance à 11 h 39)
(Reprise à 11 h 45)
Le Président (M. Provençal)
: Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux
représentants de l'Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec.
Alors, M. Leclerc et Mme St-Gérard, merci de votre participation,
merci. Et vous disposerez maintenant de 10 minutes pour votre exposé. Et
par la suite nous aurons les échanges avec les membres de la commission. Alors,
je vous cède la parole. Merci.
Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du
Québec (OPPQ)
M. Leclerc (Denis) : Merci.
Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, membres de la commission,
bonjour. Je me présente, je suis Denis Leclerc, psychoéducateur et
président de l'Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec. Et je
suis accompagné de Rose St-Gérard, psychoéducatrice et chargée d'affaires
professionnelles à l'ordre.
Nous remercions la commission pour cette
invitation, et il nous fait plaisir de vous présenter aujourd'hui les réflexions
et recommandations de l'ordre concernant le projet de loi n° 15. Compte
tenu de notre mission première, qui est la protection du public, nous sommes
évidemment préoccupés par la situation des jeunes vulnérables et de leurs
familles.
Les psychoéducateurs et psychoéducatrices
sont des professionnels qui interviennent auprès des personnes de tous âges qui
vivent des difficultés d'adaptation. On les retrouve dans une diversité de
milieux, principalement au sein des établissements du réseau de la santé et des
services sociaux ainsi qu'en milieu scolaire. De plus, les psychoéducateurs et
psychoéducatrices font partie des professionnels autorisés par le Code des
professions pour évaluer une personne dans le cadre d'une décision du directeur
de la protection de la jeunesse ou du tribunal, en application de la Loi sur la
protection de la jeunesse, ce qui justifie d'autant plus notre présence ici
aujourd'hui.
L'approche psychoéducative est un élément
distinctif qui caractérise notre profession. Autant lorsqu'il s'agit d'évaluer
que d'intervenir, nous focalisons à la fois sur les forces et les
vulnérabilités des personnes impliquées, celles de leur environnement ainsi que
l'interaction entre les personnes et leur environnement. Inévitablement, les psychoéducateurs
et psychoéducatrices <prônent...
M. Leclerc (Denis) :
...personnes
et leur environnement. Inévitablement, les psychoéducateurs et
psychoéducatrices >prônent l'importance de la collaboration entre tous
pour mieux aider les personnes vulnérables.
En cohérence avec cette approche, comme
nous l'avons soutenu lors de notre audition et dans notre mémoire présenté à la
Commission spéciale sur les droits des enfants et de la protection de la
jeunesse, l'ordre préconise l'idée que l'amélioration des services destinés aux
enfants en besoin de protection ne peut reposer uniquement sur la DPJ. La
responsabilité de la protection de la jeunesse doit être davantage partagée.
Cette conviction a teinté notre analyse du présent projet de loi et l'élaboration
de certaines de nos recommandations.
Notre analyse du projet de loi nous amène
d'abord à saluer certaines modifications qui tiennent compte des récentes
réflexions autour des droits et de la protection des enfants. L'ajout d'un
préambule à la loi, qui met l'emphase sur plusieurs orientations centrales,
nous semble très pertinent. Parmi ces orientations, celles visant à renforcer
la primauté des intérêts de l'enfant dans toute décision le concernant nous
apparaissent justifiées et même essentielles. D'ailleurs, plusieurs
dispositions du projet de loi renforcent cette primauté de l'intérêt de l'enfant.
C'est pour cette raison que nous formulons
trois recommandations visant à former adéquatement l'ensemble des acteurs
concernés par la protection de la jeunesse, soit les intervenants de la DPJ,
les membres de la magistrature ainsi que les principaux partenaires à cette
nouvelle orientation centrale de la Loi sur la protection de la jeunesse.
L'ordre salue également l'attention qu'apporte
le projet de loi à la dernière étape de la trajectoire des enfants pris en
charge par la DPJ par l'ajout de différentes mesures de soutien au passage à la
vie adulte. Toutefois, les dispositions prévues aux articles 34 et 35 nous
apparaissent insuffisantes en regard de cette intention. Tout particulièrement,
le projet de loi n'ajoute qu'une obligation d'informer les jeunes des services
de soutien auxquels ils pourraient avoir recours. L'ordre considère que le
projet de loi doit faire un pas de plus en intégrant une obligation d'accompagnement
pour les jeunes qui le désirent et non uniquement d'information.
L'ordre salue les dispositions du projet
de loi qui témoignent de l'importance sociétale que prend la protection des
enfants en situation de vulnérabilité. Cela se traduit notamment par l'ajout d'un
poste de directeur national de la protection de la jeunesse. L'ordre croit que
les responsabilités et les pouvoirs de cette personne clé... que cette personne
clé détiendra lui permettront d'exercer un leadership sur les directeurs nommés
pour chacun des établissements exploitant un centre de protection de l'enfance
et de la jeunesse.
De plus, la structure proposée d'un forum
des directeurs chargé d'harmoniser les pratiques cliniques et d'assurer la mise
en œuvre des orientations et normes établies nous apparaît être un moyen
prometteur pour redonner au réseau des services à la jeunesse sa vitalité. L'ordre
émet toutefois le souhait qu'à travers cette recherche d'harmonisation des
pratiques, l'autonomie et le jugement de ses professionnels soient réaffirmés
et facilités.
Nous tenons tout particulièrement à
souligner l'importance accordée à la mobilisation des ressources du milieu et à
la collaboration entre elles, principes clairement énoncés dans le préambule de
la loi. Nos recommandations antérieures vont dans le sens d'agir en amont en s'appuyant
sur des ressources déjà présentes dans la vie de l'enfant, telles que les
services de garde, l'école et les milieux communautaires, permettant à la Loi
sur la protection de la jeunesse de demeurer une loi d'exception. Les
articles 4.4 et 4.5 reprennent précisément cette idée de collaboration et
de concertation des ressources du milieu pour que leurs interventions s'accordent.
L'ordre appuie cette orientation en faveur d'une plus grande complémentarité
des actions des différentes ressources et acteurs.
• (11 h 50) •
Nous soumettons d'ailleurs l'idée que les
travaux qui incomberont au directeur national et au Forum des directeurs pour
la mise sur pied des meilleures pratiques s'intéressent aux moyens concrets qui
viendront soutenir la concertation. Pour qu'une telle concertation soit
réellement efficace, elle doit en grande partie reposer sur un partage d'information
entre les différents partenaires. Ainsi, une condition importante d'une
collaboration efficace et fructueuse réside dans la connaissance que chacun
doit avoir des besoins de l'enfant.
La loi actuelle et le projet de loi
permettent aux intervenants de la DPJ d'obtenir toute l'information nécessaire
à la réalisation de leur mandat, même lorsque protégée par le secret
professionnel. L'ordre souscrit aux dispositions qui facilitent l'intervention
et les décisions de la DPJ en faveur de l'intérêt de l'enfant. L'ordre
considère toutefois que, lorsque l'intérêt de l'enfant le justifie, la
communication de certaines informations aux établissements, organismes ou
personnes qui gravitent autour de l'enfant devrait également être facilitée.
Nous sommes d'avis que les dispositions
prévoyant que les informations détenues par la DPJ puissent, dans certaines <circonstances...
M. Leclerc (Denis) :
...Nous sommes d'avis que les dispositions prévoyant que les informations
détenues par la DPJ puissent, dans certaines >circonstances, être
partagées avec ses partenaires ne sont pas suffisamment claires dans le projet
de loi. Rappelons que les professionnels qui exercent en milieu scolaire ou
dans les milieux de garde, par exemple, sont souvent des intervenants impliqués
depuis longtemps dans la vie de l'enfant et de sa famille. Ils possèdent une
connaissance fine de l'enfant et ils pourraient, à ce titre, être des
collaborateurs importants dans la continuité des services offerts à celui-ci
mais n'ont pas accès à des informations détenues par les intervenants de la
DPJ. Comme ils font partie du milieu de vie de l'enfant, le manque d'information
occasionne des situations précaires, voire à risque pour l'enfant et sa
famille.
Il va sans dire qu'un tel partage d'information
ne peut se faire sans balises. L'ordre reconnaît évidemment que certaines
informations détenues par la DPJ sur la situation de l'enfant et de sa famille
sont très sensibles et possiblement préjudiciables. De plus, le droit à la
confidentialité doit être pris en compte de même que la complexité de certaines
situations prises en charge par la DPJ qui demandent, pour être saisies dans
toutes leurs dimensions et implications, de solides compétences cliniques et de
jugement professionnel.
C'est pour cette raison que nous
recommandons que, dans l'intérêt de l'enfant, les informations confidentielles
plus sensibles ou potentiellement préjudiciables puissent être transmises par
la DPJ à des professionnels membres d'ordres. Ces intervenants présentent les
garanties déontologiques suffisantes et l'encadrement par un ordre
professionnel pour que les informations reçues de la DPJ soient protégées. De
plus, ils ont la compétence nécessaire pour avoir une compréhension clinique de
la situation de l'enfant et de sa famille.
Finalement, l'ordre salue l'inclusion d'un
chapitre dédié aux dispositions applicables aux membres des Premières Nations
et Inuits. Ces nouvelles dispositions confirment que l'évaluation de la
situation d'un enfant ne peut se faire sans tenir compte des facteurs sociaux,
historiques et culturels qui distinguent les jeunes de ces communautés.
Depuis 2016, l'ordre collabore avec
plusieurs partenaires, dont des représentants des différentes communautés
autochtones, dans le cadre d'un projet basé sur la conviction qu'une plus
grande présence d'intervenants autochtones est une solution durable pour des
services culturellement sécurisants, sensibles, stables et de qualité pour les
enfants et les familles autochtones.
Fort de cette conviction, l'ordre recommande
d'instaurer le poste de directeur national adjoint de la protection de la
jeunesse dédié au bien-être et aux droits des enfants autochtones, nommé après
consultation des représentants autochtones. Siégeant au Forum des directeurs,
cette personne aiderait notamment à ce que les décisions prises à cette table n'éclipsent
pas l'unicité et la diversité des besoins des communautés autochtones en
matière de protection de la jeunesse.
Merci de votre attention. Et nous sommes
maintenant prêts à répondre à vos questions.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour cet exposé. Nous allons initier cette
période d'échange avec M. le ministre. Alors, M. le ministre, je vous cède la
parole.
M. Carmant : Merci beaucoup, M.
le Président. Merci, M. Leclerc, Mme St-Gérard, de votre présence ce
matin. Merci également pour le mémoire que vous avez déposé et les explications
que vous venez nous partager.
Premier point, c'était sur l'aspect
formation, on en a entendu parler également par les travailleurs sociaux juste
avant vous. Comment voyez-vous le rôle de la directrice nationale de la
protection de la jeunesse dans ce processus, là, de formation des intervenants,
des autres partenaires, etc.? J'aimerais vous entendre là-dessus. Parce que
nous, quand on a décidé... Dans la description de tâches qu'on inclut dans le
projet de loi, ça ressemble vraiment à ce que les recommandations de la
commission Laurent nous ont faites. Donc, j'aimerais voir si vous, vous aviez
une vision différente du rôle de la directrice nationale.
M. Leclerc (Denis) : Non, je
pense que le rôle de la directrice nationale, pour ce qui est de la formation,
peut être effectivement très important. Nous pensons qu'en matière de formation
deux dimensions sont importantes, la première étant de développer des
formations qui sont bien... bien campées sur les données probantes, sur les
données fortes de la science et de la réalité de la protection des enfants
vulnérables. Donc, à ce titre-là, nous pensons qu'il y a un souci, puis la
directrice de la protection... la directrice nationale pourra veiller à ce que
le contenu des formations se base sur de tels types de données.
Mais peut-être le rôle le plus important
de la directrice, c'est une uniformité de la diffusion de ces données-là et donc
des formations qui y sont reliées au niveau de l'ensemble du réseau. Nous l'avons
souvent soulevé, puis nous en avons fait référence dans notre mémoire, que
plusieurs <intervenants...
M. Leclerc (Denis) :
...réseau.
Nous l'avons souvent soulevé puis nous en avons fait référence dans notre
mémoire que plusieurs >intervenants nous ont souligné un certain vide
avec la disparition de l'Association des centres jeunesse, qui assurait une
certaine uniformité, une certaine diffusion, sur l'ensemble du territoire, des
meilleures données, des meilleures pratiques. Et on espère que le rôle de la directrice
nationale ainsi que du Forum des directeurs pourront justement pallier à cette
inégalité qui pouvait être observée parfois.
M. Carmant : D'accord. Puis
vous avez mentionné, à la fin... d'un codirecteur ou d'une directrice,
directeur adjoint pour les affaires autochtones ou les Premières Nations,
versus ce que je pensais qui... qu'on pensait plus, c'était d'aller vers un
commissaire qui serait plus dédié aux affaires autochtones ou aux Premières
Nations. Voyez-vous une différence entre les deux ou un avantage de l'un par
rapport à l'autre?
M. Leclerc (Denis) : Bien, je
pourrai commencer la réponse, j'inviterai ma collègue Rose St-Gérard à
compléter — je pense qu'il y a de l'écho, hein, je m'en excuse, si c'est
le cas. Je pourrai demander à ma collègue, par la suite, de compléter, c'est
son expertise beaucoup. Mais évidemment, quand vous parlez de... Nous, on parle
d'un directeur national adjoint, vous parlez d'un commissaire. Bien
honnêtement, les nuances des rôles de l'un et de l'autre, c'est un peu
difficile, pour nous, de bien les connaître, on n'est pas juristes, et tout ça.
Mais ce qui, pour nous, est important, puis c'est pour ça, peut-être, la notion
de directeur national adjoint, c'est que cette personne-là soit impliquée avec
le forum des directions pour qu'elle fasse partie des échanges et des décisions,
et tout ça, pour que cette diffusion-là, par rapport à cette réalité-là, soit
toujours... À la limite, ce n'est pas autant un chien de garde que quelqu'un
qui peut contribuer à amener une certaine expertise ou un certain regard dans
ça. Mais j'inviterais peut-être Rose à compléter au besoin.
Mme St-Gérard (Rose) : Bien,
en fait, effectivement, comme le disait M. Leclerc, la distinction entre
commissaire et directeur, pour nous, on n'a pas fait une grande analyse de la
question. Ce qui était vraiment plus important, c'est d'avoir une voix, à ce
niveau de gestion dans la structure, qui serait dédiée aux droits et aux
besoins des enfants autochtones. Vous avez mis de l'avant un très beau chapitre,
dans le projet de loi, qui, vraiment, mesure et tient compte des dispositions
applicables aux Premières Nations et Inuits. On trouvait qu'il y avait ce
besoin aussi, dans la structure organisationnelle, de faire écho de cette
volonté de prendre en compte les besoins des enfants autochtones.
M. Carmant : D'accord, merci
beaucoup. Et il faut que je vous entende... parce que c'est un peu naturel, la
prochaine question qui découle : Quel serait le rôle des ordres, de votre
ordre, par exemple, dans ce forum? Est-ce que vous voyez une position
là-dedans? Comment vous voyez ça?
M. Leclerc (Denis) : Vous
posez la question, M. le ministre, à savoir en lien... en soutien au forum ou
en participation au forum?
M. Carmant : Bien, comment
vous voyez ça de votre côté? Est-ce que c'est du soutien? Est-ce que c'est de
la participation? Nous, on est ouverts à vos suggestions.
• (12 heures) •
M. Leclerc (Denis) : Écoutez,
je pense que c'est important de bien intégrer, dans le fond, le rôle des
différents acteurs. Et les ordres professionnels, nous sommes trois ordres
professionnels, principalement, qui avons l'activité... dont nos membres sont
autorisés à faire l'activité réservée d'évaluer au niveau de la DPJ. Donc, à ce
titre-là, on devient, un, d'une certaine manière, des incontournables, mais,
par le fait même, des collaborateurs importants. Et évidemment, notre
collaboration, on souhaite la mettre de l'avant tout le temps. Donc, est-ce
que... On parlait tout à l'heure de la diffusion des données probantes et on
parlait de la meilleure manière de mettre de l'avant les meilleures pratiques.
Bien, à ce moment... à ce niveau-là, évidemment, les ordres sont là.
Ensuite de ça, c'est tout l'encadrement
qui est une responsabilité, j'aurais tendance à dire, partagée, hein? Vous
savez, le milieu... les DPJ elles-mêmes encadrent leurs intervenants, la
structure, les établissements, mais les ordres encadrent également, hein, au
niveau d'exigences de formation continue, au niveau d'inspection, au niveau de
diffuser des guides de pratique, et ainsi de suite. Et je pense que c'est
important que les participants de la commission, notamment, sachent que les
trois ordres concernés, principaux, principalement les travailleurs sociaux que
vous avez rencontrés tout à l'heure et les criminologues que vous rencontrerez,
bien, on est souvent en grande... en collaboration pour s'assurer également d'avoir
le plus possible une cohérence dans la manière dont on avance nos positions,
là, respectives.
M. Carmant : D'accord. Puis
surtout mon point, c'était aussi de voir comment diffuser de l'information le
plus largement possible aussi. Tu sais, oui, il y a la protection de la
jeunesse, mais, comme vous l'avez si bien dit, il y a tous les autres <services...
>
12 h (version révisée)
<17893
M.
Carmant :
...comment diffuser l'information le plus largement
possible aussi. Tu sais, oui, il y a la protection de la jeunesse, mais, comme
vous l'avez si bien dit, il y a tous les autres >services qui sont en
appui pour les enfants.
M. Leclerc (Denis) : Bien,
tout à fait, M. le ministre, hein? Vous savez, puis on a souvent échangé, on
met souvent de l'avant, puis on l'a mis très, très clairement de l'avant, nous,
dans notre mémoire mais aussi dans le mémoire pour la commission Laurent, l'importance
que l'ensemble des acteurs soient partie prenante pour éviter que la DPJ soit,
dans le fond, un peu à l'image, là, de l'urgence qui reçoit beaucoup trop de
problèmes qui ne relèvent pas de son expertise, et également l'importance de
collaborer avec ces ressources-là tout au long du processus, avec toute la
prudence nécessaire, évidemment.
M. Carmant : Un point que
vous avez soulevé, une recommandation, la recommandation n° 6,
était sur la mesure de l'efficience des services. C'est une question sur
laquelle je me pose toutes sortes de questions. Et auriez-vous une façon...
Quels seraient les critères, selon vous, qui devraient être mis de l'avant pour
mesurer la qualité des services? On mesure trop souvent la quantité des
services, malheureusement, avec nos indicateurs. Quelles seraient, selon vous,
des mesures de qualité des services?
M. Leclerc (Denis) : Évidemment,
ce n'est pas une réponse qui est simple, hein? C'est beaucoup plus facile d'avoir
des évaluations quantitatives que qualitatives, on en convient tous. Et, à ce
titre-là, on peut convenir que, pour les établissements, ce n'est pas simple de
le faire. Ceci dit, en parallèle à cela, il y a des guides de pratique, il y a
des données probantes qui sont mises de l'avant, il y a des façons dont les
professionnels donnent des services basés sur différentes orientations, là,
cliniques, qui sont solides, et tout ça n'est jamais évalué ou évalué de façon
souvent un peu... très, très proximale, supposons une évaluation annuelle avec
le supérieur, et ainsi de suite. Mais ce n'est pas mis en place dans les
établissements.
Donc, on met en place des orientations sur
des données probantes, et tout ça, puis, en bout de ligne, c'est comme si on se
croise les doigts en espérant qu'elles vont être appliquées, mais ce qu'on
mesure, c'est strictement le rendement, puis, lui, bien, souvent... On va tous
convenir que, des fois, le rendement, il va nuire à... il va aller à l'encontre,
dans le fond, d'une intervention basée sur des données excessivement rigides,
parce que peut-être que ça peut prendre plus de temps, ça demande une
cueillette de données plus large, et ainsi de suite. Donc, des fois, le
rendement, il est un petit peu... il va à l'encontre, en tout cas, donc, de l'information
que ça nous prend. On n'est pas contre, évidemment, il n'y a personne qui peut
être contre l'idée d'avoir également quelque chose, là, qui encadre une
efficience, quand même, dans un établissement, mais on déplore ça. Puis je
pense que là-dessus... vous souligniez tout à l'heure la collaboration puis la
contribution des ordres, je pense que, sur ces choses-là, les ordres peuvent
être grandement contributifs pour établir des modes d'évaluation qui seraient
un petit peu plus proches ou qui tiendraient compte davantage, un peu, de
données qualitatives et non uniquement quantitatives.
M. Carmant : O.K. Un point un
peu plus sensible, je sens, dans votre discours, tout comme... un peu comme les
travailleurs sociaux, une certaine hésitation, je dirais, peut-être, avec le
partage d'information. Tu sais, vous finissez en concluant que le partage d'information
entre membres d'ordres... Je pense que Mme Laurent avait une vision puis
les commissaires avaient une vision beaucoup plus large du partage d'information.
Je pense que le projet de loi décrit quand même bien, des deux côtés, qu'on va
chercher le plus d'information possible, on permet à des gens d'en fournir le
plus possible. Est-ce que je me trompe ou... Comment voyez-vous le partage d'information?
M. Leclerc (Denis) : En fait,
nous sommes... D'entrée de jeu, là, nous rejoignons tout à fait l'orientation
de Mme Laurent là-dessus, et j'espère... Merci de me donner l'occasion de
bien clarifier. Dans un premier temps, le partage d'information vers la DPJ
était déjà important, puis on considère qu'il demeure et doit le demeurer.
Ensuite de ça, on pense qu'il doit également y avoir la possibilité de partager
l'information dans l'autre direction. On ne parle pas de bidirectionnel parce
qu'on est très conscients que ce n'est pas le même niveau d'échange, mais dans
la direction des... quand c'est dans l'intérêt de l'enfant, on pense que c'est
important de pouvoir aller vers les partenaires. Vous avez vous-même, M. le
ministre, lors de votre allocution de lancement de la loi, parlé, entre autres,
de l'importance de partager... l'enfant avec une famille d'accueil, supposons,
des choses comme ça, et on <souscrit...
M. Leclerc (Denis) :
...
entre autres de
l'importance de partager... l'enfant avec une
famille d'accueil, supposons, des choses comme ça, et on >souscrit tout
à fait à cela. Ceci dit, on sait qu'il y a souvent une grande hésitation de la
part des intervenants de la DPJ, à dire : Oui, mais les informations sont
tellement confidentielles qu'on n'ose pas les partager, on ne sait pas comment
ça va se promener, est-ce que ça va se promener... prenons en milieu scolaire,
est-ce que ça va se promener d'une classe à l'autre, et ainsi de suite? Donc,
il y a une hésitation sur la dimension très, très sensible de certaines
informations.
Ce qu'on dit, c'est qu'à ce moment-là il
peut y avoir une gradation et que ce qu'on met de l'avant, c'est l'idée que
certaines informations qui... d'un côté, on considère qu'elles seraient utiles,
mais, d'un autre côté, elles sont très sensibles, et ça pourrait nous amener à
ne pas vouloir le faire, bien, on puisse le faire mais à la direction ou à l'intention
d'un membre d'un ordre professionnel qui est encadré par un code de
déontologie, par un encadrement des ordres, et qui a une rigueur obligatoire,
par sa fonction et par le fait de faire partie d'un ordre, sur le respect de la
confidentialité et du secret professionnel.
Donc, à ce titre-là, on a d'ailleurs reconnu
dans l'autre sens puisque qu'on dit même : Même avec le secret
professionnel qui est important, on peut des fois partager vers la DPJ, mais
aussi utilisons ce secret professionnel là également dans d'autres directions
lorsqu'on n'est pas tout à fait à l'aise de partager parce que c'est très
sensible, mais on pense que ça pourrait être pertinent. Donc, faisons confiance
dans nos partenaires membres d'ordres, qui peuvent être des psychoéducateurs,
des travailleurs sociaux, des psychologues, ou autres.
M. Carmant : Parfait, c'est...
merci de la clarification. M. le Président, je passerais la parole à ma
collègue députée de Roberval si... avec votre consentement.
Le Président (M. Provençal)
: Oui. 1 min 30 s.
Mme Guillemette : Merci, M.
le ministre. Donc, bien, je suis contente de la clarification de la question,
parce qu'on sait que, dans les équipes au niveau du SIPPE dans les CLSC, il n'y
a pas que des psychoéducateurs, il y a également des éducateurs spécialisés qui
font partie de ces équipes-là, qui ont des suivis à faire et qui ne font pas
partie d'ordres, qui n'ont pas d'ordre. Donc, il y aura un enjeu à ce niveau-là
dans le partage d'information. Et ce que je voudrais savoir... La
recommandation 11, vous dites de «mettre en place des mesures pour
éliminer les obstacles freinant l'accès aux services des CLSC par les parents».
Donc, j'aimerais vous entendre un peu sur les obstacles qui peuvent être... qui
peuvent avoir préséance.
Mme St-Gérard (Rose) :
Malheureusement, ce n'est pas notre recommandation. C'est... on a
10 recommandations, mais on peut...
Mme Guillemette : Bien,
parfait. Donc... mais... bien, on va continuer sur l'ordre. Donc, vous voyez
ça...
M. Leclerc (Denis) : Madame,
ce que je réalise, excusez, c'est que vous avez fait référence à une
recommandation que nous avions pour la commission Laurent et non pour le projet
de loi.
Mme Guillemette : D'accord.
Mme St-Gérard (Rose) : Désolée.
Mme Guillemette : S'il me
reste encore du temps, j'aimerais vous entendre : Comment vous voyez la
relation avec les équipes SIPPE, ceux qui n'ont pas d'ordre, et les ordres
professionnels? Comment on marie ça et on le fait correctement, là, en
protégeant l'enfant mais en donnant assez d'information aux personnes qui ont à
intervenir?
• (12 h 10) •
M. Leclerc (Denis) : Vous
savez, tout membre d'ordre professionnel est habitué de travailler avec des
membres d'une équipe multidisciplinaire. Parfois, ce sont d'autres membres d'autres
ordres professionnels ou du même ordre. Et souvent, évidemment, puis vous avez
nommé les techniciens en éducation spécialisée, supposons, bien, ce sont des
intervenants qui ne sont pas membres d'ordres professionnels. Et à l'intérieur
de ces équipes-là, il y a beaucoup de partage d'information dans les structures
et dans les règles qui sont établies dans chacun de ces établissements-là.
Nous, on ne nie pas ça, hein, on ne dit
pas qu'on ne peut pas partager d'information envers des gens qui ne sont pas
ordre. Notre vision n'est pas du tout, supposons, corporatiste ou quoi que ce
soit. L'idée, c'est simplement... je le répète comme je l'ai présenté au
ministre, c'est de dire : Parfois, la DPJ détient des informations où elle
se dit : Cette information-là est sensible, mais elle serait pertinente
pour le milieu, et, pour m'assurer que je ne la lance pas dans le vide, bon,
bien, je le fais à l'intention d'un professionnel qui aura le souci de
maintenir cette information-là, de la gérer de la meilleure manière possible, tout
comme l'intervenant lui-même le fait lorsqu'il a une personne qui vient dans
son bureau. Comme psychoéducateur en milieu scolaire, j'ai travaillé là, bien,
je ne partageais pas tout ce que j'avais comme information, mais je pouvais
décider de ce qui se partageait. Donc, c'est un peu cette responsabilité-là,
mais ça n'enlève pas la collaboration avec les intervenants qui ne sont pas
membres d'ordres, absolument pas.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup.
Mme Guillemette : Bien, je
vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: Nous allons poursuivre cet <échange...
M. Leclerc (Denis) :
...d'ordres, absolument pas.
Le Président (M. Provençal)
:
Merci beaucoup.
Mme Guillemette : Bien,
je
vous remercie
beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:
Nous allons poursuivre cet >échange
avec Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Oui, merci, M. le
Président. Bienvenue. D'ailleurs, je vais poursuivre sur cette question. Lorsque
la vie, et la sécurité, d'un enfant est en danger... Moi, j'ai siégé puis j'ai
une collègue ici qui a siégé sur la Commission spéciale sur l'exploitation
sexuelle des mineurs, et d'ailleurs la commission Laurent en parle, parce qu'il
y a des endroits communs d'intérêt, et la police nous disait qu'ils n'avaient
pas accès à l'information qui était cruciale pour pouvoir intervenir. Donc,
est-ce qu'on... Pensez-vous... Bon, cette notion de vie en danger ou sécurité
physique, dans votre domaine d'accès... Puis je comprends très, très bien vos
précautions, je comprends très, très bien, vous l'avez bien expliqué, et que,
dans la vie, normalement les ordres professionnels peuvent se partager ces
informations sensibles, mais la police, non, actuellement, d'après ce qu'ils
nous ont dit, puis plusieurs corps de police nous l'ont dit. Et, dans la
protection de la jeunesse, on a des fugueuses, elles sont dans des centres,
elles sont très à risque, et les policiers ont besoin d'information. Est-ce que
vous avez une perspective sur ces enjeux-là? Est-ce que ça prend une
qualification interne, pas dans la loi nécessairement, mais une compréhension?
