(Quinze heures cinquante-trois
minutes)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît!
Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux
ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien
vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission
est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi
n° 81, Loi visant à réduire le coût de certains médicaments couverts par
le régime général d'assurance médicaments en permettant le recours à une
procédure d'appel d'offres.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Busque (Beauce-Sud) est remplacé par M. Bolduc (Mégantic);
Mme Montpetit (Crémazie) est remplacée par M. Girard
(Trois-Rivières).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, aujourd'hui, nous
recevrons, dans un premier temps, les représentants des Manufacturiers et exportateurs du Québec, et
par la suite Familiprix, ainsi que Le Groupe Jean Coutu. Nous
ajournerons les travaux à 18 heures.
Alors,
bienvenue aux représentants des Manufacturiers et exportateurs du Québec.
Bienvenue à votre Assemblée nationale.
Vous disposez d'une période de présentation de 10 minutes. Par la suite,
vous aurez l'occasion d'échanger avec les différents parlementaires.
Pour les fins d'enregistrement, bien prendre le temps, s'il vous plaît, de vous
nommer, préciser vos fonctions. Et, sans plus tarder, la parole est à vous.
Manufacturiers et
exportateurs du Québec (MEQ)
M. Tetrault
(Eric) : Merci beaucoup, M. le Président. Mon nom est
Eric Tetrault, je suis président des Manufacturiers et exportateurs
du Québec. Je suis accompagné, à ma droite, pour cette présentation
aujourd'hui, de M. Christian Ouellet, directeur des Affaires
gouvernementales chez Sandoz.
Un mot sur Manufacturiers et exportateurs du
Québec. Comme vous le savez, nous sommes une association d'affaires et, comme le nom le dit, nous
représentons la plupart, la très grande majorité des manufacturiers québécois,
les petits et les grands manufacturiers
québécois, et aussi les exportateurs québécois. Vous comprendrez bien que le
secteur pharmaceutique constitue une
part importante des membres chez Manufacturiers et exportateurs du Québec, et
c'est parce que nous voulons à tout
prix nous assurer que nous allons
protéger cette industrie-là dans les prochaines années que nous
intervenons aujourd'hui.
Le recours
aux appels d'offres tel qu'envisagé, dans sa forme actuelle, par le gouvernement, à notre sens va donner un
avantage concurrentiel à certaines entreprises dont les fournisseurs se
trouvent ailleurs dans le monde où il est moins cher de
produire les médicaments. Et, pour nous, ça aura deux conséquences :
d'abord, ça va devenir plus difficile de garantir
la qualité des médicaments et puis les produits seront invariablement limités,
puisque, pour être rentables dans ce
modèle du plus bas soumissionnaire, il faut une production de masse, il faut
donc une demande à fort volume, alors une réduction graduelle de ce qui
est produit ici, et une moins grande qualité de médicaments.
Le Conseil de
protection des malades s'en inquiète aussi, et nous ajoutons notre voix à la
leur et à celle des autres associations
d'affaires qui sont venues, de façon générale, présenter ce point de vue à cette commission. Voilà
deux désavantages majeurs pour notre
industrie, qui a délibérément choisi le Québec pour investir. La pression se
fera sentir pour réduire les coûts de
fabrication, ce qui va entraîner probablement des mises à pied, mais
assurément, assurément une industrie moins vigoureuse, et ce serait bien
dommage parce que les fabricants de médicaments génériques ont justement créé beaucoup d'emplois dans les dix dernières années.
En fait, c'est le seul segment de l'industrie pharmaceutique qui est en croissance au Québec. Alors, il est évidemment
important de maintenir notre capacité de production au Québec, mais aussi
notre capacité d'exportation.
Et ce serait doublement dommage, en fait, puisque ça
risque aussi d'affaiblir le bilan du Québec en recherche et développement. Il
faut savoir que le secteur de la R&D écope toujours quand il est question
de réduire les coûts. C'est comme ça
pour l'ensemble des acteurs du secteur manufacturier. Or, l'industrie du
médicament générique est parmi celles, comme
vous le savez, qui investissent le plus en R&D, dont Pharmascience, par
exemple, qui est dans le top 50 au Canada.
Nous souscrivons par ailleurs aux études
récentes qui nous disent que les bénéfices que le gouvernement irait peut-être chercher seraient en fait assez limités.
Une étude interne à votre ministère conclut en ce sens pour les produits
à gros volume de vente. Les économies sont
de 15 % dans les hôpitaux aussi, selon une étude qui a été menée par le
CIRANO.
Or,
nous sommes actuellement dans un système où les prix déjà compétitifs du
générique iront en diminuant dans les
prochaines années grâce aux efforts actuels des provinces canadiennes par
l'entremise de l'Alliance pancanadienne pharmaceutique. Ce prix diminue plus vite au Canada qu'ailleurs, une
baisse qui sera évidemment plus marquée encore avec la chute du dollar canadien et sa valeur actuelle, qui devrait se
maintenir dans les deux ou trois prochaines années. Et voilà une démarche qui permet aussi à
l'industrie d'évoluer dans un contexte prévisible, ce qui est, comme chacun
sait, le préalable à tout investissement.
En d'autres mots, si on veut permettre le développement de nouveaux
médicaments, il faut donner à
l'industrie un contexte favorable. L'alliance canadienne vous a déjà assuré
qu'elle voulait travailler pour réduire encore davantage le coût des
médicaments.
MEQ, par
ailleurs, joint sa voix à d'autres organisations qui craignent une baisse des
approvisionnements. On sait que les
recours aux appels d'offres ont souvent cet effet désagréable d'éliminer
certains produits, ce qui mène à des pénuries.
Je sais, M. le ministre, vous parlez d'une double adjudication, nous pourrons
échanger là-dessus. J'ai bien pris note de votre position.
Un mot sur
l'impact sur les pharmacies au Québec. Nous sommes préoccupés par l'impact. La
simple annonce de ce projet de loi,
on s'en souvient — en tout
cas, moi, je m'en souviens — avait fait perdre 8 % à la valeur des
actions du Groupe Jean Coutu en
novembre l'an dernier. Et ce sont les propriétaires, bien sûr, qui supportent
les coûts et les risques financiers
dans le secteur pharmaceutique, ce n'est pas le gouvernement. Et les
pharmaciens ne l'ont pas nécessairement facile. Les voilà à répondre à des compressions de 133 millions par
année, ordonnées par le gouvernement, maintenant inquiets de perdre des ristournes de 15 %, des ristournes qui sont
réinvesties obligatoirement dans l'établissement et qui servent, comme chacun le sait, plus souvent
qu'autrement à pallier pour des services gratuits de consultation et de conseil
auprès des citoyens, ce que les pharmaciens font de plus en plus.
En
conclusion, M. le Président, M. le ministre, pour Manufacturiers et
exportateurs du Québec, le projet de loi n° 81 crée de l'incertitude, fragilise le secteur
pharmaceutique québécois et notre réseau de pharmacies. Il crée un déséquilibre
dans notre grappe des sciences de la vie qui emploie, comme chacun le sait,
au-delà de 50 000 personnes.
Nous
demandons au gouvernement, en fait, très simplement, de laisser l'Alliance
pancanadienne pharmaceutique continuer
son travail. Le coût des médicaments génériques est en baisse au Québec depuis
cinq ans. Il continuera à baisser dans une démarche qui, à notre sens, a
fait ses preuves.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Alors, nous allons maintenant débuter la période d'échange. Pour
15 minutes, je cède maintenant la parole au ministre de la Santé et des
Services sociaux.
• (16 heures) •
M. Barrette :
Merci, M. le Président. Alors,
M. Ouellet, M. Tetrault, bienvenue à cette commission parlementaire. Alors, ça me fait plaisir de vous entendre et, évidemment,
d'avoir lu votre mémoire. Vous avez fait une présentation assez succincte, là, je vous dirais, volontairement, là,
sans doute, de l'état de la situation du médicament. On comprendra que, les appels
d'offres, ici on ne traite que du
générique, là, parce que des appels
d'offres, chez les innovateurs, ce
n'est pas possible. Je le mentionne
pour le bénéfice de ceux qui nous suivent parce qu'évidemment les appels d'offres ça s'adresse à une partie du médicament. Mais par contre, vous,
dans votre introduction, vous avez fait référence à plusieurs reprises à l'autre groupe, qui est celui des innovateurs,
en laissant entendre ou en suggérant que l'appel d'offres de l'un pourrait
nuire à l'autre. Ça, ça m'étonne un peu. Pouvez-vous élaborer là-dessus?
M. Tetrault
(Eric) : Oui. En fait, c'est sûr qu'on s'étonne d'abord de l'impact
sur le secteur générique, c'est bien évident
pour nous. Et, comme vous l'avez dit, moi, je connais légèrement le travail des
membres de l'Assemblée nationale, je
n'ai pas l'habitude de faire des mémoires trop longs pour exprimer notre
position. Ce que l'on craint, en fait, c'est un affaiblissement de l'industrie pharmaceutique québécoise, en fait. Le
message est succinct, mais il se résume là-dedans.
M. Barrette : Quand vous faites
référence à l'industrie pharmaceutique québécoise, vous faites référence,
évidemment, encore là, malgré tout, aux deux secteurs. Le secteur de
l'innovateur, le médicament d'origine, a vu son activité fluctuer dans le temps en fonction de la durée des brevets. Je
pense que vous allez être d'accord avec moi. Et la disparition de la règle de 15 ans, je pense
que c'est plus elle qui a eu un impact négatif dans la fluctuation de
l'importance de l'industrie pharmaceutique, puis je pense que vous allez
être d'accord avec ça, là.
Maintenant,
du côté du générique, en général, lorsque les groupes viennent, je leur pose
toujours cette question-là d'entrée de jeu. Je vais vous la poser à vous
aussi, et je comprends que la réponse, soit, peut-être délicate pour vous à donner. Mais, à la lumière de ce que l'on voit sur
la planète, trouvez-vous qu'on paie trop cher nos médicaments dans le
régime public, et même dans le régime privé? Et pourquoi, dans votre lecture?
M. Tetrault
(Eric) : Bien, ce que je vois, c'est qu'on les paie de moins en moins
cher, on est bien d'accord avec ça. On pense que la démarche actuelle
est gagnante à travers l'Alliance pancanadienne pharmaceutique. Alors, on est d'accord avec l'objectif du gouvernement de
vouloir réduire le prix des médicaments, mais je pense que l'industrie peut
le faire. Je vais inviter M. Ouellet, peut-être.
M. Ouellet (Christian) : Oui,
bien, évidemment, en complément d'information, puisque j'ai évidemment eu l'occasion de visionner certains intervenants à
qui vous avez effectivement posé la question, M. le ministre, à ceux qui
nous ont précédés il y a deux semaines, et
la réponse à ça n'est pas simple parce que la base de comparaison sur laquelle
on dit que les médicaments coûtent trop
cher, ou pas assez cher, ou que le prix est arbitrairement... Il y a énormément
de paramètres dont il faut tenir compte dans les études. Puis, même dans
les études les mieux élaborées, elles auront toujours un biais méthodologique à partir de quel
prix on part. Après, on compare à quoi? Quelles sont les gammes de produits disponibles dans chacun de ces pays-là?
Quelles sont les contraintes, exigences réglementaires de cette juridiction-là
pour être capables de la comparer? Ça, c'est
tout des choses que... Je ne veux pas répéter ce qui a déjà été dit par
plusieurs autres intervenants, mais
ça fait partie des éléments qui, pour les bases de comparaison, rendent les
comparaisons très, très difficiles.
Et aussi qu'est-ce qui est inclus dans le prix et qu'est-ce qui est exclu dans
le prix final? Ça aussi, c'est des composantes importantes.
Mais, si vous me
permettez, en deux secondes, de citer peut-être une étude qui a lieu à chaque
année, qui est organisée par une agence
fédérale, le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, qui, elle,
cette agence fédérale là, fait un
rapport à toutes les années sur la situation des prix des génériques et, dans
sa dernière mouture, celle de 2014 en fait,
compare les prix de 2014, même s'ils ont publié le rapport relativement
récemment. On démontre, dans cette étude-là, que c'est au Canada, dans les pays de comparaison, une vingtaine de pays
de comparaison, que le prix des médicaments génériques a diminué le plus. Alors, le Canada est un peu en mode rattrapage
par rapport à ça, et, particulièrement, la raison fondamentale, c'est l'alliance pharmaceutique
canadienne qui a amené... Et, je tiens à préciser, cette entente-là, c'est une
entente de trois ans, qui dure de 2014
jusqu'à 2017, et l'étude tient juste compte de neuf mois de la première année
de l'entente et elle a déjà produit
des baisses de prix. Alors, si on refait l'exercice aujourd'hui, si c'était
possible d'avoir des données en temps réel, aujourd'hui on constaterait
encore d'autres baisses de prix.
Alors,
la question que vous posez à l'égard : Est-ce qu'on paie trop cher ou pas
trop cher?, je pense que le Canada est
définitivement en mode rattrapage, et l'entente de l'alliance pharmaceutique
canadienne y a contribué pour beaucoup.
M. Barrette :
Mais vous comprendrez que, de notre côté, l'objectif ici n'est pas simplement
de rattraper, mais d'être un des
meilleurs élèves de la classe en termes de prix. Que vous me disiez qu'on
s'améliore, vous me confirmez donc
qu'on paie trop cher, et, si on est en rattrapage, ça veut dire qu'on payait
trop cher et que, progressivement, on se dirige vers le meilleur prix. Et ça ne veut pas dire que de participer à
l'alliance pharmaceutique pancanadienne va nous permettre d'aller
chercher le meilleur prix. Le meilleur prix, où est-il?
Et
ça m'amène à vous poser la question suivante. Vous, vous êtes des
manufacturiers et exportateurs, vous êtes au début de la chaîne. Toujours pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent,
vous êtes les gens qui transforment ce qui est appelé, par convention, la matière première. La molécule, qui est le
principe actif d'un médicament, vous la transformez en médicament
prescrivable, livrable aux citoyens. Alors, vous, vous faites face à une
chaîne. Et, dans la chaîne, ma compréhension,
erronée ou non, j'aimerais vous entendre là-dessus, est qu'il y a un certain
nombre d'intermédiaires qui ont un
impact à la hausse sur le prix. Et j'aimerais vous entendre là-dessus parce
qu'il y a plusieurs éléments là-dedans, sur le prix du médicament. Vous, pourriez-vous, dans certaines
circonstances, y trouver votre compte et donc nous vendre, au réseau public, par exemple, des médicaments à
moindre prix s'il n'y avait pas, au-delà de vous, dans la chaîne, après
que vous ayez transformé la matière première, tant de coûts afférents?
Pouvez-vous nous parler de ça?
M. Tetrault
(Eric) : Je vais vous offrir la première réponse. Je vais laisser
M. Ouellet compléter.
Vous
comprendrez qu'en tant que président des Manufacturiers et exportateurs du Québec,
moi, je ne suis pas un spécialiste du
médicament, mais je suis un spécialiste de l'économie manufacturière. Et il
existe de très, très nombreux exemples, c'est l'écrasante majorité, où
la pression de faire baisser les coûts, soit par appel d'offres ou par un autre
mécanisme, de façon dramatique, amène les
fabricants au niveau du «cost» à un certain moment donné. Et là il se produit
deux choses : ou bien on perd des
emplois ou bien on envoie une partie de cette production-là à l'extérieur du
Québec. Et, moi, c'est la crainte que j'exprime aujourd'hui. Ma position
se résume à ça. C'est ce que je vous dis.
Je vais laisser
M. Ouellet terminer.
M. Ouellet
(Christian) : Parfait, mais j'ai aussi un élément de précision, M. le
ministre. Tantôt, vous me posiez, en
complément, là... vous disiez : Pourquoi ici on est en mode rattrapage? Il
y a des contraintes réglementaires au Canada qui frappent particulièrement le secteur générique. Et, en termes de
timing, de séquence, quand on fait une comparaison, un produit générique
dans un pays ne l'est pas dans un autre, il y a différents éléments.
L'autre
élément qu'il est important de tenir en compte, c'est le dollar, l'effet du
dollar. Il n'y a aucune comparaison internationale
qui est capable de tenir compte de l'effet de variation des taux de change.
Alors, avec le dollar canadien qui,
récemment, s'est abaissé, et même l'étude dont je vous faisais référence
tantôt, elle est faite avec, à ce moment-là, un dollar qui était quand même assez fort par rapport à d'autres devises,
et il y avait déjà des économies, il n'y a pas à douter que, si on
faisait l'annonce ou l'évaluation aujourd'hui en temps réel, on se retrouverait
fort probablement avec une comparaison qui
est fort appréciable. Et ce serait difficile de savoir si on est premiers de
classe ou pas, là, il y a plusieurs paramètres qui entrent en ligne de
compte, comme je vous disais tantôt, mais c'est un des éléments.
Vous
parliez de qu'est-ce qu'il y a dans la chaîne. Tout ce que je peux vous dire,
une chose, comme fabricant, évidemment,
puis qu'on exporte aussi notre production : la prévisibilité et la
stabilité de l'environnement d'affaires sont les premiers facteurs prédictifs de qu'est-ce qui va se produire. Alors,
un large volume dans un environnement où est-ce qu'on sait qu'on va commercialiser des produits à une plus longue
échelle vont évidemment générer un meilleur prix. Ça va de soi. Et un projet de loi qui est composé
de trois articles et dans lequel on a beaucoup de place à qu'est-ce qui va
suivre par la suite, les modalités — comme dit l'adage, le diable est dans les
détails — reste à
savoir aujourd'hui si, dans le projet
de loi qui ne compte aujourd'hui que trois articles... tous les règlements
d'application, c'est là qu'on va voir si, oui ou non, il y a véritablement une possibilité d'économies. Mais,
jusque-là, les modalités sont tellement méconnues qu'il est difficile
d'en évaluer l'impact positif ou négatif, soit dit en passant.
