(Quinze heures trois minutes)
Le Président (M. Provençal)
: Bon après-midi à tous. Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission de la
santé et des services sociaux
ouverte. Je vous souhaite la bienvenue, et je demande à toutes les personnes
dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La commission est réunie afin de poursuivre les consultations
particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 43, Loi
modifiant la Loi sur les infirmières et infirmiers et d'autres dispositions
afin de favoriser l'accès aux services de santé.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Benjamin (Viau) est remplacé par Mme Robitaille
(Bourassa-Sauvé).
Le
Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous entendrons, cet après-midi, les organismes
suivants : le Regroupement
provincial des comités des usagers, l'Ordre
des infirmières et infirmiers du Québec,
l'Institut de recherche et
d'informations socioéconomiques et l'Ordre des psychologues du Québec.
Comme la
séance a commencé à 15 h 03, y
a-t-il consentement pour poursuivre
nos travaux au-delà de l'heure prévue, soit 18 h 03?
Des voix : ...
Auditions (suite)
Le
Président (M. Provençal)
:
Merci. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du Regroupement provincial
des comités des usagers. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes
pour votre exposé, puis nous procéderons à
la période d'échange avec les membres de la commission.
Je vous invite à vous présenter et à débuter votre exposé, et je vous
cède la parole.
Regroupement provincial des comités des usagers (RPCU)
M. Ménard (Claude) : M. le
Président, Mme la ministre McCann, membres de la commission, nous sommes
heureux de vous présenter notre point de vue concernant le projet de loi
n° 43. Mon nom est Claude Ménard, je suis le président du conseil
d'administration, et je suis
accompagné par la directrice générale du Regroupement provincial des comités des
usagers, Mme Patricia Gagné.
Le Regroupement provincial des comités des
usagers du réseau de la santé et des services sociaux représente l'ensemble des
usagers et il est le porte-parole de plus de 600 comités des usagers et de
résidents des établissements de santé et de services
sociaux du Québec.
Les comités des usagers et les comités de résidents sont présents dans tous les
établissements du réseau de la santé et des
services sociaux en vertu de la Loi sur les services de
santé et les services sociaux.
La mission
des comités des usagers et de résidents est de défendre les droits des usagers
et de travailler à améliorer la
qualité des services et des soins offerts aux usagers de leurs établissements. De façon plus particulière, ils doivent exercer une vigilance rigoureuse auprès des clientèles vulnérables et de l'ensemble des
proches qui gravitent autour d'eux.
Toute cette
action s'inscrit dans le cadre d'une approche de collaboration et de
partenariat. Les valeurs du RPCU, qui guident ses prises de position, incluent
l'engagement, le respect et la solidarité. La majorité des comités des usagers
et de résidents du Québec sont
membres du RPCU. Le RPCU défend également les droits des personnes aînées et
des jeunes.
Le RPCU
accorde son appui au projet de loi n° 43 et aux objectifs
qu'il vise. Toutefois, le RPCU tient à partager certaines de ses
préoccupations.
Un renforcement des droits des usagers.
Rappelons que les usagers du réseau de la santé et des services sociaux ont des droits reconnus par la LSSSS, la Loi sur
les services de santé et les services sociaux. Le RPCU considère que le projet de loi n° 43,
si opérationnalisé dans un contexte efficace d'organisation du travail,
facilitera l'exercice de certains droits des usagers : droit à
l'information, droit aux services et de recevoir des soins à l'intérieur de
meilleurs délais.
Le droit à
l'information. Ce droit consiste, entre autres, à être informé sur son état de
santé physique et mentale, sur les traitements possibles avec leurs risques et
conséquences. Comme le projet de loi n° 43 permettra notamment
aux infirmières praticiennes spécialisées de diagnostiquer les maladies
courantes, de déterminer des traitements médicaux et d'effectuer le suivi de certaines grossesses, nous croyons que les
usagers auront accès à une meilleure information et dans des délais plus
raisonnables, sans oublier la proximité, souvent accrue, avec l'équipe
soignante.
Le droit aux services. Il s'agit du droit de
recevoir les soins et les services de qualité, continus, sécuritaires, personnalisés et adaptés à l'état de santé des
usagers, comme les examens, les prélèvements, les soins, les traitements ou
toute autre
intervention. Ce droit sera moins limité avec les nouvelles responsabilités
octroyées aux IPS, ce qui augmentera, facilitera l'accessibilité aux
soins et aux services.
• (15 h 10) •
Mme Gagné
(Patricia M.) : En 2018, le Regroupement
provincial des comités d'usagers a mené une consultation auprès de ses membres afin de soulever 10 enjeux
qui les préoccupaient. Alors, nous considérons que le projet de loi n° 43 répond à deux de ces
enjeux, soit la qualité des services et des soins offerts et le temps d'attente
dans les urgences. Donc, nous
constatons que le projet de loi n° 43 haussera de manière
significative la qualité des services et des soins offerts et diminuera
le temps d'attente, et donc l'achalandage dans les urgences.
Toutefois, nous souhaitons partager certaines
appréhensions et réitérer que les soins et les services offerts aux usagers doivent être de qualité et sécuritaires.
Le nombre d'infirmières par usager, qu'il soit dans son milieu de vie habituel ou
dans des milieux de vie autres, doit permettre un suivi de qualité et
sécuritaire. Nous croyons que l'organisation du travail doit être optimisée. La prise en charge clinique doit être
instaurée dans tous les établissements de soins de longue durée. Notons que la
présence d'usagers avec des profils cliniques complexes est de plus en plus
recensée. On doit retrouver suffisamment
de médecins disponibles et de préposés aux bénéficiaires dans les différentes
installations qui hébergent des clientèles en processus de perte
d'autonomie, quelle que soit la catégorie d'installations. Les IPS doivent être
présentes dans toutes les régions du Québec.
La
formation initiale des infirmiers et des infirmières doit être de qualité.
Seule une infirmière détenant un baccalauréat peut évaluer la condition
physique et mentale des usagers. Alors, cette évaluation qui est essentielle
est souvent escamotée en résidence de soins
de longue durée. Cette situation peut entraîner des transferts dans les hôpitaux,
à l'urgence, alors qu'elles auraient pu être prévenues par une
évaluation précédente.
Une formation axée sur les connaissances et les compétences
est essentielle. Toutefois, nous sommes d'avis qu'une formation en déontologie
l'est tout autant. En ce sens, nous appuyons le projet de l'ordre des
infirmiers et infirmières du Québec.
Finalement,
nous croyons, dans l'extrait du projet de loi n° 43,
à l'article 36.1, que la notion de détérioration significative doit être documentée, tout comme les concepts de «faible
potentiel de détérioration rapide» et «absence de potentiel de préjudice
grave et irrémédiable».
Finalement, le RPCU salue le projet de loi n° 43. Nous croyons effectivement que les droits des usagers seront mieux respectés
si les IPS sont en nombre suffisant et qu'elles peuvent pratiquer à l'intérieur de conditions de travail favorables, horaires de travail adaptés, personnel
d'autres spécialités en quantité suffisante — comme les médecins, préposés
aux bénéficiaires, infirmiers, infirmières, travailleurs sociaux, ergothérapeutes,
etc. — et
que l'organisation du travail soit efficiente.
Autrement, le risque de surcharge des IPS risque d'annuler les résultats
escomptés quant au renforcement des droits des usagers. Merci.
Le
Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous allons débuter la période d'échange avec Mme la ministre. Je vous cède la parole, madame.
Mme McCann : Bonjour. Bonjour, M. Ménard. Bonjour,
plaisir de vous revoir, Mme Gagné, aussi. La dernière fois qu'on s'est vus, c'était à Rivière-du-Loup, alors, à votre congrès annuel. Merci d'être là, d'abord et avant tout,
et je veux souligner combien vous
avez un dynamisme important au
niveau du regroupement et des comités des usagers que vous représentez.
Puis
j'aimerais vous demander, en introduction, si vous le permettez, parce qu'ayant
oeuvré longtemps dans le réseau puis ayant eu beaucoup de contacts avec les
comités d'usagers et les comités de résidents... juste nous dire deux mots sur le nombre, parce que c'est un nombre
très important de comités d'usagers et comités de résidents à
travers les 35 établissements du réseau, juste nous donner un ordre de grandeur, pas besoin d'être
précis, et également juste deux
mots sur leur rôle, M. Ménard, si vous me permettez ces deux petites questions
en introduction, pour que tout le
monde soit situé sur l'envergure du rôle des comités des usagers et des
comités des résidents.
M. Ménard (Claude) : Actuellement, l'adhésion est tout près de 83 % à
85 % de tous les comités des usagers et de résidents à travers la
province. Alors, sur les 600 quelques, on peut faire, là, quand même... on
dénombre une forte quantité qui adhèrent au niveau du regroupement. La place
que les comités des usagers et de résidents joue au sein des établissements du réseau de la santé et des
services sociaux est primordiale pour
l'ensemble du personnel, primordiale au
niveau des directions générales, primordiale, exemple, au niveau de la commission
qui se vit, actuellement. Les comités des usagers ont été mis en place pour
défendre les droits des usagers, des résidents. Défendre les droits, ça ne veut
pas uniquement dire «on lève le drapeau»,
mais ça veut dire qu'on est partie prenante, également, de la gestion de
l'établissement, que d'être consultés avant même qu'un programme
soit mis en place... On vient chercher, dans le fond, ce que
l'usager a besoin, ce que l'usager désire au niveau
de services. Comment on va augmenter la qualité des soins et des services?
Bien, c'est en allant chercher l'apport puis l'appui des comités des
usagers, qui, de près ou de loin, sont les personnes, là, les mieux placées au
niveau de l'ensemble des usagers du réseau. Alors, je pense que ça résume un
petit peu.
Mme McCann : Merci
beaucoup. 600, 600 comités, c'est
énorme, beaucoup de monde qui s'implique et, moi, je dirais, une force vive dans le réseau de la santé et des services sociaux. J'ai rencontré beaucoup de ces membres de
comités d'usagers et de résidents
dans ma tournée du Québec, et c'est des gens qui ont beaucoup
de connaissances, de compétences et
qui nous aident énormément. Alors, vous avez absolument raison, votre
participation, et je vous en remercie, à la commission parlementaire aujourd'hui... très important d'avoir
votre point de vue.
Ce que je comprends, c'est que vous
êtes favorables à ce projet
de loi. Je vous donne quelques
éléments contextuels. Ce projet de loi est fait dans un contexte, aussi, de pénurie de main-d'oeuvre au Québec. Vous en parlez, tout le monde en parle, et on a une obligation de faire en sorte
que notre réseau ait le maximum de l'apport de tous les intervenants, et je le dis dans un sens de qualité, là, de déploiement de
compétences. Alors, dans le dossier qui nous occupe, évidemment, c'est un fer de lance, c'est
les compétences des infirmières praticiennes spécialisées qu'on veut mettre à
profit. Mais cette réforme, hein, qu'on veut faire, c'est une réforme, aussi,
où est-ce qu'on touche d'autres acteurs du réseau, comme des pharmaciens — on a un projet
de loi aussi — et
on travaille également avec les médecins
de famille pour revoir leur mode
de rémunération. Je veux vous dire ça aussi, aujourd'hui, clairement, parce que
vous êtes préoccupés par le fait qu'il n'y a
pas toujours un médecin
de famille. Alors, un médecin de famille, oui, c'est important, et il faut revoir le mode de rémunération
pour qu'ils puissent travailler autrement puis, évidemment, voir davantage de
gens. Puis en plus on veut que des gens
comme les infirmières praticiennes
spécialisées... évidemment, on
espère, là, que le projet de loi va être adopté, mais qu'ils se déploient complètement.
Et ce qu'on dit,
c'est qu'aussi c'est un travail qui a été fait il y a plusieurs années dans
d'autres provinces du Canada, hein, en Ontario, on en a parlé beaucoup, là,
dans la session d'hier, mais le déploiement des compétences des infirmières praticiennes spécialisées, par
exemple, ça a été fait il y a plusieurs
années dans les autres provinces du Canada.
Alors, nous, il faut qu'on rattrape et il
faut qu'on travaille fort pour, justement, donner ces moyens de donner accès davantage
à la population, et je sais que c'est ce qui vous préoccupe, vous, beaucoup
aussi.
Je
mentionne que vous êtes dans toutes les missions du réseau de la santé et des services sociaux, si vous me permettez, c'est important
de le mentionner : jeunesse, hôpitaux, adultes, dépendances, tous les programmes,
CHSLD, CLSC. Vous êtes partout, hein,
dans le fond. Au
niveau des comités des résidents,
c'est vraiment au
niveau des CHSLD, si c'est resté, je
pense, la vocation, la même, et les
comités des usagers, évidemment, pour l'ensemble de toutes les vocations des établissements. Alors, c'est clair que vous
avez beaucoup de préoccupations au
niveau de l'hébergement, et je le comprends bien. Nous avons
beaucoup de travail à faire au niveau de l'hébergement, et je suis entièrement d'accord avec vous qu'il faudrait qu'on donne tous les services en hébergement qui sont requis pour éviter que nos personnes aillent aux urgences
des hôpitaux. C'est notre objectif, on y travaille
fort.
Au niveau des infirmières
praticiennes spécialisées, la majeure partie, actuellement, est en première
ligne. On veut en avoir 2 000 en 2024.
On en a à peu près 500, 600, actuellement, et la majeure partie est en première
ligne. Il y en a quelques-unes en CHSLD, pas beaucoup, et on en a
également dans les hôpitaux davantage. Et moi, je dois vous dire, parce que vous avez parlé des régions aussi, que
ce soit dans toutes les régions, oui, c'est ce qu'on veut. Et, ce que je veux
vous dire là-dessus, c'est en train de se
déployer. C'est que, de plus en plus, il y a de plus en plus d'IPS dans les
régions, la Côte-Nord, et je ne vais
pas toutes les nommer, et dans des endroits stratégiques, et probablement que
vous en entendez parler, où est-ce que, malheureusement, on ne peut pas avoir
un médecin de famille pour toutes sortes de raisons, mais on a notre IPS, et on ne veut pas la perdre, cette IPS
là. Alors, ça, c'est fondamental dans ce qu'on est en train de faire, au Québec,
avec les IPS.
Maintenant,
vous dites qu'évidemment... et j'aimerais vous entendre là-dessus, au niveau
des régions, si vous voulez nous
donner d'autres suggestions où vous voudriez que les IPS se trouvent. Je pense,
je vais commencer avec ça, puis après ça j'aimerais ça vous poser quelques
questions sur des précisions que vous demandez au niveau du projet de loi. Où
se trouveraient les IPS, pour vous,
pour jouer leur rôle? Où est-ce qu'il y aurait le plus d'impacts pour les
usagers que vous représentez?
• (15 h 20) •
M. Ménard (Claude) : Alors, si on fait référence au niveau des régions
venant de l'Outaouais, on le sait, que, dans la région du Pontiac, il y a une
problématique majeure non seulement au niveau des infirmières, mais également
au niveau de médecins. Déjà, on vient d'apprendre qu'il y a deux médecins qui
vont quitter l'hôpital, là, de Shawville fin décembre. Alors, au niveau des usagers, il y a une
préoccupation majeure à ce niveau-là, là, hein? On sait que les mères enceintes
doivent de se déplacer vers l'Hôpital
de Gatineau, qui est à 1 h 30 min, là, de route, sinon s'en
aller du côté ontarien, à Pembroke. Ce n'est pas la solution idéale, et
effectivement je pense que la venue d'IPS pourrait rendre des services de
meilleure qualité et beaucoup plus
accessibles au niveau des usagers. Ça, c'est au niveau des régions. Puis je
pense qu'il y a d'autres régions... vous avez parlé de la Côte-Nord, il
y a des régions où, actuellement, il y a des IPS qui sont présentes.
Puis, tout à fait par
hasard, hier, je recevais un courriel de la présidente du comité des usagers du
centre intégré des Îles, qui nous disait
qu'il y avait eu un rassemblement de comités d'usagers et de résidents la
veille, et elle s'était permis d'amener à l'ordre du jour le projet de
loi n° 43 pour voir comment ces membres-là percevaient le rôle des IPS. Et
je vous cite, là, ce qui a été écrit :
«Actuellement, il y a trois IPS aux Îles. Leurs mandats sont assez clairs.
Elles pratiquent dans trois départements, que ce soit professionnelles
des services de maladies chroniques en CHSLD, en CLSC, clinique jeunesse et GMF. Et les meilleures critiques
signalées sont au niveau de leur disponibilité, leur assurance dans les champs
d'expertise et la validation immédiate avec le médecin responsable si
inquiétude ou doute.»
Alors, je pense que,
un, ce modèle-là devrait être, là, accessible dans plusieurs autres régions,
là, du Québec. Ils ont abordé tout le volet
CLSC et clinique jeunesse, je pense qu'il pourrait y avoir un apport fort
intéressant de ce côté-là. On le sait
qu'actuellement il y a une cohorte qui sort au niveau d'IPS spécialisées en
santé mentale. Alors, je pense que c'est un modèle à privilégier avec,
là, une spécificité au niveau de la formation, là.
Mme McCann :
D'accord. Merci pour ça. Je vais vous amener sur un autre volet, en fait, les
questions que vous soulevez dans votre
mémoire, et on en a parlé beaucoup hier, par rapport aux critères qu'on a
associés, dans le projet de loi, aux maladies courantes, et vous dites
bien que ces critères associés à la maladie courante — la
détérioration significative, vous
en avez parlé tout à l'heure, le faible potentiel de détérioration rapide et
l'absence de potentiel de préjudice grave
irrémédiable — doivent
être précisés. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous nous suggérez de
préciser ces critères?
M. Ménard
(Claude) : Je vais demander à Mme Gagné de, peut-être, là, plus
approfondir ce sujet-là.
Mme Gagné (Patricia M.) : Oui, bien, en fait, comment ça va être mesuré,
c'est notre préoccupation, préoccupation qu'on a partagée aussi avec nos collègues de l'ordre des infirmiers, infirmières du Québec. On dit que «l'infirmière praticienne spécialisée peut, lorsqu'elle y est habilitée par
un règlement pris en application du paragraphe f[...], exercer, selon les
conditions et les modalités prévues par ce règlement, les activités suivantes», bon,
«diagnostiquer les maladies courantes».
Et,
dans l'application de ce paragraphe 1° du premier alinéa, «on entend par
"maladie courante" une maladie qui présente les caractéristiques suivantes», et au troisième picot, «une
absence de détérioration significative de l'état général de la personne». Alors, nous, on trouve que ça
manque de clarté. Comment baliser? Et c'est quoi, une détérioration
significative? C'est quoi, l'état général? Donc, ça nous préoccupe.
Comment ça va être mesuré, là?
Ceci,
tout comme «un faible potentiel de détérioration rapide». Un faible potentiel
de détérioration rapide, c'est... Nous
sommes d'avis que ça va être quand
même difficile, là, à évaluer c'est
quoi, un faible potentiel puis c'est quoi, une détérioration rapide, de
manière à ce que ça soit le moins subjectif possible, le plus objectif
possible.
Et
finalement, bien, «une absence de potentiel de préjudice»,
un «potentiel de préjudice grave». Comment on mesure, comment on évalue
ça, un potentiel de préjudice grave? On trouve, à cet effet-là, que ça manque
de clarté, là.
Mme McCann :
Est-ce que j'en comprends qu'avec les éléments que vous apportez vous êtes préoccupés
de l'application de ces critères? Bon, est-ce que votre compréhension de ce que
c'est qu'une maladie courante, de votre... Comment vous recevez ça, qu'on parle
de «maladie courante», de votre côté?
Mme Gagné (Patricia M.) : Bien, «maladie courante», en fait... Comment on
interprète «une maladie courante»? C'est
des maladies qui sont communes, c'est des maladies qui reviennent, aussi,
d'année en année, je pense à la grippe, aux affections pulmonaires.
Donc, moi, c'est ce que j'entends par «maladie courante», là, par exemple.
Mme McCann :
Est-ce que j'en comprends, dans vos préoccupations, que vous nous dites, dans
le fond : Il faut apporter davantage de précisions pour que, les
IPS, le rôle qu'elles jouent soit clair, soit clarifié?
Mme Gagné
(Patricia M.) : Oui, tout à fait.
Mme McCann :
Dans les commentaires que vous avez, actuellement, là, de vos usagers ou vos
résidents, est-ce qu'il y a des gens... Vous avez parlé de courriels que vous
avez reçus, M. Ménard. Est-ce que les gens vous parlent du travail des IPS? Est-ce qu'ils sont au clair avec
ce que les IPS font, actuellement, dans le réseau? Est-ce qu'il y a des
ambiguïtés ou est-ce qu'ils vous parlent de difficultés en termes, par exemple,
du travail d'IPS avec des médecins ou avec le reste de l'équipe, ce
n'est pas clair? Est-ce que vous avez ce genre de réflexions?
Le Président
(M. Provençal)
: Une réponse rapide,
s'il vous plaît.
• (15 h 30) •
M. Ménard
(Claude) : Actuellement, les commentaires qu'on reçoit le plus souvent,
c'est des commentaires positifs. Mais là où ça accroche un petit peu, c'est lorsque,
un, vient le temps de poser certains diagnostics, la personne, l'usager est vu par l'IPS et, dépendamment de ce
qui est entrevu, bien, on doit référer cette personne-là soit au niveau de la
première ligne ou à la clinique de sans rendez-vous, là, alors que... Dans le
fond, qu'est-ce qui ne pourrait pas permettre à l'IPS déjà d'identifier
le diagnostic, qui ferait en sorte que, un, bien, la personne ne serait pas
déplacée d'un endroit à l'autre... puis
qu'on le sait, que, très souvent, il y a une liste d'attente, il y a non
seulement la liste d'attente, mais il y a également tout le temps passé au
niveau du rendez-vous, là, alors, dans le fond, de permettre à ce que, un, ils soient en mesure de poser
davantage le diagnostic, là.
