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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mercredi 17 janvier 2018 - Vol. 44 N° 176

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 157, Loi constituant la Société québécoise du cannabis, édictant la Loi encadrant le cannabis et modifiant diverses dispositions en matière de sécurité routière


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Bureau de coopération interuniversitaire (BCI)

Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ)

Corporation des propriétaires immobiliers du Québec inc. (CORPIQ)

Association des médecins psychiatres du Québec (AMPQ)

Neptune Technologies et bioressources inc.

Barreau du Québec

Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS)

Directions de santé publique du Québec

Institut national de santé publique du Québec (INSPQ)

Association québécoise pour la promotion de la santé des personnes utilisatrices de drogues

Mémoires déposés

Intervenants

M. Richard Merlini, président

Mme Lucie Charlebois

M. Sylvain Pagé

Mme Lise Lavallée

M. Simon Jolin-Barrette

M. Marc Bourcier

M. Serge Simard

*          M. Claude Bédard, BCI

*          M. Robert Beauregard, idem

*          M. Sylvain Allaire, idem

*          M. Bertrand Bolduc, OPQ

*          Mme Manon Lambert, idem

*          Mme Mylène Forest, CORPIQ

*          M. Hans Brouillette, idem

*          M. Patrick Milot, idem

*          Mme Karine J. Igartua, AMPQ

*          M. Guillaume Barbès-Morin, idem

*          M. Michel Timperio, Neptune Technologies et bioressources inc.

*          M. Paul-Matthieu Grondin, Barreau du Québec

*          M. Charles Wagner, idem

*          M. Luc Hervé Thibaudeau, idem

*          M. Pascal Levesque, idem

*          M. Marc Drolet, CQTS

*          M. Mario Bujold, idem

*          Mme Julie Loslier, directions de santé publique du Québec

*          M. François Desbiens, idem

*          M. Richard Massé, idem

*          M. Alain Poirier, INSPQ

*          Mme Maude Chapados, idem

*          M. Réal Morin, idem

*          M. François Gagnon, idem

*          M. Jean-François Mary, Association québécoise pour la promotion de la santé des personnes
utilisatrices de drogues

*          Mme Vanessa Lefebvre Constantineau, idem

*          Mme Mélodie Talbot, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Merlini) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Bon matin et bonjour à vous tous. Ayant constaté le quorum, je déclare donc la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle du Conseil législatif de bien vouloir éteindre toute sonnerie de tout appareil électronique.

La commission est réunie ce matin afin de poursuivre et terminer les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 157, la Loi constituant la Société québécoise du cannabis, édictant la Loi encadrant le cannabis et modifiant diverses dispositions en matière de sécurité routière.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements aujourd'hui?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Chevarie (Îles-de-la-Madeleine) sera remplacé par M. Matte (Portneuf); Mme Vallières (Richmond) par M. Giguère (Saint-Maurice); M. Turcotte (Saint-Jean) par M. Bourcier (Saint-Jérôme); et M. Paradis (Lévis) par M. Jolin-Barrette (Borduas).

Auditions (suite)

Le Président (M. Merlini) : Très bien. Je vous remercie beaucoup.

Ce matin, nous entendrons les groupes suivants : le Bureau de coopération interuniversitaire, l'Ordre des pharmaciens du Québec, la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec et l'Association des médecins psychiatres.

Le premier groupe étant le Bureau de coopération interuniversitaire, je vous souhaite d'abord la bienvenue. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé. Je vous invite à présenter les personnes qui vous accompagnent. Également, ensuite, nous procéderons aux échanges avec les membres de la commission. Bienvenue à la CSSS. La parole est à vous.

Bureau de coopération interuniversitaire (BCI)

M. Bédard (Claude) : Alors, merci, M. le Président. Mmes et MM. les députés, alors permettez-moi de me présenter, Claude Bédard, directeur général du BCI. Je suis accompagné de MM. Robert Beauregard, vice-recteur aux études et aux affaires étudiantes, vice-recteur exécutif, et Sylvain Allaire, directeur Santé et mieux-être au travail, tous les deux de l'Université Laval.

D'entrée de jeu, nous souhaitons remercier la Commission de la santé et des services sociaux de nous offrir l'occasion de présenter le point de vue des établissements universitaires. Nous tenons en particulier à remercier la ministre déléguée à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse, à la Santé publique et aux Saines habitudes de vie, Mme Lucie Charlebois, d'avoir amorcé ce processus et de nous y avoir conviés.

Dans le cadre de consultations publiques portant sur l'encadrement du cannabis en prévision de sa légalisation au Canada, les chefs des établissements universitaires du Québec ont fait part de leur position sur ce sujet à la ministre Charlebois dans une lettre signée par le président du BCI, M. Michel Patry, datée du 12 septembre 2017. Ils y exprimaient plusieurs appréhensions quant aux conséquences de la légalisation sur leur mission, leurs usagers et leur personnel, et soulignaient qu'elle risquait de nuire à leur mandat d'offrir un environnement sain aux étudiants et aux personnes qui y travaillent.

Ceci étant dit, les établissements accueillent néanmoins favorablement le projet de loi n° 157 compte tenu des commentaires énoncés ci-dessus, qui sont contenus aussi dans le mémoire déposé à la commission.

Nous souhaitons également attirer l'attention de la commission sur la nécessité pour les universités d'obtenir des règles claires de la part du gouvernement quant à l'application éventuelle de cette loi, mais également des ressources financières et humaines pour en assurer son application. Veuillez noter que le document que nous avons soumis à l'attention des membres de la commission recueille l'avis de la grande majorité des établissements universitaires québécois.

Alors, cela étant dit, nous souhaitons maintenant porter à votre attention quelques préoccupations et suggestions importantes concernant ce projet de loi. Pour ma part, je céderai maintenant la parole à mes collègues sur ces questions.

M. Beauregard (Robert) : Merci, M. Bédard. Le principal article du projet de loi qui suscite l'intérêt des établissements universitaires est l'article 12, qui édicte la Loi encadrant le cannabis. Donc, à moins d'avis contraire, les références aux articles cités dans le mémoire concernent ceux de cette Loi encadrant le cannabis.

Les établissements universitaires québécois ont accueilli avec appréhension le projet de loi C-45 lorsqu'il a été déposé à la Chambre des communes à Ottawa en avril 2017. Plusieurs raisons nous poussaient à nous montrer défavorables à la légalisation du cannabis. Toute politique favorisant l'augmentation de la consommation de cannabis par la population universitaire, qu'elle ait lieu ou non sur les campus, est nécessairement contraire aux intérêts des établissements.

D'une part, les éléments de preuves scientifiques actuellement reconnus, soulignés par l'Association médicale canadienne dans le contexte des débats entourant ce projet de loi, démontrent que le cannabis est nocif au développement du cerveau jusqu'à l'âge de 25 ans, ce qui inclut une partie très importante de la population étudiante universitaire.

D'autre part, les établissements considèrent que la légalisation va à l'encontre de leur mandat d'offrir un environnement sain et sécuritaire aux étudiants et aux personnes qui y travaillent.

Les établissements universitaires du Québec sont donc d'avis que le statu quo aurait été préférable. Nous avons dû nous résoudre à ce que la légalisation du cannabis aille de l'avant dès le mois de juillet prochain. Nous avons cependant formulé le souhait que le gouvernement du Québec propose un cadre législatif à la fois clair et strict qui permettrait de limiter l'exposition des étudiants et du personnel des universités au cannabis.

À la lecture du projet de loi, nous pouvons affirmer que celui-ci apporte effectivement des réponses satisfaisantes à nos principales préoccupations en ce qui concerne la vente, la possession et la consommation du cannabis ainsi que la culture de la plante. De façon générale, nous accueillons favorablement les dispositions pour lesquelles des orientations claires étaient attendues. Nous soulignons toutefois certaines questions qui restent sans réponse et nous espérons que les règlements supplémentaires seront adoptés d'ici juillet 2018.

À propos de la possession du cannabis, le paragraphe 1° de l'article 7 de la Loi encadrant le cannabis interdira à quiconque d'avoir en sa possession du cannabis dans les établissements qui dispensent des services d'éducation pour tous les ordres d'enseignement qui précèdent le niveau universitaire. C'est donc dire qu'il sera permis à une personne majeure de posséder du cannabis lorsqu'elle se trouve dans un établissement universitaire.

Cependant, même si les étudiants et les membres du personnel des établissements universitaires sont des adultes ayant des droits spécifiés par le projet de loi en matière d'usage du cannabis, nous pensons qu'il serait préférable d'y interdire la possession de la même manière que dans les établissements de tous les autres ordres d'enseignement. Nous le demandons par souci d'uniformité et de clarté, mais aussi parce que plusieurs universités ont des bâtiments dans lesquels les locaux sont mis à la disposition des étudiants d'institutions d'enseignement collégial de façon continue ou servent de services de garde.

• (9 h 40) •

Bien que le paragraphe n° 1 interdise déjà la possession de cannabis dans les bâtiments mis à la disposition de ces catégories d'usagers, les adultes qui fréquentent les universités et qui auront du cannabis en leur possession ne feront pas la distinction entre les bâtiments universitaires où la possession est prohibée et ceux où elle ne l'est pas. Il serait donc plus sécuritaire d'inclure les bâtiments mis à la disposition des établissements universitaires parmi ceux où la possession du cannabis est interdite. Nous appréhendons également que le droit de posséder certaines quantités de cannabis soit confondu avec le droit de le consommer.

D'autre part, si le droit d'avoir du cannabis en sa possession en milieu universitaire était maintenu, les établissements ne s'attendent pas à pouvoir assurer un contrôle étroit des dispositions de l'article 8 du projet de loi fédéral C-45, qui stipule que la quantité maximale de cannabis séché permise dans un lieu public est fixée à 30 grammes. Nous n'avons pas les ressources pour effectuer le contrôle des personnes ayant du cannabis en leur possession, encore moins pour mesurer le poids de leurs effets, d'autant qu'il existe six autres catégories de produits de cannabis dont le poids peut être converti pour connaître leur équivalent en grammes de cannabis séché. Bien sûr, cette faille dans le projet de légalisation découle des propositions du gouvernement fédéral et non du projet de loi n° 157, mais nous souhaitons attirer l'attention du gouvernement du Québec à ce sujet puisqu'il pourrait être appelé à adopter des mesures en conséquence dans la Loi encadrant le cannabis ou avec des règlements ultérieurs.

Nous soulignons enfin que les dispositions sur la possession de cannabis sont énoncées différemment de celles sur l'alcool. L'article 91 de la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques interdit de garder ou de posséder de l'alcool au Québec, à l'exception de certains lieux ou contextes où cela est permis. En revanche, l'article 7 de la Loi encadrant le cannabis énumère les lieux où la possession de cannabis est interdite. Pour les gouvernements, la méthode d'interdiction par défaut, avec liste d'exception, qui est privilégiée dans la loi sur l'alcool offre des avantages à la prudence. On pense qu'on devrait adopter une approche similaire pour le cannabis.

À propos de la culture du cannabis, notre principale préoccupation concerne les résidences, et nous sommes... Selon nous, l'interdiction évoquée dans le projet de loi, sans équivoque et claire, règle directement la question de la culture de la plante de cannabis dans les résidences universitaires. Donc, cela, pour nous, est satisfaisant.

La vente des produits du cannabis. L'article 21 confie exclusivement la vente de cannabis à la Société québécoise du cannabis, une filiale de la Société des alcools du Québec. Nous sommes entièrement d'accord avec cette mesure. Cela nous apparaît en effet comme le meilleur moyen de contrôler l'accès au cannabis licite.

Nous devons toutefois attirer l'attention du gouvernement sur l'absence de mesures concernant la distribution gratuite de cannabis. L'article 462.1 du Code criminel précise que le fait de distribuer une drogue illicite, que la distribution soit faite à titre onéreux ou non, est assimilé à vendre ladite substance. La vente de cannabis et, conséquemment, sa distribution gratuite ne seront plus interdites par le Code criminel dès lors qu'il sera légalisé. Puisque la Loi encadrant le cannabis restreindra la vente uniquement à la Société québécoise du cannabis, il serait avisé de maintenir l'interdiction de sa distribution gratuite par toute entreprise, association ou organisme. Nous souhaitons par-dessus tout éviter que certains d'entre eux exploitent cette faille pour donner au public des produits du cannabis.

Cette mesure ne devrait toutefois pas être interprétée de manière à interdire en privé le partage gratuit de cannabis entre consommateurs. Nous soulignons qu'en milieu universitaire la question de la distribution gratuite ne posera pas de problème si le gouvernement accède à notre demande d'y interdire la possession de la même façon que dans les établissements des autres ordres d'enseignement.

En ce qui concerne la vente de cannabis par Internet, nous sommes préoccupés par la question qui touche la livraison des colis qui contiendront des produits du cannabis. Il faudrait éviter que les colis puissent être laissés dans un lieu public comme un édifice universitaire ou un hall d'entrée d'une résidence étudiante. Les établissements devront alors devoir adopter des règlements et des procédures qui viseraient à empêcher l'accès par des tiers à ces colis. Nous recommandons que le mode de livraison avec signature du client soit obligatoire suite aux achats de cannabis par Internet afin d'éviter tout dépôt dans un endroit accessible au public.

La consommation et lieux d'usage. Les établissements universitaires appliquent la Loi concernant la lutte contre le tabagisme, qui interdit de fumer dans les campus. Cette interdiction s'applique notamment à l'intérieur des bâtiments. Nous nous attendions à ce que la Loi encadrant le cannabis soit aussi stricte en ce qui concerne l'inhalation de cannabis dans les lieux fermés. Le paragraphe 2° de l'article 11 le confirme, il sera interdit de fumer dans les locaux ou les bâtiments mis à la disposition d'un établissement postsecondaire, ce qui répond exactement à nos attentes. Nous comprenons que les résidences universitaires qui souhaitent aménager un tel espace ou autoriser l'inhalation de cannabis dans les fumoirs existants ou répondant aux normes spécifiées pourront se prévaloir de ce droit. Les résidences qui choisiront de ne pas le permettre devront donc signifier aux résidents que le droit de fumer ne s'étend pas au cannabis.

En ce qui concerne l'usage de fumer à l'extérieur, nous sommes satisfaits du paragraphe 4° de l'article 15, qui stipule que c'est interdit sur les terrains où sont situés les bâtiments mis à la disposition d'un enseignement postsecondaire. Cependant, les universités possèdent des terrains sur lesquels il ne se trouve aucun bâtiment. Il serait préférable que les établissements puissent se prévaloir de la Loi encadrant le cannabis pour interdire toute consommation de cannabis par inhalation sur l'ensemble de leur campus.

Les établissements universitaires devront faire preuve de diligence raisonnable en prenant des précautions nécessaires afin de prévenir la consommation de cannabis par inhalation dans les bâtiments et les zones où cet usage est interdit. Les règlements encadrant cette consommation seront donc pleinement compatibles avec la Loi concernant la lutte contre le tabagisme, que les établissements universitaires établissent déjà. Il n'y aura donc pas lieu de faire de distinction entre les produits fumés. Oui?

Le Président (M. Merlini) : Malheureusement, le temps est écoulé pour la présentation de l'exposé. Nous allons commencer immédiatement la période d'échange où je suis certain que vous pourrez rajouter des points qui sont dans votre discours, que vous vouliez présenter ce matin. Mme la ministre et députée de Soulanges, vous commencez les échanges. Vous disposez de 15 minutes. À vous la parole.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. D'abord, saluer M. Allaire, M. Bédard et M. Beauregard. Merci d'être venus nous présenter vos réflexions. Je vais vous permettre de... Je vais essayer de vous questionner sur les derniers pans de votre mémoire. Comme ça, vous allez avoir la chance de nous signifier, quant au financement... Je pense, c'est à peu près ce qui restait, là, de ce que vous vouliez nous parler.

Mais, d'abord, vous parlez de l'âge de consommation, et vous dire que ce qu'on vise au Québec, ce n'est pas une augmentation de la consommation du cannabis, mais plutôt ramener les gens qui sont déjà sur un marché illicite sur un marché licite. C'est-à-dire qu'on ne veut plus qu'ils consomment du crime organisé, bref, et/ou de gens qui vendent des choses illégales. Et on n'a pas l'intention de faire de la publicité. On n'a pas l'intention, bref, de mettre en place des moyens qui vont nous permettre d'augmenter les ventes. Ce qu'on veut, c'est vraiment encadrer ce qui existe déjà.

Et j'ai vu que vous parlez dans votre mémoire des environnements sains qui sont déjà là, des milieux universitaires, tout ça, et que vous auriez préféré le statu quo, si j'ai bien compris, là. Peut-être que je suis allée trop vite dans ma réflexion. Alors, si l'environnement est si sain que ça, comment expliquer que c'est 42 % de l'entièreté des consommateurs québécois de cannabis qui ont entre 18 et 24 ans? C'est, la majorité, des clientèles universitaires, entre vous et moi. Puis, pour avoir déjà parlé avec des gens qui sont dans le milieu universitaire, ça arrive, là, dans les partys de début de session. Tu sais, on ne se cachera pas, là, qu'il y a des petits joints qui se fument. C'est déjà là, là.

M. Beauregard (Robert) : Oui, Mme la ministre, absolument, on fait les mêmes constats et on en est désolés. Cependant, si le niveau universitaire était traité comme les autres niveaux d'enseignement, on aurait plus d'outils pour intervenir quand il y a des situations hors de contrôle qui se produisent. Là, en ayant la permission, ça va être beaucoup plus compliqué pour nous de travailler pour contrôler les débordements, les situations qui peuvent devenir dangereuses, qui peuvent être compliquées à gérer. On est conscients qu'il y a utilisation...

Mme Charlebois : Ce que vous voulez dire, c'est l'interdiction de possession, n'est-ce pas?

M. Beauregard (Robert) : Pardon?

Mme Charlebois : Ce que vous voulez me dire, c'est l'interdiction de possession, pas l'interdiction de consommation. C'est déjà interdit sur les campus.

M. Beauregard (Robert) : Oui. Bien, que le niveau universitaire soit traité comme le niveau collégial, c'est ça qu'on demande. Pour nous, si ça était appliqué, ça nous simplifierait beaucoup l'application des règlements qu'on a pour tenter d'assurer au maximum un environnement d'études sain.

Mme Charlebois : Ce que je crois, en ce moment, dans le projet de loi, là, c'est qu'on a les mêmes règles concernant la possession tant au collégial qu'à l'universitaire, mais il faut avoir 18 ans, effectivement.

Pour les lieux de consommation, je veux juste vous rassurer, il est permis d'avoir des fumoirs là où il y a de la recherche dans les universités. Ce n'est pas pour la consommation de tous et chacun, là, c'est vraiment où sera fait de la recherche en lien avec la consommation de cannabis, et c'est à l'article 14, je crois, si je ne me trompe pas, oui, exactement : «Un local où il est permis de fumer du cannabis à des fins de recherche peut être aménagé dans un centre de recherche exploité par un établissement de santé [...] un établissement d'enseignement collégial ou universitaire.» C'est dans ce sens-là qu'il peut y avoir des fumoirs. Mais des fumoirs pour fumer du cannabis autant que du tabac, c'est interdit dans ce qui est prescrit dans le projet de loi. Ce n'est pas une loi encore. Elle n'est pas adoptée. On est encore dans le processus d'amélioration.

Maintenant, dans les résidences, ça, c'est différent, c'est un milieu de vie. Effectivement, les personnes auront le droit de consommer, selon le projet de loi n° 157, du cannabis dans leur résidence, mais pas ailleurs, ni sur le terrain ni dans l'établissement. Je veux vous entendre là-dessus. Vous êtes en accord avec cette prémisse?

• (9 h 50) •

M. Allaire (Sylvain) : Donc, au niveau des résidences, effectivement, vous mentionnez qu'il est possible qu'il y ait consommation de cannabis. Présentement, dans bien des universités, avec la Loi du tabac, présentement, il y a interdiction de fumer, donc, au niveau du tabac. Les universités espéraient que, pour le cannabis, ça serait exactement les mêmes règles qui pourraient être appliquées à ce moment-là.

Mme Charlebois : O.K., de donner l'autorisation aux universités d'être plus restrictives que ce que le projet de loi demande, c'est ça?

M. Allaire (Sylvain) : Oui. Puis présentement les universités sont plus restrictives dans certaines résidences où il y a présentement interdiction de fumer directement mentionnée dans les baux de location. Donc, on voudrait appliquer les mêmes règles en ce qui concerne le cannabis.

Mme Charlebois : J'entends votre demande. J'aurai certainement des échanges avec ma collègue ministre responsable de l'Enseignement supérieur, mais aussi avec l'ensemble des députés, parce que je l'ai dit hier, puis je ne sais pas si vous m'avez entendue, mais, avec l'ensemble des députés du gouvernement, on va avoir des discussions sur des possibles amendements, mais aussi avec les députés de l'opposition parce que nous considérons tous que c'est un projet de loi assez important pour que nous puissions travailler ensemble pour répondre au meilleur intérêt de l'ensemble des Québécois. C'est sûr qu'on ne fera pas l'unanimité avec un projet de loi. Il y en a toujours qui voudraient quelque chose de différent. Mais on va, en tout cas, répondre à la majorité des Québécois. Puis ce qu'ils nous ont dit, les Québécois, en consultations préprojet de loi, c'est : Soyez prudents, soyez plus restrictifs, puis révisez rapidement votre loi pour qu'on puisse voir l'évolution de la légalisation, parce que le cannabis, on l'a dit d'entrée de jeu, ce n'est pas un phénomène nouveau, mais la légalisation en est un.

Et je profite de l'occasion pour inciter tout le monde à ne plus appeler ça autrement que du cannabis non thérapeutique. Vous ne l'avez pas fait, là. Vous n'avez pas appelé l'autre... Mais je le dis tout le temps quand j'ai une chance parce que je trouve que l'autre mot qui est utilisé souvent par le gouvernement fédéral amène à une banalisation, puis ce n'est pas ça qu'on veut, ce n'est pas ça qu'on souhaite. C'est un produit qu'il faut prendre le temps d'avoir beaucoup de prévention, de l'information, de l'éducation. Il faut signifier à l'ensemble de la population, pas juste aux jeunes, là, c'est quoi, le cannabis, quelles sont les conséquences possibles, quels sont les enjeux reliés à ça, mais aussi qu'est-ce que c'est, une consommation responsable. J'ai 58 ans puis j'en connais qui ont consommé plus jeunes, puis qui en consomment encore, puis qui n'ont pas eu de conséquence fâcheuse. Mais il y en a d'autres pour qui ça cause des problèmes. Alors, il faut au moins donner l'information puis savoir c'est quoi, du cannabis, qu'est-ce qu'il y a dedans, c'est quoi, la teneur en THC, c'est quoi, des cannabinoïdes, expliquer tout ça au monde.

Revenons aux questionnements. «Consommation et lieux d'usage». Je veux vous rassurer aussi quant à la livraison dans les résidences. Non seulement il faudra qu'il y ait signature, mais il va falloir fournir des pièces d'identité. Il va falloir que ça soit très, très rigoureux, et la Société québécoise du cannabis va s'assurer de ça avec la SAQ. Et, comme vous le savez, on va profiter de l'expertise de la SAQ pour faire la distribution du produit.

«Consommation et lieux d'usage». Oui, je vous en ai parlé à l'article 14, que c'était uniforme partout, mais parlez-moi de ce que vouliez nous parler. «Financement de la prévention et de la recherche en milieu universitaire». Vous aviez... Je pense, c'est le bout qu'il vous manquait à nous renseigner dans votre mémoire. Ça fait que je vous le laisse nous l'exposer parce que je pense que c'est suffisamment important.

Puis je veux terminer... Je ne sais pas s'il reste beaucoup de temps, M. le Président.

Le Président (M. Merlini) : Il reste sept minutes, Mme la ministre.

Mme Charlebois : Je veux aussi avoir un petit son de cloche de votre part. Hors milieu universitaire, si on ne permet pas de fumer le cannabis dans les résidences et dans les logements ailleurs dans le Québec et si on l'enlève aussi dans les milieux publics, où les gens vont consommer? Est-ce que c'est une façon de faire l'interdiction de consommation du cannabis? On fait-u indirectement ce qu'on n'est pas capables de faire directement à cause de la légalisation avec C-45? Ça, c'est ma deuxième question. Mais je vous laisse d'abord me parler du financement.

M. Beauregard (Robert) : Oui. Donc, à propos du financement de la recherche, étant donné qu'une forte proportion de la population étudiante des établissements universitaires est âgée entre 18 et 25 ans, qui est un âge critique, là, encore pour des potentiels impacts sur la santé, nous croyons qu'il est essentiel que des enveloppes soient octroyées pour financer les activités de sensibilisation, de prévention, de sécurité et de réduction des impacts en milieu universitaire. Les établissements entendent donc mettre en place des programmes et des activités correspondant aux orientations suivantes au cours des prochaines années : rappeler que, malgré la légalisation du cannabis, plusieurs règles en encadrent et limitent l'usage au Québec et en milieu universitaire, sensibiliser les étudiants et le personnel aux risques du cannabis et promouvoir auprès d'eux une consommation responsable — donc, on n'est pas dans la prohibition, mais dans la consommation responsable, la sensibilisation, l'information — et accompagner les personnes dépendantes. Donc, quand il y aura des difficultés, des problèmes, avoir les outils pour les accompagner.

Les universités sont également à l'avant-garde de la recherche sur plusieurs dimensions et domaines liés aux drogues en général et au cannabis en particulier. La légalisation du cannabis présente une occasion sans précédent pour nos experts chercheurs de mener des projets de recherche sur la consommation et ses impacts. Afin de ne pas rater l'occasion, il est primordial de consacrer des enveloppes à cette recherche. Nous sommes donc satisfaits de constater que la Loi encadrant le cannabis prévoit la constitution d'un fonds de prévention et de recherche en matière de cannabis.

En réponse à votre seconde question, on n'est pas dans la prohibition. On ne veut pas faire indirectement ce qu'on cherche à faire dans la légalisation. Mais on veut reconnaître que le milieu de l'éducation est un milieu qui a ses particularités. Et, pour nous, on mentionnait l'approche du contrôle des boissons alcooliques. La consommation d'alcool est permise, mais on mentionne qu'on aimerait prendre une approche similaire, dans le contrôle du cannabis, qu'on prend dans le contrôle de l'alcool, entre autres. Tu sais, c'est interdit, mais on précise les endroits où c'est permis, plutôt que de le permettre puis après préciser là où c'est permis. C'est une approche inverse, mais, pour nous... Dans le projet, on est plutôt dans l'approche inverse de celle de l'alcool. On préférerait prendre celle de l'alcool. Donc, il se consomme de l'alcool sur les campus, ne vous inquiétez pas, mais c'est interdit de consommer de l'alcool dans les campus. Et c'est une approche similaire qu'on souhaite. C'est interdit, mais après on vient préciser comment, par des règlements, c'est possible de le faire. Et là il y a toutes sortes de circonstances qui font qu'on consomme effectivement de l'alcool dans les campus. Et donc le cannabis, on voudrait une approche similaire.

Donc, je pense, ça permet d'illustrer ce qu'on recherche comme visée. Mais, pour nous, l'idée de l'interdire a priori, considérant la nature du milieu, puis de sa mission d'enseignement et de formation, puis les risques particuliers de cette population-là, puis après on peut le permettre, dans des circonstances très précises, dans les bars, dans les partys, et là on a des règlements pour le faire avec des sanctions quand on déroge, etc., ça nous permet de faciliter l'approche d'encadrement de la consommation à l'université.

Mme Charlebois : O.K. Je comprends mieux votre point de vue. Je veux aussi vous rassurer sur... parce que vous avez parlé de distribution gratuite de cannabis. Ça vous inquiète. Je veux juste vous dire que, dans C-45, la distribution gratuite est interdite. Or, la loi fédérale prévaut sur... Tu sais, c'est toujours le plus rigoureux des deux qui prévaut, et, en ce sens-là, ce n'est pas permis de faire de la distribution gratuite.

Combien il me reste de temps, M. le Président?

Le Président (M. Merlini) : 2 min 30 s.

Mme Charlebois : Eh mon Dieu! Ça passe vite. Est-ce que vous avez eu déjà des discussions avec la ministre de l'Enseignement supérieur au sujet des lieux de consommation, tout ça? Est-ce que vous avez déjà établi ou fait vos remarques avec elle?

M. Bédard (Claude) : Non, pas à ma connaissance. Alors, on a fait valoir notre position, comme on l'a dit, là, dans une lettre qui vous a été adressée, d'ailleurs, au mois de septembre, mais, à ma connaissance, il n'y a pas eu de forum, là, où on a discuté, toutes les universités, avec le ministre responsable, là, sur ce sujet encore.

Mme Charlebois : Bien, je vous invite à lui faire parvenir une lettre dans ce sens-là, le même genre de projet de lettre que vous m'aviez fait, et on va faciliter les discussions. C'est certain que je vais avoir des discussions avec elle notamment pour les cégeps et les universités, mais j'aurai les mêmes discussions avec mes collègues.

Maintenant, est-ce que vos étudiants ont pris position? Est-ce qu'ils ont transmis des commentaires à l'effet... Est-ce que leur position est la même que la vôtre?

M. Beauregard (Robert) : Pas à ma connaissance. Moi, j'ai sondé... Hier, on a eu une rencontre avec notre fédération d'associations de campus de premier cycle. On leur a posé la question. Ils nous ont dit que non, à ce moment-ci, ils ne sont pas là dans leur réflexion. Donc, on n'a pas pu avoir d'avis de leur part à propos de ça, en tout cas. Puis, à ma connaissance, je n'ai pas entendu d'autre opinion, là, divergente ou convergente.

• (10 heures) •

Mme Charlebois : Vous corroborez un peu ma thèse que la légalisation va être un processus évolutif. Donc, il va falloir réviser la loi rapidement. Est-ce que vous considérez que, dans l'ensemble, le projet de loi... Il y a-tu d'autres éléments sur lesquels vous voudriez nous porter une attention et même des éléments qui ne touchent pas nécessairement le monde universitaire, mais qui par ricochet pourraient avoir... Est-ce qu'on continue de faire de la prévention, par exemple? On commence à la fin du primaire, secondaire, au collégial, dans les universités... Est-ce qu'on continue? Sous quelle forme vous voyez ça?

M. Beauregard (Robert) : Absolument. Peut-être on peut donner l'exemple... À l'Université Laval, on a un programme qui s'appelle Mon équilibre UL, où on a des cours d'un crédit, où les étudiants s'inscrivent, qui traitent plusieurs aspects de la santé globale et de l'approche des études et de... bien, de la santé et de la prévention, tant l'alimentation, l'activité physique, la consommation de tabac, d'alcool, et de drogues, et de... donc, toutes sortes d'aspects qui sont traités de façon assez formelle, et qui connaissent un grand succès. Aussi, on traite de la procrastination, remettre ses devoirs à plus tard, toutes sortes d'aspects de la vie universitaire.

Mais, pour faire la promotion de saines habitudes de vie, c'est très important dans notre approche de développement durable mais dans un sens incluant des aspects sociaux, des aspects de sensibilisation. Et la démarche de l'Alliance santé Québec également va dans ce sens-là, plutôt que dans le curatif, d'accentuer notre effort de prévention, de sensibilisation, de formation à un équilibre de vie. Donc, on n'est pas dans le puritanisme, l'interdiction et dire : Il ne faut jamais consommer de substances, pas de café, parce qu'on n'est pas des amish. Mais un équilibre de vie, c'est possible, et donc la consommation de cannabis devrait se situer dans cette perspective-là. Et certainement qu'on va prendre en charge...

Le Président (M. Merlini) : Mme la ministre...

M. Beauregard (Robert) : ...des campagnes à ce sujet-là.

Le Président (M. Merlini) : Malheureusement, Mme la ministre, le bloc de temps est écoulé. Je dois maintenant aller du côté de l'opposition officielle. M. le député de Labelle, vous disposez de neuf minutes. À vous la parole.

M. Pagé : Merci, M. le Président. Alors, bonjour à tous et à toutes. Bienvenue chez vous, à l'Assemblée nationale. Merci d'être avec nous et de nous apporter votre réflexion.

Je ne pense pas... parce que je n'ai pas eu le temps de tout lire, mais avoir entendu une chose qui, pour moi, me semblait fort importante, parce qu'on l'avait entendue beaucoup lors des consultations, c'était la création d'un observatoire. Et certaines universités aussi nous avaient dit : Nous avons des chaires de recherche qui pourraient collaborer. Donc, notre position, qu'on a mise en place, qu'on a présentée en septembre dernier, c'était la création d'un observatoire et, je pense que ça m'apparaît comme fort important, en collaboration avec des chaires de recherche universitaires. Alors, pourriez-vous nous dire si vous y tenez toujours? Parce qu'il y a des universités qui sont venues nous en parler lors des consultations du mois d'août et septembre dernier.

M. Bédard (Claude) : Oui, absolument. Écoutez, les universités sont un réservoir important d'expertises, de connaissances sur toutes les questions qui sont reliées à l'usage des drogues, etc. Et puis moi, je pense que se priver de ce trésor de connaissances, qui est un bien public aussi, alors... Toutes les universités sont des institutions publiques, au Québec, alors on trouve que ce serait malheureux de passer sous silence ce que les universités peuvent faire et contribuer dans une meilleure connaissance du phénomène et du contrôle. Alors, c'est pour ça qu'on l'a mentionné aussi, en fin de mémoire, là, d'encourager la constitution d'un fonds qui pourrait être, entre autres, alloué à la poursuite d'activités de recherche avec ceux qui sont déjà en poste et qui font déjà ces activités dans nos campus.

M. Pagé : O.K. Oui?

M. Beauregard (Robert) : L'idée d'observatoire va un peu plus loin que simplement la recherche. C'est l'idée de surveillance de l'évolution. On parle d'aspect évolutif, dans l'implantation de la loi, donc un observatoire peut permettre de mutualiser les efforts de la recherche, puis de les rendre plus visibles, plus publics, et contribuer mieux à l'évolution du contrôle et de la façon dont on encadre la consommation du cannabis, je pense.

M. Pagé : Je vous remercie de le rappeler parce que c'est un sujet, évidemment, qui n'est pas abordé par tout le monde, mais qui est fort important, à mon avis, pour qu'on puisse évoluer de la meilleure façon possible et avec les meilleures pratiques possibles aussi, selon ce qu'on pourra constater au départ et dans quelques années. Alors, je pense que nous, on va certainement se proposer de faire ce genre d'amendement ou encore de proposition au gouvernement.

Je veux revenir sur les lieux de consommation parce que c'est vrai que c'est compliqué. On a beau dire : Ça va être légal de consommer, mais, si on interdit partout, il faut quand même trouver quelque part, hein? Et moi, j'ai été surpris de voir... quand je suis allé au Colorado, en 2016, j'ai passé trois, quatre jours à me promener un peu partout dans les municipalités, et, à ma grande surprise, à aucun endroit ça ne sentait le cannabis. Et, quand je me suis posé la question, c'est qu'il y a des endroits parfaitement désignés où on peut consommer. Entre autres, il y a un peu comme les «cigar lounges», là, des endroits où... bien, ça existe, d'ailleurs, au Québec, où on peut aller consommer une cigarette ou certains produits, mais pas pour le cannabis.

Sur les campus universitaires et à certains endroits, je ne sais pas si c'est à toutes les universités, mais il y a des bars. Ça existe. Est-ce que vous imaginez qu'il pourrait y avoir un bar cannabis sur des campus universitaires? Est-ce que cela pourrait exister? Évidemment, ça serait interdit partout, sauf dans des endroits très, très contrôlés, spécifiques et aménagés aussi en conséquence.

M. Beauregard (Robert) : C'est un peu ce que j'avais en tête, tantôt, quand j'évoquais la façon dont on contrôle la consommation d'alcool dans les universités. La consommation d'alcool, de façon générique, est interdite dans les universités, mais il y a des bars dans lesquels on peut consommer de l'alcool, ou des partys, et c'est encadré par des règlements, dans chaque université, où qu'ils définissent exactement le périmètre de ça. Et donc on peut imaginer une situation similaire pour la consommation de cannabis, effectivement. Je ne sais pas si vous avez plus de...

M. Allaire (Sylvain) : Moi, j'aurais peut-être une précision à apporter, ou une inquiétude en même temps, c'est plus au niveau des périodes d'ouverture de ces bars-là de cannabis, si vous voulez. Dans les activités normales du quotidien, s'il y a une consommation, avec l'ensemble des activités sur un campus, tout ce qui est règles de sécurité et de sûreté pourrait être remis en péril s'il y a des consommations.

Je vous donne simplement un exemple au hasard, peu importent les universités, mais, si nous avons des étudiants ou encore du personnel qui doivent opérer de la machinerie lourde, dans des sciences et génie, ayant consommé, bien, je pense qu'on augmente le risque d'incident ou d'accident. Donc, la période d'ouverture et le temps, pour moi, devient quelque chose d'important pour les universités.

M. Pagé : Je pense qu'à partir du moment où on se met d'accord sur un lieu de consommer, ensuite, c'est l'encadrement de tout cela qui va en découler. Mais je pense qu'on recherche les mêmes objectifs.

Toujours un peu dans le même esprit, nous avons dit que nous allions plus loin que la position gouvernementale, qui était la suivante : nous, c'est interdiction partout où la cigarette et/où l'alcool est interdit. Donc, dans les lieux publics, en ce qui nous concerne, c'était non, aucune consommation, sauf les endroits qui pourraient être désignés et bien encadrés par les municipalités.

Hier, nous sommes allés plus loin, en disant : Cela devrait être fait, si jamais le gouvernement accepte, après consultation des établissements scolaires. Si nous y allions de cette façon-là... Parce que vous demandez un droit de regard, même un droit de réglementer, mais est-ce qu'on va donner un droit de réglementer aux municipalités, aux campus universitaires, à tout le monde? Si on allait avec ce que je viens de dire mais que ce règlement-là découlerait de la municipalité après vous avoir consultés, est-ce que vous seriez à l'aise avec cette formule, avec cette façon de faire?

M. Beauregard (Robert) : On n'a pas discuté de ça, donc je suis un peu mal à l'aise de vous répondre.

M. Pagé : Ce n'est pas que je voulais vous piéger.

M. Beauregard (Robert) : Non, non, non, je comprends ça. Mais comme ça n'existait pas avant, là, il faut imaginer toutes les situations. On est dans...

M. Pagé : ...droit nouveau, hein?

M. Beauregard (Robert) : Oui, c'est ça. Donc, je suis un peu embêté de vous répondre. Juste redire qu'on souhaite l'interdiction sur les campus, avec une possibilité... une formule pour encadrer, effectivement, là où c'est possible. Tu sais, dans notre esprit, dans les bars où il y a possibilité de consommer de l'alcool, on n'a pas le droit de fumer dans ces lieux-là. Donc, tu sais, l'aspect fumer, pour nous, c'est un peu un analogue de toutes les lois et règlements sur le tabagisme, puis l'aspect intoxicant, pour nous, c'est un analogue de l'alcool, qui est une substance permise mais encadrée. Et donc c'est nos deux repères pour déterminer notre position. Donc, l'appareillage législatif et réglementaire qui permet d'encadrer le droit de fumer et la consommation d'alcool, pour nous, sont des balises quand même solides sur lesquelles s'appuyer pour la suite des choses. Et donc on souhaite un alignement du développement de l'appareillage légal et réglementaire qui suive des principes similaires. Donc, l'alcool, ça serait l'analogue. Donc, la façon dont on réglemente la consommation d'alcool serait l'analogue pour contrôler la consommation de cannabis sur les campus.

• (10 h 10) •

M. Pagé : O.K. Je vois bien. Je sais qu'il ne me reste qu'une seule minute, le président va me le dire très bientôt. Vous avez parlé de financement, mais financement pour faire de la sensibilisation auprès des étudiants, du personnel, accompagner le personnel ou encore des étudiants qui pourraient avoir des problèmes de dépendance. Je vais vous avouer que je suis inquiet et toujours surpris de voir, à ce moment-ci, à quelques semaines, quelques mois de l'entrée en vigueur de cette loi-ci et celle du fédéral, qu'on en soit encore à des intentions et que tout ça ne soit pas clairement défini et mis en place.

Est-ce qu'il y a eu des contacts avec le ministère de l'Éducation qui vous a dit : Prévoyez votre stratégie et donnez-nous la hauteur de vos demandes et de vos besoins pour qu'on puisse être en action dès le mois de janvier? Est-ce que ce travail-là est fait? Est-ce que vous êtes capables de nous fournir vos besoins de façon très claire à ce moment-ci? Puis ce n'est pas un reproche que je vous fais, mais on sait depuis deux ans et demi que ça s'en vient, le dépôt du projet de loi au fédéral, et il a clairement donné ses indications au mois d'avril l'année dernière.

Le Président (M. Merlini) : Une très brève réponse, très, très brève.

M. Beauregard (Robert) : Comme M. Bédard mentionnait à la ministre tantôt, on n'a pas eu d'échange avec le ministère de l'Éducation encore, donc ça inclut sur ce sujet-là.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. le député de Labelle, pour ce bloc d'échange. Nous allons maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Repentigny, vous disposez de six minutes. À vous la parole.

Mme Lavallée : Merci. Merci d'être là. Je vais commencer puis, après, je vais laisser la parole à mon collègue. Je reviendrais sur votre principe de non-malfaisance. Oui, dans la loi, on veut permettre la consommation de cette substance-là à partir de 18 ans, sous prétexte qu'on va enlever des jeunes dans le milieu illicite, au niveau de la consommation. Et, si c'est ce critère-là qui nous guide, on devrait permettre la consommation à partir à partir de 13, 14, 15 ans, 16 ans parce que les jeunes en bas de 18 ans aussi consomment. Donc, si c'est ce critère-là qui devrait nous guider, on devrait légaliser avant.

Nous, on a fait le choix de plus promouvoir l'âge de 21 ans parce que, pour un gouvernement responsable, c'est d'envoyer un signal fort qu'avant 21 ans on considère qu'il y a des dangers, que ce n'est pas banal et qu'on doit peut-être faire plus de prévention auprès de ces jeunes-là, plutôt que de banaliser en le permettant à partir de 18 ans. Et vous, vous parlez du principe de la non-malfaisance. C'est la première fois que j'entendais ça. J'aimerais ça que vous en parliez.

M. Beauregard (Robert) : Bien, on rappelle les connaissances qu'on a actuellement en santé, des dommages causés par la consommation de cette famille de drogues là, on pense effectivement qu'il y a encore de la recherche à faire pour mieux mesurer. Ce n'est pas tout le monde qui va être affecté, ce n'est pas tout le monde qui va être affecté de la schizophrénie parce qu'il a consommé un joint entre 18 et 25 ans. Mais on pense qu'il y a encore de la recherche à faire pour mieux comprendre ça avant d'ouvrir trop.

Pour nous, le milieu universitaire étant un milieu où la clientèle se trouve en majorité entre l'âge de 18 et 25 ans, à peu près 70 % de la fréquentation est dans cette bracket-là, si on inclut l'université du troisième âge puis toutes sortes de choses. Bien, ça reste qu'on est dans une population particulièrement à risque. Donc, on demande d'avoir une prudence peut-être un peu plus grande que ce qui est prévu et d'inclure le niveau universitaire dans les... de le traiter comme le milieu collégial, finalement. Donc, dans le projet de loi actuel, c'est notre demande.

On ne s'est pas prononcés sur l'âge de la légalisation. On a juste rappelé ce qu'on connaît par la science. Et on n'est pas le législateur, mais on a demandé que le niveau universitaire soit traité comme le niveau collégial pour des raisons de prudence et pour donner les outils de mieux encadrer. Et comme j'ai mentionné, dans les bars, probablement qu'il y aura une possibilité de faire comme c'est le cas de l'alcool, mais ça nous donne plus de moyens pour mieux encadrer, puis minimiser le risque, puis faire mieux la prévention, faire mieux le travail qu'on a à faire pour assurer un environnement sain d'étude et de travail à l'université.

Mme Lavallée : Donc, par prudence, on devrait être plus sévères au début, quitte à s'ajuster en fonction des connaissances en établissant 21 ans comme le... J'aime le principe que vous mettez dans votre mémoire, disant qu'on devrait l'interdire partout sauf exception. Donc, c'est plus facile aussi à gérer puis...

Une voix : ...

Mme Lavallée : Comme l'alcool, effectivement.

M. Beauregard (Robert) : On pense que le principe, la façon dont on traite l'alcool, c'est le bon principe pour traiter aussi cette substance-ci. On ne veut pas revenir à la prohibition de l'alcool. Je pense qu'on a maturé par rapport à ça et je pense qu'on peut avoir une position mature par rapport à la consommation du cannabis. Mais il faut avoir une certaine prudence puis il faut évoluer étape par étape. Mais la position de principe qu'on énonce très clairement, c'est encore une fois de traiter le niveau universitaire comme le niveau collégial, d'avoir le même niveau de prudence au niveau universitaire qu'on a au niveau collégial. C'est clairement notre demande ce matin.

Mme Lavallée : Merci.

Le Président (M. Merlini) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Bonjour, messieurs, merci d'être présents aujourd'hui à l'Assemblée. Lorsque la Fédération des cégeps est venue, elle nous a dit : Écoutez, nous, on souhaite que ce soit interdit sur les campus collégiaux, mais on a une certaine difficulté avec les résidences parce que, bon, là, on se retrouve dans la chambre de la personne, la charte s'applique, tout ça, donc on exclurait les résidences. Est-ce que c'est la même réalité pour les universités? Dans le fond, l'interdiction du campus, sauf les résidences, on ferait une exception?

M. Beauregard (Robert) : C'est clair que la réalité des résidences est différente de celle de l'ensemble du campus, puis c'est un milieu de vie. Mais la chambre du résident puis les lieux publics dans les résidences, c'est des choses différentes aussi. Il y a des cuisines collectives dans les résidences, il y a des lieux de socialisation dans les résidences. Donc, la résidence, ce n'est pas que des chambres, ce n'est pas qu'une suite de chambres. Puis c'est là qu'on tombe dans des zones grises, dans les espaces publics, dans les résidences. Je ne sais pas si tu veux aller plus loin.

M. Allaire (Sylvain) : Je reprends de quoi qu'on a mentionné déjà. Dans les résidences, présentement, la majorité des baux de location, à part quelques exceptions, et je parle pour Laval, présentement, c'est des baux où il est interdit de fumer. Donc, les personnes qui sont en résidence, il y a déjà une interdiction de fumer. Et c'est pour ça qu'on demandait que l'application pour le cannabis consommé sous forme de combustion comme telle, on applique la même loi que celle du tabac pour les résidences.

M. Jolin-Barrette : Sur la question de la possession, en fait... parce que, bien entendu, on peut interdire, dans le fond, le fait de fumer le cannabis, mais, sur la question de la possession, qu'est-ce qu'on fait, à partir du moment où... Supposons qu'on interdit la possession de cannabis sur le campus. Mais, dans sa résidence, comment on gère ça?

M. Beauregard (Robert) : ...la même règle qu'on applique pour la consommation d'alcool. Donc, les résidents, dans leurs chambres, peuvent consommer de l'alcool, ils peuvent posséder de l'alcool, mais, dans les lieux publics, dans les résidences, ça se passe comment?

M. Allaire (Sylvain) : En ce qui concerne présentement les lieux publics, pour le tabac, dans les résidences comme telles, il n'y a pas de consommation à l'intérieur des résidences.

Le Président (M. Merlini) : Messieurs Claude Bédard, M. Robert Beauregard et M. Sylvain Allaire, représentant le Bureau de coopération interuniversitaire, merci de votre présence ce matin et votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends nos travaux quelques instants et j'invite l'Ordre des pharmaciens du Québec à prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 18)

(Reprise à 10 h 20)

Le Président (M. Merlini) : Nous reprenons donc nos travaux. Nous avons le plaisir maintenant d'accueillir l'Ordre des pharmaciens du Québec. Je ne crois pas que c'est votre première présence en commission parlementaire, alors vous connaissez les habitudes. Vous avez 10 minutes pour faire votre exposé. Je vous invite à présenter les gens qui vous accompagnent. Et ensuite, nous procéderons aux échanges avec les membres de la commission. À vous la parole, et bienvenue à la CSSS.

Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ)

M. Bolduc (Bertrand) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, distingués membres de la Commission de la santé et des services sociaux, bonjour. Je désire d'abord vous remercier de l'opportunité qui nous est offerte aujourd'hui de venir vous présenter nos réflexions sur le projet de loi n° 157, un projet de loi d'une très grande importance, car il aura un impact très concret sur la vie de nombreux Québécois.

Je suis accompagné aujourd'hui de mes deux collègues, Manon Lambert, directrice générale et secrétaire de l'ordre, ainsi que Mme Danielle Fagnan, directrice des services professionnels.

Je pense que vous êtes tous familiers avec le rôle des ordres professionnels. Donc, très brièvement, l'Ordre des pharmaciens du Québec a pour premier mandat la protection du public. Pour ce faire, nous mettons en place des mécanismes d'admission, d'inspection et d'enquête. Les pharmaciens doivent exercer en fonction des standards de pratique développés par l'ordre. Les 9 500 pharmaciens du Québec sont touchés, d'une façon ou d'une autre, par l'un de nos mécanismes d'inspection au minimum une fois tous les cinq ans. L'inspection est, d'ailleurs, au coeur de notre stratégie pour assurer que les Québécois reçoivent des services pharmaceutiques de très grande qualité, autant en établissement de santé qu'en milieu communautaire.

Dans notre mémoire tout comme dans nos discussions ici, nous ferons référence aux deux types de cannabis, soit le cannabis utilisé à des fins non médicales et le cannabis utilisé à des fins médicales. Vous comprendrez que la position de l'ordre est très différente selon le type de cannabis auquel nous ferons référence.

D'abord, débutons avec le cannabis utilisé à des fins non médicales. De notre point de vue, il doit y avoir une interdiction formelle concernant la production ou la vente de ce type de produit par un pharmacien.

Bien que le projet de loi octroie le droit exclusif de la vente de cannabis à des fins non médicales à la Société québécoise du cannabis, le gouvernement laisse une porte ouverte au privé en permettant la création de projets pilotes dont les normes et obligations pourront différer du cadre proposé dans la loi. Cette brèche doit, à même le projet de loi, exclure spécifiquement toute possibilité de vente de cannabis à des fins non médicales par un pharmacien, qu'il le fasse dans sa pharmacie ou non.

Sur les plans déontologique et éthique, il nous apparaîtrait hautement illogique qu'un pharmacien puisse dispenser ou produire du cannabis à des fins non médicales, sachant qu'il peut être nocif pour des clientèles à risque comme les femmes enceintes ou les patients atteints de troubles de santé mentale. La vente de ce produit, tout comme celle du tabac, est totalement incompatible avec l'exercice de la pharmacie. De plus, il doit y avoir une cohérence avec le cadre législatif sur la vente du tabac, qui est formellement interdite non seulement dans les pharmacies, mais aussi dans les boutiques ou les magasins adjacents aux pharmacies.

Dans notre mémoire, nous vous demandons d'apporter un changement à l'article 55 du projet de loi et nous recommandons que le gouvernement approuve éventuellement des changements au code de déontologie du pharmacien de même qu'à la Loi sur la pharmacie afin de s'assurer que tout soit en place pour éviter une telle éventualité. Je vous invite à vous référer aux recommandations 3, 4 et 5 de notre mémoire.

Maintenant, l'article 26 du projet de loi prévoit que la Société québécoise du cannabis devra communiquer à l'acheteur des renseignements prescrits par règlement du ministre. C'est, selon nous, une très bonne chose. Dans une approche de réduction des méfaits, nous recommandons que les possibles interactions médicamenteuses et les contre-indications fassent partie des renseignements transmis à la population. Le cannabis peut interagir avec de nombreux médicaments.

Les employés des succursales de la Société québécoise du cannabis devraient disposer d'un outil de communication afin d'informer les éventuels consommateurs quant aux risques d'interaction médicamenteuse avec le cannabis. De plus, ces employés devraient suivre une formation de base qui les sensibiliserait à ce sujet afin qu'ils puissent à leur tour le faire avec les consommateurs. Sans en faire des experts ou des pharmaciens, les employés de la société pourraient référer la population à leurs pharmaciens en cas de questionnement.

Nous savons que les gens qui consomment du cannabis sont à plus grand risque de psychose. L'ordre souhaite que des corridors de services soient prévus pour diriger les patients présentant des signes de psychose ou ayant besoin de soutien en toxicomanie. Sans la présence de tels corridors, les professionnels n'auront d'autre choix que de référer ces patients à l'urgence... qui sont d'ailleurs déjà assez occupées.

Par ailleurs, l'accès à ces services ne devrait pas requérir une référence médicale. Dès que le besoin est détecté, que ça soit par un pharmacien, une infirmière d'Info-Santé ou encore un employé de la Société québécoise du cannabis, un corridor donnant accès à une évaluation devrait être prévu afin de pouvoir intervenir à temps.

Actuellement, pour avoir accès à un programme d'intervention pour un premier épisode psychotique, les règles varient d'une région à l'autre. Il faudrait éviter que ce soit le cas lorsque le cannabis à des fins non médicales sera disponible au Québec.

La lutte contre le tabagisme encadre bien la promotion du tabac et l'usage qui peut en être fait au Québec. L'ordre appuie les dispositions interdisant la promotion du cannabis à des fins non médicales et recommande que le projet de loi demeure le plus restrictif possible en matière de publicité. Quant à l'emballage, le gouvernement pourra édicter par règlement les normes s'y rattachant. Selon l'ordre, les dispositions sur le tabac sont les normes minimales qui doivent s'appliquer, puisqu'elles font l'objet d'un consensus social.

Je désire conclure cette partie en saluant la constitution d'un comité de vigilance. Nous profitons de notre présence ici pour souligner que l'expertise d'un pharmacien sera particulièrement pertinente sur un tel comité en raison des enjeux grandissants relatifs aux drogues et aux médicaments.

La crise des opioïdes est un exemple où l'expertise des pharmaciens est cruciale. 72 % des répondants à un sondage du Conseil interprofessionnel du Québec mentionnent qu'ils ont recouru aux services d'un pharmacien au cours des deux dernières années, à égalité avec les médecins, et ce, beaucoup plus qu'à tout autre professionnel de la santé. Comme vous le savez, le pharmacien bénéficie d'une disponibilité et d'un contact privilégié avec la population. Cela lui procure un regard particulier sur l'évolution des tendances, notamment en matière de consommation de drogues. Pour ces raisons, l'ordre croit qu'un poste doit être dédié à un pharmacien au sein du comité de vigilance.

Maintenant, avant de conclure et de passer aux questions, permettez-moi de vous faire part rapidement de notre position sur le cannabis utilisé à des fins médicales.

L'ordre, via ses instances officielles, a fait une longue réflexion sur la question de la distribution du cannabis médical en pharmacie. Notre position a évolué au cours des derniers mois. Notre conseil d'administration a notamment rencontré Dr Mark Ware, du Centre universitaire de santé McGill, qui est directeur général du Consortium canadien pour l'investigation des cannabinoïdes dans le cadre de cette réflexion. Nous en sommes venus à la conclusion que, malgré le statut particulier du cannabis médical, les patients qui l'utilisent ne sont pas différents des utilisateurs de n'importe quel autre médicament. Ils devraient, en ce sens, pouvoir bénéficier de l'expertise d'un professionnel de la santé pour en retirer le maximum d'efficacité et de bénéfices en toute sécurité. Et c'est précisément le rôle du pharmacien.

