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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mercredi 25 février 2015 - Vol. 44 N° 38

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 20, Loi édictant la Loi favorisant l’accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée


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Table des matières

Auditions (suite)

Doyens des facultés de médecine des universités Laval, de Montréal, McGill et de Sherbrooke

M. Jean-Pierre Ménard

Département d'obstétrique-gynécologie du CHU Sainte-Justine

Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens du Centre de santé et de services sociaux
de la Montagne

M. Jonathan Dumont

Autres intervenants

M. Marc Tanguay, président

Mme Marie Montpetit, présidente suppléante

M. Gaétan Barrette

Mme Diane Lamarre

M. François Paradis

M. Amir Khadir

Mme Lorraine Richard

M. Marc H. Plante

*          M. David H. Eidelman, doyens des facultés de médecine des universités Laval,
de Montréal, McGill et de Sherbrooke

*          M. Pierre Cossette, idem

*          M. Rénald Bergeron, idem

*          Mme Hélène Boisjoly, idem

*          Mme Louise Duperron, Département d'obstétrique-gynécologie du CHU Sainte-Justine

*          M. Élias Dahdouh, idem

*          Mme Johanne Martel, idem

*          Mme Sabrine Manoli, Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens du Centre de santé
et de services sociaux de la Montagne

*          M. Sanjay Aggarwal, idem

*          Mme Gael O'Shaughnessy, idem

*          Mme Andrée-Anne Cromp, idem

*          Mme Anne-Katrin Richter, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures cinquante-sept minutes)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 20, Loi édictant la Loi favorisant l'accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Soucy (Saint-Hyacinthe) est remplacée par M. Caire (La Peltrie).

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Ce matin, nous recevrons les doyens des facultés de médecine des universités Laval, Montréal, McGill et de Sherbrooke ainsi que Me Jean-Pierre Ménard. Nous ajournerons les travaux à 18 heures.

Pour la suite des choses, considérant le retard que nous avons pris dû, et c'est tout à fait normal dans un Parlement, à l'expédition des affaires courantes, j'aurais besoin d'un consentement pour terminer à 13 h 30. Y a-t-il consentement? Consentement. Et, ceci dit, le temps des parlementaires, des échanges avec les parlementaires sera redistribué au prorata, ça n'enlève rien, le 10 minutes de présentation de chaque, évidemment, personne qui viendra nous voir.

Auditions (suite)

Alors, bienvenue, bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes, après il y aura les échanges avec les parlementaires. Je vous demanderais, pour les fins d'enregistrement, de bien vouloir vous identifier et identifier les personnes qui vous accompagnent ainsi que vos fonctions. Alors, la parole est à vous.

Doyens des facultés de médecine des universités Laval,
de Montréal, McGill et de Sherbrooke

M. Eidelman (David H.) : Merci, M. le Président. M. le ministre, chers membres de la commission. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui en tant que président de la conférence des doyens des quatre facultés de médecine du Québec. Je suis David Eidelman et je suis accompagné de mes trois collègues, que j'aimerais vous présenter : il y a le Dr Rénald Bergeron, doyen de la Faculté de médecine de l'Université Laval, Dre Hélène Boisjoly, doyenne de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal, et Dr Pierre Cossette, doyen de la Faculté de médecine et des sciences de la santé, Université de Sherbrooke. Nous tenons à remercier la Commission de la santé et des services sociaux de nous offrir sa tribune afin de nous exprimer sur le projet de loi n° 20.

Avant d'aller plus loin, j'aimerais souligner que toutes les facultés souscrivent à l'intention du gouvernement d'optimiser l'utilisation des ressources médicales et financières du système de santé. Nous sommes d'accord que des changements doivent être apportés à l'organisation des soins et des services pour offrir à la population québécoise des services de santé de qualité et accessibles. Dans cet esprit, nous souhaitons collaborer étroitement à l'atteinte de cet objectif.

• (12 heures) •

Toutefois, nous sommes profondément préoccupés par l'impact négatif que le projet de loi pourrait avoir sur la formation de futurs médecins ainsi que sur la croissance du nombre de médecins de famille au Québec. En effet, celui-ci ne reconnaît pas le rôle majeur que jouent les médecins dans la formation de la relève, c'est-à-dire de la prochaine génération de médecins de famille, de médecins spécialistes et des autres professionnels de soins de santé. Il ne tient pas compte non plus de la recherche clinique qu'effectuent certains de nos médecins. À la lecture du projet de loi, on y passe entièrement sous silence les besoins particuliers de l'enseignement en médecine de famille et on effleure à peine ceux de l'enseignement dans les autres spécialités, c'est pourquoi nous proposons au gouvernement de prévoir des modalités particulières avec les universités afin de s'assurer que les médecins cliniciens enseignants puissent accomplir à la fois leurs tâches académiques et cliniques sans nuire de façon importante à l'une ou l'autre de ces fonctions.

Par ailleurs, le projet de loi, dans son état actuel, risque fort de conduire à un empiétement du ministère sur la gestion des affaires académiques et la formation des étudiants en sciences de la santé, qui, selon nous, doit demeurer une prérogative universitaire. Nous devons poursuivre le dialogue et explorer ensemble des solutions viables qui nous permettront de préserver la mission cruciale des médecins enseignants et chercheurs.

La formation en médecine de famille est dispensée dans 48 unités de médecine familiale, des UMF, rattachées aux quatre facultés de médecine. Ce sont des centres universitaires, des milieux de soins, de formation et de recherche et des foyers d'innovation dans les modèles d'organisation de services. En plus de participer à la formation de futurs médecins de famille, ces unités prodiguent des soins à un demi-million de Québécois chaque année. Ensemble, les quatre facultés de médecine québécoises comptent actuellement un peu plus de 4 000 étudiants aux études médicales de premier cycle et environ 4 000 autres en résidence, dont un peu plus de 1 000 en médecine de famille. Le réseau d'enseignement couvre tout le Québec et s'étend dans plusieurs milieux éloignés et ruraux. En plus de participer à la formation des futurs médecins de famille, ces UMF prodiguent des soins à un demi-million de Québécois qui y sont inscrits comme patients et qui peuvent les fréquenter jusqu'à plusieurs fois par année.

La formation des résidents en médecine de famille nécessite une participation importante et un engagement constant des médecins cliniciens enseignants. Les stages en résidence de médecine de famille sont répartis entre les milieux de première ligne, par cela je veux dire suivi des patients, sans rendez-vous, visites à domicile et soins de longue durée, et les milieux de deuxième ligne en hôpitaux, soit étages généraux et spécialisés, urgence, soins aux personnes âgées, soins palliatifs, obstétrique et autres.

Les médecins de famille cliniciens enseignants jouent également un rôle dans la formation de premier cycle au doctorat en médecine, leur contribution à la formation doctorale est essentielle et représente, selon les facultés, entre 20 % et 70 % de l'enseignement total. De plus, les médecins de famille participent à la formation d'autres professionnels de la santé tels que les infirmières praticiennes spécialisées de première ligne et les pharmaciens. Ils exercent aussi de plus en plus des tâches essentielles dans les services d'urgence, les soins palliatifs, les soins aux personnes âgées, les services de santé mentale et bien d'autres milieux.

Alors, à la lumière de la pénurie de médecins de famille constatée au cours des dernières années, un effort concerté de tous les intervenants en collaboration avec le ministère de la Santé et des Services sociaux nous a permis de valoriser et de positionner cette spécialité pour en améliorer l'attractivité et favoriser le généralisme dans la formation médicale. Au cours des 10 dernières années, le nombre d'étudiants entrant au programme de résidence en médecine familiale a doublé, et nous sommes en voie d'atteindre notre cible de 55 %. D'après les projections actuelles, ce nombre continuera d'augmenter pour atteindre un sommet de 514 en 2017. Dans sa forme actuelle, le projet de loi n° 20 pourrait sérieusement compromettre les gains réalisés quant à la perception positive de la médecine familiale chez les étudiants comme choix de carrière prometteur et avantageux.

Vous me permettrez d'ouvrir une parenthèse sur la partie II du projet de loi n° 20 qui porte sur les activités cliniques et de recherche en matière de procréation assistée. Les facultés saluent le désir du ministre de donner davantage d'importance à l'évaluation éthique des projets de recherche en matière de procréation assistée et également son intention de demander à un organisme compétent comme le Collège des médecins du Québec d'élaborer, si nécessaire, des lignes directrices en matière de procréation assistée. Toutefois, elles craignent un impact négatif du projet de loi sur le niveau d'activité dans les infrastructures académiques qui se trouvent dans leurs centres hospitaliers d'enseignement — ça veut dire les CHU. Il faut donc sauvegarder ces infrastructures et leur mission académique, quel que soit le mode de financement choisi pour la procréation assistée.

En conclusion, la Conférence des doyens des facultés de médecine du Québec soumet six principes, six principes qui doivent être garantis pour que les facultés envisagent d'appuyer le projet de loi n° 20 : principe 1, la reconnaissance de l'importance cruciale d'une collaboration formelle et soutenue entre le ministère de la Santé et des Services sociaux, le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de la Science et les facultés de médecine dans la transformation du réseau; principe 2, la reconnaissance du statut de médecin de famille enseignant et chercheur et l'adaptation des exigences cliniques prévues aux exigences académiques; principe 3, la reconnaissance du statut de médecin spécialiste enseignant et chercheur et l'adaptation des exigences cliniques prévues aux exigences académiques pour eux aussi; principe 4, la reconnaissance d'une pratique collective et interdisciplinaire de la médecine de famille dans les milieux qui font de l'enseignement; principe 5, la reconnaissance que les milieux cliniques et en particulier les UMF sont à configuration variable et nécessitent donc des ressources adaptées pour répondre aux besoins de leur population et aux besoins de formation; et principe 6, la reconnaissance que des conditions matérielles spécifiques sont essentielles si on veut assurer l'accessibilité et une qualité d'enseignement.

La Conférence des doyens des facultés de médecine du Québec ne peut donc pas donner son appui au projet de loi actuel en l'absence de garanties de respect de ces six principes. De ne pas distinguer d'entrée de jeu que les médecins oeuvrant dans les milieux d'enseignement pratiquent leur profession selon des paramètres particuliers induirait un risque élevé de traiter inéquitablement ces médecins et de les soumettre à des obligations impossibles à respecter. Au nom de mes collègues de la Conférence des doyens des facultés de médecine du Québec, nous convions donc le ministre et le ministère à un dialogue ouvert et constructif en l'assurant de notre collaboration afin de faire de ce projet de transformation du réseau de la santé un succès. Merci beaucoup de votre attention.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, sans plus tarder, débutons la période d'échange. Je cède la parole au ministre de la Santé pour une période de 14 min 15 s.

• (12 h 10) •

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, Dr Eidelman, bienvenue. Dr Boisjoly, Dr Cossette, Dr Bergeron. Alors, merci. Malheureusement, on a moins de temps, alors je vais aller certainement plus directement au point pour qu'on puisse avoir un échange productif. Je vais reprendre vos six éléments. Et, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent et des parlementaires qui nous accompagnent, je tiens à informer tout le monde que, des rencontres sur ces six sujets-là, on en a eu plusieurs, et je suis convaincu qu'on en aura d'autres.

Je vais commencer par faire un premier commentaire qui est très important pour moi, vous pourrez le commenter, là, évidemment je vais vous redonner la parole. C'est sûr que ce projet de loi là vient modifier la perception que les jeunes étudiants en médecine peuvent avoir de la médecine de famille, c'est évident, pour une raison simple, et ce n'est pas à cause du... C'est à cause du projet de loi, mais c'est incontournable. Et, peu importe ce qui arrivera ou arriverait, ça va devoir changer, c'est une finalité. La médecine de famille ne peut plus être considérée comme étant un véhicule dans lequel il n'y a pas... où il y a un maximum de qualité de vie puis il n'y a pas un minimum de responsabilité sociale, hein, l'état de la médecine de famille doit changer, ça, c'est la première chose. Et de ne pas appuyer le projet de loi, à mon avis, sur la base du fait que la perception de la médecine de famille va changer, c'est un mauvais chemin. La perception de la médecine de famille va changer parce que la médecine de famille doit prendre d'autres voies, la voie du service à la population requis.

Maintenant, et je vais vous redonner dans quelques instants la parole là-dessus, là, pour ce qui est de trois de vos éléments, là, qui sont le statut du médecin de famille en tant qu'enseignant, du médecin spécialiste en tant qu'enseignant, c'est évident qu'on le reconnaît, c'est déjà reconnu à bien des égards dans les ententes avec les fédérations médicales. Le statut de pratique collective, les ressources et les conditions physiques, ce que j'aimerais entendre de vous, c'est des choses factuelles. Par exemple, vous savez, et je comprends qu'à ce jour on n'ait pas donné les équivalences, par exemple, pour ce qui est des pondérations, je le sais, là, c'est la critique première qui est véhiculée, et elles ne sont pas données, ces équivalences-là, maintenant, non pas parce qu'on n'en a pas — mais on va finir par les sortir pendant les commissions parlementaires — parce qu'on a attendu les commissions parlementaires pour recevoir vos propositions. Et là, aujourd'hui, bien j'aimerais entendre des propositions. Dans un esprit de prise en compte de ce qui vient avec la charge d'enseignement, c'est quoi que vous verriez? Et qu'est-ce qu'il vous faut comme ressources? Je sais à peu près ce que vous allez me dire, théoriquement, mais j'aimerais l'entendre.

Le projet de loi n° 20, là, c'est un projet d'abord de capacité. Et, quand on dit la capacité, comme je vous l'ai dit la dernière fois qu'on s'est vus, c'est une question de nombre de patients qu'on voit dans une année, par jour, pendant un nombre de jours, une offre de services, une disponibilité, après on l'organise, la capacité, et on la pondère. Et on prend, et je suis d'accord, en considération que, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, un patient qui est en fin de vie à domicile ne peut pas être compté pour un au même titre qu'un adolescent de 18 ans qui voit le médecin parce qu'il a une entorse après une partie de football, ce n'est pas la même chose, on est d'accord avec ça. C'est la même chose pour l'enseignant, mais en quelque part il faut des pondérations comme il nous faut des commentaires précis le plus possible sur ce que vous demandez comme aménagements pour ce qui est des ressources organisationnelles et physiques, c'est ça que je veux entendre, moi, aujourd'hui, pour que je puisse adapter le projet de loi à ce que vous faites. Mais à la fin, qui devient le début, le début est la capacité. Et après ça je vous poserai une deuxième question, que vous devinez évidemment, mais j'aimerais ça vous entendre sur les premiers éléments que je viens de dire.

M. Eidelman (David H.) : Merci beaucoup. M. le Président, le ministre nous a posé la question au sujet de nos propositions. La première proposition qu'on aimerait faire, c'est de renforcer la collaboration entre les facultés de médecine et le ministère, surtout le ministère de la Santé et des Services sociaux, pour être sûrs que nous trouvons des solutions aux problèmes de la population québécoise, y compris le besoin de capacité, qui sont consistantes avec la mission éducative, avec le besoin d'avoir un milieu où on forme bien les futurs médecins et les autres professionnels de la santé, ça, c'est notre mission numéro un en tant que doyens, mais nous croyons qu'il y a aussi d'autres choses qu'on peut faire qui n'apparaît pas du tout dans le projet de loi actuel, par exemple le rôle des autres professions et l'interdisciplinarité. Ça, c'est une méthode et un mécanisme bien prouvé ailleurs qui sert à aider la productivité des médecins. Et, comme vous savez, comme le ministre va savoir et les autres médecins présents vont savoir, la pratique de médecine est en pleine évolution, et nous formons nos étudiants en médecine et nos résidents à travailler en plus étroite collaboration avec les autres disciplines afin de permettre une efficacité accrue.

L'autre chose qui n'est pas dans le projet de loi, c'est la reconnaissance que le problème de capacité est plus complexe que simplement le nombre de personnes par jour. Quand on parle des enseignants, le travail d'enseigner est varié, et la difficulté et le temps que ça prend est varié. Ça veut dire qu'il y a une différence entre former un résident R5 — ça veut dire dans la dernière année — dans certaines spécialités, où le résident peut travailler en quasi-indépendance, et superviser un étudiant de premier cycle qui a beaucoup besoin de supervision, et ça prend beaucoup de temps. Donc, ce n'est pas une simple formule mathématique qui peut s'appliquer et qui peut résoudre le problème.

Qui plus est, beaucoup de nos enseignants ont d'autres tâches. Et je vais passer à mon collègue, Dr Cossette, pour d'autres commentaires.

M. Cossette (Pierre) : Bien, dans les éléments, puis c'est là que ça devient difficile de le faire en commission parlementaire, c'est que ça prend vraiment une structure de collaboration soutenue qui dépasse beaucoup le simple échange d'information. Donc, il faudrait vraiment construire ces éléments-là. Et on est très heureux de voir l'ouverture à tenir compte de ces réalités-là, mais, pour nous, le détail, comment... «the devil is in the details».

M. Eidelman (David H.) : Le diable est dans les détails.

M. Cossette (Pierre) : Le diable... Merci de la traduction. Donc, à ce moment-ci, on est contents de voir l'ouverture, mais, pour nous, de pouvoir travailler sur ces éléments-là concrètement, noir sur blanc, c'est essentiel, parce que le même principe ici appliqué d'une certaine façon peut avoir des effets secondaires très graves puis, s'il est bien appliqué, il peut avoir des effets bénéfiques importants.

Puis l'autre élément qui est très, très important pour nous, c'est la pratique collective. Donc là, on rentre dans une logique d'objectifs individuels, et les milieux d'enseignement... Puis je sais que vous avez déjà beaucoup d'ouverture là-dessus, Dr Barrette, mais, pour nous, c'est important que ça soit dit, là. Une équipe d'enseignement, il y a une énorme complémentarité parce que, pendant qu'un médecin va faire du haut débit dans un sans rendez-vous, l'autre va faire une supervision un pour un avec un étudiant très peu expérimenté, et puis on change de logique.

Puis il y a un autre point que je veux faire absolument, c'est de dire que, pour nous, la responsabilité sociale des médecins, de la médecine, c'est crucial. On enseigne ça et on le fait. Donc, on a intégré ça dans nos curriculums, on l'enseigne en médecine de famille, on l'enseigne dans toutes les spécialités. Et c'est une valeur à laquelle on adhère, c'est déjà inclus dans nos missions, c'est déjà quelque chose qu'on fait. Donc, pour nous, c'est bien, bien important qu'on réalise que les quatre facultés de médecine, on est à l'avant-garde là-dedans, et, pour nous, c'est vraiment important de mettre ça de l'avant.

M. Eidelman (David H.) : Alors, pour finir notre réponse, j'aimerais revenir sur le point principal. C'est que, pour nous, c'est essentiel que le rôle de médecin enseignant soit reconnu afin, là, qu'on puisse comprendre où il est. On ne le voit pas dans le projet de loi n° 20 actuel, et c'est pour cette raison-là que le projet actuel ne nous est pas acceptable du tout.

M. Barrette : Alors, je vais répéter ma question, puis j'espère, je vous invite, si c'est possible... Puis vous pourriez me dire que ce n'est pas possible, peut-être n'avez-vous pas fait votre réflexion jusque-là. Il y aura des pondérations, et nous avons l'intention de pondérer favorablement, évidemment, parce qu'une pondération, c'est par définition favorable, l'activité de l'enseignant. Et, l'activité d'un médecin, évidemment, il y a bien des choses qui sont des impondérables, ça fait partie de la vie, et on pondère. Bon, puis est un impondérable la distance du stationnement à l'hôpital, là, et ça, on ne va pas pondérer la distance du stationnement à l'hôpital, alors pas le téléphone ou la réunion à l'université, ça, c'est vous autres qui avez à vous occuper de ça, moi, je m'occupe de la partie clinique. Alors, des pondérations, ça existe. Est-ce que vous seriez confortables, par exemple, à ce qu'on pondère un patient qui... un résident qui voit un patient pour qu'il compte pour deux, par exemple? Est-ce que vous avez réfléchi à ce genre de chose là?

Et je vais faire un dernier commentaire professionnel. Vous dites que les choses, en médecine, ne se mettent pas dans des chiffres. Bien, c'est bien plate, là, mais tout en médecine est dans des chiffres. C'est comme une natrémie. On a pris dans l'histoire des milliers de personnes puis on a déterminé quel était un sodium normal, et ce n'est pas un chiffre, c'est une fourchette. Et c'est comme ça partout, et c'est le principe de la moyenne. Une moyenne, c'est une moyenne. Et à un moment donné il faut avoir des paramètres qui soient évaluables et applicables, et après ça on pondère pour justement prendre en compte le fait qu'une moyenne, c'est une moyenne, et il y a des situations qui sortent de la moyenne qui peuvent être normales quand même.

Avez-vous ou non fait une réflexion sur ce que vous considérez applicable de façon pratique à propos des six paramètres que vous nous avez mentionnés? Vous me dites le statut. Vous voulez quoi exactement? Vous me dites la pratique collective. Vous voulez quoi exactement? Vous me parlez de l'interdisciplinarité. C'est à vous autres à enseigner ça, ça ne se fait pas sur le terrain. Et c'est quoi, les volumes? Et moi, je demande souvent aux facultés de médecine, je vous l'ai déjà demandé précédemment, une faculté de médecine devrait, dans son entraînement, faire en sorte que les résidents finissants aient un volume d'activité raisonnablement proche de celui d'une personne qui pratique depuis quatre, cinq ans. C'est quoi, ça, une pratique, selon vous, normale depuis quatre, cinq ans? Avez-vous des choses plus quantifiées à nous proposer?

M. Eidelman (David H.) : Alors, merci de cette question. M. le Président, d'abord, certainement les facultés sont très ouvertes à la possibilité de... et pas seulement à la possibilité, mais de former nos résidents pour qu'ils soient productifs une fois qu'ils ont terminé. Mais je vais passer à mon collègue, Dr Bergeron, pour répondre à la question en plus de détails.

• (12 h 20) •

M. Bergeron (Rénald) : Je vais partir de votre première assertion, Dr Barrette. Quand vous dites que la médecine familiale et les médecins de famille ne produisent pas — vous l'avez dit à plusieurs reprises — et qu'ils ne produisent pas assez, alors que plusieurs vous ont démontré que les règles que ce même gouvernement a édictées dans les dernières années considérant les PREM, les AMP, la pratique en urgence, la pratique en milieu hospitalier a fait qu'au Québec... parce que vous faites des comparaisons entre le Québec et l'Ontario, a fait qu'au Québec 40 % à 50 %, 40 % en ville, 50 % en région de nos médecins de famille se préoccupent de la pratique hospitalière, ils travaillent, ils travaillent et rendent des services à des patients en grand nombre. Ils sont moins disponibles dans ce que vous appelez le service d'accès et de soins courants en première ligne, mais ils donnent des services très importants dans le système de santé. Et, lorsqu'on leur dit qu'ils ne travaillent pas, ils ne comprennent pas. Notre réseau...

Le Président (M. Tanguay) : ...à l'échange avec le ministre.

M. Bergeron (Rénald) : Merci. Notre réseau d'enseignement, actuellement, ne comprend pas votre message de ne pas donner du rendement. Et, deuxièmement, notre réseau offre au ministère plusieurs ajustements de son réseau d'enseignement, l'accès adapté, l'accréditation en modèle GMF, l'augmentation des capacités, pour peu que les outils pour faire ces augmentations-là soient disponibles, à savoir l'informatisation du réseau, qu'on l'attend depuis 10 ans, à savoir la participation... d'avoir des outils téléphoniques capables de suivre les entrées des patients. On est prêts à faire beaucoup de choses. Nos directeurs de département nous donnent ces possibilités-là, actuellement, de s'engager avec vous pour transformer nos milieux.

M. Barrette : Alors, dans les secondes qu'il me reste, et il ne m'en reste pas beaucoup, je vais corriger ce que vous venez de dire. Ce que je dis, il est très clair, je dis que, toutes catégories de services confondues, la quantité d'offre de services qui est offerte à la population est inférieure à la capacité potentielle que les médecins peuvent donner. Et, quand je fais cette analyse-là et que je tire cette conclusion-là, c'est en prenant en considération tous les types de services, incluant, donc, l'hôpital.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous cédons maintenant la parole à notre collègue députée de Taillon pour 8 min 30 s.

Mme Lamarre : Merci, M. le Président. Dr Bergeron, Dre Boisjoly, Dr Cossette, Dr Eidelman, merci, merci d'être là. Merci aussi d'apporter cet éclairage, ce témoignage de l'importance de la médecine de famille. Et je peux témoigner, depuis les six, sept dernières années, de tous les efforts que toutes les facultés ont faits pour vraiment créer et... faire reconnaître, en fait, les grandes qualités de la pratique en médecine familiale. Et je pense que c'est une pratique qui doit être vraiment reconnue pour toutes les qualités et les contributions qu'elle apporte à la population au quotidien, alors qu'on a peut-être, dans certains contextes, omis de faire cette valorisation-là.

J'entends à ce moment-ci la question du ministre et je vous comprends d'avoir un peu de difficultés à y répondre. Je pense qu'il y a des éléments de réponse qui se trouveraient dans la compréhension, la conscience des règlements. Si vous aviez accès aux règlements, ça permettrait de mieux comprendre puis de faire des suggestions constructives, un peu plus précises. Donc, il est certain qu'on parle... à ce moment-ci le ministre parle de pondération, d'équivalence, mais c'est très difficile pour des gens qui êtes quand même des experts... Et je vous prends à témoin, puis on a fait des points de presse là-dessus, vous êtes des gens particulièrement capables de faire ces extrapolations-là, mais là il vous manque certainement des outils. Et, quand on demande l'accès aux règlements, ça contribue à vous aider, je pense, à faire cette analyse-là.

Maintenant, il reste qu'on a effectivement, au niveau de la population, des besoins, alors de quelle façon concrètement, dans les enseignements que vous faites, vous voyez comment on pourrait aider l'ensemble des médecins? Et moi, je pense qu'on parle beaucoup des médecins de famille, mais j'aimerais aussi vous entendre parler sur les médecins spécialistes, parce que dans d'autres provinces on utilise les médecins spécialistes différemment qu'au Québec pour certaines fonctions hospitalières. Donc, si on partait de toute l'équipe interprofessionnelle, comment on pourrait améliorer et donner de meilleures garanties sur la prise en charge de l'ensemble de la population du Québec?

M. Eidelman (David H.) : O.K., merci. M. le Président, j'aimerais souligner que notre devoir principal, c'est de former la nouvelle génération de médecins et d'autres professionnels de la santé, et donc c'est dans ce contexte qu'on aborde ces questions-là. Et c'est vrai que nous attendons de voir les règlements, mais c'est aussi... On s'attend d'avoir deux choses, c'est la reconnaissance de l'importance de l'enseignement et aussi l'esprit... et un engagement clair de la part du ministre et du ministère de travailler avec nous en collaboration étroite et continue.

Et je crois que ma collègue, Dre Boisjoly, va faire un autre commentaire.

Mme Boisjoly (Hélène) : Au cours des dernières années, le nombre d'entrées en résidence en médecine de famille a beaucoup augmenté, et nos professeurs et les médecins également qui enseignent ont fait énormément de travail, et pas seulement en médecine de famille mais également pour l'enseignement de la spécialité, concernant l'interdisciplinarité. Ce n'est pas seulement d'enseigner aux autres professionnels de la santé mais de travailler en équipe avec les autres professionnels de la santé.

Pour revenir peut-être plus précisément aussi à votre question, évidemment, sans connaître les modalités d'application aux règlements, c'est un peu difficile pour nous, là, de discuter de ces chiffres, de ces chiffres-là, mais je ferais un commentaire un peu général. Je pense aussi qu'il faut... La situation, tout le monde est d'accord qu'il faut améliorer notre système, mais je pense qu'il faut... le problème est d'une telle complexité qu'il faut mettre plusieurs joueurs en action. Et, si on tente... La proposition actuelle paraît peut-être un peu trop simple, et puis il faut aussi faire appel au sens des responsabilités puis au professionnalisme des professionnels en général puis des médecins en particulier, parce qu'un des risques, avec ces pondérations, c'est que certaines populations de patients... parce que les professionnels, éventuellement, vont choisir les pratiques qui vont sembler les plus intéressantes pour eux, puis on peut se retrouver avec certaines populations vulnérables, en bout de ligne, qui ne sont pas soignées adéquatement. Alors, on a aussi cette préoccupation-là pour la population.

M. Eidelman (David H.) : Dr Cossette.

M. Cossette (Pierre) : Oui. Je voulais juste rajouter... Parce que, pour nous, l'enjeu de l'accessibilité, on le voit bien, là, donc ce n'est pas... Le diagnostic, là, on n'a pas d'enjeu, pour nous, là, sur le partage du diagnostic ou non, c'est plutôt sur le traitement, là. Et, à l'heure actuelle, que ce soit en médecine de famille ou dans les autres spécialités, l'idée d'une pratique de groupe avec des groupes dynamiques qui ont les équipements qu'il faut puis qui sont capables de se référer les patients dans un réseau, là, avec un flux continu d'information, donc cette pratique-là de groupe qu'on pense qui est essentielle comme base à la fois de comptabilité, de reddition de comptes... Parce que ce n'est pas qu'on ne veut pas qu'il n'y ait pas de reddition de comptes, mais on pense que nos milieux d'enseignement peuvent être des modèles de ça, doivent être des modèles de ça. Donc, il faut que nos GMF comme nos groupes de médecins spécialistes, dans les hôpitaux universitaires, soient des modèles, mais, pour ça, ça prend effectivement un réseau dynamique, qui est équipé, puis qu'il y ait vraiment une approche de groupe plus qu'individuelle, parce que dans un groupe de médecins spécialistes c'est la même chose, tu en as un qui va faire plus de la recherche, tu en as un qui va faire plus d'administration, il y en a un qui va faire plus de l'ambulatoire, mais ensemble ils ont un travail à faire. Donc, nous, ce qu'on aimerait, c'est que notre réseau d'enseignement soit à la fine pointe à la fois de la qualité mais aussi de l'accessibilité et des modalités d'application. Donc, ça, c'est ce qu'on aimerait, c'est les modèles sur lesquels on aimerait travailler.

• (12 h 30) •

Mme Lamarre : Alors, on comprend bien qu'il y a vraiment un retard au niveau de l'informatisation et du partage d'information qui nuit énormément, là, à l'atteinte de nos objectifs. Je vous dirais aussi qu'il y a peut-être... On évoque très souvent la notion de qualité de vie pour dire que les jeunes médecins veulent moins travailler, mais moi, je pense qu'il y a une dimension qui est complètement évacuée, c'est celle de la responsabilité professionnelle et de ce qui est considéré comme des bonnes pratiques médicales, ou des bonnes pratiques pharmaceutiques, ou des bonnes pratiques de soins infirmiers en 2015. Et il y a énormément d'imputabilité qui... de responsabilités qui sont maintenant attribuées aux professionnels, et donc, ces responsabilités, on n'a jamais pensé à comment on les répartissait quand on travaillait en équipe ou en groupe. Mais il y a certainement quelque chose aussi qui vient vraiment de la bonne volonté de gens de bien travailler mais avec des normes qui sont de plus en plus rigoureuses, de plus en plus exigeantes.

Comment vous voyez... Parce que, j'imagine, c'est ça que vous enseignez. Alors, comment on peut quand même transformer tout ça ou adapter tout ça pour être sûr qu'à un moment donné on ne traite pas seulement 50 % de la population parfaitement mais qu'on ne traite pas du tout 50 % de la population — j'exagère, là, je mets un peu en caricature — pour être certain qu'on assure aussi une offre populationnelle satisfaisante?

Le Président (M. Tanguay) : ...une minute pour l'échange.

M. Eidelman (David H.) : Bien, rapidement, c'est pour ça qu'on prône une pratique en collectif. Et aussi il faut aussi revoir peut-être les modes de rémunération des médecins. Comme vous pouvez lire dans les journaux d'aujourd'hui, la capitation est un modèle qui est utilisé ailleurs et qui a une certaine efficacité dans cette direction-là sans devoir comptabiliser l'activité de chaque médecin une par une.