Mme McCann :
Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Je vais maintenant céder la parole à l'opposition officielle. On
débute avec le député de Pontiac.
M. Fortin : Merci. Merci, M. le Président. Bonjour,
M Ménard, Mme Gagné. Ça fait plaisir d'avoir du monde de chez nous.
Des fois, quand on est député en région, là, on se sent un peu loin de chez
nous, donc, quand on voit des visages familiers, ça fait du bien.
Je
vais vous demander de... Je veux poursuivre un peu dans ce que la ministre
disait, là, la notion que vous avez amenée, de précisions nécessaires
pour «détérioration significative», pour «absence de potentiel de préjudice
grave et irrémédiable». Vous nous dites ou
vous dites au gouvernement, là, essentiellement : Le projet de loi, c'est
un peu flou, hein, si je comprends
bien votre propos, là, ça a besoin d'être précisé, on a besoin d'être capables
de savoir exactement ce que vous
voulez dire à travers ces mots-là. Je comprends ça. Est-ce que vous avez une
suggestion de la façon de définir ça? Est-ce que vous comprenez ce que la ministre veut faire, ce que le gouvernement
veut faire au point d'être capables de le définir ou est-ce que vous
avez une suggestion de la façon qu'on pourrait le faire?
Mme Gagné (Patricia M.) : Bien, non, en fait, nous, nous ne sommes pas les
spécialistes dans le secteur de la santé. Pour les propositions, je
pense que nos collègues de l'ordre des infirmiers et infirmières, là,
pourraient mieux vous alimenter que nous.
M. Fortin : Parfait, on va leur demander. Il y a d'autres
groupes qui sont passés hier, je ne sais pas si vous avez eu la chance de suivre les travaux un peu, là. Je
comprends que vous avez parlé de formation, dans votre mémoire, hein, vous avez parlé de la formation initiale, qui doit
être une formation de qualité, et on ne pourrait pas être plus d'accord avec
vous. Les médecins résidents, hier, nous ont
dit, essentiellement : Selon l'université que l'infirmière praticienne
spécialisée a fréquentée, on ne voit
pas nécessairement une formation de qualité puis une formation de moindre
qualité, mais on voit qu'ils ont
travaillé plus sur une partie de leurs tâches que sur une autre, on voit que
les priorisations étaient différentes. Pour vous, quand vous dites «formation de qualité», là, est-ce que vous
parlez d'une uniformisation de la formation des infirmières praticiennes spécialisées? C'est-tu ça que vous
avez en tête ou si vous voulez juste un certain standard plus élevé que ce
qu'il y a déjà en ce moment? C'est à ça que vous faites référence?
Mme Gagné (Patricia M.) : Non, en fait, c'est plutôt la première option,
là, oui, oui, oui, tout à fait, c'est-à-dire qu'il y ait une formation
uniforme, là, dans toutes les institutions, que ce soit la même formation
aussi.
M. Fortin :
O.K. Très bien. Je vais vous demander, peut-être, de sortir de votre mémoire
deux secondes, là, puis de voir... Parce que
je pense que tout le monde autour de la table est d'accord avec le principe du
projet de loi. Il y en a, ici, qui aimeraient
que le projet de loi aille plus loin. Il y a des gens qui sont passés avant
vous, qui nous ont justement dit : Ça ferait du bien d'en faire plus, que
les IPS peuvent en faire plus, pas plus que ce qu'ils font en ce moment, mais
encore plus que ce qui est dans le projet de loi.
Alors, les
infirmières praticiennes spécialisées ont demandé le pouvoir d'admettre et de
donner des congés aux patients. Est-ce que,
pour vous, c'est quelque chose qui serait bénéfique? Est-ce que vous pensez que
ça pourrait fonctionner? Est-ce que vous pensez que, selon ce que vous
connaissez, là, disons, de la formation et de la capacité des infirmières
praticiennes spécialisées, c'est quelque chose qu'elles pourraient faire?
M. Ménard (Claude) : Bien, j'oserais dire oui. Venant de la région de
l'Outaouais, on le sait, qu'on est collés sur Ottawa, et, dans les hôpitaux
ontariens, effectivement, l'IPS a ce pouvoir-là de donner le congé au niveau de
la personne. Alors, d'être obligé
d'attendre dans mon lit ou dans ma chaise dans la chambre de l'hôpital, que le
médecin vienne me donner le O.K., alors que l'IPS pourrait simplement
dire : M. Ménard, tout va bien, vous avez votre prescription, vous
pouvez vous en aller à la maison...
alors, effectivement, là, personnellement, je ne vois pas pourquoi que l'IPS ne
pourrait pas avoir, là, cette possibilité-là, là.
M. Fortin :
Je vous comprends, M. Ménard. Puis c'est un peu le sport national, chez
nous, hein, en Outaouais, des fois, de se comparer
à l'Ontario puis voir ce qu'ils font. Alors, si j'extrapole vos propos, parce
qu'il y a beaucoup de choses qu'il est possible pour les infirmières
praticiennes spécialisées ontariennes de faire qui n'est pas inclus dans le
projet de loi... Alors, si je prends
vos propos, qui sont essentiellement à l'effet que je ne vois pas pourquoi ils
ne pourraient pas faire ce qui est possible en Ontario — je paraphrase, là — est-ce que vous êtes d'accord aussi avec le
fait que les infirmières praticiennes
spécialisées en première ligne puissent référer directement à un médecin
spécialiste comme c'est le cas ailleurs?
M. Ménard (Claude) : Actuellement, on ne retrouve pas ça, non, dans le
projet de loi, mais est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de laisser de la place, dans le projet qui va être, là, amené,
à l'effet de voir à la possibilité d'introduire d'autres éléments au fur et à mesure que, un, l'expérience
se vit au niveau du réseau? Je pense que c'est un processus qui est en
continu puis je pense que ça permettrait à améliorer encore davantage, là,
toute la qualité des soins et des services, là.
M. Fortin : Mais, quand vous dites «en continu»... C'est parce que, si la loi est
ouverte maintenant, on a l'opportunité de
faire ces changements-là maintenant. Tu sais, des fois, c'est difficile,
d'ouvrir une loi, ça n'arrive pas à toutes les années, à tous les deux ans, alors des changements comme
ça, l'opportunité est un peu là de procéder à toutes ces choses-là. Puis
je le sais, que vous n'êtes pas
nécessairement experts dans le fonctionnement interne de certains départements
puis de certaines façons que ça peut fonctionner, vous êtes là pour les
usagers pis vous avez le patient en tête d'abord, je comprends ça.
Alors,
peut-être que, si je sors de ça, de ce point spécifique, là, de la référence...
mais je vais vous en amener un autre, par contre, parce que je sais que, les
comités d'usagers, il y en a beaucoup à travers la province qui se sont
prononcés sur, disons, les premières
années de l'aide médicale à mourir, qui ont regardé comment ça s'est passé, qui
se sont penchés... qui ont parlé à des familles. Est-ce qu'une
infirmière praticienne spécialisée, d'après vous, pourrait administrer l'aide médicale à mourir? Est-ce que vous avez, à votre
connaissance, des regroupements d'usagers qui se sont prononcés sur
cette question-là? C'est très possible que non, là, mais je vous pose la
question.
M. Ménard (Claude) : Sans que ça soit des regroupements, là,
effectivement, le sujet est très souvent sur la table, et les gens verraient d'un bon oeil, là, cette
possibilité-là, là, qui fait en sorte que, un, encore là, quand on parle
d'accessibilité au niveau des soins
et services... bien, en tout cas, je ne vois pas pourquoi que l'IPS ne pourrait
pas jouer ce rôle-là, là.
M. Fortin :
Bien, en fait, si on lit... à la question de l'accessibilité des services, la
question de l'aide médicale à mourir, est-ce
que vous trouvez ou est-ce que vous entendez, de la part des différents comités
d'usagers, que l'aide médicale à mourir n'est pas toujours disponible,
que parfois ça peut être repoussé, parfois il faut changer d'établissement,
parfois ce n'est pas la journée qu'on veut? Est-ce que vous l'entendez souvent?
Parce que, justement, si on est pour considérer, ensemble, ici, autour de cette table, ou plus tard, quand la ministre,
là, regardera avec nous la loi sur l'aide médicale à mourir, est-ce que
vous considérez que les services ne sont pas disponibles, disons, au moment, ou
à la hauteur, ou à l'endroit où le patient s'attend à avoir ces services-là?
M. Ménard
(Claude) : Est-ce qu'on
l'entend? Je pense qu'il y a deux volets à ça. Il y a le volet médiatique, où,
à un certain moment donné, on entend puis on voit des personnes, là, en
situation de vulnérabilité extrême, alors ça, ça vient un petit peu chercher,
là, les membres des différents comités des usagers et de résidents, là.
Pourquoi ne pas s'assurer de rendre accessible, là, lorsqu'une personne, pour
quelque raison que ce soit, demande l'aide médicale à mourir... que ça ne lui soit pas accordé, là, tu sais? Alors, oui, à
l'occasion, on peut entendre qu'il y a des gens qui ont dit : Bien, écoutez, là, moi, je ne suis pas en mesure
de, alors je vous transfère dans une autre installation, mais, je pense, ce
n'est pas la majeure... Mais rien n'empêche,
pour moi, personnellement... puis je pense qu'au niveau du regroupement une
personne, c'est une personne de trop, là, tu sais. Pourquoi? Parce que cette
personne-là a droit à sa dignité, là.
• (15 h 40) •
M. Fortin : J'ai une dernière question pour vous,
M. Ménard, Mme Gagné. Tu sais, nous, ici, on fait cet exercice-là
de vous entendre, de vous écouter pour la
suite de nos travaux, hein, pour qu'ensemble, là, on travaille le projet de loi
puis qu'on voie s'il y a des manières
de le bonifier. Si vous nous
dites : Pour la suite de vos travaux... si vous aviez à nous dire :
Souvenez-vous d'une chose de la part du comité des usagers, c'est quoi?
M. Ménard (Claude) : Tu veux-tu
y aller?
Mme Gagné
(Patricia M.) : Bien, moi,
je dirais, si on a à se souvenir d'une chose, c'est vraiment
de s'assurer que les infirmières praticiennes spécialisées vont pratiquer dans des environnements qui sont adéquats avec les professionnels concernés. Donc, il ne faut pas oublier ça, là.
Oui, c'est important, là, de statuer sur qu'est-ce qu'elles vont
pouvoir faire, ne pas faire, etc., là, mais dans quelles conditions
elles vont le faire, ça, c'est aussi majeur.
M. Fortin : Très bien. Je vous remercie tous les deux.
Mme Gagné (Patricia M.) :
Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Je vais céder, maintenant,
la parole au député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci,
M. le Président. Merci beaucoup, M. Ménard, Mme Gagné, d'être avec nous. Tout à l'heure, on parlait de la définition de «maladie courante», puis vous disiez, en
gros : C'est flou, ce n'est pas très clair. Peut-être que je me trompe,
là, vous me corrigerez, j'ai l'impression que plus on va définir ça, moins ça va
permettre aux infirmières praticiennes spécialisées de faire beaucoup de choses, puis plus on va, disons, le laisser
indéfini, plus ça va leur donner une grande autonomie. Peut-être que je me trompe, vous me le direz. Selon votre
analyse, est-ce que vous voudriez qu'on précise la définition
ou qu'on l'élargisse, la notion de maladie courante?
M. Ménard (Claude) : Je pense
que c'est une façon de le voir. Lorsque ce n'est pas défini, ça peut porter à interprétation, aussi. Je pense que les personnes les mieux placées pour définir, dans le fond, une bonne définition en lien avec
ça, c'est l'association des infirmières, là, spécialisées, là, tu sais.
Nous, ce qu'on entend, c'est les commentaires des usagers,
mais nous ne sommes pas les experts, tu sais. Mais les gens voudraient davantage
à ce que ça, ça soit, dans le fond,
mieux défini pour qu'il y ait une espèce de
compréhension commune, tu sais, qui fait que ça laisse moins la place à interprétation.
M. Zanetti : O.K. Parfait. Je
vous remercie.
M. Ménard
(Claude) : Puis, quand je
parle d'interprétation, c'est d'une région à une autre aussi, là. On
parle de régions éloignées puis on parle de l'urbain, alors, s'assurer que les
approches, c'est les mêmes autant en urbain qu'en région éloignée.
M. Zanetti : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Je vais maintenant
compléter cette période d'échange avec l'intervention du député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau : Merci, M.
le Président. M. Ménard,
Mme Gagné, vous avez bien évoqué l'exemple des Îles-de-la-Madeleine, tout à
l'heure, hein? Je pense qu'effectivement le déploiement, comme vous le dites, dans toutes les régions du Québec
peut être quelque chose de fort, fort intéressant en termes d'accessibilité aux services. Mais hier
ce qu'on a entendu, c'est qu'il
faudrait, de la part des médecins notamment, mettre des balises, parce qu'en
fait ils évoquent certains... on va appeler ça des risques, où on pourrait
mettre en péril, à certains égards, la sécurité des patients si les balises ne
sont pas clairement définies, si la
supervision des médecins n'est pas clairement effectuée. Est-ce que vous, dans
le projet de loi, vous y voyez
certains risques pour les usagers que vous représentez, le fait d'ouvrir
davantage la profession à des infirmières praticiennes spécialisées?
Mme Gagné
(Patricia M.) : Bien, si on
regarde la formation, les programmes de formation, là, pour les infirmières
praticiennes spécialisées, la formation est
tellement bien étayée, tellement complète, on ne voit pas vraiment de risque
là. Cependant, comme on a dit dans le
mémoire, là, c'est aussi important d'avoir une formation en déontologie pour
ces infirmières.
M. Arseneau :
Mais, pour ce qui est... par exemple, on a discuté, hier, passablement de la
question de l'autonomie des infirmières dans leur pratique. Est-ce que
vous avez tendance, aussi, à appuyer ce concept-là de l'autonomie des
infirmières dans leur pratique?
M. Ménard
(Claude) : Je pense qu'à
partir du moment où les protocoles sont bien établis puis que c'est compris par
l'ensemble des parties, je ne vois pas pourquoi que, un, il ne pourrait pas y
avoir cette forme d'autonomie là, là, tu sais. À partir du moment où il y a une compréhension commune, bien, je pense
qu'on est là à titre de partenaires puis de collaborateurs dans le
réseau, là.
M. Arseneau :
Je ne sais pas, aussi, si vous avez eu la chance de le faire... Il y a sûrement
des associations comme les vôtres
dans les autres provinces canadiennes. Est-ce que vous avez l'impression, un
peu comme plusieurs l'ont dit, que l'on est en retard sur certaines
provinces quant à l'ouverture aux infirmières praticiennes spécialisées?
M. Ménard
(Claude) : Des comités des
usagers et des comités de résidents, c'est un modèle unique au Canada, ça se
voit uniquement au Québec. Et, à ce niveau-là, je pense que le Québec a été
avant-gardiste dans le sens de mettre, là, ce réseau-là en place.
Ce qui se passe dans le reste du Canada... bien,
un, étant collé sur le volet ontarien, je pense que c'est un modèle qui est très, très, très apprécié, accessible.
Puis je pense que, un, la question de retard, si on voit juste, là, le nombre
d'IPS qui sont formées, là, autant du
côté ontarien par rapport au Québec, on voit qu'il y a, puis je pense que Mme la ministre
l'a souligné aussi, une espèce de retard qu'il faut voir à s'assurer,
là, à récupérer, là.
M. Arseneau : Merci beaucoup.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre contribution aux travaux de la
commission.
Je suspends les travaux quelques instants afin
de permettre au prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 15 h 47)
(Reprise à 15 h 49)
Le
Président (M. Provençal)
:
Nous poursuivons nos travaux avec les représentants de l'Ordre des infirmières
et infirmiers du Québec. Je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous
procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous
invite à vous présenter puis à débuter votre exposé. Et je vous cède la
parole.
Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ)
M. Mathieu
(Luc) : Merci, M. le
Président. Mme la ministre, Mmes et MM. les parlementaires, nous vous remercions de votre invitation à partager nos
commentaires sur le projet de loi n° 43, concernant la Loi modifiant la
Loi sur les infirmières et infirmiers et d'autres dispositions afin de
favoriser l'accès aux services de santé.
Je suis Luc Mathieu, président de l'Ordre des
infirmières et infirmiers du Québec. Je suis accompagné de deux
professionnelles de l'ordre, Mme Caroline Roy, à ma droite, directrice
adjointe, Pratique infirmière avancée et relations avec les partenaires, et de
Mme Bianca Roberge, à ma gauche, avocate à la Direction des affaires
juridiques.
D'entrée de jeu, nous saluons la détermination
de la ministre de la Santé et des Services sociaux à travailler avec les diverses parties prenantes en vue
d'offrir à la population du Québec un meilleur accès aux soins et services de
santé. Notre mémoire énonce des
recommandations visant à bonifier le projet de loi déposé, lesquelles
rejoignent l'objectif de maximiser l'accès aux soins et aux services de
santé pour le plus grand bénéficie de la population québécoise. Nos recommandations portent principalement sur le
caractère restrictif de certaines caractéristiques ajoutées à la Loi sur les
infirmières en ce qui a trait aux activités visant le diagnostic des maladies
courantes.
• (15 h 50) •
Définissons d'abord ce qu'est une IPS. Avant
d'entreprendre une formation pour devenir IPS, il faut d'abord être infirmière
et avoir exercé à ce titre pendant au moins deux ans. La formation pour devenir
IPS est une formation universitaire de
deuxième cycle totalisant 75 crédits. Au terme de cette formation, elle sera
une candidate IPS. Ensuite, pour obtenir son certificat de spécialiste et être
IPS, elle devra réussir un examen de certification. À notre avis, elles ont
donc toute la formation requise pour exercer les nouvelles activités proposées
par le projet de loi.
Cela étant
dit, l'ordre, ayant comme mission principale d'assurer la population du public,
met déjà à profit tous les mécanismes
de protection du public dont il dispose pour assurer que les soins prodigués
par les IPS soient sécuritaires et dispensés
avec compétence et intégrité. Nos mécanismes de protection du public réguliers
sont bien en place, notamment le
programme d'inspection professionnelle des IPS, qui a été développé en 2018,
et, depuis, des inspections auprès de ces dernières sont prévues chaque année. Quant aux nouvelles IPS, elles
feront toutes l'objet d'une inspection deux à trois ans suivant leur
certification.
Il est
important de le mentionner, ce projet de loi constitue une avancée historique
reconnaissant la compétence et l'expertise des IPS à diagnostiquer les
maladies courantes en fonction de leurs classes de spécialités, à déterminer le
traitement médical qui en découle et à assurer le suivi
de certaines grossesses. Cette avancée assurera sans aucun doute la fluidité
des soins et des services et permettra à la population québécoise d'avoir accès
à des professionnelles détenant l'expertise requise au moment opportun pour
répondre à ses besoins de santé. Cette reconnaissance de l'expertise des IPS
signifie une nouvelle ère en matière de collaboration entre elles et les
médecins.
Entrons maintenant dans le coeur de nos
recommandations, qui visent à assurer un développement optimal des nouvelles activités autorisées. Nous allons aborder
la question des critères définissant la notion de maladie courante. Nous sommes
d'accord à distinguer la portée diagnostique des IPS de celle du médecin. Dans
cet esprit, nous sommes favorables à l'introduction de la notion de
maladie courante au projet de loi. Cette notion apporte dès lors une nuance par
rapport à l'activité exercée par les
médecins, puisque ces derniers diagnostiquent la maladie, un concept allant
au-delà de la maladie courante, qui a
été spécifiquement prévue pour l'activité professionnelle de l'IPS. Par
exemple, une IPS en soins de première ligne
pourra donc établir un diagnostic uniquement pour les situations de santé
courantes en fonction de sa classe de spécialité, soit la première
ligne.
En plus de
cette distinction déjà apportée, l'article 3 du projet de loi propose six
caractéristiques pour définir la notion de maladie courante. L'ajout de ces
caractéristiques visant à définir cette notion restreint de manière
considérable la portée de l'activité
diagnostique autorisée aux IPS. Nous sommes d'avis que le contenu d'une loi
professionnelle doit être clair sans
être trop limitatif, et ce, afin de permettre l'évolution des pratiques à
travers le temps. En ce sens, nous estimons que des caractéristiques visant à définir la maladie courante auraient
avantage de se retrouver au règlement sur les conditions et modalités
plutôt que dans la loi. De fait, les soins de santé étant en constante
évolution, prévoir des caractéristiques au
règlement permettrait de s'adapter plus rapidement aux changements sur le
terrain, toujours dans la perspective de favoriser l'accès aux soins et
services de santé.
Néanmoins, s'il est de la ferme intention des
parlementaires de conserver des caractéristiques à la Loi sur les infirmières malgré le présent argument, nous
restons préoccupés par les caractéristiques prévues aux paragraphes 3°, 5° et
6° à la définition de «maladie courante», à savoir, au paragraphe 3°, «une
absence de détérioration significative de l'état général de la personne», au paragraphe 5°, «un faible
potentiel de détérioration rapide» et, au paragraphe 6°, «une absence de
potentiel de préjudice grave et
irrémédiable». Nous considérons que ces caractéristiques sont restrictives,
difficiles à appliquer et portent à
interprétation, puisqu'elles impliquent de prédire l'évolution de la situation
de santé avant même que l'évaluation et
le diagnostic soient établis. Le maintien de ces caractéristiques au projet de
loi ne permettra pas un déploiement optimal de l'activité liée au diagnostic,
suscitera de l'ambiguïté de même que des risques d'interprétation d'exercice
illégal de la médecine advenant une évolution non conforme de la
situation de santé. Nous tenons à préciser que les IPS sont déjà formées pour
intervenir auprès de personnes ayant des maladies courantes.
