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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mardi 20 septembre 2016 - Vol. 44 N° 120

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 99, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d’autres dispositions


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Table des matières

Remarques préliminaires

Mme Lucie Charlebois

M. Jean-François Lisée

M. Sébastien Schneeberger

Auditions

Directeurs régionaux de la protection de la jeunesse

Conseil de la nation atikamekw (CNA)

Autres intervenants

M. Marc Tanguay, président

M. Jean Boucher

*          M. Denis Baraby, directeurs régionaux de la protection de la jeunesse

*          M. Éric Salois, idem

*          Mme Dominique Jobin, idem

*          M. Louis Leclerc, idem

*          M. Constant Awashish, CNA

*          Mme Anne Fournier, idem

*          Mme Martine Côté, idem

*          M. Pierre Blais, idem

*          Mme Jolianne Ottawa, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures cinquante-sept minutes)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Chers collègues, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de vos téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 99, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres dispositions.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) est remplacé par M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs).

Le Président (M. Tanguay) : J'aimerais maintenant, chers collègues, vous demander s'il y a consentement pour terminer au-delà de l'heure prévue. Y a-t-il consentement?

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Tanguay) : Oui, il y a consentement. Alors, ce matin, nous allons débuter avec les remarques préliminaires. Et, par la suite, nous recevrons les directeurs de la protection de la jeunesse, les représentants et représentantes des directeurs de la protection de la jeunesse, et le Conseil de la nation atikamekw.

Remarques préliminaires

Alors, sans plus tarder, maintenant, pour une période de six minutes, je cède la parole pour ses remarques préliminaires à la ministre déléguée à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse, à la Santé publique et aux Saines habitudes de vie. La parole est à vous.

Mme Lucie Charlebois

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. D'abord, je veux vous saluer et vous dire à quel point on est contents de... En tout cas, moi, je suis contente de tous vous retrouver, collègues du gouvernement et collègues des oppositions. Je nous souhaite une bonne participation à cette commission parlementaire. Et vous dire, M. le Président, qu'aujourd'hui on amorce les consultations particulières sur le projet de loi n° 99, comme vous l'avez mentionné, qui vient modifier de façon substantielle la Loi sur la protection de la jeunesse, ce qu'on appelle communément dans notre jargon à nous la LPJ. C'est plus court, vous allez nous entendre dire ça tout au long de la commission.

Alors, ce projet de loi, que j'ai déposé à l'Assemblée nationale le 3 juin dernier, me tient particulièrement à coeur, comme vous devez vous en douter. Il concerne les enfants, les familles les plus vulnérables du Québec et nous interpelle tous individuellement et collectivement.

Alors, depuis ma nomination à titre de ministre déléguée, j'ai eu l'occasion de visiter plusieurs établissements offrant des services de protection, de réadaptation pour les jeunes en difficulté. J'ai aussi rencontré un grand nombre de jeunes, de parents, d'intervenants, d'éducateurs impliqués auprès de ces jeunes et de leurs familles. J'ai pu constater moi-même sur le terrain, en échangeant avec eux, certaines difficultés d'application de la Loi sur la protection de la jeunesse.

• (10 heures) •

Aujourd'hui et tout au long de ces consultations, je serai à l'écoute, tout comme l'ensemble de mes collègues des différents groupes et organismes qui viendront s'exprimer sur le projet de loi et sur l'application de la loi. Il est essentiel pour moi et pour nous tous d'entendre l'ensemble des points de vue qui seront exposés afin que le projet de loi reflète le plus large consensus possible.

La Loi sur la protection de la jeunesse a maintenant plus de 37 ans d'histoire, M. le Président. Adoptée en 1977 et entrée en vigueur en 1979 — bref, janvier 1979 — cette loi s'applique à des situations exceptionnelles, a indéniablement constitué un moment charnière dans l'évolution de la protection de l'enfance au Québec. Elle reconnaît l'intérêt de l'enfant, le respect de ses droits comme le principe premier qui doit guider toute décision et toute intervention. Elle reconnaît également la responsabilité première d'assurer que la protection des enfants appartient à leurs parents, d'où l'importance de prendre tous les moyens nécessaires pour les aider à bien jouer leur rôle.

La loi a connu d'importantes modifications au fil des ans, et qui ont notamment permis de l'adapter à l'évolution des pratiques sociales, des pratiques judiciaires et au développement des connaissances. Depuis l'entrée en vigueur de cette dernière révision en juillet 2007, plusieurs rapports, avis, commentaires sur l'application de la loi ont été soumis au gouvernement du Québec. Aussi, dès mars 2011, le ministère de la Santé et des Services sociaux et le ministère de la Justice ont mis en place un comité de travail afin d'examiner les difficultés soulevées ainsi que les pistes de solution à mettre de l'avant pour répondre à ces rapports, avis et/ou commentaires.

Je rappelle ici au passage que la Loi sur la protection de la jeunesse est une loi sous la responsabilité conjointe du ministère de la Santé et des Services sociaux et aussi, quant à l'intervention sociale, du ministère de la Justice, qui est chargé, lui, de l'application des dispositions relatives à l'intervention judiciaire. À cet égard, le projet de loi n° 99 est le fruit d'une étroite collaboration entre les deux ministères et plusieurs partenaires que je tiens à remercier d'emblée.

Alors, le projet de loi nous propose un grand nombre de modifications qui peuvent être regroupées... En fait, j'ai sept objectifs, mais je vous dirais qu'il y en a huit. Il y en a un qui est un petit peu moins sexy, je vais dire ça comme ça. Le premier, c'est d'harmoniser les dispositions de la Loi de la protection de la jeunesse visant les enfants confiés à un milieu de vie substitut. Le deuxième, c'est favoriser la stabilité et la continuité des enfants, notamment pour les enfants autochtones et pour les jeunes en transition vers la vie autonome. Le troisième, c'est favoriser les ententes entre les parties. Le quatrième, concilier la protection des enfants et le respect de leur vie privée. Le cinquième, moderniser le processus judiciaire. En six, revoir certaines règles relatives à l'hébergement en centre de réadaptation. En sept, assurer une meilleure protection aux enfants, notamment aux enfants victimes d'exploitation sexuelle, M. le Président, et aux enfants domiciliés au Québec adoptés par des personnes domiciliées hors Québec.

Comme vous pourrez le constater, il s'agit d'un projet de loi qui propose des modifications importantes afin d'apporter des solutions concrètes aux difficultés soulevées pour mieux protéger les enfants, mieux soutenir les parents et mieux outiller les intervenants sociaux et judiciaires. Je souhaite donc que ces consultations nous permettent de bonifier le projet de loi à la lumière des commentaires formulés par l'ensemble des groupes et organismes que nous entendrons, dont l'expérience et l'expertise sont indispensables à la poursuite de nos travaux.

Un merci particulier à mes collègues parlementaires à l'avance, dont la collaboration est si importante dans la révision d'une loi, notamment de cette Loi de la protection de la jeunesse. Je vous remercie à l'avance. Nous allons avoir des bons travaux, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, heureux de constater, tout comme moi, que la collaboration de tous les collègues vous est acquise. Alors, merci beaucoup.

Maintenant, pour une période de 3 min 30 s, je cède la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux, de protection de la jeunesse, de soins à domicile, de santé publique et de prévention. La parole à notre collègue de Rosemont.

M. Jean-François Lisée

M. Lisée : Merci, M. le Président. Donc, bonjour à tous les membres de la commission. Moi aussi, ça me fait un grand plaisir de vous retrouver. Bonjour à ceux qui vont venir témoigner devant nous.

La protection de la jeunesse, ça devrait être la prunelle de nos yeux, la prunelle de nos yeux. L'enfance, l'éducation, la jeunesse, parfois on dit : Est-ce que ça devrait être une priorité? Bien non, M. le Président, c'est la priorité permanente de la nation. La question ne doit jamais se poser : Est-ce que c'est une priorité? C'est toujours la priorité.

Et, aujourd'hui, je suis très content de pouvoir discuter avec les intervenants et, ensuite, avec les collègues de la révision de la loi parce qu'elle en a bien besoin. Puis elle en a bien besoin simplement à cause de l'écoulement du temps, simplement à cause du fait que, la dernière fois, il y a eu une révision importante et qu'il faut en tirer les leçons, positives et négatives, faire les ajustements nécessaires, mais aussi parce que, cette dernière année, on a pu constater sur le terrain les dysfonctionnements importants, les vies qui ont été mises à risque, toutes les fugueuses, bien sûr, les problèmes que ça a posés, la facilité avec laquelle les proxénètes ont pu avoir accès à certains de nos jeunes les plus vulnérables.

On a vu aussi l'expert André Lebon, qui avait été mandaté par la ministre pour faire le point sur la situation à Laval, ensuite dire ce qui était le fond de sa pensée. Il considérait qu'il y avait une grave crise dans notre système de protection de la jeunesse et que le point de rupture était atteint, et que des réformes majeures étaient nécessaires. Et je sais que la ministre et moi avons un différend sur l'impact de 20 millions de coupures dans les centres jeunesse. La ministre estime que ça n'a aucun impact. Moi, comme plusieurs autres, pensons que ça a eu un impact important et que... Une des raisons pour lesquelles il n'y a pas suffisamment de suivi auprès de jeunes en difficulté et que tant d'intervenants changent, et que tant de personnes partent, c'est que la lourdeur de la tâche est trop grande et que les ressources ne sont pas au rendez-vous. Alors, je vois que le projet de loi qui nous est déposé ne dit rien au sujet du problème des ressources et je pense qu'on va en entendre parler abondamment parmi les gens qui sont sur le terrain et qui vont venir nous parler de ça.

Nous sommes satisfaits de plusieurs des propositions de modification qui sont avancées par le gouvernement, nous allons les appuyer. Nous considérons cependant qu'il faut faire davantage sur certains aspects, et c'est dans un esprit constructif que nous allons proposer à la ministre des propositions d'amendement qui seront sûrement nourries, comme nous le faisons toujours, par les propositions qui sont faites par les gens qui viennent nous parler, nous faire des suggestions. La ministre et moi avons travaillé de concert sur une autre grande loi, sur le tabagisme, et nous avons pu arriver à un certain nombre de consensus qui ont permis de faire en sorte que nous soyons tous les deux très fiers de ce que nous avons accompli, et c'est dans cet esprit que je compte engager la discussion pour cette Loi sur la protection de la jeunesse. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup pour ces remarques préliminaires. Alors, j'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de protection de la jeunesse. Pour une période de 2 min 30 s, la parole est à notre collègue de Drummond—Bois-Francs.

M. Sébastien Schneeberger

M. Schneeberger : Merci, M. le Président. Alors, tout d'abord, je tiens à saluer la ministre, ses collègues ministériels et son équipe, aussi le député de l'opposition officielle et aussi les gens qui viennent nous présenter des mémoires aujourd'hui.

Alors, la révision de la Loi sur la protection de la jeunesse se fait dans un contexte tendu que les organisations sont nombreuses à avoir rappelé. Tout d'abord, la baisse de 20 millions de dollars par année des subventions aux centres jeunesse, les récentes données de 2014‑2015, qui démontrent qu'aucun centre jeunesse n'est en mesure de respecter le délai de huit jours qui devrait s'écouler entre le signalement d'un cas et le premier contact de l'intervenant avec le jeune ou sa famille. Les nombreuses fugues qui ont été enregistrées suite à la révision de la Loi sur la protection de la jeunesse en 2006 ont obligé les centres à enlever les serrures qui barraient l'entrée de la majorité des unités. Ces fugues sont parfois liées à un réseau de proxénétisme. Un rapport interministériel avait identifié les centres jeunesse comme un haut lieu de recrutement de mineurs pour l'exploitation sexuelle des jeunes.

Dans ce contexte, les objectifs du projet de loi semblent aller dans le bon sens avec, notamment, la prise en compte de l'identité culturelle des enfants, qui est une avancée importante, notamment pour les enfants autochtones, sous-représentés par rapport à leur poids démographique. Aussi, la reconnaissance de risques sérieux d'exploitation sexuelle comme motif de compromission à la sécurité ou au développement de l'enfant est également une avancée importante dans la situation que l'on connaît.

