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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mercredi 15 février 2017 - Vol. 44 N° 135

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 130, Loi modifiant certaines dispositions relatives à l’organisation clinique et à la gestion des établissements de santé et de services sociaux


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Table des matières

Auditions (suite)

Association médicale du Québec (AMQ)

Groupe d'approvisionnement en commun de l'Est du Québec (GACEQ), Sigma Santé et Groupe d'approvisionnement en commun de l'Ouest du Québec (GAC de l'Ouest du Québec)

Table de coordination nationale des réseaux universitaires intégrés de santé (TCN des RUIS)

Fédération des médecins résidents du Québec (FMRQ)

Mémoires déposés

Intervenants

M. Richard Merlini, président

M. Gaétan Barrette

Mme Diane Lamarre

M. François Paradis

Mme Lise Lavallée 

*          Mme Yun Jen, AMQ

*          M. Hugo Viens, idem

*          M. Yvan Gendron, Sigma Santé

*          M. Daniel Castonguay, GAC de l'Ouest du Québec

*          Mme Nathalie Boisvert, GACEQ

*          Mme Gertrude Bourdon, TCN des RUIS

*          Mme Patricia Gauthier, idem

*          M. Pierre Cossette, idem

*          M. Fabrice Brunet, idem

*          Mme Martine Alfonso, idem

*          M. Christopher Lemieux, FMRQ

*          M. Patrice Savignac Dufour, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures six minutes)

Le Président (M. Merlini) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bienvenue à la Commission de la santé et des services sociaux. Ayant constaté le quorum, je déclare donc notre séance de travail ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes au salon rouge de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 130, Loi modifiant certaines dispositions relatives à l'organisation clinique et à la gestion des établissements de santé et de services sociaux.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements ce matin?

La Secrétaire : Non, M. le Président, il n'y a pas de remplacement.

Auditions (suite)

Le Président (M. Merlini) : Très bien. Aujourd'hui, nous entendrons les groupes suivants : l'Association médicale du Québec, le Groupe d'approvisionnement en commun de l'Est du Québec, Sigma Santé et le Groupe d'approvisionnement en commun de l'Ouest du Québec, la table de coordination des réseaux universitaires intégrés en santé et la Fédération des médecins résidents du Québec.

Je souhaite donc la bienvenue aux représentants de l'Association médicale du Québec. Je vous invite de bien vouloir vous présenter au début de votre exposé. Vous disposez de 10 minutes, et ensuite on procédera à l'échange avec les membres de la commission. Bienvenue. La parole est à vous.

Association médicale du Québec (AMQ)

Mme Jen (Yun) : Bonjour, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Je suis Dre Yun Jen, présidente de l'Association médicale du Québec, et je suis accompagnée de Dr Hugo Viens, vice-président de l'Association médicale du Québec.

Pour ceux qui ne connaissent pas notre association, l'AMQ est une organisation dont la mission est de mobiliser les médecins pour l'avancement du professionnalisme médical, notamment par la mise en place d'une gouvernance clinique forte. Alors, vous pouvez comprendre, avec cette mission, ce projet de loi n° 130 nous interpelle beaucoup, surtout en ce qui concerne le volet d'encadrement médical.

D'entrée de jeu, on tient à souligner qu'on est conscients qu'il y a des problèmes à corriger dans certains établissements, et, dans ce contexte, l'AMQ est d'accord avec les objectifs du projet de loi n° 130 qui s'appuient sur le principe que les médecins qui ont des privilèges dans un établissement, ils ont aussi des obligations, c'est-à-dire ils ont aussi des obligations envers la population générale, et que chacun se doit de contribuer activement à l'offre de service pour cette population. Mais, malgré qu'on soit en accord avec l'objectif et les principes de ce projet, on craint qu'il vient affaiblir une structure déjà fragilisée par la mise en oeuvre de la nouvelle réforme.

La Loi sur les services de santé et les services sociaux actuelle prévoit déjà les rôles des chefs de département clinique, du CMDP, du DSP et du C.A. ainsi que la responsabilité des médecins et des sanctions en cas de non-respect de ces obligations. Certains d'entre vous considèrent que l'application de la loi se fait de façon inégale entre les établissements et que le projet de loi est donc nécessaire. Pour nous, la solution ce n'est pas dans l'ajout des règles et des mécanismes à une multitude de règles et mécanismes qui existent déjà. La solution passe plutôt par l'application plus rigoureuse de la loi actuelle, une application qui passe par une clarification du rôle des médecins gestionnaires et la mise en place d'un vrai partenariat médico-administratif.

• (11 h 10) •

Les dispositions principales introduites par le projet de loi n° 130 ne seraient, en réalité, pas nécessaires si les médecins gestionnaires ont la reconnaissance et le soutien qui leur permettent d'exercer plus efficacement leurs fonctions. Et, pour affirmer ça, on s'appuie sur un sondage qu'on a effectué à l'AMQ en 2016 sur les besoins des médecins gestionnaires. Alors, dans les résultats de ce sondage, on a vu que les médecins gestionnaires sont mobilisés par la volonté et la capacité d'influencer l'organisation des services et aussi par l'amélioration du système de santé. Et, contrairement à ce qu'on pourrait penser, la majorité des médecins gestionnaires sont positifs. Ils perçoivent les changements actuels pas comme un obstacle, mais vraiment comme une opportunité pour améliorer l'intégration et l'accessibilité des services. Ils veulent contribuer à la mise en oeuvre de la réforme et ils veulent sa réussite. Par contre, notre sondage montre aussi que la nature du poste et les responsabilités d'un médecin gestionnaire sont souvent mal comprises, et c'est là, le problème.

Alors, une meilleure application des mesures et des obligations prévues dans la loi serait possible si les médecins gestionnaires pouvaient compter sur une forme de soutien de la part des administrateurs. Donc, c'est dire qu'on souhaiterait avoir un meilleur partenariat médico-administratif. Et c'est là où est-ce qu'on revient aux effets potentiels du projet de loi n° 130 qui nous préoccupe, ce projet envoie en quelque sorte le message que le secteur administratif du réseau de la santé est le seul garant d'un bon encadrement des services et des soins, alors que, dans la réalité, il doit y avoir un équilibre entre le secteur administratif et les médecins, et c'est ce qu'on appelle avoir une saine gouvernance clinique. Et ce qu'on craint avec le projet de loi n° 130 dans sa forme actuelle, c'est que ça vient nier l'effet positif d'une saine gouvernance clinique, nier l'effet positif d'un sain partenariat médico-administratif et ça vient peut-être écarter les médecins dans la recherche de solutions. Il ne faut pas les écarter, et c'est pourquoi on a mis en place, à l'AMQ, un regroupement des médecins gestionnaires en 2015 pour leur offrir justement un soutien concernant l'organisation des services et de les outiller adéquatement. On organise un colloque annuel pour discuter des enjeux actuels qui les touchent et on offre des formations en leadership médical qui répondent à leurs besoins.

Sachez que l'AMQ offre son entière collaboration au ministre de la Santé pour qu'il y ait des efforts concertés pour répondre aux besoins des médecins gestionnaires et de les soutenir dans leur rôle. Nous considérons que l'expertise de l'AMQ en matière de leadership médical et de professionnalisme peut aider le gouvernement du Québec à assurer une meilleure application de la loi actuelle sans faire des changements législatifs majeurs.

Je passe la parole au Dr Hugo Viens, qui présentera les recommandations plus spécifiques de l'AMQ.

M. Viens (Hugo) : Merci, Dre Jen. M. le Président, M. le ministre, MM. et Mmes les députés, c'est donc notre expertise et notre connaissance des médecins gestionnaires et du professionnalisme médical qui nous permettent d'affirmer aujourd'hui que la solution ne passe pas par ce projet de loi dans sa forme actuelle et que des modifications sont souhaitées. Pour avoir suivi attentivement le déroulement de la commission depuis quelques jours, je sais que M. le ministre nous dira que l'intention est de créer un fil conducteur dans le réseau de la santé, que le projet de loi a pour objectif de donner des leviers pour une meilleure gestion de l'octroi et des renouvellements des privilèges. Malgré cela, nous restons profondément inquiets, sur le projet de loi, que le projet de loi donne aux P.D.G. des établissements le droit de faire une recommandation directement au C.A., ce qui réduit considérablement la responsabilité du CMDP, en lui donnant un rôle simplement consultatif.

Nous reconnaissons la responsabilité collective des médecins envers la société. L'autonomie et la capacité d'autorégulation n'enlèvent pas l'obligation de concilier leurs intérêts et les besoins professionnels avec les ressources disponibles, dans l'intérêt de la population. Toutefois, ce projet de loi individualise la responsabilité et le principe d'autorégulation des médecins. Les systèmes performants comme les Kaiser Permanente favorisent une responsabilité et une imputabilité collectives des médecins et des administrateurs en matière de qualité des services et d'utilisation optimale des ressources. L'imputabilité et la responsabilité conjointes des médecins et des gestionnaires sont déjà assurées dans la Loi des services de santé et des services sociaux, mais la culture d'application doit être consolidée. Comme le disait ma collègue la Dre Jen, une législation supplémentaire ne fera pas en sorte, à notre avis, que les intervenants auront magiquement les connaissances et les compétences pour l'appliquer efficacement. C'est donc un travail collaboratif qui doit s'amorcer.

Afin d'aider le travail des parlementaires, nous avons fait des recommandations précises dans notre mémoire pour plusieurs des articles qui nous préoccupent. Nous pensons que le projet de loi pourrait être modifié pour répondre aux problèmes actuels sans ébranler les structures inutilement. Nous espérons que les modifications proposées seront retenues. Toutefois, si les membres de la commission souhaitent aller de l'avant avec les articles tels que libellés, permettez-nous de faire des propositions pour nous assurer que cette nouvelle législation n'affecte pas la mobilisation des médecins.

D'abord, le ministre devrait laisser une période raisonnable pour que les médecins gestionnaires et les gestionnaires du réseau mettent en place les éléments de la réforme déjà en cours. Le gouvernement pourrait créer un comité de travail qui se pencherait sur la clarification du rôle des médecins gestionnaires et du soutien dont ils ont besoin. S'il n'y avait pas d'amélioration, selon les objectifs qui seront établis, le ministre pourrait alors appliquer ces mesures. Toutefois, le gouvernement serait plus avisé de mettre en place une mécanique de soutien, voire de tutelle pour une gouvernance médicale fautive, sans pénaliser ceux qui font leur travail comme il se doit.

Il nous apparaît également essentiel de mettre en place un mécanisme d'appel pour les médecins qui perdraient leurs privilèges de façon à éviter des décisions arbitraires et injustifiées. L'absence de contre-pouvoir dans le projet de loi est préoccupante parce qu'elle peut aller jusqu'à menacer la carrière d'un médecin. La seule option actuellement pour un médecin serait d'utiliser le Tribunal des professions, encourageant un processus judiciaire qui ne devrait être utilisé qu'en dernier recours. Il faudrait également inclure une mesure d'appel devant le CMDP ou le C.A. d'un établissement. Par exemple, le rôle du comité de discipline pourrait être élargi à cet effet.

Finalement, un mécanisme de concertation avec les médecins pour fixer des cibles à atteindre est nécessaire. Il permettrait aux organisations de choisir des solutions à appliquer pour atteindre ces cibles. Les médecins, tout comme les gestionnaires, doivent avoir accès à des données et des indicateurs fiables pour analyser leur pratique, se comparer et mesurer l'atteinte des résultats.

M. le ministre, en tant que médecin, vous savez, comme nous, que la dose d'un médicament peut devenir un poison si elle est trop forte. C'est pourquoi l'AMQ demande quelques modifications au projet de loi n° 130 pour éviter que cela ne se produise. Nous croyons aussi qu'il faut laisser le temps aux médecins gestionnaires de mettre en place la réforme actuelle sur le terrain. Tout comme vous, ils souhaitent améliorer notre système de santé et des services sociaux.

 M. le ministre, M. le Président, nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Merlini) : Merci, Dre Jen et Dr Viens, pour cet exposé. Nous allons débuter immédiatement la période d'échange avec le député de La Pinière, ministre de la Santé et des Services sociaux. Vous disposez d'un bloc de 21 minutes. À vous la parole, M. le ministre.

• (11 h 20) •

M. Barrette : Merci, M. le Président. Dre Jen, Dr Viens, merci d'abord d'être venus et merci de votre présentation qui est d'une autre teneur et d'un autre ton que ce que l'on a entendu hier. Et je pense qu'on doit le souligner, là, parce qu'honnêtement hier ce n'était pas à la hauteur de ce que le corps médical peut livrer comme exercice dans le processus d'évaluation ou de consultation d'un projet de loi qui est présenté par le gouvernement dans cette Assemblée. Et je suis content que vous ayez abordé le projet de loi de la façon dont vous l'avez fait, à savoir d'une façon objective, et rassurez-vous, là, vous êtes ici parce qu'on a besoin de vous entendre, on est ici pour être conseillés, et d'échanger.

Je vais commencer en mettant la table de façon suivante : Quand j'écoute le corps médical, évidemment, le corps médical, disons, dans le projet de loi, là, puis ici on ne parlera pas des autres volets, là, de plaintes et d'approvisionnement, parce que vous venez ici parler de la partie médicale en termes de gouvernance, le corps médical se sent menacé par ce projet de loi là, qui, dans les faits, n'est pas une révolution en soi. D'aucuns pourraient dire que c'en est une, parce que c'est vrai que ça fait un pas qui n'a jamais été franchi dans le passé. Mais, si une chose que ce n'est pas, ce n'est pas un projet de loi qui vise à faire en sorte qu'un P.D.G. d'établissement ait un pouvoir de vie ou de mort professionnelle sur un médecin. Alors, dans une certaine mesure, commencez par le voir, comme je l'ai dit précédemment, comme étant un complément à la loi n° 10. Dans l'évolution de la réforme que l'on met en place, il y a un élément qui manquait qui est celui de ce complément-là. Il faut le voir comme ça.

Quand vous parlez de la nécessaire collaboration et implication entre les gestionnaires purs et les médecins, c'est exactement ce que je pense, là, puis je l'ai dit dans tous les autres projets de loi qui ont touché la santé, à un moment donné... Moi, j'ai été élevé dans la cogestion, et c'est clair qu'elle doit être là. Quand vous nous dites, Dr Jen... Et d'ailleurs je salue le fait que vous êtes la première organisation à avoir, il y a plusieurs années, mis en place des programmes de formation, pour les médecins, en gestion. Puis vous avez raison là-dessus, là, il y a plein, plein de médecins qui ne comprennent pas la loi, qui ne comprennent pas les règles dans lesquelles ils naviguent et qui donc n'agissent pas.

Par contre, vous avez dit aussi que... vous avez convenu qu'il y avait des problèmes dans le réseau, là, et qu'à certains égards ces problèmes-là... — et ça, c'est votre opinion, avec laquelle je ne suis pas totalement d'accord, je suis d'accord en partie, mais pas totalement — vous dites : Dans le réseau, les lois actuelles permettent de résoudre les choses. O.K. Je pense que non, moi, que ça ne permet pas de régler toutes les choses. Le projet de loi n° 130 n'est pas un projet de loi pour venir gérer la pratique professionnelle d'un médecin, mais bien de faire en sorte que les balises selon lesquelles le médecin navigue dans le système, elles, doivent être l'objet d'un certain encadrement.

Dr Viens, vous avez fait référence... — et ça, ça me désole un peu de voir cette perception-là, compte tenu du fait que je l'ai dit à plusieurs reprises — vous avez parlé de données d'indicateurs fiables, et ainsi de suite, là. Ce projet de loi là, là, ce n'est pas un projet de loi qui a été écrit pour dire : Vous devez faire tant d'examens par jour ou voir tant de patients par jour. Il y a d'autres manières de gérer ça, par la négociation, et ainsi de suite, mettons, par exemple, la loi n° 20. Ce n'est pas fait pour ça, là, ça, là. Ça, c'est fait pour que, dans une organisation — on va être simple, là, dans les commentaires — la machine roule, que la machine soit bien huilée. La meilleure façon de le dire, là, c'est que cette loi-là doit être le lubrifiant du système. Ça ne marche pas, là, bien, il y a quelque chose qui accroche, il y a un grain dans l'engrenage, il faut avoir la capacité d'agir sur le grain qui nuit à l'engrenage. Alors, c'est comme ça qu'il faut le voir.

Vous parlez de culture d'application, vous avez bien raison. Et, sur le terrain, là, il y en a, des problèmes dans les organisations. Parce qu'évidemment, quand on parle de ça, on parle de privilèges, hein, on ne parle pas de la médecine au complet. On parle de la médecine au complet mais dans une institution sur un territoire, maintenant avec les CISSS. Alors, il faut avoir ces leviers-là pour faire en sorte que la machine fonctionne. Et là il y a plein d'exemples. Vous les avez entendus. Je suis content de voir que vous avez suivi les travaux, donc vous avez entendu les exemples que j'ai donnés.

Dr Viens, vous avez vous-même fait référence à Kaiser. J'y ai souvent fait référence moi-même. Il n'y a probablement pas d'organisation... Kaiser, pour le bénéfice de tout le monde, c'est plus gros que le Québec en clientèle, nombre d'institutions, et ainsi de suite, et ça fait tout ce que le Québec fait. Alors, Kaiser, c'est le Québec en plus gros, pas beaucoup plus gros, là, mais c'est quand même au moins le Québec, et, vous savez — vous allez me le confirmer, là, dans vos commentaires ultérieurs — il n'y a pas plus réglementé que Kaiser. Et pourtant, au conseil d'administration de Kaiser, c'est une majorité de médecins, en passant, et, quand on descend, oui, il y a des gestionnaires puis il y a une cogestion, mais la pratique médicale, elle est encadrée, elle est réglementée. Puis je ne dis pas qu'il faut faire ça, là, ce n'est pas ça que je dis, là. Ce que je dis, là, c'est que le fait d'avoir une forme d'encadrement, qui est donc un niveau de contrainte x, ça n'empêche pas la bonne pratique de la médecine, puis ce n'est pas un déni d'autonomie professionnelle, c'est juste que c'est un système qui fonctionne.

Alors, la question que j'aurais à vous poser... Puis d'ailleurs je vous invite à faire tous les commentaires qui vous viennent à l'esprit sur ce que je viens de dire. Et, dans l'esprit de ce que je viens de dire, là, n'est-il pas possible ou ne serait-il pas possible de faire en sorte que nous puissions nous entendre sur ce qui est le plus petit commun dénominateur de règles à mettre dans une institution? Quand vous vous exprimez en disant : Ça ne peut pas être le P.D.G., là, qui va venir me dire quelle dose de médicament donner, vous avez bien raison, c'est bien évident, là. Mais ce n'est pas ça, le projet de loi. Est-ce que, par contre... Et là, Dr Viens, je sais que vous, vous êtes chirurgien. Dre Jen, vous, je pense que c'est médecine de...

Mme Jen (Yun) : Spécialiste en santé publique.

M. Barrette : ...santé publique.

Mme Jen (Yun) : Médecine préventive, oui.

M. Barrette : La santé publique, on pourrait en reparler. N'est-il pas normal, dans vos secteurs respectifs, qu'à un moment donné, là, il y a un levier pour que, le bloc opératoire, les règles de bloc opératoire soient observées, point final, pas peut-être oui aujourd'hui, puis... Non, non, c'est ça, la règle, là, puis on marche tous dans la même vitesse, là. En santé publique, n'est-il pas normal à un moment donné que le gouvernement ou le CISSS ait un certain nombre de priorités à au moins respecter? Et là ma question est la suivante, comme je l'ai dit tantôt, je la répète : N'est-il pas possible, souhaitable et possible, souhaitable d'abord, possible ensuite, à ce qu'on détermine collectivement c'est quoi, la palette de règles qui nous manquent actuellement à propos desquelles, nouvel environnement, les gens seront formés? Vous le faites vous-mêmes. J'ai dit ça à la FMSQ hier. Formez-nous. Bien, non, formez-vous, là. Je veux dire, vous n'êtes pas des enfants, là, vous êtes capables, si ça vous intéresse, la gestion, de vous former. Vous en donnez, de la formation, qui est très bonne, d'ailleurs. Ça se fait. Mais ne manque-t-il pas ça, ces règles-là, et n'est-il pas possible collectivement d'en arriver à la détermination de ce qu'il manque dans notre réseau pour corriger les problèmes que vous-mêmes voyez sur le terrain?

Mme Jen (Yun) : Merci, M. le ministre, pour ces commentaires qui, selon moi, viennent clarifier comment on devrait interpréter le projet de loi n° 130. Et je dirais d'emblée qu'entre ce que vous expliquez puis entre ce qui est écrit, il y a un certain écart, alors, surtout quand on parle de la dose avec laquelle on va appliquer les balises, je pense qu'il y a une certaine variation dans l'interprétation qu'on fait du projet de loi.

Mon deuxième commentaire, avant de répondre à la question, c'est que les règles, les mécanismes et les balises ne sont pas magiques. Elles sont nécessaires, mais elles ne sont pas magiques. Ce n'est pas la panacée. Il ne suffit pas d'avoir des règles et des mécanismes, encore faut-il les diffuser, les faire connaître, les appliquer et les renforcer. Et ces étapes-là passent par les médecins gestionnaires. Et ce que nous, on constate, c'est que, premièrement, le dénominateur commun dont vous parlez existe déjà, puis il existe déjà dans la loi actuelle de santé et services sociaux. Le problème, c'est dans l'application. Et ce que nous, on pose comme diagnostic, c'est que les médecins gestionnaires ne sont pas bien outillés pour jouer le rôle qu'ils doivent jouer, pour renforcer justement les règles, les appliquer, les règles qui existent déjà.

Alors, voici ma partie de la réponse. Je passe la parole à Dr Viens pour un complément.

• (11 h 30) •

M. Viens (Hugo) : Écoutez, il y a des éléments très stimulants et intéressants dans la discussion qu'on a aujourd'hui. Je pense que c'est très constructif. Les modèles de gestion médicale, vous parlez des Kaiser Permanente, les modèles d'application sont divers, les modes de facturation sont divers, tout réside dans la capacité de créer une dynamique d'organisation qui soit positive et qui soit empreinte d'imputabilité et de responsabilité, et je pense que c'est ce qui est l'essence, essentiellement, de la loi n° 130. Et, comme quand on parlait de médicaments tout à l'heure, on ne dit pas que vous essayez d'induire ou d'injecter un poison au réseau, mais bien un médicament, nos seules critiques sont sur la dose et la vitesse avec laquelle on infuse le médicament.

Pour revenir sur la notion des indicateurs dont vous parliez, dans mon commentaire tout à l'heure, puis ça, c'est un des points que j'ai retenus de la discussion avec la FMSQ hier, sur la nécessité d'obtenir... Pour la bonne gestion d'un réseau et l'imputabilité, on a besoin d'indicateurs, de livrables, de notions claires d'imputabilité, ce qu'actuellement, dans le réseau, on considère qu'en tout cas il y a un flou à ça, et je crois que ces indicateurs-là pourraient être précisés à l'intérieur d'une loi ou soit de modes d'application des responsabilités respectives, sans nécessairement qu'on aille à une autorité suprême, qui a le désavantage actuellement, et c'est notre principale inquiétude, de démotiver le réseau.

Et il faut comprendre que, dans la position actuelle, principalement sur l'article 27, il y a un coup de semonce très fort qui est perçu dans la communauté médicale et qui est dangereux. Moi, je vous dis, on est... Pour avoir été vice-président d'un CMDP pendant cinq ans, je peux vous dire que, oui, on a une problématique avec la culture d'application, puis là je parle bien de culture d'application, parce que ce qu'on répète et ce que plusieurs acteurs ont répété depuis le début de la commission, c'est qu'il y a des éléments qui sont là qui sont probablement suffisants, mais effectivement, vous avez raison, puis il y a eu des problèmes... Les CMDP l'ont demandée, l'augmentation de leurs pouvoirs des fois pour agir sur les pas gentils ou les méchants, là, comme Dr Arata... auxquels Dr Arata référait. Cette culture-là d'application n'est actuellement pas nécessairement bien appliquée. Elle n'existe pas, cette... ou très peu.

Au CMDP, on a des règlements et on sait très bien qu'à l'intérieur des règlements du CMDP la mesure coercitive est inquiétante pour les médecins. Et, même dans un hôpital où les médecins sont de grands collaborateurs... Principalement, je vous dirais, le milieu dans lequel je travaille et j'ai oeuvré dans les 15 dernières années, Saint-Jean-sur-Richelieu, on a une médecine très collaborative, on a un partenariat médico-administratif très fort, et ça fonctionne très, très bien. Et je peux vous dire que les effets délétères de l'application de la loi n° 130, même pour des médecins qui sont des gentils du réseau... se trouveraient démotivés et verraient un affront à ça, qui peut être perçu... C'est peut-être une question de perception, mais il y a un énorme danger, là, parce que, je vous dis, le «backlash» de la communauté médicale face à une mesure d'application telle que de donner les pouvoirs à un D.G. d'hôpital sur les privilèges d'un médecin, on touche là à un sacro-saint principe qui fait partie de la culture. Les cultures, ça peut évoluer, et je pense que, dans les dernières années, on a vu évoluer une culture, et la présence du ministre qu'on a actuellement est certainement un élément important dans cette évolution de culture là. Une culture qui évolue n'est pas nécessairement... n'évolue pas nécessairement dans le mauvais sens, à notre avis. Mais il y a des grands dangers à ça. La loi n° 130, l'application par un D.G. de cette autorité-là va être perçue de façon très, très, très délétère par le réseau, et ça nous inquiète.

La démotivation a été rapportée par plusieurs autres organismes, et on demandait d'expliquer, à plusieurs reprises, quel va être l'effet le plus pervers de ça. Les députés de l'opposition l'ont mentionné à quelques reprises. Sans avoir de réponse très claire, mais je vous dirais que, si on demande aux gestionnaires, aux médecins gestionnaires actuellement, aux chefs de département auxquels on demande l'application un peu plus rigoureuse des modalités de gestion, de l'imputabilité... bien, si ces médecins gestionnaires là ne sont pas capables d'aller voir leurs membres dans un simple département, là, avec des gens qui sont sur le terrain, qui travaillent tous les jours et leur dire : Tu dois collaborer, parce qu'on a monté ces médecins-là contre une imposition ultime, cette démobilisation-là est dangereuse. Nous en sommes convaincus.

M. Barrette : Alors là, je vais vous soumettre la chose suivante, O.K.? Puis on va remettre les choses dans... Je vais reprendre votre propos et vous préciser certains éléments. Aujourd'hui, aujourd'hui, le privilège que reçoit un médecin, ça n'est pas un automatisme, en partant, là. Alors, quand les médecins pensent actuellement que c'est un drame dramatique d'avoir des conditions parce qu'une autorité au-dessus de lui va avoir l'autorité de, bien, c'est déjà comme ça. Ce n'est pas un automatisme, recevoir des privilèges. Les conditions pour avoir les privilèges sont extrêmement minimales, mais la mécanique d'obtention des privilèges, elle existe déjà. Alors, quand les médecins disent : C'est dangereux, c'est ceci, c'est cela, bien, ce n'est pas parce que ça, ça va arriver. C'est déjà comme ça. Il y a des conditions, mais qui sont extrêmement minimales.

La question, à ce moment-là, ou la crainte pourrait être justifiée si les conditions d'obtention de privilèges devenaient aléatoires et au bon vouloir d'une personne, O.K.? C'est une critique qui est très positive et ça ne peut pas être comme ça. Ça ne peut pas être comme ça. Ça ne peut pas... Moi, je suis le P.D.G., je me lève demain matin, puis, à partir de maintenant, là, tu ne peux pas être dans un hôpital si tu as une barbe. Bon, je veux dire, c'est ridicule, l'exemple que je donne, mais c'est la crainte que des gens peuvent avoir dans l'exagération des choses.

Mon point ici, là, c'est qu'il y en a, des règles. La question ici est de faire en sorte que maintenant les règles soient peut-être un petit peu plus serrées, pas énormément plus serrées. Moi, quand j'écoute les bons, là, parce que vous, vous parlez des pas fins, là, c'est l'expression qui a été utilisée par d'autres personnes ici précédemment, bien, moi, quand j'écoute des chefs, actuellement, les chefs, moi, me parlent puis me disent : Enfin, on va avoir quelque chose pour — je donne l'expression que vous connaissez bien — cheffer. Enfin, là, je vais avoir le levier qu'il me faut pour exercer mon rôle de chef.

Le P.D.G. dans le projet de loi, là, il doit consulter. Il doit avoir un avis de son DSP. Il ne peut pas décider de même, là. Ça doit être déterminé après consultation, adapté au milieu en question. Puis ça ne peut pas aller à l'infini, cette affaire-là, même pas aussi loin que les médecins peuvent bien craindre. Mais n'est-il pas normal, en quelque part, qu'il y ait un certain niveau de contrainte? Moi, je regarde ça, là, et c'est toujours la même affaire, hein, c'est comme un contrat. Un contrat, on le sort quand ça va mal. On ne le sort pas quand ça va bien. Ceux qui ont une pratique collaborative, qui sont impliqués, puis que ça fonctionne, je ne vois pas, moi, dans le projet de loi, qu'est-ce qui peut venir changer leur vie, autrement que la majorité des médecins collaborante dans un milieu, bien là, va avoir un levier pour pouvoir agir sur sa minorité, que l'on sait être petite partout. C'est toujours une petite minorité qui fait parfois, malheureusement, plus de troubles, proportionnellement à son nombre.

Mme Jen (Yun) : Mais encore une fois je dirais : Il y a un écart entre ce qu'on met dans la loi et comment on perçoit la loi. Que de donner la...

M. Barrette : ...ça devient une question de perception de votre part.

Mme Jen (Yun) : Perception, oui.

M. Barrette : C'est pour ça que c'est utile qu'on ait ces échanges-là, là.

Mme Jen (Yun) : Puis la perception est très importante, comme disait Dr Viens. Le risque de démobiliser un corps médical est important. Que de responsabiliser le P.D.G., et qu'il ait le dernier mot sur l'octroi et le renouvellement des privilèges, est perçu comme déposséder les CMDP d'une responsabilité qui est importante. Alors, juste cette perception-là a un potentiel de démobilisation majeure.

M. Viens (Hugo) : Bien, absolument. Puis on dit la même chose. Ce qui est clair, l'essentiel et l'essence... Et tout le monde est allé... tout le monde l'a répété, là, on n'est pas contre les principes, on est... En fait, on n'est pas contre l'objectif de la loi. C'est dans son application, c'est dans la vitesse d'infusion du médicament, c'est dans la vitesse avec laquelle ça se fait. On n'est pas en opposition avec le projet de loi. Vous verrez que le ton est là. C'est dans les modalités d'application. Et on croit qu'il y a probablement des ajustements, de meilleures façons de le faire.

M. Barrette : Il ne me reste pas beaucoup de temps, puis je veux...

Le Président (M. Merlini) : Deux minutes.

