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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mardi 4 octobre 2016 - Vol. 44 N° 124

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 99, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d’autres dispositions


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Table des matières

Auditions (suite)

Association des conseils multidisciplinaires du Québec (ACMQ)

Fondation Marie-Vincent et Chaire interuniversitaire Fondation Marie-Vincent sur les
agressions sexuelles envers les enfants

Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine (CHU Sainte-Justine)

Groupe Mobilis

Fédération des maisons d'hébergement pour femmes (FEDE)

Service de police de la ville de Québec (SPVQ)

Intervenants

M. André Villeneuve, président suppléant

Mme Lucie Charlebois

M. Jean-François Lisée

M. Sébastien Schneeberger

M. Mathieu Lemay

*          Mme Vanessa Roy, ACMQ

*          Mme Myriam Ouellet, idem

*          M. Michael Monast, idem

*          Mme Mireille Cyr, Fondation Marie-Vincent et Chaire interuniversitaire Fondation
Marie-Vincent sur les agressions sexuelles envers les enfants

*          Mme Annie Fournier, idem

*          M. Marc Girard, CHU Sainte-Justine

*          M. Jean-Yves Frappier, idem

*          Mme Maryse Davreux, Groupe Mobilis

*          Mme Annick Bergeron, idem

*          Mme Nancy Veillet, idem

*          M. Régis Audet, idem

*          Mme Chantal Beauregard, idem

*          Mme Manon Monastesse, FEDE

*          M. Simon Lapierre, idem

*          M. Réjean Pleau, SPVQ

*          M. Bernard Beaulieu, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures cinq minutes)

Le Président (M. Villeneuve) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires, et ça comprend, évidemment, mon cellulaire à moi aussi. Donc, si vous voulez bien les éteindre, s'il vous plaît.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 99, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres dispositions.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Paradis (Lévis) est remplacé par M. Martel (Nicolet-Bécancour) et M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière), par M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs).

Auditions (suite)

Le Président (M. Villeneuve) : D'accord. Alors, ce matin, nous recevrons l'Association des conseils multidisciplinaires du Québec, qui sont déjà prêts à passer à l'audition, la Fondation Marie-Vincent et le Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine.

Donc, je tiens à vous souhaiter la bienvenue à tous et à toutes pour ce travail en commission. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, sur ce, la parole est à vous.

Association des conseils multidisciplinaires du Québec (ACMQ)

Mme Roy (Vanessa) : Merci beaucoup. Monsieur à la présidence de la commission, Mme la ministre, Mmes les députées, MM. les députés, nous tenons à vous remercier chaleureusement pour votre invitation à la Commission de la santé et des services sociaux. Nous sommes très heureux d'être là aujourd'hui pour notre première participation en commission parlementaire.

Je me présente, Vanessa Roy, physiothérapeute dans le réseau, également adjointe aux communications pour l'Association des conseils multidisciplinaires du Québec. Je suis déléguée par Mme Isabelle Goffart, qui est la présidente de l'Association des conseils multidisciplinaires. Je vous présente mes collègues : Mme Myriam Ouellet, qui oeuvre au programme jeunesse du CISSS de Chaudière-Appalaches, qui est travailleuse sociale et agente de relations humaines, et M. Michael Monast, qui oeuvre comme personne autorisée par la DPJ à la direction de la protection de la jeunesse au CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec. Mes collègues sont tous deux présidente et président de leur conseil multidisciplinaire de leur établissement. Donc, c'est à ce titre qu'ils sont là aujourd'hui avec moi pour m'accompagner.

Donc, qu'est-ce que l'Association des conseils multidisciplinaires du Québec? C'est une association qui existe depuis environ 20 ans. Notre but, c'est de faciliter les échanges d'information et la collaboration entre les différents conseils multidisciplinaires des établissements de santé et de services sociaux du Québec. Comme vous le savez peut-être, la Loi sur les services de santé et les services sociaux édicte que, dans chaque établissement de santé et services sociaux, il doit y avoir un conseil multidisciplinaire. Son rôle, qui est probablement peu connu, c'est de formuler des avis et des recommandations directement au C.A. de l'établissement et directement au président-directeur général de l'établissement concernant la qualité des services, l'organisation des services, la compétence professionnelle et concernant l'amélioration des pratiques professionnelles. Donc, ça, c'est le mandat des conseils multi dans chaque CISSS, CIUSSS, CHU ou établissement de santé du Québec.

Donc, nous, au niveau national, qu'est-ce qu'on fait? On partage les innovations entre les différents conseils multi. On facilite leur travail en favorisant l'efficience dans la réalisation de leurs mandats, qui sont dévolus par la loi. On met à jour à chaque année un guide de fonctionnement de conseils multidisciplinaires pour les aider à prendre leur place, avoir davantage de leadership, qui formule bien des avis et des recommandations, tel que c'est prévu par la loi. On organise des activités de formation puis on soutient tous leurs questionnements, là. Quand ils ont des questionnements, c'est vers nous qu'ils se retournent. On les représente également auprès du ministère de la Santé et des Services sociaux quand c'est pertinent. Toute question qui a rapport à la qualité des services offerts à la population dans ce cas-ci et de la qualité des services offerts aux enfants et aux familles, c'est vraiment là-dessus que notre mandat est orienté. Donc, nos valeurs qui sont chères à l'association, c'est l'efficience dans la réalisation des mandats, la qualité des services.

Donc, dans l'ensemble, le projet de loi n° 99 est globalement très bien accueilli par l'Association des conseils multidisciplinaires. Étant donné qu'on a reçu une invitation au mois d'août, c'est sûr qu'on n'a pas pu procéder à une évaluation exhaustive de tout ce qui était prévu dans le projet de loi. Pour cette raison-là, on a décidé de circonscrire notre étude sur trois enjeux qu'on va vous présenter à tour de rôle.

Le premier enjeu, ça concerne l'harmonisation des règles applicables à un enfant, quel que soit son milieu de vie. Dans l'ensemble, on accueille très favorablement ces modifications-là, notamment qu'est-ce qui a trait à la reconnaissance de la famille d'accueil de proximité. On est vraiment d'accord avec ces dispositions-là parce que ça reconnaît ces familles-là au même titre que les autres milieux et ça permet d'avoir des règles environ semblables pour tous ces milieux-là. Ça permet un meilleur suivi entre les intervenants sociaux et les familles pour s'assurer que le plan d'intervention, par exemple, est bien appliqué par ces familles-là.

Cependant, on a une considération à vous communiquer par rapport à ça, on souhaite vraiment que ça ne soit pas systématique, la reconnaissance des familles d'accueil de proximité. On désire laisser une certaine latitude, une certaine flexibilité aux intervenants sur le terrain pour juger au cas par cas les situations parce que, par exemple, un oncle qui pourrait vouloir prendre en charge un enfant pourrait ne pas vouloir s'engager dans des processus de reconnaissance de famille d'accueil de proximité soit parce que c'est contre ses valeurs de recevoir une rémunération à cet effet-là ou encore parce qu'il a déjà suffisamment de moyens financiers puis il ne désire pas s'engager dans cette démarche-là. Malgré tout, ça reste le milieu qui est le mieux approprié, puis ça arrive, sur le terrain, qu'on n'ait pas besoin de faire cette démarche-là, c'est ce qui est projeté par les intervenants-cliniciens ici, à mes côtés.

De plus, par rapport à l'harmonisation de la terminologie, on a relevé dans le projet de loi certains endroits qui nous laissaient perplexes quant à la compréhension. Nous, c'est sûr qu'on n'est pas des juristes, on est des cliniciens, donc on avait des recommandations quant à l'harmonisation terminologique. On a mis un tableau dans le mémoire qui résume, par exemple, trois endroits où ça nécessiterait probablement d'harmoniser la terminologie. Par exemple, remplacer, bon, l'énumération de divers milieux par «milieu de vie substitut». Peut-être que ce n'était pas à clarifier, mais, pour nous, c'était quelque chose qui causait un petit peu de confusion. Donc, peut-être porter attention à ces trois éléments-là. Pour terminer cet aspect-là, peut-être qu'on serait d'avis de formuler une recommandation à l'effet qu'à l'article 1 de la Loi sur la protection de la jeunesse qu'il faudrait peut-être clarifier les notions d'«hébergement», de «placement» et de «confié à» parce que ce qu'on entend sur le terrain versus ce qu'on lit dans la loi, des fois c'est différent. Donc, ça serait gagnant de clarifier ces notions-là. Je laisse mes collègues poursuivre.

• (10 h 10) •

Mme Ouellet (Myriam) : Le deuxième enjeu sur lequel on souhaite attirer votre attention, c'est la possibilité de prolonger ou de modifier l'entente provisoire et la possibilité d'une entente sur une intervention de courte durée.

Dans un premier temps, la possibilité de prolonger l'entente provisoire, c'est favorablement accueilli par l'association des conseils multi, puisque le délai d'intervention supplémentaire pourrait permettre de mobiliser l'enfant, ses parents, de leur laisser le temps d'amorcer un changement. Et ça pourrait aussi susciter leur engagement et permettre à l'intervenant de déterminer l'orientation qui est la mieux adaptée aux besoins de l'enfant. Ça pourrait aussi éviter la judiciarisation dans des situations où est-ce que ce n'est pas nécessaire et, donc, éviter un stress et un délai qui sont imposés parfois à des familles qui sont déjà fragilisées par l'intervention du DPJ dans leur famille.

D'autre part, la possibilité d'une entente sur une intervention de courte durée, bien, en fait, c'est que le projet de loi encadrera une pratique qui est déjà éprouvée, là, dans les centres jeunesse depuis les dernières années, à l'étape de l'orientation plus précisément. Cette mesure-là pourrait aussi contribuer à éviter la judiciarisation et favoriser l'engagement des parents par une intervention de conciliation qui amène le parent et l'enfant à collaborer à la recherche et à la mise en place de moyens de changement pour que cesse la situation de compromission.

Ces deux modifications législatives là, par ailleurs, vont dans le sens des objectifs et des principes généraux de la Loi sur la protection de la jeunesse. D'une part, on doit privilégier, quand les circonstances sont appropriées, les moyens qui permettent à l'enfant et à ses parents de participer activement à la prise de décision et au choix des mesures qui les concernent. D'autre part, on doit agir avec diligence, donc éviter des délais qui sont superflus, et on doit être en respect toujours du caractère exceptionnel de l'intervention de l'autorité du DPJ dans les familles.

Les deux modifications législatives reconnaissent et mettent de l'avant l'aspect primordial de l'intervention sociale au-delà de l'intervention judiciaire avec tous les défis que ça comporte, là, les interactions entre la pratique clinique et l'intervention judiciaire.

Par ailleurs, ces mesures législatives là nous semblent connexes dans leur esprit aux innovations en matière de déjudiciarisation des dossiers qui impliquent des personnes ayant des problématiques de santé mentale en matière pénale, par exemple le Programme d'accompagnement Justice et Santé mentale de la cour municipale de Montréal. On peut aussi penser à la médiation, qui est souvent préconisée au niveau des conflits de séparation ou dans toute autre situation. C'est devenu une avenue qui est privilégiée. Donc, on croit que le projet de loi est innovant au même titre que ces exemples-là que je viens de vous donner.

Un dernier élément qui attire notre attention concernant l'entente provisoire puis l'entente sur une intervention de courte durée, c'est la notion du respect du droit de l'enfant d'être entendu. Donc, on doit favoriser l'adhésion de l'enfant de moins de 14 ans dans les ententes. Et ce qu'on veut souligner, c'est que l'opinion de l'enfant, exprimée de façon libre, fait partie déjà intégrante des bonnes pratiques des intervenants, mais on peut comprendre qu'il y a certaines inquiétudes reliées au respect de ce droit-là qui sont soulevées par des juristes. Donc, ce qu'on suggère, c'est d'ajouter à certains articles de la LPJ une notion concernant le devoir du DPJ de respecter le droit de l'enfant d'être entendu dans l'élaboration de l'entente provisoire ou de l'entente sur une intervention de courte durée. Donc, ça pourrait contribuer à ce que les intervenants et les DPJ accordent une attention particulière à la libre expression de l'opinion de l'enfant dans des contextes déjudiciarisés.

Le Président (M. Villeneuve) : ...avant de prendre la parole, s'il vous plaît.

M. Monast (Michael) : Michael Monast. Je suis président du Conseil multidisciplinaire du CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec. Je suis intervenant à la protection de la jeunesse à l'intérieur du CIUSSS.

Le Président (M. Villeneuve) : Et vous avez la conclusion, monsieur.

M. Monast (Michael) : Donc, la conclusion et notre dernière idée, c'est celle qui est évoquée au mémoire de l'ACMQ et qui a trait au délai nuisant à la continuité des services, et à l'article 53 du projet de loi n° 99 visé par l'article 90 de la Loi de la protection de la jeunesse concernant le délai de 60 jours que doit respecter le tribunal pour consigner par écrit une décision ou une ordonnance à compter de la date où elle est rendue à l'audience ou à compter de la date de prise en délibéré. Il ressort que cette modification législative a un impact positif dans les situations prises en délibéré, mais que ces situations ne sont pas la majorité. Donc, c'est un progrès que nous qualifierons, là, de partiel. Ces situations-là, les situations qu'il y a des délais, c'est une mince partie, comme je disais, puis la judiciarisation occasionne souvent de longs délais qui sont préjudiciables pour les enfants. Donc, les intervenants sociaux constatent que les délais vécus par les enfants et leurs parents auxquels les législateurs devraient davantage accorder une attention sont ceux rencontrés entre le moment où débute l'enquête par le tribunal et le moment où ce dernier rend sa décision ou son ordonnance.

Donc, le projet de loi aurait sans doute un plus grand impact sur le long délai rencontré par les enfants et leurs parents si, par exemple, on aurait inscrit au projet de loi qu'il y aurait un maximum de 60 jours pour rendre une décision ou une ordonnance à compter du début de l'enquête. Une telle mesure contraindrait le système judiciaire à s'adapter pour réduire les délais liés aux multiples remises. De tels délais peuvent faire en sorte qu'un enfant, par exemple, est maintenu dans un milieu où ce qui nuit à son développement pour une période, des fois, allant jusqu'à 12 mois, 18 mois...

Le Président (M. Villeneuve) : M. Monast, je dois vous interrompre, le temps imparti est écoulé. Vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Alors, je suis convaincu qu'ils vont vous donner le temps nécessaire pour pouvoir terminer. Donc, merci pour votre présentation. Et nous allons maintenant débuter la période d'échange, et la parole est à Mme la ministre.

Mme Charlebois : Combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Villeneuve) : 17 min 30 s.

Mme Charlebois : 17 minutes, d'accord. Alors, bonjour à vous tous, M. Monast, Mme Ouellet et Mme Roy. Merci d'être venus et de présenter votre mémoire, c'est super intéressant. Puis j'ai pris note, là, que vous avez traité de certaines parties du projet de loi, mais ça ne veut pas dire que vous n'êtes pas intéressés par le restant. Même que vous nous dites que vous êtes plutôt en accord avec beaucoup de choses qu'on propose. Vous auriez aimé élaborer, mais, évidemment, le temps qui nous est imparti, d'une part, et, d'autre part, le temps que vous aviez pour rédiger votre mémoire font en sorte que vous ne pouviez pas toucher tous les aspects, puis je comprends ça. Mais merci d'être là et de nous parler des aspects où vous souhaitez qu'on fasse des changements.

J'ai lu votre mémoire avec attention, et vous nous faites mention que vous accueillez favorablement le fait que les familles d'accueil de proximité soient encadrées. Ce que vous nous dites, c'est que vous souhaitez qu'elles soient encadrées sensiblement par les mêmes règles concernant l'évaluation du milieu, la signature du contrat, les allocations financières, les contributions parentales. Et vous nous dites aussi — je vous ai entendu nous l'expliquer un petit peu — que vous ne souhaitez pas que ce soit systématique.

D'une part, je vais vous parler de l'encadrement et je vais vous ramener à ce que certaines personnes nous ont dit ici. Il y a des gens qui nous ont dit qu'ils souhaitaient que les familles d'accueil de proximité et les familles d'accueil aient les mêmes conditions, c'est-à-dire qu'elles aient la même formation, les mêmes questionnements quant à la certification des antécédents judiciaires, la solvabilité, les dimensions pour les chambres. En tout cas, tous les critères qu'on a pour les familles d'accueil, ils souhaitaient que ce soit... Deux groupes nous ont dit qu'ils souhaitaient que ce soient les mêmes conditions aux familles d'accueil de proximité. Qu'est-ce que vous pensez de ça, vous?

Le Président (M. Villeneuve) : Mme Roy.

Mme Roy (Vanessa) : Juste une clarification par rapport à ce qu'on a voulu dire dans le mémoire. C'est que nous, on pensait que de reconnaître les familles d'accueil de proximité comme les autres milieux, ça faisait en sorte qu'elles allaient être encadrées sensiblement par les mêmes règles. Donc, à cet effet-là, on a fait cette conclusion-là. Si ce n'est pas ce qu'il en est, c'est que notre compréhension n'était peut-être pas tout à fait juste. Mais, en fait, oui, on souligne que ça devrait être comme ça, qu'elles devraient être encadrées sensiblement par les mêmes règles. Mais là il y a certaines nuances que les intervenants cliniciens du terrain vont peut-être vous apporter.

Mme Charlebois : O.K. Je vous écoute.

M. Monast (Michael) : Donc...

Le Président (M. Villeneuve) : M. Monast, juste quand vous prenez la parole, vous nommer. Pour la personne qui fait la transcription, c'est génial. Juste vous nommer, tout simplement. Merci.

M. Monast (Michael) : Parfait. Donc, Michael Monast. Je me nomme seulement?

Le Président (M. Villeneuve) : Oui, tout simplement.

M. Monast (Michael) : Parfait. Donc, Michael Monast. Je le répète, au cas où pour aider. Donc, oui, ce n'est pas une mauvaise idée que les familles d'accueil de proximité aient accès aux mêmes choses que les autres familles d'accueil. Par contre, c'est un peu le point de vue qu'on avait, être famille d'accueil de proximité, ça inclut certaines choses par rapport à être simplement... Je dis simplement, mais ce n'est pas simplement. Mais être un grand-parent, par exemple, qui prend en charge son petit-fils, puis qui n'a pas envie nécessairement d'avoir tout ce qui vient avec, donc lui donner accès, ce n'est pas une mauvaise idée. De l'imposer, c'est peut-être une autre chose parce que ce serait aussi d'imposer l'intérêt à ces formations-là à plein de gens qui ne l'ont peut-être pas. Donc, il n'y aurait peut-être pas de valeur ajoutée. Puis en plus, bien, c'est aussi la capacité de ces gens-là. Ce n'est pas tout le monde qui a peut-être cette capacité-là et l'intérêt d'avoir, par exemple, des formations.

• (10 h 20) •

Mme Charlebois : Est-ce que je dois comprendre que ce que vous privilégiez, c'est le lien, la force du lien avec l'enfant plutôt qu'une formation? Exemple, on donne celle-là, là, mais ça pourrait être autre chose, formation RCR, c'est-à-dire que c'est plus important que le lien d'attachement pour l'enfant soit préservé qu'une formation RCR? C'est que je comprends? Je ne vous dirai pas mon opinion, là, je vous questionne. Parce que moi, j'en ai, une opinion, mais je la garde pour moi.

Une voix : ...Myriam?

Mme Ouellet (Myriam) : Myriam Ouellet. Je n'ai pas oublié de me nommer cette fois-ci. En fait, les deux seront importants à considérer dans l'évaluation du milieu de vie de l'enfant. Il ne faut pas oublier que, souvent, on a des enfants qui ont été passablement fragilisés, hein, avant d'être placés. S'ils vivent un placement, c'est qu'ils ont vécu des choses aussi avant qui ont mené à ça. Donc, oui, parfois, la sécurité affective, le lien d'attachement doit être priorisé pour ne pas ébranler davantage ces enfants-là. Mais c'est sûr que c'est un ensemble de choses. Puis, pour compléter un peu ce que M. Monast disait juste avant moi, certaines personnes ne rencontreront pas les critères, que ce soit au niveau — par exemple, je donne un exemple — du lieu physique, tu sais, la dimension des fenêtres ou, en tout cas, la disposition des pièces. Mais parfois, ça, pour nous, c'est secondaire, justement, au lien d'attachement qui doit être préservé pour cet enfant-là pour qu'on le laisse dans un milieu connu avec des gens avec qui il a un lien d'attachement significatif.

Mme Charlebois : N'y aurait-il pas — parce que j'ai été interpelée là-dessus, même en fin de semaine, hein, on en parle, des projets de loi, là, sur le terrain — deux critères que nous devrions cependant considérer, exemple l'évaluation judiciaire et l'évaluation pécuniaire? J'allais dire la solvabilité et la certification judiciaire. Est-ce que vous croyez que ces deux critères-là, cependant, devraient être évalués pour des familles d'accueil de proximité?

Le Président (M. Villeneuve) : Mme Ouellet?

Mme Ouellet (Myriam) : Mme Ouellet, oui. C'est sûr que, dans un monde parfait, effectivement, on préférerait que personne n'ait d'antécédents judiciaires, personne à qui on confie des enfants, du moins, et qu'ils aient les moyens financiers pour pouvoir subvenir aux besoins de l'enfant de façon égale à tous les autres enfants qu'on confie à d'autres personnes. Par contre, ce n'est pas toujours, dans la réalité, ce qui répond le mieux aux besoins de l'enfant. Par exemple, on pourrait avoir un enfant qui a vécu avec ses grands-parents et son parent pendant toute sa vie et que, bon, le parent, pour x raisons, n'est plus en mesure de supporter cet enfant-là. Donc, l'enfant se retrouve auprès de ses grands-parents, mais, bon, par exemple, grand-maman a un dossier judiciaire, là, pour une raison x. Ça ne fait pas nécessairement d'elle une personne qui est moins apte à s'occuper de cet enfant-là. Donc, c'est sûr que c'est des nuances, parfois, qu'on souhaiterait que ça n'arrive pas, mais, malheureusement ou heureusement, quand les grands-parents sont impliqués, bien, des fois, ça arrive. Donc, je ne pense pas qu'il faut faire un trait, là, là-dessus, tout est du cas par cas.

Mme Charlebois : Bien, c'est ce que j'allais vous dire, étant... Je pense que vous m'avez dit que vous étiez intervenante vous-même. Alors, il doit y avoir une évaluation que vous faites, justement, au cas par cas, dire : Bien, ça dépend de la nature judiciaire du problème, là, tu sais, ça dépend ce qui a été...

Mme Ouellet (Myriam) : Ça dépend de la situation de l'enfant. Ça dépend aussi de la situation de la personne qui est...

Mme Charlebois : Donc, c'est évalué.

Mme Ouellet (Myriam) : Oui, bien sûr.

Mme Charlebois : C'est bien important que les gens entendent ça, vous comprenez?

Mme Roy (Vanessa) : J'aimerais ajouter une précision si je peux me permettre.

Mme Charlebois : Oui, bien sûr.

Mme Roy (Vanessa) : Vanessa Roy.

Le Président (M. Villeneuve) : Oui, Mme Roy, allez-y.

Mme Roy (Vanessa) : Ce n'est pas parce que la famille d'accueil n'est pas reconnue comme famille d'accueil de proximité que les intervenants sociaux ne procèdent pas à une évaluation approfondie des besoins de l'enfant. Donc, s'il constate que, par exemple, il y a absolument besoin d'une formation RCR parce que l'enfant est à risque de faire un arrêt cardiorespiratoire, il va quand même pouvoir recommander à la famille de suivre cette formation-là. Ces intervenants-là ont un excellent jugement professionnel, puis je souligne la qualité leur travail. Ils sont aptes à évaluer ces besoins-là pour le meilleur intérêt de l'enfant, là, même si on n'est pas dans la procédure...

Mme Charlebois : Bien, merci de clarifier ça parce qu'on n'entend pas parler de ça souvent, puis je trouvais ça important qu'on apporte la nuance que ce n'est pas parce que les conditions ne sont pas les mêmes qu'il n'y a pas eu une évaluation. Justement, on ne met pas les enfants n'importe où, n'importe comment, avec n'importe qui.

Mme Roy (Vanessa) : Un dernier aspect, si je peux me permettre.

Une voix : Mme Roy.

Mme Charlebois : Oui, bien sûr.

Mme Roy (Vanessa) : La reconnaissance comme famille d'accueil de proximité, c'est quand même une bonne chose parce que ça permet à ces enfants-là, par exemple, de recevoir les mêmes conditions que les autres enfants placés dans d'autres familles, par exemple les allocations financières. Donc, ça permet d'éviter la discrimination, par exemple, qui aurait lieu par rapport au milieu de vie où l'enfant est placé. Donc, c'est vraiment une bonne chose.

Mme Charlebois : J'aimerais ça que vous nous réexpliquez — mais brièvement, parce que le temps file, puis j'ai d'autres questions — le pourquoi vous ne voulez pas que ça se fasse automatiquement. Vous disiez qu'il y a des gens qui ne souhaitent pas ça automatiquement, puis que ça peut faire en sorte qu'ils se désengagent que d'avoir à être reconnus... Est-ce que j'ai bien compris?

Mme Ouellet (Myriam) : Myriam Ouellet. Bien, oui, parce que, comme on le souligne, en fait, dans le mémoire, il y a des gens qui ont déjà des sous ou qui ont déjà les moyens de prendre en charge ces enfants-là et qui ne voient pas la plus-value à être reconnus comme étant famille d'accueil de proximité. Il y en a d'autres pour qui ça entre en conflit avec leurs valeurs parce qu'ils se disent : Bien, moi, c'est mon neveu, c'est mon petit-enfant, je ne veux pas être payé pour le prendre en charge, pour moi, je le fais parce que je veux bien le faire.

Mme Charlebois : O.K. J'ai le goût de vous amener sur les droits de l'enfant. Vous nous dites dans votre mémoire d'ajouter aux articles 47.1 et 51.1 une référence à la notion de droit de l'enfant d'être entendu, j'aimerais ça que vous m'en parliez davantage. Et est-ce que vous avez un libellé à nous suggérer?

M. Monast (Michael) : Michael Monast. En fait, ce qu'on voulait dire par cette idée-là, c'est un peu en lien avec l'opposition à cette notion-là de prolongation des ententes, que certains regroupements pourraient en faire... qui est de laisser un enfant un peu dans le néant pendant 30 jours, maintenant 60 jours, c'est... Dans la pratique, l'enfant est entendu, l'enfant a droit d'être entendu et il l'est. L'intervenant, pendant ce 30 jours là ou ce 60 jours là d'entente, ne reste pas dans son bureau et il intervient auprès des familles et de l'enfant. Donc, d'inscrire ça dans la loi, c'est un peu de rassurer les regroupements qui pourraient s'opposer à une notion qu'on trouve excellente pour les enfants, pour les familles puis pour les intervenants. Donc, voilà.

Mme Roy (Vanessa) : Puis, si je peux me permettre une intervention — Vanessa Roy — comme proposition qu'on pourrait ajouter, comme libellé, par exemple, à l'article 47.1 de la loi, à la fin du premier alinéa, on pourrait rajouter «tout en respectant le droit de l'enfant d'être entendu» ou «tout en respectant les droits de l'enfant». Je sais qu'au travers de la Loi sur la protection de la jeunesse il y a, à certains endroits, cette notion-là, tout en respectant... Ça serait de l'ajouter à 47.1 ainsi qu'à 51.1 qu'il est prévu, là, dans le projet de loi... Je crois que ça répondrait à des appréhensions de certains juristes qui sont venus ici, en commission parlementaire, en disant : Si on prolonge le délai de 30 à 60 jours, on ne donnera pas certains services, les droits de l'enfant ne seront pas respectés. Nous, on répond un peu à ça en disant : Regardez, le travail des travailleurs sociaux, il est efficace, on fait tout ce qu'on peut, mais, pour répondre à vos appréhensions, on propose d'ajouter ça à la loi pour être sûr que ce principe-là est respecté.

Mme Charlebois : Vous en parlez, justement, des délais, puis je veux vous ramener là-dessus. Concernant le délai de 60 jours que le tribunal doit respecter, là, c'est un peu ça que vous me parlez, là, vous nous suggérez de le consigner, donc, par écrit pour être certain que ça va être respecté. C'est ça que vous me dites, en fait, là, pour qu'il n'y ait pas de délai au-delà de... Est-ce que je comprends bien?

M. Monast (Michael) : Michael Monast. En fait, si vous faites référence à la troisième idée du mémoire, qui concerne les délais judiciaires, le libellé du projet de loi, présentement, nous dit que la décision doit être rendue à l'intérieur de 60 jours suivant la prise en délibéré ou la décision rendue, donc, par écrit. La proposition que l'on fait, c'est que c'est en lien avec le fait que les délais vécus par les enfants puis les parents, ce n'est pas nécessairement entre la prise de décision puis la réception du jugement écrit, les délais peuvent être entre le moment où on va une première fois au tribunal, on va avec... en proposant des choses, puis là, pour des raisons diverses qui peuvent aller des aléas de la vie à un avocat qui est malade, à un témoin qui ne peut pas se présenter ou un rôle de la journée trop chargé... puis là on remet, puis on remet, puis, dans certaines régions, bien, la chambre de la jeunesse siège une fois par deux semaines, donc on reporte à plus tard, et ainsi de suite, puis là l'enfant peut rester, à ce moment-là, dans son milieu, par exemple, alors qu'on demande qu'il soit retiré parce que le milieu ne convient pas, et là ça dure comme ça un an, un an et demi. Puis c'est en lien avec ça, la proposition qu'on fait, c'est de restreindre le délai entre le moment de la première audition au tribunal puis la décision. 60 jours, on juge que c'est... La loi, en général, est faite un petit peu comme ça. Le 60 jours, on le voit dans l'entente provisoire, le délai de 60 jours, tout ça. Donc, ça serait un délai qui serait raisonnable.

• (10 h 30) •

Mme Charlebois : Dans le fond, ce que vous dites, c'est : Organisez les affaires. S'il y a un avocat qui est malade, faites-le remplacer, organisez-vous, mais il faut que ça prenne 60 jours au maximum.

M. Monast (Michael) : Exactement. Puis, s'il manque de journées de tribunal dans une région, bien, rajoutez-en. Puis faites en sorte que, si le rôle est chargé, bien, il y aura peut-être deux salles cette journée-là pour entendre... Tu sais, les solutions sont diverses, mais la proposition de restreindre les délais, ça permettrait une créativité du système judiciaire, qui, eux, devraient s'affairer à respecter.

Mme Charlebois : Je vous rassure, ma collègue de la Justice travaille là-dessus, justement, à améliorer les délais, oui, pour la protection de la jeunesse, mais plein d'autres choses aussi.

J'ai une autre question. Ici, vous nous suggérez de modifier l'article 76 de la Loi de la protection de la jeunesse afin d'ajouter la possibilité pour l'huissier de signifier, en laissant une demande à une personne qui apparaît apte à le recevoir, l'avis. À votre avis, là, ce mode de signification là permet-il d'assurer une confidentialité du dossier du jeune? Tu sais, moi, exemple, là, je recevrais ça chez moi pour un de mes enfants. Ce n'est plus le cas parce que je n'en ai plus à la maison, là, vous le comprenez bien à me regarder. Mais n'empêche que, moi, si je suis quelqu'un qui est en lien avec l'enfant, ça va, la mère. Mais, exemple, je ne sais pas, moi, un ami d'un des autres enfants reçoit le papier du huissier, là, comment vous voyez ça? Est-ce que vous trouvez que c'est suffisamment confidentiel de remettre ça à quelqu'un qui a l'air apte à recevoir le document?

M. Monast (Michael) : Michael Monast. En fait, l'enveloppe, il n'est pas inscrit dessus : Rapport psychosocial de la DPJ, là. Donc, tu sais, je comprends que ce n'est peut-être pas ce qu'il y a de plus confidentiel, mais, tu sais, à la limite, c'est une requête à l'intérieur d'une enveloppe qui est CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec, par exemple. Donc, la valeur ajoutée au niveau de la confidentialité est peut-être là, peut-être pas très grande par rapport aux multiples coûts qui peuvent être liés, là, à aller rencontrer cette personne-là, elle n'est pas là, et ainsi de suite, pour les coûts d'huissier, finalement, qui augmentent.

Mme Charlebois : Dans le fond, c'est juste un avis de se présenter à la cour, là, il n'y a pas tout le rapport dedans.

M. Monast (Michael) : Bien, comme je vous dis, il peut y avoir le rapport, il peut y avoir une requête, ces choses-là, mais, dans tous les cas, c'est une enveloppe qui est confidentielle, qui est cachetée, ce n'est pas inscrit dessus : Ce parent reçoit les services du DPJ.

Mme Roy (Vanessa) : Si je peux me permettre une précision. Vanessa Roy.

Mme Charlebois : Bien sûr.

Le Président (M. Villeneuve) : Mme Roy.

Mme Roy (Vanessa) : Donc, notre préoccupation, c'était l'augmentation des coûts rattachés à ça qui devront être assumés par les établissements de santé et services sociaux, les coûts d'huissier. On partage la préoccupation des directeurs de la protection de la jeunesse, qui en ont aussi parlé dans leur mémoire de... Dans le fond, c'est les établissements qui devront assumer ces coûts-là. Donc, on se questionne sur est-ce que c'est vraiment une valeur ajoutée dans le contexte actuel. C'est plutôt ça.

Le Président (M. Villeneuve) : Pour 40 secondes, Mme la ministre.

Mme Charlebois : Hé! Je voulais vous parler des fugues. On n'aura pas beaucoup de temps, mais peut-être que mes collègues pourront vous amener sur la piste. Et je voulais vous parler de voir comment vous avez évalué... quels moyens vous pensez que.... les moyens de contrôle comme les portes barrées, etc., mais je laisserai ça aux autres parce que je n'ai plus le temps, malheureusement. Merci.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci, Mme la ministre. Alors, pour les prochaines 10 min 30 s, nous nous dirigeons vers l'opposition officielle. À vous la parole.

M. Lisée : Merci, M. le Président. Mesdames messieurs, merci. La question de la ministre est très pertinente. Bon, vous êtes aux premières loges pour voir ce qui s'est produit cette dernière année, les modifications qui ont été apportées. Alors, je reprends la question de la ministre : Quelle est votre évaluation des changements? Sont-ils efficaces? Doit-on en envisager d'autres?

