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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mardi 11 novembre 2014 - Vol. 44 N° 18

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 10, Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales


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Table des matières

Auditions (suite)

Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux (AQESSS)

Association du Québec pour l'intégration sociale (AQIS)

Association québécoise des centres communautaires pour aînés (AQCCA)

Table régionale des organismes communautaires et bénévoles
de la Montérégie (TROC Montérégie)

Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles (TRPOCB)

Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (APES)

Fédération québécoise de l'autisme (FQA)

Intervenants

M. Marc Tanguay, président

Mme Marie Montpetit, présidente suppléante

M. Gaétan Barrette

Mme Diane Lamarre

M. Jean-François Lisée

M. Éric Caire

Mme Françoise David

Mme Lucie Charlebois

M. François Paradis

M. Harold LeBel

*          M. Michel Gervais, AQESSS

*          Mme Francine Décary, idem

*          Mme Diane Lavallée, idem

*          M. Jacques Fraser, idem

*          Mme Jacqueline Babin, AQIS

*          Mme Susie Navert, idem

*          Mme Diane Milliard, idem

*          M. Roger Duchesneau, idem

*          Mme Michèle Osborne, AQCCA

*          M. André Guérard, idem

*          Mme Johanne Nasstrom, TROC Montérégie

*          Mme Danielle Goulet, idem

*          Mme Catherine Jetté, idem

*          Mme Mercédez Roberge, TRPOCB

*          Mme Odile Boisclair, idem

*          M. François Paradis, APES

*          Mme Linda Vaillant, idem

*          Mme Jocelyne Sylvestre, FQA

*          Mme Jo-Ann Lauzon, idem

*          Mme Ginette Côté, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leur téléphone cellulaire.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n°10, Loi modifiant l'organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l'abolition des agences régionales.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Hivon (Joliette) est remplacée par M. Pagé (Labelle); Mme Richard (Duplessis) est remplacée par M. LeBel (Rimouski); M. Paradis (Lévis) est remplacé par M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs).

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Ce matin, nous allons débuter avec les représentants de l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux. Par la suite, nous continuerons avec les représentants de l'Association du Québec pour l'intégration sociale. Nous ajournerons nos travaux à 21 h 30.

Auditions (suite)

Alors, je souhaite la bienvenue aux représentantes, représentants de l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux.

Pour les fins d'enregistrement, je vous demanderais de bien vouloir vous identifier dans un premier temps. Par la suite, vous disposerez de 10 minutes pour une présentation. S'ensuivra un échange avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous.

Association québécoise d'établissements de
santé et de services sociaux (AQESSS)

M. Gervais (Michel) : M. le Président, mesdames et messieurs, les membres de la commission, permettez-moi d'abord de vous présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui. À ma gauche, Mme Francine Décary, médecin hématologue, fondatrice d'Héma-Québec et présidente du conseil d'administration de l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal; M. Jacques Fraser, à mon extrême droite, officier retraité de la Sûreté du Québec et président du conseil d'administration du CSSS du Haut-St-Maurice; ainsi que Mme Diane Lavallée, directrice générale de l'AQESSS. Pour ma part, mon nom est Michel Gervais. Je suis président de l'AQESSS.

Des administrateurs représentant les quelque 3 000 bénévoles formant les conseils d'administration de 125 établissements que nous représentons nous accompagnent également aujourd'hui. Issus de milieux divers et reconnus par leurs pairs pour leurs compétences, ces gens ont contribué au dynamisme et à l'innovation du réseau. Ils se sont faits les promoteurs de la responsabilité populationnelle et les interprètes des besoins et des réalités en santé et services sociaux de leur territoire partout au Québec. Nous sommes fiers de représenter ces gens de passion et de conviction qui, en dépit de leurs engagements professionnels, consacrent bénévolement temps et énergies au réseau public de santé, des gens qui ont participé au redressement de 850 millions de dollars effectué dans le réseau ces quatre dernières années en maintenant des services de qualité à la population. Il y a là, M. le Président, de l'efficience dont nous avons raison d'être fiers.

• (10 h 10) •

Comme nous, ces gens croient que des améliorations sont possibles. D'ailleurs, de nombreuses initiatives ont cours, dans toutes les régions, pour des mises en commun de services, des fusions, l'élaboration de couloirs de services plus fluides et une meilleure intégration des services. Je remercie ces artisans et administrateurs bénévoles d'être avec nous aujourd'hui et je vous remercie en leur nom de nous permettre de nous exprimer sur le projet de loi n° 10.

Je n'utiliserai pas le précieux temps qui nous est imparti pour vous présenter notre association que vous connaissez sans doute déjà très bien, sauf peut-être pour vous dire que nous représentons, encore une fois, 125 établissements, que nous avons une longue et valeureuse tradition de représentation reconnue auprès de l'Assemblée nationale et du gouvernement, que notre intervention d'aujourd'hui se veut tout aussi constructive que toutes celles que nous avons faites dans le passé et qu'elle se fait dans le plus grand respect des prérogatives et des responsabilités qui sont les vôtres comme législateurs et comme gestionnaires de la chose publique.

D'entrée de jeu, je dirai que le système de santé et de services sociaux québécois n'appartient ni au ministre, ni aux fonctionnaires, ni aux gestionnaires, ni au personnel des établissements, ni même au gouvernement; il appartient à la population du Québec. Toute transformation ou réforme devrait donc viser l'amélioration des services offerts aux patients, aux usagers, aux citoyens. À cet égard, comment ne pas souscrire aux objectifs d'accès, de qualité et de sécurité des soins, d'efficience et d'efficacité énoncés dans le préambule du projet de loi? Le malheur, c'est qu'en toute bonne foi, comme la plupart de ceux qui ont analysé ce projet, nous n'arrivons pas à percevoir de liens entre les objectifs énoncés et le projet de loi lui-même. Pire encore, selon pratiquement tous les experts qui se sont prononcés sur cette question, le projet de loi va à l'encontre de ces objectifs prétendus non sequitur.

Selon nous, le projet de loi actuel souffre de lacunes majeures :

Premièrement, absence d'une vision d'ensemble qui donnerait sens à ce projet de loi puisque le ministre est le seul à connaître les diverses transformations auxquelles il entend convier le réseau;

Deuxièmement, concentration excessive des pouvoirs entre les mains d'un seul homme, le ministre, qui va gérer 50 % du budget de l'État et désigner tous les dirigeants du système sans même devoir se référer au Conseil des ministres pour quoi que ce soit;

Troisièmement, danger extrême de politisation liée à pareille concentration;

Quatrièmement, déficit majeur de représentation citoyenne;

Cinquièmement, mise à risque des acquis majeurs de la réforme précédente dont on n'a pas encore récolté tous les fruits, mais qui sont néanmoins considérables, notamment en ce qui a trait à la mise en place de réseaux locaux de services;

Sixièmement, absence des conditions gagnantes pour toute réforme majeure en santé, soit une véritable informatisation du réseau axée sur le suivi des patients, un authentique partenariat médicoadministratif, un financement axé sur les patients, une rémunération médicale favorisant la pertinence d'efficacité, la qualité et la performance, une évaluation rétrospective avec des indicateurs clairs de résultats;

Finalement, et surtout peut-être, une mobilisation des administrateurs, des gestionnaires et des employés qui, ultimement, en définitive, qu'on le veuille ou non, seront la clé du succès ou de l'échec de cette importante entreprise.

Considérant toutes ces lacunes, l'AQESSS estime qu'à défaut de changements majeurs le projet de loi actuel est inacceptable et qu'il risque d'entraîner dans son sillon plus de problèmes qu'il n'en réglera.

Ce n'est pas de gaieté de coeur que nous critiquons aussi sévèrement ce projet de loi. En ces temps difficiles pour les finances publiques, alors que la santé et les services sociaux accaparent près de 50 % des dépenses de l'État et alors que nous sommes collectivement conviés à d'importantes remises en question, l'AQESSS aurait préféré être en mesure de soutenir d'emblée un projet de loi aussi important. Malheureusement, cela ne lui est pas possible.

Le discours du ministre de la Santé et des Services sociaux en rapport avec son projet de loi a été interprété par plusieurs comme chargé de promesses au regard de la diminution de la bureaucratie, du transfert de ressources vers les soins aux patients et de l'allégement des structures. Ces promesses se traduisent en attentes chez nos concitoyens et nos concitoyennes.

Dans un sondage réalisé en octobre dernier, 65 % des répondants ont en effet affirmés nourrir de grandes attentes à l'égard de la réforme annoncée, notamment en ce qui a trait à l'accès à des soins et des services de qualité au bon moment et au bon endroit. Dans un tel contexte, pouvons-nous réellement décevoir la population sans mettre en péril la survie même du système public de santé et de services sociaux? Nous croyons que non.

Et ce n'est pas la référence à des systèmes de santé efficaces et reconnus aux États-Unis comme Kaiser Permanente ou Cleveland Clinic, évoqués par le ministre, qui a de quoi nous rassurer. Aucune des conditions essentielles à la réussite de pareils modèles n'est en effet présente au Québec actuellement. Nous ne sommes pas les premiers à souligner cet état de fait devant la commission. Plusieurs l'ont fait avant nous avec force et conviction. Nous partageons leur lecture, mais nous avons fait le choix aujourd'hui de nous concentrer sur le projet de loi et les modifications à lui apporter. Les nombreuses recommandations avancées — je crois que nous en avons 30 ou 33 — dans notre mémoire en témoignent. Chacune d'elle a pour but ultime d'améliorer la qualité des soins et des services offerts aux patients. La part la plus importante s'attarde évidemment à la gouvernance comme levier d'action au service des besoins de la population et des communautés locales ainsi qu'au fonctionnement et à la gestion des établissements. C'est là où, en toute déférence, le projet de loi nous est apparu le plus perfectible.

En termes clairs, nous recommandons une révision complète des articles en lien avec la composition, le mandat et la qualification des membres du conseil d'administration. La raison en est simple : une gouvernance de qualité est une gouvernance de proximité où le leadership des administrateurs peut s'exercer à l'abri, autant que possible, des pressions politiques. Or, les propositions avancées par le gouvernement vont à l'encontre des pratiques de saines gouvernances universellement reconnues et soutenues d'ailleurs par l'État du Québec, notamment dans le cadre de sa Loi sur la gouvernance des sociétés d'État. Le fonctionnement et les pouvoirs dévolus au conseil d'administration posent également problème. S'il était adopté tel quel, le projet de loi dépouillerait les administrateurs de tout pouvoir réel au profit d'un simple rôle d'exécutants, sinon même de figurants.

Que le ministre nomme les membres du conseil d'administration, y compris les membres dits indépendants, nomme le représentant des usagers, adapte le plan d'organisation des établissements et détermine leur plan stratégique nous paraît excessif et laisse peu de marge pour l'adaptation aux besoins spécifiques des régions.

Finalement — et c'est là probablement le point le plus important de notre plaidoyer — nous jugeons que le modèle de fonctionnement et de gestion des établissements proposé n'a pas d'ancrage dans les communautés locales, là où sont les gens, là où nous pouvons travailler avec eux à l'amélioration du réseau.

Depuis 2005, partout au Québec, des réseaux locaux de services se sont mis en place et ont permis qu'émergent des initiatives novatrices qui ont contribué à améliorer la qualité des soins et des services offerts, mais aussi très souvent l'accès à ces mêmes services. Or, en concentrant dans les mains du ministre la majeure partie des pouvoirs au détriment des conseils d'administration, le projet de loi risque de mettre à mal ces réalisations et de limiter la portée et le transfert de ces histoires à succès.

M. le Président, on ne construit pas sur des ruines. Nous convions donc le législateur à revoir les rôles et responsabilités dévolus aux établissements et au ministère dans ce projet de loi de façon à permettre la préservation de l'esprit de la réforme de 2005 portée par l'actuel premier ministre. Cette réforme, faut-il le rappeler, fait encore aujourd'hui unanimité dans le réseau.

Le dialogue est ouvert, et nous aimerions entendre le point de vue du ministre de la Santé et des Services sociaux et des membres de cette commission sur les recommandations que nous avançons, particulièrement, évidemment, en matière de gouvernance et de fonctionnement des établissements. Les enjeux en cause sont tels qu'il est, à notre avis, de notre devoir à tous d'agir avec pondération en évaluant toutes les options. Il y va de l'avenir de notre système de santé.

M. le Président, messieurs mesdames les membres de la commission, merci de votre attention, et c'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. Gervais. Comme vous l'avez bien mentionné, le dialogue est ouvert, alors ouvrons le dialogue, et je cède, d'entrée de jeu, la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux pour un bloc de 21 minutes.

• (10 h 20) •

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, M. Gervais, Mme Lavallée, Mme Décary, M. Fraser, bienvenue.

On arrive presque à la fin des audiences en commission parlementaire. J'ai quasiment envie de dire qu'il était temps que vous arriviez pour que vous puissiez vous exprimer. Et là j'imagine qu'aujourd'hui, et j'en suis content, vous ne nous avez pas reproché de ne pas vous avoir laissé suffisamment de temps. Et donc vous avez manifestement réfléchi et vous nous faites part de vos commentaires, et que je reçois, à la limite, très favorablement, là, parce qu'il y a des éléments là-dedans avec lesquels, évidemment, on est d'accord, mais pas tous. Puis, puisque vous nous demandez de répondre à vos commentaires, je vais le faire. J'ai pris quelques notes et je vais essayer d'être aussi systématique que vous, M. Gervais.

Alors, d'entrée de jeu, je rappellerai, et vous n'y avez pas fait référence dans votre présentation, qu'à la case départ vous-mêmes, à l'AQESSS, vous étiez favorables au regroupement qu'essentiellement nous proposons. La mécanique des regroupements était une chose qui était promue au sein de votre organisation depuis au moins un an. Et, à cet égard, je comprends que vous ne nous critiquiez pas sur les fusions comme telles, puisque vous les aviez mises vous-même de l'avant.

Je retiens également de votre commentaire, M. Gervais, et ce commentaire-là est très important, le vôtre, vous parlez du discours qui est interprété, et c'est essentiellement le problème de la situation actuelle du projet de loi, il y a des interprétations qui circulent, et c'est normal. Et, s'il n'y avait pas d'interprétation, on serait dans une société essentiellement robotisée et on ne pourrait pas fonctionner comme on fonctionne aujourd'hui. Et ces interprétations-là doivent être faites, évidemment, en ce qui me concerne, sur, à la fois, les faits qui existent, d'une part, et aussi sur le discours et les commentaires et explications, malgré tout, qui sont donnés en l'occurrence par moi dans les différentes commissions parlementaires.

Alors, je comprends que votre commentaire global soit basé, évidemment, sur un certain nombre d'interprétations que je comprends. Et je vais, évidemment, y répondre une par une, en commençant par vous donner tout à fait raison sur le fait que la population s'attend à avoir des résultats, et la population s'attend certainement à ce qu'il se passe quelque chose. Vous faisiez référence vous-même à l'attente des citoyens. Vous avez parfaitement raison, je suis d'accord avec vous. Et j'irais même jusqu'à dire que les citoyens non seulement ont des attentes, mais ça fait longtemps qu'ils attendent et qu'ils attendent qu'il y ait un résultat en quelque part. Et le projet de loi n° 10 suscite des attentes dans la population, vous avez raison, et vous dites qu'il ne faut pas les décevoir, vous avez raison, il ne faut pas les décevoir. Mais je vous dirai exactement ce que j'ai dit à tout le monde à date : Ça fait un certain nombre d'années, là, qu'on est dans notre système, et que les attentes ne sont pas rencontrées par rapport aux demandes des citoyens, et, à un moment donné, il faut faire quelque chose, et là c'est là où on s'en va.

Maintenant, je vais aller un petit peu plus dans le détail des critiques que vous nous faites. Je vais commencer par la première, qui est la plus importante. C'est la plus importante. Alors, vous nous reprochez, avec une certaine justesse, mais pas complètement, parce que vous ne prenez pas en considération ce que j'ai dit depuis le jour 1 : Cette loi est une loi de transition, la LSSS sera réécrite... Et le mode de gouvernance que vous décrivez relativement négativement sur la base du fait qu'il y ait un certain nombre de pouvoirs qui sont dans les mains du ministre, c'est temporaire, et je l'ai dit publiquement ; cette loi-là ne peut pas être léguée, c'est une loi de transition, c'est une loi de démarrage.

Et, quand vous dites que ça ne respecte aucune règle de gouvernance, bien, je vous rappellerai que l'IGOPP, qui est quand même un institut qui a un niveau de respectabilité élevé au Québec, est venu ici, en commission parlementaire, nous dire qu'il était recevable d'avoir, pour le démarrage, un tel mode de fonctionnement, dans la mesure où il est suivi d'un mode, entre guillemets, plus standard de fonctionnement, et c'est ce qui se passera, et je l'ai dit jour 1.

Alors, arriver aujourd'hui et de dire que le projet de loi est inacceptable — c'est le mot que vous avez utilisé — entre autres, sur la base de la gouvernance, moi, j'ai des gens ici qui ont une expertise en gouvernance bien plus grande que la mienne et qui nous disent que, oui, c'est recevable dans cette circonstance spécifique, dans la mesure où, par la suite, ce processus de nomination là soit normalisé, on va le dire comme ça. Alors, c'est ça, ma réponse à votre commentaire sur la gouvernance, comme ma réponse pour ce qui est de la gouvernance en ce qui a trait à l'autonomie et à un certain nombre d'éléments opérationnels sur le terrain est que le ministère, dans ce projet de loi, va mettre en place un système qui sera le plus régionalisé qu'on n'aura jamais fait. Je considère, comme je l'ai dit, qu'on ne peut pas aujourd'hui aller dans une régionalisation complète qui irait vers la négociation locale des ententes avec tout le personnel ainsi que la taxation et la levée de fonds, je ne pense pas que le Québec soit capable de faire ça.

Puis, en fait, ce n'est pas une question d'être capable, je ne pense pas que ce soit souhaitable. Mais je pense qu'il est souhaitable que le gouvernement soit un donneur d'ouvrage et qu'une entité qui sera la CISSS, ou un CHU, ou un institut ait dans son mandat de livrer certaines marchandises, certains services dans un mode de gestion le plus performant possible. Et ça, je pense que vous êtes d'accord avec ça parce que, dans le passé, vous avez réclamé ce genre de fonctionnement là. Alors, ce n'est pas parce que la loi est transitoire que ça disqualifie l'ensemble du projet, au contraire.

Maintenant, pour ce qui est des éléments plus spécifiques, vous avez fait référence à un certain nombre de choses qui ne peuvent pas être dans le projet de loi, et je vais commencer par faire une introduction à ce commentaire. Vous dites qu'on ne peut pas reproduire, au Québec, Kaiser Permanente et Cleveland Clinic. Vous avez bien raison. Je n'ai jamais dit ça. J'ai dit qu'on s'inspirait de, je n'ai pas dit qu'on transposait. Nous ne sommes pas évidemment dans le même mode de fonctionnement et nous n'avons pas la même relation de gestion managériale entre, par exemple, les médecins ni le personnel que l'on a dans ces organisations-là. Par contre, ça n'exclut pas la possibilité de s'inspirer d'eux.

Alors, j'ai répondu à la question de la concentration des pouvoirs au ministre. Par le fait même, je réponds à votre commentaire sur la politisation qui ne sera pas là pour une raison qui est bien simple, là : ce n'est pas dans mon intérêt de faire des nominations politiques, alors qu'il est dans mon intérêt suprême, parce que mon intérêt est celui de la population, de nommer des gens compétents, idéalement qui viennent du milieu et qui seront là pour la suite. Parce qu'ici le projet de loi, ce n'est pas un projet de loi pour faire plaisir au ministre et à ses collègues, c'est un projet de loi qui vise à améliorer la situation de la population.

Vous dites qu'on pourrait mettre à risque les acquis des RLS et des CSSS. M. Gervais, là, je l'ai dit à plusieurs reprises dans ces commissions parlementaires là, le projet de loi n° 10 vise à intégrer ce qui est intégré déjà. Parce que vous savez très bien que, dans le réseau actuel, ce qui n'est pas intégré est à l'échelle supérieure de la hiérarchie des institutions, vous le savez, et que, dans les institutions, ce qui n'est pas intégré est une partie du personnel qui est le corps médical. Vous savez ça. Or, ce qu'on a besoin pour réussir à arriver... on va dire le nirvana de la gestion de notre système de santé, c'est de mettre en place une structure, un squelette législatif qui permette de venir s'y greffer les éléments qui manquent. Et, parmi les éléments qui manquent, il y a l'intégration de certains niveaux d'hôpitaux, notamment les hôpitaux affiliés universitaires, notamment certains hôpitaux régionaux. Et ça, ce n'est pas fait et ça se fera.

Vous avez parlé de... comme condition, d'avoir des systèmes d'information appropriés. On est d'accord. Ce n'est pas dans ce projet de loi, mais, dans le budget de cette année, vous savez très bien parce que vous regardez ces budgets-là, on a 85 millions de dollars d'investis conjointement avec le ministère des Finances pour mettre à niveau notre système informatique de comptabilité parce qu'on sait tous, vous et moi, qu'on ne pourra pas faire de financement à l'activité sans avoir des bases d'information adéquates.

Vous avez fait référence au médicoadministratif, et à l'implication des médecins, et à des indicateurs. Les médecins ont déjà, dans leur nomenclature, une rémunération prévue pour le médicoadministratif, et la personne qui l'a négocié avec comme finalité un jour de les mettre dans une circonstance où l'implication en gestion soit incontournable, c'est moi. C'est déjà là. Alors, il reste à intégrer ça, et, pour intégrer ça, il faut une structure qui le permette. C'est ce que vous voulez, c'est ce que je veux.

Vous voulez avoir une mobilisation du personnel d'encadrement; vous avez raison. Je suis d'accord. Encore faut-il que le message qui est véhiculé, M. Gervais, soit le plus près de la réalité de ce qui est dit. Quand même, là, actuellement, on... puis l'opposition le fait allégrement. Alors, aujourd'hui, on est dans une espèce de campagne de déformation de ce qui est présenté. Or, la commission parlementaire sert normalement à rectifier ces commentaires-là, et j'ose espérer qu'à un moment donné les gens s'en rendront compte. Mais on est déterminés à aller jusqu'au bout. Mais, quand on regarde tout ça, tout ce que je viens de vous dire, tous les éléments que je viens de vous dire qui ne peuvent pas être dans le projet de loi, mais qui doivent s'intégrer, habiller le projet de loi, je vous pose la question : Sachant tout ça, M. Gervais, vous ne trouvez pas qu'essentiellement on va dans la direction que vous-même, à l'AQESSS, aviez préconisée d'aller dans la dernière année?

• (10 h 30) •

M. Gervais (Michel) : M. le Président, la réponse est non. Et vous avez parlé d'interprétation, je ne fais pas d'interprétation quand je lis, à l'article 6, par exemple : «Un établissement régional succède de plein droit et sans aucune autre formalité aux établissements publics...» C'est l'abolition des entités corporatives que sont les entités publiques, sauf exception. Quand je lis, à l'article 34, qu'il faut remplacer... «Pour l'application de cette loi, une référence à un réseau local de services de santé et de services sociaux ou à son territoire est une référence à un réseau régional de services...» Si ce n'est pas l'abolition... enfin, le retrait de la loi des réseaux locaux de services tels qu'on les a connus et tels qu'ils sont une des plus grandes réussites de la dernière réforme, je ne dois pas savoir lire. Ce n'est pas de l'interprétation. Nous, on s'en est tenus au texte.

Et, justement, ce projet de loi, vous nous dites un paquet de choses qui peuvent être extraordinaires : On s'en va vers le modèle de Kaiser Permanente, il va y avoir une implication des médecins dans la gestion. On le souhaite ardemment. On est même... À l'AQESSS, on a même travaillé là-dessus de façon très sérieuse, et il y a beaucoup d'établissements qui ont fait des... Moi-même, en tout cas, quand j'ai dirigé un établissement, j'ai fait le plus possible pour intégrer les médecins dans la gestion parce qu'autrement ça ne peut pas marcher. Tout ça, c'est bien beau, mais c'est un acte de foi auquel vous nous conviez, et sans grand motif de crédibilité, dois-je le dire. Parce qu'on ne le sait pas, nous. Ce qui est dans le projet de loi, c'est ça, mais l'histoire du financement à l'activité, ce n'est pas là, la gestion clinicoadministrative, ce n'est pas là. Il n'y a rien de ce que vous annoncez qui est là. Et la dernière chose qui n'est pas là, c'est le caractère temporaire de la loi. Vous nous le dites, mais ce n'est pas là. Il n'y a pas de date de péremption dans ce projet de loi là. Vous vous accordez tous les pouvoirs. Écoutez, vous nommez tout le monde, et même, mieux que ça, le conseil d'administration d'un établissement régional ne peut pas créer de conseil consultatif sans que vous en déterminiez la pertinence de ça, que vous en déterminiez les membres et même les matières à l'ordre du jour. Alors, je veux dire, là...

Autrement dit, c'est un chèque un blanc que vous nous demandez de signer. Vous nous dites : Êtes-vous prêts à acheter une maison? Laissez-moi faire, je vais vous la bâtir, la maison, voici comme elle sera, etc., mais laissez-moi le pouvoir de créer la maison, faites-moi confiance. Écoutez, je pense que vous nous en demandez pas mal.

M. Barrette : Je vais continuer à vous en demander. Puis je vais faire le même commentaire que j'ai fait il y a quelques instants, M. Gervais. Alors, vous, vous prenez la position opposée à la mienne : vous décidez que ça va aller mal. Alors, je peux vous...

M. Gervais (Michel) : Ce n'est pas ça que j'ai dit du tout!

M. Barrette : Bien oui! Alors, dites-moi, par exemple, M. Gervais, dites-moi, là, quel serait l'intérêt d'un CISSS de défaire ce qui a été acquis dans les RLS? Dites-moi, là, où un CISSS... vous y trouvez son intérêt?

M. Gervais (Michel) : Il n'a aucun intérêt à défaire ce qui existe.

M. Barrette : Bon.

M. Gervais (Michel) : Mais il n'y a rien qui le contraint.

M. Barrette : Bien oui!

M. Gervais (Michel) : Et, pour notre part, dans les propositions que nous vous faisons, il y a plein de choses qui sont proposées là qui nous apparaissent plus ou moins pertinentes, et cependant nous demandons que chaque CISSS soit obligé de mettre en place un comité où il y aurait des représentants de ses réseaux locaux. Voilà une proposition constructive où on veut s'assurer que les réseaux locaux sont maintenus. Tandis qu'ici, dans la loi, ce que vous nous dites, c'est que les réseaux locaux, partout où il est question des réseaux locaux, on remplace ça par «réseau régional».

M. Barrette : Ce que je vous dis, c'est que — et je vais répéter mon expression, là — les CISSS auront comme mandat d'intégrer ce qui n'est pas intégré, pas défaire ce qui a été fait pour l'intégrer dans quelque chose de neuf. Je l'ai dit à plusieurs reprises, c'est une question d'orientation ministérielle. Ce que vous voudriez, vous, c'est que j'aie un projet de loi aujourd'hui qui détaille le mode opérationnel de tout, partout, à l'adoption du projet de loi. Vous savez bien que ça ne se fait pas. Vous me dites qu'il faut faire un acte de foi. Bien, c'est parce que, dans les... C'est comme le projet de loi Mourir dans la dignité, là : il y a l'acte de foi, à quelque part, qu'on va faire fonctionner ça comme il faut, là. On n'a pas déterminé, dans ce projet de loi là, exactement comment, dans tel hôpital, à telle heure, il va se passer telle chose. Le projet de loi ne fait pas ça.

M. Gervais (Michel) : Non, mais vous vous proposez de le faire.

M. Barrette : Vous me dites, M. Gervais... M. Gervais, vous me dites que le financement à l'activité n'est pas écrit dans le projet de loi. C'est un engagement électoral qui a été écrit dans le budget. Il est là.

M. Gervais (Michel) : Soit dit en passant, on est complètement d'accord avec vous sur le financement à l'activité.

M. Barrette : Bon!

M. Gervais (Michel) : C'est nous-mêmes qui l'avons initialement proposé, et c'est pour ça que ça se retrouve dans les politiques gouvernementales. Je pourrais vous retracer le cheminement en détail de ça. Et on n'est pas contre ça, sauf que le projet de loi n'en parle pas. Mais vous avez raison, il en est question ailleurs. Et d'ailleurs on avait eu à ce moment-là une écoute très attentive du ministère des Finances, pas une oreille aussi attentive, à l'époque, du ministère de la Santé. Mais c'est aujourd'hui dans les politiques gouvernementales, et on s'en réjouit, avec évidemment toutes les modalités d'application que vous savez. On n'appliquera pas ça de façon bête et méchante. Mais ce que je dis, c'est qu'on est obligé de juger le projet de loi pour ce qu'il est et qu'il est possible de faire ces regroupements, de faire les CISSS, etc., mais d'une façon qui soit plus respectueuse de l'acquis et d'une façon qui soit moins dirigiste.

Vous savez, il y a plus de 3 000 personnes qui agissent dans le réseau, et actuellement, la décision que vous prenez... parce qu'encore là, quand je regarde le projet de loi, il est dit clairement que les gens reçoivent leur bleu. À telle date, là, vous n'êtes plus rien. Il y a 3 000 personnes qui sont comme ça, et on va les remplacer par des personnes nommées par vous.

Ce qu'on dit, nous, d'abord ces nominations-là... écoutez, on parle de gens qui vont gérer 17 milliards de dollars, soit 25 % du budget de l'État québécois. Il y a des sociétés d'État qui ont des pas mal plus petits budgets que ça. Rien que la Montérégie, il y a plus d'employés dans le secteur de la santé de la Montérégie qu'il y en a à Hydro-Québec, pour faire image, là. On va gérer... Et les nominations seraient faites par le ministre plutôt que par le Conseil des ministres, alors que c'est la pratique courante.

Nous, ce qu'on propose, c'est qu'à partir des structures existantes on vous fasse un pool de gens que vous pourriez... entre lesquels vous pourriez choisir pour faire des recommandations au gouvernement. Il y aurait une sorte de continuité entre ce que les gens font présentement de manière, je pense, compétente, et en général très compétente et dévouée... Et on en a des exemples ici, avec nous, aussi bien à la table que derrière nous. On souhaite qu'il y ait une continuité, d'une part, au niveau régional, parce que ces gens-là pourraient se faire représenter en quelque sorte par des gens que vous nommeriez, et, d'autre part, au niveau local, dans les comités de... pour garder vivants les réseaux locaux de services. C'est ça qu'on suggère.

Là, ce que vous dites, c'est : Si je les nomme, dans le fond, ça va être des gens compétents.

M. Barrette : Alors, M. Gervais, là, je vous... Bien là, je ne vous interromps pas, là, vous avez fini, là, mais j'allais quasiment vous interrompre, mais manifestement, dans votre structure qui est l'AQESSS, qui est l'association des hôpitaux et qui réunit les directions d'hôpitaux, manifestement la communication n'est pas idéale. Il y a trois semaines, j'ai fait le tour du Québec. J'ai rencontré les directeurs généraux de toutes les institutions qui étaient disponibles, c'est à peu près tout le monde, partout sur le territoire, et je leur ai dit la chose suivante : Les premiers appelés aux postes de direction et du conseil d'administration sont vous-mêmes, ce qui est prévu, vous-mêmes, votre gang.

Maintenant, ce que vous me demandez, ce que j'ai dit, et c'est écrit dans le projet de loi, je vais demander à un comité d'experts, qui n'est pas moi-même, pour la neutralité, de faire une sélection des gens les plus compétents sur la base de la gestion et de la compétence en termes de connaissance du système de santé pour me faire une présélection, et là, oui, je vais choisir.

En passant, ça ressemble à ce qui se passe aujourd'hui. Mais je l'ai dit à tout le monde, c'est la phrase que j'ai utilisée, et moi, M. Gervais, là, quand j'ai une opération de relations publiques à faire, j'ai la qualité de toujours utiliser la même phrase pour ne pas avoir de problème d'interprétation. Je leur ai tous dit ceci : Vous avez le choix, par votre expertise, de continuer à participer à cette transformation-là ou de faire autre chose, mais chacun d'entre vous a le potentiel d'occuper tous les postes qui sont dans le projet de loi. Ça, c'est ma réponse à la critique que vous venez de faire.

M. Gervais (Michel) : Sauf que...

M. Barrette : Alors, moi, ce que je comprends de votre commentaire, M. Gervais, c'est que, si vos conditions étaient là, je comprends, dans votre dernier commentaire, l'avant-dernier... mais vous trouviez que le projet de loi a une finalité correcte.

Le Président (M. Tanguay) : ...45 secondes.

M. Gervais (Michel) : 45 secondes? Je vais vous dire, premièrement, que, dans votre tournée, à la différence de la nôtre, vous n'avez pas rencontré les présidents, vous n'avez rencontré que les directeurs généraux, qui avaient évidemment... qui ont évidemment un devoir de réserve et de loyauté. Mais, pour la compétence des membres du conseil, je vais laisser Mme Décary dire un mot là-dessus, si vous le voulez bien.

Mme Décary (Francine) : Je suis membre du conseil d'administration. Je suis la présidente de l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal. Je suis aussi administratrice de sociétés, et je crois qu'une des choses qui ont été les plus difficiles à recevoir, ça a été le fait qu'on ait été, moi et mes collègues présidents et présidentes, on a littéralement été traités d'incompétents, et ceci est très difficile à recevoir. Lorsqu'on a des bénévoles, en général, on leur fait une reconnaissance, et c'est une reconnaissance positive. Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, Mme Décary. Je dois maintenant céder la parole à notre collègue députée de Taillon pour un bloc de 12 min 30.

• (10 h 40) •

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue, messieurs et mesdames de l'AQESSS, donc, M. Fraser, Mme Lavallée, M. Gervais, président, et Mme Décarie.

Écoutez, on entend quand même des choses qui sont... qui reviennent régulièrement, et vous êtes, dans le fond, le porte-parole de messages qui ont été ramenés par plusieurs personnes. Effectivement, le caractère transitoire dont le ministre nous parle n'apparaît nulle part dans le projet de loi. Il reste du temps pour des amendements; on compte bien qu'il va les entendre et l'inscrire clairement, noir sur blanc, ce qui apporterait certaines rassurances. Il reste qu'au niveau du titre du projet de loi, loi modifiant l'organisation et la gouvernance du réseau et l'abolition des agences régionales, on comprend que, dans ce titre-là, il y a deux dimensions : l'abolition des agences... Et là presque tout le monde qui est venu passer a dit : Abolition des agences pour être remplacée par une autre structure qui sont des méga-agences. Donc, on ne rejoint pas cet objectif-là. Ce qui a été, par contre, vraiment modifié, c'est tout le réseau et la proximité des CSSS avec les gens.

Mais le deuxième élément, c'est la gouvernance, et la gouvernance, je sais que, pour les gens qui nous écoutent, ce n'est pas clair. La gouvernance, c'est comment on va mieux structurer les choses. Et là il n'y a pas qu'un seul modèle de gouvernance. Et ce qu'on comprend dans ça, c'est qu'on a choisi un modèle de gouvernance qui est très, très simple, un modèle de gouvernance qui pourrait peut-être s'appliquer à une chaîne de restaurants uniformes, comme des McDo, par exemple, qui ont tous à peu près le même magasin, le même type de service. Mais nous, on est dans un système de santé, un réseau de santé qui a donc besoin d'une complexité. Et là il y a des niveaux de gouvernance et des systèmes qui doivent être beaucoup plus complexes et qui doivent tenir compte du fait, par exemple, qu'on n'aura pas tous des choses pareilles, on va avoir des gens en première ligne, des GMF. On va avoir des hôpitaux, des hôpitaux régionaux, des hôpitaux très pointus. On va avoir des services à domicile, des centres jeunesse, des organismes qui défendent la déficience intellectuelle, des organismes communautaires. Et là on ne retrouve pas, dans les 164 articles de loi... vous allez dire : Il y en 165, oui, il y en a un premier qui nous fait une promesse, et, les 164 autres, on ne trouve rien qui est attaché avec la promesse de l'article 1. Et, moi, c'est ce que je décode dans le message qui nous est rapporté ici sur une base régulière.

Alors, l'AQESSS est une association qui a l'avantage, je trouve, d'apporter énormément de données. Vous avez cette qualité de faire des analyses de ce qui se passe dans les établissements de santé, dans tous les hôpitaux et les établissements de santé, et de nous apporter des données précises. Est-ce que vous avez été consultés par le ministre avant le projet de loi, avant le dépôt du projet de loi?

Mme Lavallée (Diane) : Bien, non, on n'a pas été consultés par le ministre avant le projet de loi. On me dit que la tradition était qu'il y avait, sans que ça soit des consultations officielles, des comités de travail ou des rencontres avec le ministre. Ça a été le cas pour la loi no 33, la loi no 127, avant qu'elles soient déposées. La tradition était aussi qu'on rencontrait le ministre, l'AQESSS, au moins aux deux mois, de façon régulière, pour toutes sortes de raisons. Ça n'a pas été le cas depuis l'entrée en fonction du nouveau gouvernement. Mais pour ce projet...

Mme Lamarre : Donc, depuis sept mois, il n'y a... Vous avez eu combien de rencontres avec le ministre depuis sept mois?

Mme Lavallée (Diane) : On a eu deux rencontres avec le ministre... Bien, en fait, une où il est venu au congrès de l'AQESSS; ensuite, une rencontre de travail pour le rapport Robillard sur les recommandations qu'on a pu faire. Le ministre a fait la consultation des directeurs des associations et une rencontre avec M. Coiteux, et M. Barrette était là pour nous parler de l'état des finances publiques à la veille des prochaines négociations, comme étant une association patronale. Donc, ça a été des échanges d'information.

Mme Lamarre : Mais pas sur le projet de loi n° 10.

Mme Lavallée (Diane) : Non.

Mme Lamarre : Maintenant, dans votre mémoire, vous faites référence, et on l'a eu aussi du côté de Mme Saint-Germain, Protecteur du citoyen, sur un plan de transition, et vous, vous évoquez des C.A. de transition. Pouvez-vous nous parler un petit peu plus de la valeur ajoutée : Qu'est-ce que ça nous éviterait et qu'est-ce que ça aurait de positif? Dans votre mémoire, vous faites référence à ça.

Mme Lavallée (Diane) : Bien, nous, on pense que ça permettrait d'assurer une certaine continuité d'expertise et de faire en sorte qu'on continue à avoir les préoccupations régionales et territoriales par des gens qui, depuis plusieurs années, gèrent, dans leurs territoires, les problématiques en santé et offrent les services pour répondre aux besoins de la population. Donc, ce qu'on propose, c'est que les membres de C.A. actuels puissent proposer au ministre, pour recommander au Conseil des ministres l'adoption, au moins trois noms de personnes par poste à combler au sein du conseil d'administration et, donc, dans un objectif d'assurer une certaine continuité, de ne pas déstabiliser tout le réseau avec de nombreux administrateurs, compétents, on n'en doute pas, qui n'auraient peut-être pas de connaissances aussi fines du réseau et des problématiques régionales que ceux qui sont en place et que nous jugeons, nous, très, très compétents.

Mme Lamarre : Donc, vous voulez éviter qu'il y ait une rupture complète, dans le fond.

Mme Lavallée (Diane) : Tout à fait.

Mme Lamarre : C'est vrai que, quand on pense qu'on va avoir à gérer de très grands territoires, encore plus grands que ce qu'on a actuellement, il faut aussi qu'il reste des gens qui ont quand même conscience des enjeux, de ce qui a été fait, de l'organisation et de ce qui reste à faire. Donc, vous proposez d'avoir au moins trois personnes qui soient déjà des gens qui étaient déjà sur les conseils d'administration pour chaque poste.

Mme Lavallée (Diane) : Pour chacun des postes. On pense que les présidents puis les C.A. actuels pourraient s'entendre pour proposer au ministre, pour chacun des postes à combler dans les CISSS, au moins trois noms par poste à combler, qui seraient des recommandations qui proviennent déjà des territoires actuels, des dirigeants des territoires actuels.

Mme Lamarre : Je voyais... Vous avez des éléments quand même... Vous avez ressorti des éléments positifs à travers tout ça aussi. Vous dites, entre autres, «la présence majoritaire de membres indépendants». Pouvez-vous nous parler un peu de qui vous voyez comme membres indépendants et qui vous n'aimeriez pas voir comme membre indépendant?

Mme Lavallée (Diane) : Bien, nous, on pense que les membres indépendants... le profil des membres devrait être déterminé par le conseil d'administration en fonction des particularités de la région. On pense qu'il y a des profils qui sont intéressants. Il y en a dans le projet de loi, on n'est pas contre, mais il y a des personnes qui peuvent cumuler plusieurs profils aussi. Tu peux avoir un profil d'une personne qui est très... qui excelle en administration ou en droit, mais aussi qui a une fine connaissance des problématiques en santé mentale, en déficience intellectuelle, qui ont des connaissances aussi, terrain, des territoires, aussi. Ça prendrait des gens aussi qui ont une préoccupation, sans doute, des milieux ruraux, des milieux urbains sur un territoire donné, qui ont passablement des besoins différents. Donc, nous, on pense qu'il faut laisser aux conseils d'administration la latitude pour déterminer sur leur territoire le profil des gens qui pourraient être nommés et cooptés comme étant les membres indépendants.

M. Gervais (Michel) : Là-dessus, M. le Président, j'aimerais ajouter un commentaire additionnel. J'ai l'expérience d'avoir participé personnellement, d'avoir présidé un certain nombre de conseils d'administration, une bonne vingtaine. Et la cooptation reste un mode remarquablement efficace pour combler les lacunes dans un conseil d'administration. C'est le conseil d'administration qui est le mieux placé pour déterminer qu'est-ce qui manque dans le conseil.

Cela dit, je crois que le projet de loi devrait comporter des indications générales. Pour le moment, selon moi, elles sont trop précises. Il y a un certain nombre de critères... C'est comme si, chaque personne, chaque bonhomme, chaque bonne femme, il fallait tel profil, tel profil. Le problème avec l'énumération, c'est que vous excluez, à toutes fins pratiques... Exemple, santé mentale n'est pas là; exemple, droit n'est pas là; exemple, communication n'est pas là. Je pense que c'est au conseil de regarder : Bien, on a Mme Unetelle, disons, qui est une avocate qui travaillait déjà dans le conseil de l'institut de santé mentale, bien, elle pourrait combler une des lacunes du conseil, ou M. Untel, etc. Je trouve qu'il y a une approche trop mécanique de ce côté-là, et que, finalement, le conseil est mieux placé pour s'adjoindre des gens pour le compléter.

Mme Lamarre : À l'article 11, on fait référence à des compétences en gouvernance, mais il y a aussi des expertises qui doivent être présentes si on veut bien réussir, alors c'est...

M. Gervais (Michel) : ...demandé ce qu'on ne voudrait pas. Ce que je ne voudrais pas, c'est que ce soit une liste qui est passée au crible d'un parti politique, quel qu'il soit.

Mme Lamarre : Je vous remercie. Je dois quand même revenir sur la comparaison du ministre avec le projet de loi n° 52, Mourir dans la dignité. Ce n'est pas du tout le même contexte. C'était un projet de loi qui s'est échelonné sur une période de quatre ans, qui a fait l'objet de consultations partout à travers la province. On a vraiment été respectueux, travaillé... d'entendre les gens. Et donc le travail s'est fait progressivement, avec rigueur, sur plus d'un an après, au niveau de l'adoption du projet de loi. Et donc on travaille encore pour le mettre en oeuvre. Alors, je pense que l'analogie avec le projet Mourir dans la dignité, là, c'est une insulte envers ce projet-là, parce que c'est un projet qui a été fait avec énormément de respect par rapport à tous les intervenants. On a voulu entendre tout le monde, prendre note et appliquer des choses qui sont... en même temps, qui concernent une seule dimension, alors que, dans le cas de ce projet de loi n° 10, il y a énormément de dimensions qui sont touchées. Ce qu'on veut, donc, on veut un modèle adapté, un modèle qui tienne compte de tous les paramètres, autant en services sociaux qu'en santé.

Le ministre a parlé tantôt un peu du Kaiser Permanente, et, même s'il dit qu'il ne le recommande pas, il s'y réfère quand même souvent. Est-ce que vous avez... Qu'est-ce que c'est, votre vision des différences principales au niveau du Kaiser Permanente et de notre modèle à nous, au Québec? Qu'est-ce qui ferait que ça serait proche ou différent?

• (10 h 50) •

Mme Lavallée (Diane) : Bien, écoutez, on n'est pas des experts du modèle Kaiser Permanente; par contre, plusieurs experts se sont exprimés déjà là-dessus. Ce qu'on sait, c'est que c'est quand même un modèle qui est très bien, qui a des bons résultats aux États-Unis, mais dans un cadre, quand même, législatif très différent. C'est davantage des assureurs privés. Les gens qui acceptent d'aller travailler là le font sur des bases volontaires, en acceptant la vision, la mission de l'établissement. Ce qu'il faut dire aussi, c'est que les médecins qui sont là sont à contrat, à salaire. Ils ont des objectifs de résultats, les primes ou les pénalités leur sont données en fonction des objectifs atteints ou non et des objectifs cliniques et non pas juste un objectif de volume. On sait aussi que ce sont des façons de faire qui axent davantage sur la prévention, la promotion. Les services de première ligne sont coordonnés à l'extérieur des hôpitaux, davantage dans la communauté. Il y a beaucoup de travail interdisciplinaire aussi, et le Kaiser Permanente, ce qu'on nous dit, c'est que ça s'attache davantage aux problématiques de santé et non pas les services sociaux. Donc, c'est quand même différent. Donc, pour s'y rapprocher, ça demanderait sans doute beaucoup d'autres modifications, qui sont peut-être à venir. Ils sont aussi... Ils ont un système d'information, d'informatisation des données-patients assez exemplaire. On est loin de là pour le moment, là, au Québec.

