L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de la santé et des services sociaux

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de la santé et des services sociaux

Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mardi 18 août 2015 - Vol. 44 N° 58

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 44, Loi visant à renforcer la lutte contre le tabagisme


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Remarques préliminaires

Mme Lucie Charlebois

M. Jean-François Lisée

Mme Chantal Soucy

Auditions

Compagnie de tabac sans fumée nationale ltée

Association des propriétaires de sheesha du Québec

Fédération médicale étudiante du Québec (FMEQ)

Association pulmonaire du Québec (APQ)

Institut de cardiologie de Montréal

Centre jeunesse de Montréal-Institut universitaire (CJM-IU)

Corporation des propriétaires de bars, brasseries et tavernes du Québec inc. (CPBBTQ)

Association canadienne du vapotage

Autres intervenants

M. Marc Tanguay, président

Mme Marie Montpetit, présidente suppléante

M. Jean Habel 

*          M. Jeremy Adams, Compagnie de tabac sans fumée nationale ltée

*          M. Jean-François Turcotte, idem

*          M. Patrick St-Onge, Association des propriétaires de sheesha du Québec

*          M. Martin Guimond, idem

*          M. Stelios Lekakis, idem

*          Mme Ariane Veilleux Carpentier, FMEQ

*          Mme Anne-Lou McNeil-Gauthier, idem

*          M. Julien Dallaire, idem

*          M. David Alexandre Galiano, idem

*          Mme Jessica Ruel-Laliberté, idem

*          M. Philippe Giguère, idem

*          M. Pierre Larivée, APQ

*          M. Martin Juneau, Institut de cardiologie de Montréal

*          M. Paul Poirier, idem

*          Mme Lesley Hill, CJM-IU

*          M. Ronald Chartrand, idem

*          M. Renaud Poulin, CPBBTQ

*          Mme Lise Gagnon, idem

*          M. Olivier Hamel, idem

*          M. Jean-Jacques Beauchamp, idem

*          M. Beju Lakhani, Association canadienne du vapotage

*          M. Daniel Marien, idem

*          M. Julien-Pierre Maltais, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures vingt minutes)

Le Président (M. Tanguay) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, bon matin à chacun et chacune. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 44, Loi visant à renforcer la lutte contre le tabagisme.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Paradis (Lévis) est remplacé par M. Surprenant (Groulx).

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ce matin, nous débuterons avec les remarques préliminaires, puis nous entendrons les représentants de la Compagnie de tabac sans fumée nationale, de l'Association des propriétaires de sheesha du Québec et de la Fédération médicale étudiante du Québec.

Remarques préliminaires

Alors, sans plus tarder, je vous invite, Mme la ministre déléguée à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse et à la Santé publique, à faire vos remarques préliminaires pour une durée maximale de six minutes.

Mme Lucie Charlebois

Mme Charlebois : Alors, merci, M. le Président. Et d'emblée je veux vous dire : Bonjour, merci d'être là. Et vous allez me permettre d'abord de saluer mes collègues de l'Assemblée nationale, les collègues parlementaires du gouvernement, mais aussi des oppositions : de l'opposition officielle et de la deuxième opposition. Merci d'être là, et nous allons tous travailler, en fait, à renforcer la loi contre le tabagisme, le projet de loi n° 44. Alors, merci d'être là pour les consultations, à tous.

Et, M. le Président, ça fait déjà maintenant plus de 20 ans que le Québec s'attaque à cette problématique de santé publique qu'est la lutte contre le tabagisme. Ce sont des millions de dollars qui sont investis chaque année dans cette lutte au Québec. Pourtant, encore aujourd'hui, au moins 10 000 Québécois et Québécoises meurent, chaque année, des suites des maladies liées au tabagisme. L'usage du tabac ne fait pas que raccourcir la vie des personnes, il s'attaque aussi à leur qualité de vie, et ce, de nombreuses années avant leur décès, avec tout ce que cela implique comme drames humains. Bref, nous croyons qu'il est temps de faire un pas de plus, M. le Président. J'ai pu constater depuis les derniers mois que tous les parlementaires semblent partager une volonté commune, celle d'assurer au Québec un avenir sans tabac. Il est vrai que la dernière révision de la loi a entraîné d'importants changements aussi bien dans les habitudes tabagiques que dans les mentalités, mais force est de constater qu'avec plus de 10 000 décès par année encore au Québec il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Le Québec doit reprendre sa place de leader dans la lutte au tabagisme.

Les mesures législatives que nous proposons découlent notamment des recommandations de la Commission de la santé et des services sociaux dans le rapport publié en 2013. Vous vous souvenez sûrement, M. le Président, des trois grandes priorités : prévenir le tabagisme chez les jeunes, mieux protéger les non-fumeurs de la fumée du tabac et motiver les fumeurs à cesser de fumer. Fait important à souligner, je le rappelle parce que c'est, à mon avis, très important, ces mesures prennent appui sur la Convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac. Autrement dit, nos propositions, M. le Président, de changement législatif suivent ce qui semble vouloir se dessiner comme une tendance. Nous devons nous montrer prudents devant toute nouvelle réalité qui pourrait potentiellement banaliser le geste de fumer ou encore accroître l'usage des produits du tabac, surtout auprès des jeunes, qui sont, avec les non-fumeurs, au coeur de mes préoccupations. Le projet de loi que nous avons déposé le démontre très bien, d'ailleurs. Je sais que ces différentes mesures et les changements qu'elles sous-tendent peuvent engendrer des inquiétudes chez certains, alors que pour d'autres ces mesures ne vont pas encore assez loin, et c'est pour partager les points de vue sur le sujet que nous sommes maintenant réunis.

Je considère que tous les débats qui entourent un projet de loi sont importants, et les consultations nourrissent ces débats tout particulièrement. Je tiens à remercier à l'avance toutes les personnes et les groupes qui y prendront part. Que les opinions convergent ou divergent, je tiens à assurer à tous une écoute des plus attentives, car je sais que, derrière chaque avis, chaque opinion, chaque point de vue, se trouve tout de même une grande préoccupation commune : la santé de la population québécoise.

Je suis convaincue que nous parviendrons à peaufiner ensemble le projet de loi n° 44 de manière à mener une lutte contre le tabagisme encore plus efficace au Québec, au bénéfice des générations actuelles et futures. Ensemble, nous en sortirons tous gagnants et gagnantes. Et — M. le Président, au risque de me répéter — nous allons entendre tous les groupes en commission parlementaire, comme vous le savez, qui sont inscrits, mais je veux aussi assurer les gens qui déposeront un mémoire que nous allons prendre le temps d'en prendre connaissance et de tenir compte de leurs remarques. Merci beaucoup. Bonne commission.

Le Président (M. Tanguay) : Merci, Mme la ministre. J'invite maintenant le député de Rosemont et porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux, de protection de la jeunesse, de soins à domicile et de prévention à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de 3 min 30 s.

M. Jean-François Lisée

M. Lisée : Merci, M. le Président. Bien, moi aussi, je voudrais saluer les membres de la commission, les collègues parlementaires de la majorité gouvernementale, la deuxième opposition, en particulier la ministre et la remercier de déposer un projet de loi qui... Quoi qu'il arrive de ces discussions, nous sommes certains d'une chose, c'est que nous allons faire des pas de plus dans la lutte au tabagisme ensemble.

Nous avons, nous, de l'opposition, l'intention, nous l'avons dit, de déposer quelques amendements supplémentaires. Mais il s'agit d'un mouvement international important de santé publique, puisque, malgré les avancées que nous avons faites au cours des 20 dernières années, il reste que le tabagisme et ses impacts sur la santé continuent de grever sérieusement à la fois la vie des citoyens, la vie des citoyens fumeurs, la vie des citoyens non-fumeurs, la vie des mineurs mais également le système de santé, où 30 % des hospitalisations continuent à être liées, d'une façon ou d'une autre, au tabagisme. Et évidemment nous avons devant nous des organisations qui produisent du tabac, qui produisent des cigarettes et qui ont été extraordinairement efficaces, ces dernières années, à freiner, réduire l'impact d'un certain nombre de mesures que nous avons prises. Moi, j'étais conseiller du premier ministre au moment de la loi de 1998, la loi de M. Rochon, qui a un peu fait en sorte que le Québec soit à l'avant-garde là-dedans. Nous avons pris un peu de retard ces dernières années, alors il nous appartient tous aujourd'hui de faire en sorte de combler ce retard et d'être à nouveau dans le peloton de tête. Évidemment, des mesures sont proposées qui ont des impacts sur les gens qui tiennent des dépanneurs, des restaurants, des distributeurs. Et cette fois-ci on s'intéresse aussi à la cigarette électronique, au vapotage, qui est un phénomène nouveau, et beaucoup de gens ont des choses à nous dire sur, bien, les détails de l'application, quels seront peut-être des effets secondaires imprévus.

Alors, comme le dit la ministre, nous, de notre côté, on est très ouverts à entendre ce que chacun a à nous dire, éclairer l'impact, comment est-ce que ces mesures doivent être appliquées, renforcées, modifiées, adaptées pour en arriver à l'impact que nous voulons, c'est-à-dire une réduction significative du tabagisme dans les années qui viennent. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, collègue de Rosemont. Alors, j'invite maintenant notre collègue de Saint-Hyacinthe à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de 2 min 30 s.

Mme Chantal Soucy

Mme Soucy : Merci, M. le Président. Alors, salutations à tous mes collègues parlementaires. Je voudrais aussi remercier tous les organismes et associations qui ont déposé des mémoires et je veux remercier également les citoyens de Saint-Hyacinthe d'avoir pris le temps de m'envoyer leurs commentaires relatifs au projet de loi n° 44.

Alors, ma formation politique, la Coalition avenir Québec, est favorable à la révision de la Loi sur le tabac, considérant que le cancer est la première cause de mortalité au Québec, considérant aussi que le tabac est responsable de 30 % de tous les cancers, sans oublier les impacts sur la vie des populations et les dépenses publiques en santé qui sont reliées au tabac. Alors, nous avons rencontré plusieurs acteurs du milieu de la santé ainsi que des entreprises qui sont en lien d'affaires avec les cigarettes électroniques ou le tabac, nous avons été à l'écoute de la population et nous serons également à l'écoute des différents intervenants qui viendront nous présenter leurs mémoires.

Je vous dirais qu'à quelques exceptions près la Coalition avenir Québec est favorable à pratiquement toutes les mesures proposées par le gouvernement dans le cadre de la révision de la Loi sur le tabac. Nous allons présenter des amendements lors de l'étude article par article pour bonifier le projet de loi, et, M. le Président, soyez assuré de l'habitude de collaboration de la Coalition avenir Québec dans les travaux parlementaires. Merci.

• (9 h 30) •

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup pour ces remarques préliminaires.

Auditions

Alors, tel qu'annoncé un peu plus tôt, nous accueillons dans un premier temps les représentants de la Compagnie de tabac sans fumée nationale. Alors, bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de présentation d'une dizaine de minutes... pas d'une dizaine de minutes, de 10 minutes. Par la suite, vous aurez le loisir et l'occasion d'échanger avec les parlementaires.

Alors, pour les fins d'enregistrement, je vous demanderais de bien vouloir prendre le temps de vous nommer, préciser vos fonctions, et par la suite la parole évidemment est à vous. Alors, merci. La parole est à vous.

Compagnie de tabac sans fumée nationale ltée

M. Adams (Jeremy) : Merci, M. le Président. Je m'appelle Jeremy Adams et je suis le directeur des affaires gouvernementales et corporatives à la Compagnie de tabac sans fumée nationale : CTFSN.

La CTSFN est une société basée au Québec établie à Pointe-Claire. Nous sommes le distributeur canadien de produits de tabac sans fumée vendus au Canada sous les marques Copenhagen et Skoal. Le tabac sans fumée est consommé oralement et n'est pas fumé. Nos produits sont disponibles au Canada depuis 1913 et sont vendus au Québec dans plus de 900 établissements de vente de détail. Chez la CTSFN, nous sommes fiers d'être un chef de file dans la fourniture responsable de produits du tabac sans fumée aux consommateurs adultes de tabac. Un des buts de notre mission est d'aider la réglementation raisonnable du tabac à atteindre ses objectifs en appuyant l'élaboration et la mise en oeuvre de règlements visant à améliorer la santé publique et à reconnaître les droits individuels et les préférences des consommateurs.

Les produits du tabac sans fumée sont disponibles dans un large éventail de saveurs, certains ayant une saveur ou un arôme dominants distingués autres que le tabac. De telles variétés de saveurs n'ont rien de neuf : certaines des saveurs des produits du tabac sans fumée, y compris pêche et pomme, ont été brevetées au XIXe siècle.

Nous estimons que l'interdiction des produits du tabac sans fumée avec des saveurs autres que le tabac n'est pas une façon efficace de résoudre le problème du tabagisme sans fumée chez les mineurs. De plus, les consommateurs de tabac adultes ont de tout temps fait preuve d'un intérêt marqué pour le tabac sans fumée avec des saveurs caractérisantes comme la menthe et le thé des bois. Par conséquent, cette interdiction est injuste pour les consommateurs de tabac adultes qui préfèrent ces saveurs de produits du tabac sans fumée. Nous estimons également que toute réglementation liée au tabac aromatisé devrait tenir compte de l'histoire des aromes à l'intérieur de chaque catégorie de tabac. Au lieu d'une interdiction privant les consommateurs de tabac adultes des produits qu'ils préfèrent, l'accent devrait être mis sur la commercialisation responsable, la vente au détail responsable et la réduction de l'accès des mineurs aux produits du tabac.

Et maintenant j'aimerais introduire notre président, Jean-François Turcotte, à vous adresser.

M. Turcotte (Jean-François) : Merci beaucoup. Jean-François Turcotte, président de la compagnie sans fumée nationale.

Comme Jeremy l'a déjà dit, notre compagnie maintient une forte présence dans la province du Québec depuis plus d'un siècle. Notre siège social est situé à Pointe-Claire, malgré que le Québec soit un de nos plus petits marchés. Nous avons 56 employés, dont le tiers sont au Québec. La plupart de ces 19 employés soutiennent nos affaires nationales à partir de notre siège social à Pointe-Claire. Nos contributions à l'économie québécoise sont importantes : plus de 3 millions de dollars en salaires, en dépenses d'affaires et en impôt, presque 1 million en taxe sur le tabac et environ 2,5 millions versés à des fournisseurs québécois pour soutenir nos affaires nationales, sans tenir compte bien sûr des impacts économiques liés à toutes ces dépenses.

Le gouvernement et le projet de loi n° 44 ont trois objectifs que j'aimerais adresser. Le premier objectif : prévenir la consommation des produits du tabac, particulièrement chez les jeunes. L'Enquête canadienne sur le tabac, l'alcool et les drogues — ECTAD — indique une faible prévalence de consommation de tabac sans fumée chez les jeunes. Selon l'ECTAD, en 2014, moins de 1 % des jeunes âgés de 15 à 19 ans et des jeunes adultes âgés de 20 à 24 ans ont signalé avoir consommé du tabac sans fumée dans les 30 derniers jours. Ces résultats n'ont pas changé depuis 1999, la première année que cette question a été posée dans cette étude. C'est aussi important de reconnaître que le prix du tabac sans fumée est très élevé : environ 20 $ la boîte, plus TPS, ce qui est presque le double d'un paquet de cigarettes. De plus, le marketing des produits de tabac est interdit au Québec, et il y a aussi une interdiction sur la visibilité des produits au détail. Le deuxième objectif est de protéger les non-fumeurs de la fumée secondaire; nos produits ne sont pas fumés. Le troisième objectif est de favoriser l'arrêt du tabagisme, de réduire la prévalence de 22 % à 16 % d'ici cinq ans. Le tabac sans fumée a des ventes très faibles par rapport à tous les autres produits du tabac au Québec. Nos produits représentent 0,05 % de tous les tabacs vendus au Québec. Dit autrement, on parle de la moitié de 1/10 de 1 %. Alors, nous parlons d'un petit marché, d'un produit établi et niche sans croissance significative.

Nous avons des doutes importants quant à la définition du gouvernement «des produits du tabac comportant une saveur», dans le projet de loi n° 44. Spécifiquement, le projet de loi n° 44 interdit la vente de tous les produits du tabac comportant une saveur ou un arôme autres que ceux du tabac, parce qu'on observe un intérêt pour ces produits chez les jeunes. Tel que rédigé, ce projet de loi pourrait avoir des conséquences non souhaitées en ce qui concerne les produits du tabac sans fumée. La fabrication de nos produits est très complexe. Plusieurs de nos produits contiennent des additifs ou des arômes mais n'ont pas de saveur caractérisante. Nous demandons une exemption pour le tabac sans fumée pour des raisons que, nous pensons... sont très valides et raisonnables. Nous proposons un amendement au projet de loi n° 44, que vous avez déjà reçu, j'espère bien. La notion d'un amendement pour notre catégorie de produits n'est pas nouvelle. Par exemple, dans d'autres juridictions, en 2009, au niveau fédéral, le projet de loi C-32 a offert une exemption pour le tabac sans fumée et aussi le tabac à pipe à cause de leur faible prévalence chez les jeunes. Aussi, au Manitoba, en 2014, le projet de loi n° 52 a offert une exemption pour le tabac sans fumée et le tabac à pipe.

Alors, en conclusion, pour les raisons que nous venons d'énumérer, nous croyons que le tabac sans fumée devrait être exempté du projet de loi n° 44. Je vous remercie pour votre attention. Si vous avez des questions, ça nous ferait plaisir de les répondre.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, sans plus tarder, nous allons maintenant débuter la période d'échange, et, pour un premier bloc de 23 min 30 s, je cède maintenant la parole à Mme la ministre.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. Alors, M. Turcotte et M. Adams, merci beaucoup d'être là et de nous faire part de vos commentaires et de vos réflexions. J'ai entendu vos propos et j'ai le goût d'entrer dans le vif du sujet. Bref, est-ce que vous reconnaissez que les produits du tabac, notamment les produits du tabac sans fumée, dont vous parlez, ont des effets importants sur la santé des gens? Parce qu'on sait que, le tabac — c'est prouvé — médicalement parlant, qu'il y a des coûts reliés à la santé.

Vous faisiez part des chiffres d'affaires, mais il y a aussi des coûts importants pour la santé, des coûts importants dans le système de santé mais aussi des coûts importants pour les personnes, mais est-ce que vous reconnaissez que les produits du tabac sans fumée ont aussi des effets nocifs importants pour les citoyens, pour la santé?

M. Turcotte (Jean-François) : Merci. Bien, en ce qui concerne nos produits, nous ne faisons aucune déclaration relative à la santé.

Par contre, il y a un consensus de la communauté scientifique, médicale et de la santé publique que la consommation du tabac sans combustion est considérablement moins nocive pour la santé que les cigarettes. Ce consensus est fondé sur des résultats de recherches approfondies par plusieurs organismes de santé publique, y compris l'OMS, le Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux de la Commission européenne, ainsi que par le Collège royal de médecine du Royaume-Uni. Alors, les effets nocifs causés par la consommation du tabac sont principalement attribuables à la cigarette. Les résultats scientifiques démontrent clairement qu'il y a un continuum de risques associés aux produits du tabac. Les cigarettes conventionnelles sont à une extrémité du continuum de risques présentant le risque le plus accru en raison de la combustion et de l'inhalation de la fumée du tabac.

• (9 h 40) •

Mme Charlebois : Je vous entends, mais, quand vous dites : C'est moins nocif, j'entends en même temps qu'il y a un certain élément de nocivité. Est-ce que vous confirmez ça? Est-ce que vous reconnaissez que le tabac sans fumée comporte aussi un danger?

M. Turcotte (Jean-François) : Santé Canada et les autres autorités de santé publique ont déterminé que les produits du tabac sans fumée créent une dépendance et peuvent causer des maladies. Nous croyons que les consommateurs et les consommateurs potentiels de produits du tabac sans fumée devraient être orientés par les messages des autorités de santé publique au niveau mondial quant à tous leurs choix relatifs aux produits du tabac sans fumée.

Mme Charlebois : Mais, si je ne me trompe pas, le rapport de l'OMS faisait part aussi de tous les produits du tabac, non, dans leurs recommandations, là, où ils nous demandent d'être prudents? À travers le monde, la tendance, ça touche aussi le tabac sans fumée. Est-ce que je me trompe?

M. Turcotte (Jean-François) : C'est sûr que c'est un produit du tabac, mais ce qu'on dit, c'est qu'il y a un continuum de risques et il y a des produits du tabac qui sont beaucoup plus nocifs pour la santé que d'autres. Alors, pour ceux qui ne veulent pas ou ne peuvent pas arrêter de fumer, il y a des produits beaucoup moins nocifs pour la santé.

Mme Charlebois : O.K. Donc, ce n'est jamais sans risque, mais vous considérez que vous êtes le produit qui est moins à risque dans les produits du tabac.

M. Turcotte (Jean-François) : Absolument.

Mme Charlebois : Mais vous reconnaissez aussi que ça crée une dépendance. La dépendance, c'est la même que de fumer, là. À partir du moment où il y a du tabac, c'est une dépendance à la nicotine.

M. Turcotte (Jean-François) : Oui. Le tabac crée une dépendance.

Mme Charlebois : O.K. Dites-moi dans quelle mesure on pourrait exempter les produits du tabac, là, quand on... Si vous nous dites, là : Vous devriez exempter les produits du tabac sans fumée, concernant l'aromatisation des produits, dites-moi comment êtes-vous capables de nous garantir que les jeunes ne vont pas consommer davantage de produits, puisqu'elles vont être interdites, les saveurs, dans toutes les autres sphères des produits du tabac.

M. Turcotte (Jean-François) : Si on regarde l'histoire des produits du tabac sans fumée — on parlait de l'ECTAD — on parle d'une prévalence, chez les jeunes et les jeunes adultes, de moins de 1 %. Ce niveau de prévalence n'a pas changé depuis 15 ans, alors on ne voit pas vraiment de croissance, et c'est dans un environnement où les saveurs étaient permises. Alors, c'est un ancien produit, c'est un produit établi niche sans croissance significative.

M. Adams (Jeremy) : Et aussi c'est un produit très cher, c'est 20 $ pour chaque canette. C'est très cher pour les jeunes. Et il n'y a aucune visibilité pour les ventes de détail aussi au Québec.

Mme Charlebois : Mais, considérant qu'on éliminerait la saveur des autres produits du tabac, est-ce que vous ne pensez pas que les jeunes vont être portés, même... Vous savez très bien que les jeunes sont capables d'obtenir certains moyens, revenus par leurs parents, par toutes sortes de façons. Est-ce que vous ne croyez pas que le fait qu'il y a l'interdiction des saveurs dans d'autres produits pourrait faciliter ou attirer les jeunes vers vous? Je me pose la question. Tu sais, puis il y en a déjà, puis on sait que c'est déjà interdit pour les mineurs, là, puis on sait qu'il y en a qui utilisent ces produits.

M. Turcotte (Jean-François) : C'est un produit qui est disponible dans seulement 900 dépanneurs au Québec. Comme je dis, c'est assez niche. Ce n'est pas un produit populaire certainement au Québec. Il n'y a aucune histoire, vraiment, culture d'utilisation du produit. Alors, les saveurs ont été offertes pendant des années, et on n'a jamais vu de croissance significative, surtout à comparé à d'autres catégories de produits du tabac.

Alors, on parle de quatre variétés différentes qu'on offre. On offre 20 produits différents dans quatre variétés : première variété, on parle de goût de tabac plutôt naturel; deuxièmement, à la menthe et au thé des bois — thé des bois existe dans le tabac sans fumée depuis les années 1950; on a aussi des mélanges sans saveur caractérisante; et finalement on a des saveurs aux fruits, oui : cerise, pomme, pêche, agrumes et baies. Ce n'est vraiment pas là que le marché performe. Récemment, nous avons annoncé qu'on discontinuait certains de ces produits justement parce qu'il n'y avait aucune performance, les ventes diminuaient d'année en année. Alors, c'est un produit qui n'est quand même pas facile à utiliser, c'est utilisé oralement. Et ce n'est pas pour tout le monde, c'est vraiment une petite niche.

Mme Charlebois : Quand vous dites que vous avez retiré des produits, c'est les produits à saveur que vous avez retirés?

M. Turcotte (Jean-François) : Oui, oui : pomme, pêche, baies, oui.

Mme Charlebois : O.K. Vous savez que la saveur doit être caractérisante, là, ce qu'on parle dans le projet de loi, là, elle ne doit pas être vendue comme telle, là, il ne faut pas voir les saveurs, il ne faut pas goûter la saveur, il ne faut pas sentir la saveur. C'est de ça qu'on parle dans le projet de loi. Il peut y en avoir dans le produit, mais pas au point où on goûte, on sent et on fait une publicité avec ça. Vous avez compris ça, j'imagine?

M. Turcotte (Jean-François) : On comprend, et c'est vraiment là où on a de la misère. De la manière que le projet de loi est écrit, on ne trouve pas que c'est assez spécifique. Alors, c'est quoi, le goût du tabac? Est-ce qu'il y a un goût de tabac? Comme j'ai mentionné, la fabrication est très complexe. Les produits sont fermentés, ils sont âgés pendant des années, et, oui, il y a des additifs et des arômes. C'est complexe, un peu comme un scotch, si vous voulez. Alors, on a 20 produits. C'est sûr qu'il y en a, c'est très clair, c'est à la cerise, alors il y a une saveur caractérisante, mais la plupart de nos produits n'ont pas de saveur caractérisante, mais ils ont tous un goût unique. Alors, comment on peut dire : Un produit a un arôme ou un goût autres que le tabac? Alors, c'est quoi, le tabac? Avec une cigarette, c'est peut-être facile, mais, avec un produit comme le nôtre, qu'on consomme oralement, c'est très différent. C'est une différente sorte de produit du tabac.

Mme Charlebois : Ça ne goûte pas les arômes. C'est ce que vous me dites?

M. Turcotte (Jean-François) : Oh mon Dieu! Chaque produit a un goût complètement différent. Jeremy, je ne sais pas si...

M. Adams (Jeremy) : Les produits naturels; il y a trois produits naturels. Les trois produits sont différents l'un contre l'autre, mais tous sont des produits du tabac sans fumée. Il y a peut-être un arôme peut-être différent l'un à l'autre, mais tous sont le tabac.

Mme Charlebois : Je comprends que chaque tabac peut goûter... il y a une particularité, mais est-ce que vous pensez que c'est la saveur qui fait une différence ou bien si c'est le tabac qui est différent? Parce que, tu sais, on prend les fruits ou n'importe quoi, là... les fraises des États-Unis puis les fraises du Québec, elles sont bien meilleures, les fraises du Québec, hein, on va s'entendre là-dessus, mais, bon, dans le tabac, il doit y avoir différentes saveurs de tabac, je ne sais pas, je ne connais pas ça à ce point-là, mais est-ce que ça goûte les fraises, est-ce que ça goûte les pommes, est-ce que... C'est ça, ma question, dans le fond : Est-ce que c'est ça qui modifie le goût du tabac ou bien si c'est le tabac par lui-même qui a un goût différent?

M. Turcotte (Jean-François) : On ne fabrique pas le produit, on est l'importateur et le distributeur, alors je ne peux pas peut-être répondre à toutes vos questions. Le tabac, il y a différentes sortes de tabac, mais c'est les arômes et les additifs qui sont rajoutés au produit qui font qu'on a différents produits. La plupart de nos produits ne sont pas des saveurs caractérisantes, O.K., comme la cerise. Oui, on vend des produits à la cerise. C'est des produits qui existent dans le tabac oral depuis les années 1800. On n'a pas de produit à la fraise, au chocolat ou aux bonbons. Ça n'existe pas dans notre catégorie.

Mme Charlebois : Mais finalement ce que vous me dites, c'est qu'il n'y a pas beaucoup de produits chez vous avec une saveur autre que le tabac. Donc, ça ne devrait pas avoir une incidence chez vous.

M. Turcotte (Jean-François) : Non. Le tabac à la menthe ou au thé des bois... le thé des bois existe depuis les années 50; la menthe, depuis les années 80 dans le tabac sans fumée. Et ça représente quand même un pourcentage important de nos ventes au Québec, oui, mais ce n'est pas un produit où on observe un intérêt marqué chez les jeunes. C'est des adultes. C'est des hommes. Je dirais, 99 %, c'est des hommes qui utilisent nos produits.

Mme Charlebois : Est-ce que vous avez une idée... Parce que, là, vous me parlez de menthe, de thé des bois. C'est donc des saveurs. Est-ce que vous pourriez me parler des maladies qui sont engendrées par le tabac sans fumée? Il y a certainement des conséquences au niveau de la bouche ou au niveau de la gorge, au niveau... Il me semble, j'ai déjà entendu parler des gens qui avaient développé non seulement de la dépendance, mais certaines maladies importantes suite à la consommation de ces produits-là. Moi, je n'en ai jamais consommé, là, mais ça a l'air qu'on laisse ça comme ça, dans la bouche, collé au palais ou je ne sais pas trop, là.

• (9 h 50) •

M. Turcotte (Jean-François) : Oui. Bien, comme j'ai mentionné, on ne fait aucune déclaration relative à la santé. Par contre, Santé Canada prescrit des avertissements sur nos emballages. Il y a quatre avertissements que les consommateurs voient à chaque fois qu'ils achètent un produit.

Mme Charlebois : ...excusez, M. le Président, j'ai coupé monsieur.

Le Président (M. Tanguay) : Oui. Non, allez-y, allez-y, ça va bien.

Une voix : Pardon?

Mme Charlebois : Non, mais je suis trop passionnée. Vos produits, ils se vendent dans quel format? Qu'est-ce que ça ressemble, ce que vous vendez? Avez-vous ça avec vous? Pourriez-vous nous montrer un peu à quoi ça ressemble?

M. Turcotte (Jean-François) : Je ne montrerai pas la marque. C'est une canne...

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Turcotte (Jean-François) : Je ne fais pas de publicité.

Mme Charlebois : Non, non.

M. Turcotte (Jean-François) : C'est une canne ronde, comme ça, une boîte ronde. Alors, il y a du tabac dans la canne.

Mme Charlebois : La mise en garde est toute petite?

M. Turcotte (Jean-François) : Non, ce qui est petit, c'est notre marque de commerce. Alors, la mise en garde, c'est 50 % de l'emballage, alors : ce produit crée une forte dépendance, ce produit cause des maladies de la bouche, l'utilisation de ce produit peut causer le cancer, et ce produit n'est pas un substitut sécuritaire à la cigarette. Ce sont les quatre avertissements que Santé Canada nous demande de placer sur l'emballage, et c'est ce qu'on fait.

Mme Charlebois : Ce que vous dites, c'est qu'il n'y a pas tant que ça des jeunes qui consomment ce produit-là, mais ce qu'on m'indique, c'est qu'il y a des joueurs de baseball ou football ou, en tout cas, des sportifs qui consommeraient ces produits-là. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il n'y a pas des jeunes qui copient les modèles des adultes?

M. Turcotte (Jean-François) : Bien, je vais me fier à la recherche qui a été faite, ECTAD, qui indique que moins de 1 % des jeunes et des jeunes adultes utilisent ce produit du tabac. Le Québec représente 2 % de notre marché canadien, 2 %. Alors, je dirais que ce chiffre est beaucoup moins élevé que ça, même au Québec. Alors, c'est ce que je sais. Ce sont les faits que ce n'est pas un produit très populaire chez les jeunes et il n'y a pas de croissance significative.

Mme Charlebois : J'ai une dernière question, M. le Président, qui me laisse un petit peu perplexe, dans le mémoire. Peut-être que vous allez être capable de m'expliquer ça. Considérant qu'on sait que, même la fumée sans tabac... Tu sais, je comprends que vous me dites que 1 % de la population canadienne consomme ces produits-là, tout ça, mais 1 %, c'est quand même 1 %. On sait que vous admettez que ces produits-là peuvent aussi causer des maladies. On ne dit pas : Cause automatiquement, mais peut fortement causer des maladies.

Quand vous nous parlez, dans votre mémoire, de «fourniture responsable de produits du tabac sans fumée», qu'est-ce que c'est qu'une «fourniture responsable», qu'est-ce que c'est qu'une commercialisation responsable de produits qui peuvent rendre les gens malades? J'ai un petit peu de difficultés à comprendre à partir de quand on a une fourniture responsable d'un produit qui peut nous rendre malades. C'est une drôle de question, mais...

M. Turcotte (Jean-François) : Bien, le but du projet de loi n'adresse pas nécessairement la santé, les effets de santé. Si c'était le cas, sûrement que les cigarettes conventionnelles en feraient partie. Nous sommes partenaires avec ACDA, l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation, et leur association régionale au Québec. Nous sommes un partenaire de taille dans leur programme de formation du détaillant responsable, alors, ça s'appelle Pièce d'identité. Tous nos employés sont certifiés annuellement dans le cadre du programme. Nous encourageons aussi les dépanneurs à se joindre au programme Pièce d'identité. Alors, ce qui est important pour nous, c'est de s'assurer que les jeunes ne peuvent pas se procurer du tabac ou, certainement, nos produits de tabac. Alors, c'est ça qui est très important. C'est un produit pour adultes, seulement pour les adultes, un produit légal, et nous faisons ce que nous pouvons pour empêcher les jeunes de s'en procurer.

Mme Charlebois : Là-dessus, on a la même préoccupation, M. le Président. Mais, manifestement, les jeunes y vont encore, alors il va falloir...

M. Turcotte (Jean-François) : C'est ça. Oui, il faut continuer.

Mme Charlebois : Vous avez vu dans le projet de loi qu'il faut intensifier... Et, quand vous dites : Oui, les cigarettes ne sont pas assujetties, on parle de saveurs. Quand je vous questionne, c'est sur les saveurs, évidemment. C'est dans ce sens-là que je vous parlais de fourniture responsable et de commercialisation. Puis, oui, pour les cigarettes aussi, il va y avoir une interdiction de saveurs, c'est clair. Bien, c'est dans le projet de loi. On va voir à la fin comment ça sera adopté avec l'ensemble des collègues. Mais, comme je vous dis, c'est ce qui est stipulé dans le projet de loi. À ce moment ici, je crois que j'ai un collègue, le député...

Le Président (M. Tanguay) : Oui, et je me ferai un plaisir de lui céder la parole. Nous sommes toujours sur le même bloc, pour la banquette ministérielle, un six minutes encore, et je cède maintenant la parole au collègue de Sainte-Rose.

M. Habel : Oui. Merci, M. le Président. J'ai une question assez simple pour nos invités, que je salue d'ailleurs, et tous les autres parlementaires. C'est l'équivalent du tabac à mâcher, le produit dont vous parlez. J'aimerais juste comprendre les composantes du produit.

M. Turcotte (Jean-François) : Oui. Le terme «tabac sans fumée», c'est ce qu'on appelle le produit, c'est une traduction du terme anglophone...

Une voix : C'est une catégorie.

M. Turcotte (Jean-François) : ... — oui, c'est une catégorie — en anglais, on appelle ça «smokeless tobacco». Il y en a qui vont appeler ça du tabac à chiquer ou de la chique. Nos produits ne sont pas chiqués. Ça, c'est des feuilles de tabac qu'on chique, tandis que nos produits, c'est simplement une petite pincée ou un petit sachet que les gens se placent entre la lèvre et la gencive. Alors, des fois, on va appeler ça du tabac à chiquer, mais ce n'est pas chiqué.

M. Habel : Mais quelles sont les composantes du produit? À l'intérieur, il y a du tabac, mais est-ce qu'il y a d'autres composantes importantes?

M. Turcotte (Jean-François) : C'est du tabac; des additifs, des arômes et du tabac.

M. Habel : Est-ce qu'il y a des additifs dans le produit?

M. Turcotte (Jean-François) : Des additifs et des arômes, oui, dans le tabac, oui, ce qui crée un goût différent pour chaque produit.

M. Habel : Est-ce que vous pouvez juste élaborer un peu plus sur le produit en tant que tel, juste pour permettre aux auditeurs de comprendre quel est le produit qu'on parle en ce moment?

M. Turcotte (Jean-François) : Quel est le produit? Bien, comme je dis, c'est du tabac. La fabrication est, comme j'ai dit, très, très complexe. Je n'ai pas la recette, malheureusement. On est le distributeur canadien. Alors, on parle d'un tabac avec des arômes et des additifs que les gens utilisent oralement, une pincée, de l'eau.

M. Habel : Parce que c'est un peu différent d'une cigarette qu'on inhale. Est-ce qu'il y a des produits chimiques dans votre produit?

M. Turcotte (Jean-François) : Des produits chimiques?

(Consultation)

M. Turcotte (Jean-François) : Non, pas que je sache. C'est du tabac. C'est du tabac. À tous les trois mois, nous envoyons un rapport à Santé Canada avec tous les ingrédients. Le fabricant, d'ailleurs, envoie un rapport à Santé Canada avec tous les ingrédients et le processus de fabrication. Alors, ça, je n'ai pas ça avec moi, mais c'est offert au gouvernement.

M. Habel : Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin au premier bloc d'échange, et je cède maintenant la parole, pour une période de 14 minutes, au représentant de l'opposition officielle, le collègue de Rosemont.

M. Lisée : Merci, M. le Président. Alors, M. Turcotte, M. Adams, bienvenue. M. Turcotte, vous avez dit plusieurs fois : Je ne fais aucune déclaration sur la santé. Ça veut dire quoi, ça?

M. Turcotte (Jean-François) : Ça veut dire que nous ne faisons aucune déclaration. On parle de Santé Canada, qui donne des avertissements...

M. Lisée : ...donne des avertissements, vous les avez lus, mais est-ce que vous êtes d'accord avec ces avertissements?

M. Turcotte (Jean-François) : Est-ce que je suis d'accord? Je ne suis pas un scientifique, alors je ne sais pas ce que... Ce que nous savons, c'est ce que la communauté scientifique et médicale nous dit. Nous ne faisons aucune déclaration positive ou négative.

M. Lisée : Ou négative. Vous ne faites aucune admission sur la nocivité du produit que vous distribuez. Est-ce que vous reconnaissez que le produit que vous distribuez a des effets négatifs sur la santé des utilisateurs?

M. Adams (Jeremy) : Oui...

M. Lisée : Oui, vous le reconnaissez.

M. Adams (Jeremy) : ...il y a des risques avec utiliser les produits du tabac.

M. Lisée : Pardon?

M. Adams (Jeremy) : Il y a des risques quand on utilise les produits du tabac.

M. Lisée : Il y a des risques. D'accord.

M. Adams (Jeremy) : Il n'y a personne qui dispute ces faits.

• (10 heures) •

M. Lisée : Bon. Alors donc, vous êtes d'accord pour dire que les utilisateurs de votre produit savent maintenant, parce qu'il y a des avertissements, sur les produits, émis par Santé Canada, que l'utilisation du produit peut avoir des risques pour leur santé, à la fois des risques pulmonaires, des risques pour la mâchoire, et que ce n'est pas un bon substitut pour la cigarette. Vous êtes d'accord avec ça?

M. Adams (Jeremy) : C'est selon la Santé Canada, c'est vrai.

M. Lisée : Bon. D'accord. Alors, si le projet de loi fait en sorte de réduire les arômes... Parce que le projet de loi n'interdit pas votre produit. Le projet de loi, s'il est adopté, va faire en sorte que les arômes, donc le menthol et le thé des bois, qui sont vos deux principaux arômes depuis des années, et quelques autres... Donc, vous pensez que ça va réduire la consommation de votre produit si le projet de loi est adopté.

M. Turcotte (Jean-François) : Je crois que oui. Oui, je crois que les adultes ont leurs préférences dans les différents goûts de nos produits. Et, si on en enlève — on parle d'en enlever la plupart maintenant, de la manière que le projet de loi est écrit — qu'est-ce que les consommateurs vont faire, je ne le sais pas exactement, mais...

M. Lisée : Vous n'avez pas de prédiction sur la réduction de la consommation qui découlerait de l'application du projet de loi tel que rédigé.

M. Turcotte (Jean-François) : Vraiment, je ne le sais pas. Je ne peux pas prédire qu'est-ce que les consommateurs vont faire. Est-ce qu'ils vont adopter la cigarette conventionnelle, traditionnelle? C'est possible, je ne le sais pas.

M. Lisée : En ce moment, quelle est la proportion de vos produits qui sont vendus qui sont aromatisés?

M. Turcotte (Jean-François) : Au Québec, je dirais, bien, peut-être 30 % aux fruits, un 30 % menthe, thé des bois et un 30 % plutôt naturel.

M. Lisée : O.K. Donc, s'il n'y a pas du tout d'arôme, il y aurait un potentiel de réduction de la vente de vos produits de 60 %.

M. Turcotte (Jean-François) : C'est possible.

M. Lisée : C'est possible.

M. Turcotte (Jean-François) : C'est possible. Comment les consommateurs vont réagir, je ne le sais pas. On ne le sait pas.

M. Lisée : Donc, on aurait 60 % de consommateurs de moins de tabac sans fumée, et donc une réduction de 60 % des risques pour leur santé.

M. Turcotte (Jean-François) : On assume que ces consommateurs-là n'iront pas ailleurs fumer ou utiliser d'autres sortes de produits du tabac qui sont possiblement plus nocifs pour la santé.

M. Lisée : D'accord. Alors, ce n'est pas impossible, effectivement, qu'ils se replient sur autre chose, mais, puisque le projet de loi abolit les arômes sur l'ensemble des produits de tabac, si c'était l'arôme qui les intéressait, c'est-à-dire, le menthol, ils n'ont nulle part où aller.

M. Turcotte (Jean-François) : Je ne comprends pas la question.

M. Lisée : Si ce qu'ils aimaient dans le tabac sans fumée, c'était le menthol et qu'il n'y a pas de menthol dans les cigarettes parce qu'on les interdit aussi, il n'y a pas de menthol dans les autres produits du tabac, ils n'auront nulle part où aller pour prendre du menthol que d'acheter de la menthe chez un herboriste.

M. Turcotte (Jean-François) : C'est vraiment une différente sorte de produit. Alors, on dit : Si on élimine le menthol dans la cigarette, les gens vont venir vers le tabac sans fumée au menthol. C'est ce que vous...

M. Lisée : Non. Ce que je dis, c'est que, si on interdit le tabac sans fumée au menthol et qu'on interdit les cigarettes au menthol, les gens qui aimaient l'idée du menthol, vos consommateurs, ils ne pourront pas aller à un autre tabac. Ils vont peut-être prendre du thé au menthol, finalement, si c'est vraiment le menthol qui les intéresse.

M. Turcotte (Jean-François) : Je ne peux pas prédire ce que les consommateurs vont faire quand on va leur enlever leur tabac. Est-ce qu'ils vont aller à une autre sorte de tabac ou possiblement se le procurer à l'extérieur du réseau légal? C'est aussi possible.

M. Lisée : O.K. Mais il est raisonnable de penser que, toutes choses étant égales par ailleurs, l'interdiction des arômes va avoir un impact de réduction de la consommation. Il va y avoir du déplacement de consommation, mais il est certain qu'il va y avoir une réduction de consommation.

M. Turcotte (Jean-François) : Il pourrait y avoir une réduction. Encore, je ne peux pas prédire ce qui va arriver avec ce changement.

M. Lisée : Parce qu'on parle beaucoup des jeunes. Moi, je veux bien... effectivement, je suis d'accord qu'on réduise le point d'entrée. Et votre produit n'est pas un produit de point d'entrée. Je veux dire, on a vu les joueurs de baseball cracher constamment, etc., ça n'a pas l'air à prendre chez les jeunes de cette génération-ci. Ça a été le cas peut-être dans le passé. Votre produit n'est pas un produit de point d'entrée pour les jeunes, mais c'est un produit parmi d'autres qui fait partie de la prévalence du tabac, et donc des impacts négatifs du tabac sur la santé.

Et, si notre objectif général, c'est de réduire la prévalence de l'ensemble de la consommation du tabac et que la mesure proposée, donc, l'abolition des arômes, a cet impact-là de réduire l'utilisation de votre produit et des autres, donc on a atteint notre objectif de réduire l'utilisation du tabac dans le public.

M. Turcotte (Jean-François) : Nous, ce qui nous inquiète, c'est les conséquences non souhaitées, c'est les produits... C'est pour ça que, dans notre amendement qu'on suggère, on rajoute le mot «caractérisantes» : des saveurs «caractérisantes». Nous avons des produits qui n'ont aucune saveur caractérisante, mais on dit qu'il ne peut y avoir aucune saveur ou arôme autres que ceux du tabac. Alors, pour ceux qui ont le but de mettre en application cette loi, de l'enforcer, lesquels de nos produits seraient acceptables et lesquels seraient bannis? C'est très difficile à déterminer lorsqu'on lit le projet de loi tel qu'écrit.

M. Lisée : Très bien. Moi, j'aurais une suggestion à vous faire. Je sais que vous êtes dans cette business-là, vous distribuez du tabac sans fumée. Il est probable que nous allions de l'avant avec l'interdiction des arômes, mais je suis sensible à l'emploi à Pointe-Claire, et donc je vous suggérerais de vous mettre à distribuer des bonbons au menthol et des bonbons au thé des bois pour justement essayer de rattraper un certain nombre des consommateurs qui, à ce moment-là, n'auront plus de tabac, parce que je tiens à ce que les emplois restent. Et, de toute évidence, il y a des gens qui aiment la saveur du menthol et de thé des bois et, donc, il y a un marché, là, il y a un marché qui va se libérer. Alors, je vous suggère de réfléchir à ça.

Une dernière question. Vous dites : Le Québec n'est que 2 % de votre marché au Canada. Quelles sont les provinces les plus consommatrices de tabac sans fumée?

M. Adams (Jeremy) : ...

M. Lisée : L'Alberta?

M. Adams (Jeremy) : Alberta. 40 % de notre vente, 40 %.

M. Turcotte (Jean-François) : C'est surtout un phénomène de l'Ouest.

M. Lisée : De l'Ouest canadien.

M. Turcotte (Jean-François) : Alors, l'Alberta, c'est le plus gros marché. L'Ouest canadien représente environ 75 % des ventes.

M. Lisée : Et le Stampede est un moment important dans la vente de vos produits?

M. Turcotte (Jean-François) : Des cowboys.

M. Lisée : Très bien. Je vous remercie beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Merci pour vos réponses.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, je cède maintenant la parole à notre collègue de Saint-Hyacinthe pour un bloc de 9 min 30 s.

Mme Soucy : Bonjour. Merci d'être ici. J'ai bien écouté vos arguments.

Vous êtes d'accord pour dire que le tabac sans fumée crée une dépendance. Vous l'avez dit tantôt. Vous êtes aussi d'accord pour dire qu'il y a des dangers qui sont reliés à ça. Puis, selon une étude qui a été publiée en 1992, ils disent que votre tabac... le produit, en fait, crée une plus grande dépendance en raison qu'il contient deux fois et demie plus de nicotine qu'une cigarette, par exemple. Donc, la dépendance est d'autant plus grande, puisqu'il y a deux fois et demie plus de nicotine.

On sait qu'au Québec 3 % des jeunes au Québec consomment, selon les chiffres de Santé Canada, qui a effectué une enquête sur le tabagisme. Donc, ça gagne quand même de la popularité chez les jeunes sportifs. Il y a également l'OMS qui disait que la vente du produit a augmenté de 10 % durant les cinq dernières années. On sait, vous en avez parlé tantôt, bon, le Québec, c'est peut-être une petite part du marché. Par contre, vous avez dit : L'Alberta, le Manitoba... On sait qu'il y a 50 % des joueurs de hockey qui consomment le tabac sans fumée. C'est une étude qui a été publiée en 2013. Alors, ça me porte à vous poser la question. Vous disiez tantôt que le gouvernement fédéral avait exclu le tabac sans fumée parce qu'il était moins populaire chez les jeunes. Par contre, avec les nouvelles études qui ont été faites depuis l'exemption du gouvernement fédéral, est-ce que les arguments du gouvernement fédéral qu'ils ont utilisés en 2009 seraient les mêmes aujourd'hui quand on voit qu'il y a une augmentation quand même de popularité chez les jeunes? En fait, je ne m'y connais dans ce type de produit là, mais j'aurais le goût de vous demander qu'est-ce qui fait en sorte que les jeunes consomment ça. C'est une mode chez les jeunes sportifs, entre autres?

M. Turcotte (Jean-François) : Bien, ce que vous me dites, ça me surprend un peu. Alors, je ne sais pas quelles études disent ça.

Mme Soucy : Ah! je peux vous envoyer toutes les études que...

• (10 h 10) •

M. Turcotte (Jean-François) : Il y a une étude, une grosse étude, c'est l'ECTAD. Alors, on parle de moins de 1 % — moins de 1 % — des jeunes et des jeunes adultes qui utilisent ce produit. On parle de croissance dans les cinq dernières années, nous représentons la majorité de cette catégorie et, je peux vous dire, dans les dernières années, on n'a pas vu de croissance, on a vu un déclin dans les ventes. Alors, les chiffres que vous présentez, je ne le sais pas, d'où ils viennent, mais...

Mme Soucy : ...

M. Turcotte (Jean-François) : De Santé Canada?

Mme Soucy : Oui, qui ont fait une enquête sur le tabagisme. Je vais partager l'information avec vous si vous voulez.

Également, vous parliez d'arômes tantôt. On sait que, bon, votre tabac est aromatisé. Le fait, en fait, que le tabac soit aromatisé augmente la consommation chez les jeunes, parce qu'il y a un goût, ça goûte bon, hein? En tout cas, les jeunes qui commencent puis qui se mettent le tabac à chiquer dans la bouche... puis, si le goût est désagréable, bien ils ne seront pas tentés à réessayer l'expérience. Le fait que, votre tabac à vous, on dit qu'il... 70 % de vos produits sans fumée sont aromatisés, comparativement à un tiers dans les cigarettes qu'on connaît sur le marché. Alors, le fait qu'on enlève, parce que le projet de loi le dit, que ça va être... en tout cas, s'il est adopté tel quel, que ça va être interdit... alors, pour vous, j'aurais tendance à vous demander : Votre marché, votre business... vous craignez pour votre business à ce moment-là?

M. Turcotte (Jean-François) : Sûrement, il y a un risque sur la business, mais, quand on parle de produits aromatisés... Le projet de loi adresse spécifiquement le tabagisme chez les jeunes, et, je vais répéter, les jeunes ne s'intéressent pas en grand nombre à nos produits. Nos produits ont toujours été aromatisés.

M. Adams (Jeremy) : Au Québec, 99,95 % des ventes de tous les produits du tabac, c'est les produits autres que le tabac sans fumée. Si on veut résoudre le problème de tabagisme, ce n'est pas d'éliminer une catégorie très petite comme le tabac sans fumée.

M. Turcotte (Jean-François) : Qui n'a pas de croissance, qui a une histoire de tabac aromatisé offert à des adultes depuis les années 1800. Et je compare ça un peu au tabac à pipe : les tabacs à pipe sont aromatisés. Je ne crois pas qu'il y a beaucoup de jeunes qui fument...

Mme Soucy : Bien, en tout cas, moi, les études que j'ai lues disaient que ça gagnait de la popularité chez les jeunes sportifs. Quand on parle de football, de joueurs de hockey, ça gagne de la popularité. Puis c'est de là où est-ce que je dis qu'il y a quand même une inquiétude. Ça gagne de la popularité chez les jeunes. On sait que, le tabac, comme il contient deux fois et demie plus de nicotine, la dépendance est beaucoup plus grande rapidement.

Écoutez, ça a beau être un petit marché, mais, quand on sait toutes les conséquences qu'il y a, bien les dangers sont là. Puis vous-mêmes, vous l'avez dit.

M. Turcotte (Jean-François) : Je comprends. Si le tabac sans fumée gagnait en popularité, on verrait des augmentations en vente. Ce n'est pas le cas. Si le tabac sans fumée augmentait en popularité, on verrait un changement dans l'ECTAD, ce qu'on ne voit pas. Au Québec, on parle de 900 dépanneurs, on parle de 190 000 canettes par année qui sont vendues. C'est quatre canettes par dépanneur par semaine. On parle de quelque chose qui est gros comme ça, à comparé au monde du tabac.

Alors, c'est sûr, c'est quand même du tabac, oui, mais c'est une très petite catégorie établie niche qui s'adresse aux adultes.

Mme Soucy : J'ai une dernière question pour vous : Selon vos connaissances, est-ce qu'il existe une contrebande d'un produit similaire au vôtre?

M. Turcotte (Jean-François) : On ne sait pas. On sait qu'avec les cigarettes, oui, il y a une grosse contrebande. Mais on ne l'a pas vraiment étudiée, non. Je ne pourrais pas vraiment commenter sur ça.

Mme Soucy : Vous ne savez pas s'il y a de la contrebande de votre produit.

M. Turcotte (Jean-François) : C'est sûr que les gens achètent le produit aux États-Unis quand ils peuvent. Le prix est beaucoup moins cher. En ce qui concerne le crime organisé qui importe des produits américains, je ne peux pas vraiment dire à quel niveau que ça existe.

Mme Soucy : Vous disiez tantôt que le prix était élevé, c'est pour ça que c'était moins populaire chez les jeunes. Donnez-nous un ordre de grandeur des prix de votre produit.

M. Turcotte (Jean-François) : Nos produits se vendent pour 20 $, 20 $ la canette, plus TPS... alors, c'est ça, 19,79 $, et on parle de taxe d'accise fédérale de 6,57 $. Alors, nos produits sont... une chose que je n'ai pas mentionnée, sont différents, sont humides. Il y a de l'eau dans le produit, alors ils sont pesants. Nos produits sont taxés de la même manière que les cigarettes, le tabac à rouler, qui est très léger et sec. Le fédéral taxe à un minimum de 50 grammes pour ce genre de tabac. Nos produits viennent dans des canettes de 34, 23 ou 14 grammes. Alors, on taxe l'air, si vous voulez. Alors, 6,57 $ en taxe fédérale d'accise, 5,07 $ en taxe sur le tabac du Québec, on parle de1 $ en TPS, et la balance, c'est vraiment nos coûts, les coûts de fabrication, d'importation, les marges des grossistes, les marges de profit des dépanneurs, alors, ce qui fait que c'est un produit très, très dispendieux, le double du prix d'un paquet de cigarettes.

Mme Soucy : Vous êtes seulement distributeurs. Ce n'est pas fait au Québec, ce n'est pas fabriqué au Québec. Vous êtes des distributeurs, c'est ça?

M. Turcotte (Jean-François) : C'est ça, oui.

Mme Soucy : C'est fait où?

M. Turcotte (Jean-François) : C'est fait aux États-Unis, oui.

Mme Soucy : O.K. Merci.

M. Turcotte (Jean-François) : Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Alors, merci beaucoup, MM. Turcotte et Adams. Nous vous remercions. Vous représentez la Compagnie du tabac sans fumée nationale. Merci pour votre présentation.

Je vais demander maintenant aux représentants de l'Association des propriétaires de sheesha du Québec de bien vouloir prendre place et, dans l'intervalle, je suspends nos travaux.

(Suspension de la séance à 10 h 17)

(Reprise à 10 h 23)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous accueillons maintenant les représentants de l'Association des propriétaires de sheesha du Québec. Alors, bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation. Par la suite, vous aurez un échange avec les parlementaires. Dans un premier temps, j'aimerais évidemment que vous puissiez vous nommer, pour les fins d'enregistrement, et préciser vos fonctions. Et vous disposez donc, dès maintenant, de 10 minutes. La parole est à vous.

Association des propriétaires de sheesha du Québec

M. St-Onge (Patrick) : Parfait. Merci. Donc, premièrement, j'aimerais saluer la ministre Charlebois, qui a déposé le projet de loi, et aussi tous les membres de la Commission de la santé et des services sociaux du Québec. Je me présente, mon nom est Patrick St-Onge, je suis le président de l'Association des propriétaires de sheesha du Québec, donc, l'APSQ. Je suis également aussi propriétaire du Café Hookah Lounge, qui est un établissement qui est reconnu par le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec en tant que salon de cigares qui est spécialisé en chicha. Je suis accompagné du vice-président de l'association, M. Stelios Lekakis, qui est aussi un propriétaire d'un établissement reconnu par le ministère, soit le Café Ramses à Brossard, et je suis accompagné de Martin Guimond, qui est le directeur des communications de l'association.

Donc, notre association, c'est une association informelle qui a été créée dans un seul objectif, c'est-à-dire de protéger et faire valoir les droits de tous les salons de cigares qui sont reconnus par le ministère et qui sont spécialisés en chicha. En date d'aujourd'hui, on est seulement 10 établissements qui possèdent une telle exemption par rapport à la chicha. On est ici pour débattre du projet de loi n° 44 sur le tabac, projet de loi qui actuellement nous enlève notre droit acquis de vendre du tabac aromatisé dans nos établissements ainsi que sur nos terrasses. Notre argumentation porte principalement sur trois faits : un, le fait que nous jouissons d'un droit acquis octroyé par le gouvernement du Québec depuis 2005; deux, le fait que nous n'accueillons pas de mineur dans nos établissements; et, trois, le fait que nous avons fait des investissements importants, pour ne pas dire majeurs, par rapport à ce droit acquis en 2005.

Pour ceux et celles qui ne connaissent pas très bien la chicha, bien, la chicha, c'est un produit du tabac qui est composé de mélasse, c'est une glycérine — environ 60 % à 80 % du produit, c'est cela — qui, elle, bien est mélangée avec des feuilles de tabac qui sont à l'état naturel et qui sont coupées en morceaux, ce qui correspond à environ de 20 % à 40 % du produit. C'est un produit qui est originaire du Moyen-Orient, qui est destiné à être fumé dans une pipe à eau. C'est quelque chose qui se consomme dans un contexte social. La plupart des gens qui fréquentent nos établissements sont souvent entre amis, viennent pour relaxer, discuter entre eux et se partagent une chicha. C'est un produit qui est consommé de manière occasionnelle et qui est beaucoup moins accessible qu'une cigarette. En effet, allumer une chicha, c'est un processus qui est fort complexe, comparativement à une cigarette. Il y a vraiment plusieurs étapes à respecter pour allumer une chicha : tout le montage de la pipe à eau, le remplissage du foyer, allumer le charbon, etc. Pour la cigarette, bien, c'est très simple, on a juste à la sortir de notre paquet, de nos poches et juste l'allumer pour la consommer.

Le principal objectif de ce projet de loi, de ce qu'on comprend, c'est que c'est une lutte contre le tabagisme chez les mineurs, chose que l'on soutient grandement et que l'on applaudit aussi mais, par exemple, qui ne nous concerne en aucun point. Nos établissements sont des endroits qui sont tous de 18 ans et plus, ce qui signifie qu'il n'y a aucun mineur qui peut les fréquenter. La plupart d'entre nous possédons aussi un permis d'alcool, ce qui vient justement renforcer le point précédent. On vit dans une société de libre choix où chaque adulte peut jouir de la liberté de fréquenter ou non les établissements qu'il désire, donc pourquoi primer... brimer, excusez, une population adulte et avertie qui désire d'autant plus consommer nos produits en toute connaissance de cause, au nom des mineurs qui n'ont même pas accès à nos produits, car ils n'ont tout simplement pas accès à nos établissements?