Mme Ouellet (Myriam) : Myriam Ouellet. On n'a pas, comme on disait d'entrée de jeu, eu le temps de regarder chacune des questions spécifiques, là, qu'on aurait peut-être aimé faire. Par contre, ce qu'on peut dire, c'est que oui, on a jeté un coup d'oeil au rapport Lebon. Moi, ce qui m'a sauté aux yeux, c'est que les éducateurs, les intervenants sont consciencieux, respectent les protocoles. C'est ce que moi, je constate dans ma pratique. Donc, il y a aussi la question de la transition, là, entre l'encadrement intensif et l'encadrement dans un milieu plus ouvert, là, qui nous semble être une bonne idée aussi, mais, encore là, peut-être pas applicable à tous les milieux, là, de façon obligatoire, puisqu'il y a certaines régions qui ne bénéficient pas d'encadrement intensif sur leur territoire. Donc, là, de faire un changement progressif, ça devient un peu plus difficile dans certaines situations, là. Donc, on n'a pas pu vraiment, là, faire des travaux plus élaborés là-dessus, malheureusement. Je ne sais pas si mes collègues ont d'autre chose à rajouter.

Mme Roy (Vanessa) : Vanessa Roy. Ce qu'on constate, c'est que le projet de loi semble bien répondre à la question des fugues, dans le sens où ça va permettre de faire des ententes avec les services policiers. Les modifications qui sont proposées, rajouter l'exploitation sexuelle aux motifs de compromission de la sécurité, ça nous apparaît comme étant un bon moyen de prévenir les fugues.

Si, par exemple, il y a des changements dans les protocoles, des ententes qui se créent, je crois que ça va aider en ce sens-là. Par exemple, le rapport Lebon soulève l'exemple du projet Mobilis en Montérégie. Si toutes les régions pouvaient appliquer ce genre d'initiative là... Et là les conseils multi ont peut-être un rôle à jouer à ce niveau-là aussi, partager les innovations, ça fait partie de notre mandat. Donc, partager ça à toutes les autres régions, c'est quelque chose qu'il faudrait faire.

M. Lisée : Plusieurs des questions que je voulais poser ont été posées par la ministre, je vais essayer de prendre la chose complètement différemment. Vous avez vu le projet de loi, vous avez dit : Voici ce qu'il faudrait modifier. Très bien, vous avez fait tous vos devoirs. Bien, je vous demanderais autre chose. Vous êtes, donc, aux premières lignes, quels sont les principaux problèmes, les principaux enjeux que vous vivez au quotidien et qui devraient faire l'objet de changement? Qu'est-ce qui vous préoccupe le plus quand vous entrez au travail le matin?

Mme Ouellet (Myriam) : Bon, Myriam Ouellet. En fait, pour ce qui est du projet de loi, moi, je considère qu'on a quand même une loi qui... on performe bien, hein, au niveau de la protection, je pense, de l'enfance. On a une loi qui encadre bien nos pratiques et qui, de plus en plus, quand on la révise, on l'améliore. Donc, ça, c'est positif. Ce n'est pas tellement là que moi, je vais vivre la pression, là, au niveau de mon travail. Les problématiques sont de plus en plus complexes. Les gens, les familles, les jeunes vivent avec de plus en plus de problématiques concomitantes. Parfois, on a du mal à accorder autant de temps qu'on le souhaiterait à chacune des personnes qu'on a à notre charge dans nos «caseloads». C'est peut-être plus ça qui nous confronte en tant qu'intervenants, moi, je dirais, que le projet de loi en tant que tel ou que la loi.

M. Lisée : ...le manque de temps?

Mme Ouellet (Myriam) : Le manque de temps, oui. Ce n'est pas seulement qu'en protection de la jeunesse, là. Je pense qu'on se leurrerait de dire le contraire, ce n'est pas juste nous, là.

M. Monast (Michael) : Michael Monast. En fait, pour répondre à votre question, en fait, ce n'est pas un travail qui est facile, en général, travailler en protection de la jeunesse. C'est côtoyer des grandes difficultés, des gens qui ne sont pas nécessairement volontaires à recevoir des services. C'est la protection des enfants, c'est les gens les plus vulnérables ou dans les populations les plus vulnérables de notre société. Donc, nécessairement, ça peut être difficile sur le moral. C'est un travail qui peut être usant pour certains. Pour la plupart, en fait. Puis c'est une charge qui est lourde. Un intervenant à l'application des mesures, là, peut avoir 20 familles dans sa charge de cas qu'il doit suivre, qu'il doit faire respecter les mesures judiciaires et volontaires. Il doit les voir, il doit les aider, les soutenir, puis voilà. Ça fait que nécessairement c'est une vocation, souvent, c'est un travail qui est demandant. Donc, voilà.

M. Lisée : Les directeurs de la protection de la jeunesse, qu'on a vus en tout début, un d'entre eux nous a dit : Écoutez, il y a une pression budgétaire très importante qu'on doit subir depuis quelques années, et c'est une très grande préoccupation. La ministre, ce matin encore, dans une entrevue, dit : Il n'y en a pas eu, de coupures, ça a été administratif seulement. Est-ce que vous, vous sentez que vous avez moins de ressources pour faire votre travail ou que, la somme de travail ayant augmenté, les ressources n'ont pas suivi?

• (10 h 40) •

M. Monast (Michael) : Michael Monast. En fait, la pression budgétaire que vous parlez, c'est une pression, qui est imposée à tout le réseau depuis quelques années, de rigueur, d'optimisation, tout ça. Ça amène le réseau, entre autres, des centres jeunesse à modifier leurs pratiques, à y aller de créativité pour essayer de donner les services de façon optimale. Mais c'est certain que c'est un réseau qui, quand on parle... Je vous parlais de 20 dossiers à l'application des mesures. Il y a quelques années, le ministère reconnaissait que ce n'était pas la cible de 20, c'était plus bas que ça. Mais des dossiers en attente, les listes d'attente qui demeurent à l'évaluation, les listes d'attente entre l'évaluation et l'application des mesures, c'est des choses qui existent. Il y a des moyens qui sont pris pour les résorber puis pour y faire face, mais ça demande de la créativité avec les moyens qu'on a.

M. Lisée : On avait la présidente de l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux qui nous disait que le mot qui revenait le plus lorsqu'elle parlait à ses intervenants, c'est le mot «détresse» et qu'il était beaucoup plus fort maintenant qu'il y a quelques années. Est-ce que vous confirmez ça?

Mme Ouellet (Myriam) : Myriam Ouellet. Qu'il y a quelques années? Je pense qu'on aurait besoin d'avoir un intervenant qui a peut-être plus d'expérience encore que moi pour le dire, mais oui, ce n'est pas toujours facile, il faut admettre que ce n'est pas toujours facile. Puis, comme on le disait tout à l'heure, ce n'est pas seulement qu'en protection de la jeunesse, mais oui, on le vit en protection de la jeunesse. On a un rôle de contrôle et de surveillance à effectuer. On n'a pas que ça, non plus, à effectuer, mais j'entends souvent mes collègues dire qu'ils déplorent le fait qu'on attarde beaucoup de temps au contrôle et à la surveillance et qu'on n'a pas toujours le temps d'aller plus en profondeur avec les gens, alors que ce sont des gens qui ont des grands besoins.

Une autre chose, c'est que... comment je le dirais? À vouloir uniformiser parfois les pratiques, il y a du bon, mais nous, on a une préoccupation, puis mes collègues ont une préoccupation aussi, à savoir qu'on souhaite que les évaluations se fassent sur la qualité, pas seulement que sur le volume. Je ne suis pas en train de dire qu'il n'y a pas de mesure de qualité qui est faite, je ne crois pas que... Puis, pour connaître un peu les dirigeants de mon établissement à moi, c'est une préoccupation, là, d'offrir des services de qualité puis de répondre aux besoins des gens, mais les professionnels sur le terrain ont cette préoccupation-là de garder en tête que la qualité prévaut sur le volume et sur la quantité parce qu'on travaille avec des humains. Et, malheureusement, les clients n'ont pas tous le même besoin, hein, ce n'est pas vrai qu'on peut dire : Un suivi, ça doit se faire en quatre rencontres puis... Il y en a qui en ont besoin de trois, puis il y en a qui en ont besoin de six. Ça demeure la réalité du travail social.

M. Lisée : On nous a parlé aussi des plaintes pour conflit de loyauté. C'est-à-dire que, d'une part, vous êtes des professionnels, vous avez un code d'éthique, vous devez rendre au niveau professionnel le service pour lequel vous avez la responsabilité, mais, d'autre part, vous n'avez pas les moyens de le faire, le temps de le faire, et que l'augmentation des plaintes pour conflit de loyauté est notable depuis deux ans. Est-ce que vous voyez ça, de votre côté?

M. Monast (Michael) : Michael Monast. On est dans un réseau qui est en transformation. On a en ce moment la fusion de la première et la deuxième ligne. Je ne vous apprends rien. Ça fait en sorte que les... comment je pourrais dire? D'abord, il faudrait peut-être dire, la Loi de la protection de la jeunesse, l'intervention en protection de la jeunesse, c'est une pratique de pointe, spécialisée qui est difficile parfois à saisir. C'est une pratique, je dirais, qui ne peut pas être toujours inscrite dans un livre de pratiques.

Puis le conflit de loyauté est peut-être vécu présentement parce qu'on a dans le remaniement des cadres, par exemple, qui peuvent être issus de la première ligne, qui encadrent des professionnels de la deuxième ligne, puis, à ce moment-là, c'est difficile, peut-être, pour eux de saisir toute la notion de la Loi de la protection de la jeunesse. Mais on est en transformation. Ces problèmes-là, c'est difficile de dire s'ils vont être encore actuels, une fois que la poussière sera retombée, que ces cadres-là, peut-être, recevront, là, les... Peut-être qu'ils l'ont déjà, je m'avance peut-être, mais peut-être que c'est dû à ça. Parce que, sinon, théoriquement, un professionnel prend ses décisions puis, pour qu'il y ait une plainte à l'ordre des travailleurs sociaux, ça prend une faute grave. Puis je trouve étonnant quand même qu'ils puissent avoir des conflits de loyauté à ce point, qui mènent à des fautes graves, mais...

Le Président (M. Villeneuve) : Merci beaucoup, c'est tout le temps que nous avions, alors nous allons nous diriger vers le deuxième groupe d'opposition. Alors, M. le député de — bougez pas — Drummond — Bois-Francs, à vous la parole.

M. Schneeberger : Merci. Bonjour à vous trois. Rapidement, premièrement, distinction au niveau de la famille d'accueil. Est-ce que, selon vous, on devrait faire une distinction entre ce que j'appelle la famille d'accueil de proximité, entre les liens parentaux, c'est-à-dire ma tante, oncle... les liens de sang, si on peut dire plus rapidement ou admettons... Parce que ce qu'on a entendu, c'est que, des fois, la notion de famille d'accueil de proximité s'étend au deuxième voisin puis le quatrième voisin, là. Est-ce qu'il faudrait faire une différence à ce niveau-là?

M. Monast (Michael) : Michael Monast. En fait, la distinction, je ne crois pas qu'elle est nécessaire. C'est sûr que dit comme ça, le quatrième voisin, ça fait un peu drôle, mais, pour que ce soit une famille d'accueil de proximité, il faut que ce soient des gens qui sont significatifs pour l'enfant. Donc, il n'y a pas une famille pareille. Des liens significatifs, pour un, ce n'est pas nécessairement les mêmes pour l'autre. On peut avoir des liens significatifs avec son grand-père, puis pas avec son voisin, puis, dans une autre famille, c'est totalement l'inverse. Donc, de faire cette distinction-là, je ne crois pas qu'elle est nécessaire.

M. Schneeberger : Comment vous les retracez, justement, ces liens-là? C'est en parlant avec les enfants? C'est comment vous faites quand il y a un cas de DPJ, là? Comment vous savez qu'il y a un lien avec telle famille ou telle personne?

M. Monast (Michael) : Michael Monast. Bien, on demande à la famille. La loi nous dit qu'on doit demander à la famille, on demande à l'enfant. C'est de cette façon-là qu'on trouve les alternatives au retrait, là, de l'enfant de son milieu... plutôt le placement dans une famille d'accueil, là, c'est en demandant : Est-ce que vous avez quelqu'un à nous proposer, quelqu'un qui est significatif? Ou si on parle à l'enfant : Est-ce qu'il y a un endroit où tu aimerais être en attendant? Des choses comme ça.

M. Schneeberger : O.K. Admettons que, demain matin, vous n'avez plus de problème au niveau du personnel, là, tu sais, tous les cas sont rencontrés au niveau des délais prescrits par la loi, et autres, est-ce que le délai de 30 jours serait correct ou vous demanderiez quand même un 60 jours pour, si j'ai bien compris, le processus? C'est-à-dire que vous, vous avez un signalement, vous allez voir les personnes, les parents principaux, vous regardez, voir s'il y a une amélioration à faire, puis c'est pour ça que 30 jours, selon vous, c'est trop court, vous demandez un 60 jours, ce serait plus... C'est ça, si je comprends, l'approche. C'est ça?

Mme Ouellet (Myriam) : Myriam Ouellet. En fait, ce qu'on dit, c'est que l'augmentation de ce délai de 30 jours là pourrait nous permettre de mobiliser davantage les gens. Parce qu'on a beau avoir tout le temps qu'on voudrait, même si j'avais une seule famille dans mon «caseload», cette famille-là, 30 jours, ce n'est peut-être pas suffisant pour elle pour pouvoir accepter qu'il y a des problématiques dans sa famille, que son rôle de parent est mal exécuté, qu'elle doit faire des changements puis amorcer un changement. C'est quand même une intervention qu'on fait dans la vie privée des gens. Donc, il y a un temps, des fois, qui est nécessaire aux gens pour assimiler pleinement ce qu'on est en train de leur dire puis collaborer davantage avec nous. Parfois, ça va être la différence entre s'en aller vers le judiciaire, parce que les gens sont en réaction, ou bien avoir 15 jours ou 30 jours de plus puis pouvoir amorcer un changement avec ces gens-là, puis amener des réflexions, amener une évolution, puis de pouvoir travailler plus en collaboration avec eux. C'est plus dans ce sens-là.

M. Schneeberger : C'est ça. Mais, par contre, le 60 jours, il faut vraiment qu'il soit tenu, et non l'étirer, là, pour x raisons que vous avez nommées tantôt, là. O.K. Je comprends ça. Parfait. Combien qu'il me reste de temps?

Le Président (M. Villeneuve) : 3 min 24 s.

M. Schneeberger : C'est bon. Vous parliez aussi de demander plus l'opinion des enfants. Selon vous, quel âge... Y a-tu un âge, selon votre expérience, qui devrait être pris en considération? À partir de 10 ans, 12 ans?

Mme Roy (Vanessa) : Je vous invite à nous référer à la convention sur les droits de l'enfant, la convention internationale stipule que c'est à partir du moment où l'enfant est capable de discernement. Donc, c'est selon le cas par cas, le jugement des professionnels. C'est difficile de dire à partir d'un tel âge, mais mes collègues peuvent préciser s'ils ont des nuances là. Ce n'est pas nécessairement 14 ans, ça peut être avant.

M. Schneeberger : Oui, mais, selon vous, votre expérience que vous vivez sur le terrain, je veux dire, vous êtes pas mal plus en mesure que nous de commenter ça ou d'émettre une opinion là-dedans, là.

M. Monast (Michael) : Michael Monast. En fait, je crois que, dès que l'enfant est en mesure de parler, il faut minimalement lui parler. Ça, c'est la base. Ensuite, son opinion... Peu importe l'âge, ce que l'enfant dit, il faut aussi, l'intervenant, qu'il le décode parce qu'on a un enfant qui a un vécu, qui a possiblement un conflit de loyauté, qui... Puis on est, par exemple, la DPJ, donc ça peut amener l'enfant, je dirais, à adapter son discours. Donc, peu importe l'âge, il faut que l'intervenant soit en mesure de lui parler puis, ensuite, de décoder, là, ce qu'il veut bien lui dire.

Mme Roy (Vanessa) : Je tiens à ajouter une précision si je peux me permettre.

M. Schneeberger : Oui, allez-y.

Le Président (M. Villeneuve) : Mme Roy.

Mme Roy (Vanessa) : Vanessa Roy. L'association, une de ses forces, c'est la multidisciplinarité, de faire travailler plusieurs professionnels ensemble. On n'est pas là pour défendre uniquement les travailleurs sociaux, notre proposition est vraiment là pour répondre à une préoccupation qui a été soulevée par des juristes, puis on a le souci d'arriver à un consensus en se souciant des préoccupations des juristes. C'est dans ce sens-là qu'on a amené cette notion-là. Parce que, dans le travail des professionnels, on pourrait vous dire : Non, non, pas besoin, on le respecte, le droit des enfants, qu'est-ce que vous dites là? Tu sais, non, ce n'est pas ça, c'est qu'on est conscients qu'il y a des préoccupations puis on répond à ça pour s'assurer que c'est respecté, le droit de l'enfant d'être entendu.

• (10 h 50) •

M. Schneeberger : Que ça soit intégré dans le processus, là, et non juste au désir, ou au besoin, ou au... parce que, dans le fond, c'est toujours le juge qui a le dernier mot là-dessus, là.

Mme Roy (Vanessa) : ...on veut déjudiciariser parce que c'est une approche innovante qu'on fait ailleurs, puis c'est la bonne voie, puis, en même temps, on veut s'assurer que les droits sont quand même respectés dans ce contexte-là.

M. Schneeberger : Parfait, c'est bon. Ça va.

Le Président (M. Villeneuve) : Ça va? Alors, mesdames, monsieur, je vous remercie pour votre précieuse collaboration aux travaux de la commission.

Je vais suspendre les travaux quelques instants et je demanderais au prochain groupe de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 10 h 51)

(Reprise à 10 h 53)

Le Président (M. Villeneuve) : ...présenter d'abord et avant tout, et vous avez 10 minutes pour votre présentation.

Fondation Marie-Vincent et Chaire interuniversitaire
Fondation Marie-Vincent sur les agressions
sexuelles envers les enfants

Mme Cyr (Mireille) : Alors, M. le président de la commission, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, je suis Mireille Cyr, cotitulaire de la chaire interuniversitaire Marie-Vincent sur les agressions sexuelles et professeure titulaire au Département de psychologie de l'Université de Montréal. Je suis accompagnée d'Annie Fournier, directrice des services professionnels au centre d'expertise de la Fondation Marie-Vincent.

Nous tenons à vous remercier, la Commission de la santé et des services sociaux, de nous avoir permis de prendre part aux consultations sur le projet de loi n° 99. Dans le cadre de cette consultation, nous souhaitons donner une voix aux enfants et aux adolescents à qui nous venons en aide depuis plusieurs années et contribuer de façon constructive aux réflexions des parlementaires.

Fondée il y a plus de 40 ans, la Fondation Marie-Vincent aide les enfants et les adolescents victimes de violence sexuelle et leurs familles à surmonter cette épreuve en s'assurant que des traitements spécialisés à la fine pointe des connaissances leur sont offerts à leur centre d'expertise. Dans une optique de prévention, le centre d'expertise offre aussi des services thérapeutiques aux enfants présentant des comportements sexuels problématiques. La Fondation Marie-Vincent joue un rôle de premier plan au Québec dans la prévention de la violence sexuelle. La fondation mise constamment sur les meilleures pratiques dans le domaine de la violence sexuelle en soutenant depuis 10 ans la chaire interuniversitaire Marie-Vincent. La chaire a pour objectif de développer une expertise québécoise de fine pointe en matière de dépistage et de traitement des agressions sexuelles envers les enfants et les adolescents.

Mme Fournier (Annie) : Depuis la création de la Loi sur la protection de la jeunesse, le Québec a fait des avancées significatives en mettant sur pied un système de protection de la jeunesse des plus performants à travers le pays et le monde. Ce système a contribué à protéger un nombre incalculable d'enfants victimes d'agressions sexuelles ou à risque de l'être. Parmi les modifications proposées dans le cadre du projet de loi n° 99, celle visant l'inclusion de la notion d'exploitation sexuelle à l'article 38d nous apparaît tout à fait cruciale.

Depuis quelques années, de nouveaux phénomènes relatifs à l'exploitation sexuelle apparaissent et prennent de plus en plus d'ampleur. Ils touchent les enfants, les adolescents de tous les âges, garçons et filles, et de toutes les classes sociales, et de toutes les cultures. Toutes les familles peuvent être touchées par différentes formes d'exploitation sexuelle : prostitution et proxénétisme juvéniles, pornographie juvénile, leurre d'enfants, cybervictimisation sexuelle. Ces enfants et ces adolescents victimes d'exploitation sexuelle ont, eux aussi, besoin d'aide et de services adaptés. C'est la raison pour laquelle nous souscrivons de façon très positive à la modification de l'article 38d, pour que le projet de loi précise que les situations impliquant l'exploitation sexuelle d'un enfant se trouvent incluses aux motifs de compromission à la sécurité et au développement portant sur les abus sexuels.

Nous comprenons que le texte de loi ne peut expliciter en détail tout ce que le terme «exploitation sexuelle» englobe. Cependant, comme ce fut le cas pour le terme «abus sexuel», nous sommes convaincus que des balises pourront être développées à la suite d'autres modifications apportées à la LPJ par le biais d'élaboration de cadres de référence, de guides de pratique ou encore à travers des notes explicatives inscrites dans diverses versions de la loi annotée.

En effet, l'exploitation sexuelle englobe toute une panoplie de phénomènes : cyberintimidation et cybervictimisation sexuelles, leurre d'enfants, prostitution et proxénétisme juvéniles, pornographie juvénile, etc. Selon la récente enquête québécoise sur les parcours amoureux des jeunes, un peu plus d'un jeune sur cinq rapporte avoir été victime de cyberintimidation au cours des 12 derniers mois précédant l'enquête. Une portion importante des actes de cyberintimidation vécus par les jeunes seraient reliés à la dimension sexuelle. Toutes ces formes d'exploitation sexuelle, même s'il n'y a pas toujours de contact physique comme dans l'agression sexuelle, entraînent des conséquences aussi dévastatrices pour les enfants. D'ailleurs, nos cliniciens constatent que ces enfants présentent souvent des réactions et des séquelles semblables à celles des enfants victimes d'agression sexuelle : symptômes de dépression, d'anxiété, d'état de stress post-traumatique, troubles de comportement, comportement sexuel problématique, sentiment de culpabilité, faible estime de soi.

Compte tenu du fait que l'exploitation sexuelle puisse englober plusieurs phénomènes touchant les enfants et les adolescents, nous recommandons qu'une démarche contribue à préciser des balises de référence afin de mieux cerner le concept d'exploitation sexuelle en tenant compte des phénomènes en émergence, ceci dans le but que les jeunes victimes de toute forme d'exploitation sexuelle puissent être protégées et recevoir les services dont elles ont besoin.

Par ailleurs, le phénomène étant encore méconnu de nombreux intervenants, nous recommandons que les intervenants gravitant autour des enfants soient formés sur les différentes formes que peut prendre l'exploitation sexuelle. Afin que les enfants et les adolescents victimes d'exploitation sexuelle puissent recevoir des services requis, nous recommandons que la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels soit également amendée afin que l'exploitation sexuelle soit reconnue comme étant un motif de victimisation permettant aux enfants d'obtenir une compensation financière et des services d'aide financés.

Nous profitons également de l'occasion qui nous est offerte pour apporter des commentaires, préoccupations et recommandations en regard des propositions d'amendement qui concernent les communautés autochtones, les familles d'accueil et les moyens technologiques mis en place au tribunal. Depuis plusieurs années, par le biais de nos activités de transfert des connaissances, nous avons établi des collaborations étroites et fructueuses avec plusieurs communautés des Premières Nations du Québec. Nous avons privilégié une démarche partenariale, collaborative avec les Premières Nations dans le respect de leur culture et de leurs valeurs, tout en favorisant leur pouvoir d'agir au niveau de la prévention et l'intervention en matière d'agression sexuelle envers les jeunes enfants. Nos expériences nous ont permis de confirmer l'importance de favoriser l'implication des communautés autochtones, le développement de leur autonomie et la préservation de l'identité culturelle des enfants.

Dans le cadre des services offerts à Marie-Vincent, nous constatons que les parents des familles d'accueil sont présentement mal outillés pour soutenir de façon optimale les jeunes victimes de violence sexuelle qui leur sont confiées. Pourtant, il est démontré que le soutien donné à l'enfant est un élément très important pour assurer son rétablissement. Ainsi, les familles d'accueil ont besoin d'être sensibilisées, mais aussi de savoir comment aider un enfant qui a dévoilé une agression sexuelle.

Par ailleurs, certains enfants confiés aux familles d'accueil présentent des comportements sexuels problématiques. Ces comportements deviennent souvent un enjeu important pour les familles d'accueil, puisque l'enfant lui-même ou les autres enfants de la famille deviennent à risque de victimisation sexuelle. De plus, ces comportements sont très difficiles à gérer pour les parents, qui se disent souvent mal outillés devant ces situations. Afin de mieux soutenir les familles d'accueil, nous recommandons qu'une priorité soit identifiée afin d'offrir de la formation aux familles d'accueil leur permettant de mieux composer avec des enfants ayant été victimes d'agression sexuelle, d'exploitation sexuelle ou encore présentant des comportements sexuels problématiques.

Pour certains enfants, le fait d'aller témoigner est vu comme une façon d'être entendu dans sa souffrance, une manière d'avoir du pouvoir sur la situation et d'être validé quant au caractère inacceptable des gestes qui ont été perpétrés. Toutefois, pour d'autres enfants, sans soutien adéquat, les impacts du témoignage à la cour peuvent être importants et générer des réactions et des séquelles majeures. Ainsi, l'utilisation des technologies pour minimiser les impacts du passage à la cour nous apparaît positive pour les enfants. Par ailleurs, le témoignage à distance pourra également permettre à certains enfants de régions éloignées, notamment les enfants des Premières Nations, d'être entendus sans leur imposer le stress d'un déplacement de leur milieu de vie pour quelques jours. Nous accueillons donc favorablement la modification à l'article 74 telle que formulée à l'article 45 du projet de loi n° 99.

En conclusion, la fondation, le centre d'expertise et la chaire interuniversitaire Marie-Vincent rêvent d'un monde sans violence sexuelle. Nous avons contribué au développement des meilleures pratiques de traitement et de prévention pour soutenir les enfants victimes d'agression sexuelle et les enfants présentant des comportements sexuels problématiques. Nous sommes présentement à développer des pratiques tout aussi efficaces pour répondre aux besoins des adolescents et des adolescentes victimes de violence sexuelle. Nous tenions, aujourd'hui, à vous dire combien nous trouvions important d'inclure la notion d'exploitation sexuelle dans la Loi sur la protection de la jeunesse. Toutes nos recommandations sont guidées par une seule chose, la plus importante selon nous, le mieux-être des enfants.

• (11 heures) •

Le Président (M. Villeneuve) : Oui. Il vous reste 1 min 20 s, Mme Cyr Non, ça va? Merci pour votre présentation.

Je vous pose la question immédiatement, on a 10 minutes de retard, est-ce que vous préférez un prolongement des travaux ou si vous préférez... Qu'est-ce que vous préférez, prolongement des travaux? Donc, on...

Une voix : ...

Le Président (M. Villeneuve) : Non. Bon, d'accord. Ça va pour tout le monde? Donc, on va réduire le temps un peu de tout le monde au niveau des partis politiques. Ça va?

Alors, la période des échanges commence avec vous, Mme la ministre.

Mme Charlebois : ...dire qu'on comprend la situation pour le député de l'opposition officielle, on sait qu'il y a des choses qui se passent cette semaine. Et, si c'était dans mon cas, j'apprécierais un peu de compréhension, alors c'est pour ça... Je veux juste dire aux invités que ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas intéressants, c'est parce qu'il y a des... Voilà.

Alors, d'abord, vous saluer, Mme Fournier et Mme Cyr. Merci d'être là. Pour avoir déjà rencontré votre regroupement, je sais combien de bon travail vous faites, et c'est toujours un peu... ça nous jette toujours par terre d'entendre tout ce qui se passe. Il faut que vous soyez faites solides pour entendre tout ce que vous entendez et voir tout ce que vous voyez. On a entendu des intervenants avant dire combien ce n'est pas facile pour eux parce que ce n'est jamais joyeux, hein, que de voir des enfants souffrir. Puis de voir des enfants qui vivent des phénomènes pas plaisants, c'est encore plus difficile. Et j'aime la conclusion. On travaille pour qui? Bien, pour les enfants. Alors, bonifions le projet de loi en ce sens-là, et je n'ai même pas de doute qu'on va pouvoir travailler en étroite collaboration quand on va arriver à l'article par article avec mes collègues des oppositions parce qu'on est tous là pour un même but.

Maintenant, je vous entends parler du concept, là, vous voulez qu'on définisse mieux le concept d'exploitation sexuelle dans la... Mais, en fait, ce que je vous entends dire, c'est-u dans la loi que vous voulez le voir précisé, mieux défini ou bien si vous souhaitez des balises en dehors de la loi? Parce que vous avez touché un petit peu les deux volets, j'aimerais ça que vous nous entreteniez un petit peu là-dessus.

Mme Fournier (Annie) : Annie Fournier. Donc, en fait, je pense qu'on est conscients qu'on ne peut pas, pour alourdir le texte, inclure dans le projet de loi toutes les définitions possibles du concept d'exploitation sexuelle. Ce qu'on aimerait, c'est qu'effectivement il y ait un cadre de référence ou des balises qui peuvent être définies, où, par exemple, dans un projet de loi annoté, où est-ce qu'on aurait, là, un guide qui permettrait de définir mieux le concept d'exploitation sexuelle parce qu'encore aujourd'hui c'est un phénomène qui doit être mieux cerné, mieux connu, là. Il y a encore du travail à faire, notamment par le biais de la recherche, pour bien comprendre ce phénomène-là et il y a plusieurs avenues qui peuvent être incluses, là, dans le concept d'exploitation sexuelle.

Donc, c'est sûr que, dans les derniers mois, là, on a entendu beaucoup parler de la question du proxénétisme juvénile ou de la prostitution juvénile, mais, en ce qui nous concerne, l'exploitation sexuelle peut vouloir dire aussi pornographie juvénile, peut vouloir dire aussi leurre d'enfants, donc des enfants, dans le fond, qu'on va hameçonner par le biais de l'informatique puis à qui on va proposer de faire des gestes sexuels à la caméra web. Ça, c'est des phénomènes qu'on voit en émergence. Puis il y a aussi toute la cyberintimidation ou la cyberviolence sexuelle, là, que ça soit à travers les jeunes envers eux, mais aussi les adultes envers d'autres jeunes ou envers les adolescents. Donc, c'est un concept qui est quand même assez large. Donc, notre souci, c'est de s'assurer qu'on va inclure toutes les problématiques possibles pour ne pas qu'on laisse de côté des enfants qui seraient victimes ou seraient victimisés sexuellement, mais qu'on n'aurait pas pensé que c'était un phénomène que c'était à inclure, donc.

Et l'autre chose aussi sur laquelle on voulait peut-être... qu'on voulait souligner, c'est de s'assurer que les intervenants, les gens qui vont, dans le fond, avoir à appliquer cette loi-là sachent bien de quoi on parle quand on parle d'exploitation sexuelle. Donc, c'est pour ça qu'on parlait peut-être par le biais de formations ou de soutien à ces intervenants-là, puisque, comme je vous disais, c'est un phénomène en émergence, là, donc il est encore peu connu, puis peut-être qu'on va se parler dans deux ans, puis on va inclure des nouvelles problématiques auxquelles on n'avait pas encore pensé parce que les technologies évoluent rapidement. Donc, c'est un peu ça, notre souci, là. Donc, c'est sûr qu'on ne tient pas à ce que nécessairement le libellé dans la loi soit... qu'il y ait une énumération, mais qu'on ait vraiment des balises ou des guides de pratique, là.

Mme Charlebois : Oui, qu'on puisse l'inclure, puis, s'il y a des modifications à y avoir, bien, qu'on puisse les faire, pas attendre que la loi soit rouverte. Et, comme vous le dites, il y a plusieurs phénomènes, là, à partir de l'abus qui ont été beaucoup médiatisés dans les années passées, jusqu'à ce vous nous parliez de cyber... Je pense que vous êtes le seul groupe, d'ailleurs, qui nous parle de cyberintimidation, cybervictimisation, mais c'est incroyable les conséquences, vous en parlez dans votre mémoire, les conséquences sur le restant de la vie de l'enfant qui devient un adulte. Vous nous parlez de comportements à risque, de problèmes de santé physique, problèmes académiques, des problèmes de santé mentale, problèmes émotionnels. C'est quand même important, là, les conséquences de tout ça.

J'aimerais ça que vous me fassiez la distinction, parce que ce n'est pas clair dans ma tête, la différence entre la cyberintimidation puis la cybervictimisation sexuelle. Et, en même temps, tant qu'à faire, est-ce que vous auriez une proposition — vous avez dû vous pencher là-dessus, à la chaire — sur la définition du concept ou, en tout cas, dans les guides pratiques, là, ce qu'on pourrait inclure?

Mme Cyr (Mireille) : Toute la cyberintimidation, c'est beaucoup plus large que juste le volet sexuel. Dans l'étude dont on parle dans le projet de loi qui a été faite auprès de 8 000 adolescents, il y avait quand même un adolescent sur cinq qui rapportait avoir subi de la cyberintimidation. Et, de ce nombre-là, il y en avait 33 % qui disaient qu'il y avait un volet sexuel. Ça fait que ça nous apparaissait important de quand même mentionner la cyberintimidation parce que c'est une forme de violence psychologique, et donc c'est un mauvais traitement à l'endroit des enfants dont il faut protéger les enfants, et donc ces enfants-là devraient avoir besoin de services. Ça fait que la cybervictimisation sexuelle, c'est vraiment, à ce moment-là... intimidation sexuelle, c'est quand ça inclut un volet sexuel avec l'enfant, au niveau du discours, de lui demander d'avoir accès à des photos. Donc, ça peut être plus étendu, mais c'est une dimension, la cyberintimidation peut aussi comprendre, par moments, des aspects sexuels. Je ne sais pas si tu veux ajouter autre chose. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

Mme Charlebois : Très clair. Il y en a un qui est plus large que l'autre, mais c'est important de les tenir en considération, les deux.

Mme Cyr (Mireille) : Les prendre en considération, les deux, parce que, dans les deux cas, il y a quand même une violence, hein, qui...

Mme Charlebois : ...

Mme Cyr (Mireille) : C'est ça.

Mme Charlebois : Tout à fait.

Mme Fournier (Annie) : Peut-être que je préciserais...

Le Président (M. Villeneuve) : Mme Fournier.

• (11 h 10) •

Mme Fournier (Annie) : Oui. La cybervictimisation sexuelle peut inclure, à ce moment-là, le leurre d'enfants par ordinateur, peut aussi inclure le harcèlement sexuel, par exemple, dans un couple amoureux d'adolescents dont un des partenaires harcèlerait sexuellement l'autre puis ferait des pressions de toutes sortes ou pourrait... Donc, la cybervictimisation sexuelle est un terme assez large. C'est toujours des violences sexuelles, mais qui sont faites par la voie des technologies de l'information qu'on a actuellement à notre disposition.

