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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mercredi 21 avril 2021 - Vol. 45 N° 76

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 83, Loi concernant principalement l'admissibilité au régime d'assurance maladie et au régime général d'assurance médicaments de certains enfants dont les parents ont un statut migratoire précaire


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Table des matières

Auditions (suite)

Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec (FIPEQ) et Centrale des syndicats
du Québec (CSQ)

Association des pédiatres du Québec (APQ)

Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration (AQAADI)

Bureau international des droits des enfants (IBCR)

Intervenants

M. Luc Provençal, président

M. Christian Dubé

Mme Nancy Guillemette

Mme Marilyne Picard

Mme Isabelle Lecours

Mme Marie Montpetit

M. Andrés Fontecilla

M. Joël Arseneau

Mme Lise Lavallée

*          Mme Valérie Grenon, FIPEQ

*          M. Marc Gagnon, CSQ

*          M. Marc Lebel, APQ

*          M. Philippe-André Tessier, CDPDJ

*          Mme Marie Carpentier, idem

*          M. Guillaume Cliche-Rivard, AQAADI

*          M. Richard Neil Goldman, idem

*          M. Guillaume Landry, IBCR

*          M. François Crépeau, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures trente-sept minutes)

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte.

La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 83, Loi concernant principalement l'admissibilité au régime d'assurance maladie et au régime général d'assurance médicaments de certains enfants dont les parents ont un statut migratoire précaire.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Nadeau-Dubois (Gouin) est remplacé par M. Fontecilla (Laurier-Dorion).

Auditions (suite)

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup. Cet avant-midi, nous entendrons par visioconférence la Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec — Centrale des syndicats du Québec et l'Association des pédiatres du Québec. Il me manque une feuille...

Oui, alors, j'invite maintenant les représentants de la Fédération des intervenantes en petite enfance à se présenter, et par la suite vous aurez 10 minutes pour nous présenter votre mémoire. À vous la parole.

Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec (FIPEQ)
et Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

Mme Grenon (Valérie) : Merci beaucoup. On est très heureux, la FIPEQ et la centrale, d'être avec vous aujourd'hui. Je me présente, Valérie Grenon, présidente de la Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec, et M. Marc Gagnon, qui est avec moi, conseiller à la vie professionnelle de la Centrale des syndicats du Québec.

Pour nous, il y avait une importance d'être ici avec vous, de là le dépôt, là, de notre mémoire, parce que, pour nous, tout le monde mérite une chance égale. Pour les enfants dont les parents ont un statut migratoire précaire, un premier pas a été fait en 2017 avec le projet de loi n° 144, qui confirmait leur droit à une éducation gratuite et de qualité. Nous avons accueilli favorablement cette première étape, comme nous accueillons également favorablement la deuxième étape qu'est le projet de loi n° 83 pour le respect qu'il apporte à l'un des droits les plus élémentaires que l'enfant possède, soit le droit à la santé, et ce, quelle que soit son origine. Il est primordial pour nous de permettre le développement global et complet de toutes les personnes qui font partie de notre tissu social et qui, maintenant ou demain, y apporteront une contribution que l'on espère, évidemment, positive et concrète.

Pour cela, il va sans dire qu'au minimum l'accès à la santé doit être concret pour tous les enfants du Québec, quel que soit leur statut migratoire. La prise en charge de tous les résidents du Québec, principalement des enfants, permet non seulement un suivi de qualité par des médecins qualifiés, mais également une meilleure gestion de nos programmes d'immunisation. La pandémie actuelle en est un exemple excellent. Évidemment, plus la prise en charge se fera tôt, plus elle sera efficace. En ce sens, l'universalité de l'accès à des soins de santé est une obligation sociale.

• (11 h 40) •

Au niveau technique, notre lecture du projet de loi a fait naître une certaine crainte quant à l'utilisation de l'expression «depuis sa naissance», car nous croyons que cela pourrait priver des enfants ayant subi des changements de garde parentale d'avoir accès aux soins de santé. Considérant que ce n'est pas l'intention du législateur, nous recommandons de retirer cette expression du projet de loi.

Nous aimerions maintenant attirer votre attention sur l'étape suivante du développement personnel, qui n'est pas abordée dans le projet de loi n° 83 et qui ne l'avait pas été non plus, abordée, dans le projet de loi n° 144, mais qui devrait l'être un jour ou l'autre, qui est l'accès aux services éducatifs en petite enfance. La recherche démontre qu'un enfant sur cinq est vulnérable dans au moins un domaine de son développement en commençant son parcours préscolaire, et, dans les milieux les plus défavorisés, la proportion grimpe à un sur trois.

Nul besoin de rappeler que la fréquentation d'un service éducatif pendant la petite enfance peut être particulièrement bénéfique non seulement pour le développement des enfants, mais également pour l'ensemble de la société, au niveau scolaire, mais aussi au niveau de la santé : diminution de problèmes tels que l'anxiété, la dépression, les risques de maladies cardiovasculaires, l'hypertension, l'obésité, le diabète. Une meilleure santé mène également à une diminution, bien sûr, de consommation de médicaments.

La motricité, le système cognitif, l'affection, le langage, la sociabilisation, ce sont les cinq domaines de développement de l'enfant. Pour un grand nombre d'enfants du Québec, les services éducatifs en petite enfance sont leur premier contact avec le monde extérieur à leur cellule familiale. Pour les enfants dont les parents ont un statut migratoire précaire, la fréquentation d'un service éducatif en petite enfance revêt une importance encore plus grande, car la nécessité d'intégration à une nouvelle société est un défi tellement plus grand pour l'enfant comme pour sa famille.

Combien de fois dans le réseau de la petite enfance avons-nous eu l'occasion d'observer que les premières étapes de l'intégration d'une famille immigrante à la société québécoise ont été réalisées par le biais des enfants? C'est à ce point vrai qu'il n'est pas rare de constater dans notre réseau que l'enfant qui fréquente nos services éducatifs devient l'interprète entre l'éducatrice et le parent après seulement quelques semaines passées que ce soit en CPE ou en milieu familial régi et subventionné.

Ce que je viens de vous dire, ce n'est qu'un exemple des impacts positifs des services éducatifs à la petite enfance. Notre mémoire, que vous avez reçu, fournit une liste plus complète d'avantages de la fréquentation d'un CPE ou d'un milieu familial régi et subventionné. Cependant, cet exemple démontre bien l'importance que peut avoir... pour éviter l'isolement d'un enfant et de toute une famille nouvellement arrivée au Québec.

Malheureusement, l'interprétation actuelle du Règlement sur la contribution réduite a pour effet de limiter l'accès à des services éducatifs pour les enfants sans papiers, et cela même si elles se trouvent au Canada pour s'y établir définitivement, si elles arrivent ici pour fuir la persécution dans leur pays d'origine ou simplement pour subvenir à leurs besoins durant le traitement d'une demande d'asile. Nous recommandons, la FIPEQ et la CSQ, que le règlement actuel soit modifié afin de permettre l'accès à des places à contribution réduite pour tous les enfants dont les parents ont un statut migratoire précaire.

Finalement, le statut migratoire précaire peut être également associé à une situation financière précaire. En réalité, le parent qui ne possède pas un revenu viable, que ce soit par l'insuffisance de sa rémunération salariale ou par l'absence de revenus, n'aura pas les moyens financiers de payer la contribution réduite qui permettrait la fréquentation du service de garde pour son ou ses enfants car, pour être exempté de ce paiement, actuellement, la seule possibilité est de bénéficier de programmes sociaux, programmes sociaux inaccessibles lorsque le statut migratoire est précaire.

Considérant que les effets positifs des services éducatifs à la petite enfance sont encore plus significatifs pour les enfants issus de milieux défavorisés, il serait important de ne pas limiter l'accès aux services. Au contraire, on devrait créer des incitatifs, mettre des incitatifs en place pour faciliter cet accès. Un de ceux-ci pourrait être l'exemption de la contribution de base pour les enfants 0-5 ans dont les parents n'ont pas accès à un revenu viable.

Pour présenter la Convention internationale des droits de l'enfant, l'UNICEF souligne que les enfants sont plus vulnérables que les adultes, qu'ils n'ont ni droit de vote ni influence politique ou économique. Ils sont toutefois des êtres à part entière, porteurs de droits sociaux, économiques et civils, culturels et politiques. Ils ont des droits fondamentaux obligatoires et non négligeables. Le développement sain des enfants est crucial pour l'avenir de toute société et le droit de se développer fait partie des principes fondamentaux concernant les enfants.

Le droit de tous les enfants d'accéder à des services de santé ainsi qu'à des services éducatifs dès la naissance devrait être implicite dans une société comme la nôtre, et cela, quel que soit le statut migratoire ou celui de leurs parents. Les enfants doivent être considérés comme étant l'avenir sans condition, sans restriction, et il est de notre devoir, en tant que société, de leur ouvrir les portes de cet avenir.

Plus souvent qu'autrement, l'enfant issu d'une famille au statut migratoire précaire a vécu un déracinement. Nous avons l'obligation de tout mettre en oeuvre afin de lui permettre de prendre racine ici si nous voulons assurer son développement dans les meilleures conditions possibles. Si le Québec est une terre d'accueil, une bonne terre d'accueil, il est encore plus important qu'il soit le berceau pour les enfants qu'il accueille et que ce soit fait avec toute la chaleur humaine possible, aujourd'hui et pour demain. Je vous remercie.

Le Président (M. Provençal)  : Nous allons maintenant débuter la période d'échange.

Alors, M. le ministre, vous disposez de 14 min 30 s. À vous la parole.

M. Dubé : Oui, très bien. Alors, merci beaucoup, M. le Président. Et, Mme Grenon, merci beaucoup pour votre présentation. Je pense que, s'il y a bien un groupe qui connaissez bien les tout-petits, c'est bien vous. Et, quand on parle des grands bénéfices de ce projet de loi là, c'est d'essayer de leur donner, vous l'avez bien dit au début de votre présentation, là, une chance égale, puis je pense que ça, c'est très, très important.

J'aimerais revenir, là, profiter de votre présence, peut-être, pour... Il y a un point technique que vous avez soulevé, puis je veux juste être certain que je le comprends bien, puis après ça je pourrai passer la parole à mes collègues du côté gouvernemental, c'est toute la question sur l'expression «depuis sa naissance». Peut-être que... Je vais vous dire, je pense que je comprends, nous, dans le... du côté du gouvernement, pourquoi cette précision-là a été mise, puis après ça je vous demanderais de réagir.

Vous avez un peu... vous avez donné quelques éléments, mais je voudrais vous entendre pour préciser votre pensée là-dessus. Nous, ça a été fait dans le contexte où, je vais dire, un couple qui est résident au Québec déménage à l'étranger. Le couple a un enfant, et on veut s'assurer que, même s'il n'est pas au Québec depuis sa naissance, il aurait la couverture. C'était dans ce cadre-là qu'on avait fait cette précision-là, si j'ai bien compris, là, parce que je ne suis pas un légiste, là, mais, si j'ai bien compris, c'était ça, notre objectif.

Moi, j'aimerais vous entendre pourquoi vous trouvez important qu'on l'enlève par rapport aux enfants que vous voulez protéger, là. Je veux juste bien être certain que, si on avait à faire des... On dit toujours que le projet de loi, il est perfectible, là, puis vous êtes très précis sur ce point-là, j'aimerais ça vous entendre, où vous pensez que ça peut donner un préjudice à d'autres enfants, dépendamment des catégories de parents, etc. Est-ce que je peux vous demander de préciser ça, s'il vous plaît?

• (11 h 50) •

M. Gagnon (Marc) : Oui. Alors, c'est moi qui vais répondre à la question. Merci beaucoup, M. le ministre.

C'est que, dans le fond, l'article 7, on veut modifier le quatrième alinéa et on dit «l'enfant mineur né hors du Québec si le parent, mère ou père, avec lequel il demeure en permanence depuis sa naissance», c'est que, dans le fond, comme on l'a compris, c'est que l'enfant demeure avec un parent, et on demande, selon ce texte-là, que l'enfant demeure avec le même parent depuis sa naissance. Nous, ce qu'on voit, c'est que, s'il y avait un changement de garde, si le père et la mère étaient séparés ou divorcés et s'il y avait un changement de garde, à ce moment-là, bien, l'enfant ne répondrait plus à ce critère-là, et on pense que le fait de résider avec le parent simplement serait suffisant.

M. Dubé : O.K., donc, dans le cas d'une séparation ou peu importe, là, une réorganisation de la garde, puis la garde... O.K., O.K., je pense que je comprends quel impact que ça peut avoir. O.K., en tout cas, on va y réfléchir, là. Puis il y a peut-être des collègues qui vous reposeront la question, parce que ça avait l'air d'être un élément important.

De façon globale, puis là j'avais dit que je laissais la parole à mes collègues, mais je vais le faire rapidement, parce que j'ai dit : Vous êtes vraiment un groupe qui connaissez bien les tout-petits, là, c'est quoi, les plus grands bénéfices que vous voyez du projet de loi, là, qu'on a... que vous avez devant vous en ce moment, là, pour la protection de nos enfants?

Mme Grenon (Valérie) : C'est moi qui va répondre. Dans les faits, pour nous, c'est très bénéfique, parce que, veux veux pas, un enfant qui a une bonne santé, donc, suivi rapidement... Puis, on le sait, souvent, ça va être des situations précaires, des familles qui vont être défavorisées, qui vont s'en venir, là... On ne veut pas catégoriser, mais c'est sûr qu'un enfant plus rapidement pris en charge par le système de santé... Puis on le sait, qu'on a un bon système de santé. Donc, ça va lui permettre... de lui donner une chance égale.

Et également c'est pour ça qu'on faisait un lien avec la petite enfance, parce que, oui, il y a la santé physique, mais il y a la santé, également, de son développement, et actuellement ces enfants-là n'ont pas accès aux services éducatifs à la petite enfance régis et subventionnés. Donc, pour nous, la chance égale passe, oui, par la santé, mais la santé, veux veux pas, passe par son développement, que ça soit surtout son développement global, développement moteur, développement intellectuel.

Donc, dans la vie, en général, on est très liés avec les services sociaux pour accompagner les familles, accompagner les enfants s'ils ont des besoins particuliers. Donc, encore plus, là, ces enfants-là devraient avoir leurs pas dedans... puis c'est pour ça qu'on saluait quand même ce projet de loi là. Donc, on était très favorables au projet de loi, mais on voulait faire un pan de... Il pourrait y avoir un ajout.

Puis c'est pour ça aussi qu'on faisait un lien avec le projet de loi n° 144, qui avait été fait... déposé en 2017, en lien avec... parce que les mêmes enfants qu'on parle, bien, quand ils arrivent à leurs cinq ans, ils ont accès aux services éducatifs scolaires. Donc, pour nous, on est le premier maillon de l'éducation, donc on doit donner cette même chance là, puis ça va donner une chance à toute la famille également, là, par le fait même.

M. Dubé : Bon, M. le Président, je vais laisser mes collègues pouvoir poser d'autres questions à...

Le Président (M. Provençal)  : Oui. J'aimerais qu'elle lève la main, il ou elle. Alors, Mme la députée de Roberval, s'il vous plaît.

Mme Guillemette : Merci, M. le Président. Il nous reste combien de temps?

Le Président (M. Provençal)  : 8 min 10 s.

Mme Guillemette : Merci. Bien, merci de nous avoir partagé votre mémoire et d'être ici aujourd'hui pour mieux nous expliquer... Comme le disait M. le ministre, vous êtes vraiment le premier maillon de la chaîne. Et moi, par curiosité, j'aimerais savoir est-ce que vous avez une idée ça peut toucher combien d'enfants, cette mesure-là, au niveau de la RAMQ.

M. Gagnon (Marc) : Oui, je peux répondre. Alors, les chiffres que nous... les derniers chiffres que nous avons vus, ça représenterait environ 700 enfants. C'est sûr que, là, on parle d'enfants, là, qui peuvent aller jusqu'à 18 ans. Au niveau des 0-5 ans, bien, je n'ai pas l'information, là. Je ne suis pas capable de vous transmettre cette information-là.

Mme Guillemette : O.K., parfait, merci.

Puis, dès les premières pages de votre mémoire, vous nous parlez de chances égales, puis c'est beaucoup dans votre discours aussi. Donc, en partant de cette prémisse-là, croyez-vous que le projet de loi atteint, en tout cas, un de ces objectifs-là puis il va assurer à tous les enfants une chance égale? On sait que ce n'est pas idéal, mais est-ce que vous pensez qu'on est sur la bonne voie? Et qu'est-ce que ça pourrait avoir comme impact?

Mme Grenon (Valérie) : Oui, je vais répondre, Mme Guillemette. Oui, comme je disais tout à l'heure, pour nous, le projet de loi, on le voit favorablement. C'est un premier pas vers une chance égale au niveau de la santé, de là qu'on le bonifiait pour donner une chance égale pour accéder aux services éducatifs de qualité pour permettre à ces familles-là, là, de les aider encore plus au niveau de l'accompagnement, oui, de la santé.

Mais, on le sait aussi, plus vite qu'un enfant va arriver dans notre réseau éducatif, plus vite qu'on va être capables d'accompagner le parent et de déceler des difficultés qui pourraient amener des problèmes de santé, mais aussi des problèmes de développement. Donc, plus vite qu'il va, oui, avoir accès à un service de santé, c'est parfait, mais venir dans notre réseau... On va pouvoir compléter l'aide professionnelle qu'il peut avoir avec la santé. On n'est pas des médecins, par contre on est là pour le développement de l'enfant, donc on peut être des partenaires. Et également, au-delà de l'enfant, on est des partenaires avec les parents. On marche coude à coude avec eux pour les aider à stimuler leurs enfants, à parler avec eux des bons coups, mais également des choses qu'on aurait à développer. Donc, on pourrait être un soutien également, un filet social pour les familles, au-delà de l'enfant, oui, mais pour les familles également, en appui avec la santé.

Mme Guillemette : Parfait, merci. Et, bon, si le projet de loi est adopté, on aura un enjeu de communication pour communiquer aux familles qui n'ont pas accès que, maintenant, pour eux, c'est possible. Donc, est-ce que... Comment vous voyez ça? Et est-ce que vous pourriez être mis à contribution dans ce continuum, là, de volet de communication?

Mme Grenon (Valérie) : Tout à fait, c'est sûr qu'on peut être un partenaire là-dedans. C'est sûr que beaucoup de CPE et de groupes coordonnateurs ont des places protocoles... des protocoles signés d'aide avec des familles immigrantes. Donc, probablement qu'on est capables aussi de passer par là pour essayer de rejoindre le plus de familles et d'enfants possible pour que la bonne nouvelle soit répandue. Donc, ça peut être... On peut être vraiment un pan, là, des communications.

Mme Guillemette : Parfait, merci. Je ne sais pas si j'ai d'autres collègues qui auraient des questions ou s'il nous reste du temps, là.

Le Président (M. Provençal)  : Il vous reste du temps. Il reste 4 min 15 s, mais je n'ai pas d'autre main levée, présentement, là.

Mme Guillemette : Parfait. Ça va pour moi.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée de Soulanges.

Mme Picard : Bonjour. Merci beaucoup d'être parmi nous aujourd'hui. Votre apport est très intéressant pour notre projet de loi.

En fait, je voulais savoir, sur le terrain, là, quand un enfant d'une personne immigrante entre dans les services de garde, comment ça se passe. C'est quoi, les enjeux? Comment on pourrait expliquer concrètement, là, ce qui se passe sur le terrain pour aider les travaux de la commission?

• (12 heures) •

Mme Grenon (Valérie) : Merci. Actuellement, ça se passe vraiment bien. Je pense que c'est pour ça qu'on en fait la promotion pour les enfants qui n'ont pas accès. Les enfants qui ont accès à notre réseau... Comme je viens de le dire, on est vraiment des partenaires avec les parents. Souvent, l'enfant va apprendre rapidement le français, donc, comme je le disais tout à l'heure, va nous aider à communiquer avec le parent. Puis on amène la structure, aussi, de comment on fonctionne un peu au Québec.

Moi-même, étant éducatrice à la base... je ne sais pas si vous connaissez un peu Québec, mais on était dans le secteur de Vanier, beaucoup de familles immigrantes de partout, puis on a aidé, oui, pour le langage, mais aussi j'en ai vus, des enfants arriver pas de bottes, pas de manteau. Donc, on amène un soutien important. Il y a eu aussi tout le... au niveau de l'hygiène, qu'on a amenée de l'aide aux parents pour bien comprendre comment ça se passe au Québec et améliorer leur développement.

Souvent, il n'y a pas... les cultures... la culture n'est pas la même, donc, sur l'importance de papa, maman, comment qu'il faut avoir la structure pour aider leur enfant. Donc, il y a beaucoup d'accompagnement qui est fait, que ça soit au niveau de l'alimentation, que ça soit au niveau du développement, mais aussi d'aider la famille à avoir des ressources, donc, qu'est-ce qui se passe dans le quartier pour aller chercher de... au-delà des services éducatifs, pour les accompagner dans leur cheminement. Puis en même temps, bien, une place de qualité pour leur enfant, bien, leur permet, eux, comme adultes, d'essayer de se trouver un emploi ou de retourner à l'école pour essayer d'embarquer mieux dans la culture québécoise. Donc, c'est sûr qu'on est un plus, puis pour nous, les intervenantes, bien, c'est encore mieux pour nous, parce que c'est des petits trésors à deux pattes qui nous apprennent beaucoup sur l'humain en général. Donc, c'est tout, là, Mme Picard.

Mme Picard : Merci.

Le Président (M. Provençal)  : J'invite maintenant la députée de Lotbinière-Frontenac à formuler sa question.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Merci, M. le Président. Combien de temps il reste?

Le Président (M. Provençal)  : 1 min 30 s.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : D'accord, je vais aller rapidement. Donc, tout à l'heure, M. le ministre vous avait posé la question concernant l'expression que vous voudriez qu'on enlève du projet de loi, «né au Québec». Vous aviez donné une explication, mais je suis désolée, mais moi, je ne comprends pas. Donc, j'aimerais ça que... si vous pouviez élaborer puis nous expliquer, là, cette... ce que vous voudriez, bien, enlever, par exemple, là. Excusez-moi.

M. Gagnon (Marc) : Oui, bien, c'est... Là, vous m'avez parlé de... vous avez parlé de l'expression «né au Québec», là. Nous, c'est «depuis sa naissance».

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : O.K.

M. Gagnon (Marc) : Donc, est-ce que c'est cette...

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Oui, c'est la même chose. Excusez-moi...

M. Gagnon (Marc) : Il n'y a pas de problème, il n'y a pas de problème.

Donc, écoutez, nous, ce qu'on voit dans l'utilisation de l'expression «depuis sa naissance», on le voit associé avec la... être... habiter en permanence avec un parent ou l'autre depuis sa naissance, et, lorsqu'on va se retrouver dans des situations où il va y avoir un changement de garde, bien, à ce moment-là, l'enfant qui va avoir subi un changement de garde pourrait être exempt de l'accès aux services de soins de santé, aux services de santé, et je sais que ce n'est pas votre intention, donc...

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Vous allez m'excuser, M. Gagnon, je suis obligé de vous interrompre pour céder la parole à la députée de Maurice-Richard pour les 9 min 40 s qui vont suivre. Alors, à vous la parole, Mme la députée.

Mme Montpetit : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Grenon, bonjour, M. Gagnon. M. Gagnon, de toute façon, je vais peut-être vous laisser compléter là-dessus, parce que ce que je comprends... puis ça m'apparaît très, très pertinent, ce que vous soulignez sur l'expression «depuis sa naissance», puis je veux juste être certaine que je l'interprète de la même façon que vous, mais je suis certaine que les juristes du ministère sont à l'écoute, puis, quand on va débuter l'étude détaillée, ils vont pouvoir aussi nous éclairer sur l'interprétation. Mais ce que j'en comprends, c'est que... là, je donne un exemple fictif, mais, dans l'article 7, par exemple, quand ça dit «l'enfant mineur né hors du Québec est éligible si le parent, mère ou père, avec lequel il demeure en permanence depuis sa naissance, est une personne qui réside au Québec», donc, si un enfant était, par exemple, né dans... puis, je pense, ça peut s'appliquer aussi, probablement, dans des contextes qui ne sont pas une garde partagée, mais né à l'extérieur du Québec, vit depuis sa naissance, par exemple, les six premiers mois ou la première année de naissance avec son père ou sa mère, alors que l'autre parent réside au Québec, par cette formulation-là, une fois qu'il reviendrait au Québec, serait exclu de l'application de la loi. C'est bien ça que vous entendez par vos... par les recommandations que vous faites?

M. Gagnon (Marc) : En effet, en effet. C'est qu'il y a des circonstances... On peut imaginer des circonstances dans lesquelles, suite à un changement de garde, l'enfant pourrait ne pas avoir accès au système de santé, et ce qu'on veut éviter, c'est cela. On a regardé le texte, là, et l'interprétation qu'on vous présente... l'interprétation problématique qu'on vous présente aurait été confirmée. Donc, idéalement, bien, ce serait de trouver un moyen.

Nous, notre recommandation, c'est d'éliminer «depuis sa naissance». On pense que ça ne changerait pas l'esprit du texte en faisant ça. Et il y a peut-être d'autres possibilités, puis il y a des personnes qui sont beaucoup plus compétentes que moi au niveau juridique qui pourraient trouver des solutions, j'en suis convaincu. Nous, ce qu'on voulait, c'est souligner, bien, on voit un danger avec l'utilisation de l'expression et on voudrait éviter que, pour une interprétation différente, un enfant soit privé de soins de santé.

