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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mercredi 24 février 2016 - Vol. 44 N° 96

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 81, Loi visant à réduire le coût de certains médicaments couverts par le régime général d’assurance médicaments en permettant le recours à une procédure d’appel d’offres


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Table des matières

Remarques préliminaires

M. Gaétan Barrette

M. Jean-François Lisée

M. François Paradis

M. Amir Khadir

Auditions

Association professionnelle des pharmaciens salariés du Québec (APPSQ)

M. Paul Fernet

Association canadienne de la gestion de l'approvisionnement pharmaceutique (ACGAP)

Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes inc. (ACCAP)

Association des étudiants en pharmacie de l'Université de Montréal (AEPUM)

Autres intervenants

Mme Filomena Rotiroti, présidente suppléante

Mme Marie Montpetit, présidente suppléante

M. Marc Picard

*          M. Christophe Augé, APPSQ

*          M. Ibrahim Assaad, idem

*          Mme Azadeh Keschani, idem

*          M. David W. Johnston, ACGAP

*          Mme Lyne Duhaime, ACCAP

*          Mme Nathalie Laporte, idem

*          M. Donald Cyr, idem

*          M. Jean-Michel Lavoie, idem

*          Mme Claude Di Stasio, idem

*          M. Michaël Cardinal, AEPUM

*          M. Nicholas Monette, idem

*          M. Cédric Lalonde, idem

*          M. Nicolas St-Onge, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures quinze minutes)

La Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, bon matin à tous. À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum... Ah! désolée, je n'ai pas vu le ministre partir. O.K. Désolée, on va suspendre quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 16)

(Reprise à 11 h 17)

La Présidente (Mme Rotiroti) : Bien, rebonjour. Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte la séance de la Commission de la santé et des services sociaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 81, Loi visant à réduire le coût de certains médicaments couverts par le régime général d'assurance médicaments en permettant le recours à une procédure d'appel d'offres.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplaçants?

Le Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Tanguay (LaFontaine) est remplacé par Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger).

La Présidente (Mme Rotiroti) : Ce matin, nous allons débuter avec des remarques préliminaires et par la suite nous recevrons l'Association professionnelle des pharmaciens salariés du Québec, suivie par M. Paul Fernet.

Remarques préliminaires

Alors, sans plus tarder, j'invite le ministre de bien vouloir faire les remarques préliminaires. Vous disposez de six minutes. La parole est à vous, M. le ministre.

M. Gaétan Barrette

M. Barrette : Merci, Mme la Présidente. Alors, bienvenue aux gens, évidemment, que nous accueillons ce matin et aux collègues, évidemment, là, pour cette commission parlementaire sur le projet de loi n° 81.

Alors, Mme la Présidente, juste pour simplement mettre les choses un peu en contexte, je pense qu'il est démontré, reconnu et accepté par tout le monde dans la société qu'au Québec et au Canada en général nous payons nos médicaments au-delà de ce que nous devrions payer. En ce qui nous concerne, je pense que les démonstrations ont été faites à plusieurs reprises à l'effet que ce que la société paie, en termes de médicaments, incluant les médicaments génériques, est nettement supérieur à ce qui devrait être, à mon avis, et je vais peser mes mots, juste et raisonnable.

Ceci dit, il y a des raisons à ça, et la seule façon de pouvoir s'y adresser, à notre avis, est de faire en sorte que nous ayons une approche, une mécanique, un levier pour faire en sorte que nous puissions, dans un marché qui est le marché que l'on connaît aujourd'hui, aller chercher le meilleur prix, tout en garantissant, évidemment, un approvisionnement en médicaments de qualité approprié pour le bénéfice de la population du Québec.

• (11 h 20) •

Le monde pharmaceutique, parce qu'on parle ici du monde extrahospitalier, là, est un monde qui, on va dire, est régi... ce n'est peut-être pas le bon mot, mais c'est un monde dans lequel il y a plusieurs joueurs. Alors, on pourra résumer la situation en notant qu'on peut subdiviser ce monde-là en quatre groupes. Il y a, évidemment, les fabricants de médicaments, il y a les grossistes, il y a les bannières et il y a, évidemment, les pharmaciens propriétaires. C'est, grosso modo, l'univers dans lequel on est.

Aujourd'hui, dans quelques minutes, nous entendrons l'Association professionnelle des pharmaciens salariés du Québec, qui sont dans cet environnement-là, mais qui ne sont pas des agents négociateurs. À moins qu'on me dise le contraire tout à l'heure, là, ce ne sont pas des gens qui participent à la gestion de cette offre de services ou de produits en termes de négociation ou en termes d'achat ou de vente, mais c'est quand même des joueurs qui sont importants, et ça va être intéressant de les entendre.

Alors, la commission parlementaire, j'ose espérer, Mme la Présidente, va nous permettre de faire une certaine lumière et de nous donner des indications sur d'éventuels ajustements que nous pourrions apporter à notre projet de loi en fonction, évidemment, de deux paramètres principaux majeurs ou peut-être trois, que sont le coût, évidemment, et l'approvisionnement, et la qualité des produits. Ce sont des éléments, là, qui sont connexes, mais ils ont une hiérarchie.

Le premier élément auquel on veut s'adresser, évidemment, par le fait même, par définition, étant celui du coût. Alors, c'est la raison pour laquelle, comme je l'ai dit il y a quelques instants, ayant subdivisé ce monde-là en catégories, on comprendra que le projet de loi, qui contient deux articles principaux et un article qui est plutôt administratif, les deux articles principaux visent à aller chercher le meilleur coût dans deux des éléments qui sont majeurs dans le cheminement de l'univers du médicament, étant les grossistes et les fabricants. Mais, les fabricants, on verra sans aucun doute dans la commission parlementaire que c'est plus complexe que ça en a l'air.

Alors, je pense que la commission parlementaire va être très intéressante en termes de compréhension de cet univers-là, avec comme point de départ de notre réflexion législative le fait que, comme société, il est de notre responsabilité, comme gouvernement et, je dirais, comme parlementaires, de mettre en place des leviers pour faire en sorte que l'État... Et, comme je le dis toujours, et vais prendre un petit instant pour le répéter encore une fois, l'État, ça n'a pas de compte de banque. L'État ne fait que gérer les sommes d'argent qui proviennent des impôts, des taxes qui, elles, sont appliquées aux revenus des particuliers et des entreprises. L'État a la responsabilité morale de s'assurer que nous payons le juste prix, et il nous est apparu, Mme la Présidente, qu'à cette étape-ci de l'évolution de notre société il était essentiel de s'adresser à cela. Et voilà. Tout à l'heure, nous commencerons nos auditions publiques, et ça va être, sans aucun doute, très intéressant. Je termine là-dessus, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Parfait. Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, j'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux, de protection de la jeunesse, de soins à domicile, de santé publique et de prévention et évidemment député de Rosemont pour faire des remarques préliminaires pour une durée maximale de 3 min 30 s. La parole est à vous.

M. Jean-François Lisée

M. Lisée : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre, mes collègues de la majorité ministérielle, mes collègues de la CAQ, député de Lévis, très heureux de vous voir, secrétaire de la commission, recherchistes.

Le ministre a posé la bonne question. La bonne question, c'est : Ça coûte trop cher. Ça coûte trop cher à cause du prix, ça coûte trop cher à cause des prescriptions aussi, ça coûte trop cher à cause des protocoles, ça coûte trop cher à cause de l'organisation de la liste. Il y a beaucoup de raisons pour lesquelles ça coûte trop cher. Et je suis très heureux d'entendre le ministre dire : Bien, le but de cette commission, c'est de voir comment ça pourrait coûter moins cher. Oui, je suis d'accord, moi aussi, je me suis préparé dans cette perspective-là.

Maintenant, ça ne veut pas nécessairement dire que les propositions qui sont incluses dans le projet de loi sont les bonnes réponses à cette question. Mais je suis content que le ministre n'ait pas dit : Le but de cette commission parlementaire, c'est de démontrer que ce projet de loi en trois articles, c'est la bonne façon pour que ça moins cher. Parce que ce n'est pas sûr que c'est la bonne façon pour que ça coûte moins cher, ce n'est pas sûr du tout. On a lu les mémoires qui sont arrivés, j'ai rencontré beaucoup des acteurs de ce microcosme, effectivement, à quatre étages qui est l'écologie des médicaments au Québec, et ce n'est pas comme d'acheter des pains ou d'acheter des boulons où on fait un appel d'offres, puis c'est la tarte aux pommes, évidemment. Comment est-ce qu'on peut être contre un appel d'offres? Bien, dans la santé, ce n'est pas exactement la même chose. Dans la santé, ce n'est pas la même chose.

Alors donc, on va tester les hypothèses du ministre, mais j'espère qu'on va en tester d'autres aussi. Et donc je suis très heureux de cette ouverture d'esprit que le ministre manifeste en lançant la commission, en disant : La question qu'on pose, ce n'est pas : Est-ce que mes solutions sont les bonnes?, la question qu'on pose, c'est : Quelles sont les bonnes solutions? Et là ça ouvre la discussion, puis moi, je suis très heureux parce que je voulais qu'on ouvre cette discussion.

Évidemment, ce qui est mis au jeu, ce sont des propositions d'utiliser l'appel d'offres à la fois sur le fabricant et à la fois sur le grossiste, qui sont deux choses différentes et deux choses qui peuvent avoir des impacts positifs et négatifs sur l'écologie, la disponibilité, les ruptures de stock et même le prix. Il y a des gens qui vont venir nous dire : Bien, ça aurait une incidence à la baisse dans un premier temps puis à la hausse dans un deuxième temps. Alors, il faut tout regarder ça. Il ne faut pas se tromper, il ne faut pas se tromper. Et je pense qu'avec les consultations — et je pense que tous les gens auxquels on voulait adresser une invitation ont répondu — on va avoir une bonne idée. Et moi, j'espère que la conséquence, c'est-à-dire qu'on va atterrir sur de bonnes solutions qui ne seront pas nécessairement celles avec lesquelles on commence, c'est-à-dire qui sont dans le projet de loi.

Alors, je salue l'ouverture d'esprit du ministre. J'espère qu'elle se traduira par une volonté de changement, peut-être substantiel, de ce qui est dans le projet de loi à la fin de ce processus. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. le député de Rosemont. Alors, j'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de santé et services sociaux et député de Lévis à faire des remarques préliminaires pour 2 min 30 s. La parole est à vous.

M. François Paradis

M. Paradis (Lévis) : Merci, Mme la Présidente. Ah bien, je salue les collègues, évidemment, collègues de l'opposition, collègues ministériels, membres du gouvernement, recherchistes participant à cette commission et je salue également cette ouverture exprimée par le collègue de l'opposition, c'est-à-dire d'avoir un objectif commun. On le comprend bien, hein? Je pense que c'est relativement simple. Le projet de loi, qui vise globalement à réduire le coût des médicaments génériques pour l'État et les consommateurs, c'est un objectif louable en soi. Est-ce que les moyens pour s'y rendre sont les bons? Nous aussi, on a des questionnements, des questionnements qui nous ont été aussi relayés par plusieurs groupes, plusieurs intervenants dans un système complexe, mais qui se questionnent aussi sur les moyens pour atteindre la cible : Sont-ils les bons?

Je saluerai également l'ouverture du ministre, c'est-à-dire que, si l'objectif est louable, est-ce qu'il y a moyen de faire autrement? Est-ce que la solution proposée ou les solutions proposées sont celles qui devront finalement nous permettre d'arriver à l'objectif commun? Il y a bien des gens qui s'inquiètent, Mme la Présidente, il y a beaucoup d'inquiétudes qui sont manifestées. Et, pour employer un terme que l'on utilise, là, quand on parle de médicaments, bien, il y a plusieurs personnes qui craignent les effets secondaires. Alors, on va tenter de faire en sorte qu'il y en ait peu, qu'il n'y en ait pas.

Et, à travers ce que l'on entendra, ce qu'on va faire ici, nous, à l'opposition, d'être extrêmement attentifs et de permettre à ceux et celles qui viendront donner aussi leur vision des choses, parce qu'ils sont partie prenante de ces décisions-là, de faire en sorte aussi qu'on puisse réfléchir sur d'autres moyens pour arriver à une cible puis un objectif commun et, je le répète, qui est louable en soi sur son principe, sur sa vision, mais qui, au chapitre des moyens utilisés — en tout cas, de l'avis de ceux et celles qui font partie de cet environnement-là — peuvent poser de sérieux problèmes et de sérieuses inquiétudes.

Alors, attentifs, ouverts aux propos de ceux et celles qui viennent nous rencontrer, mais surtout aussi déterminés à trouver le meilleur moyen. Ce n'est pas nécessairement celui qui est aujourd'hui libellé dans le projet de loi, on le verra en cours de route. Mais, pour l'instant, on a peu de garanties de pouvoir y arriver de la façon dont tout ça est écrit et présenté.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. le député de Lévis. J'aurais besoin d'un consentement de permettre au député de Mercier de faire des remarques préliminaires pour une durée de deux minutes. Est-ce que j'ai le consentement?

Des voix : Consentement.

• (11 h 30) •

La Présidente (Mme Rotiroti) : Oui? Alors, allez-y, M. le député de Mercier, vous avez deux minutes.

M. Amir Khadir

M. Khadir : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Chers collègues, vous ne pouvez pas trouver, sans doute, au Québec... enfin, j'imagine mal qu'il puisse y avoir quelqu'un d'autre au Québec plus satisfait que moi de savoir qu'une commission de l'Assemblée nationale, enfin, se penche sur le prix des médicaments.

Ici même, en mars 2006, Françoise David et moi-même sommes venus présenter en commission parlementaire... l'actuel premier ministre était ministre de la Santé, assis à la place du ministre de la Santé, et notre propos, c'était une proposition pour un financement adéquat du système de santé québécois, tenant compte du fait, et c'est rapporté dans, je dirais, ce qui fait maintenant école dans l'analyse du système de santé canadien de manière comparative, tenant compte de cette réalité qui est relatée ici que, dans les années 80, comme en 1990 et 2000, le coût des médicaments, la croissance du coût des médicaments a été la part des coûts en santé qui a connu la plus grande croissance et de manière exponentielle jusqu'à à peu près la fin des années 2000.

Donc, c'est sûr que, si le ministre a comme objectif une réforme de la structure des prix des médicaments pour obtenir des réductions pour les contribuables, je lui rappelle qu'il a une tâche importante. Les hôpitaux du Québec, les corporations d'achats regroupés déjà peuvent obtenir des rabais de 30 % par rapport à ce que paie la RAMQ. Donc, j'espère que l'objectif est déterminé et qu'on s'en va là. Moi, j'ai présenté deux projets de loi déjà dans cette même visée, malheureusement ça n'a jamais été appelé par les gouvernements en place.

J'espère qu'aujourd'hui on ne va juste se tremper l'orteil dans l'eau, là. Et c'est ça qui me désole un peu, je vois un projet de loi excessivement maigre. Parce qu'on aurait pu tant faire... Enfin qu'on est réunis pour parler de la nécessité de renverser la tendance et d'obtenir enfin de bons prix pour les contribuables québécois, je vois un projet de loi maigre qui n'a que deux ou trois articles. J'espère qu'on pourra y mettre beaucoup, beaucoup, je dirais, de détermination.

Auditions

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, M. le député de Mercier. Alors, on est rendus à entendre les groupes qui sont venus nous voir aujourd'hui. Alors, je souhaite la bienvenue à l'Association professionnelle des pharmaciens salariés du Québec. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre présentation, et par la suite nous procéderons à une période d'échange entre les élus. Alors, la parole est à vous.

Association professionnelle des pharmaciens
salariés du Québec (APPSQ)

M. Augé (Christophe) : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. le ministre. Merci aux membres de la commission d'avoir accepté de nous entendre dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 81. Mon nom est Christophe Augé, je suis pharmacien salarié dans le milieu communautaire à Sherbrooke et je suis le président de l'Association professionnelle des pharmaciens salariés du Québec.

Notre jeune association réunit les pharmaciens non propriétaires du Québec. Elle est notamment la seule à représenter les pharmaciens salariés du milieu communautaire. L'association prône l'éthique, l'intégrité et l'indépendance professionnelle parmi ses valeurs. Elle place le patient au coeur de la profession du pharmacien.

Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Azadeh Keschani et de M. Ibrahim Assaad, qui sont respectivement vice-présidente aux communications et trésorier de notre association.

Nous avons sollicité d'être entendus par la Commission de la santé et des services sociaux, car nous pensons que le projet de loi n° 81 présente trop de conséquences néfastes pour le patient et le pharmacien en comparaison des autres solutions disponibles. Parallèlement, nous suggérons que les compétences du pharmacien soient mises à profit pour aider au contrôle des coûts. Avant toute chose, en tant que payeurs d'impôt, les pharmaciens salariés saluent l'intention initiale de vouloir réduire les dépenses publiques dans le secteur de la santé. En fait, nous sommes en accord avec tout ce qui a été dit dans la période de présentation du projet, peut-être mis à part le fait que les coûts passent devant la qualité et l'approvisionnement.

Contrairement aux croyances, les dépenses publiques pour le programme médicaments et services pharmaceutiques sont relativement stables. Dans les faits, c'est un des programmes du ministère de la Santé et des Services sociaux qui a présenté un des plus faibles taux de croissance dans les sept dernières années. Toutefois, nous pensons, comme tous les membres de la commission, que nous pouvons faire mieux, nous pouvons arriver à obtenir des meilleurs prix et surtout des coûts totaux plus faibles. Il est également à prévoir que l'augmentation va devenir beaucoup plus importante dans un futur proche, notamment à cause des nouveaux médicaments, particulièrement dispendieux.

Cela dit, nous pensons que l'outil qui est proposé, c'est-à-dire les appels d'offres, à travers le projet de loi n° 81 n'est pas le bon outil. En effet, avec la méthode proposée, on engendre une série de conséquences néfastes. En premier lieu, nous pensons que les appels d'offres auront un impact négatif au niveau de la qualité des médicaments. Avec des appels d'offres, les fabricants qui décident de participer devront diminuer leurs coûts, notamment leurs coûts de production. Nous nous questionnons sur l'impact potentiel au niveau de la qualité.

En deuxième lieu, nous pensons que les appels d'offres ne pourront pas tenir compte de l'ensemble des critères de sélection des médicaments. Évidemment, le projet de loi est particulièrement concis. Il n'aborde pas ces questions, qui seraient particulièrement complexes. Mais, à l'heure actuelle, la sélection du médicament revient au pharmacien propriétaire et à son équipe.

Parmi les critères de sélection, nous pouvons citer, en premier lieu, l'apparence du médicament. Cette caractéristique peut sembler futile, elle est en fait essentielle. Une identification facile permet de diminuer le risque d'erreur dans la dispensation, mais surtout dans la prise du médicament par le patient à son domicile. D'autres critères, comme la taille du comprimé, sa fragilité — est-ce qu'il est facilement sécable ou non? — dans certains cas les ingrédients non médicinaux sont autant de critères que le pharmacien peut prendre en compte et qui ne pourront pas être considérés dans un point de vue global lors d'appel d'offres.

En troisième lieu, nous pensons que les appels d'offres vont fragiliser la relation de confiance entre le pharmacien et le patient et avoir, par le même fait, un impact négatif sur l'observance des patients. Pratiquement, comment ça va se passer? Avec un appel d'offres, nous allons devoir changer tous les patients de marque pour mettre tout le monde, de façon unilatérale, sur la même marque. Que va-t-il se passer s'il y a une rupture d'approvisionnement de cette marque? Nous allons prendre tous ces patients, nous allons les repasser à une autre marque. Le produit va revenir disponible, on va les rechanger à la marque initiale. Et, au bout d'un an, si on fait des appels d'offres à chaque année, eh bien, on recommence, on rechange tout le monde de façon unilatérale.

Cette tâche et les explications pour tenter de rassurer le patient et justifier le changement reviendront à la charge du pharmacien communautaire. Les appels d'offres viennent retirer l'autonomie du pharmacien pour prendre les meilleures décisions pour ses patients. Cela va fragiliser le lien de confiance entre le pharmacien et son patient, lien pourtant essentiel à l'observance et au succès de la pharmacothérapie.

Revenons sur le problème de rupture d'approvisionnement. Depuis quelques années, le domaine pharmaceutique est aux prises avec ce problème très sérieux. Tous les intervenants à tous les niveaux travaillent de concert pour limiter les risques et les conséquences associés aux ruptures d'approvisionnement de médicaments. Il nous apparaît contre-productif de les favoriser avec des appels d'offres qui donneront l'exclusivité à un seul ou même deux fabricants. Nous avons détaillé un petit peu plus ces aspects dans le mémoire.

D'autre part, le projet de loi n° 81 propose de faire des appels d'offres au niveau des grossistes. Pour les pharmaciens salariés, ce point particulier est purement et simplement inimaginable. Il est clair pour nous qu'aucun pharmacien du milieu communautaire n'a été consulté sur cette idée. Comme expliqué dans le mémoire, tous les grossistes ne sont pas accessibles à toutes les pharmacies, et aucun grossiste n'est, à ce jour, capable de desservir toutes les pharmacies au Québec. Nous pouvons difficilement imaginer, dans ce cadre-là, de donner une exclusivité à un grossiste pour un médicament. De même, la complexité de la gestion de l'inventaire va revenir, une fois de plus, alourdir les tâches administratives du pharmacien communautaire, autant de temps qu'il ne passera pas au service aux patients.

Par ailleurs, le ministre sait très bien que la grande majorité des grossistes sont liés avec des bannières. Le risque est ici de donner des exclusivités de certains médicaments à certaines bannières au mépris de la liberté de choix des patients. Nous le comprenons, le but est de diminuer les coûts, mais il existe d'autres solutions pour réduire les coûts qui ne présenteraient pas tous ces inconvénients.

• (11 h 40) •

Le Québec a récemment rejoint l'Alliance pancanadienne pharmaceutique. Pourquoi ne pas utiliser cette voie? L'alliance utilise une tarification dégressive. Ce système a permis d'économiser autour de 40 % sur le prix d'une dizaine de molécules en un an. Les diminutions se poursuivent actuellement avec l'ajout de huit nouveaux médicaments. Selon ce modèle de tarification, plus il y a de compagnies génériques qui proposent le médicament, plus le prix va diminuer. Au lieu de créer de l'instabilité dans le domaine des génériques, on favorise la présence sur le marché de tous les fabricants et on laisse le choix au pharmacien de prendre la meilleure décision pour son patient.

Les médicaments génériques représentent 67 % en nombre de médicaments, mais seulement 22 % au niveau des coûts.

La Présidente (Mme Rotiroti) : En terminant, M. Augé. En terminant.

M. Augé (Christophe) : O.K. L'APPSQ suggère de concentrer les efforts de réduction sur le coût des médicaments novateurs et sur la quantité de médicaments. Vous trouverez d'autres recommandations dans le mémoire, notamment au niveau du rôle du pharmacien.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup. Alors, merci pour votre présentation. Nous allons maintenant débuter la période d'échange, et je vais passer du côté du ministre. Alors, M. le ministre, la parole est à vous pour environ 18 minutes.

M. Barrette : Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Augé, Mme Keschani et M. Assaad, bienvenue. Alors, merci d'avoir pris le temps de nous préparer votre mémoire et de venir nous l'exposer ici aujourd'hui.

Dans ces situations-là, en général, j'ai des commentaires introductifs que je pense que je n'ai pas besoin de refaire. Vous avez entendu ceux que j'ai faits globalement pour la commission parlementaire du projet de loi il y a quelques instants.

Je vais commencer par vous poser une question très simple. Vous êtes tous trois... Vous êtes une association de pharmaciens salariés et vous êtes donc la majorité des pharmaciens salariés dans le monde des pharmaciens. Qu'est-ce qui fait qu'un pharmacien qui sort de la Faculté de pharmacie choisit d'être salarié plutôt que d'être propriétaire?

M. Augé (Christophe) : Une question inattendue.

M. Barrette : Et vous allez en avoir plusieurs comme ça.

M. Augé (Christophe) : D'accord. Il peut y avoir tout un tas de considérations : des considérations de prendre de l'expérience avant de vouloir se lancer plus avant dans le domaine, des considérations financières — acheter une pharmacie représente quand même un coût assez énorme, donc il faut préparer cet achat-là, donc — et puis également au niveau de la qualité de vie — être pharmacien salarié permet également d'avoir une vie, dans plusieurs cas.

M. Barrette : Est-ce que vous pouvez élaborer sur le plan financier?

M. Augé (Christophe) : Sur le plan financier, oui, bien, le coût d'achat d'une pharmacie est particulièrement élevé. Au niveau financier, ça prend un apport personnel, donc il faut commencer par travailler afin de réunir cet apport personnel et puis il faut rencontrer les partenaires, les banques qui acceptent de prêter pour pouvoir acheter ce type de pharmacie. Ibrahim?

M. Assaad (Ibrahim) : En fait, M. le ministre, j'aimerais savoir c'est quoi, l'intention de vos questions. Je vous relance un petit peu la question que vous avez posée : C'est quoi, votre intention avec le projet de loi n° 81?

M. Barrette : Le projet de loi n° 81, là, c'est un projet de loi qui vise à aller chercher le meilleur coût, le meilleur coût que l'on n'a pas parce que la structure de fonctionnement, le cheminement du médicament induisent des coûts.

Bon, vous, vous êtes pharmaciens salariés, vous travaillez dans un environnement, et votre employeur, c'est un pharmacien propriétaire. Vous avez fait un paquet de références à l'autonomie, et ainsi de suite. Vous voyez donc comment ça se passe dans l'univers du pharmacien propriétaire. Éclairez-nous là-dessus. Quand vous choisissez d'être pharmacien salarié, là, c'est parce qu'aussi vous voyez une lourdeur, des obstacles, une complexité et un certain nombre de choses d'être propriétaire. Qu'est-ce que vous voyez?

Mme Keschani (Azadeh) : Si je peux me permettre de répondre — bonjour, M. le ministre — j'aimerais juste... Entre parenthèses, j'ai déjà été, dans une autre vie, pharmacienne propriétaire, et présentement je suis pharmacienne salariée en milieu communautaire. Mais j'aimerais remettre les choses en perspective en ce moment. Il y a près de 9 000 pharmaciens au Québec, et plus de la moitié sont des pharmaciens salariés qui travaillent en milieu communautaire. Et je vais vous dire que, dans la communauté de pharmaciens, nous sommes tous des pharmaciens, point. Nous ne faisons pas de distinction entre le milieu du travail qu'on a déjà eu, le milieu du travail qu'on a présentement ou les perspectives de carrière qu'on aurait dans le futur.

Les pharmaciens, nous sommes dévoués à nos patients, nous sommes rigoureux dans l'application de nos expertises et des standards de pratique qui ont été établis par l'Ordre des pharmaciens du Québec, et toutes les décisions qu'on prend dans nos heures de travail sont axées autour du patient. Et c'est pour ça que nous pensons qu'au-delà des suggestions que vous avez faites sur le projet de loi n° 81 il y a des façons de mettre en valeur l'expertise et les connaissances du pharmacien salarié ou pas, mais qui oeuvre en milieu communautaire. Donc, ce pharmacien-là, sans mettre d'étiquette sur ce pharmacien-là, il a des moyens, et des expertises, et des connaissances qui peuvent faire diminuer les coûts d'usage des médicaments pour le système de santé, et c'est là qu'on aimerait aller avec vous.

M. Barrette : Je l'ai dit, il y a un certain nombre de choses dans votre présentation qui m'ont étonné. Vous avez insisté sur l'importance de l'autonomie du pharmacien. Est-ce que vous considérez que vous et le pharmacien propriétaire, un ou l'autre, ou les deux, vous êtes à ce point-là autonomes par rapport au vendeur?

Mme Keschani (Azadeh) : Oui. Nous considérons... nous savons, et ce n'est pas une considération, en fait, c'est un fait, toutes les décisions qu'on prend sont sur la base de la personne, du patient qu'on a devant nous et...

M. Barrette : Ce n'est pas à propos du patient, là, c'est à propos de votre fonctionnement commercial. Est-ce que vous êtes à ce point-là autonomes? Est-ce que vous considérez que votre pharmacien propriétaire et vous, conséquemment, parce qu'il y a une relation de cause à effet, vous êtes autonomes?

Mme Keschani (Azadeh) : Je vais juste...

M. Barrette : Si vous voulez, je vais préciser ma question.

Mme Keschani (Azadeh) : Non, mais je pense que je comprends le sens de votre question et la direction que vous voudriez prendre aujourd'hui avec nous. Je veux juste revenir sur ce que vous avez dit dans votre commentaire d'ouverture. Vous avez dit que le pharmacien salarié ne participe pas à la gestion des produits et de l'offre, donc n'est pas un des quatre joueurs que vous avez nommés initialement, et vous vous demandez peut-être qu'est-ce qu'on fait ici et qu'est-ce qu'on a à dire au sujet de ce projet de loi.

M. Barrette : Je suis très heureux que vous soyez ici.

Mme Keschani (Azadeh) : Bon, mais je vais vous dire, justement, en fait : Ce n'est pas vrai que le pharmacien salarié ne participe pas à la gestion de l'offre du médicament au patient. Et c'est ça, c'est le point qu'on aimerait faire ressortir, donc on aimerait passer sur cette base-là. Et honnêtement je pense qu'il y a d'autres acteurs de notre domaine qui vont pouvoir vous répondre... des questions plus détaillées sur le modèle d'un pharmacien propriétaire et comment ça fonctionne. Nous ne sommes pas ici pour ça aujourd'hui, malheureusement.

M. Barrette : Non, au contraire, vous êtes ici pour ça, parce que ces thèmes-là, vous les avez abordés vous-mêmes dans votre présentation, vous les avez abordés vous-mêmes. Et moi, je vous en remercie, un, de vous présenter ici aujourd'hui et de les avoir abordés vous-mêmes, ce qui, par définition, m'autorise et me justifie dans ma ligne de questionnement.

Juin 2015, l'Ordre des pharmaciens, dont vous êtes membres, a fait un sondage. Vous avez peut-être vous-mêmes répondu au sondage, vous avez peut-être vu le résultat. Alors, à la question n° 9, «est-ce que votre franchiseur/chaîne/bannière cherche à limiter ou à orienter la sélection des médicaments génériques à servir aux patients?», 1 594 réponses «oui» à cette question-là. Alors, éclairez-nous, là. Vous pouvez nous éclairer là-dedans, là.

Mme Keschani (Azadeh) : Oui, ça va me faire plaisir. Il est évident que, dans la gestion de notre inventaire de médicaments au laboratoire, nous ne pouvons pas tenir tous les fabricants génériques pour toutes les molécules ou médicaments en tablette. Donc, nous avons des médicaments, des fabricants que nous allons tenir de façon primaire. Mais la réalité que nous sommes ici pour vous démontrer, c'est que la réalité, en fait, c'est que nous avons des doubles et des triples inventaires de médicaments, de molécules, parce que ça, c'est la réalité de nos patients. Nos patients sont complexes, ils ont des croyances et des préférences très propres à eux et à un antécédent dans l'utilisation des médicaments, et nous n'avons pas le choix que de respecter ces critères-là, et c'est ça qui guide nos choix. Donc, pour la plupart des patients, nous pouvons facilement choisir un fabricant x, et tout va bien se passer, mais, pour les patients pour lesquels nous avons des critères ou des exigences spécifiques, nous avons le devoir d'avoir des options pour servir ces patients-là correctement et assurer le bon usage de leurs traitements parce que c'est ça qui va amener les résultats recherchés.

• (11 h 50) •

M. Barrette : Écoutez, je vais répéter la question. Ce n'est pas moi qui la pose, la question, c'est l'ordre professionnel, qui vont venir ici, d'ailleurs, on leur posera la question. Est-ce que votre franchiseur/chaîne/bannière cherche à limiter ou orienter la sélection des médicaments génériques à servir aux patients? Alors, quand un franchiseur/chaîne/bannière cherche à limiter ou orienter la sélection, ce n'est certainement pas pour le plaisir de le faire. Et je doute fort que ça soit une question de bénéfices pour le patient parce que la bannière/franchiseur/chaîne, là, ils ne sont pas en face du patient, là, ils ne parlent pas au patient, là. Alors, quand ils posent cette question-là, il y a un non-dit, et le non-dit est évidemment économique. Ça m'apparaît évident. J'aimerais que vous nous éclairiez là-dessus : Pourquoi l'ordre — quel est le fond de cette histoire-là? — en vient-il à poser cette question-là à laquelle la majorité du monde répondent oui? Éclairez-nous, c'est votre monde, là.