Mme Charlebois : En avez-vous, une définition, un cadre? Ou je ne sais pas comment vous dire ça, là, mais, puisque vous précisez qu'on devrait inclure un concept dans des guides pratiques, etc., vous avez dû déjà vous pencher là-dessus, vous devez en avoir, une définition, vous autres.

Une voix : Bien...

Mme Charlebois : Par écrit, je parle, là.

Le Président (M. Villeneuve) : Mme Cyr.

Mme Cyr (Mireille) : Je pense qu'on pourrait s'y pencher plus. Il commence à émerger des définitions un peu partout. Je pense, ça demanderait vraiment un travail... Nous, ce qu'on vous dit, c'est qu'on serait prêts à s'asseoir autour d'une table pour y réfléchir avec d'autres, essayer de voir les définitions qui ont déjà émergé dans la littérature. Parce que, des fois, en recherche, on va cibler une définition pointue, alors que d'autres ont une définition plus large. Ça fait que je pense que ça demanderait... On n'a pas fait une étude systématique de ces définitions-là, mais on voulait vous sensibiliser au fait qu'il y en a vraiment plusieurs. Ça fait que ça demande peut-être un travail de réflexion pour bien les définir, pour être sûr qu'on... Notre souci, c'est qu'on n'échappe pas d'enfants. C'est que tous les enfants qui sont victimes puissent avoir accès à des services pour les mauvais traitements qu'ils subissent.

Mme Charlebois : Je vais vous amener sur un petit peu... bien, pas sur un autre terrain, parce qu'on est toujours dans l'exploitation sexuelle. L'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux nous proposait des mesures d'insertion sociale et de participation citoyenne aux jeunes en situation d'exploitation sexuelle. Je ne sais pas si vous avez vu leur mémoire, mais ils nous proposaient, justement, des mesures dans ce sens-là. Qu'est-ce que vous pensez de ça? Est-ce que vous pensez que c'est une bonne idée?

Le Président (M. Villeneuve) : Mme Fournier.

Mme Fournier (Annie) : Oui. Bien, en fait, je pense que, nous, notre volet, c'est vraiment le volet clinique, donc le traitement thérapeutique de ces jeunes-là. Puis, quand on veut aider des jeunes victimes d'exploitation sexuelle, il ne faut pas se limiter à un seul mode d'intervention. Je pense que ce qui est payant puis ce qui est gagnant, c'est l'adaptabilité des services aux besoins de l'enfant lui-même. Donc, ce que ça veut dire, c'est qu'il faut toujours commencer par faire une bonne évaluation des besoins. C'est quoi, les conséquences, les séquelles associées? Il part d'où, ce jeune-là? Quels seraient les éléments gagnants pour l'aider à sortir de cette situation-là? Puis, pour un jeune, les besoins peuvent être vastes. Donc, je pense que tous les moyens sont bons pour faire en sorte qu'on arrive à sortir un adolescent d'une situation d'exploitation sexuelle.

Mme Cyr (Mireille) : Si je peux me permettre...

Mme Charlebois : Oui, allez-y.

Mme Cyr (Mireille) : ...d'ajouter, c'est qu'il n'y a pas... On sait qu'au niveau des séquelles de l'agression sexuelle... on en a nommé plusieurs, on l'a souligné tout à l'heure, mais il n'y a pas un portrait type de l'enfant. Il y a des enfants qui n'ont pas de séquelles, même si l'agression a pu être sévère, alors qu'il y en a d'autres qui en ont plusieurs dans plusieurs domaines. Donc, c'est très difficile de pouvoir prévoir au départ les séquelles, ou le profil, ou les besoins spécifiques de l'enfant, et c'est pour ça qu'il faut travailler avec plusieurs options.

Puis je vous dirais, dans le cadre de tout ce qui est plus cyberviolence, bien, on n'a pas encore de très bonnes études, on n'a pas suffisamment d'études aussi pour voir l'ampleur des séquelles. On sait qu'il y en a, on le voit par des enfants qu'on traite à Marie-Vincent. Ces enfants-là ont des profils très semblables, mais, maintenant, n'a pas de vastes études ou d'études, je dirais, en nombre suffisant pour, vraiment, pouvoir comparer ces deux volets-là. Mais je pense qu'il faut savoir que, parce qu'il n'y a pas un profil précis, bien, il faut s'adapter aux besoins des enfants et bien les évaluer.

Mme Charlebois : Ça fait 40 ans, hein, que la Fondation Marie-Vincent existe. Je vais vous poser une question... j'allais dire presque la question qui tue. Vous avez des enfants qui sont des adultes maintenant, puisque ça fait 40 ans que vous existez. Vous avez dû voir des... Puis il y a des gens qui doivent s'impliquer dans votre fondation qui ont été elles-mêmes victimes ou eux-mêmes victimes. Est-ce que vous êtes à même de dire que ce qu'on ajoute dans la loi va nous permettre de moins échapper de jeunes, justement? Est-ce qu'on en échappait beaucoup, des enfants victimes d'abus sexuel? Le fait qu'on a introduit l'exploitation sexuelle, pensez-vous qu'on va échapper moins d'enfants, moins d'adolescents?

Le Président (M. Villeneuve) : Mme Fournier.

Mme Fournier (Annie) : Oui. Mais, d'abord, juste préciser que la Fondation Marie-Vincent existe depuis 40 ans, mais son centre d'expertise, qui est, dans le fond, le volet services... le service clientèle est dans sa 10e année. Donc, ça ne fait pas 40 ans qu'on traite... Il y a eu d'autres volets avant, mais ça fait à peu près une dizaine d'années. Ça fait que d'abord, pour répondre à votre question, la première question, on a, effectivement, maintenant des enfants qui sont devenus des adultes, qu'on a la chance parfois de revoir ou qui décident de nous recontacter pour nous donner de leurs nouvelles, puis les conclusions sont très positives, c'est-à-dire qu'on voit énormément d'enfants qui, effectivement, grâce au suivi qu'ils ont eu, ont pu changer leur trajectoire de vie puis devenir des adultes épanouis, puis c'est un peu ça qui nous a toujours un peu alimentés, à Marie-Vincent. Parce que vous parliez tout à l'heure que c'est un travail difficile, nous, on est dans l'espoir. Ce qu'on aime, c'est de savoir que les jeunes qu'on traite, bien, on fait une différence notable dans leur vie puis qu'on est là pour ça.

Donc, effectivement, de modifier la loi permet d'identifier peut-être plus facilement des enfants qui seraient victimes, mais on sait qu'il y a encore... Puis ça, Mireille pourrait encore plus vous entretenir là-dessus, mais il y a encore beaucoup de non-dévoilement, hein, on sait que... Mais plus on va donner d'outils, que ce soit aux intervenants, aux enfants eux-mêmes, de mieux comprendre ce qui est problématique, ce qui ne l'est pas et ce qui est à dénoncer, ce qui ne l'est pas, qu'on va outiller les parents aussi, qu'on va outiller les intervenants, plus on va faire en sorte que ces enfants-là vont avoir un endroit pour en parler. Mais aussi de leur dire qu'il y a quelque chose à faire. Donc, c'est aussi ça qui est important, c'est de retenir qu'on peut les aider. Souvent, les victimes d'agression sexuelle, ce qu'elles ont peur, c'est qu'est-ce que ça va donner, ce que je dénonce. Ils ont peur plus des conséquences négatives que ce que ça peut m'apporter. Donc, il faut aussi lancer le message aux victimes, que ce soit d'exploitation sexuelle ou d'agression sexuelle, qu'on peut faire quelque chose, on peut s'en sortir, il y a des traitements efficaces qui permettent de les aider, qui peuvent changer, après ça, comment ça va aller dans ma vie d'adulte.

Mme Charlebois : Je pense que le fait d'inclure la notion d'exploitation sexuelle dans la loi donne un signal, là. Ce n'est pas juste dans les guides pratiques, là, c'est dans la loi, là. Alors là, il y a quelque chose là qui marque le terrain. Dites-moi, vous connaissez l'entente multisectorielle concernant, justement, les enfants victimes d'abus sexuels et de mauvais traitements physiques, pensez-vous que la Loi de la protection de la jeunesse, avec l'entente multisectorielle, va faire mieux son travail maintenant avec toutes les modifications qu'on propose que ce qui se passait avant? Parce que vous savez qu'il y a une collaboration, là, réseau de la santé, le milieu policier, etc., alors comment vous voyez ça? Santé et services sociaux, bien entendu.

Le Président (M. Villeneuve) : Mme Cyr, en 30 secondes, s'il vous plaît.

Mme Cyr (Mireille) : Parfait, merci. Je pense qu'effectivement c'est un plus, ça va aider, le fait d'inclure une définition plus large. Vous savez, moi, j'ai la chance de donner beaucoup de conférences en Europe, de faire beaucoup de formation en Europe et je suis toujours fière de leur parler de l'entente multisectorielle, de la loi qu'on a ici. On a une grosse longueur d'avance sur la façon dont on prend soin des enfants, et je pense qu'on... pour moi, c'est vraiment le fait qu'on fait encore un pas en avant, qu'on est plus inclusifs, qu'on suit, au fond, on suit la société, l'évolution de la société pour inclure les nouveaux phénomènes, et donc je pense que ça va aider les enfants, clairement, et les intervenants à faire leur travail.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, nous allons passer à l'opposition officielle pour les neuf prochaines minutes, s'il vous plaît.

M. Lisée : Merci, Mme Fournier, Mme Cyr. Écoutez, ces chiffres-là que vous avez dans votre mémoire, on les voit une fois de temps en temps, on est complètement affolés, et ensuite c'est comme si on passait à autre chose, puis on ne voulait pas que ça s'imprime dans notre cerveau.

Vous nous dites, là, que 20 % des filles de moins de 18 ans rapportent avoir été victimes d'agression sexuelle et 10 % des garçons. 20 % des filles, 10 % des garçons, mais c'est un niveau épidémique.

Mme Cyr (Mireille) : Oui. Puis, malheureusement, cette épidémie-là est mondiale. C'est-à-dire on n'a pas des chiffres qui sont pires au Québec qu'ailleurs dans le monde, et toutes les études qui sont faites à travers le monde, on arrive à peu près à ces chiffres-là. Donc, une femme sur cinq, entre 7 %, 8 %, 10 % des hommes, ce qui est vraiment énorme. Et le problème de l'agression sexuelle, je pense, c'est qu'on ne veut pas en entendre parler. C'est un phénomène qui se fait entre deux personnes. Souvent, il n'y a pas de témoin, il n'y a pas... donc, pour les enfants, c'est excessivement difficile de prendre le risque de révéler... On l'a vu avec l'affaire Ghomeshi, hein?

Donc, une chance, je vous dirais... C'est malheureux de dire ça comme ça, mais une chance qu'une fois de temps en temps il y a un phénomène comme ça qui arrive parce que, là, on va en parler pendant quelques semaines, quelques mois, ça sensibilise un peu les gens, puis, après ça, on a tendance à ramener ça dans l'oubli.

M. Lisée : Bon, maintenant, on a des chiffres, est-ce qu'on peut penser que ça existait avant, mais on le documentait moins ou est-ce que vous avez suffisamment de données sur suffisamment de temps pour nous dire si c'est stable, ça augmente ou ça baisse?

Mme Cyr (Mireille) : C'est assez stable.

M. Lisée : C'est stable.

Mme Cyr (Mireille) : C'est stable, c'est assez stable.

M. Lisée : On peut penser que, dans les années 30 comme maintenant, 20 %, 10 %.

Mme Cyr (Mireille) : Tout à fait. Oui, tout à fait.

Le Président (M. Villeneuve) : Mme Cyr.

• (11 h 20) •

Mme Cyr (Mireille) : Sauf qu'avant on en parlait moins. Je pense, ce qui aide un petit peu, c'est le fait qu'on en parle plus, ça aide certaines victimes à prendre le risque de dévoiler. Mais ces chiffres-là sont assez stables dans le temps. Avant, dans les familles, là, dans toutes les familles ou presque, on savait qu'il y avait un mononcle qui avait les mains baladeuses. C'étaient des phénomènes qui étaient connus, mais on n'en parlait pas. Maintenant, les enfants ont peut-être un peu plus de chances de savoir que ce n'est pas correct puis qu'il faut en parler. Donc, ça aide certaines personnes à dévoiler.

M. Lisée : Alors, vous proposez des mesures de bon sens, d'abord une formation sur les pratiques d'exploitation sexuelle pour les intervenants, pour les familles d'accueil et pour les familles de proximité. Ce qui me frappe, c'est que, si vous dites que ça devra exister, c'est parce que ça n'existe pas?

Le Président (M. Villeneuve) : Mme Cyr.

Mme Cyr (Mireille) : Ça existe. Ça existe en partie, mais ça n'existe pas suffisamment, de notre point de vue. C'est étonnant de voir comment, dans les formations de médecins, combien d'heures sont consacrées au phénomène des agressions sexuelles alors qu'il y a des séquelles physiques, il y a des gens qui se présentent avec des problèmes de santé physique qui sont probablement dus à des agressions sexuelles. Ça fait que je vous parle des médecins, mais ça pourrait être vrai de tous les autres professionnels qui sont au niveau de la santé ou des services sociaux. C'est sûr que, dans des endroits plus spécialisés, en travail social ou en criminologie et psychologie, on va probablement en parler plus, mais je pense qu'il y a des endroits où on n'en parle pas suffisamment aussi.

M. Lisée : Recommandation que vous ne faites pas, mais je voudrais vous entendre là-dessus, n'est-il pas absolument urgent de réintroduire l'éducation sexuelle à l'école par des sexologues pour que des enfants, ensuite des adolescents, soient outillés pour reconnaître l'exploitation sexuelle, et réagir, et le dénoncer?

Mme Cyr (Mireille) : Si vous permettez, je vais laisser ma collègue, qui est sexologue, répondre à votre question.

Mme Fournier (Annie) : Annie Fournier. Donc, oui, je pense que, pour répondre à votre question, c'est déjà prévu, si je ne me trompe pas, qu'il y a un projet actuellement de réintroduire l'éducation sexuelle à l'école, il y a des projets pilotes en cours depuis l'année dernière et cette année, là. Donc, c'est déjà prévu que ce soit fait, et, effectivement, je pense que c'est quelque chose de très positif pour les enfants puis pour les familles aussi de mieux savoir quoi faire puis...

M. Lisée : Pas par des sexologues. Le projet, c'est que des enseignants vont faire ça. Alors, moi, je suis très sensibilisé à ça. Parce que vous connaissez Sophie Sexologue?

Mme Fournier (Annie) : Oui, je la connais.

M. Lisée : Alors, Sophie Morin, c'est ma filleule. O.K.? Alors, je suis très sensibilisé au fait que, oui, les sexologues sont formés, et c'est une formation particulière, puis ce n'est pas un enseignant avec deux jours de formation — bien sûr, beaucoup de bonne volonté — qui va pouvoir le faire. Mais là, pour l'instant, la proposition, ce n'est pas d'utiliser les ressources des sexologues que nous avons au Québec pour faire ces enseignements-là.

Mme Fournier (Annie) : Bien, en fait, si je ne me trompe pas, déjà c'est une sexologue qui a monté le programme, puisque nous, on a participé, on a été consultées, entre autres, et on est venues, là, ici, à Québec, pour voir ce qui avait été présenté. Donc, déjà, je pense que la réflexion derrière le programme d'éducation à la sexualité a été faite par une sexologue qualifiée, et tout ça, puis j'imagine qu'elle n'a pas travaillé toute seule à tout ça.

L'autre chose, ce que j'en ai compris, c'est qu'il y a possibilité quand même que certaines écoles choisissent que ça soit fait par des sexologues puis décident que ce soit ça. Pour d'autres, ça pourrait être, effectivement, des enseignants qui se sentent à l'aise de le faire et qui pourraient, par le biais, peut-être, de support ou d'aide d'un sexologue, le faire aussi. Donc, c'est prévu quand même que les sexologues soient là.

Maintenant, je pense que c'est vrai qu'on a des professionnels qualifiés au Québec qui sont des sexologues, qui sont formés en éducation à la sexualité, ils connaissent bien le développement psychosexuel des enfants. Donc, je suis d'accord avec vous qu'il faut utiliser ces compétences professionnelles là à bon escient.

M. Lisée : ...à même de dépister même les cas que des enseignants formés en quelques jours... Maintenant, vous parlez de cyberintimidation, de cybersexualité, et là, évidemment, c'est affolant, les chiffres dont vous parlez. Évidemment, j'ai des enfants, ils sont en ligne, et je suppose que, tu sais, il faut être très, très, très vigilant face à ça. Mais il y a un phénomène dont vous parlez, c'est le leurre d'enfants. Vous dites que la sollicitation sexuelle par leurre touche environ le tiers des enfants cyberintimidés. Expliquez-nous ce que c'est, le leurre d'enfants.

Mme Fournier (Annie) : Alors, Annie Fournier. Le leurre d'enfants, c'est, en fait, de tromper l'enfant par un discours, hein, on pourrait... par le «chat» ou l'échange, là, de... que ce soit sur Facebook ou d'autres plateformes, là, de médias sociaux, amener l'enfant, dans le fond, à discuter. Puis, d'abord, c'est fait souvent par des... on va commencer par un sujet plus général où est-ce qu'on va parler de tout et de rien, peut-être des Pokémon parce que c'est un intérêt chez les enfants, puis, tranquillement, on va amener l'enfant à parler de sujets plus sexuels, et on peut aller jusqu'à lui demander de poser des gestes sexuels, et de soit se prendre en photo, se filmer puis, après ça, expédier ça à la personne. Donc, ça, c'est un premier phénomène.

L'autre possibilité...

M. Lisée : Quand vous dites : On fait ça, c'est qui, «on»?

Mme Fournier (Annie) : Bien, souvent, c'est des agresseurs sexuels, là, tu as souvent... La personne qu'il va y avoir à l'autre bout...

M. Lisée : Des adultes.

Mme Fournier (Annie) : ...c'est souvent des adultes. Ça pourrait être des adolescents, là, je ne veux pas exclure cette possibilité-là, mais...

L'autre phénomène possible aussi, c'est de leurrer des enfants dans le but de leur donner rendez-vous. Donc, on pourrait amener l'enfant tranquillement, là, à être en confiance puis lui demander de donner, par exemple, ses coordonnées ou de lui proposer un rendez-vous dans un parc X, puis que l'enfant, pensant que c'est un nouvel ami... On peut se faire passer pour un enfant du même âge et puis, tout à coup, se présenter au parc, puis être un adulte, là. Donc, le leurre d'enfants, ça peut prendre différentes formes, mais là je viens de vous en énumérer, là, deux possibles.

M. Lisée : La prévention est extrêmement importante, que les enfants soient outillés face à ça. Il y a une autre statistique que vous utilisez, c'est dans les communautés autochtones. Vous citez des études disant : Bon, en moyenne, c'est 50 % des enfants autochtones de moins de 18 ans qui sont victimes d'agressions sexuelles, et certaines études vont de 75 % à 100 %, à 100 %. Comment est-ce même imaginable?

Mme Fournier (Annie) : Annie Fournier, toujours. En fait, c'est pour ça qu'on parle de 50 %, c'est que, bon, il y a de la controverse sur les études, là, les données sont tellement disparates que... Mais je pense que c'est clair que c'est beaucoup plus répandu que dans la population, on disait : Une femme sur cinq, un garçon sur 10, là, dans la population en général. Chez les autochtones, c'est plus élevé que ça. Donc, effectivement, c'est un phénomène important pour lequel il faut vraiment mettre de l'énergie dans les prochaines années, à mon avis. Ils ont besoin qu'on soit là, qu'on les soutienne, nous. À Marie-Vincent, ça fait déjà plusieurs années qu'on travaille avec eux en étroite collaboration. On a des très bons résultats avec certaines communautés, là, qu'on a des liens un peu plus étroits. Mais on en a formé, on en a outillé plusieurs à travers le Québec et même dans le Grand Nord, donc on travaille encore avec les Inuits...

Le Président (M. Villeneuve) : Je dois vous interrompre. Merci beaucoup pour votre précieuse collaboration. Ce n'est pas terminé, d'ailleurs, ce n'est pas terminé. Je laisse la parole, pour les six prochaines minutes, au deuxième groupe d'opposition.

M. Schneeberger : Bonjour à vous deux. Un petit peu sur la même approche, au niveau... trouvez-vous, premièrement, que... On a parlé des fugues ce printemps. Actuellement, la procédure qui a été utilisée, trouvez-vous que l'approche est bonne, c'est-à-dire ceux qui... Parce que, si je me souviens bien, la ministre avait dit : Maintenant, ce qu'on fait, là, c'est que les personnes, les jeunes filles qui auraient peut-être des problématiques au niveau de comportements sexuels, tu sais, elles ne peuvent plus sortir comme elles veulent, là. Est-ce que l'approche est bonne ou vous souhaiteriez avoir d'autres améliorations ou approches, si on peut dire?

Mme Fournier (Annie) : Donc, Annie Fournier. Bien, nous, on n'est pas le centre jeunesse, là, notre mandat, c'est vraiment d'offrir des services cliniques. Et ce que moi, je pense que... bien, ce qu'on pense qui est la meilleure approche, c'est d'avoir plusieurs modes d'intervention. Donc, pour certains jeunes, peut-être que ça veut dire d'y aller avec un mode fermé où est-ce que le jeune ne peut pas sortir. Mais, pour moi, ça n'exclut pas qu'il va falloir offrir des services thérapeutiques à cette jeune-là. Parce que les conséquences, par exemple, du proxénétisme ou de la prostitution juvénile sont quand même très importantes, là, au niveau de la santé mentale. Souvent, ça vient avec des agressions sexuelles très sévères. La grande majorité de ces filles-là ou ces jeunes femmes là.... Parce que c'est souvent des jeunes femmes, là, il y a quand même des garçons, mais vont avoir vécu des agressions sexuelles à travers les moments où ils faisaient de la prostitution, ils étaient pris dans une situation de proxénétisme. Donc, c'est clair que, si on veut sortir ces jeunes-là de cette situation-là, il faut vraiment s'assurer de leur offrir des services cliniques, thérapeutiques de longue durée, c'est-à-dire qu'ils vont être... jusqu'à temps qu'ils en aient besoin, donc de ne pas lésiner sur les moyens, là.

• (11 h 30) •

M. Schneeberger : O.K. Actuellement, est-ce vous avez des sons de cloche qui vous disent... dans le sens, est-ce qu'il y aurait une amélioration au niveau de la coordination entre les services policiers, les centres jeunesse au niveau de la cyber... — voyons! Je cherche le nom — cyberintimidation? Tu sais, souvent, c'est ça, ça arrive de là, c'est là qu'ils recrutent, par le Net, et autres. Est-ce que, vous, au niveau des services policiers, on devrait investir beaucoup plus au niveau de la prévention, mettre plus d'inspecteurs là-dessus? Est-ce que c'est encore pris trop à la légère, selon vous, ou il y a une nette amélioration depuis les dernières années, là, avec tous les cas qu'on a eus?

Mme Cyr (Mireille) : Bien, écoutez — Mireille Cyr — au niveau de la prévention, je pense qu'on n'en fera jamais assez trop. Ça peut être une façon de répondre. Je pense qu'il y en a, les policiers vont dans les écoles, vont parler avec les jeunes. Il y a des procureurs aussi qui vont rencontrer les jeunes. Je pense qu'on essaie de sensibiliser les enfants et les adolescents au phénomène. Il faut peut-être continuer à en développer. Les sites Web, c'est aussi une bonne façon. Il y a déjà des sites Web, un site Web canadien qui existe à ce niveau-là. Je pense qu'on n'en fera jamais trop, mais je pense qu'il y a quand même une bonne collaboration au niveau des policiers et des intervenants sociaux. Entre autres, l'entente multisectorielle aussi favorise ces échanges-là. Donc, je pense qu'il y a une habitude qui s'est prise de collaboration. Mais de la prévention, on n'en fera jamais trop. Comme je vous dis, c'est un phénomène dont on parle par vagues et qui a tendance à s'éteindre après ça. Donc, il faut le tenir...

M. Schneeberger : ...

Mme Cyr (Mireille) : ...oui, il faut souffler un petit peu sur le feu pour le tenir actif, oui.

Le Président (M. Villeneuve) : Mme Fournier.

Mme Fournier (Annie) : Oui. Peut-être, ce que je j'ajouterais aussi, c'est que le modèle qu'on a à Marie-Vincent, c'est qu'on a décidé de mettre tout sous le même toit, les services dont un jeune avait besoin lorsqu'il dévoile une agression sexuelle ou une violence sexuelle. Ce qui veut dire que les policiers vont venir sur place, faire l'entrevue d'investigation. L'enfant peut être vu pour un examen médical, puis il va y avoir aussi des services psychosociaux qui vont être offerts à l'enfant puis à sa famille. Donc, cette approche-là aussi, où est-ce qu'on travaille en collaboration, en multisectoriel, démontre quand même une efficacité. Donc, on pense aussi que ça permet à l'enfant de revenir toujours au même endroit, dans un endroit qui lui est familier, qu'il finit par connaître, dans lequel il se sent en confiance. Donc, ça diminue aussi l'anxiété puis le stress associés à cette situation-là, là, de dévoiler des situations de violence sexuelle. Donc, c'est clair que de travailler en collaboration et en intersectoriel, c'est l'approche la plus payante pour les victimes, mais aussi pour leurs familles.

M. Schneeberger : Vous demandez dans votre mémoire, justement, que les victimes d'actes sexuels soient reconnues au niveau des victimes d'actes criminels, au niveau de l'indemnisation. Avez-vous des chiffres là-dessus au niveau du coût? C'est dur à évaluer en même temps, ce n'est pas... Mais je ne sais pas, peut-être que vous avez une approximation.

Mme Fournier (Annie) : Annie Fournier. Donc, je suis contente que vous ameniez ce point-là parce que c'est quand même très important pour nous de préciser qu'actuellement les victimes d'exploitation sexuelle ne sont pas indemnisées par l'IVAC. Donc, il va y avoir possibilité de signalement, tout ça, d'avoir des services pour ces jeunes-là, mais actuellement, lorsqu'un enfant est reconnu comme victime d'exploitation sexuelle, il n'est pas indemnisé par l'IVAC alors qu'il s'agit d'un acte criminel au sens de la loi criminelle. Donc, il y a une discordance, là, actuellement. Alors, on rencontre parfois des familles qui n'ont pas cette possibilité-là, là, d'avoir des services. Nous, on essaie, autant que faire se peut, de les voir à Marie-Vincent malgré tout, mais je pense que c'est quelque chose qu'il va être très important de regarder, surtout si on décide d'inclure l'exploitation sexuelle dans la Loi sur la protection de la jeunesse, de s'assurer qu'on va permettre à ces jeunes-là d'avoir accès à des services financiers, des services d'aide.

Le Président (M. Villeneuve) : Le temps imparti étant écoulé, oui, merci beaucoup, mesdames, pour votre implication et, plus spécifiquement, pour votre collaboration aux travaux de la commission.

Alors, j'ajourne les travaux quelques instants et je demande au prochain groupe de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 34)

(Reprise à 11 h 35)

Le Président (M. Villeneuve) : ...reprendre nos travaux, s'il vous plaît. Je demanderais aux parlementaires de bien vouloir reprendre leurs sièges. Nous accueillons donc les représentants du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine. Alors, pour les 10 prochaines minutes, messieurs, si vous voulez bien faire votre présentation d'abord et, bien sûr, vous nommer, et indiquer votre responsabilité ou votre titre. Merci.

Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine (CHU Sainte-Justine)

M. Girard (Marc) : Merci. Merci, M. le Président. Merci, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés. CHU Sainte-Justine, centre mère-enfant du Québec est heureux de répondre à votre invitation à commenter le projet de loi n° 99 modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et des autres dispositions. Mon collègue va se présenter.

M. Frappier (Jean-Yves) : Alors, je suis le Dr Jean-Yves Frappier. Je suis directeur du département universitaire et hospitalier de pédiatrie, donc le département de pédiatrie, Université de Montréal et CHU Sainte-Justine, et je travaille depuis de nombreuses années dans le domaine de la protection de la jeunesse, la médecine sociojuridique au Québec.

M. Girard (Marc) : Mon nom est Marc Girard. Je suis le directeur des affaires médicales et universitaires au CHU Sainte-Justine et j'ai pratiqué pendant 30 ans en médecine de l'adolescence au CHU Sainte-Justine.

Donc, notre société, par ses lois et ses institutions, a élaboré avec diligence des règlements et des protocoles qui ont permis de protéger les enfants et les adolescents victimes des diverses maltraitances, dont l'abus physique et sexuel, et, comme nous disent les collègues précédemment, je pense que le Québec peut être fier de l'ensemble de ses lois et des ententes qu'ils ont développées. Cet apport mérite d'être signalé, et les modifications qui sont apportées aujourd'hui dans la loi n° 99 confirment le souci du législateur d'adapter ses lois selon l'évolution des problématiques, dont l'exploitation sexuelle, et les tendances de la littérature en vue d'offrir les meilleures pratiques en protection de l'enfance.

Globalement, à la lecture de la loi n° 99, nous souscrivons aux modifications proposées. Compte tenu de l'importance de maintenir l'enfant dans un environnement familier, l'ajout de la notion de famille d'accueil de proximité est une avancée intéressante et importante. Cette notion est d'autant plus pertinente pour les communautés autochtones afin de préserver optimalement l'identité culturelle de ces enfants.

L'article 9, qui balise les droits de l'enfant et de l'adolescent lors des communications avec toutes les personnes, à l'exception des parents, frères et soeurs, ajoute, à notre avis, un élément important, car, lorsqu'il est confié à un établissement qui exploite un centre hospitalier, que le PDJ puisse limiter les communications avec des personnes hors de la famille immédiate est important. Car nous croyons que l'équilibre entre les droits de l'enfant et de ses parents et la sécurité et la qualité des services qui doivent être offerts dans un cadre de soins et de services mérite d'être balisé, et elle est justifiée et pertinente et va faciliter le travail en milieu hospitalier ou en centre de réadaptation.

• (11 h 40) •

M. Frappier (Jean-Yves) : Alors, au point 11 de la loi n° 99, on appuie fermement l'ajout, à l'alinéa d de l'article 38 de la loi, de l'exploitation sexuelle au motif de compromission à la sécurité et développement de l'enfant et de l'adolescent. Toutefois, dans la loi, seuls les alinéas d et e, donc abus sexuels et abus physiques, de l'article 38 notent — et entre guillemets — «et que ses parents ne prennent pas les moyens nécessaires pour mettre fin à la situation». Mais on mentionne dans l'article 39 que, même si les parents prennent les moyens nécessaires, on doit, tout de même, signaler pour les alinéas d et e.

Évidemment, le législateur, à ce moment-là, a voulu éviter d'obliger la DPJ à retenir pour évaluation une situation, par exemple, d'un viol d'un inconnu où les parents auraient avisé la police, encouru les soins des services médicosociaux d'un centre désigné, par exemple, pour agression sexuelle. Donc, c'est un traumatisme, mais, effectivement, le législateur a jugé qu'il n'y avait pas matière à protection, puisque les parents prennent les moyens nécessaires. Et donc d'autres traumatismes pourraient arriver, comme le décès des parents, et on ne signale pas, évidemment, à la protection de la jeunesse pour un traumatisme, nécessairement.

Toutefois, si un parent exploite son enfant en le faisant travailler, par exemple, la nuit, l'alinéa c le dit, «exploitation», on ne mentionne pas «et que ses parents ne prennent pas les moyens nécessaires pour mettre fin à la situation.» Mais, s'ils l'exploitent sexuellement, on le mentionne. Deux types d'exploitation. Dans la loi, un dit : Si les parents prennent les moyens nécessaires pour mettre fin à la situation; l'autre, non. On comprend et on trouve important, effectivement, qu'on mette l'emphase sur la responsabilité des parents ou d'un des parents, en tout cas, de prendre les moyens nécessaires et que c'est un élément majeur, d'ailleurs, de l'évaluation de toute maltraitance par le DPJ.

L'article 38.2 le mentionne, d'ailleurs, que ça fait partie de la décision de retenir le signalement, mais il peut y avoir confusion dans le libellé de la loi quant aux alinéas de l'article 38. Si je prends un exemple, parents séparés, le père exploite l'enfant en le faisant travailler dans sa boutique jusqu'à 3 heures du matin, enfant de huit ans, la mère arrive et dit : J'aimerais que vous examiniez mon enfant parce qu'il ne l'a peut-être pas nourri non plus suffisamment, il est en garde partagée, je le vois, je le signale, je dois le signaler, mais, en fait, dans mon esprit, le DPJ est obligé de le retenir, puisque ce n'est pas marqué «et que les parents prennent les moyens nécessaires». Si je vois une mère, toujours même situation, garde partagée, qui vient de découvrir que son mari exploite sexuellement son enfant par des services sexuels à des amis qu'il a, la mère a appelé la police, me dit : J'ai appelé les policiers, ils sont vus, au sens de la loi, le DPJ n'est pas obligé de retenir. Ce n'est pas tout à fait clair, en fait, et, de toute manière, on doit signaler en d et en e, et, partout à la fin, 38.2, on dit : Le DPJ évalue si les parents prennent les moyens nécessaires. Il y a donc quelque chose qui n'est pas tout à fait clair là-dedans.

Deuxième point, au point 13, qui modifie l'article 47.1, on encadre le rôle d'une intervention de courte durée pour l'adolescent de 14 ans et plus. Cette modification permet d'insister sur l'importance d'une action rapide lors de situations de compromission ou de protection, particulièrement chez les adolescents. La mobilisation de toutes les parties permet l'identification de solutions. Le délai d'intervention entraîne souvent une détérioration des relations avec les parents et des interprétations souvent néfastes suite à la déclaration de protection. Donc, malgré l'efficacité d'une intervention de courte durée, la notion de suivi devrait être précisée suite à une intervention réussie. Ne pas limiter cet article au recours à une entente provisoire ou une présentation de la situation au tribunal en situation d'échec.

Enfin, en lien avec la loi, mais non lié aux modifications actuelles, on se permet de soumettre à cette commission quelques enjeux qui nous paraissent importants. On soulève la question du motif raisonnable pour un signalement de la part d'un médecin en quête d'indices de maltraitance ou d'abus. Le médecin, en fait, il élabore initialement un diagnostic différentiel — la maltraitance peut en faire partie — pour ensuite identifier, après une investigation, un motif raisonnable d'une maladie ou d'une maltraitance, ce qui peut amener à une interprétation différente de certaines autorités. Le motif raisonnable, si on le prend large, pas de problème. Si je le prends au sens médical d'un médecin qui est devant une lésion, là ça devient différent. Ça fait partie d'abord d'un diagnostic différentiel, il y a possiblement un problème là.