Nous possédons un droit acquis depuis 2005 qui nous permet d'opérer en toute légalité. Nos établissements disposent aussi de tous les permis nécessaires, comme le permis d'importation, le permis d'agent-percepteur, etc. Nous respectons toutes les lois qui sont en vigueur, en plus de contribuer à l'essor économique du Québec par l'intermédiaire de taxes de toutes sortes, comme la taxe d'accise sur le tabac, la taxe de vente du Québec sur le tabac, la TPS, la TVQ, etc. Si l'on réunit ensemble la dizaine d'établissements qui sont reconnus par le ministère, on peut constater que nous contribuons à la création de plus d'une centaine d'emplois au Québec en plus de générer des revenus significatifs à l'État québécois qui sont approximativement de 2,5 millions annuellement, selon nos estimations. Plusieurs d'entre nous avons fait des investissements importants par rapport à notre droit acquis : nous avons pris des baux commerciaux prolongés, nous avons acheté des immeubles, nous avons fait d'autres ouvertures de commerce; le tout, en partie, financé par nos établissements, qui possèdent cette exemption. C'est exactement le cas de M. Lekakis et moi-même.

Si le projet de loi est adopté tel quel, il nous devient tout à fait impossible de survivre en se recyclant en autre chose. Sans notre exemption et, par conséquent, les revenus reliés à cette exemption, on est carrément voués à la faillite, parce que nos immeubles et nos autres commerces dépendent de nos revenus actuels. Sans ces revenus, sur lesquels nous comptons, nous ne sommes pas en mesure d'honorer le paiement de nos dettes respectives. Bref, le projet de loi tel quel nous met carrément en faillite. Il faut bien comprendre que la vente de chichas correspond à plus de 40 % de nos ventes globales, ce qui est une partie énorme. Sans chicha, il nous est impossible de survivre, car les gens qui fréquentent nos endroits viennent spécifiquement pour ce produit. Si notre commerce, qui est exempté, ne l'est plus, bien tout le reste coule avec lui.

Une autre réalité très importante est le fait qu'il y a beaucoup d'endroits à chichas qui sont illégaux et qui opèrent au noir. Ces endroits-là ne paient pas de taxe, et c'est malheureusement souvent à cause d'eux que les jeunes consomment notre produit, parce qu'ils tolèrent la présence de mineurs à l'intérieur de leurs établissements. Leur prix de vente est pratiquement à notre coûtant réel, étant donné qu'ils ne paient pas les taxes, ce qui vient fortement jouer sur l'incitation des jeunes à fréquenter ces endroits, qui offrent un produit qui est à coût moindre. Nous sommes d'avis que nous sommes une partie de la solution à ce fléau, qui est présentement hors de contrôle. En instaurant une collaboration étroite entre le gouvernement et les établissements reconnus, il serait plus facile de contrôler la distribution de ce produit aromatisé. Nous avons tous les permis nécessaires en place. De plus, nous sommes tous soumis à la réglementation sur l'estampillage. Ceci signifie que nos produits sont timbrés, donc sont identifiables mais aussi retraçables dans nos établissements respectifs. En d'autres mots, l'estampillage fait en sorte que toutes les taxes sont payées et que le produit est normalisé.

La réalité est que, peu importe la nature d'une prohibition, celle-ci ouvre forcément une porte toute grande à la contrebande. En autorisant les 10 établissements reconnus, il devient possible de contribuer à freiner une partie de ce marché noir, qui, lui, engendre beaucoup de pertes, notamment au niveau des revenus de l'État, en plus d'inciter nos jeunes à fumer, ce que nous ne voulons absolument pas.

Afin de faire valoir et respecter nos droits fondamentaux, nous sommes d'avis qu'il faudrait exempter salons de cigares reconnus de toutes les clauses du projet de loi déposé en ce qui concerne nos terrasses, mais principalement sur tout ce qui touche l'interdiction de vendre du tabac aromatisé dans nos établissements.

Bref, nous sommes d'avis que ce projet de loi nous cible et qu'il ne s'attaque pas au problème à la source. Nous sommes des établissements reconnus qui possèdent un droit acquis depuis 2005, qui agissent selon les lois en vigueur, qui contribuent à l'essor économique de notre province depuis plus d'une décennie et qui ne contribuent aucunement au fait que les mineurs fument de nos produits, car ils n'ont tout simplement pas accès à nos établissements. Par conséquent — le but premier de ce projet de loi est de lutter contre le tabagisme chez les mineurs — la question que nous nous posons est, donc, la suivante : À la connaissance de tous les points exposés ici ainsi que dans le mémoire que nous avons déposé, pourquoi sommes-nous visés par ce projet de loi? Nous sommes des honnêtes citoyens qui désirent poursuivre leurs opérations telles qu'à la présente en conservant notre droit acquis, octroyé en 2005. Merci beaucoup de votre écoute.

• (10 h 30) •

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup pour votre présentation. Nous allons maintenant débuter les blocs d'échange, et, en ce sens, je cède la parole à Mme la ministre pour un bloc de 25 minutes.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, M. St-Onge, M. Lekakis et M. Guimond. Merci d'être là et de venir partager avec nous votre mémoire mais aussi vos préoccupations. Et ce que j'entends, c'est que vous voulez collaborer à faire en sorte qu'au Québec on ait moins de problématiques avec le tabagisme.

D'entrée de jeu, je vais vous demander de me définir ce qu'est votre droit acquis, parce que je pense qu'on n'a pas la même compréhension. Alors, où vous voyez l'application de votre droit acquis? Qu'est-ce que ça concerne, votre droit acquis?

M. St-Onge (Patrick) : En fait, c'est que...

Mme Charlebois : J'aimerais ça vous entendre sur votre compréhension.

M. St-Onge (Patrick) : Excusez. En fait, c'est qu'en 2005 on était des établissements qui étaient déjà ouverts, et le gouvernement du Québec nous a donné une exemption de pouvoir continuer à opérer les opérations qu'on faisait à ce moment-là, qui sont toujours les mêmes opérations qu'on fait aujourd'hui.

Mme Charlebois : ...de consommer les produits avec une chicha.

M. St-Onge (Patrick) : C'est ça.

Mme Charlebois : À l'intérieur.

M. St-Onge (Patrick) : Chichas, cigares, mais nous autres, on est plus spécialisés en chicha. Le cigare est une clientèle complètement différente, là.

Mme Charlebois : Parce que, selon ce qu'on m'indique, c'est que le droit acquis ne touche pas les saveurs et ne touche pas les terrasses, dont vous faites mention.

M. St-Onge (Patrick) : Vous voulez dire qu'on n'a pas un droit acquis par rapport aux saveurs.

Mme Charlebois : Là-dessus, non. Vous avez un droit acquis, selon ma compréhension, de fumer, de permettre aux gens de fumer de la chicha, mais les saveurs ne font pas partie du droit acquis, et la permission de fumer ces produits-là sur la terrasse ne faisait pas partie du droit acquis. Ce qui était le droit acquis, c'est l'utilisation de la chicha avec les produits du tabac. Vous êtes d'accord avec ça?

M. St-Onge (Patrick) : Oui, mais en fait...

M. Guimond (Martin) : Mais les saveurs sont intrinsèquement, en réalité, incluses dans la chicha.

Mme Charlebois : Non, mais dans le droit acquis... je comprends que vous vendez vos produits du tabac avec une saveur, mais, dans le droit acquis, revenons au droit acquis, là...

M. St-Onge (Patrick) : Bien, vous parlez par rapport à la terrasse ou par rapport à l'intérieur?

Mme Charlebois : Par rapport aux saveurs. Restons sur les saveurs, mettons.

M. Lekakis (Stelios) : À propos des saveurs, il n'existe pas du tabac à chicha sans saveur. Il n'y en a pas sur le marché canadien ni américain.

Mme Charlebois : Il n'y en a pas du tout?

M. St-Onge (Patrick) : Non, il n'y a pas de... Bien, c'est pour ça que je ne comprenais pas la question, parce que la chicha, à la base, c'est aromatisé. Il n'y a pas... en fait, il existe une autre sorte de tabac, mais c'est complètement une sorte de tabac qui est différente pour fumer la chicha. En fait, ça ressemble un peu à un cigare qu'on met sur la pipe à eau.

Mme Charlebois : Parce que ce que j'avais lu, c'est que ça existait avec tabac seulement. Mais, comme vous dites, ça doit être un produit différent. Moi, je n'en consomme pas, là, ça fait que c'est pour ça que je vous pose des questions, mais est-ce que c'est possible, vous le dites vous-même, là, d'avoir du tabac mais dans une forme différente? Mais ce que vous vendez majoritairement, ce que vous m'indiquez, c'est avec les saveurs.

M. St-Onge (Patrick) : Ça, on n'en vend pas dans nos établissements. Le tabac, c'est une mélasse... c'est 80 %, à peu près, d'une mélasse qui est glycérine puis c'est des feuilles de tabac qui sont mélangées dedans, et ils ont des arômes rajoutés. Il n'y a pas de chicha à saveur de tabac en tant que tel dans les produits qu'on utilise, là.

Mme Charlebois : Comment se fait la mixture de tout ça? Bref, quels sont les arômes? Est-ce qu'il y a des ingrédients chimiques? Est-ce que vous pouvez m'expliquer un petit peu plus comment ça fonctionne, pour les gens à la maison qui nous écoutent mais aussi pour les consommateurs, mais pour moi, là, qui dois légiférer puis pour mes collègues, là, nous l'expliquer plus en profondeur, étant donné que je suis certaine que je ne suis pas la seule qui ne fume pas de la chicha ici, là, mais juste pour bien saisir comment ça se passe?

M. St-Onge (Patrick) : Bien, en voulant dire quand nous, on achète notre tabac, il arrive, bon, scellé, tout ça?

Mme Charlebois : Comment vous préparez tout ça?

M. St-Onge (Patrick) : Bon. Quand on ouvre le paquet, c'est vraiment un tabac qui est très visqueux, très liquide, là, c'est vraiment de la... 80 % du produit est de la glycérine, et le 20 % qui reste, c'est des feuilles de tabac qui sont mélangées dans cette glycérine-là, et il y a des arômes naturels qui sont ajoutés, là. Mais tout est produit outre-mer, principalement au Moyen-Orient, les pays arabes. Donc, c'est vraiment un produit que nous, quand on le reçoit, bien, on le transfère dans des pots. Après ça, on fait la manipulation, on prend le tabac, on le met dans ce qu'on appelle le foyer, qui est la tête sur le dessus de la chicha. Donc, nous, on met le tabac là-dedans, puis ensuite, bon, il y a tout le procédé d'assemblage. Mais nous, on prépare les chichas pour nos clients, comme ça, bon, on sait qu'on offre un produit qui est normalisé et que... Dans le fond, tout ce qu'ils ont à faire, les clients, c'est d'allumer, de fumer la chicha.

M. Guimond (Martin) : Essentiellement, c'est de la glycérine, des feuilles de tabac et des saveurs, en réalité.

Mme Charlebois : Il n'y a pas de produit chimique dans vos affaires.

Une voix : Non. Bien, il n'y a rien de rajouté dedans.

Mme Charlebois : Est-ce que c'est exact de dire qu'avant 1993 il n'y avait pas de saveur dans les chichas, selon toute vraisemblance?

M. St-Onge (Patrick) : Bien, à notre connaissance, depuis...

Mme Charlebois : Vous, vous êtes jeunes un peu pour me répondre à cette question-là, là, hein?

Des voix : Ha, ha, ha!

M. St-Onge (Patrick) : Bien, j'avais quand même 13 ans, là, mais, bon... Mais c'était quoi?

M. Guimond (Martin) : Est-ce qu'avant 1993 il y avait... est-ce que c'est vrai de dire qu'il y avait des chichas qui n'étaient pas aromatisées?

M. St-Onge (Patrick) : Bien, possiblement. Je ne peux pas répondre à 100 % à cette question-là, mais, à notre connaissance, la chicha existe depuis vraiment très, très, très longtemps, et ils ont toujours... en fait, ça vient, comme je disais, du Moyen-Orient, c'est eux qui ont développé cette sorte de mélange de tabac là. Mais je ne peux pas vraiment vous répondre par rapport...

Mme Charlebois : ...dans le monde, qui ont développé les saveurs.

M. St-Onge (Patrick) : ...avec saveur de tabac en tant que tel, là, mais je sais que, pour les arômes, ça existe depuis très, très, très longtemps.

M. Guimond (Martin) : Du moins, depuis aussi longtemps que les deux salons ici sont ouverts, du tabac à chicha sans saveur n'a jamais existé.

Mme Charlebois : Avant 1993, puis ça...

M. Guimond (Martin) : Non, non. Je veux dire, depuis que ces deux établissements sont ouverts, on n'a jamais vu l'existence de tabac à chicha sans saveur. Peut-être avant 1993. Il faudrait vérifier.

Mme Charlebois : Mais il existe, le produit, sauf que vous ajoutez des arômes. C'est ce que vous m'avez dit tantôt.

M. Guimond (Martin) : Non, les arômes sont déjà...

M. St-Onge (Patrick) : Le produit arrive déjà tout fait, là, on n'a pas rien à faire, là. C'est complètement un procédé de fabrication qui est fait outre-mer, puis on ne serait pas capable de le reproduire ici, là.

Mme Charlebois : Le tabac, la glycérine et la saveur.

M. St-Onge (Patrick) : J'ai déjà personnellement essayé de recréer ça avec de la mélasse, des arômes, mais ça n'a rien à voir, là. C'est comme impossible à recréer, là, sans avoir tout le procédé derrière ça puis l'expertise pour le faire aussi, là.

M. Lekakis (Stelios) : Aussi, pour ajouter que la chicha, comme dans le mémoire, c'est très difficile, dans le contexte, de se promener avec, tu sais, comme une cigarette, e-cigarette, pipe à tabac. C'est vraiment... il faut être assis...

M. St-Onge (Patrick) : Ce n'est pas quelque chose qu'on peut s'allumer sur le coin de la rue, parce que, bon, tu sais, il faut mettre de l'eau dans le vase, après ça il faut attacher le corps à la chicha, mettre un tuyau, puis on donne un petit embout pour que ça soit plus salubre... bien, en fait, pour que ça soit salubre, pour ne pas que tout le monde fume sur le même embout. Ça fait que tout le monde a un petit embout en plastique qui est scellé et complètement aseptisé à chaque utilisation. Après ça, il faut mettre le foyer, le tabac dans la tête, il y a un petit papier d'aluminium qu'il faut faire des trous pour laisser passer la chaleur du charbon qu'on met par-dessus avec la petite soucoupe pour recueillir les cendres du charbon. Donc, ce n'est pas quelque chose qu'on prépare sur le coin d'une rue facilement, là, donc c'est pour ça qu'on... Je pense que M. Lekakis voulait dire que ce n'est pas très accessible, là, comparativement à un paquet de cigarettes qu'on fait juste sortir de nos poches, là.

M. Guimond (Martin) : J'ajouterais juste qu'en réalité le tabac qui est reçu, bon, non seulement il est timbré, les taxes ont été payées, donc il a été approuvé par le gouvernement, mais justement, quand il arrive, les saveurs sont toutes séparées. Donc, si vous voulez avoir, exemple, pomme, fraise, raisin, peu importe... les produits arrivent déjà tout préparés, donc, il y a une standardisation qui est faite. Donc, quand il y a des analyses qui sont faites, que ce soit par le ministère de la Santé ou peu importe, il y a une standardisation. Donc, on s'assure que le produit soit toujours constant.

Mme Charlebois : Mais, quant au contenu du produit, c'est le fédéral qui analyse ça, là, le timbrage, et tout ça. Est-ce que, quand les gens consomment des produits de la chicha, il se dégage une fumée?

M. St-Onge (Patrick) : Bien, en fait, la fumée qui se dégage, c'est qu'est-ce qui est expiré par le fumeur de chicha.

Mme Charlebois : Au même titre qu'une cigarette.

M. St-Onge (Patrick) : Ce n'est pas tout à fait pareil, mais, en fait, la fumée qui est expirée est... bien, on n'est pas experts en la matière, mais, selon nos lectures, c'est une fumée qui est principalement composée d'eau et de glycérine.

Mme Charlebois : Mais il y a du tabac dedans?

M. Lekakis (Stelios) : Il y a la fumée, mais ça traverse l'eau. D'abord, c'est filtré quand même par l'eau. Ce n'est pas exactement la même chose comme une cigarette ou...

M. St-Onge (Patrick) : Après ça, c'est filtré par les voies respiratoires du fumeur et après ça c'est expiré dans l'air ambiant, mais...

• (10 h 40) •

Mme Charlebois : Mais il y a combustion. Vous convenez avec moi qu'il y a combustion, il y a de la fumée.

M. Guimond (Martin) : Il y a une tête de chicha, il y a des trous dessus, il y a un charbon qui est installé par-dessus pour avoir une chaleur, et après ça, quand les gens aspirent dans un tuyau, il y a une espèce de pipe avec de l'eau, la fumée passe dans l'eau, elle est filtrée par l'eau avant d'être aspirée dans les poumons, et après ça la personne la rejette. Il n'y a pas de fumée secondaire comme une cigarette où les gens peuvent l'avoir dans le visage, parce que c'est seulement quand on expire, parce que la fumée s'en va indubitablement dans l'espèce d'urne qui sert de pipe à eau, en réalité.

M. St-Onge (Patrick) : Contrairement à la cigarette... quand elle, elle brûle puis que le fumeur de cigarette ne l'aspire pas, il y a ce qu'on appelle la fumée latérale, qui, elle, s'échappe dans l'air, alors qu'on n'a pas ça sur la chicha parce que la fumée du tabac est aspirée directement à travers le vase, qui, lui, est composé d'eau. Et aussi ce n'est pas... en fait, selon les lectures qu'on a lues, c'est que c'est une distillation à peu près à 200 °C, parce que le charbon n'est pas en contact direct avec le tabac. Donc, c'est chauffé à l'extrême pour pouvoir consommer le produit.

Mme Charlebois : Selon ce qu'on m'a dit, selon les études, on m'a dit qu'il restait quand même un 25 % à l'extérieur, dans l'air, là, de fumée secondaire, puis on sait les conséquences de la fumée secondaire dans l'environnement, mais j'ai encore mieux que ça ici. Selon l'Organisation mondiale de la santé — puis vous devez être au courant de ça — en l'espace d'une seule session — puis là on ne parle pas de la fumée secondaire, on parle de ce qui est inhalé — en une seule session de pipe à eau de 60 minutes, on inhale un volume de fumée équivalent entre 100 et 200 cigarettes. C'est quelque chose, ça, là, là.

M. St-Onge (Patrick) : Bien, vous avez vos études, nous, on a les nôtres. Nous avons lu beaucoup d'études en la matière, mais on n'est pas experts pour pouvoir discuter d'effets sur la santé, puis ce n'est pas notre but principal aujourd'hui, c'est de...

Mme Charlebois : En fait, je veux juste vous dire que ce n'est pas mes études. L'Organisation mondiale de la santé, d'après moi, ils ont quelques spécialistes qui travaillent là, puis c'est eux qui émettent ce commentaire-là, là, qui ont fait l'analyse de tout ça. Je fais juste vous mettre de... tu sais, là? Est-ce que vous avisez vos clients de tout ça quand...

M. St-Onge (Patrick) : On avise que c'est un produit du tabac. Oui, ils sont conscients de ce qu'ils...

M. Guimond (Martin) : C'est sûr que l'association a fait énormément de recherches depuis les derniers mois. Il y a des conclusions qui ont été trouvées avec des études qui semblent être différentes. Mais, d'un autre côté, on n'est pas des experts en la matière, donc on ne peut pas donner nécessairement de pronostic sur la consommation de tout ça. Effectivement, les clients sont avisés. Les études que nous, on possède semblent démontrer des chiffres un peu différents, mais, si l'Organisation mondiale de la santé semble dire...

M. Lekakis (Stelios) : Mme Charlebois...

Mme Charlebois : Oui, je vous écoute.

M. Lekakis (Stelios) : ...en parlant de la fumée secondaire... Tous nos cafés, pour avoir eu l'exemption, sont menés avec un système de pression négative...

Une voix : De ventilation.

M. Lekakis (Stelios) : ...de ventilation, pardon, négative. D'abord, nos endroits sont très, très bien ventilés, il n'y a pas la boucane et la fumée qui stagnent dans l'air, qui restent dans l'air. C'est pris, c'est filtré, puis il est sorti dehors. C'était ça, un des prérequis pour avoir l'exemption comme telle en 2005.

M. St-Onge (Patrick) : Si je peux rajouter. C'est un peu comme si on prend un barbecue, tu sais, on ne va pas faire du barbecue à l'intérieur de la maison, parce qu'on sait que, bon, ça peut être un danger pour la santé. Donc, notre système de ventilation vient simuler un peu comme si on faisait du barbecue à l'extérieur. Donc, à l'intérieur, on a un bon système de ventilation qui fait en sorte que c'est comme si on fumait à l'extérieur, finalement.

Mme Charlebois : Moi, je vous amène là parce que vous êtes en accord avec nous sur le fait qu'on veut interdire la fumée sur les terrasses et je vous dis qu'il y a de la fumée...

M. St-Onge (Patrick) : Bien, en fait, on est à l'extérieur, donc on est dans un endroit ventilé, donc...

Mme Charlebois : Mais vous comprenez le paradoxe un peu, là? Vous êtes d'accord à ce qu'il n'y ait pas de fumée sur les terrasses, mais pas pour vous autres.

M. St-Onge (Patrick) : Bien, c'est surtout sur le fait que justement on a un droit acquis puis on a quand même fait des investissements importants pour justement faire ces terrasses-là. Puis là, si on se fait enlever ce droit-là, bien il n'y a personne qui va venir sur nos terrasses pour consommer, parce qu'ils n'auront pas le droit justement de consommer nos produits.

Mme Charlebois : Mais, le droit acquis, là, il n'est pas question de vous l'enlever, là. Ce qu'on parle dans le projet de loi, c'est des saveurs, et des terrasses, et des mineurs.

M. St-Onge (Patrick) : Mais 100 % de nos produits sont avec saveur. Donc, si on n'a plus le droit de vendre de la chicha avec des arômes, on n'a plus le droit de vendre notre produit.

M. Guimond (Martin) : Je sais que le parallèle est un peu bizarre, mais, sans vouloir faire de parallèle boiteux, je dirais, c'est comme de dire : Bien, on n'interdit pas les voitures, on ne va juste pas vous donner de gaz, les roues seront interdites. Donc, je vais avoir une voiture, mais je ne pourrai pas m'en servir. C'est un peu ça. C'est que, dans l'optique où les produits de la chicha ont toujours eu, du moins... peut-être avant 1993, mais du moins depuis que ces établissements sont ouverts, des arômes, leur enlever et leur dire : Oui, vous pouvez vendre de la chicha, mais vous n'avez plus le droit de mettre d'arôme, c'est pour eux de dire : Bien, c'est la fin de mon commerce, parce que ces produits-là n'existent pas. Donc, je vais avoir le droit de vendre quelque chose qui n'existe pas, donc je ne pourrai pas en vendre, donc je vais fermer, je n'aurai pas le choix. Puis, eux, je sais que, depuis plusieurs années, étant donné qu'ils ont un droit acquis... puis, même si, au niveau de la loi, il n'y a pas de définition de saveur au niveau de la chicha, eux ont considéré que les droits acquis qui étaient faits, bien c'était un droit acquis.

Ils ont investi plusieurs centaines de milliers... pour certains, des millions de dollars, pour être capables de faire grandir leurs entreprises. Et, quand, en l'espace de quelques mois, en réalité, on leur dit : Bien, vous n'aurez plus le droit de vendre de tabac aromatisé et qu'il n'existe pas de solution de rechange, bien, pour eux, la solution, c'est une fin de non-recevoir, donc c'est terminé pour eux.

Mme Charlebois : Quand vous me parlez de centaines de millions d'investissement, c'est à faire quoi dans le salon de chichas?

M. Guimond (Martin) : Non, j'ai dit : Plusieurs centaines de milliers et, pour certains, quelques millions de dollars.

Mme Charlebois : O.K. Mais c'est quoi, les investissements qui sont faits dans un salon de chichas?

M. Guimond (Martin) : Bien, je donne un exemple... Oui, allez-y, M. St-Onge.

M. St-Onge (Patrick) : Bien, si on prend mon exemple, bon, ça fait 11 ans que le Café Hookah Lounge est ouvert, et, récemment, avec l'argent que j'ai ramassé avec le Café Hookah Lounge, j'ai acheté un immeuble et j'ai ouvert un pub irlandais, qui est un commerce tout à fait différent, mais ça a été financé en partie par le Café Hookah Lounge. Donc, si je me retrouve à ne plus être capable d'opérer le Café Hookah Lounge, qui a un certain nombre de revenus qui ont été établis pour justement le remboursement de mes dettes, parce que Dieu sait que j'ai beaucoup de dettes, moi, je suis carrément voué à la faillite, parce que l'argent qui a été investi, il suit le commerce que j'ai ouvert et l'immeuble. Donc, tout est interrelié.

Mme Charlebois : Vous êtes en train de me dire que vous prenez vos profits du salon de chichas, les personnes qui consomment les produits du tabac paient pour le pub irlandais. C'est ça que vous me dites?

M. St-Onge (Patrick) : Non. Je suis en train de dire que mon commerce, que j'ai fait pendant 11 ans de temps, réinvestit dans la société québécoise.

Mme Charlebois : Oui, mais vos paiements vont pouvoir continuer.

M. St-Onge (Patrick) : Bien, pas si je n'ai pas si je n'ai plus de revenu.

Mme Charlebois : Bien, le pub irlandais ne va pas générer ces revenus?

M. St-Onge (Patrick) : Moi, sur mon droit acquis, j'ai estimé selon un revenu annuel que j'ai, qui, lui, contribue à payer mes dettes, mais, si je n'ai plus ce revenu annuel là... Je suis encore lié par un bail commercial, qu'il faut que j'honore mes paiements. Après ça, bien, j'ai d'autres paiements pour... hypothèque, etc.

Mme Charlebois : Pour votre salon de chichas.

M. St-Onge (Patrick) : Donc, si je n'ai plus de revenus qui sont reliés à ça, je suis avec un autre commerce en démarrage qui n'est pas encore à profit, donc, je me ramasse carrément à ne plus être capable d'honorer mes paiements puis je vais être juste voué à la faillite.

Mme Charlebois : O.K. Mais les investissements ne sont pas faits en rapport avec le salon de chichas, vous vous êtes parti un autre commerce. C'est ce que j'entends.

M. St-Onge (Patrick) : Oui, c'est ça.

Mme Charlebois : Est-ce qu'il y a d'autres genres d'investissement?

M. St-Onge (Patrick) : Il y a M. Lekakis aussi, là...

M. Lekakis (Stelios) : Moi, j'aimerais juste mettre un point là-dessus, que le café que j'ai présentement à Brossard... pour ouvrir le même café, je donne un exemple, ça me coûterait 100 000 $. J'ai fait mes estimés. J'ai payé trois fois le prix, justement parce que j'avais ici la liste avec les places, avec l'exemption, qui est publiée sur le site Web de santé et services sécurité Québec. Ensuite de ça, vu que le permis ou l'exemption, il ne va pas avec l'incorporation ou personne morale, quoi que ce soit, ça va avec l'adresse. Puis, vu que les condos commerciaux, parce que ça occupe deux condos commerciaux, étaient à vendre, je les ai achetés. Je les ai achetés dans un centre commercial qui est à moitié vide. Si je pensais dans ma tête que je n'aurais plus ce droit acquis, l'exemption, je n'aurais jamais fait l'investissement pour acheter deux condos commerciaux à plein prix dans un centre commercial qui est à moitié vide sur la rue Taschereau. Je n'aurais jamais fait ça.

Présentement, si le droit acquis ou les saveurs qu'on peut servir aux clients sont enlevés, ensuite de ça, je suis pris à la gorge, parce que je ne pourrai pas faire mes paiements d'hypothèque. Puis, le café, aussi j'ai des paiements à faire encore pour le clairer.

M. Guimond (Martin) : Il y a les baux commerciaux aussi qu'il faut considérer. C'est que souvent, dans la majorité des cas, à part certaines exceptions, les gens sont locataires. Et puis, quand on signe un bail de 10 ans... Et puis en général c'est par période de cinq ans. Les baux commerciaux, Dieu sait qu'ils ne sont malheureusement pas réglementés, donc, c'est souvent des baux très compliqués. S'il nous reste quatre ans de bail à 75 000 $, 80 000 $ ou 100 000 $ par année de loyer et puis qu'on nous enlève le droit acquis, bien on se ramasse en défaut de paiement, donc automatiquement on se fait saisir puis on doit fermer les portes parce qu'on ne peut pas payer notre loyer.

Mme Charlebois : Vous m'avez montré un page complète, là, de gens qui sont exemptés, mais, moi, là, selon les informations dont je dispose, il y a seulement 10 salons de chichas au Québec.

• (10 h 50) •

M. St-Onge (Patrick) : Oui, mais le reste, c'est des salons de cigares spécialisés en cigares. Il y a 25 établissements, je crois, sur la liste : il y en a 10 spécialisés en chicha puis il y en a 15 spécialisés en cigares.

M. Lekakis (Stelios) : En 2005, il y en avait 56 qui avaient fait l'application, la demande pour être exemptés et il y en avait 30 qui étaient acceptés. De ces 30 là... ici, sur la liste, j'en ai 25, mais la liste n'est pas à jour, parce que j'en connais deux qui sont fermés là-dedans. C'est ça, la liste.

Mme Charlebois : ...les salons de cigares, là. C'est ce qu'on vient d'expliquer.

M. Lekakis (Stelios) : Les salons de cigares, mais parce que c'est tout inclus dans la même exemption. C'est : salons de cigares, tabac à pipe, pipes puis chichas.

Mme Charlebois : Oui. Dites-moi — vous me dites que vos clients ne sont pas des mineurs, évidemment, parce que vous êtes des établissements licenciés — quel âge ont, en moyenne, vos clients? Est-ce que mon père, s'il était vivant, pourrait aller fumer de la chicha chez vous?

M. St-Onge (Patrick) : Oui.

Mme Charlebois : Mais la moyenne de vos clients... la moyenne d'âge de vos clients, quel âge ont-ils? Moi, j'ai la perception...

M. St-Onge (Patrick) : Bien, j'ai des clients réguliers qui sont dans la cinquantaine comme j'en ai qui sont à 25 ans.

Mme Charlebois : La majorité?

M. St-Onge (Patrick) : Je dirais, entre 25 et 30 à peu près.

M. Lekakis (Stelios) : Moi, parce que je travaille au café, puis souvent... 90 % des fois, même si le client a l'air de 30 ans, 35 ans, mais ils sont avec des gens qui ont l'air un peu plus jeunes... parce que je veux que mon staff apprenne : quand je ne suis pas là, on carte tout le monde, tout le monde, tout le monde, même des gens qui sont comme : Es-tu sérieux? Tu sais, ils me donnent un air d'être comme ça. Puis, en moyenne, je dirais que ma clientèle est d'environ 25 ans, mais on en a de tous les âges. Moi, j'ai des gens qui viennent au salon qui ont 50 puis même 60 ans.

Mme Charlebois : Moi, je voulais juste voir la moyenne. Dites-moi, est-ce que vous savez ou vous êtes capables d'évaluer... Parce que, je vous répète, là, une cinquantaine de bouffées de chicha sur une durée moyenne d'une heure, ça veut dire : on poffe 50 fois sur une heure, ça vaut deux paquets de cigarettes. Le monoxyde de carbone présent dans la fumée de la chicha est en quantité sept fois supérieur à celui de la fumée de cigarette. Alors, vous devez être conscients qu'il doit y avoir des maladies qui découlent de fumée de la chicha.

M. St-Onge (Patrick) : Encore là, on n'est pas experts en la matière. Nous avons lu des lectures là-dessus, mais...

M. Lekakis (Stelios) : Dans le fond, on sait que le tabac, ce n'est pas bon pour la santé. On connaît ça. On le sait, ça. Ce n'est pas quelque chose qu'on ne sait pas.

M. Guimond (Martin) : Ce n'est pas contredire nécessairement certaines études de l'Organisation mondiale de la santé, c'est sûr, mais ce qui a été trouvé quand même par l'association semblait être un peu différent. En tout cas, sans être nécessairement des experts, mais...

Mme Charlebois : En fumez-vous, vous, de la chicha, les trois?

M. St-Onge (Patrick) : Oui, à l'occasion.

M. Guimond (Martin) : Les gens ne fument pas de la chicha comme ils vont fumer une cigarette. En en prenant comme un paquet, c'est...

Mme Charlebois : Non. Je comprends. Mais, «à l'occasion», ça veut dire quoi? Une fois par mois? Une fois par semaine?

M. St-Onge (Patrick) : Bien, ça dépend, là. Ça dépend des phases, là, je vous dirais.

M. Lekakis (Stelios) : Tout dépendant du stress; une à deux fois par semaine pour moi.

M. St-Onge (Patrick) : Mais, tu sais, c'est quelque chose...

Mme Charlebois : O.K. Ça veut dire que vous fumez environ la quantité... Si vous faites ça sur une cinquantaine de bouffées pendant une heure, là, vous avez avalé, deux fois par semaine, de 15 à 25 cigarettes à chaque fois.

M. St-Onge (Patrick) : Selon vos études, peut-être. Comme je vous dis, nous, on a des études qui sont contradictoires avec ça. Mais, de toute manière, nous ne sommes pas venus ici, là, pour débattre de l'aspect santé. Ce n'est vraiment pas notre objectif aujourd'hui.

Mme Charlebois : L'essence du projet de loi va là : de protéger la santé des gens.

M. St-Onge (Patrick) : Non, mais il faut comprendre aussi qu'on est dans une société de libre choix. Chaque adulte de 18 ans et plus a le choix d'aller fumer une chicha, d'aller prendre un verre d'alcool qui... L'alcool aussi, on sait, quand ce n'est pas avec modération, comme avec le tabac, mais, oui, ça peut avoir un danger pour la santé, là.

M. Guimond (Martin) : Au même titre que les cigares. Si on fume un cigare, là... je ne voulais pas dire «un barreau de chaise», mais un cigare quand même relativement très long... C'est un choix qu'on fait de se présenter dans un salon de cigares et d'en prendre un, en réalité.

Mme Charlebois : Puis, juste pour contrecarrer votre argumentaire sur les recettes fiscales, je veux juste vous dire — c'est un fait, ça, là, là, on a les chiffres : Pendant que les recettes fiscales nous apportent 1 030 000 000 $, ça nous coûte en coûts directs... Le gouvernement, c'est tout nous autres, hein, ce n'est pas la troisième personne du Saint-Esprit, là. En 2002, nos estimés nous disaient que ça coûtait 4 milliards de dollars. Ça fait qu'honnêtement ce n'est pas le... Vous ne devriez pas utiliser ça comme argument, bref. Non, mais je vous dis ça comme ça, là, tu sais.

Moi, je n'ai pas d'autre question. Est-ce que j'ai des collègues qui ont des questions?

Le Président (M. Tanguay) : Mais alors merci beaucoup. Ceci met fin à ce bloc d'échange. Je me tourne maintenant vers notre collègue de Rosemont pour un bloc de 15 minutes.

M. Lisée : Merci, M. le Président. M. St-Onge, M. Lekakis, M. Guimond, merci d'être là avec nous.

Je tiens à corriger un élément qui a été mentionné par vous et par plusieurs autres personnes que j'ai rencontrées en préparation de cette commission. On dit : Bon, écoutez, ce qui est important, l'objectif, c'est de réduire chez les mineurs... Ce n'est pas exactement ce que le projet de loi dit. Il a des mesures sur les mineurs, entre autres l'interdiction de la consommation de cigarette à l'intérieur des automobiles, mais je vais citer : «Ce projet de loi modifie la Loi sur le tabac afin de restreindre davantage l'usage du tabac, tant dans les lieux fermés qu'à l'extérieur — donc, restreindre l'usage du tabac, point, pour tous.» Alors donc, lorsque vous nous dites : Bien, nous, on n'a pas de mineur... Très bien. Je vous félicite. Je vous félicite de carter, je vous félicite d'être sévères, je vous félicite de carter tout le monde. Moi, ça me fait plaisir quand je suis carté, hein, ce n'est pas le cas de tout le monde, ça me fait plaisir, hein, cartez-moi tant que vous voulez. Mais l'objectif, c'est de réduire la consommation du tabac. Et on sait que les arômes, en général, font en sorte que les gens ont l'impression que c'est moins nocif, parce qu'ils fument du menthol ou ils fument de la gomme balloune ou ils fument autre chose, bon.

Vous nous dites que la chicha est toujours aromatisée. Bon, c'est peut-être le cas maintenant, ce n'est peut-être pas le cas avant, mais je tiens à vous demander : Quel est l'avertissement qu'il y a dans vos établissements sur la nocivité de votre produit?

M. St-Onge (Patrick) : Autre que de dire que c'est un produit du tabac, comme je dis, on n'est pas des experts, on ne peut pas spécifier exactement c'est quoi, les dangers reliés.

M. Lisée : O.K., mais il n'y a pas un affichage disant : La consommation de chicha peut provoquer des troubles respiratoires, le cancer du poumon? Ça n'existe pas, ça, dans vos établissements?

M. St-Onge (Patrick) : Je dirais non. Pas dans le mien. Peut-être dans les autres. J'ai déjà vu... dans d'autres établissements, c'est écrit : Oui, consommer un produit du tabac peut être un danger pour la santé.

M. Lekakis (Stelios) : Du tabac avec une barre là-dessus puis ils disent : 18 ans et plus. D'abord, les gens, j'imagine qu'ils comprennent que le tabac, c'est nocif. En plus de ça, moi, je serais prêt... puis, je pense, tout le monde serait prêt à mettre une affiche qui dit que... comme on voit sur les paquets de cigarettes ou quoi que ce soit, qui dit que le produit de tabac, c'est nocif pour les poumons, etc. Mais je vais revenir à un point que vous avez fait, que c'est pour restreindre le monde de fumer.

Là, je vais parler juste pour la chicha. La chicha, comme on l'a expliqué tantôt, c'est très difficile de se promener avec ça dans votre auto, sur le trottoir, il faut vraiment se déplacer, aller ouvrir la porte, rentrer dans un établissement, s'asseoir, puis les gens le préparent puis ils te l'amènent. Ce n'est pas la même chose que...

M. Lisée : Je comprends très bien. C'est très difficile de fumer de la chicha en conduisant. C'est une bonne chose, c'est une bonne chose.

M. Lekakis (Stelios) : Très difficile. Très dangereux.

M. Lisée : Mais, écoutez, si on avait une affiche qui disait : Une seule session de pipe à eau de 60 minutes de chicha est équivalente à fumer entre 100 et 200 cigarettes, si c'était écrit ça, là, dans le salon, là, en gros, là : Rester ici une heure, pomper pendant une heure, ça égale à entre 100 et 200 cigarettes, pensez-vous que vous auriez moins de consommateurs?

M. St-Onge (Patrick) : Pas nécessairement, non.

M. Lisée : Pas nécessairement?

M. Lekakis (Stelios) : Parce qu'ils ne viennent pas tous les jours. Ils ne viennent pas là à tous les jours.

M. Lisée : Bien, à 200 cigarettes l'heure, j'espère qu'ils ne viennent pas tous les jours.

M. Lekakis (Stelios) : Mais on peut dire que... j'imagine, c'est la même chose avec un gros cigare. Tu sais, un gros cigare, sûrement, ça équivaut à...

M. Lisée : À combien de cigarettes? 10? 15?

M. Lekakis (Stelios) : Je ne sais pas, je ne peux pas vous dire, parce que... mais c'est sûr que ce n'est pas la même chose comme une cigarette, ce n'est pas la même chose.

M. Lisée : Il y a une chose que vous dites sur les endroits... Bon, vous, vous êtes une dizaine d'établissements, vous avez eu un droit acquis en 2005. On comprend que, si vous déplacez votre établissement, le droit acquis disparaît. Donc, on voit que le législateur, en 2005, s'est dit : Bon, il en reste 10, on va les protéger, puis, un jour, il y en aura zéro, parce qu'ils vont finir par déménager ou... Bon. Alors, c'est presque une clause crépusculaire, là. C'était l'idée de dire : Bon, bien ça, ça va rester, mais, un jour, il y en aura de moins en moins. Mais ce que vous dites, c'est qu'il y a beaucoup d'établissements illégaux de chichas, qui eux, là, ne sont absolument pas réglementés, où, là, il y a des mineurs, etc. Vous avez une évaluation du nombre des ces établissements illégaux?

• (11 heures) •

M. Lekakis (Stelios) : Moi, j'en ai parlé, parce que, quand on a formé l'association, je suis allé à toutes les places pour avoir les signatures puis en parler, qu'est-ce qu'on va faire le 18 août, puis il y en a deux... une qui m'a dit : Il y a une cinquantaine... Montréal, Laval. Puis l'autre m'a dit : 75. Moi, j'habite à Laval puis je peux vous dire 10 à 15 que je sais, il y en a 10 que c'est vraiment des salons de chichas, puis il y en a un autre cinq, six que c'est des restaurants qui, après avoir mangé... ils t'amènent le chicha. J'ai été en face du collège Montmorency, le cégep, puis il y a un nouveau centre d'achats là, puis je me promenais, puis j'ai vu ça, puis c'était juste un petit restaurant, mais le monsieur était assis à côté de la porte puis... bien, à côté de la porte, de la vitrine, puis j'ai vu qu'il fumait de la chicha, puis je dis... tu sais, c'est ça.

M. Lisée : Et ça, normalement, c'est illégal.

M. Lekakis (Stelios) : C'est illégal, absolument.

M. Lisée : O.K.

M. St-Onge (Patrick) : On n'a même pas le droit de servir de la nourriture avec la chicha. Donc, aussitôt qu'on mélange les deux ensemble, c'est sûr que ça ne respecte pas les règlements, parce que...

M. Lisée : O.K. Donc, 10, 50, 60, 75 établissements illégaux, c'est un vrai problème. En fait, ce problème-là est plus important que le vôtre si notre objectif est de réduire la consommation de tabac, y compris via la chicha. Est-ce que vous avez la capacité de déposer des plaintes? Est-ce que vous êtes au courant...

Une voix : ...

M. Lisée : Oui? Alors, parlez-moi de ça un peu.

M. St-Onge (Patrick) : Bien, en fait, il y a un numéro de téléphone pour le Service de lutte contre le tabagisme, puis ça, on a... personnellement, moi, j'ai souvent appelé. Je sais que, plus haut sur ma rue... je suis sur Saint-Denis à Montréal, je sais que, plus haut, il y a un établissement qui a ouvert il y a peut-être deux, trois ans de ça. J'appelle à peu près trois, quatre fois par année pour juste déposer une plainte, je donne l'adresse, l'endroit, je dis : Bien, écoutez, à ma connaissance, il ne fait pas partie de la liste de salons de cigares qui sont reconnus spécialisés en chicha, puis...

M. Lisée : Il ne se passe rien?

M. St-Onge (Patrick) : Je ne sais pas ce qui se passe, parce que ça fait trois ans de ça puis il est toujours ouvert.

M. Lisée : O.K. Donc, vous avez...

M. Lekakis (Stelios) : Je peux?

M. Lisée : Oui. Vous...

M. Lekakis (Stelios) : Je peux ajouter là-dessus qu'il y a un salon à Laval que... et je sais la date, c'est ouvert depuis 2007. Puis ma nièce, quand j'ai acheté mon salon de chichas, elle avait 17 ans puis elle dit : Mon oncle, je vais venir à votre établissement. Puis je connais son âge, c'est ma nièce. J'ai dit : Mais, tu n'as pas 18 ans. Bien, elle dit : Ça ne m'empêche pas de fumer. Elle m'a nommé... je ne nomme pas la place, mais elle m'a nommé la place à Laval où elle dit qu'elle puis toutes ses amies s'en vont là.

D'abord, moi, j'avais une question à poser. D'abord, j'ai appelé ce numéro, puis en même temps j'ai profité à en parler avec le monsieur qui a répondu le téléphone, puis il m'a dit : Si je peux te le mettre comme ça, cet établissement, il a un dossier gros comme une pizza de quatre pouces, il dit, des plaintes, puis des amendes, puis tout ça. Mais, les amendes, je peux vous dire quelque chose, qu'ici on voit que les amendes sont de 400 $ à 4 000 $, puis ils ne sont pas visités à tous les jours, ils sont visités une fois, deux fois par année. Là, l'argent qu'ils sauvent sur les taxes qu'ils paient sur le produit du tabac, parce que, sur le produit du tabac, ils ne le paient pas... D'abord, moi, je sais que, 10 000 $ par année... si c'était pour ne pas payer les taxes puis payer 10 000 $ en amende, je sortirais gagnant, je sortirais avec plus d'argent dans mes poches. D'abord, quand j'ai parlé avec le monsieur puis j'ai parlé de ça, il m'a dit oui. Il dit : Avec le nouveau projet de loi — ça, c'était l'année passée que j'avais parlé avec — avec le nouveau projet de loi, avec la nouvelle loi qui sort, en espérant qu'on a plus de pouvoirs, plus des dents — c'était ça, ses mots exacts — pour être capables de, quand on rentre là une, deux fois... Après ça, on peut mettre un cadenas puis fermer l'établissement parce que c'est... Puis je vais vous donner un exemple : Est-ce qu'on peut ouvrir un bar sans permis d'alcool? Il va venir une fois; tu n'as pas de permis d'alcool. Il ne viendra pas après six mois ou 10 mois, il va venir tout de suite. Puis, si encore il trouve que tu sers l'alcool, bien il va venir tout de suite encore après ça, jusqu'à tant que tu ne peux plus payer ces amendes-là. Mais, s'il va... parce que le monsieur me l'a dit carrément, qu'ils sont «not enough staff», pas assez de...

M. Lisée : Oui. Ils sont en sous-effectifs.

M. Lekakis (Stelios) : C'est ça.

M. Lisée : Ils sont victimes de l'austérité libérale.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Lekakis (Stelios) : On n'embarquera pas dans ça.

M. Lisée : O.K. Je taquine la ministre. Écoutez, je pense que, là, vous soulevez un argument essentiel, vous soulevez un argument essentiel, qu'effectivement... Nous, on est au courant qu'autour de cégeps en particulier des jeunes vont consommer la chicha avec l'impression que... puis effectivement vous le dites dans votre... c'est convivial, on est assis autour, on discute, c'est relaxant, c'est aromatisé. C'est terrible, parce que la nocivité est massive. Elle est massive, cette nocivité. Et je pense qu'effectivement, lorsqu'on discutera avec la ministre article par article, on devra s'assurer qu'effectivement il y ait les capacités de fermer tous les établissements illégaux et d'avoir un réel contrôle là-dessus.

Maintenant, vous, vous avez les droits acquis. Il est certain que le produit que vous utilisez est un produit nocif. Il est nocif pour les adultes que vous contrôlez. Et, si notre objectif global, c'est de réduire la consommation de tabac, y compris chez les adultes, globalement, il serait possible qu'on décide d'utiliser une clause crépusculaire, aussi, plus rapide disant : Bon, vous êtes une dizaine d'établissements, dans un certain nombre d'années, on va vous demander de vous reconvertir. Tu sais, vous parliez des baux commerciaux de cinq ans, etc. Évidemment, je vais vous poser la question, vous allez dire : Bien, on aimerait mieux pouvoir continuer longuement, mais, si on était en situation de décider de donner une période de grâce aux 10 établissements, de quelle longueur cette période serait-elle raisonnable, selon vous?

Une voix : Aucune.

M. Lisée : Aucune?

M. Lekakis (Stelios) : Mais, personnellement, je viens d'acheter la bâtisse, les condos commerciaux ça fait un an à peine. J'ai encore 24 ans d'hypothèque à payer. Puis, après l'avoir payée, qu'est-ce que je fais, qu'est-ce que je fais? Comme j'explique, le centre commercial, c'est 50 % vide, puis c'est le chiffre exact, c'est 50 % vide. On avait une rencontre avec l'association des condos, puis justement... 50 % pile, c'est vide. Qu'est-ce que je fais après? Ça ne se loue pas.

M. Lisée : Oui. Vous êtes des commerçants, alors, vous passez à l'immeuble, vous passez au pub irlandais. Je veux dire, moi, mon père était entrepreneur, il passait d'un commerce à l'autre. C'est très malléable d'être entrepreneur, on peut avoir d'autres marchés. Et qui sait si on va se retrouver ici dans quelque temps pour légaliser la vente contrôlée de la marijuana? Alors, ça, ça va être un bon marché. Alors, d'ici 24 ans, peut-être que vous allez pouvoir vous reconvertir.

Vous voyez, je donne des solutions aux autres : des bonbons au menthol, ici la commercialisation de la marijuana. Mais le fait est qu'on est sensibles à vos arguments et au fait qu'en 2005 vous avez eu des droits acquis, mais nous sommes convaincus de l'immense nocivité de la chicha. On est convaincus aussi que vous avez raison de dire que les établissements illégaux sont un problème plus grave que le vôtre. On veut embrasser l'ensemble, l'ensemble du sujet. Et donc je vais vous laisser là-dessus en disant qu'on est sensibles à vos arguments mais que, dans un monde idéal où on voudrait se diriger vers une consommation zéro de tabac, c'est évidemment zéro pour l'ensemble des produits du tabac.

M. Guimond (Martin) : ...qu'on croit que l'association, dans le fond, pourrait travailler avec le gouvernement pour s'assurer, et de un, qu'il y a quand même une standardisation des produits, que les taxes soient payées, que ceux qui sont fautifs et qui vendent des produits illégaux, malheureusement, ne restent pas ouverts. Et, puis pour compléter juste la dernière question que vous aviez posée : les baux commerciaux, en général, peuvent être de cinq à 10 ans, 15 ans, 20 ans. Ça peut jouer dans ces ordres-là, en général. Mais c'est souvent entre cinq et 15 ans. La seule différence, c'est que, quand il y a des immeubles commerciaux qui sont achetés — puis Dieu sait qu'un immeuble commercial sur Saint-Denis, c'est plusieurs millions de dollars — bien, dans des cas comme ça, les baux... ça peut être, mettons, un emprunt à long terme qui peut être de 15 ou 20 ans sur lequel on a basé notre chiffre d'affaires de notre salon de chichas pour payer l'hypothèque.

M. Lisée : Je vous remercie, puis je vous souhaite bonne chance pour votre pub irlandais.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, je cède maintenant la parole à notre collègue de Saint-Hyacinthe pour un bloc de 10 minutes.

Mme Soucy : Merci, M. le Président. Alors, ceux qui ont déjà fréquenté les salons de chichas comme je les ai déjà fréquentés quelques années savent que c'est un lieu où les gens vont socialiser... beaucoup de communautés, différentes communautés culturelles. Alors, j'invite la ministre à aller visiter un salon de chichas. Il y en a plusieurs, d'ailleurs, sur l'île de Montréal. La plupart sont sur l'île de Montréal.

M. Lekakis (Stelios) : ...risquent d'avoir une amende.

Mme Soucy : Alors, depuis le dépôt du projet de loi, avez-vous eu des discussions avec le gouvernement sur votre droit acquis?

• (11 h 10) •

M. Lekakis (Stelios) : Moi, j'ai... parce que mon député, à Brossard, La Pinière, c'est le ministre Barrette. J'ai été le voir puis j'ai discuté de tous mes «concerns», puis il m'a parlé à propos du... où on est aujourd'hui. Il m'a dit qu'il faut que je m'inscrive ici, que la loi n'a pas passé. Il m'explique qu'on est dans une démocratie, puis on va parler de ça, puis on va avoir les consultations des citoyens, puis après ça on va prendre notre décision.

Mme Soucy : O.K. Direz-vous que le gouvernement, à l'heure actuelle, ne fait pas son devoir pour appliquer la législation qui est déjà en place pour, justement, fermer les commerces de salon illégaux?

M. Lekakis (Stelios) : Moi, je vais... ça, c'est mes pensées puis ma logique, que, si la loi, en 2005, la loi qui a sorti... puis que le gouvernement a fait l'exemption de cette liste des établissements, si la loi était appliquée à la lettre, je ne pense pas qu'on serait ici aujourd'hui. Parce que, même dans la Commission de la santé et des services sociaux qui a été créée en 2013, ils marquent... on a ici quelque part, ils marquent que les places à chichas non reconnues doivent être fermées et la prolifération d'autres qui ouvrent... ils doivent être saisis, tu sais, comme, ils ne devraient pas ouvrir. Ces places-là... pas juste qu'elles sont illégales, ils ne paient pas leurs taxes, tout ça, on comprend ça, mais je suis convaincu qu'ils laissent les mineurs rentrer. Puis, en plus de ça, vu qu'ils ne paient pas les taxes, leur prix, c'est vraiment... c'est ridicule, 10 $ pour une chicha avec un thé gratuit. Premièrement, on n'a même pas le droit de faire ça, on n'a pas le droit de donner quelque chose gratuit quand ça vient au tabac, alcool.

M. Guimond (Martin) : ...si effectivement il y avait seulement eu, mettons, depuis les 10 dernières années, 10 établissements qui opéraient, je crois que, face à plusieurs qui disent : Mon Dieu! c'est un problème en ce moment, il y en a donc beaucoup, c'est un problème social, on ne serait vraiment pas là, parce que les gens diraient : Il y en a 10.

Mme Soucy : Selon vous, est-ce qu'il y en... vous en connaissez, des commerces qui ont été fermés parce qu'ils fonctionnaient de façon illégale?

M. Lekakis (Stelios) : Moi, j'en connais de un qui n'était pas loin... c'était à Longueuil, moi, je suis à Brossard, c'était à Longueuil, puis il n'est pas fermé à cause des amendes ou rien, il a fermé parce que le propriétaire du centre commercial, quand le bail a terminé, il était tanné d'avoir tout le monde qui s'en allait là, puis, tu sais, comme, mettons, la descente... parce qu'il y a eu plusieurs visites policières parce que lui, il servait de l'alcool aussi sans permis.

Mme Soucy : Donc, pensez-vous, là, que l'application, si on avait le projet de loi tel quel et puis... l'application de la nouvelle loi va contribuer, en fait, à augmenter les établissements illégaux? C'est un peu ça, le danger, parce que...

M. Guimond (Martin) : ...établissements légaux...

Mme Soucy : C'est ça, exactement, qui respectent la législation.

M. Guimond (Martin) : ...puis probablement qu'il y en a 25 illégaux qui vont ouvrir. Fort probable.

M. Lekakis (Stelios) : Eux autres, les endroits illégaux... Moi, je peux vous dire quelque chose, parce que je voulais aller voir. D'abord, j'ai rentré, je n'ai même pas fumé, j'ai bu mon thé, puis... pardonnez le langage que je vais utiliser, mais je ne trouve pas d'autre mot, mais ils s'en fichent un peu, de qu'est-ce que les lois disent. Puis même ils disent qu'on est légal, parce que moi, je lui dis : Est-ce qu'on a le droit de fumer, es-tu dans la liste d'exemptions? Oui, oui, oui. Puis, en moi, j'ai ri, je suis crampé parce que je sais qu'ils ne sont pas sur la liste, tu sais.

Sur la rue Crescent, il y a une autre place là, tu vas là, puis... et ça, et à ta fenêtre... la fenêtre est là, puis ils sont assis à la table, puis ils fument, puis c'est illégal. C'est comme si quelqu'un fumait la cigarette. Est-ce que ça sera toléré? Mais c'est toléré, puis ça ne fait pas juste quelques mois ou quelques semaines, ça fait des années, des années.

Mme Soucy : O.K. Pour les propriétaires qui ont une pipe à eau, là, personnelle à la maison, est-ce que c'est facile de se procurer le tabac aromatisé au Québec ou ils vont plutôt l'acheter sur le Web?

M. St-Onge (Patrick) : Bien, nous, on est des points de vente. Sinon, bien, au Canada, il n'y a pas de sites Internet qui peuvent vendre du tabac parce que ce n'est pas légal. Ils sont souvent importés des États-Unis, puis souvent le problème qui est là aussi, c'est qu'eux écrivent en anglais, là, «flavored molasses» et non «flavored tobacco». Donc, souvent, quand ça passe aux douanes, bien les taxes ne sont pas payées non plus dessus, la taxe d'accise n'est pas chargée parce que ce n'est pas détecté.

Mme Soucy : Si les saveurs sont interdites, en plus, comment que... Dans le fond, il va y avoir de plus en plus... ils vont l'acheter sur le Web.

M. Guimond (Martin) : Ça n'empêchera pas les gens...

M. St-Onge (Patrick) : Ça ne les empêchera pas...

M. Lekakis (Stelios) : Je peux ajouter là-dessus qu'il y en a aussi, des gens qui l'achètent à Montréal, aux réserves aussi. Parce que, quand ils arrivent puis ils nous disent : Oh! 100 grammes, combien? Quand je leur dis : 59 $ plus la TPS, qui est 5 %, ils font le saut. Ils font le saut : Hein, moi, j'achète ça pour 20 $. Mais il n'y a pas ce petit timbre. Je dis ça à tout le monde... bien, tout le monde qui me parle comme ça : Il n'y a pas ce petit timbre qui s'en va dire que les taxes puis les droits étaient acquis là-dessus.

Mme Soucy : Selon vous, là, combien se chiffreraient les pertes économiques pour Montréal? Je dis «pour Montréal» parce qu'on sait que la majorité des salons sont sur l'île de Montréal. Alors, combien se chiffrerait la perte?

M. St-Onge (Patrick) : ...évaluer, mais il faudrait établir le nombre exact d'endroits qui opèrent dans l'illégalité.

Mme Soucy : Dans la légalité.

M. St-Onge (Patrick) : Bien, en fait, non, ça serait dur d'évaluer ceux qui sont illégaux.

Mme Soucy : Non, je parle de ceux qui sont, bien entendu, dans la liste, là, d'exemptions.

M. St-Onge (Patrick) : Ah! O.K. vous parlez de ceux qui sont légaux.

Mme Soucy : Bien oui, parce que, du jour au lendemain, si on...

M. St-Onge (Patrick) : Bien, nous, on a estimé des revenus... bien, pour tout, globalement, collectivement, pour l'État québécois et aussi au fédéral, on parle d'environ 3,7 millions annuellement.