Malheureusement, néanmoins, un enjeu majeur semble avoir été oublié, enjeu par ailleurs souligné dans plusieurs mémoires, l'ouverture aux familles d'accueil du statut de partie aux procédures judiciaires impliquant des enfants ou des adolescents qu'elles suivent depuis au moins six mois. D'ailleurs, la Loi sur les services à l'enfance et à la famille de l'Ontario, l'équivalent de notre loi ici, permet à une famille d'accueil d'accéder à ce statut de partie lors du processus judiciaire.

• (10 h 10) •

L'exercice auquel nous serons conviés est très important pour la protection de nos enfants. Nous n'avons tout simplement pas le droit à l'erreur. Comme parlementaire, je m'engage, au nom de ma formation politique, à travailler et à bonifier le projet de loi qui est devant nous pour le respect de nos enfants et pour ceux qui interviennent à chaque jour afin de rendre possible l'égalité des chances pour tous. Merci, M. le Président.

Auditions

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, collègue de Drummond—Bois-Francs. Alors, sans plus tarder, maintenant nous accueillons les représentantes, représentants des directeurs de la protection de la jeunesse. Dans un premier temps, vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation et, par la suite, vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Pour les fins d'enregistrement, je vous demanderais de bien prendre soin de vous nommer ainsi que de préciser vos fonctions. Alors, sans plus tarder, la parole est à vous.

Directeurs régionaux de la protection de la jeunesse

M. Baraby (Denis) : Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, nous vous remercions de nous avoir invités à donner notre point de vue sur le projet de loi n° 99 modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et autres dispositions. Je suis Denis Baraby, directeur de la protection de la jeunesse pour la région des Laurentides. Je suis accompagné par Mme Dominique Jobin, qui est directrice de la protection de la jeunesse pour la région de la Capitale-Nationale, de M. Éric Salois, qui est directeur de la protection de la jeunesse pour la région de Lanaudière, et par Me Louis Leclerc, qui est avocat au contentieux du CIUSSS du Centre-Sud-de-Montréal.

Nous agissons aujourd'hui à titre de porte-parole des 19 directeurs de la protection de la jeunesse, à qui la Loi sur la protection de la jeunesse confère la charge et l'imputabilité d'assurer la protection des enfants sur l'ensemble du territoire québécois.

Vous avez entre les mains le mémoire des DPJ, dans lequel vous retrouverez nos recommandations ainsi qu'une lettre d'appui signée par l'ensemble des directeurs des programmes jeunesse qui collaborent quotidiennement avec les DPJ à relever les défis que nous confère la loi. Considérant le temps qui nous est alloué, nous nous attarderons à trois des sept objectifs visés par le projet de loi n° 99.

D'entrée de jeu, ce projet de loi nous rallie, et c'est avec enthousiasme que nous l'accueillons. De manière générale, il contient des éléments rencontrant nos convictions et propose plusieurs modifications importantes qui permettront de mieux protéger les enfants tout en incarnant de façon plus tangible les principes fondamentaux de la Loi sur la protection de la jeunesse. Ces principes constituent par ailleurs une assise clinique indispensable à l'établissement d'une relation d'aide soucieuse de la dignité des personnes et axée sur le potentiel des familles.

M. Salois (Éric) : Concernant l'introduction de la notion de milieu de vie substitut, pour nous, tous les enfants retirés de leur milieu familial doivent bénéficier des mêmes droits, peu importe le type de milieu de vie substitut qui les accueillera. Selon la loi actuellement en vigueur, cette possibilité n'est pas aussi claire, car les dispositions relatives aux périodes maximales de placement s'appliquent spécifiquement aux enfants qui sont hébergés en famille d'accueil ou en centre de réadaptation, et non à tous les enfants retirés de leur milieu familial. En introduisant la notion de milieu de vie substitut, le législateur prévient des dérives potentielles quant aux délais impartis pour clarifier le projet de vie des enfants confiés à des personnes significatives.

Rappelons-nous que les recherches sur l'attachement et celles sur le développement du cerveau soulignent l'importance d'intervenir le plus tôt possible dans la vie des enfants afin de leur assurer un milieu de vie stable. De plus, la loi et l'ensemble de nos tribunaux reconnaissent que la notion de temps n'est pas la même pour les enfants que pour les adultes. L'introduction de la notion de milieu de vie substitut est essentielle afin que la loi offre à chaque enfant retiré de son milieu familial une chance égale de profiter dans les meilleurs délais de la stabilité et de la continuité des liens nécessaires à son sain développement. Il s'agit pour nous d'une avancée importante du point de vue de l'intérêt des enfants. Par conséquent, nous souscrivons aux modifications proposées.

Concernant la notion de famille d'accueil de proximité, depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur la représentation des ressources, les personnes significatives pour un enfant qui se voient confier celui-ci en vertu de la loi doivent être rétribuées par les établissements à titre de famille d'accueil de proximité. Dans l'état actuel des choses, l'attribution de ce statut ne va pas de soi pour les tribunaux, puisqu'il ne possède aucune assise légale. Afin d'assurer la conformité des droits pour tous les enfants retirés de leur milieu familial, l'introduction de la notion de famille d'accueil de proximité est nécessaire.

Concernant l'objectif de favoriser la préservation de l'identité culturelle des enfants autochtones et l'implication des communautés, nous soutenons sans réserve l'ajout au sujet de l'identité culturelle autochtone apparaissant notamment à l'article 3. L'identité culturelle doit systématiquement faire partie des éléments à considérer dans la détermination de l'intérêt de l'enfant autochtone. Les modifications proposées sont particulièrement importantes pour les enfants ayant un projet de vie hors de la communauté. Nous rappelons que la préservation de l'identité culturelle des enfants sous protection doit demeurer une responsabilité partagée entre les DPJ et les représentants des communautés autochtones.

Ceci dit, le législateur devrait toutefois clarifier ce qu'il entend par «être membre d'une communauté autochtone» en application de la loi. Le libellé proposé au dernier paragraphe de l'article 1 ne permet pas de l'établir et n'est pas une définition au sens strict comme les autres alinéas et paragraphes de cette disposition.

Mme Jobin (Dominique) : Concernant maintenant l'objectif de favoriser la conclusion d'ententes entre les parties, la loi a toujours favorisé une intervention sociale sensible et respectueuse des drames humains qui se jouent au sein de l'intimité des familles. Dès son adoption en 1979, le législateur a reconnu une certaine primauté de l'intervention sociale, notamment en permettant aux parents et à l'enfant de consentir à l'intervention sans l'implication du tribunal. Cette prémisse est fondamentale. Les parents et les enfants qui sont parties prenantes des décisions qui les concernent se sentent davantage considérés. Ils sont plus susceptibles d'adhérer au plan de protection retenu et de s'engager activement dans la démarche d'intervention. L'expérience acquise depuis l'avènement de la loi nous permet de réaffirmer avec force et conviction la nécessité de renforcer ce principe. Bien que la judiciarisation soit nécessaire dans plusieurs situations et contribue, sans contredit, à protéger efficacement les enfants, il ne faut pas sous-estimer le stress qu'elle génère et les blessures morales et affectives qu'elle inflige trop souvent dans le contexte du débat contradictoire.

Concernant la possibilité de prolonger et modifier l'entente provisoire, lorsque les membres d'une famille reconnaissent les faits, qu'ils démontrent vouloir prendre les moyens pour corriger la situation et qu'ils ont le potentiel pour y parvenir, la judiciarisation de leur situation pour des contraintes légales ne fait aucun sens pour eux comme pour nous. À l'heure actuelle, dans plusieurs situations, certaines contraintes légales ne nous permettent pas de finaliser un processus d'intervention consensuel avec les familles, ce qui nous oblige à judiciariser. Ceci nous place devant un dilemme très inconfortable, et la possibilité qu'une entente sur mesure provisoire soit renouvelable pour une période supplémentaire d'au plus de 30 jours nous apparaît comme une avenue incontournable. Par ailleurs, nous tenons à souligner que, dans le contexte autochtone, cette possibilité de renouveler l'entente provisoire contribuera à faciliter l'utilisation des conseils de famille et permettra de tenir compte des réalités coutumières et territoriales.

Concernant l'introduction de la possibilité de convenir d'une entente sur une intervention de courte durée, le projet de loi propose également la possibilité de convenir d'une entente de courte durée d'un maximum de 60 jours. Ce changement proposé à la loi vient codifier une pratique établie depuis près de 30 ans dans le réseau de la protection de la jeunesse. Ce type d'intervention s'adresse aux situations de moindre intensité qui se dirigent vers une fermeture à court terme. Elle assure une continuité des services offerts à l'enfant et à ses parents par l'intervenant qui a évalué la situation. Elle encourage la mobilisation et la collaboration des parents en leur donnant l'occasion d'exercer leurs responsabilités parentales et d'apporter une réponse rapide aux besoins de leur enfant. Elle fait en sorte que l'intervention cesse dès que la sécurité ou le développement de l'enfant n'est plus compromis. Par conséquent, il nous apparaît essentiel que les modifications proposées relativement à la possibilité de renouveler une entente provisoire et de conclure une entente sur une intervention de courte durée soient adoptées intégralement, et ce, sans compromis.

M. Baraby (Denis) : En conclusion, M. le Président, depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur la protection de la jeunesse en 1979, de très grands pas ont été franchis. Nous travaillons de plus en plus en concertation avec la famille, son environnement et l'ensemble des ressources du milieu dans la poursuite d'un même but, soit celui de protéger les enfants et d'assurer leur bien-être. Le présent projet de loi constitue, selon nous, une opportunité pour notre société de s'ajuster aux nouvelles réalités sociales afin de répondre avec justesse aux besoins des enfants. Ces enfants n'ont, malheureusement, pas l'occasion de se faire entendre en commission parlementaire. Leur expérience est pourtant essentielle à la compréhension des enjeux et défis qui doivent être pris en compte dans le présent contexte. Parce que nous avons le privilège de les côtoyer de près et surtout parce que leur intérêt nous tient sincèrement à coeur, nous avons tenté dans le présent mémoire de porter leur point de vue en même temps que le nôtre. Merci de votre attention.

• (10 h 20) •

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, pour une période de 17 min 30 s, je cède la parole à Mme la ministre.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. D'abord, vous saluer, M. Baraby, M. Salois, Mme Jobin et M. Leclerc. Merci d'être là et de représenter vos collègues directeurs et directrices de protection de la jeunesse. Vous avez un rôle fort important et vous savez à quel point ces jeunes-là ont besoin de votre aide et de votre impartialité, j'allais dire, dans l'élaboration d'un plan de vie, mais aussi de tout ce qui concerne leur protection.

Alors, je vais aller au vif du sujet. Et je veux juste vous dire et vous rassurer tous d'entrée de jeu en commission parlementaire, j'ai beaucoup de réflexions d'amorcées. Oui, il y a des possibilités d'amendement, mais je préfère attendre la fin des consultations, par respect pour tous ceux qui vont venir, entendre tous les points de vue. À la suite de tout ça, on verra pour les amendements parce que je considère que, si on n'écoute pas, bien, on n'en fera pas, de consultations, ça ne vaut pas la peine. Sans ça, je pourrais déposer mes amendements ce matin. Alors, je vous annonce que je vais entendre tout au long, puis oui, on est conscients qu'il y a des choses à améliorer, puis il y aura des amendements.

Je veux vous entendre sur certains sujets. Je vais commencer par le... Vous le savez, j'ai une préoccupation très grande pour ce qui concerne les fugues. On en a beaucoup entendu parler, les fugues qui ont lieu dans certains centres jeunesse plus que d'autres, mais, en quelque part, vous le savez, comme le dit mon collègue de l'opposition, j'ai mandaté M. Lebon pour aller examiner si les processus étaient tous respectés, tout ça. Il nous a fait des recommandations auxquelles j'adhère pour une bonne partie, mais il nous a dit : Coordonner et animer une réflexion ciblée sur la façon d'établir une transition entre le recours à l'encadrement intensif et le retour aux unités ouvertes qui tienne compte des facteurs de risque pour les jeunes dont la fugue est soit chronique, soit de façon à les mettre en danger. J'ai entendu beaucoup de choses, notamment sur l'encadrement intensif, la grande liberté, l'entre-deux. Qu'est-ce que vous pensez qui serait une bonne idée? Avez-vous des propositions à nous formuler en ce sens-là?

