L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de la santé et des services sociaux

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de la santé et des services sociaux

Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mercredi 9 décembre 2020 - Vol. 45 N° 70

Entendre le directeur national de la santé publique, le Dr Horacio Arruda, au sujet de la pandémie de la COVID-19


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Exposé du directeur national de santé publique, M. Horacio Arruda

Discussion générale

Document déposé

Autres intervenants

M. Luc Provençal, président

Mme Dominique Anglade

Mme Marie Montpetit

M. Samuel Poulin

M. Gabriel Nadeau-Dubois

Mme Nancy Guillemette

Mme Monique Sauvé

M. Pascal Bérubé

M. Mathieu Lévesque

M. François Jacques

Mme Lucie Lecours

Mme Marilyne Picard

*          M. Richard Massé, ministère de la Santé et des Services sociaux

*          Témoin interrogé par les membres de la commission

Note de l'éditeur : La commission a aussi siégé en matinée et en soirée pour tenir des consultations particulières sur le projet de loi n° 73, Loi modifiant diverses dispositions en matière de procréation assistée. Le compte rendu en est publié dans un fascicule distinct.

Journal des débats

(Quatorze heures cinquante-neuf minutes)

Le Président (M. Provençal)  : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte.

La commission est réunie afin de procéder à l'audition du directeur national de la santé publique, le Dr Horacio Arruda, au sujet de la pandémie de la COVID-19.

Conformément à la motion adoptée par l'Assemblée, la séance d'aujourd'hui sera d'une durée de trois heures, soit 15 minutes d'exposé et 2 h 45 min pour les échanges entre les parlementaires et M. le directeur de la santé publique.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

(15 heures)

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Blais (Abitibi-Ouest) est remplacée par M. Poulin (Beauce-Sud); Mme Lavallée (Repentigny), par Mme Lecours (Les Plaines); Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac), par M. Lévesque (Chapleau); M. Tremblay (Dubuc), par M. Jacques (Mégantic); M. Ciccone (Marquette), par Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne); M. Zanetti (Jean-Lesage), par M. Nadeau-Dubois (Gouin); M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), par M. Bérubé (Matane-Matapédia).

Le Président (M. Provençal)  : Merci, Mme la secrétaire.

Je souhaite maintenant la bienvenue au Dr Horacio Arruda, directeur national de la santé publique, et aux membres de son équipe. Je vous rappelle que vous disposez de 15 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter puis à commencer votre exposé. À vous la parole, docteur.

Exposé du directeur national de santé publique, M. Horacio Arruda

M. Arruda (Horacio) : Bonjour. Horacio Arruda, directeur national de santé publique et sous-ministre adjoint à la Direction générale de santé publique du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec.

M. le Président, Mmes et MM. les députés, cette commission parlementaire nous donne une occasion de revenir sur la situation des derniers mois pour relever ensemble ce défi sans précédent. J'oeuvre en médecine préventive et santé communautaire depuis plus de 35 ans, comme professeur et médecin-conseil. Je suis au ministère depuis maintenant 20 ans et j'occupe, comme le prévoit la loi de santé, deux fonctions, deux chapeaux différents depuis 2012 : je suis sous-ministre adjoint à la Direction générale de santé publique et directeur national de santé publique.

J'ai déjà fait face à plusieurs épidémies et même pandémies. Celle-ci est sans contredit exceptionnelle et sans précédent. Un virus invisible, pernicieux, inconnu a transformé le monde et continue encore à nous menacer. Cette pandémie de COVID-19 a touché toute la planète. Elle nous a plongés dans un univers d'incertitude et continue encore à poser de nombreux défis à toutes les sociétés du monde, qui se doivent d'agir collectivement pour gérer les risques.

Je serais heureux de répondre à vos questions, mais avant je souhaite faire état des actions que nous avons prises pour relever le défi incontestable : sauver et protéger les vies humaines de nos concitoyens. Les actions et la solidarité de tous sont nécessaires. Et il nous faut aussi aborder les enjeux et défis qui sont devant nous.

Au cours des derniers mois, j'ai été le visage de la Santé publique, le visage d'une équipe d'experts dévoués, répartis partout sur le territoire du Québec. Aujourd'hui, je suis accompagné de l'un d'eux, il s'agit du Dr Richard Massé, médecin spécialiste en santé communautaire. C'est d'ailleurs lui qui a été le premier à occuper le poste de directeur national de santé publique et a fortement contribué à la modernisation de la Loi de santé publique en 2001. Nous avons dû gérer des épidémies et des campagnes de vaccination massives d'urgence. Avec mes collègues de Santé publique, nous avons relevé certains défis. En 2009, la pandémie de grippe H1N1 a été une expérience qui a aussi interpelé toute notre société. Elle nous a aussi permis d'élaborer des plans et réponses dans une perspective de santé publique et de sécurité civile. Comme à chaque expérience, nous avons beaucoup appris de nos bons coups comme de nos moins bons coups. Cela a grandement servi à préparer cette crise que nous vivons présentement, même si cette dernière n'a aucune commune mesure avec la pandémie de 2009.

Je crois nécessaire de vous parler sommairement de la manière dont fonctionne la Santé publique au Québec. En tant que directeur national de santé publique du Québec, j'ai pour mandat de prêter assistance au ministre de la Santé et des Services sociaux dans l'accomplissement de ses responsabilités en santé publique. Celui-ci peut me déléguer des fonctions et des pouvoirs dont il dispose en vertu de la Loi sur la santé publique.

Je travaille, bien entendu, en collaboration avec les directeurs régionaux de santé publique, qui sont les responsables de leurs territoires respectifs. Ces derniers ont notamment le mandat d'informer la population sur différentes situations, comme l'état de santé de la population en général, les priorités concernant certaines problématiques de santé et leurs facteurs de risque. Ils sont tenus d'intervenir en supervisant le développement de leurs interventions et en mettant sur pied des études et des recherches en lien avec la situation. Ils doivent aussi repérer certaines situations qui pourraient représenter un danger pour la santé publique et instaurer des consignes nécessaires pour la protéger.

Dans le cas de la pandémie actuelle, notre rôle est bien d'informer les autorités gouvernementales, à la lumière des dernières données scientifiques disponibles et qui sont évolutives, afin qu'elles prennent les décisions les plus éclairées possible pour préserver la santé des Québécoises et des Québécois. Nous disposons d'une grande équipe d'experts qui collaborent avec les équipes régionales et qui peuvent aussi compter sur le soutien de l'Institut national de santé publique. Toutes ces personnes ont été très sollicitées ces derniers temps, et je souhaite leur dire merci pour leur mobilisation exemplaire au cours des derniers mois.

Ensemble, nos décisions et nos recommandations sont fondées et s'appuient sur les données probantes, l'évolution pandémique, les pratiques internationales, les recommandations de l'OMS et d'autres institutions scientifiques, la gestion des risques, l'équilibre entre la santé physique et certains éléments psychosociaux, notamment les problématiques de santé mentale. Il est important de mentionner qu'à chacun de ces éléments il faut à chaque fois l'adapter au contexte et à la situation du Québec. Il y a, bien sûr, la théorie et la pratique. Mon travail, c'est d'obtenir le meilleur consensus d'experts dans un contexte de connaissances en constante évolution. Ceci est au coeur de notre mission.

Maintenant, j'aimerais revenir un peu sur le contexte entourant cette crise inédite de COVID-19. Dès janvier dernier, au moment où les premiers cas ont été annoncés à l'échelle internationale, le Québec s'est mobilisé pour faire face à la pandémie de la COVID-19, puisqu'il était inévitable que nous ne serions pas épargnés. Parti de la Chine, le virus a rapidement étendu son emprise sur de nombreux pays. Cette emprise a été fulgurante.

Dès le 13 mars, le Québec annonçait la fermeture des écoles, des cégeps, des universités et des services de garde. Reportons-nous à ce moment. Nous étions dans les premières juridictions du continent à prendre de telles mesures. C'est d'ailleurs ce qu'on a appelé le début du confinement total de la première vague.

Le 14 mars, le Québec déclarait l'état d'urgence sanitaire. Si, à l'époque, les gens étaient surpris et questionnaient cette décision, aujourd'hui il aurait été impensable de ne pas l'avoir fait. Cette première vague a nécessité la mise en place de différentes mesures, notamment la fermeture des commerces non essentiels. Cela découlait des recommandations de nos équipes, en fonction des connaissances les plus à jour que nous avions. Ces connaissances n'ont cessé de s'affiner au fil des semaines et des mois. Nous sommes toujours restés à l'affût de ce qui se passait ailleurs dans le monde. C'est d'ailleurs grâce à cette évolution des connaissances que nous avons pu procéder à un déconfinement progressif à partir de la fin du printemps, tout en nous préparant à la deuxième vague qui était anticipée pour l'automne.

Nous avons également recommandé le port du masque d'abord et l'avons rendu obligatoire ensuite. Encore là, nous étions parmi les premiers, sinon la première juridiction à agir ainsi au Canada. Nous avons procédé par étapes en fonction des habitudes des Québécois, tel un plan d'intervention d'un médecin envers son patient. Il ne fallait pas agir avec précipitation. Notre principal souci était de s'assurer que les gens allaient intégrer cette nouvelle réalité dans leurs comportements. Nous souhaitions éviter que les gens se croient dorénavant protégés avec le masque et réduisent l'application des mesures de base pourtant fondamentales : la distanciation physique et le lavage des mains. Je le rappelle, le masque protège les autres avant de nous protéger nous-mêmes.

En clair, la préparation à la deuxième vague nous aura permis de préparer les mesures qui sont actuellement en place. Ces mesures sont, dans l'ensemble, moins contraignantes qu'au printemps en étant mieux ciblées, ce qui permet à l'économie de fonctionner, aux gens de travailler et aux jeunes de continuer d'aller à l'école tout en préservant au maximum la santé de la population. Car la santé, rappelons-le, est la priorité qui a présidé toutes les décisions qui ont été prises sous recommandation de l'avis indépendant des experts. C'est la même chose pour ce qui est des changements de paliers qui ont été annoncés cet automne, nos équipes ont recommandé ces changements au gouvernement en se basant sur de nombreux indicateurs qui sont suivis dans chacune des régions.

• (15 h 10) •

Cela nous amène à aborder l'état actuel de la pandémie. Plusieurs voient l'arrivée imminente d'un vaccin comme la fin, la dernière étape, mais rien n'est encore terminé et de nombreux enjeux continuent à nous préoccuper. Depuis quelque temps, nous l'observons sur le terrain, nous sentons ce que plusieurs appellent un relâchement. Il ne faut pas négliger ni ignorer la fatigue des Québécois. Nous ne sommes pas différents d'ailleurs, nous vivons le même combat. Il faut une mobilisation collective à un ennemi commun. Aucun gouvernement ne pourra réussir sans cet effort collectif nécessaire. Le vaccin, tout comme le port du masque depuis juillet dernier, ne doit en aucun cas être vu comme un prétexte de relâchement aux mesures de prévention de base, la distanciation physique et le lavage des mains. Il n'y a pas de recette magique. Tant que le Québec n'aura pas atteint la masse critique de personnes immunisées, nous devrons maintenir ces mesures. Et j'ai un seul conseil à formuler aujourd'hui, un seul : diminuez vos contacts, parce que le virus, il se nourrit de contacts humains. Chaque contact est une source probante, un risque potentiel pour de nouveaux cas et de nouvelles éclosions. C'est d'ailleurs la mise en garde qu'il faut se donner.

2021 sera une année de paradoxes et de mélanges de sentiments. La vaccination cohabitera avec d'autres cas et d'autres éclosions. Les vaccins suscitent l'espoir, mais d'autres cas et éclosions surviendront, par ailleurs. Il nous faudra faire preuve d'une extrême rigueur et méfiance. Le virus ne sera pas exterminé, et les risques seront encore présents.

La capacité d'accueil de notre réseau de la santé est l'une des principales raisons pour lesquelles la décision a récemment été prise d'éviter les rassemblements pendant la période des fêtes. Nous sommes, actuellement, fortement préoccupés. La COVID a des impacts immenses, immédiats et à venir, immédiats pour le système de soins, pour ceux qui souffrent de la maladie, du décès d'un de leurs proches et de ceux qui n'auront pas leur chirurgie, ou leur traitement, ou un diagnostic précoce. L'après-pandémie nous exposera à des enjeux importants de maladies chroniques, d'obésité, de dépendance et de santé mentale. Nous devons y faire face et s'attaquer aussi à ces réalités qui vont avoir été accentuées par la COVID-19.

D'une ampleur sans précédent dans l'histoire moderne, notamment par la vitesse à laquelle elle s'est répandue sur la planète, la pandémie de COVID-19 nous aura obligés à réagir rapidement sans que nous ayons toujours les connaissances et le recul nécessaires pour éviter certaines erreurs. Mais c'est ainsi, toutes les sociétés du monde l'ont vécu de cette manière, chacune avec leurs enjeux particuliers. En tant qu'équipe d'experts et de spécialistes, nous n'avons pas la prétention de n'avoir commis aucun faux pas, mais nous avons la certitude d'avoir toujours fait les meilleures recommandations à la lumière de l'information que nous avions, une information nouvelle et, je le rappelle, évolutive, de surcroît.

Nous avons appris avec la H1N1 en 2009. Nous aurons beaucoup appris de cette pandémie, de cette première vague et de cette pandémie, qui n'est surtout pas terminée. Nous serons encore mieux préparés pour les crises que nous aurons à affronter au cours des prochaines décennies, notamment les prochaines générations de médecins spécialistes.

Je vous remercie de m'offrir l'occasion de vous présenter notre travail, et nous sommes disposés à répondre à vos questions.

Discussion générale

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Nous initions le premier bloc d'échange avec le groupe parlementaire formant l'opposition officielle. Alors, je vais céder la parole à la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne. À vous la parole, madame.

Mme Anglade : Merci, M. le Président. Et bonjour à tous mes collègues ici. Bonjour à vous, Dr Arruda, et d'abord vous remercier d'avoir répondu favorablement à la demande de l'opposition officielle pour l'exercice qu'on est en train de faire. Vous remercier également pour le travail que vous avez accompli depuis des mois pour l'ensemble des Québécois. Et je salue les personnes qui vous accompagnent. J'ose croire que les échanges que nous allons avoir vont nous permettre de bien comprendre le travail qu'est le vôtre et de voir de quelle manière les décisions se prennent au sein du gouvernement.

Je vais tout de suite y aller, M. le Président, avec ma première question. Nous avons interpelé le gouvernement à propos des tests rapides et de la déclaration du Dr Fauci, qui disait que nous devrions, au Canada, tester tous les asymptomatiques. Considérant les risques de reconfinement actuels et vu la situation difficile dans laquelle on se trouve aujourd'hui, j'aurais deux questions pour vous. À l'instar de l'Ontario et de la Nouvelle-Écosse, considérez-vous revoir votre position sur les tests rapides et ainsi pouvoir tester le plus grand nombre de Québécois possible pour détecter un maximum de personnes qui sont asymptomatiques? Et, comme deuxième question, pouvez-vous nous expliquer en quoi votre modèle pour les personnes asymptomatiques diffère de la proposition du Dr Fauci?

M. Arruda (Horacio) : Alors, merci pour ces questions. Premièrement, il faut comprendre un élément que je tiens important à faire. Comparativement à d'autres provinces, en termes... on a travaillé, au Québec, dans la perspective d'implanter le test de PCR, qui est considéré comme étant le standard de test pour faire le dépistage. Et vous vous souvenez qu'au début on avait une certaine capacité, qui a été en augmentant dans le temps. Et donc le Laboratoire de santé publique du Québec a développé ce test-là à partir des preuves provenant du laboratoire de Winnipeg, et on a rapidement, au Québec, contrairement à d'autres provinces, implanté le PCR, même dans des zones distantes, donc, en termes de tests.

La question des tests rapides, il faut comprendre que les tests... l'utilisation des tests rapides au Québec a été gérée, en termes de recommandation, par des groupes d'experts cliniciens, des gens de santé publique, des gens des laboratoires pour nous faire les meilleures... les recommandations qui étaient adaptées à la réalité québécoise. Les tests rapides ont des avantages et ont aussi plusieurs inconvénients. Notamment, on sait que certains tests, chez les patients asymptomatiques, vont créer énormément de faux négatifs ou peuvent aussi, dans certains cas, créer des faux positifs. Et même Santé Canada recommandait qu'on utilise ces tests-là toujours en validation parallèle avec le test de PCR. C'est ce que notre Laboratoire de santé publique a fait, comme tel... en train de le valider.

Et on a introduit aussi dans nos choix, si vous me permettez, l'analyse, là, de tout ce qu'on appelle les catégories de personnes — asymptomatiques ou pas asymptomatiques, travailleurs de la santé, cas, contacts de cas, en situation d'éclosion, non-éclosion — pour être capables de vérifier la sensibilité des tests et la valeur de détection des tests. Dans une population où la prévalence... Pour que le test soit le plus rentable en termes d'efforts pour aller détecter, c'était clair que les patients symptomatiques, les gens qui étaient des contacts de cas symptomatiques, les travailleurs de la santé qui étaient dans des milieux en éclosion, c'était adéquat. Dans les populations en général, quand il y avait des tests, les gens sont asymptomatiques, la valeur du test a été, je vous dirais, moins significative.

Mais nous sommes à revoir l'ensemble de la procédure pour introduire le test rapide, mais dans les meilleures conditions, c'est-à-dire avec des indications où on va vivre avec une certaine baisse de sensibilité ou de spécificité, mais qui va être considérée acceptable. Cette situation-là est actuellement en cours, et l'intégration des tests rapides va se faire dans certains milieux, au chevet du patient, ce qui va permettre de prendre des résultats, mais on veut que ça soit indiqué, selon les recommandations de nos experts. Donc, sans dire que l'utilisation des tests chez les asymptomatiques... pas être adéquate, nous avons des recommandations qui sont basées aussi sur ce qu'on a observé au Québec en termes de résultat des tests.

Le Président (M. Provençal)  : Vous aviez une deuxième question qui avait été posée par la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

M. Arruda (Horacio) : C'était... La deuxième question était en lien avec les tests rapides par rapport aux autres.

Le Président (M. Provençal)  : Ça vous va?

M. Arruda (Horacio) : J'ai répondu aux deux, je crois.

Mme Anglade : Oui, ça me va. C'était pour la distinction entre le Dr Fauci... mais ça me convient. Je vais céder la parole à ma collègue de Maurice-Richard.

• (15 h 20) •

Le Président (M. Provençal)  : Alors, Mme la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Je vous remercie. Bonjour, Dr Arruda. Bonjour à vos équipes.

Vous me permettrez, déjà, d'être un peu surprise de la réponse que vous faites, en ce sens que vous dites revoir l'utilisation des tests rapides alors qu'ils ne sont toujours pas utilisés et que ça fait sept semaines qu'ils sont déjà arrivés au Québec, mais on aura l'occasion d'y revenir.

J'aimerais vous poser une question en lien avec une déclaration que l'ex-ministre de la Santé, Mme McCann, a faite le 22 mai dernier, puis je la cite, elle disait : «...on s'est aperçu, à la fin mars, début avril, que les personnes asymptomatiques pouvaient propager le virus, ce qui a été une donne qui a changé vraiment le cours des choses.» Je vous rappellerai que la communauté médicale lançait l'alarme sur la transmission de la COVID-19 par des personnes asymptomatiques dès la fin janvier. Donc, la question sera toute simple : Comment vous pouvez expliquer la déclaration de la ministre de la Santé?

M. Arruda (Horacio) : Il faut comprendre qu'effectivement il y a des hypothèses de patients asymptomatiques dont on ne connaissait pas l'ampleur du phénomène. On savait que ça avait été démontré, qu'il y avait eu des patients asymptomatiques qui avaient transmis la maladie, par contre son ampleur n'était pas connue de façon significative. Même moi, en janvier, par principe de précaution, j'avais communiqué qu'il fallait peut-être prendre ça en considération. Mais là la mécanique exacte pour laquelle... Probablement que, plus tard, dans la séquence des événements, la notion de transmission asymptomatique devenue plus significative est arrivée plus tardivement, même si on la suspectait dès janvier.

Mme Montpetit : Vous dites l'avoir communiqué en janvier. Vous l'avez communiqué à qui?

M. Arruda (Horacio) : Non, non, on l'avait communiqué, notamment, dans un contexte de retour des gens qui revenaient du voyage à l'extérieur, où on voulait diminuer le nombre... le temps, avec le fédéral, de quarantaine. Nous, on avait maintenu le fait qu'il fallait vraiment maintenir le 14 jours, tout comme c'était fait pour les gens qui étaient rapatriés de Chine.

Mme Montpetit : O.K. C'est parce que vous dites l'avoir communiqué en janvier. Le retour de la quarantaine, c'est après la semaine de relâche. Est-ce que vous... Je ne veux pas mal vous citer. Est-ce que vous avez communiqué quelque chose, en janvier, par rapport à la transmission...

M. Arruda (Horacio) : Pas à la ministre, c'est des discussions qu'on avait au niveau fédéral-provincial par rapport à la question : Est-ce que l'on devait mettre les gens en quarantaine véritablement 14 jours, compte tenu aussi du fait que plusieurs pouvaient être asymptomatiques jusqu'à cette période?

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Anglade : Merci. Dr Arruda, nous avons vu, au fil de la pandémie, certaines voix dissonantes en matière de santé publique. J'aimerais que vous puissiez nous expliquer de quelle façon sont formulées les recommandations au premier ministre. Et est-ce que les directions régionales de la santé publique sont consultées sur les avis qui sont émis? Et comment se font les arbitrages lorsque les avis sont divergents?

M. Arruda (Horacio) : Il faut comprendre que, un, tous les avis sont basés, habituellement, sur ce qu'on a comme information sur les données probantes, et, en ça, c'est notre Institut national de santé publique qui fait des revues de littérature et qui, rapidement, va émettre des avis et ajuster les demandes qu'on leur a faites. Ça, c'est pour ce qu'on appelle la donnée probante publiée dans la littérature.

Il faut voir que, dans un phénomène en émergence, plusieurs articles peuvent paraître et souligner un élément, mais qui n'est pas encore confirmé, notamment, par les autorités de l'OMS ou d'autres organisations parce qu'une seule étude ne peut pas faire nécessairement la décision. Ensuite, il y a toute une série d'analyses qui est faite par rapport au niveau international, quelles ont été... parce que les pandémies avaient commencé dans d'autres pays, quelles étaient les mesures qui avaient été prises, quel avait été, potentiellement, l'effet par rapport à ça. Ensuite, il y a d'autres éléments qui prennent en considération les enjeux d'intervention comparée.

Et ce qui se passe, c'est que, de notre côté, les directeurs de santé publique, mes experts au ministère de la Santé, en faisant l'analyse des données qui proviennent de l'Institut national... nous avons des rencontres régulières avec les directeurs de santé publique, je vous dirais, presque quotidiennes, sauf, des fois, le samedi, comme tel, et nous échangeons sur les enjeux qu'ils observent, sur les recommandations qu'on devrait faire au gouvernement. C'est clair que nous arrivons avec une proposition qui a été discutée à l'interne du ministère. Dr Massé et des collègues, selon leur spécialité, vont émettre et vont me soumettre des recommandations. On les discute avec les directeurs de santé publique. On rentre, après ça, en itération avec le gouvernement pour répondre à ses questions, et nous émettons une recommandation.

Ce qui est très important de mentionner ici, compte tenu de la vitesse à laquelle on doit prendre des décisions et le processus actuel de pandémie, ce sont des avis qui sont écrits, des tableaux qui sont présentés, mais ce n'est pas des avis au même titre qu'une organisation qui va faire une revue de littérature complète, qui va émettre de la documentation, qui va prendre quelques semaines, les choses étant évolutives. Et à ce moment-là nous, on arrive à présenter au gouvernement notre recommandation, qui, habituellement, fait consensus. Même s'il y a des discussions, compte tenu de l'incertitude puis qu'il n'y a pas de données probantes partout, on en arrive à un consensus. Nous présentons la recommandation au gouvernement, aux autorités. Nous, notre rôle, c'est de faire des recommandations; eux doivent disposer et gérer le risque. Nous, on fait une analyse de gestion du risque en fonction de la santé publique; eux font des analyses en fonction du risque de plein d'autres déterminants de la santé dans la société, et, à ce moment-là, la décision est prise.

Et, jusqu'à maintenant, les directeurs de santé publique, on a toujours été dans une situation où, quelquefois, en présentant deux, trois scénarios, il est possible qu'on ait choisi un scénario qui ne soit pas notre premier, mais je tiens à vous dire qu'actuellement, jusqu'à maintenant, les directeurs de santé publique ont été solidaires des décisions qui ont été prises.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Je vous remercie. Donc, l'arbitrage final, je comprends, c'est vous qui le faites?