Mme Soucy : O.K. À Québec, il y avait plusieurs salons de chichas, puis, du jour au lendemain, bien ils sont fermés, puis il y en a plusieurs, en fait, qui se sont recyclés soit en salons de thé ou en petits cafés. Est-ce que vous pensez que c'est envisageable de faire ça, supposons, sur l'île de Montréal ou...

M. St-Onge (Patrick) : Bien, c'est dur de se recycler en autre chose parce qu'il faut tout refaire le concept de A à Z, il faut rebâtir la clientèle de A à Z. Donc, souvent, il faut qu'on fasse tout le design à nouveau, il faut réinjecter, dépendamment de ce qu'on veut faire, facilement 100 000 $ et plus juste pour rénover la place et après ça il faut se bâtir la clientèle. Moi, je suis justement en ouverture avec un pub irlandais puis j'ai investi beaucoup d'argent, mais, bon, c'est dans mon immeuble, ça fait que j'investis à long terme pour quelque chose qui m'appartient, mais, pour l'instant, comme on dit l'expression, je mange mes bas, là.

Mme Soucy : Dans votre mémoire, vous avez expliqué le système de ventilation que vous avez. Est-ce que vous avez déjà eu la visite d'un inspecteur pour justement mesurer l'efficacité de ça pour... en fait, pour que les effets de la fumée secondaire soient diminués.

M. St-Onge (Patrick) : ...j'ai eu, je pense, depuis que je suis ouvert, une inspection...

Mme Soucy : Vous avez déjà eu une inspection?

M. St-Onge (Patrick) : ...une inspection par les inspecteurs. Puis j'avais un petit problème avec ma ventilation pour l'évacuation de l'air puis je l'ai réglé une semaine après, mais c'est tout ce qu'il m'a mentionné, là.

Mme Soucy : Et puis ça faisait combien de temps que votre commerce était ouvert lorsque vous avez eu l'inspection?

M. St-Onge (Patrick) : Je n'ai pas de notion de temps, mais, je dirais, après... C'était plus dans les débuts, là, peut-être quand j'avais peut-être deux, trois ans d'ouverture.

M. Guimond (Martin) : ...complément à une question précédente. Plusieurs d'entre eux sont déjà des salons de thé avec des permis d'alcool, ce qui fait que, dans le fond, se recycler, ils vont dire : Oui, mais je vends déjà du thé. Ça fait que c'est simplement pour eux, dans le fond, une perte financière de ne pas vendre la chicha qui accompagne le thé.

M. St-Onge (Patrick) : On parle quand même d'environ 40 % de nos ventes, là, qui sont spécifiquement par rapport à la chicha.

Mme Soucy : O.K. Parfait. Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous vous remercions, les représentants de l'Association des propriétaires de sheesha du Québec.

J'invite maintenant les représentantes, représentants de la Fédération médicale étudiante du Québec à prendre place et je suspends nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 18)

(Reprise à 11 h 25)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît!

Nous accueillons maintenant les représentantes, représentants de la Fédération médicale étudiante du Québec. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre présentation et par la suite vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Je vous demanderais, pour des fins d'enregistrement, de bien vouloir vous nommer, préciser vos fonctions. Et voilà, la parole est à vous.

Fédération médicale étudiante du Québec (FMEQ)

Mme Veilleux Carpentier (Ariane) : On se nomme?

Le Président (M. Tanguay) : Oui.

Mme Veilleux Carpentier (Ariane) : Donc, Ariane Veilleux Carpentier, présidente de la Fédération médicale étudiante du Québec.

Mme McNeil-Gauthier (Anne-Lou) : Anne-Lou McNeil-Gauthier, vice-présidente aux affaires internes de la Division internationale et communautaire de la FMEQ.

M. Dallaire (Julien) : Julien Dallaire, vice-président de la Fédération médicale étudiante du Québec.

M. Galiano (David Alexandre) : David Galiano, délégué aux affaires internationales et communautaires de la FMEQ et président d'IFMSA-Québec, la Division internationale et communautaire de la fédération.

Mme Ruel-Laliberté (Jessica) : Jessica Laliberté, déléguée aux affaires politiques de la Fédération médicale étudiante du Québec.

M. Giguère (Philippe) : Philippe Giguère, président de l'Association des étudiants et étudiantes en médecine de l'Université de Montréal.

Le Président (M. Tanguay) : Merci.

Mme Veilleux Carpentier (Ariane) : Merci, M. le Président. Mme la ministre déléguée, Mmes et MM. les parlementaires membres de la commission, je m'appelle Ariane Veilleux Carpentier, je suis présidente de la Fédération médicale étudiante du Québec. Je suis accompagnée aujourd'hui par Julien Dallaire, Jessica Ruel-Laliberté, Philippe Giguère, David Alexandre Galiano et Anne-Lou McNeil, qui sont des membres de la FMEQ et d'IFMSA-Québec, qui est la partie internationale et communautaire de la FMEQ, qui représente les 3 900 membres en médecine du Québec.

Si nous sommes une si grosse délégation aujourd'hui, c'est parce que nous sommes très heureux d'avoir la chance de se prononcer sur le projet de loi n° 44, puisque nous sommes convaincus que les actions qui découleront de l'adoption de ce projet de loi vont influencer notre pratique future. En plus de coûter plusieurs milliards de dollars au système de santé en coûts directs et indirects, le tabac serait responsable d'environ une mort sur cinq au Canada. Avec toutes les connaissances médicales et scientifiques actuelles, il est regrettable que celui-ci demeure la première cause évitable de mortalité. Afin de renverser cette tendance, plusieurs mesures se retrouvant dans le projet de loi n° 44 seront efficaces.

Nous avons aussi quelques propositions pour vous qui, selon nous, devraient compléter la loi telle que proposée. J'aborderai notamment les changements nécessaires afin de freiner l'attrait des produits du tabac chez les jeunes; les modifications pour diminuer les impacts de la fumée secondaire; et la cigarette électronique, une nouvelle réalité à laquelle nous faisons face de plus en plus.

Chaque année, plusieurs milliers de jeunes Québécois s'initient à la cigarette. Ce qui peut n'être qu'une expérience pour certains devient une dépendance pour d'autres. On sait qu'aux États-Unis 88 % des adultes fumeurs ont commencé à fumer avant l'âge de 18 ans, et il n'en faut pas plus pour nous convaincre que la solution au problème du tabagisme passe par la réduction de l'initiation du tabac chez nos jeunes.

Le projet de loi n° 44 interdit d'emblée l'aromatisation de tout produit du tabac. Cette interdiction est nécessaire, car il s'agit de la première étape pour diminuer l'initiation tabagique. Les produits aromatisés sont loin de perdre en popularité et représentent 71 % des produits de tabac consommés par les jeunes du secondaire sur une période d'un mois. Fraise, chocolat, banane, café, menthol, toutes ces saveurs sont créées pour masquer le goût du tabac, le rendant plus accessible. Aussi, il est très important que l'inclusion du menthol soit maintenue. Au Québec, chez les jeunes du secondaire, encore une fois, 26 % des fumeurs ont fumé des cigarettes mentholées au cours des 30 derniers jours. En diminuant la toux, les effets de brûlure et le goût âcre, c'est le produit parfait pour commencer à fumer. Un autre moyen efficace utilisé pour capter l'intérêt de nos jeunes est l'emballage des produits du tabac. Nous trouvons décevant de constater que l'emballage neutre et standardisé n'ait pas été retenu comme lutte de mesure antitabac, mais nous sommes rassurés d'entendre la ministre déclarer qu'elle comptait agir au niveau d'un emballage via un projet de règlement qui imposerait une taille minimale pour les mises en garde. Nous encourageons par contre la ministre déléguée à prendre en compte la question suivante : Considérant les précédents règlements sur l'emballage et la façon dont les cigarettiers ont réussi à les contourner pour en arriver aux emballages que nous connaissons aujourd'hui, comment son projet de règlement saura-t-il s'assurer de ne pas subir le même sort après un ou deux ans d'ajustement par l'industrie? Nous souhaiterions également que le projet de loi n° 44 s'attarde à la question des cigarettes minces. Ces cigarettes s'associent à l'image de la minceur et s'adressent principalement à un jeune public féminin. Nous recommandons donc l'interdiction de toute cigarette dont le diamètre est inférieur à 7,5 millimètres ou dont la longueur dépasse 70 millimètres.

• (11 h 30) •

En ce qui concerne les impacts de la fumée secondaire, nous sommes heureux de constater que l'interdiction de fumer sur les terrasses des restaurants et des bars se retrouve dans le projet de loi. Le niveau de particules fines dans l'air est un bon indicateur de l'impact de la fumée secondaire, et il s'avère que plusieurs sections extérieures de bar ou de restaurant ont un excédent parfois important par rapport aux normes de l'OMS, cet excédent étant délétère principalement pour les employés de ces restaurants et ces bars, qui sont, la plupart du temps, des jeunes. Il a aussi été démontré qu'il existe une forte association entre la consommation de cigarette et la consommation d'alcool chez les jeunes de la vingtaine fréquentant les bars. En éliminant les cigarettes des terrasses du Québec, on diminue donc aussi la tentation de fumer chez certains fumeurs occasionnels pour qui la cigarette s'associe à la consommation d'alcool.

Certaines craintes ont été rapportées par le milieu de la restauration face à l'impact économique d'une telle interdiction sur leur affluence. Il est bien de rappeler que ces mêmes craintes avaient été formulées sur la Loi sur le tabac, implantée en 2005, mais qu'ici, au Québec, comme ailleurs au Canada, aucun impact négatif à long terme ne semble avoir été rapporté. Et, il ne faut pas l'oublier, Montréal est actuellement la seule grande ville au Canada où il est encore possible de fumer sur des terrasses.

Nous appuyons également l'interdiction de fumer dans un véhicule lorsqu'il y a des enfants de moins de 16 ans à bord. Malgré des efforts de sensibilisation substantiels, quelque 91 000 jeunes de 12 à 19 ans au Québec sont presque quotidiennement exposés à la fumée secondaire à bord d'une voiture. La fumée de la cigarette est cancérigène, on le sait tous, et les enfants sont particulièrement vulnérables à ses méfaits étant donné leur système respiratoire immature, leur métabolisme plus élevé et leur respiration plus rapide. Elle est particulièrement désastreuse au niveau de l'hyperactivité bronchique en aggravant les symptômes des patients asthmatiques tout en augmentant le risque pour les enfants de le devenir.

En 2014, selon l'Institut de la statistique du Québec, 18 % des jeunes du secondaire souffraient d'asthme, et plus d'un asthmatique sur quatre voyait ses crises d'asthme augmenter par la fumée secondaire. Nous nous devons de faire passer la santé de notre jeunesse avant la liberté de fumer, à l'instar des neuf autres provinces canadiennes, puisque Québec est présentement la seule province où il est encore permis de fumer avec un enfant à bord d'une voiture. Dans le rapport de mise en oeuvre de 2010 sur la Loi sur le tabac, on présente peu de données sur le degré d'application des normes en lien avec les fumoirs. Dans certains milieux, les fumoirs constituent la meilleure solution disponible pour permettre à des personnes vulnérables ou en perte d'autonomie d'aller fumer. Toutefois, nous voulons protéger nos patients de la fumée secondaire. Nous croyons donc que les fumoirs peuvent être acceptables dans les établissements de santé à condition qu'ils soient étanches et ne nuisent pas à la santé des autres résidents.

Dans un tout autre ordre d'idées, depuis quelques années, nous faisons face à une nouvelle réalité : la cigarette électronique. Bien que les connaissances concernant la sécurité et l'efficacité des cigarettes électroniques comme méthode de cessation tabagique ne soient pas encore complètes, elles sembleraient moins dangereuses que le tabac combustible. Un encadrement législatif est cependant nécessaire pour protéger le public des effets négatifs démontrés ou potentiels. Il ne s'agit que d'une précaution minimale qui n'affecterait en rien l'accès aux produits actuellement disponibles. Nous sommes aussi d'avis que le contenu des cigarettes électroniques devrait être contrôlé. Actuellement, l'information concernant la composition des mélanges chimiques contenus dans les cigarettes électroniques est divulguée par les fabricants directement, et une enquête a récemment démontré que cette information est bien souvent fausse. C'est pourquoi, en plus des éléments déjà prévus dans le projet de loi n° 44, la FMEQ recommande que le gouvernement du Québec défende ardemment auprès du gouvernement du Canada l'imposition de normes gouvernementales concernant le contenu des cigarettes électroniques.

En tant que futurs cliniciens, non seulement nous avons un devoir d'informer la population sur les dangers du tabac et les encourager à cesser de fumer, mais nous cherchons aussi à les appuyer dans leurs démarches. Dans cette optique clinique, il nous semble intéressant de considérer le potentiel de la cigarette électronique. Lors d'une brève revue de littérature, nous n'avons trouvé qu'une étude, dont la méthodologie est imparfaite, suggérant qu'elle puisse diminuer le nombre de cigarettes fumées par jour et permettre la cessation. Il est tout aussi difficile d'évaluer les risques relatifs à l'utilisation de la cigarette électronique comme alternative à la cigarette conventionnelle lorsque les études sur le sujet sont qualifiées de contradictoires, méthodologiquement problématiques et souvent sous-tendues par des conflits d'intérêts. Nous demandons donc au ministère d'inclure dans son projet de loi un appui financier à la recherche, tant fondamentale que clinique, sur l'impact de la cigarette électronique ainsi que sur son utilité clinique dans l'aide à la cessation tabagique. Il serait aussi pertinent de mandater l'INESSS et la RAMQ d'évaluer rapidement l'intérêt d'une couverture du produit par le régime public d'assurance médicaments selon les résultats, bien entendu, des études en question.

Sur ce, la Fédération médicale étudiante du Québec souhaite remercier le ministère de la Santé et des Services sociaux de lui avoir permis de s'exprimer sur ce sujet, qui lui tient tant à coeur. Le tabac demeure la cause de mort prématurée et évitable de plus de 10 000 Québécois par année. L'aromatisation des produits, le marketing centré sur les jeunes et la cigarette électronique font en sorte que tous les nouveaux fumeurs sont, la plupart du temps, des adolescents. Pour les protéger et diminuer l'incidence du tabagisme, nous réitérons l'importance de certains éléments qui se retrouvent déjà dans le projet de loi n° 44 et l'ajout de nos recommandations, soit l'interdiction de toute forme d'aromatisation, incluant le menthol; l'assujettissement de la cigarette électronique à la Loi sur le tabac; l'imposition d'un emballage neutre et standardisé aux compagnies de tabac; et, à défaut d'introduire l'emballage neutre et standardisé, la standardisation des mises en garde sur les paquets; l'interdiction de présenter des cigarettes sur toute affiche qui n'est pas issue du gouvernement; la considération de toute image du tabac sur des affiches ou dans les médias comme étant de la publicité; l'interdiction de toute cigarette dont le diamètre est inférieur à 7,5 millimètres ou dont la longueur dépasse 70 millimètres; l'interdiction de fumer dans les véhicules transportant des enfants de moins de 16 ans; l'interdiction de fumer sur les terrasses; la conformité de l'application des normes d'utilisation et d'isolation des fumoirs déjà existants.

Le moment est bien choisi pour que le ministère de la Santé s'engage auprès des fumeurs désireux d'améliorer leur santé en déterminant si la cigarette électronique s'avère un bon outil de réduction des méfaits. Comme futurs professionnels de la santé, nous sommes toujours à la recherche d'outils pour aider nos patients, et un de plus serait le bienvenu pour combattre le tabac individuellement et collectivement.

Le projet de loi n° 44 représente un excellent point de départ pour raviver la lutte contre le tabagisme au Québec. Nous espérons maintenant que la commission maintiendra l'intégrité du projet de loi et adoptera les amendements ici proposés aujourd'hui. Merci beaucoup.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, à la demande de Mme la ministre, elle vous a permis de poursuivre sur son temps, donc, de 10 minutes, votre présentation a été de 12 minutes. Maintenant, je cède la parole à Mme la ministre pour un bloc de 23 minutes pour les échanges.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. Alors, Mme Carpentier, Mme Laliberté, M. Dallaire, M. Galiano, Mme McNeil et M. Giguère, merci d'être là. Et je vais me permettre un petit commentaire de fifille : Je suis contente de voir qu'il y a trois filles étudiantes en médecine et trois garçons. On a la parité, alors c'est le fun. Mais, blague à part, merci de votre présentation.

Honnêtement, j'ai apprécié la lecture de votre mémoire. Et j'ai non seulement apprécié la lecture de votre mémoire, mais il y a certains concepts qui se sont renforcés à la lecture de celui-ci, puisque, vous avez raison, en tout cas je le pense, que les jeunes sont les principales victimes du tabac en ce moment. En tout cas, c'est là qu'est axée la promotion du tabac, je crois, et c'est là que commence toute la dépendance. Et c'est de plus en plus difficile, parce que les produits du tabac sont de plus en plus complexes — on va se dire la vérité — et c'est de plus en plus difficile de quitter cette habitude-là. Et c'est inquiétant, parce que, quand on parle de réduire le taux de tabagisme, bien ça commence là.

J'ai le goût de vous amener tout de suite sur la cigarette électronique parce que c'est un nouveau produit, parce que c'est, en ce moment, en croissance de façon exponentielle. Moi, je vous dirais que, depuis qu'on a déposé le projet de loi, c'est clair que je vois ça pousser comme des champignons, même dans la municipalité où je demeure, et je sens bien qu'il y a quelque chose là. Puis, cet été, je suis devenue comme la porte-parole de ne pas fumer sur les terrasses, de devoir encadrer la cigarette électronique, d'interdire les saveurs. Et c'est assez amusant, parce que les gens me rencontrent et me parlent de la cigarette comme si on était devenus des grands amis tout à coup. Alors, je suis impressionnée de voir comment, dans la population, il y a un chemin qui a été parcouru à travers les années, parce qu'on n'aurait pas pu faire ça, honnêtement, dans les années 70. On est dans deux mondes très, très, très différents, et les jeunes, vous contribuez à ça. Je veux vous entendre me parler de la cigarette électronique. Vous en avez parlé un peu dans votre mémoire. Mais ce que je dis aux gens, puis dites-moi si je me trompe, c'est que souvent la cigarette électronique... c'est vrai que, les études, on n'a pas encore complètement tout ce qu'il faut pour statuer efficacement, dire : Bon, il n'y a vraiment pas de danger, oui il y en a, c'est un bon moyen, c'est-u pas un bon moyen?

On a plusieurs commentaires à l'effet que, oui, c'est quelque chose qui peut aider les gens à arrêter de fumer. Par contre, j'en ai croisé plusieurs cet été dans mes vacances, en allant jouer au golf, notamment : plein de gens fumaient ça à l'intérieur sur les terrasses, mais fumaient à l'extérieur. Bref, double consommation. Ça, j'ai vu ça beaucoup cet été et j'ai posé beaucoup de questions. Ça ne veut pas dire que tout le monde fait ça comme ça, mais il y en a qui font ça comme ça. Il y en a qui font juste fumer la cigarette électronique, mais ils ont tout le temps ça à la bouche.

Est-ce que vous croyez que, dans notre monde, si on veut faire en sorte que les jeunes ne soient pas incités vers le tabagisme... Moi, j'ai l'impression que le fait que la cigarette électronique est en croissance et que ce n'est pas réglementé en ce moment, on est à l'étude là-dessus... est-ce que vous croyez que ça renormalise le geste de fumer? Est-ce que c'est un incitatif pour les jeunes? Et parlez-moi donc des différentes sortes de cigarettes électroniques, tant qu'à y être. Vous devez connaître ça un petit peu.

• (11 h 40) •

Mme Veilleux Carpentier (Ariane) : Je vais laisser Jessica Ruel-Laliberté, déléguée aux affaires politiques, qui est l'experte de la cigarette électronique, vous répondre.

Mme Ruel-Laliberté (Jessica) : Merci. Donc, c'est sûr que, pour nous, le fait d'avoir une cigarette électronique, ça banalise le fait de fumer, en ce sens qu'on voit les gens justement partout... même, j'en ai vu à l'aéroport dans un voyage, puis ça fumait la cigarette électronique. Donc, ça banalise le geste puis ça peut même pousser certains jeunes à l'essayer.

Le principal problème qu'on a retrouvé, c'est qu'en faisant des... En recherchant des études, on s'est rendu compte que certaines compagnies mentionnent qu'il n'y a pas de nicotine dans les cigarettes. Puis ils ont réalisé une étude qui a été faite par l'Institut national de santé publique du Québec qui a prouvé qu'il y avait de la nicotine dans certaines cigarettes qu'ils mentionnaient qu'il n'y en avait pas. Donc, là est le problème, parce que, si on veut l'utiliser comme outil de cessation tabagique puis qu'on prend un produit qui est supposé ne pas contenir de nicotine mais qu'au final on consomme un produit qui en contient, bien, au final, on n'a pas arrêté de fumer, comprenez-vous?

Donc, c'est pour ça qu'on voulait vraiment que le contenu soit réglementé. On sait que ça ne passe pas par le gouvernement du Québec, mais on voudrait vraiment, là, que vous... j'ai juste le terme anglais en tête, là, mais que vous...

Une voix : ...

Mme Ruel-Laliberté (Jessica) : Oui, «advocate», là, mais...

Mme Charlebois : Qu'on fasse des représentations.

Mme Ruel-Laliberté (Jessica) : Oui, c'est ça, excusez, que vous... oui, une représentation au niveau de Santé Canada pour que le contenu soit réglementé. À tout le moins, on pourrait permettre que, si des gens décident de fumer, bien, qu'ils puissent avoir une démarche qui soit rigoureuse et qu'ils puissent prendre vraiment comme les timbres, là, des doses de nicotine qui diminuent jusqu'à tant d'avoir une cigarette électronique qui n'en contient pas.

On veut vraiment aussi que la cigarette électronique soit assujettie à la Loi sur le tabac, justement parce que, comme je vous disais, ça banalise le fait de fumer, de la voir partout, cette cigarette-là. C'est un beau produit, ça fait... comment dire, les gens voient la cigarette électronique comme quelqu'un qui ne fume pas, dans le fond. Ils se disent : Ah! c'est un petit produit pas de nicotine puis c'est donc bien beau. Mais, selon nous, ça pourrait amener certains jeunes à aller vers la cigarette éventuellement.

Puis je ne sais pas si Philippe Giguère voulait compléter ou...

M. Giguère (Philippe) : Bien, je pense que ce qu'il est important de noter, c'est : Comme on dit, les études ne semblent pas superconcluantes sur les impacts sur la santé, mais ce qui est clair, c'est qu'il y en a. Donc, je pense que c'est important justement de minimiser quand même la consommation de ce produit-là, au même titre que celui de la cigarette.

Mme Charlebois : J'ai même lu en quelque part pendant l'été que plein de jeunes qui fument des cigarettes avec des saveurs pensent que c'est moins dommageable que fumer la cigarette, le tabac ordinaires. Et c'est un peu ça aussi qui se produit pour la cigarette électronique, parce que... en tout cas, j'ai découvert, parce que je ne connaissais pas ça — quand j'ai commencé à travailler le projet de loi, j'ai découvert plein de choses, on gratte, on approfondit — qu'il y a des cigarettes électroniques qui sont presque des jouets. C'est coloré, l'empaquetage est... Alors, pour des jeunes, ça peut être attirant. Puis c'est un peu ça pourquoi on veut encadrer, pour faire en sorte qu'il y ait une interdiction, là, pour les mineurs en partant et faire en sorte que ces produits-là soient comme les paquets de cigarettes : cachés.

Je voudrais, pour le bénéfice de nos auditeurs... puis vous avez bien dit, juste pour finir avec la cigarette électronique... je vous invite à faire des représentations aussi au gouvernement fédéral. Oui, on en fait, nous aussi. Parce que vous avez fait mention que, le contenu, on ne le sait pas toujours. Mais non seulement on ne le sait pas toujours, mais les mélanges sont souvent faits dans les boutiques de «vape shop» puis on ne sait pas trop la quantité de nicotine. Il y a un danger, là aussi, dans l'emballage. Un enfant prend ça... Il y en a eu, des cas d'empoisonnement que j'ai vus, j'ai lus dans les journaux, etc. Alors, il y a quelque chose là, là, puis je pense que je vous invite aussi à faire des représentations au gouvernement fédéral, puis je vous dirai que je pense que, là aussi, vous allez avoir une oreille attentive à ça.

Est-ce que vous pensez, pour finir avec la cigarette électronique, que le projet de loi va restreindre l'accès à ceux qui veulent l'utiliser?

Mme Veilleux Carpentier (Ariane) : Philippe Giguère, président de l'Association des étudiants et étudiantes en médecine de l'Université de Montréal.

M. Giguère (Philippe) : Bien, est-ce qu'il va restreindre l'accès? Si on l'assujettit à la Loi sur le tabac, déjà les mineurs n'y auront pas accès. Je pense que l'impact principal que ça aurait, c'est que ça éviterait justement cette double consommation là, dont vous avez parlé. Pour quelqu'un qui voudrait cesser de fumer, je pense qu'il aurait quand même accès. Donc, je ne crois pas que, dans ce contexte-là, ça nuirait à l'accès au produit, là.

Mme Charlebois : Est-ce que vous êtes d'accord avec moi que, souvent, quand on entend parler de la cigarette électronique, la plupart du temps, les gens qui en parlent et qui sont les défenseurs de la cigarette électronique, en quelque sorte... souvent, ces gens-là nous parlent que c'est utile pour les gens qui veulent arrêter de fumer? Vous êtes d'accord avec ma prémisse?

M. Giguère (Philippe) : Bien, je suis d'accord que c'est quelque chose que les gens croient, oui.

Mme Charlebois : Oui. Puis ça peut être vrai dans plusieurs cas ou en tout cas dans certains cas, mais moi — puis je veux vous entendre là-dessus — je n'ai pas l'impression que, si les gens s'en servent pour arrêter de fumer, ça va les empêcher d'arrêter de fumer. Ils vont pouvoir s'en servir mais dans un certain emplacement, dans un certain encadrement. Je vais vous avouer que j'ai parlé avec d'anciens fumeurs, dont je suis, j'ai parlé avec moi-même aussi. Mais, farce à part, quand je vois des gens fumer dans un restaurant, dans un lieu public ou... honnêtement, moi, qui ai déjà fumé, ça me rappelle quelque chose que je ne veux plus voir, pas dans mon environnement de travail, pas dans mon environnement de loisirs, sauf là où la cigarette est admise, et c'est à moi de faire des choix à partir de ce moment-là. Et les gens avec qui j'ai parlé semblaient avoir la même indication.

Est-ce que vous avez cette perception-là? Est-ce que vous jasez avec vos futurs patients? J'imagine que vous en rencontrez plusieurs.

M. Giguère (Philippe) : Oui. Bien, personnellement, je connais des gens qui fument la cigarette conventionnelle et qui fument la cigarette électronique puis j'ai même vu une étude qui démontre que les perceptions en général sont que la cigarette électronique est un produit moins nocif pour la santé.

Je pense qu'en assujettissant ce produit-là à la Loi sur le tabac ce qu'on dit, c'est : Fumer la cigarette électronique, c'est la même chose que fumer. Puis, de cette façon-là, on change l'image du produit puis on change les lieux, dans le fond, où on va voir ce geste-là. Puis, en termes d'aide à la cessation tabagique, je pense que, nous, notre message, c'est qu'on aimerait savoir c'est quoi, l'utilité réelle, pour qu'en tant que cliniciens on puisse faire des décisions informées. Et, en bout de ligne, toutes nos décisions doivent aussi être basées sur les préférences des patients. Puis il y en a peut-être qui vont préférer ce moyen-là à un autre. Donc, c'est juste un outil... ça pourrait être, en fait, un outil de plus dans la lutte au tabagisme, mais ça prend ces données-là, ça prend ces informations-là. Puis je pense qu'en ce qui nous concerne on a l'impression que la science, si on veut, n'en est pas encore rendue là.

Mme Charlebois : Est-ce que vous êtes à l'aise avec le fait... Vous savez qu'on a interdit les saveurs dans les cigarettes, dans les cigarillos, dans les chichas. Êtes-vous à l'aise avec le fait que nous, dans le projet de loi et... pour la cigarette électronique, les saveurs vont être exemptées, elles vont pouvoir avoir des saveurs, mais on se garde une porte ouverte... parce que vous savez que la loi peut être révisée à tous les cinq ans, alors, on se garde une porte ouverte que, si on s'aperçoit que les jeunes se lancent là-dessus, quoique c'est interdit puis qu'il va y avoir des amendes beaucoup plus substantielles — vous avez dû pouvoir voir ça aussi — autant pour les adultes qui vont procurer des cigarettes aux jeunes que pour les jeunes, le détaillant et le fabricant — tout le monde va y passer... Est-ce que vous êtes à l'aise avec le fait qu'on laisse les saveurs mais que par règlement, si on s'aperçoit qu'il y a une recrudescence du tabagisme chez les jeunes avec la cigarette électronique à saveur, on puisse tout de suite arrêter ça avant la révision prochaine de cinq ans?

Une voix : Oui. Philippe Giguère.

M. Giguère (Philippe) : Bien, moi, l'impression que j'ai, c'est que, comme on dit, on veut assujettir la cigarette électronique à la Loi sur le tabac et, en même temps, nous, on voudrait que, dans la Loi sur le tabac, il y ait une interdiction des saveurs. Donc, je crois qu'il faudrait que ça soit la même loi pour tout, parce que sinon ça va peut-être contribuer justement à cette perception-là que la cigarette électronique est moins nocive parce que, bien, ce produit-là, dans le fond, ce n'est pas comme fumer parce que ça goûte quelque chose de différent, ça ne goûte plus le tabac.

• (11 h 50) •

Mme Charlebois : Bien, du fait qu'on n'a pas d'étude concluante, parce qu'il y a des études qui nous disent que c'est moins nocif; il y en a d'autres qui disent... Vous savez, vous avez de vos propres collègues qui ne sont pas en accord avec vous, qui disent que c'est moins nocif, il y en a d'autres qui disent que c'est plus nocif. En tout cas, il y a une multitude... puis on n'a pas encore les études concluantes. Est-ce qu'il n'y a pas lieu, justement pour permettre aux gens... parce que j'en connais qui ont arrêté de fumer avec la cigarette électronique, là — on en connaît tous — est-ce qu'il n'y a pas lieu de la laisser là, mais de se garder une porte ouverte par règlement pour changer ça rapidement si on s'aperçoit qu'il y a des changements, tu sais, pour permettre l'arrêt tabagique?

Mme Veilleux Carpentier (Ariane) : Je pense que, tu sais, quand on parle d'aromatisation, tu sais, il ne faut pas se leurrer, il y a des modes dans le tabac.

Comme vous dites, la complexité des produits du tabac fait en sorte que, bien, dans les années 2000, c'était le cigarillo qui était à la mode. Maintenant, on voit que la cigarette électronique prend du terrain, que la chicha est un produit aussi qui intéresse de plus en plus les jeunes. Donc, on peut s'imaginer qu'en enlevant les produits aromatisés sur tout, c'est-à-dire les cigarettes, les cigarillos, en diminuant l'accès à la chicha, même en le rendant complètement banni, les jeunes qui vont s'initier au tabac... ce sera peut-être directement avec la cigarette électronique. Donc, je pense que c'est bien d'avoir une porte de sortie, mais je ne sais pas pourquoi on attendrait de voir ce qui est probablement inévitable avant de... tu sais, dans le fond, à la place de l'appliquer maintenant.

Je comprends les amendes, je pense que le fait d'avoir des amendes, c'est toujours un incitatif à ne pas faire certaines choses, mais je pense qu'il y a beaucoup de gens qui n'étaient même pas conscients des amendes actuelles s'ils fournissaient à des jeunes du tabac, si le dépanneur fournit du tabac aux jeunes. Le dépanneur doit le savoir, mais le jeune ne doit pas savoir que lui peut possiblement avoir aussi des pénalités. Donc, je pense que c'est important d'être cohérents dans notre application puis de ne pas attendre l'inévitable, parce que c'est clair que, si on bannit tout le reste, ça va être ça qui va être la voie d'entrée au tabagisme chez nos jeunes.

Mme Charlebois : D'accord, je vous entends. Maintenant, est-ce que vous pourriez me parler — et ça m'intéresse beaucoup, parce qu'encore là on a entendu beaucoup de choses — de l'interdiction, qui est proposée dans le projet de loi, pour la fumée sur les terrasses, dans les lieux publics, à l'extérieur, sur les conséquences de la fumée secondaire surtout — je voudrais vous entendre parler de ça, parce que vous en avez parlé — dans la voiture? Puis c'est vrai, c'est 27 fois plus concentré, la fumée, dans une voiture. Et on sait que le métabolisme d'un enfant est beaucoup plus rapide, donc consomme déjà plus, lui, quand il respire de la fumée secondaire. Puis, en plus, c'est 27 fois plus concentré; c'est aussi bien de lui acheter un clou dans le cercueil, mais, bon...

Alors, on ne reviendra pas sur la fumée dans les autos, je pense que vous avez compris que je ne suis pas très, très favorable à ça, mais parlez-moi de la fumée secondaire notamment sur les terrasses, parce qu'il y a différents points de vue et j'aimerais ça vous entendre, en tant que futurs médecins, à savoir comment vous voyez ça.

Mme Veilleux Carpentier (Ariane) : Comme je l'ai déjà mentionné dans le mémoire, dans le fond, il y a deux sphères qui nous inquiètent principalement : il y a, premièrement, la fumée secondaire puis il y a aussi l'impact de perpétuer certains comportements chez des fumeurs qui associent à l'aspect social de la chose le fait de boire un verre, fumer sur une terrasse, puisque c'est permis.

Si on parle juste de la fumée secondaire, il s'avère que, bon, si on avait un fumeur sur une terrasse tout seul, à deux mètres de lui, la quantité de particules fines serait de zéro. Donc, dans le fond, dans un monde où on isolait ce fumeur-là, qui serait le seul sur la terrasse, à deux mètres il n'y aurait pas d'enjeu. Les professionnels, dans le fond... en fait, ceux qui seraient les serveurs ou qui travaillent pour les bars et restaurants seraient possiblement exposés en rentrant dans ce deux mètres-là. Tu sais, dans la réalité dans laquelle on vit, sur une terrasse les fumeurs ne sont pas isolés de deux mètres de distance des autres consommateurs. Puis, si on est sur une terrasse, dépendant des conditions météorologiques, il peut y avoir une quantité assez importante de fumée qui se retrouve dans un même endroit. Donc, les impacts de la fumée secondaire sont probablement moindres qu'à l'intérieur parce qu'il y a l'air extérieur, mais ils sont assez importants pour être au niveau des normes de l'OMS, qui, à partir d'un certain point, augmentent le risque de maladies cardiovasculaires, augmentent les cancers du poumon. On en avait entendu beaucoup parler, dans les années 90, à la fin des années 90, de tout ce qui avait été mis en place pour que les travailleurs soient protégés de la fumée secondaire dans les restaurants, dans les bars. Je pense que maintenant il faut étendre ça à l'extérieur pour continuer de protéger ces gens-là, diminuer leur risque à zéro puis que ce soit leur propre choix si eux souhaitent fumer, là, de façon personnelle.

Donc, la fumée sur les terrasses est tout aussi délétère qu'à l'intérieur. Donc, il faut absolument que ça soit conservé dans le projet de loi.

Mme Charlebois : Merci. Je suis d'accord avec vous. Vous m'avez parlé un peu de l'emballage neutre standardisé, vous m'avez parlé aussi des cigarettes minces. J'aimerais ça vous entendre davantage là-dessus : Comment vous entrevoyez qu'on peut faire en sorte que les cigarettes minces n'existent plus?

Mme Veilleux Carpentier (Ariane) : Je vais laisser David Alexandre Galiano, qui est délégué aux affaires internationales et communautaires de la FMEQ mais aussi président d'IFMSA-Québec, vous répondre.

M. Galiano (David Alexandre) : Donc, je vous remercie beaucoup pour la question.

Par rapport à l'emballage, les normes présentement, qui sont vieilles de 10 ans, ont été contournées par l'industrie par plusieurs mécanismes. Bien, par exemple, si on regarde les nouveaux paquets, les nouveaux mécanismes d'ouverture permettent de complètement éclipser, si on veut, ces avertissements de santé. Donc, c'est pour ça que — nous, on a vu l'exemple de l'Australie avec l'emballage neutre — c'est des mesures qui ont eu un impact, donc, on le mentionne dans le mémoire : c'est une chute du tabagisme de 15,1 % à 12,8 %, puis l'âge d'initiation au tabac est passé de 14,2 à 15,9 ans, ce qui est quand même remarquable comme amélioration. Puis c'est adopté par plusieurs juridictions à travers le monde aussi. Donc, nous, ce qu'on dit, c'est que notre position officielle, c'est que l'emballage neutre reste la meilleure façon de contrôler l'emballage avec les avertissements de santé, et tout, mais que, si jamais ça, ce n'est pas possible, il y a des solutions intermédiaires qui existent. Donc, si on regarde, par exemple, l'Union européenne, il y a des dimensions minimales qui sont calculées en termes de millimètres, donc, par exemple, 44 millimètres par 52 millimètres, minimum, et il doit couvrir 65 % du paquet. Donc, c'est des choses qui sont en place et qui évitent que l'industrie contourne, si on veut, les règlements que le gouvernement pourrait imposer.

Donc, il faut vraiment se dire que l'emballage, c'est un outil de marketing. Donc, si on interdit la promotion à la télévision, dans les affiches, dans les médias, il faut se dire aussi que le paquet en tant que tel est un outil de promotion et de marketing par le biais de publicités et styles de vie. L'industrie a été très, très forte pour évaluer le marché et pouvoir cibler les consommateurs, ce qui m'amène à parler de la cigarette mince. Donc, on le sait, c'est souvent associé à une idée de minceur, à une idée de perdre du poids, donc, on fume des cigarettes minces. C'est un public cible très, très sélectionné, donc les jeunes femmes... Les paquets de cigarettes minces sont designés comme étant des boîtiers de maquillage ou des bâtons à rouge à lèvres. Donc, c'est pour ça que nous, on se dit que toutes ces techniques-là de marketing sont extrêmement nocives et ciblent particulièrement les jeunes et des groupes de la société au détriment de leur santé. Donc, c'est pour ça qu'on recommande... L'emballage n'a pas été mentionné dans le projet de loi, donc, mais on est contents d'entendre que ça va faire l'objet d'un règlement. Donc, on encourage vraiment la ministre et puis le gouvernement à réglementer là-dessus, et puis surtout pour l'interdiction des... à standardiser, si on veut, la taille et le diamètre des cigarettes pour que justement ces techniques de marketing un peu insidieuses soient éliminées.

Mme Charlebois : D'accord. J'ai une dernière question, M. le Président, et ça concerne les fumoirs. J'ai entendu que vous voulez qu'on s'assure que ça fonctionne bien puis que c'est bien installé, puis etc. Est-ce que je dois comprendre que vous n'êtes pas en faveur d'une élimination des fumoirs dans les espaces publics?

Mme Veilleux Carpentier (Ariane) : Je vais laisser Jessica Ruel-Laliberté répondre.

Mme Ruel-Laliberté (Jessica) : Parfait. Donc, notre position est plus nuancée, on va dire, sur les fumoirs, c'est-à-dire qu'on ne veut pas éliminer les fumoirs qui existent déjà, à condition qu'ils soient sécuritaires puis qu'ils ne nuisent pas aux autres résidents. On parle, bien entendu, là, des fumoirs dans des centres d'établissement de santé, là, on ne parle pas d'un fumoir dans un aéroport ou dans d'autres lieux communs.

La raison est simple, c'est que, dans certaines unités psychiatriques, par exemple, c'est très compliqué de gérer les sorties cigarette pour les patients puis... Dans le fond, les patients peuvent sortir, mais c'est très compliqué puis ça demande beaucoup de temps aux infirmières de gérer ces sorties-là. Donc, on se rend compte que, si on avait des fumoirs qui sont fonctionnels et qui ne nuisent pas, donc qui ne propagent pas la fumée secondaire sur l'étage, bien ça pourrait, à tout le moins, aider, là, les infirmières au niveau du travail, gestion du temps, puis tout ça, puis ce serait beaucoup plus simple dans certaines unités. Mais la condition pour ça, c'est qu'on veut s'assurer que les fumoirs soient fonctionnels. S'il y a des normes mais qu'on ne s'assure pas que ces normes-là sont respectées, bien, tant qu'à ça, les fumoirs doivent être fermés. Mais, si on peut s'assurer que les fumoirs sont sécuritaires et que les normes sont respectées, alors, dans ce cas-là, on est pour qu'ils restent là.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Pour les 40 secondes qu'il reste, le député de Sainte-Rose.

• (12 heures) •

M. Habel : Oui. Merci, M. le Président. J'aimerais parler du cas du menthol, parce que vous mettez dans votre mémoire qu'au Québec, chez les jeunes, 26 % des fumeurs ont fumé des cigarettes mentholées au cours des 30 derniers jours. Et vous affirmez aussi un peu après que l'utilisation du menthol désensibilise la langue ou diminue aussi l'intensité de l'irritation causée par la cigarette.

Donc, selon vous, est-ce que ça constitue une porte d'entrée pour les jeunes à commencer à fumer avec ces cigarettes mentholées?

Une voix : Merci pour la question. Je vais laisser Julien Dallaire, vice-président de la fédération...

M. Dallaire (Julien) : Oui, bien sûr, ça contribue à une porte d'entrée à l'initiation tabagique. Le faux effet de fraîcheur que ça donne en fumant la cigarette peut enlever un désavantage majeur chez les jeunes, qui peuvent être irrités par la fumée de cigarette. Si on enlève ça, le goût désagréable de la cigarette qu'un jeune pourrait ressentir... En inhalant le menthol, il s'habitue à la nicotine, commence comme ça, puis éventuellement peut progresser vers... soit continuer avec le menthol ou aller vers d'autres produits tabagiques.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, pour un bloc de 15 minutes, je cède la parole au collègue de Rosemont.

M. Lisée : Oui. Bonjour. Merci d'être là en force, c'est la relève médicale face au tabac. Vous me donnez l'impression que nous sommes entre bonnes mains pour l'avenir. Mais je vais vous demander d'enlever votre chapeau de jeunes médecins puis de garder votre caractéristique de jeunesse parce qu'on... et je vais vous demander votre expérience personnelle, parce qu'on dit : Bien, aujourd'hui, cette génération, comme toutes les générations de jeunes, est très centrée sur la liberté individuelle, hein? Puis, je regardais, même sur Twitter ce matin, il y a des gens qui disent : Ah! bien, moi, je suis majeur et vacciné, arrête de me dire ce que je dois faire, ce que je peux faire, ce que je peux fumer, ce que je peux... bon.

Est-ce que vous sentez ça autour de vous ou est-ce que l'idée que faire reculer le tabagisme est un objectif social légitime est ancrée?

Mme Veilleux Carpentier (Ariane) : Merci pour la question. Vous posez une question qui est quand même difficile compte tenu, je pense, de notre environnement, où, tu sais — dans le fond, nous, on est des étudiants en médecine — c'est très difficile de s'enlever ce chapeau-là. Puis je comprends très bien la dynamique que vous décrivez, de liberté individuelle. Je pense qu'on le ressent, même pour avoir vu des articles de certains sites très, très populaires chez les jeunes, dire : On va nous enlever la capacité de fumer sur les terrasses, ce qui est probablement une des choses qui a le plus choqué chez les jeunes.

Je vais prendre un peu de recul puis dire : Même, je pense que cette dynamique-là de liberté individuelle, nos jeunes qui ne veulent pas se faire dire quoi faire... je pense que c'est la caractéristique principale de c'est quoi, être jeune, puis de la jeunesse, puis toutes les générations ont passé par là. Moi, j'ai 22 ans et je n'ai jamais vécu les bars fumeurs. Donc, moi, je n'ai jamais vécu ça, et ça ne m'a jamais... bon, ça ne m'a jamais manqué. Je ne suis pas fumeuse. Ça ne m'a jamais manqué. Mais je n'ai jamais été exposée à ça. Je pense que... un peu comme dans 10 ans, j'espère que les jeunes vont pouvoir dire qu'ils n'ont jamais vécu une terrasse ou... dans le fond, autant les bars que les terrasses fumeurs. Donc, ça, je pense que, si on est capable d'amener ça, dans quelques années on ne ressentira pas l'impact... en fait, on va ressentir l'impact de cette interdiction-là sans, dans le fond, avoir encore ce discours-là de liberté individuelle.

Est-ce que ça va choquer certains jeunes, ce projet de loi là puis les modifications? Je ne pense pas qu'on va faire des heureux à tous coups. Puis je pense que ce n'est pas le but non plus, de rendre les fumeurs... tu sais, on ne veut pas leur nuire, on ne veut pas qu'ils se sentent marginalisés, parce qu'ils ont un problème. Ils n'ont pas juste le problème de santé, qui va peut-être apparaître dans 30 ans, mais ils ont le problème de dépendance, qui est un problème de toxicomanie en soi. Mais les bénéfices qui sont à gagner sur ça sont tellement plus grands que, dans le fond, les conséquences de peut-être sentir qu'ils vont perdre la liberté de fumer dans certains endroits ou certains produits.

De plus, si on pense à certains produits auxquels ils ne vont jamais s'initier avec les propositions du projet de loi, les produits aromatisés, en les éliminant, pour les jeunes, ils ne vont jamais y goûter, ils ne sauront même pas c'est quoi. Tu sais, il y aura peut-être ces quelques années de... tu sais, bon, les jeunes qui sont dans la vingtaine qui peut-être consomment ces produits-là qui vont sentir un manque, ils vont peut-être tenter d'arrêter de fumer, ce qui serait une bonne chose, mais les autres jeunes n'auront jamais été exposés à ces produits-là, ne vont pas commencer à fumer. Je pense que c'est vraiment là le plus gros gain qu'on pourrait aller chercher.

M. Lisée : Je voudrais revenir sur le menthol, dont mon collègue de Sainte-Rose a parlé tout à l'heure. On voit que, dans la résistance à la législation proposée ici, mais c'était la même chose ailleurs dans le monde, l'industrie du tabac insiste pour garder le menthol. Bon, ils sont prêts à lâcher la gomme balloune, ils sont prêts à lâcher la cerise, bon, mais, le menthol, ils y tiennent. Pourquoi, d'après vous?

Mme Veilleux Carpentier (Ariane) : Je vais laisser Julien Dallaire répondre.

M. Dallaire (Julien) : Ne nous surprenons pas. Si l'industrie tient au menthol, c'est parce que les grandes compagnies de tabac, celles qui ont le plus fort lobby, les plus grands chiffres d'affaires, produisent uniquement des cigarettes au menthol. Les cigarillos à la vanille, ou aux fraises, ou aux bananes sont produits par des plus petites compagnies qui ont un moins fort lobby. C'est pour la même raison que les associations de dépanneurs qui ont des affinités avec les industries du tabac défendent seulement le menthol. Dans ce cas-ci, c'est à cause du pouvoir de lobbyisme qu'ils peuvent avoir et les intérêts commerciaux qu'ils peuvent avoir. À notre sens, le menthol devrait faire autant partie que n'importe quelle saveur parce qu'elle est autant nocive pour la santé de nos jeunes.

M. Lisée : Donc, ils défendent le menthol parce que ça fait partie, hein, de leurs produits, c'est un produit fort, c'est un produit qui marche bien. Pourquoi il marche si bien? Qu'est-ce que de mettre du menthol dans la cigarette a de positif pour l'acheteur?

Mme Veilleux Carpentier (Ariane) : Bien, je pense que le menthol, peut-être, contrairement à d'autres saveurs, c'est peut-être une saveur plus universelle, tu sais, puis c'est une des seules saveurs aussi qui se retrouvent dans le produit de cigarette en soi plutôt que dans les petits cigares. Donc, quelqu'un qui voudrait se tourner vers une cigarette aromatisée, le menthol serait le produit. Je pense qu'on l'a quand même bien décrit dans le mémoire, il y a plusieurs effets... contrairement à d'autres produits, il y a plusieurs effets désensibilisants au niveau de la gorge, au niveau de la fraîcheur de la fumée de cigarette. Donc, ça agit directement sur les récepteurs de la chaleur, qu'on appelle les thermorécepteurs, en les désensibilisant, puis ce qui fait en sorte que c'est beaucoup plus facile à inhaler, notamment. Donc, ça, c'est un des effets directs associés à la sensation de fraîcheur. Je pense que c'est un produit qui est plus facile à fumer peut-être que d'autres saveurs qui n'ont pas le même effet analgésique sur la gorge, sur la langue.

M. Lisée : Alors donc, le menthol, ce qu'il fait au tabac, au goudron puis aux 40 autres additifs, il rend l'expérience de fumer plus agréable, c'est-à-dire qu'il enlève plusieurs facteurs désagréables. Et, bon, on regardait des études là-dessus — dites-moi si c'est aussi votre opinion — c'est que le fumeur qui inhale le tabac avec le menthol, sentant que c'est plus frais, en inhale davantage. Il en inhale davantage, et donc c'est encore plus nocif que s'il n'y avait pas de menthol.

Mme Veilleux Carpentier (Ariane) : Oui. Il y a un effet effectivement au niveau des quantités, parce qu'on ne sent pas justement le même goût âcre ou qu'est-ce qui pourrait limiter la simple bouffée de cigarette. Je pense qu'effectivement il y a des études qui ont rapporté que peut-être l'inhalation était... et le volume inhalé était plus important.

Toutefois, c'est assez controversé à savoir si l'impact, sur la santé, de fumer une cigarette versus une cigarette mentholée... est-ce que c'est... Ça semble plutôt équivalent, je vous dirais, plutôt équivalent, donc pas pire, sauf que c'est pire parce que ça masque le goût du tabac, ça va chercher nos jeunes, ça crée une dépendance.

M. Lisée : C'est-à-dire que, si on inhale davantage, c'est sûr qu'on absorbe davantage de produits nocifs, et, si on trouve que c'est plus frais, on va en fumer davantage que de la cigarette. Donc, l'impact de dire : On enlève le menthol, si vous voulez fumer, fumez de la cigarette, donc, il y a un certain nombre de gens qui vont dire : Bien non, moi, j'aimais ça avec le menthol, sans le menthol je n'aime plus ça, donc ça aura un impact de réduction de la consommation.

Mme Veilleux Carpentier (Ariane) : Tout à fait, puis c'est exactement ce qu'on recherche en incluant le menthol. Surtout, si on dit que, dans les 30 derniers jours, il y a environ le tiers des jeunes fumeurs qui fument la cigarette mentholée, bien ça fait déjà ces jeunes-là qui n'ont pas accès à ce produit-là... du moins plus difficilement, là.

M. Lisée : Sur la cigarette électronique, donc, effectivement, il y a des collègues pneumologues, entre autres, qui disent : Écoutez, c'est quand même extraordinaire comme point de sortie. Comme point de sortie, pour des fumeurs réguliers, moi, je leur prescris la cigarette électronique pour qu'ils puissent sortir du tabagisme. Est-ce que c'est aussi votre avis?

Une voix : Philippe Giguère va pouvoir répondre à cette question.

M. Giguère (Philippe) : Bien, moi, je ne suis pas pneumologue. Aucun d'entre nous ne le sommes, on est encore étudiants. Donc, écoutez, je pense qu'il y a des gens qui sont plus experts que nous, peut-être qu'eux se sentent à l'aise de prendre des décisions comme ça.

Je crois par contre qu'en tant que médecin, justement, on doit s'appuyer sur des données scientifiques, puis la grande majorité... ou, en tout cas, beaucoup de médecins qui vont encourager leurs patients à cesser de fumer ne seront pas des pneumologues, seront aussi des médecins de famille, seront aussi des médecins dans toutes sortes de milieux hospitaliers puis qui n'ont pas nécessairement toutes les connaissances à jour par rapport à tous les produits pour prendre ces décisions-là puis qui se basent plutôt sur, bien, des revues de littérature, des méta-analyses puis qui ont besoin peut-être d'un niveau de preuve plus élevé avant de prendre des décisions. Voilà.

• (12 h 10) •

M. Lisée : Donc, vous êtes indécis sur ce sujet-là pour l'instant.

Une voix : Disons, nuancés.

M. Lisée : Nuancés.

M. Giguère (Philippe) : Bien, moi, je ne me sentirais pas à l'aise de faire cette recommandation-là en ce moment.

M. Lisée : De prescrire la cigarette électronique à un fumeur en disant : Bien, laissez tomber vos cigarettes, prenez la cigarette électronique, vous, vous ne feriez pas ça.

Mme Ruel-Laliberté (Jessica) : À condition qu'on puisse... Excusez. À condition qu'on puisse s'assurer qu'il n'y a pas de nicotine dans les produits qui sont offerts.

M. Lisée : Bon. Là, vous nous dites : Bien, évidemment, un des graves problèmes de la cigarette électronique, c'est l'absence de contrôle effectif sur le contenu des produits, alors, il y en a qui sont dits sans nicotine alors qu'il y a de la nicotine, on fait des tests, bon, mais ça, ça relève du gouvernement fédéral.

Alors, ne serait-il pas plus simple, si le Québec pouvait voter toutes ses lois, que vous puissiez nous faire vos recommandations et que nous adoptions une loi qui couvre l'ensemble du champ? Ce ne serait pas plus simple?

Mme Veilleux Carpentier (Ariane) : Je vais laisser Jessica Ruel-Laliberté répondre à cette question.

Mme Ruel-Laliberté (Jessica) : Je pense... À tout le moins, c'est ce que je pense. Mais je ne pense pas qu'en ce moment vous avez le pouvoir de le faire, donc...

M. Lisée : C'est ça, le problème, c'est qu'on n'a pas le pouvoir de le faire. Si on avait tous les pouvoirs à Québec, on discuterait entre nous ici et on voterait un projet de loi, on aurait une loi, et ce serait fini.

Une voix : ...

M. Lisée : Alors, comme il y a une campagne fédérale en ce moment... on est toujours dans le Canada pour l'instant, mais il y a une campagne fédérale, donc je vous invite à interpeller les partis fédéraux. Je comprends que c'est compliqué puis il faut attendre que l'Alberta soit d'accord aussi, puis ils consomment beaucoup de produits de tabac sans fumée en Alberta, on a entendu parler de ça aujourd'hui. Donc, le consensus est plus difficile à faire au niveau canadien, mais, pour l'instant, donc, sur ces questions de contenu des produits de la cigarette électronique, je vous invite à aborder les candidats fédéraux, également ceux du Bloc québécois et à faire en sorte que le Canada bouge, parce que très souvent le Québec est obligé d'attendre, pour le bien commun, que le Canada puisse faire quelques avancées aussi.

C'est les questions que j'avais pour vous aujourd'hui. Merci beaucoup de votre engagement contre le tabagisme, merci beaucoup de la qualité du mémoire que vous nous avez présenté.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, je cède maintenant la parole à notre collègue de Saint-Hyacinthe pour un bloc de 10 minutes.

Mme Soucy : Merci, M. le Président. Tout d'abord, je voudrais vous dire : Félicitations, vous faites honneur à votre fédération. Vraiment, excellent mémoire; très nuancé, d'ailleurs.

Je m'interroge sur les conséquences d'empêcher le vapotage sur les terrasses. Si je prends pour acquis que les risques pour la santé liés à la vapeur des cigarettes électroniques sont moindres que la fumée secondaire des cigarettes régulières... je sais qu'il reste beaucoup d'études à faire, mais, si on part de cette prémisse-là, pensez-vous que c'est de mettre un obstacle, en fait, aux consommateurs qui sont motivés d'arrêter de fumer puis qui utilisent la cigarette électronique de les obliger d'aller... de sortir de la terrasse, en fait, puis d'aller parmi les consommateurs de tabac? En fait, je me pose la question. Puis, en tant que jeunes médecins, qu'est-ce qui, pour vous, est le plus dommageable, en fait? Est-ce que c'est d'envoyer l'utilisateur de cigarette électronique... d'aller fumer parmi le troupeau, si je peux utiliser l'expression, là, de fumeurs ou c'est de peut-être légiférer, en fait, pour dire : Bien, les cigarettes électroniques, on les laisse sur la terrasse?

Mme Veilleux Carpentier (Ariane) : Merci pour votre question. Je pense que c'est une question qui en effet, là, amène, disons, un certain dilemme.

Je vous dirais que, dans l'optique d'être cohérents avec ce qu'on a amené, d'être cohérents avec le fait qu'on veut interdire de fumer sur les terrasses puis qu'on veut que la cigarette électronique soit un produit considéré comme un produit du tabac, il ne faut pas créer, dans le fond, une nouvelle mode de vapoter sur les terrasses. Peut-être que pour les fumeurs ça va être effectivement... ils vont devoir, ceux qui... les fumeurs qui vapotent et qui tentent d'arrêter de fumer, si c'est ça qu'ils tentent de faire, ils vont devoir aller avec les autres fumeurs, mais le plus grand danger, c'est de créer, dans le fond, de nouveaux fumeurs, de nouveaux vapoteurs chez nos jeunes qui fréquentent les terrasses, qui fréquentent les bars, qui, eux, dans le fond, vont continuer à perpétuer le geste de fumer, perpétuer l'habitude, développer la dépendance à la nicotine. Donc, juste en termes de cohérence, je pense, avec tout ce qu'on a amené aujourd'hui, je ne pense pas que ce serait une option valable pour nous de conserver le vapotage sur les terrasses.

Mme Soucy : Si on considère que la cigarette électronique est un bon outil pour cesser de fumer, est-ce qu'on devrait considérer qu'elle pourrait contenir des doses variables de nicotine comme les timbres, par exemple? Pensez-vous qu'il serait préférable que ça soit accessible dans les pharmacies pour profiter, en fait, du conseil d'un expert en santé comme le pharmacien?

Mme Veilleux Carpentier (Ariane) : Je vais laisser Philippe Giguère répondre à cette question.

M. Giguère (Philippe) : Je ne pense pas que c'est quelque chose auquel on avait réfléchi. Je pense que ça pourrait être une bonne idée. Surtout si ça devient quelque chose qu'un médecin pourrait, disons, prescrire officiellement à des patients, ça serait raisonnable que ça soit dans les pharmacies. Puis, par rapport à la dose de nicotine variable, je pense que, dans l'optique où c'est une aide à la cessation tabagique, il faudrait qu'il y ait une dose de nicotine qui peut être, disons, ajustable, diminuée avec le temps mais que ce soit clairement indiqué et que ce soit bien réglementé, comme on l'a dit, pour que le consommateur ait réellement ce qui est écrit sur l'emballage.

Mme Soucy : Par exemple, je tiens à préciser, sans prescription, parce que, si on légifère avec une prescription, l'accessibilité au médecin de famille n'étant pas commune au Québec, ça devient plus difficile, donc on va... J'ai peur que ça décourage, hein, juste les gens d'avoir un rendez-vous puis qu'ils continuent à fumer. Donc, il faut que ce soit accessible, puis je pense que c'est important d'exclure la prescription, là, que vous mentionnez.