M. Barrette : Si vous
me permettez un parallèle, quand on regarde le marché de l'essence, c'est un
marché qui est extrêmement
prévisible, puis je ne pense pas qu'on a toujours le plus bas prix, comme le
montrent certaines études qui ont été récemment publiées.
Maintenant,
j'aimerais ça que vous me parliez d'un élément particulier, là. Est-ce que
vous, les manufacturiers, vous fabriquez des médicaments qui sont vendus
sous la forme de marques maison par les bannières?
M. Ouellet
(Christian) : Absolument.
• (16 h 10) •
M. Barrette :
Bon. Alors, comment ça fonctionne,
ça? Est-ce que, là, quand vous le vendez à la marque maison,
dans votre expérience, la marque maison, là,
va le vendre, au bout de la ligne, le même prix qu'elle l'achète chez vous?
M. Ouellet
(Christian) : La raison
fondamentale, je vous disais tantôt, la question de la prévisibilité, stabilité et la
taille du volume. Quand on vend à une marque privée, O.K., appelons-le comme
ça, on s'entend sur une énorme «batch», un
énorme lot de production dans lequel on peut mettre en production à la séquence
qu'on veut, au moment qu'on veut, et
c'est une vente qui est non garantie, pour laquelle on n'a pas besoin de
supporter un inventaire et qu'on n'accepte aucun retour. Alors, dans ce
contexte-là, il est possible de donner un meilleur prix à celui qui veut
distribuer cette marque privée là parce que
la commande, elle est prévisible dans le temps, elle est séquençable et mise en
production au moment qui est
le plus optimal pour produire en plus grosse «batch» possible.
M. Barrette :
Je comprends de ce que vous me dites qu'il y a, dans cet intermédiaire-là, un
effet à la hausse sur le prix que l'État ou l'assureur privé va payer.
M. Ouellet (Christian) :
Je ne suis pas certain de saisir votre...
M. Barrette :
La marque maison ne va pas se vendre au prix qu'elle a été achetée chez vous,
là.
M. Ouellet
(Christian) : Bien, c'est vous qui fixez le prix, M. le ministre.
M. Barrette :
Oui, mais il y a une mécanique entre les deux, là.
M. Ouellet
(Christian) : Mais, nous, comme fabricant, on vend...
M. Barrette :
Je vais vous poser la question qui est parallèle à ça, là : Comment ça
fonctionne, vos relations avec les grossistes?
M. Ouellet
(Christian) : Je ne suis certainement pas la bonne personne pour
répondre à cette question-là parce que je ne suis pas...
M. Barrette :
Parce que vous vendez à des grossistes aussi?
M. Ouellet
(Christian) : Oui, mais je ne suis pas impliqué dans les relations
avec les activités commerciales, alors je ne peux malheureusement pas
vous répondre sur cette question-là.
M. Barrette : Je veux juste vous rappeler que ce n'est pas moi
qui fixe le prix, là, hein? Le fabricant fixe le prix.
M. Ouellet
(Christian) : Il est fixé en vertu de la Loi sur la RAMQ, de
l'assurance médicaments. Vous fixez, évidemment, le prix du médicament
au formulaire, alors...
M. Barrette :
C'est vous qui nous soumettez le prix, à la case départ.
M. Ouellet
(Christian) : On a l'obligation de vous soumettre le prix le plus bas
au Canada, vous l'avez mis dans une loi.
M. Barrette :
Oui, mais qui n'est pas nécessairement le prix le plus bas, et le prix qui est
soumis, il est dépendant ou il est la
conséquence de tout le reste. Comment ça fonctionne, vous, quand vous arrivez
puis vous voulez aller sur le marché
comme fabriquant et vous devez avoir à faire avec un grossiste? Le grossiste
est-il, pour vous, un obstacle financier?
M. Ouellet
(Christian) : C'est difficile à répondre parce que... Je n'ai pas
l'élément de réponse à votre question, sincèrement.
M. Barrette :
Ça m'étonne. C'est votre monde, là.
M. Ouellet
(Christian) : Oui, mais je m'occupe des lois et des règlements et non
pas de la relation commerciale. Mon président sera ici demain avec
l'association des médicaments génériques. Je vous invite à lui poser cette
question-là, il a certainement l'autorité d'y répondre.
M. Barrette :
Je vais sûrement lui poser la question avec plaisir, tout comme je vais
explorer la situation qui est rapportée
sur la scène internationale, qui veut que, dans d'autres pays, le prix du
médicament générique peut avoir une variation
spectaculaire en termes de pourcentage de l'innovateur. On sait, là, que c'est
ça qui est la règle puis on sait que, chez vous, s'il y avait un appel
d'offres, c'est ça qui serait en cause.
M. Ouellet
(Christian) : Oui, ça plaît à l'esprit, un appel d'offres, de dire que
ça va faire baisser les prix. La seule contrainte
qu'il y a, c'est : Pendant combien de temps? Dans tout secteur
d'activité — pas
juste le médicament, n'importe quel
secteur d'activité — le
système d'appel d'offres a créé, au fil du temps, des situations monopolistiques
ou oligopolistiques. Puis je vais
vous ramener spécifiquement aux médicaments. Dans les hôpitaux, il existe des
appels d'offres depuis, je ne sais pas depuis combien, quelques
décennies sans doute, au moins trois ou quatre décennies...
M. Barrette : 40 ans.
M. Ouellet
(Christian) : ...et, regardez le portrait, vous avez là un
microécosystème. C'est un très beau banc d'essai dans lequel on voit très bien... Nous, Sandoz, on est fabricant de
médicaments qui servent à des fins hospitalières, mais la force des
choses a tué nos compétiteurs, d'une certaine manière.
M. Barrette :
Oui, mais ce que vous me dites, par contre... Bien, ça, je ne suis pas
convaincu que ça a tué vos compétiteurs parce qu'ils sont encore là, vos
compétiteurs, en ce qui me concerne. Peut-être qu'on n'a pas la même lecture de
la situation, là, mais les compétiteurs, ils sont encore là. Et, comme vous le
dites, ce qui s'est fait dans les hôpitaux a
fonctionné et les prix sont substantiellement inférieurs à ce que l'on voit du
côté extrahospitalier. Vous n'êtes pas d'accord?
M. Ouellet
(Christian) : En échange d'une prévisibilité et d'une stabilité. Les
contrats d'approvisionnement sont d'une
durée de trois ans. Encore là, c'est une question de prévisibilité. On sait
que, pendant trois ans, si on gagne le contrat, on a un lot, une quantité prévisible, il y a échange de prix là. La
seule chose, c'est comment vous assurer de garder une diversité de
fournisseurs dans un marché extrahospitalier.
M. Barrette :
Bien, je vais terminer là-dessus, je vais vous laisser continuer votre réponse,
s'il y a le consentement de mes
collègues. Vous, vous l'avez vécu dans les hôpitaux, les compétiteurs sont là.
Pourquoi l'étendue à l'extérieur de l'hôpital du système d'appel
d'offres n'aurait pas le même résultat? Pourquoi ça n'aurait pas le même
résultat?
Le
Président (M. Tanguay) : Pour la suite des échanges... puis vous
pourrez peut-être réserver votre réponse dans le contexte de l'échange
qui va maintenant se poursuivre avec le collègue de Rosemont pour
neuf minutes.
M. Lisée :
Merci, M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue, M. Tetrault. Nous
nous sommes connus dans une vie
antérieure lorsque nous étions tous les deux avec un micro à la main. Alors, le
journalisme est une belle profession et
un bel ami à condition d'en sortir. Alors, je suis content de vous retrouver.
M. Ouellet, content de vous revoir également.
Il y a eu des
explications qui ont été données ici sur l'inapplicabilité de désigner un seul
grossiste pour gagner un appel
d'offres pour la distribution d'un médicament, et je pense que les arguments
qui ont été apportés me semblent absolument
convaincants. Cependant, vous preniez, vous, la position du producteur de
génériques et vous nous dites que, pour
le producteur de génériques, ce serait également impossible à faire. Et là
j'avoue que je suis moins convaincu parce qu'on est en train de nous dire que, si on fait un appel d'offres qui
met en compétition nos excellentes industries génériques québécoises contre d'autres industries génériques
ailleurs, on va perdre. J'ai un petit peu de difficultés, moi, avec cette
logique. Pourquoi est-ce qu'on n'est pas les
meilleurs? Pourquoi est-ce qu'on ne brille pas parmi les meilleurs? Pourquoi
on n'est pas capables d'accoter des coûts de production? Expliquez-moi ça.
M. Tetrault
(Eric) : De façon générale, ce qu'on observe dans le secteur
manufacturier, en raison du déplacement de la production manufacturière aux États-Unis et au Mexique dans
l'ensemble des secteurs, et ça sera vrai aussi dans le secteur pharmaceutique, la pression à la baisse
se fera sentir constamment d'année en année jusqu'à ce qu'à un certain moment donné on soit, comme on dit en bon
québécois, au prix du «cost» pour certains médicaments. Et, nous, ce qu'on
craint, et c'est ce qu'on exprime
aujourd'hui... On n'est pas du tout contre la volonté du gouvernement de
réduire le prix des médicaments, là, je le dis encore une fois, puis je
comprends l'objectif de rattrapage du ministre. Ce qu'on craint, c'est l'effet négatif sur l'industrie : pertes
d'emploi, pertes de la recherche et développement qui vient avec et un envoi de
la production ailleurs. Ça se voit ailleurs dans le secteur
manufacturier.
M. Lisée :
Alors, ce que vous nous dites, c'est que le prix actuel légèrement ou
substantiellement trop élevé des médicaments
au Québec protège les emplois québécois, qui seraient menacés si on les mettait
en face d'une compétition internationale parce que les entreprises
québécoises ne pourraient pas compétitionner à des coûts plus faibles qu'on
trouverait ailleurs?
M. Tetrault (Eric) : Il n'y a
pas une industrie québécoise qui est assez solide pour rivaliser avec les coûts
de production au Mexique, en ce moment, dans
le secteur manufacturier. La tentation va être très grande si la pression à la
baisse se fait sentir de façon
graduelle d'année en année. Vous ne verrez pas ça du jour au lendemain, on est
d'accord avec ça.
M. Lisée :
M. Tetrault, vous êtes le président de l'association des manufacturiers et
exportateurs du Québec. Il y a plein de
manufacturiers au Québec. Je suis d'accord avec vous que le nombre d'emplois
manufacturiers a baissé au cours des
10 dernières années, c'est le cas aussi aux États-Unis, mais on a le
libre-échange avec le Mexique depuis maintenant
plus de 20 ans, et il reste des manufacturiers au Québec. Là, vous me
dites qu'il n'y aurait plus de manufacturiers de génériques au Québec si
on les exposait à la concurrence internationale.
M. Tetrault
(Eric) : Je dis qu'une partie de la production risque d'être déplacée
ailleurs et des emplois qui viennent avec,
c'est ce qu'on observe partout dans le secteur manufacturier. Le secteur pharmaceutique
n'y fera pas exception, éventuellement.
C'est un fleuron de l'économie québécoise, il est plus solide que bien d'autres
secteurs de notre économie, mais
éventuellement, lui aussi, va sentir la pression de déplacer sa production
ailleurs. C'est évident, c'est la logique même. Les secteurs
manufacturiers québécois qui résistent le mieux sont ceux qui fabriquent les
meilleurs produits dans des marchés qui sont déjà conquis pour les Québécois,
par exemple le marché américain.
M. Lisée :
Alors, finalement, ce qu'on paie par des médicaments trop chers, c'est la
présence d'emplois au Québec?
M. Tetrault
(Eric) : Bien, moi, je ne dis pas qu'on paie... Bien, vous dites qu'on
paie les médicaments trop cher. Moi, je ne veux pas rentrer dans le
débat, savoir si on paie les médicaments trop cher ou non.
M.
Lisée : Bien, c'est-à-dire que vous dites : Si c'était
seulement la compétition selon le coût, on trouverait moins cher ailleurs. Et comme vous dites : Il ne
faut pas faire ça parce qu'on va perdre nos emplois, alors, pour garder nos
emplois, il faut payer un peu plus cher que ce qu'on paierait si on
achetait ailleurs.
• (16 h 20) •
M. Tetrault
(Eric) : Bien, je n'aime pas votre image parce que c'est une industrie
qui est beaucoup plus solide que
certains sous-secteurs manufacturiers au Québec où vous observez déjà ce
déplacement-là des emplois et de la production. Comme je le dis, ça ne
se produira pas demain matin.
M. Ouellet
(Christian) : Si vous me
permettez, M. Lisée, c'est qu'avec un appel d'offres, c'est le
régime du «tu gagnes tout ou tu perds
tout». Alors, vous comprenez qu'aujourd'hui, s'il y
a x nombre de joueurs dans l'écosystème qui chacun produisent leur capacité, ont une capacité de production, demain
matin, le grand gagnant de l'appel d'offres, qu'il soit québécois ou étranger, c'est lui qui a la
production, et tous les autres, même si on restait... Si on était une économie
fermée, là, faisons une abstraction de
l'esprit, un peu, là, soyons une économie fermée, là, la tendance serait aussi
à un impact économique important pour
les manufacturiers parce que le fait d'avoir le lot disponible à approvisionner
concentré à un seul fournisseur ou voire deux a fait en sorte qu'il
tue...
M. Lisée : Mais ça, avec respect, M. Ouellet — je
n'ai pas beaucoup de temps, je m'excuse de vous interrompre — mais
ces considérations-là,
qui sont parfaitement légitimes, de ne pas avoir un seul fournisseur, etc.,
sont intégrées dans l'étude réglementaire
que le ministre a eu la bonne idée de rendre publique, et il dit : Bien
sûr, on va faire en sorte de garder plus qu'un fournisseur, bien sûr, on va faire en sorte de ne pas avoir de
problèmes de rupture d'approvisionnement. Alors, sachant que les appels d'offres seraient faits de façon à
ce qu'on garde plus qu'un fournisseur, en fait, on revient simplement à la
question du coût.
Vous
avez raison de dire que les coûts des médicaments génériques ont baissé
considérablement ces dernières années,
et avec l'alliance pharmaceutique canadienne et autrement, et les industries
génériques québécoises ont réussi à survivre
malgré cette baisse de coût, donc de baisse de taux de profit. Et, au moment où
on se parle, on a un débat sur le déplafonnement des allocations professionnelles, qui sont
plafonnées à 15 %, c'est-à-dire que les fabricants de génériques peuvent donner aux pharmaciens une ristourne de
15 % sur le prix du produit, ce qui indique bien qu'il y a
15 % disponible et maintenant, avec le déplafonnement, davantage que 15 % disponible, ce qui me fait dire
que, bien, il reste pas mal de marge avant d'arriver au «cost». Pourquoi
est-ce que ce que je dis là n'est pas vrai?
M. Tetrault
(Eric) : Comme je vous le
disais, ça ne se produira pas du jour
au lendemain, mais le principe même des appels d'offres, du prix le plus bas, tend à toujours baisser. Et
éventuellement même les meilleurs secteurs de l'industrie manufacturière
québécoise risquent d'y passer. Éventuellement, ça va se produire, c'est inévitable.
M.
Lisée : Juste comprendre, parce qu'on a fait énormément de
travail au Québec, et c'est Bernard Landry qui avait lancé la chose lorsqu'il était ministre du
gouvernement Lévesque, ça a été continué sous les gouvernements libéraux,
jusqu'à un certain point, de dire : C'est la recherche et développement
qu'on va financer, ce n'est pas la production, c'est la recherche et développement, et c'est ce qui
fait qu'on retient ici des fabricants, c'est parce qu'on veut leurs
laboratoires, on veut leurs têtes, on
veut leurs cerveaux. Mais, en ce moment, là, les médicaments génériques
fabriqués au Québec, est-ce qu'ils sont fabriqués au Québec ou ils sont
juste conçus au Québec?
M. Tetrault
(Eric) : C'est à toi, ça.
M. Ouellet
(Christian) : Bien, il y a différentes productions. La production est
mondialisée d'une certaine façon. Nous,
on est une entreprise qui exporte, puis je pense qu'il y a deux semaines vous
avez reçu les intervenants d'une autre grande
compagnie, Pharmascience, qui, elle aussi, produit au Québec et exporte aussi à
l'extérieur. Alors, il y a là-dedans des produits qu'on importe et des
produits qu'on exporte.
M. Lisée :
Mais il y a de la production à l'étranger d'entreprises génériques québécoises.
M. Ouellet (Christian) : Oui,
oui, absolument.
M. Lisée :
Donc, il y a de la production en Inde, il y a de la production en Chine, il y a
de la production au Mexique.
M. Ouellet
(Christian) : Et d'ailleurs, soit dit en passant, vous m'ouvrez la
porte sur la question de la mondialisation parce que les appels d'offres favorisent encore plus la mondialisation
de la production où est-ce que, quand on n'est pas certains... Il y a très peu de pays de petite ou
de moyenne envergure, appelons-les comme ça, et le Canada en fait partie,
puis le Québec, encore plus. Le Canada, à
l'échelle mondiale, c'est 3 % du secteur pharmaceutique mondial; le Québec
est donc assurément moins de 1 %, là,
sur cet univers-là. Quand on est dans le régime du «on gagne ou on perd» fait
par définition, il y a très peu de
pays d'envergure moyenne ou petite envergure qui ont une production domestique
dans leurs frontières à cause du phénomène des appels d'offres.
M. Lisée : O.K. En
quelques secondes, si on est les meilleurs au monde, peu importe où on est, si
on est les meilleurs au monde en recherche
et développement et qu'on sous-traite notre production en Inde, on peut gagner
des marchés mondiaux même si on est à Saint-Hyacinthe.
Le
Président (M. Tanguay) :
Pour la suite des échanges, je cède
maintenant la parole à notre collègue
de Lévis pour six minutes.