Mme Jobin (Dominique) : Bien, au printemps, vous n'êtes pas sans savoir que nous avons participé à un comité d'experts sur le sujet qui a traité largement, notamment, de l'encadrement intensif, et, effectivement, cette notion-là de transition entre la période d'encadrement intensif vers l'unité ouverte nous apparaissait comme une voie à exploiter, puisqu'elle permet à certains jeunes... Parce que ça ne serait pas pour l'ensemble des jeunes, là, de pouvoir bénéficier de cette transition-là, parce qu'il y en a qui sont prêts à retourner à leur unité ouverte. Mais, pour certains jeunes, ça crée un stress important chez eux, le fait de retourner en unité ouverte. Donc, pour ne pas briser le lien qui s'est établi avec les éducateurs puis le travail qui a été entamé, on était favorables à ce qu'il y ait une période d'environ cinq jours qui permettrait à un jeune de pouvoir bénéficier de certaines sorties dans le milieu ouvert pour essayer de voir s'il est vraiment prêt et s'il se sent capable, là, d'affronter, là, ce que représente vivre dans une unité ouverte aussi avec d'autres jeunes, etc. Donc, oui, nous étions favorables à cette avenue-là.

Mme Charlebois : Est-ce que vous prônez qu'il y ait un intervenant pivot qui le suive de l'unité ouverte à l'encadrement intensif et qui ramène dans l'unité ouverte? Tu sais, toujours un même intervenant qui peut suivre le même jeune parce qu'il y a un lien d'attachement, il y a un lien de proximité qui fait en sorte que... Je ne le sais pas, je veux vous entendre là-dessus.

M. Salois (Éric) : Oui, mais moi, je vous dirais que c'est quelque chose qui se fait déjà. Lorsqu'un jeune est transféré, qu'on va l'envoyer en unité fermée, son éducateur de suivi de l'unité ouverte vient le rencontrer, vient le voir régulièrement dans l'unité d'encadrement intensif pour parler avec lui, voir son cheminement. Il participe au plan d'intervention qui est fait au sein de l'unité d'encadrement intensif. Donc, c'est déjà une mesure qui est d'actualité et qui doit continuer parce que vous le nommez bien, il y a toute la notion du lien qui est établi entre l'éducateur de suivi spécifique au jeune... avec le jeune lui-même.

Mme Charlebois : Je reste sur les fugues parce qu'on a entendu toutes sortes de choses puis je veux entendre de votre bouche, vous qui êtes des experts puis qui travaillez avec ces jeunes-là continuellement, est-ce que vous croyez qu'empêcher les jeunes de sortir carrément d'un centre jeunesse, c'est une bonne façon d'éviter les fugues? Est-ce que vous croyez que ça les empêcherait de se mettre en danger? Est-ce que vous croyez que la loi actuelle vous donne tous les moyens pour protéger ces jeunes-là, d'assurer leur sécurité? Quelles mesures de contrôle vous voyez pour les empêcher de se mettre à risque, finalement? Je le sais, j'ai entendu que les fugues font partie — puis je le sais que la population va avoir de la misère à entendre ça, mais vous allez pouvoir me l'expliquer davantage — ça fait partie de leur cheminement, en quelque sorte, ils vont expérimenter des choses, ils reviennent, puis j'aimerais ça que vous me parliez de la durée des fugues parce que ce n'est pas tout le monde qui sort pour longtemps. Des fois, c'est une heure de retard, c'est déclaré une fugue.

Alors, j'aimerais ça que vous me parliez et que vous me brossiez un portrait un peu global, c'est... Est-ce qu'empêcher les jeunes de sortir va nous empêcher d'avoir des fugues? Commençons par ça, puis ensuite, le reste.

M. Salois (Éric) : On ne pense pas qu'il faudrait revenir en arrière pour dire qu'on va barrer toutes les portes des centres de réadaptation. Il faut se rappeler que... je veux parler pour ma région, mais je pense que les statistiques sont assez similaires, il y a 80 %, à peu près, des jeunes qui, pendant leur séjour, ne feront pas aucune fugue. Donc, on parle de 20 % des jeunes qui vont faire une fugue, et, de ce 20 % là, la majeure partie vont faire une, deux fugues et ne se mettront pas nécessairement dans une situation de danger. Parce que vous l'avez dit, dès qu'un jeune... Exemple, je vais vous donner un exemple, il est en sortie pendant la fin de semaine, il n'est pas de retour. Il devait rentrer à sept heures, le soir. Il est huit heures, on n'a pas de nouvelles de ce jeune-là, on doit le déclarer en fugue. C'est peut-être juste que ses parents sont en auto, sont en retard, mais on doit quand même le codifier, c'est la règle qu'on s'est donnée au niveau provincial.

Mais il reste quand même, effectivement, un groupe de jeunes qui fuguent régulièrement et qui vont se mettre en danger. Et, quand on dit qu'ils vont se mettre en danger, ce qui a fait beaucoup partie de l'actualité, c'est les jeunes qui vont se retrouver dans un réseau au niveau de l'exploitation sexuelle. C'est un petit groupe de jeunes qui sont confrontés à ça, et il faut s'y adresser, c'est quelque chose de grave et d'important.

L'autre proportion de jeunes qui, pour nous autres, vont se mettre en danger, c'est souvent des jeunes qui vont avoir une santé fragile au niveau mental. C'est des jeunes qui ont des idéations suicidaires et c'est des jeunes... C'est la proportion qui est la plus grande des jeunes qui vont fuguer, pour laquelle on pense qu'ils peuvent se mettre en danger. Et, à ce moment-là, bien, ces jeunes-là, il faut, effectivement, s'y adresser.

Le règlement — parce qu'il y a la loi, mais il y a le règlement au niveau de l'encadrement intensif — on est d'avis que, le règlement, on devrait le voir, le clarifier sur jusqu'où on peut aller, effectivement, pour dire à un jeune : Écoute, on est inquiets pour toi, tu es dans une mauvaise période. On pense que, si tu fugues, tu vas te mettre en danger et on va intervenir pour que tu ne puisses pas quitter les lieux parce qu'on va te protéger. Moi, je pense qu'il va falloir le cibler sur ces jeunes-là. On pense qu'il va falloir le cibler sur ces jeunes-là, et non pas d'arriver avec une mesure qui va s'adresser à l'ensemble de tous les jeunes qui ne nécessitent pas ce type de mesure là, où ces jeunes-là vont à l'école à l'extérieur, ils ont beau être en centre d'accueil, mais ils ont des sorties dans le milieu familial, il y en a qui travaillent, etc. Donc, on pense qu'il va falloir revoir davantage au niveau du règlement, de clarifier davantage jusqu'où on peut aller et que ça va respecter la Charte des droits et libertés parce qu'on joue toujours là-dedans, hein, au niveau de ne pas brimer les droits de l'enfant versus la nécessité d'agir pour le protéger.

Mme Charlebois : Une dernière petite question avec une réponse rapide sur les fugues, puis ensuite j'ai d'autres choses. Est-ce que vous croyez que la mesure que Laval a mise en place, c'est-à-dire une porte barrée, pas barrée... Je m'explique, c'est-à-dire que c'est une mesure qui est là pour empêcher les jeunes à risque, justement, pendant des situations données x... Puis je ne nommerai pas d'événement, mais, quand il y a un événement public qui est connu puis qui peut mettre les jeunes à risque, ils donnent un carton à ceux qui peuvent sortir, ils présentent ça puis ils peuvent sortir. Puis, pour les autres qui n'ont pas le carton en question, ils ne peuvent pas sortir parce qu'ils sont considérés à risque. Puis je sais que le nombre de fugues a diminué grandement depuis ce temps-là, est-ce que vous considérez que ça pourrait être une mesure qui est à envisager? Et est-ce que ça s'applique à l'ensemble des centres jeunesse? Parce que ce n'est peut-être pas le cas pour tout le monde.

Mme Jobin (Dominique) : Bien, écoutez, moi, je pense qu'on peut être favorables à une mesure comme celle-là pour certains jeunes qui ne se qualifient pas nécessairement pour l'encadrement intensif, mais pour lesquels on a des doutes sérieux parce que, quand ils reviennent de leurs sorties, ils ont des vêtements particuliers, parce qu'on le sait qu'ils ont des relations avec des jeunes qui sont à risque aussi d'exploitation sexuelle. Bref, ces jeunes-là qui ne présentent pas les comportements pour les qualifier en encadrement intensif, que ces jeunes-là bénéficient aussi d'être maintenus dans leur unité ouverte parce qu'ils gardent le lien avec leur éducateur et avec leur milieu de vie, oui, on pense que ça peut être une mesure qui peut être envisagée. Mais encore, comme M. Salois vous disait, pas pour l'ensemble des jeunes, mais pour certains jeunes qui sont ciblés par ces mesures-là.

Mme Charlebois : Pour une durée limitée aussi.

Mme Jobin (Dominique) : Oui, tout à fait.

• (10 h 30) •

Mme Charlebois : Parce que ça dépend, ça peut être pour un certain temps. Alors, mon autre question, parce que le temps passe vite, ça concerne la FFARIQ, que vous connaissez bien. Ils nous ont fait part de leur demande de modification à la LPJ pour faire en sorte que les familles d'accueil soient reconnues systématiquement comme parties au processus judiciaire pour les jeunes qui leur sont confiés. J'aimerais vous entendre sur ce que vous en pensez, c'est quoi, les impacts si nous consentons à une telle modification. Voyez-vous d'autres alternatives qui pourraient nous être proposées que ce qu'eux nous proposent?

M. Salois (Éric) : Écoutez, effectivement, on est au courant de ça. On n'est pas, nous, en accord avec le fait qu'ils se retrouvent partie au dossier, mais on est en accord, par contre, qu'ils puissent faire valoir le fait d'être partie intéressée. Et là notre avocat pourrait peut-être... S'il y en a qui veulent avoir des éclaircissements à ce niveau-là, partie intéressée, c'est qu'ils vont être entendus, ils vont pouvoir exprimer leur point de vue sur des recommandations, etc., concernant cet enfant-là. Mais, comme partie au dossier, ils vont être représentés par avocat, ils vont pouvoir participer à l'ensemble des débats, ils vont pouvoir avoir accès à l'ensemble d'informations confidentielles qui concernent la mère, le père, etc., et ça, pour nous, on trouve qu'on franchit une barrière qu'on ne devrait pas.

Mme Charlebois : Ma compréhension, c'était que, quand on disait... Vous l'appelez «partie intéressée». Ma compréhension, c'est que, «partie intéressée», ils n'avaient pas le droit à un avocat, puis pas le droit de requestionner. Parce que ce qu'on m'a expliqué, c'est que, oui, ils peuvent dire ce qu'ils ont à dire, mais ils ne peuvent pas questionner l'autre partie, ce qu'on m'a répété. Alors, c'est un peu ça qu'ils souhaitaient, pouvoir avoir un avocat qui questionnerait la partie... bref, la DPJ, probablement... en tout cas, ceux qui ont à être questionnés dans un processus autour d'un enfant.

Et ce qu'on m'expliquait aussi, puis ça, ce n'est pas nécessairement juste dans la loi, il y a dans les règlements... c'est qu'ils souhaitaient être entendus tout au long, tu sais, du projet de vie de l'enfant parce qu'il y a plein de choses qu'ils savent que les intervenants ne savent pas nécessairement tous les jours dans leur vie quotidienne. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

M. Leclerc (Louis) : Bien, en fait, c'est la grande distinction entre ce qu'on appelle «partie intéressée» de «partie au dossier». L'article 6 de la LPJ prévoit déjà que toute personne pourrait être entendue. À l'article 81, on voit aussi déjà le statut entre une partie et une personne intéressée. Une partie au dossier, comme M. Salois l'a mentionné, va faire partie du débat, va recevoir l'ensemble des pièces qui seront déposées dans le dossier judiciaire, pourra être représentée par un avocat, prendre part au débat, interrogatoire, contre-interrogatoire. Donc, il y a tout un aspect au niveau, un, de la confidentialité qui appartient à l'enfant, aux parents, mais il y a aussi tout l'enjeu, au niveau du débat contradictoire, d'augmenter la longueur de ces débats-là si on ajoute déjà une partie. Il faut savoir que, dans une salle de cour, vous avez un représentant du DPJ, donc souvent un avocat du DPJ, vous avez une mère, un père, vous avez un enfant. Donc, toutes ces parties-là sont représentées par avocat. Donner le statut de partie à la famille d'accueil fait en sorte qu'on ajoute une autre personne au débat — donc, il y a des enjeux — alors que la loi permet à ces personnes-là d'être entendues lorsque requis.

