(Onze
heures trente-cinq minutes)
Le
Président (M. Merlini) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous
plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare donc la séance de la Commission de la santé et des services sociaux
ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine de bien
vouloir éteindre toutes sonneries, avertisseurs de leurs appareils
électroniques.
La
commission est réunie afin de poursuivre son mandat de l'étude détaillée du
projet de loi n° 130, Loi modifiant certaines dispositions relatives à
l'organisation clinique et à la gestion des établissements de santé et de
services sociaux.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements ce matin?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président, il y a un
remplacement : M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys) sera remplacé par M.
Polo (Laval-des-Rapides).
Étude
détaillée (suite)
Le
Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Mme la secrétaire. Lors de
l'ajournement de nos travaux hier soir, nous étions à l'étude d'un sous-amendement du député de Lévis à
l'amendement déposé par le ministre à l'article 7 du projet de loi. Je vous rappelle par ailleurs que
les articles 8, 9, et 36, et 65.1 sont suspendus. Je crois que la parole était
à Mme la députée de Taillon lorsque nous avons ajourné hier soir. Mme la
députée de Taillon, la parole est à vous.
Mme
Lamarre : Merci, M. le Président. Alors, ce que nous proposions, en
fait... on demandait au ministre de nous expliquer... Pour remettre un
peu les choses en contexte, là — les gens se joignent à nous — je
vais juste relire l'article : «Afin de
combler [les] besoins en [médecins] de famille ou en médecine spécialisée, le ministre
peut, lorsqu'il donne l'approbation
requise en vertu de l'article 240 de cette loi, exiger l'ajout de certaines
obligations aux privilèges que le conseil d'administration compte
octroyer au médecin.
«Le
gouvernement prévoit, par règlement, les balises qui doivent guider le ministre
dans l'exercice du pouvoir prévu au
premier alinéa. Dans l'élaboration de ce règlement, les organismes
représentatifs des médecins doivent être consultés.»
Et
le sous-amendement du député de Lévis précise donc, après le mot «exiger», «,
après consultation du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens,».
Alors,
il faut comprendre l'objectif de cet article-là, qui est probablement un des
articles les plus, je vous dirais, coercitifs
du projet de loi n° 130, c'est-à-dire, c'est un projet de loi qui vient
donner au ministre le pouvoir de retirer les privilèges, c'est-à-dire la possibilité pour un médecin d'exercer dans
un hôpital, par exemple, ou dans un CLSC, ou dans un établissement du CISSS ou du CIUSSS. Alors,
c'est très, très puissant comme article. Et le ministre... Et c'est lui qui
avait ajouté, déjà : «Dans
l'élaboration de ce règlement, les organismes représentatifs des médecins
doivent être consultés.»
Or, hier, le ministre
nous a dit que, parmi ces organismes, il pouvait y avoir les deux fédérations
médicales, donc, qui sont des syndicats, il
pouvait y avoir le CMDP, mais pas obligatoirement le CMDP, alors... Mais, en
même temps, il nous a dit que, pour lui, c'était presque sûr que ça
voulait dire aussi le CMDP. Alors, à partir du moment où le ministre a dit : Bien, dans mon esprit, c'est
quand même ça que je vois, il reste que les organismes représentatifs, il peut
y en avoir beaucoup, puis on peut en exclure certains.
Donc, le
sous-amendement déposé nous confirme que le conseil des médecins, dentistes et
pharmaciens de l'établissement sera pris en considération et que le ministre
aura eu au moins l'obligation d'entendre le conseil des médecins, dentistes et
pharmaciens.
Pour
expliquer aux gens ce que c'est, eh bien, ce sont les médecins, dentistes et
pharmaciens qui travaillent dans le CISSS ou dans le CIUSSS. Alors, ce sont des
gens qui ont comme mission justement de travailler à l'organisation des soins, à la bonne répartition, à l'utilisation des
plages horaires, à s'assurer que l'organisation rend bien service à la
population.
Donc,
je pense que, dans un contexte où le ministre veut sanctionner des gens qui
n'auraient pas bien répondu aux
obligations liées à l'octroi de leurs privilèges,
c'est tout à fait positif. Même, je dirais que ça peut être perçu
comme une approche éducative, jusqu'à
un certain point, parce que ça donne l'opportunité
au ministre d'informer clairement le CMDP que des attentes spécifiques
n'ont pas été rencontrées.
Ça
donne aussi, par contre, la possibilité au CMDP d'expliquer — conseil des médecins, dentistes, là, et
pharmaciens — au ministre certains contextes particuliers,
spécifiques, transitoires qui ont pu expliquer le non-respect des
obligations ou le fait que ces obligations-là soient différées dans l'atteinte
de leurs objectifs.
Alors,
dans ce contexte, je pense que la proposition est tout à fait acceptable. Et, à
partir du moment où le ministre nous
dit : Mais, oui, mais, dans les organismes représentatifs, je suis pas mal
sûr que j'inclurais le CMDP, bien, nous, on dit : Mettons-le clairement. Alors, moi, j'avais même dit :
Les organismes représentatifs, dont le CMDP. Si c'est l'esprit du ministre, je suis prête à... et je pense que je
vois mon collègue député de Lévis qui serait d'accord, donc on pourrait aussi
le formuler de cette façon-là.
• (11 h 40) •
Le
Président (M. Merlini) : Merci, Mme la députée de Lévis. M. le
ministre.
M.
Barrette : Bien, je me suis
pas mal exprimé, là, M. le Président, là. Peut-être juste un commentaire, là. Encore
une fois, on me prête l'intention d'être coercitif puis d'avoir le pouvoir de...
Non, c'est une règle qui dit que, lorsqu'un conseil d'administration, là, c'est
implicite, donne des privilèges — parce que le ministre ne donne pas de
privilège aux institutions — lorsque le ministre... pas lorsque le
ministre... c'est-à-dire, lorsqu'un conseil d'administration choisit de...
pas choisit... Je vais le formuler correctement.
Le
conseil d'administration qui a la responsabilité d'octroyer les privilèges,
O.K.? Une administration, là, par cette loi, peut choisir de donner... d'exiger des obligations supplémentaires.
C'est ça qui est écrit, là, «exiger l'ajout de certaines obligations aux privilèges que le conseil
d'administration compte octroyer au médecin». Le conseil d'administration, à toutes fins utiles, doit, compte tenu du
sous-amendement que j'ai fait adopter, qui a été adopté, consulter les
organismes représentatifs.
Et
là c'est large, c'est volontairement large parce que ça ne peut pas... Là, il
faudrait avoir des règles qui prévoient tous les cas de figure. Alors, c'est pour ça que c'est large, parce que
tous les cas de figure ne vont pas être écrits dans un amendement. Je me
suis exprimé, là, là-dessus, je n'ai rien de plus à ajouter.
Le
Président (M. Merlini) : Merci, M. le ministre. Est-ce que j'ai
d'autres interventions sur le sous-amendement du député de Lévis? Mme la
députée de Taillon.
Mme Lamarre :
Bien, on va reprendre un exemple concret, là, mais : «...le ministre peut,
lorsqu'il donne l'approbation requise en
vertu de l'article 240 de cette loi, exiger l'ajout de certaines obligations
aux privilèges que le conseil d'administration compte octroyer au
médecin.»
Alors,
on comprend que le conseil d'administration peut dire à un médecin : Tu
vas devoir faire telle ou telle chose. Il
le fait individuellement, mais il le fait pour chacun des médecins, donc il y a
aussi une vision qui doit être collective. Or, le conseil d'administration a l'obligation d'en tenir compte de
façon individuelle, parce que c'est «au médecin» au singulier.
Le
CMDP est probablement l'organisme, à l'intérieur de l'établissement, qui est le
plus à même de faire valoir au ministre
qu'il y a trois congés de maternité qui vont s'appliquer au cours de la
prochaine année, et donc qu'il y a des fonctions, pour ce médecin dont individuellement on tenterait
d'évaluer, ou de rehausser, ou d'augmenter les obligations reliées à ses
privilèges, qui risquent d'être mises à
contribution pour remplacer les congés de maternité. Le ministre a clairement
dit, à plusieurs reprises, là, qu'il y avait eu un décès d'un
anesthésiste...
Alors,
ce contexte propre à la vie d'une communauté médicale, dans un grand CISSS ou
CIUSSS, le ministre doit se donner
l'instrument de l'entendre et d'être sensible à ça avant d'imposer des
obligations à un médecin qui ne tiennent pas compte, peut-être, des besoins collectifs. Et je pense que c'est
tout simplement ça qu'on peut avoir. Le ministre pourra quand même juger, après consultation du CMDP, que
l'environnement ou les contraintes particulières de l'environnement ne justifient pas qu'il n'applique pas les
obligations supplémentaires, mais, au moins, il y aura une opportunité pour le
CMDP de dire : Attention! ce que vous
êtes en train d'imposer à un médecin, ça va déstabiliser l'ensemble de l'équipe
et ultimement l'offre de soins, la disponibilité de services et de soins de
santé à l'intérieur du CISSS ou du CIUSSS.
Le Président (M.
Merlini) : Merci, Mme la députée de Taillon. M. le ministre.