M. Paradis
(Lévis) : Merci, M. le Président. M. Tetrault, bienvenue, M. Ouellet. Je reviendrai sur une question que
le ministre a posée tout
à l'heure, histoire d'en savoir davantage. Il y a un modèle
qui existe, vous l'avez dit, depuis 40 ans
dans les établissements hospitaliers, puis c'est le principe d'appel d'offres,
et vous en êtes. Comme entreprise, vous en êtes, vous avez gagné des marchés. Vous avez proposé, vous avez gagné
des appels d'offres puis vous vivez aussi avec ça. Pourquoi les craintes que vous exprimez maintenant en regard du projet de loi dont on parle ne
s'appliqueraient pas? Si ça a fonctionné dans un centre hospitalier,
pourquoi le modèle n'est pas exportable? Histoire de comprendre.
M. Ouellet
(Christian) : Oui. Bien,
merci de poser la question parce que ça donne l'occasion d'exprimer un autre
point de vue qu'on n'a pas eu l'occasion d'aborder encore. La différence entre le marché,
ce qu'on appelle de détail, le marché
en pharmacie, il y a 1 800 pharmacies
ou presque au Québec versus à peu près une centaine de points de services
hospitaliers au Québec, dans lequel les
médicaments utilisés sur une base hospitalière, le spectre de médicaments
utilisés est beaucoup plus restreint
que celui qui est utilisé de façon communautaire dans des pharmacies
commerciales, alors l'ampleur...
Et, quand on
a vécu, Sandoz y est... Il y a eu des références à la pénurie, en 2012, de
médicaments injectables dans les
hôpitaux. On réalise que les hôpitaux ont été capables de gérer parce qu'ils
sont en étroite collaboration entre eux, entre les centres hospitaliers. Ils ont pu faire des mesures pour mitiger le
risque d'une pénurie de médicaments importante. Dans le secteur communautaire, ce qui va être un peu
plus difficile, les pharmacies ne sont pas organisées en réseau de la même
manière qu'ils le sont, et elles sont compétitrices entre elles. Alors, oui...
D'ailleurs,
il y a quand même, malgré tout, une bonne collaboration, à ce que j'en sais,
entre les pharmaciens, même entre
bannières, là : Est-ce que tu as des médicaments de telle sorte pour
approvisionner Mme Chose, que je n'ai plus son médicament en stock? Il y a des accommodements sur une base
temporaire comme ça. Mais, à grande échelle, s'il arrive une situation
de pénurie sur laquelle le soumissionnaire ou les deux soumissionnaires ont des
problèmes d'approvisionnement et qu'il
n'existe plus d'autres fournisseurs dans le marché, ça va être extrêmement
difficile à gérer sur une base
communautaire parce qu'il y a 1 800 pharmacies avec une panoplie, une
infinité de gammes de produits et de teneurs
qui est beaucoup plus grande que celle qui est utilisée dans les hôpitaux, un
degré de complexité qui est beaucoup plus grand.
M. Paradis
(Lévis) : Vous me parlez
donc de... bien, évidemment, on a beaucoup entendu parler ici aussi de la problématique de la distribution — ce
n'est probablement pas votre créneau — à ce
moment-là, de dire : Est-ce
qu'on va être capables de livrer à
temps, sur une échelle de sept jours, 24 heures sur 24, les besoins en
médicaments dans une région par rapport à une autre? Mais vous, vous
ramenez ça au fait des craintes de rupture d'approvisionnement.
M. Ouellet (Christian) : Absolument.
M. Paradis
(Lévis) : Permettez-moi de
comprendre, pour le bénéfice de ceux et celles qui nous regardent puis le mien également. Lorsqu'il y a appel d'offres dans les établissements hospitaliers, l'appel
d'offres est ouvert à tous les manufacturiers potentiels?
M. Ouellet
(Christian) : Oui, bien sûr, ceux qui ont un approvisionnement.
Évidemment, le critère de base, il faut avoir un médicament approuvé qui correspond aux devis et aux critères
qui sont demandés par celui qui émet l'appel d'offres.
M. Paradis (Lévis) : Et vous
gagnez ces appels d'offres là. Je reviens parce que j'essaie de comprendre le phénomène. Votre crainte, c'est de dire :
Comment pourrait-on faire face — et corrigez-moi si je comprends mal — à un producteur étranger qui, lui, pourra, en appel d'offres, soumettre un
prix qu'on ne pourra jamais donner? Puis là, bien, il est question, avec mon collègue, de toute la
problématique du fait qu'on soit ici, installés au Québec, et que, lorsqu'on
produit à l'étranger, c'est peut-être plus cher. Mais vous les gagnez dans les
établissements hospitaliers, c'est-à-dire qu'il
n'y a pas personne de l'Inde ou du Mexique qui a fait tomber — et corrigez-moi, encore une fois — votre marché. Et là ce serait à cause
du volume que vous craignez de disparaître?
M. Ouellet
(Christian) : Les médicaments dans les hôpitaux, il y a beaucoup de
production qui est une production spécialisée, O.K., alors des
médicaments qui ont une formulation ou une teneur qui est spécifique et qui est
utilisée seulement par les hôpitaux et sur
lesquels ceux qui soumettent dans les appels d'offres de produits hospitaliers
bénéficient, évidemment, d'un avantage compétitif de cette façon-là.
Par ailleurs, des
médicaments qui sont utilisés tant en hôpital qu'ambulatoire, là on a plus de
difficultés à être concurrentiels sur ceux-là parce qu'évidemment, comme il y a
un plus large volume, là... Je veux dire, ça revient à la question de volume de capacité puis d'économies
d'échelle qui sont disponibles. Mais là, bien, évidemment, ça ouvre la porte. Toute compagnie qui a une approbation,
un avis de conformité pour ce médicament spécifique là et qui est demandé
dans un appel d'offres peut le soumettre.
M. Paradis (Lévis) : Je comprends qu'à l'étranger il y a moins,
probablement, de producteurs qui ont un créneau spécifique sur un
produit spécifique pour le réseau hospitalier, par exemple.
M. Ouellet (Christian) : Mais des produits à grand volume d'utilisation
qui sont utilisés tant en hospitalier qu'en ambulatoire. Bien, il faut se comprendre là, je n'ai pas la statistique
exacte, mais, sans trop me tromper, là, je pense que la consommation totale des médicaments dans les
hôpitaux versus le reste qui est consommé de façon communautaire, on parle de 10 pour un ou à peu près 15 %.
Alors, vous voyez l'ordre de grandeur, on n'est plus dans la même magnitude,
là.
• (16 h 30) •
M. Paradis (Lévis) : Bon, il y a une notion de volume, elle est importante. Vous disiez tout à l'heure que, quand vous faites, par exemple, un appel d'offres et que vous le gagnez, dans un système qui
fonctionne dans les établissements de
santé, il y a des modalités qui sont correctes pour le
fabricant, notamment, bon, c'est une durée de x années, vous
parliez de trois ans. Dans l'appel
d'offres prévu au projet de loi, si on comprend le principe, si l'appel d'offres
est plus étendu dans le temps,
c'est-à-dire l'obtention et le fait que ce soit donné pour un temps plus long, est-ce que
ça peut sauver puis est-ce que ça peut vous faciliter la tâche, à ce
moment-là, comme manufacturier de médicaments au Québec?
M. Ouellet
(Christian) : J'adore votre
question parce qu'elle me permet de soulever un autre enjeu, qui est
aussi l'approvisionnement, la chaîne d'approvisionnement complète, parce
que vous comprenez qu'encore là on est dans un
système globalisé, mondialisé, on est en compétition pour avoir les ingrédients
actifs pour les intégrer dans notre chaîne de production, et tout, et tout. Et l'effet pervers d'avoir un effet... Il y a
deux choses dans votre question. Un appel
d'offres trop court va désintéresser...
Le Président
(M. Tanguay) : Donc... Quelques secondes, oui.
M. Ouellet
(Christian) : ...va
désintéresser les manufacturiers d'y soumettre puis un appel d'offres trop long va causer possiblement un problème d'approvisionnement
à long terme. Le juste milieu, je n'ai pas la réponse.
Le Président
(M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous vous remercions beaucoup,
les représentants des Manufacturiers et exportateurs du Québec.
J'invite
maintenant le prochain groupe à prendre place, les représentants de Familiprix, et je suspends nos travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à
16 h 31)
(Reprise à 16 h 35)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, nous poursuivons nos travaux. Nous accueillons maintenant
les représentants, représentantes de Familiprix. Bienvenue
à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de présentation de 10 minutes. Par la suite, vous aurez l'occasion
d'échanger avec les parlementaires. Pour les fins d'enregistrement, veuillez
s'il vous plaît prendre le temps de bien vous nommer, préciser
vos fonctions. Et, sans plus tarder, la parole est à vous.
Familiprix inc.
M. Falardeau (Albert) : Merci, M. le Président, de me donner la parole. Je remercie la Commission de la santé et des services
sociaux de nous recevoir ici et de nous permettre de nous exprimer sur le projet
de loi n° 81. Je salue M. le ministre de la Santé
et des Services sociaux, messieurs mesdames, députés de l'opposition,
ministériels, députés de l'opposition
officielle, députés de la deuxième opposition, M. le député de Mercier.
Mesdames messieurs, merci d'être présents.
Je me présente, Albert Falardeau, je suis président de Familiprix, et j'ai à
mes côtés Me Nancy Beshro, chef des services juridiques et affaires réglementaires, et M. Guy Monfette,
vice-président, Affaires et services professionnels, et M. Charles
Pinel est dans l'assistance.
Permettez-moi
de vous présenter notre organisation. Entreprise créée par des pharmaciens pour
des pharmaciens, au service de
ceux-ci, elle fut fondée à Rivière-du-Loup il y a 35 ans. Nos pharmaciens
sont affiliés dans un mode bannière, contrairement
à d'autres modèles franchiseurs ou corporatifs, et ce, dans 343 sites
différents, dont 334 sont situés au Québec. Familiprix est un réseau de pharmacies de quartier orientées vers la
pratique professionnelle. Familiprix a comme élément distinctif le fait
d'être la propriété de ses pharmaciens, d'avoir son centre de distribution à
Québec, son logiciel de laboratoire ainsi
qu'une importante présence en région. Notre entreprise n'est pas intégrée,
n'étant pas propriétaire d'un fabricant.
L'entreprise Familiprix a à son actif 425 employés au siège social de
Québec et plus de 5 000, si on tient compte du réseau complet.
Au préalable,
nous souhaitons réitérer notre appui afin de trouver des solutions à l'égard du
projet de loi n° 81, mais nous
craignons que ce projet de loi menace la qualité, l'accessibilité et le coût
des services de santé pharmaceutiques, notamment en milieu rural. Nous
limiterons la portée de nos interventions, de nos commentaires qui nous
semblent capitaux à l'aspect volet grossiste de l'important projet de loi.
Notre réseau
de distribution comporte 334 pharmacies au Québec, dont 170 en région,
principalement, parfois même aux confins du Québec. De celles-ci, une
centaine constitue les seules ressources pharmaceutiques facilement accessibles dans leur milieu. En plus des
considérations géographiques, certains points méritent une attention
particulière, à savoir que Familiprix offre un service
d'approvisionnement quotidien, n'exige aucun minimum d'achat pour livrer, a une capacité de gestion de la chaîne de froid,
joue un rôle important avec les autres grossistes dans la répartition des
produits suite à une pénurie, assume la
totalité des frais de transport indépendamment de la situation géographique de
sa clientèle, n'est pas un fabricant
de médicaments, ne possède pas une entreprise de fabrication liée, et les
médicaments d'ordonnance représentent 80 % de son chiffre
d'affaires.
Je voudrais vous parler du rôle important du
grossiste. L'apport des grossistes est très important dans notre système de santé. Il permet de faire un lien entre
les fabricants, les hôpitaux, les CLSC et les pharmacies communautaires.
Et certaines offrent une vaste gamme de
produits paramédicaux pour ainsi couvrir les besoins de la population. Les
zones de distribution, la fréquence de distribution, la variété des
produits en inventaire, les chaînes de froid et le nombre de livraisons quotidiennes de médicaments sont tous
des considérants importants que le gouvernement doit prendre en compte de
façon sérieuse.
Il existe essentiellement
trois modèles d'affaires qui se distinguent, allant de la distribution
exclusive uniquement, à des
entreprises qui sont intégrées verticalement, soit les chaînes et bannières de
pharmacies qui possèdent leur fabricant. Certains grossistes livrent presque exclusivement dans les grands
centres. Familiprix assure un service de livraison quotidien tant en régions urbaines qu'en régions rurales.
Or, l'étalement géographique de clients desservis impose une logistique de
livraison plus complexe et des coûts de transport plus onéreux.
Au-delà de
l'enjeu économique, il peut survenir un enjeu vital pour certains citoyens
atteints de cancer, dialysés. De plus,
il m'importe d'ajouter ici, M. le Président, que, de par la superficie de nos
pharmacies et leur situation géographique, le volume d'achat moyen d'un
membre affilié à notre réseau est inférieur à ceux des grandes chaînes
québécoises. Ainsi, préserver un accès uniforme à tous les médicaments impose à
Familiprix des coûts de livraison nettement supérieurs et en proportion de son
volume d'affaires.
Le
gouvernement a fixé un taux de distribution où il rembourse le taux grossiste à
6,5 %, avec un plafond de 39 $ pour les médicaments dispendieux. Cette entente a fait ses preuves et a
démontré de nombreux avantages, à savoir que les patients ont un accès
rapide au traitement, ils ont des médicaments de qualité au bon endroit et au
bon moment; les pharmaciens, peu importe la
superficie de leur pharmacie, ont accès à tous les médicaments sans obligation
de commande minimale; le gouvernement
s'assure d'une chaîne d'approvisionnement pharmaceutique sûre et sécurisée; le
gouvernement a devant lui un modèle axé sur le patient, un modèle
solide, prévisible, transparent et disponible à l'ensemble de la population du
Québec.
• (16 h 40) •
Une
diminution de nos revenus suite au processus d'appel d'offres risque de
provoquer des conséquences sur la livraison
des médicaments qui pourraient être des plus néfaste, notamment une
fragilisation dans l'accès aux médicaments, surtout pour les patients en région éloignée, une réduction de services
à la population, des délais de livraison plus longs, une augmentation
des dépenses.
L'accès aux
médicaments pour les patients résidant en région constituera un enjeu très
important au cours des prochaines
années. Chaque patient a droit au même accès aux médicaments dont il a besoin,
et ce, qu'il réside en centre urbain
ou en région. La fiabilité des approvisionnements pourrait être compromise pour
deux raisons majeures. Dans un premier
temps, l'attribution à un distributeur exclusif de certaines molécules peut
conduire à une situation de monopole auprès des pharmacies. Ledit
distributeur, le cas échéant, n'est plus tenu d'offrir le niveau de services
actuel, et cela pourrait engendrer des retards de livraison et une diminution
du nombre de livraisons, surtout en région éloignée. Ce distributeur n'aura aucun incitatif à desservir une pharmacie de la
concurrence pour livrer un ou deux produits. De plus, on peut se questionner à savoir quelle sera la
pharmacie privilégiée au niveau de la livraison s'il survenait un rationnement
de ladite molécule.
Dans un
deuxième temps, nous réitérons à la commission que les pharmacies situées dans
les régions éloignées représentent
souvent le seul service de santé à proximité. Afin de maintenir le
développement des pharmacies hors des grands
centres et afin de préserver le niveau de services actuel aux patients, il est
primordial de préserver le modèle de distribution
actuellement en place. Avec l'adoption du projet de loi n° 81, chaque
pharmacie devra placer des commandes additionnelles auprès d'autres
grossistes pour quelques molécules, ce qui occasionnera un travail
administratif supplémentaire. Celui-ci
diminuera le temps accordé par le pharmacien et son équipe aux interventions
cliniques : suivi des patients asthmatiques, diabétiques,
hypertendus, psychiatrisés, patients âgés et vulnérables.
En vertu de l'article 60.0.0.2, le
grossiste retenu connaîtra le volume d'achat de chaque pharmacie pour certains
médicaments, ce qui compromet le secret
industriel et interpelle Familiprix. Ainsi, le gouvernement s'ingère dans des
relations d'affaires en forçant les
compétiteurs à partager de l'information sensible d'un point de vue
stratégique. De plus, le processus d'appel d'offres relativement à la
distribution des médicaments serait de nature à produire les effets contraires
au but recherché, puisqu'il conduirait, à terme, à diminuer la concurrence.
Comme aucun grossiste ne dessert plus de 600 pharmacies, il est légitime
de remettre en question la capacité pour un seul de servir 1 845.
Cela dit, l'usage de
la procédure d'appel d'offres pour la sélection d'un grossiste risque de
compromettre le fonctionnement et
l'efficacité du réseau de distribution actuel, à savoir l'élimination de la
compétition et la création de monopoles.
Les grossistes hésiteront à soumissionner en raison d'investissements
financiers importants, des coûts beaucoup plus élevés pour le
gouvernement advenant une pénurie de molécules.
Les
revenus de notre société reliés à l'approvisionnement des pharmacies
communautaires sont tributaires du prix des médicaments négocié par le
gouvernement et de la marge bénéficiaire de 6,5 %, avec un plafond de
39 $ pour les molécules dispendieuses,
également fixé par le gouvernement. Il est important pour nous de faire une
mise au point sur ce taux de
distribution. Pour Familiprix, le taux de distribution réel est de 5,6 %,
tenant compte du mixte des médicaments à
6,5 % et du maximum fixé à 39 $. Familiprix fait déjà sa part dans la
réduction des dépenses de la société, car, à chaque fois qu'un
médicament diminue de prix, nous en sommes automatiquement affectés.
Toujours
depuis 2010, nos frais de distribution ont augmenté de 41 %. De plus, dans
d'autres provinces comme l'Ontario,
l'Alberta, les Maritimes, certains grossistes ont été forcés de réduire le
niveau de leurs services et même, pour certains, de fermer leur centre
de distribution, et je cite AmerisourceBergen.