Mme Charlebois : Je m'excuse d'insister, mais je vous entends, ils peuvent participer, mais ils ne peuvent pas questionner, d'une part, ce qu'on m'a dit, puis apparemment qu'il y a lieu de questionner parfois certaines affaires.

Et, deuxièmement, pourquoi l'Ontario l'a fait? Est-ce qu'il y a une mesure qui pourrait être entre partie intéressée et partie au dossier? Est-ce qu'on pourrait se coller sur ce que l'Ontario a fait? Est-ce que vous entrevoyez une possibilité de cheminement?

M. Salois (Éric) : Je reviens au malaise qu'on a de pouvoir questionner... Ce n'est pas juste de pouvoir questionner. Si on dépose une évaluation psychologique, psychiatrique concernant un parent qui est hautement confidentielle, ça veut dire que la famille d'accueil va pouvoir recevoir ça. Ça ne veut pas dire qu'elle va être aussi représentée par avocat. Elle n'est pas obligée d'être représentée par avocat, elle peut décider de se représenter seule. Ce n'est pas juste la DPJ qu'elle va pouvoir questionner, c'est le parent qu'elle va pouvoir questionner, c'est l'ensemble des gens qui vont être appelés à témoigner qu'ils vont pouvoir questionner, que ce soit le psychologue, le psychiatre, quelque expert qui va être présent à la cour, et on ne pense pas que c'est de la responsabilité de la famille d'accueil.

Et, pour nous, la famille d'accueil, on doit travailler avec la famille d'accueil, on n'est pas à travailler contre la famille d'accueil. Quand j'entendais : Oui, mais il y a des choses, des fois, qu'ils savent qu'un intervenant ne sait pas, bien, on a un problème s'ils n'ont pas transmis l'information ou s'il n'y a pas un canal de communication qui fait que toute l'information utile et pertinente ne transite pas entre la famille d'accueil et l'intervenant. Moi, je pense que c'est principalement au DPJ de voir à établir les meilleures recommandations possible, mais c'est ultimement au juge, avec l'ensemble de la preuve qui est présentée devant lui, à prendre une décision. Et la famille d'accueil va pouvoir se faire entendre sur son point de vue à elle, comme les parents, comme l'enfant, comme le DPJ, comme les experts, et c'est au juge, à ce moment-là, d'apprécier l'ensemble de cette preuve-là pour rendre la meilleure décision possible dans les critères que la loi lui indique.

Mme Charlebois : Est-ce qu'il arrive que les juges, en ce moment, donnent un petit peu ce privilège-là aux familles d'accueil de, justement, pouvoir questionner parfois? Et, de deux, est-ce qu'il n'y a pas lieu de trouver une mesure transitoire? Comme je vous disais, je vous entends, j'entends aussi la FFARIQ. Y a-tu moyen d'arriver à quelque chose qui pourrait satisfaire un petit peu leur implication? Parce que, moi, ce qu'on m'indique — puis je vous le dis, là, c'est des informations que j'ai — c'est qu'ils connaissent beaucoup des dossiers des enfants. Pour en connaître dans mon comté, ils savent à peu près tout ce qui touche la vie de l'enfant qui leur est confié et de la famille proche. Alors, quand on me parle de confidentialité, moi, des fois, j'ai entendu des choses comme députée que je me dis : Wow! Ils ne sont pas tant dans la confidentialité que ça, là, ils en savent, des choses autour de l'enfant. Il faut qu'ils les sachent, les informations, à quelque part, s'ils veulent vraiment s'occuper de l'enfant convenablement. Qu'est-ce que vous en pensez?

Le Président (M. Tanguay) : Pour les quelques instants qu'il nous reste pour cet échange, alors la parole est à vous.

M. Leclerc (Louis) : Effectivement, un juge peut accorder le statut de partie à une famille d'accueil s'il le juge opportun dans l'intérêt de l'enfant et pour les besoins de l'enquête. Ça existe, il y a des situations. Et cette possibilité-là, lorsqu'on fait cette démonstration-là, à ce moment-là la famille d'accueil devient partie et a le privilège de pouvoir faire une preuve, questionner. Donc, oui, ça existe à l'heure actuelle, cette possibilité-là, et il y a des jugements où la famille d'accueil est reconnue comme partie au dossier.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Maintenant, pour une période d'échange de 10 min 30 s, je cède la parole à notre collègue de Rosemont.

M. Lisée : Merci beaucoup, M. le Président. Merci d'être là, tous les quatre. Je vais commencer par vous demander... Vous êtes présents aujourd'hui à titre de directeurs de la protection de la jeunesse. Auparavant, on aurait entendu l'Association des centres jeunesse du Québec. Quelle est la différence?

M. Baraby (Denis) : Évidemment, auparavant, l'Association des centres jeunesse était une instance où l'ensemble des centres jeunesse travaillaient ensemble. Un des principaux mandats de l'association, c'était de travailler à ce qu'il y ait de la cohésion et une pratique professionnelle, je vous dirais, équivalente dans à peu près toutes les régions du Québec. Alors, je vous dirais, ça, c'est le principal mandat. Actuellement, le défi, effectivement, c'est pour les DPJ de retrouver un genre de forum comme ça, mais il y a déjà des instances qui sont en place au niveau ministériel. Je pense, entre autres, à des tables nationales en jeunesse où on peut avoir ces échanges-là. Mais la différence, ici, on vient vous parler, c'est... les propos qu'on tient, c'est quand même le fruit d'une démarche qui était en soi identique à ce qui se passait à l'époque de l'ACJQ.

M. Lisée : Mais, lorsque vous aviez l'association, que le gouvernement a abolie, comme plusieurs autres associations, vous vous réunissiez entre vous sans la présence du sous-ministre. C'était une organisation à la fois de formation, d'échange de bonnes pratiques, et vous décidiez ensemble de ce que vous alliez dire. Là, les forums ministériels dans lesquels vous êtes, c'est toujours en présence de vos patrons, non?

M. Salois (Éric) : Effectivement, en ce moment, dans les forums qu'on a, il y a des représentants du ministère qui sont présents. Pour ce qui est du mémoire qui vous est déposé aujourd'hui, de l'exercice qui s'est fait aujourd'hui, ça s'est fait entre DPJ, où, quand on a eu le dépôt de la loi, etc., bien là, à ce moment-là, il y a eu un enjeu de se concerter, d'avoir des sous-groupes de travail de DPJ et d'avocats de contentieux. Mais, à ce moment-là, pour faire un exercice comme celui-là, il n'y avait pas de représentant du ministère qui était présent, c'est vraiment la position des DPJ.

• (10 h 40) •

M. Lisée : Donc, vous avez été obligés de faire vous-mêmes ce que vous faisiez régulièrement avec une institution qui s'appelait l'association, qui était financée, qui était ordonnée. Donc, vous êtes obligés de faire à la mitaine maintenant ce que vous faisiez à l'époque de façon plus correcte, mais que le gouvernement a décidé d'abolir. Est-ce que vous pensez que c'était une bonne chose d'abolir l'association?

Mme Jobin (Dominique) : Une bonne chose? Moi, je pense que, de toute façon, il va falloir qu'il y ait une instance pour réunir les DPJ. Ça, je pense qu'on en parle largement, là, actuellement. Comme M. Baraby vous parlait précédemment, l'instance de la table nationale pour les jeunes en difficulté nous permet certains échanges, là, avec les directeurs jeunesse, qui sont aussi nos principaux partenaires dans l'offre de services à la jeunesse. Mais on sait qu'il y a sur la table, là, des discussions, là, pour réanimer une table, là, d'échange pour les DPJ.

M. Lisée : Donc, je conclus — je ne vous demande pas une réponse — vous êtes en processus d'essayer de réparer une partie des dégâts. Vous n'auriez pas besoin de faire ça si l'association existait toujours. C'est le cas dans un certain nombre d'autres secteurs d'activité.

Je vais vous parler de ce que M. André Lebon a déclaré à La Presse en juin dernier. Vous le connaissez bien, il a travaillé dans vos milieux pendant une vingtaine d'années. Il a été mandaté pour regarder spécifiquement ce qui se passait à Laval et il a dit à la journaliste Katia Gagnon, il dit...«Après une longue réflexion, l'homme de 68 ans a décidé de se confier à La Presse, car il constate que ceux qui oeuvrent dans le réseau se sentent muselés. "Je me suis dit : ‘Si moi, pour qui ce n'est pas un enjeu, perdre sa job, je ne vous parle pas, qui d'autre va la faire?'"» Pourquoi il dit ça, que les gens dans le milieu sont muselés?

M. Salois (Éric) : On a été surpris, on n'a pas compris. En tout cas, de la place où on est, on n'a pas l'impression du tout que, nous autres mêmes, mais que les intervenants aussi qui oeuvrent au quotidien... On ne leur donne pas de consigne, et il n'y a pas de mot d'ordre comme quoi qu'on leur dit de ne pas parler, d'aucune façon. On a été très surpris quand on a lu cet article-là, effectivement.

M. Lisée : O.K. Il y a deux ans, l'association qui existait était sortie pour dire que la coupure de 20 millions, c'était la goutte qui ferait déborder le vase et que, pour la première fois, les directeurs de DPJ pensaient ne pas pouvoir répondre correctement à la demande. Ça, ce n'était jamais arrivé. Ils ont dit ça avec courage, ils ont dit ça... Même si c'était une association, vous êtes quand même des employés de l'État. Et après l'association a été abolie, et puis là on n'a plus jamais réentendu personne se plaindre du manque de moyens. Est-ce que ce n'est pas ça, l'omerta?

M. Baraby (Denis) : Bien, écoutez, moi, je vais me permettre une réponse. D'une part, je vous dirais, on est là pour débattre de modifications sur la LPJ. C'est sûr qu'il y a des inégalités dans le financement, j'en suis, c'est reconnu. C'est reconnu par notre ministère, dans la région des Laurentides, par exemple, c'est une des régions les moins bien nanties en matière de protection de la jeunesse. Alors, effectivement, ça nous force, comme plein de mes collègues, à être dans des processus constants de revoir nos pratiques, de moderniser nos pratiques, de s'assurer qu'on tire le maximum de notre personnel.

Mais, en parallèle, je vous dirais que tous ces échanges-là, association des centres jeunesse ou pas, on les a avec nos instances ministérielles. Il y a des canaux que... Moi, je peux vous dire, au cours des deux, trois dernières années, j'ai eu des discussions franches, ouvertes avec les instances ministérielles, où on a nommé ces difficultés-là. Et, écoutez, on les nomme, là. Je pense que ça appartient à tous et chacun de le faire. Mais, quant aux coupures de 20 millions, vous parleriez aux directeurs de programmes jeunesse, et ils vont vous dire que ça met de la pression énorme sur les services et probablement toutes les directions de différents programmes. On est rendu un CISSS maintenant, on est encore plus au fait de ce qui se passe dans l'ensemble des directions. Évidemment, le contexte budgétaire qui affecte la province, tous les programmes les subissent, incluant la protection de la jeunesse. Évidemment, si on parle plus pour notre camp, bien, les jeunes, c'est notre préoccupation première, puis on veut que ces... C'est la relève du Québec aussi, là.

M. Lisée : En fait, tout le monde se plaint, sauf les médecins et les médecins spécialistes, qui ont vu doubler leur rémunération. Bon. Mais ils se plaignent quand même. Ça, j'accorde ça. Puis je souligne votre courage de dire ça parce que la ministre estime que les 20 millions de dollars, ça n'a rien fait, ça n'a pas créé de pression, au contraire. Alors, vous, vous dites que ça a créé une pression énorme, je retiens ça.

M. Lebon dit : «Actuellement, on est devant un leurre. On prétend qu'on ne coupe pas, qu'on investit : moi, je pense que la façon dont on coupe, c'est d'ajouter au mandat, d'ajouter des tâches. On en couvre plus large avec les mêmes effectifs ou moins d'effectifs. On a un devoir de moyens, et, actuellement, les moyens s'effritent.» C'est vrai, ça, n'est-ce pas?

Une voix : Mais...

M. Baraby (Denis) : Je peux continuer?

Une voix : Tu peux continuer.