M. Barrette :
Je n'ai rien à ajouter.
Le
Président (M. Merlini) : Rien à ajouter? Est-ce que j'ai d'autres
interventions? M. le député de Lévis, à vous la parole.
M. Paradis (Lévis) : Bien oui, bien, on complétera, M. le Président, sur ce dossier-là.
Écoutez, c'est drôle, parce qu'à travers ce qu'on se dit depuis déjà plusieurs
heures, dans ce contexte-là, j'ai comme l'impression qu'il y a des formules qui reviennent puis il y a des souhaits
qui sont exprimés. Et, encore une fois, il faut que les gens comprennent :
ce qui est proposé là n'empêche en rien puis
ne change en rien le but de l'amendement du ministre. C'est de s'assurer,
au profit des particularités locales ou
d'une organisation, une consultation — c'est une consultation — qui ne handicape pas non plus le
pouvoir du ministre de pouvoir décider, par la suite, tel qu'il est inscrit là.
Alors, c'est seulement... Je comprends très
mal, puis ça sera la décision du ministre, là, je comprends mal en quoi... Puis
j'en suis, hein, de modifier pour dire :
Mettons-le dans le deuxième paragraphe tel que proposé par le ministre
lui-même. «Dans l'élaboration de ce règlement, les organismes
représentatifs de médecins», dont le conseil, le CMDP... C'est ça. On s'assure
qu'il ait une vision de particularités qui
vont aussi l'aider à prendre sa décision. C'est seulement ça. Alors, c'est ça
qu'on demande.
Alors,
il n'y a rien qui change quoi que ce soit. C'est simplement de faire en sorte
qu'on puisse aussi convenir que ces
gens-là puissent informer le ministre de situations particulières, lui
facilitant son travail. Alors, c'est bien loin de changer, puis radicalement prendre une autre
position puis une autre direction. Ce n'est qu'un ajout qui rassure puis qui,
dans notre esprit, en tout cas dans le mien, probablement dans celui de ma
collègue de Taillon, facilite le travail du ministre puis reflète aussi des
particularités qui peuvent survenir. Alors, je ne vois pas en quoi c'est
dommageable, inquiétant puis dérangeant. Je
m'étonne un peu de la position du ministre dans ce dossier-là. Je soutiens et
je continue à penser que c'est un
ajout important. On le placera à l'endroit qui fait le bonheur du ministre en
fonction du fait que ça puisse s'y
retrouver. Alors, je maintiens notre proposition en espérant que le ministre,
soudainement, dise : Bien, O.K., d'abord, ça a bien de l'allure.
Le Président (M. Merlini) :
Merci, M. le député de Lévis. Est-ce que j'ai d'autres interventions sur le sous-amendement du député de Lévis? Je vais donc
le mettre aux voix. Est-ce que le sous-amendement à l'amendement à
l'article 7 est adopté?
Des voix :
Rejeté.
Le
Président (M. Merlini) : Il est rejeté. Nous revenons donc à
l'amendement du ministre. Est-ce que j'ai des interventions, en vous rappelant qu'à l'amendement, Mme la députée de
Taillon, il vous reste 1 min 50 s, et, M. le député de Lévis, il vous reste 9 min 30 s?
Est-ce que j'ai des interventions à l'amendement du ministre? Mme la députée de
Taillon.
Mme Lamarre :
Oui, je demanderais au ministre de nous déposer une liste des organismes
représentatifs des médecins qui doivent être consultés, une liste écrite, s'il
vous plaît.
Le Président (M.
Merlini) : M. le ministre.
M. Barrette :
Je déposerai une liste lorsqu'elle sera confectionnée.
Le
Président (M. Merlini) : Alors, très bien. Donc, je comprends bien que
vous allez la déposer au secrétariat de la commission, qui en fera la
distribution...
M. Barrette :
Éventuellement.
Le
Président (M. Merlini) : ...aux membres de la commission. Merci, M. le
ministre. Mme la députée de Taillon.
Mme
Lamarre : J'aimerais que le ministre s'y engage avant la fin de nos
travaux. On comprend la commission, mais
est-ce qu'on pourrait avoir de sa part un engagement verbal, officiel, sur
micro à l'effet que ce sera avant la fin des travaux, avant la fin des
travaux du projet de loi n° 130?
Le Président (M.
Merlini) : M. le ministre.
M. Barrette :
Oui, je m'engage.
Le Président (M.
Merlini) : Merci, M. le ministre. Est-ce que j'ai d'autres
interventions sur l'amendement à l'article 7? Est-ce que l'amendement à
l'article 7 proposé par le ministre est adopté?
M. Barrette :
Adopté.
Mme Lamarre :
Sur division.
Le
Président (M. Merlini) :
Adopté sur division. Nous revenons donc à l'article 7 tel qu'amendé.
Est-ce que j'ai des interventions? Je n'en vois pas. Est-ce...
M. Barrette :
...non...
Le Président (M.
Merlini) : Oui, M. le ministre? Je vous en prie.
M. Barrette :
Juste une seconde.
Le Président (M.
Merlini) : Vous avez une intervention.
M.
Barrette : Juste une petite
seconde, M. le Président, pour ce qui est de la séquence des amendements,
là... Alors, j'ai un amendement supplémentaire à présenter à cet
article-là, M. le Président.
Le Président (M.
Merlini) : Alors, il y a une proposition d'amendement du ministre.
Nous allons en faire la distribution. Merci.
Alors, M. le ministre, pour votre proposition d'amendement à l'article 7, votre nouvelle proposition
d'amendement, à vous, pour la lecture.
M.
Barrette : Alors, article
7 : Insérer, après l'article 60.1 de la Loi modifiant l'organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux
notamment par l'abolition des agences régionales proposé par l'article 7 du
projet de loi, le suivant :
«60.2.
Malgré l'article 240 de cette loi, le ministre peut, dans des situations
exceptionnelles, notamment pour assurer un accès suffisant aux services,
autoriser, aux conditions qu'il détermine, un établissement à accepter la
demande de privilèges d'un médecin ou d'un
dentiste même si le nombre de médecins ou de dentistes autorisés au plan des
effectifs médicaux et dentaires de l'établissement est atteint.
«L'article 239 de cette loi ne s'applique pas
dans le cas d'une telle autorisation.»
Le Président
(M. Merlini) : Pour vos explications, M. le ministre.
• (11 h 50) •
M. Barrette : Alors, les
explications. Elle est, ici, très simple. Juste une seconde...
M. le Président, depuis que nous avons un régime de gestion des plans d'effectifs
médicaux... Et pour mettre les choses
en perspective, pour les collègues et ceux qui nous écoutent, la gestion des
effectifs médicaux se fait par un plan qui
autorise un nombre défini de médecins par établissement par spécialité. Ça va,
jusque-là, M. le Président? Alors, ce plan étant défini, il n'est donc, par définition, pas dépassable. Or, il
peut arriver... Non, non. Bien, depuis que l'on a une gestion des effectifs médicaux, on a toujours
permis, dans des circonstances exceptionnelles, de dépasser le plan d'effectifs
médicaux établi quand une situation clinique le justifiait.
Alors, je
vais donner un exemple simple. Vous êtes dans un hôpital pédiatrique. Un développement de clientèle devient tel
qu'on a besoin d'un chirurgien transplanteur supplémentaire. Alors, on a un
candidat qui revient de formation. Le plan d'effectifs comprend cinq
chirurgiens généraux. On se lance, sous autorisation, dans le développement de
la transplantation. Et là il nous faut un
candidat entraîné pour donner ces services-là. Le plan ne le prévoyait pas. On
donne une dérogation pour permettre à
ce candidat-là d'arriver. C'est une situation d'exception. L'important, ici, là, c'est
l'exception.
Nous avons
fait ça pendant des années. Et nous avons constaté récemment que les lois ne
l'avaient pas statué d'une façon
formelle. L'article qui est ici a comme but unique de régulariser une
situation qui ne l'était pas sur le plan légal, législatif.
C'est tout.
Le
Président (M. Merlini) :
Merci, M. le ministre. Est-ce
que j'ai des interventions à l'amendement à l'article 7? Mme la députée de Taillon.
Mme Lamarre : Bien, tantôt, j'ai entendu le ministre
parler de spécialité, mais ma compréhension de l'article 7 était
que ça concernait principalement les médecins de famille.
M. Barrette : C'est juste. D'ailleurs,
l'amendement...
Le Président (M. Merlini) : M.
le ministre.
M. Barrette : D'ailleurs, l'amendement dont on traite actuellement, on parle bien de
médecins de famille ou de médecine spécialisée.
Le Président (M. Merlini) : Mme
la députée.
M. Barrette : En fait, on parle
de médecins au sens général du terme.
Mme Lamarre : Je vais demander une suspension, M. le Président, parce qu'on prend connaissance de l'article, puis
il fait référence à la LSSSS, qui est un document volumineux, à des articles,
et qui ont déjà été modifiés par le ministre.
Alors, j'aimerais demander une suspension, s'il vous plaît.