Suite
aux analyses de Familiprix, la perte de 10 molécules seulement aurait un
impact de plus de 3 millions de dollars,
et ce, sans tenir compte des dommages collatéraux. On entend par «dommages
collatéraux» les secrets d'entreprise aux
mains de nos compétiteurs, les pertes de ventes supplémentaires, la diminution
de nos capacités de rendre des services en pharmacie et le
ralentissement de notre développement.
En conclusion,
utiliser le processus d'appel d'offres en vertu de l'article 60.0.0.2 aura des
conséquences difficilement prévisibles, sans
qu'il n'y ait de garantie que l'objectif annoncé de réduire les coûts pour les
contributions soit réel. Les patients bénéficient actuellement d'un
réseau de distribution de médicaments fiable, stable, efficace et sécuritaire
et, pour ces raisons, il doit absolument être préservé. Celui-ci fait l'envie
d'autres provinces, voire de pays occidentaux.
Avoir recours à un appel d'offres grossiste, c'est prendre beaucoup de risques
bien définis en contrepartie d'économies très peu chiffrées.
Familiprix
vous recommande donc d'exclure du projet de loi le volet d'appel d'offres
grossiste, de reconnaître la part
historique des distributeurs au contrôle des dépenses de santé, de travailler
ensemble pour préserver l'intégrité de l'écosystème
par l'entremise de l'Alliance pancanadienne pharmaceutique et assurer la
pérennité de l'accès à des produits et
services pharmaceutiques de qualité pour la population du Québec. Nous
réitérons notre appui au gouvernement du Québec afin de trouver des solutions qui s'inscrivent dans la volonté du
gouvernement de dégager des économies au chapitre de l'assurance
médicaments tout en maintenant l'accès à la population.
En
terminant, je remercie les membres de la commission pour leur écoute attentive.
Il me fera plaisir de répondre à leurs questions.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, pour une période
de 15 minutes, je cède maintenant la parole au ministre de la
Santé.
M. Barrette :
Merci, M. le Président. Alors, M. Falardeau, Mme Beshro et
M. Monfette, bienvenue à cette commission parlementaire. On a eu le
plaisir de se rencontrer dans d'autres circonstances précédemment. Là, c'est évidemment
dans le cadre des consultations
publiques sur la loi n° 81. Et vous avez fait une présentation, je vais
vous avouer, que j'ai trouvé très
intéressante parce qu'elle touche un certain nombre d'éléments qui sont, je
dirais, cardinaux, pertinents,
majeurs, là, dans la vie de ceux qui oeuvrent dans l'environnement ou dans
l'écosystème, pour employer votre expression, du médicament.
Bon.
Pour clarifier les choses, encore une fois, pour le bénéfice de tout le monde,
là, vous, vous n'êtes pas une bannière comme les autres, en ce sens que
vous êtes un regroupement de pharmaciens.
M. Falardeau (Albert) : Nous, on est un regroupement de pharmaciens qui
appartient à ses pharmaciens, oui.
M. Barrette :
Alors, c'est important de le considérer, là, de le rappeler pour le bénéfice de
ceux qui nous suivent. Bon, vous
n'êtes pas une coopérative, là, mais vous êtes un regroupement de pharmaciens
propriétaires, donc vous n'êtes pas un partenaire d'affaires direct, là,
avec un grossiste, avec un fabricant.
M. Falardeau
(Albert) : Bien non, on n'a pas...
M. Barrette :
Vous avez des liens d'affaires, là, mais, je veux dire, c'est...
M. Falardeau (Albert) : Non, non, M. le ministre, nous possédons notre
propre grossiste. Familiprix possède son propre grossiste depuis 1991.
M. Barrette :
Parfait. Je vais vous poser une question qui... puis je ne veux pas rentrer
dans le détail, là, mais vraiment pas rentrer dans le détail. Les
pharmaciens chez vous gagnent-ils aussi bien leur vie que dans d'autres
organisations?
M. Falardeau
(Albert) : Je ne connais pas... M. le ministre, je suis embêté...
M. Barrette :
Je comprends. Vous n'avez pas de misère à recruter des pharmaciens?
M. Falardeau (Albert) : Si on a de la misère à trouver des pharmaciens?
On a eu de grandes difficultés à trouver des pharmaciens, effectivement.
M. Barrette :
Pourquoi?
M. Falardeau
(Albert) : Écoutez, vous savez, tout comme moi, M. le ministre, qu'il
y a eu une pénurie de pharmaciens. Les
pharmaciens étaient peu disponibles. On a eu beaucoup de difficultés à trouver
des pharmaciens pendant de nombreuses années. La pénurie semble se
résorber quelque peu.
M. Barrette :
Mais, à l'exception de la pénurie, là, sur le plan commercial, vous êtes
compétitifs?
M. Falardeau (Albert) : Sur le plan commercial, j'ose croire, dans le
fond, que Familiprix est compétitif, oui.
M. Barrette :
Est-ce que je peux postuler que vous n'avez pas de difficulté à recruter des
pharmaciens propriétaires, des franchisés? Vous devez les appeler comme
ça, j'imagine, vous aussi, là.
M. Falardeau
(Albert) : Non, mais, M. le ministre...
M. Barrette :
Bien, c'est votre modèle d'affaires. Ce n'est pas une franchise, j'en conviens,
là, mais ceux qui sont chez
vous — vous en
recrutez — donc,
comme ce sont, eux aussi, des pharmaciens propriétaires comme les autres
pharmaciens propriétaires, eux, correctement
qualifiés de franchisés, vous en recrutez, votre modèle est donc compétitif.
M. Falardeau (Albert) : Notre modèle n'est pas compétitif, M. le
ministre, au point de vue, je parle, du modèle Familiprix. Nous n'avons
pas de franchise. Nous ne sommes pas des franchisés, nous sommes des banniérés.
M. Barrette :
Pour le pharmacien propriétaire.
M. Falardeau
(Albert) : Est-ce que le pharmacien propriétaire gagne aussi bien sa
vie qu'un autre modèle? Écoutez, j'ai
toujours opéré dans le modèle Familiprix, je serais bien mal placé, dans le
fond, pour vous répondre à cette question-là.
M. Barrette :
Bien, on peut postuler que, si c'était désavantageux pour les pharmaciens
propriétaires, ils vous fuiraient.
M. Falardeau (Albert) : Mais je pense que les pharmaciens propriétaires
voient en Familiprix un modèle d'affaires propre à eux. Simplement l'indépendance des pharmaciens, le contrôle de
leur destinée, je pense que c'est avant tout pour ça que les pharmaciens propriétaires adhèrent à
Familiprix, comme ils vont adhérer dans d'autres modèles d'affaires pour
des raisons différentes.
M. Barrette :
Vous êtes en train de me dire, là, que des gens qui sont en affaires
choisissent de peut-être être à perte. C'est un choix.
Moi,
je veux juste établir une chose de votre part, là. Moi, je pense, je postule,
puis je vous demande votre opinion, là : vos pharmaciens
propriétaires dans votre modèle sont compétitifs.
M. Falardeau
(Albert) : Je comprends mal votre question, M. le ministre. Est-ce que
c'est possible de...
M. Barrette :
Bon, bien, vous êtes au moins rentables. Si vous n'êtes pas compétitifs, vous
devez être rentables.
M. Falardeau
(Albert) : M. le ministre, sans dévoiler, dans le fond, les chiffres,
dans le fond, de...
M. Barrette :
Non, non, je ne veux pas que vous dévoiliez des chiffres. C'était une question.
M. Falardeau (Albert) : Non, non, il y a des gens chez nous, dans le
fond, nécessairement, dans le fond, qui ont des entreprises rentables, sûr et certain, sinon ils ne seraient pas en
affaires, et il y en a d'autres, dans le fond, qui sont moins rentables.
• (16 h 50) •
M. Barrette :
La raison pour laquelle je vous pose cette question-là, c'est précisément à
cause de votre présentation. Vous
vous êtes présenté, dans votre allocution introductive, en mentionnant que vous
n'étiez pas un certain nombre de choses,
vous n'aviez pas un certain nombre d'associations, ce qui, théoriquement,
devait représenter un avantage quelconque. Et, par exemple, je vous cite, vous avez dit que vous n'étiez pas dans
un modèle d'intégration verticale. Qu'est-ce qu'il y a de mauvais dans
un modèle d'intégration verticale?
M. Falardeau (Albert) : Je crois qu'il n'y a rien de mauvais dans un
modèle d'intégration verticale. Je dis juste que Familiprix, dans le fond, n'a pas ce modèle d'intégration verticale,
simplement. Familiprix est une bannière qui possède son grossiste, n'a pas le modèle d'intégration
verticale. Je ne dis pas, dans le fond, que le modèle d'intégration verticale
n'est pas bon.
M. Barrette : Mais, pour vous, là, il n'y a
d'avantage ou de désavantage pour le pharmacien propriétaire d'être dans
un modèle d'intégration verticale.
M. Falardeau (Albert) : Je ne connais pas assez le modèle d'intégration
verticale, dans le fond, des autres partenaires d'affaires. Moi, je
peux vous dire que le pharmacien, chez nous, ne choisit pas Familiprix pour le
modèle d'intégration verticale, il le
choisit, dans le fond, pour l'indépendance de ses actions, pour la façon de faire de Familiprix, tout simplement.
M. Barrette : M. Falardeau, vous m'étonnez beaucoup,
là, parce que, si vous le mentionnez et vous insistez sur ce point-là, il doit y avoir quelque chose que vous savez que vous n'exprimez pas. C'est votre prérogative de ne
pas aborder ce sujet-là, mais moi, je postule qu'il y a, là, un enjeu
financier.
Vous
avez aussi, dans votre présentation, mentionné le fait, dans votre modèle, que
j'ai perçu, dans votre bouche, comme
étant un avantage par rapport à d'autres ou du moins une caractéristique à ce point différente qu'il y
avait une conséquence qui ne peut être autre, à mon avis, qu'au moins partiellement financière. Vous avez dit, par exemple, que vous n'exigiez pas des
minimums pour livrer. Ça veut dire qu'il
y en a qui exigent des minimums.
C'est quoi, la conséquence de ça?
M. Falardeau (Albert) : Bien, je ne le sais pas, moi, s'il y en a qui exigent des minimums. Moi, je sais que, dans notre modèle d'affaires, Familiprix étant un
regroupement de pharmaciens, on n'exige pas, dans le fond, de minimum
pour livrer, tout simplement parce que
c'est le modèle, il appartient à ses pharmaciens. C'est une directive qu'ils se
sont donnée à eux dans le sens de
pouvoir, dans le fond, livrer, dans
le fond, à n'importe quel endroit, et ça, sans minimum.
Moi,
je peux vous dire, M. le ministre, que j'ai commencé il y a 41 ans. Il y a
41 ans, là, j'étais obligé, dans
le fond, d'aller chercher mes médicaments à 40 kilomètres
de chez nous. Ça fait que, si aujourd'hui, dans
le fond, on n'exige pas de minimum, c'est peut-être
aussi parce que la personne qui est là aujourd'hui a vécu, dans le fond, des moments qui étaient plutôt pénibles. Aller chercher ses médicaments lui-même
à 40 kilomètres, ce n'était pas la bonne solution, alors qu'aujourd'hui
moi, je préfère, dans le fond, que tout le monde... puis ce n'est pas moi seul,
hein, l'ensemble des pharmaciens ont décidé
qu'il n'y avait pas de minimum, qu'on devait livrer, dans le fond, où les gens étaient, puis c'était une raison principale,
d'autant plus qu'on est beaucoup en régions rurales.
M. Barrette : Pardonnez-moi si j'insiste. Parmi les gens qui
sont venus, à date, en consultations publiques, il y avait Me Fernet, qui, lui, nous mentionnait l'impact de
l'intégration verticale. Je suis étonné que ça ne sonne pas de cloche chez
vous, là. Lui y voyait des avantages, là. Il nous en décrivait quelques-uns, d'ailleurs,
là, puis qui étaient...
M. Falardeau (Albert) : Je respecte beaucoup Me Fernet. J'ai
entendu, dans le fond, son commentaire. Nous, on est une bannière, dans le fond, qui a son grossiste, qui possède son grossiste. S'il voit des
avantages à avoir un modèle avec
l'intégration verticale, je pense que M. Fernet doit vous avoir répondu.
Moi, je suis incapable de vous répondre à sa place.
M. Barrette : Et, sur la question des volumes d'achats
moyens, vous l'avez abordée vous-même, quelle est la mécanique?
M. Falardeau
(Albert) : Volumes d'achat moyens...
M. Barrette : Vous nous avez présenté ça en nous disant :
Nous, on est un modèle qui n'a pas de volume d'achat moyen, donc comme
vous n'aviez pas d'obligations. Donc, d'autres en ont.
M. Falardeau
(Albert) : Non, je ne dis pas dans... M. le ministre, moi,
respectueusement, je ne dis pas que d'autres,
dans le fond, ont des volumes d'achats moyens. Moi, je dis
que, chez nous, il n'y a pas de volume d'achat minimal, un, premièrement. Et, deux, je dis que, du fait, dans le fond, qu'on est situé beaucoup en régions plus rurales que d'autres bannières, que d'autres chaînes, bien, notre
volume d'affaires, nécessairement, de chaque pharmacie, est plus bas, tout simplement. C'est un modèle qui est
comme ça, tout simplement.
M.
Barrette : Vous avez dit,
dans une entrevue dans La Presse+,qu'un des avantages que vous
aviez, là — j'essaie
de vous permettre de vous exprimer sur les
avantages de votre modèle — vous,
là, dans votre modèle, vous aviez l'avantage de ne pas avoir à payer de
frais de bannière. Pouvez-vous nous expliquer ça?
M. Falardeau
(Albert) : Ah bien, j'ai peut-être été mal cité. Il me semble que moi,
j'ai dit dans La Presse...
M. Barrette :
J'ai lu le texte, je viens de vous lire le texte dans La Presse+.
M. Falardeau
(Albert) : Oui. J'ai dit que
moi, je n'ai pas de modèle, dans le
fond, de franchise. J'ai dit que,
nous, dans le fond, c'était une bannière. On paie un frais de
bannière chez Familiprix, là, un frais mensuel de bannière. Je n'ai pas de frais de franchise.
J'ai dit : On n'est pas un franchiseur, on n'est pas un corporatif, on est
simplement un regroupement de pharmaciens... pas tout
simplement, on est avant tout, et
fiers de l'être, un regroupement de pharmaciens. Et, nous, dans le fond,
il y a un frais de bannière à tous les mois.
M. Barrette : Je vais vous lire votre citation,
M. Falardeau, là. Puis je veux juste, moi, comprendre de quoi il en
retourne, là : «Nos commerces ont une
superficie moyenne de [x] pieds carrés...» Là, ce n'est pas ça qui est important. «Nos opérateurs ne doivent payer que des frais de bannière minimaux,
contrairement à des pourcentages de ventes totales que facturent les
autres groupes à leurs franchisés.»
M. Falardeau (Albert) : C'est ma réponse que je viens de vous dire, M. le ministre, tout respectueusement. Je dis
que, chez nous, dans le fond, il y a un frais de bannière qui est minimal, et que,
dans une opération de franchise... Et leur
modèle est bon, là. Je veux dire, dans les opérations de franchise, ils paient
un frais de franchise, et ce n'est pas le modèle, dans le fond, que les
pharmaciens chez nous ont choisi.
M. Barrette : Est-ce
que ces éléments-là sont des éléments
qui peuvent avoir un impact sur le prix du médicament que l'on paie,
cette chaîne-là?
M. Falardeau (Albert) : Ah! je ne crois pas, M. le ministre. Je ne crois pas, dans le
fond, que cet élément-là, que
ce soit, dans le fond, une bannière ou un frais de franchise, ait un impact sur
le prix du médicament que l'on paie.
M. Barrette : Écoutez, il
y a toujours un mystère, évidemment,
dans tout cet environnement-là. Quand on regarde ce qui se passe sur le
terrain, au moment où on se parle, au moment où on se parle — puis
je vais un peu reprendre l'argumentaire de
mon collègue de Rosemont, qui l'a soulevé tout à l'heure, que je
réservais pour un peu plus tard, mais on va l'aborder maintenant — au
moment où on se parle, il y a, sur le terrain, une espèce de guerre d'allocations
professionnelles, la guerre étant : on
demande aux fabricants, qui étaient ici tantôt représentés par les
manufacturiers, des allocations professionnelles de plus en plus élevées
et non seulement on en demande, mais on me rapporte que ces demandes-là sont
souvent acceptées. Il doit donc y avoir de la marge en quelque part.
M. Falardeau (Albert) : Écoutez, M.
le ministre, les allocations
professionnelles... Moi, je suis avant tout ici, dans le fond, pour défendre le
rôle de Familiprix en tant que grossiste et de demander au ministre
de retirer le projet d'appel d'offres
grossiste. Les allocations professionnelles — je pense que vous allez recevoir, ces jours-ci,
les gens de l'association des pharmaciens propriétaires et d'autres
instances — c'est
un domaine, dans le fond, qui ne transite pas du tout par Familiprix. Ça fait
que, moi, c'est assez difficile pour moi de vous répondre sur les allocations
professionnelles.
M. Barrette : Alors, vous, vous seriez un des seuls grossistes
dans votre organisation à ne pas percevoir d'allocations
professionnelles.
M. Falardeau (Albert) : Familiprix ne perçoit pas d'allocations
professionnelles. Et les allocations professionnelles, dans le fond, que les pharmaciens, dans le
fond, dans notre réseau, sans doute, je dis
bien «sans doute», reçoivent — et
il y a une loi, dans le fond, qui a été édictée par le premier ministre actuel du Québec, M. Couillard, qui est de 15 %, qui permet d'avoir 15 % en retour, dans le fond, de services que les
pharmaciens doivent à la population — il n'y a rien qui transite par
Familiprix.