On soulève la question aussi du respect de la confidentialité lors d'un signalement en protection de la part d'un professionnel en milieu hospitalier qui doit inscrire au dossier médical qu'il a fait ce signalement et la date. La confidentialité du signalement, alors, est brimée lors d'une demande du dossier médical de la part du parent ou d'un enfant de 14 ans et plus. Donc, effectivement, suite, entre autres, aux événements et à ce qu'on a vécu avec la commission de protection des droits, il est important, pour nous, d'indiquer qu'on a fait un signalement, d'indiquer la date, mais, évidemment, c'est dans le dossier, et les parents ont droit au dossier.

On a déjà fait des représentations ici et on a soulevé, à l'occasion — récemment, d'ailleurs — de la révision en cours de l'entente multisectorielle, les enjeux liés à la confidentialité des renseignements que peut livrer le médecin. J'ai envoyé un document écrit par nos équipes et notre avocate à l'occasion de la révision de l'entente multisectorielle — récemment, ça a été envoyé — un document qu'on avait fait déjà il y a deux, trois ans. Les limites associées au respect du code de déontologie, ça pose problème pour les médecins, ça entrave le travail qu'on devrait faire avec les autres. Rappelons-nous que l'entente multisectorielle insiste sur la communication entre les intervenants. Donc, là, il y a une difficulté, particulièrement avec les policiers, où c'est difficile de leur donner les renseignements, et donc ça peut entraver la protection de l'enfant.

Enfin, en dernier point, un point à l'extérieur un peu de tout ça, mais qui touche, tout de même, d'une certaine façon à la protection, la demande de contraception de la part d'une adolescente de moins de 14 ans. Actuellement, la prescription d'une contraception avant l'âge de 14 ans sans l'autorisation des parents est illégale, et la divulgation aux parents d'activités sexuelles chez une plus jeune, particulièrement en considérant que ces plus jeunes ont probablement certaines difficultés d'adaptation, ça peut compromettre la protection de cette adolescente, des gestes impulsifs pourraient se produire de la part des parents. Pour l'adolescente sous prescription, la prescription de contraceptifs n'est pas autorisée par le DPJ si le parent n'est pas d'accord, et ce flou-là questionne beaucoup les cliniciens. Et ces situations compromettent la santé parce que, si une adolescente dit : Non, laissez faire, on oublie ça, je m'en vais, si elle devient enceinte à cet âge-là, c'est un risque pour sa santé et, évidemment, son développement.

Le Président (M. Villeneuve) : Dr Frappier...

M. Frappier (Jean-Yves) : Le problème relève plus du Code civil, je comprends, on y touche la protection...

Le Président (M. Villeneuve) : Alors, merci, Dr Frappier, Dr Girard. Nous allons débuter la période d'échange, et je cède la parole à Mme la ministre pour les 14 prochaines minutes.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. Alors, d'abord, vous saluer, Dr Girard et Dr Frappier. Merci d'être là et de venir nous partager vos réflexions parce que je suis certaine que vous côtoyez tellement d'enfants que vous avez plein de recommandations à nous faire. Puis je suis certaine que, si vous aviez eu plus de temps, vous nous en auriez fait davantage.

Je vais vous amener tout de suite sur les moyens pour collaborer avec le DPJ et l'ensemble du réseau. Est-ce que vous croyez que la Loi de la protection de la jeunesse vous donne les moyens nécessaires de bien collaborer, justement, avec les DPJ et autres intervenants qui peuvent mener une enquête dans le dossier d'un enfant?

Le Président (M. Villeneuve) : ... Dr Frappier.

M. Frappier (Jean-Yves) : Jean-Yves Frappier. La Loi de la protection de la jeunesse comme telle donne des moyens, mais limités. L'exemple que je soulève sur la confidentialité, la loi permet, quand je fais un signalement, de dire plein de choses, mais, quand j'arrive au stade de l'évaluation, à ce moment-là le DPJ a le droit de venir chercher le dossier. Par contre, un dossier, ça ne dit pas tout. Si ça fait 20 ans que je vois des situations d'abus, des fractures, tout ça, le DPJ peut me demander : Avec ce que vous avez vu, est-ce que ça vous allume beaucoup, pas beaucoup, pas du tout? Mais, effectivement, le DPJ, le seul droit qu'il a, c'est de venir chercher le dossier, et mon code de déontologie, le seul droit qu'il nous donne, on l'a fait changer, c'est d'aviser les policiers s'il y a une situation de nécessité et de danger. J'ai le droit de divulguer si je suis en danger immédiat, mais, si la protection de la jeunesse est impliquée, cette loi-là n'est pas valable. Le danger immédiat à la protection est impliqué, donc ça ne me donne pas le droit de leur parler, je leur ai déjà dit, si c'est moi qui ai déclaré ou si c'est nous qui faisons l'investigation.

Alors, l'obstacle dans le moment à une bonne protection de l'enfant est au niveau de la confidentialité. La semaine passée, on l'a vécu dans une garderie. Un enfant qui boite est amené, il a une fracture. On est en évaluation complémentaire institutionnelle, le DPJ dit : Je ne viens pas, les policiers sont là. Si le DPJ est là, et d'emblée, comme ça, je peux lui parler, il est en processus de rétention de signalement. Le DPJ n'est pas là, je n'ai pas le droit de parler aux policiers, il faut qu'ils aillent chercher un mandat qui peut prendre une semaine avant de l'avoir. Les policiers disent : Mais est-ce que votre travailleuse sociale ne peut pas faire effet de? Non, elle n'est pas DPJ. Donc, il était mal à l'aise. Le médecin n'est pas pour s'entêter, mais, effectivement, a dit : Écoutez, je vais vous donner les renseignements, là, on déclenche une affaire qui peut coûter cher et qui pourrait peut-être s'arrêter si on pense que c'est une fracture accidentelle et qu'il n'y a rien d'autre. Donc, le médecin a parlé, mais il n'est absolument pas protégé, là. Si quelqu'un revient puis l'accuse, là il a les deux pieds dans les plats, mais complètement. Évidemment, il peut demander aux parents s'il a le droit de parler, mais des parents qui sont... Bon, si le parent ne sait pas ce qui se passe puis il dit : Oui, allez-y, c'est correct, mais, dans certaines situations, on s'entend que ça ne sera pas possible.

Donc, c'est la situation qu'on a. Et, quand vous dites : Est-ce que la loi aide?, moi, je peux vous dire que ça fait 40 ans en 2017 que je travaille en protection de l'enfance, et c'est ce que j'ai fait presque toute ma vie, en adolescence aussi parce que je suis spécialiste en adolescence comme Dr Girard, mais je m'occupe du secteur protection de l'enfance, et les lois ont toujours amélioré la situation, notre situation et la situation des enfants, la collaboration. Mais là je pense que la protection de l'enfance, c'est beaucoup une question de collaboration et de communication de plus en plus, et là on a une difficulté avec les outils, et ça fait quatre ans qu'on le mentionne. En 2011, lors du colloque maltraitance, on avait fait un atelier qui avait soulevé plusieurs questions, et, suite à ça, en fait, on a fait des représentations aussi. Donc, la loi aide beaucoup les enfants et aide les intervenants et le DPJ à travailler avec nous autres, mais une difficulté dans ce qu'on peut donner comme message, eh bien, je ne vous le cacherai pas, les DPJ, moi, m'appellent et me posent des questions, ça dure une demi-heure, je leur réponds, mais, en principe, je n'aurais pas le droit de leur répondre, je devrais leur dire : Mon code ne m'autorise pas à vous répondre, puis la loi ne vous autorise pas à... sauf à voir mon dossier.

Mais un dossier, c'est un dossier, ça ne dit pas tout et ça ne parle surtout pas de mon expérience et de la probabilité que je peux mettre que ce soit même en abus sexuel, là, parce qu'effectivement, quand on en a vu 4 000, bien, à un moment donné, on est capable de dire : J'ai l'impression que cette personne-là est crédible. Et le DPJ veut l'entendre, lui, il l'a vue deux fois. Moi, j'en ai vu plusieurs, et il veut avoir cette expérience-là, je ne peux pas lui donner.

• (11 h 50) •

Mme Charlebois : Vous savez qu'on a ouvert un petit peu, dans le projet de loi qu'on a actuellement, on a ouvert un petit peu sur la transmission de données et la confidentialité. Mais ce que vous souhaitez, ce que j'entends, là, ce que vous me dites, c'est qu'il faudrait faire davantage, plus que ce qu'on a proposé actuellement, là.

M. Frappier (Jean-Yves) : ...dans l'entente multisectorielle. Évidemment, ce n'est pas dans la loi, c'est l'entente multisectorielle. Et j'ai envoyé un document fait par nous là-dessus, on demande carrément qu'on ait un droit de parler, quand la DPJ, policiers viennent à l'hôpital, puis ils disent : Là, vos tests sont là, qu'on puisse parler et qu'on puisse parler aux policiers indépendamment... Parce que, des fois, on ne peut pas les avoir les deux en même temps, et le cas particulier de vérification complémentaire institutionnelle, le DPJ a décidé qu'il n'était plus là, mais le policier est là. Bien là, je suis bloqué, là, c'est la première fois que ça nous arrivait. Puis, bang! le médecin a dit : Bien, j'y vais, je parle, c'est tout, là, mais, effectivement, non protégé, mais absolument pas protégé du tout. Alors, je pense qu'il faut aller plus loin probablement, et ça peut demander même... C'est à voir, là, qu'il y ait des adaptations même au code de déontologie du médecin, comme on en avait demandé une pour pouvoir signaler aux policiers une situation de maltraitance. C'était impossible avant, maintenant c'est possible dans notre code de déontologie.

Mme Charlebois : Je vous entends, puis on va regarder ça attentivement. Honnêtement, vous avez raison, il y a des situations nouvelles qui se présentent.

Vous avez certainement entendu le groupe qui vous a précédé. Quand on parle d'exploitation sexuelle, on l'a ajoutée dans le projet de loi, etc., on en a fait un motif de compromission, mais eux autres, ils nous sont arrivés en nous parlant de cyberintimidation, cyber abus sexuel... je ne sais pas, exploitation sexuelle. Ça progresse vite, puis, dans deux ans, il y aura peut-être d'autres choses. Ils nous ont suggéré d'avoir dans le cadre de référence ou en tout cas... pas dans la loi parce que ça progresse trop vite, mais d'avoir des balises, une définition du concept d'exploitation sexuelle. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

Le Président (M. Villeneuve) : ...

M. Frappier (Jean-Yves) : J'étais là, effectivement, puis je pense que c'est nécessaire de le définir, comme d'ailleurs, à un moment donné, il y a très longtemps, il a fallu définir l'abus sexuel, c'est quoi, et on est arrivés à une définition, puisque, bon, quand j'ai commencé, l'abus sexuel, c'était le viol, point, pénétration vaginale, rien d'autre, c'était ça dans l'esprit des gens. Aussi, aujourd'hui, on sait que, peu importe le geste, peu importe qu'il y ait des séquelles, visibles ou pas, c'est tout dans la définition et dans les lois, donc. Alors, moi, je pense que ça va devenir important de le préciser parce que, si on ne le précise pas, on va toujours rester avec un flou et toujours avec l'idée que, de toute façon, bien, le jeune, à 14 ans, qui décide de faire de la prostitution, ou à 15 ans, est-ce que c'est de l'exploitation ou pas? On va rester avec ces flous-là, par exemple. Alors, moi, je pense que c'est important de le définir mieux.

Et, effectivement, on parlait de services pour ces jeunes-là. Les portes fermées, c'est une chose. Ils ont bien répondu en disant : C'est multiple. Et une étude qu'on a faite sur les jeunes des centres jeunesse, santé physique et mentale, il y a quelques années, montre que ceux et celles qui font des fugues sont, tout de même, différents, avec des passés excessivement lourds par rapport aux autres du même centre qui sont lourds. Alors, si je regarde les événements adverses, de toutes sortes d'abus qu'ils auraient vécus et de toutes sortes de situations qu'ils auraient vécues, ils ont le double. Et ceux qui fuguent sont évidemment ceux qui sont plus à risque d'exploitation. Il y a un lien entre les deux. Pas automatique, mais il y a un lien entre les deux. Donc, effectivement, oui, je pense qu'il faut le définir. Et, en définissant, on va savoir à quoi on s'attaque, et qu'est-ce qu'on évalue, et comment on donne des services à ce moment-là.

Mme Charlebois : Vous êtes dans le milieu depuis combien d'années, vous m'avez dit?

M. Frappier (Jean-Yves) : En 1977, les centres désignés ont commencé, Sainte-Justine a été désigné. Donc, j'ai pris, en octobre 1977, la charge des abus sexuels, qui étaient là, et donc la charge... J'étais déjà comme résident. J'avais fait une résidence un peu croche, c'est-à-dire que je m'étais occupé de troubles de protection. J'avais déjà, en 1973, travaillé à Saint-Vallier, qui était le centre de détention pour adolescents, et, ensuite, monté un service des infirmières de Montréal en centre d'accueil à l'époque pour travailler les aspects santé puis pouvoir être moins isolé. Donc, j'ai commencé en 1973 à m'occuper... dès la première année de ma résidence en pédiatrie...

Mme Charlebois : Est-ce que vous convenez...

M. Frappier (Jean-Yves) : ...qui a été une résidence croche, comme j'ai dit.

Mme Charlebois : Excusez-moi. Est-ce que vous convenez avec moi que la réalité des jeunes, leur vécu, toutes les problématiques... En tout cas, il y en a qui vont vous dire que plus ça change, plus c'est pareil, mais moi, je pense qu'il y a beaucoup de choses qui ont évolué, dans le sens où il y a des choses qu'on ne pouvait pas prévoir qui, maintenant, arrivent, notamment les cyberintimidations ou victimisations. Est-ce que vous croyez que les cas sont de plus en plus lourds, ce qui fait qu'il y a quelque chose d'autre... Si vous aviez une chose que vous voudriez, outre la transmission d'information, là, aux fins, là, de... À la fin du projet de loi, là, s'il y avait une chose que vous pensez qu'on a oubliée dedans que vous voudriez voir améliorée outre la transmission d'information plus fluide, qu'est-ce que ce serait pour vous?

Le Président (M. Villeneuve) : Dr Frappier.

M. Frappier (Jean-Yves) : En fait, depuis 40 ans, moi, ce que je dis toujours à mes étudiants et à mes collègues : Quand j'étais jeune, je voulais ça. Aujourd'hui, on a ça, et c'est très bien. Et donc on est à cent lieues d'où on était il y a 40 ans, là, il n'y a pas de doute là-dessus, et une amélioration qui est régulière, et qui, même, est accélérée depuis une dizaine, douzaine d'années, ça, c'est certain. Donc, c'est sûr que ça progresse, et pour le mieux. Est-ce que la clientèle est plus lourde? Oui. Je dis toujours : L'époque, là, où monsieur frappait son enfant, rien d'autre, point, c'est tout, ce qu'on appelle presque un abus physique simple, c'est presque résolu aujourd'hui... révolu. Aujourd'hui, on est au troisième mari, à des situations compliquées. Donc, oui, de plus en plus lourd, clientèle de plus en plus lourde. Et, comme je vous le dis, quand je regarde les jeunes des centres jeunesse, avec les événements adverses qu'ils ont vécus, effectivement, je regarde l'étude de  Felitti aux États-Unis, qui avait commencé ce bal-là des événements adverses, qui avait montré que ça avait plus de problèmes physiques, bien, lui, quatre et plus, c'est 14 %. Dans ces centres jeunesse là, quatre et plus, c'est 50 %. Donc, effectivement, une lourdeur de clientèle qui est là importante.

Dans la loi, je vous dirais, quelque chose qui est là, à part les éléments de confidentialité, d'emblée, comme ça, je n'en verrais pas. Je dirais que chaque évolution que la loi a eue, elle a été bonne et adaptée à son temps. Et donc je pourrais vous arriver dans cinq ans puis dire : Je viens de découvrir quelque chose, ça devrait être là, mais, dans le moment, je ne pourrais pas vous dire qu'il y a absolument quelque chose qui doit être rajouté.

Mme Charlebois : Juste une petite question, familles d'accueil de proximité, est-ce que vous voyez ça d'un bon oeil? Puis est-ce que vous considérez qu'ils devraient avoir les mêmes conditions que familles d'accueil ou si on doit tenir en compte le lien particulier avec l'enfant plus que certaines conditions autres?

Le Président (M. Villeneuve) : Dr Frappier, en 20 secondes.

• (12 heures) •

M. Frappier (Jean-Yves) : Mon collègue m'a toujours dit que j'ai oublié qu'il y avait un point à la fin de mes phrases. Moi, je pense qu'ils sont là, il faut faire attention, donc traiter comme d'autres, oui, pour un certain nombre d'éléments, je pense qu'ils doivent être évalués, contrôlés. Ce n'est pas parce qu'on est de proximité que, nécessairement, on va faire le travail. Ça peut même être dangereux parce qu'ils peuvent être pris en sandwich. Donc, moi, je pense que, quand on dit comme les autres, oui, il faut les évaluer. Par contre, effectivement, on tient compte du fait que, pour un autochtone, culturellement, ça va être beaucoup mieux. Pour un enfant, ça va être beaucoup mieux...

Le Président (M. Villeneuve) : Je dois vous arrêter, Dr Frappier.

M. Frappier (Jean-Yves) : ...pas toujours. Pas toujours.

Le Président (M. Villeneuve) : Je dois vous arrêter, vous aurez sûrement l'occasion de compléter le tout. Je passe la parole maintenant au député de Rosemont pour les 8 min 30 s suivantes.

M. Lisée : Merci, M. le Président. Dr Frappier, Dr Girard, merci beaucoup d'être là. Comme j'ai cinq enfants, j'ai beaucoup utilisé les services de Sainte-Justine. Je vais dire que j'en suis très satisfait. En fait, vous avez sauvé un de mes enfants la veille de Noël, la veille de Noël, et là j'ai pu voir comment, lorsqu'on est très malade, on est extraordinairement bien soigné dans notre système de santé quand on est très malade. Sainte-Justine, c'est un genre de phare de la pédiatrie, du traitement des enfants, spécialité. C'est un joyau non seulement au Québec, mais mondialement reconnu, et là vous avez été fusionné, refusionné et surfusionné. Moi, j'ai, dans ma circonscription de Rosemont, un institut de cardiologie qui est aussi un phare international dans son domaine. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi l'Institut de cardiologie a gardé son autonomie dans la grande fusion qu'on a vécue cette dernière année, et pas Sainte-Justine?

Le Président (M. Villeneuve) : Dr Girard.

M. Girard (Marc) : Oui. Je ne suis pas sûr que je suis capable de vous fournir une réponse simple pour savoir quels ont été les enjeux d'un côté ou de l'autre. C'est clair que ce que vous décrivez comme phare est quelque chose qui doit être préservé, et l'identité pédiatrique ou mère-enfant de Sainte-Justine doit être préservée. En même temps, le regroupement peut faciliter un certain nombre de points. Un de ceux que je pourrais vous nommer, c'est les éléments de continuité. Vous l'avez aussi, d'ailleurs, dans la protection de l'enfance. Souvent, le 18 ans est une période charnière, et ce n'est pas le 18 ans, mais c'est toute cette période de transition. Vous savez, de plus en plus, on parle de programmes 12-25 pour, justement, s'assurer que cette transition-là se fait. Et puis ce n'est pas nous qui l'avons inventé, Ericsson l'avait bien écrit, que cette période de vie doit être bien pilotée parce qu'il y a plusieurs enjeux : l'identité sociale, l'identité sexuelle, l'identité personnelle doit se développer.

Donc, il faut tirer bénéfice, je dirais, de ce regroupement. Ces regroupements-là peuvent amener aussi des gains d'efficience par rapport à un certain nombre de services. Et il faut faire attention, il y avait déjà des collaborations qui s'étaient établies entre les deux instituts universitaires. Je dirais que le principal enjeu qu'on doit garder et que l'Institut de cardiologie, à cet égard-là, possède comme les CHU, c'est l'aspect innovation et c'est l'aspect universitaire. Je pense que c'est le grand enjeu qui nous attend dans les prochaines années. Ce n'est pas les modèles administratifs, mais c'est les missions qui s'y retrouvent. Et vous parliez de l'Institut de cardio, qui est un phare par son innovation, par ses aspects académiques, les CHU et autant le CUSM que nous et que le CHUM, doivent continuer d'avoir tout le soutien pour assurer l'innovation et le développement, qui sont des enjeux beaucoup plus importants quand on est dans des périodes d'austérité, où les aspects financiers sont plus pris en compte que, peut-être, les aspects de développement.

M. Lisée : En tout cas, il y a un aspect sur lequel, Dr Frappier, vous trouvez que la centralisation peut avoir des effets néfastes, c'est celui de la centralisation des laboratoires. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous trouvez que c'est tellement important que vous avez écrit une lettre récemment pour vous opposer à cette centralisation?

M. Girard (Marc) : Je vais laisser le Dr Frappier répondre.

M. Frappier (Jean-Yves) : Alors, juste faire attention. C'est bien dit même dans l'article qui est là, on ne s'oppose pas à la centralisation, on dit qu'il faut faire attention. Il y a tout un champ là d'erreurs possibles, tout un champ de menaces, peut-être, à ce que mon collègue vient de décrire, l'innovation, puisqu'effectivement, si on n'a pas un contrôle, l'innovation peut être difficile, on peut être noyé dans une mer de tests qui sont faits pour les adultes, et les enfants...

M. Lisée : ...pour les gens qui écoutent, là, c'est quoi, la différence entre ce qui se passe maintenant et ce qui est proposé et qui crée votre inquiétude, là? Concrètement, ce qui se passe avec ces échantillons, de quoi parle-t-on?

M. Frappier (Jean-Yves) : Bien, on parle d'erreurs du transport, d'erreurs de manutention par rapport à des échantillons qui sont spécifiques, spéciaux, des fois très petits, et par rapport à des laboratoires qui sont habitués à faire des choses sur 35 ml, et nous autres, on leur offre 1 ml. Donc, effectivement...

M. Lisée : Échantillons qui sont des éléments de preuve dans quoi? Des échantillons de quoi?

M. Frappier (Jean-Yves) : Là, vous parlez de la partie plus des abus sexuels. Et, dans les abus sexuels, il faut savoir que, si j'ai un test positif, par exemple, chez un enfant de chlamydia, si je vais en cour, l'avocat de la défense va me dire : Est-ce que vous avez votre contrôle? Et donc je dois contrôler le même échantillon avec un deuxième test qu'on appelle une deuxième amorce ou un deuxième produit pour être sûr que celui-là est positif. S'il y a une discordance entre les deux, là on envoie ça au laboratoire central du Québec pour réanalyse et même aux États-Unis s'il le faut, CDC.

Si on ne fait pas ça pour la chlamydia chez la madame X qui est traitée au CHUM ou même l'adolescente traitée chez nous, le chlamydia, il est positif, je le traite. Peut-être qu'il serait faux positif, mais je n'ai pas besoin de faire un deuxième contrôle. Pour l'aspect légal, j'ai besoin de faire un deuxième contrôle chez les enfants. Et, pour la gonorrhée, la même chose, sauf que, pour la gonorrhée, ce deuxième contrôle là n'est pas disponible, sauf à Saint-Jérôme dans un laboratoire qui le font pour eux. Et on a fait des pourparlers, il y a déjà une année, à savoir est-ce que... et ça pourrait s'organiser, mais, encore là, évidemment, on est baigné dans une mer de problèmes adultes, et donc nos 50 prélèvements, bien, deviennent...

M. Lisée : ...en ce moment, vous faites ces analyses-là à Sainte-Justine. On vous dit : Maintenant, on va les faire au CIUSSS. Pourquoi ça pose un problème pour la qualité de vos échantillons et de votre contrôle?

M. Frappier (Jean-Yves) : Ces analyses-là sont faites au CHUM actuellement comme telles, et, effectivement, on s'est retrouvé cet été avec des échantillons jetés avant qu'on fasse le contrôle parce que la technicienne peut changer, une peut être en remplacement, donc elle n'a pas... Chez nous, c'est un automatisme, abus sexuel, on ne jette rien, deuxième contrôle. Là, on est soumis à plein de possibilités d'erreur, y compris dans le transport, la possibilité de détérioration d'échantillons. On soulevait cet exemple-là, puisque c'est effectivement un exemple où... Pour les adolescents, je n'ai pas de problème, les tests sont envoyés, sont faits avec les centaines d'autres qui sont faits chaque semaine au CHUM. Par contre, si je parle d'abus sexuel, là, une chlamydia puis une gonorrhée chez un enfant de huit ans, ça devient un indice, une preuve même à la limite, mais là vérifiée.

M. Lisée : Mais, depuis que vous avez écrit cette lettre, est-ce que vous sentez que le ministère de la Santé est réceptif ou... Quel a été le suivi ou la réaction?

M. Frappier (Jean-Yves) : La lettre a été écrite, il y a 10 jours, je pense, soumise au conseil d'administration de l'hôpital vendredi, il y a 10 jours. Donc, de toute façon, pour l'instant, il n'y a pas de réaction comme telle plus que ce qui était noté dans les journaux.

M. Lisée : Oui. Et la mise en oeuvre de ce transfert pour les échantillons, ça va se faire quand?

M. Frappier (Jean-Yves) : Les échantillons, comme j'ai dit, sont déjà transférés, des erreurs se font dans le moment avec ça. Et donc on soulève la question d'erreurs, et c'est pour ça que, quand on nous a interrogés la dernière fois — et l'article de La Presse le note lundi matin — ce que j'avais dit, c'est : Il faut vraiment s'asseoir pour savoir comment éviter les erreurs, qu'est-ce qui devrait être fait chez nous, parce qu'il risque d'y avoir trop d'erreurs. Et donc l'idée, ce n'est pas de dire : Optilab, ça ne tient pas debout, c'est un refus total et global. L'idée, c'est de dire : Soyons prudents, assoyons-nous. Est-ce qu'on doit garder 50 % de nos activités au lieu de 30 %? Lesquelles on doit garder?

Le Président (M. Villeneuve) : Je dois vous interrompre, le temps est passé déjà, le temps...

M. Lisée : Je pense que la ministre a bien entendu vos préoccupations. Et je sais qu'elle a l'oreille du ministre de tutelle, et donc je compte sur elle pour régler le cas rapidement.

Le Président (M. Villeneuve) : Alors, nous allons passer au deuxième groupe d'opposition, et la parole est au député de Drummond—Bois-Francs.

M. Schneeberger : Merci. Bonjour à vous deux. Premièrement, est-ce que vous avez un mémoire? Moi, je n'ai pas reçu de mémoire de votre part. Avez-vous de la documentation à nous laisser?

M. Girard (Marc) : Marc Girard. On n'a pas déposé de mémoire, on a simplement soumis une lettre.

• (12 h 10) •

M. Schneeberger : O.K. Parfait. Bien, en tout cas, si on peut l'avoir, ce serait bien. Je vous écoutais tantôt, puis je trouve qu'il y a encore beaucoup de silos au niveau de la protection pour les enfants. Vous parlez au niveau des autorités policières, DPJ, la confidentialité en tant que médecin, on dirait que tout ça fait en sorte que, des fois, j'ai eu plus l'impression qu'on protège plus le mauvais parent que l'enfant lui-même. Est-ce que justement, à ce niveau-là... il y aurait-u des changements au niveau de la loi, au niveau des médecins pour, justement, les protéger si eux, ils voient, tu sais, une problématique? Tu sais, le suivi... Admettons, bon, il y a quelqu'un qui a été dénoncé au niveau de la police, un autre cas a été fait au niveau de la DPJ, mais les deux ne savent pas, ils ne se sont pas parlé, puis, finalement, l'enfant, lui, il continue à avoir des problématiques.

M. Girard (Marc) : On l'évoquait un peu sur le temps, il faut quand même bien comprendre qu'il y a trois cultures qui se rencontrent dans le développement de la réponse. Vous parliez de la culture policière, qui est vraiment une culture d'enquête et de protection de situations particulières. Vous avez la culture sociale, qui est celle qui est l'environnement de l'enfant, qui doit être prise en compte. Vous avez une culture médicale, qui est plus une culture de diagnostic. Moi, je dirais que l'évolution... On parlait de l'entente multisectorielle, elle a facilité beaucoup cette rencontre-là. Puis je ne parle même pas de la rencontre des tribunaux parce que c'est une autre rencontre qui doit se faire. Donc, je vous dirais qu'il y a eu au fil des années une grande, grande amélioration dans la discussion et dans la concertation de ces différentes instances là avec des cultures tout à fait différentes.

Il reste des enjeux. Un des enjeux qu'on soulève aujourd'hui, c'est l'enjeu de la confidentialité parce qu'on est dans ce contexte-là, tout comme dans l'enjeu qui est soulevé... Puis ça a été quand même l'objet de grandes discussions dans les dernières années, on veut protéger l'enfant, on sait que l'enfant a besoin de ses parents, donc il y a la nécessité d'inclure les parents même lorsqu'ils sont plus ou moins adéquats, donc. Et il faut regarder l'environnement. On en parlait tantôt, sur la nature des familles de suppléance qui peuvent se faire. Donc, je dirais que vous avez raison qu'on doit continuer ce travail-là. L'entente multisectorielle est un élément majeur là-dedans. Il y a eu un progrès énorme, mais il reste qu'il y aura toujours des enjeux différents, soit légaux, soit de développement ou soit même d'enquête respectueuse des rythmes de chacun là-dedans.

Alors donc, moi, je vous dirais qu'il y a encore du progrès à faire, mais il y a eu beaucoup, beaucoup de progrès qui se sont faits dans les dernières années sur le terrain entre ces différents intervenants là.

M. Schneeberger : Bien, je reviens à ma question. Pour mieux protéger les médecins en cas de poursuite, alors que lui, là, il se dit : Regarde, ça n'a pas de sens, il faut que je dénonce la situation... Moi, c'est ça, là, vous avez énuméré ça... tu sais, tantôt, vous disiez : Je parle souvent à la DPJ, mais, normalement, je ne serais pas supposé le faire. Tu sais, moi, je trouve ça très grave pareil, là, on est là pour protéger les enfants, mais, finalement, on est tous sur le qui-vive, là, tu sais. On ne sait pas trop ce qui va nous arriver parce qu'on le fait pareil, parce qu'à un moment donné on a une conscience personnelle qui fait en sorte que ce n'est pas vrai que je vais garder ça mort, là.

M. Frappier (Jean-Yves) : Jean-Yves Frappier. Ce n'est pas tellement une question de silos dans ce sens-là que de faciliter les processus de communication. Par exemple, si on était dans l'entente multisectorielle, on en faisait partie, quand il y a une incidence de santé, à ce moment-là j'aurais le droit de parler aux partenaires qui sont là, les policiers inclus. Donc, ils ne sont pas en silo, ils sont déjà ensemble, seulement que nous, on n'est pas nécessairement dans l'entente. Alors, si on était dans l'entente comme un des partenaires, à ce moment-là ça faciliterait.

Et le reste, bien, il s'agit de changer ou de modifier la loi pour permettre que je puisse donner des renseignements supplémentaires que le DPJ aime avoir et que j'aimerais avoir, des fois, du DPJ. Ou du policier aussi parce qu'il peut me dire : Le bain, c'est un bain spécial très haut, un bain très bas et me décrire des choses, qui fait que, quand je regarde la lésion, je vais dire : Oui, ça se peut. Non, ça ne se peut pas. Ça joue à deux sens, là, ce n'est pas juste ce que je leur donne. Donc, on est plus sur confidentialité et communication que silo seulement. Les silos, oui, il y en a, puis on travaille pour les abattre, là. Il y a quand même beaucoup de choses qui ont été faites là-dessus. Mais donc on est plus sur comment on peut communiquer, quand on peut communiquer, est-ce qu'on peut communiquer dans le temps où il faut le faire pour le bien de l'enfant.

M. Schneeberger : Un petit peu de temps, oui?

Le Président (M. Villeneuve) : 30 secondes.

M. Schneeberger : O.K. Aïe! câline, 30 secondes, ça ne sera pas... Je pense, je vais arrêter ça là parce que je n'aurai pas le temps d'avoir la réponse en 30 secondes.

Le Président (M. Villeneuve) : ...par écrit, M. le député de Drummond—Bois-Francs...

M. Schneeberger : Oui, c'est ça. Parfait, merci.

Le Président (M. Villeneuve) : Dr Frappier et Dr Girard, vous avez fait état de certains documents avec les échanges que vous avez eus avec les parlementaires. Le secrétariat va vous envoyer un courriel et peut-être essayer de voir avec vous si c'est possible de retourner ces documents-là directement au secrétariat afin que les parlementaires et, évidemment, la population qui nous écoute puissent, eux aussi, finalement, avoir accès à ces documents-là dans la mesure où c'est possible. Alors, sur ce, je vous remercie de votre présentation et de votre participation à la commission.

Et, compte tenu de l'heure, je suspends les travaux jusqu'à la fin des affaires courantes, soit vers 15 h 15. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 16)

(Reprise à 15 h 19)

Le Président (M. Villeneuve) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 99, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres dispositions.

• (15 h 20) •

Est-ce qu'il y a consentement pour que le député de Masson remplace le député de Lévis pour cette partie de la séance? Est-ce que j'ai consentement?

Est-ce que j'ai consentement pour que... j'allais dire M. Poëti, mais, bon, c'est trop tard, c'est dit, puisse être accompagné d'un stagiaire au bout de la table qui, normalement, est réservée aux élus? Est-ce qu'on a un consentement? Parfait, merci.

Alors, cet après-midi, nous recevons le Groupe Mobilis, la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes et le Service de police de la ville de Québec.

Alors, bonjour à tous. Pour fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et, par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Donc, je vous cède la parole.

Groupe Mobilis

Mme Davreux (Maryse) : Bonjour. Alors, Mme la ministre déléguée, MM. et Mmes les parlementaires, bonjour. Je suis Maryse Davreux, la directrice de la protection de la jeunesse et directrice provinciale de la Montérégie, rattachée au CISSS de la Montérégie-Est. Je suis devant vous non pas à titre de DPJ de la Montérégie, mais avec mon chapeau de DPJ en charge du projet Mobilis. Je suis accompagnée par Mme Nancy Veillet, chef de service de l'Équipe Délinquance Longueuil au CISSS de la Montérégie-Est et responsable de Mobilis depuis le tout début de l'entente de collaboration en 2008. Je suis également accompagnée de M. Régis Audet, capitaine au service de police de l'agglomération de Longueuil. Le service de police est l'un des partenaires principaux du Groupe Mobilis, et M. Audet est impliqué dans Mobilis depuis de nombreuses années. Je vous présente Mme Chantal Beauregard, directrice adjointe du programme Jeunesse, Hébergement et responsable de la réadaptation à l'interne au CISSS de la Montérégie-Est. Est également présente Me Annick Bergeron, avocate et responsable des affaires juridiques du CISSS de la Montérégie-Est.