Le Président (M. Merlini) : Très
bien. Alors, nous suspendons quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 53)
(Reprise à 11 h 59)
Le Président (M. Merlini) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons donc nos travaux suite à des échanges d'information
sur la proposition d'amendement du ministre. La parole est à Mme la députée de Taillon.
Mme
Lamarre : Merci, M. le Président. Alors, je veux juste avoir un peu plus de
précisions. Le ministre dit : C'est
comme ça que ça se passe. Combien de fois on a eu besoin d'avoir recours à
cette mesure-là du côté du ministre?
Le Président (M. Merlini) : M. le
ministre.
• (12 heures) •
M.
Barrette : ...on donne...
Là, c'est très, M. le Président, très
approximatif, là. On doit donner, au total, là, je dirais, là, c'est
approximatif, là, une dizaine de dérogations par année. Et les dérogations
qu'on donne sont des dérogations sur la base soit de besoins soit de
développement inattendu ou de croissance inattendue de besoins.
Les
dérogations sont exceptionnelles — exceptionnelles. Je vais donner un exemple.
Il y a eu un hôpital à Montréal où,
il y a peut-être un an et demi, sans le nommer, là, sans personnaliser les
choses, il y a eu un médecin... bon, je vais essayer de ne pas trop
donner d'information... dont l'état de santé a présenté une problématique qui
annonçait que, potentiellement, ça allait être problématique pour la poursuite
de la carrière en question.
Un candidat
qui était en formation a frappé à la porte. Ces gens-là, évidemment, sur le
terrain, quand arrive une situation
comme ça, ils frappent à notre porte : on sait que le plan d'effectifs ne
le permet aujourd'hui, mais il est raisonnablement prévisible que... Bien,
on a donné la dérogation.
Un autre exemple que je peux
donner : dans une spécialité donnée, le gouvernement rentre un nouvel
équipement. Bon, l'équipement arrive
puis il n'a pas nécessairement été planifié en fonction des effectifs. Bon,
là, arrive une offre de services
supplémentaires, il y a une justification pour mettre un effectif de
plus. Mais c'est toujours exceptionnel, c'est toujours un petit
nombre et c'est toujours en fonction des besoins ou du développement d'un
nouveau secteur.
Ça
se fait depuis... Depuis que moi, je suis là-dedans, là, ça remonte à la
fin des années 90. Et ça a toujours été éminemment
exceptionnel, d'une part, critiqué par certains parce que, les dérogations, il y a
des gens qui voudraient les avoir
puis qu'on ne les donne pas. Ce n'est pas : Dérogation demandée,
dérogation donnée. Mais, dans la loi, au sens absolu de la loi, on a constaté parce qu'on nous l'a fait constater, que la loi ne
le prévoyait pas de façon formelle. Alors, on vient littéralement fermer
notre porte de critiques légales de certains individus.
Le Président (M.
Merlini) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Taillon.
Mme
Lamarre : M. le Président, ce qui me préoccupe, en fait, où je
voudrais avoir un petit plus de précisions, c'est que ce que la modification du ministre amène, c'est que c'est le
ministre qui «peut, dans des situations exceptionnelles, notamment pour assurer un accès suffisant — mais on se rend compte que le
"notamment" n'exclut pas d'autre motif — [...]autoriser,
aux conditions qu'il détermine, un établissement à accepter la demande de
privilèges...»
Alors,
«aux conditions qu'il détermine», ça peut aussi vouloir dire qu'il peut
accepter, par exemple... Mettons une situation hypothétique. Un CISSS ou un
CIUSSS dirait : Nous, on aurait besoin d'avoir trois médecins de famille
de plus sur le territoire. Et le ministre
pourrait dire : D'accord, je vous en donne un, deux ou trois, là,
exceptionnellement, mais je veux
absolument qu'ils travaillent dans des supercliniques, et non pas à l'urgence
de l'hôpital, ou dans un GMF, ou
ailleurs. Est-ce que ma lecture est possible? Il le fait «aux conditions qu'il
détermine»... veut dire que le ministre peut aussi désigner le lieu
d'exercice du médecin?
Le Président (M.
Merlini) : M. le ministre.
M.
Barrette : Cet article-là, c'est un article qui s'adresse aux
établissements. Et, dans l'exemple qui est donné, les supercliniques et les groupes de médecine de
famille ne sont pas dans les établissements au sens de la loi actuellement.
Donc, ce cas de figure là, ça ne s'adresse pas...
Mme
Lamarre : Donc, ça ne peut pas s'appliquer aux supercliniques ni aux
GMF, mais ça pourrait s'appliquer à un centre de protection de la
jeunesse, à un centre de réadaptation...
M. Barrette :
Oui, ça fait partie des établissements. Oui.
Mme
Lamarre : ...un CSLC. C'est
ça. O.K. Quel genre de conditions le
ministre pourrait déterminer? Est-ce qu'il peut nous donner quelques
exemples?
Le Président (M.
Merlini) : M. le ministre.
M.
Barrette : On pourrait exiger d'une personne qui arriverait avec une
expertise très pointue qu'elle participe à l'activité générale de sa
spécialité, par exemple. Un expert, là, qui arrive, qui est spécialisé dans la
chirurgie de la tumeur du cinquième orteil,
on pourrait l'obliger à participer à l'activité oncologique du membre inférieur
au complet. Là, on caricature, là, mais c'est un peu dans cet ordre-là.
Mme
Lamarre : Mais on pourrait
faire l'inverse aussi, c'est-à-dire que, si, par
exemple, le conseil d'administration du CISSS dit : Nous, on a surtout besoin
d'avoir des médecins de famille ou des médecins de pratique générale dans
le CLSC, le ministre pourrait dire :
Bien, moi, la belle candidature que j'ai, c'est une candidature avec une
expertise et c'est celle-là que je privilégie.
M. Barrette :
Bon, prenons un exemple de ce genre-là. Un CISSS, pour lequel on accepterait
une dérogation parce qu'il a des besoins, et
que les besoins sont d'amplitude variable entre deux installations, on pourrait
dire : Oui, c'est correct, on va
donner une dérogation pour ce médecin-là, pour pratiquer à l'urgence de
l'hôpital principal, mais on va exiger qu'il ait une participation au
CLSC de son quartier, par exemple.
Le
Président (M. Merlini) : Ça va, Mme la députée de... Mme la députée de
Taillon? J'étais pour faire le même lapsus qu'hier soir.
Mme
Lamarre : Moi, je veux juste rappeler l'objectif général, mais le
ministre, il est à Québec. C'est sûr qu'il a des antennes, il a des liens avec les CISSS et les CIUSSS, mais les
conseils d'administration des CISSS et des CIUSSS, on les a choisis, on les a désignés parce qu'ils
sont nos yeux, nos oreilles du terrain, des besoins de la population, des
besoins spécifiques de
sous-territoires d'un CISSS ou d'un CIUSSS, parce que, dans un même CISSS, en
Montérégie-Est, par exemple, on a la
ville de Longueuil, mais on a aussi Saint-Hyacinthe et Sorel. Alors, le conseil
d'administration, sa mission, c'est beaucoup de faire monter les besoins
de la population au ministre.
Et là ce que
je lis, c'est que le ministre, il dit que ça se faisait, mais là on voit, là,
que c'est... en le rendant légal, c'est
sûr que là on fait en sorte qu'on institutionnalise la possibilité que le
ministre vienne vraiment juger... Ce matin, le Protecteur du citoyen mettait l'emphase sur le
fait qu'il y avait plus de soins, puis des articles dans les journaux aussi
nous disent, bon : C'est orienté plus curatif et moins prévention,
santé publique, santé mentale, déficience intellectuelle.
Alors, le
ministre peut finalement orienter des choix, et c'est des choix difficiles.
Mais entre avoir un spécialiste très
pointu dans un domaine ou avoir trois médecins de famille, bien, le conseil
d'administration pourrait juger que c'est les trois médecins de famille dont il a le plus besoin plutôt que
l'expert spécialiste. Et là ce qu'on vient officialiser, ce que le
ministre dit, bien, c'est qu'il vient de se donner la possibilité d'«autoriser,
aux conditions qu'il détermine, un établissement à accepter la demande de
privilèges d'un médecin».
Le Président (M. Merlini) : M. le
ministre.
M.
Barrette : Bon. Alors là, on va clarifier encore une fois les mots et
leur sens. Alors, un, ça n'a aucun rapport et ça ne peut avoir aucun rapport avec les critiques qui viennent d'être
citées. O.K.? Pourquoi? Pour la simple et bonne raison que ce qui est écrit ici, là, je vais le lire : «...peut,
dans des situations exceptionnelles, [...]autoriser [...] un établissement à accepter la demande de
privilèges d'un médecin...»
C'est le médecin
qui demande des privilèges. C'est le conseil d'administration qui, ipso facto,
demande l'autorisation. Ce n'est pas
le ministre qui arrive puis qui dit à un établissement : Cher
établissement, je vous envoie un médecin
de plus parce que j'ai le pouvoir de vous envoyer un médecin de plus. Ici, ce
qui est écrit, là, c'est la régularisation d'une situation courante qui existe depuis la nuit des temps dans la
gestion des effectifs médicaux, dans le modèle actuel, selon lequel,
régulièrement, il y a des institutions qui demandent au ministre...