Mme Keschani (Azadeh) : Oui, je vais essayer de répondre à la même question d'une façon différente qui va peut-être mieux vous satisfaire. Donc, il y a des limitations tant en termes des fabricants qui peuvent être choisis en premier lieur dans nos inventaires. Mais, comme pharmaciens salariés communautaires, nous ne sentons pas que nous sommes limités en ce moment. Par contre, c'est la préoccupation principale que nous avons par rapport à votre projet de loi, c'est que c'est ça qui va nous limiter. En ce moment, nous avons les choix, nous avons des grossistes primaires et secondaires chez qui on peut faire des commandes de produits et de fabricants qui sont différents de ceux qu'on tient régulièrement, et votre projet de loi va nous enlever ces choix-là. Nous suggérons des baisses des prix des médicaments, des génériques, mais de façon à ce que tous les fabricants restent sur le marché, qu'ils soient tous à des prix diminués et qu'on ait quand même les choix à offrir à nos patients et des sélections à faire selon les critères qui sont très importants pour nous et qui devraient l'être autant pour vous parce que ça influence la qualité et, finalement, le résultat thérapeutique chez le patient.

M. Barrette : Posons la question différemment, là : Quelle serait la mécanique utilisée par un franchiseur, une chaîne ou une bannière pour limiter ou orienter la sélection d'un médicament? Comment ils font ça?

Mme Keschani (Azadeh) : Nous ne le savons pas. C'est à vous de leur demander.

M. Barrette : Bien, je vais vous orienter. Vous avez dit vous-mêmes dans votre présentation — ça m'avait étonné aussi — vous avez évoqué le fait que les grossistes ne donnent pas accès à tous les médicaments. Vous avez évoqué ça. Est-ce qu'à votre connaissance il y a des grossistes qui sont aussi des bannières?

M. Augé (Christophe) : La grande majorité des grossistes sont liés à des bannières, effectivement. Nous, nous sommes factuels, c'est un fait. Si je veux commander à, disons, un grossiste, je n'aurai pas accès à l'ensemble des médicaments qui sont disponibles. Si votre question est de savoir est-ce que c'est parce qu'ils reçoivent une compensation financière d'une quelconque façon que ce soit, bien, je vous invite à leur demander à eux, parce que nous ne sommes pas au fait des ententes commerciales qui se trouvent plus haut que nous.

M. Barrette : Alors là, là aussi vous m'étonnez, agréablement d'ailleurs, puisque vous l'évoquez. Moi, je n'ai fait aucune référence à ça, là. Vous, vous évoquez la possibilité d'ententes commerciales qui peuvent, à toutes fins utiles, avoir un impact sur le prix. Ça veut dire que c'est quelque chose que vous ne pouvez pas affirmer parce que vous ne les connaissez pas, mais que vous soupçonnez parce que vous êtes dans cet environnement-là.

M. Augé (Christophe) : Qu'est-ce qui pourrait expliquer que je n'aie pas accès à tous les médicaments chez tous les grossistes? Bon, il y a l'aspect approvisionnement. Est-ce qu'ils sont capables, tous les fabricants, de fournir tous les grossistes? Je ne sais pas, c'est à eux qu'il faudra le poser. Est-ce qu'ils reçoivent une compensation financière? Est-ce qu'il y a des ententes pour les inscriptions? C'est à eux qu'il faut demander. Est-ce qu'il y a d'autres raisons que, moi, comme pharmacien salarié, je ne connais pas? Il faudra leur poser la question à eux.

M. Barrette : Et je peux vous assurer que je vais leur poser la question. Mais je comprends de votre commentaire, sans prendre position, qu'il est très possible que ça existe. Ça, c'est une réponse oui ou non, là. Il est très possible que ça existe, ce genre d'entente là dont vous ne connaissez pas la teneur. Vous êtes salariés, je le comprends. Maintenant, si ça existe, parce que vous l'évoquez vous-mêmes, là, à la fin, est-ce que ça peut avoir un effet sur le prix du médicament? Non?

M. Augé (Christophe) : Il me semble que le prix du médicament, il est défini par le gouvernement, au départ.

M. Barrette : ...la réponse à ça. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne, mais ce n'est pas grave. Est-ce que, dans l'écosystème du médicament, pour employer une expression à la mode, la mécanique que vous avez évoquée, qui est celle d'une relation commerciale, telle qu'évoquée par l'ordre, là, dans cette chaîne-là, à la fin, là, ça peut avoir un impact sur le prix du médicament? Clairement, là, si l'ordre a posé la question, ça a un impact sur l'autonomie professionnelle du pharmacien.

M. Assaad (Ibrahim) : Dr Barrette, je suis curieux de savoir combien de pharmaciens ont répondu non, par exemple. Parce que, là, vous avez juste dit les oui, mais j'aimerais ça avoir l'autre côté. C'est quoi? Mais là vous avez dit : Il y a 1 600 pharmaciens qui ont répondu oui. Il y a 9 000 pharmaciens au Québec.

M. Barrette : Les deux groupes, là, oui et non, là, parce qu'il n'y a personne qui a répondu «peut-être», là, c'est 1 594 et 1 406. Donc, ça fait 2 300 exactement... 3 000, en fait.

M. Assaad (Ibrahim) : Mais qui ont dit non.

M. Barrette : Bien oui, mais il y a une majorité qui ont dit oui.

M. Assaad (Ibrahim) : O.K. Je comprends.

M. Barrette : Encore une fois, là, moi, je...

Une voix : ...

M. Barrette : M. le Président... Mme la Présidente, le député de... Franchement!

La Présidente (Mme Rotiroti) : M. le député de Mercier, je vous demande de ne pas interpeller les groupes, s'il vous plaît. La parole, c'est au ministre. Alors, je vous demande un peu de...

Une voix : ...

La Présidente (Mme Rotiroti) : S'il vous plaît!

M. Khadir : Il vient de m'attaquer, là.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Oui, mais je...

M. Khadir : Mme la Présidente, si vous m'interpellez...

La Présidente (Mme Rotiroti) : Non, je vous interpelle parce que vous interpellez les groupes, vous parlez aux groupes, puis on est du côté du gouvernement. Alors, la parole, c'est à M. le ministre. Merci.

M. Barrette : Alors, merci, Mme la Présidente, puis j'inviterais mon collègue de... Il connaît bien les règles parlementaires, là.

Alors, ici, là, ce n'est pas un procès, là. Vous n'êtes pas ici devant un procès, vous êtes ici pour nous informer. Vous êtes des pharmaciens salariés, vous vivez dans un environnement où vous voyez un paquet de choses. Vous évoquez vous-mêmes qu'il y a des ententes commerciales. Et je vous pose la question, je vous la repose encore une fois, parce que, clairement, là, vous l'avez dit vous-mêmes, là, les grossistes, là, ils n'offrent pas tous les médicaments. Vous me dites que les grossistes sont aussi, dans certains cas, même dans tous les cas, vous avez dit, la propriété — je ne pense pas que ça soit le cas, là — de bannières. Mais, si ce n'est pas propriété, il y a une relation commerciale. Alors, le grossiste n'offre pas tout, c'est clair, vous le dites. Il y a une relation commerciale. Vous me dites que vous n'en connaissez pas la teneur, c'est normal, vous êtes salariés. Mais je ne peux pas faire autrement que de conclure qu'au bout de la ligne il peut y avoir un impact sur le prix, tout comme le sondage le dit — fait auprès de vous, c'est auprès de vous que ce sondage-là a été fait — ça a un impact sur la limitation ou l'orientation de la sélection du médicament générique. Bien là, quand on additionne tout ça, mettons que l'autonomie du pharmacien salarié — et certainement propriétaire, mais certainement salarié — est limitée. Et, manifestement, avec ce que vous nous dites, il y a un coût induit par cet écosystème-là. Dites-moi où est-ce que je me trompe, ça m'intéresse.

M. Augé (Christophe) : Alors, moi, dans les faits, quand j'ai un patient devant moi, s'il me dit : Le fabricant que vous m'avez donné, la marque que vous m'avez donnée ne me convient pas, bien, je vais en commander un autre. J'ai ce choix-là pour mon patient, j'ai la possibilité de le faire. Et je ne pense pas qu'on trouvera un seul pharmacien au Québec qui va dire : Non, je n'ai pas de possibilités de commander un autre produit que celui-ci. Et, même si ça arrivait, qu'est-ce qui empêcherait mon patient de traverser la rue et d'aller dans une autre pharmacie pour avoir accès à un autre médicament? Le patient conserve le choix, le pharmacien conserve le choix. Je peux commander une marque différente.

M. Barrette : Il ne me reste pas beaucoup de temps, il me reste moins d'une minute. Pardon?

La Présidente (Mme Rotiroti) : Une minute.

M. Barrette : Il me reste moins d'une minute, maintenant qu'on s'est dit qu'il restait une minute. Mais votre pharmacien propriétaire, lui, peut vous limiter là-dessus par sa relation commerciale. Il est faux de dire que vous pouvez... Prenez cinq médicaments génériques. Vous n'avez pas le choix, vous, comme pharmacien salarié, de choisir le générique que vous pensez être le meilleur pour le patient. Le générique que vous allez servir au patient est celui qui est sélectionné, malgré tout, par le propriétaire.

La Présidente (Mme Rotiroti) : En quelques secondes.

Mme Keschani (Azadeh) : Oui. Je vous invite, Dr Barrette, M. le ministre, à venir me visiter dans ma pharmacie communautaire, là où j'exerce, et vous allez voir que ce que vous dites présentement n'est pas vrai. Donc, nous avons toujours le choix et, en réalité, nous avons deux, trois fabricants parfois de la même molécule sur nos tablettes parce que nous avons des cas d'exception de patients et des notes dans leur dossier qui nous disent : N'oubliez pas de commander tel fabricant pour tel patient, tel fabricant pour un autre. Donc, venez voir en pratique et après ça faites vos propres conclusions.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci. M. le ministre, le temps est écoulé, M. le ministre.

M. Barrette : Pourquoi 1 594 pharmaciens ont dit qu'il y avait limitation?

• (12 heures) •

La Présidente (Mme Rotiroti) : M. le ministre, le temps est écoulé. Désolée. On va passer du côté de l'opposition officielle. Alors, M. le député de Rosemont, vous disposez de 11 minutes. Alors, la parole est à vous.

M. Lisée : Merci, Mme la Présidente. Bien, je tiens à vous souhaiter la bienvenue à tous les trois. Je vais être plus reposant que le ministre, mais j'ai été très intéressé par l'échange. Je pense que le ministre veut faire une démonstration sur l'influence, qui peut être négative, de la concentration de la propriété, dans certains cas, fabricants, grossistes, bannières, et de l'impact sur l'autonomie des pharmaciens. Et je pense que probablement que Me Fernet, ensuite, va nous en parler abondamment aussi, il a écrit là-dessus. Évidemment, l'impact n'est pas sur le prix, il me semble, mais sur le choix des molécules. Parce que cette intégration fait en sorte que la bannière va avoir intérêt à ce que sa molécule soit la plus vendue plutôt que les autres, mais le prix est déterminé.

Mais moi, je vais vous parler du projet de loi. Alors, on va en parler pendant les consultations. Je suis sûr que le ministre va continuer, et moi aussi, parce qu'on est à la recherche d'économies. Mais j'ai de la difficulté à comprendre, et ce que je conclus, ce que je déduis de sa ligne de questions, c'est de dire : Bon, il y a un problème si des intérêts privés font en sorte de limiter auprès du pharmacien le choix entre des molécules. Mais son projet de loi dit : Bien, c'est moi qui vais les choisir par appel d'offres. Alors, ça ne sera pas la bannière, ça ne sera pas le grossiste, ça va être moi, par appel d'offres, puis il n'y en aura qu'une. Alors donc, il y aura une limitation absolue du choix de la molécule à partir du moment où la solution du ministre est appliquée. Bon, c'est mon commentaire préalable. J'aurais aimé qu'il vous questionne sur les solutions de rechange que vous proposez.

Bon, on connaît les arguments qui disent que, si on fait un appel d'offres, dans un premier temps il va y avoir une baisse du prix. Mais, si des fabricants se retirent du marché parce qu'ils ne fabriquent plus la molécule et qu'on se retrouve avec un seul fabricant pour la molécule, bien là il va être le seul puis, à l'appel d'offres suivant, il va augmenter son prix parce qu'il sera le seul soumissionnaire. Et vous nous dites la même chose que le Commissaire à la santé et au bien-être : Bien, la meilleure solution, c'est la tarification dégressive, O.K.? Alors, pour le bien des collègues qui nous suivent ou des gens qui nous écoutent, pourriez-vous nous expliquer — essayez d'être clairs parce que ce n'est pas si simple — qu'est-ce que c'est qu'une tarification dégressive?

M. Augé (Christophe) : Une tarification dégressive est basée sur le prix du médicament novateur. Une fois l'expiration du brevet, les génériques vont commencer, parfois même un petit peu avant. C'est généralement souhaitable avec ce type de processus. On va donner un pourcentage arbitraire au premier qui rentre, c'est-à-dire, disons, 55 % au premier générique. Donc, 55 % du prix du médicament novateur, ça va être un tarif qui va être accepté pour ça.

M. Lisée : Juste pour ceux qui commencent, là, alors, quand le médicament est inventé, on appelle ça un novateur, parce que les gens ont fait la recherche, et ça a pris des années, ils ont fait certifier, ça a coûté cher. Et ça coûte, disons, 100 $. Et ensuite quelqu'un qui fait le générique, après que le brevet soit échu ou un peu avant, comme vous le dites, va produire l'équivalent. Et là il n'y a pas de coûts de recherche, il y a peu de coûts de recherche et les coûts de production sont très faibles. Quelle est la valeur de ce produit-là? C'est difficile à trouver. Alors, continuez.

M. Augé (Christophe) : Et puis il va y avoir une série de paliers. Et, plus les compagnies vont vouloir rentrer sur le marché avec le même médicament sous une autre marque, plus le pourcentage appliqué va diminuer. Donc, celui qui est proposé par la commission santé et bien-être est particulièrement agressif, mais, à chaque fois qu'une nouvelle compagnie générique veut une part de marché, le pourcentage diminue. C'est le principe qui est appliqué pour l'instant avec l'Alliance pancanadienne pharmaceutique, qui s'arrête à 18 %, actuellement.

M. Lisée : ...un médicament novateur qui coûtait 100 $, il y a eu un moment où on a eu sa version générique à 60 $, à 40 $, 35 $, puis maintenant on a à 18 $ puis on dit : Wow! On a payé beaucoup trop cher pendant tout ce temps-là. Puis est-ce que 18 $, c'est le bon prix ou est-ce que ce n'est pas en bas? Mais dites-moi comment la tarification dégressive ne crée pas un monopole, c'est-à-dire ne fait pas en sorte que tous les concurrents... qu'il n'y ait plus qu'un seul fabricant et qu'il soit en position monopolistique.

M. Augé (Christophe) : Parce que, tant qu'il y a de la marge à faire, les producteurs de médicaments génériques vont vouloir une part de marché. Quand le prix du médicament aura diminué de telle façon que ce ne sera plus intéressant de rentrer sur le marché, ils ne chercheront pas à produire ce médicament-là, donc on va créer un équilibre, finalement, au niveau de la rentabilité de la molécule sans s'attarder sur combien est-ce que réellement ça coûte à produire, ça va se faire tout seul, finalement.

M. Lisée : Lorsqu'on a établi que c'est, disons, 18 $, bien là tous ceux qui veulent le produire à 18 $ peuvent le produire à 18 $, donc ce qui fait qu'on...

M. Augé (Christophe) : Actuellement, oui. Pourquoi ne pas dire qu'après 18 $ c'est 16 $, puis après 16 $, c'est 14 $, et ainsi de suite?

M. Lisée : C'est ça. Mais donc ce n'est pas le plus bas soumissionnaire qui emporte toute la mise à 18 $, c'est que tous ceux qui peuvent produire à 18 $ peuvent produire à 18 $, et ainsi...

M. Augé (Christophe) : On garde le choix.

M. Lisée : ...on garde plusieurs compétiteurs sur le marché. Alors, ça, c'est une proposition à faire. Je sais qu'elle est proposée par plusieurs depuis plusieurs années, le Commissaire à la santé, lui, l'avait fait en juin 2013. C'est aussi la technique qu'utilise l'association pharmacienne... l'association canadienne. Pourquoi le ministre ne l'a-t-il pas mise dans son projet de loi? C'est une question qu'on pourra lui poser un peu plus tard.

Vous avez une deuxième façon d'essayer de réduire les coûts du médicament, c'est le MedsCheck. Alors, expliquez-nous. Parce que ça, c'est la question, est-ce qu'on a des études qui nous montrent qu'il y a une réduction des coûts soit des médicaments soit de la santé avec le MedsCheck? Dites-nous d'abord ce que c'est.

M. Augé (Christophe) : Effectivement, c'est une très bonne question. Il y a beaucoup d'études qui sont en cours, mais des études qui nous amènent un chiffre sur le MedsCheck, pour l'instant, on n'en a pas.

M. Lisée : Je vais dire ce que c'est pour être pédagogue. C'est-à-dire le MedsCheck, c'est le fait de rémunérer le pharmacien pour qu'à un intervalle régulier, qui peut être tous les ans, deux fois par année, trois fois par année ou selon la nécessité du patient, il revoie l'ensemble de sa médication. Il y a plusieurs patients aînés qui ont six, sept ou huit médicaments, et voit si on ne peut pas en enlever, doser différemment, et donc ça conduit à un meilleur service de la formule de médicament pour le patient, c'est certain, mais ça peut avoir des impacts positifs aussi sur le prix et empêcher des effets secondaires négatifs qui, eux, peuvent entraîner ou entraînent des coûts de santé à l'hôpital ou autrement.

Mais donc, sur la question de savoir combien d'argent ça économise, où en est-on?

M. Augé (Christophe) : Il y a des données qui sont plus générales, qui estiment que chaque dollar investi en soins pharmaceutiques permet d'économiser 4 $ au système de santé dans son ensemble. Mais, pour précisément l'aspect MedsCheck, je sais qu'ils travaillent dessus en Ontario, mais on n'a pas encore les résultats de ces études-là.

M. Lisée : Et quelle est la situation au Québec en ce moment? Est-ce que les pharmaciens peuvent le faire, sont rémunérés pour le faire? Est-ce que le ministère de la Santé encourage cette chose-là?

Mme Keschani (Azadeh) : Donc, présentement, en fait, au Québec, on réfère à cette pratique-là comme de la révision de la médication, c'est le terme francophone qu'on utilise. Le Québec et le Manitoba sont les deux seules provinces à ne pas le faire sous l'enveloppe des services couverts par le ministère de la Santé. Donc, présentement, les pharmaciens n'ont pas de rémunération pour le faire, et c'est difficile de pouvoir le faire sur une base régulière pour tous nos patients parce que ça demande minimum 30 minutes de temps de rencontre individuelle en privé, dans un local à part, avec notre patient. Et c'est une pratique que nous avons apprise de façon très, très exhaustive à l'université, donc c'est en fait ce pour quoi on est formés. Et souvent, à travers cette pratique-là, nous arrivons à faire des recommandations de déprescription, et c'est là qu'on peut avoir beaucoup de bénéfices au niveau des coûts des médicaments pour le système. Donc, notre expertise est déjà rendue là, oui.

M. Lisée : Vous êtes formés pour faire ça. Et sûrement ce qui incite à être bien formé pour faire ça, parce que c'est tellement une bonne idée qu'un ancien ministre de la Santé, en 2007, qui est maintenant premier ministre du Québec l'avait mis dans sa politique du médicament. En 2007, ça fait neuf ans, ça fait neuf ans qu'un ministre de la Santé dans le gouvernement libéral a proposé ça, et ça n'a pas été fait. Alors, est-ce que ce serait une bonne chose que ce soit, par exemple, dans le projet de loi qu'on fasse en sorte... Parce qu'il y a eu un même projet de loi sur la rémunération des pharmaciens où on a couvert un certain nombre d'actes cliniques. Ça aurait pu être là-dedans, ça aurait pu être dans toutes sortes de politiques, ça pourrait être annoncé demain. Si le ministre de la Santé voulait annoncer demain qu'il va rémunérer le MedsCheck parce qu'il sait qu'il va rentrer dans son argent dès la première année, est-ce qu'il y a quelque chose qui l'empêche de le faire?

• (12 h 10) •

Mme Keschani (Azadeh) : Bien, c'est une volonté politique, j'imagine. Il faudrait demander à M. le ministre, mais c'est ce que nous demandons présentement, c'est une des pistes de solution. Nous demandons à mettre le pharmacien communautaire... de mettre ses compétences au profit des patients davantage, de libérer son temps au lieu de prendre notre temps pour les charges administratives de gestion d'appel d'offres puis de rupture d'approvisionnement et de pénurie. C'est du temps qu'on enlève aux soins aux patients. Donc, nous demandons d'aller dans cette direction-là. Et nous sommes des pharmaciens en milieu communautaire, c'est ce qu'on est capables de faire et qu'on aimerait faire de façon plus systématique.

M. Lisée : Je retiens, en terminant, que c'est une question de volonté politique et que ça pourrait être fait dans les 24 heures. Peut-être, si ce n'est pas fait demain, j'aurai peut-être l'occasion de questionner le ministre à ce sujet un peu plus tard.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, M. le député de Rosemont. Alors, je cède la parole au deuxième groupe de l'opposition. Alors, M. le député de Chutes-de-la-Chaudière, vous avez 7 min 30 s.

M. Picard : Merci, Mme la Présidente. Merci d'être là ce matin. Vous parlez de l'Alliance pancanadienne pharmaceutique. Le Québec a adhéré en octobre 2015, puis l'entente actuelle va venir à échéance en mars 2017, c'est bien ça? Et il va y avoir des négociations pour essayer de baisser le fameux plancher de 18 $, descendre à 15 $, 12 $. Pourquoi vous pensez que la prochaine négociation va permettre de diminuer encore le pourcentage?

M. Augé (Christophe) : Nous savons que nous payons les médicaments plus cher, c'est ce qu'on nous a dit, c'est ce qui a été redit dans le guide 360 génériques au niveau canadien. On sait qu'on peut faire mieux. Donc, c'est un bon levier pour aller négocier de meilleurs pourcentages. Les questions du Dr Barrette, pendant sa période, étaient axées sur dire, finalement, qu'il y a de l'argent dans le système. Oui, on peut être d'accord avec ça. Il y a de l'argent dans le système, on peut aller chercher des meilleures tarifications. Donc, oui, l'Alliance pancanadienne, je pense qu'elle a des leviers pour dire qu'on veut arrêter de payer trop cher, donc ils pourraient tout à fait appliquer des nouveaux pourcentages et négocier ça de façon plus agressive. C'est ce que nous pensons.

M. Assaad (Ibrahim) : Bien, en fait, ce qu'il faudrait juste dire, on n'est pas contre l'idée de réduire les coûts, on est contre les moyens pris par le Dr Barrette pour le faire. De décider d'aller en appel d'offres puis de donner une exclusivité à un grossiste... Je reprends les paroles du Dr Barrette, il dit : Vous dites que les bannières sont souvent reliées à un grossiste. Bien, est-ce que vous voulez donner l'exclusivité, à une bannière, de molécules? C'est bizarre. Je comprends l'idée. L'idée, c'est très bon, puis on est tous d'accord là-dessus, puis même qu'on salue l'idée de réduire le coût pour l'État. Mais comment réduire les coûts? C'est plutôt ça, la question qu'il faut se poser. C'est juste pour clarifier notre position.

M. Picard : Donc, si je comprends bien, suite à la prochaine négociation, le Québec devrait réduire ses coûts parce que la prochaine négociation va nous amener à réduire les coûts automatiquement. C'est ce que je comprends.

M. Augé (Christophe) : Nous, on n'est pas pharmacoéconomistes. On n'est probablement pas les meilleures personnes pour se prononcer sur quelles sont les possibilités, mais, en tout cas, ça nous semble être la voie la plus appropriée. Je pense que vous allez voir des pharmacoéconomistes pour leur poser cette question-là.

M. Picard : Merci. Vous avez parlé à quelques reprises de ruptures d'approvisionnement de médicaments. Avec le système qui est proposé par le ministre, est-ce que vous pensez qu'il peut y avoir un risque accru dans les régions? Parce que, s'il y a seulement un fournisseur qui est reconnu... J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Augé (Christophe) : Oui. Ce n'est pas juste une question de régions, là. Les ruptures de stock, au quotidien, on en vit déjà énormément. Donc, si on dit que c'est juste une compagnie qu'on sert, bien, on met tous nos oeufs dans le même panier, c'est-à-dire que, quand cette compagnie-là, elle ne peut plus nous servir, nous approvisionner, bien, on est pris. Donc, quelles sont les solutions par rapport à ça? Il n'y en a pas vraiment. Si on prend l'exemple du milieu hospitalier, il y a eu beaucoup de problèmes de rupture d'approvisionnement. On parlé beaucoup des problèmes de l'usine de Sandoz avec les injectables. Ça a vraiment été d'une grande complexité de gestion pour tous ces établissements-là de ne plus avoir accès à ces médicaments, donc imaginez la complexité en milieu communautaire. Un établissement de santé, il est en contact direct avec l'équipe traitante, en contact avec le médecin. C'est beaucoup plus facile de gérer une rupture qu'en communautaire.

M. Picard : O.K. Merci. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Oui. Parfait. Merci beaucoup, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. Alors, M. le député de Mercier, vous avez 3 min 30 s pour votre période d'échange. Alors, la parole est à vous.

M. Khadir : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vais essayer d'obéir aux règles que vous m'imposez.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Oui, c'est pour ça que je suis là.

M. Khadir : Très bien. Alors, bienvenue à Mme Keschani, M. Auger, M. Assaad. D'ailleurs, Mme Azadeh, libre, hein? «Azadeh», en persan, ça veut dire «libre» ou «esprit libre». Alors, ça se voit très bien dans votre mémoire, cette liberté par rapport, je dirais, aux diktats de l'industrie pharmaceutique. Et je dois dire que vous avez un excellent mémoire. Et Québec solidaire, nous, pour notre part, on est tout à fait d'accord avec toutes vos recommandations, notamment de privilégier un modèle de tarification dégressive, notamment de respecter l'autonomie professionnelle des pharmaciens, absolument, de les impliquer dans la dispensation d'un service qui est un service de santé et qui peut aussi contribuer à diminuer les coûts de la santé, également de cesser la pratique des ententes secrètes provinciales, des ententes secrètes qui ont privé le Québec de plusieurs milliards de dollars au cours des 10 dernières années, depuis au moins 2006, alors que l'Ontario obtient des rabais que le Québec n'obtient pas.

Mais, ceci étant dit, parce que ça fait 10 ans qu'on étudie, nous, à Québec solidaire, à fond, on a produit un rapport très complet sur l'ensemble de l'industrie pharmaceutique qui permet de puiser dans les expériences extérieures : Brésil, Nouvelle-Zélande, Suède, si je vous disais que vos propositions, vos recommandations, un système d'appels d'offres qui contourne... Parce que je sais que vous avez des préoccupations par rapport aux grossistes déjà en place. D'ailleurs, je voudrais que la présidence distribue un document que je vous ai préparé — un des plus gros grossistes et intermédiaires au Canada, c'est McKesson — pour voir comment ces compagnies-là ont des pratiques qui ont été condamnées aux États-Unis parce qu'ils font gonfler les prix. Ce sont nos intermédiaires, qui sont des espèces de parasites, qui mettent des millions, des centaines de millions de dollars dans leurs poches, que nous, on pourrait faire comme contribuables, comme économies.

Si je vous disais que le système d'appels d'offres pourrait être implanté sans que le plus bas prix soit le seul élément, comme la Nouvelle-Zélande le pratique à travers un système très complexe qui tient compte de l'ensemble des besoins des fabricants, de la population et du gouvernement, du payeur, d'accord, que les deux étaient compatibles, est-ce que vous seriez d'accord?

La Présidente (Mme Rotiroti) : En une minute, M. Augé, s'il vous plaît.

M. Augé (Christophe) : Oui. L'inconvénient, c'est qu'on va garder le problème du choix, hein, on perd le choix pour le patient. Si on fonctionne avec un seul producteur, une seule compagnie, on perd la notion de choix. Et quelles vont être les alternatives pour les patients qui ne veulent pas, pour des raisons réelles ou des raisons potentielles, ce médicament-là? Quel va être notre choix?

La Présidente (Mme Rotiroti) : En quelques secondes, M. le député de Mercier.

M. Khadir : Oui. Toutes ces préoccupations-là ont été évoquées il y a une vingtaine d'années lorsque la Nouvelle-Zélande a commencé ça. Je vous invite à être attentifs au reste des travaux de la commission. Le président-directeur général de Pharmac, qui l'a implanté en Nouvelle-Zélande, va être ici, va nous l'expliquer. Toutes ces prédictions malheureuses ne se sont pas avérées, mais ça demande un peu plus de temps. Vous allez le voir dans la suite de la commission, le choix reste là pour les usagers.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. le député de Mercier. Alors, j'ai distribué le document que vous avez déposé. Je veux savoir si vous voulez le déposer juste aux membres de la commission ou public.

M. Khadir : Public, oui.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Parfait, alors ça sera fait. Alors, merci beaucoup aux invités, à l'Association professionnelle des pharmaciens salariés du Québec pour votre présentation.

Alors, je vais suspendre quelques minutes pour que l'autre groupe puisse s'installer. Alors, merci beaucoup et bon retour.

(Suspension de la séance à 12 h 20)

(Reprise à 12 h 23)

La Présidente (Mme Rotiroti) : Je vous demanderais de prendre place, s'il vous plaît, on va débuter. Je souhaite la bienvenue à Me Paul Fernet et Me Andrée-Anne Fernet. Merci d'être là. Alors, je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé, et par la suite on va passer à la période d'échange entre les élus. Alors, la parole est à vous.

M. Paul Fernet

M. Fernet (Paul) : Merci, Mme la Présidente. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, Mmes et MM. les députés, permettez-moi tout d'abord de remercier la commission pour l'invitation qu'elle m'a adressée à participer aux débats entourant l'analyse du projet de loi n° 81. Je suis donc accompagné, comme vous l'avez dit, Mme la Présidente, d'Andrée-Anne Fernet, qui exerce à mon cabinet, qui est spécialisée en droit pharmaceutique.

J'ai eu, à quelques reprises par le passé, le privilège de présenter en cette salle des points de vue tels ceux de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires ou alors de l'Ordre des pharmaciens du Québec. Et je tenterai aujourd'hui, en une dizaine de minutes, effectivement, de vous livrer un propos qui repose sur notre connaissance et notre observation de l'industrie au sens large du terme, mais des 40 dernières années.

L'annonce de l'introduction de la procédure d'appel d'offres pour la conclusion d'un contrat exclusif d'approvisionnement d'un médicament par un fabricant dans le secteur de la pharmacie communautaire provoque bien des inquiétudes. Ce mécanisme bien connu des pharmaciens oeuvrant dans les établissements de santé au Québec n'est pas instinctivement importable dans un secteur où les règles commerciales habituelles, soit la compétition, la concurrence, sont normalement la règle.

Le ministère s'est interrogé sur les impacts de l'introduction d'une telle procédure d'appel d'offres dans le cadre du régime général. Le document intitulé Analyse d'impact réglementaire constitue un excellent travail, car aucun aspect important de la question n'a été omis. Je crois cependant, malheureusement, que certains des impacts que l'introduction de la procédure d'appel d'offres risque de provoquer ont été assez sérieusement sous-évalués.

En ce qui concerne les fabricants, un premier aspect qui aura possiblement été sous-évalué se trouve dans la férocité de la compétition que devront se livrer les différents intervenants. Pour certains d'entre eux, il pourra s'agir d'une question de survie. Les prix, effectivement, chuteront, mais à un niveau où la qualité des produits risque d'être menacée ainsi que la sécurité de l'approvisionnement. Nous risquons d'assister véritablement à une mondialisation de l'offre, car les véritables manufacturiers opérant en sol canadien devront contrer les propositions d'autres fabricants qui produisent de l'extérieur du Canada et du Québec à des prix inférieurs et souvent sans les mêmes contraintes réglementaires. Le ministère propose cependant certaines mesures afin de minimiser les risques d'atteinte à l'industrie et également pour éviter les ruptures d'approvisionnement.

On fait mention que la procédure d'appel d'offres pourrait ne s'appliquer qu'à un nombre restreint de produits ou encore que des garanties seraient exigées de la part des soumissionnaires, mais est-ce bien réaliste? Si la procédure d'appel d'offres offre des résultats escomptés en termes d'économies, il sera très difficile de résister à ne pas vouloir étendre la mesure à toujours plus de médicaments. Et, au contraire, si les économies ne sont pas au rendez-vous, la procédure aura risqué de provoquer uniquement des inconvénients.