Pour ce qui est de l'enseignement et la recherche, il faut savoir qu'un des rôles très importants des facultés de médecine et les autres facultés de santé professionnelles, c'est, comme mon collègue vient de le dire, de proposer des modèles idéaux comment faire la pratique et aussi de faire des expériences. Pour ça, ce n'est pas seulement les facultés qui doivent être impliquées, mais aussi il faut faire un partenariat étroit avec le ministère de la Santé et des Services sociaux, et pouvoir discuter avec eux d'une façon régulière, et aussi organiser pour trouver des solutions. C'est très facile peut-être de faire de la pondération, mais ce n'est pas suffisant, il faut vraiment moduler et adapter la solution selon les circonstances locales.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous cédons maintenant la parole au collègue député de Lévis pour 5 min 30 s.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Merci, Dr Boisjoly, Dr Bergeron, Dr Cossette, Dr Eidelman. Merci d'être là.

Vous avez dit, et c'est en page 6 : «Il faut à tout prix éviter de concevoir des lois et règlements qui pourraient remettre en question les acquis des dernières années.» Vous appuyez beaucoup là-dessus. On a parlé de cibles à atteindre, des cibles qui étaient en voie d'être atteintes notamment, du record que vous espériez aller chercher en 2017. En avril, il y aura des données importantes qui tomberont également.

Est-ce que vous sentez déjà maintenant, en fonction de ce dont on parle, en tout cas, une attraction moins intéressante et des effets potentiellement mauvais sur l'avenir dont vous nous parlez?

M. Eidelman (David H.) : Merci. Je vais demander au médecin de famille autour de la table à répondre.

M. Bergeron (Rénald) : Vous nous parlez sans doute de la sélection CARMS qui va avoir lieu dans quelques semaines. Déjà, on a des indices d'avoir une diminution d'entrées ou de choix comme premier choix de la médecine de famille par nos externes finissants. Nos médecins qui participent à l'enseignement actuellement nous écrivent ces jours-ci, on en a 500 qui ont signé une lettre puis sur 800 environ, donc d'ici deux semaines on aura quasiment les... Tous les médecins cliniciens enseignants du réseau nous signifient qu'ils ne peuvent considérer de continuer à s'impliquer autant dans l'enseignement si on applique ces méthodes de travail. Donc, pour nous, vous comprenez que, sans avoir toutes les modalités, on ne peut pas dire au nom de notre réseau : Nous souscrivons au projet de loi, alors qu'eux nous disent carrément : J'arrête de faire de l'enseignement au premier cycle de médecine à partir de telle date, si la loi passe, et je m'en retourne dans des pratiques sans souci d'enseignement. Déjà, certains médecins de nos UMF, et ce, à travers toute la province, nous disent : Bien, moi, j'ai déjà pris contact avec mon ancien bureau pour y retourner.

Donc, il y a une fragilisation de nos réseaux actuellement, et nos médecins, nos directeurs de département nous informent à la semaine pour nous dire : Voici comment va notre réseau et l'inquiétude qu'il vit. C'est pour ça que nous invitons à la fois le gouvernement à réétablir un mode de communication plus valorisant envers le médecin de famille... On a fait des grands pas dans les 10 dernières années, on a doublé les capacités de formation. La qualité des médecins qui sort, sur la capacité de soigner les gens, est très grande; maintenant, il faut moduler les pratiques hospitalières, et ambulatoires, et dans les cliniques pour assurer un accès plus fonctionnel et plus garanti. On est tous d'accord avec ça, et nos directeurs de département des quatre facultés de médecine souscrivent à ça et sont prêts à aller dans cette perspective-là avec des changements dans leurs milieux de formation comme tels. Nous, je pense qu'on ne peut pas en faire beaucoup plus, mais ce qui nous menace actuellement, c'est le désengagement des médecins qui sont déjà impliqués dans l'enseignement. Les médecins de famille, dans la FMOQ, ils sont 8 000, il y en a au-delà de 3 000 qui participent à l'enseignement, et ceux qui participent à l'enseignement plus intensif dans les UMF, c'est environ 800. Si on perd ce monde-là à 25 %, là, le 55 % d'entrées dans nos programmes, il n'arrivera pas, là. Et ça, c'est une menace que nous, on doit porter, les quatre doyens.

M. Paradis (Lévis) : Et je considère à vous entendre, docteur, que ce n'est pas seulement une menace que l'on anticipe, on est déjà...

M. Bergeron (Rénald) : Bien, il y a des gens qui se sont désaffiliés même de la RAMQ, quelques-uns. On a des dizaines de médecins qui nous disent qu'ils s'en vont modifier leurs pratiques d'enseignement pour le quitter, l'enseignement.

Ça fait qu'on ne peut pas penser arriver ici puis dire : Nous, pas de problème, la nouvelle comptabilité. Ça pose problème à l'ensemble de notre réseau d'enseignement, en plus à l'ensemble des autres médecins.

M. Paradis (Lévis) : Ce que vous dites est sérieux, et les chiffres que vous avancez sont importants, ils sont significatifs. Conviendrez-vous... Parce qu'il y a des données qui sont... il y a des chiffres qui sont donnés. Lorsqu'on dit que le volume total d'actes diminue, vous considérez... et vous en faisiez votre discours, tout à l'heure, en disant : Ce n'est pas en fonction de ça qu'on peut dire qu'un médecin de famille ne travaille pas suffisamment.

M. Bergeron (Rénald) : On en a plein, d'exemples qui nous décrivent leur pratique, actuellement, qui sont bien au-delà de la pratique attendue, qu'on demande actuellement. Et, tous les chiffres, on n'a pas vu la comptabilité non plus pour être capable de dire : Oui, on accepte cette comptabilité-là, on ne l'a jamais vue.

Par ailleurs, nos médecins dans le réseau d'enseignement sont prêts à travailler de concert avec le ministère et le ministère de l'Éducation pour faire des adaptations. Il n'y a personne qui dit, dans notre réseau ou dans nos réseaux d'enseignement, qu'on ne veut pas faire des adaptations, au contraire, on a déposé un certain nombre d'interventions possibles à court terme.

Le Président (M. Tanguay) : ...15 secondes qu'il reste.

M. Cossette (Pierre) : Bien, c'est juste... C'est très important d'avoir un mécanisme formel de collaboration qui n'est pas dans les airs, avec un échange sur papier de données, parce que, des données troublantes, si on les voit, on va agir dessus. Mais à l'heure actuelle on a un petit peu peur de perdre le bébé avec l'eau du bain, là. Parce que, pour nous, c'est très important que notre capacité d'enseignement soit maintenue, elle fait partie de la solution.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous cédons maintenant la parole au collègue de Mercier pour 2 min 30 s.

M. Khadir : Merci, chers collègues. En fait, je réalise moi-même comme médecin — et je crois que ce rappel est tout aussi bénéfique pour le ministre actuel qui est médecin — que, dans le fond, nous ne serions, ni vous ni nous, aucun de nous médecins s'il n'y avait des médecins de famille lorsqu'on a été formés au premier cycle et même au début du deuxième cycle, des médecins de famille pour nous former, pour nous tenir la main et pour nous enseigner, et je mesure l'ampleur, en fait, d'une catastrophe qui s'en vient. Je ne veux pas être alarmiste, mais les chiffres que vous venez d'avancer sont proprement inquiétants.

Donc, si je comprends bien, dans votre premier principe vous demandez une collaboration. Est-ce que ça veut dire que vous n'avez pas été consultés sur le contenu de ce projet de loi et de ses intentions?

M. Eidelman (David H.) : Non, on n'a pas été consultés. On travaille avec le ministère, mais on cherche une collaboration beaucoup plus étroite et une collaboration continue. Ça veut dire que la complexité de la mission académique est telle que ce n'est pas par des simples mesures de chiffres ou de cibles et quotas que ça peut se régler, et c'est une situation particulière.

M. Khadir : Le Collège des médecins est venu dire toute son inquiétude, et ils n'ont pas été consultés; la Fédération des médecins omnipraticiens, la Fédération des médecins spécialistes non plus. Est-ce que vous connaissez des partenaires médicaux, des associations de médecins ou de professionnels qui ont été consultés dans le processus de ce projet de loi, de son élaboration?

M. Eidelman (David H.) : À notre connaissance, non.

M. Khadir : Est-ce que vous connaissez ailleurs dans le monde ou dans d'autres provinces canadiennes des réformes du système de la santé qui ont eu un quelconque succès et qui ont été opérées sans consulter des partenaires, que ce soient les organismes réglementaires, que ce soient les facultés de médecine ou les corps professionnels, et qui ont réussi? Est-ce que vous en connaissez des exemples?

M. Eidelman (David H.) : Nous ne sommes pas au courant d'une telle chose, non.

M. Khadir : Moi, j'ai fouillé dans un livre qui vient de paraître récemment sur les comparaisons des systèmes de santé en transition, puisque de nombreux systèmes de santé sont en transition partout à travers le monde, et j'ai vérifié et je pourrais le soumettre aussi à mon collègue ministre de la Santé, il n'y a aucun exemple, aucun exemple d'un ministère qui a pu opérer des changements qui ont apporté une quelconque solution à des problèmes structurels et qui ont été faits uniquement par le ministère concerné, sans consultation des corps professoraux, des facultés de médecine ou d'un quelconque partenaire dans le réseau.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci complète l'échange. Merci beaucoup aux doyens des facultés de médecine des universités Laval, Montréal, McGill et de Sherbrooke.

Nous suspendons quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 40)

(Reprise à 12 h 45)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre, donc, nos auditions. Nous accueillons maintenant Me Jean-Pierre Ménard. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous êtes accompagné par des avocates que... nous vous demanderions donc, vous, de bien vouloir vous présenter et de nous les présenter. Vous disposez d'une période de 10 minutes, par la suite un échange avec les parlementaires s'ensuivra. Alors, la parole est à vous.

M. Jean-Pierre Ménard

M. Ménard (Jean-Pierre) : Très bien. Merci, M. le Président. D'abord, présenter mes collègues, Me Julie-Kim Godin, Me Laurence Sarrazin, Me Karine Tremblay. Ce sont des collègues de mon cabinet.

Donc, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, d'abord merci de nous recevoir aujourd'hui. Écoutez, c'est un projet de loi qui nous touche beaucoup, beaucoup, qui touche l'ensemble des citoyens, et je pense que c'est important pour nous, on a cru utile de venir vous faire un certain nombre de représentations parce qu'évidemment c'est une problématique avec laquelle on oeuvre à tous les jours.

Nous, depuis une trentaine d'années, on défend les droits des patients, des usagers du système de santé. On a vu apparaître voilà une dizaine d'années un type de litige qu'on ne faisait pas auparavant, des litiges liés à l'accessibilité. On a commencé à en faire graduellement. Là, je vous dirais qu'aujourd'hui il n'y a pas une semaine où quelque part au Québec on n'a pas à intervenir pour permettre à des citoyens d'avoir accès à des soins. Je trouve ça inacceptable, quant à moi, que des citoyens doivent faire appel à des avocats pour avoir des soins. Je pense que ça traduit un niveau de dégradation de la problématique de l'accès. Donc, dans ce contexte-là, c'est clair que tout ce que le ministre et tout ce que tout le monde vient de dire par rapport au problème d'accessibilité, on est d'accord tout à fait, on a un problème majeur d'accessibilité aux soins de santé.

Et, bon, deuxième chose avec laquelle on est tout à fait d'accord, on est d'accord avec l'objectif du projet de loi puis l'objectif énoncé par le ministre d'élargir l'accès aux soins, personne ne peut être contre ça, il va y avoir une unanimité au Québec aussi, mais il faut... Alors, le débat, s'il ne se résumait qu'à ça, ce serait facile. Ce qui est plus compliqué, par contre, c'est lorsqu'on regarde les moyens qu'on suit pour régler cette problématique-là. Nous, essentiellement — puis ça, ça apparaît avec plus de détails dans notre mémoire — essentiellement c'est qu'on trouve que la réforme qui est présentée ici est beaucoup trop limitée pour régler le problème d'accès, une réforme qui se limite essentiellement à l'établissement de quotas assortis de pénalités pour permettre un accès plus large des patients nous apparaît absolument insuffisant pour répondre au problème. Le problème de l'accès aux soins, il est beaucoup plus complexe que ça. Il implique aussi de regarder d'abord les autres champs professionnels, il implique de regarder l'organisation de toute la première ligne, incluant les soins à domicile, les CLSC, et tout ça. C'est un problème qui est global, et il ne sera certainement pas réglé avec un projet de loi comme celui-là.

Par ailleurs, au niveau du processus législatif qui est suivi... Puis là je vais parler comme juriste. Comme avocats, on regarde toujours ces choses-là aussi. Puis je pense que, jusqu'à maintenant, je vais être... je prétends être le premier juriste qui vient pour parler de ces choses-là.

Mais, dans le monde des avocats, lorsqu'on regarde une loi, essentiellement, on est éduqués à concevoir le processus législatif selon certaines règles. D'abord, cette loi-là, ici, dans un premier temps, elle touche deux objets qui sont totalement différents, totalement distinguables l'un de l'autre, et on est pris pour faire un seul débat sur deux objets différents. Ça pose une difficulté. La procréation assistée, c'est un sujet qui est assez important pour la société, qui aurait dû faire l'objet, quant à nous, d'un débat distinct.

• (12 h 50) •

Par ailleurs, si on regarde le projet de loi lui-même en termes de processus législatif, l'éducation, premièrement, quand on apprend le droit, c'est de dire : Bien, écoutez, les processus législatifs généralement vont identifier toutes les normes et les principes importants qu'on va devoir suivre dans un processus donné, les règlements, ça vient compléter, ça vient rajouter par-dessus. Ici, ce qui est particulier, puis j'en ai parlé avec d'innombrables juristes, et tout le monde a la même réflexion, ce projet de loi là ne contient pas de substance, la vraie substance, elle va être dans les règlements. Et ça, c'est majeur parce que quelle est la conséquence de ça, c'est que ça nous empêche de faire un vrai débat. Moi, je pense que le projet de loi, il pourrait être adopté tel qu'il est actuellement, de façon absolue, et ce serait impossible à quiconque de dire : Voici quel droit ça confère aux citoyens d'avoir accès à quelque soin que ce soit. Autrement dit, le projet de loi, dans sa facture actuelle, si on ne lui donne pas plus de substance, il ne permettra pas à aucun citoyen de revendiquer ou de solliciter un accès plus rapide à un médecin dans quelque circonstance que ce soit. Et ça, c'est majeur pourquoi? Parce que, si on regarde un peu de la manière dont c'est formulé... Puis ça, c'est important parce que, comme société, on va vivre avec après. Jusqu'à maintenant, toute la question de l'accessibilité aux soins a été généralement organisée dans le cadre de négociations collectives entre le gouvernement puis les fédérations médicales, là on a les résultats qu'on a aujourd'hui. Moi, comme... du point de vue de quelqu'un qui travaille avec les usagers, qui défend les usagers, je dis : Ce processus-là est un échec complet parce que ce processus-là n'a pas réussi à garantir, à donner aux citoyens un accès approprié au système de santé, aux ressources médicales aussi, puis je pense qu'il est temps, comme société, qu'on décide ici, là, de ne plus déterminer les règles d'accès au système de santé puis aux soins médicaux, de ne plus être tributaires de ce qui est négocié dans des conventions collectives. Les normes d'accès aux soins médicaux devraient être dans la loi, O.K., et les conventions collectives devraient être assujetties à ces lois-là. Autrement dit, les règles d'accès aux soins médicaux insérées dans la loi, là, deviennent des sujets non négociables lorsque le gouvernement négocie avec les fédérations de médecins.

Là, le problème, c'est qu'actuellement, hein, d'abord, il n'y a pas de norme dans la loi, il n'y a aucune norme d'accès, ça sera défini par règlement, et évidemment le gros inconvénient sur le plan juridique, c'est que les règlements ne sont pas l'objet d'un débat public. Le règlement qu'on va avoir, ça va être quoi? Est-ce qu'on peut penser qu'une fois la loi adoptée... Puis c'est clair que cette loi-là, elle va donner au ministre... — puis c'est légitime de sa part de prendre cette approche-là aussi en termes de stratégie — ça va lui donner un pouvoir de négociation très fort avec les fédérations médicales, mais le problème, c'est que l'accès aux soins, là, ce n'est pas négocié avec les fédérations médicales, il faut que ce soit négocié avec la population, puis là les stratégies syndicales qu'on peut avoir dans la négociation ne sont pas de pertinence lorsqu'on débat d'enjeux aussi importants que ça. Il faut que la population sache à quoi s'en tenir.

Puis moi, je regarde le projet actuellement. Qu'est-ce qui est proposé à l'article 3? On dit que tout simplement on va imposer aux médecins une obligation de suivre un nombre déterminé de patients. L'élément important, ce n'est pas le quota; le quota, il est subsidiaire. L'élément important, c'est «suivre». Qu'est-ce que ça va vouloir dire, l'obligation de suivre?

Le ministre réserve ces points-là par règlement mais s'en est ouvert de façon très détaillée dans une lettre aux médecins omnipraticiens le 17 décembre. Alors, la liste qu'on a faite, nous, découle essentiellement de cette analyse-là aussi. Alors donc, essentiellement, l'obligation de suivre, ici, elle n'est pas définie, mais ce que le ministre nous a laissé entendre... Puis je pense que le ministre a une idée bien précise, puis ce serait important que la population connaisse c'est quoi, l'obligation de suivre, autrement dit les obligations du médecin puis les droits des patients, tout simplement. On a parlé beaucoup, bon, de questions de taux d'assiduité, donc l'obligation pour le médecin de recevoir son patient dans un délai déterminé. Ça, c'est tout à fait souhaitable, puis c'est ça, l'accessibilité aussi, c'est le droit du patient d'avoir accès à un médecin dans un délai médicalement utile. Bon. Alors donc, essentiellement, dans l'obligation de suivre qui a été proposée ici, essentiellement, si on l'assortit de quotas, tout le monde, tout le monde s'entend pour dire que l'effet pervers prévisible, c'est que ça va amener les médecins à choisir des quotas de patients pas très malades, puis ça va poser des problèmes pour les clientèles vulnérables. Puis on a parlé de pondération, puis hier le ministre a parlé ensuite que ce serait pondéré. Magnifique, mais il n'y a pas beaucoup de monde qui s'entendent d'abord sur le poids de la pondération puis la qualité de cette pondération-là aussi, alors ça pose des difficultés. Puis il y a de toute façon des gens qui vont rester à la marge de ces choses-là.

Ce que ça change aussi de façon importante, ce processus-là, c'est que dorénavant c'est le médecin qui va choisir ses patients, le médecin va choisir son quota de patients, alors qu'actuellement, là, tout le principe de notre système de santé, c'est un droit absolu du patient de choisir le médecin qui va le traiter aussi. Alors là, il ne faut pas qu'on renverse ça pour dire : Vous allez prendre le médecin qu'on voudra bien vous donner puis qui sera bien disponible à un moment donné, je pense qu'il faut le plus possible ramer contre cette tendance-là. Pour le citoyen, là, la confiance qu'il a dans son processus de soins est centrale par rapport au droit de choisir son médecin, alors donc, essentiellement... Alors, ça, ça pose donc des... ça dénature, quant à moi, la relation patient-médecin. Ça va faire une compétition entre les médecins aussi et entre les patients surtout pour essayer d'avoir accès, parce que n'oublions pas qu'actuellement on a 3,3 millions de Québécois qui ne sont pas inscrits, O.K.? Et le fait d'être inscrit, ça ne garantit pas l'accès non plus.

Alors, moi, je pense que ce projet-là, il ne peut pas avoir été déposé ou pensé sans qu'on ait des études d'impact, des projections. Puis, si le ministre en a, je l'inviterais à les rendre publiques, les projections qu'on a sur, effectivement, l'accessibilité puis qu'est-ce que ça va donner. Pensons aux patients, donc, non inscrits actuellement. Ceux qui ne sont pas inscrits, ils vont faire comment pour avoir accès à des soins? Parce que, là, l'obligation de suivre est rattachée à un patient inscrit, mais, pour les 3 millions qui ne sont pas inscrits, ils ont des soins où? Ils vont avoir des soins... L'accès adapté, si c'est dans le projet de loi ou dans les règlements, on ne le sait pas. Ce serait comment? Est-ce que ce serait l'accès adapté selon l'horaire du médecin, selon l'horaire des patients? Est-ce que ça donne accès aux patients le soir, les fins de semaine? Puis par ailleurs il ne faut pas prendre à la légère non plus l'impact sur la pratique médicale, qui fait qu'il peut y avoir comme effet concret de limiter aussi l'offre de certains services. À moins de penser que tous les médecins ont bluffé en disant : Bien, nous, on ne fera plus telle pratique ou telle pratique, c'est clair que ça va restreindre la pratique médicale.

Je vais aller rapidement sur l'affaire des spécialistes. Pour les mesures pour les spécialistes, on est d'accord avec tout, tout, tout ce qui est bon pour augmenter l'offre de services, c'est ça, mais sauf que ce que ça traduit, par exemple, le problème, c'est que ça fait apparaître... ça donne au ministre un rôle un peu particulier, il va être un superdirecteur des services professionnels, il va diriger la pratique médicale au niveau de la province. On pense que ce qui serait important, ce serait... Actuellement, on a un problème important au niveau de l'accès aux soins puis on le vit de toutes sortes de manières possibles, c'est la direction bicéphale des établissements de santé. Il y a une direction médicale, il y a une direction administrative, puis depuis 40 ans... Moi, ça fait 35 ans que je travaille là, mais dès que je suis arrivé on a vu ces problèmes-là. On a fait toutes sortes de mesures pour essayer de rendre les médecins imputables de leur pratique puis les gestionnaires à avoir un peu de contrôle sur la pratique médicale, on a essayé toutes sortes d'affaires sans succès jusqu'à maintenant.

Je vais terminer rapidement avec la procréation médicalement assistée, juste par une phrase, vous aurez le reste dans mon mémoire. La réforme qu'on propose ici, pour moi, là, c'est qu'on fait payer aux patients l'incurie du gouvernement qui a négocié ce programme-là puis les abus financiers des cliniques privées puis des professionnels qui ont été impliqués là-dedans. Je pense que ce n'est pas acceptable qu'à cause de cette gabegie-là on impose aux patients une réduction de services aussi drastique. Et par ailleurs il y a plusieurs dispositions dans la loi qui, d'après moi, là, posent d'énormes difficultés en rapport avec les chartes des droits.

Alors, je pourrai répondre aux questions. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci, Me Ménard. Alors, pour une période d'échange de 14 min 15 s, je cède la parole au ministre de la Santé.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, Me Ménard, Mes Godin, Sarrazin et Tremblay. C'est ça? Alors, on n'a pas beaucoup de temps, hein, ça fait que je vais essayer d'aller vite, moi aussi. J'en suis bien désolé, j'aurais aimé ça avoir un échange plus long avec vous. Savez-vous pourquoi j'aurais aimé ça avoir un échange plus long avec vous? Parce que fondamentalement vous êtes pour qu'on intervienne dans la situation actuelle. Vous n'êtes peut-être pas d'accord avec la manière, mais vous êtes pour qu'on intervienne face à la situation actuelle. Et la raison pour laquelle le règlement n'est pas sorti, c'est parce qu'on est ici pour entendre les suggestions, et là vous êtes le premier, probablement, qui avez fait des suggestions ou des allusions à des suggestions. Tous les commentaires que vous venez de faire, là, on s'y est adressés.

Je vais vous en prendre un, le choix du patient, puis je vais vous poser une question tout de suite, puis, si on peut avoir une réponse brève pour qu'on puisse échanger, ça va être intéressant. Moi, là, j'ai proposé qu'on inscrive nous-mêmes aux patients... aux médecins, puis il y a des gens qui sont contre ça.

M. Ménard (Jean-Pierre) : ...

M. Barrette : Qu'on inscrive, nous, pour donner le choix aux patients, et non le médecin qui choisit.

M. Ménard (Jean-Pierre) : Oui. Bon, alors...

M. Barrette : Mais ça a l'air que c'est contre la Charte des droits.

M. Ménard (Jean-Pierre) : Non, alors ça, M. le ministre, écoutez, je vais honnête avec vous, là, j'aurais adoré appuyer votre projet de loi, parce que je pense qu'une intervention est nécessaire absolument. Moi, où j'ai un inconfort, c'est lorsqu'on examine l'impact de ça sur les patients. Avec le plus grand respect, je pense que votre méthode, malheureusement, ou le moyen que vous proposez ici ne m'apparaît pas approprié. Puis j'ai intitulé mon mémoire Une réforme à risque pour les patients. Effectivement, le risque, il est sur les patients, que ça ne fonctionne pas, parce que les médecins vont être capables de s'orienter vers des champs de pratique où ils sont capables de protéger leur rémunération, puis on ne sait pas qu'est-ce que ça va donner. C'est pour ça que je vous demandais voir s'il y avait des études d'impact.

Alors donc, si vous voulez qu'on... Écoutez, moi, là, je pense qu'il faut qu'on norme plus dans la loi ce genre de chose là. Puis ça, le mettre dans la loi, il est déjà dans la Loi sur l'assurance maladie, l'article 2. Mais si...

M. Barrette : Oui, mais dites-moi les éléments que je retiens des interventions que vous avez faites. Vous avez fait un certain nombre d'interventions, puis je ne les critique pas, là, à un moment donné, dans une société, on a le droit de s'exprimer encore, là, théoriquement, mais vous avez fait deux textes, vous avez fait votre mémoire, vous avez fait votre premier texte au dépôt de la loi et vous m'avez reproché de ne pas avoir le courage d'aller plus loin, hein, c'est des...

M. Ménard (Jean-Pierre) : Bien, regardez, M. le ministre...

M. Barrette : Bien, vous l'avez écrit sur votre site.

M. Ménard (Jean-Pierre) : Non, non, mais, regardez, d'abord, moi, ce que j'ai signalé, c'est que cette réforme-là n'était pas suffisante. Le reproche, il faut...

M. Barrette : Ce n'est pas une critique. Ce n'est pas une critique, Me Ménard.

M. Ménard (Jean-Pierre) : D'accord.

M. Barrette : Jusqu'où vous iriez? Dites-moi le modèle, là, qui réglerait, dans votre esprit, les problèmes?

M. Ménard (Jean-Pierre) : Bon, on va se comprendre. D'abord, je ne suis pas un expert en modèles d'organisation, il y a des gens beaucoup plus compétents que moi, d'une part, pour le faire, mais, moi, ce que je voudrais, essentiellement, c'est que du point de vue des patients, là, O.K., on garantisse justement le libre choix du patient qu'on trouve dans la loi, des normes d'accès. Qu'est-ce que ça veut dire, «suivre»? Quand le médecin suit le patient, qu'est-ce que ça veut dire concrètement? Est-ce qu'il y a des règles par rapport aux délais d'accès du médecin? Est-ce qu'il y a des processus par lesquels le patient peut recourir, le cas échéant, quand son médecin ne lui donne pas accès aussi en temps utile à des soins? Il y a toute une série de normes qu'on peut regarder puis évidemment en fonction de l'urgence et de la gravité du cas aussi, il y a toute une série de règles là-dessus, mais ce que je pense qui est important, O.K., c'est que la population sache, à la fin du projet de loi n° 20, là, qu'est-ce que ça lui donne de plus, ce projet de loi là. O.K.? Qu'on lui dise essentiellement : Bien là, écoutez, les médecins vont travailler plus fort, parfait, mais moi qui tousse à matin puis je pense que j'ai une bronchite, comment je vais faire pour avoir un médecin qui va me voir aujourd'hui et non pas dans trois semaines, pour ne pas que j'aille à l'urgence pour le faire?

Alors donc, moi, je vous propose... Puis j'ai mis quelques recommandations dans mon texte aussi pour effectivement peut-être insérer dans la loi, pas dans les règlements, dans la loi, les normes. Vous avez certainement votre idée très précise des normes qui vont être établies par règlement. Pourquoi ne pas les mettre dans la loi, que la population les connaisse et... Moi, je vous invite à le faire, parce que j'ai vu votre scénario de présentation aux omnipraticiens, puis il y a beaucoup de bonnes idées là-dedans, O.K., mais je pense que ça aurait intérêt à être dans la loi puis qu'on les discute, puis comme société la population va savoir à quoi s'attendre. Je crains beaucoup, puis je vous le dis, M. le ministre, avec le plus grand respect, que tout ça, là, une fois le projet de loi adopté... qu'il y ait des négociations derrière des portes fermées entre le ministre et les fédérations syndicales et qu'on se retrouve avec le résultat de ça sans que la population ait un mot à dire. Je pense que les normes d'accès, elles sont dans la loi, elles ne sont plus négociables.

• (13 heures) •

M. Barrette : Vous avez vu à date que je n'étais pas le genre de personne à aller négocier derrière des portes closes des sujets litigieux, je les mets sur la place publique. Ceci dit, ceci dit, le règlement, là, il va être déposé avant l'adoption de la loi, et je suis ici pour entendre vos suggestions, et c'est pour ça que j'insiste pour en avoir. Et, Me Ménard, à plusieurs reprises, et c'est dans votre conclusion, là, vous nous dites que, pour régler le problème, on serait mieux de changer des approches aussi fondamentales que le mode de rémunération, le contrôle et l'organisation de la pratique médicale par les établissements de santé, et ainsi de suite. Vous suggérez quoi exactement? Si vous étiez à ma place, là, vous faites quoi?

M. Ménard (Jean-Pierre) : Bon, alors, regardez bien, là, travaillons à deux niveaux, O.K.? Il y a un premier niveau, il y a un problème à régler peut-être ponctuel dans un avenir rapproché, puis ça, je pense qu'avec peut-être des normes plus précises au niveau de la loi, peut-être aussi des... Puis il faudra discuter avec le collège aussi là-dessus, la manière d'encadrer l'activité médicale par rapport à ça, je pense qu'on est capables de faire un petit bout de chemin. Mais c'est clair que le problème de fond, M. le ministre, il va impliquer qu'on regarde ça de façon plus approfondie, puis le problème, c'est qu'on n'a pas votre vision. On a votre vision par rapport à ça, mais quelle est votre vision de la première ligne? Qu'est-ce que vous envisagez comme un processus de soins, là, pour rendre les soins accessibles? Puis ce n'est pas que le problème d'accessibilité aux soins médicaux qui est important, il y a plein de monde dans le système de santé qui n'ont pas accès à des services. Alors, il y a un problème plus général, beaucoup plus large, d'accès, puis ça serait important, je pense, qu'on connaisse aussi votre vision par rapport à ça, parce que je pense qu'à un deuxième niveau, là... qu'on se rassoit comme société pas dans un cadre de confrontation mais dans un cadre de concertation puis qu'on regarde, qu'on le réexamine : Est-ce qu'il y a d'autres manières de faire, d'autres processus de soins?, qu'on regarde un peu ce qui s'est fait ailleurs, qu'on regarde ce qu'on est capables de faire. Il y a plein de monde ici qui ont d'excellentes intentions, qui veulent que le système marche. Tout le monde veut que le système marche, puis je pense qu'il faut éviter de le faire dans un contexte de confrontation. Je pense que ce n'est pas qui perd gagne, là, il faut que la population soit gagnante puis il faut que ça se fasse. On est capables de se concerter quand il faut.

M. Barrette : Parfait, Me Ménard, mais c'est parce que j'en appelle... J'en appelle mais pas parce qu'il y a un jugement, j'en appelle parce que je sollicite votre connaissance. Ça fait des années, là, je ne sais pas combien d'années, là, mais ça fait au moins plus de 20 ans que vous êtes là-dedans, là, peut-être même 30, hein?