Je ne vous apprendrai rien en vous mentionnant que les utilisateurs de cannabis médical reçoivent actuellement le produit par la poste ou, pire, de façon illicite. Ils ne bénéficient d'aucun suivi particulier de la part du pharmacien, et parfois le pharmacien ne sait pas que le patient l'utilise.

Intégrer le pharmacien dans la chaîne de distribution permettrait notamment de s'assurer que le produit apparaisse au dossier électronique du patient et éventuellement au Dossier santé Québec. De plus, ceci permettrait au pharmacien de déterminer pour chaque patient si le cannabis peut interagir avec certains de ses médicaments. Le pharmacien sensibiliserait ses patients sur les effets secondaires et spécifierait les contre-indications. Il pourrait aussi accompagner le patient en le conseillant, par exemple, sur la meilleure façon pour lui de prendre son traitement. Bref, la protection du patient ayant recours au cannabis médical est tributaire de cette surveillance et d'un suivi clinique.

Néanmoins, ça prend des conditions minimales pour la distribution en pharmacie : que le produit soit approuvé par Santé Canada ou qu'il soit disponible de façon encadrée et que l'utilisation se fasse dans un projet de recherche encadré par un comité d'éthique comme celui mis en place par le Collège des médecins.

Pour terminer, l'article 51 du projet de loi prévoit la constitution du Fonds de prévention et recherche en matière de cannabis. Bien que l'actuel projet de loi encadre essentiellement l'utilisation du cannabis à des fins non médicales, l'ordre recommande que le financement puisse être aussi affecté à la recherche sur l'utilisation du cannabis à des fins médicales. Un tel financement permettrait d'améliorer les connaissances sur le produit, sur son utilisation. Ces données seraient aussi fort utiles pour les professionnels de la santé qui devront évaluer le besoin clinique et la pertinence de l'utilisation de ce produit chez un patient donné.

Mmes, MM. les parlementaires, l'essentiel de notre position sur le sujet vous a été présenté, et nous sommes ouverts à vos questions. Merci.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. Bolduc, pour la présentation de votre mémoire ce matin. Nous allons débuter les échanges avec la partie gouvernementale. Mme la ministre, députée de Soulanges, vous disposez de 15 minutes. À vous la parole.

• (10 h 30) •

Mme Charlebois : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Bolduc, Mme Lambert et Mme Fagnan — c'est ça? — merci d'être là et de nous faire connaître vos positions. C'est d'autant plus intéressant qu'hier on a reçu l'association des pharmaciens indépendants. À plusieurs égards, vos points de vue se ressemblent. J'imagine que vous avez discuté ensemble, fort probablement. Maintenant, je vais discuter avec vous, du point de vue du cannabis thérapeutique d'abord, avant d'aller au non-thérapeutique.

Pour ce qui est du cannabis thérapeutique, à ma connaissance, puis hier ça a été discuté aussi, puis je veux valider avec vous si j'ai compris les bonnes choses, c'est que le cannabis thérapeutique doit absolument, un, être reconnu par Santé Canada comme étant un médicament. Je ne sais pas si j'ai le bon mot. En tout cas, sinon, même au Québec, on ne peut rien faire, dans le sens où on ne peut pas... Mais, moi, là, où j'ai un problème, c'est qu'il n'est pas reconnu comme médicament, mais, en même temps, il se vend du cannabis thérapeutique approuvé par... là, je ne comprends pas. Il y a comme une incohérence dans ma tête que je n'arrive pas à arrimer.

M. Bolduc (Bertrand) : Ça aurait été plus facile si le cannabis médical aurait été approuvé comme un médicament comme tous les autres. Malheureusement, il n'a pas été approuvé par Santé Canada, il a été approuvé par la Cour suprême du Canada. Alors, ce n'est pas tout à fait le processus auquel on est habitués, et c'est pour cela qu'il n'est pas en pharmacie présentement, et ça, ça fait quand même plusieurs années.

Évidemment, ce produit-là n'est pas développé par le même système habituel, par les compagnies pharmaceutiques qui font des études cliniques et qui nous donnent des données probantes qui nous permettent éventuellement de travailler avec une monographie de produits claire. C'est pour ça que les ordres de pharmaciens, au Canada, ont toujours été contre la distribution en pharmacie.

Maintenant, notre position évolue parce que les connaissances évoluent également. Il y a maintenant des données probantes, quelques indications bien spécifiques qui montrent que les patients peuvent bénéficier. Et le cannabis médical est rarement un produit d'utilisation de première ligne. C'est souvent en deuxième, et même troisième, ou quatrième ligne de traitement, donc présence d'autres médicaments, donc problèmes potentiels d'interaction et de suivi.

Alors, suite à ça, on se demande qu'est-ce qui est le mieux pour le patient. Est-ce que c'est d'aller ailleurs, ou le recevoir par la poste et ne pas avoir cette surveillance et ce suivi-là que le pharmacien offre, ou de permettre en pharmacie, selon les conditions que nous avons exprimées, c'est-à-dire soit il est approuvé par Santé Canada — et plusieurs compagnies se dirigent dans cette direction-là — ou comme un produit de nature expérimentale, si on veut, et là on le fait sous le chapeau d'un projet de recherche clinique qui est encadré par le Collège des médecins également? Alors, à ces conditions-là, on pense qu'en pharmacie, c'est le meilleur endroit pour le cannabis médical. Peut-être que Manon veut rajouter.

Mme Lambert (Manon) : Alors, je dirais que ce qu'on suggère, c'est une ouverture prudente. On sait que les promoteurs du marché médical sont extrêmement agressifs. Dans leurs allégations d'efficacité, ça va de A à Z et à double Z, ce qui n'est pas les connaissances qu'on a actuellement. Donc, il y a essentiellement trois indications pour lesquelles, actuellement, le cannabis... il semble y avoir des données probantes intéressantes, donc... Et, après discussions à Dr Ware puis avec Santé Canada, il y a des préoccupations, effectivement, qu'on ait des professionnels réglementés qui en fassent la distribution pour... professionnels réglementés par un code de déontologie, qui ne pourront pas faire des allégations que c'est efficace contre je ne sais pas quelle maladie. Mais donc les pharmaciens, avec leur code de déontologie, bien, doivent se baser sur les données de la science.

Comme disait Bertrand, au départ, on était très frileux, parce que, quand la Cour suprême a autorisé l'utilisation, il n'y avait pas de mécanisme de réglementation fédérale. Maintenant, il y en a un. Santé Canada a bonifié l'encadrement de la production. Maintenant, on est relativement assurés de produits de qualité, et les données de la science ont évolué. Malgré ça, ce qu'on propose, c'est vraiment une ouverture très prudente. Et d'ailleurs une de nos recommandations, c'est que peut-être l'usufruit de la vente de cannabis à des fins non thérapeutiques, une partie de la vente puisse être utilisée pour améliorer la recherche, pour qu'on puisse statuer une fois pour toutes sur l'efficacité versus les risques de l'utilisation du cannabis à des fins thérapeutiques, et tout ça dans un contexte qu'on connaît bien, dans un contexte scientifique, où on va aller chercher des données fortes et importantes, et on n'exposera pas les patients à des risques inopportuns, parce qu'on ne sait pas trop si effectivement c'est efficace ou pas puis parce qu'on ne connaît pas tant que ça les risques, donc approche très prudente.

Mme Charlebois : J'aime ça vous entendre, parce qu'en même temps c'est de l'information pour la population, ce que vous venez de faire, là, parce qu'en ce moment ce que j'ai entendu, c'est, premièrement, c'est qu'il y en a qui s'automédicamentent, qui évaluent leur affaire eux autres mêmes, mais il y en a d'autres pour qui... parce que ça m'a frappée pendant les consultations, et puis, à un moment donné, je l'ai même dit publiquement, ils n'avaient pas... on l'a dit hier, les médecins ne prescrivent pas beaucoup au Québec, pour ne pas dire à peu près pas, de cannabis thérapeutique, mais les médicaments ailleurs... voyons, pas les pharmaciens, les médecins ailleurs le font, et il y a un lobby qui dirige les gens vers ça.

C'est inquiétant dans le sens où j'entends votre recommandation, mais là je me dis : En même temps, par téléphone, tu as une prescription d'un médecin qui ne te connaît pas, qui ne sait pas les autres médicaments. Lui as-tu tout dit quand tu lui as parlé? Bref, j'invite la population à beaucoup de prudence à travers ça. Une fois que je vous ai parlé de ça, parce que ça, c'est le dossier du cannabis thérapeutique... puis vous expliquez très bien le pourquoi il n'y a pas de prescription au Québec. Ce n'est pas juste le Collège des médecins qui l'interdit, c'est Santé Canada, c'est les recherches qui doivent être poursuivies, etc.

Revenons donc au cannabis non thérapeutique, puis je vous remercie d'utiliser ce terme-là et de ne pas utiliser un autre terme, parce que, pour moi, ça part là la banalisation, c'est dans l'utilisation des mots. Et je comprends que vous n'êtes pas d'accord avec le projet pilote de cinq succursales autres que par la Société québécoise du cannabis.

Mme Lambert (Manon) : En fait, on ne se prononce pas sur le reste du secteur privé pour le non-thérapeutique. Par contre, nous, ce qu'on dit, c'est que les pharmacies devraient d'emblée... les pharmacies ou les boutiques adjacentes aux pharmacies devraient d'emblée être exclues de la possibilité d'avoir un projet pilote. Pour nous, c'est incompatible la vente, la production de cannabis à des fins non thérapeutiques par un pharmacien, à l'instar du tabac, de la même façon qu'on serait très inconfortables de vendre de l'alcool dans les boutiques adjacentes.

Pour nous, là, c'est un ensemble cohérent et c'est incompatible avec le rôle du pharmacien. Comment un pharmacien pourrait vendre du cannabis à un jeune qui est à risque éventuellement d'épisodes psychotiques? Comment un pharmacien pourrait vendre du cannabis à des fins récréatives à un patient pour lequel il pourrait y avoir des interactions? Je dis «pourrait» parce qu'on sait très bien que le cannabis peut avoir des interactions, mais comme c'est illégal, on n'a pas de données encore très formelles, et tout ça. Donc, on est à la recherche, nous, comme professionnels de la santé, de données solides qui vont nous donner... comme les médicaments, on sait que tu entres en interaction avec tel médicament, tel médicament, puis tu fais une surveillance et tout ça. On n'a pas ça avec le cannabis à des fins récréatives. Donc, on ne veut pas mettre la population à risque dans nos pharmacies.

Mme Charlebois : Oui, puis c'est professionnel de votre part, parce qu'effectivement tous les médicaments ont une interaction entre eux, mais le cannabis en est une autre interaction possible. À la limite, j'allais vous dire : Il y a même des vitamines que tu ne peux pas jumeler avec certains médicaments. Bon, puis ça, c'est tout autre chose.

Vous nous parlez de formation de base pour les travailleurs de la Société québécoise du cannabis et vous nous exposez très clairement la complexité de votre rôle et de votre profession. Qu'est-ce que vous voudriez voir inclus? Parce que, ça aussi, là, quand vous dites : Il va falloir qu'ils conseillent en fonction de ce qu'ils prennent comme médicaments, ça commence à être limite, là. C'est bien plus le rôle du pharmacien de faire ça que de nos travailleurs en Société québécoise du cannabis, vous ne pensez pas?

M. Bolduc (Bertrand) : Oui et non, parce que, par exemple, à partir du 1er juillet 2018, il y a des gens qui vont pouvoir s'en procurer et qui vont se lever le matin...

Je vous donne un exemple. Vous vous levez ce matin puis vous vous êtes fait mal dans le dos. Vous allez dire : Bon, bien, peut-être que ça m'aiderait. Alors, vous allez à une succursale de la Société québécoise du cannabis et vous allez dire : Bien, moi, j'ai mal dans le dos, je viens me chercher du cannabis. Puis là il faut que les employés disent : Bien, si c'est pour un usage médical, et que tu as mal dans le dos parce que... et que tu prends déjà d'autres médicaments pour ça, il faudrait absolument que tu consultes ton pharmacien pour voir si c'est approprié, idéalement avoir une prescription médicale pour ce genre de traitement là.

On veut éviter que les gens se dirigent vers les succursales pour l'usage médical de ces produits-là. Et là je parle d'un mal de dos, ça pourrait être un patient qui a le cancer, qui a des nausées à cause de son traitement, ça pourrait être quelqu'un qui a de la sclérose en plaques, etc. Ces gens-là doivent être suivis de façon médicale, prennent déjà plusieurs médicaments, et là on arrive avec une option qui devient disponible de façon non médicale, mais...

Donc, on veut que le personnel de vos succursales puisse être en mesure de dire : Un instant, vous seriez mieux de... À partir de là, le patient ou la personne, le consommateur fera son choix, mais au moins il y a une mise en garde, basée sur des éléments probants, des éléments objectifs qui font en sorte que les gens pourront dire : Ah! c'est vrai, peut-être que je devrais d'abord consulter mon médecin et mon pharmacien et, par la suite, faire un choix suite à ça.

• (10 h 40) •

Mme Charlebois : Oui, je comprends mieux, parce qu'effectivement, tu sais, on ne peut pas devenir pharmacien avec une formation de base pour travailleur en Société québécoise du cannabis.

Est-ce que, comment vous dire ça... Dans les autres projets pilotes, est-ce qu'il y a d'autres projets pilotes que vous voudriez voir? Outre la recherche, outre la vente, que vous me dites ne pas être en accord, est-ce qu'il y a d'autres projets pilotes qu'il pourrait être intéressant d'élaborer pour le gouvernement du Québec?

M. Bolduc (Bertrand) : On peut imaginer plusieurs choses. Par exemple, on a... La douleur chronique est un grand problème, hein, et ça nous occasionne des problèmes avec les opioïdes, là, et on essaie du mieux qu'on peut, tant au niveau des médecins et des pharmaciens, de bien contrôler l'utilisation de ces produits-là. Ceci étant dit, l'utilisation du cannabis thérapeutique au niveau de la douleur chronique est une des indications où il y a beaucoup de potentiel. Et des projets avec des cliniques de la douleur, que ce soit dans nos centres universitaires ou ailleurs, pourraient nous aider à aller chercher des données probantes, et là on aurait encore plus de choses pour bien travailler avec les patients.

Donc, la douleur chronique, des cliniques de la douleur, on aurait peut-être une opportunité de développer des données qui nous permettraient de réduire le risque des opioïdes et leur utilisation et d'aller vers des produits qui sont efficaces et sécuritaires. Et ça, c'est le genre de projets pilotes qui sont non liés à la distribution, qui sont liés à l'utilisation médicale, qui pourraient être intéressants.

Mme Charlebois : Il y a des gens, effectivement, qui nous ont dit, quand ils sont venus en commission... puis je ne nommerai pas de maladie parce que je ne veux pas que les gens pensent que j'adhère à toutes les philosophies, là, mais il y a des maladies... Il y a un monsieur, entre autres, qui nous a dit... depuis l'âge de neuf ans qu'il consommait, puis lui, ça l'a aidé à survivre, mais pour des raisons qui lui appartiennent. Puis il y en a d'autres, pour toutes sortes de maladies, qui disaient, pour leur enfant, c'était... Bon, je vous laisse ça comme ça, mais encore là, je pense que la science doit faire son oeuvre. Vous avez tout à fait raison.

Est-ce que vous vous êtes penchés sur d'autres aspects du projet de loi? Exemple, les lieux de consommation, la possession, l'âge. Y a-tu d'autres sujets que vous avez abordés avec l'ordre, avec votre conseil d'administration et/ou vos pharmaciens?

Mme Lambert (Manon) : Bien, évidemment, la question des lieux, c'est un peu moins dans notre expertise, dans notre champ de pratique. L'âge, c'est bien certain qu'on invite les parlementaires à beaucoup de prudence. On n'a pas statué, là, sur un âge limite, mais les données, et c'est des données quand même assez solides, les données nous indiquent que la consommation chez les jeunes peut avoir un impact chez certains d'entre eux. Encore là, on a possiblement besoin encore de mieux qualifier quelles sont les clientèles à risque, mais c'est sûr que tant que le cerveau n'est pas mature, on peut avoir des risques, notamment, de premier épisode psychotique et problèmes d'apathie aussi, éventuellement.

Donc, on invite les parlementaires à la prudence. Est-ce que c'est 18, est-ce que c'est 21, est-ce que c'est 25? On ne s'est pas prononcés formellement. Chose certaine, il va falloir suivre l'évolution de ce dossier-là, parce qu'il y a un risque non négligeable qui est là. Puis le problème, c'est qu'on ne sait pas, à ce moment-ci... on ne peut pas dire, le portrait-robot, même si on commence à avoir certains critères, le portrait-robot de la personne qui va avoir des problèmes, c'est ça qu'on devrait... Donc, dans ce cas-là, il faut user de prudence.

Mme Charlebois : La science dit que c'est 25 ans où le cerveau cesse de se former.

Mme Lambert (Manon) : Oui.

Mme Charlebois : Alors, c'est là qu'il faudrait mettre l'âge, selon vous. C'est ce que je comprends. Mais qu'est-ce qu'on fait avec les gens qui consomment dans l'illégalité des produits qui ne seront pas homologués, je ne sais pas comment le dire, de qualité?

Mme Lambert (Manon) : Bien, c'est là qu'on dit : Il faut user de prudence. On n'a pas dit : Il faut mettre l'âge à 25 ans. Il faut certainement mettre en place un système de veille qui va nous aider à mieux caractériser ce risque-là, parce que, bon, ce n'est pas tous les jeunes de moins de 25 ans qui vont faire un épisode psychotique en fumant un joint, là. On s'entend là-dessus.

Par contre, est-ce qu'on peut accumuler davantage de données? Et, dans notre mémoire, on parle beaucoup aussi de s'assurer de réduire les méfaits, c'est-à-dire les corridors de services, s'assurer que, si on a les symptômes d'un premier épisode psychotique, bien, que nos pharmaciens soient formés là-dessus, parce qu'ils voient la clientèle, que les professeurs, les gens d'Info-Santé... et qu'on ait les ressources pour diriger rapidement ces clientèles-là.

Donc, on utilise, je dirais, un principe de précaution, parce que, vous avez tout à fait raison, l'interdiction n'empêchera pas ces jeunes-là de consommer. Donc, surveillance et surtout, peut-être, information, promotion pour qu'on puisse arriver à une consommation le plus responsable possible chez les catégories de clientèle à risque.

Le Président (M. Merlini) : Merci. Ça met un terme à ce bloc d'échange avec le gouvernement. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. Le temps file. M. le député de Labelle, vous disposez de neuf minutes. À vous la parole.

M. Pagé : Oui, merci, M. le Président. Bon, beaucoup de choses fort intéressantes. Je vous remercie.

Comme j'ai dit aux gens hier, qui représentent l'association des pharmaciens du Québec — je ne me souviens pas exactement l'appellation — c'est un volet dont on n'a pas suffisamment parlé. Je pense qu'il va falloir s'organiser pour que, dans le projet de loi, tout cela soit inclus. On comprend les raisons pour lesquelles on n'en était pas encore là, mais vos propos sont, pour moi, très, très importants.

Votre première recommandation : «Que le gouvernement du Québec accompagne formellement l'Ordre des pharmaciens du Québec afin de faire la représentation requise pour qu'une modification au règlement fédéral soit portée, permettant aux pharmaciens la pratique privée.» Bon, moi, je suis d'accord avec ça, mais, en même temps, je me dis, je pense qu'on pourra regarder avec la partie gouvernementale, est-ce que nous sommes obligés d'aller demander à Ottawa ou est-ce que nous sommes capables, à l'intérieur de notre réglementation, de nos pouvoirs législatifs, de le faire pour que ce soit chez vous. Parce que, nous, nous l'avons dit dès le départ que, pour des fins médicales, ça doit se retrouver chez vous, parce que vous êtes les professionnels de la santé. Alors, il n'y a aucune ambiguïté, hein? Je veux juste vous rassurer à cet égard-là. Nous allons collaborer avec le gouvernement afin de voir de quelle façon on pourrait s'assurer qu'on puisse répondre positivement à votre première recommandation.

La recommandation 2, quand vous parlez de projets de recherche, effectivement, je pense que c'est un volet qui est très important pour... si je vais dans le sens de votre recommandation, le projet de recherche sur l'efficacité, l'innocuité, les effets, bon... tout cela, mais je pense de façon beaucoup plus large. Et, à cet égard-là, pour que l'on puisse prendre des bonnes décisions dans l'avenir, vous étiez là tantôt avec les universitaires, nous avons aussi demandé qu'il y ait aussi un observatoire en collaboration avec les chaires de recherche universitaire. Présentement, on a un comité consultatif, mais il va falloir l'alimenter, le comité consultatif.

Est-ce que vous croyez que c'est une bonne façon de faire de créer cet observatoire qui avait d'ailleurs été demandé à quelques occasions lors des consultations? On comprend que ce n'est pas tout le monde qui est dans ce milieu-là qui va le demander, là, mais est-ce que vous êtes d'accord avec cette proposition?

M. Bolduc (Bertrand) : Absolument. Absolument.

Mme Lambert (Manon) : J'ajouterais par contre qu'un observatoire ne nous donnera peut-être pas la profondeur des données probantes dont on a besoin. Je pense que ce n'est pas mutuellement exclusif. Donc, il faut un observatoire, mais il faudrait davantage investir dans la recherche carrément sur l'utilisation du cannabis à des fins thérapeutiques. On est contents actuellement. Ce qu'on sait, c'est qu'il y a des compagnies pharmaceutiques qui ont commencé de la recherche clinique qui est quand même assez rigoureuse, hein? Faire des projets de recherche pour déterminer si c'est efficace ou pas, si on est dans le cadre, là, de fabulations de promoteurs ou si on est dans de l'efficacité réelle, ça demande des études exigeantes. C'est des études coûteuses, puis on n'a pas vu beaucoup d'appétit de l'industrie jusqu'à maintenant pour investir là-dedans.

C'est pour ça qu'on se dit : Est-ce qu'on ne pourrait pas utiliser une partie des sommes pour pouvoir supporter et soutenir cette recherche-là pour s'assurer qu'on fasse le point une fois pour toutes sur les indications et le risque-bénéfice de l'utilisation du cannabis à des fins thérapeutiques.

• (10 h 50) •

M. Pagé : Oui. Bien, en fait, c'est parce que nous sommes justement d'accord avec cela que nous voulons aller de façon plus large et en périphérie avec cet observatoire qui pourra également alimenter nos réflexions pour les différentes prises de décision. Et je fais du pouce sur ce que vous venez de dire. À partir du moment où on a des données probantes, est-ce que vous croyez que... et qu'on le considère comme un médicament, puis vous le dites, puis ce n'est peut-être pas parfois en première ligne, mais dans certains cas, effectivement, on a été témoin de gens qui nous ont confirmé que c'était le médicament qui les aidait vraiment. À partir de ce moment-là, devrait-on demander à ce qu'il soit autorisé au remboursement de l'assurance médicaments comme les autres médicaments?

Mme Lambert (Manon) : Bien, dans la mesure où effectivement on a un médicament... donc, la définition de médicament, c'est notamment un médicament qui est autorisé par Santé Canada, ce qui n'est pas tout à fait le cas encore pour le cannabis. Dans la mesure où il est traité comme un médicament, oui, effectivement, éventuellement il faudra, pour s'assurer de l'accessibilité économique des patients, il faudra le rembourser.

Maintenant, il y a encore un petit peu de chemin avant de se rendre là, mais, oui, vous avez totalement raison. On ne l'a pas mis dans le mémoire actuellement, parce qu'on ne voulait pas dire qu'il fallait le faire actuellement, mais c'est des choses dont on a discuté à l'interne chez nous.

M. Pagé : On en convient avec vous, je ne pense pas que ça va être demain matin, mais on convient tous qu'on se rend de plus en plus compte que, pour une certaine clientèle, les effets thérapeutiques sont probants, là. Et c'est la raison pour laquelle je posais la question, mais il va falloir continuer à documenter. Je suis d'accord avec vous.

Votre recommandation 6, vous faites référence à l'achat par Internet. Vous dites, ça devrait donc transiter chez vous, mais là je vais vous amener un petit peu plus loin, puis vous savez que j'en ai discuté avec vos collègues d'hier. Nous, la vente en ligne, nous disons oui, mais en autant que ça soit fait sur le site de la SQC et que la personne aille chercher elle-même dans un point de chute quelconque.

On comprend que, bon, il va y avoir 15 points de vente au cours de l'été, mais le ministre des Finances a dit : Au final, ça sera 150, 200, 250, nous ne le savons pas. Mais, même avec 150 ou 200, avec la grandeur du territoire québécois, on sait qu'à certains endroits, ça va être compliqué pour les gens de faire plusieurs dizaines de kilomètres pour aller chercher. Puis on ne veut pas que ça soit le facteur qui fasse la prévention quand il va mettre ça dans la boîte aux lettres, parce qu'il n'aura pas le temps de faire ça puis il n'aura pas les compétences pour ça malgré tout le respect que j'ai pour leur travail.

Cela dit, il y a par contre des pharmacies un peu partout à travers le Québec. Est-ce que vous avez réfléchi? Est-ce que vous seriez d'accord, si nous proposions que les points de chute dans les endroits où il n'y a pas de... qu'il n'y aura pas de comptoir de la SQC, pourraient être chez vous, juste pour que la personne aile le chercher chez vous moyennant un certain dédommagement? Pas pour en faire la vente sur les étagères, là. Ce n'est pas ça, là, que je vous dis. Mais je sais même qu'il y a des bureaux de poste dans plusieurs pharmacies. Alors, est-ce qu'il pourrait y avoir un point chute qui pourrait être chez vous? D'une part, symboliquement, c'est un peu plus fort que de recevoir ça dans sa boîte aux lettres. La personne doit se présenter. Donc, il y a un certain contrôle, et en même temps, quand la personne se présente et qu'elle a peut-être envie d'avoir un peu d'information, je pense que c'est un peu plus l'endroit pour avoir de l'information que si c'est carrément avec le facteur, là.

M. Bolduc (Bertrand) : Oui. Bien, symboliquement, le message n'est pas très bon. Alors, la réponse à votre question, c'est non. Il y a des bureaux de poste partout au Québec, et présentement on ne reçoit pas de caisse de la SAQ dans les pharmacies où il n'y a pas de succursale de la SAQ. Alors, c'est le même principe pour le cannabis non thérapeutique, c'est non à toute distribution en pharmacie, directe ou indirecte. S'il y a un bureau de poste dans une pharmacie, ça se peut, mais, à partir de là, c'est un comptoir qui est complètement indépendant du laboratoire en arrière. Et on ne sait pas ce qu'il y a dans le paquet. Et les gens commandent tout ce qu'ils veulent par Internet, et ils commandent peut-être même déjà des médicaments à l'extérieur du Canada, et ça arrive au bureau de poste dans la pharmacie. Mais ça, pour nous, la réponse, c'est non. Le cannabis non thérapeutique, sous toutes ses formes, ne doit pas être en pharmacie. À partir de là, si le bureau de poste est là, bien là, ça...

M. Pagé : Oui, allez-y.

Mme Lambert (Manon) : J'ajouterais par contre que là où on est ouvert, l'ordre, puis d'ailleurs on demande aussi qu'il y ait des sommes qui puissent être réservées pour la formation des professionnels, là où on est ouverts, nous, c'est de... On va inciter nos pharmaciens... Premièrement, on voudrait offrir de la formation et on va inciter nos pharmaciens à ouvrir la discussion avec les personnes qui les consultent professionnellement, à faire de la prévention, promotion, consommation responsable, s'assurer qu'effectivement, si on a des gens qui consomment déjà des médicaments, s'assurer qu'ils vont travailler. Donc, non, on ne veut pas que nos pharmaciens soient complètement, comment je dirais ça, absents du dossier du cannabis thérapeutique, mais on ne veut pas qu'ils aient à décider entre : je donne ce produit-là à cette personne-là et je pense professionnellement que je ne devrais pas le faire, là.

Le Président (M. Merlini) : Malheureusement, M. le député, le bloc est terminé. Les échanges sont extraordinaires, mais le temps nous limite, malheureusement. M. le député de Borduas, vous avez un bloc d'échange de six minutes. À vous la parole.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mesdames monsieur, bonjour. Merci de participer aux travaux de la commission.

Dans un premier temps, je voudrais qu'on aille vers votre recommandation 8, au niveau du corridor de services. Vous dites, dans le fond, il faut donner accès aux soins de santé, aux professionnels de la santé sans nécessairement être obligé d'aller voir le médecin pour être référé dans le système. Comment ça pourrait prendre forme, là? Est-ce qu'il va falloir réfléchir aussi avec le ministère de la Santé? Mais comment est-ce que vous le voyez, ça?

Mme Lambert (Manon) : Bien, dans certaines régions, c'est déjà le cas, là. On n'est pas obligé de retourner le patient à son médecin traitant, lorsqu'il en a un, hein, ça, c'est la première question, pour que lui fasse une évaluation et dise : O.K., je donne un papier de référence, un peu comme une référence à un spécialiste, je donne un papier de référence pour diriger cette personne-là vers les cliniques de premier épisode où là tu as souvent des ressources spécialisées. Alors, généralement, en médecine, ça fonctionne un peu comme ça, quand tu veux référer à des ressources spécialisées, bien, ça prend une consultation médicale.

Nous, ce qu'on dit, c'est que, dans le contexte actuel, dans le contexte, évidemment, où on va libéraliser l'utilisation du cannabis, où il y aura peut-être des essais pour certaines personnes, bien, il ne faudrait pas que, parce que le jeune, par exemple, n'a pas de médecin de famille, qu'on doive l'envoyer à l'urgence pour avoir un papier pour qu'éventuellement il soit référé. C'est une utilisation inappropriée des ressources, puis on risque fort de perdre le patient entre les deux.

Ça fait que ce qu'on dit, c'est que, si... puis ils n'ont pas travaillé avec les médecins psychiatres là-dedans. Si on avait un peu des outils pour les pharmaciens avec certains signaux d'alarme — on le fait déjà dans le cadre de la loi n° 41 — certains signaux d'alarme, par exemple, pour le pharmacien... mais ça pourrait être des signaux d'alarme qui peuvent être constatés par la population en général. On l'a avec les professeurs dans certains centres. Bien, à ce moment-là, référence du pharmacien, il est évalué au... il est envoyé directement à la clinique premier épisode, puis on n'a pas besoin d'avoir un intermédiaire entre les deux. Peut-être que le pharmacien va se tromper, parce que ce n'est pas un spécialiste du diagnostic, mais, en même temps, peut-être qu'il ne se trompera pas puis qu'on va avoir quelqu'un qui va avoir accès rapidement à des services de qualité. C'est un peu dans ce sens-là.

Donc, actuellement, il y a des régions où ça se passe comme ça puis il y a des régions où ils demandent la référence médicale. Nous, on dit : Ça devrait être uniforme au Québec, surtout à partir du moment de la légalisation. On devrait pouvoir avoir accès beaucoup plus librement à ces ressources-là.

M. Jolin-Barrette : Donc, au niveau national, le chemin soit préétabli, si jamais il y a quelqu'un qui rentre dans une pharmacie avec certains troubles de consommation, tout ça, vous puissiez le diriger directement vers la clinique appropriée puis qu'il soit pris en charge.

Mme Lambert (Manon) : Pris en charge, évalué, puis, comme je dis, peut-être que le pharmacien va se tromper, mais, s'il ne se trompe pas, bien, on aura bien traité une personne.

M. Jolin-Barrette : Puis dans les régions, actuellement, où ça existe, comment ça fonctionne? Est-ce que c'est le pharmacien qui appelle la clinique puis qui dit : Voici, ou il dit au patient : Je vous conseillerais d'aller à la clinique?

Mme Lambert (Manon) : Actuellement, le pharmacien n'est pas très impliqué là-dedans, je vous dirais, parce que, bon, souvent, il y a une espèce de gêne pour un professionnel de la santé de, comment je dirais ça, de discuter de consommation de drogues illicites, ou, en fait, il y a certainement une gêne du patient de parler avec son pharmacien de consommation de drogues illicites même si souvent on peut s'en douter. Mais, quand le patient ne nous le dit pas officiellement puis qu'il ne veut pas nous parler de ça, on ne peut pas... Ce qu'on dit par contre, c'est qu'à partir du moment où ça va être légalisé, on pense que ça, cette gêne-là, va tomber, puis là il va pouvoir y avoir de la discussion.

M. Jolin-Barrette : Sur la question du financement des formations par les ordres professionnels, c'est quoi, l'enveloppe que ça prendrait pour avoir le financement approprié à la hauteur des formations que vous voulez offrir?

Mme Lambert (Manon) : Bien, développer une bonne formation, là, pour l'ensemble des membres, par exemple, une formation webinaire, là, ça coûte à peu près 100 000 $. Tu sais, c'est à peu près ça. Il faudrait... évidemment, on parle de notre ordre, mais on pense qu'il y a d'autres professionnels de la santé certainement qui vont être impliqués. Donc, je pense que... puis on peut travailler ensemble. On travaille de plus en plus ensemble, les ordres, en interdisciplinarité. Donc, il pourrait peut-être y avoir quelque chose de développé de façon coordonnée par plusieurs ordres, là. Ça ne serait pas des sommes hyperimportantes, puis on serait assurés que tous les professionnels ont la même base au départ, là, sur les grands enjeux, là.

M. Jolin-Barrette : Vous souhaitez également un siège sur le comité de vigilance.

M. Bolduc (Bertrand) : Tout à fait.

M. Jolin-Barrette : Dans le fond, il va y avoir un certain nombre de places limité, donc comment vous voyez ça? Un pour les pharmaciens, un pour le domaine de la santé également, les autres professionnels, ou vous êtes ouverts...

• (11 heures) •

M. Bolduc (Bertrand) : ...la vigie qui devrait se faire suite à la légalisation ou la distribution par la société, il va y avoir des choses de détectées ou détectables, et les pharmaciens ont un oeil un peu plus... je dirais, assez aiguisé pour voir les choses arriver. Évidemment, j'ose imaginer qu'il y aura quelqu'un de la communauté médicale là, il va sans dire, mais d'avoir un pharmacien qui a une habitude de voir : Bien, ce genre de réaction là, c'est suite à la consommation commune de x médicaments et de cannabis... Donc, c'est ce genre de chose là, pour voir le genre de comportement de la clientèle. Je pense qu'un pharmacien qui, déjà, pratique, par exemple, là, au niveau des opioïdes de façon plus habituelle, c'est quelqu'un qui peut voir des patterns, des comportements qui pourraient inciter à la prudence et à peut-être mettre d'autres réglementations en place éventuellement.

Le Président (M. Merlini) : Ça met un terme à ce bloc d'échange avec le deuxième groupe d'opposition.

Mme Fagnan, Mme Lambert et M. Bolduc, représentant l'Ordre des pharmaciens du Québec, merci de votre présence. Merci de votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends donc nos travaux quelques instants et j'invite la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec à prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 1)

(Reprise à 11 h 5)

Le Président (M. Merlini) : Nous reprenons donc nos travaux. Nous avons le plaisir maintenant d'accueillir la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec, mieux connue sous son acronyme, la CORPIQ. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Et je vous invite également à présenter les gens qui vous accompagnent. Ensuite, nous procéderons aux échanges avec les membres de la commission. La parole est à vous et bienvenue à la CSSS.

Corporation des propriétaires immobiliers
du Québec inc. (CORPIQ)

Mme Forest (Mylène) : Merci, M. le Président. Madame et messieurs, membres de la commission, Mme la ministre, bonjour. Mon nom est Mylène Forest. Je suis la présidente sortante du conseil d'administration de la CORPIQ, qui regroupe actuellement 25 000 propriétaires et gestionnaires d'immeubles de toutes tailles. Je suis accompagnée aujourd'hui de notre directeur des affaires publiques, M. Hans Brouillette, ainsi que d'un propriétaire membre de la CORPIQ qui a récemment vécu une problématique au cannabis dans son immeuble.

Vous avez reçu notre mémoire, et, comme vous le constatez, il appuie le projet de loi n° 157, qui vient éviter, à notre avis, des conséquences graves qui auraient pu découler de la permissivité de la loi fédérale. Toutefois, il y a souvent une différence entre la loi écrite et la réalité. Et, bien que le projet de loi soit rassurant, il y a encore beaucoup de préoccupations de la part des propriétaires et aussi de nos locataires non-fumeurs.

Pour vous en parler et pour vous expliquer nos recommandations, je vais céder la parole à M. Hans Brouillette.

M. Brouillette (Hans) : Bonjour. Le projet de loi n° 157 du gouvernement du Québec reçoit l'appui général des propriétaires de logements. L'interdiction de produire du cannabis à des fins personnelles à domicile constitue la meilleure solution et la meilleure approche pour le Québec, combinée à la jurisprudence actuelle qui reconnaît le droit aux propriétaires d'interdire, dans leurs baux, de fumer. Bon, évidemment, on pense que les moyens, du moins sur papier, sont là pour faire face à la nouvelle réalité. Toutefois, beaucoup de problèmes sont à prévoir parce qu'il y a un monde entre le texte de loi et les moyens concrets pour faire respecter la loi et les règlements d'immeubles par les locataires.

On a sondé nos membres, on les a consultés. Les trois quarts sont inquiets ou même très inquiets face à la légalisation du cannabis. Bien sûr, il y a plusieurs préoccupations comme le laisser-faire des autorités policières, la lenteur du tribunal de la Régie du logement, qui constitue notre recours en cas de problème, donc, pour les propriétaires d'immeubles, l'incohérence de certaines décisions des régisseurs. Et, globalement, la déficience du système envoie le message qu'on peut cultiver, on peut consommer en toute impunité. Donc, c'est un problème de gestion important pour les propriétaires de logements.

Dans un tel contexte, évidemment, le laxisme, la déresponsabilisation et les conflits potentiels, c'est sûr que la décision du gouvernement fédéral de légaliser le cannabis suscite de vives réactions de la part de nos membres. Et ça ne rendra évidemment pas plus tolérable la fumée secondaire pour les locataires voisins qui tiennent à vivre dans un environnement qui leur procure une pleine jouissance des lieux et leur permet de garder la santé.

Bon, premier point important, maintenir l'interdiction de cultiver du cannabis à des fins personnelles. La CORPIQ a fait savoir aux élus responsables du dossier au gouvernement fédéral qu'il n'y avait aucune justification que la culture de cannabis soit permise dans les logements, alors que les consommateurs pourront s'approvisionner dans des points de vente légaux ou même en ligne, à plus forte raison quand... interdiction de cultiver, à plus forte raison, quand l'habitation n'appartient pas à l'occupant.

Évidemment, on pense tout de suite aux dommages aux logements et aux problèmes de sécurité : humidité élevée, des lampes chauffantes qui, dans des conditions dangereuses, alimentent, éclairent les plants, également des modifications du système de ventilation. On pense aussi aux impacts financiers pour les propriétaires, mais aussi pour les autres locataires de l'immeuble. On pense ici aux primes d'assurance qui augmenteraient évidemment s'il y avait culture de cannabis, à la difficulté de revendre aussi la propriété parce qu'on doit déclarer ce fait important au moment de transiger.

On a un cas, là, très récent. Donc, en 2017, un propriétaire de Lanaudière membre de la CORPIQ qui était pris avec une situation où le locataire détenait un certificat pour cultiver 25 plants dans son logement, la police a refusé d'intervenir, et il a dû contacter son assureur pour se protéger. Il n'avait pas le choix de déclarer la situation, et l'assureur lui a annoncé que les primes allaient augmenter de 800 $ à 4 000 $. Alors, ça, ça a un impact sur les loyers de l'ensemble de l'immeuble, à moins, bien sûr, qu'il réussisse, dans le mois qui suit, à se débarrasser des plants. Donc, les hausses de prime d'assurance sont directement transférables aux locataires.

• (11 h 10) •

On pense également, en termes de coûts, donc, à la perte de valeur aussi pour des immeubles où de la culture de cannabis se déroule. Bien sûr, il faut une meilleure protection des immeubles. On sait que certaines provinces vont permettre la culture à domicile, mais la juridiction est complètement différente. Les droits des propriétaires sont beaucoup plus solides, et donc utiles, là, dans les autres provinces qu'au Québec. Donc, première recommandation, et c'est dans ce sens que va le projet de loi n° 157, qu'il soit interdit de cultiver du cannabis à des fins personnelles tel que le prévoit, donc, le projet de loi.

Deuxième point, permettre la modification des baux existants. Alors, on sait qu'évidemment le taux de prévalence au tabac est un peu plus élevé chez les jeunes et chez les personnes à faibles revenus, donc des clientèles très présentes dans les logements locatifs. Et on sait aussi par sondage que 40 % des propriétaires... ou même, je dirais, 40 % des propriétaires ont la majorité de leurs baux qui permettent de fumer ou une totalité de leurs baux qui permettent de fumer, et un autre 17 % aussi qui ont certains baux qui permettent de fumer. Donc, un propriétaire sur deux a un ou des baux qui permettent de fumer. Et donc la CORPIQ propose aussi à ses propriétaires, à ses membres, dans une annexe au bail, l'interdiction de fumer, donc de le prévoir, là, à même le bail.

C'est important. Il y a quand même beaucoup de gens qui fument. Il y a beaucoup plus de gens qui ne fument pas également dans les logements. Le cannabis et le tabac, en général, constituent une menace à l'obligation d'assurer la jouissance paisible des lieux. Ça, c'est une obligation légale que les propriétaires ont. Ils doivent procurer, pendant toute la durée du bail, jouissance paisible des lieux au locataire. Ils ont une obligation de résultat. Si le locataire se plaint de fumée, on doit agir. Et on doit non seulement agir, mais on doit s'assurer qu'il y aura un résultat, à défaut de quoi il peut y avoir même des diminutions de loyer.

Alors, difficile, évidemment, de modifier un bail qui est déjà en vigueur. Ça, c'est une grande difficulté parce qu'il faut faire la preuve de dommages, donc, devant la Régie du logement. C'est difficile, quoique, dans le cas évidemment de nouveaux baux, il est relativement facile et reconnu par le tribunal que le propriétaire a le droit de faire une telle modification.

Donc, recommandation n° 2, qu'il soit réputé valide d'ajouter au bail une interdiction de consommer du cannabis. On parle ici des baux existants, au moment de l'entrée en vigueur de la loi, qui permettraient déjà de fumer, donc qu'on puisse ajouter une clause interdisant spécifiquement de consommer du cannabis. Et d'ailleurs le bail lui-même devrait comporter une case à cocher, s'il est permis de fumer ou non. C'est ce qu'on avait déjà demandé, mais qu'on n'a toujours pas obtenu, de la part de la Régie du logement.

Exercer un contrôle plus efficace aussi. Donc, oui, on a la loi, mais on veut avoir, sur le terrain, un contrôle plus efficace. Et actuellement notre recours, qui est la Régie du logement, bien, c'est un recours qui est très lent. La Régie du logement met des mois à entendre des causes prioritaires ou urgentes. Et on comprend qu'avec 33 000 dossiers en attente notre seul recours, là, il est à peu près impossible à exercer dans des délais raisonnables pendant qu'on a des plaintes de locataires contre la fumée secondaire.

On a des décisions molles aussi du tribunal. En l'absence de précision dans le Code civil, c'est des décisions qui vont dans un sens, des fois dans l'autre. Alors, considérant les délais trop longs au niveau de la Régie du logement, bien, il faudrait accélérer, par des mesures qui ont déjà été proposées... pour améliorer la performance du tribunal.

On a aussi, dans le projet de loi, des inquiétudes concernant le pouvoir des inspecteurs d'entrer sans mandat dans des logements où on soupçonne qu'il se fait de la culture de cannabis. Actuellement, on ne voit pas ça. Donc, ça nous inquiète de savoir qu'on ne pourra pas faire des inspections inopinées dans des logements où on soupçonne la culture de cannabis.

On a également des inquiétudes concernant le montant des amendes, qui nous apparaît dérisoire par rapport aux avantages que pourrait tirer un locataire de la culture de cannabis, que ce soit à des fins personnelles ou même à des fins commerciales. 250 $, là, d'amende pour une première infraction, ça nous apparaît très, très peu convaincant et très peu dissuasif.

Et également la question du cannabis thérapeutique produit à domicile, c'est tout un volet important. Les choses changent, là. À partir du moment où le produit devient légal, on peut s'approvisionner dans des points de vente ou même en ligne. On ne voit pas et on ne comprend pas pourquoi des logements qui doivent servir de résidence devraient continuer de pouvoir être utilisés pour cultiver du cannabis avec un permis. Alors, bien sûr, ça relève de la loi fédérale. On le comprend. Mais, pour nous, ça demeure une aberration.

Et voilà. Donc, évidemment, on craint, bien sûr, le taux de prévalence au cannabis, qu'il soit en hausse. Donc, c'est très important de s'assurer qu'on mettra tous les efforts pour réduire la consommation et contrôler la consommation. Il en va de la santé de la société et du bien-être, dans notre cas, pour ce dont on peut parler, de nos locataires. Merci.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. Brouillette, pour la présentation de votre exposé.

Nous allons débuter les échanges avec la partie gouvernementale. Mme la ministre et députée de Soulanges, vous disposez de, devinez quoi, 15 minutes.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. Alors, Mme Forest, M. Brouillette et M. Milot, j'ai le goût de vous demander, d'entrée de jeu... Parce que, Mme Brouillette, vous avez fait... C'est ça, hein? Je ne suis pas en train de mêler les noms. Oui, c'est... Non, non, je les mélange.

Mme Forest, vous avez indiqué d'entrée de jeu que M. Milot, il était avec vous puis qu'il avait vécu des désagréments concernant un de ses édifices ou ses édifices, je ne le sais pas, là, un logement où il y a eu du cannabis thérapeutique, et on n'a pas entendu c'était quoi, la problématique. Et moi, j'en ai parlé pendant les consultations, mais j'en ai parlé à d'autres gens outre les consultations, parce qu'évidemment je suis un petit peu identifiée celle à qui les gens, comme les députés de l'opposition, viennent se confier, et certaines personnes m'ont dit... Puis je ne dis pas, là, que... Je n'ai pas d'analyse scientifique, là, sur la quantité qu'ils m'ont dit d'une telle affaire par rapport à telle autre affaire, là. Je ne suis pas en train de vous dire qu'il y a plus de monde là qu'ailleurs. Mais il y en a qui m'ont dit : Franchement, là, une quantité minime de plants ne peut pas endommager un logement parce que le taux d'humidité n'est pas suffisant, parce que... Je vous répète ce que j'ai entendu. Je n'ai aucune expérience là-dedans.

Alors, j'aimerais ça entendre M. Milot, à savoir qu'est-ce qui s'est passé dans son logement, et, de deux, savoir si vous avez beaucoup de cas comme son cas, et à partir de quelle quantité ça arrive qu'il y a des problèmes. Avez-vous des connaissances là-dessus? Puisque vous êtes les représentants des édifices à logements, vous devez entendre parler régulièrement de cette problématique-là.

M. Milot (Patrick) : Bon, je vais faire ça le plus bref possible. Pour commencer au début, au mois d'avril, j'ai acheté, j'ai acquis un immeuble à logements et j'ai fait le tour de mes locataires. Un de mes locataires m'a fait rentrer, m'a mentionné que ses disjoncteurs électriques commençaient à faire des «faux blacks», à disjoncter, en fait. Donc, il m'a fait rentrer en dedans, et j'ai pu constater qu'il avait des plants de marijuana, de cannabis, carrément, en dedans, et il me demandait de faire augmenter le système électrique pour augmenter ça. Là, moi, je fais face à des plants de pot, carrément, et je ne sais pas trop sur quel pied danser. Dans le fond, il me mentionne que l'ancien propriétaire a fait venir la police, c'est déjà arrivé avec l'autre propriétaire d'avant, et la police n'a rien pu faire parce qu'il a montré... Il avait un papier médicinal comme quoi qu'il avait le droit de faire pousser ses plants et il mentionnait que l'ancien propriétaire avait eu une amende.

Donc, c'était à éviter pour moi. J'ai fait plusieurs appels. Je voulais savoir quels étaient mes droits, quels étaient ses droits, savoir qu'est-ce que je peux faire avec ça.

J'ai appelé Santé Canada. Eux autres m'ont indiqué de... m'ont référé, en fait, à leur site, m'ont dit d'aller voir sur leur site, qu'ils ne pouvaient pas rien faire pour moi, que ça existait, des documents légaux pour faire des plantations.

J'ai appelé La Croix verte, qui était le fournisseur de mon locataire, pour savoir un peu comment ça marchait. En fait, ils m'ont indiqué comment ça marchait, des plantations, mais ils ne pouvaient pas m'aider.

Je me suis rendu chez la police directement pour savoir s'ils pouvaient m'aider, qu'est-ce qu'on peut faire avec ça, et ils m'ont indiqué que, s'il avait un permis légal, ils ne peuvent pas m'aider puis ils ne peuvent pas rentrer en dedans. Donc, je n'étais pas plus avancé.

J'ai appelé à la Régie du logement. Je me suis dit : Eux autres, ils vont peut-être m'aider dans le domaine. Ils m'ont dit que c'était un cas particulier, qu'ils ne pouvaient pas vraiment m'aider, qu'ils n'avaient pas vu ça, dans le fond, qu'on ne pouvait pas évincer quelqu'un s'il avait des documents légaux.

Donc, avec tout ça, j'ai appelé la CORPIQ pour venir en «backup», pour m'aider. Ils m'ont indiqué de faire venir un pompier préventionniste pour venir constater vraiment qu'est-ce qui se passe à l'intérieur. Puis je leur réfère ça rapidement parce que, un, on s'entend qu'il y a un danger pour le feu. On le voyait amplement que c'étaient des grosses lampes 1 000 watts puis qu'il y avait beaucoup de chaleur. J'ai eu des plaintes d'autres locataires qui avaient peur que justement ça pogne en feu puis que la fumée... Eux autres, ils plantaient puis ils fumaient aussi. Donc, la fumée du cannabis, ça rentrait dans leurs logements et ils menaçaient de quitter aussi mes logements. Donc, j'ai eu des plaintes de locataires.

• (11 h 20) •

Puis, avec ça, bien, dans le fond, il y avait beaucoup d'humidité, beaucoup d'humidité. Je voyais qu'il y avait des coulisses dans les fenêtres, carrément, puis les champignons qui commençaient à pousser dans le coin des fenêtres. Donc, il fallait que j'agisse vraiment rapidement.

En plus, avec tout ça, j'ai eu une soumission pour une décontamination parce qu'il va falloir que je fasse décontaminer mes affaires, un coup que le locataire va être parti, pour la sécurité puis la santé de mes prochains locataires. Et, pour refinancer ou vendre mon logement, on s'entend qu'il faut que je fasse décontaminer, sinon il n'y a aucun prêteur, aucune institution qui va vouloir prêter, dans le fond, pour un financement.

Donc, avec tout ça, j'ai fait venir un pompier préventionniste et il a constaté les lieux. Il a fait un rapport et il a amené ça à la police. La police — j'ai été extrêmement chanceux dans mon cas à moi — a pu voir que, dans le fond, le permis n'était pas au nom, à l'adresse de mon logement, mais était en changement d'adresse puisqu'il était nouvellement locataire de mon immeuble. Donc, en ce moment même, il n'avait pas le droit de faire pousser des plantations. Donc, ils m'ont demandé... On a saisi les plants, mais le problème n'était pas carrément réglé parce que lui, il pouvait faire repousser des plants puis il ne me laissait pas rentrer. Ça fait que je n'aurais jamais pu voir s'il en faisait pousser. Puis il fumait encore.

Donc, je voulais l'évincement du locataire. J'ai demandé à la régie. Ils m'ont dit que ça prenait de six mois à un an et même plus pour évincer un locataire pour acte criminel, parce que c'est un acte criminel qu'il a fait. Mais j'ai été encore une fois extrêmement chanceux parce qu'on commençait à mal s'entendre puis il a arrêté de me payer. Il m'a dit que c'était son seul revenu, donc il ne pouvait plus me payer, il a arrêté de me payer. Ça fait que j'ai demandé à la régie des conseils. Ils m'ont dit : À la place de faire un dossier pour un dossier criminel qui va...

Mme Charlebois : Juste une minute! Vous me dites que c'était son seul revenu. Il vendait du cannabis?

M. Milot (Patrick) : Il vendait du cannabis.

Mme Charlebois : Ah! ce n'était pas pour sa propre consommation, finalement, le thérapeutique, c'était, entre guillemets...

M. Milot (Patrick) : Ça a de l'air qu'en fin de compte il en vendait aussi pour son propre revenu.

Mme Charlebois : O.K., merci.

M. Milot (Patrick) : Oui, c'est ça. Ça fait que...

Mme Charlebois : Combien il avait de plants?

M. Milot (Patrick) : Il en avait 11, 11 plants. Puis je voyais des coulisses d'humidité. Vraiment, c'était flagrant puis ça commençait...

Donc, où que j'en étais rendu avec ça, ça fait que, c'est ça, j'ai voulu le mettre dehors, puis la Régie du logement m'a dit : S'il ne te paie pas, tu devrais aller vers un non-paiement et non un acte criminel parce que tu n'es pas sorti du bois avec un acte criminel. Ça fait que je suis allé vers un non-paiement de dossier. Ça a pris un mois. On a eu une audience à la régie. Ils ont fait venir un avocat. Ils m'ont poursuivi pour avoir enlevé des plants. Ça a été compliqué. On a remis l'audience à la régie le mois plus tard. En fin de compte, j'ai réussi à m'en sortir parce qu'ils ne se sont pas présentés.

Mais, en conclusion, j'ai été vraiment chanceux du fait que l'adresse n'était pas bonne et qu'ils ont arrêté de me payer, sinon c'est sûr qu'ils seraient encore présentement là, et Dieu sait s'ils auraient fait encore des plantations chez nous.

Mme Charlebois : Ça fait que les dommages, c'étaient les risques d'incendie, la moisissure puis...

M. Milot (Patrick) : Moi, j'ai dû payer... Dans le fond, j'ai une soumission à 8 000 $ pour décontaminer tout le logement.

Mme Charlebois : O.K. Alors, vous êtes en faveur du fait qu'on dise interdiction de...

M. Milot (Patrick) : Vraiment.

Mme Charlebois : Est-ce que vous avez fait, la CORPIQ, des représentations au gouvernement fédéral concernant le cannabis thérapeutique? Parce que vous savez que ça ne relève pas de nous, là.

M. Brouillette (Hans) : Bien oui, évidemment. On a rencontré les autorités l'été dernier. Mais malheureusement aucun argument, aucune... une grande écoute, mais juste de l'écoute, aucun argument. Nous, notre principal point, c'était le suivant : à partir du moment où le produit devient légal et on peut s'approvisionner, mais pour quelle raison on permettrait de cultiver dans des logements? Là, on ne parle pas d'une maison qui appartient à l'occupant, là. On parle de logements qui ne sont absolument pas prévus pour ça, même, dans certains cas, des vieux logements.

Mme Charlebois : En ce qui concerne le quatre plants qu'ils ont mis, ici, au Québec, ce qu'on propose dans le projet de loi n° 157, c'est zéro plant. Ça fait que c'est notre projet de loi qui prévaut. Bien, en tout cas, si la loi est adoptée. Là, il parle du médicinal?