Mme Montpetit : Bien, c'est très pertinent de le porter à notre attention, parce que je pense que l'objectif, justement, c'est de se sortir d'interprétations... bien, d'interprétations, justement, de l'application de la loi. Puis je pense que... Ce que vous soulevez m'apparaît... en tout cas, mérite certainement qu'on s'y penche sérieusement avec les juristes quand on commencera l'étude. Mais je... Moi aussi, ça soulève des questions dans mon esprit sur des situations, effectivement, de garde et d'enfant qui revient et qui pourrait... ça pourrait être interprété pas dans le sens qu'on le souhaite.

J'aimerais vous entendre sur différents éléments aussi. Il y a plusieurs groupes qui sont venus qui ont souligné le fait, justement, qu'il y a des ambiguïtés dans le projet de loi actuel qui pourraient, justement, amener à reproduire certaines iniquités ou même en créer des nouvelles.

Je ne vous ai pas entendu sur la question du six mois qui est dans la loi, justement, sur... Parce que je vous ai entendu beaucoup parler de... bon, d'égalité des chances puis le fait, justement, vous l'avez mentionné à quelques reprises, que le droit à l'accès doit se faire sans égard au statut migratoire des parents, mais je ne vous ai pas entendu spécifiquement sur la question du six mois ou sur l'intention qui doit être démontrée de rester au Québec. Est-ce que ça vous apparaît... Et puis sur toute la question, aussi, de comment le parent doit faire cette démonstration-là, on a plusieurs groupes qui sont venus nous souligner que l'aspect administratif, justement, pour des gens qui ne parlaient pas nécessairement la langue, pouvait poser différents problèmes. Comme vous êtes aux premières loges de constater, aussi, ces situations-là, j'imagine que vous pouvez peut-être nous éclairer davantage, là, sur ces questions-là.

M. Gagnon (Marc) : Bien, personnellement, je ne suis pas un expert en immigration. Et le travail qu'on a fait, à la FIPEQ et à la CSQ, face au projet de loi, c'était de s'assurer qu'on donnait des chances égales à l'ensemble des tout-petits, des 0-5 ans, et c'est pour ça que nos deux recommandations principales sont l'accès aux services éducatifs à la petite-enfance pour les enfants dont un parent a un statut précaire, un statut migratoire précaire.

Je vous avoue que j'ai regardé avec beaucoup d'intérêt les articles qui ont été publiés suite à la commission...

(Panne de son)

Le Président (M. Provençal)  : Petit problème technique.

M. Gagnon (Marc) : ...je n'avais pas vu... Est-ce que je suis revenu?

Le Président (M. Provençal)  : Oui.

M. Gagnon (Marc) : Oui. Je m'excuse. Je ne sais pas quand est-ce que j'ai quitté, là. Je disais que je n'étais pas un expert en immigration, que j'avais lu avec attention, là, les articles la semaine dernière.

Par contre, nous avons regardé en fonction des services éducatifs à la petite-enfance. Notre recommandation, si on avait à retravailler le dossier, ce serait de s'assurer de rendre les choses faciles pour les enfants, parce que, dans le fond, on parle de droits des enfants, droit à la santé, droit à l'éducation, droit aux services éducatifs à la petite-enfance. Et, pour ces enfants-là, ce n'est pas eux autres qui ont à faire toutes les démarches, puis, pour que ça soit facile pour eux, bien, ça devrait être facile aussi pour les parents, surtout pour les parents qui ne connaissent pas le fonctionnement du Québec, le fonctionnement du Canada, qui arrivent ici, qui sont... Ce n'est pas... Souvent, ce n'est pas seulement leur statut migratoire qui est précaire, c'est leur situation financière, c'est leur situation émotionnelle aussi, parce qu'en arrivant ici de différentes manières autres que le chemin normal, bien, il y a des raisons à ça, il y a des gens qui sont en... qui sont peut-être en détresse. Bien, il faut rendre peut-être ça plus facile pour qu'on soit une terre d'accueil la plus intéressante possible.

• (12 h 10) •

Mme Montpetit : Vous m'ouvrez peut-être la porte, je vous... si pouvez continuer là-dessus, ou Mme Grenon, sur votre deuxième recommandation, que je trouve fort intéressante. C'est sûr qu'elle n'est pas sur l'accès aux places à contribution réduite dans les services de garde, elle n'est pas... elle n'est pas exactement, j'allais dire, sur le sujet du projet de loi, mais en même temps je pense que c'est la juste continuité sur l'accès, à l'accès aux services, mais j'aurais aimé ça vous entendre davantage sur cette recommandation-là, sur le fait qu'ils n'aient pas cet accès-là, justement, comment ça se... comment ça se traduit. C'est quoi, les conséquences, dans le fond, par rapport aux bénéfices qu'on pourrait aller chercher? Parce que je trouve qu'il y a certainement un... Il y a certainement quelque chose d'intéressant sur lequel on devrait se... qu'on devrait se pencher aussi comme... comme législateurs.

Mme Grenon (Valérie) : Oui, ça va me faire plaisir de répondre, puis je compléterai un peu ce que M. Gagnon disait, parce que, même si la famille n'est pas là longtemps, tu sais, on souhaite que... s'ils viennent au Québec, qu'ils restent le plus longtemps possible puis qu'ils deviennent avec un statut, là, pas migratoire, mais le petit peu de temps qu'on pourrait avoir l'enfant dans notre réseau, bien, on va lui donner beaucoup de chances puis on va lui donner un petit bagage qui va le suivre toute sa vie.

L'enfant de cinq ans... de 0-5 ans, c'est une petite éponge, donc, rapidement, si on est capables de lui apporter des soins... puis les soins de santé, c'est primordial. Mais pourquoi qu'on fait le lien? Nous, c'est que ce qu'on lui amène comme soins psychologiques, langagiers, au niveau de la sociabilité, de son développement moteur et intellectuel, bien, pour nous, c'est des soins de santé, c'est des soins de santé parce que ça va lui donner des racines solides, sa base de son affection. On le sait, là, l'enfant de 0-5 ans passe tout par l'affection. Dès que le lien d'attachement est fait, l'enfant va être ouvert à favoriser son développement.

Puis, bien, veux veux pas, si le parent sent son enfant en sécurité, bien, ça va lui permettre d'essayer de créer des liens, de se créer un réseau professionnel ou social comme adulte pour peut-être qu'on ait une chance de garder cette belle famille là avec nous au Québec pour plus longtemps, donc de là les bénéfices, puis c'est pour ça que nous, on faisait un lien. Oui, le projet de loi ne touche pas le réseau de la petite enfance, et ça, on l'avait très bien compris, mais, pour nous, ce qu'on amène comme soins, bien, c'est un lien direct avec le système de santé. Donc, on doit être des partenaires là-dedans, c'est clair pour nous.

Mme Montpetit : ...

Le Président (M. Provençal)  : Je vais...

Mme Montpetit : Oui, allez-y.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup, Mme la députée.

Je cède maintenant la parole au député de Laurier-Dorion. Vous disposez de 2 min 25 s.

M. Fontecilla : Merci, M. le Président. Bonjour, madame, monsieur, merci beaucoup d'être ici, là.

Écoutez, une question très en détail, là. Vous avez nommé... Vous avez quantifié le phénomène, vous avez parlé de 700 enfants, là, de 0-18 ans. Comment êtes-vous arrivés à ce chiffre-là?

M. Gagnon (Marc) : C'est un chiffre que nous avons vu dans un document de la RAMQ.

M. Fontecilla : O.K., c'est parfait. Et vous, évidemment... Ici, on traite d'un sujet, là, qui touche uniquement, là, la Régie de l'assurance maladie du Québec, là, et donc c'est l'accessibilité à la RAMQ. Et vous, vous proposez carrément d'inclure... et vous assimilez la question de l'accès à des services de garde subventionnés, à des places réduites et... à des places à contribution réduite, là, et vous faites le lien, là, que c'est aussi une question de santé.

Or, les places réduites, le financement du système de garde subventionné, ça dépend d'un autre ministère, le ministère de la Famille, là. Mais, pour bien comprendre, vous, vous proposez, là, en quelque sorte, d'ajouter au projet de loi n° 83 des articles qui permettent l'accès à des places à contribution réduite. C'est ça, votre intention, là. Donc, c'est quelque chose qui touche le ministère de la Famille, là?

Mme Grenon (Valérie) : Tout à fait. Notre intention, c'est... si on est capables de faire ajouter quelque chose là, oui, si c'est par le changement d'un règlement. Parce qu'actuellement ces enfants-là, dû au statut de leurs parents, n'ont pas accès aux services. Quand on fait un lien avec la santé, c'est qu'on le dit souvent... Puis ça a été prouvé, on est les yeux sur l'enfant pour voir s'il y aurait un problème.

Puis la santé n'est pas seulement physique, mais elle peut être développementale et... que ce soit intellectuelle ou physique, qui n'est pas nécessairement, là, un trouble de santé qui mériterait un médecin, mais peut-être un spécialiste au niveau du langage, au niveau de son développement physique.

Donc, pour nous, plus vite qu'il va arriver dans notre réseau, mieux que ça va être pour sa santé et qu'on pourra accompagner le parent vers les soins spécialisés, là, au niveau des médecins.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup, Mme Grenon. Je suis obligé de vous interrompre...

Mme Grenon (Valérie) : Pas de problème.

Le Président (M. Provençal)  : ...pour céder la parole au député des Îles-de-la-Madeleine pour 2 min 25 s.

M. Arseneau : Merci beaucoup, M. le Président. Merci à nos invités pour leur présentation et puis d'attirer notre attention sur d'autres volets, là, qui peuvent être ou paraître discriminatoires envers les enfants qui n'ont pas de statut migratoire établi, notamment pour avoir des services de garde, pour obtenir, donc, des services qui peuvent aussi, là, contribuer à leur santé physique, et émotive, et affective.

J'ai comme l'impression, en lisant le mémoire, que c'est comme si on avait regardé la problématique en silo, de façon très, très ciblée, accès à la RAMQ, alors qu'on aurait dû ratisser beaucoup plus large. C'est un peu ce que je conclus de votre mémoire, parce qu'en fait il porte davantage sur les services de garde, évidemment, que l'accès à la RAMQ.

Mme Grenon (Valérie) : Bien, tout à fait. Pour nous, c'est un très bon pas, on est très favorables, comme on le disait tout à l'heure, au projet de loi, avec le petit correctif, là, «depuis sa naissance». Mais, pour nous, oui, on devrait aller voir plus grand que la santé seulement du jeune enfant, mais bien dans son développement complet qui va lui donner des bonnes bases.

Puis, bien, c'est dans notre réseau qu'il va acquérir les autres bases. On ne remplacera jamais un médecin, ça, c'est clair, ou le système de santé, mais on est un partenaire important pour assurer le développement de l'enfant, puis plus rapidement qu'on pourrait voir des lacunes envers nous versus en accompagnement avec les spécialistes, bien, on va lui donner la meilleure chance possible.

M. Arseneau : Donc, on a regardé le problème ou les enjeux auxquels les enfants qui n'ont pas de statut migratoire, là, défini ou clair avec un seul bout de la lorgnette, alors qu'on devrait regarder, justement, l'ensemble des conditions et des environnements favorables à leur bon développement et à leur santé. C'est ce que vous nous dites, essentiellement.

Mme Grenon (Valérie) : Tout à fait.

M. Arseneau : Maintenant, est-ce que... comme d'autres l'ont fait avant vous... je ne sais pas si j'ai quelques secondes encore...

Le Président (M. Provençal)  : 10 secondes.

M. Arseneau : Plusieurs nous avaient dit : Le projet de loi qui est déposé, il demeure sujet à interprétation. Outre la recommandation que vous avez faite, est-ce qu'il y a... vous avez ressenti ça?

Le Président (M. Provençal)  : Malheureusement, on ne pourra pas avoir la réponse.

M. Arseneau : D'accord. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Je remercie Mme Grenon et M. Gagnon pour leur contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin que l'on puisse accueillir, par visioconférence, le prochain groupe. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 18)

(Reprise à 12 h 20)

Le Président (M. Provençal)  : Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de l'Association des pédiatres du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à débuter votre exposé. À vous la parole.

Association des pédiatres du Québec (APQ)

M. Lebel (Marc) : Merci beaucoup à la commission de nous avoir convoqués. Mon nom est Marc Lebel, je suis pédiatre et infectiologue au CHU Sainte-Justine et je suis aussi le président de l'Association des pédiatres du Québec.

Pour mettre en perspective, l'Association des pédiatres, en fait, c'est un organisme sans but lucratif... on est voués à la promotion, à la défense d'une médecine pédiatrique, là, québécoise de la haute qualité. Et, dans cette perspective, on s'est toujours souciés au premier chef de la défense des droits et des besoins des enfants. Vous savez que l'APQ a été quand même assez vocale au courant de la dernière année, particulièrement, dans le cadre de la pandémie, le retour des enfants en garderie, le retour des enfants à l'école. Donc, le pédiatre, en fait, c'est un expert des problèmes de la santé de l'enfant tant au niveau physique, mental et développemental.

On sait que Médecins du Monde, en 2016, avait recommandé l'accès à la RAMQ pour les enfants qui sont nés dans la province de Québec. Au début 2019, l'Observatoire des tout-petits avait fait un état des lieux et des recommandations, puis, en avril de la même année, en 2019, les quatre chefs des départements universitaires des CHU pédiatriques du Québec, la Société canadienne de pédiatrie puis l'Association des pédiatres s'étaient clairement positionnés pour un accès universel en soins de santé pour les enfants migrants, ceux qui ont un statut migratoire précoce. On sait qu'effectivement des enfants qui habitent au Québec, dont plusieurs sont nés au Canada, n'ont pas accès à des soins couverts par l'assurance maladie. Certains ont droit au programme fédéral, beaucoup tombent entre deux chaises.

Il faut réaliser que ces enfants-là, en fait, ils n'ont pas décidé qu'ils venaient au Québec, c'est leurs parents. Donc, ces enfants-là n'avaient pas un mot à dire par rapport aux conditions dans lesquelles ils sont nés ou ils venaient. Pourquoi c'est important? Bien, c'est important parce que le... qu'ils aient une couverture parce que le bien-être des enfants est vraiment nécessaire pour la réalisation de leur plein potentiel en tant que membres actifs et engagés de notre société. C'est vraiment un droit fondamental et c'est important qu'ils puissent y avoir accès, et y avoir accès à partir du début.

Au point de vue des pédiatres, on est confrontés régulièrement avec la problématique de ces enfants non assurés. Il faut quand même savoir, le fait que des parents soient ici, ça ne veut pas dire que leur enfant va avoir droit ou accès aux soins médicaux. Qu'est-ce que ça a comme implication? Ça a comme implication que souvent les consultations médicales sont plus tardives, c'est-à-dire les parents décident en fait de retarder la consultation parce qu'ils savent qu'il y a des frais associés. Qu'est-ce que ça peut faire et... comme conséquence? Bien, ça a comme conséquence, en fait, d'augmenter la sévérité de la maladie et des complications, donc ça aggrave leur état, ça entraîne plus d'hospitalisations, des traitements plus coûteux.

Il faut savoir aussi que, s'ils avaient accès à des soins réguliers et préventifs, on pourrait, en fait, prévenir certaines maladies, des pathologies qui auraient été évitables si on avait eu un suivi adéquat. On est pris aussi avec des problèmes d'enfants qui ont des retards de développement. Et les retards de développement, quand ils ne sont pas diagnostiqués assez tôt, ça peut avoir des conséquences à moyen et à long terme pour le développement et le statut de l'enfant par après.

Souvent, comme pédiatres, surtout quand l'enfant consulte à l'urgence ou le centre de jour où il est hospitalisé, bien, on est coincés, nous autres, entre les montants facturés par l'hôpital aux parents puis notre désir d'offrir des soins et des traitements appropriés. Les parents, quand ils viennent à l'urgence, ils sont facturés, souvent on leur facture plusieurs centaines de dollars, donc il y en a beaucoup qui retournent à la maison et consultent seulement quand ils y sont obligés parce que l'état de l'enfant est instable ou sa pathologie s'est compliquée. Donc, souvent, nous autres, on est pris. Bien, on veut traiter l'enfant, mais les parents, en fait, ils voient les factures qui s'accumulent, et ça devient très problématique.

L'accès aux médicaments, aussi, est un enjeu. Moi, je travaille en maladies infectieuses à Sainte-Justine. On a des enfants immigrants, des réfugiés. On a la clinique de tuberculose et la clinique de VIH. En fait, le traitement, la prise en charge de ces enfants-là, adolescents-là, bien, si on n'est pas capables de leur donner leur médication, à ce moment-là, on risque de se retrouver avec des complications beaucoup plus importantes.

Par exemple, quand j'ai fait... Je compare avec nos voisins américains du Sud. Quand j'étais au... je faisais ma deuxième spécialité en infectiologie pédiatrique, je l'ai bien vu, la différence entre les hôpitaux privés et les hôpitaux publics en pédiatrie, mais c'était clair que ceux qui n'avaient pas d'assurance, ils consultaient beaucoup plus tardivement, avaient beaucoup plus de complications, donc ça leur donnait, en fait, des problèmes significatifs à court, à moyen et à long terme, alors que, du point de vue de notre code déontologique, nous autres, on veut... d'être un médecin, on veut s'assurer que nos patients, nos enfants puissent avoir accès aux soins auxquels ils ont droit. On sait que, quel que soit leur statut, les enfants ont droit à l'école, mais, pour la santé, ça a l'air d'être quand même assez différent.

L'autre point qui est problématique pour nous autres, et on a de la difficulté à comprendre, bien, c'est le délai de carence de trois mois. Donc, c'est des gens qui ont le droit, en fait, de venir au Québec, d'immigrer. Les lettres de la RAMQ, j'en ai vu souvent, on leur dit de prendre une assurance temporaire, hein? Malheureusement, plusieurs ne le font pas, ça met les parents dans un dilemme quand leur enfant tombe malade. Est-ce que je vais consulter? Est-ce que je retarde la consultation médicale, que ce soit en cabinet ou aux urgences? Certains peuvent croire miraculeusement que la maladie va disparaître, puis on se retrouve souvent avec des évolutions plus compliquées. En pratique, s'ils ont droit à la RAMQ, l'assurance médicaments dans trois mois, bien, je pense que c'est important qu'ils puissent l'avoir dès le moment... Donc, ces enfants-là ont accès à l'éducation, ils ont accès à la vaccination — des fois, c'est complexe, là, pour la vaccination — mais c'est important, en fait, qu'ils puissent avoir accès à la fois à l'assurance maladie puis à l'assurance médicaments.

Dans les documents qu'on vous a fournis, il y a le mémoire de l'Association des pédiatres, il y a aussi un document attaché qui est fait par l'équipe du Children's sans frontières, qui sont confrontés exactement aux mêmes types de problématiques. Il y a plusieurs exemples de cas à la fin. Et pourquoi c'est là? Bien, c'est sûr... en fait, c'est beaucoup des politiques gouvernementales, là, qui ne sont certainement pas optimales pour la santé des enfants.

C'est clair qu'on est très contents, très heureux, à l'Association des pédiatres, que les choses veuillent changer avec le projet de loi n° 83. Il faut réaliser aussi que plusieurs provinces ont des accès aux soins médicaux pour tous les enfants qui sont nés dans la province ou nés au Canada. Donc, je pense que c'est... on est contents que ça aille de l'avant, mais il faut... il va falloir faire attention, il faut quand même s'assurer que ça... l'ensemble des enfants qui sont ici aient accès au régime.

D'essayer de dire qu'on veut sauver de l'argent, on sauve de l'argent à court terme, mais par la suite ça nous coûte, en fait, de l'argent, parce qu'ils vont se retrouver avec des maladies évitables s'ils avaient eu un suivi médical, des maladies évitables, en fait, soit par la vaccination ou des pathologies qui auraient été...

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup, Dr Lebel.

M. Lebel (Marc) : Merci.

• (12 h 30) •

Le Président (M. Provençal)  : Je suis obligé de vous interrompre pour céder la parole à M. le ministre pour 10 minutes.

M. Dubé : Alors, bonjour, Dr Lebel. Premièrement, vous remercier de nous faire partager votre expérience, puis surtout que vous devez être une personne assez occupée en ce moment. Quand on a deux spécialités, une en pédiatrie puis l'autre en infectiologie, là, je suis certain que, ces temps-ci, vous devez... vous devez être assez occupé. Et puis merci beaucoup pour le travail que vous faites, là, particulièrement en ces temps difficiles de pandémie qui, on le sait, affecte aussi nos enfants. Ça fait que je tiens à vous remercier pour le travail que vous faites, Dr Lebel.

Je le sais... Je sais, par contre, que vous êtes... vous n'êtes pas un avocat, alors... à moins que vous ayez caché ça en plus et que c'est une autre de vos spécialités, là, mais j'aimerais vous demander... puis je comprends très bien votre objectif, vous vous dites, en tant que médecin : Plus ça va être facile pour nous d'enlever les barrières pour être capables de soigner les enfants, plus, comme médecins, on est heureux, puis ça, je respecte ça.

Il y a deux points que je voudrais soulever, là, avant de passer la parole à mes collègues, c'est celui dans... Vous dites que, pour l'accès à l'assurance maladie, bien, il faudrait s'assurer que... Comment on pourrait définir pour les enfants qui vivent au Québec? Alors, bon, je... vous me voyez venir un peu, là, on a toute sorte d'enjeux, puis la raison pour laquelle je suis prêt à vous écouter, mais comment vous... Ça veut dire quoi, pour vous, vivre au Québec, là? Parce que la journée qu'on décide de simplifier le langage légal, on peut avoir toute sorte d'autres enjeux. Je voudrais juste vous entendre un petit peu là-dessus, s'il vous plaît.

M. Lebel (Marc) : Les enfants, c'est clair qu'on ne pense pas, là, aux touristes ou aux voyageurs, là, qui viennent au Québec — nous autres, même chose, quand on va à l'extérieur, on prend une assurance spéciale — mais c'est vraiment dans le cadre, là... ceux qui sont les plus démunis, qui sont souvent les moins les riches, c'est vraiment ceux qui ont des problèmes avec l'immigration. Je vais vous parler de la Clinique tuberculose parce que, souvent, quand on a un cas, bien, on va vouloir faire le «screening» de toute la famille, puis, honnêtement, quand je dis «la famille», bien là, on regarde ceux qui vivent, hein, dans la maison, puis on en trouve dans les armoires... Ça fait que, là, je leur dis : Moi, je ne suis pas la police, je ne suis pas un agent d'immigration, mais, s'il y a des enfants qui vivent au Québec... Il y a des enfants, là... on a eu, là, une enfant de 10 ans, ça faisait 10 ans qu'elle était au Québec, qu'elle allait à l'école puis elle n'avait pas de carte d'assurance maladie. Tu sais, après 10 ans, c'est clair que... Donc, je pense que les touristes, les gens qui viennent de façon très temporaire, non, mais pour les autres, on devrait faciliter. Juste dire, les pédiatres, là, ces patients-là, on ne les facture pas, là, mais les parents se retrouvent avec une facture extrêmement importante de l'hôpital.

M. Dubé : O.K. Donc, on reviendra sur la définition de «vivre au Québec», mais je vous entends, votre... puis je pense qu'on est tous très sensibles à ça.

Vous avez dit le mot qu'il ne faut pas prononcer, là, le touriste... Écoutez, ce que je voudrais peut-être vous demander : Est-ce que vous en avez vu souvent, vous, de ces cas-là? Vous dites : Là, c'est vraiment exagéré, là, il y a des gens qui sont ici uniquement pour venir obtenir un service puis s'en retourner après. Est-ce que vous, de vos collègues, en voyez tant que ça, de ces cas-là?

M. Lebel (Marc) : Ceux-là, non, on n'a pas beaucoup de tourisme médical. Je pense qu'il y en a peut-être plus en obstétrique-gynécologie, là, où les gens veulent avoir la citoyenneté canadienne. Mais les enfants qu'on voit, là, souvent, c'est des immigrants légaux ou illégaux et pour lesquels, à un moment donné, ils sont soit dans le délai de carence, soit ils n'ont pas accès au programme fédéral.

M. Dubé : Bien, ça m'amène un peu à votre délai de carence. C'est pour ça que vous demandez de le suspendre aussi parce que... pour les mêmes raisons que le... je ne vous ferai pas rentrer dans... non plus, là, mais c'est là que vous voulez aller aussi pour enlever toutes ces limitations-là?

M. Lebel (Marc) : Oui, parce qu'en pratique, là, quand l'enfant est vraiment malade, il va consulter à l'hôpital. Donc, nous autres, on a des patients... tu sais, je prends l'exemple, là, à Sainte-Justine, là, aux soins intensifs, ça va leur coûter plus que... théoriquement, plus que 5 000 $ par jour. Ils ne choisissent pas, là, d'aller aux soins intensifs, puis on sait très bien qu'ils paieront probablement peu ou pas ça.

Je pense que, si on est capables d'avoir les patients plus précocement, c'est-à-dire pas de retards, comme ce qu'on voit aux États-Unis, bien, au total, ça devrait être moins compliqué, moins de complications, moins de séquelles à court, moyen et long terme.