En ce qui concerne les grossistes, l'application de la procédure d'appel d'offres soulève davantage de difficultés. Au premier chef, le risque très élevé de provoquer des situations de concurrence déloyale entre ceux-ci doit être considéré. Le grossiste qui remporte l'appel d'offres doit assurer la vente des médicaments visés par la procédure à l'ensemble des pharmaciens propriétaires du Québec, y compris aux membres de tous ses compétiteurs, ce sera inévitablement l'occasion rêvée de déterminer, en extrapolant les achats des pharmaciens compétiteurs, leur volume de ventes pour ensuite mieux cibler les endroits où des investissements risquent d'être les plus profitables pour l'ouverture, notamment, de nouvelles pharmacies.

Mais, même en imaginant un système où les bris de confidentialité pouvaient être éliminés, c'est la faisabilité même de l'application de la mécanique d'appel d'offres qui doit être interrogée. Le passage du nombre de clients du simple au quintuple et même davantage pour un grossiste représente un défi organisationnel pratiquement insurmontable. Effectuer la livraison pour 300 pharmaciens et soudainement pour 1 700 pharmacies implique toute une réorganisation. La détermination des routes de livraison sans parler de l'ouverture et de la gestion des comptes clients sont des réalités opérationnelles à considérer. Combien de grossistes pourront seulement participer à l'appel d'offres et, si oui, à quel prix? À moins, évidemment, que le projet de loi n° 81 ne vise éventuellement que quelques rares produits de spécialité et que le grossiste sélectionné ne soit pas appelé à effectuer la livraison en recourant plutôt à l'expédition par transporteur privé ou par la poste avec des résultats alors économiquement mitigés.

En ce qui concerne les pharmaciens, il faut souligner que la procédure d'appel d'offres éliminera à toutes fins pratiques la possibilité pour le fabricant de maintenir le versement de quelque allocation professionnelle que ce soit sur les produits désignés. S'il est juste de croire que le projet de loi vise certains médicaments largement utilisés pour le traitement de maladies chroniques, la mesure viendra neutraliser l'allègement qui avait été consenti aux pharmaciens dans le cadre des accords intervenus au sujet de leurs honoraires, soit le déplafonnement temporaire des allocations professionnelles. N'oublions pas que les pharmaciens constituent tout de même le groupe de professionnels ayant le plus significativement contribué au redressement des finances publiques. Mais plus encore, la faculté pour le pharmacien de choisir le médicament pour son patient, de sélectionner le fabricant lui sera complètement retirée. Mais vous direz : N'est-ce pas déjà le cas? Malheureusement, oui. Est-ce que c'est souhaitable? Certainement pas. N'aggravons pas le problème, cherchons plutôt à le résoudre.

• (12 h 30) •

L'intégration verticale dans la chaîne de distribution des soins est généralement considérée comme n'étant pas souhaitable dans l'intérêt public. La procédure d'appel d'offres risque de l'encourager. Mais qu'en est-il de la mécanique proposée par l'Alliance pancanadienne pharmaceutique? Nous sommes d'avis qu'il s'agit d'une solution vraiment intéressante à laquelle participe de toute façon le Québec. En préétablissant le pourcentage qui sera remboursé pour un médicament générique sur la base du prix du médicament novateur tout en tenant compte du nombre de fabricants impliqués, on atteint trois objectifs essentiels : d'abord et avant tout, on s'assure que le remboursement des médicaments génériques s'effectue à un prix raisonnable; on permet et on favorise ensuite l'intégration de plusieurs fabricants génériques qui peuvent évaluer leurs risques d'investir dans une molécule; enfin, on laisse une certaine marge de manoeuvre pour que les règles de la concurrence puissent opérer, et partant pour le maintien d'allocations professionnelles raisonnables qui, ultimement, bénéficient à la population.

En raison de ce qui précède, nous sommes très hésitants à conclure positivement à l'introduction des mesures proposées par le projet de loi n° 81. Les économies supplémentaires potentielles évaluées en contrepartie des risques majeurs, tels la survie de certains fabricants génériques, l'impact sur les manufacturiers canadiens et québécois et la fragilisation de l'accès sécuritaire d'un certain nombre de médicaments, nous incitent à plaider la prudence et surtout la patience. Les résultats déjà obtenus par l'Alliance pancanadienne pharmaceutique sont éloquents, et la mécanique de référence en pourcentage du produit novateur nous semble garante d'une plus grande transparence et d'une meilleure stabilité pour l'ensemble des acteurs de l'industrie.

Cela dit, votre réflexion, M. le ministre, selon laquelle le Québec pourrait bénéficier d'économies additionnelles dans certaines classes de médicaments est juste. Il importe donc de déterminer le meilleur moyen d'y parvenir. L'exercice devrait consister à récupérer les sommes engagées par les fabricants là où elles sont le moins bien utilisées. Actuellement, des sommes importantes sont versées par un certain nombre de fabricants aux partenaires d'affaires des pharmaciens. Ces sommes sont destinées à mettre en place des formulaires et autres programmes dits de conformité. Outre la légalité plus que relative de ces programmes, ils n'apportent aucune plus-value à la chaîne de distribution des médicaments et limitent les pharmaciens dans leur autonomie professionnelle.

La Présidente (Mme Rotiroti) : En terminant, M. Fernet.

M. Fernet (Paul) : Trois paragraphes, Mme la présidente.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Trois paragraphes?

M. Fernet (Paul) : Trois paragraphes.

M. Barrette : ...

La Présidente (Mme Rotiroti) : Oui? Allez-y.

M. Fernet (Paul) : Il en va de même pour les marques privées de médicaments, qui envahissent de plus en plus le marché et qui s'inscrivent également dans un contexte d'intégration verticale des soins.

Réintroduire. Il nous faut réintroduire une saine compétition entre les partenaires d'affaires des pharmaciens. Il nous faut décloisonner leurs marchés captifs. Une réflexion plus profonde s'impose, à notre avis, sur ces questions, mais une certaine récupération de ces sommes par le ministère et qui seraient par la suite réinvesties dans les services pharmaceutiques directs à la population pourrait constituer une approche à privilégier.

Le pharmacien est le partenaire clé en ce qui concerne la dispensation de services de qualité à la population du Québec relativement aux médicaments, et l'évolution des pensées en ce qui concerne la dimension économique de ces services s'inscrit dans un contexte de rareté des ressources financières de l'État. Trouvons le moyen de mieux utiliser nos pharmaciens, c'est toute la société qui en sortira gagnante.

Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, merci de votre attention.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. Fernet. Alors, on est rendus à la période d'échange, et je cède la parole au ministre pour une période de 18 minutes.

M. Barrette : Merci, Mme la Présidente. Me Fernet et Me Fernet, si j'ai bien compris, merci de nous avoir fait ce très intéressant exposé et de nous avoir déposé également votre mémoire, qui est très instructif, qui est aussi suggestif, et c'est là-dessus qu'on va peut-être s'étendre un peu plus.

Je vais être bref, là, dans mes remarques, là. Il y a deux volets à votre intervention, dans votre 10 minutes. Il y a un premier volet sur l'appel d'offres, puis je ne veux pas nécessairement aller là, puis j'explique pourquoi. Un appel d'offres, vous allez convenir avec moi que ça se construit. On peut construire un appel d'offres pour avoir un résultat qui est celui qu'on veut. Un appel d'offres, ce n'est pas une check-list, là, si vous me passez l'expression, qui est uniforme dans le merveilleux monde des affaires. Ça se construit en fonction des résultats que l'on veut, et conséquemment il est possible de construire un appel d'offres pour éviter les écueils qui sont évoqués, que vous avez soulignés avec justesse, O.K., que vous avez soulignés avec justesse. C'est le seul point que je veux faire, parce que le projet de loi, ce n'est pas un projet de loi qui traite de la construction d'appel d'offres, mais du principe de l'appel d'offres. Mais je vous rejoins sur les écueils potentiels.

La deuxième partie de votre présentation, qui était plus courte et qui était à la fin, elle, m'intéresse par exemple. La première aussi, là, vous comprenez que la première m'intéressait aussi, mais la deuxième m'intéresse encore plus et je vais vous poser des questions là-dessus. Pourquoi? Parce qu'évidemment, si on est aujourd'hui à réfléchir... Vous nous invitez à faire une réflexion là-dessus, c'est exactement ça qu'on fait en commission parlementaire. Et cette commission-là, à date, là, elle n'est pas comme les autres. Alors, on creuse, et je pense que c'est ça qui est la beauté de cette enceinte, là, il y a des gens qui sont disposés à venir s'exprimer clairement sur le sujet, ce que vous faites, et je vous en remercie.

Alors, j'ai envie de vous poser, comme première question, une question très simple, là : Le prix du médicament générique, au Québec, payé par l'État est-il trop cher?

M. Fernet (Paul) : Oui.

M. Barrette : C'est oui, la réponse. Je suis... C'est ce que...

M. Fernet (Paul) : C'est oui, la réponse. Je vous dirais que la réponse aurait été beaucoup plus un gros oui il y a quelques années. Autrement dit, je ne suis pas prêt à dire qu'il n'y a pas eu déjà un rattrapage très significatif, M. le ministre. Si la question, je la comprends en disant : Est-ce qu'il n'y a plus aucune marge de manoeuvre?, non, la réponse, c'est non. Il reste de la marge de manoeuvre, mais je vous dirai qu'on s'approche de plus en plus des limites raisonnables, à mon point de vue, pour beaucoup de molécules. Écoutez, encore là, il faut faire des fois des distinctions entre les différents médicaments. L'âge d'introduction de différents médicaments vient jouer aussi. Mais, oui, il reste encore un peu d'espace, ne serait-ce que pour ce que j'évoquais dans la deuxième partie de mon mémoire. Et je me doutais que je discuterais probablement plus de la deuxième que de la première. Si c'est vrai, cette théorie-là que j'avance, si cet élément-là factuel, qui est des argents qu'il reste à un niveau intermédiaire, existe, bien, oui, automatiquement, je pense, c'est des argents qui pourraient être mieux utilisés, tout à fait.

M. Barrette : Alors, parlez-nous des intermédiaires. Et je vais évoquer, je vais citer, à la page 5 de votre mémoire que vous déposez aujourd'hui... qui fait le lien avec le mémoire que vous avez déposé au Conseil de protection des malades en juin 2015. Vous dites ceci à la page 5 : «Une majorité de pharmaciens propriétaires sont en réalité les membres plus ou moins captifs de l'une ou l'autre de ces organisations — les organisations étant les autres organisations dites commerciales. Que ce soit par choix ou par engagement obligé, les pharmaciens ne sont généralement pas libres de recourir librement à l'un ou l'autre des grossistes reconnus par le ministre au Québec.»

Il y a d'autres références dans votre mémoire au fait que la relation commerciale qui existe dans l'environnement, dans le cheminement, dans la chaîne qui va du producteur à la vente au patient, il y a des intermédiaires qui — et là je vous pose la question — ont sans doute un impact à la hausse sur le coût du médicament. Pouvez-vous nous éclairer là-dessus dans votre perception des choses?

M. Fernet (Paul) : Les ententes contractuelles, qui ont grandement évolué, je dirais, depuis les 20, 25 dernières années, ont fait en sorte de rendre les obligations toujours plus onéreuses des pharmaciens vis-à-vis de leurs regroupements. Il faut ici noter, et c'est important, que la situation n'est pas exactement la même dans toutes les organisations. Et je ne veux pas faire de particularisme aujourd'hui... de particularité, mon propos doit, je pense, en tout cas, demeurer dénominalisé, mais c'est une réalité, ce n'est pas pareil dans toutes les organisations. Et, dans certaines organisations, on va davantage respecter l'autonomie du pharmacien que dans d'autres.

Cela étant, la structure contractuelle qui est mise en place fait en sorte, souvent, que le pharmacien remet une certaine quantité de son autonomie professionnelle, si vous voulez, à des décisions qui sont davantage financières et économiques que professionnelles, et entre dans ce secteur-là, si vous voulez, la sélection des médicaments génériques. Parce qu'on parle ici essentiellement d'un problème qui vise la médication générique.

J'entendais les gens qui présentaient juste auparavant, ils n'ont pas tort quand ils disent que les pharmaciens, ils demeurent, dans une certaine mesure, autonomes de choisir en fonction de l'intérêt du patient. Mais les situations cliniques où ça va se produire sont infimes, on parle peut-être de 5 %, de 10 % tout au plus. Il y a effectivement des circonstances cliniques où ça doit pouvoir être fait. Et, dans ces circonstances-là, je vous dirais que, oui, c'est fait, et même que les organisations, les partenaires d'affaires, actuellement, respectent ça. Mais les situations cliniques sont tellement rares que ça laisse tout le reste du marché, de 90 % ou de 95 %, et, dans ces circonstances-là, les ententes contractuelles des pharmaciens font en sorte qu'ils n'ont plus le choix. À ce moment-là, c'est des intérêts pécuniaires qui leur sont supérieurs et qui viennent leur dicter : Bien, écoutez, si tu commandes telle molécule, c'est telle autre qu'on va t'envoyer. Et évidemment, bien, ce choix-là, il est dicté de quelle façon? Par des ententes financières, et ce sont de ces argents-là dont je parle pour dire qu'il pourrait y avoir sans doute encore des économies dans le système, surtout si on les réinvestit en services pharmaceutiques, qui, eux, vont bénéficier directement à la population.

• (12 h 40) •

M. Barrette : Deux choses, là. Vous m'apprenez quelque chose, là, dans les deux éléments que vous venez de dire. Vous venez de nous dire, si j'ai bien compris, que — et j'imagine que vous faites référence à la bannière et au grossiste, ou les deux ensemble, là, en tout cas, ou l'autre partenaire d'affaires, là — si un pharmacien choisit de donner telle molécule, à cause de l'entente commerciale qu'il y a entre les deux, celui qui est au-dessus, la bannière, peut dire : Non, non, non, tu vas prendre celui-là.

M. Fernet (Paul) : Écoutez, ça se produit d'une façon qui est un peu plus subtile, si vous voulez.

M. Barrette : Mais ça revient à ça.

M. Fernet (Paul) : Mais ça revient à ça parce que ce qu'on fait, généralement, et plusieurs pharmaciens le font parfois sans même s'en rendre compte ou alors le font contre l'octroi de différents avantages pécuniaires, on va s'engager dans ce qu'on appelle un programme de conformité. Et vous avez déjà certainement entendu l'expression. Je suis certain que vous êtes bien au fait de la situation, M. le ministre, ainsi que la députation qui suit ces questions-là. Alors, les programmes de conformité font en sorte qu'on va prétendre que c'est le pharmacien qui, librement, accepte de ne plus être libre, si vous voulez. Mais, à mon avis, c'est une perte d'autonomie sur laquelle on devrait réfléchir, je pense, parce que ça ne sert pas bien la population, en bout de ligne, à mon avis.

M. Barrette : Comme je vous ai dit il y a quelques instants, on est ici, effectivement, pour réfléchir, puis vous nous donnez des informations qui sont très pertinentes. Alors, dans la catégorie Autonomie professionnelle du pharmacien, là, il y a un frein à son autonomie par l'entente commerciale. L'entente commerciale, est-ce que vous concluez que ça a un impact potentiel ou réel sur le prix du médicament que l'on paie, nous?

M. Fernet (Paul) : En raison de ce que j'expliquais, tout à fait, les ententes commerciales font en sorte que les argents, les subsides de l'industrie, qui restent dans les mains d'intermédiaires, qui, comme je le disais, ne rapportent pas de plus-value comme telle à la chaîne de distribution...

M. Barrette : Ça n'a pas de plus-value si je... Puis je vais vous avouer que je suis bien d'accord avec ce que vous me dites, là. Mais non seulement ça n'a pas de plus-value, mais, dans les faits, c'est un coût qui nous incombe. Il n'y a pas de plus-value, mais c'est un coût additionnel réel. Alors, corrigez-moi, là, puis c'est une appréciation que je fais, si on regarde — puis là vous allez me permettre une allégorie — la chaîne alimentaire du médicament, ça commence chez le fabricant, ça finit au point de vente lorsque le patient vient recevoir sa prescription. Entre les deux, il y a un coût qui est substantiel, je pense, et qui n'a pas de plus-value. Est-ce que je peux redire votre pensée de cette façon-là?

M. Fernet (Paul) : Oui, tout à fait. Et, si je la précise un petit peu davantage, on sait que les frais de grossistes, ils sont établis, ils sont de l'ordre de 6 % ou de 6,5 %. Ce qui est en dessus de ça, il faut se demander à quoi ça sert. Et, comme je le dis dans mon mémoire... Je n'en ai pas parlé dans ma présentation, mais, je veux dire, il y a de cela une vingtaine d'années, il n'y avait aucun pharmacien qui agissait autrement que d'avoir des comptes directs avec les fabricants génériques.

Alors, loin de moi le propos — et là je tiens à être clair — de dire que les grossistes ne jouent pas un rôle essentiel dans la chaîne. Ils doivent être là, ne serait-ce que pour servir d'éléments tampons. Tu as des produits qui sont moins largement utilisés, il faut que tu puisses les acquérir rapidement, tu n'es pas toujours en mesure de faire une commande directe chez un fabricant.

Mais, au-delà de ce rôle-là, actuellement le pendule, il fait en sorte que presque la totalité, 90 % des achats passent à travers des mains des partenaires d'affaires des pharmaciens. Et ça, moi, je questionne ça, à l'heure actuelle. Je pense qu'il y a des argents qui sont mal utilisés de ce côté-là.

M. Barrette : Sans que l'on puisse nécessairement, à ce moment-ci, évaluer le coût de ça, il est raisonnable de conclure que, parce qu'il n'y a pas de plus-value, on subventionne des intermédiaires erronément.

M. Fernet (Paul) : Je ne pourrais pas vous contredire là-dessus, M. le ministre.

M. Barrette : O.K. Pouvez-vous nous éclairer, là, sur la mécanique de l'établissement de ces prix-là dans la mécanique des relations commerciales?

M. Fernet (Paul) : Difficilement. Bien, la mécanique, on en a déjà discuté, M. le ministre.

M. Barrette : Oui, mais peut-être plus avec certains exemples, là, sans nommer personne.

M. Fernet (Paul) : Ah bien, écoutez, sans nommer personne, un exemple, oui. Si vous me suivez bien — j'espère que je serai clair dans mon propos, ce n'est pas toujours facile avec les chiffres — mais de toutes les années où il y a eu un plafonnement, si vous voulez, des allocations professionnelles, vous aurez compris que tout ce qui est en excédent de ce maximum-là, s'il reste entre les mains d'un tiers, techniquement... D'abord, quand je disais qu'il est questionnable au niveau de la légitimité, c'est qu'on sait que le Règlement sur les conditions de reconnaissance fait en sorte que, normalement, la totalité des allocations professionnelles doivent être versées au pharmacien lorsqu'elles sont versées par l'intermédiaire d'un partenaire d'affaires. Bon, alors il y a une première question qui se pose à ce moment-là.

La deuxième, c'est que le pharmacien n'a pas raison de tellement protester, à ce moment-là, parce qu'il a déjà son maximum. Alors, les règles sont difficiles. Remarquez que ce n'est pas un système qui se génère par hasard. Vous êtes un fabricant générique qui a six compagnies, comment faites-vous pour, vous, avoir accès à un marché? Alors, c'est là que l'incitation arrive en tout temps, au niveau des règles de compétition puis de la concurrence, de verser des subsides supplémentaires et qui restent, à ce moment-là, entre les mains d'intermédiaires. C'est la raison pour laquelle, et je fais le lien avec le projet de loi puis ce qu'on a parlé au niveau de l'Alliance pancanadienne, si les pourcentages sont prédéterminés, un fabricant, à ce moment-là, il peut déterminer s'il y a encore l'espace nécessaire pour faire ou pas des bonnes affaires. Il lui reste la possibilité de jouer avec des règles de mise en marché, tel le versement d'allocations professionnelles, si vous voulez.

Alors, c'est un peu compliqué à saisir, mais je vous explique qu'est-ce qui a engendré cette situation-là. Je dirais qu'elle est en bonne partie attribuable ou inhérente au fait qu'il y avait des plafonnements. Puis là, bien, tu as toujours une petite marge au-delà du plafond maximum pour essayer de te positionner plus adroitement, je dirais, dans le marché.

M. Barrette : Mais est-ce que c'est à cause de la portion excédentaire? Parce que, de la manière que vous l'expliquez... Puis c'est vrai que c'est difficile pour ceux qui ne sont pas dans ce domaine-là, là, parce que vous parlez de l'excédent au-delà de l'allocation professionnelle, là. Vous dites aussi une chose qui est intéressante : L'allocation professionnelle, elle est perçue par l'intermédiaire. C'est ça?

M. Fernet (Paul) : Oui.

M. Barrette : C'est anormal. L'allocation professionnelle est supposée aller au professionnel. Ça veut dire que, là, l'intermédiaire a un levier quelconque.

M. Fernet (Paul) : Écoutez, si je reprends mon exemple, là, en essayant de le simplifier davantage, encore que je suis convaincu que vous saisissez parfaitement, là, l'histoire en arrière de ça, c'est que le règlement permet qu'on verse les allocations professionnelles par l'intermédiaire que sont les partenaires d'affaires des pharmaciens. Si moi, je me présente chez un de ces partenaires-là puis que je sais que le plafond est à 15 %, mais que j'ai une marge de manoeuvre pour aller à 20 %, ou à 25 %, ou à 30 %, j'ai un avantage, à ce moment-là, à essayer de me positionner pour faire en sorte que ça va être ma molécule plutôt que celle de mon compétiteur qui va éventuellement rejoindre le pharmacien. Et c'est là qu'on trouve le lien avec les programmes de conformité. Le pharmacien, lui, à ce moment-là, il s'en remet à son partenaire d'affaires et il dit : Bien, écoutez, envoyez-moi ce que vous jugez qui est la meilleure entente. Puis, bien, évidemment, on comprendra c'est quoi, la meilleure entente.

M. Barrette : Donc, il y a un jeu commercial entre d'autres joueurs que le pharmacien propriétaire par rapport aux coûts de production et la mise en marché. Ça, c'est clair, ça.

M. Fernet (Paul) : C'est très clair.

M. Barrette : Donc, ce jeu-là, là, il peut prendre toutes sortes de formes, dont celle des programmes de conformité.

M. Fernet (Paul) : Oui, exactement. Tout à fait.

M. Barrette : Et ceux qui profitent de ça, dans le sens absolu du terme, littéraire du terme, c'est les intermédiaires. Quand je vous écoute, là, est-ce que je peux conclure que l'intermédiaire a plus de leviers, en termes d'influence du marché, donc de capacité d'aller chercher un profit, que le fabricant et, évidemment, le pharmacien propriétaire, qui, lui, c'est lui qui est le plus faible là-dedans, là?

M. Fernet (Paul) : Oh! ce n'est pas une question facile que vous me posez là. En termes de hauteur de profitabilité, là, j'hésiterais beaucoup.

M. Barrette : ...hauteur, c'est juste...

M. Fernet (Paul) : Il y a un intérêt indéniable.

M. Barrette : Non, en termes de pouvoir d'influence, là.

M. Fernet (Paul) : Non, non, c'est clair, vous avez raison.

M. Barrette : Parce que ce que vous nous dites, là, c'est que le fabricant, lui, là, là, le fabricant, lui, il a son coût de production, c'est une usine, et là il sait avec quoi il est capable de vivre. Et là il ne tombe pas chez le pharmacien comme jadis, peut-être, il fut un temps, mais il tombe dans un univers où il y a des intermédiaires. Et là il y a toutes sortes d'ententes qui font que c'est un coût supplémentaire qui n'a pas de plus-value, mais c'est un coût supplémentaire pareil, là. Dans la hiérarchie des impacts, là, c'est un coût et, d'après ce que j'entends de vous, ce n'est certainement pas ni le producteur ni le pharmacien qui ont une influence là-dessus, au contraire, là. Je vous comprends bien?

M. Fernet (Paul) : Je pense que vous comprenez parfaitement.

M. Barrette : Bon.

La Présidente (Mme Rotiroti) : ...minutes, il vous reste, M. le ministre.

M. Barrette : O.K. Donc, puis là je vais un petit peu plus loin, là, dans ces ententes commerciales là, vous avez évoqué la possibilité tantôt, là, pour une chaîne et bannière d'empêcher le pharmacien de prendre une autre molécule que celle qu'il a. C'est un quasi-monopole, ça, à un moment donné, comme comportement, là.

M. Fernet (Paul) : Mais c'est peut-être, là...

M. Barrette : ...100 % des cas, là, mais de façon très significative, là.

M. Fernet (Paul) : Oui. Parce que, de la façon que vous l'avez dit, là, je serais obligé de vous dire que je ne suis pas d'accord avec vous, dans le sens où est-ce que l'autonomie résiduelle du pharmacien, elle existe toujours. Et ça me permet quand même de nuancer mon propos de la façon suivante, parce que je pense que c'est important pour la question de la population du Québec : je ne pense pas que ces ententes-là, sous quelque forme que ce soit, jusqu'à ce jour, aient pénalisé, de quelque façon que ce soit, directement la santé des gens. Je pense qu'économiquement...

M. Barrette : Ça, Me Fernet, je suis d'accord avec vous, je suis convaincu.

• (12 h 50) •

M. Fernet (Paul) : Bien, je tenais à le préciser. C'est parce qu'à partir du moment où la théorie, ce que vous avanciez, M. le ministre, en tout respect, qui disait qu'il n'y a plus aucune autonomie, ça, ça menacerait définitivement la protection du public. Je ne crois pas que nous y soyons, à cet endroit-là, mais les impacts économiques, par contre, de ces ententes-là, je pense qu'ils ne sont pas négligeables, et voici, je pense, en tout cas, une avenue intéressante à considérer pour des économies.

M. Barrette : Vous faites référence, dans votre mémoire, à l'autre mémoire, ça fait que je me sens autorisé à y référer, là, si vous n'avez pas d'objection. Vous dites : «En participant à de telles ententes — comme les ententes de conformité — les pharmaciens recevront indirectement certains avantages, par exemple sur des produits de vente libre. Ces [avantages-là], vous dites, pourraient prendre la forme de réductions éventuelles du pourcentage des redevances à la chaîne», et ainsi de suite. Pouvez-vous aller un petit peu plus dans le détail et nous illustrer, là, l'impact économique de ça?

La Présidente (Mme Rotiroti) : En détail, non, M. Fernet, parce qu'il vous reste quelques secondes.

M. Barrette : Oui, mais je suis sûr que mon collègue va vouloir avoir la réponse.

M. Fernet (Paul) : En quelques secondes, Mme la Présidente, vous savez, je veux tout simplement relater au ministre une situation dont il a certainement eu connaissance et puis qu'il va immédiatement répondre. Vous vous rappellerez, il y a eu des ententes avec un grossiste important au Québec, avec une remise de quelques dizaines de millions de dollars pour un règlement. C'est exactement ça.

M. Barrette : O.K. Il me reste 15 secondes. J'ai ouï dire que ce comportement-là n'était pas éliminé.

M. Fernet (Paul) : Pardon?

M. Barrette : J'ai ouï dire que ce comportement-là n'était pas encore éliminé. Est-ce, à votre connaissance, vrai?

M. Fernet (Paul) : On est dans un monde où tout se peut, M. le ministre.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup. Alors, on va passer du côté de l'opposition officielle. Alors, M. le député de Rosemont, vous disposez de 11 minutes. Alors, la parole est à vous.

M. Lisée : Merci. Me Fernet, Me Fernet, merci beaucoup. Je dois dire que j'ai lu, relu et rerelu avec beaucoup d'intérêt le mémoire que vous aviez préparé pour le Conseil de la protection des malades, très éclairant, et je pense que vous soulevez là des questions de fond sur l'autonomie des pharmaciens. Et je vous remercie pour le travail que vous avez fait. Vous reprenez certains de ces éléments ici.

Je veux vous amener sur la proposition du ministre. Le ministre nous propose des choses, il parle d'autres choses intéressantes. Je suis content qu'il parle d'autres choses, puis j'espère qu'on pourra atterrir sur ces autres choses aussi. Mais vous nous dites : S'il fallait qu'on offre par appel d'offres à un grossiste la distribution d'une molécule, ce serait juste impossible au niveau logistique. Juste au niveau logistique, il faudrait que, pour un appel d'offres, il achète des camions qu'il n'a pas pour couvrir l'ensemble du territoire puis ensuite, un an plus tard ou trois ans plus tard, selon le délai, bien, il faudra qu'il les revende parce qu'il n'en a plus besoin, puis c'est l'autre grossiste qui l'aurait eu. Bon.

On est d'accord, ça ne tient pas debout, la proposition, O.K.? Je pense qu'il va finir par la retirer, il doit le savoir. Je ne sais pas pourquoi il l'a mise là, juste pour nous énerver. Des fois, il fait ça, il fait des propositions pour nous énerver, ensuite il les enlève. Bon. Alors, c'est sûr que ça ne marchera pas. Mais, si ça marchait, vous dites : Bien là, le problème que vous établissez, qu'il y a maintenant une intégration entre la bannière, le grossiste et le fabricant, qu'il y a des marques privées, fait en sorte que, s'il fallait qu'on donne à un grossiste le monopole de la distribution d'une molécule, ce grossiste affilié à une bannière, que ce soit Jean Coutu ou une autre, apprendrait des tas de choses sur les pharmaciens qui sont dans les autres bannières et, apprenant ces choses-là, voudrait faire quoi avec?

M. Fernet (Paul) : C'est la question?

M. Lisée : Oui.

M. Fernet (Paul) : Ah bien, mon Dieu, vous savez, M. Lisée, à quel point sont importantes les données financières, les résultats financiers d'une entreprise. On se présente souvent avec des ordonnances de confidentialité, de mise sous scellé de ce genre d'informations financières là quand on a des litiges commerciaux devant les tribunaux. Et là voici que, sur peut-être une demi-douzaine, par exemple, de molécules parmi les plus couramment utilisées pour soigner les gens, le grossiste compétiteur va avoir toutes les données d'acquisition et les volumes d'achat. Il va pouvoir, par pure règle de trois, je vous dirais... Et ce n'est pas un instrument qui est précis à ce point-là, mais on va avoir une fichue de bonne idée des volumes d'ordonnance et de l'achalandage d'un point de vente d'une pharmacie. Et là, bien, vous vous projetez dans le futur après quelques exercices de ce genre-là, puis on dit : Bien, écoutez, il y a un terrain qui est vacant de l'autre côté, ou alors... Bon, vous voyez un peu tout de suite les investissements, dont je parlais, qui peuvent devenir plutôt névralgiques.

Alors donc, je pense, moi, personnellement, que... en tout cas, je n'ai pas trouvé la façon d'imaginer un système par lequel ces données-là financières ne seraient pas récupérées et utilisées au détriment des compétiteurs.

M. Lisée : Donc, finalement, ce que vous dites, c'est que, compte tenu de la réalité de l'intégration, certaines molécules, bon, des marques privées, grossistes et bannières, la pire chose à faire, pour les pharmaciens en tout cas, ce serait d'adopter l'article du projet de loi qui donnerait au loup, le grossiste, l'accès à la bergerie. Ce serait la pire chose à faire.

M. Fernet (Paul) : M. Lisée, ainsi que je l'ai exprimé par écrit et verbalement tantôt, je pense que c'est un pari risqué pour les fabricants. Je ne vois pas comment on peut le mettre en application pour les grossistes. Maintenant, voici, écoutez, peut-être qu'il y a des travaux qui m'échappent ou des façons de faire auxquelles je n'ai pas réfléchi, mais je ne vois pas comment on peut faire ça pour les grossistes.

M. Lisée : Alors, vous posez la question, finalement, de cette intégration-là. C'est arrivé, dans l'histoire de la politique publique, qu'on décide que des intégrations ne sont pas dans l'intérêt public. Parce que vous dites clairement : Il faut revoir en profondeur les formulaires de médicaments imposés par les chaînes et le concept de marque privée, qui envahissent de plus en plus le marché. Parce que vous dites qu'il faudrait réfléchir au fait que peut-être qu'au Québec on ne devrait pas avoir cette intégration — bon, les bannières existent, ça va — entre les bannières et les pharmaciens, vous dites un certain nombre de choses qu'il faudrait regarder. C'est un cas, là je ne vous pose pas cette question-là. Est-ce qu'on devrait même se poser la question de savoir si une bannière devrait aussi être un grossiste et devrait aussi être un fabricant?