M. Barrette : Il me reste deux minutes. Il faut absolument que je vous pose cette question-là, parce qu'avec l'échange qu'on a eu c'est la question qui est probablement, de mon côté, la plus importante. Dans la détermination, là... Puisque vous nous dites que vous êtes confortables avec la finalité puis vous craignez la manière que ça va être fait ou le contenu, quelle mécanique verriez-vous ou recommanderiez-vous pour déterminer quelles sont les obligations que l'on aurait à déterminer... à être attachées à l'obtention de privilèges? En fait, il y a-tu une mécanique que vous verriez comme étant pratique?

Mme Jen (Yun) : Bien, en termes de mécanique, nous croyons, nous avons la position que les mécaniques sont déjà en place avec la loi actuelle. Les CMDP devraient participer et l'ensemble des médecins gestionnaires devraient participer activement avec les administrateurs de l'établissement pour identifier les cibles de performance. Et c'est notre position. C'est via une construction d'un partenariat sain, médico-administratif, qui varie selon chaque milieu hospitalier. Et, voilà, nous, on persiste à croire que le mécanisme se fait plutôt via la construction d'un partenariat sain et d'une gouvernance clinique forte.

M. Barrette : Donc, dans ce partenariat-là, on peut quand même, ensemble, établir des règles...

Mme Jen (Yun) : Oui.

M. Barrette : ...qui vont dans le sens de 130. Très bien, moi, j'ai terminé, je pense, là?

Le Président (M. Merlini) : Oui, effectivement, M. le ministre, votre temps est terminé pour ce bloc d'échange. On va maintenant aller du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Taillon, vous disposez de 12 min 36 s pour votre bloc d'échange. À vous la parole.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Dre Jen. Bonjour, Dr Viens. Alors, merci, parce que, vraiment, l'Association médicale du Québec a cette grande qualité de ne pas représenter strictement les intérêts spécifiques ou syndicaux, on va le dire comme ça, des médecins. Vous avez toujours une approche. D'abord, vous êtes constitués de médecins omnipraticiens, de spécialistes et de résidents, ce qui vous donne un regard, je pense, qui est plus transversal, et vos approches sont presque toujours constructives. Alors, je veux vous remercier pour cette approche qui fait du bien, je vous dirais, dans l'étude de ce projet de loi n° 130.

À la page 1 de votre mémoire, vous utilisez une expression qu'on a vue cette semaine dans les médias. Vous dites : Le ministre, dans son projet de loi n° 130, a les bons objectifs, mais les moyens ne sont pas bons. Et, cette semaine, on avait exactement un gros dossier qui disait : Bons objectifs, mauvaise méthode.

• (11 h 40) •

Alors, dans le dossier qui nous occupe, avec le projet de loi n° 130, on a un peu la même rhétorique, c'est-à-dire qu'on a encore des objectifs qui sont louables, on veut augmenter la performance de notre réseau, l'accessibilité du réseau, on veut augmenter l'imputabilité, mais ce que je décode dans votre mémoire, c'est que les moyens ne sont pas bons, que les méthodes utilisées ne donneront pas les résultats et qu'un peu à la lumière de ce qui s'est passé actuellement avec le projet de loi n° 10 et avec plusieurs autres éléments de la réforme du ministre, bien, on accumule des échecs. On n'accumule pas les résultats qu'on souhaite, parce que, là, on est presque à trois ans.

Donc, les diagnostics sont corrects, mais les traitements sont parfois nocifs et même toxiques. Et je pense que ça, le ministre doit en prendre acte à un moment donné, que de n'utiliser comme seule stratégie que les menaces, ça ne donne pas les résultats escomptés. Et ce qui semble être reproché de façon maintenant répétitive, et pas seulement par les syndicats, mais par l'ensemble des intervenants, c'est la méthode, et la méthode à laquelle le ministre croit, qui est l'abolition des privilèges des médecins, ne sera pas nécessairement... ou, en tout cas, un contrôle sur ça fait en sorte que...

Le Président (M. Merlini) : Question de... Excusez-moi, Mme la députée. Question de règlement, M. le ministre?

M. Barrette : Alors, le projet de loi n'est pas, en aucune manière... Le mot «abolition de privilèges» n'existe pas dans le projet de loi. Ce n'est pas un projet de loi d'abolition de privilèges. J'aimerais que notre collègue soit plus précise dans ses termes.

Le Président (M. Merlini) : C'est très bien. Alors, vous pouvez continuer, Mme la députée, en faisant évidemment attention aux propos utilisés, parce qu'effectivement l'objet du projet de loi n'est pas l'abolition de privilèges. Alors, veuillez continuer. Et ce temps est pris sur la présidence, et non sur votre temps à vous.

Mme Lamarre : Je vous remercie, mais je pense que les gens qui viennent témoigner ici comprennent que ça pourrait aller clairement jusqu'à la restriction au niveau des privilèges, clairement, parce que c'est ce qui est indiqué dans certains éléments. Alors, on prend acte, mais on décode bien que, dans le fond, l'intention, elle est là, dans la menace.

Donc, tout le monde s'entend pour dire : Il faut plus d'imputabilité, il faut que notre système fonctionne mieux, quand même, et ça, je pense que vous le reconnaissez, du côté de l'Association médicale du Québec. Alors, je vous avoue que, dans les suggestions, vous parlez beaucoup de collaboration médecins gestionnaires et les gestionnaires. Qu'est-ce qui fait qu'actuellement ça ne fonctionne pas? Parce que ça ne donne pas les résultats attendus. Peut-être que c'est en processus, mais là on ne peut pas dire, là, qu'on voit depuis deux ou trois ans... Et, bien sûr, vous avez insisté beaucoup sur les éléments de formation que votre association offre, mais qu'est-ce qui pourrait être plus que juste de la formation? Parce qu'il faut quand même, à un moment donné, en donner pour son argent à la population, et là le contexte n'est pas satisfaisant. On n'a pas besoin d'énumérer... On peut se mettre la tête dans le sable puis dire : Non, non, tout va bien puis ça va s'arranger, mais là il faut des actions un peu plus concrètes. Qu'est-ce que vous suggérez concrètement pour que ça s'améliore?

Mme Jen (Yun) : Merci, Mme Lamarre, pour votre question. Avant de passer la parole au Dr Viens, je dirais que, de façon générale, ce n'est pas en faisant la même chose qu'on va arriver à des résultats différents. Donc, ce n'est pas en ajoutant toujours des règles et des mécanismes qu'on va arriver à des résultats de santé différents. Et, dans ce contexte-là, comme j'ai dit tantôt, des règles, ce n'est pas magique, des balises, ce n'est pas magique, encore faut-il les appliquer, les renforcer, et ça, ça passe par les médecins gestionnaires et les gestionnaires. Et ça prend une bonne ambiance, un bon climat de collaboration pour trouver des solutions locales, et la création de ce climat passe par les médecins gestionnaires, et ce qu'on constate maintenant, en termes de moyens, de façon très générale, on ne rentrera pas dans les détails, c'est que les médecins gestionnaires que nous avons maintenant, bien qu'ils soient très motivés, ils sont mal outillés, ils ont besoin de formation, ils ont besoin de reconnaissance, ils ont besoin d'être valorisés. Bien, voilà, ils ont besoin d'être outillés. Dr Viens?

M. Viens (Hugo) : Si vous permettez. On est revenus à quelques reprises sur la culture d'application et le lien qu'il y a avec la culture d'application et les problématiques du passé. On doit comprendre qu'un système est en évolution, et le système a évolué à vitesse grand V dans les deux dernières années. Ça, il faut le reconnaître. Il faut reconnaître qu'il y a un épuisement, un taux de burnout, un découragement de beaucoup de médecins gestionnaires qu'on ressent sur le plancher, et il y a une fragilité à ce niveau-là. Le ministre a certainement une qualité d'avoir un leadership fort, et ça s'est ressenti dans le réseau, mais à un coût qui est quand même assez élevé, je vous dirais, sur les gestionnaires du réseau, dans le désir de participer de certains médecins.

Et on répète encore, ce n'est pas tellement l'essence ou la volonté derrière le projet de loi, mais vraiment son application. Et je réitère que nous sommes intéressés à travailler et à collaborer. Je ne veux pas avoir le même ton qu'hier, mais il y a des éléments d'application qui peuvent être remis en question, qui pourraient nous permettre, selon nous, et j'en suis à peu près certain... en évitant le côté délétère d'une application trop hâtive, qui pourrait être modifiée, par exemple un modèle de tutelle, simplement, d'un CMDP qui pourrait, à la limite, être amené si un CMDP ne réussit pas à aller chercher les pouvoirs nécessaires pour faire modifier la culture organisationnelle. Vous savez, en entreprise, on parle de vision, mission, valeur, et on doit constamment réitérer ça et se rappeler quelle est la mission, la vision et la valeur, et ça, je crois qu'on l'a oublié dans le réseau dans les 20, 30 dernières années. On a manqué d'un leadership fort, d'une direction concrète qui nous amènerait, tout le monde, dans un bateau dans la même direction.

Mme Lamarre : Donc, si je comprends bien, vous seriez plus favorables à ce qu'il y ait une possibilité pour le ministre de mettre certains CMDP sous tutelle plutôt que de travailler sur l'atteinte des privilèges ou l'absence de renégociation de privilèges. Est-ce que c'est comme ça que je dois comprendre?

M. Viens (Hugo) : ...les modalités avec lesquelles on peut induire un changement de culture, on peut assumer et imposer une vision de leadership fort, sans nécessairement déposséder de ce qui est très cher aux médecins et qui risquerait de créer de la grogne, à notre avis, un peu inutile, en donnant le pouvoir aux D.G. Mais on laisse quand même le pouvoir dans la main des médecins, qui seraient des médecins d'un CMDP de tutelle, qui pourrait même être sous le joug de l'Association des CMDP, mais qui serait un CMDP qui regrouperait toutes les qualités qu'on connaît à un CMDP qui est capable d'amener un leadership fort, dirigé par des médecins... de compréhension, de connaissance du réseau, de formation adéquate et d'imposition d'un leadership fort dans le sens des valeurs médicales.

Mme Lamarre : O.K., mais, vous savez, la nature humaine est ainsi faite que, quelle que soit la profession qu'on a, c'est beaucoup plus facile de se concentrer sur les besoins de nos coéquipiers que de l'ensemble de la population. Et là c'est ce qui est reproché, ce qui est reproché à différents niveaux, dans différentes... Alors, comment s'assurer que les médecins qui auraient à imposer des mesures qui viseraient non pas le confort des équipes, mais le confort et l'accès de l'ensemble de la population d'un territoire soient mieux entendus?

Je vous avoue que, dans votre mémoire, que j'ai lu et que j'apprécie, quand vous arrivez à la page 9 en disant : «Il faudrait mettre un comité de travail qui se pencherait sur la clarification», ce n'est pas fort, comme mesure incitative. Alors, c'est pour ça que je vous requestionne sur la tutelle des CMDP. Mais avant ça il me semble qu'il faut fixer des indicateurs de performance, des cibles à atteindre et une volonté... Je suis d'accord avec vous, il faut faire un partage de cette culture-là à travers tout l'établissement, mais je ne les vois pas, là, ces recommandations-là, dans votre mémoire, et, sans ça, je vous avoue que c'est un petit peu... je ne vois pas comment ça pourrait changer clairement les choses. Alors, il faut qu'il y ait un changement, donc ça prend peut-être des mesures un petit peu plus, quand même... où on n'ira pas par des menaces. Je comprends bien la mesure de travailler en synergie, mais avec quand même des indicateurs, des cibles à atteindre qui sont beaucoup plus tangibles, là, pour les équipes.

M. Viens (Hugo) : La détermination de ces indicateurs-là, justement, c'est un des éléments sur lesquels ces comités-là pourraient se pencher de façon collégiale et conviviale, de déterminer vraiment quelles sont les orientations qu'on doit prendre au niveau de l'imputabilité et de la responsabilité des différents sous-groupes à l'intérieur de la communauté médicale et des médecins gestionnaires. Et c'est d'ailleurs un des principes des modèles de Kaiser, hein, ce n'est pas un directeur général qui impose, mais les directions sont prises en fonction d'un comité de pairs, de médecins. Et c'est justement la procédure contraire qu'actuellement on impose, avec la loi n° 130, en utilisant un directeur général pour imposer les décisions, ou en tout cas influencer fortement des décisions plus bas sur le terrain. Alors, des mesures comme celles de renforcement des valeurs du CMDP, de leur... d'une mise en tutelle, ça, ça n'a pas été essayé dans le passé, cette notion-là n'a pas non plus été imposée par une culture d'application solide.

Puis ça existe, hein? Dans le milieu duquel je viens, là, on a une culture d'application, une culture de responsabilité. Donc, ça s'induit, ça peut être contagieux. Le professionnalisme médical est contagieux quand on induit et qu'on a un leadership fort local qui demande une application. Et ça, c'est la notion que j'appelle un peu celle du perron de l'église. Avant la RAMQ, quand le médecin du village était sur le perron de l'église, il avait ses citoyens autour de lui, il ne pouvait pas se déroger à sa responsabilité, s'assurer de la santé des gens dans son village. On a un petit peu perdu ça dans les dernières années, et ça se retrouve. Le professionnalisme médical, et l'ADN médical, est encore là. Il s'agit juste de l'aviver et de le cultiver.

• (11 h 50) •

Mme Lamarre : En fait, moi, j'entends beaucoup que vous êtes d'accord avec l'amélioration du leadership médical, mais l'efficience d'un système dans un établissement, si on parle plus d'un établissement de santé, ça dépend aussi d'un nombre important de paramètres : les systèmes de transmission de l'information, les autres professionnels. Vous avez sûrement entendu parler du modèle de gestion des contraintes. Et, quand on s'intéresse à ce modèle-là, on se rend compte que ce qu'on pense être la vraie contrainte n'est pas la même. Est-ce que ça, ça ne serait pas un modèle, le modèle de gestion des contraintes, où, de façon commune, mais pas seulement les médecins... Là, je vous avoue, là, il faudrait que les médecins acceptent de travailler avec des infirmières, avec des pharmaciens, avec des préposés, avec des gens de l'entretien ménager pour qu'on prenne le pouls de l'ensemble de la séquence d'un épisode de soins et qu'on améliore l'efficacité. Est-ce que ce genre d'approche là vous conviendrait?

Le Président (M. Merlini) : Très rapidement, votre réponse.

Mme Jen (Yun) : Oui. De façon générale, on a une approche d'interdisciplinarité, d'abord. Et, par rapport à l'identification des moyens, c'est difficile d'identifier des moyens qui seront efficaces à coup sûr, mur à mur, ça dépend des dynamiques locales. Et c'est pour ça qu'on met beaucoup plus d'emphase sur la dynamique et le climat de collaboration pour identifier les moyens plus spécifiques qui vont marcher sur le plan local. Et ça prend des données. Merci.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup pour ce bloc d'échange avec la députée de Taillon. M. le député de Lévis, du deuxième groupe d'opposition, vous disposez de huit minutes. À vous la parole.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Dre Jen, Dr Viens, bienvenue. Je ne serai pas très original, parce qu'on est rendus à l'étape où, manifestement, dans ce dossier-là, tous ceux qui nous parlent, ou à peu près, sont conscients de l'objectif et du résultat à atteindre, c'est-à-dire que le système fonctionne de façon optimale, qu'on fasse en sorte d'éviter ce que les gens en général, là... Puis je comprends tout ce que ça peut supposer, mais il y a des réalités que le citoyen, que le patient voit qui sont très terre à terre. Puis le but de ça, c'est de faire en sorte qu'on atteigne une façon de fonctionner optimale. Et là, depuis le début, il y a deux visions qui s'opposent, qui se confrontent, qui se mélangent, c'est celles de dire : On a besoin de leviers, on a besoin d'un petit quelque chose, parce que, manifestement, ça perdure, là, les problématiques qui sont soulevées ici perdurent; puis d'autres disent : On a déjà tout ce qu'il faut, il faut rien que s'en servir. Il y a des règles, mais elles ne sont pas vraiment appliquées. Vous le dites également en page 2 de votre mémoire, où vous dites : «Une mise en application plus rigoureuse de ces articles, et possiblement des amendements mineurs visant à clarifier le rôle des médecins gestionnaires, à mieux les soutenir, répondrait aux besoins.»

Mais là ça ne marche pas, là. Il faut qu'on atteigne un but. Il faut qu'on atteigne quelque chose. Est-ce que c'est pensable que le projet de loi soit un outil nécessaire à ce moment-ci? Certains diront : Un mal nécessaire. Je pose la question. Est-ce qu'on est rendus là? Parce que, manifestement, malgré ce que vous souhaitez, la formation, malgré le fait qu'il y a des gens qui veuillent avancer, qui veuillent faire davantage, il y a cette culture à changer petit à petit, mais il y a des besoins imminents, là, là. Pour ceux qui nous regardent et nous écoutent, c'est un bloc opératoire qui ne marche pas comme il devrait fonctionner, par exemple. C'est des gens sont reportés pour mille et une raisons. C'est très, très, très ponctuel, c'est très factuel. Ça, les gens comprennent ça. Est-ce qu'on n'est pas rendus à avoir besoin de ça?

Puis sous-question à ce que je vous dis là... Quand vous dites : L'effet pervers, c'est la démotivation, je comprends. Vous n'êtes pas les premiers à nous dire ça également. Mais expliquez-moi en quoi un médecin qui fait bien son travail, là, tu sais, où ça va tout bien, il n'y en a pas, de trouble, il est là, il fait ses trucs puis il est conscient puis motivé, etc., pourrait être démotivé par quelque chose qui serait mis en place mais qui ne le contraindrait pas, parce qu'il n'est pas dans les pas fins. Puis ça, ça a été dit par le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, et c'est le terme qu'on utilise dans l'organisation, là. Vous l'avez dit, c'est une minorité, là, auxquels on veut s'adresser.

Alors, deux volets. Est-ce qu'on n'est pas... Est-ce qu'il n'est pas pertinent, parce qu'on n'est pas rendus là... Et pourquoi on démotiverait des médecins qui font bien leur job avec un outil qui, manifestement, ne devrait pas les contraindre? Parce qu'ils ne seront pas assujettis à ça, ils font bien leur travail.

Mme Jen (Yun) : Très brièvement, je dirais qu'on est d'accord qu'il y a un besoin imminent de changements sur le terrain, parce qu'il y a des problèmes vécus sur le terrain. Et, pour résoudre ces problèmes, ça prend des acteurs de changement. Et nous, on considère que les médecins gestionnaires sont des acteurs de changement importants. Et donc, pour trouver des solutions, il faut régler... bien, selon notre approche médicale, il faut poser un diagnostic sur le problème, il faut questionner les médecins gestionnaires sur, selon eux, c'est quoi, les solutions. Et ils ont répondu, à travers notre sondage, que, pour pouvoir répondre, pour pouvoir trouver toutes les solutions terrain, on ne rentrera pas dans les détails, ça prend les meilleurs leviers, qui prennent forme d'un meilleur soutien avec l'administration. Donc, ce n'est pas...

Actuellement, ce qu'ils ressentent, c'est d'être un petit peu laissés tout seuls. On leur dit qu'ils ont une responsabilité de coordination, mais, encore, nous ne sommes pas... Les médecins gestionnaires ne sont pas des gestionnaires de carrière, on s'entend, tout le monde connaît la formation médicale. Ils ont besoin de soutien de la part des administrateurs, ils ont besoin de formation, ils ont besoin d'outils et d'information, comme Mme Lamarre venait de souligner. Bien, voilà. Ça, c'est ma réponse. Dr Viens, vous aimeriez compléter?

M. Viens (Hugo) : Essentiellement, je crois qu'il y a actuellement un courant qui est induit quand même, dans les derniers mois, dernières années, avec la formation, avec les bouleversements actuels, il y a une prise de conscience. Je crois que ce n'est pas vrai que les problèmes du passé sont appelés à continuer de se répéter parce qu'il a réellement, je vous dirais... Les médecins gestionnaires, ça ne date pas d'il y a très longtemps dans les hôpitaux, et les changements de culture sont présents, et ils le sont, c'est une réalité. Et on est assez convaincus que, si on laissait évoluer le réseau, actuellement, à la vitesse qui lui permettrait de fonctionner, de mettre en place le leadership des médecins gestionnaires, on arriverait à un changement qui serait palpable. Et, des pas fins, il en resterait beaucoup moins, probablement assez pour que ça devienne un peu trivial comme expérience et beaucoup moins problématique dans la perception de la population.

M. Paradis (Lévis) : Dr Viens, je reviens sur le deuxième point. Je comprends bien ce que vous dites, je comprends les indicateurs, je comprends de tracer le portrait, le profil, etc. Je reviens sur cet autre point parce que vous l'avez mis comme un élément majeur. L'effet, vous avez dit, pervers d'un projet comme celui-là, c'est la démotivation des troupes. Puis vous avez parlé de votre expérience dans votre milieu, Saint-Jean-sur-Richelieu, où vous avez cette motivation-là, puis malgré tout vous dites : Il y a comme un danger de.

Je vous la repose, ma question : Quelqu'un qui fait bien son travail, qui fait bien, qui est un médecin gestionnaire, qui comprend, qui règle les choses, qui ne fait pas partie de ceux qu'on montre du doigt et qui sont une minorité, en quoi, si c'était là, ça risque de changer son quotidien, dans la mesure où il ne sera pas contraint par quelque chose qui ne s'appliquera pas à lui? Il nous reste...

M. Viens (Hugo) : 30 secondes.

M. Paradis (Lévis) : ...un bon trois, quatre minutes, facile, je pense. M. le Président, je regarde mon chrono, là.

Le Président (M. Merlini) : 2 min 30 s.

M. Viens (Hugo) : Écoutez, puis la question est pertinente, je suis même resté sur mon appétit hier en écoutant les débats, justement, parce que vous avez reposé la question, on n'a pas pu répondre à quelque chose d'assez spécifique, puis je pense qu'il y a des exemples qui sont assez éloquents. J'ai eu une discussion autour de ça, j'aime beaucoup les discussions de corridor, là, puis aller tâter le pouls de mes collègues, puis des gentils, et ces gentils-là ne sont pas capables d'accepter. Et, encore là, il y a une question de perception, là. Il y a un danger parce que, même si c'est une question de perception, la culture n'est pas encore assez induite sur le terrain, là, pour que les médecins acceptent actuellement une imposition d'autorité comme celle-là. Les gentils se sentent pointés du doigt, se sentent visés et ne comprennent pas, actuellement, la raison pour laquelle on s'octroierait ce genre de droit là sur leur pratique, alors qu'ils se sentent tout à fait adéquats dans ce qu'ils font.

Et c'est justement là, le danger, l'effet pervers de la mesure actuelle, c'est justement d'atteindre, et d'attaquer... ou, en tout cas, dans la perception que ces gens-là se sentent attaqués, si on n'a pas laissé le temps à la culture de s'imprégner dans le milieu... et aussi à la culture d'imputabilité. Ces médecins-là n'ont pas encore la culture d'imputabilité. La notion du 50 % du budget programme à laquelle on est rendus, là, vous seriez surpris de savoir à quel point, dans la population médicale, on n'est pas formés. On est formés pour donner des services aux patients à tout prix, c'est notre rôle, on apprend à donner tout ce qu'on peut donner à notre patient. La notion des contraintes, ce n'est pas induit, ce n'est pas compris, ce n'est pas non plus... on n'a pas de formation dans ça.

Donc, il faut comprendre qu'il y a toute une communauté médicale qui, dans le terrain, là... Ceux qui sont les gentils, qui travaillent fort dans le quotidien sont ceux qui ont le moins cette perception-là qu'il est justifié de se faire taper sur la tête avec une loi comme celle-là. Encore là, il y a de la perception là-dedans. Ce n'est pas nécessairement l'essence de ce qu'on retrouve dans la loi, mais il y a un effet très délétère là. Et le temps des modifications des modalités de l'application, ou simplement du libellé, ou de la prise de position sur le besoin de contrôle ou le besoin de coercition pourrait être modifié, à notre avis, sans obtenir cet effet délétère là.

• (12 heures) •

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup. Ça met un terme à ce bloc d'échange avec le deuxième groupe d'opposition. Dre Jen, Dr Viens, représentant l'Association médicale du Québec, merci de votre présence et votre contribution constructive à nos travaux.

J'ajourne nos travaux et j'invite les... je suspends, pardon, nos travaux et j'invite notre prochain groupe à venir prendre place à la table. Les travaux sont suspendus.

(Suspension de la séance à 12 h 1)

(Reprise à 12 h 4)

Le Président (M. Merlini) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. J'invite les gens à prendre place. Je souhaite donc la bienvenue aux représentants du Groupe d'approvisionnement en commun de l'Est du Québec, Sigma Santé et le Groupe d'approvisionnement en commun de l'Ouest du Québec.

Je vous invite, avant votre exposé, de vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et ensuite on procédera aux échanges avec les membres de la commission. Bienvenue, la parole est à vous.

Groupe d'approvisionnement en commun de l'Est du Québec (GACEQ),
Sigma Santé et Groupe d'approvisionnement en commun
de l'Ouest du Québec (GAC de l'Ouest du Québec)

M. Gendron (Yvan) : Parfait. Donc, merci, M. le Président. M. le ministre de la Santé et Services sociaux, Mmes et MM. les députés du gouvernement et de l'opposition, mesdames et messieurs, il nous fait plaisir d'être ici dans le cadre des consultations sur le projet de loi n° 130, loi visant la modification de certaines dispositions relatives à l'organisation clinique et à la gestion des établissements de santé et de services sociaux du Québec. Donc, je tiens d'abord à vous remercier, membres de la commission, de nous avoir invités pour vous partager notre expérience et notre point de vue comme acteurs du réseau au service de la population.

Je m'appelle Yvan Gendron, j'occupe actuellement, pour le bénéfice de la commission, bien sûr, le poste de président du conseil d'administration du groupe d'achat en commun Sigma Santé et aussi de président-directeur général du CIUSSS de l'Est-de-l'Île-de-Montréal. Je suis accompagné par Mme Nathalie Boisvert, vice-présidente du conseil d'administration du groupe d'achat en commun de l'Est du Québec, et également M. Daniel Castonguay, qui est président du conseil d'administration du groupe d'achat en commun de l'Ouest. Mme Boisvert occupe aussi le poste de présidente-directrice générale du Centre régional de santé et des services sociaux de la Baie-James, et M. Castonguay est président-directeur général du CISSS de Lanaudière. C'est à ce titre de présidents-directeurs généraux que nous participons aux conseils d'administration, aux travaux de ces groupes d'achats là, en commun. Donc, la preuve qu'on est impliqués, qu'on est engagés vraiment dans cette organisation-là.

Nos organisations, dans leur état actuel, existent quand même depuis 2012, avec la réforme précédente. Elles ont été créées dans le but d'optimiser la gestion de l'approvisionnement et de réduire substantiellement les coûts des contrats d'approvisionnement du secteur de la santé et des services sociaux. D'emblée, je souhaite vous dire que c'est mission accomplie, parce que, depuis 2012, nous avons réalisé des économies fort importantes, substantielles, de plus de 300 millions de dollars, qui bénéficient directement au trésor québécois, puis je vais y revenir tantôt.

Donc, les groupes d'achat en commun et leurs gouvernants sont au coeur du projet de loi n° 130. Dans ce projet de loi, le gouvernement redéfinit la gouvernance des groupes d'approvisionnement en commun et revoit certaines règles relatives à l'organisation interne des établissements. Je vous rassure tout de suite, le dépôt de ce projet de loi traduit la volonté commune des groupes d'achat en commun, les trois groupes, et du ministère afin de renforcer significativement le rôle des groupes d'approvisionnement et des établissements dans la gestion du réseau de la santé et des services sociaux. Nous appuyons en tous points ce projet de loi.

Nous souhaitons mieux faire connaître aux parlementaires le rôle de ces groupes d'achat en commun, leurs réalisations, et, grâce à notre expertise du terrain, notre implication, proposer quelques précisions au projet de loi.

Pour la petite histoire, les groupes d'approvisionnement en commun existent depuis plus de 30 ans au Québec. Ce n'est pas nouveau. Ils ont pour objectifs de regrouper et d'optimiser les différentes acquisitions en plus de générer, d'une part, des économies, bien sûr pour les établissements de santé au Québec, grâce à un processus d'appel d'offres public et à une mise en concurrence des entreprises responsables de la fourniture des équipements, de fournitures et de services dans le réseau québécois de la santé et des services sociaux. D'autre part, et cela fait partie de notre quotidien, de notre source d'inspiration et de nos responsabilités communes à tous, il nous apparaît primordial d'assurer à la population une offre de services de très grande qualité, à nos utilisateurs, au personnel du réseau et aux médecins, des équipements, des fournitures et des services de haute qualité, tout en étant à l'affût de l'évolution de la technologie, de son développement et conséquemment de son enseignement. Nous considérons que nos fournisseurs sont des partenaires de premier plan et, jour après jour, nous maintenons et développons notre collaboration. C'est notre devoir.

Comme je le mentionnais plus tôt, et même, depuis 2011, le ministre Bolduc avait demandé aux trois nouveaux regroupements, à ce moment-là, de coordonner leurs efforts, leurs expertises et nous avait fixé l'objectif de générer des économies de plus de 100 millions de dollars. En 2015, à son tour, le ministre Barrette nous a demandé de générer des économies de 75 millions récurrentes et 25 millions non récurrentes, supplémentaires, pour les années 2015-2018. C'est avec fierté que nous avons non seulement livré la marchandise, mais nous avons même dépassé ces attentes-là, ces objectifs, tout en rehaussant la qualité de nos achats, et ce, au bénéfice de notre population, de nos établissements afin qu'ils puissent rencontrer les objectifs budgétaires fixés par le gouvernement, les objectifs de qualité, d'accessibilité, tout en protégeant les budgets consacrés aux services. Donc, je le dis fièrement, au 30 septembre 2016, donc déjà un certain nombre de mois, les trois regroupements d'achats ont généré, avec la précieuse implication d'experts cliniques et administratifs du réseau, grande collaboration, plus de 300 millions de dollars de nouvelles économies pour le réseau de la santé. Et ce n'est pas fini.

• (12 h 10) •

Comment avons-nous atteint ces objectifs? Plusieurs éléments de réponse vous seront exposés aujourd'hui. Les groupes d'achat en commun sont des entreprises de services partagés d'approvisionnement qui offrent des services-conseils aux intervenants des centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux, aux centres intégrés de santé et de services sociaux, aux centres régionaux ainsi qu'aux établissements non fusionnés en matière d'approvisionnement. Nous sommes reconnus comme une référence dans le domaine de l'approvisionnement, notamment grâce à notre expertise en matière de qualité, de transparence et d'efficacité des processus. Ainsi, nous soutenons nos membres dans la définition de leurs besoins, nous favorisons leur participation aux regroupements d'achats, ce qui permet de maximiser, bien sûr, le pouvoir d'achat, tout en maintenant un environnement propice à la concurrence, dans le but de générer des économies d'échelle.