J'aborderai maintenant de façon plus détaillée
les limites engagées par chacune des trois caractéristiques jugées problématiques. Débutons avec les caractéristiques
relatives à la détérioration, soit l'«absence de détérioration significative
de l'état général de la personne» et le
«faible potentiel de détérioration rapide». L'«absence de détérioration
significative de l'état général de la
personne» est une caractéristique problématique parce qu'il s'agit d'un concept
portant à interprétation et difficile
à définir. Qu'est-ce qu'on entend par «significative»? Par ailleurs, le «faible
potentiel de détérioration rapide» est
également une caractéristique problématique parce qu'elle implique de prédire
l'évolution de la maladie avant même d'avoir
évalué, posé le diagnostic. Dans plusieurs situations courantes, ces
caractéristiques empêcheront l'IPS de diagnostiquer et intervenir au bon moment, particulièrement pour
les personnes les plus vulnérables, tels les personnes âgées et les enfants.
De fait, plusieurs situations de santé vécues
par ces personnes, par leur vulnérabilité, entraîneront fréquemment une
détérioration significative de leur état général et seront à risque
d'une détérioration rapide.
Passons maintenant au critère portant sur la
caractéristique relative au «préjudice grave et irrémédiable». Nous sommes d'accord que des maladies ayant un caractère
irrémédiable et présentant un risque de préjudice grave soient diagnostiquées par un médecin. Toutefois, le
libellé de la caractéristique prévue au projet de loi, soit l'«absence de
potentiel de préjudice grave et
irrémédiable» est problématique parce qu'il limite significativement la portée
de l'activité professionnelle liée au
diagnostic ainsi que l'accès aux soins, particulièrement en santé mentale. De
fait, la manière dont le libellé de cette caractéristique est rédigé, c'est-à-dire l'«absence de potentiel»,
sous-tend le risque zéro, un risque qui n'existe pas dans le contexte particulier des soins de santé. De
plus, d'un point de vue de la rédaction et de l'interprétation des lois, ce
libellé est discutable. La notion de potentiel implique l'établissement... de
prédire l'évolution de la maladie en amont du diagnostic. Ainsi, ces
caractéristiques restreignent de manière considérable la portée de l'activité
autorisée aux IPS, notamment à l'égard
de maladies pourtant courantes, mais qui, en raison de la vulnérabilité de
certaines clientèles et du risque de détérioration que cela peut
provoquer, ne pourront être diagnostiquées par une IPS, ce qui engendrera un
délai dans l'accès aux soins.
Nous
rappelons que l'IPS doit prendre les moyens raisonnables pour établir le bon
diagnostic. Elle doit se conformer à
son code de déontologie, qui l'oblige à référer la personne à un autre
professionnel de la santé si elle ne détient pas les habilités légales
et les connaissances requises ou si les interventions nécessaires sont hors de
son champ d'exercice. De plus, elle doit se
conformer à des lignes directrices qui encadrent sa pratique. À l'instar des
autres provinces canadiennes, nous sommes d'avis que les IPS ont le
jugement et la compétence requis pour déterminer si la situation de santé
requiert l'expertise ou l'intervention d'un
autre professionnel. De surcroît, nous recommandons de prévoir les
caractéristiques visant à définir la «maladie courante» au règlement sur les
conditions et modalités à êtres adopté par l'ordre ou, à défaut d'une elle inclusion au règlement, nous demandons
de les remplacer au projet de loi par des libellés moins restrictifs qui
permettent l'évolution des pratiques.
Finalement, nous insistons sur l'importance
d'apporter des modifications aux caractéristiques visant à définir la maladie courante, sans quoi l'application de
ces nouvelles activités ne sera pas optimale, et la population québécoise ne
pourra pas bénéficier pleinement des
avancées à l'égard du champ d'exercice des IPS. Je vous remercie de votre
attention. Nous sommes maintenant disposés à répondre à vos questions.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons débuter avec Mme la
ministre. Je vous cède la parole, madame.
• (16 heures) •
Mme McCann :
Merci, M. le Président. M. Mathieu, bonjour, très heureuse de vous voir.
D'ailleurs, on vous attendait. Je pense que vous
pouvez avoir, peut-être, cette impression qu'on vous attendait, parce qu'on a
eu une journée très riche, hier, de
discussions, et je suis convaincue que vous savez, jusqu'à un certain point,
les enjeux dont on va vous parler aujourd'hui. Et je vais saluer, aussi,
Mme Roy, évidemment, et Me Roberge, qui sont avec vous.
Alors,
oui, je suis certaine que mes collègues aussi ont beaucoup de questions et des
points très importants. D'abord, moi,
ce que je veux vous dire, M. Mathieu, c'est qu'il faut dire qu'effectivement
nous entrons dans une nouvelle ère, et que le travail que vous faites, actuellement, l'Ordre des infirmières et
infirmiers du Québec, avec le Collège des médecins est fondamental pour cette
nouvelle ère, et je vous en remercie, d'ailleurs. C'est nouveau, hein, de
travailler toute cette question de façon aussi intense et volumineuse,
parce qu'il y a beaucoup de choses auxquelles on doit voir.
Et évidemment moi,
j'ai des questions à vous poser par rapport à votre exposé, et vous ne serez
pas surpris, notamment au niveau de la
maladie courante. Ce que vous venez de dire, évidemment, j'en prends bien note,
et je pense qu'on met ça dans la
perspective que vous êtes actuellement en discussion avec le Collège des
médecins. Le Collège des médecins, qui
est venu nous parler hier, et qu'on a reçu, et qui, avec vous... vous faites
des travaux très, très importants. Alors, ce que vous nous dites par rapport à toute la question de la «maladie
courante», vous avez déjà fait des suggestions pour trois critères, hein, de les retirer. Et
évidemment, hier, et j'en reparle aujourd'hui... J'aimerais vous entendre sur
les critères que vous maintenez et
même vous poser la question par rapport à d'autres provinces — évidemment, c'est un thème de fond — d'autres provinces du Canada où, selon ce
que je comprends, on parle de «maladie» tout court, on ne parle pas de «maladie courante», avec des critères, etc.
J'aimerais vous entendre là-dessus, sur les trois critères que vous maintenez
et sur le fait que, dans d'autres provinces, on n'en met pas,
finalement.
M. Mathieu
(Luc) : Tout à fait. Je vais laisser la parole à ma collègue, là,
Mme Roy, pour répondre sur cette question-là.
Mme Roy
(Caroline) : C'est certain que l'Ordre des infirmières pourrait être
favorable à un élargissement au même titre
que les provinces canadiennes. C'est sûr qu'on a aussi navigué à travers un
système professionnel, au Québec, qui a ses couleurs propres aussi, qui amène à distinguer la portée d'une
activité en fonction de la finalité du champ d'exercice d'une infirmière praticienne spécialisée. Donc, c'est
sûr que, nous, c'est pour ça qu'on demande aussi à ce que les caractéristiques
ne soient pas expressément prévues à la loi,
pour permettre une plus grande flexibilité et pour permettre aussi, à travers
le règlement, de pouvoir discuter
aussi avec les infirmières praticiennes spécialisées, qui sont aussi impliquées
dans le suivi de ces maladies-là, donc de pouvoir avoir un libellé qui
correspondrait davantage à la portée diagnostique qu'elles font réellement, puis tout en misant que, justement, on
le rappelle, les infirmières praticiennes sont soumises à un code déontologie,
qui est un règlement qui implique aussi
qu'elles reconnaissent les limites de leurs compétences. Je pense qu'elles ont fait
la démonstration, hier, aussi,
qu'elles les connaissaient bien. Donc, dans cette optique-là, on pourrait être
favorables à cette ouverture-là, tout en considérant le système
québécois, qui va impliquer, possiblement, qu'on ait des balises, là, pour contextualiser
le concept, là, de diagnostic, la portée diagnostique.
Mme
McCann : Est-ce que je comprends que vous nous dites — puis corrigez-moi, là — que, même les trois critères que vous
souhaitez maintenir, là, vous nous dites, en quelque part : Ça pourrait
être traité en règlement? Est-ce que c'est ce que vous dites aujourd'hui? Oui. Est-ce que vous maintenez «maladie
courante» ou est-ce que vous nous dites : Il pourrait y avoir même
un ajustement là-dessus?
M. Mathieu (Luc) : Bien, éventuellement il pourrait y avoir un
ajustement. Mais, comme on l'a dit, on doit composer avec le système professionnel qu'on a au Québec,
puis là dépendamment des discussions qu'on pourrait avoir avec nos
collègues du collège, là... mais on n'est pas fermés à regarder ça.
Mme McCann :
Je vous mentionne la proposition que nous a faites l'Association des
infirmières praticiennes spécialisées du
Québec hier, qui nous disait, dans le fond, si on veut conserver des critères,
que ça pourrait être «diagnostiquer les
maladies courantes physiques et mentales» et de maintenir des critères
diagnostiques... selon des critères, excusez-moi, des critères
diagnostiques reconnus. Pouvez-vous nous donner, peut-être, votre impression
là-dessus?
Mme Roy
(Caroline) : En fait, cet été, vous savez, là, on a travaillé avec les
différents partenaires. Notre proposition initiale était justement, s'il faut
circonscrire le concept de «maladie courante», de l'amener en fonction des
maladies qui ont une incidence élevée en fonction de la classe de spécialité.
Parce qu'on comprend que ce concept-là doit aussi s'appliquer, pas
uniquement à la première ligne, mais aux autres classes de spécialités. Donc,
on était ouverts à cet aspect-là.
Pour
ce qui est de la proposition de l'association, c'est sûr que le concept de
«maladie courante» s'applique également en santé mentale. C'est sûr que ça va peut-être nous amener à un autre
point au niveau de l'évaluation des troubles mentaux, qu'il y a effectivement
un enjeu à ce niveau-là. Mais, au niveau
du libellé, de diagnostiquer les maladies courantes et de le préciser
par règlement, la seule finalité qu'il pourrait y avoir à la loi, ça serait une
incidence élevée en fonction de la classe de
spécialité, pour nous, ça pourrait être acceptable, effectivement. Et, dans un deuxième temps, dans le contexte du règlement, on
pourrait travailler, s'il y a lieu, s'il y a nécessité, de préciser davantage
le concept.
Mme McCann : D'accord. Et est-ce
que vous souhaiteriez que, dans la
loi, on précise «physique», «santé physique» et «maladie physique et mentale»? Est-ce que vous souhaiteriez
que ce soit libellé avec «physique et mentale»?
M. Mathieu (Luc) : Bien, pas nécessairement, c'est en fonction des lignes directrices de chaque spécialité. On ne verrait pas
c'est quoi, la plus-value de spécifier que c'est physique et mental. Tu sais,
quand on regarde la santé d'une personne, il y a
des aspects parfois physiques, parfois mentaux. Puis, comme
Mme Roy vient de le mentionner, au
niveau des problèmes de santé
mentale, bien, il y a toutes les questions... on fait un lien avec le projet de loi n° 21, là, où l'évaluation du trouble mental, là il y a quelque chose à regarder là. Mais c'est pour ça que je ne vois pas que ce serait
opportun nécessairement de préciser, là, cette différence-là.
Mme McCann : D'accord. Et je suis désolée, je vais vous faire répéter, probablement, mais, au niveau de la notion de maladie courante,
souhaiteriez-vous maintenir «maladie courante» dans la loi ou vous préféreriez peut-être
juste «maladie» et discuter de tout le concept au niveau des règlements?
M. Mathieu (Luc) : Bien, c'est en fonction de ce qu'on avait
dit, là, quand il y avait eu des discussions avec les partenaires en vue de l'élaboration du projet de loi. Ça, on serait prêts de revoir ça, là, si c'est la volonté des
différentes parties prenantes d'aller dans ce sens-là.
Mme McCann :
D'accord. Merci. On nous a aussi parlé de diagnostic différentiel, ce que nous
apportait la Fédération des médecins
omnipraticiens pour essayer de clarifier le rôle de l'infirmière praticienne spécialisée versus le médecin de famille, par
exemple. Parce que
je pense que les enjeux se trouvent davantage en première ligne, là, actuellement, en termes de compréhension,
de clarification des rôles, et on nous apportait le volet diagnostic
différentiel, et on nous disait que l'infirmière praticienne spécialisée
n'est pas nécessairement formée pour faire un diagnostic différentiel.
Mme Roy
(Caroline) : En fait, il est
clair... je pense aussi, qu'est-ce qui est important de mentionner, c'est
que les infirmières praticiennes
spécialisées ont une formation, comme
mon président l'a mentionné, de deuxième cycle qui fait l'objet d'un
examen de programme sérieux, aussi, par un comité qui a été déterminé.
Et,
nous, les universités, dans le cursus de formation des infirmières praticiennes spécialisées, la démarche clinique a été enseignée. Les infirmières praticiennes spécialisées sont appelées à faire une évaluation avancée de
la condition de la personne, de poser
les hypothèses diagnostiques possibles. Et là, en fait, ce qu'on dit, c'est
qu'on va reconnaître qu'elle va pouvoir établir le diagnostic de la
condition, là, de la maladie ou comment on l'appellera, ça sera à voir, mais
elles ont été formées, justement,
pour poser un jugement clinique sur la situation de santé, faire la démarche clinique, qui inclut
des hypothèses diagnostiques à côté, parce qu'elles ont aussi la formation pour
s'assurer d'exclure ce qui entoure la problématique de santé qu'elles
présument.
Et ensuite, nous, ce qu'on veut, c'est qu'elles
puissent être reconnues dans la pose du diagnostic, ce qu'elles faisaient sans
pouvoir le nommer comme ça auparavant, le diagnostic étant réservé aux
médecins. Mais, avant, elles savaient quelle était la maladie et elles déterminaient le traitement, là, pour des
problèmes de santé courants en première ligne, entre autres. Donc, on
reconnaît, elles le faisaient déjà, cette démarche-là.
Donc, pour nous,
c'est sûr qu'il faut aussi distinguer : une infirmière praticienne, ce
n'est pas un médecin. Une infirmière
praticienne, c'est une infirmière qui a une pratique infirmière avancée à
laquelle on ajoute des activités médicales qui lui permettent, dans son
spectre d'activité, d'intervenir pour certaines situations de soins. Donc, je
pense que...
Mme McCann :
...par exemple, une infirmière praticienne... Excusez-moi, combien de temps?
Une voix :
...
Mme McCann :
Une infirmière praticienne spécialisée en première ligne versus un médecin de
famille, si vous aviez à l'expliquer à la population, comment on pourrait
expliquer à la population le rôle, la différence dans les rôles d'un
médecin de famille puis d'une infirmière praticienne spécialisée de première
ligne?
• (16 h 10) •
M. Mathieu (Luc) : Bien, l'infirmière praticienne spécialisée peut
diagnostiquer des maladies courantes. Il y a des maladies chroniques à l'intérieur de ça, il y a un certain nombre...
C'est toujours à l'intérieur de leur champ de compétence, à l'intérieur des activités réservées. Ils ne sont
pas des médecins, il y a certains diagnostics qu'ils ne peuvent pas poser. Ils
ne peuvent pas diagnostiquer un cancer, par
exemple. Alors, il y a certaines choses... Alors, c'est à l'intérieur de ça, en
fonction des lignes directrices de chacune
des spécialités puis, j'aurais dû le dire au départ, en fonction du cadre légal
qu'a une infirmière praticienne spécialisée, selon le cadre
réglementaire qu'elles ont.
Une infirmière peut
très bien... Quelqu'un peut se présenter à un GMF, par exemple, puis être en...
La personne qui est là au début, c'est une
IPS, par exemple. Bien, si l'IPS est là, puis elle se rend compte
que la condition de santé de la personne
va au-delà de son champ de compétence ou ce que le cadre réglementaire prévoit,
bien là, déontologiquement, elle est tenue de le référer au médecin ou
au professionnel opportun, là, selon la situation.
Mme McCann :
Merci. Je voudrais vous demander aussi, l'entente de partenariat dont on a
parlé hier... il y a différentes instances,
dont... la Fédération des médecins
omnipraticiens nous en a parlé. Est-ce que vous pouvez... Parce que ça, ça va faire l'objet de discussions avec le
Collège des médecins. Il y a même la fédération des infirmières du Québec, hein, qui en a parlé. Est-ce qu'on peut vous
entendre sur les principes qui vous guident par rapport à cette entente de
partenariat?
M. Mathieu
(Luc) : Nous, ce qui nous
guide, c'est plus des ententes de collaboration. C'est ça, le mot-clé dans
ce qu'on veut avoir. Si l'entente de
partenariat, c'est un moyen de rémunérer les médecins, c'est une chose, ça, qui
ne nous concerne pas, comme ordre. Nous, ce qui est important dans la
suite des travaux qu'on va mettre de l'avant, c'est les mécanismes de
collaboration qu'on va avoir avec les médecins.
Mme McCann :
D'accord. Alors, pour vous, parce qu'on a parlé... le libellé, c'est des
«ententes de partenariat», bien sûr
que, si le projet de loi est adopté, l'environnement va changer. Et vous, vous
nous dites, en quelque part : On devrait parler d'ententes de collaboration et plus d'ententes de partenariat,
étant donné que l'environnement changerait, à ce moment-là.
M. Mathieu
(Luc) : Tout à fait.
Mme McCann :
D'accord. Et d'autres activités qui ne sont pas prévues dans le projet de loi,
notamment l'admission, le congé à
l'hôpital, la référence au médecin spécialiste, l'aide médicale à mourir et
l'établissement du niveau de soins, ça, c'est des éléments qui nous ont
été amenés. Quelle est votre position là-dessus?
M. Mathieu (Luc) : Bien, c'est des éléments qu'on est prêts à
regarder. Je veux juste dire un point par rapport à la référence au médecin spécialiste, c'est déjà
possible. Là, c'est des difficultés administratives qui rendent ça difficile.
Je pense que Dr Gaudreault, là,
l'a déjà expliqué, je ne sais pas si c'était en commission parlementaire, mais
il y a des questions de mode de
rémunération, là, qui viennent toucher ça, c'est un petit peu particulier.
Mais, sur le principe, là, sur la possibilité de le faire, qu'une IPS
puisse référer à un médecin spécialiste, ça, c'est déjà là.
Quant aux autres
volets que vous mentionnez, nous, on est prêts à regarder ces questions-là.
Mme McCann :
La référence au médecin spécialiste, vous confirmez qu'une IPS peut faire une
référence directe à un médecin spécialiste, même dans l'environnement où
on est actuellement? Elle pourrait le faire?
M. Mathieu (Luc) : Oui. Parfois, il y a certains médecins
spécialistes... puis tu me corrigeras, Caroline, si je dis quelque chose d'erroné, mais certains médecins
spécialistes qui... parce que ce n'est pas la même facturation au niveau de la
rémunération si c'est un omnipraticien qui fait la référence que si c'est une
IPS.
Mme McCann :
D'accord. Il y a des facteurs qui jouent là-dessus. D'accord. J'essaie de voir,
là, si je peux...
L'examen
de certification, peut-être nous dire deux mots là-dessus, même si ce n'est pas
dans le projet de loi. Mais, vous
savez, c'est dans les discussions, actuellement. Est-ce que vous pourriez nous
donner un peu d'éclaircissements sur votre démarche sur l'examen de
certification?
M. Mathieu
(Luc) : Oui, tout à fait, ça va me faire plaisir. Je veux juste
vous expliquer, mettre le cadre. Je l'ai mentionné
dans l'allocution, on a des mécanismes de protection du public qu'on met en
place, à l'ordre. Le premier, c'est qu'il y a un comité en amont du processus,
un comité de formation des IPS, qui agrée l'ensemble des programmes
universitaires de formation. Alors,
il y a un agrément qui est fait. Il y a des infirmières, il y a des gens de
l'ordre, des gens du Collège des médecins
qui siègent là-dessus pour s'assurer que les standards au niveau des programmes
de formation sont là. Ça, c'est un premier...
Il y a l'examen de
certification — puis
je vais revenir là-dessus — après
ça, il y a l'inspection professionnelle. Il
s'en fait, de l'inspection, parce qu'on a entendu, on a lu dans certains
mémoires puis dans les journaux qu'il y en a qui disaient qu'on n'inspecte pas les IPS. C'est faux, on le fait, puis je
l'ai mentionné dans l'allocution. Il y a de la formation continue, aussi, que les IPS font, il y a le code
de déontologie auquel les infirmières praticiennes sont tenues — elles sont d'abord des infirmières — et il y a le comité consultatif sur la
pratique des IPS, auquel... il y a des gens de l'ordre et du collègue
qui surveillent aussi, de façon générale, comment ça se passe, là, la pratique
des IPS dans le réseau.
Pour revenir à
l'examen de certification, l'examen de certification, lors de votre arrivée,
Mme McCann, on avait eu des discussions là-dessus, parce que moi... avant
mon arrivée à l'ordre, l'ordre avait pris la décision de ne plus en faire du tout. Et on avait eu des discussions,
on avait consulté nos parties prenantes pour dire : Bien, si on veut faire
avancer le dossier, ça serait
intéressant que vous en mettiez un. Et là nous, on s'était dit : On ne
veut pas évaluer les connaissances puis les compétences des IPS, c'est
déjà fait dans les programmes universitaires de formation.