M. Giguère (Philippe) : Donc, nous... encore une fois je vais me répéter, mais, nous, l'objectif, c'était d'assujettir à la Loi sur le tabac. Donc, ça permettrait à n'importe qui d'acheter des produits... bien, n'importe qui qui a au-dessus de 18 ans d'acheter le produit, mais ça pourrait être éventuellement, s'il y a de la recherche, tout ça, justement un peu comme les timbres, un produit qui est en vente libre mais qui sur prescription serait peut-être remboursé à une certaine hauteur par l'assurance maladie ou les assureurs, etc.

Mme Soucy : Mme Ruel-Laliberté, vous mentionniez tantôt qu'en tant qu'étudiante vous seriez beaucoup plus à l'aise de conseiller l'utilisation de la cigarette électronique s'il n'y avait pas de nicotine. Alors, corrigez-moi si je fais fausse route, mais, s'il n'y a pas de nicotine, il n'y a pas d'effet de sevrage non plus. Donc, l'objectif même de la cigarette électronique n'est pas atteint.

M. Giguère (Philippe) : ...peut-être que tu t'étais mal exprimée, mais, je ne sais pas, je pense que l'objectif, ce serait, quand il y a de la nicotine, que ça soit bien indiqué. Puis, oui, pour la cessation tabagique, c'est utile d'avoir de la nicotine. Par contre, je pense qu'un des avantages que pourrait avoir la cigarette électronique comme moyen de cessation tabagique, c'est le fait que, comme on disait, la dépendance n'est pas seulement pharmacologique, elle est aussi sur les aspects un peu plus sociaux, sur le geste de fumer, puis ça permet peut-être de faire le sevrage, si on veut, en deux temps, donc, d'une part, le sevrage à la nicotine, puis ensuite tranquillement, avec peut-être une cigarette électronique sans nicotine, faire le sevrage davantage du geste et de ces moments, tu sais, de pause, par exemple, au travail, etc.

Mme Soucy : J'ai une dernière question. En tant que mère d'adolescentes, je suis préoccupée, en fait, par les publicités, hein, qui font un lien entre la consommation de tabac et la minceur, tu sais. J'ai un exemple parfait ici, là. Alors, ce genre de publicité m'inquiète, parce qu'on sait très bien que les adolescentes sont influençables surtout quand ça a trait au paraître, au physique. En fait, je dis «les adolescentes», mais c'est «les adolescents» aussi, là.

Alors, pensez-vous qu'on devrait formellement interdire les publicités qui font un lien entre la minceur et l'utilisation du tabac?

Mme Veilleux Carpentier (Ariane) : Merci pour la question. Je la renvoie à David Alexandre Galiano.

• (12 h 20) •

M. Galiano (David Alexandre) : Donc, évidemment, vous avez tout à fait raison, c'est un grand problème, surtout pour la population qui est plus jeune, qui est plus influençable, si on veut.

Si je ne m'abuse, la publicité pour les produits du tabac, pour ce qui est de la cigarette en tant que telle, est déjà interdite, mais il y a toujours les noms qui sont possibles, comme — j'ai des exemples ici, juste là : Virginia Slims, Vogue Superslims. C'est des choses qui permettent d'attraper... mais je pense qu'aussi le fait que la cigarette électronique, donc — on en parlait tout à l'heure — ne soit pas réglementée présentement et assujettie à la Loi sur le tabac, ça permet justement toute cette publicité qui promeut la cigarette électronique. Donc, c'est pour ça que je pense qu'il faut vraiment renforcer le fait que la cigarette électronique doit être assujettie à la réglementation sur le tabac. Et ensuite aussi l'interdiction... justement, les Superslims, toutes ces choses-là, si la taille était réglementée à 7,5 millimètres pour le diamètre et ne pas dépasser 70 millimètres, on pense sérieusement que ça serait une mesure excellente pour justement ne pas attirer ces populations qui sont plus vulnérables ou plus influençables, si on veut.

Mme Soucy : Ne pas créer de mode, en fait.

M. Galiano (David Alexandre) : Exactement, parce que le plus dangereux, c'est vraiment le style de vie que la cigarette promeut, et c'est ça qu'on... C'est la mesure qu'on pense la meilleure, si on élimine toute cette histoire de style de vie. Et ensuite la cigarette va apparaître comme étant le produit qu'elle est, dans le fond : nocive, cancérigène et mauvaise pour la santé.

Mme Soucy : Merci beaucoup. Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous remercions les représentantes, représentants de la Fédération médicale étudiante du Québec.

Compte tenu de l'heure, je suspends nos travaux jusqu'à 14 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 21)

(Reprise à 14 h 7)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre, donc, les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 44, Loi visant à renforcer la lutte contre le tabagisme. Nous entendrons cet après-midi l'Association pulmonaire du Québec, l'Institut de cardiologie de Montréal, le Centre jeunesse de Montréal, la Corporation des propriétaires de bars, brasseries et tavernes du Québec ainsi que l'Association canadienne du vapotage.

Alors, je souhaite maintenant la bienvenue au représentant de l'Association pulmonaire du Québec. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Je vous demanderais de préciser votre nom, vos fonctions, dans un premier temps, et par la suite, bien, vous disposerez d'une période de 10 minutes de présentation. Nous aurons un échange après avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous.

Association pulmonaire du Québec (APQ)

M. Larivée (Pierre) : Merci beaucoup. Alors, merci de bien vouloir recevoir l'Association pulmonaire du Québec cet après-midi. Mme la ministre, chers membres de la commission, je me présente tout d'abord, je suis Pierre Larivée, je suis médecin spécialiste en pneumologie depuis 1992, donc, je pratique au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke. Donc, sur une base quotidienne, je suis pneumologue prenant en charge les patients atteints de maladie respiratoire et à même de constater les impacts néfastes du tabagisme sur les patients porteurs de maladie respiratoire. Je vous dirais, je suis également professeur titulaire à la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke. Je suis également un programme de recherche en asthme. Et, bien entendu, aujourd'hui, je suis le porte-parole de notre Association pulmonaire du Québec.

Peut-être prendre deux minutes pour vous situer l'Association pulmonaire du Québec, pour ceux qui sont moins familiers. C'est un organisme à but non lucratif qui existe maintenant depuis 1938 et qui a toujours été impliqué dans la lutte contre les maladies respiratoires et également contre les principaux facteurs de risque, telle la cigarette. L'APQ, historiquement, était là pour la lutte contre la tuberculose, quand on a réussi à vaincre la tuberculose. On s'est impliqués, par la suite, dans les différentes maladies respiratoires. On joue un rôle important dans l'enseignement aux patients, dans le soutien à la recherche en santé respiratoire et, au quotidien également, sur le terrain, avec des lignes téléphoniques, de l'information et même des collaborations avec le ministère de la Santé sur le dossier du cancer du poumon et du radon.

• (14 h 10) •

Je vous dirais que je vais vous présenter de façon concise les points principaux du mémoire de l'APQ, qui, d'entrée de jeu, je vous le mentionne, appuie totalement, avec enthousiasme et beaucoup de positif, le projet de loi n° 44 visant à renforcer la lutte contre le tabagisme, parce qu'aujourd'hui... Je pensais à ça, en fait, hier soir, je me disais : Bien entendu, je suis le porte-parole de l'APQ, mais, au quotidien, je suis un pneumologue et j'espère que dans la période de questions... ça me fera plaisir de témoigner de mon quotidien dans la prise en charge des maladies respiratoires et de vous donner, en fait, des éléments plus vivants sur ce que c'est, le cancer du poumon, pour la population québécoise, quel est le fardeau du cancer du poumon. Et on sait que le cancer du poumon serait totalement évitable, parce que la cause numéro un, c'est le tabagisme. C'est le cancer le plus mortel pour lequel on connaît la cause.

Donc, j'aimerais ça tantôt peut-être partager quelles sont les statistiques concernant le... Je sais que vous allez être bombardés de statistiques et de chiffres, mais j'aimerais ça vraiment vous partager l'importance de ce fléau au quotidien pour la population québécoise et également d'une autre entité qui s'appelle la maladie pulmonaire obstructive chronique. Le mot «MPOC», des fois, est plutôt méconnu de la population. C'est une maladie qui englobe, si on veut, une maladie qu'on appelle l'emphysème et la bronchite chronique tabagique. Donc, la MPOC, une maladie qui également vient empiéter sur la qualité de vie des Québécois. On sait que la prévalence est très significative, le taux de mortalité augmente malgré tout le progrès qu'on fait dans le domaine biomédical. En cardiologie... je voyais le Dr Juneau tantôt, puis on a réduit considérablement la mortalité de la maladie cardiovasculaire. De façon très triste, la mortalité reliée à la MPOC est encore en augmentation. Ces gens-là, j'en parlerai en détail tantôt, mais il reste que la cigarette est responsable de la MPOC. Et, si on parle d'hôpitaux québécois, certainement un sujet qui vous intéresse, je vous dirais que, quand on regarde à l'intérieur des maladies chroniques, il est important de redire tout de suite d'entrée de jeu que la MPOC, à travers les affections chroniques, c'est la première cause d'hospitalisation dans nos hôpitaux. C'est spectaculaire, une hospitalisation, un patient qui a une exacerbation de sa MPOC, ce qu'on appelle une crise pulmonaire, une infection, et qui se ramasse à l'hôpital. On sait qu'une hospitalisation dure en moyenne 10 jours, une durée de séjour significative, et qui coûte à l'État 10 000 $. Donc, il y a des coûts énormes également en ce qui concerne la prise en charge de la MPOC et ses conséquences sur la qualité de vie du patient au quotidien.

Donc, je pourrai répondre vraiment... et je me fais insistant, mais, je me disais, j'aimerais ça que vous, du côté de la vie politique, puissiez avoir vraiment le portrait, tu sais, du cancer du poumon au Québec et de la MPOC. Vous allez entendre plein d'intervenants. Le Dr Juneau, j'imagine, va également avoir cette anxiété de partager, de vous faire vraiment comprendre l'impact du tabagisme sur les maladies cardiovasculaires. Moi, c'est mon rôle également, comme pneumologue et comme porte-parole de l'APQ, de vraiment vous résumer l'impact du tabagisme sur les maladies respiratoires.

Si on regarde le projet de loi n° 44, l'APQ, évidemment, comme je disais, avec enthousiasme et positif souligne le projet de loi avec vraiment beaucoup d'enthousiasme, et on a volontairement mis à part trois points importants pour nous. Il y a trois points, comme vous avez vu dans le mémoire. Le point 1, en fait, les recommandations étaient le premier point, qui concernait l'interdiction de fumer en présence de mineurs, de jeunes de moins de 16 ans. Ça, c'est un point qui tenait à coeur, le Québec étant la seule province qui n'avait pas encore adopté cette loi. Si vous le voulez bien, je pourrai vous résumer l'impact de la fumée secondaire, certainement dans un milieu clos comme est le véhicule automobile, et son impact sur la santé des jeunes patients en termes d'exposition à la fameuse fumée secondaire. Alors, ça me fera plaisir de vous résumer ça. On était attristés de voir qu'au Québec, surtout des jeunes qui proviennent de milieux socioéconomiques défavorisés, on mentionne jusqu'à 27 % de jeunes personnes qui, quotidiennement, sont exposés à la fumée secondaire et avec toutes ses conséquences sur leur état de santé. Donc, pour nous, la première recommandation était que l'association évidemment recommande fortement au ministère de la Santé d'adopter le plus rapidement le projet de loi n° 44 et particulièrement cet item voulant protéger la santé respiratoire de nos jeunes Québécois.

Le deuxième point, qui également nous tenait à coeur, c'était également de recommander l'adoption rapide de l'abolition de l'aromatisation des produits du tabac. On a tous connu l'historique de la loi fédérale, le projet C-32, où déjà on a fait un progrès, mais je vous dirais que, dans le monde de l'industrie tabagique, c'est un jeu d'action-réaction, et rapidement on a contourné ce projet de loi pour s'assurer de bien incorporer toutes sortes de substances aromatisantes et pour rendre le tabac alléchant pour nos jeunes adolescents, sachant que c'est une clientèle privilégiée, une clientèle cible, certainement. Et on était troublés par le fait que, comme vous le savez bien, la vente de produits aromatisés, de cigares, de cigarillos est en augmentation croissante; produits aromatisés bons au goût mais qui comportent évidemment tous les effets néfastes du tabagisme conventionnel. Donc, on était effectivement très attentifs à ça. Et dans le but, encore une fois, de protéger la santé respiratoire des jeunes Québécois et des Québécois dans son ensemble, notre recommandation était d'adopter ce projet de loi, cet item particulièrement, très rapidement.

On débordait également le projet de loi n° 44 et on s'est inspirés également des progrès réalisés par l'Australie en ce qui concerne l'adoption de l'emballage neutre et standardisé pour tous les produits du tabac. En fait, si je vous résume un peu la position de l'Australie, c'est qu'ils se sont attaqués en premier au problème. L'Australie oblige à tous les marchands à emballer leurs produits du tabac dans des paquets standardisés et neutres. Tel que vous le voyez dans le mémoire à la page 14, en fait, les paquets se doivent d'être tout simplement horribles, d'avoir une couleur brune, olive foncé, d'avoir un fini mat tout à fait non attrayant. La loi interdit aussi d'y inclure des éléments de marque où on pourrait comporter du graphisme, des slogans, des logos. Le seul aspect définissant la marque pouvant apparaître sur le paquet est son nom dans une petite police qui serait définie par la loi.

On sait que l'Australie a accompli des progrès considérables en ce qui concerne la prévalence du tabagisme, avec des chiffres qui sont passés de 15 % en 2010 à 12,8 % en 2013. On est très conscients que nous plafonnons, au Québec, avec une prévalence de tabagisme aux alentours de 23 %. On rêve d'abaisser, tout comme le ministère le voulait... on souhaitait l'abaisser dans des chiffres aux alentours de 16 %, idéalement à 10 %. Et on croit qu'enfin d'enrayer le marketing d'un poison par des couleurs, des formes ou du matériel novateur... L'Association pulmonaire du Québec réclame l'obligation d'un emballage neutre et standardisé qui ne laisse aucune place à la publicité. On propose de prendre en exemple l'Australie et son modèle unique d'emballage, jugé peu attirant pour les jeunes, sans logo et comportant les avertissements usuels, les mises en garde au niveau de la santé.

Donc, c'était l'essence même... Encore une fois, on est très contents que nous sommes... en fait, nous faisons face au projet de loi n° 44. C'est des progrès. On veut continuer de faire des progrès énormes dans la lutte contre le tabac. Je vous dirais également que l'association souhaitait également qu'éventuellement il y ait même un moratoire sur les nouveaux produits de tabac, parce que, comme je disais tantôt, c'est un jeu d'action-réaction. L'industrie réagit à la réglementation, donc on devrait avoir un moratoire sur tous les nouveaux produits de tabac, et également on pense qu'une prochaine étape, ce serait une réflexion plus profonde encore sur toutes les nouvelles pistes pour poursuivre notre combat envers le tabagisme, qui, encore une fois, pour moi, comme clinicien... je suis en mesure de constater les impacts journaliers, principalement à travers le cancer du poumon, la MPOC. Le Dr Juneau vous entretiendra de la maladie cardiovasculaire, mais les pneumologues-pédiatres qui font également partie de l'Association pulmonaire du Québec vous diraient que, pour eux, c'est très important, la fumée secondaire, parce que, la santé publique, les experts témoigneront devant vous qu'il est clair que l'exposition de nos jeunes enfants à la fumée secondaire, la fumée qui sort de la cigarette qui grille, est très nocive, contient beaucoup de carcinogènes.

Tout le monde vont vous dire qu'il y a 7 000 produits chimiques, au moins 70 carcinogènes qui vont sortir de cette fumée secondaire, cette fumée latérale, et il est important de vous mentionner que cette fumée secondaire... en fait, pour un jeune enfant, il y a une augmentation réelle, lorsqu'on est exposé au tabagisme passif, d'un nombre... d'augmenter le nombre d'otites, de bronchites, de pneumonies. Alors, ça, c'est le quotidien des pédiatres et des pneumologues et pédiatres. La fumée secondaire augmente de façon remarquable le nombre de crises d'asthme chez les jeunes patients asthmatiques et est même un facteur de risque dans la mort subite du nourrisson. Donc, les gens en pédiatrie, évidemment, salueront avec enthousiasme le point précis qu'est l'interdiction de fumer en présence de mineurs dans les véhicules automobiles.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, Dr Larivée. Alors, à la demande de Mme la ministre, je vous ai permis de compléter en additionnant deux minutes à votre 10 minutes. C'est évidemment amputé sur le temps de la ministre, qui, je pense, a bien hâte d'échanger avec vous. Pour une période de 21 min 30 s, la parole est à vous, Mme la ministre.

• (14 h 20) •

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. Alors, bonjour à vous, Dr Larivée, merci d'être venu nous présenter votre mémoire, et j'ai bien hâte effectivement de pouvoir vous redonner la parole, parce que la fumée secondaire m'interpelle beaucoup, effectivement.

Et je vais vous laisser expliquer ça mieux que moi puis je vais aussi, un petit peu plus tard, vous questionner sur toutes les conséquences du tabagisme et comment vous vivez ça dans votre vie, de voir des patients atteints du cancer du poumon, c'est quoi, l'évolution, comment on vit ça, comment les patients vivent ça, parce que, tu sais, on peut parler des coûts de santé, du système de santé, on peut parler des gens, mais il faut parler du drame humain, je pense, puis le drame humain, ce n'est pas juste la personne qui est atteinte d'un cancer du poumon, c'est la famille au complet qui est autour de cette personne-là qui en est affectée. Et je vais vous laisser parler de ça, parce que, quand j'en parle, moi — parfois, on peut me dire toutes sortes de choses — comme étant émotive, on m'a dit même... mais, je rassure tout le monde, là, je ne suis pas émotive quant à ça. J'ai vu mon père décéder d'un cancer du poumon en 2000, et c'est factuel. Ce n'est pas qu'est-ce qu'on souhaite pour nos proches, honnêtement, et je ne suis nullement émotive, là. J'ai vu comment ça s'est déroulé. Puis ce n'est pas juste moi à qui ça arrive, ça arrive à plein de gens dans le Québec. Et je pense que j'ai fait mon deuil, là. On va se dire la vérité, ce n'est pas avec émotion que je dis ça, c'est... si on peut épargner d'autres gens de vivre cette souffrance-là, mais aussi à leurs familles de vivre ça.

Alors, moi, d'entrée de jeu, je veux vous redonner la parole puis que vous nous parliez comme il faut des impacts de la fumée secondaire, notamment pour les enfants. Et je vous ai entendu parler d'otites, d'asthme, de mort subite du nourrisson, de la MPOC. C'est toutes des choses que la population, à mon avis, a besoin d'entendre, et ça ne va pas venir de la ministre, ça va venir de quelqu'un du milieu médical qui vit avec ça tous les jours. Alors, je vous laisse la parole pour que vous nous expliquiez mieux les conséquences de la fumée secondaire. Ça, ça veut dire les gens qui entourent les gens qui fument, là, notamment les terrasses, les voitures, etc., mais aussi dans les maisons privées.

M. Larivée (Pierre) : Bien, merci beaucoup. C'est extrêmement généreux de votre part de me retransmettre la parole, parce que, comme je disais d'entrée de jeu, j'avais cette anxiété-là de vous partager cette information et parce que je me voyais aujourd'hui un rôle important, comme pneumologue, de vous donner ce témoignage-là.

Je commencerais, si vous voulez, par le cancer du poumon puis je terminerais par la fumée secondaire. Je vous dirais, actuellement, j'étais le médecin traitant ce week-end à l'hôpital, au CHUS, puis, sur mes 35 patients hospitalisés... il faut dire qu'en pneumologie au CHUS on s'occupe également des soins palliatifs, et je vous dirais que deux patients sur trois étaient en palliation en ce qui concerne leur cancer du poumon. Donc, c'est une réalité. Si on regarde les statistiques, je vous le rappelle encore, c'est que c'est le cancer le plus mortel, à la fois chez l'homme et chez la femme.

Malgré tous les progrès qu'on a faits au niveau tantôt que je mentionnais, de toute l'imagerie, les tomographies, la médecine nucléaire, il n'y a pas de bons moyens de dépister le cancer du poumon en 2015, il n'y a pas de programme de dépistage. Il y a une question qui demeure très controversée sur l'utilisation, justement, des tomographies pour le dépistage des patients fumeurs, je ne veux pas débattre de ça aujourd'hui, mais, au moment où on se parle, on n'est pas efficaces à dépister le cancer du poumon. Je vous dirais que, trois fois sur quatre, la réalité qui nous frappe au quotidien, le Dr Ostiguy, qui est ici, et moi-même, pneumologue, on est appelés pour voir des patients qui ont une tache aux poumons. Trois fois sur quatre, lorsqu'on procède à l'investigation de ces gens-là, la maladie est déjà trop avancée. Lorsqu'on fait un bilan d'extension, on s'aperçoit qu'il y a déjà des métastases, donc propagation de la maladie néoplasique à distance, atteinte des ganglions, atteinte du foie, atteinte des os, atteinte du cerveau. Trois fois sur quatre, on doit annoncer... Et l'âge est très variable, il y a des gens de 35 ans, de 40 ans, de 50 ans. Le cancer du poumon n'a pas d'âge et est relié à 90 % à la cigarette.

Donc, j'allais dire que, trois fois sur quatre, bien entendu, on va offrir des traitements, souvent, de radiothérapie ou de chimiothérapie. Seulement 20 % à 25 % ont l'opportunité d'avoir une intervention chirurgicale, une chirurgie — une lobectomie, une pneumonectomie — pour réséquer le cancer du poumon et en espérant d'avoir un impact sur sa survie à cinq ans. Donc, on peut guérir... En fait, il est important de vous mentionner que, malgré tous les progrès, malgré les progrès au niveau de la chimio, de toute la technologie, des nouveaux médicaments qui s'appellent la thérapie ciblée, également qui sont très coûteux, l'INESSS, l'Institut national d'excellence en santé, est confronté, en fait, à l'évaluation de nouvelles thérapies pour le cancer du poumon, qui sont prometteuses, mais comment coûteuses. Et malgré tout ça, quand on regarde la survie, c'est la même survie qu'on avait dans les années 60, 70. Toutes proportions gardées, on parle d'une survie, à cinq ans, de seulement 10 % à 15 % des gens, toutes catégories confondues. Donc, trois fois sur quatre, la tristesse au quotidien... J'ai fait ça hier avec un jeune patient de 52 ans. J'ai dû lui dire que la maladie était déjà nettement avancée, qu'on va procéder au diagnostic et qu'on va le diriger dans une chimiothérapie palliative ou de la radiothérapie palliative avec des succès thérapeutiques très modestes.

Donc, il y a un impact énorme, et c'est très frustrant, parce que, comme pneumologues, on connaît la cause, on est très frustrés. Bien entendu, il faut mettre de l'argent dans la recherche et dans l'élaboration d'un nouveau médicament, mais, à la base, on connaît la cause. Donc, c'est pour ça que tous les pneumologues de la province de Québec se rallient, sans doute, au projet de loi n° 44 et son impact sur, éventuellement, la réduction... parce que les chiffres astronomiques qu'on voit aujourd'hui sont le reflet de l'accentuation du tabagisme dans les années 70, 80. L'accentuation du tabagisme dans ces années-là, bien, on paie 20 ans, 30 ans plus tard à la fois en termes de cancer du poumon et de la fameuse MPOC, que je reviendrai tantôt, l'emphysème et la bronchite chronique, qui également est associée à un impact majeur pour la qualité de vie des Québécois. Souvent, quand on pense au cancer, au cancer du sein... Je rappelle que le cancer du sein, malheureusement, provoque le décès de deux fois plus de Québécoises que le cancer du sein... le cancer du poumon tue deux fois plus que le cancer du sein en raison de l'inefficacité de nos traitements et du manque, encore une fois, de méthodes efficaces pour le dépister précocement.

Le tabagisme, la fumée secondaire. Encore une fois, en toute modestie, je suis un médecin spécialiste en pneumologie, je ne suis pas un expert en santé publique, je ne suis pas un expert en médecine environnementale, mais, comme médecins spécialistes, on lit évidemment avec grand intérêt tout l'impact de la fumée secondaire sur l'état de santé et de nombreuses études épidémiologiques. C'est un domaine, je dirais, qui n'est pas facile, parce que, lorsqu'on parle d'évaluer l'impact de la fumée secondaire sur l'état de santé, il y a plusieurs éléments de méthodologie, ce qu'il faut surveiller. Donc, il est très difficile pour un clinicien de bien évaluer la pesée de chacune des études qui sont publiées. Et ça, je vous transmets cette information-là, parce que plein d'individus vont dire : Bien oui, mais il y a une étude, une telle étude, une telle étude, puis les gens, les experts en santé publique, ils sont formés pour évaluer la qualité de toutes ces études épidémiologiques. Malgré tout ça, la communauté médicale, particulièrement en santé respiratoire, on est convaincus largement — la preuve a été largement faite — des impacts néfastes de la fumée secondaire.

Si on parle de risques d'apparition d'un autre cancer, en fait, donc, chez les non-fumeurs... Le cancer du poumon, c'est une maladie du fumeur, mais, à chaque année, il y a des gens qui développent un cancer du poumon en raison de leur exposition significative, dans nos maisons, à la fumée secondaire. Le risque relatif; on parle d'un risque accentué de 25 % de contracter un cancer du poumon chez quelqu'un qui est exposé à la fumée secondaire. Il y a même des données en ce qui concerne le risque de contracter un cancer du sein et l'exposition au tabagisme passif.

Les maladies cardiovasculaires... et là je vais laisser le Dr Juneau tantôt... mais, même si je suis pneumologue, on reconnaît largement que l'exposition à la fumée secondaire est impliquée dans la pathogenèse, la pathophysiologie des maladies cardiaques, de la maladie cardiaque athérosclérotique, l'angine et l'infarctus du myocarde, les crises de coeur. En fait, il y a toute une mobilisation actuellement, entre autres, par le collègue du Dr Juneau, le Dr François Reeves, qui est cardiologue et qui reconnaît, de par ses travaux et ses publications, ses ouvrages, que la santé cardiovasculaire est certainement influencée par les facteurs de risque que vous connaissez : l'obésité, la sédentarité, le cholestérol, le stress, le manque d'exercice. Mais plus on va, plus on reconnaît l'importance de la qualité de l'air dans l'apparition de la maladie cardiovasculaire et dans son entretien. Alors, ça, c'est quelque chose qui est très significatif.

• (14 h 30) •

L'exposition à tous les produits toxiques... Et je fais la parenthèse, peut-être, sur les produits toxiques. Encore une fois, dans tous les bouquins, vous allez retrouver qu'il y a 7 000 produits toxiques, 70 carcinogènes. Je ne vais pas vous les nommer. Mais il est évident que la fumée latérale, ce que les Anglais appellent le «sidestream», est très toxique. On dit, par exemple, qu'il pourrait y avoir trois fois plus de monoxyde de carbone dans la fumée secondaire, je vous dirais, sept fois plus de benzène — c'est des carcinogènes qui proviennent de la combustion, tout simplement — à peu près 70 fois plus de nitrosamines, également des carcinogènes, dans la fumée secondaire, 100 fois plus d'ammoniac. L'ammoniac va contribuer à l'inflammation des voies respiratoires.

Donc, la fumée secondaire est certainement toxique. Et, comme je le mentionnais tantôt, en pédiatrie, chez nos jeunes enfants, l'exposition, particulièrement en auto, il va y avoir des quantités de fumée considérables que souvent on va évaluer par la mesure des particules fines générées par la fumée de tabac. Et les preuves sont évidentes que, entre autres, en voiture automobile, les jeunes enfants sont exposés à des concentrations toxiques, et c'est directement responsable de consultations par les papas et les mamans d'enfants québécois au sans rendez-vous pour des otites, des bronchites, des pneumonies. Et, l'asthme, qui est un problème de santé important chez les jeunes, on parle d'une incidence de 15 à 20 %. Le contrôle de l'asthme est très difficile lorsqu'on vit en présence d'un fumeur. Ça implique une quantité accrue de médication, de petites pompes de cortisone en inhalation, de bronchodilatateurs. Ça implique pour les parents qui continuent à fumer que leurs enfants soient hospitalisés pour des crises d'asthme plus fréquemment. Ça implique des consultations à la salle d'urgence et surtout un absentéisme à l'école également.

Donc, pour la communauté, pour les spécialistes en maladies respiratoires, pour l'Association pulmonaire du Québec, il n'y a pas de doute que la fumée secondaire est très nocive et qu'il faut absolument appliquer le projet de loi n° 44 pour vraiment avoir un élan positif dans la lutte contre la fumée secondaire.

Mme Charlebois : Qu'est-ce que vous auriez le goût de dire à des gens qui nous disent que sur les terrasses on respire d'autres particules chimiques que la fumée secondaire et que c'est aussi nocif?

M. Larivée (Pierre) : Alors, ça, c'est un sujet, effectivement, je vous dirais, épineux et controversé. L'association supporte l'interdiction de fumer dans les terrasses.

Encore là, je vous dirais, autant il y a d'études, autant il y a de méthodologies, autant il y a de facteurs confondants. Il faut être très prudent lorsqu'on interprète une étude de la qualité de l'air par la présence, comme vous l'avez bien mentionné, de contaminants qui peuvent provenir du produit de combustion des véhicules automobiles, tout simplement. Donc, c'est certain qu'il faut vraiment être expert pour bien juger de la qualité. Il n'en demeure pas moins qu'il y a plusieurs études qui démontrent, lorsqu'on procède à des échantillonnages de la qualité de l'air dans les bars et dans les terrasses extérieures, qu'on peut certainement dépister, si on considère que la quantité de particules fines reflète bien l'exposition à la fumée secondaire, qu'il peut y avoir des pics d'exposition en termes de quantité de concentrations de particules fines qui dépassent largement la concentration qui est recommandée par l'Organisation mondiale de la santé. Vous avez vu tous la présence, à Montréal, du Dr Kennedy, qui est un expert en fumée secondaire dans les milieux extérieurs. C'est un chercheur réputé, Ph. D., qui est associé à l'Université Johns-Hopkins, qui est associé maintenant à l'Université de Waterloo, et qui a procédé ici même, à Montréal... Ça avait été mandaté par la coalition... la coalition contre le tabac va sans doute vous citer les études et de façon un peu aléatoire. Et on pourrait peut-être critiquer les études. C'est parce qu'on peut dire : Est-ce que c'était rigoureux? Mais il n'en demeure pas moins qu'on était facilement capable de dépister des concentrations qui sont nettement au-dessus des normes recommandées. Et il y a tellement de facteurs confondants, comme vous le savez : la surface de la terrasse, la présence d'un auvent ou pas, la proximité à côté d'un fumeur.

Donc, bien entendu, c'est un problème social, mais c'est un problème, avant tout, également, de santé publique, à mon sens, et c'est pour ça qu'on supporte positivement votre projet de loi, pour protéger... pour essayer d'enrayer l'exposition, au tabagisme passif, des gens. Et surtout, j'allais oublier, les travailleurs. Tu sais, on parle de quelqu'un qui a une exposition sporadique, mais évidemment imaginez quelqu'un qui travaille pour une période de huit heures et qui est exposé, dans son milieu de travail, à la fumée secondaire. Alors, il faut également protéger la santé de ces travailleurs-là. C'est un point des plus importants.

Mme Charlebois : Ce matin, on a entendu des propriétaires d'établissements où on peut fumer de la chicha, on a aussi entendu... en tout cas, il y a d'autres gens qui vont nous parler de choses, mais on a parlé de... puis, bon, etc., mais j'aimerais ça vous entendre me parler de comment vous voyez l'interdiction des saveurs à travers le tabac proprement dit, les chichas. Il y a eu aussi... je sais que ça ne concerne pas les poumons, mais, quand même, vous êtes médecin avant d'être pneumologue et vous êtes certainement capable de me parler de ceux qui vendent le tabac sans fumée, là. Comment vous voyez l'interdiction des saveurs dans ces produits-là? Est-ce que vous voyez là une avancée qui va nous permettre de justement réduire la prévalence au tabac, notamment chez les jeunes, mais aussi sur l'ensemble de la population ou si vous pensez que...

M. Larivée (Pierre) : Non. Absolument. Je pense qu'il va y avoir un impact collatéral de cette mesure du projet de loi parce que le tabac à chiquer ou les autres tabacs sont également nocifs pour la santé. Donc, le fait d'aromatiser rend agréable, et on oublie rapidement les conséquences néfastes pour la santé. Donc, en appliquant l'interdiction de l'aromatisation évidemment à la cigarette et aux autres produits, on fait clairement un pas vers l'avant. Je ne suis pas un expert en chicha, mais je comprends que... puis peut-être que le Dr Ostiguy pourra compléter demain, mais il est clair qu'il y a également... En fait, lorsqu'on parle de produits de combustion, tout simplement, même si on prétend que c'est filtré par un réservoir d'eau, il n'en demeure pas moins que c'est toxique pour la santé respiratoire, il n'y a pas de doute.

Donc, en rendant ça moins agréable, il n'y a pas de doute qu'on espère, tout comme vous, avoir un impact global sur la diminution du tabagisme en tant que tel et des produits dérivés également. Tout à fait.

Mme Charlebois : ...disait ce matin, là, ce qu'on m'indique, c'est qu'une cinquantaine de bouffées de chicha sur une durée moyenne d'une heure sont équivalentes à deux paquets de cigarettes. Le monoxyde de carbone présent dans la fumée de la chicha est en quantité sept fois supérieure à celui présent dans la fumée d'une cigarette.

M. Larivée (Pierre) : Tout à fait.

Mme Charlebois : Là, on m'a plaidé qu'il n'y avait pas beaucoup de propriétaires de chichas. Ceux du tabac sans fumée m'ont plaidé qu'ils n'étaient pas beaucoup, mais là, s'il y a plein de monde qui ne sont pas beaucoup, ça doit finir par un tout, hein?

M. Larivée (Pierre) : Exactement. Et l'aromatisation est également un piège important. De rendre ça agréable, ça devient une alternative au tabac conventionnel, qui donne pour les gens une mauvaise haleine et tout ce que ça comporte. Donc, ils peuvent être attirés fortement par des alternatives comme vous mentionnez, tu sais. Donc, oui, tout comme vous, on pense qu'il va y avoir un impact collatéral à ce projet de loi.

Mme Charlebois : On va certainement parler de cigarette électronique, il y a quelqu'un en arrière de vous qui va en parler, en tout cas, à tout le moins, et j'aimerais ça que vous me parliez des saveurs pour la cigarette électronique. On parle de saveurs. C'est aussi bien d'en parler pour la cigarette électronique. Comment vous voyez ça?

M. Larivée (Pierre) : C'est sûr que peut-être qu'au départ j'aime mentionner que le Dr Ostiguy était... J'ai succédé au Dr Ostiguy — c'est le vice-président sortant — comme conseiller scientifique à l'Association pulmonaire du Québec. Donc, l'APQ a volontairement été discrète dans son mémoire pour laisser la parole au Dr Ostiguy, sans aucun doute, mais effectivement on a une opinion sur la cigarette électronique, et j'aimerais partager cette opinion, premièrement, comme pneumologue.

C'est clair qu'on est confrontés, nous, comme cliniciens, il faut aller de l'avant et s'impliquer dans la cessation tabagique. Les médecins de première ligne sont largement impliqués, les pharmaciens, les inhalothérapeutes, les infirmières en santé respiratoire. On doit tous trouver des stratégies, s'impliquer pour tenter d'aider nos patients à arrêter de fumer. Il est clair que ce n'est pas facile, vous le savez, il y a tout un algorithme, toutes sortes de stratégies qui sont déjà connus, largement éprouvés et qui, pour certains patients, nos patients, les patients des cardiologues, les patients de pneumologues, les patients de médecins de première ligne... certains présentent des maladies très avancées auxquelles il est impératif... bien, pour tout le monde, il est impératif de cesser de fumer, mais certainement, dans leur cas, c'est encore plus essentiel. Puis on est convaincus que l'utilisation de la cigarette électronique de façon encadrée va sans aucun doute être une alternative, une possibilité, une méthode très intéressantes pour appuyer le patient dans sa cessation tabagique. Il y a beaucoup de controverses, puis vous êtes évidemment très conscients de toutes les controverses. Est-ce que, bon, on a un impact au niveau de la cessation tabagique? Le Dr Ostiguy va présenter, sans aucun doute, particulièrement son étude, et les autres études, qui démontre que, lorsque c'est encadré avec un support, on peut avoir des taux de cessation très intéressants. Il y a d'autres études où, encore une fois, il faut regarder la méthodologie, est-ce qu'il y a vraiment, également... ce n'est pas juste une prescription, ce n'est pas juste à s'adonner à la cigarette électronique, mais ça prend un suivi puis un encadrement pour mettre toutes les chances de notre côté dans la cessation tabagique.

Donc, oui, l'APQ souhaite qu'à la fois le fédéral et le gouvernement provincial légifèrent rapidement pour la mise en vente de la cigarette électronique. Puis évidemment on est tous inquiets. Il faut tous légiférer sur le contenu, les méthodes de fabrication. C'est la loi fédérale sur les aliments et les drogues, ni plus ni moins. Ce serait facile de légiférer et de s'assurer de la qualité du contenu des doses, parce que, quand on parle de thérapie de remplacement nicotinique, il y a toute une stratégie également de dosage. Donc, ça, il faut que ça soit fait dans un premier temps et être encadré, par la suite, avec interdiction aux mineurs. Donc, la cigarette électronique, potentiellement, est un outil très intéressant, mais de façon encadrée. Et actuellement c'est très aléatoire. Ce qui nous fait peur, c'est qu'il y a peut-être 450 modèles différents de cigarette électronique avec des contenus... Et je suis loin d'être l'expert et je n'ai pas le temps et l'énergie de faire la visite de tous ces centres-là. Donc, on souhaite, un jour, qu'il y ait des lieux qui soient identifiés et certifiés par le ministère comme étant des gens compétents en la matière pour aider nos patients.

• (14 h 40) •

Le Président (M. Tanguay) : ...30 secondes avec votre échange avec la ministre.

M. Larivée (Pierre) : Alors, c'est sûr que...

Le Président (M. Tanguay) : Mme la ministre, vouliez-vous intervenir?

Mme Charlebois : Je voudrais juste vous poser une dernière question rapide : Est-ce que vous considérez qu'inhaler le produit de la vapoteuse, c'est moins dommageable pour la santé? Et dans quelle mesure vous considérez que c'est dommageable? C'est nocif quand même, mais dans quelle mesure? Et est-ce que l'encadrement... Parce que j'entends tout le monde me dire que la cigarette électronique peut aider des gens à arrêter de fumer, puis c'est généralement ça que les gens veulent faire.

Alors, est-ce que vous êtes favorable à ça, dans le sens où, si c'est réglementé, on ne l'interdit pas, mais, moyennant certaines règles, vous pouvez vapoter?

Le Président (M. Tanguay) : Alors, avec l'accord de notre collègue de Rosemont, vous allez répondre, donc, sur le temps de l'opposition officielle. Alors, je vous en prie.

Mme Charlebois : Merci.

M. Larivée (Pierre) : Merci beaucoup. Je vous dirais que, dans la cigarette, ce n'est pas la nicotine... la nicotine est responsable de la dépendance nicotinique, mais la maladie pulmonaire et la maladie cardiovasculaire sont engendrées par tous les autres produits chimiques. Donc, les thérapies de remplacement nicotinique sont à l'avant-plan des méthodes pour la cessation tabagique, et les pneumologues, on n'a aucun scrupule à laisser des patients sous thérapie de remplacement nicotinique pendant même des années si on réussit à les empêcher de fumer. Et, vous savez, des fois, on donne une pilule, comme cardiologue ou comme médecin de famille, pour le cholestérol, parce qu'on dit : Bien, il y a une tendance à long terme d'être hypercholestérolémique. Fumeur un jour, fumeur toujours. Donc, j'adhère un peu dans la même philosophie du Dr Ostiguy, que je n'ai aucun scrupule à laisser un patient sous traitement de remplacement nicotinique à long terme si ça peut l'empêcher d'être exposé à la fumée primaire de la combustion du tabac. Donc, en tant que telle, la cigarette électronique nous apparaît sécuritaire.

C'est sûr qu'il y a des données confondantes, le propylèneglycol, la glycérine végétale, la combustion, il y a plein de bruits dans la littérature médicale : Est-ce qu'il y a un risque d'émanation? Est-ce qu'il y a des métaux lourds qui pourraient être également émis de ce vapotage? On a vu des données concernant le formaldéhyde également. Donc, c'est certain qu'on voudrait être appuyés par des données scientifiques qui prouvent hors de tout doute... On sait que c'est nettement plus sécuritaire que la fumée, il n'y a aucun doute là-dessus, il y a des chiffres... Le Dr Ostiguy vous dira que c'est 708 fois... 800 plus sécuritaire que la fumée de tabac. Donc, si c'est sécuritaire, est-ce qu'il y a des risques avec les autres constituants dans le principe électronique du vapotage? Il y a encore des données qui nécessitent d'être obtenues. Puis il y a tout le dossier du vapotage passif également. Le vapotage passif actuellement, à ce jour, il y a très peu de données. C'est sans doute sécuritaire, mais, encore une fois, l'association et moi-même a tendance à préconiser le principe de la précaution, c'est-à-dire qu'on veut que ce soit encadré, que ce soit utilisé dans un encadrement minimal. Et, lorsqu'on se place du côté de la santé publique et du Dr Gervais, qui viendra également exposer son point de vue, bien, tant et aussi longtemps qu'on n'est pas rassurés sur son innocuité complète, bien, sur les terrasses, entres autres, ça nous apparaît également très raisonnable et souhaitable qu'il y ait interdiction de vapoter.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, nous sommes toujours sur le bloc de l'opposition officielle. Merci, collègue de Rosemont. Il vous reste 11 minutes.

M. Lisée : Merci. Merci, Dr Larivée, d'être ici avec nous. Vous êtes aux prises quotidiennement avec les conséquences du tabagisme.

Vous nous avez parlé, tout à l'heure, de la fumée latérale, la fumée secondaire. Évidemment, dans le projet de loi, il y a des éléments qui ne sont pas vraiment controversés : interdire dans la voiture pour les moins de 16 ans... On pourrait dire : Pour les moins de 18 ans. On pourrait dire : À chaque fois qu'il y a un non-fumeur qui le demande. Enfin, les mineurs, certainement, ce n'est pas controversé.

Ce qui est un petit peu controversé, c'est les terrasses. Terrasses, espace de liberté, hein? Il fait beau, on s'assoit, on discute, on boit, on fume. Alors, est-ce que c'est un espace de liberté qu'on va enlever aux Québécois? Bien sûr, il y a 80 % des Québécois qui sont non-fumeurs. On va parfois dans les terrasses en famille, 100 % des mineurs sont non-fumeurs. Vous avez parlé, tout à l'heure, de l'impact très mesurable de la fumée secondaire sur les mineurs, et un sondage montre que la moitié des fumeurs sont d'accord avec l'interdiction en terrasse.

Quand même, on est des législateurs, on écoute, il y a des suggestions qui nous sont faites, et ce n'est pas notre tendance naturelle de brimer la liberté, mais là il y a une suggestion qui a été faite ce matin, j'aimerais vous entendre là-dessus. Il y a quelqu'un qui a dit : Bien, on devrait diviser les terrasses ouvertes en deux sections, pour fumeurs et non-fumeurs, afin de respecter une distance de 1,5 mètre entre les deux sections pour que la fumée puisse se dissiper sans incommoder les non-fumeurs. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Larivée (Pierre) : Je vous dirais, ce qui m'embête là-dedans, c'est est-ce qu'il y a un risque de communication, évidemment, par les aires ouvertes. Est-ce que, tôt ou tard, même s'il y a un espace entre les deux, il va y avoir cette espèce de panache de fumée qui pourra peut-être circuler et incommoder la personne qui se situe... Même si elle est un petit peu plus à distance, il y a toujours des risques. Il faudrait que ça soit étudié. C'est une proposition qui peut être certainement intéressante, mais il faudrait que ça soit étudié par des experts, justement, comme on disait tantôt, pour voir est-ce qu'il y a une émanation, est-ce qu'il y a une diffusion. Je suis un peu embêté de répondre avec précision.

J'appuierais certainement de faire un modèle expérimental, si on pouvait le faire, avant d'aller de l'avant puis de légiférer sur une proposition qui pourrait être intéressante. Mais est-ce qu'il y a un risque de diffusion, de contamination rapides? Ça m'embête, ça, à première vue.

M. Lisée : Moi, j'ai un argument qui me vient tout de suite à l'esprit, c'est : Ça dépend de la direction du vent.

M. Larivée (Pierre) : C'est clair. Il y a tellement de facteurs. Vous avez tellement raison. La surface, il y a un auvent, la direction du vent...

M. Lisée : Puis est-ce que, si le vent tourne, on modifie, on inverse la section fumeurs et la section non-fumeurs?

M. Larivée (Pierre) : Il n'y a pas de doute pour moi que... et vous avez bien résumé, c'est une question également où il y a une connotation sociale très importante, la liberté du fumeur, mais il faut penser également à la liberté du non-fumeur, il est clair. Et donc je m'appuierais de plusieurs données et d'experts en la matière qui, comme je vous disais tantôt... entre autres, du Pr Kennedy, qui est convaincu, et qui, je crois, a présenté également ses travaux à la commission fédérale, et qui démontrait que, sur les terrasses, il y avait quand même des niveaux qui sont au-delà des recommandations de l'Organisation mondiale de la santé.

Alors, pour moi, c'est sans hésitation que j'appuie ce projet de loi sur les terrasses.

M. Lisée : C'est le président du regroupement de l'Union des tenanciers de bars, M. Peter Sergakis, qui a dit ça ce matin. Il y a une autre citation que j'ai trouvée intéressante, il dit : Une terrasse ouverte, sans aucun couvert, à moins qu'il y ait des parasols, est zéro danger sur la santé publique ni pour les clients, ni pour les non-fumeurs, ni pour les employés. Vrai ou faux?

M. Larivée (Pierre) : Ah! je vous dirais, ça me ferait plaisir de transférer cette question-là au Dr Gervais, de la Santé publique, qui va se faire un plaisir d'y répondre. Mais moi, je serais très inquiet à essayer d'adhérer à ça, effectivement, je me méfie beaucoup. Et, encore une fois, j'opte vraiment dans le sens de la précaution puis d'éviter, autant que faire se peut, l'exposition à la fumée secondaire sur les terrasses, il n'y a pas de doute. On est un peu intransigeants vis-à-vis ce point-là, je le réitère.

M. Lisée : D'accord. Vous avez parlé des otites tout à l'heure. Quelle plaie, les otites!

M. Larivée (Pierre) : Absolument.

M. Lisée : Et puis ça empire de génération en génération. Moi, je suis assez vieux pour me souvenir d'une époque où il y en avait peu, et puis là j'ai des enfants en bas âge, et ça n'arrête jamais, et pourtant on ne fume pas dans la famille. Alors, je vous ai entendu dire tout à l'heure qu'il y avait un lien entre fumée secondaire et otites. Pouvez-vous me l'expliquer?

M. Larivée (Pierre) : Avec plaisir. C'est sûr que c'est intrinsèque aux jeunes enfants. Je veux dire, les otites surviennent après. Lorsqu'on contracte un rhume banal, lorsqu'on a un rhume banal, il y a congestion nasale, puis il y a un fameux conduit, qui s'appelle la trompe d'Eustache, qui se trouve à être également congestionné et, assez rapidement, il y a une espèce de pression négative qui fait que les microbes attaquent l'oreille moyenne. Donc, ça, c'est la survenue d'otites qui sont favorisées lorsque les enfants sont en milieu de garderie, par exemple.

Maintenant, lorsque nos jeunes enfants, nourrissons sont exposés à la fumée... On comprendra rapidement, pour un non-fumeur, que nous-mêmes, lorsqu'on est exposés quelques minutes, quelques heures à la fumée secondaire, on vient les yeux rouges, le nez un peu enchifrené, il y a de la congestion nasale. Pour ces mêmes raisons, une congestion nasale, qu'on appelle dans le domaine médical une rhinite non spécifique... Lorsqu'on respire — le nez, c'est un filtre — ça sert à humidifier, à filtrer puis à réchauffer l'air. Lorsque le jeune enfant respire la fumée secondaire, les produits toxiques induisent une inflammation au niveau de la muqueuse nasale, et on aura une rhinite irritative lorsque le nez est complètement congestionné.

La conséquence à ça, c'est l'otite, la tendance à l'augmentation du nombre d'otites, qui va suivre par la suite. C'est juste une question de jeu de pression, trompe d'Eustache, oreille moyenne et cette rhinite irritative, qui va être rapidement induite par l'exposition. Pourquoi ce n'est pas chez les adultes? C'est qu'anatomiquement, les enfants, tous leurs conduits auditifs externes sont plus petits à la base, donc plus vulnérables à cette congestion nasale que des voies aériennes supérieures d'adulte qui ont bien grandi et qui sont de calibres normaux. Tout à fait.

• (14 h 50) •

M. Lisée : Alors, dans le projet de loi, nous, au Parti québécois, on propose de rendre l'emballage des produits du tabac standardisé. Je comprends que c'est ce que vous réclamez aussi, comme l'Australie, où il y a déjà des données probantes qui montrent une réduction, donc, de l'achat, parce que c'est l'attractivité. Évidemment, si l'emballage est attractif... Ce n'est pas pour rien qu'ils font de la publicité, c'est pour que ça soit attractif. Et nous, on demande aussi un moratoire sur les nouveaux produits du tabac pour ne pas toujours être à la remorque et revenir, parce que la créativité de l'industrie du tabac est très, très grande. Alors, si on leur dit : Écoutez, on a ce qu'on a en ce moment, on vient de se réunir, on a consulté, on adopte un projet de loi. Si vous avez une nouvelle idée, venez-nous-en parler avant de l'appliquer. Si on trouve ça bon, on vous donnera l'autorisation, mais sinon c'est non. Vous, vous êtes pour ça?

M. Larivée (Pierre) : Je suis tellement content de vous l'entendre dire, parce que c'étaient les deux points additionnels que l'association, en fait, a mis dans son mémoire, d'une part, vraiment d'abolir tout ce qui s'appelle créativité, le marketing pour les paquets. Ça, c'est clair dans notre esprit. Puis on souhaitait vraiment un moratoire sur tous les nouveaux produits de tabac, parce qu'effectivement c'est action-réaction, puis ça également, ça nous tient à coeur. Sinon, c'est une question de temps qu'il y aura un réflexe assez rapide et beaucoup de créativité. Donc, ça fait partie de la proposition de l'APQ de suivre l'exemple de l'Australie avec... Et on rêve tous d'un Québec en santé. Et il me semble que c'est digne d'un Québécois de promouvoir la santé respiratoire, de donner l'exemple. L'Ontario vient de légiférer sur les terrasses en novembre, je crois. Il faut suivre le pas, on n'a pas le choix. Il faut tous viser pour un Québec en santé, et certainement en santé respiratoire et en santé vasculaire.

Donc, vous ne pouvez pas savoir à quel point ça nous tient à coeur comme médecins de première ligne, médecins spécialistes. Puis il faut vraiment appuyer ce projet de loi là et en faire même plus, tel que vous le mentionnez, pour l'adoption de l'emballage neutre.

M. Lisée : Comptez sur nous, docteur, pour convaincre la ministre d'agir dans ces deux directions, puis j'ai bon espoir de la convaincre.

Je vais vous poser, en terminant — il nous reste trois minutes, là — la question à trois cartoons de cigarettes, donc la question qui coûte cher.

On nous dit : Finalement, là, vous finassez, vous êtes un peu hypocrites, vous devriez l'interdire, le tabac, tu sais. Tant qu'à être rendus là, là, puis à nous traquer dans les terrasses puis dans les zones communes des immeubles de cinq logements et plus, etc., pourquoi vous ne faites pas, là... posez le geste, là, interdisez-le, puis on va en finir. Qu'est-ce que vous en pensez, vous?

M. Larivée (Pierre) : Bien, je vous dirais que les médecins en santé publique, les médecins tout court, on croit beaucoup à la sensibilisation de la population, l'enseignement, l'information, la persistance, la persévérance. Des séances comme aujourd'hui, ça a une richesse tellement incroyable de pouvoir échanger de façon démocratique sur des questions de santé, c'est tellement une opportunité pour moi de pouvoir être avec vous, puis on va faire un progrès.

Je suis peut-être un optimiste, mais j'ai l'impression que les Québécois, on a fait un certain progrès. C'est sûr qu'au quotidien, des fois, je suis tellement étonné. Puis, quand j'annonce à un patient qu'il a un cancer du poumon puis qu'il me demande : Mais comment ça que j'ai ça?, tu sais, je lui dis : Pauvre vous, c'est écrit sur votre paquet. Puis en aucun temps je ne veux le rendre coupable, tu sais, jamais, ils sont complètement... Et ce n'est pas mon but, mais je dis par contre : Il faut transmettre le message pour votre famille, vos jeunes enfants. S'il vous plaît, vous, vous avez embarqué dans les années 70-80, la population au complet fumait, c'était horrible. Mais je crois beaucoup qu'il faut sensibiliser, enseigner, éduquer et je serais réticent, effectivement, à une politique qui l'interdirait complètement, avec tout ce que ça comporte — la contrebande, etc.

Donc, je pense que les Québécois vont être réceptifs, plus ça va et plus les évidences sont là. Puis je suis confiant qu'on va réaliser des progrès. Puis je serais tellement fier que, dans 10 ans, on puisse dire qu'on est la province qui montre l'exemple. Puis c'est pour ça qu'on appuie sans hésitation votre projet de loi.

M. Lisée : Je vous remercie beaucoup, Dr Larivée.

M. Larivée (Pierre) : Ça me fait extrêmement plaisir. Merci beaucoup.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant céder la parole à notre collègue de Saint-Hyacinthe pour 9 min 30 s.

Mme Soucy : Merci, M. le Président. Bonjour. Les gens qui vous consultent et puis qui reçoivent un diagnostic de MPOC, par exemple, quelles sont les proportions de gens qui étaient des fumeurs?

M. Larivée (Pierre) : Merci de poser cette question. La MPOC est essentiellement reliée au tabagisme. On va dire que 80 % à 90 % des cas de maladie pulmonaire obstructive chronique ont été engendrés par des fumeurs significatifs. En général, c'est des gens qui fument, depuis l'âge de 20 ans, un paquet par jour et plus pendant 10, 15, 20 ans, 30 ans. Et la maladie, la MPOC, est insidieuse, parce qu'à l'âge de 40 ans, même si on fume depuis l'âge de 20 ans ou 15 ans, les gens ne vont pas consulter pour la MPOC, parce qu'ils sont un peu essoufflés, mais ils vont attribuer ça soit à l'embonpoint ou au déconditionnement.

On dit aux médecins de première ligne : Il est extrêmement important de dépister la MPOC avec la spirométrie chez des gens qui ont des symptômes et qui sont des tabagiques actifs ou des ex-tabagiques, parce que, trop souvent, notre grande déception, aux pneumologues et aux médecins, c'est qu'on diagnostique la MPOC dans la sixième décennie, lorsque la maladie est franchement installée. C'est la première fois, le patient a 65 ans, a des symptômes d'essoufflement, de toux, d'expectoration, on fait un test spirométrique, et il a déjà perdu 50 %, 60 % de sa capacité pulmonaire. Et c'est une maladie qui est irréversible. Donc, une fois que les dommages sont engendrés... L'emphysème, c'est la destruction du poumon, des alvéoles par la fumée de cigarette. Une fois que la maladie est engendrée, on va supporter le patient avec un traitement bronchodilatateur, on va s'impliquer dans la cessation tabagique, parce qu'il n'est jamais trop tard pour arrêter de fumer, même si la maladie est installée. Le seul facteur qui change le pronostic de la maladie à long terme, c'est l'arrêt tabagique.

Alors, un patient qui est porteur de la MPOC et qui fume activement, c'est sûr qu'on va lui prescrire des aides pour mieux respirer, des traitements bronchodilatateurs, mais, trop souvent, comme médecins, on oublie l'importance de s'impliquer dans la cessation tabagique, parce que c'est vraiment ça qui va changer son pronostic de vie. Donc, dépistons précocement. Et je vous dirais que c'est la cause de la MPOC. Il y a d'autres causes plus rares, mais retenons pour cette commission que le fléau qu'est l'emphysème dans nos hôpitaux, c'est causé par le tabagisme.

Mme Soucy : Ça m'amène à vous poser la question : Combien de pourcentage cesse de fumer après ce diagnostic-là?

M. Larivée (Pierre) : C'est très désolant, parce que souvent c'est des gens qui ont des dépendances nicotiniques extrêmes. Il ne faut jamais se décourager, dans l'intervention antitabac, ça prend souvent six, sept, huit interventions ou tentatives. Il faut encourager le patient, il faut établir une relation d'aide et ne jamais lancer la serviette. Et c'est ce qu'on fait également en éducation, que l'aide à la cessation tabagique, ce n'est pas juste une prescription, ça prend un traitement de support, une thérapie de groupe. On utilise beaucoup les CSSS puis les aides d'abandon au tabac, parce que, oui, il y a l'intervention pharmacologique, mais, si on veut vraiment maximiser nos chances, ça prend également un suivi puis un encadrement. Et c'est là que la cigarette électronique, pour les gens qui ont eu les timbres nicotiniques, les agents pharmacologiques, la varénicline, le bupropion, peut certainement être une stratégie intéressante une fois encadrée.

Mme Soucy : Donc, c'est ça, justement, j'allais vous demander : La cigarette électronique, c'est un bon outil pour arriver au sevrage de ces gens-là, qui sont vraiment addicts à la nicotine?

M. Larivée (Pierre) : Potentiellement. Lorsqu'on connaîtra très bien le contenu, qu'on aura légiféré sur le contenu et ses additifs et qu'il y aura des modalités et des données probantes qui sont beaucoup plus significatives, certainement que la communauté médicale et en santé respiratoire, on va largement appuyer son utilisation comme un arsenal supplémentaire dans nos outils pour accompagner les patients dans la cessation tabagique, certainement.

Mme Soucy : O.K. Donc, vous dites : Si la cigarette électronique est homologuée, si c'est bien encadré puis avec l'aide d'un professionnel de la santé, par exemple, vous la recommandiez.