M. Ménard (Jean-Pierre) : 35.

M. Barrette : 35.

M. Ménard (Jean-Pierre) : Mais je suis encore jeune, là.

M. Barrette : Alors, j'en appelle à votre expérience, là. Vous, là, quel moyen... Parce que je comprends que... puis peut-être que... là, peut-être que je vous mets des mots dans la bouche, là, je ne veux pas le faire, mais je comprends que, dans votre lecture de la société québécoise, il y a une capacité non offerte à la population, hein, on peut donner plus de services qu'on ne donne actuellement. Maintenant, quel est, dans votre esprit, là... Vous en avez vu, des choses. Vous en avez vu peut-être et, je dirais même, sûrement plus que moi, là. Qu'est-ce qui, selon vous, donnerait des résultats plus que ce que je propose?

Puis je vais vous donner un exemple, là, O.K.? Vous l'avez évoqué vous-même dans un texte précédent, vous avez évoqué le salariat et la capitation, comme bien du monde évoque, hein, le député de Mercier, là, lui, il a toujours ça comme proposition. Qu'est-ce que la capitation et le salariat vont donner comme garantie d'accès? Zéro — puis là je veux vous entendre là-dessus — à moins de mettre des règles.

M. Ménard (Jean-Pierre) : Moi, je ne suis pas le partisan du salariat, ou de la capitation, ou quoi que ce soit, je suis le partisan qu'on revoie ce qu'on fait actuellement et qui ne fonctionne pas, qui ne donne pas de résultat. Est-ce qu'il peut y avoir d'autre chose? Est-ce qu'on devrait, par exemple... Puis, regardez, on peut peut-être garder le paiement à l'acte, mais, par exemple, est-ce qu'on devrait avoir des indices de performance plus précis, exemple? Je prends juste ça. Puis, regardez, là, je ne suis pas dans mon expertise, moi, je n'ai pas étudié là-dedans, malheureusement, il y a plein de monde qui vont venir vous donner des bonnes idées là-dessus, là, mais je donne juste cet exemple, là, O.K., parce que comment... Autrement dit, l'État paie. Comment s'assurer qu'on a le rendement? Le rendement, c'est quoi? C'est que le citoyen, au bout de la ligne, il ait accès aux services en temps utile. Bon, est-ce qu'on peut se donner des indices de performance? Est-ce qu'on peut se donner des moyens de venir vérifier ces choses-là?

Parce qu'avec ce que vous proposez ici, là, avec toute l'histoire, bon, de taux d'assiduité et tout ça, c'est clair qu'au niveau de la Régie d'assurance maladie, qui va contrôler ça, ça va être une assez grosse bureaucratie pour savoir... bien en tout cas il va sûrement falloir créer au moins un ou deux emplois, là, là, bon. Mais ce que je vous dis, c'est qu'avec l'imagination qui existe dans notre société puis la capacité de faire des choses qui n'ont peut-être pas été faites encore ailleurs mais qu'on regarde, qu'on s'ouvre l'esprit, là, qu'on regarde sans nécessairement tout mettre par-dessus bord. Puis je ne voudrais pas que vous m'attachiez, là, l'étiquette du partisan du salariat ou de la capitation, peu importe. Ce que je vous dis, c'est : Il y a des choses qui ont été essayées ailleurs avec des réussites, des échecs, il y a des choses qu'on a même nous aussi, avec peut-être des améliorations aussi. Je vous dis juste que le modèle actuel, il a fait toutes les preuves possibles qu'il ne fonctionne pas. Bon, alors, à ce moment-là... Quand je dis qu'il ne fonctionne pas, c'est qu'il n'est pas capable de livrer aux citoyens la raison pour laquelle on paie le système, bon, c'est ça, l'échec du système. Alors donc, à ce moment-là, qu'on regarde. On peut-u enrichir ces processus-là sans nécessairement les mettre en question complètement? Puis je donne juste l'exemple des indices de performance. C'en est un, il y en a plusieurs autres aussi qu'on peut imaginer, là. Puis il ne m'en vient pas spontanément tout de suite, là, mais il y en a plusieurs qu'on peut regarder. Puis, écoutez... Puis ça me fera plaisir même de faire suivre d'autres idées, même en dehors du débat d'aujourd'hui là-dessus, parce que je pense qu'il faut que les citoyens se réapproprient effectivement le... Le système de santé, il appartient aux citoyens, puis il faut que les gens sentent là-dedans qu'ils n'en sont pas des victimes, il faut qu'ils sentent que quelque part ils en sont des artisans, des partenaires aussi.

Alors, il y a différents moyens, puis honnêtement, aujourd'hui, je ne m'en venais pas vous proposer la solution. Si je l'avais trouvée, je vous la vendrais pas cher. Mais...

M. Barrette : Bien, je vais le prendre d'un autre angle, Me Ménard, à ce moment-là. Ce que je comprends, là, c'est que, dans un éventuel moyen, vous postulez qu'il faudrait avoir une capacité minimale de service, parce qu'il faut quand même les donner, les services.

M. Ménard (Jean-Pierre) : Oui, tout à fait.

M. Barrette : Vous postulez aussi que le patient devrait garder le choix. Ça va être le cas, je peux vous le garantir.

Vous postulez aussi qu'il doit y avoir des indicateurs, entre autres, basés sur la performance, la performance étant un certain nombre de choses, ça peut être une performance d'accès comme ça peut être une performance clinique. Là-dessus, je ferai la parenthèse que ceux qui ont fait le financement à la performance, ça n'a pas nécessairement donné les résultats escomptés. Vous convenez parce que vous l'avez dit, puis j'en suis fort aise, que l'assiduité va avoir l'effet... peut-être pas parfait, mais va favoriser la bonne relation avec le patient. Dans votre mémoire, vous mentionnez l'accès adapté. Vous dites que ce n'est pas nécessairement parfait, mais l'accès adapté, ça a quand même un effet qui est positif. Tous les gens qui sont venus à date, là, dont le collège des médecins de famille hier, n'ont que des bons mots pour l'accès adapté, mais à condition, hein, à la condition que le patient choisisse son patient et qu'il y ait des règles de bonnes pratiques, on est d'accord avec ça. Puis qu'il y ait des pondérations, là, pour les volumes, on est d'accord avec ça.

Mais, quand on dit tout ça, Me Ménard, et ce que vous dites, que je reprends à mon compte mais que je dis aussi — et je comprends que ce n'est pas encore dans les règlements et que ça va l'être à un moment donné — il n'en reste pas moins qu'à la fin, là, à la fin, il y a une quantité de services à exiger. Si la quantité n'est pas là... C'est beau, tout le reste, là, mais la quantité demeure le primum movens de l'accès. Ce n'est pas le seul, mais ça demeure le primum movens de l'accès. Ne trouvez-vous pas?

M. Ménard (Jean-Pierre) : ...ça, M. le ministre, je ne nie pas ça. Je vous dis juste : Attention de quelle manière on va rendre cette capacité-là accessible aux citoyens.

Moi, je pense que ce qui est proposé dans le projet de loi, on met ça à haut risque pour les patients. Ce n'est pas à haut risque pour les médecins, parce que les médecins vont probablement être capables de s'adapter puis de trouver des manières de ne pas être trop pénalisés avec ces choses-là. Je pense qu'à la fin de la journée, là, le risque le plus lourd, il est sur les épaules des patients. C'est pour ça que ces mesures-là, M. le ministre... Écoutez, on ne peut pas être contre l'élargissement des ressources accessibles aux patients, c'est impossible, personne ne peut être contre ça. Il faut travailler les moyens. Puis ce que je vous dis, c'est que de la façon dont ça se fait actuellement, surtout avec... ça se fait, je vous dirais, là, sans une certaine forme d'acceptation du milieu médical, parce que, moi, ce que j'ai peur, c'est aussi qu'on assiste... Parce que n'oublions pas que dans... tu sais, tout le cadre général. Le médecin est un libre entrepreneur, alors le médecin, il peut décider : Moi, des gens vulnérables, je n'en suis plus, moi, des soins palliatifs, je n'en fais plus, c'est trop lourd, etc. Alors, il risque d'y avoir une redistribution de l'offre de services médicale qui va préjudicier les patients. Puis ça, avez-vous des mécanismes contre ça? Avez-vous envisagé ces scénarios-là? Est-ce qu'on a fait des études d'impact pour voir un peu ces choses-là? Moi, je ne le perçois pas, avec respect, M. le ministre.

M. Barrette : ...et je vais vous répondre à cette question-là, parce que la question est très pertinente : Il faut le prendre à l'envers. Le risque de distribution, de redistribution de la clientèle va dépendre de notre capacité à pondérer correctement le patient et à mettre des règles qui font en sorte que ceux qui ont des pratiques qui sont dans ce secteur-là ne soient pas pénalisés, et ça va être le cas. Ça, je peux vous assurer que ça va être le cas. Quand vous verrez les règles, là, je pense que vous allez être rassuré.

Ceci dit, je reviens en haut de la pyramide. En haut de la pyramide, dans la hiérarchie des décisions, il y a l'impact qu'on recherche sur la capacité. La capacité, c'est un problème. Le bon docteur, actuellement, qui fait des soins à domicile — je peux vous en nommer, là, ils sont dans les médias, là — bien, lui, je n'ai rien à lui demander de plus, il le fait correctement, là, et, avec les règles que l'on fait, ça ne change rien à sa vie. Mais le médecin, lui, qui est à deux, trois jours par semaine, bien ce qu'on lui demande, ce n'est pas de changer sa pratique autrement que d'être là cinq jours semaine pendant 40 semaines. Et ça, à un moment donné, il faut une règle. Et cette règle-là, ce n'est pas le salaire, ce n'est pas la capitation, ce n'est pas ça; c'est le projet de loi n° 20. Et les règles visent à favoriser ça, ce que vous favorisez, vous aussi.

Le Président (M. Tanguay) : Encore quelques secondes.

M. Ménard (Jean-Pierre) : ...problème qu'on a, c'est que ce que vous nous dites là, là, ce n'est pas dans la loi, alors c'est...

M. Barrette : C'est dans le règlement.

M. Ménard (Jean-Pierre) : On ne le sait pas, on ne l'a pas vu.

M. Barrette : Mais je comprends qu'on s'entend sur les finalités.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant céder la parole à notre collègue députée de Taillon pour 8 min 30 s.

• (13 h 10) •

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Me Ménard, Mes Godin, Sarrazin et Tremblay, merci et bienvenue. On va aller rapidement, évidemment, on a quelques minutes seulement. Je voudrais commencer par peut-être le grand oublié de ce projet de loi là, les gens au niveau de la procréation médicalement assistée. Je constate que vous êtes le troisième groupe, après l'association des gynécologues et obstétriciens hier, le Collège des médecins et vous, à recommander l'abolition de l'article 10.6 qui fait en sorte, pour les gens qui nous écoutent, qu'un médecin ne pourrait plus diriger une femme à l'extérieur du Québec pour obtenir des services de procréation assistée. J'aimerais avoir votre point de vue au niveau juridique, au niveau légal.

M. Ménard (Jean-Pierre) : ...au point de vue juridique, voici un article extrêmement sensible, au point de vue légal. Puis là je ne parle pas au point de vue médical, les mérites de tout ça, là. Moi, comme avocat, là, au point de vue juridique, là, je vous dis : Ouf! Il y a des problèmes avec beaucoup, beaucoup de dispositions à la fois du Code civil et des chartes aussi là-dessus, parce que c'est clair que d'abord c'est une restriction qui est assez considérable et, d'après moi, qui porte assez clairement atteinte au droit de la femme à la liberté de sa personne. On vient d'avoir le jugement Carter de la Cour suprême sur l'aide médicale à mourir qui a redéfini puis précisé encore la portée du droit à la liberté, c'est le droit d'une personne de prendre pour elle des décisions fondamentales, puis en matière de reproduction humaine on est exactement dans ça, puis l'État ne doit pas s'ingérer dans ces processus-là sans impératif majeur. C'est clair ici qu'il y a une difficulté qui est majeure, là, O.K.?

C'est clair qu'au niveau de la procréation, ici, ce qu'on instaure, ça m'apparaît extrêmement restrictif et prohibitif, il y a plusieurs articles qui autant sur le plan de la protection contre la discrimination sexuelle, l'âge, la condition sociale sont problématiques ici. Je n'ai pas fait une analyse article par article et règle par règle, là, mais, je vous dirais, juriste 101, là, on a des problèmes avec plusieurs articles ici au niveau de la charte aussi.

Puis, comme je l'ai dit, moi, je trouve que ce qu'on fait avec la procréation assistée, on fait payer aux patients, aux usagers, là, la gabegie qui a entouré ce... — puis je prends le mot à dessein, là — la gabegie qui a entouré la mise en oeuvre puis le fonctionnement de ce programme-là.

Mme Lamarre : Alors, je vous remercie. J'espère que le ministre a bien pris note parce qu'effectivement un projet de loi, ça rend imputable l'ensemble du gouvernement par la suite et l'ensemble aussi des parlementaires qui y contribuent. Donc, j'espère que le ministre a bien entendu toutes les mises en garde et les précautions auxquelles vous faites référence par rapport à la légalité de cet article-là.

Pour le projet de loi, en ce qui concerne les pratiques médicales et les pratiques de spécialiste aussi, là aussi je vais le faire un peu à l'inverse. Pour les spécialistes, comment vous trouvez qu'on soit obligé de mettre dans une loi des délais, comme dire, par exemple, trois heures, il faut que le spécialiste voie le patient à l'urgence à l'intérieur de trois heures après la demande de consultation, entre les heures de 7 heures le matin et de 17 heures? Est-ce que vous connaissez d'autres législations qui ont ça? Est-ce que...

M. Ménard (Jean-Pierre) : Bien, écoutez, moi, d'abord, je suis un peu tombé sur le dos quand j'ai vu cette mesure-là parce que, écoutez, pour moi, là, ça devrait aller tellement de soi qu'une petite organisation, vous savez, comme un hôpital devrait être capable de dire à un docteur : Docteur, c'est-u possible d'aller répondre? Bon. Alors, pourquoi est-ce que c'est rendu au niveau du gouvernement puis au niveau du ministre? Puis, écoutez, je suis d'accord avec la mesure, mais je m'étonne de son existence parce que ça traduit un problème majeur. Comment ça se fait qu'il n'y a pas un hôpital qui est capable de dire ça à un docteur, O.K.? Bon, est-ce qu'on va devoir adopter des règlements aussi pour dire aux docteurs : Bien là, vous devrez arriver à 8 heures le matin puis vous devrez être bien habillés, etc.? Je veux dire, jusqu'où on va aller là-dedans, là? Je pense que, écoutez...

Puis vous savez que, là, on vient d'avoir une énorme réforme avec le projet de loi n° 10, on a des entités territoriales qui vont être responsables envers la population d'une offre de services. Mais ce qui est particulier... Puis je me suis tapé de façon exhaustive le projet de loi n° 10 avec ses amendements incorporés il y a quelques jours pour voir s'il y avait là-dedans quelque chose qui lui permettrait maintenant, à un CISSS, de dire : Voici, on va vous faire une offre de services médicaux. Il n'y a rien, O.K.? On offre des services, point. L'offre de services médicaux, ça reste encore beaucoup aux médecins à la déterminer.

Puis moi, je regarde ça, on fait toutes sortes d'histoires... Parce que voyez-vous, là, nous, à travers la pratique, là, on fait un peu plus de la moitié de toutes les poursuites de la province dans le système de santé, puis ça nous permet de voir tous les dysfonctionnements du système, on les voit presque tous en échantillon, parce que c'est sûr que c'est la pointe de l'iceberg qu'on voit, là. Combien d'histoires on a pour des problèmes d'accès aux services où, là, le médecin veut opérer, mais c'est l'hôpital qui... on n'a pas les ressources, on ne veut pas, on ne permet pas au médecin d'opérer, ou encore on a à intervenir auprès de l'hôpital : Bien là, le médecin exagère, il ne fait pas attention, bon, il ne calcule pas qu'est-ce qu'il fait, il nous impose des contraintes trop lourdes? Alors, on a une chicane souvent perpétuelle qui paralyse l'accès.

Comment ça se fait qu'en 2015, vu qu'on paie toutes, toutes, toutes ces choses-là, on ne peut pas dire aux organisations : Bien là, vous allez vous organiser sur une base territoriale ou régionale, vous allez vous entendre pour faire une offre de services à la population qui va comprendre les services médicaux, les services sociaux, etc., puis on va vous garantir l'accès? Puis ça pourrait aussi toucher la première ligne également, aussi. On pourrait donner des pouvoirs aussi de mieux organiser la première ligne, aussi, on serait capables de faire beaucoup, beaucoup de choses avec ça. Alors, quand on parlait un peu des recettes aussi, des remèdes pour la première ligne, ça, ça peut en être un aussi. Est-ce que les CISSS pourraient avoir une plus grande responsabilité pour la première ligne? Avec le réseau local puis le réseau territorial de santé, est-ce qu'on pourrait dire : Bien, écoutez, au CISSS vous allez vous occuper aussi de la première ligne médicale, coordonnée avec les ressources de l'établissement? Parce que plus les gens attendent pour consulter en première ligne, plus quand ils vont consulter en deuxième ligne ça va être grave, ça va coûter cher, il n'y a pas d'économie à faire là. Alors donc, c'est des vases communicants, tout ça.

Mme Lamarre : Merci beaucoup. Moi, je veux vous remercier beaucoup parce que vous avez vraiment... Dans votre mémoire — et j'invite les gens qui sont intéressés, là — il y a 13 recommandations, donc vous avez vraiment abordé ce projet de loi là d'une façon constructive. En même temps, plusieurs de ces recommandations-là sont majeures, et je pense qu'elles amènent des réaménagements significatifs, là, dans le projet de loi et probablement plus large que ça.

Je vais attirer l'attention sur la recommandation 4, qui dit : «Inclure une disposition législative dans le projet de loi n° 20 prévoyant une mesure pour permettre l'accès aux soins médicaux de première ligne à l'extérieur des heures "ouvrables" traditionnelles, soit les soirs, les fins de semaine et les jours fériés.» Pour moi, c'est important, c'est quelque chose qui est déterminant, qui ne nous est pas du tout garanti dans la présentation du projet de loi actuel, et qui non seulement améliore l'accessibilité, qui est vraiment notre priorité, mais aussi, lorsqu'il n'est pas appliqué, engendre des coûts énormes et ne changera pas l'accès à l'urgence qui est non pertinent.

M. Ménard (Jean-Pierre) : Écoutez, moi, je me demande si ce ne serait pas pertinent que je propose au ministre d'incorporer dans le projet de loi une disposition semblable à l'article 3 de la loi de santé et des services sociaux, qui dit : La raison d'être du système est la personne qui le requiert. Autrement dit, les services, ils existent pour qui? Ils existent pour le patient, pour le citoyen. Là, avec ces histoires d'horaire là, c'est au patient à s'adapter à l'horaire des médecins aussi, puis en fin de compte tout l'accès possible des citoyens dépend effectivement beaucoup de quelle manière le médecin organise sa pratique.

On a parlé tantôt d'accès adapté. C'est une bonne idée, l'accès adapté, puis, écoutez... Bon, O.K. Mais allons voir les modalités, O.K.? Est-ce que l'accès adapté, ça impliquerait que le médecin se garde au moins une plage horaire quelque part pour voir le patient en dehors des heures?

Écoutez, moi, je suis un employeur aussi, j'ai mon cabinet, j'ai une quarantaine de personnes qui travaillent pour moi. Je perds je ne sais pas combien... Je paie je ne sais pas combien de jours par année à l'ensemble de mes employés parce qu'ils ont un rendez-vous chez le médecin. Pas un rendez-vous urgent, là, un rendez-vous, O.K., mais il faut qu'ils le prennent le jour entre 9 et 5, donc il faut qu'ils manquent une journée de travail pour aller voir le médecin aussi. Puis, évidemment, pas question de le remettre, parce que ça va prendre trois ou six mois avant de ravoir un rendez-vous. Ça, sur le plan même d'une société, c'est-u acceptable qu'on ait des choses comme ça? Écoutez, je pense qu'il faut qu'on repense, il faut qu'on repense de fond, là, je pense qu'on est dus — on a déjà pris le terme pour d'autres sujets — d'avoir une véritable conversation nationale sur la question de la santé, qu'est-ce qu'on veut comme système de santé, qu'est-ce qu'on est prêts à se donner, puis qui est imputable de qui, de quoi. O.K.? Il ne devrait pas y avoir de sources de pouvoir un peu partout dans le système de santé, une source organisée qui part du ministère puis qui structure, parce qu'on paie, on paie tout, puis ça, c'est des fonds publics partout. Alors, pourquoi on ne peut pas avoir plus de contrôle, plus d'imputabilité là-dessus? Moi, c'est ma petite réflexion personnelle.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci. Ceci met fin à l'échange. Je cède maintenant la parole au collègue de Lévis pour 5 min 45 s.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Merci, Me Ménard, d'être là, et vos collègues, Me Godin, Me Sarrazin, Me Tremblay.

Je lis en tout début... D'ailleurs, j'apprécie beaucoup ce que vous dites, parce que vous avez une vision où vous dites : Regardez, moi, j'ai d'abord un regard davantage centré sur les usagers, c'est votre pratique depuis 35 ans, et j'apprécie ça parce que c'est à eux qu'on s'adresse également. Au bout du compte, c'est eux aussi qui devront juger de la performance en fonction de leur santé, je pense, c'est fondamental. Ce n'est pas seulement une question de chiffres, de pourcentages, de médecins, de négociation, mais il y a l'usager à tous les jours dans ça.

Et je vous dirai qu'on observe depuis quelques années un phénomène tout à fait nouveau dans notre propre pratique, c'est-à-dire les poursuites en responsabilité fondées sur un problème d'accessibilité. Et j'imagine qu'un nouveau projet de loi arrive, puis, comme avocats, juristes, vous vous dites : Bien, ça va améliorer les choses. Donc, cette espèce de nouveauté là qu'on voit surgir devrait, à la lumière de ce que je vois, diminuer, donc le travail pour les usagers sera mieux fait.

Est-ce que je comprends que, malgré le fait qu'il vous manque énormément d'éléments... Et vous l'avez dit et nous en sommes, les règlements, on ne les a pas, puis c'est la chair autour du projet de loi, comme par exemple votre souci d'avoir... par exemple où, là, on aurait dû scinder le projet en deux pour adresser deux problématiques, notamment l'accessibilité au réseau de santé et la procréation assistée. Mais je reviens sur ma première question : Avez-vous l'impression qu'à la lumière de ce que vous voyez maintenant on se dirige vers une diminution ou une augmentation de ces cas que vous n'aviez pas vus et qui arrivent de plus en plus?

• (13 h 20) •

M. Ménard (Jean-Pierre) : Écoutez, moi, je rêve de tout coeur de ne plus les voir, ces cas-là. Je vous l'ai dit, là, je trouve ça inadmissible, incroyable puis inconcevable, dans une société, qu'on doive prendre un avocat pour se faire soigner, O.K.? Ce n'est pas acceptable, ça, d'aucune façon. Puis moi, je ne voudrais plus les faire, ces histoires-là, puis on y répond de plus en plus, c'est plate, là, bon, mais il y a des critères d'accès, il y a des règles d'accès, puis heureusement, quand on intervient, ça a un certain succès. C'est plate à dire, là, puis je ne veux pas faire de recrutement, pas du tout, ici, je ne veux pas en faire, là, bon, mais il faut que ça cesse, ça aussi, O.K.? Puis nous, on ne voit juste que la pointe de l'iceberg. Tous ceux qui sont mal pris et qui ne peuvent pas nous appeler, là, ils font quoi aussi? Puis légalement on ne peut pas répondre à tout non plus, il y a plein de choses pour lesquelles la loi ne permet pas de régler.

Alors, moi, ce que je pense qu'il faut qu'on travaille, c'est vraiment de trouver une manière, là, de donner plus d'accès aux citoyens, plus de prise sur le système puis une manière... Écoutez, on a deux pouvoirs importants au niveau... pour gérer ça. On a le pouvoir économique, c'est l'État qui paie puis c'est l'État qui négocie aussi, un, puis le deuxième pouvoir bien important, c'est l'État qui réglemente aussi. Donc, le projet de loi n° 20, c'est un projet à la fois de réglementation, qui va avoir une incidence sur la rémunération aussi, là, mais c'est l'État qui réglemente, l'État qui est capable de déterminer des conditions, des règles aussi et tout ça, alors donc qu'on se serve de ces deux leviers-là.

Là, on s'est servi du levier de la négociation, jusqu'à maintenant, avec un résultat — puis je vous le dis, là, comme citoyen puis comme personne impliquée dans ces choses-là — que je trouve, quant à moi, inacceptable, O.K.? Alors, le gouvernement s'est bien occupé des questions de rattrapage des médecins, a été très sensible à ces choses-là, mais le gouvernement a été totalement insensible au rattrapage de l'accès, O.K.? Alors, on n'a pas défendu correctement, quant à moi, l'intérêt des citoyens. Puis, si notre ministre actuel démontre une ouverture différente de celle qu'on a eue dans le passé par rapport à ces choses-là, je pense qu'on peut juste l'encourager dans cette direction-là, mais il faut quelque part qu'il y ait quelqu'un au Québec qui dise : Bon, bien, là, le système, il existe pour qui? Il existe pour les patients. On va le réorienter pour les patients. On va essayer de le réorienter en mobilisant — puis c'est peut-être ça que j'ai peut-être une petite difficulté — en mobilisant le plus possible les organisations, parce que je pense qu'il peut être difficile de faire marcher ce système-là en antagonisant les parties. C'est pour ça qu'il faut faire attention. Je pense qu'il faut être prudent, dans ce contexte-là, pour être sûr que tout le monde va marcher dans la même direction.

M. Paradis (Lévis) : ...de collaboration plutôt que de confrontation. Et on comprend bien l'essence puis le but de l'exercice, il est bien clair, pas besoin de se faire de dessin là-dessus. Puis là, à travers ce projet de loi là, ce qu'on véhicule, en tout cas, c'est le fait que les médecins de famille seront appelés à avoir des quotas, à avoir davantage de patients, donc à régler ce problème d'accessibilité là.

Ceux pour qui vous parlez, c'est l'usager. L'usager, à travers ces chiffres qui sont véhiculés, à défaut d'avoir des règles très précises qui nous sont présentées, voit-il dans ce projet de loi là la lumière au bout du tunnel ou il s'inquiète aussi?

M. Ménard (Jean-Pierre) : On pourrait voir la lumière plus facilement si on voyait les règles. On ne les voit pas, là, O.K.? Comme je vous dis, là, le problème, c'est là. Puis, écoutez, je ne doute pas de la bonne foi du ministre, mais on pourrait-u voir les règles, O.K.? Moi, je vous le dis, là, c'est parce que le problème, c'est que... Écoutez, il y a un paquet de monde à qui je parle, je parle à toutes sortes d'organisations dans le monde de la défense des droits dans le système de santé, puis là on me pose la question : C'est quoi? Ça donne quoi aux citoyens, le projet de loi, là? Je dis : Je ne suis pas capable de vous le dire, je ne connais pas ça sera quoi, l'obligation de suivre. Tant qu'on ne saura pas ça, on ne sera pas capable de dire : Bien, les quotas, ça signifie ça, parce que peut-être que l'obligation de suivre, elle ne sera pas douloureuse, puis les quotas vont être faciles à régler, puis, mieux que ça, le médecin va dire : Non, pas 1 000, donnez-moi-z-en 1 500, bon, peut-être, il faut qu'on soit optimistes, bon, mais actuellement on n'est pas capables de le dire.

Moi, je n'ai pas de... je pense qu'on peut... C'est-à-dire personne ne doute de la mauvaise foi de personne, là, ici, ou de la bonne foi de tout le monde, mais je vous dis juste qu'avec ce qu'on voit... Puis moi, je suis dans le monde des avocats, on travaille avec ce qu'on voit et non pas ce qu'on imagine ou ce qu'on souhaite. Alors, ce qu'on voit, je vous le dis, moi, je ne peux pas dire plus que ce que j'ai dit aujourd'hui.

M. Paradis (Lévis) : ...l'inquiétude, en tout cas, bon.

M. Ménard (Jean-Pierre) : Il y a une inquiétude qui est bien réelle parce que j'ai peur qu'on oublie du monde, j'ai peur aussi qu'on ait peut-être un effet contraire à ce qu'on recherche, et ça, attention à ces choses-là.

M. Paradis (Lévis) : Bien, voilà. Vous dites : J'ai peur qu'on oublie du monde, cette notion évoquée par certains de dire : Est-ce que l'établissement, lorsqu'on saura la façon de faire, fera en sorte qu'on privilégiera, par exemple, des patients ou des usagers moins vulnérables que d'autres? Et puis, à travers vos pratiques, quand vous êtes obligés de médiatiser des cas puis de faire en sorte qu'on puisse intervenir pour qu'il y ait une accessibilité, bien ça touche souvent des gens qui sont avancés dans une détérioration de leur santé, vous vous inquiétez encore davantage des effets potentiels.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à l'échange. Je cède maintenant la parole au collègue de Mercier pour 2 min 30 s.

M. Khadir : Merci. Mes Godin, Sarrazin, Kim, bienvenue. Me Ménard. Je constate, Me Ménard, que la profession d'avocat, de juriste se féminise aussi, comme la profession médicale.

M. Ménard (Jean-Pierre) : C'est une bonne intuition.

M. Khadir : Est-ce qu'il y a des notables dans votre profession... Je sais qu'il y en a qui le pense, mais est-ce qu'il y a des notables qui ont dit publiquement qu'elles privilégient trop la qualité de vie, qu'elles sont, finalement, un peu paresseuses, qu'elles ne travaillent pas assez?

M. Ménard (Jean-Pierre) : Non, j'ai le privilège d'être entouré par une équipe de jeunes avocates extrêmement douées, travaillantes...

M. Khadir : Non, mais en général.

M. Ménard (Jean-Pierre) : En général, écoutez...

M. Khadir : Je n'en ai pas entendu, moi non plus.

M. Ménard (Jean-Pierre) : Je n'ai pas ce problème-là non plus. Puis je pense qu'il faut faire confiance aux femmes, elles sont aussi bonnes que les hommes l'ont et l'ont toujours été.

M. Khadir : Bon, très bien. Me Ménard, je ne sais pas si vous connaissez les autres systèmes de santé, mais en Europe, en moyenne, des pays de l'OCDE, là, sur le territoire européen, les médecins gagnent en moyenne à peu près la moitié, en termes de pouvoir d'achat, que les médecins au Québec et au Canada, en moyenne. C'est grossier, mais c'est à peu près ça, en moyenne la moitié. Mais il y en a plus. Il y en a tellement plus en Italie, en France, dans les pays où on n'a pas de problème d'accès qu'il y en a même qui sont un peu sur le chômage, mais le système de santé n'y voit pas un problème, en autant que les patients sont servis. Donc, on n'a pas limité. On les paie moins, ils travaillent ce qu'il faut, puis les gens sont contents.

Mais ça, vous avez dit... Parce que ça touche un peu ce que vous avez dit, vous avez dit : L'accessibilité et ses critères, plutôt que d'être définis en fonction des besoins des usagers, ont été négociés entre le ministère et les fédérations médicales, ceux qui ont dirigé les fédérations médicales — puis ce n'est pas juste le ministre actuel parce que ça fait 40 ans — Fédération des médecins spécialistes, fédération des médecins... Vous, vous avez proposé, parce que le ministre vous a demandé... — mais est-ce que j'ai bien compris? — vous avez dit : Donnons dans la loi des droits aux patients. Donc, ça veut dire qu'il faut plus de droits aux patients que de pouvoir au ministre, parce que le pouvoir du ministre pourrait se retrouver à négocier avec les fédérations puis, suivant les considérations stratégiques et politiques du moment, finir par donner les mêmes résultats.

M. Ménard (Jean-Pierre) : Bien, c'est ça qu'il faut faire attention, c'est que, écoutez... Puis je ne doute pas de tous les talents de négociateur du ministre aussi, mais il y a des choses qui ne devraient pas être négociables, O.K.? Puis moi, je pense que le droit d'accès d'un patient à des soins médicaux, c'est non négociable. Les conditions devraient être dans la loi puis ne devraient pas... puis ça, ça devrait être un sujet qui ne fait plus partie de la négociation, les négociations devraient s'adapter comment rencontrer la norme légale.