Mme Lamarre : Tout le monde s'entend pour dire que notre système d'information est peut-être la priorité sur laquelle on aurait dû miser avant de faire tous les autres changements.

Je vais laisser la parole à mon collègue de Rosemont.

Le Président (M. Tanguay) : En indiquant qu'il reste 35 secondes.

M. Lisée : 35 secondes. Simplement pour... Vous indiquez dans votre mémoire que la centralisation qui est proposée est une manifestation évidente du manque de confiance du gouvernement à l'égard de la capacité des acteurs locaux à identifier les besoins de santé de leur population et à y répondre.

Alors, vous parlez du fait que ça va être politisé à l'extrême, quoi qu'en dise le ministre. Il dit qu'il n'a pas intérêt à le faire, mais il aura la capacité de le faire. Mais ce n'est pas seulement la désignation des conseils d'administration qui vont subsister, c'est la destruction de tous les conseils d'administration qui n'existeront plus, et donc la perte de la capacité de rétroaction locale et de mobilisation locale.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je dois malheureusement maintenant céder la parole au collègue député de La Peltrie pour un bloc de 8 min 30 s.

M. Caire : Merci, M. le Président. Bonjour à vous quatre. Merci de votre présentation. Vous faites plusieurs recommandations extrêmement intéressantes. Il y en a une qui est un petit peu passée sous le radar puis pour laquelle j'aimerais vous entendre, c'est la recommandation 27 où vous indiquez clairement qu'il n'y a pas d'obligation de réduction de la paperasse qu'on retrouve dans le projet de loi. Alors, l'objectif du projet de loi, c'est l'augmentation de l'efficacité, l'intégration des services et la réduction de la bureaucratie. Et, sur le volet réduction de la bureaucratie, en fait, il y a deux éléments dont je veux discuter avec vous, c'est celui de la réduction de la paperasse et c'est celui de l'intégration du personnel des agences. Donc, peut-être commencer par votre recommandation 27. J'aimerais ça vous entendre là-dessus parce que c'est quelque chose, moi aussi, qui me chicote et qu'on ne retrouve pas dans le projet de loi.

M. Gervais (Michel) : Quand l'AQESSS a discuté avec le gouvernement du Québec et le ministre de la Santé et des Services sociaux de la gouvernance, ça a toujours été dans une perspective de réduire la paperasse, de réduire la bureaucratie. Et il y a eu des travaux très précis de faits dans des domaines bien identifiés qui donnaient des résultats et qui, à ma connaissance, ont cessé, ou enfin, ont ralenti avec le contexte créé par le projet de loi. Mais il y a un effort à faire de ce côté-là, et il y avait beaucoup, beaucoup, beaucoup de redditions de comptes avec beaucoup de redondance. Et l'AQESSS, et des représentants des établissements, et le ministère s'étaient mis à pied d'oeuvre pour essayer de diminuer ça. Je pense qu'il faut encore le faire, et il ne faudrait surtout pas que cette réforme-ci se solde par une augmentation des contrôles et des mesures de ce type-là.

Pour ce qui est du personnel...

M. Caire : Bien, peut-être, étape par étape, M. Gervais, si vous permettez...

M. Gervais (Michel) : Oui, d'accord.

M. Caire : Parce que j'aimerais ça qu'on aille peut-être de façon plus précise. Quand on parle de réduction de la paperasse, c'est un reproche que je faisais au projet de loi. Il n'y avait aucune obligation. Vous en faites mention dans vos recommandations. Vous voyez ça comment? Comment pourrait-on encadrer cette obligation-là? Parce qu'on sait... Je vais prendre un exemple, là, puis on ira sur le personnel un peu plus tard, mais on dit que le ministère ne peut pas absorber plus de 10 % du personnel des agences, donc là il y a comme une limite qui est fixée. Donc, ça se fixe, on peut le faire au sein du projet de loi, quantifier des objectifs. Vous voyez ça comment, vous qui avez à composer avec cette surbureaucratisation-là? Quels objectifs réalistes pourrait-on se fixer, dans le cadre du projet de loi, sur la réduction de la paperasse?

Mme Lavallée (Diane) : Bien, nous, on pense que la meilleure reddition de comptes, c'est d'avoir une reddition de comptes sur des résultats plutôt que d'avoir de nombreux contrôles. Puis on n'est pas contre le fait d'avoir de la reddition de comptes. De gérer 17 milliards des deniers publics, ça prend une reddition de comptes. Mais là ça a l'avantage qu'il n'y aura pas deux paliers auxquels faire la reddition de comptes, mais, s'il y a autant de papier à remplir qu'on en avait, en même temps qu'on veut diminuer le personnel administratif pour le mettre dans du personnel clinique, on n'aura pas rien gagné.

Pour ce qui est de l'intégration, je vous dirais, sur le plan administratif, vous comprendrez que, oui, il y a 10 % du personnel des agences qui devrait aller au ministère, mais il y a un bon 90 % autour qui va être intégré dans les établissements actuels sans budget additionnel pour les intégrer. Et, de façon majoritaire, ces gens-là sont du personnel davantage administratif. Il y a peut-être certains cliniciens qui sont dans des évaluations de programme, mais qui n'ont pas été praticiens depuis longtemps dans leurs différentes disciplines. Ce ne sont pas des gens qui, demain matin, pourront se retrouver dans des services cliniques.

Donc, on vient aussi grossir l'administratif, le volume administratif des établissements actuels. Quand, dans un objectif, la loi prévoit le contraire de diminuer la bureaucratie, nous, on voit une augmentation de la bureaucratie tant au ministère que dans nos établissements. Et d'absorber 80 % du personnel ou 90 % du personnel des agences sans budget additionnel pour les intégrer, bien, il va falloir couper ailleurs. Et comme couper ailleurs... là, on donne majoritairement des services à la population, on ne voudrait pas être obligés de couper les services cliniques pour intégrer du personnel administratif provenant des agences.

M. Caire : ...Mme Lavallée ou M. Gervais, je veux revenir un peu sur la paperasse, parce qu'on a débordé sur le personnel, mais c'est 240 rapports, si ma mémoire est bonne, qui étaient à produire par un CSSS. De votre avis, là, est-ce qu'il y a un chiffre réaliste qu'on pourrait ramener cette surreddition de comptes là? Parce qu'il y en avait qui étaient dus au ministère, il y en a qui étaient dus à l'agence, l'agence n'étant plus là, tout est dû au ministère. Est-ce qu'il y a une opportunité, selon vous, d'en couper un pourcentage non négligeable?

Et je vais faire du pouce sur ce que vous avez dit, parce que vous m'amenez sur un sujet que j'aime beaucoup et que je ne retrouve pas non plus dans le projet de loi, c'est l'évaluation de la performance. Vous dites : On va arrêter de remplir des rapports puis on va évaluer notre efficacité. Dans le fond, c'est ça que vous dites.

Donc, sur la réduction de la paperasse, peut-être, est-ce qu'on peut se fixer des objectifs? Et, sur l'évaluation de la performance, comment on met ça en place? Parce qu'encore là le projet de loi est un peu muet là-dessus.

Mme Lavallée (Diane) : Il faut travailler avec le ministère, moins de redditions de comptes, mais de meilleures redditions de comptes, plus parlantes. Et il y a sûrement des fusions à faire dans de nombreux rapports qu'on fait, et on est tout à fait ouverts, et tous les établissements qui ont cette expérience-là de faire de la reddition de comptes pourraient très bien continuer le travail qui a été fait avec une ouverture qu'on sentait, toujours du ministère, à vouloir réduire. Donc, je pense qu'il y a du travail à faire et «moins» ne veut pas dire «pire», mais ça pourrait être mieux. Et on pense que des objectifs de résultat, c'est ce qui est important.

Et vous savez que les gestionnaires ne sont pas les seuls à être imputables d'un objectif de résultat, d'amélioration des services à la population. Il y a des gens très importants qui sont dans le système, qu'on appelle les médecins, qui, dans un meilleur rapport médicoadministratif, pourraient aussi être impliqués dans la réduction de coûts des établissements sur le plan administratif par une meilleure gestion médecins administrateurs. Parce qu'il y a une donnée... Ce sont deux solitudes : on a les gestionnaires du réseau, puis il y a les médecins qui sont rémunérés par la RAMQ, et il y a peu de convergence dans l'évaluation des objectifs et dans surtout la responsabilisation commune face à des objectifs de réduction de coûts ou d'efficience dans le système. Donc, je pense qu'il y a une lacune là qui serait importante à corriger.

• (11 heures) •

M. Caire : Vous parlez d'évaluation de la performance, on s'entend, vous et moi, que c'est une responsabilité qui échoit au ministère assez clairement, je pense. Et, dans vos recommandations sur la gouvernance, vous dites : Le ministre se donne un pouvoir excessif quant aux nominations : conseil d'administration, P.D.G., P.D.G.A., même les comités consultatifs, éventuellement. J'aurais tendance à être assez d'accord. Par contre, comment faire, pour le ministre, si tant est que la performance n'est pas au rendez-vous? Parce que ça relève quand même de sa responsabilité de s'assurer que le réseau performe, qu'il performe à la hauteur de nos attentes. Comment voyez-vous la capacité du ministre à contraindre les organisations à aller non seulement dans le sens des orientations ministérielles — et vous reconnaissez que c'est, encore là, une prérogative du ministère de donner les orientations — mais aussi de s'assurer que ces orientations-là sont suivies et que la performance est au rendez-vous? Parce que c'est ça, l'objectif de la réforme, là, ce que je comprends, c'est d'avoir une meilleure intégration des services, une meilleure qualité de services, une augmentation de la prestation de services. Donc, comment le ministre peut-il se donner quand même les outils nécessaires pour être capable de s'assurer que les établissements travaillent dans ce sens-là?

M. Gervais (Michel) : Bien, M. le Président, l'entente de gestion qui était prévue avec les établissements prévoyait ce genre de choses, c'est-à-dire qu'on se fixait des objectifs concrets, et, à la fin de l'année, on est censé évaluer comment ça a été. Le problème, c'est que ces ententes de gestion ont beaucoup été dans le passé des ententes «top-down», c'est-à-dire que ce n'étaient pas vraiment des ententes, c'est : Voici ce que vous devez faire : tant d'opérations, tant de ci, tant de ça, dans tel délai, tant de jours à l'urgence, ainsi de suite. Il n'y avait pas vraiment de discussion. Et ça n'a pas été un instrument, selon moi, qui a été très efficace, mais parce qu'il n'a pas été bien utilisé. Il pourrait l'être. Désolé, j'avais...

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, je dois maintenant mettre fin à l'échange et céder la parole à notre collègue députée de Gouin pour trois minutes.

Mme David (Gouin) : Merci, M. le Président. Trois minutes, donc questions rapides et réponses rapides, s'il vous plaît. Deux questions.

La première. Le ministre se dit très inspiré par l'institut de la gouvernance. Cet institut est venu présenter un mémoire dans lequel il qualifie vos conseils d'administration de «bric-à-brac». J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Mme Lavallée (Diane) : Écoutez, nous sommes très surprises et surpris de tels commentaires parce que vous savez que l'IGOPP est l'institution qui donnait de la formation à tous les membres des conseils d'administration au Québec. Donc, ont-ils failli à leur tâche? Et nous, on croit toujours fermement que les présidents et tous les membres des conseils d'administration actuels sont des gens compétents, des gens de coeur très impliqués dans leur communauté puis reconnus comme tels aussi. Donc, on trouve très méprisants ces commentaires de l'IGOPP et surtout très surprenants.

Mme David (Gouin) : Merci. Ma deuxième question, qui va peut-être demander une réponse plus approfondie. Vous avez parlé dans votre mémoire des réseaux locaux de services. Beaucoup de gens ne savent pas exactement ce que c'est. Donc, j'aimerais d'abord que vous l'expliquiez brièvement et que vous disiez pourquoi vous craignez que ça disparaisse, parce que ça me semble intéressant, pour ce que j'en comprends, et là on est vraiment dans la première ligne, dans la proximité. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Lavallée (Diane) : M. Fraser.

M. Fraser (Jacques) : Bien, si on prend les réseaux locaux du Haut-St-Maurice, il y a 64 organismes qui sont partie prenante à la planification stratégique du réseau local de services, qui est conjoint aussi avec la planification stratégique de l'établissement, qui est le centre de santé.

Dans toute la réforme qui nous est proposée, il y a eu trois grandes interrogations qui nous sont sorties.

Comment la nouvelle structure régionale répondra-t-elle à la réalité populationnelle de chaque territoire? Si on prend chez nous, dans le Haut-St-Maurice, dans la cooptation pour la gouvernance, on a mis une personne qui vient de la nation attikamek. On trouvait que c'est important d'avoir cette particularité-là, compte tenu de la complexité de notre territoire. Notre territoire, il débute à Parent et il finit le long de la route 155, tout près de Shawinigan.

On dit aussi : Comment assurer la continuité des réseaux locaux de services de chaque territoire? On conçoit mal que la Basse-Mauricie, qui est Trois-Rivières, qui va accueillir le CISSS, puisse aussi être capable de gérer le réseau local dans le Haut-Saint-Maurice, compte tenu qu'on n'a pas les mêmes besoins, on n'a pas la même population. Donc, pour nous, ça suscite un gros point d'interrogation, la continuité de notre réseau local de services.

Puis aussi on se posait la question : Comment assurer un répondant pour le réseau local en autorité sur le territoire lorsque les D.G. actuels ne seront plus là ou qu'il y aura un changement de fonction à l'intérieur de l'établissement?

Donc, pour nous, c'est les trois grandes questions qu'ont suscitées les réseaux locaux de services. Est-ce que la nouvelle structure va tenir compte de ce qui se vit présentement dans la communauté? Comment la nouvelle structure va assurer la continuité dans les travaux qui sont déjà partis par des planifications stratégiques, puisqu'on sait que les 64 organismes se réunissent à tous les ans pour être capables de faire un semblant de planification et à tous les trois ans pour faire la planification stratégique, et il y a nos tables aussi, nos quatre tables qui se réunissent régulièrement? Comment le CISSS va être capable de mener à bien cette mission?

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. Fraser. Alors, je remercie beaucoup les représentants de l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux. Merci pour votre participation.

J'invite maintenant les représentants de l'Association du Québec pour l'intégration sociale à prendre place et je suspends momentanément nos travaux.

(Suspension de la séance à 11 h 5)

(Reprise à 11 h 8)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons maintenant accueillir les représentants, représentantes de l'Association du Québec pour l'intégration sociale.

Je vous demanderais, dans un premier temps, pour les fins d'enregistrement, de bien vouloir vous présenter. Par la suite, vous disposerez d'une période de 10 minutes pour présenter votre point de vue. S'ensuivra un échange avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous.

Association du Québec pour l'intégration sociale (AQIS)

Mme Babin (Jacqueline) : Merci, M. le Président. Je suis Jacqueline Babin, présidente; et, à mes côtés, M. Roger Duchesneau, vice-président, mais nous sommes avant tout, tous les deux, parents d'enfants différents, Roger, d'une belle jeune fille, Célia, et moi, un jeune homme, Pierre, dont nous sommes très fiers; à ma gauche, notre directrice générale, Mme Diane Milliard; et Susie Navert, conseillère à la promotion et à la défense des droits.

M. le Président, M. le ministre, Mme la ministre déléguée, Mmes, MM. les députés, membres de cette commission, l'Association du Québec pour l'intégration sociale est heureuse d'être entendue en ce lieu pour faire valoir ses commentaires sur le projet de loi n° 10 et vous remercie de l'invitation qui lui a été faite. L'AQIS est un organisme provincial voué à la cause des personnes présentant une déficience intellectuelle et de leur famille, et ce, depuis plus de 60 ans. Elle regroupe au-delà de 80 associations à travers le Québec. Ses membres sont principalement des associations de parents, mais elle compte aussi des comités d'usagers des centres de réadaptation en déficience intellectuelle, les CRDI-TED.

• (11 h 10) •

Dans le préambule du projet de loi, l'objectif avoué est de favoriser et de simplifier l'accès aux services pour la population, de contribuer à l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins et d'accroître l'efficience et l'efficacité de ce réseau. Cet objectif est tout à fait louable, et nous ne pouvons qu'y adhérer. Mais nous croyons que des aménagements peuvent être faits pour qu'il puisse se réaliser et se concrétiser pour toute la population, dont les personnes ayant une déficience intellectuelle et leurs familles.

Dans son discours, le ministre de la Santé et des Services sociaux insiste sur les bénéfices qui découleront du projet de loi pour les patients qu'il veut mettre au coeur du système. Sachant que cette réforme annoncée est administrative et que d'autres projets de loi et règlements suivront, nous devons nous fier à ce moment-ci sur la parole du ministre. En effet, les avantages ne nous apparaissent pas si évidents à première vue, et la dernière réforme, qui avait des prétentions similaires en créant les CSSS, n'a pas eu les effets escomptés; même qu'elle a entraîné pour nos membres des pertes et coupures de services à plusieurs niveaux, et plus particulièrement au niveau des services socioprofessionnels, malgré les promesses du ministre de la Santé de l'époque.

Puisque le projet de loi couvre le domaine de la santé et des services sociaux, nous suggérons que les discours du gouvernement se rapportent à la personne, car le terme «patient» réfère au système de santé et exclut, à notre sens, les personnes qui utilisent le volet services sociaux et celui de l'adaptation-réadaptation, communément appelées «usagers». Cela aurait pour effet de clarifier ses intentions.

Le projet de loi se fait flou sur l'avenir des comités des usagers locaux. Afin que les personnes soient effectivement au coeur du réseau, comme le souhaite le ministre, il nous apparaît essentiel qu'elles puissent recourir à des structures locales dans chaque centre de services ou installation pour qu'elles puissent ensuite alimenter le comité régional des usagers.

Nous demandons donc le maintien des comités des usagers locaux, qui devront alimenter le comité régional. Nous demandons aussi que leur autonomie soit renforcée et qu'on leur donne les moyens et le support nécessaires pour bien accomplir leur mission. Nous appuyons la suggestion de Me Jean-Pierre Ménard à l'effet de leur adjoindre des représentants des organismes de défense des droits de leurs territoires.

En raison d'informations qui nous apparaissent contradictoires entre le discours officiel et les optiques du projet de loi, nous n'avons pas encore saisi la vision globale du projet de loi. À titre d'exemple, comment comprendre qu'on veuille y mettre la personne au centre des décisions si on diminue sa capacité de se représenter, comme le prévoit la composition du conseil d'administration des futurs centres intégrés, les CISSS? Nous croyons que la représentation des personnes qui utilisent les services devrait être augmentée au lieu d'être diminuée. Sinon, par quelle voie le C.A. pourra-t-il prendre des décisions éclairées?

Ainsi, au lieu d'avoir seulement un poste pour le comité des usagers, nous croyons qu'il devrait y avoir minimalement une personne représentant les comités des usagers en santé, une personne représentant les comités des usagers en services sociaux, une personne représentant les personnes ayant des limitations fonctionnelles et aussi une personne représentant les organismes communautaires autonomes. Nous demandons au ministre de laisser le soin aux différentes instances de nommer la personne qu'il juge la plus pertinente pour les représenter au C.A.

Bien que le ministre se soit fait rassurant en commission parlementaire concernant la prestation et les organismes communautaires, nous maintenons nos recommandations 4 et 5 pour l'avenir et lui demandons à s'engager à respecter les missions des organismes communautaires autonomes et à financer non seulement celles qui offrent des services, mais aussi celles qui se concentrent sur la promotion des intérêts de leurs membres et la défense de leurs droits.

Nous demandons aussi au ministre de laisser la liberté aux personnes ayant des limitations fonctionnelles de choisir les instances et les professionnels qui vont leur prodiguer les services pour les aides à la vie quotidienne et domestique, et qu'un de ces choix doit provenir... du réseau qui ont davantage l'expertise pour les soins et qui peuvent assurer une plus grande stabilité du personnel.

Nous demandons aussi qu'au niveau de la santé la population puisse choisir ses services à l'intérieur du réseau public, peu importe la région. Nous prônons également la gratuité des services.

Nous accueillons favorablement l'article 55 du projet de loi, qui prévoit que les sommes dédiées aux programmes-services ne soient pas permutées. À la lumière de la dernière réforme, les services aux personnes ayant une déficience intellectuelle et leur famille ont été sous-financés au profit d'autres clientèles. Nous demandons au ministre de s'assurer qu'une part de sommes allouées au programme-service dans lequel elles s'inscriront leur sera spécifiquement dédiée.

Le projet de loi se fait muet sur le sort des commissaires locaux aux plaintes et à la qualité des services. Qu'en adviendra-t-il? Toujours dans le souci de mettre réellement la personne au coeur du système, nous demandons au ministre de mettre à la disposition des usagers une instance locale aux plaintes et à la qualité des services qui soit totalement indépendante de l'installation qu'elle dessert. De la même manière, les instances régionales responsables de recueillir les plaintes et de voir à la qualité des services ne devraient pas relever du C.A. du CISSS, mais bien du ministre. En outre, elles devront représenter toutes les clientèles.

Par ailleurs, il semble qu'un des effets collatéraux de la réforme sera la disparition des associations d'établissements comme la fédération des CRDI et des instances comme le Service québécois d'expertise en troubles graves du comportement et le Consortium national de recherche sur l'intégration sociale, qui font beaucoup pour la recherche et l'amélioration des services aux personnes ayant une déficience intellectuelle. Nous demandons au ministre de s'assurer d'une continuité pour que se poursuivent et se développent le transfert des connaissances, le partage de l'expertise, le soutien à l'implantation des meilleures pratiques et la standardisation de l'offre de service.

L'année dernière, l'AQIS a participé à d'importants travaux menés par le ministère, soit le bilan de la politique de l'intégration sociale à la participation sociale et les travaux concernant les activités socioprofessionnelles et communautaires. Nous demandons au ministre d'y donner suite, puisqu'ils ont été faits dans l'esprit d'améliorer l'offre de service.

Plus de 10 ans après la dernière réforme, la première ligne n'est toujours pas prête à bien desservir les personnes ayant une déficience intellectuelle et leur famille. Le ministre comprendra donc nos réticences à embrasser l'actuel projet de loi qui ne fait pas la démonstration que les services seront améliorés ni que la déstabilisation du réseau qu'elle entraînera ne se traduira pas à nouveau en coupures de services. Nous croyons que la meilleure façon de ne pas répéter les erreurs passées est de travailler en concertation, de rester près de la population, de bien en saisir les besoins. Il faut aussi rester transparent, faire des suivis fréquents et s'ajuster lorsque nécessaire.

Notre belle société se doit de protéger ses personnes les moins bien nanties. Elle se doit de leur offrir des services de qualité, accessibles et constants. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup pour votre présentation. À la demande du ministre, vous avez pu terminer sur le temps dévolu à la banquette ministérielle, et, en ce sens, je cède la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux pour une période de 21 min 30 s.

• (11 h 20) •

M. Barrette : Merci, M. le Président. Je vais aussi, pendant notre temps imparti, passer la parole à ma collègue ministre déléguée.

Alors, Mme Babin, M. Duchesneau, Mme Milliard et Mme Navert, bienvenue et merci d'avoir pris le temps de faire les consultations que vous avez faites dans votre organisation et de nous avoir présenté ce mémoire.

Alors, d'entrée de jeu, j'espère qu'il sera possible de vous rassurer sur le fait que les objectifs que vous exprimez sont essentiellement les objectifs du ministère à bien des égards, et j'ai quand même une certaine difficulté, et encore une fois, je sais d'où ça vient, là, mais je ne peux comprendre comment on peut conclure ou craindre que le projet de loi va diminuer, ou empêcher, ou retirer le libre choix du citoyen — vous ne voulez pas qu'on dise «usager» ou «patient», là, on va dire le citoyen — d'avoir des services là où il le veut et avec qui il le veut, là. La responsabilité d'un CISSS... Et je vais vous avouer que c'est extraordinaire : ce projet de loi là, avec les différentes commissions parlementaires, on arrive avec une intention qui est techniquement louable et demandée par la population de rapprocher les services le plus près du citoyen possible et d'offrir un cheminement dans le réseau le plus simple possible, et ça se transforme en crainte de perdre le choix à la fois de l'endroit où on va avoir un service et de la personne qui va le donner, alors qu'il n'y a rien dans le projet de loi qui fait référence, même un peu, à ça. C'est, en ce qui me concerne, la responsabilité du gouvernement de vous offrir des services, de vous offrir d'avoir des services de proximité, de vous offrir la gamme complète de services, quand c'est possible, dans votre région et c'est comme ça que c'est construit.

Quand vous regardez, là, le projet de loi avec le découpage qui est fait au Québec, dans presque... pas tous, là, évidemment, là, mais, dans la majorité des régions, vous allez avoir accès, dans chaque CISSS, à une intégration, organisée au bénéfice du citoyen, de tout le continuum de services, ce qui ne vous empêche pas de pouvoir changer de région si vous le voulez, mais c'est quand même la responsabilité du gouvernement de vous offrir ça, vous, à la population, surtout qu'une des plaintes les plus fréquemment exprimées, je dirais même exprimées de façon constante, c'est justement de ne pas avoir d'accès à tous les services et d'être obligés de frapper à 12 portes pour avoir un service à un endroit.

Moi, j'aimerais ça vous entendre, là, sur ce qui vous inquiète en termes de possibilité de ne pas avoir accès... de ne pas avoir le choix comme vous l'avez aujourd'hui.

Mme Navert (Susie) : Je peux répondre à l'effet qu'on a bien précisé que cet aspect-là, c'était un peu pour l'avenir, parce qu'on ne sait pas... On sait que, suite au projet de loi, il va y avoir la refonte de la loi, il va y avoir d'autre chose qui va suivre, il va y avoir des règlements. Donc, c'est un peu de vous annoncer nos couleurs pour l'avenir. Mais je peux vous donner un exemple. Par exemple, en Montérégie ou sur la Rive-Sud de Montréal, il y a beaucoup de gens qui ont des services aux hôpitaux de Montréal, et c'est un peu une crainte, à un moment donné, si on restreint à la région, si on dit : Bien, toi, tu es dans le CISSS de la Montérégie, bien, tu ne peux pas aller à Montréal, bien, si je ne peux pas suivre mon médecin, me faire suivre par mon médecin, c'est dans ce sens-là un peu aussi.

M. Barrette : Bien, je comprends votre crainte. C'est sûr que le Parti québécois, lorsqu'il était au pouvoir, a fait ça en Montérégie. Mon prédécesseur avait effectivement... s'était exprimé dans ce sens-là, et il y a des lettres qui ont été écrites, dans le mandat du Parti québécois, disant aux gens : Vous ne pouvez plus aller ailleurs, vous venez à telle place. C'est vrai.

Nous n'avons pas l'intention de reproduire ce que le gouvernement précédent a fait. Je comprends votre crainte : il y a quelqu'un avant moi qui a essayé ça. Par contre, je veux vous rassurer, l'objectif est quand même de vous donner le choix, un maximum de choix localement. Maintenant, si vous voulez faire d'autres choix, c'est libre à vous, là. Nous n'allons pas imposer, dans le continuum de soins, des endroits spécifiques où aller et, inversement, ne pas aller à tel endroit. Ça, on ne fera pas ça.

Du côté de la représentation, vous y faites référence de différentes manières. Pour ce qui est des plaintes, madame, vous avez fait référence... Vous m'avez posé la question : Comment ça va fonctionner? Ça va fonctionner comme maintenant. Il n'y a rien qui change. Alors, il y aura des commissaires aux plaintes locaux, là, tels quels. Il faut comprendre que le projet de loi n° 10 est un projet de loi qui a une certaine portée, mais n'annule pas tout ce qui existe dans le LSSSS, là. Alors, les plaintes, ça va fonctionner comme ça fonctionnait.

Et, pour ce qui est de la représentativité, je vais vous avouer que plus les commissions parlementaires avancent, plus ça devient un peu difficile, je dirais, de satisfaire tout le monde, parce que tout le monde veut deux. Là, à un moment donné, si c'est deux, on va avoir des conseils d'administration à tous les postes, à 34, mais il y en a qui en veulent trois. On va se rendre à 35. Et, si on doit avoir une représentation pour chaque type de sous-groupe, de gens qui ont des services, ça devient difficile. Et il y a beaucoup de groupes qui ont fait référence à des comités nationaux d'usagers. Qu'est-ce que vous en pensez, de ça?

Mme Babin (Jacqueline) : Moi, je peux parler des comités des usagers. Et j'en profite, aujourd'hui, c'est le jour du Souvenir, et je voudrais dire que je nous considère comme des guerriers pacifiques parce que ce qu'on veut pour nos enfants, c'est de gagner une bataille, arriver à une victoire pour qu'ils aient une vie décente, qu'ils aient une vie heureuse, et ça, c'est notre rêve, et je crois que c'est leur rêve aussi.

Le comité des usagers, je suis... Depuis peut-être une douzaine d'années, c'était une loi que fallait que chaque également ait son comité des usagers. On nous recevait une fois par année à l'assemblée générale et on était corrects, là, jusqu'au jour où... Moi, je viens de la Gaspésie, je suis du Centre de réadaptation de la Gaspésie, et on m'a nommée présidente, et j'ai dit : Je suis présidente de quoi? Alors, j'ai écrit une lettre au directeur général et au conseil d'administration pour avoir les ressources nécessaires pour mettre sur rails ce comité des usagers, qu'il soit un comité de qualité, et ce qui a été fait. Et ça fait 12 ans qu'on se bat pour se faire connaître.

Maintenant qu'on est pas pire — ça avance tranquillement, mais ça avance — là, on décroche la locomotive un peu. Est-ce que les comités des usagers locaux vont demeurer dans nos établissements afin de pouvoir nourrir le comité régional? Parce qu'un comité des usagers de la santé et un comité des services sociaux n'ont pas du tout les mêmes fonctions. Un comité de la santé... Moi, je vais être soignée demain, je ne suis pas satisfaite de la nourriture, je me plains, bon, bien, je vais sortir de là, je vais être correcte, mais nos enfants, c'est permanent, c'est pour la vie. Alors, ils ont besoin d'être encore plus défendus, je crois, et c'est pour ça qu'on demande que les deux soient retenus pour le conseil d'administration.

On s'est déjà battu pour ça, on a failli le perdre il y a trois ans, je pense, on s'est battu et on eu encore des membres sur les conseils d'administration. J'espère que ça va demeurer.

M. Barrette : Trouvez-vous... Vous allez peut-être trouver la question bizarre, là, mais elle n'est pas bizarre du tout. Trouvez-vous que vous avez l'effet que vous voudriez avoir? Trouvez-vous que l'effort que vous mettez là-dedans, là, quand vous arrivez au conseil d'administration, ça a l'effet que vous recherchez?

Mme Babin (Jacqueline) : Oui, si ça aboutit à quelque chose, parce que notre travail, j'espère qu'on ne le fait pas en vain, là.

M. Barrette : Bien, c'est ça, ma question : Trouvez-vous que ça aboutit suffisamment souvent?

Mme Babin (Jacqueline) : Pardon?

M. Barrette : Est-ce que vous trouvez que ça aboutit suffisamment souvent?

Mme Babin (Jacqueline) : Bien, en tout cas, nous, on fait notre possible. On essaie...

M. Barrette : Non, non, je comprends. Souvent... Ça ne s'est pas dit très ouvertement dans cette commission parlementaire, là, dans ces audiences-ci, mais, en dehors de cette salle, souvent, les gens me disent qu'ils ne sont pas nécessairement entendus autant qu'ils voudraient.

Mme Babin (Jacqueline) : Bien, c'est sûr.

M. Barrette : Parce que vous faites beaucoup d'efforts puis vous faites beaucoup... Vous n'avez pas beaucoup de ressources puis vous arrivez dans des conseils d'administration, où, en tout cas, dans certains conseils, vous n'êtes pas toujours très entendus.

Mme Babin (Jacqueline) : Diane.

Mme Milliard (Diane) : Bien, en fait, vous avez raison que, jusqu'à maintenant, on commence à être entendus, c'est pour ça qu'on veut demeurer en place. Et, dans les recommandations qu'on fait aussi, c'est : on veut outiller davantage les comités des usagers pour qu'ils soient plus forts en termes de représentation. Il y aurait peut-être à voir aussi... Quand un parent qui siège sur un comité des usagers est représentant au conseil d'administration, de ce que j'en comprends, c'est que, quand il arrive au conseil d'administration, il n'est plus parent, il est un simple membre de conseil d'administration.

M. Barrette : C'est ça qu'on leur dit en général, oui.

Mme Milliard (Diane) : Donc, il n'a pas le droit de défendre... de se plaindre des services, par exemple. Alors qu'il est au comité des usagers, il ne peut pas se plaindre des services au conseil d'administration. Il me semble qu'il y aurait peut-être quelque chose à changer au niveau du rôle du conseil d'administration ou du représentant du comité des usagers.

M. Barrette : Alors, c'est un peu dans ce sens-là que je vous posais la question. Est-ce que le véhicule suggéré par certains regroupements, qui serait celui d'un comité national avec des ressources et des capacités plus adéquates... Serait-il mieux? Moi, je vous demande... Je ne vous dis pas que je veux faire ça, là, je vous demande votre opinion.

• (11 h 30) •

Mme Milliard (Diane) : Bien, simplement, non, je vais vous dire parce que notre organisme représente des comités d'usagers qui sont membres. Nous, nous reconnaissons qu'un comité des usagers national qui existe actuellement représente davantage les personnes en besoin de santé non pas en services sociaux. C'est très différent comme réalité. Qu'il y ait un comité provincial, oui, mais qu'on veut garder... Au même titre que plusieurs instances, on veut les garder au niveau local pour bien représenter nos gens, bien les outiller. Et d'ailleurs, à cet effet-là, les ressources financières devraient suivre.

M. Barrette : Actuellement, est-ce que vous trouvez que le système de santé et de services sociaux répond adéquatement à vos besoins?

Mme Milliard (Diane) : En ce qui a trait aux services sociaux, bien, on vous l'a dit, qu'il y avait des lacunes, parce que, de toute façon, au niveau du projet de loi, services sociaux revient rarement. On se disait : Bien, est-ce que c'est le ministre de la Santé ou c'est le ministre des Services sociaux aussi? Nous avons une ministre déléguée aux Services sociaux, nous en sommes reconnaissants. Mais on trouve que les services sociaux ne sont pas évidents dans le projet de loi. On aimerait qu'ils aient une force davantage, parce que les services sociaux, vous savez, quand on ne prend pas soin de ses gens, les services sociaux, il y a des effets collatéraux : donc, la personne est mal... les services qu'on lui donne ne satisfont pas, elle peut avoir des problèmes de santé physiques, la mère est obligée de travailler parce qu'en fait, rendu après 21 ans, l'enfant tombe à la maison... Vous allez me dire que ce n'est pas votre problème, c'est le ministère de l'Éducation, mais il y aurait quand même un arrimage à faire. Les services sociaux ne sont pas adéquats.

M. Barrette : Je vais vous donner le plaisir d'avoir cette discussion-là sur ce point-là avec ma collègue la ministre déléguée.

Le Président (M. Tanguay) : Oui. Alors, je cède maintenant la parole à la ministre déléguée à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse et à la Santé publique.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. Bon matin à tous et merci d'être là pour nous faire part de vos points de vue.

Je vais poursuivre sur la lancée des services sociaux, qui, à votre avis, ne sont pas adéquats. Et je vous dirais qu'à bien des égards beaucoup de choses dans les services de santé, dans les services sociaux doivent être améliorés, mais je ne crois pas que c'est à cause du projet de loi n° 10 que les services sociaux ne sont pas à la hauteur.

D'ailleurs, j'ai le goût de vous dire qu'au niveau budgétaire les budgets ont été protégés. Il y a un processus de reddition de comptes, je vous invite à aller voir les articles 55 et 90, c'est notamment programmes, services, et la reddition de comptes est là justement pour protéger les services sociaux, qui ne le sont pas en ce moment. Il n'y a pas rien qui nous indique en ce moment que des permutations ne peuvent pas se faire. Ça se fait, vous le savez, je le sais, tout le monde le sait ici. Et c'est ce qu'on veut éviter avec le projet de loi n° 10, qu'il y ait des transferts de budgets qui se fassent quand on n'arrive pas à l'équilibre à la fin de l'année. Et il y aura aussi un suivi sur les redditions de comptes, et, en ce sens-là, c'est notamment pour les services sociaux que cette clause-là a été inscrite. C'est sûr que ça sert à d'autres, mais ça va servir, entre autres, à ça.

Mme Milliard (Diane) : ...

Mme Charlebois : Oui. Merci. Moi, ce que je me suis assurée dans le projet de loi, c'est pour les services sociaux. Comme vous le dites, je suis la ministre déléguée aux Services sociaux, c'est évident que... Je peux comprendre, parce que le ministre de la Santé est plus souvent à la télé que moi, que vous avez une perception que c'est un projet de loi qui est santé, mais c'est un projet de loi qui est santé et services sociaux. Et, s'il faut que je fasse plus de télé pour vous convaincre de ça, je vais le faire. Mais regardez comme il faut, puis il y a le mot «usager», c'est explicitement pour ça. Il n'y a pas que le mot «patient». Parce qu'en services sociaux on parle d'un usager et non pas d'un patient. Et je me plais à le dire souvent — non pas que c'est plaisant, mais c'est une réalité — le curatif, ça saigne, mais les services sociaux, c'est en dedans que ça fait mal. Ça saigne par en dedans. On ne le voit pas, mais ça fait tout aussi mal.

Je veux vous amener sur pourquoi moi, je voyais ça comme un bon projet de loi, puis vous dire : Ce que je me suis assurée de préserver, c'est l'accessibilité aux services, la qualité des services, mais les ressources financières, comme je viens de vous dire, qu'elles soient préservées par budgets services et à la reddition de comptes — parce que c'est bien beau les budgéter, mais il faut aller voir après comment ils ont été utilisés — et l'expertise.

Alors, moi, je vais vous amener sur l'expertise, puis je vais aussi, avant, vous parlez des groupes communautaires, parce que vous en avez touché mot dans votre rapport et dans votre mémoire. Puis, dans votre mémoire, vous nous dites que sous-financer actuellement... Je ne me rappelle plus exactement : «...manifeste la crainte que les associations de promotion des intérêts et défense de droits soient moins financées que par le passé comme c'est le cas actuellement.»

Je ne vois pas où il y a eu une coupe, parce que, dans mon segment de ministère, il n'y a pas eu de coupe. Il y a même eu une petite indexation de 0,9 %. Et ce que je comprends peut-être, dans votre tête, c'est que vous avez vu ce qui avait été promis par un précédent gouvernement, mais non budgété. Bref, un rêve nuageux. Moi, je ne suis pas capable de livrer ce que je n'ai pas. L'argent n'a pas été budgété, puis vous le savez, dans quel contexte le Québec est. Peu importe ce que les gens vous diront l'autre bord de la table, puis peu importent toutes les visites qu'ils feront dans leur course à la chefferie, l'argent n'était pas au rendez-vous. Je le dis à la caméra, aux citoyens : L'argent des groupes communautaires promis par le précédent gouvernement n'était pas au rendez-vous, non budgété. Dommage qu'on se soit servi des clientèles vulnérables.

Ceci étant, moi, je veux vous entendre là-dessus parce que j'ai protégé ces budgets-là pour les organismes communautaires et je veux que vous me disiez qu'est-ce qui vous a fait croire que, dans le projet de loi n° 10, il y avait une crainte pour les organismes communautaires? Qu'est-ce qui vous a amenés à penser ça?

Mme Navert (Susie) : En fait, ce qu'on essaie de vous démontrer, c'est que les organismes communautaires font beaucoup pour la société, puis ce n'est pas suffisamment reconnu. Si on prend, par exemple... Vous avez reçu un mémoire de l'Association pour l'intégration sociale de la région d'ici, de Québec. Ils font la démonstration que, malgré que c'est un organisme de défense de droits, il y a juste 25 % de leur financement qui vient du PSOC, le Programme de soutien aux organismes communautaires. Le reste, il faut qu'ils aillent le grapiller ici et là dans la société. Pourtant, eux, ils seront bien intéressés à faire partie des corridors de services parce que, déjà, ils ont... quand il y a quelqu'un qui reçoit un diagnostic, par exemple, qu'il y a un enfant qui a une trisomie à la naissance, là, l'hôpital remet la pochette de l'AIS, et ça permet aux parents d'entrer en communication avec l'AIS, de connaître les services qui sont offerts par les parents, mais aussi les services qui sont offerts par le réseau.

Mme Charlebois : J'ai juste le goût de vous dire : Moi, là, je ne voulais pas que vous ayez la perception que je considère les groupes communautaires pas importants. Avant d'être ministre, je suis députée. J'ai toujours travaillé avec mes groupes communautaires et je sais très bien l'importance du travail qu'ils livrent. Mais ce que j'ai senti, c'est que vous aviez crainte qu'on ne fasse pas le nécessaire quand les budgets seront disponibles. J'entends, là, votre préoccupation puis j'entends qu'ils voudraient en avoir plus puis que le financement n'est pas à la hauteur, mais on y va avec les budgets qu'on a. Et j'ai vu aussi dans votre mémoire que vous craignez que les organismes communautaires fassent le travail du secteur public, puis, là aussi, je veux vous rassurer. D'ailleurs, vous avez vu, le premier ministre l'a dit lui-même, ce n'est pas dans le plan, là, on ne s'en va pas là du tout. On ne va pas aller déléguer notre travail aux organismes communautaires, qui en ont déjà beaucoup à accomplir. Puis vous avez raison de dire qu'ils font du bon travail, là. Je ne suis pas en train de dire qu'ils... On reconnaît tous, tous les députés confondus, de tous les partis politiques ici, reconnaissent l'importance du travail des groupes communautaires. Ceci étant, on travaille avec les fonds qu'on a. Oui?

Mme Milliard (Diane) : Bien, j'aimerais rajouter... C'est parce que notre crainte... Bon, effectivement, nous, nous sommes un organisme provincial, nous sommes un organisme de promotion et défense des droits. Nous ne donnons pas de services directs. Nous faisons de la représentation comme ici aujourd'hui. Nous avons 84 associations membres qui sont souvent déchirées entre les services et la promotion et la défense des droits parce que, de plus en plus, que ce soit au niveau du PSOC, que ce soit au niveau du SACAIS, que ce soit au niveau d'autres bailleurs de fonds, ils ont à faire de la reddition de comptes sur les services rendus. Donc, vous comprenez que, quand on quantifie, on voit moins la qualité, et le volet promotion, défense des droits de ces organismes-là, bien, il diminue de jour en jour parce que leur subvention fait en sorte que, s'ils veulent continuer de vivre, bien, il faut qu'ils donnent des services. Sinon, les subventions ne viennent pas avec, donc c'est cette crainte-là qu'on a aussi. Je pense qu'une société qui se respecte doit garder des organismes de promotion et de défense des droits, comme on est ici aujourd'hui pour manifester nos craintes. Vous nous dites qu'elles ne sont pas fondées, peut-être, mais l'avenir nous le dira.

Mme Charlebois : Je ne vous dis pas qu'elles ne sont pas fondées, là, je vous demande d'où viennent les craintes.

Mme Milliard (Diane) : Bien, de ce qui n'est pas dit dans le projet de loi. Comme beaucoup l'ont dit avant nous à différents niveaux, oui, c'est un squelette. Puis, hier soir, j'entendais, je pense que c'était le centre d'action bénévole, la madame disait : Écoutez, c'est un squelette, mais les os souvent ne sont pas rattachés non plus, ça fait qu'ils ont... Puis tant mieux si vous nous rassurez dans les années à venir ou dans les mois à venir, mais, pour l'instant, on est inquiets. Puis vous, vous, en tout cas, je pense que vous êtes en mesure de savoir que, depuis la dernière année ou les dernières années, peut-être pas juste la dernière, les organismes communautaires sont drôlement sollicités, puis on va parler des services sociaux professionnels puisque supposément que le rapport devrait sortir... Il se porte bien et il devrait sortir bientôt, le rapport, ou...

Mme Charlebois : Voulez-vous le savoir?

Mme Milliard (Diane) : Oui. Envoyez donc, ça serait un scoop.

Mme Charlebois : Alors, le rapport sur les services sociaux professionnels va être rendu public avant les fêtes, et je vais même aller plus loin que ça, le bilan sur les personnes qui souffrent...

Mme Milliard (Diane) : La politique en déficience?

Mme Charlebois : ...du trouble envahissant du développement va sortir, lui, après les fêtes.

Et je vous reviens avec les groupes communautaires. À votre suggestion, vous me dites que le financement est toujours rattaché aux services. Êtes-vous en train de me dire que nous devrions revoir l'ensemble de l'enveloppe des groupes communautaires pour mieux répartir la somme?