M. Arruda (Horacio) : Je veux dire, s'il n'y a pas... Écoutez, jusqu'à maintenant, on est arrivés à un consensus. Il faut comprendre que... Je vais définir le consensus comme quelqu'un qui est capable de vivre avec la solution, et il ne considère pas que c'est grave. Vous devez comprendre que, comme directeur national, si vous me permettez, j'ai toute une équipe de santé publique qui me regarde et qui me surveille, j'ai un institut. Et je ne suis pas sous-ministre adjoint quand je suis directeur national. J'ai d'ailleurs été deux fois, en commission parlementaire, contre, je vous dirais, la position gouvernementale. C'est arrivé dans l'alcool dans les casinos et aussi, même à ce gouvernement-là, par rapport à la recommandation de l'âge au cannabis.

Le Président (M. Provençal)  : Madame voudrait une autre question.

Mme Montpetit : C'était une question qui demandait un simple oui ou non, vous savez, on est pris un petit peu par le temps.

M. Arruda (Horacio) : Oui, je comprends, excusez-moi. Je vais essayer de faire des réponses courtes.

Mme Montpetit : Il n'y a aucun souci. Est-ce que... Juste pour bien vous comprendre... Aussi, le premier ministre a affirmé à plusieurs reprises qu'il n'y avait pas de traces écrites des recommandations. Là, encore là, je ne veux pas vous mettre en porte-à-faux, j'ai cru comprendre que vous disiez qu'il y avait des recommandations écrites. Est-ce que c'est le cas, oui, non? Et, si ce n'est pas le cas — vous avez, d'entrée de jeu, mentionné que nous aurons beaucoup appris de cette crise — est-ce que vous ne sentez pas qu'il serait nécessaire de formuler des écrits pour l'analyse qui sera faite de la gestion de cette pandémie par la suite?

M. Arruda (Horacio) : Bon, écoutez, il y a des documents de travail. Il y a, par exemple — puis je pourrais vous le déposer, si vous voulez le voir, à la commission — ce qu'on a déposé comme étant le document pour expliquer les vacances autour la période de rassemblement de Noël, là. Je veux dire, ça a été fait pour une compréhension, ça n'a pas été un texte qui a été écrit comme on fait un avis habituellement, ça a été des graphiques, avec des positionnements. Je pourrais, si vous voulez, le déposer à la commission, si vous voulez, là.

Pour vous donner un exemple de façon de faire, souvent ça peut être des PowerPoint qui sont faits, parce qu'on a peu de temps. On ne veut pas... Les gens ont beaucoup de lecture à faire. On va directement au point, puis à la recommandation, puis au tableau. Mais je pourrais vous donner un exemple, si vous voulez, à la commission.

Document déposé

Le Président (M. Provençal)  : Alors, compte tenu que vous avez offert un dépôt, la commission va accepter le dépôt.

Mme Montpetit : Si je peux me permettre, dans cet élan de proposition, si vous avez plusieurs exemples, on les prendra, en dehors de ceux de la période de Noël aussi, s'il y en a d'autres qui sont antérieurs. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal)  : Vous le transmettez au secrétariat avant la fin de la séance. Merci.

M. Arruda (Horacio) : Ça va être fait.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup. Mme la députée.

Mme Anglade : Oui, alors, merci. Dr Arruda, j'ai une série de questions en rafale pour vous. Alors, toutes les questions qui vont suivre découlent de l'article d'Alec Castonguay qui a été publié dans L'Actualité le 27 février 2020. Le ministère de la Santé lance un appel d'offres afin de renflouer ses équipements de protection sanitaire. Première question : Avez-vous signifié à une autorité politique ou administrative des préoccupations à cet effet au mois de décembre 2019 ou 2020?

M. Arruda (Horacio) : Ce qui est arrivé, c'est que, premièrement, la première rencontre de la Sécurité civile, au ministère de la Santé, le 24 janvier 2020, ça a été le moment où... bon, on a suivi ce qui se passait en Chine, on a vu ce qui est arrivé en Colombie-Britannique, mais ça a été une des premières rencontres. Puis, bien entendu, dans la perspective des travaux qu'on avait déjà faits dans le cadre du plan de la pandémie H1N1, on avait discuté qu'il fallait revoir le stock de nos réserves d'équipement de protection dans le contexte de ce qui est arrivé antérieurement.

Mme Anglade : O.K. Alors, ma question : Est-ce que vous avez demandé à une autorité politique ou administrative de renflouer les stocks pour se préparer à la crise? À ce moment-là, en décembre ou en janvier, est-ce que vous avez demandé cela?

M. Arruda (Horacio) : Je tiens à vous dire que ce n'est pas le secteur que moi, je couvre, comme tel. Il y a... Les approvisionnements font partie d'une des missions santé de la Sécurité civile au sein du ministère, et c'est par ce processus-là que c'est fait. Ce n'est pas moi, personnellement, qui l'ai demandé, mais, comme entendu, dans le cadre des plans de pandémie, nous avions dit qu'il fait revoir les stocks.

Mme Anglade : Est-ce que vous savez si... Au moment où ça a été recommandé, puisque ce n'est pas vous qui étiez en charge, est-ce que vous savez s'il y a eu une formulation auprès d'un acteur quelconque par la suite? Est-ce que ça a été pris en compte... approvisionnements? Et cette recommandation a été plus loin? Est-ce que vous le savez?

M. Arruda (Horacio) : Je ne peux pas répondre. Honnêtement, je ne peux pas répondre tout ce qui est arrivé avec qu'est-ce que mes collègues ont fait puis par quel processus ça s'est fait.

Mme Anglade : D'accord. Est-ce que vous pourriez nous expliquer pourquoi, à ce moment-là, le ministre de la Santé lance un appel d'offres seulement le 27 février, le jour même du premier cas? Vous ne seriez pas en mesure de répondre à ça non plus?

M. Arruda (Horacio) : Non.

• (15 h 30) •

Mme Anglade : Très bien. Autre question. Lorsque vous mentionnez, au mois de janvier : Si le virus sort de la Chine, on est dans le trouble, est-ce qu'à ce moment-là vous avez recommandé au gouvernement de remplir les inventaires de matériel de protection? Est-ce qu'il y a une recommandation qui a été formulée qui émanait de la Santé publique à ce moment-là?

M. Arruda (Horacio) : À ma connaissance... il faudrait que je revérifie, mais je pense que ça a été dit comme ça dans la rencontre de l'Organisation de la sécurité civile, mais il n'y a pas nécessairement eu une recommandation écrite, là. Je pourrais quand même... Je veux juste, si vous me permettez, compte tenu que... je ferai les vérifications là-dessus et, si jamais il y a eu recommandation écrite ou quoi que ce soit, je vais vous revenir.

Mme Anglade : Parfait. Excellent. Et est-ce qu'à ce moment-là, lors des discussions, il y a des gens qui ont mentionné... même si ça n'a pas été écrit, est-ce qu'il y a des gens qui ont mentionné ce qui se passait en Colombie-Britannique et dans d'autres juridictions par rapport à la commande de tests éventuelle? Est-ce que ce sujet-là a été abordé dans les discussions que vous avez eues, même si ce n'est pas vous qui aviez à prendre la décision?

M. Arruda (Horacio) : Sur les tests ou sur l'équipement?

Mme Anglade : Sur les équipements.

M. Arruda (Horacio) : Je m'occupais des éléments de santé publique, de surveillance, d'épidémiologie et autres, pas nécessairement de cet élément-là, mais, comme je vous dis, je pourrais faire des vérifications.

Mme Anglade : Parfait. Je peux... J'ai encore du temps?

Le Président (M. Provençal)  : Oui.

Mme Anglade : Autre question que j'ai pour vous, Dr Arruda : Est-ce que vous avez signifié à une autorité politique ou administrative la gravité de la situation qui allait frapper le Québec avant le 9 mars, date à laquelle il y avait la rencontre avec le cabinet du premier ministre?

M. Arruda (Horacio) : Oui, on a exprimé... on voyait, d'ailleurs, ce qui se passait dans d'autres pays en termes d'impacts, notamment l'Italie, etc., là, ça fait qu'on avait dit que c'était un syndrome important et que ça allait avoir, d'ailleurs... ça allait avoir un impact important sur notre système de soins, ce qui a eu comme... à cause de la transmission communautaire, on l'a vu dans d'autres pays, ce qui a fait qu'on a pris des mesures agressives, je vous dirais, à partir du 13 mars.

Mme Anglade : Est-ce qu'avant le 9 mars... puisque vous êtes déjà inquiet au début du mois de janvier, est-ce qu'avant le 9 mars vous avez communiqué avec une autorité politique pour dire : Nous avons un enjeu par rapport à ce qui s'en vient, ou ça s'est passé le 9 mars?

M. Arruda (Horacio) : Bien, c'est-à-dire que je n'avais pas de discussion... je veux dire, à travers les états de situation qu'on faisait pour mises à jour, parce qu'on faisait des états de situation de mises à jour pour les autorités, pour la ministre de la Santé, et ça va dans la machine, on mentionnait ce qu'on apprenait au fur et à mesure en termes de notes de breffage.

Mme Anglade : Donc, à ce moment-là, il y avait des états de situation écrits qui étaient formulés de votre côté, qui ont été transmis à la ministre de la Santé. C'est ce que vous nous dites.

M. Arruda (Horacio) : Bien, ça monte effectivement dans l'appareil administratif pour, habituellement, atterrir sur le bureau de la ministre.

Mme Anglade : Et est-ce que vous savez, les premiers états de situation par rapport à ce dossier qui sont montés vers la ministre, ils étaient en date de quand? Est-ce que vous avez une idée?

M. Arruda (Horacio) : ...devoir faire la vérification, je m'excuse, je ne m'attendais pas à des questions... qui sont pertinentes, mais je vais demander, là, à ressortir le premier état de situation qu'on a fait sur la pandémie.

Le Président (M. Provençal)  : Une minute.

Mme Montpetit : M. le Président, oui, simplement pour m'assurer... Le Dr Arruda nous propose de faire plusieurs suivis avec nous. Je lui propose de faire les suivis avec la commission, là, sur les nombreux points qu'il nous a indiqués, là.

Le Président (M. Provençal)  : Toute information vous sera transmise, effectivement.

Mme Montpetit : Parfait.

Le Président (M. Provençal)  : Il reste 40 secondes.

Mme Anglade : Il reste 40 secondes. Est-ce que... Peut-être une question rapide. Vous rencontrez le cabinet du premier ministre le 9 mars, est-ce que vous êtes surpris, à ce moment-là, de voir que peu de personnes sont au courant de la gravité de la situation?

M. Arruda (Horacio) : Non, les gens étaient au courant de la situation. Je pense que tout le monde était au courant de la situation. L'enjeu est toujours d'apprécier le risque qu'on voit ailleurs, jusqu'à quel point il va venir nous atteindre chez nous, la vitesse à laquelle ça va rentrer, mais je pense que les gens étaient préoccupés par la situation.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup, Dr Arruda. Nous poursuivons cet échange avec le député de Beauce-Sud. À vous la parole.

M. Poulin : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour aux collègues. Bonjour, Dr Arruda, et les gens qui vous accompagnent. Tout d'abord, merci pour cet exercice de reddition de comptes fort important. Merci pour le travail que vous faites, également, depuis les derniers mois, qui n'est pas un travail facile, qui n'est pas un travail évident dans une situation mondiale. Il n'en demeure pas moins que, malgré votre expérience, vous avez été nommé par le précédent gouvernement en 2012, que c'est un travail qui est colossal dans une situation extrêmement particulière.

Avec l'expérience que vous avez, M. le Président — c'est vrai, je devrais m'adresser à vous, M. le Président — j'aimerais qu'on distingue les rôles entre le politique, l'INSPQ et vous. Est-ce que vous pouvez bien nous expliquer, là, comment ça fonctionne avec l'INSPQ, les recommandations qui sont faites, l'analyse qui est faite, les recommandations de la Santé publique et le rôle du politique? Est-ce qu'on peut d'abord... Parce que, dans les prochaines minutes, on pourra parler de santé mentale, des décisions qui ont été prises, de l'impact, également, de certaines recommandations, mais d'abord campons bien les rôles de l'INSPQ, la Santé publique et le politique.

M. Arruda (Horacio) : Il faut comprendre que l'Institut national de santé publique est une organisation paragouvernementale qui relève directement du ministre de la Santé, et ils sont là pour être l'expertise de santé publique. Donc, c'est une organisation qui n'est pas une université, qui est un institut où des experts de santé publique qui font de la recherche, de l'évaluation, font, en fin de compte, des avis, des recommandations d'experts. Comme n'importe quoi, il y a de l'expertise qui est là.

Au ministère de la Santé, la Santé publique, les autorités de santé publique sont, en premier, le ministre. Il nomme un directeur national de santé publique pour le conseiller parce qu'il peut ne pas être médecin et donc a besoin, pour son mandat de santé publique, d'avoir des opinions médicales. Et il nomme aussi, pour chacun des territoires du Québec, 18 directeurs de santé publique. Ces 18 directeurs sont, en somme, mes homologues sur leur territoire et ils sont responsables de la Loi de santé publique, de l'application de la loi, c'est-à-dire la protection de la santé, qui veut dire protéger contre les épidémies, la santé au travail, l'environnement, la promotion de la santé pour les maladies chroniques, etc. Ils doivent faire la surveillance de l'état de santé, ils doivent faire de la recherche et ils doivent informer la population sur ce qui se passe sur leur territoire.

Donc, vous voyez, quand une situation ne concerne qu'un seul territoire, c'est le directeur de la santé publique qui a les pouvoirs. Par contre, s'il y a une situation qui dépasse plusieurs régions, le ministre peut me déléguer certains de ses pouvoirs pour pouvoir coordonner la situation au Québec comme directeur national et devenir un conseiller de santé publique.

La loi, au Québec, a fait qu'on m'a placé aussi comme sous-ministre adjoint, qui est un rôle administratif, qui gère les équipes et les budgets de santé publique, comme tel, mais j'ai un rôle professionnel, un statut professionnel. Et, si jamais un directeur de santé publique ne peut pas être présent ou ne peut pas procéder... D'ailleurs, j'ai été, lors de mon mandat, responsable de sept régions, à un moment donné, parce qu'il n'y avait pas de directeurs de santé publique. Mais, dans le fond, il y a une autorité locale qui relève du ministre. Si quelqu'un est empêché, je peux le remplacer. Si quelqu'un a un problème ou ne peut plus faire sa fonction, je peux le remplacer, mais mon rôle est la coordination au niveau national. Ce rôle-là, un, fait de moi un professionnel de santé publique — d'ailleurs, il faut être médecin spécialiste pour occuper ce poste — et mes avis sont, je vous dirais, reliés à ce que l'expertise et mon jugement me disent.

L'institut remet des recommandations en santé publique. La Santé publique, qui sont les médecins pratiquants de populations, vont prendre l'expertise de l'institut et vont prendre des décisions de santé publique, tout comme la science peut publier des articles ou les universités, mais le médecin va prendre ses décisions finales avec sa population. C'est comme ça que nous fonctionnons, comme tel. La majorité du temps, nous sommes appuyés par les avis, mais on pourrait aussi prendre une autre décision parce qu'on peut faire une autre gestion et analyse de risques. Après, je remets mes recommandations au ministre, qui est l'autorité finale et qui peut trancher.

Ça, c'est le mode de fonctionnement habituel, donc, l'institut avec son indépendance, sa recherche. En situation d'urgence, l'institut va nous donner de l'information, mais les décisions doivent être prises rapidement. Et ce sont les autorités de santé publique, notamment le ministre, le directeur national et les directeurs de santé publique qui ont le dernier mot. En situation qui touche plusieurs régions, c'est sûr qu'il y a une coordination parce qu'on veut éviter des incohérences dans le système, et il faut avoir un certain consensus et cohérence dans le système.

Le Président (M. Provençal)  : M. le député.

• (15 h 40) •

M. Poulin : Bien, c'est très clair, Dr Arruda, que c'est vous qui émettez ces recommandations-là après tout ce travail-là préalable qui est fait également avec l'INSPQ, et le politique, finalement, entérine vos décisions. Est-ce qu'il y a des décisions, des recommandations que vous avez faites, en termes de santé publique, qui n'ont pas été suivies? C'est sûr qu'il peut y avoir des ajustements en cours de route, mais vos décisions sont entérinées et écoutées par le politique?

M. Arruda (Horacio) : Oui. Plus on est dans ce qu'on appelle...

M. Poulin : J'ai bien entendu oui? Excusez-moi.

M. Arruda (Horacio) : Je veux dire, oui.

M. Poulin : C'est bon. Excellent.

M. Arruda (Horacio) : Je vais vous dire, dans le fond, nous faisons nos recommandations avec différents scénarios. Plus on est, si vous me permettez, dans une science évolutive, où on n'a pas nécessairement de données probantes, au sens d'une étude avec un contrôle... je ne sais pas si vous comprenez, là, on va comparer véritablement deux pays; si c'est les mêmes deux pays avec les mêmes conditions, on va faire telle manoeuvre, on va voir l'effet. On n'est pas dans des situations comme celles qu'on a eues, actuellement, dans ces éléments-là. On est beaucoup plus dans les recommandations de santé publique qui portent un jugement sur la littérature et on est aussi beaucoup plus sur l'opinion d'experts. Donc, plus on est dans un univers comme ça. Et plus les décisions, aussi, sont moins... plus loin de la médecine mais font appel à des éléments de société, plus il y a un potentiel que notre recommandation ne soit pas nécessairement celle qui soit complètement retenue, mais elle fait partie d'un des scénarios qui auraient pu être présentés.

Ça fait qu'il faut comprendre aussi que notre rôle est un rôle de recommandation sur les données probantes, mais la décision finale revient aux élus, par rapport au fait qu'il y a les autres... il y a une gestion du risque qui doit être faite non pas seulement avec l'analyse de santé publique, mais aussi les autres éléments dans la société, surtout quand on parle d'éléments en lien avec l'économie, la cohésion et aussi l'acceptabilité sociale, qui est un facteur très important. Si on veut que les gens suivent les recommandations du gouvernement ou de la Santé publique, la notion d'acceptabilité sociale rentre en ligne de compte.

M. Poulin : On pourra y venir, à l'adhésion de la population, qui, présentement, peut avoir certains défis.

Je veux vous parler des paliers d'alerte, qui en a fait voir de toutes les couleurs, et c'est le cas de le dire, à plusieurs régions du Québec. Est-ce que c'est votre idée, ces paliers de couleurs là?

M. Arruda (Horacio) : Ça a été travaillé ensemble, mais je vais vous dire, honnêtement, c'est le Dr Éric Litvak, qui travaillait aussi avec Dr Massé. Sur la base de ce qui se passait dans la littérature ailleurs et dans le monde, on a voulu conceptualiser et nous aider pour faire certains choix avec l'évolution. Ça fait que je pense que ce palier d'alerte là a été inspiré, je vous dirais, de choses qui se faisaient dans d'autres pays, mais adapté à notre réalité québécoise, et à nos façons de faire, puis aux indicateurs qu'on avait en termes de surveillance.

Et ces paliers d'alerte là, si vous me permettez, permettent de regarder les chiffres, le nombre de cas, mais ce n'est pas rien que ça, c'est aussi notre capacité de Santé publique à contrôler les éclosions à travers l'investigation des cas et des contacts, mais aussi les impacts sur le système de soins, comme tel. Donc, c'est plusieurs indicateurs qui sont suivis, des données quantitatives, des indicateurs quantitatifs, mais aussi une appréciation qui est faite avec tous les directeurs de santé publique. Ça nous permet aussi, à mon avis, même si tout n'est pas parfait, de faire des choix plus cohérents et d'expliquer à la population qu'on est véritablement, je vous dirais, dans du vert. Quand on est dans du vert, ça va bien, quand on est dans le rouge, il faut être plus sérieux, la situation est plus critique.

Donc, ça a été un travail qui a été fait avec le Dr Litvak et compagnie, revu aussi avec des collègues de l'Institut national de santé publique, mais ça a été véritablement, je pense, un instrument important pour nous donner une cohérence, mais aussi une base de discussion similaire entre nous, en Santé publique, parce que, vous savez, ça a été véritablement une création, à mon avis, de cette pandémie.

M. Poulin : Donc, encore une fois, au niveau des paliers d'alerte, le gouvernement a suivi vos recommandations.

M. Arruda (Horacio) : Ça, très honnêtement, oui, c'est à partir... Nous, on recommande... et ça, je tiens à vous le dire, on a des critères et on le recommande... on a des discussions avec les directeurs de santé publique à chaque fois et on recommande le passage à une couleur, c'est moi qui écris un... Je reçois un courriel, un document de la région qui m'explique la raison pour laquelle ils veulent passer au rouge, ça a été discuté entre nous, le Dr Massé est là, l'institut est là, et on dit : Oui, on pense qu'on arrive à faire un passage dans un palier supérieur ou on rétrograde.

M. Poulin : Depuis le début de la pandémie, le Québec prend des décisions extrêmement difficiles, le monde entier prend des décisions extrêmement difficiles. Vous l'avez effleuré, les enjeux de santé mentale, pour nos jeunes, ce n'est pas toujours évident, malgré que plusieurs d'entre eux et une vaste majorité sont toujours à l'école. Pour nos aînés non plus, ce n'est pas évident, ce qui se passe, présentement, avec les consignes sanitaires.

J'aimerais qu'on puisse explorer, à la fois l'INSPQ, mais surtout vous, auprès de la Santé publique, ce processus décisionnel qui mène à ces mesures de confinement dans l'équilibre entre la santé mentale d'un peuple, qui, je sais, vous préoccupe hautement, et la santé, donc, publique, physique, et la lutte à la COVID-19, qui doit toujours demeurer l'objectif. Puis je vais vous laisser le temps que ça prend, parce que je sais que ce n'est pas simple, là, malgré qu'on a d'autres sujets à aborder. Mais comment vous faites pour... dans cette recommandation-là de ces mesures de confinement, dans le juste équilibre entre la santé mentale, qui est une préoccupation importante, et la lutte, toujours, à la COVID-19?

M. Arruda (Horacio) : Il faut comprendre, si vous me permettez, que la santé publique n'est pas que les épidémies. Je trouve ça très important de le mentionner, parce qu'on nous voit sortir quand on est en épidémie, mais je peux vous dire que je travaille entre les épidémies. Il y a des épidémies d'obésité, des épidémies de santé mentale, des épidémies de toxicomanie, il y a la crise des opioïdes, il y a la crise de l'obésité chez les enfants, qui va entraîner du diabète et des maladies cardiaques. Donc, la santé publique, c'est la science d'agir de la prévention, et d'agir le plus en amont possible, et d'agir aussi sur les déterminants de la santé, c'est-à-dire pas seulement sur l'individu, mais sur son environnement, sur son environnement... sur le contexte sociétal dans lequel il est, de réduire les inégalités de santé, parce qu'on sait que les gens qui sont moins fortunés meurent plus vite que ceux qui sont fortunés, donc il faut s'occuper de ces clientèles les plus vulnérables. Donc, la santé publique... ça.

Dans un contexte d'épidémie, c'est très clair que, quand on est dans une situation où des gens meurent de façon importante, et je pense qu'on a vécu des drames, et plusieurs familles ont vécu des drames importants, c'est sûr que la santé physique de ces individus-là devient un élément important. Mais on sait très bien que toute mesure comme on a pris pour sauver des vies, comme par exemple le confinement qu'on a fait au printemps, a eu ses conséquences. D'ailleurs, c'est pour ça qu'on a voulu déconfiner le plus rapidement possible, qu'on a voulu que les jeunes retournent à l'école, puis etc., mais c'est clair qu'il va y avoir des impacts en termes de santé mentale, et autres.

C'est un équilibre de gestion du risque que nous, on amène. Je tiens à vous dire que c'est pour ça qu'on travaille le plus à essayer que des gens comprennent l'importance de la distanciation, parce que, quand vous êtes distant de deux mètres et que vous respectez... et que vous évitez les rassemblements, c'est comme si on était confinés sans être confinés. Parce qu'on sait que le confinement a des effets pervers très, très importants sur les autres membres de la société, c'est pour ça qu'on essaie de réouvrir des choses progressivement, de balancer, de donner un peu d'espoir aux gens aussi parce que c'est très, très préoccupant.

Donc, moi, ce que je peux vous dire, la décision, on la prend en prenant ça en considération, et le gouvernement, aussi, peut avoir d'autres variables. On sonde aussi pour voir le comportement des gens, on sonde pour vérifier s'il y a une augmentation... On sait que, partout au Canada, l'augmentation de l'alcool a augmenté, les gens ont augmenté leur consommation d'alcool, on sait que les gens augmentent leur consommation de drogues, et, tous ces phénomènes-là, il faut les prendre en considération.