Parce que les intervenantes, évidemment, n'avaient
pas le droit de partager de l'information, alors ça les freinait dans leurs
efforts. Alors donc, cette disposition est bien reçue, cette recommandation est
très bien reçue par ce milieu-là. Est-ce que vous avez des commentaires de
précaution, je ne sais pas, avec votre expertise, comme vous avez dans les
autres domaines? C'est-à-dire que vous recommandez de professionnel à
professionnel, mais, dans ce domaine qui est particulier, avez-vous des
recommandations?
M. Leclerc (Denis) : Votre
question me permet de ramener, encore une fois, une précision. Notre
orientation principale et de base, c'est d'abord de dire que nous sommes
favorables à ce qu'il y ait davantage de partage d'information et que ça se
fasse dans l'intérêt de l'enfant, évidemment, d'abord et avant tout. Donc,
quand vous nous parlez... quand vous situez un élément où la vie de l'enfant...
ou des éléments de sécurité, pour nous, c'est assez clair qu'on est dans la
situation de l'intérêt de l'enfant, et je pense que, dans un tel cas, il ne
devrait pas y avoir trop d'hésitations.
Ensuite de ça, ce qu'on s'est dit, c'est :
il faut juste le deuxième niveau, c'est comme de dire... On a deux questions à
se poser : Est-ce que ce serait dans l'intérêt de l'enfant que ce soit
partagé, d'abord? Et, de deux, est-ce que c'est très sensible, donc il faut
faire attention dans la manière de le partager? Parce qu'on pourrait avoir une
information relativement banale mais qui est dans l'intérêt de l'enfant, et on
est très à l'aise de la partager, et la DPJ, souvent, le faisait déjà, alors
que, d'autres fois, ça peut être très sensible.
Dans ce deuxième niveau là, nous, on a
amené la notion de membre d'ordre, mais on peut amener d'autres notions. Moi,
je ne suis pas très familier avec le monde policier, mais je sais très bien que
les policiers ont à composer quotidiennement avec des informations sensibles qu'ils
ne partagent pas de façon élargie. Alors, c'est un autre type d'encadrement, mais,
dans le fond, c'est simplement... Nous, on se dit : Quand il y a des
informations qui sont sensibles, on s'assure d'à qui on les donne. Et moi, je
pense qu'on est bien placé, nous, comme ordre professionnel, à soulever que
le... de le partager avec un membre d'ordre. On dit : Nous, là, on encadre
ces gens-là puis on est confiants qu'ils vont bien utiliser cette
information-là, mais les policiers pourraient répondre la même chose, et moi,
je n'aurais pas d'objection. Ce n'est pas une question d'exclusivité. C'est par
rapport à notre expertise et à nos membres, on dit : Ces gens-là peuvent
recevoir des informations confidentielles et bien les gérer.
Mme Weil : C'est très bien,
ce que vous dites, d'ailleurs, parce qu'une porte est ouverte maintenant avec
le projet de loi, une fois que ce sera adopté, mais ce que vous dites, il y a
des genres de mises en garde, donc la DPJ, une formation, etc. Parce que, pour
l'instant, c'est non, c'est non, mais là ils vont... et à l'interne... je
regarde la directrice nationale, donc, justement, les bonnes pratiques, qu'est-ce
qu'il faudrait instituer, donc. Bien, merci pour cette question. Ma collègue,
je pense... Il reste combien de minutes?
Le Président (M. Provençal)
: Cinq minutes, madame.
Mme Weil : O.K. J'aurai une
autre question rapide puis... Bien, c'est... Vous mentionnez, puis j'ai posé la
question à ceux qui sont venus avant vous, les familles d'accueil, que peu est
dit sur les familles d'accueil dans le projet de loi : «...à notre avis,
devraient occuper une place plus marquée», parce qu'elles jouent un rôle
important. Peut-être vous entendre sur cette question.
M. Leclerc (Denis) : Bien, on
considère que les familles d'accueil sont souvent perçues, puis ma collègue
pourra peut-être compléter... sont souvent perçues comme étant un peu des <intervenants...
M. Leclerc (Denis) :
...on considère que les familles d'accueil sont souvent perçues, puis ma
collègue pourra peut-être compléter, sont souvent perçues comme étant
un
peu des >intervenants parallèles au système. Pourtant, elles sont
excessivement intégrées. Et souvent, bon, le ministre l'avait souligné, j'en ai
fait référence tout à l'heure, que souvent ils ne reçoivent pas l'information
qui pourrait leur être utile pour bien accompagner l'enfant qui leur est
confié. Mais c'est aussi... à travers tout ça, on pense qu'il devrait y
avoir... mais on ne s'est pas autant arrêté sur la manière d'écrire sur le plan
légal la chose, mais on trouve qu'elles sont encore une fois établies quasiment
par politesse et un peu en parallèle plutôt que d'être intégrées dans l'ensemble
du système. Rose a peut-être un complément d'information à apporter là-dessus.
Mme St-Gérard (Rose) : Bien,
en effet, pour nous, il nous apparaît comme d'une grande importance qu'on mette
de l'avant, avec le projet de loi n° 15, l'importance
de la mobilisation, la concertation et la collaboration entre les ressources,
de reconnaître aussi les ressources de type familial ou les familles d'accueil
de proximité, qui établissent des liens significatifs avec les enfants et, dans
le continuum de services, ont une valeur ajoutée à la stabilisation de l'enfant
qui est en situation de compromission. Donc, pour nous, c'est très important d'en
tenir compte.
Mme Weil : Très bien, merci
beaucoup. Avec votre permission...
Le Président (M. Provençal)
:Oui. Alors, Mme la députée de Bourassa-Sauvé,
à vous la parole.
Mme Robitaille : Combien de
minutes, M. le Président?
Le Président (M. Provençal)
: 3 min 30 s.
Mme Robitaille : Parfait.
Bonjour, merci. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Je voulais vous parler de
comment bonifier la loi pour adapter les services aux communautés
ethnoculturelles. Moi, je suis la députée de Bourassa-Sauvé, c'est
Montréal-Nord. La grande... bien, la majorité de nos citoyens maintenant sont
issus de l'immigration. Beaucoup de nos citoyens font partie de minorités
visibles. Et, quand on lit le rapport Laurent, on constate que les enfants
noirs sont plus susceptibles de se retrouver en protection de la jeunesse que d'autres
enfants. Alors, moi, je voulais vous entendre là-dessus.
Vous parliez tout à l'heure de
responsabilité partagée. Vous disiez que le rôle n'était pas seulement à la
DPJ, on l'a dit, le ministre l'a dit, on l'a tous dit. Mais vous, comment vous
voyez cette problématique-là? Comment vous pensez qu'on peut mieux aider les
communautés noires, défavorisées, de lieux comme mon comté, par exemple, à
faire face à tous ces enjeux-là? Et vous, comme Ordre des psychoéducateurs,
comment vous pensez que vous pouvez jouer un rôle là-dedans?
M. Leclerc (Denis) : L'enjeu
que vous soulevez est excessivement pertinent et important, évidemment. Nous ne
pensons pas, ceci dit, que c'est nécessairement un changement dans la loi.
Donc, on est plus dans les éléments de pratique. Donc, à ce moment-là, c'est de
s'assurer que les bonnes pratiques se font et qu'elles tiennent compte
également de ces diversités culturelles, ethnoculturelles, et autres. Donc, je
pense que ça, c'est un élément.
Donc, tout à l'heure, on parlait de
formation, bien, alors, pour nous, de bien former les intervenants à ces
dimensions-là, de bien accompagner, de donner des lignes directrices qui, oui,
sont universelles, mais parfois elles sont ajustées aux réalités autant
ethnoculturelles que territoriales, hein? Le président de l'Ordre des travailleurs
sociaux, avant moi, soulignait les différences entre intervenir à Montréal,
intervenir sur la Basse-Côte-Nord, ou aux Îles-de-la-Madeleine, ou autres, bien,
c'est un peu aussi des éléments. Donc, tous ces éléments-là en font partie.
Mais je reconnais tout à fait que, par
rapport à certaines communautés, vous avez parlé des communautés noires,
notamment, bien, il y a des questionnements qu'on doit avoir, hein, sur
peut-être certaines réalités qui sont moins bien adaptées dans nos pratiques.
Mais je répète que je ne pense pas que la loi, pour autant, doive être changée
pour répondre à cette dimension-là. En tout cas, on n'a pas vu d'élément dans
la loi qui nécessitait peut-être un ajustement.
• (12 h 20) •
Mme Robitaille : Donc, bien,
je vois... Donc, une meilleure formation, une meilleure communication, j'imagine,
avec les parents, avec les gens de ces familles-là. Parce que la communication,
souvent, elle ne passe simplement pas.
M. Leclerc (Denis) : Bien,
tout à fait, là, on est davantage dans l'ordre des pratiques, des bonnes
pratiques, puis également de ne pas écarter le souci qui est à la base de votre
question, à savoir est-ce que, justement, il y a des réalités auxquelles
on devrait se pencher, puis ne pas se dire : Bien, non, non, la loi, c'est
la même pour tout le <monde...
M. Leclerc (Denis) :
...
justement,
il y a des réalités auxquelles on devrait se
pencher puis ne pas se dire : Bien, non, non, la loi, c'est la même pour
tout
le >monde, puis on l'applique de la même manière. Mais une fois qu'on...
La loi est la même, mais, après ça, il y a des façons de travailler les choses,
de travailler avec les communautés, d'échanger. Vous avez parlé de la question
de la langue. Bien, parfois, les parents ne parlent même pas ni l'anglais ni le
français. Alors, à ce moment-là, c'est des réalités que les intervenants sur le
terrain, de toute façon, ils doivent ajuster. Mais on peut aller un peu plus
loin que juste dire : Bon, bien là, on va trouver un traducteur. Mais qu'est-ce
qu'il y a en arrière de tout cela? Je pense qu'il y a des réflexions
importantes. Je ne prétends pas que ce n'est pas fait, mais je souscris, comme
vous, que je pense qu'il y a encore du travail à faire pour aller un peu plus
loin.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. J'invite le député de Jean-Lesage à poursuivre cet
échange.
M. Zanetti : Merci beaucoup.
Sur la question de la confidentialité, là, j'entends votre assentiment à dire :
Il faut favoriser le partage d'information. Vous dites... Vous donnez deux
critères : quand c'est dans l'intérêt de l'enfant et que ce n'est pas du
contenu trop sensible, là, ce que j'ai compris. Pouvez-vous imaginer une
situation dans laquelle le partage d'information irait trop loin? Quelle serait
la limite à ne pas franchir, selon vous?
M. Leclerc (Denis) : Bien, en
fait, j'essaie de trouver une image, mais, pour moi, c'est qu'il est difficile
d'avoir un cas précis où la dimension va trop loin, dans la mesure où
pratiquement toute information peut être pertinente, en autant que c'est dans l'intérêt
de l'enfant de la transmettre. Il a été dit... Puis je vais donner une image
parce qu'elle me semble forte également, mais elle ne touche pas, justement...
c'est plus facile, en plus, parce qu'elle ne touche pas nécessairement le
travail d'un professionnel : un enfant en bas âge qui est placé parce qu'il
y a eu des abus sexuels, puis je me souviens que la responsable des familles d'accueil
disait : Le parent de famille d'accueil ne le sait pas, et, quand il
arrive à la maison puis qu'il lui donne un bain, bien, vous comprenez qu'il ne
comprenne pas la réaction de l'enfant, alors que l'enfant est là justement
parce que ces situations-là étaient des situations d'abus. Donc, c'est une
information excessivement sensible, celle d'un abus sexuel, qui ne doit pas
être partagée sans prudence, mais, dans ce cas-là, ne pas la partager peut
créer un préjudice.
Alors, c'est toujours faire cet
équilibre-là entre le partage de l'information et comment... l'importance par
rapport à l'intérêt de l'enfant, et comment la partager, et donc à qui la
partager. Donc, ce qu'on dit, c'est : Quand on arrive avec des
informations sensibles... Puis, dans ce cas-là, il n'y a pas de membre d'ordre
professionnel, c'est une personne d'une famille d'accueil. Mais, si on arrivait
dans une école, où il y a une multitude d'intervenants, qu'on se disait :
Il y a une information qui est sensible, qui pourrait être pertinente, mais on
ne veut pas qu'elle se promène partout au niveau de l'école, bien là, on peut
interpeler un intervenant membre d'un ordre professionnel, et ça nous donne une
manière de pouvoir le faire avec prudence.
Donc, c'est toujours... Je ramène à dire :
Quand vous me demandez un exemple, bien, c'est plus, toujours, jauger les deux
éléments. Puis il n'y a peut-être pas tant d'informations qui ne peuvent jamais
être partagées, mais il faut être prudent quand même.
M. Zanetti : Je reposerais ma
question mais autrement. Dans le fond, tout le dilemme que pose cet enjeu-là, c'est :
À quoi sert, finalement, la confidentialité dans le cas d'une relation d'aide
avec un enfant?
M. Leclerc (Denis) : D'abord,
la confidentialité, c'est un principe qui est très fort pour tout membre d'ordre
professionnel. Les informations qu'on a sont confidentielles, et, à ce
titre-là, bien, on doit les respecter. Mais, dans le cas qui nous occupe, bien,
c'est de se dire : L'enfant, actuellement, vit une situation, il y a une
situation importante. Est-ce que les intervenants, pour continuer à aider cet
enfant-là, devraient savoir cette information-là? Un enfant qui vit une
situation où la DPJ est entrée chez eux, il y a eu peut-être le placement d'une
petite soeur, mais pas lui, le père a été arrêté dans ce cadre-là, bon, j'improvise,
je m'en excuse, bien, est-ce que l'école ne devrait pas savoir qu'il se vit
quelque chose d'important à la maison en lien avec une intervention de la DPJ?
Probable. Puis même, dans les conditions actuelles, ils le sauraient, mais
c'est... L'idée est de dire : Qu'est-ce qui est important pour aider cet
enfant-là dans la continuité de son vécu puis en continuité de l'intervention
de la DPJ? La DPJ a tout intérêt à ce qu'on puisse... malgré l'intervention qui
est excessivement perturbante pour un enfant, bien, elle a tout intérêt à faire
en sorte que les intervenants qui sont autour de cet enfant-là puissent
continuer à intervenir en accord et en... pour soutenir cet enfant-là, entre
autres dans toute sa <détresse...
M. Leclerc (Denis) :
...
intervenants qui sont autour de cet enfant-là puissent continuer à
intervenir
en accord et en... pour soutenir cet enfant-là, entre autres, dans toute sa
>détresse, au moment où l'intervention se fait. Donc, il y a toute une
collaboration qui peut aider autant la DPJ que l'enfant et le milieu.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup.
M. Zanetti : Je vous remercie.
Le Président (M. Provençal)
: Nous allons terminer cette période d'échange avec le
député de René-Lévesque.
M. Ouellet : Merci beaucoup, M.
le Président. Donc, je veux revenir sur la discussion que les collègues ont eue
sur les réalités régionales. Vous voyez les statistiques tout comme moi, il y a
des communautés qui sont surreprésentées, il y a des jeunes, dans des régions
du Québec, qui sont surreprésentés à la DPJ. Bref, statistiquement, on sait
que, dans certaines communautés ou dans certaines régions du Québec, il y a des
enfants qui sont plus à risque que d'autres.
Et je comprends, dans la discussion qui a
eu lieu tout à l'heure, que c'est peut-être difficile d'inscrire dans la loi
des dispositions menant à aplanir ces disparités-là, mais est-ce que vous
seriez d'avis... Parce que le ministre en a fait mention tout à l'heure, il y a
un nouveau préambule qui apparaît à l'intérieur même du projet de loi, on
pourrait faire cette distinction-là au nom du bien-être de l'enfant. Je
m'explique. Considérant que les enfants peuvent vivre des situations
socioéconomiques différentes, ou ont des réalités sociosanitaires différentes,
ou vivent dans des régions qui ont des indices de dévitalisation différents,
est-ce que ça pourrait donner une indication au gouvernement de mettre des efforts
supplémentaires, justement, pour assurer que les services, et les moyens, et
les ressources soient disponibles là où on en a besoin, dans des régions
criantes, ou dans des secteurs, ou dans des communautés qui, malheureusement,
sont surreprésentées?
M. Leclerc (Denis) : Vous le
soulevez pour l'inclure dans le préambule, et, à ce titre-là, bon, pour être
honnête, on ne s'est pas arrêtés à ça, mais je trouve que l'idée peut être
intéressante, dans le même ordre d'idées qu'il y a eu quand même des mesures
par rapport aux autochtones. Mais, dans le préambule et en amont des mesures
pour les autochtones, bien, on dit que l'intervention doit se faire en tenant
compte des facteurs historiques, sociaux, culturels qui distinguent les jeunes
des communautés autochtones, mais on pourrait avoir ce même souci-là de
manière... en préambule pour tenir compte, de façon générale, des
particularités régionales et ethnoculturelles des communautés avec lesquelles
on travaille. Tout à fait. Peut-être, j'inviterais Rose, qui, elle, a travaillé
beaucoup avec les communautés autochtones mais qui connaît bien également
l'ensemble de l'intervention, à compléter la question plus précise.
Mme St-Gérard (Rose) : Oui, en
effet, comme, votre préoccupation, elle est intéressante, que de l'inclure dans
le préambule, mais déjà le préambule faisait mention des déterminants qui sont
importants par rapport à la primauté de l'enfant. Donc, quand on est en train
d'analyser la primauté de l'intérêt de l'enfant, il faut nécessairement prendre
en facteur ces facteurs socioculturels qui le déterminent, et cette analyse
doit faire une intervention beaucoup plus ciblée et complète qui va répondre
aux besoins de l'enfant. Donc, effectivement, dans le préambule, il y avait
déjà des belles choses qui ont été statuées. D'aller plus loin par rapport à
vos recommandations, ça serait certainement aidant pour des enfants qui vivent
dans des conditions complètement différentes des grands centres. Ça serait un
ajout qui serait intéressant, et ça va dans le même sens que nous, on a nommé,
dans le mémoire, par rapport à la primauté de l'intérêt de l'enfant qui en fait
partie.
M. Ouellet : Rapidement, je
voudrais revenir sur les dispositions sur le partage d'information qui ne sont,
à votre avis, pas suffisamment claires. Est-ce qu'on devrait effectivement
clarifier? Parce que, tout le long des choses qu'on a entendues lors de la
commission, les gens nous disaient : Bon, la DPJ faisait ce qu'elle
pouvait ou intervenait en fonction d'un cadre qui n'était pas clair. Là, on a
l'opportunité de l'éclaircir pour donner un guide le plus clair possible, pour
que ce soit au bénéfice de l'enfant. Plusieurs spécialistes viennent nous dire :
Bien, ça va être au jugement du professionnel si cette information-là devrait
être transmise ou pas. Il y a encore... à mon avis, il y a encore une grande
part, trop grande part d'interprétation sur la qualité de l'information à
transmettre ou du moins sa confidentialité. Ne devrait-on pas, comme
législateurs, clarifier des détails et des caractéristiques qui fait que ce
genre d'information, de façon très précise, devrait être transmis à l'ensemble
des intervenants pour favoriser le bien-être de l'enfant?
• (12 heures) •
M. Leclerc (Denis) : Bien, ça
va un petit peu... ça va dans le sens, effectivement, de ce que... Oh! il y a
un écho. Ça va dans le sens de ce qu'on a effectivement établi, mis de l'avant,
c'est-à-dire l'importance de... — excusez, j'ai été distrait — l'importance,
effectivement, de bien établir cette transmission. Et on pense que... Vous
savez, même dans l'ancienne loi, on pouvait retrouver certains éléments ou une
formulation qui disait : Quand on juge que c'est absolument important, on
peut le transmettre, mais c'était très, très timide et ça ne se <traduisait
pas...
>
12 h 30 (version révisée)
< M. Leclerc (Denis) :
...quand on juge que c'est
absolument important, on peut le transmettre, mais c'était très, très timide et
ça ne se >traduisait pas. On va un peu plus loin dans la formulation,
mais on pense qu'on devrait être un peu plus clair. On ne s'est pas arrêté sur
la manière de le formuler, mais on convient, comme vous, que ce n'est peut-être
pas suffisamment clair. Mais, en même temps, je comprends la réticence des
intervenants de DPJ qui disent : Nous, on a des informations très, très
confidentielles et on veut éviter que ça tombe dans une image de voyeurisme,
hein, de tout savoir, et tout ça. Ce n'est pas nécessaire que tout le monde le
sache, évidemment, et ce n'est pas toute information qui est pertinente. Alors,
il faut jauger ça. Et on soumet, là, bien humblement, là, l'idée d'essayer d'aller
un petit peu plus loin, mais on se fie peut-être au travail des législateurs de
trouver les bonnes formulations.
Mais, je conclus avec ça, l'idée est
plutôt d'amener une culture où les... on ne fait pas juste partager parce que
ça sert l'intérêt de l'enfant, oui, mais de la DPJ, mais également parce que ce
sont des partenaires importants, puis on peut travailler en collaboration. Et c'est
cette culture-là qui est peut-être moins présente historiquement. J'ai été
professionnel dans les milieux, j'ai fait des signalements, et on dirait que ça
pouvait faire trois ans que je travaillais avec un jeune, et, au moment où je
fais le signalement, je suis éclipsé complètement du suivi de ce qui se passe
par rapport à ce jeune-là. Pourtant, je pense que je pouvais, à ce moment-là,
continuer à être un collaborateur et continuer à être important pour le jeune.
Et parfois c'est le jeune lui-même qui me ramenait l'information que la DPJ ne
m'avait pas transmise.
Alors, vous voyez un peu, c'est des
situations comme celles-là qu'on pense qu'en bout de ligne, cette culture-là de
travailler en silo, on doit essayer de passer à autre chose.
M. Ouellet : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Je remercie Mme St-Gérard et M. Leclerc
pour leur participation et leur contribution à nos travaux.
La commission suspend les travaux jusqu'après
les affaires courantes. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 34)
15 h (version révisée)
(Reprise à 15 h 30)
Le Président (M. Provençal)
:Alors, on va reprendre nos travaux.
Bienvenue à la Commission de la santé et des services sociaux. La commission
est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi n° 15, Loi modifiant la Loi sur la
protection de la jeunesse et d'autres dispositions législatives.
Cet après-midi, nous entendrons les
personnes et groupes suivants : l'Alliance du personnel professionnel et
technique de la santé et des services sociaux du Québec, M. Jean-Pierre Hotte,
l'Assemblée des premières nations Québec, Labrador et le bureau du Québec.
Je souhaite maintenant la bienvenue aux
représentants de l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé
et des services sociaux. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour
présenter votre exposé, et par la suite il y aura un échange avec les membres
de la commission. Alors, je vous cède immédiatement la parole. Merci de votre
présence.
Alliance du personnel professionnel et technique de
la santé et des services sociaux (APTS)
M. Garceau (Steve) : M. le
Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, merci de nous recevoir
aujourd'hui. Permettez-moi, tout d'abord, de vous présenter celui qui m'accompagne,
Maxime Vallée-Landry, coordonnateur au secteur de l'organisation du travail à l'APTS.
L'APTS est une organisation syndicale qui
représente plus de 60 000 professionnelles et techniciennes qui
pratiquent dans le réseau pour plus d'une centaine de titres d'emploi. Parmi
ces 60 000 membres, l'APTS compte une très grande majorité du
personnel des services en protection de la jeunesse, soit quelque 10 000 intervenants,
notre organisation à donc une <compréhension...
>
15 h 30 (version révisée)
< M. Garceau (Steve) :
...notre organisation a donc une >compréhension fine des services
jeunesse et des défis auxquels font face les jeunes qui en bénéficient.
Pour ma part, je suis Steve Garceau et je
suis représentant national à l'APTS. J'ai travaillé pendant 12 ans en
centre jeunesse, neuf ans à titre de psychoéducateur, avec ce que ça
représente de fierté, mais aussi de déchirements. Personnellement... dans le
milieu, on est rendus à se dire qu'on va tous être confrontés à un drame majeur
pendant notre passage en protection de la jeunesse. Personnellement, j'ai vécu
des situations excessivement difficiles, voire indescriptibles. Et, chaque fois
qu'un drame comme celui de Granby arrive, c'est avec la même douleur que je
pense aux enfants, aux familles et aux personnes qui les accompagnent. Parmi
elles, il n'y en a pas une que je connaisse qui n'a pas cette mission à cœur :
sauver des enfants, c'est notre raison d'être.
D'emblée, je veux saluer l'initiative du
gouvernement de rouvrir la Loi sur la protection de la jeunesse et vous répéter
que l'APTS a reçu favorablement ce projet de loi. Je pense que nous partageons
tous ici une conviction, c'est que dorénavant le bien-être de nos enfants doit
primer. Des améliorations importantes en ce sens sont à noter. Nous saluons
notamment la mise en place de la représentation systématique des enfants par
avocat, l'amélioration des partages des renseignements ainsi que la
bonification du panier de services jeunesse.
Cependant, certains éléments ne sont pas
encore à la hauteur de nos ambitions collectives. À l'APTS, on croit qu'on peut
aller plus loin pour assurer le bien-être des jeunes de la province. Ça
commence par nous assurer de ne rien laisser échapper dans la réécriture de
cette loi sur laquelle on va se reposer pour protéger nos enfants. Vous-même le
disiez en décembre dernier, M. Carmant, les articles 3 et 4 de la LPJ
apportent une certaine confusion sur le terrain, à savoir que les intervenantes
sont déchirées entre protéger l'enfant et le maintenir dans son milieu
familial. L'APTS considère que la modification proposée dans le p. l. n° 15 ne dissipera pas ce flou. Comme l'a réitéré Mme Laurent
ce matin, c'est crucial que les principes généraux de cette loi établissent
clairement la primauté du bien-être de l'enfant. C'est d'ailleurs l'objet de
notre première recommandation, qui empêche un glissement vers le retour d'un
milieu familial à tout prix, et ce, aux dépens de l'intérêt de l'enfant.
Aussi, l'article 76.2 est celui qui a
soulevé le plus d'inquiétudes de la part des intervenantes et procureurs
consultés. Son ajout prévoit en substance que toute demande pour une ordonnance
sur mesure d'urgence doit faire l'objet d'une signification aux parents, et ce,
24 heures à l'avance. Cela veut dire que l'entrée en vigueur d'une mesure
d'urgence visant, par exemple, à protéger un enfant qui risque de subir un abus
sexuel pourra être reportée par la cour. On risque donc d'exposer l'enfant à
des situations compromettantes pour sa sécurité à cause de contraintes administratives.
On propose donc de retirer l'article 76.2 dans son intégralité ou, à
défaut, d'ajouter un alinéa à l'article 76.1 pour prévoir quelles
nouvelles obligations vont être effectuées dans la mesure du possible et selon
les modalités pertinentes dans le contexte. Nous ne pouvons tout simplement pas
nous permettre de faire courir des risques aussi graves aux enfants. M. le
ministre, les enfants n'ont pas le temps d'attendre.
Nous voulons aussi attirer votre attention
sur l'article 85.1 de la Loi sur la protection de la jeunesse, qui présume
de l'aptitude de l'enfant de 14 ans et moins à témoigner. En l'état, cet
article fait porter sur l'enfant le poids de sa propre protection en l'obligeant
à venir témoigner pour prouver qu'il en est incapable ou encore pour prouver
que témoigner porte atteinte à sa sécurité ou à son développement. Vous
admettrez que c'est paradoxal. Vous comprendrez donc notre surprise de
constater qu'aucune modification n'est prévue dans le projet de loi pour
corriger le tir. Pour déclarer un enfant inapte à témoigner, il faut qu'une des
parties soulève un doute quant à son inaptitude, puis que le tribunal lui-même
procède à l'interrogatoire de l'enfant pour trancher sur la question. Cela peut
avoir des conséquences extrêmement graves pour la santé psychologique de l'enfant,
notamment en réactualisant son traumatisme.
Même si les parties consentent de visu à l'inaptitude
de l'enfant à témoigner, aucune disposition ne permet de le soustraire à l'interrogatoire
par le tribunal. Il faut modifier la LPJ pour que plus jamais des enfants en
bas âge, victimes de sévices graves, ne se retrouvent questionnés par un juge
dans des conditions qui nuisent à leur santé psychologique et émotionnelle.