Nous sommes devant vous aujourd'hui afin de vous présenter les préoccupations de Mobilis concernant le projet de loi n° 99. Vous avez entendu la position de mes collègues DPJ, et je n'ai pas l'intention de commenter ou de répondre aux questions concernant la position qu'ils ont exprimée devant vous, puisque je suis ici à titre de représentante de Mobilis.

Les travaux présentés dans notre mémoire ont été élaborés en groupe avec nos partenaires de l'entente de collaboration. La mission de Mobilis est de contrer l'exploitation sexuelle des jeunes filles et de supporter la désaffiliation aux gangs de rue. Pour réaliser cette mission, nous accordons une attention particulière à la prévention, la protection et la répression. Nos commentaires porteront donc sur les sujets se rattachant principalement à cette problématique.

Dans un premier temps, je souligne l'importance de dénoncer haut et fort la problématique de l'exploitation sexuelle. Dans la foulée des événements survenus en début d'année au Centre jeunesse de Laval, la problématique des fugues et des rôles et responsabilités des centres jeunesse, du respect des droits des jeunes et du travail des policiers a occupé une place de choix dans l'opinion publique. Ce qui ressort peu ou pas, c'est l'importance du message que l'on adresse socialement par rapport à cette problématique.

Nous soulignons qu'il est primordial de dénoncer ce phénomène, qui constitue dans certaines situations du trafic humain. L'accent doit être mis sur le message à envoyer aux clients et à ceux qui exploitent des jeunes filles. Nous croyons essentiel de réaffirmer que ce type de comportement déviant est inacceptable. En ce sens, la répression doit être dirigée vers les proxénètes et ceux qui bénéficient des services des victimes, et ce, en vue de mieux les protéger.

Nous croyons également à l'importance de partager une vision commune de ce qui constitue l'exploitation sexuelle. Cette vision commune aura un impact sur la protection des jeunes victimes. Nous souhaitons affirmer que ces jeunes sont habituellement sous l'emprise financière, affective et psychologique de leurs proxénètes. Une jeune fille peut rapporter à son exploiteur 1 000 $ par jour et, bien souvent, elle n'en garde rien. La réalité de l'exploitation est que, bien souvent, la jeune fille est inconsciente des manipulations dont elle est victime et se dit même consentante à effectuer des activités sexuelles. Dans leur stratagème, les proxénètes vont même jusqu'à utiliser le viol collectif, appelé aussi «gang bang», comme moyen pour désensibiliser leurs victimes. Rares sont les situations où elles admettent avoir besoin d'aide. Nous devons donc, plus souvent qu'autrement, trouver des moyens de les protéger contre leur gré.

Nous ne pouvons passer sous silence l'importance de la concertation. En ce sens, nous sommes convaincus que le travail d'équipe et le partage des expertises favorisent une meilleure compréhension mutuelle et donnent des résultats probants, tant en matière de prévention, de protection et de répression.

Le principe à la base de la Loi de la protection de la jeunesse est que la protection des enfants est une responsabilité collective. Nous croyons important de réaffirmer ce principe tout en mettant l'emphase que chaque citoyen, que ce soit dans son rôle de professeur, de parent, de voisin, a un rôle à jouer dans la protection des enfants du Québec. Une de ces responsabilités est la base de notre système, et il s'agit du signalement à la DPJ. Bien que la loi mentionne qu'il est obligatoire pour tout citoyen de signaler un enfant que l'on soupçonne d'être abusé physiquement ou sexuellement, certaines situations sont, malheureusement, laissées sous silence.

Nous notons à cet effet la position mise de l'avant par la CDPDJ dans son mémoire et y souscrivons entièrement. À l'instar de la CDPDJ, nous croyons que des mesures incitatives doivent être prises pour mieux faire connaître l'obligation de signaler, tant auprès de la population en général que chez les professionnels oeuvrant auprès des enfants. La protection des enfants est une responsabilité collective, et c'est l'affaire de tous.

Les événements de Laval ont mis en lumière la problématique des fugues en centre jeunesse. Nous souhaitons réitérer que ce ne sont pas tous les jeunes qui fuguent et qui se mettent en danger. Nous ajoutons également que ce ne sont pas toutes les fugues qui impliquent des jeunes hébergés en centre de réadaptation. Le centre de réadaptation constitue le milieu de vie d'un jeune lorsque ses parents ne sont pas en mesure de répondre à ses besoins. Ainsi, nous devons trouver l'équilibre délicat entre la protection du jeune et la liberté nécessaire à son développement.

Nous constatons que les outils actuels de la loi, soit l'encadrement intensif ou les mesures de protection immédiates, ne nous permettent pas d'agir en réponse aux situations spécifiques rencontrées en centre de réadaptation. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que soit introduite une notion intérimaire permettant de restreindre temporairement la liberté de certains jeunes en situation ponctuelle de fragilité. Cette notion devrait être balisée dans le temps et limitée à ce qui est nécessaire pour assurer la protection immédiate du jeune visé. Cette mesure permet également d'adapter l'intervention à la situation spécifique de chaque jeune sans brimer les droits des autres jeunes de l'unité.

Certains d'entre nous ont été invités à participer au groupe de travail convoqué par le ministère. En ce sens, nous soulignons leur ouverture à agir rapidement suite aux recommandations de M. Lebon afin de réfléchir dans le but de faire un état de situation et, ultimement, de fournir des outils supplémentaires permettant aux personnes oeuvrant près des jeunes de mieux les protéger. Nous espérons que le résultat des travaux de ce comité de travail sera accueilli favorablement, car nous croyons fermement qu'ils contribueront à une plus grande protection des jeunes vulnérables.

Nous nous sommes permis de faire quelques commentaires qui débordent de l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse, notamment en ce qui a trait aux situations où les jeunes filles sont déplacées vers d'autres provinces. Il nous arrive d'être confrontés à des situations où les services sociaux, où les policiers des autres provinces ne sont pas en mesure de collaborer avec nous pour faire exécuter un mandat d'amener émis par un juge du Québec. Ces situations sont inacceptables, et nous croyons que nous devons nous donner les moyens de protéger les victimes d'exploitation sexuelle dans ces situations en mettant en place des ententes avec les autres provinces. À titre d'exemple, lorsqu'une jeune de 17 ans est déplacée en Alberta pour être exploitée sexuellement, nous souhaitons avoir les moyens nécessaires pour la rapatrier au Québec et la protéger convenablement.

Nous soulignons également la difficulté de faire exécuter certaines de nos ordonnances dans d'autres provinces.

L'autre difficulté à laquelle nous nous heurtons dans notre accompagnement des victimes est la question relative aux enjeux de confidentialité.

Finalement, nous sommes soucieux du maintien de la confiance du public dans l'ensemble des organisations concernées. Nous soulignons la grande compétence et l'expertise présente dans les centres de protection de l'enfance et de la jeunesse, dans les centres de réadaptation pour jeunes en difficultés d'adaptation, de même que chez l'ensemble de nos partenaires du milieu policier, scolaire et communautaire. Nous vous avons formulé ces commentaires dans un esprit constructif, et c'est dans ce même esprit que nous répondrons avec plaisir à vos questions. Je vous remercie.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci. Vous êtes pile dans les temps. Donc, nous allons immédiatement débuter la période de questions. Et on revient au temps de ce matin, donc vous avez 17 min 30 s, Mme la ministre.

• (15 h 30) •

Mme Charlebois : D'accord. Merci, M. le Président. On va vous souhaiter un bon après-midi, un bon après-midi à mes collègues du gouvernement et ceux des oppositions, mais aussi à vous. Merci, Mme Davreux, M. Audet, Mme Beauregard, Mme Veillet et Me Bergeron, d'être là, de nous partager vos points de vue. J'ai pris note que vous ne commenterez pas le mémoire de la DPJ, mais il peut arriver qu'il y ait des questions qui se retouchent. Puis je ne ferai pas exprès, là, puis je suis sûre que mes collègues non plus, mais on va peut-être avoir certains éléments qui vont être semblables. En tout cas, on va essayer de s'en tenir à votre mémoire, mais c'est sûr qu'il y a des... c'est un domaine dans lequel, inévitablement, on touche certains aspects, peu importent les groupes, qui se retouchent.

Alors, je vous ai entendus — je vais commencer par la fin de votre mémoire, ça va vous paraître drôle — sur les ententes avec les autres provinces pancanadiennes, vous nous dites : Il faudrait élaborer des ententes pour que les mandats émis au Québec de même que les ordonnances de protection, indépendamment des juridictions provinciales, soient applicables. J'ai eu des discussions avec la ministre de l'Ontario, ça touchait à un autre pan de la Loi de la protection de la jeunesse, mais je me demande si on ne peut pas l'étendre justement, les ordonnances, en lien avec tout ce qui est la protection en général. Qu'est-ce que vous pourriez nous suggérer? Dans la loi, quel genre d'article vous pensez qu'on peut faire qui fait en sorte qu'on pourra avoir une meilleure communication ou, en tout cas, que ça soit prévu? Comment ça peut être prévu d'une province à l'autre, et tout ça? Parce que vous savez qu'on aura un conseil des ministres conjoint bientôt, ce sera peut-être un sujet que je pourrai aborder.

Mme Bergeron (Annick) : Je ne suis pas certaine que la réponse est nécessairement une modification législative. Ce qui vous était proposé dans le mémoire, c'est davantage de mettre en place des ententes. Par ailleurs, il y a deux niveaux de difficulté quand on est confronté à des situations dans d'autres provinces. On vous a parlé des mandats d'amener, et ces mandats-là sont difficiles à exécuter, notamment parce que c'est difficile... En fait, dans certaines provinces, le mandat de protection cesse à l'âge de 16 ans. Donc, c'est la première difficulté, vraiment, qui est plus en lien avec les mandats d'amener.

La deuxième difficulté — c'est la raison pour laquelle on vous citait également le rapport Dumais, qui avait été commandé par la CDPDJ dans l'affaire Lev Tahor l'année passée — c'est la difficulté d'exécuter les ordonnances de protection de la jeunesse qui sont émises ici. Donc, c'est vraiment à deux niveaux.

Mme Charlebois : Vous êtes en avance, on travaille là-dessus. On travaille déjà là-dessus. Merci de me souligner combien c'est important. Ça fait qu'on va intensifier notre travail, puis on va en arriver à une conclusion. Mais c'est déjà un premier pas avec l'Ontario, puis, après ça, on verra comment on peut l'étendre ailleurs.

J'ai, vous savez, beaucoup lu sur tout ce qui se passe en protection de la jeunesse, je fais des visites. Mobilis, j'ai lu beaucoup de choses sur Mobilis parce que ça m'apparaissait comme une façon de trouver des solutions. Dans la loi, là, qu'est-ce que vous, vous voudriez voir en priorité, là? Parce que vous me parlez de beaucoup de choses, notamment les fugues, vous me parlez de l'exploitation sexuelle, il y en a qui nous ont dit ce matin : Il faudrait une meilleure définition, qu'est-ce que c'est, l'exploitation sexuelle, puis se référer aux manuels de référence. Bref, que me suggérez-vous? Parce qu'on m'a parlé d'exploitation sexuelle, d'abus sexuels, de la cyber... parce que personne n'en a parlé, mais il y a un groupe ce matin qui m'a parlé de cyberintimidation, mais aussi de cyber... Aidez-moi quelqu'un, là, le mot, c'était...

Une voix : Exploitation.

Mme Charlebois : ...exploitation sexuelle. Bref, que me suggérez-vous, là, pour que ce soit plus... dans la définition au sens plus large, puis où vous mettriez ça?

Mme Davreux (Maryse) : ...ce qu'on indique, c'est l'ajout de la notion d'exploitation sexuelle à 38d et la définition très claire de l'exploitation sexuelle pour les jeunes filles qui sont des victimes. Je ne sais pas si, du côté de la réadaptation... En lien avec le travail qui peut être fait pour les adolescentes au niveau de la fugue et de l'encadrement intensif, pour ce type de jeunes filles là, assurément il y aurait des spécificités à indiquer pour mieux les protéger.

Mme Charlebois : ...vous me dites, c'est que vous adressez... vous avez parlé plutôt... Excusez-moi, parce qu'on ne dit plus ça, «adresser», au Québec, vous me parlez de ce type d'exploitation sexuelle là dans le cas de fugues, on ne parle pas de l'ensemble de l'oeuvre. Donc, quand je vous parle de définition de l'ensemble, tu sais, du spectre d'abus sexuels, etc., là, jusqu'à la cyber... puis il y aura d'autres choses un jour, puis je ne le souhaite pas, mais c'est comme ça, la vie, vous, vous me parlez seulement de ce type d'abus là, dans le cas de fugues, mais vous ne parlez pas de l'ensemble du spectre. C'est-à-dire qu'il faudrait que nous, on recense les autres choses pour faire une meilleure définition parce que c'est ça qu'on nous a demandé, là, d'avoir quelque chose de plus clair.

Mme Bergeron (Annick) : En fait, je pense qu'il y a peut-être, encore une fois, deux questions ou deux réponses. La première chose que Mme Davreux exprimait, c'était plus en lien avec une définition qui serait plus claire de l'exploitation sexuelle dans la loi, donc d'aller un petit peu plus loin. Je pense qu'on a une idée de ce qui constitue l'exploitation sexuelle, mais, en le définissant, je pense qu'on vient clarifier davantage, là, cette notion-là.

La deuxième chose, je pense, en termes de priorités, c'est de faire en sorte de mieux protéger les jeunes parce qu'en fait — puis je reviens à mon point 1 — au niveau de l'exploitation sexuelle, ce n'est pas seulement pour les jeunes hébergés, là. Et ça, je pense que c'était quand même clair dans le mémoire que ça s'adresse potentiellement à tous les jeunes qui peuvent être à risque. Donc, pour l'exploitation sexuelle, c'est ce dont il s'agit.

Pour le deuxième aspect, là, on parle vraiment davantage des jeunes hébergés, et je pense que c'est peut-être de rendre les dispositions en matière d'encadrement intensif un peu plus adaptées à la situation, là, tel qu'on vous l'avait brièvement souligné dans le mémoire.

Mme Charlebois : Mais je me suis mal exprimée, je pense. La définition d'«exploitation sexuelle» ou, à tout le moins, le concept, vous croyez vraiment qu'on devrait mettre ça dans la loi? Parce que c'est très, très large, c'est ça que je veux dire. Les gens nous ont conseillé de mettre ça ailleurs, dans le cadre de référence, etc. Parce que le spectre est tellement large, ils nous ont dit d'en parler dans la loi, oui, de le nommer, mais d'aller mettre dans le cadre de référence et dans les guides pratiques, etc., toute la définition de ce que c'est, l'exploitation sexuelle, parce que ça peut partir de l'abus jusqu'à l'exploitation avec les filles ensemble, mais aussi la cyber... Alors, est-ce que vous croyez que leur proposition devrait être prise en considération, étant donné que le spectre est large? Parce que, si on se met à définir dans la loi, ça veut dire que, s'il y a des choses qui s'ajoutent, il va falloir attendre de rouvrir la loi avant de faire une correction à la définition. Comprenez-vous ce que je veux dire? Est-ce que vous pensez que c'est une bonne chose? C'est ça, ma question. Je ne veux pas vous mettre en boîte, là, je veux...

Mme Veillet (Nancy) :  Mais, en fait, je pense que juste de faire l'ajout «exploitation sexuelle» à l'article de loi tel que mentionné, c'est déjà un gain, puisque la réalité fait en sorte que ce n'est pas vrai que c'est toutes les provinces ou toutes les villes qui sont confrontées à cette réalité-là. Donc, je pense que déjà, en ajoutant ce volet-là à l'article 38, c'est déjà un grand gain. Je pense, en effet, que de mettre une définition dans un cadre de référence pourrait davantage répondre aux besoins puis à la souplesse, tel que vous le décrivez.

Mme Charlebois : O.K. Puis, s'il y a des modifications parce que la société évolue, les problématiques aussi, hein, ça fait qu'on pourra toujours aller faire les corrections qui s'imposent. Merci. Puis ce n'est pas parce que je voulais vous entendre dire ce que je pensais, mais c'est juste que je voulais juste clarifier ça, là, dans...pour les...

Vous avez parlé de situations laissées sous silence, que la CDPDJ a aussi discutées. Pouvez-vous m'élaborer ça un petit peu? Tu sais, vous pensez qu'il y a beaucoup de situations sous silence, puis moi aussi, je pense qu'il y en a qui sont laissées sous silence, mais qu'est-ce que vous vouliez me dire par tout ça, là? Est-ce qu'il y en a tant que ça? Est-ce que la CDPDJ nous a fourni des recommandations dans ce sens-là? Puis vous, qu'est-ce que vous souhaiteriez faire pour éviter ces situations sous silence? Quels moyens on devrait prendre pour arriver à avoir le plus de dénonciations possible? Parce que vous le savez, on a de plus en plus de signalements, il y a de plus en plus de signalements retenus, alors comment vous pensez qu'on peut faire pour qu'il y ait davantage encore?

Mme Bergeron (Annick) : Bon, c'est sûr que, dans la loi, il y a déjà l'obligation de signaler obligatoirement, là, dans certaines situations, entre autres au niveau des abus physiques et des abus sexuels. Ce qu'on constate, c'est que cette obligation de signaler là n'est pas nécessairement connue, que ce soit au niveau du grand public, que des professionnels qui travaillent auprès des enfants. Donc, c'était plus ça qu'on visait à vous dire, là, dans le mémoire, c'était que cette obligation-là, malheureusement, là, ne semble pas être si bien connue que ça.

Mme Charlebois : Mais comment vous pensez qu'on pourrait y arriver? Si ce n'est pas si connu que ça, quels moyens vous pensez qu'on devrait prendre pour que ce soit davantage connu? Avez-vous des suggestions? En résumé, c'est ça, ma question.

Mme Davreux (Maryse) : Oui, je pense que les DPJ ont à faire le tour, à jouer le rôle qu'ils ont à jouer aussi dans les régions pour informer l'ensemble des professionnels. Dans un des rapports de la CDPDJ, c'était expressément nommé d'informer, entre autres, avec l'Hôpital Sainte-Justine. Il y a vraiment des choses qui doivent être mieux arrimées, qu'il y ait plus d'information à travers les garderies, à travers les milieux scolaires. Je le disais aussi dans mon allocution, la protection des enfants, c'est l'affaire de tous, mais il faut informer les gens. Alors, il y aurait vraiment des campagnes d'information à faire pour que, tous les enfants qui peuvent être victimes d'abus physiques ou abus sexuels, il y ait des gens dans la société... peu importe le milieu, ça peut être les voisins, ce n'est pas seulement que les gens dans les établissements, mais que le signalement se fasse. C'est un peu ça, là, qui est nommé.

• (15 h 40) •

Mme Charlebois : Peut-être davantage de campagnes d'information aussi, hein? Parce que vous avez raison, vraiment, ne serait-ce qu'un cas, ça serait déjà un cas de trop, puis on le sait qu'il y en a plus qu'un cas qui sont laissés sous silence.

Confidentialité, vous en avez parlé dans votre mémoire, vous abordez cette question-là. Est-ce que vous considérez qu'on a mis les outils dans le projet de loi qui vont vous permettre d'avoir un meilleur échange, un meilleur partage d'information, que ce soient les DPJ, les directeurs de centre jeunesse et les services policiers? Est-ce que vous pensez qu'on a amélioré suffisamment la loi? Le projet de loi fait-u ce qu'il devrait faire? Est-ce qu'il y a des choses de plus importantes qui devraient être faites pour améliorer encore davantage?

M. Audet (Régis) : Bien, nous, dans le fond, on pense, là... Parce que la situation actuelle, quand on parlait tout à l'heure de 38d, dans le fond, d'ajuster la notion de l'exploitation sexuelle à la définition pour les abus sexuels, ce que ça fait à ce moment-là de notre côté, bien, ça ouvre l'entente multisectorielle, ce qui fait qu'on peut avoir, à ce moment-là, un plus grand partage d'information pour ces situations-là, ce qui fait que... Il arrive parfois que, lorsque la notion d'exploitation sexuelle n'est pas là, bien, le déclenchement de l'entente multisectorielle ne se fait pas, ce qui fait qu'on reçoit l'information via un protocole d'échange d'information, mais sans avoir le nom de la victime. On a des informations partielles, ce qui fait que c'est plus difficile, à ce moment-là, de débuter une enquête policière à ce moment-là.

Mme Charlebois : Donc, ce qu'on propose dans le projet de loi va vous aider à mieux faire votre travail entre les partenaires parce qu'on a décloisonné ça, là, justement.

M. Audet (Régis) : C'est ça. Bien, dans le fond, de rajouter l'exploitation sexuelle à 38d, à ce moment-là, oui, ça va faciliter les choses.

Mme Charlebois : Les fugues, on va y arriver. Je ne pouvais pas faire autrement que vous en parler. Vous mentionnez dans votre mémoire que le verrouillage systématique des portes en centre de réadaptation, ça ne constitue pas nécessairement une solution. Je suis d'accord avec vous. Il y a des gens qui ne comprennent pas, mais moi, je leur dis : Un centre jeunesse, ce n'est pas une prison, c'est un milieu de vie. Parfois, les jeunes doivent aller expérimenter des choses pour apprendre. Cependant, il y a des jeunes qui se mettent à risque dans certaines situations.

Au centre Laval, comme vous le savez, ils ont expérimenté des choses et ils ont mis une mesure de contrôle sur la porte. Ce n'est pas une porte barrée parce que ceux qui ont droit de sortir sortent. C'est juste pour ceux qui sont plus à risque devant certaines situations. Quand il y a des événements, par exemple, pour toutes sortes de raisons, quand quelqu'un est plus à risque, il n'a pas le petit carton à présenter à celui-là qui débarre la porte. Est-ce que vous avez d'autres suggestions? Pensez-vous que ça, c'est une bonne mesure? Et pensez-vous qu'on devrait avoir une mesure uniforme partout comme celle-là ou bien est-ce que vous croyez qu'il y a une panoplie de mesures qui pourraient s'appliquer? Bref, l'harmonisation des pratiques à la table de la DPJ, je pense que ça va être une bonne chose, mais est-ce que vous pensez qu'il y a une panoplie de suggestions qui pourraient être là comme possibilités ou bien si on en met des fixes, puis tout le monde s'harmonise avec ça?

Mme Davreux (Maryse) : ...la directrice de la réadaptation répondre, c'est un sujet passionnant pour elle.

Mme Beauregard (Chantal) : Tout à fait. Écoutez, je pense que l'harmonisation, en province, est importante dans nos pratiques. Ça, c'est la dernière partie de votre question.

Par rapport au fait est-ce qu'il y a des moyens différents qu'on peut explorer, je pense que le mémoire en fait part aussi, de se dire qu'effectivement la majorité des jeunes sont en mesure d'évoluer et de se développer dans une unité ouverte, et il faut aussi s'adresser à cette majorité-là qui est capable de bien vivre avec la liberté qu'on leur donne. Cependant, il y a des jeunes qui nécessitent un niveau d'encadrement un peu plus élevé dans certaines circonstances. On a l'encadrement intensif, qui répond aussi à un bon volume de ces jeunes-là qui ont des grandes difficultés et qui nécessitent une intensité de service plus grande.

Toutefois, on a aussi des jeunes qui sont un petit peu entre les deux, qui, à certaines occasions, vont nécessiter un encadrement plus important, mais pour une courte durée et qui ne nécessitent pas nécessairement un programme d'encadrement intensif. Donc, c'est à eux aussi qu'il faut adresser des moyens, et c'est à cette intention-là aussi que, dans le mémoire, on vous parle de mesures intermédiaires, de mesures qui viendraient ponctuellement permettre aux intervenants du terrain, aux éducateurs qui, quotidiennement, travaillent avec ces jeunes-là de mettre en place des moyens pour éviter la fugue. Parce qu'avant tout, avant d'être des jeunes en difficulté, ce sont des adolescents avec l'impulsivité qui vient avec l'adolescence et tout ce que vous pouvez anticiper comme la vie avec des adolescents, et je pense qu'il faut mettre en place des moyens pour s'adresser à ceux-ci.

Mme Charlebois : Est-ce qu'on devrait laisser chaque centre décider de ses mesures transitoires, comme on parle, ou bien si on devrait, encore là, uniformiser? Parce que vous ne m'avez pas dit : Oui, on devrait tous avoir la même mesure.

Mme Beauregard (Chantal) : Moi, je crois qu'on doit harmoniser les outils possibles.

Mme Charlebois : C'est bien répondu, ça veut dire que...

Mme Beauregard (Chantal) : Et chaque établissement, en fonction des besoins individualisés de chacun des jeunes, va appliquer les moyens possibles parce que ce sont des besoins individuels.

Mme Charlebois : Une dernière petite question : Croyez-vous à l'implication des jeunes... Au lieu qu'il y ait seulement les centres jeunesse — je vais mieux m'exprimer, là — croyez-vous que c'est une bonne chose qu'on ait accès à d'autres ressources, exemple, des organismes communautaires, exemple, des maisons de jeunes? Pour, justement, ces mesures de transition là, pensez-vous que c'est une bonne chose qu'on puisse élaborer d'autres partenariats pour, justement, aider les jeunes? Puis aussi vous ne m'avez pas parlé d'autochtones dans votre mémoire, puis il ne reste pas beaucoup de temps, mais peut-être que les autres pourront finir.

Mme Beauregard (Chantal) : Pour ce qui est des partenaires, ils sont déjà présents. Je pense que c'est un incontournable de travailler en partenariat parce que l'importance que le jeune crée un lien, que ça soit avec un éducateur du centre jeunesse ou avec un partenaire d'un organisme communautaire, c'est aussi une prévention à la fugue. Alors, c'est déjà installé, du moins pour notre région. Et je pense que c'est assez provincial aussi, ce partenariat-là, et chacun a son rôle, et tout aussi important les uns que les autres, au même titre que les corps policiers. Et on le dit dans le mémoire, M. Lebon l'a dit aussi, c'est en partenariat qu'on doit travailler pour contrer les fugues.

Mme Charlebois : Concernant la question autour des Premières Nations et Inuits — parce que j'ai dit autochtones, mais on ne dit plus ça, on m'a dit de ne plus dire ça, j'écoute — alors, vous n'en parlez pas dans votre mémoire, est-ce que c'est parce que vous n'avez pas eu le temps de vous y pencher ou si c'est parce que vous considérez que ça doit être traité différemment?

Le Président (M. Villeneuve) : En 30 secondes, madame, s'il vous plaît.

Mme Beauregard (Chantal) : En fait, il y a Akwesasne et Kahnawake sur le territoire de la Montérégie. Ce sont des milieux anglophones, et, lorsqu'il y a des situations avec les adolescents, on réfère à Batshaw pour l'hébergement. Et c'est aussi des communautés qui s'organisent beaucoup entre elles, et Akwesasne étant tout près de l'Ontario, beaucoup plus dans la région de Valleyfield, là, il y a vraiment beaucoup de services et de ressources qui sont mis en place là-bas pour les jeunes et les adolescents.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci. Alors, on se déplace du côté de l'opposition officielle. M. le député de Rosemont, la parole est à vous.

M. Lisée : Merci, M. le Président. Mme Davreux, M. Audet, Me Bergeron, Mme Beauregard, Mme Veillet, d'abord je tiens à vous féliciter pour votre travail exemplaire. Je n'ai pas eu à avoir un contact direct avec vous, mais j'ai beaucoup entendu parler de vous. Avant le rapport Lebon, lorsqu'on s'est mis à discuter des problèmes de fugues, déjà les gens qui connaissent ça disaient : Bien, le projet Mobilis, c'est le projet-phare au Québec là-dessus. Ensuite, on a eu des avis de la mairesse de Longueuil disant que ce projet était en difficulté parce que les compressions budgétaires du gouvernement libéral avaient fait en sorte que son budget était réduit. Et ensuite on a vu dans le rapport Lebon que lui-même, qui est un expert en ce domaine, a dit : Bien, voici exactement ce qu'il faudrait faire et ne pas défaire.

Et je pense que ma première question à vous, c'est : Après ces tribulations... Et, d'ailleurs, le rapport Lebon disait spécifiquement que la réorganisation de la santé avait, disons, désorganisé, pour un temps de transition, l'efficacité de la collecte d'information, d'une part. D'autre part, il y a eu des annonces de réinvestissement. Est-ce que vous pouvez nous dire aujourd'hui que vous êtes de retour à votre vitesse de croisière d'avant les perturbations que le gouvernement actuel a provoquées?

Mme Davreux (Maryse) : Ce que je peux vous affirmer aujourd'hui, c'est que nous ne sommes pas de retour, nous sommes en évolution depuis un an et demi, depuis qu'il y a eu la réforme parce que le service de Mobilis, dans notre établissement, n'a pas bougé, n'a pas changé. Les services directs auprès des enfants et des adolescents, les services ont été maintenus. Donc, Mobilis, c'est la même équipe du côté de notre établissement aujourd'hui, il y a un an et demi et il y a trois ans, depuis le début. Alors, ça a continué de... et ça a progressé, ça a évolué.

M. Lisée : ...l'inspecteur qui était chargé des enquêtes nous disait que ça avait été réduit temporairement. Est-ce qu'il est revenu à son niveau antérieur?

Mme Davreux (Maryse) : Bien, je laisserais M. Audet répondre.

M. Audet (Régis) : Oui. Dans le fond, les gens, maintenant, qui enquêtent, ne sont pas tout à fait le même nombre, mais on inclut les opérations avec nos partenaires de Mobilis dans les opérations courantes, ce qui fait que chaque signalement, chaque allégation qu'on va recevoir est enquêtée de la même manière qu'à l'époque, mais avec un peu moins de personnel.

M. Lisée : Donc, vous êtes aussi efficaces avec un peu moins de personnel parce que vous avez intégré d'autres personnes dans le cercle, c'est ça?

• (15 h 50) •

M. Audet (Régis) : Bien, dans le fond, ce qui arrive, c'est que le département des enquêtes qui assure maintenant cette coordination-là est l'équipe des crimes à caractère sexuel, et, lorsqu'un dossier devient, dans le fond, prioritaire à traiter, l'équipe de l'époque qui travaillait est, à ce moment-là, reconstituée avec un enquêteur au dossier, et ils vont travailler la problématique.

M. Lisée : En termes de nombre d'accusations contre les proxénètes, pouvez-vous nous décrire, là, comment ça se passe sur les trois dernières années, y compris cette année?

M. Audet (Régis) : Écoutez, je n'ai pas les chiffres exacts, je peux... Il y en a moins, là, qu'il y en a eu dans les trois premières années, il est certain, par rapport à ça, parce qu'avant il y avait des gens qui travaillaient sur ces dossiers-là, six enquêteurs avec un lieutenant-détective qui travaillaient la problématique, dans le fond, à temps plein. Présentement, quand je vous dis que c'est rentré dans les opérations courantes, ce qui fait que, quand on a un signalement, il est remis à un enquêteur pour être enquêté, mais cet enquêteur-là ne fait pas uniquement ce type de dossiers là.

M. Lisée : Donc, il y a moins de proxénètes en ce moment qui sont accusés par le ministre suite aux réformes que le gouvernement vous a imposées?

M. Audet (Régis) : Il y a moins d'accusations, effectivement.

M. Lisée : Bon. Alors, ce n'est pas une bonne nouvelle. Moi, je pense qu'il faudrait que vous en ayez autant, sinon plus.

Une deuxième question que je vous pose, c'est que, depuis plusieurs années, le SPVM propose la création d'unités mixtes, Longueuil, ville de Montréal, Laval. Des lettres ont été envoyées en 2014 demandant cela, et c'était d'ailleurs une des recommandations du groupe de travail sur l'exploitation sexuelle et le trafic de femmes, que le gouvernement Marois avait élaboré. À l'époque, on a la réponse du sous-ministre, du ministre libéral de la sécurité publique qui disaient : Non. Depuis, moi, j'ai réitéré plusieurs fois en disant : Bien, il le faut parce que les proxénètes traversent le fleuve, ils savent où sont les ponts. Alors, est-ce que vous avez une information nous disant si, oui ou non, cette unité mixte Laval-Montréal-Longueuil est en voie d'élaboration ou est-ce que c'est toujours un mur?

M. Audet (Régis) : Toujours un mur?

M. Lisée : C'est toujours un mur du refus?

M. Audet (Régis) : Bien, dans le fond, tout ce que je peux vous dire, c'est que le service de police de l'agglomération de Longueuil va être fier de participer à une équipe comme ça si, un jour, elle est créée par le gouvernement.

M. Lisée : Vous n'avez pas de nouvelles que ça s'en vient?

M. Audet (Régis) : Écoutez, présentement, non.

M. Lisée : O.K. Il y a, dans les recommandations que vous faites, des choses très... — je cherche mon mot, là, ça va venir — très troublantes — voilà, c'est le mot que je cherchais — sur le fait que les proxénètes connaissent les délais de transmission d'information entre les différents services et, donc, se servent de ces délais pour faite la traite des femmes, sortir la jeune fille du territoire et que, donc, si nous travaillons mieux entre nous pour transmettre cette information au bon moment, on pourrait sauver des filles. C'est ce que vous nous dites. Pouvez-vous nous expliquer comment, qu'est-ce qu'on doit faire?

M. Audet (Régis) : Bien, dans le fond, tout dépendamment par quel canal l'information rentre, des fois on va le recevoir via un protocole d'échange d'information avec l'équipe de Mobilis. Je pense, ma collègue me corrigera, mais, dans le fond, aussitôt que l'information est reçue et traitée, elle nous est transmise à ce moment-là, et nous, on s'occupe de la travailler au moment où est-ce qu'on la reçoit. Si elle rentre différemment, dans le fond, si elle rentre, admettons, via des patrouilleurs... Je vous donne un exemple, dans le fond, des patrouilleurs interviennent sur une situation, un appel, une violence conjugale et décèlent, à ce moment-là, qu'il y a quelque chose, dans le fond, qui peut avoir l'allure, dans le fond, au proxénète et à sa victime, l'information qui est transmise aux patrouilleurs lors de formations antérieures que j'ai moi-même données, dans le fond, c'est de signaler immédiatement aux enquêtes pour qu'on puisse intervenir immédiatement auprès d'une jeune fille ou également, suite à un retour de fugue, des choses comme ça, pour qu'on puisse envoyer nos enquêteurs rencontrer la jeune fille immédiatement dans le but de la désensibiliser, dans le but de, dans le fond, laisser un message à cette jeune fille là qu'on est là pour l'aider. C'est un peu ça qu'on fait.