M. Barrette :
Ça, ça va. Mais que dire si l'allocation professionnelle aujourd'hui, dans
votre réseau, est exigée parce que,
là, il y a une entente qui a été payée, et là un pharmacien chez vous, par
exemple, exigerait une allocation de 42 %,
et que, là, le marché, lui, continue à fonctionner tel qu'avant, mais avec une
allocation de 42 %? N'est-ce pas là une démonstration qu'il y a de
la marge?
M. Falardeau
(Albert) : Mais à qui le pharmacien exigerait le 42 %? Pas à
Familiprix.
M. Barrette :
Bien, vous, vous êtes un regroupement de pharmaciens propriétaires, là. Je ne
veux pas vous mettre en cause ni personnellement ni vos membres, mais il y a
toutes sortes de choses qui circulent. Les allocations professionnelles,
actuellement, sont à la hausse.
M. Falardeau
(Albert) : Nos pharmaciens sont des pharmaciens indépendants. S'ils,
dans le fond, discutent d'allocations
professionnelles, ça ne se discute pas, dans le fond, au siège social. C'est
chaque pharmacien indépendant qui en discute lui-même et non par
Familiprix.
M. Barrette :
Moi, M. Falardeau, il me reste juste une minute, là. Ça fait que je vais
me permettre de vous poser une dernière question, là. C'est quand même
votre monde à vous, là, M. Falardeau, là.
M. Falardeau
(Albert) : ...
M. Barrette :
J'ai dit : C'est quand même votre monde à vous, là. Actuellement, dans
votre monde, là, dans lequel il y a
une chaîne entre la matière première et le patient, il y a une tendance à une
demande accrue de la part des pharmaciens propriétaires, vous en êtes, là, une demande
d'augmenter les allocations professionnelles. Or, l'écosystème, pour employer
l'expression qui a été utilisée par votre prédécesseur, demeure. Il y a donc de
la marge. Vous n'en trouvez pas.
• (17 heures) •
M. Falardeau
(Albert) : M. le ministre,
je désire rappeler respectueusement au ministre que c'est vous, dans le fond, qui avez édicté le projet de loi n° 28,
et, si, dans le fond, il y a une place, je ne peux pas vous répondre, dans le
fond, à ce moment-ci. Moi, pour moi,
l'important, dans le fond, c'est de vous dire que, chez nous, ça ne transite
pas par Familiprix et qu'on veut
prendre le temps ici avant tout pour dire que ça ne transite pas... il
n'y a rien chez nous, dans le fond, chez le grossiste, au niveau des allocations professionnelles.
Le
Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Alors, nous allons maintenant
céder la parole, pour une période de neuf minutes, à notre collègue de Rosemont.
M. Lisée : M. Falardeau, M. le président, je suis très
heureux de vous rencontrer à nouveau. Je salue Me Beshro, M. Monfette. Et je rebondis sur les questions du ministre, parce qu'on essaie de
comprendre, n'étant pas pharmaciens ni lui
ni moi. Les allocations professionnelles, qui sont des ristournes que les
compagnies de médicaments génériques offrent aux pharmaciens propriétaires et que les pharmaciens doivent utiliser
pour financer des services, lorsque le pharmacien achète directement du producteur de génériques, la
transaction peut se faire puis le producteur, le fabricant peut dire :
Bien, je te donne 15 % de
ristourne, ce qui est, pour l'instant, le maximum. Mais, lorsqu'il passe par un
grossiste... Vos membres, ils
achètent leurs médicaments génériques via votre grossiste. Alors, est-ce que
vous nous dites que le grossiste vend au prix indiqué sur le formulaire et qu'ensuite le pharmacien rappelle le
fabricant de génériques pour dire : Aïe! Envoie-moi ma ristourne de
15 %?
M. Falardeau
(Albert) : C'est exactement
ce que je vous dis. Il n'y a rien qui transite par Familiprix. Le 15 %
est négocié entre le fabricant et le
pharmacien propriétaire. Le seul point, dans le fond, que Familiprix... va
simplement donner les chiffres
d'affaires qui ont été transités chez nous au fabricant pour pouvoir donner
l'allocation professionnelle pas exigible, là, mais reconnue, dans le
fond, par le ministère de la Santé.
M. Lisée :
O.K. Donc, automatiquement, lorsque le pharmacien achète via votre grossiste un
volume x du produit y, le fabricant y
sait qu'il peut, ou il doit, ou enfin il va envoyer la ristourne de 15 %,
le plafond de 15 % au pharmacien qui a fait cet achat via le
grossiste, mais cette somme ne transite pas par vous, elle va aller du
fabricant au pharmacien.
M. Falardeau
(Albert) : Ça ne transite
pas par nous, ça va sans doute du fabricant au pharmacien. C'est un lien
entre le fabricant et le pharmacien.
M. Lisée :
Et est-ce que vous savez si, dans d'autres modèles d'affaires, le grossiste
lui-même gère cette allocation professionnelle?
M. Falardeau (Albert) :
Malheureusement, je ne m'immisce pas dans les autres modèles d'affaires, et ils
ne viennent pas me conter leurs secrets d'État.
M. Lisée : Je vous sens
soit extraordinairement mal informé, et je ne le crois pas, ou
extraordinairement prudent face à vos collègues de l'industrie, alors je vais
respecter ça.
Maintenant,
il y a deux ou trois questions qui ont été posées jusqu'à maintenant, parce
que, bon, le ministre, on l'a dit, a
déposé un projet de loi assez étonnant, partiellement inapplicable, mais c'est
aussi pour avoir une discussion plus générale
sur ce qu'il aurait dû déposer, c'est-à-dire une loi générale sur le médicament
ou une politique du médicament, et
donc on se permet de poser des questions qui dépassent les trois articles du
projet de loi, et on a eu une discussion ici il y a deux semaines sur la transparence. On sait exactement combien les
pharmaciens chargent à l'État lorsque les assurés du régime public d'assurance médicaments font
appel à leurs services, mais nous ne savons pas combien sont ces honoraires
lorsque ce sont des membres de l'assurance
privée, qui sont l'immense majorité des Québécois. Est-ce que vous, ça vous
poserait un problème si cette transparence existait?
M. Falardeau
(Albert) : Moi, je rappelle
au député de Rosemont, M. Lisée, que le problème de transparence ou la
discussion sur la transparence des prix est un problème ou un dossier qui
relève beaucoup plus de l'association des pharmaciens
propriétaires. Je pense que nos gens vont passer à quelque moment donné en
commission parlementaire. Je vous
invite à poser la question à ces gens-là. Moi, j'aimerais, dans le fond, qu'on
parle beaucoup, dans le fond, d'un appel
d'offres grossiste. Je suis vraiment, dans le fond, impliqué, dans le fond, au
niveau grossiste. Ça me perturbe, ça m'interpelle
énormément de voir qu'il peut y avoir un appel d'offres grossiste, que ça va
changer complètement la façon de faire.
M. Lisée :
Là-dessus, là, moi, je suis assez convaincu que ça n'a pas de sens, cette
histoire d'appel d'offres grossiste. L'appel
d'offres fabricant, je suis prêt à continuer à avoir la discussion. Mais,
écoutez, vous représentez 320 pharmaciens propriétaires regroupés, là, alors il y a 320 pharmaciens chez vous
qui, tous les jours, chargent des honoraires pour des membres d'assurances privées, et on ne peut pas
savoir, ni l'État, ni le ministère de la Santé, ni les assureurs privés, ni les
clients, quel est l'honoraire chargé par le
pharmacien pour la dispensation de ce service-là. Alors, vous devez avoir une
opinion là-dessus. Je sais qu'il y a beaucoup de
résistance à cette transparence-là et je voudrais savoir pourquoi il y a cette
résistance-là.
M. Falardeau
(Albert) : Je rappelle, dans
le fond, encore une fois, dans le fond, que c'est un dossier de l'AQPP, mais je vous dirais que je ne crois pas que les assureurs ne savent pas, dans le fond, ils ne sont pas capables de décortiquer, dans le fond, l'honoraire, dans le fond, du pharmacien à partir, dans le fond, d'un prix qui est déjà établi. Mais ça, c'est un dossier entre
les assureurs et l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires.
M. Lisée : Je vous dirais que c'est une question
de politique publique aussi parce qu'on essaie de
déterminer le juste prix du
médicament, et là il y a une zone d'ombre. Alors, vous nous dites :
Les assureurs devraient pouvoir déduire. Moi, je pense, en tant que législateur,
que j'aimerais pouvoir savoir sans avoir à déduire, ensuite je pourrais toujours
confirmer par des déductions. Mais, en tout cas, donc, je sens votre prudence là-dessus
aussi.
Sur les frais
de vos grossistes, dans votre mémoire, qui est très intéressant, vous nous
dites : Écoutez, on a déjà
beaucoup donné et on a réduit considérablement notre marge de profit, finalement,
au cours des années, à cause du fait que
le gouvernement a plafonné, à la fois en tant que grossiste, ce
qu'on perçoit sur le médicament, 6,5 %,
et donc a fixé et a plafonné pour les
médicaments qui sont plus onéreux en le plafonnant à un niveau qui est moindre,
dans plusieurs cas, que le coût réel.
Alors, vous dites : Nous, on a fait le calcul pour Familiprix, le taux de
distribution réel n'est pas de 6,5 %, mais de 5,3 %, prenant en compte le mixte des médicaments à
6,5 % et des médicaments dispendieux dont le montant est fixé à 39 $. Et là vous nous dites :
«Toujours depuis 2010, nos frais de distribution — transport, réception, manutention et livraison — ont augmenté de 41 %.» Alors, vous nous
dites, donc, que votre revenu par médicament a baissé, que vos coûts ont
augmenté de 41 %, puis vous êtes toujours en affaires.
M. Falardeau
(Albert) : C'est ça qu'on
appelle l'entrepreneurship québécois, l'efficacité québécoise, mais on
est rendus au point de non-retour.
M. Lisée :
Mais vous ne nous auriez pas dit la même chose en 2011, 2012, 2013, 2014, que vous
étiez rendus au point de non-retour puis qu'on ne pouvait pas en
demander plus?
M. Falardeau (Albert) : Je
pense qu'on est rendus au point de retour en 2016.
M. Lisée :
Très bien, mais c'est quand même extraordinaire, la capacité d'adaptation que
vous avez eue à travers ces années.
M. Falardeau
(Albert) : Écoutez, oui, on
a eu une capacité d'adaptation, on a contrôlé d'autres coûts de façon incroyable, on a développé, dans le fond, de
nouvelles structures. Je peux vous en nommer une, entre autres un logiciel
de laboratoire. On a fait des développements
aussi hors Québec, on a agrandi le nombre de nos pharmacies. C'est tout
ça qui fait en sorte que Familiprix, dans le fond, maintient encore sa
rentabilité aujourd'hui.
M. Lisée :
Est-ce que vous avez bénéficié des crédits d'impôt sur la recherche et le
développement pour vous aider dans ces transformations?
M. Falardeau (Albert) : Pardon?
M. Lisée : Est-ce que
vous avez bénéficié des crédits d'impôt pour la recherche et le développement?
M. Falardeau
(Albert) : Quelque peu au
niveau informatique, quelque peu au niveau informatique. Là, je ne vous répondrai pas n'importe quoi, il faudrait que je
demande à mon vice-président, Finances. Très, très peu, dans le fond, on
profite très, très peu de recherche et développement, on est très, très peu
admissibles.
M. Lisée : Écoutez, moi, on me dit qu'il y a des compagnies de
restauration en pizza qui ont un crédit
d'impôt à chaque fois qu'ils
ajoutent un ingrédient parce qu'ils disent : C'est de la recherche et du
développement. Alors, je trouve ça un peu
excessif, mais, dans votre cas, je pense que, si on se pose la question de
savoir comment est-ce qu'on peut
aider des entreprises québécoises à être compétitives face à des coûts de
production étrangers qui sont eux, difficilement atteignables, c'est en
vous aidant à faire, justement, ces gains de productivité dans la recherche et
le développement.
M. Falardeau
(Albert) : J'aurais beaucoup
aimé, dans le fond, qu'on nous aide plus lorsqu'on a commencé notre
développement de logiciel de laboratoire extrêmement coûteux. On n'a pas
vraiment été beaucoup aidés.
M. Lisée : Très bien. Je
vous remercie beaucoup.
M. Falardeau (Albert) : Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, pour une période
de six minutes, nous cédons maintenant la parole à notre collègue de
Lévis.
M. Paradis
(Lévis) : Merci, M. le Président. M. Falardeau, Mme Beshro,
M. Monfette, merci d'être là. Je ne reviendrai
pas sur la notion d'allocations professionnelles, je pense que, bon, vous avez
amplement exprimé ce que vous aviez à exprimer, ni non plus sur le
dossier des honoraires et la transparence, bien que j'aie l'impression que
votre expérience peut permettre d'avoir des idées là-dessus.
Mais, pour
l'instant, vous vous attardez davantage à la problématique du grossiste dans
l'appel d'offres, alors je vais vous tendre la balle à ce chapitre-là.
Il y a un aspect du projet de loi qui pourrait avoir des conséquences
particulières concernant vos concurrents et vice-versa, si je comprends bien,
puis je pense qu'on n'invente rien, puis les gens le comprendront, vous ne distribuez pas de médicaments chez vos concurrents
ni vice versa. J'aimerais ça que vous alliez un petit peu plus loin et que nous expliquiez
concrètement la problématique que cela pourrait poser si, au demeurant, vous
êtes gagnant d'un appel d'offres comme
grossiste et que vous devez desservir les 1 800 pharmacies
communautaires du Québec. À ce chapitre-là, qu'est-ce que ça implique
d'avoir à distribuer chez, en quelque part, ses concurrents?
• (17 h 10) •
M. Falardeau
(Albert) : Écoutez,
distribuer, dans le fond, dans 1 845 pharmacies, c'est une question de logistique incroyable, dans un premier
temps. Dans un deuxième temps, dans le fond, c'est des technologies, dans
le fond, qu'on n'a pas chez Familiprix, il faut vraiment qu'on les crée. Dans le fond, c'est des
structures et des coûts de livraison. Pensez-y, 1 845 pharmacies à la grandeur du Québec, il y a des coûts de
livraison vraiment, vraiment, vraiment énormes. Mais, à quelque part, on peut se demander, dans le fond,
la question : Qu'est-ce qu'on va gagner vraiment? Là, on va investir tous
ces sous-là, un entrepôt sans doute qu'on
doit agrandir — on est à
pleine capacité ici, à Québec — tout en ne sachant pas si on va gagner l'appel d'offres. Le milieu n'est
pas prévisible présentement, il y a une instabilité incroyable dans notre
milieu. Comment on peut investir, dans le
fond, je ne sais pas, moi, Familiprix, 10, 15, 20 millions pour penser
qu'on va gagner, dans le fond, un
appel d'offres et sans en être assurés? Vous allez me dire que c'est ça être
entrepreneur, c'est prendre des
risques? Mais être entrepreneur, c'est prendre des risques calculés. Je ne peux
pas faire ça, c'est impossible. L'instabilité, dans le fond, est très
forte présentement dans notre milieu.
M. Paradis
(Lévis) : Je vais vous
parler d'impact d'affaires. Est-ce qu'il pourrait y avoir des impacts
concernant également les patients, chez les patients?
M. Falardeau
(Albert) : Un impact énorme
au point de vue des patients. Arriver, dans le fond, puis ne pas livrer
à nos gens... Au point de vue des patients, livrer 1 845 pharmacies,
premièrement, moi, je pense qu'il va y avoir des impacts au niveau des patients. Est-ce qu'ils vont recevoir leur bon
médicament, au bon moment, au bon endroit? Je me pose vraiment la question. Rappelons-nous juste, dans le fond, le
rappel, dans le fond, dernièrement du médicament EpiPen, qui est un antiallergique, un médicament contre
les chocs anaphylactiques. Comment j'aurais fait pour délivrer, dans le
fond, dans 1 845 pharmacies ce médicament-là vital?
Dans le fond,
une personne, dans le fond, qui sort de l'hôpital un vendredi soir, comment je
vais faire, dans le fond, pour livrer, dans le fond, à cette
pharmacie-là le médicament vital pour cette patiente-là, qui fait peut-être une
pneumonie? Ça veut dire quoi? Ça veut dire,
dans le fond, que moi, je me vois, dans ma pharmacie chez nous, dire à la patiente : Je ne l'ai pas, ton médicament, je
te retourne dans une autre pharmacie. La plus proche, moi, est à 20 kilomètres,
là, une vingtaine de kilomètres ou 40
kilomètres de l'autre côté. Je la retourne dans une autre pharmacie? Ou bien,
dans le fond, je dis à la
personne : Écoutez, je vais appeler la pharmacienne de l'hôpital, est-ce
qu'elle va nous passer un médicament? Ça ne marche pas de même, c'est
des coûts énormes.
M. Paradis
(Lévis) : Je vais plus loin,
puis j'hypothèse, mais vous parlez d'un cas de pénurie potentielle, puis
comment on gère ca, puis on distribue. Vous
êtes, Familiprix, grossiste. Est-ce qu'on peut penser que, dans un contexte comme
celui-là, on aurait tendance à privilégier ses franchisés ou ses Familiprix?
M. Falardeau
(Albert) : Ses banniérés,
oui. Est-ce que j'aurais tendance à privilégier mes banniérés? Sans doute
que M. le ministre, dans le fond, mettrait,
dans le fond, un bémol pour ne pas que je privilégie mes banniérés. Je vous
répondrai qu'effectivement l'être humain est
un être humain, j'aurais tendance à privilégier mes banniérés. Si j'avais,
exemple, 50... je vais vous donner un
exemple plus facile, 343 Epipen, c'est sûr que j'aurais tendance à privilégier,
dans le fond, mes 343 membres.