M. Dubé : Vous, vous êtes à Sainte-Justine... puis je terminerais avec ça, là, puis, encore une fois, on a souvent la question, puis mes collègues, là, du gouvernement et même l'opposition, on a essayé plusieurs fois de savoir de combien de personnes... Donc, si je vous demandais, vous, là, dans votre pratique de Sainte-Justine, là, si on enlevait la question du délai de carence puis du lieu, de combien d'enfants on vous faciliterait la tâche puis qu'on améliorait les soins sur une base annuelle, donnez-moi un ordre de grandeur, si vous êtes capable de m'en donner un, parce que Sainte-Justine, c'est quand même un des endroits...

M. Lebel (Marc) : Je n'ai pas les chiffres de Sainte-Justine. Moi, ça fait 30 ans que je suis en pratique, donc ça fait quand même, pendant cette période-là, des centaines de patients. Puis les gens à Sainte-Justine sont fins, là, nos infirmières, les pharmaciens ont réussi à trouver, de peine et de misère, les sous pour les aider à passer à travers, les sous pour, effectivement, payer les médicaments, mais c'est toujours du cas par cas, puis c'est toujours à recommencer.

M. Dubé : O.K. Quand vous dites une centaine, voulez-vous dire une centaine par année?

M. Lebel (Marc) : Non, c'est... j'ai vu des centaines de...

M. Dubé : Une centaine de...

M. Lebel (Marc) : C'est probablement par année, personnellement, ça doit être probablement aux alentours d'une... 10 à 20 par année pas plus que ça, là, mais je travaille quand même dans un CHU pédiatrique tertiaire, donc on est le bout de la ligne, là.

M. Dubé : Non, non, je comprends bien. Bien, écoutez, ça me donne une idée, parce qu'on essaie de voir, puis vous allez le comprendre, là, il y a une sensibilité à... beaucoup d'empathie pour ces enfants-là, mais en même temps, essayer de voir dans quoi on s'embarque si on allégeait encore plus le projet de loi, mais j'apprécie beaucoup.

Je vais laisser mes collègues continuer, mais encore une fois, merci beaucoup, Dr Lebel, d'être là. Merci.

M. Lebel (Marc) : Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Oui, M. le ministre, je vais céder la parole à la députée de Soulanges, et j'ai fait une erreur, c'est 13 minutes en tout que vous aviez. Mme la députée.

Mme Picard : Bonjour. M. le Président, il me reste combien de temps? Est-ce que vous pouvez...

Le Président (M. Provençal)  : Il vous reste 5 min 30 s.

Mme Picard : Parfait. Bonjour, Dr Lebel. Moi... On s'est déjà rencontrés dans le passé, là, ma petite cocotte, elle a été traitée par vous lors d'un séjour à Sainte-Justine, donc je suis très contente que vous soyez parmi nous aujourd'hui pour contribuer à nos travaux. On est choyés, je trouve, comme l'a dit le ministre.

J'aurais deux questions. En fait, avec un enfant qui est lourdement handicapé, je... Toute la question d'une entrée temporaire ici, au Québec, un touriste vaccinal, les enfants qui vivent au Québec... En fait, la question que je me pose, c'est comment on pourrait... On ouvre une certaine porte, veux veux pas, aux enfants qui sont déjà malades dans leur pays pour venir ici. Est-ce que, selon vous, la période de trois mois ne pourrait pas aider à restreindre un peu, là, l'accès à notre système par rapport aux autres pays ou aux enfants qui entreraient?

M. Lebel (Marc) : Bien, c'est une très bonne question, mais, d'un autre côté, si l'enfant a vraiment une maladie, là, sévère, il va falloir qu'il consulte, là. Je vais prendre un exemple, là, qui est mentionné dans le document du Children's, patient avec une anémie falciforme, ce n'est pas arrivé hier, c'est depuis la naissance que c'est là. Ces enfants-là, si on leur... s'ils ont un suivi, on va être capables, en fait, de prévenir des complications, prévenir, en fait, des hospitalisations ou des visites à l'urgence. Donc, de dire que... le délai de trois mois, là, en pratique, c'est une affaire pour régler... mais, en tout cas, ma perspective, là, c'est probablement plus quelque chose d'un point de vue monétaire, ça n'aide pas l'enfant. Je comprends que le gouvernement, le ministère veut faire des... certaines règles, là, mais il faut quand même penser que nous autres, comme pédiatres, ce qu'on veut, c'est le bien-être de nos enfants, puis de restreindre ça... puis je ne pense pas qu'on parle, là, d'un nombre extrêmement élevé, le ministère, probablement, cherche le nombre, mais le délai de carence, en fait, c'est un des gros problèmes. En pratique, nous autres, on ne les facture pas, là, on fait ça, on s'occupe de l'enfant, mais les parents se retrouvent avec des factures, puis c'est un incentif à ne pas consulter. Puis je prends l'exemple de l'anémie falciforme, l'anémie falciforme, fièvre, il faut qu'il aille à l'urgence. Pourquoi? Parce qu'il peut décéder rapidement d'une infection à pneumocoque. S'ils attendent, bien, on risque de se retrouver avec des complications ou même des mortalités.

• (12 h 40) •

Mme Picard : Et avec le projet de loi adopté, est-ce que vous pensez que les parents vont être à l'aise de venir vous voir un peu plus? Est-ce que vous pensez que ça va se savoir dans le réseau? Est-ce que vous, vous pouvez contribuer à partager la bonne nouvelle sur le terrain ou... Comment on peut les rejoindre?

M. Lebel (Marc) : Ça, on peut certainement le faire. Pour nous autres, de participer à ce qui améliore les soins des enfants, je pense que c'est... ça fait partie de nos objectifs, puis on pourra participer, puis on pourra travailler avec le ministère à cet effet-là.

Mme Picard : Parfait. Merci beaucoup. M. le Président, c'était terminé, je n'ai plus d'autres questions.

Le Président (M. Provençal) : Oui, Mme la députée de Roberval aurait une question.

Mme Guillemette : Bonjour. Merci d'être ici avec nous aujourd'hui.

Je voyais, dans votre mémoire, que vous avez abordé, mais très, très succinctement, au niveau de la femme enceinte, d'élargir les soins aussi de la RAMQ. J'aimerais vous entendre un petit peu plus là-dessus.

M. Lebel (Marc) : Je n'ai pas eu le temps de le mentionner, donc merci de revenir là-dessus. C'est clair que la... parce qu'une grossesse, bien, au bout de la ligne, il y a un enfant, et ce qu'on voit, c'est que, quand, effectivement, il n'y a pas de suivi ou le suivi est sous-optimal pour la femme enceinte, plus de risques de complication et une grossesse plus difficile pour la mère, puis, la même chose, on a plus de naissances prématurées, puis les unités néonatales sont prises avec des enfants que, si la mère avait eu un suivi, bien, peut-être qu'on ne serait pas rendus là. Ce qu'on voit, au point de vue des chiffres ministériels, là, des... les naissances prématurées, plus ça va, plus ça diminue, mais effectivement, s'il n'y a pas de suivi prénatal, on augmente le risque de complications. Donc, pour nous autres, c'était une... je sais que ce n'est pas dans le projet de loi, mais c'est quand même une considération importante, la prise en charge de ces mères-là. On ne parle pas de tout le monde non plus, on ne parle pas du tourisme médical, on va parler surtout celles qui ont un statut migratoire, là, difficile et précaire.

Mme Guillemette : Et vous en voyez beaucoup dans votre pratique...

M. Lebel (Marc) : Bien, moi, je n'en vois pas. J'en parlais avec Diane Francoeur, qui est une de mes collègues à Sainte-Justine, elle, elle en voit, là. Nos gens en néonatalogie, donc ceux qui s'occupent des prématurés, ils en voient régulièrement. Ce n'est pas des gros nombres, mais, quand même, pensez que, si on facture 5 000 $ pendant 30 ou 60 jours d'hospitalisation aux soins intensifs de la néonatalogie, il n'y a pas grand monde qui est capable de payer ça.

Mme Guillemette : Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup. Alors, je vais maintenant céder la parole à la députée de Maurice-Richard. Vous disposez de 8 min 40 s.

Mme Montpetit : Merci, M. le Président. Bonjour, Dr Lebel. Merci, effectivement, d'être avec nous. Moi aussi, je partage l'impression du ministre à ce sujet-là que vous devez être, de façon générale, bien occupé, mais particulièrement, en plus, dans les circonstances.

D'entrée de jeu, je vous écoutais parler puis je regardais le... je lisais... je relisais votre mémoire, puis ça me faisait penser à... Il y a quelques années, j'étais allée dans une conférence en médecine sur l'impact de la carte d'assurance maladie lors de son introduction, et il y avait une personne qui était présente — puis vous allez voir le lien, je pense, puis c'est peut-être à ça que vous voulez nous... c'est peut-être de ça dont... à ça dont vous voulez nous sensibiliser — qui disait que, justement, avant l'introduction de la carte d'assurance maladie, donc quand elle était plus jeune, dans les années 60, elle était allée voir un médecin, s'était retrouvée avec un garrot, elle avait mal, elle avait mal, elle avait mal, mais, comme il y avait une facturation à chaque visite chez le médecin, les parents avaient attendu, évidemment, avant d'y aller, jusqu'à ce que ça s'infecte tellement que, finalement, ça s'était traduit par une amputation du pouce.

Donc, est-ce que, quand vous nous référez... C'est peut-être un cas... Bien, est-ce que c'est un cas extrême? En fait, je pense que c'est une démonstration, moi, qui m'a marquée beaucoup, d'à quel point ça peut vraiment faire une différence, justement, d'avoir un coût à l'entrée pour l'accès à des soins de santé. Et vous faites référence, justement... vous parliez beaucoup de l'impact que ça peut avoir d'attendre, puis je voulais que vous puissiez, justement, nous référer à certains... C'est toujours bien, je pense, d'avoir des cas concrets pour bien illustrer, pour bien comprendre les impacts que ça peut avoir, les coûts qui sont reliés, justement... tu sais, le fait que des parents puissent se retrouver par une contrainte financière à attendre avant d'aller en consultation, d'aller voir un médecin. Puis je comprends bien, effectivement, comme vous êtes dans un hôpital tertiaire, probablement que vous voyez la... je ne veux pas dire la pointe de l'iceberg, mais les cas qui, malheureusement, sont à un bout du spectre, mais je pense que ça nous éclairerait si vous pouviez nous donner quelques exemples concrets de ce que vous avez vu, là, dans votre carrière.

M. Lebel (Marc) : En fait, il y a plusieurs choses. C'est une bonne question aussi. Je vais prendre l'exemple, la fièvre chez l'enfant — si vous avez des enfants, ils ont tous fait de la fièvre à un moment donné — on élimine la pandémie, là, parce que c'est une circonstance exceptionnelle, bien, généralement, on dit aux parents : Vous attendez deux, trois jours avant de consulter si l'enfant fait de la fièvre à moins que son état ne soit pas bon. Quand on sait qu'il y a des coûts, bien, ça risque de reporter la consultation.

Je vais prendre un exemple, disons, on a un enfant, disons, qui a fait une infection virale, il a développé une pneumonie, bien, la plupart des gens auraient probablement consulté quand ça commence à aller mal. Dans ce cas-là, bien, si effectivement la consultation, elle est tardive, bien, on a plus de chances de développer des complications de la pneumonie. Donc... Beaucoup... La plupart des pneumonies vont se traiter de façon ambulatoire, une certaine proportion va se retrouver hospitalisée, puis une plus faible proportion va aller aux soins intensifs. Dans les cas, en fait, dont on mentionne, bien, le risque d'hospitalisation, avec une consultation tardive, il va augmenter. Donc, ça, c'est dans le cadre des pathologies urgentes.

Il y a des choses aussi... On parle des retards de développement, qui est un projet-phare de mon collègue qui est rendu ministre, là, M. Carmant, bien, les retards de développement, si on ne les diagnostique pas tôt, bien, on va avoir un problème, on va avoir beaucoup de problèmes. Dans le programme Agir tôt, bien, ça se trouve à se faire à 18 mois. Il faut quand même penser, il y a des problèmes de développement qui sont évidents plus de... pas à la naissance, là, mais dans la première année de vie, bien, pas de suivi, on va les diagnostiquer plus tard. Si on les diagnostique plus tard, la prise en charge, elle est plus tardive, encore là, des complications, des séquelles à court, moyen et long terme.

Donc, il y a des choses urgentes, il y a des choses qui sont moins urgentes, mais, si le suivi ne se fait pas... Je prends aussi l'exemple, là, un enfant qui naît, bien, il a besoin d'un suivi rapproché parce qu'il y a plein de choses... Les enfants restent, là, les mères, 36 heures à l'hôpital. Après ça, ils partent, mais ils ont besoin d'un suivi parce que des problèmes, des cardiopathies qui sont diagnostiqués plus tard, des pneumopathies, d'autres problèmes d'alimentation, bien, si on ne les voit pas au bon moment, encore une fois, on va se retrouver avec un patient qui va être obligé d'être hospitalisé avec plus de problèmes.

Mme Montpetit : Avec plus de problèmes, plus de ressources utilisées aussi. Mais j'imagine que, quand on regarde l'ensemble du... en plus des conséquences chez le patient, il y a... la pression que ça ajoute sur le réseau de la santé aussi.

M. Lebel (Marc) : Oui.

Mme Montpetit : Je voulais revenir aussi sur... Bien, en fait, j'en profiterais que vous êtes là, parce que je sais que vous êtes sur plusieurs comités d'antibiothérapie puis de vaccination aussi, puis j'avais une question... vraiment par curiosité, comme vous faites une spécialité de la vaccination, est-ce que ça a un impact, justement, le fait qu'il y ait des gens qui n'ont pas accès à la RAMQ... je comprends très bien que la vaccination, elle est gratuite pour les enfants, mais est-ce qu'il n'y a pas une association... est-ce que vous voyez une conséquence, en fait, aussi, au niveau de la vaccination des enfants qui seront dans cette situation-là, dont les parents ont un statut migratoire précaire?

M. Lebel (Marc) : Ça, c'est clair, clair, clair, il y a des retards de vaccination, parce que c'est des gens, en fait, qui aiment avoir le moins de contacts possible, entre guillemets, avec le système, le réseau. Donc, ils n'aiment mieux pas aller se faire vacciner par les CLSC, puis ça, c'est... nous autres, on en voit régulièrement avec des retards vaccinaux. Puis, on sait, dans la première année de vie, il y a beaucoup de maladies qui peuvent être prévenues par la vaccination, puis, si on ne reçoit pas les vaccins au bon moment, bien, on a un problème.

Pendant la pandémie — je fais partie aussi du Comité d'immunisation du Québec, là, comme représentant de l'APQ — bien, on a conservé la vaccination des enfants en bas de deux ans. Ça a parfois été difficile, là, quand le réseau allait vraiment mal, mais on a voulu conserver ça, donc ça veut dire que c'est important. Puis ces enfants-là, ils ne reçoivent pas tout ce qu'ils doivent recevoir, ils ne le reçoivent surtout pas au bon moment.

• (12 h 50) •

Mme Montpetit : O.K., merci. Mon impression était celle-ci, mais je pense qu'on doit en tenir compte aussi, dans les impacts, comme vous dites... en tout cas, ça a des impacts par la suite, parce que ce n'est pas quelque chose qui peut se rattraper à n'importe quel moment sur le calendrier de vie, avec les impacts que ça peut avoir sur l'ensemble de la communauté aussi.

J'aurais peut-être une dernière question, parce que je vois le temps qui file. Je comprends, comme pédiatre, évidemment, vous ne voyez pas les femmes enceintes, mais vous voyez les petits bébés qui arrivent par la suite. Est-ce que... Puis, moi, c'est... bon, c'est une recommandation qui a été faite par plusieurs groupes, puis vous l'avez mentionné aussi, de s'assurer de donner accès aux femmes enceintes qui n'ont pas accès à la RAMQ présentement, pour les... un peu pour les mêmes raisons, dans le fond, donc toutes les complications qui peuvent être...

(Panne de son)

M. Lebel (Marc) : Ça a gelé.

Le Président (M. Provençal)  : Il vous reste 30 secondes, Dr Lebel, pour pouvoir répondre. 30 secondes, s'il vous plaît.

M. Lebel (Marc) : O.K.

Mme Montpetit : ...et des...

M. Lebel (Marc) : Donc, je pense que c'est...

Mme Montpetit : ...

M. Lebel (Marc) : Bien, je vais vous laisser finir.

Mme Montpetit : Non, c'est parce que j'ai été déconnectée, pardon. Je voulais juste voir aussi, c'est ça, l'impact, entre autres, sur les prématurés, puis l'impact que ça peut avoir, surtout économique, sur le réseau de la santé, entre autres, puis, encore là, la pression sur le réseau, là.

Le Président (M. Provençal)  : 10 secondes.

M. Lebel (Marc) : Bien, moins bons suivis, plus de prématurité, plus de coûts.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup.

Je vais maintenant céder la parole au député de Laurier-Dorion.

M. Fontecilla : Merci. Merci, Dr Lebel, d'être avec nous, de partager votre expérience.

Écoutez, le projet de loi couvre toute une série de catégories qui étaient exclues, sauf une catégorie, les enfants nés hors Canada sans statut légal au Canada, bref, les enfants nés à l'extérieur, sans papiers, là, donc, grosso modo. Vous, vous recommandez de donner l'accès, comme d'autres, à tous les enfants, je suppose que ça inclut cette catégorie-là aussi, mais j'aimerais plus particulièrement vous questionner sur la surcharge abusive des frais médicaux pour les patients non assurés. Si le projet de loi est adopté tel quel, il y aurait une catégorie qui ne serait pas admissible à la RAMQ, et, pour les soins, les soins seraient facturés de 200 %. Expliquez-nous un peu, là, de quoi il s'agit, là.

M. Lebel (Marc) : Bon, quand on parle de la surfacturation, là, on dit souvent «médicale», mais «médicale», ce n'est pas le médecin, là. La vaste majorité de la facturation va se passer quand le patient se présente aux urgences, aux centres de jour, cliniques externes où il est hospitalisé, où, effectivement, par rapport au per diem habituel, bien, on peut charger deux fois, trois fois. Je vais prendre l'exemple de Sainte-Justine, le per diem hospitalisé est 1 600 $ par jour. Ceux qui n'ont pas de carte RAMQ, c'est trois fois ce prix-là, donc 5 400 $ par jour, hein, ça fait qu'imaginez si vous avez un patient qui reste là longtemps.

Est-ce que les médecins facturent? Là, je vais parler des pédiatres. Je peux vous dire, la vaste majorité des pédiatres, les parents qui n'ont pas... l'enfant qui n'a pas de carte RAMQ, là, moi, je ne leur charge jamais rien, ça fait 30 ans que je ne leur charge rien. La majorité des gens le font. Je sais qu'il y en a qui les facturent, mais ce que je vois plus souvent, c'est, en fait, des patients qui sont vus dans d'autres hôpitaux par des médecins adultes qui nous les réfèrent parce qu'eux autres, bien, ils ne peuvent pas être payés. Donc, ça, c'est problématique, mais, je pense, le plus gros... la plus grosse problématique, c'est les frais associés à l'hôpital. Ça veut être dissuasif, mais, de l'autre bord, bien là, on se retrouve avec des consultations plus tardives.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup.

Je vais maintenant céder la parole au député des Îles-de-la-Madeleine pour 2 min 10 s.

M. Arseneau : Oui, bien, merci... Dr Lebel, d'être présent, et de votre pertinence, et nous accorder ce temps-là. Et moi, j'ai... il me reste deux minutes, et je voudrais continuer sur la question de la facturation abusive, parce que ça saute aux yeux. Vous dites, en fait, qu'on ne va pas facturer les coûts réels, mais on va facturer de façon dissuasive, c'est bien ça?

M. Lebel (Marc) : Bien, c'est-à-dire que le... tu sais, si on dit que le per diem — je prends Sainte-Justine parce que je le connais bien, là — il est 1 600 $, bien, les gens, on va leur facturer deux ou trois fois le per diem. D'habitude, c'est trois fois le per diem, à Sainte-Justine.

M. Arseneau : Eh bien, d'accord, alors... Et puis, de façon générale, vous dites : Bien, on devrait pouvoir soigner tous les enfants, là, sans les catégoriser parce que ça va coûter beaucoup plus cher, surtout que la majorité d'entre eux vont demeurer au Québec. En réalité, je voudrais revenir sur la question des abus de système, parce que toutes les contraintes qu'on semble vouloir mettre en oeuvre, c'est pour bloquer un genre de... le risque d'un abus de système. Ce que vous dites, c'est que, dans votre pratique, là, les abuseurs du système, vous n'en voyez pas, est-ce que j'ai bien compris?

M. Lebel (Marc) : En pédiatrie, ça a l'air d'être beaucoup moins important que ce qu'on voit en milieu adulte, là, où il y a clairement du tourisme médical. Il faut savoir que l'enfant, quand il est ici, là, chez nous, bien, c'est parce qu'il y a quelqu'un d'autre qui a pris la décision, c'est-à-dire c'est les parents. Oui, il y en a, mais c'est rare, là, qui savent que leur enfant a une maladie particulière qui ne sera pas traitable dans son pays, qui va trouver toutes les raisons de venir, mais, à l'inverse, ces patients-là, en général, ils restent au Québec après, puis on finit par trouver des ententes avec la RAMQ. Donc, on trouve pareil, mais il y a une période pendant laquelle, là, les parents sont sujets à une facturation quand même significative.

M. Arseneau : Donc, à vouloir sauver, à économiser quelques sous, on s'en trouve à débourser éventuellement des milliers de dollars, si je comprends bien.

M. Lebel (Marc) : Bien, je pense que oui, mais ça, on... je laisserai au ministère calculer. Nous autres, ce qu'on veut, c'est vraiment le bien-être des enfants.

Le Président (M. Provençal)  : Je vous remercie, Dr Lebel, pour votre contribution et, je dirais même, pour votre générosité.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 h 30. Merci à tous.

(Suspension de la séance à 12 h 57)

(Reprise à 14 h 35)

Le Président (M. Provençal)  : La Commission de la santé et des services sociaux reprend ses travaux.

La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 83, Loi concernant principalement l'admissibilité au régime d'assurance maladie et au régime général d'assurance médicaments de certains enfants dont les parents ont un statut migratoire précaire.

Cet après-midi, nous entendrons par visioconférence les organismes suivants : la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration et le Bureau international des droits des enfants.

Je souhaite donc la bienvenue aux représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter puis à débuter votre exposé. À vous la parole.

Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

M. Tessier (Philippe-André) : M. le Président, M. le ministre, membres de l'Assemblée nationale, je m'appelle Philippe-André Tessier, je suis président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Je suis accompagné de Me Marie Carpentier, conseillère juridique à la Direction de la recherche de la commission.

Je dois tout d'abord rappeler que la commission a pour mandat et pour mission d'assurer le respect et la promotion des principes énoncés dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. La commission est aussi... et assure aussi la protection de l'intérêt de l'enfant ainsi que le respect et la promotion des droits qui lui sont reconnus par la Loi sur la protection de la jeunesse. Conformément à notre mandat, la commission a examiné le projet de loi afin d'en vérifier la conformité à la charte et d'en faire les recommandations appropriées.

L'objectif de ce projet de loi est évidemment de rendre admissibles au régime d'assurance maladie certains enfants dont les parents ont un statut migratoire précaire. Actuellement, sont notamment exclus plusieurs enfants dont les parents ont un permis d'étude ou de travail, de même que tous les enfants dont les parents sont en situation d'immigration irrégulière. D'autres intervenants vous ont déjà expliqué quels sont les effets d'une telle exclusion sur la santé et le développement des enfants concernés. Nous en faisons également état dans notre mémoire.

Malgré la gravité de ces effets, s'il était adopté dans sa version actuelle, le projet de loi maintiendrait l'exclusion de nombreux enfants se trouvant habituellement sur le territoire du Québec. Il ferait notamment reposer l'admissibilité d'enfants citoyens canadiens sur le statut migratoire de leurs parents. En effet, ces derniers devraient démontrer leur intention de demeurer au Québec pour une période de plus de six mois suivant l'inscription de leur enfant auprès de Régie de l'assurance maladie du Québec soit en présentant la preuve de leur autorisation de séjour, soit en faisant une déclaration assermentée attestant de leur intention, et ce, malgré qu'ils ne soient pas autorisés à demeurer sur le territoire.

De l'avis de la commission, l'imposition de telles conditions serait contraire aux droits protégés par la charte. Cela constituerait une atteinte discriminatoire au droit à la vie, à la sûreté et à l'intégrité ainsi qu'au droit à la sauvegarde de la dignité de ses enfants. La discrimination serait fondée sur trois motifs interdits par la charte : l'état civil, l'origine ethnique ou nationale ainsi que la condition sociale, tous prévus à l'article 10 de la charte.

Le projet de loi n° 83 irait en outre à l'encontre de l'approche fondée sur les droits de l'enfant prônée par le Comité des droits de l'enfant de l'ONU et à laquelle la commission adhère. Cette approche vise à considérer les enfants comme des titulaires de droits. À ce propos, j'estime essentiel de réitérer ce que la commission a fait valoir l'an dernier, à l'occasion de consultations tenues par la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, la commission Laurent, elle a insisté pour... sur l'urgence, pour le gouvernement du Québec, d'agir pour renforcer le respect des droits de l'ensemble des enfants et leur garantir la pleine protection de leur sécurité et de leur développement.