Mme Milliard (Diane) : Bien, j'ai presque peur de vous dire ça parce que j'ai...

Mme Charlebois : Non, mais je ne le sais pas, je vous le demande, c'est un peu votre suggestion.

• (11 h 40) •

Mme Milliard (Diane) : En fait, moi, ce que je vous dis, c'est qu'il faut garder une bonne proportion des organismes communautaires qui font la promotion de la défense des droits.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.

Mme Milliard (Diane) : Puis tout à l'heure, je m'excuse, vous avez dit que ça allait sortir bientôt, mais est-ce qu'il va y avoir des actions concrètes qui vont suivre ou si ça va être : Oui, nous allons mettre en place un comité pour étudier? Parce que là, depuis la dernière année, on n'a fait que ça.

Une voix : ...

Le Président (M. Tanguay) : Non. Malheureusement, on laissait le temps à madame de poursuivre sa réponse sur le temps de l'opposition, de notre collègue députée de Taillon qui dispose d'à peu près 12 min 30 s.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue à vous quatre...

Mme Milliard (Diane) : Oui, on s'en reparlera.

Mme Lamarre : ...Mme Babin, Mme Milliard, M. Duchesneau et Mme Navert. Vous représentez l'Association du Québec pour l'intégration sociale, et on comprend que vous défendez beaucoup les gens qui ont une déficience intellectuelle, des gens qui sont dans un problème, dans une difficulté importante à défendre eux-mêmes leurs besoins de base et évidemment leurs droits en tant qu'être humain.

Donc, énormément de respect pour ce que vous faites. Vous représentez 80 associations et vous existez depuis 60 ans. Je pense que ça mérite énormément de respect parce que se positionner à la défense de gens aussi vulnérables pendant aussi longtemps et prendre le temps de constituer 80 associations qui acceptent de parler de défendre ces gens-là, je trouve que c'est vraiment exceptionnel. Alors, merci.

Et moi, je reviens, dans le projet de loi n°10, à ce qui est... ce qu'on entend, là, depuis le début de la commission parlementaire, en fait la création d'un comité national des usagers, puis je considère que, par rapport à la participation au sein du conseil d'administration, c'est deux volets totalement différents, et ça m'apparaît très risqué qu'on mette toute la possibilité d'intervention dans un grand comité national des usagers, même s'il dépendait ultimement du ministre, parce qu'on le sait, dans la nouvelle gouvernance, le ministre nous dit qu'il veut absolument que tout ça, ça revienne, les décisions se prennent à travers le C.A. pour les régions. Alors, si on soustrait tous les organismes qui ont une vocation de soutien social ou de défense des droits de nos C.A. du CISSS, on comprend qu'on affaiblit beaucoup, en tout cas on contribue à ce que beaucoup ont exprimé comme peur, c'est qu'on centre ça plus sur le curatif, sur l'hospitalier et non pas sur les services sociaux et sur les soins ambulatoires. Donc, à ce niveau-là, j'aimerais vous entendre.

Puis je voudrais, juste après, souligner une intervention, parce que je veux passer la parole à mon collègue député de Rosemont qui a vraiment beaucoup de questions à vous poser et qui a aussi une expérience, là, au niveau des services sociaux. Mais je veux...

Donc, avant que vous répondiez à cette question-là, je veux aussi souligner le fait que, dans votre recommandation 10, vous recommandez que le ministre s'abstienne de soustraire les futurs règlements du processus habituel de publication, et je pense que c'est important. Vous n'êtes pas les premiers à le dire, mais vous le dites, et je veux qu'on entende votre voix très clairement sur cette demande-là, parce que ce processus de publication avant l'adoption des règlements, c'est la dernière chance qu'on a d'agir et de voir un peu plus clair, parce que là on ne voit pas toujours très clair dans ce qui nous est proposé. Donc, j'attire l'attention de tous les membres de la commission sur votre recommandation. Mais, si vous voulez répondre à peut-être la pertinence des deux interventions, C.A. et comité national, les deux niveaux.

M. Duchesneau (Roger) : Bon. Alors, je vais répondre à votre première question. Nous autres, bien, en tout cas, je regarde ça, moi, les conseils d'administration, je suis membre d'un conseil d'administration dans Chaudière-Appalaches, je ne suis pas un spécialiste des finances puis je ne suis pas un spécialiste en médecine et en rien, mais, quand il se discute des choses au conseil d'administration, je suis comme le commun des mortels, ça fait que j'amène des sons de cloche qui sont peut-être différents, qui, à un moment donné, peuvent apporter des soucis que la population a que... Présentement, je regarde le projet de loi, le conseil d'administration, on dirait un club sélect qui va décider de comment ça va aller, puis le commun des mortels n'est pas là, n'est comme pas écouté. Bien, c'est une impression que j'ai, là. Je ne dis pas que c'est nécessairement ça, mais c'est l'impression que ça me donne quand on regarde le conseil d'administration qu'il va y avoir. Il faut que les... ça va prendre un curriculum vitae, quasiment des diplômes universitaires pour pouvoir siéger au conseil d'administration. Ça va pour une certaine catégorie, ça en prend, mais, par contre, le commun des mortels devrait être là, ça fait que... d'où la représentation.

Puis, pour les comités d'usagers — Mme Babin en a parlé tout à l'heure — il y a comme trois secteurs différents qui devraient être représentés sur le conseil d'administration. Puis on sollicite, à l'intérieur du projet de loi, les organismes communautaires, ça fait qu'on considère qu'ils devraient être représentés sur un conseil d'administration. Voilà.

Mme Lamarre : Merci beaucoup. Alors, je cède la parole au député de Rosemont, mon collègue.

M. Duchesneau (Roger) : Mais, pour la deuxième question, je pense que...

Mme Lamarre : Bien, en fait...

Mme Milliard (Diane) : Je peux répondre peut-être.

M. Duchesneau (Roger) : Oui.

Mme Milliard (Diane) : Bien, en fait, je dirais qu'effectivement de se soustraire finalement à la procédure habituelle, bien, ça nous apparaît... c'est dans l'enlignement du projet de loi, c'est vouloir se soustraire à bien des coutumes en faisant de cette façon-là, et on ne trouve pas ça acceptable.

M. Lisée : Alors, merci, chers collègues. Merci, M. le Président. Mmes Babin, Milliard, Navert, M. Duchesneau, merci d'être là. Effectivement, je souligne aussi l'importance du travail que vous faites pour une partie de nos concitoyens qui sont particulièrement vulnérables et qui ont besoin non de soins ponctuels, mais d'accompagnement constant. Alors, votre parole est particulièrement importante. Lorsqu'on réorganise le système de soins, il faut vous avoir en tête parce que, si les gens que vous représentez sont touchés, bien, ce sont déjà des gens qui ont de la difficulté à naviguer dans la société. Alors, il est important d'y faire très attention.

Vous êtes une organisation communautaire et, comme la plupart des organisations communautaires au Québec, vous êtes sous-financés. Ce sous-financement avait été reconnu unanimement par l'Assemblée nationale l'an dernier, et donc il avait été reconnu qu'il était important de vous remettre à niveau. Alors, on comprend maintenant que, pour les membres du Parti libéral qui avaient voté cette motion, c'était une cible, ce n'était pas une promesse; pour le gouvernement du Parti québécois à l'époque, c'était un engagement. Et donc nous avions la volonté politique d'investir plus de 50 millions de dollars par année pour faire en sorte que vos organisations soient bien financées. C'est un engagement qui relève de la volonté politique et on a bien vu que, du côté du gouvernement libéral, presque simultanément, lors de leur arrivée, ils ont décidé que, malgré la motion unanime qu'ils avaient votée, ils n'avaient pas d'argent à mettre là-dedans, mais, simultanément, ils avaient la volonté politique de faire dépenser aux Québécois 24 millions de dollars par année pour les petites centrales, dont personne n'a besoin. Alors, c'est seulement de la volonté politique qui est en jeu ici.

Je vous avais parlé de l'importance de la parole de proximité : le comité des usagers, conseil d'administration au niveau local. Moi, cette dernière semaine, j'étais dans le Bas-Saint-Laurent, en Estrie et en Abitibi, et ce que tout le monde nous dit là, c'est qu'on est en train d'assister par le gouvernement Couillard à la mise à mort des instruments de proximité : les centres locaux de développement; les conférences régionales des élus; le rapetissement des carrefours jeunesse-emploi qui ne pourront prodiguer des soins, des services qu'au tiers de ceux qui le recevaient avant; l'abolition des directions régionales de l'immigration, de l'éducation, de la culture en Abitibi. Et aujourd'hui, dans ce projet de loi, on parle de l'abolition des comités d'usagers et des conseils d'administration locaux.

J'ai bien écouté tout à l'heure le dialogue que vous avez eu avec le ministre sur votre volonté de garder ces comités d'usagers locaux. Vous avez posé directement la question : Est-ce qu'on va les garder parce qu'il y a un flou? Vous avez eu la réponse, le ministre considère que ces organisations ne sont pas efficaces, et donc il va les abolir. Vous avez répondu que c'est vrai, ce n'est pas aussi efficace qu'on voulait, mais que ça va de mieux en mieux et, de toute évidence, pour vous, avoir des comités d'usagers locaux qui sont en train de faire leur place, mais qui ne sont pas complètement, disons, fonctionnels, c'est mieux que de ne pas en avoir du tout.

Alors, maintenant que le ministre est quand même à l'écoute — et je sais qu'il a une capacité d'écoute, parfois, il n'entend pas, mais il écoute — pouvez-vous essayer de lui réexpliquer en quoi l'abolition des comités locaux d'usagers va nuire à la qualité des soins?

Mme Babin (Jacqueline) : Que les...

M. Lisée : Comment l'abolition qu'il propose des comités locaux d'usagers va nuire à la qualité des soins et du suivi des besoins des usagers que vous représentez?

• (11 h 50) •

Mme Babin (Jacqueline) : Moi, je vois le contraire, je veux dire, nos comités locaux, la pire difficulté qu'on avait, c'était de se faire connaître. D'abord, il y a la confidentialité, on ne connaît pas tous les usagers, et déjà de se faire connaître des intervenants, on a commencé, on a fait tous les points de service, on a travaillé très, très fort.

Je ne comprends pas que ça pourrait nuire. Je pense, au contraire...

M. Lisée : L'abolition, comment est-ce que l'abolition va nuire?

Mme Babin (Jacqueline) : L'abolition va nuire certain...

M. Lisée : C'est ça.

Mme Babin (Jacqueline) : ...parce que, je veux dire, il faut absolument que quelqu'un nourrisse ces deux — je parle de deux, je suis optimiste, là — qui vont être sur le C.A. du CISSS, parce qu'autrement comment vont-ils pouvoir nous défendre, s'ils ne connaissent pas nos besoins?

M. Lisée : Pouvez-vous donner un exemple de l'action concrète qu'un comité d'usagers a réussi à faire pour améliorer la situation des usagers que vous représentez?

Mme Babin (Jacqueline) : Bien, nous, je veux dire, on essaie le plus possible d'aider les gens... Tu sais, la plupart de... J'en suis, et Roger aussi, j'imagine, c'est qu'on ne se plaint pas, on a peur de perdre déjà ce qu'on a acquis, comme parents, pour les services de nos enfants. Alors, quand nous, on a l'expérience, on peut arriver à côté d'une personne puis leur dire : Écoute, une plainte, ce n'est pas si mauvais que ça, une plainte. Ça fait avancer bien des choses, et souvent, s'il n'y a pas de plainte, ce n'est pas bon. Tu sais, il faut absolument... Il n'y a rien de parfait dans le système. Alors, moi, je pense que les accompagner, déjà, c'est un grand pas qu'on pourrait faire.

M. Lisée : Alors, dans le scénario du ministre, on va abolir les comités d'usagers, on va abolir les conseils d'administration locaux, mais vous auriez un comité national pour les organismes tels que vous. Est-ce que ça va être aussi bien d'avoir un comité national que d'avoir ce comité d'usagers locaux?

Mme Babin (Jacqueline) : C'est trop gros. Je veux dire, nous, on aime rester près de nos usagers. On n'a pas tous les mêmes... En région, on n'a pas tous les mêmes besoins, je veux dire, que dans les autres régions. Je pense qu'il faut rester local.

Mme Navert (Susie) : Pour faire un parallèle, l'AQIS, on est un regroupement d'associations de parents et de comités d'usagers. Si nous, on n'est pas nourris par les gens à la base, on ne sait rien, on ne connaît rien de la réalité. Alors, c'est la même chose que... Puis je serais... je mettrais au défi les gens qui sont autour ici, dans la salle, qui n'ont pas une personne qui a une déficience intellectuelle dans leur environnement immédiat, je les mettrais au défi d'essayer de m'expliquer ce qu'elles vivent, ces personnes-là. Alors, c'est... Et tout vient toujours des personnes qui vivent les choses, qui nous montrent les problèmes, puis les comités d'usagers accompagnent les gens, oui, mais c'est sûr qu'ils ont des résultats. Je n'en ai pas qui viennent en tête comme ça, mais je sais aussi qu'ils s'appliquent à faire changer, à faire développer les services de façon positive, et ça... C'est vrai que les comités d'usagers ne sont pas tous égaux à travers la province. Il y en a qui sont très dynamiques, très performants. Il y en a d'autres que... bien, c'est pour ça qu'on disait : Il y aura peut-être à revoir la composition pour que se dynamisent ceux qui le sont moins. Mais c'est quand même une instance locale qui...

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci beaucoup. Je dois maintenant céder la parole au collègue député de La Peltrie pour un bloc de neuf minutes.

M. Caire : Merci, M. le Président. Bonjour à vous quatre. J'ai écouté attentivement votre présentation et je dois dire que j'ai plusieurs questions. Malheureusement, on n'aura sans doute pas le temps de passer à travers.

Je pense que vous admettrez avec moi que le système échoue assez lamentablement, là, à donner l'ensemble des services qui sont nécessaires pour les enfants qui en ont besoin, et, croyez-moi, je sais exactement de quoi je parle et de quoi vous parlez. Et donc, dans cette optique-là, on a l'impression que les parents souvent se battent contre le système pour aller chercher les services nécessaires et je me demandais, dans le cadre du projet de loi actuel, où on a une... On a quand même un regroupement, là, il y a une meilleure intégration des services, en tout cas, c'est l'objectif du projet de loi. Il y a une opportunité d'augmenter ces services-là, donc l'accès aux services, la facilité à avoir accès aux différents professionnels, et en quoi... Bon, tantôt, madame, vous parliez de maintenir les budgets pour la représentation, la défense des droits, mais je vous dirais qu'avant de défendre les droits, encore faudrait-il qu'on ait les services, parce que c'est ça qu'on veut quand on a un enfant qui a une déficience intellectuelle ou qui a une maladie, on veut des services.

J'essayais de faire un peu la réconciliation, là, de votre discours versus ceux que vous défendez, puis est-ce que, fondamentalement, on ne devrait pas justement souhaiter que le système soit plus performant, d'abord et avant tout, que les services soient augmentés, qu'ils soient plus disponibles, qu'ils soient mieux intégrés, et travailler dans ce sens-là?

Mme Navert (Susie) : J'aimerais préciser un peu notre vision de ça. On a un bon système, dans le fond. Il est là. Il y a des choses... Quand il se fait des choses, il se fait des choses extraordinaires. Avec le développement, la recherche, tout ça, il y a vraiment de belles choses. Le problème, il est que, souvent, les gens y ont accès trop peu, ou bien non ils n'y ont pas accès du tout, ou ça prend trop de temps. Mais, quand ils arrivent, là, puis qu'ils réussissent à avoir des services, il y a des professionnels vraiment extraordinaires.

M. Caire : Tout à fait d'accord.

Mme Navert (Susie) : C'est juste que c'est toute la question de l'accessibilité qui n'est pas là, là. Comment arriver à l'accessibilité avec le projet de loi qu'on voit aujourd'hui? Je ne le vois pas, malheureusement...

M. Caire : Mais je vais vous poser ma question... Parce que c'est un exemple que je prends souvent. Actuellement, en pédopsychiatrie à Québec, c'est deux ans d'attente. Deux ans d'attente. C'est un échec lamentable. C'est scandaleux. C'est honteux. Un système qui abandonne des enfants comme ça, c'est honteux, là. Ça fait que moi, je veux bien qu'on défende les droits, mais le droit de mon enfant à recevoir du service dans les délais, ça, c'est son premier droit, là. Quand même qu'on irait crier sur la place publique que c'est épouvantable, là, qu'est-ce qu'on fait concrètement demain matin pour que les enfants de Québec qui ont besoin de voir un pédopsychiatre ne soient pas mis... Ça, c'est quand ils ont la chance d'être sur la liste d'attente, parce qu'il y en a une méchante gang qui se font envoyer ailleurs, parce qu'il faut les évacuer, sinon les listes d'attente sont trop grosses, puis c'est encore plus scandaleux. Donc, moi, je vous repose la question, là. Dans le cadre d'une intégration des services, donc de plus d'accessibilité, plus de facilité entre les différents professionnels, que ce soit les guichets du CLSC vers la pédopsychiatrie, comment on fait pour mieux intégrer, mieux coordonner dans le statu quo ou dans le maintien du système actuel, là? C'est là-dessus que je voudrais vous entendre.

Mme Navert (Susie) : On n'est pas vraiment qualifiés pour parler du côté administratif, d'une réforme administrative. On est qualifiés pour vous parler de comment ça se passe sur le terrain puis des besoins qui sont là puis qui sont grands. Au niveau... Je ne sais pas comment le dire.

Mme Milliard (Diane) : Peut-être que je peux... En tout cas, je trouvais que c'était une question truquée que vous nous posiez effectivement et je pense que Mme Navert a répondu que ce n'est peut-être pas effectivement de notre ressort. Et, bien humblement, je pense qu'au niveau de l'organisation ça vous appartient.

Par contre, ce que j'ai envie de vous répondre par rapport à l'enfant en pédopsychiatrie, c'est qu'actuellement — c'est plus qu'on peut dire des choses positives, hein, il y en a, des choses positives qui se passent — il y a quand même une volonté de la part des centres de réadaptation en déficience physique et en déficience intellectuelle de mettre ensemble leurs énergies pour que les enfants de zéro-sept ans qui n'ont pas encore de services, qui sont sur une liste d'attente ou qui n'ont pas encore de diagnostic ferme, que ces enfants-là soient pris en charge par les deux réseaux pour tenter justement de diminuer les effets. Parce qu'entre zéro et sept ans vous comprenez qu'il peut s'en passer, là.

M. Caire : Tout se passe là, en fait.

Mme Milliard (Diane) : Donc, pour diminuer les effets négatifs que pourrait avoir une aussi longue attente. Donc, c'est un processus qui est en cours actuellement. Et les trois clientèles, si je peux m'exprimer ainsi, visées sont la déficience intellectuelle, la déficience physique et la dysphasie. Donc, ça, c'est quelque chose de très positif. Et c'est quelque chose qu'on veut qu'il reste. Puis, la réforme actuelle, on espère bien... C'est pour ça qu'on se dépêche de faire les travaux pour qu'il reste des marques, parce qu'on veut vraiment que ça se continue, parce qu'il n'y a jamais eu d'entente de ce type-là, déficience physique, déficience intellectuelle. Si tu étais entre les deux, bien, tu tombais dans le vide. Alors, il y a un effort.

M. Caire : Mais, si je peux me permettre, puis je suis d'accord avec vous, là, le projet de loi est loin d'être parfait, mais ce dont on parle, c'est une intégration des services. Donc, ce que vous me dites, c'est des initiatives individuelles locales. Mais est-ce que vous ne pensez pas justement que ces initiatives-là devraient être encouragées, voire même forcées à l'intérieur d'une réorganisation du réseau? Parce que tantôt vous me disiez : Oui, mais, là, c'est administratif. Oui, mais ça reste que les décisions, elles se prennent par des administrateurs, par des conseils d'administration, par des P.D.G., par des P.D.G. adjoints. Donc, si on ne travaille pas à ce niveau-là... Bien, on le voit, là, l'intégration des services, services sociaux, là, c'est loin d'être fait, là. C'est même assez clairement problématique. Et est-ce qu'il n'y a pas au moins cet avantage-là dans le projet de loi de dire que, bon, bien, en créant les CISSS, on a une intégration de ces... ce que vous dites, dans le fond, qui sont des initiatives locales deviennent une obligation ministérielle? Vous ne voyez pas quelque chose de positif là-dedans?

• (12 heures) •

M. Duchesneau (Roger) : C'est l'espérance qu'on pourrait avoir, l'intégration des services par les CISSS.

Un exemple concret : la spécialisation des CRDITED, la surspécialisation. Anciennement, nos enfants avaient un service clés en main. Ils les prennent en charge puis ils s'en occupent tout au long de leur vie. Parce qu'on ne se cachera pas que ces personnes-là, vulnérables, vont avoir besoin de services toute leur vie, ne serait-ce que pour maintenir les acquis qu'ils ont eus au niveau scolaire, qui, quand ils atteignent l'âge de 21 ans, disparaissent. Il n'y a plus rien, là.

M. Caire : Ce qui est épouvantable, d'ailleurs.

M. Duchesneau (Roger) : Pardon?

M. Caire : Ce qui est épouvantable, d'ailleurs, mais ça, c'est un autre sujet.

M. Duchesneau (Roger) : Oui, mais, présentement, l'exemple concret que je donne : les CRDITED donnent des épisodes de services. Ton enfant a un petit problème de comportement, on va lui donner un épisode de services. Mais ils donnaient aussi des activités de jour. Les enfants ont besoin de socialiser puis de maintenir les acquis par ces activités-là. Puis là, maintenant, on veut se retirer, parce que ce serait normalement les services de première ligne. Mais les premières lignes ne sont pas prêtes, ce n'est pas prêt, puis il n'y a pas de service. Donc, on se bat avec les CRDI pour qu'ils gardent nos enfants, tu sais, ça fait que vous voyez... Ça fait que c'est à espérer que, si on a une intégration des services dans les CISSS, à un moment donné, ça va régler ces situations-là.

Ça, c'est ce que vous vouliez entendre, à savoir s'il y a quelque chose qui pourrait être positif là-dedans. C'est à espérer que c'est entendu, que ça règle ces situations-là. Parce que les personnes qu'on représente, c'est certain que la grande, grande majorité vont avoir besoin de services et d'être accompagnés toute leur vie. Ça fait qu'on ne peut pas dire : On va leur donner un épisode de services puis, après ça, on les renvoie chez eux, les rasseoir devant leur TV jusqu'à tant qu'ils pètent une autre crise. On ne peut pas regarder ça juste comme ça.

Mme Navert (Susie) : Parce que, depuis 10 ans, il y en a une, réforme, qui existe, qui a été commandée par en haut, mais que, sur le plancher, là, ça fait juste commencer à se mettre en oeuvre. La première ligne, la deuxième ligne, là... Comme dit M. Duchesneau, les personnes qui étaient desservies par les centres de réadaptation, là, ils sont censés être desservis par la première ligne, mais, allô, elle n'est pas là, la première ligne, là, elle n'est vraiment pas là.

Alors, comme je disais tantôt, il faut que ça parte de la base, les choses. Quand ça part d'en haut puis que ce n'est pas intégré, assimilé par les gens qui travaillent sur le plancher, est-ce que ça va réussir? Bien, je me pose la question et j'ai de sérieuses craintes.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je vous remercie beaucoup. Ceci met fin à la période d'échange avec les parlementaires. Alors, je remercie les représentants de l'Association du Québec pour l'intégration sociale.

Compte tenu de l'heure, je suspends les travaux de la commission jusqu'après les affaires courantes, soit vers 15 heures. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 3)

(Reprise à 16 heures)

La Présidente (Mme Montpetit) : S'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 10, Loi modifiant l'organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l'abolition des agences régionales. Y a-t-il consentement pour poursuivre les travaux jusqu'à 18 h 30?

Des voix : Consentement.

La Présidente (Mme Montpetit) : Merci. Je souhaite donc la bienvenue à nos invités, l'Association québécoise des centres communautaires pour aînés.

Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et, par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, la parole est à vous.

Association québécoise des centres
communautaires pour aînés (AQCCA)

Mme Osborne (Michèle) : Bonjour. Mon nom est Michèle Osborne, présidente de l'Association québécoise des centres communautaires pour aînés. Je suis en compagnie de M. André Guérard, qui est le directeur général de l'association. L'abréviation, c'est l'AQCCA.

Moi, je tiens à remercier, Mme la Présidente de la commission, M. le ministre et les membres de la commission pour l'opportunité qui est offerte à l'AQCCA de déposer et commenter son mémoire sur le projet de loi n° 10.

Je vais commencer par faire une brève présentation de notre association. L'AQCCA représente 54 organismes au Québec. L'AQCCA représente environ 100 000 aînés qui sont touchés ou aidés par les services des centres communautaires pour aînés, des organismes qui sont bien implantés et reconnus dans leur milieu, et ce, dans 14 régions du Québec.

Nos services de proximité ont un volet de prévention de la santé des aînés par des conférences, des ateliers de croissance personnelle, mais également des services directs aux aînés comme les services de popote roulante, d'accompagnement-transport, de programmes d'initiative de travail de milieu, de programmes de répit, de centres de jour, etc. Les centres communautaires pour aînés sont reconnus comme des ressources qui sont créées par les aînés pour répondre à leurs besoins. Nous oeuvrons dans nos communautés respectives, et, dans cet esprit, chaque centre communautaire pour aînés au Québec est unique en soi. Je vous dirais que le point commun qui nous relie tous, c'est vraiment le bénévolat qui est réalisé, dans nos organismes, majoritairement par les aînés qui sont membres de nos organismes.

Le projet de loi n° 10 nous interpelle particulièrement en tant qu'association, et nous considérons que les changements majeurs qui en découleront dans le réseau de la santé auraient dû nécessiter, et mériter surtout, une consultation publique et élargie, et ce, avant même le dépôt du projet de loi. André, si tu...

M. Guérard (André) : Merci. Je vais juste vous mentionnez, si jamais je ne suis pas très, très audible, je vis des petits problèmes de santé actuellement, un rhume. Donc, si jamais je ne suis pas clair, vous me ferez des rappels, puis je pourrai préciser mes propos.

Donc, c'est ça, on tenait à insister sur le fait que, le projet de loi étant quand même une réforme majeure, il aurait été pour nous souhaitable qu'une majorité des acteurs dans le réseau de la santé et des services sociaux et même la population soit consultée. Je vous dirais à l'image — je vais prendre les images que je connais — un peu sur la forme de la consultation publique que Mme Blais avait tenue concernant tout le vieillissement de la population auprès des aînés. Et nous, on croit que, de cette façon-là, on facilite l'adhésion de la population et des acteurs, compte tenu qu'on va chercher leur écho sur d'éventuelles modifications au projet de loi.

Bien sûr, on aurait voulu également qu'il y ait un bilan précis qui soit fait de la dernière réforme, qui était la fusion... lors de la création des CSSS, donc la fusion des CLSC de différentes ressources. Et on croit que tout ça n'a pas été documenté suffisamment pour faire en sorte justement d'éviter de répéter peut-être, s'il y a lieu, les erreurs qui ont été commises. Ces fusions-là avaient été faites avec un certain souci de rendement, oui, mais d'économie aussi, et, en bout de ligne, ce qu'on a eu sur le terrain — et j'y vais des propos qu'on a entendus, puisque le bilan ne semble pas avoir été fait — il n'y a pas vraiment eu d'économie à ce niveau-là, au niveau du réseau de la santé et des services sociaux. Et, si on se retrouve aujourd'hui devant un projet de loi, c'est donc que les résultats attendus n'étaient peut-être pas au rendez-vous concernant l'accessibilité.

Au niveau de déployer... On a mentionné qu'on trouvait important de déployer les efforts aux bons endroits en ce qui concerne l'accès aux services. On sait qu'il y a un défi important au niveau de services de première ligne, et plus particulièrement au niveau des soins à domicile pour les aînés. On croit que de refaire une structure risque justement de demander énormément d'efforts et d'énergie à tout le personnel du réseau de la santé et des services sociaux et aussi aux groupes communautaires. Et, toute cette période de temps là aurait peut-être dû être utilisée, justement, à améliorer l'accès aux services, et en particulier les soins à domicile. C'est un volet, on le sait, qu'on doit développer, compte tenu du vieillissement accéléré de la population. Et, pour nous, on ne retrouvait pas de notions de ce type-là dans le projet de loi actuel. Donc, on considérait que tous ces changements, comme je le disais, risquaient d'avoir un effet très, très important. Le temps d'adaptation de toute cette nouvelle structure là risque d'avoir un effet et de finalement diminuer l'accessibilité aux services et d'empêcher le développement d'autres systèmes, je dirais, pour faire en sorte que la population puisse justement bénéficier de soins de santé et de services sociaux dont ils ont besoin.

On a également mentionné certains aspects de la fusion. Même si le bilan n'a pas été fait, comme je vous disais, il y a quand même des choses qu'on a prises en note. Certains aspects de la fusion des CLSC, lors de la création des CSSS, ont permis de mettre en place et de soutenir des partenariats et des collaborations. Les organismes communautaires tels que les centres communautaires pour aînés ont participé, oui, selon une échelle variable, et c'est la même chose pour les résultats, je dirais, mais... à l'élaboration d'un projet clinique. Et, selon ce qu'on a pu sentir sur le terrain, des groupes qui ont été impliqués dans l'élaboration de ces projets-là, il y a quand même eu une dynamique qui a fait qu'il y a eu une meilleure connaissance du terrain entre les organismes communautaires, entre les ressources avec le CLSC.

Et je vous dirais que, dans une autre vie, j'étais directeur d'un centre communautaire, et effectivement on a participé à l'élaboration de ces plans-là. Et il y avait une recherche, justement, de consensus pour faire en sorte que, dans tel secteur de... lorsque la population était affectée par différents, je dirais, problèmes de santé, bien, on s'installait tous ensemble pour tenter de trouver une réponse. Je ne vous dis pas que tout ça a été du mur-à-mur, au contraire, ça a été très variable, mais il reste qu'il y avait là un souci de travailler avec les organismes sur le terrain, mais aussi un souci de travailler à proximité des individus que l'on voulait rejoindre.

Dans le projet de loi actuel, il n'est nullement fait question de ce type d'approche, les liens qui sont entre le réseau de la santé, les CLSC, les CSSS et les groupes communautaires sur le terrain. Et on se demande si, justement, compte tenu que les orientations viendront plus spécifiquement du ministre, du ministère, est-ce que ce type de collaboration là pourra être maintenu? Est-ce qu'il y a un intérêt à développer, justement, et à maintenir le travail de proximité qui est fait par les groupes communautaires pour aînés?

Je m'excuse, je le lis un peu, mais, comme je vous disais, je pense que j'ai des médicaments qui m'endorment un peu actuellement.

Promotion et prévention en santé et rôle du communautaire. Écoutez, dans le projet de loi, tel qu'il est présenté, on considère que tout l'aspect préventif, qu'il soit assumé en partie par les groupes communautaires ou par le réseau de la santé, Direction de la santé publique, tout l'aspect prévention de la santé est laissé de côté. On est dans un modèle de projet de loi qui fait en sorte qu'on s'occupe vraiment du volet curatif de la santé, mais on ne travaille pas à prévenir tous ces aspects-là.

• (16 h 10) •

Faire en sorte que la population soit en santé, c'est du travail, que, par exemple, les groupes communautaires font sur le terrain. Lorsqu'on travaille avec nos... avec les aînés... J'allais dire «nos aînés»... à quel point on est en lien avec eux. Mais, lorsqu'on travaille avec les aînés, on travaille avec des personnes qui sont souvent, je dirais, en pleine capacité de leurs moyens lorsqu'ils décident de s'investir dans un groupe communautaire, que ce soit pour faire du bénévolat ou participer aux différentes activités, ateliers, les cours, tout ce qui peut se donner, et c'est ce qui fait en sorte qu'on peut retarder le besoin de services de santé à moyen et long terme. Mais il reste qu'au cours du cheminement vers le vieillissement, lorsqu'il y a des pertes de capacités, je dirais, le groupe, à ce moment-là, est déjà en contact avec ces personnes-là et peut justement mieux comprendre la dynamique et faire en sorte de répondre aux besoins de ces personnes-là, et ce qui indirectement... et on n'en a pas fait mention vraiment dans notre mémoire, mais a aussi un impact sur tous les proches aidants, je dirais, que l'on rejoint par les groupes communautaires. Oui, il y a les aînés, mais souvent ce sont en majorité des femmes qui participent à la vie des centres communautaires pour aînés. Mais, au-delà de ça, ces femmes-là sont souvent des proches aidantes elles-mêmes, soit pour leurs familles soit pour leurs conjoints. Mais il y a tout ce volet-là aussi par lequel on soulage, je dirais, en partie. Que ce soit par des journées répit ou différentes activités, on soulage un peu le poids qui est associé à la lourdeur que peut devenir le rôle de proche aidant, disons-le comme ça, même si ce n'est pas du tout péjoratif quand je parle de lourdeur.

Donc, il y a une crainte avec le projet de loi que tout l'aspect promotion, prévention de la santé soit laissé de côté, et pourtant on considère que c'est la base même d'un réseau de santé et services sociaux. Et, au-delà de ça, pour vraiment l'établir comme il faut, cette... je dirais, ce volet prévention là, c'est important d'être en contact avec les communautés directement là où elles sont, et c'est d'autant plus important que, selon différentes localités, on va vivre différentes problématiques. On va parler des déterminants sociaux, mais on peut parler, dans certains quartiers... si je pense à des plus grandes villes, à certains quartiers où les besoins vont être différents en fonction de la population, en fonction de la vulnérabilité et en fonction des conditions économiques. Alors, il y a quelque chose là qu'il faut travailler, pour nous, vraiment de façon à être en lien direct avec ces populations-là, et le fait d'installer des structures de façon régionale, notre crainte est vraiment de perdre ce contact-là avec les populations, avec les groupes qui sont sur le terrain.

Outre ça, c'est sûr que je vous dirais que le mode de gouvernance centralisé qui est présenté nous inquiète également, compte tenu de l'espace, un peu comme je vous le nommais. Il y avait des comités consultatifs au niveau des CSSS ou des CLSC qui faisaient en sorte que les groupes communautaires étaient impliqués dans la démarche pour accompagner adéquatement le réseau de la santé et des services sociaux. Tout cela, est-ce que ça existera encore? Est-ce qu'il y a une possibilité, justement, d'influencer, je dirais, tout le processus... par influence, je parle d'influence positive, mais pour faire en sorte qu'on répond bien aux besoins de la population localement?

La Présidente (Mme Montpetit) : M. Guérard?

M. Guérard (André) : Oui?

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous inviterais à conclure, s'il vous plaît.

M. Guérard (André) : Ah! d'accord. Bien, écoutez, je crois qu'au niveau des recommandations, donc, c'est sûr que, pour nous, ce projet de loi là, comme il est présenté actuellement, on n'est absolument pas favorables, compte tenu qu'il n'y a pas de bilan qui a été fait de la dernière opération de fusions et qu'il n'y a pas eu de mode consultatif. Par la suite, bien, écoutez, je pourrai répondre selon les questions. Mais le point important, c'est toute la prépondérance de la prévention et de la promotion de la santé, et aussi tout le questionnement du rôle des organismes communautaires et du financement, bien sûr, pour les accompagner à l'intérieur de ça. Merci.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie pour votre présentation. Nous allons donc débuter la période d'échange avec les représentants de la partie gouvernementale pour une période de 15 minutes. Donc, M. le ministre.

M. Barrette : 15?

La Présidente (Mme Montpetit) : Oui.

M. Barrette : Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme Osborne et M. Guérard, merci de vous être présentés pour nous faire part de vos commentaires, qui sont tout à fait importants pour tous les parlementaires.

Alors, d'entrée de jeu, je vous dirais, j'espère... à la limite, je me demande si c'est possible de vous rassurer, là, parce que le projet de loi n° 10 vise à faire en sorte exactement ce que vous voulez. Et le projet de loi n° 10 est un projet de loi de nature administrative, et les éléments auxquels vous avez fait référence sont plus de nature d'orientation ministérielle et qui ne se mettent pas nécessairement dans un projet de loi tel quel. Et le fait que vous fassiez le lien entre la perte de certains services d'intégration, de votre... c'est une crainte que je peux comprendre que vous ayez, mais je peux vous dire que ce n'est pas l'objectif, d'une part, du projet de loi, au contraire.

Vous vous êtes interrogés, à ma grande surprise, sur... votre inquiétude sur... à propos de la disparition de la prévention. J'aimerais que vous m'expliquiez où, dans le projet de loi, là, vous voyez une indication que la prévention va devenir un sujet obsolète.

M. Guérard (André) : Notre inquiétude est peut-être comme... Parce que j'ai quand même suivi la commission un peu. Oui, c'est sûr que le projet de loi, comme vous le dites, M. le ministre, est un squelette, et tout ça peut se rattacher à différents règlements. Par contre, pour nous, à la lecture... Et nous ne sommes pas des spécialistes non plus du réseau de la santé et des projets de loi, je vous dirais, mais il reste que, pour nous, ce qui n'est pas inscrit là est quand même sujet soit à être dynamisé différemment ou enfin il n'est pas inscrit. Donc, on a une inquiétude à ne pas retrouver tout le volet prévention de la santé plus clairement. Peut-être que vous, vous le voyez. Merci de nous le préciser si c'est le cas. Mais, dans notre cas, la lecture qui a été faite était... les gens étaient inquiets du fait qu'on ne parle pas, on ne traite pas de la promotion et de la prévention de la santé.

M. Barrette : Le projet de loi n'annule pas le ministère de la Santé et des Services sociaux, et n'abolit pas la Loi sur la santé publique, et n'abolit pas la LSSSS. C'est un aménagement administratif, et de ce fait-là je peux vous assurer que les activités de prévention, de santé publique et autres sont obligatoirement préservées, par définition. Et j'ai quasiment envie de vous demander, à la lumière de... Puis vous n'êtes pas les seuls à avoir eu ce genre de réaction là. J'ai comme l'impression que vous préféreriez avoir un gouvernement comme le précédent qui vous dit des choses irréalisables qu'un gouvernement qui vous écrit des choses qu'il va réaliser.

M. Guérard (André) : Vous voulez une réponse là-dessus?

M. Barrette : Oui. J'aimerais ça avoir votre...

M. Guérard (André) : Un commentaire là-dessus? Bien, je vous dirais que, un...

M. Barrette : C'est parce que vous êtes plusieurs... Je pense qu'il y a une certaine communauté d'esprit et un certain dialogue entre les organisations qui viennent... les organismes qui viennent parler au nom de la santé communautaire... pas la santé communautaire, mais les organisations communautaires, et c'est ce que je constate, là.

M. Guérard (André) : Oui.

M. Barrette : Il y a beaucoup de craintes qui, à mon avis... Surtout, compte tenu du nombre de fois où j'ai fait le point là-dessus, je suis très surpris, je dois vous avouer, là, puis c'est pour ça que ça m'intéresse de vous entendre, ne serait-ce que par curiosité. Un gouvernement, il a deux possibilités, là : ou bien on fait des accroires comme ça s'est passé récemment ou bien on vous dit les choses que l'on va faire comme on vous les dit, et qu'on vous annonce à l'avance qu'il y a des choses qui vont venir se greffer à ça, et il faut à quelque part avoir un squelette qui fasse en sorte qu'on puisse se greffer là-dessus, là. Alors, c'est comme si vous me disiez que vous préférez qu'on vous dise des choses qui ne se réaliseront pas parce que c'est plus joli dans la conversation que vous dire des choses qui vont se construire.

M. Guérard (André) : Bon, je vous dirais là-dessus que, un, je n'ai pas à juger ici du gouvernement précédent ou de l'autre d'avant. Je ne crois pas qu'on soit ici pour ça, et je ne crois pas que nos... ce qu'on nomme est en lien avec quelque allégeance politique que ce soit, si jamais on allait dans ce sens-là.

Moi, ce que l'association a nommé, ce que nos membres nous ont nommé, c'est qu'à quelque part vous me dites : Est-ce que vous préférez qu'on nous nomme des choses qui ne se réaliseront pas? Ce qu'on vous nomme, c'est ce que nous, on n'a pas vu à l'intérieur du projet de loi actuel. Donc, ce n'est pas du rêve, c'est un besoin de clarification de certaines choses. Et, si on ne les a pas retrouvées, comme je vous dis, peut-être qu'on n'a pas bien saisi toute la documentation ou peut-être qu'on n'a pas eu le temps non plus de toute la saisir, de toute la fouiller. Mais, pour moi, oui, le statu quo... On le sait, compte tenu des restrictions budgétaires actuelles, de la situation économique du Québec, on doit revoir beaucoup de choses, mais il reste que, pour nous, c'est majeur de modifier un réseau de la santé et des services sociaux et la façon de faire les choses. Et je considère que, quand on vous parlait de consultation, c'était justement d'aller chercher sur le terrain ce que les gens voudraient que soit le réseau de santé et services sociaux, compte tenu des ratés qu'il y a eu précédemment ou qu'il n'y a pas... ou des réussites aussi, parce qu'on le sait il y a des succès à des endroits. Donc, ce serait une façon de s'enrichir, je dirais, des bonnes expériences et d'éviter les erreurs du passé. On n'est pas dans le rêve, loin de là, je vous dirais, on a le goût que la population reçoive les services auxquels ils ont droit, on a le goût d'y participer.

• (16 h 20) •

M. Barrette : Alors, nous, on a l'intention et l'objectif clairement énoncé dans le préambule du projet de loi de vous donner ces services-là. Maintenant, on constate, nous, comme vous venez de le dire, qu'il y a eu des ratés et des bons coups, et le projet de loi ne vise pas à défaire ce qui a été fait. Ce qui a été fait dans certains CSSS, les bons coups que vous avez eus, ou certains RLS, il n'y a absolument aucune raison pour laquelle le CISSS éventuel, là, si le projet de loi est adopté, vienne défaire ça. Comme j'ai dit à un autre groupe ce matin, on vise à intégrer ce qui n'a pas été intégré. Ce qui a été intégré a été intégré. Et je vous dirais qu'à bien des égards du CSSS, si on met une échelle hiérarchique, puis je ne veux pas que vous preniez ça comme étant un jugement de valeur, là, mais, si on va du plus compliqué au plus simple en termes d'investissements, d'infrastructures et de personnel, et ainsi de suite, c'est du CSSS vers le communautaire. Je pense qu'il y a eu beaucoup d'intégration. Il y a eu des ratés, comme vous le dites. Maintenant, du CSSS vers plus haut, ça ne s'est pas fait, et, à un moment donné, il faudrait que ça se fasse, je pense, parce que je suis sûr que, si je vous demande si vous avez des aventures ou des mésaventures à me raconter dans le cheminement du système de santé, il doit y en avoir, n'est-ce pas?

M. Guérard (André) : Oui, il y en a. C'est sûr et certain.

M. Barrette : Et que le système et votre clientèle bénéficieraient grandement d'un accompagnement plus structuré et plus intégré par rapport à ce que l'on voit maintenant. Et le projet de loi vise à faire ça.

Écoutez, puisque vous avez des interrogations substantielles sur le côté de la prévention et des services sociaux, je vais passer la parole à ma collègue, ministre déléguée, qui a la responsabilité de ce secteur d'activité là.

Mme Charlebois : Merci, Mme la Présidente. Merci d'être venus nous présenter votre mémoire. Effectivement, c'est sous ma responsabilité que se travaille la prévention en santé, et on est à travailler une politique de prévention en santé qui sera déposée, mais pas à court terme, contrairement à ce qui a été dit dans les journaux par un ancien ministre de la Santé qui dit qu'il avait amené son dossier au Conseil des ministres et, malheureusement, qui n'a pas été adopté au Conseil des ministres à l'époque, là. Et non seulement il n'a pas été adopté, mais ce n'était pas une politique de prévention en santé, c'était un préplan, finalement, qui... Ils avaient commencé à jaser, bref, là. En résumé, par chez nous, dans Soulanges, c'est comme ça qu'on dit, on appelle ça un avant-projet. Moi, je vais en déposer un vrai, mais ça ne sera pas fait bâclé, ça va être fait correctement. En attendant, on poursuit nos activités, je veux vous rassurer, c'est superimportant.

Ce que moi, je vois dans le projet de loi n° 10, puis je vais vous amener à en discuter, du côté des services sociaux, pour moi, ce qui m'apparaît important, c'est qu'on puisse faire en sorte qu'on maintienne l'accès à différents types de services, notamment la première ligne, la deuxième ligne, la troisième ligne, intégrer ça comme il faut pour faire en sorte que... Vous savez, c'est le même usager, hein, qui est partout, qui devient un patient ou un usager en service social, qu'il soit en prévention... C'est toujours le même citoyen, là, qui est là puis qui a besoin de services. Est-ce que vous ne voyez pas là une avancée importante justement de faire en sorte que cette accessibilité-là soit non seulement préservée, parce qu'on préserve ce qu'on a déjà — vous l'avez dit, il y a eu des bons coups, il y a eu des moins bons coups, on essaie de préserver ce qui a été bon, ce qui est moins bon, on va faire en sorte de ne pas le garder — mais qu'on améliore la situation.