Je
vais prendre une image. Si vous prenez une feuille 8½ X 11
quadrillée, sur une feuille quadrillée 8½ X 11, il y a à peu
près 150 petits carreaux, là — je dis ça approximativement, je ne veux
pas que personne ne vérifie ça — les 150 petits
carreaux, c'est 150 situations cliniques potentielles auxquelles l'IPS est
exposée. Alors, ce n'est pas vrai que, dans un examen, à la fin du
cursus de certification, qui dure une demie-journée, on va aller évaluer
l'ensemble des situations cliniques qui sont
là. Puis on ne le fera pas non plus pour évaluer les compétences dans le cadre
d'un examen, c'est déjà fait, pour les connaissances, dans les 740 heures
de formation qu'elles ont dans les universités, de façon systématique,
toutes ces 150 là sont vues. Et, dans les
950 heures de stage, si on n'est pas capables d'évaluer si quelqu'un est
compétent comme novice, comme
infirmière novice, il y a un problème. Et ça, vu qu'on agrée les programmes
avec le comité, avec le Collège des médecins, on s'assure d'une assurance
qualité des programmes que l'on donne. On donne un agrément, puis l'agrément
varie selon la qualité de l'évaluation qui
est faite. Alors, quand on a dit : Bien, on va en créer un, examen de
certification, on a eu des rencontres, à l'ordre, on s'est dit :
Bien, on va y aller en fonction... Qu'est-ce qui, dans notre mandat d'ordre
d'assurer la protection du public... Bien, les gens de l'inspection...
Le Président (M. Provençal)
: ...parce qu'on excède de beaucoup le temps.
M. Mathieu
(Luc) : Oui, oui, oui, mais je vais continuer, parce que c'est
important, cette question-là.
M. Fortin :
Ça va, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
: Oui, je vais y aller.
M.
Mathieu (Luc) : C'est qu'ils
nous ont dit : Là où on a des préoccupations par rapport aux IPS... au
service de l'inspection
professionnelle, ils nous ont dit... ils ne sont pas sur la compétence clinique
puis sur les connaissances, c'est sur les
aspects déontologiques et professionnels, le respect du cadre réglementaire,
comment actualiser, là, incarner leur code de déontologie dans leur pratique. Alors, c'est pour ça qu'on a établi,
on a développé un nouvel examen, puis on avait consulté tous nos partenaires, incluant le collège puis
l'association des IPS. Quand on a fait ça, à ce moment-là, ça s'est fait de
façon verbale, ils nous ont dit qu'ils étaient d'accord avec l'orientation,
mais, dernièrement, autant l'association que le collège ont changé d'idée, ils
ont le droit. Mais, nous, quand on a fait le tour, aussi, avec les universités,
avec l'Office des professions, avec
votre cabinet, les directrices de soins, les universités, bien, on a dit :
O.K., on oriente notre examen dans ce sens-là. On a mobilisé des ressources importantes, puis il va être passé pour la
première fois le 29 novembre prochain par 160 quelques candidates,
là, à la profession.
Alors, c'est un peu ça, là. Excusez ma réponse
un peu longue, mais c'était important.
Le
Président (M. Provençal)
:
Non, mais je pense qu'elle était nécessaire pour la clarification. Je vous
remercie beaucoup. Merci, Mme la ministre. Nous poursuivons avec le
député de Pontiac.
M. Fortin : Bonjour, M. Mathieu, Mme Roy,
Me Roberge. Parce que vous venez de parler de formation, là, je vais
peut-être juste continuer là-dedans. Je ne sais pas si vous avez vu la
Fédération des médecins résidents hier soir, disons que j'ai... ce que j'entends de vous, il y a quelques
instants, là, du fait qu'il y a une formation bien établie, qu'il y a des
contrôles à plusieurs points ou des
examens à plusieurs points de cette formation-là, bien évidemment, contraste
beaucoup avec ce qu'on a entendu par rapport aux différents niveaux de
connaissances ou aux différentes priorités qui auraient pu être établies
à l'intérieur de différents programmes
universitaires. Est-ce que je comprends que, selon vous, c'est déjà pas mal
uniformisé, les programmes de formation des infirmières praticiennes
spécialisées?
M. Mathieu
(Luc) : Oui, parce que
nous... en fonction des programmes d'agrément, des résultats que l'on a, là, du comité qu'on a, où il y a des représentants du
Collège des médecins, là, je veux le souligner, puis de l'ordre, alors, nous,
on se fie au travail qu'on a, de ce côté-là. Puis, du côté des milieux, quand
les gens arrivent en pratique, on n'a pas d'information,
là, ou de signaux à l'effet qu'il y a des problèmes au niveau de la formation
selon qu'une IPS vienne d'une l'université
ou d'une autre, on n'a pas cet effet-là. On était très étonnés d'entendre, là,
ce que les résidents, l'association des résidents a mentionné hier.
• (16 h 20) •
M. Fortin : C'était la première fois que vous en entendiez
parler, vous n'avez jamais... O.K., donc, j'espère au minimum que ça va mener à
une conversation entre vous puis l'association des médecins résidents, là, pour
s'assurer d'un certain suivi ou de répondre à leurs préoccupations, qui
peuvent être valides, là, mais je pense qu'on apprécierait tous, peut-être, à l'avenir, avoir un certain suivi à ce
niveau-là. Si vous ne le saviez pas, je ne m'attends pas à ce que vous me
répondiez tout de suite.
Mais il y a une autre question qui a été
soulevée, c'est la question du stage. Ce que les médecins résidents nous disaient,
c'est essentiellement : Lorsqu'une infirmière praticienne spécialisée
vient faire un stage en milieu hospitalier, il
n'y a pas vraiment
de grille d'évaluation, il n'y
a pas vraiment de suivi. Selon leurs
propos, c'était comme si l'infirmière
praticienne spécialisée arrivait, et on ne savait pas trop quoi lui faire
faire, il n'y avait pas d'exigences, c'était plutôt laissé aller, là, comme aux priorités du médecin résident cette
journée-là. Est-ce qu'il y en a une, grille d'évaluation? Est-ce qu'il y a un cadre formel pour ça, un stage? Parce
que ça m'apparaît particulier qu'il n'y ait pas rien en arrière de ça ou, au
minimum, que les médecins résidents qui sont en charge de ce stage-là ne
sachent pas c'est quoi, la grille d'évaluation.
M. Mathieu
(Luc) : Première chose, là,
si les résidents supervisent des IPS, ils n'ont pas le droit de faire ça, c'est
interdit, c'est prévu. On a été très étonnés d'entendre ça.
Concernant,
ensuite, les outils d'évaluation pour les stages, oui, il y en a. C'est pour ça
qu'il y a des collègues, là, qui étaient ici hier puis qui ont interpelé
les gens de l'association. On dit : Il faut se parler, là, parce qu'ils ne
voulaient pas nous dire d'où ils tenaient ces sources-là, là, parce qu'ils ont
dit plusieurs choses, là, qui nous ont étonnées, dont celle-là, sur la supervision des stages puis sur la différence au niveau
de la qualité des programmes de formation. Alors, ça, on veut aller
clarifier ça.
M. Fortin : Mais alors qui supervise le stage d'une
infirmière praticienne spécialisée? Une autre infirmière praticienne
spécialisée, la plupart du temps, j'imagine.
M. Mathieu (Luc) :
Bien, peut-être, Caroline, tu as l'information, là.
Mme Roy
(Caroline) : En fait,
réglementairement parlant, là, une étudiante et une candidate doit être
supervisée par une infirmière praticienne spécialisée ou un médecin. Donc, ça peut être aussi un
médecin, mais un médecin nommément et non un
résident, là. Donc, c'est prévu par règlement, donc ce n'est pas supposé, qu'un
résident supervise une IPS.
M. Fortin :
Et il y a une grille d'évaluation, tant lorsque c'est le médecin qui supervise
que lorsque c'est une infirmière praticienne spécialisée.
Mme Roy
(Caroline) : Le stage est effectivement du ressort des universités, et
les universités déterminent les objectifs de
stage. Au terme du stage, il y a une évaluation qui doit être posée. Donc, les
universités sont responsables d'assurer cette grille-là pour évaluer les
stages en conséquence.
M. Fortin : Très bien. Est-ce que vous avez déjà eu une conversation avec les
universités à savoir comment ces grilles
d'évaluation là pour le stage doivent être modifiées si on en venait à adopter
le projet de loi n° 43, là, disons, dans son entièreté actuelle,
là? Est-ce que vous avez déjà eu des pourparlers à savoir comment la formation
des infirmières praticiennes spécialisées
devrait changer, comment l'évaluation en stage devrait changer et comment la
formation en continu devrait être augmentée ou bonifiée?
M. Mathieu (Luc) : Ces éléments-là, c'est discuté puis c'est dans
les rapports d'agrément. Quand le comité de formation arrive dans une université... puis, moi, pour l'avoir vécu
quand j'étais à l'Université de Sherbrooke il y a quelques années, on avait
reçu le comité de formation, puis là ils regardent l'ensemble de la formation
qu'on donne, comment le programme est structuré, les grilles
d'évaluation, puis tout ça. Et, s'il y a des choses qui doivent être
améliorées, là les recommandations sont
faites aux universités, et il y a un suivi qui est fait, là, pour s'assurer que
les universités, là, mettent en place les recommandations du rapport
d'agrément.
M. Fortin :
O.K. Mais je vais revenir... O.K., je vais sortir un peu du cadre universitaire
pour l'instant, là, mais pratico-pratique,
là, le projet de loi, disons, disons, est adopté d'ici les fêtes, j'invente
quelque chose, là, mais, disons, est adopté
d'ici les fêtes, comme tel, sans modification... même si vous en avez fait
part, de plusieurs et si les groupes qui sont venus ont fait part de plusieurs préoccupations, disons que le projet de
loi est adopté comme tel, voyez-vous déjà des choses qui doivent changer dans la formation continue,
disons? Parce que ça a été une des préoccupations, entre autres, je pense,
des médecins spécialistes, la formation en
continu, là. Est-ce que vous avez déjà identifié des choses sur lesquelles vous
voulez changer ou modifier la formation, que
ce soit à l'intérieur de différents comités... Mais est-ce que vous les avez
déjà identifiés, les avez déjà en tête? Parce que, si le projet de loi
est adopté, ces pouvoirs-là sont effectifs assez rapidement. Alors, il y a nécessairement, là, une évaluation
continue ou une formation continue qui est nécessaire pour s'assurer que
les infirmières qui sont déjà en place
depuis longtemps mettent leurs connaissances à jour, si nécessaire, ou que les
nouvelles infirmières ont les
connaissances nécessaires au fur et à mesure que la médication, les
technologies, etc., progressent, là.
M. Mathieu
(Luc) : Là, vous parlez de la formation initiale ou de la
formation continue? Les deux?
M. Fortin : Bien, en fait, surtout la formation continue, mais, si vous avez un
point sur la formation initiale, ça me va aussi.
M. Mathieu (Luc) : Bien, la formation initiale, bon, c'est les
programmes d'agrément, là, qui s'occupent de ça, puis, à date, on pense
que c'est correct.
Au niveau de la
formation continue, je ne sais pas s'il y a eu des réflexions faites par
rapport à ça. Caroline?
Mme Roy
(Caroline) : Bien, en fait, ce qu'on peut rappeler, c'est que, les
IPS, depuis 2012, il y a une norme de développement professionnel, à
l'ordre des infirmières, et nos IPS, en fait, en moyenne, font 130 heures
de formation continue par année. Donc, c'est
sûr qu'avec les modifications elles ont le devoir déontologique de s'assurer de
développer leurs compétences, donc
elles ont l'obligation, dans le cadre de développement professionnel, des
nouvelles activités qui seraient autorisées, de s'assurer de parfaire leur
développement professionnel. C'est une obligation déontologique qui est
assujettie à une norme professionnelle également.
M. Fortin : Mais ça, ça leur revient, à eux, de le faire. Il n'y a pas
nécessairement, là, disons, de programme bien défini d'exactement
qu'est-ce qu'elles doivent faire? Quand vous me dites : C'est leur
obligation professionnelle de s'assurer
qu'elles ont les compétences nécessaires, c'est parce qu'il n'y a pas de ligne
par ligne, là, de programme à savoir comment elles font ce
130 heures de formation continue là?
M. Mathieu
(Luc) : Non, pas à ce moment-ci. Puis là, actuellement, elles
vont pouvoir poser le diagnostic, mais
auparavant, tu sais, elles faisaient des conclusions cliniques et des hypothèses
diagnostiques. Ce qui manquait, là, quand on disait qu'on lisait entre les lignes, c'est de
poser le diagnostic. Ça fait que, déjà, les programmes, ils les habilitent pour faire ça. C'est sûr qu'au niveau de la formation continue, s'il y a des ajustements
à faire, là, dépendamment de ce qui sera adopté dans le projet de loi, nous, comme ordre, on va se préoccuper de ça pour s'assurer qu'on se comporte
en conséquence.
M. Fortin : Mais vous ne pensez
pas qu'il y a besoin d'ajouter des heures? Vous pensez qu'à l'intérieur du
130 heures actuel on peut également être formés pour toutes les autres activités,
là, qui seraient prévues?
M. Mathieu
(Luc) : Actuellement, je pense qu'il n'y a
pas de problème de ce côté-là.
M. Fortin :
O.K., ça me va. Dernière chose pour moi, sur la recommandation 4, juste
parce qu'elle détonne un peu de ce
que l'Association des infirmières praticiennes spécialisées avait demandé, vous
demandez essentiellement, là, que les
IPS puissent signer le congé hospitalier. Les infirmières avaient demandé à
admettre et à signer le congé hospitalier. Est-ce qu'il y a une raison
pour ça ou est-ce que vous êtes d'accord avec la proposition des IPS?
Mme Roy (Caroline) : En fait,
il faudrait l'explorer. C'est sûr que nous, on a vu clairement l'intention des parlementaires d'autoriser le congé hospitalier de
par les modifications à la loi. On faisait juste un commentaire à l'effet
que le règlement n'avait pas été modifié. Il
y a déjà trois autres provinces qui vont effectivement de l'avant avec
l'admission des patients, donc c'est sûr que c'est quelque chose qu'on
est prêts à explorer, cette possibilité-là.
M. Fortin : Mais pourquoi on ne
le ferait pas, dans ce cas-là? Est-ce que vous avez une raison, à l'ordre, en disant, là... Je comprends que l'intention, elle
est peut-être celle de signer le congé, mais est-ce qu'il y aurait une raison,
selon vous, de ne pas permettre l'admission?
Mme Roy
(Caroline) : En fait, comme on dit, on doit l'explorer toujours dans
le spectre d'interventions de l'infirmière
praticienne spécialisée. Il faudrait évaluer, mais on peut le regarder, parce
que, comme je vous dis, effectivement, il
y a trois provinces canadiennes qui sont allées de l'avant, on pourrait
regarder la responsabilité qui en découle et de voir les possibilités
pour les IPS.
M. Fortin : Très bien. Merci,
M. le Président. Je pense que ma collègue a une question.
Le Président (M. Provençal)
: Aviez-vous une question?
Mme Robitaille : Oui, j'ai une
question.
Le Président (M. Provençal)
: Rapidement.
Mme Robitaille :
Oui, rapidement. Donc, je voudrais juste vous entendre sur l'aide médicale à
mourir. Est-ce qu'on devrait aller jusque-là? Est-ce que les infirmières
pourraient avoir ce pouvoir-là d'entrer dans ce champ-là?
M. Mathieu
(Luc) : Elles le font déjà,
là, au niveau des soins palliatifs. C'est sûr que l'aide médicale à mourir,
c'est au bout du continuum.
Mme Robitaille : Oui, mais
d'aller un peu plus loin.
M. Mathieu
(Luc) : Nous, on est prêts à
regarder ça, que les IPS puissent intervenir dans ce domaine-là. Elles ne le
font pas, actuellement, là, mais c'est quelque chose qui pourrait être regardé.
Mme Robitaille :
O.K. Donc, ce que vous voyez par rapport au projet de loi, vous, vous iriez
plus loin, pour ce qui est des
pouvoirs des infirmières, ce qu'elles pourraient faire, donc maladies
courantes, courantes, aller encore plus large que ça?
M. Mathieu
(Luc) : Oui, tout à fait,
dans le respect, là, du système professionnel québécois, du champ d'exercice
des IPS et puis des lignes directrices de
chacune des spécialités. En autant qu'on reste à l'intérieur de ça, on n'a pas
de problème à regarder d'autres avenues.
Mme Robitaille : Merci.
Le Président (M. Provençal)
: Merci, Mme la députée. Nous poursuivons avec le député de
Jean-Lesage.
M. Zanetti :
Merci, M. le Président. Merci beaucoup. Si je comprends bien, en ce moment, on
forme les IPS pour faire des
interventions que le projet de loi ne leur permet pas de faire au complet,
c'est-à-dire qu'on ne va pas aussi loin qu'on pourrait aller dans le projet de
loi, compte tenu de la formation des IPS, actuellement. Est-ce que c'est exact?
M. Mathieu
(Luc) : En partie, oui, tout
à fait. C'est parce qu'avant, comme certains ont expliqué, là, les IPS étaient
tenues de référer, dans certaines conditions, à des médecins. Il y avait même
un délai, là, un délai de 30 jours, mais qui a été supprimé. Alors, ça, si le projet de loi est
adopté, ça va permettre une plus grande fluidité, une autonomie des IPS, mais
une autonomie toujours en collaboration avec
les médecins. Comme certains ont dit, là, une pratique solo, aujourd'hui, c'est
une mauvaise pratique. Alors, nous, c'est dans ce cadre-là qu'on voit la mise
en vigueur, là, du projet de loi.
M. Zanetti :
Est-ce que vous trouvez important que le Collège des médecins contribue à
baliser les actions que vont faire les IPS ou vous pensez
qu'essentiellement vous, vous pourriez vous en occuper de façon autonome?
M. Mathieu (Luc) : Si le législateur veut que tout ce qui concerne
les IPS soit balancé dans la Loi sur les infirmières et infirmiers, bien, je pense que ça devrait être
la prérogative des infirmières, infirmiers, mais on va toujours travailler en
collaboration avec nos collègues du Collège des médecins, là. Ça, on ne
veut pas couper les ponts, au contraire, on veut les accentuer, on veut travailler en collaboration avec eux. Mais, oui,
ça devrait être nous qui donne les orientations. On consulte les gens, mais après on va se comporter
en... comme ordre professionnel et s'assurer d'assurer la protection du
public, là, dans tout ce qui va découler du projet de loi.
M. Zanetti : Parfait. Merci.
• (16 h 30) •
Le Président (M. Provençal)
: Alors, nous terminons cet échange avec le député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau : Merci, M.
le Président. J'avais des
préoccupations concernant la certification puis la formation initiale,
la formation continue, vous y avez répondu un petit peu, donc je vais aller
ailleurs. Je ne sais pas si vous pouvez vous prononcer
là-dessus, sur l'idée que les infirmières puissent mettre en place des
cliniques d'infirmières, un peu à l'image de SABSA, qu'on connaît ici, à Québec. Est-ce que, dans votre esprit, le projet de loi devrait aller de l'avant... enfin, permettre ce genre
d'initiative?
M. Mathieu
(Luc) : Bien, nous, à
l'ordre, ce n'est pas tant le modèle d'organisation qui est important. Ce qui
est important pour nous, c'est la collaboration qu'il va y avoir entre les IPS et les autres professionnels, notamment
les médecins. La clinique SABSA,
c'est un modèle. Au Québec, il y a d'autres modalités qui sont privilégiées,
mais nous, à l'ordre, là, on ne veut
pas se prononcer là-dessus, ce n'est pas notre ressort. Nous, ce qui nous
préoccupe, où on a un gros intérêt, c'est la collaboration qu'il va y avoir entre les IPS et les autres
professionnels, comme je viens de le dire, notamment les médecins.
M. Arseneau : Mais, pour ce qui est du rôle des IPS, toute la
question de l'autonomie est en jeu, est questionnée, notamment par différents groupes de
médecins. Qu'est-ce que vous avez à dire sur cet aspect-là? Est-ce que vous
jugez que les IPS peuvent juger d'elles-mêmes jusqu'où elles peuvent, par
exemple, dans un diagnostic de maladie?
M. Mathieu (Luc) : Tout à fait. Déontologiquement, elles sont tenues de respecter
les limites auxquelles elles doivent aller. Puis notre examen de certification,
c'est ça qu'il va aller vérifier, notamment, là, est-ce qu'elles sont bien conscientes des limites selon le cadre réglementaire, selon leurs lignes directrices, selon le code de déontologie. Alors,
oui, elles sont tenues de respecter ces éléments-là.
M. Arseneau : D'accord. Et puis vous avez abordé, tout à l'heure, la question des suivis de grossesse. J'aimerais vous réentendre là-dessus, ça m'a échappé, votre
point de vue sur ce qu'elles pourraient pouvoir pratiquer comme suivis.
Mme Roy
(Caroline) : Nous, on était
en accord avec ce qui était proposé au projet
de loi, dans la mesure où est-ce
que les IPS sont tout à fait compétentes pour assurer le suivi autonome des
grossesses normales et à faible risque.
Pour ce qui
est des grossesses plus à risque, c'est sûr qu'il y a un facteur de risque
additionnel. Donc, à ce moment-là, il ne
faut pas oublier que nos infirmières praticiennes sont avant tout des
infirmières qui ont aussi des activités de contribution en suivi de
grossesse, donc ce qui ne les empêche pas d'intervenir, là, dans le contexte
des grossesses plus à risque.
M. Arseneau : D'accord, mais...
Le Président (M. Provençal)
: ...