• (14 h 40) •

Cela inclut aussi les droits qui sont reconnus par le droit international et par lesquels le Québec s'est déclaré lié. Au nombre de ces droits est celui de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation qui sont explicitement garantis par la Convention relative aux droits de l'enfant, à laquelle, je le rappelle, le Québec a adhéré. La commission estime que le fait de faire reposer les conditions d'admissibilité sur le statut migratoire de l'enfant ou de son parent irait à l'encontre de l'intérêt supérieur de l'enfant et des droits qui lui sont reconnus par le droit international, dont le droit d'avoir accès aux soins de santé sans discrimination.

D'autre part, les dispositions du projet de loi n° 83 contreviendraient, je le disais, aux engagements internationaux du Québec au titre du droit à la santé. Elles iraient à l'encontre des recommandations formulées par le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à la santé à la suite de sa visite en 2019. Le projet de loi dérogerait également aux avis émis par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies ainsi qu'aux exhortations de l'UNICEF, notamment. C'est pourquoi nous recommandons que le projet de loi n° 83 soit modifié pour que tout enfant se trouvant habituellement au Québec puisse bénéficier de la couverture du régime public d'assurance maladie sans égard au statut migratoire de ses parents.

De plus, nous estimons important d'attirer votre attention sur un autre aspect problématique du projet de loi. Comme je vous l'ai mentionné, afin que certains enfants puissent être admissibles à la couverture du régime public d'assurance maladie, certains parents se verraient contraints de déclarer sous serment leur intention de demeurer au Québec pour une période de plus de six mois, alors que leur situation d'immigration est irrégulière. Or, il est reconnu que les personnes qui se trouvent dans une telle situation craignent d'obtenir des services d'organismes publics de peur que leurs informations soient communiquées aux autorités d'immigration. Cette crainte de parents apparaît d'autant plus justifiée, sachant que, selon les dispositions de la Loi sur l'assurance maladie, la RAMQ peut communiquer des informations servant à démontrer une infraction aux lois sur l'immigration.

En d'autres termes, la production d'une déclaration assermentée, telle que requise par le projet de loi, serait susceptible de constituer une barrière pour l'accès aux enfants aux services de santé, et donc d'être préjudiciable à la réalisation de leurs droits et aux objectifs poursuivis par le projet de loi. Si cette condition faite aux parents en condition d'immigration irrégulière devait être maintenue, la commission recommande à tout le moins d'adopter des mesures de protection interdisant le partage de renseignements personnels qui seraient détenus par la RAMQ aux autorités d'immigration, et ce, dans le but de mieux garantir l'accès aux soins de santé auxquels ces enfants ont droit.

La mise en place de telles mesures, qualifiées de pare-feu, par voie législative est d'ailleurs recommandée par plusieurs instances internationales, dont notamment le Haut-Commissariat aux Nations unies aux droits de l'homme et le Comité des droits de l'enfant, et appliquée dans différentes juridictions à travers le monde. Le législateur, d'ailleurs, je le mentionnais, pourrait s'inspirer des démarches d'États européens, auxquelles nous référons dans notre mémoire, et des mesures récemment introduites au Québec dans la Loi sur l'instruction publique qui tendent dans cette direction.

Dans un autre ordre d'idées, la commission profite du fait que des modifications au Règlement sur l'admissibilité et l'inscription des personnes auprès de la RAMQ sont actuellement débattues pour réitérer sa recommandation en ce qui a trait au délai de carence dans l'accession au régime public d'assurance maladie imposé à des personnes qui s'installent ou se réinstallent au Québec. La commission avait déjà mentionné, en 2013, que ce délai constitue une atteinte discriminatoire au droit à la dignité et à l'intégrité de ces personnes et, ce faisant, il devrait être aboli.

Enfin, la commission saisit l'occasion qui lui est offerte pour réitérer aux parlementaires réunis dans cette commission une autre recommandation formulée il y a plusieurs années déjà, mais qui conserve toute son importance, elle demande de modifier la charte pour ajouter le droit de bénéficier des programmes, biens, services, installations et conditions permettant de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d'être atteint. Cet ajout aux droits économiques et sociaux de la charte, pour la commission, assurerait une meilleure protection du droit à la santé de toute personne vivant au Québec, y compris, évidemment, les enfants.

Nous vous remercions de votre attention et nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup pour votre exposé.

Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, je vous cède la parole pour les 16 min 30 s qui suivent.

M. Dubé : Bon, très bien. Merci beaucoup, M. le Président.

Et, M. Tessier, un plaisir de vous rencontrer. Me Carpentier, merci aussi d'être là. Je vois que c'est pas mal de travail, faire un mémoire aussi complet. Alors, je suis certain que vous avez passé des heures agréables à mettre tout ça ensemble. Alors, merci beaucoup, parce que, pour nous, c'est très important. Avec tous les collègues qui sont sur cette commission... Ça faisait longtemps que ce projet-là était dans les cartons, comme on dit chez nous, et être capable d'écouter vos commentaires puis surtout de considérer sérieusement les améliorations que vous nous suggérez au projet de loi, alors, très apprécié.

Vous mentionnez dans votre mémoire, là, puis je pense que c'est à la page 29, là, que, si le projet de loi était adopté tel quel, il maintiendrait l'exclusion d'un grand nombre d'enfants dont les parents ont, je vais le résumer comme ça, un statut migratoire qui est précaire pour l'assurance maladie. Bon, on l'a posé à plusieurs, puis je me permets de vous le demander, parce qu'à chaque fois qu'on... si on voulait laisser tomber certaines conditions. Je pourrai y revenir dans ma deuxième question, mais avez-vous une idée de combien de personnes on peut... on parle, ici, pour que... Quand vous dites... Je le répète, dans votre mémoire, vous parlez d'un nombre important d'enfants. Est-ce que vous êtes capables de le quantifier au meilleur de votre connaissance ou avec des sources d'information?

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, bien... puis c'est une question très pertinente, M. le ministre, évidemment, là, quels sont les enfants qui vont visés par ça. Puis c'est d'ailleurs une des questions que plusieurs groupes... Je comprends que cette commission s'interroge sur le nombre de personnes visées par ça et d'autres acteurs également. Comme vous le savez aussi, et puis ça a été mentionné par d'autres acteurs également, il y a aussi beaucoup de difficultés de faire une telle recension, compte tenu du statut des personnes dont on parle.

Donc, ces mises en garde là étant faites, ce qu'on a comme données, ce sont des données qui sont aussi, je pense, accessibles à votre commission, c'est qu'il y a, selon l'Institut universitaire Sherpa, entre 50 000 et 70 000 personnes qui ne disposent pas d'assurance maladie au Québec en 2020. Il y a environ 700 naissances par année qui ne mènent pas à l'émission d'une carte d'assurance maladie. Ça, ça vient de la RAMQ.

On sait... puis ça aussi, c'est dans notre mémoire, tous ces chiffres-là sont dans notre mémoire, il y a des enfants et... en 2019, donc, on savait qu'il y avait 366 enfants, nés cinq ans plus tôt, au Québec, qui n'avaient toujours pas de carte d'assurance maladie. Alors, sont-ils toujours au Québec ou pas? Encore là, ces données-là, c'est des données parcellaires qui capturent... C'est difficile à capturer, et le nombre d'enfants, donc, de parents sans couverture, il est estimé entre 300 et 1 200.

Donc, encore une fois, là, il n'y a pas des données exactes et précises, là, qui pourraient venir... mais c'est un peu le portrait qu'on a, nous, des données dont on fait état dans notre mémoire.

M. Dubé : O.K., bien, merci. Mais en fait je vous pose la question... Là, je n'ai vraiment pas de biais, là, je vous pose la question de façon... comme on dit, vraiment, une question ouverte, mais, avec une incertitude du côté de ce nombre-là, vous ne craignez pas qu'en permettant une couverture d'assurance maladie généralisée pour ces gens-là... qu'on mette en danger la pérennité du système ou de créer de l'exagération... Alors, je veux vous entendre sur, ce qu'on pourrait dire, les pour et les contre de faire ces décisions-là, que ça soit dans l'ensemble des recommandations que vous faites, là...

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, c'est parce que, pour la commission, disons, si on prend un pas de recul ensemble, là, c'est sûr et certain qu'il y a toujours des considérations budgétaires à ce genre de projet de loi. Il y a des considérations de système, ça a un impact sur le système. On ne fera pas semblant que ça n'existe pas, ces considérations-là, elles sont là.

Cela dit, ce qu'il faut toujours comprendre, puis c'est un peu ce qui a été, aussi, démontré dans notre mémoire puis que d'autres intervenants sont venus expliquer, c'est qu'il faut toujours mesurer c'est quoi, le véritable coût des mesures qu'on met en place. Et ici, si on tente, par exemple, pour une courte période de temps, de ne pas couvrir une situation, et que, là, la personne se dit : Je vais attendre qu'une condition médicale se détériore, bien, le véritable coût pour le système de santé québécois, il est peut-être plus grand, et l'hypothèse, c'est que, justement, il est plus grand parce que les problèmes de santé n'ont pas été traités en amont lorsqu'ils auraient pu. Ils ont été traités... Il y a des petites bombes à retardement qui se promènent.

L'autre élément, aussi, dont il faut tenir compte, pour nous, pour... comme... dans notre approche, encore une fois, basée sur les droits de l'enfant, nos obligations internationales auxquelles le Québec s'est déclaré lié, c'est de dire que ces enfants-là, dont certains, on le rappelle, là, sont des citoyens canadiens... donc, c'est sûr et certain que, pour ces enfants-là, le fait ou le... Ce frein-là qui peut être imposé à leurs parents, leur rend, eux... un impact sur eux, sur leur développement.

Puis toutes les recherches puis tout ce qui a été déposé devant la commission Laurent le démontre, agir rapidement en petite enfance, agir rapidement auprès des jeunes, c'est une des clés du succès. Que ça soit en protection de la jeunesse, que ça soit en santé, que ça soit en éducation, dans tous les aspects, le 0-2 ans, c'est critique. Il ne faut pas attendre, il ne faut pas prendre le temps... même chose pour ce qui est des femmes enceintes et tout.

Donc, tout ce développement-là, là, pour l'enfant, il est critique, et d'attendre entraîne des coûts sociaux sur la vie de l'enfant, sur la vie de la famille. Puis pour nous, c'est ça qui est problématique, quand on a cette... Bien, c'est cette problématique-là à laquelle on pense qu'il faut s'attaquer plus globalement dans ce contexte-ci. Puis ma collègue peut peut-être ajouter...

Mme Carpentier (Marie) : Oui, merci. C'est aussi... On reconnaît que le Québec a le droit d'établir des critères d'admission à l'assurance maladie, ça a été reconnu par les tribunaux, mais c'est important que ces critères-là ne soient pas discriminatoires. Donc, notre analyse du projet de loi nous amène à constater que les critères qui sont proposés, puisqu'ils font répondre... dépendre l'admissibilité des enfants sur le statut migratoire des parents, ils sont discriminatoires au sens de la charte, puis ça, c'est inacceptable. Donc, il faut trouver des critères qui ne seraient pas discriminatoires.

M. Dubé : Mais est-ce que vous seriez... O.K., laissez-moi vous reposer une question. Vous suggéreriez quoi, comme alternative de... ceux qui sont là en ce moment, qui serait moins discriminatoire ou qui ne le serait pas?

• (14 h 50) •

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, en partant, la recommandation 1 de notre mémoire, vous l'avez... je pense que tous les membres de la commission l'ont bien vue, puis c'est ce qu'on a répété dans l'introduction, c'est la recommandation, aussi, qui s'inspire du comité interministériel sur la question, qui est reprise par de nombreux intervenants devant la commission, c'est de dire : Allons-y pour une plus grande inclusion puis une plus grande couverture de ces enfants-là. C'est, on pense, la meilleure solution.

Maintenant, ce qu'on dit à la recommandation 2 — si vous avez bien vu, les deux sont interliées — donc, ce qu'on dit, c'est que, si on y va sur une déclaration assermentée, il faut faire attention que ces éléments-là ne soient pas un frein, donc on donne accès, mais que, par la mesure ou la condition pour avoir cet accès-là... fasse en sorte que, dans les faits, c'est un accès virtuel, là, qui est sur le papier, puis il n'y a pas personne qui s'en prévaut parce qu'il n'y a pas personne qui va aller faire la déclaration assermentée, de crainte que ça, ça soit transmis aux autorités. Donc, il faut lire les recommandations 1 et 2 en conjonction.

M. Dubé : Non, je voulais vous entendre, parce que ça ne sera pas des choix faciles, mais je comprends votre point, je comprends votre point. Alors, je vais laisser la chance à mes collègues, là, de continuer à poser des... à vous poser des questions.

M. Tessier (Philippe-André) : Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Oui, merci, M. le ministre. Alors, je vais céder la parole à la députée de Repentigny.

Mme Lavallée : ...

M. Dubé : Ton micro, Lise.

Mme Lavallée : Excusez. Je reviens sur ce que vous venez de dire. On veut encadrer quand même un peu l'accès, la couverture des enfants. On est près des États-Unis. On sait qu'aux États-Unis le système de santé, c'est un système qui est onéreux pour quelqu'un qui n'a pas d'assurances, et il faut faire aussi attention au fait qu'on pourrait être tenté d'amener les enfants de ce côté-ci pour faire soigner les enfants, sachant que, de toute façon, il n'y aurait pas de coût, là, tu sais, et puis c'est quand même l'ensemble des Québécois qui paient pour ce système-là.

Comment on fait pour s'assurer que c'est vraiment des gens qui sont dans un régime migratoire quelconque où on couvre les enfants, puis éviter qu'il y ait une forme de tourisme qui s'en vienne utiliser les services, alors que, déjà, les Québécois qui sont absents du Québec pendant plus de six mois, on ne les couvre plus, là? Tu sais, je pense qu'il y a une... Je comprends qu'il y a une question de la Charte des droits et libertés, mais aussi une question d'équité envers ceux qui paient aussi le système. Comment on fait pour... Puis, oui, il faut protéger les enfants qui ont besoin d'être soignés, mais comment on fait pour s'assurer d'éviter des abus de gens qui pourraient dire : Bien, voici, on a une porte ouverte puis on s'en vient faire... on traverse, puis on s'en va faire soigner nos enfants au Québec, puis ensuite on retourne chez nous?

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, bien, je sais que ma collègue veut répondre à ça. Peut-être juste comme... d'entrée de jeu, là, pour un peu circonscrire... On comprend ce désir-là de faire en sorte qu'il n'y ait pas d'accès aux soins, mais encore faut-il savoir si, véritablement, il s'agit là d'un phénomène qui est présent, du tourisme médical, si on veut.

Puis il faut faire aussi attention, le projet de loi dont on parle ici vise la couverture d'enfants dont le statut de parents dépend et correspond à des catégories particulières. Donc, c'est sûr et certain que quelqu'un qui vient ici pour la fin de semaine, ce n'est pas le même cadre non plus. Il faut faire attention ici, disons, de... Il faut comprendre le projet de loi aussi pour ce qu'il vient faire puis ce qu'il vient corriger comme problématique avec les statuts qui y sont associés. Lorsqu'on parle de situation d'immigration irrégulière, lorsqu'on parle de quelqu'un qui franchit, par exemple, le chemin Roxham avec sa valise qui est l'ensemble de ses biens, de sa vie, il a sa vie dans sa petite valise puis il s'en vient ici, ce n'est pas quelqu'un qui vient faire du tourisme de fin de semaine, médical. Il a fui, il a quitté une situation qui le force à être en situation irrégulière ici. Ce n'est pas un peu, là...

Donc, moi... C'est pour ça aussi qu'il faut faire attention à ce qu'on vise avec le projet de loi, dans les circonstances. Puis peut-être ma collègue veut ajouter des points.

Mme Carpentier (Marie) : Oui, merci. C'est une excellente question. C'est une question, effectivement, très complexe, mais il faut prendre en compte plusieurs facteurs, notamment le fait que les enfants n'ont pas nécessairement le même statut d'immigration que leurs parents. Disons que c'est un des problèmes, à l'heure actuelle, c'est qu'on a des enfants citoyens qui, eux, devraient avoir droit puis sont établis ici pour plus de six mois qui n'y ont pas accès. Alors, si on s'en remet, encore une fois, au statut de leurs parents, on risque encore de les exclure, alors qu'ils devraient avoir accès. Et donc ça, cette question-là...

L'autre question, c'est... les enfants ne sont pas responsables de l'irrégularité du statut de leurs parents. Donc, même quand les parents prennent des décisions d'immigration qui ne sont pas légitimes à nos yeux mais qui pourraient l'être à ceux de d'autres, ça ne nous apparaît pas légitime de pénaliser les enfants pour ce genre de décision là. Disons qu'il faut se rappeler qu'il faut considérer le droit de l'enfant.

Puis, sur le critère... Comme la protectrice l'avait mentionné dans son rapport qui date d'il y a quelques années, la loi, telle qu'elle était conçue avant les modifications proposées, proposait, à l'alinéa deux de l'article 5, le concept de «est établi». Donc, l'établissement, qui permettait de faire, de ce que j'en comprends... qui aurait pu permettre de faire une preuve autre, du fait que la personne demeure au Québec de façon régulière pour une longue période... autrement que par le statut d'immigration des parents, par exemple, par une preuve de fréquentation scolaire... Il faut toujours faire attention, ceci dit, pour ne pas mettre une preuve qui soit trop exigeante et qui empêcherait des enfants de démontrer qu'ils sont ici de façon régulière.

Mme Lavallée : Mais ça serait quoi, pour vous, la preuve? Parce que, là, on ne veut pas de déclaration assermentée, on veut... et là, à un moment donné, on a des gens qui doivent gérer la RAMQ puis établir qui on couvre, qui on ne couvre pas. Si on ne peut pas demander de preuve, si on ne peut pas demander de déclaration assermentée, on fait quoi?

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, c'est pour ça... puis c'est une très bonne... mais pour ça... ça répond un peu... Tantôt, là, rappelez-vous, là, je vous parlais de la recommandation 2, puis c'est important de bien comprendre que, pour la déclaration assermentée, ce qu'on dit, c'est que, si vous en faites une exigence... je dis bien «si», là, c'est la voie qui est retenue, parce que, pour viser la fin dont vous parlez, Mme la députée, c'est... si vous visez ça, bien, la déclaration assermentée, il faut la mettre à l'abri du regard des autorités de l'immigration. Il faut faire en sorte que les personnes soient... sachent que, si elles font ça pour obtenir une couverture de santé pour leurs enfants, je le répète, pas pour... donc, pour leurs enfants qui, des fois, encore une fois, sont citoyens canadiens, c'est sûr et certain que ça ne doit pas avoir de conséquences sur le plan de l'immigration pour ces personnes-là. Donc, cette mesure pare-feu là pourrait justifier la déclaration assermentée et venir la protéger. Le risque, sans ce genre de mesure là, c'est que la déclaration assermentée devienne un frein trop important à la couverture des enfants.

Mme Lavallée : O.K. Donc, vous seriez d'accord à ce qu'on maintienne la déclaration assermentée, mais en ayant l'assurance que ces informations-là ne s'en aillent pas au ministère de l'Immigration, quelque chose comme ça, à l'immigration, qu'il y ait un minimum de garanties, mais vous seriez ouvert à ça, à ce moment-là, pour qu'on puisse faire quand même faire des vérifications minimales, là.

M. Tessier (Philippe-André) : Si vous regardez bien la structure de notre mémoire, la recommandation 1, c'est celle de l'étendre à tout le monde, sans les conditions que vous mentionnez. Ce qu'on dit, c'est que, si le gouvernement, si l'Assemblée nationale décide néanmoins de ne pas suivre la recommandation 1, à tout le moins, de suivre la recommandation 2. Il faut y aller comme, disons, en étapes, là, pour suivre notre logique de ce côté-là.

Mme Lavallée : Merci. Moi, je n'ai plus d'autre question.

Le Président (M. Provençal)  : Ça va? Il reste un petit moins d'une minute s'il y a quelqu'un qui veut formuler une dernière question à nos deux invités. Oui, Mme la députée de Soulanges.

Mme Picard : Bonjour. Merci beaucoup pour votre présence parmi nous aujourd'hui.

J'aimerais vous entendre sur les définitions du mot, supposons, «habitant», «vivant». Avez-vous une recommandation quelconque? Parce qu'on dit qu'il faut habiter ou vivre au Québec pendant trois mois dans notre projet de loi. Est-ce que, pour vous... Quelle preuve, quelle... Comment on pourrait mieux définir le mot... le mieux... le plus approprié, selon vous?

Le Président (M. Provençal)  : Très rapidement, s'il vous plaît.

M. Tessier (Philippe-André) : Je pense que ma collègue y a fait référence tout à l'heure, peut-être la laisser... Marie?

• (15 heures) •

Mme Carpentier (Marie) : Bien, le terme «établissement» pouvait paraître intéressant parce qu'il laissait une ouverture pour permettre différentes façons de faire la preuve, là... donc, des différentes façons alternatives, par exemple, une déclaration qui ne serait pas nécessairement celle des parents, par exemple, ou la preuve d'un bail, par exemple, ou la preuve de fréquentation scolaire, par exemple, qui pourrait démontrer que l'enfant est là pour une période régulière. Mais je pense que ce qui est vital, c'est de ne pas fermer... de ne pas imposer un critère précis qui empêcherait des enfants qui sont effectivement de façon régulière au Québec de faire cette démonstration-là. Donc, donner une variété de possibilités aux enfants, je pense que c'était ça, les objectifs de la modification de 2001, là, d'ouvrir comme ça.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup.

Sur ce, je vais maintenant céder la parole à la députée de Maurice-Richard. Vous avez 11 minutes, Mme la députée.

Mme Montpetit : Merci, M. le Président.

Me Tessier, Me Carpentier, merci beaucoup d'être là. 11 minutes, ça ne me donnera pas le temps, malheureusement, de vous poser toutes les questions que j'aurais à vous poser, mais je vais quand même prendre quelques secondes pour vous remercier, parce que le mémoire extrêmement étoffé que vous nous procurez comme parlementaires va assurément nous aider dans notre travail législatif, puis je vous remercie. Je sais que c'est beaucoup de temps pour préparer de tels mémoires, pour, des fois, avoir été de l'autre côté... bien, j'allais dire de l'écran, mais de la table, normalement, mais je vous remercie d'avoir pris le temps. C'est ce qui nous aide à bonifier, certainement, des projets de loi.

Ceci dit, je dois dire que je trouve ça quand même assez préoccupant, ce que vous soulignez. Vous rejoignez des commentaires de l'ensemble des groupes qui sont venus jusqu'à maintenant, puis c'est très préoccupant de voir que votre commentaire général, dans le fond, c'est que... Puis je pense que l'objectif, il est très clair, du ministre, en déposant ce projet de loi là, c'est d'élargir puis d'élargir la couverture à plus d'enfants. Mais là, je comprends, vous soulignez à quel point, justement, le projet de loi viendrait maintenir l'exclusion d'un nombre important d'enfants, et ça, je pense que c'est vraiment quelque chose auquel il va falloir s'attarder, et s'attarder de façon très étroite parce qu'il ne faut pas se retrouver, dans le fond, avec une pièce législative qui est adoptée qui ne nous permette pas de faire un pas en avant, même s'il en donne l'impression.

Je veux juste aussi... avant de vous poser une question, il y a un élément que je trouvais intéressant aussi, vous avez mentionné... Parce que, dans l'échange avec le groupe... bien, avec les groupes, mais avec le médecin qui était là avant vous, je lui posais une question sur l'accès à la vaccination pour les tout-petits, si la peur ou le fait de ne pas avoir accès pour les parents pouvait être un frein à la vaccination. Puis ce que je trouve très intéressant dans votre mémoire que vous avez souligné, c'est le fait que vous rapportez même qu'il y a des cliniques... même si c'est très clair à ce niveau-là, au niveau du gouvernement du Québec, que la vaccination des enfants, elle est gratuite et doit être accessible, qu'il y a encore de la confusion sur les enfants qui sont dans un statut... avec des parents qui ont un statut précaire, qu'il y a des cliniques qui refusent de vacciner des enfants qui ne sont pas couverts par le régime public, qui vont même facturer des frais supplémentaires. Donc, ce que vous venez porter à notre attention, c'est qu'en plus de ne pas avoir accès à certains services, dans le fond, par la RAMQ, non seulement ça a des conséquences collatérales, je vais le dire comme ça, de ne pas avoir accès à des services qui devraient être gratuits par la RAMQ... Et ça, c'est un... c'est... vous apportez une couche de plus sur les préoccupations qu'on devait avoir.

J'avais... Juste, peut-être, pour compléter sur les échanges que vous aviez avec le groupe parlementaire précédent, sur la question de la déclaration assermentée, moi, j'entends bien que ce que vous dites sur votre recommandation, ça ne devrait pas être une exigence. Et ce que je comprends que vous portez à notre attention, c'est que les balises des catégories permettent, dans le fond, d'encadrer les inquiétudes. Je comprends qu'il y a certains parlementaires qui ont des inquiétudes par rapport au tourisme médical. Ce que vous portez à notre attention, c'est que, le fait d'avoir des parents qui sont soit sous un permis d'études, soit sous un permis de visiteur, un permis de travail ouvert ou dans une situation irrégulière, ces balises-là viennent déjà placer un cadre, dans le fond, qui... viennent freiner cette dynamique-là de tourisme médical, qui viennent déjà mettre des pare-feux, des balises en ce sens-là.