Parce que,
dans tous les cas de figure, les effectifs médicaux sont autorisés par le
ministre, tous les cas de figure. Les
plans d'effectifs sont proposés, mais adoptés, acceptés par le ministre. Alors,
lorsqu'un établissement prend fait et cause
pour une demande de médecins, parce que c'est l'établissement qui fait la
demande au nom du médecin... Le médecin arrive avec une demande, et l'établissement, lui, c'est le premier à
dire : Oui, on supporte cette demande-là, on l'appuie, on l'envoie au ministre, qui, lui, a le pouvoir ou
non de dire oui et peut faire un petit ajustement si nécessaire. C'est ce
qui se fait aujourd'hui.
Et jamais le
ministre... jamais, je n'ai jamais vu ça, je suis là-dedans depuis 1996, M. le
Président, je n'ai jamais vu un
ministre, un gouvernement dire à un hôpital : Cher hôpital, je t'autorise
un effectif de plus sans en avoir eu la demande au préalable. Ça n'existe pas. Alors, ce qui existe, ce sont des
demandes, qui parfois ne sont tellement pas exceptionnelles qu'évidemment on y dit non, mais parfois aussi
sont très exceptionnelles, et là on analyse. Quels déséquilibres ça fait,
tata, tata; qu'est-ce qu'on devrait ajuster, s'il y a un ajustement
nécessaire... C'est tout. Ça se fait depuis toujours.
Maintenant,
juste pour informer les collègues, la raison pour laquelle on normalise ça, là,
c'est parce qu'il y a des fédérations
médicales qui voudraient défaire des dérogations, parce qu'elles disent :
Vous n'aviez pas la loi pour le faire. Là,
vous savez, dans le jeu de rapports de force avec des fédérations médicales,
des fois, il y a des gestes qui sont posés qui sont juste à finalité perturbatrice. Alors là, on vient simplement
normaliser une situation qui s'est toujours bien exercée, je dirais. Et,
à un moment donné, il faut fermer cette porte-là, là. C'est un «loophole» comme
on dit en anglais, là.
Le Président (M. Merlini) : Merci,
M. le ministre. Ça va, Mme la députée de Taillon?
• (12 h 10) •
Mme
Lamarre : Bien, en fait, j'apprécie les précisions que le ministre
nous a données parce qu'effectivement ça apporte un éclairage
intéressant. Mais je note quand même que, dans sa lecture, là, il a sauté «aux
conditions qu'il détermine». Il a sauté cette...
Alors, «le ministre peut, dans des situations exceptionnelles, notamment pour
assurer un accès suffisant aux
services, autoriser, aux conditions qu'il détermine, un établissement à
accepter la demande de privilèges d'un médecin».
Je comprends
l'idée d'empêcher le détournement, mais ce qu'on lit... Et puis, des fois,
c'est juste : quand on travaille un
paragraphe, on sait ce qu'on veut dire, mais on change un peu le sens. Moi, ce
que je comprends du ministre, c'est qu'il me dit que jamais ça ne se
fait, sauf s'il y a une demande du conseil d'administration.
Le Président (M. Merlini) : M. le
ministre.
M.
Barrette : En général, la demande émane du P.D.G., là, mais le P.D.G.
n'a pas le choix de parler de ça à son conseil, là.
Mme
Lamarre : O.K. Alors, est-ce qu'à ce moment-là, pour être sûrs...
Parce que, quand on le lit, là, M. le Président, quand on le lit à froid, là, puis les juristes, ils regardent ça, eux
autres, cinq ans après, là, puis ils disent : Bien là, ça donne au ministre la possibilité de faire ça. Le
ministre nous dit : Moi, je me base sur un historique où ça ne s'est
jamais fait. Mais la lecture de ça, ça dit que ça donne le pouvoir au
ministre de le faire.
M. Barrette : Non.
Mme Lamarre : Alors, si on ajoutait
«à la demande du C.A. d'un CISSS ou d'un CIUSSS»... Parce que le ministre dit : Jamais ça ne s'est fait qu'un
ministre n'ajoute ça de lui-même, c'est toujours suite à la demande d'un C.A.
d'un établissement...
M. Barrette : Oui, oui. Mais c'est
implicite, M. le Président.
Le
Président (M. Merlini) : Un instant, M. le ministre. Mme la députée
n'a pas fini.
Mme
Lamarre : Donc, si c'est toujours à la demande du C.A. d'un CISSS ou
d'un CIUSSS, moi, ça répond à la première
préoccupation que j'avais évoquée dans ma première intervention,
c'est-à-dire : On redonne l'initiative de cette demande-là au conseil d'administration. Et le
ministre l'arbitre, et il peut dire oui, il peut dire non, il peut la bonifier,
il peut la commenter, il peut faire
des conditions particulières, mais, au moins, il ne peut pas initier par
lui-même ce privilège-là. Donc, si on ajoute «à la demande...
M. Barrette :
Bien, non...
Mme
Lamarre : ...du C.A. d'un CISSS ou d'un CIUSSS», puisque le ministre dit :
Jamais ça ne se produit, sauf quand
le conseil d'administration en ressent le besoin et achemine la demande — puis c'est presque une dérogation dont
on parlait — au
ministre...
Le Président (M.
Merlini) : M. le ministre.
M. Barrette :
M. le Président, là, c'est limpide, là, en français et en termes juridiques,
là, c'est limpide. Plus limpide que ça,
c'est impossible : Peut autoriser pour... C'est autoriser : je ne
peux pas le faire sans une demande, hein? C'est : Autoriser un établissement. L'établissement, ipso facto,
c'est un conseil d'administration. C'est implicite. L'article 240 qu'on a adopté le 8 juin dit clairement que
«le conseil d'administration doit, avant d'accepter la demande de privilèges
d'un médecin ou d'un dentiste, obtenir
l'approbation»... bon, de l'agence, il n'y en a plus, là, mais c'est comme ça.
Et, après ça, évidemment, ça va au
ministre. Tout, dans la loi, émane du conseil d'administration. On ne peut pas
lire ce texte-là d'une manière qui dit autre chose que ce qu'il dit, le
texte.
Je
dois autoriser une demande qui vient d'un établissement, qui, lui, dans les
faits, c'est le conseil d'administration... où c'est écrit noir sur blanc à 240. C'est noir sur blanc. C'est clair,
clair, clair. C'est le conseil qui fait le cheminement. Je ne peux pas l'imposer, je peux juste accepter
ou non une demande. Et une demande qui est par-dessus le plan d'effectifs
est, par définition, une dérogation, qui est
60.2. Et, en passant, là, «l'article 239 de cette loi ne s'applique pas dans le
cas d'une telle autorisation», parce
que 239, ce qu'il dit, c'est que tout octroi de privilèges par-dessus les plans
d'effectifs est nul, nullité absolue. Alors là, voilà, qu'est-ce qu'il fait de
plus, là? C'est écrit noir sur blanc dans les textes.
Le Président (M.
Merlini) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Taillon.
Mme
Lamarre : Bien, pour moi, il y a une différence entre autoriser un
établissement à accepter une demande et
autoriser une demande faite par un établissement. C'est deux choses distinctes.
En termes de pouvoirs, ce n'est pas du tout
la même chose. Alors, je le répète, autoriser un établissement à accepter une
demande, c'est une chose; autoriser une demande qui provient d'un
établissement, ça, c'est autre chose.
Et
donc, moi, ce que je comprends, c'est que le ministre, il dit clairement qu'il
est prêt à dire que ça va toujours être
une demande d'un établissement, mais ce n'est pas là, le mot «demande» d'un
établissement. Ce qui est marqué, c'est «autoriser [...] un établissement». Alors, autoriser quelqu'un à faire
quelque chose... je peux l'autoriser sans nécessairement avoir eu une
demande. Alors, si on veut être plus précis, on a juste à ajouter le mot
«demande» : «...[d']autoriser, aux conditions
qu'il détermine, une demande d'un établissement à accepter [les demandes] de privilèges d'un
médecin ou d'un dentiste...»
Le Président
(M. Merlini) : M. le ministre.
M. Barrette : Bon, M.
le Président, je vais patiemment lire
240, encore : «...le conseil
d'administration doit, avant d'accepter la demande de privilèges d'un médecin — le
conseil d'administration doit, avant d'accepter la demande de privilèges d'un médecin — ou
d'un dentiste, obtenir l'approbation
de l'agence», qui est, aujourd'hui, le ministre. Et cette demande-là ne
peut être acceptée que si elle est conforme au plan d'effectifs.
240,
conseil d'administration : établissement qui réagit à une demande d'un
médecin. 60.2, le ministre, dans des circonstances
exceptionnelles, peut autoriser un établissement à accepter la demande de
privilèges d'un médecin. C'est le
même chemin, c'est les mêmes mots,
c'est la même démarche, même si, évidemment — c'est ça qui est l'exception — ça
dépasse le plan d'effectifs. 239, ce
que ça dit, c'est que, si un établissement donne des privilèges au-delà du plan d'effectifs, c'est nul et
de nullité absolue. Qu'est-ce qui n'est pas clair là-dedans, là? J'ai de la
difficulté, là.