Heureusement, ces situations peuvent être évitées en harmonisant les principes
généraux du témoignage prévus à la Loi sur la protection de la jeunesse à ceux
au Code civil. C'est d'ailleurs l'objet de notre troisième recommandation. Je
ne vous cache pas non plus que beaucoup d'intervenantes et de procureurs du DPJ
se réjouiraient de voir un comité d'experts se pencher sur la possibilité d'établir
un âge minimal en deçà duquel les enfants sont automatiquement considérés
inaptes à témoigner. Voilà pour ce qui est du texte de loi à proprement parler.
Ceci dit, une loi reste à l'état de
symbole tant et aussi longtemps qu'elle n'est pas appliquée. En l'occurrence,
ce travail d'application va revenir en écrasante majorité au personnel en
centre jeunesse et particulièrement aux membres de l'APTS qui travaillent à
titre d'intervenantes. Mon rêve, et je sais que mon organisation et mes
confrères et consoeurs le partagent, c'est qu'on sort tous d'ici avec cette
même <conviction que le bien-être des enfants est indissociable de celui
du réseau...
M. Garceau (Steve) :
...aux membres de l'APTS qui travaillent à titre d'intervenantes. Mon rêve, et
je sais que mon organisation et mes confrères et consoeurs le partagent, c'est
qu'on sort tous d'ici avec cette même >conviction que le bien-être des
enfants est indissociable de celui du réseau.
Alors, oui à plus d'accompagnement
psychosocial. Oui à des services offerts avec l'intensité requise. Oui à
favoriser les contacts de l'enfant avec les personnes qui lui sont chères. Oui
à une transition plus fluide vers l'âge adulte, et on peut même en faire plus.
Tous ces services sont indispensables, et les personnes qui travaillent en
protection de la jeunesse sont les premières à se réjouir à l'idée de pouvoir
donner ces services. En revanche, ils et elles sont aussi catégoriques : le
réseau, dans son état actuel, n'est pas en mesure d'assurer des services
supplémentaires.
M. le ministre, le plus gros du travail
reste à faire. Vous avez le devoir de rendre la LPJ effective. Pour ça, des investissements
conséquents et pérennes sont incontournables. Ne manquez pas, s'il vous plaît,
l'occasion qui se présente à vous de doter le Québec d'un bouclier de
protection budgétaire pour les services de protection de la jeunesse. Confions
annuellement le mandat à une entité indépendante de déterminer les ressources
nécessaires pour livrer des services jeunesse à la hauteur de nos ambitions,
par exemple le Vérificateur général. Confions à la directrice nationale de la
protection de la jeunesse celui de s'assurer que les DPJ régionaux aient accès
à ces sommes. Ayons l'audace et le courage au Québec de mettre un instant de
côté les allégeances politiques pour le bien-être des milliers d'enfants. C'est
maintenant ou jamais. Il en va de leur santé, de leur sécurité, voire de leur
vie.
Je veux aussi vous rappeler les propos du
premier ministre lui-même, qui déclarait en octobre dernier que les personnes
les mieux placées pour connaître la meilleure façon de faire sont celles qui
travaillent sur le terrain. C'est particulièrement vrai lorsque vient le temps
de déterminer les mesures qui s'imposent pour assurer le bien-être de l'enfant.
Pourtant, des délais maximaux sont encore prévus pour les ententes sur les
mesures volontaires. Que se passe-t-il donc quand les intervenantes considèrent
qu'il faut prolonger ces ententes? Ils et elles doivent s'en remettre aux
tribunaux, ajoutant à la surcharge de travail et à celle du palais de justice.
Profitons donc aussi de ce projet de loi
pour mettre les beaux principes en application et reconnaître une bonne fois
pour toutes l'expertise socioclinique des professionnels impliqués. En plus de
leur donner les moyens de nos ambitions, laissons-leur la latitude de faire
leur travail en collaboration avec les familles et les enfants. Retirer les
délais maximaux prévus à l'article 53 de la LPJ est un bon point de départ
pour le faire. Le bien-être des enfants est tout simplement inatteignable sans
une franche revalorisation et une considération accrue et systématique de l'expertise
des professionnels qui se donnent tous les jours pour assurer l'épanouissement
de nos jeunes.
Finalement, le bien-être de nos jeunes va
passer par un leadership fort, clairement défini et paritaire en matière de
protection de la jeunesse. L'APTS salue la création et l'institution, dans le
projet de loi, d'une directrice nationale de la protection de la jeunesse, mais
la structure proposée pour ce poste suscite énormément de questions, des
questions quant au partage des compétences entre la DNPJ et les ordres
professionnels, des inquiétudes sur les contours des pouvoirs de la DNPJ et sur
son imputabilité, des craintes quant à sa dépendance au ministère et à son
positionnement non pas comme une alliée des enfants et de ceux qui les
accompagnent, mais comme une énième instance de direction centralisée. Nous
manquons malheureusement de temps pour vous les exposer plus en détail, mais
Maxime et moi serons heureux de revenir là-dessus durant la période de
questions.
Pour finir, j'aimerais rappeler que l'APTS
a toujours prôné que la clé pour améliorer les conditions des enfants au Québec
se trouvait en amont de la protection de la jeunesse. En ce sens, nous
maintenons que la priorité du gouvernement doit être de renforcer les services
de première ligne et de prévention. Parce qu'ultimement ce que nous visons tous
et toutes, c'est que la protection de la jeunesse, qui nous occupe aujourd'hui,
soit le tout dernier recours. Merci beaucoup.
• (15 h 40) •
Le Président (M. Provençal)
: Merci, M. Garceau, pour votre exposé. Nous allons
débuter cette période d'échange avec M. le ministre. Alors, M. le ministre, je
vous cède la parole.
M. Carmant : Merci
beaucoup, M. le Président. Merci, M. Garceau, M. Vallée-Landry, pour
le mémoire et puis pour votre présence ici aujourd'hui.
Allons-y avec le premier point. Alors, on
parle de renforcer la primauté et l'intérêt de l'enfant. Plusieurs nous ont dit
de renforcer le préambule, quand on parle d'une priorité versus la priorité,
mais vous, dans votre mémoire, vous parlez surtout de modifier l'article 4
en y retirant la dernière phrase, qui est... bien, je peux vous la lire, là :
«Le maintien de l'enfant dans son milieu familial doit être privilégié, à
condition qu'il soit dans l'intérêt de cet enfant.» Donc, vous, vous pensez que
ce serait encore plus clair si on retirait cette <phrase...
M. Carmant :
...cet
enfant. Donc, vous, vous pensez que ce serait encore plus clair si on retirait
cette >phrase?
M. Garceau (Steve) : Merci,
M. le ministre, pour la question. Effectivement, c'est... votre compréhension
est la bonne. Nous, on croit que, dans le libellé actuel du projet de loi n° 15,
la confusion historique qui a été longtemps évoquée entre... et le déchirement
entre maintenir un enfant et essayer le retour de l'enfant dans un milieu
familial à tout prix va être encore là. Nous, ce qu'on propose, c'est de
retirer notamment la dernière phrase, comme vous l'avez mentionné, mais aussi
les mots et ce qui est marqué qu'il n'est... «s'il n'est pas possible de
maintenir l'enfant dans le milieu familial». De cette façon-là... Puis on se
comprend bien, là, c'est implicite. Nous, ce qu'on veut, c'est qu'il y ait un
seul critère qui prime, et c'est l'intérêt de l'enfant. Nécessairement, si le
retour de l'enfant dans le milieu familial est dans son intérêt, on s'entend
que la réflexion clinique juridique va s'entourer autour de ça. Mais, pour
nous, on pense qu'il faut encore plus être explicite dans le projet de loi et
maintenir le seul et unique critère qu'est l'intérêt de l'enfant, puis dans
lequel découlent évidemment la stabilité et la continuité des liens.
M. Carmant : Parfait. C'est
clair. Aussi, une chose qui m'a surpris un peu, c'était que... la question de l'aptitude
des enfants plus jeunes à témoigner. C'est la première fois que j'en entendais
parler. Donc, j'aimerais ça que vous m'en parliez un petit peu plus, tu sais,
de me montrer une situation où c'est... ça peut être préjudiciable au bien-être
de l'enfant. Puis est-ce que vous pensez que la mesure qu'on prend que chaque
enfant soit représenté par un avocat vient pallier à ça? Puis, tu sais, vous
dites que ça a l'air de quelque chose qui serait quasiment souhaitable par
plusieurs personnes qu'on mette une limite d'âge, mais c'est vraiment la
première fois que j'entends parler de ça. J'aimerais vous entendre un petit peu
plus sur ce sujet-là.
M. Garceau (Steve) :
Absolument. Merci, M. le ministre, pour la question. Tout ça est issu aussi de
consultations, là, je tiens à le mentionner, de nos membres, des intervenantes,
mais aussi des juristes qui travaillent depuis plusieurs années à la protection
de la jeunesse. En fait, ce que la Loi sur la protection, à l'article 85,
prévoit, c'est que l'enfant doit absolument passer devant le tribunal pour
déclarer son inaptitude à témoigner. Ce qu'on a vu dans plusieurs districts du
Québec, c'est que les questions qui étaient adressées à l'enfant pour démontrer
son inaptitude pouvaient être, et pardonnez-moi le mot, un peu insignifiantes :
À quelle école vas-tu? Quelle est la couleur de ton gilet? Alors, si l'enfant
répond... a une bonne réponse là-dessus, on le déclare apte à témoigner des
sévices, des sévices graves, qu'il a vécus. Pour nous, c'est complètement
contre l'intérêt de l'enfant. On pense qu'il devrait y avoir non seulement
un... On pourrait avoir un consentement entre les parties pour déclarer l'enfant
inapte à témoigner puis on pourrait se rapprocher aussi davantage du Code
civil, qui prévoit déjà ce type... On le cite dans nos mémoires, les articles 2843,
par exemple, du Code civil et du Code de procédure civile. Si on se rapproche
de ça, on pense qu'on va atteindre un objectif de préserver les enfants des
témoignages qui peuvent raviver des traumatismes.
M. Carmant : D'accord. Puis
est-ce qu'il y a un âge ou c'est plutôt le statut neurologique, là, ou le...
Quel est le facteur, selon vous, là...
M. Garceau (Steve) : En fait,
l'essence de notre...
M. Carmant : ...qui détermine
le plus, là? Parce que je vois que les questions que vous posez sont un peu
pour vérifier le niveau, le statut neurologique de l'enfant, là. Mais quel est
le critère, selon vous, là, qui importe le plus?
M. Garceau (Steve) : Merci.
Dans notre mémoire, on a fait volontairement le choix de ne pas statuer sur un
âge parce qu'on ne considérait pas que nous avions l'expertise, comme
organisation syndicale, de déterminer un âge. Ce que je peux vous dire, c'est
qu'on entend des fois six, sept ans, mais, tu sais, je ne veux pas m'avancer
là-dessus. Nous, ce qu'on recommande vraiment, c'est un comité d'experts qui
pourrait se pencher sur la question pour le déterminer, cet âge minimum là.
M. Carmant : D'accord. Là, je
comprends tout à fait. Recommandation n° 6, sur les
délais maximaux des ententes, la plupart des mémoires nous félicitent d'avoir
inclus cette clause-là. Vous, vous dites qu'on n'est pas allés assez loin.
Expliquez-moi, s'il vous plaît.
M. Garceau (Steve) : Merci.
En fait, là, on salue l'avancement. Tu sais, je veux quand même qu'on soit
clairs, là, on est favorables à un avancement entre deux et trois ans de
mesures volontaires. Par contre, on s'est retrouvés dans des situations où
est-ce qu'on était dans l'obligation de judiciariser des dossiers, alors qu'on
arrivait peut-être à terme, on aurait signé une autre mesure volontaire de
peut-être six mois ou un an <supplémentaire à terme...
M. Garceau (Steve) :
...qu'on
arrivait peut-être à terme, on aurait signé une autre mesure volontaire de
peut-être six mois ou un an >supplémentaire à terme. Il y a aussi les
délais des tribunaux où est-ce qu'on encombre, à notre avis, le système
judiciaire, en plus, des fois, d'arriver avec des situations où est-ce qu'on va
travailler... ça va venir interrompre, ça va venir, c'est ça, interrompre un
peu le lien de confiance, la relation qu'on a travaillée avec les personnes, en
mesures volontaires, avec les usagers, dans lesquelles on dessert les services.
Nous, ce qu'on se dit, c'est que, s'il y a une collaboration, s'il y a une
poursuite commune d'objectifs entre le directeur de la protection de la
jeunesse, les enfants et les parents pour mettre fin à la situation de
compromission, on doit absolument envisager ce sens-là, en plus d'aider à
alléger la charge de travail de nos intervenantes, alléger la charge de travail
de nos juristes, et de ne pas imposer... Parce que, quand les intervenantes
vont au tribunal, après deux ans de mesures volontaires, il ne faut pas oublier
qu'on doit faire l'ensemble de la déclaration pour laquelle la sécurité, le
développement est compromis, donc de retourner dans toute l'antériorité de l'histoire,
ce qui n'est pas nécessairement plaisant pour les parents, les enfants, parce
qu'on doit tout raviver encore une fois certains événements du passé, qu'on
avait peut-être réussi à travailler, à mettre de côté et évoluer dans la dynamique
clinique, dans l'accompagnement.
Donc, pour toutes ces raisons-là, nous, on
pense qu'on a toute l'expertise nécessaire à l'intérieur de la protection de la
jeunesse pour évaluer la pertinence ou non de soumettre un dossier au tribunal,
une situation au tribunal.
M. Carmant : D'accord, je
comprends. Au niveau de la directrice nationale, on a vraiment suivi les
recommandations de la commission Laurent. Pour eux, c'était important, même, je
dirais, clé le rôle de sous-ministre adjoint qui venait avec cette position-là.
Vous, vous parlez plutôt d'un rôle du type protecteur du citoyen. Qu'est-ce qui
justifie votre demande?
M. Garceau (Steve) : En fait,
nous, on croit vraiment qu'on doit avoir une entité indépendante qui va être
une grande vigie pour l'ensemble d'intérêts des enfants. On considère
actuellement que, dans sa forme, dans le projet de loi n° 15, la
directrice nationale de la protection de la jeunesse est un peu, je dirais,
juge et partie, donc elle va instaurer des directives cliniques, des normes de
pratique, ces choses-là, et, ensuite de ça, elle va se retrouver avec un
pouvoir d'enquête pour venir... Tu sais, il y en a beaucoup, de pouvoirs d'enquête.
Il y a la CDPDJ, il y a le Protecteur du citoyen, il y a les mécanismes de
plainte internes, ces choses-là. Nous, on voyait vraiment, puis c'est
conformément au mémoire que nous avions déposé à la Commission spéciale sur les
droits de l'enfance et la protection de la jeunesse, vraiment une entité
complètement indépendante à tout appareil politique pour vraiment être le
porte-parole des enfants au Québec.
M. Carmant : Êtes-vous en
train de définir le commissaire?
M. Garceau (Steve) : Je vous
laisse...
M. Carmant : D'accord. Je
termine. Mais, parlant de ça, du commissaire, vous avez parlé également, là, de
ce rôle d'imputabilité puis de guichet. On a entendu récemment, là, des enjeux
avec la Commission des droits de la personne, droits de la jeunesse. Êtes-vous
inquiet de ce que vous avez entendu récemment sur le terrain? Est-ce que c'est
une réalité?
• (15 h 50) •
M. Vallée-Landry (Maxime) : Merci,
M. le ministre. Bien, effectivement, on a une certaine crainte de qui va avoir
les pouvoirs et l'indépendance nécessaire pour faire ce type d'enquête là.
Donc, pour nous, on se pose la question comment et... Il n'y a aucune
indication, en fait, dans le projet de loi, sur comment cette... va être
capable de mettre ça en oeuvre, et, pour nous, ça amène beaucoup plus de
questions que de solutions pour l'instant.
Donc, on se demandait s'il n'y avait pas
moyen de le définir d'une façon beaucoup plus directe, à ce moment-là, puisqu'actuellement
ce qu'on a comme impression, c'est que la commission des droits de la personne
et de la jeunesse est en train de perdre des pouvoirs par rapport à ça mais que
ceux qui vont être donnés via les pouvoirs des commissions d'enquête à la
directrice nationale de la protection de la jeunesse ne seront pas utilisés
dans le même sens que c'était auparavant et non plus de la manière que c'était
amené dans le rapport de la commission Laurent, où on avait une entité
strictement indépendante qui a cette capacité-là, qui ne s'occupe que des
droits des <enfants...
M. Vallée-Landry (Maxime) :
...où on avait une entité strictement indépendante qui a cette capacité-là, qui
ne s'occupe que des droits des >enfants.
M. Carmant : D'accord.
Mais sachez que, sur le napperon, là, comme on dit, qu'on a déposé, le
commissaire est vraiment dans la phase 2, et ça reste un objectif pour
nous. M. le Président, si vous...
Le Président (M. Provençal)
:Quatre minutes.
M. Carmant : Si vous
acceptez, je passerais la parole au député de Dubuc.
Le Président (M. Provençal)
: Oui. M. le député de Dubuc, à vous.
M. Tremblay : Merci, M.
le Président. D'abord, bonjour à vous. Je tiens à saluer, évidemment, votre
engagement. Je ne voudrais pas être redondant. Vous avez parlé, tout à l'heure,
de manquer de temps, un peu, vers la fin de la présentation. Il a été question
de structure, il a été question d'implication accentuée de la part des
professionnels. Vous avez parlé de la direction. Ce matin, on a évoqué les
forums potentiels. On a parlé aussi des disparités au niveau des régions, au
niveau des types de réalité. Une dame qui a évoqué la possibilité d'avoir des
forums plus adaptés pour intervenir selon les contextes des localités. Si vous
pouviez continuer, comment vous envisagez les structures additionnelles pour
mieux intervenir?
M. Garceau (Steve) :
Merci beaucoup pour la question, M. le député. Effectivement, dans notre
mémoire, on en fait état. Nous, on croit que, pour avancer dans le bon sens
dans l'intérêt des enfants, on doit, conformément à toutes les pratiques
actuelles de relations industrielles, d'administration publique, les meilleures
pratiques en gestion, impliquer les gens qui proviennent de la base, nos
professionnels, dans les pistes de solution. Si on regarde, actuellement, dans
le libellé, au niveau de la directrice nationale... dans le projet de loi n° 15,
au niveau de la directrice nationale de la protection de la jeunesse, on voit
une structure que j'appellerais un peu «top-down». Donc, nous, on pense que nos
intervenantes, les organisations syndicales qui oeuvrent en protection de la
jeunesse doivent être davantage impliquées dans toute l'élaboration de ce
projet collectif, ce projet de société là pour les enfants.
Et là vous amenez la piste au niveau de
décentraliser au niveau régional par rapport aux particularités de chacune des
régions, et, pour nous, ça, c'est quelque chose qu'on accueillerait très
favorablement. S'il y a des consultations spécifiques, il y a des forums
spécifiques, dans chacune des régions, pour travailler différents enjeux, des
particularités régionales... on sait qu'intervenir dans des régions comme
Montréal, par exemple, avec une grande diversité ethnoculturelle, ou
intervenir, des fois, en région, avec d'autres types de problématiques qu'on
voit en protection de la jeunesse, ce n'est pas toujours les mêmes enjeux.
Ceci étant dit, on pense quand même que l'intérêt
de l'enfant, pour revenir à l'intérêt de l'enfant, doit toujours être défini de
la même façon, dans le sens où est-ce que l'article 38 de la protection de
la jeunesse prévoit les situations où est-ce que l'intérêt de... où est-ce que
la sécurité, et le développement, de l'enfant est compromise, puis on doit
absolument continuer à se coller là-dessus pour que ça soit uniforme au Québec.
M. Tremblay : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Une minute.
M. Tremblay : Une
minute? Bien, écoutez, je ferais un peu de millage sur une question, peut-être.
Il a été aussi évoqué des connaissances fines au niveau... Vous parlez des
réseaux puis des possibilités de partenariats. Il a été question des
connaissances fines au milieu scolaire. À votre avis, les intervenantes, ou les
enseignantes, ou en service de garde, à votre avis, est-ce qu'ils sont outillés
pour collaborer et participer, par exemple, à un réseau comme celui-là, de
cumul de données en région, selon votre avis? Est-ce qu'ils sont en mesure de
documenter?
M. Garceau (Steve) : En
fait, je crois que oui. Je pense que tous nos partenaires ont les outils
nécessaires pour atteindre cet objectif-là. Est-ce que... Il faut toujours
continuer à prévenir, sensibiliser, informer les gens sur les motifs de
protection de la jeunesse, quand signaler une situation, etc. Il faut toujours
continuer cette éducation-là. Il faut aussi continuer à sensibiliser la
population pour que, tu sais... parce que l'esprit, aussi, du rapport Laurent,
c'était d'avoir une responsabilité collective, hein, c'est que tous les
citoyens, citoyennes du Québec aient une sensibilité par rapport aux enfants,
qu'ils soient leurs voisins, leurs neveux, leurs nièces, ces membres de la
famille là, les membres de la communauté. Alors, il faut absolument continuer
une vigie au niveau de ces enfants-là. Nous, on est absolument d'accord avec
ça. Puis, oui, on pense que nos partenaires ont les compétences, sont capables
de documenter certains éléments.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Nous allons <poursuivre
nos échanges avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce, à vous...
M. Garceau (Steve) : ...
sont
capables de documenter certains... certains éléments.
Le Président (M. Provençal)
:
Merci beaucoup. Nous allons >poursuivre
nos échanges avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce. À vous.
Mme Weil : Merci, M. le
Président. Bonjour, M. Garceau, M. Vallée-Landry. Vous avez beaucoup
de passion et de compassion, on le sent. Vous avez beaucoup d'expérience. C'est
émouvant, émouvant de vous entendre, et on salue votre courage, vraiment, et
votre résilience, et c'est bien. Heureusement qu'il y a des gens, personnes
aussi dédiées. Puis vous comprenez tellement bien les rouages du système, c'est
aussi très éclairant.
Ce que je trouve intéressant, c'est que
vous avez consulté des avocats qui sont vraiment dans la pratique, hein, qui
sont là tous les jours, ils voient les problèmes. Je dois dire que j'ai eu des
discussions avec des avocats qui travaillent dans le domaine, et c'était
beaucoup moins technique que ce que vous, vous apportez, mais ils faisaient des
commentaires semblables. Donc, ils essayaient de comprendre en quoi il y avait
vraiment un changement, et tout ça. Donc, il y a quelque chose à aller chercher
dans ces deux analyses, les juristes qui sont dans le système et ceux qui,
comme vous, sont dans le système et le regard de l'extérieur un peu, qui
trouvent qu'on met vraiment l'intérêt de l'enfant en priorité.
Alors, je vais vous demander peut-être de
revenir sur, c'est à votre page 2, toute la recommandation que... dans le
nouvel article 4 de la loi, tel que proposé dans p.l. n° 15,
retirer la mention «n'est pas possible» qui se trouve à trois endroits et ôter
la dernière phrase, bon, tout ça, et une certaine confusion qui... bien,
«principes généraux, des modifications encore trop frileuses», et qu'est-ce que
vous avez entendu des gens sur le terrain, et donc qu'est ce qui pourrait
améliorer concrètement qu'est-ce qu'ils vivent, et pourquoi le problème. Parce
que ce que je dois vous dire, c'est : Si on ne pratique pas dans ce
domaine-là, ce n'est pas évident, surtout pour des députés, même si je suis
avocate, et c'est pour ça que je suis très curieuse de comprendre qu'est-ce qui
ne marche pas et qu'est-ce qui pourrait améliorer le projet de loi dans le sens
de la volonté de tous, d'après ce que je comprends.
M. Garceau (Steve) : Merci
pour la question, Mme la députée, très appréciée. Merci pour le beau témoignage
aussi à notre égard, c'est toujours apprécié, c'est une belle dose de
reconnaissance.
La confusion que j'essayais de mettre en
lumière tantôt dans mon allocution et en répondant au ministre Carmant, elle
existe depuis longtemps. M. Camil Bouchard le dénonçait alors qu'il était
ministre lui-même. Il y avait eu un projet de loi sur le sujet qui proposait
sensiblement ce que nous proposons aujourd'hui. La confusion, elle existe chez
les intervenantes. Elle existe aussi chez les juristes à l'heure actuelle. La
confusion est la suivante, c'est qu'on est toujours pris avec l'écriture de la
loi actuelle. Il y a comme... il y a comme, dans la loi actuelle, une
instauration d'une certaine... puis je vais l'expliquer comme ça, là, une
certaine hiérarchie de l'intérêt de l'enfant qui est le retour dans le milieu
familial. Ça peut expliquer en grande partie certains aller-retour qui se sont
faits entre différents milieux : essayer un retour chez le parent alors
que, dans une situation, par exemple, on avait une grand-maman qui, pour toutes
les raisons du monde, s'est occupée de son enfant toute sa vie, et là la Loi de
la protection de la jeunesse rentre, parce que la mère n'était pas disponible
et ces choses-là. Et là, la loi, ce qu'elle nous dit, c'est que, si ce n'est
pas possible de retourner l'enfant dans un milieu familial, envisagez un autre
milieu. Alors, implicitement, ce que ça nous dit, puis elle est là, la
confusion, c'est : L'intérêt de l'enfant, c'est un peu de retourner l'enfant
dans le milieu familial. Alors, on fait des essais, on travaille ad vitam aeternam
avec le parent, et là, finalement... On l'a dit, plus souvent qu'autrement, le
temps est extrêmement précieux pour un enfant, plus on joue avec le temps d'un
enfant, plus ça peut avoir un impact sur son développement, sur son lien d'attachement
à ces choses-là. Alors, si on veut vraiment renforcer la loi pour qu'elle soit
centrée sur la stabilité et la continuité des liens et sur l'intérêt de l'enfant,
évidemment, on doit éviter cette confusion-là.
Ceci étant dit, on n'est pas en train de
dire qu'il faut retirer les enfants. Ce qu'on est en train de dire, c'est :
Il est possible que l'intérêt de l'enfant, ça soit de le maintenir et de le
retourner dans son milieu familial, mais on veut éviter ce retour-là ou ces
essais-là, ces tentatives de retour à tout prix.
• (16 heures) •
Mme Weil : Ça, je
comprends la confusion. Mais, dans votre recommandation... c'est-à-dire au fil
des années, dans la pratique, mais en quoi le projet de loi ne vient pas <solidifier,
donc, cette confusion et en retirant la mention «n'est pas possible», selon
vous, ça règle ou en partie ça règle l'enjeu...
>
16 h (version révisée)
<33
Mme
Weil :
...le projet de loi ne vient pas >solidifier,
donc, cette confusion? Et, en retirant la mention «n'est pas possible», selon
vous, ça règle... ou en partie ça règle l'enjeu? Dans le nouvel article 4
tel que proposé, retirer la mention «n'est pas possible», juste expliquer cette
recommandation qui viendrait clarifier ou rendre plus solides les objectifs de
la commission Laurent et du ministre.
M. Garceau (Steve) : Effectivement,
dans le projet de loi n° 15 actuel, on voit, c'est davantage un
réaménagement où est-ce qu'on reprend des principes qui sont dans les articles 2
et 3 aussi. Quand on lit... Dans le projet de loi n° 15, on lit encore :
Lorsqu'il est... «...dans l'intérêt de l'enfant, il n'est pas possible de
confier l'enfant à ces personnes, la décision doit alors tendre à le confier à
un milieu de vie se rapprochant...» Donc, comme je le disais tantôt, on est
encore en train de suggérer, dans la loi, que la première chose à faire, c'est
de tenter un retour dans le milieu familial. Pour nous, la première phrase est
suffisante. Si on lit notre recommandation, là... en annexe notamment de notre
mémoire, quand on lit : «Toute décision [...] en vertu de la présente loi
doit viser la continuité des soins ainsi [...] la stabilité des liens d'un
enfant et des conditions de vie appropriées à ses besoins de son âge», nous, on
considère, dans notre analyse, que c'est suffisant pour se concentrer sur l'intérêt
de l'enfant puis prendre la meilleure décision dans son intérêt.
Mme Weil : ...sans exception.
Donc, c'est surtout le libellé, la façon que c'est écrit, qui n'est pas assez
fort.
J'aimerais vous amener sur le... le
ministre vous a posé des questions, mais le rôle neutre dont... vous, vous
parliez du poste de directeur national, mais, le commissaire qui est proposé
dans le rapport et dans les recommandations, qui est vraiment, comme Mme Laurent
le disait ce matin, peut-être — je pense que c'est bien elle qui le
disait — la recommandation-phare du rapport, est-ce que vous êtes...
que pensez-vous d'avoir, donc, une personne avec, bon, une institution
indépendante qui pourrait intervenir — et puis, là, le mandat est
assez large — en prévention, mais aussi, même, plus... même en amont,
il fait du «reaching out», en bon français, envers les enfants pour les
impliquer, etc., préoccupé par la prévention, et tout, et ensuite, aussi, on
dirait, un genre de rempart neutre? Qu'est-ce que vous pensez de cette
recommandation?