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, bien, merci pour votre commentaire, là. Puis, pour ce qui est de la vaccination, c'est... effectivement, vous avez raison, puis je dois y revenir, vous en avez fait état, là, puis... dans votre préambule, pour nous, c'est aussi un élément, là, c'est aussi une des données qu'on a fournies aux parlementaires, les travaux sont en ce sens-là. On voit bien aussi, avec la campagne de... vaccination actuelle, pardon, il y a aussi un défi d'aller rejoindre certains citoyens, certains résidents, certains Québécois et certaines Québécoises, donc. Et puis, dans un objectif de santé publique, quand on parle de la varicelle ou même les vaccins de base, là, c'est un peu ça aussi, dans un objectif de santé publique, il faut s'assurer que toute la population est vaccinée. Puis, lorsqu'il y a des barrières ou des freins, lorsque les parents pensent qu'ils ne sont pas admissibles... parce qu'eux ne sont pas admissibles, leurs enfants ne sont pas admissibles ou parce qu'ils pensent que, s'ils y vont, bien, ça va... ils vont être obligés de remplir un formulaire qui va faire en sorte qu'ils vont être dénoncés, ce sont tous ces freins-là qu'on vient illustrer un peu dans la réalité, le concret du vécu. Alors, pour nous, ça, c'est un élément important, puis je vous remercie de le souligner.

Pour ce qui est de la question peut-être plus... votre question plus spécifique, effectivement, la recommandation 1, vous l'aurez compris... Le cadre légal dans lequel la démarche s'inscrit, c'est quand même un cadre qui est bien balisé, hein, on parle de parents avec des permis d'études, des parents avec des permis de visiteur, avec des permis de travail ouvert, donc il y a toutes ces catégories-là qui sont visées. Puis c'est une des observations qu'on a faites aussi dans notre mémoire, c'est qu'évidemment on utilise le vocabulaire «statut migratoire précaire», mais ce n'est pas une catégorie juridique, ça, ça inclut beaucoup de choses, puis on comprend pourquoi c'est utilisé, là, mais c'est sûr et certain que ça inclut des gens en situation régulière et irrégulière, ça inclut des enfants citoyens, non citoyens. Donc, c'est comme une espèce de terme qui inclut beaucoup de catégories, et ces catégories sont bien définies, bien balisées, donc c'est sûr et certain... Je ne sais pas si ma collègue veut ajouter quelque chose là-dessus.

Mme Carpentier (Marie) : Bien, peut-être sur la question des pare-feux, là, la question des pare-feux, la proposition, en fait, c'est de créer des barrières étanches entre l'administration des services de santé, et on... Ça pourrait être considéré aussi dans d'autres secteurs des services sociaux aussi — là, il y a des recommandations à cet effet-là ailleurs dans le monde — pour s'assurer, en fait, que la façon... la prestation des services de santé ne soit pas liée avec le statut des personnes, pour s'assurer, en fait, que les personnes soient capables de bénéficier des systèmes de santé. Donc, le pare-feu, c'est un peu le concept qui est utilisé, notamment dans les discussions internationales sur ces questions-là, là, pour s'assurer... pour éviter que les gens évitent d'aller recourir aux services sociaux en raison de la possibilité que leurs informations soient divulguées.

Mme Montpetit : Merci. Non, je me suis mal exprimée quand j'ai utilisé... je m'excuse, j'ai utilisé le mot «pare-feu» de votre deuxième recommandation, mais ce que je voulais dire, c'est que les catégories en question, dans le fond, ce que je comprends, c'est qu'elles créent déjà un filtre, comme il y a des balises, justement, par catégorie de personnes qui pourraient faire ce genre de demandes là, donc ce qui ne rend pas nécessairement nécessaire la déclaration assermentée. C'est ce que je voulais dire. C'était «balise», le mot que je voulais utiliser. Je ne veux pas ajouter à la confusion.

Dans votre première recommandation, c'est ça, vous parlez de «tout enfant habituellement présent sur le territoire». C'est sûr que, là, moi, je ne suis pas juriste, donc je ne sais pas s'il y a une définition claire de ce qui est «habituellement», mais peut-être que vous pourriez nous éclairer sur ce que vous entendez par le concept d'«habituellement» et «sur le territoire».

M. Tessier (Philippe-André) : Peut-être que ma collègue peut répondre, oui.

Mme Carpentier (Marie) : Oui. Bien, écoutez, c'est le privilège du législateur de le définir, là, mais je pense que la RAMQ avait suggéré que c'est effectivement une période de 183 jours, de six mois.

Juste vraiment pour préciser, notre analyse est sur le fait que ce qui nous intéresse, c'est que l'enfant soit sur le territoire pour 183 jours, indépendamment de ce qui arrive avec ses parents. Donc, il faut essayer de trouver les moyens de permettre à l'enfant de prouver que lui est présent sur le territoire pendant 183 jours, indépendamment du statut de ses parents, finalement.

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, c'est ça, parce que, là, une des choses qu'on veut dire, puis je vais ajouter, c'est peut-être, tu sais, les exemples de... les enfants vivent des situations qui ne sont pas nécessairement les mêmes que leurs parents. Les parents peuvent avoir vécu une situation x, il peut y avoir des gardes partagées, il peut y avoir toutes sortes de réalités propres à l'enfant qui font en sorte que le statut de l'enfant n'est pas le même que celui du parent. Puis c'est aussi ça qui est délicat dans cet exercice-là, c'est de bien comprendre que ce qu'on vise, c'est l'admissibilité des enfants et non pas aux parents.

• (15 h 10) •

Mme Montpetit : Absolument. Mais c'est là que ça nous ramène, je pense, à toute la complexité de l'interprétation de tout ça, comment on fait pour démontrer l'intention d'un enfant sans la rattacher au statut migratoire ou à l'intention du parent, on risque de retomber un petit peu dans les mêmes... malheureusement, les mêmes interprétations.

J'imagine que, le temps file, il ne doit pas me rester beaucoup de temps. Mais je voulais peut-être vous entendre sur la question de l'accès, aussi, pour les femmes enceintes. Plusieurs groupes ont porté à notre attention aussi l'impact que ça peut avoir sur l'enfant à naître, dans le fond. Je ne sais pas si vous aviez des éléments que vous vouliez porter à notre attention sur cet aspect-là.

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, écoutez, on n'a pas fait de recommandation spécifique sur la question parce qu'évidemment le projet de loi visait, là, les enfants. Évidemment, bon, qui dit femme enceinte, on s'entend qu'on est dans un continuum.

Mais on attire votre attention là-dessus, c'est vraiment les pages 17 et suivantes de notre mémoire, sur la vulnérabilité particulière aussi, là, des femmes qui sont enceintes, donc qui ont un statut migratoire précaire, donc qui ont... dont la couverture d'assurance. Et on fait état aussi, là, du fardeau financier puis des problématiques qui peuvent être associées, et que cela aussi... encore une fois, on ne prend pas une situation en amont, on récolte un peu, on est obligés de corriger un problème qu'on aurait peut-être pu éviter s'il avait eu des suivis, s'il y avait eu une approche peut-être plus préventive par rapport à cette question-là. C'est un peu ce que vous retrouvez aux pages 17 et suivantes dans notre mémoire, mais on n'a pas fait de recommandation spécifique sur la question.

Mme Montpetit : Combien il me reste de temps, M. le Président? Ça doit être...

Le Président (M. Provençal)  : Il reste 20 secondes.

Mme Montpetit : Bien, je vais vous remercier, durant ce 20 secondes. Mais merci beaucoup puis merci encore pour votre mémoire, c'est fort intéressant. Merci à vous deux.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, Mme la députée.

Je vais maintenant céder la parole au député de Laurier-Dorion. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Fontecilla : Oui, merci, M. le Président. Bonjour, Me Carpentier, Me Tessier. Merci beaucoup d'être ici, de nous éclairer. Votre mémoire est fort exhaustif.

Écoutez, on comprend de votre mémoire, là, concernant la question de la déclaration assermentée, les pare-feux, etc., c'est que, pour vous, là, ce n'est pas la solution à privilégier, c'est... en quelque sorte, si on va de ce côté-là, vous l'avez dit, il faudrait instaurer un certain nombre de mesures, là, mais que vous privilégiez vraiment un accès pour tous les enfants. Est-ce que... J'aimerais que vous nous expliquiez, là, selon vous, quels sont les bienfaits d'une inclusion de tous les enfants, un peu, sans égard à son statut, là, par rapport à des exclusions selon des catégories, là. Quel est l'avantage d'avoir... au-delà de la question des droits, évidemment, là?

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, écoutez, puis je pense qu'on y a fait référence plus tôt, effectivement, la base de notre recommandation, c'est la recommandation 1 de notre mémoire et c'est d'assurer l'accès à tous les enfants, parce qu'il s'agit, encore une fois, d'une approche qui se veut préventive des problématiques de santé qui peuvent être vécues plutôt que de venir régler des problèmes plus tard. C'est aussi une façon de s'assurer que certaines mesures de santé publique, comme par exemple la vaccination, mais autres éléments, soient mises de l'avant.

C'est d'avoir une approche qui est inspirée aussi des meilleures pratiques en... pour ce qui est de la santé et de l'éducation, de tous les modèles qui sont mis de l'avant pour s'assurer que les enfants aient un plein développement puis puissent aspirer à tout ce qui... tous les rêves qu'ils peuvent avoir. Donc, sans jouer dans... sans vouloir exagérer, c'est sûr et certain que cette approche préventive là en amont, elle aura des conséquences réelles pour des gens. Elle évite des problématiques de santé plus graves dans le temps. Et c'est sûr et certain que c'est pour ça que nous, on privilégie l'abolition du délai de carence et on privilégie une approche ouverte et inclusive par rapport à l'accès aux soins de santé pour les enfants. Ma collègue peut ajouter un mot?

Une voix : Oui, allez-y.

Mme Carpentier (Marie) : Si je peux me permettre une réponse un peu simpliste, c'est aussi d'éviter de jeter le bébé avec l'eau du bain. C'est que plus on met des mesures d'exclusion en place, plus on risque d'exclure des enfants qui devraient légitimement avoir accès à la couverture. Donc, l'intérêt d'élargir à toutes les personnes qui se trouvent régulièrement sur le territoire, c'est qu'on n'échappe pas des personnes qui devraient légitimement avoir accès... tous les enfants, je veux dire, qui se trouvent habituellement sur le territoire, permet de ne pas échapper des enfants qui, légitimement, devraient avoir accès et qui n'arrivent pas à prouver ce qui est demandé par le gouvernement mais qui devraient y avoir accès quand même.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. le député.

Je vais maintenant céder la parole au député des Îles-de-la-Madeleine pour 2 min 45 s.

M. Arseneau : Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, je vais vous remercier pour tout le travail que vous avez investi dans ce mémoire qui est très exhaustif, très intéressant, également, et qui se conclut par des recommandations extrêmement précises et claires. Je...

Bien, ma question va aller dans le même sens des autres interlocuteurs, là. Si je vous comprends bien, ce qu'on essaie de faire avec ce projet de loi là, c'est d'élargir l'accès à l'assurance maladie à plusieurs enfants qui ne l'ont pas aujourd'hui, et, si on ne change pas le texte, bien, essentiellement, on manque notre coup, on n'arrive pas à atteindre nos objectifs, c'est bien ça?

M. Tessier (Philippe-André) : Effectivement. Merci pour vos bons mots sur le mémoire. Effectivement, l'objectif de la commission, comme vous le savez, est d'éclairer le travail des parlementaires, dans la mesure du possible, avec le plus d'informations possible, et c'est pour ça que, même s'il a 76 pages, je pense qu'il mérite d'être considéré, puis merci beaucoup pour vos bons mots. Je le partage avec l'ensemble de l'équipe qui l'a préparé et les membres de la commission.

Mais, pour répondre à votre question, simplement, oui, effectivement, le sens de notre recommandation 1, c'est de dire qu'il faut construire — puis ma collègue y a fait référence — ce projet de loi là dans l'idée que ce qu'on vise à faire, c'est assurer la couverture des enfants et que, s'il y a des cas exceptionnels qui ne méritent pas couverture, bien, c'est... si on prend le projet de loi comme visant à restreindre ces cas exceptionnels là plutôt que de donner accès à la couverture de, c'est sûr et certain que cette lecture-là, en partant, complique la vie de gens qui, comme ma collègue y faisait référence, y ont droit, mais pour toutes sortes de raisons, en raison de leur statut migratoire précaire, en raison de leur condition, en raison de leur incompréhension des règles et tout...

Je fais un petit aparté, là. Ça fait deux jours que vous travaillez sur le projet de loi, on a des gens qui ont travaillé très fort sur les définitions, et je peux vous dire que ce n'est pas simple, ce n'est pas simple, ces catégories-là d'immigration, ce n'est pas simple à comprendre, les différentes nuances. Imaginez... placez-vous dans la peau d'une personne qui vient d'arriver ici ou qui est ici de façon temporaire, ce n'est pas évident à comprendre qui est admissible ou pas. Et déjà, juste en partant, Mme la députée, là, je pense, de Maurice-Richard y faisait référence, déjà, juste l'existence de ces catégories-là, déjà, en partant, c'est un bon filtre, mais juste de comprendre qui est qui, dans quelle boîte, je peux vous dire que ça a pris des juristes, puis il a fallu se casser la tête un petit peu ici, à la commission, aussi.

M. Arseneau : Est-ce que vous pensez qu'on pourrait...

M. Tessier (Philippe-André) : ...

M. Arseneau : J'ai peu de temps. Est-ce que vous pensez qu'avec un projet de loi, s'il est adopté tel qu'il a été présenté, finalement, on s'engage dans une autre dynamique où on va être accusés de ne pas respecter les droits fondamentaux des enfants, Protectrice du citoyen, Commission des droits de la personne, et ainsi de suite?

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, écoutez, le sens de notre recommandation, c'est, effectivement, dans sa forme actuelle, le mémoire ne va pas... le mémoire... le projet de loi, pardon, ne va pas assez loin. Ça, on vous le dit à la recommandation 1.

Maintenant, est-ce qu'on dit que c'est un pas dans la bonne direction? C'est sûr, on ne peut pas nier l'évidence, il y a quand même une couverture plus grande qui se fait. La volonté ministérielle a été annoncée, et je pense que M. le ministre l'a dit, donc on va... on le reconnaît aussi d'entrée de jeu dans le document. Donc, oui, il y a une plus grande couverture, mais, puis c'est le «mais» qui est important.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup, Me Carpentier et Me Tessier, pour votre contribution aux travaux de notre commission.

Je suspends les travaux afin que nous puissions accueillir le prochain groupe par visioconférence.

(Suspension de la séance à 15 h 18)

(Reprise à 15 h 20)

Le Président (M. Provençal)  : Bonjour et bienvenue à la Commission de la santé et des services sociaux. Avant de commencer... Excusez-moi.

Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter puis à débuter votre exposé. À vous la parole.

Association québécoise des avocats et avocates
en droit de l'immigration (AQAADI)

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Bonjour. Merci beaucoup. Me Guillaume Cliche-Rivard, je suis président de l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration, en compagnie de Me Richard Goldman, qui est membre de l'association également.

L'AQAADI, fondée en 1991, réunit 400 avocats et avocates qui pratiquent en droit de l'immigration et de la protection des réfugiés, et donc qui est sur le terrain à tous les jours avec les demandeurs, avec les immigrants, avec les potentiels ou futurs immigrants et aussi avec leurs enfants, évidemment. Donc, l'AQAADI, aujourd'hui, va vous faire ses représentations, et il y a un mémoire écrit à l'appui, et on va suivre l'ordre du mémoire.

L'AQAADI remercie également le ministre et tous les membres de la commission pour l'étude du projet de loi, mais spécifiquement et personnellement le ministre Dubé pour avoir présenté le projet de loi pour qu'on puisse enfin accorder un statut... pas un statut, pardon, mais bien l'admissibilité à la RAMQ pour des enfants qui n'en avaient jusque-là pas droit.

La présentation va se détailler en trois points : d'abord, une proposition quant aux enfants nés au Québec de parents sans statut d'immigration, ensuite aux autres enfants qui ne sont pas nés au Québec, puis nous allons présenter une proposition de programme d'amnistie pour les factures non résolues pour certains parents qui ont de graves charges financières, à l'heure actuelle.

Alors, nous reconnaissons que le projet de loi n° 83 constitue un grand pas en avant pour les enfants canadiens nés au Québec sans statut régulier d'immigration. Nous acceptons le critère d'intention de résider au Québec pour 183 jours dans l'année suivant l'inscription présenté à l'article 8 du projet de loi, et nous sommes d'avis que ça constitue un critère raisonnable d'admissibilité, et nous croyons que la possibilité de fournir une déclaration assermentée pour faire la preuve de cette intention, comme le prévoit l'article 11, constituera une solution simple et pratique qui permettra l'admissibilité de plusieurs enfants à notre régime d'assurance maladie.

Cela étant dit, plusieurs organismes, devant la commission, ont parlé de problématiques de mise en oeuvre et ont parlé de la nécessité ou du besoin de simplifier l'admissibilité à la RAMQ. Alors, pour nous, cette proposition-là devrait s'accompagner d'une présomption, d'une présomption temporaire et globale de couverture pour les enfants nés au Québec, de manière à ce qu'on soit certains que les enfants soient traités ou soient guéris tout de suite et qu'on demande, pendant un délai, peut-être, sensiblement, de 30 jours, là, ou un délai raccourci, aux parents de fournir la preuve de l'intention par déclaration, mais qu'on n'empêche pas un enfant, pour quelconque raison administrative, d'avoir besoin ou d'avoir accès aux services. Alors, on irait avec une présomption globale d'application pour l'enfant né au Québec, et, dans les 30 jours, le parent ferait la démonstration de cette intention-là par l'affidavit. C'est ce qu'on suggérerait comme mesure intermédiaire.

Il y a aussi beaucoup de mentions dans le projet de loi de l'autorisation de séjour délivrée par les autorités canadiennes. L'AQAADI pratique évidemment beaucoup en droit fédéral, et je pense qu'une révision ou un arrimage exact entre les termes de la loi fédérale et les termes de ce que le règlement prévoit en matière... ici, dans le projet de loi, devrait être fait pour qu'on soit certains exactement de qu'est-ce qui est nécessaire et qu'est-ce qui pourrait permettre la qualification. À mon humble avis, pour l'instant, ce n'est pas clair quel document serait... permettrait de qualifier ou de rendre admissible, alors il faudrait vraiment utiliser les mêmes termes pour savoir exactement qu'est-ce qu'on veut. Et on parle de l'original de l'autorisation, pour nous, on a une petite problématique avec l'utilisation et l'exigence de l'original, surtout dans un contexte de pandémie, où c'est très difficile, avec le télétravail ou avec d'autres contextes qu'on connaît, de fournir des originaux. Alors, pour nous, des copies certifiées ou des documents envoyés par courriel ou fax pourraient permettre de qualifier pour ce critère-là.

Le grand problème que nous avons, et nous avons mis une mise en contexte et un cas type qui est arrivé la semaine dernière, on a beaucoup de modifications et on a des modifications législatives proposées, mais la mise en oeuvre demeure notre grand problème. Il doit y avoir vraiment un suivi et un contrôle pour s'assurer que toutes les modifications qui sont proposées, tant la loi qui était avant le p.l. n° 89... n° 83, pardon, que la loi actuelle, qu'il y ait vraiment un suivi très serré qui soit fait pour s'assurer que toutes les modifications soient vraiment rencontrées sur le terrain, parce qu'au jour le jour nous, on frappe beaucoup de refus, on fait face à des refus injustifiés, malheureusement, d'agents de première ligne, alors que le règlement n'est pas appliqué exactement tel que défini. Alors, aujourd'hui, si on élargit la portée de l'admissibilité, il faudra surtout s'assurer que ces décisions-là soient exactement appliquées sur le terrain. Je cède la parole à mon confrère.

M. Goldman (Richard Neil) : ...

Le Président (M. Provençal)  : Votre micro, s'il vous plaît.

M. Goldman (Richard Neil) : Désolé, un classique. Dans un deuxième temps, l'AQAADI veut souligner l'importance pour tous les enfants se trouvant habituellement au Québec de pouvoir bénéficier de soins gratuits, et ce, sans égard à leur statut d'immigration. Nous soumettons qu'une société progressiste comme la nôtre ne peut pas tolérer que des soins soient niés à un enfant malade puisque ce dernier est né ailleurs. Nous soumettons que l'intérêt supérieur de l'enfant doit se retrouver au coeur de nos priorités, et donc nous soumettons ainsi avec respect que le projet de loi n° 83 doit être amendé pour refléter ce besoin.

La Convention relative aux droits de l'enfant, à laquelle le Québec s'est déclaré lié, protège effectivement les droits des enfants sans égard à leur statut d'immigration. Je ne vais pas vous lire les différentes propositions qui parlent de l'intérêt supérieur et du droit à la santé, plusieurs groupes vous les ont cités, mais c'est suivant cet engagement que l'AQAADI sollicite que les enfants qui vivent habituellement au Québec soient élargis, O.K.? Vous... On est très reconnaissants que c'est déjà élargi aux enfants nés au Québec, mais on vous demande d'élargir aux enfants qui vivent habituellement au Québec, qu'ils soient même... qu'ils ne soient pas nés au Québec ou au Canada.

Nous soulignons que la RAMQ, dans son rapport du comité interministériel du 5 novembre 2019, justement, est arrivée à cette même conclusion, et je cite : «Si le gouvernement du Québec exprime la volonté de bonifier la couverture actuellement offerte aux enfants, l'équipe de travail recommande la mise en place de la solution 2, qui consiste à faire en sorte que tout enfant habituellement présent sur le territoire soit considéré comme étant une personne qui y réside, peu importe son lieu de naissance.»

Donc, on est déçus de voir que le projet de loi n° 83 n'offre aucune protection aux enfants sans statut nés hors Québec, et l'AQAADI recommande que le projet de loi soit amendé pour offrir cette couverture. M. le ministre et les autres parlementaires demandent souvent : Mais quelles sont vos propositions? Et nous avons une proposition très concrète qui est dans le mémoire, que je vais essayer de résumer rapidement, on pourrait y revenir pendant la période des questions. Donc, pour accomplir cet objectif, nous proposons de remplacer le paragraphe 4° de l'article 2 du Règlement sur l'admissibilité et l'inscription des personnes auprès de la RAMQ par le libellé suivant, donc ça se lirait ainsi : «L'enfant mineur né hors Québec, si le parent avec lequel l'enfant demeure en permanence ou la personne qui en a le soin ou la garde demeure de façon habituelle au Québec.»

Donc, pour mettre ça dans le contexte de l'architecture de la loi, l'article 5 de la loi, là, on parle de la loi, dit : «Pour l'application de la présente loi, est une personne qui réside au Québec toute personne qui y est domiciliée, satisfait aux conditions prévues par le règlement et est, selon le cas : [...]une personne — selon le paragraphe 5° — qui appartient à toute autre catégorie de personnes déterminées par règlement», O.K.?

Donc, cet amendement ferait en sorte que les enfants qui résident habituellement au Québec seraient considérés des enfants qui résident au Québec, évidemment sous réserve de certaines conditions. Quelles sont les conditions? Il y a le domicile. Pour le domicile, c'est l'intention, et déjà vous avez fait un énorme pas en avant avec la possibilité de faire la preuve de l'intention avec l'affidavit.

• (15 h 30) •

Donc, cet amendement, qui rentrerait les enfants dans... sous l'article 5.5° de la loi, ferait en sorte que les enfants, même nés hors Québec, hors Canada, auraient accès à l'affidavit pour démontrer l'intention de rester au Québec pour six mois dans l'année qui suit l'inscription. Donc, ça, c'est pour l'intention pour les...

Deuxième critère : Comment est-ce qu'on définit «vivre habituellement au Québec»? Là, on a une proposition très concrète, qui est dans notre mémoire, pour démontrer que le parent avec lequel — on est au... si vous suivez en PDF, à la page 8 de notre mémoire — l'enfant demeure en permanence ou qui en a la garde demeure de façon habituelle au Québec. L'AQAADI propose d'ajouter, à l'article 15 du règlement, une liste de documents faciles à obtenir et permettant de prouver qu'elle demeure habituellement au Québec.

Et donc voici le texte qu'on propose d'ajouter à l'article 15 du règlement : «Pour les fins de l'article 2,4°, une personne peut démontrer qu'elle demeure de façon habituelle au Québec en produisant un bail, des factures d'électricité, un avis de cotisation de Revenu Québec ou un permis de conduire démontrant que le parent avec lequel l'enfant demeure ou la personne qui en a le soin ou la garde est physiquement présent au Québec et l'était depuis au moins trois mois avant la date de l'inscription de l'enfant.»

Je pense que ça rencontre un peu le critère qui était soulevé, même dans l'autre intervention de la commission, mais qu'est-ce qui arrive des personnes qui arrivent aujourd'hui et qui demandent le soin. Bien, ça démontre une certaine...

Le Président (M. Provençal)  : Je vous remercie, maître. On va devoir passer à la période des échanges.

Alors, je vais céder la parole au ministre pour la suite des choses. M. le ministre.

M. Dubé : Bon. Tout d'abord, merci à vous deux pour une excellente présentation, puis surtout, encore une fois, je le répète, là, pour tout le travail qui est mis dans ces mémoires-là avant les présentations, c'est très apprécié. Puis je reconnais beaucoup votre expertise en immigration, alors c'est... je pense que vous arrivez avec des recommandations, à mon sens, qui ont été réfléchies, qui tiennent compte de votre expertise dans les enjeux que vous devez vivre tous les jours avec différentes familles. Alors, c'est exactement ce qu'on cherche, puis merci beaucoup de la qualité de ce que vous faites, ce que vous avez mentionné.