M. Fernet (Paul) : Écoutez, l'intégration verticale, j'ai mis pour hypothèse, et je pense que c'est la réflexion d'un grand nombre de personnes qui connaissent bien les milieux de la santé, ce n'est pas quelque chose qui est souhaitable. On a l'exemple américain, qui vient souvent nous instruire sur les égarements, je dirais, de cette façon de voir les choses. En ce qui concerne les pharmaciens, on a un article de la loi qui a été écrit il y a déjà plusieurs années, qui est l'article 27, qui réserve le droit de propriété aux pharmaciens. Mais on y précise la faculté d'acheter et de vendre des médicaments. Et je pense qu'avec le temps il y a eu un glissement, si vous voulez. On n'a pas sérieusement réfléchi à la structure fondamentale de la Loi sur la pharmacie depuis 1974. Alors, ce que je dis, c'est que, peut-être, maintenant arrivés à une époque où est-ce qu'on doit voir où on en est, est-ce qu'il y a des ajustements à faire? Est-ce qu'il y a des nouvelles restrictions ou précisions légales ou réglementaires pour éviter ces dérapages-là, recentrer le pendule? Je pense que tous les acteurs ont un rôle à jouer. Loin de moi le propos de condamner un acteur en particulier, mais je pense qu'il y a eu un glissement au cours des dernières années puis les rôles ont peut-être été un peu intervertis.

M. Lisée : Votre réponse est prudente. Mais ça prend des pharmaciens, ça prend des grossistes, ça prend des fabricants, ça peut prendre des bannières. Ça peut. Il pourrait y en avoir, il pourrait ne pas y en avoir. C'est normal qu'il y en ait. Mais est-ce que ce serait utile que le ministre dépose une politique ou dépose un projet de loi pour qu'on jase en disant : On devrait envisager la possibilité d'interdire l'intégration verticale et qu'un grossiste ne puisse pas être à la fois propriété d'une bannière, être fabricant et grossiste? Est-ce que ce serait utile qu'on ait ce débat-là sur la disassociation de ces acteurs-là?

M. Fernet (Paul) : Je ne peux pas être plus d'accord que ça avec vous, tout à fait.

M. Lisée : Très bien. Sur la question des allocations professionnelles, qui est un euphémisme pour dire «ristourne», O.K., les compagnies génériques donnent des ristournes aux pharmaciens pour favoriser leur molécule par rapport à la molécule de l'autre compagnie générique. Alors, elles existent, et vous n'en proposez pas l'abolition. Il y a des tas de gens qui veulent l'abolition. Alors, vous n'en proposez pas l'abolition, mais vous dites : Ça n'a pas d'allure, la ristourne est censée servir au pharmacien qui, donc, favorise une compagnie plutôt qu'une autre, mais utilise cet argent-là pour sa pharmacie, pour des soins, pour embaucher du monde puis faire des salaires, etc., parce que les fonds sont fongibles, puis ça n'a pas d'allure qu'il y ait une partie de la ristourne qui reste chez le grossiste. Qu'est-ce qu'elle fait là, chez le grossiste? Pourquoi il l'a?

Bon. Mais il y a deux façons de voir les choses. Ou bien on dit : De toute façon, ça serait mieux qu'il n'y ait pas de ristourne et, de cette façon-là, ce qu'il faudrait, c'est que le prix du médicament générique soit tellement bas que le fabricant de génériques, bien, il n'a plus d'argent à donner, il n'a plus de marge. Dans ce cas-là, il faut rémunérer les pharmaciens autrement, O.K.? Ou bien on dit : Bien là, on considère que la ristourne du fabricant de génériques, ça fait partie de la rémunération du médecin, et puis, allez-y, compétitionnez entre vous pour donner la plus grosse ristourne possible, puis c'est le pharmacien qui en bénéficiera.

• (13 heures) •

M. Fernet (Paul) : À mon point de vue, les allocations professionnelles auparavant étaient de véritables rabais et ristournes. Depuis l'avènement du Règlement sur les avantages autorisés à un pharmacien et la détermination des fins pour lesquelles ces argents-là peuvent être utilisés, à mon avis, on a vraiment très grandement assaini le marché. Si je m'en réfère au temps où j'étais pharmacien pratiquant il y a de cela quelques années, je peux vous dire que ça n'a aucune commune mesure avec ce qu'on voit aujourd'hui. Je dis même, à un certain moment donné, qu'il y a des programmes ou il y a des projets qui n'existeraient pas si ce règlement-là n'avait pas force et s'il n'y avait pas des sommes qui étaient réservées, à un moment donné, pour de la formation pour de l'éducation, bref, pour le maintien ou l'amélioration de services professionnels.

Il ne faut pas oublier que le pharmacien, lui, a un code de déontologie, ce qui n'est pas le cas des intermédiaires ou des partenaires d'affaires, alors la gestion de ces sommes-là peut, je pense, être sainement planifiée par les pharmaciens. Enfin, il ne faut pas oublier que ces services-là vont ultimement à la population quand les argents sont versés au pharmacien.

M. Lisée : D'accord, je veux dire, l'argent est utilisé pour les services, mais le budget de la pharmacie, il est fongible. Tu sais, il dit : Bon, cet argent-là que j'ai du fabricant, je l'utilise pour les services identifiés, mais en fait ça me fait économiser de l'argent. Parce que le pharmacien, là, s'il accepte la ristourne de la compagnie A plutôt que la compagnie B, ça n'a aucun impact clinique, je veux dire, c'est juste parce que le vendeur de la compagnie A a été plus charmant que le vendeur de la compagnie B, tu sais. Il n'y a pas de raison que ça existe. Si on enlevait la ristourne du prix parce qu'on a le juste prix et qu'on rémunérait correctement le pharmacien pour les services qu'il rend, ne serait-ce pas une situation plus saine?

M. Fernet (Paul) : Je vais vous donner partiellement raison, M. le député, en vous disant ceci : Actuellement, les allocations professionnelles, même si elles sont bien utilisées, ça demeure ce qu'on pourrait appeler un revenu mou. Ce n'est pas un revenu qui est directement en lien avec un service rendu à un patient donné. Moi, je pense qu'effectivement il y aurait une partie de ces revenus mous là qui devrait être transférée en services directs à la population. C'est un peu, d'ailleurs, ce que j'avance comme théorie. Si on récupère ces sommes-là puis qu'on les réinvestit en services à la population, tout le monde va y gagner, mais je ne dis pas par contre que l'abolition des allocations professionnelles soit souhaitable. D'une certaine façon, elles vont toujours peut-être exister pour des règles, tout simplement, de concurrence entre les gens qui n'ont pas d'autres moyens pour se concurrencer. Puis d'autre part, et j'insiste, il y a des services, il y a des programmes qui ont été rendus à la population qui n'auraient pas existé sans ces subsides-là. Alors, je pense qu'il faut faire la part des choses.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup. Alors, il ne vous reste plus de temps, M. le député de Rosemont.

M. Lisée : Juste une seconde pour que je puisse dire à notre invité que je sais qu'il y a une partie de ses recommandations sur la protection de l'autonomie des pharmaciens face aux bannières et chaînes sur lesquelles une intervention législative serait nécessaire pour protéger les pharmaciens.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, M. le député. Alors, on va passer au deuxième groupe de l'opposition. Alors, je cède la parole au député de Lévis, c'est ça?

M. Paradis (Lévis) : Merci, Mme la Présidente, oui.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Vous avez 7 min 30 s.

M. Paradis (Lévis) : Merci, Mme la Présidente. Me Fernet, madame, merci d'être là. Je reviendrai sur certains éléments de votre mémoire et notamment en relation avec ce que vous avez analysé et lu attentivement, j'en suis certain, l'Analyse d'impact réglementaire,concernant ce dont on parle maintenant. Dans cette analyse d'impact, les économies souhaitées par le ministre, manifestement, sont jugées pour le moins incertaines. Il n'y a pas une atteinte automatique, dirait-on, à travers ce qui est mentionné sur cette analyse d'impact. On ne peut les garantir, on ne peut pas les mesurer. Il y aura d'autres groupes qui vont probablement en témoigner également parce qu'à travers les mémoires qu'on a reçus et des rencontres qu'on a faites, bien, c'est revenu assez fréquemment. Parce que l'objectif de ce projet-là, on l'a dit au tout début, hein, c'est de faire en sorte qu'on puisse réduire le coût des médicaments.

Alors, on dit là-dedans qu'il y a plusieurs raisons à ça, notamment la réduction du nombre d'acteurs puis de la concurrence. Vous l'abordez également, la hausse des prix de médicaments uniques potentiellement ou moins consommés pour essayer de pallier à ce qu'on perdrait ailleurs. J'aimerais avoir votre avis sur cette vision-là. Est-ce que les scénarios dont on parle, les craintes que l'on identifie, vous les ressentez? Sont-elles justifiées, à votre avis?

M. Fernet (Paul) : Oui, M. le député. Je pense, comme je le disais en introduction de ma présentation, que le document, l'analyse d'impact qui a été réalisée par le ministère, c'est un très bon travail, parce que je croyais peut-être pouvoir en identifier un ou deux, impacts qui auraient été oubliés. Ce n'est pas le cas, ils sont tous présents.

Maintenant, est-ce que certains d'entre eux ont pu être sous-évalués? C'est ça mon propos. Moi, je pense que certaines mesures d'atténuation, je dirais, des impacts qui sont proposés dans l'analyse risquent ou alors de rendre le système soit inefficace ou alors ça ne va pas régler le problème. À titre d'exemple, on dit : Pour éviter les problèmes de rupture d'inventaire, on va demander des garanties. Bien là, ça, c'est une grosse difficulté. D'abord, ça va être quoi, la hauteur de la garantie? Puis c'est quoi, le montant qui est idéal à partir du moment où est-ce qu'on manque de médicaments? C'est un problème. Maintenant, si la garantie, c'est d'avoir des entrepôts avec une quantité suffisante de médicaments pour pallier à tout problème pour un délai x, ou y, ou z, là ça va être un problème. On va avoir... au niveau de la compétition de nos propres fabricants, qui vont avoir de la difficulté à produire en quantité telle qu'ils vont rester mal pris avec des inventaires advenant que ce ne soit pas les vainqueurs de la prochaine ronde, si vous voulez, d'appels d'offres.

Alors, ça fait que ça crée des situations où est-ce que tu dis : Bien, soit que la garantie sera très importante, puis nos fabricants risquent d'être désavantagés, ou alors les garanties ne seront pas tellement élevées, puis là, bien, on retombe au risque soit d'avoir des problèmes de qualité ou alors des problèmes de disponibilité de produits.

Alors, c'est dans ce sens-là. Je dis : Le document, il est excellent, mais il n'est pas facile, je dois vous dire — tout le monde, probablement, en conviendra — de mesurer exactement quels seront les impacts de l'introduction d'une telle mesure législative dans le temps. Je pense que ce n'est pas un exercice facile à faire.

M. Paradis (Lévis) : Si je comprends ce que vous me dites, alors que, déjà, on identifie des doutes, des craintes, des objectifs difficiles à atteindre, à la lumière de vos propos, on pourrait sous-estimer les effets secondaires de la mise en application du projet de loi et du principe d'appels d'offres. Alors, des effets pervers pourraient être plus importants que ceux déjà mentionnés, et il y en a de nombreux là.

M. Fernet (Paul) : Écoutez, je pense que ceux qui sont mentionnés sont peut-être sous-évalués. Alors donc, la possibilité qu'ils surviennent de façon désavantageuse, je dirais, sont importants.

M. Paradis (Lévis) : On a exprimé, maître, plusieurs personnes ont exprimé également, et vous venez de l'aborder, en quelque sorte, le fait que, si on ne fait pas partie de ceux retenus à travers un appel d'offres potentiel, il puisse y avoir désengagement des fabricants. Donc, j'imagine que vous parlez des fabricants de chez nous, de médicaments génériques. Ils nous ont dit : Bien, nous, c'est parce qu'à un moment donné, si tu n'es plus dans la course, tu ne te gardes pas une chaîne de montage puis tu ne te gardes pas une chaîne de production pour faire un médicament qui ne te rapportera pas. Est-ce que ça aussi, ça fait partie des craintes que vous évaluez, de voir une industrie se retirer tranquillement d'un processus qui devrait améliorer la concurrence puis bonifier les prix?

M. Fernet (Paul) : C'est une inquiétude qui est majeure, et je me doute bien qu'elle sera reprise par plusieurs personnes qui viendront présenter ici. Il faut distinguer une chose qu'on connaît bien, les gens qui sont un peu plus familier avec ça, les règles commerciales sont d'abord et avant tout fédérales. Puis les définitions fédérales de ce qu'est un fabricant, ça donne souvent une mauvaise impression parce qu'un fabricant, c'est tout aussi bien un manufacturier que quelqu'un qui a un bureau d'affaires. Alors, des vrais manufacturiers, si vous voulez, qui produisent des médicaments à partir des matières premières, il n'y en a pas tant que ça au Canada dans les produits génériques. Bien, il y en a surtout de bons, de gros et de puissants à l'extérieur, dans des pays où les coûts de production sont largement inférieurs. C'est ça qui est ici le risque principal, je dirais, au niveau de l'appel d'offres.

Évidemment que, si, comme le dit l'analyse d'impact, on le limite à quelques produits tout au maximum, mais là, à ce moment-là, c'est l'impact économique qui sera mitigé, d'où mon commentaire. Bien, si ça fonctionne bien...

Je vais vous donner, M. le député, un court exemple. Quand on a introduit, à la fin des années 80, je crois, le PRA — peut-être certaines personnes, ça leur dira quelque chose ici, autour de la table, mais il faut avoir un certain nombre d'années dans le domaine pour s'en rappeler — ça avait été implémenté pour six produits seulement : il y avait la ciméditine, il y avait le triamtérène, il y avait l'Aldactazine, six produits, seulement, le PRA. Bien, ça a tellement bien fonctionné que ça n'a pas pris deux listes puis c'était étendu à la liste au complet.

Alors, c'est sûr que c'est dur de se priver d'un outil qui fonctionne bien si on réalise des économies. Mais là on va retomber dans l'aggravation des impacts qui sont mentionnés dans la liste d'impacts.

M. Paradis (Lévis) : Vous dites : C'est dur de se priver d'un système qui fonctionne bien et de tomber dans quelque chose qui est plus nébuleux, qu'il faudra construire avec les impacts potentiels. Vous direz dans votre mémoire, en page huit : «Pourquoi ne pas faire preuve de prudence, élargir le marché de référence pour la négociation et mesurer à court terme et moyen terme les résultats obtenus par l'Alliance pancanadienne pharmaceutique?» Parce que vous imaginez, à travers ces propos-là, qu'il y a encore du chemin et de la bonification à faire, qu'on pourrait atteindre les objectifs d'économie? On sait que les ententes se terminent mars 2017. Il y aura des négociations à y avoir. Est-ce que le modèle que l'on a présentement pourrait atteindre les objectifs que l'on souhaite en le bonifiant?

• (13 h 10) •

M. Fernet (Paul) : Je pense que c'est un modèle dont il faut définitivement s'inspirer. Est-ce qu'il est perfectible? C'est très possible. Mais je vous fais réfléchir sur la question suivante : On a, pour un nombre relativement important de molécules de grande utilisation, un prix qui est fixé à 18 % du prix novateur. Si on fait le lien avec toute la mécanique de la concurrence et, par exemple, des allocations professionnelles, bien, si le plafond était auparavant à 15 %, ça laisse 3 % aux fabricants. Vous voyez que, quand on est à 18 % du prix du médicament novateur, on est pas mal, permettez-moi l'expression, «lean», si on veut. Alors, on ne peut pas, à ce moment-là, prétendre qu'on ne paie pas un prix juste et raisonnable pour un médicament générique. Et le fabricant générique qui dit : Moi, à 18 %, j'y vais, il prend son risque puis, s'il en a deux, puis trois, puis quatre, bien, d'abord, ça diminue les risques de rupture parce qu'on a plus d'un producteur, et puis, bien, ça donne de l'oxygène, je dirais, aux gens qui peuvent continuer de se compétitionner. Ils ont moins de marge de manoeuvre qu'auparavant, mais ils le peuvent toujours. Or, on est dans un système où la concurrence est supposée exister.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci. Alors, le temps est terminé. Je cède la parole au député de Mercier pour 3 min 30 s. M. le député.

M. Khadir : D'abord, M. Fernet, bienvenue. Le ministre a questionné M. Fernet sur les intermédiaires qui continuent à avoir certaines pratiques qui privent l'État québécois, je dirais, d'économies et surtout qui leur permet, en fait, d'empocher des centaines de millions de dollars en organisant un système de ristournes, d'accord? Je signale simplement qu'une des principales entreprises — j'ai déjà, d'ailleurs, posé une question en juin de l'année passée au ministre — qui organise ça, qui est parmi les intermédiaires, les distributeurs, c'est McKesson, condamnée plusieurs fois aux États-Unis pour des fausses représentations. Entre 2012 et 2015, ils ont payé 340 millions pour des pratiques frauduleuses, puis, en 2009, la RAMQ a débuté une enquête qui a permis de voir qu'ils avaient versé 40 millions de dollars pour éviter des poursuites judiciaires.

Alors, cette réalité est encore présente. Et vous avez tout à fait raison de mettre en garde le ministère de la situation actuelle, de toute façon, où les pharmaciens propriétaires n'ont pas la liberté voulue, sont sous l'emprise de ces fournisseurs.

Maintenant, des craintes que vous évoquez pour l'impact que peut avoir un système de mise en concurrence, qui a été largement avantageux à la Nouvelle-Zélande, qui a réduit ses coûts en médicaments sans affecter ses indicateurs de santé... Les indicateurs de santé de la Nouvelle-Zélande, avant et après cette réforme, sont restés identiques. Ce n'est pas exempt de problèmes, ils ont des problèmes, mais les indicateurs de santé sont bons, mais ils ont réduit de deux tiers leurs coûts. Au Québec, ça représenterait 2 milliards d'économies pour la RAMQ. Donc, si je vous dis que les craintes que vous avez ne se sont pas avérées là où on l'a appliqué, est-ce que ça vous rassure?

M. Fernet (Paul) : Non, et en tout respect, M. Khadir, je vous dirais que les exemples sont nombreux, même au niveau international, de pays qui ont adopté des législations en modifiant les règles, tantôt pour, par exemple, réserver davantage les droits de propriété ou limiter la compétition entre les pharmaciens, pour ensuite nationaliser certains aspects de la distribution, pour ensuite se rendre compte de revenir à une situation initiale. C'est toujours très dangereux de mesurer, je vous dirais, les impacts de mesures législatives à court terme.

M. Khadir : Pour la concurrence ou sur la santé des populations?

M. Fernet (Paul) : Les deux, parce que...

M. Khadir : Je n'en ai pas, d'exemple.

M. Fernet (Paul) : Bien, moi, je pense que, là-dessus, je ne suis pas de votre avis. La Nouvelle-Zélande, aujourd'hui, qui est voisine de l'Australie, si vous voulez... L'Australie a changé deux fois de régime dans les 10 dernières années ou les 15 dernières années, et c'est très difficile de mesurer les impacts positifs ou négatifs. Quant à la question, si vous voulez, des services professionnels, modifier les pratiques des professionnels de la santé, on sait qu'il n'y a à peu près rien de plus compliqué au monde puis de plus difficile. Alors, les résultats probants, autrement dit, je ne les mesure pas en très, très court terme, mais en nombre d'années, là.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Quelques secondes, M. le député.

M. Khadir : C'est terminé?

La Présidente (Mme Rotiroti) : En quelques secondes, vous avez quelques secondes.

M. Khadir : Les changements en Australie ont été introduits sous la pression de lobbys industriels qui ont forcé le gouvernement à changer, pas parce que ça allait moins bien pour l'accès des patients. Il faut se remettre dans la perspective. Les contribuables, les patients, on y gagne tous.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Vous avez quelques secondes si vous voulez répondre.

M. Fernet (Paul) : Bien, je dirais que l'exemple inverse est d'ailleurs survenu du côté des pays scandinaves. Alors, tu sais, c'est ça que je vous dis, là, on traverse les systèmes en modifiant les données, mais les résultats concrets...

M. Khadir : ...

M. Fernet (Paul) : Oui, oui, écoutez, ça, je ne vous contredis pas là-dessus.

La Présidente (Mme Rotiroti) : M. le député de Mercier, il ne vous reste plus de temps. Alors, merci beaucoup, M. Fernet, Me Fernet, pour votre présence aujourd'hui.

Et, compte tenu de l'heure, je suspends les travaux jusqu'à 15 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 13 h 15)

(Reprise à 15 h 10)

La Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, bon après-midi. À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Nous allons poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 81, Loi visant à réduire le coût de certains médicaments couverts par le régime général d'assurance médicaments en permettant le recours à une procédure d'appel d'offres.

Alors, M. le secrétaire, y a-t-il des remplaçants?

Le Secrétaire : Non, pas pour cet après-midi.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Ça va? Parfait.

Alors, on peut commencer avec notre premier invité, M. David Johnston, de l'Association canadienne de la gestion de l'approvisionnement pharmaceutique. Merci d'être avec nous cet après-midi malgré la belle température à l'extérieur. Alors, je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour faire votre exposé, et par la suite on va passer à une période d'échange entre les élus, et la parole est à vous.

Association canadienne de la gestion de l'approvisionnement
pharmaceutique
(ACGAP)

M. Johnston (David W.) : Merci. Merci beaucoup à tout le monde. Et, comme la présidente de la commission a mentionné, je suis David Johnston et je suis le chef de la direction de l'Association canadienne de la gestion de l'approvisionnement pharmaceutique, ou ACGAP, comme nous sommes souvent désignés.

Au nom de l'ACGAP, je tiens à remercier les membres du comité de l'opportunité qui nous est donnée de partager avec vous notre point de vue sur le projet de loi n° 81 et féliciter le comité de mener les consultations.

Par ailleurs, nous devons vous communiquer nos sérieuses inquiétudes quant au recours proposé à des appels d'offres pour la distribution pharmaceutique en vertu du projet de loi n° 81 et les impacts négatifs éventuels sur le système de distribution pharmaceutique du Québec, qui bénéficie à tous les Québécois et Québécoises.

D'abord, permettez que je vous décrive brièvement l'ACGAP et la distribution pharmaceutique au Québec. Établie en 1964, l'ACGAP est le porte-parole des distributeurs pharmaceutiques de la chaîne d'approvisionnement pharmaceutique du Québec et du Canada. Nous représentons une industrie indispensable qui fournit les médicaments essentiels aux pharmacies et hôpitaux. Dans une industrie aussi complexe que vitale, nous jouons un rôle essentiel en tant que force unificatrice qui promouvoit l'innovation, aide à établir des normes au sein de l'industrie et voit à l'éducation de ses membres. Au Québec, nos membres incluent Familiprix, Jean Coutu, Kohl & Frisch, McKesson Canada, McMahon Distributeur pharmaceutique et Shoppers Drug Mart — Pharmaprix.

Environ 97 % des produits pharmaceutiques au Québec sont distribués aux pharmacies, hôpitaux par nos membres distributeurs pharmaceutiques, et ça, avec un taux de précision de 99,9 %. Ce système de distribution, qui assure une livraison le lendemain jusqu'à six jours par semaine, est sécuritaire, fiable et efficace.

Pour les patients, cela signifie un accès en temps opportun à des médicaments vitaux. Ce service est particulièrement crucial pour les médicaments qui doivent être pris aussitôt que possible ou selon un horaire précis, comme les antibiotiques et les médicaments contre le cancer.

Les patients peuvent aussi avoir confiance en l'intégrité et l'efficacité des médicaments, comme nos membres ont investi dans leurs capacités de gestion de la chaîne du froid et ont des procédures en place pour s'assurer que les produits ne sont pas compromis. Les patients ont aussi l'assurance de recevoir de bons produits dans la bonne condition au bon moment.

Pour les pharmacies, les distributeurs pharmaceutiques offrent des efficiences sous la forme d'une seule commande, d'une seule boîte et d'une seule facture. Plutôt que d'avoir à contacter des centaines de fabricants, les pharmacies ne contactent qu'un seul distributeur, placent une seule commande pour tous les produits et reçoivent l'assurance qu'un camion livre le lendemain la commande complète. Étant donné l'efficacité de ce processus de commande, de facturation et de retour de produits, les pharmaciens et les pharmaciennes peuvent maximiser leur temps d'interaction avec leurs patients plutôt que de compléter des tâches administratives.

Le gouvernement, quant à lui, bénéficie d'un système de distribution pharmaceutique qui assure une distribution égale et exhaustive de tous les 15 000 produits pharmaceutiques partout au Québec, là où il y a un besoin. Au Québec, chaque patient de chaque pharmacie a droit au même accès aux médicaments dont il a besoin lorsqu'il en a besoin, et ce, qu'il vive dans un grand centre urbain ou une région rurale et que sa pharmacie de choix soit affiliée avec une grande bannière ou qu'il s'agisse d'une petite pharmacie indépendante. Dans le cadre du budget de soins de santé du Québec, la distribution pharmaceutique livre ce service essentiel à un coût inférieur de 1 % des dépenses globales concentrées aux soins de santé.

En vertu du projet de loi n° 81, il est proposé que le gouvernement procède à des appels d'offres pour la distribution de certaines molécules. Nous sommes d'avis que la mise en place de cette politique augmentera les inefficiences dans le système, réduira la capacité des distributeurs pharmaceutiques à maintenir les niveaux de service dans la province et, en bout de ligne, aura des répercussions sur l'accès des patients à des médicaments vitaux.

Au Québec, chaque pharmacie entretient une relation commerciale avec au moins un distributeur pharmaceutique et bénéficie donc d'un système de distribution sécuritaire, fiable et efficace. Toutefois, aucun distributeur n'entretient une relation commerciale avec toutes les pharmacies. Par conséquent, il n'y a pas aujourd'hui un seul distributeur qui pourrait livrer un produit à toutes les pharmacies du Québec ou de satisfaire les exigences de l'appel d'offres sans des ajustements et des investissements importants à ses activités.

Si un système d'appel d'offres était mis en place pour la distribution, un ou plusieurs distributeurs se verraient octroyer un contrat par le gouvernement afin de distribuer certaines molécules à toutes les pharmacies du Québec. Plutôt que de compter sur les efficaces systèmes actuels qui misent sur une commande, une boîte, une facture, les pharmacies doivent placer une commande additionnelle pour certaines molécules à un distributeur différent, ce qui entraînera des livraisons additionnelles pour chaque pharmacie. Le soutien administratif additionnel que cela nécessitera augmentera les coûts pour la pharmacie, réduira les efficiences et, plus important encore, diminuera le temps d'interaction des pharmaciens et des pharmaciennes avec les patients.

Le recours à des appels d'offres pour la distribution compromettra le modèle économique simple qui est celui de la distribution pharmaceutique. Le coût pour entreposer des millions de dollars d'inventaire, pour préparer les commandes et les livraisons est présentement compensé par les volumes et le nombre d'activités en cause, nos membres distributeurs s'assurant que des boîtes pleines sont livrées dans des camions pleins et se déplacent selon des trajets prédéterminés. Cet équilibre toujours recherché entre coûts, volumes et échelles d'exploitation assure les efficiences nécessaires pour supporter les niveaux de services offerts.

Face à des coûts de livraison unitaires à la hausse suite à des volumes fragmentés, nos membres devront revoir leur modèle économique en s'assurant que des boîtes pleines seront de nouveau placées dans des camions pleins, ce qui ne pourra se faire sans peut-être réduire la fréquence de livraison du niveau de service actuel fondé sur la livraison le lendemain à raison de six jours par semaine, ou réduire la portée géographique des trajets de livraison aux dépens des régions rurales du Québec, ou introduire des commandes minimales, de telle sorte qu'une pharmacie ne pourrait pas commander que la quantité dont elle a besoin, mais se verrait obligée de commander une quantité minimale pour recevoir une livraison.

Dans une perspective plus vaste, la capacité globale de la chaîne d'approvisionnement pharmaceutique du Québec sera diminuée. La capacité des distributeurs pharmaceutiques à collaborer avec le gouvernement du Québec en situation d'urgence, comme il est survenu fréquemment par le passé, sera aussi diminuée. Par exemple, en 2009, durant la crise de H1N1, le gouvernement a demandé l'aide des distributeurs, et ceux-ci ont répondu en bâtissant des stocks de Tamiflu et en gérant la livraison à 900 pratiques communautaires, des actions qui ne sont pas du ressort normal des distributeurs.

Par ailleurs, les distributeurs, sur une base continue, limitent l'impact des pénuries de médicaments en travaillant avec les gouvernements et les fabricants de façon à optimiser la distribution des produits restants.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Il vous reste une minute, M. Johnston.

M. Johnston (David W.) : Excusez?

La Présidente (Mme Rotiroti) : Il vous reste une minute. Je ne sais pas si vous voulez aller à la conclusion tout de suite.

• (15 h 20) •

M. Johnston (David W.) : O.K. D'accord. À l'ACGAP, nous sommes convaincus que le gouvernement du Québec a à coeur le meilleur intérêt des patients et, pour cette raison, nos recommandations sont : un, que le recours au processus d'appel d'offres pour la distribution pharmaceutique soit retiré du projet de loi n° 81; que le financement spécifique équitable et transparent consenti aux distributeurs pharmaceutiques soit maintenu; et, troisième, que le gouvernement du Québec discute avec l'ACGAP et ses membres distributeurs pharmaceutiques d'autres opportunités pour améliorer la fiabilité, la sécurité et les efficiences dans le système de soins de santé, ainsi que dans le domaine des vaccins et des produits en cas de pandémies.

L'ACGAP et ses membres distributeurs pharmaceutiques accueilleraient avec plaisir l'opportunité de poursuivre ses discussions avec le gouvernement du Québec, et nous vous remercions de l'occasion que vous nous donnez de vous faire nos préoccupations quant au projet de loi n° 81.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. Johnston. Alors, on va passer à la période d'échange. On va passer du côté ministériel. Alors, M. le ministre, je vous cède la parole pour une période de 19 minutes.

M. Barrette : 19? Merci, Mme la Présidente. M. Johnston, bienvenue. Est-ce que vous êtes confortable si nos échanges se font en français ou si vous voulez...

M. Johnston (David W.) : Ah oui, je voudrais continuer en français, mais, de temps en temps, je dois demander une clarification des questions.

M. Barrette : C'est parfait comme ça. Alors, je vais vous poser mes questions en français, mais, si ce n'est pas clair, n'hésitez pas, je pourrai les traduire.

Alors, juste pour une question de clarification, surtout pour les gens qui nous écoutent parce qu'évidemment on est en direct ici, il y a bien des gens qui nous écoutent, votre association, en réalité, c'est l'association, corrigez-moi si je me trompe, des grossistes.

M. Johnston (David W.) : C'est une association des grossistes, mais, dans les membres de l'ACGAP, ça inclut les fabricants de génériques, produits de marques, aussi les OTC et aussi les compagnies associées avec les distributions de produits. Mais, principalement, oui, c'est une association des grossistes.

M. Barrette : O.K. Et je vais vous poser la même question que je pose à tout le monde en début d'entretien : Est-ce qu'à votre avis, le Québec, on paie les médicaments trop chers, les génériques?

M. Johnston (David W.) : Posez votre question encore, s'il vous plaît.

M. Barrette : Est-ce qu'à votre avis, au Québec, le coût des médicaments génériques est trop élevé?

M. Johnston (David W.) : Pour moi, mon mandat, c'est pour les grossistes, ce n'est pas les prix des produits, donc c'est difficile pour moi de donner une réponse compréhensive de cette question. Mais je crois que, si le Québec suit le «pan-Canadian», le groupe «pan-Canadian», il travaille avec les prix des génériques, le prix final sera un prix balance pour l'industrie et pour les besoins du pays.

M. Barrette : Je postule personnellement que, dans la chaîne qui va du producteur jusqu'au patient, jusqu'au pharmacien propriétaire, il y a un coût qui est à l'origine, évidemment, de ce que l'on paie. Et ce matin, avant vous, il y a quelqu'un qui est venu, je ne sais pas si vous avez eu la chance d'entendre sa prestation...

M. Johnston (David W.) : Non, merci, non.

M. Barrette : Alors, cette personne-là nous disait qu'après ses analyses la partie intermédiaire — donc vous, en partie, mais pas complètement, mais vous, en partie — entre le fabricant et le patient, donc le pharmacien propriétaire juste avant, était un coût qui était significativement plus... c'est-à-dire, c'est un coût additionnel qui était induit, et ça, c'est ses termes à lui, ce n'est pas mes termes à moi, un coût qu'il jugeait ne pas avoir de valeur ajoutée et que, conséquemment, il y a lieu de regarder ça. Qu'en pensez-vous?