M. Khadir : Puis une chose importante que vous êtes probablement le premier à souligner avec autant d'emphase, vous avez dit : La première ligne, ce n'est pas juste le service médical, l'accès au médecin, c'est un ensemble, puis il n'y a pas de vision dans ce projet de loi.

M. Ménard (Jean-Pierre) : C'est pas mal plus large que ça.

M. Khadir : Donc, vous proposez qu'on ajoute dans un autre projet de loi... bien, en fait, nous, on a demandé le retrait de ce projet de loi parce qu'il n'y a pas rien pour tenir compte de tous ces...

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.

M. Khadir : ...donc de quelque chose qui tienne de l'ensemble de l'offre de services de première ligne. Est-ce que je vous ai bien compris?

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, merci à Mes Ménard, Godin, Sarrazin et Tremblay pour votre présentation.

Compte tenu de l'heure, je suspends les travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 27)

(Reprise à 15 h 23)

La Présidente (Mme Montpetit) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend donc ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre les sonneries de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 20, Loi édictant la Loi favorisant l'accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée.

Avant de débuter les travaux, est-ce que je pourrais avoir le consentement pour prolonger la rencontre au-delà de l'heure prévue? Consentement? Parfait.

Donc, je souhaite la bienvenue à nos invités du Département d'obstétrique-gynécologie du CHU Sainte-Justine. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter, vos noms ainsi que vos fonctions. Et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé, par la suite nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Sur ce, la parole est à vous.

Département d'obstétrique-gynécologie
du CHU Sainte-Justine

Mme Duperron (Louise) : Je suis Louise Duperron, chef du Département d'obstétrique-gynécologie du CHU Sainte-Justine et cogestionnaire médicale du programme mère-enfant.

M. Dahdouh (Élias) : Dr Élias Dahdouh, directeur médical du Centre de procréation assistée du CHU Sainte-Justine.

Mme Martel (Johanne) : Johanne Martel, coordonnateur clinico-administratif pour la trajectoire mère-enfant.

Mme Duperron (Louise) : Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires, je tiens à vous remercier de nous donner l'opportunité de nous exprimer sur nos réflexions quant au programme de procréation médicalement assistée public et intégré dans le CHU mère-enfant Sainte-Justine. Voici les points importants que nous souhaitons vous partager : l'accessibilité et la sécurité des soins de procréation en milieu hospitalier universitaire, l'importance d'un encadrement universitaire en éthique, enseignement et recherche, la préservation de la fertilité pour nos enfants atteints de cancer, l'importance d'un programme de diagnostic préimplantatoire.

Le CHU mère-enfant Sainte-Justine a quatre grandes missions : l'enseignement, la recherche, l'innovation et dispenser des soins de qualité aux femmes et aux enfants du Québec. Afin de répondre à ces quatre grandes missions, le CHU Sainte-Justine a su intégrer sous un même toit le plus grand centre de grossesses à risque francophone du Canada, un centre de thérapie foetale, un centre intégré de diagnostic prénatal, un centre intégré de génomique pédiatrique et un partenariat avec Génome Québec.

En 2012, lorsque le ministère nous a demandé de créer un programme de procréation médicalement assistée au CHU Sainte-Justine, nous avons opté pour l'intégration du centre de procréation au sein des activités des cliniques d'obstétrique et de gynécologie du programme mère-enfant. Cela nous a permis de faciliter la trajectoire de soins de la clientèle, de maximiser l'efficience du personnel, de maximiser l'utilisation des lieux et des plateaux techniques en tout temps dans un souci de respecter le cadre budgétaire et d'y prodiguer des soins de qualité. Nous pouvons maintenant vous confirmer que nous avons rencontré nos objectifs, nos cibles de 400 cycles demandées par le ministère, tout en respectant notre cadre budgétaire.

Maintenant, je cède la parole au directeur médical, Dr Dahdouh.

M. Dahdouh (Élias) : Merci, Dre Duperron. Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires, je voudrais, moi, développer trois points importants pour expliquer notre mission au CHU Sainte-Justine.

En premier, je vais parler de la mission clinique et soins sécuritaires. Il est évident, en procréation assistée, quand on parle de sécurité, on parle sécurité de la femme enceinte et surtout des enfants, donc ça passe donc évidemment par une diminution du taux de grossesses multiples, le seul moyen de prévenir les grossesses multiples étant de favoriser l'accès à la fécondation in vitro et réduire les cycles de stimulation ovarienne avec une insémination intra-utérine. En effet, il y a deux études randomisées qui ont été subventionnées par le National Institutes of Health, aux États-Unis, qui ont démontré clairement la supériorité de la fécondation in vitro pour les taux de naissances vivantes, comparativement aux traitements de stimulation avec insémination, et avec un taux de grossesses multiples très faible et en plus un coût par naissance vivante qui est inférieur comparativement aux traitements par insémination et superovulation. Donc, il est donc clair, d'après ces données probantes, que la couverture et la fécondation in vitro adoptant un transfert sélectif d'un seul embryon, qui est actuellement la pratique courante au Québec, est le seul moyen efficace dans la réduction et la prévention de l'épidémie de grossesses multiples. Ceci nécessite bien sûr de rendre la fécondation in vitro accessible et abordable pour tous les couples infertiles de la province du Québec.

Le centre de procréation assistée, qui a été inauguré en mai 2013, assure aux couples infertiles du Québec un accompagnement complet, individualisé à partir de la conception jusqu'à la naissance, et ça rentre directement dans la mission du centre mère-enfant du CHU Sainte-Justine. Depuis le début de nos activités cliniques, en mars 2013, l'objectif clinique ciblé a été atteint. Les derniers chiffres parlent d'un taux de grossesses évalué à à peu près 40 %, avec un taux presque inexistant de grossesses multiples. Une seule grossesse gémellaire a été documentée, aucun cas d'hyperstimulation ovarienne sévère n'a été documenté.

Nous sommes très heureux, M. le ministre, de constater que, dans le projet de loi n° 20, la préservation de la fertilité pour les patients devant subir des traitements de chimiothérapie a été soutenue par le ministère. Nous avons développé pour ça une expertise clinique notamment au niveau de la congélation des ovules par technique de vitrification, qui vient s'ajouter à la technique déjà bien établie de congélation de sperme.

Le deuxième point, je vais parler de l'encadrement scientifique et universitaire du CHU Sainte-Justine. Faisant partie de la mission du CHU, l'enseignement est un élément important qui assurera une relève et une expertise dans différents domaines de la procréation assistée. Ainsi, des résidents en obstétrique-gynécologie, des étudiants en médecine, en éthique, en soins infirmiers, en génie biomédical, en psychologie ont pu bénéficier de stages au CPA. Notre centre de procréation assistée participe activement à plusieurs projets de recherche, tant sur le plan local, provincial, national ou international. On a déjà organisé deux symposiums internationaux en procréation assistée, le premier était en octobre 2013, à peine six mois après l'ouverture du centre, et un autre en octobre 2014, et on prévoit un autre en octobre 2015. Plusieurs conférenciers internationaux, que ce soit de l'Europe, des États-Unis, ont participé à cet événement, et ce fut vraiment un franc succès.

• (15 h 30) •

Le troisième point, je vais parler du diagnostic génétique préimplantatoire, qu'on appelle le DPI. Le CPA du CHU Sainte-Justine a eu comme mandat provincial, depuis son ouverture, de développer un programme national de diagnostic préimplantatoire pour les couples porteurs de maladies génétiques sévères. Il constitue ainsi un programme national dans le domaine en partenariat avec le centre de génomique pédiatrique intégré et Génome Québec.

Le DPI est considéré comme une alternative au diagnostic prénatal et pourrait éviter une interruption médicale de grossesse en cas de grossesse affectée, c'est une expérience traumatisante pour les couples touchés. C'est une prise en charge, en fait, complète pour la prévention des maladies génétiques en question. Je vous donne... Comme exemple, certaines maladies génétiques peuvent être transmises par le porteur dans 25 % à 50 % pour les futurs enfants, telle la maladie de l'X fragile, qui est associée à un retard mental et à une ménopause précoce, les maladies métaboliques, par exemple, qui sont très fréquentes au Lac-Saint-Jean, et la dystrophie musculaire. Le seul moyen actuellement de prévenir ces maladies génétiques, c'est le diagnostic préimplantatoire. Ce diagnostic, en fait cette technique comporte quatre étapes, la première étape étant la fécondation in vitro. On doit faire subir au couple un cycle de fécondation in vitro, faire une biopsie embryonnaire, prendre l'ADN de la cellule, l'analyser, faire l'analyse génétique, et après on fait un transfert sélectif d'un embryon qui est exempt de la maladie génétique recherchée.

Donc, en conclusion, pour maintenir la réduction des taux de grossesses multiples associées à la procréation assistée, la fécondation in vitro devrait être disponible et abordable pour tous les couples infertiles du Québec. Deuxièmement, pour assurer un transfert intergénérationnel de connaissances scientifiques en procréation assistée via le programme de résidence et de «fellowship», les centres publics de PMA devraient être présents dans les centres hospitaliers universitaires tels que le CHU Sainte-Justine. Troisièmement, pour permettre des percées scientifiques en procréation assistée mettant le Québec au premier rang national et international, les recherches dans le domaine devraient être maintenues au sein du CPA du CHU Sainte-Justine. Quatrièmement, sachant que le CPA du CHU Sainte-Justine possède une expertise de haut niveau en diagnostic génétique préimplantatoire et en diagnostic prénatal, ce programme devrait être accessible à la population québécoise afin de répondre aux besoins de la population. Merci.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie beaucoup pour votre présentation. Nous allons donc débuter la période d'échange avec la banquette ministérielle. M. le ministre, vous avez 25 minutes pour votre échange.

M. Barrette : Combien?

La Présidente (Mme Montpetit) : 25.

M. Barrette : 25. C'est parfait. Merci, Mme la Présidente. Alors, bien, bienvenue. Alors, c'est très intéressant comme présentation, ce que vous venez de faire.

J'aimerais ça aborder tout de suite... bien peut-être pas tout de suite mais... en fait tout de suite quand même la problématique dont vous n'avez pas parlé. Vous comprenez la situation, la raison pour laquelle on embarque là-dedans, il y a une problématique budgétaire de retour à l'équilibre au Québec, et on considère que... Bon, ça fait partie des grands choix de société, là : Est-ce qu'on paie complètement, pas complètement, pas du tout pour un programme comme celui-là? Là, je comprends que votre position serait de garder le régime tel quel, c'est ce que je comprends de votre position, puis qui est une chose qui est évidemment... que l'on considère qu'on ne peut pas faire, et d'où le projet de loi n° 20 qui contient ces restrictions-là.

 Est-ce que, dans votre estimé, dans votre expérience... Parce que vous avez quand même une longue expérience, particulièrement vous, Dre Duperron, là, vous voyez ça depuis longtemps, là. Est-ce que vous considérez que notre financement par les crédits d'impôt va mettre un frein significatif à l'accès? Parce qu'ici, là, le projet de loi, ce qu'il présente, évidemment, en termes de financement... ce qu'il propose, pardon, en termes de financement, c'est un financement dégressif en fonction des revenus des gens. Dans notre expérience, on pense que ce frein-là est raisonnable. Je voudrais vous entendre là-dessus.

Mme Duperron (Louise) : Bien, je pense que, pour nous, c'est vraiment important de maintenir l'accessibilité aux soins et que ce soit équitable pour chacun, qu'on soit de niveau défavorisé, de revenus moyens ou bien nanti, que tout le monde ait accès. Et je pense que ça vous revient à vous, le ministère, de moduler la façon que vous allez demander que ça... que vous allez payer les soins, finalement, ou que vous allez demander que la clientèle paie une certaine partie, je pense que ça vous revient. Nous, on veut que ce soit équitable pour tout le monde.

M. Barrette : Donc, ce que l'on présente, là, pour vous, vous ne percevez pas ça comme étant un frein insurmontable à l'accès à la... Je comprends que je vous pose... je vous demande une question de jugement de valeur dans une certaine mesure, peut-être pas de valeur mais de porter un jugement sur nos propositions, mais, dans votre expérience... Parce que vous avez connu, évidemment, la période où les gens payaient complètement, et là clairement c'était un frein pour les gens, là. Il y avait un crédit d'impôt à l'époque, mais ce n'était pas du même type. Et, en fait, la question, je pourrais la poser différemment : Est-ce qu'il y avait autant de gens avant qui venaient d'un milieu plus modeste qu'aujourd'hui? Probablement que non. Et là, aujourd'hui, j'ai l'impression que ce que l'on propose devrait suffisamment faciliter l'accès pour les gens qui ont des revenus plus modestes mais ne pas freiner les autres. Puis en fait ma question plus précise : Les gens qui y avaient accès dans le passé, ils étaient des gens de classe moyenne, là, ce n'étaient pas nécessairement les gens plus fortunés, dans le temps, qui payaient, là?

Mme Duperron (Louise) : C'est très difficile à évaluer sur le terrain, voir qu'est-ce que ça va apporter comme modifications. On pense que ça va diminuer l'accès, mais je n'ai aucun moyen pour évaluer ce que je peux avancer.

M. Barrette : Les balises que l'on met... Parce que vous, vous voyez ça, évidemment, du côté... de l'angle du clinicien, puis c'est tout à fait normal, là, et les balises que l'on propose sont des balises qui viennent essentiellement du rapport du Commissaire à la santé et au bien-être. Est-ce que vous avez des critiques à faire, des modifications à proposer ou est-ce que vous êtes bien confortables avec tout ce qui est là comme balises?

Mme Duperron (Louise) : Moi, je suis assez...

M. Barrette : Je comprends que vous venez, là... — je m'excuse de vous interrompre — je comprends que vous venez en relation avec la clinique de Sainte-Justine, mais, malgré tout, comme vous allez certainement être appelée à jouer encore un rôle dans le public, vous avez certainement une opinion sur les balises que l'on propose.

Mme Duperron (Louise) : Je pense qu'on a participé à l'entrevue que le Commissaire de la santé... au rapport Salois, on a fait nos commentaires à ce moment-là. On est vraiment en accord avec la mise en place de balises. Je sais que vous tenez beaucoup à la balise de 42 ans. Nous, ici, on y croit, qu'il faut évaluer les patientes, qu'il faut bien cadrer le système.

M. Barrette : Alors là, vous m'intéressez, parce que c'est à ça que ça sert, évidemment, ces audiences-là. Vous y croyez, au 42 ans. Est-ce qu'à ce moment-là vous considérez qu'on est trop sévères avec le 42 ans ou qu'on devrait avoir des circonstances où on dépasse?

Mme Duperron (Louise) : Peut-être qu'on peut demander au Dr Dahdouh ce qu'il fait dans les autres...

M. Barrette : Ah! bien je pose la question aux trois, là.

Mme Duperron (Louise) : Ah! À moi? Bien, moi, je pense que...

M. Barrette : Non, non, mais, je veux dire, vous pouvez répondre qui vous voulez, là.

Mme Duperron (Louise) : O.K. Moi, je pense qu'à 42 ans c'est une balise raisonnable. On sait que les taux de grossesses spontanées sont très faibles, que les grossesses avec fertilisation in vitro, à 42 ans, le succès est aussi faible et qu'il faudrait peut-être penser à du don d'ovule, penser à d'autres façons de faire que de favoriser la fertilisation in vitro après 42 ans. Qu'est-ce qu'on va faire? Qu'est-ce qu'on va apporter comme solution pour ces femmes-là? Ça pourrait être du don d'ovule, ça pourrait être d'autres solutions qui pourraient être discutables. Mais cette balise-là, elle est de tous les pays. Même certains pays sont à 41 ans.

M. Barrette : Oui, mais on me fait souvent valoir comme critique que le fait qu'on mette une interdiction absolue à 42 ans, ça pose problème. Parce que c'est ce qu'il fait, le projet de loi, là, il rend illégale l'implantation au-delà de 42 ans.

Mme Duperron (Louise) : Je pense le mot «illégal» vraiment est difficile à avaler pour tout le monde parce qu'à 42 ans, en bonne santé, avec une bonne évaluation médicale, avec un système qui permet le don d'ovule, on peut avoir des grossesses avec un taux de grossesses et de naissances vivantes satisfaisant, qu'on ne mettra pas la clientèle en danger ni les enfants à naître en danger.

M. Barrette : Parce qu'on se comprend, là... Puis ça, les gens, évidemment, quand je vais là, on n'en parle pas toujours très ouvertement. Vous êtes d'accord avec moi qu'il y a un risque pour la mère et pour l'enfant au-delà de 42 ans, pour ce qui est...

Mme Duperron (Louise) : Ça prend une évaluation médicale parce qu'au-delà de 42 ans, si tu es en bonne santé, les risques sont quand même minimes si je les compare à une femme de 27 ans qui a une obésité, qui a du diabète et une hypertension chronique, celle-là est beaucoup plus à risque de complications qu'une femme de 42 ans en bonne santé documentée.

M. Barrette : Et est-ce que vous considérez aujourd'hui que, pour le plus de 42 ans, il y a suffisamment de balises scientifiquement reconnues pour le permettre?

Mme Duperron (Louise) : Oui. Dans la littérature médicale, il y a vraiment des lignes de conduite en obstétrique-gynécologie pour suivre des femmes dans la quarantaine.

M. Barrette : Parfait. Et puis, du côté des balises, vous n'avez pas d'autres commentaires à faire?

• (15 h 40) •

M. Dahdouh (Élias) : J'aimerais bien ajouter pour le point de 42 ans. Moi, j'ai eu l'occasion de faire des stages en Europe, en Espagne, en Belgique et aux États-Unis. En fait, en Belgique, ils ont mis... en Espagne ils ont mis 42 ans comme une balise pour arrêter la fécondation in vitro pour la femme par ses propres ovules parce que les taux de naissances vivantes sont extrêmement bas, on parle d'un taux de naissance qui peut être inférieur à 3 %. Donc, médicalement, ça ne marche pas, puis il faut que la patiente pense à faire un don d'ovule.

Par contre, pour le don d'ovule, il y a beaucoup de sociétés, comme la société américaine de fertilité, qui ont émis des «guidelines», des lignes directrices pour le don d'ovule, qui semble être que c'est une voie sécuritaire pour permettre des grossesses après 42 ans si la patiente est médicalement évaluée puis elle est apte à être enceinte. De notre côté, au CHU Sainte-Justine, on a un comité multidisciplinaire qui a été établi. Toute demande de don d'ovule doit être évaluée par un comité multidisciplinaire, incluant une évaluation médicale, surtout pour toutes les patientes qui ont 45 ans ou plus. Donc, c'est ça, ma réponse.

M. Barrette : O.K. Un autre aspect... Parce que, là, on va aller... je vais vous poser des questions plus spécifiques à votre clinique à vous, comme telle, là. Évidemment, si la loi n° 20 est adoptée telle quelle, il va y avoir un impact certainement sur le volume de procédures faites au Québec, et ça va avoir un impact, évidemment, sur l'activité, entre guillemets, totalement publique. Dans la grande région de Montréal, avez-vous réfléchi sur l'offre de services? Et je m'explique plus précisément : Est-ce qu'à Montréal ou au Québec on devrait avoir une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept cliniques? Là, je dis cinq, six, sept, là, simplement pour la conversation, là, mais je vais vous poser la question dans l'autre extrême : Est-ce qu'on a besoin de plus qu'une clinique? Je ne vous propose rien, là, vous comprenez, là, je lance la...

M. Dahdouh (Élias) : Moi, je peux répondre qu'en fait personnellement le département de gynéco-obstétrique a été invité en 2012 pour ouvrir un centre de procréation assistée public, donc le personnel a été engagé, on a mis en place cette clinique puis on a répondu à 100 % aux exigences que le... et aux directives ministérielles dans le temps. Je pense que c'est au ministère de la Santé actuellement de juger s'il y a nécessité d'avoir plusieurs cliniques ou non sur le terrain actuellement.

M. Barrette : ...poser la question plus directement : Quel est le volume que vous pensez pouvoir faire chez vous?

Mme Duperron (Louise) : De 800 à 1 000 cycles par année.

M. Barrette : Combien?

Mme Duperron (Louise) : On pourrait monter de 800 à 1 000 cycles par année.

M. Barrette : C'est un maximum, ça, ou c'est le chiffre que vous souhaitez?

Mme Duperron (Louise) : C'est le chiffre qu'on peut faire actuellement avec les locaux que nous avons, avec le laboratoire que nous avons. Si la demande était d'augmenter, nous allons regarder et placer ailleurs dans l'hôpital d'autres locaux pour fournir à la demande du ministère.

M. Barrette : O.K. Donc, mettons 1 000, là, pour prendre la marge maximale que vous évoquez. Ça, c'est la marge que vous pouvez faire ou la frontière, la borne supérieure de ce que vous pourriez faire avec les équipements actuellement et aussi avec les conséquences que ça a sur le reste de l'hôpital, parce qu'évidemment j'imagine qu'il y a des conséquences, là.

Mme Duperron (Louise) : Bien, disons que, quand on a décidé, on a...

M. Barrette : ...mais il faut les accoucher à un moment donné, là, les madames, là.

Mme Duperron (Louise) : Bien, actuellement, ce qu'on fonctionne beaucoup, c'est avec les régions aussi, on a un contrat avec Sherbrooke, un contrat avec Chicoutimi, les gens qui nous sont référés retournent dans leur milieu. Alors, ce n'est pas tous les gens qui viennent, toutes les personnes qui viennent dans nos cliniques qui accouchent à Sainte-Justine. Ça, c'est pour le volume accouchements.

Pour ce qui est du volume de 800 à 1 000, on a la structure physique, les laboratoires parce qu'au début le ministère nous avait demandé 400, pour les deux premières années, et d'augmenter progressivement jusqu'à 1 000, donc on n'a pas voulu dépenser inutilement l'argent et dire après ça : On va agrandir, on a bâti pour répondre à une demande future.

M. Barrette : O.K. Du côté du DPI, bon, c'est un débat en soi, le DPI, là. Là, je comprends que vous voudriez offrir le service pour le Québec, à toutes fins utiles, pas juste, évidemment, pour votre clientèle, là.

Mme Duperron (Louise) : Oui.

M. Barrette : Et, de ce côté-là, si on allait de l'avant — je mets tout ça avec des «si», là, je ne sais pas si on va aller à Paris, on va peut-être aller à Sainte-Justine — vous avez la capacité, à Sainte-Justine, de servir le Québec?

Mme Duperron (Louise) : Oui, exactement. On a la plateforme génomique, on a la plateforme pour faire tous les nouveaux tests à la mode, là, pour le DPI, il n'y a aucun problème. L'équipe est en place.

M. Barrette : Et, l'évaluation que vous avez faite, vous avez fait une évaluation en fonction de l'état de situation actuel de la demande ou en fonction de la clientèle que vous estimeriez dans le futur?

Mme Duperron (Louise) : Avec la clientèle actuelle et ce qu'on estime, on a déjà une liste d'attente de 150 familles...

M. Dahdouh (Élias) : 200, 200 familles.

Mme Duperron (Louise) : On est rendus à 200. Donc, c'est un besoin réel.

M. Dahdouh (Élias) : Si on couvre toute la population du Québec, on prévoit un volume à peu près de 150 cycles de DPI, et ceci juste pour les maladies médicalement requis. On ne parle pas de dépistage préimplantatoire, on parle de patients qui ont un risque de transmission de maladies génétiques sévères qui dépasse 25 % à 50 % pour la population québécoise.

M. Barrette : O.K. Et, en termes de coûts, vous avez estimé ça à combien?

M. Dahdouh (Élias) : Le cycle de FIV, actuellement, on a estimé... Il y a en fait deux analyses génétiques. On parle de cytogénétique pour les patients qui ont des anomalies chromosomiques, le coût est estimé, par cycle, à peu près à 3 000 $. Puis de l'autre côté on a les maladies monogéniques, où l'analyse génétique va coûter entre 5 000 $ et 6 000 $ par cycle.

M. Barrette : Bon. Alors, ça, la raison pour laquelle je vous pose cette question-là, c'est parce qu'en lisant votre mémoire, là, vous parliez de 10 000 $ à 15 000 $. Ça m'a beaucoup tiqué.

M. Dahdouh (Élias) : Mais ça, c'est incluant aussi le cycle de fécondation in vitro, parce qu'il faut ajouter le cycle de fécondation in vitro là-dessus.

M. Barrette : Ah! O.K. Je n'avais pas compris la manière que c'était écrit. Donc, vous, ce que vous dites, c'est que la partie diagnostic, la partie non FIV est de 3 000 $ pour un...

M. Dahdouh (Élias) : Incluant la biopsie embryonnaire, l'analyse génétique. C'est ça qui coûte cher actuellement dans le diagnostic préimplantatoire.

M. Barrette : Donc, si vous pouvez me répéter, là... Là, vous dites 3 000 $ pour...

M. Dahdouh (Élias) : Pour le CGH, pour la cytogénétique, et 6 000$ pour analyse des maladies monogéniques, en plus des coûts de la fécondation in vitro.

M. Barrette : O.K. Et les coûts de FIV, chez vous, vous les estimez à?

Mme Martel (Johanne) : 4 750 $.

M. Barrette : Combien?

Mme Martel (Johanne) : 4 750 $, ce que vous nous donnez.

M. Barrette : Mais vous avez fait une bonne évaluation qui inclut tout, là, les pieds carrés et tout?

Mme Martel (Johanne) : Oui. Électricité, chauffage...

M. Barrette : Vous êtes bons, vous êtes bons. 4 700 $, vous êtes bons.

M. Dahdouh (Élias) : Actuellement, Dr Barrette, on rentre parfaitement dans notre budget, on est très contents parce qu'on rentre parfaitement dans le budget, donc...

M. Barrette : O.K., parfait. Y a-tu d'autres commentaires que vous voudriez faire? Ça va? J'ai terminé, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie. Donc, on va donc passer à l'opposition officielle, à Mme la députée de Taillon, pour 15 minutes.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, Dre Duperron, Dr Dhadouh et Mme Martel, merci d'être là. Merci pour votre mémoire, pour vos interventions.

On a eu quand même d'autres organismes qui sont venus présenter et on a, entre autres, beaucoup évoqué l'article 10.6 qui concerne le fait d'interdire à un médecin de référer une patiente à l'extérieur du Québec. Est-ce que vous avez déjà été témoins ou est-ce que des gens vous ont déjà parlé qu'ils ont eu à aller à l'extérieur du Québec... ou est-ce que vous considérez que c'est quelque chose qui est adéquat?

M. Dahdouh (Élias) : C'est une très bonne question. En fait, moi, personnellement, je ne parle pas d'une référence à l'extérieur du Québec, je pense la plupart des patientes qui partent, au Québec, pour aller chercher surtout un don d'ovule qui n'existe pas au Québec, parce que la loi canadienne, en fait, interdit de payer pour un don d'ovule, donc il n'y a pas de banque d'ovules au Canada. Donc, ces patientes n'ont pas besoin de référence, elles s'en vont aller chercher des soins à l'extérieur du pays.

Cependant, dans les cliniques où je connais qu'ils font des dons d'ovule, en Espagne, aux États-Unis, ils sont en faveur d'un transfert sélectif d'un seul embryon, donc ça, c'est la pratique actuelle pour un don d'ovule, parce qu'on sait très bien que le don d'ovule vient de patientes très jeunes. Donc, les chances de grossesse, quand on transfère un embryon qui vient d'un ovule jeune, sont autour de 40 %, 50 %, donc il est étonnant de voir des transferts de plusieurs embryons avec des patientes jeunes. Donc...

Mme Lamarre : Donc, selon vous, il n'y aurait pas beaucoup d'indications à avoir à envoyer des patientes à l'extérieur du Québec ou...

Mme Duperron (Louise) : On n'a même pas besoin de les envoyer, l'Internet est là, monsieur Google est là. Alors, les gens magasinent déjà, magasinaient avant, alors on n'a pas besoin de leur interdire d'y aller. C'est sûr que, si aux douanes vous mettez un détecteur d'embryons, bien là ça sera à décider, là, mais, pour la loi, pour dire qu'un médecin doit interdire, doit empêcher sa patiente d'y aller, on n'a même pas besoin de faire ça parce qu'elles y vont d'elles-mêmes, elles paient elles-mêmes les frais, puis ça s'est toujours fait.

• (15 h 50) •

Mme Lamarre : Mais, moi, ce que je comprenais de l'esprit du projet de loi, peut-être que je me trompe, puis le ministre pourra me corriger éventuellement, mais c'était justement de dire : Dans un contexte qui ne remplit pas les critères qu'on aura déterminés au Québec, si une femme va chercher ce don d'ovule ou ces soins à l'extérieur, bien le médecin sera pénalisé de l'avoir encouragée à le faire parce qu'il y aura éventuellement plus de risques pour cette femme-là et donc il y aurait hypothétiquement des coûts que le système de santé subirait. Et ce que vous me dites, c'est que c'est déjà possible actuellement, que les femmes peuvent tout simplement demander ces dons d'ovule là, et donc ça ne nous met pas à l'abri du fait que des conditions particulières qui seraient non reconnues acceptables ici fassent en sorte que la femme soit quand même exposée à cette situation-là ici en ayant importé des ovules.

Mme Duperron (Louise) : Je pense que c'est ça. La loi peut dire qu'on interdit d'informer, la loi dit : On vous interdit de favoriser ça, mais, une fois qu'on a dit à la patiente : Madame, on ne peut pas vous offrir les services ici, pour telle et telle raison, quand elle rentre à la maison, c'est elle qui décide ce qu'elle fait. Pour aller au Mexique, pour aller aux États-Unis, pour aller en Espagne, elle n'a pas besoin d'une prescription médicale, elle va y aller d'elle-même.

Mme Lamarre : Le fait d'écrire ça, c'est d'abord un précédent en termes d'interdiction au niveau du médecin, mais en même temps ça ne donne pas les garanties de ce qu'on recherche, dans le fond. Bien, je vous remercie, c'est éclairant.

Il y avait également... Et je reconnais toute l'expertise du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine dans toutes ces dimensions de procréation médicalement assistée, puis vous êtes vraiment une référence. Il y a des normes... en fait il y a un guide qui doit être publié incessamment par le Collège des médecins, dans lequel il semble qu'on aurait certaines balises qui ont été mises dans le projet de loi, et les gens, le collège entre autres et d'autres experts disent : Bien, écoutez, il y a une évolution quand même dans ces normes-là, et de les emprisonner dans un projet de loi alors que la science évolue et que certaines de ces informations-là pourraient être changées dans deux ans, trois ans, parce que ce ne seraient pas les lignes directrices de traitement recommandées, ou les balises au niveau de l'âge, ou différents paramètres, donc, le Collège des médecins disait : Nous, on recommande que, dans le fond, on ait recours aux lignes directrices de traitement, qui sont beaucoup plus facilement actualisables en fonction des données probantes de la science. Est-ce que vous avez une opinion là-dessus?

Mme Duperron (Louise) : Je pense que ce n'est pas à nous comme médecins, ici aujourd'hui, de statuer là-dessus, je pense qu'il faut se remettre au Collège des médecins, c'est eux qui sont là. Et je pense que, la logique derrière tout ça, de dire effectivement que la médecine évolue, les normes peuvent changer rapidement, alors, on va se rallier aux recommandations du Collège des médecins.

Mme Lamarre : Pouvez-vous nous donner un exemple peut-être d'une norme qui n'était pas tout à fait la même il y a cinq ans puis qui a changé dans les... pas dans les normes formelles mais dans les approches thérapeutiques reconnues, là, dans les...

Mme Duperron (Louise) : Je vais prendre un exemple qui n'est pas de la procréation médicalement assistée, mais, moi, quand j'ai commencé à pratiquer, il y a 30 ans, sauver un enfant de 28 semaines, c'était vraiment... on le regardait puis on se disait : S'il est vigoureux, on s'en occupe; s'il n'est pas vigoureux, on ne s'en occupe pas. Maintenant, on est rendu à sauver des 22, 23 semaines, alors vous voyez que la médecine évolue.