M. Arseneau : Ah! d'accord.
J'ai terminé?
Le Président (M. Provençal)
: Oui.
M. Arseneau : Bon. Merci.
Le Président
(M. Provençal)
: Je remercie l'Ordre des
infirmières et infirmiers du Québec pour leur contribution à nos
travaux.
Je vais suspendre quelques instants pour que
nous puissions permettre au prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 16 h 33)
(Reprise à 16 h 37)
Le
Président (M. Provençal)
: Je
souhaite maintenant la bienvenue à la représentante de l'Institut de recherche
et d'informations socioéconomiques. Je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les
membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à procéder à votre
exposé. Je vous cède la parole.
Institut de recherche et
d'informations socioéconomiques (IRIS)
Mme Plourde
(Anne) : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés. Je m'appelle Anne Plourde, je suis chercheuse à l'Institut de recherche
et d'informations socioéconomiques. Je suis spécialisée dans les politiques
de santé et les politiques sociales québécoises.
D'abord, je
voudrais remercier la commission de nous avoir invités à commenter le projet de
loi n° 43. Et, bien, comme plusieurs groupes qui sont passés avant
nous, nous voulons effectivement souligner l'avancée importante que représente le projet de loi n° 43 vers une
plus grande autonomie pour les infirmières praticiennes spécialisées. C'est un
objectif que nous appuyons. On salue
l'intention de la ministre d'aller dans ce sens-là. Et évidemment on considère
qu'une plus grande autonomie pour les IPS, ça représente une
amélioration de l'accès aux services pour la population.
Cependant,
nous jugeons que le projet de loi ne va pas assez loin, encore une fois, comme
plusieurs groupes qui sont passés avant nous, dans l'élargissement de
l'autonomie des infirmières praticiennes spécialisées. Et, selon nous, ces
limites-là qui sont prévues au projet de loi vont avoir pour conséquence que le
projet de loi pourrait plus difficilement rencontrer
ses objectifs, et donc pourrait avoir un impact limité sur l'amélioration de
l'accès aux services pour la population.
Et, nous, le
point qu'on veut aussi apporter et qui a peut-être été moins mentionné
auparavant, c'est que, selon nous, dans
sa forme actuelle, le projet de loi pourrait aussi contribuer à perpétuer ce
qu'on considère comme un gaspillage de fonds publics, en fait, en
rémunération pour les médecins pour ce qui est de la surveillance des
infirmières praticiennes spécialisées. Sur
ce point-là en particulier, nous, à l'IRIS, on a produit une étude, récemment, qui a
exposé ces coûts qui sont associés à
la rémunération des médecins pour la surveillance médicale des infirmières
praticiennes spécialisées. Ces coûts-là,
ce sont des coûts considérables, et ce sont des coûts qui sont croissants, et
ce sont des coûts qui sont associés, en fait, au cadre réglementaire actuel, qui prévoit... La réglementation
actuelle sur les infirmières praticiennes spécialisées impose, en fait, à chaque infirmière praticienne
spécialisée de conclure une entente de partenariat avec des médecins, avec un
ou plusieurs médecins partenaires, et
ces ententes de partenariat là prévoient que les médecins sont responsables de
surveiller les infirmières praticiennes spécialisées, et cette surveillance-là
est rémunérée. Donc, chaque acte de surveillance est rémunéré, et cette rémunération-là peut atteindre
jusqu'à 32 000 $ par année pour chaque IPS, auquel s'ajoute aussi un
30 000 $ par année qui est versé
aux médecins partenaires des IPS pour accueillir les infirmières dans leurs
locaux. Et, selon nous, ces deux
sources de rémunération là pour les médecins ne sont pas justifiées, d'autant
plus que le ministère a comme objectif — et c'est un objectif qu'on appuie — d'augmenter considérablement le nombre d'IPS
qui seront en fonction dans les prochaines années.
• (16 h 40) •
Donc, le
ministère a un objectif de 2 000 IPS en fonction d'ici 2026‑2027, et
on appuie cet objectif-là. On souhaiterait même que ça aille plus
rapidement et qu'on puisse avoir davantage d'infirmières praticiennes
spécialisées en fonction. Cependant, dans le
cadre réglementaire actuel, cette augmentation-là du nombre d'IPS signifie
aussi une augmentation des fonds
publics qui vont être alloués à la rémunération des médecins pour la
surveillance des IPS et pour accueillir les IPS dans les locaux des médecins. On a calculé qu'en 2026‑2027, au moment où
les IPS auront atteint un nombre de 2 000, ce sont 55 millions de dollars par année, en
fait, qui seront versés aux médecins seulement pour la surveillance des IPS,
sans compter, donc, les frais de
fonctionnement. Et, entre aujourd'hui et 2027, on calcule que c'est près de
265 millions qui vont être reçus par les médecins pour surveiller
les infirmières.
Le projet de
loi n° 43, à cet égard-là, marque un progrès parce qu'en fait le projet de
loi abolit le règlement actuel qui prévoit les ententes de partenariat.
Cependant, il y a certaines dispositions dans le projet de loi qui nous font
craindre que les problèmes actuels
pourraient être ramenés par la porte arrière, si on peut dire. Notamment, une
chose qui nous pose problème, c'est
le fait qu'avec le projet de loi on va transférer la réglementation à l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. Ce n'est pas ça qui nous pose problème. Ce
qui nous pose problème, c'est que l'Ordre des infirmières et des infirmiers,
dans l'élaboration de la réglementation, va
avoir l'obligation de consulter le Collège
des médecins, ce qui donne au Collège des
médecins une influence certaine sur l'élaboration du règlement. Et évidemment
que l'élaboration du règlement, c'est un enjeu crucial, c'est dans cette
étape-là du processus que le niveau réel d'autonomie des infirmières va être
déterminé et c'est dans le règlement
actuel qu'on prévoit les ententes de partenariat, qu'on indique que les IPS
doivent être surveillées par un
médecin partenaire. Et d'ailleurs on a entendu, hier, le Collège des médecins,
qui allait clairement dans le sens de vouloir
ramener des contraintes, un cadre réglementaire, des limites. Donc, nous, ce
qu'on craint, c'est, avec cette influence-là du Collège des médecins, qu'on ramène une forme ou une autre de
surveillance de la part des médecins, associée, évidemment, à une
rémunération qui peut être considérable.
D'autre part,
l'autre élément qui nous pose problème, c'est les limites qui sont associées à
la définition des maladies courantes. Donc, comme plusieurs autres groupes,
nous aussi, on serait plutôt favorables à ce que les IPS aient le pouvoir
de diagnostiquer simplement les maladies,
sans ajouter «maladies courantes», sans ajouter les six caractéristiques. Et ce
qui nous permet d'aller dans ce sens-là, c'est que, comme ça a été dit, dans
les autres provinces, les infirmières ont ce pouvoir-là
depuis longtemps, et on se base sur leur jugement professionnel, sur leur code
de déontologie, sur leurs connaissances des limites de leur propre
expertise pour juger du moment où elles doivent référer à un médecin. Si les limites prévues sont maintenues, nous craignons
d'abord que l'objectif du projet de loi, qui est de favoriser un meilleur accès
à la population, ne soit pas atteint
autant qu'il pourrait être atteint si on élargit vraiment l'autonomie des infirmières.
Donc, nous craignons que, s'il y a des limites sur le pouvoir diagnostique des
infirmières praticiennes spécialisées, elles vont devoir beaucoup plus référer aux médecins, il va y avoir des
dédoublements, donc on va être obligé de voir l'IPS et le médecin, et ça, ça va occasionner... bien, ça va
limiter la capacité du projet à améliorer l'accès aux services, et on craint
aussi que ça contribue à justifier, encore
une fois, des ententes de partenariat
et une rémunération pour les médecins pour leur collaboration
ou la surveillance des infirmières praticiennes spécialisées, et surtout que,
comme ça a été dit, la formation
des infirmières praticiennes
spécialisées au Québec
est la meilleure au Canada. En fait, ici, les infirmières praticiennes spécialisées ont une formation très
poussée autant en nombre d'heures de formation du cycle supérieur qu'en termes de
nombre d'heures de stage clinique. Donc, il n'y a aucune raison pour
qu'il y ait des limites supplémentaires à leurs capacités diagnostiques ici, au Québec,
alors que leur formation est plus poussée qu'ailleurs et qu'ailleurs
elles ont ces pouvoirs-là de poser des diagnostics et de juger
d'elles-mêmes des limites de leur pratique.
Donc, nous
recommandons d'accorder à l'Ordre des infirmières et des infirmiers la capacité
pleine et entière d'élaborer les
futurs règlements qui vont régir la pratique des infirmières praticiennes spécialisées, et nous espérons que c'est l'Ordre des infirmières et des infirmiers qui jugera de lui-même
des autres ordres professionnels qu'il juge pertinent de consulter. Et nous
recommandons aussi que les infirmières
praticiennes spécialisées aient le
pouvoir de diagnostiquer les maladies sans
restriction «maladie courante» et sans restriction en ce qui concerne les six caractéristiques qui
ont été nommées dans le projet. Donc, j'ai terminé et je suis disposée à
répondre à vos questions.
Le
Président (M. Provençal)
:
Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons maintenant procéder à la période
d'échange, et c'est Mme la ministre qui débute cet échange.
Mme McCann :
Oui. Bonjour, Mme Plourde. Merci pour votre exposé. Évidemment, vous avez
touché des thèmes qui ont été
beaucoup l'objet de beaucoup de discussions, hier et aujourd'hui, au sein de la
commission parlementaire, avec nos invités. Évidemment, on apprécie avoir votre
point de vue, étant donné que votre institut, évidemment, mène des
travaux de recherche quand même importants
sur différentes questions. Et, vous, votre domaine d'expertise ou de
spécialité, c'est la santé, c'est ce
que vous nous avez dit au départ, alors j'aimerais que... et vous me direz si,
pour vous, là, c'est quelque chose
que vous pouvez élaborer, je soupçonne que oui... nous parler, justement, des
modèles qui existent ailleurs au Canada au niveau, là, du travail des IPS...
vous pouvez choisir, si vous voulez, une province en particulier, là, j'imagine,
mais du travail des IPS en lien avec les
médecins, d'ailleurs, médecins de famille, médecins spécialistes. Si vous
pourriez nous en parler un peu, là, ce serait intéressant d'avoir un
point de vue plus global là-dessus.
• (16 h 50) •
Mme Plourde
(Anne) : Bien, je sais qu'il y a
le modèle de l'Ontario qui est souvent évoqué comme un modèle très
intéressant. Il y a plusieurs intervenantes et intervenants qui ont mentionné, notamment,
le fait qu'en Ontario il y a des cliniques d'infirmières. Ça, c'est un élément
qui est amené par certains intervenants. On critique aussi parfois le modèle de l'Ontario, je pense que c'est un des points qui a été amené
par la Fédération des médecins
omnipraticiens, pour dire que ce modèle-là ne favorise pas la
collaboration entre les infirmières praticiennes spécialisées et, notamment,
les médecins parce que ce qu'on dit de ce
modèle-là, c'est que ça favorise plutôt le travail en silo, c'est-à-dire que
les IPS travailleraient de façon isolée dans leur clinique, alors qu'ici
il y a une collaboration entre les médecins et les infirmières.
Je pense que
c'est difficile de comparer les contextes de façon aussi rigide. Le contexte
québécois, depuis le début du système de santé au Québec, c'est un contexte qui
a toujours voulu favoriser le travail interprofessionnel,
le travail en collaboration. Ce n'est pas quelque chose qui s'est fait
facilement. Il y a eu plusieurs obstacles à l'intégration des différentes
professions dans un même établissement. Et en fait, nous, au Québec,
on a même été avant-gardistes, là, à
ce sujet-là, avec le modèle
des CLSC, qui visaient en bonne partie à intégrer plusieurs intervenants dans
un même modèle, mais la collaboration
interprofessionnelle n'a pas toujours été facile, il y a eu plusieurs obstacles. Une
chose dont je suis certaine, c'est que l'obstacle n'est jamais venu du côté des
infirmières praticiennes spécialisées. Moi, je suis convaincue que, dans
leur pratique, les infirmières praticiennes
spécialisées sont incitées, de toute façon, à collaborer avec les médecins omnipraticiens, avec les médecins spécialistes et
aussi avec tous les autres professionnels qu'elles peuvent être amenées à
côtoyer au sein des CLSC ou au sein des GMF, donc je n'ai pas du tout peur que
les dérives qu'on dénonce pour les autres juridictions se reproduisent
ici, au Québec.
Mme McCann : Et, en lien avec ce que vous dites, étant donné
que vous le campez, effectivement, dans l'environnement québécois et comment on a voulu favoriser la pratique
interdisciplinaire, comment vous voyez, justement, peut-être,
l'actualisation, là, de ce rôle de l'infirmière praticienne spécialisée en lien
avec le projet de loi, évidemment, dans le cadre d'une pratique
que je vais appeler collaborative?
Mme Plourde (Anne) : Bien, en
fait, je vais être obligée de m'éloigner un petit peu du projet de loi pour
bien répondre à votre question parce qu'à
mon avis le principal obstacle à une pratique collaborative, en ce moment, au Québec,
c'est le mode de rémunération des médecins.
S'il y a une chose qui nuit aux pratiques de collaboration
interprofessionnelle, c'est le mode de rémunération des médecins, parce que
la rémunération à l'acte fait que les médecins, en fait, sont désincités
à travailler en collaboration avec leurs
partenaires parce qu'ils ne sont pas
rémunérés pour le faire ou du moins, si on veut qu'ils collaborent, on est
forcés de multiplier les incitatifs pour les amener à collaborer avec les
autres professionnels, parce que leur
mode de rémunération prévoit une rémunération pour les actes auprès des
patients, mais ne prévoit pas nécessairement de rémunération pour la
collaboration avec les autres professionnels.
Donc, moi, je
pense que, si on veut favoriser une collaboration interprofessionnelle entre
les infirmières praticiennes spécialisées et les médecins, ce n'est pas en
passant par des ententes de partenariat contraignantes pour les infirmières
praticiennes spécialisées et qui vont
limiter leur autonomie, c'est plutôt en revoyant le mode de rémunération des
médecins, qui, en ce moment, nuit à la capacité des professionnels à
collaborer avec eux, en fait.
Mme McCann :
Je vous entends bien. D'ailleurs, il y a des travaux, actuellement, au Québec,
avec la Fédération des médecins omnipraticiens au niveau du mode de
rémunération des médecins de famille. Mais actuellement, dans le contexte actuel, si je
vous repose la question à savoir comment vous voyez... Peut-être qu'il existe
dans d'autres provinces des modèles
que vous avez vus de collaboration entre les médecins de famille... parce
qu'évidemment on revient à la première ligne, peut-être que vous avez aussi des
réflexions pour toute la deuxième ligne, là, les médecins spécialistes et les
infirmières praticiennes, là, de soins
adultes, etc., mais est-ce que vous avez vu d'autres modèles dans un contexte
qui ressemble au contexte actuel du Québec, où est-ce que vous pourriez
nous décrire une pratique collaborative, là?
Mme Plourde
(Anne) : Bien, en fait, comme je l'ai dit au départ, moi, ma
spécialité, c'est principalement les politiques
de santé au Québec, donc c'est surtout le cas québécois que j'ai étudié. Mais
ici, au Québec, on a un modèle qui existe
et qui a existé depuis très longtemps de pratique collaborative et
d'établissements qui favorisent ce genre de pratique là, et ce modèle-là, c'est les CLSC, qui ont été créés
au début des années 70 et qui visaient, justement, à favoriser la
collaboration. Et la façon de le
faire, bien, ça a été d'abord de mettre différents types de professionnels dans
un même établissement, ce qui était nouveau, à l'époque, parce qu'à cette
époque-là il y avait les cliniques médicales d'un côté, il y avait les agences
de services sociaux d'un autre côté, chacun
travaillait dans son établissement. Avec les CLSC, on a décidé de mettre au
sein d'un même établissement plusieurs types
de professionnels, d'une part. Et, d'autre part, afin de favoriser la
collaboration interprofessionnelle au sein des CLSC, on a prévu que les
médecins seraient rémunérés à salaire ou à vacation pour, justement, éviter les
problèmes de la rémunération à l'acte.
Donc, c'est deux
ingrédients qu'on considérait comme essentiels, à l'époque, pour favoriser la
collaboration interprofessionnelle, et je
pense que ces éléments-là sont encore pertinents aujourd'hui. Je pense que de
mettre dans un même établissement
plusieurs professionnels,
ça facilite, évidemment, la collaboration,
et de revoir le mode de rémunération. Et effectivement il y a des travaux qui sont faits dans ce sens-là de la part du ministère, et nous encourageons tout à fait le ministère à continuer ses travaux dans ce sens-là. Nous
pensons que c'est vraiment un élément
fondamental pour favoriser la collaboration entre les professionnels.
Mme McCann :
Oui, excusez-moi, je vais vérifier le temps.
Oui,
je vous entends bien sur le modèle CLSC, parce que moi, j'ai oeuvré pendant de
nombreuses années dans le réseau et je connais très bien le modèle CLSC,
effectivement. Mais j'aimerais quand même vous entendre par rapport à ma
question sur les GMF, les groupes de
médecine de famille, parce que les IPS, actuellement, en première ligne sont
davantage dans les GMF, en nombre.
Bon, c'est sûr qu'on est rendus à 500, 600, là, et qu'il y en a quelques-unes,
maintenant, dans les CLSC, mais j'aimerais vous entendre quand même sur
le modèle GMF avec des IPS.
Mme Plourde (Anne) : Bien, selon nous, le modèle des GMF pose certains
problèmes, notamment des problèmes qu'on
a identifiés au niveau de la rémunération des médecins qui étaient associés à
ce type d'établissement là... pose problème. Les GMF, on les conçoit un peu comme une tentative de reproduire le
modèle des CLSC, mais sous une forme qui convient davantage aux médecins, donc sous une forme qui
laisse aux médecins, bien, la propriété de ces cliniques-là et la gestion de ces cliniques-là. C'est un modèle qui, selon
nous, est beaucoup plus intéressant que, par exemple, les cliniques médicales
solo, la pratique médicale individuelle.
C'est clair que les groupes de médecine familiale sont une avancée par rapport
à la pratique médicale en solo, mais on pense que, par ailleurs, c'est
plutôt un recul par rapport à la pratique médicale et à la pratique, en fait, de santé et de services sociaux en CLSC. Et un
modèle où les médecins sont propriétaires de la clinique, sont les
gestionnaires de la clinique et ont l'autorité fonctionnelle sur les autres
professionnels qui oeuvrent au sein de la
clinique, à notre sens, c'est un modèle qui favorise moins la collaboration
interprofessionnelle qu'un modèle où il n'y a pas de hiérarchie claire
entre les différents professionnels qui sont appelés à collaborer ensemble.
Mme McCann :
Merci, Mme Plourde. M. le Président, je pourrais donner le temps...
Le Président
(M. Provençal)
: Oui, alors, Mme la
députée de Soulanges.
Mme Picard :
Merci, M. le Président. J'ai regardé un petit peu votre mémoire et puis j'ai vu
que vous avez quand même étudié beaucoup la formation des IPS. Je me posais la
question : Selon vous, est-ce qu'on devrait ajouter quelque chose à leur
formation, avec les nouveaux pouvoirs qu'elles auraient? Je parle, entre
autres, de la déontologie. Est-ce que vous avez d'autres choses, aussi,
à proposer?
Mme Plourde (Anne) : Bien, moi, je ne me suis pas penchée de façon
très approfondie sur cette question-là. Je n'aurais rien à ajouter par rapport à ce qui a été dit par les personnes
les plus compétentes pour se prononcer sur ces questions-là, notamment l'Ordre des infirmières et des
infirmiers du Québec. L'association des IPS aussi nous a très bien renseignés
sur la pertinence de leur formation
et sur le fait que leur formation va très loin. Il y a une formation continue
qui leur permet de se mettre à jour,
de renouveler leurs connaissances. Donc, personnellement, moi, je n'ai pas de
recommandation spécifique à faire sur cette question-là.
Mme Picard :
Et puis concernant les maladies courantes, vous mentionnez qu'on devrait
enlever «courantes». Il y a un groupe qui nous a dit qu'on devrait peut-être
les mettre dans les règlements. Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Plourde (Anne) : Évidemment, ça va être à l'Ordre des infirmières
et des infirmiers du Québec à déterminer ce qui va être inclus dans la réglementation. Si on se fie à ce qui se
fait dans les autres provinces, à notre sens, ce n'est pas nécessaire de limiter l'autonomie des infirmières,
leur pouvoir diagnostic aux maladies courantes. On peut parfaitement les
laisser déterminer, en fonction de leur jugement professionnel, les limites de
leur champ de compétence.
Mme Picard :
Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. le Président.
• (17 heures) •
Mme McCann : Moi, j'aimerais
revenir, justement, sur la question des règlements, parce que vous faites une recommandation, là, de... selon vous, il ne
devrait pas y avoir l'obligation de consulter le Collège des médecins du Québec.
Comment vous voyez, à ce moment-là, selon
votre recommandation, l'élaboration des règlements en lien avec le projet de
loi, vous savez, en principe, s'il y a des principes que vous
recommanderiez de guider l'élaboration des règlements?
Mme Plourde
(Anne) : Bien, je pense que l'Ordre des infirmières et des infirmiers du
Québec devrait avoir les pleins
pouvoirs dans l'élaboration des règlements qui concernent les infirmières et les infirmiers qui sont sous sa juridiction et que l'Ordre
des infirmières et des infirmiers devrait pouvoir, selon son jugement,
consulter les autres professionnels qu'il juge pertinents.