M. Vallée-Landry (Maxime) : Merci,
Mme la députée. Effectivement, pour nous, c'est primordial. C'est une
recommandation-phare de laquelle on était partis. Pour nous, ce rôle-là était,
selon nous, à mettre de l'avant en premier lieu, puisque c'est le principal
outil de défense pour les enfants et qui pourrait avoir une portée qui ne
serait pas teintée politiquement, ou conditionnée par des obligations
budgétaires, ou liée à des enjeux déterminés par le gouvernement ou par les
différents gouvernements qui vont se succéder dans le futur. Donc, pour nous,
cette position-là, elle est effectivement essentielle pour assurer un regard
externe et de donner une voix à ces enfants-là, qu'ils puissent être entendus,
et qui ne soit pas, contrairement, disons, à la commission des droits de la
personne et de la jeunesse, mélangée avec d'autres enjeux, donc d'avoir
vraiment cette capacité d'avoir uniquement ce sujet-là, défendu par une seule
et unique personne qui porte ce dossier-là.
Mme Weil
: ...
Le Président (M. Provençal)
:Vous avez le droit. Allez-y.
Mme Weil : Donc, j'allais
vous poser la question, mais je pense que vous avez répondu, vous l'avez
mentionné, mais c'est vraiment le fait que c'est sa mission exclusive,
contrairement à la Commission des droits de la personne, qui en a deux
principales, missions, donc qui n'est pas entièrement dédiée aux enfants. Mais,
à part ça, voyez-vous une différence dans le rôle qu'il... bien, le rôle que
jouerait le commissaire et le rôle joué actuellement auprès des enfants et des
jeunes de la DPJ... la CDPDJ?
M. Vallée-Landry (Maxime) : Merci,
Mme la députée. Il y avait la portion... et là j'y vais de mémoire, là, pour le
rapport de la commission spéciale, ce rôle de <porte-parole des...
M. Vallée-Landry (Maxime) :
...députée. Il y avait la portion, et là j'y vais de mémoire, là, pour le
rapport de la commission spéciale, ce rôle de >porte-parole des enfants
aussi, qui, pour moi, est quand même... est, pour nous, quand même essentiel,
et qui n'existe pas tant aujourd'hui, et qui permettrait justement d'avoir
peut-être une plus grande publicité pour leur réalité et une voix qui serait
portée directement à l'Assemblée nationale.
Mme Weil : Très bien. Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Maintenant, nous allons poursuivre cet échange avec le
député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci beaucoup.
Le Forum des directeurs, comment... parce que c'est ce que je comprends qui est
votre... un des objectifs, là, que vous avancez, comment est-ce qu'on pourrait
y impliquer, si on veut, la base, c'est-à-dire les intervenants de terrain?
Comment est-ce qu'on pourrait... Est-ce qu'on pourrait faire en sorte qu'on ne
soit pas dans une structure qui est, comme vous le décrivez, «top-down», par
exemple?
M. Garceau (Steve) : Merci
pour la question, M. le député. En fait, là, de notre côté, là, on considère
que... notamment, dernièrement, il y a eu... on est... il y a des travaux sur
la révision des standards de pratique, par exemple, au niveau de l'évaluation,
orientation des pratiques en protection de la jeunesse. Il y a eu, dans ce
cadre-là, des forums de consultés... le ministère a mis en place des forums de
consultation auprès des intervenantes, et ça, ce que ça crée, ça crée une
implication et une mobilisation chez les membres. Ça leur donne un certain
pouvoir décisionnel, parce que c'est eux qui maîtrisent... c'est eux qui
maîtrisent l'expertise sur le terrain, c'est quoi qui est réaliste de faire,
par exemple, comme normes d'évaluation, dans une semaine, en regard du contexte
juridique de la région, en regard du... voyons, de la distance à parcourir pour
aller faire des évaluations, ces choses-là, plein de caractéristiques de charge
de travail. Donc, quand les gens, ils ont leur voix, quand les gens impliqués
sur le terrain, quand les organisations syndicales sont impliquées, on est
capables, collectivement, de construire un projet de société qui fait du sens
pour tout le monde.
Donc, nous, c'est vraiment l'objectif, c'est
vraiment la vision qu'on a. Puis, si les gens adhèrent à notre mission, si les
gens, sur le terrain, adhèrent, sentent un sentiment d'appartenance, on
travaille sérieusement sur les enjeux de charge de travail, ça va faire en
sorte, peut-être, qu'on va éviter tout l'exode qu'on voit actuellement en
protection de la jeunesse et ces choses-là. Ça fait qu'on est vraiment dans des
recherches de solutions pour essayer de revamper un peu la mission de la
protection de la jeunesse, stopper un peu l'hémorragie, puis on pense que c'est
une partie de la solution.
M. Zanetti : Donc, si on
essaie d'inclure, dans le Forum des directeurs, qu'il ne soit plus un forum des
directeurs, mais un forum, par exemple, des directeurs et des intervenants du
terrain... des intervenants du terrain, ça pourrait être, selon vous, une idée
intéressante, motivante aussi pour le milieu puis les travailleuses et
travailleurs?
M. Garceau (Steve) : Oui,
merci. Bien, c'est exactement ça. Et, tu sais, quand on regarde aussi la
définition dans le projet de loi n° 15, on voit, par exemple, que tout
le... voyons, la préparation des rencontres est faite par la directrice
nationale de la protection de la jeunesse. Nous, on voit quelque chose de
beaucoup plus paritaire, beaucoup plus participatif au niveau du fonctionnement
de cet éventuel forum là. Donc, effectivement, nous, c'est clair que ça nous
apparaît être une piste de solution avantageuse pour tous.
• (16 h 10) •
M. Zanetti : Sur la question
de la direction nationale de la protection de la jeunesse, qui est aussi une
sous-ministre, est-ce que... qu'est-ce qu'il y a de problématique là-dedans, dans
le fond, dans le fait de dépendre du ministre, et donc du gouvernement et
aussi, bon, d'un parti politique? Est-ce que c'est ça qui est problématique
pour vous, le fait qu'elle soit en position où vous pensez qu'elle va défendre,
disons, le bilan d'un gouvernement plus que les enfants? C'est-tu ça que
vous... Je vous prête des mots, là, mais allez-y.
M. Vallée-Landry (Maxime) : Merci,
M. le député. Je pense qu'en posant la question vous lui avez grandement
répondu. C'est une grande crainte qu'on a. On a la crainte également que les
enjeux qui peuvent être liés à d'autres réalités que celle de la protection de
la jeunesse viennent s'immiscer dans le travail qu'elle va faire, et donc que des
intérêts contraires au bien-être de l'enfant, comme des intérêts financiers,
puissent être descendus via ce rôle-là.
Donc, pour nous, la notion d'indépendance
était vraiment primordiale, et la notion de capacité de défendre le réseau,
défendre la <mission...
M. Vallée-Landry (Maxime) :
...pour nous, la notion d'indépendance était vraiment primordiale, et la notion
de capacité de défendre le réseau, défendre la >mission aussi, donc pas
uniquement une stratégie de la... on détermine des normes, on les fait
descendre sur le terrain, mais aussi cette capacité de dire qu'est-ce qui se
passe en bas, qu'est-ce qui se passe dans la réalité des intervenantes, et le
faire remonter en haut, tout en haut de la hiérarchie pour que les gens
comprennent c'est quoi qui se passe réellement et quels sont les véritables
besoins, et, en gros, tenir son bout et aller chercher les ressources qui sont nécessaires
pour faire vivre ça, puisque c'est... Pour nous, c'est quand même important,
là, de comprendre que, cette mission-là, on l'a à coeur, on veut la défendre,
et, pour ça, il faut la rendre effective. Et tout beau projet de loi, si on n'a
pas les ressources effectives pour les mettre en oeuvre, bien, ça ne demeure qu'une
loi. Nous, notre objectif, c'est de faire vivre ce droit-là, donc que ce
droit-là soit effectif.
M. Garceau (Steve) : Je me
permettrais aussi...
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Alors, nous allons terminer cet échange
avec le député de René-Lévesque.
M. Ouellet : Merci beaucoup, M.
le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, M. Gareau, M. Vallée-Landry.
Bien, je suis content de vous avoir parce que je veux avoir, de mon côté, une
discussion de législateur, mais j'aurai besoin de réponses d'opérateurs sur le
terrain.
J'ai bien compris votre sensibilité quant
à enlever le mot «n'est pas possible» dans le projet de loi. Je comprends que,
pour vous, «n'est pas possible», ça donne l'impression qu'il doit y avoir une
tentation, on doit tenter quelque chose. Et c'est là que vous donnez par des
exemples, tout à l'heure, que, bien, peut-être que ce n'est peut-être pas la
bonne chose à faire d'essayer de replacer quelqu'un si la situation est
problématique. Mais, lorsqu'on met des mots, ça a une certaine force, mais,
lorsqu'on en enlève aussi, on perd certaines forces.
Alors, j'aimerais juste valider avec vous
certaines propositions qui pourraient peut-être remplir l'objectif de la loi, c'est-à-dire
de garantir aux enfants un milieu sain, sécuritaire pour leur bien-être
physique et psychologique, mais aussi d'être un élément déclencheur, justement,
pour sortir ces enfants-là de ces milieux-là.
Donc, lorsqu'on regarde à l'article 4 :
«Lorsque, dans l'intérêt de l'enfant, un tel maintien dans son milieu familial
n'est pas possible», je suis d'accord avec vous qu'on devrait l'enlever. Mais
est-ce qu'on ne devrait pas plutôt inscrire : «Lorsque le milieu familial
est problématique ou met à risque la santé et la sécurité de l'enfant»? Je
pense que c'est important, dans la loi, qu'on ait un déclencheur qui fait qu'on
doit se raccrocher à quelque chose qui fait qu'on prive des parents du Québec
de la présence de leur enfant à leur côté. C'est pour ça que, si on enlève le
«dès que possible», je ne suis pas convaincu qu'on est en train de faire la
bonne chose en ne le remplaçant pas avec quelque chose de plus fort. Donc, c'est
pour ça que j'aimerais vous entendre.
Vous, vous dites : Enlevons le «dès
que possible» parce que... «ce n'est pas possible», pardon, parce que ça ne
semble pas être indiqué. Mais, la contrepartie, moi, je pense qu'il faut qu'on
maintienne dans la loi une indication qui fait que ce milieu-là est toxique ou
ce milieu-là est problématique ou représente un risque ou un danger. Il faut
que les intervenants, tout le monde, s'en préoccupent et qu'il y ait une
situation qui fait que cet enfant-là soit sorti de ce milieu-là.
M. Garceau (Steve) : Merci pour
la question, M. le député. En fait, je répondrais assurément à la crainte ou à
ce que vous mentionnez : Le seul et unique rempart, à notre sens à nous,
qui doit se retrouver dans la Loi sur la protection de la jeunesse, c'est l'intérêt
de l'enfant. Et je le disais tantôt, un peu, dans mon allocution, évidemment
que, si l'intérêt de l'enfant... des parents qui ont vécu des situations
difficiles, l'enfant a été placé chez un grand-parent, a été placé dans une
famille d'accueil, ou ces choses-là, ou dans des milieux de vie de la sorte,
évidemment, si la situation se résorbe, il m'apparaît clair, dans un paquet de
situations cliniques, que l'intérêt de l'enfant, ça va être de retourner dans
son milieu familial. Il y a des gens, il y a toutes sortes de gens à qui on
offre des services, par exemple, qui vivent des situations ponctuelles. Donc,
maman décède, papa, beaucoup de difficultés à s'adapter à la situation,
consommation, peut-être problème de santé mentale, mais papa chemine, fait ses
choses, est capable de... et les enfants sont capables de retourner vivre... Ça
fait qu'il y en a plein, des histoires où est-ce qu'on est capables d'appliquer
le retour dans le maintien... dans le milieu familial, et ça correspond en tous
points à l'intérêt de l'enfant.
Ça fait que notre proposition ne vise en
aucun temps, et moi, je tiens à rassurer tout le monde, en aucun temps à se
dédouaner de cette obligation d'évaluer le meilleur intérêt de l'enfant dans le
cadre d'un retour dans le milieu familial. Par contre, on veut éviter, puis là
je réitère un peu ce que j'ai dit, on veut éviter toute cette confusion
problématique là qui, un peu, nous liait les mains, autant sur le <terrain,
autant du...
M. Garceau (Steve) :
...toute cette confusion problématique là qui, un peu, nous liait les mains,
autant sur le >terrain, autant du côté des juristes, à essayer et
réessayer le retour dans un milieu familial.
Le Président (M. Provençal)
: Merci.
M. Ouellet : Je vous entends
bien, mais on dirait qu'en enlevant ces mots-là je ne vous donne pas plus d'outils.
Il y a encore matière à interprétation. Puis je ne remets pas en cause la
qualité de votre jugement sur le terrain, mais, comme législateurs, on dirait
qu'on n'est pas capables de tracer une ligne entre «ça, c'est quelque
chose qu'il faut prescrire, et ça, c'est quelque chose qu'on doit proscrire».
Donc, mon intérêt est de trouver le mot
juste pour dire, comme intervenant : Il n'y a pas place à interprétation,
c'est clair, le milieu est toxique, le milieu est dangereux, il y a un risque
pour l'enfant, voici les mécanismes, puis là on les place par la suite chez des
grands-parents, ou les autres membres de la famille élargie, ou, si ce n'est
pas le cas... Puis là, je suis d'accord avec vous, on enlève le «dès que
possible», puis ça peut être un autre milieu familial, mais je pense qu'on fait
fausse route si on enlève le «n'est pas possible» et on ne le remplace pas par
quelque chose d'aussi... de plus clair qui nous dit : Le jugement sera
avec l'intervenant et les personnes qui seront autour pour s'assurer que l'enfant
a un milieu sain, d'avoir un jugement sur le milieu familial. Puis là je n'en
ai pas. En enlevant ça, là, j'ai l'impression que je vous laisse encore, puis
ce n'est pas ça que je veux faire, là...
Le Président (M. Provençal)
: M. le député...
M. Ouellet : ...je pense qu'on
rate un peu la cible.
Le Président (M. Provençal)
:M. le député, je vous ai quand même
laissé une bonne latitude. Alors, vous m'excuserez, mais le temps est vraiment
terminé.
Alors, je remercie MM. Garceau et
Vallée-Landry pour leur contribution et leur participation.
Je suspends les travaux quelques minutes
afin de pouvoir laisser place au prochain groupe. Alors, merci de votre
participation et de votre contribution.
Une voix : Merci à vous de
nous avoir accueillis.
(Suspension de la séance à 16 h 19)
(Reprise à 16 h 22)
Le Président (M. Provençal)
:Je souhaite la bienvenue à M. Jean-Pierre
Hotte... consultant, excusez, dans le domaine social. Je vous rappelle que vous
aurez 10 minutes pour votre présentation, et par la suite nous allons
procéder aux échanges. Alors, je vous cède immédiatement la parole.
M. Jean-Pierre Hotte
M. Hotte (Jean-Pierre) :
Bien, merci, M. le Président. Alors, merci de me donner l'opportunité de
présenter mon mémoire en regard du projet de loi n° 15.
Alors, comme vous le savez, ce projet de loi résulte directement des
recommandations du rapport de la commission Laurent, un rapport exceptionnel,
tant par sa démarche que par son contenu, qui nous trace la voie afin de
construire une société bienveillante envers ses enfants.
Le projet de loi n° 15
constitue, certes, une pièce maîtresse dans la construction de ce projet de
société. Toutefois, ce projet de loi, malgré tout le positif qu'on peut lui
reconnaître, constitue une condition nécessaire mais non suffisante pour la
réalisation de ce projet primordial permettant d'améliorer le sort des enfants
au Québec. Bref, mon mémoire s'appuie totalement sur la prémisse que le projet
de loi n° 15 et les recommandations de la commission
Laurent doivent être réfléchis comme un tout indissociable. D'ailleurs, le
dépôt du projet de loi n° 15 était accompagné d'une
ébauche d'un plan de mise en oeuvre des recommandations de la commission
Laurent, confirmant, d'une certaine manière, que l'un ne va pas sans l'autre.
Si on veut un avant et un après commission
Laurent, sans aucun doute il faut apporter des modifications significatives à
la Loi sur la protection de la jeunesse. Il faut également redresser la
situation de façon majeure dans le réseau de la protection. La désignation d'une
directrice nationale de la protection de la jeunesse, qui apparaît dans le
projet de loi n° 15, de même que l'identification des
principales responsabilités qui lui sont conférées confirment l'ampleur du
chantier à mettre en place. Cet enjeu déterminant nécessite cependant une
reddition de comptes.
Je propose donc que la directrice
nationale de protection de la jeunesse doive déposer un rapport annuel
présentant l'état global de la situation dans le réseau de protection de la
jeunesse en regard de ses responsabilités.
Cependant, la restauration du réseau de
protection passe inévitablement par des actions prioritaires qui sont en dehors
de ce réseau. Plus que jamais, les enfants ont besoin d'une voix au Québec, une
voix forte, compétente, crédible, entièrement dédiée au bien-être des enfants,
avec une vision large couvrant le spectre de la prévention jusqu'à l'intervention
spécialisée, assurant une vigilance qui déborde le réseau de protection et même
largement celui de la santé et des services sociaux, une vigilance avec un
regard sur des enjeux touchant famille, éducation, municipalités, communautés
autochtones, communautés ethnoculturelles, systèmes de justice, sécurité
publique, et autres.
C'est pourquoi je recommande ardemment la
nomination à très court terme d'un commissaire au bien-être et aux droits des
enfants, tel que préconisé par la commission Laurent. Ces deux personnes,
directrice nationale de protection de la jeunesse et commissaire au bien-être,
assumeront un leadership fondamental dans l'architecture du projet de société
visée à travers des rôles différents mais essentiels. De fait, la restauration
du réseau de protection ne peut se réaliser sans une contribution soutenue de
tous les autres acteurs clés, et le temps presse.
Si on veut freiner l'hémorragie frôlant
120 000 signalements par année au DPJ, si on veut recourir à cette
loi de façon exceptionnelle, comme on l'inscrit dans le projet de loi n° 15,
alors, de façon urgente, il faut mettre en place de nombreuses recommandations
formulées par la commission Laurent : agir tôt, agir en prévention, agir
ensemble en intersectoriel, briser des silos et bien sûr investir pour le bien-être
des enfants, des jeunes, et ce, dans plusieurs ministères. Comme société, on ne
doit plus accepter qu'un enfant de cinq ans sur quatre parte du mauvais pied à
la maternelle, un sur trois en milieu défavorisé. On ne doit plus accepter que
près de 25 % des élèves dans nos écoles aient des besoins particuliers
étiquetés EHDAA dans le jargon scolaire avec bien peu de réponses possibles à
ces besoins, malheureusement. On ne doit plus accepter que demander de l'aide
pour son enfant ou pour soi comme parent relève du parcours du combattant, ne
plus accepter que les jeunes autochtones soient surreprésentés en protection de
la jeunesse, ne plus accepter que nos jeunes de 10 à 17 ans consomment
trois fois plus de psychostimulants qu'ailleurs au Canada ni que nos jeunes
soit abattus en pleine rue.
Pour toutes ces raisons et bien d'autres,
la nomination d'un commissaire au bien-être et aux droits des enfants doit se
trouver au sommet de la pile parmi les suites à donner au rapport de la commission
<Laurent...
M. Hotte (Jean-Pierre) :
...droits des enfants doit se
trouver au sommet de la pile parmi les suites à donner au rapport de la
commission >Laurent. Ce n'est pas un luxe, c'est une nécessité.
Par ailleurs, de façon plus spécifique, le
mémoire souligne une douzaine de modifications à la Loi sur la protection de la
jeunesse, proposées dans le projet de loi n° 15, qui sont fortement
souhaitables et qui auront un effet significatif sur les pratiques en
protection. Parmi celles-ci, bien sûr, l'introduction de la notion de l'intérêt
primordial de l'enfant, qui vise à mettre fin à une ambiguïté qui dure depuis
trop longtemps avec des effets collatéraux sur la stabilité nécessaire pour les
enfants. Il faudra cependant se donner les moyens de monitorer l'évolution de
la stabilité souhaitée pour ces enfants.
Le mémoire souligne aussi l'importance de
l'introduction d'un préambule à la Loi sur la protection de la jeunesse et,
notamment, porte une attention toute particulière sur l'enjeu de responsabilité
collective, sans aucun doute un enjeu crucial, s'il en est un, pour nettement
démarquer l'avant et l'après commission Laurent.
Le mémoire met l'emphase sur la nécessité
pour l'ensemble des ressources de la communauté de collaborer plus que jamais à
tout mettre en œuvre en amont afin que le moins d'enfants possible doivent
requérir la présence du DPJ dans leur vie. Et non seulement ils doivent
collaborer en amont, ils doivent être présents pour assurer tout le soutien
requis aux enfants et aux parents durant la trajectoire en protection de la
jeunesse et au-delà de cette trajectoire, lorsque le DPJ se retire de la
situation.
Dans cette perspective, une de mes
recommandations soutient très fortement une proposition de la commission
Laurent afin de modifier en profondeur les façons de faire pendant l'étape dite
de l'application des mesures en protection de la jeunesse, en misant sur la
contribution de tous les acteurs requis selon la situation d'un enfant et de sa
famille, peu importe l'appartenance à un établissement spécifique, à un
organisme spécifique et encore moins l'appartenance spécifique à la DPJ.
Certaines recommandations de mon mémoire
portent sur d'autres enjeux préoccupants, notamment en ce qui concerne les
modifications proposées en regard des communautés autochtones, en regard de la
situation des enfants témoins de violences conjugales, en regard des enfants
expulsés des écoles, en regard également de la situation des enfants sujets de
plusieurs resignalements en protection de la jeunesse.
Enfin, le mémoire reconnaît l'ampleur du
défi sous-jacent à la réalisation des recommandations de la commission Laurent
et des modifications de la Loi sur la protection de la jeunesse proposées dans
le projet de loi n° 15. C'est pourquoi le mémoire souligne quelques
conditions gagnantes pour assurer le succès du projet de société espéré, tel qu'investir
en prévention, créer des places en CPE, notamment dans les milieux défavorisés,
investir dans les services psychosociaux en milieu scolaire, investir dans la
création de logements abordables, de camps de jour accessibles aux enfants à
besoins particuliers dans les municipalités, investir dans les services en
santé mentale, en dépendance, dans le domaine du trouble du spectre de l'autisme,
dans des programmes jeunes en difficulté et aussi en matière de violence
conjugale, investir et favoriser une plus grande autonomie des communautés
autochtones, investir dans la modernisation du processus judiciaire à la chambre
de la jeunesse, investir dans le réseau de la protection de la jeunesse, se
doter de mécanismes d'évaluation rigoureux pour mieux suivre l'évolution du
bien-être des enfants et des objectifs poursuivis par les modifications à la Loi
sur la protection de la jeunesse, recevoir de façon régulière l'état de
situation sur le bien-être des enfants de la part du Commissaire au bien-être,
ainsi qu'à travers le bilan annuel de la directrice nationale de la protection
de la jeunesse, ceci afin de mieux guider les actions à privilégier par tous
les acteurs concernés, et ce, en continu. Bref, s'assurer que nous pourrons
vérifier, au fil du temps, si nos enfants, nos jeunes se portent mieux et si le
recours à la Loi sur la protection de la jeunesse devrait... devient vraiment l'exception.
Voilà qui résume les principaux enjeux se
retrouvant dans mon mémoire. Merci de votre attention.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup, M. Hotte, pour votre présentation.
Nous allons débuter cette période d'échange avec M. le ministre. Alors, M. le
ministre, je vais vous céder la parole.
• (16 h 30) •
M. Carmant : Bien, merci
beaucoup, M. Hotte. C'est toujours un plaisir de vous voir, toujours un
plaisir de vous lire, un mémoire qui a été construit de main de maître avec
des... beaucoup de conseils très intéressants, que j'aimerais approfondir avec
vous.
Dans le mémoire, vous parlez... En fait,
la recommandation 1, au tout début, on parle que «le directeur doit tout
mettre en œuvre afin de favoriser une collaboration étroite avec l'ensemble des
ressources du milieu». Puis, je pense que vous le savez, mon intention est
vraiment d'agir le plus possible en amont. Comment mieux exprimer cette
intention sans nécessairement impliquer le DPJ? Parce que c'est presque un peu
trop tard quand ça devient le rôle du directeur.
M. Hotte (Jean-Pierre) : Oui,
oui. Vous permettez? Oui?
M. Carmant : Oui, oui
M. Hotte (Jean-Pierre) : O.K.
Parfait. Merci, M. le <ministre...
>
16 h 30 (version révisée)
(Visioconférence)
M. Hotte (Jean-Pierre) : ...merci,
M. le ministre. Bien, effectivement, l'ajout que je propose n'enlève pas,
évidemment... il y a un considérant qui est déjà là, qui est considérant que la
protection des enfants est une responsabilité collective, qu'elle exige la
mobilisation et la collaboration de l'ensemble des ressources du milieu afin de
limiter l'intervention de l'autorité de l'État dans la vie des familles. En
application de la présente loi, là, pour que ce soit réservé à des situations
exceptionnelles.
Donc, ceci étant dit, pour moi, ça, c'est
excellent. Ce qui était insuffisant selon moi, c'est que je vous dirais qu'on
interpelle davantage les DPJ pour qu'eux aussi s'ouvrent davantage à la
communauté, faire appel à la communauté dans toutes les étapes du processus,
dès la réception en traitement des signalements, faire appel à ... faire des
références, etc., des liens avec des programmes qui existent, comme vous
connaissez, tels que CAFE ou d'autres. Pendant l'évaluation, il y a encore
de l'espace pour aller chercher des collaborations. Et à l'étape orientation,
si on travaillait dans une perspective avec un programme comme Ma famille, ma
communauté, on pourrait interpeller des acteurs CPE, centres de pédiatrie
sociale, intervenants, professionnels non enseignants de milieux scolaires et
autres pour créer un filet de protection autour de cette famille-là, qui, on le
sait... c'est... on a mis en place ce type d'exercice, on recourt moins aux
tribunaux parce qu'on a une meilleure volonté. On a un filet de protection qui
est plus serré, moins de risques. On a plus d'acteurs pour... qui rassurent la
DPJ aussi sur l'évolution de la situation. Alors, c'est ce que je voulais, dans
le fond, qui soit inséré aussi dans le préambule. Ce n'est pas juste à la
communauté de s'ouvrir et de dire : Oui, on est... à la collaborer, mais
je voulais absolument qu'il y ait aussi une tendue de la part des DPJ. Ça ne
veut pas dire qu'ils ne tendent pas de main, mais si on l'inscrit dans le
préambule, ça vient renforcer. Je pense que c'est l'idée.
M. Carmant : Je comprends
mieux le point. Une autre chose aussi, tous les programmes que vous avez
mentionnés, j'ai... notre gouvernement les a rehaussés, SIPPE, Ma famille, ma
communauté, Négligence, CAFE, mais le réflexe persiste. On appelle la DPJ. Qu'est-ce
qu'on pourrait insérer dans le préambule qui pourrait modifier ou faciliter ce
changement de culture?
M. Hotte (Jean-Pierre) :
Bien, déjà, dans le préambule, le considérant que j'ai souligné tantôt, c'est
un appel... et le rapport de la commission Laurent est très éloquent là-dessus.
Dans le fond, malgré... si on adoptait toutes des recommandations au projet de
loi n° 15, si on ne change pas le reste, on y
arrivera pas. Donc, oui, ça prend des investissements, mais ensuite, bien, ça
prend... il faut agir en amont, je n'ai pas à vous expliquer ça à vous, je sais
que vous êtes convaincu là-dessus. Agir très tôt, plus on va y arriver, mieux
ça sera, mais ça demande une collaboration. Moi, ce que je crois
fondamentalement, c'est que le terrain est fertile, mon expérience à Avenir d'enfants
m'a démontré que la mobilisation des communautés, les gens souhaitent, une fois
qu'ils ont goûté à travailler ensemble, ne souhaitent plus revenir dans des
façons isolées et puis on ne veut plus travailler en silo. Je pense ça a été
maintes fois nommé, mais c'est sûr que ça demande, par exemple, du côté des
milieux communautaires, ils souhaitent, et avec raison, des budgets avec une
perspective de plus grande pérennité pour ne pas avoir à courir toujours après
des investissements qui sont souvent sur du court terme. Donc, plus les réseaux
petite enfance, organismes communautaires, milieux scolaires seront mieux
outillés et plus on travaillera de façon collaborative.