Je peux vous donner des exemples concrets, là, notamment en service jeunesse, là, des enfants qui... Vous savez, il y a 83 000 signalements, il y en a 33 000 de retenus; les 50 000 autres sont retournés à la première ligne, puis ce n'est pas vrai que les 50 000 enfants ont des services — et leurs familles — de première ligne. Je peux vous parler de ça en réadaptation. Ce matin, on parlait de jeunes qui sont sur des listes d'attente.

D'intégrer ça, vous ne croyez pas que ça va faciliter grandement, éviter les dédoublements, les pertes de temps puis faciliter le cheminement de l'usager à travers tout le système?

Mme Osborne (Michèle) : Oui. Moi, c'est ce que je souhaite, là, que la personne âgée, surtout ceux qui sont plus vulnérables et qui ont de la difficulté à trouver des ressources dans leur milieu puissent avoir une facilité d'accès aux services. Nous, ce qui nous fait peur un peu au niveau des organismes communautaires, puis je parle de l'ensemble des membres qui font... de l'AQCCA, c'est la rapidité avec laquelle c'est appliqué. On sent déjà en région une pression du réseau de s'informer de qu'est-ce qu'on fait et qui on est. Ça, c'est parfait. Mais, je veux dire, nos services sont déjà... Moi, je travaille déjà, au Centre des aînés, à Gatineau avec une liste d'attente. Au niveau des centres de jour, on a 110 aînés-semaine en centre de jour : déficience intellectuelle, santé mentale, problèmes cognitifs, santé physique. Comment je vais pouvoir, moi... Est-ce que le financement va suivre? On ne parle pas beaucoup de financement dans le projet de loi. Comment moi, je peux m'assurer de développer des services quand je suis déjà saturée à offrir un certain service? Puis c'est comme ça pour beaucoup d'organismes.

Mme Charlebois : Bien, j'ai le goût de vous dire, pour le financement, qu'éventuellement on s'en va vers un financement qui va être non seulement géré par programme-services et on demande de la reddition de comptes... Ce sont les articles 55 et 90. Parce que, là, vous le savez, en termes de services sociaux, ce n'est pas vraiment protégé. Dès qu'il y a un petit manque à quelque part au niveau curatif, ils pompent nos ressources, on va le dire comme ça se passe, je l'ai vu de mes yeux dans mon coin, ça fait que... Bon. Et ça, ça va être protégé, puis il y a aussi au niveau de la reddition de comptes, comment ça va avoir été dépensé réellement. Tu sais, c'est bien beau, faire des budgets, mais... Ça, c'est un élément, mais j'ai le goût...

Mon Dieu, vous me parliez de l'accessibilité... J'ai perdu le bout, là. Je parlais des budgets. Moi, je suis allée aux budgets tout de suite, je ne sais pas pourquoi.

Mme Osborne (Michèle) : Bien, c'est parce que c'est une inquiétude qu'on a, voyez-vous. On a...

Mme Charlebois : Oui. O.K., excusez-moi. Le dernier élément donc que je voulais vous apporter... Excusez, là, j'ai perdu le fil en chemin. Mais le dernier élément que je voulais vous apporter, vous savez qu'on s'en va, et ce n'est pas spécifiquement dans ce projet de loi là, vers une gestion de... l'argent va suivre le patient, parce qu'en ce moment l'argent ne suit pas nécessairement le patient, alors là, ça va être à l'activité. Et, comme vous dites, là, il y a des places où il y a des enveloppes qui ne suivent pas, puis il y en a d'autres qui en ont peut-être un petit peu trop puis qui est dédié... Je ne dis pas «trop» dans le sens... on n'a jamais trop d'argent dans le réseau de la santé, mais pour leur mission. Alors là, ça va créer un équilibre à quelque part à travers tout le réseau.

Notamment aux organismes communautaires... J'entends plein de choses de ce temps-là, hein, vous le savez, je suis interpellée, mais je répète ce que j'ai dit ce matin — puis le ministre vient de le dire : Entre dire des choses, les promettre, ne pas les budgéter, puis donner la réalité, moi, je suis du tempérament... Je suis connue dans mon comté pour dire les vraies affaires, et les vraies affaires, c'est non seulement on me parle de choix politique, mais, quand on fait des choix politiques qui impliquent un trou de 5 milliards, là... C'est des choix, là, d'amener les Québécois là. Nous autres, on ne fait pas ce choix-là. Ce n'est pas ce choix-là qu'on a fait. Par contre, il faut s'assurer de préserver ce qu'on a. Alors, en attendant qu'on rétablisse la situation financière... Parce que, oui, on a un plan, nous autres, au gouvernement du Québec, on veut relancer l'économie, et c'est reparti tranquillement. Oui, on est dans l'équilibre budgétaire, et tout. Pourquoi on fait ça? Parce que, justement, on veut mieux soutenir les organismes, les personnes qui sont vulnérables, tous ceux qui ont besoin du soutien de l'État. Vous en êtes, vous en êtes, puis c'est des missions fort importantes, vous le savez très bien.

Alors, moi, ce qui est important pour moi, c'est la protection des ressources. Puis là, bien, je viens de vous donner mon opinion, vous m'avez donné la vôtre. Je vais vous amener sur l'expertise. J'ai quatre associations qui nous ont parlé de préserver l'expertise. C'est très important. Vous devez, vous aussi, être soucieux de préserver l'expertise qui a été développée à travers tout le réseau, notamment dans vos organismes, puis les services aux aînés. Est-ce que vous voyez une façon comment on pourrait faire ça? Donnez-moi des exemples. Avez-vous déjà réfléchi à ça? Parce que ça va être important pour la suite des choses, selon moi.

La Présidente (Mme Montpetit) : Pour une période d'une minute. Il vous reste une minute.

Une voix : Pardon?

La Présidente (Mme Montpetit) : Il vous reste une minute pour répondre.

M. Guérard (André) : Bien, écoutez, ce sera bref, mais je vous dirais qu'au niveau de l'expertise les groupes ont toujours travaillé à rejoindre les personnes qui étaient en dehors des réseaux. Les groupes communautaires, les centres communautaires pour aînés ont développé une expertise au niveau des initiatives de travail de milieu en particulier pour justement rejoindre des gens qui n'étaient pas du tout en lien, qui étaient isolés pour x raisons. Et je vous dirais que, depuis 10 ans, 12 ans même, on a travaillé là-dessus, on tente de faire... on travaille avec le Secrétariat aux aînés à faire reconnaître ce programme-là. Mais tout ça fait en sorte qu'il y a des personnes qui ne tombent pas, je vais le dire comme ça, dans les craques du plancher. Donc, on réussit à travailler avec ces personnes-là, à les ramener dans le réseau santé, si le besoin est, je dirais, mais, outre ça, ils sont au moins en lien avec une ressource qui peut les accompagner. Et tout ça, c'est fait... on a toute la documentation, si jamais c'était nécessaire, mais, pour nous, c'est une expertise qui est essentielle, et il ne faudrait pas qu'on perde ce type d'expertise là. Et c'est un peu dans ce sens-là où, quand on nomme, à quelque part, que c'est important de travailler avec les groupes communautaires sur le terrain, de trouver une façon peut-être de les inclure dans les conseils d'administration ou qu'il y ait un processus consultatif quelconque, mais ce serait important qu'on puisse s'enrichir mutuellement, je vous dirais, à ce niveau-là, parce que le communautaire est riche de beaucoup d'expertise.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie.

M. Guérard (André) : J'ai dépassé mon temps, je m'excuse.

La Présidente (Mme Montpetit) : Non, juste sur le temps. C'était parfait. Donc, je vais maintenant céder la parole au groupe de l'opposition pour une période de 10 min 30 s. Donc, Mme la députée de Taillon.

• (16 h 30) •

Mme Lamarre : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, Mme Osborne, M. Guérard, merci. Merci d'être là aussi pour les organismes communautaires qui soutiennent les aînés. Les aînés ont énormément à apporter à notre société et ils ne sont pas passifs. Ils veulent demeurer actifs et ils ont énormément d'énergie à apporter et de temps aussi à apporter. Alors, je pense qu'on doit vraiment les mettre à contribution, et merci de témoigner pour eux de leur contribution à notre société. Dans ma pratique, moi, j'ai travaillé 20 ans auprès des personnes âgées, alors je suis très sensible à tout ce qu'ils ont à apporter.

D'entrée de jeu, je suis obligée un peu de réagir à ce que notre ministre a dit tantôt. Il a dit, dans le fond, qu'on avait deux choix : soit faire des accroires ou soit dire les choses que l'on va faire. Moi, j'entends de votre mémoire et de la présentation de beaucoup de gens qu'il y a une troisième option, c'est d'écrire les choses qu'on va faire, et, quand elles sont écrites, il y a déjà un niveau d'engagement supplémentaire, un niveau de vision qui est plus clair pour tout le monde, il y a moins d'ambiguïté, il y a plus de chances que les choses soient perçues, et, tout à coup, toutes les inquiétudes sont, en tout cas, beaucoup diminuées. Et je pense que c'est ça, l'exercice qu'on est en train de faire dans la commission parlementaire, c'est de donner des indications au ministre sur ce qui doit être ajouté, écrit concrètement dans le projet de loi, et qui va donner la réponse que... et qui va donner la trajectoire de soins, qui va donner les garanties qui sont attendues, en particulier au niveau des groupes communautaires, qui vivent avec des budgets souvent très limités et qui font des choses extraordinaires avec ça.

Moi, je voudrais vous entendre parler sur deux éléments, puis je vais donner la parole ensuite à mon collègue le député de Rosemont. Vous évoquiez deux éléments quand vous parliez de prévention tantôt et de promotion : la dimension de sécurité alimentaire et de déplacements sécuritaires, donc, pour une personne âgée, d'être sûre qu'elle va avoir accès à une alimentation... d'abord, trois repas par jour puis une alimentation saine, mais aussi être capable de se déplacer, de la briser de l'isolement puis de pouvoir se déplacer. Il y a eu des coupures. De quelle façon est-ce que ça affecte votre organisme dans sa mission et les personnes âgées elles-mêmes, finalement?

Mme Osborne (Michèle) : Bien, il ne faut pas se cacher que le communautaire, on est débrouillards. Donc, on a créé... Nous, en tout cas, on a notre propre navette de transport. On va aller chercher les gens, on va aller... On a un souci très grand de garder l'autonomie de la personne âgée le plus longtemps possible dans son milieu. Et il faut dire que nos aînés sont actifs, et ils se prennent en main aussi, là. Je veux dire, les centres pour aînés partent des aînés. C'est eux qui ont créé ces centres-là à leur image. Et puis on a un souci, nous en région, beaucoup, de ne pas dédoubler les services que les autres organismes font. Donc, on se connaît, on se parle, on se rencontre en comité et on développe des... On fait de la magie avec peu, hein, il faut le dire, là.

Mais ce n'est pas parce qu'on est capables de faire de la magie avec peu qu'il ne faut pas quand même continuer à nous offrir ce qu'il faut pour continuer à développer, là. Quand on parlait tantôt des initiatives de travail de milieu, à un moment donné, on avait, dans la région de l'Outaouais, des travailleurs de milieu à Hull, on en avait à Gatineau, on en avait... Il a fallu refaire la proximité, parce qu'on a manqué de financement. À un moment donné, il faut de la récurrence. Quand on commence des services et que les aînés s'adaptent à ces services-là, si, au bout d'un an ou deux, le service n'a pas de suite, on a travaillé un peu pour rien, là. Donc, c'est sûr qu'il faut être capables d'avoir les moyens pour continuer les services qu'on fait pour que les aînés ne se retrouvent pas du jour au lendemain sans le service auquel ils étaient habitués, là. C'est un peu ce que je pourrais dire là-dessus, là.

M. Guérard (André) : J'ajouterais peut-être : Si on pense, bon, oui, à la sécurité alimentaire, oui, il y a les services de popote roulante, mais les centres communautaires en soi sont des milieux de vie. Donc, quand on parle d'accompagnement-transport, oui pour les rendez-vous médicaux, mais oui pour les activités. Lorsque les aînés ont de la difficulté à se déplacer, c'est certain que les groupes vont faire de l'accompagnement-transport avec des bénévoles, mais, pour amener ces personnes-là justement à se recréer un réseau ou à maintenir un réseau, en les amenant à différents centres, dont les centres communautaires pour aînés, mais à d'autres endroits aussi. Et, à ces moments-là, il peut y avoir... les gens peuvent participer, par exemple, à des cuisines collectives, ils peuvent participer, bon, à la préparation de repas sur place. Il y a toute une implication, et, à travers tout ça, on tente, je vous dirais, de faire en sorte que les gens s'alimentent à un rythme normal et souvent mieux qu'ils le feraient s'ils étaient tout seuls chez eux à manger une petite toast au fromage sur le coin de la table.

Il y a tout ce volet-là qui est très social, je dirais, d'activités sociales qui entourent, on le sait, le repas, mais les déplacements, et les déplacements sont essentiels. On avait des inquiétudes par le passé quand on disait : On transforme le réseau, mais il faut qu'on puisse aller rejoindre les aînés chez eux pour justement que ça ne devienne pas des petites cages dorées où les aînés, finalement, n'ont plus à sortir. Ces personnes-là ont beaucoup à apporter à la société, ont aussi le goût de maintenir leur pouvoir d'agir et d'influencer les communautés environnantes. Donc, tout ça, quand on parle d'alimentation, de déplacements, pour nous, c'est un tout et ça fait en sorte que la personne demeure active et souvent en santé, beaucoup plus en santé.

Mme Lamarre : Merci.

M. Lisée : Merci, chère collègue, Mme la Présidente. Et merci d'être là, et merci pour votre travail au quotidien pour des populations qui en ont besoin. On comprend votre inquiétude. Elle est partagée, effectivement, par beaucoup d'autres organisations, organismes communautaires en particulier, et en particulier les gens qui sont dans tout l'aspect prévention en services sociaux. Alors, j'étais content d'entendre la ministre tout à l'heure d'abord admettre le fait que, même avant la réforme, il arrivait trop souvent que des budgets qui étaient alloués à la prévention, aux services sociaux soient aspirés par le curatif, qui est toujours dans l'urgence, alors que nous savons qu'il faut, comme vous le dites, aller vers la prépondérance de la prévention sur le curatif.

Évidemment, dans les structures actuelles où vous êtes représentés au niveau local, votre capacité d'influer sur les décideurs locaux est plus grande, et vous le dites : «Dans les nouvelles mégastructures dont les orientations viendront directement du ministre, est-il réaliste de penser que [des] liens, collaborations et partenariats, existants pourront encore être maintenus?» Et vous n'êtes pas les seuls à le dire, que cette proximité des besoins des usagers, leurs représentants, et les administrateurs, et les intervenants, les médecins, les acteurs de chaque institution, bien, vous donne plus de pouvoir, mais pas suffisamment. Alors, que penser de la destruction des comités d'usagers, des conseils d'administration locaux, et donc de leur regroupement dans des structures plus grosses, plus régionales où, là, ces arbitrages-là vont être faits? Effectivement, vous avez raison de craindre que cette dérive des budgets va continuer. Surtout qu'une partie de l'opération qui est en cours maintenant, et le ministre ne s'en cache pas, c'est pour trouver au moins 200 millions de dollars qui seront donnés au Conseil du trésor, hein? La réforme de la structure, bon, a des objectifs d'efficacité, mais aussi un objectif budgétaire de ponctionner 200 millions pour aller dans la lutte au déficit.

Maintenant, est-ce que vous pouvez nous dire, selon votre expérience récente de défense, donc, de ces budgets que vous avez vécue au niveau local, pouvez-vous expliquer au ministre, puis je demande ça à plusieurs, quel effet négatif aura la disparition de ces centres locaux, c'est-à-dire de ces prises de parole locale, dans le combat que vous menez constamment pour la défense de vos budgets? Ne pas avoir ces outils-là, qu'est-ce que ça va signifier?

Mme Osborne (Michèle) : Je pense que c'est la particularité de chaque groupe communautaire qui est en jeu là-dedans, parce que c'est la grandeur des territoires aussi, là, je veux dire. Comment un... Chez nous, ça va s'appeler le CISSSO, c'est un gros organisme. Je veux dire, la région de l'Outaouais est immense, là. Comment on peut, dans le Pontiac, être au courant de ce qui se fait dans Papineau? Comment on va pouvoir gérer toutes ces structures-là? Comment les particularités de chaque organisme communautaire vont pouvoir être reconnues? Et comment on va pouvoir s'assurer qu'il n'y a pas de dédoublage et qu'il n'y a pas ce souci-là qu'on a déjà? Je pense qu'à la base l'usager, qui est la personne âgée, à un moment donné, doit faire partie d'une quelconque décision. On ne peut pas tout simplement décider pour elles et jamais les impliquer là-dedans, là. C'est une grande inquiétude que les groupes communautaires ont, qu'ils nous parlent de ça justement de ne pas se retrouver dans ces superstructures où... Dans le fond, nous, on a la chance d'avoir un très bon contact avec le CSSS de notre région, mais ce n'est pas tous les groupes communautaires qui sont connus, et pourtant c'est des grands pourvoyeurs de services, là. Comment ils vont faire pour se retrouver, être reconnus du réseau et avoir la chance de pouvoir continuer à développer? C'est là qu'on a une grosse inquiétude, là.

M. Lisée : Dans votre mémoire, compte tenu de l'éloignement et du temps requis pour la mise en place de nouvelles structures, il est fort probable que les demandes envers les groupes communautaires exploseront, puisque ce sont eux qui sont sur la ligne de front pour répondre aux besoins des plus vulnérables, et vous notez avec raison que ces groupes ne pourront suffire à la tâche en raison du sous-financement chronique. On en a discuté, nous avions prévu, nous avions adopté, le Conseil du trésor avait adopté une augmentation de budget pour la mission de base, et c'est une décision politique du gouvernement actuel de ne pas l'avoir fait. C'est tout à fait faisable, dans le budget de la santé, de dégager ces sommes de 54 millions de dollars par année. Si on le veut, on peut le faire. Nous le voulions, nous l'aurions fait. Le gouvernement libéral ne le veut pas, il ne le fait pas.

Maintenant, expliquez-moi comment, malgré ce sous-financement, la réforme et l'énergie qui va être absorbée par la réforme plutôt que dans les soins vont augmenter le travail des organisations communautaires. La cause à l'effet, là, comment ça va se faire?

La Présidente (Mme Montpetit) : Il vous reste vraiment quelques secondes, là, pour répondre de façon très, très succincte, s'il vous plaît.

Mme Osborne (Michèle) : On sent déjà, en tant qu'organisme communautaire, une pression du réseau de faire valoir ce qu'on est. Dans le fond, c'est bien, parce qu'il faut qu'ils nous connaissent, mais aussi de développer, quand on a déjà atteint un maximum de capacité de services avec le financement qu'on a. Donc, comment? Tout est une question de financement, là. Est-ce que le financement va suivre? L'augmentation de la pression sur notre réseau, c'est... On ne sait pas, on ne sait pas, là. On est un peu dans le néant à ce niveau-là, là. Donc, vous me posez une question, mais est-ce qu'il y a vraiment une réponse? Si les sous ne suivent pas, malheureusement ça va être le système D.

• (16 h 40) •

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie. La parole est maintenant au deuxième groupe d'opposition. Est-ce qu'il y a consentement pour permettre au député de Lévis de prendre la parole?

Des voix : Consentement.

La Présidente (Mme Montpetit) : Parfait. M. le député de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, Mme la Présidente. Mme Osborne, M. Guérard, merci d'être là. Je vais ramener le discours sur l'humain, parce que ce que vous nous dites est intéressant, ce que vous faites l'est d'autant plus. Corrigez-moi, l'impression que j'ai, puis probablement que ceux qui nous regardent aujourd'hui sont ceux dont vous nous parlez aussi, qui s'attendent à avoir des éclaircissements, ceux que vous représentez, ce que les aînés vous disent, c'est la crainte d'être quelque part oubliés, isolés, de perdre une écoute importante. Vous dites : L'agir est important, rester actif, mais, à travers de ça, il y a une notion d'écoute extrêmement importante. Les aînés vous disent avoir peur d'être perdants dans cette vaste réorganisation là, de ne plus avoir leur voix?

Mme Osborne (Michèle) : Les aînés le verbalisent, mais ils ont aussi, présentement, là, encore leur réseau, là. Je veux dire, on existe, on est là. Donc, c'est sûr que les organisations sont encore en vie. On n'est pas décédés, là. Donc, c'est sûr qu'ils ont encore leur réseau, ils ont encore... Mais, oui, il y a des inquiétudes face à l'avenir, beaucoup, parce qu'ils se reconnaissent moins dans la rapidité de la mise en place de cette loi-là, je vous dirais, là. Les salles d'attente, l'urgence, les médecins... Moi, il y a 30 % des aînés qui n'ont pas de médecins de famille dans ma région. Donc, c'est sûr qu'il y a des grosses inquiétudes, là.

Quand la personne âgée est en santé, il y a moins d'inquiétudes, mais, aussitôt que tu perds ton autonomie, tu te retrouves devant quoi, là? Puis souvent, quand tu n'as pas de proche aidant, tu te retrouves seul à faire face à ça, là. Une chance qu'il y a des groupes communautaires pour soutenir ces gens-là. Bien, il faut continuer à financer ces groupes-là pour qu'ils soient capables d'aider de plus en plus. La population vieillit de plus en plus. Il va y avoir de plus en plus d'aînés qui vont arriver dans nos programmes, là.

M. Paradis (Lévis) : Je reviens sur ce que vous écrivez en page 9, en disant : «Dans les nouvelles mégastructures...» Parce qu'on en parle, il y a une inquiétude, parce que les gens ne savent pas ou s'imagine peut-être qu'ils perdront, à tort ou à raison, ce qui aujourd'hui leur facilite la vie. Vous dites : «Dans [ces] nouvelles mégastructures[...], est-il réaliste — et je reprends la phrase qui a déjà été dite — de penser que ces liens, collaborations et partenariats, pourront encore être maintenus?» Alors, on craint la disparition notamment de partenariats existants maintenant. Lesquels? Est-ce que vous avez des exemples précis de partenariats, de collaborations qu'on craint de perdre dans l'élaboration puis avec la mise en place du projet de loi?

M. Guérard (André) : La proximité du travail, je vous dirais, entre autres avec les centres locaux de services de santé, s'est développée quand même beaucoup, je dirais, suite à la fusion des CSSS, lorsqu'il y a eu la création des CSSS. Mais, pour nous, il y a un lien là qui s'est établi, qui existait quand même déjà, mais qui a été augmenté, je dirais, par beaucoup plus de consultations, beaucoup plus de proximité avec les groupes. Et, de ce fait, si on s'en va vers une structure régionale, à ce moment-là, est-ce que toutes les énergies, entre autres... Et je réponds un peu à un commentaire de tout à l'heure, mais toute la réorganisation va demander de telles énergies qu'on risque de perdre entre-temps tous ces liens-là sur le terrain.

Et, compte tenu que les commandes... pas les commandes, je m'excuse du terme, mais les règles seront établies par le ministre ou le ministère, il reste quand même... est-ce qu'il va rester de l'espace pour tout ce personnel-là, entre autres, dans les CLSC, qu'on parle d'infirmières, qu'on parle d'auxiliaires, qu'on parle de travailleurs sociaux, pour être en contact direct avec les employés, par exemple, des centres communautaires pour aînés, pour faire en sorte de solutionner des problématiques?

Et, lorsqu'une problématique devient un peu plus criante, on le travaille ensemble. Je ne vous dis pas... Comme je le mentionnais, ça a été fait à échelle variable, puis c'est quelque chose qui s'est réalisé en fonction des besoins, des lieux, des localités et des régions, mais il reste quand même qu'il y a des réussites là desquelles on devrait pouvoir s'enrichir et tenter de maintenir pour justement garder la proximité avec les réalités du terrain, les liens avec la réalité du terrain.

M. Paradis (Lévis) : D'entrée de jeu, vous avez dit : Ça aurait été préférable, à votre avis, qu'il y ait une espèce de bilan permettant ensuite de juger des modifications à être apportées depuis la dernière réforme 2003. Votre bilan à vous, parce que vous l'avez manifestement fait, vous avez une vision de ce qui s'est fait jusqu'à maintenant, avec ce qui maintenant pourrait se faire, votre bilan à vous de cette dernière réforme, quel est-il : positif, négatif ou si c'est le statu quo?

M. Guérard (André) : Un peu des deux, je vous dirais. Si on parle d'économie, là, je crois que... en tout cas, à moins qu'il y ait vraiment des chiffres qui aient été sortis, mais, d'après notre lecture qu'on avait sur le terrain, ça n'a pas suscité aucune économie au niveau du réseau de la santé et des services sociaux, même, si ce n'est pas l'inverse.

Par contre, oui, il y a des plus dans ce que je viens de vous expliquer. Les liens qui se sont établis avec les communautés, pour nous, il y a quelque chose là qui a été, je le répète encore une fois, à échelle variable, mais, pour nous, il y a quelque chose là qui était positif. Il y avait une proximité. Et, quand on parlait tout à l'heure de prévention, travail de prévention, je crois que tout ce beau monde là faisait en sorte justement que moins de personnes tombent, comme je le disais, dans les craques du plancher et soient accompagnées plus rapidement, oui, par un groupe communautaire parfois, oui, par le réseau de la santé et des services sociaux, mais il y avait là des liens qui se sont établis et qui sont importants. Pour nous, ça, c'est une réussite, mais à quelle échelle? Comme je vous dis, je ne pourrais pas vous le documenter. Par contre, on sait que la modification de tout le réseau a été quand même, avant que tout ça se mette en place... Juste ça, ça a été compliqué à l'époque de la fusion des CLSC. Ça a pris quand même un temps important, ça a désorganisé, je dirais, toutes les structures de travail, il y a eu... Même à l'interne, on le sait, ce que ça provoque dans les établissements, il y avait même là une certaine insécurité, les gens ne savaient pas vraiment où ils allaient aller au niveau des soins et de ce qu'ils faisaient auparavant.

Et on va probablement revivre la même chose avec les modifications de structure. On déstabilise un peu toute l'organisation, mais ça ne se rétablit pas en un temps, trois mouvements, là. Il y a un temps important qui est imparti à tout ça et, pendant ce temps-là, notre crainte, c'est que, sur le terrain, les besoins ne soient pas répondus correctement.

La Présidente (Mme Montpetit) : Il vous reste une minute.

M. Paradis (Lévis) : En deux minutes, mais je ferai seulement ouvrir la porte, vous parlez beaucoup, depuis le début, de projet ou de façon d'agir à échelle variable partout, est-ce que le projet, tel que présenté... ou, en tout cas, vos aspirations ou ce que vous en souhaiteriez, peut-on penser à quelque chose qui permette une espèce d'harmonisation, que ce ne soit pas si variable que ça, que partout on puisse avancer aussi vite qu'on le fait dans une région par rapport à une autre? Je veux dire, cette variable-là, est-ce que ça se corrige?

M. Guérard (André) : Je crois qu'il peut y avoir des grandes lignes qui vont faire en sorte que le réseau va avoir des normes applicables un peu partout, mais il reste que, pour moi, il est important qu'il y ait une certaine flexibilité à l'intérieur de tout ça. Quand on parle d'une population, et on est à Québec, lorsqu'on parle d'une population, par exemple, de la Basse-Ville de Québec par rapport à une population, je vais dire, de Sainte-Foy ou d'ailleurs, on parle de populations différentes avec des réalités différentes et pour lesquelles, oui, des balises, des grandes balises peuvent être renommées, mais il reste qu'il faut quand même travailler avec des réalités différentes sur le terrain et des impacts, des déterminants sociaux qui donnent des résultats différents aussi en fonction...

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie, M. Guérard.

M. Guérard (André) : ...justement de ces lieux-là.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vais devoir céder la parole à la députée de Gouin pour une période de 2 min 30 s.

Mme David (Gouin) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Donc, très rapidement. C'est assez fascinant de vous entendre parce qu'en fait vous dites la même chose que plein de gens. L'éloignement des structures, ça vous fait peur, des structures décisionnelles, parce que vous dites : Est-ce qu'on va perdre les liens qu'on avait réussi à établir? Parce qu'il y avait des gens qui décidaient que c'était correct, ces liens-là. Je suppose que c'est dans les CSSS et avec les organismes qui étaient autour.

Le ministre par ailleurs nous dit : Oui, mais c'est quand même important, là, de mettre au monde cette structure régionale, donc qu'il souhaite, pour favoriser une meilleure fluidité entre la première et la deuxième ligne. C'est un argument qui revient souvent. Moi, j'aimerais connaître votre expérience terrain là-dessus. Est-ce que, oui ou non, les personnes aînées, à votre connaissance, ont effectivement des difficultés une fois qu'ils sont accès, là, au système de santé et de services sociaux à obtenir des services de deuxième ligne ou bien si vous jugez que ça ne va pas si mal que ça? C'est quoi, votre opinion?

• (16 h 50) •

Mme Osborne (Michèle) : C'est très variable d'un aîné à l'autre, hein? Il y a autant d'histoires de vie qu'il y a de personnes âgées, hein? Donc, ça dépend vraiment de l'entourage de la personne âgée. Ça dépend. Avec nos ITMAV, parfois, on n'a pas à retourner la personne âgée vers le réseau de la santé, souvent, c'est juste une information sur les services dans la région, puis ils trouvent un transport adapté, ils trouvent une possibilité d'avoir la popote, ils trouvent où aller pour avoir un centre de jour.

C'est sûr qu'on gère tous des listes d'attente, ça, c'est officiel. Donc, est-ce que la lourdeur de la nouvelle loi va faire en sorte qu'un aîné qui va se retrouver en attente va être considéré par les CSSS comme étant un aîné qui a un service parce qu'il n'est plus dans le réseau vraiment? Il est en attente chez nous, mais il est quand même en attente. Donc, c'est très variable d'un aîné à l'autre. Ça dépend vraiment du vouloir de la personne âgée puis de tout son environnement aussi, là. Quand tu es seul, quand tu as une famille, quand tu as un soutien, quand tu vas dans un centre comme les nôtres, où, déjà, tu es bénévole, tu participes, tu as des amis, tu as un réseau social, ce n'est du tout comme la personne âgée qui a des problèmes soit d'alcool ou... Malheureusement, ces gens-là sont souvent tassés. Et ils nous reviennent par la porte arrière en disant : Bien, écoutez, on ferme le dossier, parce qu'on ne peut rien faire pour cette personne-là. Donc, nous le communautaire, ce qu'on fait, c'est qu'on essaie de trouver un endroit où cette personne-là va aller. Les problèmes de jeu ne sont pas considérés. Tu sais, il y a beaucoup... La personne âgée, elle ne peut pas fitter dans un moule où tu dis : Bon, bien, quand tu vieillis, tu devrais fitter dans cette case-là, là. Et il y a autant de personnes âgées qu'il y a d'histoires de vies, là. Donc, il y a certains aînés, malheureusement, qui tombent entre deux chaises.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie, Mme Osborne, M. Guérard pour votre présentation et les échanges. Je vais donc suspendre les travaux pour quelques instants. Et j'invite le prochain groupe à prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 51)

(Reprise à 16 h 53)

La Présidente (Mme Montpetit) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc la commission reprend ses travaux.

Je souhaite la bienvenue à nos invités. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Et, par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Table régionale des organismes communautaires et
bénévoles de la Montérégie (TROC Montérégie)

Mme Nasstrom (Johanne) : Merci. Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames et messieurs, membres de la commission, nous vous remercions de nous entendre aujourd'hui. Je me présente, Johanne Nasstrom, directrice à la Table régionale des organismes communautaires de la Montérégie (TROC-Montérégie). Je suis accompagnée aujourd'hui de Mme Danielle Goulet, présidente de la TROC-Montérégie et Catherine Jetté, agente de liaison.

Avant de débuter, nous vous présentons très brièvement notre organisation. Alors, la Table régionale des organismes communautaires de la Montérégie est un regroupement comptant plus de 260 organismes communautaires autonomes membres oeuvrant en santé et services sociaux sur tout le territoire de la Montérégie. Nos membres sont impliqués dans de nombreux secteurs d'intervention auprès des citoyennes et citoyens de la région et offrent de nombreuses activités à leurs communautés.

Nous avons analysé le contenu du projet de loi n° 10 en abordant les deux questions suivantes : Quels seront les effets de la fusion des établissements locaux sur la prévention des problèmes de santé et sur la prestation des services sociaux? Aussi, en deuxième question : Quels seront les impacts du projet de loi sur la participation citoyenne exercée entre autres par les organismes communautaires et comment pouvons-nous assurer le respect du rôle des organismes communautaires à l'intérieur de cette réforme?

Afin de répondre à ces deux questions, rappelons brièvement l'évolution du système de santé et des services sociaux. Alors, en novembre 1966, la Commission d'enquête sur la santé et le bien-être social confirme l'importance d'intervenir de manière globale pour améliorer la santé de la population québécoise. Comme vous le savez, plusieurs lois et règlements sont adoptés dès le début des années 70 pour établir ce que deviendra le système de santé et services sociaux québécois. De manière générale, le Québec s'est doté, durant cette période, d'un système de santé et de services sociaux de qualité et relativement accessible.

En 2003, une réforme transforme radicalement le réseau. Le ministre de l'époque, à la présentation de sa réforme, nous confirme que cette fusion, la fusion des établissements, favorisera le continuum de services, donc la maximation des ressources, priorisera la première ligne, réduira les temps d'attente et diminuera les coûts financiers pour le gouvernement. La fusion des CLSC, centres hospitaliers, CHSLD de 2003 provoque des bouleversements sans précédent. Les organismes communautaires insistent régulièrement auprès des autorités de santé pour maintenir les services de proximité, pour améliorer l'accessibilité aux services de première ligne et investir en prévention pour corriger la situation.

La réforme de 2003 a aussi ébranlé l'échiquier de la participation citoyenne. Avec la disparition des conseils d'administration des établissements fusionnés, les organismes communautaires ont dû composer avec des établissements concentrés sur les besoins des hôpitaux et très loin des déterminants sociaux de la santé, et pourtant, pourtant, la santé d'une population est en relation directe avec ses conditions de vie, mais, afin de prendre en compte cette affirmation, encore faut-il s'entendre sur une définition de la santé.

En 1948, l'Organisation mondiale de la santé présente la santé non pas en termes d'absence de maladie ou d'infirmité, mais comme un état de bien-être physique, mental et social. Cette définition correspond à celle portée par les organismes communautaires, et c'est pourquoi notre mouvement insiste d'agir sur les déterminants sociaux de la santé.

Les liens entre problèmes de santé, chômage, emploi mal payé, niveau d'éducation, conditions de logement ne sont plus à faire. Le soutien social, la vitalité d'une communauté et les réseaux sociaux au sein d'une collectivité bénéficient aussi à la santé de la population. Dès l'enfance et jusqu'au dernier jour d'une personne, cette interaction se manifeste et apporte son lot de santé et de maladies. Mais cette vision est contraire à la vision portée par le modèle médical, vision qui isole le corps de la personne. Le modèle médical concentre ses efforts sur le corps, qui est alors défini comme une machine qui doit être réparée lorsqu'elle est défectueuse. Le modèle médical mesure l'absence de maladie, le taux de maladie, le taux de décès dans une société ou encore la capacité de fonctionnement d'un individu. C'est d'ailleurs ce langage qui prévaut dans les sphères décisionnelles du réseau de la santé actuellement. L'accent est mis sur le traitement des maladies physiques et mentales explicites et réduit presque à néant l'influence des conditions de vie d'une personne.

L'ampleur des postes budgétaires, d'ailleurs, réservés, que ce soit aux médecins, aux pharmaceutiques, témoigne du pouvoir de ce modèle sur notre réseau. Ainsi, pour 2013‑2014, les sommes versées aux médecins ont dépassé toutes les prévisions budgétaires du ministre des Finances, et ce n'est pas terminé. De plus, le Québec fait aussi piètre figure au niveau du contrôle des coûts des médicaments.

Alors, concrètement, pour les organismes communautaires, la fusion de 2003 a entraîné une concentration des efforts sur les soins et les services prodigués à l'intérieur des milieux hospitaliers. Les organismes communautaires ont aussi observé un désengagement progressif du réseau dans les services psychosociaux, les services de maintien à domicile et les services de prévention.

Revenons au projet de loi n° 10, plus spécifiquement le cas de la Montérégie. En Montérégie, on parle de la fusion de 19 établissements. Un seul conseil d'administration offrira des services pour l'ensemble des 11 territoires locaux de la région. Un seul conseil d'administration pour assumer les responsabilités des 11 instances locales, la mission des centres jeunesse, deux centres de réadaptation en déficience intellectuelle, un centre de réadaptation en dépendance et l'Institut Nazareth et Louis-Braille. Rappelons que la Montérégie compte 1,5 million de population, 15 MRC, 210 municipalités, 11 000 kilomètres carrés de territoire. Un seul établissement pour répondre à tous ces besoins? Nous sommes sérieusement inquiets.

Alors, comme je le disais un peu plus tôt sur les organismes communautaires, les organismes communautaires se définissent dans leur variété comme constituant d'un mouvement social autonome d'intérêt public. Il ne saurait y avoir de mouvement communautaire sans autonomie, et cette autonomie se traduit par sa culture particulière, la liberté de ses racines, la liberté de ses finalités, moyens et pratiques, par son indépendance face à l'État.

Depuis quelques années, les organismes communautaires ont été vivement interpellés par l'augmentation de la pauvreté et le désengagement de l'État dans les services publics, et c'est dans ce cadre que les organismes communautaires expriment sans relâche les besoins de leur communauté aux décideurs.

• (17 heures) •

Nous ne pouvons faire abstraction aujourd'hui d'une déclaration récente du ministre Carlos Leitão laissant sous-entendre que les services sociaux publics pourraient être donnés par les organismes communautaires. Il est vrai que les organismes communautaires pallient de plus en plus au manque de services, sans avoir les ressources humaines et financières pour octroyer ces services. Mais les groupes communautaires n'ont jamais voulu ni prétendu se substituer à l'État dans la prestation des services à la population. La mission des organismes communautaires ne pourra jamais répondre à ce type d'exigences, puisque sa raison d'être n'est pas celle de fournir à la population les services relevant de la mission des établissements, mais d'offrir des activités à partir de leur mission propre. Les membres des organismes communautaires sont très conscients qu'un tel glissement serait un dangereux recul.

Depuis plusieurs années, les organismes communautaires demandent au gouvernement de les soutenir de façon adéquate afin de réaliser pleinement leur mission. Ces demandes sont établies non pas en fonction de ce que le réseau exige d'eux, mais bien à partir du rôle que les communautés, par qui et pour qui ils existent, veulent les voir accomplir.

À la lecture du projet de loi n° 10, le CISSS Montérégie sera appelé à gérer le Programme de soutien aux organismes communautaires, le PSOC, et cet établissement sera, de toute évidence, dans une logique où sa fonction hospitalière demandera la plus grande partie de ses ressources financières et humaines.

L'Agence de la santé et des services sociaux de la Montérégie n'a jamais eu le rôle de prestation de services, mais plutôt un mandat de coordination. Pour le mouvement communautaire et l'agence, cela s'est toujours traduit par établir un partenariat facilitant de bonnes relations entre le réseau public et les organismes. Mais, dans le cas où les ressources financières du CISSS n'arrivent pas à répondre adéquatement aux besoins de la population en termes de services sociaux... dans le cas où ils n'arriveraient pas à répondre, cette réforme pourrait mettre en péril le mouvement communautaire en transformant le rôle des organismes communautaires en prestataires de services publics à moindre coût.

Déjà, plusieurs organismes nous informent qu'ils subissent une certaine pression des fonctionnaires pour offrir des services qui ne relèvent pas de leur champ de compétence. Avec l'adoption du projet de loi n° 10, la pression risque d'être accrue puisque le financement de la mission des organismes relèvera des mêmes acteurs, c'est-à-dire des mêmes fonctionnaires responsables de fournir les services directs à la population.

Alors, dans son ensemble, le projet de loi n° 10 marque clairement pour nous une continuité avec la réforme de 2003.

La Présidente (Mme Montpetit) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Nasstrom (Johanne) : Cette continuité se traduit principalement par une deuxième vague de fusions des établissements. Rien ne nous laisse croire que des investissements seront réalisés dans les services sociaux ou dans la prévention. Et nous aimerions attirer votre attention très rapidement... Sachant que cette réforme est le fruit d'un travail qui s'inscrit dans l'ensemble des travaux du gouvernement, on veut attirer votre attention sur l'énoncé suivant de l'Association pour la santé publique du Québec, et je cite :

«Le développement économique et le développement social vont de pair et constituent deux facettes d'un développement plus global qui doit aussi être durable. À court terme, certains pays peuvent réussir à accélérer le développement économique en ralentissant le développement social ou en sabrant dans les programmes sociaux. Mais, à plus long terme, le développement économique est menacé s'il n'est soutenu [...] par un faible développement social[...]. C'est donc en améliorant les conditions sociales — en agissant sur les facteurs sociaux — qu'on peut à la fois améliorer le niveau de santé, la qualité de vie et accélérer le développement économique. Dans [le] contexte de mondialisation des économies, les sociétés qui s'en tireront le mieux sont celles qui réussiront à s'adapter, bien sûr, mais aussi à le faire en améliorant les conditions sociales de leur population.»

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie pour votre présentation. Nous allons donc débuter la période d'échange avec les représentants de la partie ministérielle, pour une période de 16 min 30 s. M. le ministre.

M. Barrette : Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme Goulet, Mme... on prononce «Nastrom»?, et Mme Demers, merci d'être ici et merci de vos commentaires. Puis j'ai vraiment l'intention... puis je veux vous le dire, je vais vous dire : Bienvenue dans le monde parlementaire, en ce sens que je vais vous faire une... essentiellement, des commentaires qui vont répondre systématiquement à votre propos, que je trouve très intéressant, très à point, très réfléchi. Mais je vous dirais qu'il manque un élément, et c'est l'élément gouvernemental. Et vous allez comprendre ce que je veux dire, là.

Nous, au gouvernement, on fait face à tous les jours, qu'on soit au gouvernement, ou dans l'opposition, dans la deuxième opposition, ou dans la troisième opposition... On fait face, à tous les jours, à la quadrature du cercle, tout le temps, la quadrature du cercle étant de faire tout ce qui se dit ici, dans cette Chambre, depuis trois semaines. Tout le monde veut faire le bien, tout le monde veut tout pour soi-même et ses concitoyens — et c'est normal, ça s'appelle la démocratie — et tous les gens qui passent ici sont bien intentionnés. Ceci dit, quand vous faites référence au fait que le projet de loi, ou le système, ou la dernière réforme est essentiellement un système vu du monde médical, qui vise le médical au sens propre du terme, en opposition au social, bien, je vous renverrai un peu l'argument suivant : C'est parce que nous tous et toutes, là, on répond à la population qui le veut. Et, si, demain matin — et c'est ça, la quadrature du cercle, là — nous en arrivions à couper des services médicaux ou à limiter l'accès à des services médicaux... et j'irais même jusqu'à dire que, si on donnait le choix entre certains types de services sociaux et/ou médicaux, il est possible que la société dans son ensemble fasse un choix qui ne soit pas le même que le mien, ni le vôtre, ni de ceux de quiconque qui soit ici dans la salle.

La quadrature du cercle, on y fait face à tous les jours. Et, en quelque part, il y a un certain nombre de contradictions auxquelles on fait face. Ces contradictions-là sont : essayer d'opposer une chose à une autre puis essayer de tout faire. Ce n'est pas possible. Puis je vous donne un peu un élément du monde communautaire qui l'illustre bien. Vous avez dit, là... Et je vous comprends, vous n'avez pas idée à quel point je vous comprends, vous ne voulez pas devenir les sous-traitants du système de santé. Je le comprends, vous avez raison. Vous tenez, là, comme à la prunelle de vos yeux, à votre autonomie en termes de culture, de façons de fonctionner, de vision des services que vous avez à donner, je le comprends complètement. Mais, en même temps, vous ne pouvez pas vivre en vase clos, vous le dites vous-même, en quelque part, il faut un financement. Le financement, chez vous, étant mixte, parfois vous avez des dons, parfois vous avez des subventions de la part du gouvernement.

Mais tout ça, là, s'inscrit dans un grand ensemble, qui est celui de ce que veut le public. Le public veut : a, b, c, d. Et le public, lui, réellement, oppose certaines choses. Certaines clientèles vont mettre l'emphase sur certains éléments, d'autres clientèles... Puis je le dis dans le sens propre du terme, là, parce que, quand on arrive dans ce merveilleux monde là... parce que c'est un monde quand même extraordinaire, la santé et les services sociaux, il y a des choses merveilleuses, il y a des choses moins merveilleuses, mais il n'en reste pas moins que, dans la société, les gens y vont pour leur intérêt.

Et nous, on se retrouve dans la situation, là, où on doit essentiellement balancer les choses. On doit faire en sorte que le poids d'un soit considéré à son mérite et ainsi que le poids de l'autre, tout en sachant qu'il est malheureusement impossible de tout faire. Ce n'est pas possible. Et ce n'est juste pas possible.