M. Baraby (Denis) : En fait, on a un réseau, maintenant, qui est, je pense, mieux attaché. Alors, la grande pression que je vous parlais, je peux vous dire que les situations complexes, maintenant, je vous dirais, c'est moins complexe à régler, ces situations-là, entre nous parce qu'on est tous des collègues, alors qu'auparavant on avait les silos des nombreux établissements. Dans les Laurentides, c'étaient 12 établissements différents. Alors, il y avait des problèmes dans une situation, chacun vivait sa pression puis essayait de ne pas porter celle de l'autre. Aujourd'hui, on est tous la même organisation. Alors, il y a eu des changements, je pense, qui peuvent, à certains égards, être profitables. On est encore en période d'ajustement, il est peut-être trop tôt pour dire que tout est parfait ou que tout est imparfait. Mais on est dans une grande transition, puis moi, comme DPJ, je peux vous dire que je serai présent, j'en vois des bénéfices.

M. Lisée : Effectivement, moi, je parle à des gens dans des CISSS et des CIUSSS, et il y a des gains d'efficacité qui sont faits. Mais les gains d'efficacité n'ont aucune commune mesure avec la pression budgétaire supplémentaire.

M. Lebon dit, en parlant des gestionnaires : «Ce ne sont plus des cliniciens, ce sont des gestionnaires. Les chefs sont au service des commandes administratives. Les nouvelles consignes. La liste de rappel. Gérer les absences, les cas conflictuels. Ce n'est plus une gestion clinique. Résultat, le soutien clinique est effectué par des conseillers qui relèvent de la direction. [...]Quand on regarde c'est quoi, le [problème] optimal pour la réadaptation et qu'on regarde les conditions d'exercice actuelles, on est dans un porte-à-faux extraordinaire.»

Ça veut dire que vous qui êtes formés comme des cliniciens, qui connaissez ça, vous êtes tellement dans des tâches administratives, on vous a tellement accumulé de tâches que vous ne pouvez plus faire votre tâche de clinicien correctement. Est-ce que vous constatez ça aussi?

M. Salois (Éric) : Je vous parlerais de Lanaudière. Personnellement, si je suis dans une fonction de gestion et de directeur, c'est cette fonction-là que je veux occuper parce que je peux être encore proche du clinique. Les cas les plus complexes remontent jusqu'à moi. La DPJ adjointe aussi traite beaucoup de ces situations-là, et les chefs de service sont encore dans du clinique. Par contre, les équipes ont grossi. Donc, il a fallu qu'on pense à leur donner du support pour ne pas qu'ils se retrouvent seulement que dans de l'administratif.

Vous avez nommé... On a du personnel, ça roule. On a du jeune personnel, ils ont besoin de ce support-là. Sinon, on va tous les retrouver en maladie. Donc, on met ces choses-là en place, et force est de constater aussi qu'en mettant ça en place on arrive à assurer de la qualité puis aussi assurer qu'ils puissent traiter le nombre de dossiers qu'on souhaite qu'ils puissent traiter pour être capables de s'adresser aux problématiques de listes d'attente, etc.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci à vous. Alors, nous poursuivons les échanges, et je cède en ce sens, pour une période de sept minutes, la parole à notre collègue de Drummond—Bois-Francs.

M. Schneeberger : Merci, M. le Président. Alors, bonjour à vous quatre. Ma question n'est pas adressée particulièrement à un de vous. Par contre, j'irais un peu dans le même sens que la ministre tantôt puis je voudrais peut-être souligner son ouverture. En tout cas, ce que j'en ai entendu.

Au niveau de l'attribution... au niveau des familles d'accueil, sur le statut juridique, là, et en mettant en lien avec mon entrée en matière tout à l'heure, les familles d'accueil qui ont des enfants depuis plus de six mois, au niveau du mémoire, là — en tout cas, à moins que j'en aie manqué des bouts — vous n'en parlez pas vraiment. Tout à l'heure, je vous ai entendu, vous, dire... oui, on vous consultait déjà, mais, bon, c'est selon le bon vouloir du juge. Maintenant, moi, je voudrais savoir votre position là-dessus, est-ce que vous seriez favorables, mettons, pour... Là, on pourrait, bon... Là, on parle de six mois, mais, là-dessus, bon, ce n'est pas une question de mois, là, ce n'est pas mon but de préciser le mois, mais je voudrais savoir l'approche au niveau des familles d'accueil quand on parle de garde que je qualifierais de long terme parce que je pense que, pour un enfant, là, les semaines, c'est très long, des fois. Ce serait quoi, votre statut ou votre position là-dessus qui pourrait être...

M. Baraby (Denis) : Je veux juste rappeler, le premier projet de vie pour un enfant, quand nous le retirons de son milieu familial, c'est d'essayer de travailler pour le retourner auprès de ses parents, s'assurer qu'on mobilise les parents. Évidemment, un partenaire, je dirais, de premier plan dans tout ce plan, ce plan d'intervention là, dans cette démarche-là, ce sont nos familles d'accueil, puis, là-dessus, je pense qu'on reconnaît le rôle important que les familles d'accueil ont à jouer. J'ai participé aux travaux de révision de la loi, ce sujet-là a été discuté, il avait été question à un certain moment donné d'un statut intermédiaire. Est-ce que de trouver une façon dans la loi pour donner une voix davantage aux familles d'accueil... je pense que, tous mes collègues, on est ouverts à ça.

C'est de trouver, je vous dirais, la façon mitoyenne de répondre à ça tout en respectant aussi le droit, entre autres... Puis M. Salois donnait l'exemple de parents, et le fait de donner le statut de partie donnait ouverture à toute, toute, toute l'information, et c'est là-dessus, je pense, qu'il faut trouver le bon dosage entre tout ça. Et il y a tout l'enjeu aussi des durées de placement. On parle de six mois, mais, selon l'âge des enfants, avant que le tribunal ait à statuer sur un projet de vie pour un enfant, ça peut aller jusqu'à deux ans. Donc, il faudrait aussi, à ce moment-là, que ce droit-là aille en concordance aussi un petit peu avec les durées de placement pour, justement, éviter qu'il y ait peut-être aussi des enfants qui se retrouvent en conflit de loyauté entre leur famille d'accueil, avec qui ils ont développé des liens, mais aussi leurs parents, de qui ils sont issus biologiquement, là.

• (10 h 50) •

M. Schneeberger : O.K. Bon, je comprends vos approches, mais moi, pour faire du terrain, je peux vous dire... Tout à l'heure, vous mentionniez que, bon, vous preniez déjà en compte, là, les dires, là, des familles d'accueil et autres. Moi, ce n'est pas toujours ce que j'ai entendu sur le terrain, malheureusement, je veux dire, parce que, des fois, il faut qu'ils se battent pour faire entendre leur opinion. Et l'enfant, lui, si son milieu, il est bien, il s'ouvre, il s'ouvre aux parents, là, je veux dire, pas adoptifs, mais à la famille d'accueil ou les gens qui sont autour de lui. Et puis ces enfants-là, ils parlent, puis souvent, bien, je pense, c'est quand même les mieux placés parce que, souvent, la guerre entre les parents, et autres, là, on s'entend que c'est très émotif, il n'y a pas plus émotif que ce domaine-là, et la réalité, des fois, est autre. Alors, je pense que les dires de l'enfant à la famille d'accueil, je pense que ça serait très important de prendre ça en contexte puis de prendre ça en considération quand il vient un jugement parce que la réalité, elle est là, là. Tu sais, je veux dire, on peut bien dire le processus judiciaire, mais le juge, il se fie à ce qu'il y a dans le rapport... en ce moment à ce que l'enfant a dit. Et l'enfant, je pense que, là-dedans, il fait partie intégrante du processus ou il devrait, en tout cas.

Mme Jobin (Dominique) : Je pense que le but, ce n'est pas de ne pas faire entendre les familles d'accueil. Je pense que les familles d'accueil sont toujours appelées soit... Si on est dans une procédure judiciaire, ils vont être appelés à se faire entendre et à parler aussi de la réalité de l'enfant dans leur milieu familial substitut. On travaille aussi beaucoup avec les familles d'accueil en mesures volontaires. On va tenter d'avoir leur point de vue le plus possible, on va les inclure aussi dans le plan d'intervention. Les familles d'accueil ont une place importante dans l'évolution d'un dossier qui est suivi au long cours, là. Donc, le but, ce n'est pas de les faire taire et de ne pas les entendre. La différence, c'est d'être partie intéressée ou partie au dossier. C'est là, la différence. On veut peut-être un peu plus limiter la présence de la famille d'accueil comme une partie au dossier pour toutes les raisons que M. Salois vous a données tout à l'heure. C'est toute la question de la confidentialité à l'égard des parents principalement.

M. Schneeberger : Bien, c'est sûr qu'on parle beaucoup de confidentialité, mais, je veux dire, on est là pour protéger les enfants, et non protéger les parents, là. Moi, c'est un peu mon point de vue. Des fois, j'ai l'impression qu'on veut plus protéger les parents que l'enfant là-dessus, là. Alors, tu sais, c'est facile de dire : Ah! bien, on ne peut rien dire, c'est confidentiel. Mais, des fois, on ne protège pas puis on n'aide pas vraiment la cause.

Vous mentionnez aussi au niveau du... vous avez souligné quelques points au niveau du processus judiciaire. On sait qu'il y a des délais interminables au niveau de la justice, puis, malheureusement, vous en faites partie. Qu'est-ce qui pourrait être amélioré vraiment, là, pour réduire les délais? Est-ce que vraiment, entre guillemets, il ne devrait pas y avoir une sorte — je vais l'exprimer ainsi — de voie rapide ou «fast track», là, pour toutes les causes au niveau de la DPJ? Parce que, là, on parle des enfants, c'est eux autres, ils attendent. Le petit mousse, là, qui ne sait pas pourquoi... la situation, qu'est-ce qui se passe autour de lui, bien, des fois, c'est des semaines, des mois avant qu'il y ait une décision. Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir une amélioration ou peut-être moins aller avec le processus judiciaire, tu sais, peut-être de la médiation beaucoup plus, là, des cas de même?

Le Président (M. Tanguay) : En quelques instants.

Mme Jobin (Dominique) : ...projet de loi n° 99, c'est justement de favoriser la conclusion d'ententes entre les parties qui permet, justement, au DPJ de pouvoir continuer à travailler avec une famille de façon consensuelle pour éviter, justement, d'avoir affaire à l'appareil judiciaire, qui, là, augmente les délais. Souvent, on va débuter une intervention auprès d'une famille, on est sur le point de régler la situation pour conclure pour des mesures, et le temps nous manque parce qu'il nous manque à peu près une semaine ou deux pour être capables de conclure la situation puis de proposer des mesures volontaires. Alors, l'objectif de favoriser la conclusion d'ententes entre les parties va d'abord...

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Merci beaucoup. Alors, nous remercions les représentantes, représentants des directeurs de la protection de la jeunesse. Alors, je suspends nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 56)

(Reprise à 11 h 2)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous accueillons maintenant les représentantes, représentants du Conseil de la nation atikamekw. Alors, bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation. Je vous demanderais de prendre le temps de bien vous nommer et de préciser vos fonctions pour les fins d'enregistrement. Et, sans plus tarder, la parole est à vous.

Conseil de la nation atikamekw (CNA)

M. Awashish (Constant) : Bonjour. (S'exprime dans sa langue).

Merci. Bonjour, M. le Président. Mesdames, messieurs, Mme la ministre, chers membres distingués de cette commission, permettez-moi d'abord de nous présenter, moi-même ainsi que ceux qui m'accompagnent. Pour ma part, je suis le grand chef de la nation attikamek, président du Conseil de la nation atikamekw. Je suis accompagné — dans l'ordre, de ma gauche à ma droite, en commençant par mon extrémité gauche — du directeur des services sociaux Onikam du Conseil de la nation atikamekw, M. Pierre Blais. Par la suite, nous avons Anne Fournier, qui est avocate pour les services sociaux au Conseil de la nation atikamekw; Mme Alice Cleary, directrice à la protection sociale du Conseil de la nation atikamekw; moi-même; ici, à ma droite, Jolianne Ottawa, membre élue et responsable de la santé et services sociaux au sein du conseil de Manawan, et, finalement, Mme Martine Côté, avocate pour les services sociaux d'Obedjiwan.

Donc, je vous remercie tous d'avoir bien voulu nous accorder ce temps de parole afin que nous puissions partager nos observations ainsi que nos préoccupations en ce qui concerne le projet de loi n° 99. Merci également de nous permettre d'être entendus aujourd'hui et écoutés dans le cadre de vos travaux. Nous sommes ici aujourd'hui avec le sentiment et la ferme croyance d'être dans un dialogue de nation à nation, dialogue dans lequel la nation attikamek présente son point de vue sur un sujet qui, souvent, attise les passions et enflamme les débats.