M. Johnston (David W.) : O.K. Ça, c'est une question complexe. Donc, je vais essayer de répondre. Encore, je vais parler de la situation des grossistes parce que je n'ai pas le mandat ni l'information de parler des pharmacies, des bannières, donc je vais parler spécifiquement pour les grossistes. Et, pour les grossistes au Québec, en fait, les frais de distribution sont vraiment faibles pour la province parce qu'au Québec les frais de distribution, c'est 6,5 %, et ça, c'est 6,5 % sur les produits et s'assurer qu'il y ait des livraisons dans n'importe quel coin de province, n'importe quelle heure et qu'à ce moment les produits sont disponibles pour les patients quand ils ont besoin. Donc, je crois que la valeur est très haute et, à ce moment aussi, la sécurité dans le système est immense.

Et je pose une question à tout le monde ici : Quelle est la dernière fois que tu as regardé ou tu as été au courant qu'il y a un produit contrefait au Québec? Et quelle est la dernière fois que tu as vu un produit compromis au Québec? Je peux facilement donner la réponse que ça n'existe pas parce que le système est presque fermé et c'est très, très contrôlé. Donc, la valeur de ça, c'est immense.

Mais j'ai commencé de dire que les frais de distribution, c'est 6,5 %, mais ce n'est pas un plafond sans limites. La limite, au Québec, c'est 39 $. Donc, d'envoyer un produit de 100 $ à Sept-Îles, c'est 6,50 $, mais d'envoyer un produit de 2 000 $ à Dolbeau, c'est 39 $, d'envoyer un produit de 5 000 $ à Dolbeau, c'est 39 $. Donc, c'est vraiment un frais d'expédition très contrôlé et très bas pour la province. Et je veux dire que c'est plus bas que les autres provinces. À l'intérieur, les frais de distribution potentiels, c'est 8 %. Il n'y a pas une limite, il n'y a pas un plafond. Donc, au Québec, vous avez le système le plus contrôlé dans le sens de l'argent associé avec la distribution. Et encore, vous avez un système exhaustif. Et la grande valeur du système maintenant est qu'il ne fait aucune différence si tu habites dans un village ou le centre-ville de Montréal. C'est le système le plus démocratique qui existe, j'imagine, parce qu'il n'existe pas un désavantage d'être un citoyen de Dolbeau comme Montréal, le même produit est disponible. Dans le cas des frais de distribution, le prix, c'est exactement le même. Et, à ce moment, si vous êtes un patient du Québec, et tu arrives dans la pharmacie, la pratique dans la pharmacie, tu arrives, et le pharmacien dit : Merci pour votre ordonnance, donne-moi 20 minutes et tu vas avoir votre produit. N'importe quel coin du Québec, ça existe maintenant et pour un frais très bas.

Et je vous donne une comparaison. J'ai parlé de si tu envoyais un produit de 5 000 $ à Sept-Îles, c'est 39 $ au Québec, mais, si vous êtes à Montréal et tu envoyais un «laptop» ou un iPad de FedEx ou d'une autre compagnie comme ça, la livraison, c'est plus cher que 100 $. Donc, le monde paie plus que 100 $ d'envoyer un iPad, mais 39 $ pour un médicament vital de 5 000 $ ou 6 000 $.

M. Barrette : Vous avez parlé, dans votre exposé, de la relation commerciale qu'il y avait avec les producteurs, mais j'imagine que vous avez aussi une relation commerciale avec les chaînes et bannières.

M. Johnston (David W.) : Oui.

M. Barrette : Alors, pouvez-vous nous éclairer un peu sur la façon dont ça fonctionne, parce que...

M. Johnston (David W.) : Oui. Au Québec, par la régulation...

M. Barrette : Juste une seconde, je vais vous indiquer où j'aimerais que vous alliez, là. Vous, vous êtes un... puis certains de vos membres, là, sont des grossistes, mais je pense que vous avez dit vous-même, dans votre document, là, que les grossistes ne distribuent pas la totalité des produits. Ils distribuent donc une fraction des produits disponibles sur le marché. Alors, vous ne distribuez pas, vous, les grossistes, les 15 000 produits, là.

M. Johnston (David W.) : Oui.

M. Barrette : Non, non, un seul grossiste.

M. Johnston (David W.) : Oh non, chaque grossiste distribue tous les produits. Les 15 000 produits sont distribués par tous les grossistes, mais il n'y a pas un grossiste qui a une entente commerciale avec chaque pharmacie.

M. Barrette : Bien, c'est ça.

M. Johnston (David W.) : Donc, mais les 15 000 produits, absolument.

M. Barrette : Oui, mais il y a une entente commerciale qui fait que... Bien, parlez-nous de ça. Par exemple, là, moi, là, je suis un fabricant et je veux être distribué. Comment ça marche, ça?

• (15 h 30) •

M. Johnston (David W.) : O.K. Si vous êtes un fabricant, tu veux distribuer tes produits, tu présentes le produit aux grossistes. Et tous les fabricants donnent leurs produits à tous les grossistes parce qu'il n'y a pas un avantage à donner juste à un grossiste ou un autre grossiste, donc les produits sont disponibles à tous les grossistes. Et ça, c'est encore une autre valeur des grossistes. Une pharmacie, normalement, pour les génériques, il y a des compagnies préférées, si tu veux. Donc, tu arrives dans une pharmacie, et les produits sont Genex, sont souvent d'un certain fabricant. Ça, c'est dans la pharmacie. Mais les grossistes gardent dans tous les produits parce que c'est la pharmacie qui fait les décisions.

C'est la pharmacie que c'est : Je voudrais les produits de tabac, je voudrais les produits de Sandoz et l'autre produit pour les génériques. Pour les produits de marque, il n'y a pas de choix parce qu'il y a seulement un produit, mais, les grossistes, leur relation avec les fabricants, c'est qu'ils sont là à distribuer n'importe quel produit à n'importe quelle pharmacie.

Et n'oublie pas que le système au Québec et le système au Canada — je dois utiliser un mot anglais — c'est un «pull system», ce n'est pas un «push system». Ce n'est pas le grossiste qui détermine quel produit sera envoyé. Ce n'est pas du tout le grossiste, c'est la pharmacie et le médecin qui fait la décision. C'est le médecin qui donne l'ordonnance, et le patient arrive à la pharmacie, et la pharmacie remplit l'ordonnance, et après ça remplit la commande avec le grossiste. Mais le grossiste n'a pas du tout le choix entre quel produit sera envoyé aux pharmacies. C'est 100 % de décision de la pharmacie.

M. Barrette : Bien, M. Johnston, moi, ça m'étonne un peu, ce que vous me dites, là, parce que, déjà aujourd'hui, on est rendus à la troisième audience et on a des informations contradictoires. Un, on a un sondage de l'Ordre des pharmaciens qui dit que les chaînes, bannières et compagnies ont une influence sur la sélection du médicament qui est offerte aux patients dans les génériques. On a ça, là, comme information, là, et on a d'autres informations, là, à l'effet qu'il y a des ententes de conformité. Les ententes de conformité, dans ma compréhension, ce n'est certainement pas pour que ça soit le libre choix. Une entente de conformité vise à sélectionner un produit parce qu'il y a un avantage au bout. Alors, vous, vous êtes impliqués là-dedans, là. Puis là je n'ai pas parlé des marques maison encore, là.

M. Johnston (David W.) : Mais, monsieur, vous parlez des pharmacies. Moi, je parle des grossistes. Les grossistes n'ont pas de choix. C'est les grossistes qui reçoivent une commande d'une pharmacie qui demande un produit x, et les grossistes envoient le produit. Le grossiste n'a aucune part de la décision de quel produit sera commandé.

M. Barrette : Vous nous dites, vous, là, que, chez vous, là, chez vos membres, pour tout ce qui est conformité, fidélité, et ainsi de suite, là, dans les ententes commerciales que vous avez, il n'y a absolument pas de pression, de quelque nature que ce soit, économique. Ça m'étonne beaucoup, là, M. Johnston.

M. Johnston (David W.) : Moi, oui, je dois être certain que je comprends votre question, mais tu parles de s'il y a une pression des grossistes sur la pharmacie de commander un certain produit.

M. Barrette : Ma question, là, pour qu'elle soit claire... Vous avez des ententes commerciales.

M. Johnston (David W.) : Entre qui?

M. Barrette : Bien, vous avez des ententes commerciales, sans aucun doute, à mon avis, corrigez-moi, encore une fois, si je me trompe, avec le producteur, mais aussi avec la chaîne et bannière?

M. Johnston (David W.) : Oui.

M. Barrette : Alors, vous avez une entente commerciale. Une entente commerciale, là, ça veut dire qu'il y a un gain ou une perte en fonction de certaines décisions. Ce n'est pas neutre, une entente commerciale. Et moi, je postule que ces ententes-là peuvent avoir un impact sur le prix. Alors, la question que je vous pose, puis je comprends que c'est une question difficile, pour vous, là : Ça va jusqu'où, vos ententes commerciales avec soit le distributeur, soit la chaîne et bannière?

M. Johnston (David W.) : Certainement, il y a des ententes commerciales entre les compagnies commerciales. Ça, c'est sans doute. Il y a les ententes commerciales entre les fabricants et les grossistes et entre les grossistes et les chaînes et bannières. Mais les ententes commerciales n'impactent pas du tout les produits utilisés aux pharmacies et par les médecins. Donc, ça n'impacte pas du tout les produits commandés par les pharmacies. Donc, c'est le rôle du grossiste de garder tous les produits, tous les 15 000 produits, et, pour les pharmacies, de faire la demande pour le produit qu'ils ont besoin.

M. Barrette : J'ai un document ici, là, O.K., qui m'a été acheminé par hasard, et par un hasard déconcertant, et, dans ce document-là, on parle du principe de la conformité. Et le principe de conformité, là, a comme conséquence d'avoir des avantages ou des désavantages financiers si on ne se conforme pas à telle, telle chose. Là, ici, je ne veux pas, évidemment, mettre personne dans l'embarras, là, mais ici, sur ce document-là, là, il y a un grossiste, là, qui est mentionné.

M. Johnston (David W.) : Il y a des ententes de conformité, bien sûr, entre les organisations, ça, c'est sans doute, mais pas pour les produits pharmaceutiques. Bien sûr, ça, c'est les décisions commerciales. Moi, je parle de l'industrie en total, mais, j'imagine, ça, c'est pour le paiement de la facture, les autres choses, quel service sera donné par le grossiste, quel service va être demandé par les fabricants et les pharmacies. Mais les ententes de conformité, ce n'est pas pour l'utilisation des produits ou les commandes des produits parce que les grossistes... Par exemple, si le produit est un générique, le prix, c'est le même pour tous les génériques, et, pour les grossistes, les frais de distribution, c'est 6,5 %, avec un maximum de 39 $. Donc, si ces produits sont faits par un fabricant a ou fabricant b, ça ne fait aucune différence parce que le prix, c'est le même, donc il n'a aucune raison d'avantager un ou l'autre.

M. Barrette : Il ne me reste pas beaucoup de temps, là, parce qu'on n'arrive pas à avoir l'information, là. Pourquoi un de vos membres a eu à conclure une entente avec la RAMQ?

M. Johnston (David W.) : S'il vous plaît, reposez la question.

M. Barrette : Pourquoi un de vos membres a eu à payer une compensation substantielle avec la RAMQ? Ce n'est certainement pas parce que les ententes commerciales étaient bénignes ou neutres.

M. Johnston (David W.) : «Well», malheureusement, moi, je parle de l'industrie, je n'ai pas l'information des activités des compagnies individuelles. Donc, je n'ai pas l'information. Je suis désolé, je n'ai pas cette information.

M. Barrette : Moi, si je suis producteur, là, et que je vise à aller sur le marché, je peux y aller directement à la pharmacie ou aller chez un grossiste. Est-ce que j'ai un droit d'accès à votre entrepôt chez vous... bien, chez vos membres?

M. Johnston (David W.) : Droit d'accès, dans le sens de...

M. Barrette : Pour avoir accès à votre entrepôt, faire affaire avec vous.

M. Johnston (David W.) : De faire un sondage?

M. Barrette : Non, non, non, faire affaire, pour que vous me distribuiez, moi, là.

M. Johnston (David W.) : Je ne suis pas certain de la question.

M. Barrette : O.K., je vais vous la poser en anglais. You're a wholesaler, and I'm a manufacturer and I want you to distribute my drugs. Do I have access to your network?

M. Johnston (David W.) : Yes.

M. Barrette : Is there a commercial agreement that I have to go through? Is there a cost?

M. Johnston (David W.) : Pour les fabricants?

M. Barrette : Pour le fabricant, oui. Moi, je frappe à votre porte, je veux que vous me distribuiez, là. Mais je vois que vous hésitez, ça veut dire qu'il y a un coût?

M. Johnston (David W.) : Non, parce que la différence, c'est que les fabricants vendent leurs produits au grossiste, parce que ce n'est pas un «third-party distribution» ou un «courrier company». Le système, c'est que le produit est vendu au grossiste, c'est le grossiste qui prend le titre du produit. Après ça, le fabricant est à l'extérieur de la transaction. C'est à ce moment que le produit est vendu aux pharmacies. Donc, les frais pour le fabricant, c'est les frais de vendre le produit. Donc, si, par exemple...

M. Barrette : Est-ce que ça veut dire que la marge de profit net du grossiste peut être supérieure à 6,5 %?

M. Johnston (David W.) : Non.

M. Barrette : Jamais?

M. Johnston (David W.) : Parce qu'au Québec, O.K., je dois dire, pour la distribution des produits, c'est fait par régulation. Pour la distribution de produits, c'est 6,5 %, avec un maximum de 39 $.

M. Barrette : Oui, mais... Oui...

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie. Ça met fin au temps que nous avions pour l'échange. Je vais donc passer la parole au député de Rosemont pour continuer les échanges.

• (15 h 40) •

M. Lisée : Merci, Mme la Présidente. M. Johnston, bienvenue. On va être sur la proposition principale du ministre, qui dit, bon : Appel d'offres pour le médicament, appel d'offres pour le grossiste. Alors, je comprends que vous représentez un certain nombre de grossistes, certains indépendants, certains qui sont en lien avec des bannières et des chaînes. Et le ministre dit : Ça ne sera pas pour tous les médicaments, ça va être pour certains médicaments où on va déterminer qu'il y aura seulement une ou deux molécules, mais les grossistes vont aller en appel d'offres, et celui qui gagnera l'appel d'offres aura le mandat de distribuer ce médicament à tous les pharmaciens du Québec. Vous nous dites : C'est impossible.

M. Johnston (David W.) : Aujourd'hui, oui.

M. Lisée : Alors, physiquement parlant, là, vous gagnez en appel d'offres, qu'est-ce qu'il faut que vous fassiez pour le rendre à tous les pharmaciens que vous ne pouvez pas faire maintenant?

M. Johnston (David W.) : D'avoir la capacité, un grossiste, de distribuer à toutes les pharmacies du Québec?

M. Lisée : Oui.

M. Johnston (David W.) : Ça va demander un investissement immense, parce qu'à ce moment, je ne suis pas certain dans les chiffres, mais je crois que le plus gros grossiste a 600 pharmacies, mais il y a 1 800 pharmacies au Québec. Donc, d'avoir la capacité de presque le double, les livraisons, ça demande les entreposeurs, les immeubles plus grands, ça demande des camions, ça demande les individus qui font la distribution. En plus, ça demande d'ouvrir un «account» avec chaque des 600 additionnelles pharmacies, donc ça prend beaucoup de temps et ça prend un immense investissement. Et, si c'est pour un appel d'offres d'un an, c'est impossible; si c'est pour un appel d'offres garanti de 10 ans, peut-être.

M. Lisée : Le ministre a eu la bonne idée de publier l'analyse d'impact réglementaire de son projet de loi — on l'en remercie — où il indique des détails qui ne sont pas dans le projet, où il nous indique que, sûrement par règlement, ce seraient des périodes qui n'excéderaient pas trois ans. Alors, si c'était trois ans, est-ce que ce serait suffisant, pour un grossiste, de décider que l'investissement en vaut la peine?

M. Johnston (David W.) : Non. Non, parce que l'investissement sera immense, immense de faire ça. Et n'oubliez pas, en même temps, il y a des autres grossistes qui vont voir leur business qui va diminuer, et peut-être il sera des grossistes qui vont terminer leur entreprise. C'est déjà arrivé ici, au Québec, où AmerisourceBergen a décidé de fermer leur distribution ici, au Québec, et pour le reste du Canada aussi.

M. Lisée : Et pourquoi? Quelle était la raison?

M. Johnston (David W.) : La raison, c'est que les marges sont trop petites. Si je peux dire une chose, c'est la chose importante de connaître avec la distribution des produits pharmaceutiques, il y a une expression en anglais, ça s'appelle comme : Si j'ai un sou pour chaque fois que je le fais, je pourrais être un homme riche. Ça, c'est la distribution pharmaceutique au Québec. Les volumes, c'est énorme, les actions sont très nombreuses, mais la marge est très petite. Nous avons parlé du 6,5 %, mais, après les dépenses qui restent avec le grossiste, c'est très petit. Donc, d'avoir un changement de leur balance économique, l'impact est énorme.

M. Lisée : Oui, mon père était dans l'épicerie, alors je sais que la clé, c'est le volume. Mais là le ministre vous offre du volume. Il serait théoriquement possible qu'il y ait, la même année ou sur une même période de trois ans, trois appels d'offres sur trois molécules différentes gagnées par trois grossistes différents. Alors donc, les trois grossistes devraient chacun avoir la capacité de livrer aux 1 800 pharmacies, ça serait bon pour l'industrie du camion.

M. Johnston (David W.) : Bon pour l'industrie du camion peut-être, mais pas pour les grossistes parce que ce n'est pas capable de faire ça.

M. Lisée : Si le projet de loi était adopté tel quel et qu'il y a un appel d'offres qui se fait, qu'est-ce que les grossistes vont faire?

M. Johnston (David W.) : Moi, je n'ai aucune idée, parce qu'à ce moment, comme j'ai mentionné, il n'y a pas un grossiste capable de faire les exigences de l'appel d'offres.

M. Lisée : Donc, il est très possible, selon vous, qu'aucun grossiste ne participe à l'appel d'offres?

M. Johnston (David W.) : S'il le demandait aujourd'hui, un grossiste ne peut pas le faire. Mais je dois laisser avec les organisations individuelles de faire leurs décisions commerciales. Et peut-être un grossiste va essayer de faire les investissements, d'essayer de faire ça, mais n'oublie pas, ce n'est pas une lumière, on ne peut pas faire ça dans une semaine. Ça va prendre des mois, un an de faire un changement comme ça, d'être capables de faire une distribution comme ça dans la province.

M. Lisée : Je veux vous parler de la question des allocations professionnelles, qui sont des ristournes que les fabricants de génériques offrent aux pharmaciens pour que le pharmacien favorise la vente de leurs produits plutôt que celui du produit équivalent de l'autre fabricant qui n'a pas donné de ristournes ou pour lequel le pharmacien a choisi de prendre la ristourne a plutôt que la b. On comprend que, lorsque les pharmaciens ont la ristourne, ils l'utilisent, et c'est réglementé à certaines fins qui servent le patient. Mais, dans certains cas d'intégration, certains de vos membres retiennent une partie de la ristourne, donc elle ne va pas au pharmacien, elle reste au grossiste. Pourquoi?

M. Johnston (David W.) : Les allocations professionnelles sont une relation exclusive entre les fabricants et les pharmacies. Ça n'inclut pas les grossistes.

M. Lisée : Il n'y a aucun cas où les grossistes...

M. Johnston (David W.) : Les grossistes ne donnent pas les allocations professionnelles, les grossistes ne bénéficient pas du tout des allocations professionnelles. Ça, c'est une relation très spécifique entre les fabricants et les pharmacies.

M. Lisée : Est-ce qu'il y a des cas où les bannières ou les chaînes prennent une partie de l'allocation professionnelle?

M. Johnston (David W.) : Encore, je ne suis pas capable de répondre à cette question parce que je suis ici pour les grossistes.

M. Lisée : O.K. Il y a une différence que vous faites entre la livraison... Parce que le ministre dit : Écoutez, ça fonctionne tellement bien, les appels d'offres pour les institutions, pour les hôpitaux, et les grossistes participent aux appels d'offres pour les hôpitaux, alors pourquoi ça ne marcherait pas pour les pharmaciens? Alors, je vous pose la question.

M. Johnston (David W.) : Pour les hôpitaux, il y a une liste des produits beaucoup plus petite que les pharmacies. Il y a moins d'hôpitaux, je ne suis pas totalement certain, mais je crois que c'est 600, ou quelque chose comme ça, ou 300, ou quelque chose comme ça, d'hôpitaux au Québec, et ils ont... dans une place très spécifique, normalement, dans les villes, villages, on parle des petits villages, si tu veux, et donc c'est facile de faire un taux très spécifique à certains hôpitaux. Mais encore c'est la question du volume et aussi les hôpitaux placent les commandes en gros, mais une petite pharmacie dans un petit village place une commande petite. Et, en ce moment, au Québec, la petite pharmacie ou la grande bannière encore n'est pas en désavantage parce qu'un grossiste va livrer une petite bouteille de comprimés à une certaine pharmacie dans un village, malgré que c'est probablement une livraison en perte.

M. Lisée : Ça fait partie de vos obligations.

M. Johnston (David W.) : Mais ça marche pour l'hôpital «because» le volume de commandes et le petit volume de livraisons.

M. Lisée : Si ça vous coûte moins cher de livrer, si vous êtes le grossiste de 600 pharmacies, et donc vos camions sont pleins, vous optimisez vos livraisons, vous nous dites : Bien, si les camions ne sont pas pleins parce qu'on a l'obligation de faire les 1 800, évidemment, on va peut-être espacer nos livraisons, les livraisons ne seront pas en 48 heures, elles pourraient être aux quatre jours. Je vais vous poser une question facétieuse. Vous nous disiez tout à l'heure que ça coûte moins cher de livrer un médicament que de livrer un iPad. Pourquoi vous ne livrez pas l'iPad?

M. Johnston (David W.) : Une bonne question. Nous sommes dans le business... En fait, si je regarde ça, dans les grossistes, il y a presque toutes les choses présentes dans une pharmacie, donc, si tu regardes, bouteilles d'eau, Pampers, des choses comme ça aussi.

M. Lisée : Il y a l'aspect boutique aussi. Il y a tout l'aspect boutique.

M. Johnston (David W.) : C'est ça. Mais aujourd'hui nous parlons des produits pharmaceutiques, d'appel d'offres. Et il y a aussi une autre chose, n'oublie pas, avec les appels d'offres, c'est, si les appels d'offres sont complétés et un grossiste a gagné l'appel d'offres, maintenant il y a un autre 100 nouvelles pharmacies, mais la livraison où les 100 nouvelles pharmacies sera juste pour les produits de l'appel d'offres, mais le reste, énormes produits, sera pour les autres pharmacies. Donc, pour le grossiste, il va envoyer à des nouvelles pharmacies une petite liste des produits avec un prix bas parce qu'ils sont aussi les génériques et des choses comme ça. Donc, c'est difficile de faire ça et d'avoir une marge de profit.

• (15 h 50) •

M. Lisée : Une question sur les accords de conformité. Alors, on sait que le prix des médicaments, il est fixé, mais pas le prix des Pampers. Alors, est-ce que, dans les ententes de conformité, il peut arriver que, si le pharmacien accepte de prendre tel produit, produit privé, par exemple, de la chaîne, il va avoir une réduction sur les Pampers?

M. Johnston (David W.) : Ça, je n'ai aucune idée. Ça, ce n'est pas mon domaine, parce que, vraiment, je parle de la livraison des produits pharmaceutiques. L'autre, c'est le «front shop», et le «front shop», c'est un monde complètement différent.

M. Lisée : Je vous remercie.

La Présidente (Mme Montpetit) : Merci, M. le député de Rosemont. Alors, la parole est au député de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, Mme la Présidente. Merci de votre présence. J'essaie de comprendre, je résume un peu : Si on va de l'avant avec le projet de loi et qu'on établit des appels d'offres pour les grossistes aujourd'hui, pour demain il n'y a pas un de vos membres qui serait intéressé ou qui verrait un avantage économique à offrir le service?

M. Johnston (David W.) : Peut-être intéressé, mais pas capable; aujourd'hui, pas du tout capable.

M. Paradis (Lévis) : Aujourd'hui, pas capable, mais, dans la mesure où ça se dirige vers ça, est-ce qu'il y a moyen, dans votre organisation, de penser une organisation du travail pour réussir à répondre à la commande en faisant du profit?

M. Johnston (David W.) : Oui, c'est certain que les membres vont considérer ça. Peut-être juste je voudrais confirmer votre question. Peut-être reposer cette question.

M. Paradis (Lévis) : Dans la mesure où demain les appels d'offres se font pour les grossistes, est-ce que vous êtes capables de penser de réorganiser le travail, la distribution pour que ça soit économiquement payant pour vos membres?

M. Johnston (David W.) : La réponse sera faite... Ce n'est pas mon association qui fait la réorganisation, ce sera chaque compagnie individuellement qui va faire la décision commerciale d'entrer dans les appels d'offres. Mais est-ce que c'est possible? J'imagine, mais ça va prendre des gros investissements et beaucoup de temps de faire ça, et je ne suis pas certain s'ils sont prêts de faire ça.

M. Paradis (Lévis) : Dans votre association, vous avez des grossistes. Le plus important des grossistes que vous représentez dessert — je pense que vous le disiez, corrigez-moi — 600 pharmacies?

M. Johnston (David W.) : Oui, le plus gros grossiste du Québec, oui, 600, environ 600, oui, oui.

M. Paradis (Lévis) : Quelle est la fréquence, pour un grossiste — celui-là, par exemple — de livraison à travers le Québec? Est-ce qu'on se rend dans toutes les pharmacies du Québec à tous les jours, une fois par semaine?

M. Johnston (David W.) : Oui, chaque jour, six fois par semaine, et, encore la valeur du système, si la pharmacie place une commande à 9 heures du matin, le produit sera dans leur magasin à 9 heures du matin le lendemain, n'importe quel produit, n'importe quel coin du Québec.

M. Paradis (Lévis) : Vous avez le plus gros membre de votre association, le grossiste, 600 pharmacies, il répond à un appel d'offres, il doit distribuer la molécule dans 1 800 pharmacies. La fréquence est pensable, d'avoir une même fréquence aux 24 heures partout pour cette molécule-là?

M. Johnston (David W.) : Je ne suis pas certain. Mais moi, je doute, parce qu'encore la livraison pour les autres pharmacies que leurs clients réguliers sera des pharmacies avec encore juste les produits d'appel d'offres, donc, j'imagine, la livraison sera moins fréquente.

M. Paradis (Lévis) : Et j'imagine aussi. On fait des scénarios.

M. Johnston (David W.) : Et c'est certain que, si c'est fait, les appels d'offres sont faits, et les produits sont concentrés dans un certain grossiste, les autres grossistes doivent réduire leur fréquence de livraison, doivent réduire la géographie de leur distribution et peut-être impliquer les commandes minimales.

M. Paradis (Lévis) : Vous êtes en train de me dire que, si on allait vers ça, dans l'état actuel des choses dans le commerce d'aujourd'hui, on risquerait des ruptures d'approvisionnement?

M. Johnston (David W.) : Oui, absolument. Le système de distribution pharmaceutique au Québec serait diminué, certainement, certainement. Et ça, une chose : maintenant, nous avons le système reconnu mondialement au Québec, c'est le meilleur système de distribution pharmaceutique du monde. C'est bien connu comme ça. C'est le système. Comme j'ai mentionné avant : Où sont les contrefaits? Où sont les produits compromis? Quelle est la dernière fois qu'un patient a dit : Je voudrais un produit, mais ce n'est pas dans ma pharmacie? Excluant les pénuries de médicaments, mais, si le produit est ici, au Québec, c'est disponible à chaque Québécois, Québécoise dans la province, dans la pharmacie, n'importe laquelle, si elle existe dans un village ou une ville. C'est un système doré, et maintenant nous sommes au risque de le diminuer. Et je dois dire que je n'ai aucune idée pourquoi.

M. Paradis (Lévis) : Vous nous dites, somme toute, qu'un des dangers, ce serait de réduire la portée géographique, vous l'écrivez, des trajets de livraison aux dépens des régions rurales du Québec.

M. Johnston (David W.) : Oui, c'est ça.

M. Paradis (Lévis) : Alors, dans ce contexte-là, dans votre tête à vous, inévitablement, les régions sont menacées.

M. Johnston (David W.) : Oui, absolument, parce que, si vous êtes un grossiste et que tu dois déduire vos dépenses, la grosse pharmacie dans le centre-ville de Montréal, centre-ville de Québec, ça ne va faire aucune différence, mais les livraisons les plus chères, c'est les livraisons dans la banlieue, dans les villages. Donc, peut-être — encore, j'utilise Dolbeau — la livraison à Dolbeau sera deux fois par semaine, peut-être, ou une fois par semaine. Et c'est pour la première fois dans l'histoire de la livraison de produits pharmaceutiques au Québec, maintenant tu arrives dans la pharmacie, tu donnes l'ordonnance, et le pharmacien dit : Donne-moi 20 minutes et tu vas avoir votre ordonnance, mais, avec le changement de livraison, peut-être tu arrives dans la pharmacie, et le pharmacien dit : Merci, aujourd'hui, c'est lundi, peut-être jeudi tu peux avoir votre ordonnance.

M. Paradis (Lévis) : O.K., je comprends que vous me dites que ce sont les fréquences en région qui sont menacées et qui pourraient être touchées.

M. Johnston (David W.) : Oui, absolument.

M. Paradis (Lévis) : Vous dites : Si le gouvernement veut jaser avec nous, il y a d'autres opportunités pour améliorer la fiabilité, la sécurité et l'efficience, je comprends.

M. Johnston (David W.) : Oui, absolument. C'est ça.

M. Paradis (Lévis) : Qu'est-ce qu'on peut avoir comme idée pour diminuer les coûts? Vous nous dites : On est à 6,5 %, 39 $ maximum pour un produit, peu importe où à travers le Québec. Est-ce qu'il y a moyen de faire des économies ou on est au plus bas de ce que l'industrie est capable de vivre?

M. Johnston (David W.) : Maintenant, le coût de distribution de produits pharmaceutiques du Québec est le plus bas du Canada, point, le plus bas du Canada. C'est 8 % en Ontario avec pas de plafond; dans les autres provinces, c'est 10 %. C'est le plus bas au Canada.

M. Paradis (Lévis) : Êtes-vous capables de faire mieux que ça?

M. Johnston (David W.) : Non, c'est difficile. Well, oui, absolument, nous sommes capables, mais nous devons diminuer le service. Si vous êtes prêts de diminuer le service...

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie, M. Johnston, le temps est écoulé. Je vais céder la parole au député de Mercier pour une durée de 3 min 30 s.

M. Khadir : C'est exactement sur le même sujet. M. Johnston, bonjour. Vous dites : Les frais de distribution de 6 % au Québec, 6,5 %; en Ontario...

M. Johnston (David W.) : 6,5 %.

M. Khadir : Vous savez pourquoi j'ai de la difficulté à croire ça? Parce que, là, de la manière dont vous le dites, c'est comme si le seul bénéfice que faisaient les grossistes, c'était pour la facture de 6,5 % qu'ils facturent pour la distribution, alors que les grossistes ont été capables, au cours des dernières années, d'offrir des ristournes, à travers les accords de conformité, là, jusqu'à 30 % aux pharmacies.

En fait, je me demande comment est-ce que je peux croire ça, parce que... Je pense, McKesson est une des plus grandes composantes de votre association, n'est-ce pas, de l'Association canadienne de la gestion de l'approvisionnement pharmaceutique, c'est McKesson et quelques autres gros joueurs, n'est-ce pas, principalement?

M. Johnston (David W.) : Oui.

• (16 heures) •

M. Khadir : Bon, alors McKesson a été condamnée, au cours des dernières années, aux États-Unis, à plusieurs reprises — et s'est entendue avec le gouvernement — pour avoir gonflé les pris par des fausses représentations sur 1 400 produits. 151 million dollars settlement with 29 states and the District of Columbia for improperly inflating the prices of over 1,400 drugs. This is in addition of a 187 million settlement with the federal Government in April 2002 for the same allegations.

Ici, au Québec, non seulement McKesson ne paie pas ses impôts au Canada, c'est une filiale au Luxembourg, puis on sait ce que ça veut dire, ce n'est pas pour servir les contribuables canadiens qu'une entreprise déclare ses revenus ailleurs. Mais McKesson a été contrainte de payer 40 millions de dollars à la RAMQ en 2013 pour des pratiques à partir de 2009 parce que vous avez, justement, donné des ristournes à des pharmaciens alors que c'était illégal.