Les groupes d'achat en commun font également la promotion des meilleures pratiques dans leur domaine. Nous travaillons en étroite collaboration avec le réseau de l'éducation, notamment avec les commissions scolaires, les cégeps et les universités dans notre domaine. Les groupes d'achat en commun sont aussi responsables, bien sûr, de la gestion, du développement et de la coordination de tout ce qui se passe au niveau des services d'approvisionnement en commun des biens et services. La qualité est au coeur de tous nos mouvements, de tous nos processus développés avec, justement, les différentes équipes.

L'objectif des regroupements permet l'obtention de meilleurs contrats d'approvisionnement. Nous mettons l'emphase sur la création des meilleurs processus et sommes en constant rafraîchissement de ces derniers afin qu'ils soient adaptés aux normes en vigueur, aux besoins de notre clientèle évolutifs, dans l'assurance de bien desservir nos concitoyens. Nous garantissons aux établissements une acquisition d'équipements et de fournitures de grande qualité, à la fine pointe de la technologie.

Grâce à la force, bien sûr, du nombre d'établissements regroupés, les groupes d'achat peuvent offrir un meilleur pouvoir d'achat au réseau de la santé québécois en permettant l'élaboration d'acquisition d'équipements et de fournitures de pointe, ainsi que des services requis par le réseau de la santé et des services sociaux, au bénéfice de notre population. Grâce à l'apport de nos regroupements, le pourcentage d'achat a atteint 47 % du volume d'achat global en 2016, ce qui nous rend également très fiers. L'équité entre les fournisseurs, la saine concurrence et la transparence sont au coeur de notre démarche d'affaires et de l'élaboration de nos appels d'offres.

Pour ce qui est de la gouvernance, qui est au coeur même de cette démarche législative dont il est question aujourd'hui, j'aborderai rapidement le sujet de la gouvernance de ces différents groupes d'achat en commun. Veuillez noter que les conseils d'administration des regroupements sont, entre autres, composés des P.D.G. de chacun des établissements membres ou encore d'un cadre supérieur relevant directement de son autorité ainsi que d'un membre représentant la Fédération des médecins spécialistes, pour nommer ces trois intervenants. Dans l'esprit du sixième alinéa de l'article 2 de la Loi sur les contrats des organismes publics, notre reddition de comptes est fondée sur l'imputabilité de nos dirigeants et sur la bonne utilisation des fonds publics. Contrairement à ce que prétendent les représentants de Medec, nous assurons toute transparence dans le respect des règles et normes de confidentialité exigés et recommandés lors de signatures de contrats.

Le conseil d'administration définit les orientations de ces regroupements-là, tient compte évidemment des orientations ministérielles et s'assure de la reddition des comptes inhérente à leurs activités. Chaque regroupement d'achats possède des instances qui impliquent directement et quotidiennement plusieurs directions d'établissement membres. Nous recevons des mandats d'acquisition en provenance des établissements et du ministère. Tous ces acteurs jouent un rôle majeur dans la définition des besoins de même que dans l'actualisation des orientations et des activités des regroupements.

Ces groupes d'achat en commun agissent selon un mode de fonctionnement collégial dans la formation des comités qui procèdent à l'acquisition des biens et services pour les établissements, ce qui permet d'éviter que des décisions soient prises unilatéralement. Nous nous assurons de former plusieurs comités, composés des spécialistes de haut niveau oeuvrant dans notre réseau, ayant chacun leur mandat spécifique selon la nature des acquisitions. Nous consultons, par exemple, les infirmières cliniciennes, les chercheurs, les ingénieurs, médecins, physiciens, nutritionnistes, pour nommer ceux-là, selon les besoins. Ils ont hautement à coeur la qualité des services.

Les groupes d'achat en commun travaillent en étroite collaboration avec leurs administrateurs. Notre mode de gouvernance, basé sur cette collaboration, contribue à l'amélioration de la qualité des services à la population en se regroupant. C'est un mode de fonctionnement à l'écoute des membres, qui est garant de notre succès sur des économies générées. Nous sommes, par contre, en constante réflexion quant aux différentes approches, bien sûr, pour s'assurer de faire évoluer nos pratiques, une grande collaboration entre les trois grands groupes d'approvisionnement, qui nous permet d'assurer une synergie en fonction de l'expertise développée, de la disponibilité des ressources. Donc, nous travaillons toujours en commun, ensemble, et nous avons développé certaines zones de spécialités.

Bien sûr, ces regroupements-là, accompagnés des comités d'utilisateurs mis en place pour élaborer des dossiers de mise en concurrence, se questionnent continuellement sur les meilleures stratégies. Et, à ce niveau, bien sûr, on s'appuie sur la réglementation. Nous essayons toujours de trouver la meilleure stratégie en fonction des besoins pour obtenir le meilleur prix et ainsi assurer une saine gestion des deniers publics. De cette façon, par contre, bien sûr, deux tiers de nos contrats d'appels d'offres sont basés sur la qualité, la qualité qui nous permet d'assurer d'avoir quand même le meilleur service, les meilleures fournitures ou le meilleur équipement. Et, de plus en plus, on penche, bien sûr... toujours à bien planifier nos appels d'offres, avec les meilleurs critères, pour s'assurer que nos fournisseurs d'équipement, et autres, là, nous fournissent les meilleurs équipements.

Nous avons une stratégie aussi, bien sûr, locale. Nous devons tenir compte des besoins locaux, régionaux, de la manière la plus rigoureuse possible, tout en respectant les règles du Conseil du trésor. Nous sommes responsables des décisions prises au cours de l'année, puisqu'elles découlent d'autorisations spécifiques, en vertu des différentes législations. C'est un modèle d'affaires de proximité, bien sûr, qui respecte... Actuellement, nous sommes dans trois sièges sociaux, mais il y a de plus de 11 bureaux régionaux, qui s'assurent d'être présents, justement proches de la clientèle pour répondre de façon stratégique, là, aux besoins des différentes régions, aux besoins du milieu. Donc, sur l'ensemble du territoire, nos experts connaissent les marchés de proximité, des centaines de fournisseurs disponibles qui approvisionnent quotidiennement nos établissements. Nous avons un devoir social, un devoir d'acteur corporatif et sociétal. Nous collaborons, bien sûr, avec tous ces acteurs de développement économique.

En terminant, comme nous l'avons expliqué tout au long de cette présentation ainsi que dans le mémoire qui vous a été remis, les groupes d'achat en commun sont des organisations efficientes qui permettent à leurs membres et au trésor public de réaliser des économies substantielles en regroupant leurs pouvoirs d'achat, tout en favorisant la concurrence. Nous avons dépassé de loin les demandes et nous voulons aller plus loin. Ceci étant dit, quand on parle du potentiel actuellement atteint de 47 % sur le total, on vise 60 %, pour aller chercher un autre 525 millions d'achat en commun, pour avoir des économies supplémentaires de 100 millions.

Donc, c'est avec conviction, en s'assurant d'une proximité avec nos dirigeants, les efforts de nos équipes concertées en collaboration avec nos experts, que nous pouvons faire mieux, ce qui définit nos succès et les définira dans le futur. Donc, en tant qu'acteurs, en terminant, de premier plan, les dirigeants d'établissement que vous avez devant vous, comme nous, s'impliquent pour faire la différence pour créer des opportunités en assumant nos responsabilités. Le ministère, le gouvernement et vous tous peuvent en être fiers.

Je vous remercie de votre attention, et nous sommes disponibles aussi pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. Gendron, pour votre exposé. Nous débutons la période d'échange avec le député de La Pinière et ministre de la Santé et des Services sociaux. Vous disposez de 22 minutes. À vous, la parole.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, M. Gendron, M. Castonguay, Mme Boivert, merci d'être ici aujourd'hui. D'entrée de jeu, M. le Président, je vais juste mentionner quelque chose. Pour ne pas que vous soyez indisposés, je vous annonce simplement que, vers la fin, je devrai quitter parce que je dois être au Conseil des ministres pour un dossier que je dois présenter moi-même. Mais soyez assurés qu'en vidéo je regarderai la fin de l'intervention. Alors, je vais partir vers la fin probablement, dépendamment de la gestion du temps, du temps parlementaire de notre collègue de l'opposition officielle. Alors, pour ce qui est de la deuxième opposition, je suis désolé, mais je vais le réécouter plus tard dans la journée.

Bien, merci d'être venus, parce que je pense que vous venez faire certainement oeuvre utile en présentant ce que vous faites. Ce n'est pas très connu dans le réseau, ce que vous faites. Bon. Vous savez que moi, je suis impliqué là-dedans depuis très, très, très longtemps, mais c'est vrai que ce que vous faites, un, ce n'est pas connu, et, deux, les gens ne réalisent pas l'importance des économies qui sont générées par vos actions, et ça, je pense qu'on ne le soulignera jamais assez. Les gens ne le savent pas, mais, à bien des égards, dans bien des fournitures, de quelque type que ce soit, vous ne l'avez pas mentionné, mais vous faites des approvisionnements en commun qui ont une étendue qui est très grande, là. Vous allez de grands équipements médicaux très dispendieux et spécialisés à des choses plus simples, mais vous avez une palette d'achats, là, qui est extrêmement vaste et pour lesquels je pense que le Québec peut être fier, parce qu'on va chercher les prix souvent les plus bas au Canada, là, ça, c'est très clair, là, pour ceux qui sont informés de cette dynamique-là, et ça, c'est à votre... le mérite vous en revient.

Alors, ceci dit, vous avez dit deux, trois affaires, peut-être juste pour éclairer les gens, vous dites que vous faites 47 % de ce qui s'achète en approvisionnement en commun, pouvez-vous nous indiquer quelle est la nature du 53 % restant? Et, compte tenu du succès dans le 47 %, pourquoi on ne le fait pas encore dans le 53 %? Là, vous allez me dire que c'est de ma faute à moi, là.

• (12 h 20) •

M. Gendron (Yvan) : Non, bien, il fallait se garder un peu de plaisir quand même, là, pour la suite des choses. Mais évidemment il y a beaucoup, je dirais, de secteurs, entre autres au niveau de la spécialisation technologique, et autres, équipements, fournitures spécialisées, que les gens ont trouvé des avantages importants à négocier parce que, bien sûr que, quand on constate, encore de nos jours... Quand on fait des groupes d'achat, mettons, sur les prothèses de hanche ou les pacemakers, qu'on a 40 %, 50 %, 60 %. 70 % d'économies lors d'un appel d'offres, bien, on se dit : Il y a encore beaucoup de choses à faire. Bien évidemment, il faut que nos comités d'utilisateurs se forment, on a beaucoup de participation, que ce soient des médecins, des spécialistes, des professionnels, et autres, là. Et le fait, je pense, de regrouper sous 34 établissements, suite à la réforme, va nous faciliter les choses, parce qu'on est quand même, là, 34 décideurs. Quand il y en avait 182, puis 750 avant, bien, c'était plus difficile de faire des choses. Maintenant, bien, je pense que, la stratégie, le leadership est plus facile à obtenir, puis on a une très belle collaboration des équipes de professionnels et des médecins à ce niveau-là. D'ailleurs, au niveau des conseils d'administration, nous avons des représentants, là, de la sphère médicale, par exemple, là. Donc, on peut faire plus, et maintenant c'est plus facile avec moins, bien sûr, de représentants d'organisation.

M. Barrette : ...je n'ai pas pensé de noter, mais effectivement, auparavant, il fut un temps, et pas très lointain, donc il n'y a vraiment pas longtemps, qu'il y en avait 182, et les achats de groupe étaient plus difficiles parce que si... vous vous en rappelez tout aussi bien que moi, ça demandait, précédemment, l'approbation de tout un chacun de participer, alors que, là, maintenant, c'est moins comme ça.

Donc, pour faire l'autre 53 %, bon, il y a évidemment des fournitures où ce n'est pas utile de le faire pour des raisons de volume ou de spécialisation, mais est-ce que je peux dire qu'actuellement vous pourriez en faire plus si vous aviez les capacités d'en faire plus en termes de volume et d'étendue d'achats?

M. Gendron (Yvan) : Bien, la réponse est définitivement oui, à plusieurs niveaux, puis mes collègues pourront rajouter aussi, bien sûr, là. Mais c'est plus facile d'autant plus que, depuis quelques années... De passer de 11 regroupements à trois regroupements d'achat en commun, c'est plus facile de partager notre expertise, partager les bons coups. Mais en même temps on a un devoir de ne pas créer des monopoles d'achat non plus, O.K.? C'était une des craintes que les utilisateurs avaient, de dire : Si j'embarque dans un regroupement d'achats, est-ce que je vais perdre un peu le monopole... Plutôt est-ce que je vais être pris avec une compagnie versus une autre? Il y a un danger, toujours, là-dedans, puis de façon particulière en pharmacie, par exemple on connaît très bien les histoires de pénurie de produit, et autres, là, mais ça se passe aussi au niveau de la technologie. Mais on a un devoir là-dessus, et moi, je pense que maintenant on a un pouvoir de se réunir de façon plus facile. Puis les gens participent de plus en plus et y trouvent leur compte. Donc, on a un appel à ce niveau-là à faire, mais on a beaucoup de participants maintenant sur l'appel d'offres, mais on a un gain à faire. Est-ce qu'on peut monter jusqu'à 70 %? Je ne suis pas certain, là, mais 60 %, c'est atteignable hors de tout doute, mais je pense qu'on va pouvoir aller plus loin que ça.

M. Barrette : Vous allez être probablement d'accord avec moi si je dis qu'il y a des fournitures pour lesquelles l'approvisionnement en commun n'est pas vraiment approprié pour des raisons de spécialisation, mais il y a encore des équipements et/ou fournitures où on peut avoir une action, puis ça, c'est correct de dire ça comme ça.

M. Gendron (Yvan) : Il y a des équipements qui sont uniques, là, dans leur forme, là, mais, avec le temps, ils deviennent moins uniques parce qu'il y a de la compétition qui se forme. Donc, dans un premier horizon de temps, quand les équipements sont uniques, par exemple, on n'a pas un intérêt de faire un achat en commun. Mais, bien sûr avec le temps, les technologies avancent, bien, il faut toujours se requestionner. Donc, il faut que ce soit évolutif, notre façon de faire.

M. Barrette : Là, je vais rentrer un petit peu plus dans le détail, bien, dans le détail, dans de la mécanique opérationnelle des achats en commun, de deux manières. Je vais vous poser un certain nombre de questions. Je comprends que vous êtes en faveur, je ne pense pas que vous qui êtes là-dedans, vous allez venir ici nous dire que ce n'est pas une bonne idée, là, le contraire aurait été surprenant. Mais il n'en reste pas moins qu'il y a des commentaires qui se sont faits. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de suivre les travaux de cette commission-ci. Probablement pas...

M. Gendron (Yvan) : Non, on est...

M. Barrette : ...parce que vous avez des jobs à temps plein, là.

M. Gendron (Yvan) : On est assez occupés, oui.

M. Barrette : C'est ça, qui est d'un autre ordre. Le Medec est venu nous dire un certain nombre de choses qui m'ont beaucoup étonné, puis j'aimerais ça que vous nous éclaireriez là-dessus ou que vous nous donniez vos commentaires. Une des choses que le Medec a dit, puis je vous la relaie, là, et je la cite quasiment mot à mot, le Medec est venu nous dire que, dans la façon de faire actuelle des regroupements d'achats, des achats de groupe, pour eux autres, là, ils voyaient cette mécanique-là, cette procédure-là toujours basée sur le plus bas prix. Moi, j'ai répondu que ce n'est pas le cas, et vous avez... Parce que le Medec, là, ce sont des fournisseurs. Ce n'est pas des acheteurs, c'est des fournisseurs, c'est eux qui soumissionnent à vos appels d'offres, là. Là, je sais évidemment pas mal la réponse, mais je pense qu'il y a lieu pour vous d'entrer un petit peu plus dans le détail. Quand une organisation vient ici nous dire que la qualité n'est pas un critère, bon, il y a deux questions qui viennent : Est-ce que c'est vrai? Et, si ce n'est pas un critère, est-ce que c'est vrai dans certains cas, dans tous les cas? Quel est le poids relatif de la qualité? La qualité est-elle, oui ou non, un élément dans les appels d'offres? Prenez le temps, là, puis lâchez-vous lousse pour nous expliquer ça, parce que moi, j'ai été très, très, très étonné de ce commentaire-là. Et le commentaire était très affirmé de la part des représentants du Medec, et là je dois vous dire que ça détonnait, là, dans mon esprit par rapport à ce que j'ai vécu moi-même dans ce milieu-là.

M. Castonguay (Daniel) : Alors, c'est de toute évidence qu'on a été surpris lorsqu'on a appris ça, parce que, non, la qualité est très importante au sein des regroupements d'achats. Alors, on réunit des comités d'experts dédiés, dépendamment des spécialités, par rapport à l'équipement ou à la fourniture qui est, nécessairement, à acquérir, et ce comité d'experts là... Nous avons, dans chacun des appels d'offres, un appel d'offres monté avec un nombre de critères de qualité. Les deux tiers de nos appels d'offres ont des critères de qualité, qui peuvent atteindre jusqu'à 30 % de l'appel d'offres, pour voir le produit qui est le plus de qualité, pour que nos cliniciens puissent donner le service à la clientèle le plus approprié. Et par la suite le facteur prix rentre en ligne de compte dans l'appel d'offres, pour ceux qui se classent sur le facteur qu'on appelle un facteur K, qui est prévu dans les appels d'offres. Et ça, c'est fait toujours en partenariat avec l'ensemble des cliniciens qui utilisent soit les équipements de haute technologie ou les fournitures médicales nécessaires. Alors, en tout temps, on intègre un critère de qualité, et fait avec beaucoup de rigueur de la part des cliniciens, des utilisateurs des produits qui participent à ces comités d'experts pour bâtir les appels d'offres et faire les évaluations avant qu'on puisse ouvrir les enveloppes de prix, pour que le prix devienne, après ça, une condition de la poursuite des appels d'offres. Alors, le critère qualité est très important.

Dans d'autres domaines, où il n'y a pas... Dans le tiers restant, c'est que le critère qualité n'est pas nécessairement nécessaire pour le produit qui est convoité.

M. Gendron (Yvan) : Je pourrais... un petit complément. À ce que je sache, nous sommes le client, donc le client, c'est vraiment la population, c'est les gens qu'on dessert, c'est nos utilisateurs qui utilisent différents produits. On a des bonnes relations avec Medec, aussi l'AFISQ, mais c'est à eux, quand même, de se positionner, mais c'est à nous autres de bien planifier nos critères, dans le fond, ce qu'on demande, que ça soit précis par rapport à ça, là, et c'est à eux d'évoluer par rapport à ça. Et, s'ils baissent leurs prix de 30 %, 40 %, 50 %, 60 %, je pense qu'ils ont de la marge aussi, là, pour agir pour l'amélioration de leurs produits en même temps, puis nous autres, bien, on est un acteur de développement, d'amélioration.

M. Barrette : Juste pour clarifier, parce que, comme vous le savez, il y a des gens qui nous écoutent de l'extérieur, et même pour le bénéfice de nous, les parlementaires, dans la mécanique que vous utilisez, là, et à la tête de laquelle vous êtes, est-ce qu'il est possible qu'un produit à la case départ soit éliminé, avant l'ouverture des enveloppes, sur la base de l'évaluation de la qualité?

M. Castonguay (Daniel) : Tout à fait, un produit peut être éliminé sur la base de la qualité. S'il doit atteindre le pourcentage de 70 % pour traverser le critère de qualité et il arrive à la note de 62 %, alors on n'ouvre pas l'enveloppe, il est disqualifié.

M. Barrette : Donc, la qualité... C'est structuré, l'évaluation, là.

M. Castonguay (Daniel) : Exact.

M. Barrette : J'imagine qu'il y a des grilles puis qu'il y a plusieurs personnes, là, qui font ça.

M. Castonguay (Daniel) : C'est une grille d'experts qui a été bâtie, et, à partir d'une grille très objective, là, l'évaluation, elle est faite. Et, si le produit qui est soumis ne répond pas à cette grille précise qui a été faite par les experts et que... c'est une grille qui est connue, on n'ouvre pas l'enveloppe.

M. Gendron (Yvan) : Et, en complément, si vous permettez, M. le ministre, il faut rappeler que, pour la population... D'abord, les experts cliniques, les médecins — parce que les experts, pour nous, c'est les médecins, les infirmières, donc c'est des gens du réseau qui offrent des services — ils ne veulent pas engager leur responsabilité professionnelle en donnant des services avec des équipements ou des fournitures de mauvaise qualité. Donc, ça fait partie de la base de nos choix, de nos décisions, et on les prend...

M. Barrette : C'est intéressant, ce que vous dites. Alors, est-ce que je dois comprendre, si vous mentionnez les infirmières, que, lorsque pour un produit quelconque il y a l'implication... un produit, un service... bien, pas un service, évidemment, mais un produit, lorsque le travail d'une infirmière a un... pas un impact, mais est impliqué dans le choix, ça aussi, c'est pris en considération? Je vous donne un exemple, là : on achète un produit, là, puis... Évidemment, ce que je comprends de ce que vous nous dites, c'est que ça, c'est pour le patient. La qualité, là, c'est parce que le produit que vous achetez, dans cet exemple-là, là... Puis on peut prendre un exemple simple, qui est une lentille. Bien, ça, ça va aller dans l'oeil d'un patient, alors c'est sûr que la qualité, là, c'est la qualité de la lentille. Mais mettre une lentille, ça demande une manutention d'un médecin puis d'une infirmière, ça veut dire que, dans l'évaluation de la qualité, il y a aussi l'impact que ça a... donc, il y a une infirmière qui participe à l'évaluation parce qu'elle le manipule. Alors, un produit pourrait être merveilleux, mais, s'il n'est pas manipulable ou il est dangereux à la manipulation, bien là, vous allez peut-être avoir un score moins bon, même si la lentille est bien bonne. Je vous donne un exemple grossier, là. C'est ça?

M. Castonguay (Daniel) : Exact. Vous avez raison.

M. Barrette : Alors, quand les gens nous disent : La qualité, ce n'est jamais là, puis c'est juste le prix, ça ne tient pas la route, là, ça.

M. Gendron (Yvan) : Non.

M. Barrette : À l'inverse, il doit y avoir, j'imagine... puis là je vais prendre un exemple un peu caricatural, je l'admets : acheter des crayons, là, j'imagine qu'il n'y a pas un comité d'experts, là.

M. Castonguay (Daniel) : ...et puis c'est le prix.

• (12 h 30) •

M. Barrette : Et là c'est le plus bas prix. Donc, ce que je comprends, là, pour la mécanique que vous utilisez, la qualité a un potentiel éliminatoire. Et ça, ça veut dire qu'une compagnie, là, qui dumperait, là... Le «dumping», c'est un mot que tout le monde connaît en commerce, là. Du dumping, ça peut être contrecarré, entre autres, par la qualité. Parce qu'on peut faire du dumping en prix, puis on peut faire du dumping en prix parce que la qualité n'est pas là, là, on connaît toutes les mécaniques, là. Donc, la qualité est toujours, toujours, toujours un élément. Bon.

Dans des secteurs précis, puis là je vais dans le sens de ma collègue de l'opposition officielle, les gens sont venus... certaines personnes sont venues nous dire : Bon, les achats en commun, là, le médicament... L'APES est venue nous voir sur ça. Puis vous n'êtes sûrement pas surpris, si vous l'avez entendu, de leur commentaire. Le médicament, ce n'est pas de la même manière que ça se traite. Quelle est votre relation... Parce qu'évidemment ceux qui ont fait le plus d'achats dans le passé, historiquement, là, c'est les départements de pharmacie dans les hôpitaux. C'est eux autres qui en ont fait le plus. Est-ce que vous autres, vous êtes impliqués dans ces achats-là ou non? Ou est-ce que c'est séparé, là?

M. Castonguay (Daniel) : Oui, on est impliqués, les groupes d'achat, depuis plusieurs années dans l'approvisionnement au niveau pharmaceutique. Et également le produit est livré jusque dans la pharmacie d'établissement, sans passer par l'approvisionnement interne avec... Lorsque c'est négocié par des groupes d'approvisionnement, avec les firmes, tout est vraiment pensé et tout est fait, même la péremption des médicaments, directement dans nos pharmacies, et impliquant nos pharmaciens.

M. Barrette : Là, mon temps file. Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Merlini) : Il vous reste sept minutes, M. le ministre.

M. Barrette : Ah! sept minutes, ça va bien. Continuons.

M. Gendron (Yvan) : En complément, M. le ministre. Avant tout, il faut que les pharmaciens et que l'équipe médicale de chacun des établissements permettent que ce médicament-là soit utilisé, qu'il n'entre pas qui veut. Donc, après cette discrimination-là, je dirais le besoin spécifique pour les différentes clientèles. Après ça, ça s'en va au niveau des approvisionnements communs en fonction des besoins. Mais, tout d'abord, au niveau de la qualité...

M. Barrette : ...d'établissement où un ou des pharmaciens d'établissement ont toujours un rôle à jouer dans votre procédure, là.

M. Gendron (Yvan) : Effectivement, toujours.

M. Barrette : O.K. Là, je vais aborder un autre élément qui est plus commercial, juste pour que vous nous éclairiez là-dessus. Je pense que, dans bien des cas, vous fonctionnez encore par vagues, là. Mais il y a une attention, quand même, qui est portée à s'assurer d'avoir une mécanique qui fasse en sorte qu'il n'y ait pas de monopole de créer. On combat les monopoles existants, mais on ne veut pas en créer de nouveaux, puis on veut s'assurer que le marché soit ouvert.

Le Medec, quand ils sont venus ici, ont aussi dit que la mécanique d'approvisionnement nuisait à l'entrée dans le commerce de fournisseurs qui pourraient être plus compétitifs. Ça, je vais vous dire bien franchement, là, c'est la deuxième affirmation qui m'a étonné, parce que je n'ai jamais vu rien de ce genre-là dans le passé, là. Alors, peut-être que les choses ont changé. Éclairez-nous là-dessus, là.

Mme Boisvert (Nathalie) : Je vais débuter, puis peut-être vous pourrez compléter. Par rapport aux groupes d'approvisionnement en commun, on a mis en place des politiques de développement durable qui nous permettent d'être près des... dans les régions pour éviter justement le... pour permettre la concurrence puis éviter qu'il y ait des monopoles qui se construisent. Alors, ces politiques-là sont aidantes pour les groupes, puis sont aidantes aussi pour les régions, et permettent aux régions de pouvoir soumissionner sur nos appels d'offres, également. Alors, c'est une présence, là, qui est intéressante dans les régions, et avec notre politique de développement durable.

M. Barrette : Mais, sur la question qui avait été évoquée... Peut-être que j'ai mal posé la question, c'est possible, évidemment. Sur la question de permettre, ou de ne pas permettre, ou de nuire, ou de ne pas être suffisamment ouvert à tous les fournisseurs planétaires, est-ce qu'on a une mécanique qui empêche ça? Autrement dit, là, vos appels d'offres, aux dernières nouvelles, sont publics, sont sur le SEAO, là. Ça, c'est public, ça fait que l'univers le voit. Mais il n'y a pas de politique, actuellement, qui empêcherait une firme japonaise de venir soumissionner sur un produit qui est dans l'appel d'offres de manière compétitive. Il n'y a pas ça, là?

Parce que ce qui a été évoqué, là, c'est qu'on ratait des occasions d'affaires parce que notre mécanique empêchait des gens de soumissionner un produit de qualité équivalente à un meilleur prix. C'est ça qui a été évoqué, plus clairement, là, si ma question n'était pas claire. Notre mécanique empêche quelqu'un qui vient de l'univers de rentrer ici pour un produit compétitif sur le plan clinique et à un prix plus bas. Ça, ça m'a beaucoup étonné comme affirmation.

M. Gendron (Yvan) : Je vais vous répondre de deux façons. Premièrement, les règles, lois, etc., directives, que ce soit au niveau du Conseil du trésor ou au niveau du temps de réglementation, nos règlements de conseils d'administration, les orientations du ministère, au contraire, c'est de transparence, là. Écoutez, les gens, ils savent tout, ils savent tout, c'est public sur le système d'appel d'offres électronique. Moi, comme président-directeur général, ainsi que mes collègues, on s'implique dans ces conseils d'administration de regroupements d'achats là parce qu'on a des intérêts de s'assurer que notre clientèle est bien desservie, là.

Et c'est ouvert. Nous, on veut la meilleure concurrence, avoir le meilleur prix pour un équipement, une fourniture de qualité, de très haute qualité, qui nous permet d'avancer là-dessus. On n'a aucun avantage à jouer différemment, mais on va garder quand même ce leadership-là. On ne donnera pas aux fournisseurs qui s'achètent entre eux autres qu'ils définissent le marché, là. D'ailleurs, la preuve, c'est qu'en se regroupant puis en se donnant, justement, par vagues... Parce qu'il faut y aller par vagues, parce qu'on ne peut pas régler pour cinq ans les fournitures de l'ensemble du Québec parce qu'on va tuer le marché puis on va perdre des économies. D'ailleurs, dans le mémoire que vous avez, vous avez des fois des comparaisons entre deux ans, qu'un groupe d'achat à réussi à avoir des économies importantes sur un pacemaker, par exemple, puis, deux ans après, on a obtenu encore mieux, bien, justement, parce qu'une concurrence s'installe. Puis le pacemaker, à ce que je sache, il est toujours d'aussi bonne qualité, puis l'ensemble des fournisseurs ont accès à toute cette information-là.

M. Barrette : Est-ce qu'il y a eu un seul cas où... Parce que, dans le monde médical, là, il n'y a pas 80 compagnies, là, ce n'est pas comme une automobile, là, où il y a une tonne de modèles, là. Est-ce qu'il y a un seul cas, dans le monde médical, où on a vu des gens quitter le Québec parce que... achats regroupés?

M. Gendron (Yvan) : On a surtout vu, surtout en milieu médical, mettons, au niveau des équipements médicaux spécialisés, des compagnies, mettons, s'entendre entre eux autres pour s'acheter, on voit beaucoup plus ça, O.K.? Il y a des équipements aussi qui ne tiennent pas la route longtemps, parce qu'évidemment il n'y en a pas des tonnes qui sortent de ce type de modèle là. Ça arrive dans ce sens-là. Sinon, la réponse, non.

M. Barrette : Non? O.K. Moi, j'ai fait le tour, M. le Président.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. le ministre et député de La Pinière, pour ce bloc d'échange. Nous allons du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Taillon, vous disposez de 13 minutes. À vous la parole.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue. Bienvenue, M. Gendron — on a eu l'occasion de se rencontrer il n'y a pas très longtemps — Mme Boisvert et M. Castonguay.