Je pense que quand on fait une lecture,
surtout sur la base locale dans les réseaux locaux de services, on est en train
d'expérimenter cette approche-là en Estrie actuellement, il y a une volonté
très grande de tous les acteurs parce qu'on n'a pas les... individuellement, il
n'y a personne qui peut arriver à régler de façon satisfaisante ces
situations-là qui sont hautement complexes. Tantôt, ça demande des services
spécifiques pour les enfants, orthophonie, orthopédagogie, au niveau de la
santé mentale, troubles du spectre de l'autisme. Pour les parents, bien, on a
aussi parfois des troubles mentaux, des problèmes de dépendance. On a des gens
qui ont une grande souffrance, des... aussi au plan économique, problèmes de
littératie. Ce n'est pas des mauvais parents, c'est des gens qui ont besoin d'aide,
mais l'aide, elle doit venir de... Il n'y a pas un intervenant en protection de
la jeunesse qui peut avoir toute cette expertise-là, <puis ce n'est pas
en suivant 20, 25, 30 familles qu'on peut arriver à régler...
M. Hotte (Jean-Pierre) :
...doit
venir de... Il n'y a pas un intervenant protection de la jeunesse qui peut
avoir toute cette expertise- là, >puis ce n'est pas en suivant 20, 25,
30 familles qu'on peut arriver à régler. Je n'y crois plus. Alors pour
moi, la clé, c'est vraiment de travailler en équipe. Il faut que le directeur
de protection de la jeunesse fasse appel à l'équipe, fasse confiance. Puis, on
a ce filet de protection tissé serré, ma conviction profonde, c'est que là on
va changer le cours des choses.
M. Carmant : Parfait,
merci beaucoup. Vous demandez, dans la recommandation 2, à la directrice
nationale de déposer un rapport annuel. On reçoit déjà le rapport annuel des
directeurs de la protection de la jeunesse. Qu'est-ce qui serait différent?
Quelle serait la plus-value? Comment vous voyez la distinction entre les deux?
M. Hotte (Jean-Pierre) : C'est
une base, ça, le bilan annuel des DPJ, mais ce n'est pas que c'est mauvais,
mais on est... vous l'avez même dit ce matin, on est dans des volumes. Combien
d'enfants en attente? Bien, c'est quoi les problématiques? Combien de
signalements, etc.? Combien d'enfants en application des mesures? Combien
enfants de placés? Ça, je veux bien, mais c'est pour ça que je nommais les
paragraphes a à d qui sont dans le projet de loi n° 15 qui donnent les
responsabilités, donc qu'on sache est-ce que les orientations données par la
directrice nationale quelles sont-elles? Est-ce qu'elles sont mises en
application? Les standards de pratique qui doivent être révisés, quels
sont-ils? Comment ils sont suivis? Est-ce qu'on évolue? Est-ce que l'aiguille
va dans la bonne direction? On veut mieux suivre la trajectoire des enfants,
bien, qu'est ce qu'on fait à cet égard-là? Est-ce qu'on est capable de mieux
suivre la trajectoire des enfants? On veut recourir moins fréquemment aux
tribunaux, donc comment... où est-ce qu'on en est? Donc, avoir des enjeux et
aussi remettre en place des indicateurs de performance. Le réseau de
protection, est-ce qu'il protège bien les enfants? Mais ça, pour moi, ce n'est
pas juste des statistiques sur on a donné des services dans 30 jours et ci
ou ça, c'est est-ce que les enfants sont... On veut parler de stabilité, c'est
aussi au cœur du projet de loi n° 15. Est-ce que les enfants sont encore
déplacés comme des boîtes de conserve? Ce serait inacceptable. Mais on ne
mesure plus le taux de déplacement des enfants. Les enfants qui sont
resignalés, ça veut dire qu'on n'a pas bien fait notre job. Si j'utilise l'expression,
si les enfants reviennent, et la commission Laurent nous a dit à quel point ça
revient. Donc, il a trop de resignalements. Voici des indicateurs qui
devraient... de performance, pour moi, du système de protection. Martin Goyette
et d'autres collègues, dans des recherches, nous ont dit que les enfants qui
sont placés en famille d'accueil au centre de réadaptation non seulement ils ne
reprennent pas des retards, mais accroissent les retards au plan scolaire, au
plan de la santé physique, il y a des lacunes aussi. Donc, c'est leur
développement. Voici des exemples de ce que j'aimerais voir apparaître dans un
rapport annuel de la directrice nationale de la protection de la jeunesse.
M. Carmant : D'accord.
Merci. Et la distinction est claire. Recommandation 6 : mauvais
traitements psychologiques découlant de l'exposition à la violence conjugale.
Dans la loi actuelle, l'article 38 c) parle déjà d'exposition à la
violence conjugale. Qu'est-ce que votre proposition vient ajouter exactement?
• (16 h 40) •
M. Hotte (Jean-Pierre) : En
fait, elle vient surtout s'assurer qu'on va distinguer parce qu'à l'article
38 c), dans la loi actuelle, les enfants exposés à la violence conjugale
se retrouvent avec, si je me souviens bien, neuf autres problématiques. Donc, on
est un peu dans un... il y avait déjà une amélioration à la loi qui a été faite
en 2006 parce qu'avant, quand on parlait de négligence, un terme encrier, il y
avait un peu de tout dans ça, et on a ajouté un champ de mauvais traitements
psychologiques, risques sérieux, c'était un pas dans la bonne direction. Là, je
pense qu'on pourrait aller une coche plus loin. Pour moi avec ce qu'on a vécu,
particulièrement dans la dernière année, le nombre de féminicides, une
sensibilisation accrue avec raison à cette problématique qui peut mettre des
vies en danger, d'avoir des enfants exposés, puis ça, les nombreuses recherches
le démontrent, là, que des enfants témoins de violence conjugale, ça crée un
traumatisme extrêmement sévère. Donc, je crois qu'il faut en faire un alinéa à
part, un, pour être sûr qu'on est capable de bien mesurer l'ampleur du
phénomène, deux, éventuellement avec l'aide de chercheurs, on pourrait
probablement voir ce qui doit être fait en amont, au niveau peut être d'organismes
communautaires, de comment on peut mieux détecter, diminuer l'impact, agir plus
tôt. Et aussi, lorsque c'est le cas, en protection de la jeunesse, est-ce qu'il
n'y a pas lieu d'avoir des pratiques de pointe qui sont mieux définies que ce
que l'on a actuellement, ou sinon que l'idée, pour moi, ce n'est pas un ajout,
c'est... on en fait un cas particulier pour lui donner encore toute cette
mesure-là, <à mon point de vue....
M. Hotte (Jean-Pierre) :
...ce n'est pas un ajout. c'est... on en fait un cas particulier pour lui
donner encore toute cette mesure-là, >à mon point de vue.
M. Carmant : O.K., le séparer
de la liste que l'on voit à 38 c).
M. Hotte (Jean-Pierre) : Oui,
exact.
M. Carmant : M. le Président,
il me reste combien de temps?
Le Président (M. Provençal)
: Quatre minutes.
M. Carmant : O.K., d'accord.
Peut-être une dernière question avant de passer la parole à ma collègue. Je
voulais vous demander... Excusez-moi, j'ai un blanc de mémoire, là. Bien, en
fait, je passerais la parole à ma collègue de Roberval.
Le Président (M. Provençal)
: Mme la députée de Roberval, c'est à vous la parole.
Mme Guillemette : Merci, M.
le Président. Merci, M. Hotte, pour votre présence avec nous, et toute l'expertise
que vous avez au niveau de nos jeunes. Je vous entendais parler d'agir tôt, de
ce qu'il faudrait faire au niveau du logement, au niveau... Mais je ne vous ai
pas entendu parler des compétences parentales dans la prévention. Je pense qu'on
aurait un petit bout à faire au niveau des compétences parentales. J'aimerais
vous entendre un peu là-dessus.
M. Hotte (Jean-Pierre) : Tout
à fait. Bien, en fait, je dois vous dire que l'expérience que j'ai eue pendant
plusieurs années, comme président d'Avenir d'enfants, m'a donné des leçons
extrêmement importantes. Et donc, il y a tout le réseau des organismes
communautaires famille, que vous connaissez sûrement qui apporte une
contribution très, très importante. Et je pense que, quand je disais qu'il faut
travailler en amont, agir tôt, etc., ça, c'est certainement... Pour moi, c'est
clair que beaucoup de parents peuvent bénéficier... mais ça veut dire aussi,
dans nos pratiques, qu'il faut aller... puis ça, ça a été nommé à plusieurs reprises
aussi... il faut aller au-devant des familles les plus vulnérables.
Quand on parle d'agir tôt, un programme
comme SIPPE, vous y avez fait allusion ce matin... Bien, même à l'avis de
grossesse aussi, qui est un apport, qui est... on n'a pas besoin d'inscrire ça
dans la loi... Mais, dans le fond, il y a toute une série d'éléments qui
viennent contribuer à ce qu'on détecte plus tôt les situations à risque qu'on
intervienne, qu'on soutienne des parents qui sont loin d'être des mauvais
parents, des parents qui sont soit démunis pour toutes sortes de raisons. Mais
vous avez raison, c'est un point central.
Donc, quand je parle de prévention, agir
tôt, agir en amont, c'est clair que, pour moi, le soutien aux parents... Puis
même pendant la trajectoire de la protection de la jeunesse. Le but, ce n'est
pas de les disqualifier. Mais quand je parle de l'approche Ma famille, ma
communauté, c'est justement... c'est... donc, quand on est dans, par exemple,
une situation de négligence avec de très jeunes enfants, pour la DPJ, c'est
risqué. Mais si on veut un filet de protection, alors l'idée, c'est, quand on
arrive à l'étape dite orientation, on...
Puis quand... On parle souvent de
confidentialité, mais 99 % du temps, les parents vont être d'accord à
ouvrir des portes sur la confidentialité. Si on dit : Est-ce qu'on
pourrait avoir un CPE, on pense que ça pourrait aider vos enfants au niveau du
développement, ils pourraient être autour de la table. On pourrait avoir un
centre de pédiatrie sociale, qui pourrait vous aider, vous, mais aider vos
enfants aussi. On pourrait avoir, si les enfants sont plus vieux, une
psychoéducatrice de l'école, parce qu'on pense que ça pourrait être... Vous
voyez un peu l'idée.
Donc, on ne disqualifie pas les parents.
On reconnaît qu'ils ont besoin de soutien, on met un soutien. Pour la DPJ, c'est
rassurant. Il y a des yeux, des oreilles qui vont lui permettre de voir si la
situation évolue bien, puis il peut se retirer. L'idée, c'est que le parcours
du DPJ doit être le plus court possible. Et bien, pour ça, bien, il faut qu'on
ait vraiment un filet de protection, puis que ça continue. Puis là quand on
parle de continuité d'interventions, si ces gens-là sont dans le décor, il ne
faut pas les enlever. Il faut, au contraire... Alors, le DPJ, lui, dès... quand
il se retire, il faut que les gens puissent continuer. Donc, ces parents-là,
ils ne recommencent pas à raconter leur histoire cinq fois, 10 fois, 15 fois.
Moi, c'est ça, le souci, là. Parce qu'on a des beaux principes, diligence, intensité
d'intervention, continuité. Malheureusement, là où le bât blesse, c'est dans la
réalité. Mais vous touchez à un point central, oui.
Mme Guillemette : J'ai le
temps pour une autre question?
Le Président (M. Provençal)
: Malheureusement, non.
Mme Guillemette : Merci
beaucoup. M. Hotte.
Le Président (M. Provençal)
: Nous allons poursuivre notre échange avec la députée de
Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Bienvenue, M.
Hotte, grand plaisir d'avoir la chance de pouvoir vous entendre et bénéficier
de votre expertise et votre intérêt à ce sujet très important pour la société
québécoise. On a plusieurs groupes, qui sont déjà venus aujourd'hui, qui ont
exprimé très clairement qu'il faut aller plus fort, plus vite pour reconnaître
l'autonomie des nations autochtones en matière de protection de la jeunesse.
Vous faites une recommandation. J'aimerais vous entendre parler là-dessus, et
comment faire cette transition. On dirait que, comment dire, les conditions sont
gagnantes pour avancer dans ce dossier parce que c'est vraiment <la
première fois que j'entends tant de groupes et d'institutions en parler...
Mme Weil :
...faire cette transition. On dirait que, comment dire, les conditions sont
gagnantes pour avancer dans ce dossier parce que c'est vraiment >la
première fois que j'entends tant de groupes et d'institutions en parler. Ils
ont pris conscience des rapports, ils sont sensibilisés. Alors, comment avancer
et, oui, de quelle façon vers l'autonomie totale, complète?
M. Hotte (Jean-Pierre) :
Merci, Mme la députée. Effectivement. Bien, je tiens à dire d'abord que j'ai
souligné dans mon mémoire que les recommandations qui sont faites dans le projet
de loi n° 15 apportent des améliorations entre autres sur la sécurité
culturelle. En tout cas, il y a une série d'éléments qui sont vraiment
intéressants. Ma crainte basée sur le passé, mais aussi parce que j'ai eu l'occasion
dans mon parcours d'avoir de nombreux contacts avec des communautés
autochtones, avec aussi la commission des services sociaux des Premières
Nations, et quand je regarde l'article 37.5 dans la loi actuelle qui
permet de donner plus d'autonomie aux communautés autochtones, bien, je trouve
qu'il y en a tellement peu de communautés qui sont arrivées, c'est comme un
parcours qui est lourd, qui est compliqué.
Puis la commission Viens est venue
confirmer des choses, la commission Laurent a appuyé à nouveau là-dessus, je
suis persuadé que les représentants des communautés autochtones que vous allez
entendre dans les prochains jours vont certainement mieux exprimer les choses
que moi, mais pour moi, c'est clair qu'il est temps de leur permettre d'avoir davantage
d'autonomie et de tenir compte de leur histoire, de leur culture, de leur faire
confiance. Et on devrait aller plus vite que ce qu'on a fait.
Donc, si on modifie la loi, «période de
transition», ça me fait un petit peu peur. Je ne dis pas qu'il n'en faudra pas,
mais ça fait des décennies, là, puis a... On peut compter les communautés qui
ont eu accès à l'autonomie avec 37.5 sur les doigts d'une main. Alors, il faut
aller plus vite. Ce que je voyais, c'est que dans un contexte aussi plus large.
Le gouvernement fédéral a mis en place la loi C-92, qui permet un accès
avec une plus grande autonomie à toutes les communautés autochtones à travers
le Canada, incluant le Québec évidemment. Ils ont de plus, récemment, convenu d'une
entente avec les communautés autochtones. Et il y a du financement, de toute
façon, à mon point de vue très significatif, qui vient soutenir ces... qui
viendrait soutenir les communautés qui veulent accéder dans ce type de démarche
là. Des contacts que j'ai pu avoir des communautés autochtones, ils ne
souhaitent que ça, avoir l'opportunité de développer.
Ça ne voudrait pas dire qu'ils n'auront
pas besoin d'aide, mais ce que j'ai vu, par exemple, moi, au niveau de la
petite enfance avec la Commission des services sociaux des Premières Nations,
avec le soutien... d'enfant, ils ont fait des choses extraordinaires,
admirables et même dont on pouvait s'inspirer pour des communautés non
autochtones. Donc, l'idée, pour moi, c'est : est-ce qu'on ne peut pas
aller un peu plus loin, un peu plus vite.
• (16 h 50) •
Mme Weil : Merci. J'aimerais
peut-être revenir sur le rôle du directeur national de la protection de la
jeunesse et tout en regardant le filet social que fournit, et dans certaines
communautés, c'est quand même assez fort, ça peut être assez fort, c'est-à-dire
le travail... Parce que j'ai des exemples concrets où la DPJ travaille avec les
organismes communautaires. D'ailleurs, il y a deux projets Centre-Sud, donc c'est
le CIUSSS de Centre-Sud, la DPJ et puis aussi à Batshaw et puis à peu près en
même temps parce que les deux faisaient face... Bon, on fait face à la
surreprésentation des communautés noires.
Donc, je les ai appelés pour m'enquérir
parce que c'est beaucoup dans... Ma collègue va en parler aussi. Mais on le voit
dans l'Ouest, dans tout ce qui est centre ouest, mais aussi Montréal-Nord et, à
ma surprise, les deux ont dit : Bien, en effet, on a été proactifs. Et c'est
deux projets pilotes, à peu près, qui avaient commencé en même temps, mais je
ne suis pas sûre qu'il y avait vraiment entre ces deux DPJ. Alors, j'ai trouvé
ça encourageant. Je me disais avec un directeur national qui peut aller sur le
terrain aussi pour voir ces expérimentations qui se font ici et là, aider d'autres
à faire la même chose, c'est-à-dire qu'on défonce le mur entre l'institutionnel
et le communautaire. Comment vous voyez ça le rôle que peut jouer le directeur
national.
M. Hotte (Jean-Pierre) : Bien,
ce que vous dites, c'est le…
Mme Weil : Pour faire ce
lien, là, <ce lien avec la communauté...
...
Mme Weil :
...le rôle que peut jouer le
directeur national.
M. Hotte (Jean-Pierre) :
Bien,
ce que vous dites, c'est le…
Mme Weil :
Pour
faire ce lien, là, >ce lien avec la communauté...
M. Hotte (Jean-Pierre) : Oui,
tout à fait. Pour moi, c'est de la musique à mes oreilles, parce que c'est ce
que je souhaite vraiment et je crois qu'on ne peut même pas penser à faire
autrement. Le réseau de protection, actuellement, craque de partout. Quand on
regarde l'État aussi, la dynamique au niveau des ressources humaines, ça tourne
comme dans un moulin et on ne peut pas penser que des jeunes intervenants,
devant des situations aussi complexes en protection de la jeunesse, peuvent y
arriver tout seuls. Et je ne pense pas qu'ils le croient eux-mêmes.
Il faut une approche plus communautaire et
aussi le communautaire a appris et nous apprend aussi et travaille avec des
gens qui... vous parlez des communautés immigrantes première génération qui ont
vécu parfois des traumatismes dans leur pays avant d'arriver ici ou à cause des
barrières de la langue ou de la culture, sont méfiants ou ne comprennent pas ou
ne savent pas ce qui existe ou que... donc, voir la DPJ arriver. Donc oui, le
communautaire, c'est un pont, ça met un lien parce qu'ils peuvent faire
confiance à ces organisations-là qui sont là, vraiment, ils le sentent, pour
les aider. Ils peuvent avoir peur du DPJ, peur que la DPJ va leur enlever leur
enfant, etc. Donc je trouve qu'il faut travailler en équipe, organismes
communautaires, de façon très importante. Pour moi aussi, il y a le rôle, selon
l'âge des enfants, des CPE, des milieux scolaires, des centres de pédiatrie
sociale. Dans le fond, il faut mettre l'ensemble des ressources, puis compte
tenu de l'état des ressources actuellement, on ne peut pas... on ne peut plus
travailler... on a dit "briser le silo", mais faut arrêter de... Donc
oui, il y a des projets pilotes, il y a des belles choses, vous faites bien de
le nommer, il y en a dans de nombreuses régions. On est plus loin que les
projets pilotes et c'est pour ça que je souhaite qu'on pousse un peu plus...
quand je nommais un considérant de plus dans le préambule, pour forcer la main,
je pourrais dire, et peut-être qu'ils n'aimeront pas ça, mais un peu au DPJ,
pour dire : Il faut travailler avec tous ces acteurs là, sinon on y
arrivera pas. C'est ça l'intérêt, pour moi, primordial de l'enfant : c'est
qu'on travaille tous ensemble dans l'intérêt des enfants.
Mme Weil : Et êtes-vous d'accord
à développer une relation de confiance?
M. Hotte (Jean-Pierre) : Ah!
tout à fait.
Mme Weil : Parce que ça
aussi, hein, c'est...
M. Hotte (Jean-Pierre) : Bien,
elle existe à plusieurs endroits, mais.... Mais quand on parle de la situation,
par exemple, en violence conjugale, les organismes qui aident les femmes, en
particulier les femmes, dans... lorsqu'une femme établit un lien de confiance
dans un moment de très grande souffrance, dans une très grande solitude, avec
la crainte de perdre ses enfants si la DPJ arrive dans le décor, bien, c'est
important, là, qu'ils ne disparaissent pas parce que le DPJ arrive. Il faut
travailler ensemble. Alors, la confiance entre les organisations, puis
évidemment que les femmes, les parents, les jeunes puissent faire confiance à
la DPJ.
Le Président (M. Provençal)
:Mme la députée de Bourassa-Sauvé, va
vous adresser...
Mme Robitaille : Oui, merci.
Et le ministre, sait comment moi, c'est de la musique à mes oreilles quand je
vous écoute puis je pense que... et le ministre sait comment moi aussi, je
considère que le communautaire est vraiment un partenaire fondamental, là, pour
justement l'harmonie au sein des familles, pour aider la DPJ, et que... il
doit, ça doit être des vases communicants et c'est tout le monde qui est partie
de ça. Mais, dites-moi, monsieur, est-ce que... Donc, je comprends, déléguer
peut être plus au communautaire, lui donner un plus grand rôle, mais est ce que
en ce moment, le communautaire, là, d'après ce que vous voyez, est bien équipé
pour justement répondre à ça, est-ce qu'il faudrait mieux le financer? Qu'est-ce
qu'il faudrait lui donner, justement, pour qu'il joue pleinement son rôle, puis
vraiment bien épauler la DPJ et puis nos services sociaux?
M. Hotte (Jean-Pierre) : Si
je commence par la fin de votre question, oui, parce que dans mon préambule, je
pense que vous avez entendu, j'en ai nommé une série, là, mais c'est sûr qu'il
faut investir. Puis, dans le communautaire, il faut investir, mais... faire
confiance au communautaire, travailler avec le communautaire, moi, ce que j'invite
aussi, vous avez vu ma proposition qui est une proposition de la commission
Laurent, mais j'y crois fondamentalement, lorsqu'on arrive à l'étape d'application
des mesures dans la loi, au lieu que le DPJ autorise uniquement des gens qui
sont actuellement dans la direction de protection de la jeunesse ou dans le
CIUSSS, là, ou le CISSS, j'aimerais qu'ils, justement, puissent autoriser
davantage des intervenantes des milieux communautaires, des centres de pédiatrie
sociale, des milieux scolaires, etc. Je pense que, pour les parents et pour les
jeunes, <ce serait aussi un signal très, très différent...
M. Hotte (Jean-Pierre) :
...communautaires,
des centres de pédiatrie sociale, des milieux scolaires, etc. Je pense que,
pour les parents et pour les jeunes, >ce serait aussi un signal très,
très différent. Ça n'enlève pas la loi, actuellement l'article 33 est
clair, ça permet aux DPJ de faire ça, il n'y a pas de modification à faire là-
dessus.
Donc, on envoie le signal qu'on travaille
plus en équipe, ensemble et qu'on est là pour les aider. Quand on retire un
enfant de son milieu familial, c'est une lame à deux tranchants. Et donc, oui,
on le fait pour sa sécurité, mais si on n'est pas en mesure d'apporter l'aide,
l'assistance, le soutien, l'intervention nécessaires, bien, on déracine l'enfant
de sa famille. C'est difficile de recoller les pots cassés.
Donc, plus on est capable de travailler
avec une force de frappe plus grande, un filet de protection plus solide, bien,
je pense que mieux ce sera et pour les enfants, mais probablement aussi pour
les parents.
Mme Robitaille : Et comment
on fait, d'un point de vue mécanique, là, pour pouvoir déléguer plus au
communautaire?
M. Hotte (Jean-Pierre) : Ça
ne demande rien de compliqué parce que l'article 33 de la loi actuellement
permet déjà aux DPJ de confier des autorisations à une personne. Ça n'a pas
besoin d'être un professionnel, pas besoin d'être membre d'un ordre
professionnel, ça peut être des techniciens, des éducateurs spécialisés. Ça
peut être, bon, des gens de différentes expertises dans les milieux
communautaires, centres de pédiatrie sociale, milieux scolaires. Ça pourrait
être quelqu'un même dans un autre type d'organisation. Et ça, ça existe. Ça
existe, mais ce n'est pas utilisé, à peu près jamais utilisé, et il est temps
qu'on dépoussière ça. D'ailleurs, le manuel de référence sur la Loi de la
protection de la jeunesse, qui date de 2010 - auquel j'avais contribué d'ailleurs
- dit clairement que la DPJ peut... Dans le fond, je vous le lis, là, à la
page 535, dans le manuel de référence, «la DPJ peut autoriser une autre
personne, par exemple un intervenant d'un autre établissement, d'un organisme
communautaire, à exercer certaines responsabilités. Le choix d'une personne est
autorisé - ici, on réfère à l'article 33 - pour exercer un mandat de protection
repose sur une base clinique en tenant compte notamment des besoins de l'enfant,
de l'expertise de l'intervenant, de l'importance de la continuité des
services». On a déjà tout ça puis on ne l'utilise pas.
Mme Robitaille : L'idée de
projet pilote de ma collègue est une bonne idée, de faire plus de projets
pilotes et les soutenir, et tout ça.
M. Hotte (Jean-Pierre) : Tout
à fait.
Mme Robitaille : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Nous allons terminer
cet échange avec le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, M. le
Président. La recommandation 6 de votre rapport concernant, là, les
mauvais traitements psychologiques découlant de l'exposition à la violence
conjugale, c'est un ajout que vous feriez à l'article 38 de la LPJ
actuelle, donc pas du projet de loi n° 15. Dans le projet de loi n° 15,
là, je ne suis pas retourné le voir là, mais il me semble que, de mémoire, il y
a comme une mention de la question de la violence conjugale comme un type d'exemple
de motif de compromission qui pourrait justifier le retrait d'un enfant, en
tout cas, l'intervention de la DPJ. Est-ce que vous trouvez que c'est
suffisant, ce qui est là dans le projet de loi n° 15, ou est-ce que vous
pensez qu'il faut ajouter un article séparément, là, de ne pas simplement en
faire un exemple, mais de dire : C'est un motif en soi, là, à part
entière?
• (17 heures) •
M. Hotte (Jean-Pierre) : Bien,
merci de votre question. Ça va me permettre de préciser, là, en fait, à l'article
38 c, actuellement, on dit : «mauvais traitements psychologiques :
lorsque l'enfant subit de façon grave ou continue des comportements de nature à
lui causer un préjudice de la part de ses parents ou d'une autre personne et
que ses parents ne prennent pas les moyens nécessaires pour mettre fin à la
situation. Ces comportements se traduisent notamment par de l'indifférence, du
dénigrement, du rejet affectif, du contrôle excessif, de l'isolement, des
menaces, de l'exploitation, entre autres si l'enfant est forcé de faire un
travail disproportionné par rapport à ses capacités, ou par l'exposition à la
violence conjugale ou familiale;» Bien, vous voyez un peu dans... La violence
conjugale et familiale est comme mise... Je ne dis pas que les autres éléments
ne sont pas importants, mais quand je regarde l'impact qu'a, pour les enfants,
le fait d'être témoin de violence portée à l'égard de sa mère, quand on voit
que même des femmes sont tuées suite à ces violences et ce que ça donne comme
conséquences pour les enfants pour le reste de leurs jours, il me semble qu'il
faut le mettre à part, d'une part pour mieux cerner c'est quoi l'ampleur de ce
phénomène-là, permettre ensuite qu'on puisse...
17 h (version révisée)
M. Hotte (Jean-Pierre) : ...violence
et ce que ça donne comme conséquences aussi pour les enfants pour le reste de
leurs jours. Il me semble qu'il faut le mettre à part, d'une part, pour mieux
cerner c'est quoi, l'ampleur de ce phénomène-là, permettre ensuite qu'on
puisse, avec l'aide des chercheurs, voir qu'est-ce qui doit être fait, si on
voit que ça augmente ou si... est-ce que ça diminue, comment évolue la
situation. Si ça augmente, ça veut dire qu'on n'agit pas de façon efficace en
amont. Qu'est-ce qui manque? Quelque chose au niveau de la police, des
organismes communautaires? Au moins, qu'on puisse soulever des questionnements.
Et ensuite, l'autre élément pour moi, c'est
qu'en mettant ce type de situation là avec un statut particulier, bien, ça va
nous permettre, au niveau des meilleures pratiques à développer, d'avoir
probablement l'occasion de développer une meilleure expertise, sachant c'est
quoi, le volume, qu'est-ce que ça représente, quelle est la réalité dans
chacune des régions du Québec, etc. Donc, mieux documenter, mieux se préparer
à... souhaiter, en fait, qu'on retrouve de moins en moins de ce type de
situation là.