M. Brouillette (Hans) : On félicite le... Oui, évidemment, on comprend que le médicinal, ça peut être...

Mme Charlebois : Bien, je pense qu'il était rendu ailleurs. Vous n'étiez plus sur le médicinal, je crois, hein?

M. Brouillette (Hans) : Écoutez, pour nous, là, que ça soit médicinal ou non, la culture, ça a les mêmes conséquences. Supposons qu'on prend le projet de loi fédéral puis on dit : On permet de cultiver quatre plants, on sait très bien, puis ça, on l'a dit au gouvernement fédéral, qu'il n'y en aura pas, de contrôle sur les quatre plants. Il faut envoyer le message que c'est interdit, que ça soit quatre, que ça soit 10. Celui qui va avoir la permission de quatre, il va se rendre à 10 et à 20. Alors, pour nous, ça n'a pas sa place à partir du moment où le produit est accessible autrement.

Mme Charlebois : Au renouvellement d'un bail, vous pouvez... Bien, même au premier bail, vous pouvez interdire la consommation de tabac et de cannabis, fumé évidemment. Au renouvellement aussi, j'imagine?

M. Brouillette (Hans) : Regardez, il y a deux... Évidemment, un nouveau bail, ce n'est pas un problème. Au moment du renouvellement, on doit envoyer un avis au locataire lui disant qu'on modifie une des conditions au bail, mais le locataire a le droit de refuser. Ça peut être pour le loyer, mais ça peut être aussi pour des conditions du bail, il a le droit de refuser. À partir du moment où le locataire refuse, je ne peux pas, unilatéralement, modifier le bail. Donc, je vais devoir me rendre devant la Régie du logement, démontrer les inconvénients, et là ça va prendre... C'est des délais qui sont entre six et neuf mois, là, d'attente, et c'est seulement qu'après la période de renouvellement de baux.

Alors, nous, ce qu'on dit, ce qu'on propose, c'est que, dans le cas des baux qui ont déjà été signés au moment où la loi est entrée en vigueur... Au départ, les gens n'avaient pas besoin, les propriétaires n'avaient pas besoin d'interdire le cannabis. C'est un produit déjà illégal. Au moment de l'entrée en vigueur de la loi, on pourrait dire : Tous les baux qui ont été signés avant peuvent être modifiés unilatéralement par le propriétaire sur avis aux locataires. Donc, tu n'avais pas le droit de fumer avant du cannabis. Bien, on te demande de ne pas fumer non plus maintenant. On modifie le bail, donc que ce soit inopposable, que le locataire ne puisse pas s'opposer à cette interdiction-là. On ne peut pas l'empêcher de fumer, mais on peut l'empêcher de fumer du cannabis. Pour les autres baux qui interdisent déjà de fumer, bien, ça continue.

Mme Charlebois : Avez-vous vérifié le côté juridique de l'affaire?

M. Brouillette (Hans) : Bien, nous, on y va avec la jurisprudence. Pour le moment, ce qu'on voit, c'est que la Régie du logement accepte de modifier des baux lorsqu'il y a un préjudice qui est démontré. On a des cas, des gens que des cancers se sont déclarés, des problèmes d'emphysème, problèmes respiratoires. La régie dit : Bon, bien, au moment de signer le bail, il n'y avait pas cette condition-là. Là, un voisin, ou un propriétaire, ou une personne enceinte est à risque, alors on va modifier le bail. Mais, attention! dans certains cas, ça a conduit à des diminutions de loyer. Donc, très important... Mais ce fardeau-là de démontrer le problème, c'est quand même long, là, en termes de mois d'attente.

Mme Charlebois : Que dites-vous à des gens qui disent : Si on ne peut pas fumer dans le logement... S'il y a des amendements qui sont proposés dans le projet de loi pour exclure la fumée de cannabis à l'extérieur, où vont-ils pouvoir fumer?

M. Brouillette (Hans) : Oui, c'est une question qu'on a entendue beaucoup dans les médias dernièrement. En fait, nous, on prend le problème exactement à l'inverse. Le logement d'une personne, son habitation, est son dernier refuge. Si je suis sur la rue, il y a de la pollution, il y a du bruit, il y a des dangers. Au travail, je peux avoir un environnement malsain. Il peut y avoir des gens qui vont fumer, effectivement, dans des lieux publics. Est-ce que je peux, au moins, dans ma demeure, dans mon logement, dans mon cocon, être protégé? Sinon, quoi, alors ça fume dans le logement d'à côté, je prends ma chaise de jardin, ma couverture et je vais m'installer dans le parc le temps qu'il ait fini de fumer? Ce n'est pas réaliste. La plupart des locataires sont non-fumeurs. On doit leur assurer un environnement sans fumée. C'est une obligation légale de leur procurer pleine jouissance paisible des lieux.

Donc, c'est important pour nous de ne pas faire en sorte que le locataire fumeur reste là pendant 15 ans et qu'à chaque année j'ai des nouveaux locataires qui quittent ou même qui choisissent de ne pas louer parce qu'il y a des odeurs de cannabis dans les corridors et dans les logements.

Mme Charlebois : Dans le fond, ce que je vous entends dire, c'est que vous y allez sur le principe de précaution de l'environnement des autres locataires.

M. Brouillette (Hans) : Exactement. On a d'avance l'assurance que les locataires vont se plaindre. Alors, on ne va pas s'embarquer dans des problèmes où il va falloir diminuer le loyer, trouver des solutions, aller se battre en cour contre le locataire fumeur. Si on peut prévenir les problèmes, on va le faire. Si les gens ne collaborent pas parce qu'ils ne respectent pas le règlement de l'immeuble, on ira devant le tribunal, mais en dernier recours. Permettez-nous d'interdire de fumer. Je sais très bien... Et on est tout à fait d'accord avec les propriétaires qui choisissent de permettre de fumer, hein? 40 % des propriétaires permettent de fumer dans la majorité de leurs baux. C'est leur choix. Peut-être que les configurations des immeubles, ou l'emplacement des balcons, ou le type de clientèle qu'ils ont ne posent pas problème. Alors, on ne recommande pas ça, nous, à nos propriétaires, mais on dit : Il faut avoir le choix et la possibilité de protéger les non-fumeurs.

Mme Charlebois : Est-ce que vous seriez à l'aise à ce que les gens consomment sur le terrain de l'édifice à logements?

M. Brouillette (Hans) : Nous, on ne veut pas, encore une fois, entrer dans ça. Évidemment, vous avez des terrains où il y a des balançoires pour les enfants. Puis vous avez des terrains où c'est à peu près plus le stationnement, là, ça fait qu'il n'y a personne qui ne se tient là, qui prend du soleil sur le terrain. Donc, je pense que ça va varier d'un endroit à l'autre. Ça peut même varier d'un balcon à l'autre. Vous avez des balcons qui sont en aval du vent, où c'est sûr que le locataire sur son balcon va respirer la fumée secondaire, puis vous avez des balcons en amont du vent où il n'y a aucun problème. Alors, on laisse les propriétaires gérer ces aspects-là.

Le Président (M. Merlini) : Mme la ministre, je dois vous dire que votre temps est malheureusement écoulé à votre bloc d'échange. Nous allons du côté de l'opposition officielle. M. le député de Labelle, vous avez neuf minutes. À vous la parole.

• (11 h 30) •

M. Pagé : Oui, merci, M. le Président. En fait, quand je vous entends, je me dis : La journée où on va pouvoir consommer des produits dérivés en toute sécurité, soit vaporiser ou encore manger des jujubes ou des muffins, je ne pense pas que ça va causer de problème, là, j'imagine que vous ne vous objecterez pas à cela. C'est bien cela?

M. Brouillette (Hans) : Exactement. Alors, effectivement, on parle ici de fumée, hein, fumée secondaire, en particulier. Pour nous, ce n'est pas... on n'a jamais eu de plainte relativement à la consommation de cannabis sous d'autres formes, ça n'affecte en rien ni l'immeuble ni les voisins.

M. Pagé : Puis, en plus, je vais même tenter de vous rassurer un peu, parce que la tendance mondiale des gens qui sont venus déposer des statistiques est vraiment à la baisse pour le cannabis consommé de façon brûlée, là, ce qu'on appelle un joint, comparativement à la hausse pour le cannabis consommé de façon vaporisée ou encore ce qu'on appelle les jujubes, les muffins, les galettes, et tout le reste. Donc, à terme, si cette tendance continue, je pense que ça risque de régler en partie le problème.

Bon, évidemment, la première ligne de votre conclusion, quand vous dites : «La CORPIQ ne croit pas que les Canadiens soient prêts pour la légalisation du cannabis»... va aussi loin que celle adoptée par le gouvernement fédéral. Je vous rassure d'une chose, là, il n'y a aucune formation politique ici qui avait ça dans son programme électoral, hein? Je vous comprends de le rappeler, mais nous sommes face à une réalité, et on se doit de s'imposer le meilleur encadrement possible. On est en train d'écrire un droit nouveau, comme il y a 97 ans quand on a légalisé l'alcool, là, hein, c'est ce qu'il faut se dire, alors on cherche le meilleur compromis, je dirais, pas juste compromis, équilibre. Je pense qu'il faut parler d'équilibre entre les droits des uns et des autres. J'entends très bien ce que vous dites et je peux très bien comprendre vos inquiétudes. Sauf que, dans cette recherche d'équilibre, j'essaie de voir... Restons, pour les fins thérapeutiques, pour quelqu'un qui doit effectivement... qui a une ordonnance médicale, une prescription et qui voudrait le faire pousser chez lui, est-ce qu'il y a quand même des conditions qui pourraient être acceptables? Parce que les cas qu'on nous rapporte, les cas, comme vous avez décrit tantôt, c'est des gens évidemment qui ont besoin de lumières chauffantes pour faire pousser plus rapidement, j'imagine, puis on a entendu, oui, des histoires d'horreur lors de notre tournée, là, évidemment, la moisissure, et tout ça, parce que ce n'était pas des plants qui poussaient de façon naturelle. Mais moi, on me dit : C'est aussi possible de faire pousser un plant de façon naturelle. Il va certainement prendre plus de temps, mais, s'il y en a un ou deux qui poussent, comme n'importe quelle plante que j'ai chez moi et que vous avez certainement chez vous, ça n'endommage pas plus.

Est-ce que, si on encadrait avec des mesures, très, très strictes et interdisant toute forme de production non naturelle, est-ce que ça devient un peu plus acceptable, dans un premier temps, à tout le moins, pour les gens qui en consomment pour des fins médicales?

M. Brouillette (Hans) : Je vous dirais deux choses là-dessus. La première, c'est que, bon, on comprend, pour la croissance des plants accélérée... et peut-être qu'on pourrait avoir des plants qui vont croître de façon naturelle, sans lampe spéciale, mais quelqu'un qui veut s'approvisionner à des fins médicales va avoir besoin d'une production tout au long de l'année, et nous, on a besoin de certains taux d'humidité pour protéger nos immeubles. Mais la croissance des plants, par exemple, en hiver, si je suis en début de croissance, mes plants sont en début de croissance, ils ont besoin d'un fort taux d'humidité, alors que, dans un immeuble, il faut que le taux d'humidité soit bas, en hiver, pour protéger l'immeuble et le logement de la condensation. Donc, il y a des contrastes entre les besoins des plantes et la protection des immeubles. Ça, c'est un point.

Bon, c'est sûr que les propriétaires ne sont pas enclins... n'ont pas l'intention de modifier les configurations des logements pour absorber une culture. De toute façon, ce n'est pas la place. Nous, on pense que le fait que les locataires pourront s'approvisionner... ils ne devraient pas avoir à... ils ne devraient pas pouvoir produire dans les logements, alors... C'est très important pour nous, on parle des cas, là, où... des certificats de 25 plants, même 30 plants, on a vu ça, 50 plants, ce qui est très important...

M. Pagé : ...mais vous comprenez qu'on n'est pas là-dedans, là. Là, vous parlez de choses totalement illégales, qui, de toute façon, même si on allait jusqu'où la loi C-45 du fédéral permettrait d'aller, soit quatre plants... alors, vous parlez de cas extrêmes qui, de toute façon, évidemment, ne seront absolument pas permis.

M. Brouillette (Hans) : Non, non, je vous parle de cas légaux, là, des 25 plants permis par Santé Canada avec un permis, avec un certificat, là. Il y a des gens qui ont des chambres complètes avec des plants, là, des dizaines de plans. Ils ont un permis pour ça. Nous, ce qu'on dit... Puis pour répondre à votre question initiale, là, on pourrait légiférer et dire : Bon, bien, on va mettre ça dans la loi. N'oubliez pas une chose, là : en pratique, il faut contrôler ça, que ce soit les quatre plans que propose le fédéral, que ce soit les plans autorisés par Santé Canada pour des fins thérapeutiques, qui contrôle ça? Comment on entre dans un logement, un lieu privé, pour vérifier l'état des lieux, pour vérifier la conformité du permis dans le cas de cannabis thérapeutique? On est confronté à ça. Même les propriétaires, ils ont le droit de faire une inspection de leur logement, mais ils doivent donner 24 heures de préavis au locataire. Et le locataire qui a une plantation illégale, même au bout de 24 heures, il ne laissera pas entrer le propriétaire. Le propriétaire va devoir s'adresser au tribunal, obtenir une ordonnance d'accès. Et là, on parle d'un mois, minimum. Alors, on est confronté à ça, là, la loi, les restrictions et, en pratique, l'application.

M. Pagé : O.K. Je vais vous avouer très candidement, la partie que le fédéral autorisait pour des fins thérapeutiques jusqu'à 20, 25 plants, vous venez de me l'apprendre. Je vous le dis, là, je m'en confesse, je ne savais pas que cela existait. Et effectivement c'est très inquiétant. Je vais vous avouer que, là, on ne parle pas de la même chose. Je croyais que, dans tous les cas de figure, c'était quatre plans qui étaient le maximum. Alors, là-dessus, vous venez de m'apprendre quelque chose. Et effectivement ça m'apparaît comme plutôt abusif.

Mais, si on revient à un ou deux plants... Parce que le problème que nous allons avoir, il y a déjà plusieurs juristes qui l'ont dit, le Québec peut restreindre ce qui va être légalisé par Ottawa, mais ne peut pas aller complètement à l'encontre et passer de... Le fédéral va permettre quatre plans. Et si le Québec dit zéro, bien, il y a plusieurs juristes qui disent : On va rapidement se retrouver en cour. Et cette partie de la loi ou ce règlement sera inconstitutionnel. Alors... Et, dans deux cas comme celui-là, on dit que c'est la loi fédérale qui prime. Bon. Alors donc, la volonté québécoise ne pourrait pas s'exprimer.

Alors là, je reviens encore à ma question : Si le fédéral gagne et que nous devons légiférer puis qu'on dit : Bien, parfait, on va limiter à un plan, est-ce que vous avez réfléchi à des conditions? Parce que mon feeling, là, c'est qu'on risque d'arriver à cela, là, à terme, là. Ça va peut-être prendre six mois, un an, deux ans, mais si on arrive à cela, avez-vous réfléchi à des conditions qui seraient, à toutes fins pratiques, plus raisonnables, plus acceptables pour que les gens puissent faire pousser minimalement un plan chez eux, un ou deux?

M. Brouillette (Hans) : Bon. Écoutez, c'est sûr qu'un plan, ce n'est pas énorme, hein? Le problème, c'est que le fédéral propose des choses ou adopte des choses, mais il n'a aucun argument, aucun moyen de contrôler ça. On l'a vu, ils ont retiré la mesure d'un mètre, hein? Les plans, les quatre plans ne devaient mesurer plus qu'un mètre. Puis ils se sont dit : Bien, peut-être qu'on ne pourra pas dans le fond vérifier c'est quoi, un mètre, on ne peut pas vraiment contrôler ça. Bien, c'est la même chose pour les quatre plans. Ils poussent ça aux provinces, aux villes, aux autorités municipales aussi, en se disant : Bien, nous, c'est quatre plans qu'on permet. Oui, mais qui va contrôler ça? Le un plan, qui va la contrôler? Il ne faut pas envoyer le message qu'un plan, deux plans, quatre plans, c'est correct. Les gens vont dire : Bien, j'en ai huit. Puis, dans le fond, je n'en ai pas vraiment huit, parce qu'il y en a quatre qui sont matures puis les autres ne sont pas encore matures. Puis les petites boutures, là, bien, finalement, on ne les compte pas.

Alors, on rentre dans quelque chose qui n'est pas applicable. On envoie le mauvais message. Alors, pour nous, c'est une inquiétude. Je suis d'accord, un plan, ce n'est pas ça qui va ruiner le logement. Mais comment on va l'appliquer? On voit déjà les débordements. Donc, envoyons un message clair avec des sanctions claires. Et d'ailleurs on propose, je termine rapidement là-dessus, mais on propose dans notre mémoire que, lorsqu'il y a contravention à la loi en matière de culture, on devrait avoir le droit de résilier notre bail sans que la Régie du logement émette une simple ordonnance. Ça ne fait pas peur à personne, ça, une ordonnance. Je veux dire, regarde, je viens de gagner quelques mois avant de pouvoir me débarrasser de mes plants.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup. Ça met un terme à ce bloc d'échange avec l'opposition officielle. Nous allons maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Borduas, vous avez un bloc de six minutes. À vous la parole.

• (11 h 40) •

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour. Merci d'être présent aujourd'hui. Merci pour votre témoignage aussi. Je pense que ça illustre très bien les réalités auxquelles les propriétaires sont confrontés aussi puis l'aspect, dans le fond, que... comment on doit gérer ça aussi, cette légalisation-là, d'autant plus qu'actuellement il y a des propriétaires qui se retrouvent avec des situations où c'est cultivé illégalement, et c'est problématique parce que c'est une propriété qui est privée. Il y a beaucoup de petits propriétaires au Québec que c'est leur fonds de pension, d'avoir un logement, d'avoir un duplex, d'avoir un triplex. Et ces gens-là se retrouvent pénalisés. Et ils n'ont pas nécessairement de moyen d'intervention pour corriger la situation. Donc, je pense qu'on va devoir avoir une discussion ici pour voir comment est-ce qu'on peut trouver des solutions.

Vous en parliez tout à l'heure, vous dites, à votre recommandation 6, ça nous prend un moyen pour vérifier. Là, vous dites : On voudrait avoir un inspecteur, quelqu'un qui est habilité à rentrer dans le logement. Comment est-ce que vous voyez ça? Parce qu'il y a certaines difficultés. Exemple, en matière municipale, oui, l'inspecteur municipal peut pénétrer, parfois. En santé et sécurité, il y a un inspecteur qui a certains pouvoirs. Mais là, on parle du domicile des gens. Dans quelle perspective vous voyez quelqu'un qui pourrait pénétrer dans l'habitation d'un individu?

M. Brouillette (Hans) : Très bonne question. Pour des motifs de sécurité. Alors, pas pour des motifs farfelus, là. On parle vraiment, à partir du moment où on a un doute raisonnable, où on est convaincu qu'il se produit une activité illégale telle qu'une plantation, il faut pouvoir intervenir pour des motifs de sécurité. On avait un propriétaire qui, justement, voulait vérifier dans quelles conditions étaient cultivés les 25 plants autorisés par Santé Canada. Il est entré avec un électricien, et ils ont vu les installations, les lampes, et quand ils ont débranché, le feu a pris. Les pompiers sont intervenus. Alors, pour des raisons de sécurité, non seulement pour le logement, mais surtout pour les occupants voisins, donc, des gens qui n'ont aucune idée de ce qui se passe dans le logement d'à côté, mais qui sont à risque d'être victimes eux aussi de l'incendie, alors, pour des raisons de sécurité, on doit pouvoir pénétrer. Effectivement, les inspecteurs municipaux peuvent pénétrer dans des logements, faire des inspections de routine. On ne veut pas qu'il y ait de l'abus, là, ce n'est pas ça, mais il faut s'assurer de la sécurité des lieux. Et les plantations, ce n'est pas compatible avec la sécurité.

M. Jolin-Barrette : O.K. Qu'est-ce que vous pensez, si, dans le projet de loi, on inscrit directement, à la fois pour les propriétaires de logements, pour les baux déjà existants, qu'il y a une interdiction, dans le fond, de consommer du cannabis, bien, en fait, de fumer du cannabis? Déjà, on ferait une intervention dans le droit privé, dans le fond, que tous les baux, ça serait comme ça, et une intervention également en droit privé, au niveau des copropriétés, pour dire que c'est interdit, à moins que le syndicat des copropriétaires l'autorise par voie réglementaire, par le règlement de l'immeuble.

M. Brouillette (Hans) : Bon, quand on parle des baux existants, certains baux permettent déjà de fumer. Les propriétaires ne veulent pas changer ça, ils veulent continuer de permettre aux locataires de fumer. C'est juste le cannabis, là. Donc, on ne passe pas d'une situation où il est interdit à une situation où il est permis. Donc, c'est interdit, il y a simplement une continuité. Si le propriétaire veut le permettre aussi, le cannabis, il le fera. Donc, on ne parle pas de modifier tous les baux, là, nécessairement.

Dans le cas des copropriétés, ce qui est difficile, oui, bien sûr, les copropriétaires ou le syndicat de copropriété peut adopter une réglementation en disant : Bien, ça va être interdit de fumer. Sauf que, là, si un copropriétaire qui fume dit : Non, moi, je refuse, moi, je veux continuer de fumer, là, on va se retrouver devant le tribunal. Ça ne sera pas facile. Mais devant le tribunal, et ce n'est pas la Régie du logement, là, ici, là. On parle de la Cour du Québec. Donc, le droit d'une personne de fumer dans sa propre demeure dont il est propriétaire, et qui a des droits, lui aussi, en tant que membre du syndicat de copropriété, ça ne sera pas facile.

Donc, oui, il y aura certainement des règlements, il y en a probablement déjà, mais quand les droits vont s'opposer, ça va finir devant le tribunal.

M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, là, vous nous invitez aussi, au niveau de la production pour le cannabis médicinal, à, en fait, à le proscrire. À faire des démarches avec le gouvernement fédéral pour le proscrire. La culture à domicile.

M. Brouillette (Hans) : La culture à domicile n'a pas sa place dans les logements locatifs. On ne peut pas le contrôler. Si c'est le propriétaire, dans sa maison unifamiliale, qui décide de ruiner les lieux parce que sa santé est plus importante, c'est correct. Mais la santé des autres est importante, la protection de nos immeubles, et les assurances, c'est des questions importantes. Alors, à partir du moment où on peut s'approvisionner à l'extérieur, dans des lieux autorisés, il n'y a pas de raison de permettre la culture à domicile. Là, on comprend que les gens n'avaient pas d'autre choix, là. S'ils ont besoin de cannabis pour des fins médicales et qu'ils ne peuvent pas s'approvisionner ailleurs que dans le parc, auprès de gens de mauvaise réputation, bien, ils cultivaient à domicile. Mais ça n'a plus sa place.

M. Jolin-Barrette : O.K. Une question sur le montant des amendes. Vous souhaitez qu'elles soient quadruplées. Je pense que le montant des amendes, c'est entre 250 $ et puis 700 $. Donc, vous souhaitez que le montant soit quadruplé?

M. Brouillette (Hans) : Le montant actuellement n'est absolument pas dissuasif. C'est même un risque, un bon risque à prendre, de dire : Bien, ça me coûte 250 $ si je me fais prendre. Ça va coûter pas mal plus cher de faire des inspections, alors probablement qu'on ne verra même pas d'inspecteurs. Vous savez, pour changer des comportements, disons, délinquants, il faut deux choses : il faut un risque élevé de se faire prendre et il faut aussi une sanction suffisamment dissuasive. Le risque n'est pas très élevé d'avoir un policier qui cogne à la porte et l'amende aussi n'est pas une conséquence, surtout si la personne s'adonne à la revente du cannabis. 250 $, ça vaut le coût.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le député de Borduas. Malheureusement, votre temps est déjà écoulé. Mme Forest, M. Brouillette et M. Milot représentant la CORPIQ, merci de votre présence et de votre contribution aux travaux.

Je suspends donc quelques instants, et j'invite l'Association des médecins psychiatres à prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 46)

(Reprise à 11 h 47)

Le Président (M. Merlini) : Nous reprenons donc nos travaux. Notre dernier groupe cet avant-midi est l'Association des médecins psychiatres. Je vous invite donc à vous présenter lors du début de votre exposé. Vous avez 10 minutes pour le faire, et ensuite nous procéderons aux échanges avec les membres de la commission. Bienvenue à la CSSS. La parole est à vous.

Association des médecins psychiatres du Québec (AMPQ)

Mme Igartua (Karine J.) : Merci. M. le Président, Mme la ministre et membres de la commission, merci de nous recevoir. Je m'appelle Karine Igartua. Je suis la présidente de l'Association des médecins psychiatres du Québec. Je suis accompagnée aujourd'hui par Dr Guillaume Barbès-Dumin... Guillaume Barbès-Morin, pardon, qui est médecin psychiatre, secrétaire de l'association, et psychiatre clinicien à Rouyn-Noranda.

Je veux d'abord vous féliciter pour cet exercice de funambule extrêmement difficile auquel vous travaillez depuis des mois avec beaucoup d'énergie. C'est très difficile d'essayer de trouver un projet de loi qui soit le plus équilibré possible pour protéger à la fois les libertés individuelles, tant des fumeurs que des non-fumeurs, mais aussi protéger la population des dangers réels reliés à l'intoxication du cannabis, que ce soit... tant au niveau des accidents routiers que des échecs scolaires, que du présentéisme au travail ou des troubles qui nous concernent plus, comme les dépendances et les déclenchements des psychoses.

Je représente le point de vue des psychiatres. Nous sommes des médecins. Nous sommes des cliniciens. Nous ne sommes pas des théoriciens. On voit du vrai monde dans la vraie vie. Et notre souci principal est donc de limiter les dégâts du cannabis sur les parcours scolaires, sur le développement psychologique et sur la santé mentale des Québécois, plus particulièrement chez notre jeunesse.

Nos recommandations viennent donc d'un principe de précaution. Vous savez, le cannabis légal, c'est un petit peu comme un adolescent. On donne un petit peu de latitude. Si ça va bien, on élargit au besoin. Mais de faire l'inverse, ce serait dangereux.

De façon générale, l'AMPQ se réjouit du projet de loi n° 157. En effet, on tient d'emblée à saluer les éléments suivants : la création du fonds de prévention et de la recherche qui permettra de financer des activités, des programmes et des soins qui seront vraiment de plus en plus nécessaires avec la légalisation du cannabis, on salue aussi les restrictions importantes apportées à la promotion, à la publicité, à l'emballage, qui vont certainement contribuer à éviter de promouvoir la consommation de cannabis.

• (11 h 50) •

Les lieux publics où il sera permis de fumer le cannabis sont dans le projet de loi et doivent demeurer très limités pour éviter de favoriser l'acceptabilité sociale du produit. Comme le gouvernement se réserve le droit de déterminer par règlement d'autres lieux où il serait interdit de fumer, il serait intéressant d'ajouter à la liste des lieux là où c'es interdit de consommer l'alcool. En effet, avec le cannabis, on a deux considérations, celle, d'abord, de ne pas importuner les autres avec la fumée secondaire, comme la cigarette, et l'autre, d'éviter de voir les personnes s'intoxiquer sur la voie publique, comme avec l'alcool. Il faudrait donc songer peut-être à déterminer des fumoirs intérieurs et extérieurs.

Je vais vous parler un petit peu du modèle de distribution. Nous saluons ce modèle, qui est rigoureusement réglementé et qui n'est soumis à aucune logique de profit. Ça favorise ainsi les objectifs de la santé publique. Il faut donc absolument maintenir ce modèle et maintenir l'interdiction de la promotion et de la publicité.

Toutefois, nous comprenons mal comment cette logique pourrait être préservée dans le cadre d'un projet pilote impliquant la distribution via un réseau privé, tel que le gouvernement souhaite se réserver le droit d'autoriser. On comprend mal l'intention du législateur derrière cela. Quel genre de commerce privé pourrait s'intéresser, dans une optique de ne pas générer des profits? En l'absence de réponse importante, de réponse logique à ça, dans un souci de précaution et un souci de cohérence, nous recommandons donc de fermer la porte au marché privé dans le projet de loi.

De plus, l'article 25 du projet de loi prévoit qu'un préposé à la vente doive suivre une formation relative à la vente de cannabis. C'est très bien, l'AMPQ recommande que cette formation puisse outiller les préposés à reconnaître les signes de psychose ou de dépendance et de les référer, les consommateurs, vers des ressources locales appropriées en santé mentale. Donc, on souhaite que ça fasse partie intégrale de la formation des préposés.

Je vais vous parler des concentrations maximales de cannabinoïdes. Vous savez, les concentrations en THC sont en croissance dans le cannabis depuis une trentaine d'années. Selon la DEA, la Drug Enforcement Agency, aux États-Unis, le cannabis illicite, en 1995, était à une teneur d'environ 4 % en THC. Or, en 2014, la teneur avait triplé à 12 %, et ça, c'est dans le marché illicite. Quand on regarde les concentrations qui sont disponibles dans les régions du monde où il y a un marché légal, donc au Colorado et en Hollande, on a des taux de THC, dans le cannabis, qui augmentent jusqu'à 30 %. Pourquoi? Parce que les agriculteurs peuvent peaufiner leur agriculture pour aller chercher des concentrations de plus en plus élevées. De plus, il y a un nouveau produit qui s'appelle le shatter, qui est une espèce de concentré qui a l'air d'un morceau de vitre ambrée, c'est pour ça qu'on appelle ça du shatter, où, là, on retrouve des taux de THC de 85 % à 90 %. On a essayé, dans ces États-là, de limiter a posteriori la concentration en THC. En Hollande, ils ont essayé de la limiter à 15 % en 2011, au Colorado, à 16 % en 2016. Les deux ont échoué dans cette tentative-là. Le lobby du cannabis devient de plus en plus important et ça devient politiquement difficile, a posteriori, de mettre une limite.

Donc, on vous propose, on vous suggère d'emblée, par principe de précaution encore, de déterminer, dès la rentrée en vigueur de la légalisation, une concentration maximale de cannabinoïdes. Si vous faites ceci par règlement, ça vous donne la latitude de changer au fur et à mesure que les connaissances avancent, sans avoir à changer la loi comme telle.

Vous allez sûrement me demander quelle est la concentration sécuritaire. La réponse, c'est que la recherche ne le dit pas. D'une part, beaucoup de nos...

Le Président (M. Merlini) : ...

Mme Igartua (Karine J.) : Trois minutes? D'une part, beaucoup de nos projets de recherche sont basés sur des utilisateurs de cannabis au moment où le cannabis était beaucoup moins concentré qu'il ne l'est maintenant, donc il y a des données qui manquent. Ce qu'on sait, par contre, c'est que le risque est linéaire : plus vous en consommez, plus il est puissant, puis plus vous commencez jeune, plus il y a des risques, tant pour la dépendance que pour la psychose.

Donc, on vous suggère de considérer deux paliers : une concentration de cannabis maximale légale, qu'on pourrait fixer vers 15 % ou 16 %, qui est ce qu'on a visé dans les autres juridictions, et qui, je vous le rappelle, est déjà au-dessus de ce qui se retrouve sur le marché illégal dans les endroits où il n'y a pas de marché légal, et une concentration moindre pour la population qui serait plus vulnérable. Donc, par exemple, les moins de 21 ans, on pourrait fixer une concentration à moitié. Vous allez me dire : C'est un chiffre scientifique? Non, c'est totalement arbitraire, mais l'alternative, entre tracer une ligne arbitraire... c'est ne pas en tracer, puis de ne pas en tracer, bien, ça laisse le loisir aux concentrations d'augmenter. Je suis sûre que vous allez me poser des questions là-dessus, ça fait qu'on pourra en reparler.

Je veux aussi mettre l'accent sur le fait les études épidémiologiques longitudinales puis le comité de vigilance scientifique sont essentiels dans votre projet de loi. Il y a une soixantaine, sinon plus, de cannabinoïdes différents dans le cannabis, dont on connaît encore mal les effets. Le CBD serait potentiellement antipsychotique, serait bon pour la douleur, serait bon pour l'anxiété. Le THC, lui, par contre, serait celui qui induirait la psychose. Donc, on pourrait se retrouver, à un moment donné, à vouloir avoir des ratios de CBD versus THC. La science n'est pas rendue là encore. Et les 58 autres cannabinoïdes, on ne le sait pas. Donc, il faut absolument qu'on profite de l'opportunité de la législation pour mieux étudier la substance. La recherche est essentielle, et le gouvernement doit se donner, dans ce projet de loi, les moyens de mieux comprendre les effets sur la santé et la latitude pour ajuster ses règlements sur les concentrations maximales des divers cannabinoïdes contenus dans le cannabis au fur et à mesure que les données seront là.

Je veux finalement vous parler des corridors de service en santé mentale. Vous savez, les deux risques majeurs, c'est la dépendance et la psychose. Vous savez que la psychose, plus on intervient tôt, plus on a des chances de succès. Il y a, à travers le Québec, des programmes de premier épisode de psychose. Vous avez entendu l'AQPPEP vous parler avant Noël. Ces équipes-là sont débordées. Elles n'existent pas dans toutes les régions du Québec, donc il faudrait vraiment que le gouvernement accélère les investissements dans ces programmes et n'attende pas que la — SQC? En tout cas, oui — la SQC génère des profits pour s'assurer que ces équipes-là sont pleinement fonctionnelles et capables de répondre aux besoins de la population.

Et, si j'ai un 30 secondes...

Le Président (M. Merlini) : Oui, vous l'avez.

Mme Igartua (Karine J.) : Je veux aussi insister sur l'importance d'éduquer les jeunes. J'aimerais bien voir, dans le cursus secondaire, un programme de formation pour les jeunes qui leur montrerait non seulement quels sont les effets des drogues, mais d'avoir des habiletés sociales pour être capables de négocier avec leurs pairs quand on leur en offre puis peut-être qu'ils ne veulent pas en prendre, et aussi des stratégies pour réduire les risques. Parce qu'on sait qu'ils vont consommer, mais s'ils peuvent consommer dans le sous-sol chez eux plutôt que dehors dans la rue, s'ils peuvent consommer avec des gens à qui ils font confiance plutôt qu'avec des étrangers dans le parc, s'ils peuvent ne pas conduire en consommant, bref, toute une gestion des risques autour de la consommation, je pense que ça serait très, très, très pertinent.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Dr Igartua, de votre présentation. Nous allons débuter les échanges avec Mme la ministre et députée de Soulanges. Vous disposez de 15 minutes. À vous la parole.

Mme Charlebois : Alors, bonjour, Mme Igartua et M. Barbès-Morin. Merci d'être là pour nous donner votre point de vue, parce que c'est fort important. Il y a plusieurs questions qu'on aura, tous les parlementaires ici réunis. Vous le savez, il y a des choses sur lesquelles ont n'est pas en accord, notamment l'âge, ça fait que je vais commencer là. Puis je dis notamment en accord... pas en accord, ce n'est pas... je ne vise pas personne, là, mais on n'est pas en accord, on a le droit. On a le droit, ça fait partie de notre privilège parlementaire.

Moi, je suis une partisane du 18 ans, puis je vous explique pourquoi... j'ai vu dans votre mémoire que vous étiez plus partisans du 21 ans. À ma connaissance, puis je prends toujours le temps d'expliquer mes connaissances, 21 ans n'est pas basé sur une ressource scientifique, sur des données probantes, mais plus... parce que le fonctionnement du cerveau, le développement du cerveau se termine à 25 ans, vous le dites vous-même. Alors, pourquoi prôner pour le 21 ans, alors que le cerveau n'est pas fini de former, quand on sait que la majorité de ceux qui consomment, en ce moment, ont entre 18 et 24 ans? Bref, 42 % de l'ensemble des utilisateurs. Puis ce n'est pas parce qu'on veut favoriser ou augmenter la consommation. Parce que je le sais, que ça peut développer des psychoses, mais ça ne développe pas des psychoses pour tout le monde — ça, ça sera une autre question. Mais sur quoi vous basez-vous pour aller sur le 21 ans?

• (12 heures) •

Mme Igartua (Karine J.) : Le 21 ans, on vous l'avait expliqué, c'est simplement un âge de compromis entre 25 et 18. Comme je vous disais, il n'y a pas une concentration qui est sécuritaire, il n'y a pas un âge limite non plus qui est sécuritaire. C'est toujours une question linéaire. C'est un petit peu comme l'alcool au volant : 0,08, c'est arbitraire, on a pris ce chiffre-là. Est-ce que 0,09, c'est vraiment, vraiment très dangereux puis 0,07, non? Nous autres, ce qu'on s'est dit, 25 ans, ça ne passera jamais, on s'est dit : On va miser sur le 21 ans.

Ceci étant dit, vous avez choisi le 18, c'est très bien. On veut avoir d'autres alternatives, à ce moment-là, pour essayer de protéger les cerveaux, d'où l'idée d'avoir des concentrations moindres. Et ça, si vous étiez ouverte, on pourrait même dire des concentrations moindres pour les 25 ans et moins. Mais on essaie toujours de protéger les cerveaux de la jeunesse.

Mme Charlebois : Oui, allez-y.

M. Barbès-Morin (Guillaume) : Si je peux me permettre aussi, la question des données probantes, c'est toujours très intéressant. On essaie d'utiliser ça pour avoir les avis les mieux éclairés possible par la science. Par contre, le cannabis, si vous avez des enfants puis vous désirez leur mieux-être pour toujours, si vous vous basez vraiment sur les données probantes, le mieux serait qu'ils ne consomment pas, tu sais?

Mme Charlebois : Exact.

M. Barbès-Morin (Guillaume) : C'est tout. Mais là, donc, il faut faire attention de dire : Bien, notre position, ce n'est pas des données probantes. En fait, c'est une position de compromis. Parce qu'ultimement, les données probantes, ce que ça dit, c'est qu'il n'y a pas de bénéfice à consommer, à quelque âge que ce soit, outre certaines situations très particulières.

Alors, si on revient à notre position de 21 ans, bien là je reviens à ce que le Dr Igartua disait... Mais c'est un sujet dans lequel, dans tous les échanges que j'ai vus à la commission, il faut faire attention aux données probantes parce que la recherche de données probantes, des fois, ça peut être un piège, là, comme dans ce cas-là.

Mme Charlebois : Je vous entends, mais j'entends que c'est subjectif.

Une voix : ...

Mme Charlebois : O.K. Et je veux juste vous dire que le Québec adopte 18 ans, mais plein d'autres provinces ont mis exactement le même seuil que l'alcool. Parce que, si on considère que quelqu'un est adulte à 18 ans pour voter, pour consommer de l'alcool, pour faire plein de choses, on s'est dit que... Ça ne veut pas dire de les laisser consommer puis de les laisser à eux-mêmes, là. Il faut faire de la prévention puis, à mon sens, à partir de l'école primaire, au secondaire, au collégial, à l'université et même chez les parents — même chez les parents. Je pense qu'on a intérêt. L'ensemble de la population n'est pas consciente.

Ça, c'est comme quand on parlait de tabagisme les premières années. Je me souviens très bien, j'ai fumé, adolescente, puis je me rappelle mon père qui me disait : Ne fume pas, ce n'est pas bon pour la santé. Puis, s'il y a quelque chose qui est clair, c'est de... fumer, ce n'est pas bon pour la santé, là. Il n'y a rien de bon là-dedans, là. Mais lui, il avait un cendrier plein. Mais je n'avais pas d'explication sur le pourquoi. Aujourd'hui, on les a, les explications. Les enfants, les jeunes, les adolescents les ont. On pourrait faire la même chose avec le cannabis, puisque, à mon sens, les jeunes consomment déjà. Notre majorité du 100 % qui consomment, là, il y en a 42 % entre 18 et 24 ans.

Alors, moi, je vous donne mon point de vue puis vous allez entendre d'autres points de vue tantôt. Mais, ceci étant dit, je suis contente que vous me disiez que c'est subjectif, mais que vous le faites dans le bon intérêt, avec vos convictions à vous. Mais moi, je vous dis... Bon.

Parlons des maladies psychotiques. Est-ce que tous les consommateurs vont avoir des maladies psychotiques ou si c'est des gens qui ont des antécédents dans leurs familles, ou biologiques, ou... Moi, je ne m'y connais pas, je vous pose la question à vous.

Mme Igartua (Karine J.) : Je vais commencer de répondre puis... En fait, la réponse, c'est qu'on ne sait pas qui va développer la psychose. Ça fait que les gens disent : Ah! bien oui, bien, ça a déclenché, mais il l'avait déjà. Bien, il l'avait déjà... S'il n'y avait pas de signe avant, il ne l'avait pas, avant, tu sais?

On commence à avoir des études génétiques pour voir... Parce qu'il y a deux profils de gens qui font des psychoses. Il y a des gens qui font des psychoses sans cannabis. Ils semblent avoir un profil génétique différent de ceux qui font des psychoses avec cannabis. Et il semble aussi que leurs parcours diffèrent. C'est-à-dire quelqu'un qui développe une psychose avec du cannabis, s'il arrête de consommer, il a un pronostic beaucoup meilleur que celui qui en fait sans cannabis.

Il y a une constellation d'environ 260 gênes qu'on est en train d'essayer de comprendre l'amalgame de ces gênes-là pour essayer de déterminer qui va être à risque de psychose. Mais la vraie réponse, c'est qu'en ce moment on ne sait pas chez qui ça va le déclencher. On sait que, si on prend tous les consommateurs confondus, tout le monde ensemble qui a fumé une fois dans sa vie jusqu'à tous les jours, on augmente le risque de 40 %. Mais chez qui? Ça, on ne le sait pas encore.

On sait que, si on prend les consommateurs qui fument à tous les jours, les intensivistes qu'on appelle, là, eux autres, on augmente de 390 %, donc quatre fois plus de psychoses. Encore là, on ne sait pas chez lequel. C'est comme jouer à la roulette russe.

Mme Charlebois : Bien, je suis contente de vous l'entendre dire parce qu'il y a des prétentions, puis je l'ai entendu de mes propres oreilles, à l'effet que ça ne crée pas de psychoses ou de maladies mentales, mais qu'elles sont exacerbées. Donc, vous me dites : On n'est pas certains.

Mme Igartua (Karine J.) : On est en train de dire : Il y a deux sortes de psychoses.

Mme Charlebois : Oui. Je l'ai entendu.

Mme Igartua (Karine J.) : Il y en a qui vont se développer sans, et celles-là, si elles fument, ça va les exacerber aussi.

Mme Charlebois : Ça va être pire.

Mme Igartua (Karine J.) : Mais il y en a qui se développent avec, et, si on arrête de fumer, ils ont un pronostic meilleur, même meilleur que celui qui l'a développé sans puis qui ne va jamais fumer.

M. Barbès-Morin (Guillaume) : Puis c'est une nuance importante que vous emmenez là. Puis un autre facteur qui est relié à cette chose-là... Parce qu'en général les psychoses graves comme la schizophrénie, ça se déclenche jeune, ça se déclenche à la fin de l'adolescence, chez les garçons, un peu plus tard chez les filles, mais pas beaucoup plus tard. C'est une période très importante, entre autres, parce que, si vous arrivez à compléter un secondaire V, si vous arrivez à compléter une formation professionnelle, une formation au cégep, si vous arrivez à développer des habiletés à vivre seul en appartement — tout ça, ça se fait dans ce secteur-là du développement humain, là — et qu'ensuite la psychose se met en branle, lorsque vous arrivez dans une clinique de premier épisode, une clinique de réadaptation, l'objectif du travail de cette équipe-là, ça va être de vous ramener le plus près possible du plus haut niveau de fonctionnement que vous avez atteint, parce que c'est très difficile de réussir à prendre, quelqu'un qui a vécu une psychose et de l'amener à mieux que ce qu'il a vécu avant.

Si, malheureusement... Là il y a un chiffre qui est important ici, c'est qu'en général, chez les consommateurs de cannabis, on va dire, là, qui étaient dus pour faire une psychose, qui étaient dus pour avoir une schizophrénie, on considère en moyenne que, s'ils consomment du cannabis, ça va accélérer l'apparition des symptômes trois à quatre ans plus tôt. Alors, on va dire, mettons, mon fils est dû pour faire une psychose — ce que je ne souhaite pas — à 21 ans et que malheureusement il se met à fumer du cannabis, ça va arriver trois à quatre ans plus tôt peut-être. Et peut-être que, dans ces années-là, il n'aura pas réussi à aller chercher son secondaire V, son attestation, etc., de se faire une copine, de se créer un réseau social, des habilités de vie qui vont lui permettre de fonctionner de façon autonome ensuite, et ça va être extrêmement difficile de lui donner ça, même avec les meilleurs soins qui existent. Donc, tout le débat autour qui l'est, qui ne l'est pas, c'est très important.

L'autre question, je pense, qu'il faut prendre en considération, c'est l'âge d'arrivée des symptômes. Et c'est pour ça qu'on a insisté sur l'adolescence, là. Jusqu'à quel âge il faut... Bien, en fait, si on était capables de dire qui est susceptible, il faudrait dire : Bien, toi, mon grand, jamais, puis le plus tard possible, si possible. Ça fait que ne sachant pas c'est qui, ces gens-là, bien, on espère avoir les moyens en éducation, quels que soient les moyens, de réussir à faire valoir que le plus tard, c'est mieux, et le moins concentré, etc.

Mme Charlebois : Est-ce que vous savez... Puis je ne suis pas certaine que vous allez avoir la réponse, mais je vous la demande quand même. Est-ce que vous êtes au courant si la fumée secondaire de cannabis peut avoir un impact chez le voisin, chez... Quelqu'un qui fumerait à côté de moi, est-ce que ça va m'atteindre aussi autant que... bien, peut-être pas autant, mais, en tout cas, est-ce que ça peut me toucher autant biologiquement?

M. Barbès-Morin (Guillaume) : Je ne peux pas vous dire avec exactitude. Ce que je peux vous dire, c'est que... Je ne sais pas si vous vous souvenez de Ross Rebagliati, là, le «snowboarder» canadien qui a perdu sa médaille d'or. Il disait que c'étaient les fumées secondaires. Ce qui est sûr, c'est qu'on peut le détecter. Si c'est vrai, ce qu'il disait, on peut le détecter. Et c'est un sujet d'étude, là, qui existe déjà et qu'il va être important de faire. C'est clair dans le cas de la fumée secondaire de tabagisme. Ça va être important de pouvoir le déterminer aussi pour le cannabis.

Mme Igartua (Karine J.) : Il n'y a pas de raison de penser que ça ne serait pas dommageable. La concentration serait moindre, donc ça serait moins dommageable parce que la concentration est moindre, mais il n'y a pas de raison de penser que, parce que ça a passé dans l'air ambiant avant de passer dans tes poumons, que ça a été désactivé, là.

• (12 h 10) •

Mme Charlebois : Je veux vous rassurer sur la façon que la Société québécoise du cannabis va fonctionner : pas de publicité; les seules informations qui vont apparaître, c'est les informations du contenu du produit. J'ai pris bonne note de votre teneur en THC maximale, j'en ai pris bonne note. On aura certainement des réflexions à ce sujet-là en termes de santé publique.

Je veux vous amener sur le comité de vigilance. Vous en avez parlé et, je ne sais pas... Vous en avez pris connaissance sûrement dans le projet de loi. L'article 58, là, on parle : le comité de vigilance va pouvoir «donner [son] avis au ministre sur toute question relative [qui lui est soumise]; évaluer l'application des mesures [dans] la présente loi[...]; [et] saisir le ministre de tout phénomène émergent en matière de cannabis[...]; [et] effectuer tout autre mandat que le ministre lui confie.

«Il peut [aussi] exiger de la Société québécoise du cannabis [ou] une personne autorisée par celle-ci à transporter ou à entreposer du cannabis pour son compte, le cas échéant, ou [un] producteur de cannabis qu'ils lui fournissent tous renseignements ou documents qu'il juge nécessaires à la réalisation de son mandat.» Bref, c'est pour de la recherche, en termes plus clairs.

Est-ce que vous considérez que le mandat du comité de vigilance... Et je sais que ce n'est pas de la recherche, là, ce n'est pas là que ça va se faire, c'est à l'Institut national d'excellence et l'institut de santé publique. Puis il peut y avoir un mandat qui est donné par le directeur national de santé publique, puis c'est ce qui va arriver, sûrement. Mais vous savez que ce rapport-là va être transmis au ministre, qui, lui, va le rendre public 30 jours après qu'il l'a entre ses mains. C'est un rapport annuel. Est-ce qu'il y a d'autres choses que vous auriez voulu voir dans le mandat du comité de vigilance?

Mme Igartua (Karine J.) : Bien, en fait, une de nos recommandations, c'était de rajouter de suivre l'évolution des connaissances en matière de cannabinoïdes afin d'émettre des recommandations basées sur la science. En particulier, ça fait référence à ce que je vous expliquais tantôt, qu'il y a plus d'une soixantaine de cannabinoïdes qu'on ne connaît pas encore dans le cannabis, qu'on ne sait pas encore quels sont leurs effets.

Et, vous savez, c'est superintéressant, tantôt, vous avez entendu parler des études de Dr Ware, il explique très clairement aussi que la façon dont on consomme le cannabis va faire varier les différents cannabinoïdes qui vont émerger. C'est-à-dire, si on chauffe à une telle température, on va avoir quelque chose de différent de si on chauffe à une autre température. Donc, si on fume versus si on vapote, on va avoir différentes constellations de cannabinoïdes qui vont ressortir, en différentes concentrations. Et on comprend encore mal l'effet de chacune de ces substances.

Donc, en fait, la recherche, superimportant. Et on voudrait que ce comité-là puisse suivre cette recherche-là de façon à pouvoir modifier par règlement. Comme là on vous propose, par exemple, un THC maximum, mais peut-être qu'un jour on voudra proposer un CBD minimum ou un xyz maximum, là, quand on aura d'autres cannabinoïdes qu'on comprendra mieux.

Mme Charlebois : Quand vous dites que vous voudriez voir quelqu'un qui a des connaissances scientifiques, est-ce que vous avez examiné la composition qui est suggérée à l'article 59, qui dit que, bon, les gens qui sont nommés par le ministre dont la majorité possèdent collectivement une compétence ou une expérience significative en santé publique, toxicomanie, intervention auprès des jeunes, en matière municipale, sécurité publique, dont les autres possèdent collectivement une expérience significative de gouvernance et d'éthique, évidemment, gestion de risques, bon, finances, puis tout ça. Mais est-ce que pour vous, dans ce que je viens de vous énumérer, il y a quelque chose qui se rapproche du scientifique ou si vous voudriez le voir rajouter?

Mme Igartua (Karine J.) : Bien, on voulait juste voir rajouter le mot «scientifique» pour que ce soit clair.

Mme Charlebois : O.K. Il me reste-tu du temps, M. le Président?

Le Président (M. Merlini) : 20 secondes.

Mme Charlebois : Bien, je vais vous remercier. En 20 secondes, je n'ai pas le temps de vous poser une question, c'est clair. Mais je sais que mes collègues des oppositions vont avoir des questions très intéressantes aussi.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Mme la ministre, pour ce bloc d'échange avec nos invités. M. le député de Labelle, vous avez un bloc de neuf minutes pour échanger avec nos invités. À vous la parole.

M. Pagé : Oui. Merci, M. le Président. Merci pour votre contribution et vos nombreuses recommandations, dont plusieurs sont fort pertinentes et nous amènent, dans plusieurs cas, à aller un peu plus loin, notamment vos recommandations, là, 2, 3, 4 à l'égard du taux de THC, comment... Moi, je pense qu'il y a quelque chose là sur lequel il va falloir que nous échangions et explorions les possibilités de parce que je pense qu'il y a quelque chose là de fort intéressant qui pourrait peut-être faire un compromis qui rallierait tout le monde, là, autour du fameux 18-21 ans, là, qui... Alors, je veux vous remercier à cet égard-là.

Et j'ose même explorer une question. Est-ce que, même, le niveau de taxes ou le prix pourrait varier en fonction du niveau du THC? Est-ce qu'on pourrait imaginer quelque chose comme cela? Parce qu'évidemment ça pourrait faire une différence, peut-être, lors de l'achat par les consommateurs.

Mme Igartua (Karine J.) : ...je ne suis pas économiste, là, alors ce n'est pas vraiment mon domaine.

M. Pagé : Oui, O.K.

Mme Igartua (Karine J.) : Je pourrais vous dire que, sur le marché illicite Internet ou... médical, on va dire — Internet, c'est déjà le cas — donc, on paie plus cher quand la teneur est plus élevée. Donc, si vous voulez faire concurrence au marché illicite, c'est quelque chose que vous pourriez envisager. Mais ce n'est vraiment pas notre domaine de compétence, l'économie, là.

M. Pagé : O.K. Mais, vous voyez, vous m'apprenez encore quelque chose. Parce que je n'ai pas eu l'occasion de commander par Internet encore, alors... Bon, écoutez...

M. Barbès-Morin (Guillaume) : Peut-être pour complément à la réponse, j'invite tout le monde à aller voir ces sites-là de commandes en ligne. C'est fabuleux. Moi, c'est mes patients qui m'initient à ça, là. Il y en a un, hier, qui m'a apporté sa boîte qu'il avait reçue de Santé... par Postes Canada. Et les prix, là, vous pouvez avoir des spéciaux intéressants avec des phénomènes de fidélisation, tant de points si vous invitez un ami, etc. C'est extrêmement agressif comme marketing. Et on peut aller chercher du 4,24 $ de l'once... du gramme sur le marché légal du médical actuellement, là, pour des concentrations de THC autour de 10 %.

M. Pagé : Oui. Je vous dirais, ça fait partie des raisons pour lesquelles nous demandons beaucoup plus d'encadrement autour de la vente en ligne. Et là on pourra rediscuter de ce sujet-là ultérieurement, mais je veux revenir à votre première recommandation, je ne sais pas si c'est parce que c'est la plus importante, mais votre première recommandation qui est un sujet sur lequel, pour l'instant, je pense qu'on n'a pas encore trouvé l'équilibre entre la position gouvernementale et la nôtre.

Et je pense d'ailleurs que c'est la même position aussi pour la deuxième opposition. Ils pourront en discuter avec vous. Vous dites très clairement : Modifier l'article 55 de façon à exclure la possibilité de confier, dans le cadre d'un projet pilote, la vente du cannabis à une entreprise privée dans le but qui serait de générer des profits. Moi, j'aime ça, là, parce que c'est totalement clair. Puis vous n'avez pas élaboré beaucoup là-dessus. Je vous laisse l'occasion d'élaborer du comment, du pourquoi de l'écrire aussi clairement puis... Parce que vous en fait avez mention, mais vous n'avez pas élaboré beaucoup. Alors, même si, comme vous nous dites, vous n'êtes pas économistes, je pense qu'il y a une raison derrière cette première recommandation.

Mme Igartua (Karine J.) : Bien, en fait, on voit mal comment une entreprise privée pourrait s'intéresser au commerce si ce n'est pas pour générer des profits. Puis, pour générer des profits, bien, ça présume qu'on augmente la consommation. Nous autres, ce qu'on vise, c'est de réduire la consommation ou, minimalement, de réduire la consommation chez les gens qui sont à risque. Je n'ai pas plus d'élaboration que ça à vous faire, là.

M. Pagé : Bien, écoutez, ça a le mérite d'être clair, et nous sommes exactement à la même place. Alors, là-dessus, il n'y a aucun problème, on se rejoint parfaitement.