Mais actuellement, je vous dirais, devant une menace, je vous dirais, de mortalité importante, devant le fait que notre système de soins peut être en péril... Et il faut comprendre que, si on a un système de soins en péril, l'économie ne peut pas aller bien non plus. Tout ça est interrelié dans un contexte, comme tel. Et je dois vous dire, bien honnêtement, j'ai donné une image à des collègues dans un cours de gestion que j'ai pu donner récemment, on a l'impression d'être sur un fil de fer tendu entre deux tours et qu'on doit prendre en considération tous ces phénomènes-là pour arriver à la meilleure décision à ce moment-là dans ce contexte-là. Et je l'ai dit très, très souvent, hein, je l'ai dit très souvent, que ce que je disais aujourd'hui allait peut-être être différent demain à cause des connaissances qui évoluent, à cause du contexte qui est différent.

M. Poulin : Et évidemment, si la Santé publique ne s'adaptait pas au jour le jour, et on l'a vu très bien avec la situation de Noël, on vous le reprocherait, de ne pas vous adapter selon la situation, selon l'évolution épidémiologique, alors je pense que c'est important de le faire.

On a parlé de l'adhésion de la population, parce que je vous disais : Oui, on souhaite tous un retour à la vie normale, et évidemment, lorsque des personnes encouragent de ne pas respecter les consignes sanitaires, on reporte un retour à la vie normale, et ça, c'est préoccupant. Qu'est-ce qu'on doit faire, selon vous, maintenant, pour favoriser cette adhésion de la population aux consignes sanitaires pour, justement, retrouver ce retour à la vie normale? On a tous hâte que les restaurants rouvrent. On a tous hâte de retourner au gym. On a tous hâte de pouvoir revoir nos gens. Qu'est-ce qu'on doit faire davantage?

• (15 h 50) •

M. Arruda (Horacio) : Très honnêtement, c'est un travail collectif, puis je pense qu'il faut être à l'écoute de ces souffrances-là, il faut... D'ailleurs, on augmente, je dirais, la surveillance pour les éléments de santé mentale, les problématiques psychologiques. On demande aux gens d'être sentinelles pour détecter des phénomènes auprès de certaines personnes. Il y a des interventions psychosociales qui sont déployées.

Il faut aussi probablement qu'on arrive à cet équilibre de laisser des choses qui sont à moins grand risque de transmission pour permettre, justement, à chacun de trouver, dans cette contrainte-là, un certain équilibre. Je pense, c'est ce qu'on essaie de faire, c'est ce qu'on a essayé de faire avec les déconfinements. Mais il faut aussi que la population comprenne qu'en respectant certaines consignes on abaisse le risque de transmission puis on est en mesure de réouvrir. Par exemple, quand je vous ai dit que mon seul message, c'est de réduire les contacts parce que le virus, il est partout, puis etc., c'est pour qu'on en arrive à abaisser le nombre de cas, les éclosions pour être en mesure de réouvrir des milieux qui sont moins à risque et revenir vers une vie la plus normale possible mais qui ne sera pas la vie, à court terme, qu'on a connue avant la COVID-19, la distanciation va devoir rester.

Ça fait que, dans le fond, c'est beaucoup dans la communication. C'est beaucoup, aussi, aller rejoindre des communautés. Ce n'est pas par le point de presse du Dr Arruda à 13 heures qu'on va rejoindre toutes les communautés, c'est des interventions dans les différents milieux pour faire comprendre aux gens l'importance qu'ils respectent ces consignes-là. Plus vite on va abaisser, je vous dirais, le nombre de cas, plus vite on va diminuer le nombre d'éclosions, plus vite on va être en mesure de faire ce qu'on appelle de la réouverture progressive, qui n'aura pas d'impact majeur ou, du moins, qui va être acceptable.

M. Poulin : ...M. le Président?

Le Président (M. Provençal)  : Trois minutes.

M. Poulin : Et cette réouverture-là, évidemment, on la souhaite dès que la situation pourra, au Québec, être meilleure.

J'ai le goût de vous parler des jeunes, parce qu'on sait que ça n'a pas été évident et que ce ne l'est toujours pas avec les consignes sanitaires en vigueur, malgré que l'école est toujours ouverte, et, je pense, c'est un objectif qui est reconnu, que nos jeunes puissent être sur les bancs d'école. D'un autre côté, on doit aussi encourager les jeunes à respecter les consignes sanitaires afin qu'ils puissent retrouver, justement, leur vie normale. Particulièrement pour les jeunes, est-ce qu'on doit faire plus? Est-ce qu'on doit faire davantage pour que les consignes sanitaires puissent être respectées pour, justement, qu'ils puissent retrouver cette liberté-là?

M. Arruda (Horacio) : Je pense qu'il faut le faire pour toutes les tranches de la société, si vous me permettez. Moi, je tiens à mentionner que les jeunes... on a souvent tendance à considérer que les jeunes ne sont pas compliants. Je pense que c'est normal, en jeunesse, alors, une période très intensive où on a besoin de se détacher des parents puis d'être en contact avec les autres, c'est un processus normal, c'est probablement plus difficile pour eux que pour d'autres groupes. Mais moi, je pense qu'il faut effectivement avoir des approches avec eux, leur faire... donner du sens. Puis je tiens à vous dire que beaucoup de jeunes respectent les consignes et sont même... Ça, je pense qu'il ne faut pas... Je n'aime pas beaucoup quand on essaie de stigmatiser un groupe par rapport à un autre. J'ai vu autant de personnes âgées avoir des comportements qui n'étaient pas plus...

(Interruption)

M. Arruda (Horacio) : Excusez-moi, je ne sais pas pourquoi ça fait ça.

(Interruption)

M. Arruda (Horacio) : Excusez-moi. Je suis vraiment désolé.

(Interruption)

M. Arruda (Horacio) : Bon, excusez-moi, je ne sais pas pourquoi...

Une voix : ...

M. Arruda (Horacio) : Hein?

Une voix : ...

M. Arruda (Horacio) : Oui, excellent, mais ça prouve que je suis un être humain.

Le Président (M. Provençal)  : On poursuit.

M. Arruda (Horacio) : Marie-France Boudreault est à côté de moi, elle est très disponible, mais je ne sais pas pourquoi ça a sonné.

Le Président (M. Provençal)  : On poursuit, s'il vous plaît, Dr Arruda. Il vous reste deux minutes avec le député de Beauce-Sud.

M. Arruda (Horacio) : Je vous présente mes excuses.

Donc, je vous disais que, pour les jeunes, un, il faut les impliquer dans des initiatives, à mon avis, et je peux vous dire que j'ai vu des jeunes avoir des initiatives excessivement pertinentes. Je pense qu'il va falloir aussi qu'on trouve des façons, peut-être, de leur donner certaines permissions, mais sans que ça redevienne, je vous dirais, à court terme, les partys de sous-sol à 25 ou à 30, je ne sais pas si vous comprenez qu'est-ce que je veux dire. Donc, ça, je pense que c'est des choses qu'on essaie d'évaluer.

Et puis ce que je peux me permettre de vous dire, c'est : tout ça va être très aidé si on abaisse cet élément... ces contacts sociaux là qui sont actuellement très élevés, parce qu'il n'y a aucune direction de santé publique ou directeur national qui est confortable à brimer la vie des personnes, mais c'est une question de vie et de mort, et le problème, c'est que c'est un virus pernicieux, ça peut être votre collègue, votre copain qui a le virus, et qui ne le sait pas, et qui peut vous le transmettre.

M. Poulin : Je vous remercie, Dr Arruda. Merci également à vos équipes. On va suivre la suite. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Il vous restait encore une minute.

M. Poulin : ...reporter au prochain?

Le Président (M. Provençal)  : Non, on ne peut pas le passer.

M. Poulin : Ah! O.K. Bien...

Une voix : ...

M. Poulin : Bien, non, je vais attendre. En terminant, est-ce que, selon vous, le fait que les écoles, à Noël... qu'il n'y ait pas d'école au temps des fêtes, vous voyez ça de façon très positive pour réduire le nombre de cas au Québec?

M. Arruda (Horacio) : Ça a fait partie des discussions qu'on a eues. Dr Massé a eu ces discussions-là, notamment, aussi avec le ministère de l'Éducation. C'est clair qu'en diminuant le nombre de contacts, le présentiel en milieu scolaire, ça va contribuer à diminuer les contacts. On sait qu'il y a des éclosions dans les écoles. Donc, ça va permettre aux gens de diminuer l'amplification et notamment d'infections proches des rassemblements, qui n'auront pas lieu cette année, mais ça va faire partie un peu, je vous dirais... tout en permettant de maintenir l'enseignement par le télétravail ou télé-enseignement.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. La suite de nos échanges avec le deuxième groupe d'opposition. Alors, M. le député de Gouin, je vous cède la parole.

M. Nadeau-Dubois : Pour combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Provençal)  : Vous avez 13 min 40 s.

M. Nadeau-Dubois : Merci beaucoup, M. le Président.

M. Arruda... Dr Arruda, merci d'être ici aujourd'hui. Et je veux prendre les premières secondes pour vous remercier des innombrables heures, je présume, que vous avez investies dans les derniers mois pour présider à une tâche qui est franchement ingrate, qui est celle d'organiser les efforts du Québec contre la pandémie de COVID-19.

Ceci étant dit, je suis sûr que vous serez d'accord avec moi que les décisions et les recommandations que vous avez prises ont eu des impacts tangibles, c'est le moins qu'on puisse dire, sur la vie des Québécois et des Québécoises, puis donc qu'il est normal et légitime que les élus québécois vous posent des questions sur ces décisions-là, puis merci de vous prêter à cet exercice de reddition de comptes.

D'abord, je veux qu'on parle de la qualité de l'air, parce que c'est un enjeu qui inquiète beaucoup de Québécois et de Québécoises. La question de la ventilation dans les écoles, mais pas seulement, inquiète beaucoup de nos concitoyens, concitoyennes. Dans nos circonscriptions, on reçoit beaucoup de messages à cet égard-là. J'ai une question très simple pour vous, puis j'ai seulement 13 minutes, je vais vous demander de faire un effort de concision, je vais faire de même : Est-ce que, selon vous, l'utilisation de purificateurs d'air, s'ils sont bien installés, s'ils sont bien positionnés, s'ils sont bien calibrés, des purificateurs d'air utilisant des filtres HEPA, des filtres à haute efficacité... est-ce que, selon vous, l'utilisation de ces purificateurs d'air, dans les circonstances que je viens de décrire, ça peut nuire à la lutte contre la pandémie?

M. Arruda (Horacio) : Si vous me permettez, si j'ai le consentement, l'expert qui est en train de diriger le groupe de ventilation est à côté de moi, c'est le Dr Massé, si vous me permettez, pour avoir une réponse concise et d'avoir l'information la plus récente, je vous demanderais l'autorisation pour que le Dr Massé puisse prendre la parole.

Le Président (M. Provençal)  : Consentement? Alors, vous vous nommez et votre fonction, s'il vous plaît.

M. Massé (Richard) : Donc, Richard Massé, je suis conseiller médical stratégique auprès du directeur national de santé publique.

On travaille depuis un bon moment sur les enjeux qui touchent la ventilation. Déjà, aux mois de juin, juillet derniers, on a demandé à l'Institut national de revoir toute l'information qui existait à ce sujet-là, et il y a un groupe d'experts de l'institut qui a préparé deux rapports, un sur les enjeux qui touchent la transmission de la COVID par voie aérienne et l'autre qui touche les enjeux de ventilation. Vous voyez bien que l'un et l'autre sont très reliés. Et puis ce rapport-là devrait être disponible dans les prochains jours, semaines, là, assez prochainement.

M. Nadeau-Dubois : J'ai peu de temps, je vais être obligé de vous relancer sur ma question : Est-ce que l'installation de purificateurs d'air avec des filtres à haute efficacité, ça peut nuire à la lutte contre la pandémie, oui ou non?

M. Massé (Richard) : Parfait. D'abord, il faut distinguer le milieu de la santé et le milieu de l'éducation. Dans certaines circonstances, il peut y avoir de la ventilation complémentaire dans le milieu de la santé où est-ce que ces appareils-là pourraient être mis dans des circonstances où est-ce qu'il y a des aérosols qui sont produits — on peut penser chez les dentistes — à très courte distance du patient.

Dans les salles de classe — c'est votre question — dans les salles de classe, la réponse, c'est : Ça n'a pas été démontré.

M. Nadeau-Dubois : Ma question, c'est : Est-ce que ça peut nuire?

M. Massé (Richard) : Oui, ça peut nuire aussi, j'arrivais à ça. Donc, un, ça n'a pas été démontré que ça pouvait être efficace parce que c'est un grand local, et puis il faut que ce soit très près des personnes. Les classes, c'est beaucoup trop grand pour qu'un appareil ou même deux appareils puissent faire la différence. Et là où ça peut nuire, comme l'a dit Dr Perron, c'est que, si ce n'est pas installé parfaitement — vous avez dit que ça devait être bien installé — si ce n'est pas bien entretenu et si le flot d'air... et là j'arrive aussi à l'objection, là, si le flot d'air peut être dirigé vers les personnes, on peut, en fait, mettre en suspension les particules.

Le Président (M. Provençal)  : Question suivante.

M. Nadeau-Dubois : Oui. S'il y a une possibilité que ça nuise, pourquoi est-ce que la Santé publique permet à des écoles privées et à des écoles publiques anglophones d'en installer dans leurs classes, s'il y a un risque que ça mette en danger nos enfants, comme vous venez de le dire?

M. Massé (Richard) : C'est un risque potentiel, alors on n'a pas d'évaluation précise, mais on sait que c'est un risque potentiel qui existe. Donc, on n'est pas à la situation où est-ce qu'on est capables de démontrer qu'on va infecter plus de personnes. Mais vous nous demandez : Est-ce qu'on doit le retenir comme un risque potentiel? Oui. Est-ce que ce risque-là fait qu'on ne le recommande pas? Exactement. On ne le recommande pas dans ces circonstances-là, mais on ne va pas l'interdire.

• (16 heures) •

M. Nadeau-Dubois : Donc, il y a des directives qui circulent, en ce moment, dans le réseau de l'éducation, qui interdisent à des...

M. Massé (Richard) : Pas de la Santé publique. Faisons la nuance, d'accord? La Santé publique ne l'a pas interdit.

M. Nadeau-Dubois : Parfait, on va passer le mémo au ministre de l'Éducation à l'effet qu'il n'est pas interdit, pour les centres de services, de permettre à leurs écoles d'installer des purificateurs d'air, puisque c'est l'information qui circule, à l'heure actuelle, dans le réseau de l'éducation. Je suis content qu'on ait clarifié ça ensemble aujourd'hui.

Je veux maintenant vous parler, Dr Arruda, de la communication, parce que, vous le savez comme moi, en temps de pandémie, la communication, c'est une des armes pour lutter contre la contagion. Vous êtes non seulement le scientifique qui conseille le premier ministre, vous êtes aussi le communicateur scientifique le plus en vue, en ce moment, au Québec. Vos communications sont suivies. C'est vous que les gens écoutent pour savoir ce dont ils doivent se protéger, ce qu'ils doivent faire pour se protéger et ce qu'ils n'ont pas besoin de faire pour se protéger. Au Royaume-Uni, au Japon, en Allemagne, en Nouvelle-Zélande, en Italie, aux États-Unis et dans plusieurs autres pays, les Santés publiques communiquent fréquemment sur l'importance de ventiler les espaces clos pour limiter la transmission du virus. J'aimerais comprendre pourquoi est-ce que la Santé publique québécoise n'intègre, dans ses communications régulières, aucune consigne, aucun conseil sur la ventilation. Pourquoi est-ce que, sur cette question-là, la Santé publique québécoise semble faire bande à part par rapport à beaucoup d'autres départements de santé publique à travers le monde?

M. Arruda (Horacio) : Il faut comprendre que la Santé publique... Un, je suis... Je tiens à vous dire aussi que je reçois vos remerciements au nom de tous ceux qui font le travail un peu partout.

La Santé publique québécoise, on a évalué... on parle du fait qu'on n'est pas contre le fait que les gens puissent ventiler leur maison, puis etc., mais on a demandé un avis pour, justement, voir plus précisément quel est l'apport de cette ventilation et quels seraient les meilleurs moyens, dans un contexte québécois, pour donner des consignes à la population. On n'a jamais dit qu'il ne fallait pas ventiler. D'ailleurs, c'est inscrit, à l'institut, ça fait partie de nos recommandations.

Le Président (M. Provençal)  : Dr Arruda, le député de Gouin voudrait formuler une autre question.

M. Nadeau-Dubois : Oui. Dans le fond, ma... Est-ce que vous êtes ouvert à intégrer, dans les plus brefs délais, dans vos communications fréquentes, des conseils sur la ventilation? Bien sûr, vous ne la déconseillez pas, ce serait absurde, là, on s'entend là-dessus, mais est-ce que vous êtes ouvert, dans les prochaines semaines, à ajouter aux messages publics de la Santé publique québécoise des conseils sur la ventilation, chose que font, je le répète, énormément de pays dans le monde?

M. Arruda (Horacio) : Je suis ouvert, mais, comme je vous dis, je veux aussi voir le rapport de nos experts pour être en mesure de répondre aux sous-questions que ça peut vouloir dire, parce que ça va entraîner énormément de sous-questions, mais je demeure ouvert. Comme je vous dis, le rapport est attendu dans les prochains jours, et Dr Massé va me faire ses recommandations, et on verra comment on transpose ces consignes-là en termes communicationnels pour que les gens soient bien informés.

M. Nadeau-Dubois : En vertu du principe de précaution, puisque ça ne peut pas nuire, de ventiler des espaces clos pour mitiger la transmission d'une maladie respiratoire, pourquoi ne pas prendre d'avance et, à l'approche des fêtes, faire ces conseils-là aux Québécois?

M. Arruda (Horacio) : Comme je vous l'ai dit, par exemple, si on met de la ventilation, qu'on met des projecteurs de vent, là, proche... Parce qu'il y a des gens qui vont... Est-ce qu'on utilise les ventilateurs? On peut disperser encore plus les gouttelettes, les envoyer encore plus loin. Ça fait que ce qu'on s'est dit, si vous me permettez, pour éviter... parce qu'il y a le principe de précaution, on pense que c'est un phénomène qui peut avoir, dans certaines conditions, un impact sur la transmission, mais ce n'est pas le principal. Même les organisations internationales le disent, même le CDC ou autres, on ne le nie pas, mais ce n'est pas le principal. Et ce qu'on veut faire au Québec, c'est obtenir cet avis-là. Et, selon l'avis, on verra comment on pourra donner des conseils adéquats pour ne pas créer d'effets pervers par rapport à ça. Mais soyez assuré qu'on va prendre en considération l'avis de nos experts.

Le Président (M. Provençal)  : Question additionnelle du député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : Merci beaucoup. Dr Arruda, vous êtes à la Santé publique depuis longtemps, depuis 2012. En mars 2015, le gouvernement du Québec coupait 33 % du budget des directions régionales de la santé publique. Les 16 directions de santé publique se sont fait amputer 23 millions de dollars... 24, en fait, sur leur budget de 72 millions. C'est énorme, comme coupures. Quels ont été les impacts... Vous étiez là. Quels ont été les impacts de ces coupures-là?

M. Arruda (Horacio) : Vous savez, la prévention, dans tous les gouvernements et dans plusieurs pays, ne représente qu'une faible proportion des budgets dédiés à la prévention, pour le fait que... de toute façon, même si tout le monde dit : Mieux vaut prévenir que guérir, l'impact des soins est majeur dans le système de santé.

Ce que je peux vous dire par rapport à la question des... de ce qu'on a vécu en termes de compressions, il faut comprendre qu'on nous disait : Il faut aller plutôt dans les enjeux administratifs. Mais force est de constater qu'à la fois les changements de gouvernance, où, par rapport à l'application de notre Programme national de santé publique, il y avait des nouvelles directions, des mandats confiés, on a eu une étude qui a été faite indépendamment par l'institut, là, qui a relevé certains éléments de gouvernance. Maintenant, par rapport à la question de la compression, on pense que certaines équipes de Santé publique, notamment, ont eu des baisses dans la section surveillance, dans les éléments en lien avec la recherche ou la documentation et dans les communications. C'est clair qu'il y a eu, à ce moment-là, je vous dirais, une diminution des effectifs. Dans un contexte aussi...

Le Président (M. Provençal)  : M. le député de Gouin voudrait vous poser une question complémentaire, monsieur...

M. Nadeau-Dubois : J'ai une poignée de secondes, Dr Arruda. Donc, la Santé publique, par oui ou par non, globalement, a été affaiblie par les coupures de 2015?

M. Arruda (Horacio) : Je vous dirais que toute coupure a des effets. Donc là, il faut voir qu'est-ce qu'on entend par «affaiblie». Par contre, si vous me permettez, aussi, ça nous a permis aussi de continuer à travailler dans le contexte d'une politique gouvernementale de prévention de la santé qui devra être financée aussi dans l'avenir pour agir sur tous les autres déterminants. Mais c'est clair qu'avec un petit budget, même une compression faible peut avoir des effets qui sont plus significatifs que dans d'autres systèmes de soins.

M. Nadeau-Dubois : Êtes-vous d'accord avec moi que le Québec aurait été mieux préparé à la pandémie si ces coupures-là n'avaient pas eu lieu? Par oui ou par non.

M. Arruda (Horacio) : J'aurais tendance à vous dire, très sincèrement, non, parce qu'on a essayé, quand même... quoique, dans certaines équipes de santé publique, il y a eu une diminution dans les... mais on a conservé le corps principal, je vous dirais...

Le Président (M. Provençal)  : Vous aviez répondu à la question. Le député voudrait vous en poser une nouvelle.

M. Nadeau-Dubois : Brièvement. Il y a de plus en plus d'études scientifiques qui démontrent que les changements climatiques augmentent les risques que le type de pandémie qu'on vit actuellement se reproduise dans le futur. Avez-vous pris connaissance de cette littérature scientifique là? Et êtes-vous d'accord, comme scientifique, que les changements climatiques augmentent les probabilités qu'on vive ce genre de crise plus souvent à l'avenir?

M. Arruda (Horacio) : Tout à fait. D'ailleurs, on a financé, dans le cadre du plan vert, des études sur l'impact des changements climatiques sur les zoonoses, les maladies transmissibles par les animaux, et ça fait partie... Quand je porte ceci, là, le développement durable puis le changement climatique, ça fait partie des éléments que la Santé publique doit prendre en considération. On va être confrontés à d'énormes problèmes dans l'avenir.

Le Président (M. Provençal)  : Il reste encore 1 min 46 s, M. le député.

M. Nadeau-Dubois : 1 min 46 s. Dr Arruda, j'aimerais vous parler des moyens supplémentaires pour éviter que notre système de santé brise dans les prochaines semaines. Le nombre de cas annoncés aujourd'hui est record. De toute évidence, les mesures que le gouvernement prend, actuellement, ne sont pas suffisantes pour briser la deuxième vague. Qu'est-ce que vous envisagez, à court terme, dans les prochaines semaines, comme mesures supplémentaires, donc des mesures qui n'existent pas encore, pour ralentir le déferlement de la deuxième vague de COVID-19 au Québec?

M. Arruda (Horacio) : C'est des discussions qu'on a, actuellement, parce qu'on regarde tous les différents scénarios. Je regarde Dr Massé parce que c'est avec lui que je discute ça et, beaucoup, les équipes de directeurs de santé publique. La chose qui m'attriste, c'est que les mesures qu'on a mises en place, actuellement, si elles... puis beaucoup de Québécois les respectent, mais, si elles étaient placées dans l'optimum, on n'aurait pas besoin d'ajouter des mesures supplémentaires. Ce que je veux dire, si la diminution des contacts, si la distanciation seraient faites, si on serait encore au maximum dans le télétravail, si les gens respectent, je vous dirais, la pause qu'on va demander par rapport au temps des fêtes en évitant les rassemblements, on serait probablement en mesure de fonctionner sans avoir à ajouter d'autres éléments supplémentaires.

Mais on va suivre... on suit la situation de jour en jour. J'ai hâte d'avoir, tantôt, un peu plus tard, les chiffres de la journée pour voir un peu quelle est cette tendance. On a réussi à éviter la courbe exponentielle qu'on a vue apparaître dans d'autres pays. On a...

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Je vais vous remercie pour votre réponse. Je m'excuse de vous interrompre. La suite appartient à la partie gouvernementale. Alors, Mme la députée de Roberval, je vous cède la parole.

• (16 h 10) •

Mme Guillemette : Merci, M. le Président. Merci, Dr Arruda, d'avoir accepté l'invitation aujourd'hui. Bonjour aux collègues. On a un bel exercice démocratique aujourd'hui, grâce à vous, Dr Arruda, pour les collègues parlementaires, mais aussi pour toute la population. Ça va nous aider à mieux comprendre certains aspects de comment se sont prises les décisions et quelles ont été vos fonctions dans ce plan-là.