Donc, vous nous avez présenté des chiffres intéressants, puis moi, je vous avoue que j'aime bien voir ces chiffres-là, les économies. Vous avez mis des exemples très concrets dans votre document. Alors, je vous remercie. C'est très éclairant. Et effectivement on considère que c'est un acquis d'avoir réussi, je pense, à diminuer de 11 à trois le nombre de regroupements d'achat en commun.

Maintenant, dans le projet de loi, vous avez vu qu'à l'article 38 le ministre prévoit la possibilité de faire une fusion des groupes. Donc, à trois, le ministre considère quand même qu'il pourrait encore vous refusionner en un seul pour certains achats ou pour certaines caractéristiques. Comment vous voyez ça et dans quels secteurs vous voyez que ça pourrait s'appliquer, dans quels secteurs vous trouvez que ça ne devrait pas s'appliquer?

M. Castonguay (Daniel) : D'entrée de jeu, d'abord, de devenir public devient, pour nous, un avantage important de pouvoir se concerter avec des orientations et des mandats très clairs, et là, à ce moment-là, dans des domaines très spécifiques de haute technologie, pharmaceutique ou autres, que les trois groupes d'achat se partagent les mandats et les orientations. Ce qui est important pour nous lorsqu'on fusionne, où on est trois, où on les fusionne, c'est de garder l'«empowerment» de l'ensemble des établissements, des 34 établissements, c'est de garder notre «empowerment» pour être capables d'être très impliqués dans le regroupement d'achats, parce que c'est ce qui fait l'engagement et c'est ce qui fait qu'il faut mobiliser l'ensemble des experts, nous, pour être capables de toujours aller en achat en commun, pour le bien de donner l'accès aux services à la population. Alors, oui, pour nous, c'est faisable parce que ça va donner des orientations très, très, très claires et des mandats clairs et, nous, à ce moment-là, le conseil d'administration qui pourrait migrer différemment, guider l'ensemble des établissements dans cette concertation-là.

Mme Lamarre : Oui, mais, dans le... Le ministre a cité tantôt, là, et hier l'APES nous a présenté... Par exemple, du côté des médicaments, il y a des calendriers d'appels d'offres. Parce qu'il y a des médicaments qui deviennent génériques, si vous signez une entente pour trois ans puis qu'au bout de six mois il y a un générique qui devient disponible, bien, on se rend compte que... C'est sûr qu'on peut avoir des pertes importantes, là, à négocier un seul... mais aussi à négocier avec un seul fournisseur pour trois ans. Alors, est-ce que, pour les médicaments, vous ne voyez pas des occasions d'exception et l'importance de maintenir trois regroupements différents?

• (12 h 40) •

M. Gendron (Yvan) : Tout d'abord, il faut parler de la vie actuelle, depuis les dernières années. Là, on travaille déjà en concertation depuis des années. Tantôt, c'est le groupe de l'Est, tantôt c'est le groupe de l'Ouest, tantôt c'est Sigma Santé qui part avec l'appel d'offres provincial, pour différentes raisons. Souvent, c'est le développement de l'expertise, il y a une opportunité. Mais avant tout, bien sûr, là, ce qui est fort important dans ce que vous dites, qui est tout à fait pertinent, c'est : il faut avoir une bonne lecture du marché, là, une bonne lecture de l'évolution des produits, de ce qui s'en vient, pour mettre un appel d'offres, exemple, sur un an seulement quand on sait qu'il y a plein de nouvelles technologies qui s'en viennent, ou de poursuivre un contrat six mois parce qu'on sait qu'il y a d'autre chose qui s'en vient, justement pour toujours chercher le meilleur bénéfice pour la clientèle, et particulièrement dans le domaine pharmaceutique, où il y a une évolution constante et importante, surtout avec toute la médecine personnalisée, comme vous connaissez bien, etc., là. Ça, il y a comme, je dirais, un intérêt, une préoccupation fort importante là-dedans. Vous avez tout à fait raison. Ça fait partie de nos préoccupations. Donc, souvent, des appels d'offres plus courts pour bénéficier des avantages, et autres, puis du changement technologique.

Mme Lamarre : Et, si vous étiez centralisés à un seul regroupement d'achats pour des médicaments, par exemple, le risque de pénurie serait beaucoup plus grand parce que vous concentreriez votre achat sur un certain médicament, mettons, d'un certain générique, et à ce moment-là... c'est sûr qu'à première vue ça pourrait être très attrayant d'avoir des économies qui pourraient aller jusqu'à 70 %, là, on le voit, mais qui rendrait tout ça très, très vulnérable parce que d'un coup on crée une demande énorme auprès d'une seule compagnie pharmaceutique, d'un seul fabricant, ou même, dans n'importe quel contexte où il y aurait un bris ou une mise à niveau demandée par la FDA pour les installations de ce fabricant-là, on risque de mettre tout le Québec en pénurie de médicaments. Et, pour avoir vécu ça, ce n'est pas facile de trouver des options quand on a vraiment tous mis nos oeufs dans le même panier, je vous dirais. Dans le domaine du médicament, on l'a vu, même en essayant d'en importer des États-Unis ou de l'Europe, il y avait des délais de trois à six mois. Alors, pour ne pas mettre la population en danger, là... Parce qu'on l'a bien vu, le médicament, ce n'est pas la même catégorie de fourniture que des pacemakers ou des remplacements de... des cristallins, là, pour remplacer des cataractes.

M. Gendron (Yvan) : Dans votre question, qui est tout à fait pertinente, Mme la députée, il y a plusieurs éléments. Premier élément, bien sûr, là, c'est : on profite, là, justement, des vagues d'achat, avec différents critères, pour s'assurer, justement, qu'on ne tombe pas en pénurie, là. Mais, dans le domaine pharmaceutique, de façon particulière, on est un peu pris à savoir quelle compagnie va acheter laquelle, puis quelle va arrêter de produire tel produit. Pour éviter ça, nous, on veut s'assurer qu'on puisse aller soit par vagues, des vagues restreintes en termes de temps, en termes d'accessibilité, revenir par rapport à ça, mais on veut s'assurer aussi, avec tous les critères de qualité, d'accessibilité, ils doivent nous garantir, là, O.K., ils ont des obligations, devoirs, responsabilités... et de s'assurer de fournir...

Mme Lamarre : ...ne vous garantissent, ils ne font...

M. Gendron (Yvan) : Pardon?

Mme Lamarre : Est-ce que vous avez des pénalités prévues s'ils ne fournissent pas? Parce que moi, j'en ai vu beaucoup, de contrats, où on dit «vous devez», mais, s'il n'y a pas de pénalités, bien... Aux États-Unis, ils ont imposé des amendes de 8 000 $ par jour quand une compagnie ne remplit pas son obligation de fournir. Est-ce que vous avez ce genre de pénalité là dans vos contrats?

M. Castonguay (Daniel) : Oui, il y a ce genre de pénalité dans les contrats.

Mme Lamarre : Pouvez-vous m'en donner un, exemple? C'est quoi, la plus haute pénalité que vous avez en cas de pénurie d'un fabricant?

M. Castonguay (Daniel) : En cas de pénurie, on passe au fournisseur suivant dans l'appel d'offres, et la compagnie qui est en rupture de stock paie l'écart du prix que l'autre fournisseur va nous le... le fournir. Et ça, c'est dans des contrats actuellement.

Mme Lamarre : Je vous dirais, ce n'est pas une pénalité qui protège la population, parce que le deuxième fournisseur sera incapable de fournir l'ensemble du volume. S'ils se partageaient l'ensemble du volume à fournir à 40-30-30, mettons qu'ils sont trois, et que celui de 40 en manque, eh bien... même si vous dites, là... celui de 30, il n'en aura pas suffisamment. Alors, c'est pour ça, je veux juste attirer l'attention sur les risques. Et, quand on demande trois fournisseurs en tout temps du côté des médicaments, ce n'est pas par caprice, ce n'est pas parce qu'on ne veut pas que l'État profite des meilleures économies. C'est parce qu'il y a un risque réel à cause de ce potentiel de bris de fonctionnement, de production, d'interruption de production qui cause des dommages, là, qui sont ingérables autrement.

M. Gendron (Yvan) : On partage vos préoccupations, ce que vous dites, parce qu'effectivement il y a une difficulté à ce niveau-là. On le vit, là, on a, oui, des pénalités, oui, on a des critères, etc., mais est-ce qu'on a les moyens de l'appliquer puis d'avoir un retour? Ça, c'est une autre affaire. Dans certains cas, oui, parce que le risque le plus grand, c'est de perdre le marché, puis de le perdre justement au profit d'une autre compagnie. Mais on sait très bien que les produits se réduisent, puis, de plus en plus qu'on va s'en aller vers la médecine personnalisée, il va falloir affiner un peu notre façon de faire, notre façon, je dirais, d'acheter ces produits-là et de s'assurer que nos fournisseurs sont responsables. Et ça, on a besoin de vous, les parlementaires, on a besoin de vous, le gouvernement, pour apporter des éléments supplémentaires qui nous permettent d'avoir ces leviers-là pour jouer pleinement notre rôle.

Mme Lamarre : Puis le projet de loi ne pourrait pas prévoir certaines de ces pénalités-là, puisqu'on a une section particulièrement dédiée à l'approvisionnement en commun?

M. Gendron (Yvan) : Moi, je pense qu'au niveau... Le gouvernement avec le Conseil du trésor, et autres, devront prévoir ces modalités-là pour nous soutenir là-dedans. Parce que nous, comme groupe d'achat et comme président-directeur général d'établissement, bien sûr, on a nos limites, mais on s'assure de prendre le maximum, là, je dirais, de barrières, de leviers pour s'assurer que la clientèle est toujours bien desservie.

Mme Lamarre : ...le ministre a dit qu'il écouterait, alors on va lui faire confiance.

M. Gendron (Yvan) : On va lui répéter.

Mme Lamarre : Mais c'est certainement quelque chose qui... Parce qu'on l'a vécu. On se pensait à l'abri, au Québec, de toute forme de pénurie, et on en a vécu, et on en vit encore constamment, alors ça vous met, vous-même, dans une situation très difficile.

M. Castonguay (Daniel) : ...peuvent faire une grande différence, et également il ne faut pas... et bâtir les pénalités en conséquence, mais il ne faut pas oublier que les pénalités n'annulent pas le risque, le risque demeure présent pareil.

Mme Lamarre : D'accord, mais je veux juste nous rappeler qu'aux États-Unis ils les imposent, ces pénalités-là. Alors, si le fabricant qui est en Europe ou, peu importe, ailleurs dans le monde a le choix entre approvisionner les États-Unis, où il y a une amende, et le Québec, où il n'y a pas d'amende, on se rend compte qu'on va toujours être les perdants dans ce dossier-là. Alors, c'est juste par mesure de précaution pour la population.

Le groupe Medec est venu nous voir et il nous a parlé des ristournes, d'un 12 % de ristournes obligatoires qui était dans les contrats. Est-ce que vous pouvez nous dire comment on pourrait se départir de ça, ou à quoi servent ces ristournes et pourquoi nous, on impose ça dans nos contrats? On le sait, là, ces contrats-là... ces compagnies-là sont mondiales, et, quand ailleurs on dit : Ce n'est pas permis pour ces compagnies-là d'offrir des ristournes, ça leur fait un mauvais bulletin, et je ne pense pas qu'on veut être associé à ça, au Québec. Alors, comment on peut se départir de ça?

M. Gendron (Yvan) : Tout d'abord, on va clarifier certaines choses, là, c'est une pratique qui existe depuis, je dirais, de nombreuses années dans certains secteurs spécialisés. Ça, c'est une chose. Deuxièmement, quand Medec dit : On ne devrait pas avoir ça parce qu'on est pénalisés, là, inquiétez-vous pas, ils ajustent leurs prix en conséquence de ça. Donc, Medec, les fournisseurs ne perdent pas d'argent avec ça. Ça, c'est deux choses.

L'idée en arrière de ça, du fameux 12 %, qui est pour un certain nombre de contrats dans les équipements spécialisés ou dans certaines fournitures, surtout les fournitures en cardiologie, ou peu importe, l'idée, à l'époque, il y a de nombreuses années, c'était de dire : On veut s'assurer qu'un certain montant, qui provient justement des économies soit d'achats, de volume, d'utilisation, peu importe, puisse permettre, finalement, le développement, je dirais, de l'établissement, le développement de la spécialité, par exemple en cardiologie, pour aller plus loin, donc au bénéfice de la population. Maintenant... et éviter aussi que ça tombe dans un déficit, que ça tombe dans une utilisation autre, parce qu'il y avait des gains d'économie, et ça permettait... je dirais, ça donnait un incitatif aux acteurs, aux spécialistes, aux utilisateurs de s'impliquer et de faire partie, justement, des appels d'offres, mais de s'assurer que ces montants-là soient bien sûr au bénéfice de la population, du développement, de l'enseignement, et autres.

Maintenant, si cette pratique-là, on dit, bon : Elle est dévolue, on ne doit plus l'utiliser, bien, écoutez, de toute façon, nous, comme présidents-directeurs généraux, ce n'est pas l'élément, nous autres, principal de l'histoire. C'est à nous de gérer l'ensemble des budgets puis d'y attribuer la bonne essence... la bonne utilisation, finalement.

Mme Lamarre : On est en 2017, il y a des règles de gouvernance maintenant. Si vous dites que, de toute façon, ils se reprennent, moi, j'aimerais mieux que vous négociez sur le vrai prix, approprié, puis qu'on donne aux gens qui ont besoin de développer des services et de la recherche avec ces budgets-là les vrais budgets, qui porteraient le vrai nom. Je pense que ça, on a intérêt à nommer les choses correctement, et, dans votre secteur, c'est majeur.

Il me reste une minute, je voudrais juste... vous pourrez répondre aux deux en même temps. Vous achetez pour combien de médicaments, les trois groupes, chez McKesson, chez le grossiste McKesson?

M. Gendron (Yvan) : Je pense qu'on va prendre la question en délibéré puis vous revenir, la commission, parce qu'on n'a pas été dans ce détail-là, mais on va pouvoir vous fournir ça.

Mme Lamarre : Mais, à peu près, c'est quoi, le pourcentage de vos achats?

M. Gendron (Yvan) : 600 millions, que répond...

Mme Lamarre : 600 millions de dollars?

M. Gendron (Yvan) : Oui, 600 millions de dollars.

Mme Lamarre : D'accord. Alors, vous savez qu'actuellement il y a, au niveau de la gouvernance, quelqu'un qui est à la fois président d'un établissement fusionné, CHUM et Sainte-Justine, et qui est vice-président de McKesson. Comment vous gérez ce conflit d'intérêts évident?

Le Président (M. Merlini) : En 30 secondes.

M. Gendron (Yvan) : En 30 secondes, donc, je peux prendre trois expressos... Non. Ce que je dirais, un, ça ne nous concerne pas, nous, à la table, présentement, comme président des conseils d'administration et vice-président des regroupements d'achats, donc je laisserais la question au ministre, répondre, là... les nominations, parce que c'est des nominations qui sont pour des membres indépendants.

Mme Lamarre : Vous nous confirmez qu'il y a 600 millions de dollars qui sont achetés par les trois regroupements d'achat en commun auprès de l'organisation McKesson.

M. Gendron (Yvan) : Tout à fait.

Mme Lamarre : Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Mme la députée de Taillon, pour ce bloc d'échange. Maintenant, Mme la députée de Repentigny, du deuxième groupe d'opposition, vous disposez de neuf minutes. À vous la parole.

• (12 h 50) •

 b15389 Mme Lavallée : Merci beaucoup. Merci beaucoup, bienvenue d'être... pour être ici, M. Castonguay que je connais déjà, puisqu'il travaille dans ma région.

Les pharmaciens d'établissement ont recommandé que vous puissiez offrir vos services aux cliniques médicales du Québec. Il y a une ouverture dans la loi, puis je pense que le ministre veut aller vers ça. Ce serait un nouveau marché pour vous. J'imagine que ça amène certaines particularités à regarder, à considérer. Et est-ce que vous seriez capables à moyen terme d'approvisionner les centaines de cliniques médicales?

M. Gendron (Yvan) : Bonne question. Je pense qu'il y a deux questions là-dedans, puis, Daniel ou Nathalie, vous répondrez. Mais d'abord, la première question : Est-ce que nous, on pourrait, mettons, oeuvrer là-dedans?, bien je pense que, si on nous demande de le faire puis de profiter, justement, de l'appel d'offres, de l'expertise, et autres, je pense qu'on va bien l'entendre en même temps.

Pour ce qui est... La modalité qui est la plus importante, c'est comment ça va se faire. Puis la distribution, et autres, là, ce serait tout un défi. Mais en même temps c'est les fournisseurs qui distribuent. Donc, il y aurait un passage ou une transition quelconque. Mais, écoutez, on en achète énormément, de produits pharmaceutiques, maintenant. Par contre, les groupes, mettons, pharmaceutiques, et autres, là, c'est des entreprises indépendantes, avec leur façon de faire, et autres, là, mais je pense que c'est une question gouvernementale et légale. Je ne pourrais pas répondre si ce serait la meilleure des choses, là.

Mme Lavallée : Est-ce que c'est une question que le ministre vous a posée avant l'élaboration du projet de loi?

M. Gendron (Yvan) : Non.

Mme Lavallée : Non. Je n'ai pas d'autre question.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Mme la députée de Repentigny. Alors, Mme Nathalie Boisvert, représentant le Groupe d'approvisionnement en commun de l'Est du Québec, M. Daniel Castonguay, représentant le Groupe d'approvisionnement en commun de l'Ouest du Québec, et M. Yvan Gendron, représentant Sigma Santé, merci de votre présence et votre contribution aux travaux de la commission.

Compte tenu de l'heure, je suspends donc les travaux de la commission jusqu'à 15 heures, où nous poursuivrons notre mandat. Bon appétit à tous, merci.

(Suspension de la séance à 12 h 52)

(Reprise à 15 h 12)

Le Président (M. Merlini) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Je demande à toutes les personnes présentes au salon rouge de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous poursuivons donc les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 130, Loi modifiant certaines dispositions relatives à l'organisation clinique et à la gestion des établissements de santé et de services sociaux.

Je souhaite donc la bienvenue aux représentants de la Table de coordination des réseaux universitaires intégrés en santé. Je vous demande de bien vouloir vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Votre audition sera d'une durée de 1 h 30 min, presque, et vous disposez de 30 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons... Ça, ça ne change pas, vous avez vraiment 30 minutes pour votre exposé. Nous procéderons par la suite à la période d'échange avec les membres de la commission. Bienvenue, la parole est à vous.

Table de coordination nationale des réseaux universitaires
intégrés de santé (TCN des RUIS)

Mme Bourdon (Gertrude) : Merci, M. le Président. Alors, M. le ministre, Mmes, MM. les parlementaires, bien, d'abord, merci de nous recevoir. Et puis, sans plus tarder, je me présente, Gertrude Bourdon, je suis présidente du RUIS de l'Université Laval et P.D.G. du CHU de Québec, et je vais présenter également mes collègues qui m'accompagnent, alors : sur ma gauche, Mme Patricia Gauthier, qui est présidente du RUIS Sherbrooke et également présidente-directrice générale du CIUSSS Sherbrooke et du Centre hospitalier universitaire Sherbrooke; immédiatement à ma gauche, alors le Dr Pierre Cossette, qui est doyen de la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke, mais il est également président le la conférence des doyens; immédiatement sur ma droite, le Dr Fabrice Brunet, qui est président du RUIS de Montréal et également P.D.G. du CHU de Sainte-Justine et du CHUM; et, à mon extrême droite, Mme Martine Alfonso, qui est présidente du RUIS McGill et P.D.G. par intérim du Centre universitaire de santé McGill. Alors, les collègues s'exprimeront de la gauche vers la droite à tour de rôle. Alors, immédiatement, je passe la parole à Mme Patricia Gauthier.

Mme Gauthier (Patricia) : Alors, bonjour à tous. Alors, je vais vous entretenir sur la création des réseaux universitaires intégrés de santé, le RUIS, la composition des RUIS ainsi que la gouvernance des RUIS, alors ce sera la partie que je ferai.

C'est en 2003 qu'ont été créés les quatre RUIS, pour Réseau universitaire intégré de santé, correspondant aux quatre facultés de médecine du Québec, soit Laval, McGill, Montréal et Sherbrooke, et leurs territoires d'enseignement. J'ai personnellement exercé le rôle de président et de vice-président du RUIS depuis 2004 au sein du RUIS de Sherbrooke. Ils ont, dès lors, mis en oeuvre... Ça a été mis en oeuvre par des leaders du ministère de la Santé, Michel Bureau en fait partie, de ces leaders du début, ainsi que les D.G. des CHU et doyens de l'époque. Alors, ces leaders-là ont mis en place chacun des RUIS, et aussi ça a été fait par l'ensemble des partenaires qui ont pris part à la création de ces RUIS là en 2003.

Au fil des ans, ils ont ajusté leurs façons de faire et leur programmation pour tenir compte des besoins de leurs membres respectifs et pour adapter leurs interventions à l'évolution du réseau de la santé et services sociaux lui-même. Ils ont notamment élargi leur champ d'action à l'ensemble des régions de leurs territoires et ils ont fait en sorte que, dans tous les travaux, la prise en compte de véritables continuums de soins et services, soit de la première ligne aux soins surspécialisés, qui sont offerts en quatrième ligne, soit toujours considérée.

Et, cette évolution-là, on peut dire que, maintenant, on parle surtout du RUIS 2.0. Donc, depuis sa création, en 2003, avec la réflexion qui a été faite avec la réforme, on en vient à dire qu'on est maintenant rendus au RUIS 2.0 pour vraiment passer à une autre étape de RUIS, qui va intégrer davantage, aussi, le volet des services sociaux à l'ensemble de la réforme que nous venons de vivre avec la loi n° 10 et la loi n° 20.

La composition des RUIS. Alors, le projet de loi n° 10, qui a été sanctionné le 9 février 2015, et pour lequel les RUIS avaient affirmé... ils étaient venus ici, en commission parlementaire, pour affirmer, souscrire aux objectifs de cette réforme. Alors, ce projet de loi là modifie de facto la composition des RUIS. Les comités de direction des RUIS sont maintenant minimalement composés de tous les P.D.G. de leurs territoires. Les doyens des facultés de médecine, présents depuis le début des RUIS, se sont vu rejoints, dans la plupart des RUIS, par leurs collègues de médecine dentaire, de sciences infirmières, de sciences sociales et de pharmacie. Ce membership élargi est essentiel pour promouvoir la pratique en interdisciplinarité et sensibiliser les étudiants pendant leurs formations initiales. Alors, c'est l'intégration du volet social avec le secteur santé qui prend toute son importance pour soutenir l'offre de services de santé et services sociaux.

Maintenant, la gouvernance des RUIS. Les RUIS sont des instances de concertation. La mobilisation de leurs membres pour agir de manière concertée repose, d'une part, sur le partage d'une même vision et sur l'adhésion à des objectifs communs, et, d'autre part, sur l'interdépendance de leurs actions pour l'atteinte de leurs objectifs.

Le comité de direction de chacun des RUIS est maintenant présidé par le P.D.G. du CHU de son territoire. Alors, c'est ce qui fait l'objet de notre présence ici aujourd'hui. La composition de sa gouvernance fait l'objet de l'article 39 du présent projet de loi. Nous aurons d'ailleurs des suggestions à formuler à cet effet, sur la deuxième recommandation qui vous est faite aujourd'hui, afin de reconnaître la contribution essentielle du milieu académique dans la poursuite des travaux du RUIS et de son interdépendance avec les milieux de soins et services, autant santé que services sociaux. Donc, nous avons vraiment besoin l'une de l'autre, autant la composante académique que la composante clinique.

Finalement, la Table de coordination nationale des RUIS, constituée par le ministre et présidée par son représentant, en l'occurrence le sous-ministre associé aux affaires médicales et universitaires, a essentiellement la responsabilité de coordonner l'action des RUIS pour assurer l'accès à la médecine académique dans toutes les régions du Québec et assurer la concertation entre eux. Et nous souhaitons vous mentionner que, cette coordination-là qui est faite par le ministère de la Santé, on souhaite que ce soit comme ça aussi, parce que Dr Bureau nous avait suggéré que l'on puisse prendre cette coordination-là nous-mêmes. Je pense qu'à cette étape-ci on souhaitait que la coordination soit aussi exercée par l'instance du ministère de la Santé. Alors, voilà, je passe la parole à Dr Cossette.

• (15 h 20) •

M. Cossette(Pierre) : Merci, Patricia. Donc, je vais vous parler un petit peu de la mission, des mandats, puis illustrer un peu à quoi les RUIS ont servi et servent encore, donc, conformément à l'énoncé de la loi, qui est de favoriser la complémentarité puis l'intégration des missions de soins, d'enseignement et de recherche, d'évaluation des modes de technologie et des impacts en services sociaux. Donc, les RUIS existent pour l'ensemble des régions du Québec, agissent dans tous les traitements des dossiers comme ça.

Pour les facultés de médecine, en fait, en fonction de notre responsabilité sociale, pour nous, c'est important de pouvoir contribuer d'une façon pertinente au développement de la main-d'oeuvre médicale. C'était le point de départ, là, et on fait beaucoup plus que ça maintenant. Et ça, c'est important de bien comprendre ça, parce que l'articulation entre le réseau de la santé puis le réseau universitaire est essentielle à plusieurs égards. D'une part, on pense que le réseau universitaire peut influencer les meilleures pratiques du réseau de la santé, mais, d'autre part, c'est important que le réseau de la santé influence le réseau universitaire dans sa façon d'enseigner, d'enseigner des choses pertinentes. Et un exemple qu'on peut comprendre, aussi, c'est toute l'évolution de la pratique vers la médecine de famille puis le déploiement des groupes de médecine de famille, des UMF, qui sont maintenant des GMFU, qui sont depuis... Parce qu'initialement l'enseignement médical, il y a 30 ans, était fait dans les CHU. Maintenant, c'est très déployé, et aujourd'hui on a, au Québec, 38 UMF, qui sont réparties dans tout le Québec. Et ces gens-là contribuent aux soins, mais c'est important aussi qu'ils aient accès à des modèles de soins différents, c'est important d'avoir des UMF en milieu urbain, en milieu intermédiaire puis en milieu éloigné pour que tous ces modèles-là soient enseignés. Donc, pour nous, l'interaction entre le réseau puis l'enseignement, par exemple dans le développement de la médecine de famille, est absolument essentielle des deux côtés, si on veut. Donc, ça, c'est un point qui est important pour nous.

Et l'autre chose, c'est que, dans le virage vers la médecine de famille, qui est un objectif qui est poursuivi par les facultés de médecine, on veut que nos médecins qui sont en place dans les milieux... donc on veut que la médecine ne soit pas enseignée juste par des grands professeurs d'université, mais soit enseignée par des praticiens du milieu, et ça prend une force mobilisée dans le milieu, qui sont souvent les médecins de famille, mais qui peut être aussi des spécialistes en milieux régionaux, qui vont venir enseigner, qui vont accepter aussi de prendre des étudiants à tous les niveaux de leur formation. Donc, ça, c'est un enjeu important. Et il y a une des recommandations qui va revenir là-dessus, parce que la fonction d'enseignement de ces médecins-là qui sont déployés dans le réseau, elle est essentielle pour que nos programmes soient bons, mais elle est essentielle aussi pour qu'on puisse enseigner de la bonne façon, qu'on enseigne la médecine qui reflète vraiment la réalité multiple du terrain. Donc, pour nous, ça, c'est un point qui est important. Donc, de concilier les besoins académiques avec les impératifs cliniques, et vice et versa, c'est un élément majeur.

L'autre chose aussi qu'on remarque de plus en plus, c'est que cette concertation-là entre les milieux académiques et les milieux cliniques est essentielle dans la formation d'autres professionnels que les médecins comme tels, puis les médecins de famille à plus forte raison, là. Donc, qu'on soit en réadaptation ou en sciences infirmières, les enjeux sont très, très importants. Il faut pouvoir coordonner les milieux de stage entre les établissements d'enseignement et les établissements de santé. Donc, par exemple... c'est vrai aussi en réadaptation. Donc, l'enjeu d'avoir accès et de pouvoir se partager des plateaux d'enseignement est vraiment très important, et, là aussi, c'est au bénéfice mutuel du réseau de la santé puis du réseau de l'enseignement supérieur.

Donc, de la même façon que, pour les médecins, il faut faire des choses pertinentes... Et il faut être capables de s'interinfluencer. Et j'irais même une coche plus loin, donc les médecins qu'on déploie, par exemple, dans nos GMFU, ils ne vont pas enseigner juste à des médecins, ils vont enseigner aussi à des infirmières puis à des infirmières praticiennes spécialisées. Donc, ça, c'est un autre élément important de leur mission d'enseignement qu'il faut réussir à coordonner, mais à protéger dans toute réforme ou dans tout changement qu'on fait. Donc, pour nous, ça, c'est des éléments importants.

Une illustration de ce que les RUIS ont permis, c'est le développement des campus délocalisés, il y a aussi des campus cliniques, mais il y a deux campus délocalisés complets. Donc, il y a celui de l'Université de Montréal à Trois-Rivières, celui de l'Université de Sherbrooke à Chicoutimi, qui ont été des éléments clés dans l'organisation des soins et puis dans le développement de la main-d'oeuvre de ces régions-là, mais pour les mains-d'oeuvre en général. Donc, la beauté, c'est qu'on a maintenant un petit peu de statistiques qui nous démontrent que les médecins formés dans ces campus-là choisissent plus la médecine de famille, spontanément, là, avant toute autre loi, là. Donc, c'est vrai dans tout le Canada, en fait c'est entre 55 % et 65 %. Donc, plus spécifiquement à Sherbrooke, c'est 57 %, dans notre campus de Chicoutimi, puis, à Montréal, c'est 62 % dans le campus de Trois-Rivières. Et donc ça, c'est des facteurs aussi qui contribuent à l'attraction puis à la rétention de la main-d'oeuvre en région, puis ça, c'est vrai pour ces campus-là, mais c'est aussi vrai pour ce que McGill fait à Gatineau ou ce que Laval fait notamment à Rimouski, donc ces impacts-là.

Donc, c'est un autre endroit où l'articulation a fait ses preuves, elle démontre qu'elle est pertinente et qu'elle est bonne pour le milieu, puis elle est bonne pour la prestation de soins. Par exemple, si on regarde au Saguenay—Lac-Saint-Jean ou en Mauricie, le recrutement médical, depuis l'ouverture des campus, là, avant même que le premier médecin ait gradué de là, a été beaucoup plus important. Donc, c'est un facteur d'attraction et de rétention de la main-d'oeuvre médicale en région, le déploiement des activités d'enseignement. Donc, c'était juste pour mieux illustrer ce que ça peut donner.