Vos recommandations n° 11, 12, 13 commencent toutes les trois par la même phrase : «que le gouvernement finance», «que le gouvernement finance» et «que le gouvernement finance», bon, que ça soit la prévention destinée aux jeunes, aux adolescents, des campagnes de sensibilisation et tout le reste. Alors, une des raisons pour lesquelles nous souhaitons qu'il soit inscrit clairement dans la loi que, malgré l'article 3 qui dit que la SQC n'a pas d'objectifs de profitabilité... Nous voulons qu'il soit inscrit clairement dans la loi que 100 % des profits générés... Parce qu'il risque d'y en avoir, des profits générés. Et là je ne parle même pas des taxes qui vont générer probablement pour l'État quelque chose comme autour de 150 millions de dollars, probablement, dès la première année. Mais, s'il y a profits, nous, nous voulons inscrire dans la loi que 100 % des profits devraient être réinvestis pour les saines habitudes de vie, la santé publique, la dépendance, effectivement, toutes les campagnes de sensibilisation et de prévention.

Et il y a des États américains qui étaient avec nous via visioconférence, le 19 et 20 juin dernier, lors de la rencontre avec les experts, à Montréal, et qui nous le disaient : Écrivez-le dans la loi pour que ça soit dit de façon claire. Vous n'êtes pas allés jusqu'à le dire de cette façon-là. Est-ce que vous croyez qu'on devrait l'inscrire dans la loi?

Mme Igartua (Karine J.) : Oui, puis je n'ai aucune objection. Je vous rajouterais, dans la liste que vous avez mise, les premiers épisodes psychose, de s'assurer le financement des premiers épisodes de psychose.

• (12 h 20) •

M. Pagé : Oui. Je pense que, dans la nomenclature, il y a les communautés autochtones. Je pense que ça prend un financement particulier. Les municipalités, aussi, clairement. D'ailleurs, c'est l'État de la Californie qui a identifié que 20 % des profits vont vers les municipalités parce qu'elles ont à appliquer le cadre réglementaire en grande partie. Alors, oui, je pense qu'il faudrait définir tout cela. À la limite, ça pourrait être par voie de règlement, où on pourrait aller un peu plus loin. Mais je pense qu'il faut l'inscrire très clairement. Je vous remercie.

Vos recommandations n° 5 et 6 parlent, dans ce cas-ci, d'études, recommandation n° 6, d'ajouter à l'article 58 : «suivre l'évolution des connaissances en matière de cannabinoïde afin d'émettre des recommandations basées sur la science». Évidemment, non seulement je suis d'accord avec tout cela, mais nous demandons, encore une fois, et vous l'avez peut-être entendu, si vous étiez ici ce matin, à ce qu'il soit écrit très clairement dans la loi la création d'un observatoire. Ça aussi, ça nous a été dit par un assez bon nombre de personnes, lors des consultations de l'été dernier, un observatoire qui pourrait être en collaboration avec les chaires de recherche universitaires afin d'alimenter le comité de surveillance qui fera des recommandations suite à la filiale de la SAQ.

Est-ce que, justement, vous croyez que cet observatoire devrait être nommé dans la loi? Parce que, si on veut alimenter le comité de surveillance, vos recommandations 5 et 6, est-ce que ça passe par l'observatoire, entre autres — entre autres?

Mme Igartua (Karine J.) : Je n'aurais pas la définition de l'observatoire, là, qu'est-ce qui serait inclus ou pas inclus là-dedans. Je vais retaper le clou sur l'importance d'avoir des données. Je ne sais pas si tu veux leur parler de validité des études longitudinales.

M. Barbès-Morin (Guillaume) : Oui. Bien, ça revient à toute la validité, la science, ce dont on dispose, là, cette question-là. Beaucoup de la littérature qu'on a actuellement a été faite à une époque où le THC était à une concentration, en moyenne, 2 %, 3 %, 4 %. Là, on se retrouve avec plein de monde qui se basent sur... on appelle ça de la science, des données valides, alors qu'il y a des experts qui disent : Tout ça, ce n'est plus valide. Il faut maintenant refaire ces longues études là avec les nouvelles souches qu'on a, ce qui est mis en marché actuellement.

Comme on parlait tantôt, là, plutôt autour de 12 %, la moyenne dans le marché illicite aux États-Unis en 2016, là. Mais il faut suivre ça parce que les données qu'on avait, il y a encore pas très longtemps, elles ne sont plus nécessairement aussi valides. Il faut être très ancré là-dedans. Comment le faire? Comment le nommer? Comment s'assurer que ce soit là? Bien, vous êtes probablement plus habiles que je peux l'être pour savoir comment le faire, là, mais je pense que c'est important que ce soit perçu comme étant une des choses qu'on trouve très importantes à ce moment-là.

M. Pagé : O.K.

M. Barbès-Morin (Guillaume) : ...nouvelle littérature actuellement.

M. Pagé : O.K. Vous avez parlé de fumoir. C'est rare que des jeunes sont venus nous le suggérer. Parce que je pense qu'il va falloir définir des endroits. Et, de plus en plus, il semble y avoir un certain consensus pour limiter quand même passablement, je dirais même plus que ce que la loi prévoit jusqu'à maintenant. Moi, j'entends qu'on va peut-être aller un peu plus loin que ce que le projet de loi prévoit jusqu'à maintenant pour limiter les endroits où on pourra consommer. Donc, l'idée de fumoir m'apparaît assez intéressante. Bon, vous en êtes venus à cette conclusion de quelle façon lorsque vous suggérez cela?

Le Président (M. Merlini) : Une très, très brève réponse, s'il vous plaît.

Mme Igartua (Karine J.) : Je vous invite à vous promener au parc La Fontaine avec votre famille, vos deux jeunes enfants, puis vous voulez jouer au ballon, puis ça fume sur une... trois, quatre jeunes sont sur une couverture en train de fumer à trois pieds de vous. Je ne suis pas sûre que ça rend votre séjour au parc aussi agréable. Et vous n'êtes pas nécessairement dans le terrain de jeu des enfants, là, vous êtes dans le gazon comme tout le monde.

Donc, quand je parle de fumoir, ça peut être des fumoirs autant dans les parcs, des régions désignées dans les parcs, que des fumoirs intérieurs, mais de limiter pour que les gens qui ne veulent pas sentir cette odeur-là puis ils ne veulent pas que leurs enfants soient exposés à ça ne soient pas obligés de se cacher pour être libres d'être à l'air frais.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup. Ça met un terme à ce bloc d'échange. Nous allons du côté du deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Repentigny, vous disposez de six minutes. À vous la parole.

Mme Lavallée : Oui. Merci. Merci pour votre présence ici. Je reconnais quand même, vous me corrigerez... la formation de psychiatres, c'est proche 10 années d'université? Donc, c'est quand même beaucoup d'études, là. Vous parlez de choses que vous connaissez. Ça, c'est à part la pratique que vous avez eue suite à l'obtention de votre diplôme. Donc, pour moi, je trouve que c'est... ça me rassure, lorsque je vous entends, parce que vous avez des connaissances que moi, je n'ai pas.

Avec la légalisation du cannabis et le projet de loi n° 157, c'est sûr qu'on nage dans l'inconnu. On n'a pas encore de recherches qui nous permettent d'être rassurés puis de pouvoir dire qu'est-ce qu'on peut faire pour le futur. Et, dans ce contexte-là, il m'apparaît important que, comme gouvernement, on soit prudents et peut-être plus sévères pour commencer, quitte à s'ajuster suite à ce qu'on va pouvoir constater. Et la base de la prudence, pour moi, c'est d'établir l'âge de 21 ans, qui est un âge de compromis comme vous l'avez dit tout à l'heure.

Donc, oui, peut-être qu'à un moment donné on pourra s'ajuster en fonction des recherches. Mais actuellement on n'a aucune recherche, et je trouve que c'est inquiétant. Et de parler à des gens comme vous qui avez une connaissance beaucoup plus pointue que, l'ensemble des parlementaires, on a ici, à l'Assemblée nationale, devrait nous inciter effectivement à reconsidérer les positions qu'on va prendre dès le début et de s'ajuster par la suite.

Donc, j'imagine que, pour vous, ce serait rassurant qu'on puisse s'entendre sur un âge précis. Parce que, de toute façon, on est conscients qu'avant 18 ans il y a des jeunes qui consomment. Ça fait que, si notre critère, c'est de dire qu'on légalise à 18 ans parce qu'il y a des gens qui consomment avant 21 ans, à ce titre-là, on devrait dire : Bien, pour protéger nos jeunes, on va légaliser à partir de l'âge où on sait qu'ils commencent à consommer, donc à 13, 14 ans, donc. Alors que notre critère devrait être de dire : On est prudents, on établit 21 ans, mais on met beaucoup, beaucoup d'emphase sur la prévention en envoyant un signal fort aux jeunes, dire : Bien, on considère qu'avant 21 ans ce n'est pas prudent parce qu'on n'a pas assez de données, puis qu'on fasse un travail de prévention qui est le rôle d'un parent en réalité aussi, là, auprès de son jeune.

Mme Igartua (Karine J.) : Vous savez, le 21 ans, c'est une ligne qu'on peut tracer, le 25 ans aurait été une ligne encore plus prudente à tracer. Et ça, vous déciderez, là. Ça sort de notre giron. Mais je veux vous inciter à tracer d'autres lignes aussi parce que, si on ne la trace pas, on laisse le champ libre complètement.

Donc, j'aimerais beaucoup que vous considériez de tracer une ligne sur la concentration maximale de cannabis et même de tracer une deuxième ligne pour les plus jeunes. Et là vous pourriez décider si c'est 21, ou si c'est en bas de 21, ou même en bas de 25. Mais je pense que c'est important de tracer la ligne, quitte à la changer plus tard. Mais tracez-là parce que, si vous ne mettez pas une concentration maximale, ça va exploser ici comme ça l'a fait partout, et là les objectifs de santé publique vont être tout croches.

Vous savez, un des experts britanniques disait qu'il suggérait avant aux gens de ne pas prendre du hasch, mais de consommer du pot parce que c'était moins concentré que le hasch, donc c'était moins dangereux. Et là, avec les teneurs en THC qui augmentent, ce n'est plus vrai. Alors, en termes de conseils, vous savez, il y a CAMH, le Centre for Addiction and Mental Health, qui est la grosse institution à Toronto en psychiatrie, qui a émis aujourd'hui des recommandations disant que pour réduire les risques, il fallait réduire l'intensité, la teneur de THC.

Il n'y aura pas de ligne parfaite. Comme je vous le dis, c'est le 0,08. On a décidé 0,08 parce qu'il fallait tracer une ligne en quelque part. Pour les jeunes conducteurs, on a tracé une autre ligne qui était zéro parce qu'on disait : C'est plus dangereux pour les jeunes conducteurs. Bien, on devrait faire la même chose pour le cannabis. On devrait tracer une ligne maximale et tracer une autre ligne pour les gens pour qui c'est plus dangereux, donc les jeunes.

Mme Lavallée : Merci.

Le Président (M. Merlini) : Il vous reste une dernière minute, M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bonjour. Merci d'être présents aujourd'hui. J'aimerais ça que vous nous disiez rapidement, là, les conséquences d'un individu, d'un jeune qui fait une psychose. Ça va être quoi, les symptômes, quand vous le recevez, là, dans votre bureau ou à l'urgence, là? Comment ça se passe? Puis c'est quoi, la réalité?

• (12 h 30) •

M. Barbès-Morin (Guillaume) : Bien, une psychose, quelle que soit l'origine de la psychose, c'est une perte de contact avec la réalité. Ça fait qu'on n'apprécie plus ce qui se passe autour de nous, à l'intérieur de nous de la même façon que quand tout va bien. On peut se mettre à entendre des choses qui ne sont pas présentes, voir des choses, imaginer toutes sortes de phénomènes, se sentir épié, se sentir surveillé, avoir l'impression que les gens sont contre nous, que la police nous recherche, une multitude de symptômes possibles qui nous amènent souvent, généralement, à être très apeurés, très anxieux. Avec ça viennent toutes sortes d'autres symptômes : incapable de se concentrer, incapable de faire la part des choses, là, sur l'information qui rentre. Ça fait que ça rend généralement totalement dysfonctionnel.

Les psychoses aiguës, c'est une période de dangerosité, souvent, là, parce qu'on perd le contrôle sur ce qu'on fait, souvent à l'hôpital, et par la suite, bien, le cerveau reprend tranquillement son fonctionnement habituel, dépendamment de ce qui nous a affectés. Parce que, bon, il y a des psychoses... Certaines substances... C'est ça, l'objectif, hein, faire une psychose quand on s'intoxique pour triper, mais ça... graduellement, mais, lorsque c'est de la schizophrénie, bien c'est plus compliqué, ça prend une médication. Ça fait que ça, c'est l'état aigu. À long terme, malheureusement, viennent souvent avec ça... Plus la psychose dure longtemps, que ce soit très intense ou à faible bruit, ce qu'on voit, c'est qu'il y a une diminution de certaines capacités du cerveau, beaucoup dans ce qu'on appelle les fonctions supérieures : la capacité d'abstraction, la capacité de concentration, la mémoire, toutes sortes de choses qui font en sorte que plus ça diminue pendant la psychose, plus c'est difficile de se réadapter par la suite, d'où notre insistance sur les premiers épisodes psychotiques, d'où notre demande qu'ils soient financés de façon spécifique et non pas juste comme on a vu beaucoup dans la dernière année : une redistribution des ressources pour financer temporairement le nouveau dada du moment. Là, on pense que ça demande un réinvestissement significatif pour aider, détecter ces jeunes-là, pour pouvoir les prendre en charge rapidement, pas après six mois sur une liste d'attente, rapidement, pas en désinvestissant les autres services de la communauté.

Je suis de Rouyn-Noranda. On n'a pas de programme comme ça. S'il faut en implanter un sans nouveaux argents, il faut absolument couper ailleurs. Ce n'est pas ça qu'on veut faire. On veut être capables d'aider ces jeunes-là, les détecter, les aider pour les sortir le plus rapidement possible d'un état de psychose, qui peut amener des catastrophes aiguës, mais qui amène à des catastrophes aussi à long terme... incapables de reprendre une fréquentation scolaire et l'ensemble des autres facteurs qui forment une vie pleine et entière.

Le Président (M. Merlini) : Dr Igartua et Dr Barbès-Morin, représentant l'Association des médecins psychiatres du Québec, merci de votre présence ce matin et votre contribution aux travaux de la commission.

Et la commission suspend ses travaux donc jusqu'à 14 heures. Bon appétit à tous.

(Suspension de la séance à 12 h 32)

(Reprise à 14 h 2)

Le Président (M. Merlini) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare donc notre séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande donc à toutes les personnes présentes dans la salle du Conseil législatif de bien vouloir éteindre toute sonnerie de tout appareil électronique.

La commission est réunie cet après-midi afin de poursuivre et de terminer les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 157, Loi constituant la Société québécoise du cannabis, édictant la Loi encadrant le cannabis et modifiant diverses dispositions en matière de sécurité routière.

Cet après-midi, nous entendrons les groupes suivants. Il y en a six à notre horaire. Non, ça, c'est hier, ça. Excusez-moi. Je ne vous remettrai pas les groupes d'hier. Cet après-midi, nous entendrons Neptune Technologies et bioressources, le Barreau du Québec, le Conseil québécois sur le tabac et la santé les directions de santé publique du Québec, l'Institut national de santé publique du Québec, ce qu'on appelle ici l'INSPQ, et on va terminer avec l'Association québécoise pour la promotion de la santé des personnes utilisatrices de drogues.

Alors, je souhaite donc la bienvenue aux représentants de Neptune Technologies et bioressources. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Je vous invite évidemment à présenter les gens qui vous accompagnent. Et ensuite nous procéderons aux échanges avec les membres de la commission. Bienvenue à la CSSS. La parole est à vous.

Neptune Technologies et bioressources inc.

M. Timperio (Michel) : Mme la ministre, M. le Président, Mmes et MM. les députés, membres de la commission, tout d'abord, merci de nous recevoir. Je me présente, Michel Timperio. Je suis président de la division cannabis de Neptune Technologies et bioressources. Également présente avec moi, Mme Caroline Lavoie, consultante spécialisée sur les enjeux liés au cannabis, et qui nous accompagne dans notre dossier.

Neptune est une société de produits de santé et de bien-être qui existe depuis 18 ans. Nous offrons diverses solutions et formulations clé en main, incluant des huiles de source marine et botanique. Notre expertise dans l'extraction d'huile est reconnue mondialement. Comme nous disposons déjà d'une expertise en extraction d'huile, nous avons décidé de nous lancer dans l'extraction d'huile de cannabis et de chanvre pour diversifier nos activités.

Dans ce but, nous avons annoncé, en septembre dernier, un investissement de 5 millions de dollars pour que notre usine de Sherbrooke puisse procéder en toute conformité à l'extraction d'huile de cannabis. Seulement avec cette usine, nous serons capables éventuellement de produire plus de 1 000 tonnes d'huile par année, ce qui permettra de fournir l'ensemble du marché canadien et plus. Nous prévoyons produire des huiles contenant évidemment du THC et du CBD en différentes concentrations. Certaines seront commercialisées sous une marque de Neptune et d'autres seront produites pour d'autres entreprises.

Dans ses dernières données sur la production et la vente de cannabis à des fins médicales, Santé Canada révélait que les ventes d'huile de cannabis connaissent un taux de croissance soutenu et supérieur à celui du cannabis séché. En d'autres mots, les consommateurs ont un intérêt pour la consommation d'huile de cannabis, un produit sans fumée. De par leur mode de consommation sans combustion, les huiles de cannabis sont moins nocives pour la santé que le cannabis fumé. Étant donné l'approche de réduction des méfaits adoptée par le gouvernement, nous croyons que le projet de loi n° 157 devrait faire une distinction entre les produits fumables de cannabis et les produits non fumables, particulièrement en ce qui concerne les restrictions des lieux de consommation. Bien que nous voyons d'un bon oeil l'approche tabac plus, nous aimerions qu'il soit explicitement permis de consommer des huiles de cannabis à l'intérieur d'édifices publics et privés, en particulier les lieux fermés, énumérés dans le projet de loi, qui ne sont pas principalement réservés aux mineurs.

Toujours dans une optique de réduction des méfaits, nous croyons que la SQC doit refléter le risque réduit des huiles pour la santé dans la sélection et la présentation de ses produits. Ainsi, nous recommandons qu'une place prépondérante soit faite aux huiles de cannabis à la SQC, tant en succursale que sur son site Web. Pour que les consommateurs aient le maximum d'information sur les produits disponibles, y compris les options sans fumée, nous demandons que les dispositions sur la publicité et la promotion permettront aux producteurs de transmettre de l'information sur les effets des produits, leur intensité, leur niveau de risque et les modes de consommation suggérés. Ces informations ne devraient pas être considérées comme de la promotion ou de la publicité dans le projet de loi. D'ailleurs, pour s'assurer que l'information circulant dans le public et auprès des autorités soit objective, nous recommandons d'utiliser le fonds de prévention et de recherche pour financer un institut des données probantes sur le cannabis.

Un autre élément fondamental à intégrer au projet de loi est une distinction entre le tétrahydrocannabinol, mieux connu sous le THC, et les autres cannabinoïdes, dont le CBD. Comme vous le savez, le THC est responsable des effets psychoactifs typiquement associés au cannabis. Quant à lui, le CBD n'a pas d'effet psychoactif. D'ailleurs, l'Organisation mondiale de la santé concluait récemment que le CBD ne présente pas de risque d'abus ou de dépendance. Nous sommes donc d'avis que le projet de loi devrait spécifier auxquels cannabinoïdes s'appliquent les diverses dispositions et qu'il devrait encadrer le THC de façon plus stricte que le CBD à cause de son effet psychoactif et de son risque accru pour la santé.

Vu ces considérations, le mandat de la SQC devrait être également précisé pour établir une distinction entre le THC et le CBD dans la liste des produits à être distribués et mentionner où pourront être distribués les autres produits, y compris ceux qui ne sont pas psychoactifs. À ce titre, il est également important de prendre en compte les produits de chanvre étant donné que le CBD peut être issu d'une plante de cannabis comme d'une plante de chanvre.

Nous croyons que les lieux de vente de produits du cannabis doivent être déterminés en fonction de la teneur en THC autour de trois volets : le régime de distribution dit médical, chargé de vendre et de gérer tous les produits de cannabis prescrits par des médecins et d'assurer le suivi des patients, le régime de distribution aux adultes encadrant des produits à teneur significative en THC — ce système, géré par la Société québécoise du cannabis, vendrait aux consommateurs adultes un ensemble de produits contenant du THC à des fins récréatives ou de bien-être, ces produits pourraient également contenir différents taux de CBD pour répondre aux divers objectifs de consommation — et, troisièmement, le régime de distribution de vente libre pour les produits à dominante CBD et à faible taux de THC.

• (14 h 10) •

Nous espérons que ces éléments de réflexion alimenteront la vôtre en tant que législateurs. Dans ce but, nous proposons la mise sur pied d'un comité d'experts chargé d'analyser les divers seuils de risque et de conseiller le gouvernement sur les scénarios de commercialisation pour chacun. Aussi, au plan de la gouvernance, nous recommandons que les consommateurs et les producteurs puissent siéger au comité de vigilance ou à un de ses sous-comités afin qu'une diversité de perspectives pertinentes servent la SQC dans ses actions.

En terminant, je tiens à souligner que Neptune a fort à coeur le développement d'une industrie québécoise de production et de transformation du cannabis. Nous croyons que cette industrie pourrait constituer un écosystème d'innovation et une opportunité économique significative pour les communautés québécoises. Le gouvernement du Québec doit continuer d'inciter le gouvernement fédéral à assurer l'attribution des licences entre les provinces de façon proportionnelle à la taille du marché de chaque province.

De plus, nous recommandons fortement que la SQC privilégie l'approvisionnement local grâce à la mise sur pied d'espaces réservés Origine Québec pour valoriser les produits locaux.

Enfin, la mise sur pied de nouveaux outils, de programmes spécifiques au cannabis et l'accès aux entrepreneurs à des programmes existants pourraient soutenir les entreprises québécoises entrant dans le secteur du cannabis.

Merci pour votre écoute.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. Timperio, pour la présentation de votre exposé. Nous allons débuter les échanges avec la partie gouvernementale. Mme la ministre et députée de Soulanges, vous avez un bloc de 15 minutes. À vous la parole.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. D'abord, vous remercier d'être présents en commission. C'est apprécié que vous veniez nous présenter votre expertise puisque ce sujet-là n'a pas été, ou très peu, touché en commission parlementaire. Il me semble que je vous ai vu dans les consultations préalables à l'élaboration du projet de loi. Est-ce que je me trompe? Non?

M. Timperio (Michel) : Non, ce n'est pas le cas.

Mme Charlebois : O.K. Bon, bien, j'ai dû vous confondre avec quelqu'un d'autre.

M. Timperio (Michel) : Souvent, comme ça, là, on se reconnaît, on pense s'être déjà vus.

Mme Charlebois : Non, mais c'est parce que, même, je me souviens que, lors d'une consultation, j'avais très, très mal au dos, puis il y a quelqu'un qui m'a offert de l'huile de cannabis. C'est pour ça que je vous dis ça. Ça m'avait un peu frappé l'imaginaire. Alors, c'est ça. Bien, merci d'être là. C'est fort apprécié. Je vais tout de suite aller dans le vif du sujet.

Vous nous demandez de distinguer les huiles des produits fumables. Là, je regarde dans le projet de loi pour faire la distinction parce que, nous, il y a un sens au mot «fumer», c'est : «Pour l'application du présent chapitre, "fumer" vise également l'usage d'une pipe, d'un bong, d'une cigarette électronique ou de tout autre dispositif...» Ça fait que ça veut dire que les huiles ne sont pas dedans, dans le mot «fumer». Et, dans les «lieux fermés», il y a une liste de lieux fermés où il est interdit de fumer. Là, ce que vous nous suggérez... Parce que ça m'interpelle. Je vous explique dans quel sens. Parce qu'on a mis là-dedans les services de garde. On a mis plein de choses. Est-ce qu'on va permettre aux gens de consommer des huiles pendant qu'ils sont au travail? Pas sûr. Comprenez-vous ce que je veux dire? La distinction va nous amener là.

M. Timperio (Michel) : Oui, bien, c'est une distinction qui doit être faite. Mme la ministre, avec tout respect, c'est que votre projet de loi est essentiellement axé un petit peu sur le modèle du tabac, et il faut penser que cette industrie-là, surtout avec la légalisation, va bénéficier d'investissements majeurs. Alors, c'est une industrie qui s'est créée, qui est encore plus grande que l'industrie des spiritueux au niveau mondial. Donc, chez nous s'amorce, dans le fond, une réflexion et une discussion qui vont porter très loin du point de vue développement économique. Et, dans ce sens-là, les huiles, j'en parle de façon spécifique parce que les huiles sont appelées à être un intrant dans plusieurs types de produits. Entre autres, on a parlé de CBD dans notre mémoire, qui n'est absolument pas psychoactif, mais qui est un antidouleur important. Donc, le mode de consommation à travers l'innovation va également nous éloigner des marchés illicites parce qu'on va offrir des modes de consommation qui sont complètement différents et qui ne comporteront pas non seulement un problème par rapport à l'environnement social, mais qui vont amener, dans le fond, des bénéfices sur la santé.

Donc, il faut... Ce n'était pas clair. On l'a apporté, nous, parce qu'on trouvait que ce n'était pas clair parce que vous tenez compte presque exclusivement de produits fumables. Et il y a toute une panoplie de produits qui va se développer, du point de vue technologique et du point de vue biochimique, qui va amener des molécules différentes qui vont entrer comme intrants dans différents produits qui n'auront rien à voir avec ce qu'on connaît de la cigarette.

Mme Charlebois : Je comprends et je vous entends. Mais, en même temps, là où je m'interroge, c'est qu'on a eu ce matin, si je ne me trompe pas, l'ordre des psychiatres, et ils nous disent qu'il n'y a pas... Puis il y a d'autres — l'Ordre des pharmaciens — qui nous disent qu'il n'y a pas de recherche scientifique à jour, que les recherches qu'on a, c'est sur les produits des années 70. Est-ce qu'on a des recherches, sur les huiles, probantes, des données scientifiques probantes? Je ne veux pas vous apparaître comme rébarbative à votre affaire, là. Ce n'est pas ça du tout, du tout, du tout. C'est parce qu'on est en train de rédiger une loi, puis ça va changer le cours des choses, puis je vous entends me proposer quelque chose. Je ne suis pas nécessairement contre, mais je veux juste m'assurer que je suis avec une base de données scientifique, parce que, si je regarde, là, dans les «lieux fermés» : «Sous réserve des articles 12 à 14, il est interdit de fumer du cannabis...» On dit bien «fumer», puis là ça n'inclut pas les huiles parce que ça dit «fumer». Puis là vous venez de m'interpeller dans l'autre sens. Vous m'avez dit de distinguer, mais dans l'autre sens... Ça m'a interpellée parce qu'on a mis en 3° : «Les résidences privées où sont fournis des services de garde en milieu familial au sens de la Loi sur les services [...] éducatifs à l'enfance, aux heures où les personnes [...] offrent [des] services...» Vous, vous dites que, bon, ça n'interpelle pas les cannabinoïdes, ils n'interpellent pas les... Les psychotiques ne sont pas là. Je vous entends me dire ça. Mais on a-tu des preuves scientifiques? Parce que, si la responsable en service de garde consomme ça, puis que je n'ai pas de preuves... Je suis en train de faire une loi, là. Me suivez-vous dans mon raisonnement? Ça m'inquiète.

M. Timperio (Michel) : ...Mme la ministre, puis je ne vous sens pas rébarbative, en passant. En fait, je vous sens plutôt dans le mode de vouloir comprendre et qu'on doive expliquer un peu notre position. C'est un peu pour ça qu'on se présente en commission, parce qu'on a vu, à quelque part dans le projet de loi, que cet aspect-là n'était pas du tout couvert. Et il faut se mettre dans l'idée que la science, du point de vue de... Disons, le développement des ressources au niveau cannabinoïdes et les bénéfices qui vont en découler s'amorce présentement beaucoup parce que qui voudrait investir dans une ressource alors que c'est illégal? Donc, il y a beaucoup d'argent qui va entrer en recherche.

Et d'ailleurs, Neptune, je vous annonce qu'on a déjà un programme de recherche qui s'amorce avec l'Université de Sherbrooke parce que, pour nous, c'est très important parce qu'on n'a jamais rien fait qui est basé sur autre chose que la science. Mais il faut se dire au départ que, si... À titre d'exemple, l'Organisation mondiale de la santé mentionne que le CBD, qui est l'autre cannabinoïde qui est dans la plante, ne pose pas aucun risque du point de vue santé et dépendance. Et, déjà, c'est peut-être un peu plus anecdotique que souhaiterait les pharmacies... les pharmaciens et le Collège des médecins, peut-être plus anecdotique, mais il y a déjà énormément de cas qui démontrent, entre autres, que le CBD consommé avec une prescription a des impacts assez importants sur certains problèmes ou certaines conditions. Évidemment, il va falloir qu'il y ait beaucoup plus d'investissements qui soient faits. Mais il faut comprendre que le CBD est un ingrédient qui, en soi, va peut-être être beaucoup plus nutraceutique que nécessairement pharmaceutique.

Comme, on voit, à titre d'exemple, aujourd'hui, en tablette, des Advil, on les voit en tablette, là, mais évidemment c'est quand même un produit qui est biochimique, qui soulage la douleur. Dans ce cas-ci, on parle d'un produit totalement naturel, qui, dans certains cas, est prouvé qui réduit la douleur, réduit les nausées, accommode, dans le fond, les problèmes d'insomnie, et il n'y a pas de risque pour la santé.

Alors, je vous entends quand vous dites : Avez-vous de la recherche ou de la science? C'est en train de se bâtir parce que, là, vous venez de reconnaître une nouvelle industrie qui, à quelque part, va générer énormément de revenus et qui va amener énormément d'investissements dans la recherche et le développement, dont, dans le fond, des données probantes sur les résultats de... sur certaines conditions.

Mme Charlebois : Bien, je ne suis toujours pas convaincue parce que, là, je ne sais pas comment vous le dire, là, je suis à l'envers de ce que vous me dites, là, dans le sens où... Vous me faites une proposition, puis je l'entends, là. Mais là où j'accroche, c'est dans ce que j'ai déjà fait... Tu sais, quand on dit : Il est interdit de fumer, ça ne vous touche pas, puis c'est tant mieux, parce que ça veut dire qu'autrement dit vous avez le droit d'administrer ce produit-là dans ces lieux-là parce que vous n'êtes pas en train de fumer. Vous comprenez ce que je veux dire?

M. Timperio (Michel) : Oui.

Mme Charlebois : Elle est faite indirectement, la distinction. Mais ça m'inquiète quand même parce que, oui, j'entends que vos recherches sont en train d'être faites, mais elles ne sont pas finalisées. C'est là où les pharmaciens m'ont rejointe un petit peu ce matin. Puis je me dis : Quand est-ce qu'on va être en mesure... Qui va être en mesure de nous dire... Puis, tu sais, je regarde... Santé Canada, même, ne veulent pas dire que c'est... Ils acceptent les prescriptions, mais ce n'est pas considéré comme un médicament, le cannabis, ça fait que l'huile de cannabis n'est pas considérée non plus. C'est là où je suis comme un peu ambivalente parce que, même là, je trouve que c'est bizarre qu'on dise que c'est prescriptible, mais pas un médicament reconnu par Santé Canada, par le Collège des médecins, par l'ensemble de l'oeuvre, mais en même temps on donne des prescriptions. Bon, ça, c'est une chose.

Puis l'autre chose, bien, c'est qu'on est en train de faire quelque chose d'important, là, qui va être là pour trois ans avant la révision. Sur quelle base je vais m'appuyer?

• (14 h 20) •

M. Timperio (Michel) : Avec tout le respect que j'ai, Mme la ministre, là, pour ce que vous faites, parce que, clairement, ce n'est pas facile, c'est complexe, ça arrive dans un délai qui est absolument un défi incroyable, il y a une mauvaise compréhension, entre autres, de ce que sont les cannabinoïdes parce que, quand je vous parle, à titre d'exemple, de pouvoir permettre les huiles dans des endroits publics, simplement que les modes de consommation et les types de cannabinoïdes qui vont être présents n'auront aucun impact psychoactif dans certains cas. Donc, c'est pour ça qu'on suggère la création d'un comité d'experts qui va vous aider dans votre démarche également à mitiger un peu plus cet aspect-là, du point de vue de l'application de la loi, parce qu'on peut dire : On interdit tout, alors que, dans les faits, on interdit quelque chose qui n'a rien à voir avec une comparaison avec la consommation de cigarettes ou autres en termes de mode de consommation.

Donc, je saisis très bien vos préoccupations. Et c'est d'ailleurs pour ça qu'on recommande, dans le fond, qu'on élargisse un peu le débat pour être sûr que, quand on fait une loi, bien, qu'elle tienne compte des réalités aussi de ce qui va être proposé.

Mme Charlebois : En fait, on ne l'interdit pas, même que...

M. Timperio (Michel) : Oui, c'est ça, vous n'interdisez pas, mais on veut que vous le clarifiiez parce que, nous, quand on lit le projet de loi, on a le droit.

Mme Charlebois : Oui, je comprends mieux. Oui, oui, vous avez raison.

M. Timperio (Michel) : On a le droit et on pense que c'est important que ce soit clarifié parce qu'à quelque part ça va de soi qu'il y a comme quelque chose qui est oublié, là.

Mme Charlebois : Oui. Je vous comprends.

M. Timperio (Michel) : Et j'espère qu'on ne se tire pas dans le pied parce que nous, on est fervents croyants qu'il y a des types d'huile qui n'ont rien à voir avec des effets psychoactifs et qui apportent, disons, peut-être une relaxation, qui réduisent des problèmes d'anxiété et qui, dans le fond, n'ont aucun impact au niveau de l'environnement social en termes de dérangement.

Mme Charlebois : Vous nous parlez des boutiques de cannabis. Dans la formation des travailleurs, il va-tu falloir faire une distinction là aussi? Puis qui va les former pour faire la distinction entre les huiles, entre le cannabis séché, le cannabis frais? Puis, vous me le dites, là, le cannabinoïde, le THC, et tout ça, ce n'est pas pareil dans les huiles?

M. Timperio (Michel) : Moi, je vous dirais qu'on est au début, je pense, d'une éducation, là, parce que les gens ont démonisé le cannabis. Bon, il y a eu des préjugés par rapport au cannabis, pour toutes sortes de raisons, associés au THC. Donc, il y a une éducation à faire.

Et, quand vous me parlez de milieux de travail, il y a évidemment une responsabilité corporative. Je pense que, là, on se fait présenter, comme entreprise, quelque chose qui est nouveau, là. Toutes les entreprises sont dans le même bateau, et on devra avoir des programmes de sensibilisation, des programmes d'information sur qu'est-ce qui peut être toléré ou pas, parce qu'on peut-u empêcher quelqu'un, à titre d'exemple, quand les comestibles ou les «edibles», qu'on appelle en anglais, là, seront approuvés, de prendre un morceau de chocolat noir qui est infusé avec un peu de cannabis, de CBD, qui n'a rien à voir avec un impact psychoactif, ou une gomme? En fait, il y a tellement de produits qui vont être développés, de modes de consommation. On est au début d'une industrie gigantesque. Et, pour le Québec, je vous dirais, Mme la ministre, j'ai senti beaucoup de réserve de la part du gouvernement, avec raison, parce que le THC, là, ça doit être traité de façon plus stricte, et le mode de distribution privilégié par le gouvernement est le bon pour le THC.

Et ça nous amène à vous dire que, pour les autres cannabinoïdes, il faudrait peut-être réfléchir sur d'autres types de distribution qui vont permettre une démocratisation, en fait, de la distribution parce qu'ils n'ont rien à voir avec un impact psychoactif. Donc, on en parle, de ça aussi, parce que vous parlez de projets pilotes puis... Donc, on trouve qu'il doit y avoir une ouverture par rapport à ça puis on vous félicite d'en avoir une. Que ça soit juste comme un projet pilote, je pense que c'est sain parce qu'on évolue, là, on avance. D'ailleurs, vous reconnaissez vous-même que, dans votre projet de loi, là, avec l'exposé qu'on vous fait, woups! il y a des points de clarté à apporter. Donc, c'est positif et ça va devoir continuer d'être positif, du point de vue de la réflexion et du débat, pour bonifier la loi au fur et à mesure que cette industrie-là prend forme.

Mme Charlebois : Alors là, vous me suggérez, dans des projets pilotes, de pouvoir expérimenter les huiles avec cannabinoïdes uniquement hors le circuit de la Société québécoise du cannabis. C'est ça que vous m'avez suggéré? J'ai-tu bien compris?

M. Timperio (Michel) : Bien, moi, je vous dirais que, oui, il y a une réflexion à avoir parce que vous parlez de projets pilotes. Puis peut-être que la distribution doit être repensée en fonction des types de cannabinoïdes. Et, là encore, on va avoir besoin peut-être de gens qui ont une expertise pour, disons, étaler ou faire un étalon sur la question du risque, disons, dépendamment des concentrations. Qu'est-ce qui serait à considérer comme quelque chose qui n'est pas à risque? Et, à ce moment-là, pourquoi, à ce moment-là, ne pas permettre la distribution dans d'autres... à titre d'exemple, dans les domaines... ou les magasins qui vendent des produits naturels, les pharmacies, pour qu'est-ce qui est un peu plus, je vous dirais, thérapeutique, parce qu'on est un petit peu... On en parle. On est connectés sur l'idée que ce qui est thérapeutique pourrait effectivement être pris en charge par les pharmaciens pour être en mesure de recommander, de façon peut-être un peu plus professionnelle... Même si ça marche, ça fonctionne par prescription présentement, le pharmacien est certainement très outillé pour faire les bonnes choses et faire aussi un suivi patient.

Alors, ça évolue. Puis je pense qu'il faut avoir une ouverture d'esprit. Il ne faut pas banaliser, mais il ne faut pas démoniser parce qu'on est à l'aube de quelque chose de très, très, je pense, dynamique au niveau économique, et ça pourrait apporter quelque chose au Québec qui est nouveau et qui... Quand je parle de chanvre, j'en parle parce qu'il y a tout un écosystème, peut-être, à développer autour du chanvre. Il y a une industrie à Asbestos, là, qui ouvre, qui fait des matériaux de construction à partir du chanvre, alors qu'il y a du CBD aussi dans le chanvre. Donc, on a une industrie nutraceutique qui peut être stimulée par une partie de la production du chanvre. Un autre type d'industrie peut l'être. Il y a comme une grappe industrielle en région, même, parce que ça peut être très profitable pour les régions. Je parlais aux gens de l'Union des producteurs agricoles. Le chanvre peut pousser à l'extérieur. Ça n'a pas besoin d'être poussé en serre. Et il y a des propriétés, dans le chanvre, incroyables.

Donc, nous, on est preneurs, déjà, de chanvre. Le résidu pourrait être utilisé par d'autres industries. Donc, il y a toute une espèce de petite grappe industrielle et un centre d'expertise, je pense. Nous, on cherche à développer à Sherbrooke... On a créé un consortium avec l'Université de Sherbrooke. Si on est le moindrement imaginatifs et créatifs et qu'on ne s'emballe pas dans nos peurs, je pense que, du point de vue de l'économie du Québec, si on prend le taureau par les cornes, on peut faire quelque chose de très grand et de très profitable pour les Québécois.

Le Président (M. Merlini) : Mme la ministre, le temps est écoulé pour votre bloc d'échange. Déjà. Nous devons aller du côté de l'opposition. M. le député de Saint-Jérôme, vous disposez d'un bloc de neuf minutes. À vous la parole.

M. Bourcier : Merci, M. le Président. Vous me laisserez saluer les gens qui sont venus ici, à l'Assemblée nationale — bienvenue — et faire une rapide introduction en vous disant qu'avec le projet de loi n° 45 sur le cannabis le gouvernement d'Ottawa propose, mais, à la lumière de ce que j'entends, je suis ici avec mon collègue député de Labelle, bien, le gouvernement fédéral n'a pas de contrôle et le Québec subit évidemment les problèmes que tout ça découle. Alors, quand le Québec s'objecte, bien, évidemment, le fédéral s'impose. Alors, c'est une autre belle raison, parmi tant d'autres, pourquoi c'est important pour le Québec de faire de la souveraineté son cheval de bataille, s'occuper de nos propres affaires. Mais, bon, ça, c'était mon introduction. Il fallait que je la dise. Ça me fait du bien.

Monsieur, madame, vous êtes dans les produits du mieux-être depuis 18 ans, là. Je vois ça, que vous avez 18 ans d'expérience. J'ai vu dans votre documentation que vous fabriquez de l'huile de krill. Maintenant, moi, je suis curieux parce que c'est quand même des produits particuliers. Pouvez-vous nous donner un exemple de description d'application d'huile de cannabis? Comment est-ce qu'on applique ça?

M. Timperio (Michel) : En fait, je vous dirais qu'on n'est plus dans l'huile de krill. Je voudrais aussi, quand même, apporter quand même un bémol. Il y a quand même beaucoup de contrôles présentement par Santé Canada, beaucoup de contrôles. Je pense qu'il y a des audits. C'est très difficile d'obtenir une licence. Et, quand on en a une, on est assujettis à des moyens de contrôle assez importants. Donc, je ne voudrais quand même pas banaliser ce que Santé Canada fait.

D'autre part, pour vous donner un exemple, nous, on ne fait plus d'huile de krill parce qu'on a vendu nos affaires de krill. On a conservé l'usine parce que les équipements peuvent facilement être utilisés pour extraire de l'huile de cannabis. On a vendu la propriété intellectuelle et également les clients simplement parce qu'on devait opérer dans une industrie qui est beaucoup plus large pour justifier les investissements qu'on a faits à Sherbrooke.

Donc, pour vous donner un exemple, pour répondre à votre question, à titre d'exemple, il pourrait y avoir des huiles de krill... C'est un bon exemple. Il va y avoir des huiles qui seraient formulées avec du CBD parce qu'on sait que la présence de phospholipides, qui est un élément constituant du krill, stimule l'absorption. Bon, à titre d'exemple, on pourrait aussi peut-être le combiner avec du THC puis réduire la quantité de THC dans une gélule pour avoir à peu près les mêmes effets. Donc, c'est un exemple. Et les huiles vont être très, très conditionnées à ce genre d'innovation là ou de production parce qu'elles se prêtent à peu près à toutes sortes de choses. On pourrait avoir éventuellement des bières infusées au cannabis.

Donc, on est au début de quelque chose de très grand. Puis je veux quand même l'apporter ici parce que vous êtes nos décideurs, et c'est très important que vous vous mettiez en mode de réaliser qu'au-delà de la sécurité, puis, je pense, vous le contrôlez bien avec la société d'État, il y a énormément de possibilités de développement.

• (14 h 30) •

M. Bourcier : Concernant le CBD, un des ingrédients actifs dans le cannabis, alors, moi, la question que j'ai à vous poser, c'est que... Est-ce que c'est possible d'avoir de l'huile de cannabis avec seulement une teneur en CBD mais sans THC? Est-ce que c'est possible?

M. Timperio (Michel) : Absolument, absolument.

M. Bourcier : Donc, vous m'expliquez, c'est en forme de gélules qu'on peut prendre ça? Est-ce que c'est par vapotage? Y a-tu d'autres manières...

M. Timperio (Michel) : Il y a d'autres modes. Ça peut être aussi simplement des gouttes. Ça peut être par voie... ce qu'on appelle en anglais — je vais le dire en anglais — «sublingual strips», des bandes sublinguales. Ça peut être aussi par la voie dermique. Il y a toutes sortes de possibilités, disons, d'absorber le CBD. Et le CBD, oui... et notre expertise dans le domaine de l'extraction nous permet d'extraire de la plante 100 % de contenu CBD. Donc, il faut penser qu'au Québec on a quand même des entreprises qui ont une certaine expertise. Nous sommes une entreprise qui a quand même été capable d'exporter un produit à travers le monde à partir d'un programme de recherche de l'Université de Sherbrooke. Et le cannabis, c'est quelque chose, je pense, au Québec que... si on encourage de façon stratégique et intelligente, de façon très rationnelle le développement de cette industrie-là, on est à l'aube de quelque chose de très grand.

M. Bourcier : Au chapitre des effets bienfaiteurs du CBD, là, vous me contredirez si je suis dans l'erreur, on parle de... il n'y a presque aucun effet psychoactif. On parle que c'est prometteur pour les gens qui font de l'épilepsie, maladie de Crohn, colite ulcéreuse, maladie de Parkinson. Est-ce qu'il y a d'autres effets bénéfiques que vous pouvez associer avec l'ingrédient du CBD? Avez-vous des études là-dessus?

M. Timperio (Michel) : ...réduction des crises épileptiques, de la fréquence des crises épileptiques. Je vous encourage de regarder un vidéo qui s'appelle... C'est Charlotte, une jeune fille au Colorado qui... Un producteur a été même contre la loi parce que... par voie de compassion, a décidé de donner à cette enfant-là un mélange de THC et de CBD. Cette enfant-là avait des crises d'épilepsie au rythme d'une au 30 minutes, 300 par semaine, et après une semaine elle a arrêté complètement d'avoir des crises épileptiques. C'est anecdotique, mais c'est un cas. Mais je vous en donne.

Alors, il va y en avoir, de la science, autour du CBD. Et vous avez raison, ce n'est pas psychotique. Et, quand je vous parlais de la création d'une industrie du chanvre, au Manitoba, on fait beaucoup de pousse de chanvre, mais nos cultivateurs ont des terres, dans certains cas, qui ne sont pas toujours utilisées de façon optimale, et il y a toute une industrie à bâtir autour de ça.

M. Bourcier : Est-ce que vous avez la prétention de prévoir que, dans certains lieux où c'est interdit de fumer, faire usage d'huile de cannabis avec des teneurs de CBD, ça serait correct? C'est quoi, votre opinion là-dessus?

M. Timperio (Michel) : Notre opinion, c'est, encore une fois, je pense qu'il faut être en mesure de bien cerner les risques. Dans le CBD, nous, on prétend qu'il n'y en a pas, et l'Organisation mondiale de la santé également, au même titre que National Academy of Sciences, il n'y a pas de risque associé au CBD. Donc, on se dit : Bien, s'il y a quelqu'un qui a du CBD dans un produit, qu'il le prenne avec un «strip», qu'il le mette sur sa langue, ou qu'il décide éventuellement, parce que ça va être légalisé, de le prendre à l'intérieur d'un chocolat noir, bien, pourquoi on empêcherait ça, de le prendre dans un lieu public? Quel argument on pourrait avoir pour l'interdire de façon rationnelle, quand, dans ce cas-ci, on parle d'un ingrédient, d'un mode de consommation qui n'est absolument pas, absolument pas nuisible et qui donne des bénéfices à la personne qui le consomme? Elle est où, la rationnelle de l'interdire? C'est juste ça qu'on veut quand même faire valoir.

M. Bourcier : C'est important, pour vous, de distinguer le cannabis avec sa teneur en THC et l'autre ingrédient, qui est le CBD, qui est pour vous beaucoup plus bienfaiteur que le premier?

M. Timperio (Michel) : Absolument. Et on espère que vous serez, tout comme nous, aussi convaincus.

M. Bourcier : Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a d'autres...

Le Président (M. Merlini) : M. le député de Labelle, il vous reste 1 min 45 s.

M. Pagé : En fait, c'est parce que je n'ai pas assisté à la... ça fait que je ne sais pas... Il y a peut-être... La seule chose que je pourrais vous demander... Parce que j'ai manqué le début de votre intervention. Je sais que vous prévoyez, à votre recommandation n° 9, de financer un institut de données probantes. Comment vous voyez cet institut-là? Nous, on souhaite qu'il y ait un observatoire en lien avec des chaires de recherche. Est-ce que ça, ça pourrait faire le travail? Ou comment vous le voyez, cet institut?

M. Timperio (Michel) : En fait, vous proposez quelque chose auquel on adhérerait immédiatement. Parce que ça prend des scientifiques pour nous éclairer un petit peu dans la démarche. Et ce qu'on propose doit être également, aussi, je pense, étalonné avec des mesures scientifiques pour conforter dans ce qu'on dit et, dans le fond, de travailler en fonction de «data», de données qui sont probantes pour être en mesure de prendre les bonnes décisions.

M. Pagé : O.K. Excellent. Merci.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup pour ce bloc d'interventions. Nous allons maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Borduas, vous disposez de six minutes. À vous la parole.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. Merci d'être présents aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, et de contribuer à nos travaux. D'entrée de jeu, vous dites, à votre recommandation 1... vous voulez que la loi soit plus précise au niveau des quantités qui sont permises. Actuellement, dans le projet de loi, là, c'est 30 grammes cannabis séché, 150 grammes à la maison... bien, 30 grammes dans l'espace public, 150 grammes à la maison. On nous renvoie à l'annexe 3 de la loi fédérale pour faire le comparatif avec les autres quantités. Qu'est-ce que vous voudriez qui soit écrit dans la loi provinciale, au niveau des quantités? Quand vous dites qu'on devrait l'identifier clairement, à quoi vous faites référence?

M. Timperio (Michel) : Parce qu'en fait il n'y a pas de question d'huile, dans la loi, du tout, du tout. Alors, on apporte un élément qui vous amène à avoir une forme de réflexion par rapport à ça. Et les quantités qui sont suggérées, selon moi, pour la matière sèche, ça pourrait être l'équivalent pour les huiles, en termes de possession.

M. Jolin-Barrette : Donc, 30 grammes d'huile de cannabis.

M. Timperio (Michel) : 30... Oui, 30 grammes. Dans ce cas-là on parle de 30 millilitres. C'est un millilitre pour un gramme.

M. Jolin-Barrette : Donc, c'est des petites bouteilles, ça?

M. Timperio (Michel) : Oui. C'est une petite bouteille. Puis on peut prendre avec des gouttes, puis...

M. Jolin-Barrette : O.K. Puis là vous dites : La Société québécoise du cannabis doit offrir une place importante aussi aux huiles dans les marchés... bien, en fait, dans les magasins qui vont être ouverts.

M. Timperio (Michel) : La rationnelle derrière ça, c'est que vous ne voulez pas favoriser quelque chose qui se fume. On interdit... ou on fait toutes sortes de sensibilisation pour réduire, dans le fond, le tabagisme parce que ça se fume, ça se prend par combustion. La même chose va pour le cannabis. Donc, si on peut favoriser des modes innovants, du point de vue de comment on consomme les cannabinoïdes, bien, je pense que c'est dans l'intérêt de la société aussi de promouvoir ces dosages-là ou ces formes-là.

M. Jolin-Barrette : Mais là, la question qui se pose, c'est au niveau de la consommation. Puis ça a été soulevé tout à l'heure, dans le fond, c'est sur... la réglementation vise... une réglementation où le produit est fumé. Supposons, prenons les espaces de jeu avec les enfants, prenons les parcs, prenons les campus universitaires, c'est ce qu'il est possible de contrôler. Là, si on met l'accent sur les huiles, supposons, ou autres choses, le contrôle devient beaucoup plus difficile.

M. Timperio (Michel) : Mais, encore là, c'est pour ça qu'on parle d'un comité d'experts pour faire mention ou, en tout cas, évaluer le risque associé aux cannabinoïdes, qu'on veut promouvoir ou qu'on veut rendre disponibles... peut-être pas promouvoir, peut-être que c'est un mot à bannir de ma bouche aujourd'hui, mais qu'on veut rendre disponibles. Donc, votre modèle présentement est vraiment calqué sur le modèle du tabac. On vous dit que ça va changer beaucoup et donc qu'il va falloir être plus ouverts par rapport à ce que... qu'est-ce qui peut être consommé, mais toujours avec des données probantes qui vont venir renforcer, disons, votre confort, comme législateurs, du point de vue de qu'est-ce qui devrait être permis et pas, qu'est-ce qui devrait être vendu et pas. Alors, je vais utiliser une expression anglaise, c'est «work in progress»...

M. Jolin-Barrette : Pour vous, ça ne devrait pas être uniquement vendu à la Société québécoise du cannabis?

M. Timperio (Michel) : On devrait modaliser nos réseaux de distribution en fonction de la dangerosité du produit. Si quelque chose n'est pas considéré dangereux pour la santé, non nuisible pour l'environnement social, quels sont nos arguments pour l'empêcher? La question est adressée à vous parce que moi, personnellement, comme citoyen... je ne dirais pas comme consommateur, mais comme citoyen très objectif et préoccupé par la chose, je peux difficilement imaginer qu'on puisse faire ça, qu'on ne puisse pas permettre la distribution ailleurs, s'il n'y a pas de raison... s'il y a des raisons de ne pas le faire... s'il n'y a pas de raison de ne pas le faire.

M. Jolin-Barrette : Et, quand vous parlez, supposons, de la dangerosité du produit, dans le fond, il faut y aller vraiment au cas par cas. C'est ce que vous nous invitez à faire?

M. Timperio (Michel) : Il faut mieux comprendre ce qu'est le cannabis du point de vue de son contenu. Il y en a 85, cannabinols.

M. Jolin-Barrette : ...l'expérience débute, dans le fond. C'était un produit qui était illicite. Là, on va vers le marché licite. Vous ne pensez pas qu'on doit y aller progressivement en étant plus restrictif, au départ, en le vendant à la Société québécoise du cannabis d'une façon qui est la plus responsable possible et de voir l'expérience qui sera vécue sur le territoire québécois, avant d'élargir, considérant que les experts ne s'entendent pas tous? On l'a vu sur le débat sur l'âge, on l'a vu sur le débat sur l'espace public. Nous, notre rôle, c'est peut-être un peu de voir l'expérience qu'il va y avoir et, par la suite, éventuellement, de réviser.

• (14 h 40) •

M. Timperio (Michel) : Je ne suis pas en désaccord avec l'idée d'y aller progressif, mais il faut aussi, je pense, être conscients qu'il faut avoir une ouverture puis mieux comprendre ce qui se passe, ce qu'il en est du cannabis. Et, dans ce sens-là, d'interdire tout parce que, dans le fond, on est inquiets sans grande connaissance... Et je dis ça en tout respect parce que c'est vrai pour tout le monde aussi, là, incluant moi, là. Donc, c'est important de faire la distinction.

Et on vous appelle, dans ce sens-là, à être d'accord avec l'idée d'une chaire, recommandation de comités d'experts, qui va venir éclairer la chose. Parce que, présentement, ce n'est pas très, très clair, et on se fonde purement sur la peur, d'une certaine façon. Et, si on veut éradiquer le marché noir, rien de mieux que l'innovation. Rien de mieux que l'innovation parce qu'ils n'ont pas les moyens d'innover. Aujourd'hui, c'est une industrie qui se crée de façon légale. Il va s'investir beaucoup de sous. Mais la meilleure façon d'éradiquer le marché noir, c'est l'innovation. Et il va falloir penser aussi distribution, éventuellement.

M. Jolin-Barrette : Parfait. Sur le comité de vigilance, vous souhaitez qu'il y ait des producteurs et des consommateurs qui y siègent?

M. Timperio (Michel) : Oui, parce qu'on pense qu'on doit être appelés à la réflexion. On va être des partenaires. On supporte le gouvernement dans son choix de distribution, évidemment, par la voie de la SQC, et on pense qu'on peut apporter certains éclairages, certaines perspectives qui ne seraient peut-être pas pensées par quelqu'un qui est purement scientifique. Donc, une combinaison de gens qui sont intéressés, de l'industrie, des chaires de recherche, etc. En tout cas, on voudrait bien participer à ça. On serait prêts à participer à cette initiative.