Nous sommes ici également de bonne foi parce que nous croyons à cette commission et qu'elle saura reconnaître le statut particulier et unique de nos propres institutions et qu'elle pourra également reconnaître l'expertise et faciliter le développement de nos services afin qu'ils puissent être adaptés culturellement à notre clientèle. Je m'adresse donc à vous en vertu du pouvoir accordé par le Conseil de la nation atikamekw, et plus particulièrement de ses membres, qui m'ont élu par suffrage universel, dont je suis le premier porte-parole en tant que grand chef président pour vous faire part de nos inquiétudes et de défendre nos intérêts dans notre volonté d'assumer les responsabilités pleines et entières de la protection de ce qui est le plus précieux pour nous en tant que nation, soit nos enfants.

D'abord, pour mieux connaître la nation attikamek, permettez-moi de vous présenter qui est la nation attikamek. La nation attikamek est composée de trois communautés, soit Manawan, Wemotaci, Obedjiwan. Elle compte environ 7 500 membres.

Je voudrais vous mentionner également un fait dont nous sommes très fiers, 96 % des membres attikameks parlent toujours la langue maternelle, soit l'attikamek. Malgré plusieurs tentatives d'acculturation, nous sommes toujours présents.

Puisque nous sommes dans les chiffres, je crois bon et pertinent de mentionner que 60 % des membres ont moins de 25 ans et que l'âge médian par communauté, en commençant par Wemotaci, est de 20 ans, Manawan, 19 ans, Obedjiwan, 20 ans. Si nous comparons avec la ville de La Tuque, l'âge médian de la ville de La Tuque est de 42 ans.

Maintenant, voici des chiffres qui concernent le nombre de personnes par logement. À Wemotaci, il compte environ 6,8 personnes, à Manawan, 7,1 personnes, et Obedjiwan, six personnes par logement, comparativement à la ville de La Tuque, qui compte 2,4 personnes par logement. Ceci démontre clairement que notre réalité est particulière et que les réponses doivent être adaptées à ces réalités. Nous sommes ceux qui vivent cette réalité au quotidien, et qui retirent l'expérience nécessaire, et qui peuvent permettre de mieux développer l'approche adaptée à notre réalité.

C'est en 1982 que les trois communautés s'unissent et créent le Conseil de la nation atikamekw pour offrir des programmes et services aux membres de la nation. C'est en 1984 que les services sociaux sont pris en charge par le Conseil de la nation atikamekw au bénéfice des trois communautés.

Par la suite, après plusieurs années d'opération et en raison des difficultés, comme tout le monde connaît, de la LPJ en milieu autochtone, mais plus particulièrement pour nous, les Attikameks, c'est en 1990 que la nation se dote d'une politique sociale attikamek qui comprend trois volets, dont celui de la politique sur l'enfance et de la jeunesse. Cette politique est venue mettre la table dans le développement d'un système particulier de protection de la jeunesse, soit le système d'intervention attikamek. Elle fut d'ailleurs mise en place à titre de projet pilote en 2000, année même où le projet de loi n° 166, loi modifiant la protection de la jeunesse, fut déposé, soit le 1er décembre 2000.

En 2001, grâce aux travaux et à l'expérimentation de l'application du système d'intervention d'autorité attikamek, communément appelé SIAA... Je pense qu'ici il est important de mentionner, cependant, et de vous rappeler devant vous, membres distingués de cette commission, que les démarches entreprises dans le domaine par les Attikameks — et qui en sont les pionniers — ont permis la modification de la Loi sur la protection de la jeunesse le 21 juin 2001 de manière à introduire 37.5 dans la Loi de la protection de la jeunesse. L'article permet à une nation ou une communauté autochtone d'appliquer un régime particulier de protection de la jeunesse.

Ainsi, suite à l'introduction de 37.5, le Conseil de la nation atikamekw, en 2002, a formellement manifesté son intention de négocier avec le gouvernement du Québec un régime particulier adapté de protection de la jeunesse. Une première ébauche d'entente a été produite avec la collaboration de la direction de la protection de la jeunesse, mais, par la suite, plus rien. Malgré l'insistance, de notre part, de reprendre le dialogue, il n'y a rien eu de concluant jusqu'en 2009, où la négociation a été reprise à ce moment suite à un dépôt favorable à notre cause par un comité clinique qui était composé du ministère de la Santé et des Services sociaux ainsi que les centres jeunesse de la Mauricie et de Lanaudière, et, bien entendu, le Conseil de la nation atikamekw. Nos intervenants ont apprécié cette phase de négociation, qui s'est voulue constructive. Mais, tant qu'un signal n'est pas donné par le plus haut niveau politique, la bureaucratie gouvernementale semble demeurer à l'intérieur de ces paramètres. Donc, actuellement, aucune entente n'a été conclue. On en conclut que la DPJ demeure imputable malgré la possibilité offerte par les législateurs avec l'article 37.5.

Le projet de loi n° 99 pourrait être ce signal, et nos commentaires n'ont pour but que de le bonifier. Comme je l'ai mentionné au début, il s'agit de nos enfants. Dans un passé assez récent, toute une génération a été perturbée, arrachée de leur milieu et de leurs parents. C'est une partie de notre histoire qui ne sera jamais oubliée. Des séquelles sont présentes et demeureront présentes pendant longtemps. Nous voulons et nous devons être les décideurs pour nos enfants qui ont et auront besoin d'une intervention. Nous voulons redonner l'espoir et reconstruire la fierté de nos jeunes, et c'est avec une approche culturellement adaptée que nous pouvons y arriver.

Je vais maintenant laisser la parole à Anne Fournier ainsi qu'à ceux et celles qui travaillent quotidiennement dans ce domaine, et qui pourront vous éclairer davantage sur les commentaires qui sont inclus dans le mémoire et qui vous ont été transmis le 7 septembre dernier. Merci de m'avoir écouté, et prochainement j'espère vous dire : Merci de m'avoir entendu, «meegwetch». Je passe donc la parole à Mme Anne Fournier, avocate.

• (11 h 10) •

Mme Fournier (Anne) : Merci beaucoup, grand chef. Bien entendu, la nation attikamek est satisfaite de l'inclusion, à l'intérieur du projet de loi n° 99, de certains droits particuliers qui sont consentis aux autochtones. Dans le projet de loi, on parle de l'enfant qui est membre d'une communauté autochtone, mais le CNA demanderait à ce que ces droits soient plutôt accordés à l'enfant qui est membre d'une nation autochtone ou vraisemblablement admissible à l'être parce qu'on ne veut pas priver l'enfant autochtone des droits qui lui sont, par ailleurs, prévus par la loi pour le seul motif qu'il ne serait pas encore inscrit au registre des Affaires indiennes.

Par exemple, si on prend une situation concrète, des enfants dont les parents sont attikameks, et la situation des enfants est signalée dès leur naissance par l'établissement de santé, ces enfants-là ne sont pas encore inscrits. Donc, ils ne sont pas encore membres d'une communauté ou d'une nation, mais ils sont vraisemblablement admissibles à l'être. Si on regarde rapidement ce qui se fait à ce niveau-là ailleurs au Canada, au Manitoba, la loi parle d'avoir des motifs de croire que l'enfant est inscrit à titre d'Indien. Alors, ce n'est pas «inscrit», c'est «avoir des motifs de croire». En Alberta, on dit «s'il y a des raisons de croire que l'enfant est autochtone». Alors, c'est des exemples qu'on a fait ressortir dans d'autres législations ailleurs au pays pour peut-être nous inspirer.

Rapidement, sur l'intérêt de l'enfant, bien entendu, le CNA est satisfait qu'il y ait des dispositions qui soient prises pour préserver l'identité culturelle de l'enfant autochtone. Et tout ça, je parle particulièrement des articles 3 et 4 de la Loi sur la protection de la jeunesse. Par contre, la préservation de l'identité culturelle de l'enfant autochtone devrait être prise en compte dans l'évaluation de son meilleur intérêt non seulement dans les situations de protection de la jeunesse, mais en toute autre matière, en matière de garde d'enfant, par exemple, en matière d'adoption, quant aux décisions relatives aux soins de l'enfant. Dans d'autres provinces, par exemple en Ontario, il y a quelqu'un qui a mentionné tout à l'heure la Loi sur les services à l'enfance et à la famille de l'Ontario. Cette loi-là traite de plusieurs de ces matières. En conséquence, l'objectif de préserver l'identité culturelle de l'enfant autochtone qui est prévu à cette loi s'applique autant en protection de la jeunesse qu'en adoption. Alors, le CNA suggère de modifier l'article 33 du Code civil du Québec de manière à ce qu'il soit tenu compte de la préservation de l'identité culturelle de l'enfant autochtone chaque fois que la question de son meilleur intérêt est discutée, donc en toute matière. Je cède la parole à Me Côté.

Mme Côté (Martine) : Donc, le nouvel article 37.6 du projet de loi n° 99 prévoit qu'une communauté autochtone peut prendre entente avec un établissement, c'est-à-dire avec un centre jeunesse, pour procéder au recrutement et à l'évaluation des familles d'accueil, dans le respect des critères généraux déterminés par le ministre, des personnes qui sont en mesure d'accueillir l'enfant autochtone. Le CNA estime que ces critères devraient être établis après consultation des communautés autochtones et/ou des nations, et nous croyons qu'une particule de phrase devrait être ajoutée à cet effet à l'article 37.6

Par ailleurs, avec l'abolition des agences de santé et de services sociaux est venue aussi l'abolition de la notion de reconnaissance des familles d'accueil, et nous estimons qu'il faudrait déterminer clairement si les communautés autochtones qui n'ont pas de statut d'établissement ont la possibilité de signer elles-mêmes des ententes avec leurs familles d'accueil. Il faudra aussi évaluer si le fait de ne pas avoir de statut d'établissement viendra aussi créer le même type de problématique pour le CNA une fois que l'entente 37.5 sera signée, puisque le CNA n'aura pas de statut d'établissement et il ne souhaite pas, une fois l'entente 37.5 signée, agir comme mandataire du centre jeunesse, puisqu'il sera autonome en termes de prestation de services.

Par ailleurs, selon les articles 1 et 37.6, les personnes en mesure d'accueillir l'enfant dans une communauté autochtone sont considérées comme des familles d'accueil en termes d'application de la loi. Or, c'est...

Le Président (M. Tanguay) : Me Côté, je vous demanderais peut-être de conclure parce que nous sommes sur le temps depuis maintenant 3 min 30 s... sur le temps d'échange avec les parlementaires. Alors, pour que ce soit un dialogue, je vous inviterais peut-être à conclure, et vous aurez l'occasion dans les réponses de pouvoir compléter. Merci.

Mme Côté (Martine) : On voulait seulement apporter le fait que la formule actuarielle qui a été déterminée pour établir un taux comparable de paiement pour les familles d'accueil va venir créer des inéquités, et on se questionne là-dessus.

Et le dernier aspect qu'on voulait traiter... Bien, je vais arrêter là-dessus puis je vais laisser, là, pour la période de questions.

Le Président (M. Tanguay) : Je vous remercie beaucoup. Alors, des 10 minutes de présentation, nous en avons consacré 14, et ça a été amputé sur le temps d'échange dont dispose la ministre. Il vous reste, Mme la ministre, 13 min 30 s. La parole est à vous.

Mme Charlebois : D'accord. Bien, d'abord saluer le grand chef, M. Constant Awashish — c'est comme ça qu'on le prononce? — Mme Fournier, Me Côté, M. Pierre Blais, Alice Cleary et Mme Jolianne Ottawa. Merci d'être là et de nous partager vos réflexions. C'est fort important dans le cheminement d'un projet de loi d'entendre toutes les parties, dont vous êtes.

Je vais aller tout de suite au vif du sujet, puisque nous n'avons pas beaucoup de temps. Je vous ai entendus et j'ai lu dans votre mémoire que le Conseil de la nation atikamekw propose dans votre mémoire d'utiliser la... voyons, je vais le dire, l'expression «nation autochtone» plutôt que «communauté autochtone». J'aimerais que vous m'expliquiez davantage la différence entre les deux termes. Et pourriez-vous me préciser les critères que nous pourrions utiliser comme définition lorsqu'un enfant est admissible aussi à la Loi de la protection de la jeunesse, tant qu'à y être? Je vous regroupe ça, là, parce que je vais laisser la parole à mon collègue d'Ungava aussi à la fin. Alors, il faut lui laisser du temps, lui, il a des choses à vous demander.