Alors, quand vous avez certaines inquiétudes quant à ce qui va arriver au communautaire avec le projet de loi n° 10, bien, la seule chose que je peux vous dire, c'est : Je ne sais pas qui entretient... Je le sais un peu, là, mais... Ceux qui entretiennent un argumentaire qui va dans la direction de, un, diminuer votre importance, à la limite, vous éliminer, comme vous l'avez dit tantôt, de faire de vous du cheap labor, là, ce n'est pas ça. Et là vous allez aussi loin que de dire : On va toucher à la prévention et à toutes ces activités-là de la Santé publique. Je remets ça dans mon contexte, qui est celui d'un gouvernement. La réponse : Ça ne peut pas arriver, là, ce que vous décrivez. Si on faisait ça, on serait essentiellement un gouvernement très discutable, et les gens auraient raison de le critiquer.

Alors, aujourd'hui, nous, ce que l'on vise à faire, c'est avec les moyens qu'on a. les moyens qu'on a étant la conséquence des décisions antérieures, bien, avec les moyens qu'on a, on essaie d'améliorer le système, et on pense que vous avez votre rôle à jouer et que vous devez être appuyés, et on le fera. Et c'est la raison pour laquelle, dans le projet de loi, il y a des provisions qui vont garantir votre financement, garantir comme dans : Il ne passera pas de vous à l'hôpital. Personne n'a jamais fait ça.

• (17 h 10) •

En même temps, pour le côté que vous qualifiez de médical, bien, à un moment donné, là, il y a une organisation qui doit faire en sorte que l'intégration complète se fasse. Vous le voyez, là, dans votre clientèle, que ça se... Et vous avez raison, là, je fais une parenthèse, oui, c'est la continuité de la dernière réforme et, oui, il y a des choses qui ont été imparfaites, mais donnez-nous le crédit de vouloir corriger ce qui a été imparfait, ne serait-ce que par le fait que, un, on le constate, et que, deux, l'ayant constaté et ayant surtout constaté le chemin qui a amené aux imperfections, on ait la capacité, la possibilité et certainement la volonté au moins de corriger ça. Et je dis, et vous m'avez entendu dire tantôt, là, qu'on visait à intégrer ce qui n'a pas été intégré. Dans votre milieu, c'est vrai qu'il y a eu des soubresauts en 2003, mais je pense qu'on peut dire qu'il y a quand même eu des choses positives qui sont sorties de la dernière intégration au niveau des CSSS et des RLS, qui font en sorte que, bon, on a fait un bout de chemin; on veut faire le dernier bout de chemin.

Pour ce qui est de la grosseur de la chose, on est en commission parlementaire, et la commission parlementaire sert à recevoir vos commentaires, vos critiques, vos inquiétudes et d'ajuster le projet de loi en conséquence. Alors, il est clair qu'en Montérégie il y aura des ajustements, hein? Ça n'a pas été écrit comme tel au départ, mais, dans le CISSS de Montérégie, il y avait des subdivisions qu'on formalisera en CISSS tel quel.

Mais une chose qui est certaine, et je termine là-dessus avant de passer la parole à ma collègue, notre objectif n'est pas d'altérer de quelque manière que ce soit votre contribution ou votre culture, mais bien de faire en sorte que l'intégration se fasse de façon maximale, tout en soutenant votre financement, et ça, en quelque part, ça passe par une intégration. Moi, je vous le dis, vous n'êtes pas obligées de me croire, mais j'espère que vous allez le voir, si le projet de loi est adopté, au bout de l'exercice, vous en sortirez gagnantes, mais avec une certaine insatisfaction, comme tout le monde.

Vous savez, moi, en négociation, là, je dis toujours la même chose, là, vous allez rire : À la fin des négociations, là, il faut que tout le monde soit malheureux égal ou heureux égal. Il y aura toujours une insatisfaction parce qu'on veut toujours plus, on veut le mieux, et le mieux n'est jamais atteignable, donc il y a toujours une insatisfaction. Je suis sûr que vous allez avoir une certaine insatisfaction saine, je la comprends à l'avance, mais nous aurons travaillé dans votre sens. Et le projet de loi, je peux vous assurer que... dans son esprit, va vers vous et non l'inverse... c'est-à-dire et non s'en éloigne. Ça peut être l'inverse, on peut aller l'un vers l'autre, dans l'autre sens, là, c'est parfait, mais on ne travaille pas pour que vous soyez altérés dans votre travail. Je passe la parole, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Montpetit) : Oui, absolument. Il reste un petit peu plus de 7 min 30 s.

Mme Nasstrom (Johanne) : Je peux réagir, oui?

La Présidente (Mme Montpetit) : Oui, oui.

M. Barrette : Oui, oui, certainement.

Mme Nasstrom (Johanne) : Alors, on comprend... Présentement, on est devant un... on connaît les finances publiques, on est devant un gouvernement qui fait des choix en fonction, oui, de ses finances publiques, en fonction des choix des précédents gouvernements. Ce n'est pas d'hier, hein, qu'il y a des critiques par rapport, entre autres — et on peut le nommer — du mode de rémunération des médecins, entre autres, sur le coût des médicaments, plus particulièrement depuis les 12 dernières années. On est pris après ça avec des finances publiques qui sont telles qu'elles sont aujourd'hui, sauf que, sauf que notre grande inquiétude, c'est en délestant les services sociaux, en délestant... Et le phénomène... Et on n'a pas... Oui, il n'y a pas eu d'étude qui a été faite sur les 10 années de fusion, on n'a pas de bilan officiel comme tel des 10 années de fusion, mais ce qu'on a pu observer, dans les 10 dernières années, c'est qu'il y a des clientèles, il y a des personnes qui tombent dans les craques, et ça, c'est des gens qui vont cogner ensuite aux portes des organismes communautaires, des organismes communautaires qui sont incapables de répondre à certains besoins : un jeune en crise, que c'est une intervention psychosociale d'un centre jeunesse qui est nécessaire et non d'un organisme communautaire jeunesse, va nécessairement se retrouver un peu plus tard soit à l'urgence soit en soins psychiatriques en milieu hospitalier, ce qui coûte beaucoup plus cher.

Notre grande inquiétude finalement, c'est une explosion des coûts. Si la préoccupation n'est pas... Si on n'a pas cette préoccupation-là aujourd'hui de renforcir la prévention, promotion et les services sociaux, on va se retrouver avec une explosion des coûts.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie. Mme la ministre déléguée.

Mme Charlebois : Justement, c'est moi la ministre déléguée aux services sociaux, chez qui vous allez manifester le 17, d'ailleurs. Je ne sais pas si vous savez c'est où, Saint-Clet, là, mais vous n'aurez pas grand public. Je veux vous dire que ce qu'on fait en ce moment, ce sont des consultations... Non, mais, c'est vrai, parce que c'est un petit village, il n'y a pas d'artère principale, vous allez trouver ça plate. Je vous le dis tout de suite, on va vous recevoir avec grand plaisir, mais il n'y aura pas de spectateurs.

Ce qu'on fait en ce moment, honnêtement, je suis un petit peu... — excusez, Mme la Présidente — je suis tannée d'entendre l'opposition entre les soins de santé puis les services sociaux; ça va ensemble. Ça ne peut pas... Moi, je suis là pour protéger les services sociaux; je suis la ministre déléguée aux services sociaux. J'ai le goût de vous dire, quand vous nous parlez de l'autonomie des organismes communautaires, puis excusez mon impatience, mais ça fait un bout de temps qu'on entend ça, puis je ne suis plus capable... Connaissez-vous la loi des LSSSS?

Une voix : ...

Mme Charlebois : À l'article 335 : «Un organisme communautaire qui reçoit une subvention en vertu du présent titre définit librement ses orientations, ses politiques et ses approches.» Ça, là, ça va encore être vrai après l'adoption du projet de loi.

Troisième élément, j'ai le goût de vous dire que les budgets qui sont dédiés aux organismes communautaires non seulement c'est attribué en fonction des finances de l'État, vous avez raison, mais j'ai aussi le goût de vous dire que ce qu'on dit, nous autres, les bottines ont suivi les babines parce que, de 2002‑2003 à aller à 2014‑2015, on est passés de 274 millions sous des libéraux jusqu'à 507 millions. Moi, là, je ne prendrai pas d'engagements bidon — parce que c'est des engagements pas budgétés, moi, j'appelle ça des engagements bidon — pour ne pas les livrer ensuite. Ça ne se fait pas ça, pas sur le dos des clientèles vulnérables. Si ça avait été adopté, là, l'engagement qui a été fait par l'ancienne ministre, savez-vous quoi? Il y aurait eu d'autres compressions, puis c'est encore les services sociaux probablement qui auraient dû payer pour ça. Et soyez assurés de mon soutien là-dedans, là, les services sociaux, pour moi, c'est hyperimportant. Mais je travaille en collaboration avec le ministre de la Santé; lui, il s'occupe du curatif, moi, je m'occupe des services sociaux. Oui, il y a en eu, du lissage par le passé, il n'y en aura plus parce qu'on est sensibilisés, les deux.

Mais honnêtement je suis obligée de vous dire, Mme la Présidente, qu'il faut arrêter de mettre en opposition le réseau de la santé puis des services sociaux; il faut que ça travaille ensemble. C'est justement ça qu'on veut : qu'on intègre la première ligne, la deuxième ligne, la troisième ligne, tout le monde ensemble. Puis vous avez raison quand vous dites : La prévention est hyperimportante. C'est hyperimportant. La santé publique, c'est hyperimportant. Je ne veux pas que vous croyez qu'on fait ça, là, justement parce que ça ne nous intéresse pas. Je vous le dis, vous allez être protégés par la loi des LSSSS. Vos budgets, moi, je ne vous ferai pas de frime, ce que je vais vous annoncer, vous allez l'avoir, et, votre autonomie, vous allez l'avoir; les consultations, on les fait. Mais j'aurais aimé ça vous entendre me parler de l'intégration des services. C'est ce qu'on veut faire avec la loi, l'intégration, protéger l'expertise, l'autonomie. Ça, je ne vous ai pas entendu parler de ça. Moi, je suis consciente, là, de ce que vous nous parlez, je suis une députée avant d'être ministre. Je travaille avec des organismes communautaires. Allez les voir, puis je le sais, que vous l'avez déjà fait, les organismes de Soulanges, là, ils le savent, que je travaille avec eux autres. Ils sont contents de travailler avec moi parce qu'ils savent qu'on peut travailler ensemble. Alors, parlez-moi de comment... votre vision d'intégration de l'ensemble des services maintenant que j'imagine que je vous ai rassurés avec l'autonomie et le financement.

• (17 h 20) •

Mme Nasstrom (Johanne) : Je vais... C'est très intéressant, votre question sur la question de l'intégration des services. L'intégration des services, par exemple, à partir de 2003, les CSSS, on avait... Dans les CSSS, on avait des sièges réservés aux organismes communautaires. Plusieurs de nos membres chez nous ont participé de bonne volonté à cet exercice-là en tant que membres d'organismes communautaires, sièges communautaires sur les CSSS. Quand on le disait tout à l'heure, c'est le modèle médical qui prédomine, ce qui était... le langage utilisé et les préoccupations au sein des CSSS, les décideurs, ce qui ressortait, c'est des préoccupations d'ordre santé physique, médicale. Ce qui était des services sociaux... Puis, quand on veut aller plus loin, plus large encore que services sociaux, tous: physiothérapie, ergothérapie, orthophonistes, tous ces services-là, c'était... on n'avait pas le temps pour discuter de ça, et, s'il y avait un poste qui pouvait être aboli, c'était le poste de psychologue. Parce que c'est vrai, vous avez tout à fait raison, M. Barrette, hein, la pression de la population, ce qui paraît, c'est ce qu'il y a dans les médias à l'urgence. Sauf qu'on s'adresse à un gouvernement qui propose un projet de loi pour une nouvelle gouverne. On doit pouvoir compter sur le gouvernement qui nous gouverne pour organiser un réseau de la santé qui va tenir compte de l'importance de ça. On ne peut pas être pris comme on était, et l'intégration a été très difficile. Entre 2003 jusqu'à aujourd'hui, ça a été une intégration très difficile pour cette...

La Présidente (Mme Montpetit) : Mme la ministre déléguée, pour un 30 secondes pour terminer.

Mme Charlebois : Pour vous rassurer... Oui, juste pour vous rassurer, les budgets sont protégés par programmes services. Il va y avoir une reddition de comptes, parce qu'au-delà de la budgétisation il faut aller voir comment c'est dépensé, et vous le savez, qu'il n'y aura pas de transferts possibles d'un poste à l'autre de programmes services. Plus, les budgets vont suivre les clientèles, les usagers, les patients. Ça, là, c'est important pour tout ce qui est dans le projet de loi n° 10, mais ce n'est pas tout inscrit dans le projet de loi n° 10. Il y a des choses qui vont venir par après, là. Mais, bon...

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie. Donc, je cède la parole au premier groupe de l'opposition pour une période de 10 min 30 s. Mme la députée de Taillon.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue, Mme Goulet, Mme Nasstrom et Mme Jetté. Merci d'être là et de témoigner de vos messages, parce que, comme pharmacienne, je les entends aussi et, quand vous parlez du coût des médicaments, je sais qu'on pourrait prendre 100 % du budget de la santé en coût de médicaments. On doit faire des choix et on doit, et vous nous le rappelez, être conscients que, même lorsqu'on demande à la population en général, il faut éduquer la population sur la valeur ajoutée des mesures préventives, du soutien social. C'est moins automatique, c'est moins facile à concevoir, et il faut y donner de l'énergie, du temps, de l'éducation, des programmes de sensibilisation pour tout ce qui est prévention, santé publique, soutien à domicile, et on comprend bien la dynamique dans laquelle vous êtes.

Moi, je voudrais... J'entends, en tout cas, que vous auriez besoin d'être rassurées de façon un peu plus spécifique sur l'ampleur de la Montérégie, parce que je regarde votre... — les minutes passent vite, donc... — sur l'ampleur de la Montérégie. Le ministre dit : Ça va être moins gros, mais on ne sait pas combien. C'est-u deux, trois, six qu'on va avoir? On aimerait ça l'entendre, on aimerait avoir certains éléments très concrets, tout simples, dits tout en douceur, et ça nous rassurerait. Déjà, on aurait une meilleure image de ce qui nous attend en Montérégie.

L'autre élément qui est préoccupant, c'est l'article 161 du projet, qui a été repris par le Protecteur du citoyen, par Me Jean-Pierre Ménard et par beaucoup de groupes communautaires, mais c'est l'intention du ministre de pouvoir se soustraire à la publication des règlements. Alors, comme on a un portrait qui est minimal, un squelette, on le sait, ça va se définir beaucoup mieux dans les règlements, et le ministre s'est donné, en tout cas, la possibilité, dans ce projet de loi là, de passer plus vite au niveau des règlements et de ne pas nous redonner la chance de pouvoir intervenir. Alors, ce sont certainement des mesures très simples, très concrètes qui pourraient apporter, je pense, à des groupes communautaires comme les vôtres certaines garanties.

Sur la suite, je vais laisser la parole au député de Rimouski, mon collègue, par rapport à l'insécurité que vous avez au niveau des organismes communautaires et de certaines déclarations.

M. LeBel : Bonjour. Je vais commencer par peut-être dire à la ministre déléguée, que j'aime beaucoup, que j'ai beaucoup de respect, qui dit qu'elle n'est plus capable, moi, j'ai rencontré beaucoup de monde dans mon comté puis dans ma région qui travaillent dans les groupes communautaires puis qui ne sont plus capables. Ils ne sont vraiment plus capables aussi.

Il y a un enjeu majeur, puis vous l'avez bien dit tantôt, qui touche les groupes communautaires, puis c'est un enjeu de société. Vous avez parlé du respect de votre rôle. Vous avez sorti la déclaration du ministre des Finances, puis je l'avais comme sortie aussi. Il disait : «...[les] organismes communautaires pourrait s'avérer plus flexible et moins coûteux pour l'État», a dit le ministre des Finances. Il a rajouté : «Cette approche pourrait permettre au gouvernement [...] de réduire le nombre d'employés de la fonction publique, puisque l'État ne serait pas nécessairement l'employeur des travailleurs de ces organismes communautaires.»

Hier, aussi, le ministre parlait des groupes communautaires un peu comme «votre monde» : Votre monde, c'est... Je pense qu'il y a une cassure entre la vision du gouvernement par rapport à ce que c'est, des groupes communautaires... Le milieu communautaire, c'est un milieu qui est issu du milieu, qui est issu de besoins, de gens qui se sont pris en main, qui se sont mobilisés, qui ont... Ça n'a pas été une commande de l'État, ça vient du milieu, et ça, c'est fondamental, il ne faut jamais l'oublier. Et c'est pour ça qu'on parle d'indépendance des groupes par rapport à l'État. Si les groupes deviennent des dispensateurs de services, ce n'est plus vraiment de l'action communautaire autonome, il est important de le rappeler. Et là ce qu'on voit dans le projet de loi, ce qu'on voit, c'est exactement vers la déclaration du ministre des Finances, qui s'est pourtant excusé après. Le premier ministre lui a demandé de s'excuser, mais on voit la ligne qui est toujours là. On sort le milieu communautaire des lieux de pouvoir puis des lieux d'influence, on les sort des C.A., et ce qu'on se dit : Vous allez devenir des dispensateurs de services. On va vous reconnaître, on va vous protéger votre budget, mais vous allez dispenser des services parce que, comme État, comme gouvernement, le public veut qu'on donne des services, c'est un peu ça le discours qu'on vous dit. Et là vous allez donner les services par un genre de financement, là, reconnu, mais un financement à l'acte pour financer des services bien, bien précis. C'est ça qu'on fait, exactement comme le ministre des Finances le disait.

Et moi, je pense qu'on est... il y a un grand danger pour l'avenir si on ne reconnaît pas l'autonomie des groupes communautaires puis leur capacité de changement, de faire des changements. C'est aussi ça que le public veut, leur donner une marge de manoeuvre. Parce que, s'il n'y avait pas eu des groupes communautaires, surtout en Montérégie, il n'y aurait pas eu de garderies populaires qui n'auraient pas donné de CPE plus tard. C'est un peu ça. L'aide juridique, ce ne serait jamais né si on avait embrigadé les groupes communautaires dans des... ça vient des groupes communautaires.

Chez nous, dans le Bas-du-Fleuve, les groupes communautaires travaillent avec la CRE, avec les CLD dans différents outils de développement. On travaille, entre autres, dans un projet de travailleurs de rue qui est extraordinaire. Mais ce n'est pas arrivé du gouvernement, la commande, c'était un problème... c'est le milieu, puis ça aide le gouvernement.

Ça fait que moi, je pense que financer l'action communautaire autonome, l'autonomie, c'est aussi ce que le public veut puis c'est aussi permettre un meilleur service de santé. Moi, ce que j'aimerais vous entendre, c'est un peu là-dessus, c'est le danger d'embrigader des groupes communautaires dans du service à l'acte puis leur empêcher de faire ce qu'ils ont toujours fait, c'est représenter le milieu puis de soulever des initiatives nouvelles qui dépendent de région en région, qui ne sont pas les mêmes. J'aimerais ça savoir un peu... C'est le danger... vous l'aviez un peu dit tantôt, mais le danger pour l'avenir des groupes communautaires.

Mme Goulet (Danielle) : Bien, je pense que, tu sais, quand qu'on parlait tantôt que, oui, bon, selon les enveloppes, il y a eu une augmentation du financement des groupes communautaires, moi, sur le terrain, si je regarde la plupart des groupes que je connais, quand que c'est une indexation de 0,9 %, ou de 1 %, ou 2 % dans les meilleures années, avec des besoins qui augmentent et avec des groupes qui sont déjà sous-financés, avec des services qui sont de... avec des demandes qui sont de plus en plus grandes... et le besoin qu'on a aussi d'aller chercher du financement ailleurs fait en sorte qu'on a moins de temps pour consacrer à notre mission. Donc, à un moment donné, il y a des choix à long terme aussi à faire à ce niveau-là.

Toute la question... qu'on dit : Oui, le financement des groupes communautaires... et le fait que les groupes communautaires, ils sont très, très sous-financés, ils manquent de financement essentiel dans leur mission pour avoir des salaires décents, ça fait que, si on leur offre un 30 000 $ pour ouvrir un centre de jour pour personnes handicapées lourdes, bien, parfois, ils se disent : Ah! peut-être que ça va nous aider, sans comprendre... C'est ça qu'on est toujours à essayer... des regroupements comme le nôtre, d'essayer de faire de la sensibilisation face à ça. Mais, des fois, par rapport aux conseils d'administration, qui sont souvent des utilisateurs de services, qui voient juste le service... ne voient pas l'ampleur de ça. C'est pour ça, l'importance de financer la mission de base. Si je pense à l'exemple de mon organisme, que le financement de base, c'est peut-être le tiers de mon financement, le reste, je vais chercher du financement ponctuel, qui alourdit ma tâche énormément, et c'est comme ça pour beaucoup de groupes. Puis moi, oui, je suis centrée sur ma mission, mais ça peut facilement dévier des missions de base pour toutes sortes de raisons. On est pris dans un tournant qui nous amène de passer les journées... et tout ça, de ne pas prendre le temps qu'il faut pour protéger ces missions-là.

• (17 h 30) •

Mme Nasstrom (Johanne) : Et de dévier ces missions-là... C'est toute la question, tout le rôle de soutien social. Un organisme communautaire dans une société, dans une communauté, par exemple, prenons n'importe quelle... une maison de jeunes, une maison de jeunes dans une communauté qui est vraiment... qui fait un travail exceptionnel puis qui assure aussi que cette communauté-là soit mieux ficelée, mieux tissée, prévention de criminalité, prévention de toutes sortes de choses, le jour où l'organisme communautaire est dans une logique de paiement à l'acte, bien, à ce moment-là, on sort de cette logique-là.

Puis il faut comprendre que les organismes communautaires, on porte une revendication en santé et services sociaux actuellement de 225 millions. Si on le fait en amont, c'est 225 millions. En aval, ça peut être 3 milliards, là. Je dis n'importe quel chiffre, là, mais c'est pour vous donner une image un peu de ce que ça peut ressembler. Le travail qui est fait à la mission, et qui est dans une perspective d'agir sur les déterminants sociaux, dans une perspective de tisser, de renforcir le tissu social est énorme, a des retombées énormes. On le voit au quotidien. Notre inquiétude demeure. Quand il y a une pression de la part du réseau pour offrir, vu qu'il y a des manques dans le réseau au niveau des services sociaux, on a des organismes qui disent carrément : Non, je ne le ferai pas, c'est inadmissible; on en a certains qui se disent : Bien, là, la personne est mal prise, je vais le faire. Dans quelles circonstances qu'elle le fait? C'est là que c'est... on peut questionner. Mais il y a aussi tout le reste qui n'est plus fait, à ce moment-là. L'organisme abandonne sa mission, et là on prend encore plus de recul au niveau de la prévention puis d'agir sur le...

Mme Goulet (Danielle) : Et ça veut dire, quoi, ça, un financement à l'acte dans un organisme communautaire? Ça se calcule comment? Ça veut dire des redditions de comptes qu'on ajoute pour justifier ça et ça se justifie comment? Une intervention que tu fais, un soutien que tu fais, un accompagnement que tu fais, cinq minutes, 10 minutes, une heure, deux heures, cinq fois, six fois, nous autres, on n'en tient pas compte, de ça, je pense. C'est une de nos particularités d'être là et de répondre au besoin qui est là et de s'adapter à la personne plutôt que de demander à la personne de s'adapter à toutes sortes d'affaires pour qu'il rentre dans des cases. Ce n'est pas ça, ce n'est pas ça, les organismes communautaires, ce n'est pas ça, notre travail. Ça se calcule comment, ça, une intervention de travailleur de rue à l'acte? J'aimerais ça qu'on m'explique ça.

M. LeBel : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie. Je vais donc céder la parole au deuxième groupe de l'opposition pour une période de sept minutes. M. le député de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Nasstrom, Mme Goulet... Je pense que c'est Mme Jetté, hein?

Mme Jetté (Catherine) : Oui.

M. Paradis (Lévis) : Bonjour, Mme Jetté. Il y a beaucoup de choses qui sont dites, hein? Vous craignez l'effritement... Et là, si je dis des choses qui ne sont pas... mais c'est ce que j'entends. Vous craignez l'effritement des services de proximité, vous parlez de participation citoyenne, beaucoup de postes budgétaires, beaucoup... Bon. On vient d'en parler il y a deux instants. Vous plaidez pour l'autonomie du mouvement ou des organismes communautaires, de représentativité également.

Parlons d'intégration. À la lumière de ce que vous lisez, de ce que vous voyez, de ce qui vous est proposé, est-ce qu'il y a un moyen de faire en sorte qu'on puisse intégrer votre action à ce qui est proposé?

Mme Nasstrom (Johanne) : Le travail que les organismes font actuellement... Si on regarde la dynamique sur le territoire, le rapport entre les agences, on peut... l'agence de la Montérégie, les organismes communautaires, le travail qui est fait, il y a un travail de concertation, il y a un travail de partenariat qui se traduit sur le territoire. Dans le projet de loi actuel, ce qui nous inquiète, c'est, quand on parlait de participation citoyenne, l'éloignement, la concentration. On parle d'un CISSS pour 19 établissements. L'intégration dans un contexte pareil, c'est-à-dire les rapports qui étaient entretenus entre le réseau et le milieu communautaire dans un contexte pareil, nous semble très, très difficile. On ne sait pas comment... La participation citoyenne, déjà là, si on parle... si on voit l'intégration dans le respect du rôle des organismes communautaires, bien sûr, c'est-à-dire rôle qui est porte-parole de la population, qui apporte les... qui amène aux décideurs une vision de ce que c'est sur le terrain, les besoins des communautés, si on le voit dans ce sens-là, à ce moment-là, déjà, la disparition des CLSC a été un coup dur.

Les CLSC, ça a été un coup dur parce que les organismes communautaires impliqués qui faisaient des représentations, qui rencontraient les services, les décideurs des CLSC...

Une voix : C'était facile.

Mme Nasstrom (Johanne) : Le travail était beaucoup plus facile. Déjà, les CSSS qu'on a... Nous, on a des CSSS qui sont énormes, là. En tout cas, vous connaissez la Montérégie, Pierre-Boucher, le territoire de... Alors, déjà là, c'était difficile. Avec un CISSS, on a vraiment beaucoup de difficulté à s'imaginer comment est-ce qu'on va porter la voix et comment, concrètement, ça va être... Pour l'organisme communautaire de notre ministre, Vaudreuil-Soulanges, se rendre à Longueil, ça va être tout un défi, ça va être tout un... Juste ça, juste à ce niveau-là. Et, comme on disait, quand on a insisté sur la question, dans notre mémoire, le modèle médical qui prévaut, déjà là, l'implication, l'intégration d'une vision autre que celle qui est actuellement, qui prédomine notre système de santé, c'est un travail énorme, pour avoir discuté avec plusieurs organismes communautaires, de bonne foi, qui se sont impliqués, qui ont siégé au sein des conseils d'administration de CSSS.

Mme Goulet (Danielle) : Et on n'est pas en train de dire qu'il ne faut pas soigner les gens qui sont malades, là, loin de là. Je pense que c'est une priorité; les gens qui sont malades ont besoin de soins. Mais moi, j'aimerais ça un jour entendre un gouvernement qui a une vision à long terme et qui va dire : Bien, il serait peut-être temps qu'on fasse en sorte qu'il y ait moins de gens malades demain. Ça va nous coûter moins cher. Ça va peut-être nous coûter un peu plus cher pendant un certain temps, mais d'avoir une vision à long terme et non sur quatre ans pour avoir des résultats qui soient calculables puis qu'on revote pour eux autres... J'aimerais ça un jour entendre un gouvernement qui voit un peu plus loin pour le bien-être des citoyens.

M. Paradis (Lévis) : La prévention faisant en sorte qu'on évite le curatif.

Mme Goulet (Danielle) : Bien, je pense que oui. Ça ne veut pas dire... Justement, je veux dire, on n'a jamais dit qu'il ne fallait pas soigner les gens qui sont malades. On n'a jamais dit ça.

Mme Nasstrom (Johanne) : Le bien-être de notre économie aussi, hein? On a un souci par rapport à l'économie.

M. Paradis (Lévis) : En même temps, vous me parlez de mégastructure et du cas de la Montérégie. Je comprends à travers vos propos — puis je vous fais exprimer vos craintes, vous êtes là pour ça — que ces mégastructures-là ou cette mégastructure-là va complexifier d'autant l'échange d'information. Vous me donnez l'impression d'être à ce moment-ci presque en mode survie. En tout cas, à travers ce que vos organismes vous disent, je veux dire, la... On est déjà à l'étape de dire... On sait déjà qu'on va manquer d'oxygène. C'est ça que vous êtes en train de me dire.

Mme Goulet (Danielle) : Bien, aussi, c'est sûr que... Bon, on va voir ce que ça va donner. Mais l'histoire nous dit... Moi, ça fait 25 ans que je suis dans le milieu communautaire. Avant l'époque des CSSS, l'époque des CLSC, si j'avais besoin d'un soutien, un service, une collaboration, j'appelais au CLSC. Même si j'étais sur le territoire de CLSC à Longueuil, j'appelais les deux. Je connaissais les gens, les gens nous connaissaient. C'était facile. On avait un résultat, une réponse rapidement. Je dirais, dans une semaine, on nous rappelait : Oui, c'est beau, le directeur a dit oui. Oui, comment est-ce qu'on s'organise? Ça se faisait rapidement.

Quand on a installé la réforme avec les CSSS, là, si je veux une réponse, bien, assis-toi, ça peut prendre des mois, parce que la structure est grosse. C'est comme ça. Tu passes par un, deux, trois, quatre, cinq. Avant que ça redescende, ça prend beaucoup de temps. Donc, l'inquiétude de se dire... Avec une structure encore plus grosse, tu t'inquiètes.

M. Paradis (Lévis) : Est-ce que c'est seulement une question logistique : c'est trop gros, donc faisons moins gros, ça va mieux fonctionner dans votre cas précis?

Mme Goulet (Danielle) : Bien oui. La proximité fait que tu connais les gens, donc que tu connais les fonctionnaires, tu connais les gens qui travaillent dans les CLSC, tu travailles... Tu connais ces gens-là, tu te côtoies. Donc, ils comprennent plus ta réalité rapidement, parce qu'ils te côtoient. Ça fait que l'inquiétude d'une grosse structure où est-ce que les gens sont un peu... Combien de temps que ça va prendre avant qu'il se passe quelque chose? Je ne le sais pas. On ne le sait pas.

Mme Jetté (Catherine) : Dans une grosse structure qu'est-ce qui peut nous inquiéter aussi, c'est la protection des différentes missions de tous les établissements qu'on va fusionner. En Montérégie, là, on parle de deux CRDI, ma collègue l'a mentionné, deux CRDI, plusieurs CSSS, le centre de réadaptation. Il y a plusieurs structures. Puis nos organismes communautaires travaillent déjà en collaboration, oui, avec les CSSS, mais avec les CRDI et avec les centres jeunesse. Et puis il n'y a rien dans le projet de loi, là, qui nous assure une protection de la proportion des missions. Donc, oui, M. Barrette nous disait tout à l'heure que les missions vont être protégées soit par la LSSSS ou la Loi sur la santé publique, mais dans quelle proportion? Dans une grande structure comme ça, c'est ça qui nous inquiète beaucoup.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie. Je vais céder la parole à la députée de Gouin pour une période de 2 min 30 s.

Mme David (Gouin) : Oui. Merci, Mme la Présidente. Mais, d'abord, on ne se contera pas d'histoires, c'est évident que je souscris complètement, puis je ne m'en cacherai pas, à la vision des choses que vous avez quant au rapport entre le préventif et le curatif. Et, oui, j'ai hâte comme vous d'entendre quelle est la vision du ministre, de la ministre déléguée sur une vision à, disons, moyen terme, au-delà des structures qu'ils croient nécessaire de changer, parce que, fondamentalement, un système de services sociaux et de santé, le meilleur soit-il, le mieux organisé soit-il, ne pourra pas répondre complètement aux besoins de la population si on ne commence pas par s'interroger sur les déterminants de la santé. Moi, ça fait juste 40 ans que les chercheurs en santé publique le disent, alors je ne comprends pas tout à fait encore pourquoi on n'y arrive pas.

Mais j'ai une question plus précise. Vous êtes en Montérégie. Vous craignez beaucoup la mise en place d'un seul établissement. Le ministre, c'est intéressant, nous dit : Ah! il y aura des ajustements en Montérégie. Intéressant. Pour vous, là, une sorte de modèle idéal de gestion en Montérégie des services sociaux et de santé avec, je le comprends, participation citoyenne démocratique, ça serait quoi? Idéal et efficace.

• (17 h 40) •

Mme Nasstrom (Johanne) : La commission Castonguay-Nepveu avait siégé quatre années. Il y avait eu quatre années, hein? On a eu... Ça a été quand même... Ensuite, la réforme Côté, on parle de deux années, si je ne me trompe pas, deux années et demie. La commission Clair, il y a eu presque une année. Alors, ce qu'on pense, c'est qu'il faut s'asseoir et il faut une véritable consultation, il faut s'asseoir, il faut penser très sérieusement à l'avenir du réseau. Il faut y penser pour prévenir l'explosion des coûts, pour une meilleure société. Il faut y repenser pour notre économie. Ce que je lisais à la toute fin, qui est cité, de l'Association pour la santé publique du Québec, c'est une question pour nous, aussi, économique. Si on a des gens en santé, si on a des gens, si on... Et on le voit dans nos communautés. Les gens sont plus isolés, les gens qui travaillent, qui vont chercher des... qui ont besoin de... qui ont recours aux banques alimentaires, qui sont moins en santé, qui ne savent plus... moins d'éducation, moins éduqués, moins de prise en charge par soi-même de ces problèmes de santé. Donc, ça prendrait une véritable consultation.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie, Mme Nasstrom. Mmes Goulet, Mme Jetté. Je vous remercie pour votre présentation. Je vous remercie pour votre présentation.

Je vais suspendre les travaux quelques instants, et j'invite le prochain groupe à prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 41)

(Reprise à 17 h 43)

La Présidente (Mme Montpetit) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre les travaux. Je souhaite la bienvenue à nos invités de la Table des regroupements provinciaux des organismes communautaires et bénévoles. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour faire votre exposé et, par la suite, nous procéderons à des échanges avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Table des regroupements provinciaux d'organismes
communautaires et bénévoles (TRPOCB)

Mme Roberge (Mercédez) : Bonjour. Alors, je me nomme Mercédez Roberge. Je suis coordonnatrice de la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles.

Mme Boisclair (Odile) : Je m'appelle Odile Boisclair. Je suis co-coordonnatrice à L'R des centres de femmes, mais ici en tant que représentante de L'R au C.A. de la table.

Mme Roberge (Mercédez) : Alors, je vais faire la présentation, et nous serons disponibles toutes les deux pour répondre à vos questions.

Alors, la Table des regroupements provinciaux vous a présenté un mémoire, et on vous remercie de nous accueillir pour la présentation.

Les recommandations qu'on fait, suite à l'analyse du mémoire, se résument à beaucoup d'éléments au niveau de pertes de démocratie. On considère, on recommande qu'un bilan complet des réformes précédentes soit fait et une véritable consultation qui va inclure la population soit faite avant de procéder... d'aller plus avant. On s'oppose à ce que la fusion soit utilisée comme seul instrument dans ce projet de loi ci. On s'oppose à ce que la concentration des pouvoirs se fasse de manière très, très concentrée dans les mains du ministre et que ça se fasse surtout au détriment du pouvoir des communautés. On s'oppose au contournement des règles qui entourent le processus de décision réglementaire. Les reculs démocratiques, pour nous, sont les conséquences des fusions, puisque de nombreux conseils d'administration se retrouvent fusionnés et se retrouvent à avoir une orientation très gestionnaire, ce qu'ils n'ont pas spécifiquement maintenant.

On s'oppose également à ce que les responsabilités habituelles d'un conseil d'administration leur soient retirées et à ce que... On considère que l'une des conséquences pourrait être — du projet de loi — l'accroissement de la privatisation et de la sous-traitance des services publics, ce à quoi nous nous opposons.

On s'oppose aussi à tout ce qui pourrait réduire l'autonomie des organisations communautaires en santé et services sociaux, ce qu'on va nommer, tout au long du mémoire, comme étant les OCASSS, parce qu'on ne souhaite pas être assimilés aux programmes services ni aux RLS ou aux RRS, comme ils pourraient changer de nom. Pour nous, les ententes de service ne sont pas du même ordre de financement qu'un financement à la mission globale, et on cherche un équilibre entre les orientations nationales harmonisées et leur adaptation régionale.

Donc, pour tous ces enjeux-là, toutes ces questions-là, nous ne pouvons faire autrement que de rejeter l'ensemble du projet de loi.

On estime, nous, que l'accessibilité et la qualité des soins ne nécessitent pas de fusionner l'ensemble des établissements. Donc, tout ce qui est... Et c'est pour cette raison-là qu'on est si critiques aussi envers les conséquences des fusions. Le fait de fusionner un si grand nombre de conseils d'administration a pour conséquence de retirer le pouvoir démocratique des mains de la population. Pour nous, le projet de loi n° 10 n'est pas centré sur le patient, et rien là-dedans ne nous permet de voir qu'il y aura un meilleur accès aux médecins de famille et que davantage de lits seront ouverts. On ne gagnera donc pas nécessairement en services, mais on va y perdre en démocratie. C'est, en plus, une restructuration qui va monopoliser énormément d'énergie de la part du réseau. Cela a déjà commencé, ce qui, démocratiquement, pose un certain problème.

Pour ce qui est du bilan, on sait que vous avez déjà entendu M. Contandriopoulos ici, donc on ne reviendra pas sur les éléments qu'il a présentés.

Bon, les conseils d'administration qui seraient issus de la fusion de différents établissements vont devenir responsables de prendre des décisions qui, en fait, vont souvent être des décisions qui vont être imposées par le ministre, et on considère qu'entre autres problèmes le fait que les fusions soient utilisées uniquement comme... soient la seule solution qui soit proposée, ça évacue d'autres propositions qui pourraient pourtant améliorer énormément le système. On vous parle notamment du régime entièrement public d'assurance médicaments, qui pourrait permettre d'aller récupérer de 1 à 3 milliards de dollars par année, ce qui n'est pas rien et qui est fait ailleurs dans le monde.

Des fusions qui ratissent très, très, très large. En fait, 1 480 points de service vont se retrouver fusionnés dans un très, très petit... une vingtaine de conseils d'administration pour des régions. Pour la majorité des régions, 11 régions, ça voudra dire qu'un seul conseil d'administration s'occupe d'entre 50 et 100 points de service. C'est énorme. Comment un conseil d'administration, avec toute la bonne volonté que ces gens-là pourraient avoir, pourra s'occuper de non seulement un grand territoire, mais une diversité des missions des établissements qui seront réunis? 12 personnes, 12, 13 personnes, c'est très, très peu pour voir à tout. On se questionne sur comment les communautés vont réussir à se faire entendre de ces conseils d'administration là, parce que les possibilités de s'y rendre, de faire porter notre message vont être réduites au nombre de personnes dont ils vont être composés.

En plus, les rôles qui sont attribués au conseil d'administration nous font voir aussi de nombreux conflits de loyauté. Est-ce que les conseils d'administration des CISSS vont être redevables envers les populations ou envers le ministre?

Ce que nous souhaitons aussi souligner, c'est le déni très, très grave pour nous de la démocratie, qui est l'article 161, qui fait en sorte que le pouvoir réglementaire prévu est totalement contourné, ce qui signifie que la population n'aura plus 45 jours pour réagir à un projet de règlement. Et, donc, si le gouvernement insère cet article-là dans un projet de loi, on se demande dans combien d'autres projets de loi ça pourrait être fait.

• (17 h 50) •

Les reculs démocratiques, on s'y préoccupe, nous, parce qu'on a à coeur le bien-être de la population et la voix citoyenne qui doit être exprimée. L'article 2 de la LSSS le place bien, qu'il doit être... le réseau doit assurer la participation des personnes et des groupes qu'il forme. Comment les C.A. présentement... La composition des C.A. qui sont proposés montre, va occasionner une perte d'expertise citoyenne très, très importante. On a fait un petit tableau où vous pouvez voir qu'il y a 1 500 postes dont 1 000 sont des vraies, vraies pertes citoyennes d'expertise, qui sont des postes actuellement occupés dans divers conseils d'administration, d'agence et d'établissement, mais qui ne trouvent pas leur correspondance dans les rares postes de conseil... des centres intégrés de services. Tout ça, en plus d'un enlignement très gestionnaire de la composition de ces conseils d'administration là, nous fait craindre énormément pour la prise en compte des services sociaux à l'intérieur des conseils d'administration.

On constate aussi que le projet de loi prévoit la rémunération des membres des conseils d'administration. Ça nous fait voir... penser que c'est un modèle d'affaires, alors qu'on est en train de parler de conseil d'administration de services publics. Alors, le conflit de loyauté aussi devient encore plus questionnant dans ce contexte-là. On craint que le projet de loi amène une plus grande privatisation, une plus grande sous-traitance. C'étaient déjà, évidemment, des articles qui étaient dans la LSSSS, mais, dans le projet de loi, il y a des encouragements qui seront faits aux CISSS pour signer des ententes de service, pour faciliter la conclusion d'entente de service et pour en créer d'autres à l'initiative du ministre, et ça, ça peut, pour nous, amener une privatisation accentuée du réseau.

Du côté du fonctionnement des organismes communautaires, ça a été dit avant nous, on sait très bien que le PSOC, le Programme de soutien aux organismes communautaires, il ne fait pas l'objet de modification dans le projet de loi, mais il en subit les contrecoups. La plupart des responsabilités qui étaient assumées par les agences au niveau du financement des organismes communautaires vont être transférées aux CISSS, et les organisations nationales, qui sont financées par l'instance nationale, vont continuer de l'être. Mais ce qu'on cherche et qu'on ne trouve pas dans le projet de loi, c'est une manière de régler différente les nombreuses inéquités tout en assurant des règles harmonisées. Nous avons beaucoup travaillé à l'harmonisation de règles, par exemple, au niveau de la reddition de comptes, parce que c'était illogique que, d'une région à l'autre, un organisme ait une reddition de comptes différente à faire. On continue de travailler et on a intégré même un bilan à l'intérieur du mémoire au niveau de la mise en place de seuils planchers nationaux, tout cela étant pour régler les inéquités actuelles de traitement des organismes communautaires à travers le Québec.

Les pouvoirs qui sont exercés par le ministère pour donner des enlignements existent déjà. Nous travaillons très fort à les faire s'activer. On ne croit pas que la fusion des établissements était l'instrument privilégié pour obtenir ce résultat. Ce qu'on souhaite aussi présenter comme questionnement...

La Présidente (Mme Montpetit) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Roberge (Mercédez) : Oui, c'est un questionnement concernant l'interprétation de certains articles du projet de loi, l'article 90, en particulier, parce que, dans le projet de loi, il y a régulièrement, bon, évidemment, l'usage du mot «établissement», mais, quelquefois, ça sous-entend l'établissement régional, à d'autres moments, ça sous-entend les établissements tels qu'ils étaient avant la fusion. Et, pour certains articles, cet article-là, pour ce qui est du traitement des organismes communautaires, ça a un impact majeur.

Alors, on s'oppose à l'ensemble du projet de loi parce que, pour l'ensemble de ces modalités, qui sont toutes issues d'une même logique, celle de la fusion, nous disons que ce n'est pas la logique à prioriser. Merci.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie pour votre présentation. Nous allons donc débuter la période d'échange avec les représentants de la partie ministérielle pour une période de 16 minutes. M. le ministre.

M. Barrette : Merci, Mme la Présidente. Mme Roberge... J'ai raté le nom de l'autre personne.

Mme Boisclair (Odile) : Boisclair.

M. Barrette : Boisclair. Excusez-moi, madame. Alors, bienvenue à cette audience parlementaire, et puis merci de nous avoir fait vos commentaires. Je pense que vous avez évidemment réfléchi abondamment à la question, puis vous nous faites part de vos conclusions avec précision, et je l'apprécie, même si, dans la quasi-totalité de votre position, vous n'êtes pas en accord avec ce que l'on vise, puis je le respecte, c'est tout à fait correct. Maintenant, comme je l'ai dit à vos prédécesseurs... Parce que je comprends que vous représentez l'ensemble des tables régionales.

Mme Roberge (Mercédez) : Non, pas exactement. Nous représentons... La table réunit 39 regroupements provinciaux, dont L'R des centres de femmes est un exemple, qui eux-mêmes réunissent les groupes de base, les groupes locaux, les centres de femmes à travers le Québec. C'est la même chose pour le Regroupement des maisons de jeunes du Québec. Alors, les groupes de base, les 3 000 organismes communautaires à travers le Québec, se réunissent sur une base régionale pour faire avancer des enjeux régionaux...

M. Barrette : Donc, vous représentez tout le monde.

Mme Roberge (Mercédez) : Pardon?

M. Barrette : Vous représentez tout le monde.

Mme Roberge (Mercédez) : On représente les 3 000 organismes communautaires par l'entremise de leurs regroupements provinciaux.

M. Barrette : Bon. Alors, vous me permettrez d'essayer, même si ça ne sera pas possible, je pense, de vous rassurer. Alors, comme je l'ai dit précédemment et je pense avoir noté que vous étiez présente dans la salle, l'objectif du projet de loi ne vise pas du tout à toucher de quelque manière que ce soit, sinon positivement, vos activités et votre mode de fonctionnement, que je respecte et que je considère tout à fait normal que vous vouliez garder votre propre culture à vous, mais qu'il doive y avoir quand même, à un moment donné, une certaine intégration qui se fasse avec le réseau.