L'autre exemple que je pourrais vous donner, c'est les fibroses kystiques. Quand j'ai commencé, les fibroses kystiques mouraient à l'adolescence. Maintenant, l'âge moyen de survie est de 51 ans.

Mme Lamarre : Excellent. Intéressant. Vous avez parlé de la sécurité, et je trouve que c'est une dimension qui est vraiment importante. Pouvez-vous nous parler des risques qui peuvent être... en tout cas des aspects de sécurité sur lesquels vous portez une attention toute particulière?

Puis j'ajouterais à ça... Et là c'est sûr que c'est une situation un peu délicate pour vous, parce que vous êtes un des trois centres publics qui offrez les services, mais, par rapport aux centres privés ou de façon générale, est-ce que vous avez peur à certaines dérives, est-ce que vous avez peur à certains risques, puisqu'on est dans la dimension de sécurité, d'offrir des services de santé sécuritaires et adéquats?

Mme Duperron (Louise) : Je vais parler pour moi, puis après ça je pourrai laisser répondre Dr Dahdouh. Je pense que, de notre côté, on a une clinique de grossesses à risque, on a une bonne équipe de médecine interne qui travaille avec nous, donc on est là pour évaluer la santé de la patiente si jamais on nous la référait pour dire : On est inquiets. Donc, je peux assurer le pré-fertilisation in vitro. On a une bonne équipe aussi, sérieuse, de psychologues, même de psychiatres, au besoin, qui ont été formés, qui ont été à Vancouver, pour les problématiques de procréation médicalement assistée.

Donc, on est là pour bien encadrer la pratique avant. Après ça, si jamais, pour une raison médicale, qu'on peut permettre une grossesse avec fertilisation in vitro, mais il y a quand même des risques à poursuivre, on a le support chez nous de grossesses à risque pour suivre ces patientes-là.

M. Dahdouh (Élias) : En fait, c'est dans le même aspect. Quand on parle de sécurité, en fécondation in vitro, on parle surtout de grossesses multiples. Actuellement, je pense, le problème est presque résolu, parce qu'on a un taux de grossesses multiples très faible. Puis, deuxièmement, c'est la sécurité de la patiente. Il faut évaluer la santé, donc, physique de la patiente, s'assurer que médicalement elle est apte à recevoir une grossesse. Comme Dre Duperron vient de dire, dès qu'on a un doute, donc, nous, on a un comité multidisciplinaire qu'on a formé à Sainte-Justine, on l'évalue en grossesses à risque, qu'on appelle la clinique counseling prégrossesse, donc les conseils, pour évaluer sa fonction médicale, si elle est apte à porter un enfant, puis, deux, il y a une évaluation psychologique qu'on fait. Puis il n'y a aucun cas actuellement à Sainte-Justine qui a un feu vert pour faire un cycle de fécondation in vitro ou même des traitements, peu importe, insémination, s'il n'y a pas, donc, un feu vert du côté médical que la patiente, la grossesse peut être sécuritaire pour elle.

Mme Duperron (Louise) : Il y a un autre point que je pourrais rajouter, si vous me permettez. C'est que, lors d'une technique de fertilisation in vitro, il faut aller prélever des ovules, alors parfois il pourrait y avoir des complications, des saignements qu'on n'a pas prévus, et, étant dans un centre hospitalier, si jamais on avait besoin d'aller au bloc opératoire, s'il y avait une complication sérieuse, on peut automatiquement aller au bloc opératoire. Alors, c'est important pour nous, pour la sécurité de la patiente, d'avoir tout en un même lieu.

Mme Martel (Johanne) : Peut-être ajouter aussi qu'on a un comité d'éthique avec des membres qui sont indépendants du centre de procréation assistée, qui viennent du comité éthique de l'hôpital, et qui viennent siéger, on se rencontre une fois par mois pour des situations particulières qui... soumises par l'équipe du CPA. Donc, en termes de capacité parentale, évaluation psychosociale, on discute de tout ça, là, et aussi au niveau de la grossesse à risque, à savoir s'il y a un risque pour la patiente.

M. Dahdouh (Élias) : Et, Mme Lamarre, on est particulièrement très contents parce que c'est la partie la plus sévère à Sainte-Justine, puis on est contents de ça. Dès qu'il y a un projet de recherche, même une recherche qu'on pense que c'est acquis, c'est très facile, le projet éthique est très sévère et regarde tous les aspects, puis il nous donne des accords. Ça peut prendre deux à trois mois pour approuver un projet de recherche qui nous semble parfois très banal.

Mme Lamarre : Et je vois que c'est une des recommandations que le Collège des médecins avait aussi, il recommandait que «le directeur médical d'un centre de procréation [...] assistée de niveau 3 où se pratique la fécondation in vitro soit obligatoirement un médecin détenteur d'un certificat de spécialiste en endocrinologie gynécologique de la reproduction et de l'infertilité». Donc, il y a quand même des standards.

Sans nommer personne, est-ce qu'au Québec il y a des cliniques où on n'a pas cette expertise-là à la tête des établissements?

M. Dahdouh (Élias) : ...pas répondre à cette question. Nous, on peut répondre qu'au CHU Sainte-Justine tout le monde rentre dans une spécialité et a une expertise de centre tertiaire et quaternaire, les médecins qui travaillent chez nous, au centre.

Mme Lamarre : L'impact du projet de loi, en fait, c'est qu'on y va plus par étapes, on veut qu'il y ait une stimulation ovarienne en premier, on veut l'insémination et on garde la fécondation in vitro en troisième lieu. Est-ce que c'est toujours pertinent de passer à travers ces étapes?

M. Dahdouh (Élias) : Ça dépend surtout de l'âge de la patiente puis ce qui a changé dans les lignes directrices. Quand moi, j'ai commencé mon cours de médecine, dans les années 90, ma spécialité, ma sous-spécialité, beaucoup de choses ont changé. Puis l'âge de la patiente, l'âge de la femme, de la patiente est très important, c'est ça qui va déterminer les lignes directrices en termes de traitement de fertilité. Puis il y a deux nouvelles études que je viens de mentionner qui ont été subventionnées par le National Institutes of Health, il y en a une qui vient de sortir en 2014, donc une étude très récente, qui a montré qu'après 38 ans, 40 ans les taux de grossesse par insémination sont très faibles, on parle de 4 % à 5 % de naissances vivantes par mois, comparé à la fécondation in vitro, où on parle de 20 %, donc, 20 % par cycle.

Mme Lamarre : 20 % par rapport à 4 %?

M. Dahdouh (Élias) : 4 % à 5 %, moins que 5 %. Donc, peut-être ce serait une bonne option, chez ces patientes-là, d'aller directement à la fécondation in vitro. Chez les patientes jeunes, c'est sûr, on favorise surtout des traitements par insémination, parce que ça peut éviter une fécondation in vitro.

• (16 heures) •

Mme Lamarre : D'autant plus que, là, les années courent pendant ce temps-là, là, si on est rendu à 37 ans, et que là, maintenant, il va y avoir une contribution des couples pour les frais, finalement.

M. Dahdouh (Élias) : Oui, exactement. Puis en fait le problème majeur, dans la fertilisation in vitro, c'est que plus l'ovule avance en âge, plus il serait apte... en fait à risque de faire ce qu'on appelle des aneuploïdies, des anomalies chromosomiques. Les anomalies chromosomiques, c'est ce qu'on appelle les trisomies. Quand on arrive... Il y a un processus de sélection qui est plus fort que tout le monde, c'est la nature. Donc, la première sélection, quand on fait une fertilisation in vitro, cet embryon, l'utérus va le reconnaître, il va dire : Ah! il est anormal, je le rejette, il ne s'implante pas. Deuxième étape de sélection, c'est les fausses couches. C'est le même problème qui se manifeste différemment pour arriver aux trisomies qui sont heureusement, je dirais, les moins sévères, les trisomies 16, 18 et 21, qui échappent à ce processus de sélection. C'est le même problème, c'est là les diminutions de taux de fertilité par rapport à l'âge de la patiente.

Mme Lamarre : Écoutez, je pense que ce que vous... Ce qu'on voit aussi dans votre mémoire, c'est que, d'une part, vous félicitez et avec raison, je pense, la reconnaissance de couverture des traitements de la préservation de la fertilité pour des raisons médicales, par exemple préchimiothérapie, puis ça, je pense que c'est tout à l'honneur du projet de loi et de ceux qui l'ont rédigé.

Vous évoquez quand même une réalité que, selon l'Organisation mondiale de la santé, l'infertilité est considérée comme une maladie essentielle, alors c'est vraiment quelque chose qui n'est pas juste accidentel, mais c'est vraiment considéré comme une maladie essentielle, et la prévalence est de 15 % à 25 % de la population en général, ce qui est quand même énorme. Est-ce que vous êtes à même de constater ça?

M. Dahdouh (Élias) : ...on est en train de vivre, au Canada et au monde, dans les pays qu'on appelle industrialisés, un changement social, ça veut dire que les femmes actuellement, donc, pensent à avoir leur premier enfant, le premier enfant, la première conception après 35 ans, ce qui est estimé qu'il y a 25 % à 30 % de la population canadienne qui accouchent après 35 ans. Quand on parle de 35 ans ou plus, du même problème que je viens de citer il y a une augmentation des taux d'anomalie chromosomique, donc diminution des taux de grossesse, augmentation des risques de fausse couche. Donc, c'est pour ça qu'on a écrit le 15 %-25 %. Ça dépend de la population, ça dépend de l'âge et la première grossesse.

Par exemple, en France, l'âge moyen d'avoir la première grossesse était 22 ans il y a 15 ans; actuellement, il est de 29 ans, 30 ans. Donc, c'est une réalité, donc, qu'il ne faut pas sous-estimer, puis c'est pour ça que les traitements de fertilité sont de plus en plus en demande.

Mme Lamarre : Compte tenu que les femmes vivent jusqu'à 85 ans...

La Présidente (Mme Montpetit) : Ça met fin à l'échange, je vous remercie. Donc, le député de Lévis pour une période de 10 minutes.

M. Paradis (Lévis) : Merci, Mme la Présidente. Merci d'être là, Dre Duperron, Dr Dahdouh et puis Mme Martel.

Je reviens sur des données, si vous me permettez, des données chiffrées, histoire de comprendre, hein? On fait oeuvre d'éducation, l'objectif est d'apprendre également. Je reviens sur une donnée que vous avez dite il y a quelques instants. Vous avez dit que, pour des femmes — et corrigez-moi puis aiguillez-moi — de 37, 38 ans, le taux de réussite, je le dirai comme ça, d'une fécondation in vitro par rapport à une dame de 42 ans — on en parlait aussi il y a quelques instants, bon, c'était encore efficace chez une femme de 42 ans, parce qu'on en parle dans la loi également — le taux de réussite, en fonction de l'âge, diminue drastiquement entre un moment et un autre.

M. Dahdouh (Élias) : À partir de 35 ans il y a une diminution, une autre diminution à partir de 38 ans, mais la diminution drastique, c'est à partir de 40 ans et plus, jusqu'à atteindre presque une... Le taux est inexistant après 43 ans, même en fécondation in vitro, par les propres ovules de la patiente.

M. Paradis (Lévis) : Alors, à 38 ans, le taux est quoi par rapport à 40 ans, où il chute...

Une voix : ...

M. Paradis (Lévis) : 25 %.

M. Dahdouh (Élias) : 25 % à 30 %.

M. Paradis (Lévis) : Et à 40 ans on tombe drastiquement avec presque...

M. Dahdouh (Élias) : On commence de 20 % jusqu'à atteindre, après 42 ans, moins que 5 %.

M. Paradis (Lévis) : Avec quasiment de l'insuccès.

M. Dahdouh (Élias) : Exactement.

M. Paradis (Lévis) : Alors, vous avez dit qu'évidemment, l'évolution de la société, la condition humaine change. Des femmes, vous le disiez, vous l'avez dit aussi en statistiques, il y a 15 ans, il y a 20 ans, celles qui avaient recours... ou le couple qui avait recours à la procréation assistée n'avait pas le même âge qu'aujourd'hui.

Alors, vous regardez statistiquement et vous constatez que les femmes, les couples plus âgés maintenant s'adressent à la procréation assistée qu'avant. C'est quoi entre il y a 15 ans de ça et maintenant, aujourd'hui?

M. Dahdouh (Élias) : En fait, je peux vous donner l'âge moyen des patientes qui se présentent à Sainte-Justine. Actuellement, l'âge de la femme, c'est 36 ans et demi. Donc, avant, j'estime qu'il y avait moins d'offre, mais je ne peux pas vous dire comparativement à nous, chez nous, parce que ces chiffres n'existaient pas avant.

M. Paradis (Lévis) : J'écoute et je comprends aussi. On parlait de femmes de 42 ans en vous demandant si effectivement, à 42 ans, une dame dirigée ou qui décide d'entreprendre, par exemple, cette démarche, c'était risqué aussi pour santé. Est-ce qu'on remarque également dans la population qui a recours à ce service à 36 ans, maintenant, étant l'âge moyen que vous recevez, et vous me le dites... Est-ce qu'il y a des risques à la santé par rapport à une demande d'une cliente plus jeune ou c'est, à ce chapitre-là, la même chose?

Mme Duperron (Louise) : Ça dépend de l'état de santé de base de la patiente. Alors, avoir une grossesse à 38 ans quand tu as un poids santé, normal, quand tu n'as pas d'hypertension, pas de diabète, c'est 5 % à 7 % de faire de la prééclampsie, c'est 5 % à 7 % de faire du diabète de grossesse, les risques standard pour tout le monde. Si tu as 38 ans, tu as de l'obésité, tu as de l'hypertension, bien là tu as 25 % de chances d'avoir un bébé prématuré, du diabète de grossesse, la maladie de la prééclampsie, finir ton accouchement par une césarienne. Alors, c'est quand on additionne les problèmes de santé que tout se complique et peut chavirer très vite.

M. Paradis (Lévis) : Et si tu as 41 ans, puis que tu es en pleine forme, puis que tu fais des... parce que c'est la mode puis on se tient en forme, maintenant, puis on fait attention, puis que la santé est bonne et l'alimentation...

Mme Duperron (Louise) : Alors, tu es comme à peu près Mme Tout-le-monde. Tu as peut-être une légère augmentation dans le 5 % à 7 % du diabète ou bien dans le 5 % à 7 % de la prééclampsie. C'est les risques standards de Mme Tout-le-monde, que tu aies 20 ans, 30 ans ou 40 ans.

M. Paradis (Lévis) : Alors, je simplifie, mais je comprends qu'évidemment l'évaluation de l'état de santé fait toute la différence. Ça fait qu'à la limite, à 42 ans, bien que les pourcentages indiquent, par le biais des études, que les résultats ne seront probablement pas là, si on se fie à l'état de santé, je veux dire, les risques, en tout cas, pour une dame qui n'est pas en santé à 32 ans pourraient être encore plus importants que pour une plus âgée.

Mme Duperron (Louise) : Exactement, exactement.

M. Paradis (Lévis) : Vous dites : «[L'impact] direct de ce projet de loi — et c'est en page 4 — serait de limiter l'accessibilité aux couples infertiles à bas revenus», et puis là vous parlez du coût d'un cycle de fécondation in vitro étant de 10 000 $ à 15 000 $. Je continuerai sur la phrase, mais je reviens sur les coûts notamment de lorsqu'on entreprend cette démarche parce qu'il y a plusieurs personnes qui vivent une condition médicale d'infertilité qui s'inquiètent du projet de loi n° 20, et de l'effet, et des remboursements, nous disent : Il y a le montant, il y a le traitement, mais il y a l'avant, il y a l'après, il y a des montants à débourser qui vont au-delà de ce qu'on estime et de ce qui pourrait être remboursé. Le coût total d'un traitement complet, c'est quoi?

M. Dahdouh (Élias) : Ça dépend vraiment de l'âge de la patiente. Il y a un coût qui est fixe qui est la fécondation in vitro, puis il y a en plus le coût des médicaments. Plus la patiente est âgée et sa réserve ovarienne est basse, elle va nécessiter plus de médicaments, donc le coût des médicaments, qui sont des injections de gonadotrophine, va être plus élevé. Et on estime actuellement le coût des médicaments comparable, pour une patiente de 40 ans, qui est presque égal au coût de fécondation in vitro.

M. Paradis (Lévis) : Ça veut dire qu'on parle, quoi, d'un 4 700 $...

M. Dahdouh (Élias) : Entre 4 000 $ et...

M. Paradis (Lévis) : Vous disiez tout à l'heure 4 750 $ et vous étiez heureux de dire qu'on est dans ce standard-là. C'est la même chose. Au niveau, donc, de cette prise de médication, on peut atteindre ce montant-là.

M. Dahdouh (Élias) : Exactement. Entre 3 000 $ et 6 000 $, dépendamment de l'âge de la patiente et sa fonction de réserve ovarienne.

M. Paradis (Lévis) : Alors, nonobstant le fait qu'on couvre par crédits d'impôt, par exemple, le traitement en tant que tel, on comprendra que ceux qui devront et qui voudront entamer un processus auront, peu importe le revenu, à débourser un montant qui sera manifestement important.

M. Dahdouh (Élias) : Oui. Si c'est par crédits d'impôt, le montant va être important, c'est sûr.

M. Paradis (Lévis) : Vous dites également dans cette même phrase : «De plus, les couples auront accès à des traitements moins efficaces, ce qui comporte un risque accru pour leur santé, ainsi que celle de leurs enfants.» Pour avoir entendu des gens qui se questionnaient sur cette portion du projet de loi n° 20, notamment l'Association des obstétriciens et gynécologues du Québec, on disait qu'un effet potentiel serait qu'on ait justement recours à une méthode qui est moins efficace que la fécondation in vitro et à la limite qui pourrait porter atteinte à la santé. Vous l'exprimez, vous l'écrivez. Le craignez-vous? Avez-vous l'impression que ça puisse être une tendance si le projet de loi n° 20, tel quel, est adopté et qu'on modifie le remboursement des traitements?

• (16 h 10) •

M. Dahdouh (Élias) : En fait, c'est que je peux vous dire que tous les programmes publics au monde, incluant le Québec actuellement, qui visaient à diminuer les taux de grossesses multiples en procréation assistée étaient pour rendre la fécondation in vitro accessible et abordable. Ceci dit, le mot «accessible et abordable», je pense, c'est au ministère et au gouvernement de décider comment il va rendre ce traitement en procréation assistée accessible et abordable, mais actuellement c'est la seule voie bien reconnue mondialement pour diminuer ce que j'appelle l'épidémie de grossesses multiples en procréation assistée.

M. Paradis (Lévis) : Mais est-ce que je comprends, en extrapolant, que, dans la mesure où ce traitement n'est plus remboursé totalement comme il l'est depuis 2010, en fonction, évidemment, de condition médicale d'infertilité, on pourrait constater le recours à une technique qui... je ne dirai pas «moins sécuritaire», mais en tout cas, et vous l'écrivez, là, qui comporte un risque accru pour leur santé?

M. Dahdouh (Élias) : C'est la stimulation ovarienne qu'ils peuvent entreprendre. Parce que, quand on fait une stimulation ovarienne, en fait, on expose les patientes à une réponse qui est, en fait, imprévisible, on ne sait pas comment les ovaires vont répondre à la stimulation, donc il peut y avoir deux, trois, quatre follicules, puis là les patientes vont avoir soit des rapports sexuels soit des inséminations, ce qui peut augmenter les chances de grossesse multiple. En fécondation in vitro, ces patientes vont avoir le prélèvement d'ovule, on va aller mettre un seul embryon, donc le risque de grossesse multiple va être diminué.

M. Paradis (Lévis) : Il y a des gens qui nous parlent de cette problématique, parce que c'en est une, dans le projet de loi, pour ceux et celles qui ont recours au traitement. Et même les professionnels qui s'y rattachent nous disent : On manque d'outils actuellement.

Bon, on en a parlé tout à l'heure, on a parlé des lignes directrices que doit établir le Collège des médecins, on parle du mois de juin. On parle d'algorithmes de cheminement, on parle de registre des naissances, des outils, donc, que l'on n'a pas présentement et qui sont somme toute essentiels. Est-ce que, de fait, vous jugez qu'on manque d'outils actuellement pour faire en sorte de pouvoir resserrer, en tout cas, ce programme-là et s'en servir adéquatement?

Mme Duperron (Louise) : Juste pour la prise en charge du nouveau-né, on n'a aucun registre des enfants qui sont nés de la procréation médicalement assistée. Est-ce que ces enfants-là ont plus de malformations? Est-ce qu'ils ont plus de problèmes de santé? On n'a aucun registre, aucun suivi. Déjà, ça, c'est un outil vraiment important qui manque à la société québécoise.

M. Paradis (Lévis) : Étonnant qu'on n'ait pas ça parce que, bon, écoutez, depuis 2010 que le programme est... bon, que le remboursement se fait, mais on en rejase maintenant, en 2015. Qu'on n'ait pas encore ces outils-là, j'imagine que c'est étonnant.

Je vous pose une dernière question. À travers ce dont on parle, et je comprends bien, et à travers ce que vous avez fait et ce que vous saluez également lorsqu'on maintient, par exemple, la couverture dans des conditions particulières, et vous avez parlé de DPI également et le travail que vous faites, est-ce que le projet de loi n° 20 tel quel, concernant la procréation assistée, pourrait ou risque d'avoir un impact sur votre travail, votre clinique ou, peu importe ce qui se passe, peu importe ce qui se décidera, ça ne changera pas grand-chose? Je veux rien que comprendre l'impact sur qui vous êtes, sur ce que vous faites et éventuellement sur votre...

Le Président (M. Tanguay) : ...en quelques secondes.

M. Paradis (Lévis) : Impact ou pas du tout?

Mme Duperron (Louise) : Seul l'avenir va nous le dire.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous vous remercions, évidemment, pour votre passage.

Et je suspends quelques instants nos travaux. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 13)

(Reprise à 16 h 17)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Nous accueillons maintenant les représentantes et représentants du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens du Centre de santé et de services sociaux de la Montagne. Alors, bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez de 10 minutes, d'une enveloppe de 10 minutes pour faire votre présentation, par la suite vous aurez un échange avec les parlementaires. Pour celle qui fera ou celui qui fera la présentation, peut-être bien nommer les gens qui vous accompagnent et leurs fonctions. Et, sans plus tarder, la parole est à vous.

Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens du Centre
de santé et de services sociaux de la Montagne

Mme Manoli (Sabrine) : En fait, nous allons partager la présentation, si ça ne vous dérange pas.

Le Président (M. Tanguay) : Parfait.

Mme Manoli (Sabrine) : Donc, je vais commencer par me présenter : Je suis Dre Sabrine Manoli, je suis médecin de famille dans la région de Montréal depuis sept ans. Je me concentre particulièrement sur la prise en charge, mais j'ai fait plusieurs autres activités médicales dans le passé. Je pratique en établissement au CLSC Côte-des-Neiges et aussi en cabinet privé. Je fais aussi de l'enseignement auprès des étudiants et des résidents de médecine familiale.

M. Aggarwal (Sanjay) : Je suis Sanjay Aggarwal. Alors, je vais m'excuser d'abord pour mon accent, je suis venu de l'Ontario pour travailler à Montréal, au CLSC Côte-des-Neiges, puis je fais l'Hôpital général juif aussi.

Mme O'Shaughnessy (Gael) : Je suis Gael O'Shaughnessy. Je travaille aussi au CLSC Côte-des-Neiges, je travaille comme médecin accoucheur, suivi de grossesse à l'hôpital juif, enseignement de résidents, et aussi à mi-temps je travaille comme dépanneur en Ontario.

Mme Cromp (Andrée-Anne) : Je m'appelle Andrée-Anne Cromp, je suis résidente en première année au CLSC de Côte-des-Neiges. Après ma formation, je planifie faire du dépannage à travers la province et par la suite faire de la prise en charge surtout en obstétrique et en pédiatrie.

Mme Richter (Anne-Katrin) : Je suis Anne-Katrin Richter. Je suis médecin et coordonnatrice clinique du CDAR, la clinique demandeurs d'asile et réfugiés du CLSC Côte-des-Neiges. Je travaille aussi au GMF de Côte-des-Neiges et je fais du dépannage dans le Grand-Nord, dans les communautés inuites.

• (16 h 20) •

Mme Manoli (Sabrine) : Donc, bonjour, M. le ministre, membres de la commission parlementaire. Merci de nous recevoir et de nous accorder l'opportunité de partager avec vous nos réflexions sur le projet de loi n° 20.

Nous savons que plusieurs autres organismes officiels et associations médicales vont venir vous présenter des points beaucoup plus techniques, donc aujourd'hui on désire laisser un petit peu de côté les statistiques et les chiffres et vraiment nous concentrer sur l'impact clinique d'une telle loi, nous voulons nous concentrer sur le patient. Donc, nous nous présentons devant vous, oui, comme membres du CMDP de la Montagne mais aussi comme médecins de famille qui travaillons dans les tranchées, dans la première ligne, et qui avons au coeur la santé de nos patients. Nous souhaitons dialoguer avec vous et nous souhaitons partager avec vous notre expérience médicale, nos observations, nos craintes et nos solutions.

Donc, comme vous pouvez voir, vous avez vraiment un panel de médecins de famille assez typique, des médecins de famille québécois typiques avec une pratique médicale très variée. Nous prenons soin de patients âgés de zéro à 100 ans et plus. Nous prenons soin d'eux tout au long de leur continuum de soins, donc tout au long de leur vie, et donc on peut dire qu'on a un contact extrêmement privilégié avec eux.

Nous sommes d'accord avec vous, M. le ministre, que des réformes du système de santé québécois actuel doivent être entreprises et que tous les Québécois doivent avoir un accès rapide aux médecins et aux autres professionnels de la santé, mais, de manière encore plus primordiale, les Québécois doivent avoir accès à des soins de qualité, et c'est là notre crainte. Nous avons des inquiétudes par rapport au projet de loi n° 20 tel qu'il est déposé. Nous craignons qu'il n'adresse pas les véritables lacunes du système de santé et qu'il risque d'affecter négativement la qualité des soins que nous serons en mesure de prodiguer à nos patients; à tous les patients, c'est certain, mais de manière encore plus spécifique à nos patients vulnérables.

Donc, je vais céder la parole à mon collègue, Dr Aggarwal, qui va vous parler un petit peu plus des patients vulnérables en question.

M. Aggarwal (Sanjay) : Oui. Alors, on craint que, centré sur la performance chiffrée, le projet de loi crée par inadvertance des incitatifs privilégiant le suivi des patients en santé ou des patients avec des maladies chroniques qui ne sont pas nécessairement très vulnérables. Il faut dire, c'est très important, que la vulnérabilité est très difficile à capturer par un système de pondération, car le diagnostic médical n'est qu'une composante. Ce sont souvent les facteurs socioéconomiques qui rendent un patient et ses soins vulnérables et complexes. Ça peut comprendre le manque de ressources financières, le manque de réseau social, le manque de l'éducation et des barrières linguistiques et culturelles. Par exemple, soigner le patient diabétique qui est sans abri, qui est sans argent et qui est illettré est beaucoup plus difficile que le patient diabétique qui a des ressources financières et du support social.

Je passe la parole à Dre Richter.

Mme Richter (Anne-Katrin) : J'aimerais prendre quelques instants pour vous parler d'une population particulièrement vulnérable, les demandeurs d'asile et les réfugiés nouvellement arrivés.

Le Québec reçoit plusieurs milliers de demandeurs d'asile par année. Ces patients ont une assurance médicale autre que la RAMQ. N'ayant pas de carte RAMQ, ces patients ne peuvent pas être inscrits, alors à toutes fins ils sont invisibles dans la charge de travail du médecin. Ils sont en grande majorité victimes de violence récente, ils vivent des stress énormes et sont en grand nombre atteints de maladies mentales et de maladies chroniques non diagnostiquées à leur arrivée. Ils ont besoin d'un suivi serré et d'un lien thérapeutique solide.

Avec le projet de loi n° 20, je crains pour la santé de cette population. Le médecin qui doit veiller sur sa productivité n'aura aucun incitatif et serait même pénalisé pour prendre en charge cette clientèle lourde qui est non comptabilisable.

Je donne la parole à Dr Aggarwal.

M. Aggarwal (Sanjay) : Alors, j'aimerais aussi parler du lien thérapeutique, aussi. Le projet de loi n° 20 touche au coeur de la médecine familiale, c'est-à-dire la relation médecin-patient. Le lien thérapeutique s'établit avec le temps. Comme toute relation, c'est en écoutant que la compréhension et la confiance se développent.

La relation médecin-patient n'est pas un luxe, c'est entre autres à un bon historique que le médecin peut juger si des investigations ou des consultations sont nécessaires. Par exemple, considérez une patiente qui se plaint de maux de tête. Dans un contexte où l'emphase est sur la quantité de patients vus, la tentation sera à demander un «CT scan» ou une consultation en neurologie pour pouvoir passer au prochain patient. Par contre, établir la confiance et rassurer le patient prend plus de temps mais souvent coûte moins cher, se traduit en moins de tests, moins de références aux spécialistes et moins de visites à l'urgence. En effet, c'est le lien entre le médecin et le patient qui est une thérapie en soi.

Il faut souligner que les médecins de famille ne sont pas des infirmières de triage surpayées. Nous sommes des spécialistes dans les maladies courantes, il n'y a aucune autre spécialité qui connaît mieux la prévention que la médecine familiale. En outre, à la prévention, les approches non pharmacologiques demeurent des préoccupations de la population québécoise, et c'est effectivement ça qui peut contrôler les coûts de soins et des médicaments à long terme.

Je passe la parole à Dre Cromp.

Mme Cromp (Andrée-Anne) : Le projet de loi n° 20 affecte non seulement les médecins déjà en pratique active, mais aussi les résidents ainsi que les étudiants en médecine, peu importe leur niveau. En imposant ces multiples balises et mesures, il est évident que le choix de la médecine familiale comme spécialité, pour les futurs résidents, deviendra moins attrayant. Alors que dans les dernières années les programmes québécois de résidence en médecine familiale commençaient tout juste à combler la très grande majorité de leurs places, nous craignons que le nombre de demandes pour cette spécialité prendra un grand coup. Pour ce qui est des résidents en première, deuxième ou même en troisième année de formation, plusieurs pensent déjà, malheureusement, à un changement de programme de résidence ou même planifient déjà exporter leur pratique une fois leur formation terminée.

Je repasse la parole à Dre Manoli.

Mme Manoli (Sabrine) : Donc, à présent, nous voudrions vous faire part de solutions possibles. Celles-ci, à prime abord, peuvent avoir l'air assez simples, mais je vous assure qu'elles nous aideraient énormément sur le terrain, elles nous aideraient à être plus efficaces et donc, du même coup, elles auraient l'effet d'augmenter l'accès aux soins. Donc, par souci du temps, je vais vous les lister plus brièvement, mais ça va nous faire plaisir d'en discuter un petit peu plus durant la session de questions.

Donc, premièrement, nous pensons que c'est primordial de favoriser l'interdisciplinarité et le travail conjoint avec les spécialités paramédicales. Oui, en effet, particulièrement les infirmiers et infirmières, travailler avec eux de près peut rendre une clinique beaucoup plus efficace. On le fait déjà, mais il n'y en a pas assez. Il en faut beaucoup plus, il faudrait vraiment optimiser le ratio. Travailleurs sociaux, pour les patients avec des vulnérabilités particulières, on devrait travailler coude à coude avec eux, ils seraient vraiment des ressources assez particulières. Physiothérapeutes et ergothérapeutes, des patients avec des douleurs physiques, c'est certain qu'on n'a pas assez facilement accès à leur expertise, même chose pour les psychologues, les nutritionnistes. Et puis évidemment il faut travailler de plus proche avec les pharmaciens.

Un autre point serait de faciliter les échanges entre les médecins omnipraticiens et les spécialistes afin de simplifier le partage d'information et d'éviter le dédoublement de travail.