M. Paradis
(Lévis) : Vous me dites que
le modèle d'affaires d'appel d'offres — puis corrigez-moi, là — si on veut aller au bout du
raisonnement, là, menacerait quasiment votre survie. Vous nous parlez, dans le
mémoire, de bénéfices nets de 3 % en
fonction des ventes plus bas que vos comparables d'autres domaines dans le
réseau de distribution. Est-ce que
vous êtes menacé par un projet comme celui-là et les articles qui s'y
retrouvent dans votre domaine spécifique? Pourriez-vous être un concurrent? Pourriez-vous vous initier dans un
appel d'offres, à la lumière de ce que vous dites là? J'ai l'impression
que vous ne seriez pas capable de survivre.
M. Falardeau
(Albert) : Dans le fond,
c'est une question qu'on se pose, chez Familiprix, c'est une question que
nombre de nos 425 employés — moi, je les appelle mes collègues du
siège social — me
posent régulièrement depuis quelques
semaines : Qu'est-ce que Familiprix va faire? Ça va être quoi, la survie
de Familiprix? C'est quoi, le futur pour Familiprix? Comment vous voyez ça? Ce n'est pas facile, dans le fond, de
répondre aux gens quand il y a de la non-prévisibilité dans le système. Puis je vous rappelle encore une
fois qu'à chaque fois que le prix change, dans le fond, dans le système de la santé, il est fixé par le ministère de la
Santé, le prix. La distribution est fixée. À chaque fois que le prix change,
nous, on a
moins, dans le fond, de revenus. À chaque fois, on a moins de revenus. À
quelque part, si vous me demandez : Est-ce que l'appel d'offres met en péril?, ce n'est pas le rôle d'un président,
dans le fond, de dire que ça met en péril son organisation, c'est le rôle d'un président de dire : Je suis
inquiet. Il faut vraiment, dans le fond, qu'on analyse comme il faut, dans le fond, cette situation-là, si cette
situation devait l'être, et on l'a tellement
bien analysée qu'on recommande à la commission,
au ministre de la Santé de ne pas, dans le fond, le mettre, dans le fond, l'appel d'offres grossiste. Ça a plus de désavantages pour
toute la population...
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup.
M. Falardeau (Albert) : ...du Québec,
pour l'écosystème. Excusez-moi.
Le
Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Non, je vous en prie. Alors, je vous ai laissé
le temps de conclure.
Alors, nous vous remercions beaucoup,
représentants, représentantes de Familiprix, et j'invite maintenant les
représentants du Groupe Jean Coutu à prendre place.
Nous suspendons nos travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 16)
(Reprise à 17 h 20)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, nous poursuivons nos travaux. Nous accueillons maintenant
les représentants du Groupe Jean
Coutu inc. Bienvenue à votre Assemblée
nationale. Vous disposez d'une
période de 10 minutes de présentation. Par la suite, vous aurez
l'occasion d'échanger avec les parlementaires. S'il vous plaît, bien prendre le
temps de vous nommer, préciser vos fonctions. Et, sans plus tarder, la parole
est à vous.
Le Groupe Jean Coutu
(PJC) inc.
M. Coutu (François J.) : Merci,
M. le Président, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, Mmes et
MM. les députés. Permettez-moi tout d'abord de remercier la commission de nous
permettre de participer aux débats entourant
l'analyse du projet de loi n° 81. Je me présente, François Coutu,
président et chef de la direction du Groupe Jean Coutu. Je suis accompagné de mon père, président du conseil et
fondateur des pharmacies de proximité qui font notre renommée, Jean
Coutu. Avec nous également, M. Richard Mayrand, qui est pharmacien et
premier vice-président, Pharmacie et Affaires gouvernementales au Groupe Jean
Coutu.
Aujourd'hui,
j'aurais pu vous parler de nos 20 000 employés et du fait que nous
sommes le plus gros employeur en
pharmacie de la province. J'aurais pu vous parler de notre investissement de
près de 200 millions à Varennes, et ça, sans jamais avoir reçu une
aide gouvernementale quelconque en retour. J'aurais pu vous parler de nos
systèmes d'approvisionnement intégrés et
hautement sophistiqués qui permettent de gérer l'inventaire des produits de
prescription de nos pharmaciens propriétaires. J'aurais pu vous parler
de notre entreprise, qui, à chaque année, se hisse parmi les entreprises les plus admirées du Québec. J'aurais
pu enfin vous parler du projet de loi n° 81 et de l'insécurité qu'il crée
dans l'industrie : pour les
pharmaciens, on parle de pertes de revenus considérables; pour les grossistes,
des problèmes logistiques importants
jumelés à des coûts opérationnels que le taux actuel de 6,5 % ne peut
couvrir; pour les fabricants, un
risque de monopole néfaste; et surtout pour la population en général, qui est
fortement exposée à des risques de pénurie. Évidemment, cette semaine, vous allez avoir plusieurs intervenants qui
vont parler amplement de ces sujets-là, alors j'ai plutôt décidé de vous faire part de nos
46 ans d'expérience en tant que détaillant et grossiste et de vous faire
la démonstration que le projet de loi n° 81 menace notre modèle
d'affaires.
Je vous
propose de débuter comme ceci. Supposons d'abord que le Groupe Jean Coutu
remporte l'appel d'offres concernant
la distribution. On nous impose ici une restructuration corporative avec
l'objectif de nous faire desservir notre compétition. Sur le strict plan
de la faisabilité technique, passer de 400 à plus de 1 800 pharmacies
à approvisionner sans aucune garantie sur la
possibilité de maintenir le niveau de services actuel pour nos franchisés est
un non-sens. Cela représente des
dépenses trop importantes avec des retombées plus qu'incertaines, d'autant plus
que l'entente d'exclusivité est limitée à trois ans, ce qui rend
impossible la rentabilisation des investissements exigés.
Le projet de
loi n° 81 ouvre la porte à la possibilité qu'un compétiteur entraîne, par
inadvertance ou manque de compréhension
des coûts des services de distribution, des dépenses indues pour notre
entreprise en commandant à répétition, dans les régions les plus
éloignées, des produits dont les bénéfices en résultant sont quasi inexistants.
J'ai même des affichettes que j'aimerais bien vous présenter à la toute fin.
Laissez-nous
vous donner un exemple des effets pervers si nous distribuons à nos
compétiteurs. Si seulement une minorité
d'entre eux ne commandent pas de façon optimale, cela aurait pour effet
d'augmenter considérablement nos frais de
livraison. Le vrai problème du projet de loi n° 81 réside dans les risques
inhérents à l'attribution d'un monopole et les coûts liés à l'expansion du réseau. Dans un système de distribution
comme le nôtre, où les marges bénéficiaires sont faibles, la moindre
situation exceptionnelle générera des effets pervers et incontrôlables, et
cela, au nom d'économies encore hypothétiques, sinon illusoires. J'ai une autre
affichette à cet effet.
Supposons
maintenant que notre entreprise ne remporte pas l'appel d'offres. Il s'agirait
alors d'un vol éhonté de notre
clientèle, une clientèle que nous avons développée. Nos franchisés seront
desservis par l'un de nos compétiteurs. Notre perte de parts de marché s'accentuera
d'autant plus alors que certains d'entre eux choisiront aussi de
s'approvisionner auprès de leur
nouveau distributeur pour des molécules autres que celles sélectionnées par
l'appel d'offres, tel que prévu au premier article du projet de loi
n° 81.
De plus, bien
que nous supposions de la bonne foi de chacun, il faut garder en tête que l'attribution
exclusive de la distribution d'un médicament à un distributeur lié
directement ou indirectement à une chaîne pourrait en outre placer celui-ci en conflit d'intérêts s'il faisait preuve
de favoritisme à l'égard de ses franchisés. En effet, cela pourrait se refléter
dans la vitesse de livraison des produits
s'il dessert ses pharmacies en premier ou encore s'il les favorise en cas de
rupture de stock. M. Falardeau,
juste avant moi, en a parlé, d'ailleurs. Cela pourrait mettre en péril le
réseau de distribution, le grossiste qui en est responsable, les
pharmacies qu'il dessert et aussi et surtout leurs clients.
Il ne s'agit
que d'un exemple qui démontre la fragilité du système que souhaite mettre en
place le gouvernement avec le projet
de loi n° 81, sans compter que nos franchisés auront l'obligation de
partager de l'information commerciale sensible
avec les compétiteurs. En centralisant les commandes vers un seul et unique
fournisseur, notre volume de ventes de
médicaments sélectionnés, soit les meilleurs vendeurs, sera connu par la
concurrence. En tant que compagnie publique, ces informations sont
pourtant hautement névralgiques et confidentielles.
Force est de constater qu'on nous demande de
jouer le jeu de la libre concurrence au moment où le ministre contrôle déjà tous les paramètres. Rappelons que
les ordonnances proviennent des médecins. Nous n'avons aucun contrôle sur les volumes, qui ne cessent d'augmenter. Les
honoraires des pharmaciens sont négociés avec l'AQPP et devraient être
compétitifs par rapport aux autres provinces, je pense que c'est un but
recherché. La marge de grossiste, qui est déterminée
par le gouvernement, se situe plutôt, dans les faits, chez nous du moins, à
4,8 % au lieu de 6,5 %. Finalement, le ministre contrôle le
coût du médicament inscrit à la liste des médicaments.
Alors,
pourquoi perturber un système alors que le Québec a joint l'Alliance
pancanadienne pharmaceutique et qu'il peut maintenant négocier des
économies substantielles additionnelles? Nous croyons que ce serait une
solution beaucoup plus saine. Et, pour accélérer les négociations, le ministre pourrait utiliser son influence pour avoir plus
d'impact sur cette coalition. Sûrement, après cette commission, il aura certainement
plus d'information à ce sujet.
Notre engagement
envers le public est de lui offrir un service personnalisé et un accès inégalé
de professionnels de la santé au
moment où il en a le plus besoin,
notamment les soirs et les fins de semaine. C'est grâce à notre concept intégré que nous pouvons offrir des services de
qualité adaptés aux besoins croissants de la population. Nous honorons
ainsi l'engagement d'excellence qui fait notre réputation auprès des Québécois.
Or,
aujourd'hui, le projet de loi n° 81 vient ébranler les secteurs de la
pharmacie, de la distribution et de la fabrication de médicaments
génériques, un écosystème performant, pour employer votre terme. On oublie par
le fait même la force de notre réseau et
notre contribution importante au système de santé. Les soirs, les fins de semaine,
les jours fériés, le public a deux
choix : l'urgence hospitalière ou la pharmacie de proximité. Éliminons
cette disponibilité, et vous aurez un
engorgement encore plus important d'un réseau déjà sursaturé. Pour les patients
et pour une grande majorité des problèmes
de santé, on propose de changer un conseil thérapeutique bénévole de
10 minutes d'attente pour une visite à l'urgence hautement plus
coûteuse pour notre système.
Nous faisons
plus que notre part pour accroître l'efficacité du système et offrir aux
patients un accès de premier plan aux
services pharmaceutiques. Notre modèle intégré permet déjà au gouvernement de
générer des économies — et j'aimerais y revenir,
là-dessus — mais
elles semblent passer inaperçues. C'est sans compter les retombées économiques
que nous générons ici et les milliers d'emplois de qualité que nous soutenons.
Bref, on fragilise et même détruit un système
indispensable pour le public pour des économies encore non mesurées. Nous endossons les objectifs du ministre
de générer des économies pour un système de santé qui en a grandement besoin. Toutefois, notre incompréhension face aux moyens proposés demeure totale. Donc, à nos yeux,
le projet de loi n° 81 est un non-sens et nous demandons à ce
qu'il soit retiré.
Est-ce que j'ai encore du temps ou...
• (17 h 30) •
Le Président (M. Tanguay) : 30
secondes.
M. Coutu (François J.) : 30
secondes. Je vais laisser le temps à des questions, à ce moment-là.
Le
Président (M. Tanguay) :
Oui, voilà, tout à fait. Alors, débutons maintenant les échanges. Pour
13 min 30 s, 13 min 30 s, je cède la
parole au ministre de la Santé.
M. Barrette : Merci,
M. le Président. Alors,
MM. Coutu, M. Mayrand, bienvenue à cette consultation publique. Je comprends, dans
vos propos introductifs, que vous n'êtes pas entichés, c'est le moins qu'on
puisse dire, du projet de loi,
puisque vous nous demandez de le retirer.
Les chances qu'on le retire sont évidemment faibles. J'irais même jusqu'à dire
qu'elles sont inexistantes.
D'ailleurs, M. le Président, M. Coutu, c'est assez intéressant, parce qu'il y a quelques minutes, mon collègue le député de
Rosemont disait que c'était un autre projet de loi plutôt que celui-là qui
aurait dû être déposé. Mais, quand j'écoute
l'enthousiasme avec lequel le député de Rosemont participe à cette commission,
je vois que le projet de loi fait bien
son affaire, puisqu'à l'énergie qu'il met dans ces consultations-là, ça montre
son intérêt. Puis c'est très bien comme ça, on a tous un intérêt,
l'intérêt étant, en premier, celui des citoyens, c'est-à-dire les montants
qu'ils paient.
Quand
j'écoute votre présentation, M. Coutu, je suis un peu surpris. Je suis
vraiment surpris parce que, comme tout
le monde qui vient ici, vous nous dites : Oui, oui, c'est bon, là, d'aller
chercher des économies, là, mais ce n'est pas le bon modèle. Alors, quand je traduis ce que vous nous dites, vous nous
dites : Allez par l'alliance canadienne, ne faites pas ça et parce que, si
vous faites ça, vous allez nuire à notre modèle, vous allez avoir des
conséquences d'une grande négativité.
Bien, si je vais, là, à l'alliance canadienne et que l'alliance canadienne a un
niveau, on va dire, d'agressivité similaire au mien, vous allez dire
quoi?
M. Coutu
(François J.) : ...une bonne affaire, M. le ministre.
M. Barrette :
Alors, vous me confirmez quand même qu'il y a de la marge où aller chercher,
là.
M. Coutu
(François J.) : Absolument, oui. Et non seulement c'est votre droit,
c'est votre devoir de le faire.
M. Barrette :
Donc, il y a de la marge. Alors, vous n'êtes pas en faveur du modèle, mais vous
acquiescez au fait qu'il y a de la
marge. Si vous acceptez qu'il y ait de la marge, vous acceptez donc le fait
qu'on paie trop cher, comme État.
M. Coutu (François J.) : Bien, écoutez, si vous comparez au niveau du prix
pancanadien, vous payez le même prix
qu'ailleurs, O.K.? Mais je crois que vous allez le voir, là, par le
déplafonnement des allocations professionnelles, c'est sûr qu'il y a de la marge aussi. Mais est-ce qu'il faut laisser à
chaque participant dans la chaîne, là, une profitabilité? Je pense que oui aussi. Mais je pense que vous
êtes bien placé pour, je pense, entreprendre de nouvelles négociations.
M. Barrette :
Tout à fait. Je suis content que vous l'abordiez comme ça, M. Coutu. Vous
êtes le premier à nous dire que, dans
la chaîne, il y a tout le monde qui fait un profit, qui pourrait être trop
grand, à chacune des étapes. Il y a de la marge à chacune des étapes.
M. Coutu (François J.) : Oui. Écoutez, moi, je vous dis, pour l'instant,
pour la part grossiste, là, il n'y en a pas. Et ça, je vais vous le
dire, là...
M. Barrette :
Bien, ça, c'est ce que vous nous dites, puis je ne veux pas contester ça,
M. Coutu, mais ce que vous venez
de nous dire, là, vous venez de nous dire, c'est vos mots, là, c'est qu'à
chaque étape de la chaîne il y a un profit qui pourrait être substantiel et, conséquemment, il y a de la marge.
Donc, nous, comme payeurs, il est légitime de vouloir aller chercher le
meilleur prix.
M. Coutu (François J.) : Écoutez, là, pour l'instant, c'est dans les
produits génériques. Je pense que vous allez vous apercevoir qu'effectivement il y a des marges que vous pouvez aller
chercher. Mais, dans les autres, que ce soit pour les honoraires professionnels pour les
pharmaciens, je pense que c'est très compétitif par rapport au reste du Canada.
Pour la marge du grossiste, et ça, je peux vous donner une affichette
ici, il n'y en a pas, de place, M. le ministre.
M. Barrette :
C'est un débat qui, à mon avis, demeure ouvert. Mais parlons du générique parce
qu'évidemment le projet de loi est à
propos des génériques. Vous, si je comprends bien votre univers, au Québec,
n'êtes-vous pas le plus grand vendeur de génériques?
M. Coutu
(François J.) : Oui.
M. Barrette :
Par Pro Doc.
M. Coutu
(François J.) : Pro Doc, effectivement.
M. Barrette :
Pourtant, ça m'étonne, hein, parce que, Pro Doc, quand vous regardez, là, vous
avez une licence d'emballeur et de distributeur.
M. Coutu
(François J.) : De fabricant.
M. Barrette :
Oui, mais vous fabriquez quoi exactement?
M. Coutu
(François J.) : Nous avons des DIN à Santé Canada et nous sommes
considérés comme fabricant.
M. Barrette :
Oui, vous êtes considéré comme fabricant, mais vous avez une licence
d'emballeur et de distributeur.
M. Coutu
(François J.) : Oui, et donc nos produits que nous faisons
sous-traiter ailleurs, vous avez raison...
M. Barrette :
Alors, vous les faites sous-traiter...
M. Coutu (François J.) : ...ils sont emballés, et ils viennent en grande
quantité, et, chez nous, on a 50 emplois à Pro Doc à Laval, qui fait le
reconditionnement de ces produits-là.
M. Barrette :
Le reconditionnement, ça veut dire que vous faites fabriquer ailleurs des médicaments qui arrivent chez vous,
qui sont emballés et distribués.
M. Coutu (François
J.) : Comme beaucoup d'autres fabricants de génériques.
M. Barrette : Tout à fait. Ailleurs,
c'est où, ça, M. Coutu?