Alors, comment est-ce qu'ici, à l'Assemblée nationale, on peut croire le représentant de ces entreprises qui cherchent toutes sortes de moyens pour gonfler les prix puis ne nous disent pas la vérité sur la vérité des prix qui coûtent des centaines de millions de dollars en «inflated drug prices»? How do we do that?

M. Johnston (David W.) : Bon. Bonne question. O.K. Moi, encore, je ne suis pas capable de faire le commentaire de la situation aux États-Unis, ça, c'est différent que moi. Mais la seule chose que je veux dire, c'est qu'au Québec et au Canada les prix des produits sont déterminés par le gouvernement. Donc, si le produit est 100 $, le produit est 100 $. Les grossistes n'ont pas les choix de vendre ça à 105 $, c'est 100 $. Et, pour la distribution au Québec, c'est déterminé encore par le gouvernement, c'est 6,5 %. Et n'oublie pas que la distribution est sur la facture, c'est absolument transparent. Donc, un produit de 100 $ d'un fabricant est vendu au grossiste, le grossiste vend le produit pour 106,50 $, et c'est complètement sur la facture, c'est complètement transparent.

M. Khadir : Ce n'est pas tout à fait vrai dans le sens suivant : le gouvernement rembourse les compagnies pharmaceutiques à partir des prix listés des compagnies pharmaceutiques. Vous, à cause du fait que vous êtes un grossiste, vous rentrez en négociation, vous faites exactement ce que le ministre veut faire, c'est-à-dire vous faites des appels d'offres, en quelque sorte, avec les différentes compagnies. Vous allez chercher des prix très compétitifs, mais nous ne bénéficions pas de ces rabais.

La Présidente (Mme Montpetit) : Merci. Je vous remercie. Ceci met fin à nos échanges. M. Johnston, je vous remercie.

Donc, je vais suspendre les travaux pour quelques instants, et j'invite le prochain groupe à prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 2)

(Reprise à 16 h 4)

La Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, bonjour. Alors, je souhaite la bienvenue à l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes. Alors, je vous prie, juste vous identifier pour les fins d'enregistrement. Vous avez 10 minutes pour faire votre exposé, et par la suite on passera à une période d'échange entre les élus. Alors, la parole est à vous.

Association canadienne des compagnies
d'assurances de personnes inc. (ACCAP)

Mme Duhaime (Lyne) : Oui, donc, Lyne Duhaime, présidente de l'ACCAP-Québec.

Mme Laporte (Nathalie) : Nathalie Laporte, Desjardins assurances.

M. Cyr (Donald) : Donald Cyr, SSQ Vie.

M. Lavoie (Jean-Michel) : Jean-Michel Lavoie, Financière Sun Life.

Mme Di Stasio (Claude) : Claude Di Stasio, ACCAP.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci. Alors, allez-y.

Mme Duhaime (Lyne) : M. le ministre, chers députés et membres de la commission, l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes, l'ACCAP, remercie la commission de cette opportunité afin de pouvoir partager ses préoccupations concernant le projet de loi n° 81.

Depuis l'avènement du régime général d'assurance médicaments en 1997, la population du Québec bénéficie d'un meilleur accès aux médicaments, et nous sommes tous fiers de ce fait accompli. Toutefois, à l'instar du gouvernement, l'ACCAP et ses membres, soit les assureurs de personnes, sont particulièrement préoccupés par la hausse des coûts des médicaments. De 1999 à 2014, soit pendant une période de 15 ans, les assureurs ont vu les prestations d'assurance médicaments versées aux individus augmenter de 146 %. En effet, le total réclamé par les assurés en 1999 était d'environ 750 millions de dollars, alors qu'il était d'un peu plus de 2,8 milliards de dollars en 2014. C'est pourquoi toute mesure visant à réduire cette hausse ou à en permettre un meilleur contrôle est considérée comme étant positive.

Les clients des assureurs, principalement des entreprises et leurs employés, voient à chaque année le coût de leur assurance collective augmenter. Comme l'assurance médicaments représente environ la moitié de l'assurance collective, l'autre moitié étant composée, comme vous savez, des coûts d'assurance invalidité, d'assurance vie et d'assurance dentaire, il n'est pas possible de contrôler les coûts de l'assurance collective au Québec sans contrôler les coûts de l'assurance médicaments. De plus, ces coûts importants s'ajoutent, pour les employeurs et leurs employés, à des taxes sur la masse salariale qui sont déjà élevées au Québec en comparaison du reste du Canada.

Malheureusement, non seulement les coûts des médicaments augmentent, mais, au fil des ans, nous avons constaté un écart de plus en plus important entre le coût des médicaments en pharmacie selon que la personne est assurée via le volet public ou via le volet privé du régime général d'assurance médicaments. À l'heure actuelle, une personne détenant une couverture au privé paie en moyenne 17 % plus cher que la personne assurée par le volet public, et ce, pour le même médicament servi à la même pharmacie. Cet écart profondément injuste pour 60 % de l'ensemble des Québécois qui est assuré auprès d'un assureur qui bénéficie d'un programme d'avantages sociaux atteint même 37 % pour certains médicaments génériques.

Je suis certaine que vous êtes bien au fait, mais rappelons tout de même que le volet public du régime général d'assurance médicaments n'est pas un régime d'assistance et que d'aucune façon il n'est normal ou compréhensible que des médicaments coûtent plus cher selon qu'un Québécois obtienne sa couverture d'assurance médicaments par le biais d'une assurance ou d'un programme d'assurance santé ou via le volet public du régime d'assurance médicaments.

Il faut absolument déboulonner le mythe ou l'impression à l'effet que le privé assure des gens plus aisés et que le public assure des gens qui sont plus démunis et ont besoin d'assistance. Sur les 3 millions de personnes assurées au public pour leurs médicaments, 450 000 environ reçoivent de l'aide sociale. Et les gens qui reçoivent de l'aide sociale bénéficient déjà d'un congé de leurs primes. Le contribuable type assuré au privé est un travailleur syndiqué dont le salaire médian est d'environ 40 000 $ par année. Est-ce normal que cette personne paie ses médicaments plus cher qu'un travailleur autonome, un professionnel, un administrateur de société qui siège sur des conseils d'administration et qui gagne très bien sa vie, mais qui, lui, est assuré via le volet public du régime général d'assurance médicaments?

Le volet sur lequel un individu et sa famille sont assurés ne dépend que de l'accessibilité ou non à de l'assurance collective ou à un programme d'avantages sociaux dans le cadre du travail ou de la profession. Tant les assureurs que leurs clients sont sensibles à l'impact de cet écart et des coûts croissants sur la pérennité des régimes d'avantages sociaux, il en va de la capacité des employeurs à continuer à offrir des régimes d'assurance collective et de même de la capacité de leurs employés à en partager le coût. Plusieurs employeurs ont d'ailleurs dénoncé vivement cette situation dans une lettre qui a été adressée au ministre récemment.

• (16 h 10) •

Pour réduire l'écart des coûts des médicaments remboursés en pharmacie entre le volet public et le volet privé, des modifications à la Loi sur l'assurance médicaments ont été introduites l'an dernier. Depuis, les régimes privés qui le souhaitent peuvent rembourser au prix du médicament le plus bas, soit généralement le médicament générique. De plus, depuis 2015, les mêmes honoraires sont chargés par les pharmaciens à l'égard des nouveaux actes qu'ils peuvent poser. Cependant, ces mécanismes seuls ne suffiront pas à alléger la facture pour 60 % des Québécois qui sont assurés au privé ainsi qu'à atténuer l'écart de la facture entre les assurés du public et ceux du privé. Non, en effet, cela ne sera pas possible, puisque la cause de cet écart est principalement les honoraires professionnels des pharmaciens pour la préparation de l'ordonnance elle-même. Ces ordonnances sont en effet plus élevées lorsque le patient est assuré au privé. Comme les honoraires des pharmaciens à l'égard de la préparation d'une ordonnance pour un patient ayant une assurance privée ne font l'objet d'aucun encadrement, contrairement à ceux qui sont payés lorsque le patient est assuré via le volet public, nos assurés font les frais d'honoraires jugés par les pharmaciens trop bas dans le régime public. Les pharmaciens récupèrent donc ce manque à gagner en facturant à nos assurés des honoraires qui sont parfois le double et même le triple de ceux facturés à un assuré du régime public pour exactement le même médicament et le même service. Je me demande combien de Québécois savent que non seulement les honoraires des pharmaciens ne sont pas encadrés, à tout le moins dans le secteur privé, et qu'ils varient d'une pharmacie à l'autre.

Dans ces circonstances, bien que le ministre souhaite que le projet de loi n° 81 signifie des coûts réduits pour tous les régimes privés et publics, ce projet de loi pourrait avoir des effets contraires et indésirables. En effet, toute réduction des revenus des pharmaciens sera atténuée par une augmentation de leurs honoraires à l'égard des assurés du volet privé. Cette situation sera exacerbée par des allocations professionnelles, les ristournes moindres versées aux pharmaciens par les fabricants de génériques à l'égard desquelles les prix auront été déterminés par appel d'offres. De plus, puisque les pharmaciens du Québec — cette situation étant unique au Québec — refusent de distinguer sur la facture le montant de leurs honoraires et frais de ceux de la molécule, les effets des nouvelles mesures seront difficiles à mesurer à brève échéance. En raison de cette opacité, il est impossible pour le consommateur de comprendre d'où vient l'écart entre le privé et le public et même l'écart d'une pharmacie à l'autre.

Nous croyons donc que le projet de loi n° 81 peut avoir des effets négatifs malgré son objectif, avec lequel nous sommes en accord. D'ailleurs, tant que le problème de l'encadrement des honoraires des pharmaciens n'aura pas été résolu, toute tentative de contrôle des coûts de l'assurance médicaments dans le régime public comporte le risque d'entraîner un effet contraire à l'égard des assurés du privé, soit 60 % des Québécois. C'est pourquoi nous recommandons au ministre la mise en place d'un groupe de travail dont le mandat sera de lui proposer d'ici trois mois un mécanisme qui permettra de réduire progressivement l'écart des honoraires facturés par les pharmaciens aux assurés des régimes privés versus ceux du régime public.

La Présidente (Mme Rotiroti) : En terminant, madame.

Mme Duhaime (Lyne) : Pardon?

La Présidente (Mme Rotiroti) : En terminant.

Mme Duhaime (Lyne) : À défaut de solutionner ce problème, comme nous venons de le souligner, 60 % des Québécois risquent de ne pas profiter des effets positifs du projet de loi n° 81. Merci.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, Mme Duhaime. Alors, on va passer à la période d'échange, et je vais passer la parole à M. le ministre pour 19 minutes.

M. Barrette : 19?

La Présidente (Mme Rotiroti) : Oui.

M. Barrette : Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme Duhaime, Mme Laporte, Mme Di Stasio — vous avez un nom célèbre — M. Lavoie, M. Cyr, bienvenue. Et je vais commencer par vous remercier pour la clarté de vos propos et la précision de vos propos. Parce que je vais vous avouer que j'ai pris quelques notes parce que vous m'avez éveillé sur un certain nombre de choses sur lesquelles je vais revenir après avoir rappelé aux gens qui nous écoutent... Parce qu'ici on est suivis, hein, par le grand public, les médias, et tout. Et, comme vous avez dit avec justesse, les gens ne réalisent pas que la majorité des Québécois... Parce qu'il y a une loi, au Québec, qui oblige tout le monde à avoir une assurance. S'ils n'en ont pas, c'est parce qu'ils sont âgés ou dans une condition économique qui fait que c'est le régime public, mais on a une loi qui fait en sorte que tout le monde doit avoir une assurance, et là c'est là où vous entrez en jeu.

Et là je vais faire un petit commentaire éditorial : L'assurance maladie ou l'assurance médicaments, les gens voient ça comme étant gratuit, mais c'est financé par les impôts et les taxes des citoyens, mais je pense que vous nous avez bien démontré dans votre intervention que, vous, à quelque part, c'est financé aussi par les citoyens et les employeurs. Corrigez-moi si je me trompe, là, vous avez évoqué et démontré le coût social du non-contrôle de coûts, d'après ce que vous nous dites.

Mme Duhaime (Lyne) : Oui. En fait, on considère, dans l'industrie, que le volet public du régime général d'assurance médicaments est subventionné en partie via les assureurs privés... l'assurance privée et non les assureurs parce qu'ultimement les personnes qui assument ce coût, ce sont les employeurs et leurs employés lorsque la cotisation, la prime d'assurance collective est partagée avec l'employé. Donc, ce sont les employeurs et les travailleurs du Québec qui financent en partie le volet public du régime d'assurance médicaments.

M. Barrette : C'est ça. Je pense que moi, je vais insister là-dessus, là. Vous, là, ce n'est pas des simples citoyens, là, qui prennent une assurance au privé. Il y a un impact chez l'employeur, donc il y a un impact dans l'entreprise, donc il y a un impact économique dans la société. Ce n'est pas un effet neutre.

Mme Duhaime (Lyne) : Tout à fait.

M. Barrette : Donc, même si vous représentez un groupe de gens qui ne sont pas liés au gouvernement, là, parce qu'au régime général de l'assurance médicaments, il n'en reste pas moins que les décisions que l'on prend ont une répercussion claire, nette et précise dans la société.

Mme Duhaime (Lyne) : Tout à fait.

M. Barrette : Bon. Alors, c'est pour ça aussi que j'insiste là-dessus, là, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, pour qui ce n'est pas toujours familier ce genre de choses là. Les gens voient souvent l'assurance privée comme étant totalement en dehors. Non, c'est la société quand même parce que ça va chez l'employeur.

Est-ce que je me trompe, parce que j'ai déjà entendu ça, si vous avez des pressions des employeurs qui arrivent ou qui expriment régulièrement leurs difficultés, là, à maintenir ces programmes d'assurance collective là?

Mme Duhaime (Lyne) : Oui, en fait, les employeurs, à chaque année, se font dire qu'il y a une hausse des coûts de l'assurance collective et que c'est un poids important pour eux, donc c'est un message que nous entendons. Et, bon, nous avons acheminé une lettre, là, qui était signée par plusieurs employeurs. Pourquoi nous? Bien, parce que, souvent, pour les employeurs, c'est difficile de se regrouper et d'avoir une action concertée, alors nous sommes un point de convergence. Mais des dizaines et des dizaines de grands employeurs du Québec nous ont contactés et ont été prêts à signer une lettre dénonçant cette hausse sans fin, en fait, de l'assurance médicaments.

M. Barrette : Bien, ça, j'ai retenu ça parce que ça fait plusieurs fois que vous y faites allusion, mais de différentes manières. Là, vous dites qu'il y a des hausses sans fin, vous avez mentionné le fait que vos coûts avaient augmenté de 146 % au cours des dernières années alors que nous, on voit très bien, là, dans nos statistiques, que le prix du médicament baisse, et des génériques particulièrement. Il baisse, là. Ça ne fait pas juste une année qu'il baisse, il baisse. Alors, s'il baisse de notre bord, puis il augmente de votre bord, là, et puis que c'est les mêmes produits, il y a quelque chose qui se passe. Vous avez fait allusion à un certain nombre de choses. Pouvez-vous élaborer un petit peu plus là-dessus? Vous les identifiez où, vous, les sources, là? Parce que, d'un côté, là, ça baisse. On le voit, là, nous autres, ça baisse. Ça fait que ça devrait baisser chez vous, mais ça ne baisse pas.

Mme Duhaime (Lyne) : Oui, effectivement. Et nous sommes tous conscients que le prix du médicament lui-même, il n'y a pas eu d'explosion des coûts. Et ça aussi c'est un peu une fausse impression que les gens ont. On s'attend à ce qu'il y en ait, une hausse très importante, en raison des nouveaux médicaments très dispendieux qui sont sur le marché, mais, depuis l'instauration du régime d'assurance médicaments, nous n'avons pas vu une explosion du prix de la molécule elle-même. Par contre, lorsqu'on regarde les statistiques, année après année, ça coûte de plus en plus cher pour se procurer un médicament. Donc, le prix de la molécule, pour être plus précise, là, le prix d'un médicament moyen a augmenté de 54 % de 1999 à 2014, ce qui est quand même 20 % de plus que le taux d'inflation. Et il y a aussi une plus grande consommation de médicaments. Donc, chaque individu consomme — ou chaque certificat, en assurance on appelle ça des certificats — beaucoup plus de médicaments. En fait, c'est une hausse de 72 % qu'il y a eue au cours des 15 dernières années. Et, comme chaque personne a plus d'ordonnances à la pharmacie, la portion de l'honoraire du pharmacien... Donc, cet écart qui s'est créé, il y a comme un effet composé, et ça prend beaucoup d'importance.

M. Barrette : Bon, ça, je veux m'arrêter là-dessus parce que cet effet composé là m'apparaît très important, là. Il faudrait que vous nous l'expliquiez, là. Puis, pour le bénéfice, encore une fois, de ceux qui ne sont pas familiers avec ça, Mme Duhaime, je vais simplement faire un rappel — vous, vous savez ça évidemment, là : et au public, et au privé, le coût de servir au client un médicament a deux composantes, il y a le coût du médicament et l'honoraire du pharmacien. L'honoraire du pharmacien, qui est un honoraire dit professionnel, là, qui est, dans le public, un tarif RAMQ comme les méchants médecins, comme on dit souvent du côté de l'opposition, mais le pharmacien a l'équivalent.

Une voix : ...

• (16 h 20) •

M. Barrette : Ah! je le retire, je le retire, je le retire. Mais il y a un honoraire RAMQ pour le pharmacien, qui est équivalent à un honoraire du médecin, peu de gens savent ça, et il y a la même chose de votre côté.

Mme Duhaime (Lyne) : Oui.

M. Barrette : Ce que je comprends de ce que vous venez de nous dire à plusieurs reprises, c'est que vous avez vu une croissance substantielle de l'honoraire du pharmacien, alors qu'il n'y en a pas eue du côté du public.

Mme Duhaime (Lyne) : Je vais passer la parole à ma collègue, mais je voudrais juste faire une petite parenthèse. Et je vous ai parlé de transparence de la facture. Vous me posez des questions très précises. Il est extrêmement difficile, pour nous, de mesurer à différents moments l'évolution des honoraires des pharmaciens, puisque le pharmacien, les pharmaciens du Québec refusent de nous remettre une facture, que ce soit au patient lui-même ou à l'adjudicateur qui paie le médicament, une facture sur laquelle on verrait le prix de la molécule, le médicament et le prix de ce qu'il nous charge comme honoraire professionnel pour avoir préparé l'ordonnance. Nous n'avons pas cette information, ce qui est, finalement, unique au Canada. Donc, ce n'est que par le biais d'études complexes et longues et en créant des algorithmes qu'on peut en arriver à déterminer ce que nous charge le pharmacien.

Mais là on le sait, et ce montant-là est généralement admis, là, pour avoir parlé à d'autres acteurs, d'autres intervenants. On parle d'une différence d'à peu près 17 % dans les honoraires qui sont chargés au public et au privé. C'est simple, les pharmaciens sont réglementés, ils ont une entente au public avec vous. Alors, comme ils trouvent ces honoraires trop bas, ils se retournent et chargent des honoraires plus élevés via le volet public. Mais il est très difficile, quand même, pour nous, de déterminer comment le pharmacien calcule son honoraire. Est-ce que c'est un pourcentage? Est-ce que c'est un frais fixe? Est-ce qu'il y a un maximum? On n'est pas capables de vous donner ces chiffres-là.

M. Barrette : Je comprends que vous ne puissiez pas me donner les chiffres à la virgule près, mais toutes vos analyses factuelles et circonstancielles, je comprends qu'elles vous indiquent qu'il y a un transfert d'un côté vers l'autre bord. Autrement dit — et vous l'avez dit, je pense, un peu comme ça — s'il y a une baisse de revenus, par exemple, par des baisses d'allocations professionnelles, vous, vous voyez une augmentation de l'autre bord.

Mme Duhaime (Lyne) : Oui, bien, on... Vas-y.

Mme Laporte (Nathalie) : Veux-tu, je vais répondre?

Mme Duhaime (Lyne) : Oui.

Mme Laporte (Nathalie) : C'est certain, on n'a pas le détail comme Lyne l'indiquait. Par contre, du côté privé, au fil des dernières années, avec tous les nouveaux médicaments génériques puis avec aussi la baisse, là, qui devait être fixée à 25 % du prix de l'original, on se serait attendus de voir, pour ces médicaments-là, une baisse. Et, comme on paie les médicaments, on a les données médicament par médicament, et effectivement nos études nous indiquent qu'à ce niveau-là, sur les médicaments, on aurait dû s'attendre à une baisse. On n'en a à peu près pas vu.

M. Barrette : O.K. C'est ce qui vous indique, dans vos algorithmes, qu'à un moment donné, s'il y a une augmentation chez vous, il faut que ça vienne de quelque part, là.

Mme Duhaime (Lyne) : Effectivement.

M. Barrette : Et là votre hypothèse est à l'effet que c'est l'honoraire du pharmacien. C'est une conclusion que vous tirez. Moi, je vous comprends parce que, quand je regarde ici les baisses dans les dernières années, depuis 2010, c'est des baisses qui sont quand même substantielles. À chaque année, ça baisse, ou presque, et, de votre côté, vous augmentez de façon substantielle.

Mme Duhaime (Lyne) : Oui. Parce qu'il y a certaines études qui ont été faites par des assureurs eux-mêmes, que, lorsque le prix d'une molécule est moins cher — et corrige-moi si je me trompe — eh bien, nous, nous ne voyons pas cette diminution. Ça veut dire que, si la facture globale reste au même prix, les honoraires des pharmaciens ont augmenté.

M. Barrette : O.K. Vous nous dites que, s'il y avait un appel d'offres, la conséquence serait la baisse des allocations professionnelles — puis vous avez raison, ça, c'est sûr que ça ferait ça — vous vous attendez à ce que les pharmaciens propriétaires se compensent en vous chargeant plus parce qu'il n'y a pas d'encadrement. C'est bien ça?

Mme Duhaime (Lyne) : C'est exact.

M. Barrette : C'est bien ça, parce que c'est un peu ça que vous avez vécu dans le passé récent.

Mme Duhaime (Lyne) : Effectivement.

M. Barrette : Parce que, dans le passé récent, je ne me rappelle pas quelle année, je pense que c'était 2010 ou 2011, il y a eu, à un moment donné, le plafonnement des allocations professionnelles à 15 %. Dans cette période-là, vous, de votre côté, vous avez tout de suite vu un impact.

Mme Duhaime (Lyne) : En fait, nous n'avons pas vu un impact sur le prix global, mais il faut savoir qu'en même temps il y avait beaucoup de brevets qui venaient à échéance, et on aurait dû voir une réduction, alors que nous continué à voir une augmentation des coûts, alors que nous aurions dû voir une diminution des coûts.

M. Barrette : Ça, c'est un plus un égale deux, là, à un moment donné.

Mme Duhaime (Lyne) : Oui, oui.

M. Barrette : Et j'imagine, parce que vous y avez fait allusion il y a quelques instants, que vous avez essayé d'avoir des informations plus précises. Je pense que vous avez peut-être essayé... Vous avez parlé de transparence, là, de la facture.

Mme Duhaime (Lyne) : Oui, effectivement. Bien, c'est une demande que l'ACCAP a quand même depuis longtemps. Nous avons essuyé des refus, incluant un refus de l'Ordre des pharmaciens. Donc, pour le moment, de leur côté, il n'y a pas d'ouverture.

M. Barrette : Alors, ça, ça veut dire que vous, vous êtes allés à l'ordre, vous avez exposé ce que vous nous exposez aujourd'hui, donc qu'il y avait une discordance entre l'évolution du marché, manifestement à la baisse, et une croissance du côté de vos coûts, vous avez soupçonné que l'origine pouvait être, par exemple, des honoraires, et l'ordre vous a dit qu'il n'était pas question d'être transparent. C'est à peu près ça?

Mme Duhaime (Lyne) : C'est à peu près ça. Bien, je mentionnerais que, dans le mémoire qui a été produit par l'Ordre des pharmaciens relativement au projet de loi n° 28, la position de l'ordre est que la transparence de la facture créerait de la confusion chez le patient.

M. Barrette : Pardon? De la confusion pour quoi?

Mme Duhaime (Lyne) : Parce que le patient serait confus parce que... bien, en fait, je ne sais pas pourquoi il aurait de la confusion, mais parce qu'à un moment donné dans le temps il y aurait deux données sur sa facture, donc ses honoraires ainsi que la molécule, le prix du médicament.

M. Barrette : Ah bon. On est amusés par la conclusion.

Mme Laporte (Nathalie) : Mais ça se fait en Ontario et en Colombie-Britannique.

M. Barrette : Bien, c'est sûr. Par contre, vous, comme assureurs privés, j'imagine que, si la transparence était là, parce qu'il y a un coût social aux produits que vous vendez parce que l'employeur est impliqué là-dedans, vous seriez probablement bien enclins à diriger le patient, votre client, à au moins l'informer de l'endroit où c'est moins cher.

Mme Duhaime (Lyne) : Je ne sais pas ce que les assureurs vont faire en pratique, mais une chose est certaine, si le patient... Je parle du patient, l'individu, parce que l'individu paie une partie des frais d'ordonnance et paie souvent des primes. À partir du moment où l'individu comprend que le prix en pharmacie n'est pas le même partout, à ce moment-là lui-même va pouvoir, dès ce moment, faire un choix qui est différent, alors que, maintenant, la situation, c'est que la plupart des gens vont toujours à la même pharmacie et ne savent même pas que le prix de leurs médicaments peut varier d'une pharmacie à l'autre, et là toutes leurs ordonnances et celles de leur famille sont au même endroit. Ils ne savent pas du tout comment fonctionne la facturation d'une ordonnance et ils vont toujours à la même pharmacie. Donc, tant qu'il n'y aura pas de transparence, je pense qu'on ne pourra pas vraiment avancer pour faire face à cette situation-là.

M. Barrette : Avant que l'on fasse, notre gouvernement, la règle du «ne pas substituer» puis de l'accès au plus bas prix, est-ce que vous aviez, vous, dans le passé, vu une différence entre les prix, de votre côté, du médicament comme tel, là, ou c'est juste global? C'est juste global, là-dessus, vous n'avez pas le détail.

Mme Duhaime (Lyne) : Je ne sais pas. Est-ce qu'on a évalué ça? Est-ce que tu le sais?

Mme Laporte (Nathalie) : Une différence de prix entre...

M. Barrette : Entre ce qui est vendu en pharmacie et ce qui est vendu à vos clients en pharmacie, à des récipiendaires du régime général d'assurance médicaments et des récipiendaires qui sont assurés par vous.

M. Cyr (Donald) : Bien, c'est sûr que l'utilisation de génériques augmente d'année en année, mais on ne peut pas dire qu'on a vu une hausse marquée due à ce changement-là. Je pense, ça a eu un effet sur le coût du régime comme tel, mais, sur le coût total, si un employé décide de ne pas prendre les substitutions, par exemple, bien, le coût total va être le même. Ça fait que, pour nous, dans le fond, c'est une économie globale assuré-employeur. Mais, à ce stade-ci, on ne l'a pas vue vraiment, là, ça ne s'est pas matérialisé.

M. Barrette : Mais ce qui demeure quand même étonnant et spectaculaire dans votre propos, c'est que, malgré que l'on arrive, dans le régime public, à faire baisser les prix globaux, donc tant dans la composante moléculaire, si vous me le permettez, et de l'honoraire du pharmacien additionnés, vous, vous avez une croissance.

Mme Duhaime (Lyne) : Effectivement.

M. Barrette : Et vous faites une corrélation avec le fait que, quand le pharmacien voit ses ristournes diminuer, par exemple, il y a une augmentation de votre bord.

Mme Duhaime (Lyne) : Effectivement, puis on ne peut pas voir d'autres explications.

M. Barrette : Sans la chiffrer, là, il y a un lien circonstanciel.

Mme Duhaime (Lyne) : Effectivement.

M. Barrette : Bon.

Mme Duhaime (Lyne) : Et en 2013 ça a été mesuré parce qu'à un moment donné il y a eu un expert qui a été retenu pour faire l'analyse, et cet expert a conclu qu'en moyenne c'était 17 % en 2013, que la différence entre, globalement, un médicament au public et un médicament au privé, la différence est de 17 %. Et, pour les génériques, on parle de 37 %.

• (16 h 30) •

M. Barrette : C'est très pertinent parce qu'il y avait trois années de baisse du coût du générique pendant cette période-là dans nos statistiques. Et, si vous vous êtes sentis obligés de faire cette analyse-là, c'est parce que vous aviez constaté qu'il y avait, entre guillemets, un problème. Et en 2013 on est essentiellement au lendemain du plafonnement des allocations professionnelles, alors là c'est assez difficile de faire un plus un égale trois, là, ça égale deux, là. Et évidemment, au bout de la ligne, c'est un coût pour la société, je pense que vous nous l'avez bien illustré.

Vous, là, aujourd'hui, là, qu'est-ce qu'il manque? Alors, est-ce que je peux conclure de vos propos que les leviers qui vous manquent en termes... puis j'insiste là-dessus, là, c'est un coût à la société, pour être concurrentiels... Dans votre univers, vous êtes un univers privé, donc concurrentiel. La transparence de la facture est quelque chose qui vous apparaîtrait essentiel?

Mme Duhaime (Lyne) : En fait, je vais faire une nuance. On ne parle pas que notre milieu entre assureurs soit concurrentiel, on parle bien que les employeurs et leurs employés, eux, puissent faire des choix éclairés et réduire les frais d'assurance collective, qui sont en grande partie composés d'assurances médicaments. On ne parle pas de concurrence entre les assureurs.

M. Barrette : Je comprends.

Mme Duhaime (Lyne) : Donc, oui, on a besoin de la transparence de la facture. Ça, c'est la première étape. Évidemment, ce n'est pas parce qu'une facture est transparente qu'elle coûte moins cher. Mais, à partir du moment où on connaît, où on comprend, à ce moment-là on peut poser des gestes visant à contrôler les frais.

M. Barrette : O.K. Parfait. Mais, au bout de la ligne, si les balises, les garde-fous qu'il n'y a pas aujourd'hui existaient, quand bien même ce n'est pas public au sens du régime général d'assurance médicaments, la société y gagnerait. Actuellement, à la question que je pose tout le temps : Est-ce qu'on paie trop cher nos médicaments ou la distribution des médicaments au Québec?, manifestement vous avez tendance à dire oui à ça, là.

Mme Duhaime (Lyne) : Oui, mais je pense qu'on paie, de façon générale, trop cher nos médicaments au Québec. Et ici j'ai quelqu'un qui connaît bien les chiffres. S'il veut, il peut vous en parler deux minutes.

M. Lavoie (Jean-Michel) : Je pensais que ça allait être votre première question, M. le ministre, alors je m'étais préparé une réponse, un long chemin pour une réponse courte. L'OCDE, qui regarde les dépenses en médicaments dans les pays industrialisés, dit que le Canada, on est le quatrième plus cher au monde. Le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés dit que le Canada, on est le troisième dans le panier de pays qu'il compare. Plusieurs études indépendantes et des chercheurs indépendants semblent indiquer que le Québec, on paie plus cher qu'au Canada. Le Commissaire à la santé et au bien-être du Québec, dans son rapport de mars 2015, a indiqué qu'on paie nos médicaments trop cher au Québec. Et nos données d'industrie, en plus, indiquent que le privé paie 17 % plus cher que le public. Alors, la réponse à votre question, c'est oui.

Mme Duhaime (Lyne) : Et le...

La Présidente (Mme Rotiroti) : Il ne reste plus de temps du côté ministériel. On va passer du côté de l'opposition officielle. Alors, M. le député de Rosemont, vous avez 11 min 30 s.

M. Lisée : Merci, Mme la Présidente. Mme Duhaime, Mme Di Stasio, Mme Laporte, M. Lavoie, M. Cyr, bonjour. J'étais très intéressé par la discussion qu'on vient d'avoir. Mais, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, à quel article du projet de loi est-ce que le ministre suggère de s'attaquer au problème de la transparence de la facture des pharmaciens?

Mme Duhaime (Lyne) : En fait, ce que nous, on veut vous dire, c'est que nous sommes globalement d'accord avec le projet de loi n° 81.

M. Lisée : Oui, mais ce n'est pas dans le projet de loi.

Mme Duhaime (Lyne) : Bien non, et ça devrait.