J'ai aussi constaté, puis là je dois vous dire que ça... je trouve ça intéressant, là, que vous êtes... vous considérez que le six mois de présence au Québec peut être admissible ou, en tout cas, peut être raisonnable pour déterminer l'admissibilité d'un enfant, mais... pour la question de l'assurance maladie, mais qu'est-ce que vous faites du parent? Parce qu'ici c'est toujours le débat, est-ce que c'est l'enfant qui est admissible versus est-ce que c'est le parent? Alors, moi, je vous demande... Vous êtes d'accord avec la question du six mois, puis ma collègue la députée y faisait référence dans une présentation ultérieure qu'on a eue, mais il y a beaucoup de gens qui ont eu des craintes là-dessus. Alors, j'aimerais vous entendre un petit peu plus là-dessus, parce que ça, ça nous aiderait pour être capables de bien camper l'éligibilité non seulement de l'enfant, mais, comment je pourrais dire, indépendamment du parent. J'aimerais vous entendre, peut-être, tous les deux là-dessus.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Bien, je débuterais — merci beaucoup, M. le ministre — en disant que c'est un critère d'intention de résider, hein, et non pas la preuve de l'avoir fait, ou la preuve de le faire, ou la preuve d'être en voie de l'accomplir. Donc, le parent, essentiellement, émet une intention sur la base d'une déclaration. Donc, je pense que de faire du Québec... le 183 jours, c'est essentiellement un petit peu plus que la moitié de l'année, donc d'avoir son principal lieu dans la province, de démontrer cette intention-là, pour moi, c'est logique. On comprend que l'enfant ne peut pas avoir d'intention, là, c'est un enfant, mais le parent peut certainement démontrer cette intention-là avec un affidavit, une déclaration solennelle. Me Goldman.

M. Dubé : Mais comment vous faites? Parce que c'est ça, un peu, la problématique qu'on a, on veut que, puis on l'a... en tout cas, je l'avais expliquée dans mon texte, au début, quand on a commencé les audiences, on a dit : On veut séparer ça le plus possible de l'admissibilité des parents... l'admissibilité, pardon, des enfants des parents. On veut vraiment que ça soit les enfants qui soient admissibles, mais, si on a un critère d'admissibilité, là, qui dépend des parents... C'est pour ça que je veux vous entendre un peu là-dessus. Qu'est-ce qu'on fait avec ça?

M. Goldman (Richard Neil) : Bien, M. le ministre, vous faites presque l'argument de la Commission des droits de la personne.

M. Dubé : Oui, mais c'est pour ça que je veux vous entendre là-dessus, parce que...

M. Goldman (Richard Neil) : Pour nous autres... Bien, en fait, quand la commission et d'autres ont dit : Bien, il ne devrait pas y avoir vraiment de critère rattaché aux parents, plusieurs des députés ont dit : Bien, il faut avoir une certaine balise. Même la commission a fini par dire : Ça doit être des enfants qui résident habituellement au Québec. Alors, si on veut élargir sans balises, disons, tout enfant qui est physiquement présent, l'AQAADI n'aura aucune objection. C'est un peu en réponse aux préoccupations des parlementaires de dire : Bien, il doit y avoir certaines balises. Nous autres, on arrive avec un projet, il y en a deux, affidavit d'intention ou bien, déjà, dans le tableau, le fameux tableau d'admission qui est appliqué, il y a une possibilité de démontrer l'intention avec une preuve de régularisation. J'espère qu'on va garder ça même si ce n'est pas dans le règlement.

M. Dubé : On n'a pas le choix d'aller avec les parents, c'est...

M. Goldman (Richard Neil) : Pardon?

M. Dubé : J'ai dit : On n'a pas le choix d'aller avec une documentation qui est liée aux parents si on fait ça.

M. Goldman (Richard Neil) : Bien, disons, comme un enfant de trois jours ne peut pas signer un affidavit ou quoi que ce soit, on trouve que, même si ce n'est pas idéal, c'est raisonnable. Si on va... on doit avoir des balises pour un nouveau-né, logiquement, ça doit passer par les parents. Maintenant, qu'est-ce qu'on fait pour les parents? Ça, c'est le travail quotidien de l'AQAADI, c'est pour aider les parents à se régulariser. Mais ce qui est intéressant avec ce projet de loi, ça ne dépend pas de la démarche du parent de faire la régularisation, il y a plein d'obstacles. Moi, avec Guillaume Cliche... vous raconter longuement les obstacles que nos clients rencontrent en termes de frais, en termes de délais, etc. Ce qui est intéressant de ce projet de loi, on peut éviter ça avec un affidavit qui signale l'intention.

M. Dubé : O.K. En tout cas, c'est matière à réflexion, c'est... Puis, ce genre d'affidavit là, est-ce que vous êtes au courant, dans votre expérience, encore une fois, en matière d'immigration, que ça a déjà été utilisé pour d'autres fins? Parce que, là, on est vraiment dans un avis d'intention, là.

M. Goldman (Richard Neil) : Guillaume.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Il y a plusieurs... notamment, en droit fédéral, quand on fait une demande de résidence permanente, par exemple, on signe effectivement un formulaire comme quoi on a l'intention de résider au Québec, par exemple, et ça existe, ça, à plusieurs reprises. Ce n'est pas nécessairement un affidavit au sens où il y a vraiment une déclaration solennelle devant le notaire, ou avocat, ou commissaire, mais souvent on le signe, et ça a la même portée ou ça a la même valeur juridique. Alors, c'est souvent des déclarations sur l'honneur, sans que ce soit nécessairement une déclaration solennelle devant un commissaire à l'assermentation, qui ont essentiellement le même impact.

Mais on peut prévoir un formulaire, un formulaire qui est probablement déjà bien étoffé, où le parent va pouvoir faire son choix de sélection. Donc, on peut cocher certaines cases où on va rentrer le nom de l'enfant, on va rentrer depuis quand on est résident du Québec ou depuis quand on réside au Québec, de quelle preuve ou de quel élément on veut faire l'objet, on coche, et finalement on se... on va dans n'importe quel endroit où on peut, pour 5 $, là, se faire assermenter, et on va pouvoir fournir cette déclaration-là avec un formulaire, déjà, type.

Je ne suis pas en train de dire que les parents vont commencer à rédiger, le soir, à la maison, un affidavit. Je pense qu'un formulaire type va pouvoir être facilement identifiable et utilisé pour ces enfants puis ces familles... pour ces familles, en fait.

M. Dubé : O.K. Merci. Je vais laisser mes collègues continuer. Mais on va essayer de trouver des choses pratiques, c'est pour ça que je vous pose les questions. Merci beaucoup à vous deux. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Alors, la députée de Roberval aurait des questions à vous poser.

Mme Guillemette : Oui, merci, M. le Président. Il nous reste combien de temps?

Le Président (M. Provençal)  : 9 min 23 s.

Mme Guillemette : Parfait, merci. En tout début d'exposé, vous parliez de... que la mise en oeuvre est importante. Au niveau des suivis, quel genre de suivi on pourrait mettre en place pour avoir une bonne mise en oeuvre puis faire un bon travail?

• (15 h 40) •

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Bien, écoutez, on vous a soumis un exemple... et merci pour la question, mais on vous a soumis un exemple d'une de nos consoeurs qui a dû faire des interventions répétées, là, auprès de l'agent principal pour essayer, finalement, de faire valider la RAMQ pour un enfant qui y avait droit.

Alors, est-ce que ça peut être une possibilité de faire des vérifications ou des formations suivies ou de faire des tests, hein, de faire des appels tests où on sollicite l'accès à la RAMQ pour des enfants qui n'existent pas, là, des enfants tests? Nous, on va continuer de le faire. Est-ce qu'il peut y avoir un endroit centralisé où on va pouvoir faire état de nos problèmes assez rapidement? Évidemment, il y a le Protecteur du citoyen, mais on sait tous que ça prend beaucoup de temps, alors que l'enfant est dans un besoin éminent. Et là où on revient à notre présomption d'application immédiate, c'est que cette présomption-là, si on la met en oeuvre, l'enfant va pouvoir avoir accès tout de suite aux services. Et donc, là, les problèmes de mise en oeuvre, ils vont continuer d'exister, on ne pourra jamais les corriger à 100 %, mais au moins le petit enfant, sur le terrain, là, comme présomption va s'appliquer, il va pouvoir avoir accès aux soins jusqu'à tant qu'il fasse cette preuve-là de régularisation.

Et dans l'exemple qu'on a fourni, pendant 26 jours, l'enfant n'a pas bénéficié des soins nécessaires parce qu'il y a eu des allers-retours entre un télécopieur, un fax, un aller-retour avec un courriel, une demande de procuration. C'est ça qu'on veut éviter. La mise en oeuvre ne sera jamais parfaite, mais, si on peut mettre une présomption d'application immédiate pour tous les enfants qui sont nés ici, je pense qu'on va s'éviter beaucoup de fâcheuses situations où l'enfant n'aura pas accès à un service rapide.

Mme Guillemette : Parfait. Merci.

M. Goldman (Richard Neil) : Et, si je pourrais juste souligner, là, dans cet exemple qui est dans notre mémoire, il y avait un travailleur de première ligne à la RAMQ qui a dit, à tort, que l'enfant n'avait pas droit, alors que l'enfant rencontrait les critères. Donc, c'est très important, comme Me Guillaume dit, qu'il y ait un suivi puis un contrôle de qualité.

Mme Guillemette : O.K. Donc... mais j'imagine que... vous parliez de refus injustifiés, j'imagine que ça ne doit pas être monnaie courante, quand même, ça doit être l'exception, là, dans laquelle il y a des refus injustifiés. Oui, monsieur...

M. Goldman (Richard Neil) : Oui, oui. En fait, l'histoire qu'on donne, où, donc, c'est une dame qui avait déjà fait une demande humanitaire, donc selon le fameux tableau qui se trouve dans le rapport du Protecteur du citoyen, le tableau utilisé par la RAMQ pour évaluer l'admissibilité, une preuve de dépôt d'une demande de résidence permanente pour un enfant né au Québec est suffisante. Malgré ça, la mère a appelé puis s'est fait dire par une préposée : Non, madame, une preuve de réception, ce n'est pas suffisant, l'enfant... le statut de l'enfant, ça suit le statut du parent.

C'est une histoire que moi, là — je travaille avec cette loi depuis une vingtaine d'années — j'ai entendue plusieurs fois. Donc, les gens sont découragés, ils ne font pas la demande, ils n'ont pas de décision, ils se ramassent, trois, quatre ans plus tard, avec des problèmes graves de santé pour leur enfant. Et donc je ne peux pas dire que ça arrive à chaque semaine, mais ce n'est pas un cas isolé.

Mme Guillemette : O.K. Merci. On parle, là, de fournir une preuve des parents, qu'ils sont bien résidents, qu'ils vivent habituellement... c'est le terme que vous utilisez. Vous n'avez pas peur que... Parce qu'on nous demande de mettre un pare-feu entre la Santé et l'Immigration, donc ceux qui ne sont pas immigrants reçus ou qui sont en attente, vous n'avez pas peur que ça leur mette un frein à avoir la preuve de bail ou de venir consulter que de se faire dire : Bien, on va vous déclarer à l'immigration ou... Vous voyez ça comment?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : C'est sûr qu'il faut faire très attention, il ne faudrait pas que ça devienne une raison, ou un motif, ou un risque qu'il y ait des dénonciations qui soient faites auprès des services frontaliers, là, canadiens. On a connu des problèmes similaires avec des femmes ou des enfants qui n'allaient pas à la police pour faire des plaintes parce qu'ils avaient peur, finalement, d'avoir l'objet de divulgation.

Bon, il faut savoir que, dans tous les cas, quand un enfant naît au Québec, il y a un acte de naissance, les parents sont mentionnés sur l'acte de naissance. Donc, essentiellement, ces enfants-là, l'existence ou le fait que les parents existent, c'est déjà dans le système, le nom des enfants, des parents sont déjà là. Alors, pour moi, je pense qu'il ne faudrait pas avoir peur de... Il ne faudrait pas qu'en essayant d'augmenter la couverture pour certains enfants, qu'il n'y en ait pas, on soit limité par des aléas qui existent déjà ou des craintes qui existent déjà de toute façon. Il faudrait plutôt élargir la couverture puis s'assurer que ça demeure, évidemment, confidentiel et qu'il n'y ait pas de divulgation, ou d'appel, ou de lien entre les services d'agents frontaliers canadiens et la RAMQ. Évidemment, ce n'est pas le rôle de la RAMQ du tout, là, d'alerter l'ASFC, l'Agence des services frontaliers, sur le statut d'une personne.

Mme Guillemette : D'accord. Donc, vous seriez favorables à ce qu'il y ait une barrière quand même assez hermétique entre la Santé et l'Immigration.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Comme ça devrait être le cas et comme tout le monde applique sa loi avec les objectifs de sa propre loi, la loi de la RAMQ va accéder à des soins de santé pour des enfants, c'est ça, son objectif, et non pas de dénoncer ou d'aviser les agents frontaliers d'un statut d'une personne en statut d'immigration irrégulier. Ce n'est pas ça, l'objectif, du tout de la Loi sur la RAMQ.

Mme Guillemette : Parfait. Je vous remercie. Ce sera tout pour moi, M. le Président.

Le Président (M. Provençal)  : Oui. Votre collègue la députée de Lotbinière-Frontenac voudrait adresser une question. À vous la parole.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Merci, M. le Président.

Bonjour, tout le monde. Moi, je vous ai entendu, tout à l'heure, tu sais, dire que notre projet de loi, c'est un grand pas en avant pour les enfants canadiens qui sont nés au Québec, mais que vous aimeriez avoir un élargissement à tous les enfants qui vivent au Québec. Est-ce que vous avez une idée de combien d'enfants ça représente?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Ah! bien, écoutez, c'est difficile. Je pense qu'on a parlé de 700 enfants nés au Québec, donc citoyens canadiens. Pour ceux en situation d'irrégularité, par définition, on ne connaît pas le nombre, on a des estimations au Canada, bien sûr, mais on ne connaît pas le nombre. Mais, à ça, je vois la question, à l'effet... bon, combien ça va... bon. Combien de gens? Combien ça va coûter? On a beaucoup réfléchi à cette question-là et, au final, on s'est demandé : En fait, combien ça coûte, la vie d'un enfant? C'est essentiellement ça qu'on s'est posé comme question. Et on n'est pas capables... évidemment, personne n'est capable de mettre un chiffre. Ce n'est pas une question d'argent quand, je pense, on parle de la vie d'un enfant. Donc, pour moi, si c'est 500, si c'est 800, si c'est 1 000, écoutez, si on peut sauver un enfant de maladies ou de problèmes graves de santé, je pense qu'en tant que société progressiste on doit le faire, là.

Le Président (M. Provençal)  : Avez-vous...

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Et...

Le Président (M. Provençal)  : Oui, allez-y.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Si je peux ajouter, est-ce qu'il me reste du temps, M. le Président?

Le Président (M. Provençal)  : Oui, 1 min 30 s.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Si je peux ajouter, est-ce que vous pensez que l'élargissement pourrait entraîner un effet pervers, par exemple, sur la venue de certaines personnes avec des enfants qui sont malades, qui cherchent...

(Interruption)

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : ... — excusez-moi, c'est mon chien — qui cherchent des soins de santé gratuits, par exemple?

M. Goldman (Richard Neil) : Bien, en fait, notre souci, c'était de répondre aux préoccupations qu'il doit y avoir certaines balises, et nous croyons que les balises posées... la démonstration d'intention et preuves de résidence pour, au moins, trois mois, on a appris ce qu'était... parce que, selon notre compréhension, trois mois est utilisé dans certaines villes européennes. On trouve que c'est un juste équilibre.

Le Président (M. Provençal)  : Alors, il reste moins de 30 secondes. À ce moment-là...

M. Dubé : Peut-être, M. le Président, j'aimerais ça faire un commentaire, si mes collègues me le permettent, là, avant la fin, que j'apprécie beaucoup cette présentation-là, qui donne des cas pratiques et qui donne aussi des recommandations pratiques. J'apprécie beaucoup ce sens-là que vous avez dit : Il faut trouver des balises, vous en suggérez, puis je trouve ça très rafraîchissant. Je vais vous dire, j'apprécie beaucoup. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal)  : Merci pour votre commentaire, M. le ministre.

À ce moment-ci, nous allons passer la parole à la députée de Maurice-Richard pour les 11 minutes qui suivent.

• (15 h 50) •

Mme Montpetit : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, bonjour à vous deux. D'entrée de jeu, avant d'aller au sujet qui nous occupe, je veux juste vous remercier pour tout le travail que vous accomplissez au quotidien. Le parcours migratoire en est un compliqué, j'ai l'occasion de le constater tous les jours dans ma circonscription. Et il y a des situations qui sont plus... plus difficiles que d'autres, et je sais à quel point vous faites une différence marquée, c'est le moins qu'on puisse dire, dans la vie... dans la vie de ces gens-là. Donc, je vous remercie pour votre contribution à notre... à notre société.

Par rapport à votre mémoire, puis je... je ne sais pas si c'est moi qui ai mal compris, mais je veux juste m'assurer de bien comprendre ce que vous... ce que vous recommandez, parce que ce qui nous amène à... ce qui amène le gouvernement à déposer ce projet de loi, puis ce qui nous amène à avoir cette discussion-là, c'est notamment le rapport de la Protectrice du citoyen, qui, elle, est venue, dans le fond, souligner le fait que la RAMQ fait une interprétation erronée de l'intention du législateur, l'intention du législateur qui est très claire : un enfant qui est né au Québec est admissible aux soins, aux services de santé. Puis elle le dit bien, là, elle dit : «Pour le Protecteur du citoyen, l'intention du législateur indique clairement que le statut du mineur non anticipé né au Québec de parents à statut migratoire précaire doit être distingué de celui de ses parents.»

Ça, il n'y a aucune ambiguïté dans l'interprétation qu'elle en fait. L'enfant est donc, du fait, de sa naissance au Québec, admissible au régime d'assurance maladie. Elle vient ajouter, dans son rapport, justement, le fait que l'admissibilité à la RAMQ... bon, que l'admissibilité, elle est liée à la naissance sur le territoire, et le fait que la RAMQ vient le lier... vient lier l'admissibilité de l'enfant à l'intention du parent, non seulement ça ne respecte pas l'intention du législateur, mais ça vient outrepasser les compétences de la RAMQ. Et là j'entends que... Puis là pardonnez-moi si j'ai mal saisi votre recommandation, mais vous... la proposition que vous faites, c'est de perpétuer... dans le fond, c'est de donner raison à l'interprétation qu'en fait la RAMQ et en disant que, faute d'être capable de démontrer le statut ou l'intention d'un enfant, bien, on passe... on continue de passer par les parents pour faire cette démonstration-là au lieu de se... de s'en tenir seulement au fait que l'enfant est né ou pas sur le territoire.

Mais je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, mais, pour moi, ce n'est pas clair, la... je vous vois hocher de la tête, donc j'imagine que ce n'est pas ça, mais ce n'est pas clair, pour moi, l'intention... votre intention par rapport à ce que la RAMQ fait présentement et par rapport à ce que la Protectrice du citoyen nous recommande de changer.

M. Goldman (Richard Neil) : Pour commencer, on partage à 100 % l'interprétation de la Protectrice du citoyen. On n'était pas d'accord avec l'interprétation de la loi. Pour nous, un enfant né au Québec, qui a toujours vécu au Québec, est établi au Québec puis était déjà admissible. Cela étant dit, la RAMQ a pris une certaine interprétation. Le Tribunal administratif du Québec a partagé cette interprétation, même si nous autres, on n'est pas d'accord, on est dans cette situation.

Mais le projet de loi n° 83 nous donne une façon d'avancer et de mettre ce débat de côté pour finalement donner la couverture clairement aux enfants nés au Québec de parents sans statut. Donc, pour nous, c'est une victoire dans le sens que c'est 20 ans de militantisme. Et, encore une fois, on remercie le ministre de finalement être la personne qui va mettre ça en oeuvre. Mais on peut faire mieux et élargir à tout enfant qui réside habituellement sur le territoire.

Mme Montpetit : Donc, dans un monde idéal, ce que je comprends, c'est que, si on voulait avoir... C'est ça, justement, c'est tout enfant né au Québec. Parce que, tout à l'heure, vous faisiez référence, justement, à la production d'une preuve, là, on va l'appeler une preuve, là, pour les fins de la discussion, mais par le parent, faute que l'enfant soit capable de démontrer une intention. Moi, c'est cet élément-là sur lequel je voulais que vous reveniez davantage.

M. Goldman (Richard Neil) : Bien, pour le dire autrement, on accepte ça comme un compromis raisonnable qui va être pratique. Comme Me Cliche-Rivard a dit, on peut faire un gabarit qu'une personne peut prendre, Accès Montréal, par exemple, pour faire assermenter pour 5 $. On trouve ça un compromis raisonnable d'offrir pratico-pratique la couverture.

Ce que Me Cliche-Rivard a aussi souligné, c'est que ça devrait se baser sur une présomption de couverture. Donc, juste pour situer le contexte, on sait que, pour chaque acte de naissance... pour chaque naissance au Québec, la RAMQ reçoit du Directeur de l'état civil un acte de naissance. Ce qu'on est en train de dire dans notre mémoire, dès la réception, il devrait y avoir une présomption de couverture. Si un fonctionnaire ne bouge pas pour faire des vérifications aussi vite que ça, l'enfant est couvert. Ça devrait être le contraire du cas pratique qu'on a donné dans notre mémoire, où personne n'a rien fait, on a donné une mauvaise information, on n'a jamais rendu une décision parce qu'on a découragé la femme même de déposer une demande. S'il y a une présomption de couverture, l'enfant est couvert. Si l'agent veut faire des vérifications, demander un affidavit, une preuve de régularisation, des choses qui sont raisonnables de demander, O.K., on donne 30 jours. Puis, si jamais l'agent n'est toujours pas d'accord, bien, on rend une décision puis la personne a la possibilité de contester.

Mme Montpetit : Donc, juste, encore là, pour qu'on se comprenne bien, parce que je pense que l'objectif qu'on doit poursuivre, c'est qu'un enfant qui est né au Québec ait accès, tu sais, qu'il n'y ait pas deux catégories d'enfants qui sont nés au Québec, ceux qui ont accès aux services de santé puis ceux qui n'y ont pas accès, je comprends que vous venez répondre à ça avec la présomption temporaire de couverture automatique, mais est-ce que, sur le... juste pour comprendre, sur le principe, est-ce que vous rejoignez le fait qu'un enfant qui est né au Québec doit avoir accès aux services de santé? Après ça, le reste, c'est peut-être de la mécanique, mais, si ce que vous proposez d'une présomption temporaire n'est pas dans le projet de loi, on se retrouve encore dans une situation où il y a des enfants qui naissent au Québec et qui n'ont pas accès aux services.

M. Goldman (Richard Neil) : Bien, O.K., je peux répondre à votre question. À 300 %, on est d'accord que chaque enfant né au Québec, qui habite habituellement ici, qui n'est pas juste de passage devrait avoir la couverture. Me Cliche-Rivard, je ne sais pas si vous avez des idées quant à si ça devrait être dans un amendement ou plutôt dans une directive.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Bien, moi, j'aurais dit qu'au-delà de ça, hein, tout enfant qui réside ici, point barre, là, sans égard où il est né, notre position, c'est que l'enfant qui habite au Québec devrait avoir accès aux soins de santé, c'est un enfant. Le contrario, c'est de ne pas guérir un enfant, et ça, j'ai beaucoup de misère à ce qu'on puisse concevoir ça, dans une société.

Donc, évidemment, l'AQAADI appuie toute solution qui va permettre la facilitation de l'accès universel à la RAMQ, mais on comprend aussi les balises qu'un législateur voudrait venir imposer, et on voudrait se situer un peu comme en proposant, disons, une solution mitoyenne face à un débat pour ne pas qu'on le perdure, mais pour que, rapidement, on puisse le mettre en vigueur pour qu'enfin ces enfants-là puissent être traités. C'est surtout ça, la... Et donc, pour aller chercher un plus grand consensus, rejoignons-nous un petit peu plus au milieu, je pensais, et allons-y pour une couverture globale de ces enfants-là, qui ont besoin de nous.

Mme Montpetit : Oh! moi, je suis de l'école qui pense que l'on peut faire vite et bien à la fois. Je pense que la volonté de mettre ça en place rapidement, en tout cas, nous, nous la partageons certainement. Je pense que j'ai eu l'occasion de le dire au ministre, là, mais je le réitère dans ce contexte-là, parce que je sais que ça peut faire une différence importante pour des enfants puis des familles. Mais je pense que, tant qu'à travailler sur une pièce législative, autant la faire pour qu'elle ait une portée la plus importante possible puis qu'elle soit la plus pérenne possible aussi. Mais je voulais juste qu'on s'entende, en fait, sur... au-delà de la... je ne veux pas dire des technicalités, là, je ne voudrais pas minimiser la chose, mais je pense, sur les valeurs de base, sur un enfant au Québec — là, j'ai dit «né», mais réside — qu'un enfant au Québec devrait avoir droit aux services de santé. Je pense que ça, c'est important, c'était plus sur la base.