C'est pour ça que je trouve que c'est
comme dans un fourre-tout. Je n'aime pas l'idée. Il me semble que c'est trop
grave pour le mettre comme un neuvième item d'un article.
M. Zanetti : Je comprends.
Merci. Ça va être beau pour moi.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup, M. Hotte, pour votre
participation et votre contribution à nos travaux.
Je suspends les travaux pour pouvoir
permettre au prochain groupe de se préparer. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 17 h 4)
(Reprise à 17 h 27)
Le Président (M. Provençal)
:Nous reprenons nos travaux. Je
souhaite la bienvenue à l'Assemblée des Premières Nations Québec Labrador.
Alors, je veux vous rappeler que vous avez 10 minutes pour votre exposé, et,
par la suite, nous procéderons aux échanges. Alors, je vous cède la parole.
M. Picard (Ghislain) :(S'exprime dans sa langue) Donc, bonjour à toutes et à
tous, M. le Président, M. le ministre, distingués membres de cette commission
parlementaire qui étudie le projet de loi n° 15. Et je veux évidemment
reconnaître le chef Jean-Claude Mequish de la communauté de la première nation
atikamekw d'Opitciwan qui m'accompagne aujourd'hui. Le chef Mequish ne prendra
pas nécessairement la parole pour l'introduction mais est tout à fait disposé à
répondre à des questions qui pourraient sans doute toucher la Loi de la protection
sociale atikamekw d'Opitciwan, qui est une loi qui est entrée en vigueur le
17 janvier dernier et qui est une loi qui a été initiée par la communauté
atikamekw d'Opitciwan.
D'entrée de jeu, ce que je voudrais
peut-être dire, c'est sans doute que plusieurs d'entre vous savez que ce n'est
pas la première fois que je présente en commission parlementaire. À chaque fois
que l'opportunité nous est donnée, on prend le temps, de façon respectueuse, de
venir présenter nos recommandations, nos préoccupations, nos commentaires sur
des projets de loi qui pourraient avoir un impact sur l'ensemble des
communautés que nous représentons. Donc, c'est en tout respect que je me
présente devant vous aujourd'hui, sachant également que la Commission de la
santé des premières... de la santé et des services sociaux des premières nations
Québec Labrador, qui doit présenter demain, va se pencher beaucoup plus en
détail sur le projet de loi n° 15, ce que je ne ferai pas aujourd'hui.
Mais ce que j'ai l'intention de faire aujourd'hui, c'est vraiment, en tout
respect, faire en sorte un peu de sortir un peu de nos zones de confort. Je
pense que c'est important pour moi de livrer le message que je compte livrer
aujourd'hui parce qu'il en va d'une relation qui se veut respectueuse, relation
que plusieurs qualifient de nation à nation. Nous, on dit souvent «de
gouvernement à gouvernement». Et je pense que c'est important qu'on fasse ce
point-là et, souhaitons-le, aujourd'hui, qu'on puisse également engager une
discussion dans cet esprit-là. Donc, je vous remercie beaucoup.
Depuis l'adoption de la Loi sur la
protection de la jeunesse en 1977 et sa mise en application en 1979, elle a été
modifiée quatre fois : en 84, en 94, en 2006 et en 2017. Cette loi
coloniale a été imposée aux Premières Nations, et ses effets dévastateurs se
font toujours sentir sur nos enfants, nos familles et nos communautés.
Commission parlementaire après commission parlementaire, nous avons dénoncé ces
situations et demandé à ce que des changements importants et immédiats soient
apportés à la loi provinciale.
• (17 h 30) •
What is the situation?
The majority of our recommendations have been ignored, resulting in a higher
rate of permanent placements and adoptions for our children. The time has come
to put an end to any form of assimilation that continues to persist. The
conclusions of numerous commissions of inquiry are clear on this subject, the
system is broken. No matter what changes you make to it, if you have no
intention of taking our recommendations seriously, it will continue to fail us,
to fail our children, regardless of which party is in power.
Today, the FNQL's
presence before this parliamentary commission is in line with a context that
goes far beyond simply commenting...
17 h 30 (version révisée)
M. Picard
(Ghislain) : ...on Bill 15, with regard to
child protection, the chiefs of the Assembly of First Nations, Québec and Labrador wish to remind the QuébecGovernment that this issue is linked not only to the wellness of their
children, but also to the exercise of the rights to self-determination and self-governance,
which are essential components of cultural survival and the future of our
peoples.
First Nations have never
ceded their rights, and even less the right to decide on the future, education
and wellness of their children throughout the territory. In this sense, the
AFNQL wishes to firmly convey a clear message as part of the Commission: First Nations' governments are more determined than ever to
move towards the full exercise of their rights with regard to the protection of
their children and families. This march towards self-determination will be done
alone, if necessary, and the interference of any government will not be tolerated.
Currently, the Government of Québec shows contempt for First Nations wishing to exercise what they hold
most precious, the rights and the protection of their children. By filing a
legal challenge, by reference to the Court of appeal of Québec, in December 2019, of An act respecting
First Nations, Inuit and Metis children, youth and families, C-92, your Government is trying to deny our inherent
rights and our ability to legislate. Not only does it contribute to holding back
the collective healing processes and progress of our peoples, but it also sends
damaging messages to our fellow citizens about our ability to care for our
children.
There's no longer a need
to demonstrate any of this. The various commissions of inquiry have endorsed the importance of the safety of indigenous children and youth being overseen by
their communities and on the undeniable fact that even the report of the Special
Commission on the Rights of Children
and Youth Protection, la commission Laurent, commissioned by the Legault Government, itself reaffirms.
Les propos de Mme Laurent,
interviewée lors de la publication de son rapport, ne pouvaient être plus
éloquents, et je cite : «Les autochtones sont les mieux placés pour
identifier les besoins de leurs enfants et y répondre.»
Je me permets de couper court parce que le
temps passe. La série noire des exemples d'un déni systématique de nos droits
inhérents se poursuit alors que la communauté attikamek d'Opitciwan vient de se
doter de sa propre loi sur la protection de l'enfance dans le cadre reconnu par
le fédéral en vertu de la Loi concernant les enfants, les jeunes et les
familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, C-92. Alors que la
cause se trouve devant les tribunaux, le ministre Lafrenière y est allé
publiquement de commentaires empreints de mépris envers nos ordres juridiques,
lorsqu'il a fait une analogie mal placée entre la loi d'Opitciwan et un fromage
gruyère. À la lumière des décisions et des positions du gouvernement du Québec
depuis l'arrivée au pouvoir de la CAQ, c'est plutôt la soi-disant relation de
nation à nation, tant souhaitée par le premier ministre, qui est parsemée de
trous et qui se désagrège de jour en jour en raison d'un manque de cohérence et
de vision gouvernementales envers les droits des Premières Nations.
Les chefs de l'APNQL sont déterminés, tel
qu'ils l'ont notamment exprimé officiellement par l'adoption d'une déclaration
sur les territoires et les ressources, en novembre dernier, à mettre en oeuvre
tous les moyens nécessaires pour protéger leurs droits inhérents dans tous les
domaines touchant le mieux-être et l'avenir de leurs populations. Les services
de protection de l'enfance en sont un aspect essentiel, et nos gouvernements
sont les mieux placés pour les gérer. En quoi cette capacité vient-elle mettre
en danger les compétences que le Québec exerce pour sa population?
L'APNQL soutient que le dépôt de ce projet
de loi ne contribue pas à transformer la relation entre le Québec et les
Premières Nations. Il prend place sur fond d'une contestation judiciaire de
mauvaise foi qui s'appuie sur une chasse gardée des champs de compétences, et
ce, au détriment de nos enfants et de leurs familles.
Cette commission parlementaire se tient
alors que le Canada, par le biais de ses ministres fédéraux concernés, a
adressé des communications au ministre responsable des Affaires autochtones, l'enjoignant
à reconnaître, dans un esprit d'autodétermination et de réconciliation, la
compétence législative des collectivités autochtones sur les services à l'enfance
et la famille, qui découle du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.
Dans cette communication, la ministre <fédérale des...
M. Picard
(Ghislain) :
...services à l'enfance et la famille, qui
découle du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Dans cette
communication, la ministre >fédérale des Services aux autochtones, Patty
Hajdu, souligne l'absurdité de l'entêtement du Québec en la matière, en affirmant
sans équivoque la validité de la Loi de la protection sociale atikamekw en ces
termes, et je cite : « Les dispositions de la loi d'Opitciwan qui porte
sur les services à l'enfance et la famille tels que définis par la loi
fédérale, ont désormais la force de loi à titre de loi fédérale au Québec.» Fin
de la citation.
Pourtant, depuis l'entrée en vigueur de la
loi d'Opitciwan, nous constatons que le réseau de la protection de la jeunesse
du Québec utilise maintenant l'article 81.1 de la Loi sur la protection de
la jeunesse pour informer la communauté que des audiences au Tribunal de la
jeunesse sont dorénavant prévues pour tous les parents et enfants placés et
résidant à l'extérieur de la communauté. Même s'il s'agit d'une exigence à
remplir en vertu de l'article 81.1, il semblerait qu'environ
50 enfants inscrits sur la liste de ban de la communauté d'Opitciwan
auraient été placés majoritairement dans des familles allochtones sans que la
communauté n'en ait été informée.
Le Président (M. Provençal)
: En tout respect, M. Picard, je vais vous demander de
conclure parce que...
M. Picard
(Ghislain) : Il me reste un paragraphe.
Le Président (M. Provençal)
: Je vous donne la permission de le lire.
M. Picard
(Ghislain) : Merci beaucoup, merci, c'est apprécié. Qu'est-ce
qui a incité le réseau québécois à modifier si rapidement ses pratiques?
Pourquoi la communauté d'Opitciwan découvre-t-elle que ses enfants ont été
placés sans qu'elle en soit avisée, comme requis par la loi? Il ne s'agit ici
que de quelques exemples qui démontrent, encore une fois, que le gouvernement
du Québec utilise ses lois pour tenter d'opprimer les Premières Nations sans
respecter leurs droits. Où est donc la primauté du droit?
En conclusion, la seule loi digne de nos
enfants sera celle que nos gouvernements des Premières Nations choisiront d'appliquer
par l'exercice de leurs droits en la matière. «Tshinashkumitnau.» Merci
beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: Merci, M. Picard, pour votre exposé. Alors, je vais
maintenant passer la parole au ministre. M. le ministre.
M. Carmant : «Kwe», chef Picard, chef Mequish. Merci d'être là. Je pense
que votre discours est quand même clair. Moi, je me positionne, comme ministre
délégué à la Santé et des Services sociaux, dans le but de protéger le mieux
possible les enfants. Et je pense que j'ai été clair, dans le... on est clair,
dans le préambule, c'est absolu, pour nous, que les Premières Nations sont le
mieux placés pour s'occuper de leurs enfants. Ça, je pense qu'on peut être d'accord
là-dessus.
• (17 h 40) •
Là où on aimerait être sûrs d'offrir une
protection sans risque, c'est vraiment, comme vous mentionnez, peut-être, ceux
qui choisissent, premièrement, d'être hors communauté, avoir une certaine... Tu
sais, on travaille fort, dans le projet de loi, pour harmoniser les pratiques,
on est quand même... Je dois partager avec vous mon inquiétude d'avoir
plusieurs lois différentes, non seulement des nations différentes, mais des
communautés différentes, qui s'appliqueraient sur... par exemple, à Montréal,
par exemple. Donc, comment vous voyez ça? Partagez-nous votre vision pour voir
comment on peut travailler mieux ensemble pour ceux qui sont... choisissent d'être
hors communauté.
M. Picard
(Ghislain) : Merci beaucoup pour votre commentaire et question,
M. le ministre Carmant. Et je vais sans doute inviter le chef Mequish à
compléter, puisque lui vit une situation beaucoup plus terrain que moi, je peux
le vivre.
Mais ce que je dirais, d'abord et avant
tout, c'est, comme je le disais en début, d'entrée de jeu, ce n'est pas la
première fois que l'APNQL prend le temps de se présenter en commission
parlementaire pour tout type de loi qui pourrait avoir un impact sur les communautés.
Et, dans certains cas, dans plusieurs cas, même, on a toujours avancé le souci
d'harmoniser nos pratiques, d'harmoniser nos pratiques au niveau de nos
communautés et avec ce qui existe autour de nous en législation québécoise et
même, dans certains cas, la législation fédérale.
Maintenant, ce qu'on a ici, c'est vraiment
un contexte tout à fait différent. C'est qu'on a une première. Opitciwan, c'est
la première communauté au Québec, la quatrième au Canada, à avoir sa propre
loi. Et ça, je pense qu'on a déjà fait nos représentations là-dessus en disant
que c'est le souhait des communautés. Opitciwan ne sera pas la seule, parce qu'il
y a 15 autres communautés qui suivent et qui se préparent également à <emboîter
le...
M. Picard (Ghislain) :
...représentations
là-dessus en disant que c'est le souhait des communautés. Opitciwan ne sera pas
la seule, parce qu'il y a 15 autres communautés qui suivent et qui se
préparent également à >emboîter le pas avec la voie tracée par Opitciwan.
Et donc je reviens à mon commentaire
initial, le souci d'harmonisation a toujours été présent. C'est ce qu'on a fait
valoir à plus d'une occasion, écoutez, depuis les 25, 30 dernières années,
mais force est de constater que ce n'est pas souvent à l'avantage des communautés
que nous représentons. Mais j'inviterais évidemment, là, le chef Mequish à
ajouter à ce que je viens de dire.
M. Mequish (Jean-Claude) : «Meegwetch»,chef Picard. J'aimerais tout d'abord saluer tous les membres qui sont là à
la commission aujourd'hui. Bien, je répondrais, suite à l'intervention de M. le
ministre de la Protection sociale. Tout d'abord, personne ne choisit d'aller
vivre hors réserve. Ils font... ils décident d'aller vivre parce qu'on a un
manque flagrant de logements. On a une crise de logement social, c'est pour ça
que nos membres, là, décident d'aller vivre hors communauté.
Je répondrais aussi... on a eu un début de
collaboration des deux CIUSSS, Mauricie puis Saguenay—Lac-Saint-Jean. On s'est
aperçus qu'avant même la rentrée en vigueur de notre loi, le 17 janvier,
il y a comme eu un changement de ton de la part des deux CIUSSS. Nous autres,
on... c'est clair pour nous autres qu'il y a peut être un message qui est venu
d'en haut pour, justement... je ne sais trop quoi, je ne veux pas trop, trop m'avancer,
aussi, dans mes pensées.
Je pense qu'aujourd'hui on est là pour ça.
Nous autres, on continue, on maintient le cap. On veut bien, nous autres,
prendre nos enfants, de veiller nos enfants avec notre loi. Vous savez très
bien que la DPJ, la loi de la protection des jeunes, la loi du Québec, certains
de nos enfants qui ont été mis... placés, en majorité dans des familles
allochtones, sont revenus ici, ils ont tout perdu. Ils ont perdu leur langue,
leur culture, leur identité. Ils doivent réapprendre, quand ils arrivent ici
dans les communautés, après être placés dans... en majorité d'un déplacement
dans les communautés, bien, dans les villes, dans les familles allochtones.
Merci.
M. Carmant : Je suis
très sensible à ce que vous venez de mentionner et je pense qu'il faut, qu'on
doive continuer à travailler ensemble. Comment qualifiez-vous la... tu sais, le
travail des deux CIUSSS que vous avez mentionnés? Comment ça passe?
M. Mequish (Jean-Claude) : Bien,
comme je vous ai dit tantôt, au début, il y avait une bonne collaboration. Les
dernières semaines et le mois de janvier, là, ça a comme... il y a comme eu une
volte-face, là, un changement de ton, puis les pourparlers, là, ils ont quand
même durci, là, je vous dirais. En tout cas, c'est... Oui, on a reçu une lettre
de leur part, parce qu'on a tout de suite acheminé une lettre de ma part, que j'ai
signée, aux deux CIUSSS, là. Mais, eux autres, ils entendent continuer à faire
en sorte à travailler à une collaboration, là, entre la communauté d'Opitciwan
puis les deux CIUSSS.
M. Carmant : D'accord.
Et comment vous voyez ça, par exemple, harmoniser vos... votre loi avec celle,
par exemple, des Attikameks de Manawan? Comment vous voyez ça? Surtout... encore,
moi, mon inquiétude principale, c'est vraiment pour ceux qui sont hors
communauté. Et je comprends ce que vous m'avez dit pis je le respecte tout à
fait, mais c'est une réalité qui m'inquiète un peu, je dois le partager avec
vous.
M. Mequish (Jean-Claude) :
Oui. Bien, premièrement, nous autres, en tout cas, on s'enligne par une entente
de collaboration avec l'entente qu'ils ont signée, là, Wemotaci puis <Manawan.
Dans les...
M. Mequish (Jean-Claude) :
...premièrement, nous autres, en tout cas, on s'enligne par une entente de
collaboration avec l'entente qu'ils ont signée, là, Wemotaci puis >Manawan.
Dans les prochaines semaines, on prévoit s'asseoir avec eux autres pour,
justement, regarder peut-être les dossiers de nos membres qui sont... qui
résident soit dans la région Saguenay—Lac-Saint-Jean, région, aussi, de la
Mauricie. Ça fait partie de nos prochaines étapes, là, à travailler ensemble.
Moi, tout ce que je veux, là, c'est une collaboration de la part de tout le
monde, là, que ce soit les deux CIUSSS, aussi, peut-être même de votre part, là,
M. le ministre.
M. Carmant : Donc, il y
a quand même de l'ouverture pour une entente pour harmoniser les pratiques, si
je vous entends bien, là?
M. Mequish (Jean-Claude) :
Oui, c'est ce que je souhaite. Tout d'abord, je pense que je vais vous rappeler
qu'au tout début de l'élaboration de notre loi la rédaction... le comité de
travail qu'on avait mis en place, le conseil avait signé une résolution. Tout
au long du processus de rédaction, il y avait juste le fédéral qui était venu s'asseoir
à la table de coordination. On avait invité le Québec, aussi, puis on n'a pas
eu de réponse de leur part. Je savais aussi que le Québec, il contestait la loi
au niveau de la constitutionnalité, le C-92. J'aurais aimé pareil s'il avait
accepté l'invitation qu'on avait lancée. On aurait pu, tout de suite là, mettre
en place un travail de collaboration.
Au cours des dernières semaines, là, tout juste
avant la rentrée en vigueur, là, j'ai... M. le ministre des Affaires
autochtones, Ian Lafrenière, il m'avait écrit, il m'avait texté, il m'avait
appelé. C'était un peu... trop peu, trop tard, là, en tout cas. Tu sais, à
quelques jours de la rentrée de notre loi, il m'avait fait signe qu'il voulait
s'asseoir, qu'il voulait parler avec nous autres. Mais on souhaite encore... on
a encore une ouverture, là.
M. Carmant : D'accord.
Et on va travailler avec cette ouverture-là. Est-ce que vous voulez commenter
sur le projet de loi ou vraiment pas du tout? Est-ce que... est-ce que je peux
vous poser quelques questions?
M. Mequish (Jean-Claude) :
Le projet... La loi C-15?
M. Carmant : Oui.
M. Mequish (Jean-Claude) :
Bien, moi, je suis là, comme j'ai mentionné, avec Ghislain, quand il m'a invité,
je vais écouter puis je vais observer, là. Je suis là en tant qu'observateur.
Le Président (M. Provençal)
: M. Picard.
• (17 h 50) •
M. Picard
(Ghislain) : Non... Bien, écoutez, merci pour la question. Et
comme je l'ai précisé plus tôt, il reviendra à la Commission de la santé et des
services sociaux de commenter en détail le projet de loi n° 15.
Mais j'aimerais quand même, en complément
de ce que le chef Mequish a avancé comme exemple... Et je pense que c'est très,
très éloquent, et, si ça arrive à Opitciwan, bien, ça va... ça risque d'arriver
ailleurs. Ce que vous dites finalement, M. le ministre, c'est que votre
préoccupation touche les enfants qui sont en dehors de la communauté. Donc,
moi, ça me fait dire que vous n'êtes pas opposé à l'idée qu'une communauté se
dote d'une loi, d'un cadre législatif. Est-ce que c'est exact? Donc ça, c'est
une question.
L'autre élément que je veux ajouter, le
chef Mequish et moi-même avons présenté le projet de Loi de la protection
sociale atikamekw d'Opitciwan, le 10 novembre dernier à Wendake. Comment
se fait-il que le Québec ait choisi de réagir lorsque cette loi-là est entrée
en vigueur, le 17 janvier? Ça, je... Pourquoi avoir laissé un vide, alors
qu'il y avait une opportunité, à ce moment-là, de peut-être préparer le terrain
pour l'entrée en vigueur de la loi? Donc, ça, il faudra que quelqu'un me l'explique.
Pourquoi attendre à minuit moins cinq pour réagir? C'est sûr que, je pense,
autant à nous, de notre côté, que du côté de la communauté d'Opitciwan, on
arrive mal... On saisit mal quelle était l'intention ici.
M. Carmant : Bien,
écoutez, je serai bref, mais je pense que vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a
des enjeux au niveau du fédéral et nous, au niveau de nation à nation, où on
trouve qu'il y a des enjeux de <champ de...
M. Carmant :
...serai
bref, mais je pense que vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a des enjeux au
niveau du fédéral et nous, au niveau de nation à nation, où on trouve qu'il y a
des enjeux de >champ de compétences. Mais c'est sûr que nous, notre
priorité, c'est la protection des enfants. Et encore une fois, je le répète, c'est
bien statué dans la loi, pour nous, ce sont les Premières Nations qui sont le
mieux placées pour prendre soin de leurs enfants, puis ça, je le répéterai sans
arrêt.
M. le Président, je passerais la parole à
ma collègue de Roberval.
Le Président (M. Provençal)
: Oui. Mme la députée.
Mme Guillemette : Combien de
temps, M. le Président?
Le Président (M. Provençal)
: Deux minutes.
Mme Guillemette : Merci
beaucoup. «Kwe», chef Mequish. «Kwe», chef Picard. Chef Mequish, j'ai eu l'occasion
d'aller dans votre communauté à plusieurs reprises pour aller travailler
pendant plusieurs années. Je connais bien votre communauté, votre réalité.
Merci d'être avec nous aujourd'hui. J'aimerais vous entendre sur le volet de l'importance
de la sécurisation culturelle au niveau de la protection de la jeunesse, chez
vous... ou chef Mequish, ou chef Picard.
M. Picard (Ghislain) :...chef Mequish, répond.
M. Mequish (Jean-Claude) :
Oui. Oui, un des volets qu'on travaille là-dessus avec le CIUSSS de Saguenay—Lac-Saint-Jean.
C'est parce que nous autres, on fait affaire à... même si on se situe dans la
région, en Mauricie, nous autres, au niveau de nos membres qui ont besoin de
rencontrer des docteurs, des médecins, là, c'est au Saguenay—Lac-Saint-Jean. Il
y a un travail qui a été amorcé là-dessus avec notre directrice de la santé,
puis je pense que c'est un membre du conseil qui détient le dossier de la
santé.
Aux dernières nouvelles, là, ça avançait
bien au niveau de la sécurisation culturelle. Le CIUSSS du Saguenay—Lac-Saint-Jean,
je pense qu'ils sont très, très, très conscients de l'importance de travailler
là-dessus pour, justement, sécuriser nos membres, là, qui... comme je vous l'ai
dit tantôt, qui font affaire dans les centres hospitaliers Saguenay—Lac-Saint-Jean,
Roberval, Chicoutimi, Alma, dans ces endroits-là.
Avec ce qu'on a eu, l'affaire Joyce
Echaquan, là, beaucoup, beaucoup de nos membres, là, se sont... beaucoup de
méfiance, quand on a vu les vidéos qui ont circulé, je pense que vous l'avez
tous vu, l'affaire Joyce Echaquan. Mais on travaille là-dessus au niveau... on
a une très bonne collaboration de la part du CIUSSS Saguenay—Lac-Saint-Jean
pour la sécurisation culturelle.
Mme Guillemette : Merci, chef
Mequish. Je suis très heureuse d'entendre ça. Merci beaucoup, chef Picard, de
votre présence aujourd'hui. Ça sera tout, M. le Président, pour moi.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Alors, nous allons poursuivre avec la députée de
Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Merci, M. le
Président. Et ma collègue va vouloir aussi poser des questions. Alors, «kwe»,
chef Picard et chef Mequish. Je suis étonnée, depuis le début de cette
consultation, de l'adhésion de ceux qui sont venus, d'intervenants, pour dire :
C'est le temps, c'est le temps d'avancer, c'est le temps d'aller vers l'autonomie,
les nations. Et c'est comme si, bon, avec... c'est sûr que les différentes
commissions, les recommandations de la commission Laurent, comment vous voyez
ce... Là, je comprends tous les enjeux que vous avez mentionnés, le ministre
aussi, dans le sens, où on est rendus. Mais, au point de vue de la population,
on dirait que les choses ont cheminé beaucoup. Comment vous voyez l'étape où
vous allez acquérir cette autonomie? Comment les nations, ensemble...
J'ai eu l'occasion d'aller au Lac-Simon, c'était
lors d'une consultation avec l'actuel ministre — il n'était pas
ministre, il était député, mais pas ministre responsable des Communautés
autochtones — et on a eu l'occasion d'échanger avec la nation, et on
a soupé, on a échangé, c'était vraiment formidable. J'avais la chance d'être
assise à côté d'une travailleuse sociale qui m'a expliqué exactement, de A à Z,
comment ils gèrent des problèmes très, très, très <sérieux...
Mme Weil :
...chance
d'être assise à côté d'une travailleuse sociale qui m'a expliqué exactement, de
A à Z, comment ils gèrent des problèmes très, très, très >sérieux, dans
leur communauté, et avec réussite. Elle dit : C'est des cas que vous ne
pourriez même pas imaginer qu'on pouvait faire en sorte que cet enfant soit
encore heureux d'être avec sa famille, à cause de choses qui se sont passées.
Alors, nous, on les accompagne là-dedans, et personne d'autre ne pourrait faire
ce travail, à cause de notre histoire et de nos connaissances de génération en
génération. Alors, j'ai trouvé ça que... c'était un privilège pour moi. Parce
que, c'est sûr que je n'ai jamais eu ce dossier-là, mais le débat public est
imprégné, actuellement, de cette volonté. Je pense que c'est un éveil «coast to
coast», vraiment, au Canada, pour toutes sortes de raisons et des drames
tragiques qu'on apprend.
Mais comment vous, vous voyez, donc, cette
transition? Je ne sais pas, techniquement, comment ça se ferait, mais, disons,
une entente, un désistement de la cour. Bon, au niveau du gouvernement, c'est
sûr que c'est le gouvernement qui a... Mais je voulais plus savoir comment vous
vous organisez, si chaque nation s'organise avec l'expertise d'autres, partage
de meilleures pratiques. C'est un peu comme ça que ça se ferait, cette
opération de... Il y a l'aspect politique, mais je ne parle pas de l'aspect
politique, je parle plus de l'aspect prise en main, là, vraiment, pour s'assurer
que tout va bien et... Un peu comme on discute dans le réseau, actuellement,
qui est... pas brisé, là, mais on parle de notre réseau de la santé qui est
brisé, on parle des difficultés énormes dans le réseau de la protection de la
jeunesse, donc, tous les intervenants parlent de comment on peut travailler
ensemble. Alors, ce serait un peu de vous entendre là-dessus.
• (18 heures) •
Ghislain Picard Bien, écoutez, j'essaie
d'être concis mais clair en même temps. Je crois qu'une des premières
représentations que nous avons faites en commission parlementaire pour traiter
de ces dossiers-là remonte à 2005, et le thème du mémoire qui avait été déposé
à ce moment-là, c'est de Dire les choses comme elles sont. Et c'est ce
que vous expliquez en partie, puis la communauté du Lac-Simon est un exemple, mais
il faut savoir aussi que c'est à géométrie variable à l'échelle du Québec.
Donc, depuis au moins 2005 et même avant,
nos équipes s'affairent à essayer de relever la capacité au niveau local. Et il
y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de professionnels, maintenant, chez nous, dans
le domaine des services sociaux, beaucoup plus que ce qu'on a pu voir, il y a
une trentaine d'années, même quarantaine d'années. Donc, il y a eu une
évolution, une formation marquée aussi, hein, une formation marquée au niveau
de nos professionnels mais marquée aussi par, je dirais, le niveau de placement
au niveau de nos nations.