Le Président
(M. Merlini) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Taillon.
Mme Lamarre :
M. le Président, ce qui est clair, là, ce qui est clair, clair, clair, sans
équivoque, c'est que le conseil d'administration,
il ne peut pas donner des privilèges sans l'accord du ministre. Ça, là, c'est
clair, c'est sans ambiguïté, c'est
sans aucune hésitation. Ce qui n'est pas clair, c'est, et ce qu'on ne veut pas,
là, ce n'est pas clairement dit, mais le ministre, lui, il peut prendre
une initiative sans demander au C.A.
M. Barrette :
Où ça? Où ça? Où ça?
Mme Lamarre : Bien,
l'article contraire n'est pas écrit. Le ministre, quand on lit l'amendement qui
est déposé, le ministre autorise un établissement à accepter la demande
de privilèges d'un médecin ou d'un dentiste. Donc, cette demande de privilèges ou... il a dit que ça
pouvait passer par le P.D.G.. Donc, une demande d'un privilège est faite, elle
est faite au P.D.G.. Le ministre dit :
Ça devrait passer par le C.A. — là on n'est pas sûrs — et donc le P.D.G. achemine la demande au ministre. Le ministre dit oui, et il
revient, et il l'impose au C.A. Est-ce que c'est un scénario qui est possible?
Le Président
(M. Merlini) : M. le ministre.
M. Barrette :
M. le Président, je pense que j'ai lu les textes et ils sont clairs. Et je n'ai
rien à rajouter. Et là on essaie de construire une... je pense qu'on est
plus dans le conte que dans la réalité des textes proposés ici.
Le Président
(M. Merlini) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Taillon.
Mme Lamarre :
M. le Président, moi, je pense qu'on est dans la lecture rigoureuse des termes
comme ils sont écrits. Et je
redemande au ministre, puisqu'il dit que ça ne peut pas être sur sa propre
initiative à lui, que ça doit toujours venir
du conseil d'administration, pourquoi on n'ajouterait pas, après «aux
conditions qu'il détermine», «une demande d'un établissement» à accepter les privilèges qui sont demandés par un
médecin ou un dentiste? Alors là, on synchronise vraiment les actions, c'est-à-dire qu'il faut, au départ, qu'il y ait
une demande d'un conseil d'administration. Et le ministre dit qu'il est d'accord avec ça. Il dit que les cas
d'exception qui ont été rapportés, c'était toujours à la demande d'un conseil
d'administration — à l'époque, c'était une agence — mais donc qui va faire en sorte qu'il y a un
besoin particulier. Alors, ça vient
du terrain, la demande. Ça ne vient pas du ministre qui, tout à coup, pourrait,
à la limite, changer la vocation d'un département
ou d'une offre de services sur un territoire en proposant des gens qui ont une
expertise, au détriment de certains, d'autres qui auraient d'autres
expertises.
Le Président
(M. Merlini) : M. le ministre.
Mme Lamarre :
Alors, ce qu'on veut, c'est que ça parte du C.A. C'est ça, l'idée.
• (12 h 20) •
M. Barrette :
M. le Président, là, je pense que je l'ai bien expliqué, là. Imaginez, là, notre collègue voudrait qu'on
écrive qu'on autorise une demande de l'établissement qui répond à la demande
d'un médecin, alors que le texte dit : «autoriser [...] un établissement à
accepter». Ça se peut-u que ça veuille vouloir dire clairement que, si
j'autorise un établissement à accepter quelque chose, c'est parce que l'établissement m'a demandé de l'accepter? Ça se peut-u que ça
soit ça que ça veuille dire en français, là?
Le
Président (M. Merlini) : Merci, M. le ministre. Est-ce
que j'ai d'autres interventions à l'amendement? Je n'en vois
pas. Je mets donc l'amendement à l'article 7 aux voix. Est-ce que l'amendement proposé par le ministre est adopté?
Des voix :
Adopté.
Mme Lamarre :
Sur division.
Le
Président (M. Merlini) : Adopté
sur division. Nous revenons donc à l'article 7 tel
qu'amendé. Est-ce que
j'ai des interventions? Je n'en vois pas. Est-ce que l'article 7 ainsi
amendé est adopté?
Des voix :
Adopté.
Le Président (M.
Merlini) : Adopté.
M. Barrette :
Bon, M. le Président...
Le
Président (M. Merlini) :
Nous allons donc... J'ai besoin de votre consentement pour poursuivre
l'étude de l'article 8 qui avait été suspendu. Est-ce que j'ai votre consentement?
Des voix :
...
Le Président (M.
Merlini) : Est-ce que j'ai votre consentement?
Des voix :
Consentement.
Le Président (M.
Merlini) : Le consentement est donné. Alors, nous reprenons donc
l'étude de l'article 8. M. le ministre.
M. Barrette :
Alors, M. le Président, nous avons un amendement.
Le
Président (M. Merlini) :
Donc, proposition d'amendement de M.
le ministre. Nous allons en faire la
distribution.
M. Barrette :
Oui, parce qu'elle est complexe.
Le Président (M. Merlini) : Je vais
suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 12 h 21)
(Reprise à 12 h 28)
Le Président (M. Merlini) : Nous
reprenons donc nos travaux.
Document déposé
Avant de
procéder à l'étude de l'amendement de l'article 8, nous avons reçu la liste des organismes qui
seront consultés en application de l'article 7 du projet
de loi, liste à laquelle le ministre
s'est engagé à la déposer au secrétariat de la commission. Et les
membres ont reçu la copie de ladite liste.
Alors, M. le ministre, pour la lecture de votre proposition
d'amendement à l'article 8.
M.
Barrette : Alors, ça, c'est
un amendement très important, M. le
Président, qui se lit comme
suit : Remplacer l'article 8 du projet de loi par le suivant :
8. L'article 61 de cette loi est remplacé par le
suivant :
«61. En plus
des éléments prévus à l'article 242 de cette loi, la résolution du conseil
d'administration d'un centre intégré
de santé et de services sociaux ou d'un établissement non fusionné doit prévoir
que les privilèges sont accordés à un
médecin ou à un dentiste pour l'ensemble des installations de l'établissement
et préciser dans quelles installations s'exercera
principalement sa profession. Elle prévoit également les obligations
déterminées en application de l'article 60.1, le cas échéant, et elle indique que le médecin est responsable,
collectivement avec les autres médecins exerçant leur profession au sein de l'établissement, de s'assurer qu'il n'y
ait pas de rupture d'accès aux services de l'établissement. La résolution
par laquelle le conseil d'administration
nomme un pharmacien en vertu de l'article 247 de cette loi doit prévoir les
installations pour lesquelles la nomination s'applique.
«La répartition des effectifs médicaux et
dentaires de l'établissement doit tenir compte des exigences liées au maintien des compétences des médecins et dentistes et, le cas échéant, respecter les orientations ministérielles relatives à la gestion des effectifs
médicaux visées à l'article 240 de cette loi.»
• (12 h 30) •
Le Président (M. Merlini) : Pour vos
explications, M. le ministre.
M.
Barrette : Oui. Alors là, je
vais attirer l'attention de nos collègues, M. le
Président, sur la phrase qui dit
ceci, dans le premier alinéa :
«...le médecin est responsable, collectivement avec les autres médecins
exerçant leur profession au
sein de l'établissement, de s'assurer qu'il n'y ait pas de rupture d'accès aux
services de l'établissement», O.K.? Et évidemment,
le dernier paragraphe, c'est évidemment un paragraphe qui traite... au maintien
des compétences, et tout le monde va être d'accord avec ça.
Alors, qu'est-ce
que ça dit, exactement? Ça dit, dans le premier alinéa, essentiellement, qu'un
médecin dans un établissement, un
établissement étant soit un CISSS ou un établissement non fusionné... On
comprendra que cet alinéa-là a une
portée qui traite essentiellement des CISSS et des CIUSSS, parce qu'un
établissement non fusionné, il est tout seul. Alors, ça s'applique, là, parce que la loi s'applique partout, mais ça
n'a pas la même conséquence, la même portée. Alors, ça dit que... Et on va parler simplement d'un
CISSS, là, pour résumer, là, on va parler d'un établissement qui a plusieurs
installations. Ça dit ceci, ça dit que, dans
le contexte actuel où un CISSS a une responsabilité territoriale, territoriale
pour les raisons que l'on connaît,
territoire dans lequel il y a plusieurs installations, dans lequel une offre de
services doit être offerte, ça dit à
un médecin : Cher docteur ou dentiste, vous avez des privilèges dans le
CISSS au complet, les privilèges sont
universels dans le CISSS, mais il est possible que votre pratique soit
principale et même totale dans une seule installation, l'hôpital a parmi les hôpitaux a, b, c, d, e. Ça
dit ça. Mais ça dit aux médecins : Vous avez une responsabilité
collective, collective d'organiser
les services pour qu'ils soient rendus disponibles, accessibles. Alors, si
docteur, monsieur le dentiste, si vous
avez l'autorisation de pratiquer 99 % de votre carrière dans une
installation plutôt que de pratiquer de façon rotatoire dans tout l'établissement, vous avez une
responsabilité collective de vous organiser entre vous pour que la desserte de
services soit adéquate sur le
territoire. Conséquemment, vous ne pouvez pas revendiquer le fait d'avoir une
pratique principale dans un
établissement et même totale pour ne pas aider vos collègues dans votre domaine
à donner les services sur tout le territoire.