Par contre, je vais encore une fois essayer de vous rassurer, pour ce qui est de la possibilité d'offrir des ententes de service, mesdames, c'est des ententes de service entre établissements, entre CISSS, essentiellement, ce n'est pas du tout une question de privatisation. Je sais qu'il y a un certain nombre d'individus qui essaient de tordre les écrits pour leur faire dire des choses qui ne sont pas écrites, mais... Et je ne parle pas de vous, là, je parle de gens de l'extérieur, particulièrement de mon univers. Alors, il n'a jamais été question, madame, d'utiliser ce projet de loi là pour privatiser le système de santé ni de faire des ententes de service avec le privé. Ceci étant dit, il y a des choses comme ça qui existent, hein, au Québec, là, il y a de la buanderie, il y a de la cuisine, il y a des choses, là, mais, pour ce qui est des services spécifiques de soins et de services sociaux, ce n'est pas ce qui est sur la table.

Vous avez exprimé des inquiétudes venant du fait que les membres du conseil d'administration éventuel soient rémunérés. Bien là, on est en désaccord, puis le désaccord est fondamental. Moi, je vis dans un monde où il y a un intérêt à faire en sorte qu'il y ait un incitatif pour attirer une certaine catégorie d'individus, et l'objectif ici est de viser cette catégorie d'individus là, puis je pense que c'est une bonne chose.

Et je terminerai en vous disant qu'essentiellement, comme je l'ai dit à tout le monde, c'est un projet de loi qui vise le patient. Les trois premiers mots que j'ai dits dans mon allocution, lorsqu'on a déposé le projet de loi, c'est : le patient, le patient, le patient. Et, à ma grande surprise et à mon grand amusement, dans une certaine mesure, depuis le début de la commission parlementaire, on parle rarement des patients, on parle rien que des structures, alors qu'on ne me reproche que les structures. Les critiques qu'on fait, c'est les structures. On fait un projet de loi qui vise le patient, et on ne parle que de structures. Bon. Je peux juste vous dire qu'essentiellement, c'est un projet de loi qui vise à intégrer les soins et services sociaux au bénéfice des patients, de la meilleure manière possible.

Et, je termine là-dessus, avant de passer la parole à ma collègue : dans le monde, sur la partie occidentale de la planète, il y a partout, dans différents systèmes, certains traits similaires aux nôtres, certains traits différents du nôtre, des organisations qui font exactement cette intégration-là à plus grande échelle encore, et ça se passe très bien.

À titre indicatif, à titre indicatif, bien, je vous indique qu'en France actuellement, en Île-de-France, qui est la région parisienne, bien, on fait exactement ça, on intègre, sous une autorité, la totalité des services sociaux et des soins médicaux dans le but de faire en sorte qu'il y ait l'efficience, le ceci, le cela que l'on connaît, mais qu'ultimement pour le patient, ce soit plus simple. De l'intégration, là, régionale, de cet ordre-là, il y en a partout, de la Scandinavie à la Californie, et possiblement bientôt par le Québec, et bien des gens ont réussi ça. Je pense qu'il y a un bénéfice. Je comprends votre critique et, comme pour tout le monde, je vais prendre en considération, avec le plus grand des plaisirs, les critiques que vous avez formulées. Et les commissions parlementaires étant faites pour améliorer les projets de loi, j'espère pouvoir l'améliorer à votre satisfaction. Je passe la parole à ma collègue.

• (18 heures) •

La Présidente (Mme Montpetit) : Mme la ministre déléguée.

Mme Charlebois : Merci. Merci d'être là aujourd'hui et de venir nous faire part de vos réflexions. On a déjà eu l'occasion d'échanger, Mme Roberge, à une autre table. Mais je trouve ça intéressant que... D'ailleurs, je vous avais dit : Ça serait intéressant que vous soyez en commission parlementaire. Et vous m'aviez dit : Bien, on s'est inscrits, justement, ça fait qu'on va pouvoir témoigner de notre vision des choses.

Si vous me le permettez, je vais vous répéter ce que j'ai dit à l'autre groupe précédemment concernant l'autonomie des organismes communautaires : la Loi sur les services de santé et les services sociaux, bref la loi des LSSSS, va demeurer. À l'article 35, il est clairement stipulé que les organismes communautaires sont autonomes. Puis je ne pense pas de vous apprendre quel numéro d'article, vous devez le savoir.

Je veux aussi vous faire part... et je n'ai pas eu l'occasion de faire part tantôt à l'autre groupe qui vous a précédés, de vous dire que le financement des organismes communautaires est toujours, à l'étude des crédits, inscrit dans un programme distinct pour qu'on puisse voir la progression, etc. Ça va demeurer... Vous allez être à même de voir le financement des organismes communautaires de façon distincte, pas englobée dans la mission. Et, quand on parle de financement à l'activité, c'est pour le système de santé, pas pour le communautaire.

Je veux juste dire au député de Rimouski, là, que ça ne marche pas, le discours, là. Je comprends que vous avez peur puis vous voulez que tout le monde ait peur, mais ce n'est pas bon, là. Ça ne marche pas comme ça, là, je vous le dis, le financement n'est pas à l'activité dans les groupes communautaires, il est par mission. Puis d'ailleurs, Mme Roberge, vous faites partie, je pense, de la table qui travaille... où il y a eu des engagements de pris. On a eu des échanges là-dessus. Et, à l'engagement 4, sur la mission globale, vous vous souvenez, le ministère de la Santé et des Services sociaux s'est engagé «à maintenir ou accroître le niveau actuel — voulez-vous que je la lise toute? on va le faire — de prépondérance et à intégrer [...] les orientations ministérielles la prépondérance du soutien financier à la mission globale sur les [...] modes de financement [au] PSOC». Ça, j'ai bien l'intention de tenir parole, là. Ce n'étaient pas des voeux pieux, là. Alors, tu sais, il faut faire une distinction entre le réseau, les services sociaux, le service de santé puis les organismes communautaires. Il y a la santé publique, il y a tout ça à considérer. Puis je peux comprendre... Tantôt, j'étais un petit peu impatiente parce que j'avais l'impression de vivre dans quelque chose qu'on voulait mettre en opposition. Non, non, c'est tout ensemble, parce que c'est le même citoyen au bout qui veut des services, qui a besoin de services, et les organismes communautaires ont leur rôle.

Puis loin de nous l'idée de déléguer ou de transférer des services publics aux organismes communautaires. Il y en a déjà qui existent, par ailleurs. Je pense à la Fondation Miriam. Vous avez dû voir mon annonce, on a fait un partenariat avec eux pour justement les enfants autistes. C'est à leur demande. Moi, je n'étais même pas... je suis arrivée, là, comme ministre déléguée, c'est eux qui sont venus me rencontrer pour me parler de ça puis ils m'ont poussée dans le dos. On ne leur a pas demandé ça. Puis, si vous les contactez, vous allez voir qu'ils sont contents. Ils m'ont poussée dans le dos pour que ça arrive. Mais loin de nous l'idée de déléguer les services sociaux ou les services de santé à des organismes communautaires, ce n'est pas ça du tout.

Moi, j'aimerais ça vous entendre me parler de l'accès aux soins et aux services, moi, que je considère non seulement préservé, mais amélioré avec le projet de loi. Je veux aussi vous entendre me parler de comment vous voyez le fait que les ressources financières ne pourront plus être permutées d'un programme-services à un autre, bien que je vous dis que le financement des organismes communautaires soit dans une typologie autre, et me parler de l'expertise des différents programmes-services. Parce que ça doit vous toucher en quelque part aussi, les organismes communautaires, quand on parle de missions spécifiques dans les services sociaux. Puis je veux qu'on garde une vision d'ensemble et pas court terme, comme d'autres ont prétendu avant vous, là. Je l'ai dit en partant, mais on n'avait plus de micro. On a eu l'occasion d'échanger. Mais ce n'est pas une vision court terme, là, c'est quelque chose... La loi, c'est une loi de transition, mais c'est une loi qui va être là par la suite pour longtemps, qui pourra être améliorée, parce que, la société étant ce qu'elle est, on peut toujours bonifier les choses, mais est-ce qu'avec tous les échanges qu'on a eus vous vous êtes sentis rassurés, avec tous les points que je vous ai donnés?

Puis, en terminant — puis, après ça, je vous laisse la parole, vous allez en avoir là... j'ai vu que vous avez pris de notes — l'article 90, là, quand vous me parlez que le ministre décide... «Les règles applicables aux établissements quant à leur gestion doivent prévoir une comptabilité par programme-services.» Et vous dites que c'est le ministre qui établit les règles budgétaires. Bien, c'est un regroupement de la loi actuelle : 336, 337. C'est les mêmes, mêmes, mêmes articles. Le ministère s'occupe du provincial, des organismes communautaires. Pour ce qui est du régional, c'est les CISSS qui vont faire la job, comme c'était avant. Alors, je veux rassurer là-dessus.

Mais je veux vous entendre sur l'intégration des services. Je veux vous entendre sur la continuité, la fluidité, tout ça, là, à travers le réseau. Puis je sais que vous êtes d'un apport aussi, mais je veux que vous me parliez de tout ça dans son ensemble, là.

Mme Boisclair (Odile) : Oui. Bien... Odile Boisclair. J'ai participé pendant sept ans à un comité, avec le ministère de la Santé et des Services sociaux, qui réunissait aussi la table des regroupements provinciaux et les TROC... à un comité qui s'appelait Consolidation et valorisation du communautaire. On a eu à démêler bien des affaires puis à s'entendre sur quand même pas mal d'affaires aussi. À ce moment-là, on parlait de réingénierie de l'État, et le ministre de la Santé de l'époque voulait... nous présentait sa réingénierie du système de santé en 2003, et là on parlait beaucoup des RLS et d'intégration de services déjà à cette époque-là.

J'ai participé même activement à un minicomité, puis ça se passait d'ailleurs à la table à Montréal, avec Mme Ghislaine... je ne me rappelle plus de son nom, mais qui avait déjà été à l'agence de Laval, donc que je connaissais pour avoir moi-même travaillé dans un centre de femmes à Laval, et on s'est entendus sur la question de ce que ça voulait dire, «entente de service» pour les organismes communautaires, donc, entre un CLSC... un CSSS, pardon, et un groupe communautaire. On est parvenus à s'entendre là-dessus, qu'est-ce que ça voulait dire. Et on s'est aperçu, en jasant, qu'il y avait des ententes de service qui méritaient qu'il y ait une action ou... en tout cas, des sous supplémentaires et une reddition de comptes supplémentaire, puis on a défini une autre sorte d'entente, c'étaient des ententes qui étaient convenues. Comme, par exemple, dans un centre de femmes, il y a des... je ne sais pas, moi, des activités sur la santé, sur quoi bien manger pour être en santé. C'est dans notre mission, hein? C'est dans notre mission. Alors, on n'a pas besoin de me faire signer une entente de service avec le CLSC pour que je continue à faire cette mission-là, m'intéresser à l'alimentation pour être en santé, O.K.? Ça, il y a un protocole qui existe là-dessus au ministère, j'oublie le nom du protocole, là, mais c'est...

Une voix : ...

Mme Boiclair (Odile) : C'est pour les ententes de service convenues. Ça fait que ça, ça... Je sais que ce n'est pas mort, c'est toujours là, puis ça va être encore là, je n'ai pas peur que ça disparaisse, mais ça mettait en perspective une certaine... qu'il y avait deux sortes d'ententes, O.K.? M. Gagnon, vous n'étiez pas encore là, vous, à l'époque, c'était un autre sous-ministre.

Alors, l'autre chose. Moi, ça me fait un peu peur quand on parle d'intégration, puis ça ne fait pas peur juste à l'R des centres de femmes, ça fait peur à un gros nombre de groupes communautaires parce qu'en fait les groupes communautaires ont quatre volets : il y a un volet service, bien entendu, il y a un volet activités d'éducation, si on veut, action collective et un volet très fort de vie associative. Alors, quand on parle d'intégration, on parle surtout de l'intégration des services, donc dans un continuum de services qui seraient donnés par l'État. Alors, il y a déjà un certain continuum, on peut vous l'assurer, mais qui n'est pas nécessairement... qui fait des fois partie de l'entente convenue, donc pas une entente spécifiquement signée, et ça, je pense que ça va demeurer, parce que les groupes ne changeront pas leur mission, ils ont déjà leur mission puis ils vont continuer de faire leur mission. Vous nous l'assurez, on garde notre autonomie. Ça, moi, je crois à ça. On a une belle politique en matière d'action communautaire — vive le Québec! — puis... C'est ça. Moi, je pense que ça peut nous aider. Ça fait que... Bon. Maintenant...

Mme Charlebois : Me permettez-vous juste un mot, parce que vous avez parlé de reddition de comptes juste deux... facilement, là, je ne veux pas vous couper la parole. Quand avez parlé de reddition de comptes, ça m'a fait penser à quel point tous les groupes que j'ai rencontrés, depuis que j'ai été nommée ministre déléguée, m'ont parlé de reddition de comptes puis qu'ils devaient faire de la reddition de comptes au CISSS... pas au CISSS, mais au CSSS, à l'agence. Il y avait de la reddition de comptes partout au ministère. C'était comme... On me disait : On passe plus de temps à faire de la reddition de comptes que de faire ce qu'on a à faire.

• (18 h 10) •

Mme Boisclair (Odile) : Ça, c'est ceux qui ont des ententes de service à signer. Ça fait que, là, si tu as une entente de service à faire, tu t'es entendu avec ton CSSS pour remplir tel rôle, oui, tu as une reddition de comptes parce qu'il te donne des sous, puis là, oui, tu as une reddition de comptes spécifique à faire. Le financement de mission, notre reddition de comptes, on n'est pas gênés de le dire, ça ne nous a jamais fatigués de faire ça, c'est de rendre des comptes à nos membres puis à nos bailleurs de fonds. On est très d'accord pour faire la reddition de comptes sur notre financement de mission. Il y a zéro problème. Maintenant, la reddition de comptes pour des ententes de service est peut-être un peu plus...

Une voix : Lourde.

Mme Boisclair (Odile) : ...lourde.

Mme Charlebois : Mais c'est ça que vont éliminer les CISSS entre autres.

Mme Boisclair (Odile) : Ah! bon, bien, tant mieux pour eux autres.

Mme Charlebois : Bien, ils vont en avoir une à faire au lieu d'en avoir quatre à faire.

Mme Boisclair (Odile) : Nous autres, on a un moratoire contre les ententes de service, chez nous. L'autre chose que je voulais dire, c'est à propos de l'intégration, c'est que M. Leitão a quand même clairement laissé entendre que les groupes communautaires seraient comme des sous-traitants.

Mme Charlebois : Oui. Mais le premier ministre a dit autre chose de la Chine.

Mme Boisclair (Odile) : Oui. Heureusement, heureusement que...

Mme Charlebois : Et la ministre déléguée aux services sociaux aussi. Ce qu'il a voulu dire, M. Leitão, c'est un exemple qu'il a voulu citer parce qu'il y en a qui existent, mais on ne délèguera pas les services aux groupes communautaires, de l'État...

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je me dois maintenant...

Mme Charlebois : Je vous rassure.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, Mme la...

Mme Charlebois : Excusez.

Le Président (M. Tanguay) : Non, c'est important de vous laisser compléter votre idée. Alors, je cède maintenant la parole à la députée et collègue de Taillon pour une période 10 min 30 s.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Écoutez, bienvenue, Mme Roberge et bienvenue, Mme Boisclair. Moi, je vais effectivement vouloir vous donner la parole parce que vous avez vraiment soulevé, dans votre mémoire, des préoccupations précises qui démontrent que vous avez lu avec beaucoup d'attention et que vous avez anticipé certaines choses. Je pense qu'on est ici aussi pour apporter cet éclairage et ces mises en garde pour qu'on bonifie notre projet de loi n° 10.

Alors, je regarde la recommandation 3, vous recommandez que soit retiré du projet de loi n° 10 l'article 129. C'est un article qui prévoit que le ministre peut fusionner des établissements seuls ou en... Il peut demander... En fait, ce que ça dit, dans le libellé comme tel du 129, ça prévoit qu'il peut, après avoir consulté... Il peut fusionner après avoir consulté, donc il peut fusionner. Donc, là, vous avez certaines craintes là-dessus. Pouvez-vous nous exprimer? C'est le 129.

Mme Roberge (Mercédez) : En fait, on n'a pas de recommandation spécifique sur l'article 129 parce qu'on s'oppose à l'ensemble des articles qui amènent la fusion. Mais effectivement cet article-là ouvre la porte à ce que les fusions, ce soit une série de fusions que, pour l'instant, on ne peut imaginer encore. C'est une porte ouverte à d'autres fusions sans qu'on en connaisse l'ampleur. Mais nous n'avons pas de proposition spécifique sur le numéro 129.

Mme Lamarre : D'accord. Mais vous aimeriez avoir plus de précision sur des exemples ou des... l'ampleur que le ministre pourrait voir dans l'application de certaines de ces fusions-là. Sans que ce soit une de vos recommandations, vous attirez notre attention là-dessus.

Vous avez, par contre, dans les recommandations, je pense, là, la notion de l'article 64, qu'il soit modifié par l'article 346.3 de la LSSSS, que ça ne s'applique pas à un établissement régional. Et là, quand on regarde ce que ça nous dit...

Mme Roberge (Mercédez) : Pouvez-vous me donner la page du mémoire à laquelle vous faites référence? J'ai de la misère à vous suivre.

Mme Lamarre : Es-tu à la page de l'article 64? La recommandation 9.

Mme Roberge (Mercédez) : On n'est pas sur le même document.

Mme Lamarre : On n'est pas au même endroit? «Toute proposition qui irait dans ce sens...» Ah! écoutez, je vais le revérifier, peut-être qu'il y a eu une modification. Mais donc ce que j'entends de votre recommandation... Je veux juste vérifier. Qu'il y ait une coordination, est-ce que c'est bien ça que vous souhaitez, une coordination régionale? Non?

Mme Roberge (Mercédez) : En fait, nous savons bien qu'il y a des nécessités de coordination régionale de services, c'est certain. Nous, on n'est pas venus ici uniquement pour vous parler de ce que vivent les organismes communautaires, mais beaucoup de ce qu'on souhaite pour la population, pour l'exercice démocratique de la population. Les groupes communautaires sont des lieux d'exercice démocratique, mais ce n'est pas les seuls, et on souhaite qu'ils aient accès aux postes décisionnels partout. Alors, ce que l'on dit notamment, sur les conséquences des fusions, par rapport aux conseils d'administration des fusions, et là on parle des fusions actuelles ou encore des suivantes, c'est que les expertises citoyennes vont se perdre. Et, si les expertises citoyennes se perdent, ça signifie que le conseil d'administration, qui doit voir à des décisions, prend des décisions sans cet apport-là, et cet apport-là, ce n'est pas uniquement un chapeau citoyen, c'est une personne qui vit dans une communauté, qui connaît les besoins de sa communauté. Alors, c'est un ancrage avec la communauté que le conseil d'administration du CISSS... c'est cet ancrage dont il se prive.

Déjà, il y avait des conseils d'administration... les postes pour les citoyens et les citoyennes ont déjà diminué depuis les dernières fusions, les dernières réformes de 2003 et 2005. Ma collègue pourrait en parler davantage. Alors là, on a déjà perdu beaucoup de... On a déjà enlevé à la population beaucoup de son pouvoir décisionnel, malgré l'article 2, l'article 1 de la LSSSS, et là on lui enlève encore davantage d'opportunités de pouvoir intervenir dans la gouverne. C'est ce qu'on demande d'une population, d'être une population active. Une citoyenneté active, ça s'exerce notamment de cette façon-là.

Mme Boisclair (Odile) : Oui. Je peux vous dire qu'en fait, tu sais, si on part des années 1993‑1994, où on avait essayé de... On n'est vraiment plus dans la même dynamique. On essayait d'avoir des C.A. de concertation qui réunissaient des membres de la société civile, des membres de... des élus, enfin, du monde syndical, et tout ça, on était autour de la table puis on essayait... Ça allait quand même pas si pire. On a appris à se connaître, tout ce monde-là ensemble, parce que ce n'était pas évident d'être toujours... Moi, je ne connaissais pas beaucoup les gens de la chambre de commerce; j'ai appris à les connaître et à prendre des décisions avec eux, puis ça allait quand même assez bien, et en milieu de la santé et en développement régional.

Maintenant, moi, ce que je comprends des nouveaux C.A. de... Et j'aimerais ça qu'on me démente ça, si ça se peut, hein, c'est... les nouveaux C.A. qui... En fait, ça va être des surveillants des ententes de gestion entre le ministère et les CISSS, pas les agences... Là, il y a déjà des ententes de gestion qui se passent entre les deux, mais là, avec les compositions de C.A. qu'on voit là, on ne voit plus, là, de vision sur la mission santé et services sociaux, on voit des gestionnaires, on voit du monde à la qualité aux services, aux ressources humaines, ta, ta, ta. Merci, Michel Nadeau.

Ça, c'est une affaire que je ne suis pas d'accord avec M. Nadeau, qui s'occupe de gouvernance, de l'institut de la gouvernance. Je ne trouve pas... Je trouve qu'on perd — comme Mercédez — une grande part de vision de ce que ça doit être, un système de santé et des services sociaux.

Parlant de ça, j'en profite pour passer une petite vite. Madame... Voyons, excusez, j'ai un blanc!

Mme Lamarre : Charlebois.

Mme Boisclair (Odile) : Charlebois, je m'excuse! Vous nous avez assuré que vous étiez là pour nous, puis que vous étiez très préoccupée par la santé et services sociaux... par les services sociaux, mais, dans le projet de loi, moi, je n'ai pas vu quel était votre rôle, et ça m'a désolée. Et là je me dis : Ce n'est pas pour rien qu'on a peur que les services sociaux disparaissent, on ne parle même pas du rôle de la ministre dans le projet de loi. Alors, je suis inquiète. Oui, ça nous inquiète.

Et puis, si quelqu'un peut me rassurer sur qu'est-ce que seront les C.A. de comptables... Bien, où sera la vision globale? Là, si c'est juste des gestionnaires puis des comptables qui gèrent ça, je ne sais pas où ce qu'on va voir, là... où ce qu'on va s'en aller. Et moi, j'ai plein... Tu sais, c'est parce que je pars de loin, je ne veux pas qu'on revienne dans le passé. Je suis pour l'harmonisation des affaires, ce n'est pas ça, là. Mais, quand la population participe à la définition d'une planification stratégique, de qu'est-ce qui va se passer chez nous, bien, il y a un sentiment d'adhésion de la population, et des conseils d'administration, et de tout le monde qui travaille à ce que ça se passe, cette planification-là. Là, je ne vois pas ça, que ça se peut. Mais rassurez-moi, je n'attends que d'être rassurée.

Une voix : ...

Mme Boisclair (Odile) : Hein?

Mme Charlebois : En amendement.

Mme Boisclair (Odile) : En amendement?

Mme Lamarre : En amendement.  Donc, le ministre et la...

Mme Boisclair (Odile) : Ah, O.K.! Merci.

Mme Lamarre : Le ministre vous confirme qu'il y aura un amendement là-dessus, alors c'est très bon pour vous.

Mme Boisclair (Odile) : O.K. Je n'étais pas au courant de tous les protocoles, de comment ça...

• (18 h 20) •

Mme Lamarre : Ils ne l'ont pas fait souvent. Alors, c'est bon, c'est bon. Mais je trouve que vous témoignez très bien, là, de l'importance de la proximité et de l'expérience citoyenne. Et puis je partage un peu en même temps votre... C'est sûr qu'au niveau de la gouvernance il y a des principes qu'il faut respecter, mais je pense qu'il y a un préalable au principe des... aux éléments qui sont prévus, là, à l'article 11. C'est-à-dire que vous, vous dites : Ça devrait être quelqu'un qui représente un citoyen, une participation citoyenne, parce que, dans un conseil d'administration, on a besoin de compétences puis on a besoin d'expérience. Là, c'est comme si la composition du C.A. était juste sur des compétences de gouvernance. Et vous, vous dites : Nous, on veut d'abord que ce soit quelqu'un qui a l'expérience du terrain, l'expérience des patients, l'expérience... Et choisissons quelqu'un qui a ce vécu-là, cette expérience-là et qui aura des compétences de gouvernance. Est-ce que je traduis un peu mieux ce que vous ressentez?

Mme Roberge (Mercédez) : C'est sûr que l'idéal, c'est une combinaison d'expérience et de compétences.

Mme Lamarre : C'est ça.

Mme Roberge (Mercédez) : Et, à prévoir les sièges indépendants uniquement au niveau des compétences, dont cinq sur sept sont des compétences gestionnaires, on enligne énormément le style du conseil d'administration puis, en plus, on enligne aussi l'éligibilité, les critères d'éligibilité pour le comité exécutif. La présidence, vice-présidence et le secrétariat des conseils d'administration, leur manière d'être nommés, l'éligibilité à ces postes-là est différente par rapport à actuellement. Ce seront, encore là, davantage des gestionnaires. Ce sera plus automatiquement, disons, des gestionnaires.

Alors, la possibilité que des gens ayant des compétences et des expériences au niveau des services sociaux... C'est très, très... Les probabilités sont très petites que ces personnes-là se retrouvent, premièrement, au conseil d'administration, mais, à plus forte raison, aux postes décisionnels que sont présidence, vice-présidence et secrétariat.

Mme Lamarre : Alors, écoutez, je pense qu'on a épuisé nos secondes, mais merci...

Le Président (M. Tanguay) : Ça termine, oui. Merci beaucoup. Alors, je cède maintenant la parole au collègue député de La Peltrie pour un bloc de sept minutes.

M. Caire : Merci, M. le Président. Merci, mesdames, pour votre présentation. J'aurais toutefois des clarifications à vous demander. La Protectrice du citoyen est venue ici nous dire : Compte tenu du taux de participation inexistant au processus de nomination ou d'élection des conseils d'administration, compte tenu que plusieurs postes étaient laissés vacants, faute de candidats, que beaucoup de postes avaient un seul candidat, donc avaient été élus par acclamation, elle a dit, le ministre est justifié d'abolir les conseils d'administration dans leur forme actuelle. Le Vérificateur général, dans deux rapports, a mentionné que les conseils d'administration étaient des organisations inefficaces.

Alors, j'aimerais ça réconcilier ce que vous dites... Parce que, dans le fond, vous dites : Le Vérificateur général et la Protectrice du citoyen oublient une dimension dans leur analyse, là, assez clairement. Donc, j'aimerais ça réconcilier ce que vous dites avec ce qu'eux ont dit, parce que ça va pas mal à contresens.

Mme Roberge (Mercédez) : En fait, on ne dit pas que le fonctionnement actuel est sans problème, qu'il n'y a pas des améliorations à apporter, parce que c'est quand même une tâche très importante que de représenter la population sur un conseil d'administration d'établissement. C'est un poids assez pesant. Alors, que ce fonctionnement-là, pour l'instant, mérite soutien et amélioration, bien entendu, mais d'abolir la possibilité, c'est une autre chose. Et on n'a pas encore parlé beaucoup des comités d'usagers, mais, là aussi, il y a d'énormes pertes. Il y a des comités d'usagers dans chacun des établissements.

M. Caire : Mais sur le conseil d'administration? C'est là qu'était ma question.

Mme Roberge (Mercédez) : Oui, mais, sur le conseil d'administration...

M. Caire : Vous l'améliorez comment, le conseil... Parce que vous dites, vous reconnaissez, dans le fond, que c'est vrai que ça ne va pas bien, c'est vrai qu'ils sont inefficaces, c'est vrai que la démocratie bat de l'aile.

Mme Roberge (Mercédez) : Non, je n'ai pas dit qu'ils étaient inefficaces. Par rapport à la participation, j'ai dit qu'il y avait amélioration et soutien à apporter.

M. Caire : O.K. Comment on fait ça? Comment on l'améliore, cette participation-là?

Mme Roberge (Mercédez) : Bien, il faut revaloriser le rôle des membres de conseil d'administration. On a besoin de faire ça dans l'ensemble de la société. Il faut faciliter leur participation. Mais ce n'est pas parce qu'un élément demande des améliorations qu'il faut en abolir la... abolir la possibilité que ça existe.

M. Caire : Quelle somme d'énergie doit-on mettre à revaloriser le rôle de conseil d'administration? Quel doit être notre seuil de tolérance? Quel est notre niveau de patience? Quand est-ce qu'on va dire : O.K., ça ne marche pas, ça ne marche pas, on va passer à d'autre chose? Vous admettrez, là, que, depuis le premier rapport du Vérificateur général jusqu'à ce que la Protectrice du citoyen est venue dire ici, il s'est passé quand même plusieurs années, là. Ce n'est pas la première fois qu'on dit : Ça ne marche pas, c'est inefficace. Donc, quel est votre seuil de tolérance? Combien de temps va-t-on encore essayer de faire fonctionner ce qui ne fonctionne pas?

Mme Boisclair (Odile) : Bien, si je peux me permettre, c'est que...

Mme Roberge (Mercédez) : Oui, vas-y.

M. Caire : Je vous en prie.

Mme Boisclair (Odile) : Moi, je pense que le Vérificateur général, il parlait des conseils d'administration qui ont été mis en place après 2003, O.K.? Il n'y allait pas avant ça. Parce que ça a changé du tout au tout.

M. Caire : Puis je vous l'accorde.

Mme Boisclair (Odile) : Vous me l'accordez?

M. Caire : Je vous l'accorde.

Mme Boisclair (Odile) : D'après moi — je n'ai pas été sur ça, mais j'ai des amis qui ont été sur ces conseils d'administration là dans les agences, moi, j'ai été dans les CRD, qu'on appelait, à l'époque, etc. — ça allait quand même assez bien. On n'avait pas la même logique de gestion. Là, on est rendu dans la nouvelle gestion publique, et là on la voit qu'elle s'installe, et, mon Dieu, c'est à très grande vitesse, mais c'est cette nouvelle gestion publique là qu'on remet en question, ce n'est pas de dire... Parce que c'est bien évident que, pour une petite madame comme moi, mettons, là, qui s'en va, là, avec tous ces messieurs-là à cravate, là, qui vont faire... mettre des affaires dans des petits carrés, là...

M. Caire : Ils ne sont pas si impressionnants que ça, les messieurs à cravate.

Mme Boisclair (Odile) : Je ne suis pas sûre, moi, que j'aurais du gros poids puis que ma parole aurait beaucoup de poids dans... ferait contrepoids à l'expertise devant moi. D'ailleurs, je vous inviterais à lire M. Christopher McAll à propos de notre façon de nous fier aux experts pour toutes les décisions qu'on prend, parce qu'il y a toujours deux bords à une expertise. Ça fait que, non, moi, je pense que ce serait bien difficile comme c'est là. Comme ce qu'on nous suggère là, c'est bien sûr qu'il n'y a pas de place à l'expression...

M. Caire : Mais, à ce moment-là, vous suggérez quoi?

Mme Boisclair (Odile) : Je suis d'accord avec la Protectrice du citoyen.

M. Caire : Que chaque établissement physique redevienne comme avant, donc avec son conseil d'établissement?

Mme Boisclair (Odile) : Moi, je ne sais pas, ce n'est pas ça que je dis.

M. Caire : Son conseil d'administration, pardon.

Mme Roberge (Mercédez) : C'est que, sans conseil d'administration, les établissements actuels sont des exécutants, tout simplement. Même, on peut même se demander de quelle... à qui sera redevable la personne qui va être à la direction générale du CLSC. Sans avoir de conseil d'administration, à qui rendre des comptes? Dans chaque établissement, chaque édifice de santé, il y a des directions générales qui, pour l'instant, dans ce projet de loi, n'auraient plus de conseil d'administration. Ils vont donc avoir un besoin d'un soutien de la part du CISSS. Ce n'est pas très, très clair encore. Et on ne dit pas que les conseils d'administration actuels sont parfaits, mais de les abolir complètement, ça enlève le lien de la population envers leur établissement de proximité, ça enlève le potentiel qu'ils ont de participer à la détermination des priorités régionales par leur établissement qui, ensuite, va aller à l'agence, et ça aussi, c'est parti complètement par l'imposition par le ministère des planifications plus... Impossible maintenant de faire des planifications stratégiques régionales, et une planification stratégique régionale, ça se faisait avec la communauté. Donc, la composition des conseils d'administration, ça illustre les conséquences des fusions. Mais ce n'est pas que... C'est comme la pointe visible de l'iceberg de tout le changement que ça opérerait au niveau du lien de la population envers un service public qui lui accorde par la loi, la LSSSS...

M. Caire : En tout respect, je ne suis pas convaincu que la population va sortir dans la rue, là, pour pleurer l'absence des conseils d'administration, là. Je ne veux pas... Je ne suis pas...

Mme Boisclair (Odile) : Oui. Bien, en fait, c'est comme...

M. Caire : Moi, je pense que la population...

Mme Boisclair (Odile) : Elle veut des services.

M. Caire : ...va par contre apprécier avoir une augmentation de la quantité et de la qualité de ses soins. Vous ne pensez pas que c'est plus ça, la priorité des gens?

Mme Boisclair (Odile) : Bien, peut-être. C'est vrai que la population a besoin de services puis qu'elle veut des services, mais, quand j'entends qu'on les appelle les clients maintenant, tu sais, c'est comme, là, si on s'inscrivait dans un service déjà de consumérisme...

M. Caire : Savez-vous quoi? Je n'ai jamais été si bien servi que quand j'ai été un client, pas mal plus que quand j'étais un patient, parce que je peux vous dire que «patient», ça prend tout son sens dans le réseau de la santé. Il faut être patient longtemps, là.

Le Président (M. Tanguay) : Merci.

Mme Boisclair (Odile) : Avant d'avoir un rendez-vous. Mais, quand on est rentré, on est rentré, on est bien traité.

Le Président (M. Tanguay) : Merci.

Mme Boisclair (Odile) : C'est ce que ça sort... C'est ce que ça dit...

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, je cède la parole à la collègue députée de Gouin pour 2 min 30 s.

Mme David (Gouin) : Merci, M. le Président. Mesdames, bonjour.

Je ne continuerai pas le débat là-dessus parce que ce serait un peu trop long pour mon 2 min 30 s et que... Mais on aurait beaucoup de choses à se dire. Mais je voudrais y aller plus sur la question de la privatisation, parce que j'ai lu votre mémoire puis je me rends compte... D'ailleurs, c'est un mémoire hyperfouillé, là. On peut dire que vous l'avez épluché, le projet de loi n° 10, c'est très intéressant, mais je suis un petit peu perplexe. J'ai besoin, là, de me le faire expliquer devant votre affirmation à l'effet que le projet de loi n° 10 ouvre une porte plus grande à la privatisation. Je ne contesterai certainement pas qu'il y ait des formes diverses de privatisation du réseau de la santé et des services sociaux particulièrement depuis, je ne sais pas, huit, 10, 15 ans, mais en quoi exactement le projet de loi n°10 accentue cette tendance, selon vous, bien sûr?

• (18 h 30) •

Mme Roberge (Mercédez) : C'est un encouragement. Le projet de loi encourage, par les articles 59 et 38, la... Il favorise la conclusion d'ententes de service, et combiné à d'autres articles où c'est le ministre qui établit les corridors de services — ça, c'est dans l'article 38 — il peut donc... il a donc la possibilité de dire : Pour tel couloir de services, je te demande, CISSS, de conclure des ententes de service, de sous-traiter. Parce qu'une entente de service entre CISSS et avec d'autres secteurs, ça veut dire de la sous-traitance, et, pour nous, la sous-traitance d'un service public, ça mène à la privatisation. C'est une forme de privatisation qui signifie qu'un service public l'est de moins en moins, parce qu'il n'est plus offert par la fonction publique, il n'est plus offert par les employés de l'État, il est donné à contrat à des entreprises, quand c'est par des entreprises, dont l'objectif est de faire des profits. C'est une entreprise, ce n'est pas un organisme communautaire ni un service public. Donc, ça dénature un service public, et le fait de sous-traiter pour... Rien dans le projet de loi ne nous dit que la sous-traitance se limitera à des buanderies. Alors, comme les articles de la loi contenaient déjà, par l'article 108, la possibilité de faire la sous-traitance, que le ministre ici, dans le projet de loi n° 10, sente le besoin de dire : Je vais les encourager à le faire, ça nous inquiète.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, c'est malheureusement tout le temps dont nous disposons. Je remercie les représentantes de la Table des regroupements provinciaux des organismes communautaires et bénévoles.

Compte tenu du temps, je suspends les travaux de la commission. Merci beaucoup.

Mme Boisclair (Odile) : ...

Le Président (M. Tanguay) : Madame, non, non, madame, non, non, ce qui a été dit a été dit. Je vous remercie beaucoup.

Je suspends nos travaux. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 18 h 32)

(Reprise à 19 h 38)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux. La commission, donc, reprend ses auditions concernant le projet de loi n° 10, Loi modifiant l'organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l'abolition des agences régionales.

Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentant et représentante de l'Association des pharmaciens d'établissements de santé. Je vous demanderais, dans un premier temps, de bien vouloir vous identifier pour les fins d'enregistrement. Par la suite, vous disposerez d'une période de 10 minutes pour une présentation. S'ensuivra un échange avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous.

Association des pharmaciens des établissements
de santé du Québec (APES)

M. Paradis (François) : Bien, merci. Bonsoir à tous. Mon nom est François Paradis. Je suis président de l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec. Je suis accompagné ce soir de Mme Linda Vaillant, qui est directrice générale de notre association.

Bien, M. le Président, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, mesdames et messieurs les parlementaires, l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec vous remercie de l'opportunité que vous lui donnez ce soir de faire part de ses commentaires, de ses préoccupations face au projet de loi n° 10. D'entrée de jeu, je vous dirais que, compte tenu du temps dont on dispose, on va limiter nos commentaires ce soir strictement aux enjeux qui touchent la pharmacie d'établissements de santé.

Tout d'abord, soulignons que l'APES accueille favorablement le projet de loi n° 10, en ce qui a trait aux objectifs du projet de loi qui touchent autant la sécurité et la qualité des soins que l'accessibilité de ces soins-là, et d'autant plus qu'on considère que c'est une occasion d'intégrer et d'harmoniser les meilleures pratiques. D'ailleurs, dans un mémoire que l'APES a présenté à la commission de révision des programmes il y a quelques semaines, on soulignait l'importance de trouver des mécanismes pour partager les meilleures pratiques et s'assurer de leur diffusion à la grandeur du réseau. Alors, à cet égard-là, l'association soutient le projet de loi n° 10.

• (19 h 40) •

Le premier commentaire va toucher la gouvernance des organisations. Depuis le début de la commission parlementaire, plusieurs groupes ont souligné l'élément centralisateur qu'on retrouve dans le projet de loi. Ce qu'on comprend aussi des différents commentaires qui ont été faits, c'est que ce projet de loi là est comme un projet transitoire et que la centralisation vise à mettre en place une structure qui, par la suite, fera en sorte qu'on retournera aux paliers régionaux les pouvoirs et la gouvernance des organisations. Évidemment, on souscrit à ce projet-là de retourner la gouvernance au niveau régional, je crois que c'est un gage de succès pour la suite des choses, et on pense que, compte tenu des commentaires qui ont été émis jusqu'à présent afin, entre autres, de rassurer les parties prenantes, qu'il serait peut-être intéressant de spécifier le fait que le projet de loi n° 10 est un projet de loi transitoire.

Concernant la gouvernance, il y a quelques années, l'APES avait fait des représentations pour faire en sorte que, sur les conseils d'administration des agences régionales, siège un pharmacien membre d'un comité régional des services pharmaceutiques. Cette proposition-là avait été retenue, ce qui fait que, jusqu'à présent, il y avait toujours un pharmacien membre de CRSP présent sur le conseil d'administration. Or, le projet de loi n° 10 omet de maintenir cette représentativité-là d'un pharmacien, et, compte tenu du rôle que les pharmaciens jouent dans l'organisation des services de santé, on croit que c'est essentiel de maintenir un siège au C.A. du CISSS pour un pharmacien membre du CRSP.

Deux commentaires ou deux groupes de commentaires qui touchent maintenant les pharmaciens plus précisément. D'abord, au niveau de la gestion des départements de pharmacie, compte tenu de la complexité et du rôle que les départements de pharmacie jouent — ils occupent un rôle transversal à travers les différents programmes et services — à cet égard, on pense qu'il va être essentiel que, dans la suite des choses, on maintienne un centre de coûts distincts pour le département de pharmacie plutôt que de répartir ces coûts-là dans l'ensemble des enveloppes de programmes.

Par ailleurs, compte tenu de la complexité aussi de la gestion d'un département de pharmacie, autant au niveau de l'aspect clinique de la gestion que du volet gestion des ressources humaines, matérielles et financières, on est convaincus qu'il faut avoir l'expérience, l'expertise d'un pharmacien d'établissement pour gérer adéquatement, diriger adéquatement ces départements de pharmacie là. C'est pourquoi on recommande aussi que ce soit un pharmacien qui continue de diriger, de gérer, d'assurer la chefferie des départements de pharmacie, et ce, en lien avec la direction des services professionnels. Ce chef de département de pharmacie là devra aussi être appuyé par une solide équipe de pharmaciens gestionnaires qui seront répartis dans l'ensemble des CISSS pour être en mesure d'intégrer adéquatement les meilleures pratiques, d'optimiser l'usage des médicaments et, par exemple, aussi de partager les ordonnances collectives.

Enfin, concernant le rôle des pharmaciens, la plupart des pharmaciens d'établissement de santé possèdent un diplôme de deuxième cycle en pharmacie, et plusieurs d'entre eux ont aussi développé des expertises plus pointues. Cela dit, actuellement, aucune spécialisation n'est reconnue dans le réseau. Alors, on considère, nous, que, compte tenu de... pour actualiser l'organisation des soins et services, la spécialisation est un prérequis à la mise en place adéquate de ces structures-là.

Je cède maintenant la parole à Mme Vaillant.

Mme Vaillant (Linda) : Merci. Bonsoir et merci de nous recevoir. Je vais poursuivre avec trois enjeux : je vais vous parler de la pénurie d'effectifs en pharmacie d'établissement, du personnel technique et finalement du circuit du médicament.

Tout d'abord, la pénurie. Juste un mot rapide pour vous dire qu'elle a débuté en pharmacie d'établissement à la fin des années 90, pour s'aggraver considérablement à partir du milieu des années 2000, jusqu'à un point tel où, en 2012, le gouvernement de l'époque a dû poser des gestes exceptionnels, disons-le, pour rétablir une concurrence avec le réseau des pharmacies privées et ramener de la relève dans le réseau de la santé. Alors, ces gestes-là qui ont été posés en 2012, conjointement avec, je dirais, une campagne de promotion auprès des étudiants pour les amener à faire une pratique hospitalière, semblent aujourd'hui donner des résultats. Alors, en 2014, pour la première fois depuis de nombreuses années, on observe dans les données qu'on recueille auprès des établissements un recul de la pénurie, un léger recul, mais, quand même il est là, et une réduction de l'utilisation des pharmaciens dépanneurs, qui constituent un coût important de main-d'oeuvre pour le ministère de la Santé.

Alors, la raison pour laquelle on vous parle de pénurie aujourd'hui, c'est qu'on a une préoccupation à l'égard de la façon dont le projet de loi n° 10 va s'actualiser. On veut être certains que ça se fasse de manière harmonieuse, respectueuse aussi des professionnels de la santé en place, de façon à ne pas fragiliser la main-d'oeuvre qui est là et aussi à ne pas faire fuir la relève qu'on voit finalement arriver. On prend aussi l'opportunité de vous dire que, comme la relève semble s'intéresser au réseau de la santé maintenant, ce qui est rare, on pense que le moment serait venu d'augmenter le nombre de bourses. Depuis deux ans, on comble les bourses à la maîtrise. C'est vraiment un précédent, on n'a jamais vu ça avant, et il semble y avoir des jeunes intéressés à venir, et on pense que le moment est venu de les amener dans le réseau de la santé pour continuer à réduire, en fait, les coûts de dépannage en pharmacie d'établissement.

Je passe maintenant au personnel technique. Les pharmaciens d'établissement sont soutenus par du personnel technique qui sont, en fait, des gens qui détiennent un diplôme d'études professionnelles. Ça fait des années que l'Ordre des pharmaciens mène des travaux, conjointement avec le ministère de la Santé et le ministère de l'Éducation, pour arriver à rehausser ce personnel technique. Notre compréhension du projet de loi n° 10, c'est qu'il est souhaité que la bonne personne fasse la bonne chose. Alors, à notre avis, il faut que ce projet, qui est mené par l'Ordre des pharmaciens, aboutisse. Il faut que le personnel technique ait une formation rehaussée, davantage qualifiée, qu'il soit plus autonome pour que les pharmaciens puissent déléguer des tâches techniques qu'ils font encore actuellement et qui les prive, dans le fond, de donner des soins directs aux patients.