Donc, je vais faire du pouce sur le collègue de Gouin. En fait, au Québec, le poste budgétaire de la Santé publique s'élève historiquement à environ 3 % — ce n'est déjà pas beaucoup, là — des dépenses totales en santé. Et, quand on sait qu'on a été amputés, en 2015, du tiers du budget suite à la fusion des structures opérée par la loi n° 10, la loi qui a modifié la gouvernance sur notre système de santé, la professeure de l'École de santé publique de l'Université de Montréal Marie-Pascale Pomey mentionne qu'à ce moment «l'impression que cela donnait, [c'est] que la santé publique, ça ne sert pas à grand-chose». Effectivement, ces économies-là, qu'on avait à faire, on ne les a pas faites dans des bouts de crayons ou dans des jaquettes, on a coupé du personnel, des ressources, des services alors que, plutôt, on aurait dû tripler nos investissements en santé publique.

Dr Arruda, pouvez-vous nous expliquer de quelle façon ces coupures majeures ont influencé le travail en général, mais, plus spécifiquement, aussi en lien avec la pandémie qu'on vit présentement?

M. Arruda (Horacio) : Comme ailleurs, si vous me permettez, dans d'autres secteurs, on a un vieillissement, aussi, de nos équipes de santé publique, et, pour permettre d'avoir un renouvellement de ressources, il faut qu'un secteur soit comme en développement. Dans un contexte où on a des budgets qui ne sont pas optimaux pour permettre de faire nos programmes de santé publique, bien, ça a des effets. Par exemple, il y a eu, dans certaines régions, nécessité de diminuer le nombre d'infirmières aux enquêtes, donc des professionnelles infirmières, qui sont déjà rares dans le système, mais qui étaient spécialisées dans le domaine de la santé publique.

Puis il faut comprendre que... je trouve important aussi de mentionner, là, que, la santé publique, ce n'est pas seulement la pandémie, si vous me permettez. Ce qu'on vit, actuellement, pour vouloir protéger notre système de soins, hein, de façon aiguë... je veux dire, on ne veut pas que, dans trois semaines, on ne puisse pas traiter les patients. Bien, je veux dire, quand on regarde l'épidémie d'obésité, quand on regarde les maladies chroniques, quand on regarde les maladies de santé mentale, quand on regarde les problématiques de dépendance, quand on regarde l'augmentation du diabète de type 2, même chez les adolescents, c'est autant de maladies chroniques qui sont évitables, notamment, par des saines habitudes de vie et un meilleur comportement. Donc, investir en santé publique, c'est aussi sauver le système public de demain, et ça, je pense que... Et, pour le faire, on doit le travailler, je vous dirais, pas seulement avec la Santé publique institutionnelle, qui a été un peu, je vous dirais, affaiblie par toutes compressions, comme tel, mais c'est aussi travailler avec énormément de partenaires en termes de santé publique.

Et, si j'ai un message à passer ici, c'est qu'il ne faudrait pas penser que la santé publique, ce n'est que les pandémies, parce qu'il y a un travail qui se fait dans les communautés pour être capable de sauver notre système de soins. Et, vous savez, aussi, une économie, ça fonctionne avec une population qui est en santé. Plus on augmente les inégalités de santé, plus on a des gens qui vont être malades, moins on a des gens qui peuvent contribuer à une économie, au Québec. Donc, moi, je trouve ça important, là, de passer le message parce que, je vous dis tout de suite, après la pandémie — j'espère que je vais être encore en fonction, parce que mon terme ne se termine pas maintenant, puis j'ai hâte qu'on se débarrasse — il va falloir adresser les autres questions de santé publique, et en espérant aussi avoir des réinvestissements à la hauteur de cet investissement. Investir en santé publique, ce n'est pas une dépense, c'est un investissement. Je sais qu'on ne voit pas toujours l'effet à court terme, mais je pense qu'on a, au Québec, une capacité... on est regardés à travers le monde comme étant un milieu qui peut le faire. Les trois gouvernements successifs ont adopté la Politique gouvernementale de prévention de la santé, je nous invite maintenant à nous donner les moyens, à donner les moyens aux équipes de santé publique de faire leur travail, de faire leur travail intersectoriel avec les municipalités, avec les autres ministères, si on veut être capables de véritablement atteindre ce qu'on appelle le développement durable qui va nous permettre à tous de léguer à nos enfants une société meilleure.

Mme Guillemette : Merci. Ce que j'entends, c'est que, pendant qu'on est en pandémie, présentement, puis qu'on rame pour se sortir de ça, on n'est pas en prévention, on travaille moins sur nos déterminants de la santé, et il y aura des dommages collatéraux à plus long terme, là. On aura à pallier, pendant plusieurs années, en tout cas, à essayer de rattraper cet espace-temps-là.

M. Arruda (Horacio) : Oui, tout à fait. Et moi, je le dis tout de suite, après une crise, on a six mois pour opérer des changements, parce qu'après la crise on est tous tannés de la crise puis on a le goût de la laisser aller par-derrière. Mais je tiens à vous dire que, puis je le mentionne, santé publique, c'est le contrôle aux épidémies, on va en avoir d'autres, on a avoir les changements climatiques, qui ont déjà des impacts sur la santé pulmonaire des gens, etc., mais il faut garder une partie de nos budgets. Je fais un plaidoyer pour la santé publique, pas pour mes dossiers à moi, mais pour les dossiers de la société québécoise, si on veut faire ce qu'on dit toujours : Mieux vaut prévenir que guérir.

Mme Guillemette : Merci. Lors des consultations particulières sur le projet de loi n° 10, en 2014, le Pr Damien Contandriopoulos, expert en développement des modèles de soins performants et titulaire d'une chaire de recherche en santé publique appliquée de 2014 à 2019, mentionnait, et je le cite : «La mise en oeuvre de fusions administratives à grande échelle [allait] exercer une [grande] pression [...] sur [tout] l'appareil administratif de toutes les organisations concernées», et ce, pendant plusieurs années, et, au cours de cette période, les gestionnaires — comme vous le mentionnez — allaient être accaparés beaucoup plus par l'opérationnel que pour la réforme, que... ils auraient... ils seraient difficilement en mesure d'assurer de manière optimale le suivi, également, pour la recherche et le développement, comme vous venez de le mentionner. Donc, pouvez-vous nous expliquer, Dr Arruda, de quelle manière le pronostic du Dr Contandriopoulos s'est confirmé en lien avec la pandémie?

M. Arruda (Horacio) : Je pense qu'il faut comprendre que toute transformation de système, surtout une transformation majeure, entraîne, des fois, des avantages, mais aussi certains inconvénients, parce que, pendant qu'on est à travailler sur la structure, on n'est pas nécessairement en train de travailler sur la mission. Il y a certains secteurs qui ont pu bénéficier, je vous dirais, de certaines transformations, notamment dans l'univers communautaire, etc., mais d'autres qui, probablement, doivent redéfinir leur équilibre dans leur rôle, comme tel. Puis peut-être que je pourrais aussi, si vous le permettez, donner un peu la parole à mon collègue Dr Massé, parce que lui, il les a vécues, ces transformations-là, comme directeur en santé publique. Mais c'est clair que ces transformations-là se font avec un coût, un coût humain, un coût de gestion de changement. On a créé aussi des superstructures avec moins de personnes proches de la réalité terrain de par le fait qu'on a coupé, si vous me permettez, la gestion en pensant que ce n'était pas approprié, mais les gestionnaires, dans des organisations, surtout quand il y a un travail d'équipe, c'est important pour être capables de prendre certaines décisions. Donc, je pense qu'il y a un rééquilibre qui est en train de s'installer, à mon avis. Mais, si vous me permettez, je ne sais pas si vous avez encore du temps, je demande le consentement pour que Dr Massé puisse compléter.

Le Président (M. Provençal)  : Oui. Pour donner la parole au Dr Massé?

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Provençal)  : Consentement. Allez-y.

• (16 h 20) •

M. Massé (Richard) : Merci beaucoup. J'étais directeur de la santé publique à Montréal, je l'ai été pendant six années, et donc c'était au milieu, à peu près, que le changement s'est fait.

Vous avez parlé du message de M. Contandriopoulos. Ça, c'est avant. Moi, je vous amènerais à après le rapport du Pr Pineau, qui a fait le bilan de cette transformation-là et qui a écrit qu'il y avait eu des conséquences fort négatives parce qu'au niveau, d'abord, de la transformation, ça a comme arrêté dans certaines parties du système. On s'est concentrés pour garder les éléments principaux, puis donc les services de première ligne, puis les services de deuxième, puis de troisième ligne ont fait partie de... mais les autres services — puis il y en a beaucoup d'autres, on le voit, on a vu où est-ce que l'épidémie a frappé — étaient plus affaiblis. Ça a pris plus de temps avant de pouvoir se concentrer dessus. Premier impact.

Pour la santé publique, on a parlé des coupures. Les coupures ont été importantes à Montréal. On a coupé des agents de recherche, on a coupé des gens en surveillance, on a coupé des gens en communications, puis on sait à quel point c'est important, puis je pourrais continuer. Donc, il y a eu beaucoup d'impacts. Mais aussi ce qu'on a eu, c'est une gouvernance qui est incomplète. Et là je vais reprendre le rapport de M. Pineau et collaborateurs — il n'était pas tout seul — qui ont montré que, dans certaines régions, notamment à Montréal, en Montérégie puis dans les régions qui ont plusieurs centres de décision, parce qu'à Montréal il y a cinq CIUSSS, ça pose une difficulté au niveau de la gestion, et, dans la pandémie, on a vu que c'était encore une chose qui n'était pas complètement réglée pour laquelle il a fallu s'y adresser.

Donc, je n'irai pas plus loin pour rester concis, mais pour vous dire, des enjeux de gouvernance qui ne sont même pas réglés cinq ans plus tard, c'est toujours présent. Ça fait que, quand on fait une transformation comme celle-là, ça a des gros impacts qui persistent pendant très longtemps, effectivement.

Mme Guillemette : Et je crois qu'un des impacts majeurs, puis vous saurez me le dire... nous, on a décidé de remettre des directions générales dans les CHSLD. Moi, je suis dans la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean, où on a un CIUSSS qui est très gros, qui est très étendu sur le territoire, et la réalité d'un territoire versus l'autre est vraiment différente, même si on est un CIUSSS intégré. Et donc le fait qu'il n'y avait pas de gestionnaire sur le terrain, je crois que ça a exacerbé la première vague qu'on a eue dans les CHSLD. Donc, nous, entre les deux vagues, on a décidé de rajouter des directeurs dans les CHSLD. Mais ça a été, effectivement, le fait qu'il n'y avait pas personne sur le terrain, une des coupures qui a fait mal, là, à la première vague.

M. Arruda (Horacio) : Effectivement, dans ces situations-là, il faut prendre des décisions rapidement et il faut qu'il y ait un chef dans le capitaine... dans le bateau, si vous me permettez, dans ce milieu-là. Et des fois les structures ont été assez fusionnées, et, je vous dirais, la réalité terrain ou d'un établissement, si elle est gérée de façon éloignée, il n'y a pas cette gestion de proximité qui est essentielle. Il y a eu aussi, je vous dirais, une diminution... puis c'est déjà un enjeu, antérieurement, parce qu'il y a aussi des problèmes de ressources humaines, de quantités de ressources humaines de prévention et contrôle des infestions dans ces milieux-là, qui... à cause de la première vague, on l'a vu, là, l'impact que ça a eu.

Maintenant, on est à retravailler, à reconstruire cette PCI là, à clarifier les rôles, à se supporter d'un établissement à l'autre, parce que c'est une... la prévention et contrôle des infections, c'est aussi très exigeant. Et je ne veux pas vous rappeler la crise du C difficile qu'on avait eue, avec le rapport Aucoin, c'est avant tout un problème de gestion et puis un problème... et c'est complexe, la PCI, mais c'est essentiel parce que, quand ça frappe, les coûts dépassent de beaucoup ce qu'on est capables de prévenir par la prévention et le contrôle des infections.

Mme Guillemette : Merci. Depuis mars dernier, vous occupez un rôle important dans la gestion de la crise sanitaire la plus importante de l'histoire moderne du Québec. Pendant la première vague, comme le disait le premier ministre, on construisait l'avion en vol, on était en période de crise majeure. Avec le temps, une fois les mesures sanitaires bien en place, bien, les enjeux ont changé. On devait se préparer à organiser le déconfinement de plusieurs secteurs et, à ce moment-là, on a eu droit également à une réduction significative du nombre de cas quotidiens — chez nous, au Saguenay—Lac-Saint-Jean, on le sait, la première vague, on ne l'a presque pas vécue — ce qui a permis à certains de reprendre une vie un peu normale, un peu plus normale, disons-le, là, donc, pendant la période estivale. Cette opportunité-là, c'était aussi un défi parce qu'il fallait s'assurer que ça ne cause pas un relâchement dans la population. Il fallait que la communication avec la population soit claire, que les citoyens puissent comprendre clairement ce qui se passait, ce qu'ils devaient faire et ce qu'ils ne devaient pas faire en cette période de réouverture. On comprend que l'approche de la Santé publique est évolutive, on l'a vu un peu avec le masque, que certaines positions peuvent se transformer selon la photo du moment, vous l'avez dit tout à l'heure, et ça a pu causer une certaine confusion, là, à certains moments. J'aimerais que vous nous expliquiez plus en détail le processus de décision pour qu'on puisse bien comprendre comment s'opèrent les réflexions en lien avec les décisions qui sont prises.

M. Arruda (Horacio) : Bon, c'est un travail, je vous dirais, d'équilibre. Je pense que c'est un travail d'équilibre et de gestion du risque, selon la situation. C'est clair qu'actuellement, je veux dire, on a vécu une première vague très intense. On a appris, on a été en mesure, surtout avec la chute aussi puis la saisonnalité potentielle, de permettre plus de choses, de refaire fonctionner la société au courant de l'été, tout en balançant le risque, comme tel. Et, je vous dirais, chaque situation, aussi, doit prendre en compte l'épidémiologie de chacune des régions, c'est pour ça qu'on a des paliers, hein? Je veux dire, vous avez vu que, dans la première vague, ça s'est beaucoup concentré dans la Communauté urbaine de Montréal, dans les grandes villes, comme un peu partout dans le monde, en épargnant l'Est du Québec. Par après, vous avez été rattrapés de façon assez intensive. Et je vous dirais aussi que la réaction de la population est très importante, l'application des mesures est très dépendante de l'expérience que les gens ont vécue. Je pense que, quand on a été touché, c'est plus facile de comprendre. Mais là on sent aussi une fatigue puis un relâchement.

Donc, le processus décisionnel, il est pris en lien avec nos discussions qu'on a avec nos directeurs de santé publique. On regarde ce qui se passe dans le monde, ailleurs, on essaie de trouver les bons coups qui ont été faits ailleurs, d'aller voir comment ils s'appliquent au contexte québécois, mais il faut aussi les appliquer. On ne peut pas appliquer au Québec ce qui se fait dans certains pays asiatiques, où on enferme les gens carrément à la maison pendant 14 jours. Ça ne fait pas partie de notre culture, là, je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire. Il faut regarder aussi l'extrapolation. On se modèle beaucoup sur l'Europe, sur certains pays européens qui font partie... Ça fait partie des éléments qui sont pris en considération.

Puis, comme je vous dis puis j'ai toujours dit, là, et souvent, même, quand on a fait l'annonce de Noël, de la période de Noël, on avait dit : Conditionnel à «si», parce qu'il y a toujours du si. Et une épidémie comme celle-là, autant elle peut prendre du temps à baisser, autant elle peut s'enflammer de façon importante, d'où l'importance, à mon avis, de la contribution de tous à l'intérieur de cela.

Mme Guillemette : Merci. Lors du processus de décision avec le gouvernement, est-ce qu'il y a eu des recommandations que vous avez faites qui ont été rejetées ou qui n'ont pas vu le jour pour x raison?

M. Arruda (Horacio) : Bien, c'est-à-dire, le gouvernement... nous, on fait des recommandations sur la base de ce qu'on vous a dit, d'un consensus d'experts qu'on obtient entre nous, comparé avec les autres éléments, basé sur notre épidémiologie aussi, ce qu'on a observé au Québec, bon, si on parle par rapport aux restaurants, aux bars ou... puis... Et donc c'est arrivé que le gouvernement, dans les discussions qu'on a eues, nous a fait des... on a fait des itérations, soit juste, par exemple, d'aller plus loin dans sa gestion du risque, pour des raisons qui peuvent lui appartenir en termes d'acceptabilité sociale. Alors qu'on restreint, par exemple, certains milieux à la maison, permettre certains rassemblements à l'extérieur pouvait être perçu comme étant contradictoire et donc nuire à l'élément d'acceptabilité. Donc, c'est une autre rationnelle qui peut être ajoutée mais qui est tout à fait légitime. C'est toujours, comme je vous l'ai dit, cet équilibre-là, il n'y a pas de recette parfaite.

Je tiens à vous dire, par exemple, quand on va être dans la campagne de vaccination, où là on a des études des risques, puis etc., on est plus dans de la science probante, où ça devient plus difficile pour un gouvernement de ne pas appliquer la recommandation qu'a fait la Santé publique. Mais, quand on est dans un univers de société, à décider si on ferme tel secteur ou tel autre secteur, il peut y avoir des différences, dans le fond, et ça, ça relève, à mon avis, du mandat que la population a donné aux élus, parce que, le cadre d'analyse, nous, on le fait avec un facteur de santé publique, et eux doivent gérer le risque avec d'autres éléments et d'autres déterminants de société. Ça fait que c'est là, comme tel... Puis, jusqu'à maintenant, je vous dirais qu'on n'a pas vécu, le premier ministre l'a dit, de situation où ils sont allés moins loin que nous par rapport à... La prudence, elle est souvent importante.

Mme Guillemette : Parfait. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : 40 secondes. J'en profiterais, moi, pour... Dr Arruda, je voudrais vous rappeler que vous vous êtes engagé à faire parvenir des documents au secrétariat. Nous n'avons rien reçu pour le moment. Je suppose qu'on les recevra, éventuellement, peut-être en fin de l'audition.

M. Arruda (Horacio) : Oui, bien, on va s'assurer que les choses...

Le Président (M. Provençal)  : C'est un rappel amical que je voulais vous faire, tout simplement.

M. Arruda (Horacio) : Oui, merci. Merci.

Le Président (M. Provençal)  : Alors, nous pouvons maintenant...

M. Arruda (Horacio) : Comme je suis concentré à répondre aux questions, je vais demander à Mme Boudreault de faire la demande.

Le Président (M. Provençal)  : O.K. Il vous reste 40 secondes, si vous voulez, madame.

Mme Guillemette : Bien, j'en profiterais pour vous remercier, mais remercier toute votre équipe aussi, parce que vous êtes le porte-parole, mais on sait que vous avez une équipe extraordinaire en arrière de vous, puis on ne les remercie pas assez souvent. Donc, merci à eux aussi pour tout le travail.

M. Arruda (Horacio) : Je vais leur transmettre. Ils n'écoutent pas, mais c'est clair qu'un seul homme ne peut pas affronter ce virus, et je ne suis que le porte-parole de toute cette expertise-là.

Mme Guillemette : Merci, Dr Arruda, et ne lâchez pas. Il ne faut pas lâcher, le Québec est en arrière de vous. Merci.

M. Arruda (Horacio) : Non, non, on n'a pas l'intention de lâcher. On a accepté un deuxième mandat justement pour ne pas laisser tomber le bateau.

• (16 h 30) •

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup. Nous allons poursuivre cet échange avec la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne. Je vous cède la parole, madame.

Mme Anglade : Merci, merci. Alors, Dr Arruda, j'aimerais revenir un peu en arrière, au début du mois de janvier, puis revenir sur les propos que vous avez tenus. Vous nous avez dit que, lorsque vous avez vu le début de la crise au début janvier, il y avait des états de situation qui étaient communiqués aux autorités pour faire état du contexte dans lequel on se retrouvait. Savez-vous il y a eu combien d'états de situation qui ont été partagés avec les autorités?

M. Arruda (Horacio) : Je ne m'en souviens pas. Je ne suis pas en mesure de... Mais je suis vraiment désolé, là. J'aimerais avoir une mémoire comme ça, mais je ne m'en souviens pas exactement.

Mme Anglade : D'accord. Donc, ces états de situation étaient envoyés, on présume, à la ministre de la Santé, à ce moment-là.

M. Arruda (Horacio) : ...montent vers les autorités, effectivement, à travers notre bureau de sous-ministre.

Mme Anglade : Parfait. Pendant... Avant le 9 mars, est-ce que vous avez eu des discussions au sujet de la pandémie avec le cabinet de la ministre? Avec la ministre elle-même, est-ce qu'il y a eu des discussions? Au-delà des états de situation qui ont été présentés, est-ce qu'il y a eu des discussions?

M. Arruda (Horacio) : À travers, peut-être, potentiellement, mes équipes, avec les représentants, les attachés politiques du ministre. Mais le 18 janvier on a envoyé un premier courriel à la ministre en termes... Là, si vous me demandiez, là, le 18 janvier... puis le 21 janvier, premier état de situation qui a été fait. Je viens d'avoir l'information, là.

Mme Anglade : Donc, le 18 janvier, vous avez envoyé un courriel à la ministre lui disant qu'il y avait véritablement un problème et qu'il fallait... Qu'est-ce que... Quelle était la teneur du message qui avait été envoyé à ce moment-là?

M. Arruda (Horacio) : Je n'ai pas le... On va l'obtenir.

Mme Anglade : Parfait.

M. Arruda (Horacio) : On pourra vous le donner.

Mme Anglade : Bien sûr. Le 21 janvier... Vous avez mentionné aussi le 21 janvier. Il y a eu, à ce moment-là...

M. Arruda (Horacio) : ...premier état de situation...

Mme Anglade : C'est le premier état de situation.

M. Arruda (Horacio) : Probablement, j'ai dû écrire en disant, par exemple : Il y a un phénomène qui se passe en Chine, il va falloir qu'on se mette en mode... D'ailleurs, c'est là qu'on a ouvert aussi la cellule de sécurité civile, tu sais, dans le fond, de dire : On doit être en préalerte du phénomène qui s'en vient. Ça pourrait se contrôler, arrêter à certains endroits, mais... ou, au contraire, devenir une pandémie, comme tel, devant tout ce virus émergent. Ça fait qu'on a activé... J'ai dû écrire un courriel qui devait être de cet ordre-là, selon les informations qu'on obtenait de l'OMS ou de ce qui était publié par rapport... en Chine. Et le 21 janvier, probablement, on a eu la demande de faire un premier état de situation. C'est une façon standard d'informer... les évolutions, quels sont... quelle est la situation, qu'est-ce qu'on fait, qu'est-ce qu'on recommande et qu'est-ce qui peut être fait.

Mme Anglade : Le 12 janvier, vous disiez : Si jamais le virus quitte la Chine, ça va être problématique pour le Québec. Le 13 janvier, le virus quitte la Chine. À ce moment-là, vous êtes conscient que les choses vont certainement se gâter pour le Québec.

M. Arruda (Horacio) : Oui, il quitte la Chine, mais, bon, il s'installe dans... il s'installe particulièrement en Colombie-Britannique, au Canada, un peu plus tard. La Chine a arrêté ses voyages internationaux. On ne sait pas jusqu'à quel point le virus va se transmettre un peu partout. À ce moment-là, on ne sait pas que, plus tard, la France, l'Italie, beaucoup de voyageurs, de pays vont être ensemencés, si vous me permettez, par le virus. Ça aurait pu, comme dans le SRAS-CoV qu'on a eu, le premier SRAS, rester, comme, dans un univers, comme à Toronto. Ce n'est pas parce que... et là, à ce moment-là, on n'aurait pas eu nécessairement la pandémie. Mais, moi, de toute façon, quand il y a un nouveau virus qui... écoutez, puis ça arrive souvent, là, qu'il y a des mutations chez des zoonoses animales, un H7N1, moi, dès que j'ai ça qui se passe en Chine, je me mets en mode préalerte, et je... sans crier au loup, parce que je pense que plusieurs des fois, ça ne se rend pas.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée voudrait vous poser une question additionnelle, s'il vous plaît.

M. Arruda (Horacio) : Oui.

Mme Anglade : Bien, je veux poursuivre sur ce que vous dites. Vous dites, vous vous mettez en mode préalerte. Tout à l'heure, vous nous avez dit qu'il y a eu des rencontres où vous mentionniez le fait que c'était important qu'il y ait... qu'on renfloue les stocks, mais que ce n'est pas vous qui étiez directement responsable, mais qu'il y avait eu des conversations, au mois de janvier, avec des personnes concernant les stocks.

M. Arruda (Horacio) : ...dire, si vous me permettez... moi, quand il y a des... moi, quand il y a une situation particulière qui me préoccupe, quand je me mets en mode préalerte, c'est-à-dire que je surveille de très près ce qui se passe en termes de surveillance épidémiologique ou autre, O.K... quand on a dit : Il y aurait un potentiel, éventuellement, qu'il y ait un problème, la Mission santé et de sécurité civile, au ministère de la Santé, convoque, là, ce qu'on appelle le groupe ministériel de sécurité civile. La première rencontre a eu lieu le 24 janvier. Ce sont des gens de santé publique qui travaillent avec moi, notamment Dr Savard, qui étaient présents à ces rencontres-là. Et la question de dire «il va falloir prévoir des approvisionnements» a été discutée dans cette perspective-là, mais je n'ai pas, moi-même, rentré... ce n'est pas le secteur d'activité que moi, je gère.