M. Lisée : Ça devrait. C'est ce que je voulais vous entendre dire. Voilà une des choses que, si le ministre veut écouter ce que les gens viennent dire, il y a plusieurs façons d'intervenir pour réduire le coût des médicaments, pour faire en sorte qu'il y ait plus de transparence dans le système. Il propose une voie très, très limitée. Moi, ce que je lui demandais l'automne dernier, c'est une politique du médicament ou, s'il voulait aller vite, parce que le ministre est pressé — nous aussi, on est pressés à faire baisser le prix du médicament — bien, peut-être un projet de loi plus vaste qui allait embrasser mieux l'ensemble des variables. Mais peut-être voudra-t-il, à la fin des consultations, déposer un vrai projet de loi, c'est-à-dire plusieurs autres amendements qui pourraient traiter de ces choses-là.

Alors, il y a une très grande confusion dans l'esprit du public sur ce qu'est le régime public d'assurance médicaments, qui a été introduit en 1999 par le gouvernement du Parti québécois de Lucien Bouchard, et le régime privé. Alors, je vous pose la question : Les employés du ministère de la Santé, ils sont au public ou au privé, leur assurance médicaments?

Des voix : Privé.

M. Lisée : Ils sont au privé. Les membres de la fonction publique du Québec sont au public ou au privé?

Des voix : Au privé.

M. Lisée : Le ministre, et moi, et les autres députés, on est au public ou au privé?

Des voix : Privé.

M. Lisée : On est au privé. Alors, dans les faits, quand on dit «le régime public», c'est simplement un régime qui a été introduit en 1999 pour protéger à peu près 1 million à 2 millions de Québécois qui étaient plus pauvres, qui étaient démunis, il y avait des enfants qui ont été couverts, pour faire en sorte de couvrir la totalité des Québécois, mais le régime, l'immense majorité des Québécois, y compris des employés du secteur public, est au privé. Alors, ça, c'est la réalité. Vous voulez me corriger sur les démunis?

Mme Duhaime (Lyne) : C'est parce que vous parlez que l'objectif était de protéger les gens plus démunis. À ma connaissance, et vous pouvez me corriger, ce n'est jamais de cette façon-là que l'objectif du projet de loi a été énoncé, c'est de s'assurer que tous les Québécois avaient une couverture d'assurance. Et on dit que la porte d'entrée est le privé, ça, je suis d'accord avec vous, mais les gens qui sont dans le volet public... Parce que moi, je parle de volets. Il n'y a pas un régime public puis un régime privé au Québec, il y a un seul régime, c'est le même régime, mais il y a deux volets. Et, lorsque les gens sont dans le volet public, ce n'est pas parce qu'ils sont démunis. Vous êtes travailleur autonome, vous faites 1 million de dollars par année, vous êtes dans le volet public. Il n'y a pas de relation entre le revenu et la participation au volet public ou au volet privé.

M. Lisée : Mais on peut avoir différentes lectures. Moi, j'étais présent à la naissance comme conseiller de M. Bouchard à l'époque, et un des objectifs premiers, c'était de couvrir les enfants et de couvrir ceux qui n'avaient pas les moyens. Mais évidemment, dans la définition des critères, il y a les cas que vous mentionnez, mais je doute qu'on l'aurait fait si ce n'était pas par une volonté de couvrir la totalité des Québécois, les enfants en particulier. Mais donc je veux bien camper le fait que la majorité des Québécois sont au privé, c'est comme ça que ça a été pensé.

Il y avait une autre voie qui était de nationaliser l'ensemble du secteur. D'autres pays l'ont fait. Ça aurait été une façon aussi de faire financer les cas les plus lourds par les cas moins lourds. Il y a toutes sortes de façons de le faire.

Mais je trouve intéressante cette notion que vous amenez qui fait que, puisque nous n'avons pas de bonnes politiques de rémunération des pharmaciens, et que le ministre a décidé de leur enlever 133 millions par année récemment, et qu'il y a cette idée des ristournes qu'ils reçoivent des compagnies génériques qu'on plafonne ou qu'on déplafonne, bien, l'ineptie de la rémunération des pharmaciens et leur sous-utilisation professionnelle fait en sorte qu'ils essaient de trouver des façons d'avoir leurs marges de profit. Et, une des seules façons qu'ils ont en ce moment, c'est de charger davantage aux assureurs privés ce qu'ils ne peuvent pas charger au régime public, au volet public, pour reprendre votre terme.

Et donc je suis d'accord avec vous que ce n'est pas une bonne façon de gérer les choses, et c'est pourquoi on demande depuis un certain temps : Est-ce qu'on peut avoir une vraie discussion sur la rémunération des pharmaciens pour les services qu'ils rendent? Et je suis d'accord avec vous pour la transparence. On devrait savoir combien ça coûte. Et, s'il y a un volet de compétition — puis ce sont des entrepreneurs — bien, qu'on puisse voir les prix, la vérité des prix et que l'aspect compétition joue. Alors donc, juste pour vous dire qu'on est d'accord là-dessus, mais ce qui fait qu'il y a effectivement un genre de transfinancement du régime majoritaire, que vous représentez, vers le régime minoritaire, qui est celui de l'assurance médicaments publique. Et en ce moment le transfinancement, il est fait via la rémunération des médecins, ce qui est absurde, mais ce qui est une réalité que peu de gens connaissent.

Alors, cette transparence, moi, je suis pour. Et, si le ministre voulait proposer des choses là-dessus, je serais prêt à en discuter avec lui, comme il sait qu'on est pour la transparence pour les frais accessoires. Les médecins, on attend avec impatience les règlements que le ministre nous promet depuis quelques mois.

Alors, je comprends que, pour vous, si ce problème était réglé, vous n'auriez pas de problème avec le projet de loi. Est-ce que c'est parce qu'il ne vous affecte pas ou est-ce que c'est parce que vous n'êtes pas d'accord avec les arguments qui sont avancés, par exemple, par les grossistes, qui disent : C'est impossible logistiquement de faire ce que le projet de loi dit, ou par les pharmaciens qui disent : Écoutez, si vous nous imposez ça, donc, d'avoir des comptes, donc, dans chacune des pharmacies pour chacun des grossistes qui aura des appels d'offres, ce sera un fardeau administratif qu'il faudra bien charger à quelqu'un, puis là ils vont se retourner vers vous? Donc, est-ce que vous avez une opinion là-dessus ou vous n'êtes pas d'accord avec ces arguments?

Mme Duhaime (Lyne) : En fait, nous, nous parlons au nom des assureurs et de leurs clients, c'est-à-dire des entreprises principalement, et d'autres organisations, et des employés. Si certaines personnes ont des inquiétudes quant au réseau de distribution, la qualité des médicaments, les ruptures de stock, ce n'est pas à nous à venir vous en parler. Il y a d'autres personnes qui connaissent ce milieu-là beaucoup mieux que nous et ils vont venir vous en parler, et nous, on ne prend pas de position sur ces sujets-là.

M. Lisée : Alors, ils ont peut-être raison, ils ont peut-être tort, mais c'est leur spécialité, ce n'est pas la vôtre.

Mme Duhaime (Lyne) : C'est leur expertise à eux.

• (16 h 40) •

M. Lisée : D'accord. Maintenant, il y a d'autres façons de réduire le coût des médicaments, et donc le coût des primes d'assurance. Une de ces façons, qui a été souvent mise de l'avant, même par l'ancien ministre de la Santé en 2007, qui est maintenant premier ministre, c'était de faire la révision thérapeutique pour voir si le patient a trop de médicaments, si on peut les réduire, etc. Moi, je sais que c'est une mesure que les pharmaciens demandent, que beaucoup de spécialistes de la santé demandent, qui demande à ce qu'on rétribue le pharmacien pour le faire. Mais, si je me mets à votre place, je me dis : Bon, moi, je veux réduire mes primes, est-ce que je ne devrais pas prévoir, dans ma couverture, que mon membre fasse ça à chaque année pour que je réduise ses coûts?

Mme Duhaime (Lyne) : En fait, nous, on est pour toute mesure qui pourrait vraisemblablement contrôler le coût des médicaments. Si des études ou des projections raisonnables démontrent qu'une certaine analyse de la médication, une révision de la médication peut être profitable et que ce soit bien encadré, c'est-à-dire le pharmacien, présentement, qui est capable de me dire l'interaction entre deux médicaments, s'il me charge demain matin pour faire ce qu'il fait maintenant, personne n'y gagne, mais, si ultimement ça mène à une meilleure utilisation de la médication, j'ai des gens plus en santé, du point de vue des employeurs, une baisse du taux d'invalidité ou un retour au travail plus rapide, on est pour.

M. Lisée : Vous ne l'avez pas fait ou... Par exemple, bon, ce matin, je demandais les chiffres, on va continuer. Il y a eu une estimation qui dit que, pour chaque dollar investi dans la mesure, il y a 4 $ d'économisés. Bon. Si c'était le cas, un assureur privé pourrait décider de lui-même d'investir ce dollar-là pour en économiser quatre et donc réduire ses coûts.

Mme Duhaime (Lyne) : C'est quelque chose qui pourrait être fait.

M. Lisée : Mais ça n'a pas été fait par les assureurs privés en ce moment?

Mme Duhaime (Lyne) : Ça n'a pas été fait encore.

M. Lisée : Je vous le soumets. Je vous remercie, madame.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Parfait, merci beaucoup, M. le député de Rosemont. Alors, je cède la parole au deuxième groupe de l'opposition. M. le député de Lévis, vous disposez de 7 min 30 s.

M. Paradis (Lévis) : Merci, Mme la Présidente. Mme Duhaime, Mme Di Stasio, Mme Laporte, M. Lavoie, M. Cyr, merci d'être là. Il y a beaucoup de données, il y a des données qui sont impressionnantes, évidemment. On a parlé des employeurs qui vous manifestent, en quelque sorte, l'inquiétude qu'ils ont vis-à-vis la pression dont ils sont victimes — je le mets entre guillemets — en fonction des hausses de l'assurance médicaments. Et là vous avez des pourcentages qui sont phénoménaux, là, on parle de plus 146 %, on a parlé d'un prix qui avait augmenté de 54 %, 17 % de plus lorsque c'est chargé au privé, en tout cas, et tout est en hausse.

Est-ce que je comprends que, si le projet de loi tel quel était adopté et qu'on tombait dans la proposition d'appel d'offres, ça ne change pas grand-chose sur la problématique majeure que vous nous exprimez? Est-ce que je me trompe si je comprends que l'appel d'offres diminuant ou faisant en sorte qu'il n'y ait plus le phénomène d'allocation professionnelle pourrait faire en sorte qu'on charge davantage en honoraires à votre organisation, puis en plus, bien, on le voit, puis on ne le sait pas? Je veux dire, il n'y a rien là qui peut concrètement vous permettre de souffler davantage?

Mme Duhaime (Lyne) : Non, effectivement, le projet de loi tel qu'il est présentement, il va nous aider au niveau du prix du médicament lui-même, mais tout manque à gagner lié aux allocations professionnelles, aux ristournes des pharmaciens va se retrouver de notre côté, et ultimement ça risque d'accroître l'inéquité entre le privé et le public, donc le 17 % risque d'augmenter et d'être plus élevé.

M. Paradis (Lévis) : Alors, je suis votre logique, ça veut dire qu'au contraire l'application... je le dis comme ça, là, on est en hypothèse, mais l'application, à la lumière de ce que vous me dites, risque de ne pas faire en sorte que vous ayez davantage d'oxygène, au contraire, risque d'ajouter à la pression que vous vivez présentement.

Mme Duhaime (Lyne) : Oui, oui. En fait, comme il n'y a qu'un seul régime avec deux volets, toute mesure, via le volet public, qui va faire en sorte que les pharmaciens ont des revenus moindres... Il y a un vase communicant. Toute diminution de revenus va se retrouver dans le volet privé, puisque ce n'est pas encadré et ces gens-là sont en affaires.

M. Paradis (Lévis) : Dit simplement, il y a quelqu'un qui pourrait avoir envie de se refaire quelque part, puis ça pourrait être de cette façon-là.

Mme Duhaime (Lyne) : Effectivement.

M. Paradis (Lévis) : En même temps, vous dites : Nous sommes préoccupés par, évidemment, le coût des médicaments, et c'est étonnant, ce que vous dites, puis le ministre l'a bien exprimé aussi, parce que, bon, il dit : On voit, manifestement, le prix des génériques qui descend, puis au contraire, de votre côté, vous remarquez une hausse de la pression sur les employeurs, par exemple, et des régimes privés. Vous dites : Le prix du médicament, c'est quelque chose. Vous nous avez aussi parlé de la surconsommation, des ordonnances qui se multiplient, on vient d'en parler il y a deux instants.

Quelles sont les façons que vous avez analysées pour arriver, au-delà de la transparence de la facture, à faire en sorte que la pression sur ceux que vous représentez soit moins là? Je veux dire, surconsommation, vous dites «oui, mais», le prix du médicament, «oui, mais». Vous la voyez comment, la solution?

Mme Duhaime (Lyne) : Concernant ce que vous appelez la surconsommation, en fait, ça, on pourrait débattre à savoir si c'est de la surconsommation, mais les gens consomment plus de médicaments de façon générale. Et, de notre point de vue à nous — et, si vous avez, de votre côté, fait des choses, vous pouvez me le dire — du point de vue d'un assureur ou d'un employeur, ce n'est pas vraiment notre rôle de se mettre dans les souliers d'un médecin qui va choisir de prescrire un médicament ou d'en prescrire un autre. Je veux dire, les médicaments qui sont consommés par les Québécois, ce sont des médicaments qui ont été prescrits par des médecins. Il est difficile pour nous de remettre le jugement du médecin en question.

M. Paradis (Lévis) : Et là n'était pas le but de l'exercice, mais j'essayais seulement de comprendre, parce que vous analysez aussi, là, je veux dire, vous avez de la pression qui arrive puis vous avez probablement des solutions à trouver.

Mme Duhaime (Lyne) : Oui, tout à fait.

M. Paradis (Lévis) : Je veux dire, le but de l'exercice, c'est de faire en sorte que vous puissiez mieux vous en sortir, eu égard à ce que vous me donnez comme résultat, et c'est une pression supplémentaire sur votre milieu à vous.

Mme Duhaime (Lyne) : En 1999, par certificat — donc c'est une personne et ses personnes à charge — il y avait en moyenne 19 ordonnances par année; aujourd'hui, bien, en 2014, il y en a environ 33. C'est une hausse de 72 %. Mais, nous, comme assureurs, employeurs, pouvons-nous dire : Bien, je vais voir tes médicaments; ça, je pense que tu n'en as pas besoin? Je veux dire, nous, on est obligés de vivre avec cette situation-là. Oui, Jean-Michel.

M. Lavoie (Jean-Michel) : Oui, je voulais préciser, il y a deux facteurs dans la tendance haussière au Québec : il y a les prix d'un côté, et il y a l'effet de volume, qui comprend, dans votre point, le fait qu'on utilise plus de médicaments. Mais il y a aussi un élément qui est très particulier au Québec, on va plus souvent à la pharmacie chercher nos médicaments, principalement pour des médicaments d'usage chronique. La norme est plutôt un 30 jours versus, quand on compare avec les autres provinces, par exemple, ou c'est du 60, 90 jours. Alors, il y a ce facteur-là qui rentre en ligne de compte aussi dans le volume.

M. Paradis (Lévis) : Alors, à ça, il y a une solution?

M. Lavoie (Jean-Michel) : Alors, à ça, il pourrait avoir une solution, effectivement.

Mme Duhaime (Lyne) : Oui, et ça, j'ai oublié de vous en parler, mais le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés a produit un rapport récemment, et, statistiquement, au Québec, dans une ordonnance type, il y a 31 unités, et la moyenne canadienne est autour de 60, et, dans certaines provinces, c'est beaucoup plus que ça. Donc, ce que ça veut dire, c'est : si je dois aller à la pharmacie à chaque mois, à moins que l'honoraire soit chargé à l'unité, mais, bon, à moins que ce soit cette situation-là, il y a des chances que je double ou je triple les honoraires des pharmaciens que je vais payer par rapport à une autre province où quelqu'un peut avoir trois mois de médicaments.

Mais ça, c'est une situation où il faut aussi faire attention parce qu'il y a des médicaments où on peut perdre. Si on donne des médicaments à l'avance, par exemple pour un problème qui va peut-être s'atténuer d'ici une semaine ou deux, si je prends trois mois de médicaments, bien, je vais jeter le reste. Mais, pour une maladie chronique, un médicament que quelqu'un prend depuis longtemps ou va prendre une partie de sa vie, il n'y a aucun avantage, du point de vue de l'assureur, de l'assuré, de ne pas pouvoir prendre plus de 30 jours à la fois.

M. Paradis (Lévis) : Il y a beaucoup de dossiers puis il y a beaucoup d'éléments que vous adressez, mais qui, manifestement, ne sont pas partie prenante des trois articles dont on parle dans le projet de loi n° 81.

Mme Duhaime (Lyne) : Exact.

M. Paradis (Lévis) : Alors, ça ne veut pas dire... ça veut dire, au contraire, que, malgré ça, il y a des problématiques auxquelles vous allez continuer à être confrontés au-delà d'une éventuelle mise en place du projet de loi n° 81, c'est ce que je comprends.

Ce n'est pas la première fois que les assureurs privés demandent cette transparence pour la facture des pharmaciens, vous l'avez dit il y a deux instants, je pense. C'est important qu'elle soit ventilée, il y a des bons arguments. Vous nous dites : On a fait des demandes, et l'ordre nous dit : Non, on refuse d'obtempérer. On vous donne quoi comme raisons?

Mme Duhaime (Lyne) : Bien, Claude, est-ce que toi, tu as eu des contacts avec l'ordre?

Mme Di Stasio (Claude) : À l'ordre, ils disent que c'est une pratique commerciale. Et, dans le rapport que tu mentionnais tout à l'heure, on fait référence à l'opinion de l'ordre, qui est que ça générait de la confusion auprès du client.

M. Paradis (Lévis) : Mais, au-delà de la confusion...

Mme Di Stasio (Claude) : Au-delà de ça, on ne l'a pas.

M. Paradis (Lévis) : ...et du fait que le client ne puisse pas comprendre véritablement ce que représente un montant par rapport à un autre, on se limite à ça.

Mme Duhaime (Lyne) : Pour l'instant, oui.

• (16 h 50) •

M. Paradis (Lévis) : Évidemment, vous devez vivre avec la décision puis ce qu'on vous dit, mais je présume que, de votre côté, vous arrivez à comprendre qu'on pourrait créer quelque chose de clair. Autrement dit, est-ce que ce serait si complexe que ça d'arriver à vous donner de l'information par transparence, tel que vous le souhaiteriez, pour faire en sorte qu'on sache où on s'en va?

Mme Duhaime (Lyne) : Non. Ça demanderait certains changements des systèmes informatiques, j'imagine, mais ça se fait partout au Canada. Donc, ce n'est pas un problème de complexité, c'est tout simplement qu'on nous refuse l'accès à cette information et on invoque le patient pour ne pas nous la donner. Mais c'est la seule raison qu'on peut voir, là.

La Présidente (Mme Rotiroti) : M. le député, il ne reste plus de temps.

M. Paradis (Lévis) : Malheureux.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Désolée. Alors, merci beaucoup pour votre présentation.

Et je vais suspendre quelques minutes pour que... j'invite le prochain groupe à prendre place, et bonne route. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 51)

(Reprise à 16 h 56)

La Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Alors, bonjour. Je souhaite la bienvenue à l'Association des étudiants en pharmacie de l'Université de Montréal. Bienvenue. Alors, je vous demanderais de vous présenter pour les fins d'enregistrement, et vous avez 10 minutes pour votre exposé, et par la suite on va passer à la période d'échange avec les élus. Alors, je vous cède la parole.

Association des étudiants en pharmacie
de l'Université de Montréal (AEPUM)

M. Cardinal (Michaël) : Excellent. Donc, Michaël Cardinal, président de l'Association des étudiants en pharmacie de l'Université de Montréal, plus précisément le conseil local. Donc, on a plusieurs groupes en présence dans notre association. On s'occupe, de notre côté, des étudiants inscrits au doctorat en pharmacie et le programme de qualification en pharmacie. À ma droite, au bout, j'ai M. Nicholas Monette, qui est président du conseil exécutif local du baccalauréat en sciences biopharmaceutiques; à ma droite, Nicolas St-Onge, qui est vice-président aux affaires académiques de notre conseil local; et à notre gauche, Cédric Lalonde, qui est représentant au conseil de fac de notre association.

Donc, mesdames messieurs de la commission, merci beaucoup de l'invitation. On a reçu une invitation ce lundi, il y a deux jours seulement, donc on s'est demandé vraiment est-ce qu'on venait ou non en tant qu'étudiants. Par contre, c'est vraiment une opportunité exceptionnelle de venir vous présenter nos positions. On a adoré notre expérience de l'an dernier aussi, concernant le projet de loi n° 28, et l'ouverture qu'on a ressentie, donc on s'est dit que c'est une occasion de venir présenter les impacts sur les étudiants, mais surtout sur les patients.

Aujourd'hui, l'AEPUM, l'Association des étudiants en pharmacie de l'Université de Montréal, représente 1 000 étudiants. Donc, comme je disais, on a trois programmes, donc deux programmes qui vont s'intéresser à former des futurs pharmaciens qui vont travailler en pharmacie et également des étudiants qui vont travailler dans l'industrie. Donc, on a l'opportunité, au meilleur de nos connaissances, de pouvoir parler de l'ensemble des sujets parce que nos futurs formés vont pouvoir travailler en pharmacie communautaire, mais également dans l'industrie, dans les chaînes et bannières, chez les grossistes et compagnie.

Donc, je vous disais «à la hauteur de nos connaissances». On ne prétend pas être des analystes économiques, mais on possède notre bagage clinique, donc on va vraiment orienter nos arguments vers le patient et les impacts sur les étudiants.

• (17 heures) •

M. Monette (Nicholas) : Donc, le projet de loi n° 81, en fait, ce que ça vise à faire, c'est de réduire le coût des médicaments par deux façons, comme on est ici aujourd'hui, donc, premièrement, par un processus d'appel d'offres concernant les médicaments génériques et puis via un appel d'offres concernant l'approvisionnement des médicaments par un grossiste. Donc, il est important de mentionner à prime abord que nos trois programmes ont conjointement pris la décision comme quoi on est pour une diminution du prix des médicaments de façon globale. Et puis on a remarqué aussi conjointement une augmentation de la facture totale de la RAMQ.

Par contre, comme mon collègue vous l'a mentionné, on est ici pour émettre, en fait, nos bémols, nos inquiétudes par rapport aux solutions qui vont être choisies et puis qui vont avoir un impact sur les étudiants et puis sur les futurs emplois aussi qu'on va avoir.

Donc, du côté du baccalauréat en sciences biopharmaceutiques, on est inquiets par rapport à la baisse des opportunités d'emploi qui sont déjà remarquées durant les dernières années dans le secteur puis on croit aussi que le processus d'appel d'offres actuel semble mettre en péril, en fait, d'autres emplois.

Donc, d'une part, premièrement, en favorisant une seule marque de génériques, donc on a des inquiétudes quant à la viabilité des jeunes et petites entreprises et puis qui ont leur siège social ici, au Québec. Donc, l'AEPUM demande également s'il sera possible pour une nouvelle compagnie de connaître un essor dans un marché qui va être transformé et qui serait probablement détenu principalement par des multinationales.

D'autre part, du côté des grossistes, donc, la création d'un monopole se solderait probablement par plusieurs mises à pied, encore une fois, donc d'autres pertes d'emplois. Or...

La Présidente (Mme Rotiroti) : Je dois être obligée de vous interrompre, parce que la cloche que vous entendez, c'est parce que les députés, on doit aller à côté, au salon bleu, pour voter. Mais restez à vos places, on va être de retour très rapidement. Alors, je suis désolée, c'est hors de notre contrôle.

Alors, je vais suspendre les travaux quelques minutes. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 1)

(Reprise à 17 h 25)

La Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, rebonsoir. Alors, merci pour votre patience. Je crois que c'est M. Monette qui avait la parole. Alors, continuez, il vous reste 6 min 30 s pour votre présentation.

M. Monette (Nicholas) : Merci, Mme la Présidente. Donc, comme je le mentionnais, c'est que les étudiants sont inquiets par rapport aux emplois. Donc, les étudiants au baccalauréat en sciences biopharmaceutique sont parmi les mieux formés au monde, et puis on a l'expertise ici, au Québec, donc nous demandons au gouvernement de la valoriser. Donc, une mauvaise gestion des politiques pourrait mener à un exode non seulement des compagnies, mais également des étudiants gradués. Ainsi, si le gouvernement va de l'avant avec son projet, les étudiants demandent à ce que des mécanismes concrets soient mis en place afin de protéger les entreprises d'ici et stimuler les croissances au dépit des multinationales et des marchés émergents.

Donc, si on adopte une politique qui a comme unique but le prix des médicaments, donc, stratégiquement afin d'offrir une meilleure marge bénéficiaire au gouvernement, les compagnies devront couper à quelque part. Il est donc légitime de se questionner à savoir si ces coupes engendreront une perte de qualité de produits. Et, encore une fois, c'est les patients qui vont être les premières victimes.

M. Lalonde (Cédric) : Les étudiants s'inquiètent également du maintien des services en pharmacie. En effet, l'AEPUM voit dans le projet de loi n° 81 un message un peu contradictoire avec ce qui a trait au financement des actes de première ligne en pharmacie.

Pour mettre un peu en contexte, en 2000, la commission Clair avait rapporté l'importance des actes de première ligne; en 2001, la commission Romanow abondait du même sens; en 2011, on vote, à l'Assemblée nationale, la loi n° 41, et ce, à l'unanimité; toutefois, en 2015, la loi n° 28 vient couper plus de 100 000 $ en pharmacie, un message un peu à contre-courant, considérant l'entrée en vigueur, justement, de cette loi n° 41 tant attendue.

Par contre, le gouvernement reconnaît que les pharmacies doivent disposer de moyens financiers adéquats pour l'offre... Excusez-moi. Il doit avoir assez d'argent pour financer, justement, ces nouveaux actes de la loi n° 41. Il accepte donc de déplafonner les allocations professionnelles. Mais aujourd'hui, en 2016, il met en péril, justement, ces mesures-là avec le nouveau projet de loi n° 81.

Néanmoins, qu'il soit clair, les étudiants en pharmacie considèrent que les allocations professionnelles ne sont pas un moyen de financement optimal pour les pharmacies. Par contre, dans une optique de constantes coupures des revenus, l'AEPUM demande au gouvernement d'honorer ses engagements, et d'être conséquent, et ne brime pas la capacité des pharmaciens à percevoir cesdites allocations. S'il va de l'avant avec ce projet de loi et tolère qu'aucune allocation ne soit versée aux pharmaciens propriétaires, l'AEPUM demande au gouvernement de réinvestir dans les services de soins pharmaceutiques afin que les patients en bénéficient adéquatement. C'est la seule option logique qui, au final, profiterait aux patients, au gouvernement et aux pharmacies, finalité qui représente la mission de tout gouvernement, c'est-à-dire offrir des bons services aux patients.

Si on continue sur l'historique, prévoyant la direction du système de santé, en 2007, l'Université de Montréal est la première université au Canada à implanter un doctorat de premier cycle en pharmacie, une formation accentuée vers ces actes pharmaceutiques de première ligne dont je viens de parler. Le pharmacien s'est départi de son rôle de producteur des médicaments pour devenir un professionnel de la santé dispensateur de soins de première ligne. On ne doit plus acquérir que des connaissances, mais aussi développer des compétences.

M. St-Onge (Nicolas) : En effet, pour développer ces compétences-là, ça vient par nos stages. Notre programme de Pharm. D. est basé sur 25 % de nos heures qui sont basées sur des stages, ce qui représente plus de 1 680 heures pendant nos quatre ans, heures qui sont indispensables aux étudiants afin de leur permettre de bien assimiler et approfondir les connaissances apprises sur les bancs d'école.

Du côté des pharmaciens, on exige au maître de stage plusieurs choses, soit 20 heures d'accompagnement avec son stagiaire et une heure de rencontre individuelle par semaine. Additionné à cette charge, les maîtres de stage doivent corriger des travaux, remplir des observations directes et commenter le cahier d'accompagnement du stagiaire, bref, des mesures essentielles pour assurer à l'étudiant un stage de qualité, mais, en contrepartie, qui demandent, de façon bénévole, beaucoup de temps et d'énergie au pharmacien.

Ainsi, les étudiants se posent sérieusement des questions quant à l'accès non seulement à des milieux de stage, mais surtout à des milieux de stage de qualité alors que les pharmaciens doivent composer avec des coupures de plus en plus répétées. Ajoutées à la perte de viabilité financière, l'augmentation des tâches administratives et la diminution du personnel disponible qui accompagne le stagiaire sont toutes des raisons qui mettent en péril les milieux de stage, ce qui nous inquiète grandement.

L'AEPUM désire donc porter cette problématique à l'attention du gouvernement, car, si c'est en classe que l'on forme un étudiant, c'est en pratique que l'on forge les pharmaciens de demain, ceux qui vont soigner.

On se questionne aussi, en tant qu'étudiants, sur l'impact d'un tel projet sur la confiance qu'ont les patients envers leurs pharmaciens. Lorsque nous nous sommes engagés dans la profession de pharmacien, c'était parce que celui-ci est un professionnel de la santé de première ligne accessible, mais surtout en qui les patients ont confiance. Or, il est clair que le projet de loi n° 81 viendra fragiliser cette relation privilégiée qu'on a avec le patient. Comment peut-on expliquer à un patient qu'on doit changer sa marque de générique fréquemment car le fabricant retenu n'est plus le même? La forme, la couleur, la formulation du médicament peut changer, on se questionne aussi sur les ruptures de stock, bref, toutes des choses sur lesquelles on se questionne et qui pourraient affecter le patient à plusieurs niveaux.

Vous remarquez donc que, dans nos arguments, on se concentre, oui, bien entendu, sur les enjeux du projet de loi n° 81, mais on trouvait extrêmement important aussi de souligner et de dresser le portrait de notre future pratique, qui commence malheureusement à décourager les étudiants. Une étudiante a récemment publié dans Profession Santé un article ayant pour titre Des bancs de facs à la pratique : la désillusion. Je vous en lis un passage : «Des idées de grandeur, voilà ce qui m'habite. Ma formation m'a insufflé le rêve, m'a créé des attentes. Toutefois, dans la pratique, j'ai parfois l'impression d'être formée pour beaucoup plus que ce que je n'aurai à assumer comme responsabilités.» Un tel cynisme est de plus en plus perceptible par nos étudiants, et nous sommes d'avis que le projet de loi n° 81 viendra aggraver cette situation.

• (17 h 30) •

M. Cardinal (Michaël) : En bref, l'AEPUM est en faveur de la baisse des prix des médicaments. Elle reconnaît aussi et appuie l'objectif du gouvernement d'en contrôler leur prix. Mais comment? Certes, les solutions ne sont pas très nombreuses, mais on constate que, parmi les choix pris par le gouvernement, il y aurait des mesures qui pourraient être évitées pour affecter les soins de première ligne. Donc, même si le gouvernement va de l'avant, on demande à ce que le gouvernement puisse au moins assurer les services en pharmacie. On a bien hâte de revenir ici, peut-être l'année prochaine, en 2017, pour une troisième fois, puis ne pas parler, justement, de la dévalorisation de nos actes, puis parler de notre rôle de professionnels de la santé, qu'on peut optimiser et qu'on peut valoriser, justement. Donc, mesdames et messieurs, merci de votre attention.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup. Alors, on va procéder à la période d'échange entre les élus. Alors, je cède la parole du côté ministériel. M. le ministre.

M. Barrette : Pour 13 minutes?

La Présidente (Mme Rotiroti) : La parole est à vous pour 12 minutes environ.

M. Barrette : Environ. Merci, Mme la Présidente. Alors, bien, merci... bienvenue, c'est-à-dire. Je ne veux surtout pas me tromper. Alors, M. Cardinal, M. Monette, M. Lalonde et M. St-Onge, je suis très surpris de la teneur de vos positions, parce que — et ne prenez pas ça négativement, là — vous êtes étudiants en pharmacie, mais vous avez beaucoup parlé des opérations d'une pharmacie sur le terrain, et ce qui me laisse conclure, qui m'oblige à conclure que vous avez une connaissance, quand même, pour une raison x, là, qui doit être plus approfondie qu'à laquelle on se serait attendu de ce milieu-là.