Le Président (M. Merlini) : Mme Caroline Lavoie et M. Michel Timperio, représentants Neptune Technologies et bioressources, merci de votre présence en commission, merci de votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants, et j'invite le Barreau du Québec à venir prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 14 h 42)

(Reprise à 14 h 45)

Le Président (M. Merlini) : Nous reprenons donc nos travaux. Nous avons le plaisir maintenant d'accueillir une délégation du Barreau du Québec, qui est habituée aux commissions parlementaires. Alors, vous savez que vous avez 10 minutes pour faire votre exposé. Je vous invite à présenter toutes les personnes qui vous accompagnent, et ensuite nous procéderons aux échanges avec les membres de la commission. Bienvenue à la CSSS. La parole est à vous.

Barreau du Québec

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Alors, Mme la ministre, M. le Président, bonjour. Je m'appelle Paul-Matthieu Grondin. Je suis bâtonnier du Québec. Avant de vous présenter mes copanélistes, j'aimerais vous parler de l'artisane principale du mémoire qui vous a été présenté, qui s'appelle Ana Victoria Aguerre, qui est avocate au Barreau du Québec, qui ne nous accompagne pas aujourd'hui pour un événement heureux, donc, elle vient tout juste de partir en congé de maternité. Donc, je sais qu'elle nous écoute, alors, Ana, j'espère que nous allons bien te défendre. Voilà.

Alors, je vous présente peut-être, de gauche à droite, rapidement, donc, Ali Pacha, qui est chef de cabinet au Barreau du Québec; j'ai Charles Wagner, qui peut répondre à toutes vos questions en droit du travail; à ma droite, j'ai Pascal Levesque, qui est président de notre comité de droit pénal et criminel, donc, de ce côté-là, il va pouvoir répondre à vos questions; ensuite, Luc Hervé Thibaudeau, qui est, on dit, donc... le droit de la consommation, donc il n'est pas un expert en consommation, mais bien en droit de la consommation. Donc, c'est important de faire la distinction.

Alors, je vous le dis, c'est avec beaucoup d'intérêt que le Barreau du Québec témoigne aujourd'hui devant vous relativement au projet de loi n° 157.

En tant qu'ordre professionnel, le Barreau du Québec a pour mission la protection du public. La légalisation et l'encadrement du cannabis comprennent différents enjeux de société, à la fois d'ordre juridique, de santé et de sécurité publique qui interpellent le Barreau dans l'exercice de cette mission. Ce faisant, nous vous remercions d'avoir convié le Barreau à partager avec vous notre position sur la question de la légalisation et de l'encadrement du cannabis au Québec.

S'il est incontestable, pour le gouvernement fédéral, que la criminalisation du cannabis a failli à protéger la population, particulièrement les jeunes consommateurs, un consensus se dégage au sein des experts, notamment dans le domaine médical, voulant que les conséquences à moyen et long terme découlant de la consommation de cannabis restent encore à confirmer. Ce faisant, nous tenons à souligner l'importance des mesures de sensibilisation, de prévention et d'éducation, notamment en matière juridique.

Il y a un besoin urgent et réel d'informer la population des impacts de la consommation, de la production et de l'achat du cannabis sur la santé, mais aussi sur les droits applicables. Nous invitons donc le législateur à accompagner le projet de loi d'une campagne d'éducation et de sensibilisation sur les conséquences médicales et juridiques découlant de la consommation du cannabis, et ce, en prévision de l'entrée en vigueur des projets de loi fédéral et provincial.

Dans la perspective de la légalisation du cannabis, il est important de déterminer un âge minimal pour la vente, l'achat, la possession et la consommation de cannabis. D'une part, la conciliation des prérogatives de santé publique milite pour un âge plus élevé. Le cerveau se développant jusqu'à 25 ans, les conséquences de la consommation à un jeune âge sur celui-ci peuvent être plus importantes. D'autre part, les prérogatives de sécurité publique militent vers un âge plus bas. Tout groupe de consommateurs, en deçà de l'âge légal, continuera à se procurer du cannabis auprès du marché noir. Ce sont également ces personnes qui subiront les conséquences négatives des condamnations criminelles, lesquelles peuvent avoir des impacts majeurs sur la vie personnelle et professionnelle, et ce, pendant de longues années.

Ce faisant, nous accueillons favorablement la proposition faite dans le projet de loi, quant à l'âge légal pour la consommation de cannabis, puisqu'elle semble s'inspirer de l'âge légal fixé pour le tabac et l'alcool, des substances légales mais contrôlées et dont les effets sont tout aussi nocifs, sinon plus, diraient certains experts, que ceux du cannabis.

Le projet de loi prévoit une règle de tolérance zéro pour tout conducteur qui, suivant une analyse effectuée au moyen de matériels de détection de drogues approuvés, révèle quelques présences de cannabis ou d'autres drogues dans son organisme. Le Barreau du Québec prend acte de la volonté de la ministre de mettre en veilleuse l'application de cette règle d'ici à ce que la science et la technologie permettent de détecter la consommation récente de cannabis.

Nous invitons donc le législateur à revoir les articles modifiant le Code de la sécurité routière en lien avec la règle de tolérance zéro proposée par le projet de loi à la lumière de cet important engagement. Plus particulièrement, nous invitons le législateur à conserver, dans le projet de loi, une règle de tolérance zéro pour les jeunes conducteurs exclusivement, à l'instar de ce qui est actuellement prévu pour l'alcool.

Par ailleurs, nous suggérons une gradation des conséquences pénales découlant d'une infraction afin d'éviter la suspension automatique du permis pour une durée de 90 jours. Une telle suspension automatique frapperait plus durement les jeunes en région, ceux-ci ne pouvant, bien sûr, souvent pas bénéficier de services de transport en commun comme alternative.

• (14 h 50) •

Cette mesure, assortie d'une gradation, nous apparaît raisonnable compte tenu de l'expérience des jeunes conducteurs, du manque de données objectives et stables sur la corrélation entre la présence du THC dans la salive ou le sang et l'affaiblissement de la capacité de conduire eu égard à des prérogatives de dissuasion de la consommation.

Des normes strictes sont essentielles à l'atteinte des objectifs d'information, de prévention et de dissuasion qui doivent chapeauter l'encadrement du cannabis au Québec dans son ensemble et plus particulièrement pour les jeunes. Ce faisant, nous accueillons favorablement le régime proposé par le projet de loi en ce qui concerne l'affichage dans les points de vente et la publicité.

En ce qui concerne le régime applicable à l'emballage, nous croyons que le législateur doit aller plus loin et imposer que la vente de cannabis se fasse uniquement dans un emballage neutre, à l'instar de l'approche australienne en la matière. Par ailleurs, nous constatons que les normes additionnelles relatives aux contenants, emballages et présentation du cannabis pourront être édictées ultérieurement par règlement. Nous invitons le législateur à déterminer rapidement des normes plus strictes en matière d'emballage.

Actuellement, le projet de loi prévoit l'interdiction de fumer dans plusieurs lieux publics, mais également en milieu de travail. Toutefois, cette disposition se trouve actuellement dans la section intitulée «Lieux fermés». Elle pourrait être interprétée comme une interdiction s'appliquant exclusivement dans des milieux de travail fermés et, de ce fait, avoir une portée trop restrictive. À notre avis, cette disposition devrait être modifiée pour qu'on y trouve une mention spécifique à la Loi sur la santé et la sécurité au travail, laquelle prévoit une définition de «lieu de travail» plus large, comprenant «un endroit où, par le fait ou à l'occasion de son travail, une personne doit être présente, y compris un établissement et un chantier de construction». En ce sens, nous suggérons au législateur de s'inspirer de ce qui a été proposé en Ontario, dans la loi de 2017 sur le cannabis, plus particulièrement à l'article 11 de la loi.

Le Barreau du Québec accueille favorablement la création d'un monopole d'État pour la vente et la distribution du cannabis au Québec, soit la Société québécoise du cannabis, filiale de la Société des alcools du Québec. En effet, un monopole d'État faciliterait les contrôles de qualité des produits avant leur mise en marché. Ces contrôles sont d'autant plus nécessaires que la concurrence dans la production du cannabis et des produits à base de cannabis peut affecter la qualité des produits. Nous constatons toutefois que le projet de loi prévoit la possibilité, pour le gouvernement, de permettre, par règlement, des cas où un producteur de cannabis pourrait vendre son produit à une autre personne que la société, à certaines conditions. Nous nous interrogeons quant aux objectifs poursuivis par cette disposition et quant aux situations visées par cet article. Nous ne pouvons que souhaiter que de telles activités commerciales soient tout au moins aussi sévèrement encadrées, sinon plus, que les activités de vente qui seront menées par la société.

Nous accueillons favorablement la disposition, dans le projet de loi, prévoyant le dépôt par la ministre de la Santé et des Services sociaux d'un rapport au gouvernement sur la mise en oeuvre de la loi trois ans après son entrée en vigueur et, par la suite, tous les cinq ans. Dans la même veine, le Barreau propose également une étude d'impact de la mise en oeuvre de la loi provinciale sur la santé publique, notamment pour les populations vulnérables. Plus particulièrement, nous suggérons d'examiner l'effet des mesures relatives à la santé prévues et d'évaluer régulièrement leur efficacité, non seulement en termes de réduction du fardeau pour la santé, mais aussi de la réduction des inégalités de santé.

Le projet de loi prévoit que le gouvernement peut adopter des règlements dans l'année suivant l'entrée en vigueur de la Loi encadrant le cannabis. En outre, le projet de loi prévoit que ces règlements ne sont pas soumis aux obligations de publication usuelles et peuvent s'appliquer de manière rétroactive. Plus particulièrement, le projet de loi prévoit que ces règlements peuvent porter sur toute mesure nécessaire à l'application des dispositions de la loi ou à la réalisation efficace de son objet.

L'objet de la loi est large, ce qui laisse entendre que l'habilitation réglementaire du gouvernement peut porter sur plusieurs éléments compris dans le projet de loi. De façon générale, la rétroactivité porte atteinte à la sécurité juridique et à la prévisibilité de la règle de droit. Les citoyens doivent pouvoir connaître à l'avance les règles juridiques qui s'appliquent à eux et adapter leurs comportements en conséquence, surtout dans un contexte où les règles proposées ne sont pas rendues publiques avant leur entrée en vigueur.

Mesdames et messieurs, nous sommes maintenant disponibles pour vos questions. Mes propos réitèrent un peu ce que vous aviez probablement lu dans le mémoire... (panne de son) ...questions. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. le bâtonnier, pour la présentation de votre mémoire... représentant le Barreau, évidemment. Mme la ministre, députée de Soulanges, vous disposez de 15 minutes pour votre bloc d'échange, à vous la parole.

Mme Charlebois : Alors, je m'adresse à plusieurs maîtres, Bachand, Wagner, Thibaudeau, Levesque et Grondin. Je me trompe? Tout va bien? Et je salue celle qui a rédigé le mémoire, si j'ai bien compris, c'était la seule et unique femme au Barreau?

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Ce n'est pas la seule...

Mme Charlebois : Je ne vois que des gars, là.

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Bien oui, bien, vous avez raison. C'est pour ça qu'on aurait aimé avoir Ana avec nous. C'est une coïncidence malheureuse. Nous sommes tous contents d'être là, mais c'est vraiment Ana qui a travaillé très, très fort sur le mémoire. Voilà

Mme Charlebois : Je vous taquine, je vous taquine. Je suis un peu féministe, ça fait que, de temps en temps, je le fais sortir, ça me fait du bien. Puis il faut s'amuser un peu, hein? La dernière journée de consultations, on a le droit d'avoir un petit peu de... bon.

M. Grondin (Paul-Matthieu) : O.K. Puis vous me permettez d'en profiter, dire que, tout récemment, au Barreau, en 2014, notre membership est devenu féminin, donc, à majorité.

Mme Charlebois : Ah!

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Donc, c'est arrivé en 2014, et la tendance n'est pas près de se renverser, voilà.

Mme Charlebois : O.K.

Une voix : ...

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Charlebois : O.K. Non, c'est un concours de circonstances. C'est parce que la dame qui devait être là est partie en congé de maternité.

J'ai pris connaissance de votre mémoire et j'ai quelques questions. Je ne vous cacherai pas que, n'étant pas avocate de formation, je vais vous soumettre des choses, et peut-être que l'interprétation du projet de loi, vous l'avez vue d'un angle juriste... Et je vais aussi m'inspirer des informations des juristes ou, en tout cas, on va prendre en note ce que vous avez soulevé.

Vous avez vu, précédemment, le groupe qui était devant vous, pour les huiles, il a suscité comme des questionnements dans mon esprit. Parce qu'il venait me dire : Il va falloir distinguer l'huile des produits fumés. Bien, ça m'a tellement interpellée que, là, je me suis dit : Bien, c'est ça, on a pensé au fumer, à ceux qui fument le cannabis, mais qu'avons-nous fait de ceux qui vont consommer les huiles? Ça fait que là il va falloir réfléchir là-dessus. Parce que c'est écrit : «Interdit de fumer du cannabis dans les services de garde à domicile.» On n'a pas parlé du tout, du tout, du tout de ce qui concerne les huiles. Ça fait que ça, c'est un amendement qui viendra sûrement. Et je remercie le monsieur, mais... C'est ce que je disais aux journalistes, ce matin : Jusqu'à 6 heures ce soir, on va apprendre des choses, puis on va pouvoir bonifier le projet de loi.

Vous nous suggérez une révision aux cinq ans qui va tenir compte de l'état de la recherche, de l'expérience canadienne et québécoise suivant la législation du cannabis. Que pensez-vous du fait que, la première fois, on revoit la législation, la première fois de tout, trois ans, tout de suite après l'implantation? Parce que moi, je pense que le phénomène va aller rapidement. Tu sais, le cannabis, on le connaît. Mais la légalisation est tout un autre phénomène. Et là on fait, pour bien faire, l'ensemble des parlementaires, mais moi, je suis consciente que rapidement il va falloir revoir certains pans de la loi. Que pensez-vous du premier trois ans, pour ensuite s'étaler à tous les cinq ans?

M. Grondin (Paul-Matthieu) : ...on était satisfaits du processus de révision de la loi en général. Ça, c'est très clair. Je peux peut-être... sur votre intervention précédente, par contre, vous me permettez peut-être de réagir. Parce qu'on porte à mon attention l'article 18 du projet, donc... voilà : «Le gouvernement peut, par règlement, rendre applicable tout ou partie des dispositions du présent chapitre à d'autres formes d'usage du cannabis ou prévoir toute autre norme applicable à ces formes d'usage.» Donc, vous avez peut-être là un début de réponse...

Mme Charlebois : Par règlement. Oui.

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Vous avez peut-être un début de réponse dans votre projet.

Mme Charlebois : Oui, mais c'était pour peut-être plus les produits dérivés, les produits qu'on accepte, vous avez vu, le cannabis frais, le cannabis séché, les huiles, tout ça. Mais on va revoir, parce que vous avez raison, et peut-être que ça va dans l'article dont vous me faites mention. Mais on va quand même examiner ça de près parce qu'on veut s'assurer de ne pas échapper rien.

Et puis vous soulevez le libellé sur l'interdiction de fumer dans un milieu de travail — puis je reviens encore avec mon histoire d'huile, là — qui devrait être modifié pour qu'on y retrouve une mention spécifique à la Loi sur la santé et sécurité de travail, laquelle prévoit une définition du lieu de travail plus large. Est-ce que vous parliez des milieux fermés puis des milieux ouverts?

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Oui. Je vais peut-être passer la parole à mon... Je connais la réponse, mais je vais passer la parole à mon copanéliste, Charles Wagner.

M. Wagner (Charles) : En fait, absolument, on prévoit ici dans les milieux de travail ouverts et fermés, ce qui vient inclure notamment les milieux de construction, où ce n'est pas nécessairement fermé, là, en l'espèce.

Mme Charlebois : ...il y a quelque chose à faire là. Je l'ai pris en note, et on avait déjà une réflexion là-dessus, mais là vous venez confirmer notre réflexion.

Vous me parliez de vente par personne autre, aussi de distribution. Je n'ai pas très bien compris, là, de quoi vous parliez parce que ça allait vite, puis, en même temps, je vérifiais d'autres affaires. La vente par une personne autre que la société du cannabis, vous avez dit, la distribution, je n'ai pas saisi, là, où vous vouliez aller. C'est vers la fin de votre mémoire.

Une voix : ...

Mme Charlebois : Bien, moi, je suis dans le résumé, je vous dirais. «Il questionne la possibilité pour le gouvernement de permettre par règlement des cas où un producteur de cannabis pourrait vendre son produit à une autre personne que la société sous certaines conditions.» Vous avez vu ça dans le projet de loi?

• (15 heures) •

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Donc, ce serait l'article 22 de la Loi encadrant le cannabis, qui est proposé par l'article 12 du projet de loi. Puis là je vais juste y aller rapidement.

Mme Charlebois : Ça va être intéressant, l'article par article, hein? Je vais y arriver.

M. Thibaudeau (Luc Hervé) : Tout dépend, Mme la ministre, du réseau de distribution que vous avez en tête. En ce moment, vous avez décidé de limiter la distribution au détail à la Société québécoise du cannabis. Je pense que le projet de loi vous permet d'étendre cette distribution-là à d'autres personnes. Comme le bâtonnier vous l'a dit, nous, on applaudit effectivement que ça soit limité, pour la vente au détail, aux sociétés d'État.

Maintenant, quand vous parlez de révision de la loi sur un plan quinquennal, je pense que c'est quelque chose que vous allez pouvoir remarquer assez rapidement, au niveau de la distribution, qu'est-ce qui fonctionne bien et qu'est-ce qui fonctionne mal. Et dans ce contexte-là, effectivement, je crois que le législateur aurait intérêt à étudier assez rapidement la question du réseau de distribution. C'est sûr qu'on n'est pas en matière de distribution de lait ou de distribution de produits agricoles, où il y a des plans conjoints, mais il pourrait facilement y avoir matière à en créer dans un futur assez rapproché. On ne sait pas quels effets va avoir la légalisation de la distribution du cannabis, et je pense que cette disposition-là vous donne quand même une certaine latitude pour pouvoir réagir plus rapidement que dans un délai de cinq ans.

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Et je vous lis peut-être la disposition qui vous donne... donc, c'est vraiment l'article proposé, qui est 20. Donc, je vous le lis très rapidement : «Sauf s'il l'expédie à l'extérieur du Québec, un producteur de cannabis ne peut vendre du cannabis qu'à la Société québécoise du cannabis.»

C'est ensuite où il y aurait cette disposition-là qui vous donnerait une discrétion réglementaire un peu plus large : «Toutefois, le gouvernement peut, par règlement, prévoir les autres cas où un producteur de cannabis peut vendre ce produit à une autre personne que la société ainsi que les conditions qui s'appliquent à cette vente. Un tel règlement peut également prévoir les conditions applicables au transport et à l'entreposage de tout cannabis vendu par un producteur à une personne autre que la société.»

Donc, voilà, ça donne une ouverture réglementaire large, et c'est ce qu'on dit dans notre mémoire.

Mme Charlebois : Oui. Je vois deux choses, là, puis je vais parler avec mes juristes. Ça me suscite un questionnement, honnêtement, là, je vous le dis franchement, mais je vais certainement parler avec mon monde pour qu'on m'explique ça plus clairement, parce que je le vois comme... Il y a deux choses. Il y a peut-être les pousses qui pourront être transportées ou, en tout cas, des plants qui pourraient être transportés pour faire de l'extraction pour l'huile. C'est là où je vois ça, là, et/ou peut-être qu'il y avait une réflexion autour des projets pilotes, là, mais je vais certainement demander des clarifications parce que ça m'apparaît... Ça ne m'est plus clair, là, dans ma tête, là, honnêtement, puis si ce n'est pas clair pour moi, je ne pense pas que ça va être clair pour les autres non plus, là. Ça fait qu'on va clarifier ça avant de passer à l'article par article. Il y a des choses à l'article 20. Je le prends en note.

Dites-moi, quand vous parlez de... pas de paquet neutre, là, parce que le paquet neutre, c'est consacré au tabac, mais quand vous parlez d'étiquetage et tout, ce qu'on souhaite faire, en fait... parce qu'il y a des gens qui ont peur, quand on parle, dans le texte de loi, on parle de publicité relative à de l'information. Peut-être, le mot «publicité», on pourrait le transformer en d'autre chose, là, parce qu'il y en a qui voient tout de suite publicité. Ce qu'on souhaite faire, en fait, c'est, sur les produits, mettre un descriptif, dans ce produit-là, il y a tel pourcentage de THC puis il y a tel pourcentage de cannabinoïde ou il y a telle autre affaire. Moi, je ne m'y connais pas dans tous les ingrédients que contiennent les produits du cannabis, mais c'est plus dans ce sens-là qu'on voit ça.

Est-ce que ça vous satisfait, ça, cette description-là? Parce que ce qu'on n'envisage pas, c'est de faire de la publicité, c'est d'augmenter les ventes, c'est de faire en sorte que le marché prenne de l'expansion, contrairement au monsieur qui vous a précédés, là. Je comprenais qu'il y avait un engouement pour l'huile, mais nous, ce qu'on souhaite faire, c'est vraiment ramener les gens du marché illicite vers le marché licite. Est-ce que vous seriez en accord avec ce genre de descriptif là sur les types de cannabis?

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Je vais peut-être céder la parole à notre expert en droit de la consommation.

M. Thibaudeau (Luc Hervé) : À vrai dire, Mme la ministre, en matière de protection des droits des consommateurs, c'est le principe de base, c'est l'information. L'information au consommateur, ça lui sert non seulement de savoir qu'est-ce qu'il achète, mais, dans le cas comme le cannabis, ça lui sert aussi de savoir si le produit qu'il achète est légal ou non, hein, où est-ce qu'il peut le fumer, où est-ce qu'il peut le consommer. Tout à l'heure, je pense que la question avait été soulevée, comment qu'on va faire pour différencier les produits de cannabis qui peuvent être fumés et ceux qui ne peuvent pas être fumés en public ou dans certains lieux qui sont mentionnés par la loi? Ça, c'est dans un premier temps.

Dans un deuxième temps, au niveau de la santé des consommateurs, c'est également très important d'avoir des avis, et c'est mon opinion, et c'est aussi l'opinion de mon ordre professionnel, et je suis content qu'il l'ait endossée, des avis très sérieux quant aux risques. On a beau dire, effectivement, qu'on ne connaît pas encore tous les effets du cannabis, mais je pense que c'est le gros bon sens de dire que ce n'est pas la meilleure chose qui va vous permettre de vivre jusqu'à 200 ans. Et ça, je crois que ça devrait être clairement mentionné sur les paquets de cigarettes... pardon, sur les paquets ou sur les emballages de cannabis.

Et, dans un troisième temps, effectivement, qu'est-ce qu'il y a dans ce produit-là pour ceux, effectivement, qui sont, si vous permettez l'expression, un peu plus connaisseurs en la matière, d'où ça vient, quelles variétés que c'est, quel est le contenu, effectivement, comme on voit sur les paquets de cigarettes, quel est le contenu en goudron, quel est le contenu en nicotine. Et là je parle de cigarettes, bien entendu. Il doit sans doute y avoir... Et je pense que les experts qui étaient là avant nous avaient pas mal plus de détails sur les substances qui peuvent être contenues dans les produits de cannabis.

Et quatrièmement, justement, au niveau préventif... et encore une fois, le droit de la protection du consommateur, c'est un droit préventif qui avertit le consommateur, effectivement, des résultats qui peuvent s'ensuivre. Et là je pense aux photos sur les paquets de cigarettes.

Mme Charlebois : Vous émettez des réserves par rapport au règlement qu'on pourra édicter à la suite du projet de loi puis vous nous parlez de rétroactivité. J'aimerais vous entendre davantage là-dessus, parce que la raison pour laquelle on parle de ces règlements-là, c'est, premièrement, de pouvoir réagir rapidement, parce que ce n'est pas parce qu'on va la réviser dans trois ans qu'il n'y aura pas, dans un an, quelque chose qu'il va falloir tout de suite s'ajuster. Puis on se garde un pouvoir réglementaire dans certaines avenues pour pouvoir réagir rapidement. Mais vous, vous l'avez vu de quel angle pour pouvoir me dire : Attention, là! il y a quelque chose là?

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Oui. Alors, c'est une très bonne question parce que c'est une question qui est plutôt technique. Donc, le Barreau se soucie beaucoup de la prévisibilité du droit en général. C'est un principe que le Barreau... parce que c'est rare que vous allez entendre un soulèvement populaire contre la rétroactivité des lois, hein? Il n'y aura pas de manifestation dans les rues, bientôt, pour ça. Mais le Barreau est un peu le chien de garde de cette non-rétroactivité des lois et de la publicité des règlements aussi, là, hein? C'est les deux choses qu'on dit à ce niveau-là. Donc, on le dit dans beaucoup de projets de loi. Ça, il faut le savoir, là, ce n'est pas spécifique à ce projet de loi ci.

Mais ce qui est bon pour le citoyen, c'est que le droit soit prévisible, et donc il y a des principes généraux en droit contre la rétroactivité des lois. Ici, ce serait théoriquement permis qu'un règlement soit rétroactif et/ou non publié selon les standards usuels. Donc, il y a cette petite partie là. C'est un dada du Barreau de venir le répéter souvent quand on fait nos présentations, donc on le répète ici encore une fois.

Mme Charlebois : O.K. Ça fait que ce n'est pas typique à ce projet de loi là.

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Ce n'est pas typique à ce projet de loi là, mais c'est un principe qui est quand même souvent oublié, mais important, puis on pense que c'est notre rôle de le répéter souvent.

Mme Charlebois : Vous nous parlez aussi...

Le Président (M. Merlini) : ...Mme la ministre.

Mme Charlebois : Ah non! tolérance zéro.

Le Président (M. Merlini) : Bien oui. Bien oui, malheureusement, votre temps est écoulé avec ce bloc d'échange. M. le député de Labelle, vous avez un bloc d'échange de neuf minutes. À vous la parole.

M. Pagé : Étant donné qu'on collabore tellement bien, Mme la ministre, c'était quoi, la question que vous vouliez poser?

Mme Charlebois : C'est sur la tolérance zéro, parce qu'il nous dit... Ah! bien merci, vous êtes donc bien gentil. Vous nous parlez de la tolérance zéro puis des articles qui suivent ça puis vous dites : Vous devriez... Mais, en fait, vu qu'on ne peut pas appliquer la tolérance zéro tout de suite parce qu'on n'a pas les appareils, ils vont demeurer en suspens. C'est juste ça que je voulais dire, mais je comprenais que vous trouviez nos mesures très sévères à l'endroit des jeunes.

M. Thibaudeau (Luc Hervé) : Oui. Bien, je peux peut-être me permettre d'y aller juste sur cette partie-là pour les...

Mme Charlebois : Mais je ne veux pas empiéter sur le temps de mon collègue, là.

M. Thibaudeau (Luc Hervé) : Dans le fond, j'imagine, c'est votre choix, à savoir si je réponds ou pas. C'est ça?

M. Pagé : Vous pouvez répondre. On collabore très bien puis on a tous le même intérêt ici, dans la salle. Alors, allez-y.

M. Thibaudeau (Luc Hervé) : Oui. Donc, très rapidement, donc, on trouvait que la mesure, là, des 90 jours pour les jeunes, il pourrait y avoir une gradation à la place de cette sanction-là immédiate. On ne propose pas de gradation particulière. Puis on s'inquiétait surtout des jeunes en région qui perdaient leur permis versus les jeunes en ville puis les facilités de transport. Donc, voilà.

• (15 h 10) •

M. Pagé : Et d'ailleurs je vais... Il me fait plaisir... De toute façon, c'est un peu sur le même sujet, parce que ma première question, c'était justement la façon dont vous introduisez... Oh! il n'y a pas de page? Ça doit être la page 3. Le premier picot : «Le Barreau suggère l'application de la règle tolérance zéro pour les jeunes conducteurs exclusivement.» Alors là, j'ai comme... O.K., les jeunes conducteurs exclusivement.

Donc, vous seriez pour, j'imagine, avec la lecture de ce que j'entends, un peu comme la tolérance zéro présentement au niveau de l'alcool pour les jeunes. Je pense, jusqu'à 21 ans, c'est tolérance zéro. Par la suite, ils tombent dans la catégorie du 0,08, là, si je ne me trompe pas. Alors, est-ce que c'est un peu ce dont vous souhaitez, tolérance zéro 18-21, 18-25, 18... Vous le voyez comment, jusqu'à quel âge, d'une part? Et, ensuite, est-ce que vous vous prononcez sur le 0,2 nanogramme, 0,4? Je pense que la loi fédérale permet d'aller jusqu'à 0,5, quelque chose comme ça, là, je ne me... Alors, vous voyez ça comment?

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Alors, je vais céder la parole à notre président de comité du droit criminel et pénal.

M. Levesque (Pascal) : Effectivement, ça serait de s'harmoniser avec le régime de l'alcool. Arrivé à un certain âge, 21, on vient qu'à tomber dans le régime général du Code criminel, essentiellement. Et là c'est les facultés affaiblies, c'est la... bon, il va y avoir l'équivalent de l'éthylomètre pour le cannabis. On n'en est pas rendu là au niveau de la science, vous l'avez mentionné, puis les policiers, il faut qu'ils soient formés puis tout ça. Mais, éventuellement, c'est ça que ça va être.

M. Pagé : Oui. Bien, vous comprenez la complexité de détecter... ce n'est pas tellement la présence du THC dans le corps, c'est la capacité de conduire. C'est là où est le problème, parce que la science présentement peut détecter, mais on peut détecter quelqu'un qui a consommé il y a une semaine, deux semaines, on dit même jusqu'à trois ou quatre semaines. Alors, vous comprenez... je ne sais pas si certains d'entre vous avez déjà consommé. Normalement, le lendemain, tu es supposé être en bonne condition et apte à conduire. Donc, c'est la capacité de conduire et c'est la raison pour laquelle, nous, on aurait préféré que le fédéral... la deuxième opposition l'a demandé, nous aussi, qu'on retarde l'adoption de cette loi au fédéral pour nous permettre d'avoir tous les outils. Parce que là on écrit des lois et ce qu'on comprend, c'est qu'on ne pourra pas les faire appliquer, cette fameuse tolérance zéro, à l'égard de la capacité de conduire. Alors, c'est effectivement très problématique.

Pour rester un peu sur le sujet du 18 ans, nous accueillons favorablement la position faite dans le projet de loi quant à l'âge légal de la consommation de cannabis. À la page suivante, vous dites : «De plus, un âge minimal supérieur à 18 ans serait susceptible d'être contesté sur la base d'une discrimination fondée sur l'âge en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés et la Charte des droits et libertés de la personne.» C'est la première fois que je l'entends, ce volet-là. On nous disait jusqu'à tout récemment qu'un peu partout dans le monde et toutes les provinces avaient justement légiféré ou proposaient de légiférer au même niveau que la consommation de l'alcool, soit 18 ou 19. Il y aurait un cas, là, il y a une province où c'est 18 au niveau de l'alcool et 19 au niveau du cannabis.

J'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce que c'est la première fois en tout cas, moi, que je l'entends, cet argument en lien avec la Charte des droits et libertés, et là ça m'interpelle aussi, là. Parce qu'on ne souhaiterait pas légiférer et finalement se faire dire quelques mois plus tard : Non, vous ne pouvez pas, là.

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Oui. Je peux peut-être me permettre une réponse. Dans ce cas-ci, nous, on voulait être certains que ce ne soit pas un âge beaucoup plus élevé. Donc là, pour l'instant, à 18, 19 ans, tout ça, ça semble être dans les eaux de ce qui serait considéré légal par les tribunaux. C'est sûr que, si on y allait beaucoup plus haut, là, on aurait un problème. Donc, j'imagine que vous êtes dans la bonne direction à ce stade-ci, là.

M. Pagé : Alors, dans l'hypothèse où on aurait un âge différencié, 18 alcool et 19 cannabis, selon vous, ça pourrait passer la rampe.

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Le problème, ce n'est pas la différence entre les deux. Le problème, c'est chacun pris séparément, mais dans ces eaux-là, comment dire, on nous forme toujours, hein, en tant qu'avocat, à ne pas vous parler en certitudes, mais on devrait être corrects.

M. Pagé : C'est bon. À la page 4, 6... à la page 6, quand vous nous dites, à l'avant-dernier paragraphe : «Nous constatons toutefois que le projet de loi prévoit la possibilité pour le gouvernement de permettre par règlement des cas où les producteurs de cannabis pourraient vendre son produit à une autre personne», alors là, j'imagine, vous faites référence à l'article 55 qui permet des projets pilotes.

Est-ce que c'est bien à l'article 55 dont vous faites référence? Parce que l'article 55, comme vous le savez, permet des projets pilotes, et, compte tenu que c'est assez ouvert, ce n'est pas tout à fait clair, jusqu'à maintenant, est-ce que ces projets pilotes là... parce que là, selon les derniers propos, ce que l'on a entendu hier, ça peut être pour de la recherche. Parfait. Je pense qu'on peut s'entendre là-dessus. Mais compte tenu que vous vous prononcez en faveur d'un monopole d'État, est-ce que... ce qu'on écrit à la loi, à l'article 55, qui pourrait, je pense, en tout cas, ma compréhension, permettre aussi des projets de vente au détail au privé, vous en pensez quoi?

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Donc, très rapidement, l'article auquel on fait référence, là, dans la note de bas de page du mémoire, très techniquement, c'est l'article que j'ai lu tantôt à votre collègue la ministre, donc c'est l'article proposé, qui est 20, où il pourrait... en tout cas, nous, on pense qu'il pourrait être interprété de façon large et permettre ce type de choses, bien sûr, à charge d'explication, là, si vous voulez, mais la position du Barreau du Québec, c'est que le monopole d'État est une bonne chose. Mais les lois sont là pour être essayées, pour être refaites, donc c'est une opinion que nous avons, et, dans ce cas-ci, le projet de loi semble permettre d'autres choses.

Je veux faire attention aux opinions qui sont sans nuance. Donc, oui, c'est notre proposition. Nous ne sommes pas le législateur, nous sommes là pour pointer des articles, dans le projet de loi, pour vous dire : Voici ce que ça pourrait peut-être permettre. Maintenant, le remède, bien sûr, il vous appartient.

M. Pagé : Je comprends. Je comprends très bien. Vous avez vu comme moi sûrement, il y a quelques jours, il y a deux, trois jours ou en fin de semaine, je pense, il y avait un article où on se demandait ce que le fédéral allait faire par rapport aux gens qui ont déjà été reconnus coupables de possession. Vous en pensez quoi? Je sais que ça se passe plus au fédéral, mais on est quand même curieux de se faire une tête comment on devrait gérer cela. Parce qu'on nous interpelle beaucoup, et honnêtement c'est un peu difficile de se faire une tête, que je suis illégal dans une loi mais une loi qui va changer quelques mois plus tard pour les gens qui ont déjà des casiers et tout ce que ça peut vouloir dire comme conséquences. Est-ce que vous en avez discuté? Sûrement. Et est-ce qu'on peut connaître un peu le fruit de votre réflexion?

Le Président (M. Merlini) : En 30 secondes, s'il vous plaît.

M. Pagé : Pas déjà?

Le Président (M. Merlini) : Bien oui.

M. Levesque (Pascal) : On va attendre de voir. Je n'ai pas vraiment... On n'a pas vraiment d'opinion sur... voir ce que le fédéral va faire. Ça va être un peu à lui, comme c'est sa compétence, de déterminer qu'est-ce qu'il va faire en matière de pardon et de suspension du casier judiciaire.

Cela étant dit, le Québec a compétence en matière d'administration de la justice. Le ministère de la Justice peut peut-être faire quelque chose au niveau de ses directives sur le traitement de ces dossiers-là. Il peut peut-être essayer d'atténuer la présence des dossiers. Par exemple, je donne juste un exemple comme ça, dire à ses procureurs : Écoutez, si la personne a des antécédents en matière de possession simple, on n'en fera pas état devant la cour. Je lance ça, mais évidemment, la compétence en matière d'administration de la justice, en matière pénale et criminelle pour la province est un petit peu limitée. Elle ne peut pas faire non plus n'importe quoi.

Mais, pour le fédéral, on va attendre. On ose espérer qu'ils vont y penser puis qu'ils vont avoir un système de réglementation pour permettre aux gens, un peu comme on a fait et comme ils ont fait dernièrement en matière de... bien, pas qu'ils ont fait, mais qu'ils ont proposé concernant les crimes supposément pour l'orientation sexuelle. Alors là, il y a une espèce d'amnistie générale avec un processus. On peut penser qu'ils vont peut-être travailler là-dessus.

Le Président (M. Merlini) : Merci, Me Lévesque. Ça met un terme à ce bloc d'échange avec l'opposition officielle. Nous allons vers le deuxième groupe d'opposition. M. le député de Borduas, vous avez un bloc de six minutes. À vous la parole.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Alors, bonjour à vous tous. Merci d'être présents aujourd'hui en commission parlementaire.

J'aimerais juste qu'on revienne sur l'échange que vous avez eu avec le député de Labelle sur la question de l'âge. Donc, si jamais le législateur québécois décidait de fixer à 21 ans, très certainement la mesure pourrait être sauvegardée. Et c'est possible, en vertu de la charte québécoise, de fixer un âge différent que celui de l'âge de 18 ans.

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Donc, c'est possible de faire ce que vous voulez faire. Nous, la réserve qu'on émet, c'est qu'à chaque fois qu'on augmente l'âge il y a un risque de débat judiciaire qui s'accroît. C'est la réponse la plus poussée que je peux vous donner dans ce cas-ci.

M. Jolin-Barrette : Au même titre que l'âge légal pour voter au Canada, c'est 18 ans et que, dans la majorité des provinces canadiennes, l'âge pour consommer l'alcool, c'est 19 ans.

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Donc, ça, c'est un fait.

M. Jolin-Barrette : C'est un fait. Donc, moi, je pourrais attaquer la disposition aussi dans une autre province canadienne, fondée sur la charte, si j'avais du temps.

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Donc, ça, ça relève peut-être de l'avis juridique, mais je comprends que c'est un commentaire que vous émettez.

• (15 h 20) •

M. Jolin-Barrette : Effectivement. Alors, je voulais vous entendre sur les mineurs. Dans le fond, le régime actuellement prévoit que... Puis vous avez fait des représentations au fédéral pour ne pas criminaliser les jeunes et pour faire en sorte que ça serait peut-être un constat d'infraction qui serait donné à un mineur qui se retrouverait en possession de cannabis.

Ce matin, on a eu des gens qui sont venus nous dire : Bien, vous devriez peut-être avoir un traitement non judiciarisé et orienter les jeunes vers une ressource d'accompagnement plutôt que de donner un constat d'infraction. Qu'est-ce que vous pensez de cette possibilité-là?

M. Levesque (Pascal) : Oui, effectivement, déjà de passer, on est... Quand on a vu le fait de décriminaliser et de seulement pénaliser, c'était déjà bien. Et, oui, effectivement, si on avait la possibilité pour les gens, les intervenants qui traitent avec les jeunes d'aller vers une non-judiciarisation, ça donnerait une panoplie aux jeunes. Je pense puis j'ai une idée en tête, le policier communautaire qui connaît son jeune se dit : Bon, là, je vais lui donner un avertissement ou je vais faire une autre mesure avant de passer directement à l'amende. Effectivement, ça peut être plus approprié.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je veux qu'on parle de la question de la production à domicile. La position de notre formation politique, c'est d'interdire la production à domicile à des fins non médicinales. La position du gouvernement également, ça a été d'interdire, dans le fond, la production à domicile. Dans l'espace public, on entend beaucoup des gens qui disent : Bien, écoutez, le fédéral permet quatre plants, puis le provincial proscrit, interdit le fait d'avoir quatre plants à la maison.

Est-ce que vous pensez que le fait d'adopter une telle disposition dans la législation québécoise, ça respecte les compétences du Québec?

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Donc, très honnêtement, nous avons eu cette discussion à l'interne. On savait que la question s'en venait un petit peu. La réponse est peut-être peu satisfaisante. Nous ne le savons pas. On pense qu'il pourrait y avoir un débat judiciaire. La réponse n'est pas... Ce n'est pas du blanc ou noir. On a eu beaucoup de discussions à l'interne. On a essayé d'arriver ici avec une réponse claire pour vous éclairer, mais la réalité, c'est que nos opinions divergeaient. Dans plusieurs moments donnés, nos opinions concordent, mais ici il y a plusieurs principes en jeu. Puis ce serait une cause qui serait intéressante à voir débattue et décidée, mais nous n'avons pas cette réponse et nous n'avons pas assez confiance à notre opinion pour vous en livrer une qui soit plus claire que celle que je vous donne là.

M. Jolin-Barrette : Donc, je comprends que ça se plaide des deux bords, mais très certainement, si jamais on adoptait la disposition telle qu'elle est présentement, ce que nous souhaitons de notre côté, c'est que, si jamais la disposition était contestée, le Procureur général aurait des arguments en faveur de la validité de la disposition qui serait adoptée.

M. Grondin (Paul-Matthieu) : Bien, ça, ça m'apparaît... Je pense que je peux répondre oui à cette question-là. Mais est-ce qu'il y aurait un débat judiciaire par la suite? Probablement puis...

M. Jolin-Barrette : O.K. J'ai quelques questions en matière de droit du travail pour les employeurs. Les chambres de commerce sont venues nous présenter la position des employeurs en matière de droit du travail. Ils disaient : Écoutez, nous, ce qu'on vous demande de modifier dans la loi, c'est d'imposer une infraction pénale, qui serait imposée par la CNESST, pour des employés qui viendraient au travail sous l'influence du cannabis. On souhaiterait également que ces gens-là qui seraient pris à avoir un accident de travail sous l'influence, bien, ils ne puissent plus être assujettis à une indemnisation en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Et on voudrait que l'employeur ait la possibilité de poursuivre au civil son employé qui consommerait. Qu'est-ce que vous pensez de cette possibilité-là sur les droits des travailleurs versus les droits des employeurs?

Le Président (M. Merlini) : En une minute, s'il vous plaît.

M. Wagner (Charles) : En fait, ce qu'il faut voir, c'est que chaque partie a ses obligations propres à la santé et sécurité. Maintenant, on ne formulera pas une opinion à savoir si on devrait recommander une poursuite au civil des employeurs. Notre objectif est évidemment la protection du public, et c'est la raison pour laquelle on a mentionné, là, d'élargir ici un peu la disposition par rapport aux milieux fermés et milieux ouverts, là, tels les chantiers de construction, comme je le mentionnais à Mme la ministre. Mais c'est toujours... C'est certain qu'il faut garder en tête que la Loi sur la santé et sécurité du travail, à l'article 49 et à 51, de même que le Code criminel, puis d'ailleurs les fédérations hier vous l'ont rappelé aussi, il y a des obligations propres à chaque partie. Donc, maintenant, est-ce qu'un employeur pourrait par la suite... Comme je vous dis, là, ça relèverait de l'opinion, mais ce que je comprends dans le projet de loi, c'est qu'on n'en est pas là ici.

Le Président (M. Merlini) : Merci, Me Wagner. Me Le Grand Alary, Me Thibaudeau, Me Levesque, M. le bâtonnier, Me Grondin, Me Wagner et Me Pacha, représentant le Barreau du Québec, merci de votre présence. Merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends quelques instants et j'invite le Conseil québécois sur le tabac et la santé à prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 25)

(Reprise à 15 h 30)

Le Président (M. Merlini) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons donc reprendre nos travaux. Nous avons maintenant le plaisir d'accueillir le Conseil québécois sur le tabac et la santé. Je vous invite à vous présenter lors du début de votre exposé. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Et ensuite on aura les échanges avec les membres de la commission. Bienvenue à la CSSS. La parole est à vous.

Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS)

M. Drolet (Marc) : Bonjour. Mon nom est Marc Drolet. Je suis directeur général pour le Conseil québécois sur le tabac et la santé. Je suis accompagné de Mario Bujold, qui est conseiller stratégique pour notre organisation.

Alors, M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission, au nom du Conseil québécois sur le tabac et la santé, je vous remercie de cette occasion qui nous est offerte de communiquer nos préoccupations et recommandations sur le projet de loi n° 157. Notre organisme est préoccupé par la légalisation prochaine du cannabis étant donné les liens étroits entre la consommation de cannabis et de tabac. Nous sommes aussi inquiets du fait que le cannabis est la drogue illégale la plus consommée par les Québécois et que sa légalisation pourrait en accroître l'usage et possiblement nuire aux gains en tabagisme. Nous souhaitons féliciter Mme Charlebois et le gouvernement du souci de prévention exprimé dans les mesures du projet de loi soumis. Ces mesures sont particulièrement importantes pour diminuer les risques que représente la légalisation auprès des jeunes, des jeunes adultes et des fumeurs de tabac.

Au Québec, on retrouve trois à quatre fois plus de consommateurs de cannabis chez les fumeurs de tabac que chez les non-fumeurs, sans compter que les fumeurs de cannabis ajoutent souvent du tabac dans leurs joints. Les fumeurs de tabac et de cannabis sont aussi plus portés à consommer l'une ou l'autre de ces substances. Nous sommes convaincus que les moyens qui encadreront la législation seront déterminants pour ce changement de normes sociales afin que ça puisse passer d'une menace à la santé et sécurité de la population à une opportunité liée à la consommation de cannabis, l'objectif étant de légaliser la consommation de cannabis sans la banaliser, comme l'a mentionné fréquemment Mme la ministre.

Alors, je cède la parole maintenant à M. Bujold, qui va vous exprimer, en gros, nos recommandations.

M. Bujold (Mario) : Nos trois premières recommandations concernent les responsabilités de la Société québécoise du cannabis. Notre organisme, le CQTS, croit que cette nouvelle société pourrait davantage favoriser l'atteinte de l'objet du projet de loi, qui, je le rappelle, vise à prévenir et réduire les effets du cannabis afin de protéger la santé et la sécurité de la population, particulièrement celle des jeunes.

Cela se réaliserait de la manière suivante : premièrement, en ajoutant aux responsabilités de cette société celle d'éduquer les consommateurs sur les risques potentiels du cannabis sur la santé et la sécurité, de promouvoir la consommation responsable, en plus de faire connaître les ressources d'aide et y diriger les personnes qui veulent cesser de consommer du cannabis; deuxièmement, en précisant que le conseil d'administration de cette société devrait inclure des personnes qui possèdent des compétences dans les domaines de la santé, de la sécurité publique, de l'éducation, de la recherche et de la prévention des toxicomanies; troisièmement, en intégrant dans ses obligations que les points de vente qu'elle ouvrira se trouvent à plus d'un kilomètre des écoles, cégeps, universités, centres de formation, organismes communautaires et parcs.

Par ailleurs, à l'exemple de plusieurs municipalités, notre organisme se préoccupe aussi de la possibilité de fumer du cannabis sur la place publique. À notre avis, la consommation de cannabis se compare davantage à celle de l'alcool qu'à celle du tabac compte tenu de ses effets psychotropes sur le comportement de ses utilisateurs et des risques qu'elle représente pour la sécurité de la population. Les chercheurs qui ont étudié cette question affirment que limiter la consommation de la marijuana en public permet de réduire l'exposition à la fumée secondaire de cannabis et encore plus de retarder l'initiation des jeunes ou qu'ils ne commencent jamais à en consommer. Nous recommandons donc que le Québec interdise la consommation de cannabis sur la place publique de manière à en diminuer l'initiation et l'usage, particulièrement chez les jeunes, à l'image de ce qui se fait en Ontario et Nouveau-Brunswick.

Un autre enjeu important concerne la possibilité de faire ou non de la promotion et de la publicité de cette substance. Nous recommandons à ce sujet quatre modifications.

Premièrement, retirer la mention «autrement que dans le cadre d'une mise en marché régulière effectuée par le producteur» du paragraphe 2° du premier alinéa de l'article 41. Cela permettrait d'éviter que quiconque puisse notamment incorporer des rabais lorsque des formats de plus grande quantité sont achetés, ce qui pourrait encourager une plus forte consommation du produit.

Deuxièmement, retirer du paragraphe 8° du premier alinéa de l'article 46 la mention suivante qui permet la publicité dans les journaux et magazines écrits, dont au moins 85 % des lecteurs sont majeurs. Cela permettrait d'éviter que la Société québécoise du cannabis ou un producteur puissent faire des annonces pleine page dans la grande majorité des journaux et magazines du Québec dans le but d'encourager la consommation de cannabis.

Troisièmement, afin d'éviter que les formes, couleurs, mentions sur les produits et autres artifices véhiculent des messages qui pourraient encourager la consommation, le CQTS demande aussi au gouvernement qu'il adopte un emballage standardisé et neutre pour les produits de cannabis, à l'étiquetage strictement informatif. Cette modification au projet de loi permettrait aussi d'appliquer au cannabis la même règle qui est en voie d'être adoptée pour le tabac par le gouvernement fédéral, ce qui serait beaucoup plus cohérent.

Quatrièmement, nous recommandons d'appliquer au cannabis à des fins médicales les mêmes restrictions en matière de promotion, de publicité et d'emballage pour éviter que cette immense échappatoire soit mise à profit par les fabricants pour promouvoir la consommation de cannabis auprès de l'ensemble de la population.

Afin d'éviter des dérapages en ce qui concerne les projets pilotes de vente au détail de cannabis par l'entreprise privée, nous recommandons de suspendre les dispositions de l'article 55 du projet de loi pour une période minimum de trois ans, soit la période prévue pour que le ministre de la Santé et des Services sociaux fasse rapport à l'Assemblée nationale sur la mise en oeuvre de la Société québécoise du cannabis et détermine si un modèle différent serait avantageux.

Notre dixième recommandation concerne l'âge légal. On en a beaucoup parlé, on l'a dit, il est scientifiquement établi que le développement du cerveau des jeunes se poursuit jusqu'à l'âge de 25 ans et que la consommation de cannabis avant cet âge peut affecter le développement cognitif des adolescents et des jeunes adultes. Dans une perspective de protection de la santé publique, et en appui à la position de plusieurs organismes, dont l'Association des médecins psychiatres du Québec, qui en ont parlé ce matin, l'Association médicale du Québec, les centres de réadaptation en toxicomanie Portage, la Fédération des chambres de commerce du Québec et la Fédération des comités de parents du Québec, le CQTS recommande que l'âge légal pour posséder et acheter du cannabis à des fins non médicales au Québec soit fixé à 21 ans. Ce choix lancerait un message plus clair à la population sur la dangerosité du cannabis, notamment quant à ses effets sur le développement cognitif des adolescents et jeunes adultes, et protégerait plus efficacement ces groupes de ce risque. Cette décision permettrait aussi de tracer la voie à une révision de l'âge légal pour acheter et posséder du tabac ainsi que de l'alcool, deux produits dont la consommation combinée de substances est particulièrement néfaste à la santé.

Le gouvernement a dit qu'il craignait qu'en établissant à 21 ans plutôt que 18 ans l'âge légal pour acheter du cannabis cela pourrait amener plus de jeunes adultes à s'approvisionner auprès des réseaux de vente illégale. Une étude sur les effets de la légalisation du cannabis au Colorado a démontré que le prix, plutôt que l'âge, est un aspect déterminant pour amener les consommateurs à s'approvisionner auprès des réseaux illégaux. De plus, la mise en place de stratégies qui visent un contrôle accru des réseaux de vente illégale de cannabis pourra éviter que les jeunes adultes s'approvisionnent auprès de ces réseaux, à l'image de ce qui s'est fait, dans la lutte contre le tabagisme, avec succès depuis plusieurs années.

Le tableau à la page 11 de notre mémoire illustre la situation de six États américains qui ont légalisé le cannabis. Pour chacun de ces États, l'âge légal a été fixé à 21 ans et, dans la majorité des cas, l'âge légal pour le tabac a été haussé également à 21 ans par souci de protection de la santé publique et d'uniformité. Il est important de noter ici que, dans chacun de ces États, l'âge de la majorité est établi à 18 ans. Dans l'éventualité où le gouvernement du Québec choisirait de ne pas retenir cette mesure de fixer l'âge légal à 21 ans, nous recommandons minimalement de limiter la concentration de THC dans le cannabis que les jeunes de 18 à 25 ans pourraient acheter.

Par ailleurs, à l'exemple de ce qui a été fait en matière de lutte contre le tabagisme, nous recommandons aussi de préciser les responsabilités du Fonds de prévention et de recherche en matière de cannabis en y ajoutant la notion de service, d'information et de soutien à celle de soins curatifs déjà indiquée dans le projet de loi. Cela permettrait la mise en place d'une ligne d'information et de soutien sur le cannabis ainsi qu'un site Internet qui regrouperait l'ensemble des renseignements utiles sur le sujet.

En terminant, vous trouverez également, à l'avant-dernière page de notre mémoire, certaines de nos préoccupations supplémentaires concernant des activités et programmes de prévention de méfaits du cannabis que le fonds devrait prendre en compte en vertu du paragraphe 3° de l'article 51.

• (15 h 40) •

M. Drolet (Marc) : Voici, il est important... Puis c'est ce qu'on a appris dans le tabagisme, c'est que c'est plus facile de restreindre et de libérer par la suite. Et ça a été dit à quelques reprises au cours des échanges, donc, de partir avec une position un peu plus ferme et d'élargir par la suite que de faire l'inverse, c'est-à-dire de tenter d'élargir, par contre de restreindre par la suite, une fois qu'on a ouvert les portes.

L'autre chose aussi, c'est qu'on voudrait qu'une attention particulière soit faite aux enfants, et aux adolescents, et aux jeunes adultes dans tout ce qui sera fait au niveau prévention ou communication, que des programmes spécifiques soient faits là. On se fait interpeler beaucoup. On a des gens qui sont sur le terrain et on nous pose énormément de questions là-dessus, sur qu'est-ce qu'on doit faire. Donc, les informations sont importantes, et il y a des besoins déjà marquants qui nous sont communiqués.

Le Président (M. Merlini) : Merci, messieurs, pour la présentation de votre exposé. Nous allons débuter immédiatement les échanges avec les parlementaires. Mme la ministre et députée de Soulanges, vous avez un bloc de 15 minutes. À vous la parole.

Mme Charlebois : Alors, bien, merci, M. Drolet et M. Bujold. Je vous voyais depuis, je pense, hier, hein? Vous étiez là hier ou vous étiez là toute la journée aujourd'hui?

Une voix : Toute la journée aujourd'hui.

Mme Charlebois : Oui. Puis vos visages ne m'étaient pas inconnus. Mais là je me replace dans le contexte. Merci d'être là pour votre présentation. J'apprécie que vous preniez le temps de venir nous faire part de vos préoccupations.