Mme Anglade : Puis le 24 janvier, à ce moment-là, on se rend compte, dans cette rencontre-là... Si la Sécurité civile est impliquée, j'imagine qu'on se rend compte qu'il y a un problème qui est assez grave qui est en train de se produire, je présume.

M. Arruda (Horacio) : Je vous dirais qu'à cette époque-là on était encore dans une alerte, je vous dirais... je ne veux pas dire que... on ne dit pas que ce n'est pas grave, mais on n'est pas dans le même sentiment d'urgence que quand on a commencé à voir que l'OMS a déclaré la pandémie aussi, là, comme tel, parce qu'on était dans un contexte, je vous dirais, d'une maladie émergente qui avait traversé la Chine, qui avait été très importante dans certaines provinces particulières et qui, à cause de la proximité avec la Colombie-Britannique, avait été en Colombie-Britannique. Mais ça aurait pu faire comme le SRAS qu'on a vécu antérieurement, et qui était à Toronto, et qui n'est jamais apparu au Québec.

Mme Anglade : Très bien. Donc, je comprends qu'il y a eu des communications le 18. Je comprends qu'il y a eu différents états de situation. Est-ce qu'il aurait été justifié de penser à une cellule de crise avant le 9 mars ou le 9 mars, selon vous? C'était adéquat, à ce moment-là?

M. Arruda (Horacio) : Très honnêtement, je pense que c'était adéquat parce que nous étions déjà, en Santé publique, sous tension, la structure de Sécurité civile était là. On n'était pas dans une... Parce que le premier cas est arrivé, si je me rappelle bien, le 27... Attendez, le premier cas est arrivé au mois de... le 29 février, c'est-tu ça? Le premier cas, le 27 février, c'est ça. Mais... puis c'est un premier cas qui est arrivé... isolé, on n'était pas dans une transmission active, arrivé du Liban.

Dans nos critères... si vous me permettez, dans nos critères d'intervention, même dans... quand il y a eu la crise d'Ebola, puis etc., en Afrique, avec des cas où on n'a jamais pu détecter, il y a des niveaux d'alerte pour aller jusqu'au niveau du premier ministre, là. Je pense honnêtement qu'on était dans une situation où, en Santé publique, on pouvait être en contrôle. Et d'ailleurs je me suis mis en enquête du DNSP dès le 17 de janvier, c'est-à-dire que je me suis mis devant le fait qu'il y avait une potentielle menace. J'ai préparé... Je me suis mis en mode enquête, c'est-à-dire pour pouvoir accéder à l'information nominale précise sur chacun des cas, si jamais ça arrivait.

Mme Anglade : Je poursuis.

Le Président (M. Provençal)  : Allez-y.

Mme Anglade : Est-ce que vous avez été consulté lors de la décision de tenir le huis clos par rapport au budget? Est-ce que vous avez été consulté par rapport à ça?

M. Arruda (Horacio) : Je pense qu'il y a eu des recommandations de la Santé publique pour éviter des éléments de contamination, là. Je pense qu'il y a eu un avis qui a été émis, si je me rappelle bien, là.

Mme Anglade : ...aurait eu un avis émis par la Santé publique disant qu'il fallait éviter des éléments de contamination dans le cas du huis clos du budget, c'est ce que vous nous dites?

M. Arruda (Horacio) : Vous créez en moi un doute. Vous savez, le mois de janvier, c'est, pour moi, déjà il y a très longtemps.

Mme Anglade : C'est au mois de mars.

M. Arruda (Horacio) : Je vais devoir faire la revérification, mais je pense qu'on a eu... on nous a demandé des consignes parce qu'on voulait éviter... Je pense qu'il n'y avait même pas de repas, il fallait que ça soit des... En tout cas, je vais revérifier, je m'excuse.

Mme Anglade : Bien, il n'y a pas de souci.

M. Arruda (Horacio) : Je ne veux pas vous mentir, vous dire oui ou non.

Mme Anglade : Non, non, il n'y a pas de souci. Si vous avez formulé une recommandation, si on pouvait la faire parvenir à la commission, par rapport au huis clos, ce serait apprécié.

Autre question pour vous, Dr Arruda : Est-ce que M. Gendron... Est-ce que vous êtes au courant, au mieux de vos connaissances... Est-ce que M. Gendron a fait part au secrétaire général du gouvernement de ce qui s'en venait avant le 9 mars? Est-ce que vous êtes au courant?

M. Arruda (Horacio) : Je ne suis pas au fait des discussions qu'ils ont pu avoir ensemble.

Mme Anglade : Parfait. J'aimerais revenir sur la question... Maintenant, je nous ramène un peu au présent, j'aimerais revenir sur la question des tests rapides. Tout à l'heure, vous nous avez dit que vous êtes en train de revoir la procédure... vous êtes en train de revoir la procédure par rapport aux tests rapides, c'est ce que j'ai compris.

• (16 h 40) •

M. Arruda (Horacio) : C'est-à-dire qu'on est en train de mieux définir les indications où on pense qu'au Québec ils vont introduire une plus-value, compte tenu qu'on a déjà beaucoup de tests en PCR, c'est-à-dire... Et on est en train... un, ils ont été regardés, testés, ils ont été validés par notre Laboratoire de santé publique. On a, à ce moment-là, vérifié aussi, selon les types de population, où ils devraient être indiqués, et c'est ce travail-là qui va servir aux implantations progressives qui sont en cours, notamment au Saguenay—Lac-Saint-Jean et ailleurs.

Mme Anglade : Toute cette réflexion-là... Ça fait plusieurs semaines que nous avons des tests rapides, et on pose la question régulièrement à savoir pourquoi on n'utilise pas les tests rapides, et on nous dit que ce n'est pas nécessaire, on teste suffisamment, de toute façon. Quand j'entends ce que vous me dites, c'est qu'en fait vous êtes en train de réfléchir à savoir si on... il y a manière de les utiliser de manière efficace, comme ça se fait dans d'autres juridictions, c'est ce que je comprends de ce que vous me dites, et que vous êtes en train d'étudier la manière de déployer ça, présentement. Je vous comprends bien?

M. Arruda (Horacio) : Oui. Dans le contexte où on a un test qui est meilleur, on ne voudrait pas... je ne sais pas si vous comprenez, on ne voudrait pas utiliser un test qui aurait une qualité trop inférieure et qui nous ferait manquer des cas symptomatiques ou asymptomatiques. Il a fallu faire cette validation-là, et ce n'est pas nous, la Santé publique, qui avons dit : Il faut faire la validation, ce sont nos experts de laboratoire, de microbiologie qui ont véritablement analysé la situation. Nous, avec la Santé publique, on a vu c'est quoi, les résultats de nos tests en termes de dépistage pour avoir une optimisation optimale.

Je peux juste vous dire aussi qu'on a fait des vérifications auprès... J'ai demandé aux directeurs de Laboratoire de santé publique du Québec de faire des vérifications auprès de l'Ontario, qui disait utiliser de façon massive les tests, et ils étaient en train de commencer, à peu près au même stade, la validation des tests sur des territoires. Nous, on considère que, quand on les valide, on ne les utilise pas dans l'univers clinique, mais là on va les intégrer au meilleur endroit, selon les... et je ne suis pas expert des tests de laboratoire, là, selon ce que me recommande le comité scientifique qui a été créé pour la question des tests rapides.

Le Président (M. Provençal)  : La députée de Maurice-Richard voudrait poursuivre.

Mme Montpetit : Merci, M. le Président. Je vais continuer sur la question des tests rapides, parce que, depuis le début de l'automne, là, il y a vraiment... il y a une ruée mondiale sur les tests rapides, là. On l'a vu dernièrement, les États-Unis en ont acheté 150 millions. Il y a deux semaines, le Canada, dans sa mise à jour, a annoncé qu'ils en achetaient 38 millions. L'OMS va en distribuer 120 millions. Le NHS, je pense qu'on va convenir, quand même, de la crédibilité, a annoncé un dépistage massif au Royaume-Uni. Les autres provinces du Canada les utilisent déjà depuis plusieurs semaines. Les épidémiologistes, des médecins, des microbiologistes au Québec recommandent leur utilisation de façon massive.

Ça fait déjà deux mois qu'on a reçu les tests. Le 29 octobre — c'est il y a un mois et demi — le ministre disait, dans une conférence de presse... il parlait de l'atout indéniable des tests rapides. Il avait annoncé, à l'époque, que, la semaine prochaine, donc la semaine qui suivait le 29 octobre, il y a un comité qui remettrait des recommandations sur l'utilisation des tests rapides. Il y avait cinq priorités qui avaient été annoncées : patients symptomatiques à l'urgence, professionnels de la santé, CHSLD, milieux scolaires, régions éloignées. Il s'est passé quoi depuis un mois et demi? Est-ce que ces priorités-là, qui ont été annoncées, ne tiennent plus la route? Est-ce que le plan de déploiement... les recommandations n'ont toujours pas été faites un mois et demi plus tard?

M. Arruda (Horacio) : Non, le plan de déploiement est en cours. Il va y avoir un déploiement progressif qui va être réalisé en milieu de vie et là où ça pourrait être adéquat, en centre de dépistage désigné, pour certains types de patients, puis dans les régions éloignées afin de permettre un déploiement prudent, là. C'est ce qui est fait.

Puis je tiens à vous dire, là, que, très honnêtement, là, les recommandations qu'on suit... Je sais qu'il y a plein de gens qui disent des informations, et c'est possible qu'il y a des microbiologistes qui l'ont dit. Nous, on a fait affaire avec un comité qui est créé au ministère de la Santé, qui prend en considération les utilisations cliniques, les utilisations de dépistage en termes populationnels et qui prennent le contexte de l'utilisation du PCR au Québec, qui est plus développé que dans d'autres territoires. Mais il va faire partie de la thérapeutique ou du diagnostic dans des conditions qui vont aller en s'accentuant par une offre de services progressive.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Mme la députée.

Mme Montpetit : Bien, bien respectueusement... Bien, je pense que, pour qu'on puisse faire la lumière à travers cette question-là de tests rapides, il va falloir que vous déposiez, s'il y en a un, un plan de déploiement, parce que vous nous dites : Ils vont être déployés dans des milieux de vie, donc je comprends qu'il y a déjà des indications qui ont peut-être été données. Si ce n'est pas le cas, ce n'est pas le cas, il faut nous le dire. Il y a un mois et demi, il y avait des priorités. Là, ce n'est plus ces priorités. Il y avait un comité qui devait remettre des recommandations, ils ne les ont pas remises. Ça fait deux mois qu'on pose des questions sur ces tests rapides là. Je pense que, s'il y a un plan de déploiement qui est fait, il doit être déposé publiquement, il doit être connu, il doit être clarifié. Et, s'il y a un enjeu de ne pas les utiliser, il faut le faire savoir. Mais je pense qu'à un moment donné il va falloir avoir une réponse très, très claire sur les recommandations qui sont faites par le comité.

M. Arruda (Horacio) : D'accord.

Le Président (M. Provençal)  : Mme la députée de Fabre.

Mme Sauvé : Merci beaucoup, M. le Président. Alors... (panne de son) ...Dr Arruda et les personnes qui l'accompagnent et vous remercier pour votre présence aujourd'hui.

Il faut entendre, par ma question, la préoccupation que nous avons envers nos aînés, nos aînés vulnérables. Au début de la pandémie, des patients, de nombreux patients ont été transférés des hôpitaux vers les CHSLD. Avec le recul, on comprend que cette décision-là, elle a été plus que malheureuse, elle a été dévastatrice pour nos aînés dans la première vague. Dans les faits, le 6 mars, soit trois jours avant que vous informiez le premier ministre sur la situation, la ministre McCann et le sous-ministre Gendron ont fait libérer 8 000 lits dans les hôpitaux et ont fait transférer des patients non testés vers les CHSLD. Alors, question de bien comprendre ce qui est arrivé, Dr Arruda, aviez-vous été informé de cette pratique? Et, au départ, est-ce que vous aviez, donc, fait cette recommandation de ce transfert?

M. Arruda (Horacio) : Le transfert des patients a été fait dans une perspective d'augmenter la capacité des milieux de soins si on avait eu à développer, je vous dirais, un impact important de cas, dans la communauté, qui nécessitaient des soins. Et, au 8 mars, à ma connaissance, au Québec, on n'avait pas encore une circulation intensive. Là, ce que vous dites, c'est que... Votre question, c'était en lien avec le fait que les gens ont été transférés sans être dépistés?

Mme Sauvé : ...transférés des hôpitaux vers les CHSLD.

M. Arruda (Horacio) : O.K. Mais ils n'avaient pas... ce n'est pas gens qui avaient des symptômes ou il n'y avait pas nécessairement d'éclosion à cette époque, là, comme tel, mais ce n'est pas moi qui gère les processus de transferts de patients.

Mme Sauvé : Donc, si je comprends bien, donc, vous ne l'avez pas recommandé, ce transfert des hôpitaux... des lits d'hôpitaux vers les CHSLD.

M. Arruda (Horacio) : Bien, ça ne fait pas partie d'une prérogative de la Santé publique, c'est une question de gestion de système pour être en mesure d'améliorer la capacité.

Mme Sauvé : Merci. Ma prochaine question, elle me vient des proches aidants, ces proches aidants, rappelons-nous, de la première vague qui pleurent encore leurs proches, morts dans la souffrance, déshydratés, en manque de soins et surtout en manque de leur humanité, morts sans eux auprès d'eux. Et parce que ces proches aidants ont besoin de réponses, Dr Arruda, ont besoin de comprendre ce qui s'est passé, est-ce que vous pouvez nous expliquer, aujourd'hui, sur quelles bases a été formulée cette recommandation au premier ministre, la recommandation d'interdire complètement l'accès des proches aidants à leurs proches en CHSLD? Donc, sur quelles bases, sur quelles études, sur quelles données vous vous êtes basés pour faire cette recommandation d'interdiction?

M. Arruda (Horacio) : Bon, les études sur les proches aidants, je tiens à vous dire qu'il n'y en avait pas nécessairement. On est dans un élément de maladie émergente, l'enjeu était... Puis je comprends très bien, là, je tiens à vous dire que... La souffrance que les gens ont vécue dans les CHSLD, le fait de ne pas pouvoir aller visiter sa famille ou son proche à cause de la question des éclosions, ça a été fait dans une perspective d'éviter de contaminer les proches aidants, ou que le proche aidant qui aurait pu être contaminé vienne introduire la maladie, ou de contrôler, je vous dirais, la situation. En rétrospective, quand on regarde cela... Puis il faut voir, à l'époque, aussi qu'il fallait introduire les équipements de protection, il fallait gérer les éclosions. Et, compte tenu, je vous dirais, du risque important de décès quand les gens sont atteints en CHSLD, compte tenu de leur âge et de leur condition, ça a été de diminuer au maximum les interventions qui n'étaient pas faites avec le soin. Par contre, on le sait, on l'a vu, les ressources humaines étaient limitées aussi dans plusieurs milieux, ce qui faisait que l'aide des proches aidants était un élément important.

Le Président (M. Provençal)  : Merci.

M. Arruda (Horacio) : C'était véritablement dans une perspective de protection à la fois du proche aidant et du...

Le Président (M. Provençal)  : Dr Arruda, je m'excuse, la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne voudrait poser une question complémentaire...

Mme Anglade : Vas-y.

Le Président (M. Provençal)  : ...ou la députée de Fabre encore?

Mme Anglade : Oui, oui, allez-y

Mme Sauvé : Très rapide, M. le Président. Je vous remercie.

Le Président (M. Provençal)  : Vous allez terminer, il reste une minute.

Mme Sauvé : Ah! bon, alors je vais être très rapide. Si j'entends bien que l'intention, c'était de protéger les proches aidants dans la première vague, qu'est-ce qui a changé entre la première vague et la deuxième vague, alors que, maintenant, on leur permet? Comment on arrive, justement, à mettre des mesures en place pour les protéger cette fois-ci?

• (16 h 50) •

M. Arruda (Horacio) : On a fait des apprentissages, premièrement. Aussi, tous les proches aidants connaissent mieux les principes de distanciation, etc., on a beaucoup plus de matériel de protection, ça fait que, quelque part aussi, on a réajusté en fonction des apprentissages que les proches aidants ont pu faire et de l'encadrement qui peut être donné aussi aux proches aidants par plus de personnel dans les milieux de soins. Ça fait partie, comme on l'a dit, des apprentissages qui font qu'on essaie de faire mieux pour les prochaines fois.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. La parole est maintenant à la troisième opposition. Alors, je vais céder la parole au député de Matane... Matapédia, excusez-moi.

M. Bérubé : Merci, M. le Président. Dr Arruda, Dr Massé, je veux vous féliciter pour votre engagement pendant cette crise.

Le premier ministre a constamment laissé entendre que les décisions étaient basées entièrement sur les recommandations du directeur de la santé publique. Le directeur de la santé publique, de son côté, répétait que les recommandations qu'il faisait étaient suivies. On a appris plus tard que ce n'est pas toujours le cas, nous y reviendrons.

Le Dr Arruda n'a, selon nous, pas l'indépendance nécessaire face au pouvoir politique, et je m'explique. Dans la cellule de décision, qui prend les décisions chaque jour, il y a 20 personnes — le Dr Arruda est la seule personne qui relève du monde scientifique — essentiellement du personnel politique et de communications du gouvernement de la Coalition avenir Québec. C'est là que se prennent les décisions, au bout de la ligne. Les décisions sont importantes, elles engagent notre santé, notre économie et notre liberté. Parfois, j'entends le docteur dire qu'il est confortable. J'aimerais pouvoir jauger ce que ça veut dire par rapport aux décisions, mais il est toujours là.

Pour notre part, nous avons agi de façon responsable en posant de bonnes questions et en faisant des propositions constructives au gouvernement depuis le mois de mars, en plus de faire la promotion des meilleures pratiques et de prendre soin de nos commettants.

Nous avons fait plusieurs découvertes pendant cette crise. Le Parti québécois a découvert qu'il n'existe aucun avis écrit soumis au gouvernement du Québec, ce qui est étonnant, aucun compte rendu des réunions de la cellule de crise. Le plan de déconfinement demandé à McKinsey sans appel d'offres, 1,7 million de dollars, n'est pas accessible aux parlementaires. Les experts ne sont pas consultés. Les parlementaires — et je le dis pour le public — ne savent pas grand-chose du processus décisionnel. Nous n'avons pas d'information privilégiée. Nous ne sommes pas consultés. Nous obtenons nos informations par les médias. Nous savons tout de même que nous avons un des pires bilans au Canada : pour 22 % de la population canadienne, 56 % des décès.

Sur cette base, vous comprendrez que le rôle de l'opposition, c'est de faire son rôle de contrôleur du gouvernement et de poser des questions sur la gestion politique du gouvernement du Québec, si on veut être capables de l'évaluer. Et, en ce sens, j'aurai des questions très courtes, qui peuvent se répondre par oui ou par non.

Ma première question concerne Noël. Alors, il y a eu la décision, le 19 novembre dernier, qui nous a été transmise de permettre quatre rassemblements. Dois-je comprendre que c'était votre décision, Dr Arruda?

M. Arruda (Horacio) : Nous avions... nous avons fait une recommandation au gouvernement dans la perspective de voir quel serait le meilleur scénario pour la période de Noël.

Et je tiens à vous dire, là... vous dites que je suis tout seul, mais Dr Massé, Dr Éric Litvak, qui s'occupe des paliers, est très souvent présent lors des discussions où on présente nos positions et qu'on échange avec le gouvernement. Juste pour vous dire que nous, on avait proposé un plan qui permettait, à notre avis, de diminuer... balancer le risque des rassemblements.

M. Bérubé : Quatre rassemblements, c'est votre idée?

M. Arruda (Horacio) : C'était... On avait quatre jours. Nous, ce qu'on avait dit, c'est quatre jours dans lesquels les rassemblements peuvent avoir lieu, entre le 24 et le 27.

M. Bérubé : C'est l'idée...

M. Arruda (Horacio) : C'était l'idée, quatre jours où ça peut avoir lieu, et on avait dit : Le minimum de rassemblements, idéalement deux, maximum. Ça a été ça, les éléments.

M. Bérubé : C'est la recommandation que vous avez faite au gouvernement du Québec?

M. Arruda (Horacio) : Oui.

M. Bérubé : Considérez-vous que c'est une erreur?

M. Arruda (Horacio) : Non.

M. Bérubé : Vous maintenez que c'était la chose à faire?

M. Arruda (Horacio) : Bien, je veux dire, au moment où nous... Écoutez, on a fait cette recommandation en se disant : Si on n'encadre pas la situation, les gens vont faire n'importe quoi, ils vont fêter dans les deux fêtes. Ce qu'on a décidé de faire pour permettre... de permettre aux gens de se rassembler, c'était de dire : Si on a à se rassembler, on arrête l'école le 17 décembre, on le reprend le 4.

M. Bérubé : D'accord. Ça va.

M. Arruda (Horacio) : On fait une semaine avant, une semaine après, et c'est une recommandation qui a été...

Le Président (M. Provençal)  : Question suivante.

M. Bérubé : Donc, c'est la décision de la Santé publique, très bien. La décision quant à la fermeture des garderies le 13 mars, est-ce que c'était votre recommandation?

M. Arruda (Horacio) : Oui, puis, le 13 mars, on a effectivement... suspension des activités des tribunaux... attendez... fermeture de...

M. Bérubé : Parce que je...

M. Arruda (Horacio) : J'essaie juste de revoir, là, les dates exactes.

M. Bérubé : Moi, je les ai gardées. Vous avez dit : Je ne fermerai pas les garderies pour le moment, le 13 mars, et finalement ça a été fait. Donc, ce qui est arrivé n'est pas tout à fait ce que vous avez recommandé.

M. Arruda (Horacio) : Je voulais juste vérifier quand est-ce qu'elles ont été fermées. Excusez-moi, là, là je dois regarder... Ça s'est fait le 16 mars, fermeture des garderies et écoles, jusqu'au 27 mars.

M. Bérubé : Oui, moi, j'ai le 13 mars. Est-ce que... Donc, c'était votre décision aussi, votre recommandation.

M. Arruda (Horacio) : Oui, on a contribué à la décision. On a contribué à la décision parce qu'on voyait les situations puis on voulait éviter les complications.

M. Bérubé : D'accord. Est-ce qu'il est juste de dire, selon votre prétention, que toutes vos recommandations ont été suivies par le gouvernement du Québec?

M. Arruda (Horacio) : Il est juste de dire que le corps des recommandations a été suivi, mais ils sont allés des fois un peu plus loin dans la décision de faire certaines fermetures.

M. Bérubé : Le quart?

M. Arruda (Horacio) : Non, je veux dire, le sens même de la recommandation...

M. Bérubé : Le corps, d'accord.

M. Arruda (Horacio) : ...le «core», en anglais. Je veux dire, le coeur des recommandations ont été respectées, mais quelquefois ils sont allés plus loin dans certaines fermetures ou autres.

M. Bérubé : O.K. Pouvez-vous nous donner un exemple de recommandation que vous avez faite qui n'a pas été du tout suivie?

M. Arruda (Horacio) : Bien, quand on parle de pas du tout suivi, par exemple, sur la base de l'épidémiologie qu'on voyait, sur la question de certains milieux, notamment les musées ou les restaurants, nous avions recommandé que ça pouvait potentiellement rester ouvert, compte tenu qu'on n'avait pas démontré... que les gens respectaient les consignes, puis etc. Mais, dans une question d'approche, je vous dirais, perceptuelle de fermer les rassemblements à la maison...

M. Bérubé : Oui, d'accord.

M. Arruda (Horacio) : ...puis laisser des zones, là, où il y a des rassemblements, le gouvernement a pris une autre décision.

M. Bérubé : D'accord. Donc, les restaurants, vous étiez en faveur de les garder ouverts, si je comprends bien?

M. Arruda (Horacio) : C'est-à-dire que, dans les scénarios que nous avions faits, il y avait un scénario où les restaurants pouvaient... Parce qu'il faut comprendre qu'on...

M. Bérubé : O.K. Mais, j'ai une autre question : Pouvez-vous ajouter cette étude-là à celle que vous avez... que vous vous êtes engagé à nous déposer tout à l'heure, celle sur les restaurants? Cette recommandation, elle est sûrement par écrit quelque part. Si vous la retrouvez, moi, je l'ajouterais sur la pile.

M. Arruda (Horacio) : O.K. Si elle est par écrit, je vais vous... on va vous la donner. Mais je peux vous dire qu'à ce stade-là...