Je vais vous montrer un graphique. C'est un graphique simple, très simple. Il y a une ligne de base, là. Je vais le montrer à mes collègues, là. Les lignes qui sont en dessous de la ligne 0, là, c'est le coût du médicament, il baisse, puis les colonnes qui sont au-dessus, c'est les honoraires des pharmaciens. Alors, expliquez-moi, là, comment qu'on peut vivre une baisse répétée, successive des médicaments et avoir une croissance des honoraires professionnels des pharmaciens. Alors, expliquez-moi, là, comment aujourd'hui vous pouvez venir nous dire que le projet de loi n° 81 est dangereux, là. Expliquez-moi ça, là. Ça, c'est la réalité réelle. Je vais vous donner des chiffres, là, croissance annuelle dans les cinq dernières années, là : plus 5,6 %, plus 6 %, plus 5,6 %, plus 8 %, plus 6,7 % dans les honoraires professionnels; dans le coût des médicaments, moins 0,2 %, 0,5 %, moins 0,5 %, moins 3,5 %, 4,1 %.

C'est parce que, là, là, je ne sais pas si vous avez suivi les gens qui sont venus ici ou si vous étiez là quand le groupe précédent y était, disons qu'il y a une dynamique, là, dans le merveilleux monde de la pharmacie qui fait en sorte que les mécanismes classiques du marché ne semblent pas s'opérer, le mécanisme classique étant celui qui voudrait — parce qu'il faut vraiment le mettre au conditionnel — que la concurrence fait baisser les prix. On a eu un groupe juste avant vous, là, qui nous a fait la démonstration exactement du contraire, et moi, j'ai des statistiques qui montrent aussi le contraire.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Oui, allez-y.

M. Cardinal (Michaël) : Donc, au niveau du graphique que vous avez montré, je ne peux pas commenter, là. J'aimerais ça, peut-être, avoir les chiffres exacts, parce que, nous, dans nos chiffres à nous, on considère qu'il y a eu des baisses de revenus dans les pharmaciens. Il faut considérer deux choses : oui, c'est beau de regarder les honoraires, mais il faut considérer l'ensemble des sources de revenus. Nous, les étudiants, ce qu'on s'intéresse beaucoup, c'est les allocations professionnelles. C'est un moyen qui a été mis en place pour permettre à ce que les services aux patients soient assurés. Durant les dernières années, elles ont été plafonnées dans l'objectif que le processus soit rendu transparent puis également qu'on puisse faire un suivi au niveau du service aux patients. La baisse des médicaments génériques, dans les sept dernières années, a occasionné des pertes de revenus pour les pharmaciens. On parle de chiffres à peu près de 230 millions — puis ça, c'est un chiffre de mémoire, là, que je dis, là, désolé, l'absence de rigueur, là, pour le chiffre exact — de mémoire, qui vient justement à cause de la baisse du coût de médicaments génériques, qui impacte le pourcentage d'allocation. Puis ensuite, l'année passée, on arrive avec un projet de loi qui coupe les honoraires de 400 millions. Donc, pour ce qui est de l'augmentation, je ne suis pas certain d'où elle vient. Peut-être considérez-vous d'autres revenus, peut-être qu'on va avoir un peu d'éclaircissements là-dessus, mais c'est ce qui est dans nos chiffres à nous, là.

M. Barrette : Bien, manifestement, il y a des problèmes de données sources, on va dire. Mais ça, ce n'est pas grave, ça peut arriver. Ce matin, j'ai montré un tableau de l'Ordre des pharmaciens qui dit que la majorité des pharmaciens en exercice considèrent, je vais le répéter, là, que le franchiseur, la chaîne ou la bannière cherche à limiter ou à orienter la sélection des médicaments génériques servis aux patients. Vous nous avez fait un plaidoyer en faveur d'une formation qui exige l'autonomie professionnelle des pharmaciens. Comment vous pouvez concilier ces deux visions-là, là? La majorité des pharmaciens en pratique disent qu'il y a une tentative, du moins, peut-être pas réussie à chaque fois, là, mais de limiter et d'orienter l'accès.

La Présidente (Mme Rotiroti) : M. Cardinal, allez-y.

M. Cardinal (Michaël) : Donc, nous, en tant qu'étudiants, peut-être sommes nous idéalistes, mais on croit justement à cette autonomie du pharmacien. Donc, on considère que le choix du médicament revient au pharmacien, évidemment. Ce qui est important de considérer... Puis là les ententes commerciales, nous, on n'a pas demandé à nos membres de commenter là-dessus. De toute façon, on ne connaît pas tout l'ensemble des finalités par rapport à ça. Ce qu'on remarque, c'est qu'en pharmacie on voit que, dans certaines chaînes ou bannières, on a différents, par exemple, choix de médicaments. Mais ce qui nous importe en tant qu'étudiants, c'est de savoir est-ce qu'il y a un impact pour le patient, au final. Ce qu'on regarde, c'est qu'au niveau du choix du médicament, si le médicament est disponible dans une autre forme, dans une autre formulation, parce que le patient peut y avoir accès...

Et c'est toutes des choses qu'on discute avec le patient en pharmacie. Quand je m'assois avec mon patient puis que je lui donne son médicament, s'il me dit qu'il aimerait plus à l'original puis qu'il préfère ça ainsi, j'ai la disponibilité de changer de marque de médicament. Avec le projet de loi n° 81, en ce moment, là, vous parlez d'une perte d'autonomie à cause d'une entente entre chaînes et bannières. Comme je vous dis, je ne commenterai pas ça. Mais, avec le projet de loi n° 81, où est l'augmentation de l'autonomie dans mon choix de médicament quand on m'impose un choix de médicament?

La Présidente (Mme Rotiroti) : Je pense que M. Lalonde voulait dire quelques mots.

M. St-Onge (Nicolas) : M. St-Onge.

La Présidente (Mme Rotiroti) : St-Onge, excusez-moi. Allez-y.

M. St-Onge (Nicolas) : Oui, pas de problème. Donc, Mme la Présidente, comme on l'a dit en introduction, nous, on est des étudiants. On n'est peut-être pas des professionnels au niveau de l'économie, mais par exemple on est des professionnels au niveau des soins aux patients et aussi on est capables d'observer qu'est-ce qui se passe dans nos milieux de stage ou dans nos milieux de travail. On a fait une enquête interne, là, disons, à la faculté, pour voir environ combien d'étudiants travaillaient, et il s'est révélé qu'environ 60 % à 70 % des étudiants travaillaient en pharmacie. Donc, on a quand même le pied en pharmacie, ce n'est pas simplement théorique.

Aussi, pour ce qui est des baisses d'honoraires, je n'ai pas vu votre graphique d'ici, je m'excuse, là, on pourra le regarder ensemble, mais, moi, ce que je vois et ce qu'on voit en tant qu'étudiants en pharmacie, c'est que les baisses d'honoraires sont réelles. Il y a une précarité en pharmacie où est-ce que les pharmaciens sont plus prudents qu'avant. On voit la diminution des milieux de stage, on voit de plus en plus d'étudiants se faire refuser ou changer de milieu de stage étant donné que le clinicien associé a malheureusement dû se désister, on voit aussi une diminution de l'emploi étudiant. Et là je ne parle pas en ma personne à moi, je ne veux pas dire que je veux avoir plus d'emplois, mais c'est pour les patients parce qu'un étudiant en pharmacie, ça permet, à moindre coût qu'un pharmacien, d'augmenter les soins, ça permet de passer plus de temps, faire la revue de médication. On peut en parler de long et en large, de la revue de médication. On en fait en pharmacie. On n'est pas rémunérés pour ça, mais par exemple on le fait parce que c'est bon pour nos patients, c'est bon pour l'économie et surtout c'est ça, la valeur ajoutée à un pharmacien dans notre société. Donc, Mme la Présidente, je voulais juste souligner que, malgré peut-être notre expertise limitée sur le terrain, c'est faux de dire, là, qu'on n'a pas le pied dans la pharmacie, là. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci. M. le ministre.

M. Barrette : Je n'ai pas dit ça, mais je dis simplement qu'il y a comme une contradiction dans les concepts, là. Alors, les assureurs privés sont venus nous dire, il y a quelques instants, que les pharmaciens se compensaient chez eux lorsqu'il y avait une baisse de l'autre bord. Là, à un moment donné, là, d'invoquer qu'il y a des baisses de revenus, ça m'étonne. Ceci dit, vous le faites à plusieurs reprises. Vous venez de le faire à l'instant. Vous nous dites que vous faites des sondages auprès de vos membres puis vous avez les pieds dans les pharmacies, donc vous voyez des choses. Bien, parlez-moi donc de ce que vous voyez. Je ne sais pas, là, peut-être que l'un d'entre vous est sur le bord de terminer sa formation et s'en aller en pratique. Alors, comment voyez-vous ça? Comment ça fonctionne? Expliquez-nous ça, là, comment ça fonctionne, un pharmacien, surtout un pharmacien propriétaire. D'ailleurs, parlez-nous donc des programmes de conformité, des ententes commerciales, ces choses-là.

La Présidente (Mme Rotiroti) : M. Cardinal.

• (17 h 40) •

M. Cardinal (Michaël) : Beaucoup de questions multiples. Je vais m'en tenir à l'essentiel, le rôle du pharmacien. Un pharmacien, c'est quoi? C'est quelqu'un qui, à chaque jour, fait des conseils à des patients, non rémunérés, des conseils en médication de vente libre. Je trouve vraiment difficile à saisir les commentaires de M. le ministre parce que ça me dit à quel point, en ce moment, on ne valorise pas son travail. On s'attaque tout le temps aux ententes commerciales, au rôle économique du pharmacien. Considérons son impact pour le patient. Le patient, qu'est-ce qu'il a, là, c'est un suivi thérapeutique. Moi, quand que je sers un antibiotique puis que j'appelle mon patient dans deux jours pour m'assurer que sa fièvre est partie, je suis en train de réduire les coûts du système de santé parce que, si sa fièvre n'est pas partie, bien, je lui dis d'aller reconsulter, selon le cas.

Donc, on participe au système de santé, c'est ce qu'on voit en pharmacie, c'est ce qu'on veut continuer de faire. S'il vous plaît, gouvernement, donnez-nous les moyens. La finance, c'est une entreprise privée, c'est un mal nécessaire, entre guillemets, dans le sens où que ce qu'on veut, c'est qu'on veut servir nos patients, mais, pour servir nos patients, il faut que les pharmacies soient viables financièrement. Donc, c'est ce qu'on vient dire aujourd'hui : Oui, les allocations professionnelles sont peut-être un véhicule différent, oui, il y a certaines ententes commerciales avec les partenaires, mais le but, au final, c'est qu'il y ait de l'argent dans la soupe pour pouvoir servir le patient. C'est ça, la finalité.

M. Barrette : Bien là, étant donné que le temps passe, là, je vais faire un commentaire, là, qui est important, je pense. À un moment donné, là — ce n'est pas parlementaire, mais ici on peut le faire, là — vous ne pouvez pas parler des deux côtés de la bouche, là. Vous ne pouvez pas arriver puis mettre de l'avant, en haut de toutes les priorités, les intérêts, le patient et avoir un discours qui ne traite que des allocations professionnelles. Vous ne pouvez pas arriver puis dire, là : Le patient, le patient, le patient, mais donnez-nous de l'argent pour qu'on puisse vivre. Vous ne pouvez pas arriver puis dire : Le côté économique, là, occupez-vous pas de ça parce que ce n'est pas ça, l'objet de la pharmacie; l'objet de la pharmacie, c'est le patient.

Alors, moi, j'ai une nouvelle, là, pour vous autres, là, le côté économique n'est pas un côté détaché de la réalité, là. Dans la société et dans la vie, il n'y a rien qui n'a pas un côté économique, il n'y en a pas. Alors là, pour vous, d'arriver ici et de nous dire, là, que c'est le service aux patients, la qualité, et ainsi de suite, en ayant un discours d'allocations professionnelles et de revenus, bien là... Puis en plus, vous me répondez ça quand je vous demande de nous parler de ce que vous voyez sur le terrain.

Alors, je comprends, là, vous êtes à une étape de votre cheminement professionnel de formation où on est toujours quelque peu idéaliste — et je l'étais, moi, dans mon monde à moi, à votre niveau de formation — c'est tout à fait normal et c'est honorable. Ceci dit, à partir du moment où vous prenez une position qui est celle que vous prenez, il faut vivre avec, là. Alors, la réalité, là, puisque vous parlez d'économie, bien, c'est plate, là, mais c'est parce que le côté économique a une valeur.

Alors, je vous repose la question : Dites-moi ce que vous voyez, là. Qu'est-ce que vous voyez dans les ententes? Est-ce que les ententes dont vous entendez parler, là, elles sont pures et sans reproche? Est-ce qu'il y a quelque chose que vous pouvez nous identifier là-dedans, quelque chose, là, que, dans votre idéal, vous apparaît un peu surprenant? Vous n'avez pas besoin de nommer personne, là, vous avez juste à nous dire : Oui, ça, c'est vrai, là, ça ne marche pas bien, bien, là, cette affaire-là.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, M. le ministre. Là, j'ai trois intervenants, là. Qui qui veut partir en premier? Alors, M. St-Onge, allez-y.

M. St-Onge (Nicolas) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, M. Barrette, vous avez plusieurs questions. J'espère avoir plusieurs réponses à vos questions.

Bien, tout d'abord, on ne se cache pas que la pharmacie, c'est un milieu économique, comme tout dans la vie, comme vous l'avez si bien dit. Par contre, moi, ce que je veux faire, c'est donner les soins aux patients. Malheureusement pour moi, ça passe par le projet de loi n° 81, ça passe par le milieu économique. Je ne me cache pas que c'est un mal nécessaire, mais, si on veut que ça continue, si on veut qu'il y ait des pharmacies d'ouvertes, qu'il y ait des services aux patients, c'est par ça que ça passe, ça passe par la vitalité des pharmacies. Je veux juste terminer mon point avant de passer la parole à mon collègue.

Donc, aussi, vous me demandez qu'est-ce qu'on voit en pharmacie. Je vais vous en dire, des exemples. Le projet de loi n° 41, une femme vient à la pharmacie parce qu'elle a des symptômes d'infection urinaire. Combien que ça coûte, une consultation à l'urgence pour une infection urinaire que, finalement, le pharmacien peut, de façon très professionnelle et complète, pouvoir prescrire le médicament que le médecin avait prescrit au début pour sa première infection urinaire? Combien de temps que ça sauve à la société? Combien d'argent qu'on sauve et comment la patiente s'en retourne chez elle après 10 minutes de consultation, 15 minutes, à la limite, lorsque c'est long à la pharmacie, et elle retourne chez elle avec un traitement qui est équivalent à ce qu'elle aurait eu à l'urgence? Donc, ça, c'est la réalité que je vois en pharmacie, M. Barrette... Mme la Présidente, pardon, et que je désire conserver. Mon collègue, monsieur...

La Présidente (Mme Rotiroti) : Oui, je vais juste vous... Il vous reste... Le temps est déjà écoulé, alors...

M. St-Onge (Nicolas) : Parfait.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Je vais vous laisser, M. Lalonde, parce que ça fait un bout de temps que vous voulez prendre la parole, mais je vous demande d'être assez bref, s'il vous plaît, parce que je dois passer la parole du côté de l'opposition officielle.

M. Lalonde (Cédric) : D'accord. Je vais faire le mieux que je peux. En fait, je commenterais... M. le ministre nous a parlé, en fait, que ça l'étonnait qu'on lui disait qu'il y avait des baisses d'économie en pharmacie, et que, de deux, il voulait savoir comment on voyait qu'est-ce qui se passait sur le terrain. Bien, je vais vous dire un peu comment ça se passe sur le terrain. Je travaille présentement à l'hôpital, je travaille aussi dans une pharmacie communautaire plus de 10 heures, dans les deux, par semaine. En fait, qu'est-ce que je vois, c'est des pharmaciens propriétaires qui sont un peu décontenancés, qui se demandent sur quel pied danser. De un, le gouvernement, d'une main vient leur chercher 100 000 $ en pharmacie; de l'autre, voyant que c'est un gros investissement, il leur donne un déplafonnement. Mais cette année on voit, dans le fond, que cette main-là vient probablement se diminuer pour finir, là, qui est seulement une façon rhétorique de me donner un peu plus de temps, c'est... Il vient fermer l'autre main avec ce projet de loi n° 81 parce que, dans le fond, les allocations professionnelles qu'ils viennent de déplafonner vont être réduites. Donc, vraiment, les pharmaciens propriétaires, en ce moment, sont un peu décontenancés de, un, cet investissement et ces coupes.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci. Alors, on va passer du côté de l'opposition officielle. Alors, je cède la parole à M. le député de Rosemont pour 7 min 30 s.

M. Lisée : Merci, Mme la Présidente. Alors, bienvenue à tous les quatre. On s'était vus lors de votre précédent passage pour le projet de loi n° 28. Juste pour clarifier ce que vous venez de dire, donc, à partir de quel mois de 2015 est-ce que le ministre de la Santé a commencé à prélever 133 millions?

La Présidente (Mme Rotiroti) : M. Lalonde, allez-y.

M. Lalonde (Cédric) : Oui, merci. En fait, c'est depuis juin.

M. Lisée : Depuis juin, d'accord. Et puis l'entente prévoyait qu'en contrepartie il y aurait un déplafonnement des allocations professionnelles pour que les pharmaciens puissent se refaire. À quel moment est-ce que ce déplafonnement est entré en vigueur?

M. Lalonde (Cédric) : En fait, depuis que c'était supposé d'être passé, les pharmaciens propriétaires n'ont pas même pu encore appliquer cette mesure.

M. Lisée : Ce n'est pas entré en vigueur encore...

M. Lalonde (Cédric) : Exactement.

M. Lisée : ...parce que le règlement a été déposé en décembre, et ça prenait 90 jours pour recevoir des commentaires. La période de 90 jours est terminée. Donc, est-ce que le ministre a fait adopter le règlement au moment où on se parle?

M. Lalonde (Cédric) : Je n'ai pas les mesures... Je n'ai pas exactement regardé toute la commission. Mais ce que j'ai entendu, oui, c'est supposé d'être sorti cette semaine, à ce qu'on a entendu.

M. Lisée : Non, ce n'est pas sorti cette semaine parce que le ministre, ayant entendu un certain nombre de choses, doit retourner au Conseil des ministres pour faire approuver le règlement dans sa version finale. Alors, je ne sais pas si c'était au conseil aujourd'hui.

M. Barrette : Quel règlement?

M. Lisée : Le règlement sur le déplafonnement.

M. Barrette : Ah! Ah oui?

M. Lisée : Ah oui, oui. C'était au conseil aujourd'hui? Non?

M. Barrette : On est hors d'ordre.

M. Lisée : On est hors d'ordre.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Vous vous adressez à la présidence, M. le député de Rosemont.

M. Lisée : Mme la Présidente, est-ce que vous savez si le Conseil des ministres, aujourd'hui, a adopté le nouveau décret sur le déplafonnement?

La Présidente (Mme Rotiroti) : Non.

M. Lisée : Alors, vous voyez, nous, on ne pense pas que ça va arriver avant — là, on est à la fin février, il va falloir que ça passe ensuite — peut-être avril, peut-être mai. Alors, pendant 12 mois, pendant 12 mois, le ministre aura fait en sorte que les pharmaciens du Québec aient leur rémunération coupée de 133 millions sans leur donner la compensation pour laquelle les pharmaciens avaient accepté, à contrecoeur, cette ponction-là. Alors, voilà ce qui se passe en ce moment. Bon.

Cela dit, et on a eu un débat, juste avant que vous veniez, sur la non-transparence de la facturation par les pharmaciens pour la majorité des utilisateurs, c'est-à-dire les membres qui sont couverts par des assurances privées, 60 % des Québécois, qui ne savent pas, lorsqu'ils vont à la pharmacie, quelle est la portion dans leur facture qui est redevable aux médicaments et la portion qui est redevable aux honoraires. Est-ce que vous qui est êtes la nouvelle génération, vous seriez d'accord pour cette transparence?

M. Lalonde (Cédric) : Je pense qu'il y a un historique en pharmacie qui a fait en sorte qu'on avait moins tendance à parler de rémunération au patient. Je pense que c'est n'est pas une mauvaise pensée qui était derrière la tête des pharmaciens, justement, c'était que c'est plus des objectifs louables, c'est-à-dire que le pharmacien, en premier lieu, quand il voyait son patient, derrière sa tête, il n'y avait pas tout de suite la rémunération qu'il pensait, il pensait à son patient. Et, quand il avait 12 médicaments et toute la thérapie à lui dire, lui dire les mesures non pharmaceutiques qu'il va devoir appliquer, les changements dans les habitudes de vie qu'il va falloir qu'il fasse, la première chose qu'il pense, ce n'est pas à parler de rémunération, mais à plutôt qu'est-ce qu'il va faire, quelles sont les meilleures mesures à faire, quelles sont les cibles, quels sont les résultats qu'on va avoir pour la santé du patient.

• (17 h 50) •

M. Lisée : Oui, mais il finit par y penser parce qu'à chaque fois qu'il fait une facture, il l'intègre dans le prix. Ça fait qu'à chaque fois qu'il voit un patient, il fait tout ce que vous dites, et c'est admirable, mais il fait aussi mettre l'honoraire. Sauf que, si c'est un patient ou un usager qui est dans le service public, ce n'est peut-être pas sur la facture, mais nous savons parce que c'est réglementé; s'il fait partie des 60 % d'autres Québécois, nous ne le savons pas. Alors, pourquoi est-ce qu'on devrait ne pas être transparents pour 60 % des Québécois?

La Présidente (Mme Rotiroti) : Allez-y, M. Cardinal.

M. Cardinal (Michaël) : O.K. Deux choses à considérer. Premièrement, au niveau de la transparence, nous, quand on analyse ça, c'est peut-être à cause qu'on vit dans ça puis on considère que c'est sain, mais le prix est fixé par le gouvernement. Donc, si on part de cette base-là, c'est très facile voir l'honoraire qu'a un pharmacien en faisant le tri par pilule fois le nombre de pilules et considérer la marge bénéficiaire avec ça. Par contre, juste pour revenir...

M. Lisée : Je pense que c'est inexact. C'est...

M. Cardinal (Michaël) : ...pardon, si je veux revenir... Là, présentement, on parle de la commission pour le projet de loi n° 81. Nous, en tant qu'étudiants, on n'a pas nécessairement décidé de prendre une position sur ça avec nos étudiants, là, au niveau de la transparence. Par contre, on reconnaît que ça fait deux ans que le sujet passe beaucoup. Donc, on invite, pour que le sujet puisse avoir une finalité, à ce que le gouvernement s'assoie avec les personnes avec qui il faut négocier ces ententes-là.

M. Lisée : Bien, c'est-à-dire qu'en ce moment ce que vous avez décrit pour la fixation du prix, c'est vrai pour le régime public, ce n'est pas vrai pour le régime privé, et pour la majorité des cas. Et c'est pourquoi les honoraires varient d'une pharmacie à l'autre, parce qu'elles ne sont pas réglementées. Donc, la première chose, c'est savoir et ensuite décider. On pourrait décider de réglementer aussi. Mais, si on décide de réglementer, bien, est-ce qu'il y aura de la concurrence entre les pharmaciens qui sont des entrepreneurs, pour ceux qui sont entrepreneurs propriétaires de pharmacies? Alors, ça, c'est une des difficultés.

L'autre difficulté, évidemment, vous dites : Puisqu'on a enlevé aux pharmacies 133 millions par année pour trois ans, on leur a dit : En échange, vous allez avoir le déplafonnement des ristournes que les compagnies de génériques donnent aux pharmaciens pour qu'ils poussent leurs produits. Il faut appeler ça comme ça. C'est que c'est ça, c'est de là que viennent les ristournes. Est-ce que vous trouvez, dans un système qu'on redessinerait en fonction du patient, qu'on ne devrait pas redessiner le système sans ristournes mais avec une rémunération correcte des pharmaciens?

La Présidente (Mme Rotiroti) : M. Lalonde, vous avez une minute pour répondre à la question du député.

M. Lalonde (Cédric) : D'accord, je vais tenter de faire vite. Alors donc, nous, on appelle ça, pas des ristournes, en tant qu'étudiants, on est bien placés pour voir que c'est plutôt des allocations professionnelles parce qu'elles sont très encadrées. D'ailleurs, moi-même, dans ma pharmacie, les allocations professionnelles sont faites pour engager des étudiants qui vont faire des conférences aux patients, qui vont développer des informations aux patients pour adapter les thérapies et aussi conseiller les patients. Je trouve ça très important que vous ameniez le sujet, que vous questionniez. J'aimerais ça que beaucoup plus de monde se questionne sur la nouvelle rémunération du pharmacien. Vers quoi on pourrait aller? Vers quelque chose de meilleur. Parce que, comme on l'a dit en introduction, on ne pense pas que les allocations professionnelles sont la meilleure façon de rémunérer le pharmacien parce que le pharmacien est passé vraiment d'un distributeur, d'un producteur, de pharmacien, c'est-à-dire l'apothicaire, à un pharmacien, un professionnel de la santé qui joue un rôle dans le système de santé. Et, en cette façon, les allocations professionnelles rémunèrent le pharmacien de l'ancienne manière, c'est-à-dire en tant qu'il donne des services de distribution, alors que la rémunération devrait être au niveau des services et des actes pharmaceutiques.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. Lalonde. Alors, on va passer la parole au deuxième groupe de l'opposition, et je cède la parole à M. le député de Lévis pour à peu près 5 min 30 s.

M. Paradis (Lévis) : Merci, Mme la Présidente. M. Cardinal, M. Monette, M. Lalonde, M. St-Onge, bienvenue. Je reviens, je fais un petit bout de chemin sur le principe des allocations professionnelles avant d'aborder un autre thème qui était chaud à votre coeur, bien, dans votre discours, c'est-à-dire l'impact patient du projet de loi n° 81, parce qu'on va y revenir. Mais plusieurs nous disent que les allocations professionnelles devraient, en principe, servir à donner davantage de services aux patients, que vous souhaitez, bon, évidemment, bien servir, mais plusieurs nous disent que ça sert surtout, maintenant et dans la majorité des cas, et on l'entend souvent, à simplement permettre et faciliter la masse salariale, le paiement de la masse salariale des employés de la pharmacie et que ça ne se concrétise pas dans les services supplémentaires offerts aux patients. Vous en dites quoi?

La Présidente (Mme Rotiroti) : Oui, M. Cardinal, allez-y.

M. Cardinal (Michaël) : Donc, c'est sûr que, là, je me mets à la place de quelqu'un qui regarde la commission en ce moment, il devient un peu mélangé dans nos arguments. C'est juste qu'il faut considérer à court terme. Les allocations, on considère qu'à court terme c'est un moyen financier d'aller chercher, justement, la viabilité des pharmacies, qui peut permettre d'avoir les services aux patients. Donc, comme dit en introduction, ce qu'on considère, c'est que le projet de loi n° 81 vient affecter... Dans le fond, c'est sûr qu'un médicament générique n'aura pas la capacité, s'il veut avoir la meilleure marge bénéficiaire que ses concurrents... De toute façon, il va avoir le monopole, donc il ne versera pas d'allocations. Donc, c'est cette perte-là qui nous inquiète à court terme, dans le sens où que, ce qu'on veut, c'est assurer les services aux patients. Puis en ce moment ce qu'on remarque, c'est que, dans des pharmacies, il y a une saturation du marché. Il y a beaucoup d'arrêts d'emploi. On est passés, voilà à peu près un an et demi, où il y avait une pénurie, maintenant les étudiants sortent de l'université, puis il n'y a quasiment plus d'emplois dans les grands centres, les salaires diminuent. Donc, ce n'est plus vrai que... Le monde de la pharmacie, en ce moment, n'est pas aussi rose qu'il l'était. Donc, c'est de s'ajuster au marché actuel puis de, justement, bien négocier les ententes, là.

M. Paradis (Lévis) : Je vous dirais qu'il y a peut-être, tu sais, la loi du marché également, là, Si vous regardez, on prend la lorgnette puis on circule un peu, là, c'est sûr qu'il y a peut-être trop de pharmacies également, là. À un moment donné, il y a des notions économiques qui font qu'on doit ajuster les choses.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Oui, allez-y, M. Cardinal.

M. Cardinal (Michaël) : Oui, puis, contrairement à ce qu'on s'est fait dire au départ par M. le ministre, on les comprend, là, ces arguments économiques là. C'est qu'on a décidé, on a pris la décision, nous, aujourd'hui, de ne pas nécessairement attarder notre prestation là-dessus, notre discours, notre audition. Par contre, oui, c'est sûr qu'il y a une multitude de facteurs, mais ce qu'on remarque vraiment au niveau des emplois, puis là ça prendrait peut-être une étude au niveau de la pénurie de main-d'oeuvre ou quoi que ce soit, mais c'est qu'on remarque que les pharmaciens ont de moins en moins d'incitatifs pour assurer, justement, beaucoup d'emplois et beaucoup de services aux patients.

M. Paradis (Lévis) : Je sais que vous voulez ajouter quelque chose. Je vais vous demander, moi, d'y aller rapidement parce que je veux vous amener dans un autre sujet que vous avez abordé au début, puis il nous reste très peu de temps, là.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Il vous reste deux minutes, M. le député.

M. St-Onge (Nicolas) : Ça va être très court. Je voulais juste rappeler aussi, là, qu'on l'a dit en introduction, mais on s'est positionnés en assemblée locale, donc c'est les étudiants qui étaient là et qui ont dit qu'ils n'étaient pas d'accord que les allocations professionnelles, c'était une façon d'être rémunérés qu'on aimait. On ne veut pas être payés par une compagnie pharmaceutique. Nous, ce qu'on veut, c'est être payés pour les actes pharmaceutiques qu'on fait, pour les soins qu'on donne aux patients.

Et, comme l'a dit un de mes collègues, nous, ce qu'on trouve dommage, c'est que le gouvernement ne puisse pas remplir, dans le fond, ses promesses. C'est vraiment ce qu'on trouve dommage. On ne dit pas qu'à long terme c'est une avenue qu'on veut.

M. Paradis (Lévis) : Il resterait 1 min 30 s ou à peu près, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Rotiroti) : Oui, juste.

M. Paradis (Lévis) : Mais j'y vais. Vous parlez du système d'appel d'offres pour un médicament générique qui pourrait provoquer, pour des milliers de Québécois, vos clients, des changements de médication qui ne seraient pas nécessairement faciles, et là vous dites : C'est un des effets malicieux du projet de loi. Il y a des bioéquivalences, mais, pour plusieurs, ça va être un choc, et vous l'avez dit. Vous êtes sur le plancher et vous rencontrez des patients, faites-nous comprendre quel peut être le choc de quelqu'un à qui vous aurez à substituer un médicament ou un générique qui ne serait plus offert par un autre qui sera, bon, issu de l'appel d'offres.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Oui, monsieur...

M. St-Onge (Nicolas) : Bien, dans le fond, ce qu'il faut comprendre par rapport aux génériques, c'est que, comme vous l'avez dit si bien, c'est bioéquivalent. Donc, ça, c'est un peu complexe, là, à comprendre, mais, dans le fond, c'est que la libération du médicament dans le corps se fait sous une courbe qui est semblable entre deux génériques, là, je le dis vraiment de façon vulgarisée. Mais ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas évident de dire à un patient, donc : C'est le même médicament. Il y a des patients qui ont des effets secondaires sous un certain générique qu'ils n'auront pas sous un autre à cause des ingrédients non médicinaux qu'on appelle les excipients, mais, tu sais, ça...

M. Paradis (Lévis) : Est-ce qu'on peut dire qu'il y aurait un effet psychologique, à la limite? Un aîné qui se voit changer sa médication, il y a manifestement une réaction à ce niveau-là?

M. St-Onge (Nicolas) : Ce n'est pas nécessairement une réaction psychologique, là. Comme je vous dis, vous pouvez être allergique, je vous dis, au lactose qu'il va y avoir dans une des compagnies qu'il n'y aura pas dans l'autre. Et puis là le projet de loi n° 81, nous, ce qui nous inquiète, c'est que, si on dit : Madame, là, votre générique n'est plus couvert, on va vous le changer, mais la madame a eu une réaction et elle ne veut pas le refaire parce que, finalement, elle avait fait des plaques partout sur le corps, mais là on lui dit : Bien, d'abord, c'est que votre médicament ne sera pas couvert. Ça, c'est une zone grise qu'on ne comprend pas dans le projet de loi n° 81 et qui, pour nous, va délaisser des patients, là, définitivement.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci.

M. Paradis (Lévis) : Merci.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, merci beaucoup, M. Cardinal, M. Monette, M. Lalonde, et M. St-Onge.

Alors, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, après les affaires courantes. Et bon retour à la maison. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 59)

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