Donc, cet impact-là se fait sentir, on se disait, pour la formation médicale, la distribution, mais on a aussi toutes sortes d'autres impacts, on a quelques analyses d'impact qui démontrent que les campus, sur la distribution, ont un impact socioéconomique, ont un impact sur le milieu culturel, ont un impact de développement économique dans ces régions-là. Alors, on a certaines statistiques là-dessus, mais c'est bien démontré. Puis c'est vrai pas juste dans les campus délocalisés qu'on a au Québec, c'est vrai aussi ailleurs au Canada.

Donc, en résumé, pour nous, c'est très important, cette articulation-là entre les milieux universitaires et les milieux cliniques, et c'est important aussi l'articulation entre les milieux universitaires cliniques surspécialisés et les milieux régionaux. Et c'est un des objectifs des RUIS que tout Québécois, peu importe son lieu de résidence, puisse bénéficier de services accessibles répondant au plus haut standard de pratique et dispensés dans une perspective d'interdisciplinarité, comme j'ai mentionné, une perspective qui est essentielle pour le développement des services de première ligne. Parce que, si on parle de hiérarchisation des services, pour que la première ligne marche bien dans des régions, des milieux régionaux, il faut que la deuxième, et surtout la troisième, quatrième ligne soient capables de répondre de façon fluide.

Donc, l'autre point du RUIS, dans cette hiérarchisation-là, c'est que toutes les équipes cliniques locales puissent disposer de soutien, soit par la formation ou soutien à distance, et des connaissances nécessaires pour avoir un réseau qui est efficace et pour garantir aussi l'accès à toute la population du Québec et des territoires aux soins et services de troisième et quatrième ligne. Donc, ça fonctionne vraiment dans les deux sens. Donc, ça, c'est des éléments importants du RUIS.

Je vais vous donner quelques exemples de chantiers sur lesquels les RUIS travaillent à l'heure actuelle. Parce que tout ça, c'est juste un organisme de coordination. Je ne vous parlerai pas de la cardiologie tertiaire parce que c'est un chantier qui a été réglé par les RUIS. Donc, on n'y travaille plus, parce que ça fonctionne maintenant bien, c'est déployé dans tout le Québec. Mais on a présentement un soutien au plan d'action ministériel pour la prise en charge des patients aux prises avec la douleur chronique, et ça soutient le développement de centres d'expertise, pour tout le territoire, et une interface avec l'ensemble des régions, jusqu'aux soins de première ligne.

On a aussi un soutien au plan d'action ministériel pour les personnes atteintes de maladie d'Alzheimer. On promeut, avec ça, et on soutient le développement d'équipes locales, situées dans les GMF et qui s'intéressent au développement des meilleures pratiques et modalités de prise en charge pour les personnes âgées qui ont des troubles cognitifs.

Un autre exemple, c'est le soutien au plan ministériel pour la prise en charge des AVC en développant un registre d'intervention d'AVC puis une hiérarchisation des services, là, jusqu'à la thrombolyse.

Et on a aussi un soutien au plan d'action québécois pour le développement de la télésanté. Donc, la télésanté, il y a peut-être deux grands axes intéressants là-dedans. Il y a de la téléformation qu'on fait, mais il y a des télésoins aussi. Donc, le réseau de McGill a travaillé sur les soins au Grand Nord beaucoup en télésanté, notamment pour la population jeune. La télépathologie a été développée dans le réseau de l'Université Laval. Le MPOC, les maladies pulmonaires obstructives chroniques, a été développé dans le réseau de Montréal, est maintenant déployé dans tous les réseaux. À Sherbrooke, on a développé les soins de plaies à domicile en télésanté. Donc, c'est des exemples de choses qui sont développées dans une optique réseau et qu'on veut généraliser par la suite.

Donc, je reviens brièvement dire que, dans le domaine relié à l'enseignement, la recherche et l'évaluation, il y a aussi tout un volet RUIS là-dedans... d'ailleurs, c'est un des volets qui va se développer beaucoup, tout le volet de la pertinence. Donc, on veut travailler, on veut s'assurer que le «lag» entre les connaissances universitaires et autres puisse être franchi rapidement entre ça puis l'application dans le réseau. Donc, c'est aussi un des chantiers principaux.

Donc, pour nous, en 2017, les RUIS sont toujours bien placés pour soutenir la transformation du réseau. La mise en place des meilleures pratiques... Il faut intégrer pour ça le volet social et réadaptation dans le mandat, parce que, quand on parle de thématique, comme je vous dis tantôt, AVC, Alzheimer, et tout ça, on ne peut pas prendre juste le volet médical, sinon on passe complètement à côté de la cible, là. Il faut vraiment intégrer tout ça, et, pour nous, ça vise à partager les connaissances, puis vraiment miser sur la complémentarité entre le milieu universitaire et le milieu clinique, et de travailler sur la pertinence. Donc, les deux recommandations qu'on va vous faire visent à renforcer la gouvernance des RUIS pour assurer que ce soit bien arrimé entre ces milieux-là et aussi de s'assurer que la mission d'enseignement fasse partie des choses qui sont protégées, qui font partie des devoirs des médecins qui travaillent dans le réseau. Donc, je vais passer la parole, sur ce, à M. Brunet, donc, qui va vous parler de la gouvernance médicale.

M. Brunet (Fabrice) : Merci beaucoup. Donc, je vais vous parler du projet de loi n° 130 et l'instauration d'une gouvernance médicale imputable.

Donc, en 2015, deux projets ayant un impact majeur sur l'organisation et le fonctionnement du réseau ont été adoptés, soit le projet de loi n° 10, sanctionné le 9 février 2015, et le projet de loi n° 20, sanctionné le 10 novembre de la même année. Tel que stipulé à son article 1, le projet de loi n° 10 modifie l'organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux afin de favoriser et de simplifier l'accès aux services pour la population, de contribuer à l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins et d'accroître l'efficience et l'efficacité de ce réseau. Pour sa part, le projet de loi n° 20 vise à optimiser l'utilisation des ressources médicales et financières du système de santé dans le but d'améliorer l'accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée.

Le projet de loi n° 130 propose essentiellement une révision des modalités de la gouvernance médicale en introduisant des dispositions qui donnent aux établissements différents moyens qui ont pour objectif de rendre imputables les P.D.G. et leurs conseils d'administration des services médicaux offerts et à offrir dans leur organisation à la population.

• (15 h 30) •

Les P.D.G. des CISSS, des CIUSSS et des établissements non fusionnés sont imputables de l'organisation des services et de l'organisation professionnelle et médicale de leur établissement respectif. L'application des moyens proposés par le projet de loi n° 130 pour en venir à une véritable gouverne médicale dont eux-mêmes et leurs conseils d'administration sont directement imputables leur appartient en propre.

Cependant, tout établissement, quel qu'il soit, fait partie d'un vaste réseau, lequel est responsable d'offrir des services accessibles, continus et de qualité sur l'ensemble du territoire québécois. Les établissements ne disposent pas tous des mêmes ressources, les caractéristiques démographiques et géographiques de chacune des régions nous obligent à travailler toujours mieux en réseau pour assurer l'accès, tout en préconisant l'accès local chaque fois que le contexte s'y prête, ainsi que les besoins des patients.

La valeur ajoutée des RUIS prend racine dans la synergie qui émane du partenariat étroit qui existe entre l'ensemble des P.D.G. de son territoire, d'une part, et entre ces P.D.G. et le milieu académique, d'autre part, dont on vient de parler, pour animer la concertation, susciter la complémentarité dans l'action et permettre ainsi l'atteinte des objectifs ministériels.

Il est clair que l'existence d'obligations spécifiques reliées à l'octroi et au maintien des privilèges de pratique des médecins en établissements constitue un levier nécessaire pour atteindre les objectifs et définir les modalités d'accès aux services, peu importe le lieu de résidence de la personne. Les RUIS sont bien placés pour soutenir les travaux qui mèneront au succès. Leurs travaux peuvent et doivent se discuter à l'échelle de chacun des territoires de RUIS — je vous rappelle qu'il y en a quatre — en collaboration étroite avec les professionnels, et mener à un système mieux organisé qui permet les adaptations requises selon la spécialité médicale concernée et selon les caractéristiques des territoires à soutenir pour assurer un accès continu, pérenne et éviter les ruptures de services.

Il est toutefois essentiel que les obligations qui seront rattachées à la jouissance des privilèges de pratique des médecins tiennent compte des obligations liées à leurs responsabilités académiques dans les différentes disciplines où ils sont impliqués, que ce soit en enseignement ou en recherche, et du temps qu'ils doivent y consacrer. La protection de ces obligations permettra d'assurer à la fois la pleine synergie de la concertation clinico-académique et de favoriser la préparation d'une relève professionnelle pour qui le travail en interdisciplinarité sera la norme, en phase avec les objectifs du réseau de la santé et des services sociaux.

La force d'un RUIS émane de l'interaction entre ses membres. Ensemble, ils conviennent des corridors de services à consolider ou à développer, dans une perspective systémique, faisant ainsi en sorte que l'organisation clinique de chacun d'eux fasse partie d'un tout cohérent à l'échelle locale, régionale et interrégionale. En ce sens, les dispositions du projet de loi n° 130 qui touchent à la gouverne médicale en établissement constituent un levier nécessaire pour trois points : premièrement, pour faciliter le développement des corridors de services, avec des modalités qui peuvent varier selon les services dont il peut être question et selon les régions; deuxièmement, pour faciliter, encore ici selon des modalités variables, la pérennité des services en région; troisièmement, pour contribuer à éviter les ruptures de services, lesquelles exigent des acteurs concernés une énergie immense pour y pallier, je dirais même, une motivation.

La première recommandation que nous vous soumettons : Les RUIS recommandent que soient formellement protégées, à l'intérieur des obligations rattachées à la jouissance des privilèges de pratique, les obligations liées aux responsabilités académiques des médecins, dans les différentes disciplines où ils sont impliqués, que ce soit en enseignement ou en recherche et, en conséquence, le temps requis pour s'y consacrer.

Je vais passer la parole à ma voisine, qui est la présidente du RUIS McGill.

Mme Alfonso (Martine) : Merci, Dr Brunet. La section dont je vais vous parler maintenant portera sur la gouvernance des RUIS. Nous désirons attirer l'attention sur la formulation de l'article 39 qui propose une modification à la qualité des personnes désignées pour assurer la présidence et la vice-présidence des RUIS.

Nous comprenons et acceptons la volonté ministérielle de faire en sorte que la destinée des RUIS soit portée par les P.D.G., lesquels sont imputables de l'organisation des soins et services et de l'organisation médicale et professionnelle de leurs établissements. C'est ce qui est voulu par l'article 39 qui modifierait l'article 436.3 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, chapitre S-42, et qui se lirait comme suit, et je cite : «Le directeur général de l'établissement qui exploite le centre hospitalier de soins généraux et spécialisés désigné centre hospitalier universitaire du réseau, à l'exception d'un tel centre desservant exclusivement des enfants, et le directeur général d'un établissement qui fait partie du réseau et qui exploite un centre désigné institut universitaire ou centre affilié universitaire, identifié par le ministre, agissent, selon ce que ce dernier détermine, [pour agir] comme président ou vice-président de ce réseau.» Et fin de la citation.

La contribution du milieu académique, nous en avons parlé plusieurs fois dans cette présentation, a jusqu'à ce jour été déterminante pour, d'une part, concilier les besoins académiques et les besoins cliniques et, d'autre part, pour mobiliser le corps médical à s'impliquer activement auprès d'équipes cliniques des régions pour favoriser l'introduction des nouvelles pratiques. Cette contribution du milieu académique devra se poursuivre pour qu'un RUIS continue à être pleinement contributif à l'atteinte des objectifs des services visés.

Notre deuxième recommandation est donc que l'article 39 soit révisé de manière à introduire la présence de vice-présidents, dont un vice-président serait un P.D.G. d'un établissement membre du RUIS ainsi qu'un V.P. académique qui serait un doyen émanant des sciences de la santé et qui aurait à son actif une forte expérience clinique.

Mme Bourdon (Gertrude) : Merci, Martine. En conclusion, les lois adoptées, donc, en 2015 ont pour objectif de favoriser l'accès aux services dans l'ensemble des régions du Québec. Le projet de loi n° 130 vient compléter les outils mis à la disposition des P.D.G. et des RUIS pour réaliser les objectifs d'accessibilité, de qualité, de sécurité, d'efficacité, d'efficience qui sont à la base de ces lois.

Les RUIS réitèrent leur adhésion à ces objectifs et continueront à animer la concertation dans leurs territoires respectifs, clés de voûte pour réussir les transformations voulues pour le réseau de la santé et des services sociaux. Nous réitérons également l'importance de protéger, à l'intérieur des obligations des médecins pour avoir pleine jouissance de leurs privilèges de pratique, leurs obligations liées à l'enseignement et à la recherche dans les différentes disciplines où ils sont impliqués.

Assurer l'accessibilité et la pérennité de la présence des services cliniques, médicaux et professionnels dans toutes les régions du Québec, promouvoir et soutenir le travail interprofessionnel, faciliter l'intégration des volets santé sociale et de réadaptation dans la pratique clinique, faire émerger et soutenir des projets de pertinence clinique, médicale et autres, voilà à quoi les RUIS s'engagent à contribuer. Nous vous remercions de votre attention.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup à vous tous pour cet exposé. Nous allons maintenant commencer la période des échanges avec les députés gouvernementaux, avec le député de La Pinière, ministre de la Santé et des Services sociaux. Vous disposez d'un bloc de 24 minutes, M. le ministre. À vous la parole.

• (15 h 40) •

M. Barrette : C'est le record de la journée. Alors, vous avez la plus longue... on va avoir le plus long entretien de toute la commission parlementaire, pour notre volet gouvernemental.

Alors, Mme Bourdon, Dr Cossette, Mme Gauthier, Dr Brunet, Mme Alfonso, merci d'être venus nous présenter votre mémoire. Je ne sais pas si vous l'avez dit en introduction, il me semble que non, mais vous êtes aussi... évidemment sauf vous Dr Cossette, vous êtes tous P.D.G. aussi d'une institution, là, pour que ce soit bien clair pour tout le monde, soit universitaire, soit universitaire, mais vous êtes soit une institution non fusionnée, soit vous êtes un CISSS ou un CIUSSS. En fait, vous êtes des CIUSSS, Estrie même dans le cas de l'Estrie. Alors, c'est important de mettre ça en place parce que la question que je vais vous poser est essentiellement la suivante, pour commencer notre échange. Vous êtes aujourd'hui représentant les RUIS, mais en même temps vous êtes dans vos fonctions en premier... puis je ne veux pas mettre une hiérarchie entre premier puis deuxième, ce n'est pas ça que je veux faire du tout, là, mais, à la base, vous êtes à la tête d'institutions du réseau, que ce soit le CHUM et mère-enfant Sainte-Justine, le CUSM ou un CIUSSS. Par contre, la géographie des RUIS n'est pas exactement le miroir de vos organisations. Pouvez-vous commenter là-dessus?

Je m'explique un peu, peut-être que ma question n'est pas assez claire, parce que je... Effectivement, elle n'est peut-être pas assez précise, plutôt. Il y a toujours, pour moi, une problématique pour ce qui est du RUIS. Puis, si je prends, par exemple, le CIUSSS-Estrie, votre RUIS, il sort de votre CIUSSS, puis c'est la même, même chose un peu pour les autres dans une certaine mesure, sauf peut-être les CHU. Vous ne voyez pas là une problématique?

Le Président (M. Merlini) : Juste avant votre réponse, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, un RUIS, c'est un réseau universitaire intégré en santé, un CIUSSS, c'est un centre intégré universitaire de santé et de services sociaux, et un CISSS, bien, c'est un centre intégré de santé et services sociaux. Alors, on utilise des acronymes, chers téléspectateurs, pour faciliter la conversation. Alors, allez-y pour votre réponse.

Mme Gauthier (Patricia) : Alors, compte tenu que vous parlez de Sherbrooke, alors je vais prendre la parole.

M. Barrette : C'est parce qu'il y a juste vous autres autour de la table, là qui avez cette caractéristique-là.

Mme Gauthier (Patricia) : Oui, c'est ça. Alors, la beauté, on était venus en commission parlementaire pour vous demander que le CHU de Sherbrooke soit intégré à l'intérieur du CIUSSS de l'Estrie, à ce moment-là, alors CIUSSS de l'Estrie-CHUS comme on dit.

C'est sûr que, le volet réseau, le réseau s'agrandit, et, pour, entre autres, le volet des soins surspécialisés, c'est sûr que c'est... ça ne peut pas être... On essaie de retrouver là le bassin naturel des clientèles qui viennent à Sherbrooke pour chercher des soins surspécialisés — il y a trois villes universitaires : Montréal, Sherbrooke et Québec — et donc à quel endroit la population, en fonction de sa localisation géographique, vient chercher ces soins surspécialisés.

Alors, c'est dans ce contexte-là que nous, à Sherbrooke, pour le réseau du CIUSSS de l'Estrie-CHUS et dans le contexte du RUIS de Sherbrooke, pour le volet clinique, on va élargir le bassin. Alors, on a un bassin d'un demi-million de population avec le CIUSSS maintenant, compte tenu de l'intégration de la Montérégie, de Granby et de Cowansville, de ces deux territoires de desserte là. C'est un territoire naturel qui venait chercher ses services du côté de l'Estrie. Et, pour le RUIS, on va compléter, encore là, avec des corridors de services avec le CIUSSS de la Mauricie—Centre-du-Québec pour des services pour lesquels la clientèle qui est dans le Centre-du-Québec, principalement... vient chercher de façon naturelle.

Alors, ce qu'on a à convenir... Et le CIUSSS de Mauricie—Centre-du-Québec fait partie du RUIS de Sherbrooke, et ce qu'on travaille ensemble, les deux P.D.G., c'est de s'assurer qu'on essaie de voir qu'est-ce qui est le mieux pour le patient. Alors, c'est le patient qui guide. Alors, est-ce que c'est mieux qu'il vienne à Sherbrooke plutôt que d'aller à Trois-Rivières, compte tenu de la distance qu'il a à parcourir et compte tenu de... Alors, c'est un peu la base sur laquelle on essaie d'établir ces bassins naturels de desserte, et ça, c'est pour le volet clinique. Puis c'est la même chose aussi... Il pourrait y avoir des gens du côté de Saint-Hyacinthe qui viennent plus à Sherbrooke parce qu'ils sont plus collés près de... limitrophes avec Sherbrooke, avec l'Estrie, et ça peut être la même chose du côté de Saint-Jean-Richelieu, aussi, pour une certaine partie.

Alors, c'est vraiment ça qui guide le volet des corridors de services. Maintenant, les corridors de services, au lieu de les convenir avec les ex-établissements, on les convient entre les CIUSSS, et c'est la démarche pour laquelle, depuis la réforme, on a entamé... et on l'entame entre les P.D.G. de CIUSSS, à ce moment-là.

M. Barrette : Oui?

M. Cossette (Pierre) : Juste un complément de réponse. Parce que c'est sûr qu'il y a deux volets aux RUIS. Initialement, il y avait le RUIS clinique puis le RUIS enseignement, et là il faut quand même distinguer ces deux volets-là, puis on voit qu'avec le temps, dans le fond, la portion enseignement, transfert de connaissances, pertinence va prendre de plus en plus d'importance, et là il faut vraiment réaliser à ce moment-ci qu'il y a une discordance, effectivement. Il y a quand même encore 34 établissements au Québec, dont les établissements non fusionnés. Mais des établissements universitaires, premièrement, il n'y en a pas 34, et il y a une concordance, à certains endroits, parfaite entre les secteurs de pointe et les secteurs d'enseignement, puis les secteurs cliniques, mais ce qui est vraiment important de réaliser, c'est qu'au niveau des milieux universitaires médicaux, entre autres, on ne peut pas avoir, s'il y a 34 établissements, 34 masses critiques dans le...

Donc, pour être capable... J'ai parlé plus, dans ma portion, de médecine de famille qui est répartie dans le territoire parce que c'est ça, le modèle d'organisation, mais, si on parle de médecine surspécialisée, bien, la cardiologie tertiaire, elle va se retrouver... dans des endroits où elle est maintenant, c'est des problèmes réglés. Donc, il ne faudrait pas perdre les acquis qui ont été faits à ces endroits-là avec ces regroupements-là.

Puis, au niveau de la formation, ça, c'est encore plus important. Donc, par exemple, à Sherbrooke, on forme 22 % des étudiants en médecine du Québec, à Montréal, c'est 30 quelques pour cent. Donc, c'est très important que le bassin d'établissements ou de population puissent refléter... si on veut être capables de remplir notre mission. Puis là je parle juste de la formation médicale, mais ça pourrait être dans d'autres domaines, pareil pour les pôles de recherche.

Donc, c'est très important de réaliser qu'il y a l'établissement qui est responsable de sa population, mais, au niveau universitaire puis l'intégration suprarégionale, on ne peut pas avoir 34 secteurs de pointe. Il y a juste un certain nombre de facultés et il faut concentrer au même endroit l'expertise pour la recherche, l'enseignement, parce que, sinon, on va juste la diluer. Et d'où la pertinence et l'importance d'avoir des pôles universitaires forts qui vont rayonner bien au-delà. Donc, le CHUQ, à Québec, bon, doit rayonner bien au-delà de Québec, là, il rayonne... Donc, de la même façon, comme je donnais par illustration, ce que McGill fait dans le Nord-du-Québec est extrêmement important, là, donc. Puis Montréal font beaucoup de choses aussi.

Donc, dans ce sens-là, cette réorganisation-là du réseau qui a permis toute une série de simplifications administratives n'entame pas le besoin d'avoir une hiérarchisation où les pôles universitaires jouent un rôle fort à la fois de créer des masses critiques de soins surspécialisés, mais aussi de développer les connaissances qui vont être disséminées dans le réseau.

Donc, dans ce sens-là, oui, il y a une complexité là, mais c'est moins complexe qu'avant, en fait, parce qu'avant il y avait les agences, et tout ça, au travers ça, là. Maintenant, bien, au moins, le nombre d'établissements est diminué. Mais le réseau, oui, garde encore sa complexité. Mais ça n'enlève pas du tout la nécessité de la concertation santé-université ou santé-académique pour y arriver.

Une voix : Dr Brunet, vous voulez ajouter?

M. Brunet (Fabrice) : Moi, je pense qu'aujourd'hui il faut qu'on parte des besoins de la population et qu'on regarde sur un territoire donné, à la fois en termes de besoins géographiques, mais aussi en termes de besoins de soins et de services, comment l'ensemble du réseau peut répondre. On a différents types d'établissements, des établissements qui sont avec des niveaux de soins et de spécificité variables, et on a déjà, dans un premier temps, besoin de coordonner cette offre pour mieux répondre aux besoins de la population, puis, dans un deuxième temps, de transformer cette offre pour aller encore plus loin dans la réponse aux besoins de la population. Quand je dis «de la population», ce n'est pas uniquement des patients en phase aiguë, mais c'est aussi des patients ou de la population qui ont des problèmes chroniques ou des problèmes complexes.

Le RUIS est une façon de concevoir, grâce aussi à la connaissance dont on vient de parler, comment mieux organiser la réponse aux besoins de la population, et c'est pour ça qu'elle dépasse cette vision, la vision d'un seul établissement, quelle que soit sa mission. Aujourd'hui, on est en train de réfléchir sur le paysage sanitaire ou la carte sanitaire et la coordination de cette carte sanitaire pour pouvoir mieux répondre à la population, aux besoins de la population. Je pense que les RUIS sont un endroit où, au-delà de la concertation, on peut, avec le terrain, avec les patients partenaires, les citoyens partenaires, réfléchir sur une nouvelle façon de s'organiser pour intégrer l'ensemble des ressources que nous avons aujourd'hui dans le système de santé et mieux répondre. C'est pour ça que les RUIS apportent une autre dimension. On a parlé tout à l'heure de garder au niveau du ministère la table de concertation parce que c'est un endroit où on va pouvoir échanger en permanence entre les aspects de transformation du système, qui sont, d'une part, les contraintes économiques et les contraintes réglementaires, mais également comment le terrain peut transformer, avec ce lieu de concertation que sont les RUIS, le système de santé pour mieux servir la population.

Une voix : Oui, Mme Alfonso?

Mme Alfonso (Martine) : Si je peux, en complément du commentaire de Dr Brunet, donner l'exemple du RUIS de McGill, qui a des établissements qui sont tous très différents, il y a des établissements sur l'île de Montréal, dans la région métropolitaine, en Outaouais, l'Abitibi-Témiscamingue, mais aussi le Grand Nord, qu'a invoqué le doyen Cossette, et les membres de toutes ces populations sont en droit d'avoir l'accès aux mêmes services de proximité, mais aussi aux services spécialisés. Donc, autour d'une même population s'organisent les soins qui peuvent être donnés autour d'eux, mais grâce au RUIS, qui est un bon forum pour soutenir les équipes locales, mais aussi prévoir une alternative si, dans une région donnée, un service ne peut pas être offert, ces continuums-là peuvent être organisés.

Le RUIS, c'est un groupe qui se connaît de mieux en mieux, chacun de nous connaît de mieux en mieux les équipes qui mènent les équipes cliniques dans les différents territoires, et on bâtit là-dessus dans le forum du RUIS, qui, encore une fois, répond aux besoins à la fois de proximité, et spécialisés, et surspécialisés en soutenant les équipes dans les activités académiques.

• (15 h 50) •

M. Barrette : Alors donc, vous voyez un avantage, de l'angle du RUIS... Parce qu'il faut faire attention parce que vous avez deux fonctions, là, vous cumulez deux fonctions, puis je ne veux pas avoir cet entretien-là sur la base de l'autre fonction, qui serait très intéressante aussi, mais, à un moment donné, ça se chevauche. Vous avez vu un avantage à la loi n° 10, dans votre fonctionnement RUISsien, là, si on peut employer cette expression-là, la loi n° 10 a simplifié votre vie, puis je pense que sur le plan organisationnel aussi, évidemment, peu importe ce que les gens peuvent bien dire. Mais, sur le plan... Prenons ça dans l'angle inversé, maintenant. Dans l'angle de la loi n° 130... pas la loi, mais le projet de loi que l'on étudie actuellement, vous y voyez un avantage. En fait, je devrais vous poser la question très simple : Est-ce que c'est une bonne chose ou non que le P.D.G., le président d'un RUIS, soit aussi issu des présidences des CISSS, CIUSSS et établissements non fusionnés? Est-ce que ça simplifie votre vie ou est-ce qu'il y a un désavantage là? Question très ouverte.

Mme Bourdon (Gertrude) : Oui. Je vais débuter, si vous permettez. Je pense que l'ensemble de la présentation, comme présidente du RUIS... La force de la gouvernance du RUIS est de bien s'assurer qu'on met ensemble et qu'on différencie nos mandats propres. C'est que, quand on préside le RUIS, on le préside tel que la proposition sur la recommandation de l'article 39, c'est qu'on le préside aussi avec des vices-présidents. Donc, on a une espèce de groupe d'orientations, décisions avant d'arriver dans notre grande table de coordination. Et ce qui est intéressant dans cette table de coordination là, c'est que, si on faisait toutes nos rencontres en même temps, les P.D.G. du Québec sont assis autour de tables pour parler de leurs territoires, pour parler de... Donc, ce qu'on disait tantôt, oui, c'est facilitant.

Le p.l. n° 130, tel qu'on l'exprime aussi en page 6, c'est que, comme P.D.G., et les P.D.G. qui sont assis à la table du RUIS, nous sommes tous responsables et nous travaillons avec l'université pour organiser nos services, améliorer nos services et s'assurer que nos services, hiérarchisés, comme on a parlé tantôt, soient accessibles dans l'ensemble du Québec. Donc, ça comprend autant des projets communs qu'on mène et qu'après on partage... Si on prend la télésanté, ça a été quand même une révolution, et ce n'est pas fini. Et aussi, quand on est rendus à parler de l'organisation médicale sur un territoire, c'est clair qu'entre P.D.G. et avec l'université nous allons parler des privilèges, de l'octroi des privilèges et des obligations reliées dans ces privilèges-là, si on veut s'assurer que nos médecins puissent non seulement faire leur travail, être partie prenante, mais aussi être imputables, puis qu'on leur dise franchement ce qu'on attend d'eux, dans le fond.

M. Barrette : Bon, bien, voilà, allons-y. Parce qu'encore une fois... Je le redis à chaque fois parce que ce n'est pas simple pour les gens pas familiers avec ce milieu-là de séparer les deux fonctions. C'est que, même quand vous prenez votre chapeau de RUIS... Ce que je comprends de ce que vous me dites, tout le monde, mais peut-être vous plus, Mme Bourdon, dans votre dernier commentaire, c'est une bonne affaire d'avoir les deux chapeaux, là, dans une certaine mesure, là, ça facilite aussi. Mais, quand vous nous dites votre phrase, je n'utiliserais peut-être pas les mêmes verbes, justement... Et c'est ma question : Est-ce que ce sont les bons verbes? C'est bon, le projet de loi n° 130, pour que les médecins puissent s'acquitter et soient imputables de leurs tâches académiques, au sens large du terme, enseignement, et vous avez même dit «recherche» hein, vous avez dit ça. Et vous avez terminé votre commentaire en disant : Bien, il faut qu'ils soient imputables et il faut qu'ils le fassent.

Alors donc, dans l'angle de 130, l'objet de notre rencontre aujourd'hui, c'est que, pour vous, c'est utile, donc c'est une solution à une problématique, que des médecins qui sont dans vos organisations s'acquittent de leurs tâches d'enseignement. Pas nécessairement de recherche, parce que de la recherche, ce n'est pas tout le monde qui en fait, mais l'enseignement, par contre, ça, ça peut poser une problématique. Alors, est-ce que c'est «puissent» ou... Parce que «puissent», c'est «pouvoir». C'est la différence entre le «doit» ou «peut». «Puissent», c'est «peut», «doit», c'est «doit».

Mme Bourdon (Gertrude) : Pour l'octroi de privilèges...

M. Barrette : En fait, ma question...

Mme Bourdon (Gertrude) : Oui, c'est des obligations, là, ce n'est pas...

M. Barrette : ...si elle n'est pas assez claire, là... Moi, 130, c'est une loi qui est un complément à la loi n° 10, qui a comme objectif, puis je pense que vous avez suivi les travaux, là... L'objectif, c'est de régler une certaine problématique. Moi, je sais très bien, là, que, dans le monde académique, là, il y a du monde qui n'aime pas ça faire de... Ça n'a l'air de rien, là, mais on sait tous qu'il y a du monde qui ne sont pas très portés sur l'enseignement, là. Alors, la loi n° 130 va vous permettre d'avoir le levier pour faire en sorte que, dans votre univers de RUIS, certaines tâches, lorsque ça s'applique, l'enseignement puisse être imputable. Pas les «tâches» imputables, là, mais que les gens soient imputables de leurs tâches. C'est correct, ce que je dis, ou non?