M. Lisée : Je cite la phrase, là : «Nous avons constaté sur le terrain que les membres de groupes criminalisés connaissent les limites de transmission d'information par les CISSS vers les services de police et que les règles de confidentialité initialement mises en place dans l'objectif de protéger la vie privée des familles sont malheureusement exploitées par les criminels. [...]nous nous questionnons sur la possibilité d'adopter une exception à la confidentialité spécifique en matière de fugue prolongée lors des situations connues ou à haut risque d'exploitation sexuelle.»

Je veux comprendre la mécanique, là, qui fait que c'est trop long, passer de l'information du CISSS à la police, et que les proxénètes s'en servent.

Mme Bergeron (Annick) : Ce n'est pas une question de longueur, c'est le fait qu'il y a un principe dans la Loi sur la protection de la jeunesse par rapport à la confidentialité des informations qui sont recueillies dans le cadre de l'application de la loi et c'est de qui fait en sorte que, dans certaines situations, on ne peut pas transmettre l'information aux policiers. Donc, quand je parle des limites, quand on parle des limites dans le mémoire, ce sont ces limites-là. Et c'est très délicat, et c'est la raison pour laquelle on mentionnait dans le sous-titre la délicate question de la confidentialité, parce qu'on ne peut pas non plus ouvrir les vannes et tout donner l'information qu'on a aux policiers. Je comprends qu'il faille protéger les jeunes, mais, d'une certaine façon, il faut aussi maintenir le lien de confiance. Donc, c'est vraiment de trouver, justement, des moyens dans le respect du droit à la vie privée des jeunes, mais pour faire en sorte de mieux les protéger.

Et, bon, on a parlé de l'entente multi tantôt, l'entente multi prend sa source sur l'article 72.7 de la loi, et je sais qu'il y a des travaux par rapport à cette entente-là. Est-ce que, dans la cadre de ces travaux-là, il y aura autre chose qui sera proposé par rapport à la portée de cet article-là? Peut-être que ça pourrait être un élément de solution.

M. Lisée : O.K. Il y a le problème du consentement factice, O.K., donc les filles qui sont prises dans les griffes de ces proxénètes et qui, à tort ou à raison, pensent qu'elles sont consentantes, donc ne font pas de plainte, et vous, vous dites qu'il faudrait introduire la notion d'exploitation présumée, de la déduction d'une présomption d'exploitation et de faire en sorte de rendre automatique la poursuite contre le proxénète lorsque ces actes sont connus des autorités policières sans attendre que la victime porte plainte. Moi, je trouve que vous avez parfaitement raison, mais est-ce que ça relève de nous ou du Code criminel? Comment faire pour rendre ça réel?

Mme Bergeron (Annick) : Vous savez que c'est la juridiction fédérale, là. Je suis d'accord avec vous. Par contre, étant donné qu'on a traité des trois volets — prévention, protection, répression — bien, forcément, dans le cadre de la répression, il fallait qu'on parle de cette difficulté-là qui est omniprésente dans les activités de Mobilis.

M. Lisée : Parce qu'en ce moment il y a un décret aussi sur la question des proxénètes qui n'est toujours pas signé par le gouvernement fédéral, dont on demande la signature. On ne comprend pas pourquoi ce n'est pas fait, puis là vous demandez une nouvelle intervention. La ministre va être d'accord avec moi, si nous étions dans une assemblée nationale d'un pays indépendant, on pourrait immédiatement procéder à ces décisions.

Vous dites aussi qu'il faudrait introduire la traite des personnes dans la définition. Alors, ce que vous nous dites, c'est qu'on fait un pas important — et je le reconnais, et puis j'applaudis — face à ces éléments d'exploitation sexuelle, mais vous dites : Écoutez, on est en deçà de la réalité en termes de définition. Mais, à partir du moment où on met cette définition-là, traite des personnes, etc., en quoi... Moi, je veux bien, là, mais je veux juste savoir en quoi ça aide de l'écrire par rapport à ne pas l'écrire. Qu'est-ce que ça change?

Le Président (M. Villeneuve) : En 30 secondes, s'il vous plaît.

Mme Veillet (Nancy) : Je pense que ça tient compte, simplement, de l'ampleur du phénomène, qui n'est pas de la simple exploitation sexuelle. La majorité des jeunes filles victimes se font déplacer d'une ville à l'autre ou d'une province à l'autre, pour ne pas dire à l'intérieur même du Canada. Donc, je pense que c'est plus de refléter l'ensemble du phénomène de l'exploitation sexuelle.

M. Lisée : Je vous remercie. Bravo! Continuez.

Le Président (M. Villeneuve) : Alors, nous allons nous transporter chez la deuxième opposition. Alors, la parole est au député de Drummond—Bois-Francs. À vous la parole.

M. Schneeberger : Merci beaucoup. Bonjour à vous cinq. Premièrement, j'irais justement sur la notion de confidentialité. Vous constatez sur le terrain qu'il y a les groupes criminalisés qui obtiennent des informations sur les dossiers confidentiels, là, au niveau des familles. Je voudrais que vous m'expliquiez c'est quoi, les fuites. C'est comment que ça marche? Je veux dire... Bien, je ne sais pas si ça nuit à le dire publiquement, mais, je veux dire, c'est quand même grave si les... Ce matin, il y a des médecins qui disaient que, des fois, ils ont de la misère à avoir de l'information, puis les criminels, eux autres, ils l'ont.

Mme Veillet (Nancy) : Mais, en fait, je pense qu'il faut le comprendre à l'effet que les jeunes proxénètes ou ceux qui exploitent nos jeunes filles savent que, lorsqu'elles sont suivies par nos établissements, on est liés à la confidentialité. Donc, il y a des situations, des particularités où... M. Audet faisait mention de, quand on fait un échange de protocole, moi, je peux juste identifier des lieux ou des tierces personnes, mais, en aucun temps, identifier une jeune de mon établissement. Donc, dans ces circonstances-là, le proxénète qui a décidé de tenir lieu une activité de ou de recruter notre adolescente, les limites de la confidentialité font en sorte que c'est un irritant avec le partenariat, puisque je peux identifier le lieu, mais, en aucun temps, je pourrais lui dire : Mais j'ai une jeune fille qui est prise avec cette situation-là.

Mme Davreux (Maryse) : Donc, ce ne sont pas des fuites, là, c'est vraiment les limites de la confidentialité dans la Loi de la protection de la jeunesse.

M. Schneeberger : O.K. Bon. Bon, c'est sûr, mon collègue en a déjà parlé, là, mais, quand vous parlez de la présomption sur l'exploitation sexuelle, est-ce que, justement, ça ne pourrait pas donner, des fois, lieu à des dérapages parce que, la présomption, on s'entend, on a tous une manière différente de voir les choses? C'est où? On va jusqu'où, là? La ligne est très mince parce que, la présomption, des fois, tu peux nuire à quelqu'un sans le vouloir, alors que tu pensais vrai juste selon tes visions à toi. C'est où qu'on s'arrête?

• (16 heures) •

Mme Bergeron (Annick) : Je comprends que les détracteurs du projet de loi actuel au niveau fédéral... c'est un des aspects, en fait, qui fait en sorte, de ce que j'ai compris, que le projet de loi, au niveau du Code criminel, n'est pas encore adopté. Donc, je pense que les détracteurs du projet de loi ont la même opinion que vous par rapport à la présomption, ils sont d'avis que c'est, dans le fond, pas en conformité avec la charte canadienne.

M. Schneeberger : O.K.

Mme Veillet (Nancy) : ...par rapport à la notion de victime, simplement de le voir comme étant une réelle victime, et non pas que ce soit un choix. Ce qu'on entend souvent lorsque les gens arrivent pour ça, pour faire une déclaration ou porter plainte : Cette jeune fille là ne se voit pas toujours comme victime et, à cause de l'emprise dans laquelle elle se retrouve, elle-même, parfois, ne souhaite pas porter plainte. Donc, si déjà on voit cette situation-là comme n'étant pas un choix et qu'elle est une réelle victime, je pense que déjà on fait une avancée supplémentaire.

M. Schneeberger : De là, je pense, aussi, de protéger mieux les victimes parce que, justement, ils ont peur de dénoncer, puis ils disent finalement pour se protéger... la peur d'autres agressions, ils disent que, finalement, il n'y en a pas, de problème, là.

Mme Veillet (Nancy) : ...les impacts psychologiques que ces jeunes adolescentes là subissent, et adolescentes qui sont, malheureusement, de plus en plus jeunes.

M. Schneeberger : Dernier point, on a parlé souvent... il y a quelques groupes qui ont parlé, justement, des mesures de transition. Parce que c'est sûr, bon, on s'occupe des mineurs, mais ce n'est pas parce que, demain matin, on a 18 ans ou 17 ans et trois quarts, qu'on est majeur, puis il n'y a plus de problème, là. Souvent, les statistiques sont très mal faites là-dessus, elles arrêtent à 18 puis elles repartent à 18. Pourtant, c'est la même personne. Seriez-vous favorables, justement, qu'il y ait plus de places où est-ce qu'on prépare mieux la transition de ces jeunes-là qui n'ont pas nécessairement un milieu familial... Et, souvent, question, des fois, monétaire, là, O.K., c'est bien beau, là, je suis majeure, mais ça ne veut pas dire que la vie est meilleure pour elle, là.

Mme Beauregard (Chantal) : Tout à fait. Je suis tout à fait d'accord avec vous, puis, d'ailleurs, on a déjà plusieurs projets qui s'adressent à ces jeunes-là. Parce qu'on est très préoccupés par la transition à la vie adulte, c'est une problématique qui nous interpelle tous puis que je pense que comme... socialement, doit nous interpeler aussi, que ce soit le marché de l'emploi, le marché de l'éducation ou autre. Mais je pense qu'on peut aller plus loin. On peut aller plus loin sur divers aspects, mais on peut aller plus loin aussi à la transition pour des jeunes qui ont des problématiques de santé mentale, avec lesquels il faut s'assurer qu'entre leur pédopsychiatre et santé mentale adulte qu'il y a un bon transfert qui se fasse.

C'est tout à fait opportun et important, et le communautaire, encore une fois, est important dans cette phase-là. Alors, malgré les innovations, les projets qu'on a mis en place, moi, je pense qu'on peut pousser encore plus loin. Il y a d'ailleurs des plans d'action qui sont en place sur l'itinérance ou autres, il faut s'y adresser, tout à fait.

M. Schneeberger : Est-ce que vous pensez que tous les enfants qui sont dans les centres jeunesse devraient, justement, faire une transition ou la plupart selon les besoins, là, c'est...

Mme Beauregard (Chantal) : On a déjà le programme aussi PQJ, qui s'adresse à la majorité des adolescents qui sont, ce qu'on dit dans notre jargon, abandonnés, c'est-à-dire qui ont un profil dont on sait déjà à partir de 15, 16 ans qu'ils ne pourront pas réintégrer leur milieu familial. Donc, on a des éducateurs qui permettent cette transition-là et qui les suivent souvent jusqu'à 19 ans. Je pense qu'on pourrait peut-être aller plus loin puis l'offrir à davantage de jeunes aussi parce que je ne le sais pas jusqu'à quel point, en province, ce programme-là existe partout. Je sais qu'il existe beaucoup, mais est-ce qu'il existe partout? Et est-ce qu'on pourrait en mettre plus? Je pense que oui, tout à fait.

M. Schneeberger : Est-ce que, justement, il y a trop de monde qui se bute au manque, des fois, de professionnels dans le milieu : psychologues et tous les gens qui sont autour de ce milieu-là, au niveau de la jeunesse? Est-ce que l'aide est là ou si, des fois, les listes d'attente font en sorte qu'on échappe parce qu'il y a trop de temps qui est écoulé avant qu'on prenne en charge les jeunes?

Mme Davreux (Maryse) : Vous savez, dans le rôle de DPJ que je peux avoir en Montérégie — et tous mes collègues à travers la province ont le même rôle — c'est de s'assurer que les enfants qui sont en besoin de protection reçoivent les services. Alors, c'est vraiment comme ça qu'on le regarde. Et oui, il y a les listes d'attente, mais il y a des moyens qui sont pris, qui sont mis en place pour s'assurer que les enfants reçoivent vraiment une réponse à leurs besoins. Je ne vous dis pas qu'il n'y a pas de délais jamais, mais cette préoccupation-là est vraiment portée par les DPJ.

M. Schneeberger : Merci.

Le Président (M. Villeneuve) : Alors, merci, Mme Davreux, M. Audet, Mme Bergeron, Mme Beauregard et Mme Veillet, pour votre participation aux travaux de la commission.

Sur ce, nous allons suspendre quelques instants, et je demanderais au prochain groupe de bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 16 h 5)

(Reprise à 16 h 8)

Le Président (M. Villeneuve) : Bonjour à vous. Alors, pour fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons, bien entendu, à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, je vous cède la parole.

Fédération des maisons d'hébergement pour femmes (FEDE)

Mme Monastesse (Manon) : Alors, bonjour. Manon Monastesse, directrice générale de la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes.

M. Lapierre (Simon)  : Mon nom est Simon Lapierre, professeur agrégé à l'École de service social de l'Université d'Ottawa.

Mme Monastesse (Manon) : Alors, Mme la ministre, Mmes et MM. parlementaires, merci de nous recevoir aujourd'hui. Vous avez compris, à la teneur de notre mémoire, que nous sommes ici pour faire part de nos préoccupations en ce qui concerne l'intervention des services de protection de la jeunesse dans le contexte de violence conjugale.

Alors, tout d'abord, la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes regroupe 35 maisons d'hébergement à travers le Québec, existe depuis 1987. Nous sommes également membres du Réseau canadien des maisons d'hébergement pour femmes et du  Réseau international des maisons d'hébergement pour femmes également.

Alors, tout d'abord, nous pouvons dire que, pour l'année dernière, dans notre rapport 2015‑2016, nous avons hébergé 3 000 femmes et 1 500 enfants, 50 % au niveau des... D'année en année, c'est pas mal l'équivalent, autant de petites filles que de garçons. Les enfants sont hébergés de zéro à 18 ans. Et la moyenne d'âge est de cinq ans pour les enfants et de 38 ans pour les femmes hébergées. Et 34 % des enfants que nous recevons en maison d'hébergement ont également eu un signalement à la protection de la jeunesse.

Je tiens à rappeler que, lorsqu'il y a eu des modifications à la Loi de la protection de la jeunesse en 2007, la fédération était tout à fait favorable à l'introduction à l'article 38 de l'exposition à la violence conjugale comme motif de compromission. Mais ce qu'on constate depuis 2007, c'est que, dans les faits, ce nouvel article n'a pas eu les effets escomptés selon nous dans le sens d'assurer une meilleure sécurité des femmes et des enfants qui vivent dans la violence conjugale et dont les enfants sont sous protection de la jeunesse.

• (16 h 10) •

M. Lapierre (Simon)  : Alors, je veux vous faire part de quelques constats qui ont émergé d'une consultation qu'on a réalisée auprès des maisons d'hébergement membres de la fédération en 2013. Et je pense qu'il est d'abord important de préciser que les constats qui émergent de notre consultation sont les mêmes constats qui émergent d'autres recherches qu'on a réalisées dans le domaine, mais aussi d'un très grand nombre de recherches qui ont été réalisées dans des pays qui ont des systèmes et des législations similaires en protection de la jeunesse, que ce soit aux États-Unis, au Royaume-Uni ou en Australie.

Donc, parmi les constats qui émergent, c'est d'abord une méconnaissance, une mauvaise compréhension de la problématique de la violence conjugale parmi les intervenants en protection de la jeunesse, une méconnaissance qui fait que la violence conjugale est souvent comprise plutôt comme un conflit, une chicane ou une mésentente entre deux parents et qui est aussi comprise souvent comme un problème qui cesse au moment de la séparation. Et, d'ailleurs, on note une tendance assez lourde au cours des dernières années à parler de plus en plus de conflits de séparation plutôt que de violence conjugale.

Et ce qu'on a constaté également, c'est que cette mauvaise compréhension de la problématique de la violence conjugale amène des lacunes au niveau des pratiques d'intervention, des pratiques qui ont tendance à mettre l'accent sur les déficits maternels ou sur... qui est perçu comme l'incapacité ou la mauvaise volonté des femmes à protéger leurs enfants, mais sans nécessairement leur offrir tout le soutien dont elles auraient besoin pour accomplir ce travail-là. Et, à l'opposé, cette mauvaise compréhension là et ces lacunes-là mènent aussi souvent à un travail minimal auprès des pères, pour différentes raisons, qui amène une déresponsabilisation de ces hommes-là concernant leur comportement violent.

Évidemment, on est limités dans le temps, mais je pense que c'est important de mentionner que ces lacunes-là, autant au niveau de la compréhension qu'au niveau des pratiques, ont des impacts sur la sécurité des femmes et des enfants, ont aussi des impacts sur les pratiques en maison d'hébergement, et on pourra y revenir si c'est opportun. Mais aussi — et puis c'est peut-être mon dernier point — à l'heure où on investit et on mise énormément sur la collaboration entre les différents organismes, je crois qu'il faut noter que ces lacunes-là dans la compréhension et dans les pratiques en protection de la jeunesse sont des barrières importantes à une pleine collaboration entre, entre autres, les organismes en violence conjugale et les services de protection de la jeunesse.

Mme Monastesse (Manon) : Alors, pour conclure, au niveau des pistes de solution, ce que l'on cible, c'est beaucoup une meilleure évaluation des impacts dans leurs pratiques... dans la vie des enfants exposés à la violence conjugale, mais aussi dans la vie des femmes victimes et des hommes qui ont des comportements... Bien sûr, ça implique une meilleure formation d'un niveau avancé sur l'intervention en matière de violence conjugale, et non sur la protection des enfants exposés à la violence. Cette formation permettrait aux intervenants d'être mieux outillés pour identifier et comprendre la violence conjugale, incluant dans un contexte de postséparation.

Améliorer la reconnaissance de la violence conjugale comme un exercice de pouvoir et de domination qui trouve sa source dans les inégalités entre les femmes et les hommes, et non comme résultant de l'exacerbation d'un conflit pour lequel les deux conjoints ont leur part de responsabilité, tel que stipulé dans la politique en matière de de violence conjugale. Toute la définition dans la politique, c'est justement autour des rapports de force et de coercition dans le couple.

La reconnaissance également des difficultés et des défis auxquels les femmes victimes de violence conjugale sont confrontées au quotidien. Les problèmes de santé mentale, tout comme la toxicomanie, doivent être reconnus comme des conséquences de la victimisation des femmes. Éviter de les blâmer, les femmes victimes de violence conjugale. On devrait reconnaître que, de manière générale, le fait de travailler en étroite collaboration avec les femmes constitue la meilleure façon d'assurer la sécurité et le bien-être des enfants.

Attribuer la pleine responsabilité de la violence et de ses conséquences aux hommes qui ont des comportements violents. Lorsque les hommes sont impliqués dans l'intervention, la priorité devrait être accordée à la sécurité et au bien-être des femmes et des enfants. Le travail auprès des hommes devrait miser sur la responsabilisation et sur l'arrêt de la violence. On devrait reconnaître également que l'intervention dans les situations de violence conjugale peut nécessiter du temps et des ressources supplémentaires.

Reconnaître également le rôle essentiel des ressources d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale, leur approche particulière et l'expertise qu'elles ont développée au cours des dernières décennies.

Reconnaître que les lacunes identifiées dans le rapport qu'on vous a soumis constituent des obstacles à la collaboration des ressources d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale. Dans le contexte actuel, les ressources d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale pourraient contribuer à la formation des intervenants en protection de la jeunesse.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci pour votre présentation. Vous êtes nettement dans les temps. Alors, débute une période d'échange. Alors, Mme la ministre, à vous la parole pour les 17 min 30 s suivantes.

Mme Charlebois : Bien, merci, M. le Président. Alors, merci à vous, Mme Monastesse et M. Lapierre, d'être ici et de nous faire part de votre point de vue. Bien, en fait, c'est le point de vue de la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes, que vous représentez. J'en ai pris connaissance. Honnêtement, j'entends que vous voulez faire part de ce que vous vivez dans les maisons. Il y a peu de choses sur le projet de loi. Est-ce que je me trompe?

Mme Monastesse (Manon) : Oui, mais ça fait un lien avec le projet de loi, dans le sens que...

Mme Charlebois : Ce n'est pas une critique, là, je voulais juste m'assurer que je ne voulais échapper rien.

Mme Monastesse (Manon) : Ah! non, non, non, mais... Oui. Bien, c'est une tribune pour nous de repositionner aussi les enjeux quand on parle en violence conjugale. Et le fait aussi que, comme je le disais au début, quand il y a eu les modifications à la Loi de la protection de la jeunesse, on n'a pas bien défini qu'est-ce qu'on entendait par violence conjugale, et ça, ça a des impacts au niveau de l'intervention des services de protection de la jeunesse.

Mme Charlebois : Qu'est-ce que vous auriez souhaité voir davantage dans la définition de «violence conjugale»?

Mme Monastesse (Manon) : Bien, la définition qui est inscrite dans la politique en matière de violence conjugale, où est-ce qu'on parle vraiment que la violence conjugale, ça s'inscrit dans des rapports de pouvoir, de coercition. Ce qu'on voit dans les services de protection de la jeunesse, l'analyse qui est véhiculée, c'est beaucoup une analyse qu'on appelle systémique où les familles sont considérées comme des systèmes. Quand ils sont dysfonctionnels, on ne fait que retirer un élément, séparer la mère, de lui dire d'aller en maison d'hébergement, et tout, mais ça n'indique pas quels sont les rapports de pouvoir, comment le conjoint va dominer sa conjointe dans un contexte de violence, comment il va y avoir des impacts de cette violence sur les femmes et sur les enfants.

Mme Charlebois : Est-ce que vous ne croyez pas que, tu sais, si on met... On a ajouté, vous avez dit, dans le projet de loi, «exploitation sexuelle», si... Dans le cadre de référence, on va aller faire la définition du concept d'exploitation sexuelle. Est-ce que vous ne croyez pas que c'est là que ça devrait être? La même chose en ce qui concerne la violence?

M. Lapierre (Simon)  : Bien, je pense qu'un des éléments que j'ajouterais à la réponse de ma collègue, je pense que, quand on a apporté les dernières modifications à la Loi sur la protection de la jeunesse pour insérer la question de l'exposition à la violence conjugale, on l'a insérée à l'intérieur des mauvais traitements psychologiques en faisant un peu le pari qu'on pouvait traiter ces situations-là ou qu'on pouvait intervenir dans ces situations-là de la même façon que les autres formes de mauvais traitements. Donc, on l'a insérée à l'intérieur des autres formes de mauvais traitements, et je crois qu'avec du recul il aurait été plus approprié de sortir la question de la violence conjugale et d'en faire un point spécifique parce qu'il y a quand même une nécessité de reconnaître que cette problématique-là n'est pas la même que les autres problématiques de mauvais traitements, a une teneur différente où on a au moins deux victimes dans ces cas-ci et où il y a des particularités, là, avec ces situations-là. Donc, je pense qu'on aurait eu avantage peut-être à sortir cette problématique-là plutôt que de l'insérer à l'intérieur des autres formes de mauvais traitements.

Et, pour répondre, là, à votre dernière question, je pense que ça peut être peut-être pas dans la loi, mais c'est important d'être très clair comment on définit la violence conjugale à l'intérieur des services de protection de la jeunesse parce qu'il y a vraiment un problème à ce niveau-là. Et je pense que de bien assurer une définition qui est cohérente à celle de la politique en matière de violence conjugale devrait être une priorité.

• (16 h 20) •

Mme Charlebois : Vous nous parlez dans votre mémoire de pratiques en place dans les services de protection de la jeunesse... ont un impact sur l'intervention réalisée par les ressources d'hébergement, et là vous m'indiquez qu'il y a des... vous nous indiquez, en fait, pas juste à moi, qu'il y a des difficultés particulières qui émergent de l'hébergement qui n'est pas volontaire pour quelqu'un qui est retiré de son milieu.

Mme Monastesse (Manon) : ...l'effet pervers, justement, parce qu'on n'a pas bien saisi... La définition de la violence conjugale n'est pas claire, et l'effet pervers de l'article 38, de ce qu'on voit, c'est que les services de protection s'en servent comme un élément coercitif. Ça veut dire qu'ils disent à madame : Vous allez en maison d'hébergement ou on vous enlève vos enfants.

Mme Charlebois : Est-ce que vous souhaitez voir comme proposition de la laisser là se faire violenter ou bien...

Mme Monastesse (Manon) : Non, ce n'est pas ce que j'ai dit.

Mme Charlebois : Non, non, je comprends, mais comment on peut...

Mme Monastesse (Manon) : Mais c'est dans la façon...

Mme Charlebois : Donnez-moi une piste de solution. Si la dame a peur de quitter son foyer, puis elle ne veut pas aller en ressource d'hébergement, on fait quoi? Si vous étiez intervenante en protection de la jeunesse, là, vous feriez quoi? Avez-vous une piste de solution à me proposer?

M. Lapierre (Simon)  : Bien, lorsqu'on adresse ces questions-là, je pense qu'il faut voir aussi les lacunes du système plus large, qu'est-ce qu'on peut faire, et je pense que c'est là l'important de mettre le focus à la bonne place. Si un homme est violent à l'endroit de sa conjointe et qu'on considère que c'est suffisamment dangereux pour les enfants, pour menacer madame de retirer la garde des enfants si elle ne quitte pas, il faut se demander qu'est-ce que le système fait pour protéger aussi cette femme-là. Et là ça fait appel, je pense, au système plus large que seulement au système de protection de la jeunesse, et ça fait appel à ces mécanismes de collaboration là. Mais, au-delà de ça, on a vu à différents endroits qu'il y a quand même des pratiques qui peuvent être développées pour développer une alliance et une collaboration avec la femme et lui offrir du soutien à court et à long terme plutôt que de lui dire : Madame, si vous ne quittez pas, on vous retire la garde des enfants. Et, un coup qu'on vous a retiré la garde des enfants, bien, vous n'avez pas droit à du soutien parce que vous n'avez plus la garde des enfants. Donc, je pense qu'il y a quand même... Au-delà de dire : Ou on les laisse se faire battre ou on les sort de là, je pense qu'il y a aussi de la place pour avoir des attitudes et des pratiques différentes entre les deux, là.

Mme Charlebois : Non, je comprends. Mais, en même temps, quand il y a urgence? Moi, j'essaie de penser, je suis une intervenante, là, j'arrive à la maison, puis je le sais qu'il y a de la violence conjugale, là, puis que, des fois, ça déborde sur les enfants. Vous savez comment ça marche, je ne vous apprends rien, hein? Tu sais, le cheminement, il va falloir qu'il se fasse rapidement parce qu'il faut absolument que ces enfants-là soient protégés. Le rôle de la DPJ, c'est ça, c'est de protéger les enfants. Alors, vous comprenez que si vous... Moi, je comprends qu'il faut avoir une vision au sens large, puis en parler, puis voir comment on peut aider la femme. Je suis d'accord avec ça, je suis une femme, là, je ne suis pas contre les femmes, là. Mais je veux juste vous dire que, quand il y a une urgence, l'intervenant qui est là, là, il se dit : Comment je protège les enfants? C'est peut-être là, là, qu'il arrive des...

M. Lapierre (Simon)  : Mais je pense qu'il n'y a personne, incluant nous, qui dit : On ne devrait jamais retirer les enfants d'un milieu familial. Je pense qu'il n'y a personne qui dit ça, c'est évident qu'il y a des situations où il y a une urgence, où il y a un danger immédiat, où il faut prendre des mesures dans ce sens-là. Mais, dans la mesure où, si on était dans un système qui a une bonne compréhension de la dynamique de violence conjugale, qui comprend bien et qui pose bien la responsabilité de cette violence-là sur les conjoints qui ont des comportements violents, qui ont des ressources pour soutenir les femmes, qui ont des mécanismes de collaboration adéquats avec les maisons d'hébergement, si on était dans ce système-là et que oui, à certains moments, il faut retirer d'urgence des enfants, les impacts à moyen et à long terme sur ces enfants-là et sur ces femmes-là ne seraient pas ce qu'ils sont aujourd'hui.

Mme Charlebois : Ça me déroute un peu parce que ce qu'on me dit, c'est qu'au-delà de la protection de l'enfant.... Puis c'est très important. Pour moi, ça l'est, puis vous autres aussi. Puis, pour l'ensemble de la population, protéger nos enfants, c'est ce qu'il y a de plus important. Mais on m'indique que les gens des familles qui ont besoin d'accompagnement quand un enfant est en protection de la jeunesse sont supposés d'être accompagnés. Notamment, maintenant, on a réuni la première puis la deuxième ligne. Vous êtes en train de me dire totalement le contraire.

Mme Monastesse (Manon) : Dans le sens de?

Mme Charlebois : Bien, dans le sens où on ne s'occupe pas des parents. C'est ça que vous êtes... Moi, en tout cas, c'est ce que j'entends.

Mme Monastesse (Manon) : Ce n'est pas ça qu'on dit. C'est qu'on dit qu'on a une mauvaise compréhension de quels sont les impacts de la violence conjugale, et ça, c'est documenté dans la littérature, où est-ce que le focus va être mis sur la mère. Au lieu de protéger et de soutenir la mère et les enfants et d'assurer un filet de sécurité, c'est qu'on va la blâmer et on va lui demander d'assurer la sécurité de ses enfants quand elle-même, elle est victime. Et le père, par rapport aux comportements violents, il y a très peu d'interventions qui vont être faites pour adresser ces comportements violents là, pour responsabiliser le père par rapport à ces comportements-là.

Il y a des programmes comme en Ontario... qui s'appelle Caring Dads, où est-ce qu'on travaille étroitement avec les pères qui ont des comportements violents pour améliorer leurs habiletés parentales, pour qu'ils comprennent bien que leurs comportements violents ont des impacts sur les enfants.

Mme Charlebois : Je pense qu'on a des organismes au Québec qui font ça aussi, là.

Mme Monastesse (Manon) : Oui, oui.

Mme Charlebois : Et, pour les femmes... En tout cas, je vais gratter ça, là, vous me soulevez quelque chose qui m'interpelle beaucoup. Je vous le dis, là, vous devez voir mes joues rougir, là, ça m'interpelle beaucoup, là, moi, je ne peux pas croire... Puis je vais vérifier ça, je vous le dis, avec beaucoup d'attention, je vais questionner. Je ne peux pas croire qu'on blâme les femmes qui se font violenter, là. C'est comme le top de ce que je peux entendre. Je vais le vérifier. Je ne vous dis pas, là, que je ne suis pas d'accord avec vous ou que je suis d'accord avec vous, je vais le vérifier. C'est mon devoir de faire ça parce qu'honnêtement, là, je vous entends me dire que c'est la femme qui est violentée qui, en quelque sorte, n'a pas d'aide, là. Tu sais, ça me...

M. Lapierre (Simon)  : Peut-être juste deux points à ce niveau-là. Premièrement, je veux juste préciser que ce n'est pas uniquement un point de vue. C'est documenté, mais ce n'est pas... Comme je l'ai mentionné au départ, c'est documenté dans de très nombreuses recherches, et ce n'est pas un problème qui est unique au Québec ou au Canada.

Mais l'autre point que je voudrais apporter — et peut-être c'est un exemple flagrant de cette tendance-là à blâmer les mères — c'est ce qu'on constate au cours des dernières années, c'est une augmentation des situations où, lorsqu'une femme qui est victime de violence conjugale exprime des craintes ou un danger par rapport à la situation de ses enfants, peut être accusée d'aliénation parentale parce que, d'une part, soit qu'on ne croit pas ou qu'on ne la prend pas au sérieux. Mais donc c'est la femme qui devient accusée d'aliénation parentale, alors que c'est l'homme qui a des comportements violents. Et c'est peut-être l'exemple extrême d'où on va pour blâmer les mères, et il y a des recherches qui ont démontré récemment que c'est un phénomène qui est de plus en plus croissant.

Mme Charlebois : Les recherches dont vous parlez, c'est des recherches qui ont un trait mondial ou propres au Québec?

M. Lapierre (Simon)  : Les deux.

Mme Monastesse (Manon) : C'est les deux.

Mme Charlebois : Avez-vous des documents là-dessus?

M. Lapierre (Simon)  : Oui, qu'on pourrait vous acheminer.

Mme Charlebois : Pouvez-vous nous les faire parvenir, s'il vous plaît?

M. Lapierre (Simon)  : Oui.

Mme Charlebois : Je vous le dis, ça...

Le Président (M. Villeneuve) : Vous pouvez les faire parvenir au secrétariat simplement, et on les mettra sur le site pour que tout le monde puisse en profiter, j'ose dire.

Mme Charlebois : Vous semblez dire que la relation entre les ressources d'hébergement pour femmes et les services de protection de la jeunesse sont difficiles, en ce sens qu'il n'y a pas de partage d'information. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Mme Monastesse (Manon) : De façon générale, c'est difficile. Je ne dis pas qu'il n'y a pas des liens qui se créent. Dans certaines régions, il y a des très bons liens qui se sont créés, il y a des façons de faire qui se sont installées où est-ce que les intervenantes vont travailler étroitement. Et là on voit où les principes, les pratiques prometteuses s'inscrivent, où il y a, premièrement, une reconnaissance de l'expertise des maisons d'hébergement. Et fait à noter, quand notre vis-à-vis à la protection de la jeunesse est une ancienne intervenante de maison d'hébergement, on arrive à bien s'entendre et on arrive à soutenir efficacement les mères qui sont hébergées souvent. Et alors, oui, oui, je ne dis pas qu'il n'y a pas que des écueils et qu'il y a... On le voit, que, quand il y a une bonne entente, quand on s'entend sur ce que c'est que la violence conjugale et qu'on a développé des façons de faire, une meilleure communication, là, à ce moment-là, effectivement, ça fonctionne bien. Alors, il y a des pratiques qui sont prometteuses, qui sont en place. Dans certaines régions, ça fonctionne très bien.

Mme Charlebois : Vous avez vu qu'on va faciliter la divulgation de renseignements confidentiels par la DPJ aux organismes et/ou aux établissements, dont vous êtes. Alors, est-ce que vous pensez que ça va vous aider à mieux collaborer?

Mme Monastesse (Manon) : Oui, tout à fait.

Mme Charlebois : Je me suis laissé dire que vous êtes en train de participer à un développement de formation sur la violence conjugale et l'exposition à la violence conjugale, et, notamment, un des volets porte sur l'intervention en protection de la jeunesse. Est-ce que vous y travaillez toujours?