Je termine avec le dernier sujet, qui est le circuit du médicament. Je ne vous ferai pas tout le processus complexe, là, il y a 54 étapes dans le circuit du médicament dans un établissement de santé, autant d'étapes qui peuvent éventuellement générer des erreurs de médicaments. Je vous en parle parce que le ministère de la Santé a mis sur pied, il y a quelques années, un projet, le projet SARDM, qui vise à automatiser le plus d'étapes possible de ce circuit pour réduire les risques d'erreur et augmenter le degré de sécurité du système de distribution des médicaments. C'est important pour nous qu'avec le... C'est sûr qu'on a une crainte, là, avec le projet de loi n° 10, que les fusions puis les structures fassent en sorte que, pendant un bout de temps, tout soit gelé, là, qu'il n'y ait plus de projets qui avancent. Pour nous, c'est essentiel que ce projet-là poursuive ses avancées. Il y a trois phases qui ont été implantées jusqu'à présent, il reste les phases 4 et 5. À notre avis, ça doit se faire le plus rapidement possible pour que tous les établissements de la province aient le même degré de sécurité dans le circuit du médicament.

J'en profite pour vous dire aussi que, dans le projet de loi n° 10... bien, en fait, pas dans le projet, mais l'actualisation du projet pourrait peut-être aussi amener les établissements à créer un plan de développement informationnel pour les systèmes d'information en pharmacie plus particulièrement. On a des systèmes d'information qui sont disparates, variables d'un établissement à l'autre. On n'est à peu près pas capables de sortir de ces systèmes-là des indicateurs qui nous permettent d'évaluer la performance des départements. Alors, il me semble que le moment est venu d'avoir un plan de développement précis qui permette d'avoir des systèmes qui soutiennent mieux les départements de pharmacie et qui les soutiennent aussi au plan clinique. On parle beaucoup de bilan comparatif de médicaments, je n'entrerai pas dans le détail, mais c'est une pratique organisationnelle requise par Agrément Canada. On souhaite que les pharmaciens fassent ces bilans comparatifs. Ça prend beaucoup, beaucoup de temps à faire, et il y a des logiciels qui peuvent appuyer les pharmaciens dans cette démarche, et, à l'heure actuelle, ce n'est pas disponible.

Alors, voilà, je termine en vous disant que les pharmaciens d'établissement, ce sont des gens qui sont dédiés, qui ont à coeur les soins et services pharmaceutiques, et ils vont continuer à collaborer, peu importent les transformations du réseau, en autant qu'on ne fragilise pas la main-d'oeuvre et qu'on s'assure aussi de ne pas faire peur à la relève. Alors, si les commentaires des pharmaciens d'établissement sont pris en compte dans l'actuel projet de loi, je vous assure qu'ils feront leur travail encore mieux. Merci. Nous sommes prêts pour vos questions.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous allons maintenant débuter la période d'échange avec les parlementaires et, en ce sens, pour 22 min 30 s, je cède la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

• (19 h 50) •

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, M. Paradis, Mme Vaillant, merci d'être ici aujourd'hui. Vous ne pourriez pas comprendre vraiment la profondeur de mon commentaire, mais vous êtes très rafraîchissants aujourd'hui, et je suis très heureux des commentaires que vous avez faits, parce que ces commentaires-là vont évidemment pas mal dans le sens de l'esprit de ce que l'on veut faire, et je vais prendre quelques instants pour répondre à chacun des éléments qui sont des interrogations que vous avez soulevées dans votre présentation.

Pour ce qui est de la gouvernance, à savoir la pertinence et/ou la nécessité d'avoir... la possibilité d'avoir un pharmacien au conseil d'administration, je vais vous avouer que c'est un élément qui n'est pas une omission, là, mais on va dire... on va appeler ça une coquille. Vous avez raison, je pense qu'il y a une justification, lorsqu'on arrive dans une organisation de cette ampleur-là, qu'il y ait un pharmacien, et je le prends en note et il est très possible qu'on retrouve ça. Vous avez un point, là, qui est tout à fait valide.

Pour ce qui est de certains éléments que vous avez notés en ce qui a trait à la gestion et à l'administration du monde pharmaceutique dans un éventuel CISSS, vous n'avez pas à me convaincre. Je sens dans votre commentaire que vous aviez peut-être l'inquiétude que cette gestion-là vous échappe. Elle ne vous échappera pas, ça n'a aucun sens. Alors, vous avez une compétence professionnelle et, à certains égards, une formation en gestion qui fait en sorte que vous avez tout à fait la compétence appropriée pour faire ça, d'une part. Puis, d'autre part, pour des raisons évidentes et de compétence et de sécurité, je pense que ça doit aller entre vos mains. Alors, il n'est pas question qu'on défasse ce qui existe actuellement en termes de structure.

Et, comme je l'ai dit à plusieurs reprises dans mes commentaires précédents, on veut terminer l'intégration qui a été commencée dans la dernière réforme et qui ne s'est pas complétée. Alors, dans la dernière réforme, il y a eu une certaine intégration qui s'est faite à bien des niveaux dans les hôpitaux plus petits, évidemment. Dans les gros, il y avait déjà des structures. Et il va de soi que, si on est pour intégrer la chaîne... le continuum des soins au complet verticalement et horizontalement avec les autres intervenants dans le monde de la santé, c'est bien évident qu'on va faire la même intégration sans défaire celle qui existe localement, mais à la grandeur du CISSS. Et là vous allez avoir un rôle primordial à jouer. Je suis bien d'accord avec ce que vous dites. Alors, pour nous, de notre côté de la Chambre, il n'est pas question qu'on vous enlève — au contraire — cette gestion-là. C'est vous qui devez la faire. Le chef en pharmacie va être un pharmacien. Et vous allez avoir à faire une intégration et une gestion qui est globale.

Un autre avantage que ça a, les CISSS, évidemment, et ça, je le dis, je l'ai dit à plusieurs reprises, un des objectifs d'avoir cette réforme-là est de faire en sorte qu'un ministre, moi ou un autre, lorsqu'il a à donner des orientations, il puisse s'adresser, pour la première fois dans l'histoire du Québec, à une organisation où il va y avoir 20, 25, 28, 30 personnes autour d'une table. Ça fait différent, ça, d'avoir 182 personnes quand arrive le moment, comme vous l'avez dit avec justesse, de disséminer ou de diffuser dans un milieu les bonnes pratiques. Alors, ça marche bidirectionnellement. Ça veut dire que le ministre peut être plus en synchronisme avec ce qui existe dans le réseau, parce qu'il y a moins d'intervenants en termes de gestion, mais, en même temps, quand une bonne pratique existe à une place et que vous l'avez disséminée dans votre CISSS, bien, ça devient plus facile de la disséminer dans le réseau au complet.

Et je sais que, dans le monde de la pharmacie, vous êtes dans un monde — on va dire pharmacologique, là — où il peut y avoir un niveau significatif d'harmonisation, standardisation et de mise en commun de pratiques. Vous êtes un monde où ça s'applique. Et il y a une plus-value qui est substantielle là-dedans. Et c'est très clair pour moi que vous devez jouer ce rôle-là. Puis je vous fais part, moi, de mes visions à plus grande échelle du bénéfice que vous ne soulevez que localement.

Je vais revenir. J'aurai des questions à la fin, là. Je veux juste faire quelques commentaires sur vos commentaires. La spécialisation. Bien, vous connaissez ma position. Alors, elle n'a pas changé. Maintenant, on verra la faisabilité de ça. Mais ma position n'a pas changé. Pour ce qui est de certains éléments supplémentaires, là, que vous avez dit plus vers la fin quand vous vous êtes passé la parole, vous avez fait référence à la pénurie d'effectifs qui commence à baisser et aux bourses. Les bourses, elles ne viennent pas... Elles viennent de l'Éducation? Elles viennent d'où, ces bourses-là?

Mme Vaillant (Linda) : Du ministère de la Santé.

M. Paradis (François) : C'est de la Santé.

M. Barrette : Ah! elles viennent de chez nous?

Mme Vaillant (Linda) : Oui.

M. Barrette : Bien, écoutez, vous m'apprenez quelque chose. C'est bon. Vous avez fait référence aussi spécifiquement à la formation plus avancée du personnel technique. Vous référez à quoi exactement? Je sais à peu près, là, mais je veux juste que vous vous exprimiez là-dessus, là.

Mme Vaillant (Linda) : En fait, ce sont des travaux vraiment menés par l'Ordre des pharmaciens, qui visent à... À l'heure actuelle, là, les diplômés, c'est des diplômes d'études secondaires, c'est des diplômes d'études professionnelles. Donc, il y a certaines limites, vous vous en doutez, là, quant à l'autonomie et aux qualifications des gens. Et, à partir d'un profil de compétence, il y a des travaux qui ont été menés pour arriver à développer... Dans le fond, en fait, ce qu'on a déterminé, c'est quel est le degré de compétence dont on a besoin, c'est quoi, le profil. Et maintenant le ministère de l'Éducation doit déterminer quel est le programme qui doit s'agencer au profil de compétence. Mais l'idée pour nous, c'est d'être capables d'être mieux appuyés cliniquement. On parle de bilan comparatif, par exemple. Je vais vous parler d'une chose très simple, là, des médicaments d'exception à la RAMQ. Il y a des trucs à remplir en ligne, il y a des formulaires à remplir, des médicaments d'accès spécial, des choses qui ne sont pas commercialisées à Santé Canada, il y a des choses qui doivent être complétées et qui ne peuvent pas être faites à l'heure actuelle par le personnel technique, parce qu'ils n'ont pas suffisamment d'autonomie et pas suffisamment de compétences.

M. Barrette : O.K. Là, actuellement, si je comprends bien, vous êtes en train de définir le programme que vous proposez à l'Éducation.

Mme Vaillant (Linda) : En fait, l'Éducation est à la table avec le ministère de la Santé...

M. Barrette : Avec vous.

Mme Vaillant (Linda) : ...et l'Ordre des pharmaciens pour discuter... Le profil de compétence a été établi. Maintenant, il appartient au ministère de l'Éducation de déterminer quel est le programme. Mais là il y a des enjeux évidemment d'embauche, là. Alors, ma compréhension, c'est qu'on est dans un calcul de combien de gens éventuellement pourraient être formés à un niveau technique — donc, imaginons un niveau collégial, par exemple — et combien seraient embauchés par le réseau des pharmacies privées, combien par le réseau de la santé.

M. Barrette : O.K. À terme, quand vous faites cet exercice-là, quelle est la conséquence sur le terrain? Est-ce que la conséquence sur le terrain, c'est une redistribution des fonctions et du nombre d'individus ou c'est simplement du personnel technique mieux qualifié?

Mme Vaillant (Linda) : La conséquence, elle est en lien direct avec ce... Quand je parlais de la pénurie tout à l'heure, on parle de 260 postes vacants à l'heure actuelle. Alors, les gens, probablement, là, qu'il y a une portion des heures qui sont dédiées actuellement à des éléments techniques faits par des pharmaciens qui pourraient être faits par du personnel technique. Donc, on peut imaginer que ça dégagerait des heures professionnelles pour que les pharmaciens soient affectés à autre chose que des tâches techniques.

M. Barrette : Parfait.

Mme Vaillant (Linda) : Donc, probablement moins d'heures supplémentaires, j'imagine.

M. Barrette : Donc, on se retrouve dans une dynamique normale — moi, je vais l'appeler comme ça parce que c'est vraiment le bon mot — de la bonne personne au bon endroit, dans un mode de productivité.

Mme Vaillant (Linda) : Bien, c'est précisément notre position. On pense que, si on veut que ça soit la bonne personne qui fasse la bonne chose, bien, nous, on a besoin d'être mieux appuyés. Puis je vous dirai franchement que ça fait 15 ans qu'à l'association on dit ça. Et là les travaux sont menés à nouveau, là, depuis trois ans, bien menés par l'Ordre des pharmaciens, mais à un moment donné il faut que ça débouche, il faut que ça aboutisse quelque part, parce que, quand on va avoir le programme, il faut que ce soit mis sur pied, il faut qu'on forme les gens. Ça fait qu'on est rendus dans sept, huit, 10 ans encore, là, avant qu'on y parvienne. Alors, nous, ce qu'on se dit, c'est : Est-ce qu'on peut avancer? Il me semble qu'on a fait la preuve qu'on a ce besoin-là, et puis je pense que c'est rentable pour les établissements.

M. Paradis (François) : Si je...

M. Barrette : Oui, allez-y, allez-y!

M. Paradis (François) : Oui. Parce que, si je peux rajouter là-dessus, c'est non seulement l'idée de faire faire les bonnes choses par les bonnes personnes, mais c'est qu'actuellement il y a des besoins dans le réseau en termes de services pharmaceutiques, en termes de soins pharmaceutiques, qui ne sont pas comblés actuellement, des choses qui devraient être faites pour la qualité des soins, pour la sécurité des patients, et ça n'est pas fait. Et, bon, la pénurie explique ça, mais, si on peut faire en sorte qu'on peut dégager plus de temps pour les pharmaciens pour faire ces activités-là, c'est tout le réseau qui va y gagner. Donc, oui, les bonnes choses par les bonnes personnes, mais pour permettre aux équipes déjà en place d'aller plus loin dans leur pratique, dans les services qu'ils vont rendre à la population.

M. Barrette : Et, dans cet esprit-là, est-ce que vous voyez l'intégration d'établissements dans un territoire donné comme étant une valeur ajoutée pour faire tout ça?

M. Paradis (François) : Bien, si je peux me permettre là-dessus, l'intégration, ça dépend toujours comment on va la faire. Puis, à cet égard-là, je vous dirais que...

M. Barrette : Admettons qu'elle est bien faite.

M. Paradis (François) : Pardon?

M. Barrette : Admettons qu'elle est bien faite.

M. Paradis (François) : Admettons qu'elle est bien faite? Bien, admettons qu'elle est bien faite, oui, il y a probablement des gains qu'on peut aller chercher à cet égard-là. Maintenant, il faudra voir aussi... puis, je pense, ça va être quelque chose qui va être important dans l'application, c'est qu'une fois que les objectifs auront été déterminés, qu'on laisse l'autonomie professionnelle, l'autonomie de gestion aux gens pour mettre correctement en place... et arriver à leurs objectifs, mais selon les particularités de leur CISSS ou de leur réseau local. Donc, ça, à mon sens, c'est fondamental. Mais, oui, si on est capables de regrouper ou de mieux partager aussi les expertises puis les façons de faire, effectivement, il y a des gains à aller chercher.

M. Barrette : O.K. Je ne veux pas vous mettre en porte-à-faux avec l'ordre, qui est venu précédemment. Mais, pour ce qui est des économies d'échelle qu'on peut faire en pharmacie dans votre univers dans un regroupement, un, y en a-t-il? Et, deux, de quel ordre? Bien peut-être pas en dollars, mais de... Peut-être pas de... Ce n'est peut-être pas le bon terme, là, de quel ordre, là, mais dans quel secteur et de quelle manière, plutôt?

Mme Vaillant (Linda) : Il n'y a pas d'économies d'échelle au plan des médicaments, du coût comme tel.

M. Barrette : Non, mais la gestion.

Mme Vaillant (Linda) : Mais ce que j'allais dire, c'est que, si on reste avec la pharmacothérapie, il y a très certainement des choses à faire dans l'usage optimal. Alors, est-ce que ça prend des regroupements pour faire de l'usage optimal? Je ne le sais pas. Mais c'est certain que, si on regroupe puis qu'on veut harmoniser les pratiques, il y a très certainement des gains à aller chercher dans une meilleure utilisation des médicaments, d'une part.

Pour les pratiques, pour les systèmes de distribution, il y a sûrement aussi des gains à aller chercher à régionaliser. On peut penser à tout le travail qui est fait pour les formulaires de médicaments, par exemple. Alors, chaque pharmacien qui siège à un comité de pharmacologie dans un établissement fait la révision de la molécule qui est demandée par Dr Untel et regarde, bon, objectivement les données cliniques et présente une analyse au comité de pharmacologie. Est-ce qu'éventuellement on peut imaginer qu'en regroupant les structures il y aurait un bénéfice, en fait un gain? Donc, est-ce que, finalement, on fait une fois cette évaluation-là pour l'ensemble du CISSS en tenant compte des particularités locales? Probablement. Donc, il y a très certainement certains gains à aller chercher à cet égard-là. Est-ce que ça se quantifie en beaucoup, beaucoup d'économies? Difficile à dire aujourd'hui.

• (20 heures) •

M. Barrette : Je vais vous poser une question à propos d'un sujet dont on n'a jamais discuté précédemment dans d'autres forums, là, dans d'autres... En tout cas, pour moi, ma vie antérieure. Vous, elle est continue, votre vie, là, ça va bien. Vous avez fait référence aux ordonnances collectives. Évidemment, vous faisiez référence aux ordonnances collectives dans un établissement. Est-ce que vous voyez... Et vous avez fait référence aussi, avec justesse évidemment, au bilan comparatif. Je vous lance ça comme ça, là : Le lien entre l'établissement et la communauté, sous tous les aspects, le bilan comparatif, les ordonnances collectives, et ainsi de suite, les suivis, comment vous voyez ça?

M. Paradis (François) : Bien, les liens, écoutez...

M. Barrette : C'est une question très ouverte, là, je ne veux pas...

M. Paradis (François) : En tout cas, peut-être que vous préciserez votre question...

M. Barrette : Ce n'est pas un piège, là, c'est...

M. Paradis (François) : Non, non, ce n'est pas un piège. Mais moi, je vous dirais que le lien avec les communautés, écoutez, qu'on parle de bilans comparatifs, qu'on parle de suivis de pharmacothérapie, tout ça, c'est des choses qui sont bien documentées, qui ont une valeur ajoutée. Donc, c'est sûr que, dans la mesure où on va avoir une organisation de services qui va nous permettre de faire ça davantage qu'à présent, ça va être un gain pour les communautés, c'est clair, parce que, là, on va être davantage en mesure d'augmenter la qualité des services aux patients. Il faut voir qu'actuellement, malheureusement, malgré les efforts qui sont faits, ce sont des activités qui, je répète, bien qu'il y ait une valeur ajoutée bien documentée à ces activités-là, ne sont malheureusement pas faites au niveau et en quantité où elles devraient être faites. Alors, à partir de ce moment-là, si on est capables de mettre en place une structure qui va favoriser ces activités-là, oui, on va avoir un impact sur la qualité des soins et services. Et, si on est capables aussi, on parle de bilan comparatif, de faire le lien avec, par exemple, les pharmacies communautaires, là, à ce moment-là, on a une valeur ajoutée qui se surmultiplie, et ça, c'est une difficulté actuellement. C'est que ce lien-là, il existe, mais à géométrie variable dépendant des régions, dépendant des villes. Il y a des endroits où il y a des comités locaux de services pharmaceutiques où les pharmaciens d'une municipalité s'associent avec les gens des établissements de santé pour essayer de mettre en place un certain nombre de programmes. Mais, dans la mesure où on va être en capacité de raffermir ce lien-là, c'est sûr que, là, il y a une valeur ajoutée qu'on peut aller chercher.

M. Barrette : Ça fait qu'il y a une grande valeur ajoutée à partir du moment où on a une organisation qui a un certain volume, une certaine uniformisation et une certaine capacité de faire le lien avec sa communauté.

M. Paradis (François) : Oui. Mais, encore là, le volume, il faut faire attention au volume aussi. Quand je parlais de tables locales, il se peut que la façon de fonctionner, de mettre tout ça en place dans un endroit particulier et versus une autre municipalité qui ferait partie du même CISSS pourrait être un peu différent. Alors, moi, je... on est convaincus qu'il faut donner l'opportunité aux réseaux de mettre en place les façons de faire qui vont être les plus adaptées à leurs réalités, à la réalité de leurs populations.

M. Barrette : Quel est le plus grand frein, aujourd'hui, que vous voyez face à cet, entre guillemets, idéal-là?

M. Paradis (François) : Bien, je vous dirais, le plus grand... un des freins qui est assez important, ce sont les effectifs parce que ça prend du monde pour faire ça, ça prend des gens qui sont disponibles pour aller à l'urgence, par exemple, ou sur les unités de soins rencontrer les patients, faire les bilans comparatifs. Il y a un certain nombre des établissements, vous le savez, où il y a déjà une pénurie — Linda en a fait mention — une pénurie importante, c'est sûr que, dans ces conditions-là, on est obligés de mettre la priorité aux activités de base, c'est-à-dire aux activités de distribution de médicaments. Donc, ça, c'est un élément majeur. Il y encore un certain nombre d'établissements au Québec où il n'y a pas de pharmaciens dans les urgences, bien qu'en 2007, si ma mémoire est bonne, il y a un comité ministériel qui avait recommandé la présence d'un pharmacien à l'urgence. Alors, ça, c'est sûr que c'est un impact majeur du fait que, si on n'a pas assez d'effectifs, il y a ce genre d'activités là qu'on va devoir malheureusement mettre de côté.

Mme Vaillant (Linda) : Le second frein, si je peux me permettre, ce sont les systèmes d'information. Si on parle du bilan comparatif de médicaments, il y a beaucoup d'aller-retour avec nos collègues des pharmacies privées, et ça se passe par télécopieur, là, par téléphone, par télécopieur, alors qu'en théorie, bon, on a un DSQ qui devrait éventuellement se déployer et nous permettre d'avoir des données en temps réel, et je pense que ça, ça permettrait aussi une meilleure continuité des soins si on avait de meilleurs systèmes, là, un meilleur arrimage.

M. Barrette : Ah! vous avez prononcé les trois lettres qui sont une torture à l'oreille de n'importe quel ministre de la Santé. Évidemment, là, je n'y reviendrai pas, mais je suis d'accord avec vous qu'il faudrait que ça arrive à un moment donné.

J'aimerais aborder un autre sujet, et là je le lance, et je vous invite à être très larges ou spécifiques, mais allez-y autant que vous voulez. Dans un CISSS et dans l'éventualité où on s'y adresse de façon plus précise, jusqu'où on peut améliorer les choses en termes de sécurité puis, en même temps, qu'est-ce qu'il nous manque?

M. Paradis (François) : Bien, je pense que, quand on parle de sécurité, au départ, il y a différents éléments qui nous viennent en tête. Bon, Linda en a parlé tout à l'heure, tout ce qui est de système de gestion, mais aussi tout ce qui est d'automatisation des pratiques, on en a parlé avec le projet SARDM, ce sont des choses — et, encore là, c'est documenté — qui vont augmenter la sécurité de la clientèle.

Un autre élément, et puis ça, peut-être qu'on n'en parle pas assez souvent, mais c'est la nécessaire standardisation des pratiques. À un moment donné, quand, sur une unité de soins, par exemple, le personnel infirmier a à fonctionner différemment ou à administrer des traitements de façon différente pour une même pathologie, pour des pathologies semblables, c'est sûr qu'à quelque part on introduit une variabilité qui peut être source d'erreur. Donc, dans la mesure où on est capable de standardiser les... puis avec les meilleures pratiques évidemment, effectivement, là, on va aller chercher un élément de sécurité supplémentaire.

On peut parler aussi de tout ce qui est des incidents-accidents reliés à la médication, mais là on parle d'un processus, un processus qui relève du circuit du médicament, 54 étapes qui relèvent parfois du département de pharmacie, parfois du personnel infirmier sur les unités de soins; parfois, aussi le médecin va avoir un rôle à jouer là-dedans. Alors, il faut trouver des façons de sécuriser ce circuit-là, et ça, bien, je pense que les pharmaciens ont un rôle très important à jouer parce qu'ils sont au coeur du circuit du médicament.

M. Barrette : Je suis content de vous entendre, parce que la standardisation — puis il y a d'autres gens qui utilisent d'autres termes, là, qui veulent dire la même chose — c'est quelque chose à laquelle je crois beaucoup, et je suis bien d'accord avec ce que vous dites. Et, dans cet esprit-là, bien, quand on est... c'est le principe de la culture d'entreprise... Puis là je ne dis pas «entreprise» pour le côté industriel de l'affaire, là, mais on pourrait dire «la culture organisationnelle». C'est plus facile d'avoir une culture organisationnelle standardisée lorsqu'on est une organisation qui a une même autorité, là, partout. Et puis, vous, je pense que, dans votre monde, c'est sûr que, dans un CISSS, vous allez certainement vouloir avoir une standardisation d'un site à l'autre ou même dans la province, dans une certaine mesure, comme vous allez certainement viser à ce que le circuit du médicament, dans les différentes institutions et même dans la province, se standardise aujourd'hui.

Puis je fais une remarque, là, qui est intéressante, à mon sens à moi, mais c'est juste pour vous montrer que vous n'êtes pas seuls là-dedans. Les gens qui sont venus le plus nous parler — involontairement, ce n'était pas une demande, mais c'est eux qui le disaient spontanément — de standardisation dans les différents milieux étaient les gens de réadaptation et de jeunesse. Ils ont beaucoup, beaucoup, beaucoup insisté sur la plus-value d'avoir quelque chose de standardisé. Et ces gens-là, qui ne sont pas du tout dans le même domaine que l'hôpital, ont la même vision. En quelque part, il doit bien y avoir quelqu'un qui a raison, là. Et je reviens, je boucle ma boucle. En quelque part, pour avoir un univers comme celui-là, il faut avoir un regroupement et il faut avoir une autorité qui puisse le faire cheminer, et, dans un CISSS, je pense que c'est quelque chose qui va arriver. Il y a plus de chances d'arriver qu'autrement.

Actuellement — et puisque vous êtes en établissement, et en établissement, c'est là où il y a des rapports — quelle est votre lecture et quelle recommandation nous feriez-vous «at large», là, dans une organisation pour en arriver à augmenter la sécurité et donc précisément pour diminuer la fréquence des incidents-accidents. Elle est où, notre faiblesse, là? Qu'est-ce qui fait qu'année sur année au Québec on n'ait pas le résultat attendu? Bien, «attendu», l'amélioration recherchée plutôt?

M. Paradis (François) : Bien, écoutez, on fait tous le même constat, et en même temps vous parlez... Bon, il y a une question de culture au départ. Il doit y avoir une culture de sécurité qui doit être mise en place, mais, au-delà de ça, il faut que cette culture-là... qu'on voie à l'actualiser sur le terrain, et je vous dirais que c'est peut-être là qu'on a le plus de difficulté, par exemple au niveau de la proximité des gestionnaires, des chefs d'unité de soins, proximité avec leurs équipes pour être capables de toujours mettre l'accent sur les bonnes pratiques. Bon, on a vu avec les... ce qu'on a observé dans le réseau au niveau du personnel d'encadrement. Il y a un personnel d'encadrement clinique qui est essentiel pour justement faire descendre les bonnes pratiques, parce que ça prend des gens pour rappeler constamment qu'on doit fonctionner de telle ou telle façon, de ne pas prendre les raccourcis parce que parfois des raccourcis dans les pratiques, ça peut donner l'impression qu'on est plus efficace, mais on peut être aussi... avoir des pratiques qui sont moins sécuritaires. Donc, s'assurer que ça descende.

C'est sûr que les pharmaciens ont un rôle à jouer aussi là-dedans. Moi, je suis convaincu, les pharmaciens qui sont sur les unités de soins vont travailler avec le personnel infirmier, avec les médecins. Ils vont être en mesure aussi de travailler pour mettre en place les bonnes pratiques, puis je dis tout le temps : On a beau avoir choisi la meilleure pharmacothérapie qu'on pouvait obtenir en fonction de la littérature, si, en bout de ligne, le médicament est administré au mauvais patient, on n'a pas gagné grand-chose.

• (20 h 10) •

M. Barrette : On revient encore à la culture organisationnelle, là.

M. Paradis (François) : On revient à la culture, mais, j'insiste, il faut que cette culture-là se rende au niveau du terrain, et, pour ça, ça prend des gens... proximité avec les équipes.

M. Barrette : Tout à fait. Et, pour qu'elles se rendent le plus souvent possible en bas dans une organisation, il faut que le haut puisse réussir à la faire descendre. Et, lorsqu'on a une culture qui a une certaine unicité, il y a probablement plus de chances qu'on le réussisse, surtout si c'est une orientation ministérielle. M. le Président, merci. J'ai terminé. Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, je cède maintenant la parole à la collègue députée de Taillon pour un bloc de 13 min 30 s.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président, M. Paradis, Mme Vaillant. Alors, écoutez, l'article 1 du projet de loi n° 10 vise, précise, là, les objectifs : favoriser, simplifier l'accès aux services, contribuer à l'amélioration de la qualité, de la sécurité des soins et accroître l'efficience et l'efficacité. Donc, moi, j'ai entendu beaucoup, là, dans votre mémoire, la pertinence de maintenir les comités régionaux de services pharmaceutiques. Il y avait quand même, dans ces CRSP... Là, je pense que le ministre nous confirme qu'il y aura une place de pharmacien dans un C.A., mais il y avait une mission de lien entre le pharmacien d'établissement, les pharmaciens communautaires et finalement le circuit. Et la loi de 2003, elle visait — en tout cas, par les DRMG, mais aussi beaucoup par les CRSP — à faciliter ce lien, cette transition, cette communication, cette connaissance des patients. Est-ce que vous pouvez nous dire comment vous verriez que le projet de loi n° 10 pourrait nous aider à poursuivre ou à développer davantage dans ce contexte-là?

M. Paradis (François) : Bien, je pense que c'est essentiellement une question de continuité. Il y a déjà des choses qui ont été mises en place, qui sont amorcées. Il ne faut pas défaire qu'est-ce qui est déjà mis en place. Il faut accentuer le rôle de ces organismes-là et toujours aussi en favorisant la mise en place, au niveau local, des meilleures pratiques. Mais je pense que le projet de loi n° 10, en tout cas, la lecture qu'on en fait, ne remet pas en cause le rôle des CRSP. Il faut juste s'assurer qu'ils vont avoir une voix au conseil d'administration des CISSS et qu'ils vont avoir l'opportunité de continuer leur travail dans les nouvelles structures.

Mme Lamarre : O.K. Mais donc on rappelle quand même l'importance de garder ce lien entre l'établissement de santé... parce que nos patients, eux, ils circulent à travers. Et, si on parle de fluidité, il faut vraiment qu'on maintienne ça.

Quand il y a eu le rapport du vérificateur, on a parlé — et là je rejoins l'objectif de sécurité — des revues d'utilisation médicamenteuses qui ont malheureusement été beaucoup escamotées au cours des dernières années, faute d'effectifs, mais faute aussi de structure, parce qu'on a aboli les réseaux RUM il y a quelques années. Comment vous verriez qu'on puisse... Parce que ça rejoint un peu ce que le ministre disait tantôt, là : On veut améliorer la sécurité, on veut standardiser les pratiques. Comment vous verriez qu'on peut le faire? Est-ce que ces études du réseau RUM, là, qui étaient des études qui faisaient un peu les meilleures pratiques et qui partaient d'observations de ce qui se faisait dans l'établissement, ça ne pouvait pas aider?

Mme Vaillant (Linda) : Tout à fait. Je pense que la revue d'utilisation, la raison pour laquelle elle s'était arrêtée, c'est qu'il n'y avait plus de soutien pour les cliniciens sur le terrain. Ça prend beaucoup, beaucoup de temps, faire de la revue d'utilisation. Les résultats sont probants, mais on parle de quelqu'un qui fouille dans les archives. Et on commence par le début, là, on commence par s'entendre sur qu'est-ce qu'on va regarder, qu'est-ce qu'on évalue, c'est quoi, les indicateurs, et, après ça, c'est beaucoup de temps pour aller revoir les archives, produire des résultats et s'assurer de boucler la boucle en présentant aux prescripteurs les résultats de ça et les sensibiliser à de meilleures pratiques, de meilleures façons de prescrire.

Alors, l'avantage d'un réseau structuré — et possiblement qu'avec la régionalisation on pourrait remettre ça sur pied, du moins régionalement — c'est d'amener les outils directement sur le terrain, c'est de tout de suite déterminer quels sont les indicateurs. Mais évidemment ça va prendre des ressources, ça prend des gens pour les faire. Ça ne change pas le principe que, localement, ça prend du monde pour le faire, mais c'est sûr qu'un soutien à un niveau régional... Je pense qu'une revue d'utilisation sur une statine, par exemple, bien, on peut la faire n'importe où au Québec avec les mêmes critères, mais il faut que quelqu'un les déploie, ces critères-là, et dise : Voici comment... quel est le processus, là, voici ce qu'on vous propose de faire. Puis, en fait, on devrait, je pense, provincialement cibler des molécules où on sait qu'il y a un dépassement de coût et que la prescription n'est pas optimale.

Mme Lamarre : Donc, il y aurait lieu d'avoir peut-être à un niveau transversal ou... qu'il y ait, donc, d'autres niveaux d'intervention, de concertation pour faire en sorte qu'on puisse avoir des recommandations qui dépassent, dans le fond, individuellement les CISSS, mais qui soient également des recommandations qui puissent s'appliquer à l'ensemble de la province.

Mme Vaillant (Linda) : En fait, des recommandations qui dépassent les établissements de santé, parce que l'utilisation des médicaments dans la communauté, évidemment, c'est là où les coûts sont les plus significatifs. C'est certain qu'on amorce les traitements en établissement, donc ça a un impact sur le régime général d'assurance médicaments après. Mais il nous apparaît évident que toute cette revue d'utilisation là devrait être faite en collégialité avec les pharmaciens communautaires, les pharmaciens de réseaux privés également.

M. Paradis (François) : Si je peux me permettre, en complément, c'est qu'il y a probablement... On parle d'optimisation, là. L'optimisation, quand on parle d'utilisation des médicaments, le premier avantage, c'est d'augmenter la qualité et la sécurité de nos traitements. Mais, «by the way», entre guillemets, on va souvent aussi chercher des économies par une bonne utilisation des ressources pharmacologiques. Alors, à ce moment-là, il faut penser à long terme et se dire que peut-être ça vaudra le coup d'investir dans une organisation, une structure comme le réseau RUM était dans les années 90. Ça vaudra le coup d'investir là-dedans pour avoir quelque chose de solide pour supporter les CISSS dans leurs travaux, mais sachant très bien qu'on va gagner en qualité et sécurité. Et, éventuellement aussi, on va gagner en une réduction des coûts reliés aux médicaments.

Mme Lamarre : Il y a un élément qui est ressorti dans les premiers groupes qu'on a accueillis, entre autres des groupes de médecins, c'était la grosseur des CMDP, donc, le conseil des médecins et dentistes; le P, c'est pour le pharmacien. Donc, on comprend, là, qu'il va y avoir des CMDP qui vont être beaucoup plus grands, qui vont inclure 1 600, 2 000 médecins, mais potentiellement aussi 80 pharmaciens, davantage même dans certains, quand il y a des hôpitaux universitaires qui vont être intégrés. Alors, comment vous voyez ça? Comment vous voyez cette... Comment vous visualisez comment ça va se concrétiser sur le terrain?

Mme Vaillant (Linda) : L'aspect qui nous préoccupe et qu'on a traité dans le mémoire, mais qu'on n'a pas eu le temps de discuter tout à l'heure, c'est celui de l'évaluation de l'acte. C'est celui, peut-être, qui nous touche davantage, parce qu'en pharmacie l'évaluation de l'acte, il ne s'en fait pas suffisamment, à notre avis. Et c'est relativement récent. Ça commence à se mettre en place. Donc, ce qu'on souhaite, c'est que localement... En fait, je ne sais pas quelle structure ça va prendre. C'est certain que les CMDP peut-être qu'il y aura une mégastructure régionale. Je présume que, localement, il y aura moyen d'avoir, je ne sais pas, moi, des sous-CMDP, là, pour que, localement, les choses puissent fonctionner. Ça pourrait être une avenue peut-être. Mais il faut qu'il y ait des comités d'évaluation de l'acte localement, qu'ils soient présents. Il faut qu'on ait la possibilité de poursuivre tout le travail qui doit être fait par les CMDP localement, parce qu'autrement les gens vont se sentir déresponsabilisés s'ils ont tous l'impression que ça se passe au siège social puis que ça ne se passe pas chez eux, alors que les actes et la prescription, elles se passent partout localement. Donc, je ne sais pas, c'est certain que ça ne peut pas être juste un immense CMDP, je pense bien. Il va falloir qu'il y ait des ministructures à travers ça qui permettent de rallier tout le monde, là, puis de s'assurer que tout le monde met l'épaule à la roue, et particulièrement dans le domaine de l'évaluation de l'acte.

Mme Lamarre : Je pense que c'est important, effectivement, la qualité de l'acte, les formulaires standardisés, les pratiques standardisées. À ce moment-ci, je vais me faire un peu le porte-parole de beaucoup de groupes qu'on a entendus. Et, par rapport au projet de loi n° 10, ils ont très peur que, dans le fond, les priorités au niveau des groupes communautaires, au niveau de groupes qui n'ont peut-être pas... qui sont plus au niveau des services sociaux, qu'ils soient défavorisés par rapport à... qu'ils soient engloutis, dans le fond, par les budgets que peut générer, on va se le dire franchement, là, le coût des médicaments, le coût des nouvelles molécules, des interventions dans des hôpitaux au niveau tertiaire, quaternaire, donc très, très spécialisés, les médicaments pour des maladies plus rares ou des protocoles de recherche. Là, je vous demande de sortir, peut-être, de votre mission de l'APES, mais quand même d'arriver avec votre vision de comment on peut faire pour que tout le monde en ait assez pour jouer son rôle, parce qu'on se rend compte que ces organismes-là, ils jouent aussi un rôle important dans l'équilibre de toute notre société.

• (20 h 20) •

M. Paradis (François) : Je vous dirais que, possiblement, à cet égard-là, c'est déjà un enjeu, je crois, même dans les structures actuelles, la répartition des ressources entre le volet plus clinique pur et dur et le volet plus service social. Donc, je pense que c'est un enjeu, là, puis ça va l'être aussi dans les nouveaux CISSS, c'est clair. Maintenant, un des moyens d'y arriver à mon sens, c'est de s'assurer que les dollars dépensés le sont adéquatement. Et puis, là, je pars de votre question, mais je la ramène à notre domaine, il y a possiblement des économies à aller chercher parce qu'il y a probablement des pratiques qui pourraient être, au niveau de la prescription des médicaments, différentes et qui feraient en sorte qu'elles coûteraient moins cher. Alors, si on est capables d'aller chercher ça, c'est sûr qu'ultimement, dans l'enveloppe totale, il pourrait y avoir plus d'argent pour les autres, et c'est sûr qu'il faudra qu'il y ait des arbitrages qui soient faits dans les nouvelles structures, comme elles sont faites actuellement.

Mme Lamarre : Quand on parle du prix des médicaments, c'est toujours un dossier sensible. On le sait, il y a des stratégies qui visent à faire qu'en établissement de santé les médicaments soient disponibles parfois moins chers parce qu'on sait que, pendant deux, trois jours, ils vont être utilisés à l'hôpital, mais, pendant 20 ans, ils vont être utilisés après par les patients à domicile. Notre système d'acquisition des médicaments actuellement, il fait que les hôpitaux achètent et que la RAMQ négocie avec les organismes. La RAMQ a déjà, dans sa loi, la possibilité de payer les médicaments le moins cher partout au Canada pour toutes les molécules. C'est déjà dans sa loi actuellement. Est-ce que vous ne voyez pas une possibilité ou un avantage à ce qu'on essaie d'avoir une acquisition des médicaments qui coupe ce silo entre l'établissement de santé et le régime public et qui garantisse que tout le monde aura le meilleur médicament au meilleur prix, et non pas qu'on crée cette espèce de faux sentiment d'économies parfois, au niveau de l'établissement de santé, qui déborde après, avec des coûts récurrents très élevés au niveau... On l'a vu l'année passée, là, avec les médicaments pour les ulcères d'estomac ou pour le reflux gastro-oesophagien, là, avec le Nexium. On a sauvé 35 millions en six mois en imposant cette mesure-là. C'est significatif.

Mme Vaillant (Linda) : Est-ce que le meilleur médicament au meilleur coût pour tout le monde, c'est ce qu'on veut ou est-ce que c'est le meilleur médicament dans la meilleure indication? Parce que l'autre... la préoccupation que nous, on a, c'est que... Et votre propos est tout à fait juste, en fait, on devrait s'assurer que la molécule, elle est utilisée pour la bonne chose, peu importe où elle est donnée. Que ce soit à l'hôpital, que ce soit à la maison, ce n'est pas ça qui est important. Ce n'est pas nécessairement les modalités. Bon, est-ce qu'on devrait avoir un gros groupe d'approvisionnement? Je ne suis pas certaine, là. Je pense qu'il y a beaucoup d'inconvénients à faire quelque chose comme ça et à regrouper... à trop centraliser, en fait, les offres d'achat.

Mais il me semble, moi, que, de mon point de vue, quand une molécule est ajoutée à un formulaire... On travaille actuellement avec l'INESSS par exemple. Nous, on a demandé à plusieurs reprises à ce que l'INESSS puisse accélérer le traitement des molécules qui sont sur la liste des établissements. Pourquoi? Parce que, si on n'a pas de réponse assez rapidement du côté de l'INESSS, c'est sûr qu'il y a des pratiques qui se mettent en place à l'hôpital. C'est certain qu'il y a des pressions immenses. Les projets de recherche sont là, les molécules sont disponibles. On ne peut pas toujours attendre six, neuf, 12, 18 mois avant que l'INESSS nous donne son approbation, là : Oui ou non, vous pouvez utiliser la molécule; souvent, c'est déjà en place. Alors, il me semble, moi, que, si l'évaluation au départ fait en sorte qu'on tient compte des meilleurs critères, des indications, des données probantes, alors, peu importe, là, est-ce qu'on est un patient dans un lit ou un patient dans son salon, on est sûr qu'on prend le médicament parce que c'est le bon pour la bonne indication, et, après ça, je pense que le dollar va suivre. Mais la problématique actuellement, c'est qu'on utilise trop de ceci, trop de cela. On n'est même pas sûr si ça fonctionne, puis c'est donné quand même. Alors, je pense qu'il y a un problème là, et il y a un rôle que les pharmaciens peuvent jouer nécessairement là-dedans. Et probablement davantage encore au secteur privé que pour nous, dans les hôpitaux, je pense qu'il y a un travail à faire dans la revue de la pharmacothérapie, il y a quelque chose là à faire, où il y a beaucoup de dollars à épargner, d'une part, et, en plus, des soins de meilleure qualité à donner aux patients.

Mme Lamarre : On le voit beaucoup avec les retours de patients. À l'intérieur d'un mois après une hospitalisation, on a un nombre important de patients qui reviennent à l'hôpital, et c'est souvent à cause d'une médication qui n'est pas tout à fait bien ajustée. Donc, c'est tout à fait approprié.

Vous avez parlé du médicament avec la meilleure indication. Je suis tout à fait d'accord, mais je pense qu'on doit aussi viser le médicament au meilleur prix, parce que cet argent qu'on n'optimise pas, eh bien, il prive d'autres patients actuellement et d'autres citoyens de services. Et on parlait de regroupements d'achats, mais moi, je pense que le gouvernement peut avoir un rôle d'acheteur principal, mais qu'il faut garder des fournisseurs, il faut garder bon nombre de fournisseurs, et là on se rejoint probablement plus au niveau des pénuries. Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Ceci met fin à l'échange avec la députée de Taillon. Je cède maintenant la parole au député de La Peltrie pour un bloc de neuf minutes.

M. Caire : Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, au niveau de la gouvernance, vous dites : Bon, le ministre affirme que le projet de loi, dans sa forme actuelle, il est transitoire, mais on ne voit pas l'aspect transitoire. Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce qu'effectivement, là, on ne voit pas, là, il n'y a pas de clause crépusculaire qui nous dise à quel moment tel pouvoir va arrêter de s'exercer et de quelle façon ce pouvoir-là va s'exercer dans l'avenir. Mais j'aimerais vous entendre : Quels pouvoirs vous ciblez exactement quand vous parlez de ça? Puis qu'est-ce qui vous apparaîtrait une transition normale dans le contexte actuel?

M. Paradis (François) : Bien, ce qu'on comprend du projet de loi, c'est qu'il définit une structure, un squelette à partir duquel il va y avoir d'autres éléments, d'autres mesures législatives qui vont suivre, que ce soient d'autres projets de loi ou les modifications à la loi santé services sociaux. La difficulté qu'on voit actuellement, c'est que cette cascade-là ou cette séquence-là de pièces législatives, elle n'apparaît pas, donc c'est difficile pour toute organisation de voir exactement vers où on s'en va. Et probablement que c'est ce qui a fait que, depuis plusieurs semaines, on entend toutes sortes d'hypothèses par rapport à ce qui pourrait suivre pour la suite. Alors, nous, on pense que, pour rassurer les parties puis que tout le monde sache un peu plus vers où on s'oriente, ça serait pertinent d'indiquer ces éléments-là, à tout le moins d'une manière générale, pour dire : Voici, c'est la première pièce, et il y aura d'autres choses qui vont suivre qui permettront d'atteindre les objectifs visés.

M. Caire : Mais, vous, du point de vue de l'association, est-ce qu'il y a des pouvoirs que vous voyez dans cette loi-là qui sont dévolus par la loi au ministre où vous diriez : Bon, bien, de façon transitoire, c'est correct, mais ce pouvoir-là, ce pouvoir-là, ce pouvoir-là devraient revenir aux CISSS à terme? Et à quel terme? Dans quel délai, si on devrait procéder de cette façon-là?