Une autre question — puis je sais que le temps passe toujours beaucoup plus vite que je le souhaiterais — vous avez fait référence, dans votre mémoire, à des... vous en avez parlé, de la disparité entre ce qui est permis et ce qui est appliqué. Vous nous avez sensibilisés au fait que, lorsqu'il y aura des changements qui seront faits, de s'assurer qu'ils descendent et qu'ils soient bien compris. Mais, dans votre mémoire, vous faites déjà référence à plusieurs... bien, à une situation, notamment, sur le fait qu'une femme pouvait avoir accès à la RAMQ pour son enfant, il y avait des problèmes d'interprétation. Est-ce que c'est quelque chose que vous rencontrez, c'est... je ne veux pas dire anecdotique, mais est-ce que c'est un problème organisationnel au niveau de la RAMQ, ou si c'est vraiment un enjeu de compréhension de certaines règles, ou c'est... À quel point il y a des interventions plus larges qui devraient être faites en ce sens-là pour s'assurer que ce qui est en place soit bien compris avec ce qui est déjà en place, dans le fond, aussi, là?

M. Goldman (Richard Neil) : Comme j'ai mentionné tantôt, je ne peux pas dire que c'est quotidien, mais je travaille avec la loi depuis environ 20 ans, et ça arrive régulièrement que quelqu'un appelle puis il a une information comme ça : Madame, la situation de l'enfant suit votre statut; vous n'avez pas de statut, l'enfant n'a pas de couverture, alors que les lignes directrices, très claires, disent que, même maintenant, là, aujourd'hui, si on a une preuve de demande de régularisation, l'enfant est admissible. Avec le projet de loi n° 83, ça va être... l'intention par un affidavit va être possible aussi, donc ça va faciliter l'accès.

Mais est-ce que ça arrive? Moi, je dirais régulièrement. Ce n'est pas chaque semaine ou chaque jour, ça arrive régulièrement. Qu'est-ce qui est la cause? Je ne sais pas. Il faudrait questionner, je pense, poser la question à la RAMQ. Quelle est la solution? Des communications, formations à l'intérieur, comme Me Cliche-Rivard a dit, des tests, que des personnes indépendantes appellent avec des cas de figure, des enfants fictionnels pour tester le système, et aussi que les superviseurs... À chaque fois qu'on appelle pour notre cellulaire, on dit : L'appel est enregistré et peut être vérifié pour fins de qualité, pourquoi pas pour la couverture de la RAMQ?

Mme Montpetit : Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup.

Alors, je vais maintenant céder la parole au député de Laurier-Dorion pour les 2 min 45 s qui suivent.

• (16 heures) •

M. Fontecilla : Merci, M. le Président. Je salue la... Je vous salue, messieurs, M. Cliche-Rivard et M. Goldman. Merci pour la qualité.

Également, il y a des idées très intéressantes, justement la présomption temporaire de couverture automatique, là, et c'est un peu... je vois un peu l'équivalent, ou enfin la même logique, là, qu'un peu dans le principe de Jordan appliqué aux enfants autochtones, là, mais enfin je ne veux pas rentrer là-dedans, là.

Mais je voulais soulever deux aspects qui n'apparaissent pas dans votre mémoire. Le premier, qui découle de la question du délai de carence — il y a deux intervenants qui sont venus demander l'abolition du délai de carence concernant les soins pour les enfants, là — est-ce que votre présomption temporaire de couverture automatique pourrait... signifierait, en quelque sorte, l'abolition du délai de carence? Première question.

Et la deuxième question, c'est concernant les soins pour les femmes enceintes. Qu'est-ce que vous auriez à dire sur ces questions-là?

M. Goldman (Richard Neil) : Mais, sur le délai de carence, on a toujours été contre. C'est sûr que ça prive du monde... des soins. La question ne se pose pas vraiment avec notre proposition, puisqu'il s'agit soit d'enfants nés au Québec, donc qui sont déjà ici, ils n'arrivent pas, ou des personnes qui sont ici pour au moins trois mois, donc, les parents sont ici pour au moins trois mois. Le délai, donc, ça ne se pose pas vraiment. On est contre le délai de carence. Même, dans le petit temps qui nous est alloué, on n'a pas pu tout couvrir tous les points, notamment l'amnistie de certains frais. Je ne sais pas, peut-être que quelqu'un peut poser une question à Me Cliche-Rivard à ce sujet pour lui en parler, mais on est contre le délai de carence, même si ce n'est pas exactement relié à notre proposition.

Pour les soins pour les femmes enceintes, on est, encore une fois, à 3 % pour, pour toutes les raisons qui ont été expliquées par plusieurs autres intervenants. Ça nous coûte 1 000 fois plus cher si quelque chose va mal et il y a un problème de développement, etc., en plus de tous les engagements du Québec en matière de santé, etc. Mais on ne les a pas abordés parce qu'on est un peu limités dans ce qu'on peut faire dans 10 minutes.

M. Fontecilla : Je vous remercie.

Le Président (M. Provençal)  : C'est terminé? Alors, je remercie Me Cliche-Richard et Me Goldman pour...

Oh! excusez, excusez, mon cher collègue. Je cède maintenant la parole au député des Îles-de-la-Madeleine. Je trouvais qu'on allait vite, aussi, dans notre... au niveau du temps. Vous disposez, vous aussi, de 2 min 45 s. Mille excuses.

M. Arseneau : Vous étiez en train de conclure à mes dépens. Avec mes 2 min 40 s, je vais quand même en profiter pour faire une petite blague. En tant que fier Acadien, je suis content de voir des gens qui représentent l'Acadie.

Blague à part, j'aimerais avoir une petite précision technique sur la présomption d'intention, le document, l'affidavit qu'on devrait remplir. Les gens qui ont comparu juste avant vous parlaient d'une déclaration assermentée et qui devait être accompagnée d'une mesure pare-feu. Est-ce que c'est... On parle de deux choses différentes ou on aurait besoin de mesures pare-feu aussi, là, pour éviter qu'en remplissant un affidavit, par exemple, on dévoile le statut des parents face à l'immigration et qu'on se mette dans une situation problématique?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Je ne pense pas qu'on va se trouver dans une situation problématique. Comme je disais, par l'acte de naissance, on sait déjà que les parents sont là, par définition, donc je ne pense pas qu'on a ce risque. Mais évidemment il faut faire attention, il faut mettre les mécanismes, là. Il faut s'assurer que ça ne soit pas des informations qui vont être transférées directement. Ça, c'est sûr qu'il faut faire attention.

M. Arseneau : D'accord. Puis j'aimerais vous entendre, à moins que... Parce que j'ai été distrait pendant deux minutes, j'ai été dérangé, je ne crois pas vous avoir entendu parler de la demande pour l'amnistie à laquelle vous faites référence. Est-ce que vous pourriez nous... passer la prochaine minute et demie à nous expliquer ce que vous souhaitez?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Merci beaucoup, je voulais y revenir, puis c'est très apprécié. Écoutez, on a plusieurs situations de personnes qui se retrouvent, actuellement, avec des factures très salées, là. On le sait, ce que ça coûte, les soins de santé, évidemment, partout, mais ici aussi. J'ai des gens que je connais personnellement, des clients, des gens qui font affaire avec des membres de l'AQAADI, qui, malheureusement, à chaque semaine, là, ou à chaque mois, ont une entente de paiement avec certains hôpitaux pour des enfants qui auraient normalement, si la loi... si le p.l. n° 83 avait été adopté, qui n'auraient pas eu à payer ces factures-là.

On reconnaît aujourd'hui, implicitement ou explicitement, que ces enfants-là auraient dû être couverts, dans notre société. Et on parle de plusieurs milliers de dollars, souvent plus que des dizaines de milliers de dollars, là, on parle de beaucoup de frais, beaucoup d'argent, et ce sont des ententes de paiement sur cinq, 10, 15 ans que ces familles-là doivent payer, qui s'ajoutent au loyer, qui s'ajoutent souvent aux besoins que ces enfants-là ont déjà, parce que, souvent, des enfants qui ont besoin d'aide en très bas âge, c'est des enfants qui vont avoir besoin de soins récurrents, souvent, pas toujours, et donc les factures s'accumulent, tout ça, alors qu'aujourd'hui on reconnaît, essentiellement, qu'on aurait dû le faire il y a plusieurs années.

Alors, je pense qu'on devrait créer un programme pour effacer, amnistier ces dettes-là et créer un programme pour rembourser, ou annuler, ou retourner une certaine partie des fonds qui ont été payés, alors qu'aujourd'hui on reconnaît que ces enfants-là n'auraient pas dû... les parents n'auraient pas dû avoir à payer.

M. Arseneau : Merci beaucoup. J'imagine que mon temps est écoulé?

Le Président (M. Provençal)  : Effectivement, M. le député, votre temps est écoulé.

M. Arseneau : Cette fois-ci, vous pouvez mettre fin à la séance.

Le Président (M. Provençal)  : Merci de me donner la permission. Je remercie Me Cliche-Rivard ainsi que M. Goldman pour leur contribution aux travaux.

Je vais suspendre la commission pour faire place au prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 06)

(Reprise à 16 h 11)

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du Bureau international des droits des enfants. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter puis à initier votre exposé. Merci.

Bureau international des droits des enfants (IBCR)

M. Landry (Guillaume) : Alors, bonjour à toutes et à tous. Merci de l'opportunité, M. le ministre, les membres de la commission, chers députés, de prendre part à cette réflexion, dont on est assez fiers, que le Québec entame sur la question des soins de santé aux enfants ayant des parcours un peu complexes et différents.

Alors, c'est avec enthousiasme qu'on vient présenter auprès de vous le fruit de nos réflexions et de nos travaux. J'ai la chance et l'honneur d'être avec M. François Crépeau, professeur de droit et directeur du centre de droits de la personne et du pluralisme juridique à l'Université McGill. Il est également l'ancien rapporteur spécial des Nations unies pour les droits de l'homme, des migrants. Alors, ce sera sans doute un appui important dans la période des questions pour compléter un peu mes interventions.

Alors, encore une fois, très ravi que ce projet de loi existe. Et puis on a eu peut-être la chance de passer un peu plus tardivement, donc on a pu écouter les interventions des autres collègues et puis on va essayer d'être complémentaires à leurs interventions plutôt que de réitérer ce qui a déjà été dit.

Peut-être l'angle que l'on cherche à aborder aujourd'hui, c'est celui des droits de l'enfant. Donc, en 1989, a été introduite la Convention relative aux droits de l'enfant. C'est un texte fondamental qui a plus de 30 ans d'existence et que le Québec s'est aussi... a décidé de se lier à ce document-là en 1991, avec un décret. C'est un texte qui porte vraiment sur 41 droits de l'enfant en particulier, ça évoque le droit à la santé. Et notre mémoire évoque plusieurs de ces droits-là, mais peut-être qu'il y a quelques éléments clés, je pense, qui sont importants de prendre en compte sur... qui sont novateurs, dans cette convention-là, et qui, aujourd'hui, devraient peut-être inspirer la bonification du projet de loi en examen.

La première, c'était l'introduction du principe selon lequel un enfant est un sujet de droit. Ça peut paraître simple, mais, en tant que tel, c'est peut-être la genèse de la difficulté qu'on rencontre aujourd'hui avec l'enjeu qui nous concerne, c'est-à-dire que les enfants étaient considérés peut-être comme des sous-personnes relevant du statut particulier de d'autres personnes, des adultes, des parents, etc., alors que, pourtant, les droits de l'enfant sont introduits, dans ce principe-là, qu'en tant que sujets ils sont des personnes à part entière, avec leur statut et leurs droits, et ça, c'est fondamental. Trop longtemps on a eu l'approche qu'un enfant, c'est un peu une plante verte. On met des barbelés autour, on la protège jusqu'à ce qu'elle devienne un individu quand elle sera adulte. C'est contraire à l'approche des droits de l'enfant, c'est-à-dire que, dès la naissance, cette personne-là existe, elle a ses propres droits.

Alors, je ne m'attarderai pas plus longtemps là-dessus parce que je pense qu'il y a unanimité qu'on peut peut-être évoluer d'une perspective où le statut des soins accordés à l'enfant ne devrait plus être dépendant du statut spécifique de ses parents. C'est fondamental pour s'inscrire dans une approche de droit de l'enfant.

Le deuxième point, par contre, qui est peut-être un petit peu plus encore problématique dans l'examen du projet de loi, c'est la notion de l'intérêt supérieur de l'enfant. C'est un principe fondamental de la Convention relative aux droits de l'enfant que, parfois, on vient saupoudrer. On le mentionne dans des avant-projets de loi, dans des procédures, dans toutes sortes d'éléments à gauche et à droite, mais il faut faire un lien entre l'examen du projet de loi n° 83 et les travaux, actuellement, de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse.

On s'inscrit dans une dynamique, au Québec, où on veut peut-être faire un pas en arrière puis s'attarder sur le positionnement, l'approche qu'on a, dans notre société, envers les enfants, et l'un des points clés, c'est de s'outiller pour comprendre qu'est-ce que ça veut dire, prendre en compte l'intérêt supérieur des enfants. Et force est de constater que, jusqu'à maintenant, c'est plutôt une approche bureaucratique qui a primé, mais en aucune circonstance le législateur ou les services publics ne se sont vus dans une position où ils se sentaient imputables à rendre des comptes, à savoir comment est-ce qu'eux, dans un cas particulier ou sur un ensemble, prenaient compte de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Donc, il y a cette inversion-là qui est importante, où ce n'est pas tant l'enfant qui devrait correspondre à des critères et rentrer dans une case, mais c'est plutôt à notre société, à nos services auxquels l'enfant a droit qui devraient répondre à la prémisse de pouvoir illustrer de quelle manière est-ce qu'une décision parmi tant d'autres, qu'elle soit administrative, qu'elle soit juridique, qu'elle soit financière, socioéconomique, bien, elle répond à l'obligation de tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, et ça, là-dessus, ça devrait être, dans le fond, l'élément fondateur du texte de loi qui vient inspirer le reste. Peu importe la couleur bureaucratique, administrative, législative que le projet de loi devrait prendre, ça devrait être fondamentalement pour venir prendre en compte l'intérêt supérieur de l'enfant et que le reste, autrement dit, des procédures devraient vraiment être... répondre à cette obligation-là.

Alors, ça, je pense que c'est un élément important. On s'en est aperçu dans plusieurs pays avec l'enregistrement des naissances, par exemple, où longtemps on s'est attardés sur l'idée que les pays forçaient, dans le fond, les parents ou les enfants à rentrer dans une procédure, et le fardeau, dans le fond, bureaucratique, c'est aux enfants où on transférait l'obligation de s'enregistrer ou aux familles d'enregistrer les naissances.

Alors, c'est un peu la même chose ici, où on met beaucoup de l'avant l'obligation des familles ou des enfants de remplir des conditions ou d'obtenir des cartes, des sous-cartes ou des procédures pour pouvoir avoir accès. Mais, si on renverse la vapeur et on dit : Les enfants ont des droits particuliers qui sont différents des adultes et qu'il y a ce droit, là, clair, réitéré dans plusieurs textes, un droit à la santé, un droit à la non-discrimination, bien, à partir de ce moment-là, c'est plutôt l'inverse, où la société devrait être à même de pouvoir répondre à cette obligation-là et que l'enfant, plutôt d'hériter d'une surcharge bureaucratique, à devoir répondre à des critères... ça devrait plutôt être à la bureaucratie d'être au service de l'accès à la santé de l'enfant.

Alors, ça, c'est vraiment un changement de posture qui est assez fondamental, mais qui viendrait beaucoup simplifier les choses. Sous-jacent à ça, c'est de dire que plus le projet de loi est complexe et crée des balises procédurales... ça veut dire qu'on vient faire le choix, comme société, qu'on va investir des ressources et des énergies dans des étapes bureaucratiques plutôt que d'utiliser ces ressources, notamment financières, et ces énergies à l'octroi des services de santé. Et c'est peut-être là la préoccupation qu'il y a dans le projet de loi actuel, parce qu'on continue d'avoir un nombre assez important de balises bureaucratiques qui peuvent être un frein assez conséquent à l'accès aux soins de santé, et là il y a une question à se poser, dans le fond.

Dans plusieurs pays où on intervient, des fois les choix de mots sont assez simples, mais on aide des pays, comme le Burkina Faso, le Togo, la Côte d'Ivoire, la République démocratique du Congo ou le Honduras, à migrer d'une terminologie où on parle des enfants du Québec, à parler des enfants au Québec, et cette approche-là, elle devrait dire que tous les individus qui sont sur notre territoire sont sous notre responsabilité et que, dans le fond, les services devraient être disponibles aux enfants sur le territoire nonobstant leur statut administratif, en quelque part. Et une simplification du langage permettrait tout simplement de résumer ça, où un projet de loi devrait s'attarder sur l'accès et le droit qui en découle.

Et c'est peut-être à la RAMQ de se charger de l'opérationnalisation technique de voir incarner ce droit-là plutôt que de passer du temps sur le projet de loi à baliser une bureaucratie qui tourne autour, finalement, de balises qui, finalement, de facto, constituent des freins et briment ce droit-là. Alors, c'est une approche, là-dessus, qui viendrait peut-être chambouler un peu la configuration du texte et qui est assez importante.

Vous l'avez peut-être vu dans le mémoire, il y a beaucoup de références qui sont faites à différents pays qui font face aux mêmes enjeux, notamment la crainte du tourisme médical, hein, qui peut vraiment être un frein, et qu'on veut mettre, comme société, les paramètres pour garder quand même le contrôle, étant donné que notre système de santé a ses limites et qu'il coûte cher. Alors, on veut être certains d'en garder le contrôle.

Mais ce qui est important de constater, dans l'éventail des sociétés sur lesquelles on a fait un inventaire un peu rapide, on peut constater que l'exercice, l'expérience a démontré qu'il valait mieux donner un accès gratuit, immédiat à tous les enfants et que, conséquemment, ce n'était pas, finalement, une préoccupation, l'élément du... la crainte du tourisme médical, et que, dans les faits, les pays n'ont pas vu, finalement, une tonne de personnes débarquer pour venir exploiter le système de santé. Jusqu'à maintenant, on n'a pas de données probantes, ni ici ni dans plusieurs pays, qu'on fait face à une venue massive de personnes qui ont spécifiquement comme intention de venir exploiter le système de santé pour leurs enfants. Par contre, on a des données probantes, c'est de dire que les balises que l'on met, qui freinent cet accès-là, causent, en ce moment, des préjudices et ont des conséquences aujourd'hui pour des enfants aujourd'hui. Donc, ça veut dire que les données qu'on a sont davantage sur les conséquences et les préjudices causés de cette approche-là plutôt que sur une exploitation et un coût économique important d'une utilisation de ce qu'on pourrait appeler le tourisme médical. Donc, à cet effet-là, je pense qu'il y a quelque chose d'important à examiner. Donc...

• (16 h 20) •

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup, M. Landry. Malheureusement, un 10 minutes, ça s'écoule très rapidement.

Alors, pour la suite des choses, je cède la parole au ministre. À vous la parole.

M. Dubé : Très bien. Alors, M. Landry et M. Crépeau, merci beaucoup pour votre présence puis aussi pour votre mémoire.

Alors, moi, j'irais tout de suite dans le vif du sujet, parce que vous... Je comprends très bien vos objectifs, puis je pense qu'on a tous à même, là... l'idée de protéger le maximum d'enfants et de les rendre admissibles, dans le contexte... Mais vous avez référé à des concepts qui sont assez larges, dans le sens de... Quand vous parlez de présents temporairement au Québec, qu'ils devraient avoir accès gratuitement aux services de santé, vous définissez comment une présence temporaire?

M. Landry (Guillaume) : Très bien. Je ne sais pas, je vais peut-être laisser la parole au Pr François Crépeau pour intervenir là-dessus.

M. Crépeau (François) : Très bien. On est tous d'accord, et c'est ce que Guillaume vient d'expliquer, que tous les enfants, dont le Québec devrait se sentir responsable, doivent être couverts par l'assurance maladie. Ça, c'est le... ce serait ça, la position du bureau. Alors, il y a des enfants pour lesquels le Québec n'a pas besoin de se sentir responsable, les enfants des touristes. Alors, il faut peut-être les soigner, mais on va leur envoyer une facture, ils vont être couverts par leur régime national. Il y a des gens qui viennent ici avec des objectifs extrêmement temporaires, pour du travail pendant... avec un permis temporaire de trois mois, de six mois et qui ont de la couverture médicale privée payée par l'entreprise, etc.

Donc, il peut y avoir des éléments dans lesquels on indique que telle, telle personne ne sera pas couverte, mais la règle de base devrait être de dire, il me semble, que tout enfant dont la résidence habituelle est au Québec, quel que soit son statut migratoire ou le statut migratoire de ses parents, a droit aux services de santé du Québec. Il y a deux raisons principales à ça. D'une part, le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant, qui fait que tout enfant dont la résidence habituelle est au Québec... et «résidence habituelle» est défini, ici, par le Code civil : être établi au Québec et avoir l'intention d'y résider. Est-ce que ça doit être trois mois, six mois? Il me semble que le... Il va falloir faire attention, très clairement, au délai de carence, parce que le délai de carence... Par exemple, à la naissance d'un enfant, imposer un délai de carence n'a pas de sens parce qu'il a besoin de soins de santé immédiatement, mais il peut y avoir des éléments de délai de carence qui se présentent. Mais l'objectif, c'est de s'assurer que tous les enfants ont accès, de manière à simplifier, entre autres, et ça a été expliqué par les autres groupes qui sont passés avant nous, simplifier, entre autres, la procédure administrative. Ça la simplifiera pour les services de santé eux-mêmes. On réduit les coûts de la gestion administrative de l'ensemble des critères que l'on a accumulés au fil des années pour déterminer qui a droit et qui n'a pas droit, mais aussi on va permettre... on va réduire les coûts, plus tard, de tous ces enfants qui n'auront pas été soignés à temps et dont on va découvrir plus tard qu'il y a des séquelles qu'il va falloir soigner plus tard, plus tard quand ils seront enfants ou plus tard quand ils seront adultes.

Et toutes les recherches montrent que les enfants qui entrent dans un pays en bas âge avec des parents qui n'ont pas de statut, qui ont un statut temporaire et qui le perdent par la suite, restent dans le pays et finissent, après un certain temps, par obtenir un statut. C'est le cas des «dreamers» aux États-Unis. Et ces gens-là restent, et il y a toute une littérature sur le fait que ces enfants-là ne retournent pas dans le pays d'origine, qui n'est pas leur pays d'origine. Leur pays, c'est là où ils ont été socialisés, élevés, éduqués, ce sera au Québec. Et, de ne pas leur donner accès aux services de santé à temps et de façon à ce que les parents aient confiance que ces services répondent à leurs besoins, c'est se créer des problèmes pour l'avenir, c'est de faire en sorte qu'on aura plus tard une partie de la population qui aura été mal soignée et dont il faudra récupérer des soins de santé beaucoup plus complexes par la suite, donc on se tire dans le pied.

M. Dubé : Écoutez, j'apprécie la précision, là, parce qu'initialement je la trouvais plus large. De la façon dont vous la définissez, je comprends un peu plus.

Maintenant, est-ce que je peux vous demander ce que vous définissez par soins primaires? Parce que vous dites aussi, dans vos... «pour une présence temporaire afin qu'ils soient couverts pour leurs soins primaires». Est-ce que je devrais prendre quelque chose en compte, là, dans cette définition-là?

M. Crépeau (François) : Pour moi, la définition de soins primaires, au Québec, c'est ce qui est couvert par l'assurance maladie. On peut avoir, personnellement, des opinions sur ce qui devait être couvert par l'assurance maladie, les soins dentaires, etc., on peut avoir des idées pour l'avenir, mais, en tout cas, les soins couverts par l'assurance maladie, aujourd'hui, au Québec, sont des soins primaires.

M. Dubé : O.K., c'est bon. Écoutez, j'ai sûrement de mes collègues qui ont d'aussi bonnes questions, sinon meilleures.

Le Président (M. Provençal)  : M. le ministre, j'aurais deux de vos collègues qui voudraient adresser des questions. Alors, dans un premier temps, je vais céder la parole à la députée de Lotbinière-Frontenac.

M. Dubé : Merci, M. le Président.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Merci, M. le Président. Bonjour à tous. Vous avez... Vous proposez de donner un accès aux soins de santé gratuits à tous les enfants résidant au Québec. Vous l'avez dit aussi, que notre système de santé a des moyens financiers limités. D'après vous, ça serait quoi, les balises qu'on devrait mettre? Qu'est-ce que vous proposez, concrètement?

M. Landry (Guillaume) : À mon sens, si je regarde les modèles qui sont en vigueur dans plein de pays, on peut aller du Chili jusqu'à la Grèce, à la Suède, on peut regarder les modèles en Allemagne, en Espagne, etc., strictement sur la question du coût, on l'a entendu par la Table de concertation, on l'a entendu par l'Observatoire des tout-petits et encore plus par Médecins du Monde, c'est que l'économie d'échelle, qui pourrait être celle de réduire l'accès parce qu'on veut économiser parce qu'on ne veut pas nécessairement défrayer des coûts là-dessus, se retrouve à créer des coûts plus importants dans le temps. Et la trajectoire de ces enfants-là est importante... est de constater, finalement, que ça cause des problèmes, et c'est là où c'est intéressant de voir le mouvement de masse, où des pays en Amérique latine, des pays en Europe du Nord, en Europe méditerranéenne, dans différentes régions du monde ont élargi à force de constater, avec des études, que, finalement, cet argument-là, ne serait-ce qu'économique, ne tenait pas la route.