M. Cossette (Pierre) : J'aimerais faire deux commentaires, un sur la question précédente, à savoir qui est le président ou non. Jusqu'à maintenant, les RUIS étaient présidés en alternance soit par un doyen ou une doyenne ou un ou une D.G. de CHU. Donc, pour nous, ce qui est important, c'est que les deux y soient. Honnêtement, président ou vice-président, ce n'est pas très important. Ce qui est très important, c'est que la loi prescrive une obligation à ces gens-là de travailler ensemble. Donc, ça, c'est notre recommandation.

Si la présidence est occupée par un P.D.G., puis c'est tout à fait légitime, à ce moment-là il faut qu'il y ait un vice-président qui est académique. Parce que c'est l'essence même du RUIS de forcer... Quand moi ou d'autres qu'on se connaît — on est habitués de travailler ensemble — ne seront plus là, on veut forcer les réseaux à travailler ensemble. Juste en médecine, il y a plus que 7 000 apprenants répartis dans le réseau, là. Si on ne force pas les gens à travailler ensemble, ça va moins bien aller un jour, là. Donc, ça, c'est le premier point.

Le deuxième point, c'est que, dans la logique actuelle où les privilèges et autres activités focussent beaucoup sur l'accessibilité, et on souscrit à ça... Moi, comme doyen d'une faculté de médecine et de sciences de la santé, je n'ai pas de problème à ça du tout, mais, si on veut l'accessibilité pour demain puis pour maintenant, c'est essentiel que les fonctions d'enseignement soient aussi reconnues... donc, que, quand on travaille dans un milieu universitaire, la fonction d'enseignement...

M. Barrette : Je vous interromps, Dr Cossette, parce que je comprends bien ce que vous me dites puis je pense qu'on le comprend tous. Moi, ma question, c'est : Quand vous me dites que vous voulez vous assurer que les activités d'enseignement et de recherche, tant dans les hôpitaux universitaires qu'en région, soient protégées, qu'est-ce qui est opérateur dans votre pensée? C'est protéger ou s'assurer que ça se fasse?

M. Cossette (Pierre) : On veut s'assurer que ça se fasse, parce que ça fait...

M. Barrette : Parce que 130, là, c'est : «Obligations attachées aux privilèges». Alors, ce n'est pas protégé, ça, 130, c'est s'assurer que ça se fasse. Alors, dans votre esprit, 130, vous le voyez comme un moyen pour vous assurer que ça se fasse?

M. Cossette (Pierre) : En fait, dans notre esprit, la nuance à ça, c'est que ce n'est pas tous les médecins, comme toutes les infirmières et tous du réseau, qui font beaucoup d'enseignement...

M. Barrette : Ça, on est d'accord là-dessus, là.

M. Cossette (Pierre) : ...mais, quand quelqu'un est engagé pour faire de l'enseignement et qui compte dans notre réseau pour faire de l'enseignement, ça fait partie de ses obligations. Un médecin qui est parti, qu'on a formé pour faire de l'enseignement ou... c'est pourquoi on inclut aussi la recherche, même la recherche, là, si on l'a libéré puis on l'a financé pour venir faire de la recherche, bien, quand il revient, ses privilèges, c'est faire de la clinique, de l'enseignement et de la recherche. Donc, on va s'attendre, pour renouveler ses privilèges, à ce qu'il puisse continuer à faire les missions pour lesquelles il a été embauché et qu'il a été recruté. Donc, c'est l'essence même de la recommandation qu'on fait là.

M. Barrette : Donc, 130, pour vous, dans l'univers RUISsier, et non de P.D.G. d'institution, là, vous voulez que 130, si je vous lis bien, là, soit un levier pour faire en sorte que, dans vos organisations, tous les joueurs patinent dans le même sens sur votre patinoire économique, à des hauteurs différentes, ce n'est pas tout le monde qui est chercheur. Ça, on s'entend, là, c'est normal.

Maintenant, vous l'avez dit, je reprends un peu...

M. Cossette (Pierre) : Tout le monde n'est pas nécessairement enseignant, mais un médecin ne pourrait pas faire dérailler la mission d'enseignement de son collègue parce que ça ne lui tente pas. Donc, ça fait partie, dans une mission, de... Voilà.

M. Barrette : Ah! bon point. Parce que, là, ça rejoint un exemple que j'ai pris en clinique avec des groupes précédents : à un moment donné, tout le monde est capable de faire de l'enseignement aux externes, puis il y en a qui ne veulent pas faire de l'enseignement aux externes, on va dire ça comme ça parce que ça existe, mais 130 vient vous donner ce levier-là. C'est correct, ça, de dire ça comme ça? Ce n'est pas bien méchant?

M. Cossette (Pierre) : La vision qu'on a de ça, c'est que les médecins, puisqu'on parle des médecins, dans le milieu universitaire, doivent s'impliquer dans l'enseignement, pas juste aux externes, pas juste aux résidents...

M. Barrette : Non, non, je comprends.

M. Cossette (Pierre) : ...dans l'enseignement pour tous les professionnels auxquels ils ont à exercer ce rôle-là. Et ça implique une responsabilité de l'établissement aussi. Ça implique que l'établissement, qui est un établissement universitaire, puisse assurer à une faculté de médecine et des sciences de la santé que les stagiaires, dans tel ou tel domaine, vont avoir une place pour faire leurs stages.

M. Barrette : O.K. Dans la catégorie, parce que vous en avez parlé beaucoup... Je pense qu'on se comprend, là, sur le fait que 130, même si vous êtes prudents dans vos commentaires, c'est quand même un levier pour faire en sorte que votre machine académique fonctionne. On peut-u dire ça comme ça, dans la prudence des mots, là?

Mme Bourdon (Gertrude) : Oui, oui, on l'a dit, c'est un levier supplémentaire. Oui, oui, c'est même écrit.

• (16 heures) •

M. Barrette : Parfait. Vous avez beaucoup... Parce que le temps file, il faut absolument que je vous pose la question suivante, celle-là qui est suivante... qui suit la question précédente. Vous avez parlé beaucoup de corridors de services, hein? Et les corridors de services, il y a différentes manières de faire ça, les corridors de services, ça peut être le patient qui est dans un corridor ou ça peut être le docteur qui est dans un corridor. Est-ce que 130 est, pour vous, un avantage là-dedans?

Elle n'est pas vicieuse, la question, là. Je sais qu'elle est «touchy», là, mais...

Mme Bourdon (Gertrude) : Non. Un avantage... C'est-à-dire, ça va dépendre comment qu'on va s'en servir, là. La loi, ça ne gère pas. C'est-à-dire...

M. Barrette : Juste sous l'angle du levier que ça vous permet, là, juste...

Mme Bourdon (Gertrude) : Oui. Oui, je dirais plus, dans la continuité de ce qu'on est en train de faire, c'est de mieux clarifier nos corridors de services et d'être moins aléatoires en fonction des désirs individuels. Et on est en train d'en faire quand même...

M. Barrette : Mme Bourdon, vous êtes d'une prudence...

Mme Bourdon (Gertrude) : Bien, c'est-à-dire...

M. Barrette : ...d'une élégance prudentielle proverbiale, je dirais, là.

Mme Bourdon (Gertrude) : Est-ce que c'était clair?

M. Barrette : C'est clair.

Mme Bourdon (Gertrude) : D'accord. C'était ça.

M. Barrette : Ce qui est entre les lignes est clair, là.

Mme Bourdon (Gertrude) : Non, mais c'est ça. Mais ce n'est pas pour rien, ça. C'est parce que, quand un corridor repose sur la volonté d'un individu, il est fragile. La force d'un RUIS, c'est la masse critique. C'est qu'on travaille ensemble. Quand on dit qu'on est un lieu de concertation, ce n'est pas une société d'admiration mutuelle, c'est : on est un lieu de concertation, on parle des vrais problèmes.

Si on se sert bien de l'octroi des privilèges, qu'on s'en parle, qu'on travaille concerté dans notre RUIS... Parce qu'au sein de notre RUIS vient aussi avec ça une responsabilité des CHU, et des hôpitaux, et de notre université d'attachement pour faire en sorte de maintenir l'accès. On l'a dit, on l'a répété 50 fois, là, pendant notre mémoire. Mais ça, l'accès, ça doit se faire à travers des corridors de services, on l'a dit, pérennes. Pérennes, ça veut dire qu'on les structure, qu'on a des ententes qui sont écrites, qui sont convenues, qui sont convenues avec les médecins, avec les professionnels, des fois.

M. Barrette : C'est bon. Alors, dit différemment, Mme Bourdon, là, 130 est un outil qui exige de bien s'en servir, mais c'est un outil qui est nécessaire.

Mme Bourdon (Gertrude) : Au moment où on se parle, on est rendus là, on est rendus là. Notre point de vue, dont on a discuté puis qui fait... et avec les P.D.G., là, puis on a tous les P.D.G. à nos tables, je pense qu'on est dans une société où la population nous demande, nous, en tout cas, les P.D.G., une reddition de comptes. On prend du temps à faire de la reddition de comptes, mais on comprend ce que la population veut. Et je pense que p.l. n° 130 vient quand même dire à nos professionnels : Il doit aussi y avoir une reddition de comptes sur ce que font nos professionnels, quels genres de services ils livrent, et en fonction des besoins de la clientèle et des attentes de la population. Et c'est pour ça que c'est si important, nos territoires de RUIS. Parce que Martine le disait bien, c'est que notre territoire de RUIS... Nous, Laval et McGill, on a des territoires énormes, donc, avec des densités de population qui sont très variables, et donc, ces particularités-là, nous, on les connaît, nos P.D.G. de nos RUIS les connaissent, on doit adapter nos corridors en fonction des spécificités de ces RUIS là.

M. Barrette : Il me reste... Il ne me reste plus rien? Dommage.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. le ministre, pour ce bloc d'échange avec nos invités.

M. Barrette : Merci.

Le Président (M. Merlini) : Alors, nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Taillon, vous disposez d'un bloc de 15 minutes pour votre échange avec nos invités. À vous la parole.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue, Mme Bourdon, Mme Alfonso, M. Brunet, Mme Gauthier et Dr Cossette. Merci de nous apporter cette dimension. Effectivement, on peut témoigner que les RUIS contribuent à l'évolution des modèles de pratique, contribuent à l'interdisciplinarité, contribuent à faire évoluer une pratique qui malheureusement n'est pas tout à fait encore actualisée au Québec par rapport à ce qu'on voit dans beaucoup de pays aussi développés que le Québec. Et, à travers ce que vous dites et la prudence que vous avez dans vos commentaires, je comprends qu'une des préoccupations que vous avez autour du projet de loi n° 130, c'est que le lien qui va déterminer l'attribution des privilèges peut être consacré à des activités d'ordre... répondre à des besoins, disons, administratifs, cliniques et enseignement. Et vous, vous dites : Nous, on veut être sûrs que les volets clinique et enseignement ne soient pas défavorisés au détriment d'une performance qui répondrait plus à des objectifs administratifs.

Est-ce que vous avez actuellement... Pour être sûrs de ne pas en perdre, de ne pas perdre de ces privilèges-là, ou que le médecin ne soit pas pénalisé au niveau de ses privilèges parce qu'il a des missions d'enseignement, est-ce que vous avez les bonnes données actuellement? Par exemple, est-ce que vous savez quel est le pourcentage de médecins qui ont des activités d'enseignement actuellement, pourcentage général dans vos établissements?

Mme Bourdon (Gertrude) : Oui. On le sait.

Mme Lamarre : Et le pourcentage en moyenne et...

Mme Bourdon (Gertrude) : Oui, on le suit puis on l'a...

Mme Lamarre : ...du temps des médecins qui est consacré à des activités d'enseignement, est-ce que vous avez ces données-là?

Mme Bourdon (Gertrude) : À chaque fois qu'il y a un octroi de privilège, les pourcentages reliés aux soins, à l'enseignement et la recherche sont identifiés pour chacun des médecins. Donc, on a ce tableau complet pour chacun des privilèges qui sont octroyés.

Mme Lamarre : Donc, vous seriez capable de nous transmettre...

Mme Bourdon (Gertrude) : Et la proportion, elle est plus élevée...

Mme Lamarre : ...dans un mois ou dans une semaine, un pourcentage de médecins qui ont des activités d'enseignement et la répartition du temps qui est déjà alloué, au niveau des privilèges, entre le temps consacré à l'enseignement, la recherche et les activités cliniques. Vous dites que vous êtes capable de compiler ça et de le transmettre à la commission. C'est bien ça?

Mme Bourdon (Gertrude) : Oui, on va vous le compiler. C'est probablement manuel, mais...

Mme Lamarre : Approximatif, là, on n'est pas à 1 % près, mais un ordre de grandeur. Parce que ce qui est possible, c'est qu'il y ait des transferts de ces disponibilités-là dans la disponibilité pour l'enseignement, par exemple, s'il y a des pressions pour faire autre chose. Je pense, M. Brunet, vous aviez un commentaire à faire?

M. Brunet (Fabrice) : Oui. Je trouve que c'est une excellente question. On peut le quantifier, comme vous le décrivez. Il faut aussi qu'on le rattache à la mission de chacun des établissements à l'intérieur d'un RUIS. Comme on a dit tout à l'heure, il y avait des CISSS, centres intégrés, il y a des CIUSSS, centres intégrés universitaires, il y a des instituts, il y a également des CHU, donc les CHU, les centres hospitaliers universitaires. À l'intérieur de ces différentes entités, en termes d'enseignement, il y a différents mandats, différentes missions, et donc, lorsqu'on parle de privilèges et que ces privilèges vont intéresser à la fois l'organisation des soins et des services, mais également l'enseignement et la recherche, ça dépend du type d'établissement à qui on s'adresse.

Cependant, il y a un élément que je voudrais, là, bien mettre en avant, qui est peut-être parfois plus difficile à quantifier parce que ce n'est pas de l'enseignement sur le plan académique, comme on voyait tout à l'heure, mais aujourd'hui le réseau dans l'ensemble, y compris les centres intégrés, qui n'ont pas obligatoirement de valence universitaire, contribue à former en permanence leurs équipes pour s'améliorer. Cet aspect de formation continue n'est pas toujours comptabilisé. Pourtant, elle est essentielle à la vie d'un réseau qui évolue et qui s'améliore en permanence.

Donc, non seulement les centres hospitaliers universitaires vont pouvoir vous donner... peut-être pas au pourcentage de 1 % près, peut-être que oui, d'ailleurs, et en différenciant ceux qui sont des enseignants et ceux qui sont plus des experts dans l'enseignement, puisqu'on a deux catégories, ceux qui sont des enseignants souvent contact, le lieu de stage, etc., puis des experts en pédagogie, qui travaillent parfois même en recherche, en pédagogie pour améliorer le transfert de connaissances ou la gestion des connaissances. Mais n'oubliez pas tout le reste du réseau qui contribue en permanence, et c'est pour ça que les RUIS sont intéressants, dans le sens où ils ont toute cette dimension.

Mme Lamarre : ...on n'a pas beaucoup de minutes, M. Brunet. Je veux juste, donc...

M. Brunet (Fabrice) : Excusez-moi, mais là vous me parlez de quelque chose qui me passionne. On ne peut pas non plus ne pas être passionné!

• (16 h 10) •

Mme Lamarre : J'apprécie et je comprends le sens de votre intervention, mais ce que je me dis, c'est qu'ultimement ce que vous voulez, c'est bien préserver, dans le travail d'un médecin, la vocation, la portion de son travail qui correspond à de l'enseignement et donc vous êtes un peu préoccupé parce que vous pensez qu'à travers cet enseignement-là il y a également une façon de moderniser, d'actualiser les pratiques professionnelles, et là on se rend bien compte que, dans le projet de loi n° 130, on va calculer, on va mettre des objectifs aux médecins. On va leur définir des privilèges qui vont avoir une caractéristique assez fermée. Je ne veux pas parler de minutes de travail, mais il va y avoir quand même... Parce que, si on veut être capable, sur la base de ces privilèges, de dire : On poursuit, on les maintient, les privilèges, ou on ne les maintient pas, il faut quand même qu'il y ait une définition assez claire de la répartition du temps du médecin.

Et donc je pense qu'il faut qu'on parte avec des outils, qu'on ait un état de situation actuel pour être capables d'apprécier. Et, quelque part, je pense que plus on va être clairs dans cette demande-là, plus les médecins vont baisser la résistance à l'introduction du projet de loi n° 130, parce qu'ils vont dire : C'est clair, l'ensemble de mes activités est bien noté, reconnu. Sinon, il y a un risque, il y a un risque que les médecins résistent. Il y a un risque que vous, dans votre mission, je pense, qui fait consensus... Je pense qu'il faut maintenir la vocation éducative, enseignement, recherche, évolution des pratiques. Il faut également évaluation des pratiques, pas juste évolution, mais évaluation des pratiques, qui est dans votre mission, il faut la préserver. Déjà, on n'a pas beaucoup de mesures d'évaluation dans nos pratiques.

Donc, moi, je me dis : Il faut partir avec un tableau, et j'aimerais bien que la commission puisse avoir accès à ce tableau de départ, et je pense que ça pourrait rassurer certaines personnes. Je suis d'accord, il y a une partie plus complexe, une partie de grande coordination. Il n'y a rien qui vous empêcherait de nous traduire cette réalité-là, mais il me semble que ce serait pertinent et qu'on diminuerait peut-être une partie de la résistance. Parce que, jusqu'à maintenant, il y a eu beaucoup, beaucoup de résistances qui ont été exprimées.

Maintenant, l'autre dimension, et je suis professeur de clinique à l'Université de Montréal, donc je comprends bien cette dimension-là, mais on a un problème actuellement, on peut bonifier nos pratiques, mais on a un problème d'accès. Et tantôt, Dr Cossette, quand vous avez parlé du projet sur lequel vous travaillez, de télésanté, avec l'évaluation des plaies à distance, moi, je me dis : Wow! Ça, ça répond à un besoin parce qu'effectivement ça aide à donner accès à des soins de façon moderne. Est-ce qu'il y a une façon actuellement... Est-ce qu'il y a une priorité à l'intérieur des projets d'enseignement et de recherche qui ont une vocation clinique, mais de mettre aussi un peu l'emphase sur des projets qui facilitent l'accès, l'accès en région, l'accès sur tout le territoire, mais l'accès urbain aussi? Parce que, là aussi, il y a énormément de lacunes à ce niveau-là. Est-ce qu'il y a ce lien-là entre les RUIS et les établissements?

M. Cossette (Pierre) : Bien, c'est un des buts, d'avoir ces tables de concertation là, parce qu'évidemment, dans la recherche, là, entre la recherche sur la molécule, le patient, la population, il y a tout un continuum, et, pour nous, c'est très important que la recherche universitaire — bien, la connaissance vaut quelque chose en soi — bien, soit aussi au service de la population. Donc, il y a des projets qui se développent en téléréadaptation. Puis parfois, aussi, il y a la recherche comme telle, mais le passage à l'échelle est un défi, là. Donc, ça fonctionne dans un endroit, mais de le passer à l'échelle, que ce soit intégré dans la hiérarchisation des services, ça devient un défi, puis c'est là que ça devient très important d'avoir des mécanismes de concertation suprarégionaux, là. Parce qu'on ne peut pas réinventer la roue dans chaque réseau, donc il faut que... Et la table de concertation nationale est très importante parce que les choses qui marchent bien, il faut les évaluer, mais, une fois qu'on les a évaluées, il faut essayer de les implanter, parce que la difficulté, c'est de réussir à faire l'implantation et soutenir l'implantation.

Donc, nous, on travaille puis dans chaque... Puis c'est là qu'il y a vraiment de l'espace pour tout le monde, chacun des milieux universitaires travaille sur certaines thématiques, et le but, c'est de mutualiser ça à la fin puis que ça descende vers la population le plus possible, donc. Et c'est ce que... L'exemple du réseau de Montréal avec l'AMQ aussi est déployé un peu partout maintenant — excusez, M. le Président, les maladies pulmonaires obstructives chroniques, donc atteints de maladies pulmonaires. Mais la téléréadaptation, c'est une autre chose qui s'en vient, qui est développée dans certaines parties de nos réseaux. Mais ça, il faut que ça soit intégré dans la gouvernance. Puis, quand on parle de la hiérarchisation puis du service à distance, ça n'implique, justement, pas toujours ni que le patient ni que le médecin ne se déplace, là. Le service peut se donner... Je ne dis pas que la télémédecine remplace tout, mais c'est un complément important à intégrer dans l'organisation des soins, là. Donc, ça, c'est clairement un des objets sur lesquels les RUIS peuvent travailler. Je sais que le ministère travaille à revoir ses orientations présentement là-dessus, mais nous, on pense que c'est un objet extrêmement intéressant sur lequel on veut continuer à travailler.

Une voix : M. Brunet.

M. Brunet (Fabrice) : Je voudrais dire deux mots. Le premier, c'est que, la télésanté, ça fait de nombreuses années qu'on l'utilise, et effectivement on démontre qu'on peut améliorer l'accès. Mais je voudrais aller un peu plus loin, parce que les RUIS, en fait, sont capables aujourd'hui de mieux coordonner l'offre de soins telle qu'elle existe, faciliter l'accès et l'améliorer de façon très importante à partir du moment où on identifie bien les besoins du patient et quelle structure peut y répondre dans un environnement géographique donné, en fonction aussi de ses besoins au niveau de soins. On a actuellement un projet, à l'Hôtel-Dieu, à Montréal, qui est de travailler à l'envers, c'est-à-dire de comment allons-nous transformer l'offre de soins en fonction des besoins de la population qui est analysée et identifiée utilisant également les bases de données provenant de la télémédecine dont vous étiez en train de parler. Ce projet, si on le combine à la coordination de l'offre de soins qu'on vient de voir avec les RUIS, tout à l'heure, et qu'on a la transformation du système au fur et à mesure de projets qu'on analyse, pilotes, comme ça, on va être capables d'améliorer de façon très notable l'accès.

Aujourd'hui, l'accès — vous avez vu, il y a eu quelques reportages là-dessus — eh bien, il y a des endroits où il n'y a pas autant de patients qu'on devrait avoir et d'autres endroits où il y en a trop, avec des attentes, en particulier aux urgences, etc. Comment mieux coordonner? La télémédecine peut aussi nous aider, les centres de coordination du RUIS peuvent nous aider, mais il y a aussi des initiatives pour analyser l'offre de soins et sa transformation vis-à-vis des besoins de la population... va aussi aider à transformer le... Et là la connaissance universitaire peut nous aider. Cependant, c'est quand même le réseau de santé qui est en train d'évoluer. On ne peut pas non plus attendre l'ensemble des études pour pouvoir se transformer. Donc là, on est à un moment très, très, très crucial où il faut que tous les éléments d'un puzzle se mettent en place et puis on est dans une phase de transition. Analyser l'impact en pleine phase de transition, c'est toujours difficile. Donc, c'est pour ça qu'on va vous donner l'ensemble du tableau dont vous avez besoin.

Et je dirais un dernier mot : l'enseignement pour l'enseignement n'est pas notre objectif.

Mme Lamarre : Il faut que ça se traduise sur le terrain.

M. Brunet (Fabrice) : C'est l'enseignement pour améliorer les soins, et c'est là où le RUIS est capable de démontrer ça.

Mme Lamarre : Mais un des risques du projet de loi n° 130 qui inquiète, là, qui nous est rapporté, c'est que les enjeux administratifs prévalent sur d'autres enjeux. Parce que ce que vous évoquez, qu'à partir d'un travail commun, d'un travail universitaire, d'un travail d'enseignement ou de remodelage de structures de travail... bien, des fois, il faut attendre un an, deux ans avant d'avoir les objectifs. Alors, si on fixe, à partir de l'adoption du projet de loi n° 130, des demandes très, très précises pour un contrat d'un an avec les médecins en disant : Ce sera ça, vos privilèges, et, d'ici l'an prochain, vous devez rencontrer ça, bien, comment vous pouvez trouver les leviers qui vont garantir qu'à la fois le travail que vous êtes en train de faire, qui investit pour ce qu'on va recueillir dans deux ans ou dans trois ans, ne soit pas complètement diminué, soustrait, effacé parce que la performance à court terme n'est pas là? Et, moi, ça, c'est une préoccupation.

Tantôt, vous avez parlé, Dr Cossette, de l'alternance et vous dites : On va casser l'alternance. Moi, je pense qu'il y avait quelque chose de positif dans cette alternance entre un doyen et un P.D.G. Parce que, clairement, le P.D.G. reçoit ces demandes du ministre. Alors, le P.D.G., il va faire appliquer ces demandes-là, et donc tant mieux si les P.D.G. ont cette sensibilité-là au niveau du volet enseignement, mais, sinon, ça pourrait facilement causer préjudice à cette portion d'enseignement là. Il faut le doser. C'est pour ça que je vous disais : L'enseignement et l'accès doivent être conciliés, parce que, là, c'est vraiment un enjeu principal. C'est presque une maladie de notre système de santé actuellement, je vous dirais, le manque d'accès. Alors, il faut aussi mettre une priorité là.

Le Président (M. Merlini) : En 30 secondes, s'il vous plaît.

Mme Bourdon (Gertrude) : Oui. Dans la proposition, le président est un P.D.G. d'un CHU, avec un «U», donc une mission universitaire. Donc, un président de RUIS ne pourrait pas ne pas avoir de préoccupation pour la mission universitaire, c'est dans sa mission d'être là. Et c'est aussi pour ça qu'on propose même un V.P. du territoire du RUIS, pour aussi avoir la vision de l'organisation des services du territoire dans un territoire donné. Donc, en faisant ça, on a vraiment une vision globale, qui est la vision académique, la vision d'organisation des services en milieu universitaire plus urbain et une vision de l'organisation en milieu semi-urbain ou rural.

Le Président (M. Merlini) : Merci.

Mme Lamarre : Mais, ultimement, c'est celui qui tient l'argent qui a la décision finale, et ça sera le P.D.G..

Le Président (M. Merlini) : Merci, Mme la députée de Taillon pour ce bloc d'échange. Ça met fin à ce bloc d'échange. Et maintenant, au tour du deuxième groupe d'opposition, M. le député de Lévis, vous disposez d'un bloc de 10 minutes. À vous la parole.

• (16 h 20) •

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Mme Bourdon, Mme Alfonso, M. Brunet, Mme Gauthier, Dr Cossette, merci d'être là. Je sors un peu de notre conversation seulement pour dire quelque chose, parce que je pense que c'est important — et là je m'adresse à vous, Mme Bourdon, mais, par votre biais, à tous ceux et celles que vous représentez dans vos fonctions — pour vous lever mon chapeau puis vous dire bravo — et vous le retransmettrez par le biais de ce que je dis — avec la qualité d'intervention dans une tragédie aussi incroyable que celle du Centre culturel islamique de Québec récemment. Et je sais que, pour connaître certaines personnes qui étaient dans les endroits où on a dû agir rapidement, vous avez, votre équipe... les gens du réseau ont démontré une qualité, un humanisme extraordinaire. Et c'est aussi ça, ce que vous faites, hein, dans ces moments-là de haute tension, d'arriver à rassurer, évidemment de prendre soin, puis de passer des messages, et de se dire : On est bien équipés. Alors, j'en profite parce que je vous vois là, à défaut de pouvoir le faire avec tous ceux et celles qui ont pu intervenir à ce moment-là.

Ceci étant dit, je comprends ce que vous dites. Et puis c'est peut-être un peu complexe pour les gens qui nous écoutent et nous regardent, ces missions universitaires, bon, la mission hospitalière, l'enseignement, la recherche, mais je comprends fort bien. Je comprends que vous dites : Il ne faut pas oublier ça, et, dans les obligations qu'auront ou qu'auraient les médecins, quand on va déterminer des obligations, accorder des privilèges, que, cette notion d'enseignement, de recherche, on en tienne compte, qu'elle soit protégée, quelque part. Je le vois comme ça.

Puis, à une question du ministre, très précise, pour revenir à la loi n° 130 : Est-ce que c'est un outil qui peut servir?, et là je reprends vos propos, vous dites : Le n° 130, c'est un levier supplémentaire. Alors, je comprends que ce qu'il y a là va vous permettre d'aller dans le sens que vous souhaitez.

Plusieurs organisations sont venues ici nous dire que cet outil-là, il avait des effets extrêmement négatifs, qu'il n'était pas nécessaire, parce que les outils existent déjà. Ils ne sont simplement pas utilisés ni appliqués. Puis là, bien, on a parlé un petit peu d'enseignement, quelque part, entre guillemets, ça n'a pas de rapport, mais on nous a dit : Si on passait par une meilleure formation, peut-être que les gens pourraient utilisés correctement les pouvoirs qu'ils ont déjà.

Est-ce que, de fait... Et là je vous replace dans le contexte du n° 130, est-ce qu'il existe déjà des outils vous permettant de faire ce que vous souhaitez faire sans être obligés d'avoir besoin de celui-ci?

M. Brunet (Fabrice) : Vous savez, il y a toujours, lorsque nous sommes dans une activité comme vous décrivez, des outils qui existent, et, s'ils étaient complets, on n'aurait pas besoin de rajouter d'autres outils. Donc, il y a des outils, mais ils sont insuffisants dans certaines situations. Et je pense que, là, exactement comme ma collègue Mme Bourdon l'a dit tout à l'heure, ça nous donne un levier de plus, mais pas obligatoirement l'ensemble des besoins qui étaient déjà couverts par d'autres outils. Donc, c'est un ensemble dans une boîte à outils, d'outils qu'on a, et c'en est un nouveau qu'on rajoute, qui nous permet d'aller plus loin et plus vite, mais on avait déjà d'autres possibilités préexistantes pour résoudre d'autres problèmes.

Mme Gauthier (Patricia) : Bien, je pense qu'on vient consolider les outils que nous avions. Je pense que, ces outils-là, oui, c'est vrai qu'ils étaient présents, mais ils n'étaient pas utilisés de la bonne façon et ils étaient peu utilisés. Je pense qu'avec la présentation du projet de loi n° 130 ça vient nous permettre de les remettre en valeur, de rehausser le rôle du chef de département, qui est un rôle essentiel dans nos organisations. Et donc, si on veut jouer un rôle adéquat, que ce soit au niveau d'un chef de département dans le cadre d'un RUIS pour lequel on a à s'assurer des corridors de services, le volet universitaire à l'intérieur du département aussi, alors on a besoin de rehausser ce rôle du chef de département, le rôle du DSP aussi, qui a un rôle essentiel à jouer. Alors, moi, je dirais plus que c'est une consolidation des outils existants, et qui va permettre aussi au conseil d'administration, avec ce rehaussement-là, de mieux jouer son rôle avec le P.D.G. de l'organisation.