M. Larivée (Pierre) : Oui. Je vous dirais qu'on est encore impatients d'obtenir les fameuses données probantes, tu sais, sur l'efficacité à court terme, à moyen terme et à long terme. Il faut toujours être prudents lorsqu'on parle de cessation tabagique, parce que souvent, des fois, même l'industrie va nous donner des chiffres de succès à trois mois. Tu sais, ils vont dire : Regardez, ça fonctionne, il y a 50 % d'abandon au tabagisme à trois mois. Mais quelle est l'abstinence qui persiste au bout de six mois, au bout de 12 mois, tu sais. Et souvent c'est pour ça que, si on prend la varénicline, en fait, on peut la répéter. C'est un médicament qu'on peut donner et qu'on peut répéter un autre trois mois, parce qu'on sait très bien qu'il y a des rechutes, des récidives, et on pourrait même considérer un traitement à plus long terme pour les cas récalcitrants.

Donc, il y a beaucoup à faire vraiment dans bien cadrer et définir les modalités de traitement. Et, un peu comme plusieurs pneumologues et comme, je disais, Dr Ostiguy, qui va vous présenter... je vois ça, chez certains patients, comme un accompagnement même à long terme, tu sais. Mais effectivement, comme pneumologue et comme clinicien, j'espère qu'on va avoir assez de données pour appuyer la Santé publique, pour dire : Bien, regardez, ça semble absolument sécuritaire, on sait que c'est beaucoup plus sécuritaire, on est convaincus maintenant que c'est vraiment inoffensif. Et il y a toujours tout l'aspect également de l'initiation au tabagisme chez nos adolescents également. Donc, ça aussi, on attend des études. Il y en a déjà qui sont disponibles qui vont soit nous réassurer, nous inquiéter sur le risque également d'une accentuation ou une augmentation du tabagisme chez les jeunes. Et ça, vous allez être exposés à d'autres données de la part de mes collègues dans les prochains jours, j'en suis convaincu.

• (15 heures) •

Mme Soucy : Pensez-vous que le pharmacien, par exemple, serait un professionnel de la santé accessible qui pourrait justement conseiller puis que la cigarette électronique devrait être vendue dans les pharmacies?

M. Larivée (Pierre) : Je suis un peu biaisé, parce que j'ai une jeune fille qui étudie en pharmacie. Donc, effectivement, je crois beaucoup à la collaboration, à la relation patient-pharmacien et de l'implication des pharmaciens et des autres professionnels de la santé... les pharmaciens, inhalothérapeutes, infirmières. Effectivement, ça prend de l'accompagnement par un professionnel formé, compétent, et certainement que la vente en pharmacie... avec formation adéquate, que les pharmaciens sont les personnes tout à fait indiquées pour nous aider à la lutte contre le tabac, certainement.

Mme Soucy : O.K. Donc, pour vous, là, si je vous demandais le lieu idéal, en fait, pour accompagner les fumeurs au sevrage, ça serait la pharmacie, avec l'aide de pharmaciens, comparativement aux boutiques de cigarettes électroniques.

M. Larivée (Pierre) : C'est sûr qu'il y a tout l'aspect de bien connaître les réactions de sevrage nicotinique. Le pharmacien est un professionnel de la santé qui a été formé à reconnaître les sevrages de dépendance nicotinique, d'apporter le counseling, de reconnaître les effets secondaires, etc. C'est sûr que, dans la commercialisation de la cigarette électronique, une fois que c'est homologué, il faudrait à ce moment-là que les distributeurs... qu'il y ait une certification, à mon sens, qu'il y ait vraiment une rigueur de dire : Bien, écoutez, c'est un centre spécialisé, ça peut être un distributeur certifié, il a eu une formation adéquate, il a un bagage en arrêt tabagique, il a un bagage en accompagnement, et ça, ça serait l'idéal. C'est donc qu'il y ait vraiment des centres certifiés pour ne pas que n'importe qui s'improvise comme aidant à la cessation tabagique.

Alors, c'est ce que je souhaiterais, d'avoir une formation pour les milieux de distribution. La pharmacie, spontanément... la formation est déjà là. Déjà, c'est comme ça avec les timbres nicotiniques, c'est comme ça avec les autres produits dérivés pour la cessation tabagique. Donc, c'est sûr qu'on ne peut qu'être favorables au rôle ou du support de nos collègues pharmaciens.

Mme Soucy : On dit que les coûts qui sont reliés au tabagisme, c'est environ 4 milliards pour le système de la santé. Si je vous demandais le coût, pour la société, d'un traitement du cancer du poumon, par exemple...

M. Larivée (Pierre) : C'est une bonne question. Je n'ai pas les chiffres précis en tête, mais, je peux vous dire, les traitements sont extrêmement coûteux.

Lorsqu'on parle de chimiothérapie, c'est surtout là que c'est coûteux. Bien, en fait, il y a les hospitalisations, l'accompagnement, les soins palliatifs, ça, c'est évident, tu sais, et, si on regarde l'arsenal pharmacologique, il y a la chimiothérapie conventionnelle, qui est bien souvent toxique, comme vous le savez. Et actuellement les progrès en sciences biomédicales font que la nouvelle tendance est au traitement qu'on appelle les thérapies ciblées. On est extrêmement contents maintenant de mieux comprendre toute la pathogenèse du cancer du poumon. Puis une thérapie ciblée, c'est un médicament qui se prend souvent oralement qui attaque une cible bien précise dans la formation de la tumeur, du cancer pulmonaires et qui peut contrôler la maladie, avec bien souvent moins d'effets secondaires. Paradoxalement, ces nouvelles thérapies ciblées sont très, très coûteuses. C'est des sommes faramineuses mensuelles. Et, comme je disais tantôt, l'INESSS est confronté... et c'est le quotidien de notre Institut national de revoir des dossiers de l'industrie avec des nouvelles thérapies très prometteuses et qui, tant mieux, vont améliorer le sort de ces patients-là, vont induire des périodes de rémission. On ne parle pas de guérison. Mais, effectivement, c'est très coûteux.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, Dr Larivée, d'avoir pris le temps d'échanger avec nous aujourd'hui — et vous l'avez très bien fait — au nom de l'Association pulmonaire du Québec.

J'invite maintenant les représentants de l'Institut de cardiologie de Montréal à prendre place, et nous suspendons quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 5)

(Reprise à 15 h 10)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant les représentants de l'Institut de cardiologie de Montréal. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre présentation. Par la suite, vous aurez un échange avec les parlementaires. Bien prendre soin, s'il vous plaît, pour les fins d'enregistrement, de vous nommer, préciser vos fonctions. Et, sans plus tarder, la parole est à vous.

Institut de cardiologie de Montréal

M. Juneau (Martin) : Merci beaucoup. Très heureux d'être ici. Premièrement, une précision : je représente l'Institut de cardiologie de Montréal, Dr Poirier représente l'Institut universitaire de cardio et de pneumo de Québec, donc, les deux instituts de cardiologie, et on a eu aussi l'aval de l'Association des cardiologues du Québec. Il y a plus de 400 cardiologues qui sont essentiellement d'accord avec ce qu'on va vous dire.

Alors, je vais essayer d'aller rapidement pour laisser pas mal de temps aux questions. Comme vous le savez, le tabac, là, on peut le répéter souvent, mais c'est toujours la première cause de mortalité prématurée dans le monde, pas seulement au Québec, mais partout dans le monde, même dans les pays émergents. Vous avez beaucoup écouté de... Moi, j'ai été très impressionné par mon prédécesseur, le Dr Larivée, là, quand il parlait de ses patients. C'est comme ça en cardiologie aussi. Moi, ma plus jeune patiente avait 24 ans. Elle a fait un infarctus massif, parce qu'elle fumait deux paquets par jour tout en prenant des anovulants. Alors, ça se fait encore au Québec, des jeunes femmes qui prennent des anovulants et qui fument. C'est complètement contre-indiqué, mais ça se fait encore. Alors, malheureusement, on voit ça dans notre pratique, des gens très jeunes.

Arrêter de fumer, c'est une urgence. Moi, quand j'entends, des fois, des gens dire : Ça prend plus d'études avant de, etc... C'est une urgence, arrêter de fumer. En 24 heures, vous améliorez déjà votre santé cardiovasculaire en arrêtant de fumer, le taux de monoxyde de carbone, l'état sur les artères, etc. Donc, 24 heures, déjà un effet, puis, à un an de l'arrêt de fumer, vous diminuez votre risque de 50 % de récidive d'infarctus. Alors, nous, on a des patients — Paul et moi, on en voit tous les jours — qui ont fait des infarctus, qui ont eu de la chirurgie cardiaque. Ils arrêtent de fumer; en dedans d'un an, c'est 50 %, même s'ils ont 70 ans puis qu'ils ont fumé toute leur vie. Donc, pour nous, c'est vraiment quelque chose d'urgent. Alors, une seule cigarette, une poffe de cigarette vasoconstricte les coronaires. Alors, si vous faites une coronographie à un patient, vous le faites fumer — on l'a fait dans des recherches — vous voyez l'artère se vasoconstricter. Une seule poffe.

Alors, pour revenir au projet de loi, on est bien heureux du projet de loi qui est proposé par la ministre. Évidemment, la question de fumer dans les voitures en présence d'enfants, c'est évident, pour nous, il n'y a pas de discussion. Pour ce qui est des terrasses, on appuie ça également; l'interdiction des saveurs dans les cigarettes de tabac, les cigarillos également. Alors, autrement dit, tout ce qu'il y a dans le projet de loi, des mesures positives, on est bien d'accord. Ce qu'on voudrait voir, d'autres l'ont mentionné, c'est l'emballage neutre comme l'ont adopté l'Australie, la France, l'Angleterre et l'Irlande. On pense que ça pourrait aider... une des multiples mesures qui pourraient aider à faire baisser le taux de tabagisme. Et on souhaiterait voir l'interdiction de fumer sur tous les terrains d'hôpitaux. Je sais qu'il y a des hôpitaux qui vont le faire. Le CUSM en particulier — le Dr Ostiguy va vous en parler — souhaiterait voir l'interdiction de fumer sur tous les terrains, et pas seulement à neuf mètres, parce que, pour se rendre à l'hôpital, souvent vous devez traverser une haie d'honneur de fumeurs, là. C'est très dérangeant.

Pour ce qui est de la cigarette électronique, un petit commentaire général — on l'a entendu précédemment : c'est pas mal sûr, selon la littérature actuelle, que c'est beaucoup moins nocif que le tabac, de l'ordre de 10 à 450 fois moins, selon les différents produits qu'on retrouve. Il faut rappeler qu'il n'y a pas de combustion. La combustion d'une cigarette, c'est à peu près 900 degrés centigrades, tandis que, une cigarette électronique, c'est à 60°. Donc, il n'y a pas de combustion, c'est une vaporisation. Je rappelle que ce n'est pas la nicotine qui tue, c'est la nicotine qui fait qu'on a le goût de fumer, c'est ça qui crée la dépendance. Et il y a eu des quantités d'études en cardiologie, par exemple, sur la nicotine et le coeur. Et c'est à peu près inoffensif. Un cardiologue grec a encore publié récemment, justement : quand vous inhalez la cigarette électronique versus une cigarette de tabac... il n'y a aucun effet sur les coronaires quand vous prenez la cigarette électronique versus la cigarette de tabac. Plusieurs raisons à ça, outre les nombreux additifs, mais il y a toute la question de la disponibilité au niveau des récepteurs cérébraux et cardiaques. Ça s'approche, la nocivité, si on veut, ou l'effet de la nicotine dans la cigarette électronique, à ce qu'on trouve dans les thérapies de remplacement comme les inhalateurs. Très semblable, sauf qu'il y a une température un peu plus élevée.

Pour ce qui est de l'efficacité, vous allez voir beaucoup d'études randomisées contradictoires ou qui montrent que ce n'est pas tellement efficace : de l'ordre de 5 % à 8 %. C'est des vieilles études. En fait, c'est des études qui ont été faites avec des produits qui sont totalement obsolètes maintenant, totalement dépassés. Ce n'est pas ce qu'on retrouve sur le marché. Et j'ai un problème avec les études randomisées chez nos fumeurs invétérés, parce qu'ils ont tout essayé puis souvent plusieurs fois. Alors, d'arriver, moi, demain matin, dire à un patient : J'ai une étude, je vous propose un placébo ou la cigarette électronique ou je vous propose la cigarette électronique et une patch ou la varénicline, pour moi, ce n'est pas éthique, parce que ces gens-là ont tout essayé, et c'est le temps, là, qui... et ils vont me dire : Il n'est pas question que je réessaie quelque chose qui n'a pas fonctionné pour moi. Dans mon expérience — Dr Ostiguy a un registre où il rapporte 40 % à 50 % d'efficacité — depuis deux ans où je propose la cigarette électronique à mes patients fumeurs invétérés, j'obtiens à peu près du succès chez un sur deux, ce qui est, pour moi, du jamais-vu. Je n'ai jamais eu cette expérience-là avec les autres produits. Évidemment, on ne peut pas ne pas parler de la crainte de renormalisation du tabagisme, que mes collègues de Santé publique craignent beaucoup, mais je ne partage pas cette inquiétude-là quand je regarde les chiffres. Dans tous les pays où on suit les statistiques de près, on voit exactement le contraire, en fait. C'est que plus la cigarette électronique prend du marché, plus le tabagisme baisse. Et, chez les jeunes, c'est la même chose.

Pour finir sur la cigarette électronique : dans le projet de loi, c'est très important de maintenir les saveurs. Tout le monde qui connaît la cigarette électronique va vous dire que ce n'est pas utilisable s'il n'y a pas de saveur, le goût est très, très mauvais. Ça serait important de pouvoir vapoter dans les boutiques qui en font la vente, parce que ça prend un bon 20 à 30 minutes d'explications et d'échantillonnages. En fait, le fumeur veut essayer différentes... il y a beaucoup de dispositifs, il y en a des dizaines, et il y a beaucoup de saveurs puis il y a beaucoup de concentrations aussi. Alors, est-ce qu'on prend du 15 milligrammes par millilitre ou du 20, etc.? Alors, c'est seulement après 20, 30 minutes, là, que la personne peut faire un bon choix.

Je dirais en conclusion : Il faut réglementer. Tout le monde veut qu'on réglemente, on encadre la cigarette électronique, mais il ne faudrait pas réduire l'accessibilité. Il ne faudrait surtout pas que ce soit prescrit médicalement. Il ne faudrait pas que ce soit moins accessible que le produit toxique, qui est en vente libre. Vous avez souvent fait référence à Ottawa, là, au cours de la journée. Je peux vous dire qu'on est allés à Ottawa, Dr Ostiguy et moi, on est allés voir l'équipe de la ministre et on a fait notre plaidoyer il y a déjà un an et on attend les résultats. Donc, on est actifs sur les deux plans. Et je rappelle qu'il reste 20 % de fumeurs qui sont pris avec un problème très, très difficile, et, pour moi, la cigarette électronique doit être vue, si on joue bien nos cartes, comme une solution, pas un problème. Et j'arrêterais ici.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous allons débuter les échanges avec les parlementaires en cédant la parole à Mme la ministre pour un bloc de 22 min 30 s.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. Alors, Dr Juneau, Dr Poirier, merci d'être là, de nous partager vos connaissances. Évidemment, je vais vous donner la parole, parce que, comme je l'ai fait tantôt avec votre collègue, ça nous permet de mieux comprendre les maladies qui sont engendrées par le tabagisme, le fait de vous avoir ne serait-ce que nous expliquer, faire la pédagogie des conséquences au tabagisme pour les gens qui nous écoutent, et je ne vous cacherai pas que mes collègues et moi comptons mettre ça sur les médias sociaux, vos témoignages. Et, ce que ça engendre comme maladies, je pense que ça mérite d'être bien compris par l'ensemble de la population parce que souvent les gens n'ont pas cette perception. Tu sais, on a tendance à banaliser dans la vie, mais, quand on entend souvent les conséquences, à force de pédagogie, à un moment donné, ça rentre. En tout cas, ça a été mon cas.

Je vous ai entendu parler beaucoup de cigarette électronique. Évidemment, c'est un peu le sujet du jour puis c'est quelque chose qui est nouveau en soi et qui a une forte progression, vous en êtes conscient. Et, comme vous l'avez dit et comme Dr Ostiguy le dit, il y a 40 % à 50 % d'efficacité, selon vous. Vous n'avez jamais vu ça à quel point les gens arrêtent de fumer avec ce produit-là. Et vous semblez me dire qu'on peut l'encadrer, mais certainement pas en faire un... si j'ai bien compris — c'est ce que je veux vous demander — en faire un produit comme les autres produits qui sont vendus à la pharmacie, de cessation de tabagisme, parce que ça va restreindre l'apport en ces produits-là. Est-ce que j'ai bien saisi votre propos?

• (15 h 20) •

M. Juneau (Martin) : Oui, absolument. Il ne faut absolument pas que le produit moins toxique, la meilleure alternative des deux, soit moins accessible que l'autre. Et j'ai entendu à Ottawa, par exemple, cette proposition-là : que ça soit prescrit médicalement ou que ce soit seulement sous supervision médicale, alors qu'on peut aller au coin de la rue puis s'acheter un carton de cigarettes. Alors, ça serait, pour moi, aberrant que le produit le moins pire des deux, certainement, soit moins accessible.

Mme Charlebois : Dites-moi, il y a quelque chose que, dans ma tête, j'ai de la difficulté à comprendre, vous avez dit tantôt : Plus le produit prend du marché, plus il y a de gens qui arrêtent de fumer. C'est ce que vous avez dit. Normalement, à chaque fois que j'entends parler de la cigarette électronique, en tout cas pour la plupart du temps, notamment de professionnels de la santé, mais aussi de gens qui l'utilisent... Mes vacances ont servi de vacances exploratoires sur mon projet de loi cet été, notamment sur la cigarette électronique, vous vous doutez bien, et là je me rends compte que... J'ai croisé des gens... puis je ne dis pas que c'est vrai pour tout le monde, hein, on va statuer là-dessus tout de suite, là, j'ai croisé des gens qui ont arrêté de fumer avec la cigarette électronique, j'ai croisé des gens qui fument ça tout le temps, j'en ai d'autres que j'ai croisés qui fument ça et la cigarette parce que ça leur permet de fumer : étant donné que ce n'est pas encore réglementé, bien ils fument la cigarette à l'extérieur, puis, quand ils rentrent en dedans, ils se mettent à fumer ça. Mais je n'ai pas de statistique puis je ne suis pas en train de vous dire que tout le monde fait ça.

Mais ce que j'ai entendu de votre bouche, c'est que plus il y a croissance de vente de cigarettes électroniques, plus il y a d'arrêts tabagiques. À un moment donné, ça va atteindre un plafond, j'imagine. Si... qu'on vend les cigarettes électroniques dans le but de faire arrêter les gens de fumer, j'imagine qu'il va y avoir un maximum. Moi, ce que je constate en ce moment... pendant l'été, là, juste dans mon comté, là, j'ai vu cinq «vape shops» se développer, dont une dans mon village que je n'avais jamais vue. Un matin, ça a poussé. J'ai dit : Ah bien! regarde donc. Puis je ne suis pas en train de vous dire que ce n'est pas intéressant. Ça peut être une façon pour les gens d'acquérir le produit, comme vous le dites, puis ces gens-là vont sûrement expliquer comment faire. Alors, est-ce que vous voyez, à un moment donné, un plafond à ce qu'il y ait des magasins où ils vont vendre les cigarettes électroniques? Et parlez-moi aussi de quel type de cigarettes électroniques doivent être vendues dans ces boutiques-là, parce qu'il y en a toutes sortes, de cigarettes électroniques : il y en a des belles petites colorées, il y a toutes sortes de patentes. Puis «patentes», c'est le vrai mot, là. M. le Président, je m'excuse du mot, je ne sais pas si c'est antiparlementaire.

Le Président (M. Tanguay) : Non.

Mme Charlebois : Mais — j'ai ça à mon bureau parce qu'il y a des gens de coalitions qui m'ont remis ça — il y a des jeunes qui commencent à fumer avec des cigarettes électroniques — puis Dr Ostiguy me regarde avec des gros yeux — mais avec des cigarettes électroniques qui n'en sont pas des vraies mais qui sont des affaires un peu moins dispendieuses puis qui ne servent pas nécessairement à arrêter de fumer mais qui sont tout aussi dommageables, et c'est là que je pense à la renormalisation du geste de fumer. En tout cas, je veux vous entendre un peu là-dessus, parce que, je vous le dis, là, tout l'été, partout où j'allais, quand je prenais une terrasse... Ah! elle, elle va nous arrêter de fumer bientôt sur la terrasse; l'autre : Regarde, elle va m'encadrer avec ma cigarette électronique; un autre : Bien, tu ne le sauras pas parce que ça ne paraît pas. En tout cas, j'ai entendu toutes sortes d'affaires. Mais parlez-moi de l'explosion des boutiques versus est-ce que vous pensez qu'il va y avoir un plafond à cette croissance-là, étant donné qu'on fait arrêter les gens de fumer.

M. Juneau (Martin) : Il y a beaucoup de questions, là. Je vais y aller...

Mme Charlebois : Oui. Je vous laisse aller.

M. Juneau (Martin) : Je vais essayer une par une puis je vais passer la parole à Paul. Si on regarde les chiffres américains, britanniques, français, canadiens aussi... mais c'est très bien documenté en Angleterre puis en France, on voit, là, que la cigarette électronique augmente, augmente, puis ça gruge les parts de marché de la cigarette.

Alors, si vous me dites : Oui, mais, à un moment donné, ça va arriver où?, il y a des gens qui pensent, sérieusement... comme Derek Yach, qui est un ancien responsable de la lutte au tabac à l'OMS, qui n'est plus du tout là, là, qui est dans le privé maintenant... et qui pensent que, si on joue bien nos cartes, si on réglemente bien puis qu'on lui donne un petit avantage compétitif, puis qu'on laisse le produit s'améliorer, puis qu'on resserre l'étau sur le tabac, on pourrait se retrouver dans 15 ans avec à peu près plus de tabagisme. Il y a des gens qui pensent ça. Il y a même des courtiers qui pensent ça. Il y a une analyste financière de la Wells Fargo qui dit depuis deux ans que peut-être que dans 10 ans les ventes de tabac vont être moins grandes que les ventes de cigarettes électroniques. Moi, je ne suis pas aussi optimiste que ça, parce que je pense que les compagnies de tabac ont pas mal de tours dans leur sac puis il va y avoir toutes sortes d'autres produits, mais c'est quelque chose qui est envisagé par des gens qui regardent ça froidement, là, qui ne sont pas en santé, qui regardent juste le marché.

Pour la multiplication des boutiques, je vous dirais que beaucoup vont faire faillite. Il y en a trop. Moi, j'ai l'impression que ce qui va arriver, c'est qu'il va y avoir des boutiques qui vont être plus performantes. Par exemple, on a beaucoup parlé : Les médecins ne savent pas trop à qui référer, et tout ça. On a tous nos préférés un peu. On ne le dit pas parce que ce n'est même pas légal, mais on sait qu'il y a des gens sérieux puis des gens moins sérieux, et puis je pense que les gens sérieux vont profiter et les gens pas sérieux vont disparaître. Je pense qu'il va y avoir beaucoup de boutiques qui vont fermer. Je pense que ça a commencé dans certains milieux où il y a eu trop de prolifération.

Je ne sais pas si c'est... parce que vous aviez beaucoup de questions, je ne sais pas si...

Une voix : Si je peux rajouter...

Mme Charlebois : Bien, juste pour terminer sur cet aspect-là des gens sérieux et moins sérieux : des petites cigarettes électroniques à 10 $, tiens, on va le nommer, là, parce que ce n'est pas...

Une voix : ...

Mme Charlebois : ...oui, ce n'est pas pantoute ce dont on parle depuis le début, mais ça existe, on le sait, et c'est ça qui incite souvent les jeunes, par la bande, à fumer, parce que c'est ça, le produit attrayant. Est-ce que vous pensez qu'il y a quelque chose qu'on doit faire par rapport à ça?

M. Juneau (Martin) : ...ça de la même façon. Si vous regardez le marché américain, c'est beaucoup ces produits-là qui marchent. Nous, on est beaucoup avec les trucs qui se rechargent, là, c'est ça que les gens achètent. C'est cher au début, mais c'est très, très peu cher quand vous vous en servez tous les jours, là, juste le «refill». Mais, aux États-Unis, ce qui se vend beaucoup par exemple, la Blu, bien c'est un modèle jetable. Il y a plein de marques, il y a une centaine de marques aux États-Unis, et ce qui est vraiment populaire, c'est la cigarette que la personne choisit au dépanneur qui a, par exemple, très peu de nicotine ou beaucoup, là — les forces sont inscrites, là — il y a la faible, la moyenne, la forte, et vous avez l'équivalent de deux, trois paquets, là, par cigarette que vous achetez.

Et ça, si on regarde l'expérience américaine, c'est en train de prendre le marché puis ça affecte les ventes de tabac beaucoup. Si vous lisez le rapport annuel de Philip Morris — c'est très instructif — vous allez voir qu'ils sont très, très au courant de chaque dixième de pourcentage, et ça baisse toujours un petit peu. Eux sont très contents du fait que la cigarette électronique n'est pas satisfaisante pour les très grands fumeurs, les fumeurs de trois paquets par jour, ceux qui se lèvent la nuit pour fumer. L'expérience n'est pas satisfaisante, parce que vous savez peut-être en lisant nos choses que le taux de nicotine aux récepteurs nicotiniques au cerveau est beaucoup moins élevé avec une cigarette électronique qu'avec une cigarette de tabac. Et les compagnies de cigarettes électroniques tentent de trouver une solution à ça. Philip Morris essaie toutes sortes d'additifs mais qui ne seront pas permis par la FDA. Alors, moi, je pense que, l'inquiétude par rapport aux cigarettes jetables, qu'on va voir arriver ici en masse, je ne la partage pas parce qu'ils ont la même expérience qu'en Europe, où le taux de tabagisme baisse à mesure que ces trucs-là prennent le marché.

Mme Charlebois : Est-ce que c'est possible de penser que les compagnies de tabac sont en train de faire l'acquisition de ces petites cigarettes là et qu'ils vont mettre leur produit là-dedans, qui va créer une dépendance?

• (15 h 30) •

M. Juneau (Martin) : Bien, c'est sûr. Blu est indépendante. C'est le plus gros vendeur aux États-Unis. Elle a été achetée par Lorillard, qui a été revendue à Reynolds.

Philip Morris, qui était en retard avec sa cigarette électronique désuète complètement, la Mark Ten, est en train de dépenser 2 milliards... c'est 2 milliards de dollars de dollars, 300 chercheurs à temps plein pour arriver avec un produit de meilleure qualité, donner une meilleure expérience aux fumeurs. Alors, ils ne se laisseront pas faire par les petites compagnies. Alors, ils sont en train d'acheter toutes les petites compagnies puis ils sont en train de développer leurs propres... Alors, Philip Morris arrive avec deux cigarettes électroniques, je dirais, conventionnelles, c'est-à-dire avec de la nicotine liquide, mais aussi deux «noncombusted tobaccos», c'est-à-dire du tabac qui est chauffé dans un vaporiseur. Ça, c'est la grosse tendance. Ils sont convaincus, Philip Morris, que les grands fumeurs ne seront jamais satisfaits de la nicotine liquide, ils veulent l'espèce de goût que procure le tabac quand il... mais il n'est pas brûlé, il est chauffé. Et pourquoi Philip Morris fait ça? Parce qu'ils reconnaissent que les risques pour la santé sont tellement connus maintenant, il y a tellement de ravages qu'il y a une clientèle chez les acheteurs de Philip Morris qui recherche un produit moins nocif. Alors, ils en ont et ils vont sortir les quatre produits cette année. Je ne sais pas quel effet que ça va avoir sur le marché.

Mais c'est pour vous dire que les grandes compagnies sont là. Japan Tobacco, qui est très établie ici, là — JTI-Macdonald, c'est Japan Tobacco — ils ont leur cigarette électronique. Il reste NJOY, qui est la plus grosse indépendante aux États-Unis mais qui dit qu'elle ne se fera jamais acheter, mais ce n'est pas sûr.

Mme Charlebois : C'est un petit peu inquiétant, dans le sens où j'ai peur qu'il se développe une dépendance qui amène vers un transfert tabagique par la suite, mais, bon, on verra par la suite.

M. Poirier (Paul) : Mais, si on regarde au niveau de la santé... puis c'est vrai que les grandes compagnies sont en train d'acheter les indépendants, puis, quand vous regardez la littérature, que ça augmente les vapoteurs puis ça diminue les fumeurs... ça dépend des tranches d'âge, O.K.? Ça fait qu'il faut regarder les tranches d'âge quand on parle de la renormalisation. Et, une fois qu'on a dit ça, honnêtement, si on regarde la science puis on regarde la nocivité de la nicotine au niveau cardiovasculaire par rapport à la combustion, si, demain matin, vous me disiez : Dr Poirier, qu'est-ce que c'est que vous pensez que les fumeurs deviennent tous des vapoteurs?, je vous dirais : Parfait...

Mme Charlebois : Tant qu'ils restent au vapotage.

M. Poirier (Paul) : ...dans une première étape. Parce que, je veux dire, à un moment donné, il faut attendre les études, mais les études sont imparfaites et seront toujours imparfaites. Puis je m'en souviens, moi, le Surgeon General, ça fait 50 ans que c'est sorti, puis Dick Cheney avait ses pontages, puis il avait son coeur mécanique, puis il avait des cigarettes à la Maison-Blanche.

Alors, tu sais, à un moment donné, il faut prendre action, puis la cigarette électronique, pour nous, c'est un excellent moyen d'arrêter de fumer et ce n'est pas un pont vers des non-fumeurs. D'ailleurs, la majorité des utilisateurs ou des nouveaux utilisateurs sont souvent des fumeurs qui essaient de tenter de diminuer de fumer, surtout chez les plus jeunes. On va parler peut-être des adolescents tantôt. Dites à un adolescent de ne pas faire quelque chose; il va le faire. Ça fait que, quand ils me disent : Ils ont eu un essai de cigarette électronique dans les 30 derniers jours, ça va en faire des futurs fumeurs, j'ai bien de la misère avec cette littérature-là.

Mme Charlebois : Juste une dernière question avant de passer la parole à mon collègue de Vimont. Et, concernant les saveurs, vous avez entendu les jeunes médecins ce matin... bien, c'est les jeunes étudiants en médecine qui disaient, eux autres, les saveurs, qu'ils étaient plus ou moins favorables à ça, qu'on devrait avoir un petit peu quelque chose qui est similaire dans tous les produits.

Comment vous voyez ça, le fait que nous avons mis l'interdiction de saveurs sur plusieurs produits mais pas sur la cigarette électronique, sauf qu'on se garde une porte ouverte par règlement si on s'aperçoit que nos jeunes commencent à consommer beaucoup ce produit-là et/ou se remettent à la cigarette, que, là, on pourra toujours réglementer? Mais comment vous, vous voyez ça?

Une voix : Non. C'était «Sainte-Rose».

Mme Charlebois : Sainte-Rose. Excusez. Ce n'était pas Vimont. Sainte-Rose.

Une voix : ...

Mme Charlebois : Mais ça va être ta parole après. Allez-y, répondez.

M. Juneau (Martin) : Bien, écoutez, je pense, premièrement, comme je disais tantôt, sans saveur, la cigarette électronique, c'est inutilisable. Je pense que ce n'est pas du tout le... Et, je comprends très bien, si on l'interdit pour le tabac, pourquoi pas la cigarette électronique?, mais je pense que, les gens qui fument la cigarette, il ne faut surtout pas leur donner d'autres incitatifs à fumer la cigarette. Par contre, la cigarette électronique, si on veut que les gens fassent le passage, il faut lui donner un certain avantage compétitif. Moi, je suis pour les saveurs, je suis aussi pour l'accessibilité non restreinte. Alors, si vous avez un produit non utilisable...

M. Poirier (Paul) : Si je peux rajouter quelque chose; le fait de vous garder une marge de manoeuvre à l'exclusion de certaines saveurs, dépendant de la littérature... ça a été fait récemment. La cannelle, quand tu fais des études in vitro, c'est toxique pour le coeur, et la cannelle, dans certains pays, est exclue. Bon, il y a cinq ans, ça ne l'était pas. Comprenez-vous? Alors, je pense, de se garder cette marge de manoeuvre là pour cibler, avec la littérature scientifique qui va émerger, je pense que c'est très louable, mais les saveurs, c'est vraiment essentiel.

Le Président (M. Tanguay) : Je cède maintenant la parole à notre collègue de Sainte-Rose.

M. Habel : Merci, M. le Président. Je comprends l'erreur de ma collègue, parce que j'ai grandi à Vimont. Donc, c'est pour ça que madame s'est trompée.

J'ai une question par rapport à la cigarette électronique. Dans le mémoire, c'est mentionné que c'est de neuf à 450 fois moins nocif, là, donc. Je pense qu'il y a quand même un écart entre les deux, là, mais, au moins, c'est moins nocif que la cigarette.

M. Poirier (Paul) : Ça dépend de l'élément que tu regardes. Ça dépend. Tu sais, ça dépend de ce que tu vois comme combustion dans le tabac puis quel élément tu regardes. Puis, dans les études que les gens vont vous parler, du formaldéhyde... la fameuse étude que le formaldéhyde est retrouvé dans la cigarette électronique, bien, le courant qui brûlait, la combustion, était trop grand, puis ce n'est pas ce qui se passe dans la vraie vie.

Alors, tu sais, puis je vais vous dire ça avec un petit sourire, dans la littérature scientifique, il y en a pour tous les goûts. En cardiologie, nous autres, on aime bien débattre des choses puis on aime bien avoir des études de 2 000, 3 000, 4 000 patients dans chaque groupe randomisé. Je n'aurai jamais ça pour prendre une décision sur la cigarette électronique. Mais, dans la littérature, c'est comme dans certaines choses, il y a les menteries, il y a les mensonges puis il y a les statistiques. Alors, on peut leur faire dire n'importe quoi, dépendant du biais qu'on a, et c'est pour ça qu'on a cette marge-là.

M. Juneau (Martin) : Mais, pour revenir à neuf-450, c'est une étude où vous avez un tableau. Je pourrai vous l'envoyer. Bien, il est dans le rapport en lien. Si vous voyez, par exemple : tel produit, bien c'est tant de milligrammes dans la cigarette de tabac puis tant de milligrammes dans l'autre... Alors, des fois, ça va de neuf pour certains produits jusqu'à 450 pour d'autres. C'est peut-être mal exprimé, mais c'est ça que ça veut dire.

M. Habel : Parfait. Merci. Je comprends la nuance. Puis dans votre mémoire vous mentionnez que la cessation de tabagisme avec l'utilisation de la cigarette électronique peut atteindre 50 %. Je voudrais vous entendre sur un peu la dichotomie qu'on peut avoir à vouloir encourager les gens à utiliser la cigarette électronique pour faire la cessation de tabagisme, mais aussi la porte d'entrée que ça peut constituer pour, par exemple, des nouveaux fumeurs qui pourraient être incommodés par la fumée usuelle à utiliser ce produit.

Elle est où, la zone grise, par rapport à ces deux situations-là?

M. Juneau (Martin) : Bien, c'est deux questions ou...

M. Habel : Non. Mais elle est où, la zone grise entre le fait que, par exemple, pour certains ça va donner une efficacité pour la cessation de tabagisme, mais pour d'autres ça peut constituer une porte d'entrée pour l'utilisation de produits avec la nicotine à l'intérieur?

M. Juneau (Martin) : Bien, d'abord, répondre : pour des gens qui fument déjà, puis c'est, pour nous, là, qui voyons des patients des patients fumeurs — donc, il n'y a pas le problème de devenir fumeur, ils le sont déjà —l'expérience nous montre que les produits sur le marché, que ça soit des médicaments ou des patchs, des gommes, tout ça, ça, avec un très bon support, là, par l'équipe, et tout ça, vous pouvez atteindre des taux de 20 % après un an, 5 % si vous le faites tout seuls, 20 % si vous êtes très, très, très appuyés. Avec la cigarette électronique, on obtient jusqu'à 50 %. C'est notre expérience clinique. Beaucoup, beaucoup de cliniciens vont vous dire ça.

Maintenant, vous voulez dire : Comment ça peut induire... le fumeur, ça ne se pose pas, la question. Mais, pour le non-fumeur, écoutez, c'est toujours la question des jeunes. Le jeune de 12 ans qui a à décider... il a à décider, il voit ses amis fumer, il a à choisir à un moment donné. Puis moi, je préfère qu'il choisisse la cigarette électronique. J'aimerais mieux qu'il ne prenne rien, là. Moi, j'ai deux filles : une de 18 ans, une de 24 ans. Elles ne fument pas, elles ne prennent pas de cigarette électronique... ou, en tout cas, je ne le sais pas. Et puis j'aimerais mieux, si elles choisissaient, qu'elles choisissent la cigarette électronique. Et ce qu'on assiste en France... moi, j'ai pas mal d'amis cardiologues en France, puis ils me disent toujours que fumer le tabac, c'est devenu ringard. Ça fait que ça a dénormalisé le tabac. Alors, un jeune de 18 ans qui fume en France... à moins d'être dans le milieu des artistes très, très, tu sais, à la mode, là, en général, pour un jeune de 18 ans, fumer la cigarette, c'est quétaine, tandis que la cigarette électronique, c'est plus cool. Alors, vous allez me dire : Oui, ça serait mieux qu'il ne fume pas du tout ou qu'il ne vapote pas. Oui, mais, entre les deux, je préfère qu'il vapote. Est-ce qu'il va aller vers le tabac? Bien, depuis sept, huit ans, en France, on n'a pas vu une explosion des ventes de tabac chez les jeunes. C'est exactement le contraire : ça n'arrête pas de baisser.

Puis, si vous regardez la position de la Santé publique en Angleterre — on l'a mis dans le rapport — ils sont très... Ils étaient très réticents il y a sept, huit ans. Maintenant, ils disent : Bien, il faut se rendre à l'évidence, ça fait baisser le taux de tabagisme chez les fumeurs puis ça ne renormalise pas le tabac chez les jeunes. Ça fait que c'est leur position. Moi, je me fie sur les Anglais puis les Français, qui connaissent ça depuis sept, huit ans, là.

M. Habel : Dans un «vape shop», quelle est la proportion, par exemple, des produits où qu'il y a de la nicotine et des produits qui n'ont pas de nicotine à l'intérieur?

• (15 h 40) •

M. Juneau (Martin) : Ce n'est vraiment pas intéressant, une cigarette électronique sans nicotine, hein, je veux vous mettre ça clair, là, c'est juste pour le geste. Moi, j'ai des patients qui, après un an, ont complètement arrêté de fumer puis qui vapotent en baissant les doses progressivement, puis finalement il n'y a plus de nicotine dedans. Et puis je leur dis : Mais pourquoi vous gardez ça? Bien, le geste est très important.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Pour encore 1 min 15 s, Mme la ministre.

Mme Charlebois : En fait, j'aurais souhaité avoir plus de temps pour vous entendre parler de votre quotidien auprès de vos malades comme l'a fait le pneumologue tantôt, mais on va manquer de temps, alors la dernière question que je vais vous poser, c'est sur les terrasses. Quand on parle de l'encadrement de la cigarette électronique et des vapeurs de cigarette électronique, j'ai des gens qui vapotent qui m'ont dit : Bien là, tu vas m'envoyer fumer avec des fumeurs. Bien, j'ai dit : Tu n'es pas obligé d'aller avec eux, va 10 pieds plus loin. Comment vous voyez ça, vous, le vapotage sur les terrasses?

M. Poirier (Paul) : Bien, moi, je pense que, sur les terrasses, comme vous l'avez mentionné, ça devrait être non accessible, pour la simple et bonne raison que, bon... Les gens qui sont pro-cigarette électronique sur les terrasses vont vous dire : Oui, mais en dedans de tant de mètres, puis c'est moins toxique, puis c'est ci, puis c'est ça. Mais, à un moment donné, il y a la symbolique associée à l'arrêt tabagique, puis je pense qu'il faut être conséquent avec ça, au même titre que de fumer dans un territoire d'hôpital ou fumer à La Ronde, pour moi, ça ne fait pas de sens.

Alors, je pense que la symbolique associée à ça, elle est sociale. Si vous me parlez : Du niveau scientifique, est-ce que vapoter sur une terrasse est préjudiciable pour la santé?, je suis obligé de vous dire que je suis loin d'être convaincu que c'est préjudiciable pour la santé, mais il y a d'autres choses que la science ici qui prévalent.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant du côté de notre collègue de Rosemont pour un bloc de 13 min 30 s.

M. Lisée : Merci, M. le Président. Bien, je tiens à souhaiter la bienvenue au Dr Juneau, au Dr Poirier. Dr Juneau, l'Institut de cardiologie de Montréal... dans la circonscription de Rosemont, on est très heureux que vous y soyez, très heureux des investissements qui s'y passent en ce moment, et puis votre réputation internationale vous précède, également l'institut de cardiologie de Québec.

Pour résumer, ce que vous dites, c'est : vous êtes d'accord avec le projet de loi n° 44, vous êtes d'accord avec les amendements que nous, du Parti québécois, on veut apporter sur l'emballage neutre, le moratoire des nouveaux produits. Ce que vous apportez beaucoup, c'est sur la cigarette électronique. Vous dites : Dans votre expérience, vous en avez vu passer, des gens avec des problèmes de tabagisme. Vous dites : Là, pour la première fois, on a un instrument. Quand on dit au fumeur de passer à la cigarette électronique, dans 50 % des cas, il arrête de fumer du tabac et il se met à la cigarette électronique. Et donc, oui, il garde sa dépendance à la nicotine, mais il n'est pas en train de fumer 69 autres éléments cancérigènes, et donc c'est un gain considérable.

Bon. Et là vous nous dites : Donc, il faut aller au bout de cet argument et rendre la cigarette électronique compétitive avec la cigarette normale, et donc il ne faut surtout pas enlever les saveurs des cigarettes électroniques. Donc, si le projet de loi... si on vous écoute, on va dire : Bon, là, si vous fumez des cigarettes normales, il n'y en a plus, de saveurs. Si vous voulez du menthol, si vous voulez quelque chose, il y en a juste dans la cigarette électronique. Donc, on va leur dire : Allez là. Vous dites aussi : Bien, il ne faut pas enlever les présentoirs, il faut que les présentoirs restent. Il y a des gens qui disent : Bon, bien, on comprend votre argument, là, 50 % de réduction, c'est important, donc, on va envoyer ça chez les pharmaciens. Vous dites : Non, non, non, on n'envoie pas ça chez les pharmaciens, il faut garder les endroits ou les petites boutiques. Il faut non seulement les garder, mais en plus il faut former le personnel pour qu'il puisse bien expliquer comment ça fonctionne, parce que des fois on en perd, des fumeurs qui ont passé à la cigarette électronique, parce qu'ils n'ont pas su comment ça marchait. Ça fait que c'est important de leur expliquer. Bon. Et là, je vais dire, puisque c'est ça, puisque le contre-argument, évidemment, des gens de la santé publique — on va les interroger sérieusement lorsqu'ils passeront — c'est dire : Oui, mais ça normalise l'idée, ça renormalise l'idée de fumer chez une nouvelle génération, vous, vous dites : On n'a pas vu ça. Ça fait sept ou huit ans que la cigarette électronique est présente en Angleterre, en France, on ne voit pas renormalisation de l'idée de fumer, disons.

Bien, dans ce cas-là, pourquoi ne pas aller plus loin et dire, puisqu'on parle beaucoup des terrasses : On va donner un avantage comparatif à la cigarette électronique en disant : Bien, c'est interdit de fumer du tabac sur les terrasses, mais, la cigarette électronique, c'est oui... ou, disons, pendant cinq ans, pour donner un avantage comparatif net? Pourquoi vous n'allez pas jusque-là?

M. Juneau (Martin) : ...

M. Lisée : Vous iriez?

M. Juneau (Martin) : Moi personnellement, mais je fais partie d'une société, d'un groupe...

M. Lisée : Alors, vous appliquez la ligne de parti?

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Juneau (Martin) : Pas vraiment, pas vraiment, mais moi, j'ai mes opinions très personnelles là-dessus, j'irais beaucoup plus loin, mais je comprends très bien les craintes de mes collègues qui disent : Bien là, il ne faut pas exagérer. Puis en plus je me mets à la place du propriétaire du bar ou du restaurant, de toujours surveiller : C'est-u de la vraie fumée ou de la vapeur? Ça devient un peu compliqué, là. Alors, moi, je me dis : Bien, c'est plus simple, on fait ça comme ça. Vous pourriez poser la même question sur les parcs, fumer dans les parcs, sur la santé.

Et, entre vous et moi, quelqu'un fume, à 200 pieds de vous, du tabac, est-ce que c'est nocif pour la santé?

M. Lisée : Est-ce que ce l'est?

M. Juneau (Martin) : Non. C'est évident, mais on ne veut pas...

M. Lisée : O.K. Mais, s'il est à un mètre de moi puis qu'il vapote plutôt que de fumer, ça fait une grosse différence.

M. Juneau (Martin) : Ah! absolument. Un vapoteur à un mètre de vous dehors; zéro.

M. Poirier (Paul) : Mais là l'argument devient plus social, et l'autre chose qui va arriver, c'est que les compagnies de tabac, eux, pour augmenter leurs ventes, ils vont vous inventer une cigarette électronique qui est en tous points égale et identique, avec la même forme, même saveur, même couleur qu'une cigarette ordinaire. Et qui va dire... C'est-u le «doorman» ou le gérant qui va venir vous voir puis qui va tester, votre cigarette, si ça en est une vraie ou pas une vraie?

M. Lisée : Ça fait que c'est encore la faute des compagnies de tabac, qui rendent cette idée-là inapplicable, vous voyez.

M. Poirier (Paul) : Non, non, mais, je veux dire, les compagnies de tabac, ce n'est pas des OSBL, là, elles sont là pour faire de l'argent, là, hein?

M. Lisée : Puis ça marche. Je comprends, c'est un bon argument, mais je voulais le tester avec vous, là, s'il y avait... donc, mais je comprends l'idée de l'avantage comparatif.

M. Poirier (Paul) : ...il y a le social.

M. Lisée : Oui. Mais donc on doit trouver, on doit jauger un bon niveau d'avantages comparatifs d'accès à la cigarette électronique notamment ciblés envers les fumeurs actuels, parce que c'est ceux qu'on veut cibler, et qui rendent l'accès à la cigarette électronique plus facile que l'accès à la cigarette conventionnelle.

M. Juneau (Martin) : ...pour l'acheter, tu sais. Parce qu'on a entendu toutes sortes de propositions au Canada puis ici de rendre ça plus difficile, tu sais : prescription médicale, seulement en pharmacie. Mais alors ça, c'est clair qu'il faut au moins que ça soit égal, puis moi, je dirais même... Bon, je ne pense pas qu'on peut favoriser à l'achat, là, mais c'est surtout : pour ce qui est de la réglementation, on doit être moins sévère globalement.

M. Poirier (Paul) : Parce que, si on regarde par rapport à l'accessibilité, il n'y aura pas des «vapo shops» qui vont lever partout en région. Dans un village de 200 personnes, peut-être que le meilleur distributeur sera le pharmacien. Comprenez-vous? Alors, il faut que ça soit accessible.

M. Lisée : Oui. Mais vous ne proposez pas de revenir avec des distributeurs de cigarettes électroniques dans les établissements. Vous, vous diriez presque oui, là. Je vous regarde, là.

M. Juneau (Martin) : Non, non. Bien, ça, des distributeurs, c'est : il n'y a rien, il n'y a pas d'instructions, il n'y a pas de...

M. Lisée : Il n'y a pas d'instructions. Vous proposez deux avertissements différents de ceux de Santé Canada pour les cigarettes normales. Vous dites : Pour les cigarettes électroniques, on devrait dire : Ce produit peut contenir de la nicotine, la nicotine crée la dépendance. Ça, c'est une chose. Et l'autre, ce serait : Ce produit peut être risqué pour la santé, mais ce risque est beaucoup moins élevé que celui de fumer du tabac. C'est ça, c'est le principal message que vous voulez envoyer : il est moins élevé que celui de fumer du tabac.

M. Juneau (Martin) : Ce n'est pas parfait, on ne connaît pas tous les effets, mais on sait que c'est beaucoup, beaucoup moins nocif que le tabac. Ça, on est sûrs.

M. Lisée : O.K. Restons sur les terrasses. J'ai cité tout à l'heure le président de l'Union des tenanciers. Il dit : Ah! bien, il y a une solution pour les terrasses, c'est qu'on sépare la terrasse en deux, on enlève un mètre entre les deux, puis on dit : Il y a un coin qui est fumeur, puis l'autre coin est non-fumeurs. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Juneau (Martin) : Bien, pour la cigarette conventionnelle?

M. Lisée : Oui.

M. Juneau (Martin) : Bien, moi, je n'aime pas beaucoup l'idée, parce que, si vous avez une concentration de fumeurs, je ne sais pas moi, sept, huit tables où c'est concentré, puis vous, vous êtes même à un mètre et demi... «un mètre» qu'il dit?

M. Lisée : Un mètre, un mètre et demi, oui.

M. Juneau (Martin) : Un mètre, c'est pas mal proche, dépendant de la quantité de vent, est-ce qu'il y a un auvent, tout ça. Moi, je pense que c'est assez dérangeant pour la santé. Moi, ce n'est pas tellement pour la nocivité pour le client qui est là une heure ou deux, mais c'est pour les employés qui passent leur temps là-dedans.

M. Lisée : C'est plus pour les employés que pour les...

M. Juneau (Martin) : Les clients, dehors... C'est sûr que l'idéal, c'est qu'il n'y en ait pas. Ce n'est pas extrême, là, mais c'est très dérangeant puis ce n'est pas agréable, et puis, pour les employés, bien là, carrément, eux autres, ils sont exposés sans arrêt.

M. Lisée : Alors, ils apportent un autre argument sur la question du vapotage. Il dit : Bon, nous, on a beaucoup d'employés qui sont des fumeurs. Évidemment, ils n'ont pas le droit de fumer dans le restaurant ou dans le bar, donc ils vapotent. Mais là, si vous leur dites qu'ils ne peuvent pas vapoter non plus dans le restaurant et dans le bar, bien, donc, ils vont sortir plus souvent, ça va être moins surveillé.

Est-ce que vous pensez qu'on devrait permettre aux employés de vapoter à l'intérieur du bar?

• (15 h 50) •

M. Juneau (Martin) : Bonne question. Écoutez, nous, on a ce problème-là dans les hôpitaux. C'est interdit de fumer chez nous depuis 2000, bien avant la loi, et on a pris une position sur la cigarette électronique. On s'est dit : Bien, peut-être que, si les employés avaient un endroit pour fumer la cigarette électronique, on réglerait le problème quand il fait moins 20°, mais on a décidé de ne pas aller de ce côté-là puis de dire : Non, à l'hôpital, c'est interdit. Et, si vous me posez la question... dans les restaurants, ça devient compliqué sur les lieux de travail de faire toujours le partage entre les deux. Moi, je serais plutôt pour une mesure uniforme, ça serait plus simple.

M. Lisée : Puis là on revient à la future cigarette électronique, qui va être identique à la cigarette actuelle, et là on ne pourra pas départager l'un ou l'autre.

M. Juneau (Martin) : Qui est déjà là, hein? Il y en a déjà plusieurs.

M. Lisée : Vous nous dites : Dans les hôpitaux, effectivement, sur le terrain de l'hôpital, en ce moment, bon, à neuf mètres de la porte, c'est permis. Pour vous, sur tout le périmètre de l'hôpital, ça devrait être interdit.

M. Juneau (Martin) : Dans beaucoup d'hôpitaux, ils ont beaucoup de difficultés à faire respecter le neuf mètres, ce qui fait que, quand les visiteurs ou les patients ou les employés rentrent, vous avez vraiment une haie de fumeurs à traverser qui est très, très dérangeante. Et une des solutions, ce serait de carrément l'étendre à tout le terrain. Moi, je suis très conscient que, si on fait ça... j'ai beaucoup réfléchi à ça pour notre hôpital, là, on est en train de réviser notre politique, et c'est sûr que, si on fait ça, le problème, ce n'est pas pour les patients qui ne viennent pas beaucoup... c'est pour les employés — et beaucoup d'employés d'hôpitaux fument, surtout dans les emplois les moins rémunérés — et qu'est-ce qu'on fait avec ces employés-là. Il faut trouver une solution, et la solution, ça serait d'avoir des programmes très, très bien structurés, financés pour la cessation tabagique, ce qui n'est pas le cas en ce moment.

M. Lisée : Est-ce que c'est stable, la prévalence, l'utilisation du tabac chez les employés d'hôpitaux?

M. Juneau (Martin) : Oui. Bien, chez nous en tout cas, là, c'est... ça dépend du groupe d'employés, là.

M. Lisée : Vous devez le prendre personnel un peu.

M. Juneau (Martin) : Oui. Oui, oui, mais ils nous... c'est drôle, parce que c'est un petit hôpital, chez nous, quand j'en croise un qui fume à 20 mètres, là, il a toujours une explication : Excusez...

M. Lisée : Une explication : Je la tenais pour mon collègue. C'est ça?

M. Juneau (Martin) : C'est ça. Et c'est là que j'ai appris beaucoup sur la différence entre la cigarette et la cigarette électronique. Ces vrais fumeurs là, là, les gros, gros fumeurs, je leur dis toujours : Pourquoi vous n'avez pas passé à la cigarette électronique? Ce n'est pas assez fort, l'effet au cerveau n'est pas assez fort.

M. Lisée : Ce n'est pas assez fort. M. Poirier, vous vouliez ajouter?

M. Poirier (Paul) : Oui. Bien, c'est parce que les gens vont... Toi, comme réflexe, comme cardiologue, tu dis : Qu'est-ce que c'est que tu n'as pas compris? Parce que, je veux dire, je ne peux pas croire qu'aujourd'hui, en 2015, avec l'éducation puis la science qu'on a, un fumeur fume. C'est la dépendance. Et effectivement on leur parle du vapotage. Et, je veux dire, j'ai fait l'unité coronarienne toute la semaine puis j'ai des récidives chez des fumeurs jeunes... puis que tu leur dis : Bien là, il faudrait peut-être penser à vapoter. Bien, ils se sont fait dire avec toute la publicité qu'il y a que le vapotage, ce n'était pas bon pour la santé puis que c'était aussi nocif. Alors, là aussi, dans le projet de loi puis l'application, il va falloir corriger ce tir-là.

M. Lisée : Vous dites aussi que la cigarette est permise dans 40 % des chambres d'hôpital. C'est incroyable.

M. Juneau (Martin) : Non, non, non, dans les CHSLD.

M. Lisée : Dans les CHSLD.

M. Juneau (Martin) : Ce n'est pas moi qui le dis, là, c'est dans les règlements, dans la loi. Nous, on n'est pas du tout touchés, c'est zéro chez nous...

M. Lisée : C'est zéro. O.K.

M. Juneau (Martin) : ...mais un CHSLD ou les hôpitaux où les gens restent très, très longtemps, vous avez ça comme exception.

M. Lisée : On a parlé, plus tôt aujourd'hui, de la chicha et du très grand nombre d'endroits où c'est illégalement fourni, surtout pour des jeunes, proche de cégeps, etc., et de la nocivité massive, là. Une heure de chicha, c'est plus de 100 cigarettes, près de 200. Est-ce que vous avez des cas de jeunes fumeurs qui vous arrivent avec des difficultés pulmonaires importantes qui ont eu cette pratique-là?

M. Juneau (Martin) : Je n'en ai pas vu, peut-être à cause du coin de la ville où on est. Je n'ai pas vu de fumeurs de chicha ou alors j'ai... c'est un hasard, là. Je ne sais pas si toi, tu en as vu.

M. Poirier (Paul) : Non, mais c'est surtout, nous, parce qu'on est l'institut de cardio et de pneumo. Alors, si tu as assez fumé pour avoir un cancer, tu peux peut-être avoir assez fumé pour avoir un problème cardiaque, et c'est surtout associé à la marijuana, je vous dirais, dont la concentration des toxines a changé avec les hybridations puis les créativités horticoles.

M. Lisée : Alors, parlez-moi-z-en un peu plus, là. Donc, vous dites que vous avez des jeunes patients avec des problèmes pulmonaires ou cardiovasculaires liés à la consommation de marijuana.

M. Poirier (Paul) : Oui, qui est de plus en plus toxique parce que la concentration des toxines est plus grande que ce qui était accessible dans les années 70.

M. Lisée : Vous semblez parler d'expérience.

M. Poirier (Paul) : Non, je regarde Martin.

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Tanguay) : ...au bloc dévolu à notre collègue de Rosemont. Alors, nous devons, malheureusement, céder la parole... malheureusement quant au sujet qui a été abordé, mais évidemment avec beaucoup de plaisir, à notre collègue de Saint-Hyacinthe pour un bloc de neuf minutes.

Mme Soucy : Merci, M. le Président. Bien, si vous voulez compléter votre...

M. Poirier (Paul) : Non, mais ce qu'il faut voir avec toutes ces problématiques-là... Moi, je suis aussi associé avec l'American Heart Association, et la légalisation de la marijuana dans les États américains, ça, c'est un problème cardiovasculaire qui va être important à gérer, nous, en cardiologie. Et, bon, la semaine dernière, à l'unité coronarienne, j'ai eu deux infarctus sur la coke : 40 ans et moins.

Une voix : ...

M. Poirier (Paul) : Oui. Alors, tu sais, c'est de plus en plus... je ne dirais pas «prévalent», mais c'est gros, là. Alors, la cigarette, c'est très important encore.

Mme Soucy : Merci. Puis je vais vous demander... Tantôt, vous avez dit : Bien, tu sais, il faut rétablir le tir. Moi, je vais vous demander, là, d'être précis. Puis j'avais cette discussion-là avec le Dr Larivée tantôt. Parce que nous sommes des parlementaires, on n'a pas nécessairement... Bon, je pense qu'il n'y a pas personne ici qui a, finalement, une formation médicale. Donc, c'est important. Ça a pris quand même plusieurs intervenants avant que vous nous dites : Bien, on fait la distinction entre le social et le scientifique.

Moi, ce qui m'intéresse, là, c'est le scientifique, ce qui a rapport avec ce qui concerne les terrasses. Vous demandez de ne pas trop restreindre l'usage, les lieux de la consommation de la cigarette électronique. Le projet de loi, il prévoit l'interdiction de fumer, de vapoter sur les terrasses publiques. Donc, les fumeurs réguliers de la cigarette régulière vont devoir quitter la terrasse pour aller fumer à l'extérieur à neuf mètres de l'établissement. Les vapoteurs vont devoir aussi aller rejoindre le troupeau de fumeur si c'est interdit sur les terrasses, alors ils vont être exposés à la fumée de la cigarette, donc, puis également ils peuvent avoir une certaine tentation s'ils sont au début de leur sevrage.