Mme Monastesse (Manon) : La formation? Vous me parlez de la formation Web?

• (16 h 30) •

Mme Charlebois : Vous êtes en train de participer au développement d'une formation.

Mme Monastesse (Manon) : Non, la fédération ne fait pas partie de ce développement-là. La formation Web, vous me...

Mme Charlebois : Non, c'est un développement de programme de formation sur la violence conjugale et l'exposition à la violence conjugale. On m'indiquait que vous étiez partie prenante de ce développement de programme là, notamment sur l'intervention en protection de la jeunesse.

Mme Monastesse (Manon) : Bien, on fait partie comme répondantes de ce projet-là, mais ce n'est pas un projet qui a été élaboré par la fédération.

Mme Charlebois : Non, non, mais je veux dire, vous y participez.

Mme Monastesse (Manon) : Oui, oui, oui, tout à fait. Tout à fait.

Mme Charlebois : O.K. Ça fait que vous convenez qu'on est en train de de faire une... préparer une formation, bref.

Mme Monastesse (Manon) : Oui, oui.

Mme Charlebois : Est-ce que ça vous satisfait? Est-ce que vous voyez un avancement?

Mme Monastesse (Manon) : Bien, comme je le disais, on a aussi participé, mon Dieu! il y a quelques années, là, au comité de travail sur une action concertée auprès des enfants exposés à la violence conjugale. Il y a des recommandations dans ce rapport-là qui sont très prometteuses, entre autres d'avoir une personne pivot dans les centres de protection de la jeunesse pour avoir une meilleure communication, tout ça. Il était question également de meilleurs échanges, de formations réciproques. Malheureusement, avec les coupures qui sont actuellement... il y a beaucoup de ces projets-là de rapprochement qui ne sont pas possibles parce que les intervenants de la protection de la...

Mme Charlebois : ...vous parlez? De quelles coupures vous parlez?

Mme Monastesse (Manon) : Bien, je parle au niveau de... le réaménagement des services...

Mme Charlebois : ...il y a zéro coupure dans les services de protection de la jeunesse. Je le répète, là, publiquement, il y a zéro coupure dans les services de protection de la jeunesse, dans la bureaucratie. Et pire que ça, j'ai même rétabli les pendules hier en disant que, s'il y a des groupes qui prétendent qu'ils ont plus de notes à produire en ce moment comparativement à avant, bien, qu'ils viennent faire la preuve au ministère. Dans un souci de transparence, je vais écouter ça.

Mme Monastesse (Manon) : Bien, écoutez, nous, ce qu'on nous dit sur le terrain, c'est que les intervenants de la protection de la jeunesse, quand on les invite à des formations, ils ont dit qu'ils n'ont pas le budget pour assister à la formation ou aux activités de sensibilisation, qu'ils ne peuvent pas être dégagés de leur travail, donc ils ne peuvent pas participer. C'est la réalité que nous...

Mme Charlebois : Ça fait combien de temps, ça?

Mme Monastesse (Manon) : Bien, dernièrement, dans la dernière année. Malheureusement, il y a plusieurs projets au niveau d'établir une réciprocité, d'une meilleure collaboration...

Mme Charlebois : Vous travaillez sur une production de formation à laquelle ils ne pourront pas assister. C'est ça que vous êtes en train de me dire?

Mme Monastesse (Manon) : Bien, en ce moment, tout est suspendu. Ça, c'est les services de protection de la jeunesse qui nous disent : On ne peut pas dégager des intervenants pour participer à ces activités de sensibilisation, de formation.

Mme Charlebois : ...on vous fait travailler sur un programme de formation qu'on ne dispensera pas.

Mme Monastesse (Manon) : Bien, je ne pense pas qu'il ne sera pas dispensé, mais on attend que... Je ne sais pas si c'est la question de la réorganisation, ou la restructuration, ou quoi que ce soit, je vous dis la réalité telle qu'elle est en ce moment.

Mme Charlebois : Moi, je n'ai pas d'autres questions. Le temps est écoulé, de toute façon, M. le Président.

Le Président (M. Villeneuve) : Tout à fait, il vous reste 25 secondes. Alors donc, merci. Et on va passer du côté de l'opposition officielle avec M. le député de Rosemont. À vous la parole pour les 10 min 30 s qui suivent.

M. Lisée : Merci beaucoup. Bonjour à tous les deux. Merci beaucoup d'être là. Il y a deux univers parallèles au Québec. Il y a la réalité que vous vivez, avec vos contacts avec la direction de la santé publique et il y a la réalité que la ministre et le gouvernement... dans laquelle ils vivent, où il y a il n'y a pas eu de coupures, il n'y a pas eu de réduction des services, tout va bien. Et ceux qui disent que ça va mal, comme la Protectrice du citoyen, la semaine dernière, qui était extraordinairement sévère, le premier ministre dit : C'est du vent, c'est du vent.

Alors, au premier jour de nos audiences ici, Denis Baraby, qui est directeur de la protection de la jeunesse du CISSS des Laurentides, a parlé d'une pression budgétaire énorme causée par les compressions. Ensuite, on a eu la présidente de l'ordre des travailleurs sociaux, qui a dit que le mot pour décrire ce qui se passait dans le réseau, c'est la détresse, la détresse. Et, juste avant vous, les gens de Mobilis ont finalement admis qu'à cause des compressions du gouvernement libéral il y a moins de proxénètes qui sont accusés qu'avant. Mais tout va bien, tout va bien.

Moi, ce qui me trouble dans ce que vous dites, c'est justement la portion sur le manque de collaboration entre la DPJ et les ressources d'hébergement que vous représentez. Alors, vous dites : La collaboration est souvent difficile. La DPJ compte sur nous pour surveiller la mère, alors que vous êtes là pour les protéger. Les intervenants de la DPJ acceptent nos évaluations seulement si elles confirment les leurs. Si vos évaluations ne confirment pas les leurs, vous n'êtes pas appelés à témoigner. On a toujours besoin de faire de la conscientisation, il est très difficile de s'attaquer aux préjugés intégrés et aux intervenants qui ne présentent pas d'ouverture. C'est quoi, les préjugés intégrés?

Mme Monastesse (Manon) : Bien, la base des préjugés, c'est que, premièrement — et ça, c'est documenté dans la littérature — que les mères qui allèguent la violence conjugale, qui allèguent des mauvais traitements envers les enfants, l'exposition de la violence conjugale des enfants, c'est que ce sont des fausses allégations. Et ça, c'est beaucoup dans la littérature. Je reviens d'un colloque aux États-Unis, et ça a été le sujet majeur. C'est comme la prémisse de base de penser a priori que la mère ait des fausses allégations parce qu'elle veut empêcher les contacts avec le père.

M. Lisée : Elle est présumée menteuse. Par la DPJ, par les forces policières, par qui?

Mme Monastesse (Manon) : Bien, avec les services de protection de la jeunesse, malheureusement, c'est souvent le cas.

M. Lapierre (Simon)  : Dans un contexte de séparation.

M. Lisée : Un contexte de séparation où le père est déjà absent de la maison familiale.

Mme Monastesse (Manon) : Bien, dans un contexte de séparation où il y a eu de la violence conjugale ou des mauvais traitements.

M. Lisée : Oui. Donc, est-ce qu'on parle de situations où la DPJ a eu un signalement, se rend voir une mère et ses enfants, les enfants sont en difficulté, mais le père, il est absent? Parce que je suppose que, si un signalement avait lieu et qu'on a une situation de violence conjugale, à ce moment-là le signalement est fait aux forces policières pour qu'elles soustraient le père de la situation. Est-ce que c'est comme ça que ça se passe lorsque le père est encore là?

Mme Monastesse (Manon) : Bien, le père va être convoqué dans le cadre de l'évaluation par les services de protection de la jeunesse de la situation. Nous, ce qu'on voit, c'est les femmes qui font appel à nos services en nous disant : On ne me croit pas parce qu'on pense que j'essaie d'empêcher les contacts. Dans les documents des services de protection de la jeunesse, on parle maintenant très peu de violence conjugale. On parle beaucoup de hauts conflits, de conflits entre les parents, et c'est comme si c'était de matière pour se venger du père que la mère va alléguer soit de la violence conjugale ou des agressions à caractère sexuel envers les enfants dans le contexte où il y a séparation.

M. Lisée : Mais, si ces mères sont chez vous, dans des maisons d'hébergement, c'est qu'elles ont déjà fui une situation qu'elles considéraient intolérable, et elles sont allées chez vous, dans plusieurs cas, avec leurs enfants. Vous dites que vous avez la capacité d'héberger ces mères avec leurs enfants. Vous dites que, souvent, la DPJ considère que non, vous n'êtes pas un cadre suffisamment stable ou opportun pour le faire. Expliquez-moi qu'est-ce qui se passe.

Mme Monastesse (Manon) : Parce que l'enfant est retiré de son milieu naturel, alors, pour eux, ils considèrent que ce n'est pas stable pour un enfant parce qu'on le retire. On parle beaucoup de la stabilité physique, mais on ne parle pas de sa stabilité psychologique, la protection. Alors, aller en maison d'hébergement, parce que ça veut souvent dire, bien, quitter le logis, ça veut dire changer d'école par mesure de protection, et tout ça, alors, ça, c'est considéré... au lieu de considérer comme des mesures de protection, d'assurer la sécurité, c'est plutôt, malheureusement, considéré comme des mesures d'instabilité pour un enfant.

M. Lapierre (Simon)  : Et toujours dans un contexte où, comme on l'a dit tout à l'heure, il y a une mauvaise compréhension de la violence conjugale, et donc on dit souvent : Bien, écoutez, madame, vous n'habitez plus avec monsieur, vous n'habitez plus ensemble, donc il n'y a plus violence. Ce n'est plus un problème, la violence. Vous n'habitez plus ensemble, vous n'êtes plus un couple.

M. Lisée : La raison pour laquelle la mère est chez vous, c'est qu'elle craint que, si elle reste dans le logement familial, elle va être victime de représailles de la part du père, du mari, c'est ça.

Mme Monastesse (Manon) : Tout à fait.

• (16 h 40) •

M. Lisée : C'est pour ça qu'elle est en hébergement. Parce qu'évidemment la situation idéale, c'est que le père sorte ou se fasse sortir et que l'enfant continue à aller à son école, soit dans son lit, etc. C'est parce que cette situation-là n'est pas possible à cause de la menace qu'ils sont en hébergement.

Mme Monastesse (Manon) : Tout à fait.

M. Lisée : Pourquoi est-ce que moi, je comprends ça, puis les gens de la direction de la protection de la jeunesse ne le comprennent pas?

Mme Monastesse (Manon) : Parce qu'ils n'ont pas la même analyse de nous et la même analyse de ce que c'est que de la violence conjugale, comme je le disais, où il y a vraiment un rapport de pouvoir et de coercition du conjoint sur sa conjointe et ses enfants, et eux le voient plus comme un conflit. Donc, l'évaluation de la dangerosité de la situation et des impacts, ne serait-ce que d'être exposé à la violence conjugale, qui est documentée depuis des dizaines d'années... L'exposition à la violence conjugale, les impacts sont documentés, et on ne saisit pas bien la situation, le contexte.

M. Lisée : Dans ces cas-là, évidemment, une plainte a été portée par la mère à la police concernant son mari, le père. Donc, les policiers, eux, ont une évaluation de la dangerosité, est-ce que leur évaluation est transmise à la direction de la protection de la jeunesse?

M. Lapierre (Simon)  : Généralement, oui. Et là, bon, ça peut varier aussi d'un territoire à l'autre, mais généralement il y a des ententes entre les services de police et les directions de la protection de la jeunesse où il y a, effectivement, une information qui est transmise concernant une situation d'enfant qui vit dans un contexte de violence conjugale.

M. Lisée : Normalement, ils ont accès à cette information. Mais ce que vous dites, c'est qu'ils ne l'intègrent pas suffisamment dans leur protocole à eux, où ils considèrent, quoi, que donc les enfants doivent être retirés du centre d'hébergement et être placés en famille d'accueil, c'est ça qui se passe?

Mme Monastesse (Manon) : Non, c'est qu'ils considèrent que la situation... La compréhension qu'ils ont, c'est que ce sont des conflits entre parents. Ils ne considèrent pas...

M. Lisée : Que proposent-ils pour l'enfant à ce moment-là?

Mme Monastesse (Manon) : Qu'est-ce qu'ils proposent pour l'enfant? Bien, ils proposent que les enfants aient toujours des contacts avec leur père.

M. Lisée : D'accord. D'accord. Mais est-ce qu'ils acceptent que la mère et les enfants puissent résider pour une longue période dans un centre d'hébergement?

M. Lapierre (Simon)  : C'est variable. Dans plusieurs cas, oui, mais il y a des situations où, effectivement, c'est perçu comme étant un milieu trop instable pour les enfants que de vivre en maison d'hébergement. Et il y a des situations — mais là, pour moi, c'est plutôt de façon anecdotique, là, mais peut-être que Manon peut y aller autrement — où des enfants ont été retirés de la garde de la mère en maison d'hébergement pour être placés avec le père dans le milieu familial d'origine.

M. Lisée : Avec le père. Est-ce qu'ils font une distinction entre le fait que, oui, le père a été violent avec la mère, mais il ne le sera pas nécessairement pour les enfants?

Mme Monastesse (Manon) : Exactement.

M. Lisée : Ils sont capables de dire ça. Wow! Ils sont bons. Et donc ce que vous dites, c'est que vous avez des budgets pour faire des formations et qu'en ce moment les gens qui devraient être formés par vous disent : Bien, on n'a pas le temps, on n'a pas de budget pour être dégagés pour une demi-journée, pour aller prendre nos formations parce que, contrairement à ce que dit la ministre, il y a une pression budgétaire colossale.

Mme Monastesse (Manon) : Nous, ce qu'on nous dit, c'est que ce n'est pas possible de dégager des intervenants, qu'il y a des coupures et que les intervenants ne peuvent pas être dégagés de leur temps et de pouvoir assister à des séances, à des journées de réflexion, d'échange, de formation.

M. Lisée : Ça ne vous consolera pas, mais sachez aussi que les budgets pour former les professionnels de la santé à la détection des signes de suicide sur l'île de Montréal, il n'y en a plus parce qu'il n'y a plus de budget. Merci pour tout ce que vous faites malgré la difficulté. Tenez bon, vous avez juste 24 mois à attendre. Merci.

Le Président (M. Villeneuve) : Alors, nous allons nous diriger vers le deuxième groupe d'opposition, et je cède la parole au député de Masson.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Alors, Mme Monastesse, M. Lapierre, bienvenue ici. Vous savez, vous avez émis neuf pistes de solution, 40 pages de mémoire bien étoffé. Vous aviez seulement 10 minutes pour faire votre présentation initiale. Y avait-u des points que vous n'avez pas couverts dans cette présentation-là que vous voudriez mentionner à ce moment-ci?

Mme Monastesse (Manon) : Mon Dieu! Il y aurait beaucoup à dire, mais je crois que, vraiment, une des questions, un des éléments de base, c'est qu'il n'y a pas 50 000 définitions de la violence conjugale, de la violence familiale, il y en a une et que celle-ci devrait être portée par toutes les institutions, et que c'est celle-là qui devrait prévaloir, et qu'en contexte de violence conjugale... et qu'on nomme les choses, que les services de protection de la jeunesse nomment telle quelle la violence conjugale et s'en tiennent à la définition que c'est des situations où il y a des rapports de pouvoir qui s'exercent et qui ont des impacts négatifs sur deux victimes, la mère et les enfants.

M. Lapierre (Simon)  : Je pense que, s'il y a un élément que j'ajouterais pour aller dans le même sens, je pense qu'il faut se souvenir que, dans les années 80, avec la première politique en matière de violence conjugale, en 1995, avec la deuxième politique en matière de violence conjugale, le Québec a été vu pendant longtemps comme un leader mondial en matière de violence conjugale, d'intervention en matière de violence conjugale. On a des professionnels, des chercheurs qui sont venus de partout au monde pour voir qu'est-ce qui se faisait au Québec, on était vraiment vus comme un leader mondial. Malheureusement, en 2016, on se rend compte que cette politique-là est encore excellente, mais que, malheureusement, les organismes comme les centres jeunesse ou les directions de la protection de la jeunesse ne se conforment pas à cette politique-là et qu'à bien des égards on a l'impression qu'au lieu d'avancer on a reculé dans l'intervention en matière de violence conjugale et on ne se situe certainement pas comme des leaders aujourd'hui en termes de protection de l'enfance et de violence conjugale.

M. Lemay : O.K. Ce que je peux comprendre, c'est qu'au cours des dernières années on a mis beaucoup l'emphase sur la lutte contre l'intimidation, et puis le gouvernement actuel a sorti son plan Ensemble contre l'intimidation. Ce que j'entends par vos propos, c'est qu'on a des mesures qui existent en violence conjugale, mais elles ont été reléguées aux oubliettes un peu, puis on devrait se remettre à niveau. On ne doit pas inventer une nouvelle procédure, elle est existante, il suffit de l'appliquer. C'est ce que je comprends par vos propos.

M. Lapierre (Simon)  : Bien, on a une politique de 1995 qui, selon nous, est encore très bonne, avec une définition qui est très claire, avec des principes d'intervention qui sont toujours excellents. Mais, malheureusement, ils sont peu appliqués, puis ce qu'on constate, c'est qu'entre autres, en protection de la jeunesse, il y a plusieurs pratiques qui vont à l'encontre des principes qui sont à la base de cette politique-là. Et, particulièrement, la définition de la violence conjugale qui est présentée dans cette politique-là ne tient plus la route et n'est plus adoptée au sein des directions de la protection de la jeunesse. Et ça, c'est un problème, il faudrait vraiment ramener cette définition-là de la violence conjugale au coeur de l'intervention.

Mme Monastesse (Manon) : Parce que la définition, la contextualisation de la violence conjugale, ça a des impacts sur l'intervention, ça a des impacts sur comment on va évaluer la dangerosité. Puis il faut se rappeler que, oui, il y a eu la politique en 1995, mais on est rendus dans le troisième plan d'action, qui vient à échéance en 2017, et il y a plusieurs engagements dans le cadre aussi... ce qui touche les services sociaux, qui ne sont pas encore actualisés, dont la formation. Il faut se rappeler que la formation des intervenants sociaux, la dernière formation en violence conjugale date de 2001.

M. Lemay : Je crois que la ministre vous a entendus sur ce point, puis vous pouvez vous assurer qu'on fera un suivi, mais je voudrais vous amener à quelque part d'autre. Vous indiquiez, votre fédération, fin 2015, dans un communiqué qu'il y avait à peu près 10 000 femmes qui avaient été refusées, pour l'année 2014‑2015, dans une maison d'hébergement. J'aimerais savoir, un an plus tard, là... Parce que tantôt, au tout départ, vous mentionniez que c'est environ 3 000 femmes et 1 500 enfants que vous avez accueillis pour 2015‑2016, mais vous n'avez pas mentionné la statistique de nombre de femmes que vous avez dû refuser. Est-ce que c'est toujours la même situation?

Mme Monastesse (Manon) : Oui, tout à fait, refusées par manque de place, pour la dernière année, c'est 6 778 pour les seules... Il y a 109 maisons d'hébergement, la fédération en regroupe 35. Et ça, ce sont des chiffres pour nos 35 maisons d'hébergement.

M. Lemay : Tout de même, donc, on parle ici de majoritairement un manque de financement qui fait en sorte que vous n'avez pas la capacité d'accueil.

Mme Monastesse (Manon) : Bien, la capacité... bien, ça fait partie du problème.

M. Lemay : M. le Président, il me reste combien de temps?

Le Président (M. Villeneuve) : Continuez, M. le député de Masson, à moins que vous...

M. Lemay : Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Villeneuve) : Il vous reste 1 min 30 s.

• (16 h 50) •

M. Lemay : 1 min 30 s, parfait. Tout à l'heure, puis vous en avez parlé amplement avec mes autres collègues, là, en violence conjugale puis la DPJ, là, vous dites que la DPJ ne traite pas la violence conjugale, mais vous mentionnez... En fait, j'aimerais savoir, est-ce que, selon vous, c'est plus par rapport à ce que c'est une méconnaissance des intervenants de la DPJ ou c'est plutôt un manque de temps des intervenants? Parce que, tu sais, il y a des formations qui existent, vous en avez aussi de votre côté, mais est-ce que vous pouvez cibler peut-être... est-ce que les gens, ils prennent un raccourci par manque de temps ou c'est carrément de la formation puis c'est cette même méconnaissance?

Mme Monastesse (Manon) : Bien, je crois que c'est un peu de tout ça. Je crois que, comme on le disait, c'est des situations qui sont extrêmement complexes, et ça prend du temps aussi pour intervenir, intervenir, oui, auprès de madame et des enfants, mais également auprès des pères. Je crois qu'il y a un bout de chemin qui n'est pas fait encore, comment mettre... Le focus ne devrait pas être sur la mère et les enfants, mais sur le père qui a des comportements violents, qui a généré des situations de violence conjugale. Alors, je pense que, oui, c'est un positionnement théorique, un positionnement au niveau de l'intervention, mais il y a une question de temps aussi. Il y a des excellents intervenants en protection de la jeunesse. Quand on est sur la même longueur d'onde, et tout ça, on travaille en collaboration puis ça donne d'excellents résultats. Mais ce n'est malheureusement pas la majorité.

Et puis, si on veut parler de très bonnes pratiques — et ça, on l'a déjà proposé — comme aux États-Unis, au sein même des services de protection de la jeunesse, il y a plusieurs villes qui ont ce système-là où ce sont des équipes qui sont vraiment spécialisées en intervention en matière de violence conjugale, qui sont au sein même des services de protection. Et là, dans ces équipes multidisciplinaires...

Le Président (M. Villeneuve) : Je dois vous arrêter.

Mme Monastesse (Manon) : ...il y a également, oui, il y a des intervenants de la protection de la jeunesse, mais il y a également... C'est une équipe multidisciplinaire, alors il y a des intervenants...

Le Président (M. Villeneuve) : Merci, madame, malheureusement...

Mme Monastesse (Manon) : ...d'hébergement, et ça, ce serait un modèle à regarder...

Le Président (M. Villeneuve) : Merci, Mme Monastesse, M. Lapierre.

J'ajourne les travaux pour quelques instants et je demande au groupe suivant de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 52)

(Reprise à 16 h 53)

Le Président (M. Villeneuve) : Ce n'était pas un ajournement, je vous l'annonce, c'était une suspension. Alors, on reprend les travaux.

Bonjour, messieurs. Donc, je vous demande, pour fins d'enregistrement, de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Sur ce, la parole est à vous.

Service de police de la ville de Québec (SPVQ)

M. Pleau (Réjean) : Parfait, merci. Alors, je me présente, je suis l'inspecteur Réjean Pleau, du Service de police de la ville de Québec. Je vous présente mon confrère...

M. Beaulieu (Bernard) : Bernard Beaulieu, je suis enquêteur jeunesse à la police de Québec.

M. Pleau (Réjean) : D'entrée de jeu, j'aimerais juste vous parler un petit peu de moi. Je suis policier depuis 29 ans, j'ai 17 ans d'expérience dans le milieu jeunesse. Je suis responsable du poste de Charlesbourg et de Beauport et je suis également responsable de l'unité jeunesse pour les services de police et de l'unité santé mentale pour nos opérations sur le terrain.

Alors, le SPVQ, un acteur de premier plan en matière de sécurité publique, desservait une population de plus de 500 000 habitants. Le Service de police de la ville de Québec constitue le deuxième plus important corps de police municipal de la province. Il assure les services de sécurité publique pour l'ensemble de l'agglomération de Québec, soit les villes de Québec, Saint-Augustin-de-Desmaures et Ancienne-Lorette, et se compose d'environ 800 policiers et 150 employés civils répartis dans six établissements, dont quatre postes de police.

Notre mission. Conformément à la Loi sur la police, qui établit que tous les services de police québécois doivent protéger la vie et les biens des citoyens, maintenir la paix et le bon ordre, prévenir et combattre le crime et faire respecter les lois et règlements en vigueur, le Service de police de la ville de Québec doit être en mesure d'offrir les services de niveau 4 selon la loi.

Outre ses obligations légales, le Service de police de la ville de Québec se donne pour mission d'assurer aux citoyens des services de qualité en partenariat avec nos communautés afin de conserver le caractère sécuritaire de la ville et de l'agglomération de Québec.

Notre vision est d'être une équipe au service de sa communauté, reconnue pour le professionnalisme de ses interventions, le calibre de ses compétences et l'excellence de ses pratiques.

L'intervention auprès des jeunes, une cible prioritaire. Notre plan d'organisation a mis en place, lors des fusions de 2002, des unités d'intervention jeunesse et de prévention pour chacun des postes de police. Ces unités ont été fusionnées en 2014 en une seule unité jeunesse composée de policiers d'écoles et d'enquêteurs jeunesse. Les agents de prévention ont été regroupés avec les conseillers en prévention dans une autre unité. Les policiers d'écoles sont présents dans chacune des écoles secondaires publiques situées sur le territoire desservi pas le SPVQ. Les écoles primaires sont desservies par les agents de prévention, qui ont la responsabilité de coordonner les activités au sein des écoles de leur arrondissement, mais aussi auprès de la communauté.

De concert avec les policiers écoles, les enquêteurs jeunesse collaborent aux enquêtes en matière de criminalité juvénile qui surviennent sur notre territoire. Ils favorisent des solutions visant la réinsertion sociale plutôt que la judiciarisation des jeunes en priorisant notamment les mesures extrajudiciaires, les enquêtes sociales et l'implication active des parents.

L'intervention auprès des jeunes fugueurs, une réalité quotidienne. La recherche des jeunes en situation de fugue occupe une grande part du travail des policiers intervenant auprès des jeunes. Qu'il s'agisse de fugues de milieu familial ou d'un centre jeunesse, on en compte plus de 700 en moyenne par année depuis 2014.

Des méthodes de travail ont été élaborées en collaboration avec les institutions et les organismes communautaires afin d'intervenir rapidement et efficacement, de bien analyser les diverses situations et de mettre en place des mesures de protection pour les jeunes en situation de vulnérabilité. Il existe une relation privilégiée entre les policiers et le personnel des services sociaux, ce qui encourage la coopération et la collaboration, permet une meilleure compréhension des situations de vulnérabilité que vivent certains jeunes et facilite la mise en place d'un encadrement sécuritaire.

Parmi les outils utilisés, l'avis de fugue présenté en annexe énumère 11 critères de vulnérabilité. Je vous amène à l'annexe.

(Interruption)

Le Président (M. Villeneuve) : Sûrement. Ça vient d'apparaître, là, il y a eu... Alors, nous allons suspendre les travaux quelques instants. Voilà, merci.

(Suspension de la séance à 16 h 58)

(Reprise à 17 h 23)

Le Président (M. Villeneuve) : Avant de vous céder la parole à nouveau, messieurs, je demande aux parlementaires si vous êtes d'accord pour prolonger, donc un consentement pour prolonger, étant donné le temps qui a été non pas perdu, mais utilisé à d'autres fins, pour le vote. Vous êtes d'accord? Tout le monde est d'accord? Donc, j'ai le consentement. Alors, je vous invite à continuer votre exposition, allez-y.

M. Pleau (Réjean) : Donc, ce vote-là a été facile, j'imagine?

Le Président (M. Villeneuve) : Pardon?

M. Pleau (Réjean) : Ce vote-là a été facile?

Le Président (M. Villeneuve) : Ah! ce n'est jamais facile, un vote à l'Assemblée nationale.

M. Pleau (Réjean) : Alors, on était rendus à l'avis de fugue. L'avis de fugue, les critères qui sont présents dans cet avis-là, c'est basé sur une recherche de la Dre Hamel. C'est basé sur un comité qui a été mis en place, régional, dans la région de Québec avec le centre jeunesse, le service de police et les organismes communautaires, et ce sont les critères qui ont été, dans le fond, entendus entre ces trois partenaires-là.

Alors, je vous cite les critères : a moins de 12 ans et quitte de façon impulsive avec impossibilité de le retrouver dans de courts délais; a de la difficulté à évaluer les risques et à s'affirmer dans des situations potentiellement dangereuses; peut avoir des pertes de contact avec la réalité en fonction de sa santé mentale; est à haut risque suicidaire et peut passer à l'acte dans un délai assez court; l'absence de prise de médicaments peut avoir des conséquences graves à court et moyen terme; a des intentions criminelles contre la personne en quittant le milieu; est recherché par les milieux marginaux pour des motifs qui pourraient mettre sa sécurité en danger; commet régulièrement des délits durant ses fugues; est présumé ou connu à faire le trafic de la drogue en fugue ou consommer de façon abusive; est présumé ou connu pour des activités de prostitution en fugue; et le dernier, a un historique de fugue vers les grands centres urbains.

Alors, ces critères-là, bien entendu, il y a une question aussi d'échange d'informations. Ces informations-là sont échangées selon la loi, toujours avec les critères de sécurité qui sont en lien avec ces jeunes-là. La priorisation de ces items-là, c'est le service de police qui le fait. Donc, on se partage l'information, mais le service de police va prioriser parce qu'à 700 fugues par année on doit prioriser nos actions. On a trouvé que c'était une façon très efficace de le faire.

Ensuite, l'évaluation de la situation de fugue à l'aide des critères permet, d'une part, de prioriser les dossiers lorsque plusieurs fugues surviennent et, d'autre part, de déterminer les actions nécessaires pour assurer la protection du jeune fugueur.

La principale préoccupation du SPVQ concerne la mise en oeuvre de mesures de protection immédiate lorsque la situation d'un jeune en fugue le requiert. Je m'excuse, là, c'est en lien avec le projet de loi. Il s'agit, normalement, de mettre en place un encadrement intensif qui consiste à contenir le jeune dans son milieu de vie ou encore à faire en sorte qu'il soit supervisé et encadré lors de sorties ou de déplacements. Le SPVQ partage l'avis des chercheurs et intervenants voulant que la décision de faire une fugue n'est pas néfaste en soi, il peut s'agir d'un passage nécessaire pour un jeune qui l'amènera à prendre contact avec certaines réalités et à clarifier son besoin d'aide.

Cependant, dans certains cas, notamment les fugues à répétition, les cas impliquant une situation de santé mentale ou physique et les fugues reliées à la prostitution juvénile, les critères de vulnérabilité peuvent être identifiés. Dans ces situations, les intervenants ont le devoir de prendre les mesures pour protéger le jeune tout en favorisant le délicat équilibre entre les droits individuels et les actions de protection. Au SPVQ, les traitements des cas de fugue est encadré... le traitement, je m'excuse, est encadré par une procédure locale, laquelle identifie les fugues jugées prioritaires et pour lesquelles un enquêteur jeunesse est immédiatement assigné au dossier. Donc, on fait vraiment la différence entre les jeunes qui fuguent pour un besoin, je vous dirais, d'adolescent et l'autre jeune qui fugue avec des critères de vulnérabilité qui sont quand même assez importants, là, tel que je vous ai décrit tout à l'heure.

Donc, au niveau de l'article 11, le SPVQ souhaite porter à l'attention de la commission le fait que la Loi sur la protection de la jeunesse énonce une attente envers les parents afin qu'ils prennent les mesures nécessaires pour mettre fin à certaines situations d'exploitation sexuelle ou de risque d'exploitation sexuelle. On parle ici de mesures à l'endroit d'un jeune qui a déjà intégré un réseau de prostitution ou qui est sur le point de le faire. Un encadrement intensif est parfois nécessaire pour limiter ou empêcher les déplacements des jeunes qui ont tendance à fuir leur milieu familial pour exercer ces activités. Les parents n'ont généralement pas les moyens nécessaires pour contraindre le jeune à demeurer au domicile familial afin de résoudre la situation et lui assurer la protection requise. Dans les cas de prostitution, en plus de l'impact personnel sur le jeune, des conséquences judiciaires sont possibles. Là, on peut parler de vols, on peut parler de stupéfiants, etc. La loi devrait prévoir dans ces circonstances un processus accéléré visant l'implication rapide des intervenants afin de soutenir les parents et de réduire les risques et les dommages qui peuvent être causés au jeune en situation d'exploitation sexuelle avérée ou potentielle.

Ce qu'on dit, c'est que les parents, bien souvent, ils sont désemparés quand ils sont rendus qu'ils font appel à nous, et la mesure de protection telle que précisée dans le projet de loi, c'est très difficile pour le parent de la mettre en place parce que déjà il est en crise. Donc, de l'aider, de le soutenir, c'est un peu notre rôle, et les intervenants en centre jeunesse ont également le même rôle, et il faut faciliter leur travail.

L'article 12, cet article fait en sorte que le directeur de la protection de la jeunesse doit s'adresser au tribunal lorsqu'il estime nécessaire de prolonger les mesures de protection immédiate au-delà de la période initiale de 48 heures et que les parents ou le jeune de plus de 14 ans s'y opposent... Je m'excuse, la prolongation recherchée est d'une durée maximale de cinq jours. Donc, encore une fois, ce qu'on dit, c'est que le premier 48 heures est important. Il y a énormément de travail à faire pour mettre un système de protection autour du jeune. Si les intervenants prennent beaucoup de temps à rédiger tous les documents nécessaires pour la cour, il y a beaucoup de temps qui est perdu là-dedans.

Le SPVQ estime que, dans les cas de fugue, le directeur de la protection de la jeunesse devrait disposer d'un outil permettant la prise de décision et l'autorisant à effectuer la prolongation mentionnée au paragraphe précédent sans recourir au tribunal. Donc, ce qu'on demande, c'est que le directeur de la protection de la jeunesse puisse aller jusqu'à cinq jours sans avoir l'autorisation des parents ou du jeune.

Le Président (M. Villeneuve) : Je m'excuse de vous interrompre, le temps... est-ce que vous voulez...

Mme Charlebois : Bien, s'il n'en a pas pour longtemps...

Le Président (M. Villeneuve) : On continue la présentation sur votre temps? Ça vous va?

Mme Charlebois : ...mon temps, oui.

Le Président (M. Villeneuve) : Alors, vous avez le temps de Mme la ministre. Alors, à vous.

• (17 h 30) •

M. Pleau (Réjean) : Merci à la ministre. Cet outil serait basé sur l'analyse des critères de vulnérabilité qui sont déjà utilisés dans les centres jeunesse et qui s'appuient sur la recherche universitaire à propos des mineurs en fugue. Lorsque l'analyse des critères le justifie, le directeur devrait avoir le pouvoir d'appliquer la prolongation maximale de cinq jours sans recourir aux tribunaux, ce qui permettrait d'utiliser à meilleur escient le temps des intervenants auprès du jeune. Cette période de cinq jours est par ailleurs de nature à permettre d'identifier des solutions porteuses pour le jeune.