M. Paradis (Lévis) : Je reviens avec l'analogie de la boîte d'outils, hein, et, dans une boîte d'outils, il y en a plusieurs, puis il y en a dont on n'aime pas se servir, ils sont dangereux ou ils font trop de bruit, bon. Et là je fais le parallèle à partir de là parce qu'il y a des gens qui nous ont dit : Attention, on a déjà des leviers, on a déjà des outils. On ne s'en sert pas comme on devrait. On devrait peut-être plus être formés à mieux s'en servir, donc savoir comment on travaille avec la boîte dont on dispose. On est même allé jusqu'à dire que ça pourrait créer des situations conflictuelles parce qu'à travers, à travers tout ça, il y a aussi des ego qui peuvent être touchés, il y a des... bon.

Est-ce que vous entrevoyez... Puis vous en faites, là, vous en êtes, de la gestion, puis de la saine gestion qualitative puis humaine avec tous ceux que vous côtoyez. Est-ce que vous voyez un potentiel de situations conflictuelles avec l'application d'un projet de loi, ou qui deviendrait loi, comme le n° 130?

Mme Alfonso (Martine) : Comme vous le dites, on est déjà dans cette dynamique-là, on est préoccupés, et c'est notre responsabilité de nous assurer que notre établissement offre les services, qu'on travaille avec nos voisins dans le cadre d'un continuum de services. On est déjà à travailler sur... à s'assurer que le territoire est bien couvert, que les services sont bien donnés.

Dans la plupart des cas, ce sera, en fait, un plaisir de bien clarifier quelle est la contribution que chacun des médecins offre déjà aux établissements, aux territoires, à la population. Il arrivera des moments où ça permettra une conversation qui est plus globale, parce qu'on regardera tout un territoire pour une spécialité donnée, par exemple, et c'est vrai qu'il arrivera quelques fois, comme c'est toujours le cas dans une situation de gestion, où il y a peut-être un ou deux cas pour lesquels la situation est plus difficile, la conversation ne mène pas à une résolution, il y a un besoin qui n'est pas comblé, et là on aura un levier supplémentaire qui viendra peut-être seulement du fait qu'il faut qu'on arrive à mettre sur papier quels sont les privilèges et quelles sont les attentes, ce qu'on n'a pas fait jusqu'à maintenant de façon aussi systématique pour tout le monde. Alors, c'est peut-être un outil que nous n'utiliserons pas beaucoup, mais qui est disponible pour résoudre une situation qui demeure problématique.

M. Brunet (Fabrice) : Juste pour compléter la réponse, des conflits, il en existe aussi aujourd'hui. Je veux dire, ce projet de loi dont on est en train de discuter, c'est parce qu'il y a un problème qui n'est pas encore résolu. Sans ça, on ne serait pas en train d'en discuter, parce que, finalement, on n'en aurait pas besoin.

Alors, est-ce que ça va nous apporter plus de conflits ou moins de conflits? Je pense que, tout à l'heure, ce qu'on a discuté, c'est que nous sommes dans une vision d'amélioration des services à la population. À partir du moment où nous avons... Et les médecins sont extrêmement sensibles à ça, les médecins, les professionnels de la santé, et même les administratifs que nous sommes. À partir du moment où nous avons comme objectif d'utiliser ce projet de loi, ou les outils que nous donne ce projet de loi, pour améliorer les soins et les services et aussi utiliser l'enseignement et la recherche pour encore plus améliorer ces soins et ces services, je n'anticipe pas de conflit. Parce que les conflits aujourd'hui sont parfois liés au fait que nous n'avons pas la possibilité de les régler.

Donc, vous voyez, il y a un moment où on est aussi dans une difficulté, parce que, s'il n'y avait pas de conflit aujourd'hui, si tout allait bien, si l'accès était parfait, s'il n'y avait pas de souci, on ne serait pas en train de discuter ici, tous ensemble, d'est-ce que ce nouveau projet de loi va améliorer quelque chose. On anticipe qu'il va améliorer. Il y aura certainement des gens qui vont être réfractaires. Mais, à partir du moment où c'est pour le bien de la population et que tout le monde adhère à cette vision, moi, je pense que ce sera plutôt facilitateur. C'est en tout cas ce que nous avons comme impression avec les concertations et les discussions qu'on a dans nos établissements actuellement.

M. Cossette (Pierre) : Je voulais juste... Renforcer le rôle des directions départementales, c'est très important. On parle beaucoup de personnes, mais, en fait, des départements ont besoin de se concerter pour à la fois les soins cliniques dont on parle, mais aussi pour les activités, et prodiguer l'enseignement nécessaire pour former cette relève-là. Moi, je diffère un petit peu d'opinion que le Dr Brunet, je pense que l'enseignement est une vertu en soi, parce que, tantôt, on n'existe plus si on ne forme pas notre relève.

Une voix : ...

M. Cossette (Pierre) : Mais mon point, c'est de dire que la pratique ne va pas être figée dans le temps, là. Quelqu'un veut faire plus de ci, moins de ça pendant sa carrière, mais, comme groupe, à l'intérieur d'un département, dans un hôpital universitaire, il faut qu'il s'assure que l'ensemble des missions soient couvertes, incluant les corridors de services, et autres, et incluant les missions d'enseignement et de recherche. Tout le monde ne fait pas de tout, mais le groupe doit s'assurer que tout est fait.

Donc, dans ce sens-là, c'est pour ça que les recommandations d'amendement qu'on fait sont là, parce que c'est important, si on est pour ajouter des outils, que les outils couvrent l'ensemble des missions.

M. Paradis (Lévis) : Il me reste peu de temps, je pense, M. le Président.

Le Président (M. Merlini) : Une vingtaine de secondes.

M. Paradis (Lévis) : Une vingtaine de secondes. Merci d'être venus nous rencontrer.

Mme Bourdon (Gertrude) : Merci. Et je tiens aussi... le centre intégré universitaire de la Capitale, avec qui on a travaillé dans cette...

M. Paradis (Lévis) : Absolument, tout à fait, vous avez raison.

Le Président (M. Merlini) : Mme Bourdon, Mme Alfonso, Mme Gauthier, Dr Brunet et Dr Cossette, représentant la table de coordination des réseaux universitaires intégrés en santé, merci de votre présence et merci de votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants et j'invite les représentants de la Fédération des médecins résidents du Québec à venir prendre place. Nos travaux sont suspendus.

(Suspension de la séance à 16 h 29)

(Reprise à 16 h 36)

Le Président (M. Merlini) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons donc reprendre nos travaux. Je souhaite donc la bienvenue à la Fédération des médecins résidents du Québec. Je vous souhaite la bienvenue. Je vous demande de bien vouloir vous présenter ainsi que ceux qui vous accompagnent. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé, et suivra la période d'échange avec les membres de la commission. Bienvenue, la parole est à vous.

Fédération des médecins résidents du Québec (FMRQ)

M. Lemieux (Christopher) : Merci, M. le Président. Je vais commencer par les présentations. Donc, mon nom est Christopher Lemieux, je suis président de la Fédération des médecins résidents du Québec; à ma droite, Me Patrice Savignac Dufour, qui est le directeur général de la fédération; et, à ma gauche, Me Audrey Laganière, qui est la directrice des affaires juridiques.

Donc, premièrement, merci, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires, merci de nous permettre de venir nous exprimer aujourd'hui sur le projet de loi n° 130.

Avant de débuter, la FMRQ représente 3 700 médecins résidents dans la province, provenant d'une des quatre facultés de médecine du Québec. Ceux-ci participent quotidiennement à l'offre de services dans tous les établissements du Québec. Ceux-ci représentent donc la relève médicale et seront donc touchés par ce projet de loi.

Nous nous entendrons tous pour dire que notre système est performant mais n'est pas parfait. Nous pensons que certains éléments du projet de loi n° 130 n'auront pas les objectifs escomptés et nous font craindre sur la qualité des services aux patients.

Premièrement, l'hypercentralisation. La FMRQ avait déjà fait en 2014 des mises en garde devant cette même commission quant aux volontés du ministre de tout centraliser au sein du réseau de la santé. C'était une de nos principales critiques du projet de loi n° 10, du projet de loi n° 20, et maintenant du projet de loi n° 130.

La microgestion est un autre des problèmes relevés. En plus du pouvoir de décision des grandes orientations des établissements, on ajoute maintenant l'allocation des ressources médicales de chacun des établissements. Comme l'article 36, le ministre s'autorise maintenant le pouvoir d'autoriser tout projet de règlement du conseil d'administration, du CMDP et des autres comités au sein des établissements. Ceci représente un retrait important des pouvoirs de ces instances. Aussi, la nomination des P.D.G. par le ministre, qui a été instaurée avec le projet de loi n° 10, sera maintenant appliquée, via le projet de loi n° 130, aux P.D.G. adjoints. Ceci représente une entrave à l'autonomie des conseils d'administration.

Pour ce qui est des points de gouvernance, les CISSS, les CIUSSS et les établissements non fusionnés doivent maintenant fournir leurs plans d'organisation, qui seront approuvés par le ministre, avec ou sans modifications. Encore une fois, aucune autonomie, sur ce point de vue, du côté des conseils d'administration. Aussi, l'article 19 permet au ministre de dicter les structures départementales de tous les centres hospitaliers. N'est-ce pas un peu trop?

Le réseau perd de plus en plus de flexibilité, et les acteurs du milieu se sentent de plus en plus serrés. L'ensemble du pouvoir en est remis à une seule personne. Est-ce que c'est vraiment nécessaire? Y a-t-il une meilleure approche dans la collaboration dont nous pourrions utiliser?

La centralisation a bien sûr un lot d'effets positifs, dont principalement des avantages financiers, mais est-ce que ceux-ci entraînent de meilleurs soins aux patients? À vouloir tout contrôler, parfois on perd le contrôle. L'hypercentralisation devrait être temporaire, alors... lorsqu'on en a parlé, il y a maintenant deux ans. Voilà maintenant que nos craintes sont matérialisées, et nous assistons à une poursuite de cette centralisation.

• (16 h 40) •

Le message à l'ensemble du corps médical est simple ici, c'est un message négatif et ça laisse comprendre que nous sommes incapables de mener à bien les établissements de santé. On applique ici une mesure pour contrôler certains problèmes anecdotiques, alors qu'on peut s'entendre pour dire que ce n'est pas l'entièreté du réseau qui souffre présentement. Certains milieux sont plus dysfonctionnels que d'autres, et le projet de loi vise principalement ces milieux.

Hier, Mme Lamarre parlait de mesures de performance et de profils de performance avec la Dre Francoeur, qui, la Dre Francoeur, assumait qu'on pouvait rapporter jusqu'à 26 % d'amélioration juste en faisant des... juste en apportant des comparaisons. Pourquoi ne pas apporter ça à l'échelle du Québec et... Parce qu'on le sait tous, certains milieux sont plus performants que d'autres, mais on n'a pas présentement les outils pour faire ces mesures-là. Sachant qu'il y a des milieux qui sont plus performants, pourquoi ne pas justement analyser pourquoi sont-ils plus performants et tenter d'étendre tout cela à l'ensemble du réseau? D'ailleurs, nous avons déjà dit en commission parlementaire que nous étions pour ces index de performance.

Par la suite, un gros morceau du projet de loi n° 130 atteint à l'autonomie professionnelle des médecins. Ceci n'est pas une question de caprices ou de corporatisme, c'est un modèle de soins de proximité et de prise de décision qui est axé sur les besoins du patient. Heureusement pour le patient, le médecin a l'intérêt de son patient avant les objectifs de gestion financière. Par ailleurs, l'article 18 retire le pouvoir du CMDP de pouvoir décider quel acte sera... quel acte médical relèvera de quel département. Ceci est encore une fois un retrait des pouvoirs qui sont accordés à cette instance, et, il faut se rappeler, les CMDP sont avant tout les gardiens de la qualité de l'acte et de l'excellence des soins prodigués dans notre système, autant au niveau médical que dentaire et pharmaceutique.

Dans les dernières lignes... en fait, dans les dernières minutes, je vous ai parlé principalement de certains points qui ont été relevés par plusieurs personnes à venir jusqu'à présent, mais maintenant je voudrais souligner certains problèmes qui affectent principalement nos membres, en fait qui vont affecter principalement nos membres et d'où relève la majorité de nos inquiétudes aujourd'hui. On parle principalement des obligations qui vont être rattachées aux privilèges et, pour commencer, on peut parler du renouvellement des privilèges après la demande de nomination, qui sera maintenant à seulement un an. Ceci aura pour effet, selon nous, de fragiliser les postes pour nos finissants. Nous sommes évidemment pour le processus de renouvellement des privilèges, mais pourquoi le faire après un an? C'est un autre fardeau administratif qui s'ajoute.

Maintenant, bon, nous parlons des obligations, mais pourquoi s'inquiéter? Il y a raison de s'inquiéter parce qu'on ne sait pas quelles seront les obligations, dans quel cadre vont s'insérer ces obligations, où, quand, comment, etc. Nous aimerions aujourd'hui que le ministre nous éclaire là-dessus. Lors des projets de loi nos 10 et 20, des amendements ont surgi après consultation publique. Nous voulons nous éviter de répéter l'expérience aujourd'hui. Évidemment, ces obligations ont un énorme danger d'iniquité pour nos membres. Pensez seulement aux plus... la comparaison avec les médecins plus âgés versus les plus jeunes avec l'inclusion des clauses orphelines, ces obligations particulières qui seraient seulement pour la relève médicale. C'est inacceptable, selon nous. M. le Président, nous souhaitons ici avoir l'assurance de la part du ministre, à cet égard, comme il l'a déjà fait à notre satisfaction pour le projet de loi n° 10, que les obligations, si obligations il y a, elles seront collectives plutôt qu'individuelles et imposées seulement aux nouveaux médecins.

Nous craignons évidemment des obligations sans limites, limitation des actes pouvant être réalisés entraînant une restriction des champs de pratique, particulièrement en raison d'un manque de plateau technique ou du désir des médecins plus âgés de garder certains cas seulement pour eux. On parle souvent, en fait... souvent, dernièrement, du généralisme. Un nouveau chirurgien pourrait voir sa pratique restreinte, alors qu'il a été formé et excelle dans certaines autres techniques. La polyvalence est une excellente chose dans notre système, mais ça ne devrait pas être un frein à l'excellence. Ou, un autre exemple, demander des obligations hors normes afin d'éviter le recrutement d'un candidat. C'est des choses qui nous inquiètent, et on ne sait pas présentement où sont les limites de ces obligations.

Rappelons-nous que, depuis deux ans, à chaque fois qu'il y a eu de nouvelles obligations imposées aux nouveaux médecins dans le cadre des dernières réformes, ce sont essentiellement nos finissants qui en ont fait les frais. On parle de l'obligation de prise en charge de 500 patients, c'est la relève médicale; l'obligation de pratique dans un milieu en sous-région, la relève médicale; la limitation des nouveaux postes en milieu hospitalier, la relève médicale; et, plus récemment, 35 nouveaux postes pour les médecins de famille qui ont été reliés à des obligations. On parle des obligations, ici, de travailler dans une clinique spécifique et de travailler en heures défavorables. Cette décision a été prise sans préavis et, selon nous, c'est un non-respect des accords, et lois, et règlements qui sont déjà en cours. S'agit-il d'une application du projet de loi avant son adoption et, encore une fois, pour la relève médicale? Nous devons nous assurer de collectiviser les responsabilités des modifications.

Nous l'avions soulevé dans le cadre des consultations sur le projet de loi n° 10, que, lorsqu'il y avait bris de service, on ne pouvait mettre le poids de cette responsabilité sur les jeunes médecins qui intégraient un milieu, notamment pour les corridors de services, ce qui avait été accepté par le ministre. Il faut poursuivre dans cette voie et collectiviser les mesures. Le ministre a le devoir de s'assurer de mettre de l'avant des solutions qui ne vont pas seulement toucher la relève médicale. Merci.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, Dr Lemieux, pour cet exposé. Nous allons maintenant procéder à la période d'échange avec le député de La Pinière et ministre de la Santé et des Services sociaux. Vous disposez de 21 minutes, M. le ministre, à vous la parole.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, Dr Lemieux, Me Savignac Dufour, Me Laganière, bienvenue et merci d'avoir pris le temps et avoir eu l'intérêt pour venir nous présenter votre interprétation, vos commentaires sur notre projet de loi, le projet de loi n° 130, commentaires et appréciation qui est aussi empreinte de ce que vous avez retenu des commentaires des autres groupes qui sont passés avant aujourd'hui.

Comme pour la loi n° 10, ce n'était pas vous qui étiez là à l'époque, puis c'est normal, là, parce que vous avez une... bien, une rotation, vous finissez par finir votre résidence, ce qui est tout à fait normal, et c'est heureux, d'ailleurs. Le projet de loi n° 10 n'était pas fait et celui-là n'est pas fait pour que tout le poids de quoi que ce soit soit sur le résident, O.K.? Ni sur les résidents ni sur les résidents qui arrivent en pratique. Ce n'est pas ça. Et il n'y aura pas de mesures qui seront ciblées à un groupe, de quelque nature que ce soit. Ça n'arrivera pas. Il peut y avoir des gens qui se sentent ciblés, qui peuvent constituer un groupe, comme, mettons, des déviants, mais pas sur l'âge. Alors, ça, rassurez-vous, ce n'est pas ça qui est l'objectif.

Maintenant, vous avez fait un certain nombre d'affirmations ou exprimé des craintes. Moi, c'est sûr que, tout le long... Je comprends qu'on prenne le relais de certains parlementaires, là, particulièrement de l'opposition, là, mais je vais vous inviter à me dire... me donner un seul — un seul, juste un — exemple où moi, là, j'ai pris une décision locale. La microgestion, là, c'est une décision locale. J'en ai déjà pris, là, comme par exemple, là... O.K. Mais donnez-moi un exemple de microgestion que j'aurais fait, là.

M. Lemieux (Christopher) : En fait, ce que je vous dirais, c'est que c'est surtout le risque qui est là. En attribuant ces pouvoirs-là, c'est que le risque est là de pouvoir faire de la microgestion.

M. Barrette : Permettez-moi, Dr Lemieux, ça fait bientôt deux ans que la loi n° 10 a été non seulement promulguée, mais mise en application. Avez-vous des exemples, là, qui justifient vos craintes? Avez-vous entendu parler d'exemples qui justifient vos craintes?

M. Savignac Dufour(Patrice) : En fait, oui, M. le ministre. En fait, au moment où on se parle, on nous dit qu'il y a des médecins, des résidents, des résidents en médecine de famille qui sont des finissants, et ils attendent avec énormément d'anxiété la confirmation s'ils vont avoir un des 24 nouveaux des 35 postes qui ont les nouvelles conditions, qui sont, selon nous, illégales, et on nous dit que c'est parce que ça attend l'autorisation du bureau du ministre, et que c'est pour ça que les gens présentement sont dans l'anxiété de savoir s'ils vont avoir un poste au 1er juillet prochain.

M. Barrette : Et c'est parfait, l'exemple que vous me donnez là, parce que ça, ce n'est pas un exemple de microgestion, c'est un exemple du mode de fonctionnement qui existe depuis 2004. Ce à quoi vous faites référence, ça s'appelle la gestion du plan des effectifs médicaux, que vous connaissez très bien, auquel vous participez. Et les 24 postes auxquels vous faites référence sont des postes supplémentaires qui sont apparus parce que des résidents qui sont partis à l'extérieur reviennent au Québec.

En passant, juste pour le plaisir des oppositions, on revient au Québec, actuellement. On ne quitte pas le Québec, on revient, parce que c'est bon, le Québec. Ces 24 résidents là reviennent, attendent une place, oui, qui va être décidée, comme ça l'est toujours, dans le plan gouvernemental de gestion des plans d'effectifs. Ça existe depuis 2004. Ce n'est pas de la microgestion, c'est ce qui a été convenu depuis plus de 13 ans. Avez-vous un autre exemple?

• (16 h 50) •

M. Savignac Dufour (Patrice) : En fait, M. le ministre, cet exemple-là, pour prendre le même exemple, ce qu'on vous expliquait, c'est que, par exemple, on sait que vous avez eu, vous avez toujours des négociations avec les autres fédérations médicales, et, sur la question des cliniques, par exemple, pour les services dans les heures défavorables, l'impression que nos membres ont, c'est qu'au moment où on se parle, avec ces 24 postes là où, vraisemblablement, vous avez décidé qu'on allait y attacher des obligations de travailler à des heures défavorables... bien, la relève médicale a l'impression que le ministre ne réussit pas à s'entendre avec les partenaires, on fait payer les jeunes. C'est ça, l'exemple.

M. Barrette : On ne fait pas payer les jeunes. C'est-à-dire qu'il y a actuellement... Et je vais citer, parce que vous les avez entendus, vous étiez dans la pièce... Vous avez entendu les présidents des RUIS, qui ont utilisé... Vous savez, les RUIS, là, ce n'est pas une créature gouvernementale, c'est universitaire. Vous avez entendu des gens, là, qui viennent nous dire qu'ils ont des obligations de reddition de comptes pour livrer des services à la population. Ici, au gouvernement, on ne fait pas de la microgestion. On met en place un certain nombre de règles, que d'aucuns peuvent qualifier de contraintes mais dont la finalité est que les services soient donnés à la population, qui, elle, par ses impôts et ses taxes, paie la formation des médecins. Ce n'est pas de la microgestion, ça, c'est de la gestion normale du réseau, qui, à date, n'a pas livré la marchandise.

Alors, moi, je considère que, quand vous dites que, là, le ministre, le ministre, le ministre... Toutes les phrases commencent par «le ministre». Il n'y a pas de centralisation de pouvoirs, il y a des orientations et des décisions systémiques qui, elles, visent à faire en sorte que les services soient rendus. Ce n'est pas moi, là, qui vais décider de donner des privilèges à un ou à l'autre. Il y aura des consultations qui vont être faites. C'est écrit dans le projet de loi. Mais n'est-il pas normal qu'il y ait un certain nombre de conditions à respecter lorsqu'on pratique la médecine? Sinon, bien, c'est comme la première question que j'ai posée à la présidente de la FMSQ : Les docteurs sont-ils, dans l'organisation hospitalière, institutionnelle, des intouchables?

M. Lemieux (Christopher) : Bien, en fait, je ne crois pas...

M. Barrette : Oui? Vous avez dit oui?

M. Lemieux (Christopher) : M. le ministre, je vous dirais tout simplement qu'il y a déjà les CMDP et les C.A. qui sont déjà en place pour gérer plus localement, si on veut, leurs établissements, et ce qu'on trouve derrière tout ça, c'est qu'on enlève une bonne partie de leurs pouvoirs, et c'est là que le problème est. Il y a déjà des mesures en place pour justement prendre les médecins déviants et pour ajuster le tir, mais malheureusement est-ce que ces mesures-là ont été prises? Ce n'est pas une raison pour... ce n'est pas une raison d'amener un projet de loi pour ces quelques cas anecdotiques, alors que présentement c'est... On enlève tout le pouvoir à l'ensemble des différentes instances.

M. Barrette : Dr Lemieux, je vais faire un parallèle, puis vous allez l'apprécier parce que je vais prendre le parallèle de la FMRQ, votre organisation. Il y a quelques années, et ça ne fait pas très longtemps, il y a quelques années — bon, pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent, là, ça ne fait même pas cinq ans — vous êtes allés en cour pour que vous ne soyez pas présents à l'hôpital plus que 16 heures d'affilée. Vous êtes allés en cour pour que vous ayez un congé postgarde. Vous êtes allés en cour pour qu'avant la garde vous ayez une pause. Vous êtes allés en cour pour qu'il y ait des règles. C'était approprié dans votre esprit, puis vous avez gagné. Ça a entraîné, on va dire ça comme ça, une certaine perturbation de l'organisation du réseau. Quand c'est à votre avantage, je constate que les règles sont bonnes. Quand il y a un risque d'avoir une obligation qui ne fait pas votre affaire, ce n'est pas bon. Il me semble qu'il y a là deux poids, deux mesures.

M. Lemieux (Christopher) : En fait, les règles ici sont différentes. Les résidents sont des salariés, et les médecins sont des travailleurs autonomes. Donc, on ne peut pas vraiment faire... Je ne crois pas qu'on puisse faire le parallèle ici de tout ça. Et je vous rappelle qu'on a été en cour parce que ce qui était l'objectif primaire derrière tout ça, c'est que c'était dangereux pour les patients, les 24 heures. Donc, l'objectif primaire était de protéger les patients, protéger nos membres aussi.

M. Barrette : Disons que, vous me permettrez de faire le commentaire suivant, je pense que l'objectif premier pour lequel l'argument de la sécurité des patients a été utilisé, c'est le temps de travail, là. Et, pour ce qui est de la sécurité des patients, c'est un argument qui a été et qui demeure, je dirais, raisonnablement débattu dans le réseau. Puis l'exemple que j'ai toujours pris, là... Si l'argument était vrai dans l'absolu, ça voudrait dire qu'on devrait forcer une infirmière à dormir lors de son premier quart de nuit. Je ne connais pas... avant son premier quart de nuit. Je ne connais personne, moi, là, qui rentre à minuit, le soir, pour une semaine de nuit, qui réussit à dormir huit heures de temps avant de faire son premier chiffre de nuit, là. Alors, cette infirmière-là, si elle est aux soins intensifs, là, elle est aux soins intensifs avec des patients très, très critiques, elle fait son premier quart de travail, et je n'ai jamais vu de données probantes qui indiquent que les infirmières, lors de leur premier quart de nuit, sont dangereuses pour les patients.

M. Savignac Dufour (Patrice) : Bien, en fait, M. le ministre, vous avez le droit à votre opinion personnelle, là, il y a un tribunal qui a tranché, là. Puis il y a un principe qu'on appelle la séparation des pouvoirs, là, donc ça, cette question-là a été tranchée par un juge. À l'époque, le gouvernement avait tout l'occasion d'aller en appel, et ça ne s'est pas fait. Et, la question, le tribunal a tranché à l'effet que les anciens 24 heures violaient la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, l'intégrité de la personne dans la charte canadienne. Pour nous, c'est un dossier clos, et c'est heureux pour les patients que les résidents traitent et pour les résidents.

Mais, ceci dit, c'est justement pour éviter qu'il n'y ait des judiciarisations, M. le ministre, qu'on vous demande dès maintenant de donner des assurances qu'on ne sera pas encore obligés d'aller devant les tribunaux pour plaider la discrimination contre les jeunes avec l'application du projet de loi n° 130.

M. Barrette : Ah, bien là!

M. Savignac Dufour (Patrice) : C'est ça qu'on espère entendre de vous aujourd'hui, c'est des garanties, comme vous l'aviez fait à l'époque du projet de loi n° 10, sur les services dans les corridors... pour le travail dans les corridors de services. On est convaincus, pour le savoir, qu'au milieu des années 90, quand le ministre Rochon avait imposé... diminution de salaire pour les médecins entrants dans le milieu, on avait été obligés d'aller devant les tribunaux, et je sais de source sûre que vous ne faisiez pas partie de ceux qui trouvaient que c'était une idée de génie, de couper le salaire des entrants en médecine. Puis là-dessus on pense que vous êtes un allié pour assurer que les jeunes ne paient pas le prix des réformes.

M. Barrette : Alors, vous ne paierez pas le prix de quoi que ce soit, mais, si vous me dites que j'ai une opinion personnelle, je vous dis simplement : Vous pouvez me répondre de façon juridique, c'est de bon aloi, mais, votre opinion personnelle à l'effet que je fais de la microgestion, bien, vous n'avez pas trouvé un seul cas, et je vous le demande encore : Avez-vous au moins un seul cas anecdotique, réel, de microgestion, juste un? Anecdotique, là.

M. Lemieux (Christopher) : Bien, en fait, ça maintient que c'est le risque. Pourquoi se donner les pouvoirs de pouvoir le faire, alors que, justement, si c'est le cas, si on... dans un cas anecdotique, je veux dire...

M. Barrette : La réponse à ça, elle a été bien, bien exprimée par le groupe qui est passé devant vous et par tous les groupes qui ont discuté devant nous, ici, de façon relativement neutre, du projet de loi n° 130. À la question : Est-ce qu'il y a des problèmes qui existent, pour lesquels les leviers actuels... on n'arrive pas à résoudre?, bien, tous ceux qui sont arrivés ici, d'une façon pondérée, ont dit oui, à des mots parfois pas couverts du tout, parfois couverts. Il y a quelques minutes, vous avez entendu Mme Bourdon, la P.D.G. du RUIS de Québec et aussi du CHU de Québec, dire, d'une façon très élégante, que, bien oui, ça la servait, hein? C'est à ça que ça sert.

Maintenant, les problèmes, là, ce n'est pas moi qui les invente puis ce n'est pas à moi à les résoudre, mais c'est à moi, je pense, à faire en sorte que, dans le réseau, il y ait ce levier-là pour faire en sorte qu'on les règle. Maintenant, si vous me dites que le levier ne doit pas être utilisé de façon intempestive, je suis d'accord avec vous. Mais ça ne veut pas dire que le projet de loi est mauvais pour autant, ça veut simplement dire qu'il est nécessaire et qu'il doit être utilisé avec un certain discernement. Et c'est la raison pour laquelle, dans le projet de loi, il y a des consultations qui doivent être faites, et c'est la raison pour laquelle, dans le projet de loi, bien oui, le ministre, là... Parce qu'on aime ça, tout mettre sur le dos du ministre, puis ça ne me dérange pas, évidemment, là, parce que je suis capable de le prendre, mais, à un moment donné, quelqu'un doit arbitrer des situations d'exception, ça sert aussi à ça, et un ministre et un gouvernement. Ça n'empêche pas l'obligation d'avoir ça.

• (17 heures) •

Je vais prendre un autre exemple, là. Est-ce que c'est normal de se construire une pratique à 500 patients par année pendant 15 ans? La réponse à ça... Je ne veux même pas que vous répondiez. Si vous répondez puis que ce n'est pas la réponse... si ce n'est pas la réponse que vos membres attendent, vous allez être dans l'embarras. N'importe qui, là, qui est en pratique, là, sait très bien qu'une pratique complète, là, en médecine de famille, en cabinet, ne peut pas être construite uniquement à 200, 300, 400 patients par année. Or, c'est ça qu'on voit. C'est ça qu'on voit. Alors, il arrive un moment donné où le balancier s'en va dans l'autre direction puis, quand le balancier est allé trop loin dans l'autre direction, il faut le ramener au juste milieu. Et, dans la catégorie privilèges et obligations, il y a un juste milieu à viser et à obtenir, tout simplement.

Alors, je vous le dis, là, ce n'est pas fait pour vous autres. C'est fait avec vous autres, au sens où vous allez être là-dedans, mais ce n'est pas fait pour que ce soit vous, les cibles, les boucs émissaires de tous les problèmes du réseau. Mais en même temps, là, écoutez, là, il faut en revenir à un moment donné, là, ce n'est pas... il n'y a rien, là, absolument... Il n'y a personne qui a d'exemple de dire... Même l'autre bord, là, vous ne pouvez pas sortir d'exemple de microgestion. On n'en a pas. Mais, à un moment donné, là, il faut les donner, ces orientations-là, puis, dans les orientations, il y a aussi certains pouvoirs réglementaires.