Alors, à partir de ces faits-là, là, je voudrais vous entendre sur l'aspect scientifique et non pas sur l'aspect social, qui dit : Bien, il faut être cohérents avec notre approche. Dites-nous, vous ne pensez pas que c'est plus nocif... ou plutôt s'il faut prendre le risque de mettre les cigarettes électroniques sur les terrasses vu l'effet possible? Donc, vous ne pensez pas que, juste pour le risque... que le risque est élevé ou il est minime pour l'interdire, la cigarette électronique?

M. Juneau (Martin) : Vous parlez juste du risque, là... O.K. Alors, vapoter sur une terrasse, pour moi, le risque est minime, ça, c'est clair. Supposons, lui, il en a une, là; je vais avoir une fraction de la nicotine expirée ou... En fait, ça ne sort pas du bout, là, ça sort juste de ses poumons. C'est une petite vapeur qui retombe, j'aurais peut-être 1/100 de la dose de nicotine. Puis, honnêtement, c'est tellement inoffensif pour la santé, la nicotine à ces doses-là. Ce n'est pas ça qui va me rendre dépendant, là, d'avoir côtoyé un vapoteur pendant 10 minutes, si vous me demandez : Sur le plan scientifique, c'est clair.

Mme Soucy : O.K. Donc, nous, parlementaires, on pourrait avoir la conscience tranquille en prenant un risque de permettre la cigarette électronique sur une terrasse, considérant, là, les effets positifs. Puis vous dites : Bien, il y a très peu de chances. C'est ce que j'en conviens, hein?

M. Juneau (Martin) : Sur le plan de la santé, oui.

Mme Soucy : O.K. Tantôt, vous avez parlé d'avantages compétitifs. Dans ce cas-là, si on exclut... Parce que tantôt vous disiez : Bien, personnellement, je pense qu'il n'y en a pas, de problème, moi, je le permettrais, la cigarette électronique sur la terrasse, mais, comme je fais partie d'une association, je vais dans le sens de l'association.

• (16 heures) •

M. Juneau (Martin) : Non, non, je parlais de la société en général. Je pense, ça serait mal accepté.

Mme Soucy : Ah! O.K. Bien, d'abord, c'est quoi, les avantages compétitifs que vous parlez? Nommez-moi des avantages compétitifs?

M. Juneau (Martin) : J'ai dit : Il ne faut pas lui enlever d'avantages puis idéalement il faudrait lui en donner. Alors, ce qu'on a entendu depuis des années, c'est plus : On va restreindre, ça doit être interdit, il ne devrait pas y avoir de nicotine, il ne devrait pas y avoir de saveur, on devrait le prescrire, etc., donc ça a toujours été comme plus difficile que l'accès au tabac. Alors, je dirais, au moins égal, puis idéalement, dans un monde idéal, un petit peu mieux.

Mme Soucy : O.K. Donc, on doit mettre des points...

M. Juneau (Martin) : Vous avez... Excusez. Vous avez déjà... j'ai oublié de le mentionner, vous avez le prix, qui est très avantageux. C'est trois à quatre fois moins cher pour un fumeur de, disons, un à deux paquets par jour de vapoter.

Mme Soucy : Si je reviens aux points de vente accessibles, que ce soient les boutiques de vapotage, les pharmacies, seriez-vous en faveur de maintenir les points de vente dans les dépanneurs, considérant que vous... Je ne suis pas sûre si c'est vous qui l'avez dit ou si c'est Dr Larivée tantôt qui disait que la formation à l'acheteur devrait prendre entre 20 et 30 minutes pour l'achat d'une cigarette électronique. Donc, est-ce qu'on devrait continuer à les vendre dans les dépanneurs, alors qu'on sait que, là, dans un dépanneur, c'est plus ou moins possible de le faire?

M. Juneau (Martin) : C'est une question bien difficile, puis on a abondamment discuté de ça. Je pense que, les cigarettes électroniques rechargeables, celles qui sont le plus vendues maintenant, c'est sûr que, pour moi, c'est un problème de vendre ça en dépanneur, parce qu'il y a beaucoup d'enseignement à donner, il faut l'essayer, etc. Je pense que c'est plus le marché des jetables. Alors, le problème ne se pose pas beaucoup aux États-Unis parce que c'est des jetables, le marché. Alors, nous, on va les voir arriver, les jetables, là, d'ici un an, je pense, ça va avoir pris le marché, ça fait que le problème va moins se poser. En ce moment, j'avoue, c'est un problème, ça.

Par contre, comme mentionnait Paul tantôt, il y a beaucoup d'endroits où il n'y a pas de boutique spécialisée puis il n'y a pas de pharmacie aussi. Il y a des villages, là, alors... il reste juste le dépanneur pour avoir l'accès. Alors, ce n'est pas idéal, mais, faute de mieux, je pense qu'il faut s'en contenter. Mais c'est clair que ce n'est pas idéal. Quelqu'un qui s'en va acheter ça dans un dépanneur sans savoir ce qu'il fait, il n'aura probablement pas une bonne expérience.

Mme Soucy : Donc, pour conclure, je veux juste revenir, là, sur le problème qui, vous dites, est vraiment social. À ce moment-là, vous seriez... si je vous demandais, là : Êtes-vous en faveur qu'on la permette, la cigarette électronique, sur les terrasses?

M. Juneau (Martin) : Non. Non, parce que, comme je vous dis, je fais une distinction nette entre l'effet sur la santé puis l'image qu'on projette, tu sais, de voir les gens vapoter, le pauvre propriétaire qui va être obligé de faire la police, les clients même qui vont dire : Il y a un fumeur. Je trouve que... Plus simple.

M. Poirier (Paul) : Il y a des cas dans les Cage aux Sports, hein, où est-ce que c'est allé jusqu'à se colletailler serré parce qu'il y a des gens qui vapotaient. Ce n'est pas publié dans la littérature scientifique, mais c'est des choses qu'on entend parler par les patients.

Mme Soucy : Donc, les lieux de vente des cigarettes électroniques, si on a à retenir les pharmacies, les boutiques spécialisées, qui vont avoir le temps d'expliquer à l'acheteur les mesures à prendre, ça serait suffisant, pour vous. O.K. Puis je vais finir avec ça parce que c'est important. Dans le fond, là, vous mettez vraiment l'importance de dire : Bien, il faut investir dans la recherche pour savoir c'est quoi, les bienfaits de la cigarette électronique, pour avoir de la littérature scientifique qui...

M. Juneau (Martin) : Bien, il faut toujours investir dans la recherche dans tous les domaines, mais moi, je pense qu'on a assez de données maintenant pour prendre des décisions. Comme disait Paul à l'étudiant tantôt, il lui a parlé, tu sais : Dans la pratique, tu n'auras pas toujours des études, tu sais, depuis 20 ans prospectives à 5 000 patients de chaque bord pour te prouver que tel traitement est mieux que l'autre, alors, à un moment donné, il faut décider avec ce qu'on a puis ajuster le tir.

Alors, je pense, oui, il faut qu'on continue la recherche là-dessus. Il faut voir aussi que la recherche vise une cible qui bouge tout le temps, parce que la cigarette électronique, elle change de trois mois en trois mois, et ça va beaucoup évoluer, alors il faut se tenir très, très à l'affût puis s'ajuster.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, Drs Juneau et Poirier, c'est malheureusement tout le temps dont nous disposons, merci pour votre présentation.

J'invite les représentants du Centre jeunesse de Montréal de prendre place, et nous suspendons nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 5)

(Reprise à 16 h 11)

La Présidente (Mme Montpetit) : Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Je souhaite la bienvenue à nos invités du Centre jeunesse de Montréal. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les parlementaires. La parole est à vous.

Centre jeunesse de Montréal-Institut universitaire (CJM-IU)

Mme Hill (Lesley) : Bonjour. Je suis Lesley Hill, directrice du programme jeunesse au CIUSSS du Centre-Est-de-l'Île-de-Montréal, incluant le Centre jeunesse de Montréal-Institut universitaire.

M. Chartrand (Ronald) : Bonjour. Mon nom est Ronald Chartrand, je suis psychoéducateur-consultant pour le Centre jeunesse de Montréal.

Mme la Présidente, nous voulons vous remercier de cette opportunité de contribuer au débat entourant le projet de loi n° 44, Loi visant à renforcer la lutte contre le tabagisme. Nous venons ici aujourd'hui pour appuyer les mesures proposées, particulièrement celles visant à protéger la santé des jeunes.

Le Centre jeunesse de Montréal-Institut universitaire fait partie du CIUSSS du Centre-Est-de-l'Île-de-Montréal et a pour mission d'assurer la protection et le bien-être des enfants et des adolescents suivis sous la Loi de la protection de la jeunesse, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et la loi sur la santé et des services sociaux. Le centre jeunesse joue un rôle de premier plan auprès des enfants, des jeunes et des familles les plus vulnérables de Montréal. Le Centre jeunesse de Montréal-Institut universitaire rend annuellement des services à plus de 13 000 jeunes et familles. Il gère un réseau de près de 560 familles d'accueil accueillant plus de 1 100 enfants et jeunes ainsi que 25 ressources intermédiaires hébergeant 150 jeunes. Le centre jeunesse offre aussi un réseau spécialisé en réadaptation avec hébergement incluant quatre centres de réadaptation et 25 foyers de groupe desservant 700 enfants et jeunes. Le centre jeunesse compte au total 45 points de service répartis sur l'île de Montréal. Il reçoit près de 200 stagiaires annuellement des réseaux collégiaux et universitaires et accueille un réseau impressionnant de bénévoles pour soutenir ses actions. Il offre une gamme de services de santé et services sociaux incluant des services de prévention et est engagé dans la promotion des saines habitudes de vie chez les jeunes. En juin 2013, le comité de direction s'est officiellement engagé à mettre en oeuvre une politique qui envoie un message clair et sans équivoque à l'effet que le centre jeunesse deviendra un établissement sans fumée. À ce jour, le centre jeunesse est rendu à la quatrième et dernière phase d'implantation de ce projet. Ainsi, à compter du 1er janvier 2016, le Centre jeunesse de Montréal-Institut universitaire deviendra un établissement sans fumée dans l'ensemble de ses 45 points de service.

Il est reconnu que, malgré l'importante réduction de la prévalence au niveau de l'ensemble de la population, la prévalence du tabagisme demeure plus élevée dans les populations défavorisées et les plus vulnérables. Depuis le début des années 2000, le tabagisme est majoritairement responsable des écarts de santé observés entre les groupes de population défavorisés et la population générale. Les études démontrent que plus des deux tiers des jeunes en centre jeunesse sont fumeurs, donc près de 70 % des jeunes en centre jeunesse sont fumeurs, alors que chez la population générale de jeunes au secondaire elle se situe autour de 20 % à 22 %.

Il s'avère également que 30 % des jeunes ayant participé à l'étude s'initient au tabac en centre jeunesse. Le Centre jeunesse de Montréal-Institut universitaire est préoccupé par ces statistiques. Un sondage Entreprise en santé révèle que 25 % du personnel fume et que, de ce nombre, 51 % souhaite arrêter. Le personnel clinique devant modeler des comportements prosociaux et favorables à la santé, le centre jeunesse a un intérêt particulier à soutenir les intervenants dans la poursuite de leur objectif.

En bref, le projet établissement sans fumée vise à promouvoir et protéger la santé des usagers et du personnel; protéger les non-fumeurs et éviter l'initiation des jeunes aux produits tabagiques; mettre fin à la consommation des produits du tabac, incluant la cigarette électronique, dans toutes les installations et terrains du centre jeunesse; diffuser l'information aux consommateurs quant aux méfaits associés à la consommation des produits du tabac; soutenir les jeunes ainsi que le personnel qui amorcent une démarche en vue de cesser de fumer; réduire la consommation des jeunes et du personnel. À ce jour, des résultats préliminaires sont observables dans les points de service devenus sans fumée. Aucun jeune n'a en sa possession des produits du tabac lorsqu'il est présent sur son lieu d'hébergement. Conséquemment, aucun jeune n'est initié au tabagisme durant son séjour. Personne ne fume sur les terrains des installations du centre jeunesse. En conséquence, nous observons une diminution importante de la consommation des produits du tabac par les jeunes et le personnel.

Le centre jeunesse a misé sur une démarche de soutien et d'accompagnement des jeunes et du personnel ayant également comme objectif une diminution significative du nombre de fumeurs lorsque les jeunes quittent après un épisode de services en centre jeunesse. Nous devrons élaborer un plan d'action pour rejoindre et soutenir les parents de nos jeunes qui s'engagent dans une démarche de cessation tabagique avec les ressources du milieu ou du moins qu'ils soient mieux équipés pour soutenir l'arrêt tabagique de leurs jeunes. Des démarches devront être aussi entreprises pour faire du réseau des familles d'accueil et des ressources intermédiaires des milieux de vie sans fumée. Une loi qui prévoit l'interdiction totale de fumer à l'intérieur comme à l'extérieur des installations publiques oeuvrant auprès des jeunes aurait pour effet de prévenir l'initiation au tabagisme de plusieurs centaines de jeunes vulnérables en plus d'aider des milliers d'autres à se débarrasser précocement de leur dépendance.

Mme Hill (Lesley) : Le Centre jeunesse de Montréal-Institut universitaire salue le projet de loi n° 44 et appuie fortement les mesures suivantes contenues dans le projet de loi en ce qui a trait aux jeunes : l'interdiction de vendre, d'offrir en vente ou de distribuer un produit de tabac comportant une saveur ou un arôme autres que ceux du tabac, notamment ceux liés au menthol, à un fruit, au chocolat, à la vanille, au miel, aux bonbons ou au cacao ou dont l'emballage laisse croire qu'il s'agit d'un tel produit; l'interdiction à une personne majeure d'acheter du tabac pour un mineur; l'interdiction de fumer dans les véhicules automobiles à bord desquels se trouve un mineur de moins de 16 ans; l'interdiction de fumer sur les terrains mis à la disposition d'un établissement d'enseignement qui dispense, selon le cas, des services d'éducation préscolaire, des services d'enseignement primaire ou secondaire, des services éducatifs en formation professionnelle ou des services éducatifs pour les adultes en formation générale aux heures où cet établissement reçoit des élèves mineurs; l'interdiction de fumer sur les terrains d'un centre de la petite enfance ou d'une garderie aux heures où ce centre ou cette garderie reçoit des enfants.

De plus, nous réclamons les amendements suivants : étendre l'interdiction de fumer à l'ensemble des installations et terrains des centres jeunesse où sont hébergés... ou qui sont fréquentés par les jeunes; étendre l'interdiction de fumer aux aires de jeu pour enfants; étendre l'interdiction sur les terrains d'écoles primaires, secondaires et les cégeps afin qu'il soit interdit de fumer en tout temps.

Nous croyons qu'il est possible, au Québec, de se doter d'établissements du réseau de la santé qui sont véritablement favorables à la santé. L'expérience du Centre jeunesse de Montréal-Institut universitaire en fait foi.

En conclusion, en tant que société, nous devons saisir l'occasion d'affirmer haut et fort que le Québec investit dans l'avenir de sa jeunesse en assurant une protection maximale et des conditions favorables au développement et au bien-être des enfants et des jeunes. Renforcir la loi de lutte contre le tabagisme contribuera à l'atteinte de ces buts. Merci.

• (16 h 20) •

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie beaucoup pour votre présentation. Je cède donc la parole à la partie ministérielle pour une durée de 21 min 30 s.

Mme Charlebois : Merci, Mme la Présidente. C'est toujours un plaisir que de vous voir à la présidence, Mme la députée de Crémazie.

Alors, bonjour, Mme Hill et M. Chartrand, merci d'être venus nous présenter vos préoccupations et vos points de vue sur le projet de loi dont on discute depuis le matin, là, la loi qui vise à renforcer la lutte contre le tabagisme. Et non seulement on parle de santé publique, mais on parle aussi des centres jeunesse, deux missions qui me tiennent beaucoup à coeur, comme vous le savez.

J'ai pris connaissance de votre mémoire. J'écoutais vos propos et je me demandais, justement quand vous parliez de vos points de service, vos familles, là, je me disais : Comment ils voient ça pour les ressources intermédiaires, les familles, tout ça?, mais vous avez un petit peu mentionné que vous souhaitez que même les familles d'accueil et les ressources intermédiaires soient sans fumée. J'imagine que c'est votre monde qui va s'assurer de la chose.

Mme Hill (Lesley) : On est dans les perspectives d'avenir. Donc, présentement, le projet comportait quatre phases pour l'ensemble des installations du centre jeunesse, l'hébergement pour les jeunes mais les points de service, les bureaux aussi. Donc, c'est totalement sans fumée pour le personnel et pour les jeunes hébergés.

Maintenant, on ne s'est pas encore attaqués à la question, je vais le dire comme ça, c'est beaucoup plus complexe quand on arrive dans les milieux de vie des gens, surtout quand on parle de familles d'accueil, mais c'est clair pour nous que, dans une prochaine phase, on va avoir à au moins faire de l'enseignement et s'assurer que les jeunes ne soient pas exposés à une fumée secondaire nocive pour leur santé.

Mme Charlebois : Alors, si je comprends bien, vous ne nous recommandez pas de mettre ça maintenant dans le projet de loi?

Mme Hill (Lesley) : Pour les centres jeunesse et l'ensemble des établissements publics du réseau de la santé.

Mme Charlebois : Oui, mais pas pour les familles d'accueil et les ressources intermédiaires, pas tout de suite.

M. Chartrand (Ronald) : Moi, je dirais : Non, pas tout de suite, parce qu'actuellement le défi, c'était auprès des jeunes qui reçoivent des services au quotidien, sauf que, comme on le disait, puis Mme Hill l'a dit, il va falloir faire un plan d'action. On a commencé, naturellement, par une certaine sensibilisation auprès des parents des jeunes qui sont hébergés en leur envoyant la politique, en leur envoyant des dépliants, l'importance de ne pas fumer au domicile puis dans l'auto, mais, d'avoir une action éducative continue, on n'en est pas là actuellement, le plan d'action est à faire.

Mme Charlebois : J'ai été frappée de vous entendre dire : 30 % de jeunes commencent à fumer dans les centres jeunesse, et 25 % du personnel fume. Et du même coup vous nous dites qu'en deux ans et demi, parce que vous avez commencé en juin 2013 et ça va se terminer en décembre 2015, vous arrivez à faire de vos établissements, vos 45 points de service, si j'ai bien entendu, des établissements sans fumée. C'est beaucoup de gens, là, que vous avez accompagnés ou... En tout cas, j'aimerais ça vous entendre me parler de c'est quoi, votre démarche de soutien, c'est quoi, l'accompagnement que vous fournissez.

Est-ce qu'on pourrait s'inspirer de ce que vous faites? Où avez-vous été chercher tout... Vous avez dû aller chercher de l'aide pour faire ces mesures d'accompagnement là. Bref, si on étend ça à travers l'ensemble des centres jeunesse, comment vous vous... Puis j'aurais même... je pourrais y aller, Mme la Présidente, pour la question complémentaire qui va aller avec ça, les conséquences, parce qu'on sait que parfois les jeunes fuguent, et vous nous dites dans votre mémoire que les jeunes qui ne fument plus fuguent moins. Dans ma tête, je pensais justement le contraire, que, parce qu'ils n'avaient plus accès au tabac, ils allaient fuguer, mais, non, vous nous dites le contraire, vous dites : Depuis qu'on est un établissement sans fumée, ils ne cherchent plus à fuguer, ils sont plus à l'aise dans nos installations. Est-ce que j'ai mal compris?

Mme Hill (Lesley) : On n'a pas vu une augmentation de fugues par rapport au tabagisme.

Mme Charlebois : O.K. Mais il n'y a pas de diminution non plus?

Mme Hill (Lesley) : Il n'y a pas de diminution non plus, non.

Mme Charlebois : O.K. Bien, parlez-moi, dans ce cas-là, des démarches de soutien et d'accompagnement puis comment vous avez bâti ce que vous avez bâti, comment vous avez fait pour amener vos établissements à... En deux ans et demi, là, c'est relativement court.

M. Chartrand (Ronald) : Bien, la politique a été adoptée en juin 2014 au conseil d'administration.

Mme Charlebois : Ce n'est pas 2013?

M. Chartrand (Ronald) : C'est 2014.

Mme Charlebois : 2014. O.K.

M. Chartrand (Ronald) : C'est encore plus récent, oui.

Mme Charlebois : Bien oui.

M. Chartrand (Ronald) : Écoutez, en deux volets, on visait, comme on l'a dit dans le mémoire, les jeunes. On a travaillé à différents niveaux avec les équipes d'éducateurs qui accompagnent ces enfants-là, avec les jeunes aussi à bâtir des projets, avec les services de santé du centre jeunesse, parce qu'il y a des infirmières puis il y a des infirmiers aussi. Tout ça, là, dans le fond, ça a été de dire aux gens : On va faire un défi collectif auprès des enfants. Ça fait qu'il y a différentes activités qui ont été mises en place, des activités d'éducation, des activités sur les saines habitudes de vie, sur changer des pratiques, avoir davantage d'activités sportives, et, comment je vous dirais, les jeunes se sont impliqués.

Peut-être dire... au début, j'aurais peut-être dû le dire, c'est qu'avant d'implanter la politique on est allés par sondage, en fonction des besoins : Qu'est-ce qui vous aiderait pour arrêter de fumer?, autant au niveau des jeunes que le personnel, puis on a pris le temps de rencontrer 200 personnes avant de faire adopter la politique, différents... autant le conseil multi que les parents, que les jeunes, les syndicats. On a vraiment fait le tour pour justement préparer, préparer ces activités-là qui seraient mises en place, donc des activités pour les enfants avec le personnel du centre jeunesse, les jeunes qui ont aussi collaboré, ils ont préparé des capsules vidéo, ils ont préparé différents types d'activité, pour en arriver à une date butoir. Comme disait Mme Hill, on est allés en quatre phases avec une date butoir, une période qui durait cinq mois, les gens savaient qu'on avait cinq mois pour arriver. Par exemple, la première phase se terminait au 31 décembre l'an dernier. Ça fait que tout le monde s'est préparé puis a fait des activités pour arriver au 31 décembre, puis le 31 décembre on était devenus sans fumée.

En ce qui concerne le personnel, le personnel, lui, a été accompagné, on a eu le soutien de la Santé publique de Montréal. Et, à Montréal, l'ensemble des CSSS ont été mis à contribution par les centres d'arrêt tabagique, qui ont contribué autant à faire des kiosques, à faire des interventions dans des équipes. Parce qu'on avait fait un monitorage pour identifier le type d'action qu'on fait. Tu as des équipes où tu pouvais te retrouver avec un taux de fumeurs de 40 %; puis d'autres, 14 %, ça fait que le niveau d'intervention a été adopté en fonction des cibles qu'on visait puis du volume de fumeurs. Ça pouvait aller... Par exemple, je vous donne un exemple, une équipe de fumeurs où tu pouvais avoir 45 % des gens. Ça fait qu'un spécialiste de l'arrêt tabagique a été intégré dans une équipe et a présenté son action, comment il pourrait faire pour accompagner ces gens-là. Puis, l'idée que j'ai en tête, il y avait... dans une équipe, il y avait huit personnes qui fumaient, puis sur les huit personnes il y en a cinq qui ont accepté de poursuivre avec le spécialiste en arrêt tabagique dans les prochains mois puis les prochaines semaines. Ça fait qu'autrement dit... une action qui a été ciblée en fonction du réel problème, des actions éducatives puis des actions d'accompagnement autant pour les jeunes que le personnel. Mais les jeunes, là, c'était vraiment centré avec le personnel du centre jeunesse, les médecins et les infirmières.

Mme Charlebois : Avez-vous rencontré plus de résistance chez le personnel, chez les adultes, que chez les jeunes?

M. Chartrand (Ronald) : Peut-être dire...

Mme Charlebois : Je pose la question, parce que la dépendance est plus profonde, à mon avis.

M. Chartrand (Ronald) : On n'a pas rencontré la résistance dont on pensait au début. Quand on a rencontré les jeunes au tout début, les jeunes s'inquiétaient pour leurs intervenants, parce que, les intervenants, les jeunes, ils disaient : Bien, comment ils vont faire? Tu sais, ils viennent fumer... en moyenne, ils ont sept à huit pauses cigarette par jour, là ils vont tomber à deux pauses par jour : une le matin, une l'après-midi, puis en plus ils ne fumeront plus avec nous, parce que nous, on n'a plus de cigarettes, on ne peut plus avoir de cigarettes. Donc, l'intervenant qui veut fumer, bien ça lui oblige une marche de... ceux qui ont le plus à faire, c'est cinq minutes pour se rendre à l'extérieur des terrains. Mais, les gens, il n'y a pas eu énormément de résistance. Comme je vous disais, dans les sondages qu'on a faits, au départ, il y a 80 % des gens qui étaient d'accord avec la politique, sans savoir les moyens d'accompagnement qu'on mettrait en place, puis 60 % au niveau des jeunes.

Comme vous l'avez dit tantôt, il y a des gens qui nous disaient : Vous allez avoir des fugues, vous allez avoir des désorganisations; on n'a pas eu ça. Vous allez avoir des plaintes au commissaire aux plaintes; on en a eu, à ma connaissance, une, puis c'est quelqu'un qui a appelé pour dire : Comment ça se fait que vous n'appliquez pas la politique aux ressources intermédiaires? On s'est dit : Ça va venir un jour, mais on n'en est pas là.

Mais moi, je dis : Il faut prendre le temps au niveau du processus, c'est une question d'accompagnement, d'éducation, puis mettre à contribution les ressources du milieu. Il y en a, des ressources du milieu, puis il y a des ressources compétentes. Je ne sais pas si ça répond.

• (16 h 30) •

Mme Charlebois : Oui, ça me répond très bien. Puis vous avez tout à fait raison qu'il y a déjà des ressources existantes, il faut juste les adapter à nos besoins. Dans les centres jeunesse, c'est un besoin; ailleurs, ça peut être un autre besoin. Mais je suis heureuse de constater... Est-ce que vous avez parlé avec d'autres dirigeants d'autres centres jeunesse? Est-ce que vous pensez que vos collègues dans d'autres centres jeunesse à travers le Québec seraient favorables à ce que vous recommandez?

M. Chartrand (Ronald) : Moi, je suis convaincu que l'ensemble des centres jeunesse sont favorables. D'ailleurs, il y a des centres jeunesse... il y a le Centre jeunesse de l'Abitibi-Témiscamingue, qui, eux, sont des précurseurs. Ils n'ont pas une politique, mais ils sont déjà un site sans fumée depuis... je crois que c'est deux ans, au moins deux ans. En Gaspésie, le Centre jeunesse de Gaspésie aussi, ils sont dans une démarche. Les autres souhaiteraient avoir un appui clair au niveau d'une loi. Ça serait très aidant pour mettre en place des mesures.

Mme Charlebois : Alors, vous souhaitez qu'on ajoute des amendements dans la loi pour renforcer... puis interdire l'usage du tabac dans les centres jeunesse, que ce soit à l'extérieur, etc., partout sur le terrain et dans l'établissement?

Mme Hill (Lesley) : Oui.

Mme Charlebois : D'accord. Dites-moi, est-ce qu'il y a, dans votre personnel, des gens qui vous ont parlé de vapoter?

Mme Hill (Lesley) : On n'a pas été très confrontés à la cigarette électronique encore. Ce qui est très problématique présentement chez les jeunes au niveau de la consommation, au-delà des cigarettes, c'est tous les produits aromatisés, les cigares à saveur de fruit, de vanille, de chocolat, etc. Donc, on a eu connaissance qu'il y avait beaucoup de jeunes qui s'initiaient avec ces produits-là.

Mme Charlebois : Et pourtant c'est interdit aux mineurs. Mais là vous avez vu les amendements... bien, en fait, dans le projet de loi, vous avez vu certainement les amendes qui sont suggérées, qui vont être substantielles et pour le jeune, et pour l'adulte qui va apporter les cigarettes au jeune, et pour tout le monde, là. Si on détecte qu'un adulte va dans un établissement acheter des cigarettes pour un jeune, il va être fortement... et l'établissement et tout le monde va être pris à partie avec des amendes substantielles. Alors, ça, ça va sûrement ralentir des gens. Mais je suis heureuse de constater, moi, que votre centre jeunesse et d'autres ont déjà une démarche d'initiée et que, si vous me dites : On va vérifier ça avec... Vous aviez l'association qui, maintenant, est rendue à l'INESSS, là. Si on est capable de partager votre expérience avec l'ensemble des centres jeunesse quant à la démarche... et je pense que les membres de la commission entendent bien votre suggestion de faire en sorte que tous les centres jeunesse soient... qu'il soit interdit de fumer en tout temps.

Je veux vous entendre parler des terrains d'écoles primaires, secondaires et cégeps. D'où vous vient cette... C'est-u pour accompagner vos jeunes qui sont en centre jeunesse? Comment vous voyez ça?

Mme Hill (Lesley) : Non, c'est vraiment pour promouvoir des environnements libres de tabac et de l'air pur pour l'ensemble des enfants du Québec. Donc, au-delà des centres jeunesse, on est préoccupés pour la santé des enfants. On sait que les jeunes imitent beaucoup les adultes et, après ça, ils se contaminent entre eux. Mais ça commence avec des modèles autour des enfants, qui ne fument pas, ou le moins possible, dans leur présence. Donc, beaucoup d'enfants vulnérables vivent dans des familles où il y a présence de cigarettes. Si on peut au moins leur donner des endroits, à l'école, dans les terrains de jeu, dans les centres jeunesse, dans l'ensemble des endroits fréquentés par les jeunes... si on peut leur donner des environnements sains et des modèles sains aussi d'adultes autour d'eux qui vont promouvoir la santé, les éduquer en lien avec les effets néfastes du tabac, on pense qu'on va soutenir notre jeunesse davantage quand vient la décision de choisir s'ils s'embarquent dans le tabagisme ou pas.

Mme Charlebois : On nous a dit plus tôt que, dépendamment de l'espace, la densité... Comment vous dire? Comme, dans les parcs, les aires de jeu, si on est à une certaine distance, il y a plus ou moins de danger, mais ce que je vous entends me dire, puis dites-moi si je me trompe, c'est que l'exemple de fumer, pour un jeune, c'est ce qui... ce n'est pas la fumée secondaire à 200 pieds qui vous énerve, c'est le geste de fumer, de ne pas avoir un comportement exemplaire devant des enfants.

Mme Hill (Lesley) : Il faut être conscient des deux, et c'est une des choses qui a poussé le Centre jeunesse de Montréal à installer sa politique sans fumée. Quand tu as des éducateurs qui sortent dehors avec les jeunes pour aller fumer, quel type de modèle qu'on donne à nos jeunes? Donc, les employés ont dû faire un effort supplémentaire pour s'adapter à cette politique, mais ils l'ont achetée quand même assez facilement, en ce sens que c'est très clair pour nous qu'on sert de modèles. Je pense que tout le monde dans cette pièce est présentement ou a déjà été un héros ou une héroïne pour un enfant quand on est papa, maman, coach de soccer, enseignant, éducateur, travailleur social. Donc, il faut être conscient de cette partie-là aussi, qui est que ces habitudes sont apprises avec les gens autour de nous.

Mme Charlebois : Je partage votre opinion. Alors, je n'ai pas d'autre question pour l'instant, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie. Alors, je passe la parole à l'opposition officielle pour une durée de 13 minutes.

M. Lisée : Merci beaucoup. Merci beaucoup d'être là. Merci de votre engagement, de votre travail et de la difficulté supplémentaire que vous vous êtes imposée, finalement, parce que ça devait paraître un défi quasi insurmontable compte tenu du fait que 70 % de vos jeunes fument au départ, ce qui est beaucoup plus que la moyenne des ados, et qu'ils sont aux prises avec un certain nombre de problèmes. On aurait pu penser que, bien, écoutez, c'est une échappatoire qu'ils ont, ça fait partie de... Est-ce que ça va compliquer notre vie de faire ça en plus de ce qu'on leur demande, de les structurer, de les aider avec des problèmes de toxicomanie?

Alors, dites-moi comment... Tu sais, vous avez dit, bon : 80 % d'entre eux étaient favorables au programme, bien comme on est favorable à la vertu, je suppose, avant de savoir l'effort que ça va nous demander. Est-ce que, dans l'implantation, il y a eu un moment où vous vous êtes dit : Ces jeunes-là, on leur en demande trop?

M. Chartrand (Ronald) : ...non, on n'a pas eu ça. Puis, si je réfère à la première phase, là, qui est un gros centre, là — c'est le Mont-Saint-Antoine à Montréal, il y a beaucoup de garçons dans un environnement dans l'est de Montréal, à proximité du métro — tu as toutes les conditions pour dire : Bien, je vais aller en fumer une, je m'en vais au métro puis... Non, parce que les jeunes ont adhéré à ça.

Si on prend le temps, avec les jeunes puis le personnel, de bâtir des projets puis éduquer, que les gens comprennent... Vous, vous le savez, vous êtes au courant, tout le monde prend le temps de lire, vous êtes au courant de la nocivité de ces produits-là. Puis Mme Hill a parlé de modèles. Les éducateurs se posent en modèles. Tu sais, on disait : Bien, ce n'est pas juste quand ils sont sur les sites d'hébergement qu'ils vont arrêter de fumer en présence des jeunes, c'est même quand ils sont en sortie avec les jeunes. Puis c'est important, le rôle de modèle. Nos jeunes, quand on dit : Ils fument à 70 %... Bien, vous irez dans les familles. Beaucoup dans ces familles-là fument davantage que d'autres familles. De toute façon, c'est très bien démontré, là, par la Santé publique. Et, les jeunes, je vous dirais que, quand on prend le temps... c'est des jeunes qui sont intelligents, quand on prend le temps de parler avec eux puis de les informer, ils sont capables de faire des choix. Les jeunes disent : C'est une dépendance avant tout. Il y a une fille qui me disait : J'ai d'autres dépendances. Si je suis capable de me débarrasser de celle-là, là il y en a peut-être d'autres que je vais être capable de me débarrasser.

M. Lisée : Bien, justement, est-ce qu'il y a de la consommation aussi de mari, de hachich? Et comment c'est combiné avec la cigarette?

Mme Hill (Lesley) : Absolument. C'est prouvé que les enfants et les jeunes qui consomment du tabac sont aussi beaucoup plus propices à tomber dans une polytoxicomanie, donc. Les études prouvent ça. On a beaucoup de jeunes aux prises avec des difficultés ou des dépendances à d'autres types de substances psychoactives, donc. On a aussi des corridors de services avec les centres de réadaptation en dépendances pour aider nos jeunes à cet effet-là aussi.

M. Lisée : Bon, ce sont tous des mineurs. Alors, où achètent-ils leurs cigarettes?

Mme Hill (Lesley) : C'est une bonne question. Mais ils arrivent toujours à s'en procurer quand ils en veulent. Je dirais qu'il y a une étude qui a dit... en fait, les jeunes nous ont dit clairement qu'au moins 25 % d'entre eux les achetaient tout seuls dans les points de vente, ils ne se faisaient pas demander une carte d'identité pour prouver leur âge. Donc, il y en a un bon nombre qui s'approvisionnent seuls.

M. Lisée : Oui. Donc, ils entrent dans un dépanneur, ils demandent à acheter des cigarettes, il n'y a pas de cartage. Bon, alors, si des associations de dépanneurs vont venir nous dire qu'à 92 % le cartage se fait, il y a comme un problème de statistiques, là.

Mme Hill (Lesley) : Les jeunes disent le contraire.

M. Lisée : Oui. Et donc 25 % dans les points de vente normaux. Et les autres?

• (16 h 40) •

M. Chartrand (Ronald) : Bien, moi, je dirais qu'il y a une partie qui est amenée par la famille, parce que, dans les règles, les parents, antérieurement, donnaient la permission de fumer aux jeunes. La famille, ça peut être le frère âgé qui apportait les cigarettes. Actuellement, comme je vous disais, sauf pour la dernière phase, là, qu'on débute actuellement, l'ensemble des autres points de service, les jeunes n'ont plus accès à la cigarette, ça fait qu'il n'y en a pas. Puis, si jamais un jeune en amenait, ce qui est fait, c'est que les cigarettes sont saisies et remises à son parent pour qu'il y ait une discussion entre l'intervenant, le jeune puis le parent.

Actuellement, on est en train de monitorer, faire un monitorage. C'est sûr qu'on a 100 % des jeunes qui ne fument pas quand ils sont hébergés, mais, quand ils quittent, quand qu'ils ont des congés... Le Service de santé rencontre individuellement chaque jeune du centre jeunesse pour voir il y a combien de jeunes qui ont vraiment cessé d'arrêter de fumer, en dehors des peut-être 70 cigarettes qu'ils fumaient quand ils étaient hébergés, il y en a combien qui continuent à en fumer cinq, 10 quand ils sont en congé, il y en a combien qui ont complètement arrêté de fumer.

M. Lisée : ...des interventions auprès des parents aussi pour les sensibiliser à...

M. Chartrand (Ronald) : Oui. On a commencé des interventions de sensibilisation auprès des parents, entre autres, par un... Ils ont été informés de la politique, tous les parents des jeunes, informés des ressources qui existent à Montréal pour les aider, informés des effets de la fumée secondaire dans les autos et à la maison. Mais, comme on le disait tantôt, on va se doter d'un plan d'action pour vraiment regarder comment on va aller plus loin avec les parents, parce qu'on parle de modelage, d'être modèles. Il y a une chose que je me suis rendu compte : autant dans ces familles-là... beaucoup de fumeurs, beaucoup de jeunes qui fument que dans les équipes d'intervenants... quand on a fait le monitorage par équipe avec groupes de jeunes, où il y avait le plus d'intervenants qui fumaient, c'est là que tu avais le plus de jeunes. Ça fait que c'est clair que le modeling est important. C'est pour ça que faire un Québec sans fumée pour les enfants, pas juste les enfants des centres jeunesse, ça a une importance, parce que vous les savez, et les spécialistes vous l'ont dit, tous les problèmes de santé que ça cause.

M. Lisée : ...l'approvisionnement. Alors, on dit : Bon, 25 % dans les points de vente réguliers, il y a les parents, les frères. Est-ce qu'il y avait des revendeurs? Est-ce qu'il y a des jeunes qui s'approvisionnaient et revendaient à d'autres jeunes?

Une voix : ...

M. Lisée : Oui, vous avez vu ça? Et est-ce qu'il y en a qui s'approvisionnaient à la contrebande?

Mme Hill (Lesley) : On n'a pas de statistique là-dessus, mais c'est ceux qui partent, hein, ils partent du centre jeunesse, puis ils peuvent revenir avec des cigarettes, mais ce n'est pas toujours évident pour nous, où ils vont se procurer ces cigarettes-là.

M. Lisée : O.K. Maintenant, vous, vous proposez d'étendre votre expérience, qui est très positive, à l'ensemble des centres jeunesse. Qu'est-ce qu'ils en disent, les autres centres jeunesse, de ça?

Mme Hill (Lesley) : C'est sûr qu'on n'a plus d'Association des centres jeunesse du Québec, mais c'est clair...

M. Lisée : ...cette association-là? Qui a aboli ça?

Mme Hill (Lesley) : Il y a certaines personnes qui sont rendues à l'INESSS. Mais on n'a pas eu une discussion là-dessus, avec les autres centres jeunesse, en groupe. Ce que je peux dire avec pas mal de certitude, c'est que les autres centres jeunesse exprimaient beaucoup d'intérêt par rapport à cette initiative-là du Centre jeunesse de Montréal ainsi que l'initiative d'Abitibi-Témiscamingue.

M. Chartrand (Ronald) : Il y a un intérêt réel de la part des autres centres jeunesse, parce qu'antérieurement j'étais aussi à l'ACJQ puis il y avait un regroupement de médecins puis infirmières qui travaillaient dans l'ensemble des centres jeunesse, puis, dans le plan qu'on avait, c'était de faire une présentation de ce qui se faisait à Montréal. Ça avait été demandé par les autres centres jeunesse. Ça fait qu'il y a un intérêt qui est là.

M. Lisée : ...qui nous suivent, là, ce qu'on est en train de constater, c'est que le projet de loi n° 10 du gouvernement libéral actuel, qui a regroupé les organisations de santé, a aussi aboli un certain nombre d'associations d'établissements de santé, dont l'Association des centres jeunesse, qui donc n'existe plus, et qui servait, entre autres, à ce genre de coordination, et là ça complique votre travail, le fait que l'association n'existe plus, pour ce genre de programme concerté que vous pourriez développer.

Mme Hill (Lesley) : ...que, si cette mesure-là est mise dans la loi aujourd'hui, ça va aider les centres jeunesse, parce que ça prend énormément de volonté, dans un établissement où tu as 70 % de ta clientèle qui fume, pour s'attaquer à cette problématique-là et prendre les mesures requises. Donc, nous, on croit qu'inclure cette mesure-là dans ce projet de loi va aider les établissements.

M. Chartrand (Ronald) : Oui. Je veux juste apporter une précision. C'est sûr que ça touche le personnel du centre jeunesse, ça touche les bénévoles du centre jeunesse et les gens qui sont à proximité, mais il y a aussi les contractuels. Celui qui a un contrat au niveau de la peinture, par exemple, bien, ça va être écrit dans son contrat que, quand il vient sur terrain du centre jeunesse, bien il s'abstient de fumer. Tu sais, c'est au-delà... Dans ce sens-là, la loi vient aider tous les gens qui ont à venir à l'intérieur ou sur les terrains du centre jeunesse.

M. Lisée : Donc, auparavant, il y avait des abris pour les fumeurs. Et c'est devenu quoi, ces abris-là?

M. Chartrand (Ronald) : Les abris qu'on avait ont été transformés dans des aires de repos pour les jeunes puis le personnel, dans des espaces verts. Ça sert à d'autres vocations maintenant où les jeunes peuvent aller se divertir, là, jouer, prendre un lunch, là. C'est complètement changé. Il n'y a plus d'abri, là, nulle part.

M. Lisée : O.K. Donc là, maintenant, donc, ça a été transformé positivement en lieu de relaxation, de...

M. Chartrand (Ronald) : Exactement. Dans des espaces verts, je dirais. On a étudié les espaces verts des terrains de certains centres jeunesse à Montréal pour agrémenter davantage l'espace vert.

M. Lisée : Très bien. Alors, vous proposez, au-delà de votre action, que vous voulez généraliser à tous les centres jeunesse, d'étendre l'interdiction de fumer à l'ensemble des installations et terrains où sont hébergés... ou qui sont fréquentés par les jeunes, étendre l'interdiction de fumer aux terrains et aires de jeu pour enfants en général, étendre l'interdiction sur les terrains d'écoles primaires et secondaires et cégeps afin qu'il soit interdit de fumer en tout temps. Pour les cégeps, il y a des gens qui vont dire : Bien, écoutez, ils sont majeurs, là, au cégep.

Mme Hill (Lesley) : Sauf qu'on sait qu'il y a beaucoup de jeunes adultes qui s'initient quand même au tabagisme au collège ou à l'université. Donc, je pense que c'est un effort à donner dans les établissements publics du Québec. Après ça, on ne suit pas les gens chez eux. Mais, si on peut donner des environnements à nos jeunes... Puis, pour moi, «jeunes», ça n'arrête pas nécessairement à l'âge de 18 ans ou 17 ans et 364 jours. Donc, on doit vraiment essayer de donner un environnement favorable à l'ensemble de nos jeunes du Québec dans l'ensemble des établissements publics, à notre avis.

M. Lisée : Très bien. Mme Hill, M. Chartrand, je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie. Donc, pour la suite des choses, je cède la parole à la deuxième opposition pour une période de 8 min 30 s.

Mme Soucy : Merci, Mme la Présidente.

(Interruption)

Mme Soucy : Alors, un petit problème ici de cellulaire. Premièrement, félicitations pour votre initiative dans les centres jeunesse, hein? On sait que les jeunes sont sous la responsabilité de l'État, donc, pour moi, c'est évident que le gouvernement a le devoir de donner des bons exemples à ces enfants.

Votre projet d'environnement sans fumée était vraiment inspirant pour les autres établissements du réseau de la santé. Pour réussir ça, ça vous a pris, bon, de l'implication de tout le monde. Ça passe aussi par un changement de culture. Parlez-nous un petit peu de l'ampleur de cette implication-là que ça a pris pour réussir ça, le nombre d'heures consacrées, la logistique à travers ça pour arriver au résultat qu'on connaît.

M. Chartrand (Ronald) : La logistique?

Mme Hill (Lesley) : Bien, moi, je partirais juste en disant que ça prend une orientation claire et une vision claire. Donc, il faut être prêt à ce que ça vente un petit peu. Après ça, dans la logistique, je laisse Ronald répondre.

M. Chartrand (Ronald) : Bien, naturellement, ça prenait une équipe de base, une équipe forte de base, avec un... Là, c'est parce que je rentre dans le détail, là. C'est ce que vous voulez? La logistique; bien, moi, j'étais chargé de projet. On a impliqué les chefs de services de santé, comme je vous le disais, parce que toutes les actions auprès des jeunes étaient de la responsabilité... bien, une partie des actions importantes du service de santé; une conseillère cadre spécialiste en toxicomanie, parce que, là, on parle de dépendance; une coordonnatrice de la Santé publique qui est venue nous appuyer; quelqu'un au niveau des ressources humaines, au départ, parce qu'on s'est dit : Bon, comment vont réagir les syndicats? Ça prenait quelqu'un, là, qui vienne nous épauler; puis un responsable des communications parce qu'il y avait un enjeu important de communication. Comme je vous le disais, au fur et à mesure, il fallait que l'information circule autant auprès des jeunes que du personnel.

Cette équipe-là, à l'intérieur de chaque phase — on avait quatre phases — c'est le même coeur, puis, dépendamment des phases, se sont ajoutées d'autres personnes. Si on arrive dans une phase où il y a un nouveau directeur d'école, bien on va l'impliquer, On va impliquer un nouveau chef des services techniques, parce que, tu sais, il y a un volet technique là-dedans. Ça fait que l'équipe grossissait dépendamment des phases puis était en lien constamment avec les gens, les jeunes, les parents des jeunes et les intervenants qui avaient à vivre la phase présente. Je ne rentrerai pas trop dans...

• (16 h 50) •

Mme Hill (Lesley) : Peut-être, j'ajouterais, parce qu'on n'en a pas parlé, mais, pour le petit nombre qui en avait besoin, on avait aussi des consultations médicales et des thérapies de remplacement de la nicotine, donc gomme Nicorette, ou patchs, ou... mais sous prescription médicale.

Mme Soucy : Aviez-vous un budget pour ce projet-là en particulier ou vous l'avez pris dans l'enveloppe globale?

M. Chartrand (Ronald) : Il y avait un budget qui provenait du ministère de la Santé et Services sociaux, un budget qui avait été convenu pour supporter le centre jeunesse, là, à l'intérieur de deux ou trois années, là, pour réaliser le projet.

Mme Soucy : ...le budget qui vous avait été accordé?

M. Chartrand (Ronald) : Le budget, écoutez, environ, je crois que c'est 140 000 $, environ.

Une voix : ...

M. Chartrand (Ronald) : 120.

Mme Soucy : Tu sais, vu l'ampleur de ce que ça vous a pris pour arriver à ce résultat-là, est-ce que c'est réaliste, selon vous, qu'on impose ça aux autres établissements? Parce qu'au début tout le monde avait la volonté, hein, donc la volonté était là, mais là l'imposer aux autres établissements, ça ne veut pas dire que la volonté de tout le monde est là d'entrée de jeu.

Mme Hill (Lesley) : Sincèrement, je pense qu'on n'a pas le choix que d'aller dans cette direction-là dans l'ensemble des établissements d'un réseau public de santé quand on voit combien que ça coûte à un État, ces problèmes reliés au tabagisme, au niveau de la santé.

Mme Soucy : Tantôt, vous avez effleuré le sujet des conventions collectives. En fait, je voulais savoir est-ce que les conventions collectives permettaient aux employés de fumer en présence des enfants.

M. Chartrand (Ronald) : Naturellement, oui, ça le permettait, ça faisait...

Mme Hill (Lesley) : Ce n'était pas inscrit...

M. Chartrand (Ronald) : Non, ce n'est pas inscrit dans les conventions. Ce qui est inscrit dans les conventions... en tout cas, dans les conventions avec les deux syndicats où sont actuellement les centres jeunesse, c'étaient deux périodes de repos par jour : une le matin, une l'après-midi, dépendamment du climat de groupe. Si le climat de groupe ne s'y prête pas, ta présence est requise auprès des enfants. Donc, comme les jeunes ne fument plus, ça implique qu'ils évaluent entre eux s'il y aura la possibilité de prendre une pause. Prendre une pause, ça veut dire prendre une marche puis aller fumer à l'extérieur pas en présence des jeunes.

Mme Soucy : Pas à l'intérieur des murs du centre.

M. Chartrand (Ronald) : Jamais à l'intérieur des murs. Ça, c'est depuis 1994, là, qu'ils ne peuvent pas fumer à l'intérieur des murs. Mais là ce n'est même pas sur les terrains, il faut qu'ils aillent à l'extérieur des terrains, puis pas à la vue des enfants.

Mme Soucy : O.K. Puis ça, la négociation, ça a bien été avec le...

M. Chartrand (Ronald) : Oui. Je suis même surpris, parce que je m'attendais... Je me suis dit : Quand va arriver l'hiver, là, dans la première phase, comment ça va être, là? Ça s'est bien déroulé. Puis, en même temps, les gens, ils disent... il y en a qui ont eu comme réflexe de dire : Il y a des thérapies de remplacement qui existent, là, pour les adultes. Il y a des ordonnances collectives qui existent. Il y a des gens qui ont été chercher des thérapies de remplacement puis il y a des gens qui ont le réflexe de dire : Bien, je prends l'avion, des fois je suis huit heures sans fumer, mon quart de travail, c'est sept heures, tu sais? Les gens se rendent compte que, tu sais, ce n'est pas si...

Mme Soucy : Tantôt, vous me disiez que vous avez... vous m'avez confirmé, en fait, que vous avez eu un budget spécial qui avait été accordé pour ce projet-là. Est-ce que le faire... l'imposer, en fait, aux autres centres va exiger également cette enveloppe-là, de l'argent destiné pour ce projet-là?

M. Chartrand (Ronald) : Moi, je dirais, cette enveloppe-là; probablement pas, dépendamment de l'ampleur de l'organisation puis du centre jeunesse. Puis, en même temps, on apprend... On a bâti une expérience avec des partenaires. On peut apprendre de cette expérience-là aussi puis la répliquer dans une certaine mesure, là, sans nécessairement dire : C'est la même chose. Mais il y a des choses qu'on a apprises là-dedans, il y a des outils qui ont été bâtis, tu sais, il y a des outils qui ont été bâtis, des vidéos qui ont été bâtis, il y a des programmes d'activités qui ont été bâtis pour les jeunes. Ça fait que ça sera à...

Mme Soucy : O.K. Donc, ce serait à coût nul.

M. Chartrand (Ronald) : Je dirais que ça sera à évaluer.

Mme Soucy : À évaluer. O.K. À la fin, combien de personnes vont avoir arrêté de fumer grâce à votre initiative.

M. Chartrand (Ronald) : Arrêté de fumer?

Mme Soucy : Oui, qui vont avoir cessé le tabagisme.

M. Chartrand (Ronald) : Ça, actuellement, on n'est pas en mesure de vous le dire, sauf qu'ils ne fument pas durant... mais on est en train... Pour ce qui est de la phase I, comme je le disais tantôt, chaque jeune est rencontré par une infirmière ou un infirmier pour voir où il en est rendu dans sa consommation. Puis, au niveau du personnel, il y a un questionnaire qui va être, début septembre, remis à chacun des chefs de service. Ça va être regardé en équipe, puis là ils vont évaluer, ils vont regarder il y en a combien qui ont arrêté complètement, il y en a combien qui ont diminué...

Mme Soucy : O.K. Ça va être disponible à la fin de la dernière étape. O.K.

M. Chartrand (Ronald) : Ça va être disponible puis ça va être fait pour chacune des phases pour faire un rapport, là, au ministère, là, à la fin de l'opération.

Mme Soucy : Merci.

La Présidente (Mme Montpetit) : Mme Hill, M. Chartrand, je vous remercie pour votre présentation.

Et donc je suspends les travaux pour permettre à l'autre groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 56)

(Reprise à 16 h 59)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous poursuivons nos travaux et nous accueillons maintenant les représentants et représentantes de la Corporation des propriétaires de bars, brasseries et tavernes du Québec. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation et, par la suite, vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Je vous demanderais d'entrée de jeu de bien vouloir vous nommer, préciser vos fonctions. Et la parole est à vous. Merci.

Corporation des propriétaires de bars, brasseries
et tavernes du
Québec inc. (CPBBTQ)

M. Poulin (Renaud) : Renaud Poulin, P.D.G. de la Corporation des propriétaires de bars, brasseries et tavernes du Québec.

Mme Gagnon (Lise) : Lise Gagnon; je fais partie du conseil d'administration de la Corporation des propriétaires de bars.

M. Hamel (Olivier) : Olivier Hamel; je fais partie du conseil d'administration de la corporation des propriétaires de bars du Québec.

• (17 heures) •

M. Beauchamp (Jean-Jacques) : Et Jean-Jacques Beauchamp; je suis le président du conseil d'administration de la corporation des propriétaires de bars du Québec et je tiens à vous remercier de nous avoir invités à la commission aux fins de vous soumettre nos principales observations et interrogations relativement au projet de loi n° 44. Notre corporation existe depuis 1993 et regroupe près de 1 400 membres propriétaires et tenanciers d'établissements licenciés partout dans la province.

La loi québécoise encadrant le tabac dans les débits de boissons est déjà l'une des plus strictes au monde. Les autres juridictions ayant des interdictions de la sorte accordent le plus souvent des exemptions permettant, par exemple, d'avoir des fumoirs séparés et ventilés.

En plus d'interdire complètement les fumoirs, le Québec propose maintenant d'interdire de fumer sur toutes les terrasses et à proximité de tous les établissements. Avec l'interdiction de fumer autant à l'intérieur que sur les terrasses, les établissements québécois n'auront, à toutes fins pratiques, plus aucun espace à offrir à leurs clientèles de fumeurs. Ceci crée une situation très difficile qui aurait pu être évitée si le gouvernement avait accepté en 2005 de créer des fumoirs fermés et ventilés, comme cela se fait presque partout ailleurs dans le monde. Selon les groupes antitabac, il s'agit simplement de suivre une tendance, mais cette soi-disant tendance n'existe nulle part ailleurs qu'en Ontario. On ne retrouve d'interdiction de fumer sur les terrasses extérieures dans aucun État américain, pas plus que dans un seul pays d'Europe. Même les juridictions qui ont interdit de fumer à l'intérieur avant que le Québec ne suive leur exemple en 2006 n'ont jamais interdit de fumer sur les terrasses. Ceci inclut l'État de New York en 2003; la Californie en 1994 pour les restaurants, en 1998, pour les bars; l'Irlande et la Norvège en 2004; et la Suède et l'Italie en 2005. La Coalition québécoise pour le contrôle du tabac clame que Montréal est la seule grande ville canadienne sans interdiction de fumer sur les terrasses. Il y a également Winnipeg et Québec qui n'ont pas de tel règlement. Dans la plupart des villes où il existe une telle interdiction, c'est la municipalité elle-même qui a adopté la mesure. Or, bien que les municipalités du Québec aient aussi ce pouvoir, pas une seule n'a senti le besoin de le faire. Les établissements québécois ont déjà la possibilité de déclarer leurs terrasses zones sans fumée, à la demande de leurs clients ou de leurs employés. Or, on connaît peu de cas où ils ont utilisé ce privilège.

Quant au contexte économique, en dépit des affirmations des groupes antitabac, la Loi sur le tabac a provoqué de fortes pertes financières. Les propriétaires de bars ne sont pas les seuls à l'affirmer. Même Loto-Québec l'a reconnu noir sur blanc dans un de ses mémoires. La fameuse nouvelle clientèle qui avait été annoncée en 2005, lors de l'adoption de la loi, ne s'est pas manifestée. L'industrie brassicole fait état d'une baisse actuellement, là, cumulative de 36 % des achats depuis 2006. Je tiens à vous référer au tableau que vous avez en annexe, qu'on vous a produit. Ce sont des statistiques qui émanent des brasseurs du Québec toutes chaudes et toutes récentes. Il y a une baisse, depuis 2005, de 36 % des achats effectués auprès des brasseurs.

Pour amortir les impacts économiques, la loi de 2005 a reconnu aux commerçants le droit de conserver des terrasses, qui leur a permis de retenir une partie importante de leurs clientèles. En dépit de cette concession, de nombreux établissements ont fermé leurs portes ou ont dû réduire leurs activités en 2006. Les pertes d'emploi, comme les pertes économiques, ont été importantes. L'interdiction du tabac sur les terrasses ne rayera pas entièrement notre industrie mais l'affaiblirait une fois de plus. Ce serait une mesure très regrettable de la part du gouvernement, qui s'est fait élire sur la promesse de créer 250 000 emplois et de favoriser la croissance des PME. Bien que le gouvernement prétende cibler les multinationales du tabac, seuls les propriétaires de bars et les restaurants feront les frais de ce projet de loi. La seule mesure qui inquiète vraiment l'industrie du tabac actuellement, c'est l'emballage neutre, ce qui ne semble pas être de juridiction exclusive québécoise, mais bien fédérale.

Au niveau de l'application, le projet de loi interdit en sus de fumer dans un rayon de neuf mètres de l'entrée d'un édifice ouvert au public. Or, dans certains endroits, comme au centre-ville de Montréal, les trottoirs ont moins de neuf mètres de largeur, et les commerces se succèdent de manière serrée et continue, créant une interdiction de fumer de facto sur de vastes zones urbaines. Le projet de loi permet d'établir un abri pour fumeurs dans un site extérieur appartenant à l'établissement, mais cet abri ne peut être installé à moins de neuf mètres de la porte d'entrée d'un commerce. Cette mesure discrimine fortement les établissements en milieu urbain serré et les petits établissements dont la propriété extérieure ne s'étend pas à neuf mètres de la porte.

Le projet de loi prévoit des amendes qui peuvent aller jusqu'à 50 000 $ — et à 100 000 $ en cas de récidive — non seulement pour les clients surpris sur le terrain extérieur d'un commerce, mais aussi pour le commerçant lui-même. Cette disposition est démesurée et injuste. Comment le commerçant est-il censé savoir ce qui se passe hors de son établissement, surtout s'il n'a pas de terrasse et que son personnel est confiné à l'intérieur et qu'il y a des obligations imposées par la SLVQ de surveiller ses appareils de loterie vidéo quand il en a? On ne peut pas quitter le plancher pour aller vérifier, à 30 pieds de l'établissement, s'il y a quelqu'un qui fume et lui interdire de le faire. Dans ce contexte, comment peut-on légitimement parler de présomption de tolérance de la part du commerçant, comme le stipule pourtant la Loi sur le tabac?