M. Bérubé : Oui, oui, pas mal sûr qu'elle l'est.

M. Arruda (Horacio) : ...à ce stade-là, où il y avait énormément de décisions prises, souvent c'étaient des discussions, je vous dirais, verbales sur lesquelles on voyait est-ce qu'on le ferme ou pas.

M. Bérubé : Mais c'est lourd de conséquences. Donc, vous ne recommandiez pas que les restaurants ferment parce que ce n'étaient pas des lieux d'éclosion, et le gouvernement du Québec, lui, a décidé de les fermer de son propre chef, est-ce juste?

M. Arruda (Horacio) : Le gouvernement du Québec a décidé, dans son analyse supplémentaire... Nous, on fait des recommandations, le gouvernement du Québec décide.

M. Bérubé : Ce n'est pas vous, je blâme, là, Dr Arruda.

M. Arruda (Horacio) : Non, non, mais ce n'est pas ça, mais c'est, je veux dire...

M. Bérubé : J'ai juste besoin de la réponse. Donc, c'était votre recommandation, je l'ai bien compris. Le gouvernement du Québec a décidé de lui-même puis sans aucun avis supplémentaire, de son propre chef, de fermer les restaurants. Ça me va comme...

M. Arruda (Horacio) : Mais on nous a demandé — si vous me permettez, je vais mettre la nuance qui est celle-ci : Est-ce que vous êtes confortables avec ça? La réponse, ça a été de dire : Oui, on est confortables avec votre cadre d'analyse, mais ça n'aurait pas été notre premier scénario.

M. Bérubé : Bon. Puis les critères, c'est, j'imagine, une version assez extensive, là, de l'acceptation sociale, mais donc les restaurateurs seront heureux de l'apprendre.

M. Arruda (Horacio) : Et aussi, si vous me permettez, l'expérience de d'autres juridictions, qui rentre en ligne de compte, parce que d'autres restaurants ont été fermés ailleurs.

M. Bérubé : D'accord. Mais vous êtes notre directeur de la santé publique, vous faites des recommandations avec vos collègues. Ce n'était pas votre recommandation, c'est un exemple d'avis que le gouvernement n'a pas suivi. Alors, pour ma part, là — je me parle à moi-même — quand le premier ministre me dit : On a suivi toutes les recommandations, c'est faux, il y a au moins celle-là. Est-ce qu'il y en a d'autres?

M. Arruda (Horacio) : Le premier ministre a aussi dit, si vous me permettez... Puis là je ne veux pas défendre le premier ministre, là...

M. Bérubé : Ne le faites pas, ce n'est pas votre rôle.

M. Arruda (Horacio) : Non, non, ce n'est pas mon rôle. S'il y en a d'autres qui n'ont pas été suivies?

M. Bérubé : Oui. Voulez-vous le prendre en délibéré?

M. Arruda (Horacio) : Bien, c'est parce qu'il faudrait que je discute avec le Dr Massé, peut-être. Pouvez-vous me...

M. Bérubé : J'en ai d'autres, là.

M. Arruda (Horacio) : Me permettez-vous... Dr Massé est toujours présent là-dessus, me le permettez-vous?

M. Bérubé : Juste une, j'ai peu de temps.

M. Massé (Richard) : Rapidement, pour les restaurants, ce n'est pas comme ouvrir les restaurants, c'est de dire : On pense que, si c'est la même famille qui va au restaurant, les restaurants pourraient rester ouverts.

M. Bérubé : Ça va.

M. Massé (Richard) : Je veux juste faire une nuance, parce que ce n'est pas comme ouvrir les restaurants.

• (17 heures) •

M. Bérubé : Oui, mais là je vais demander un autre cas puis vous revenir sur les restaurants. Mais j'ai bien entendu la première réponse, ça va intéresser, certainement, les restaurateurs qui sont attentifs à cette consultation.

J'ai parlé, tout à l'heure, de toute la question de l'indépendance de la Santé publique. Je sais que vous n'êtes pas d'accord avec moi là-dessus, et je vous ai déjà posé la question dans un autre forum où on s'est rencontrés ce printemps. Puis vous vous souvenez quand je vous ai posé la question : Est-ce qu'il pourrait arriver que, dans un cas où vous n'êtes pas en accord, vous le disiez publiquement? Si ce n'est pas arrivé, manifestement, vous n'aviez pas de raison de le faire. Votre homologue ontarien l'a fait, lui, et ça s'est fait dans d'autres juridictions, en Colombie-Britannique, par exemple. Donc, je présume que soit que vous étiez en accord avec toutes les décisions, soit que vous décidiez que vous étiez suffisamment à l'aise pour poursuivre vos fonctions dans les circonstances. Donc, je prends votre parole là-dessus, mais vous comprenez que je ne suis pas partie prenante des délibérations. Les délibérations se font entre vous et une cellule de crise qui, essentiellement, est assez imperméable. Même si votre poste, c'est directeur de la santé publique, pendant cette crise, vous ne vous rapportez qu'au bureau du premier ministre. Les oppositions ne sont pas partie prenante de ces échanges-là.

Donc, moi, j'aimerais, par exemple, qu'aujourd'hui vous puissiez dire, en début de conférence : Voici ce que j'ai recommandé au premier ministre, et là le premier ministre dit : Il m'a recommandé ça, mais je vais faire ça de plus. Et c'est comme ça qu'on évalue la responsabilité d'un gouvernement, selon moi, et ça, on n'a pas accès à ça.

D'ailleurs, l'exercice qu'on tient aujourd'hui, il est dû à la demande des oppositions. Ce n'est pas le gouvernement qui nous l'a offert gratuitement, là, il a fallu le demander, et ça a été compliqué. Donc, c'est pour ça que je vous dis qu'on a à y gagner.

La question des points de presse distincts, peut-être que vous l'avez proposé vous-même, mais nous, on trouvait ça pertinent. Seriez-vous d'accord avec ça?

M. Arruda (Horacio) : Les points de presse font... posent des questions techniques pour lesquelles le premier ministre et le ministre de la Santé peuvent ne pas répondre. Ma présence, elle est là pour ça. J'ai d'autres tribunes de communication qui peuvent être faites. Il faut que vous compreniez aussi que je ne peux pas être en point de presse continuellement, je dois gérer... Déjà, les points de presse, trois fois par semaine, c'est un élément d'agenda.

Puis, pour ce qui est de mon indépendance, ce que je peux répéter, j'ai déjà, quand je n'étais pas confortable avec des positions — même du gouvernement actuel, sur l'âge au cannabis — pris des positions qui sont différentes. Maintenant, si je suis encore présent, si vous permettez, c'est que je considère...

M. Bérubé : Je vais manquer de temps.

M. Arruda (Horacio) : ...je considère que, les décisions qui sont prises, je suis capable, dans un contexte de données qui sont non probantes et d'évaluations de gestion du risque, de vivre avec.

M. Bérubé : Mais, Dr Arruda, en tout respect, j'ai écouté toutes vos entrevues sur toutes les tribunes inimaginables, vous avez dit que vous ne vouliez pas quitter à ce moment-ci, vous auriez l'air d'un déserteur. Alors, ça me surprendrait que vous quittiez sur une futilité, vous avez envie de faire ça jusqu'au bout. Et il se peut, parfois, qu'il y ait des arbitrages qui ne font pas votre affaire, mais je ne reprendrai pas la liste ici.

D'autres questions. Les directions de la santé publique, est-ce que vous tenez toujours compte de leur avis avant de prendre une décision? Parce que... Je vais vous donner l'exemple de Rimouski, comment ça s'est passé vendredi : une employée de la ministre responsable de la région a appelé le député de Rimouski et moi pour nous dire quelle était la décision, et c'est moi qui l'a appris à la Santé publique du Bas-Saint-Laurent. Alors, des fois je me pose la question comment ça fonctionne. Et c'est un vrai cas à investiguer, je l'ajoute à votre liste.

M. Arruda (Horacio) : Écoutez, la recommandation du directeur de santé publique du Bas-Saint-Laurent, je l'ai par écrit à 1 heure, puis etc. Peut-être que... Puis, moi, quand la décision est prise, là... là, je tiens à vous dire une chose, moi, quand la décision est prise, on m'informe, j'informe mon directeur de santé publique. Est-ce qu'il y a quelqu'un du cabinet qui a donné l'information, qui va appeler pour vous avertir à l'avance? Mais je tiens à vous dire que les directeurs m'envoient la... on a une discussion, même à la TCNSP, ils m'envoient un écrit, je transmets cet écrit-là comme étant ma recommandation, que j'appuie et qui a fait consensus avec les autres. Ça fait que c'est véritablement... S'ils n'étaient pas au courant, ça devait être la question du timing, ou vous avez reçu un appel quelques minutes avant, hein? On s'est parlé...

Le Président (M. Provençal)  : M. le député voudrait poser une question.

M. Arruda (Horacio) : Excusez.

M. Bérubé : Oh! c'était mieux organisé que ça, là, Dr Arruda.

Est-ce que vous avez pris en considération les plans des fédérations sportives concernant la reprise des sports organisés chez les jeunes? C'est un enjeu qui était important pour nous, puis on en a fait, des propositions.

M. Arruda (Horacio) : Oui, Dr Massé a fait les analyses avec son équipe. C'est lui qui fait toutes les analyses de toutes les fédérations de sports, clubs de hockey...

M. Bérubé : Ça regarde-tu bien?

M. Arruda (Horacio) : Vous aurez les informations en temps opportun.

M. Bérubé : Bon, O.K. Je vais prendre une autre question, d'abord, un enjeu plus technique. Est-ce que vous avez un plan détaillé quant à l'utilisation possible des anticorps thérapeutiques, dits les monoclonaux qui permettraient d'avoir rapidement un traitement contre la COVID-19 avant même de disposer du vaccin, donc une mesure intermédiaire?

M. Arruda (Horacio) : Je pense que l'INESSS a fait des analyses là-dessus, là?

Une voix : ...

M. Arruda (Horacio) : C'est ça, c'est un traitement expérimental. Puis je pense, honnêtement, c'est un traitement expérimental, on ne sait pas qu'est-ce qu'il va donner. Puis je pense que l'avenue du vaccin, actuellement, à court...

M. Bérubé : Dr Sheppard qui nous a parlé de ça.

M. Arruda (Horacio) : Hein?

M. Bérubé : Dr Sheppard qui nous a parlé de ça.

M. Arruda (Horacio) : O.K., oui, bien, c'est possible, hein, il y a toutes sortes de traitements expérimentaux.

M. Bérubé : Boxing Day, allez-vous l'interdire, le Boxing Day?

M. Arruda (Horacio) : Actuellement, on est en train de regarder différents scénarios. Je ne peux pas vous le dire, la décision n'est pas prise, même en termes de recommandations de santé publique.

M. Bérubé : Avez-vous fait une recommandation quant au Vendredi fou, le Black Friday, au gouvernement du Québec?

Le Président (M. Provençal)  : Alors, je dois mettre fin à l'échange, le temps est écoulé. Merci beaucoup. Je vais maintenant passer la parole au député de Chapleau.

M. Lévesque (Chapleau) : Oui, merci beaucoup, M. le Président. J'en profite pour saluer les collègues de l'opposition, également mes collègues du gouvernement.

J'aimerais peut-être, d'entrée de jeu, là, permettre à Dr Arruda et Dr Massé, là, s'ils veulent compléter leurs nuances et leur réponse quant à la fermeture des restaurants. Ils ont été un petit peu brusqués et ils n'ont pas nécessairement eu le temps de répondre complètement. On aimerait ça être éclairés sur l'ensemble de la décision. Merci.

M. Massé (Richard) : Merci beaucoup, c'est vraiment gentil, parce qu'on a parlé des restaurants d'une façon générale, mais ce n'est pas comme ça que ça se passe, c'est beaucoup plus en nuance que ça.

Donc, vous vous souvenez, les premières recommandations, ça a été 10 personnes, puis là on était dans la zone orange, puis... Mais en fait on arrivait à dire : Mais, si c'est les mêmes personnes qui sont dans le même foyer, la même famille, la même maison, est-ce qu'on pourrait ouvrir pour ces personnes-là? Parce que, dans le fond, se rencontrer chez eux ou se rencontrer au restaurant, c'est équivalent, au niveau du risque. On avait recommandé cette chose-là. C'est cette chose-là qu'on a recommandée. Et le gouvernement, pour éviter de passer un message qui pourrait être mal interprété ou... bon, a décidé de dire : Non, on ne va pas aller dans ce sens-là. Mais donc c'était une recommandation, mais très, entre guillemets, prudente qui était autour de ça. Ce n'est pas du tout : On ouvre les restaurants, là, ce n'est pas comme ça que les choses se font, c'est beaucoup en subtilité.

C'est pour ça, les allers-retours, de dire : On vient, on discute, on arrive avec une proposition, avez-vous pensé à telle chose?, il y a tel impact, on tient compte de ces impacts-là, puis là, à ce moment-là, on ajuste les recommandations. Il y a vraiment un dialogue parce que c'est une gestion de risques. Dans la gestion de risques, il faut tenir compte de non seulement les impacts sur l'épidémiologie, mais aussi, on l'a mentionné, sur la santé mentale, sur l'acceptabilité, l'impact économique. Mais la perception que les gens vont avoir... et ça, c'est vraiment important, est-ce qu'ils vont comprendre cette mesure-là? Nous, c'est arrivé à plusieurs reprises qu'on a dit : On peut rencontrer les gens, mais on devrait mettre un maximum de deux unités d'adresse ensemble. Les gens nous ont dit : Trop compliqué, ça devient... Nous, on pense que, d'un point de vue épidémiologique, ça a du bon sens, mais le Conseil exécutif a dit : Bien, ça, c'est trop compliqué. Ça fait que, ça peut arriver, ce genre d'échange là, et c'est normal.

M. Lévesque (Chapleau) : Merci, merci. Bonjour, Dr Arruda, merci d'être ici. Merci de votre temps et de votre engagement pour les Québécois.

Peut-être, pour compléter, est-ce qu'il y aurait d'autres questions qui vous ont été posées pour lesquelles vous aimeriez ajouter des nuances ou certains commentaires, là, additionnels?

M. Arruda (Horacio) : Non, pas...

M. Lévesque (Chapleau) : Oui, Dr Massé, oui, allez-y.

M. Massé (Richard) : Pour Rimouski... Je m'excuse. Pour Rimouski, on a fait des échanges aller-retour avec le directeur de santé publique, qui, lui-même, a parlé avec les élus de la région, qui est revenu à nous, pour lequel on a eu cette discussion-là. Et c'est tout à fait normal, que ces échanges-là viennent et partent. Maintenant, qui, au niveau du timing, a eu la dernière information ou l'information la plus rapide, ça devient plutôt une anecdote que d'autre chose, là, franchement, mais, vraiment, il y a ces interactions-là.

Même chose pour d'autres décisions qui touchent, par exemple, la Côte-Nord puis l'Abitibi-Témiscamingue, on a eu des discussions, hier soir, ce matin, pour dire qu'est-ce qui se passe, comment est-ce qu'on peut le faire, tenir compte des nuances. C'est en continu, ce genre d'échange là. Ce n'est pas une chose qui est comme... une fois, on dit : On va faire ça, puis après ça on ne les écoute pas, c'est vraiment en continu, là.

M. Arruda (Horacio) : Et, s'il y a un endroit où les directeurs de santé publique jouent leur rôle, parce que c'est eux qui connaissent leurs territoires, qui connaissent mieux les dynamiques... c'est très clair que cette décision-là, elle est prise, je vous dirais, après discussion avec eux, puis c'est eux qui nous amènent le point. De toute façon, à chaque fois, moi, je pose la question : Est-ce que vous avez des indices pour qu'on change de palier? Les principes sur lesquels nous, on intervient, c'est d'essayer de garder la cohérence dans les approches d'un territoire à un autre puis d'éviter certaines situations, des fois, où on peut enclaver des zones orange dans deux rouges, puis là ça ne fait plus de sens, même si, techniquement... Puis ça, c'est discuté, véritablement, avec les directeurs, qui peuvent vraiment mieux connaître c'est quoi, les dynamiques de leurs populations. Moi, je ne sais pas si telle ville se mélange à telle ville ou si les gens...

Parce que, dans les faits, aussi, les territoires sont un enjeu administratif, mais comment les populations vivent — je veux dire, on n'a qu'à penser aux gens qui vivent en Outaouais, tu as beau être en Outaouais, mais les gens vont vivre à Ottawa — donc, particulièrement, quand il y a des frontières... Et puis c'est très clair que la région métropolitaine, quand on parle de... le coeur de la Montérégie versus la périphérie, c'est des dynamiques différentes. Ça fait qu'on discute ça avec les directeurs, c'est eux qui ont véritablement cette connaissance fine là, là.

M. Lévesque (Chapleau) : Eh bien, vous m'avez titillé, Dr Arruda, sur l'Outaouais — qui est ma région, bien entendu — j'aurais une question, là, à votre propos. Vous savez, bon, que c'est la région limitrophe à l'Ontario, la ville Gatineau, à côté d'Ottawa, la population se déplace constamment, il y a des liens familiaux importants. Il y a beaucoup de travailleurs, là, au fédéral, donc des fonctionnaires fédéraux, qui habitent à Gatineau. Évidemment, là, ça complique un peu la situation pour la Santé publique régionale. Et aussi, du côté d'Ottawa, c'est en zone orange, donc ce qui se passe, c'est qu'il y a des gyms qui sont ouverts, les restos sont ouverts, les salles de spectacle sont ouvertes, la population y va, donc, la population de Gatineau.

Évidemment, là, vous n'êtes pas sans savoir qu'on reçoit beaucoup de critiques par rapport à nos restaurateurs, nos salles de gym, également, là, les salles de spectacle, qui voient ça un peu comme une injustice. J'aimerais peut-être que vous nous éclairiez, là, pour... comment la prise de décision, en ces cas-là, est faite, comment la spécificité régionale est prise en compte, particulièrement par rapport... avec la province de l'Ontario, parce que, bon, l'Ontario est en... Ottawa est en orange, Gatineau, en rouge et la Haute-Gatineau, en orange. Donc, vous avez parlé, justement, de certaines incongruités par rapport à ne pas, justement, enclaver une zone d'une certaine couleur entre deux zones de deux autres couleurs. J'aimerais peut-être que vous me parliez de cette situation-là particulière, là, pour répondre à ça. Merci.

• (17 h 10) •

M. Arruda (Horacio) : Bien, je peux vous dire que la directrice de santé publique de l'Outaouais, Brigitte Pinard, nous informe très, très précisément de ces situations-là. Elle est placée... Dans les faits, il faut comprendre que, même quand on parle de nos carnets de vaccination, nos programmes de vaccination, puis etc., on n'a pas les mêmes protocoles, des fois, que l'Ontario. Donc, c'est une situation où, en termes de santé publique, les deux frontières peuvent avoir des choses différentes, mais elles essaient le plus possible de faire une harmonisation. Et il y a, d'ailleurs, des discussions très importantes entre la cheffe d'Ottawa avec la directrice de santé publique. Elle nous a fait part, des fois... C'est sûr que l'Outaouais est au Québec, et donc ce sont les règles du Québec qui s'appliquent, mais elles ont des discussions. Puis elle nous a fait part, récemment, de voir s'il y avait certains ajustements, particulièrement quand la situation s'améliore, parce que, dans l'Outaouais, vous êtes une, quand même, des régions, actuellement, qui est en bon état, comparativement à d'autres, et donc il pourrait y avoir des modulations qui pourraient être éventuellement faites. Mais il faut aussi comprendre que ça... il faut vraiment faire une très bonne analyse des impacts, puis ça, je pense que c'est elle qui est mieux placée, en discussion avec nous, et, s'il y a des modulations à faire, ça pourra se faire. Puis en même temps ça demeure au Québec, donc vous comprendrez, là, que ça complique les choses. Ça fait qu'on essaie aussi d'avoir une certaine équité envers toutes les régions.

Le Président (M. Provençal)  : M. le député voudrait avoir un...

M. Lévesque (Chapleau) : Sur ce point-là, là, justement, vu qu'on parle de ça, là, vous savez... vous n'êtes certainement pas sans savoir que l'Outaouais a vécu, là, du sous-financement pendant des décennies, ça a été démontré et étayé par des études importantes. La région a toujours été prise pour acquis par les gouvernements précédents, particulièrement les libéraux, qui régnaient là en rois et maîtres.

Actuellement, la ville de Gatineau, comme je viens de vous dire, là, et la région périphérique sont en zone rouge. Vous nous le rappelez souvent, de même que la directrice de la santé publique régionale, afin de classer les régions, il y a trois facteurs principaux, donc : la situation épidémiologique, le contrôle de la transmission communautaire et, bien entendu, la pression sur le réseau de la santé. Pour les deux premiers facteurs, vous nous le disiez, la directrice de la santé publique régionale nous indique que ça va quand même assez bien. On parle, là, d'un taux d'infection de 68,3 % sur 100 000 habitants, alors que la moyenne québécoise est de 174, et certaines régions sont en zone orange dans ces cas-là. Par contre, effectivement, le troisième facteur, soit la pression sur le réseau de la santé, est problématique : pression forte, manque de lits. Et donc, d'ailleurs, le maire, tout récemment, là, disait... il est «convaincu que n'eussent été les conditions préexistantes dans le réseau de la santé en Outaouais, à savoir son sous-financement chronique, la région ne serait pas en zone rouge.» Puis il écrivait à tous les élus, justement, de l'Assemblée nationale : «Je voulais d'abord et avant tout m'assurer que tous les élus comprennent à quel point ce qu'on vit est une injustice grave[...]. Je trouvais que c'était important de souligner les conséquences graves — humaines, économiques — qu'ont eues sur nous ces années de négligence», donc les décennies dont je parlais tout à l'heure. J'aimerais vous entendre sur ça. Est-ce que c'est une analyse qui est plausible? Et j'imagine que Dre Pinard vous en fait part, vous aussi?

M. Arruda (Horacio) : Bien, il faut comprendre qu'effectivement ce n'est pas tous les milieux qui ont accès au même niveau de services de santé, là. Puis d'ailleurs, voyez-vous, dans des territoires comme dans la Côte-Nord ou ailleurs, qui sont plus éloignés... puis je ne fais pas de comparable à chez vous, là, mais c'est un facteur qui, très rapidement, va faire que même un petit nombre de cas va nécessiter de passer à une zone rouge pour protéger ces milieux-là.

M. Lévesque (Chapleau) : Merci. Juste en terminant, là, il me reste peut-être un petit 30 secondes, effectivement, pour lier, justement, l'enjeu du manque de lits, ces choses-là. Il y a eu, justement, la promesse du gouvernement de mettre de l'avant un nouvel hôpital de 600 lits, longtemps attendu, en Outaouais, et donc, le sous-financement, on y travaille fortement. Et donc, une situation comme celle-là, avec ce nombre de lits là, on aurait été en zone orange.

Donc, je vous remercie. J'aimerais ça passer la parole à mon collègue de Mégantic.

Le Président (M. Provençal)  : Oui, alors, M. le député de Lac-Mégantic, à vous la parole. Et je vous demande d'être toujours, tout le monde, prudents dans les commentaires que vous émettez. Merci.

M. Jacques : Merci, M. le Président. Dr Arruda, Dr Massé.

Vous savez, en Estrie... Je vais parler... mon collègue a parlé de Gatineau et de l'Outaouais, je vais parler un peu de l'Estrie. Je dirais, à la première vague, l'Estrie était en forte hausse, là, depuis... au départ, et c'est baissé, là, rapidement, quand même. Donc, il y a eu une belle progression, rapidement, pour la baisse des cas lors de la première vague. Dans ma circonscription, il y a eu, pratiquement, à peu près 25 cas, total, lors de la première vague.

Dans la deuxième vague, on a une zone orange. On est restés longtemps en zone orange. On est un petit pays gaulois à travers le Québec. Et, dans ma circonscription, contrairement à ce qui s'était passé à Sherbrooke et ailleurs lors de la première vague, il y avait une explosion de cas en CHLSD, en milieu communautaire, en entreprise. Donc, on vivait carrément d'autres choses qu'on n'avait pas vécues en première vague, et on pensait que nos grands espaces nous donnaient un petit peu d'assurance et qu'on pouvait se protéger grâce à notre territoire, qui est très vaste.

Et moi, j'aimerais savoir, là... qu'il est toujours difficile, là, de cibler exactement la problématique, puis qu'est-ce qui fait que les vagues grossissent ou rapetissent. Et qu'est-ce qui s'est passé en Estrie, vous pensez, qui a fait... qui fait que l'Estrie est durement touchée, là, dans les derniers jours? On peut parler de 724 cas dans la dernière semaine, 291 cas dans les trois derniers jours et, juste aujourd'hui, là, 111 cas. Je pense qu'on s'enligne, là, vers une progression majeure depuis quelques semaines.