M. Coutu (François J.) : C'est
dans les autres fabricants au Canada.
M. Barrette : Et?
M. Coutu (François J.) : Et
c'est au Canada. Chez nous, c'est Apotex, Pharmascience et Sandoz.
M. Barrette : Et d'autres. Et ces compagnies-là, puis il y en a
d'autres qu'on peut nommer, là, Teva, et autres, là, font aussi produire
leurs médicaments ailleurs sur la planète.
M. Coutu (François J.) : Ça se
peut, oui.
M. Barrette : Oui, ça se peut. Maintenant,
vous, là, quand vous faites affaire avec vos fabricants, M. Coutu, est-ce
que vous faites des appels d'offres?
M. Coutu (François J.) : Oui.
M. Barrette : Vous faites des
appels d'offres?
M. Coutu (François J.) : Bien,
attendez une seconde, on a fait des ententes avec ces fournisseurs-là, mais on
négocie un prix, oui.
M. Barrette :
Ah! vous, là, vous êtes dans votre situation, dans une situation, là, où, pour
des raisons d'affaires, vous avez
plusieurs fabricants parce qu'en réalité, là, vous ne fabriquez pas bien, bien
de médicaments, là, vous en emballez surtout.
Sur les milliers de médicaments que vous distribuez, et vous êtes le plus grand
distributeur de génériques au Québec, vous en fabriquez en unités, là,
ce n'est même pas en dizaines, n'est-ce pas?
M. Coutu (François J.) : Oui,
oui.
M. Barrette :
Bon. Alors, vous êtes principalement un emballeur-distributeur et vous faites
l'équivalent d'un appel d'offres à
des fabricants qui fabriquent sur la planète pour avoir le meilleur prix. Dans
la catégorie minou, pitou, là, pourquoi c'est bon pour vous, ça, puis
pas bon pour nous?
M. Coutu (François J.) : Bien,
écoutez, vous, c'est un choix.
M. Barrette : Bien oui.
M. Coutu
(François J.) :
Dr Barrette, je ne vous empêche pas de le faire, au contraire. Il y a des
gens qui vont vous parler de santé
publique, il y en a qui vont vous parler de danger de pénurie. Écoutez, c'est
votre décision. Moi, tout ce que je
vous dis, c'est que vous êtes capable d'aller chercher des économies dans le
système, au moment où on se parle, par
l'Alliance pancanadienne, et je pense que vous allez avoir, après cette
commission, toute l'information pour le faire.
M. Barrette : Oui, probablement
pas mal d'informations, effectivement, mais qui sont malheureusement confidentielles. Mais la réalité, c'est que, dans
votre univers... et là vous avez dit quelque chose qui était quand même extraordinaire, M. Coutu, vous avez dit que,
si on vient perturber votre modèle, on venait voler votre clientèle, alors que
vous, dans votre modèle, vous fonctionnez
avec des appels d'offres. Et, quand je regarde votre modèle, corrigez-moi si je
me trompe, vous êtes, pour votre clientèle,
dans une situation de monopole. Vous le dites vous-même, on va vous voler
la clientèle. Vous avez ce que vous appelez
un fabricant qui n'est pas un fabricant, votre Pro Doc, puis vous êtes
grossiste et vous êtes distributeur,
vous avez des franchisés et, vous venez de nous le dire, là, à chaque étape,
vous faites un profit. Bien là, c'est parce que vous voulez garder votre
avantage puis vous ne voulez pas qu'on aille chercher le nôtre.
M. Coutu (François J.) : Non,
non, attention, c'est vous qui avez mis les paramètres, Dr Barrette, là,
O.K.?
M. Barrette : Mais non. Moi, je
ne fais que citer ce que vous venez de me dire.
M. Coutu
(François J.) : Moi, au
niveau distributeur, je ne coûte pas plus cher au gouvernement. C'est vous qui
avez établi les paramètres. Moi, tout ce que
je fais, c'est que j'augmente mon volume. Vous ne pouvez pas me blâmer
pour ça.
M. Barrette :
Bien, O.K. Bon, bien, expliquez-moi, là, juste de même, dans votre modèle
d'affaires, que moi, j'associe ou j'apparente à un monopole, là, Pro
Doc, il vend combien de médicaments aux autres pharmacies?
M. Coutu
(François J.) : Pas beaucoup.
M. Barrette :
Comme zéro.
M. Coutu (François J.) : Vous avez un bon exemple parce que les autres pharmaciens,
évidemment, ils voient un concurrent, hein, parce que ça appartient au
Groupe Jean Coutu. Alors, imaginez, retransmettez ça aux grossistes,
maintenant.
M. Barrette :
Alors, est-ce que je peux considérer, là, que vos franchisés ont une espèce
d'obligation ou une pression contractuelle avec la bannière, vous, à acheter
Pro Doc?
M. Coutu
(François J.) : Pas du tout.
M. Barrette :
Ah! ben là vous m'étonnez.
M. Coutu
(François J.) : Regardez-moi, Dr Barrette : pas du tout.
M. Barrette :
Je vous regarde, faites-vous-en pas, là.
M. Coutu
(François J.) : Est-ce que c'est clair? Ils ont tout le choix...
M. Barrette :
Vous êtes en train de me dire, là, M. Coutu, là, que vos franchisés n'ont
aucun incitatif à acheter de chez vous?
M. Coutu
(François J.) : Regardez-moi encore : aucun. Est-ce que c'est
clair, là?
M. Barrette :
Alors, vous êtes en train de me dire aussi que vos franchisés n'ont aucun
désincitatif à ne pas acheter chez vous?
• (17 h 40) •
M. Coutu (François J.) : Bien, écoutez, moi, quand on a parti Pro Doc,
c'est vrai, il y a des bonnes marges dans cette industrie, et on pensait qu'effectivement il y avait des volumes
intéressants à réaliser. Maintenant, nous avons dit à nos pharmaciens : Groupe Jean Coutu, quand il
achète une compagnie, il s'en occupe. Nous, on a garanti le meilleur service,
le meilleur approvisionnement. Vous savez que la compagnie Pro Doc est celle
qui a le plus bas taux de rupture dans l'industrie,
Dr Barrette? Non seulement ça, c'est qu'en plus de ça nos pharmaciens ont
pris librement le choix de dire : Ça
serait une bonne chose, probablement, d'avoir une marque, O.K., qui pourrait
être dans une pharmacie Jean Coutu à Sainte-Agathe
comme une pharmacie Jean Coutu à Québec, et de sorte que, là, le client — et vous savez qu'on a un dossier intégré chez nous, là — le patient peut voyager d'une pharmacie à
l'autre, qu'il puisse avoir le même
médicament. Ce n'est quand même pas mal, ça, comme décision
professionnelle.
M. Barrette : M. Coutu, je ne nie pas votre succès, O.K.? Je ne le nie pas, votre succès, mais, dans
votre chaîne à vous, qui peut
s'apparenter à un monopole, et je pense que ça s'apparente, j'ai beaucoup de
difficultés avec ce que vous venez de
nous répondre. Maintenant, en parallèle, je vais faire un parallèle, pourquoi
alors, pourquoi l'Ontario a interdit les marques maison?
M. Coutu
(François J.) : Je n'ai aucune idée. Je n'ai aucune idée. Si ça n'a
aucune influence...
M. Barrette :
Vous n'avez vraiment aucune idée?
M. Coutu (François J.) : Ça n'a aucune influence sur le prix. Pro Doc
vend le même prix que Teva, le même prix qu'Apotex. Je ne comprends pas
pourquoi vous parlez d'intégration verticale et que ça coûterait de l'argent au
gouvernement. En quoi, en quoi ça vous a coûté une cent?
M. Barrette :
M. Coutu...
M. Coutu
(François J.) : Je vous pose la question, Dr Barrette.
M. Barrette :
Comme vous, je ne vais pas révéler tous mes arguments et toutes mes sources,
comme vous, hein?
M. Coutu
(François J.) : Les sources.
M. Barrette :
Bien, c'est-à-dire que vous nous dites...
M. Coutu
(François J.) : On est en toute transparence ici, Dr Barrette.
M. Barrette :
O.K. Non, c'est correct, j'en conviens, mais je constate aussi, là, que, dans
votre situation, vous nous dites un
certain nombre de choses, et moi, je postule qu'il y a de la marge, et vous me
confirmez qu'il y a de la marge.
M. Coutu (François J.) : Oui.
M. Barrette : Vous m'encouragez
à aller chercher par l'Alliance pancanadienne.
M. Coutu (François J.) : Parce
que vous aimez faire des deals, vous. C'est un deal, ça.
M. Barrette :
Bon, moi, je vous dis que je peux faire autre chose. Dans la catégorie chaînes
et bannières, pourquoi les
pharmaciens répondent que les chaînes et bannières, sur le plan du générique,
ont une influence? La question de l'ordre, vous l'avez écoutée, là, la question que j'ai déjà posée, je sais que
vous avez tout écouté et visionné ce qu'on a eu à date, là, comme commission, chaînes, bannières cherchent à
limiter ou orienter la sélection des médicaments génériques à servir aux patients. Ça n'a aucun avantage, chez vous,
ça? Je ne veux pas défaire votre modèle d'affaires, mais c'est parce que, si
vous nous dites, d'un côté, que, un, il y a un profit à chaque place; deux,
vous, dans votre modèle, vous y allez par appel d'offres; trois, trois, vous faites fabriquer à l'extérieur, peut-être
pas directement mais par vos intermédiaires, et, je pense que vous le
savez, tout ça pointe vers une marge, et vous nous reprochez et nous demandez
d'enlever...
M. Coutu (François J.) : Je ne
vous reproche pas...
M. Barrette : Non, vous ne nous
reprochez pas de... ce n'est pas le mot que vous utilisez, mais...
M. Coutu
(François J.) : Non, non,
non, attention, juste le volet grossiste. Le volet des appels d'offres,
première chose, nous, on pense que ce n'est pas une bonne façon, mais on
vous laisse toute liberté de le faire.
M. Barrette : Donc, vous nous
dites, à ce moment-là, qu'il y a quand même des façons d'aller chercher des économies potentiellement substantielles dans la
mesure où ça ne perturbe pas trop votre modèle. Quels sont ces moyens-là
que vous me suggéreriez?
M. Coutu
(François J.) : Bien, c'est
ça, je reviens encore à l'Alliance pancanadienne. Je pense que c'est celle
où... Vous aimez ça faire des deals...
M. Barrette : Oui, je les
trouve faibles, moi, l'Alliance pancanadienne.
M. Coutu
(François J.) : Ça, c'est la
façon idéale. Vous venez d'entrer dans ça, tous les gens sont à la table, les
fabricants génériques, c'est le temps. Par
contre, j'aimerais juste préciser, mon collègue Richard, ici, Mayrand, voudrait
parler du sondage, là, de l'Ordre des pharmaciens.
M. Mayrand (Richard) : Bien, ce
sondage-là, c'est un sondage de l'Ordre des pharmaciens. Il y a plus de pharmaciens qui ont répondu qu'il y a de
propriétaires. Alors, évidemment, dans ça, il y a des salariés qui ont répondu
à ça, et les salariés n'ont pas le choix des
molécules. Quand tu travailles dans une pharmacie, tu prends celle qui est
achetée par ton propriétaire. Je vais vous avouer que les conclusions
qu'on peut tirer de cette réponse-là sont limitées.
Cependant,
vous demandiez, Dr Barrette, ce qu'on pouvait faire avec l'Alliance
pancanadienne. Il y a plusieurs choses
qu'on peut faire. L'Alliance pancanadienne a livré beaucoup de résultats depuis
quelques années parce que les prix
sont partis d'au-dessus de 50 % du prix de l'original et sont descendus à
25 % et même à 18 %. Et l'entente, le cadre de l'entente de l'Alliance pancanadienne vient à
échéance cette année, et le Québec vient de se joindre à l'alliance, ce qui fait en sorte que, sous le leadership du
Québec, votre propre leadership aussi, il y aurait moyen d'arriver à faire
passer l'alliance en deuxième vitesse, et il y a des gains intéressants
à faire.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Je me dois maintenant de céder la parole à notre collègue de
Rosemont pour la poursuite des échanges. Alors, pour une période de huit
minutes, la parole est à vous.
M. Lisée :
Merci, M. le Président. Je souhaite la bienvenue en particulier à M. Jean
Coutu, que je retrouve avec beaucoup de plaisir — nous
avions travaillé un peu ensemble lors des sommets de 2016 où vous aviez
participé à des chantiers qui avaient aidé
au décollage économique du Québec, je vous en remercie encore aujourd'hui — M. François Coutu,
M. Mayrand.
Il y a
quelque chose qu'on vient d'apprendre, enfin, le ministre vient d'indiquer de
la façon la plus claire qu'il ne l'a
jamais fait que la participation du Québec à l'Alliance pancanadienne
pharmaceutique, qui avait été annoncée en grande pompe par le premier
ministre l'an dernier, pour lui, n'est pas suffisante et que, donc, il pense
que, de façon indépendante, le Québec
pourrait faire mieux qu'à l'intérieur de la fédération canadienne. Bon. Alors, j'en prends bonne
note, O.K.? On verra si c'est le cas, mais c'est quand même bon de le
souligner. C'est bon de le souligner.
Je vais
revenir sur, effectivement, un des éléments que le ministre
a soulevés. Sur la question du grossiste, moi, je comprends très bien
les arguments que vous avancez. C'est inapplicable, ne serait-ce que
logistiquement, de passer de
400 à 1 800 pharmaciens pour une ou deux molécules pour trois
ans seulement. Ça ne fait aucun sens. Je suis sûr que le
ministre le sait. Il a mis ça dans le projet de loi juste pour voir quelle réaction ça provoquerait puis essayer de générer
des propositions concurrentes. On commence à le connaître, ça se fait
comme ça.
Mais, sur la question
de l'appel d'offres aux fabricants — et puis je trouvais ça intéressant que vous-même, comme redistributeur, réemballeur, vous
faites vous-même l'équivalent d'un appel d'offres — pourquoi est-ce que ce
serait impossible, dans votre cadre
d'affaires, dans votre modèle d'affaires actuel, qu'il y ait, en certains cas,
pour des gros volumes où les frais administratifs ne seraient pas
exagérés par rapport aux gains et en faisant en sorte qu'il reste plusieurs fabricants sur le marché, donc l'ensemble des
conditions établies par le ministre dans l'avis qu'il a publié... Pourquoi est-ce
que cela ne serait pas viable?
M. Coutu
(François J.) : Écoutez, on
n'est pas des experts dans tout ça. Je pense qu'il y a des gens qui vont venir
vous raconter cette semaine. On me
dit : À plein d'endroits que ça a été fait, succès mitigé. C'est tout ce
que je peux vous dire aujourd'hui.
M. Lisée : Mais on dit
souvent, en parlant de la Nouvelle-Zélande : Ça ne marche pas parce qu'on
crée une situation monopolistique. Et là le
ministre dit : Oui, mais on va faire exprès d'avoir plus qu'un fabricant,
hein? On connaît la méthode dégressive où le deuxième et le troisième
soumissionnaire peuvent continuer à fournir au prix du premier soumissionnaire. Donc, si on prend ces
précautions-là, qui n'ont pas été prises ailleurs, pourquoi est-ce que ce ne
serait pas viable?
M. Mayrand
(Richard) : Écoutez, le
système actuel, il peut changer, et, François l'a dit tout à l'heure, on peut
aller chercher des économies. Maintenant, ce
qui est intéressant, ce qu'il faut savoir, c'est que le système actuel a été
mis en place suite à la Politique du
médicament en 2007, et c'était le premier ministre, à l'époque le ministre de
la Santé, qui a mis ça en place. Et à
l'époque, ça n'avait pas fait le bonheur de tout le monde, mais c'était
relativement pragmatique, c'était un nouveau cadre de gestion, les prix
se sont mis à baisser, et ça a été fait d'une façon ordonnée, et c'est ça qu'il
faut retenir de ce qui s'était passé et
c'est ce qu'il faut retenir de notre proposition aujourd'hui. Il y a moyen de
réaliser des économies. Mais, quand
il est question de la santé de la population, on ne peut pas prendre de risques
d'aller chercher le meilleur prix à
tout prix sans avoir d'assurance que le système ne sera pas fragilisé au point
où on augmente les ruptures de médicaments.
M. Lisée :
Je vous suis là-dessus, je vous suis là-dessus parfaitement, M. Mayrand.
Mais, par exemple, un des arguments qui nous sont avancés contre l'appel
d'offres chez le fabricant, c'est de dire : Vous savez, nos patients, ils
sont habitués à telle couleur de pilule, puis telle forme de pilule, puis, si
on change ça à chaque appel d'offres, on est obligés
de passer du temps gratuit à expliquer, puis ça va... Bon. Mais vous, là, quand
vous êtes passés d'Apotex à Pro Doc, est-ce que vous n'avez pas
changé la couleur puis la forme de la pilule?
M. Mayrand
(Richard) : Écoutez,
premièrement, il n'y a aucune commune mesure entre les deux, je vais vous
expliquer pourquoi. Quand on a institué la marque Pro Doc, on a commencé
ça très graduellement. On avait très peu de molécules, on l'a commencé très
graduellement. Une des choses qui est importante à savoir, c'est qu'au Canada
l'apparence des comprimés de génériques est identique aux comprimés des
fabricants d'origine, ce qui fait que la confusion
est réduite au minimum pour les patients. N'oubliez pas qu'on parle ici de
clientèles âgées, vulnérables. Quand on
se trompe de médicament, il y a des conséquences, il y a des conséquences très
graves. Si on s'en va en appel d'offres et qu'on est agressif sur les appels d'offres, ce qui risque d'arriver,
c'est que, pour remporter l'appel d'offres, les fabricants vont arriver
avec un comprimé rond blanc dont l'apparence va être différente de l'original.
M. Lisée :
Sauf si c'est dans le cahier de charges. On peut décider que, dans le cahier de
charges de l'appel d'offres, on demande de respecter la forme et la
couleur d'origine.