Ensuite, il faut continuer à optimiser les dossiers médicaux électroniques, qui ne sont pas uniformément accessibles en ce moment.

Le Président (M. Tanguay) : Il vous reste quelques secondes, et par la suite il y aura un échange, comme vous l'avez bien dit.

Mme Manoli (Sabrine) : Parfait. Excellent. Donc, on peut passer à la conclusion directement, on parlera des solutions plus tard, si vous voulez, mais...

Le Président (M. Tanguay) : ...

Mme Manoli (Sabrine) : En conclusion, nous avons vraiment à coeur l'amélioration du système de santé, mais nous avons plusieurs craintes, particulièrement par rapport aux clientèles vulnérables, aux réfugiés. Et nous espérons partager avec vous nos solutions. On espère que vous les prendrez en compte, en considération lorsque vous débattrez du projet de loi.

Le Président (M. Tanguay) : Bien, merci beaucoup. Alors, ceci met la table aux échanges. Je cède en ce sens la parole immédiatement au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Barrette : Pour 23 minutes?

Le Président (M. Tanguay) : 23 min 30 s.

M. Barrette : Alors, bonjour. Juste en rafale, vous aviez trois éléments. Il y en avait d'autres, en rafale, pour vos solutions?

Mme Manoli (Sabrine) : Oui, les solutions, oui, il n'y a pas de problème, donc : optimiser les dossiers médicaux, optimiser le support administratif pour qu'on puisse se concentrer plus sur les consultations médicales, continuer d'appliquer les principes d'accès adapté, oui, mais on a besoin du support administratif pour le faire, investir dans la prévention des maladies plutôt que de valoriser une médecine curative, renforcer la première ligne en travaillant avec elle et la rendant plus attrayante pour la relève et continuer de développer des approches novatrices et valoriser celles qui se font déjà dans notre système — il y a beaucoup de choses qui se font, il faut continuer à les valoriser.

• (16 h 30) •

M. Barrette : Bon, on va reprendre les choses. Je comprends, là, que vous venez ici faire une présentation pro-médecine familiale. Et, si vous pensez que le projet de loi n° 20 n'est pas pro-médecine familiale, vous avez tort, c'est un projet de loi qui vise à mettre l'emphase sur la valeur de la médecine familiale.

Maintenant, nous, comme gouvernement — et j'ai été surpris que vous n'adressiez pas cette problématique-là — on a quand même une problématique d'accès, au Québec, vous n'avez pas parlé d'accès une fois dans votre présentation. Et l'accès, que voulez-vous, ça passe par une quantité, une offre de services, une capacité, là, que l'on organise, et ce que vous me proposez dans les huit éléments que vous venez d'énumérer, ce sont des éléments d'organisation du travail ou du support du travail.

Le problème de la capacité, là, il est réel, et ça, je ne peux pas passer à côté, là, il est réel, d'une part. Et, d'autre part, j'apprécie et je reconnais le souci que vous portez à prendre soin des clientèles vulnérables, mais il n'y a pas 8 millions de personnes vulnérables au Québec, là. Et je comprends qu'il y a une lourdeur qui vient avec les personnes vulnérables, et c'est ce qu'on veut faire avec les pondérations que l'on met de l'avant, les pondérations servent à faire en sorte que, quand on regarde vos pratiques, vous ne soyez pas pénalisés pour quelqu'un... pour un patient vulnérable; puis un patient vulnérable, il faut faire attention, là, pour la définition de ça, mais un vrai vulnérable, là, que vous ne soyez pas pénalisés par le fait que vous le preniez en charge.

Et je vais aller un pas plus loin, là. Si vous me dites que dans un système bien pondéré vous allez choisir de ne pas prendre la clientèle vulnérable, si c'est bien pondéré, bien faites-le maintenant. Mais vous ne le faites pas parce que vous êtes des médecins, puis en médecine on ne va pas là pour juste faire les choses plus simples, on y va aussi pour les plus compliquées, ça fait partie de l'attrait de la profession.

Alors, si la pondération est adéquate, vous n'en avez pas, d'incitatif à négliger une clientèle vulnérable, vous n'en avez pas. C'est une question de pondération.

Ça m'amène à ma première question : Si vous aviez à participer à une pondération, avez-vous des suggestions à nous faire? Moi, je peux vous dire qu'il y a des médecins, là, qui m'ont contacté, là, et qui me disent : Voici, là, un toxicomane, là, si on va dans la pondération, ça devrait compter pour x patients de plus.

M. Aggarwal (Sanjay) : Je pense que comme on a discuté, pour la pondération, c'est sûr que ce qui se fait un peu maintenant, c'est la pondération par diagnostic, oui, mais je pense qu'il faut faire l'emphase qu'il y a... Par exemple, on peut avoir deux patients diabétiques, un qui est très facile à soigner, un qui est beaucoup plus compliqué, et c'est les facteurs socioéconomiques de vulnérabilité qui sont très importants. Comme on a dit...

M. Barrette : Je vous interromps, là. C'est parce que, ces facteurs-là, on les utilise déjà dans la sélection ou la catégorisation des patients vulnérables, on fait déjà ça, c'est comme ça que ça marche, le système, au Québec, là...

M. Aggarwal (Sanjay) : Non, mais...

M. Barrette : ...et classer un patient vulnérable entre autres, les patients, en fonction de leur diagnostic et leur situation socioéconomique.

M. Aggarwal (Sanjay) : Mais il y a l'âge, mais je n'ai jamais... je ne pense pas qu'on prenne...

M. Barrette : Mon point ici, là, je vous informe qu'on peut faire ça.

M. Aggarwal (Sanjay) : Les questions d'éducation, de revenus, de langue maternelle, les questions culturelles, ça serait impressionnant si on peut prendre ça tout en considération.

Mme Manoli (Sabrine) : Mais on pourrait vous aider avec la pondération, il n'y a pas de problème, mais je suis juste un petit peu surprise parce que, là, vous m'avez dit : Un toxicomane va compter pour six. Donc là, on va donner des cotes aux patients?

M. Barrette : J'ai dit «pour x», j'ai dit «x».

Mme Manoli (Sabrine) : X, O.K., j'ai compris six. Désolée. Donc, pour x, y, z, donc, on va donner des cotes aux patients? C'est ça qui est un peu inacceptable pour nous. Un patient, c'est un humain.

Puis, des cotes, c'est qui, les bureaucrates qui vont coter? Vous allez vous baser sur quoi? Ça revient un peu, tu sais, aux anecdotes : Vous êtes sur une île, qui allez-vous tuer en premier?, là, je veux dire, c'est très hypothétique. On ne peut pas comptabiliser des patients.

M. Barrette : La question ici pour l'État est que nous, là, on est ici pour gérer le système de santé et on constate que, dans le volume d'activité qu'il y a au Québec, là — le volume d'activité, quand bien même on prend en considération les lourdeurs, il faut le faire — le volume est sous ce qu'on peut donner, selon nos estimés. Alors, qu'est-ce que vous nous suggérez pour aller le chercher, ce volume-là?

Alors, ce que vous nous dites, là, aujourd'hui, là, ce que je reçois de vous comme commentaire, c'est que vous nous proposez le statu quo aidé : Donnez-nous de l'aide. Alors, je vais prendre vos éléments, là.

Mme Manoli (Sabrine) : Premièrement...

M. Barrette : L'interdisciplinarité, vous pouvez le faire, hein, il n'y a personne qui vous empêche de faire de l'interdisciplinarité aujourd'hui. L'accès chez le médecin spécialiste, c'est dans le projet de loi n° 20.

L'accès au DME, j'ai ma propre clé moi-même ici, là, hein, je l'ai moi-même, ma clé, là. Je comprends que ce n'est pas parfait, mais je l'ai. Et 35 % des médecins de famille sont branchés. Pourquoi? Ce n'est pas moi qui les empêche, là, les médecins de famille, de se brancher au DSQ et de s'acheter un DME en cabinet, ce n'est pas moi, là. Pourtant, il y a un support économique.

Vous demandez un support administratif. Bien là, moi, je comprends qu'à l'hôpital vous ne l'avez pas nécessairement, mais en cabinet il y a une portion de la rémunération qui paie ça.

L'accès adapté, c'est votre cinquième. L'accès adapté, c'est quelque chose dont vous faites la promotion, en médecine de famille. C'est une décision volontaire, ce n'est pas à moi à imposer ça. Suggérez-moi de le mettre dans la loi, je vais le mettre, mais normalement c'est à vous de décider de changer votre pratique pour vous adapter aux besoins d'aujourd'hui. Et, oui, l'accès adapté, ça augmente l'accès, c'est clair, mais pourquoi les médecins de famille ne le font pas?

La prévention, bon, la prévention, vous dites que vous êtes les meilleurs spécialistes en prévention. O.K., mais je pourrais aussi dire que la prévention, ça passe aussi par d'autres professionnels.

Après ça, vous parlez de l'innovation et de la performance en première ligne. On est tous d'accord avec ça, mais la capacité, là, elle est où dans votre équation, elle est où? Il y a plein de choses que vous pouvez déjà faire vous-mêmes et qui ne sont pas faites actuellement. Et je vous redirai ce que j'ai dit à plusieurs reprises : Si les choses avaient changé avant aujourd'hui, il n'y en aurait pas, de projet de loi n° 20, parce que la population serait servie correctement.

Mme Manoli (Sabrine) : Donc, si je peux me permettre de répondre à la question d'accès, vous parlez beaucoup d'accès comme étant centré sur les médecins, mais en fait qu'est-ce que nous, nous ne comprenons pas, étant en première ligne, c'est que ce n'est pas si difficile de nous voir, mais par contre nous faisons beaucoup de suivis inutiles. Donc, souvent, on va voir un patient dépressif pour la première fois. On a des infirmières de santé mentale, en GMF, on est chanceux. La liste d'attente pour voir ces infirmières-là est plus longue que la liste d'attente pour me voir, donc je continue à faire des suivis hebdomadaires. Ce n'est pas normal. Ça, c'est une question d'accès. Si j'avais plus d'aide, si nous avions plus d'aide des autres spécialistes, nous pourrions déléguer ces patients-là et augmenter l'accès. Donc, ça, c'est simple, là, ça se ferait maintenant.

Même chose avec les physiothérapeutes. Le nombre de cas de CSST, de douleurs chroniques, de douleurs aiguës qu'on voit à chaque semaine, on a les mains liées. On leur donne des médicaments, des anti-infllammatoires, on fait le suivi parce qu'il faut remplir les papiers de CSST, mais un physiothérapeute, un ergothérapeute pourrait faire ces suivis conjointement avec moi; pas nous remplacer mais le faire conjointement pour un peu augmenter l'accès.

Nutritionnistes, psychologues, c'est la même chose. Un patient dépressif a besoin de voir un psychologue. Si on partageait la prise en charge de ce patient-là, ça me libérerait des plages horaires pour pouvoir voir plus de patients. Donc, ça, c'est pour la question d'accès.

Mme O'Shaughnessy (Gael) : ...Dossier santé Québec, donc, oui, plusieurs d'entre nous sont branchés au Dossier santé Québec, on peut avoir accès, mais c'est juste en lecture, c'est accès aux informations si on sait que c'est là, donc le patient est là avec nous dans le bureau. Mais, comme ça existe en Ontario, tout est envoyé au médecin de famille, les labos, les radiologies, les consultations régulières avec les spécialistes, c'est tout envoyé au médecin, donc on peut avoir un dialogue de qu'est-ce qui était déjà arrivé avec le médecin, quand il est venu voir le spécialiste et maintenant il revient nous voir, on peut avoir une conversation, au lieu de dire : Qu'est-ce qui est arrivé la dernière fois que vous êtes allé voir votre hématologue? Donc, c'est beaucoup plus efficace.

M. Barrette : Je comprends que c'est plus performant, mais... C'est plus performant, un dossier qui est complètement intégré, je suis d'accord avec vous, mais ce que vous avez aujourd'hui est aussi plus performant que le papier.

Mme Manoli (Sabrine) : Pas nécessairement. Nous, on a OASIS, au CLSC, et puis à la place de tourner les pages comme ça, là, on les tourne comme ça, avec le curseur sur la souris, là. Ce n'est pas nécessairement plus performant. Il faut informatiser, oui, mais il faut le faire de manière efficace.

M. Barrette : Mais encore une fois on ne s'adresse pas à la capacité. Alors, moi, j'ai un problème avec la capacité.

Je vais vous donner un exemple, là... je vais vous en donner deux. Votre collègue à votre droite qui nous annonce qu'elle, son objectif, en finissant sa résidence... Puis je comprends que vous décidiez de faire ça, c'est votre choix, mais votre choix est d'aller faire du dépannage. Bien, ce n'est pas exactement ça qui va augmenter la prise en charge des patients, en quelque part, là, c'est du dépannage.

• (16 h 40) •

Mme Cromp (Andrée-Anne) : Oui, je comprends, mais de mon côté... Je vais parler pour mon cas personnel à moi, je me doute que mes autres collègues qui veulent faire du dépannage, possiblement qu'ils vont peut-être se reconnaître dans ce que je vais dire, mais c'est que, personnellement, j'ai le goût de faire du dépannage pour pouvoir voir où dans la province j'aimerais pouvoir travailler. J'aimerais pouvoir visiter notre belle province, voir les différents centres hospitaliers, voir les endroits où il y aurait besoin de médecins. Puis en plus je vais pouvoir parfaire ma formation de cette manière-là, je vais pouvoir voir un plus grand éventail de patients, pouvoir faire de l'obstétrique, de l'urgence, de l'hospitalisation. Je vous ai dit qu'après ça j'aimerais ça faire de la prise en charge pédiatrie et obstétrique, mais on s'entend qu'en deux ans de médecine familiale je ne suis pas encore à 100 % sûre que c'est vraiment pédiatrie et obstétrique. C'est clair dans ma tête que je veux faire de la prise en charge, mais personnellement, pour mes deux premières années de pratique, je crois que du dépannage, pour moi, ça m'avantagerait, et je pense qu'aussi pour mes patients éventuellement.

M. Barrette : Je vais vous poser une question très générale. Vous, vous êtes chef de CMDP, c'est ça que j'ai compris, là?

M. Aggarwal (Sanjay) : Non, le chef n'est pas ici.

M. Barrette : Ah! O.K. Je pensais qu'il y avait une fonction que vous aviez, là. Bon, regardez, je vais vous poser une question, n'importe quel d'entre vous peut répondre, là. Juste comme ça, là, une pratique où on fait 1 750 visites dans une année, est-ce que c'est une pratique, en moyenne, qui est suffisante? 1 750 visites, là. Je vous donne un chiffre comme ça, là.

Mme Manoli (Sabrine) : Encore une fois, vous parlez de chiffres. Pour nous, des chiffres, c'est des chiffres. Mais on parle de patients. Donc, c'est difficile, ça dépend du contexte, ça dépend où est-ce que vous travaillez. En cabinet privé, si on a un ratio infirmières-médecins... deux médecins pour une infirmière, oui, on peut voir quatre, cinq, six patients à l'heure, c'est beaucoup plus rapide. Puis je ne veux pas parler de chiffres, en fait, alors...

M. Barrette : ...personne ne veut parler de chiffres, mais il faut parler de chiffres à un moment donné.

Mme Manoli (Sabrine) : On n'est pas des comptables.

M. Barrette : Non, c'est correct.

Mme Manoli (Sabrine) : Alors, nous, on parle de patients, puis je vous ai dit que nous... En fait, c'est la première chose que je voulais dire, c'est : On veut rester loin des chiffres.

M. Barrette : ...vous, là, dans votre pratique de patients vulnérables — puis c'est louable, je vous félicite, puis c'est bien, vous avez à coeur ça — vous en voyez combien par jour de normal, là, pas de patients normaux, mais qu'est-ce que vous considérez une journée normale?

Mme Manoli (Sabrine) : Je me doutais que vous alliez poser cette question-là. Bien, honnêtement, je travaille, comme je vous ai dit, en cabinet, en CLSC. Au CLSC, je veux dire, dans une demi-journée, c'est difficile d'en voir plus que six, sept, mais en cabinet je suis capable, en six heures, de voir au moins 20 patients. Donc, ça va vraiment dépendre du contexte. Donc, je sais que je peux aller plus vite quand il le faut puis...

M. Barrette : Mais c'est parfait, ce que vous me dites, ça m'intéresse éminemment.

Mme Manoli (Sabrine) : Cinq, six heures. Donc, on peut augmenter, si vous voulez. Mais je ne sais pas pourquoi vous revenez toujours aux chiffres.

M. Barrette : Non, mais en une demi-journée, là... Non, mais c'est important parce que... Je vais prendre un exemple, là, on a une conversation, là, je vais prendre l'exemple que je prends tout le temps, qui est simple : maintenant, là, il y a des familles au Québec, là, qui sont en train de planifier leurs vacances puis ils voudraient aller à Bora Bora, puis il y en a un paquet qui n'iront pas ni à Cuba, ni en Floride, ni dans les montagnes Blanches parce qu'ils n'ont pas les moyens. À la fin, là, ils vont décider en fonction de chiffres qui est leur revenu, leur capacité de payer.

Moi, je regarde ça, là, puis je regarde la capacité de donner les services. Vous, vous venez de me dire que, dans une demi-journée en CLSC, où les patients sont souvent plus lourds, hein, je suis d'accord avec vous, ce n'est pas toujours vrai, mais c'est souvent vrai... non, non, non, mais c'est souvent vrai, là, je vais dans votre sens, vous voyez six patients dans une demi-journée, et, dans un autre contexte, de cabinet, où c'est plus ce qu'on appelle communément du pain quotidien, là, en ce sens que c'est des cas plus mineurs, plus simples, une clientèle différente, vous êtes capable d'en voir, vous avez dit, 20, une vingtaine dans la demi-journée. Je pense que c'est ça que vous avez dit, là.

Mme Manoli (Sabrine) : Ça dépend, oui.

M. Barrette : Bien, mettons 15 dans la demi-journée, là. Bien, faites la moyenne de vos jours, là, et vous allez voir que vous en faites probablement 3 000, visites par année, là, à l'oeil, de même, juste comme ça. Alors, en quoi, en quoi — puis je vous pose la question puis j'aimerais avoir votre réponse — en quoi regarder ça par la lunette, la lorgnette du chiffre, c'est un péché mortel et une atteinte à la pratique de médecine de famille?

Je vous pose la question parce que vous, comme médecin de famille engagé, vous ne lésinez pas dans votre travail. Je vais vous dire pourquoi vous ne lésinez pas. Parce que, si vous voyez six patients vulnérables dans la demi-journée... Pas vulnérables, lourds, parce que vulnérables, là, dans la définition, je peux vous garantir que ce que le monde est considéré vulnérable aujourd'hui il ne l'est pas vraiment, là, puis vous le savez très bien. Ce n'est pas parce qu'on est diabétique qu'on est vulnérable, là. Alors, vous en voyez six, patients lourds, puis mettons que c'est six patients lourds, là, puis je suis convaincu que ce à quoi faites référence, c'est lourd, bien vous êtes pas mal efficace, puis je vous dis bravo. Puis, si vous me dites que vous, là... En voir une vingtaine dans une demi-journée dans une clientèle plus normale, plus représentative de la population générale, je vous dis que, si tous les médecins travaillaient comme vous, il n'y aurait pas assez de patients pour faire vivre les médecins. Et, si en plus il y avait l'interdisciplinarité, bien là je peux vous dire qu'il faudrait en inventer, des maladies, là.

Mon point, c'est que les chiffres nous permettent de dire ça. Et j'aimerais savoir des autres ici, là, peut-être pas vous parce que vous êtes encore résidente, mais, dans vos pratiques, là, est-ce que la pratique de votre collègue est une hérésie?

Mme Manoli (Sabrine) : Mais vous m'aviez posé une question avant, vous avez demandé : En quoi est-ce que les chiffres ne sont pas une bonne vision? Nous sommes convaincus que les chiffres ne vont pas améliorer la qualité des soins ou même l'accès aux soins parce que... Est-ce que vous, vous trouvez ça normal quand je vous dis que c'est plus long de voir une infirmière, un physiothérapeute, une psychologue que de me voir, moi?

M. Barrette : Pas du tout. Ce que je vous dis, là, ce que je vous dis, là, essentiellement... Puis vous avez raison de me poser cette question-là. Je ne conteste pas votre vision de la médecine de famille, je suis d'accord avec la vision de votre médecine de famille. Ce que je dis simplement, c'est que, ce que vous me dites en termes de rythme de travail, adapté à la lourdeur des patients, vous me présentez des chiffres tels que, si les médecins de famille uniformément faisaient cette charge de travail là, il n'y aurait pas de problème d'accès au Québec, c'est tout ce que je dis.

Alors, je suis d'accord avec ce que vous me dites. Je vous réponds à l'argument que les chiffres sont un... Parce que vous le présentez comme étant une approche qui était dommageable pour la médecine de famille et les personnes vulnérables. La réponse, c'est non parce que dans votre discours vous allez à l'étape n° 2, la première étape étant de regarder la capacité. La capacité, ensuite, s'organise.

Et vous me dites vous-même spontanément les chiffres que vous faites. Écoutez, c'est de la musique à mes oreilles, c'est de la musique à mes oreilles, là. Ce que vous me racontez, bien c'est parce que, si je l'extrapole à tout le monde, il n'y a plus de problème d'accès. D'où ma question à vos collègues : Est-ce que la pratique de votre collègue est diamétralement opposée à la vôtre? Si elle ne l'est pas, bien vous allez dans mon sens.

Et juste comme ça, là, est-ce que vous trois, les trois autres qui êtes en pratique... Est-ce que, votre collègue, vous avez une pratique semblable?

Mme Richter (Anne-Katrin) : Personnellement, je vois presque exclusivement les demandeurs d'asile, alors la vaste majorité sont des patients qui sont extrêmement lourds et vulnérables.

M. Barrette : ...une demi-journée de ce type de patient là, c'est combien en moyenne, de même, juste comme ça?

Mme Richter (Anne-Katrin) : Une demi-journée, c'est cinq à six.

M. Barrette : Six. Et ça, on considère... Et ça, là, je vous l'accorde, c'est des patients lourds. Ils ne parlent pas la langue la plupart du temps, ils sont probablement craintifs, ils sont hésitants, ils arrivent dans un nouveau système, ils ne savent pas trop; le contact ne doit pas être évident. Je n'en ai jamais fait, mais je suis convaincu que c'est l'équivalent de quand moi, j'avais à faire une dilatation à un patient qui ne parle pas la langue, là, puis qu'on lui explique la procédure. La procédure est plus longue. Quand on a à lui expliquer les complications, là, ça ne va pas vite. Je suis tout à fait en accord avec vous. Vous en faites six pendant une demi-journée, c'est parfait, je vous dis bravo.

Mme Richter (Anne-Katrin) : ...cette clientèle, elle n'apparaît nulle part dans les statistiques, vu que cette clientèle...

M. Barrette : Mais on peut la faire apparaître.

M. Aggarwal (Sanjay) : Je pense que, là, on parle toujours de quantité. Je comprends votre préoccupation, mais aussi il faut considérer la qualité des visites, et, je pense, c'est très important.

Par exemple, par exemple, je faisais la semaine passée l'hospitalisation à l'hôpital juif. On a une patiente, c'est une dame qui avait 95 ou 94 ans, vivant seule, qui s'est présentée à l'urgence, qui a été vue rapidement, qui a été prescrit des antibiotiques pour... vraiment, si on regarde la note, c'était une indication pas claire, ce n'est pas vraiment très définitif ou très... oui. Et là, deux jours après, elle commence à avoir la diarrhée. Elle reste 10 jours à la maison avec la diarrhée et...

M. Barrette : Permettez-moi de vous interrompre parce qu'il ne reste quasiment plus de temps. Parce que je vais vous poser une question. Je suis sûr que vous avez été ultraprofessionnel, je suis sûr que vous avez été «by the book», je suis sûr que vous avez tout fait correctement, j'en suis convaincu. Je suis sûr que vous n'avez pas pris trop... vous n'avez pas tourné les coins ronds — c'est une expression en français pour dire «cutting the corners», O.K. — je suis sûr que vous avez tout bien fait.

Vous étiez à l'hôpital, hein, vous dites, la semaine dernière. Non, non, laissez-moi... je n'ai pas posé ma question encore. Vous étiez à l'hôpital, à l'Hôpital général juif, donc c'est un hôpital, c'est des patients plus lourds. Vous aviez donc un certain nombre de patients à votre charge. Sur votre petit carton, là, il y avait une liste de patients... ou vous aviez des petits cartons avec l'adressographe, hein, ça n'a pas changé, là, quand même. Vous en aviez combien, de petits cartons, dans votre sarrau?

• (16 h 50) •

M. Aggarwal (Sanjay) : 26, à peu près.

M. Barrette : 26. Vous avez suivi dans la journée, et le lendemain, et le surlendemain, et le sursurlendemain 26 patients à l'Hôpital général juif, qui n'est pas un hôpital de médecine de famille.

M. Aggarwal (Sanjay) : Alors, 26 patients. Il faut dire que cette patiente-là est retournée avec la diarrhée parce qu'elle avait le «C. diff», pour des antibiotiques qui n'étaient pas nécessaires parce qu'elle a été vue rapidement. Et ça, ça va montrer que le nombre de patients qui est vu n'est pas une bonne indication de qualité de soins et des coûts non plus, parce que, là, cette patiente a dû rentrer à l'hôpital, elle a eu des consultations avec les soins intensifs, elle a eu de l'imagerie, elle a eu beaucoup de prises de sang, et toute cette emphase sur les patients, le numéro de patients en première ligne a fait qu'on a eu beaucoup plus de coûts, qu'on a, en fait, fait du dommage à la santé des patients.

M. Barrette : Je comprends ce que vous dites, mais, corrigez-moi si je vais trop loin, vous avez pris en charge cette journée-là, de jour, 26 patients par définition lourds, qui étaient là à tort ou à raison, là, mais vous avez pris en charge 26 patients, et, corrigez-moi — je vous pose une question, mais il me reste quelques secondes — vous êtes donc capable de prendre 26 patients à charge dans une journée de cabinet.

M. Aggarwal (Sanjay) : Avec des résidents, hein?

M. Barrette : Sans résident aussi, là. Combien de moins, tiens?

M. Aggarwal (Sanjay) : Pardon?

M. Barrette : Combien de moins si 26, c'est trop en cabinet sans résident?

M. Aggarwal (Sanjay) : Non, mais c'est complètement différent parce que dans l'hôpital on travaille avec les infirmières, on a...

Une voix : ...

M. Aggarwal (Sanjay) : Oui, mais c'est...

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Ça termine, merci beaucoup. L'échange se poursuit maintenant avec nos collègues de l'opposition officielle. Je cède la parole à notre collègue de Taillon pour 14 minutes.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Dr Aggarwal, Dre Cromp, Dre Manoli, Dre O'Shaughnessy et Dre Richter, merci, merci d'être là. Vous représentez la relève en médecine, vous représentez l'avenir de la médecine, et le fait que vous soyez là aujourd'hui, ça veut dire que c'est une profession qui vous tient à coeur et que la population vous tient à coeur aussi, parce que je suis sûre que vous aviez beaucoup d'autres choses puis que vous avez dû mettre pas mal de temps à réfléchir sur ce document, à préparer votre argumentaire. Pour avoir déjà passé en commission parlementaire, on a toujours des petits papillons dans l'estomac. Et donc que vous soyez là, c'est une façon de venir témoigner aussi pour vos patients, et je vous remercie.

En fait, j'écoute, là, depuis plusieurs minutes maintenant, et ce qui ressort beaucoup de ce dont vous venez de témoigner, c'est que, ce que vous faites dans la région, dans le secteur de Côte-des-Neiges, vous prenez la responsabilité populationnelle des gens qui sont là, et cette responsabilité-là comporte des volets différents, complémentaires, propres à cette région-là... propres à ce secteur, on n'est même pas dans une région, on est dans un secteur de Montréal, et que des gens pourraient venir — ma collègue tantôt prendra la parole — de la Côte-Nord, pourraient venir d'une autre région et qu'ils auraient d'autres caractéristiques. Et ce qui est inquiétant dans le projet de loi n° 20, c'est que le ministre nous parle de pondération, d'équivalence, et là on se dit : Mais comment ces éléments mathématiques vont pouvoir tenir compte des caractéristiques très spécifiques de la population qu'on a et des besoins très particuliers?, que vous reflétez avec beaucoup, beaucoup de pertinence. Et vous amenez entre autres le dossier des demandeurs d'asile et des réfugiés. C'est la première fois que je l'entends, mais effectivement c'est invisible dans la charge de travail, dans les statistiques, ça n'entre pas, probablement, dans les statistiques de la RAMQ, ce que vous faites à ce moment-ci, on pourra le vérifier éventuellement.

Donc, j'entends qu'il y a une volonté de votre part de bien faire, il y a une ouverture aussi à ce que ça se fasse autrement, mais ce que vous dites, c'est que ce qui est proposé dans le projet de loi n° 20, ça ne nous donne pas les garanties, ça ne donne pas... ce n'est pas la bonne solution. Et vous êtes ouverts à d'autres solutions, mais celle-là vous préoccupe beaucoup. Donc, moi, je pense que vous reflétez quelque chose qu'on a beaucoup entendu, de beaucoup de médecins, où on veut bien faire, mais on se dit, hein : Le diagnostic est bon, mais le choix du traitement n'est pas bien validé, on n'a pas de données probantes sur le choix du traitement qui nous est proposé par le ministre. On travaille avec des données probantes, maintenant, donc on essaie d'avoir des données documentées.

Il y a un élément nouveau, je vous dirais, que vous avez fait ressortir dans votre document, qui m'apparaît très pertinent et qui a un impact au niveau des coûts, c'est l'augmentation des références inutiles aux collègues spécialistes. Et ça, effectivement, dans la façon mathématique de voir ça, la tentation pour le médecin de référer sur un symptôme qui peut sembler anodin mais qui peut aussi être grave... Un mal de tête, ça peut aussi être un symptôme qui est très, très significatif. Et donc, à ce moment-là, si vous voulez faire un bon questionnaire, bien, vous avez le choix, vous passez 10, 15 minutes avec le patient ou vous dites : Bien, je vous réfère rapidement à un neurologue. Et là ce qu'on doit comprendre... Et peut-être vous pouvez me dire comment, dans le projet de loi n° 20, on va arbitrer une référence nécessaire d'une référence non pertinente.

M. Aggarwal (Sanjay) : Je pense qu'on a les habiletés à faire ça, c'est notre formation, mais le problème, c'est qu'évidemment, quand on parle d'un système, on parle d'un système de mesures incitatives, hein, et qui favorise certains comportements, puis si on dit aux médecins de famille... Moi, j'ai parfois l'impression qu'on pense des médecins de famille comme des gens qui font le triage, et ce n'est pas le cas, on soigne la plupart des cas, la plupart des patients, la plupart des présentations, la plupart des visites sans une référence. Et moi, je m'inquiète que, quand le patient vient et on voit un cas un peu plus compliqué, mais on a cinq minutes, 10 minutes, 15 minutes pour ce patient... C'est sûr, c'est une tentation, dans le système, pour le médecin à faire une référence qui n'est pas nécessaire mais qui va lui sauver du temps, mais, pour le système en entier, ça ne sauve pas du... Pour le patient, ça ne sauve pas de temps, pas d'argent et ça ne mène pas nécessairement à une santé qui est mieux pour le patient ou pour la population.