M. Arruda (Horacio) : Si vous me permettez, l'Estrie a... Bien, premièrement, c'est un virus qui est pernicieux, hein, c'est un virus qui est partout, et qui est partout au Québec. Ça, je tiens à vous le dire, là. Puis il va s'exprimer sur la... il se nourrit des contacts, comme je vous l'ai dit, des contacts étroits.

Ce qui est clair, si vous me permettez, en Estrie, ce qui est arrivé, c'est quand même un phénomène particulier à la première vague, c'est que, suite à la semaine de relâche, les travailleurs de la santé puis des gens qui sont allés, même, travailler en santé publique, ça a été notre première épidémie, dans les équipes de santé publique, des infirmières qui sont... qui ont fait du covoiturage de Granby pour aller travailler avec l'équipe de santé publique, il y a eu une éclosion à l'intérieur même de la santé publique. Même pas des travailleurs de la santé qui sont alliés avec les soins, là, c'est des gens qui sont allés en voyage, qui ont fait des repas et qui se sont retrouvés. Ça fait qu'il y a eu une petite éclosion qui a commencé en Estrie, qui a été, heureusement, rapidement contrôlée par après et moins touchée. Même s'il y a beaucoup de personnes de Montréal qui allaient faire des tours en Estrie, on n'a pas vu... le Dr Poirier me racontait qu'on n'a pas vu l'explosion, là, qu'on avait peur par rapport à l'importation de cas en Estrie.

Bien, l'Estrie a vécu... comme plusieurs régions de l'Est qui ont été moins touchées, notamment le Saguenay—Lac-Saint-Jean, l'Abitibi, puis etc., l'Estrie a vécu un peu un phénomène où, une fois que le virus rentre, particulièrement, les gens qui... Il y a des apprentissages à faire, hein? Je ne veux pas dire qu'il n'y a pas de circulation à Montréal, mais il y a des apprentissages à faire. Ils n'ont pas vécu la première vague de façon intensive, et il s'agit juste que le virus rentre dans un milieu, que les gens n'aient pas appris ou n'aient pas vécu l'expérience de la distanciation, là, du port du masque et du deux mètres, et là vous avez ce qu'on appelle une transmission importante, et, cette fois-ci, la transmission est très communautaire. Et donc c'est comme ça qu'on a vu, en fin de compte, apparaître, particulièrement dans des régions comme le Saguenay—Lac-Saint-Jean, qui s'est retrouvé de façon très intense... qui, maintenant, est en contrôle, bien, c'est à peu près le même phénomène, c'est un phénomène d'un territoire qui n'a pas été exposé au virus, mais aussi d'un territoire qui n'a pas été exposé aux mesures. L'apprentissage... Probablement que, s'il y avait une troisième vague, la population est déjà dans un mode... ou comprend mieux les comportements. Vous le dites vous-même, vous étiez dans des grands espaces, vous pensiez que vous n'étiez pas attaqués, mais c'est vrai que plus il y a de monde en zone urbaine, plus il y a de contacts étroits, puis c'est un potentiel de... Mais il s'agit juste d'avoir des rassemblements familiaux. Le Saguenay est reconnu comme un endroit où les familles se voient beaucoup, beaucoup de transmission familiale, de façon intensive, qui se répercute, après ça... travailleurs de la santé dans les milieux de soins, et c'est comme ça que ça se passe.

Donc, c'est véritablement, là... je vous le dis, là, c'est un virus qui est pernicieux, qui est à côté de vous. Puis vous ne pouvez même pas vous fier sur votre beau-frère, que vous aimez, c'est drôle à dire, parce que lui-même ne le sait pas qu'il est infecté. C'est un peu drôle à dire, là, mais c'est comme ça. Et c'est souvent des gens autour de nous qui nous transmettent et non pas nécessairement quelqu'un qui est méchant, d'où l'importance même du télétravail, toutes ces mesures-là qui amènent à la distanciation, si on ne veut pas augmenter les épidémies. Parce que, quand c'est dans la communauté... Puis c'est très facile de rentrer dans un hôpital, qui est un milieu où plusieurs personnes travaillent, très facile de rentrer dans une résidence pour personnes âgées, puis très facile de rentrer aussi dans les CHSLD.

M. Jacques : O.K. Je reviens, là... Bien, vous parlez de CHSLD, je vous parle des CHSLD. En fait, là, le CIUSSS, là, a obtenu, d'ailleurs, une dérogation de la DSP pour interdire la visite des proches aidants, là, jusqu'à vendredi, de un.

De deux, avec l'augmentation des cas, là, il y a des équipes dédiées qui ont été envoyées au CHSLD Villa-Bonheur, soit un gestionnaire et une conseillère en prévention. Donc, ces gens-là, là, qu'est-ce qu'ils vont faire, en CHSLD, quand ils rentrent là? Et pour combien de temps qu'ils sont là? Est-ce que c'est quelques jours? C'est quelques heures par jour? C'est quoi? Est-ce que c'est le SWAT? Ce n'est peut-être pas le SWAT, mais c'est quoi, exactement, leur rôle et le temps, la durée d'intervention qu'ils vont faire dans ces CHSLD là?

• (17 h 20) •

M. Arruda (Horacio) : C'est variable d'un milieu à l'autre, mais, en fin de compte, souvent, ce qu'ils viennent faire, c'est qu'ils viennent... Un, c'est des ressources en PCI, ils viennent leur apporter un support. Ils viennent faire aussi, des fois, un regard critique sur la situation, parce que, quand on est dedans, on n'a pas la même perspective. Ils peuvent faire des audits pour vérifier si les gens appliquent bien les mesures, apporter certains conseils, identifier des choses qui n'ont peut-être pas été placées ou mises en place. Ça fait que c'est des équipes qui le font comme ça. Puis d'avoir un gestionnaire qui vient sur place aussi, c'est pour s'organiser que les équipes soient gérées et aillent toutes dans le même sens, parce que, compte tenu du travail clinique que les gens ont sur les étages, c'est important d'avoir quelqu'un qui a une vision d'ensemble de ce qui se passe dans l'établissement par rapport... Je ne sais pas si docteur veut compléter.

M. Massé (Richard) : Non, bien, je pense que c'est ça qui se passe, c'est vraiment renforcir l'équipe avec une vision extérieure puis de l'expertise qu'ils n'ont pas toujours sur place.

M. Jacques : ...il s'en va voir la forêt au complet, il regarde ce qui se passe et il soumet des idées et des recommandations pour activer les choses, pour que les choses se passent de meilleure façon par la suite, pour éliminer, là, toutes les problématiques qu'il pourrait y avoir sur l'étage, là.

M. Arruda (Horacio) : ...qui était... qui va se... On a créé une direction de la PCI, au ministère de la Santé, maintenant, sous Daniel Desharnais, mais c'était un processus, aussi, qui arrivait où les équipes de santé publique, antérieurement, pouvaient aussi aller aider certains établissements qui n'avaient pas des expertises quand il y avait le contrôle d'éclosion. Dr Massé, à l'époque, quand il était à Montréal, avait une équipe de prévention et contrôle des infections. C'est de l'expertise centrale qui vient aider, et ça, c'est très pertinent, et ça peut arriver n'importe où. Quand on est dans un problème, on a, des fois, le nez collé sur certains éléments, et d'avoir quelqu'un externe qui nous fait un peu une check-list de juste ce qui pourrait être fait, c'est aidant, et ça fait partie de l'apprentissage continu des ressources.

M. Jacques : Je continue avec... Dr Poirier, hier, avait une entrevue, entre autres, à La Tribune, suite à une... de son point de presse. On parle, là, qu'ils ont de la misère à rejoindre les familles des gens qui sont infectés, donc on a demandé... on a lancé le plan de contingence. Donc, les gens, dans le fond, ont à avertir les gens qui sont autour d'eux, les gens proches, pour permettre à la Santé publique, là, aux équipes qui, normalement, devraient faire des téléphones et avertir les gens, de les aider parce qu'ils sont en débordement.

Dans ces cas de contingence là, là, comme celui-ci, pourriez-vous nous décrire quelles sont les autres mesures qui pourraient être mises en place ou appliquées dans le but d'enlever certaines charges de travail aux enquêteurs qui sont débordés lorsqu'il y a des éclosions? Puis je présume, là, que c'est partout, à l'ensemble de la province de Québec, là, que ça pourrait exister, là.

M. Arruda (Horacio) : Ça arrive particulièrement quand il y a une augmentation importante. Mais je tiens à vous dire qu'on est en train... On a fait beaucoup, dans ces situations-là, appel à d'autres directions de santé publique, qui viennent apporter un coup de main à la direction. Ça s'est fait, l'Estrie en a profité, d'autres régions en ont profité. Puis on est en train aussi d'augmenter et de former beaucoup plus de personnel pour être capables de maintenir cette capacité, advenant le cas, par exemple, que ça se mettrait à monter encore plus, on est dans les plans de formation. Toutes les directions de santé publique sont en train, actuellement, d'acquérir d'autres ressources supplémentaires pour être en mesure de le faire. Il y a aussi, si vous me permettez, l'ajout de technologies, là, notamment amélioration de système de déclaration de laboratoire, amélioration de système de surveillance du traçage de cas avec des instruments automatiques.

Mais un message que je veux passer, ici, qui est très important, c'est qu'un des enjeux qu'on voit, actuellement, c'est que les gens attendent, des fois, avant de se faire dépister. Ils ont des symptômes, ils peuvent attendre 24, 48 heures en pensant que ce n'est pas ça, ou ils attendent... Et à chaque fois qu'on attend avant de se faire dépister, on peut développer la maladie ou, sans avoir développé la maladie, être déjà contagieux puis contaminer plusieurs personnes, d'où l'importance de rappeler aux gens... j'ai dit, tantôt, j'avais un seul message, c'était celui d'éviter le nombre de contacts, diminuer les contacts parce que... et de garder la distanciation physique. Mais l'autre chose aussi, c'est que, si vous avez des symptômes, allez vous faire dépister rapidement, isolez-vous, attendez votre résultat. Et, si vous êtes positif, avertissez vos... La Santé publique va demander à des gens, à vos contacts d'aller se faire dépister. Il faut le faire parce que c'est comme ça qu'on brise la chaîne de transmission.

M. Jacques : Merci, Dr Arruda.

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. le député.

M. Jacques : Il ne me reste pratiquement que 15 secondes, donc, merci, je pense que c'est un bon message à lancer à tous les citoyens de la province de Québec, mais surtout aux miens de la...

Le Président (M. Provençal)  : Merci, M. le député. Alors, la parole est la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Anglade : Merci. Alors, Dr Arruda, je me lance tout de suite dans la prochaine question. Vous avez parlé d'une rencontre, donc, avec la Sécurité civile qui a eu lieu le 24 janvier. Et, lors de cette rencontre-là, il y a eu des échanges par rapport aux approvisionnements. La question que j'ai pour vous : Est-ce que... Au niveau de l'équipement de protection, est-ce que les Approvisionnements ont dit, lors de cette rencontre, qu'ils avaient ce dont... ce qu'il fallait pour faire face à la crise? Est-ce que ça a été mentionné pendant la rencontre?

M. Arruda (Horacio) : Je n'étais pas à la rencontre, madame. C'était, comme je le disais, Dr Savard, probablement, ou un de mes membres de l'équipe qui a dû parler, de façon générale, en lien avec ça, là. Mais je ne sais pas s'ils ont abordé la quantité qui était disponible, actuellement.

Mme Anglade : Est-ce que... la question à savoir qu'il y avait de l'équipement qui était périmé, est-ce que ça a été porté à votre attention, à un moment donné ou à un autre?

M. Arruda (Horacio) : Pas à moi directement. Ça a peut-être été mentionné à des gens de mon équipe, mais pas à moi directement.

Mme Anglade : Est-ce que vous en avez pris connaissance? Est-ce que les membres de votre équipe vous en ont parlé, sont venus vous voir puis ils vous ont dit : Apparemment qu'il y aurait de l'équipement périmé? Est-ce que ça a été porté à votre attention?

M. Arruda (Horacio) : Je n'ai pas souvenir, très honnêtement, je n'ai pas souvenir. Je sais qu'il y avait eu de l'équipement périmé, notamment, en lien avec les N95 qui avaient été achetés dans le contexte de la pandémie, mais il me semble que c'était antérieur au mois de janvier.

Mme Anglade : Donc, antérieurement au mois de janvier, vous aviez entendu parler qu'il y avait peut-être du matériel, les N95, qui était périmé?

M. Arruda (Horacio) : Qui était du matériel de... puis là je tiens à vous dire que je ne sais pas quand exactement, là...

Mme Anglade : Oui, bien sûr.

M. Arruda (Horacio) : ...qui était du matériel qui avait été acheté dans le contexte de la pandémie, effectivement, et qui avait été... Parce qu'on avait un stock important, là, comme ailleurs au Canada, on avait des stocks, et comme ça n'a pas été utilisé en pandémie totale de H1N1, il y a eu du matériel qui a fini par être périmé. Mais je tiens à vous dire, très honnêtement, que je ne me souviens pas à quel moment. Je sais qu'on m'avait parlé qu'il y avait du matériel qui était périmé et qu'il fallait le remplacer. Puis là je ne sais pas s'il a été remplacé ou pas.

Mme Anglade : Et ce matériel périmé qui aurait été remplacé... puis on avait soumis à votre... on vous en avait parlé. Cette discussion-là, vous pensez qu'elle a eu lieu avant le mois de mars, c'est-à-dire que... pendant qu'on était en train de renflouer les stocks?

M. Arruda (Horacio) : Bien, c'est là où j'ai... Je m'excuse, parce qu'il se passe tellement d'affaires que ça devient difficile. C'est là que je me dis je pense que c'est antérieur, même, à janvier ou décembre. C'était dans le contexte des discussions générales de nos stocks qui sont maintenus par rapport à d'éventuelles pandémies. Vous savez, il y a des stocks qu'on avait, on a des stocks d'antidotes pour des menaces biologiques ou autres, ça fait que ce sont des stocks qui sont renouvelés. Et il me semble que le Dr Savard m'avait déjà mentionné qu'il fallait renouveler une partie de la réserve des N95 parce que ceux qu'on avait achetés en 2009 étaient périmés.

Le Président (M. Provençal)  : Merci.

Mme Anglade : Est-ce que cette discussion-là a eu lieu à la fin de 2019, vous pensez, selon votre mémoire?

M. Arruda (Horacio) : Je n'ai aucune idée, parce que... je dois vous dire aussi une chose, ça, c'est des choses qui se font chez les Approvisionnements et pas dans mon secteur, et ce n'est pas quelque chose que je suis directement. C'est vrai pour ça, c'est vrai pour une série de médicaments. Ça fait que ce n'est pas...

Mme Anglade : Ce n'est pas quelque chose que vous suivez directement.

M. Arruda (Horacio) : Ce que je viens de vous rapporter, c'était en lien avec la gestion habituelle des stocks, parce que, dans des rencontres de sécurité civile, des fois c'est apporté, mais ce n'est pas en lien avec cette éclosion-ci.

Mme Anglade : Et, si je vous parle d'une rencontre des Approvisionnements qui aurait eu lieu avec les autres provinces, au mois de décembre, où le Québec y était, la Colombie-Britannique y était, l'Alberta y était, est-ce que vous êtes au courant de cette rencontre où, justement, il y aurait eu des discussions par rapport aux approvisionnements?

M. Arruda (Horacio) : Je pense que j'étais au courant qu'il y avait des rencontres fédérales dans différents secteurs. Moi, je suis au... au comité sur la santé publique, mais c'est un autre sous-ministre qui assiste aux rencontres sur les approvisionnements.

Mme Anglade : Et est-ce qu'on vous a informé, à ce moment-là... est-ce que vous étiez au courant du fait qu'il y a eu un appel d'offres... il y aurait eu un appel d'offres conjoint pour renflouer les stocks en vue de la pandémie et du côté de la Colombie-Britannique et du côté de l'Alberta? Est-ce que quelqu'un de votre équipe était au courant de ça?

M. Arruda (Horacio) : Moi, personnellement, je n'étais pas au courant.

Mme Anglade : D'accord.

M. Arruda (Horacio) : Et je ne pense pas que l'équipe ait rentré dans ces détails-là. On était plus concentrés sur les éléments de santé publique.

Mme Anglade : D'accord. Très bien. Je vous remercie.

M. Arruda (Horacio) : S'ils ont été mis au courant, moi, je n'en ai pas entendu parler.

• (17 h 30) •

Mme Anglade : D'accord. Écoutez, Dr Arruda, je sais que la crise, elle est... bat son plein et que les prochains mois vont être sûrement difficiles pour tout le monde, puis je suis très consciente du rôle difficile que vous avez à jouer. J'ai une question qui me préoccupe : Est-ce qu'une véritable rétroaction des stratégies politiques adoptées pendant la crise pourrait nous permettre de réduire l'incertitude pour la prochaine crise? Je fais référence aux commentaires que vous nous avez formulés plus tôt en disant que c'est six mois après une crise qu'on fait les changements, hein, vous avez dit ça. Vous avez dit : C'est six mois après une crise qu'on fait des changements. Mais, pour qu'on puisse faire ces changements-là, encore faut-il savoir de quoi il s'agit et quels changements on aimerait apporter.

Plus spécifiquement, rapidement après la crise du verglas, en 1998, le premier ministre Lucien Bouchard a mis en place la commission Nicolet, et nous avons tiré des leçons de cette crise du verglas, et les conclusions de la commission ont permis de vraiment renforcer le réseau d'Hydro-Québec et toute la réforme de la Sécurité civile dont on parle, justement, aujourd'hui — on en a parlé à plusieurs reprises aujourd'hui — et qui permet maintenant au Québec d'être parmi les meilleurs dans le domaine de la sécurité civile.

Alors, maintenant, quand on regarde la compétence de la Sécurité civile, on constate à quel point elle n'est plus à démontrer, surtout lorsque l'on voit ce qui s'est passé avec Lac-Mégantic, ce qui s'est passé avec les inondations. Est-ce que, selon vous, nous devrions essayer de tirer les mêmes enseignements, justement, pour être capables de répondre à ce que vous avez dit vous-même, lorsque vous disiez : On a six mois après la crise?

M. Arruda (Horacio) : Si vous me permettez, quand j'ai parlé de la question du six mois, c'était dans une perspective bien égoïste d'avoir des investissements en Santé publique pour investir dans l'ensemble de la mission de santé publique et nous donner la capacité de mettre à jour notre programme national et la Politique gouvernementale de prévention de la santé. Ce que vous amenez, c'est plus une question de rétroaction qui peut se faire dans la société, même au niveau politique, par rapport à un événement, pour voir s'il n'y a pas des choses à améliorer dans le système.

Je voudrais aussi que vous sachiez que, depuis la première vague aussi, on a déjà amené un plan d'action deuxième vague qui est beaucoup amélioré par rapport à ce qu'il était dans la première. Mais, s'il y a des changements, je vous dirais, systématiques à mettre en place, tout comme ça a été le cas suite au verglas, etc., bien, moi, je pense, ça se place à des tribunes où la Santé publique peut émettre son opinion, mais ça va... je pense, c'est un phénomène à discuter, je pense, en termes de rétroaction politique entre les élus, comme tel, et nous, on pourrait, dans un processus de cette nature-là, apporter notre éclairage par rapport à l'expérience et à nos mandats spécifiques.

Mme Anglade : Selon vous, est-ce que cet exercice-là, de la même façon dont il a été fait pour la crise du verglas et voyant les résultats, serait, donc, bénéfique pour l'ensemble des Québécois, certainement pour la Santé publique, dans un premier temps, mais de manière générale pour l'ensemble des Québécois?

M. Arruda (Horacio) : Bien, nous allons, de toute façon, en Santé publique, comme on le fait toujours dans chacune des crises, faire une analyse des choses pour évaluer ce qui a bien été, ce qui n'a pas bien été, quelles sont les solutions pour améliorer. Ça, on va le faire dans notre secteur. Mais là, si vous faites appel à... comment je pourrais vous dire... Parce que, quand on est dans un événement comme le verglas, etc., si, effectivement, ça implique... Puis cette fois-ci, la Sécurité publique est impliquée avec nous, mais elle l'est moins. Elle va le devenir plus, probablement, dans la partie en lien avec la vaccination pour des éléments de logistique. Mais, comme je vous dis, je pense que toute crise amène une postcrise, dont une des étapes importantes, un, en même temps qu'on fait de l'amélioration continue, qui est de faire un bon diagnostic pour améliorer pour la prochaine fois. C'est une réponse générale que je peux vous donner là-dessus.

Mme Anglade : Bien sûr, bien sûr. Et d'ailleurs, dans les réponses que vous avez formulées... On a parlé quand même assez souvent de la question des approvisionnements, puis vous avez beaucoup de choses à gérer déjà, certainement pas à vous occuper directement des approvisionnements. Mais, dans le cadre d'une rétroaction, je pense qu'il faudrait, justement, que les Approvisionnements aussi puissent contribuer à ça, de la même manière dont on parle de la Sécurité civile ou de la Sécurité publique, de la même manière dont on parle de la Santé publique. Je pense que tous ces éléments-là, c'est, en fait, un peu la démonstration... en fait, s'intègrent dans l'ensemble de la situation.

M. Arruda (Horacio) : Oui, tout à fait. Puis, si vous me permettez, la crise a démontré la forte dépendance de certains pays vis-à-vis des producteurs, avec la mondialisation, avec ce qu'on appelle aussi de plus en plus l'approvisionnement «on time», parce qu'il y a un coût, hein, à maintenir des stocks qui peuvent se périmer, puis etc. Bien, la crise a démontré qu'on a une forte dépendance, je vous dirais, à des phénomènes comme la Chine, qui produit à moindre coût, et ça nous soulève plein de questions en lien avec notre capacité, au Québec et au Canada, d'avoir des approvisionnements et d'avoir, notamment, aussi des producteurs de vaccins, puis etc. Dans un contexte de mondialisation, on peut faire confiance... le transport est rapide entre la Chine... C'est, des fois, même plus court d'arriver en Chine que de traverser Montréal—Québec en tempête de neige. Je vous donne un... j'exagère un peu, mais juste vous... à un moment donné, ça a démontré toute la dépendance qu'on a vis-à-vis des produits ailleurs.

Et, dans d'autres contextes de crise, de changements climatiques ou autres, ça va être important de garder cet équilibre, oui, pour une mondialisation, mais, oui, aussi pour une capacité locale de... à mon avis, parce que, dans certaines situations, des besoins essentiels pourraient ne pas être accessibles.

Mme Anglade : Je vais vous remercier d'être venu nous rencontrer aujourd'hui. C'est extrêmement apprécié. Je sais que ma collègue a également quelques questions pour terminer. Merci, Dr Arruda.

Le Président (M. Provençal)  : Alors, Mme la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Je vous remercie. Combien il me reste de temps, M. le Président? Il doit...

Le Président (M. Provençal)  : Il vous reste 4 min 18 s.

Mme Montpetit : Il en reste moins qu'il y en avait.

Dr Arruda, j'aimerais aborder la question du dépistage du cancer, pour compléter nos échanges. Moi, j'aimerais ça savoir... C'est une question qui me préoccupe, là, d'un point de vue de santé publique. Vous, avez-vous des inquiétudes importantes au sujet des retards, notamment en dépistage précoce du cancer, qui pourraient découler des opérations de délestage massif qui ont été annoncées dans le réseau de la santé?

M. Arruda (Horacio) : Je pense que c'est une préoccupation que tout le monde a, là, idéalement. Mais les cas urgents ou les chirurgies urgentes, on nous dit que, en termes oncologiques, elles sont maintenues. Mais je peux comprendre l'inquiétude que certains patients peuvent avoir quand le diagnostic cancer tombe et qu'on a un certain retard. Mais il y a quand même, je tiens à vous le dire, des guides, là — et ça, ça a été discuté, traité par des oncologues — pour voir quelle était la fenêtre qui est encore... qui permet d'avoir moins d'impact sur la survie des personnes. Mais c'est pour ça aussi que je vous dis, quand j'interpelle toute la population à diminuer leurs contacts, puis etc., là, ce n'est pas seulement pour le risque de la santé personnelle en termes de COVID-19 ou seulement pour la COVID-19, c'est que, si on a beaucoup de travailleurs de la santé malades, des chirurgiens malades et que notre système de soins doit délester pour traiter les cas de COVID-19, bien, c'est autant d'autres services qui vont être retardés.

Donc, je pense qu'actuellement le management de ça est fait avec des cliniciens. Ce n'est pas la Santé publique qui est l'experte de l'oncologie, là, même si on a des programmes, puis etc. Et les cliniciens discutent de ça, notamment avec un comité clinique qui... avec des représentants de différentes spécialités, avec la Dre Opatrny.

Le Président (M. Provençal)  : Avez-vous une autre question?

Mme Montpetit : Oui. Est-ce que vous avez fait des recommandations au ministre de la Santé pour faire face à cette question? Et, selon vous, est-ce qu'une actualisation d'urgence du plan du gouvernement pour rattraper les retards... est-ce que ce serait nécessaire?