Je vais aller tout de suite dans le vif du sujet. Un sujet qui vous a interpellé et qui m'interpelle dans vos propos, c'est fixer l'âge à 21 ans, l'âge minimal requis. Vous me citez des gens qui vous appuient. On peut faire l'inverse aussi, puis je pense que ce n'est pas là qu'il faut qu'on aille. On va revenir aux citoyens, à la personne qui consomme du cannabis déjà, qui a 18 ans. Je vous ramène dans un tableau comparatif de provinces, puis je ne pense pas qu'au Québec on est si... Oui, on est une société distincte, mais pas si différente que ça, que d'autres consommateurs. Au Québec, on met l'âge de 18 ans parce que c'est l'âge de la majorité, mais c'est aussi l'âge de consommer de l'alcool itou. En Ontario, ils ont mis l'âge de 19 ans parce que c'est l'âge qu'ils ont mis pour la consommation d'alcool. Au Nouveau-Brunswick, ils ont mis l'âge de 19 ans pour les mêmes raisons de ce que je vous dis. Ensuite, Terre-Neuve —Labrador, 19 ans, la même chose. Et là j'ai demandé de mettre mon tableau à jour parce que je sais que la plupart des provinces, pour avoir parlé avec eux au téléphone, et le ministre de la Santé s'enlignent plus sur l'âge de la majorité et 19 ans. Quelques-uns vont faire autre chose.

Je regarde... Vous m'avez fait mention des États-Unis, du Colorado entre autres, pour ne pas le mentionner. Vous nous mentionnez qu'ils ont fixé l'âge à 21 ans. Pourtant, les statistiques nous prouvent que la vente de cannabis est en augmentation. Moi, je crois que c'est bien plus en raison du modèle de vente qu'ils ont, qui nous différencie d'eux. Nous, on a la Société québécoise du cannabis, où sera le seul lieu de vente, qui va permettre justement de rejoindre ces personnes-là puis de pouvoir... Moi, ce que je vois, c'est de pouvoir entretenir une conversation, donner des informations, poursuivre sur le plan de prévention qu'on aura fait à travers les écoles et tout, mais on va pouvoir poursuivre notre communication avec eux et avoir des statistiques probantes pour savoir à qui on parle puis que doit-on faire pour améliorer... parce que la Société québécoise du cannabis ne va pas être évaluée sur ses performances de vente. L'objectif, ce n'est pas d'en vendre plus, c'est de ramener le monde du marché illicite vers un marché licite. Alors, l'évaluation va se faire aussi dans ce sens-là, comment ils ont donné de l'information, qu'est-ce qui se passe, etc.

Moi, je pense que, dans ce sens-là... Puis je respecte votre point de vue, mais je vous explique pourquoi on a fait le choix du 18 ans. Oui, le cerveau termine sa formation à 25 ans. Mais 21 ans, les psychiatres nous l'ont dit, c'est aléatoire, là, ce n'est pas la science qui dit 21 ans. La science dit : 25 ans, le cerveau est formé. Puis, quant à ça, le psychiatre qui est venu nous a dit : Ça serait mieux de n'en consommer jamais, tu sais, ça serait encore mieux, ça. Alors, dans ce sens-là, moi, j'aime mieux me donner la chance de parler avec ces jeunes-là, de leur donner de la véritable information, et, si ça... On va avoir des statistiques, là, parce que, quand ils vont acheter, on va avoir des statistiques d'âge, etc. On va être en mesure de réagir rapidement puis de dire : Bien là, il y a quelque chose qui se passe, il y a un phénomène.

Mais j'entends aussi votre peur, puis c'est légitime parce qu'on l'a tous en quelque part. Il y a des gens qui consomment actuellement puis il y en a d'autres qui ne nous le disent pas, qu'ils consomment, mais là ils commencent à en parler un petit peu plus librement, puis il y en a qui... Alors, moi, je pense que les questions qu'on se pose, on aurait dû se les poser bien avant. Honnêtement, là, je vous le dis comme je le pense. Puis je ne remets pas en question votre réflexion, là. Je vous dis juste pourquoi moi, je pense que 18 ans est préférable.

Voulez-vous réagir à mes propos? Je vous laisse la possibilité de réagir, c'est sûr.

M. Bujold (Mario) : Avec plaisir. Dans le domaine de la lutte contre le tabagisme, que vous connaissez très bien aussi, il y a eu une étude, en fait, qui a été réalisée aux États-Unis et qui a évalué que, si on faisait passer l'âge de 18 ans à 21 ans pour le tabac, il y a 15 % de moins de jeunes adultes qui commenceraient à fumer. Des études semblables n'ont pas été faites pour le cannabis, à ma connaissance. Mais ce qui est clair dans l'étude, c'est que ça dit que le message que ça envoie, de dire : On légalise à 18 ans plutôt qu'à 21 ans, il y a une compréhension qui est très différente, et la dangerosité ou la compréhension du danger que peut représenter l'usage du cannabis, qu'on peut avoir, si c'est à 18 ans ou à 21 ans, n'est pas la même. Et, dans ce sens-là, ça fait une différence et ça peut faire en sorte... parce que, dans le tabac, ça a été démontré, il y a eu des études qui l'ont mesuré, mais le cannabis, ce n'est pas fait encore, mais ça pourrait faire en sorte qu'il y ait moins de jeunes adultes qui commencent à fumer.

Donc, c'est sur cette base-là que nous, on croit qu'on aurait plus de gains, en termes de santé publique, à fixer à 21 ans l'âge. Puis, en même temps, comme on l'a mentionné dans la présentation, ça devient une opportunité pour revoir l'âge légal pour le tabac et pour l'alcool. Et le groupe de travail du gouvernement fédéral, qui a produit un rapport et des recommandations au fédéral en vertu... juste avant le projet de loi pour l'aider à faire son projet de loi, mentionnait dans son rapport, et on le mentionne dans notre mémoire également, qu'en fait l'Organisation mondiale de la santé reconnaît que les réglementations qui existent pour le tabac et pour l'alcool sont inférieures à ce qu'elles devraient être en fonction du risque que ça représente pour la santé, et, si on peut améliorer ces réglementations-là, ce serait tout à notre avantage en termes de santé publique.

Donc, c'est sur cette base-là. Mais je comprends en même temps ce que vous dites puis je saisis très bien tout ça. Mais je pense qu'on aurait, comme société... Et pourquoi le Québec ne serait-il pas un précurseur dans ce domaine-là? Ce n'est pas parce que la plupart des provinces au Canada ont fixé ça à 19 ans ou à 18 ans qu'on ne devrait pas le fixer à 21 ans. Moi, je pense que ça démontrerait d'autant plus la crédibilité et le sérieux de toute la démarche, qui est de prévenir et de réduire la consommation de cannabis.

Mme Charlebois : Mais je suis portée à vous dire que ce n'est pas un signe de confiance envers notre jeunesse. On leur dit : Tu pourras voter à 18 ans, mais tu ne pourras plus boire, fumer du tabac ni... Honnêtement, je pense, les jeunes, rendus à 18 ans, contrairement à vous, qu'ils sont capables de faire des choix moyennant qu'on leur donne l'information. Juste pour vous dire, aux États-Unis, pourquoi ils ont mis 21 ans pour la consommation de cannabis, c'est parce que l'alcool, c'est 21 ans. C'est parce qu'aux États-Unis ils ont une culture totalement différente de ce qui se passe au Canada, là. C'est vraiment... En tout cas, je n'irai pas plus loin que ça pour les États-Unis, mais ça ne nous ressemble pas, comme, pantoute, là. Mais je vous entends. Puis notre objectif est le même, en fait, hein? Ça fait que ce n'est pas important de se tirailler là-dessus. Il faut garder en vue l'objectif, soit de contrôler ce qui s'en va vers le marché illicite, le ramener vers un marché licite, et éventuellement réduire la consommation. On a le même objectif, je pense, en ce sens-là.

M. Bujold (Mario) : Si vous me permettez simplement de donner une précision sur la situation des États-Unis? L'âge légal pour voter est à 18 ans. Dans le cas de plusieurs États, puis c'est ça qui est mentionné dans notre tableau, l'âge pour le tabac était à 18 ans, et, quand est venu le temps de légaliser le cannabis, ils ont dit : On va le mettre à 21 ans et on va hausser l'âge pour le tabac à 21 ans.

Mme Charlebois : Il y a une augmentation de la consommation dramatique au Colorado.

M. Bujold (Mario) : Ça dépend de quelle façon on le regarde, effectivement.

• (15 h 50) •

Mme Charlebois : Ça fait qu'en tout cas je demeure sur ma position, bien que j'entends la vôtre. Mais on va suivre ça serré, honnêtement. Puis je pense qu'on a un projet de loi qui, dans son ensemble, est très, très, très prudent, restrictif. On a entendu l'ensemble de la population. La preuve, c'est qu'on a un bureau de vente. On a mis des dispositions... Puis, je veux vous rassurer, sur tout ce qui est l'aspect publicité, c'est non. C'est exactement comme le tabac. Tout ce qui est l'aspect informatif sur les paquets, ça va être les ingrédients, un peu comme le tabac. On s'en va dans le même sens.

Puis, je vous le dis, là, je veux vous rassurer, on ne travaille, l'ensemble des parlementaires, pas à augmenter les ventes, là, puis c'est dans la mission de la Société québécoise du cannabis, là, de s'assurer de ça. Elle va être évaluée là-dessus aussi, la Société québécoise du cannabis. C'est pour ça qu'on va faire aussi de la formation aux travailleurs qui vont être là. Mais on va faire de la formation à l'ensemble du personnel qu'on a dans les instances gouvernementales parce que je me suis aperçue, puis vous devez être au courant de ça, que les médecins ont une formation très de base en ce qui concerne les drogues, notamment le cannabis, les infirmières, les psychoéducateurs. En tout cas, il y a plein de monde... Les policiers. On a de l'ouvrage à faire pour ceux qui sont déjà en place et ajuster le cursus de ceux qui s'en viennent parce que c'est un nouveau phénomène.

Le cannabis, ce n'est pas nouveau, là. On ne se dira pas : On va faire ça comme ça puis ça n'existe pas... Ce n'est pas vrai, là. J'en connais plein, de monde... Puis ce n'est pas parce que j'en fume, là. Je n'en fume pas. J'ai essayé ça deux fois jeune, puis ça a arrêté drette là, là. Mais ce que je veux vous dire, c'est que j'en connais plein, de monde qui ont fait des consommations responsables, qui en fument encore. Il y en a d'autres qui ont fumé beaucoup jeunes puis qui ont eu des problèmes. Je connais plein de monde qui oeuvre autour de cette sphère-là, puis c'est dans l'illégalité. Pourtant, ça ne les restreint pas du tout, du tout, du tout. Or, moi, je pense qu'on doit plutôt aller vers eux, faire de la prévention, comme vous le dites, faire beaucoup d'éducation et se donner la chance de leur parler puis d'avoir des statistiques probantes pour que le comité de vigilance fasse rapport au ministre de la Santé pour qu'on puisse réagir rapidement.

Je vous amène sur les lieux publics et la distance des écoles parce que ça aussi, c'est un sujet important. Et j'ai entendu... Je ne me souviens plus la distance que vous avez proposée. Vous allez pouvoir me le repréciser. Mais ne pensez-vous pas que ce serait bien que les élus municipaux... Parce que, tu sais, élu municipal ou élu au provincial, on sert les mêmes citoyens, hein? Moi, les citoyens de mon comté sont aussi des citoyens de chaque municipalité, qui ont des représentants au niveau municipal, puis ils ont aussi une représentante au niveau provincial, qui est moi. Alors, ne pensez-vous pas qu'on doit aller plus vers l'instance qui est proche du citoyen pour permettre aux municipalités de déterminer quels sont les lieux publics qui sont admissibles ou pas parce qu'ils connaissent leurs lieux, ils connaissent leur population, ils connaissent très bien leur proximité, et aussi en ce qui concerne la distance avec les écoles? Parce que, tu sais, une grande ville, une petite municipalité... Tu sais, dans les régions, il n'y a rien de pareil. Moi, je pense que...

Puis ça, c'est mon opinion, mais je veux entendre la vôtre. Est-ce que vous ne croyez pas que les élus municipaux, avec leur schéma d'aménagement, tout ça, pourraient très bien nous aiguiller sur où ils voient les bureaux de vente? Non seulement ils veulent peut-être une distance avec les écoles, mais ils veulent peut-être une distance avec d'autres choses aussi. Il y a peut-être d'autres éléments qu'ils vont dire : Ça, on ne veut pas ça là, on voudrait ça là. Puis les lieux publics de consommation, ils sont déjà là-dedans pour l'alcool parce que l'alcool, c'est eux autres qui réglementent les lieux publics où c'est possible de consommer et ne pas consommer. Alors, je veux vous entendre là-dessus.

M. Bujold (Mario) : Bien, écoutez, pour la question de la distance, on parlait, nous, d'un kilomètre, donc, des écoles et autres types de lieux où on retrouve des jeunes et jeunes adultes. Bien sûr qu'il peut y avoir des collaborations avec les municipalités sur les critères qui peuvent permettre d'établir à quelle distance de tel type de lieu, et tout ça. Mais je pense qu'il y a un principe de base qui est : On ne veut pas rendre le produit accessible auprès des clientèles qui sont plus à risque et pour lesquelles on veut éviter qu'il y ait une consommation de cannabis ou que ça irait en augmentant.

Pour ce qui est de la responsabilité des municipalités quant aux lieux où on interdit de fumer dans les endroits publics, je vous dirais, moi, ce que je sens actuellement, c'est qu'il y a deux messages de la part des municipalités. On entend, depuis plusieurs jours, des municipalités dire : Nous, on prend position et on veut interdire totalement sur la place publique. D'autres disent : Bien, c'est le gouvernement qui devrait nous dire quoi faire. D'autres disent, entre autres l'Union des municipalités : Bien, on devrait laisser le pouvoir aux municipalités. Je fais juste un parallèle avec la Loi sur le tabac qui a été adoptée en 2015. Si on avait laissé aux municipalités le soin de décider si elles voulaient interdire de fumer sur les terrasses des bars, des restaurants ou sur les terrains de jeux des enfants, on n'aurait pas la situation qu'on connaît au Québec en termes de protection de la santé, bien sûr. Puis il y a des municipalités qui avaient déjà pris les devants, hein? Vous vous rappelez, il y avait des municipalités qui ont dit : Nous, on va interdire de fumer, déjà, dans nos parcs, c'est fait, c'est réglé. Donc, ils n'ont pas attendu le gouvernement. Mais ce que la majorité des municipalités disaient, c'est : Donnez-nous un cadre, après ça, on va le gérer, ce cadre-là, puis on va y aller en fonction de notre réalité.

Donc, il faut que le cadre soit facilitant pour les municipalités, et, à partir de là, les municipalités vont faire leur travail. Moi, c'est ce que je pense de ça.

Mme Charlebois : Mais on a été... parce que là, ce qu'on fait avec le cannabis, c'est un peu comme avec le tabac, c'est dans les mêmes... Fumer, c'est fumer, là. Fumer que ce soit du cannabis ou du tabac, c'est fumer. Dans le projet de loi, c'est les mêmes règles, là. Alors, ce que... Tu sais, un terrain où il y a des enfants, tu n'auras pas plus le droit de fumer un joint là, là. Tu ne peux pas fumer de tabac dans un parc, un terrain de soccer, etc. Mais ce que je vous dis, c'est qu'il y a peut-être des places où ça sera permis pour certains endroits. Je vous explique pourquoi je vous parle de ça, parce que, ce matin, on a eu la CORPIQ puis on a eu d'autres associations de propriétaires de logements qui ne veulent pas, eux, que les citoyens fument dans leur logement puis ils veulent mettre la clause restrictive dans leurs baux. Si on l'interdit dans les logements, si on l'interdit dans tous les espaces publics, les gens vont consommer où?

Le Président (M. Merlini) : Très, très brève réponse, s'il vous plaît.

M. Bujold (Mario) : La question est complexe. La réponse, je peux la faire brièvement. Mais, pour moi, c'est... Le principe de précaution puis le principe de santé publique doivent primer dans tout ça. Je comprends très bien que des fumeurs de cannabis vont vouloir pouvoir fumer quelque part. Nous, on ne demande pas qu'il y ait une interdiction de fumer dans les logements. Par contre, on trouve que, sur la place publique, il y a un effet là qui s'apparente plus à celui de l'alcool, et on devrait le traiter plus comme l'alcool, et on ne permet pas la consommation d'alcool sur la place publique. Donc, c'est notre...

Mme Charlebois : C'est les villes qui gèrent ça, les villes.

Le Président (M. Merlini) : Merci, Mme la ministre. Votre temps est écoulé. Nous allons du côté de l'opposition officielle. M. le député de Labelle, vous avez votre bloc de neuf minutes. À vous la parole.

M. Pagé : Oui, merci, M. le Président. En fait, continuons un peu sur le même sujet. Nous, on souhaite que ça soit interdiction dans les lieux publics. Et vous le mentionnez, puis souvent on l'oublie, l'Ontario et le Nouveau-Brunswick, c'est ce qu'ils ont décidé aussi, là. Il n'y a pas de consommation dans les lieux publics. Et, je pense, vous étiez ici ce matin quand je relatais que, l'année dernière, en 2016, je suis allé au Colorado, puis, à ma grande surprise, on ne sentait pas le cannabis nulle part. Mais il y a des endroits désignés où on peut... Il y a des salons où on peut aller consommer comme un bar où on peut aller consommer de l'alcool. Ça, ce genre de salon là, est-ce que vous pensez que ça peut faire partie de la solution?

M. Bujold (Mario) : Ça pourrait. C'est au conditionnel parce que, dans le cas du tabac, j'y fais référence parce que c'est un domaine que je connais beaucoup, il y a les salons de chicha. Quand est venu le temps d'adopter la Loi sur le tabac, ces salons-là existaient, et, si on avait pu faire en sorte qu'ils disparaissent, ça aurait été préférable, pour éviter que des gens commencent à en consommer.

Dans le cas du cannabis, on établit des règles, O.K.? Ce n'est pas exclu que ça pourrait se faire et qu'on ait des lieux identifiés, mais, je vous dirais, à titre de projet pilote pour qu'on puisse être capables de mesurer l'effet de ça, hein? On pense, c'est important, de faire des projets pilotes. Ça pourrait être une belle occasion, plus que pour des points de vente au détail, comme on le mentionne dans notre mémoire... Mais, à ce moment-là, je pense, ce serait très pertinent pour être capable de mesurer l'effet de ça, parce qu'on est devant du vague, hein? On le sait, là, la science a peu de réponses à nos questions sur les effets qu'aura la légalisation du cannabis. Par contre, il faut être très prudent. Il faut être responsable. Puis, je pense, le gouvernement l'est tout à fait. Puis c'est dans tous ces détails-là qu'on va faire la différence et qu'en bout de ligne on va se retrouver avec une société en meilleure santé.

M. Pagé : O.K. J'aime bien l'idée du projet pilote. Et là je pense qu'on vient de trouver la vocation de l'article 55, effectivement. Par contre, nous, même si nous disons que nous souhaitons, comme l'Ontario et le Nouveau-Brunswick, qu'il n'y ait pas de consommation dans les lieux publics, nous disons à la fois que l'on pourrait demander aux municipalités d'identifier quand même un lieu public où on pourrait consommer parce qu'il est vrai aussi que... Je veux bien essayer d'encadrer ça le plus possible, mais, si on ne peut pas fumer dans les multilogements, si on ne peut pas fumer... puis qu'il n'y a que quelques salons au Québec qui sont des projets pilotes... Il faut que les gens puissent, à certains endroits... et d'autant plus que, vous le savez comme moi, ça existe déjà et pas à peu près. Alors, si on l'encadre mieux et que tous les fumeurs... Parce qu'il n'y aura pas que des fumeurs. Il y a des gens aussi qui vont consommer des produits vaporisés, ce qui ne dérangera pas. Et la tendance, c'est plus vers les produits vaporisés, en plus, que les produits fumés. Mais, s'il y a un endroit bien défini clairement, bien encadré via un règlement municipal parce qu'on leur a donné le pouvoir, est-ce qu'il n'y a pas là une solution à notre problème d'identifier les endroits pour fumer?

• (16 heures) •

M. Drolet (Marc) : Dans votre question, il y a plusieurs éléments. Vous avez mentionné l'article 55, nous, on souhaiterait l'exclusion totale de cet article pour des fins commerciales. Donc, c'est une chose, fumer dans les lieux publics... Ce qu'on sait très bien, avec l'alcool et le tabagisme, c'est que de voir les autres faire, c'est un incitatif important. Il y a une raison pourquoi on ne voit plus les gens à la télé caler une bouteille de bière, un verre de bière, on voit moins de choses. Alors, plus on voit ce qui se passe, plus c'est un incitatif important, donc c'est important que les gens ne soient pas à la vue et au su de tout le monde et que ça, ça ait un effet d'entraînement. Donc, ça, c'est une des bases de notre préoccupation, d'où la recommandation peut-être de faire un projet pilote, mais, encore là, il faut que ça soit mesuré et évalué dans sa réussite. Ceci étant dit, les salons, ça devient un peu un autre type d'incitatif à la consommation. Donc, la prudence, c'est ce qui prévaut dans notre cas, là.

M. Pagé : Bon. Au début de...

Une voix : ...

M. Pagé : Oui, allez-y, allez-y.

M. Bujold (Mario) : ...à ce qui a été dit en lien avec ce que vous demandiez aussi. En fait, ce n'est pas impossible qu'on puisse envisager qu'il y ait des lieux, dans une municipalité, si la municipalité détermine que c'est nécessaire que ces lieux-là existent, pour pouvoir fumer du cannabis à l'extérieur, mais il faut que ce soit bien encadré, tout ça, pour ne pas que ça devienne vraiment, là, une jungle...

M. Pagé : Absolument. Mais on s'entend...

M. Bujold (Mario) : Et c'est sûr que ce serait un moindre mal que de permettre de fumer partout sur la place publique.

M. Pagé : Voilà. Voilà.

M. Bujold (Mario) : On ne parle pas des lieux où le tabac est déjà interdit, mais les autres lieux. L'exemple de ce matin est probant : de se retrouver au parc La Fontaine ou dans un parc en train de prendre un pique-nique, puis les gens à côté fument du cannabis, ça ne devrait pas exister, ça ne devrait pas être souhaitable dans une société.

M. Pagé : Tandis que, si, à la limite, la ville de Montréal prévoit un endroit bien précis, au parc La Fontaine, où vous pouvez, dans un coin retiré, aller consommer et ensuite revenir à votre à votre table de pique-nique, je pense que, là, ça devient plus acceptable, et on est plus dans l'équilibre recherché dans ce projet de loi là. Quand vous avez dit moindre mal, moi, je parle plutôt d'équilibre, là, parce que c'est la recherche que nous recherchons, là, pour le projet de loi.

Votre proposition 9, vous y avez fait référence, là, l'article 55, j'y ai fait référence tantôt un peu en blaguant sur le sujet, parce que souvent nous parlons de cette vision différente des choses. Votre interprétation semble la même que la nôtre, c'est qu'elle permettrait... l'article 55 permettrait d'ouvrir, donc, à des projets pilotes pour vendre au privé, donc avec une notion à but lucratif, faire de l'argent avec ça. Vous, vous dites, bon, de suspendre la disposition de l'article 55 pour un minimum de trois ans. Est-ce que vous avez dit pour un minimum de trois ans parce que c'est le moindre mal, c'est la zone d'équilibre avec ce qui est proposé, ou bien vous souhaiteriez tout simplement qu'on l'élimine tout court, puis, de toute façon, on pourra revenir dans trois ans, dans cinq ans? La ministre nous dit souvent : Dans trois ans, je vais revoir la loi. On va changer de gouvernement, il peut arriver toutes sortes de choses, ça peut être dans un an, ça peut être dans cinq ans, peu importe, n'importe quel gouvernement qui voudra rouvrir la loi pourra le faire au moment qu'il le souhaite. Alors, à ce moment-là, ne souhaiteriez-vous pas ultimement qu'on dise plutôt : Retirons, abolissons, enlevons tout simplement l'article 55, et si, plus tard, on veut regarder autre chose, on pourra le regarder plus tard?

M. Drolet (Marc) : Notre perspective, c'est que c'est une ouverture sur quelque chose qu'on ne sait pas, dans un contexte où il y a énormément d'inconnu. On pensait que c'était une porte ouverte, et de suspendre, c'est une... Et peut-être que vous, en tant que législateur, vous aviez vu quelque chose dont on n'était pas au courant. Donc, c'est pour ça qu'on a mentionné la suspension plutôt que l'élimination. Cependant, il y a... et ça a été mentionné par les représentants du Barreau tout à l'heure, ils ont mentionné l'article 20, que nous... on n'avait pas aussi vu que ça, ça pouvait permettre un élargissement commercial, et il faut voir qu'est-ce qui va arriver avec ça. Donc, on n'est pas des législateurs, on vous propose ça, si c'est l'élimination ou la suspension, ce sera à vous de décider, cependant, l'élément commercial, pour nous, est préoccupant, on ne veut surtout pas banaliser, et je pense que c'est le voeu de la ministre.

M. Pagé : Donc, si le commercial est préoccupant, à but lucratif, aussi bien l'enlever.

M. Bujold (Mario) : Bien, c'est dans ce sens-là. J'allais ajouter en disant que, pour moi, cette possibilité-là, de permettre à l'entreprise privée de vendre du cannabis, va à l'encontre de l'objet même du projet de loi. On est contraire dans le principe parce que — puis ça a été dit ce matin, mais je me plais à le répéter — une entreprise privée qui ne ferait pas de profit ne voit pas son intérêt à vendre du cannabis, même dans le cadre d'un projet pilote. Donc, à mon avis, ça n'a pas sa place.

M. Pagé : O.K...

Le Président (M. Merlini) : Allez-y, je vous le permets.

M. Pagé : Votre recommandation deux, là, vous souhaitez que le conseil d'administration soit plus clairement identifié... de gens qui ont des compétences, entre autres. C'est exactement ce que nous avons dit au mois de septembre dernier, mais nous allons plus loin en disant qu'aussi le conseil d'administration devrait relever non pas du ministre des Finances, qui pourrait être tenté à certaines obligations de rendement, mais plutôt de la ministre de la Santé publique, qui a une vision totalement différente des choses. Ce croyez-vous pas que ça devrait être cela?

M. Bujold (Mario) : Tout à fait.

M. Pagé : Merci.

M. Drolet (Marc) : En fait, quand on avait présenté notre mémoire en septembre aux consultations publiques, puis on vous avait vus à ce moment-là, c'est ce qu'on recommandait, que l'institution soit pilotée par... mais on comprend que les compétences ne sont pas nécessairement là pour le déploiement commercial. Cependant, qu'il y ait un droit de regard, c'est très important. Je pense que le ministère de la Santé doit avoir une place importante là, oui.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. Drolet. Nous allons maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Borduas, vous avez six minutes pour vos échanges. À vous la parole.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. M. Drolet, M. Bujold, bonjour. Merci d'être présents aujourd'hui en commission parlementaire pour nous exposer votre mémoire. Écoutez, j'ai suivi la discussion tout à l'heure, qui était fort intéressante, et puis la ministre disait, pour baser son argumentaire : Au Québec, on est une société distincte. Ça fait que ce qui se passe aux États-Unis bien, c'est un pays complètement différent. Moi, je lui répondrais : Bien, à la base, on est tous des humains, et la consommation de substances, que ce soit de l'alcool, du tabac ou du cannabis, bien, ça a le même effet sur la population nord-américaine. Honnêtement, c'est comment est-ce qu'on est en contact avec la substance, comment on évolue, tout ça, mais, pour des exemples plus canadiens, puis c'est là que je vous rejoins... Écoutez, je vous donne l'exemple du Manitoba. Le Manitoba, il y a un article de Radio-Canada, là, du 5 décembre qui dit : «L'âge légal pour posséder, acheter ou consommer de la marijuana sera de 19 ans, a déclaré le gouvernement du Manitoba en prévision de la légalisation du cannabis prévue au Canada le 1er juillet 2018. "Le gouvernement travaille avec diligence et veut protéger tous les Manitobains", a déclaré la ministre de la Justice, Heather Stefanson.» Et là ça continue, mais on dit : «Bien que l'âge légal pour consommer de l'alcool au Manitoba soit de 18 ans dans la province, la ministre croit que celui pour consommer du cannabis doit être supérieur.» Et je la cite : «Nous avons des preuves scientifiques qui démontrent que le cannabis peut causer des dommages au cerveau. Nous voulons prendre la bonne décision pour la santé de nos jeunes.»

Alors, là, on a un exemple complet... bien, concret de droit comparé avec une province canadienne, où on voit que l'âge pour consommer du tabac, l'âge pour consommer de l'alcool ne sera pas le même que celui pour consommer du cannabis. Donc, je voulais vous entendre là-dessus, sur un comparable concret qu'on a au Canada.

M. Bujold (Mario) : Bien, c'est clair, pour moi, qu'il n'y a pas là une problématique grave, qu'on ait des âges différents, encore plus dans une perspective de transition, c'est-à-dire que, si notre objectif, c'est de revoir également l'âge légal pour acheter du tabac ou de l'alcool, c'est tout à fait pertinent et c'est très défendable aussi. Et, contrairement au tabac et à l'alcool, qui ont tout un historique, hein, légal de vente et toute une histoire avec des soubresauts, bien, le cannabis, on part de zéro. On a la possibilité de marquer dans le temps ce qui va se faire en termes de santé publique reliée au cannabis. Puis ce qu'on dit dans notre mémoire, là, c'est vraiment une occasion de passer d'une menace à la santé publique à une opportunité de faire des gains en termes de santé publique. Ce projet de loi là, il est là, il répond à ça et il offre vraiment ce potentiel-là, et, pour nous, c'est important. Et on ne voit pas pourquoi ça ne serait pas possible. Il n'y a pas... Je ne pense pas qu'il va y avoir un soulèvement populaire de ceux qui fument du pot si le gouvernement dit : C'est 21 ans parce qu'on a constaté qu'il y a plus de risques à le mettre à 18 ans.

• (16 h 10) •

M. Drolet (Marc) : J'aimerais ça ajouter quelque chose aussi. C'est que, dans une perspective stricte de santé publique, il y a des études clairement faites, puis je peux vous en citer une, The Lancet 2010, qui dit : «L'alcool, c'est la drogue la plus dangereuse.» Donc, 21 ans pour l'alcool, ça serait juste mieux. Même chose pour le tabac, on aimerait ça avoir le tabac à 21 ans, ça serait juste mieux. Le cannabis, pourquoi pas 21 ans aussi, ça serait juste mieux. Si, pour des raisons politiques, techniques ou autres, on ne peut pas avoir ça, alors soit, mais donnons-nous la porte ouverte d'aller plus loin puis de possiblement au moins entendre ces messages-là.

M. Jolin-Barrette : Mais ultimement c'est un choix politique qui est fait. Dans le fond, on est face à un choix de société, et là, ce qui semble être décidé par le gouvernement du Québec actuellement, c'est un choix politique de le fixer à 18 ans. Pour d'autres substances, supposons pour le tabac, en Ontario, vous avez mis un tableau, avec un exemple nord-américain, avec la Californie, bon, les États américains, mais, au Canada, on voit qu'en Ontario l'âge légal pour fumer une cigarette en Ontario pourrait être porté à 21 ans. Donc, à la suite des recommandations d'un comité directeur chargé de la modernisation de la stratégie Ontario sans fumée, ils réfléchissent à fixer ça à 21 ans pour la cigarette. L'alcool demeure à 19 ans. Même chose en Colombie-Britannique aussi, ils réfléchissent à fixer l'âge à 21 ans pour la consommation de tabac, et l'âge légal pour consommer de l'alcool, c'est 19 ans aussi.

Donc, des comparatifs canadiens, on fait une lutte contre le tabac. On dit aux gens depuis des décennies : Écoutez, la consommation de tabac, ça a des conséquences sur votre santé. Et là il y a des gouvernements provinciaux, des gouvernements qui sont des partenaires de la part... du gouvernement du Québec qui disent à leur population, suite aux études, peut-être devrions-nous hausser l'âge pour la consommation de tabac. Alors, je vais dans le sens où vous nous dites : Pourquoi ne pas fixer à 21 ans ou un peu plus tard la consommation de cannabis?

Outre ces arguments-là et les arguments au niveau de la prévention, comment est-ce qu'on fait pour sensibiliser les jeunes au niveau de la consommation de cannabis, de prévenir cette consommation-là pour ceux qui sont mineurs?

Le Président (M. Merlini) : En 30 secondes.

M. Bujold (Mario) : 30 secondes?

Le Président (M. Merlini) : 30 secondes.

M. Bujold (Mario) : En faisant beaucoup, en ne faisant pas que des campagnes d'information, mais en étant présents sur le terrain, en ayant des programmes, en ayant l'occasion d'avoir des échanges avec ces jeunes-là pour qu'ils comprennent bien les enjeux derrière la consommation de cannabis.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. Drolet et M. Bujold, représentants le Conseil québécois sur le tabac et la santé, de votre présence aujourd'hui et de votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends donc quelques minutes, et je demanderais à la direction de la santé publique du Québec à prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 13)

(Reprise à 16 h 21)

Le Président (M. Merlini) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons donc nos travaux après cette pause salutaire.

Nous recevons maintenant la direction de la santé publique du Québec. Vous êtes habitués aux commissions parlementaires. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation — je vous invite à présenter les gens qui vous accompagnent — et ensuite on procède aux échanges avec les membres de la commission. Bienvenue à la CSSS. La parole est à vous.

Directions de santé publique du Québec

Mme Loslier (Julie) : Merci, M. le Président, Mme la ministre, M. le sous-ministre et membres de la commission. On vous remercie de nous entendre. Donc, je me présente, je suis Julie Loslier, je suis la directrice de santé publique de la Montérégie. Je suis accompagnée du Dr François Desbiens, qui est directeur de santé publique de la Capitale-Nationale, et du Dr Richard Massé, qui est directeur de santé publique de Montréal. Donc, on va tenter de vous résumer, en quelques minutes, le mémoire qui a été cosigné par l'ensemble des directeurs régionaux de santé publique du Québec.

C'est la troisième fois qu'on se fait entendre dans le cadre de la légalisation du cannabis, et on tient d'abord à saluer les efforts qui ont été faits par le gouvernement pour que le projet de loi respecte les objectifs de prévention et de réduction des méfaits. On est tout à fait conscients que ça a dû représenter un travail colossal. Donc, sans repasser l'ensemble du projet de loi, on va tenter d'insister, dans les prochaines minutes, sur des éléments qui nous semblent davantage à surveiller pour s'assurer de garder le cap sur les objectifs santé.

Donc, commençons par quelques mots sur les pratiques commerciales. Selon nous, la Société québécoise du cannabis, c'est probablement la meilleure approche pour éviter le piège d'un marché avisé de croissance commerciale qui mènerait, selon nous, inévitablement vers une augmentation de la consommation. Et actuellement force est de constater que la pression de l'industrie du cannabis est forte, et que, de la même façon que ça a été fait par l'industrie du tabac, toute faille va être exploitée. C'est pour cette raison qu'il nous semblait essentiel d'éliminer absolument toute forme de promotion et de publicité.

Par exemple, on a été inquiets de voir que le projet de loi permet la publicité dans les journaux et les magazines dont au moins 85 % du lectorat est adulte. On peut comprendre que ça comprend environ tous les journaux qui sont largement distribués pour notre région, dans la grande région de Montréal, par exemple, le Journal Métro ou le 24 heures. Selon nous, cette publicité devrait être totalement interdite, comme ce l'est pour le tabac, ce qui a été gagné au terme de décennies d'efforts.

On sait que la pression de l'industrie va aussi être très forte pour que l'industrie du cannabis se dote d'une image de marque, ce qui est un puissant moteur commercial, particulièrement chez les jeunes. On réitère donc l'importance que le cannabis soit vendu dans un emballage sans couleur, sans logo et sans marque. Toujours en termes de promotion, une de nos plus grandes inquiétudes concerne les pratiques commerciales agressives qu'adopte actuellement l'industrie du cannabis médical. On est conscients que ce n'est pas l'objet du projet de loi actuel, mais ce marché croît à un rythme qui est effréné, et on peut se demander pour quelle raison, en quoi un médicament a besoin d'être vendu sous la forme d'un calendrier de l'avent ou de jujubes; on peut se poser la question.

En fait, les techniques marketing que cette industrie-là adopte sont extrêmement sophistiquées et ça contribue à glorifier le produit puis à le rendre plus attrayant aux yeux de tous. Il nous semble donc primordial qu'il y ait une cohérence quant aux restrictions pour le cannabis thérapeutique et non thérapeutique, encore une fois, pour éviter les effets pervers et sa banalisation.

En ce qui concerne la vente en ligne, on croit que c'est une bonne idée que la Société québécoise du cannabis soit responsable de la vente en ligne. Toutefois, ça va être un défi que l'information soit bien présentée dans un objectif de réduction des méfaits qui va être adapté aux consommateurs, tout comme ce sera fait finalement par les préposés qui seront en magasin. Pour y arriver, on recommande que le site soit développé avec un haut niveau de personnalisation des transactions, avec des informations, des conseils de prévention qui sont adaptés au profil des consommateurs. On sait qu'il y a des avancées technologiques en intelligence artificielle qui nous permettent de faire ce genre de choses, puis on devrait y consentir les ressources. En ce sens, on propose donc d'inclure cet aspect dans l'appel d'offres du gouvernement.

On comprend aussi l'intérêt de laisser la porte ouverte à des projets pilotes pour éventuellement tester d'autres formes de distribution, mais avec un «mais», c'est-à-dire qu'il ne faut pas oublier qu'on amorce un tout nouveau marché, on n'a jamais connu ça, et que chaque pas devra être rigoureusement évalué. Pour cette raison, on suggère de retarder l'amorce des projets pilotes jusqu'à ce que le réseau étatique de distribution soit suffisamment implanté et que tous y aient accès, pour qu'on puisse avoir évalué l'impact populationnel de ce réseau de distribution de la SQC sur la consommation, sur la norme sociale, par exemple. On pense qu'une mixité des modes de distribution en début de processus créerait de la confusion puis pourrait venir teinter les résultats de l'évaluation. De plus, s'il y a des projets pilotes qui sont mis en place, ils ne devront pas permettre aux producteurs de vendre, ce qu'on appelle l'intégration verticale. Ils ne devront pas non plus permettre le franchisage, donc l'intégration horizontale, et ils devront être soumis aux mêmes règles que la SQC, notamment en termes de formation du personnel ou en termes de promotion. Finalement, toujours en lien avec les projets pilotes, tout comme pour la SQC, il devrait y avoir une évaluation rigoureuse qui sera faite de ces projets-là sur la base de critères bien établis, et c'est un mandat qu'on propose de donner au comité de vigilance.

Quelques autres préoccupations en rafale pour les minutes qui me restent. D'abord, le projet de loi mentionne que le premier conseil d'administration de la Société québécoise du cannabis devra comprendre une expertise en santé publique, en toxicomanie, et en intervention auprès des jeunes. On croit que les conseils d'administration ultérieurs devraient maintenir cette expertise pour maximiser les chances de maintenir à long terme la perspective initiale de protection de la santé.

En ce qui concerne les produits comestibles ou autres produits dérivés, on suggère de retarder le plus possible leur commercialisation, du moins jusqu'à ce qu'on ait plus de données sur leurs effets et sur la sécurité de leur utilisation.

Dans un tout autre ordre d'idées, on a été bien heureux de constater la création d'un fonds de prévention et de recherche. Les besoins vont être grands en ressources, tant pour les directions de santé publique que pour les autres partenaires. À cet effet, on souhaite souligner l'importance que ces fonds demeurent en prévention et qu'ils ne soient pas dirigés vers les services curatifs qui sont, eux, bien couverts par le nouveau plan interministériel en dépendance.

On souhaite aussi souligner que la création du comité de vigilance nous semble une excellente mesure, et il nous apparaît essentiel que l'ensemble des rapports et des avis du comité puisse être rendu public.

En ce qui concerne les lieux de consommation, évidemment, on en entend de plus en plus parler, on entend parler de municipalités qui souhaitent interdire la consommation dans les lieux publics. À cet égard, il y a selon nous un risque de confusion et d'inéquité pour les citoyens avec ce genre de latitude quant à la consommation dans les lieux publics. La loi sur le cannabis en termes de lieu de consommation devrait, selon nous, être conforme à celle adoptée pour le tabac et déterminée par une réglementation dont l'essentiel devrait être enchâssé dans le présent projet de loi.

Finalement, on réitère notre position en faveur d'un âge légal de 18 ans pour rejoindre les principaux consommateurs actuels et pour être cohérents dans nos messages de prévention avec les autres produits de consommation.

En conclusion, vous arrivez au terme de plusieurs journées d'audition, et je suis certaine que les gens qui se sont présentés devant vous avaient plusieurs objectifs qui différaient un et l'autre. Je veux vous rappeler que pour les directeurs régionaux de santé publique, l'objectif premier, c'est de promouvoir et de protéger la santé de la population. Nous croyons qu'il est possible de maintenir le cap sur la santé avec l'actuel projet de loi. Mais les expériences montrent que l'équilibre est fragile et que le risque de banalisation et d'augmentation de la consommation est bien présent. On réitère donc notre appui à une approche qui est teintée de prudence et qui progresse au rythme des données d'évaluation et de recherche qui devront être rigoureuses. Merci.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Dre Loslier pour la présentation de votre mémoire. Nous allons débuter immédiatement les périodes d'échange avec les parlementaires. Mme la ministre, députée de Soulanges, vous disposez de 15 minutes. À vous la parole.

Mme Charlebois : Merci. Merci, Dre Loslier, Dr Desbiens et Dr Massé d'être ici et de nous faire part des priorités de l'ensemble des directeurs de la santé publique, les directeurs régionaux de santé publique. C'est fort important. Écoutez, vous avez entendu le débat sur l'âge légal de consommer. Je n'irai pas là-dedans. Vous avez établi 18 ans, puis j'adhère à cette position-là. Vous avez entendu mes positions. Vous savez les positions de d'autres partis. Ceci étant dit, je pense qu'on a fait nos points, puis quand même qu'on en parlerait encore trois heures, je pense que tout le monde a les mêmes arguments d'un bord ou de l'autre. Ça fait que je pense qu'on a fait le point là-dessus. On va passer à d'autres sujets.

Vous nous avez fait part... Je vais y aller par les lieux publics. Je vais commencer par la fin de votre mémoire. Vous nous recommandez de faire une interdiction, genre, comme pour la consommation du tabac. Ce que nous proposons dans le projet de loi, c'est «tabac plus», parce qu'on a ajouté les terrains, campus universitaires et des collèges. Cependant, je pense qu'avec les municipalités nous pourrions avoir des discussions, et ils ont un champ de compétence, eux, en fonction de leurs compétences, parce que ce sont des élus aussi, où ils pourraient encore restreindre davantage dans certains lieux publics de leurs municipalités. Qu'en pensez-vous?

• (16 h 30) •

Mme Loslier (Julie) : En fait, d'abord dire qu'on adhère au «tabac plus», le plus est important ici, effectivement. Pour répondre au reste de votre question, je vais laisser le Dr Desbiens.

M. Desbiens (François) : Bien, on adhère au «tabac plus». Puis pourquoi ne pas laisser la possibilité aux municipalités, c'est pour avoir une approche harmonisée qui ferait en sorte qu'un citoyen qui demeure à Lévis ou qui demeure à Québec, bien, il se promène d'un endroit à l'autre puis, pour faciliter sa compréhension d'où il peut utiliser le cannabis puis son application, puis un élément d'équité, on trouve que ça devrait être normalisé par la loi actuelle, par sa réglementation. Ainsi, ce serait uniformisé et ce serait beaucoup plus facile de compréhension pour le citoyen et aussi pour l'application par les corps policiers ou les autres inspecteurs qui devraient faire respecter la législation. On pense qu'en termes d'équité entre les choses, on pense que, par rapport aux lieux de vente, les municipalités devraient avoir une capacité réglementaire.

Votre question était sur les lieux de consommation...

Mme Charlebois : Oui, mais quand même, c'est bon.

M. Desbiens (François) : Mais on pense que... sur les lieux de vente, notre mémoire mentionne qu'à ce moment-là il y a une lecture pour chacune des municipalités par rapport à la proximité des écoles ou autres infrastructures municipales, ou scolaires, ou de loisirs, qu'il devrait y avoir un choix municipal là-dedans. Ils pourraient être guidés par une réglementation souple qui donne des possibilités d'ajustement dans chacune des villes concernées. Mais pour les lieux de consommation, à l'instar du tabac, on pense que ça devrait être normalisé provincialement par la loi actuelle.

Mme Charlebois : Est-ce que, si on normalise par la loi provinciale, «tabac plus», ça vous convient? Parce que vous comprenez qu'il reste des lieux publics où ce sera possible de consommer du cannabis.

M. Desbiens (François) : Bien, si la loi prévoit que c'est légal de consommer, il faut qu'il y ait des lieux de consommation. Puis il ne faut pas que ces lieux de consommation là soient, je dirais, tellement restrictifs qu'il n'y aura pas de consommation ou, s'il y en a, ça sera continuellement hors légal, là, illégal, excusez l'expression, ou ce sera dans des lieux où on ne veut pas que ça fume, comme des fumoirs.

Mais on est très heureux, nous, comme directeurs de santé publique, qu'on ne fume plus dans des lieux publics ou des salles de rencontre. En 1985, quand j'ai commencé à travailler, il y avait cinq fumeurs dans une pièce, puis tout le monde fumait. Mais, si on a des fumoirs pour le cannabis qui se fume, bien, pourquoi que les gens qui fument du tabac ne pourraient pas recommencer à fumer dans des fumoirs? Je veux dire, on pense qu'il y a là une congruence pour les lieux fermés. Pour les lieux publics, bien, on ne pense pas que l'analogie à l'alcool devrait s'appliquer, parce que, si on interdit de fumer du cannabis dans des lieux publics, à l'instar de l'alcool, puis que des propriétaires peuvent interdire de fumer dans les logements locatifs, bien, les jeunes qui sont principalement les fumeurs entre 15 et 24, 25 ans, qui sont principalement des locataires, s'ils ne sont pas chez eux, ils vont faire quoi, là, quand... Ils vont fumer où, là?

Ça fait que je ne dis pas ça parce que je veux les encourager à fumer, mais, si c'est légal, il y a quelque chose qui...

Mme Charlebois : D'incohérent.

M. Desbiens (François) : Minimalement, on doit permettre que ça puisse se réaliser correctement, à moindre mal, à moindres conséquences.

Mme Charlebois : Et, à mon sens, c'est là qu'il y a un danger de banalisation, parce qu'ils vont être tellement tout le temps dans l'illégalité qu'il n'y aura plus d'intervention pour les empêcher, parce que, s'ils n'ont plus de lieux puis... Bon, en tout cas, moi, c'est comme ça que je le vois. Ça fait qu'à un moment donné on va tomber dans la... C'est interdit en ce moment, puis Dieu sait qu'on en sent parfois.

Je vous ai entendu parler des salons... bien, des restaurants, mais il reste des salons de cigares, le tabac, incluant les chichas. Vous savez qu'actuellement il en reste 22 dans tout le Québec, hein? Est-ce que vous voyez d'un bon oeil... Moi, je vais vous dire comment je vois ça puis... Bien, je vous le dirai après. Est-ce que vous voyez d'un bon oeil d'instaurer des salons de cannabis? Moi, bien, je vais vous le dire tout de suite, à mon sens, c'est comme de remettre en place tout ce qu'on est en train de démanteler. Il en reste juste 22. Il y en avait beaucoup plus que ça lors de la première Loi sur le tabac que M. Rochon avait établie, si je ne m'abuse, en 1998. Est-ce qu'on va être en train de remettre en place un modèle qu'on a réussi à presque éliminer? Là on s'en va vers ça, là.

M. Desbiens (François) : ...de poursuivre la discussion avec vous, Mme la ministre.

M. Massé (Richard) : Certainement pas, Mme la ministre. On a vécu avec un anachronisme qu'on essayait de contrôler, pour lequel on vit avec une image du passé, qui n'est pas vraiment fructueux. Donc, pour nous, les salons de chicha, c'est plutôt un problème, ce n'est pas une solution. Et puis de rajouter le cannabis par-dessus ça, là, dans le fond, pourquoi ne pas étendre au tabac aussi puis pourquoi... Dans le fond, là, on remet en question une longue lutte pour être capable d'avoir des endroits qui sont bien, bien établis, qui ne sont pas problématiques comme ces cafés-là. Puis on n'est pas les seuls. En Europe aussi, ils ont remis en question un peu ce genre de pratiques là. Donc, je pense qu'on doit effectivement ne pas aller dans le sens de permettre qu'il y ait des salons ou des cafés qui deviennent des fumoirs.

Puis, pour ce qui est des lieux publics, il faut qu'il y ait des endroits où est-ce que les gens puissent fumer. Il faut peut-être qu'il y ait des endroits où est-ce que les gens ne puissent pas fumer puis qu'on donne, le gouvernement avec les municipalités, la possibilité de dire que, s'il y a des endroits qui sont protégés, il y a des moments qui pourraient être protégés, et ça, ça se décide en commun. Je vois très bien une collaboration qui pourrait bien s'installer, qui pourrait être fructueuse pour aider les citoyens à se retrouver dans ce méli-mélo, parce qu'on pourrait se retrouver dans un mélange de toutes sortes de choses qui va être non gérable.

Mme Charlebois : Parce qu'il y a des municipalités en ce moment qui sont plus restrictives sur le tabac que le gouvernement l'est, là, à ma connaissance en tout cas.

M. Massé (Richard) : Oui, mais la Loi sur le tabac est assez explicite actuellement qu'elle a relativement normalisé les choses, ce qui était beaucoup plus variable avant, puisque c'était les municipalités qui avaient vraiment pris l'initiative. Je pense que maintenant le gouvernement québécois et les autres provinces canadiennes ont pris l'initiative qui évite justement cette disparité très grande.

Mme Charlebois : C'est ça, puis, à mon sens, de mettre les mêmes lieux pour le tabac que pour le cannabis, ça va être clair dans la tête des Québécois où c'est possible, où ce n'est pas possible.

M. Massé (Richard) : Tout à fait.

Mme Charlebois : Il ne reste pas tant de places que ça où ce sera possible là.

M. Massé (Richard) : Ce qui n'est pas le cas avec l'alcool. Si on prenait une approche alcool qu'on sait qui est préconisée, cette approche-là est vraiment différente. Elle est, en fait, inversée, lieux publics, privés et pose vraiment d'autres enjeux, d'autres problèmes.

Mme Charlebois : Je vais vous amener sur la possession personnelle du cannabis. On a choisi, dans le projet de loi n° 157, de mettre les mêmes quantités que le cannabis thérapeutique, puis c'est clair que, si je dis 30 grammes de cannabis séché, ce n'est pas la même quantité pour le cannabis frais, les huiles, etc., mais c'est tous des comparables, là. Évidemment, vous connaissez assez bien ça.

Est-ce que vous croyez qu'on a fait un bon choix que de prendre les mêmes quantités qui sont permises pour le cannabis thérapeutique pour un citoyen que pour le cannabis non thérapeutique? Puis je l'appelle non thérapeutique à escient, vous le remarquez, parce que je ne veux pas utiliser l'autre mot. Je trouve que ça banalise, l'autre mot.

M. Massé (Richard) : Bien, écoutez, 30 grammes, c'est déjà une quantité relativement importante, donc on pense que c'est certainement acceptable. Maintenant, pourquoi faire des mesures différentes? Là, il n'y a pas une donnée qui nous permet de dire que c'est la bonne mesure. Mais, 30 grammes, c'est reconnu à beaucoup d'endroits, ça permet la consommation d'une personne amplement, on pourrait dire, là. Donc, on pense que c'est tout à fait acceptable.

J'en profiterais pour déborder un peu, pour dire, une de nos préoccupations, c'est que, du côté du cannabis thérapeutique, on voit qu'il y a des enjeux de marketing qui ne sont pas sur le même piédestal du tout que le cannabis non thérapeutique. Ça nous inquiète vraiment parce qu'on voit des stratégies de marketing qui sont nettement dangereuses et qui pourraient être un glissement. Puis on a vu, au Colorado, un glissement entre thérapeutique, non thérapeutique. Donc, il faut faire bien attention et probablement faire des recommandations au gouvernement fédéral, parce que là ça implique un autre niveau de gouvernement, pour être sûrs qu'on ne va pas permettre ce marketing, je vais l'appeler débridé, excusez-moi, du cannabis thérapeutique.

Mme Charlebois : Mais vous avez tout à fait raison, et j'aurai besoin d'appui quand j'aurai des recommandations à faire ou, en tout cas, des commentaires à faire au gouvernement fédéral, parce qu'on a entendu hier, puis je l'avais déjà entendu, il y a des promotions pour des quantités, puis, en tout cas, bref, ce n'est pas ce qu'on souhaite au Québec. Ça n'arrivera pas à la Société québécoise du cannabis. Ce ne sera pas ni la quantité, ni le... non, non. Le but, ce n'est pas d'augmenter le marché, là, c'est de ramener les gens du marché illicite vers un marché licite, mais pas d'en faire la promotion pour en vendre plus, là. Au contraire, comme je le disais, la Société québécoise du cannabis ne va pas être jugée sur sa performance à vendre, elle va être jugée sur sa performance comment elle fait les choses, puis comment on informe les gens, puis comment on sera jugés aussi dans l'ensemble du gouvernement pour dire comment on fait notre prévention, puis etc.

Côté publicité, je vous ai entendus, puis ça m'a interpelée. Vous avez vu, je me suis revirée, j'ai posé des questions. Ça m'a titillée. J'ai dit : Mon Dieu! je n'ai pas vu ça passer. À l'article 46, vous m'avez parlé, Dre Loslier, de la publicité, là, pour 85 % des lecteurs majeurs puis là vous m'avez dit : Même le Journal Métro pourrait... Là, ça m'a fait... Qu'est-ce que c'est ça? Et je vous ramène à l'article 46, parce qu'il y a différents articles, jusqu'à l'article 8a, là, qui donnent d'autres restrictions, bon, qui associent directement ou indirectement... C'est interdit d'associer ça, l'usage du cannabis ou un accessoire à un style de vie. Destiner aux mineurs, c'est interdit, fait de manière trompeuse...

Bref, ça s'apparente beaucoup à ce qu'on fait déjà pour le tabac, mais je vois, là, que, dans les journaux et magazines écrits de moins... Bref, c'est un article qui s'apparente beaucoup à ce qu'on fait déjà dans le tabac. Où vous voudriez nous voir préciser ça? Parce qu'il y a beaucoup d'interdictions jusqu'à 8 qui fait en sorte que ce n'est à peu près pas possible. Nous autres, ce qu'on souhaite, c'est de l'information, pas de la publicité de vente, là.

• (16 h 40) •

Mme Loslier (Julie) : En fait, si je ne me trompe pas, toute information est interdite en ce moment pour le tabac. Il me semble que, selon le projet de loi actuel, il y a une permissivité quand même qui est plus grande. Vous maîtrisez probablement mieux que moi tous les différents articles, mais ce qu'on dit, c'est que toute publicité, que ça soit de l'information, que ça soit... En ce moment, comme c'est là, il n'y a rien qui empêcherait une pleine page sur le cannabis. Tout ça, c'est des rappels à la substance et ça nous semble être dangereux. Est-ce que j'ai mal compris par rapport au tabac? Mais ça nous semblait quand même, d'un point de vue de permissivité, plus grand que ce qu'il y a actuellement pour le tabac.