Exemple. Là,
je vais prendre un exemple trivial, et là ça ne mettra personne dans
l'embarras, on va prendre le CISSS des
Laurentides. Dans le CISSS des Laurentides, ce n'est pas très complexe, parce
qu'il y a essentiellement trois institutions hospitalières, il y a des centres jeunesse, il y a des CHSLD. Ce n'est
pas là que ça pose un problème. Le problème, il est principalement dans les soins plus aigus. Alors,
dans le CISSS des Laurentides, il y a essentiellement quatre établissements
hospitaliers : il y a Saint-Eustache,
il y a Sainte-Agathe, il y a Saint-Jérôme et il y a Mont-Laurier. O.K., il y a
Rivière-Rouge, là, mais ce n'est pas un hôpital, Rivière-Rouge, là. Il
n'y a pas de salle d'opération, là, à Rivière-Rouge.
Alors,
on dit ici, là : Chers ophtalmologues — on prend l'exemple de l'ophtalmologie — chers ophtalmologues, au pluriel, bien sûr, vous êtes autorisés à
pratiquer la majorité de votre temps pour la moitié à Saint-Jérôme, la moitié à
Saint-Eustache, on n'a
pas de problème avec ça, mais vos privilèges sont dans le CISSS, et vous avez
la responsabilité collective de vous
assurer d'une desserte de services adéquate à être établie par le conseil
d'administration à Mont-Laurier. Alors,
s'il est convenu, par exemple, qu'à Mont-Laurier, pour des raisons simples de
volume, de liste d'attente, d'expertise, d'équipement, et ainsi de
suite, s'il est convenu — puis
là je donne un exemple théorique qui n'est pas loin de la réalité — qu'il
est nécessaire d'avoir un
ophtalmologue qui va à Mont-Laurier une fois toutes les trois semaines pour
desservir la population locale,
bien vous, collectivement, là, vous avez cette responsabilité-là. Vous vous
organisez. Vous devez, ensemble, donner les
services. Vos privilèges sont conditionnels à ça. Vous ne voulez pas
participer? Bien, peut-être que vous n'aurez plus de privilège au bout
de la ligne.
Alors,
on dit aux médecins — puis on est très généreux — on dit aux médecins, là : Regardez, là,
vous êtes dans une institution qui
est le CISSS, on ne vous demande pas de faire la rotation systématique à tout
le monde, on ne vous demande pas ça.
Par contre, on vous demande de vous organiser collectivement pour donner les
services partout, sachant que les
services ne peuvent pas être identiques partout. On le sait, ça. On sait, là,
qu'on n'a pas besoin d'avoir un ophtalmologue à temps plein à Mont-Laurier, dans les Laurentides, ni à Sainte-Agathe.
On sait, par contre, qu'il y a des patients qui en ont besoin. Ça, on le
sait, ça.
Alors,
on dit, là, dans cet article-là, qui a une portée territoriale de CISSS et non
de Québec, pour cet élément-là, on
dit : Vous avez l'obligation, pour avoir vos privilèges, d'assumer votre
responsabilité collective dans votre secteur. Ça ne dit pas à un médecin : Vous, l'ophtalmologue, vous allez
faire des gardes en chirurgie générale. Ce n'est pas ça que ça dit. Ça dit à l'ophtalmologue : Vous, en
ophtalmo, là, il y a des besoins sur le territoire, on veut que les services
soient donnés, puis on s'assoit, là,
et on les organise. Un coup qu'on a convenu — ça, c'est l'administration qui fait ça — un coup
qu'on a convenu telle chose, telle chose, telle chose, bien là vous avez la
responsabilité, l'obligation d'y participer.
Alors,
ça, là, plus centré sur le patient que ça, c'est assez difficile. Alors, ça, ça
vient pallier des problématiques chroniques
de desserte de services sur le territoire. Là, il est possible que vous
abordiez la problématique du Québec. Ça, c'est une autre affaire. Ce n'est pas ça que ça traite, 61, ça traite de
la desserte de services dans le territoire du CISSS ou du CIUSSS. Bon, on s'entend que ça s'applique aussi
aux hôpitaux non fusionnés, mais le territoire de l'hôpital non fusionné,
c'est l'hôpital non fusionné lui-même.
Alors, évidemment, ça s'applique, mais ça n'a pas de conséquence par rapport
aux conséquences que ça a lorsqu'on l'applique dans un CISSS ou un
CIUSSS. Voilà.
Le Président (M.
Merlini) : Merci, M. le ministre, pour ces explications. Mme la
députée de Taillon.
• (12 h 40) •
Mme
Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Je vois deux
possibilités : je vois la bonne foi du ministre et la volonté du ministre de favoriser une imputabilité
territoriale, et on souscrit à cette approche-là. Notre objectif, c'est quand
même d'être prudent, parce qu'à chaque fois
qu'on essaie de corriger quelque chose dans le système de santé, sans faire
exprès, on dirait qu'on génère des
déviations ou des effets secondaires qui, finalement, ne donnent pas toujours
ce qu'on aurait voulu.
Je
me souviens que, dans le projet de loi n° 10, on avait marqué un
70 kilomètres de distance. Je suis contente de voir que le ministre l'enlève parce qu'on a vu
que, dans le dossier de La Pocatière, ça avait fait... de Rimouski, ça avait
fait... finalement, ça avait justifié les gens de ne pas se déplacer.
Mais
il y a quand même une caractéristique au Québec : ce sont les grandes
distances. Et, pour un CISSS — le ministre
prenait l'exemple du CISSS des Laurentides — il faut aussi maintenir une certaine
attractivité pour les spécialistes dans
les régions. Et cette attractivité-là, elle doit absolument être reconnue parce
que, je regarde l'exemple que le ministre nous a donné tantôt, quatre
établissements : Saint-Eustache, Sainte-Agathe, Saint-Jérôme,
Mont-Laurier... mais, si on demande à un
médecin, à un ophtalmologiste, de faire Saint-Eustache et Mont-Laurier, eh
bien, c'est deux heures et demie de
distance d'un endroit à un autre, 212 kilomètres. Alors, c'est sûr que
ce... mettons qu'on a un jeune ophtalmologiste qui termine, quel est l'intérêt pour lui d'aller dans ce territoire-là? On peut créer un grand désincitatif et même un
désert médical. Et l'exemple
qui nous frappe actuellement, c'est celui des anesthésistes. Alors, les
anesthésistes, il y en a autour de
1 000 à Montréal, il y en a autour de 500 à Québec,
mais, après ça, dans les territoires et les régions plus éloignées, on n'a pas beaucoup d'anesthésistes.
Alors, imaginons que, dans un territoire, on n'ait que 10 anesthésistes. Quand arrive
la période des vacances, quand arrive un décès, si on n'a pas un processus qui
permet une certaine mobilité, il faut peut-être la prévoir et la demander, cette mobilité-là des
anesthésistes de Montréal et de Québec. Mais, historiquement, elle se faisait, je vous dirais, spontanément,
moyennant une bonification de leurs conditions de travail, qui avait un
coût. Et là c'est sûr que de dire qui
sera l'anesthésiste qui aura envie d'aller travailler dans un hôpital...
Puis ce n'est pas seulement la distance, parfois, c'est la diversité ou le
volume d'actes qui est plus difficile à justifier, dans certains territoires,
et qui affecte directement, là, la rémunération des spécialistes.
Alors, ma crainte...
et j'aimerais que le ministre m'explique comment il va pallier, par cette modification
législative là, au fait que certaines régions pourraient être complètement, je dirais, boudées ou désertées par des spécialistes qui diraient : Moi, l'enjeu, c'est vraiment
énorme, là, les distances à parcourir, comment je vais pouvoir m'assurer de
voir mes enfants le soir quand je rentre chez nous? Il va falloir que
j'habite deux jours par semaine à Saint-Eustache puis trois jours par semaine à Mont-Laurier. Ce n'est pas vivable. Donc, moi,
je ne choisis pas cette spécialité-là ou je ne choisis pas cette région
pour m'installer. Et, à court ou moyen terme, on va avoir vraiment des déserts
de spécialistes.
Le Président (M.
Merlini) : Merci, Mme la députée de Taillon. M. le ministre.
M.
Barrette : Bon, alors, M. le Président, je vais... Notre collègue nous expose souvent sa connaissance du milieu
de la santé, et là elle vient de nous dire
qu'il y avait 1 000 anesthésistes à Montréal
et 500 à Québec. Il y en a 750 au Québec au complet, alors...
Mme Lamarre :
...divisé par 10.
M.
Barrette : Bien, parce qu'il n'y en a pas 1 000 à Montréal puis il n'y en a pas 500 à Québec,
là. Il y en a à Sherbrooke et à Trois-Rivières aussi, là. Rien que pour ces deux villes-là, là, c'est plus du double.
Et, si on ajoute les autres, là... Là, il y a une méconnaissance du
réseau.