Alors, les recommandations générales. En résumé, le SPVQ est d'avis que le projet de loi n° 99 est l'occasion de modifier la Loi sur la protection de la jeunesse afin de faciliter la mise en place de mesures de protection immédiate, dont l'encadrement intensif dans les cas suivants : lorsqu'un jeune est en situation d'exploitation sexuelle avérée ou potentielle en vue de soutenir les parents dans l'application des moyens nécessaires pour protéger le jeune; lorsqu'un jeune en fugue ou ayant effectué une fugue présente les critères de vulnérabilité reconnus par la littérature et appliqués dans le réseau des services sociaux.

De plus, il serait utile que la loi définisse ou, à tout le moins, énonce les paramètres de ce qu'on entend par «encadrement intensif». Selon nos observations, des cas nécessitant ce type d'intervention constituent environ 15 % de nos fugues. Les intervenants du SPVQ sont, en toutes circonstances, soucieux de protéger le jeune en situation de vulnérabilité et d'éviter les impacts judiciaires qui pourraient découler de leurs actions et leur être préjudiciables dans l'avenir.

Le SPVQ estime également qu'il est parfois préférable d'agir de façon préventive, quitte à ce que le geste soit perçu comme une atteinte à l'équilibre entre le droit de l'individu et les actions de protection. Ces actions peuvent comporter certaines contraintes pour le jeune, comme le fait que les portes d'accès soient verrouillées. Les risques qui sont encourus par le jeune sont bien supérieurs à ces inconvénients, puisqu'on parle de la sécurité et de l'intégrité de la personne et des impacts sur son parcours de vie.

Il y a lieu, par ailleurs, de considérer les coûts pour l'ensemble de la société. La mise en place de mesures de protection immédiate, dont l'encadrement intensif, représente des coûts faibles lorsqu'on les compare à ceux engendrés par les interventions judiciaires auprès d'un jeune en situation de prostitution ou encore les opérations policières visant à retrouver un jeune en fugue qui peut avoir quitté la ville ou même la région où il habite.

Le SPVQ est disponible pour poursuivre les échanges avec les membres de la commission et fournir les informations additionnelles au besoin.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci. Merci beaucoup, messieurs, pour votre présentation. Alors, pour les 14 min 30 s qui suivent, la parole est à la ministre.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. Alors, d'abord, vous saluer, M. Pleau et M. Beaulieu. Merci d'être là et de nous partager votre expérience. Ce que j'entends, c'est qu'il y a beaucoup de partage d'information entre les corps de police et les centres jeunesse et/ou les DPJ. En tout cas, ce que je retiens de l'ensemble de votre mémoire, c'est ça, et ça me réjouit un peu, je vais vous le dire franchement, parce que le groupe qui vous a précédés avait comme pas de l'air à avoir de communication du tout entre les centres jeunesse et eux, puis on avait l'air à être comme deux entités séparées, alors que ce que vous me dites, c'est que c'est préférable qu'il y ait de la communication. Vous en avez. Vous en avez avec l'ensemble des intervenants qui oeuvrent autour de la protection de la jeunesse, et est-ce que vous voyez une amélioration au fil des années, justement cette collaboration-là qu'il y a entre les corps de police, les centres jeunesse, les DPJ, même le réseau de l'éducation, etc., les organismes communautaires itou, là?

M. Pleau (Réjean) : Bien, je peux parler pour notre région, là, on a une très, très bonne collaboration. D'ailleurs, dans les deux volets qu'on parlait, le jeune qui fugue comme des expériences de vie et celui qui fugue, là, qui est plus relié criminel, dans les expériences de vie, on s'assure même qu'il y a des organismes communautaires qui sont capables de prendre le relai. L'exemple est l'escouade basse-ville qui permet également un répit aux parents. Donc, lorsqu'on a des patrouilleurs qui sont dans des situations de prise de plainte de conflit familial, on peut même proposer, si jamais, là, il n'y a pas de possibilité, pour la DPJ, de prendre un jeune parce qu'il ne rentre pas dans les critères, d'amener ce jeune-là en répit avec l'escouade basse-ville, et le lien se fait ensuite avec les parents, et il se fait aussi avec le centre jeunesse. Donc, il y a toute une «loop» qui... à qui on se partage l'information, et notre but, c'est un but commun, c'est la protection du jeune.

Mme Charlebois : On a élargi le partage dans... Vous avez vu, là... Là, je perds mes mots parce qu'il y a un peu de fatigue dans mon affaire, mais, au niveau du partage de l'information, on a assoupli la loi pour permettre, justement, un meilleur partage de l'information entre les corps de police et les centres jeunesse. Est-ce que vous voyez ça comme une amélioration notable ou si vous souhaiteriez qu'on fasse davantage encore?

Parce que j'entendais ce matin un médecin de l'Hôpital Sainte-Justine, lui, ça l'interpelle un peu parce qu'il faudrait changer son code de déontologie, puisqu'il est comme en contravention avec son code à chaque fois qu'il donne de l'information sur le jeune, alors que ce qu'on souhaite tous, c'est le bien-être des jeunes, là.

M. Pleau (Réjean) : ...Mme la ministre, qu'il y a une méconnaissance dans la loi aussi. La loi permet cet échange-là lorsque la sécurité d'un jeune est en jeu. Donc, le secret professionnel ne tient plus dans ces situations-là, et c'est des situations qui découlent de ce qui s'est passé à Dawson. Donc, ces informations-là... quand on réussit à travailler en partenariat, on est capable de s'échanger certaines choses.

C'est sûr que moi, je ne veux pas savoir si le jeune est suivi pour telle et telle maladie, ça ne m'intéresse pas, ce n'est pas mon rôle, ce n'est pas ma mission. Mais de savoir que, s'il ne prend pas ses médicaments, que, dans 12 heures, 24 heures, 48 heures, il va y avoir un impact, pour moi, ça, c'est important. Même chose au niveau de l'information plus au niveau criminel, le médecin n'a pas besoin de savoir s'il a un dossier criminel, le DPJ n'a pas à avoir l'information si on est en train de travailler activement sur un jeune X, Y, Z. Donc, là, on parle de la différence entre la LSJPA et la Loi de la protection de la jeunesse. À partir du moment où il y a une bonne collaboration, et chacun connaît les limites de sa mission et la mission de l'autre, bien, ça nous permet de travailler ensemble efficacement, et c'est ce qu'on fait depuis des années ici, dans la région de Québec.

Mme Charlebois : Vous nous dites que vous avez 700 cas, en moyenne, par année en 2014 et en 2015. Est-ce que c'est une grosse augmentation ou...

M. Pleau (Réjean) : On a eu des années au-dessus de 1 000. Donc, c'est maintenu à peu près à 700. Comme je vous disais tout à l'heure, il y a plusieurs cas qui ne nous inquiètent pas tellement parce que c'est dans le déroulement normal, là, de grandir, mais on a peut-être... Je vous disais 5 % tout à l'heure, là, multipliez ça par sept, on a facilement entre 40 et 50 cas par année qui nous préoccupent énormément. On a des cas où on est allés chercher des jeunes filles jusqu'à Vancouver qui étaient dans des réseaux de prostitution. Et, encore là, on utilise la Loi de la protection de la jeunesse, sauf que, là, quand on est rendu dans une autre province, c'est un petit peu plus compliqué.

Mme Charlebois : ...des ententes, ça vous faciliterait le travail, des ententes entre les autres provinces.

M. Pleau (Réjean) : On réussit à faire notre travail sans problème, mais c'est juste plus de paperasse, si vous me permettez.

Mme Charlebois : O.K. Ça serait facilitant, une entente.

M. Pleau (Réjean) : Ça pourrait.

Mme Charlebois : O.K. Dites-moi, vous parlez d'un encadrement intensif, je vous ai entendu. Est-ce que vous ne pensez pas que, dans certains cas, oui, dans certains cas, puis selon la grille de critères dont vous avez fait mention, c'est nécessaire? Puis, bon, on a normalisé... on a établi une liste d'informations nominatives à la demande du CDPDJ, ils nous disaient qu'honnêtement ça aurait été mieux... puis ça fait des années qu'ils disent ça, là, que ce serait mieux si on avait tous une grille d'information standardisée pour tous les centres jeunesse à chaque fois qu'un jeune s'en va en encadrement intensif.

Est-ce que vous ne pensez pas que, dans certains cas — je reviens à ma question de base, je me suis écartée un peu — qu'il y a lieu d'avoir des mesures intermédiaires pour certaines personnes? Parce que, oui, pour certaines, ça prend de l'encadrement intensif, et il y a l'autre forme de liberté qui est nécessaire aussi parce que ce n'est pas la majorité des jeunes qui fuguent, là, on va s'entendre. Mais il y en a pour qui, peut-être, un encadrement transitoire, entre les deux, là, entre l'intensif... ça pourrait faire le travail, au lieu de, tout de suite, le mettre en encadrement intensif, faire la liste puis que le jeune se sente, là, pris, là.

M. Pleau (Réjean) : Moi, je crois en la qualité des gens qui sont dans les centres jeunesse. J'en connais depuis des années, puis ils ont ça gravé dans le coeur, là, ils veulent aider les jeunes. Donc, il faut leur faire confiance sur les moyens qui sont les meilleurs pour les jeunes.

D'avoir une grille standardisée pour tout le monde, bien, les jeunes ne sont pas tous pareils, donc il faut qu'on soit capable de s'adapter. Et moi, je vois vraiment une différence entre, comme je vous disais tout à l'heure, ceux qui fuguent sur un besoin et les autres qui fuguent, là, plus de nature criminelle. Entre les deux, il y a peut-être des transitions à faire. Par exemple, une jeune fille qui est dans un milieu de prostitution juvénile, on la met en encadrement pendant 30 jours, puis, après ça, c'est fini, comme ça, bien, ce n'est peut-être pas logique, ça non plus. Donc, ça prend peut-être, justement, un genre d'alternative entre les deux pour permettre un passage qui va être plus facile pour le jeune. Encore là, la clé, c'est «pour le jeune».

• (17 h 40) •

Mme Charlebois : Ne serait-ce que de passer de l'encadrement intensif à la liberté dans l'institution... je pense que d'avoir une mesure provisoire entre les deux, ça permet une adaptation avec son intervenant peut-être. On va en discuter avec les intervenants, mais ce sont toutes des réflexions qu'on a en ce moment. Je ne sais pas, vous, comment vous voyez ça, mais ne serait-ce que de partir de l'intensif à la liberté, peut-être qu'entre les deux...

M. Pleau (Réjean) : Ce serait une très bonne idée. En tout cas, nous, ça nous aiderait dans le travail parce que, suite aux encadrements intensifs, on voit régulièrement des jeunes filles qui repartent en fugue pour leur réseau de prostitution.

Mme Charlebois : C'est ça, ma prochaine question. Avez-vous l'impression... Moi, j'ai des policiers qui m'ont dit : On a l'impression — puis je l'ai entendu quelquefois — que les jeunes sortent de centres jeunesse, puis on a l'impression d'être des taxis, d'aller les reconduire, puis ça recommence, conduire, ça recommence. Est-ce que vous avez cette impression-là ou si vous voyez une amélioration avec les centres jeunesse? Puis, si vous avez des suggestions à faire pour ne pas que ça se présente, ces situations-là, là, on est prêts à les entendre, on est là pour bonifier 99, justement.

M. Pleau (Réjean) : Bien, écoutez, quand on nous appelle puis on dit : O.K. On le voit partir, là, il est rendu là, là, puis allez le chercher, là on se voit un petit peu comme des taxis. On pense que peut-être que les intervenants auraient, peut-être, avantage à aller les chercher eux-mêmes, à contrôler un peu les accès. De façon générale, on ne se voit pas comme des taxis parce qu'à partir du moment où on s'entend puis qu'on est capables d'avoir une entente sur l'encadrement intensif nos fugues sont quand même contrôlées sur le nombre qu'on a par année. Ce n'est pas une recette miracle. Le jeune peut fuguer comme il veut, ce n'est pas une prison, on comprend tout ça, et ça fait partie du travail des policiers aussi.

Mais la différence, nous, quand ils fuguent, on les rencontre avec nos enquêteurs jeunesse. Puis les rencontres sont faites après la fugue pour savoir qu'est-ce qui s'est passé, qu'est-ce qu'on est capables de faire puis quelles mesures qu'on peut mettre autour d'eux autres pour les aider. Donc, on parle aux parents, on parle à différents... dépendamment du type de fugue. Milieu familial, ils ont besoin de nous autres. Milieu centres jeunesse, ils ont tout le personnel pour faire ça, mais on les rencontre quand même quand c'est des situations qui sont graves. Là, on parlait de prostitution, mais il y a bien d'autres choses, là. On a des jeunes qui fuguent, qui volent des voitures puis qui aiment ça, foncer sur la police. Donc, eux autres sont très, très à risque parce qu'on n'aime pas bien, bien ça, se faire foncer dessus. Donc, vous comprenez que ces situations-là, on veut les éviter à tout prix. Ça fait pas mal le tour.

Mme Charlebois : Dans les cas de violence conjugale, vous devez être interpelés à aller sur les sites où il y a de la violence conjugale. Ça doit être plus fréquent que c'est monsieur qui...

M. Pleau (Réjean) : Ça, ça touche plus nos patrouilleurs, cependant. Ça ne touche pas l'unité jeunesse parce que nous, on travaille ce que les jeunes font.

Mme Charlebois : Oui, mais ces jeunes-là, les voyez-vous sortir du milieu? Est-ce qu'ils restent avec le parent qui est violenté, ou bien si on les expulse carrément puis on les envoie en placement, ou... Est-ce que vous pensez qu'il y a une collaboration entre les places où ils vont résider? Voyez-vous ça comme... Tu sais, vos patrouilleurs, là, quand ils arrivent sur un site comme ça, là, ils doivent les amener dans un centre d'hébergement, ou dans la famille, ou ailleurs, là, je ne sais pas où.

M. Pleau (Réjean) : Dans un premier temps, il y a toujours un protocole qui est mis en place. Donc, ce protocole-là, c'est en lien avec procureur, police et intervenants sociaux. Donc, je ne pourrais pas vous en parler davantage parce que ce n'est pas ma spécialité, mais je sais qu'il y a les mêmes ententes que, nous, on a à notre niveau. On s'entend aussi de la même façon, on travaille de la même façon. Donc, on travaille pour le bien-être de la famille. S'il y a une infraction criminelle, on va s'occuper de l'infraction criminelle. Mais tout le reste, le bien-être des gens, le bien-être de la dame ou du monsieur — parce que, des fois, c'est dans l'autre sens — ça, c'est plus avec des conditions avec les procureurs.

Mme Charlebois : Dites-moi, est-ce que vos intervenants — bien, au niveau où vous êtes, là, quand on parle des fugueurs — c'est toujours sensiblement les mêmes? Est-ce qu'ils arrivent à établir une bonne relation avec les jeunes autant qu'un intervenant? Parce que j'imagine que, si vous communiquez avec les gens des centres de protection de la jeunesse puis vous partagez de l'information, le jeune, il doit être avec vous autres aussi proche qu'avec son intervenant. Je ne le sais pas, je présume de. Est-ce que vous pensez que votre lien peut faire une différence?

M. Pleau (Réjean) : Tout à fait. Surtout s'il y a un lien qui est plus ou moins criminel, là, il y a beaucoup de jeunes qui nous rappellent. Puis ils ont les coordonnées, on leur donne nos cartes, puis régulièrement ils rappellent les enquêteurs jeunesse, là, des fois, juste pour des conseils ou dire : Écoute, je suis dans le trouble, qu'est-ce que je peux faire? Puis il y a le lien également avec tous nos policiers école qui sont dans les milieux, puis, bien souvent, ces informations-là proviennent de confidences de jeunes. Comme ils vont revenir d'un trip de prostitution où ils ont été battus, etc., puis là ce n'est plus drôle, là. Donc, là, ils vont se confier aux policiers, et là, tout de suite, la machine est mise en marche.

Mme Charlebois : Vous, est-ce que vous pensez qu'il y a de plus en plus de fugues liées à l'exploitation sexuelle ou si c'est constant, c'est toujours à peu près au même niveau? Et devrions-nous faire davantage dans la loi pour enrayer ça? Déjà, de le nommer, il y a quelque chose là, dans la loi, là.

M. Pleau (Réjean) : ...on a connu l'époque Scorpion où il y en avait énormément. On a travaillé beaucoup pour éteindre ça vraiment à la source. Et c'est ce qu'on fait encore, d'ailleurs, et je vous dirais qu'au niveau de la banalisation du sexe parmi les jeunes, c'est une grosse problématique qu'on a. Entre autres, la distribution de photos pornographiques, il y a des jeunes qui donnent leurs propres photos, puis c'est comme un jeu. Donc, on est rendus loin, là, dans ça. Et la prostitution, il y en a, au début, c'est comme un jeu aussi. Mais, quand ça devient plus «rough», c'est là que les jeunes se retirent. Mais ce n'est pas simple.

Mme Charlebois : Est-ce qu'il y a quelque chose d'autre que vous voudriez voir dans la loi, auquel on n'a pas pensé en ce moment, qui pourrait faciliter votre travail en vue de protéger les jeunes? Puis, si vous n'avez pas la réponse maintenant, puis il vous vient des idées, on est prêts à recevoir un autre mémoire.

M. Pleau (Réjean) : Je vais y penser.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci. Ça met fin au bloc d'échange avec le côté gouvernemental. Nous nous dirigeons vers l'opposition officielle. M. le député de Rosemont, à vous la parole, pour les 10 min 30 s qui suivent.

M. Lisée : Merci, M. le Président. M. Pleau, M. Beaulieu, merci beaucoup d'être là. Vous êtes vraiment... Je ne sais pas, lorsque vous avez décidé de devenir policiers, si vous saviez que c'est ça que vous feriez dans la vie, plutôt que d'arrêter des voleurs, des criminels, que vous seriez appelés à protéger des jeunes, beaucoup de jeunes femmes contre la jungle de la prostitution puis du proxénétisme. En tout cas, je vous dis ça pour vous dire que j'ai beaucoup d'estime pour ce que vous faites. C'est difficile, on ne vous demande pas seulement d'appliquer la loi et l'ordre, on vous demande d'être un peu psychologues, d'avoir une façon d'avoir des relations personnelles avec des gens qui sont troublés et qui ne veulent pas vous voir. Un certain nombre de ces jeunes-là sont volontairement à la marge, veulent volontairement connaître ces expériences-là qui sont destructrices pour les jeunes eux-mêmes, et vous, vous êtes là pour essayer de protéger leur vie contre leur propre pulsion et contre ceux, les proxénètes, qui veulent et qui arrivent avec beaucoup trop de facilité, d'après ce qu'on voit, à jouer sur le goût du risque de certains de nos jeunes. Ce n'est pas une question, c'est une façon d'exprimer ma reconnaissance pour votre travail.

Vous dites : Écoutez, on est à un point où il est parfois... Je vous lis : «...il est parfois préférable d'agir de façon préventive, quitte à ce que ce soit perçu comme une atteinte à l'équilibre entre les droits individuels et les actions de protection» pour protéger un jeune contre lui-même. Et là on est au coeur du sujet parce qu'on est en train de discuter, justement, de la Loi sur la protection de la jeunesse. Et vous dites : Écoutez, il y a 15 % des cas de fugue qui, selon vous — donc, 15 % de 700 par année — nécessiteraient ce genre d'intervention. Expliquez-nous comment ça se passerait dans le concret, là. Vous dites que vous auriez des cas peut-être de fugues répétitives, vous avez un protocole de vulnérabilité. Vous dites : Si un certain nombre de critères sont satisfaits, ça veut dire qu'on va faire une mesure de restriction de mouvement. Expliquez-nous, donnez-nous un cas concret pour nous montrer comment ça fonctionnerait.

M. Pleau (Réjean) : Je vais vous parler d'un cas concret que ça ne s'est pas passé comme ça puis quelles ont été les conséquences. On a une jeune fille, 17 ans, qui fait de la prostitution juvénile, qui souffre de santé mentale. Elle est en CRDI et elle est avec le Curateur public. Quand on s'aperçoit qu'elle fait de la prostitution, on essaie d'intervenir, on essaie d'impliquer un paquet de monde dans ça, et, malheureusement, les droits personnels ont passé avant la protection de la personne. Donc, on n'a pas été capables de rien mettre autour de la jeune fille parce que le prétexte, c'était : Elle a 17 ans, elle peut faire ce qu'elle veut, puis la prostitution, techniquement, ce n'est pas illégal. Mais cette jeune fille là, je ne crois pas qu'elle était en mesure de donner son consentement pour de la prostitution dans ces conditions. Chacun a voulu bien faire dans ça, puis la jeune fille, à 18 ans, tombe enceinte. Elle a eu un petit garçon, je crois, et c'est la DPJ qui en prend charge tout de suite. On aurait peut-être pu éviter ça.

• (17 h 50) •

M. Lisée : ...voulu faire si vous en aviez eu les moyens?

M. Pleau (Réjean) : Prenons cette situation-là. 17 ans, c'est sûr que c'est compliqué parce que c'est sur le bord de la légalité, mais elle, elle a une santé mentale qui... c'est estimé qu'elle avait l'âge mental de 14 ans environ. Donc, on met un encadrement autour de cette jeune fille là.

M. Lisée : Un encadrement, qu'est-ce que ça veut dire?

M. Pleau (Réjean) : On barre les portes.

M. Lisée : On barre les portes.

M. Pleau (Réjean) :. Et il y a un suivi avec elle, et nous, de notre côté, on est capables de travailler le côté prostitution. Donc, son proxénète, etc., on est capables de faire nos opérations comme on fait d'habitude et on s'assure que le milieu est propice. Une fois qu'il est propice, elle peut ressortir à l'extérieur.

M. Lisée : Bien, vous dites que vous faites vos opérations face au proxénète, vous n'avez pas de plainte, elle ne se plaint pas... Des gens de Mobilis, tout à l'heure, ont dit : Bien, nous, on voudrait avoir la possibilité de porter plainte nous-mêmes... enfin, en tant que représentants des forces de l'ordre parce que, là, vous n'aviez pas de raison de porter plainte contre le proxénète.

M. Pleau (Réjean) : Sans porter plainte, on peut quand même faire une enquête parce qu'on croit que cette personne-là fait de la prostitution avec les informations qu'on a. Donc, on n'a pas besoin d'une plainte formelle. Avec ce qu'on avait, on était corrects pour partir une enquête.

M. Lisée : Mais vous pouviez le faire quand même.

M. Pleau (Réjean) : Oui, mais c'est sûr que, si la jeune fille sort tout le temps, et est encore en contact avec la même personne, puis elle sort de notre région, ça complique notre tâche énormément. Et, quand les proxénètes comprennent comment on fonctionne — parce qu'ils ne sont pas fous, non plus — ils sortent de notre région, ils s'en vont en campagne puis ils font leurs affaires là-bas.

M. Lisée : En Ontario comme à...

M. Pleau (Réjean) : Beaucoup à Niagara, effectivement.

M. Lisée : Oui. Moi, j'ai vu des récits, là, où c'est 24, 36 heures, la frontière est franchie, là. C'est très rodé comme opération.

M. Pleau (Réjean) : Et les proxénètes ramènent les jeunes filles juste à temps, pour qu'elles puissent rentrer à temps au centre jeunesse.

M. Lisée : Je sais que vous travaillez avec les organisations communautaires qui font de la prévention auprès des jeunes filles. Il y a eu une coupure de 1,1 million de dollars par an pour le programme de prévention et d'intervention en matière d'exploitation sexuelle, qui ont été coupés, il y a deux ans, il y a eu un léger réinvestissement. Est-ce que vous, à Québec, vous avez senti que vous aviez moins de répondants de la part des organisations terrain à cause de ces coupures-là?

M. Pleau (Réjean) : Pas énormément, non. On travaille beaucoup avec le PIPQ. Eux autres travaillent beaucoup la prostitution, mais, normalement, la prostitution majeure. Donc, tout ce qui est mineur, là on tombe dans un autre système, et c'est un système, là, qui... On va faire des signalements à la DPJ, et il y a une prise en charge. Donc, nous, nos collaborateurs réguliers, on parle du Squat Basse‑Ville, on parle du PIPQ, on parle de... J'ai un blanc. Mais, peu importe, on a énormément d'organismes autour de nous qui viennent nous supporter dans nos opérations.

M. Lisée : Il y a une problématique à Montréal, même dans ma circonscription, où on sait que des proxénètes passent proche des cours d'école secondaire pour essayer de recruter des jeunes filles de 15, 16 ans. Et on a dit : Bon, bien, écoutez, il devrait y avoir un surveillant dans la cour. Et la commission scolaire dit : Bien, on n'a pas d'argent pour mettre des surveillants dans la cour. Est-ce que c'est une problématique que vous connaissez dans la région de Québec?

M. Pleau (Réjean) : On a une autre façon de travailler ça, M. Lisée, on a les policiers école qui sont dans les écoles secondaires. Et, quand ces jeunes-là, les proxénètes, virent autour des écoles, il y a des interventions qui sont faites par les policiers. Et on a un règlement municipal au niveau des rôdeurs, et il y en a un spécifique pour le milieu scolaire. Donc, quand on leur donne 250 $ d'amende puis qu'ils savent qu'on les connaît, qu'ils sont identifiés, normalement ils ne rôdent pas tellement autour de l'école.

M. Lisée : Vous avez un policier école dans chaque école secondaire?

M. Pleau (Réjean) : Les écoles publiques, oui.

M. Lisée : C'est fort.

M. Pleau (Réjean) : Merci.

M. Lisée : J'aimerais ça, avoir ça à Montréal.

M. Pleau (Réjean) : On ne veut pas nuire à nos confrères de Montréal.

M. Lisée : Non, non, mais nous, on est pour la dissémination des bonnes pratiques, des bonnes pratiques. Très bien. Bien, je vous remercie beaucoup. Continuez votre travail.

Le Président (M. Villeneuve) : Merci. Alors, on va se diriger vers la deuxième opposition. Et, M. le député de Masson, la parole est à vous pour sept minutes, allez-y.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Alors, M. Beaulieu, M. Pleau, bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous savez, tantôt, on a fait référence, justement, à la ville de Longueuil en Montérégie, le programme Mobilis. Pour la ville de Québec, y a-t-il un programme qui s'apparente au programme Mobilis? Est-ce qu'il y a quelque chose en place ou en cours d'être mis en place?

M. Pleau (Réjean) : On a une escouade qui s'appelle l'ESM, c'est une escouade qui travaille l'exploitation sexuelle des mineurs. On a plusieurs produits qui sont un petit peu reliés à tout ça. Entre autres, on a un réseau d'échange et d'information sur les gangs de rue, et ça, ça provient du  programme Tigre de Longueuil, d'il y a quelques années. Ce programme-là était initialement pour les gangs de rue, mais ça s'est transformé avec les années parce qu'à Québec on n'a plus de gangs de rue. Ça s'est transformé comme un réseau d'échange communautaire policier institutionnel pour se parler des problèmes qu'on a. Donc, sans donner de l'information précise sur ces tables-là, on est capables de se dire : On a un problème à tel endroit. Et ce qu'on fait normalement, c'est qu'on arrive avec notre gros filet, on passe le filet, les mailles sont assez grosses pour permettre à nos collaborateurs de faire le reste du travail. Donc, ça travaille très bien de cette façon-là.

M. Lemay : Très bien. J'ai noté dans votre mémoire que vous avez des amendements à proposer aux articles 11 et 12, puis de façon générale... Mais, si je reviens... Puis on regarde les remarques préliminaires du projet de loi n° 99, là, c'est mentionné qu'en matière pénale le projet de loi n° 99 il attribue aux corps de police de nouveaux pouvoirs de surveillance de l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse.

Tout à l'heure, vous mentionniez qu'il n'y a pas possibilité d'avoir sous clé des jeunes qui font des fugues, puis vous mentionniez l'exemple de la jeune fille qui va rejoindre son proxénète, puis, à la fin de la journée, il la ramène pour... elle n'est même pas considérée en fugue. Bref, est-ce que vous êtes satisfaits des nouveaux pouvoirs de surveillance qui vont vous être attribués? Dans le fond, il me semble que moi, je n'ai pas vu nulle part, là, la possibilité du corps de police de pouvoir arriver, dire au centre de jeunesse : Celle-là, celle-là, tu la gardes sous clé, là. Est-ce que vous êtes...

M. Pleau (Réjean) : Parce qu'on a déjà ces communications-là avec nos partenaires, donc on leur demande, on leur recommande un encadrement intensif lorsqu'on a de l'information dans les critères qu'on a. Parce que le critère ne provient pas toujours du centre jeunesse. Au-delà de tout ça, encore une fois, il y a peut-être une certaine ignorance au niveau de la loi, mais on utilise la Loi de la protection de la jeunesse au maximum. Entre autres, il y a des mandats dans la Loi de la protection de la jeunesse de pénétrer, rechercher et amener, de rechercher et amener, et c'est des mandats qu'on fait sortir, nous, pour nos besoins à nous. Donc, c'est des mandats qui, normalement, sont sortis par les intervenants des centres jeunesse, mais nous, pour travailler, on les fait sortir pour permettre à nos policiers d'avoir un cadre légal pour intervenir. Donc, on utilise vraiment tous les outils qui sont à notre disposition, puis je vous dirais qu'on est quand même assez efficaces.

M. Lemay : Donc, par le fait même, vous êtes quand même satisfaits, là, des nouveaux pouvoirs de surveillance qui vous seront conférés par cette loi.

M. Pleau (Réjean) : Oui, dans... On parle d'un pouvoir, mais c'était déjà une collaboration qu'on avait. Donc, que vous l'appeliez un pouvoir aujourd'hui, pour nous, à Québec, ça ne change pas énormément, grand-chose, parce qu'on avait déjà ces ententes-là possibles.

M. Lemay : ...mais c'est très bien ainsi. En fait, dans le fond, on va venir mettre sur papier ce qui était déjà des pratiques courantes sur le terrain.

Une voix : ...

M. Lemay : Tant mieux. Je ne sais pas si vous avez quelque chose d'autre à ajouter.

M. Pleau (Réjean) : Écoutez, on travaille très fort, autant que les services sociaux, pour protéger le jeune. Puis je vous dirais que, la loi, la façon que vous faites les modifications, on est très contents parce que ça vient renforcir un peu le principe de protection. Personnellement, moi, j'aimerais ça que ça aille encore un petit peu plus loin pour permettre aux parents qui sont un petit peu à bout de souffle... Puis, des fois, c'est difficile pour un parent de dire à leur enfant : Tu vas t'en aller en protection pendant 30 jours. Donc, de permettre cette avenue-là aux intervenants ou ce choix-là aux intervenants qui ont étudié dans ça aussi, je crois que ça serait bénéfique autant pour les parents que pour le jeune.

M. Lemay : Très bien. M. Beaulieu, est-ce que vous vouliez rajouter un commentaire?

M. Beaulieu (Bernard) : Je n'ai pas de commentaire, merci.

M. Pleau (Réjean) : Moi, j'aimerais ça, M. Beaulieu, que vous expliquiez juste une situation normale quand on a une fugue, qu'est-ce qu'on fait avec la fugue puis...

• (18 heures) •

M. Beaulieu (Bernard) : Bien, en fait, la première étape quand on reçoit des fugues — parce qu'on en reçoit à tous les jours — on regarde les critères de vulnérabilité. C'est certain qu'il y a des critères qui comptent plus que d'autres, entre autres la prostitution et quand il y a un danger immédiat pour la vie, suicidaire ou prise de médicaments. Donc, nous, on va favoriser une fugue ou l'autre, là, dépendamment des critères. Ensuite, trois quarts du temps, là, on va rappeler l'intervenant qui a fait l'avis de fugue, donc les intervenants qui, eux, sont en contact quotidien, là, avec les jeunes. Souvent, c'est eux qui vont nous donner l'information, là, qui vont nous permettre de démarrer une enquête. Parce qu'on s'entend, souvent c'est les mêmes... Dans le cas de la prostitution, ce n'est pas toutes les jeunes filles qui vont faire de la prostitution, c'est des cas qui vont revenir, là, qui vont... Ils vont faire leurs 30 jours en MEI, ensuite ils vont requitter. Donc, si on a de l'information à avoir, exemple, si elle a contacté son proxénète... Parce qu'on connaît les noms, on connaît les personnes, on a affaire à eux, donc, quand on a tel ou tel nom qui sortent, oh! danger, nous, on priorise. Puis on a toutes sortes de techniques d'enquête pour, rapidement, remettre la main sur les jeunes, là, puis ça peut se faire en l'espace de quelques heures à quelques jours, là. Puis c'est ça, on favorise les critères.

Donc, ensuite, là, c'est ça, il y en a qui n'ont aucun critère de vulnérabilité. Puis, à ce moment-là, on fait un petit suivi, on va appeler à nos organismes, le Squat. S'ils ont dormi ou mangé au Squat, bien, pour nous, ça nous permet de respirer un peu. On donne des retours à ces intervenants parce qu'eux aussi s'inquiètent, là, de... Ils ont des contacts quotidiens avec ces personnes-là, puis c'est pratiquement comme leurs enfants, là. On travaille tous, dans le fond, ensemble pour que les jeunes soient en sécurité. Donc, quand on met plus d'efforts, qu'on veut les mettre pas sous clef, là, mais les empêcher de ressortir, c'est parce qu'on sait qu'il y a des bonnes chances qu'ils requittent, là.

Cet été, j'ai eu un cas, là, une jeune fille en prostitution, c'est sa mère qui l'a identifiée sur un site d'escortes parce qu'elle a dit : Ah! bien oui, je la reconnais, c'est moi qui lui ai payé les jarretelles. Puis elle, en l'espace de cinq heures, j'ai réussi à la retracer, puis elle... Non, je ne veux pas rien savoir de la DPJ, puis c'est eux qui l'ont mis là-dedans, puis il n'est pas question qu'elle retourne là. Ça fait que nous, à ce moment-là, on est comme liés, on ne peut pas... Oui, elle s'est rendue pour se faire évaluer au centre jeunesse, sauf que, 48 heures plus tard, parce qu'elle a tout nié, 48 heures plus tard, elle est libre, puis ses parents, bien — comment je pourrais dire? — ils la couvrent. Ça fait que c'est ça, c'est la situation, un peu, dans laquelle on est.

Le Président (M. Villeneuve) : M. Beaulieu, M. Pleau, vous étiez tellement intéressants que nous avons même arrêté le temps pour pouvoir bien vous entendre. Je vous remercie de votre participation précieuse aux travaux de la commission.

Et, compte tenu de l'heure, évidemment, la commission ajourne ses travaux au mercredi 5 octobre 2016, après les affaires courantes, afin de poursuivre son mandat. Merci beaucoup, tout le monde.

(Fin de la séance à 18 h 3)

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