Donc, ce qui me fait dire que la démarche
qui a été initiée par la communauté d'Opitciwan a été extrêmement rigoureuse,
comme le seront celles qui vont suivre pour les 15 autres communautés. Et
je pense que les communautés s'entendent pour dire : Voici ce que nous
fournit la loi fédérale C-92, c'est exactement les ingrédients dont on a
besoin pour encourager les communautés. Lorsqu'on parle pleine reconnaissance
de l'autodétermination, de leur autonomie, c'est les conditions réunies, là,
pour encourager les communautés comme Opitciwan et d'autres à se doter des
moyens nécessaires.
Il y aura toujours la partie capacité au
niveau financier. Ça demeure un défi tant avec le Québec qu'au niveau du
gouvernement fédéral. Mais c'est là qu'on aurait pu, par exemple, dans une
hypothèse d'entente-coordination comme le prévoit la loi fédérale, convenir des
responsabilités des uns et des autres, hein? C'est vraiment ce que la loi
fédérale proposait, c'est une démarche à trois, là : fédéral, provincial et
Premières Nations.
Le Québec a choisi une autre direction,
pour des raisons expliquées par le ministre un peu plus tôt. Mais, en même
temps, si on est devant une contestation de la loi fédérale mais en même temps
de la capacité de nos communautés, bien, ça ralentit le processus qui devrait
contribuer à mieux outiller les communautés. Et ça, ça nous reporte à peu plus
loin malheureusement.
Donc, on est fins prêts, là, au niveau
local, au niveau des communautés, au niveau des nations, mais encore faut-il qu'on
ait vraiment toutes les conditions réunies, là, pour pouvoir livrer.
Le Président (M. Provençal)
:...
Mme Robitaille : Merci, M. le
Président. Alors, messieurs, merci. Merci d'être là tous les deux, chef
Mequish, chef Picard. Je voulais saluer en passant...
18 h (version révisée)
Mme Robitaille : ...messieurs,
merci. Merci d'être là tous les deux, chef Mequish, chef Picard. Je
voulais saluer, en passant, votre patience, votre patience à revenir, à nous
expliquer, à nous expliquer, ce n'est pas la première fois que je vous vois
ici, à l'Assemblée nationale, justement, à expliquer le point de vue des Premières
Nations, qui est vraiment important, et puis vous répétez, répétez. Ma collègue
parle d'un éveil. Bien, en tout cas, il y a un momentum, tant mieux. Mais je
comprends votre frustration. Vous parlez aussi d'un système brisé, de deux
mondes, finalement, puis vous dites : Bien, la DPJ, bien, ils ont beau
faire tout ce qu'ils veulent, mais il y a deux mondes, et puis, de toute façon,
pour y arriver, il faut qu'on soit autonome, il faut au moins qu'on soit
autonome pour ça, pour la protection de nos enfants.
J'aimerais que vous disiez aux gens qui
nous écoutent en ce moment... Parce que le gouvernement nous dit : Bien,
la loi sur la DPJ, l'article 37.5 permet des ententes avec le gouvernement
fédéral... pardon, provincial, avec les Premières Nations, ils peuvent conclure
des ententes avec le gouvernement provincial, il y en a trois. Depuis trois
ans, là, il y a certaines communautés attikameks qui ont conclu des ententes
avec le gouvernement provincial, et là ils vont vous dire : Bien, coudon, bien,
ce n'est pas satisfaisant, ça, en quoi... Et là ça serait important d'expliquer
aux gens qui nous écoutent en quoi, pour vous, cette loi, là, C-92, qu'est-ce
qu'elle donne de plus, quels pouvoirs il y a dans cette loi-là de plus aux
articles, je pense que c'est aux articles de 9 à 17, là, qui donnent des
pouvoirs supérieurs à ce que vous pourriez avoir dans le contexte législatif
actuel au provincial. En quoi, pour vous, c'est important d'aller chercher des
pouvoirs équivalents à C-92?
M. Picard (Ghislain) :Bien, ce que je vous dirais, première chose, c'est qu'il y a
des communautés qui ont effectivement regardé du côté du 37.5, en disant :
Bon, voici la voie qu'on veut privilégier, mais c'est des communautés aussi qui
se sont maintenant tournées du côté de C-92. Et la raison était, finalement, je
vais l'expliquer très, très simplement, c'est que, c'est quoi, la différence
entre plus d'autonomie et une pleine autonomie? Les communautés ont choisi la
voie de la pleine autonomie, et ça, c'est un droit qui leur appartient. Et
pourquoi il en serait autrement? Je dirais même, et je le dis en tout respect
pour les communautés dites conventionnées, hein, trois nations, naskapie, crie
et inuite, même la nation inuite qui est conventionnée regarde du côté de C-92.
Donc, c'est quand même assez éloquent, là, comme exemple. Je pense que la
communauté, même si on n'a pas... je veux dire, les Inuits ont une entité
politique administrative qui leur sont propre, mais on réussit quand même à
échanger. Donc, je pense que c'est vraiment le fond, c'est vraiment la
différence entre, finalement, une autonomie dans un cadre que tu ne contrôles
pas, que tu ne décides pas et l'autonomie dans un cadre que tu as toi-même
structuré et dont tu as décidé du contexte. Donc, je pense qu'il y a quand même
une différence importante ici.
Et je vais terminer en disant, et je
trouve que c'est un bel exemple aussi, parce qu'on l'a entendu à plus d'une
occasion publiquement, le ministre Lafrenière lui-même disait que le problème,
là, c'est que les Premières Nations ont toujours été appelées à s'adapter au
système, alors que ça devrait être le contraire. Je n'oserais pas le citer,
mais c'est à peu près dans ces mots-là qu'il expliquait un peu la chose en
précisant qu'il comprenait un peu l'attitude de nos communautés dans ce
sens-là.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Nous allons
poursuivre avec le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, M. le
Président. «Kwei», chef Picard. «Kwei», chef Mequish. Merci beaucoup
pour votre témoignage, votre présence. J'ai trouvé votre prise de parole au
début très courageuse, et elle disait des choses qui, effectivement, doivent
être dites. Puis je voulais vous témoigner que je partage parfaitement votre
avis sur... bien, sur tout ce que vous avez dit puis plus particulièrement sur
l'importance de décoloniser la loi et les services sociaux en général, mais la question
de la protection de l'enfance. Et je partage aussi cette déception quant au
fait qu'on a une <opportunité...
M. Zanetti :
...la
loi et les
services sociaux
en général, mais la
question
de la protection de l'enfance. Et je partage aussi cette déception quant au
fait qu'on a une >opportunité d'aller plus loin, là, et qu'on ne le fait
pas jusqu'au bout. Évidemment, on va... le projet de loi est en étude détaillée
bientôt, et on va pouvoir avoir des occasions de proposer des changements, des
amendements. Alors, je souhaite qu'il y ait une ouverture et que ce soit en
cohérence avec l'idée selon laquelle les Premières Nations sont les
meilleures... les mieux placées pour décider de ce qui se passe avec leurs
enfants.
J'ai une question à poser au chef Mequish
par rapport au système et à la loi que vous avez mis en place pour la
protection de la jeunesse. Si j'ai bien compris, là, au fond, c'est une loi qui
est là pour... qui s'applique à la communauté d'Opitciwan, mais est-ce que c'est
quelque chose... Est-ce que chaque communauté, par exemple, qui en ce moment
réfléchissent à faire la même chose, veut avoir sa propre loi, son propre
système ou il y a... Avez-vous un souhait de faire un système par nation ou d'avoir
un système par communauté? Ou peut-être que certaines vont décider de faire des
systèmes communs et d'autres non. Je serais curieux d'entendre ce que vous
avez... ce que vous pensez de ça.
M. Mequish (Jean-Claude) : Évidemment,
on a déjà rencontré deux communautés, celle de Mashteuiatsh puis Wemotaci. Ils
voulaient savoir comment qu'on s'est pris à travailler là-dessus, à élaborer
notre propre loi. Je vous dirais là-dessus qu'au niveau des autres communautés
on a eu aussi des... il y a quelques chefs qui m'avaient appelé, ils voulaient
avoir une rencontre.
Puis la question au niveau des nations,
juste un système, étant donné que nous autres, on est la nation attikamek, on
ne pouvait pas y aller au niveau de la nation attikamek, vu que les deux autres
communautés avaient déjà une entente avec le 37.5, là. Je ne sais pas, dans un
avenir rapproché, je ne peux pas te répondre là-dessus au niveau des autres
communautés. Mais, comme je vous ai dit, il y a quelques communautés qui nous
ont contactés, ils demandent à nous rencontrer. Je ne peux pas... Je n'ai pas
vraiment beaucoup, beaucoup de réponses à ta question, mais on est là, nous
autres, on est prêts à rencontrer les autres communautés.
M. Zanetti : Merci. Bien, ça
répond bien, là. On sent qu'il y a de l'appétit pour, justement, un peu suivre
le même chemin que vous, là, dans d'autres communautés au Québec, là. C'est ce
que je comprends.
M. Mequish (Jean-Claude) : Oui,
c'est bien ça. Bien, avec la... c'est sûr qu'avec la pandémie qu'on a, ce n'est
pas évident, là, tu sais, de se déplacer en présentiel, mais il y a la
technologie, là, qui nous permet aussi de faire des rencontres par visio.
M. Zanetti : Bien, je vous
remercie beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
:On va terminer cet échange avec le
député de René-Lévesque.
• (18 h 10) •
M. Ouellet : Merci beaucoup, M.
le Président. Donc, à mon tour, messieurs, de vous saluer, un «kwei» très
sincère. Chef Picard, si je comprends bien ce que vous nous dites aujourd'hui,
c'est que C-92, on ne peut pas le nier, il existe. Il y a des communautés qui
veulent aller de l'avant, la communauté d'Opitciwan est un exemple, il y en
aura d'autres. Mais vous nous dites aussi que pour le moment, il y a des
communautés qui n'ont pas levé la main, et donc le projet de loi en question
pourrait s'appliquer à eux. Est-ce que j'ai tort d'affirmer ça?
M. Picard (Ghislain) :Oui, bien, écoutez, on n'a pas fait le tour de l'ensemble
des communautés. C'est quelque chose qu'on va... qu'on vérifie régulièrement.
Comme je le disais, il y a maintenant au moins 15 communautés, là, qui
veulent entamer la même démarche, qui est celle d'Opitciwan, similaire à celle d'Opitciwan.
Et ceci dit, là, écoutez, on ne fait pas de promotion. Tout ce qu'on fait, c'est
notre devoir de renseigner les communautés sur ce que C-92 dit, ce que C-92
leur offre. Donc, ultimement, c'est leur choix. Et comme je le disais plus tôt,
bien, les communautés qui avaient, à un certain moment, regardé du côté de 37.5,
bien, ont mis ça de côté pour se concentrer davantage sur la loi fédérale et ce
qu'elle prévoit.
Mais je veux quand même revenir peut-être
en partie sur la question de M. Zanetti. On a passé une <décennie...
M. Picard (Ghislain) :
...ce qu'elle prévoit.
Mais je veux
quand même revenir
peut-être
en partie sur la
question de
M. Zanetti. On a passé une >décennie,
l'ensemble des nations, incluant les communautés conventionnées, pour regarder
le concept d'adoption coutumière. On a réussi à changer le Code civil, à faire
amender le Code civil pour qu'il y ait une reconnaissance de cette pratique-là
au sein de nos nations. Donc, il n'y a rien d'impossible, là, mais il s'agit qu'il
y ait de la volonté. Et à votre question, je pense que c'est vraiment :
Est-ce que les conditions politiques sont au rendez-vous pour avoir ce type de discussion
là? C'est la question qu'on pose ici parce qu'à chaque fois, à chaque fois,
systématiquement, on revient vous porter, vous livrer le même message, et il y
a comme... je ne sais pas comment l'interpréter, mais il y a comme une primauté
qui nous exclut, et c'est ça qu'on dénonce aujourd'hui. S'il n'y a pas de
volonté ou un contexte qui privilégie aussi nos façons de voir et de faire, on
retourne chez nous bredouilles et avec comme conséquence, bien, des lois comme
C-92. Et c'est ça qui invite les communautés d'ailleurs à jeter un regard de ce
côté-là.
M. Ouellet : Votre mémoire
met quand même le doigt sur certaines dispositions qui devraient être changées
si on adopte la loi telle que proposée. J'aimerais peut-être attirer votre
attention sur la recommandation 10. Vous demandez d'exempter les
organismes des Premières Nations de l'application de l'article 21 du
projet de loi. J'aimerais savoir pourquoi, parce que cet article-là nous amène
à la diffusion ou la divulgation d'informations, pourquoi c'est important pour
vous que cela ne s'applique pas.
M. Picard (Ghislain) :Comme je le disais plus tôt, je laisse le soin à notre
équipe, là, de la santé et des services sociaux de vraiment venir vous
présenter en détail les commentaires concernant le projet de loi n° 15
demain. C'est prévu.
M. Ouellet : O.K. Parfait. Je
vous remercie.
M. Picard (Ghislain) :Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Je remercie les chefs Mequish et Picard pour leur
collaboration, leur participation à nos travaux.
Je suspends les travaux pour permettre au
prochain groupe de se présenter. Alors, merci beaucoup d'avoir été présents à
nos travaux en présentiel et en visioconférence. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 14)
(Reprise à 18 h 18)
Le Président (M. Provençal)
:Alors, on reprend nos travaux. Je
vais avoir besoin d'un consentement pour un cinq minutes additionnel pour nous
assurer qu'on a l'entièreté du temps pour le groupe qui est le Barreau du
Québec. Consentement? Merci.
Je souhaite la bienvenue aux représentants
du Barreau du Québec. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour votre
présentation. Par la suite, nous procéderons aux échanges avec les membres de
la commission. Donc, je vous invite à vous présenter et à débuter votre
présentation. Merci.
Mme Claveau (Catherine) : M.
le Président, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, Mmes et MM.
les députés, je me présente, je suis Catherine Claveau, bâtonnière du Québec.
Je suis accompagnée de Me Dominique Trahan, Me Fanie Pelletier et Me Ana
Victoria Aguerre, avocats et membres du groupe de travail sur le projet de loi
n° 15.
Le Barreau du Québec vous remercie de l'avoir
invité à participer aux consultations particulières entourant ce projet de loi
tout aussi important qu'attendu par la société québécoise. Sachez que la
protection de la jeunesse interpelle particulièrement le Barreau du Québec dans
le cadre de sa mission de protection du public.
La protection de la jeunesse est une
responsabilité collective et repose sur un filet de sécurité sociale,
communautaire mais aussi judiciaire. Rappelons que lors de son adoption, en
1977, la Loi sur la protection de la jeunesse s'est caractérisée par la volonté
de déjudiciariser la protection des enfants en limitant l'intervention de l'État
et en la subordonnant au respect des droits reconnus à l'enfant et à ses
parents. Plus de 45 ans plus tard, force est de constater que les dossiers
complexes ont proliféré et qu'ils ont nécessité l'intervention des tribunaux,
des avocats et autres acteurs judiciaires.
Malheureusement, en raison d'un manque
important de ressources, la justice n'a pas pu remplir efficacement son rôle.
En effet, sur le terrain, on assiste à d'importants délais judiciaires causés
par un système de protection de la jeunesse qui tourne au ralenti. Pour les
différents acteurs oeuvrant en matière de la protection de la jeunesse, qu'il s'agisse
des avocats, des juges ou intervenants sociaux, cette réalité alourdit leurs
tâches, alors que la nature même des dossiers est émotionnellement et
psychologiquement exigeante.
• (18 h 20) •
En fait, on parle beaucoup du
système judiciaire, mais il ne faut jamais perdre de vue que ce sont des
humains qui composent, voire soutiennent ce système à bout de bras, tout
particulièrement depuis deux ans. Ils sont littéralement à bout de souffle. Cet
état de fait n'est donc pas sans conséquence sur le bien-être psychologique des
professionnels du droit.
Le manque de ressources a également de
graves répercussions sur les enfants que l'on cherche à protéger. En effet,
dans bien des cas, ces derniers doivent attendre plusieurs mois avant qu'un
juge statue sur leur situation. Ces délais sont non seulement déraisonnables
lorsque l'on tient compte de la notion du temps chez l'enfant, telle qu'enchâssée
dans la loi, mais ils sont également susceptibles de miner la confiance du
public envers la justice. Ainsi, nous invitons le législateur à s'attarder sur
cette nécessaire adéquation entre la disponibilité des ressources et l'atteinte
des objectifs visés par la Loi sur la protection de la jeunesse.
Il demeure toutefois que, de façon
générale, le Barreau accueille favorablement le projet de loi n° 15 qui
est porteur de plusieurs avancées qui sont soulignées dans notre mémoire. Étant
donné les délais qui nous sont impartis, j'attirerai votre attention sur
certains enjeux soulevés par ce projet de loi.
Tout d'abord, nous appuyons la création d'un
poste de directeur national de la protection de la jeunesse. Cependant, comme
le directeur est aussi un <sous-ministre...
Mme Claveau (Catherine) :
...de directeur national de la protection de la jeunesse. Cependant, comme le
directeur est aussi un >sous-ministre, nous nous demandons si ce poste
aura la neutralité et l'indépendance nécessaires permettant d'atteindre les
objectifs de concertation, d'harmonisation et d'imputabilité poursuivis.
Également, nous estimons que le
législateur devrait clarifier ses pouvoirs et la façon dont ils seront exercés
pour une meilleure prévisibilité juridique et pour l'imputabilité des personnes
visées par ses décisions et ses directives. Nous invitons finalement le
législateur à prévoir explicitement que le pouvoir de collecte des données
dévolues au directeur national de la protection de la jeunesse soit appliqué au
niveau judiciaire.
Nous invitons également le législateur à
clarifier le moment de l'intervention de l'avocat représentant l'enfant dans la
loi. Dans la mesure où il est un sujet de droit, nous sommes d'avis que la
représentation d'un enfant par avocat doit être la règle et non l'exception.
Cette idée a par ailleurs été retenue dans le projet de loi n° 2 portant
sur la réforme du droit de la famille et cela va jusqu'à inclure l'accès
universel à l'aide juridique pour les enfants. Nous sommes donc d'avis que l'enfant
doit pouvoir bénéficier d'une voix à travers son avocat, et ce, dès le début du
processus des mesures volontaires.
Dans un autre ordre d'idées, le projet de
loi ne permet pas de centraliser les informations relatives à un enfant. Nous
suggérons de ce fait la mise en place d'une règle de type «un enfant, un
dossier» facilement accessible par les différents intervenants et contenant les
informations à jour et disponibles en temps réel. Nous estimons qu'il devrait
revenir au directeur national de la protection de la jeunesse de mettre en
place un protocole visant à ce que les règles de complétion des dossiers soient
uniformes partout au Québec.
Le projet de loi contient également un
important volet en matière autochtone. D'emblée, nous accueillons favorablement
plusieurs nouveautés qui répondent à des demandes de longue date et qui sont
autant d'avancées vers des services mieux adaptés et respectueux des droits et
des réalités des enfants, des familles et des communautés autochtones.
Un certain arrimage demeure cependant à
faire avec les dispositions prévues à la loi fédérale sur les enfants, les
jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Plus
précisément, nous référons à l'ajout du principe d'égalité réelle entre les
enfants autochtones et les autres enfants pour assurer des services adaptés aux
besoins particuliers des enfants, des familles et des communautés autochtones.
En ce qui a trait aux conseils de famille,
nous recommandons d'élargir leur champ d'action en amont, soit dès le
signalement. Nous sommes d'avis que dans certaines situations, un conseil de
famille constitué dès le signalement d'un enfant peut suffire à mobiliser le
filet de sécurité de l'enfant, cibler des moyens concrets pour mettre fin au
danger et ainsi éviter une déclaration de compromission. Nous préconisons aussi
une obligation de proactivité accrue du DPJ dans la formation d'un conseil de
famille, soit l'obligation de vérifier activement auprès de la famille leur
consentement à un tel processus.
En matière de délais maximaux de
placement, nous saluons l'extension possible de ces délais pour les enfants
autochtones. Toutefois, cette possibilité d'exemption ne doit pas se limiter
aux situations où il y a un conseil de famille. Nous estimons donc que toute
décision concernant un enfant autochtone doit pouvoir être revue régulièrement
sur la base de l'intérêt de l'enfant, indépendamment de la présence ou non d'un
conseil de famille.
En milieu autochtone, le portrait de la
prestation des services est le reflet de la diversité des réalités et besoins
des différentes communautés. En effet, 19 DPJ desservent les
55 communautés autochtones, et plusieurs d'entre elles ont des ententes
qui leur confèrent un certain niveau d'autonomie dans la prestation des
services. Aussi, comme vous le savez, depuis le 17 janvier dernier, la communauté
attikamek Opitciwan, en Mauricie, est devenue la première au Québec à se doter
de sa propre loi en matière de protection de la jeunesse.
Le projet de loi n° 15 contient des
nouveautés intéressantes qui confèrent une autonomie et une prise en charge
accrues pour les familles et les communautés autochtones, comme les conseils de
famille. Toutefois, nous sommes d'avis que le législateur doit aller plus loin
et inscrire le droit à l'autodétermination des peuples autochtones pour les
services à l'enfance et à la famille dans la LPJ, comme c'est le cas dans la
loi fédérale et dans la Déclaration des Nations unies pour les droits des
peuples autochtones.
Enfin, nous sommes conscients que les
améliorations apportées à la loi ne pourront bénéficier pleinement aux enfants
et aux familles autochtones que si elles se reflètent concrètement sur le
terrain, dans les pratiques, les outils utilisés et la formation dispensée aux
intervenants. À cet égard, nous réitérons que l'allocation des ressources <financières...
Mme Claveau (Catherine) :
...outils utilisés et la formation dispensée aux intervenants. À cet égard,
nous réitérons que l'allocation des ressources >financières et humaines
adéquates est primordiale pour assurer le succès des mesures prévues au projet
de loi.
Avant de terminer, nous tenons à souligner
que les modifications proposées au projet de loi n° 15 témoignent de l'intention
du législateur de vouloir mettre à jour le droit québécois de l'enfance en
faveur du meilleur intérêt de l'enfant. De manière plus spécifique, nous
saluons la réaffirmation et la clarification de certains principes clés qui
doivent guider les décisions prises en vertu de la Loi sur la protection de la
jeunesse, tels que la continuité des soins ainsi que la stabilité des liens.
Nous saluons également l'intégration à la
loi de la notion de l'intérêt de l'enfant autochtone, du principe de la continuité
culturelle pour les enfants autochtones ainsi que la reconnaissance des liens d'attachement
multiples et du rôle des conseils de famille. À notre avis, il s'agit là d'avancées
fort prometteuses qui permettront de briser le cycle de la surreprésentation
des enfants autochtones dans le système de protection de la jeunesse ainsi que
les effets dévastateurs du placement de ces enfants dans des milieux non
autochtones.
Cette volonté réelle du législateur est
porteuse d'espoir quant à l'avenir du système de protection de la jeunesse au
Québec. La protection de la jeunesse mérite que sa réponse soit effectuée de
manière attentive et non précipitée pour en arriver à des normes efficaces et
pérennes.
Nous vous remercions pour votre attention
et pour cette invitation. Et nous sommes maintenant prêts à recevoir vos
questions.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons débuter
cette période d'échange avec M. le ministre. Donc, M. le ministre, je vous cède
la parole.
M. Carmant : Bonjour. Merci
beaucoup pour votre présentation et pour votre mémoire. Le premier point qui m'a
un peu surpris, c'était à propos du changement de libellé au niveau de l'intérêt
de l'enfant. Vous semblez vouloir dire qu'on pourrait, plutôt qu'améliorer... mettre
la... prioriser cet intérêt de l'enfant, avoir un effet inverse. Pouvez-vous
exactement nous expliquer ce point de vue? Puis qu'est-ce qu'on peut faire pour
corriger cette situation, selon vous?
Mme Claveau (Catherine) :
Oui, je vais demander à Me Trahan de répondre à cette question.
M. Trahan (Dominique) : En
fait... Si on m'entend bien, oui? Ça va? D'accord, merci. En fait, il s'agit
plutôt de le mettre comme un principe également. Ce n'est pas de le réduire ou
ce n'est pas qu'on n'est pas en accord, c'est de le mettre comme un principe en
référence, donc encore plus élevé.
M. Carmant : O.K. Donc, un
«la» plutôt que «une», c'est ça?
M. Trahan (Dominique) : Ça
pourrait être ça, entre autres, oui.
M. Carmant : O.K., d'accord.
O.K., je comprends tout à fait. Merci beaucoup.
Mme Aguerre (Ana Victoria) :
Si je peux me permettre d'ajouter, pour faire un complément à ce qui vient d'être
donné comme réponse, en fait, c'est vraiment de garder l'idée que l'intérêt de
l'enfant doit être l'objectif poursuivi derrière toute décision qui est prise à
son égard. Donc, c'est beau, parler de principe fondamental, de considération
primordiale, comme c'est prévu dans le projet de loi, mais ça doit être plus qu'une
simple considération, ça doit être vraiment l'objectif derrière toute décision
qui est prise à son égard. Merci.
• (18 h 30) •
M. Carmant : Parfait, on s'entend
là-dessus. Une autre petite surprise aussi, c'était la préservation des
dossiers jusqu'à l'âge de 43 ans. On a utilisé le modèle que je connais
bien, là, des hôpitaux pédiatriques. Mais vous, vous avez une inquiétude par
rapport à ça. Pouvez-vous m'expliquer ce qui en ressort, puis comment on peut s'assurer...
Parce que c'était une demande de plusieurs anciens de la DPJ, d'avoir la chance
de consulter leur dossier, pas nécessairement immédiatement après la sortie de
la DPJ.
Mme Claveau (Catherine) : Me Trahan,
je vais vous laisser...
M. Trahan (Dominique) : Oui,
parfait. Oui. Alors, en fait, on parlait de 25 ans, jusqu'à l'âge de
25 ans, parce qu'effectivement on se disait que l'enfant pourra avoir
accès à ces informations et manifester le désir de conserver ces dossiers puis
de pouvoir y accéder. 43 ans, une question qu'on avait, d'où était... d'où
provenait ce chiffre-là exactement. Alors, évidemment, il faut le prolonger.
Initialement, on est d'opinion que c'est jusqu'à l'âge de 25 ans, et puis
si jamais l'enfant veut le consulter, bien, il y a accès. Quelle est la nécessité?
Je comprends le 43 ans, etc., mais je pense que c'est de s'assurer que ça
lui soit disponible.
M. Carmant : O.K. Bien, c'est
comme je vous dis, c'est le modèle, un peu, médical, là, où les dossiers sont
conservés 25 ans après la majorité, là. Mais l'enjeu de 25 ans qu'on
a discuté, c'est qu'on trouvait que c'était court. Certains peuvent avoir la nécessité
de consulter leur dossier au moment de se marier, au moment d'avoir un enfant...
18 h 30 (version révisée)
M. Carmant : ...on a discuté,
c'est qu'on trouvait que c'était court. Certains peuvent avoir la nécessité de
consulter leur dossier au moment de se marier, au moment d'avoir un enfant.
Puis, tu sais, de nos jours, ça arrive rarement ou pas typiquement avant 25
ans.
M. Trahan (Dominique) : Il
est certain que, écoutez, si les institutions décident que c'est 43 ans et que
ça permet aux enfants d'y accéder, dans la mesure où que cette disponibilité-là,
c'est seulement pour eux, ce n'est pas un problème en soi, non plus que... Je
ne crois pas que c'est ça qui va faire la différence au niveau de l'intérêt de
l'enfant puis des décisions judiciaires qui ont été prises, qui est la pierre
angulaire de tout le processus.
M. Carmant : O.K. Mais
avez-vous une inquiétude?
M. Trahan (Dominique) : Bien,
comme je vous ai dit, dans la mesure où ces dossiers-là servent à l'enfant, à
lui-même, et c'est lui qui y a accès, ça va, et non pas que ça pourrait être
consulté pour voir ce qui est arrivé dans le passé et à la génération
antérieure, etc., quand on est saisi d'un signalement qui concerne l'enfant d'un
enfant, par exemple.
M. Carmant : D'accord.
Mme Claveau (Catherine) : Dans
le fond, c'est ça, la limite. C'est... Si, effectivement, c'est l'enfant
lui-même ou le jeune adulte qui le consulte, il n'y a pas vraiment d'objection.
Mais, si c'est ouvert à d'autres personnes qui pourraient justement l'utiliser
pour des enfants des enfants, ça risque quand même, là, à donner une perception
tronquée.
M. Carmant : On m'a expliqué
que seul un juge pourrait ordonner... permettre à quelqu'un d'autre d'avoir
accès au dossier.
M. Trahan (Dominique) : Non,
mais... Ça va? C'est que c'est... Effectivement. Mais, un dossier informatique,
on a déjà vu que ça pouvait être utilisé, n'est-ce pas?