M. Awashish (Constant) : Merci, Mme la ministre. Pour répondre à votre question, nous, les Attikameks, nous avons toujours pensé et nous croyons fermement que nous sommes une nation, et il est important pour nous, en tant qu'Attikameks, que le terme «nation» soit inclus dans la Loi sur la protection de la jeunesse. Donc, c'est simple comme ça. Nous, c'est vraiment un concept qui est cher pour nous. Nous sommes une nation à part. Nous avons notre langue particulière. Nous avons notre culture qui est particulière. Nous sommes composés de trois communautés, c'est vrai, mais nous parlons d'une seule voix, nous parlons en tant que nation. Donc, c'est important pour nous que le terme «nation» soit inclus dans ce projet de loi. Merci.

Mme Charlebois : Est-ce que vous pourriez me préciser les critères qui définiraient quand est-ce qu'un enfant peut être admissible à la Loi de la protection de la jeunesse parce que vous en avez parlé aussi dans votre mémoire, les critères?

M. Awashish (Constant) : Je vais laisser la parole à...

Mme Charlebois : Pour vous autres, là, quels sont les critères qui définiraient quand un enfant est admissible à la Loi de la protection de la jeunesse?

Mme Fournier (Anne) : Bien, quand est-ce qu'un enfant... On se fie à l'article... Je ne suis pas sûre de bien comprendre votre question. On se fie à l'article 1, qui définit le mot «enfant», donc toute personne de moins de 18 ans. Pour ce qui est de l'enfant autochtone, bien, on peut peut-être s'inspirer de l'Alberta, qui dit : S'il y a des raisons de croire que l'enfant est autochtone ou s'il y a des motifs raisonnables de croire que l'enfant est autochtone, je pense qu'on peut utiliser...

Mme Charlebois : ...vous parlez de ça, là, des délais d'inscription, et tout, là.

• (11 h 20) •

Mme Fournier (Anne) : ...parce que, si la situation d'un enfant est signalée dès sa naissance, forcément il n'est pas encore inscrit nulle part. Donc, il n'est pas membre ni d'une nation ni d'une communauté autochtone. Alors, il faut nécessairement, de notre point de vue, amener un autre critère. Et c'est pour ça que je suis allée voir dans d'autres lois ailleurs au Canada s'il n'y avait pas lieu de s'en inspirer, puis je pense qu'en Alberta, bien, ce n'est quand même pas si mal, «s'il y a des raisons de croire que l'enfant est autochtone». Et puis d'ailleurs, quand on travaille la Loi sur la protection de la jeunesse, on travaille toujours sur la notion de motif raisonnable de croire qu'il y a des motifs de compromission, alors c'est quelque chose qui est déjà connu.

Mme Charlebois : Ma dernière question avant de passer la parole au député d'Ungava : Est-ce qu'à votre avis... j'aimerais ça vous entendre, bref, sur les avantages, pour les communautés autochtones... bref, les nations autochtones, de modifier l'article 33 du Code civil. Vous en parlez dans votre mémoire à la page 12, et vous mentionnez que vous souhaitez qu'il y ait une modification au Code civil en ajoutant : «Dans le cas d'un enfant membre d'une communauté autochtone, est également prise en considération la préservation de son identité culturelle.» J'aimerais que vous me parliez davantage de cela et me dire aussi quels sont... Parce que vous avez commencé à en parler tantôt, mais vous l'avez touché brièvement parce qu'on vous bouscule un petit peu dans le temps, on est tous bousculés, alors quels autres exemples de problématiques qui sont vécues qui, avec la modification de l'article 33, pourraient vous permettre de bonifier ou améliorer la façon de toucher ces éléments-là?

Mme Fournier (Anne) : Bien, en somme, l'article 33 du Code civil et l'article 3 de la LPJ, c'est quasiment un copier-coller. Alors, on se dit : Si, dans l'évaluation de l'intérêt de l'enfant en matière de protection de la jeunesse, quand il s'agit d'un enfant autochtone, on doit tenir compte de l'importance de préserver son identité culturelle, bien, on se demande pourquoi il faut restreindre ça uniquement aux situations de protection de la jeunesse. Pourquoi on ne peut pas faire comme d'autres provinces l'ont fait? Par exemple, en Ontario, il y a la Loi sur les services à l'enfance et à la famille, donc, qui traite autant, notamment, de l'adoption que de la protection de la jeunesse. Alors, dans cette loi-là, quand on parle de préserver l'identité culturelle ou l'identité autochtone de l'enfant, bien, la loi affecte toutes les décisions qui sont prises, donc autant en adoption qu'en protection de la jeunesse, et je ne saurais pas vous dire si la loi concerne d'autres matières. Alors, on voudrait, tout simplement, que ce soit cohérent. Ce serait beaucoup plus cohérent pour nous que l'article de base, qu'il s'applique en toute matière, l'article 33 du Code civil puisse avoir le pendant, là, la même rédaction que ce qui est proposé à l'article 3 de la LPJ actuellement.

Mme Charlebois : Vous dites toute matière, ça veut dire tout, là, l'éducation... tout, là, c'est ça que vous voulez me dire?

Mme Fournier (Anne) : Bien, toutes matières pour lesquelles il peut y avoir un litige devant le tribunal, en matière de garde d'enfant, en matière d'adoption, décision relative aux soins, quand il y a un litige sur les décisions prises en vertu de l'autorité parentale.

Mme Charlebois : Je vais passer la parole à mon collègue d'Ungava, il a une question pour vous.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, collègue d'Ungava, la parole est à vous.

M. Boucher : Oui. Bonjour, M. le grand chef. Bonjour à ceux qui vous accompagnent. Écoutez, vous n'avez pas à me convaincre bien longtemps, là, de votre position par rapport à la préservation de la culture. Ma conjointe est elle-même issue d'une nation autochtone, sa mère a été élevée à l'orphelinat, bon, pour des raisons, là, que je ne vous exprimerai pas ici, mais disons que leur culture a pratiquement été effacée, puis, aujourd'hui, à l'âge adulte et à l'âge avancé, ils commencent à peine, là, à retrouver leurs racines. Donc, ça, là-dessus, vous n'avez pas besoin de me convaincre sur l'importance de ça puis l'attachement aux racines.

Vous avez quand même, malgré tout, des liens avec les intervenants de la DPJ, j'aimerais que vous me disiez, bon, comment ça va avec la DPJ, quel est le niveau de collaboration puis comment ça se passe, là.

Le Président (M. Tanguay) : ...

M. Blais (Pierre) : Les relations qu'on a avec la DPJ ne sont pas nécessairement encadrées. Ça se fait beaucoup de façon relationnelle avec les gens, là, les adjoints ou avec les DPJ direct, par le mode relationnel. Je vous dirais que c'est en évolution. Le fait qu'il semble qu'on s'en va vers 37.5 puis qu'on réclame plus d'autonomie ça n'empêche pas qu'eux autres, au niveau de leur imputabilité, ils ne desserrent pas les dents. O.K. ? Il y a des choses qu'ils ne nous laissent pas et qu'ils gardent, et ça nous contraint souvent à avoir des situations... L'exemple que je peux donner, c'est lorsqu'on a des dossiers qu'on doit amener au tribunal. O.K.? La DPJ nous laisse traiter le dossier, des mesures temporaires de protection, mais, pour aller au fond, ils reprennent le dossier. Donc, ça fait des situations où est-ce qu'on a un suivi avec des familles qui se fait pendant plusieurs mois, et, lorsqu'on arrive au tribunal, on doit le céder, O.K., à la DPJ. Oui, il y a des éléments de collaboration, mais, au niveau des décisions, ce n'est plus la même chose. Ce n'est plus la même chose. Ça fait que la relation qu'on a avec les DPJ s'améliore, mais il manque un cadre alentour de tout ça.

M. Boucher : O.K. À votre connaissance, auprès des autres nations autochtones, là, ailleurs au Québec, est-ce que c'est le même genre de situation? Est-ce que c'est mieux? C'est pire?

M. Blais (Pierre) : Je vous dirais, si je regarde, là, juste faire un parallèle juste au niveau de la nation attikamek, les services sociaux d'Obedjiwan opèrent avec la DPJ de façon un peu différente, O.K., où est-ce que la DPJ est beaucoup plus présente. Ils n'ont pas nécessairement le système SIAA, ils sont en train de développer un système pas nécessairement aussi avancé qu'au niveau du SIAA, mais la relation est différente parce que la DPJ est beaucoup plus présente et elle est même beaucoup plus présente dans la communauté. O.K.? Ça fait que ça crée ça comme différence.

M. Boucher : Une autre petite question. Bon, on sait que vous occupez un territoire quand même relativement grand, bon, Manawan qui est au nord de Lanaudière, Wemotaci au nord de la Mauricie, bon, Obedjiwan qui est au nord du Lac-Saint-Jean. Est-ce que vous relevez toutes de la même DPJ ou vous avez à vous séparer entre deux, trois directions, là?

M. Blais (Pierre) : On est avec deux DPJ, Lanaudière et La Mauricie : Lanaudière pour ce qui est Manawan, ce qui est en haut de Joliette et la Mauricie pour Obedjiwan et Wemotaci.

M. Boucher : Juste une petite dernière question, si vous permettez, aussi. Quand vous parlez, bon, de l'expression «un enfant qui est membre d'une nation autochtone ou qui pourrait être admissible», vous vous référiez à la définition de l'Alberta où, si on a des raisons de croire qu'il est autochtone... Vous ne pensez pas qu'en adoptant une expression comme ça... Parce qu'on sait que la Cour suprême, bon, a élargi un peu le sens du mot «autochtone» en incluant maintenant les Indiens non inscrits, les Métis. Est-ce que ça ne pourrait pas causer de la confusion ou amener une imprécision?

Mme Fournier (Anne) : Bien, le pire qui pourrait arriver, c'est que, les communautés autochtones, ceux qui dispensent des services en matière de protection de la jeunesse soient avisés beaucoup plus souvent qu'ils ne le devraient. Ça fait que je pense que c'est un risque qu'on peut courir.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, pour la poursuite des échanges, je cède la parole à notre collègue de Rosemont pour une période de 10 min 30 s.

M. Lisée : Merci, M. le Président. M. le grand chef, messieurs dames, très heureux de vous accueillir ici. Je vais vous poser une question assez précise, là. Vous dites dans votre mémoire que... vous demandez que les familles d'accueil qui hébergent des enfants autochtones soient rétribuées selon le même taux que les autres familles d'accueil et qu'elles aient droit aux mêmes bénéfices. Ça me semble l'évidence même, mais, puisque vous le proposez, c'est que vous constatez que ce n'est pas le cas. Alors, pouvez-vous nous expliquer ce qui se passe?

• (11 h 30) •

Mme Côté (Martine) : Considérant que, les familles d'accueil, la notion d'adhésion à une unité syndicale reconnue ne fait pas partie des coutumes et des valeurs des Premières Nations, les communautés ont mentionné qu'elles n'avaient pas d'intérêt pour la Loi sur la représentation des ressources, même si elle s'applique à nous. Il a donc été décidé qu'il y aurait un comité tripartite composé de ministère de la Santé et des Services sociaux, Affaires indiennes et Développement du Nord Canada et de la commission de la santé et des services sociaux des premières nations du Québec visant à établir ce qu'on appelle un taux comparable. C'est un taux qui est différent des taux qui sont actuellement inclus dans les conventions collectives et par lequel les familles d'accueil non autochtones sont rétribuées. Donc, notre taux à nous, ce qui a été convenu, c'est que c'est un taux qui est unifié. Donc, peu importe si l'enfant qui est hébergé a plusieurs problématiques ou peu de problématiques, les familles d'accueil reçoivent exactement le même taux.

Donc, c'est qu'il y a un instrument de classification des services, on regarde quels services devront être accordés par la famille d'accueil. Par contre, ça ne change strictement rien au taux comparativement aux familles non autochtones, qui se retrouvent avec un taux qui est complètement différent. Donc, ce qu'on voit actuellement, c'est que ça entraîne des iniquités parce que, là, de plus en plus de familles d'accueil du réseau autochtone, constatant qu'elles ont le même taux que leurs voisins, refusent d'accueillir les enfants qui ont plus de problématiques. Donc, on se retrouve à ne plus savoir où placer ces enfants-là qui ont besoin de soins particuliers, que ce soit en matière de santé mentale ou de problématiques physiques particulières. Ou des enfants qui sont plus turbulents, on n'arrive plus à trouver de famille d'accueil pour les accueillir, considérant que les gens se comparent.