M. Arruda (Horacio) : Ce n'est pas dans mon secteur d'activité, c'est... la santé physique relève de la DGAUMIP, la direction de Dre Opatrny. Je pense qu'elle est en lien avec les différents cliniciens par rapport à ça. Puis c'est une préoccupation qui nous importe. Vous voyez que le troisième élément de nos éléments, qui est... le premier, qui est le nombre de cas, la capacité de la Santé publique de faire ses interventions, gérer les éclosions et l'impact sur le système de soins, et les offres de services de soins, c'est le troisième pilier de nos analyses. Nous, on regarde les nombres, mais là, la gestion, la logistique de tout ça, c'est géré par des comités d'experts, en lien avec le ministère de la Santé, chez Dre Opatrny.

Le Président (M. Provençal)  : 1 min 40 s.

Mme Montpetit : Oui, une dernière question sur complètement un autre sujet. Je reviendrais à la question du dépistage, Dr Arruda, l'objectif de 30 000 tests quotidiens qui a été fixé il y a quand même plusieurs mois déjà. On voit qu'on est dans un contexte où le dépistage, le traçage sont plus importants que jamais, là, avec la hausse constante des cas, hein, plus de 10 000 nouveaux cas seulement dans la dernière semaine. Est-ce que vous croyez... Est-ce que vous avez fait une recommandation en ce sens, qu'il serait opportun, nécessaire d'augmenter le nombre de tests de dépistage quotidiens au cours des prochains jours, des prochaines semaines?

M. Arruda (Horacio) : Là, on va introduire aussi, si vous me permettez, comme on le disait, le dépistage rapide au cours... qui va être un ajout supplémentaire dans certaines sous-populations. Au début, il y a eu plusieurs projets, là, d'implantation pour tester les tests, puis etc. Maintenant, il va y avoir peut-être une certaine catégorie qui n'aura pas à être reconfirmée par un PCR. Actuellement, on est montés jusqu'à 35 000, 36 000, même 37 000 à un moment donné. Jusqu'à maintenant, je peux vous dire que l'offre de dépistage répondait à la demande. Il y a toujours une baisse les week-ends. On sent aussi qu'avec le froid les gens vont moins se faire dépister. Et même, maintenant, on n'est pas dans les mêmes situations qu'on a déjà été où on n'osait pas demander aux gens de venir se faire dépister. Là, on leur demande de venir, ça fait qu'on va ajuster...

Mme Montpetit : Donc, l'objectif devrait être fixé à combien ou sera fixé à combien?

• (17 h 40) •

M. Arruda (Horacio) : Bien, actuellement, là, je vais vous dire bien honnêtement, en regardant les éléments, actuellement, avec nos 35 000, 37 000 tests, d'après ce qu'on nous donne, en ajoutant les tests rapides qui vont s'ajouter, on est quand même dans une fourchette de manoeuvre qui est adéquate.

Le Président (M. Provençal)  : Merci beaucoup pour votre réponse. Alors, je vais y aller maintenant avec la députée de La Plaine.

Mme Lecours (Les Plaines) : Les Plaines. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal)  : Les Plaines. Excusez.

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le Président.

Écoutez, tout d'abord, je tiens, Dr Arruda, à vous remercier d'être ici aujourd'hui. Et, un peu comme ma collègue cheffe du parti d'opposition... c'est un exercice qui est important à faire, j'en conviens, on est à... je vais comparer ça un peu à ce qu'on vit à mi-mandat, hein, pour nous, on est à mi-chemin, mais la guerre n'est pas terminée. La guerre, elle est loin d'être terminée, si on regarde les chiffres aujourd'hui.

Et j'espère vraiment, par contre, que les gens qui vont écouter vont comprendre qu'il ne faut pas laisser tomber les consignes. Ça, j'espère fermement, parce qu'on n'a pas terminé la guerre. L'exercice qu'on fait est important, puis vous avez ouvert, évidemment, la porte à dire : Oui, on va, après coup aussi, revoir toute cette... les décisions qui ont été prises, on va tout vérifier ça, on va tout... Mais, à l'heure où est-ce qu'on se parle, j'espère vraiment que les gens vont continuer à respecter les consignes. On s'en va vers un moment qui va être quand même crucial.

Ceci étant dit, j'avais beaucoup de questions sur la transmission communautaire, tout ça, mais je ne vous ferai pas répéter. Alors, j'aimerais ça m'en aller un petit peu plus vers de l'espoir. Ces derniers jours, avec l'arrivée des vaccins dans certains pays, on a vu, en Angleterre, le premier... la première dame qui a été vaccinée, et tout ça, ça nous donne des lueurs d'espoir. Alors, il y a quand même beaucoup de questionnements et d'incertitudes autour des vaccins, de quelle façon ça va se faire, pourquoi ce vaccin-là ici, au Québec. Là, il arrive à petites doses aussi. Comment est-ce qu'il va être... Comment est-ce que ça va être opérationnel? On sait que vous allez certainement commencer par les CHSLD. Est-ce que les gens vont devoir sortir? Il y a beaucoup de questionnement autour de ça. J'aimerais vraiment vous entendre là-dessus.

M. Arruda (Horacio) : Je pourrais faire l'introduction, puis, si vous le permettez, comme le Dr Massé est le responsable, conseiller scientifique pour l'immunisation, il va pouvoir ajouter des éléments, comme tel, si vous me permettez. Ça va me permettre aussi de boire un peu d'eau, de m'hydrater et de me reposer quelques instants. Mais, ceci étant, oui, le vaccin, c'est un espoir important pour nous, mais, comme vous l'avez dit, puis je l'ai dit, là, tantôt, en même temps qu'il apporte de l'espoir, en même temps, il ne doit pas devenir une source de relâchement parce que, tant qu'on n'aura pas eu le temps de vacciner une bonne proportion de la population, le virus va être parmi nous et va encore continuer à frapper, comme un assassin, comme tel, pourrait le faire. Et donc la vaccination est un élément très important, comme tel.

Il y a des contraintes associées, mais il y a une bonne nouvelle aujourd'hui : Santé Canada a homologué le vaccin de Pfizer, ça a été fait aujourd'hui. Donc, le vaccin va être aussi en sol québécois. Il y a déjà eu des tests qui se faisaient, en termes de «dry run», qu'on appelle, d'exercice. Il va y avoir du vaccin disponible sous peu, on va en recevoir d'autres, 21 décembre, je vais laisser Dr Massé vous expliquer la chose, il va faire partie de notre instrumentation. On va y aller avec une logique de protéger les personnes les plus vulnérables, hein, en priorité. Puis, comme toute campagne de masse, il arrive, malheureusement, avec des petites quantités et non pas avec un grand flot, comme tel, mais le Québec est prêt à accepter les doses et à immuniser. On a aussi une expérience de vaccination massive depuis plusieurs années. Et, en H1N1, je tiens à vous dire, on avait obtenu le taux le plus élevé au Canada de 57 % de personnes vaccinées. Et j'inviterais aussi — ça va être un défi — à ce que les gens aient confiance envers les vaccins, parce que c'est vraiment une partie importante.

Mme Lecours (Les Plaines) : Bien, je suis contente de vous l'entendre dire, parce que ça faisait partie aussi de mes questions, parce que le taux d'adhésion au vaccin va être important. Il y a aussi ces questionnements-là dans la population. C'est une maladie qu'on ne connaît pas, hein, vous l'avez expliqué, elle a muté, et tout ça. Donc, le taux d'adhésion va être important. Comment vous pourriez expliquer aux gens que, justement, ce vaccin-là, qui est également nouveau, qui a été développé en peu de temps, est important, va être bon? J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Arruda (Horacio) : Ça va être par les communications. Mais, comme Dr Massé va être le porte-parole aussi, souvent, parce que je m'occupe d'autres éléments, il sera une des personnes qui aura à convaincre les Québécois, avec les directeurs de santé publique, du bien-fondé de la vaccination. Dr Massé.

M. Massé (Richard) : Merci. En fait, il y a eu un effort, vraiment, mondial pour avancer sur les vaccins. Il y a sept compagnies qui ont été approchées par le Canada, pour lequel ils sont prêts. Il y en a deux qui sont tout près, là... un qui a été homologué aujourd'hui, mais il y en a un autre qui devrait être homologué incessamment et puis... celui de Moderna. Donc, on aurait, probablement, très bientôt... On en a un, on va en avoir un deuxième qui va pouvoir... et qui ont des caractéristiques assez différentes. Parce que le premier est assez difficile à... au niveau de la manutention, il est gardé à moins 70°, ça a des contraintes particulières. Pour le vaccin de Moderna, ça va être plus facile. Donc, on va pouvoir combiner et l'un et l'autre puis rejoindre les groupes prioritaires tels qu'ils ont été proposés par le Comité d'immunisation.

À date, les données qu'on a, parce que je m'adresse aux gens pour qu'ils puissent savoir aussi l'efficacité de ces vaccins-là, ils sont très efficaces. Les deux premiers vaccins ont des niveaux d'efficacité autour de 94 %, 95 % dans les données que... préliminaires qu'on a, et puis on attend toujours la monographie. Tout se passe en temps réel, presque. Mais ça, c'est important, et puis ça va avoir un impact important pour réduire les risques de maladies chez les personnes, les complications particulièrement, donc, les gens qui vont être hospitalisés, ça va diminuer chez les gens qui sont vaccinés, et puis les décès aussi. Donc, ça, c'est vraiment significatif.

Les effets secondaires sont présents, comme dans beaucoup de vaccins, mais légers et modérés. Actuellement, ce qu'on a comme information, ça pourrait ressembler un peu au vaccin grippal de certaines années. Il y a des années où est-ce que c'est plus réactif, d'autres, moins réactif. Donc, il y a des réactions secondaires, mais c'est des réactions qui sont légères à modérées. Donc, c'est un vaccin qui a fait ses preuves de sécurité parce que, même si ça a été développé rapidement, la caractéristique, c'est qu'on a évalué... développé, évalué et produit en même temps. C'était un risque parce que, si, au niveau de l'évaluation, on serait arrivés que ça ne marchait pas, il aurait fallu ne pas utiliser ces vaccins-là. Donc, c'est un risque, mais je pense que le risque est vraiment avantageux.

On va pouvoir commencer tout de suite, la semaine prochaine, avec un des vaccins. Et puis, la semaine d'après, on va avoir plusieurs milliers de doses qui vont être rendues disponibles, en fait, pour, à peu près, vacciner 22 000 à 28 000 personnes, là, ça dépend comment on va fractionner les doses. Et puis, à ce moment-là, déjà, on va pouvoir rejoindre les clientèles cibles, vous l'avez mentionné, là : les gens qui sont en CHSLD, les travailleurs en CHSLD puis les intervenants de santé qui sont auprès des patients, qui sont des personnes à haut risque, puis on va continuer avec les autres groupes à risque. Donc, ça commence lentement, mais, progressivement, on va pouvoir étendre le nombre de personnes qui vont pouvoir recevoir du vaccin.

Au premier trimestre, déjà, il va y avoir, si les doses qu'on nous a promises sont là, à peu près 10 % de la population qui pourrait être vaccinée, mais ça va être les gens qui sont le plus à risque. Et là le message que vous avez mentionné est vraiment important : il ne faut pas que les autres pensent que, parce qu'on a vacciné 10 % — ce n'est pas beaucoup, hein? — qu'il faut arrêter, il va falloir continuer. Puis là notre objectif, c'est de vacciner 75 % de la population. Ça va prendre plusieurs mois encore.

Les données qu'on a sur l'acceptabilité, c'est qu'entre 60 % et 80 % des gens veulent le vaccin. En fait, les gens qui sont vraiment contre le vaccin, les vaccins en général, c'est peu de personnes. Il y a beaucoup de gens qui sont hésitants parce qu'ils veulent voir est-ce que ça va fonctionner, est-ce qu'il va y avoir des effets secondaires. Mais ce qu'on a, c'est vraiment un niveau d'acceptabilité qui est très grand. Pour l'influenza, quand on a eu la vaccination, en 2009, les gens, dès qu'ils ont vu le vaccin, au début, ils étaient comme hésitants, ont dit... donc, se posaient des questions, mais après les gens ont demandé le vaccin, y sont allés massivement.

J'arrêterais là pour dire : Oui, il y a un effort d'information qui doit être fait, qui a déjà commencé. Et puis, pour nous, c'est un... excusez le mot anglais, c'est un «game changer», c'est quelque chose qui va changer la donne, mais pas tout de suite, donc il faut vraiment continuer pendant les prochains mois.

Mme Lecours (Les Plaines) : Je voudrais revenir avec les tests rapides. Est-ce que... Parce qu'il y en a certains qui ont... Récemment, là, pas plus tard que ce matin, là, je lisais un communiqué qui nous vient d'une entreprise qui, justement, les a... pas une entreprise, d'un endroit où il a été testé. Est-ce que les tests rapides pourraient, pendant la vaccination, aider, justement, à faire en sorte qu'on pourrait cibler les personnes directement vaccinées avec les anticorps? Est-ce que ça pourrait être quelque chose qui serait dans votre évaluation, dans votre plan?

M. Massé (Richard) : On ne ferait pas de test avant de vacciner les personnes. En fait, on va... Il y a un enjeu, on ne sait pas encore le niveau d'immunité populationnelle qui va être donné, parce que c'est trop tôt, par rapport au vaccin. Entre autres, on ne sait pas est-ce qu'il va... Il va protéger les gens contre la maladie, il va protéger contre les complications, mais est-ce qu'il va protéger contre le transfert d'une infection à une autre personne? Donc, c'est un autre niveau qu'on ne connaît pas. Donc, à ce niveau-là, on ne va pas faire des tests, on va l'offrir aux personnes, on va l'offrir à tout le monde, le vaccin.

• (17 h 50) •

Mme Lecours (Les Plaines) : O.K. Mais, dans le cadre, justement, de cet exercice-là, est-ce que vous y avez songé ou vous le mettez de côté?

M. Massé (Richard) : On l'a mis de côté pour ça. Comme prétest pour la vaccination, clairement, on l'a mis de côté. Mais, si jamais on a des données qui nous montrent que c'est utile, on va changer, mais, pour l'instant, ça ne fait pas partie de la donne.

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci. Je vais laisser la parole à ma collègue.

Le Président (M. Provençal)  : Alors, Mme la députée de Soulanges, à vous la parole.

Mme Picard : Merci, M. le Président. Je vais adresser mes questions à Dr Arruda. Ce matin, j'ai lu l'article dans Le Devoir qui... c'était madame... la directrice de la santé publique, Mme Drouin, qui disait, dans un courriel... elle disait : «Je ne dors pas très bien ces temps-ci et j'imagine que c'est de même pour vous tous.» Ça m'amène à plusieurs questions pour vous. Est-ce que vous pouvez me décrire vos journées? C'est quoi, une journée type pour Dr Arruda en pleine pandémie, en ce moment?

M. Arruda (Horacio) : Elle ressemble à la journée type de plusieurs de mes collègues aussi au Canada. Je peux vous dire que tous les dimanches, maintenant, on a un échange entre nous pour parler de ce qui est vécu un peu partout. Et je peux vous dire que ce que vivent les directeurs de santé publique un peu partout au Canada, comme moi, c'est, bien entendu, qu'à chaque fois qu'on prend une décision il y a des pour et des contre puis il y a des gens qui sont contents puis des gens qui ne le sont pas.

Mais, essentiellement, la matinée, bon, la journée, elle commence très tôt à regarder un peu les données de la veille qui sont rentrées dans la soirée. On a une conférence téléphonique tous les matins avec notre ministre de la Santé pour faire le portrait de la situation.

Après ça, il y a une série de rencontres soit avec l'équipe, ici, au... le comité de gestion du COVID-19, où on échange des enjeux avec toute mon équipe. Tout dépendamment de la journée, c'est de la préparation pour le point de presse, bien entendu, le point de presse, des rencontres avec mes homologues fédéraux, comme tel.

Le soir, on continue à travailler. On est beaucoup en télétravail, donc des fois je travaille même de chez moi. On essaie de respecter les consignes qu'on dit aux autres, on essaie de ne pas se voir. On ne s'est jamais vus autant en Teams qu'en personne. C'est d'ailleurs quelque chose qu'on a hâte de revivre.

Et on rentre en soirée, on fait de la lecture, la lecture de ce qui s'est passé dans nos médias, mais aussi beaucoup de lecture sur ce qu'il y a dans la littérature, les positions de l'OMS ou ailleurs, pour être au courant de ce qui se passe, les synthèses que nous produit l'Institut national de santé publique, les analyses particulières, les rapports épidémiologiques sur les travailleurs ou autres pour être au courant, comme tel. Ça n'évolue pas à chaque jour, mais on regarde ça.

Et puis un peu plus tard en soirée, bien là, on reçoit le chiffre du nombre de cas et de décès, et là on pense, quand c'est des décès, à toutes ces familles qui ont été un peu apeurées. Je veux dire, bien honnêtement, je vous avoue qu'à chaque fois, quand je vois une hausse qui augmente, bien, mon humeur diminue, dans le sens où je me dis : Bien, il faut encore travailler plus fort pour convaincre les gens de respecter les consignes.

Et, vous savez, nous, on fait notre travail, tout simplement... et je tiens à vous dire, je travaille avec des équipes... Dr Massé passe autant d'heures, sinon plus, que moi, mes adjoints, les demandes qu'on a... Les gens ne peuvent pas s'imaginer ce que... Quand les gens pensent que les fonctionnaires ne travaillent pas, je peux vous dire que j'ai des gens dévoués qui n'ont pas pris de vacances, qui sont là, rejoignables plusieurs fois par semaine.

Ça fait que ça fait partie de la chose, et, quand j'ai décidé de renouveler, là, c'est parce que je pense que c'est à la fois très demandant, mais c'est aussi... c'est là qu'on a le sens de... je vous dirais, je me sens comme un chirurgien qui peut opérer, parce que, en santé publique, notre science, elle est souvent dans l'ombre, mais maintenant on est comme en pleine chirurgie, là, en plein en train de sauver l'hémorragie qui s'en vient. Ça fait que c'est un travail dévoué. Et je tiens à vous dire que moi, je remercie aussi toutes les familles, les gens de santé publique parce qu'ils ont vu leurs parents, leurs conjoints, leurs grands-pères moins souvent qu'à l'habitude, mais... Et ça, c'est vrai pour tout le monde, hein, toute la société travaille très, très fort, actuellement. Et je tiens à vous dire que, quelque part, peut-être, l'un des avantages que j'ai par rapport à vous, c'est que je ne suis pas si souvent que ça en commission parlementaire ni en période de questions, parce que je trouve ça... je trouve que vous aussi, vous avez vos enjeux, être en période de questions régulièrement, je serais stressé, moi, plus que de gérer une épidémie.

Ça fait qu'on a chacun nos croix à porter ou nos enjeux, puis, tout ce qu'on fait, on le fait véritablement en essayant de faire du mieux. Et puis, comme je peux vous dire, il n'y a pas une société ou un gouvernement qui n'a pas l'impression, des fois, de mal dormir, parce qu'on se pose toujours la question si ce qu'on a choisi comme décision, est-ce que c'était la bonne, est-ce qu'on a été trop agressifs, pas assez agressifs. C'est une question qui est continue, mais on arrive à le faire parce que c'est un travail d'équipe.

Moi, je tiens à vous le dire, là, et je tiens à mentionner, puis ce n'est pas à cause de moi, là, mais je pense qu'on est un beau système de santé publique au Québec. Et particulièrement, une des choses que je remarque par rapport à d'autres territoires, c'est qu'on a une très grande concertation entre le régional puis le ministère. Je veux dire, on a vraiment une équipe de directeurs de santé publique qui travaillent en collaboration avec nous. Et je pense que, dans ces situations-là, ce n'est pas par la division qu'on peut aider le peuple québécois, mais c'est plus en mettant nos forces tout le monde ensemble.

Mme Picard : Pouvez-nous me dire comment vous arrivez à trouver un équilibre à travers ce marathon? Quels sacrifices vous faites au niveau familial ou personnel?

M. Arruda (Horacio) : J'ai l'avantage de ne pas avoir besoin de beaucoup de sommeil. Déjà, au départ, ça, c'est une aide, parce que sinon... sinon, ça serait difficile. Mais, vous savez, moi, pour moi, je vais vous dire ce que je fais, je me nourris de sourires de mes équipes. Je fais souvent ça. Ça, c'est tout à fait vrai, dans les Teams, je regarde mes équipes puis je leur dis : Si vous voulez me faire du bien, faites-moi un sourire, et donc... Bon, j'écoute de la musique, j'adore la musique, je peux même danser — je pense que vous en avez eu des exemples malheureux. Mais, dans les faits... Et puis j'essaie de prendre un moment et du recul, parce que je pense qu'on se doit d'être... de prendre du recul dans des événements comme ça. Et, quand tout tourne, tout va trop vite, il faut prendre du recul et prendre le temps de bien réfléchir. Mais je suis fortement appuyé par mes équipes, et je tiens à vous dire qu'eux aussi doivent mal dormir.

Mme Picard : Avez-vous, en terminant — je pense qu'il reste trois minutes, à peu près — ...

Le Président (M. Provençal)  : Trois minutes, effectivement.

Mme Picard : ...avez-vous un message d'espoir, pour 2020, à toute la population du Québec, que vous aimeriez lancer?

M. Arruda (Horacio) : Oui, j'ai un message d'espoir. Je pense que, la pandémie, je vous dirais, à mesure qu'on avance, on s'approche de sa fin parce qu'elle ne pourra pas continuer jusqu'à maintenant. Mais la chose que j'aimerais dire aux Québécois, c'est qu'il y a eu des gens qui sont décédés de la pandémie, il y a eu des familles qui ont été très éprouvées. En leur mémoire, je demanderais à chacun d'entre nous de faire nos efforts collectifs pour véritablement diminuer au maximum l'impact de cette pandémie. Je sais que c'est un sacrifice, c'est très difficile pour tout le monde. Je suis le premier, même moi, des fois, à avoir envie de relâcher parce que c'est difficile. Mais je pense qu'il ne faut pas que ces personnes-là soient décédées pour rien. Il faut que le sacrifice de leur vie nous aide à nous donner courage, à nous dire qu'il faut qu'on fasse mieux pour le bien de tout le monde. Et, chacun des efforts qu'on va faire, c'est peut-être pour nos voisins, un beau-frère ou un autre, moi, je trouve ça très important.

Et puis il n'y a aucun système de santé, il n'y a aucun gouvernement qui peut faire ça sans la collaboration de la population, et elle a été au rendez-vous, et elle va continuer à l'être. On comprend sa fatigue, mais on a encore, dans le marathon, un dernier espoir à faire. Et puis on va tout faire pour que, le plus rapidement possible, nous puissions nous revoir comme avant. Mais espérons qu'on va avoir appris aussi certaines choses par rapport à la prévention, parce qu'il n'y a pas de grippe, actuellement. Il va y avoir le lavage des mains, la distanciation, quand on va avoir des rhumes, respecter les autres, ne pas aller contaminer les autres. C'est le genre de choses qu'on va avoir apprises à travers cette pandémie.

Et puis je crois aussi qu'il faut redonner à nos jeunes de l'espoir parce que... On en apprend à chaque fois, puis ils vont faire mieux que nous, parce qu'on n'est pas à notre dernière pandémie, hein, malheureusement. Et, comme on disait, avec les changements climatiques, puis la mondialisation, et les modifications, on va avoir encore d'autres pandémies.

Mme Picard : Donc, comment vous entrevoyez, là, 2021 qui s'en vient, toute l'année?

M. Arruda (Horacio) : 2021, beaucoup d'espoir, mais prudence. Je pense qu'il ne faut pas que les gens pensent que c'est terminé. La pire des choses, ce serait de dire : Bon, le vaccin est là, et là je me relance, parce que tout ce que ça va faire, c'est entraîner encore plus longtemps. Et on aimerait ça que les vagues soient derrière nous puis qu'on revienne sur une mer calme des Caraïbes pendant quelques années.

Mme Picard : Je vous souhaite de prendre un petit temps de repos durant le temps des fêtes, Dr Arruda. J'espère que vous allez...

M. Arruda (Horacio) : Oui, mais on va être de garde, on va être de garde 24/7, inquiétez-vous pas.

Mme Picard : Une petite journée, là.

M. Arruda (Horacio) : On verra, bien entendu.

Mme Picard : Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal)  : Merci. Avant de terminer, je veux vous informer que l'ensemble des documents nous ont été transmis, ils sont présentement sur Greffier, donc vous pouvez les consulter.

Je tiens à vous remercier, Dr Arruda, Dr Massé, pour votre contribution, votre collaboration. Et surtout, la contribution... je veux remercier l'ensemble des membres de la commission pour leur contribution à nos travaux.

La commission, ayant accompli son mandat, suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30, où elle poursuivra un autre mandat. Merci beaucoup. Bon souper.

(Fin de la séance à 18 heures)

Document(s) associé(s) à la séance