Mme Richter (Anne-Katrin) : À titre d'exemple, j'ai justement eu des cas... Puis, à vrai dire, c'est ce que je fais à toutes les semaines ou quasiment à tous les jours. J'ai reçu dernièrement une femme qui a été vue dans une clinique autre pour des douleurs au ventre. Elle a été référée en gynécologie, elle avait passé un «CT scan», elle avait passé une IRM, puis finalement on lui avait dit de suivre avec un médecin. Elle s'est trouvée dans notre clinique, où j'ai pu prendre le temps, en faisant attendre mes autres patients, pour découvrir que c'était une victime de viol, qui a été violée lorsqu'elle était enceinte avancée, elle avait perdu son bébé, puis elle souffrait de SSPT aigu, sévère avec une dépression, puis sa douleur était sa manière de revivre son trauma. C'est en prenant le temps avec elle, en faisant plusieurs suivis avec elle que, premièrement, j'ai pu découvrir, parce que c'est certain que, un médecin qui prend 10 minutes avec elle, elle ne se serait jamais ouverte pour dénoncer ce qu'elle avait vécu. Et c'était une cliente qui a eu besoin d'un suivi serré, puis, avec tout simplement ce lien thérapeutique qui s'est développé, en soi ça a été une thérapie pour elle, elle s'est sentie comprise, écoutée, valorisée, je la vois partir sur le bon chemin. Elle nous revient, elle est plus fonctionnelle. Mais, ces patients, il y en a, puis il y en a beaucoup, de vulnérabilité, puis je pense que le fait qu'on n'en tient peut-être pas compte, c'est tout simplement qu'on ne les pas découverts encore, puis on ne peut pas les découvrir en passant trop peu de temps avec eux.

• (17 heures) •

Mme Cromp (Andrée-Anne) : Puis, si je peux juste ajouter un commentaire sur l'importance du lien thérapeutique, on est tous d'accord, comme on l'a déjà mentionné à maintes reprises avec le ministre, comme quoi il y a un problème d'accessibilité. Toutefois, je crois que ça serait une erreur d'augmenter l'accessibilité en sacrifiant d'un autre côté l'importance du lien thérapeutique.

Puis, si je peux juste exprimer pendant 30 secondes mon expérience personnelle, je viens juste de commencer ma résidence, et sincèrement les plus beaux commentaires que j'ai de mes patients, c'est quand ils me remercient d'avoir pris le temps de les écouter. Donc, je pense que, ça, sincèrement, ça n'a pas de prix.

Oui, l'accessibilité est un problème, mais c'est que, là, dans le fond, on va couper dans quelque chose pour promouvoir autre chose. Ça ne réglera pas le problème, on va se retrouver avec d'autres problèmes par la suite.

Mme Lamarre : Bien, je pense que vous évoquez... Effectivement, dans le système de pondération ou d'équivalence, il faudrait qu'il y ait énormément de points bonis pour le lien thérapeutique avec un patient, le lien de confiance, parce que c'est souvent ça qui va faire économiser, hein? Si on avait commencé par la bonne chose avec le patient, bien on aurait peut-être évité beaucoup d'examens. Actuellement, effectivement, toute la partie investigation, tests, médicaments, jusqu'à un certain point on remet peu en question la pertinence, et là vous avez peut-être le sentiment qu'on remet plus en question le temps humain, le temps professionnel que vous passez avec vos patients. Il faut trouver un juste milieu.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, je voulais vous laisser finir votre phrase. Nous allons suspendre, nous sommes appelés, comme députés, à un vote. Alors, nous revenons dans quelques instants, alors nous poursuivrons nos débats. Merci pour votre compréhension.

(Suspension de la séance à 17 h 1)

(Reprise à 17 h 25)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons maintenant poursuivre nos débats. Nous en étions à la période d'échange avec la collègue députée de Taillon, il vous restait 4 min 52 s. La parole est à vous.

Mme Lamarre : ...on arrivait à la dimension, donc, où on avait bien compris l'engagement que vous avez avec vos patients, mais il faut trouver un juste milieu. Et, de la même façon qu'on a une préoccupation pour les patients dont vous avez témoigné, on doit aussi penser qu'on a 2 millions de Québécois qui n'ont pas accès à un médecin de famille, et, parmi ceux-là, les statistiques font qu'il y en a un certain nombre qui ont probablement un cancer et qui, par exemple, ne seront pas diagnostiqués du tout ou seront diagnostiqués tardivement.

Donc, qu'est-ce que c'est, votre solution? Mais je veux vraiment laisser la parole à ma collègue aussi de Duplessis. Donc, en quelques mots, est-ce que vous avez déjà réfléchi à un système, par exemple, de rémunération hybride qui tiendrait compte de la capitation, donc d'une responsabilité d'une population, d'un territoire en même temps qu'une rémunération à l'acte? Est-ce que vous avez eu le temps, l'opportunité de réfléchir? Vous, vous avez travaillé dans le Grand Nord, je ne sais pas, vous avez peut-être vu d'autres modes aussi de reconnaissance par rapport à une meilleure prise en charge de l'ensemble de la population.

Mme Manoli (Sabrine) : Bien, en fait, j'essaie de comprendre pourquoi on parle de rémunération comme solution, je pense que vraiment on vous a donné les solutions. Alors, quand on parle d'accès, faciliter l'accès aux spécialités paramédicales. Chaque seconde que je peux sauver, là, dans la journée, ça va me permettre de voir un autre patient. Donc, si je peux déléguer un patient à un physiothérapeute, à une infirmière, si on peut travailler ensemble, pas déléguer mais travailler ensemble et faire des suivis conjoints, déjà là, là, je libère beaucoup de place, je vous assure, pour augmenter l'accessibilité.

Donc, je pense, je ne vois pas vraiment... On a vraiment des responsabilités médicales, je pense qu'on est tous fiers de prendre soin de nos patients. Rémunération, pas rémunération, bon, je vais vous laisser discuter de ça avec notre association. Peu importe qu'est-ce que vous me payer, moi, je suis là pour prendre soin de patients, et le plus de patients possible. On a le même but, c'est d'augmenter l'accessibilité, mais surtout d'augmenter l'accessibilité à des soins de qualité.

On n'y arrivera pas tout seuls. Et c'est ça qui est un peu inquiétant de ce projet de loi n° 20, on a l'impression de tout porter sur nos épaules. Les médecins, ils ne travaillent pas assez fort, ils ne voient pas assez de patients. Je ne pense pas que c'est la réalité.

Mais je pense qu'on peut sortir du statu quo. M. le ministre a mentionné qu'on prônait le statu quo. Aucunement. Au contraire, on est très contents d'avoir ce dialogue. On pense qu'on peut avancer ensemble, avoir un système de santé dont on est encore plus fiers, mais, pour ce faire, il faut travailler ensemble avec tous les spécialistes. Il y a...

Mme Lamarre : ...interdisciplinarité mieux coordonnée et probablement un meilleur système d'informatisation, une information plus facilement accessible.

M. Aggarwal (Sanjay) : Si je peux dire rapidement, plus d'appui administratif, parce que souvent on passe du temps à faire des tâches administratives. Et enfin il faut toujours se souvenir, quand vous êtes en train de réviser ce projet de loi, que, là, on est là pour soigner des patients qui sont les plus malades, qui sont les plus vulnérables. C'est ça que le médecin devrait faire, je pense. Et c'est sûr qu'un patient qui est en santé, là on parle aussi d'une gestion partagée avec les autres professionnels de la santé, mais je pense qu'il faut libérer les médecins pour être là pour les patients qui sont malades.

Le Président (M. Tanguay) : On va laisser notre collègue de Duplessis, pour 1 min 30 s, poursuivre l'échange avec vous.

Mme Richard : Merci, M. le Président. Bonjour. Deux questions. Je vous ai entendus parler beaucoup du fait que, bon, imposer des quotas n'était pas nécessairement la bonne solution. Je suis d'accord avec vous là-dessus. Tout le monde est conscient aussi, autour de la table, qu'il faut favoriser un meilleur accès à un médecin de famille. Deux questions en rafale parce que je n'ai pas beaucoup de temps.

Est-ce que vous ne pensez pas qu'en imposant des quotas comme ça, où vous aurez une obligation de résultat — moi, j'ai l'impression qu'on s'en va vers... presque à déshumaniser le système de santé, on s'en va vers une industrie où c'est le quota à tout prix — il puisse y avoir, de un, des erreurs de diagnostic, des mauvais traitements? Vous avez fait référence tantôt à un cas que vous avez vu.

Deuxièmement, j'aimerais vous entendre — mais malheureusement on n'a pas beaucoup de temps — sur les médecins dépanneurs. Parce que, dans les régions comme la mienne, où le recrutement de médecins est extrêmement difficile, comment vous voyez ça, vous, les médecins qui vont venir faire du dépannage dans les régions comme la nôtre et devoir combiner aussi avec un... quotas qui leur sont imposés? Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Les deux volets en 30 secondes, je pense que vous êtes capables.

M. Aggarwal (Sanjay) : Je pense, il faut toujours considérer que ce projet de loi risque de réduire le nombre de médecins qui travaillent au Québec, et alors, avec tous les problèmes qu'on a discutés, ça va aggraver le problème, en fait.

• (17 h 30) •

Mme Richard : Et par rapport à certains diagnostics qui pourraient être erronés parce qu'on a moins de temps de faire l'histoire de cas avec le patient, là?

M. Aggarwal (Sanjay) : On va avoir plus de visites à cause des soins mal fournis, en fait.

Le Président (M. Tanguay) : En conclusion, dernier aspect.

Mme Manoli (Sabrine) : Bien, je voudrais juste dire que dans votre coin vous êtes chanceux, vous avez des médecins incroyables, des médecins de famille qui font de tout, qui font n'importe quoi, qui sont vraiment... oui, ils sont vraiment incroyables. Je pense que c'est eux qui vont avoir le plus de difficulté à vraiment rejoindre des quotas excessivement rigides, parce que ces médecins-là sont tout sauf rigides.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous cédons maintenant la parole à notre collègue de Lévis pour 9 min 30 s.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Merci d'être là, Drs Aggarwal, Cromp, Manoli, O'Shaughnessy, Richter. C'est rafraîchissant de vous entendre, et j'aime ça. Et, moi, pour moi, une commission parlementaire, lorsqu'on fait l'écoute et l'audition de mémoires, ça doit se passer en grande réceptivité, c'est-à-dire c'est de l'écoute attentive, pas se baser sur de la confrontation, puis aller au-delà de la mathématique. Et, en ce sens-là, bien, j'imagine et je comprends bien que votre priorité, ce soit la qualité des soins à être donnés. Puis en aucun temps quelqu'un ici ne pourrait croire ou anticiper le fait qu'à travers vos propos vous remettiez en question la qualité des soins que vous donnez, parce que vous êtes des professionnels et, vous l'avez dit, vous travaillez pour vos patients d'abord.

Ce que je comprends... Et je le refais aussi parce que vous avez parlé de pondération, que c'était important, en fonction d'une clientèle très vulnérable, disons une clientèle lourde. Le ministre a parlé de vrai vulnérable et de faux vulnérable. J'imagine qu'un vulnérable, c'est un vulnérable, je ne vois pas qu'il y en ait des vrais et des faux, mais en tout cas, bref, mettons que ce sont des cas lourds. Et vous n'avez pas de grille de pondération, vous n'avez pas ces éléments non plus vous permettant de juger de la façon dont ce sera fait. Alors, je comprends qu'aussi, à travers ce que vous analysez, au-delà de l'inquiétude que vous manifestez, il vous manque aussi des éléments, ce projet de loi là, tel quel, j'imagine, ne vous donne pas les réponses que vous attendez. Est-ce que je me trompe?

Mme Manoli (Sabrine) : Tout à fait, c'est quelque chose qu'on aurait aimé voir. Mais il faut aussi comprendre que, de toute manière, un vulnérable sur papier n'est pas nécessairement vulnérable dans la vraie vie. Vous-même, par exemple, vous n'êtes peut-être pas vulnérable aujourd'hui, mais demain vous pourriez le devenir. Donc, c'est excessivement difficile à quantifier et à prédire, cette vulnérabilité, de la même manière que quelqu'un qui est vulnérable mais sur lequel... Alors, Dre Richter vous a donné un bon exemple, elle a travaillé fort, fort, fort avec une patiente vulnérable. Bien, je pense que cette patiente est de moins en moins vulnérable.

Donc, aller quantifier, à un moment donné il faut faire confiance au médecin. Si je peux aller rapidement avec un cas, croyez-moi, je vais beaucoup plus rapidement, mais, s'il faut que je prenne le temps de m'investir avec un patient, je le fais aussi.

M. Paradis (Lévis) : Et je comprends fort bien parce que c'est le cas de bien des gens qui nous regardent et nous écoutent parce qu'ils le vivent. Au prononcé d'un diagnostic, au lendemain, par exemple, d'un début de traitement, un patient qui manifestement le prend bien pourra devenir plus vulnérable et demander davantage de temps parce qu'on a besoin de se faire répéter des choses, parce qu'on a besoin de se faire davantage accompagner. Et je comprends que c'est ça que vous nous dites. Vous craignez que quelque part, à travers l'imposition mathématique dans un projet comme celui-là, on perde cette notion-là ou en tout cas certains soient tentés de la mettre un peu de côté. Est-ce que je reflète bien ce que vous dites aussi?

Mme Manoli (Sabrine) : Tout à fait.

M. Paradis (Lévis) : Est-ce que je comprends aussi fort bien qu'au-delà de la mathématique — et vous n'avez pas voulu vraiment l'aborder parce que, bon, l'objectif n'était pas celui que vous vouliez porter — le message que vous voulez lancer et que vous lancez, c'est qu'il y a moyen de faire autrement, passons à... mettons de côté le projet de loi n° 20, donnez-nous des outils, facilitez-nous la tâche, puis on va être en mesure de livrer la marchandise, je le dis comme ça?

Mme O'Shaughnessy (Gael) : ...ça arrive dans les autres provinces, elles sont beaucoup plus électroniques. Le dossier santé électronique, oui, ça a commencé, c'est même juste 35 % qui y ont accès, mais c'est d'avoir les dossiers dans les bureaux et toutes les communications électroniques des spécialistes envoyées aux médecins de famille. Comme ça, ça donne de l'information, ça, c'est quelque chose de qualifiable, on peut rechercher facilement dans les dossiers pour trouver l'information au lieu de faire des essais à plusieurs reprises pour trouver le bon document. Donc, c'est ça qui nous sauve le temps et qu'on peut voir un autre patient. On peut donner assez d'information aux spécialistes pour que le lien se fait aussi.

M. Aggarwal (Sanjay) : En fait, on parle d'une infrastructure, une infrastructure technique, multidisciplinaire, administrative qui manque et qui...

Mme Manoli (Sabrine) : C'est comme vous avez dit : Donnez-nous les moyens, et les mathématiques vont suivre, c'est certain, je peux vous garantir que les chiffres vont augmenter si on a les moyens. Parce que de dire : Voyez plus de patients, voyez plus de patients, puis qu'il y ait des failles dans le système, bien ça va être fait tout croche, mais, si on renforce notre système, on renforce les balises, les fondations de notre système, je ne vois aucune raison pourquoi les mathématiques, les chiffres ne vont pas augmenter tout seuls. Je vous le garantis, qu'ils vont le faire. On aime ça, voir des patients. On veut être efficaces, on a été entraînés à être efficaces. Ça va suivre, mais on a besoin des moyens.

M. Paradis (Lévis) : Et je comprends bien puis je pense que c'était facilement saisissable quand vous parlez, par exemple, d'outils, d'outils informatiques, d'informatisation. On parlait du DSQ, mais il y a deux instants vous nous disiez : On n'a pas l'historique du patient, on a peu de choses là-dessus. Je comprends fort bien. Puis, pour ceux et celles qui comprennent le système et qui s'imaginent votre pratique, d'avoir cet historique, déjà d'être capable de poser ou de se faire une image de celui que l'on traitera, je ne me trompe pas, ça fait gagner du temps, ça avantage.

Vous parlez de... d'interdisciplinarité — «interdisciplinaire», c'est plus facile. Est-ce qu'il y a des embûches à ça? Vous la souhaitez, vous dites : Partageons davantage, vous avez dit tout à l'heure : Je ne veux pas dire déléguer, travaillons ensemble, mais parce qu'on parle aussi de délégation, en disant : Il n'y a pas d'incitatif à déléguer, mais on a besoin de travailler de façon interdisciplinaire. Est-ce qu'il y a des embûches à ça actuellement? Pourquoi ça ne se fait pas davantage alors que vous le souhaitez? Qu'est-ce qui bloque?

Mme Manoli (Sabrine) : ...qu'on délègue, sauf qu'on délègue en faisant confiance au jugement d'une institution. Par exemple, avant je travaillais à Montréal-Nord, au CLSC Montréal-Nord. Je peux vous dire qu'ils ont la clinique la plus fonctionnelle de planning, dans laquelle les infirmières font des dépistages d'ITSS, font des «Pap tests», font du counseling de contraception. Quand il y a un patient plus compliqué, là le médecin intervient, et les médecins font aussi des avortements thérapeutiques dans cette clinique-là. À notre CLSC aussi, nous avons des conventions collectives, donc on le fait, mais il faut faire confiance au jugement.

Dans les embûches, bien, premièrement, c'est le nombre de ressources. Nous, on a des infirmières fantastiques, à notre GMF, on est choyés. On n'en a pas assez. On est une cinquantaine de médecins, on a deux infirmières GMF officielles et une infirmière auxiliaire qui travaillent avec nous... et puis, bon, c'est sûr, d'autres infirmières au CLSC, mais, de pair avec nous, on n'en a pas assez. Les physios en particulier, physios, ergos, psychologues, nutritionnistes, dans le système public, il n'y en a pas beaucoup. La liste d'attente, c'est une liste d'attente de plusieurs mois. Il faut aller, à ce moment-là, au système privé, mais, nous, les patients qu'on voit ne peuvent pas se permettre d'aller dans le système privé pour aller voir des physios ou des ergos, mais pourtant ce sont des modalités de traitement dont on a besoin puis, pour nous, ce sont des outils de traitement. Alors, quand on a des douleurs au genou, à la hanche, avant d'aller faire une chirurgie orthopédique, qui coûte excessivement cher, il faut faire un essai de physiothérapie; on n'arrive pas à l'obtenir. Alors, on prescrit des anti-inflammatoires, on tarde un peu, là, on retarde un peu le problème, et éventuellement ils finissent sur la table d'opération, qui finit par coûter beaucoup plus cher au système.

Mme Richter (Anne-Katrin) : À titre d'exemple encore, j'ai travaillé pendant 12 ans dans le Grand Nord dans une communauté de 1 600 patients comme seul médecin, puis j'ai été capable de gérer la population au complet parce qu'on avait des infirmières avec un rôle élargi. L'interdisciplinaire se faisait quotidiennement avec une équipe, une toute petite équipe qui était disponible.

Maintenant, de faire du multidisciplinaire avec un psychologue qui suit notre patient à travers un... qui est dans un autre secteur, ce n'est pas réaliste. Ils ne sont pas avec nous dans les mêmes équipes. Même s'ils sont dans le même édifice, souvent ils sont distants, parce qu'ils sont sur des étages différents. Alors, la multidisciplinarité devrait se développer, mais ça prend des petites équipes puis ça prend des gens qui travaillent auprès de nous pour pouvoir réaliser ce projet.

M. Aggarwal (Sanjay) : Et, vous savez, on est très chanceux avec les professionnels avec qui on travaille, on travaille à un CSSS qui est formidable, vraiment moi, j'adore mon travail, et c'est pour ça que j'ai resté au Québec, mais il faut juste davantage.

M. Paradis (Lévis) : Je vous prends au mot. Ce n'était pas ça, ma dernière question, mais je vous prends au mot, dire : C'est pour ça que je reste au Québec. Voyons plus loin. Avez-vous l'impression que, dans sa forme actuelle... Parce que certains l'ont évoqué sur, par exemple, la profession en tant que telle pour les futurs médecins. Le choix de faire de la médecine de famille, par exemple, est-ce que vous pensez aussi que le choix que vous avez fait pourrait être différent pour bien des médecins, de jeunes médecins qui décideront que tout ça est trop contraignant et qui décideraient de ne pas faire comme vous et de quitter le Québec?

Le Président (M. Tanguay) : 15 secondes.

• (17 h 40) •

M. Aggarwal (Sanjay) : Oui. Et je peux dire que beaucoup de mes amis qui ont gradué de McGill et qui venaient de l'extérieur du Québec sont partis à cause des AMP, des activités médicales, et des PREM. Et ils ont voulu rester parce qu'ils adorent la pratique ici, mais malheureusement je connais beaucoup, beaucoup qui ont quitté.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à l'échange avec le collègue de Lévis. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Mercier pour trois minutes.

M. Khadir : Merci, M. le Président. Je voudrais juste... Chers collègues, bienvenue à l'Assemblée nationale. Pour ceux qui sont familiers du réseau de la santé à Montréal, le CSSS de la Montagne, mais plus particulièrement le CLSC Côte-des-Neiges, où oeuvrent la plupart de ces collègues médecins de notre ministre, est vraiment emblématique de ce qu'on peut trouver de mieux en termes de culture organisationnelle et culture professionnelle de dévouement et, je dirais, d'une culture de service orientée vers les patients en tenant compte de l'ensemble de leur problématique, c'est vraiment emblématique, et j'inviterais le ministre... Parce que le ministre leur a demandé tout à l'heure : Avez-vous des solutions? Je pense qu'il n'y a rien de mieux... je m'adresse à vous, M. le Président, pour rappeler au ministre qu'il n'y a rien de mieux, sa question, pour le mener à bien et à bout, pour obtenir la réponse, d'aller visiter les CLSC.

Parce que vous avez dit : La solution, ce n'est pas juste dans des quotas de médecin, il faut renforcer la première ligne, et la première ligne, ce n'est pas juste des médecins, c'est des infirmières, vous avez tout nommé tout ça. Est-ce que les CLSC... Parce que votre CLSC fonctionne, mais ce n'est pas le cas de tous les CLSC, il y en a beaucoup qui ont été, comment je pourrais dire, dénudés, ont perdu leurs ressources. Est-ce que des CLSC 24 heures sur 24, sept jours par semaine et avec tout le personnel dédié peut être une partie de la solution à l'échelle du Québec comme renforcement de première ligne?

Mme Manoli (Sabrine) : Bien, je pense que ça va vous coûter excessivement cher pour le résultat final, là.

M. Khadir : ...excessivement cher. Vous savez, on est venu nous dire ici, statistiques à l'appui, qu'à l'échelle canadienne on est la province qui investit le moins par tête d'habitant en santé. Puis ensuite on sait que, depuis 15, 20 ans, ce qui a coûté le plus en croissance de coûts, c'est les médicaments trop chers qu'on paie, les équipements trop chers et les rémunérations des médecins, notamment les spécialistes, qui ont gonflé énormément.

Donc, est-ce que vous seriez d'accord à ce qu'on revoie la rémunération des médecins globalement, pas par des punitions mais globalement pour les ajuster, qu'on paie moins cher nos médicaments puis qu'on fasse de meilleurs choix d'équipement pour consacrer une partie des ressources à renforcer la première ligne? Est-ce que ça pourrait être envisagé?

M. Aggarwal (Sanjay) : Je pense qu'il faut absolument qu'on regarde les coûts des médicaments, absolument, ça fait partie des soins, les coûts de tous les tests qu'on fait. Et je pense qu'il faut considérer dans tout ce projet de loi la question de qualité, parce que, là, je pense qu'on ne peut pas séparer la question de qualité et d'accès... et des coûts, en fait, parce que les trois vont ensemble.

M. Khadir : Pour avoir une... Vous savez, le réseau des CLSC a été déjà payé, hein, tous ces établissements ont déjà été amortis et payés, ils sont là, toutes les installations sont là, mais on n'a pas renforcé leur capacité. On les a délaissés à cause d'une culture médicale souvent propagée dans nos fédérations, dont vous connaissez la culture très corporatiste, qui ne voulaient pas travailler en interdisciplinarité. Parce que, dans les CLSC, il faut pratiquer la médecine tel que vous la pratiquez, et il y a une partie des médecins qui n'aiment pas ça, partager les responsabilités avec d'autres. Ça, c'est une réalité, il faut qu'on l'admette, hein? Donc, on pourrait appuyer votre travail en appuyant partout la première ligne, n'est-ce pas?

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, merci beaucoup. Alors, nous remercions les représentantes et représentants du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens du Centre de santé et services sociaux de la Montagne.

Nous suspendons quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 44)

(Reprise à 17 h 48)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, chers collègues! Nous allons poursuivre nos travaux et nous recevons maintenant M. Jonathan Dumont.

Question d'intendance, j'aurais besoin de votre consentement pour terminer une demi-heure plus tard, donc excéder d'une demi-heure notre journée aujourd'hui et de terminer à 18 h 30. Y a-t-il consentement? Consentement est accordé.

Donc, bienvenue à votre Assemblée nationale, M. Dumont. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre exposé, et par la suite il y aura un échange avec les parlementaires. La parole est à vous.

M. Jonathan Dumont

M. Dumont (Jonathan) : Alors, merci. Bonjour, M. le ministre et MM. et Mmes les députés. Mon nom est Jonathan Dumont, j'ai 35 ans. Écoutez, je ne fais pas partie d'aucune organisation quelconque, je suis un simple citoyen qu'on a contacté hier à 21 heures et qui a fait le trajet Candiac-Montréal, car j'ai cru que c'était important de venir discuter de la seconde partie du projet de loi n° 20, soit le programme de procréation assistée, et le tout basé sur l'expérience personnelle de moi et ma femme.

• (17 h 50) •

Juste petite anecdote comme ça. Sur la rue, tout à l'heure, j'ai croisé M. Péladeau et je lui ai parlé un peu de ça, et il m'a dit : Malheureusement, c'est la fin du programme, car ça n'intéresse pas M. le ministre. Alors, j'espère, M. le ministre, que vous allez avoir une certaine ouverture à l'exposé que je vais avoir aujourd'hui avec vous.

Alors, ce sujet me touche particulièrement puisque ma femme et moi, on a eu personnellement recours à la procréation assistée afin de donner naissance à nos enfants. Il est, selon moi, très important, M. le ministre, de garder l'accès gratuit au programme de procréation assistée pour les couples infertiles, et je dis bien infertiles. Je tenterai de vous exprimer les raisons de mon opinion à travers mon expérience personnelle.

À 33 ans, et après plusieurs échecs infructueux d'avoir un enfant, ma femme et moi avons décidé de consulter auprès de l'Hôpital Royal Victoria. Après plusieurs examens, nous avons appris avec stupeur que non seulement ma femme était atteinte du syndrome des ovaires polykystiques, mais que j'étais aussi infertile dû à un problème avec mon chromosome Y. Et, quand on dit «infertile», dans mon cas c'est qu'il n'y avait aucune possibilité que j'aie un enfant de façon naturelle ou à peu près pas. Ce fut un choc très dur à accepter, car nous désirions tellement être parents et avoir un enfant à qui donner de l'amour. Je vous garantis qu'il y a un sentiment d'impuissance face à ce genre de situation. J'ai dû avoir des rencontres psychologiques afin d'apprendre à accepter le tout.

Néanmoins, notre désir d'avoir un enfant était toujours présent. Pour ma conjointe et moi, le fait de vouloir un enfant était bien plus qu'un droit, c'était un besoin et un désir fondamental. Une fois le choc du diagnostic médical d'infertilité passé, nous nous sommes mis en mode solution afin de voir les options qui s'offraient à nous. Nous avons donc d'abord exploré de l'adoption à l'étranger, mais après quelques recherches nous nous sommes vite rendu compte que cette piste de solution ne convenait pas du tout, non seulement en raison des coûts très élevés, mais aussi des complications que les parents ont souvent avec leurs enfants qu'ils ont adoptés. Alors, nous nous sommes donc tournés vers le programme de procréation... d'adoption québécois, mais celui-ci peut être extrêmement intrusif pour les familles d'accueil, qui ne sont même pas certaines de pouvoir garder leurs enfants à la fin.

Donc, après des mois de réflexion et des rencontres avec des psychologues, il nous est apparu que la meilleure solution pour nous permettre de fonder notre famille était de tenter notre chance avec le programme de procréation assistée. Cette solution pourrait nous permettre, à ma femme et moi, d'être... à ma femme d'être la mère biologique de notre enfant, n'entraînerait pas de coût personnellement exorbitant, peu d'attente et ne nécessiterait que très peu d'interventions de tierces parties. Et, quand je parle de tierces parties, c'est que, par exemple, lorsqu'on fait une adoption à l'étranger, il faut rencontrer des psychologues, il faut rencontrer des juges, il y a d'autres intervenants à voir outre le personnel médical. Donc, nous, il y avait le personnel médical qui était là-dedans.

Donc, nous avons fait le choix de la fécondation in vitro, et après seulement une tentative — nous, on a été chanceux — grâce à Dre Patricia Monnier et à toute l'équipe de l'Hôpital Royal Victoria, ma femme et moi sommes les heureux enfants de deux belles petites jumelles identiques, issues de la fécondation d'un seul embryon, je tiens à le spécifier, un seul embryon qui s'est divisé en deux, depuis le 20 novembre dernier. Et je vais juste vous présenter, M. le ministre et les députés... je vous présente Lilianne et Lauralie. Donc, ce sont deux petits êtres extraordinaires qui sont nés à 37 semaines et un jour, donc qui sont considérés à terme.

Ainsi, grâce à l'accessibilité et la gratuité du programme actuel de procréation assistée mise en place par le ministre Bolduc à l'époque, ma femme et moi sommes des parents comblés par la vie. Malheureusement, avec le projet de loi n° 20, d'autres couples risquent de ne pas avoir la même chance que nous. Il m'apparaît évident que le gouvernement devrait reculer avec l'idée d'enlever la gratuité du programme aux couples infertiles, pour plusieurs raisons.

D'abord, au niveau psychologique, l'annonce d'un diagnostic médical d'infertilité est très dure à accepter, croyez-moi. Plusieurs rencontres psychologiques ont dû être nécessaires afin de vivre avec notre situation. Si le programme de procréation assistée n'avait pas été accessible, notre détresse individuelle psychologique aurait été beaucoup plus grande, car nous aurions dû vivre avec un deuil dans notre souhait de fonder une famille. J'ai toujours voulu être papa, je n'ose donc pas m'imaginer quelle aurait été l'ampleur de ma propre détresse à moi. Et je vais vous poser la question à tous ici : Sachant qu'il y a des solutions médicales acceptables disponibles au Québec mais qu'elles sont coûteuses et possiblement inaccessibles pour la classe moyenne, comment accepteriez-vous le fait de ne pas avoir d'enfant non pas par choix mais en raison d'une maladie non désirée?

D'autre part, les impacts financiers de la fin de la gratuité du programme de procréation assistée seraient très grands pour les couples infertiles. Une tentative de fécondation in vitro peut coûter plus de 10 000 $. Nous avons été très chanceux, car, dans notre cas, la première a été la bonne. Cependant, pour beaucoup de couples, le succès de la fécondation in vitro arrive après deux ou même trois tentatives. Ainsi, les montants relatifs à la fécondation in vitro peuvent facilement varier entre 10 000 $ et 30 000 $. Très peu de couples de la classe moyenne ont accès à ces sommes d'argent facilement. Malgré les crédits d'impôt, M. le ministre, que vous envisagez, ils n'auraient d'autre choix que de faire des emprunts avec des intérêts supplémentaires. Avec le coût de la vie actuel, le prix des maisons, du pétrole, des aliments, des biens et services, des automobiles, des taxes, il est permis de croire que la fin de la gratuité du programme ne ferait qu'endetter davantage les individus concernés et rendrait donc quasi inaccessible l'option de la procréation assistée pour beaucoup de couples infertiles en raison, vous l'avez dit tantôt, de leur incapacité de payer.

L'Organisation mondiale de la santé reconnaît, d'autre part, que l'infertilité est une maladie. Le programme de procréation assistée actuel permet aux individus qui en sont atteints non pas d'en guérir nécessairement physiquement mais certes psychologiquement en rendant accessible l'option aux couples de fonder une famille malgré tout.

Aussi, il m'apparaît qu'il s'agit, à long terme, d'un traitement médical très rentable pour la société. En effet, si je reprends notre exemple de notre couple à nous deux, pour un couple... pour un coût, pardon, à l'État d'approximativement 10 000 $, ma femme et moi avons mis au monde deux belles petites jumelles en pleine santé, identiques, qui un jour paieront des taxes et des impôts pour beaucoup plus de 10 000 $. N'est-ce pas un bon retour sur l'investissement, M. le ministre?