M. Massé (Richard) : Si je peux me permettre, pour le tabac, ça a été une longue lutte pour arriver à dire qu'on interdit toute publicité pour le tabac. Et là on voit comme une ouverture potentielle, limitée, mais quand même qui est potentielle, qui nous apparaît importante, parce que le 85 % de population adulte, ça peut être beaucoup, beaucoup de journaux, et là des restrictions, des restrictions, des restrictions après, que vous mentionnez, pour essayer de dire : Bien oui, on permet, mais, dans le fond, on permet moins, puis on permet moins, puis on permet moins. L'approche «tabac plus»... pourquoi ne pas dire : On interdit toute publicité pour les produits du cannabis? Et, comme je dis, on est arrivés à ça au tabac puis il me semble que c'est une approche qui est logique, qui est fructueuse. On aurait pensé, on pense, que ça serait une approche qui serait probablement plus claire.

Mme Charlebois : Je vous entends puis je vous le dis, je vous écoute, là, ça m'interpelle. La seule chose que... Tu sais, parce que c'est un phénomène nouveau qu'est la légalisation, puis on a... Ce n'est pas comme le tabac, qu'on a été informés, il y a 8 000 substances chimiques dans chaque cigarette. En tout cas, tu sais, mais on n'a pas ça, là, avec le cannabis. On est au début de l'apprentissage.

Tu sais, comme je disais à des gens hier, moi, adolescente, mon père me disait : Ne fume pas, ce n'est pas bon, mais il y avait le cendrier plein à côté de lui, puis il fumait comme un engin, puis il ne le faisait pas pour mal faire. C'était comme ça à l'époque. Mais, quand j'ai commencé à apprendre tout ce qu'il y avait là-dedans puis pourquoi ce n'était pas bon de fumer, là, ça m'a donné les munitions pour arrêter, honnêtement. Bien, c'est un peu ça aussi que, dans ma tête, je voyais pour le cannabis. Je trouve qu'on manque d'informer la population, et c'est ce que moi, je voyais comme, tu sais, donner des renseignements factuels, mais peut-être qu'il faudrait formuler ça différemment. Dr Massé...

M. Massé (Richard) : On est tellement contents qu'il y ait de l'information qui doive être passée au public et puis les publics cibles. Et puis vous avez tout à fait raison, c'est essentiel, mais on ne pense pas que c'est aux entreprises à faire cette chose-là. On pense que c'est au gouvernement et puis aux organismes qui ont le mandat de prévention.

Le danger, c'est que les organismes qui vont faire ça, ils vont le faire avec d'autres objectifs qui sont les vôtres, qui sont essentiellement à la fois de rendre licite ce qui est illicite, mais aussi d'avoir un marché contrôlé et de passer des messages de prévention ciblés aux personnes. Donc là, en laissant ça aux entreprises, cette responsabilité-là, d'après moi, il y a un glissement là qui nous apparaît fort dangereux.

Mme Charlebois : En fait, ce n'est pas aux entreprises, c'est à la société québécoise. O.K. On en reparlera.

Le Président (M. Merlini) : Merci, Mme la ministre. Malheureusement, votre temps est écoulé. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de Labelle, vous avez un bloc de neuf minutes. À vous la parole.

M. Pagé : Merci, M. le Président. Merci pour votre réflexion, votre mémoire. Il y a beaucoup de choses là-dedans. Bon, vous abordez, dans la première partie, promotion, publicité, emballage, tout le volet aussi du site de la SQC, parce que je pense que vous êtes d'accord avec le fait que quelqu'un qui devrait acheter en ligne devrait s'approvisionner à la Société québécoise du cannabis. C'est bien cela?

Mme Loslier (Julie) : Oui.

M. Pagé : Oui, O.K. Bon, là, maintenant, vous savez qu'on a un problème, parce que, bon, la loi prévoit qu'on puisse acheter à la Société québécoise du cannabis en ligne. La loi prévoit aussi, à l'article 21, que «quiconque contrevient aux dispositions du premier alinéa commet une infraction et est passible d'une amende de 5 000 à 500 000 $. En cas de récidive...» Ça, c'est pour des gens qui vendraient à quelqu'un qui veut consommer, mais qui n'est pas la SQC. Sauf qu'il y a un problème, si la personne veut acheter mais que l'entreprise est hors Québec, parce qu'on ne pourra pas faire appliquer la loi québécoise à une entreprise de la Colombie-Britannique.

Alors, moi, j'invite bien amicalement... parce que la ministre a dit tantôt qu'elle va parler encore à son homologue fédéral afin de bonifier la loi fédérale. Il faudrait que le fédéral inscrive dans sa propre loi que quiconque vendrait à un Québécois, ou un Ontarien si la même loi s'applique en Ontario, mais quiconque vendrait hors Québec, qu'il serait passible aussi d'une amende, d'interdire. En fait, ils perdraient même leur permis. Je pense qu'il faut qu'on en arrive à cela, parce que sinon, ça voudrait dire que les Québécois ne pourraient pas s'approvisionner au Québec autrement qu'à la SQC, mais hors Québec, ça serait facile de le faire. Alors, je pense qu'il y a un vide là, là, sur lequel il faut combler.

Par contre, là où je veux vous amener... Mon problème dans tout ça, c'est que quelqu'un qui peut acheter, recevoir dans sa boîte aux lettres n'aura jamais de contact avec un conseiller. Je ne les appelle pas les vendeurs, dans la Société québécoise du cannabis, je les appelle les conseillers, qui vont pouvoir à la fois faire de la prévention.

Quelle est la solution, selon vous, pour justement qu'il y ait un contact personne à personne, pour que... Moi, je dis, la personne devrait commander en ligne, mais aller chercher à un comptoir, mais des comptoirs, il n'y en aura pas partout. Alors, on a soulevé : est-ce que ça pourrait être dans les pharmacies, par exemple? Quelle est la solution? Ou bien, si vous me dites : Bien non, il peut le recevoir dans sa boîte aux lettres... et ça sera le facteur qui va faire la prévention, quoi? Alors, comment on joue ça, cet aspect-là?

Mme Loslier (Julie) : Bien, d'abord, je pense qu'il faut faire attention avec la question de la boîte aux lettres, hein, pour vérifier que la personne qui reçoit le cannabis est bien majeure et répond bien à l'identité de celle qui l'a acheté. Il faut qu'il y ait une certaine vérification. Donc, pour le facteur, il faut être prudent.

Pour ce qui est de la vente en ligne, vous avez raison de dire qu'on appuyait la vente en ligne par la SQC. Actuellement, l'Internet, c'est la principale source d'information et de consommation, surtout chez les jeunes, qui sont nos plus grands consommateurs. Et ce qu'on sait de plus en plus, c'est que les modèles de communication virtuelle qui sont basés sur des algorithmes d'intelligence artificielle, qui peuvent interagir avec le consommateur, c'est de plus en plus exploité pour certains troubles du comportement, entre autres, qu'on parle... on peut penser à la cyberdépendance. On pense que c'est une avenue qui est intéressante et qui devrait être exploitée pour le cannabis, donc de développer des algorithmes qui permettent à l'acheteur de rentrer certaines informations sur son profil de consommation et de recevoir des conseils personnalisés, tout comme ça va être fait avec des préposés en magasin.

Donc, c'est pour ça qu'on pense que dans l'appel d'offres pour le développement du site Internet, il devrait y avoir des experts qui possèdent cette expérience-là en algorithmes d'intelligence artificielle et des experts de santé publique pour les bons conseils de prévention.

M. Pagé : Je comprends bien ce que vous dites et, oui, j'achète ça, mais mon problème, c'est que, si on peut s'approvisionner aisément n'importe où à travers le Canada, là, j'ai un autre problème, parce que je ne suis pas sûr que les autres sites qui vont être fabriqués... ou si c'est carrément un distributeur, un producteur qui peut vendre directement à un citoyen québécois, là, j'ai un problème important. Donc, il faut que le fédéral, obligatoirement, interdise, quand une province le demande, interdise, sous peine de perdre son permis de production, à un producteur de la Colombie-Britannique de vendre à un Québécois qui veut acheter. Si on a cela dans la loi fédérale, on va contrôler plus l'achat en ligne, que les Québécois achètent au Québec, donc à la SQC.

Mme Loslier (Julie) : Tout à fait.

M. Pagé : Il faut absolument faire quelque chose du genre.

Mme Loslier (Julie) : Je vous appuie tout à fait.

• (16 h 50) •

M. Pagé : O.K., on s'entend là-dessus. Bon, le projet pilote, juste avant vous, les gens sont venus dire : Bien, pas avant trois ans et même, peut-être même, idéalement, pas du tout. Mais bon, je ne veux pas leur mettre des mots dans la bouche, mais je pense qu'on n'était pas loin de cela. À tout le moins, pas avant trois ans.

Vous, vous apportez une nuance, pas avant qu'il y en ait 50. Mais 50, le déploiement... bon, l'Ontario est pris avec la même situation, puis je pense qu'ils vont en avoir, c'est 40 dès le 1er juillet. Au Québec, il y en aura 15, mais le déploiement peut se faire très, très rapidement, là. 50, est-ce qu'on va l'avoir atteint dans 12 mois, dans 24, dans 36? Je pense que ça va se faire très rapidement. Le 50, moi, j'aimais mieux l'idée, dans le compromis, dans la recherche d'équilibre, de dire : Bien, trois ans, au moins, on a un laps de temps et on peut vraiment ensuite observer comment les choses se passent.

Alors, j'essaie de comprendre pourquoi votre 50 au lieu de se donner vraiment un laps de temps. Tant qu'à moi, ça ne devrait pas exister, à tout le moins à court terme, pour minimalement les cinq premières années, mais bon, déjà avec le trois ans, je trouvais ça pas si mal. Mais pourquoi avoir choisi le 50? Parce que, je ne sais pas, si vous connaissez le déploiement des 50, ça va se faire en combien de temps, là, mais... Puis encore là, aussitôt qu'on déploie les 50, on n'aura pas l'expertise. On n'aura pas pu observer les comportements, parce que les 50, quand ils vont être déployés, le temps qu'on puisse voir le profil des consommateurs et tout le reste, alors...

M. Desbiens (François) : C'est une très bonne question puis demandez-nous pas les évidences scientifiques pour justifier le 50, O.K.?

M. Pagé : Justement, je voulais vous demander...

M. Desbiens (François) : Parce qu'il n'y en a pas vraiment. Notre position, c'est de dire que les projets pilotes ne doivent pas empêcher la SQC de s'installer comme il faut et de faire son offre de service, avec des gens qui vont être formés adéquatement, pour bien conseiller les gens, puis passer les messages de prévention, puis pour faire une offre de service.

On dit, par ailleurs, quand on regarde d'autres sociétés, d'autres États qui ont commercialisé le cannabis, il y a des OBNL, il y a des coopératives. Disons qu'on peut comprendre que le projet gouvernemental du projet de loi, d'avoir des projets pilotes, pourrait faire en sorte de tester des projets pilotes qui n'auraient pas la philosophie de commercial, de faire en sorte de faire des profits et qui seraient aussi contributives à offrir des produits dans une stratégie d'informer les consommateurs, pour qu'on ait moins de consommateurs à terme.

Donc, quand on a discuté entre nous, on a fait consensus sur un 50, mais ce qu'on veut, c'est que la SQC puisse s'installer comme il faut le plus vite possible, puis 15 qui est prévu, mais 15, ça ne couvre pas grand place, ça, là, là, au niveau du Québec, là. Je ne sais pas s'il va y en avoir un à Baie-Comeau, s'il va y en avoir à Val-d'Or, s'il va y en avoir un à Amqui ou à... Donc, on disait : Il faudrait qu'il y en ait plus avant qu'on puisse penser au projet pilote, mais on partageait l'opinion des gens qui ont passé avant nous ici au micro, il faut que la SQC puisse s'installer comme il faut. Les projets pilotes ne sont pas la solution. C'est la SQC puis ses points de vente qui vont être la solution, parce qu'on va avoir une offre de service qui va encadrer, qui va passer des messages de prévention, mais les projets pilotes pourraient tester des choses, comme des coopératives de consommateurs, des OBNL, qui n'ont pas une philosophie de marché, de profits puis qui pourraient compléter par la suite.

Mme Loslier (Julie) : Puis peut-être compléter en disant qu'il va y avoir des délais qui vont être imposés par notre recommandation de bien évaluer la distribution, l'impact de la distribution étatique avant d'aller vers des projets pilotes.

M. Desbiens (François) : Mais ce qui est le plus important, c'est que, si on s'en va dans des projets pilotes, puis notre mémoire le mentionne, puis Dre Loslier l'a mentionné, il faut éviter l'intégration verticale. On va avoir des producteurs qui vont avoir des projets pilotes... ou l'intégration horizontale, où on va avoir des franchisés qui vont faire en sorte qu'à ce moment-là il y a aussi une recherche de profits, une recherche de rentabilité, d'optimisation dans toutes les choses. Et la fidélité d'avoir des consommateurs puis de les maintenir fidèles, bien là, ça va aller à l'encontre d'une approche de santé publique.

M. Pagé : J'imagine que vous...

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le député de Labelle. Malheureusement, votre temps est écoulé. Nous allons maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Repentigny, vous disposez de six minutes. À vous la parole.

Mme Lavallée : Merci beaucoup. Merci d'être là.

On parle de santé publique, puis santé publique, que ce soit aux États-Unis, ou que ça soit au Canada, ou au Québec, c'est de la santé publique. Donc, c'est une préoccupation qu'on doit avoir. Le groupe qui est venu avant vous nous ont donné un tableau où on voit que sept États américains ont établi l'âge légal pour consommer du cannabis à 21 ans, dont la Californie, qui est quand même un État qui est réputé pour être assez avant-gardiste. Et il y a quatre États qui ont décidé, dans un souci de santé publique, de réviser même l'âge pour consommer du tabac, donc de ramener ça à 21 ans, alors que ça avait été 18 ans, puis encore là, l'État de la Californie est là-dedans, et Washington a un projet de loi où ils sont en train de rehausser l'âge où on peut accéder au tabac.

Tout à l'heure, mon collègue a parlé de la Colombie-Britannique et l'Ontario qui pensent rehausser l'âge pour acheter du tabac, l'âge légal, à 21 ans. Donc, on a eu des problématiques avec le tabac, où l'âge légal était 18 ans, et là aujourd'hui on se dit : Mais, avec toutes les campagnes antitabac qu'on a mis en place, parce qu'on s'est rendu compte qu'il y avait des dommages causés par le tabac, on réfléchit à rehausser ces âges-là.

Donc, où je me questionne, c'est que là on est devant un phénomène où on veut légaliser le cannabis, où on n'a pas encore de rapport qui nous dit les conséquences de ça. Il n'y a personne qui est capable de nous le dire, puis là on se questionne, à savoir : Est-ce qu'on met ça à 18 ans ou 21 ans? Puis mon questionnement à moi, c'est de dire : Est-ce qu'on ne serait pas mieux d'y aller sur la ligne dure, quitte à réviser lorsqu'on aura des rapports auxquels on pourra accéder pour nous rassurer? Comme on est en train de se repositionner sur l'âge pour le tabac, j'ai de la misère à comprendre que, lorsqu'on a un souci de santé publique, on n'ait pas cette préoccupation, alors qu'on ne sait pas dans quoi on s'embarque.

Ne pensez-vous pas qu'on devrait avoir à adopter la ligne dure, quitte à revenir un petit peu en arrière?

Mme Loslier (Julie) : Merci de votre question. En fait, vous avez raison de dire que les principes de santé publique, qu'on soit au Canada ou aux États-Unis, sont les mêmes. Un des principes qui est à la base du projet de loi, c'est la réduction des méfaits. C'est de dire qu'actuellement, dans un régime de prohibition les consommateurs ont plus de méfaits que ça le sera avec un produit licite, où on pourra contrôler la qualité, où on pourra donner des conseils de prévention, on pourra faire de la recherche. Actuellement, mettre l'âge à 21 ans, ça revient à dire : Nos objectifs de santé publique, derrière le bien-fondé même de la légalisation, on empêche les 18-21 ans d'y avoir accès et on les garde dans le marché illicite.

Donc, ce qu'on dit, ce n'est pas que c'est une bonne chose de consommer avant 21 ans. Ce qu'on dit, c'est que les gens consomment déjà, bien avant 18 ans, même, hein? Les gens, que ce soit pour le cannabis ou pour l'alcool, consomment avant 18 ans, même si c'est interdit. Ce qu'on dit, c'est qu'on devrait permettre d'avoir accès à une substance mieux contrôlée à notre plus grande population de consommateurs.

Mme Lavallée : Mais alors qu'on réfléchit sur la possibilité de donner accès au tabac à l'âge de 21 ans, alors qu'on a légalisé ça à 18 ans auparavant... Ici, c'est encore 18 ans. Mais les dommages sur la santé ont fait en sorte que des provinces se questionnent sur le fait de rehausser... en ayant des grosses campagnes. Les campagnes antitabac, là, c'est des campagnes d'information, et notre rôle, comme... Je pense, quand on travaille en santé publique, notre rôle, c'est de faire de la prévention, d'informer.

Lorsqu'on dit à des jeunes : On ne permet pas l'usage du cannabis ou du tabac avant 21 ans, c'est qu'on considère que le produit est dangereux, et voici pourquoi on considère le produit dangereux. Parce que, vous l'avez dit, avant 18 ans... Il y en a beaucoup qui consomment à 17 ans, à 16 ans, à 15 ans. Est-ce qu'on va légaliser à ces âges-là pour sortir ces jeunes-là aussi du milieu illicite, tu sais? Moi, c'est cet argumentaire-là que j'ai un peu de misère avec ça, là, actuellement.

M. Massé (Richard) : Un autre argument, c'est un argument de cohérence, qui est vraiment important. On voit tous les méfaits qui sont occasionnés par le tabac, par l'alcool, et puis potentiellement, la marijuana a aussi des méfaits, mais les deux autres sont déjà très bien reconnus puis malheureusement trop bien connus pour toutes leurs conséquences.

De dire qu'on mettrait 21 ans pour le cannabis puis qu'on laisserait à 18 ans pour les deux autres, ça poserait clairement un problème. Donc, un des problèmes, c'est que les personnes vont se retrouver dans une situation illégale et vont continuer de l'utiliser. On parle de 40 % des gens, à cet âge-là, qui vont l'avoir essayé dans la dernière année, là. C'est quand même une proportion importante, puis on ne pourra pas, à ce moment-là, être capable de les rejoindre. Ils vont être dans un marché illicite. On ne pourra pas leur donner des messages de prévention. Rejoignons-les. Mais on voit qu'il y a un enjeu de cohérence derrière tout ça, de là le fait de maintenir 18 ans. Je pense que c'était la ligne qui avait été choisie dans la situation actuelle.

Mais, si vous décidiez de rehausser l'ensemble des accès, pour le tabac, pour l'alcool, pour le cannabis, à 19 ans ou à 20 ans, c'est un choix sociétal. Mais nous, on n'est pas là actuellement, on est sur la réalité. La réalité, c'est qu'il y a 40 %, deux sur cinq personnes qui l'essaient dans une base occasionnelle, et puis que ces gens-là, on doit être capable de pouvoir les rejoindre, de là le fait qu'on est d'accord avec 18 ans.

Les gens ont utilisé des messages en disant : Mais le cerveau continue de se développer jusqu'à 25 ans. Mais les mêmes études disent que l'endroit où est-ce qu'il est le plus vulnérable c'est avant, c'est dans l'adolescence, avant 18 ans. Donc, à 18 ans, déjà... Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des choses qui arrivent au niveau du développement des personnes, mais que vraiment, la partie importante, c'est avant que ça se produit, là.

Le Président (M. Merlini) : Dr Desbiens, Dr Loslier et Dr Massé, représentant les directions de santé publique du Québec, merci de votre présence et de votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends quelques instants et j'invite maintenant l'INSPQ, soit l'Institut national de santé publique du Québec, à prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 17 heures)

(Reprise à 17 h 2)

Le Président (M. Merlini) : Nous reprenons donc nos travaux. Nous avons le plaisir d'accueillir maintenant l'Institut national de santé publique du Québec, qu'on appelle affectueusement l'INSPQ. Vous êtes habitués aux commissions parlementaires. Je vous invite à vous présenter au début de votre exposé. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Et ensuite nous aurons les échanges avec les membres de la commission. Bienvenue à la CSSS. La parole est à vous.

Institut national de santé publique du Québec (INSPQ)

M. Poirier (Alain) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, les membres de la commission, je suis Alain Poirier, vice-président à l'institut, l'INSPQ comme vous l'appelez. Je suis accompagné de trois experts, François Gagnon, qui est conseiller scientifique à l'institut, Dr Morin, qui est médecin spécialiste en santé publique aussi... et santé publique et médecine préventive, et Mme Maude Chapados, qui est aussi conseillère scientifique à l'institut. Les trois ont travaillé sérieusement sur le dossier de l'encadrement du cannabis à des fins non médicales et sont les principaux auteurs du mémoire que nous avons déposé, dans lequel il y a plusieurs recommandations que nous n'aurons pas le temps de revoir, mais on pourra répondre aux questions.

Vous savez que l'institut est un centre d'expertise de référence en matière de santé publique qui a pour rôle de partager des connaissances sur différents enjeux de santé publique. Ça explique effectivement qu'on est déjà venus à plusieurs reprises ici pour éclairer le processus de décision, entre autres choses. C'est écrit formellement dans sa loi. Alors, conformément à notre mission, nous allons aujourd'hui attirer votre attention sur quelques préoccupations. On commencera par les bons coups, bien sûr, de cette loi, mais il y a quelques préoccupations qu'on voudra évoquer.

Alors, merci beaucoup de nous avoir invités. Vous avez compris, comme beaucoup d'organismes et institutions, qu'on est très heureux. On accueille très favorablement le projet de loi et on salue, bien sûr, la priorité — le contraire serait étonnant — qu'il accorde aux objectifs de santé publique. On va couvrir trois grands aspects qui se retrouvent, sous une forme ou une autre, dans notre mémoire : la logique sans but lucratif, que plusieurs ont rappelé, mais qui est très importante, mais quelques glissements potentiels — je dis bien potentiels — à cette logique, et on terminera avec quelques bonifications avant de répondre aux questions.

Alors, la prémisse sur laquelle on veut insister, qui devrait, selon nous, continuer à guider le gouvernement, c'est l'importance d'éviter le plus possible la logique commerciale. La littérature scientifique sur les politiques publiques en matière de tabac et d'alcool, de même que les expériences d'autres juridictions qui ont légalisé le cannabis médical et non médical, démontre que les systèmes de production et de distribution qui sont fondés sur une logique à but lucratif sont plutôt difficilement conciliables avec l'atteinte d'objectifs de santé et de sécurité publique. Les analyses démontrent ailleurs... d'ailleurs, pardon, que la hausse de la consommation de cannabis est associée à sa commercialisation et non pas au changement de statut légal. Il y a des démonstrations assez claires dans plein d'autres juridictions. Ça a été rappelé tout à l'heure. Cette promotion commerciale... en fait, la promotion commerciale, c'est la logique intrinsèque de cette idée, elle souhaite une augmentation du volume de consommation par une hausse du nombre d'usagers. À l'opposé, une approche à but non lucratif s'accorde beaucoup mieux avec la prévention, et c'est l'objectif du projet.

Alors, la création de la Société québécoise du cannabis, qui va agir comme monopole d'achat, c'est le meilleur rempart — c'est un bon endroit pour en parler ici, à Québec — contre l'intégration verticale ou horizontale du marché, plusieurs l'ont déjà mentionné, et donc se préserver aussi des pressions commerciales qui y sont associées.

La société représente également un dispositif capable d'assurer le contrôle de la qualité des produits, et avec la volonté, bien sûr, d'intégrer les consommateurs actuels au marché légal sans favoriser la consommation de la substance. C'est important chaque fois qu'on va parler d'âge ou d'autres incitatifs. On n'est pas là pour dire que c'est une bonne idée de consommer, mais, comme d'autres l'ont dit... de réduire les méfaits qui existent déjà. Les faits sont là pour le prouver, donc, cette volonté gouvernementale d'être guidés par une volonté de... une mission de santé publique plutôt que des objectifs visant à générer des revenus d'État.

Alors, il y a plusieurs autres dispositions dans le projet de loi, au-delà de la société, qui vont dans le même sens. L'obligation du ministre de déposer des rapports, le comité de vigilance, le fonds de prévention et de recherche, ce sont toutes des bonnes idées pour éviter cette logique commerciale. Mais, voilà, ça répond aux préoccupations que l'institut a eu l'occasion précédemment de faire valoir, de même que plusieurs experts. Et donc c'est une approche prudente, qui se veut évolutive, qu'on encourage.

Maintenant, j'ai évoqué, dans le deuxième aspect, qu'il y avait quelques glissements possibles, potentiels, qui pourraient fragiliser cette logique qu'on vient de louanger. On appelle ça des glissements, que ça soit dans les articles actuels ou dans des règlements à venir, qui pourraient ouvrir à la notion de commercialisation et au développement du marché. On va revoir rapidement...

Premièrement, le versement de dividendes provenant de la vente de cannabis au fonds général du gouvernement ne met pas la SQC à l'abri d'un virage commercial. Il faudrait s'assurer de rencontrer adéquatement les besoins de financement en prévention, en réduction de méfaits, en réadaptation, en recherche avant de permettre que ces surplus servent à financer d'autres activités de l'État. En ce sens, les versements devraient être mieux encadrés par des mécanismes de reddition publics. Ils pourraient, par exemple, faire l'objet d'un préavis à l'Assemblée nationale et être documentés par le ministre de la Santé et des Services sociaux dans son rapport quinquennal sur l'application de la loi.

Un deuxième aspect, toujours pour éviter le virage commercial et pour s'assurer de la pérennité de la mission de la prévention de la SQC, c'est que la majorité des membres du conseil d'administration devrait, de façon permanente et non transitoire, provenir des secteurs de santé publique, de toxicomanie, d'intervention auprès des jeunes. L'article actuel, le 23.6, pourrait prévoir aussi une mesure réglementaire qui vise à identifier d'office des organismes détenteurs de cette expertise reconnue.

Troisième lieu de préoccupation. La mise en place des projets pilotes devrait être limitée à des organisations à but non lucratif soumises aux mêmes obligations que celles encadrant les pratiques de la vente de la société. L'article 55 tel que libellé actuellement ouvre la porte à la vente de cannabis par des entreprises privées à but lucratif. Or, ces entreprises encouragent la consommation pour augmenter leurs profits. C'est leur logique, on l'a mentionné précédemment. Donc, en limitant le nombre de ces projets, de grandes bannières de vente au détail pourraient être autorisées, par décret gouvernemental, à vendre du cannabis. Cela n'est pas souhaitable non plus.

Quatrième point. Selon le projet de loi, des produits de cannabis comestibles pourraient éventuellement être vendus par la Société québécoise. M. le Président, jusqu'à présent, pas beaucoup de gens ont évoqué cet enjeu, mais la vente autorisée de comestibles pourrait, comme il a été observé ailleurs, entraîner une déclinaison d'une gamme presque illimitée de produits de cannabis. Ça nous inquiète car la diversification des produits constitue une stratégie de développement de marché qui, dans le cas du tabac, que je connais très bien, est largement documentée pour sa capacité à attirer de nouveaux consommateurs. Si les produits de cannabis comestibles peuvent être vus comme une alternative souhaitable à sa forme fumée, le risque demeure élevé qu'il devienne attrayant auprès des jeunes et d'un public de non-usagers qui n'aime pas la fumée comme telle.

Par ailleurs, les comestibles ont des effets retardés dans le temps, prolongés dans la durée et moins facilement prévisibles, nous posent donc des enjeux — pas juste à nous mais à tout le monde — de sécurité routière, de sécurité en milieu de travail et d'intoxication aiguë chez les adultes et les enfants. Alors, ces fameux comestibles ne devaient être autorisés qu'avec une grande prudence.

• (17 h 10) •

Notre cinquième point. Les dispositions en matière de promotion, publicité et emballage gagneraient à être renforcées par rapport au projet actuel pour ne pas promouvoir la vente des produits de cannabis. Il y a une différence ici entre information et promotion.

Alors, d'abord, la publicité devrait être tout simplement interdite complètement et pas seulement celle destinée aux mineurs. Ça inclut la publicité dans les journaux et magazines, quel que soit le lectorat visé, la radio, télévision, mais aussi sur le Web.

Ma première intervention publique, il y a 30 ans, c'était une lettre d'opinion au Devoir, parlait de la démonstration entre... le lien entre la publicité et l'impact du tabagisme. On ne veut pas reculer là où on était, alors que le tabac est consommé depuis 500 ans, depuis que les Européens sont arrivés en Amérique du Nord. On a l'occasion de mieux commencer tout l'encadrement, notamment en matière de publicité.

L'emballage, d'autres l'ont dit avant nous, c'est aussi un outil promotionnel. On travaille fort, dans le domaine du tabac, pour en faire un produit neutre. Il faudrait que ce soit la même chose, et, bien sûr, avec des informations sur la santé, la sécurité et les teneurs, sur la concentration de THC et de CBD. Peu en ont parlé, mais notre mémoire développe plus cet élément.

Notre dernier point, sur les glissements possibles, c'est que le projet de loi ne devrait pas permettre la vente de cannabis directement à une autre personne que par la SQC. Tout ça, c'est pour éliminer le développement de marchés pour les producteurs industriels de cannabis.

On veut terminer sur quelques sujets au-delà de ces possibles glissements.

L'industrie du cannabis médical. Certains autres l'ont évoqué, mais on est préoccupés que les restrictions dans le projet de loi n° 57 ne s'appliquent pas au domaine du cannabis médical. On a besoin d'une harmonisation. Il a été bien décrit qu'il y a plusieurs pratiques de mise en marché employées par cette industrie qui visent à augmenter l'attrait aux produits et inciter à la consommation. Alors, à la limite, le cannabis médical pourrait venir concurrencer la SQC et déstabiliser le nouveau cadre réglementaire québécois. Il faut donc que ces deux systèmes, médical et non médical, soient bien articulés pour être soumis aux mêmes exigences. On suggère même qu'un scénario de vente de cannabis médical en pharmacie mérite d'être examiné.

Je termine avec, en rafale, quelques éléments.

La sanction des mineurs pour la possession du cannabis, ce n'est pas une bonne idée. Dans le domaine du tabac, moi qui suis ici depuis des années en commission parlementaire, j'ai entendu maintes fois l'industrie du tabac dire qu'il fallait le faire. Ce sont les gens et les adultes, dans le processus de distribution jusqu'au consommateur, qui ont des amendes, et c'est comme ça qu'il faut continuer à le faire.

Les municipalités, pour la restriction, on n'a pas le temps d'en parler, mais c'est essentiellement le «tabac plus» que nous privilégions, sinon les consommateurs se retrouvent dans une impasse.

Quelques articles devraient le clarifier. On pense que seuls les produits de cannabis séché et de vapotage ayant une teneur maximale en cannabinoïdes devraient être autorisés et non pas tous ceux qu'on a dans le projet de loi actuel. Le système de contrôle de qualité des produits devrait être renforcé et un système de traçabilité mis en place.

Concernant la sécurité routière — je termine là-dessus — les dispositions devraient être bonifiées pour s'assurer que la présence de facultés affaiblies chez un conducteur dépisté par un test salivaire, le jour où les outils seront disponibles, soient confirmées par des tests de sobriété normalisés pour toute une série de raisons.

Voilà résumées rapidement quelques-unes de nos 23 recommandations. Avec plaisir, on répondra à vos questions.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Dr Poirier, pour la présentation de votre exposé. Nous allons débuter effectivement les échanges avec les parlementaires. Mme la ministre, députée de Soulanges, vous disposez de 15 minutes. À vous la parole.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. Alors, je vais aller tout de suite sur les glissements, moi, parce que ce qui fait l'affaire... On n'en parlera pas éternellement. Les premières dispositions, je n'irai pas là-dessus. Je vais vous questionner sur les glissements éventuels. Et j'ai entendu ceux qui vous ont précédé, les directeurs de santé publique régionaux, et j'ai entendu leur préoccupation, qui est la même, je pense, que vous avez, au niveau de la publicité. Ça semble être les mêmes préoccupations que vous avez, que ceux qui vous ont précédés. Est-ce que je comprends bien?

M. Poirier (Alain) : Oui.

Mme Charlebois : Alors, je l'ai entendu puis je veux que vous le sachiez parce que ce qu'on souhaite, c'est informer les gens, pas faire de la publicité. On ne peut pas faire par la porte d'en arrière ce qu'on ne veut pas faire par la porte d'en avant. Je suis en train de déformer l'adage, mais ça me fait du bien quand même.

En ce qui concerne les membres du conseil d'administration, à l'article 23.6, qu'est-ce que vous voudriez voir précisé?

M. Poirier (Alain) : Il est dit, dans le projet de loi, si on l'a bien compris, que c'est de façon temporaire : Voilà la composition que nous attendons d'un conseil d'administration. Il n'est pas dit exactement quelle sorte de conseil d'administration permanent nous aurions par la suite. Actuellement, il y a 12 membres au conseil d'administration de la Société des alcools du Québec. J'ai révisé leur C.V., et ils sont tous du monde du marketing, du commerce, de la mise en marché, de l'entrepreneuriat. Alors, évidemment, c'est peut-être parfait, on pourrait en rediscuter pour la Société des alcools, mais ce n'est pas ce genre de profil là, de façon permanente, qu'on voudrait voir dans le conseil d'administration. Donc, à moins que nous ayons mal lu, il y a cette nuance qui devrait être précisée.

Maude, veux-tu compléter?

Mme Chapados (Maude) : Oui. En fait, la disposition transitoire à l'article 8, qui prévoit quand même des représentations d'une compétence collective, que ce soit en santé publique, en intervention en toxicomanie ou en intervention auprès des jeunes, c'est souhaitable. Mais c'est tellement souhaitable, en fait, qu'on ne voudrait pas que ce soit uniquement transitoire, mais que ça soit transposé de façon permanente à la composition du conseil d'administration et pour la majorité des membres votants. Donc, pour s'assurer de la pérennité du mandat de protection de la santé qui est confié à la SQC, bien, c'est qu'on s'assure que la majorité des membres, de façon permanente, représentent ce type d'expertise là, d'une part.

Et, d'autre part, on croit qu'il serait pertinent d'ajouter une expertise dans ces profils recherchés là, une expertise de gestion à but non lucratif. Au Québec, on a quand même beaucoup d'entreprises à but non lucratif. C'est une expertise et ça serait intéressant, justement dans cet esprit de maintenir la pérennité de définition de la mission de la SQC, que ça soit représenté également.

Mme Charlebois : Je vous entends sur les dispositions transitoires. Mais, à 23.6, l'article 23.6, on va examiner ça. Je vous entends sur l'expertise en santé publique. Et là je vois, c'est mentionné : «La société nomme les membres du conseil, autres que le président de celui-ci et le président-directeur général, en tenant compte des profils de compétence et de l'expérience établis par le conseil.» Alors, vous voudriez qu'à l'article 23.6 on stipule quels sont les profils de compétence et non pas laisser ça au conseil d'administration. C'est ça que vous me dites?

Mme Chapados (Maude) : Oui, d'autant plus qu'en fait l'enjeu, c'est que les premiers membres du conseil d'administration vont être nommés par la SAQ, donc, et on veut que ça soit collectivement une représentation des expertises. J'ai certains de mes collègues qui, à eux seuls, pourraient représenter une expertise en intervention auprès des jeunes, intervention auprès de la toxicomanie et en santé publique. Donc, est-ce qu'à lui seul il pourrait représenter cette expérience collective? En fait, c'est ça, on veut que ça soit spécifié et précisé.

Mme Charlebois : Merci de votre commentaire. Maintenant, sur le versement des dividendes en prévention, réduction des méfaits, puis vous m'avez nommé un autre item, vous savez qu'on a mis un montant de base parce qu'au début on devra établir... Puis je n'ai pas eu la chance de le dire au groupe qui vous a précédé, parce qu'ils parlaient de 50 boutiques de la Société québécoise du cannabis, on va faire notre possible pour en développer pour servir la population. Je rappelle que ce n'est pas parce qu'on veut faire de l'augmentation des ventes, là. J'ai vu vos statistiques du Colorado. C'est assez hallucinant de voir combien ça a augmenté, les profils de consommation. Ce n'est pas ce qu'on souhaite faire au Québec, là. Ce qu'on veut, c'est ramener les gens du marché illicite vers un marché licite, «that's it».

Et je reviens donc au versement des dividendes en prévention et réduction des méfaits. Et, je pense, c'est le traitement de la dépendance que vous avez mentionné. Je vous entends. Je vous dis qu'on a déjà consacré 25 millions, de base, pendant cinq ans, chaque année pendant cinq ans. Et, s'il y avait des profits, on avait indiqué que la moitié pouvait servir justement à la prévention et l'autre moitié pourrait servir à d'autres... mais pas pour le fonds consolidé. C'était plus dans l'esprit de... Parce que, moi, dans mon esprit à moi, former des policiers, s'assurer qu'on est en réduction des méfaits à tous les niveaux, que ce soit tant au municipal que... tu sais, le municipal aussi va avoir de la prévention... de la formation de nos intervenants dans tout le réseau, quant à moi, c'est de la prévention, là. Alors, est-ce que vous seriez à l'aise si la prévention était interprétée dans un sens plus large? Parce que, quand je vous parle de former des policiers, bien, c'est de la prévention, mais dans un sens plus large. Quand je vous parle, aux instances municipales, de voir à ce qu'il y a une application uniforme et qu'ils sont dans la prévention aussi, vous êtes à l'aise avec ça?

• (17 h 20) •

M. Poirier (Alain) : Tout à fait. Pour nous, la définition de la prévention n'est surtout pas que dans les mains du réseau de la santé. Dans tous les déterminants de la santé qui nous préoccupent, la société elle-même, les municipalités, les écoles, de la prévention, agir, là, avant, en amont, ce n'est pas quand les gens sont rendus en réadaptation, même si les services sont très utiles. Donc, on se préoccupe beaucoup des services aux gens dans le réseau de la santé et services sociaux, mais la perspective de santé publique nous amène à travailler avec de multiples intervenants sur le terrain à tous les niveaux. C'est l'intersectorialité, comme c'est bien décrit dans votre Politique gouvernementale de prévention en santé, madame.

Mme Charlebois : Merci beaucoup de le rappeler à tous mes collègues. Et nous aurons un plan d'action qui va suivre bientôt.

Je vous ai entendu parler de sanctions aux mineurs pour possession. Ce n'est pas une bonne idée, vous nous dites. J'aimerais ça vous entendre davantage, que vous nous explicitiez pourquoi. La sanction, ce n'est pas tant... Ce qui était recherché, ce n'était pas tant... rien que sur le plan monétaire, mais plutôt de les diriger vers des travaux communautaires, mais des ressources aussi qui pourraient les aider. Qu'en pensez-vous?

M. Morin (Réal) : En fait, si on avait une preuve d'efficacité, que c'est absolument par la sanction aux mineurs qu'on réduirait l'initiation précoce et la hausse de la consommation chez les jeunes, on pourrait toujours en discuter. Mais, un, ce n'est pas démontré. Deux, c'est qu'on vise à protéger les jeunes dans le projet de loi. En quoi le fait de les menacer par une sanction, s'ils ont quelque quantité sur eux, est de nature à les protéger? On ne voit pas non plus. Et ça peut donner l'impression qu'on les culpabilise d'en avoir, alors que quelqu'un leur en a fourni. Et là ça revient aux discours et aux pratiques courantes en tabac et en alcool, aux pratiques reconnues où on dit : On va toujours bien sanctionner les gens qui approvisionnent les jeunes plutôt que de virer le fardeau du côté des jeunes.

M. Poirier (Alain) : Tu veux rajouter, François?

M. Gagnon (François) : Si je peux rajouter à ça, c'est en complément d'information. Les études sur les régimes de contravention pour le cannabis, donc en ajout à ce que Réal a dit, les études autour de ça montrent que les sanctions monétaires pour possession ne font pas changer les patrons de consommation, d'une part.

D'autre part, ça montre que ça expose des populations déjà fragilisées à des conséquences sociales et de santé assez importantes. Les évaluations qui ont été faites en Australie, par exemple, ont montré que les populations autochtones étaient, d'une manière disproportionnée, représentées dans ces sanctions-là. Aux États-Unis, on a vu que l'infraction de possession est beaucoup plus appliquée, puis là je prends les termes qui sont employés dans les rapports américains, pour les Noirs, trois fois plus que pour les populations blanches. Donc, en termes généraux, à l'INSPQ, on ne privilégie pas les approches de sanction punitive pour la possession de substances.

Mme Charlebois : Vous privilégiez donc l'approche prévention, éducation, sensibilisation, information?

M. Gagnon (François) : Oui, oui.

Mme Charlebois : O.K. Concernant les lieux de consommation, parce que, vous savez, c'est un sujet qui est beaucoup discuté, vous avez parlé de tabac plus. Ça vous satisfait, un peu comme ceux qui vont ont précédé. Et vous nous mentionnez : Ne laissez pas les municipalités... à moins que j'aie mal lu, là, que les municipalités n'aient pas de droits de resserrer davantage. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi? Parce que je me disais que, si on laisse tabac plus... Puis peut-être que, dans certaines municipalités, il y a des lieux où ils se disent : Bien, ce n'est pas stipulé dans tabac plus, mais nous autres, on pense que, là, ça n'a pas de bon sens. Pourquoi on ne pourrait pas les laisser...

M. Morin (Réal) : Ce qui nous préoccupe, c'est évidemment la santé des gens. Et, si des mesures restrictives font en sorte que le seul endroit où on puisse consommer du tabac fumé, c'est dans notre logement, notre domicile, et qu'en plus on a des situations de plus en plus nombreuses... On nous a rapporté encore aujourd'hui... On a entendu à distance la corporation des propriétaires d'établissements résidentiels, que, finalement, on va interdire de ce côté-là. On crée une impasse. C'est le mot qu'on a utilisé. Et les directeurs de santé publique ont utilisé à peu près la même approche. On crée une impasse. Si, dès lors où on voit déjà que les fumeurs de cigarettes se préoccupent de la fumée secondaire dans leur logement et de la nuisance aux voisins, et qu'ils sortent à l'extérieur sur le trottoir, dans l'environnement proche, pour fumer leur cigarette, et que cette alternative-là n'existe même pas pour les fumeurs de cannabis, qu'arrive-t-il? C'est le fameux point d'interrogation qui arrive à chaque fois que cette question-là est posée.

Ça fait que nous, on dit : Si on arrive avec une approche aussi restrictive que celle dont on a entendu parler la semaine dernière, d'une municipalité du Québec où tous ceux qui l'ont entendu aux nouvelles ont dit : Ça veut dire que c'est impossible de fumer légalement nulle part et même pas chez soi, dans le contexte des baux et du respect qu'on veut pour nos proches et pour les voisins, il faut sortir de cette impasse. À savoir est-ce que c'est nécessairement, strictement, l'approche tabac? On pense que c'est la balise la plus cohérente. La fumée de tabac, la fumée de cannabis, faisons-en une analogie, une analogie qui tient debout, une analogie où la santé des personnes exposées, c'est la préoccupation à ce moment-là. Et aussi, au regard de la présence des enfants, les parcs, donc c'est la bonne chose à faire.

Est-ce qu'on peut ajouter des restrictions, sur une base municipale, à certaines circonstances? Nous, on a dit dans le mémoire : Effectivement, les circonstances où il y a des festivités particulières, où les enfants sont très présents, oui, on peut restreindre davantage. Est-ce qu'on devrait aller jusqu'à des restrictions dans des lieux collectifs majoritairement adultes parce qu'il y a une concentration de personnes, même à l'extérieur, où on ne voit pas d'inconvénient pour la santé, pour être incommodant? Peut-être, mais sans qu'on aille jusqu'à décrire, nous, comme institut, des endroits où, oui, peut-être, etc. On dit : C'est l'approche tabac plus qui doit prévaloir, et surtout éviter les décisions extrêmes d'impasse, qui, de toute façon, sont basées davantage sur : Je refuse de voir que ça existe, ce produit-là. Il va exister de manière légale. Et là c'est un jugement moral, ce n'est pas un jugement de santé. C'est un jugement d'objection à la notion même d'un produit qu'on veut rendre légal et qui devra faire partie, à quelque part, d'un environnement. Et, oui, les citoyens vont devoir voir la présence de ce produit-là dans des environnements, certes, contrôlés, mais il faut accepter cette situation-là, éviter l'impasse, qu'on soit raisonnables et qu'on évite des positions draconiennes contraires à la possibilité de consommer à quelque part.

Le Président (M. Merlini) : M. le député de Dubuc.

Mme Charlebois : Juste le laisser poser une question, si vous me...

Le Président (M. Merlini) : Il reste deux minutes.

M. Simard : Merci, M. le Président. Tout d'abord, ce matin ou après-midi, on a rencontré un groupe qui nous parlait de deux régimes de vente, c'est-à-dire pour les gens de 18 ans et plus et les gens de 18 ans et moins. On parlait ici de 18 ans et plus, 15 % de THB, puis de 18 ans et moins, 8 % de CHB. J'aimerais vous entendre à ce niveau-là. Vous êtes des spécialistes dans le domaine, donc j'aimerais vous entendre à ce niveau-là.

M. Morin (Réal) : J'ai... des psychiatres ce matin. Nous étions à distance et on était intéressés. On n'avait pas entendu ce propos-là jusqu'à aujourd'hui. On ne s'est pas fait une tête là-dessus, à vrai dire. Quand on travaille... On travaille depuis 20 ans et plus sur l'alcool. On sait que les concentrations en alcool sont quelque chose d'important. On sait, par exemple, par rapport à la fameuse question des produits fortement alcoolisés chez les jeunes, 11,9 % d'alcool dans les bouteilles de Four Loko, dans un contenant à usage unique, en principe, pour une personne, c'est quatre consommations standard et plus. C'est l'intoxication garantie pour un mineur qui prend ça. Donc, Mme la ministre, on vous informe qu'on va avoir un avis là-dessus sous peu.

Alors donc, les doses, les quantités d'agents psychoactifs, c'est important à considérer. En général, on le fait en utilisant des facteurs dissuasifs comme les prix. C'est-à-dire qu'on ne mettra pas les produits à 4 % au même prix que les produits à 15 %. À savoir est-ce que certains acheteurs légaux, à 18 ans, pourraient se voir permis des quantités, des concentrations moindres que les plus de, mettons, 21 ans? C'est une question sur laquelle on n'a pas réfléchi. Est-ce que ça aurait des impacts? Peut-être. Il faudrait étudier cette question-là. Mais j'ai entendu ça pour la première fois aujourd'hui, et, pour être francs, nous n'y avions pas pensé. Mais c'est certainement, pour un comité de vigilance ou dans la suite des choses dans un système évolutif, des réflexions qu'on pourrait avoir. Alors, c'est de façon très, très spontanée, ce que je peux vous dire aujourd'hui, mais, encore une fois, sans que nous y ayons pensé au départ.

Le Président (M. Merlini) : Un complément très rapide.

Mme Chapados (Maude) : Très rapide. En fait, la question de la limitation du THC est importante. Est-ce que c'est tant par rapport à l'âge que de façon globale, et les ratios CBD qui doivent être... On devrait s'assurer que, minimalement, il y ait au moins 1 % de CBD qui viendrait justement possiblement neutraliser un peu les effets néfastes du THC, qui peuvent venir provoquer des psychoses chez les jeunes, notamment. Donc, il y a une réflexion qui est à avoir.

Le Président (M. Merlini) : Merci, Mme Chapados. C'est tout, M. le député de Dubuc. Le temps est écoulé.

M. Simard : C'est bien correct.

Une voix : ...

Le Président (M. Merlini) : J'imagine que oui. Alors, M. le député de Labelle, c'est à votre tour maintenant, votre bloc d'échange de neuf minutes. À vous la parole.

• (17 h 30) •

M. Pagé : Oui, merci, M. le Président. Merci à vous d'être présents parmi nous. Même si nous tirons vers la fin, vos propos sont fort éclairants, toujours très pertinents. Je vous en remercie. Plusieurs bonnes propositions.

La proposition 4, effectivement, d'identifier clairement des gens qui ont des compétences au niveau du conseil d'administration, nous en avons fait la demande dès le mois de septembre dernier. Je pense qu'il faut aller dans ce sens-là. Alors, on appuie totalement votre proposition.

Par contre, certaines organisations avaient dit également lors des consultations qu'on souhaitait que cette société québécoise relève plutôt du... il y en a qui disaient du ministre de la Santé, moi, je disais plutôt de la ministre de la Santé publique parce que ça va encore beaucoup plus loin en termes non seulement de symbolique, mais rendre des comptes à la ministre de la Santé publique, ce n'est pas la même chose que rendre des comptes... je dis souvent, c'est plutôt le ministre des malades que le ministre de la Santé... plutôt que de rendre des comptes au ministre des Finances. Ne croyez-vous pas que cette société devrait relever plutôt de la ministre de la Santé publique?

Le Président (M. Merlini) : ...question.

M. Poirier (Alain) : On pense que la loi est plus forte que le ministre. Ici, la loi est claire sur les compétences, le mandat et le rôle de l'encadrement du cannabis. C'est surtout sous cet aspect-là, en fait, qu'on a positionné notre mémoire, nos commentaires. Maintenant, comment dire, la coordination à l'intérieur du Conseil des ministres et des responsabilités, je pense que l'institut n'a pas la capacité je dirais, de préciser qui devrait s'assurer de l'encadrement de la loi une fois adoptée par l'Assemblée nationale.

M. Pagé : On convient tous que le ministre des Finances est celui qui commande un rendement à la SAQ, et l'expérience nous a montré jusqu'où ça nous a menés, là, aujourd'hui, alors... tandis que la mission, la responsabilité de la ministre de la Santé publique est fort différente. Donc, on ne veut surtout pas, pour reprendre votre expression, qu'il y ait un glissement. Alors, c'est la raison pour laquelle nous, nous souhaiterions que ça relève plutôt de la ministre de la Santé publique.

Toujours dans cette crainte de glissement — j'aime bien votre expression — votre recommandation n° 11 dit : «Que les projets-pilotes soient limités à des organisations à but non lucratif.» Moi, j'aurais préféré que vous disiez clairement, pour éviter toute forme de glissement : On suggère qu'il n'y ait pas de projets-pilotes, peut-être, comme certains nous ont dit, pas avant trois ans ou pas avant qu'il y en ait une cinquantaine, de points de service. Parce qu'un organisme à but non lucratif, une coopérative est considérée comme un OBNL, mais une coopérative... moi, j'en ai chez nous, là, plusieurs, ils ont aussi une forme... une notion de rendement, même si c'est un OBNL.

Ce que vous, vous... Pour rester dans cette logique de prévenir à toute forme de glissement, est-ce que... Je ne sais pas si vous vous êtes consultés, si vous avez parlé avec les gens qui vous ont précédés, ne serait-il pas mieux de dire : Suspendons cet article 55, et peut-être que dans trois ans, dans cinq ans, on pourra y aller avec des OBNL sous quelque forme que ce soit?

M. Gagnon (François) : Bien, je crois qu'on a dit dans notre mémoire qu'il fallait le reporter, d'une part. Donc, ça répond en partie à votre question. D'autre part, on a aussi suggéré que ce soit restreint effectivement à des organismes à but non lucratif. On aurait peut-être dû dire : À des organismes à but non lucratif qui ont une mission de prévention et de réduction des méfaits. Ça aurait peut-être été plus clair.

Puis, dans ce sens-là, nous, on pense que c'est important. On a toujours dit que ce système-là allait évoluer comme tous les autres systèmes, d'ailleurs, puis qu'il fallait maintenir un certain niveau de recherche, d'évaluation pour pouvoir se rajuster quand le temps sera venu de se rajuster parce qu'on constatera qu'il y a des problèmes avec le système actuel.

Donc, dans ce sens-là, on voyait déjà des possibilités d'organismes à but non lucratif, par exemple, dans une région où il n'y aurait pas assez de personnes pour soutenir une succursale de la SAQ... ou de la SQC, plutôt, dans une région comme ça où on pourrait vouloir aussi offrir une offre de prévention puis de réduction des méfaits qui serait socialement, culturellement mieux adaptée au milieu que ce que pourrait faire une approche standardisée de la SQC. Pourquoi est-ce que la SQC ne pourrait pas vendre des produits à cet organisme à but non lucratif là qui est... dans une mission de réduction des méfaits puis de prévention, puis être très près de la population, connaître bien sa population, puis adapter les messages?

Donc, c'est un premier cas de figure auquel on pensait. Un autre, par exemple, ça aurait pu être une salle de vapotage, carrément, un salon de vapotage de type lounge. Nous, on a parlé de la combustion à l'intérieur comme quelque chose qu'on ne voulait pas, qu'on ne souhaite pas. Mais on pense que, si on a des problèmes de cohabitation dans l'espace public, on pourrait imaginer des solutions pour réduire un peu la pression, bien, on pourrait vouloir évaluer ce que ça donne qu'une salle consacrée au vapotage où des adultes consentants iraient... toujours dans une optique de but non lucratif, de prévention et de réduction des méfaits, là. Ce serait un organisme qui aurait cette mission-là aussi mais qui pourrait accueillir les gens, leur offrir des conseils de consommation plus sécuritaires, de la prévention, puis finalement qu'on pourrait vapoter dans ces lieux-là. C'est quelque chose qu'on pourrait vouloir explorer dans les projets-pilotes.

C'est deux exemples, je pense, qu'on pourrait en fournir puis en imaginer beaucoup d'autres, là. Les pharmaciens ont parlé de projets pilotes de recherche un peu plus tôt, ce matin, si je me rappelle bien. Donc, il y en a d'autres qu'on pourrait imaginer, mais... Donc, vous voyez un peu l'esprit. Dans ce sens-là, on dit, nous : Il faut fermer quand même la porte à toute organisation à but lucratif.

M. Pagé : Parfait. Votre recommandation 13, «que l'approvisionnement se faire obligatoirement auprès de la SQC», est-ce que c'est la même chose pour la vente en ligne?

M. Gagnon (François) : Excusez-moi, je n'ai pas compris la question.

M. Pagé : Est-ce que c'est la même chose pour la vente en ligne? Parce que la recommandation 13 dit : «Que l'approvisionnement se fasse obligatoirement auprès de la SQC.»

Mme Chapados (Maude) : Oui, tout à fait, si ça concerne la vente en ligne également.

M. Pagé : Oui.

Mme Chapados (Maude) : Oui, tout à fait. En fait, le dispositif de la SQC pour la vente en ligne, pour nous, on voit que c'est un incontournable. C'est justement une possibilité, probablement, de pallier au nombre limité, à tout le moins au départ, aussi à offrir un accès informé à du cannabis dans des régions plus éloignées qui ne seraient pas desservies par un point de détail, donc. Puis il y a très certainement, bon, nos collègues de santé publique en ont parlé, une façon de réfléchir justement cette vente en ligne. Que ça soit par la production d'un dossier client qui... et de la réfléchir en termes toujours de réduction des méfaits et de prévention. Pour nous, la vente en ligne devrait se faire de la même façon qu'elle sera faite dans les points de détail.

C'est certain qu'il y a un défi qui réside dans le fait que ça soit un site transactionnel convivial, qui ne soit pas trop rébarbatif, mais en même temps, qui soit quand même un lieu où l'usager serait amené à se poser des questions sur son profil de consommation, en fait. Et il pourrait y avoir un programme d'autolimitation volontaire qui n'empêcherait pas nécessairement que la transaction s'effectue, mais que, s'il y a dépassement, très certainement, il pourrait être en avisé dans le cadre de ses transactions en ligne. Et justement toutes les questions de conseils, d'interventions pourraient être faites en fonction du profil de l'usager. Il pourrait y avoir des petites cases où, par exemple, à tout coup, au moment de la transaction, il y aurait les montants, les dépenses, les quantités de cannabis que l'usager a utilisées dans le dernier mois, dans la dernière année. C'est toutes des informations qui conscientisent l'usager. Et, comme ça se fait actuellement en matière de cannabis médical ou en matière de cannabis illicite en ligne, très certainement, il faudrait toujours qu'il y ait une petite boîte de «chat» où un intervenant soit disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, ou par téléphone.