Et donc on a de la difficulté à avoir toutes les informations à savoir quand ils ont établi la formule actuarielle, quelles sont les composantes qui ont été retenues. Mais ce qu'on est parvenu à savoir, c'est qu'entre autres il y a une prime pour les placements sans préavis, qui est de 250 $ par mois, que les familles d'accueil n'ont pas. Et on a posé des questions là-dessus, puis on s'est fait dire : Vous avez un taux comparable, vous ne pouvez pas tout avoir. Donc, ça, c'est la réponse qu'on a reçue.

Il y a aussi une allocation de formation continue qui est 650 $ par année pour les familles du réseau québécois, et les familles du réseau autochtone n'ont pas cette allocation de formation continue. Par contre, elles ont les mêmes obligations de formation continue. Alors, on se questionne à savoir qui viendra assumer les coûts pour la formation continue des familles d'accueil qui acceptent de prendre les enfants autochtones.

M. Lisée : Bien, écoutez, vous faites une excellente plaidoirie, vous pouvez compter sur moi pour essayer de convaincre la ministre et son administration d'aller dans ce sens-là, mais je dois vous dire que... Donc, si je comprends bien, cette revendication-là, elle a été présentée, la réponse qu'on vous a donnée, c'est : Vous avez déjà le taux comparable, vous ne pouvez pas tout avoir. Qui vous a donné cette réponse-là?

Mme Côté (Martine) : C'est venu lors de la table ronde régionale, qui inclut tous les directeurs services sociaux et la Commission de la santé et des services sociaux, où on était réuni et où on nous a présenté ces taux-là.

M. Lisée : Quand?

Mme Côté (Martine) : En décembre, décembre 2015.

M. Lisée : En décembre dernier, d'accord. Bon, bien, très bien. Et est-ce que vous voulez que cet élément-là, ce principe-là soit inscrit dans la loi ou dans la réglementation? Ou à quel endroit? L'important, c'est que ça marche, c'est ça? L'important, c'est que ça marche.

Mme Côté (Martine) : C'est d'avoir l'équité puis surtout toutes les informations nécessaires pour être en mesure de prendre une décision qui est libre et éclairée et qui respecte les droits de nos familles d'accueil.

M. Lisée : Écoutez, ça me surprend beaucoup parce que, bon, ça c'est l'ensemble du dossier des ressources intermédiaires, des ressources intermédiaires familiales, dans lequel il y a des associations syndicales. Et je respecte tout à fait votre droit de ne pas vouloir être accrédités syndicalement, mais il y en a qui ne sont pas syndiqués et qui, quand même, sont soumis à la grille d'évaluation. Et puis, en un sens, je comprends que vous la vouliez parce que la grille d'évaluation permet de distinguer les cas à multiproblème des cas plus légers, et donc on paie davantage les cas à multiproblème. Mais je tiens à vous aviser que c'est une arme à double tranchant parce qu'il y a des intervenants qui viennent puis qui disent : Bon, bien, finalement, on trouve que les cas sont beaucoup moins lourds qu'on pensait et on réduit votre financement alors que les diagnostics n'ont pas changé. Ou, lorsque la grille est bien appliquée, donc pas pour des raisons d'austérité, lorsqu'elle est bien appliquée, si vous avez un cas à multiproblème, et, grâce aux bons soins de la ressource et de la famille, disons, il fait des progrès notables, bien là, vous êtes coupés parce que vous avez fait des progrès.

Alors, heureusement, les gens qui sont dans ces situations-là veulent le bien des enfants, donc ils ne s'arrêtent pas pour avoir plus d'argent. Mais c'est un outil qui est vicié à la base, et moi, je demande à ce qu'on revoie l'outil en entier. Mais, en tout cas, je pense que l'équité est indispensable là-dessus. Ce sera donc une des discussions que nous pourrons avoir dans les discussions article par article.

Moi, je tiens simplement, parce que le temps file, à vous dire que si, dans ce projet de loi, nous pouvons rétablir le fil du temps et de la culture qui a été cassé de façon terrible, détestable, condamnable dans le passé dans les relations avec les autochtones et de faire en sorte qu'effectivement on crée une continuité entre l'enfant autochtone qui est placé et l'organisation ou la famille qui l'accueille pour lui permettre de maintenir son lien avec sa culture, moi, je serai fier de faire ça, je serai content de faire ça. Et je suis sûr que la ministre est d'accord et que tous mes collègues sont d'accord, c'est un cas concret, là, où on passe du principe à l'application, et je suis très heureux que nous puissions avoir cette discussion, et retisser ce lien, et permettre à des enfants autochtones qui sont en difficulté, qui sont placés de ne pas être séparés de leur culture d'origine, d'être en proximité et de pouvoir ainsi nourrir leur identité. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, pour la poursuite du débat, je cède maintenant la parole à notre collègue de Drummond—Bois-Francs pour une période de sept minutes.

M. Schneeberger : Oui. Merci, M. le Président. Grand chef, «kwei». Bonjour à tous. Vous mentionnez dans votre mémoire... vous parlez de volonté d'être consultés avant que les enfants soient placés. Moi, j'aimerais ça que vous spécifiiez un peu... Parce que, bon, tantôt, vous avez nommé des textes juridiques, et autres, là, mais le tous les jours, là, dans vos communautés, quel genre de consultation... qu'est-ce que vous aimeriez qui soit échangé concrètement, là, pour faire le lien avec votre façon de faire dans vos communautés?

Une voix : ...davantage la question?

M. Schneeberger : Oui. Vous parlez d'être consultés, là. Vous parlez d'une volonté d'être mieux consultés au niveau de prendre en charge des enfants, là, quoi que ce soit. Donc, moi, ce que je voudrais savoir plus précisément, dans vos communautés, admettons qu'il n'y aurait pas de DPJ, vous, quand vous avez des enfants ou une famille problématique, c'est quoi, la manière, comment vous intervenez dans vos communautés, là, dans vos coutumes normales? Je pense que ça, c'est important de prendre ça en considération dans la façon de faire pour faire un lien adéquat, là, avec notre façon de faire et la vôtre.

M. Blais (Pierre) : Les particularités, puis je pense que le grand chef les a nommées en entrée de jeu lorsqu'il parlait des statistiques, qu'il parlait, là, que finalement des logements à sept personnes, à six personnes... Les communautés, si on regarde les trois communautés, c'est 7 700 personnes. Ces trois communautés, il y en a une qui a 1 200, 2 400, 2 400. Ça ressemble un peu à ça. Ça fait que, dans les communautés, les gens se connaissent. Dans les services sociaux qu'on a dans les communautés, on a des intervenants attikameks qu'ils connaissent. Donc, la possibilité de créer un filet de sécurité, d'aller chercher une matante pour être capable de prendre soin de la famille en attendant que les parents se replacent, c'est des modalités qui se font de cet ordre-là, O.K., qui ne peuvent pas se faire ailleurs parce que c'est connu, parce que c'est petit.

Et ça fait partie aussi, là, de la culture, et il y a toute la question de famille, famille élargie, O.K., où le rôle de la matante, le rôle de l'aîné, le rôle de la Kukum, du Mushum jouent un rôle là-dedans, dans la compréhension de la situation et dans l'application de mesures pour corriger la situation, toute la question de famille élargie, O.K., qui est mise à contribution rapidement dans le processus. Et ce qui est la philosophie de base au niveau de l'intervention, c'est qu'on travaille le plus longtemps possible en volontariat, de mettre la famille à contribution pour régler sa situation par elle-même. Et c'est la philosophie, avant qu'on rentre la cavalerie, O.K., toutes les démarches vont être faites pour travailler en concert avec la famille.

M. Schneeberger : Alors, à ce moment-là, vous, ça serait un besoin que ce soit pris en considération au niveau de la procédure, que ce soit... Quand vous parliez de consultation, ça doit être ça, je suppose, je veux dire, il faut que nous, on ait le temps de se parler, qu'on puisse... en état d'intervenir...

M. Blais (Pierre) : Tout le processus, ce qui était mentionné par rapport à la signature de 37.5, ça fait quand même une réflexion qui dure de 16 ans. O.K.? Toute la réflexion a été faite au niveau de l'application du SIAA. O.K.? Le Système d'intervention de l'autorité attikamek a été fait sur une philosophie qui tient en considération la culture, la consultation et la famille élargie, et compagnie. Tout est basé là-dessus, et ça fait 16 ans que c'est réfléchi. C'est réfléchi avec des notables, c'est réfléchi avec des aînés, c'est réfléchi avec plein de... toujours en tenant compte des lois parce que la nation attikamek souhaite la même chose que tout le monde, protéger les enfants, sauf à sa façon, dans sa culture, dans le respect des gens.

M. Schneeberger : Tout à l'heure, vous souligniez, là, le nombre de personnes par logement. Est-ce que c'est un facteur relié... qui est directement au... qui peut être une problématique au niveau de la vie familiale, et autres, là, la surpopulation des personnes dans les logements? Est-ce que c'est une problématique au niveau de la vie familiale qui est en cause au niveau... qui peut créer des problématiques?

• (11 h 40) •

M. Awashish (Constant) : Bien, c'est évident qu'une situation comme ça, ça peut rendre propices des problèmes au sein de communautés, au sein de familles, mais on est aussi les seuls à avoir expérimenté, à vivre au quotidien ce genre de situations. Donc, je pense qu'on est les seuls qui peuvent apporter une solution, qui peuvent apporter une réponse à ces problèmes-là. Je pense que je comprends votre question, vous parliez de consultation, je pense qu'en amont la nation attikamek doit être consultée, et non à travers des intermédiaires. Il faut parler directement avec la nation attikamek. Nous sommes une nation, nous sommes une langue qui est particulière, unique, nous occupons un territoire, nous pratiquons une culture encore aujourd'hui. Malgré beaucoup de... comme j'ai mentionné tantôt, des tentatives d'acculturation, d'assimilation, nous sommes encore vivants. Puis aujourd'hui, grâce à vous, grâce au système démocratique, grâce à l'état de droit, les droits autochtones sont de plus en plus reconnus, et nous voulons avoir notre place, nous voulons avoir notre mot à dire avec nos enfants, des décisions à prendre sur nos enfants. C'est à nous de prendre les décisions et d'adapter, justement, le système à notre culture, simplement ça.

Une voix : Oui.

Mme Ottawa (Jolianne) : 30 secondes.

Une voix : Oui.

Mme Ottawa (Jolianne) : Oui. Merci de me laisser la parole. Vous savez, avant que la LPJ existe, on avait notre propre système, on avait notre propre façon de fonctionner, on élevait nos enfants nous-mêmes puis on laissait la famille nous aider à élever nos enfants. Moi, présentement, je suis ici. Je suis une mère de quatre enfants, j'ai ma soeur qui est à la maison, qui s'occupe de mes enfants aussi, j'ai ma belle-mère, ça fait que je suis entourée. Puis c'est ça d'être consulté, c'est d'abord, avant tout, de mettre un intervenant à la LPJ, la DPJ dans nos dossiers, dans nos problèmes... c'est nous, on est capables de s'arranger avant. Ça fait qu'on peut se mobiliser puis regarder qu'est-ce qui va être bon pour notre enfant, pour notre enfant attikamek.

Puis nous, notre façon de voir les choses puis d'établir les services — parce que je suis infirmière de formation puis je suis encore très, très auprès des patients — avant de mettre des intervenants comme travailleur social ou peu importe, on met d'abord des intervenants communautaires que nous, on appelle les kokomocic. C'est un peu semblable comme au reste du Québec, qui est le programme SIPPE, mais adapté à notre culture. Ça fait que nous, avant de faire intervenir des travailleurs sociaux ou peu importe, professionnels, on fait d'abord appel aux kokomocic qui interviennent auprès des familles pour les informer, donner l'éducation nécessaire ou quoi que ce soit avant. Ça fait qu'on a tout notre système avant de mettre les lois que vous avez.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous vous remercions infiniment, représentantes et représentants du Conseil de la nation atikamekw.

Alors, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux au mercredi 21 septembre 2016, après les affaires courantes, afin de poursuivre son mandat. Merci.

(Fin de la séance à 11 h 43)

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