Mme McCann :
Et je suis intéressée à savoir, dans vos travaux, parce que vous, vous
travaillez beaucoup dans le domaine
de la santé, peut-être en lien avec des collègues aussi, est-ce que vous
entrevoyez des travaux qui touchent toute la question des infirmières praticiennes spécialisées au Québec, par
exemple l'impact d'un projet de loi, là, qui pourrait être adopté? Est-ce que vous entrevoyez d'autres
travaux — j'aimerais
ça que vous nous en parliez — qui toucheraient toute la question
des infirmières praticiennes spécialisées au Québec?
Mme Plourde
(Anne) : Bien, on n'a pas
amorcé de recherche sur cette question-là, mais évidemment que ce serait
très intéressant. En fait, on serait un cas
d'école, d'une certaine manière, très intéressant pour analyser l'impact sur
l'accès aux soins pour la population
avant et après l'adoption d'un projet de loi comme celui-là. Je pense que ce
serait effectivement vraiment pertinent de le faire.
Mme McCann : Avez-vous fait des
travaux, dans le passé, qui ont touché tout le volet infirmières praticiennes
spécialisées au Québec?
Mme Plourde
(Anne) : Bien, les
recherches que j'ai faites, comme je l'ai mentionné, c'est la recherche que
j'avais faite il y a quelques mois et qui touchait principalement les
conséquences économiques, en fait, des limites sur l'autonomie des infirmières praticiennes spécialisées. Ce
sujet-là, on l'a approfondi quand même considérablement et on est arrivés à des
conclusions assez intéressantes sur, en
fait, la rémunération qui est versée aux médecins pour surveiller, d'une part,
les infirmières praticiennes spécialisées et, d'autre part, bien, sur,
en fait, les forfaits qui sont accordés aux médecins pour accueillir les
infirmières praticiennes spécialisées dans leurs locaux.
Mme McCann : Oui. Excusez-moi.
Oui?
Le Président (M. Provençal)
: Rapidement.
Mme McCann :
Rapidement. Alors, je comprends, là, j'ai bien entendu sur l'aspect économique,
mais je comprends que vous avez fait aussi — puis là je reprendrai
connaissance de façon plus approfondie — des travaux qui concernent
l'accès aux services en lien avec le rôle des IPS ou certaines limites, là, par
rapport au rôle des IPS. J'ai bien compris?
Mme Plourde (Anne) : Est-ce que
vous pouvez redire...
Mme McCann : Vos travaux ont
touché toute la question de l'accès aux services en lien avec le contexte où
travaillent actuellement les IPS. Est-ce que je vous ai bien comprise?
Mme Plourde (Anne) : Bien, en
fait, mes travaux sur l'accès aux services ont concerné les IPS mais aussi le transfert des ressources des CLSC vers les GMF qui
s'est produit il y a quelques années. C'est aussi un autre enjeu qu'on a
abordé et qu'on a approfondi, là, dans les
dernières années, l'impact sur l'accès aux services de ce transfert-là de
ressources.
Mme McCann : Merci beaucoup.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
: Je vais céder, maintenant, la parole au député de Pontiac.
M. Fortin :
Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Plourde. Merci de nous présenter vos
résultats de recherche aujourd'hui. Je vais
peut-être continuer... je pense que la ministre a, bien malheureusement, manqué
de temps pour poursuivre, disons, la
ligne de questions qu'elle avait amorcée, mais peut-être dans vos recherches
passées sur l'accès en lien avec les infirmières praticiennes
spécialisées et en lien avec les recommandations que vous faites à l'intérieur
de votre rapport, vous nous dites,
essentiellement, à la recommandation de la section 18 : «En plus de
libérer du temps pour les médecins, une telle mesure permettrait
d'économiser», et là vous retournez à la base de votre recherche, là, mais la
question de libérer du temps pour les
médecins, je pense que tout le monde, ici, comprend ça, c'est une des raisons
pour lesquelles... une des raisons,
pas la seule, mais une des raisons pour lesquelles le gouvernement dépose ce
projet de loi là. Est-ce que vous l'avez un peu mesuré, ça, ce que ça peut
vouloir dire, en termes de libération de temps des médecins, des mesures comme celles
qui sont proposées?
Mme Plourde
(Anne) : Non, moi, ce n'est
pas quelque chose que j'ai fait comme étude. Je pense que c'est des études, par
contre, qui ont été abondamment faites. Il y a toute une littérature qui existe qui démontre très
clairement le rôle des infirmières
praticiennes spécialisées pour
favoriser l'accès aux services. En fait, ça aurait presque été pas tellement
pertinent de refaire cette étude-là tellement elle a été faite souvent.
M. Fortin : Mais ça ne fait pas partie de ce que vous avez
fait il y a quelques années non plus, là. C'est juste ça que je veux établir. Je sais que vous ne l'avez
pas fait maintenant, là, mais ça ne
fait pas partie de ce que vous avez fait il y a quelques années?
Mme Plourde (Anne) : Non, non.
M. Fortin : O.K., c'est bon. Je vais entrer, disons, dans le
jus de vos recommandations, là. Et, juste en termes de contexte, on a parlé... le fameux rôle de
supervision des infirmières praticiennes spécialisées de la part des médecins
pour lequel il y a rémunération, là,
quand vous parlez des coûts annuels qui sont croissants, qui atteignent plus de
55 millions... qui atteindront
55 millions, là vous parlez des rôles qui seraient abolis avec le projet
de loi ou qui... pas nécessairement de ceux qui pourraient être maintenus?
Tantôt, on a
entendu, là, juste avant vous, l'Ordre des infirmières et infirmiers, qui
disait : Bien, il y a un rôle de supervision
en milieu de stage. Puis là on ne parle pas de briser ce rôle-là à travers le
projet de loi, là. Alors, est-ce que, par exemple, ce travail-là des médecins,
pour lequel, j'imagine, ils sont rémunérés, est inclus dans votre
55 millions?
Mme Plourde (Anne) : Nous, dans
le 55 millions, on n'a pas inclus le rôle de supervision des stagiaires,
des candidates IPS, on a seulement calculé la... En fait, il y a une
distinction qui est faite, dans la réglementation, entre la supervision, qui concerne les candidates IPS, donc
les stagiaires, et la surveillance, et cette surveillance-là, elle concerne
vraiment les infirmières praticiennes
spécialisées. Et nous, on s'est intéressés seulement aux coûts associés à la
surveillance des infirmières
praticiennes spécialisées. Et en fait notre réserve par rapport au projet de
loi concerne justement le fait que ce
n'est pas clair que cette rémunération et que la surveillance des médecins
serait abolie, en fait. Le règlement actuel va être aboli par le projet de loi, mais tout va se jouer dans
l'élaboration du futur règlement, qui pourrait prévoir de nouveau des restrictions, des contraintes, qui pourrait
ramener, en fait, une forme ou une autre de supervision... pas de supervision,
mais de surveillance médicale. À mon avis,
on n'utilisera plus le terme «surveillance», on va utiliser le terme
«collaboration», on va utiliser le terme «partenariat», comme on le
faisait déjà, mais la rémunération qui est associée à ça risque d'être
maintenue, à mon avis.
M. Fortin : O.K. Disons que le gouvernement adopte vos
recommandations et disons que, dans la réglementation, ce lien-là de
surveillance est brisé et que la rémunération conséquente que les médecins
reçoivent en ce moment n'est plus, disons — et je pense que c'est bien le fond de ce que
vous proposez, ce que vous demandez au gouvernement, là — et j'en suis, inquiétez-vous pas, là, ce
n'est pas nous qui allons s'opposer à ça, mais est-ce que ça peut comporter un
certain risque, du moins à court
terme? La ministre nous a dit : Bien, on revoit le mode de rémunération,
il y a des travaux qui sont lancés là-dessus petit à petit, mais, à
court terme, est-ce que ça peut faire en sorte que des GMF choisissent d'avoir
moins d'infirmières praticiennes
spécialisées qui sont à l'intérieur de ces milieux de travail là, ces milieux
de consultation là?
Mme Plourde
(Anne) : Bien, en fait,
quand on pense aux médecins, on pense toujours en termes d'incitatifs, mais
il y a d'autres outils qui existent pour
diriger les comportements ou les actions des employés. Il y a aussi autre chose
qui s'appelle les contraintes. Et, en
ce qui concerne les GMF, il y a des contraintes qui existent pour les GMF,
c'est-à-dire que les GMF reçoivent beaucoup de subventions de la part du
ministère, mais, en échange, les GMF sont contraints de respecter certaines conditions, et, parmi ces conditions-là,
il y a l'obligation d'accueillir des professionnels autres que des médecins
dans leurs GMF. Et donc on pourrait forcer, d'une certaine manière,
l'intégration ou du moins l'accueil des IPS dans les GMF, comme on l'a
fait pour les autres professionnels au moment de la réforme de 2015.
M. Fortin : Est-ce que, s'il n'y a ni la rémunération ou la
rémunération à la surveillance, là, comme vous l'avez appelée, là, ni la
contrainte, il pourrait essentiellement se produire un scénario où les GMF ont
moins d'infirmières praticiennes spécialisées disponibles pour les patients?
• (17 h 10) •
Mme Plourde (Anne) : Bien, en
fait, avant la réforme de 2015 des GMF, le ministère avait beaucoup de difficultés à inciter les GMF à inclure d'autres
professionnels, parce que les médecins... et ce n'est pas parce que c'est des
mauvaises personnes, là, ce n'est pas
personnel, c'est leur mode de rémunération qui a ça comme conséquence. Le mode
de rémunération fait que, pour eux, c'est une perte d'argent d'avoir à collaborer
avec d'autres professionnels s'ils ne sont pas rémunérés spécifiquement pour le
faire.
M. Fortin : Est-ce qu'à court terme, disons, à court terme,
parce que, encore là, la ministre lance certains travaux sur le mode de rémunération des médecins, mais...
parce qu'il y a sûrement des groupes de médecine familiale qui excèdent leurs
obligations, en ce moment, par exemple, où il y a plus d'infirmières
praticiennes spécialisées qu'ils ne sont obligés de le faire. Si le mode de
rémunération pour la... ou la rémunération à la surveillance n'est plus, s'il
n'y a pas, comme vous le dites,
d'incitatif ou de contrainte financière à ce que les infirmières praticiennes
spécialisées soient sur place, est-ce que c'est possible qu'on diminue le nombre d'infirmières praticiennes qui
soient là? Je comprends ce que vous êtes en train de dire, essentiellement, il y a un mécanisme qui
fait en sorte qu'il y a un certain nombre d'IPS, mais je me demande s'il faut en faire plus, soit à travers le projet de loi, soit
à travers la réglementation, pour s'assurer qu'il n'y ait pas de circonstance
comme celle-là, où un GMF, tout à coup, ait moins d'infirmières praticiennes
spécialisées.
Mme Plourde (Anne) : Bien, je pense qu'on est dans une période de
transition, en ce moment, comme ça a été souligné. En ce moment, il n'y
a pas tant que ça d'IPS qui sont en fonction. Il y en a quelque 500 qui sont en
fonction. Je n'ai pas fait de recherche spécifique, là, pour savoir s'il y a
des GMF qui excèdent ou s'il y a des GMF qui manquent d'infirmières praticiennes spécialisées. À mon avis, ce n'est pas un si
gros risque, mais il y aurait toujours la possibilité... En ce moment, les GMF,
de toute façon, sont forcés d'accueillir des professionnels. Je doute que ce
soit un gros risque, mais on pourrait prévoir une période de transition,
de toute façon, pour éviter ce genre de risque là.
M. Fortin : O.K. Je regarde votre dernière recommandation,
vous recommandez d'utiliser les montants — essentiellement, ceux auxquels on faisait référence un petit peu
tôt, là — pour
accélérer la formation de nouvelles infirmières praticiennes spécialisées. Est-ce que vous avez estimé, disons,
le montant qui manque? Si je mets de côté, là, l'enjeu de la rémunération
à la surveillance, là, puis je vous demande juste : Savez-vous combien il
manque pour qu'on ait un nombre optimal d'infirmières
praticiennes spécialisées rapidement?, avez-vous une idée? Parce que, là, vous
dites : Bien, prenez le 55 millions fois je ne sais pas combien d'années, là, et mettez ça
dans la formation, mais avez-vous une idée de ça serait quoi, le montant
idéal à investir, montant additionnel à investir dans la formation des IPS?
Mme Plourde (Anne) : Non, on n'a pas fait ces calculs-là spécifiques.
Je sais qu'avec les prévisions actuelles du ministère on va se rapprocher du ratio qui existe en Ontario, en ce
moment, nombre d'IPS par rapport à la population, mais on n'atteindra
pas ce ratio-là avec les prévisions actuelles.
Pour
ce qui est des montants dont on aurait besoin pour l'atteindre, on n'a pas fait
ce calcul-là, mais on a entendu, hier,
notamment les gens de la Fédération interprofessionnelle de la santé souligner
que c'était un obstacle à la formation des IPS, le fait que ces montants-là
pourraient être utilisés, par exemple, pour bonifier les bourses qui sont
attribuées aux infirmières praticiennes
spécialisées pour faire leur formation. Ironiquement, c'est un
60 000 $, aussi, que les infirmières praticiennes spécialisées
en formation reçoivent en bourse pour deux ans, alors que les médecins, pour
chaque IPS, reçoivent 62 000 $ par année pour surveiller et
accueillir les IPS dans leurs locaux.
M. Fortin :
O.K. Dernière chose de ma part, vous avez fait part de votre préoccupation,
disons, que, dans la réglementation, l'Ordre
des infirmières doive consulter les médecins, parce que ça leur appartient,
quand même, ça appartient quand même à l'Ordre des infirmières et
infirmiers, là. Qu'est-ce qui vous préoccupe dans cette simple consultation? Est-ce que vous aimeriez l'abolir complètement,
cette consultation-là, pour que les médecins ne soient pas du tout... qu'on
ne leur parle pas... en tout cas, les
infirmières ne leur parlent pas du tout? Parce que je comprends où vous voulez
en venir, mais en même temps ça
m'apparaît plutôt simple de dire que c'est uniquement une consultation et que
ce n'est pas le Collège des médecins qui décide.
Mme Plourde (Anne) : Bien, en fait, on n'a rien contre le fait que
l'Ordre des infirmières et des infirmiers consulte le Collège des médecins. C'est une bonne chose de
le consulter si l'Ordre des infirmières et des infirmiers le juge pertinent.
Nous, ce qui nous pose problème, c'est
l'obligation de consulter le Collège des médecins. Et, bien, en fait, on craint
une plus grande influence de la part du Collège des médecins sur l'élaboration
de ce règlement-là si l'Ordre des infirmières et des infirmiers est forcé de le consulter. S'il le consulte parce qu'il
le juge pertinent, c'est une chose, mais, s'il y a une obligation de consultation,
ça nous semble accorder une influence plus grande au Collège des médecins.
M. Fortin :
D'accord. Je vous remercie, Mme Plourde.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. Nous allons
donner la suite de ces échanges au député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci,
M. le Président. En conférence de
presse, en tout cas dans les différents articles, la ministre nous a
dit que la rémunération pour surveiller les IPS serait abolie. En même temps, dans votre mémoire, vous dites que, dans son état actuel, le projet
de loi serait «susceptible de perpétuer [un] gaspillage de fonds publics que
représente la rémunération médicale découlant des ententes de partenariat entre
les IPS et les "médecins partenaires"». Pouvez-vous nous parler de ce
gaspillage-là puis donner des détails là-dessus, s'il vous plaît?
Mme Plourde (Anne) : Bien, d'abord, comme je l'ai mentionné, bien, il y a
un 32 000 $ par année par
IPS qui est versé aux médecins pour
la surveillance médicale des infirmières. Le règlement qui concerne cette
surveillance-là va être aboli, mais
il faudra voir comment le nouveau règlement va être élaboré. Et notre crainte,
c'est qu'il y ait une forme ou une
autre de surveillance et de rémunération associée à la collaboration qui soit
réactualisée dans le nouveau règlement et dans d'éventuelles ententes de
partenariat, premièrement.
Et,
deuxièmement, il n'en a pas été beaucoup question jusqu'à maintenant, mais il y a aussi — parce
que ce n'est pas directement lié au projet de loi — tout
ce qui concerne les forfaits qu'on donne aux médecins partenaires pour
accueillir les infirmières praticiennes spécialisées dans leurs locaux. Ces
forfaits-là sont de 2 500 $ par mois, et donc atteignent
30 000 $ par année. Et en fait évidemment que ça pourrait se
justifier de dire qu'on doit donner aux GMF un certain montant pour accueillir
les professionnels dans leurs locaux, ce qui nous pose problème, c'est qu'en
fait les médecins en GMF reçoivent déjà des subventions pour accueillir les
professionnels dans leurs locaux sous différentes formes. C'est-à-dire que, d'abord, quand on crée un GMF, quand on se
constitue en GMF, on peut recevoir une subvention de démarrage qui va jusqu'à 40 000 $
pour, justement, ces installations, et ensuite on reçoit une subvention de
fonctionnement annuelle qui va entre
100 000 $ et 300 000 $ par année par GMF justement pour
accueillir des professionnels dans les locaux pour le matériel de bureau, pour
le local, pour Internet, etc., c'est déjà prévu dans les subventions pour les
GMF. Et, en plus de ça, il faut savoir que les médecins qui travaillent
en GMF reçoivent un paiement à l'acte, pour leurs actes de surveillance, qui est presque trois fois plus élevé que les médecins
qui sont en établissement public, et cette différence-là est justifiée
notamment par la nécessité de payer leurs frais de fonctionnement.
Donc, on se retrouve
dans une situation où les frais de fonctionnement de l'accueil des IPS sont
subventionnés trois fois. Là, c'est là qu'on
considère qu'il y a une exagération et que le 30 000 $... C'est que
le 30 000 $ par année qui est versé, en ce moment, pour les IPS a été prévu dans une lettre d'entente,
la lettre d'entente 229, qui a été signée en 2011, avant qu'on commence à intégrer véritablement les
IPS dans les GMF à plus grande échelle. C'est mon impression... J'ai
l'impression qu'on n'a pas révisé cette lettre d'entente là après avoir
vraiment mis en place les GMF et avoir commencé à accorder des subventions. En
fait, au moment où j'ai vu la lettre d'entente, je me suis posé plusieurs fois
la question : Mais est-ce que ça a été
aboli avec les subventions GMF?, et je n'ai vu nulle part que ça l'a été. Donc,
l'information qu'on a pour l'instant,
c'est que les frais de fonctionnement associés à l'intégration des IPS dans les
GMF sont payés trois fois par le ministère.
Le Président (M. Provençal)
: Merci beaucoup. On termine cet échange avec le député des
Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau :
Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je vous avoue d'entrée de jeu que la
comparaison avec l'Ontario, à bien des égards, c'est ce que je refuse de faire
lorsqu'il est question de la façon dont la société québécoise fonctionne. Je pense que le modèle québécois, à
bien des égards, est exemplaire, mais force est de constater, depuis hier, dans
nos échanges, que l'Ontario est le banc de
comparaison pour ce qui est des IPS. On voit également que, dans les salaires
des médecins, on a toujours la comparaison
avec l'Ontario. Et là ce que vous révélez, c'est qu'il y a des frais, aussi,
qui sont associés à la surveillance
et à l'accueil des IPS. J'aimerais savoir si vous avez regardé en Ontario — peut-être que j'ai manqué
l'information — savoir
si les frais sont similaires.
• (17 h 20) •
Mme Plourde (Anne) : Bien, en fait, c'est qu'il n'y a pas de
surveillance formelle prévue dans la plupart des autres provinces, donc, non, il n'y a pas de rémunération
associée à la surveillance médicale des infirmières
praticiennes spécialisées dans
les autres provinces. Et les infirmières praticiennes spécialisées ont une très
grande autonomie, donc ça limite, évidemment, ce genre de dérive là.
M. Arseneau : D'accord. Donc, c'est la raison pour laquelle, sans être
plus que plusieurs d'entre nous spécialiste dans le domaine de la
santé, vous pouvez amener une proposition à l'effet de ne pas instaurer un carcan autour
de la pratique des infirmières praticiennes spécialisées, pour la simple raison
qu'ailleurs ce n'est pas le cas. C'est un peu ça qu'il faut comprendre?
L'autonomie, vous y croyez parce qu'elle s'applique ailleurs.
Mme Plourde (Anne) : Bien, c'est une des raisons, oui, effectivement. Bien, aussi, on a entendu tous les intervenants et intervenantes des derniers jours qui nous ont
assez bien expliqué le niveau de compétence de nos infirmières praticiennes
spécialisées. Mais effectivement la
comparaison avec les autres provinces, tant au niveau de la formation qu'au
niveau de la façon dont la pratique
est permise dans les autres provinces, nous permet de dire qu'au Québec on
pourrait aller beaucoup plus loin avec ce projet de loi là que ce qui
est prévu, en fait, par le projet de loi.
M. Arseneau :
D'accord. Donc, quand vous vous prononciez sur les ententes de partenariat,
entre guillemets, en fait, on peut comprendre que, là-dedans, il y a une
certaine tutelle des IPS par les médecins. Vous, vous dites : Le vrai
partenariat, la collaboration, ça passerait
par un rapport davantage égal à égal, ce qui permettrait, oui, la consultation,
sans nécessairement qu'elle soit obligatoire et qu'elle soit
contraignante.
Mme Plourde
(Anne) : Effectivement. Nous, on favorise, évidemment, la
collaboration interprofessionnelle. Toutes
les études démontrent qu'il faut aller vers la collaboration, mais on pense que
cette collaboration-là va être favorisée par, effectivement, un rapport égalitaire entre les différents
professionnels et non pas par des ententes contraignantes qui forcent
cette collaboration-là.