Au niveau de la santé publique, les promoteurs du projet de loi justifient l'interdiction de fumer sur les terrasses en évoquant la protection des travailleurs. Or, le projet de loi permet pourtant de fumer à l'intérieur des salons de cigares et des bars à chichas. On peut présumer que les employés de ces établissements sont beaucoup plus exposés à la fumée que ceux des terrasses extérieures. Quand on a demandé au Dr Philippe Couillard en 2005, alors ministre de la Santé, si les employés des salons de cigares avaient aussi droit à un environnement sans fumée, il a répondu que les employés avaient le choix de travailler ou non dans ces établissements. Pourquoi la loi reconnaît-elle ce choix aux employés de salons de cigares et pas à ceux des terrasses, pourtant moins exposés? Le projet de loi fait ainsi deux poids, deux mesures et manque d'équité. Par ailleurs, nous faisons actuellement campagne pour protéger notre clientèle du GHB — la drogue du viol — parfois versée dans les verres des clientes à leur insu. Le projet de loi, en forçant les clientes à s'éloigner de l'établissement pour fumer, les force aussi à quitter de vue leurs verres pendant une période prolongée, ce qui facilite la tâche aux individus voulant droguer leurs consommations.

Au niveau des produits alternatifs, l'interdiction de la cigarette électronique aura des conséquences sur la sécurité dans les établissements. La majorité des employés dans notre secteur d'activité sont des fumeurs. Plusieurs se sont tournés vers la cigarette électronique, ce qui leur permettait de demeurer dans l'établissement et d'assurer en tout temps la surveillance des lieux. L'interdiction de la cigarette électronique augmentera l'attroupement autour des commerces et par conséquent amplifiera le problème de la tranquillité publique.

Selon nous, la loi proposée serait l'une des plus sévères au monde et elle ne répond pourtant à aucun besoin exprimé par la population, les employés ou même les municipalités québécoises, qui auraient le pouvoir de réglementer ce domaine et qui ont choisi de ne pas le faire. Le projet de loi repose aussi sur des distances limites ou des concepts, là, d'abri fumeurs qui sont totalement inapplicables en milieu urbain. Il tient aussi les propriétaires de bars responsables de ce qui se passe en dehors de leurs établissements alors qu'ils n'ont aucun moyen concret d'y exercer une surveillance. Aussi importante que soit la question de l'impact du tabac sur la santé, le projet de loi, tel qu'actuellement conçu, n'implique pas seulement le tabac et la santé, il touche également à l'équité, à la responsabilité, au commerce, à l'emploi, aux revenus légitimes d'hommes et de femmes honnêtes à la grandeur de la province.

À quelques exceptions près, le projet de loi est un reflet d'une liste d'épicerie des demandes du lobby antitabac. MM. et Mmes les députés, vous avez déjà entendu et vous allez continuer d'entendre, dans les prochains jours, des groupes présentant la réalité de façon à légitimer leurs demandes et à servir leurs intérêts. Ils vous soumettront, entre autres, que, si le taux du tabagisme diminue, c'est un signe que les mesures qu'ils ont proposées fonctionnent et que le gouvernement doit continuer de les appuyer et de les augmenter. Par contre, ils vous diront que, si le taux de tabagisme stagne ou qu'il augmente, c'est un signe que l'industrie du tabac est en train de gagner la bataille et que le gouvernement doit appuyer les mesures qu'ils proposent. Si nous soumettons, nous, que les mesures ont un impact économique négatif potentiel, ils minimiseront l'impact, disant qu'il est mineur ou nul. Si notre industrie démontre hors de tout doute qu'il y a eu un impact réel, alors ils vont soumettre que le gouvernement doit faire passer les considérations de santé publique avant les considérations économiques, de toute façon.

• (17 h 10) •

Si les propriétaires de bars parlent de tabac et de santé, ils vous diront que nous ne sommes pas qualifiés pour le faire. Si par contre ces groupes veulent parler de l'industrie des bars et de la vie nocturne, alors eux, ils sont qualifiés pour le faire. Si notre industrie présente des données ou une étude faites par des commerçants, alors... celle qu'on vous présente, là, qui est de l'Association des brasseurs du Québec, alors, si notre industrie présente les données d'une telle étude, alors cette étude est biaisée et non crédible. Si on présente une étude faite par des organismes publics et parapublics, alors il s'agit d'étude objective et crédible. Évidemment, la réalité est toujours présentée en noir ou en blanc : soit vous dites que la loi va causer une catastrophe économique, soit vous dites que la loi n'aura aucun impact économique. Malheureusement, la réalité est tout autre. On comprend que vous vouliez attaquer les compagnies de tabac. Or, avec le projet de loi n° 44, ce n'est pas aux cigarettiers que vous vous en prenez, c'est aux propriétaires de bars et à leurs employés.

En conclusion, nous considérons donc que l'interdiction de fumer sur les terrasses vient briser un équilibre entre les droits des fumeurs et des non-fumeurs qui avait fini par faire consensus. Le poids financier de cette interdiction, qu'accompagnent d'autres restrictions difficiles à appliquer en pratique, frappera lourdement les bars, tandis que des établissements comme les salons de cigares et les bars à chichas ne seront soumis à aucune restriction. À nos yeux, il faut rejeter ou grandement amender ce projet de loi, l'un des plus restrictifs au monde, difficile à appliquer et discriminatoire, qui fera perdre de nombreux emplois dans l'industrie et dont l'acceptabilité sociale est plus qu'incertaine. La loi actuelle, elle fait le travail en respectant l'individu. Les propriétaires de bars, au cours des années, depuis 2005, ont investi de fortes sommes pour accommoder l'application de la loi, et on va continuer de le faire. En sus d'avoir à appliquer des mesures concernant le tabac, il y a aussi les MEV qui s'en viennent, qui sont d'autres dépenses qu'on devra assumer à compter de 2016. Alors, pourquoi pénaliser notre industrie quand la majorité des terrasses au Québec sont ouvertes six mois par année? Le tout est humblement soumis.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, à la demande de Mme la ministre, elle vous a octroyé de son temps. Donc, de 10 minutes, vous avez eu une présentation de 13 min 30 s pour vous permettre évidemment de tout exprimer votre pensée. Et maintenant la période d'échange, sans plus tarder, Mme la ministre, pour un bloc de 20 min 30 s.

Mme Charlebois : Alors, M. Beauchamp, Mme Gagnon, M. Hamel et M. Poulin, merci de vous être déplacés, de venir nous faire part de vos préoccupations. Sachez que les préoccupations de tous sont entendues, pas spécifiquement un groupe par rapport à un autre, mais les préoccupations de tout le monde. C'est d'ailleurs pour ça qu'on reçoit les gens qui ont signifié leur intérêt de venir en commission parlementaire.

Et je vais me permettre de corriger certains éléments de votre mémoire, ensuite on va pouvoir participer à un échange, parce qu'il y a des éléments sur lesquels je me questionne, mais en tout cas je ne suis pas tout à fait d'accord, quand vous dites : Selon les groupes antitabac, il s'agit seulement de suivre une tendance, mais soi-disant cette tendance n'existe nulle part, excepté en Ontario. On retrouve une interdiction de fumer sur les terrasses extérieures dans aucun État américain, pas plus que dans un seul pays d'Europe. Mais ici, au Canada, là, que je sache, il y a l'Ontario, l'Alberta, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick... bref, les provinces, sauf le Manitoba et la Colombie-Britannique, toutes ont interdit la fumée sur les terrasses. Est-ce que vous êtes au courant de ça?

M. Poulin (Renaud) : Juste avancer — je vais vous répondre à ça : Nous, on est une association de propriétaires de bars, on n'a pas de fonds publics pour faire les recherches. On fait les recherches du mieux qu'on peut, on fait les recherches aussi avec des gens qui travaillent dans les autres provinces, puis tout ça. L'information qu'on avait, elle était beaucoup plus provinciale ou municipale que tout ça. On ne prétend pas que nos données sont parfaites, mais on les a quand même transmises du mieux qu'on pouvait.

Mme Charlebois : O.K. Alors, bien, je vous informe qu'il y a d'autres juridictions qui l'ont fait.

Et je veux aussi vous dire que, quand vous nous faites part qu'à l'intérieur des salons de cigares et bars à chichas... Je ne sais pas si vous avez entendu leur présentation ce matin. Eux autres aussi, ils ont un impact, dans le sens où, quand on parle d'interdiction de saveurs, etc., ils nous ont fait part de leurs préoccupations. Alors, c'est plus ou moins vrai qu'ils ne seront pas impactés, eux aussi. Je voulais juste vous en informer. Parce que je comprends, là, que pour vous vous n'êtes pas là à temps plein à lire toute la réglementation puis à voir tous les mémoires de tout le monde, mais je voulais aussi vous informer de ça et aussi vous dire que, quand vous dites que, selon vous, la loi proposée serait l'une des plus sévères au monde, elle ne répond pourtant à aucun besoin exprimé par la population, les employés, ou même les municipalités québécoises... auraient le pouvoir de réglementer, etc., et qui ont choisi de ne pas le faire...

Il y a eu un sondage Léger Marketing. Ce n'est pas le ministère de la Santé, ce n'est pas les élus que nous sommes, c'est Léger Marketing qui a fait un sondage entre le 9 et le 15 juillet qui nous a dit que 71 % des Québécois étaient d'accord à ce qu'on abolisse la fumée de tabac sur les terrasses. Je vous le relate comme ça, parce que, comme vous dites, vous n'avez pas le moyen de suivre toutes les statistiques, toutes les choses, puis je comprends ça, j'étais en affaires avant.

M. Poulin (Renaud) : ...Mme la ministre.

Mme Charlebois : Pardon?

M. Poulin (Renaud) : On peut vous répondre. Nous, on fait nos sondages avec les gens qui fréquentent nos établissements. Qu'est-ce qu'on déplore un peu des sondages, c'est qu'ils vont un peu plus large, ils questionnent des gens qui ne fréquentent pas nos établissements puis qui disent : Ah! ils vont se dire pour. Mais, nous, soyez assurés d'une chose, si les sondages dans nos commerces nous diraient que les gens qui les fréquentent, ils n'en veulent pas sur le tabac, on serait les premiers à l'interdire. Il y a déjà des commerçants qui l'ont fait. Vous savez aussi bien que, les sondages, on peut les faire parler à qu'est-ce qu'on dit aussi. Nous, on en avait un aussi qu'on a fait il y a quelques années qui disait un peu le contraire. Tout dépend de comment on pose la question aussi.

Mme Charlebois : Vous avez raison. Puis j'ai fait plein de terrasses cet été, puis, les gens, quand ils me voyaient arriver, devinez à quoi ils pensaient, hein? L'interdiction de fumer. Et je vous dirai que même les fumeurs se sentaient bien à l'aise, en tout cas peut-être parce qu'ils m'aiment beaucoup, là, mais on va dire ça comme ça. Je veux aussi vous amener sur le fait que vous dites qu'on va briser un équilibre. Puis je ne veux pas que vous pensiez, là, que je suis en opposition avec vous autres, là. Je fais juste vous amener des points sur lesquels, c'est sûr, on va être interpelés. Et, quand on dit qu'on garde un équilibre entre les droits des fumeurs et des non-fumeurs, bien, dans la Charte des droits... fumer, ce n'est pas un droit, en passant, puis sur le droit des fumeurs prime sur le droit à la santé des individus. Ça, ça fait partie de la Charte des droits et libertés. Alors, il faut faire attention quand on écrit des choses comme ça.

Bon, un coup qu'on a tout dit ça, là, on a rectifié certains faits, vous me parlez de la baisse des ventes de 36 % depuis 2006. Est-ce que vous considérez qu'il n'y aurait pas d'autre facteur ou... Peut-être que le tabac est un des facteurs, puis je ne contredis pas votre donnée, là. Ce que je veux savoir, c'est est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a d'autres facteurs qui ont pu réduire vos ventes ou vos achats chez les brasseurs. Exemple, un autre facteur qui pourrait être assez important, c'est le taux à 0,08 d'alcoolémie.

M. Poulin (Renaud) : On pense comme vous, on ne prétend pas que la baisse est due à seulement qu'à un seul et unique facteur. Quand on discute avec les gens de l'industrie, on va identifier plusieurs facteurs. Le premier facteur, c'est les lois, qui sont sévères, sur l'alcool. C'est le premier facteur. Et le deuxième facteur, c'est le tabac.

Si vous regardez le tableau, en 2007, il y a eu un impact important quand la loi a passé, c'était vraiment le tabac. On discutait juste de ça. Si vous regardez les chiffres de la société des loteries vidéo, le volet loteries vidéo, on parle de perte de revenus de 250 millions. Mais il y a différents facteurs. Mais nous, on n'a pas le choix, nos clients qui viennent chez nous, la majorité des clients sont fumeurs, et on doit aussi les respecter. On a participé en 2005 à trouver des solutions pour accommoder ces gens-là. La terrasse a été la solution, ce qui a permis, d'après nous, là, de causer beaucoup moins de pertes financièrement. Et on remercie encore M. Couillard, dans le temps, qui avait été ouvert là-dessus.

Mme Charlebois : Parce que vous nous faites mention, là : Sur les terrasses, c'est interdit, puis il y a plein de places où les gens ne pourront plus fumer. Vous êtes conscients que le neuf mètres s'applique mais jusqu'à la fin du terrain, donc, les gens peuvent fumer sur le trottoir. Ça, vous savez ça?

M. Beauchamp (Jean-Jacques) : C'est parce que, là, vous déplacez le problème. Ça va être un autre problème, là. Moi, j'ai un commerce qui est en face d'une station de métro. Alors, les gens, ils vont aller sur le trottoir, ça va causer un problème de... pas de santé publique, mais de propreté, on va devoir intervenir là-dessus. Moi, chez moi, j'ai une terrasse. Je ne pourrai pas avoir mon abri fumeurs, cet hiver, sur la terrasse, du moins quand la loi va entrer en vigueur. Je ne pourrai pas non plus la déplacer, parce que neuf mètres, c'est 30 pieds.

Alors, si j'ai deux entrées par l'arrière, est-ce que le neuf mètres s'applique uniquement sur la voie publique ou par mon entrée arrière, qui est par une entrée dérobée par un terrain à l'arrière? Ça, il faudrait peut-être... je ne dis pas «accommoder», mais préciser. Si le neuf mètres s'applique sur la voie publique — moi, je suis sur un coin de rue — alors c'est neuf mètres d'un côté et neuf mètres de l'autre, c'est 30...

• (17 h 20) •

Mme Charlebois : Bien, c'est neuf mètres de votre porte d'établissement, là, sur le terrain de l'établissement.

M. Beauchamp (Jean-Jacques) : Bien, si je suis sur le coin de la rue, Mme la ministre, là, c'est neuf... ça va être juste un côté, je vais permettre de fumer à...

Mme Charlebois : Non, non, mais neuf mètres sur votre terrain.

M. Beauchamp (Jean-Jacques) : Bien, mon terrain, il est sur le coin de la rue, là.

Mme Charlebois : Bien, c'est ça. Mais à la limite de votre terrain, au coin, là, ça va s'arrêter, là.

M. Beauchamp (Jean-Jacques) : Ça fait un éventail de neuf mètres tout le tour, là : ça fait 30 pieds d'un côté, 30 pieds de l'autre puis 30 pieds en avant.

Mme Charlebois : Bien, vous allez avoir de la place pour mettre votre fumoir.

M. Beauchamp (Jean-Jacques) : Ça fait 270 degrés, là. On va faire quoi? On va aller de l'autre côté de la rue? J'ai une station de métro, je vais aller dire aux gens : Tu n'as pas le droit...

Mme Charlebois : Mais il n'y a pas de trottoir au bout de votre établissement, là?

M. Beauchamp (Jean-Jacques) : Bien oui, je suis sur un coin de rue en avant d'une station de métro. Alors, comment je vais gérer ça?

Mme Charlebois : Mais, si vous faites un coin, là, le trottoir doit faire le coin aussi, il doit y avoir deux angles...

M. Beauchamp (Jean-Jacques) : Oui, oui, tout à fait, tout à fait, mais c'est...

Mme Charlebois : ...ça doit être perpendiculaire, je ne peux pas croire; le monde ne marche pas par les airs.

M. Beauchamp (Jean-Jacques) : Non, non, Mme la ministre, c'est parce que neuf mètres, c'est 30 pieds, à peu près, là, O.K.? D'un côté, j'ai une rue puis, de l'autre côté, j'ai l'autre rue. Où va s'appliquer le 30 pieds?

Mme Charlebois : Ça va se finir avec votre terrain de votre établissement. Alors, mettons que ça, ici, là, c'est votre terrain, hein? Bien, ici, le trottoir, là, les deux côtés, là, les gens vont pouvoir aller fumer. Le 30 pieds, là, il n'est plus là, là.

M. Beauchamp (Jean-Jacques) : Ils ne pourront pas aller fumer, c'est une interdiction de neuf mètres.

Mme Charlebois : Sur votre terrain d'établissement.

M. Poulin (Renaud) : Mais, Mme la ministre...

Mme Charlebois : Comprenez-vous ce que je veux dire?

M. Poulin (Renaud) : ...on comprend, mais on ne comprend pas votre solution, parce qu'on ne peut quand même pas envoyer nos clients sur le trottoir. C'est une place publique. C'est impensable. Les gens, ils vont se regrouper là en 10 puis en 15. Les policiers, ils vont les faire évacuer. Les gens ne peuvent pas se regrouper. Il y a des lois municipales qui empêchent ça, là. On va créer un autre problème, puis, la responsabilité, qui qui va l'avoir vis-à-vis des policiers s'il se passe quelque chose sur le trottoir? Ça va être les commerçants?

M. Beauchamp (Jean-Jacques) : C'est quoi, les critères? C'est les policiers qui vont appliquer ça.

Mme Charlebois : Comment vous gérez ça l'hiver, quand les terrasses sont fermées? Les restaurants sont là... Là, ce n'est pas vous, les restaurants, mais je connais des propriétaires de restaurants, c'est la même affaire, puis ils vont dehors, les gens.

M. Beauchamp (Jean-Jacques) : Chez nous, là, moi, j'ai un abri...

Mme Charlebois : Avez-vous un restaurant?

M. Beauchamp (Jean-Jacques) : ...un abri fumeurs, je me suis acheté un abri Tempo, là, puis ils s'en vont fumer là, dans le fond de la terrasse, qui est fermée et à aires ouvertes. Alors là, je ne pourrai plus faire ça, parce que mon entrée arrière, là, c'est neuf mètres. Vous dites : C'est sur la... Je comprends ce que vous dites, mais, si on interprète la loi dans sa facture proposée, on peut l'interpréter et dire : Non, non, c'est à neuf mètres, 30 pieds, de ta porte. Mais moi, là, à 30 pieds, là, j'arrive chez le voisin. Tu sais, il faudrait peut-être...

Mme Charlebois : 30 pieds sur votre terrain.

M. Beauchamp (Jean-Jacques) : Tu sais, il faudrait peut-être s'accommoder là-dessus, là. S'il y avait une ouverture gouvernementale nous permettant...

Mme Charlebois : Pour le fumoir, avec ventilation.

M. Beauchamp (Jean-Jacques) : ...pour un fumoir fermé, avec un certain pourcentage de piétage, peut-être que...

M. Hamel (Olivier) : Mais j'ai juste une... Mme la ministre, bonjour.

Mme Charlebois : Oui. Excusez-moi.

M. Hamel (Olivier) : Oui. Olivier Hamel. Je suis propriétaire d'un billard qui est situé au deuxième étage dans un centre d'achats. Il y a plusieurs commerces adjacents, donc, ma porte d'entrée est située à côté de la porte de plusieurs autres commerces, donc, on ne peut pas gérer dehors. Ça fait 15 ans qu'on fait ça. Je veux dire, les employés doivent rester en haut. Donc, si je comprends bien, les policiers, qui vont appliquer la loi, qui appliquent d'ailleurs très bien les lois... je vais être obligé d'avoir, à neuf mètres de ma porte d'entrée, pas de fumeur. Puis il y a plusieurs autres commerces qui sont là, il y a des salons de coiffure, il y a du monde qui fume dehors. Ça va être le chaos, là. Puis déjà nous autres, on a beaucoup, beaucoup de difficultés à appliquer la réglementation, parce que la loi antitabac a forcé les gens à aller dehors, donc, plusieurs essaient de sortir avec leurs verres, plusieurs personnes tentent...

Une voix : ...

M. Hamel (Olivier) : O.K. Plusieurs personnes tentent de sortir dehors avec leurs boissons alcoolisées, il faut effectuer beaucoup de contrôle à ce niveau-là le soir, et puis physiquement ce n'est pas possible. Tu sais, on ne peut pas aller dehors puis continuellement gérer. Nous autres, notre job, dans le fond, c'est d'assurer la sécurité des gens qui sont à l'intérieur de notre commerce, avoir une sécurité aussi à l'extérieur. Mais déjà on a beaucoup, beaucoup de lois à appliquer, on a beaucoup de choses, on a beaucoup de règlements concernant des employés, des vérifications quand il y a des loteries vidéo, plusieurs choses, la sécurité, et tout ça. Mais, en plus, être obligés d'aller au rez-de-chaussée, payer un employé qui est là à temps plein pour vérifier le neuf mètres, c'est inapplicable. Puis qui va fumer? La coiffeuse à côté de chez nous? Je ne le sais pas, madame, là, je ne peux pas comprendre.

Puis, en plus de ça, juste un autre point, c'est que récemment... le vapotage est de plus en plus populaire, puis moi, j'encourageais fortement mes employés... On est dans un établissement 18 ans et plus, donc un établissement où est-ce que les gens qui ont à fumer fumaient probablement déjà. Donc, mes serveuses ou mes serveurs sont là, puis là je leur dis : Là, vous pouvez vapoter. C'est comme un prétexte, dire : Là, vous allez vous mettre à vapoter au lieu d'être obligés de descendre en bas puis de, justement, commettre quelque chose qui serait illégal, de quitter son poste de travail. Donc là, en plus, on va interdire, là, ce petit vacuum là, là, qu'on avait, là, qui faisait descendre un petit peu la pression, là, en disant : Écoutez, achetez-vous des cigarettes électroniques, tout ça. Je ne pourrai pas physiquement gérer cette réglementation-là, ça va être impossible.

Mme Gagnon (Lise) : Mme la ministre, nous sommes des citoyens ici, là, nous sommes aussi des entrepreneurs, on a des entreprises et des emplois à protéger.

Admettons que, dans mon bar, moi, à Québec, ici, là, j'ai de la place à installer un abri à neuf mètres de ma porte d'entrée, est-ce qu'il faudrait savoir s'il est à neuf mètres de la porte d'entrée ou à neuf mètres du permis de la terrasse? Ça veut dire qu'instinctivement les gens qui vont vouloir aller peut-être dans ce nouvel abri là pour fumer vont avoir le réflexe de partir avec leurs consommations, qu'ils ont tous le réflexe de partir avec leurs consommations. Ils vont tous l'avoir. Il va falloir qu'on mette quelqu'un sur le coin pour dire : Non, non, non, tu ne peux pas t'en aller là, parce qu'il n'y a pas de permis dans l'abri, là. La police, elle va passer puis elle va me donner un ticket de 300 $, puis le prochain, ça va être 500 $. Ça fait qu'il va falloir mettre quelqu'un sur le coin de la terrasse pour dire au client : Tu ne peux pas t'en aller là. Les clients vont croire qu'on n'a pas pris leur point de vue, et c'est vrai... ce qu'on mentionnait dans notre chose, c'est vrai que, la loi, on a dépensé des dizaines de milliers de dollars pour s'installer, pour faire une place à nos fumeurs. Puis, dans mon établissement — je vous jure que je n'exagère pas — 75 % des gens fument. Ceux qui ne fument pas, bien ils restent en dedans puis ils n'ont pas de fumée de cigarette, puis ils sont bien contents, puis les autres, ils vont fumer dehors. Puis qu'est-ce qu'ils font l'hiver? Ils vont quand même fumer dehors, même s'ils gèlent. Mais ils fument. Ils vont fumer pareil. Mais il y a plein de choses dans la loi qui ne pourront pas fonctionner, qui sont inapplicables.

Mme Charlebois : Est-ce que la limite du neuf mètres de votre terrain pose problème, vous aussi?

Mme Gagnon (Lise) : Oui. Il va falloir dépenser combien de milliers de dollars, s'il y a une situation financière, pour installer un abri là? Puis là il va falloir qu'on engage quelqu'un pour surveiller, là, le client qui ne voudra pas aller là-bas. La ville va nous demander un plan d'architecte, va nous demander des plans d'implantation, un certificat de localisation, ça ne finira plus. On ne pourra pas mettre un abri Tempo là, avec des autos qui passent, parce que je vais avoir trop peur qu'il arrive un accident. Alors, ils vont s'en aller là. Et puis ils n'iront pas, ils vont rester chez eux.

Mme Charlebois : Mais là, en ce moment, l'hiver, ils vont fumer sur la terrasse?

Mme Gagnon (Lise) : Ils fument sur la terrasse. Même s'il fait froid, ils fument sur la terrasse. La plupart... tous les bars que je connais... ils restent à l'intérieur.

Mme Charlebois : Les non-fumeurs sont sur la terrasse aussi en ce moment, en été, avec les fumeurs?

Mme Gagnon (Lise) : Oui.

Mme Charlebois : Et les serveurs, serveuses sont aussi avec tout le monde qui fume?

Mme Gagnon (Lise) : Oui, parce qu'ils fument tous.

M. Beauchamp (Jean-Jacques) : ...partout dans l'établissement.

Mme Gagnon (Lise) : Non, non.

Mme Charlebois : Non, non. Il n'est pas supposé d'avoir de fumée à l'intérieur.

M. Beauchamp (Jean-Jacques) : Non. Excusez-moi. Les serveurs servent intérieur et extérieur. À l'intérieur, on ne fume pas, c'est bien sûr.

Mme Charlebois : O.K. J'ai eu peur pendant 30 secondes.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Beauchamp (Jean-Jacques) : Oui. N'ayez crainte.

Mme Gagnon (Lise) : ...ça va bien. Ça a pris du temps. Combien de temps que ça nous a pris à dire au client qui, spontanément, sortait sa cigarette : Non, non, tu ne peux pas? Ça nous a pris sept, huit mois, neuf mois. Ça s'est bien passé, parce qu'il y avait une autre alternative. Mais, avec les baisses qu'on a eues, les baisses de Loto-Québec qu'on a eues, c'est sûr que, les gens, ça va être encore un... C'est une industrie, et je pense qu'on a fait notre part à date, là. On a fait notre part à date, là. Tous nos employés fument.

Mme Charlebois : Est-ce que, depuis la loi de 2005, il y a beaucoup d'établissements qui ont fermé?

Mme Gagnon (Lise) : Dans mon coin — je suis dans le coin du nord de la ville, le bar est sur le boulevard de l'Ormière — j'ai vu fermer un établissement qui avait 40 ans. Lui, il a ouvert, il a fermé, il a ouvert, il a fermé. Bon, là, depuis deux, trois ans, il est fermé. Un autre sur la rue Racine, deux ou trois petits bars dont j'ai oublié les noms, là, il y en a tellement... Ceux qui sont là toujours, ce sont des gens qui sont en affaires depuis très longtemps comme moi. Ils ne sont pas remplacés. Ceux qui ont fermé, il n'y a personne qui a...

Mme Charlebois : Ceux qui ont fermé, vous pensez que c'est attribuable à l'arrêt de tabagisme de 2005 à l'intérieur des établissements?

Mme Gagnon (Lise) : Bien, ça n'a pas fermé là, là, sur le coup, vous savez, ça a été une diminution du chiffre d'affaires, puis, malgré les bars qui ont fermé, moi, dans mon secteur — je vous parle de mon secteur — le chiffre d'affaires, là, il n'a pas augmenté, là.

• (17 h 30) •

M. Hamel (Olivier) : Mais je pense qu'il y a un vent... comme on dit, on a un vent de face, là. Il y a les lois sur l'alcool au volant, qu'on comprend, il y a les lois sur le tabagisme, les taxes sont très, très élevées concernant des panoplies de permis. Il y a peut-être une question de popularité. Des discothèques, par exemple, on n'en voit pratiquement plus au Québec. Donc, c'est ce qui fait qu'aujourd'hui... Avant, ça fermait souvent, puis on avait un autre nom, puis ça repartait. Aujourd'hui, bien, on voit, ça disparaît, ça disparaît. Je connais beaucoup les Laurentides, là. Avant, les villages avaient leur petit bar où que le monde allait socialiser. Ils sont pratiquement tous fermés aujourd'hui, tu sais. Donc, c'est clair, là, l'industrie est tough, là, puis ce serait un autre élément...

Mme Charlebois : Ce que vous me dites, c'est qu'il n'y a pas que ça, mais que ça, ce serait comme un surplus qui ferait en sorte que ça vous ajouterait une difficulté. C'est ça que vous me dites?

M. Poulin (Renaud) : ...c'est que c'est évident qu'on va avoir des pertes causées par ça. Si vous prenez votre projet de loi, si vous ne voulez pas vous asseoir avec les commerçants pour trouver des solutions, il va y avoir des pertes. On ne peut pas envoyer les gens à 30 pieds, c'est impossible.

Mme Charlebois : Avez-vous une suggestion à me faire pour faire en sorte qu'on puisse être uniformes pour les restaurants, bars, et tout ça, pour les terrasses, une autre modalité ou quelque chose? Avez-vous pensé à une alternative?

M. Poulin (Renaud) : Idéalement, si on aurait un espace fumeurs, sur la terrasse, moitié-moitié pour les deux clientèles, ça pourrait être une solution. Je ne vais pas m'avancer là-dessus, là, mais c'est des idées que les gens nous ont données. Mais, je vous le dis, pour le neuf mètres, on ne voit pas de solution. Et, malheureusement, on ne peut pas vivre juste pour le tabac. Il y a des règlements aussi qui nous concernent, que ce soient les ventes de stupéfiants dans les commerces... On ne pourra pas laisser un commerce sans surveillance. On a des lois, il faut les respecter. Il y a plein de choses. On ne peut pas fonctionner, malheureusement, comme ça. Si vous avez des solutions à nous apporter, on va les écouter, mais nous, on n'en a pas trouvé. Ça fait que ça, c'est la grande inquiétude des commerçants, c'est vraiment le neuf mètres, parce que ça va débouler dans des problèmes autres que le tabac, là.

Mme Charlebois : C'est qu'on a questionné tantôt, un petit peu tôt, les médecins, et on leur a demandé, hein, pour la distance, à savoir si on mettait la moitié de la terrasse non-fumeurs et l'autre moitié fumeurs, puis ce qu'on nous indiquait, c'est qu'il y avait des conséquences quand même. Je ne sais pas si vous avez entendu ça avant.

M. Poulin (Renaud) : Oui, on l'a entendu, mais, des solutions miracles, il n'y en aura pas en société, hein, sinon il faudrait éliminer beaucoup de choses quand même. Si on veut vivre en société, il faut trouver aussi des compromis un peu pour tout le monde. Si on veut l'appliquer, la ligne dure, bien faites ce que vous avez à faire, puis il va y avoir des conséquences quand même aussi.

M. Hamel (Olivier) : Les commerces qui n'ont pas de terrasse, comme le mien — on n'a pas de terrasse chez nous — donc, c'est extrêmement difficile d'appliquer la loi déjà présentement. Ça fait que, si on ajoute le neuf mètres, ça va rendre, je veux dire, là, une complexité incroyable, ça va nous coûter des frais d'avoir des surveillants qui ne vont faire que ça. Donc, c'est clair, là. Moi, je l'ai vécu déjà, cet impact-là. Ça fait que, ceux qui ont présentement des terrasses, s'ils perdent ce droit-là, il va y avoir des impacts financiers importants.

Mme Charlebois : En 20 secondes, une réponse facile. Sur vos 1 400 membres, combien il y en a qui ont des terrasses?

M. Poulin (Renaud) : La majorité, la majorité, parce qu'en 2005-2006 il y a beaucoup de gens qui ont construit des terrasses pour accommoder leurs fumeurs. Il y en a quand même beaucoup. Même à Montréal, il y a eu plusieurs interdictions sur certaines rues, puis la ville a apporté certains...

Mme Charlebois : 50 %? 75 %? 80 %?

M. Poulin (Renaud) : Ah! grosso modo... on ne l'a jamais vérifié, mais au moins 70 %.

Mme Gagnon (Lise) : Ce serait facile de le savoir avec les permis parce qu'ils donnent toujours un permis différent pour la terrasse, on doit avoir un permis. Et moi personnellement... on avait déjà une terrasse, et j'ai bâti, nous avons bâti, et puis ça n'a pas été une petite affaire, là, suivant la structure de la maison, une terrasse à l'arrière, puis je vous dirais qu'elle est utilisée à 95 % seulement que par les fumeurs.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous nous tournons maintenant vers notre collègue de Rosemont pour une période de 14 min 30 s.

M. Lisée : Bonjour, M. Beauchamp, Mme Gagnon, M. Hamel, M. Poulin. Merci pour votre franchise. Moi, je suis content qu'il y ait des gens qui viennent, comme vous, qui nous disent : C'est un problème, ça va nous poser un problème, c'est inapplicable. On a besoin de ça, on a besoin de vous entendre, on a besoin de vous lire puis on va discuter avec vous, puis les questions que je vais vous poser, elles ne seront pas toutes faciles, mais je sais l'intérêt des terrasses dans la vie des Québécois. C'est essentiel, les terrasses. Dès qu'il fait beau, on se jette sur la terrasse, hein? Moi, mon père était entrepreneur, il a eu des restaurants, il a eu une taverne, il a eu une brasserie. C'est un signe d'orgueil dans la famille qu'on avait la première terrasse dans la région de Thetford Mines. C'est Jean-Claude Lisée qui a fait ça. On est fiers de ça, parce que ça fait partie de la qualité de la vie. Vous êtes de Thetford Mines?

M. Poulin (Renaud) : Oui, j'ai sûrement dû la fréquenter dans ma jeunesse.

M. Lisée : C'est vrai. Bien oui, à l'ancien hôtel-manoir au coin. Oui, oui, c'est mon père qui a eu ça, oui. Alors donc, ça fait partie de notre vie, ça fait partie de notre qualité de vie, puis le travail que vous faites puis les 1 400 membres de vos associations font partie de la qualité de vie des Québécois. Puis, je suis d'accord avec vous, votre fardeau réglementaire, il est trop lourd. Mais là on essaie de faire quelque chose pour la santé publique. Puis, vous avez raison, là, bon, les compagnies de cigarettes évidemment sont aussi visées, hein? Le menthol, vous allez voir, ils vont venir défendre la qualité du menthol, puis ils ne veulent pas l'emballage standardisé, puis ils sont dans la mire pas mal. Bon. Mais effectivement nous, notre objectif, ce n'est pas de fermer des brasseries, puis des tavernes, puis des bars au Québec. Ce n'est pas notre objectif, absolument pas.

Mais je vais mettre en question une couple de vos affirmations. Vous dites : Ça ne répond à aucun besoin. Je ne vais pas lire ce que nous envoie la coalition antitabac puis la société du cancer, je vais lire l'analyse d'impact du ministère de la Santé et des Services sociaux, O.K.? Eux sont payés pour nous donner l'heure juste. Sur la fumée secondaire à l'extérieur, il dit : «...les problèmes de santé et [de] mortalité reliés à l'exposition à la fumée de tabac dans l'environnement. Les risques qui y sont associés sont sérieux et scientifiquement démontrés. Cette fumée contient plus de 7 000 substances chimiques, dont 69 substances cancérogènes — comment ils peuvent mettre 69 substances cancérigènes dans une cigarette? Il faut qu'ils se lèvent de bonne heure pour faire ça, hein, bon, mais, en tout cas, c'est là. On y associe le cancer du poumon et de graves maladies cardiovasculaires et respiratoires. Elle est également une cause de mort subite du nourrisson et d'insuffisance pondérale à la naissance. Elle serait particulièrement nocive pour les enfants et les jeunes. En 2006, le Surgeon General des États-Unis a conclu qu'il n'existait pas de seuil sécuritaire en matière d'exposition à la [fumée secondaire] — pas de seuil sécuritaire. Des données récentes montrent que la [fumée secondaire] serait problématique même dans un environnement extérieur, sous certaines conditions — nombre de fumeurs, vélocité du vent, température de l'air, configuration des lieux[...]. Nous savons maintenant que cette [fumée secondaire] extérieure est aussi toxique que celle se retrouvant à l'intérieur, bien qu'elle se dissipe plus rapidement. L'exposition des non-fumeurs québécois à la [fumée secondaire] diminue d'année en année, [mais] le Québec se situe [...] toujours au-dessus des moyennes canadiennes.»

Bien, une fois qu'on a lu ça, là, on se dit : Bien, il faut faire quelque chose, même sur les terrasses. Est-ce que vous êtes d'accord avec le principe que, si on arrive à faire quelque chose sans que ça soit trop compliqué pour vous, c'est un bon objectif de santé publique?

M. Poulin (Renaud) : On ne peut pas être contre ça. C'est normal qu'en tant que société on vise... mais il faut trouver des solutions aussi pour les commerçants, pour l'application. Si on est capables de s'asseoir comme qu'on a fait en 2005 puis regarder toutes les solutions qui vont être apportées, on est d'accord avec vous aussi que... Il faut l'améliorer, on est d'accord.

M. Lisée : Toute la question du neuf mètres est problématique, elle est clairement problématique, puis, avec la ministre, avec la deuxième opposition, on va essayer de travailler, puis c'est pour ça que la ministre vous demandait des suggestions. C'est certain, là, que, la façon dont vous l'interprétez ou peut-être la façon dont c'est rédigé, la façon dont le règlement va être écrit — on aura peut-être l'occasion de se reparler — nous, on veut faire en sorte que ça ne soit pas si compliqué.

Mais je suis un peu surpris des données que vous nous apportez. Vous dites : Si on fait la démonstration hors de tout doute que c'est négatif, les gens vont dire : Bien... Mais je ne trouve pas que vous faites la démonstration hors de tout doute. Vous nous dites : Il se boit moins de bière au Québec depuis 20 ans. C'est vrai. Il se boit beaucoup plus de vin aussi. La population vieillit. Une population vieillissante sort moins. C'est plate pour vous autres, mais c'est vrai. Alors, je ne trouve pas que vous faites la démonstration hors de tout doute. M. Poulin, vous êtes cité par la coalition antitabac à avoir dit qu'il n'y avait pas eu plus de faillites l'année de l'introduction de la loi de 2005 que dans les autres années.

M. Poulin (Renaud) : ...plus quand même. Je ne sais pas comment qu'ils ont cité mes paroles, mais il y en a eu quand même. Mais qu'est-ce que j'ai voulu dire, c'est qu'il n'y a pas eu la catastrophe économique. Si vous prétendez... peu importe la loi, peu importe le projet de loi, ça a toujours un impact généralement sur un commerçant. On l'a vécu aussi avec le projet de loi pour les jeunes qui ne pouvaient plus consommer d'alcool à 22 ans. On a eu un impact qu'on ne pensait pas. Je veux dire, le tabac, il y a eu un impact. Puis, si vous consultez aussi vos entreprises comme Loto-Québec, regardez la société des loteries vidéo, ils vont vous le dire clairement que, la première année, il y a eu 17 % de revenus qui ont baissé, puis on parle de 250 millions de perte que cette loi-là, elle a apportés. Ce n'est pas nous qui le disons. Quand on parle avec l'Association des brasseurs... On est d'accord que les gens consomment moins dans les établissements, mais il y a des facteurs qui les poussent à sortir plus rapidement. C'est ces facteurs-là que nous, on veut essayer de contraindre aussi. On n'est pas là pour pousser les gens à consommer, mais on est là aussi pour les accueillir. On est dans un secteur hôtelier, on est là pour les accueillir, puis le fumeur, c'est un client, comme le non-fumeur, aussi pour nous, là.

• (17 h 40) •

M. Lisée : Il y a votre collègue Sergakis, de Montréal, qui avait une bonne citation ce matin. Il disait : Les non-fumeurs, je les aime bien, mais notre clientèle ciblée, ce n'est pas idéalement les non-fumeurs, parce que les non-fumeurs, avec respect, la majorité, ils boivent de l'eau puis ils mangent de la salade, hein? C'est la réalité. Pour les bars, un vrai client, c'est celui qui prend de l'alcool, et c'est majoritairement des fumeurs.

M. Beauchamp (Jean-Jacques) : Non. Vous permettrez de lui laisser ses propos, qu'on n'endossera pas.

M. Lisée : Vous ne l'endossez pas.

M. Beauchamp (Jean-Jacques) : Non. On a plus de respect que ça pour la population québécoise.

M. Lisée : Là, on a une population de 80 % de non-fumeurs, c'est quand même votre marché, et, parmi les fumeurs, qui sont les 20 % restants... je suis d'accord qu'intuitivement ils sont des plus grands utilisateurs de bars, de tavernes et de brasseries que la moyenne, la moitié d'entre eux, dans le sondage qu'on a cité de Léger, disaient qu'ils étaient favorables à l'interdiction sur les terrasses. Vous, vous dites que votre expérience auprès de vos clients montre que la résistance est beaucoup plus importante que ça.

M. Poulin (Renaud) : Si nos clients nous diraient le contraire, on ne serait pas ici aujourd'hui. Un commerçant consulte ses clients, consulte régulièrement puis il est là pour satisfaire la majorité. On est dans le commerce. Votre père était dans le commerce, on est dans le commerce. Soyez assurés, si on aurait une clientèle qui dirait : On ne fréquente plus votre commerce parce que ça fume, on n'y va plus, on n'y va pas, naturellement, on va apporter... La loi nous permet de le faire. Il y a certains commerçants qui sont allés dans cette direction-là, très peu sont allés là. Puis, je vous dirais, aussi il y a d'autres commerçants qui aimeraient que ce soit interdit... certains commerçants, mais ils n'iront pas, parce qu'ils savent que la majorité de leur clientèle va quitter ce commerce-là. Ça fait que...

M. Lisée : Bon, oui, effectivement, il y a certains commerces à caractère plus familial. Le Normandin, par exemple, je pense, qui est... les terrasses sont non-fumeurs, c'est plus familial. Il y a une solution que vous avez citée tout à l'heure, c'est : Bon, bien, si on avait une moitié de terrasse fumeurs, une moitié de terrasse non-fumeurs... Puis on en a discuté avec les experts pneumologues tout à l'heure. On disait : Bien là, s'ils sont à un mètre ou à deux mètres de distance, avec le vent, ça va revenir au même.

Vous citez un cas, dans une juridiction, que fumer est interdit jusqu'à 22 heures. Bien là, on pense qu'après 22 heures il n'y a plus d'enfants puis il n'y a plus d'adolescents... enfin, d'adolescents, on ne sait pas, mais, en tout cas, il n'y a plus d'enfants. Est-ce que ça, c'est quelque chose qui pourrait vous sourire, cette idée qu'il y ait une heure limite à partir de laquelle fumer serait permis?

Une voix : ...

M. Lisée : Les mineurs sont interdits en tout temps sur vos terrasses.

M. Beauchamp (Jean-Jacques) : C'est permis, les mineurs, chez nous, si on a une terrasse qui sert des repas dans un bar, accompagnés d'un adulte. Alors, il faudrait peut-être interdire des enfants dans les bars, mais, avant ça, peut-être nous permettre de faire un abri fumeurs d'un certain pourcentage de pieds à établir, là, un certain volume, un certain espace et de définir... de le fermer avec ventilation adéquate, etc. Ça serait moins pire et ça serait sûrement un bon accommodement pour nous.

M. Lisée : Ce que vous dites, là, c'est que, dans d'autres juridictions, il y a des fumoirs isolés avec ventilation, vous voulez dire, sur la terrasse. Donc, il y a une partie de la terrasse qui est un fumoir isolé avec ventilation.

M. Poulin (Renaud) : Il y en a aussi à l'intérieur. Ceux qui vont en Floride, ça fume dans les bars. Chaque juridiction est un peu différente, là. Il y en a qui sont... on ne peut pas tous les préciser, là, mais chaque État ou chaque province a décidé d'appliquer sa loi. Mais ça fume dans les bars encore en Amérique du Nord, ça, c'est évident, là.

M. Lisée : C'est des coûts considérables quand même de faire cette installation-là qui aurait sa propre ventilation. Est-ce que ça vaudrait la peine?

M. Beauchamp (Jean-Jacques) : Mais, regardez, on est habitués d'investir dans nos commerces depuis 2005, là. On en a dépensé, de l'argent, on a... tu sais, on...

M. Lisée : ...que ça vaudrait le coût d'investissement, de dire : J'ai un segment de la terrasse qui est isolé du reste? Mais là, s'il a sa propre ventilation, c'est fermé à l'extérieur, on ne peut pas...

M. Beauchamp (Jean-Jacques) : ...fumer quelque part...

M. Lisée : Ils peuvent fumer quelque part.

M. Beauchamp (Jean-Jacques) : ...puis ils reviennent à l'intérieur ou sur la partie où ce n'est pas permis. Ils peuvent s'asseoir et prendre leurs consommations, manger là où on a des établissements qui ont des cuisines. Alors, ça, ça serait peut-être une avenue à considérer sérieusement par le gouvernement.

M. Lisée : ...où les serveurs n'ont pas à avoir accès parce qu'ils n'ont pas à servir dans cet espace-là.

M. Beauchamp (Jean-Jacques) : Les serveurs dans des bars, ils servent à beaucoup de fonctions, entre autres ils ont à servir la clientèle mais aussi à s'assurer que les règlements sont suivis, qu'il n'y a pas de vente de stupéfiants, qu'il n'y a pas de mineur, qu'il n'y a pas ci, qu'il n'y a pas ça. Il y a plein de règlements.

M. Lisée : Mais ce ne serait pas une zone fumeurs de la terrasse, ce serait un fumoir où les gens se déplaceraient pour fumer et reviendraient à leur table.

M. Beauchamp (Jean-Jacques) : Si tu veux fumer, tu vas là, et on peut contrôler la propreté, les mégots de cigarette, qui sont vraiment... je vous ferai grâce de mes commentaires là-dessus, là, mais des dizaines et des centaines de mégots sur les trottoirs, c'est assez...

M. Lisée : Oui, tout à fait. Bon, écoutez, sachez que notre objectif, en tant que parlementaires, c'est de réduire, évidemment, la prévalence du tabagisme. Vous savez, ça coûte 4 milliards de dollars par année à l'État en frais de santé. Puis c'est sûr qu'il y a des mesures qui rendent la vie un peu plus compliquée aux fumeurs. Le but du jeu, c'est de faire en sorte qu'il y ait des milliers de gens qui se disent : Bien là, si c'est comme ça, je vais arrêter. C'était comme ça en 2005, c'était comme ça en 1998. Alors, c'est sûr que ça crée un inconfort aux fumeurs, c'est le but du jeu, mais on ne veut pas créer d'inconfort aux entrepreneurs. Alors, c'est pour ça que je suis ouvert à vos suggestions.

Mme Gagnon (Lise) : Je pense que vous avez soulevé un point important, là. Quand on parle d'un endroit sur la terrasse où il y aurait le droit de fumer... il faut essayer d'éviter aussi que les gens abandonnent leurs consommations, c'est un coin de la terrasse où il y a déjà un permis d'alcool où ils pourraient aller avec leurs consommations et fumer leurs cigarettes et ils ont le droit de fumer juste là. Comme, quand ils sortent actuellement avec leurs consommations pour fumer sur... l'endroit sur la terrasse, ils apportent leurs consommations. On ne peut pas demander encore à nos gens de surveiller les loteries vidéo, les vendeurs de drogue, ta, ta, puis de checker la bière de Jean puis de checker le gin de l'autre, là. On ne peut pas faire ça.

M. Lisée : Je comprends très bien. M. Hamel.

M. Hamel (Olivier) : Oui. C'est ça, à toutes les fois, là, que les gens franchissent la porte d'un commerce, d'une certaine façon, ça crée toujours une problématique. Moi, dans mon cas, je la vis toujours. Je veux dire, si je fais un contrôle sur une personne... On prend les cartes d'identité à chaque fois que quelqu'un rentre, même s'ils ont 25 ans maintenant. Bien, à chaque fois qu'ils sortent, qu'ils rentrent, qu'ils sortent, tu sais, on peut les reconnaître, mais c'est toujours une étape de plus de contrôle. Tu sais, on n'a pas avantage à ce que nos clients sortent de notre établissement ou sortent... Tu sais, si on pouvait avoir un fumoir, quelque chose, là, sur les terrasses, c'est clair que ça serait beaucoup plus avantageux. Puis il y a aussi la question de coûts aussi qui est reliée à ça, d'avoir un employé qui ne fait que ça. Le neuf mètres, comme je vous ai dit tantôt, ça ne peut pas s'appliquer. Physiquement, ça ne peut pas s'appliquer.

M. Lisée : Je vous remercie, tous les quatre.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous cédons maintenant la parole à notre collègue de Saint-Hyacinthe pour un bloc de 9 min 30 s.

Mme Soucy : Merci. Bonjour. Je vais revenir sur le resserrement de la législation qu'il y avait eu en 2005.

Vous ne pouvez pas attribuer tous les effets négatifs de la législation au seul fait qu'il y avait eu une législation en 2005... en fait, vous ne pouvez pas attribuer l'effet en disant : Bien, il y a eu un resserrement de la législation, donc il y a eu diminution de nos recettes, hein, des revenus de votre entreprise. Vous ne pensez pas qu'il peut y avoir des causes externes à ça, comme par exemple... je prends, par exemple, la baisse du pouvoir d'achat des consommateurs, la nouvelle tendance aussi de cuisiner à la maison. Avec tous les livres de recettes qui sortent, bien les gens sont peut-être plus sédentaires, ils restent peut-être plus à la maison, donc ils consomment à la maison. Également, avec la loi pour le 0,8, les gens vont avoir tendance à consommer un petit peu plus à la maison que peut-être dans les bars. Parce que, si je regarde, selon les sources du ministère de l'Économie, la consommation de bière depuis 2003, il y a eu une augmentation des bières de la microbrasserie et puis une augmentation également de la consommation de l'alcool à la maison. Il y a eu très peu de pertes économiques, selon les chiffres, qui sont attribuables, là... bien, en fait, depuis 2005. Pensez-vous que... En fait, je reprends, là, les propos que vous avez eus en 2005. Vous avez dit, M. Poulin, cette année-là, l'année de la législation, en fait, pour l'interdiction de fumer à l'intérieur des bars, avant qu'elle rentre en vigueur, vous avez dit : Bien, écoutez, ça va être la catastrophe économique, les bars vont fermer, les gens ne viendront plus, puis ça s'est avéré que finalement il n'y a pas eu plus de faillites en 2007-2008 qu'il y en a eu précédemment, avant la nouvelle entrée en vigueur de la législation.

Alors, vous nous servez aujourd'hui le même discours, hein, le même discours, que ça va être la catastrophe si on légifère dans cette avenue-là. Avez-vous des études pour nous le démontrer, là, tu sais, nous, parlementaires, là... est-ce que vous avez des études indépendantes qui démontrent, je ne sais pas, une habitude de consommation du fumeur versus les non-fumeurs? Avez-vous quelque chose à nous montrer? Parce que, si on se fie à ce qui s'était dit en 2006 puis que finalement il n'y a pas eu de perte économique associée à la législation de 2005...

• (17 h 50) •

M. Poulin (Renaud) : Bien, je vais vous répondre. En 2005, j'ai participé à toutes les discussions, puis, je peux vous dire, il y a avant et après, et, s'il n'y avait pas eu les concessions qui ont été faites, si on n'avait pas eu les terrasses, si le neuf mètres aurait été appliqué, on aurait sûrement vécu une catastrophe, O.K.?

Le gouvernement a accepté de s'asseoir avec les commerçants puis de regarder des solutions et a accepté aussi de faire une tournée d'information. Partout à travers le Québec, il y a eu des choses qui ont été faites qui ont aidé. Mais, vous pouvez prendre tous les chiffres que vous voulez, vous les avez vous-mêmes de vos propres organismes, comme Loto-Québec, on parle de 17 %. Parlez-en avec ces gens-là. La première année, c'est 17 %. Parlez-en avec l'Association des brasseurs, ils vont vous le dire. Bon. Quand on dit qu'il y a eu une baisse de 36 %, on ne prétend pas que c'est dû au tabac seulement. Qu'est-ce qu'on prétend, c'est qu'il y a deux éléments importants : les lois plus sévères sur l'alcool — c'est sûrement l'élément le plus important — et il y a aussi le tabac. Puis, quand on affecte un client, quand on dit à un client de ne pas venir dans un commerce, vous comprenez, c'est un peu normal qu'il ne le fréquente pas. Puis on est d'accord avec vous qu'il y a eu un déplacement du consommateur vers certains produits, tout ça, mais il y a une réalité quand même, puis, s'il y a eu des commerces... je ne sais pas comment vous ne pouvez pas dire qu'il n'y a pas de commerce, il y a plein de commerces, partout au Québec, qui ont fermé.

Puis, quand il y a un élément catastrophique, un commerce ne ferme pas demain matin, là. Je veux dire, ce n'est pas parce qu'il y a eu une loi sur le tabac que, le commerce, ça veut dire que ses revenus vont baisser. Il va essayer de survivre, il va essayer... Vous savez, en commerce, c'est quoi. Ça peut être six mois après, ça peut être un an et demi après, ça peut être deux ans et demi après. Mais il y a eu quand même des commerces qui ont fermé. Est-ce que le tabac a été un facteur? Nous, on pense que ça a été aussi un facteur pour différents commerces.

Mme Soucy : Si je vous disais qu'il y a quand même quatre provinces, Terre-Neuve, Nouvelle-Écosse, l'Alberta, l'Ontario, qui interdisent de fumer sur les terrasses puis il y en a que ça fait 10 ans puis qu'il n'y a pas eu de perte économique associée à cette réglementation-là... pourquoi le Québec serait différent des autres provinces?

M. Poulin (Renaud) : Parce que le Québec est une province différente. Le Québec ne s'est jamais préoccupé des commerçants, n'a jamais pris des mesures pour aider les commerçants. Si vous faites le tour de l'Ontario, vous avez une limite de permis qui va être donnée, parce que, quand on met des mesures qui affectent un commerce, il faut mettre une mesure qui va aider le commerce.

Mme Soucy : Des ratios.

M. Poulin (Renaud) : C'est ça. Là, c'est la libre entreprise pour tout le monde. On est une des seules qui le fait. Partout aux États-Unis maintenant, bien, pas juste pour la question du tabac — c'est toute la problématique aussi de la drogue, tout ça — on met des ratios, on aide les commerçants et on leur demande aussi de respecter les lois et de faire respecter la loi. Ici, au Québec, on ne s'est jamais préoccupé de rien, on a toujours mis des mesures, des mesures et des mesures, puis il y a des conséquences à ça : des gens qui ont perdu leurs investissements, puis il y a des gens qui perdent leurs emplois. C'est ça qui s'est produit.

Mme Soucy : Mais où est-ce que je vous donne raison, c'est qu'on ne peut pas vous tenir responsables, si une personne va à l'extérieur de votre commerce, en ce qui a trait au neuf mètres, là. Je pense qu'il s'agit d'une lacune, là, du projet de loi. Si on enlevait cette présomption-là de culpabilité, seriez-vous plus rassurés, seriez-vous en faveur du neuf mètres?

M. Poulin (Renaud) : Bien, l'expérience nous dit que non, parce que, si on écoutait la ministre tout à l'heure, les clients vont se ramasser sur un trottoir public, on va avoir un autre problème autre que le tabac. On ne peut pas laisser les groupes se rassembler sur un trottoir public, on ne peut pas faire ça. Il y a des conséquences à tout ça. Comment que les policiers vont le gérer? Ça va être assez difficile.

Mme Soucy : Oui. Ils ne passeront pas la soirée là, là. Ils ne passeront pas la soirée sur le trottoir, là, tu sais, ils vont aller fumer, ils vont revenir. Puis on dit «le trottoir» si on se fie aux grands centres, parce que, si c'est dans une banlieue, il y a de la place, là. Mais, si on enlevait, là, cette...

M. Poulin (Renaud) : Mais, juste pour intervenir... Vous permettez? Mais le tabac a changé le consommateur. Quand les gens... maintenant, surtout les jeunes, quand ils sortaient à l'extérieur, ce n'était pas pour cinq, six minutes, des fois ils passaient 30 minutes, des fois ils courtisaient les autres filles à côté, mais qu'est-ce qu'on a vu depuis 2006, un phénomène, c'est que les gens sortent à l'extérieur, et ils ont même de l'alcool dans leurs véhicules. En fumant, ils consomment en même temps. C'est toutes des choses que la Loi du tabac nous a amenées qu'on ne connaissait pas avant, qu'on a dû gérer. À Montréal, les deux premières semaines qu'il y a eu la loi, si vous reprenez encore les coupures de journaux, c'était effrayant, qu'est-ce qui s'est passé, là. La ville ne comprenait pas, il y avait des mégots partout, et ça se ramassait partout.

Mme Soucy : Oui. Allez-y, madame.

Mme Gagnon (Lise) : Excusez si je reviens encore à ça. Il faudrait vraiment faire en sorte que les clients n'abandonnent pas leurs consommations. Tu peux les envoyer dans le stationnement, mais ils vont devoir y aller avec leurs consommations, et ça, les policiers surveillent ça. Tu n'as pas le droit d'être dans le stationnement avec ta consommation. Ça va prendre un... excusez, ça va prendre un autre watcheur pour watcher ça aussi, là.

Mme Soucy : Non, mais, si on enlève votre présomption de culpabilité, là...

Mme Gagnon (Lise) : Oui, mais il va descendre avec son verre en dehors de la terrasse, puis il va être dans le stationnement puis il n'a pas le droit d'avoir sa consommation dans le stationnement. Ça fait que la police passe.

Mme Soucy : Il y a une question aussi de responsabilité personnelle, je veux dire, il faut qu'il finisse son verre avant de sortir dehors.

Une voix : Ça ne marche pas de même.

M. Hamel (Olivier) : Écoutez, l'année dernière, on disait qu'on voulait fermer les bars à six heures du matin pour ne pas que le monde sorte tous dehors en même temps. Mais tout le monde comprend qu'à chaque fois qu'il y a un client qui n'est pas dans le bar mais qui se tient dans le parking, ça cause des problèmes. On ne peut pas chercher à vouloir ça, là. Les jeunes vont continuer... Moi, je suis un établissement qu'il y a beaucoup de jeunes. Ils vont continuer à vouloir sortir dans des bars, aller s'amuser, jouer au billard, mais, à chaque fois qu'on a 25, 30 clients qui sont à l'extérieur, bien là ça devient compliqué à gérer.