Maintenant,
ce qui est proposé ici, ce n'est pas du tout le scénario que la collègue,
évidemment, expose, là, en ce sens qu'il n'y a personne à qui on va demander, de façon systématique, de faire deux jours à Saint-Eustache, et deux jours à Mont-Laurier, puis un troisième à Sainte-Agathe.
J'ai même pris cet exemple-là à dessein pour montrer à quel point couvrir Mont-Laurier, ses besoins en ophtalmo, ça
demande à un groupe d'une vingtaine d'ophtalmologues pas grand-chose. On ne parle pas ici, à tous les jours, de s'en
aller à deux heures d'auto à Mont-Laurier. On parle de périodiquement, dans
l'année, avoir une cédule rotatoire qui est
la responsabilité du groupe d'ophtalmologues de la région, d'aller,
par exemple, dans
l'exemple que j'ai donné, une journée aux trois semaines
pour donner des services à la population qui est petite en nombre. Petite en
nombre, par définition, il n'y a pas beaucoup de clientèle.
Alors là,
c'est la balance, là, des avantages et des inconvénients. Alors, c'est sûr que
ça, là, c'est un inconvénient qui
va... ça va être perçu par un inconvénient par les professionnels,
mais nous sommes là, comme législateurs, pour corriger des situations. Corriger la situation de la pénurie, ce
n'est pas simplement envoyer quelqu'un à un
moment donné, c'est d'assurer la pérennité, la permanence de la
couverture. Et ça, là, là, je rejoins ma collègue de Taillon, M. le Président, c'est vrai que les médecins — c'est
vrai, là, je vous dis, c'est vraiment vrai — que
les médecins, quand on met une mesure en place, font tout pour la contourner. Ça, c'est
vrai, là, avec un v majuscule. Alors, à
un moment donné, là, c'est vrai, là,
qu'on a enlevé le 70 kilomètres
pour le remplacer par ça, c'est tout
à fait vrai, parce que c'est tout à fait vrai que des gens ont regardé
Google, là, puis ils ont dit : Ah! ça, c'est 71 kilomètres,
je n'y vais pas. Parce qu'il y a des gens, là, qui choisissent... des gens, des professionnels choisissent
leur confort versus le besoin de la population, malgré une rémunération qui est à
la hauteur appropriée.
Ce qu'on demande, dans cet amendement-là, ce n'est
pas de l'esclavage, ce n'est pas une vie ruinée, c'est un aménagement ponctuel rotatoire qui n'est pas très
lourd. Et je dis souvent ça aux médecins : Quand on part en congrès
pendant une semaine à l'autre bout de l'Amérique du Nord, on n'est pas avec ses enfants, on n'est pas là, puis on le fait
pareil pour des besoins de maintien de
compétences. Pourquoi la même demande pour les besoins de la population
serait une lourdeur inaccessible... pas inaccessible, mais inacceptable?
Là, il y a
deux écoles, et là, manifestement, là, on n'est pas... et l'école ou
l'approche, il y a deux ou trois approches, l'approche de notre collègue me surprend. Combien
de fois, dans le mandat, le Parti
québécois s'est-il levé, et incluant
ma collègue, pour décrier la rémunération des médecins? Trop d'argent! Encore ce matin, à la période de questions, le
chef de l'opposition officielle n'avait que ça à la bouche. Et là, essentiellement, ce que notre collègue nous dit clairement, puis ce n'est pas la première fois qu'elle nous le dit, elle l'a dit en Chambre, elle le redit aujourd'hui, elle veut qu'on donne plus d'argent
aux médecins pour qu'ils viennent, eux, couvrir les zones de découverture, plus
d'argent aux médecins pour lesquels on dit qu'ils en ont déjà trop, alors que moi, j'arrive avec un aménagement, là, qui est très simple, qui ne va pas entraîner une désertification des Laurentides, parce que
la charge demandée est très légère, mais ça va se faire à l'intérieur des enveloppes actuelles. Il n'y a pas d'argent
additionnel qui est octroyé pour faire ça. Mais on fait quoi, par exemple? On oblige des gens à s'organiser d'une façon permanente. Permanente, là,
c'est 365 jours par année. Et c'est pourtant les exemples qu'on a vécus, là, dans les dernières années. Et c'est
vrai, c'est des exemples vécus, parce
qu'il y a toujours une règle à côté de laquelle on passe. Alors, on
souhaite ici, une fois pour toutes, fermer ces portes-là.
Je dis à la
collègue que je suis étonné qu'elle veuille mettre plus d'argent. Je vais vous
dire une chose : Il n'y a aucun
problème, hein? Les médecins, là, si on triple, quadruple le tarif de tel ou
tel acte pour aller en région, ils vont y aller en courant. Ils n'iront pas toute l'année, par exemple, ils vont choisir
leurs moments. On va quand même avoir de la misère l'été, on va quand même avoir de la misère dans le
temps des fêtes, on va quand même avoir de la misère dans les vacances scolaires, et ainsi de suite, parce que la nature
humaine est ce qu'elle est. Ça va marcher le reste du temps, ça va coûter
cher, c'est une option, mais elle m'étonne
beaucoup venant d'un parti qui, par définition, dénonce, décrie, pointe — et je n'utiliserai pas d'autres qualificatifs — la rémunération des médecins. Alors là, là,
d'utiliser cette solution-là, bien,
ça m'étonne, ça m'étonne beaucoup.
Mais, que voulez-vous, la vie parlementaire est faite d'une succession de surprises aussi
surprenantes les unes que les autres.
Le Président (M. Merlini) : Merci,
M. le ministre. Mme la députée de Taillon.
Mme Lamarre : Merci, M. le Président.
Le ministre a fait preuve d'une certaine interprétation, je dirais, démagogique. Je pense qu'à l'intérieur d'une enveloppe fermée il est
tout à fait possible de répartir et de créer les incitatifs, pas des incitatifs orientés vers... Et là c'est la
mission d'un syndicat de protéger et de faire en sorte que les conditions
soient les plus rentables et les
moins contraignantes pour ses membres. Alors, à l'intérieur de la même
enveloppe, sans ajouter de l'argent,
on peut rebrasser le jeu de cartes, comme on dit, et faire en sorte que les
personnes qui sont les plus vulnérables, soit par la condition de leur état de santé, soit par le fait qu'elles
habitent des régions qui sont moins faciles d'accès, moins attrayantes, eh bien, que ces régions-là soient
privilégiées, et il y a déjà des primes d'éloignement qui sont prévues pour
les médecins. Donc, c'est tout à fait
possible de gérer ça sans augmenter la rémunération des médecins. Je sais que
c'est un rêve de notre ministre,
c'est un puits sans fond, et ce ne sera jamais suffisant. C'est très
malheureux, parce que, moi, quand je
lis le rapport du Protecteur du citoyen ce matin et que je vois toutes les
contraintes, tous les bris d'accès, toutes les conséquences que les personnes vulnérables ont subies, je suis
certaine que, si les médecins étaient conscients que le 900 millions de dollars qu'ils reçoivent
cette année en augmentation pourrait avoir une portée inestimable sur les gens
qui ont des problèmes de santé mentale, sur les gens qui
ont des besoins en soutien à domicile, je suis certaine qu'ils exprimeraient
des choix différents de ceux que le ministre fait à leur place.
Alors, je reviens au niveau de la répartition
d'une enveloppe fermée, donc sans ajout d'argent neuf, je pense qu'il y en a eu beaucoup, mais, ce qui est
clair, c'est que cet argent neuf, qui a été en bonne partie négocié par le ministre avant
qu'il soit ministre, au
moment où il était président de la
FMSQ, n'a pas su être lié à des obligations de disponibilité et d'accès pour la population du Québec,
ce qu'on ne voit pas dans d'autres provinces. Et c'est ça qu'on paie depuis
10 ans, au Québec,
c'est cette lacune d'avoir associé les augmentations faramineuses qui ont été données aux médecins du
Québec depuis 10 ans à un objectif d'accessibilité et de garantie de soins. Alors,
j'espère bien que le ministre ne leur en redonnera pas plus, mais qu'il va tout simplement dire : Avec ce que vous avez, organisez-vous pour que les gens de
toutes les régions du Québec
soient bien servis et qu'on ait une garantie d'accès pour des services
essentiels, entre autres, comme ceux des anesthésistes, des
ophtalmologues.
Pour le
nombre des anesthésistes, c'était un ordre de grandeur, M. le Président. Mais j'aimerais ça que le ministre
me dise, sur les 750 anesthésistes
qu'ils ont, il y en a combien qui sont à Montréal, il y en a
combien qui sont à Québec,
puis il en reste combien pour l'ensemble du Québec.
• (12 h 50) •
Le Président (M. Merlini) : M.
le ministre.
M. Barrette : Dans la grande région de Montréal,
M. le Président, c'est environ... près de la moitié, environ le
quart dans la grande région de Québec, et le reste distribué dans le reste du Québec,
approximativement.