M. Arseneau :
Merci.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci beaucoup pour
votre contribution aux travaux de la commission.
Je
suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de
prendre place. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
17 h 22)
(Reprise
à 17 h 25)
Le
Président (M. Provençal)
: Je
souhaite la bienvenue aux représentants de l'Ordre des psychologues du Québec.
Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange
avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à
commencer votre exposé.
Ordre des psychologues du Québec (OPQ)
Mme Grou
(Christine) : Mme la
ministre, membres de la commission, d'abord, mes remerciements de nous entendre
aujourd'hui sur le projet de loi n° 43.
Alors, je
vous présente... Je suis accompagnée de Me Édith Lorquet, qui est la
directrice des services juridiques de l'Ordre
des psychologues. Me Lorquet pratique en droit professionnel depuis 30 ans. Je suis Dre Christine Grou,
psychologue, neuropsychologue,
présidente de l'ordre. Moi, j'ai 30 ans de pratique en santé mentale en
milieu psychiatrique et j'ai aussi une expertise en éthique clinique en
santé mentale. Donc, évidemment, l'angle qu'on va prendre, c'est un angle droit
professionnel et santé mentale, vous vous en doutez bien.
Alors, d'entrée de jeu, je voudrais d'abord
saluer l'élargissement des pouvoirs médicaux aux infirmières et infirmiers
spécialisés. On pense que ça contribue à augmenter l'accessibilité des
services. C'est une bouffée d'air frais qui
va permettre de désengorger un peu les médecins et c'est une reconnaissance, également,
des infirmières praticiennes
spécialisées à la hauteur de leurs compétences. Je salue aussi le courage du
législateur puis l'ouverture du Collège des médecins à élargir et à permettre
l'utilisation du terme «diagnostic».
Ici, tant
qu'à ouvrir sur le terme «diagnostic», je vais me permettre une parenthèse que
je ne croyais pas utile de faire, mais, je pense, qui va être très importante de faire. Vous savez, en 2012, il
y a eu une réforme des activités professionnelles qui concernent la santé mentale et les relations
humaines. Cette réforme-là a permis une réserve d'activités aux professionnels
habilités, aux professionnels compétents, et
ça a été le fruit d'un consensus d'experts. Donc, ce sont des corpus, des
cursus qui ont été étudiés minutieusement, soigneusement. On a regardé les
cursus de formation universitaire, on a regardé les compétences professionnelles puis on a regardé
également l'exposition des professionnels aux problématiques cliniques qu'ils devaient traiter, et le consensus d'experts
a abouti, si vous voulez, à cette loi sur la réserve d'activités
professionnelles en santé mentale et en relations humaines.
Donc, je
constate aujourd'hui qu'il y a des aspects de cette loi-là qui semblent encore
méconnus, alors ça m'amène au premier
point que je voudrais aborder. Donc, dans la Loi sur les infirmières, alors, on
a deux parties. Donc, la première, c'est
l'évaluation des troubles mentaux, évaluation des troubles mentaux qui
nécessite une habilitation, qui est une activité réservée aux médecins, aux
psychologues et aux infirmières ou conseillers en orientation qui détiennent
une attestation ou encore aux
sexologues dans leur champ d'activité spécifique, et ensuite on a le diagnostic
des maladies courantes. Quand j'entends un petit peu les débats, ce que
je constate, c'est que, quand on commence à parler diagnostic des maladies courantes, est-ce qu'on devrait parler de
diagnostic de maladies physiques et de maladies mentales? Je pense qu'il y a
une confusion totale. Et, si je posais la question, ici, à savoir est-ce
que l'évaluation des troubles mentaux et le diagnostic d'une maladie mentale, c'est équivalent, je ne suis pas sûre que tout le
monde me répondrait oui, mais la réponse, c'est oui. Et, si je posais la question : Est-ce que
vous savez qui sont les professionnels habilités à évaluer les troubles
mentaux?, je ne suis pas certaine que tout le monde pourrait me répondre
adéquatement.
Alors donc,
il faut comprendre que, quand on pose un jugement clinique sur un trouble
mental, hein, on fait une conclusion, c'est l'équivalent de faire un
diagnostic. Si moi, j'ai quelqu'un qui vient me voir dans mon bureau et que
je conclus qu'elle fait une dépression, bien, la dépression, c'est un acte,
alors qu'on appelle ça «évaluation d'un trouble mental» ou «diagnostic en santé mentale», il faut comprendre que c'est
un peu la même chose. Mais force nous est de constater qu'après sept ans
de l'implantation de cette loi-là, la confusion existe encore, et il y a encore
des gens qui nous appellent pour
savoir : Mais là est-ce que mon psychologue, il peut me dire que je fais
une dépression? Est-ce qu'il peut l'écrire sur papier ou non?
Alors donc, ceci étant dit, il y a une chose
dont on voulait s'assurer, et là je suis encore moins certaine que... j'ai
encore plus besoin d'être rassurée là-dessus, c'est-à-dire est-ce que, quand on
pense à diagnostiquer les maladies courantes,
si on incluait certaines maladies mentales parce qu'elles sont courantes, on
court-circuiterait la nécessité d'aller chercher une habilitation de
pratique? Ça serait, pour nous, assez inacceptable, parce que c'est comme s'il
y a un projet de loi qui permettrait de
faire ce qu'on a empêché de faire dans une autre loi professionnelle. Et, si on
l'a empêché puis qu'on l'a réglementé, c'est parce que c'était une
activité qui était à haut risque de préjudice.
• (17 h 30) •
Là-dessus, je
voudrais souligner que de statuer sur la présence d'une dépression ou d'un
trouble anxieux, par exemple, ce
n'est pas parce que c'est courant que c'est simple à faire. Il faut tenir
compte du diagnostic différentiel, il faut tenir compte des maladies
comorbides ou des autres problématiques de santé mentale qui peuvent l'accompagner.
Et je vous dirais qu'il y a dépression et
dépression, puis je pourrais faire la démonstration que, dans un contexte,
c'est une maladie courante, et
dans un autre, ça ne l'est pas, alors donc, juste pour complexifier un peu les
choses.
Alors, le premier
point, c'est : Est-ce que, dans le contexte des diagnostics des maladies
courantes, on va s'en tenir aux
maladies physiques? Et, si on ne s'en tient pas aux maladies physiques et qu'on
étend aux maladies mentales, est-ce qu'on va s'assurer que les IPS détiennent l'attestation, qui est requise par
ce projet de loi, qui a habilité les professionnels à faire
de l'évaluation du trouble mental?
Le deuxième
point que je voudrais aborder, c'est la certification. C'est un point important
pour nous, parce que c'est important de comprendre que, dans une volonté
d'élargir un peu l'accessibilité, on reproduit le modèle médical. On reproduit le modèle
médical en ce sens que pourquoi, quand un professionnel est capable d'évaluer
un problème et de statuer sur le problème,
faudrait-il que le patient aille le faire certifier par quelqu'un
d'autre, qu'il soit médecin ou qu'il soit IPS? Pourquoi? On est d'avis que c'est une étape administrative qui est vraiment inutile. La
plus-value clinique de ça n'a jamais
été démontrée, mais, manifestement, ça occasionne des difficultés d'accès, ça
occasionne également des délais pour la population et ça occasionne des
coûts financiers importants pour l'État, et donc, conséquemment, pour la
population. Puis, quand on fait le test de la balance, ici, il faut se
demander : Est-ce que c'est une étape nécessaire? Dans la mesure où il y a des professionnels habilités qui font de
l'évaluation, qui statuent sur des troubles, est-il nécessaire d'aller les
faire certifier ailleurs autrement?
Le troisième
point, et non le moindre, c'est l'absence des professionnels habilités qui
pourraient aussi contribuer significativement à élargir l'accès aux
services de santé. Là-dessus, ce qu'on dit, c'est vraiment : Bravo d'avoir
inclus les infirmières praticiennes en santé
mentale, mais pourquoi ne pas profiter de ce momentum pour inclure également
les professionnels habilités?
Pourquoi ne pas utiliser un vocabulaire plus inclusif et pourquoi ne pas
remplacer «médecin» et «IPS» tout
simplement pour «professionnel habilité» et tenir compte de cette loi qui a été
étayée suite à un consensus d'experts?
Et le
meilleur exemple que je pourrais donner de ça... Et là, si je donne un exemple
qui concerne ma profession, c'est parce que c'est un exemple que je
connais bien, ce n'est pas parce que je suis corporative, parce que, si mes
collègues étaient là autour de la table, mes collègues présidents d'ordre, vous
auriez beaucoup d'autres exemples qui pourraient illustrer mon propos. Mais, si je prends l'exemple de la garde
préventive en établissement, hein, bon, dans la Loi sur la protection des
personnes dont l'état mental présente un danger, alors, ce qu'on dit, c'est
qu'une IPS pourrait mettre une personne
sous garde préventive sans autorisation du tribunal ou sans examen
psychiatrique. Mon premier propos, c'est : Pourquoi ne pas ajouter l'examen psychologique à l'examen psychiatrique
d'emblée, puisque le psychologue, il l'évalue, le trouble mental? Puis non seulement il évalue le trouble mental, mais
il évalue le fonctionnement psychique et il prescrit, il détermine les interventions pour être capable
de rétablir la santé mentale. Deuxième question : Pourquoi le psychologue
ne pourrait pas, lui aussi, prescrire cette garde, puisqu'il est habilité à
évaluer les troubles mentaux?
Alors, en
conclusion, donc, je pense qu'il faut vraiment s'assurer que les personnes qui
vont faire de l'évaluation du trouble
mental... et là, entendez bien, c'est l'équivalent de poser un diagnostic,
c'est porter un jugement clinique, c'est vraiment statuer sur la présence d'un
trouble mental. Donc, les IPS qui le feront doivent détenir une attestation, si
tant est qu'on est de penser qu'on pourrait considérer que certains
d'entre eux... certains d'entre ces troubles sont des maladies courantes.
J'en
profiterais, évidemment, pour clarifier... parce qu'il y a encore une
confusion, et, je vous dis, là, s'il y a une confusion ici, imaginez-vous
quelle est la confusion auprès du grand public au regard de cette gymnastique
qu'il faut faire pour éviter le terme «diagnostic». Donc, j'en
profiterais pour réfléchir à la question de la clarification.
J'en profiterais aussi pour questionner la
nécessité de la certification et, finalement, définitivement pour inclure davantage, dans le vocable, «les professionnels
habilités» plutôt qu'uniquement «les médecins et infirmières praticiennes
spécialisées». Je pense que j'arrive au bout de mon temps. Merci.
Le
Président (M. Provençal)
: Je
vous remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période
d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme McCann :
Oui. Alors, bonjour, Dre Grou, ça fait plaisir de vous revoir, et
Me Lorquet aussi. J'ai bien écouté votre exposé. Évidemment, il y a des
aspects assez complexes, hein, dans notre système de santé et de services
sociaux, et notamment dans le volet
santé mentale, et je pense que vous le traduisez. Et vraiment c'est une belle
opportunité de vraiment échanger avec
vous pour clarifier certaines choses dans le contexte du projet de loi, là,
qu'on est en train de discuter ensemble, et moi, j'accueille ça vraiment...
je suis très contente d'avoir l'occasion de le faire avec vous.
Peut-être, je
vais commencer en vous demandant votre compréhension, à vous, par rapport à
l'IPS en santé mentale, bon, et je
pense que c'est nouveau, il y a des IPS en santé mentale qui vont graduer, là,
incessamment. Et je vais commencer avec
ça : Comment l'IPS en santé mentale va s'insérer dans le réseau de la
santé et des services sociaux? Vous qui oeuvrez beaucoup, depuis des années, dans le volet santé mentale, pourriez-vous
nous en parler, votre compréhension? Puis après ça je vais revenir par
rapport à l'ensemble des IPS.
Mme Grou
(Christine) : Bien, écoutez,
encore là, l'opérationnalisation et la mécanique de ça, elles restent à
établir, parce que, quand on parle de réseau de la santé, évidemment, on
parle de plusieurs lignes du réseau de la santé puis on parle de plusieurs lieux dans le réseau de la santé. Puis, quand on
parle de l'IPS en santé mentale, c'est une IPS, évidemment, qui détient une habilitation pour évaluer les troubles
mentaux. Alors donc, ce qui n'est pas clair pour nous, c'est : Est-ce que
l'ensemble des IPS qui pourraient
diagnostiquer les maladies courantes, parce que certains troubles mentaux sont
considérés comme étant des maladies courantes? Est-ce que toutes les IPS
pourraient, à ce moment-là, conclure?
Puis, quand
je parle de maladies courantes, là, on va parler, par exemple, des états
dépressifs, hein, ou des dépressions chez des gens qui sont fonctionnels qui ne
sont pas nécessairement hospitalisés. On va parler du trouble anxieux, mais du trouble anxieux, encore là, qui ne
nécessite pas... tu sais, qui n'implique pas une incapacité totale de
fonctionnement. On pourrait tout aussi bien parler de certains troubles
neurodégénératifs. Par exemple, en gériatrie, bien, la maladie d'Alzheimer, ça devient une maladie courante.
Puis, tant qu'à faire, peut-être qu'on pourrait aussi inclure dans ça le
trouble déficitaire d'attention, qui fait couler beaucoup d'encre. Alors donc,
à quoi on fait référence? Et, si ces IPS peuvent statuer sur la présence d'un trouble mental, est-ce qu'on
va nécessairement passer par l'attestation? Je pense qu'il faut s'en assurer,
parce que, si on ne s'en assure pas, bien, c'est un peu de faire avec la main
gauche ce qu'on a dit que la main droite ne pouvait pas faire parce
qu'il y avait un préjudice. Alors donc, pour moi, ça, ça reste à clarifier.
Maintenant,
dans le concept de «maladie courante», là aussi, il faut savoir. J'ai bien
regardé la définition légale, mais, encore
là, est-ce qu'on considère qu'une dépression, parce qu'elle est répandue, c'est
une maladie courante, ou bien si on va considérer qu'une dépression peut être
secondaire à une problématique anxieuse, secondaire à un trouble d'adaptation
en lien avec un trouble de personnalité, ou
encore une dépression silencieuse à volet psychotique, ce qui est pas mal moins
courant? Donc, j'ai un petit peu de mal à
répondre à votre question parce que, pour moi, il y a une place pour les IPS en
santé mentale, c'est sans conteste, et ce sont
des gens compétents. Pour moi, la réponse dépend de qu'est-ce que cette loi va
leur permettre de faire. Et, au regard du
premier élément, hein, c'est-à-dire cette évaluation des troubles mentaux ou
encore le diagnostic des maladies courantes qui pourraient impliquer
certaines problématiques de santé mentale, ce n'est pas clair du tout.
• (17 h 40) •
Mme McCann :
Mais, dans ce contexte-là, pour bien vous comprendre — en fait, là, je vais essayer de préciser
ma pensée — l'IPS qui est formée en santé mentale,
j'imagine que... je comprendrais si vous diriez : Bien, cette personne-là peut oeuvrer, là, dans le domaine de la santé
mentale, elle est formée, etc. Vous, les commentaires que vous faites, c'est
par rapport à l'ensemble des IPS,
parce qu'on parle, à l'article 36, du concept de «maladie courante» et on parle
de santé physique, santé mentale, maladie physique ou maladie mentale dans les
discussions que nous avons eues. Est-ce que ce que vous dites, c'est que, si l'IPS en question a l'attestation
requise, à ce moment-là, vous recommanderiez qu'elle puisse diagnostiquer
des troubles mentaux?
Mme Grou
(Christine) : Bien, elle est
habilitée pour le faire, alors donc, certainement. C'est-à-dire qu'à partir du moment où une infirmière est habilitée pour faire
l'évaluation des troubles mentaux, ce qui est équivalent au diagnostic, bien sûr qu'elle peut le faire. Ce qui n'était pas
clair pour nous, c'est : Est-ce qu'on va s'assurer de ça? Parce que, pour
moi, là où il y a une confusion
c'est... on parle d'évaluation des troubles mentaux et ensuite on parle de
diagnostic des maladies courantes.
Dans un contexte, on parle d'évaluation, dans un autre contexte, on parle de
diagnostic. Et là on parle de diagnostic des maladies courantes, puis on se dit «physiques», mais devrait-on
penser aussi à «mentales»? Mais là le diagnostic des maladies courantes,
des maladies mentales, ça revient à faire de l'évaluation de troubles mentaux.
Mme McCann : Je saisis
davantage.
Mme Lorquet (Édith) : Est-ce que
je peux y aller?
Mme Grou
(Christine) : Oui. Peut-être, Me Lorquet aurait un complément
d'information.
Mme Lorquet
(Édith) : Oui, j'aimerais préciser, en fait, c'est qu'à
l'article 36, l'habilitation, paragraphe 16°, où on parle d'évaluer
les troubles mentaux, ça, c'est une activité, donc, qui a été donnée aux
infirmières... bien, autorisée aux infirmières lors de la réforme en santé mentale, donc en 2009. Et vous
vous souviendrez que nous ne pouvions utiliser le mot «diagnostic», ça a été une condition pour
avancer dans la réforme. Alors, on a fait des contorsions et on est arrivés à un mot qui s'appelle «évaluation» et qui est
défini. Ça, ça fait deux réformes, en santé physique et en santé mentale, où
on s'est entendus pour dire : O.K., on n'utilisera pas le mot
«diagnostic», on va utiliser le mot «évaluation».
Alors,
ce que vous avez devant vous aujourd'hui, c'est ça, c'est comme deux époques.
Vous avez, au paragraphe 16°, l'article 36, le mot «évaluation», qui était le mot permis mais
qui, en réalité, correspond au «diagnostic des troubles mentaux». C'est
ce qui a été dit en commission parlementaire, à l'époque, et là, maintenant,
vous avez un nouvel article qui dit «diagnostiquer les maladies courantes».
Alors, vous comprendrez que la question se pose. Est-ce que l'évaluation des troubles mentaux, à l'article 36, est d'égale
valeur à diagnostiquer une maladie mentale courante? Alors, la question se
pose.
Moi,
bien honnêtement, si vous me posiez la question : Comment résoudre ce
problème?, je vous dirais simplement : Au paragraphe 16°, écrivons donc ce que
c'est, c'est «diagnostiquer les troubles mentaux», alors ça ne vous poserait
plus de question à savoir si
«diagnostiquer les maladies courantes» comprend les troubles mentaux. Alors,
vous auriez «diagnostiquer les troubles mentaux», avec les conditions
qui ont été entendues avec les médecins, les psychologues, les conseillers d'orientation à qui l'activité, elle, est réservée
sous habilitation. Et on s'est tous assis, on a regardé qu'est-ce que tout le
monde a en commun, au niveau de la formation pratique et clinique, pour pouvoir
évaluer les troubles mentaux. Là, il s'agirait tout simplement, puis ça
résoudrait vos problèmes, d'écrire «diagnostiquer les troubles mentaux», de le
mettre dans la loi des psychologues, celui
des CO, puis c'est terminé. On pourrait enfin dire que l'évaluation d'un
trouble mental équivaut au
diagnostic, et c'est ce que c'est, dans les faits. Parce que, quand on
dit : Vous avez un TDAH, ou quand on dit : Vous avez un TDAH, c'est
la même conclusion : évaluation du trouble mental, diagnostic médical.
Donc, je voulais juste vous dire que,
pour moi, là, légalement, et philosophiquement, et cliniquement, je pense que
ça pourrait tenir la route.
Mme McCann :
J'entends, là, ce que vous nous dites, et on examinera certainement cette
question. Et, avant de, probablement, vous demander, M. le Président, de... Je
vais juste demander une clarification sur votre commentaire sur la certification. J'avoue, là, humblement, que je n'ai pas compris ce que
vous avez amené, Dre Grou, sur la certification.
Mme Grou
(Christine) : Peut-être que Me Lorquet pourrait l'expliquer dans
d'autres mots.
Mme Lorquet
(Édith) : À la page 7 du mémoire, O.K., la certification, alors
vous avez souvent une législation ou une réglementation qui exige de la population, pour qu'elle ait droit à
des services, des exemptions ou une aide financière, que sa pathologie ou sa déficience soit certifiée
par un médecin. Dans l'exercice qu'on a devant nous, on poursuit la démarche qu'on appelle administrative puis on a fait un
copier-coller, on a mis «IPS». Donc, on a deux nouvelles places pour aller
faire signer un document administratif.
Nous,
on se dit : Dans une perspective d'accessibilité des services, là, parce
qu'on en est là, parce que, là, c'est
ce qu'on veut faire ici, puis c'est
pour ça qu'on veut donner plus de pouvoirs aux IPS... mais on se dit... bien, comme vous aviez modifié des lois en même temps avec cette
loi-là, on est allés les regarder puis on s'est posé la question : En
termes d'accessibilité, là, c'est-tu
encore «winner» de faire certifier par un médecin quelque chose qui peut être
diagnostiqué par un autre professionnel?
On a des exemples, là. Si on va à la page... je
vous amène à la page 10. Bon, ça, c'est une personne qui, pour se faire
considérer à temps plein même s'il est à temps partiel — c'est
dans le cadre du régime général d'assurance médicaments — bien,
s'il a une déficience puis qu'il va à l'école, on va considérer, donc, qu'il y
va à temps plein, donc c'est quand même
quelque chose pour la personne. Ça fait qu'on fait un listing, ici, de
déficiences, à la page 10 du mémoire,
alors : déficience visuelle grave, déficience auditive grave, déficiences
motrices, déficiences organiques, anomalie,
etc. Donc, on comprend que certaines déficiences sont faites par les
audiologistes, d'autres par les ergos, d'autres par les...