En conclusion, je comprends très bien que l'état des finances nécessite des compressions budgétaires à tous les ministères. Je suis même d'accord sur le fait que certains points du programme de procréation assistée doivent être revus. Cependant, en 2010 le Québec s'est doté d'un programme mondialement reconnu grâce auquel nous avons pu fonder notre famille. Sans ce programme, ou bien nous n'aurions pas d'enfant aujourd'hui ou bien nous serions endettés, ce qui aurait considérablement réduit notre pouvoir d'achat pour plusieurs années à venir et donc qui aurait réduit notre côté à... à contribuer, pardon, à l'épanouissement de l'économie du Québec.

Ma femme et moi n'avons pas fait le choix de notre état médical, il est le résultat de malheureuses circonstances totalement hors de notre contrôle. Avec les progrès d'aujourd'hui, la médecine et la science nous offrent une option alternative plus que convenable à notre désir de fonder une famille. Pourquoi vouloir réduire le pouvoir de choisir cette option pour les couples infertiles, M. le ministre?

Je suis donc d'avis qu'il est important de conserver la gratuité du programme de procréation assistée pour les couples ayant reçu par un médecin un diagnostic d'infertilité médical. Je vous saurais donc gré, M. le ministre de la Santé, de bien vouloir considérer ma demande afin de revoir et d'amender entre autres l'article 13 de votre projet de loi afin de permettre aux couples infertiles d'avoir accès aux traitements de procréation assistée avec La loi de l'assurance maladie.

Alors, pour terminer, vous avez une photo encore de Lilianne et Lauralie. Depuis leur naissance, elles sont en pleine forme et en pleine santé. Sans le programme de procréation assistée, elles n'auraient jamais vu le jour. Je vous remercie à l'avance, M. le ministre, de bien vouloir prendre en très haute considération cette demande. Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. Dumont. Alors, nous allons maintenant débuter une période d'échange avec les parlementaires, et, pour une période de 14 minutes, je cède la parole au ministre de la Santé.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Dumont. Bienvenue. Et je pense que vous venez de faire un témoignage qui est extrêmement bien senti et tout à fait à propos. Je comprends de votre commentaire aussi que vous comprenez un peu les impératifs auxquels on fait face. Et je dois vous avouer qu'ayant, pas moi personnellement, mais été près de gens, des amis personnels qui ont eu à vivre votre situation, c'est vrai, là, que c'est un choc, ça, je conviens vraiment parfaitement avec vous de ce que ça peut représenter comme choc, comme vision, comme conséquences sur le moment et par la suite, et toute l'aventure, parce qu'en quelque part c'est une aventure dans laquelle vous vous êtes embarqués, avec succès, puis je suis bien content, évidemment, que ça se soit bien terminé comme ça pour vous. En même temps, on se retrouve, nous, dans la situation dans laquelle on est. Et je comprends bien de votre commentaire que vous avez pris connaissance du projet de loi, vous l'avez lu en détail et vous venez faire des recommandations.

La première question que j'ai à vous poser et qui est incontournable : Dans votre situation, si vous aviez vécu... Là, je ne veux pas que vous exposiez des choses, là, qui sont personnelles et indiscrètes, là, mais, dans votre situation, est-ce que le programme de crédit d'impôt aurait été quand même viable pour vous?

M. Dumont (Jonathan) : Le programme de crédit d'impôt que vous voulez mettre en place?

M. Barrette : Qu'on propose, là, dans le projet de loi, là.

• (18 heures) •

M. Dumont (Jonathan) : Actuellement, moi, avant de venir vous voir, j'ai discuté avec Jean-Guy Tremblay, qui est l'attaché politique de mon ministre... de mon député, à La Prairie, et présentement la grille actuelle n'est pas disponible, c'est ça qu'on m'a dit. Dans les médias, ce qui est sorti, c'est que, pour des couples de 50 000 $ et moins, ça serait une grille de... ça serait 80 % de crédit d'impôt et, pour les couples avec 120 000 $ et plus, ça serait 20 %. Donc, on peut envisager... je ne sais pas, là, il n'y a pas de chiffres qui sont sortis de votre part, mais les couples...

M. Barrette : Avec ce que vous savez des médias, là.

M. Dumont (Jonathan) : Oui. Bien, ça, ça vient des médias, oui, effectivement. Est-ce qu'il y a une grille, M. le ministre, qui est sortie pour les couples, par exemple...

M. Barrette : ...en fonction de ce qui est connu actuellement, est-ce que vous, avec ce que vous savez de ce qui est sorti dans les médias, c'était quelque chose qui était une approche qui vous aurait permis d'y avoir accès?

M. Dumont (Jonathan) : Je ne crois pas, M. le ministre. Parce que, si j'envisage, par exemple, moi, que, notre couple, on fait partie de la classe moyenne, donc on peut hypothétiquement penser que ce serait 50 %. M. le ministre, 50 %, c'est quand même 5 000 $ à peu près que moi, j'aurais payé de ma poche. Et en fait au départ j'aurais à payer 10 000 $. Le 10 000 $, je le trouve où? Donc, le 10 000 $, je l'emprunte à la banque, et là j'ai des intérêts, nécessairement, avec la banque. Et, bon, bien, par rapport à ça, suite à ça, suite à l'emprunt à la banque, bon, tu sais, vous me remboursez un crédit d'impôt, donc là je rembourse un 5 000 $, mais il y a toujours bien 5 000 $ qu'il me reste à payer.

Nous, on a été chanceux, dans notre cas, mais j'ai un couple d'amis très proche de moi, ils en sont à leur deuxième tentative, ça n'a pas marché. Donc là, on ne parle plus de 5 000 $, on parlerait de 10 000 $, et etc. Donc, quand on en vient à trois tentatives, bien là c'est 15 000 $ plus les intérêts, donc on peut facilement parler de 20 000 $.

Donc, moi personnellement, M. le ministre, avec le coût des maisons actuel, le coût du pétrole, le coût de tout, je fais partie d'une famille de la classe moyenne, puis ce n'est pas avec un crédit d'impôt que je vais réussir à avoir un enfant.

M. Barrette : Et je vous pose encore la question, encore une fois, si ça vous met dans l'embarras, dites-le-moi, puis on passera à un autre sujet, là, mais, si vous aviez eu une mécanique de crédit d'impôt qui aurait fait en sorte que vous auriez eu à débourser seulement le 5 000 $ mais pas à faire un emprunt de 10 000 $, par exemple, est-ce que ça aurait été viable pour vous quand même?

M. Dumont (Jonathan) : Pas du tout, pas du tout. 5 000 $, M. le ministre, c'est beaucoup d'argent, là, et parce que j'ai à faire un emprunt pour emprunter 5 000 $. Donc, ce n'est pas 5 000 $, dans le fond, là, ça va être 7 000 $, avec les intérêts, 8 000 $. Et, comme je vous dis, je vous le répète, moi, j'ai été très chanceux parce que c'est la première tentative qui a fonctionné.

M. Barrette : O.K. Non, c'est parce que j'allais vous dire que, dans ce qui est proposé, il est possible, pour vous, que vous n'ayez pas à faire un emprunt de 10 000 $ mais que vous ayez à aller directement au 5 000 $. Mais là vous me dites que, dans votre situation, c'était une impossibilité. O.K.

Dans les... Est-ce que c'est le seul élément du projet de loi qui pose, selon vous, problème ou... Le reste du projet de loi, les balises, tous ces éléments-là, est-ce que ça vous apparaît comme adéquat?

M. Dumont (Jonathan) : Moi, je parle pour les couples infertiles, M. le ministre, puis...

M. Barrette : ...je comprends, là, mais, pour les couples infertiles, il y a toutes sortes de balises. Est-ce que le reste du projet de loi vous apparaît approprié ou...

M. Dumont (Jonathan) : Il y a certaines balises du projet de loi qui sont appropriées, mais au niveau des sous, pour les couples infertiles, bien je trouve que ça n'a pas de bon sens, puis c'est pour ça que je suis ici aujourd'hui devant vous.

M. Barrette : O.K. Est-ce qu'à ce moment-là vous seriez en faveur qu'il y ait... Est-ce que je dois comprendre de votre position que, dans votre vision de la problématique, les couples médicalement infertiles devraient avoir tout gratuit et les autres pourraient avoir un coût... ou vous voudriez que tout soit tout gratuit?

M. Dumont (Jonathan) : Les couples avec un diagnostic médical d'infertilité devraient être traités à l'hôpital ou par un médecin pour avoir le droit d'avoir des enfants. Moi, c'est mon opinion.

M. Barrette : Et pour les autres situations?

M. Dumont (Jonathan) : Les autres situations, ils viendront défendre leur point de vue. Moi, je suis ici vraiment pour mon point de vue, M. le ministre, aujourd'hui.

M. Barrette : O.K., parfait. O.K. Et donc le reste du projet de loi comme tel... Je ne parle pas, là, de la partie des médecins, là, parce que je ne pense pas que vous veniez pour ça, mais, pour ce qui est de la procréation médicalement assistée, vous n'avez pas vraiment de changement majeur à proposer ou...

M. Dumont (Jonathan) : Bien, en fait, le changement, c'est parce que, dans votre projet de loi, la balise qui est vraiment ôtée, c'est que, dans le fond, vous allez permettre les inséminations mais plus la procréation assistée, et c'est ça qu'il faut changer, là, c'est que, pour les couples infertiles, la procréation assistée, la fécondation in vitro soit payée par l'État, selon moi.

M. Barrette : M. le Président, si vous n'avez pas d'objection, je passerais la parole à mon collègue.

Le Président (M. Tanguay) : Oui, tout à fait. Alors, je cède avec plaisir la parole au collègue de Maskinongé.

M. Plante : Merci beaucoup, M. le Président. M. Dumont, c'est avec, bien, beaucoup d'attention, je vous dirais, et un petit peu d'émotion que j'ai écouté votre témoignage parce que, mes collègues le savent, le ministre aussi, j'ai, avec ma conjointe, passé par un processus semblable au vôtre qui malheureusement... on ne s'est pas rendus à la fécondation in vitro, puisque la condition de santé de mon épouse ne le permettait pas. Par contre, je suis... tout le bout où vous parlez, bon, de la difficulté à apprendre la condition soit de santé ou médicale, le problème, de un, réaliser qu'on a un problème, quand on est un couple, ce n'est pas toujours évident. C'est très, très difficile et pour notre conjointe et pour nous et pour nos proches aussi, parce qu'on sait que le projet d'avoir un enfant ou des enfants, ce n'est pas un projet de couple seulement, c'est un projet de famille souvent. Et je suis très, très heureux de voir la photo de vos deux belles filles à l'arrière, qui me touche particulièrement.

Moi, je voulais juste vous parler... Parce que vous savez qu'avec les resserrements dans le projet de loi, oui, on parle de la FIV, mais on continue quand même tout l'accompagnement des couples infertiles. Puis on sait que, la majorité des couples, ça peut se résoudre par une insémination ou par des problèmes où des prises de médicaments par la suite... Vous, vous êtes un cas très spécifique parce que vous et votre conjointe aviez des problèmes, mais, dans certains cas, toute l'autre étape, pour plusieurs couples, règle la situation et permet d'avoir un enfant.

Donc, si j'ai bien compris, ces balises-là ne vous dérangent pas, là, l'âge final de 42 ans, c'est correct, pour les dames, tout ça, vous vivez bien avec ça, ce que vous avez de la difficulté, c'est vraiment juste la partie fécondation in vitro?

M. Dumont (Jonathan) : Oui.

M. Plante : J'ai une sous-question bien simple, et, vous allez voir, ça va être... Je comprends que le 10 000 $ estimé, là, selon vos estimations, peut paraître un gros montant, mais vous avez fait le même cheminement qu'on a fait puis que tous les couples font, là. Penser à l'adoption internationale, bon, c'est déjà beaucoup de sous aussi, penser à l'adoption au Québec, là, le processus de Banque-mixte, là, on sait tous que c'est des engagements financiers, puis qu'avoir un enfant, c'est un engagement financier. Et je comprends que ça peut paraître beaucoup, un 5 000 $ ou un 10 000 $ du coup. C'est sûr qu'il y a des remboursements permis dans le projet de loi, là, par contre, au niveau des crédits d'impôt.

Par contre, est-ce que vous seriez allés jusqu'au bout quand même, même s'il y aurait eu une marge de 5 000 $? Financièrement, là, moi, je vais vous dire, si j'aurais pu le faire, même si ça avait coûté 50 000 $, on y aurait été, là, je vous le dis. Souvent, c'est le rêve d'une vie, d'avoir un enfant.

M. Dumont (Jonathan) : En fait, je vous le dis dans ma conclusion, je vous dis que c'est une option... on serait peut-être allés à la fin aussi vers le programme de fécondation in vitro, mais ce que je vous dis aussi, c'est qu'on se serait endettés pour ça et que ça aurait réduit notre capacité de payer et de contribuer à l'économie québécoise. Et je pense que ça, c'est important de le dire aussi parce que, tu sais, si j'emprunte de l'argent ou si... Parce que j'ai une maison aussi à payer, là-dedans, j'ai une voiture à payer. Donc, dans le fond, c'est un coût supplémentaire que j'aurais à payer, donc j'aurais un endettement supplémentaire, et je ne pense pas que c'est ça qu'on veut, là, au Québec, d'avoir des individus avec un endettement supplémentaire, présentement, là.

M. Plante : O.K. Puis, si je comprends bien à la fin vos recommandations, puis M. le ministre a posé la question tantôt, mais vous feriez vraiment une scission entre les couples qui ont un problème médical et les autres couples, là, au niveau de la fécondation in vitro.

M. Dumont (Jonathan) : Bien, comme je vous dis, moi, je suis un individu qui vient pour les couples... bien en fait pour mon couple et les couples infertiles. S'il y a d'autres gens qui veulent venir défendre leur point pour d'autres situations, qu'ils viennent le défendre.

M. Plante : Parfait. Bien, merci beaucoup.

M. Dumont (Jonathan) : Mais je pense que c'est important de mettre les balises pour les couples infertiles.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous allons maintenant passer la parole, céder la parole à notre collègue députée de Taillon pour une période de 8 min 30 s.

• (18 h 10) •

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, merci, M. Dumont, d'être là, merci de votre témoignage, je pense que c'est vraiment très représentatif. Puis que vous ayez pris la peine de rédiger ça et de venir nous l'exposer, ça nous habite vraiment, je pense que ça nous permet de comprendre vraiment ce que vous avez vécu.

Vous avez fait le processus à l'Hôpital Royal Victoria. Vous, vous habitez Candiac, mais, quand vous étiez à l'Hôpital Royal Victoria, vous avez dû être avec d'autres couples qui venaient de l'extérieur, parce qu'on le sait, c'est concentré beaucoup dans la région de Montréal, un peu à Laval, mais autrement, ailleurs au Québec, ce n'est pas disponible. Donc, j'imagine, pour les gens qui viennent de l'extérieur, il y a d'autres coûts. Est-ce qu'il y en a qui vous ont parlé des autres coûts qu'ils avaient?

M. Dumont (Jonathan) : On a un couple avec qui on a discuté qui venait de Val-d'Or, et eux autres aussi, ils ont fait le programme de procréation assistée, de fécondation in vitro. Et on sait, avec la fécondation in vitro, bon, bien, tu sais, il faut que tu viennes, tu as plusieurs rendez-vous, donc au niveau des coûts d'essence, tout ça, effectivement, ils ont beaucoup de coûts d'aller-retour à faire, paiement d'hôtel aussi, parce que, comme vous dites, c'est concentré dans la région de Montréal, c'est...

Mme Lamarre : Donc, pour eux, il y a quelques milliers de dollars peut-être supplémentaires à...

M. Dumont (Jonathan) : Quelques milliers de dollars supplémentaires, effectivement.

Mme Lamarre : O.K. On ne veut pas critiquer, mais on se rend compte qu'il y a un côté où il y avait effectivement des balises à mettre autour de ce programme-là, qui a été issu d'un projet de loi qui a été rapidement adopté, et il y avait des balises. Et moi, je pense qu'on a beaucoup d'éléments dans notre système de santé où on a des balises à mettre et des suivis. On parlait d'un registre des naissances qui était prévu lorsque la loi a été instaurée, en 2010, mais qui n'a jamais vu le jour et qui nous aurait peut-être permis de détecter plus rapidement certains écarts, certains correctifs, mais là clairement on est en train de mettre un obstacle très significatif parce qu'on prend la mesure, on prend le portrait cinq ans plus tard, et là, effectivement, il y a beaucoup d'argent qui est impliqué et on se dit : Il faut absolument couper, et là on le fait de façon un peu plus arbitraire.

Ce qu'on voit dans certains mémoires, c'est qu'on fait référence au fait que la vasectomie, la ligature de trompes, qui sont des interventions qui, dans le fond, interrompent ou empêchent les gens d'avoir un enfant, sont couvertes par l'assurance maladie.

M. Dumont (Jonathan) : Tout à fait. Et aussi, excusez-moi l'expression, là, mais de se raccorder une fois que tu as fait la vasectomie, si tu veux te faire raccorder, ça aussi, c'est couvert.

Mme Lamarre : Alors donc, il y a quand même ça aussi. Si on voulait vraiment questionner, on pourrait requestionner différentes dimensions, mais on ne le fait pas. Je pense qu'on fait bien de ne pas le faire parce que je pense qu'un enfant doit venir au monde le plus possible dans un contexte où il est souhaité. Et ce que vous nous dites, c'est que vous, vous le souhaitiez ardemment et que c'était un bon moment, puis c'était, dans le fond, une famille accueillante et organisée qui voulait avoir cet enfant-là.

Vous avez fait référence tantôt au fait que vous n'aviez pas eu accès au règlement, donc à la grille. Effectivement, nous, on le demande, on demande clairement d'avoir ça parce que c'est un élément déterminant pour être capable d'apprécier jusqu'à quel point c'est un obstacle ou ce ne l'est pas, cette dimension-là.

Mais c'est sûr qu'avancer 5 000 $ net, après impôt, là, c'est très exigeant, surtout sur un résultat qui n'est pas sûr. Dans les gens que vous avez rencontrés, est-ce qu'il y en a plusieurs qui avaient eu à refaire l'expérience plus d'une fois?

M. Dumont (Jonathan) : Comme je vous dis, en fait, le couple que je vous parle, de Val-d'Or, qu'on a rencontré, eux, c'était la deuxième tentative, et a on un couple d'amis personnel... Parce que, finalement, quand tu commences à parler aux gens alentour de toi, tu te rends compte qu'il y a des couples, là, que ce n'est pas si loin que ça, là, tu sais. Donc, effectivement, on a un couple d'amis qui est dans la même situation que nous, et ils en sont à leur deuxième tentative. Donc, c'est ça.

Puis on entend beaucoup parler de gens... En fait, le maximum, apparemment, ce que les médecins m'ont dit à moi, nous, on a été très chanceux, ça a marché la première fois, mais c'est à trois tentatives, là, que, là, il y a vraiment le maximum des chances que la fécondation in vitro fonctionne.

Mme Lamarre : En fait, j'aime beaucoup aussi la partie où vous faites référence au fait que vous avez donné naissance à deux petites filles, Lilianne et Lauralie, qui, et vous le citez vous-même, là, le dites, bon, finalement vont payer des taxes et des impôts. On sait qu'au Québec on souhaite augmenter la natalité, on a besoin de jeunes. On a besoin des Québécois d'adoption, on a besoin de l'immigration, mais on a besoin aussi de jeunes bébés à naître. Donc...

M. Dumont (Jonathan) : ...pure laine.

Mme Lamarre : Pardon?

M. Dumont (Jonathan) : On a besoin de Québécois pure laine.

Mme Lamarre : Ah! Bien, on a besoin de tous les Québécois, hein, de tous les Québécois. Et je suis très contente donc de voir qu'il y a un intérêt pour les familles aussi, je pense que c'est une référence sûre dans une société. Donc, je crois que vous avez un cheminement qui est tout à fait logique et qui représente celui de beaucoup de jeunes de votre âge.

On a également reçu... on ne la recevra pas personnellement en commission, mais elle nous a envoyé un mémoire, c'est Mme Marie-Ève Proulx, et elle nous a transmis certaines statistiques qui sont intéressantes, entre autres, par exemple, au Royaume-Uni, où on considère justement qu'une naissance va amener, finalement, 8,5 fois plus de revenus à l'État que les coûts de la fécondation in vitro. Donc, c'est toujours une question de perspective, hein, est-ce qu'on voit ça comme une dépense ou comme un investissement, et je pense que, si on a de bonnes balises qui diminuent les risques de grossesses multiples... Puis il y a beaucoup d'organismes qui sont venus nous dire qu'on avait vraiment une très belle stratégie, des approches, un encadrement rigoureux puis qu'au Québec on faisait modèle dans le monde pour diminuer les risques de grossesses multiples. Vous, vous en avez eu deux, mais c'est exceptionnel, ce n'est pas en lien avec le fait que vous avez eu une fécondation in vitro. Donc, je pense que c'est quand même très positif de voir qu'il y a des conséquences positives à ça, donc, au Royaume-Uni, un investissement et un retour quand même, un bénéfice.

Et je rappelle que d'ici 2041, au Québec, on aura 30 % des gens qui auront 65 ans et plus, donc je pense qu'on va avoir besoin de beaucoup de petites Lilianne et Loralie. Et on va essayer de ne pas les surcharger trop en ayant quand même une approche responsable dans les coûts qu'on génère et, je pense, dans les balises qu'on met à beaucoup d'endroits dans notre système de santé. Il y en a beaucoup, d'endroits où il faut les mettre.

Donc, le choix de la fécondation in vitro, je pense qu'il est particulier, et il faut être prudent parce qu'il apporte beaucoup de bénéfices. On a parlé de bénéfices de l'enfant, mais je pense que ce dont vous témoignez aussi, c'est tout l'équilibre du couple, hein, c'est tout le bien-être que vous avez et qui était menacé, dans le fond, avec cette nouvelle-là.

M. Dumont (Jonathan) : Effectivement, effectivement. C'est sûr et certain que... Écoutez, je ne peux même pas m'imaginer... Par exemple, tu sais, si, ma femme et moi, on était en processus, et que, bon, finalement le projet de loi passe tel quel, et puis, bon, le crédit d'impôt, puis tout ça, donc là ça aurait été un obstacle supplémentaire pour nous, on n'aurait pas pu avoir d'enfant. Là, moi, bien là je viens d'avoir 35 ans. Donc, c'est sûr et certain qu'on aurait dû reporter le projet puis, tu sais, on vieillit quand même, là, donc peut-être de deux, trois ans, donc ma femme aurait atteint 37 ans. Il y a des risques supplémentaires non seulement par rapport à la trisomie, mais, tu sais, il y a plusieurs, plusieurs choses qui arrivent aussi, plusieurs autres risques qui arrivent. Et, non, non, écoutez, ça n'a pas de bon sens, tu sais, il faut... Oui, il y a des balises à mettre, mais, pour les couples infertiles, je pense qu'il y a un gros questionnement à avoir.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous cédons maintenant la parole au collègue député de Lévis pour 5 min 30 s.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Merci d'être là, M. Dumont. Écoutez, le ministre disait : Je vais vous poser des questions, sentez-vous à l'aise, les collègues de l'opposition aussi. Moi, je considère que, si vous êtes ici, en tout cas l'impression que j'ai, c'est que vous avez besoin de dire haut et fort l'importance et ce que ça a eu comme effet dans votre vie, dans votre vie de parents maintenant, dans votre vie de couple qui souhaitait fonder une famille. Alors, je me permettrai... puis vous aurez la liberté ensuite, vous disposez de la réponse, mais de me permettre de vous faire parler davantage sur cet élément-là qui est extrêmement important.

Au bénéfice des gens qui nous regardent, nous écoutent, vous écoutent, peut-être même votre conjointe qui vous écoute présentement, que je salue, que nous saluons, les deux petites également, à 33 ans c'est un projet de vie. Et, le fait d'être confronté à une condition médicale d'infertilité, dans votre cas, au surplus, les deux étant touchés, il faut que les gens comprennent que, dans votre tête à vous, là, c'était l'équivalent d'un deuil, là.

• (18 h 20) •

M. Dumont (Jonathan) : Oui. Oui, tout à fait, tout à fait, puis vous avez le mot, un deuil. Au départ, je vous le dis, là, quand tu reçois le diagnostic d'infertilité, c'est une claque en pleine face. Et puis la fécondation in vitro, ça n'a pas été notre première avenue non plus, parce que moi, tu sais, je ne voulais pas que ma femme tombe enceinte d'un donneur. L'adoption, on a regardé les autres options, tu sais, puis on ne voyait pas comment on pourrait avoir un enfant avec l'adoption à l'étranger, ça coûte cher. Banque-mixte, on en a parlé. Donc là, tu fais un deuil de tout ça, là.

Puis, je vous le dis, une chance que j'ai des femmes dans ma vie. Ma mère est une personne exceptionnelle aussi, ma grand-mère, ma femme. Je me souviens d'une soirée où elles m'ont ramassé en petite boule, je pleurais mais totalement, là, tu sais, j'étais totalement démoli, parce que c'est très dur à accepter, là, très, très, très dur, puis je vivais un deuil, moi, là, là, tu sais.

M. Paradis (Lévis) : Et vous avez fait tout ce chemin-là pour ça, pour faire comprendre aussi au ministre, à travers son projet, qu'il y a des gens que vous connaissez, des amis qui traversent cet épisode-là, qui, on l'espère, finira de façon heureuse comme dans votre cas, puis, dans d'autres cas, bien ça n'aboutira pas, pour dire : Écoutez, ce n'est pas pour le plaisir de, bien au contraire. Et, lorsque dans le projet on dit : Il faudra qu'il y ait des tentatives pour justifier le fait qu'on ait recours à la fécondation in vitro, et tout ça, comprenons bien que, dans le couple chez la famille Dumont, le fait d'être confronté à ça psychologiquement vous a demandé également, et vous le dites et vous en témoignez. Vous avez demandé d'avoir de l'accompagnement, c'est à ce point-là viscéral et important.

M. Dumont (Jonathan) : Oui, tout à fait, tout à fait, c'est très, très, très important. Puis je pense que, tu sais, sans... l'accompagnement, là-dedans, tu sais, étant autant familial que, tu sais, des ordres professionnels et des psychologues qui m'ont beaucoup aidé à comprendre, bon, notre état médical et qui m'ont aidé aussi à réaliser que justement l'option de la fécondation in vitro était la bonne pour nous.

M. Paradis (Lévis) : Je ne peux pas vous faire parler au nom des autres, hein, et pourtant vous connaissez des gens qui traversent, bon, un épisode comme celui-là et qui aujourd'hui se questionnent, et qui aujourd'hui sont peut-être aussi en traitement. Et, pour d'autres, bien, c'est à venir, ils s'inquiètent de ce qu'ils pourront faire parce qu'il y a des considérations platement économiques, là. Puis c'est vrai que c'est dur de dire : Je veux une famille, puis que les considérations économiques décident d'un choix à poser, mais vous le dites très ouvertement, dans votre cas, encore une fois, c'était ou ça aurait été impossible ensuite pour être conséquent avec votre quotidien.

Est-ce que vous êtes en train de nous dire qu'à travers les gens à qui vous parlez, votre famille, votre mère, votre grand-mère, les amis que vous avez côtoyés à l'hôpital pendant les traitements, ceux pour qui ça n'a pas encore donné de résultat, il y a une espèce de spectre d'inquiétude majeur, en disant : Écoutez, on va peut-être passer sans avoir la chance de terminer notre projet de vie?

M. Dumont (Jonathan) : Moi, notre couple d'amis, qui est quand même proche de nous, ils sont très inquiets par rapport à ça parce qu'ils ne savent où ça s'en va, ce projet de loi là, puis ils sont inquiets parce qu'effectivement, tu sais, si c'est des coûts, bien... Eux aussi, ils font partie de la classe moyenne. Donc, ça va soit retarder ou complètement annuler leur projet.

Et puis on est allés présenter nos deux filles à Dre Patricia Monnier et l'équipe médicale il y a un mois de ça, à l'Hôpital Royal Victoria, puis je peux vous garantir qu'il y a un sentiment de panique, apparemment, parmi les patients qui sont là. Il y a plus de gens que d'habitude aussi, apparemment, à l'hôpital, parce qu'on ne sait pas... bien, en fait, le projet de loi, bon, étant sorti, il y a des familles qui sont très, très inquiètes par rapport ça. Ça, c'est officiel.

M. Paradis (Lévis) : M. Dumont, avant de vous remercier à nouveau, on le sait, le Commissaire à la santé et au bien-être l'a dit aussi, bon, il y a des abus, il faut resserrer, il faut réglementer, il faut régir. Vous n'avez pas les grilles, la pondération concernant les crédits d'impôt, vous le dites, vous regardez les médias, on aurait souhaité les avoir puis on ne les a manifestement pas, mais vous auriez aimé aussi jeter un oeil là-dessus. Ceci dit, est-ce que vous pensez que, de fait... Et je pense que votre message est là. Condition médicale reconnue d'infertilité, le programme existe depuis 2010, ça fait quatre ans. Bonifions-le, réglementons-le, évitons les abus, économisons jusqu'à 30 millions de dollars, selon ce que dit le commissaire également, mais donnons la chance de vivre une vie de famille complète.

M. Dumont (Jonathan) : Oui. Tu sais, un papier de médecin, là, condition médicale, infertilité, ça peut se faire.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant céder la parole à notre collègue de Mercier pour deux minutes.

M. Khadir : Bonsoir, M. Dumont. Vous avez rendu un témoignage poignant et très à propos. Québec solidaire a des soucis aussi, au moment opportun on va en parler un peu plus, parce qu'on reconnaît, on est tous conscients qu'en notre société les valeurs, la définition même de famille changent, et il y a des couples de même sexe aussi qui à juste titre ont le désir de fonder une famille, pour partager le même amour dont vous avez témoigné, mais qu'on va traiter différemment parce que leur orientation sexuelle, qu'ils n'ont pas choisie, qui est la nature des choses pour elles, pour ces personnes, fait en sorte qu'ils ne peuvent pas avoir d'enfant par d'autre moyen et parfois ont besoin d'une fécondation... enfin, d'une fécondation in vitro.

Mais, ceci étant dit, en fait, ce que vous avez décrit dans votre situation, vous avez dit : Lorsque c'est médicalement indiqué en raison du fait qu'il y a une infertilité médicale... Vous appelez, autrement dit, à la solidarité de notre système de santé, qui offre des services gratuits lorsque les personnes sont malades, et l'infertilité est une maladie, parce que vous considérez qu'autrement les familles seraient endettées.

Est-ce que vous considérez qu'il y a un problème à ce que des familles de classe moyenne s'endettent puis font marcher l'économie? Parce que ça fait le succès des banques, hein? Les banques, un peu comme lorsqu'on demandait aux étudiants d'augmenter leur endettement, c'est quand même une manière de diriger l'économie vers d'autres secteurs. Est-ce qu'il y a un problème à ça ou c'est juste une question de choix politique? C'est quoi, le problème que les banques s'enrichissent et fassent rouler l'économie? Autrement, le PIB, après tout, va augmenter.

M. Dumont (Jonathan) : Pendant que nous, on s'endette.

Le Président (M. Tanguay) : En 15 secondes, M. Dumont.

M. Khadir : Mais, je veux dire, c'est quoi, le problème?

M. Dumont (Jonathan) : Bien, en fait...

M. Khadir : Vous comprenez l'ironie de ma question?

M. Dumont (Jonathan) : Oui, oui, tout à fait, tout à fait, tout à fait. Bien, je pense que, tu sais, nous, on s'endette par rapport à ça, tu sais, puis pendant ce temps-là, bien, les banques, eux, ça fait leur affaire.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, je vous remercie beaucoup.

Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, après les affaires courantes. Merci, M. Dumont.

(Fin de la séance à 18 h 27)

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