Mme Soucy : Tu sais, parce que, si je prends, là... Est-ce que certains de vos membres voudraient revenir en arrière puis permettre de fumer à l'intérieur des bars, par exemple?

Des voix : Non.

Mme Soucy : Alors, l'interdiction de fumer à l'intérieur des bars s'est avérée positive, parce qu'au début vous étiez réticents, là, à cette législation-là.

M. Beauchamp (Jean-Jacques) : Actuellement, là, c'est le neuf mètres puis la question d'avoir une possibilité de faire un abri extérieur pour que les fumeurs, qu'on souhaite de moins en moins nombreux dans les prochaines années, puissent au moins aller là où ça peut être contrôlé et qu'on protège la majorité de la population, qu'on nous autorise un certain pourcentage de superficie sur nos terrasses et déterminer, avec les membres, avec les intervenants, là, le ministère, etc., qu'on puisse s'accommoder...

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, ceci met fin à votre présentation. Merci donc aux représentantes, représentants de la Corporation des propriétaires de bars, brasseries et tavernes du Québec. Je demande aux représentants de l'Association canadienne du vapotage de bien vouloir s'avancer.

Nous suspendons quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise à 18 h 3)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre s'il vous plaît! Nous accueillons maintenant les représentants de l'Association canadienne du vapotage. Alors, bienvenue à votre Assemblée nationale.

Vous disposez d'une période de présentation — votre présentation — de 10 minutes. Par la suite, vous aurez un échange avec les parlementaires. Je vous demanderais, pour des fins d'enregistrement, de bien vouloir vous nommer, de préciser vos fonctions, et par la suite vous avez, donc, 10 minutes. La parole est à vous.

Association canadienne du vapotage

M. Lakhani (Beju) : Thank you. Mr. Chairman, through you, my name is Beju Lakhani, I'm the president of the Canadian Vaping Association. On behalf of the Canadian Vaping Association as the sole representative of the vaping industry in Canada, I want to thank you for the opportunity to present today on Bill 44, An act to bolster tobacco control.

I'll introduce myself again, I'm the president of the Canadian Vaping Association and founder and CEO of Evolution Cigarettes Incorporated, a federal corporation based in Mississauga, Ontario. My company manufactures e-liquids for use in personal vaporizers. Here with me today is fellow board member of the Canadian Vaping Association Mr. Daniel Marien and owner of the banner La Vape Shop in Québec and Mr. Julien-Pierre Maltais, a member of the CVA and general manager of Vaporus.

We have submitted a formal report for the Committee's consideration and we want to take the allotted time to emphasize some of the points in our submission and, at the same time, provide this Committee with more information about our organization.

The Canadian Vaping Association is a national non-profit organization that was formed in late 2014 to represent the vaping industry throughout Canada. In partnership with the Electronic Cigarette Trade Association, we also provide a self-regulatory framework for this industry. These regulations range from mandatory e-liquid testing, appropriate labelling, child-resistant bottles and restrictions to minors, amongst others. These self-imposed regulations have been in place since late 2011, and membership pay to participate, indicating our industry's desire for appropriate regulation. I would respectfully assert that our membership has taken substantial risks to pursue a mission very much aligned with yours : to provide healthier choices and to move towards a smoke-free Québec.

We have also been taking part in the Ontario public hearings on this issue initiated earlier this year and are working in conjunction with several legislative authorities in this regard, including Manitoba and British Columbia. We also have an ongoing discussion with members of the federal Government, and therefore we view ourselves as a valid partner for legislators to properly address these matters.

Now, I will turn it over to Mr. Marien and Mr. Maltais, who will state our position in French. We look forward to an exchange afterwards. I'll be happy to contribute in English, as you would not understand my French anyway. So thank you.

M. Marien (Daniel) : Bonjour, je m'appelle Daniel Marien, je suis un des propriétaires de La Vape Shop, une bannière au Québec. Je suis aussi un des «board members» de CVA pour notre organisation. Ça fait que merci, M. le Président. Depuis 2010, l'industrie du vapotage est en constante croissance, ce qui représente des centaines d'employés et plusieurs milliers de clients, générant environ 50 millions de dollars de revenus pour le gouvernement. Le nombre de points de vente au Québec est estimé à plus de 183. La croissance de l'industrie du vapotage au Canada n'est pas le résultat des campagnes médiatiques ou publicitaires coûteuses menées par les compagnies de tabac. Dans les faits, cette croissance est plutôt le résultat direct de la grande demande pour ces produits chez les fumeurs. Je vous rappelle qu'il y a plus de 1,5 million de fumeurs au Québec. La grande majorité des propriétaires de magasin sont d'anciens fumeurs qui, comme moi, ont arrêté de fumer pour vapoter. Ils ont fait le choix d'une alternative plus saine lorsqu'ils ont compris tout le potentiel qui réside dans cette technologie et le principal bénéfice qui en découle, c'est-à-dire le vapotage est une alternative plus santé que fumer la cigarette.

Des études scientifiques et médicales qui appuient nos affirmations sont incluses en annexe dans le mémoire que vous avez en votre possession. En résumé, les études titrent les conclusions suivantes : vapoter est au moins 95 % plus santé que fumer la cigarette et ne cause pratiquement aucun effet secondaire; la majorité des vapoteurs sont d'anciens fumeurs; la cigarette électronique développe moins de dépendance que la cigarette composée de tabac.

Comme la grande majorité de nos estimés collègues de l'industrie, nous croyons que le vapotage est une alternative pour contrer l'usage de la cigarette traditionnelle. C'est pour cela que nous croyons que le projet de loi n° 44 propose une définition erronée de ce qui constitue le tabac. Nous avons été très étonnés, lorsque nous avons pris connaissance de l'article 1 et de l'article 1.1 du projet de loi, de constater que vapoter, dorénavant, équivaudrait à fumer la cigarette. M. le Président, cela semble contredire la position du ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, qui a affirmé qu'il considérait la cigarette électronique comme étant une alternative efficace pour cesser de fumer.

À maints égards, le gouvernement québécois a été un modèle pour plusieurs pays quant à l'implantation des mesures antitabac efficaces afin de réduire l'impact néfaste du tabagisme. Une fois de plus, le Québec a l'occasion d'agir à titre de précurseur en s'assurant que les fumeurs d'âge adulte ont accès à des produits alternatifs qui réduisent les risques de problèmes de santé causés par le tabac.

Nous appuyons les principes du projet de loi n° 44 et accueillons avec enthousiasme une réglementation gouvernementale dans ce marché. Cependant, nous croyons que l'objectif ultime est de maximiser les gains pour la santé et d'en minimiser les risques. Nous jugeons que le projet de loi dans sa forme actuelle aurait un impact négatif majeur sur l'industrie en croissance, par conséquent nuira aux adultes qui sont à la recherche d'une option pour cesser de fumer. Nous insistons sur le fait que les atomiseurs personnels et les cigarettes électroniques ne sont pas des produits de tabac, mais des alternatives à la cigarette, et c'est pour cette raison qu'ils doivent être définis et réglementés différemment, vraisemblablement sur une loi commerciale ou manufacturière. Nous sommes d'accord que la vente doit être interdite aux mineurs, que les restrictions du vapotage à l'intérieur sont inévitables. Nous croyons également que la promotion et la publicisation de vapotage comme étant un style de vie branché n'est pas appropriée.

Alors, bien que nous soyons en accord avec l'esprit du projet de loi n° 44, nous prions la commission de considérer les amendements spécifiques suivants : autoriser le vapotage à l'intérieur dans les lieux interdits aux mineurs; permettre aux commerçants qui interdisent l'accès aux mineurs de faire l'étalage de leurs produits et marchandises pour que les clients puissent en faire l'essai en magasin; permettre aux commerçants qui interdisent l'accès aux mineurs de faire la promotion de leurs produits à l'intérieur même de leurs boutiques.

Je cède maintenant la parole à M. Maltais.

• (18 h 10) •

M. Maltais (Julien-Pierre) : Bonjour, M. le Président. Mon nom est Julien-Pierre Maltais, je suis directeur des opérations pour la compagnie Les magasins Vaporus inc. M. le Président, nous croyons que les amendements que M. Marien vient de mentionner auront pour effet spécifiquement d'éviter que les mineurs aient accès aux produits auprès des détaillants et d'assurer qu'ils ne soient pas exposés au vapotage dans les lieux publics qui leur sont accessibles. Quant aux fumeurs adultes, ils bénéficieront d'un meilleur accès à l'information, ce qui peut grandement influencer lors d'une prise de décision quant au choix d'une méthode pour cesser de fumer. Ces amendements enverraient le message que vapoter est plus sain que fumer la cigarette et éviterait ainsi d'assujettir ceux qui ont fait un choix santé à la fumée secondaire de la cigarette.

Rappelez-vous, M. le Président, que la technologie de notre industrie a fait des pas de géant depuis qu'elle a été mise sur le marché. D'ailleurs, la CVA collabore avec le Conseil canadien des normes sur une proposition de mise en place d'une commission technique pour créer une norme ISO sur les produits dont se servent les vapoteurs. Cette norme établirait des règles de sécurité et une méthodologie de tests, et ce, afin d'en sécuriser l'utilisation. Les études et les recherches réalisées par le corps médical au Québec, entre autres par les Drs Ostiguy et Juneau, et à travers le monde ont démystifié le mythe qui perdurait dans les médias sur ce qui entoure la cigarette électronique et le vapotage. D'ailleurs, la technologie ne cesse de s'améliorer de jour en jour. Cette quête constante de projets... de progrès, pardon, se reflète dans une toute nouvelle technologie avec brevet mise au point par une compagnie des Pays-Bas qui permet d'éviter les coups secs — communément appelés «dry hits» dans l'industrie — les brûlures, la surchauffe et les vapeurs potentiellement toxiques que sont susceptibles de causer les dispositifs de vapotage de moindre qualité.

Finalement, l'Association canadienne du vapotage est en accord avec le fait qu'une réglementation est nécessaire et fait que sa mission... de travailler avec le gouvernement pour améliorer le projet de loi n° 44. Néanmoins, nous invitons la commission à consulter rigoureusement les membres de l'industrie du vapotage en ce qui concerne le projet de loi n° 44 et ses amendements.

Donc, nous recommandons à la commission d'attendre que le Conseil canadien des normes formule des standards ainsi que des règles de sécurité et... s'appuie sur les conclusions des recherches et des études de cas avant de réguler l'industrie. Nous croyons que la loi antitabac en vigueur est efficace, puisque nous constatons une nette régression de la proportion de fumeurs au Québec au cours des dernières années. Cependant, nous estimons que le gouvernement a une occasion d'exploiter les effets positifs du vapotage dans une perspective de santé publique et surtout d'éviter que le marché du vapotage devienne clandestin. Cette perspective est à envisager si le projet de loi n° 44 est adopté dans sa forme actuelle.

Je vous remercie de votre attention, au nom de la CVA. Nous sommes maintenant disposés à répondre à vos questions.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup pour votre présentation. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre pour un premier bloc d'échange d'une durée maximale de 23 min 30 s.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. Alors, monsieur... Je ne veux pas prononcer incorrectement votre nom. On dit «Lakhani»? Comment on prononce votre nom?

M. Lakhani (Beju) : It's Beju Lakhani.

Mme Charlebois : Lakhani?

M. Lakhani (Beju) : Yes.

Mme Charlebois : O.K. M. Marien et M. Maltais, merci d'être ici et de nous faire part de vos commentaires, présentations.

Comme je le dis à tous les groupes, sachez que tout ce qui est dit ici — et même il y en a qui déposent des mémoires qui n'auront pas le privilège de venir en commission parlementaire — tout va être lu et tout va être pris en considération avant de faire l'adoption de la loi. Évidemment, on est en étape de consultation, ce n'est pas pour rien; c'est pour entendre et c'est ce que nous faisons aujourd'hui.

Je vous ai entendu parler de collaboration, M. Marien, oui, avec les cigarettiers. Est-ce que vous avez...

Une voix : ...

Mme Charlebois : Bien, je vous ai entendu dire ça dans le début de votre présentation.

M. Marien (Daniel) : Je n'ai pas parlé de collaboration avec les cigarettiers.

M. Maltais (Julien-Pierre) : Ce que M. Marien a mentionné, c'est que la popularité...

M. Marien (Daniel) : Ah! ce que je disais, c'est au niveau de la promotion. C'est que la popularité de la cigarette électronique actuellement au Québec ne découle pas d'aucune publicité comme les compagnies de tabac vont faire pour mousser la popularité de leurs produits, elle découle plus simplement de l'utilisation, des résultats que les gens ont entre eux puis de la façon exponentielle que ça s'en va au public. Mais c'est vraiment du bouche à oreille.

Mme Charlebois : O.K., mais il n'y a pas de collaboration comme telle avec...

M. Marien (Daniel) : Non, vraiment pas du tout.

Mme Charlebois : Et non plus avec l'industrie du tabac?

M. Marien (Daniel) : Non.

Mme Charlebois : Parmi vous autres, là, il n'y a personne qui est relié à l'industrie du tabac.

M. Marien (Daniel) : Non, il n'y a personne, à ma connaissance, qui est relié avec l'industrie du tabac. On est...

M. Lakhani (Beju) : I should say just as forcefully as I possibly can that our organization, the CVA, is fundamentally anti-tobacco across the board. We do not have tobacco as our members, there is no ownership by tobacco companies. Most of us, including myself, are former smokers and want nothing to do with tobacco.

Mme Charlebois : ...j'ai compris, vous êtes des anciens fumeurs, mais vous êtes devenus des vapoteurs. M. Marien, ça fait combien de temps que vous vapotez?

M. Marien (Daniel) : ...quatre ans.

Mme Charlebois : Est-ce que vous avez l'intention, ultimement, d'arrêter de fumer ou de vapoter?

M. Marien (Daniel) : Bien, ma perception de vapoter? Ce n'est pas fumer. On utilise un produit qui n'a pas les 4 200 produits chimiques qui se trouvent dans une cigarette. Puis personnellement, moi, dans ce que j'utilise comme liquides, il n'y a pratiquement plus de nicotine à l'intérieur, donc...

Mme Charlebois : ...

M. Marien (Daniel) : Oui. Je vous dirais qu'il y a l'équivalent peut-être de ce que je fumerais dans deux cigarettes dans une journée en nicotine, contrairement aux 50 que je fumais avant, voilà quatre ans.

Mme Charlebois : C'est une nette amélioration, mais il y a encore une dépendance, vous convenez de ça avec moi?

M. Marien (Daniel) : Oui, oui. Je dirais, il y a des journées que je n'utilise aucune nicotine non plus dans mes liquides. Ça peut dépendre du niveau de stress. C'est un peu comme quelqu'un qui mange sa palette de chocolat : parce qu'il est très nerveux, il a besoin de sucre.

Mme Charlebois : Est-ce que vous avez... Parce que vous avez parlé d'études scientifiques, et, honnêtement, pour ma connaissance, il n'y a pas d'étude qui nous fait preuve de rien de long terme. Les études que vous relatez, c'est toujours des affaires à court terme, ça fait qu'on n'a pas les conséquences. Je comprends puis je sais... puis je l'ai entendu, puis j'ai rencontré le Dr Ostiguy, là, je sais qu'il y a des gens qui arrêtent de fumer avec ça.

M. Marien (Daniel) : Bien, ce serait très difficile de donner un exemple, une étude basés sur les 20 dernières années parce que ça n'existait pas, tout simplement. Donc, si on prend les études qu'on a — on a plusieurs études qu'on a annexées — les études qu'on a sont les études les plus à jour qu'on peut avoir, parce que, une étude qui daterait de 2001, la cigarette électronique n'existait pas à ce point-là. Donc, les études qui sont démontrées en ce moment sont les plus à jour qu'on peut avoir puis elles sont généralement très positives.

Mme Charlebois : Compte tenu des connaissances qu'on a en ce moment, est-ce que vous êtes à l'aise avec le fait qu'on interdise le vapotage aux mineurs?

M. Marien (Daniel) : Bien, le vapotage doit être interdit aux mineurs, et c'est ce que CVA, on dit comme point.

Mme Charlebois : Au même titre que la cigarette?

M. Marien (Daniel) : Bien, au même titre que la cigarette, oui. Que ça soit avec ou sans nicotine, ce n'est pas quelque chose que, comme organisation, on préconise de vendre aux jeunes. Puis tous les commerçants que je connais qui ont des businesses qui sont standard, si on dirait, demandent les cartes d'identité à l'entrée de leurs établissements, même si pour l'instant ce n'est pas une loi. Nous, depuis quatre ans, on n'a jamais vendu à un mineur. Puis chaque mineur qui traverse la porte est mis à l'extérieur puis est carté s'il n'a pas l'air d'avoir 25 ans et plus, comme dans un dépanneur.

Mme Charlebois : Je comprends votre malaise d'être associé à des produits du tabac, je vous ai entendu dire ça tantôt, là, je l'ai entendu. Mais, en fait, ce qu'on veut vous dire, c'est qu'on veut l'encadrer, la consommation de cigarette électronique. C'est ce qui est un peu stipulé dans le projet de loi. Là, vous me dites que vous êtes à l'aise avec la non-consommation des mineurs. Est-ce que vous êtes à l'aise... comme ici, là, est-ce que vous seriez à l'aise de voir du monde vapoter ou si on pourrait considérer que ça ne fait pas plus de sens que de fumer?

M. Marien (Daniel) : Bien, au niveau de fumer en public, l'effet négatif de fumer en public, c'est qu'il y a une fumée secondaire pour les gens alentour de nous, il y a aussi l'effet que les gens vont recevoir notre fumée... pas au niveau du point de vue santé, mais, au niveau du point de vue visuel, que ça peut être dérangeant. Donc, dans un restaurant, si je suis en train de manger un steak en famille puis que je ne vapote pas, que quelqu'un envoie ça vers ma table, ça pourrait me déranger. Donc, ce que nous, on préconise, c'est que les endroits qui sont 18 ans et plus, comme les boutiques de cigarettes électroniques, aient le droit d'utiliser la cigarette électronique à l'intérieur.

Mme Charlebois : Qu'est-ce que vous faites des... je ne sais pas, moi, des restaurants, où on peut aller avec notre famille, des clubs de golf, puis tout ça, là? Là, on l'interdirait puis ailleurs on ne l'interdit pas? Comme tantôt, on avait les tenanciers de bar, là. On pourrait laisser le vapotage à l'intérieur, mais, par contre, sur une terrasse de restaurant, on va l'interdire?

M. Marien (Daniel) : Bien c'est sûr que c'est un... comment est-ce qu'on appelle... un «framework» à faire. Je ne peux pas vraiment le dire. Moi, je ferais ça comme ça. Mais c'est surtout au niveau des boutiques. Au niveau des boutiques, on a une éducation à faire avec nos clients, donc. Les gens qui viennent en boutique, dans nos magasins, ils vont traverser les portes, bien souvent, avec zéro connaissance de ce qu'est une cigarette électronique, ils vont...

Mme Charlebois : ...

M. Marien (Daniel) : Oui?

Mme Charlebois : Je vous ai coupé. Excusez-moi.

• (18 h 20) •

M. Marien (Daniel) : Ils vont avoir vu un petit modèle, dans un dépanneur, qu'on achète, on retire de l'emballage puis qu'on utilise directement en tirant comme sur une cigarette, mais 90 % de tout ce qui est vendu, ce n'est pas ça que les gens utilisent. Donc, à ce moment-là, on se doit, comme tenanciers d'établissement, de donner l'indication propre à la personne qui vient. Je vais donner un exemple : on pourrait envoyer quelqu'un voir un lien sur YouTube, mais il y a certaines personnes qui sont plus âgées qui n'ont pas d'ordinateur, qui n'ont pas accès à YouTube, qui ne connaissent pas ça, on doit leur montrer de A à Z comment ça fonctionne, parce qu'il faut l'ouvrir, mettre le liquide à l'intérieur, remplacer l'élément. Ça fait que c'est une éducation qu'on a à faire avec nos clients, c'est très important.

Mme Charlebois : Si je vous disais... Parce que, ce que je comprends, puis, à moins que je ne comprenne pas bien, là, vous me corrigerez, ce que je comprends : que vous êtes d'accord avec l'ensemble de la réglementation, sauf pour l'intérieur des boutiques où se vendent les cigarettes électroniques. Vous souhaiteriez que les gens puissent l'utiliser pour au moins l'essayer.

M. Lakhani (Beju) : Yes, I can answer that one. I think that what we've come here to ask for today is an appropriate regulation which would mean adult-only spaces should be left up to the individual business to decide. That's taking into consideration some of your early points about long-term studies despite the fact that there is actually quite a substantial body of evidence around secondhand vapor that already exists, showing that it's virtually harmless. We still acknowledge that there is a process here for long-term studies to come in, and that's the accommodation we're looking for, it's the idea that adults should be allowed to make that decision within spaces in which only adults are present, and businesses should be allowed to make that decision as well. So, that's the official CVA position on where e-cigarettes or vaping should be allowed.

Mme Charlebois : Pour avoir discuté avec des propriétaires de restaurants, bon, etc., selon ce qu'on me dit, c'est que ça devient complexe d'identifier quelqu'un qui fume, quelqu'un qui vapote, tu sais, quand tu es dans le lot d'activités de restauration ou tout autre, puis de commencer à dire : O.K., toi, tu as le droit, toi, tu n'as pas le droit, O.K.? Puis il y en a, vous le savez, des petites vapoteuses, là... pas ce que vous vendez, vous autres, mais il y a des petites affaires, là, dans un petit paquet qui...

Une voix : ...

Mme Charlebois : Exact. Ça fait que c'est là où je vous dis que peut-être un encadrement, sauf pour les boutiques, tu sais... Parce que le but n'est pas de l'interdire, la cigarette électronique. C'est plutôt d'encadrer la pratique au même titre que la cigarette et faciliter l'application de la réglementation, parce que, si on fait un règlement puis on n'est pas capable de l'appliquer, c'est aussi pire que de ne pas en faire, à mon avis.

Alors, il ne faut pas empêcher les gens d'avoir accès, mais il faut quand même... Parce que, c'est vrai, il y a des gens qui réussissent à arrêter de fumer avec ça. Il y en a qui vapotent pendant longtemps. Il y en a d'autres que j'ai même vus... Pendant l'été, je n'ai fait que ça pendant mes vacances, parler du tabac. Tout le monde m'en parlait, tout le monde m'a parlé de vapotage, tout le monde. C'était comme si c'était écrit dans mon visage, là, pendant toutes mes vacances. Alors, j'ai rencontré des gens qui faisaient toutes sortes de choses. Je l'ai dit à plusieurs reprises aujourd'hui. Il y en a qui ont arrêté de fumer avec ça, il y en a d'autres qui vapotent, comme vous, depuis longtemps puis qui ne pensent pas d'arrêter puis il y en a d'autres pour qui le vapotage est comme une soupape parce que, dès qu'ils sortent d'un établissement... Parce qu'en ce moment ce n'est pas réglementé. Quand ça va le devenir, réglementé, j'ai hâte de voir ce qu'ils vont faire. Mais ils vapotent en dedans puis ils fument dehors, ça fait que, là, il y a comme un autre impact. Mais ce n'est pas tout le monde qui fait ça, là. Je veux dire, je ne veux pas le généraliser parce que...

M. Marien (Daniel) : ...c'est un petit pourcentage de la clientèle.

Mme Charlebois : Oui, puis je ne veux pas généraliser parce que je n'ai pas les statistiques officielles là-dessus. Puis, ce que j'entends surtout des médecins, de votre association, c'est pour permettre aux gens d'utiliser ça pour ne plus fumer. Alors, je ne pense pas que l'encadrement va faire en sorte que ça va empêcher les gens d'utiliser les cigarettes électroniques. Vous parlez ici à une ex-fumeuse, là, j'ai arrêté, moi, de fumer.

Une voix : Moi aussi.

Mme Charlebois : Bon. Ça fait que, si ça a été possible pour moi qui étais une bonne fumeuse... Puis je ne suis pas meilleure que l'ensemble de la population, là, ça a été difficile, je ne m'en cache pas, mais j'ai réussi. Mais, si ça a été possible, c'est possible pour d'autres. Ceux qui veulent vraiment arrêter de fumer, ce n'est pas le fait qu'on va encadrer la cigarette électronique, je pense — et, vous me corrigerez, je veux vous entendre là-dessus — qui va faire en sorte que, si tu veux t'en servir pour pouvoir arrêter de fumer, bien, tu vas pouvoir le faire, mais tu sais qu'il y a un encadrement réglementaire, que tu ne peux pas utiliser ça partout. Est-ce que vous êtes d'accord avec ma prémisse?

M. Marien (Daniel) : Bien, qu'on ne peut pas l'utiliser partout, oui, parce qu'il y a des endroits... C'est comme je disais tantôt, c'est au niveau des endroits majeurs. Je me vois très mal utiliser une cigarette électronique dans un McDonald's rempli d'enfants, mais, dans un club de pool, pour jouer au billard, je me vois plus utiliser ça là. Mais là, encore là, c'est une question de perspective puis c'est une question de la façon que ça serait encadré. J.-P.?

M. Maltais (Julien-Pierre) : Oui, définitivement. Donc, il y a certains endroits qui peut-être vont se prévaloir d'un droit de dire que, non, ils refusent les gens avec des cigarettes électroniques, ils refusent que les gens utilisent leurs cigarettes électroniques à l'intérieur. Je crois que c'est leur droit. Si un établissement interdit les gens d'entrer avec une tuque ou un couvre-chef quelconque, le choix est à la personne de le retirer ou d'aller dans un autre endroit.

Je réitère la position de M. Marien sur le fait que l'encadrement qu'on peut offrir en boutique est excessivement important. Il y a une multitude de modèles qui sont disponibles, il y a beaucoup de réservoirs et de trucs comme ça, donc, l'industrie a beaucoup évolué dans les dernières années. C'est important que des magasins puissent l'expliquer aux gens devant eux, donc pas simplement quelqu'un qui rentre qui dit : Je souhaiterais passer à la cigarette électronique, confie de l'argent au magasin, le magasin leur donne un produit, puis les gens doivent aller sur YouTube, comme disait M. Marien, pour trouver comment ça fonctionne.

Mme Charlebois : ...d'enfants, tout ça, là. C'est ce que vous suggérez, là?

M. Maltais (Julien-Pierre) : Tout à fait, tout à fait. 18 ans et plus, toujours. Puis, comme M. Marien disait, l'industrie s'est un peu autorégulée en ce sens que, comme il disait, la plupart des magasins que je connais... en fait, tous vont demander les cartes aux gens. Ça, ça ne vient pas d'une directive gouvernementale, c'est simplement nous qui trouvons que ça tombe sous le gros bon sens de demander aux gens une pièce d'identité lorsqu'ils entrent en boutique.

M. Lakhani (Beju) : ...to that. The Canadian Vaping Association proactively instituted rules that forbid any member from selling any of these products to minors. In fact, all members of the Canadian Vaping Association must have a published sign on the window of the store forbidding entry to minors. The Electronic Cigarette Trade Association has similar rules in place since 2011. Many companies, including my own company, are members of both associations and have been self-regulating in this fashion for some time.

Mme Charlebois : Bravo! Mais ce n'est pas tout le monde qui l'a, alors c'est pour ça qu'on va devoir réglementer. Là, je m'entendais en écho, c'est...

M. Marien (Daniel) : ...c'est ça qu'on veut, justement, que l'industrie soit réglementée, pour qu'on puisse continuer d'avoir des businesses qui sont florissantes.

Tantôt, je parlais, rapidement, au niveau de l'éducation d'un client. Je voulais juste vous montrer deux choses différentes vu que vous n'êtes peut-être pas tous familiarisés avec qu'est-ce que c'est, une cigarette électronique. Je ne l'utiliserai pas, mais ça, c'est un modèle que vous avez sûrement tous vu, généralement, c'est un modèle qui est assez générique. Il y a une façon de le remplir à l'intérieur, il y a un élément qu'il faut changer de façon périodique pour ne pas qu'il y ait de dépôts à l'intérieur qui finissent par avoir un mauvais goût puis qui peuvent produire des choses qui sont néfastes s'ils restent là. Puis il y a des modèles qui sont beaucoup plus gros qui vont être un modèle comme celui-là, ici, que j'ai apporté juste pour le montrer. C'est la même chose, mais c'est deux fonctionnements qui sont complètement séparés. Puis je ne serais pas à l'aise d'envoyer qui que ce soit à la maison avec une unité comme ça en l'ayant vendue sans qu'il ait l'explication appropriée.

Celui-là ici, c'est un petit chargeur qu'on branche. Quand c'est chargé, c'est terminé. Celui-là, il fonctionne avec trois batteries différentes qu'on met sur un chargeur. Les batteries doivent être chargées d'une certaine façon, doivent être manipulées, entretenues d'une certaine façon. Donc, c'est très important que ça soit bien expliqué au niveau, bien, de la sécurité surtout de l'utilisateur.

Mme Charlebois : Qu'est-ce que vous pensez des cigarettes électroniques à 10 $ qui sont vendues dans les dépanneurs?

M. Marien (Daniel) : Bien, les cigarettes électroniques de dépanneur, on a tous, dans l'industrie, la même opinion là-dessus. On va regarder sur un emballage que c'est écrit «1 200 poffes», mais, étant une ancienne fumeuse, vous le savez, que quelqu'un peut prendre une poffe d'une demi-seconde sur une cigarette ou peut prendre une poffe, bien fâché, de 4,5 secondes. Donc, c'est 1 200 poffes de combien? Puis qu'est-ce qui arrive, c'est que... Si on regarde une cigarette électronique, on a un réservoir, on voit le niveau de liquide à l'intérieur. Dans les jetables de dépanneur, il n'y a pas de réservoir, ils arrêtent de fonctionner quand ils sont à sec. Donc, c'est quelque chose qui...

M. Lakhani (Beju) : Yes, I can also speak about some of the differences there with the c-store products. You know, we're of the opinion that however you start your journey to move away from tobacco, it's up to you. I think it's a great thing no matter what you do. What we have found, however, is that many of the more complicated devices that you see being sold in specific vape shops are actually more effective. So, actually, again, it's similar to my story. I started with one of those devices. Like, I moved to this device because I found that it was more effective. And that's where the education really comes in, because the 10-dollar device anyone can pick up and use, but, you know, if you are committed to getting off of cigarettes, you're probably going to need something a little bit better.

• (18 h 30) •

Mme Charlebois : Deux petites questions. J'en ai une qui concerne... J'en ai une que j'ai perdue, mais elle va revenir pendant que je vais vous poser celle-là. Vous savez que les experts de l'Organisation mondiale de la santé et le Surgeon General des États-Unis mettent en garde la population sur les risques à la santé liés à la nicotine elle-même pour les enfants, les adolescents mais également pour les foetus et les femmes enceintes. Comment vous pouvez nous recommander l'usage de la cigarette électronique? Comment vous pouvez faire en sorte qu'on puisse permettre ça? Vous nous recommandez de la permettre dans les lieux publics, alors que les personnes dont je viens de vous faire mention sont à risque, selon l'Organisation mondiale de la santé.

M. Lakhani (Beju) : Well, I can answer that. There is two parts to that. So, the first part is whether or not those people should use e-cigarettes at all, and the answer is clearly no. If you look at any active member right now, you'll see very clearly there is a warning label saying that pregnant women should not use these products. It's on my product. With respect to public places, I think the message we're making quite clear here is that we want adult-only spaces to be allowed, and then people should be able to make a choice. So, hence, there won't be any children in that space.

And, secondarily, I think it's important to look at what secondhand vapor is actually producing in terms of nicotine exposure. Those are important numbers to look at. And the studies that we've done and some of the information that we're providing in our follow-up will show that the secondhand exposure to nicotine in the by-product of someone vaping close by is virtually zero, certainly not enough to pose any kind of health hazard to anyone of those groups that you just cited. So, we're still saying adult-only spaces, but, you know, the secondhand-vapor question really doesn't drive us towards any sort of risk. That's an important point.

Mme Charlebois : Bien, il commence à y avoir des études qui nous permettent de penser que, oui, il y a certains produits dans l'atmosphère, mais ce n'est pas en quantité énorme comme le tabac, je vous le concède. Deux questions importantes, à mon sens, qui vous concernent.

Les saveurs. Vous savez que pour tout l'ensemble des produits du tabac on a interdit les saveurs, que ce soit dans les cigarettes, les cigares, dans les chichas, etc., et aussi dans le tabac sans fumée. Le vapotage, on l'a laissé, mais on s'est gardé une porte ouverte dans la réglementation possible éventuelle si on s'aperçoit qu'il y a une croissance des ventes chez les jeunes qui les amènent, par la suite, vers le tabac.

M. Marien (Daniel) : On n'est pas une industrie de tabac, la première des choses, c'est que ce qu'on vend, ce n'est pas du tabac. Deuxième chose, il y a des études qui ont paru en France, puis je vais laisser M. Maltais vous le dire, parce que je crois qu'il est plus direct sur moi sur cette étude-là.

M. Maltais (Julien-Pierre) : Bien, en fait, il y a plusieurs études qui ont confirmé que les saveurs faisaient partie intégrante du processus de la cigarette électronique.

On va remarquer beaucoup de gens qui vont commencer avec des saveurs assez simples, des saveurs tabac, des saveurs plutôt neutres. C'est souvent ce à quoi ils sont habitués. Donc, un fumeur qui a fumé une vingtaine d'années, peu importe, est habitué à un certain goût lorsqu'il a la dynamique de porter quelque chose à sa bouche et d'exhaler de la fumée ou de la vapeur. Ces gens, par la suite, ont tendance à aller vers différentes saveurs. La raison est, selon moi, assez simple : les papilles gustatives et le goût reviennent beaucoup lorsqu'on arrête de fumer, tous les ex-fumeurs ici pourront en témoigner. Donc, plusieurs études ont relevé le fait que les saveurs étaient excessivement importantes dans le processus. Et les saveurs n'ont pas de genre, n'ont pas de sexe et n'ont pas d'âge. Des clients de 58 ans, dans la soixantaine peuvent adorer la saveur à la fraise tout comme ils peuvent adorer les saveurs menthol, melon, peu importe. Plusieurs gens que je connais et des hommes de grande stature vont utiliser des saveurs qui pourraient paraître un peu sucrées. J'aime beaucoup le melon. Il y a plusieurs gens que je connais qui aiment «des saveurs», comme les politiciens aiment bien les appeler habituellement. Ces saveurs-là, nous ne les voyons pas comme étant une menace ou une manière d'amener les jeunes vers le vapotage.

Mme Charlebois : ...je vous mentionnais, c'est... je ne dis pas que c'est automatiquement ça qui va arriver, mais, si on s'aperçoit que ça devait arriver, qu'ils s'initient à la cigarette électronique avec saveur et nicotine — parce que, même s'il n'y en a pas dans l'air, la nicotine crée une dépendance, ça, c'est inévitable — si on vient qu'à s'apercevoir dans un an, dans deux ans... parce que vous savez qu'on ouvre la loi à tous les cinq ans seulement, si on s'aperçoit que les statistiques, la prévalence au tabac augmente chez les jeunes parce qu'ils ont commencé par la... ça ne va pas se bâtir en six mois, ça, cette statistique-là, là. Ce que je veux vous dire, c'est que, si ça arrivait, on pourra réglementer, mais pour l'instant on laisse les saveurs là pour permettre aux gens d'utiliser vos produits pour en venir à une cessation de tabagisme. Vous êtes à l'aise avec ça?

M. Marien (Daniel) : Au niveau des saveurs, il n'y a pas un utilisateur de cigarette électronique qui n'a jamais fumé, O.K.? On s'entend que le pourcentage de gens qui utilisent la e-cig puis qui n'étaient pas fumeurs au départ est très moindre. Mais quelqu'un qui n'a jamais fumé et utiliserait une cigarette électronique ne sera pas tenté à aller vers une cigarette, parce qu'une cigarette, pour tous ceux qui ont déjà fumé une cigarette, qui ont déjà été fumeurs, ça n'a pas un goût extraordinaire. Donc, quelqu'un qui n'était pas fumeur puis qui utilise une cigarette électronique de façon récréative, sans nicotine peut-être bien, ne va jamais tomber dans le goût de «je vais aller fumer une cigarette», parce qu'il n'y a personne ici qui mangerait un gâteau au tabac. Ça fait que ces gens-là vont venir, ils ne vont pas utiliser une cigarette électronique avec des saveurs de tabac, ils vont vouloir une saveur de gâteau, une saveur de... écoutez, il y en a tellement, des saveurs, piña colada... nommez-les. Donc, ils ne seront jamais attirés par un goût de tabac, parce que ce n'est pas ça que ces gens-là recherchent du tout. Ce n'est vraiment pas un «gateway» vers la cigarette.

Mme Charlebois : Puissiez-vous dire vrai. Alors, on n'aura jamais besoin de réglementer si tel est le cas. Puis, concernant les lieux publics, je veux juste vous dire qu'au-delà des études scientifiques ma préoccupation, c'est la renormalisation du geste de fumer. C'est un peu ça aussi pourquoi on réglemente.

Maintenant, la promotion...

Le Président (M. Tanguay) : 10 secondes.

Mme Charlebois : 10 secondes? Je veux vous parler de promotion. Dans les boutiques, si on laisse l'affichage de l'intérieur seulement pour les boutiques spécialisées, seriez-vous à l'aise avec ça?

M. Marien (Daniel) : Ça prend l'affiche extérieure qui dit...

Mme Charlebois : ...ne voit pas de l'extérieur.

M. Marien (Daniel) : Non, mais l'affiche de la compagnie...

Mme Charlebois : ...Vape shop je ne sais pas quoi, là, bien là on sait qu'on s'en va... moi, je sais bien que je m'en irais dans une boutique de vapotage, mais, les publicités, bref, les formats que vous avez, si on ne les voit que de l'intérieur, êtes-vous à l'aise avec ça?

M. Lakhani (Beju) : We think that that's appropriate. What is really important here is that persons over the age enjoy they are allowed to go into the shop and have a relatively unfiltered shopping experience so that they can make the right decision for them as they switch off of cigarettes. That's really what we are pushing for with the in-store display.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant nous tourner vers notre collègue de Rosemont pour une période de 14 minutes.

M. Lisée : Oui. Bonjour. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Welcome to the National Assembly. D'abord, je voudrais savoir... Ça évolue très, très rapidement. Au Québec, en ce moment, votre évaluation, il y a combien de boutiques de vapotage?

M. Marien (Daniel) : 183, au Québec, qui sont des boutiques dédiées à la cigarette électronique, plus, bien, les tabagies et tous les dépanneurs qui vendent les modèles jetables maintenant en magasin. Mais, des magasins de cigarettes électroniques, il y a 183 magasins, environ, différents.

M. Lisée : Et de ceux-là quelle proportion sont membres de votre association?

M. Marien (Daniel) : On a à peu près une douzaine de bannières. Comme, un exemple, ma bannière, c'est plusieurs magasins, la bannière que J.-P. travaille pour, c'est plusieurs magasins. On a douze bannières qui sont avec CVA en ce moment.

M. Lisée : Douze bannières qui regroupent, sur 183, quoi, la moitié, les deux tiers?

M. Marien (Daniel) : Ça serait dur à dire exactement. Je dirais, un petit peu moins que la moitié.

M. Lisée : Moins que la moitié.

M. Marien (Daniel) : Un petit peu moins que la moitié.

M. Lisée : ...votre volonté, c'est de recruter la quasi-totalité?

M. Marien (Daniel) : ...possible. C'est qu'on était à l'ouverture de notre association, donc, on a fait une restructuration pour les frais mensuels puis on croit avoir plus d'adhésions très récemment, dans un court terme.

M. Lisée : Quel est l'intérêt d'une boutique de s'associer à votre association?

M. Marien (Daniel) : Bien, c'est pour aider justement à CVA à pouvoir travailler, à engager les professionnels avec qui on travaille pour qu'on puisse avoir une législation qui est juste et équitable pour notre industrie, le plus possible, dans les provinces à travers le Canada au complet.

M. Maltais (Julien-Pierre) : ...aussi. Selon moi, les gens qui, bon, se joignent à une association comme CVA démontrent clairement un intérêt dans le futur de la cigarette électronique. C'est sûr qu'il y a beaucoup... comme M. Marien disait, il y a beaucoup de tabagies qui décident d'inclure la cigarette électronique dans leurs présentoirs. Il y a beaucoup d'autres magasins qui décident d'incorporer la «vape» dans les produits qu'ils vendent. Le fait de se rallier derrière un groupe qui justement est entendu aujourd'hui à l'Assemblée nationale démontre... les gens qui veulent venir nous rejoindre, ça démontre vraiment qu'ils veulent un avenir sain de la cigarette électronique, un avenir où il y a des régulations, des régulations qui font du sens, des régulations qui sont bonnes pour l'industrie et qui sont bonnes aussi pour les consommateurs.

• (18 h 40) •

M. Lisée : Quelle est, d'après vous, l'ampleur du problème des boutiques qui sont illégales ou qui vendent à des mineurs ou qui ne partagent pas votre éthique?

M. Maltais (Julien-Pierre) : Selon moi, c'est assez peu. Ces boutiques-là, si elles vont ouvrir, devraient fermer sous peu. Donc, habituellement, c'est des boutiques qui ne portent pas une grande attention aux clients ou à la qualité de leurs produits. Comme M. Marien a précisé au début de la présentation, le succès de la cigarette électronique, c'est simplement du bouche à oreille. Il n'y a pas de publicité, il n'y a personne qui se paie des montgolfières à l'effigie de leur bannière. Donc, si le mot se passe qu'il y a une compagnie qui ne porte pas attention à ses produits, ne porte pas attention à ses clients, cette compagnie-là ne pourra simplement pas continuer d'exister passé une année, même pas.

M. Lisée : Bon, on le sait, il y a une augmentation, donc, de la consommation via la cigarette électronique, et les cigarettiers investissent. Philip Morris, Reynolds, Imperial Tobacco investissent dans la cigarette électronique. Pourquoi, selon vous?

M. Marien (Daniel) : Parce qu'on leur enlève une grosse part de marché.

M. Lisée : Comment est-ce que ça va modifier votre industrie, l'arrivée des cigarettiers?

M. Maltais (Julien-Pierre) : Bien, c'est dur à dire, parce que ce n'est pas quelque chose qui est arrivé encore.

Je vous dirais que, pour l'instant, au niveau des businesses comme les nôtres, les gens qui achètent leurs cigarettes au dépanneur de façon régulière à tous les jours depuis les 25 dernières années... certaines de ces personnes-là vont essayer une cigarette électronique jetable, vont apprécier leur expérience plus ou moins puis ils vont se dire : Je vais aller voir un magasin de cigarettes électroniques, je vais l'essayer. Il y a beaucoup de personnes qui vont rentrer puis qui vont dire : J'ai acheté ça, as-tu quelque chose de mieux? Puis, à ce moment-là, on a tous des stations d'essai pour différents modèles. Pourquoi avoir à essayer? Parce qu'un fumeur qui fume cinq cigarettes par jour puis un fumeur qui fume 45 cigarettes par jour n'ont pas le même besoin en cigarette électronique. Il va avoir besoin d'un modèle avec plus de batterie et plus de performance pour pouvoir faire sa journée. Parce que l'idée, c'est que, une cigarette, tu en as besoin d'une, bien moi, j'ouvrais mon jacket puis j'en prenais une. Je n'en avais plus, je prenais le paquet de plus qu'il y avait dans le coffre à gants. Une cigarette électronique, il faut qu'il y ait assez de courant pour faire sa journée pour que le fumeur ne soit pas tenté de s'acheter un paquet de cigarettes.

M. Lisée : Normalement, les cigarettes électroniques qui sont produites par les cigarettiers vont être disponibles dans vos boutiques?

Une voix : Non.

M. Lisée : Non? Pourquoi pas?

M. Maltais (Julien-Pierre) : Ce qu'on peut voir aux États-Unis en ce moment sur, bon, certaines compagnies de tabac qui semblent se lancer dans l'aventure de la cigarette électronique, exemple, Mark Ten, que j'ai vue — j'étais aux États-Unis cette fin de semaine — ce sont de petits modèles, comme disait M. Marien, des modèles «cigalike», qu'on appelle dans l'industrie, donc qui ressemblent à une vraie cigarette, et ce ne sont pas des modèles que des compagnies, disons, comment dire... je ne dirais pas «sérieuses», mais, je dirais, qui veulent répondre à plusieurs besoins, des besoins différents vont être portées à aller chercher. Le modèle que M. Marien a montré auparavant est somme toute assez petit, assez discret, donc la plupart des gens iraient vers ce modèle-là plutôt qu'une petite cigarette électronique de dépanneur. Donc, nous, l'attrait ne semble pas être très, très fort pour ça, non.

M. Lisée : Mais, s'ils devaient développer des cigarettes plus sophistiquées, est-ce que vous avez une opposition de principe à les avoir dans vos boutiques?

M. Lakhani (Beju) : I'm the one person on the panel who doesn't own a shop, but I can address a little bit about the issue of big tobacco and the notion that they might try to buy their way into the vaping world.

If you look at the history of this industry and what's actually happening, big tobacco's forays into vaping and e-cigarettes have always come through distribution channels that they can control, so they were going to see store... as something that was a fairly high barrier to entry in the form of a cigalike in a closed system. They are absolutely against what we do. The open system actually creates a much more even playing field. In the US, they're quite opposed to our industry. It's vaping versus what they're doing in e-cigarettes.

Another point that's actually rather interesting is, if you look at public confidence among the base of their consumers that are buying those cigalike products, specifically former smokers like us, 70% say they would never buy another big tobacco product, which is why those acquisitions that they made — brands like Blu and Green Smoke — immediately saw their sales drop off. When you have people like us, who are former smokers, who are people who are very anti-tobacco, there's a level of trust in our effort to try and bring the best product forward to consumers so they can actually get something to help them.

M. Marien (Daniel) : Au niveau des cigarettes elles-mêmes, si elles seraient fabriquées par des compagnies de tabac, ce n'est pas quelque chose qui intéresserait vraiment les détaillants, parce que les détaillants, en général, vont acheter un produit qui vient de leur pays, un produit canadien. Donc, au niveau des ventes de liquides, et compagnie, les compagnies du Canada préfèrent s'approvisionner dans des succursales puis des manufactures canadiennes parce que c'est fait ici.

M. Lisée : Il n'y a rien qui interdirait aux cigarettiers d'ouvrir leurs propres boutiques s'ils développaient, enfin, un catalogue, parce que leur intérêt, c'est de garder le marché, et, si le marché des fumeurs de cigarette normale se transforme en fumeurs de cigarette électronique, leur intérêt, ça va être de trouver des façons de vous prendre ce marché-là à vous, les indépendants.

M. Marien (Daniel) : C'est pas mal certain que c'est ce qu'ils vont avoir dans l'oeil comme point de mire, parce que, selon le Forbes Magazine, c'est ce qui va arriver en 2021.

M. Lisée : 2021?

M. Marien (Daniel) : Oui, la courbe de croissance se joindrait en 2021.

M. Lisée : Donc, de la baisse de la consommation de cigarette normale et de la hausse de cigarettes électroniques.

Bon, on a eu des témoignages, là, de pneumologues qui sont assez probants sur la question de l'utilité de la cigarette électronique pour cesser de fumer. Ils étaient assez convaincus de la non-nocivité ou de la faible nocivité de la fumée secondaire. En ce moment, il y a quelques études qui semblent dire, bien, le contraire. La nocivité est nettement moindre que la fumée secondaire de la cigarette traditionnelle, ça, c'est certain, mais je regarde, par exemple, les chercheurs de l'Université de Southern California qui, l'an dernier, disaient : Bon, bien, c'est vrai qu'il n'y a pas les mêmes cancérigènes que dans la cigarette normale, mais la fumée secondaire électronique contient du chrome, qu'on ne retrouve pas dans la fumée secondaire traditionnelle, jusqu'à quatre fois plus de nickel que la fumée secondaire traditionnelle. Plusieurs autres métaux toxiques comme le zinc et le plomb ont été détectés dans la fumée secondaire électronique, mais en concentrations moindres que dans la traditionnelle. Le professeur Constantinos Sioutas a expliqué que ces concentrations de métaux toxiques sont inquiétantes, même si, règle générale, la fumée secondaire électronique, c'est moins dangereux que la traditionnelle.

Les chercheurs croient que les métaux proviennent de la cartouche de la cigarette électronique et qu'on pourrait amenuiser le problème en modifiant les méthodes de fabrication. Est-ce que vous êtes conscients de ce problème, et est-ce que c'est quelque chose auquel vous pouvez remédier?

M. Lakhani (Beju) : Yes. I'm happy to answer that question. So, the study in question was actually looking at the big tobacco products that are very different than these products. They are closed system products in which the liquid is contained in a sealed cartridge. That's when they're referring to the presence of metals, and whatnot. Similar studies that were conducted on the vapor products that we're producing did not find the same result. I'm familiar with that study. What I would say is that there is an evolving field of research and there are many studies that show that the vapor we're producing is actually quite harmless.

M. Lisée : O.K. Donc, juste pour traduire pour les gens qui nous écoutent, la réponse est que l'étude en question portait sur les cigarettes électroniques produites par les cigarettiers et non pas par la méthode que vous avez.

M. Marien (Daniel) : C'est que c'est une étude qui est produite sur les cigarettes vendues par les cigarettiers, les sauces qui sont «sealées», qui sont jetables. Ça fait que les cartouches à l'intérieur de ceux-là, c'est des cartouches qui sont scellées avec du liquide dans une espèce de bourre, puis il y a une torsade électrique à l'intérieur.

M. Lisée : ...la cigarette électronique que vous vendez.

M. Marien (Daniel) : ...de ce qui est vendu, non. Donc, qu'est-ce qui arrive, c'est que le client, comme je disais tantôt, n'a pas une petite vitre sur le côté pour voir la quantité de liquide qu'il y a à l'intérieur, donc, à un certain point, il va tirer sur sa cigarette électronique, donc l'élément va s'allumer, mais il s'allume dans une cartouche qui est complètement vide de liquide, mais c'est impossible de le savoir parce que c'est un tube blanc qui est complètement opaque, d'où la différence entre une cigarette qu'on retrouve dans un magasin, dans une boutique de cigarettes électroniques, qui est rechargeable, réutilisable, et une jetable.

M. Lisée : Et donc le consommateur, lui, de cigarette électronique, bon, il en voit une au dépanneur, ça peut être celle-là, il peut y avoir ce problème-là.

Lorsque vous dites que vous êtes en train de discuter d'un groupe de travail avec Santé Canada pour une norme ISO sur la composition, est-ce que ça pourrait déboucher sur une composition réglementée qui exclurait ce type de risque là?

• (18 h 50) •

M. Lakhani (Beju) : It's... well, certainly yes, that type of risk. The standards that we look into would definitely involve thorough testing of the by-product of the liquids and the vapor. We already actually do have a testing standard in place through the Electronic Cigarette Trade Association that does look at what the liquid is composed of and we're searching for things like diketones, that's formaldehyde. They actually look at the pH balance, the amount of nicotine and making sure that it's within an acceptable amount.

So there's testing taking place, and what we're looking to further do with working through the ISO standard is really make that as rigid as possible so that there's very little room for products to come through that might produce these types of results.

M. Lisée : ...ISO, c'est... corrigez-moi si j'ai tort, c'est une réglementation volontaire, elle n'est pas imposée. Ce sont les fabricants qui décident volontairement de dire : Je vais me conformer à la règle ISO, je vais mettre ça sur mon produit. Mais ne serait-il pas nécessaire que ça soit de la réglementation imposée à tous?

M. Marien (Daniel) : Bien, c'est tout ce que, justement, les bons commerçants font en ce moment. C'est pour ça qu'on a fondé des associations, c'est pour ça qu'on s'en occupe, c'est pour ça qu'on essaie de rentrer des gens avec nous dans l'organisation, histoire que les personnes s'unissent ensemble puis s'en aillent dans un droit chemin dans cette industrie-là, pour qu'elle soit réglementée. Ça fait que pour l'instant, en tant que commerçant qui a une quinzaine de magasins, je dois avoir dit non à... je ne sais pas le nombre de personnes qui n'étaient pas en âge dans les quatre dernières, mais je leur ai toutes présenté la porte, puis on n'en a jamais vendu aux mineurs.

La loi n'est pas là, mais on l'applique déjà, même si elle n'est pas là, parce qu'on a une conscience sociale.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant nous tourner vers notre collègue de Saint-Hyacinthe pour un bloc de 9 min 30 s.

Mme Soucy : Merci. Alors, on est d'accord, hein, pour s'assurer d'une bonne réglementation et que ça soit exclusivement réservé aux adultes, qu'il y ait des lieux qui soient définis.

Seriez-vous ouverts à ce qu'on impose un permis du ministère de la Santé pour s'assurer de la conformité, premièrement, du produit qui est vendu dans les boutiques et s'assurer que les gens qui conseillent donnent la bonne information?

M. Lakhani (Beju) : Yes, I can answer that. I believe that the step that the federal Government took earlier this year and the recommendations of the ASA Committee did advise that a third category of product be created to allow for a market authorization pathway for these products. We fully support that. We do believe that going through a Health Canada market authorization process is vital for this industry. It insures the safety of the consumers, consumer confidence in the products that they're buying. It also insures that manufacturers, retailers, the whole community is held to a certain standard, which we very much believe in.

Mme Soucy : Merci. Les intervenants en santé qui sont venus ici, ils étaient tous contre le fait de vapoter à l'intérieur. Vous, vous dites : Bien, on aimerait ça que ça soit ouvert aux bars puis aux boutiques. Il ne faut pas minimiser non plus le geste de fumer, l'acte comme tel. Pensez-vous que d'autoriser la cigarette électronique dans les bars pourrait susciter une tentation chez les anciens fumeurs puis qu'ils pourraient recommencer à fumer?

M. Marien (Daniel) : Moi, je vous dirais qu'à la sortie d'un bar, si je sors à l'extérieur, je vais voir 25, 30, 40 personnes enlignées sur le trottoir en train de fumer une cigarette. Que je sois n'importe où dans le bar, si je me tourne de côté, c'est ce que je vais voir par la fenêtre à l'extérieur. Donc, d'un point de vue de normaliser le geste, non, je ne pense pas que ça pourrait vraiment faire une différence.

M. Maltais (Julien-Pierre) : Aussi, si je peux me permettre, une étude de la Harvard School of Health avait été conduite l'année passée, si je ne m'abuse, montrant que moins de 1 % des gens qui utilisent une cigarette électronique ne sont pas fumeurs. Donc, sur la quasi-totalité des gens qui utilisent une cigarette électronique, ce sont des gens qui sont dans un processus d'abandon du tabac. Donc, les gens ne seraient pas incités à aller vers la cigarette électronique juste pour le plaisir.

Mme Soucy : O.K. Parce qu'on s'entend pour dire que c'est complexe, hein, pour le consommateur. Le terme «cigarette», bon, on sait que ça désigne un produit qui fonctionne à l'électricité, sans combustible puis, bon, qui est destiné, là, à faire l'acte de fumer.

Tu sais, il y en a qui sont à vapeur, il y en a d'autres qui sont à fumée artificielle puis qui ressemblent visuellement à de la vraie boucane de cigarette.

M. Marien (Daniel) : ...artificielle?

Mme Soucy : Pardon?

M. Marien (Daniel) : Qu'est-ce qui serait à fumée artificielle?

Mme Soucy : Bien, ceux qui ressemblent, là... tu sais, que la fumée est plus opaque, là, plus...

Une voix : Bien, c'est de la vapeur, c'est la même chose.

Mme Soucy : Oui, oui, c'est de la vapeur, mais...

Une voix : Tous les systèmes produisent la même...

Mme Soucy : ...mais on s'entend pour dire qu'il y en a... bien, tu sais, ils sont tous aromatisés, mais il y en a qui contiennent de la nicotine, il y en a qui n'en contiennent pas, alors c'est compliqué, là, pour quand même le consommateur. Serait-il, en fait, souhaitable de quitter les mots «cigarette électronique» pour s'éloigner justement du monde du tabac pour ceux qui ne contiennent pas de nicotine? Parce que je sais qu'il y a eu un projet de révision de la directive sur les produits et tabacs à Bruxelles en 2012, puis ils se sont penchés sur la question justement pour éviter que des compagnies de tabac rachètent des compagnies de cigarettes électroniques. Donc, ça réglait le problème.

M. Maltais (Julien-Pierre) : C'est aussi important peut-être de vraiment différencier cigarette et nicotine. Ce n'est pas deux choses qui sont intrinsèquement liées, elles ne vont pas nécessairement ensemble. Donc, de dire que celles contenant de la nicotine sont des cigarettes électroniques, que celles n'en contenant pas sont... un autre mot, bien, je pense qu'on peut trouver une désignation qui engloberait tout. Donc, je pense que c'est excessivement important aussi d'enlever les mots «nicotine» et «cigarette» et ne pas nécessairement les mettre ensemble tout le temps.

Mme Soucy : Et pour les clients qui n'aimaient tout simplement pas la vapeur de la cigarette électronique dans les bars, avec votre demande, ces gens-là font quoi?

M. Lakhani (Beju) : Answering about secondhand vapor, I... So, it is important to understand here that there is a difference between something being a health risk and being a nuisance. I can find something is a nuisance in a bar, that doesn't entitle me, as an individual, to say : I don't want to be around it. I think that, in the case of vapor, what we are looking at is something that has a significant public health upside and certainly, for that individual, possesses a significant upside, and, while it may be a nuisance to some people, it's certainly not posing a health risk.

Mme Soucy : Alors, pour conclure, qu'est-ce que vous répondez? Parce qu'en fait les médecins qui sont venus ici aujourd'hui, ils nous ont dit : Bien, non, ça ne contient pas... la vapeur, ce n'est pas nocif comme tel pour la santé, mais, socialement, ce n'est pas acceptable. Alors, c'est pour ça qu'ils ont tendance à ne pas vouloir l'autoriser sur les terrasses, par exemple.

M. Marien (Daniel) : Je suis d'accord avec le fait que ça peut incommoder une personne qui est assise à côté de moi sur une terrasse, c'est possible, mais, si on est dans n'importe quel événement, dans n'importe quels bars, concerts, et compagnie, ils utilisent des machines à vapeur un petit peu partout dans ces établissements-là, puis l'usage est légal et permis à l'intérieur, ce qui va produire l'équivalent d'à peu près 30 000 cigarettes électroniques en même temps en l'espace de 30 secondes.

Mme Soucy : Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Thank you very, very much for your presentation. Merci beaucoup d'avoir été parmi nous, donc, aux représentants de l'Association canadienne du vapotage.

Compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux de la commission à demain, mercredi 19 août, à 9 h 30. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 18 h 58)

Document(s) associé(s) à la séance