Donc, le mouvement qui est en vogue, c'est de dire : À partir du moment où une personne est sur notre territoire, un enfant est sur notre territoire, il vaut mieux lui donner accès maintenant aux soins dont il a besoin et auxquels il a droit, et ensuite de ça on verra, sur la trajectoire de son statut, indépendamment de la prise en charge des soins immédiats à cette personne-là... Donc, en ce sens-là, moi, j'irais sur une ouverture qui est inclusive. Et j'argumenterais, d'ailleurs, que c'est une approche qui va être économique quand on prend en compte l'ensemble des coûts de la prise en charge à long terme de la personne.

M. Crépeau (François) : Il faut concevoir la prise en charge de ces enfants-là qui ne sont pas pris en charge aujourd'hui comme un investissement pour l'avenir de la même manière qu'on considère que le droit à la santé et le droit à l'éducation au Québec sont un investissement pour l'avenir. Ces enfants-là resteront au Québec pour leur grande majorité et finiront par devenir des citoyens productifs qui retourneront au Québec par leur créativité, par leur... en créant des entreprises, en payant des impôts, etc. Donc, c'est un investissement supplémentaire. Oui, il y a une dépense supplémentaire, mais probablement avec une réduction des dépenses ultérieures et avec le fait que ces gens-là seront en meilleure santé et produiront mieux au Québec.

Le Président (M. Provençal)  : Maintenant, est-ce que Mme la députée de Lotbinière peut céder la parole à une collègue?

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Oui. Merci.

• (16 h 30) •

Le Président (M. Provençal)  : Alors, je céderais la parole à Mme la députée de Repentigny. À vous la parole. Votre micro, s'il vous plaît. Alors, Mme la députée de Repentigny, est-ce que vous pourriez activer votre micro?

Mme Lavallée : Désolée. Oui, oui, désolée. Le micro est là.

Le Président (M. Provençal)  : Merci.

Mme Lavallée : C'est le charme des Zoom, actuellement. Là, on oublie, des fois, de remettre le micro, de l'ouvrir ou de le fermer.

Donc, dans un souci d'équité... parce que je vous entends parler du fait qu'on devrait soigner tous les enfants qui sont sur notre territoire, mais il y a aussi un souci d'équité pour les citoyens qui paient à grands frais tout le système de santé actuel, vous en avez parlé tout à l'heure.

Il y a des mémoires qu'on a eus, de la Protectrice du citoyen et du regroupement qui a passé avant vous, où on balisait quand même l'accès à ces soins-là. Est-ce que vous êtes en accord avec ce qu'eux autres proposent? Est-ce que vous voyez... quand même, qu'il y ait un minimum d'encadrement afin d'éviter que... exemple, les États-Unis, où on sait à quel point les coûts pour accéder aux services de santé sont énormes, puis qu'il pourrait être tentant de traverser les lignes pour trouver une raison, puis faire soigner son enfant, puis retourner aux États-Unis? Parce que, oui, il y a des enfants qui vont peut-être rester, mais il y a peut-être des enfants qui ne resteront pas, là, qui vont faire un aller-retour. Comment on fait pour s'assurer qu'on respecte aussi les gens qui paient pour ce système-là puis qui... oui, qui veulent soigner les enfants qui sont sur leur territoire, mais qu'il y ait quand même un encadrement pour respecter une forme d'équité?

M. Landry (Guillaume) : Bien, je peux peut-être commencer, puis je suis certain que François aura sans doute beaucoup de choses à compléter là-dessus.

Ce qui est important de constater, c'est que, si on identifie un problème potentiel sur la venue de personnes qui seraient motivées par un usage, une exploitation du système de santé et que, conséquemment, les balises sont là pour freiner cet usage indu de notre système, bien, ces... je comprends la rhétorique et l'importance de tenir compte de ces paramètres-là, mais en même temps, quand on regarde l'expérience migratoire, les gens ne se déplacent pas spécifiquement pour aller chercher un service plutôt qu'un autre et, ensuite de ça, plient bagage et retournent chez eux. Alors, c'est là où il y a un problème sur la conception même l'expérience des gens qui vivent ces situations-là de migration et qui débarquent chez nous.

Donc, si la stratégie, ce serait de dire : On ferme les portes au système de santé pour prévenir d'abord l'expérience migratoire, on le constate dans les pays où ça a lieu, ça n'a pas l'effet désiré, et on se retrouve avec une charge beaucoup plus importante par la suite de la non-prise en compte des droits et des besoins de ces personnes-là à long terme, parce que ces gens-là restent, et puis il y a toutes sortes d'enjeux qui se trament là-dessus.

Le deuxième exercice, c'est de constater que, dans les pays qui ont des expériences migratoires différentes, qui sont des pays receveurs, finalement, majoritairement de migrants, de personnes en situation de migration, en tant que tel, on le voit, la conjoncture, que ce soit sur la prise en charge du système de santé, n'est pas un facteur qui va venir faire à lui seul fluctuer et freiner ou faire bouger l'expérience migratoire. Les gens quittent pour une multitude de raisons, mais ce n'est certainement pas pour celle spécifiquement de viser un pays où on va venir prendre en charge plutôt qu'un autre leurs besoins en matière de santé.

Bien, je laisse François, qui a beaucoup plus d'expérience en la matière, compléter.

M. Crépeau (François) : Un point. Moi, il me semble qu'un système géré dans la RAMQ dans lequel on appliquerait le principe de la résidence habituelle et on fournirait des cartes-soleil à toute personne qui se présente et qui peut démontrer la résidence habituelle en vertu des méthodes de démonstration de la résidence habituelle du Code civil, c'est-à-dire, et ça a été mentionné par nos prédécesseurs, un bail, des factures d'Hydro-Québec, de Gaz Métro — ça ne s'appelle plus Gaz Métro — ou alors des déclarations qui ne sont pas forcément des déclarations authentiques, là, présentées devant... assermentées, mais aussi la suggestion, j'ai trouvé, de la Protectrice du citoyen de permettre à des organismes communautaires de faire des... d'écrire des lettres attestant de la résidence habituelle de la personne, tous ces moyens-là pourraient être rapidement mis en oeuvre par des personnes qui résident au Québec de façon habituelle, mais qui n'ont pas forcément le statut migratoire, etc., et qui pourraient, à ce moment-là, obtenir rapidement... et ça, c'est encore une question de délai administratif, mais obtenir rapidement la RAMQ et la carte-soleil.

Tout enfant qui naît au Québec devrait avoir la carte-soleil immédiatement. La Protectrice du citoyen a proposé une carte provisoire pour les premiers 183 jours. Pas contre ça, à partir du moment où les services sont donnés, ces enfants-là ont besoin des services. Mais on simplifierait considérablement l'appareil administratif de gestion en ayant la résidence habituelle, en permettant à toute une série de mécanismes de venir attester de la résidence.

Et cette carte-soleil est la clé, est la clé pour les hôpitaux, pour les médecins, etc. La personne qui habite Burlington et qui veut se faire soigner à Montréal... a cette carte, sauf par la fraude, et là on a des mécanismes policiers pour... Je veux dire, la fraude, elle existe partout et dans tous les systèmes, et donc il faut des mécanismes policiers pour lutter contre ça. Mais, si on simplifie administrativement l'accès à la carte-soleil avec un mécanisme de base simple qui permet d'avoir accès rapidement et avec des documents, ça n'empêche absolument pas la RAMQ de faire des inspections, de faire des enquêtes pour vérifier la réalité. Ces choses-là sont toujours possibles et elles existent.

Donc, pour moi, la simplification administrative est une des clés pour que le système fonctionne bien et pour vérifier que les personnes qui se présentent ont effectivement cette carte-soleil.

Mme Lavallée : Donc, ce que je comprends de votre part, vous êtes quand même ouverts à... vous êtes en accord avec ce que la Protectrice du citoyen et ce que le groupe avant vous avançait, disant : Ça prendrait une déclaration minimale des parents, de leur intention et des preuves... ou du fait qu'ils habitent, parce qu'il faut toujours bien prouver la résidence habituelle au Québec. Donc, avec ça, on pourrait émettre une carte-soleil provisoire pour les 183 jours et faire la suite, donc il y a un encadrement. Parce que, tout à l'heure, je vous écoutais puis, honnêtement, là, j'étais inquiète, parce que, là, c'est comme si on ouvrait tout, mais sans aucune vérification. Puis ça, quand on vérifie déjà les gens du Québec qui quittent pendant 183 jours puis qu'on leur fait perdre leurs acquis... et il faut aussi être justes et équitables envers tout le monde aussi, là.

M. Crépeau (François) : Comme tout système, il faut un encadrement. L'important, dans le but de mettre en oeuvre l'intérêt supérieur de l'enfant, c'est de faire en sorte que l'accès à ces services soit facilité pour tous les enfants qui résident habituellement au Québec, et ça, on peut le faire. Entre autres, une des choses, c'est, si on place... que la résidence habituelle est le critère d'accès aux soins de santé et qu'il n'y a aucune connexion entre la RAMQ et les services d'immigration du gouvernement canadien, on enlève la crainte qu'ont beaucoup de migrants dont le statut est aléatoire de se présenter devant les services gouvernementaux et, à ce moment-là, on a... on va avoir une adhésion de tous ces migrants qui, pour le moment, hésitent, n'osent pas, etc., préfèrent aller à la clinique de Médecins du Monde. On va avoir une adhésion au système, on aura tous des gens avec des cartes, on va avoir des enfants qui vont être soignés et on va éviter des problèmes de santé plus tard.

Mme Lavallée : Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup.

Alors, je cède maintenant la parole à la députée de Maurice-Richard pour la suite, 11 minutes.

• (16 h 40) •

Mme Montpetit : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour à vous deux. Merci d'être là avec nous pour terminer cette journée de consultations.

La question du tourisme médical, de toute évidence, est une inquiétude de certains, peut-être légitime, peut-être pas, mais... puis là je m'adresse peut-être au ministre, je m'excuse, je vais profiter du temps qu'on a entre nous, mais, moi, quelqu'un qui a une approche plutôt scientifique de façon générale, de par ma formation aussi, j'aime bien, quand on a ces approches-là, d'être basée sur des faits, puis je pense que... pour les discussions futures qu'on aura, comme c'est un élément qui semble revenir beaucoup, sur comment protéger, je vais dire, le Québec d'abus, quand on fait référence au tourisme médical, c'est quand même à ça qu'on fait référence, je pense qu'encore faut-il savoir ce qu'il en est exactement.

Donc, j'imagine, peut-être, que les équipes du ministre sont avec nous, nous écoutent, pourront peut-être porter à notre attention aussi, s'il y a des données factuelles à cet effet-là, s'il y a des hypothèses qui ont été formulées, s'il y a des données qui ont été validées. Je pense qu'avant de... comment je pourrais dire, d'établir une pièce législative sur des présomptions... elles sont peut-être légitimes, ces présomptions-là, mais je pense qu'il faut quand même essayer de les confirmer d'abord par une démarche un petit plus rigoureuse que par nos impressions personnelles. Puis, encore là, je n'ai pas de jugement sur la chose, mais je ne présumerais pas des intentions des gens.

Je pense qu'en effet on devrait être préoccupés prioritairement par s'assurer de maximiser puis d'élargir l'accès à la santé pour les enfants qui sont au Québec puis ne pas se mettre des barrières, je vais dire, supplémentaires si elles ne sont pas avérées ou si elles ne s'avéreront pas. Donc, assurons-nous de travailler avec les bonnes données. Puis, s'il s'avère, effectivement, que c'est une inquiétude qui pourrait se confirmer, bien, on agira en fonction de son... C'est mon petit laïus sur le tourisme... Il n'y a pas de question, c'était juste pour la suite des choses, pour quand on travaillera sur notre étude détaillée. Mais vous avez été, de toute façon, de bon conseil sur cet élément-là.

Vous me permettrez un petit aparté, parce qu'il y a un élément dans votre mémoire que... puis vous avez répondu à beaucoup de questions, de toute façon, de par votre mémoire puis de par vos échanges aussi avec les élus, mais vous avez fait référence aux femmes enceintes, puis je vous pose la question, parce que ça a été mentionné par plusieurs aussi, qu'il faut s'assurer d'apporter une attention aux femmes migrantes, mais vous avez fait référence plus spécifiquement au fait que ces femmes-là font l'objet, au Québec, de maltraitance et vous mentionnez notamment ou spécifiquement par rapport aux soins périnataux. Vous êtes le deuxième qui portez cet élément-là à notre attention. Je ne sais pas si vous pourriez nous en dire davantage, parce que vous l'avez simplement mentionné. Moi, c'est quelque chose qui me préoccupe beaucoup, d'entendre ça, surtout avec tous les débats qu'on a eus sur la question du racisme systémique dans le réseau de la santé au Québec, avec les cas qu'on a vus, notamment à Joliette, là, complètement autre chose. Mais j'aimerais ça que vous... profiter de votre présence pour que vous puissiez nous éclairer davantage sur ce que vous avez vu ou entendu à ce sujet-là.

M. Landry (Guillaume) : Très bien. Merci pour la bonne question. Peut-être juste un aparté aussi, un premier point. Sur le tourisme médical, je pense que je ferais quand même écho à ce que Médecins du Monde a révélé dans son intervention, c'est de faire très attention aussi, parce que la catégorie touriste, au Canada, peut servir à beaucoup de statuts différents. Alors, il faut faire attention si on compile des données au niveau de la RAMQ sur des personnes qui sont jugées comme étant sous un statut de tourisme.

Mais ce n'est pas vraiment des gens qui sont dans une démarche touristique, sur un séjour de quelques semaines, là, pour venir visiter simplement l'endroit, parce qu'on peut passer vraiment des mois et des années sous un statut de visa touristique parce qu'on est aux études, parce qu'on est en attente d'un autre statut, etc., donc de faire quand même très attention à vraiment distinguer qui correspond à un touriste au sens d'une définition vraiment dans l'essence touristique versus celle de la catégorie des visas, qui peut englober beaucoup de réalités différentes sous l'onglet «touriste».

Sur la question des soins de santé, effectivement, c'est quelque chose qui fait même partie de la Convention relative aux droits de l'enfant. L'Observatoire des tout-petits a été très éloquent pour évoquer l'importance des phases de développement et la prise en compte, finalement, des phases du foetus sur son développement, ce qui est déterminant sur l'ensemble de la vie de la personne par la suite. On l'a constaté, Médecins du Monde a raconté des histoires, j'ai entendu la Table de concertation, aussi, qui l'évoquait. Donc, peut-être, dans ma vie, j'ai aussi... je suis le conjoint d'une sage-femme, donc on constate tout à fait nombre de cas de femmes qui se retrouvent dans une situation où elles n'ont pas accès aux soins, font des choix qui ne sont pas motivés par, nécessairement, le bien-être de leur personne et celui de l'enfant, mais par des contraintes économiques ou des peurs en lien au statut et qui ont des conséquences tout à fait néfastes et tangibles sur elle-même et sur leur enfant à naître ou leur enfant né.

Alors, ça, c'est vraiment important de pouvoir l'illustrer et le comprendre, que ce n'est pas sans conséquence, le régime actuel, et que, vraiment, il y a des cas qu'on peut vraiment documenter de femmes qui vivent... et ces enfants-là qui vivent des préjudices en raison du fait qu'elles n'ont pas pu avoir accès pleinement aux services prénataux, et postnataux, et, évidemment, l'accouchement en soi. Alors... Puis je vous renvoie juste le témoignage, à la fin, de la Table de concertation, c'était très éloquent, là, là-dessus, là, sur des cas assez concrets.

J'espère que je réponds à votre question, Mme Montpetit.

Mme Montpetit : Oui. Vous n'apaisez pas mes préoccupations, mais ce n'était pas l'objectif de ma question. Non, non, au contraire, vous répondez bien, puis je... c'est... je comprends, vous nous mentionnez que ce n'est pas nécessairement dans le réseau de la santé non plus, des fois ça se fait de façon parallèle pour éviter des frais qui pourraient être liés à des services.

Je suis toujours très choquée, je pense, d'entendre ce genre de cas dans la société moderne dans laquelle on vit, mais je pense qu'une fois qu'on le sait, qu'on est au courant on a une responsabilité aussi, comme parlementaires, d'y apporter une attention, même si ce n'est pas dans le cadre de ce projet... puis ça pourrait être dans le cadre de ce projet de loi, si on voulait l'étendre plus largement, mais sinon d'y répondre d'une autre façon.

Mais je vous remercie beaucoup. Ce sera tout pour moi, M. le Président, mais je vous remercie du temps que vous avez passé avec nous puis les réponses fort éloquentes que vous avez faites.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup, Mme la députée.

À ce moment-ci, je vais céder la parole au député de Laurier-Dorion.

M. Fontecilla : Merci, M. le Président. Et je voudrais saluer également M. Landry et M. Crépeau, très intéressant, les informations que vous nous donnez aujourd'hui, là, beaucoup sur la question du tourisme médical, là, qui semble susciter beaucoup d'inquiétudes, là.

Écoutez, dans votre mémoire, vous parlez beaucoup des expériences internationales. Le projet de loi, bien, certainement, c'est une avancée pour plusieurs catégories d'enfants qui ne sont pas nés... issus de l'immigration, on va l'appeler comme ça, en général, là. Mais il y a une catégorie qui est exclue, c'est des enfants nés hors Canada, sans statut légal au Canada, donc des enfants nés à l'extérieur avec des parents sans papiers, on va les appeler comme ça. Je voudrais... D'après vous, d'après votre connaissance des expériences internationales, comment ce secteur-là... Quelle est la tendance, là, qui... Quelles sont les expériences qui sont menées au niveau international pour cette catégorie d'enfants là?

M. Landry (Guillaume) : À mon sens, en tout cas, le modèle que je constate de plus en plus dans les pays, c'est d'aller vers une simplification des codifications qui viennent à cet égard-là, parce que le danger d'un projet de loi qui devient trop spécifique, c'est qu'on vient régler les enjeux de peut-être une catégorie assez précise d'enfants, puis, par conséquent, on a comme dommage collatéral, qui n'était pas nécessairement l'intention du législateur... mais on vient créer, finalement, des conséquences sur un groupe qui n'entre pas dans la définition ou dans la case et qu'on se retrouve, finalement, à créer des discriminations collatérales qui n'étaient, encore une fois, pas nécessairement pas intentionnelles.

Mais vraiment, là-dessus, c'est assez complexe de tenir compte de toutes les catégories de papiers, de sans-papiers, de migrants, de gens qui ont différents statuts, des enfants séparés, des enfants non accompagnés, et là-dessus les modèles qui se sont dégagés les dernières années, c'est d'y aller sur une approche inclusive où on dit : Tout enfant sur le territoire, avec les éléments de résidence, a accès aux services. Donc, on ne vient pas, à ce moment-là, spécifiquement lister une catégorie de gens dans leurs trajectoires migratoires ou avec un statut particulier plutôt qu'un autre, on prend l'approche où ce sont les enfants sur le territoire qui ont accès à leur droit à la santé et... qu'on vient fournir cet élément-là, avec des balises de base, ce qui nous permet quand même de garder un certain contrôle, mais qu'on évite de devoir, de façon récurrente, retravailler constamment ce projet de loi là. Parce qu'on le constate, les situations administratives dans lesquelles les enfants se situent évoluent, et qu'on pourrait présumer que, dans quelques années, bien, on va se retrouver avec des gens qui ont d'autres types de statuts, et que, là, tout d'un coup, le projet de loi ne les a pas inclus, et, en ne les ayant pas inclus, bien, ils se retrouvent exclus, donc discriminés par la suite des choses, alors d'être assez soucieux de ça.

Ce qu'on constate, autrement dit, c'est vraiment vers un texte qui vient vraiment cerner en beaucoup moins de détails une approche plus inclusive, et, à ce moment-là, ça facilite, au niveau de l'opérationnalisation du projet de loi, la dimension nécessaire, bureaucratique qui devrait être au service de l'aspiration du projet de loi, qui est bien clairement attribuée. Je ne sais pas si, François, il y a d'autres éléments à ajouter.

M. Crépeau (François) : Non. Simplement renverser, en effet, la posture, avoir un principe d'inclusion et définir des exclusions précises, techniques plutôt qu'un principe d'exclusion dans lequel ensuite on demande aux gens de nous dire pourquoi ils doivent être inclus. Le principe devrait être celui d'une inclusion, et ensuite, s'il y a des exclusions précises, comme les touristes, puisqu'on a parlé d'eux, ou des travailleurs temporaires, à qui on demande d'avoir une assurance privée très précise, là, ceux-là seraient spécifiquement exclus.

M. Fontecilla : Donc, une seule catégorie de base, qui comprend tous les enfants, et, à partir de là, des exclusions précises.

• (16 h 50) •

M. Crépeau (François) : Voilà. Et, si on prend le critère de la résidence habituelle, on va avoir beaucoup plus... bien, on va avoir un certain nombre d'enfants supplémentaires qui vont être couverts, quel que soit le statut migratoire des parents ou d'eux-mêmes, et on pourra, à côté de ça, exclure un certain nombre de personnes à cause d'un statut de touriste ou d'un statut de travailleur temporaire qui a une assurance privée, etc.

Le Président (M. Provençal)  : Je vous remercie beaucoup.

Je vais maintenant céder la parole au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. MM. Crépeau et Landry, merci de votre présence et de la clarté de vos propos, aussi de nous ramener à l'essentiel, c'est-à-dire que ce projet de loi là vise à clarifier une situation, à rendre la situation beaucoup moins complexe et beaucoup moins sujette à l'interprétation administrative de fonctionnaires ou de la RAMQ.

Donc, moi, j'ai tendance à souscrire à cette idée de simplicité et de clarté, et je voulais savoir si... Quand vous dites que le fardeau de la preuve, en quelque sorte, devrait être renversé, en présumant que les gens qui demandent, pour leurs enfants, d'obtenir des services, bien, sont d'honnêtes citoyens, sont des gens qui répondent aux critères, est-ce que vous iriez jusqu'à dire qu'on devrait admettre l'ensemble des enfants qui sont présents sur le territoire et qui ont besoin de soins de santé et qu'il appartiendrait à la RAMQ de démontrer qu'ils ne sont pas admissibles par les moyens d'une enquête, là, comme il se fait, par exemple, dans le domaine de l'impôt? On présume que tout le monde est honnête, fait toutes ses déclarations. Il peut y avoir une équipe d'enquêteurs au travail pour débusquer les fraudeurs.

M. Crépeau (François) : Je veux dire, il y a... aucun système administratif ne permettrait l'ouverture à tout le monde... le vrai monde fonctionne. Donc, je pense que l'idée, c'est celle, comme vous l'avez dit, de la simplification et de l'accessibilité.

Donc, l'idée c'est de permettre à toute personne qui est résidente habituelle — je reprends toujours ce critère — de venir le démontrer. Et, si on s'assure et on passe le message que, d'une part, tout mode de preuve de la résidence habituelle, comme ça se fait devant les tribunaux dans bien d'autres domaines, peut être amené, y compris, par exemple, suggestion de la Protectrice du citoyen, des déclarations de groupes communautaires qui vont assurer que cette personne est effectivement résidente depuis telle date, etc., et des factures, etc., si la personne vient présenter ça, et si on s'assure aussi qu'elle n'a pas peur de la RAMQ, au sens où elle n'a pas peur que les données qu'elle va présenter pourraient être signalées à Immigration Canada, on va s'assurer à ce que les gens se présentent à la RAMQ et vont demander d'avoir la carte, et, si la RAMQ fonctionne, administrativement, correctement, ils vont l'avoir rapidement, ça va régler tous les problèmes dans les hôpitaux et chez les médecins, on va simplifier considérablement la gestion du système. Mais, pour ça, il faut s'assurer que le système est effectivement... offre une interface sympathique, ouverte et propose des accompagnements — ça a été dit par nos prédécesseurs également — pour les personnes pour lesquelles c'est difficile, par exemple, les personnes qui... bien, qui ne parlent pas français, anglais, etc., qui se retrouvent ici, il faut des accompagnements. Donc, pour ça, il faut un principe d'ouverture qui nous permet de répondre aux besoins...

M. Arseneau : Donc, un préjugé favorable.

M. Crépeau (François) : Bien, un préjugé favorable, à partir du moment où il y a une certaine documentation. Vous ne pouvez pas arriver et prétendre être résident dans une ville et voter dans une ville si vous n'y posséder rien et n'avait pas un bail, donc il faut quand même quelque chose. Mais, si on permet toutes sortes de modes de preuve, ce qui n'empêche pas la RAMQ de faire des vérifications, eh bien, on va faciliter le... et on va savoir aussi qui sont ces gens, ça va nous donner des statistiques. On se pose la question depuis le début de la commission : Combien il y en a? Combien il y en a? Combien... Bien, on va le savoir, combien il y en a. Ça va être beaucoup plus facile à étudier, et on va pouvoir faire des calculs et avoir des données.

Le Président (M. Provençal)  : Je vous remercie, messieurs du Bureau international des droits des enfants.

La commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux au 28 avril, après les affaires courantes, où elle entreprendra un autre mandat.

Merci beaucoup de votre contribution et de votre collaboration et bonne fin de journée à tous.

(Fin de la séance à 16 h 55)

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