M. Mayrand
(Richard) : Mais, à ce
moment-là, à partir du moment où on met des contraintes comme ça, on n'ira
pas chercher les économies qui sont miroitées. Voyez-vous? On ne peut pas tout
avoir.
• (17 h 50) •
M. Lisée :
Sur une autre question, bon, vous avez le modèle d'intégration verticale le
plus complet, donc de la fabrication,
en fait, le réemballage, la distribution et la vente. Et effectivement ça m'a frappé que, dans votre mémoire, vous dites que, si votre fabricant ou votre
grossiste ne remporte pas l'appel d'offres, «il s'agira d'un vol éhonté — je
vous cite — de
notre clientèle, une clientèle que nous avons développée et qui nous
appartient». Là, vous parlez de notre clientèle à la fois des
pharmaciens et des clients des pharmaciens, et là vous dites : «Nos
franchisés seront desservis par l'un de nos compétiteurs. Notre perte de parts
de marchés s'accentuera d'autant plus alors que certains d'entre eux — nos franchisés — choisiront
aussi de s'approvisionner auprès de leur nouveau distributeur pour des
molécules autres que celles sélectionnées par l'appel d'offres...»
Mais il me
semblait que la loi permettait aux pharmaciens de s'approvisionner là où ils le
voulaient. Et là vous nous
dites : Avec l'appel d'offres, mes pharmaciens vont s'approvisionner ailleurs,
comme si c'était scandaleux, alors que c'est le droit du pharmacien,
selon la loi.
M. Coutu (François J.) : Nous,
un pharmacien propriétaire qui se joint au Groupe Jean Coutu, il va dans un encadrement. Et un des encadrements, c'est qu'il
puisse acheter au même prix, c'est-à-dire même des prix compétitifs, ses produits chez nous. On n'a pas investi 200 millions
à Varennes pour avoir peut-être le volume de nos franchisés. Écoutez,
c'est très important pour nous, mais jamais on va dire à un
franchisé : Si vous n'êtes pas capables d'avoir un médicament chez
Jean Coutu, de ne pas se le procurer ailleurs, mais non.
M. Lisée : S'il est capable de se le procurer chez Jean
Coutu, est-ce qu'il est obligé de se le procurer chez Jean Coutu?
M. Coutu (François J.) : Oui. Il
faut qu'il aille le procurer chez
nous avant toute chose, O.K., à prix compétitif, bien entendu, qui est déterminé par le gouvernement. Et, si nous ne l'avons pas chez nous, ils
peuvent se le procurer ailleurs.
M. Lisée :
Mais ça, ce n'est pas contraire à l'indépendance du pharmacien, qui doit, en
tout temps, pouvoir s'approvisionner là où il le décide?
M. Mayrand (Richard) : Non, parce
que la liberté professionnelle inclut
la liberté de contracter. Alors, quand les pharmaciens viennent chez
Jean Coutu, on leur dit : Voici le concept, voici le type de pharmacie
dans lequel vous pourriez pratiquer la pharmacie,
voici le système d'approvisionnement qui vous garantit un taux de service.
C'est-à-dire, un taux de service,
c'est le pourcentage de produits qu'on réussit à livrer tel que commandé, qui
est un taux de service inégalé. Et on
dit : Pour faire ça, on va acheter 50 camions, pour faire ça, on va
investir 200 millions à Varennes, dont des équipements de haute
technologie, de toute beauté, je vous invite à venir voir ça. Maintenant, on ne
peut pas...
Le Président
(M. Tanguay) : Merci beaucoup. Quelques secondes.
M. Mayrand
(Richard) : ...on ne peut pas faire ces investissements-là puis après
ça laisser...
M. Lisée : Je
comprends votre point de vue, mais ça veut dire que le franchisé, chez Jean Coutu, lorsqu'il signe avec vous, il vous remet
son indépendance.
M. Mayrand
(Richard) : Non, ce n'est pas ça que j'ai dit, j'ai dit le contraire.
Le Président
(M. Tanguay) : Alors, nous allons poursuivre le débat avec le
collègue...
M. Mayrand
(Richard) : Il ne comprend pas du tout.
Le
Président (M. Tanguay) : ...et je vous invite à poursuivre, donc,
vos réponses, mais dans le contexte d'un échange avec le collègue de
Lévis pour 5 min 30 s.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. M. Jean Coutu,
M. François Coutu, M. Mayrand, merci d'être là.
Je
vais continuer à faire un petit peu de chemin parce que c'est intéressant,
parce que vous disiez, il y a deux instants... et vous avez parlé avec le ministre puis vous avez dit... Bon, en ce qui
concerne les médicaments Pro Doc, par exemple, vous avez dit : Il n'y a pas d'incitatif,
c'est-à-dire il n'y a pas de plus-value qu'on offrira à nos membres pour
obligatoirement acheter Pro Doc.
Mais là on revient en disant : Non, il n'y en a pas, d'incitatif, mais, en
même temps, par voie réglementaire, si
on veut, là, puis je le mets entre guillemets, tu fais partie de la chaîne,
c'est de même que ça marche, tu achètes chez nous avant.
M. Coutu (François J.) : Oui, oui, mais ils peuvent acheter du Teva, du
Apotex chez nous aussi. On tient tous les produits, M. Paradis.
M. Paradis (Lévis) : On dit, depuis le début, puis vous avez dit
également... Puis là je comprends qu'il y a bien des choses secrètes, là, on a parlé de marges de profit. En fait, juste
avant d'aborder les marges de profit, je vous dirai : À travers ce que vous dites, là, cependant, puis,
bon, le fait que vos membres achètent Pro Doc, peuvent acheter ceux aussi
que vous avez et que vous distribuez également,
ce que vous êtes en train de nous dire, corrigez-moi si je me trompe... parce qu'il y a toute la notion d'appel d'offres
dans les produits que vous faites faire également ailleurs, vous nous dites...
Le principe d'appels d'offres, dans ce
contexte-ci, vous ne nous dites pas que ce n'est pas viable, vous nous dites
qu'à vos yeux ce n'est pas idéal mais c'est viable.
M. Coutu (François J.) : Bien, écoutez, ça s'est fait ailleurs. Je veux
dire, si ça a été rempli de succès ailleurs, bien, portons-le. Écoutez, j'ai, à toutes fins pratiques... Mais nous,
on pense qu'on peut atteindre les mêmes objectifs, les mêmes buts tout en gardant intégral le système,
qui est très équilibré au moment où on se parle, qui a 46 ans, dans le cas
de Jean Coutu, là, 46 ans d'existence, puis qui est très efficace. C'est
ça qu'on ne veut pas qu'on touche ici, au gouvernement.
M. Paradis (Lévis) : Je comprends également que votre fin de
non-recevoir, elle touche cependant spécifiquement les appels d'offres
grossiste, où vous dites : Là, on se casse la gueule, là, oublions ça,
là...
M. Coutu
(François J.) : Celle-là, on ne la comprend pas du tout.
M. Paradis (Lévis) : ...ça ne marche plus, ça n'a pas d'allure. Mais, encore là, je reviens sur l'appel d'offres produits. Vous dites : Oui, c'est viable, mais ce n'est
pas idéal, parce qu'il y a du chemin encore à faire. Et là on l'a entendu, le
ministre l'a dit, vous avez des marges qui
vous permettraient probablement... Puis je ne les sais pas, vous dites :
Je ne vous les dis pas. Puis le
ministre dit : Moi, j'ai des informations, puis il y a des marges ici, on
peut aller les chercher. On ne les sait pas non plus. Alors, on est dans
le principe des négociations.
M. Mayrand (Richard) : Bien, écoutez, si le ministre décidait d'aller
avec l'Alliance pancanadienne, ça fonctionne sous forme de rondes de négociation, et on peut décider qu'il y a plus
de produits touchés, et on peut décider que les produits déjà touchés vont être plus bas, on peut décider
de rajouter des nouveaux produits qui vont baisser de 25 % à 18 % ou de 18 % à moins. Et, tout ça, on va
s'adapter, on va s'adapter. Puis les fabricants qui ne seront pas capables de
suivre vont fermer, mais ça va se
faire d'une façon prévisible. Ce qui est arrivé, c'est que, dans les dernières
années, à chaque année, l'Alliance pancanadienne rajoutait quatre
produits, O.K., qui passaient de 25 % à 18 % du prix de l'original.
En le sachant d'avance, tout le monde s'est
préparé, tout le monde a resserré ses coûts de production, tout le monde a été
capable de s'adapter, puis on n'a pas
déstabilisé de système. On a vu la gravité des crises de pénuries de
médicaments dans les hôpitaux. On les
a vues, ces crises-là. Ça a mis des personnes en danger. Les pharmaciens
d'hôpitaux étaient alarmés, O.K.? Alors, de grâce, évitons de commettre
les mêmes erreurs.
M. Paradis (Lévis) : Ce que vous êtes en train de dire au ministre
indirectement, c'est : Soyez plus agressif avec l'Alliance
pancanadienne alors que des négociations doivent s'entamer sous peu parce que
vous irez chercher là, probablement, l'économie que vous souhaitez et plus.
C'est ça que vous dites.
M. Mayrand
(Richard) : Soyez plus agressif. On peut travailler sur les produits
génériques. Sur les produits d'origine, au
Québec, on utilise, on a une petite clause, là, qui s'appelle les PMP, les prix
maximums payables. On a mis ça sur
une classe de médicaments qui était très coûteuse, les médicaments pour les
brûlements d'estomac. Le Québec a fait des grosses économies avec ça. On
pourrait aller plus loin, O.K.?
Il
y a une nouvelle classe de médicaments, les biologiques, qui vont coûter
extrêmement cher, il va falloir encadrer ça. Les biologiques ont leurs génériques qui viennent de sortir, les
biosimilaires. Les médecins en prescrivent très, très peu, des biosimilaires. Il va falloir augmenter le taux
d'utilisation des biosimilaires. Il va falloir regarder à quel prix ils sont
accueillis sur le formulaire. Il y a plein de choses à regarder, puis ça peut
être fait de façon mesurée, planifiée.
Le
marché va s'adapter parce que, n'oubliez pas une chose, s'il y a de la marge en
ce moment, ce n'est pas parce que le
monde prend le beurre à la poignée pour se le mettre dans les poches
volontairement avec des idées de mesquinerie dans la tête, s'il y a de l'argent dans le système, c'est parce qu'avec
les années les méthodes de production des fabricants génériques se sont
améliorées et ont dégagé des nouvelles marges. Et, périodiquement, il faut
prendre le temps de revoir le cadre, comme
on est en train de le faire, comme le ministre de la Santé Couillard l'a fait à
l'époque en 2007. Et ça, cette façon
de faire là, quand elle est bien planifiée, elle donne les meilleurs résultats
pour tous, pour la société, un meilleur coût avec peu de risques. C'est
ça qu'on cherche.
M. Coutu (Jean) : M. le Président, depuis quelques minutes — je n'ai pas besoin de micro — on parle beaucoup de Pro Doc. Je vais vous en parler, de Pro Doc.
Pro Doc, c'est une compagnie qui existait 10 ans avant qu'on commence, même 10 ans avant que je commence en pharmacie en
1953. Le nom le dit, Pro Doc, c'était quoi? Ils vendaient, je vais employer un mot vulgaire, des pilules aux
docteurs. C'est-à-dire que, dans ce temps-là, avant l'assurance santé, les
médecins, très souvent, complétaient
leur diagnostic par une vente de médicaments, et Pro Doc était spécialisée dans
ça. Nous l'avons achetée. On n'a pas
créé Pro Doc, on l'a achetée avec l'idée que, faisant fabriquer par plusieurs
autres compagnies, on pouvait
présenter à nos pharmaciens un arsenal plus important, plus grande diversité de
médicaments, qui faisait qu'à l'heure
actuelle Pro Doc, même si on n'est pas la plus importante compagnie, nous
sommes celle qui offre à nos franchisés le plus de diversité et la plus grande quantité de médicaments
génériques au même prix que tout le monde avec l'avantage... similarité
dans les prescriptions, qu'elles soient à n'importe quel endroit du Québec.
Entre
parenthèses, j'en profite pour vous dire que notre système d'intercommunication
a été le premier au monde. On a été
les premiers, avant Walgreens, avant tout le monde. On a été les premiers au
monde à être capables de dire : un gars qui est à Saint-Jérôme puis il s'en va aux Îles-de-la-Madeleine, il
pèse sur un bouton, si le médecin lui a donné la permission de répéter,
il peut répéter comme ça.
Et
Pro Doc a donné à nos franchisés la
chance de s'uniformiser et, en même
temps, la chance d'avoir beaucoup moins
de pertes de médicaments parce que nous tenons un inventaire de médicaments
beaucoup plus important même que tous ceux qui nous fournissent les
médicaments. C'est la raison pour laquelle ils sont là.
• (18 heures) •
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, la parole, maintenant, est au
collègue de Mercier pour trois minutes.
M. Khadir :
MM. Coutu, M. Mayrand, bonjour. Pour que tout le monde soit informé de la
chose, parce que ça n'arrive pas
souvent : voilà Jean Coutu, une entreprise, quand même, milliardaire, qui
est dans mon comté. Il n'y en a pas beaucoup, mais ils ne peuvent pas
être tous à Brossard, hein? Bon, il y en a dans Le Plateau—Mont-Royal.
Je
pense, votre première pharmacie, M. Coutu, était sur la rue Mont-Royal, et il
se trouve que c'est la première pharmacie où...
M. Coutu (Jean) :
Hochelaga-Maisonneuve... rue Sainte-Catherine...
M.
Khadir : Ah oui,
hein? D'accord, ça, c'était... O.K., très bien. Quoi qu'il en soit, je dois
avouer que j'ai une sympathie, un préjugé
favorable pour Jean Coutu. Mais tout le monde convient au Québec, aujourd'hui...
Ce n'est pas pour rien que même un
ministre libéral est en train de faire — j'espère, en tout cas, qu'il va faire, que
ce n'est pas que, bon, une petite
saucette dans l'eau — ce que
Québec solidaire demande depuis une dizaine d'années, c'est-à-dire faire
en sorte que les Québécois ne soient pas les
dindons de la farce de la pilule à l'échelle canadienne. Aujourd'hui, au moment
où on se parle, en moyenne, le Québec paie,
per capita, 40 % plus cher que la moyenne canadienne ses pilules. Il faut
faire quelque chose, et on est réunis pour ça.
Maintenant,
je regarde le coût des médicaments que vous nous avez fourni, en moyenne vous
parlez d'une marge des grossistes de... enfin, ça va de 1 $ à
2 $ pour 100 pilules, d'accord, pour les gros vendeurs que sont les
médicaments antiulcéreux, antihypertenseurs puis des anticholestérols.
Cependant, suivant le formulaire de la Régie de l'assurance maladie, le
formulaire des médicaments remboursables, la marge des grossistes est de
6,5 %.
Donc,
première question : Qu'est-ce qu'on entend par 6,5 % versus ce que
vous nous présentez ici? Comment ça qu'il y a une telle différence?
Parce que c'est une marge reconnue. Deuxièmement, est-ce qu'il est possible,
parce qu'il y a 12 grossistes au
Québec, il y en a plusieurs qui sont... entre 10 à 12 grossistes,
McMahon, McKesson, Familiprix, Jean Coutu...
M. Coutu (François J.) : Shoppers...
M. Khadir : Bon, plusieurs.
M. Coutu (François J.) : Sept.
M. Khadir : Sept maintenant? Peut-être que ça a
été réduit. Est-ce qu'il se peut que, dans le jeu des appels d'offres aux grossistes, dans le fond, ça soit actuellement
le lobby des grandes multinationales que sont McMahon et McKesson qui soit
en jeu et que ces deux-là finissent par manger les plus petits que sont Jean
Coutu et Familiprix?
M.
Coutu (François J.) : Bien,
écoutez, nous, on est très confortables, on a un volume, quand même, de
1,2 milliard de ventes dans nos
pharmacies. On est un joueur majeur, je pense, dans le marché qui est ici.
Donc, ce qu'on voulait voir par cette affichette, là, c'est que — vous
voyez, si on prend molécule par molécule, et souvent les pharmaciens vont commander par des formats de 100 — la marge, qui est ici de 6,5 %, on
prend la marge qui est actuellement donnée aux grossistes, on applique le 2 % d'escompte qu'on donne aux
pharmaciens propriétaires, voici ce que ça nous donne comme profits. Écoutez, moi, livrer à
Sainte-Anne-des-Monts de la nimodipine pour 1,06 $, vous comprenez que je
n'ai aucun intérêt de le faire.
Le Président (M. Tanguay) :
...secondes.
M. Coutu
(François J.) : C'est ça.
Alors, vous comprenez que c'est pour ces raisons que la soumission pour les
grossistes, ça ne fonctionne pas. Et ça ne peut pas fonctionner.
M. Khadir : ...directement aux fabricants,
obtenir les réductions, puis, ensuite, on laisse les grossistes faire la
distribution.
M. Coutu (François J.) : Regardez,
oui, parce que, regardez...
M. Mayrand
(Richard) : C'est déjà ça
qu'ils font, c'est déjà ça qui existe. Puis l'avantage avec le système actuel,
c'est qu'à chaque fois que le prix d'un
générique baisse, l'honoraire du grossiste baisse également. À chaque fois
qu'on a une amélioration de la
pénétration des génériques, nos revenus baissent. À chaque fois qu'il y a une
nouvelle molécule dispendieuse, notre bénéfice baisse parce que le frais
de distribution est capé à 39 $.
Le Président (M. Tanguay) : Merci,
merci beaucoup. Merci beaucoup. Alors, c'est tout le temps dont nous disposons.
Merci beaucoup aux représentants du Groupe Jean Coutu.
Compte tenu de l'heure, la commission ajourne
ses travaux jusqu'à demain après les affaires courantes.
(Fin de la séance à 18 h 5)