Alors, c'est toutes des façons. Il y a des façons de le penser pour que ça soit sécuritaire.

M. Pagé : Oui. Parlant de sécurité, est-ce que la personne qui achète en ligne devrait recevoir le colis directement dans sa boîte aux lettres ou devrait se déplacer pour aller cueillir son produit dans une société, ou à la pharmacie, ou ailleurs?

Mme Chapados (Maude) : Dans la mesure où c'est passé pour peut-être pallier à l'absence de points de détail de la SQC, il y a des façons de demander, d'exiger des contrôles par la poste.

M. Pagé : ...

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. le député de Labelle, votre temps est malheureusement écoulé. Nous allons maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Borduas, vous avez un bloc de six minutes. À vous la parole.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Merci d'être là, de contribuer aux travaux de la commission. D'entrée de jeu, j'aimerais qu'on revienne sur votre proposition relativement aux jeunes. Le fait de supprimer l'infraction pénale à hauteur de 100 $ et de dire : Bien, dans le fond, vous n'avez plus le droit de posséder... Bien, en fait, on supprime la référence à cinq grammes de cannabis. Sur l'aspect punitif, l'aspect de créer une infraction pénale de 100 $, je comprends. Si on supprime l'interdiction, de dire : Vous n'avez pas le droit d'avoir cinq grammes, vous ne trouvez pas que c'est un peu un message contradictoire? Parce que, sur la question de la sanction, je suis d'accord avec vous, de dire : On n'a pas nécessairement à imposer une amende pour la possession. Mais, sur le message qu'on envoie aux jeunes, de dire : Bien, tu n'as pas le droit d'avoir une quantité de stupéfiants sur toi, vous ne trouvez pas qu'il y a un...

• (17 h 40) •

M. Poirier (Alain) : En général, que ce soit pour le tabac ou le cannabis, ce n'est jamais une bonne idée de consommer. Si on voulait revoir l'âge pour le tabac, on pourrait dire 99 ans, sur le plan de la santé. Maintenant, il y a beaucoup d'autres considérations qui nous amènent à regarder, dans l'encadrement général, la logique générale d'un projet de loi. Qui est responsable? Qui peut être responsabilisé? Qui s'est engagé, par contrat ou pour une autre forme, de faire la production, la distribution, etc.? Ce sont des adultes.

J'ai vécu ici plusieurs commissions parlementaires sur le tabac. L'industrie réclame toujours ça, de culpabiliser autres qu'eux-mêmes, quand on parle de la filière de l'industrie. On ne veut pas voir ça. Alors que, justement, on veut sortir de la criminalité et du problème de la simple possession, toute la population, de conserver cette interdiction seulement pour les jeunes, ça nous apparaît contradictoire. Et il ne faut surtout pas faire la promotion du produit. Alors, ça, il faut toujours constamment le rappeler. Ce n'est pas parce qu'on enlève des méfaits sociaux qu'on veut par ailleurs en faire la promotion. Tout le monde s'entend là-dessus, c'est bien clair. Ça fait que ça, il faut le rappeler constamment.

Maintenant, plus spécifiquement sur l'âge légal, François.

M. Gagnon (François) : Oui. Je ne vais pas répéter les mêmes propositions que j'ai données tantôt ou les mêmes arguments que j'ai donnés tantôt, mais, donc, il faut quand même rappeler que les interdictions de possession n'ont pas vraiment d'utilité sur les patrons généraux de consommation. Donc, la littérature évaluative sur cette question-là est assez claire. Par ailleurs, les interdictions de possession, en général, montrent qu'on a des ciblages de certaines populations particulièrement marginalisées et défavorisées, et la sanction pénale à leur endroit n'est pas vraiment productive.

M. Jolin-Barrette : ...c'est que vous, vous dites : On devrait enlever l'interdiction de posséder du cannabis de cinq grammes. Puis vous dites aussi : On devrait enlever la sanction pénale. Il y a certains groupes qui sont venus aujourd'hui, plus tôt, puis ils ont dit : Bien, écoutez, on ne devrait pas les pénaliser, mais on devrait quand même maintenir cette interdiction-là, on devrait les orienter vers des ressources alternatives non judiciarisées, leur dire : Bien, écoutez, tu as été pris avec cinq grammes de cannabis, on ne souhaite pas que tu consommes, puis voici les conséquences à consommer, puis voici le programme de formation, de prévention associé à ça. Mais vous, vous dites dans votre mémoire : On enlève les deux, on enlève l'interdiction de posséder cinq grammes.

M. Gagnon (François) : O.K. Je comprends que ce à quoi vous faites référence, c'est quelque chose qui a été un peu testé au Portugal. Donc, au Portugal, on a enlevé la criminalisation de la possession puis on a mis en place ce qu'on a appelé des commissions de dissuasion de la toxicomanie. Donc, les personnes, quand elles sont prises en possession de substances illicites, quelles qu'elles soient, sont référées à ces instances-là. Il y a une instance, cette instance-là évalue le profil de consommation, évalue la situation sociale puis la consommation des gens, en général, puis, s'il y a lieu, font des démarches, incitent les gens à entrer dans des démarches de désintoxication ou de dépendance, donc. Il y a un corridor de services qui est établi à partir de ça.

Est-ce qu'on a les ressources au Québec pour faire ça? Tout à fait, je pense. On pourrait développer ce genre de mécanisme là. Ceci dit, est-ce que c'est ça qu'on vous recommande, dans le cadre du projet de loi? Nous, on se penche sur l'interdiction puis une sanction punitive. On dit qu'on devrait l'enlever.

M. Jolin-Barrette : Pour les deux. D'accord. Pour ce qui est du corridor de services, justement, vous souhaitez qu'on se dirige dans cette direction-là? Parce que ce matin on a eu un exemple d'un cas où on nous disait, dans le fond : Pour être référé, pour la personne qui se retrouve en possession, on devrait l'orienter vers un professionnel de la santé sans nécessairement être obligé d'aller voir un médecin. Est-ce que vous êtes favorables à ça, qu'on développe des outils, un corridor de services?

M. Morin (Réal) : Bien, certainement. Puis c'est certainement utile. Mais une chose qui me frappe à chaque fois qu'on parle, bon, de la réalité de la légalisation, tout ça, et ce qui s'en vient, c'est que ça présume toujours qu'on va être dans des excès de consommation, qu'il y aura de plus en plus de consommateurs et qu'il faut intensifier les efforts de prise en charge, et tout ça. Certes, il y a des besoins de référence, de mécanisme, déjà, maintenant. Il y en avait, des besoins, dans les années passées. 40 %, 42 %, dit-on, des 18-24 ans ont consommé dans la dernière année. Il y a certainement eu des épisodes d'intoxication plus graves pour lesquels des corridors de services étaient requis.

Prenons... ayant dans l'esprit que les mesures de prévention et la loi elle-même, qui est le principal mécanisme de prévention — c'est la qualité de la loi qui sera votée — et que les mesures de prévention complémentaires de type éducation, etc., feront le travail qu'on souhaite, transférer les gens de l'illicite vers le licite et éviter des accroissements de consommateurs, à ce moment-là, renforçons ce qu'on fait déjà. Parce qu'on sait déjà qu'il y a une consommation. Mais ne laissons pas entendre, comme trop souvent on le fait, qu'avec une bonne loi, malgré une bonne loi, on aura des hausses faramineuses de consommation. Il faut éviter ça. Puis il faut que nos mesures soient suffisamment fortes pour qu'on puisse se féliciter d'avoir pu déplacer les consommateurs actuels sans recruter de nouveaux consommateurs.

Quand on parle de prudence pour les produits comestibles, ça, ça arrive dans un contexte où les gens ne consomment pas actuellement ce genre de produit là. Et on pourrait voir des gens qui jamais ne fumeraient... vont voir là une occasion de devenir consommateurs. C'est ce qui nous préoccupe, le transfert, comme souhaité dans la loi, l'évitement de nouveaux consommateurs et des mesures de prévention appropriées à cet effet-là.

Le Président (M. Merlini) : Mme Chapados, M. Gagnon, Dr Morin et Dr Poirier, représentant l'Institut national de santé publique du Québec, merci de votre présence cet après-midi et de votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends quelques instants et j'invite l'Association québécoise pour la promotion de la santé des personnes utilisatrices de drogues de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 45)

(Reprise à 17 h 50)

Le Président (M. Merlini) : Nous reprenons donc nos travaux et nous allons terminer ces auditions publiques avec l'Association québécoise pour la promotion de la santé des personnes utilisatrices de drogues. Je vous invite à vous présenter lors du début de votre exposé. Vous disposez de 10 minutes, et ensuite on procédera aux échanges avec les membres de la commission. Bienvenue à la CSSS. La parole est à vous.

Association québécoise pour la promotion de la santé
des personnes utilisatrices de drogues

Une voix : Merci.

M. Mary (Jean-François) : Donc, je suis Jean-François, à la direction générale de l'AQPSUD.

L'AQPSUD est un organisme provincial qui regroupe des individus qui consomment des drogues ou qui consommaient des drogues, dans un but de promotion de la santé et de défense des droits. Toutes nos actions sont faites selon une approche de réduction des méfaits, par et pour les personnes qui font usage. Notre volet d'activité le plus connu est le magazine L'Injecteur, qui est conçu intégralement par des personnes qui consomment ou consommaient et dont nous distribuons 15 000 copies par année partout au Québec depuis 11 ans.

A priori, nous n'aurions pas participé aux présentes consultations. Ce n'est pas en raison du fait que la légalisation du cannabis ne nous concerne pas, bien au contraire. Mais actuellement nous faisons face à une augmentation importante des surdoses qui s'accompagnent aussi par le décès de nombreuses personnes que nous connaissons. Nos priorités se situent à ce niveau, en plus des épidémies de VIH et d'hépatite C auxquelles nous faisons déjà face depuis de nombreuses années. Ces intoxications sont liées en partie à la contamination de l'approvisionnement par des opioïdes très puissants, dont le fentanyl, mais surtout par un contexte que la prohibition a contribué à créer.

Face à cela, l'AQPSUD s'est dotée d'une position claire en faveur de la décriminalisation totale et de la régulation de toutes les drogues. À nos yeux, le cannabis est une substance parmi d'autres substances prohibées et notamment une de celles dont la dangerosité est la plus faible. Cette position ne vise pas à banaliser la consommation de drogues, mais plutôt à protéger le public des conséquences disproportionnées de la prohibition. Cette position est d'ailleurs partagée par de nombreux experts internationaux et par la majorité des acteurs en réduction des méfaits.

Nous participons aujourd'hui, car nous considérons qu'il est essentiel que la voix des personnes utilisatrices de drogues, et en l'occurrence de cannabis, soit entendue.

Sur la question du cannabis, nous avons entendu beaucoup de choses qui, sans être nécessairement toutes fausses, peuvent être exagérées. Pour tout élément regardé isolément et dans les plus petits détails, il est très facile de n'en retenir que les craintes et les menaces. Lorsque l'on parle de substances jusque-là prohibées, cela est d'autant plus vrai.

La prohibition des drogues s'est accompagnée de campagnes de peur, de dissémination de stéréotypes qui a eu pour effet de stigmatiser les personnes qui les consomment, mais aussi de faciliter la circulation d'études scientifiques parfois biaisées, mais plus souvent mal interprétées ou comprises, afin d'accentuer un discours moralisateur.

Nous savons pourtant désormais que le contexte environnemental et les facteurs biopsychosociaux d'un individu vont principalement caractériser les conséquences négatives reliées à la consommation de drogues et leur ampleur, bien au-delà de la substance elle-même. Ce contexte conditionne beaucoup plus les problèmes vécus en lien avec la consommation. Cela est vrai pour le pot, mais ça l'est aussi avec des drogues comme l'héroïne.

Pour relativiser tout cela, il convient d'adopter une attitude pragmatique et d'éviter d'avoir recours au réflexe prohibitionniste de la sanction et de la coercition, qui a fait la preuve de son échec depuis plus d'un siècle.

Car c'est un fait, l'humain consomme des drogues au moins depuis les Sumériens. En tout cas, depuis qu'on a une histoire écrite, nous consommons des substances qui altèrent notre conscience, à des fins médicinales, spirituelles ou récréatives. Pourtant, ce n'est que depuis la généralisation de la prohibition que nous vivons les conséquences négatives de grande envergure. La légalisation du cannabis est une occasion de permettre le développement d'une culture de consommation responsable, et elle doit exclure toute forme de marchandisation et toute recherche de profit.

Maintenant que j'ai introduit le sujet, je vais passer la parole à ma collègue, Vanessa Lefebvre Constantineau.

Mme Lefebvre Constantineau (Vanessa) : Merci, Jean-François. Donc, nous sommes totalement en accord avec le fait que l'exposition au cannabis chez certains jeunes peut apporter des risques sociosanitaires. Par contre, la consommation des mineurs, elle existe, elle est présente, et la coercition n'a pas permis de limiter l'accès jusqu'à présent. Ainsi, il apparaît absurde de persévérer dans cette voie. Les mesures psychosociales sont plus à même d'apporter des bénéfices pour les mineurs, plutôt que des mesures sanctionnaires.

En ce qui concerne l'âge, nous considérons que la réglementation devrait être la même que pour l'alcool et le tabac. Et, en ce qui concerne la culture personnelle, tout comme pour l'alcool, la culture du cannabis devrait être permise en adéquation avec la provision du projet de loi fédéral.

La culture personnelle présente de nombreux avantages, notamment en des termes de qualité, de coût, de contrôle, tout comme cultiver un potager ou de se faire son propre alcool. L'autoproduction de cannabis fait partie d'une culture ancestrale dont l'interdiction serait disproportionnée par rapport aux risques qu'elle présente.

En ce qui concerne le risque pour les tiers, de nombreuses plantes, dont des végétaux communs dont la toxicité est plus élevée que le cannabis, comme certaines solanacées, des poinsettias, la digitale, qui existent déjà... Pour ce qui est de la culture intérieure et des risques potentiels, il s'agirait de simplement réglementer par le biais du Code du bâtiment.

Actuellement, les prix du cannabis sont faussés. Ce faisant, beaucoup de consommateurs ont pris l'habitude d'acheter leur cannabis en plus grande quantité pour réaliser des économies substantielles. Pour encourager le développement d'une consommation responsable, il se doit de développer des pratiques où ils permettent naturellement aux consommateurs de limiter la quantité qu'ils achètent, selon leurs réels besoins. Actuellement, un réseau de vente adéquat à établir... Pardon. Actuellement, on sait que pour 28 grammes, on représente une économie de 3 $ à 6 $ sur le gramme, tandis que l'achat du gramme varie de 5,75 $ à 8 $.

Donc, il nous faudra être vigilants à l'offre réelle du marché illégal pour que les clients y voient un avantage réel, mettre un système de livraison efficace qui s'adapte aux horaires des consommateurs afin d'ajuster son offre aux différentes régions et à la densité de la population, de façon à concurrencer le marché illégal, qui est très bien organisé, déjà, à ce niveau-là.

Concernant les lieux de consommation, on est vraiment préoccupés aussi par le fait que les municipalités et les propriétaires peuvent littéralement avoir un contrôle sur l'ensemble de leurs territoires. Dans le cas de la conception de ces règlements, cela nécessite d'impliquer des experts qui ont une compétence pour déterminer quelle règle sera vraiment développée.

L'exclusion des personnes ayant un casier judiciaire, aussi, en lien avec la prohibition du cannabis, est incohérente, selon nous, la SQC ayant été déclarée coupable déjà en lien avec la... Il reste deux minutes? Oh! Bien, je vais passer la parole à ma collègue Mélodie Talbot immédiatement.

Mme Talbot (Mélodie) : Donc, je vais y aller de façon assez globale pour rester dans notre temps. Donc, je voulais vous parler du cannabis et de la conduite avec facultés affaiblies. Dans le fond, le cannabis est un produit dont la présence dans le sang est prolongée, puis ça peut être détectable pendant plusieurs semaines dans le corps. Puis, pendant ces semaines-là, il n'y a aucun effet sur le corps, la motricité, ni les réactions. Donc, on pense que le système en place, qui est des tests psychomoteurs, est suffisant parce que, dans le fond, on ne dispose pas des moyens adéquats pour déceler une consommation récente. Mais c'est quelque chose qui... définitivement, on devra s'adapter à ça.

Le Président (M. Merlini) : Prenez votre temps.

Mme Talbot (Mélodie) : En ce qui concerne le comité de vigilance, nos préoccupations concernent principalement la composition du comité. Nous considérons que ce comité devrait relever du ministère de la Santé et des Services sociaux. Le comité devrait être composé à 50 % d'acteurs en santé publique et en dépendance, minimum. Ils pourraient venir du milieu communautaire, universitaire. Ça pourrait être des utilisateurs, utilisatrices de drogues, précisément, consommateurs et consommatrices de cannabis.

Pour conclure, déjà, même si nous exprimons certaines réserves concernant des éléments de ce projet de loi qui, selon nous, devra subir des ajustements, comme n'importe quel projet de loi, nous considérons qu'on est dans la bonne voie.

La prohibition des drogues au Canada a vu le jour sans aucun appui basé sur la pharmacologie ou la santé publique. Ce mode de régulation a toujours été promu sur des bases essentiellement moralisatrices et ont toujours servi à ostraciser certains groupes de la population. Avec l'accroissement de la répression et l'augmentation des taux d'incarcération dans les années 1960, le terme «gare à la drogue» est venu cristalliser cet ensemble de politiques et de pratiques. Si la guerre, dont les victimes principales sont les personnes qui font usage de substances... nous espérons que les personnes ayant été condamnées en lien avec l'application des lois en matière de cannabis seront amnistiées.

C'est maintenant à nous de mettre les outils en place pour qu'une culture de consommation responsable se fasse, comme on a fait avec l'alcool auparavant. Mais évitons de refaire les mêmes erreurs qu'on a faites avec celle-ci. Faisons en sorte que la consommation de cannabis se fasse en développant une culture de consommation responsable dès maintenant. Merci. Je m'appelais Mélodie Talbot.

Une voix : ...

Mme Talbot (Mélodie) : Ah! merci.

• (18 heures) •

Le Président (M. Merlini) : Merci. Merci de votre présentation de ce mémoire. Nous allons débuter les échanges. Félicitations pour votre présentation. Mme la ministre et députée de Soulanges, 15 minutes pour... Allez-y.

Mme Charlebois : M. Mary, Mme Talbot et Mme Lefebvre, merci d'être là et merci d'être là en cette fin de journée avec cette bonne humeur. Ça fait du bien. Oui, honnêtement, moi, je suis de votre tempérament. J'aime ça quand il y a une joie de vivre qui s'installe, et on la sent bien. Merci beaucoup.

Je vais commencer par la fin de vos présentations. Je fais ça depuis le début de la journée. Je ne sais pas pourquoi, au lieu de commencer au début, je commence par la fin. Vous avez parlé de la conduite automobile — c'est vous, je pense, qui en a parlé, hein? — et de conserver les tests psychomoteurs. Mais je veux vous rassurer : La tolérance zéro ne sera pas appliquée tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas des tests concluants qui seront approuvés par Santé Canada, mais aussi par la Sécurité publique au Québec. Parce qu'en ce moment, il n'y a pas de test salivaire qui nous indique une consommation récente, et vous avez tout à fait raison qu'il reste des traces dans le sang pendant plusieurs jours, mais ça ne veut pas dire que tu es inapte à conduire, là. Ce n'est pas comme une consommation qui vient de se faire. Alors, on est conscients de ça, ça fait qu'on va garder exactement ce qui se fait en ce moment, soit la conduite avec les capacités affaiblies. Je voulais juste vous rassurer, parce que je trouve ça suffisamment important, puis il faut que la population aussi sache vers quoi... Puis quand on aura les appareils et les équipements et la formation des policiers faite, on va le signifier publiquement, là. On ne va pas arriver comme... On ne va pas faire des surprises aux gens, là. À mon sens, ça ne se fait pas.

Maintenant, je vous ai entendus parler de lieux de consommation, puis vous avez peur qu'on laisse des pouvoirs aux municipalités. C'est vous qui en a parlé.

Mme Lefebvre Constantineau (Vanessa) : ...principe qu'on expliquait plus tard, oui, c'est moi.

Mme Charlebois : Bien, c'est ça, j'aimerais ça vous entendre un petit peu plus, parce que ce qu'on fait en ce moment, c'est Tabac plus, vous l'avez entendu, puis on en a parlé avec les directions de santé publique précédemment, et l'Institut national de santé publique, et il y a certains pouvoirs qu'ont les municipalités dans leurs schémas d'aménagement, un, d'établir où seront les points de vente et, deux, peut-être qu'on pourrait leur dire : Il y a peut-être certaines restrictions à certains moments. Un peu qu'est-ce qu'a dit l'Institut national de santé publique en dernier, de voir s'il n'y a pas des dispositions, qu'on pourrait laisser les municipalités réglementer en partie. Mais je voudrais vous entendre plus sur la peur que vous avez, parce que c'est des élus comme nous...

Mme Lefebvre Constantineau (Vanessa) : ...la crainte qu'une personne qui consomme à l'intérieur de chez elle, qui justement, exemple, a un enfant, veut sortir dehors sur son balcon fumer, ne peut pas versus le propriétaire qui louerait des appartements à leurs locataires, il ne veut pas que ses locataires fument ou consomment dans son logement, mais la personne qui ne peut pas consommer dans son logement ne peut pas non plus aller sur son balcon fumer. C'est cette optique-là. C'est un donnant-donnant.

Mme Charlebois : C'est le manque de lieux de consommation que vous avez peur?

Mme Lefebvre Constantineau (Vanessa) : Bien, c'est vraiment le lieu de consommation qui nous effraie effectivement. Vas-y, JF.

M. Mary (Jean-François) : Puis qu'est-ce qui est réellement problématique dans les lieux où il est possible de fumer, en réalité, c'est la fumée secondaire, c'est la combustion, donc, ça devrait être exactement la même chose que le tabac. Si ce n'est les problèmes reliés à la combustion, il n'y a pas de problème si ce n'est des questions morales et éthiques. Mais, en fait, on devrait avoir les mêmes vis-à-vis de l'alcool et du tabac, des boissons sucrées, de la malbouffe à la rigueur. Il y a tout un ensemble de choses sur lesquelles on devrait avoir ces réflexions-là. Le réel problème, c'est la combustion. On a déjà des lois qui s'appliquent pour le tabac, qui traitent des fumées secondaires reliées à la combustion. Appliquons ces lois-là avec le cannabis pour ce qui est de la combustion de cannabis. Parce que les autres formes, le vapotage, par exemple, n'est pas une combustion.

Mme Charlebois : Vous avez aussi parlé des systèmes de livraison efficaces. C'est quoi, pour vous autres, des systèmes de livraison efficaces? Un système de livraison efficace... Est-ce que le système... parce que vous avez vu qu'on a, oui, les boutiques qu'on veut développer à la Société québécoise du cannabis, mais il y aura un site Internet, parce que...

Mme Lefebvre Constantineau (Vanessa) : Bien, c'est aussi simple pour vous éviter le fait que quelqu'un décide de se tourner vers le marché illégal. S'il est trois heures du matin, puis que je n'ai plus de pot, puis je capote, puis que tous vos magasins sont fermés, puis que je n'ai aucune option, je vais appeler mon dealer. C'est surtout dans cette optique-là qu'on veut éviter ça, dans ce sens-là. Mais pourquoi la livraison? Un système adéquat — c'est parce que le système dans le marché illégal est présentement vraiment bien organisé — ça serait d'aller concurrencer ce marché-là. Parce que, si vous voulez vraiment faire de l'ensemble de la légalisation du cannabis... c'est un marché qu'il va falloir aller toucher. Puis c'est un marché qui... Je suis désolée, mais je connais beaucoup de gens qu'eux autres, ils ne veulent rien savoir de se déplacer. Il y a des gens à mobilité réduite là-dedans, il y a des gens qui se mettraient dans des risques. Il est là, le risque, finalement, il est là le débat.

Mme Charlebois : Un service de livraison à domicile, bien, c'est sûr que ça ne pourrait pas être sept sur sept, 24 sur 24, là. Vous me parlez...

Mme Lefebvre Constantineau (Vanessa) : À partir de là, ça ne m'appartient pas, honnêtement.

Mme Charlebois : Non, mais tu sais...

Mme Lefebvre Constantineau (Vanessa) : Tu sais, vraiment, moi, ce que je dis, c'est qu'il y a un réel problème puis il y a vraiment une façon de se loader en ce moment.

M. Mary (Jean-François) : La question sur l'approvisionnement, c'est... Puis ça, ça va se poser partout au Canada, cette question-là, de passer d'un marché illégal ou légal, surtout quand on fait face à un marché illégal qui a eu 90 ans à s'organiser. Donc, c'est un marché qui est très bien établi, à qui on a laissé toute la marge de manoeuvre pour s'établir et prendre la totalité d'un marché. Et cette adaptation-là, tu sais, quand on parle de 15, 20, 30, 50 boutiques, on reste largement en dessous du réseau actuel de fourniture.

Et d'ailleurs, on sous-estime globalement le nombre de consommateurs. D'ailleurs, le Colorado, quand on voit des chiffres qui augmentent, puis la même chose s'est produite au Portugal, d'ailleurs, dans les premières années de décriminalisation, c'est que, tout d'un coup, tout un volet caché de consommateurs qui passaient totalement inaperçus parce qu'on voyait les consommateurs problématiques qu'on était capables d'estimer, mais 90 % des consommateurs, qui n'étaient pas des consommateurs problématiques, étaient entièrement cachés. Donc, on sous-estime, en réalité, les tendances de consommation reliées aux substances prohibées. Il faut être capable, si on veut vraiment éliminer le marché illégal, d'être capable de fournir cette clientèle-là sans augmenter les parts de marché, sans augmenter le nombre de clients potentiels, c'est une clientèle énorme. Et donc il faut créer un système qui répond aux besoins de cette clientèle-là, et on a un enjeu particulier au Québec et dans d'autres endroits au Canada : on a un territoire qui est immense.

Donc, c'est sûr qu'on a des enjeux logistiques. Et c'est là où des modèles décentralisés, donc, de livraisons, pourraient voir le jour et fonctionner. Après la modalité, sept jours sur sept, ça, ce n'est pas de notre ressort. Nous, on recommande qu'il y ait un système efficace de livraison et de mise en marché en magasin. Après, ça relève d'autres instances d'évaluer...

Mme Charlebois : Je comprends que ce n'est pas de votre ressort, mais elle me parlait, dans son introduction, que quelqu'un capote à trois heures du matin parce qu'il est en manque de stock. Bien, là, nous autres, on ne pourra pas tenir les boutiques 24 heures par jour, sept jours par semaine. Sauf que... Puis j'ai entendu... Il y a beaucoup de gens qui nous rappellent ça, qu'il y a 15 boutiques... Il y en a d'autres qui nous parlent de 50. On va répondre à la demande, mais ça ne va pas tout se faire dans la première journée, là, on s'entend? Puis il va falloir évaluer les besoins puis, bon, il y a tout ça. Ça, c'est une chose. Puis il y aura le site Internet qui sera mis en place, et il faut que vous sachiez qu'avec le gouvernement fédéral, il y a comme une entente que... Puis on va pouvoir préciser ça et leur demander, quand nous, on a légiféré, qu'on a notre site Internet, qu'on est en fonction, que les autres autour ne puissent pas vendre à nos Québécois. Et ce sera notre site Internet qui fournira les Québécois

Une fois que je vous ai dit ça, vous avez aussi parlé du prix. J'ai entendu ce matin, avec le cannabis thérapeutique, et ça m'a interpellé, puis je l'avais déjà entendu, pour être bien franche, là, ce n'était pas la première fois, mais je vous dirais que, ce matin, ça m'a ramené dans la vie courante, il y a des rabais de quantité, il y a des publicités sur le cannabis thérapeutique. Ce n'est pas ce qu'on souhaite, au Québec, faire la valorisation du produit. On veut ramener ceux qui sont sur le marché illicite vers le marché licite, mais on ne souhaite pas... C'est quoi, le prix, selon vous? Parce que, là, il dit... Là, je vais vous demander le prix aujourd'hui, puis peut-être que, dans six mois, ça sera un prix différent. Mais, en ce moment, là, c'est quoi, le prix qui serait logique pour concurrencer le marché noir?

Mme Lefebvre Constantineau (Vanessa) : Le prix logique? Écoute, si on se fie sur le prix...

M. Mary (Jean-François) : Bien, peut-être qu'il y a un autre enjeu, en fait. Au-delà du prix, c'est une question de valeur. C'est-à-dire qu'actuellement la valeur du cannabis est entièrement faussée parce qu'elle est mise en place par le crime organisé, qui... D'abord, le coût du cannabis, en tant que plante, est illusoire, là. Il y a beaucoup d'entreprises qui veulent faire beaucoup d'argent avec le cannabis. Et d'ailleurs nous, on s'oppose à toute forme de marchandisation du cannabis. On considère que ça ne devrait pas être un produit qui est mis à disposition pour un quelconque profit. Puis il faut être clair avec ça. Et ça inclut le marketing, etc., dans cette logique-là. Et donc il faut amener des réflexions sur la valeur. Quelle est la valeur réelle pour permettre aux producteurs de le produire et d'en vivre? Parce qu'il faut quand même que le producteur, en tant qu'agriculteur — puis nous, on le voit au niveau des agriculteurs — il soit capable d'en vivre. Donc, il y a un enjeu, une réflexion, qu'on n'a pas actuellement. On ne dispose pas de ces informations-là, parce que c'est un marché qui est faussé actuellement. Mais on sait que le cannabis a un prix dérisoire à la production.

• (18 h 10) •

Mme Charlebois : ...télé hier soir une compagnie qui disait 0,82 $.

M. Mary (Jean-François) : À peu près. C'est en dessous d'un dollar, certainement.

Mme Charlebois : De coût de production, évidemment.

M. Mary (Jean-François) : Donc, pour favoriser une consommation responsable, en équipe puis avec nos membres, les réflexions qu'on a eues, c'est de se dire : Actuellement, comment fonctionne le marché? Et pourquoi un grand nombre de personnes achètent des grandes quantités de cannabis en même temps pour bénéficier d'économie d'échelle? Parce que leurs moyens ne leur permettent pas d'acheter le cannabis au 3,5 grammes, qui est l'unité de base de vente du cannabis, actuellement. Ils vont l'acheter à l'once, à deux onces, trois onces, à la livre, ce qu'on ne souhaite pas non plus, dans un marché, puisque, de toute façon, dans la loi fédérale, c'est limité à une once, là, à 30 grammes. Donc, de toute façon, ça ne sera pas possible. Et comment on peut faire... Par contre, disposer de grandes quantités, ça favorise une surconsommation. Pour pallier aux deux enjeux, nous, ce qu'on recommande, c'est de s'aligner sur le prix économiquement viable à la fois pour le consommateur et pour le producteur de cannabis sans générer des profits inacceptables. Et là, donc, on arrive dans les prix à l'once actuels, qu'on a détaillés d'ailleurs dans notre mémoire, qui nous donnent... Toi, tu les avais notés, d'ailleurs, dans ta présentation, les prix à l'once? Tu peux-tu nous redire les prix à l'once?

Mme Lefebvre Constantineau (Vanessa) : Oui, les prix à l'once, on avait 100... Pardon?

Une voix : Entre 125 $ puis 200 $.

Mme Lefebvre Constantineau (Vanessa) : Oui, entre 125 $ puis 200 $ selon la qualité...

M. Mary (Jean-François) : Donc, 125 $ à 200 $ l'once, ce qui revient à un prix de 3,50 $ à un maximum de six dollars.

Mme Charlebois : Le gramme?

M. Mary (Jean-François) : Le gramme.

Mme Lefebvre Constantineau (Vanessa) : Oui, quand que tu achètes à l'once. Mais s'il est quand même...

Mme Charlebois : Il y a quand même une grande... Ça varie beaucoup, là, de 3,50 $ à six...

M. Mary (Jean-François) : Oui, ça varie beaucoup, tout à fait. Oui, parce que c'est un marché qui est biaisé.

Une voix : ...

Mme Lefebvre Constantineau (Vanessa) : Bien, ils disent qualité. Tu sais, on se dit : Qualité, mais ça va être aussi le revendeur, comment que, lui, il l'a payé, puis souvent ça n'a même pas rapport avec la qualité, puis on va se le dire, là.

Mme Talbot (Mélodie) : Bien, souvent, il y a quand même une notion de qualité. Tu sais, comme, si tu achètes quelque chose, un produit qui est québécois, par exemple, qui a été fait à l'extérieur, ça, ça va être un produit qui va être à 125 $ l'once. Tandis que, si tu prends un cannabis qui, lui, est extrêmement potent au niveau du THC puis du cannabidiol, bien là, tu vas avoir quelque chose à 200 $, mais ça, c'est des prix qui sont incroyablement chers.

Mme Charlebois : Alors donc, est-ce que nous devrions penser, à la Société québécoise du cannabis, d'avoir différents prix selon la teneur en THC, cannabinoïde, etc.?

M. Mary (Jean-François) : La qualité ou la nature. Tu sais, est-ce que de la production extérieure ne peut pas être vendue au même tarif que de la production hydroponique ou aéroponique. Les coûts de production ne sont pas les mêmes non plus, d'ailleurs. Les intrants ne sont pas les mêmes, les coûts de production ne sont pas les mêmes. Et d'ailleurs, nous, ça nous étonne qu'on n'ait pas retenu un modèle de gestion de l'offre sur certains produits au Québec. On aurait pu très bien voir un régime qui fait une place à la gestion de l'offre, où on note ce marché-là, des compagnies comme Tweed, Hypothecary, on leur ôte la totalité du marché, on a un plus grand contrôle aussi sur la qualité, puisque le MAPAQ fait un contrôle de la qualité. Nous, on a des doutes aussi sur les contrôles de qualité de Santé Canada. On l'a vu avec le pot médicinal. Il y a eu différents enjeux avec des insecticides ou des engrais qui ont été utilisés. Le problème avec le cannabis, c'est qu'étant donné qu'il est produit par «batch», bien, les «batchs» étaient déjà fumés quand les avis ont été reçus. Pour nous, c'est problématique, on devrait le réglementer comme on le fait avec différents produits alimentaires. Et, au Québec, on a une compétence en la matière. Et ça nous permettrait d'éviter d'avoir recours à ces compagnies qui sont là uniquement pour le profit sur le dos des consommateurs.

Mme Charlebois : Je vous entends. Mais, en même temps, j'ai entendu des consommateurs qui m'ont parlé justement de la gestion de l'offre, puis qui m'ont parlé du prix du lait. Là, je dis : Bon, O.K. Puis ils ont dit : Ça va faire en sorte que le cannabis va prendre de la valeur.

M. Mary (Jean-François) : Tout dépend du raisonnement... Et c'est là qu'il faut avoir un questionnement au niveau de la valeur réelle du cannabis quand on me parle d'une valeur qui est non marchande. Parce qu'on reste dans un modèle où on ne veut pas de marchandisation. Donc, on parle d'une valeur non marchande. On va le vendre dans une valeur non marchande avec la création d'un fonds de prévention. Et on veut faire vivre les SQC. Donc, c'est des salaires, des coûts de structure, et un fonds de prévention et le revenu des agriculteurs. Et ça devrait s'arrêter là, la notion du prix et du tarif.

Mme Charlebois : Or donc, ce que vous me dites : Les seuls qui pourraient faire du profit avec le cannabis, dans toute cette chaîne, ce serait les agriculteurs.

M. Mary (Jean-François) : Bien, il faut qu'ils en vivent. Est-ce que c'est du profit ou est-ce que c'est de la survie? Il faut qu'ils vivent de la production du cannabis. Mais je préfère voir des agriculteurs vivre du cannabis que des compagnies comme Tweed ou Hypothecary, personnellement.

Mme Charlebois : Non, bien, je vous écoute, je vous questionne...

M. Mary (Jean-François) : ...en bourse, etc., là. Il y a d'autres enjeux, là, avec ces entreprises-là, hein? C'est des entreprises mercantiles quand même.

Une voix : Avec des entreprises...

M. Mary (Jean-François) : Avec des lobbyistes, avec...

Mme Charlebois : Mais les agriculteurs aussi, c'est des entreprises, là. On ne va pas se leurrer, hein?

M. Mary (Jean-François) : Oui, mais pas cotées en bourse.

Mme Charlebois : J'ai 70 % d'agriculture dans mon comté. Je sais très bien que ce sont de gigantesques entreprises.

M. Mary (Jean-François) : Oui, oui.

Mme Charlebois : Culture personnelle, je vous laisse là-dessus, mais je ne pourrai pas avoir de réponse. Vous nous disiez : Réglementer par la Régie du bâtiment seulement. Je n'ai pas trop compris où vous vouliez aller, mais peut-être que mes collègues vous poseront des questions dans ce sens-là.

Le Président (M. Merlini) : Merci. On va se tourner vers l'opposition officielle, qui a un bloc maintenant de neuf minutes. M. le député de Labelle, à vous la parole.

M. Pagé : Bien, allons-y peut-être avec cette question-là, la question que la ministre vient de vous poser, là.

Mme Lefebvre Constantineau (Vanessa) : On disait de laisser ça au Code du bâtiment par rapport aux installations électriques, moisissures que ça pourrait apporter. La crainte des propriétaires présentement, c'est justement les feux avec les installations, les moisissures ou peu importent les raisons qui sont apportées. Ça serait de le réglementer par le biais du Code de bâtiment ou la Régie du logement parce que ça décrète justement des propriétaires, etc., du bâtiment finalement.

M. Pagé : Oui. En même temps, ce matin, ils nous ont dit : Bon, si c'est un plant, à la limite deux, ça ne semblait pas causer de problèmes en tout cas parce que je pense que leur problème...

Mme Lefebvre Constantineau (Vanessa) : Ça fait que de deux à quatre...

M. Pagé : ...qu'ils ont vécu, c'est pour ceux et celles qui voulaient faire pousser des 10, 20, 25 plants à l'intérieur. Là, c'était plus problématique. Alors, on comprend que... En tout cas, à la fin, c'est ce qu'ils nous ont dit : Pour un plant ou deux, ça ne devrait pas causer des gros problèmes de moisissures ou autre chose.

On aurait dû vous passer au début de nos consultations et non à la fin parce que vous nous amenez un éclairage différent effectivement sur tout ce que l'on entend, et je trouve ça fort intéressant de vous entendre, et j'ai bien entendu que vous prenez position très clairement pour une société d'État, hein, vous ne souhaitez pas que ce soit le privé qui vende le cannabis? C'est bien clair, ça, dans votre esprit?

M. Mary (Jean-François) : D'État ou entièrement à but non lucratif, mais l'État... si l'État répond : On a des réserves par rapport à la SAQ, ça fait que... Est-ce que l'État va mener le même...

M. Pagé : Oui, oui, clairement.

M. Mary (Jean-François) : ...modèle de commercialisation que la SAQ? Est-ce qu'il y a vraiment une différence entre le privé et la SAQ? On en doute. On veut un modèle différent de la SAQ.

M. Pagé : Bien, là-dessus, en fait, j'aurais pu être un peu plus explicite, là, mais, bon, peut-être parce que, là, on est rendus aux 55e ou 60e consultations. Mais, dans notre esprit, en tout cas, chez nous ici, puis je pense que pour la plupart, la société d'État, c'est une société qui ne sera pas soumise à des obligations de rendement comme la SAQ. Et même, nous, on va plus loin, on va jusqu'à dire que s'il y a profits, 100 % des profits, il devrait être inscrit dans la loi qu'ils devraient aller vers... pour contrer la dépendance, pour les municipalités, pour faire de la promotion, de la sensibilisation, les saines habitudes de vie et la prévention, bon, voilà. Alors, là-dessus, je pense que nous sommes à la même place. C'est bien ça?

M. Mary (Jean-François) : Oui.

M. Pagé : O.K. C'est quoi, selon vous, les conditions gagnantes pour passer du marché illicite au marché licite? Puis, si on veut mettre l'accent, là, dans un premier temps, là, sur ce qu'il faut faire pour essayer de convaincre le plus rapidement possible les gens de... N'allez plus acheter au coin de la rue, là, regardez, là, maintenant, il y a des comptoirs, et ces comptoirs, ce réseau de vente, c'est un produit de qualité, etc.? Parce que je ne suis pas si certain qu'on va rejoindre la clientèle qui consomme régulièrement, qu'on va les rejoindre aisément pour qu'ils puissent passer vers le marché licite et qu'ils puissent consommer un produit de qualité et en même temps, bien, faire un peu de prévention, même un peu ou beaucoup. Alors, ça serait quoi, les conditions gagnantes pour qu'on puisse passer d'un marché à l'autre?

• (18 h 20) •

Mme Talbot (Mélodie) : Je pense que, si on répond à la clientèle comme il faut, je pense que c'est ça qu'il faut faire. Mais comment répondre à cette clientèle-là comme il faut? En fait, dans le milieu illégal, souvent tu vas aller voir ton vendeur, il n'aura pas 10 sortes, là. Tu sais, il va t'en proposer deux qui vont avoir un taux de THC soit élevé ou bas dépendamment de ce que tu veux ou du cannabidiol ou pas, dépendamment de ce que vous voulez, puis aussi des sortes comme le sativa qui va plus réveiller, puis du indica qui va plus vous fatiguer. Puis si, dans le marché légal, on offre quelque chose qui ressemble justement au marché de la santé, donc on peut offrir vraiment ce que le client veut avec une description, tu sais, qui est tout à fait vraie, tu sais, sans déroger pour vendre, bien, oui, je pense que c'est ça, puis d'avoir une qualité, puis d'avoir une transparence aussi, tu sais, de ne pas... Si la culture est faite d'une telle manière, le dire; s'il y a des agents de... tu sais...

Une voix : Par rapport au prix aussi.

M. Mary (Jean-François) : L'exemple de la Hollande n'est pas tout à fait transposable, parce que c'est quand même particulier en Hollande, mais c'est une décriminalisation avec une commercialisation, de tolérer dans les «coffee shops». C'est très particulier, comme modèle, la Hollande, mais s'il y a quelque chose où la Hollande a très bien réussi, c'est... pour les personnes hollandaises d'ailleurs, parce qu'il y a des «coffee shops» plus utilisés par les touristes puis il y a des «coffee shops» beaucoup plus pour les Hollandais. On retrouve très peu de Hollandais dans les «coffee shops» touristiques. Mais, dans les «coffee shops» hollandais, ils sont arrivés à créer une expérience aussi, tu sais. Les gens se sentent bien d'aller poser des questions à leur commis dans le «coffee shop». Ils reçoivent de l'information factuelle sur le cannabis qu'ils vendent sans aucun jugement. Il n'y a pas une promotion de la vente, parce qu'ils ont des limites, d'ailleurs, sur les quantités vendues, en Hollande. Mais ils offrent cette qualité-là, un lieu où on peut aussi consommer sur place en... C'est assez... Plutôt que d'essayer de faire un lieu où on va vendre du cannabis en disant : On te vend du cannabis, mais c'est vraiment mauvais pour toi, on vend du cannabis en prenant le consommateur pour une personne intelligente et capable de faire des choix raisonnés, et c'est ça qu'il faut.

En fait, il faut parler à l'intelligence du consommateur et il faut vendre le cannabis pour ce qu'on souhaite faire. On veut légaliser la substance, bon, bien, acceptons-le. Acceptons-le, et donnons l'information transparente, et ouvrons des discussions, parce que c'est le seul moyen, même si on veut atteindre les objectifs de prévention, c'est par ce moyen-là qu'on va l'atteindre. Vis-à-vis des jeunes, c'est tout à fait marquant. On parlait tantôt de la coercition, des amendes, ça m'amène encore une fois là-dessus. Si on veut rejoindre les jeunes, ce n'est pas avec des amendes et des sanctions qu'on va y arriver pour les jeunes qui ont des consommations problématiques. Ceux qui n'ont pas de consommations problématiques, ils n'apparaîtront jamais dans les cartes de l'État. De toute façon, ils consomment du cannabis, ils continueront à consommer du cannabis, ils n'auront jamais aucun problème de cannabis.

Ceux qui ont des problèmes de cannabis, ils vont avoir aussi d'autres problèmes à l'école, ils vont avoir d'autres problèmes de scolarisation, d'autres problèmes sociaux, et il faut être capable d'aborder ces questions-là. Ce n'est pas en y allant par la sanction, et par des amendes et par la coercition, que les travailleurs sociaux qui vont aborder ces questions-là vont être capables de gratter avec le jeune ce qu'il se passe en dessous, dans les causes sociales qui sont en dessous de ces problèmes-là. Et, si on veut réussir la légalisation, c'est cette ouverture-là qu'il faut arriver à faire.

M. Pagé : Oui, j'entends bien. Oui, j'entends bien, merci. À la page 13 de votre document, vous abordez, je pense, un sujet que personne n'a abordé avant vous, qui sont les exigences d'absence de dossier criminel : «Exclusion des personnes ayant un casier judiciaire en lien avec la prohibition du cannabis.» Bon, le fédéral songe, avec peut-être l'amnistie pour les gens qui auraient des casiers, juste... Est-ce vous faites certaines distinctions quand vous dites cela? Je m'explique : Est-ce que ça serait, quand vous dites ça, seulement pour les gens qui, aujourd'hui, ce pour quoi ils auraient été reconnus coupables, ne le seraient pas? Par exemple, je suis en possession de 20 grammes sur moi. Je suis coupable aujourd'hui, mais à partir du 1er juillet, je ne le serai pas. Est-ce que c'est seulement pour cette catégorie de gens là ou ça inclurait des gens, quand vous dites ça, là, peu importe qui, là? Tu as un casier judiciaire en lien avec une ultra consommation ou tu as été un vendeur; jusqu'où vous allez quand écrivez cela?

Mme Lefebvre Constantineau (Vanessa) : On y va globalement, l'amnistie totale en lien avec la prohibition totale.

M. Mary (Jean-François) : Parce que l'idée, c'est de sortir des personnes d'un réseau criminalisé illégal pour les intégrer dans une économie légale, qu'on souhaite... Donc, on souhaite les inclure, les sortir de l'illégalité pour les inclure dans un modèle légal. Et qui actuellement dispose de l'expertise au niveau de la production, de la commercialisation, de la nature des produits? Bien, ce sont les consommateurs et ce sont les vendeurs, parce que, bien souvent, les vendeurs de cannabis sont aussi des consommateurs de cannabis.

Nous avons d'ailleurs, dans ce même mémoire, tu sais, demandé un souci de cohérence. Par rapport à l'alcool et au tabac, on a une position que l'association canadienne aussi des usagers de drogue porte sur la décriminalisation totale de toutes les substances puisque ces gens-là, qui sont maintenus dans un réseau illégal, ils ne sont pas... il y en a certains qui... les gros bonnets, qu'on parle souvent, eux sont là pour le profit. La majorité des vendeurs de drogue, en général, et de cannabis sont soit des vendeurs de subsistance, soit des vendeurs consommateurs. Est-ce qu'ils vendent de la drogue par choix? Non, ils vendent parce qu'ils se retrouvent dans un contexte social où leur source de revenus ne peut être garantie que par la vente de substances prohibées que par un commerce illicite. On s'attend d'un État de faciliter l'intégration de ces personnes-là dans un marché légal et de les intégrer à l'économie légale.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, ça met un terme à ce bloc d'échange avec l'opposition officielle. M. le député de Borduas, vous avez six minutes. À vous la parole.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour à vous trois. Merci de participer aux travaux de la commission parlementaire. Si vous voulez, on va poursuivre sur le même sujet. Vous nous dites, dans le fond, peu importe l'infraction criminelle qui a été commise, les individus devraient être habilités à travailler dans un magasin de la Société québécoise du cannabis, en lien avec une infraction criminelle, on s'entend, en lien avec une substance prohibée, supposons, prévue à la loi.

M. Mary (Jean-François) : ...certaines drogues et substances, la LCDS, c'est bien connu.

M. Jolin-Barrette : Exactement. Bon. Supposons... pour le cannabis, je peux comprendre votre raisonnement. Quelqu'un qui produirait du fentanyl puis qui aurait été condamné, vous dites : Bien, ce serait approprié que cet individu-là travaille à la Société québécoise du cannabis.

M. Mary (Jean-François) : Pour quelle raison, est-ce que le fentanyl se retrouve sur le marché actuellement? Je vous pose la question.

M. Jolin-Barrette : Je ne peux pas vous dire.

M. Mary (Jean-François) : Exactement. Le fentanyl se retrouve sur le marché actuellement, essentiellement en lien avec la prohibition. Certains consommateurs maintenant vont chercher le fentanyl, mais c'est une conséquence de ça. Si on n'était pas dans un régime de prohibition, cette course à la substance la plus forte et la plus facile à trafiquer, parce que c'est pour ça que le fentanyl est apparu, parce que de très petites quantités sont capables d'approvisionner un bassin de clientèle énorme, c'est une conséquence de la prohibition. On serait restés... l'alcool, la prohibition de l'alcool a suivi exactement le même phénomène, puisque les vins et bières ont quasiment disparu, pendant la prohibition, au profit des alcools forts qui étaient beaucoup plus rentables et faciles à trafiquer par les bootleggers de l'époque. Et on voit exactement le même phénomène avec les autres substances, que ce soit la méthamphétamine ou que ce soit le fentanyl, c'est exactement le même schéma, c'est un schéma prohibitionniste.

Ce schéma-là, par la fin de la prohibition, il va s'annuler par... les consommateurs ne choisissent pas de consommer une substance qui a une majorité de chances de les tuer, ils ne choisissent pas... ce n'est pas du suicide, c'est une consommation. Les consommateurs problématiques, il y a des causes sociales et environnementales et sociétales en dessous de la consommation, qui fait qu'ils ont une consommation problématique. Donc, le consommateur de fentanyl n'est pas considéré dans la question.

M. Jolin-Barrette : Même là-dessus, là, au niveau du producteur, du distributeur actuellement, c'est une substance illégale.

M. Mary (Jean-François) : Dans ce projet de loi là, on parle de cannabis, donc on parle de la loi sur certaines drogues ou substances et ce qui se rapporte au cannabis, donc les dossiers reliés au cannabis.

M. Jolin-Barrette : Oui, mais là vous me parlez des gens qui pourraient travailler à la Société québécoise du cannabis, vous visez uniquement les gens qui ont un dossier criminel en fonction d'une infraction reliée au cannabis. C'est ce que vous visez ou vous visez tout? Vous visez tout.

M. Mary (Jean-François) : Non, généralement, pour quelle raison on va...

M. Jolin-Barrette : Mais je veux juste vous arrêter là. Je comprends, là, votre système prohibitionniste, tout ça, la conséquence, tout ça, on peut faire une analyse sociologique. Mais pratico-pratique, là, le vendeur, là, qui va être là, qui a un dossier criminel, je comprends que vous dites, dans votre mémoire, c'est un individu qui connaît les propriétés, qui connaît... qui en a peut-être consommé aussi, mais vous dites, c'est lui, l'expert dans ce domaine-là. C'est le raisonnement que vous avez.

M. Mary (Jean-François) : Oui, tout à fait. Et pour quelle raison est-ce qu'on exclut du marché du travail quelqu'un pour une faute, un crime qu'il a commis par le passé et pour lequel il a payé déjà? Pour quelle raison on va maintenir, dans une situation d'exclusion économique, un individu et qu'on ne lui permet pas de se réintégrer socialement?

M. Jolin-Barrette : Là-dessus, il y a de nombreux emplois qui demandent de ne pas avoir de casier pour de multiples raisons, alors...

M. Mary (Jean-François) : Pour de multiples raisons. Dans la vente, dans un lieu de vente de cannabis, quelles seraient ces raisons-là? Je comprends que, dans un CPE, quelqu'un qui a commis des abus sexuels sur des enfants ne puisse pas y travailler, c'est tout à fait logique.

M. Jolin-Barrette : C'est un dossier criminel. Si vous avez eu un dossier criminel, il y a certains emplois que vous ne pouvez pas exercer. Alors, le critère, c'est le dossier criminel, mais je comprends votre point de vue, mais, du côté de ma formation politique, on ne le partage pas du tout.

M. Mary (Jean-François) : Tout à fait.

M. Jolin-Barrette : Sur l'aspect des jeunes, tout à l'heure, vous avez dit : Bon. Bien, il faut regarder pourquoi ils consomment, tout ça. Moi, ce qui m'intéresse, le choix du gouvernement, la légalisation va être à 18 ans au Québec. Comment est-ce qu'on fait pour accompagner les jeunes de moins de 18 ans, au niveau de la prévention, avant même le premier épisode de consommation?

M. Mary (Jean-François) : On le fait déjà. En fait, on a déjà, dans le milieu scolaire...

M. Jolin-Barrette : Je vous dirais qu'il y a certaines lacunes parce qu'il y a énormément de consommation. Alors, comment est-ce qu'on fait pour faire de la prévention?

• (18 h 30) •

M. Mary (Jean-François) : En sciences humaines, on aura toujours... L'humain est tellement capable d'adaptation et présente une telle diversité qu'on aura toujours des lacunes. Par contre, on a déjà des systèmes en place dans les écoles, même dans la protection de la jeunesse, pour que les jeunes problématiques reçoivent un accompagnement. Il y a des lacunes, il y a peut-être des investissements à faire, il y a des améliorations à faire, mais ce système-là existe. Et ce système-là est juste pour les jeunes. Notamment le fait qu'après 14 ans cet accompagnement-là, il puisse se faire en total... tu sais, sans que les parents soient prévenus, parce que c'est des approches de santé et de services sociaux. Et, par ce biais-là, on est capables de travailler avec ces jeunes-là et non pas travailler contre ces jeunes-là. Et c'est là l'essentiel : travailler pour la jeunesse et non contre la jeunesse.

Le Président (M. Merlini) : Merci. Notre temps est écoulé.

Mémoires déposés

Avant de conclure, je vais procéder au dépôt des mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions. Il s'agit des mémoires du Syndicat de la fonction publique du Québec, le Syndicat québécois de la construction, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, le Collège des médecins du Québec, Altasciences, l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes, la Fédération des médecins spécialistes du Québec, le Réseau québécois des villes et villages en santé, la Sûreté du Québec, le Protecteur du citoyen, la Ville de Montréal, Canopy Growth Corporation, l'Association canadienne de la gestion de l'approvisionnement pharmaceutique de La Feuille verte, et The Green Organic Dutchman Holdings.

Nous avons tenu neuf jours d'auditions, pour un total de 38 heures. 55 groupes ont été entendus. Nous avons reçu un total de 63 mémoires, dont 48 mémoires provenant des groupes entendus et 15 mémoires provenant de groupes non entendus.

Mme Lefebvre Constantineau, Mme Talbot, M Mary, représentant l'Association québécoise pour la promotion de la santé des personnes utilisatrices de drogues, je vous remercie de votre présence ce soir et votre contribution aux travaux de la commission.

Et la commission, ayant terminé son mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci et bonne soirée.

(Fin de la séance à 18 h 32)

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