Le Président (M. Merlini) : Merci,
M. le ministre. Mme la députée.
Mme Lamarre : Merci. Alors, mes proportions, M. le Président, étaient tout à fait justes. Donc, mon exemple était pour faire image pour la population,
mais on se rend compte que, sur les 750 anesthésistes du Québec, il y en a
la moitié à Montréal
et il y en a le quart à Québec. Et, dans tout le grand
territoire du Québec, avec les milliers de kilomètres
qu'on a, il nous en reste seulement...
il nous en reste à peu près 180. Alors, on a 550, 600 anesthésistes qui
sont à Montréal et à Québec, puis il en reste à peu près 180 qui sont
partout dispersés à raison de deux, trois, sur les autres territoires,
les autres régions et les autres
CISSS. Le ministre me donne raison, alors je le remercie. Ça
illustre exactement le danger qu'on a. C'est-à-dire que, si on met des contraintes qui ne tiennent
pas compte d'une certaine mobilité de certains anesthésistes qui sont dans des zones plus concentrées, où il y a un petit peu de jeu, même pendant les vacances, pour dire : O.K., on
en a... si on a 10 anesthésistes
qui prennent des vacances, mais qu'il en reste encore 300, on a la latitude
pour dire : On va permettre à certains d'entre eux d'aller couvrir
des soins à l'extérieur.
Le ministre
nous a répété à profusion que le problème de La Pocatière, qui dure quand même
depuis le mois d'avril, c'était dû au
décès d'un anesthésiste. Alors, moi, je vais vous dire, dans toutes les entreprises,
mais en particulier dans les organisations en santé, un décès, c'est vrai que ça surprend, mais, si ça nous prend
six mois, huit mois avant de combler un
besoin, on a un réel problème d'organisation. Et ce n'est pas la proposition du ministre qui va améliorer la situation.
On va avoir encore moins de facilité à recruter des anesthésistes pour ces
régions qui sont plus éloignées.
Alors,
j'invite le ministre à énormément de prudence. Et, à moins qu'il me dise qu'il y a
un autre amendement où il va permettre, ou un autre article
qu'il va nous déposer où il va faire
en sorte qu'on ait la possibilité, à l'intérieur des enveloppes,
toujours à
l'intérieur des enveloppes d'argent,
des enveloppes de rémunération, de dire que des anesthésistes de Montréal et de Québec devront venir prêter main-forte trois semaines,
un mois par année dans d'autres territoires du Québec... autrement, sa mesure m'apparaît avoir un effet
dissuasif majeur sur le recrutement potentiel des spécialistes dans des
régions où le volume sera trop faible. Il n'y a pas juste le volume. Il y a
parfois aussi la possibilité pour les spécialistes
de continuer à se développer, à développer leur expertise, à utiliser des
nouvelles technologies, à apprivoiser ces nouvelles technologies-là
et à offrir des services de qualité comparable, égale, partout sur le territoire.
Alors, ce que
je vois, c'est que vraiment, ma crainte, elle est réelle. Et l'imputabilité d'un territoire, je peux très
bien
concevoir, M. le Président, qu'elle s'applique pour des médecins de famille. Mais, quand on arrive pour l'imposer du côté des médecins spécialistes, c'est une lame à deux tranchants. Et
ce qu'on voit avec les difficultés de recrutement d'anesthésistes, eh bien, c'est clairement
quelque chose qu'on ne voyait pas de façon aussi importante dans les années
précédentes, et c'est la conséquence du fait
que le ministre a interdit aux anesthésistes, cette année, de faire en sorte que ceux de Montréal
puissent aller faire du dépannage à La Pocatière. Et ça, le ministre
a fait le choix de sauver 23 millions de dollars en les empêchant plutôt
que de donner...
Le
Président (M. Merlini) : Un
instant! Un instant, madame... Un instant, Mme la députée. M. le ministre, vous avez une question de règlement?
M. Barrette : On me prête l'intention d'avoir interdit aux
médecins anesthésistes d'aller à La Pocatière. J'invite la collègue à me dire où... Là, c'est faux, là,
ça, là. C'est faux. C'est juste faux. Alors là, à un moment donné, ce n'est
pas juste prêter des intentions, c'est affirmer que j'ai posé un geste. C'est
où, ça, que j'ai interdit aux anesthésistes de Montréal d'aller à La Pocatière?
C'est où, ça?
Le Président (M. Merlini) : Mme la
députée.
Mme Lamarre : M. le Président...
Le
Président (M. Merlini) :
Veuillez faire attention aux mots utilisés. Vous le savez, je l'ai dit hier,
vous illustrez vos points, vous avez
utilisé les anesthésistes comme exemple par rapport à l'amendement
qu'on est en train d'étudier, alors je vous prie de faire attention aux
propos.
Mme
Lamarre : Dans nos travaux
antérieurs, M. le Président, sur le projet
de loi n° 130, le ministre
a clairement dit qu'il y avait eu un enjeu de 23 millions de
dollars qui expliquait pourquoi les anesthésistes, qui historiquement faisaient du
dépannage ailleurs, dans d'autres territoires du Québec, n'en avaient pas fait
cette année. Alors, nous, on dit : Effectivement, il y a un problème. Et le problème, c'est que le
ministre n'a pas de contrôle sur l'enveloppe
qui a été donnée aux spécialistes et
qu'à l'intérieur de cette enveloppe-là on n'a pas prévu les incitatifs
significatifs pour que, dans l'enveloppe
de rémunération des spécialistes, il y ait une garantie d'offre de services et
qu'on ne crée pas ce genre de désert et de non-accès
absolu à des services essentiels. Alors, c'est le ministre
qui a dit que c'était un enjeu de 23 millions de dollars et que, cette année, il avait décidé qu'il ne le
donnerait pas. Alors, ça peut se traduire par des vacances, des périodes, des
primes, peu importe, peu importe, M. le Président...
M. Barrette : Article...
Le Président (M. Merlini) : Un
instant!
M. Barrette : M. le Président.
Le Président (M. Merlini) : M. le
ministre.
M.
Barrette : Encore une fois, ce qu'elle dit, c'est faux. O.K., on peut
plaider... O.K., je vais accepter que la collègue plaide l'ignorance,
parce que, si ce n'est pas de l'ignorance, c'est de la médisance. C'est pire.
Le
Président (M. Merlini) : Il faut faire attention. Il faut faire
attention, là, aux propos qui sont utilisés de part et d'autre, là.
M. Barrette : Alors, M. le
Président, là...
Le Président (M. Merlini) : Je
comprends...
M. Barrette : ...ce que j'ai dit, ce
que j'ai dit, dans les travaux parlementaires, c'est que les anesthésistes voulaient, dans une négociation, avoir un bonbon
de 23 millions de dollars. En fait, c'est 22. Je n'ai pas enlevé ce 22 là, je n'ai pas empêché, c'est de la négociation. Les
anesthésistes ont choisi, ont choisi de poser le geste qu'ils ont posé. Ça,
ça s'appelle un moyen de pression. Mais je
n'ai pas enlevé, je n'ai pas empêché. Je comprends, là, que le seul et unique
style parlementaire de notre collègue est celui de... vous me dites de faire
attention...
Le Président (M. Merlini) : Oui.
M. Barrette : ...O.K., celui de
maquiller la réalité.
Le Président (M. Merlini) : Non, M.
le ministre, ce propos est interdit dans notre lexique parlementaire.
M. Barrette : Il est interdit? O.K.
Le Président (M. Merlini) : On ne
peut pas dire qu'on tente de maquiller des choses.
M. Barrette : Il est celui de
colorer la réalité aux couleurs du Parti québécois.
Le
Président (M. Merlini) : Mais, indirectement ou directement, on ne
peut pas dire ces choses-là, M. le ministre, et vous le savez très bien.
Alors, vous avez illustré le point qu'il s'agissait d'une tactique de...
M. Barrette : Modifier la réalité,
M. le Président?
Le
Président (M. Merlini) : Vous avez illustré le point que c'était une
tactique de négociation que les anesthésistes ont utilisée, que vous
n'avez pas enlevé lesdits montants...
M. Barrette : Comme l'a dit la
collègue de Taillon.
Le
Président (M. Merlini) : S'il vous plaît, M. le ministre, j'ai la
parole en ce moment. Comme l'a dit effectivement la députée de Taillon. Restons factuels dans les choses qui sont dites,
comme ça, le déroulement se fait très bien. Vous pouvez continuer, Mme la députée de Taillon. Évidemment, de part et
d'autre, faites attention aux propos utilisés. Je préfère que les débats
se concluent sereinement. Il nous reste une minute. Mme la députée de Taillon.
Mme
Lamarre : M. le Président, j'aurais encore beaucoup à dire sur ce
sujet, mais je vais me restreindre parce que je veux quand même reconnaître que
l'abolition du 70 kilomètres est, je pense, due à la vigilance du député
de la région de Matane-Matapédia, qui a démontré que cette limite avait un
effet tout à fait négatif sur l'accès. Alors, à ce moment-ci, je vais préférer reconnaître le mérite de mon collègue, et on
aura l'occasion de revenir sur d'autres tribunes.
Le Président (M. Merlini) : Merci
beaucoup, Mme la députée de Taillon.
Compte tenu de l'heure, la commission ajourne
donc ses travaux sine die. Bon appétit à tous!
(Fin de la séance à 13 heures)