M. Lemieux (Christopher) : J'aimerais juste, avant qu'on manque de temps, que vous reveniez sur les obligations en question. Quelles seront ces obligations? Dans quel cadre seront-elles insérées?

M. Barrette : Les obligations, comme c'est écrit dans le projet de loi, il y a une consultation qui doit être faite. Et c'est dommage que tous les gens qui viennent ne prennent pas un moment pour dire : O.K., c'est vrai que ça a une utilité puis voici comment on devrait faire la consultation pour être sûr qu'il n'y a pas de dérapage. Quelqu'un pourrait utiliser ce mot-là. Mais, à quelque part, il ne peut pas ne pas y en avoir.

Là, je vais vous donner un exemple historique. Vous ne pouvez pas l'avoir vécu parce que vous êtes résidents, mais les règlements de département et de services dans les hôpitaux, en général, passent entre les mains de conseillers juridiques et ils sont édulcorés. Ils sont tellement édulcorés qu'à un moment donné ils ne veulent plus rien dire. Ils sont édulcorés de façon à ce que, justement... Puis ils ne disent tellement rien, là, que ça ne sert à rien. Un règlement, c'est fait pour être utilisé s'il y a quelque chose qui ne marche pas. Ça fait que, s'il ne dit rien... Je vais vous donner un exemple : un règlement de département qui dit : Il doit y avoir une réunion au moins une fois par année des membres du département. Ça dit quoi, ça? On fait une réunion puis on va manger de la pizza? Bien, je peux vous dire que, dans les règlements standard des hôpitaux, il y a ce genre de phrase là. Il doit y avoir une réunion une fois par année des membres du département, puis ça ne dit pas du tout la finalité, ça ne dit rien d'autre qu'il doit y avoir une réunion. Alors, c'est un exemple parmi tant d'autres, là. Bon.

Vous savez, un CMDP, ça n'a pas 56 obligations, là. Ça a l'obligation de vérifier la qualité de l'air, avoir un comité d'examen des titres, un comité d'évaluation de l'acte médical. Oui, mais il fait quoi, le comité d'évaluation médicale? Comment il doit faire son travail? À quelle fréquence? Qu'est-ce qu'il doit donner comme rapport, et ainsi de suite? Je ne dis pas que ça doit dire ça, là, mais, à un moment donné, quand les règles sont floues ou pas suffisamment précises — elles peuvent être précises dans le libellé mais avoir une portée qui n'est pas claire — bien, ça donne, au bout de la ligne, quelque chose de tellement pas clair que ce n'est pas utilisable pour avoir un effet. Bien, c'est ça qu'on voit, là. Puis, quand ça n'a pas d'effet... quand ce n'est pas suffisamment précis, bien là, quand on va à la cour... Vous, Me Savignac Dufour, bien, vous savez, vous aimez ça, aller à la cour quand les choses ne sont pas claires, parce que vous vous appuyez sur le pas clair pour dire que ce n'était pas justifié de. C'est une technique juridique, là, 101, je dirais, là, c'est ce que vous apprenez à la cour. Quand ce n'est pas clair, ça ne peut pas être clair dans la démonstration d'un tort ou d'une non-observance, là. Ce n'est pas clair, ou ça n'a pas été écrit, ou peu importe. Alors, à un moment donné, les choses doivent être suffisamment précisées, certainement sans tomber dans l'excès.

Alors, je comprends vos craintes, mais vos craintes sont basées sur je ne sais pas quoi, là.

M. Lemieux (Christopher) : Bien, en fait, c'est justement parce que c'est un peu flou, les obligations, les obligations que vous parlez. Est-ce que, justement, c'est des obligations juste pour les médecins ou ça va être pour les organisations de département? C'est un peu la raison pour laquelle on...

M. Barrette : ...à ça hier. Les médecins, là, quand on me donne comme argument : Oui, mais il y a une contrepartie, bien, oui, c'est vrai. Il y a une contrepartie. C'est parfaitement vrai. On ne peut pas obliger un médecin à faire quelque chose dans une organisation si ça lui prend tel, tel instrument qu'il n'a pas. C'est bien évident, là. Mais, à l'intérieur de ces contingences-là, le médecin, en quelque part, doit être tenu, à l'intérieur d'un milieu imparfait, de se comporter correctement, pas parfaitement, correctement. Puis là je reprends l'exemple — parce qu'il est tellement simple, là — c'est celui du bloc opératoire. Quand bien même qu'il y a des salles qui sont fermées et quand bien même qu'il n'y a pas assez de personnel pour faire toute la journée, mettons, il est évident que le monde doit être là pour commencer le matin. Quand bien même on a un bloc opératoire de 12 salles, là, puis, pendant six mois de l'année, pour toutes sortes de raisons justifiées ou non, ils marchent à six salles, bien oui, mais il faut qu'ils marchent, les six salles.

Alors là, les gens vont nous répondre : Bien oui, mais il y a 12 salles, vous devez avoir l'obligation de faire marcher les 12 salles. Il y a une obligation morale, c'est vrai, et ça, ça fait partie des contingences, mais quand... Puis je prends l'exemple de Sainte-Justine, parce que Dre Francoeur, qui était ici, est à Sainte-Justine, puis, elle, c'est ça, son problème. Son problème à Sainte-Justine, là, c'est qu'il n'y a pas le nombre maximal de salles qui fonctionnent parce que, les infirmières régulières, il y en a beaucoup, beaucoup qui sont en congé de maternité, puis c'est très bien ainsi. Maintenant, s'il n'y a pas de personnel formé pour les remplacer pendant une courte période de temps, de quelques mois, ça fait moins de salles qui fonctionnent.

Maintenant, ce dont on parle dans 130, c'est de faire fonctionner l'existant fonctionnel correctement. On ne peut pas demander en contrepartie la perfection, parce que tout ce qu'on demande, c'est que ce qui existe, là, fonctionne correctement. Donc, des règles de bon fonctionnement, de fluidité, la machine bien huilée, mais la machine, là, pendant une période donnée, peut aller à certaines vitesses puis, à d'autres moments, à une autre vitesse. Puis on ne peut pas répondre, au projet de loi n° 130 : Faites marcher la machine à la vitesse maximale et dans les meilleures conditions, les conditions parfaites possibles, c'est l'inverse. On doit demander aux gens, compte tenu des contingences, de faire en sorte qu'ils ne rajoutent pas un problème supplémentaire, c'est tout. Ça, ça m'apparaît normal.

Le Président (M. Merlini) : En 30 secondes, une conclusion.

M. Lemieux (Christopher) : Bien, en fait, pour ce qui est des pratiques médicales, c'est sûr qu'on a le code de déontologie, évidemment, auquel on peut se rapporter. Je comprends votre point de contingence, là, évidemment il y a des restrictions qu'on ne peut pas faire fi, mais, sinon, pour l'instant, je n'ai que l'objectif que, pour la relève médicale il n'y aurait pas... l'entièreté des obligations ne serait pas sur la relève médicale, et je vous remercie de l'engagement que vous avez pris aujourd'hui.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup pour ce bloc d'échange, M. le ministre. Mme la députée de Taillon, porte-parole de l'opposition officielle, vous disposez d'un bloc de 13 minutes.

Mme Lamarre : 13 minutes. Merci beaucoup, M. le Président. Dr Lemieux, Me Savignac et Me Laganière, bonjour. Écoutez, il y a un malaise, hein, on le sent, là, la façon dont le ministre vous répond est assez troublante, parce que je pense qu'il y a un certain nombre de vos questions qui sont tout à fait légitimes. Et, ce besoin de comprendre le «correctement», jusqu'à maintenant, en trois ans, on ne peut pas dire qu'on a eu une démonstration claire, nette et précise que, dans tous les cas où le ministre avait dans l'esprit «correctement», ça s'est traduit... puis là je ne répondrai pas à vos besoins à vous, mais en besoins de la population à résoudre, les besoins individuels et collectifs des Québécois et des Québécoises. Donc, je pense qu'on est en droit d'être plusieurs à demander au ministre de préciser ce qu'il considère être quelque chose de correct parce qu'actuellement on n'a pas de définition basée sur des données probantes ou sur un parcours clair, net et précis. Et, si ça, ça accompagnait les projets de loi, effectivement, peut-être que ça diminuerait les inquiétudes, les résistances. Mais, pour l'instant, avec les antécédents qu'on a, on doit comprendre qu'on a des raisons, tous et toutes, d'être plus préoccupés et de demander un peu plus de précisions.

Je voudrais dire, en entrée de jeu, que le ministre a dit qu'il ne s'ingérait pas dans des cas particuliers, mais il y a quand même, le 21 janvier dernier, un article, dans Le Journal de Montréal, où on a bien vu, là, que le ministre avait eu une modification des postes de nouveau médecin, qu'il avait souhaité en enlever à la région de Saint-Jean, Châteauguay et Saint-Hyacinthe pour en ajouter dans le secteur de Champlain, où se trouve sa circonscription et où également est la circonscription de son collègue qui est président du Conseil du trésor actuellement, et qu'à la suite de représentation il y a eu une révision de cette décision. Donc, c'était clairement une forme d'ingérence dans de la microgestion.

M. Barrette : M. le Président, il n'y a pas eu de révision...

Mme Lamarre : M. le Président, pas d'article.

Le Président (M. Merlini) : Un instant. Est-ce que c'est une question de règlement, M. le ministre?

M. Barrette : Oui, c'est...

• (17 h 10) •

Le Président (M. Merlini) : En vertu de l'article 39, vous devez me donner l'article dans lequel vous faites un appel au règlement.

(Consultation)

Mme Lamarre : M. le Président, si à chaque fois que j'exprime quelque chose qui déplaît au ministre...

M. Barrette : ...pas besoin de dire le numéro : motifs indus. Motifs indus, M. le Président, la députée de Taillon a affirmé qu'il y avait eu une révision de décision. Il n'y a pas eu de révision de décision. Et, pour éclairer la lanterne de notre collègue, il y a des postes qui ont été octroyés dans une superclinique qui n'ont pas été comblés, n'ayant pas été comblés, les postes sont allés ailleurs. Il n'y a pas eu de révision de la décision. Et, juste pour éclairer la lanterne de notre collègue, la superclinique en question est à, essentiellement, une rue de son comté. Alors, s'il y a une personne ici, dans la pièce, qui en tire un avantage, c'est la députée de Taillon.

Mme Lamarre : M. le Président, là, je pense qu'on...

Le Président (M. Merlini) : M. le ministre, M. le ministre, je ne crois pas que ce que vous invoquez est une question de règlement. Je vais vous redonner votre parole à vous, Mme la députée de Taillon.

Mme Lamarre : Je reprends, M. le Président.

Le Président (M. Merlini) : Je comprends que vous avez cité un article de journal et vous avez cité les faits invoqués.

Mme Lamarre : Alors, j'ai cité et j'ai lu l'article de journal.

Le Président (M. Merlini) : Alors, allez-y, votre temps n'a pas été imputé.

Mme Lamarre : Et l'article de journal, et là je ne veux pas être... manquer de politesse, mais Le ministre Barrette redonne les postes qu'il avait enlevés. Voilà le titre de l'article. Et je vous dirais qu'un peu plus loin on rapporte exactement ce que vous déplorez, c'est-à-dire que 35 nouveaux postes... Et, ces nouveaux postes, bon, bien, plusieurs de ces nouveaux postes sont liés à une obligation particulière, les nouveaux médecins devront s'engager à faire au moins 12 heures par semaine en heures défavorables dans l'une des supercliniques de leurs régions, au moment où il n'y a que deux supercliniques qui sont formellement ouvertes et qui sont, dans le fond, des cliniques-réseaux qui ont été tout simplement modifiées en supercliniques.

Alors, je veux juste qu'on vous donne la possibilité... Je sais que, quand on présente en commission parlementaire, on n'a pas toujours les arguments proches, à la main, parce qu'on ne s'attend pas à ce genre d'objections. Mais je pense qu'on est ici pour travailler sur le projet de loi n° 130 et pour voir quels sont les avantages et quelles sont les mesures qui seraient favorables. Vous devez quand même, comme jeunes et futurs médecins, parce que, comme résidents, certains d'entre vous pratiquez déjà, être conscients que notre système n'offre pas l'accessibilité adéquate à beaucoup de citoyens du Québec. Alors, quelles seraient vos autres options? Qu'est-ce que vous proposez pour que ça fonctionne mieux?

Je pense que, quand on est jeune, qu'on arrive dans un milieu, on regarde les choses différemment. Dites-nous-le comment vous voyez... Et est-ce que, dans vos cours, vous avez des formations sur des nouveaux modèles de gestion, d'organisation des soins, de synchronisation des soins? Parce que, là vraiment, les gens nous disent : Je suis obligé d'aller trois fois pour avoir... mon médecin n'a pas les résultats, ça ne fonctionne pas. Il y a des dérives quand même dans notre système, qu'est-ce que vous proposez, vous, avec votre regard neuf?

M. Lemieux (Christopher) : Bien, en fait, ce que je pourrais vous dire — puis, Mme Lamarre, merci pour la question — je vous dirais : Ça prend deux choses, pour le système de santé, pour bien fonctionner. Évidemment... Puis je suis d'accord avec vous que notre système n'est pas parfait, et on veut tendre vers la perfection, mais, bon, est-ce que c'est un objectif qu'on va réussir à atteindre? On verra. Mais je pense qu'il y a deux choses, deux éléments importants, là, pour avoir un système plus efficace et je pense que tout part de la collaboration entre le côté administratif et le côté médical, parce que les deux ont des objectifs communs, qui est évidemment le service à la population, mais les deux doivent s'entendre. Donc, c'est sûr que, si chacun travaille de son côté, les choses n'avanceront... les choses n'iront pas de l'avant.

Maintenant, qu'est-ce qu'on peut faire aujourd'hui pour essayer d'améliorer l'accessibilité à l'ensemble du Québec? Bien, je pense que c'est ce que j'ai apporté un peu plus tôt et ce que vous aviez discuté hier avec la Fédération des médecins spécialistes, c'est évidemment les mesures de... l'index de performance, si on veut, pour justement identifier les milieux qui fonctionnent bien, parce qu'il y en a, des milieux qui fonctionnent bien, puis on ne se le cachera pas, et d'essayer de comprendre pourquoi est-ce qu'ils fonctionnent si bien, O.K., pourquoi... c'est quoi, leur modèle d'affaires, c'est quoi, leur modèle de gestion. Parce que, je vous dirais, dans ma formation à moi, dans ma formation médicale, on n'a pas de formation de gestion directement. Je veux dire, on apprend au fur et à mesure. Mais pourquoi ça fonctionne si bien à certains endroits? Essayer de comprendre ça et de l'étendre à la grandeur du Québec, ça serait la base de cela. Et évidemment, un autre acteur important dans tout ça, je pense que c'est les CMDP, évidemment, parce qu'eux ce qu'ils vont apporter, c'est la qualité de l'acte aux patients.

Donc, c'est important, tout le monde doit être... tout le monde doit travailler ensemble pour un objectif commun. Et ce qui est difficile avec le projet de loi n° 130, c'est que les gens ont l'impression que c'est imposé, c'est comme ça, puis on ne travaille pas main dans la main, on travaille, on avance, tu suis ou tu ne suis pas... bien, vous suivez ou vous ne suivez pas. Et donc je pense que c'est un peu l'inconfort qu'on a avec tout ça. Mais je pense que la base, c'est la collaboration.

Mme Lamarre : Et est-ce que vous voyez que... Dans le système, depuis que, maintenant, on a le projet de loi n° 10, le projet de loi n° 20, est-ce que vous voyez cette collaboration de façon plus importante?

M. Lemieux (Christopher) : Je vous dirais, le projet de loi n° 10, le projet de loi n° 20, en fait, on a centralisé beaucoup. Je vous dirais que les milieux sont encore... ne sont pas encore bien rodés, et donc on n'a même pas encore terminé la mise en place de tout ça qu'on apporte d'autres changements, donc c'est difficile pour les équipes sur place de suivre, de s'adapter aux changements. C'est sûr que l'objectif des projets de loi antérieurs, évidemment c'est d'augmenter l'accessibilité, et tout, mais le... Je pense qu'une chose doit se faire en temps et lieu. Et, de toujours apporter des changements, alors que les derniers changements n'ont pas encore pris totalement... ne se sont pas complètement installés, je pense que ça peut brusquer les milieux. Parce que tout le monde est d'accord qu'on veut augmenter les soins, l'offre de services aux patients, mais des changements d'une aussi grande importance ne peuvent pas se faire du jour au lendemain.

Mme Lamarre : ...moi, ce que je vois dans la littérature et ce que je vois aussi qui fonctionne dans les milieux où on est allés... On est allés ensemble, le ministre et moi, à la Cleveland Clinic, et il y fait référence, mais il y a des paramètres, parfois, qu'il estompe dans la façon de présenter ce qui s'y passe, mais c'est beaucoup la notion d'un épisode de soins complet, et non pas juste de cibler la partie qui appartient aux médecins, aux résidents en médecine, dans le processus. Et souvent il y a des correctifs et il y a, comme je disais tantôt, une synchronisation des soins qui fait qu'on gagne en efficience, qu'on gagne en performance. Au niveau des salles de chirurgie, on parlait tantôt... oui, parfois, ça peut être le chirurgien qui est en retard, ça peut être l'anesthésiste, ça peut être des procédures nouvelles qui s'ajoutent et qui nécessitent des périodes de 30 minutes entre les chirurgies, ça peut être l'allongement des disponibilités des plateaux. Parce que je pense qu'il faut allonger les plateaux. Moi, quand j'entends que les échographies ne sont pas disponibles dans les hôpitaux après 17 heures, le soir, c'est inconcevable, là, qu'après 5 heures on n'ait plus d'échographie. Alors, tout ça, ça paralyse aussi le système, ça le rend beaucoup moins performant, ça fait des allers-retours pour les citoyens. Et là, actuellement, c'est comme s'il n'y avait que la pratique médicale qui était ciblée dans le contexte hospitalier, actuellement.

M. Lemieux (Christopher) : Je vous dirais que c'est ça qu'on a l'impression. Et je pense que, comme vous l'avez dit, d'avoir les ressources, ça va permettre aux gens du milieu de pouvoir, justement, fournir les services à la population. Les ressources, c'est la base aussi, parce que, sans ressources... malheureusement, on peut bien vouloir, mais c'est très important.

Mme Lamarre : J'ai quand même besoin d'entendre de votre part, comme l'avenir de la pratique, que les médecins vont être ouverts à l'évaluation des pratiques, à une révision dans l'organisation des soins, parce qu'il faut qu'on fasse mieux, c'est certain. Et moi, j'ai vu beaucoup de processus... Je parlais, hier, d'envoi de... de transmission de profil, d'ordonnance, de transmission d'information sur les tests. On a parlé de surdiagnostic, de surtraitement. Il faut absolument développer chez les jeunes médecins cette acceptation et même cette recherche de l'évaluation des pratiques pour qu'avec l'argent des Québécois on leur en donne plus et que la qualité soit là. On est capables d'être bons au Québec, on est capables d'être performants, mais il faut un travail commun et coordonné. Et, malheureusement, le ministre pose peut-être le bon diagnostic, mais il ne choisit pas le bon traitement en ne tapant que sur une portion d'un épisode de soins.

• (17 h 20) •

M. Lemieux (Christopher) : En fait, oui, je suis tout à fait d'accord avec vous. Comme on l'a déjà dit, en 2014, on est ouverts à ce type d'évaluation, justement, pour améliorer la pratique. Puis c'est clair qu'en ayant les ressources pour mieux s'évaluer ça va nous permettre de s'améliorer, parce que c'est sûr que, si on n'a pas ce qu'il faut pour s'évaluer, on ne peut jamais savoir... on ne peut jamais se comparer aux autres, on ne peut jamais trouver qu'est-ce qu'on pourrait améliorer pour justement offrir une meilleure... avoir une meilleure offre de services. Et c'est clair que, pour nous, on embarque dans tout ça, là.

Mme Lamarre : Est-ce que vous êtes prêts à en convaincre vos collègues aînés, puisque parfois vous subissez les conséquences? Est-ce que vous êtes capables d'influencer, vous pensez, les médecins qui sont déjà en pratique et qui n'ont peut-être pas cette même culture? Parce que je pense qu'il faut que ça passe par vous, les jeunes médecins, faire en sorte qu'il y ait des choses qui changent et qu'il y ait une autre façon de voir ça, une façon de s'améliorer pour être au service de la population plutôt que de voir dans ces mesures-là strictement des mesures coercitives. Parce que, sinon, ce qui arrive, c'est qu'effectivement on se retrouve avec des projets de loi qui ont plus une approche coercitive qu'une approche de travail en commun. Mais, s'il n'y a pas cette première étape de reconnaître qu'il faut quand même qu'il y ait des changements et que ces changements-là passent par des bons indicateurs de pratique et une cohésion dans la correction des éléments qui ne fonctionnent pas, bien là, pour la population, ce n'est plus acceptable, parce qu'il faut qu'il y ait quelque chose qui se passe.

Le Président (M. Merlini) : En 40 secondes, s'il vous plaît, docteur.

M. Lemieux (Christopher) : Oui, tout à fait. Donc, effectivement, je veux dire, nous, on... je peux parler pour mes membres, mais on garde cette position-là. Et c'est clair qu'on ne veut pas que le fardeau soit sur l'ensemble de la relève médicale. Donc, oui, on peut travailler à convaincre le maximum de gens qu'on peut, mais, encore là, on ne peut parler que pour nous présentement. Et on est très ouverts, justement à ce modèle de pratique là qui va nous permettre, tous ensemble, en collaboration, d'offrir une meilleure offre de services à l'ensemble des Québécois et Québécoises.

Et, juste en terminant, évidemment, comme j'ai demandé à M. le ministre, j'aimerais ça vous demander en tant que parti officiel de l'opposition l'assurance que, si le projet de loi n° 130 est mis en place, le fardeau des obligations ne sera pas simplement sur les épaules de la relève médicale.

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup pour ce bloc d'échange, Mme la députée de l'opposition officielle. Je me tourne maintenant vers le...

Mme Lamarre : ...une seconde pour demander au ministre de vérifier quand même comment est localisée la circonscription de Taillon, puisqu'il a fait référence à un coin de rue...

Le Président (M. Merlini) : Votre temps, malheureusement, est écoulé.

Mme Lamarre : Alors, je pense qu'il devrait regarder où est Taillon.

Le Président (M. Merlini) : Je vais aller vers le deuxième groupe d'opposition. M. le député de Lévis, vous avez 8 min 30 s pour clore notre travail. À vous, M. le député de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Je vous salue, Dr Lemieux, Me Savignac, Me Laganière. Merci d'être là. Je vais résumer un peu, parce qu'il s'est dit beaucoup de choses, puis c'est parti d'une drôle de façon. En fait, ce que je comprends à travers votre mémoire, c'est que, dans l'actuel projet de loi, vous craignez, quelque part... vous craignez plusieurs choses, mais vous craignez notamment que l'administratif l'emporte sur le clinique.

M. Lemieux (Christopher) : ...surtout que ces obligations-là soient remises sur les épaules de la relève médicale uniquement.

M. Paradis (Lévis) : Des gens nous ont dit, juste avant vous : Le projet de loi n° 130... Puis là je vais aller dans cette direction pour que vous puissiez exprimer votre vision fondamentale du projet de loi puis de ses effets potentiels. Les gens nous ont dit : C'est un outil de plus dont on ne se servira pas à outrance. Vous avez entendu comme moi, vous étiez là, vous avez assisté, là, vous avez entendu. D'autres nous ont dit : Ça ne devrait pas effrayer ceux et celles qui ont comme objectif... Puis vous l'avez dit également, les nouveaux médecins ont cette volonté-là de faire que le système soit meilleur puis roule davantage, soit optimal. Alors, il y a des gens qui nous ont dit : Ça ne devrait pas non plus effrayer ceux qui ont cette volonté-là. Ça va seulement permettre, puis je reprends encore un terme qui a été dit en tout début d'audition, parce que, là, on boucle la boucle, par la citation des CMDP qui disait : Nous, on les appelle les pas fins, là... va servir à peut-être gérer les pas fins, puis qui ne devrait pas, en tout cas en principe, effrayer ceux qui font leur travail avec toute la volonté et le désir que tout aille bien au nom du patient puis au nom de la profession.

Vous ne pensez pas... Vous avez peur d'un dérapage avec un outil comme celui-là? Par rapport aux affirmations qui ont été faites, comment vous vous positionnez?

M. Lemieux (Christopher) : Bien, en fait, le problème est justement dans la limite derrière tout ça. C'est que, présentement, on a un projet de loi, on parle d'obligations qui vont être reliées à des privilèges, mais on ne sait pas c'est quoi, la nature de ces obligations-là. Tout à fait d'accord avec vous que... C'est sûr que quelqu'un qui n'a pas une pratique déviante ne devrait pas être affecté, si on veut, par des représailles. Mais, tout de même, il y a tout de même ce risque-là d'avoir des obligations qui sont non justifiées, si on veut, ou déraisonnables qui soient appliquées un peu... sans bonne gestion. C'est un peu... Puis c'est dur pour nous de s'exprimer parce que, justement, on n'a pas ces obligations-là, on ne sait pas c'est quoi... jusqu'où on peut aller, et c'est la raison principale, là, justement, de l'inquiétude qu'on a dans ce projet de loi.

M. Paradis (Lévis) : Ce n'est pas évident de... C'est comme une plaidoirie en cours. Quand, habituellement, on dépose les preuves pour être capables d'être en mesure d'intervenir, là, il vous manque comme des outils, là, pour aller plus loin.

Je vous pose une autre question. Est-ce que vous avez... Si je vous disque des gens ont l'impression qu'à l'occasion l'autonomie professionnelle des médecins peut aussi être, à l'occasion, la cause de l'inaccessibilité à certains soins de santé pour les patients, vous répondez quoi?

M. Lemieux (Christopher) : En fait, je vous référerais au Code de déontologie des médecins qui, justement, a plusieurs articles, si on peut les appeler comme ça, qui définissent comment un médecin devrait se comporter, et, à ce moment-là, si un médecin a une pratique plus déviante, on a quand même les outils pour régler ce problème-là. Déontologiquement parlant, le médecin se doit d'offrir des services... puis je m'en étais sorti un tout à l'heure, là, qui était, tu sais : «Le médecin doit collaborer avec les autres médecins au maintien et à l'amélioration de la disponibilité, de la qualité du service avec compétence, intégrité et loyauté.»

M. Paradis (Lévis) : ...puis vous le voyez, puis vous le savez, puis vous le dites vous-même, la pratique n'est pas toujours optimale, on n'atteint pas toujours l'objectif que vous souhaitez atteindre, parce que vous représentez ceux et celles qui sont là puis qui seront là, là, la relève, vous êtes là. Alors, malgré le code de déontologie, malgré les outils existants, il y a quand même des histoires qui sont rapportées puis qui touchent le patient chez lui. Puis lui, il le ramène à sa plus simple expression, là : une intervention chirurgicale qui est annulée, qui est retardée, un bloc qui n'est pas là, des examens qui ne peuvent pas se faire, on ne commence pas à l'horaire... Vous avez tout ça, là, je veux dire... Malgré ce que vous dites, la déontologie et les outils qui existent déjà, on continue à patauger là-dedans.

M. Lemieux (Christopher) : Bien, je vous dirais, la question, c'est : Pourquoi on ne les utilise pas? Tu sais, les outils sont déjà là et...

M. Paradis (Lévis) : D'où je rejoins la députée de Taillon qui a dit, il y a deux instants : C'est quoi, votre... Alors, pourquoi on ne l'utilise pas? Pourquoi, si ça existe, ça ne règle rien? Puis, si ça ne règle rien puis qu'on ne les utilise pas, est-ce qu'il ne faut pas un outil supplémentaire pour assainir, globalement, la pratique, faire en sorte que vous soyez heureux dans... parce que c'est votre avenir?

M. Lemieux (Christopher) : Bien, en fait, je vous dirais, effectivement, le problème, à la base, c'est pourquoi on ne les utilise pas. Et je ne pourrais pas répondre à cela. Mais ça reste qu'on a déjà des mesures en place, bien, pour régler ce type de problème là, et pourquoi rajouter d'autres... bon, on va les appeler les outils, mais c'est d'autres contraintes qui... Justement, est-ce que... Une fois qu'il va y avoir un problème, comment qu'on va pouvoir gérer, justement, où est-ce qu'on va, c'est qui qui s'occupe de quoi, et compagnie? Donc, on trouve que... Les règles sont déjà là, donc pourquoi ne pas les utiliser? Pourquoi ne pas s'assurer, là, de bien les utiliser?

M. Paradis (Lévis) : Tout à l'heure, les gens qui représentaient aussi les RUIS disaient : Ça va peut-être permettre de clarifier des zones grises. Je poserai une question en terminant. Les gens nous ont dit : L'effet néfaste, si tout ça prend forme, c'est de provoquer une démotivation, voire une démobilisation des effectifs, des gens qui sont dans la profession médicale. Comment vous ressentez... Quels sont les échos que vous en avez, à travers ceux et celles que vous représentez? Vous en représentez 3 700.

M. Lemieux (Christopher) : Oui. Mais, en fait, c'est un peu ce que vous soulevez, effectivement, parce que ce qu'on... dans tous les changements... L'objectif de tout ça est louable, puis ça, c'est clair. C'est les façons de se rendre à cet objectif-là qui causent problématique aux gens dans le milieu, et particulièrement nos membres sont, comme vous dites, probablement en partie démoralisés de tous les changements qui se passent, de tout le fardeau qui est, dans certains cas, imposé à la relève médicale. Et c'est clair qu'on n'est pas dans un mode de collaboration, mais plus dans un mode de coercition, là, vraiment, là. Donc, ça, c'est problématique si on veut amener des changements dans le milieu de la bonne façon et que ça se fasse de façon harmonieuse.

M. Paradis (Lévis) : Merci.

• (17 h 30) •

Le Président (M. Merlini) : Merci beaucoup, M. le député de Lévis, pour ce bloc d'échange. Dr Lemieux, Me Savignac Dufour et Me Laganière, représentant la Fédération des médecins résidents du Québec, merci de votre présence et de votre contribution aux travaux de la commission.

Mémoires déposés

Avant de terminer, je dépose donc les mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus. Je nomme l'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec, l'Association des médecins hématologues et oncologues du Québec, l'Association des spécialistes en médecine préventive du Québec, la Centrale des syndicats du Québec, M. Pierre Deshaies, la Fédération des centres d'assistance et d'accompagnement aux plaintes, le Protecteur du citoyen, l'Ordre des sages-femmes du Québec, le Regroupement des médecins omnipraticiens pour une médecine engagée et le regroupement des sages-femmes du Québec.

Je lève donc la séance de la commission. Ayant accompli son mandat, la commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 31)

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