M. Carmant : Ah! je
comprends. D'accord. Je comprends votre point.
M. Trahan (Dominique) : Alors,
c'est un peu ça, là. C'est cette protection-là à laquelle on tient.
M. Carmant : O.K. C'est clair.
Merci.
Revenons sur le rôle de la directrice
nationale de la protection de la jeunesse. Peut-être élaborer un peu plus? Vous
avez été rapidement, là, sur vos inquiétudes. Peut-être nous en dire un peu
plus?
M. Trahan (Dominique) : Alors,
c'est une question d'indépendance pour la personne qui occupe ce rôle-là. C'est
sûr qu'elle devra avoir un leadership auprès des directeurs de la protection de
la jeunesse. Mais, compte tenu qu'elle a un rôle national, la notion d'indépendance
est, pour nous, très importante, parce que c'est autre chose que le ministère
ou les commettants.
C'est la même chose aussi. Cette
personne-là va possiblement faire des rapports. Et également on parle des
rapports à un ministre qui est responsable de la loi, et ce ministre devrait
également, dans ses fonctions, devoir... ou avoir l'objectif de faire en sorte
que ce que l'on recommande, soit à la DNPJ, ou soit à un commissaire, ou autre
organisation neutre, mais là on parle de la DNPG, que toute recommandation soit
mise en place, et que l'on voie aussi si ça touche d'autres ministères, que le
ministre responsable de la loi voie à ce que l'on puisse les implanter et assez
rapidement.
M. Carmant : D'accord.
M. Trahan (Dominique) : Alors,
c'est dans ce contexte-là qu'on considère que l'indépendance de la fonction est
fort importante.
M. Carmant : D'accord. Vous
avez aussi parlé de quelque chose que nous, on voyait très positivement, c'était
le droit aux enfants d'avoir un avocat, pas juste dans des conditions d'exception,
mais tout le temps. Puis, encore là, vous aviez certaines hésitations que j'aimerais
mieux comprendre.
M. Trahan (Dominique) : Oui,
certainement.
M. Carmant : Puis surtout l'histoire
que, dès le début... Moi, je pensais que c'était inhérent, là.
M. Trahan (Dominique) : Parfait.
Alors, effectivement, vous avez raison, on vous amène plus loin. C'est ça, la
différence, et possiblement la difficulté de perception, là. Et d'ailleurs,
contrairement à la loi actuelle, le projet de loi que vous mettez en place fait
en sorte que tous les enfants seront représentés par avocat, dans le cadre d'un
processus judiciaire, on s'entend. Et, là-dessus, ça va très bien.
Là où on vous amène plus loin, c'est que,
dans le cadre des mesures volontaires, quand on soumet à des parents et à des
enfants, et particulièrement je vais référer à l'expression «pour les enfants
sans voix», qui sont représentés par avocat dans ce processus de mesures <volontaires
là...
M. Trahan (Dominique) :
...qui sont représentés par avocat dans ce processus de mesures >volontaires
là, ces enfants, comme le dit l'expression, sont sans voix, et les seuls qui
pourraient, à la rigueur, parler pour et au nom de l'enfant sont des gens du
système social. Alors, entre nous, ça protège le système social d'avoir une
représentation par avocat à cette étape-là également parce que ce n'est pas la
suggestion du système, ça sera la suggestion de l'enfant. Et les avocats d'enfants
sont habitués parce qu'ils demandent à la cour, quand ils représentent un
enfant sans voix, d'agir selon les paramètres de la loi. Et, si on considère — je
vous parle de processus judiciaires, là — qu'à l'occasion une
expertise serait nécessaire, il nous est loisible de le faire.
Alors, dans ce contexte-là... évidemment,
pour des mesures volontaires, on ne parlera pas d'expertise, mais c'est la...
on s'assure d'une neutralité dans une décision qui sera prise suite à des
représentations pour un enfant qui est sans voix. Alors, c'était le but de la
suggestion que l'on vous fait.
M. Carmant : D'accord. Je
comprends bien. Et certains ont soulevé la nécessité de formation
additionnelle. Est-ce que vous, vous voyez que c'est un besoin ou on a... je
veux dire, les personnes qui vont représenter ces enfants-là ont toutes les
compétences requises?
Mme Claveau (Catherine) :
Bien, écoutez, à l'heure où on se parle, il y a plusieurs avocats qui sont
spécialisés en protection de la jeunesse. Tous nos avocats doivent respecter
leur code de déontologie... et les oblige à n'agir dans un domaine de droit que
s'ils se sentent suffisamment compétents et... ce qui veut dire qu'il les
oblige à suivre la formation continue.
Au Barreau, on offre plusieurs formations
continues. On a même un guide des meilleures pratiques pour l'avocat en
protection de la jeunesse. Donc, évidemment, nous, on est toujours volontaires pour
ajouter de la formation pertinente, mais, au moment où on se parle, ce qu'on
dit, c'est que, quand même, on peut faire confiance aux avocats qui se
présentent en protection de la jeunesse... sont, pour la majorité, suffisamment
formés.
M. Trahan (Dominique) :
Et je rajouterais à ça, si on me permet, tous les acteurs judiciaires impliqués
dans le processus, que l'on parle d'avocats de parents ou d'avocats du
directeur de la protection de la jeunesse, ont tous, à un moment donné ou un
autre des procédures, affaire avec les enfants. Alors, ça s'applique à toute
catégorie d'avocats.
M. Carmant : D'accord. Merci.
M. le Président, avec votre permission, je passerais la parole à la députée de
Lotbinière-Frontenac.
Le Président (M. Provençal)
: Oui.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Merci. Bonjour. Tout à l'heure, vous avez
parlé du manque de ressources, puis de disponibilité et de délais de justice.
Ça serait quoi, vos solutions, vous, pour éviter les délais?
• (18 h 40) •
Mme Claveau (Catherine) :
Bien, à la base, vraiment, il y a une question d'ajouter des ressources au
tribunal, entre autres. Ça peut être nommément un ajout de juges, de personnel
de la Cour pour qu'il y ait de... plus de dates de journées d'audience pour permettre,
là, que les dossiers puissent... c'est un exemple que je vous donne, là,
puissent pouvoir être fixés, là, dans les meilleurs délais.
M. Trahan (Dominique) : Si
on me permet, je rajouterais également. Au fil des ans, il a été fait mention
par d'autres intervenants qu'il y a eu plusieurs... ou un certain nombre de
modifications à différentes étapes de la Loi de la protection de la jeunesse.
Et le délai qu'on retrouve à l'article 79 ou 76.1, qui est actuellement de
60 jours, en 1980 ou en 1979, lors du début de l'application de la loi, il
était de 14 jours. Et, quand on fixait des dates après une audition d'urgence,
on était au 14e jour. On a extensionné ces délais-là à 30 jours. Et,
à cette époque-là, après ça, on a fixé les dates à 30 jours. Maintenant,
on est à 60 jours et on fixe les causes en urgence à 60 jours.
Alors, à chaque fois qu'on prolonge les
délais dans la loi, ils sont utilisés au maximum. Et c'est à cause de quoi?
Souvent, on nous dit que c'est pour donner du temps aux intervenants de faire
des rapports, mais on se rend compte qu'il y a peut-être... il y a besoin de
plus d'intervenants, il y a besoin de plus de monde au judiciaire. Parce que ce
n'est pas en extensionnant les délais qu'à chaque fois on va arriver à régler
le problème de travailler dans l'intérêt de l'enfant, pour qui le temps est
important.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Merci. Ensuite, vous... vous dites que la DPJ
a l'obligation de saisir systématiquement le tribunal en <urgence...
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
...vous... vous dites que la DPJ a l'obligation de saisir
systématiquement le tribunal en >urgence et d'aviser toutes les parties
concernées du non-respect de l'ordonnance ou de l'impossibilité de maintenir
les conditions exigées par le tribunal. Est-ce que... Bien, moi, pour moi, je
pensais que c'était... c'était systématique. Si ça ne l'est pas, est-ce que
vous pouvez me donner des exemples?
M. Trahan (Dominique) : Bon,
alors, on le suggère, pas de saisir en urgence le tribunal, c'est d'aviser les
autres parties de la non-exécution d'une ordonnance ou de la non-faisabilité d'exécuter
l'ordonnance pour que, les parties et la cour, on puisse convoquer les gens et
revenir devant le tribunal. Parce qu'effectivement, compte tenu des ressources,
compte tenu d'un paquet de raisons, il peut arriver qu'un volet d'une
décision...
Exemple, on demande qu'un enfant puisse
bénéficier de soins ou de suivi psychologique à l'intérieur d'un délai x, et, à
la fin de ce délai-là, on n'a pas trouvé de psychologue pour assurer le suivi
et que l'enfant puisse bénéficier d'une thérapie. Bon, alors, est-ce qu'on
laisse traîner le dossier seulement au moment où on reviendra avec une révision
judiciaire à la fin de l'ordonnance? C'est ce qu'on veut éviter par notre
suggestion...
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Je comprends.
M. Trahan (Dominique) : ...si
vous me comprenez, oui.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Oui, je comprends. Il me reste quelques secondes.
Le Président (M. Provençal)
:20 secondes.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Rendre davantage inclusive l'expression «personne à qui la loi confie des
responsabilités envers l'enfant». Comment on rend ça plus inclusif?
M. Trahan (Dominique) : Bien — oui,
c'est encore ouvert, excusez-moi — à cet endroit-là, dans le texte de
loi, c'était de s'assurer que tous les acteurs, que l'on parle d'acteurs
judiciaires ou d'acteurs sociaux... Je dis bien «sociaux»? Oui. C'est ça. Je
fais l'accord, là, c'est ça qui me fait réfléchir. Pardon. Alors donc, juges,
intervenants sociaux, enfants, parents, tout le monde se doit mutuellement du
respect. C'est dans ce sens-là que cette suggestion-là ou cette proposition-là
est faite dans notre mémoire parce qu'on parle de juste deux catégories de
personnes à cette disposition-là, dans l'amendement tel que proposé.
Alors, pour nous, des intervenants
sociaux, ils doivent recevoir respect autant d'un parent que d'un adolescent,
autant que des avocats, et, vice versa, le juge doit respect aux travailleurs
sociaux, aux intervenants sociaux. Et c'est important de le mentionner parce
que, comme on le dit, c'est quelque chose de collectif.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Nous allons
maintenant poursuivre cet échange avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Merci, M. le
Président. Merci et bienvenue. J'ai quelques questions, et c'est dans votre
mémoire, donc, à la page 12. «Le Barreau du Québec constate que le
législateur intègre à la disposition traitant de la communication un nouveau
volet», donc c'est toute cette question de communication, et vous faites...
donc, vous dites que... «un nouveau volet qui vise les droits de contacts avec
l'enfant. Or, le droit à la confidentialité et le droit à des contacts sont
deux éléments distincts. La mise en œuvre de ces deux droits requiert une prise
en compte de facteurs différents afin de s'assurer que le meilleur intérêt de l'enfant
est adéquatement considéré.»
On a beaucoup parlé de communication, d'avoir
accès à des renseignements personnels, etc. Pourriez-vous peut-être revenir sur
cette recommandation que vous faites de clarifier le langage qui est utilisé
dans le projet de loi?
M. Trahan (Dominique) : Certainement.
Alors, à l'endroit où ça se trouve, tel que vous le mentionnez, c'est les
contacts et les communications que l'enfant peut avoir avec quelqu'un. Alors, c'est
de ça dont il est question à cet endroit-là. Donc, un contact, c'est une visite
chez quelqu'un, avec quelqu'un, pendant qu'il est en centre, pendant qu'il est
en famille d'accueil. Une communication, c'est un téléphone, c'est un écrit,
peut-être, mais c'est ce dont il s'agit. Je ne sais pas si ça éclaircit la
situation.
Mme Weil : Oui. Donc, c'est
vraiment dans la législation d'être clair et précis par rapport à ce dont on
parle.
M. Trahan (Dominique) : Exact,
parce que c'est différent. Puis je suis convaincu que, quand c'est le temps d'autoriser
un ou l'autre, bien, il y a des moyens à prendre pour le faire, et ça nécessite
plus ou moins de contrôle ou <encore...
M. Trahan (Dominique) :
...bien, il y a des moyens à prendre pour le faire, et ça nécessite plus ou
moins de contrôle ou >encore de permettre une accessibilité.
Mme Weil : Aussi, si vous
pourriez peut-être vous adresser à votre recommandation... «L'implication des
parents lorsque l'enfant est retiré de son milieu familial doit être clarifiée»,
là aussi, vous proposez une clarification, et c'est votre 4.1 proposé. Ça,
c'est un sujet bien important... bien, tous les sujets sont importants, mais
quand même sensible, on le sait, quand les familles nous interpellent avec ces
genres de problèmes.
Donc, est-ce que vous le voyez, 4.1,
lorsque l'enfant est retiré de son milieu, l'implication des parents? Peut-être
expliquer cette recommandation que vous faites.
M. Trahan (Dominique) : Bien,
c'est un peu... Rapidement et pour imager les choses, je vous dirais que c'est
un peu encore dans la dispense des services. Une fois qu'une ordonnance de cour
est rendue, qui entraîne un placement, et qu'il est possible que l'on retourne
l'enfant chez lui parce que les gens auront bénéficié des services et que ces
services-là auront porté fruit, bien, c'est dans ce contexte-là qu'on parle d'implication
des parents et que c'est important de le mentionner.
Mme Weil : Et la
clarification, ça s'adresse à quoi, précisément, qui n'était pas clair, selon
vous, dans le projet de loi? Parce que vous parlez d'une clarification.
Pouvez-vous expliquer, peut-être, ou...
M. Trahan (Dominique) : Bien,
on parle de prendre en... La proximité des ressources choisies, exemple, dans
notre tableau, à la page 15, on se dit qu'à ce moment-là il devient
important d'être spécifique dans ce qu'on recherche auprès des parents pour
pouvoir faire en sorte que, oui, ce qu'on veut qu'ils obtiennent soit
disponible et sans trop de difficultés.
Vous savez, je donnerais un exemple, il y
a plusieurs années, quand on appelait un travailleur social, on pouvait laisser
un message à une adjointe. Maintenant, on laisse des messages sur une boîte
vocale. Et il y a bien de ces gens-là qui sont fort démunis et, quand ils
tombent sur un message, ils raccrochent. Je pense que c'est des choses. Alors,
de les accompagner dans la disponibilité des ressources, je pense que ça
devrait faire partie des tâches.
Et, dans ce... c'est un peu dans ce
contexte-là qu'on faisait la suggestion, parce que, les parents, ce sont
également des parties au dossier. Puis, si on veut que les enfants puissent
peut-être rester avec eux, encore faut-il que tout le monde en ait la chance.
Mme Weil : Combien de
minutes?
Le Président (M. Provençal)
:Cinq minutes.
Mme Weil : Cinq minutes. La judiciarisation
et comment peut-on remédier à ça, il y a tout un chapitre dans le rapport de la
commission spéciale. Donc, qu'est-ce que... Parmi les solutions, la médiation.
Ils recommandent la médiation. Est-ce que vous pourriez vous adresser à cette question-là,
les délais qui sont de plus en plus longs, comment dire, les répercussions,
évidemment, sur l'enfant et la famille à cause de ces délais? Comment remédier
à toutes ces questions-là? Et quels sont les efforts, actuellement, en
médiation? Et est-ce qu'il y a eu des... un peu de succès avec la médiation?
• (18 h 50) •
M. Trahan (Dominique) : Là,
tout d'un coup, il y a de l'écho, hein?
Mme Weil : Ah! il y a un
écho.
M. Trahan (Dominique) : Mais,
à tout événement, la médiation... il y a effectivement un projet pilote dans la
région de Québec, là, qui est en branle et qui devrait s'implanter, mais
actuellement il y a plein de modes alternatifs de règlement des conflits, même en
matière jeunesse : il y a les conférences de règlement à l'amiable, il y a
les projets d'entente. C'est sûr que les mesures volontaires en font également
partie. Alors, dans ce contexte-là, ce sont les moyens pour essayer de
désembourber le système. Mais il faut être conscient d'une chose : il y a
des cas très graves, et beaucoup de ces cas-là ne se régleront pas par les
processus de règlement à l'amiable ou les modes alternatifs de règlement des
conflits.
Alors, exemple, on a suggéré, à un moment
donné, je sors un peu du sujet, mais ça fait partie des suggestions qu'on a
faites, de permettre à un autre tribunal, exemple, le Tribunal des droits de la
personne, d'entendre les requêtes en lésion de droits. Parce qu'actuellement
les requêtes en lésion de droits, ça peut être consommateur de temps. Et, si, à
la chambre de la jeunesse, on se concentre sur les cas de compromission qui <viennent...
M. Trahan (Dominique) :
...si,
à la chambre de la jeunesse, on se concentre sur les cas de compromission qui
>viennent en 38 ou en 95, bien, ça permet de les entendre, et ça permet
de dégager certains débats, et de... peut-être un autre tribunal ou une autre
juridiction pour les entendre. Alors, ça fait partie des suggestions qu'on peut
avoir à différents endroits dans notre... mémoire, pardon.
Mme Weil : Avec le temps qu'il
me reste, je crois...
Des voix : ...
Mme Weil
: Une dernière
question, puis je vais passer la parole à ma collègue, s'il reste du temps.
Commissaire, le commissaire qui serait créé, un poste de commissaire, on a eu
beaucoup, déjà, d'interventions. La commission, actuellement... tu sais, ils
appellent ça leur recommandation-phare, moi, je l'ai vu comme la recommandation-phare,
donc une entité indépendante — parce que vous parliez de l'indépendance
du directeur national, mais, le directeur national, moi, je le vois bien
intégré dans le système du ministère, et etc., donc — mais une voix
autre à l'extérieur, neutre, capable de non seulement en amont, mais aussi en
aval, à tout moment, être là pour l'enfant, qu'en pensez-vous, de cette recommandation,
qui n'a pas, pour l'instant, été retenue?
M. Trahan (Dominique) : Alors,
qu'on l'appelle ombudsman de l'enfant, commissaire, Commission des droits de la
personne, volet jeunesse exclusif, il est sûr que cette entité-là devra avoir
des effectifs pour accomplir ses tâches. Et actuellement la Commission des
droits de la personne, qui, au début de la loi, était un organisme relié au ministère
de la Justice, mais qui s'appelait la commission des droits de la jeunesse, si
ma mémoire est bonne, je peux faire erreur sur le nom, jouait ce rôle-là, mais
évidemment ce n'était peut-être pas suffisant non plus. Et, compte tenu des
droits de l'enfant, ça a été jumelé à la Commission des droits de la personne.
Maintenant, est-ce que ça serait un
commissaire? Est-ce que ça serait un chapeau égal à l'intérieur de la Commission
des droits de la personne et des droits de la jeunesse? Il est certain que
cette fonction-là doit être occupée, et, dans notre mémoire, vous verrez qu'on
demande d'octroyer plusieurs pouvoirs supplémentaires à la commission. Alors,
si ça devient le commissaire, bien, ça devrait être des pouvoirs qui
appartiennent au commissaire et que cet organisme-là aussi fasse des rapports.
Parce que, dans la loi, vers la fin, à l'article 155 ou 156, on me
pardonnera mon erreur de chiffre, mais la commission fait des rapports aux cinq
ans, et, quant à nous, ces rapports-là devraient être faits plus fréquemment
sur les problématiques jeunesse, à tout le moins, et aussi sur les avis pour
faire en sorte que le ministère, le ministre, puisse prendre les moyens
nécessaires pour régler des problèmes de fond qui sont importants — quand
je dis «de fond», fondamentaux, et non pas des problèmes financiers, mais
des problèmes de fond — quant à l'application de la loi ou quand on
constate que, dans une région X, ça ne va pas bien pour telle et telle raison.
Alors, c'est tous des sujets comme d'autres
intervenants ont pu mentionner qui devraient appartenir à ce titre ou à cette
fonction.
Mme Weil : Merci.
Le Président (M. Provençal)
:Merci beaucoup. Nous allons
poursuivre avec le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup pour vos présentations, vos interventions. Concernant
le rôle de la DNPJ, vous avez déjà un peu parlé de la question de la
neutralité, le fait que ça pose problème, que ce poste-là soit un poste de
sous-ministre également. Comment verriez-vous... Comment est-ce qu'on pourrait
rectifier ça? Est-ce que... Comment verriez-vous le processus, par exemple, de
nomination de cette personne-là? Puis quel genre d'indépendance pensez-vous qu'on
devrait lui octroyer?
M. Trahan (Dominique) : Alors,
il est certain que... On parle d'attachement de l'enfant, mais, tant que la
DNPJ n'est pas attachée à personne, je pense que ça serait mieux. Si elle est
attachée aux enfants, ça serait très bien. Et, dans ce contexte-là, les
nominations, je ne dirais pas législatives, mais les <nominations...
M. Trahan (Dominique) :
...bien. Et, dans ce contexte-là,
les nominations, je ne dirais pas législatives, mais les >nominations qui
émanent du gouvernement, je pense qu'il y a certainement moyen de s'assurer qu'elles
aient des fonctions ou des... une neutralité nécessaire à la fonction. Et, dans
ce contexte-là, il me semble que c'est de s'assurer d'un leadership à l'égard
des gens qu'elle a à gouverner, entre autres les directeurs de la protection de
la jeunesse.
Tantôt, un autre intervenant disait :
Il faut s'assurer que les directeurs de la protection de la jeunesse fassent
confiance aux organismes communautaires et puissent y recourir. Bien, c'est la
même chose. Si on demande au DPJ d'agir de cette façon-là, il faut que la
personne qui le fasse puisse bénéficier d'une indépendance pour le faire.
M. Zanetti : Est-ce que
vous... Est-ce que je comprends que vous verriez d'un bon oeil que, par
exemple, la DNPJ soit nommée par les DPJ, par le forum des DPJ, forum des
directeurs?
M. Trahan (Dominique) : Je ne
pense pas que... bien, je ne pense pas que ça assure l'indépendance qu'on
recherche.
M. Zanetti : O.K. Alors, vous
verriez, mettons, une nomination aux deux tiers de l'Assemblée nationale ou...
M. Trahan (Dominique) : Ça
pourrait être une option.
M. Zanetti : O.K. C'est bon.
Bien, merci, mais, à moins que vous ayez d'autres commentaires par rapport à
ça, si vous voyez d'autres options que vous voulez nommer ou soumettre à la
réflexion...
M. Trahan (Dominique) : On
les fera parvenir.
M. Zanetti : Ah! bien,
parfait. Excellent.
M. Trahan (Dominique) : Si...
non, mais, à brûle-pourpoint, les gens qui sont avec moi en ont peut-être, là,
mais...
M. Zanetti : Parfait. Parce
que, sinon, il y a ce mécanisme-là, sinon, j'imagine, une espèce de mécanisme
qui pourrait être une nomination issue vraiment du milieu, de façon très large.
Je ne sais pas exactement, là, mais, en tout cas, si vous avez des suggestions,
effectivement, faites-nous-les parvenir. Moi, je serais très... très curieux d'entendre
ça.
Mme Claveau (Catherine) : Oui.
Effectivement. C'est ça, nous, on ne s'est pas penchés vraiment, là, dans le...
plus le détail de cette question-là, mais, avec plaisir, on pourra le creuser
puis vous revenir, peut-être, avec des suggestions.
Le Président (M. Provençal)
: Merci.
M. Zanetti : Je vous remercie
beaucoup. C'est tout pour moi.
Le Président (M. Provençal)
: Merci. Alors, on va compléter cet échange avec le député
de René-Lévesque.
M. Ouellet : Merci beaucoup, M.
le Président. Donc, à mon tour de vous saluer, mesdames, messieurs. En début de
la journée, j'ai eu une discussion avec les gens de l'APTS, et, quand je
regarde votre mémoire, vous semblez satisfaits de... puis ce n'est pas un
reproche, en passant, vous semblez satisfaits de l'article 4 tel que
proposé, mais les gens de l'APTS, eux, l'étaient moins. Donc, les opérateurs
sur le terrain nous disent qu'au final on devrait enlever la notion de «n'est
pas possible».
Et j'ai eu cette discussion-là avec eux ce
matin, à savoir... J'étais un peu partie prenante de cette volonté d'enlever «n'est
pas possible» parce que je trouvais que ça laissait place à beaucoup trop d'interprétation :
Qu'est-ce qui est possible? Qu'est-ce qui ne l'est pas? Est-ce que j'ai tenté
des choses qui étaient possibles ou est-ce que je n'ai pas tenté? Ou j'ai tendu
vers... pardon, l'impossibilité? Et j'ai amené le concept, plus tôt, de
circonscrire un lieu qui est non bénéfique pour l'enfant, un lieu qui est non
sécuritaire pour sa santé physique et psychologique.
Bref, j'ai la chance d'avoir le Barreau
avec moi ce soir. J'aimerais savoir si, effectivement, pour vous, l'article 4,
il est suffisant et si la notion de «n'est pas possible»... est-ce que, ça, on
devrait changer ça pour le circonscrire à quelque chose qui est plus tangible,
qui laisse moins place à l'interprétation?
• (19 heures) •
M. Trahan (Dominique) : Bien,
il faut en profiter parce qu'il ne nous reste plus beaucoup de temps pour être
ensemble. Alors, je vais essayer d'aller direct au point à ce moment-là. Bien,
moi, je vous dirai que nous sommes également des acteurs terrain, et non pas
social, mais judiciaire. Et on applique l'article en question, et il faut le
lire dans son entièreté, et pas sortir cette phrase-là et les situations qui
sont visées par tous les sous-paragraphes parce que, quand vous lisez chacun
des sous-paragraphes, ils font référence à recourir à des ressources
différentes, si le retour à la maison n'est pas possible.
Alors, dans le premier... le deuxième
paragraphe, si vous me permettez : «Lorsque, dans l'intérêt de l'enfant,
un tel maintien dans son milieu n'est pas possible, la décision doit tendre à
confier l'enfant à des personnes qui lui sont les plus significatives», alors
je fais abstraction de la lecture du reste de l'article, puis on parle aussi de
famille élargie. Ensuite, le paragraphe suivant, si, le paragraphe au-dessus,
ce n'est pas bon, bien, à ce moment-là, on recourt à des tiers. Alors, c'est de
viser des situations différentes.
M. Ouellet : Mais...
19 h (version révisée)
M. Ouellet : ...la notion
de...
M. Trahan (Dominique) : Et
donc, si on ne peut pas le faire, bien, ça nous donne des alternatives et
ensuite... Oui.
M. Ouellet : Bien, je
suis d'accord. Mais, moi, c'est la notion de possible. Je trouve ça large comme
terme. Est-ce qu'on ne pouvait pas le circonscrire en «si le milieu est
inadéquat», «si le milieu est...» «Possible», ça donne l'occasion de tenter des
choses.
M. Trahan (Dominique) :
Bien, il est possible... Bien, c'est parce qu'il faut le faire. Il faut le
faire, mais il ne faut pas le faire à n'importe quel prix. Et il faut le faire
dans l'intérêt de l'enfant.
Alors, si, au niveau de la preuve, puis
ça, c'est à la cour, entre autres, si, au niveau de la preuve, il est démontré
qu'il y a des gens qui sont... woups! j'ai de l'écho tout d'un coup, je m'excuse,
là, il est démontré qu'il y a des alternatives, bien, on peut les utiliser.
Mais après ça, bien, si jamais ce n'est pas possible — on ne parle
pas de probable, on parle de possible — ça peut être une question,
mais ça fait très longtemps que ce terme-là est... est présent dans la loi.
Et, dans ce contexte-là, je ne pense pas que
c'est ça qui est tellement problématique. Parce qu'il faut savoir que tous les
acteurs qui sont à la cour, et même dans le processus social, toutes les
décisions qu'ils prennent, c'est dans l'intérêt de l'enfant. Et c'est pour ça
qu'il y a des juges ou encore des personnes qui sont habilitées à prendre des
décisions parce que c'est à eux à pondérer les choses et à dire : Bien, en
fonction de ce que j'ai entendu dans ce cas-là, il est préférable que l'on
choisisse un retrait parce que les gens ne sont pas arrivés à ce qu'ils
devaient faire pour recevoir à nouveau leur enfant.
Alors, possible, je ne pense pas que ça
soit un gros dilemme à faire.
Le Président (M. Provençal)
: Je remercie les représentants du Barreau du Québec pour
leur participation, leur contribution à nos travaux.
Je vais maintenant ajourner les travaux à
demain, mercredi 9 février, après les affaires courantes. Merci
beaucoup, beaucoup de votre participation et de votre contribution.
Une voix : Merci à vous.
(Fin de la séance à 19 h 04)