Alors donc,
nous, la question, c'est : Pourquoi 11.2 dit que ces déficiences-là
«doivent être constatées dans un certificat médical délivré par un médecin ou
[...] une infirmière praticienne»? Concrètement, ils vont faire quoi de plus
que de prendre les évaluations, de les signer? Alors, nous, on se dit :
Pourquoi obliger la population qui a déjà vu un professionnel et qui, souvent,
a payé de sa poche... l'envoyer voir un médecin aux frais de l'État pour qu'on
certifie quelque chose que le professionnel autonome est en mesure de
certifier par lui-même?
Donc, nous,
ce qu'on vous dit — c'est
notre contribution pour essayer d'améliorer l'accessibilité : Pourquoi on
ne regarde pas tous les certificats administratifs qu'on demande
inutilement? Pourquoi on ne fait pas le tour des lois? Moi, je l'ai fait un petit peu, là, c'est épouvantable. Alors, pourquoi
on ne fait pas confiance aux professionnels qui évaluent, et qu'ils puissent certifier, puis qu'on laisse
les médecins puis les IPS faire vraiment ce pour quoi ils sont formés, pas pour
faire des certificats, donner accès aux services? Donc, c'est ça, la
certification.
Mme Grou
(Christine) : Et,
concrètement, d'un point de vue très populationnel, Mme la ministre, ce que ça
veut dire, c'est que, si, par
exemple, un parent arrive avec un enfant dans le bureau d'un orthophoniste puis
que l'orthophoniste constate une
déficience verbale grave parce que c'est son champ d'exercice, hein, ou si, par
exemple, un psychologue constate une
déficience psychique grave, ou encore un audiologiste constate une déficience
auditive grave, bien, le parent de cet enfant-là,
là, il va avoir ça d'épais d'expertises, là, par des professionnels habilités,
puis là, là, pour être capable d'avoir son exemption, bien, il va
falloir qu'il aille voir un autre professionnel qui n'a pas évalué ça pour
certifier qu'il a bien une déficience grave.
C'est cette étape-là dont on dit que c'est une étape administrative qui est
coûteuse et qui implique des délais,
des coûts et qui n'a pas nécessairement de plus-value clinique, puisque ces
problématiques-là ont déjà été évaluées par des professionnels
habiletés.
Autrement
dit, il y a beaucoup de professionnels compétents pour évaluer des
problématiques ou des déficiences graves et, donc, qui ne sont pas des maladies
courantes. Alors, pourquoi on va aller demander à une IPS de certifier
ça, alors que ce n'est pas une maladie
courante, qu'elle ne l'a pas évalué puis qu'un autre professionnel habilité l'a
fait? Donc, c'est la question qu'on pose : Est-ce que cette
étape-là est encore nécessaire?
Mme McCann : Merci. M. le
Président, il reste peu de temps, mais...
Le Président (M. Provençal)
: Oui. Mme la députée de Soulanges, il vous reste
2 min 30 s.
Mme Picard :
Parfait, bien, j'ai juste le temps pour une petite question. Nos provinces
voisines qui ont des IPS déjà, qui
ont d'autres pouvoirs, est-ce que vous savez si, en santé mentale, elles ont le
droit de diagnostiquer? Comment ça se passe, dans les autres provinces,
pour la santé mentale, avec les IPS?
• (17 h 50) •
Mme Grou
(Christine) : Je ne suis pas en mesure de vous répondre comment
ça se passe dans les autres provinces, mais
ce que je suis en mesure de vous dire, par exemple, c'est qu'il n'y a pas
d'autre province au Canada où on s'est penché sur les activités réservées en
santé mentale comme on l'a fait au Québec. Le Québec est considéré comme
étant, je vous dirais, innovant, et ce fruit
de consensus d'experts, c'est unique au Québec. C'est-à-dire que, nous, ce
qu'on sait, à l'ordre, c'est que ça fait l'envie, par exemple, de beaucoup
d'autres provinces au niveau de la Société canadienne de psychologie. Alors donc, je ne crois pas qu'il
y ait eu cet exercice, dans les autres provinces, de se pencher sur les
activités en santé mentale et d'être
capable de déterminer qui est en mesure de faire quoi pour assurer une
accessibilité compétente à la
population et pour éviter les doublons, justement, donc pour s'assurer d'avoir
le bon professionnel au bon moment, en temps opportun, au plus grand bénéfice
de la population. Mais, au Québec, on l'a fait cet exercice-là, puis ça a pris
du temps, de le faire, cet exercice-là, ça a été mûrement réfléchi.
Mme Picard : Merci beaucoup.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Provençal)
: C'est bon? O.K., une minute, madame.
Mme McCann :
Une minute. J'avais justement... Je ne pensais pas avoir le temps, vous
m'excuserez, M. le Président, parce que j'avais une autre petite question. La garde préventive — évidemment, il reste quelques secondes,
40 secondes — vous
disiez : L'IPS va
être en mesure de le faire si le projet de loi est adopté, et vous
mentionnez : Pourquoi ça ne pourrait pas aussi être d'autres
professionnels? Est-ce que je vous ai bien comprise?
Mme Grou
(Christine) : C'est-à-dire
que ma question, ici, c'est : Pourquoi ça ne pourrait pas être un
psychologue, compte tenu de son habilitation à faire de l'évaluation de trouble
mental et compte tenu de son champ d'activité? Parce que ce qu'il faut comprendre, Mme la ministre, c'est
que, quand on prescrit une garde, quand on demande une garde préventive,
on évalue la dangerosité pour la personne et
pour autrui. Et, si j'avais le temps, je vous listerais c'est quoi, les
éléments qu'il faut aller évaluer,
parce que ce n'est pas facile, évaluer la dangerosité. Mais ce sont des
éléments qui sont clairement dans le
champ d'exercice des psychologues. Alors, pourquoi ne pas ajouter... pourquoi
ne pas remplacer, encore là, plutôt que «médecin» et «IPS», par le vocable
«professionnel habilité», tout simplement, ce qui inclurait davantage de
professionnels et qui n'exclurait pas l'IPS?
Mme McCann : Merci.
Le
Président (M. Provençal)
:
Merci. Je vais maintenant céder la parole au député de Pontiac pour la suite
des échanges.
M. Fortin : Merci, M. le Président. Bonjour — bien, bonjour, bonsoir, là, on est entre les
deux, peut-être — à vous
deux. Je veux revenir sur la question de la certification. Vous en avez parlé
d'entrée de jeu, vous en avez parlé avec la ministre,
mais je vous avoue que, même pour le législateur, même pour nous autour de la
table, il n'y a rien de plus frustrant, il n'y a rien de plus choquant, il n'y a rien de plus aberrant
d'entendre qu'on oblige... la petite histoire que vous nous avez contée
il y a quelques instants, là, qu'on oblige un patient ou un parent à faire deux
fois la même chose.
Des fois, là,
dans la situation que vous nous avez parlé, là, un parent va voir un
audiologiste, avec son petit bout de chou, qui détecte un enjeu grave,
et là ce parent-là, qui a peut-être attendu des années pour son premier
rendez-vous avec un audiologiste, qui a
peut-être payé de sa poche, comme vous l'avez dit, se fait dire,
essentiellement : Bien, ça t'en prend
un autre avant d'avoir quelconque possibilité de traitement, ça te prend une
autre certification, une autre attestation, une autre évaluation. Ça,
là, ce que vous avez décrit, c'est, en ce moment, un fait?
Mme Lorquet (Édith) : C'est
dans le projet.
M. Fortin : Oui, je comprends, c'est dans le projet, mais est-ce
que le projet le maintient ou c'est déjà comme ça?
Mme Grou
(Christine) : C'est-à-dire que ce qui est dans le projet, c'est d'élargir... ce que les médecins
faisaient, on propose de l'élargir aux IPS. Mais, nous, ce qu'on dit,
c'est ça, c'est de faire un petit peu plus de la même chose, c'est-à-dire que c'est de faire perdurer un modèle médical. Et ce qu'on questionne,
c'est : Mais c'est quoi, la plus-value de faire ça, maintenant
qu'on sait que les professionnels qui posent des actes professionnels sont
habilités pour le faire? Il y a des lois professionnelles qui encadrent les professionnels
et qui font en sorte qu'un professionnel ne fera pas ce qu'il n'est pas habilité pour faire. Donc, en vertu de ces lois-là... Puis le meilleur exemple que je peux donner,
c'est... moi, j'ai vu beaucoup de gens, des accidentés de la route, qui
n'étaient pas capables, qui n'étaient pas en mesure de retourner travailler, et mon évaluation va démontrer qu'ils
ne sont pas en mesure de retourner travailler puis va même expliquer pourquoi ils
ne sont pas en mesure de retourner travailler. Bon, dans un contexte comme
ça, O.K., puis prenez n'importe quel exemple,
pourquoi est-ce
qu'on aurait besoin d'aller faire
attester ça par quelqu'un d'autre qui, de surcroît, ne l'a pas évalué? C'est ça, la question qu'on pose.
Mme Lorquet (Édith) : J'ai peut-être
un...
M. Fortin :
Attendez-moi un instant, là, vous venez de dire «par quelqu'un qui ne l'a pas
évalué». Donc, cette personne-là qui atteste
un peu de votre jugement professionnel, là, est-ce qu'il évalue le patient à
nouveau ou est-ce qu'il atteste simplement ce que vous avez initialement
fait et initialement dit?
Mme Grou
(Christine) : Bien, en fait,
écoutez, encore là, il y a toujours une forme d'évaluation, tu sais, il y a
toujours une rencontre clinique avec le patient. Qu'est-ce qui est fait? Bien,
écoutez, dans les faits, en général, moi, je peux vous dire, là, que,
quand quelqu'un arrive avec ça d'épais de dossiers puis d'évaluations, on va
les regarder, hein, mais, encore là, est-ce
que c'est nécessaire? Puis je vous donne un exemple qui n'est pas issu de la
loi, mais c'est un exemple qui est très clinique, c'est un peu, par
exemple, comme si vous demandiez à un parent : Pour avoir ton exemption
fiscale pour enfant handicapé, par exemple,
bien, il faut... avant, tu allais voir un médecin, maintenant
tu vas aller voir une IPS. Mais le
parent, là, il a un rapport d'orthophonie, puis il a un rapport de
neuropsychologie, puis il a un rapport de physiothérapie, puis l'enfant, il a des incapacités, puis donc la
démonstration du handicap est faite. Là, vous demandez à ce parent-là, là,
qui passe sa vie d'un rendez-vous à l'autre, de prendre un autre rendez-vous, d'attendre, O.K., pour aller chercher quelque chose qui, pour nous, est un acte
qui nous semble de nature administrative.
M. Fortin :
O.K. Je vous le dis tout de suite, Mme la ministre... et je m'adresse au
président, là, mais, je vous le dis tout de
suite, on va regarder ça ensemble pour au moins ne pas perpétuer le modèle que
vous êtes en train de décrire, parce
que, bien honnêtement, là, il y a des gens qui, avec raison, sont frustrés de
l'appareil gouvernemental, souvent pour des raisons comme celles que vous venez de
décrire. On ne peut peut-être pas corriger l'ensemble de la situation, mais, au
minimum, on peut regarder à corriger la situation pour ne pas la perpétuer. Je
vous entends bien, puis...
Mme Lorquet
(Édith) : ...
M. Fortin :
Oui, allez-y, maître.
Mme Lorquet
(Édith) : Peut-être juste ajouter une chose, quand même, c'est que ce
n'est pas propre à ce projet de loi là, là, je veux vraiment le dire. Ça fait
des années que nous, on a des gens qui appellent au bureau et qui pleurent,
qui pleurent, et puis moi, je parle aux fonctionnaires pour essayer de
débloquer, les fonctionnaires me disent : Mais c'est la loi, Me Lorquet. Alors, nous, quand on a vu qu'on allait
perpétuer le modèle médical, on s'est dit : Là, il faut aller le dire, on est là, tout le monde, pour
l'accessibilité. Il faut sensibiliser les gens. On ne s'en rend pas compte, là,
mais il n'y a pas de plus-value, il n'y a pas de plus-value clinique. Si un
médecin vous dit : Il y en a une, bien, on va l'écouter, mais, jusqu'à
maintenant, il n'y en a pas, c'est de l'administratif.
M. Fortin :
Mais, ça, vous ne l'avez jamais trouvée, la raison pour laquelle ça a été fait
en premier lieu?
Mme Lorquet
(Édith) : Voulez-vous... Moi, je pense...
M. Fortin :
Bien, allez-y, je vous écoute.
Mme Lorquet
(Édith) : Mon opinion personnelle...
M. Fortin : Oui, oui, oui, c'est bien correct... Bien, je dis «c'est correct», ce
n'est pas avec moi que vous travaillez, là.
Des voix :
Ha, ha, ha!
Mme Lorquet
(Édith) : Non, non, mais, écoutez, c'est personnel, mais il faut se
ramener, quand même, à très, très, très
longtemps, et il y avait une espèce de modèle patriarcal médical. Est-ce qu'on
peut le dire comme ça? J'ai l'immunité? Bien, alors, c'est ça, c'est des relents de tout ça qu'on perpétue,
bien, parce qu'on ne se pose pas de question, puis là on a dit : Bon,
bien, l'IPS aussi va le faire. Oui, mais elle fait quoi? Ça n'a pas de sens,
là. Pourquoi on fait ça? Donc, on en est là.
Mme Grou
(Christine) : Mais, au-delà de ça, puis je pense que c'est
important de le souligner, c'est que ce modèle-là date quand même d'une période
qui a précédé cette étude approfondie, autant dans le domaine de la santé physique que dans le domaine de la santé mentale,
cette étude approfondie dans le système professionnel de qui est compétent
pour faire quoi. Donc, avant, je pense que,
peut-être, la population avait besoin de cette protection-là. Est-ce que c'est
encore nécessaire maintenant? Je n'en
suis pas certaine. Et il faudrait juste... Tu sais, quand on veut revoir ou
déposer un projet de loi, des fois il y a un bon momentum pour dire :
Bien, tant qu'à faire, plutôt que d'élargir ça, mais de faire perdurer cette
activité administrative qui est complètement épuisante, voire même parfois
dissuasive pour la population, pourquoi ne pas le réfléchir puis se
demander : Est-ce qu'il y a encore vraiment une plus-value à ça?
M. Fortin :
Bien, dans le contexte où on étudie un projet de loi qui est supposé de rendre
la vie plus simple pour bien des gens, qui est supposé de dire qu'on fait
confiance à nos professionnels qui sont formés pour faire certaines choses, il me semble que c'est la moindre des
choses, là, d'au moins se pencher sur la question puis de voir si on ne peut
pas aider à alléger cette obligation supplémentaire là à laquelle vous faites
référence.
Ça
va pour moi, M. le Président. Je pense que ma collègue de Bourassa-Sauvé a des
questions, mais je vous remercie, mesdames.
Le Président
(M. Provençal)
: Je vais céder la
parole à la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Robitaille :
Je vous remercie beaucoup. C'est fort intéressant, merci de votre expertise.
Est-ce que vous iriez jusqu'à dire que le professionnel compétent pourrait
référer à un médecin spécialiste, par exemple un psychologue pourrait
référer à un psychiatre, par exemple?
• (18 heures) •
Mme Grou (Christine) : Aucun doute, aucun doute. On peut se poser la
question à savoir, cliniquement parlant, moi, là, qui suis en mesure d'évaluer, là, un trouble mental puis qui
suis en mesure de poser un jugement clinique, hein, pourquoi est-ce que je ne peux pas référer
directement au médecin spécialiste. C'est une très bonne question. Encore là,
c'est une étape supplémentaire, ce n'est pas nécessaire. Donc, il n'y a
aucun doute que...
Dans
le contexte de vouloir élargir l'accès, puis je pense qu'il y a une volonté
réelle d'élargir l'accès, c'est pour ça que notre recommandation, c'est :
remplaçons le vocable «médecin», «IPS» par «professionnel habilité», parce
qu'il est quand même habilité par une loi et donc il est quand même
habilité pour sa compétence.
Mme Robitaille :
Donc, je veux bien comprendre, article 3 du projet de loi, qui modifie
l'article 36.1, on pourrait dire
«l'infirmière praticienne spécialisée, le professionnel compétent et le professionnel...
ou le professionnel compétent peut», blablabla, blablabla. Donc, on
ajoute «professionnel compétent».
Mme Lorquet
(Édith) : Vous êtes à quel article, s'il vous plaît?
Mme Robitaille : 36.1, là, l'article qui définit... qui dit qu'est-ce que l'infirmière spécialisée peut faire, donc, on peut diagnostiquer les maladies courantes,
prescrire les examens diagnostiques. Donc, au lieu de dire «l'infirmière praticienne spécialisée», on dit
carrément «le professionnel compétent».
Mme Grou
(Christine) : Le «professionnel habilité».
Mme Lorquet
(Édith) : Pas dans la Loi des infirmières, par exemple. Là, vous êtes
dans la Loi des infirmières.
Mme Robitaille :
Ah oui, O.K., bon.
Mme Lorquet
(Édith) : Vous ne pourriez pas faire ça dans la Loi des infirmières.
Mme Robitaille :
Bien, en tout cas, bien, tous les articles, on ajoute...
Mme Lorquet
(Édith) : Mais, dans les articles pertinents, oui, c'est notre
recommandation, que, lorsque vous avez des certificats ou lorsqu'on veut nommer
des professionnels — la
présidente, tout à l'heure, nommait la loi, c'est la P-38, la loi pour les gardes préventives — pourquoi
encarcaner des professionnels, écrire «médecin», «IPS» ou même «psychologue»? Pourquoi faire ça? Écrivons «professionnel
habilité». Et ceux qui viennent déterminer qui peut faire quoi, ce sont les lois professionnelles, qui sont
scrutées à la loupe à coups de réformes, de commissions parlementaires, d'experts, et c'est ces lois-là qui vous disent qui peut faire quoi. Alors,
pourquoi une loi qui n'est pas là pour dire qui peut faire quoi pige comme ça
puis nous dit : Ah! c'est eux, maintenant, qui vont faire ça? En vertu de
quoi? Les lois professionnelles ne disent
pas ça. Les lois professionnelles disent que, oui, une infirmière, oui, un
médecin, oui, un psychologue, puis il y a d'autres personnes qui peuvent se prononcer sur la dangerosité d'une
personne. Alors, pourquoi le législateur aujourd'hui dans son exercice se confine à mettre des noms?
Alors, en mettant «professionnel habilité», vous vous mettez à l'abri, vous
êtes certains que le professionnel habilité
par les lois professionnelles, c'est le bon. Puis en même temps, en cas d'une
autre modernisation, bien, ça ne nous
oblige pas à modifier des lois désuètes comme aujourd'hui. Vous ne serez pas en
retard tout le temps à savoir qui est le professionnel compétent dans un
contexte de pénurie puis de manque d'argent.
Le Président
(M. Provençal)
: Merci beaucoup. Je
vais maintenant céder la parole au député de Jean-Lesage.
M. Zanetti :
Merci beaucoup, M. le Président. Je pense que vous nous révélez un problème
très profond, là, qui dépasse même largement le projet de loi à l'étude. Puis,
quand vous parlez de l'origine de ça, dans une institution patriarcale, aussi, je pense qu'on pourrait même en beurrer
encore plus épais. Puis il y a quelque chose vraiment de fondamental, là, à
changer pour favoriser largement la collaboration entre les professionnels de
la santé. C'est très éclairant, puis j'aime la perspective, là, macro
que vous prenez là-dessus.
Je n'ai pas de
question précise à vous poser, parce que, bon, je comprends bien, au fond, que
les modifications apposées c'est de... là où on peut enlever le terme
«évaluation» puis le remplacer par «diagnostic», il faut le faire dans toutes les acceptions pertinentes. Alors, c'est ce
qu'on va... bien, on va le proposer, mais j'imagine, peut-être, même que
la ministre va arriver avec cet amendement. C'est ce que nous verrons.
Mme Grou (Christine) : Je peux vous dire que ça enlèverait une
confusion — puis on
le voit, là, depuis sept ans, là — qui perdure pour le public et même ici, là.
Tu sais, quand on entend, bien, «évaluation des troubles mentaux» versus
«diagnostic des maladies physiques courantes»,
«maladies physiques et mentales», donc, on voit que cette confusion-là
perdure. Alors, d'une part, essayer de clarifier cette confusion terminologique
là, premièrement.
Deuxièmement,
s'assurer que des gens qui font du diagnostic de trouble mental sont habilités
à le faire, ça, c'est fondamental, ça
a été mûrement réfléchi, parce que c'est une activité qui a été considérée
comme étant à haut risque de préjudice, d'une part. Deuxièmement, repenser la
certification qui n'est peut-être pas nécessaire, compte tenu, justement,
des lois professionnelles qui prévalent aujourd'hui.
Puis,
dernièrement, dans le contexte d'une réelle volonté d'élargir l'accès, bien,
remplacer le vocable «médecin» et «IPS»
puis élargir davantage, remplacer ce vocable-là par «professionnel habilité»,
et ça, ça inclut tous les professionnels compétents pour faire les
activités qui leur sont dévolues.
M. Zanetti :
Je vous remercie.
Mme Grou
(Christine) : De rien.
Le Président (M. Provençal)
: Je remercie l'Ordre des psychologues du Québec pour leur contribution
aux travaux de la commission.
Mémoires déposés
Avant de conclure les auditions, je procède au
dépôt des mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions
publiques.
Je
vous remercie pour votre contribution à nos travaux. La commission, ayant
accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci beaucoup et
bonne soirée.
(Fin de la séance à 18 h 05)