M. Paradis (François) : Bien, on n'a pas fait l'analyse détaillée de ces enjeux-là. Bon. Dans quel délai? C'est sûr que — puis d'autres l'ont dit — ça risque d'être relativement lourd, la mise en place de tout ça. Donc, il va falloir s'assurer que ça se fasse harmonieusement tout en continuant de travailler, parce qu'on va devoir continuer à soigner des patients quand même, d'une part. Et, pour la suite, bien, écoutez, je reviens encore à ça, mais il faudra s'assurer qu'à la suite il y aura une latitude au niveau des CISSS pour mettre en place les objectifs ministériels, mais de la façon la plus appropriée à leur environnement et à leur territoire. Ça, je pense que c'est fondamental et, à cause de ça, je crois qu'on ne peut pas non plus dire : Ça devra être ça ou ceci. Il faudra par contre s'assurer que la mise en place de tout ça laisse la place à une gouvernance régionale.

M. Caire : Et, compte tenu que ça va prendre un atterrissage concret, si par exemple je vous disais : Actuellement, le projet de loi prévoit que le ministre va nommer l'ensemble des membres d'un conseil d'administration, le P.D.G., le P.D.G.A., si on disait que, bon, on peut comprendre que, pour une première bordée, on y va de cette façon-là pour orienter la réforme, mais qu'à terme les conseils d'administration devraient trouver une autre façon d'être nommés, le P.D.G., P.D.G.A. devraient relever, comme ça se fait normalement, du conseil d'administration et non pas de la volonté ministérielle, est-ce que c'est le genre de propositions auxquelles vous pensez?

M. Paradis (François) : Oui. Bien, je pense qu'il faut toujours voir les nouvelles règles de gouvernance, les règles de gouvernance qui sont les plus modernes. Effectivement, il y a un conseil d'administration, et ensuite les directeurs généraux, peu importe, relèvent de ces entités-là. Par rapport à la composition, bon, il y a toute la question de comment concilier le volet représentativité de la population avec le volet expertise aussi, parce que c'est important aussi, au niveau d'un conseil d'administration, de s'assurer que les gens autour de la table ont une expertise pour être capables de prendre les bonnes décisions. Alors, c'est sûr qu'à cet égard-là il y aura peut-être une transition à faire. Le projet de loi ne le laisse pas entrevoir, mais on croit que ça serait pertinent de le faire.

M. Caire : Je vais vous amener vers un autre sujet que vous avez abordé qui attire mon attention. J'ai cru, peut-être naïvement, que le problème d'attraction en établissement venait du fait que, justement, il n'y avait pas cette reconnaissance-là de votre formation supplémentaire, reconnaissance de fait, mais aussi reconnaissance au niveau du traitement salarial. Et donc, à partir de là, la pratique en pharmacie privée, qui prenait moins de temps puis qui généralement pouvait s'avérer plus lucrative, était peut-être un solide compétiteur. Mais vous amenez la notion que la réforme pourrait briser une espèce d'élan qu'on commence à retrouver, là, chez les plus jeunes qui sont en formation et qui semblent avoir un intérêt pour la pratique en établissement. Dans quelle mesure, je dirais peut-être, une combinaison des deux éléments, à savoir une reconnaissance de la formation supplémentaire et une réforme qui tienne compte de votre réalité... Dans quelle mesure ces deux éléments-là, collectivement, peuvent avoir un impact et peut-être faire en sorte que vos craintes se réalisent puis briser cette espèce d'élan là qu'on semble retrouver, là, chez les pharmaciens?

• (20 h 30) •

Mme Vaillant (Linda) : Oui. Il ne faut jamais perdre de vue que les pharmaciens d'établissement, ça représente à peu près 18 % des pharmaciens dans toute la province. Donc, on n'est pas nombreux. Il existe le réseau des pharmacies privées qui, nécessairement, occupe la vaste majorité de ce pourcentage-là. Donc, les pharmaciens ont toujours le choix, les jeunes pharmaciens, d'aller oeuvrer dans le secteur privé, parce qu'ils ont évidemment aussi des besoins de main-d'oeuvre qui sont là, qui sont présents.

Alors, notre préoccupation, c'est que maintenant qu'on semble avoir récupéré, je dirais, un côté attrayant, là — on dirait que les jeunes semblent s'intéresser à la pratique, enfin, probablement parce qu'on en fait la promotion, mais très certainement parce qu'on a maintenant des conditions qui sont concurrentielles, il faut se le dire, c'est ça, l'enjeu majeur — maintenant qu'on a ça et que les jeunes s'y intéressent, ce qu'on se dit, c'est qu'il ne faudrait pas que le réseau de la santé se mette à avoir mauvaise presse, là. Il ne faudrait pas que ça ait l'air d'une espèce de brouhaha qui fait en sorte que les jeunes se disent : Je ne veux pas aller, là, c'est beaucoup... Parce qu'ils ont toujours l'autre option. Ils se retournent rapidement de bord, puis ils vont dans le secteur privé. Il y a des pharmacies un peu partout dans la province, donc c'est possible, facile même, pour eux d'aller se trouver un emploi ailleurs à un salaire qui va être très compétitif.

Alors, ce qu'on dit, c'est qu'il y a eu beaucoup d'efforts qui ont été faits de la part du gouvernement, de la part des facultés et de notre part à nous pour la promotion, pour les conditions d'exercice, et maintenant qu'on semble avoir un intérêt... les jeunes ont l'air à avoir un intérêt, bien — c'est simplement une mise en garde — on se dit : Bien, assurons-nous au moins que ce soit harmonieux, disons, l'implantation du projet de loi.

M. Paradis (François) : Peut-être pour compléter là-dessus, ce n'est pas une vue de l'esprit, là, on avait une activité il y a quelques semaines avec des étudiants en pharmacie des deux facultés au Québec, et on leur présentait la pharmacie en établissement de santé, et, dans les questions qui nous étaient posées, il y avait beaucoup de préoccupation à l'égard du projet de loi, et de ce qui s'en vient, et dans quelle mesure ça pourrait mettre en péril un peu la suite des choses au niveau de la pharmacie d'établissement.

M. Caire : Ce qui m'amène à un autre élément que vous avez amené et qui m'apparaît fort important, en fait, qui m'apparaît même être la pierre angulaire du succès de cette réforme-là, si tant est qu'elle va de l'avant. Vous avez parlé de la disparité des systèmes informatiques et, bon, d'arrimer tout ça avec le DSQ, mais aussi dans une perspective où — puis vous l'avez dit, mais d'autres l'ont dit aussi — on n'est pas en mesure d'évaluer pleinement notre performance, notre efficacité parce qu'on n'a pas les indicateurs nécessaires, et on n'a pas les indicateurs parce qu'on n'a pas toute l'information, et on n'a pas toute l'information parce qu'on n'a pas nécessairement les bons systèmes informatiques qui... Comment on fait pour réussir cet arrimage-là qui m'apparaît être la réussite ou l'échec de la réforme? En tout cas, peut-être que je vois ça trop gros, là, mais je voudrais vous entendre là-dessus.

Mme Vaillant (Linda) : Il y a un arrimage à faire. On a parlé du circuit du médicament et du projet SARDM. Ce projet-là a automatisé d'une manière relativement standard le processus un peu partout au Québec. Or, la même chose pourrait se faire pour les systèmes d'information, à notre avis. Il faut éviter que finalement, localement, chacun choisisse son système sur des bases qui sont : J'ai-tu assez d'argent pour payer celui-là ou je n'en ai pas assez, là? Parce que, souvent, c'est un peu comme ça que ça se passe. Je pense qu'il y a certains paramètres qui devraient être définis, et on devrait être en mesure d'avoir des systèmes qui nous donnent de l'information. Certains systèmes sont bons, d'autres ne le sont pas, et en plus on ne se parle pas, ça ne se parle pas. Là, on va régionaliser, là, des établissements qui n'ont pas du tout le même système, alors ce ne sera pas facile.

M. Caire : Vous, iriez-vous aussi loin que de dire qu'il relève de la responsabilité et de la prérogative exclusive du ministère d'imposer un système informatique?

Mme Vaillant (Linda) : Écoutez, est-ce que ça doit être imposé? Ce que je dis, c'est que... ce qu'on dit, en fait, c'est qu'il faut qu'il y ait certains paramètres. Dans le projet SARDM, il y a eu une certaine standardisation, oui, qui est venue du ministère et qui... Bon, à certains égards, ça a achoppé, mais généralement ça a bien fonctionné. Il y a des paramètres qui doivent être mis en place. Si ça vient du ministère, il faut que ça vienne après les consultations, évidemment, des gens du terrain qui sont les experts, mais, aujourd'hui, on n'a pas les systèmes d'information...

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci. Alors, ceci met fin aux échanges avec les parlementaires. Alors, je remercie les représentants de l'Association des pharmaciens d'établissements de santé du Québec. Pour la prochaine présentation, prochain échange, j'invite les représentants de la Fédération québécoise de l'autisme à prendre place, et je suspends momentanément.

(Suspension de la séance à 20 h 34)

(Reprise à 20 h 36 )

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous souhaitons maintenant la bienvenue aux représentantes de la Fédération québécoise de l'autisme. Pour les fins d'enregistrement, je vous demanderais de bien vouloir vous identifier dans un premier temps. Par la suite, vous disposerez d'une période de 10 minutes pour votre présentation. S'ensuivra un échange avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous.

Fédération québécoise de l'autisme (FQA)

Mme Sylvestre (Jocelyne) : Bonjour. Je suis Jocelyne Sylvestre. Je suis présidente de la Fédération québécoise de l'autisme et également directrice d'un organisme communautaire en autisme depuis 27 ans.

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Bonsoir. Alors, mon nom est Jo-Ann Lauzon. Je suis directrice de la Fédération québécoise de l'autisme.

Mme Côté (Ginette) : Bonsoir. Mon nom est Ginette Côté. Je suis parent et présidente sortante de la Fédération québécoise de l'autisme, mais de l'association de Québec, Autisme Québec. J'ai oeuvré pendant une bonne vingtaine d'années dans les deux organismes.

Mme Sylvestre (Jocelyne) : On démarre?

Le Président (M. Tanguay) : Oui.

Mme Sylvestre (Jocelyne) : M. le Président, Mesdames et messieurs, membres de la Commission de la santé et des services sociaux, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, Mme la ministre déléguée, merci de l'invitation à participer aux consultations sur le projet de loi n° 10.

Présente depuis près de 40 ans, la Fédération québécoise de l'autisme est un regroupement provincial de 91 organismes qui ont en commun les intérêts de la personne autiste et ceux de sa famille et de ses proches. 16 de ces organismes sont des associations en autisme qui sont présentes dans chacune des régions du Québec. Les 75 autres organismes membres proviennent de différents réseaux : communautaire, scolaire, santé, services sociaux et privé.

La mission de la Fédération québécoise est de mobiliser tous les acteurs concernés afin de promouvoir le bien-être des personnes, de sensibiliser et d'informer la population sur le trouble du spectre de l'autisme, ou TSA, ainsi que sur la situation des familles et contribuer au développement des connaissances et à leur diffusion. C'est donc à titre de représentante de l'ensemble des personnes autistes et de leurs familles que nous déposons nos commentaires à la commission.

On commence par situer un peu le contexte. Dans le réseau québécois de la santé et des services sociaux, l'autisme est considéré comme une clientèle émergente. Les orientations ministérielles devant favoriser la mise en oeuvre d'une première offre de services ne datent que de 2003, une époque où l'autisme présentait un taux de prévalence d'environ 27 pour 10 000. Il n'a cessé de croître depuis et il est aujourd'hui de 100 pour 10 000, donc 1 % de la population est touchée par l'autisme. Cela représente plus de 80 000 personnes de tous âges présentant un TSA. À cela s'ajoutent la famille et les proches, qui sont touchés par l'autisme au quotidien, parce que, quand un enfant autiste vit dans une famille, il n'y a pas juste lui qui est touché. On parle donc d'un minimum de 320 000 personnes, et rien ne laisse supposer que l'augmentation du taux de prévalence va cesser de croître.

Malgré la mise en place d'une politique ministérielle et d'un plan d'action en 2003, l'offre de services aux personnes autistes n'est toujours pas complète. On vous en a parlé souvent dans les dernières années. Elle ne répond pas à la demande, et les listes d'attente continuent d'augmenter. La priorité est donnée aux enfants de deux à cinq ans, après quoi le réseau de la santé et des services sociaux se désengage, et c'est le réseau scolaire qui prend le relais, avec le peu de moyens dont il dispose, et cela, jusqu'à ce que la personne autiste atteigne l'âge de 21 ans. Au-delà de l'âge de 21 ans, les personnes autistes ont accès à très peu de services. Pourtant, l'autisme touche tous les groupes d'âge.

Dans notre mémoire, on vous réfère à quelques documents pour le détail des constats relatifs aux lacunes en matière de services aux personnes autistes, dont deux rapports du Protecteur du citoyen, en 2009 et 2012, deux bilans de mise en oeuvre, en 2009 et 2012, par votre ministère également, et puis, plus récemment, le rapport du Vérificateur général du Québec en 2013.

• (20 h 40) •

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Alors, moi, je vais vous parler plus du projet de loi comme tel après qu'on a fait le contexte pour l'autisme. Donc, dans un contexte justement où le nombre de personnes touchées par l'autisme ne cesse d'augmenter — il n'y a rien, là, qui nous laisse supposer que ça va cesser d'augmenter bientôt — et que l'offre de service comporte encore plusieurs défis, le projet de loi n° 10 nous laisse entrevoir certains gains, mais ça suscite aussi chez nous plusieurs questions puis plusieurs inquiétudes.

Parmi les éléments qu'on trouve intéressants, on parle d'une meilleure intégration des services. Le mode de fonctionnement compartimenté, là, dans les rapports et les bilans que ma collègue vous parlait tantôt, ça a été démontré dans tous ces bilans-là que ça ne convient pas du tout probablement à l'ensemble de la population, mais, en autisme, c'est certain que ça ne convient pas. Ça les oblige constamment, nos familles, à répéter toujours leurs histoires, puis ça, c'est à condition qu'on les a envoyées à la bonne place. C'est une clientèle émergente, l'autisme, puis ils sont souvent envoyés à peu près n'importe où. Donc, s'il y a une meilleure intégration, c'est sûr que c'est un plus, là, pour notre clientèle.

Un parcours simplifié, une gestion de la circulation de l'information clinique améliorée, c'est sûr que ça, ça représenterait aussi une nette amélioration par rapport au parcours actuel. Le Protecteur du citoyen nous a déjà fait un portrait, là, de ce que devrait être le parcours d'une famille avec un enfant autiste puis ce qu'il était en réalité, et c'est le jour et la nuit. Ça fait que c'est sûr qu'un parcours simplifié, ça serait très, très bien reçu.

Il reste qu'on a toutes sortes d'inquiétudes par rapport à ça. On sait déjà, par exemple, que la configuration actuelle des systèmes informatiques ne permet pas que cette information-là circule. Même si les gens le veulent, dans bien des cas, ça ne peut pas se faire. C'est quelque chose qui va prendre certainement beaucoup de temps et qui va coûter cher aussi. Il faudrait le prévoir, il faudrait... Qu'est-ce qu'on fait en attendant, là? Comment nos clients vont être desservis?

On a d'autres inquiétudes par rapport entre autres... Le changement qui est proposé, il est proposé comme à très court terme. Qu'est-ce qu'il va arriver avec les utilisateurs de services pendant ce temps-là, là? Parce qu'on s'entend, là, c'est toutes des grosses structures avec des cultures d'organismes, puis ça prend des années à bouger. On veut que ça bouge plus vite, tout le monde est d'accord avec ça, mais ça risque de prendre du temps, puis nos clients, ils vont se faire ballotter dans le système à ce moment-là. Ils n'auront plus de points de repère, là. Donc, ça nous inquiète beaucoup.

Évidemment, j'imagine que les gens des services sociaux ont dû dire ce que je m'apprête à dire : Le choix des mots dans le projet de loi nous inquiète beaucoup aussi. On parle de «clients»... de «patients», pardon, et de «soins». Il est peu question de services sociaux puis d'utilisateurs de services. Alors, c'est sûr que... Au Québec, on a développé une expertise importante en matière d'intervention sociale puis on a l'impression, en lisant le projet de loi n° 10, qu'il ne semble pas les considérer au même titre que les interventions médicales. C'est quand même deux choses très différentes, mais on ne sent pas, là, l'importance accordée aux services sociaux dans le projet de loi comme tel. Donc, ça nous inquiète beaucoup. On a vraiment l'impression que, si on perd des acquis au niveau des services sociaux, on va vraiment faire un retour en arrière très important, là.

L'expertise, en autisme particulièrement, elle est toute récente au Québec; on peut parler des 10 dernières années. Il faut continuer à la développer, c'est important, puis il faut s'assurer qu'elle n'ait... que les connaissances puissent être appliquées auprès des personnes concernées.

Finalement, le projet de loi... En fait, ce n'est pas la première réforme qu'on vit au Québec. La dernière visait à faciliter le cheminement de toutes les personnes dans le réseau. En fait, c'est le même objectif cette fois-ci. Les mandats des établissements étaient complémentaires puis ils étaient clairement définis, puis on constate quand même 10 ans plus tard qu'il y a eu peu de succès avec cette réforme-là.

C'était une grosse structure qu'on créait à ce moment-là, et là le projet de loi n° 10 nous propose de créer une structure encore plus grosse et plus complexe, qui va desservir toutes les clientèles à la fois. On a du mal à comprendre comment ça va se traduire par une réponse adéquate aux besoins de l'ensemble des personnes. Ça suppose que tout le monde devra reconnaître toutes les clientèles, ce qui est assez complexe, là.

On parle, dans notre mémoire, de la tentation d'uniformiser puis de standardiser, ça risque de devenir très fort, puis on l'a entendu tantôt, on est arrivés un petit peu avant. C'est sûr qu'au niveau d'un service médical de standardiser les pratiques pour les citoyens ça présente de nombreux avantages : tu te casses un bras, il y a une façon de fonctionner, puis c'est pareil pour tout le monde. Avec les personnes handicapées, on pense qu'on ne peut pas... En fait, d'une part, il faut standardiser. Par exemple, si on parle d'un programme comme l'intervention comportementale intensive, il faut que ça soit standardisé, il faut que ça se donne de la même façon, il faut, tu sais, qu'on regarde les bonnes pratiques puis qu'on utilise les bonnes pratiques, sauf que le ICI, l'intervention comportementale, ça ne fait pas nécessairement pour des enfants qui ont une déficience intellectuelle, par exemple. Ça fait qu'on ne peut pas standardiser les programmes pour toutes les personnes handicapées. C'est là qu'on a peur, là, qu'il y ait des façons de faire pour l'ensemble des personnes handicapées, puis on pense que ce n'est pas souhaitable puis que ça ne donnerait vraiment pas les résultats escomptés.

Pour finir, je dirais que ce qu'on craint beaucoup, c'est que l'intégration des services et des clientèles à l'intérieur d'une mégastructure vienne diluer la qualité des services, qu'on ait beaucoup d'information sur la quantité, mais pas beaucoup sur la quantité des services qu'on recevra. Je vais passer la parole à...

Mme Côté (Ginette) : Oui. Moi, je vais vous parler de la représentation des usagers, qui perdent énormément d'influence chacun dans leurs régions. «Le patient au centre de nos décisions», voilà ce que le ministère de la Santé et des Services sociaux fait valoir avec son projet de loi. Nous souhaiterions que le projet de loi n° 10 parle de l'«utilisateur de services» plutôt que du «patient», comme nous vous l'avons déjà mentionné, mais surtout qu'il laisse plus de pouvoir décisionnel dans les mains de ce dernier. Dans le projet actuel, l'utilisateur n'a plus vraiment accès au processus décisionnel. En abolissant tous les conseils d'administration et tous les comités des usagers pour les remplacer par un seul conseil d'administration, dont les membres seront choisis par le ministre, et un comité d'usagers pour toutes les clientèles, le ministère laisse peu de place au processus démocratique.

Et on trouve aussi que, de façon générale, on favorise la présence des services de santé au détriment des services sociaux dans ce qui est proposé actuellement. Si notre compréhension est bonne, les services sociaux seront représentés par une personne parmi les membres indépendants ayant un profil de compétence en services sociaux et une personne du comité des usagers. Cela soulève plusieurs questions et inquiétudes. Comment les usagers pourront-ils se faire entendre dans une aussi grosse structure? Est-ce que les modalités de mise en place des comités d'usagers resteront les mêmes? Est-ce que toutes les clientèles y seront représentées? Comment le porte-parole du comité d'usagers réussira-t-il à porter la voix de tous les citoyens et citoyennes de sa région en matière de santé et de services sociaux, quels que soient les besoins ou les problématiques? Cela nous semble une mission impossible, indépendamment des compétences et du bon vouloir de ce représentant. Toutes ces années avant d'arriver à faire reconnaître la spécificité de l'autisme auront-elles été vaines? À notre avis, dans une structure aussi grosse qu'un CISSS, les administrateurs perdront le contact avec la réalité du terrain et avec ceux à qui ils dispensent des services.

Avec le projet de loi n° 10, nous avons également l'impression que le ministère de la Santé et des Services sociaux balaie du revers de la main une expertise acquise sur de nombreuses années par des parents et des représentants d'organismes communautaires qui se sont battus pour obtenir les programmes de services spécialisés que l'on connaît aujourd'hui. À notre avis, ils devraient avoir la possibilité d'être reconnus parmi les membres indépendants d'un conseil d'administration.

Par rapport au processus de plainte, actuellement, au Québec, le seul mécanisme de contrôle de plainte est le processus de plainte. Il nous apparaît important que ce mécanisme reste en place, et nous sommes heureux de constater que cela semble être le cas dans le projet de loi, du moins de façon partielle. Selon notre compréhension, les deux paliers actuels disparaissent, soit le commissaire régional aux plaintes et le commissaire local, et ils seront remplacés par un seul commissaire attaché au centre intégré de santé et de services sociaux. Nous avons des questions à cet égard. Celui-ci sera-t-il nommé par le conseil d'administration du CISSS? Comment un seul commissaire pourra-t-il gérer les plaintes de l'ensemble des utilisateurs de services? Comment s'assurera-t-on de son indépendance et de sa neutralité? À notre avis, des précisions devraient être apportées au projet de loi actuel pour en assurer l'efficacité.

En conclusion...

• (20 h 50) •

Mme Sylvestre (Jocelyne) : Comme la plupart des Québécois, on comprend que la situation financière du Québec est précaire puis qu'il faut tenter de trouver l'équilibre budgétaire. La Fédération québécoise et ses associations régionales sont aussi d'accord pour dire qu'il faut faire autrement et faire davantage, puis on comprend bien aussi ce que ça implique.

Permettez-moi de vous rappeler qu'historiquement ce sont les organismes communautaires du Québec qui ont pensé les services sociaux, qui ont mis en place des projets pilotes qui sont devenus les programmes qui sont reconnus aujourd'hui, qui ont toujours, avec leurs idées novatrices et leur énergie proactive, trouvé des solutions là où il n'y avait plus d'espoir : les cliniques de santé communautaire, par exemple, qui sont devenues les CLSC; les organismes communautaires puis les parents qui ont revendiqué pendant 30 ans avant... pour obtenir le plan d'action gouvernemental.

Vous comprendrez donc notre grande déception quand on constate le peu de place qui est faite aux organismes communautaires, aux représentants des usagers et aux citoyens, citoyennes dans la nouvelle structure du projet de loi n° 10. Nous croyons pourtant fermement que nous pouvons contribuer de façon importante au développement de la vision proposée des CISSS — on a de la misère avec ce mot-là, on ne l'avale pas trop.

À notre avis, il ne faut pas seulement réduire les dépenses et restructurer, mais aussi et surtout il faut changer les pratiques, changer les cultures des réseaux puis il faut revoir les façons de faire, puis ça, ça ne se fait pas en quelques mois, puis ça nécessite une planification beaucoup plus détaillée. C'est pour ça qu'on est d'accord avec la recommandation du Protecteur du citoyen au ministre d'élaborer puis de rendre public un plan de transition détaillé. Les enjeux sont importants. On pense que le ministre doit prendre le temps de bien faire les choses en s'assurant également de l'adhésion des professionnels du réseau et des partenaires du réseau communautaire qui porteront avec lui ce projet. C'est tous ensemble que nous arriverons à faire une différence.

Nos recommandations, pour terminer. Les propositions qu'on fait sont les suivantes : que soit reconnue l'expertise du communautaire et que des tables de concertation par clientèle soient maintenues dans chacune des régions; qu'une présence soit assurée dans chaque région pour défendre les intérêts de chacune des clientèles; et que des mécanismes soient mis en place afin d'assurer une utilisation efficace et efficiente des ressources.

En appui à nos partenaires de la Fédération québécoise des CRDITED, nous adhérons aussi à leurs recommandations à l'effet que soient mises en place des mesures pour garantir aux personnes qu'elles pourront continuer à recevoir des services spécialisés de pointe offerts par des professionnels et des intervenants dédiés au développement de leur plein potentiel et de leur participation sociale.

À titre de membre de la COPHAN, la FQA appuie aussi leurs recommandations à l'effet que la composition, le mandat, le financement et le fonctionnement du comité des usagers des CISSS soient revus et que soit ajoutée l'obligation d'une représentation des personnes ayant des limitations pour chacun des programmes, services qui leur sont offerts par l'établissement; que le conseil d'administration des CISSS compte deux usagers tout comme c'est le cas actuellement au lieu d'un seul; que, parmi les membres dits indépendants du conseil d'administration des CISSS, au moins deux proviennent des organismes communautaires, dont un désigné par le regroupement régional d'organismes de personnes handicapées; que, dans le cas des représentants des usagers et du milieu communautaire, la désignation soit faite par le comité des usagers ou par les organismes communautaires entre eux; et que chaque fois que le projet de loi prévoit des instances consultatives, une place soit réservée à une personne ayant des limitations.

Pour terminer, nous souhaitons vous assurer que nous sommes conscients de l'importance de restructurer le réseau de santé et de services sociaux, mais on veut être des acteurs actifs et on veut protéger la qualité des services.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Il était prévu que votre présentation prenne 10 minutes; vous avez pris tout près de 18 minutes. Alors, à la demande du ministre, ce huit minutes lui sera retiré. Mais, néanmoins, je lui cède la parole, il lui reste 13 min 30 s, M. le ministre de la Santé et Services sociaux, pour échanger.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Je pensais qu'il en restait 13 min 50 s. Je vais ajuster mon chronomètre pour ne pas dépasser.

Le Président (M. Tanguay) : 13 h 30 s.

M. Barrette : Alors, merci, M. le Président. Alors, Mme Sylvestre, et Mme Lauzon, et Mme Côté, bienvenue, et ça me fait plaisir de vous laisser mon temps parce que c'était... vous entendre était très instructif, et pédagogique, et intéressant.

Par contre, j'ai reconnu le discours de la COPHAN, parce que je n'avais pas réalisé que vous étiez membres de la COPHAN. Et je vais vous faire plaisir parce que, dans des entrevues, j'ai dit qu'une des interventions les plus pertinentes, pas que les autres ne l'étaient pas, là, mais c'était coupé au couteau, là, c'étaient vos représentants de la COPHAN. Et je souscris essentiellement à la plupart des commentaires que vous avez faits, sauf que j'aurais un ou deux commentaires personnels, parce qu'il y a des commentaires que vous avez faits qui sont un petit peu en opposition avec ce qu'on a entendu précédemment.

Ça n'a pas vraiment de grande conséquence, ce que je vais vous dire, là, mais, sur le plan de la standardisation... Vous savez, les gens qui sont venus de tout ce qui est adaptation jeunesse, eux autres ont beaucoup insisté sur l'importance d'une certaine standardisation. Je comprends que — et c'est peut-être là qu'est le non-arrimage ou la dichotomie entre nos discours ou leur discours, ou votre discours et le nôtre — chaque individu est différent, évidemment, mais il y a quand même des familles d'individus où, là, quand on dit standardisation, c'est pour un problème qui se répète d'un endroit à l'autre ou d'une circonstance à l'autre, il y a une famille de cas, là, il y a intérêt quand même à standardiser. Et, pour avoir été en contact beaucoup, beaucoup, beaucoup avec les gens que vous représentez, un autiste qui a une atteinte plus profonde de sa maladie, c'est assez standardisable, comme l'est, dans une certaine mesure, ceux qui ont des troubles plus légers. Mais je comprends et je suis d'accord avec vous que, lorsqu'on est entre les deux puis qu'on est dans le comportemental, là, on ne peut pas standardiser, quoiqu'il y a des approches qui peuvent avoir une mécanique similaire. Alors, on s'entend là-dessus, là.

Mais je veux juste que vous compreniez qu'on comprend ce que vous nous dites, mais, en même temps, la standardisation a une valeur ajoutée dans ce secteur d'activité là comme dans d'autres. Et, comme vous étiez là tantôt — parce que vous l'avez mentionné vous-même — c'est intéressant de voir que, et en réadaptation, et à l'hôpital, en pharmacie et en médecine, la standardisation a une valeur ajoutée. Et, je dirais, une de ces valeurs ajoutées là est l'évitement des accidents, des incidents. Le standard sert à ça, le standard sert à ne pas se tromper en répétant certains paramètres qui sont codifiés, ayant été démontrés performants et sécuritaires.

Je peux vous rassurer sur un point, si c'est possible. Je comprends votre inquiétude. Et, quand vous avez dit tout à l'heure qu'une des choses qui vous inquiétaient... Vous ne l'avez pas dit comme ça, vous avez dit : Où est-ce que nos gens vont aller? Ils vont être perdus dans cette affaire-là. J'ai quasiment envie d'employer une image que je n'ai pas utilisée à date en commission parlementaire. Vous savez, je le sais, là, qu'il y a un côté boiteux à la comparaison que je vais vous donner, mais tout le monde l'a vu, ça. Si vous arrivez dans un hôpital, là, dans un bloc opératoire, là, et qu'on fait des réparations, le bloc opératoire, là, n'arrête pas. Physiquement, les choses sont organisées pour que le service se donne selon les mêmes standards.

Moi, je viens d'un milieu technologique, là, je suis angiographiste, et puis moi, dans ma carrière, on a construit, déconstruit des salles, réparé, hein? Ça n'a jamais arrêté. Je dis ça simplement pour dire qu'il n'y a pas, en ce qui me concerne, de circonstance réorganisationnelle où on n'est pas capable de prendre ça en compte et faire en sorte que... Là, je ne veux pas faire d'impair, parce que je vais vous avouer que je perds ma nomenclature moi-même, là. Dépendamment du groupe, je dis «patient», c'est vexatoire; d'autres, «usager», c'est vexatoire. Le «citoyen», je vais l'appeler comme ça, là. Je ne vois pas de circonstance où on ne peut pas protéger le citoyen dans une réorganisation. Je ne vois pas de circonstance où, si on fait une transition... Et je suis d'accord avec la Protectrice du citoyen. Qu'on le publicise ou non, l'important, ici, c'est de savoir qu'il y en a une, transition, mais la transition est organisable dans tous les domaines, dans toutes les circonstances où l'usager, le patient, le citoyen ne sera pas à ce point-là perturbé. On peut l'accompagner. C'est faisable.

Alors là, je suis un petit peu en désaccord avec ce que vous dites, mais je comprends, par contre, votre inquiétude, je la comprends très bien, surtout pour une clientèle de ce type-là. Mais, par contre, je reçois bien vos commentaires pour ce qui est de la finalité du projet de loi n° 10, que... je comprends que vous espérez qu'il arrive, parce qu'il y a quand même quelque chose de bien pour la clientèle.

Et ça m'amène à la question que je veux vous poser. La COPHAN et d'autres... pas spécifiquement la COPHAN, là, mais les regroupements de gens qui sont dans ce type de situation là... Il y a beaucoup de gens qui nous ont parlé de comités d'usagers régionaux, nationaux, en même temps que des représentants sur les conseils d'administration. Mais ce que j'aimerais savoir de vous, c'est votre opinion sur la pertinence de la mise en place d'un comité national des usagers, qui serait une voie structurée, organisée des usagers face au réseau.

• (21 heures) •

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Comité national. C'est encore plus gros.

M. Barrette : Non, mais c'est parce que, des fois, c'est plus de pouvoir aussi ou plus de visibilité.

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Je vous dirais, moi, ce qui me fait peur dans un comité d'usagers de CISSS ou national...

M. Barrette : Il n'y a pas de bonne réponse, hein? Je vous demande votre opinion, là.

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Non, non, non. Oui, c'est ça.

M. Barrette : Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise réponse, là.

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Moi, ce qui me fait peur dans ça, c'est que ça soit toutes clientèles confondues. Vous parlez de la COPHAN, on est membres de la COPHAN depuis toujours, puis, à chaque fois qu'il y a quelque chose qui se passe sur l'autisme, Richard, le directeur général, il m'appelle puis il dit : Jo-Ann, j'ai besoin de toi, je ne connais pas ça, l'autisme. Alors, si on se ramasse avec un comité d'usagers avec une personne qui est là pour représenter toutes les clientèles... L'autisme, c'est particulier, c'est vraiment particulier.

M. Barrette : Je vais vous prendre vraiment, là, à pied levé, là, quasiment au mot, là. Ce que vous nous dites, ne trouvez-vous pas que ça montre qu'en quelque...Parce que la COPHAN, elle s'exprime bien, là, puis elle a son poids, puis elle a une influence. La COPHAN, là, ça fait deux fois qu'elle me fait bouger, là, depuis que je suis en poste. Ils ont une influence. Ne trouvez-vous pas que ça a son impact, ça a sa plus-value par sa force et sa grosseur et que la performance dépend de la compétence et de la performance des dirigeants?

L'exemple que vous me donnez, qui est le vôtre, dans la COPHAN, au bout de la ligne, ça donne un résultat : il vous appelle puis il prend... il se sert de son levier pour vous faire avancer, non? Je me trompe?

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Oui, oui, à un certain niveau, mais on va descendre, puis on va arriver dans le service direct, puis la première ligne, là, tu sais, vous me dites... Vous disiez tantôt : S'il y a une réparation, on va faire les opérations pareil; tu sais, n'importe quel genre de changement dans un hôpital, la vie continue. La dernière réforme, le plan d'action en autisme arrivait en même temps, et toutes les évaluations qu'il y a eu du ministère, du Protecteur du citoyen, du vérificateur ont toutes donné la même chose : ils disent tout le temps qu'on n'a pas réussi à réaliser le plan d'action qui devait se faire sur cinq ans, on n'a pas réussi à le faire sur 10 ans à cause de la réforme de la santé. Ça a toujours été l'excuse qu'on nous a donnée, ce qui fait que notre plan d'action n'est pas complet encore, il n'y a pas de service pour tous les groupes d'âge en autisme, puis là on embarque dans une autre réforme, toutes clientèles confondues.

M. Barrette : Si on revient à la force d'un comité national d'usagers, vous... Je vais vous donner l'exemple que la COPHAN a fait, là. Quand la COPHAN a fait son intervention sur l'accès aux femmes en chaise roulante à la mammographie, ça a été bien organisé puis ça a fonctionné. On a fait les correctifs.

Moi, la question que je vous pose, c'est : Vous ne voyez pas ou vous voyez un avantage à avoir un comité national? Vous pouvez ne pas voir d'avantages, là. Ce n'est pas de...

Mme Sylvestre (Jocelyne) : Est-ce que je peux vous demander une précision? Est-ce que ce comité national là remplacerait les comités d'usagers des CISSS?

M. Barrette : Pas nécessairement, pourrait, mais pas nécessairement. Les gens qui vous entendent, les gens devant vous, là, qui sont venus, ça ne les remplaçait pas, c'était concomitant, concurrent.

Mme Sylvestre (Jocelyne) : Un comité des usagers, c'est supposé être proche de la personne, c'est supposé être à proximité des personnes. Je vois vraiment très, très mal comment le comité d'usagers national peut être proche d'une personne, un comité d'usagers national qui serait probablement à Montréal ou à Québec, peut être proche d'un usager en Abitibi? Je ne pense pas.

M. Barrette : O.K. Non, mais c'est une opinion que je vous demande, là, je comprends très bien ce que vous me dites.

Mme Sylvestre (Jocelyne) : Je verrais plutôt l'inverse, là, si on veut créer deux paliers de comités d'usagers, qu'on en crée d'autres à un plan régional, mais pas par-dessus, là.

M. Barrette : Merci. Alors, M. le Président, je vais passer la parole à ma collègue.

Le Président (M. Tanguay) : Oui, oui.

Mme Charlebois : M. le Président, j'aimerais ça m'adresser au groupe pour... parce que j'ai vu qu'il y avait des inquiétudes quant aux services sociaux, puis on a déjà échangé là-dessus. J'ai vu aussi, pour le maintien de l'expertise... Et c'est quelque chose qui me préoccupe, moi aussi, et tout autant pour le ministre de la Santé. On va travailler à s'assurer que l'expertise soit préservée, et je vous en avais déjà fait part, d'ailleurs, et, en ce sens-là, je vais vous demander, vous, comment vous voyez ça, que... Comment on peut organiser pour faire en sorte qu'on maintienne cette expertise-là?

Et, au niveau des budgets, vous... en tout cas, ce que j'ai senti dans votre mémoire, c'est que vous avez peur que les budgets ne soient pas au rendez-vous ou, en tout cas, qu'ils se dissipent tout au long de la chaîne de service, on va dire ça comme ça. Est-ce que vous avez pris connaissance de l'article 55, qui dit qu'il n'y a pas de permutation possible de budgets, que les budgets vont être protégés par programme, service, ce qui n'a pas eu lieu jusqu'à maintenant? Est-ce que vous avez pris connaissance de l'article 90, qui dit qu'il y aura reddition de comptes, qu'on va être capable de mesurer non seulement les budgets, mais comment ils auront été dépensés? Est-ce que ça, ça vous a rassuré? Et comment les services sociaux pourraient être intégrés davantage dans le projet de loi? Comment vous voyez ça, vous, pour vous rassurer, là?

Je sens que, tu sais, comme le disait le ministre, «usager», «patient», «client», on ne sait plus quel mot utiliser. Chaque groupe qui vient a sa terminologie. Nous, ce qu'on veut, c'est, le citoyen, qu'il ait les services autant en santé, autant au curatif qu'aux services sociaux et de façon intégrée. Vous avez eu plein de sujets, là.

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Oui. En fait, le citoyen, moi, ça me convient très bien déjà. Évidemment, chacun des groupes, on a notre façon de dire les choses, mais, dans la loi, on parle de patient, on ne parle pas des autres façons. Pour nous, une personne autiste, ce n'est pas un patient, mais vraiment pas, là. Il peut être un patient s'il se casse un bras, comme...

Une voix : ...

Mme Lauzon (Jo-Ann) : ...c'est ça, comme n'importe qui, mais...

Mme Charlebois : Mais, si on change cette terminologie-là, est-ce que ça va vous rassurer quant aux services sociaux? Est-ce que ça va vous rassurer quant aux services dédiés aux autistes, juste à changer le nom?

Une voix : ...

Mme Charlebois : Bien, qu'est-ce que ça prend? Si les budgets sont protégés, si on change le nom, si... Tantôt, le ministre a même dit qu'il incorporerait la ministre déléguée aux Services sociaux dans le projet. Ça va prendre quoi de plus?

Mme Sylvestre (Jocelyne) : Ce qui avait permis, je trouve, de commencer à développer une certaine expertise en autisme dans le système de santé et services sociaux, c'était beaucoup à travers les CRDI, entre autres. Bien, pour toutes les clientèles, dans le fond. Chaque établissement a sa clientèle puis il se concentre sur cette clientèle-là, il s'approprie une expertise, il développe son expertise, il la partage avec les autres CRDI aussi, avec le soutien et la Fédération des CRDI, etc. Il y avait une possibilité de continuer là-dessus. Là, on démantèle tout ça. Les CR deviennent, si on a bien compris, des départements des CISSS. Il y a une perte importante...

Mme Charlebois : Bien, en fait, ce n'est pas des départements, ça va être des lieux où seront donnés et dispensés des services. Puis c'est ça, ma question : Comment vous voyez qu'on peut maintenir et préserver cette expertise-là? Je vous demande votre suggestion.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Peut-être que la collègue de Taillon vous permettra, dans les réponses, de répondre. Je dois maintenant donner la parole à la députée de Taillon pour un bloc de 13 minutes.

Mme Lamarre : Alors, merci, M. le Président. Mme Sylvestre, Mme Lauzon, Mme Côté. Je peux vous accorder une minute si vous souhaitez répondre à la ministre déléguée.

Mme Sylvestre (Jocelyne) : Bien, en fait, j'allais répondre que c'était difficile de répondre à cette question-là parce qu'il y a tellement de choses qui vont changer en même temps dans cette fusion-là que c'est difficile de voir comment les choses vont se placer. Donc, ça devient... Tant qu'on n'a pas plus de précisions sur le fonctionnement qui est prévu, c'est difficile de répondre.

Mme Lamarre : Alors, vous avez raison, il y a encore beaucoup d'énigmes autour du projet de loi n° 10. Et, depuis tantôt, je vous entends et je trouve que vous avez décrit, en fait... Quand vous avez parlé que le Protecteur du citoyen avait fait référence au parcours de l'utilisateur, je pense que, dans les services sociaux, il y a un besoin, dans le fond, de... Tout le monde cherche sa route dans le réseau, cherche les meilleures étapes, la façon d'être le plus performant possible. Et tantôt vous avez dit qu'à la dernière réforme de 2003 ça avait pris 10 ans avant que les gens trouvent leur route dans le système. Et là on refait une autre réforme, les gens vont devoir rechercher... donc, les organisateurs, les personnes doivent chercher leur route, mais aussi il y a du temps et de l'énergie qu'on met juste à créer les liens, à retrouver les équilibres et les relations d'aide potentiellement bénéfiques et peut-être meilleures — mais on n'est pas sûr encore qu'elles vont être meilleures — et il y a aussi du temps à diffuser aux familles, aux parents de ces enfants et aux enfants eux-mêmes qui sont atteints des troubles du spectre de l'autisme.

Donc, ce que vous dites, c'est qu'il y a une obligation, vous vous sentez peut-être forcés de passer à travers, et de redévelopper, et de redécouvrir, et de refaire des routes nouvelles, alors que vous auriez bien d'autres choses à faire pour améliorer les soins directs, les services, bien d'autres combats à livrer, finalement, pour faire en sorte que les jeunes adultes atteints de l'autisme aient des services, et tout ça, et là vous allez passer cette énergie-là, dans le fond, à recréer des réseaux et des liens. Est-ce que je traduis un peu ce que vous ressentez?

• (21 h 10) •

Une voix : ...

Mme Lamarre : Alors, est-ce que, si vous aviez les parcours à faire, vous auriez des possibilités de les définir, ces parcours-là? Je ne veux pas que vous les décriviez là. Mais vous, vous avez cette connaissance actuelle pour dire : Là, on sait à peu près ça serait quoi, la meilleure façon de passer. Je voyais, là, les interventions comportementales intensives. Elles ne sont pas encore accessibles pour tout le monde, là, dans les délais qu'on veut. C'est les 2-5 ans, là, qu'on espère? Vous diriez qu'il y a combien d'enfants qui ont accès à l'intervention comportementale intensive?

Mme Lauzon (Jo-Ann) : On n'a pas de chiffres là-dessus, là.

Mme Lamarre : En pourcentage ou à peu près à...

Mme Lauzon (Jo-Ann) : C'est le ministère qui a des chiffres là-dessus, là. Avec le taux de prévalence qui continue d'augmenter, bien, les listes d'attente sont toujours là, là. On n'en tient jamais compte, du taux de prévalence. C'est vraiment une réalité, puis qui n'est pas juste au Québec, là, c'est à travers le monde, ça continue d'augmenter. On est rendu à 1 %. Puis, aux États-Unis, c'est 68 sur 100?

Une voix : ...

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Puis on les suit de près, d'habitude. Ça fait qu'il y a cette réalité-là dont il faut tenir compte. Et, en fait, ce n'est pas ce que... En théorie, là, toutes les politiques qu'il y a eu, tout ça, là... Le parcours, il existe déjà en théorie. C'est qu'en pratique ça n'arrive pas, O.K., puis on est dans une réforme, puis on a toutes les belles théories pour ça, puis ça n'arrive pas. Là, là, nos clients vont continuer d'aller en première ligne quand ils ont des besoins de première ligne. On ne connaît pas ça, l'autisme, en première ligne. Ils appellent dans les organismes communautaires pour toutes les raisons du monde, là, et : Autiste. Oupelaïe! On envoie ça là tout de suite. Et il y a des hôpitaux, c'est la même réaction.

Mme Sylvestre (Jocelyne) : C'est le communautaire, la première ligne.

Mme Lauzon (Jo-Ann) : C'est ça. La première ligne, c'est le communautaire, là, tu sais. Puis là on refait toute une grosse structure avec tout ça. Puis je ne peux pas vous répondre quelle est la meilleure façon de faire. Je ne le sais pas, qu'est-ce que ça va être, cette structure-là. Il y en a une, structure, présentement, puis en théorie ça devrait très bien fonctionner, et ça ne fonctionne pas, particulièrement en autisme. C'est sûr, c'est la clientèle qu'on connaît le plus. Mais l'autisme, ça fait peur. Juste le mot «autisme», ça fait peur.

Mme Sylvestre (Jocelyne) : Moi, j'aime votre exemple du 2-5 ans de l'ICI, justement, en lien avec le système de santé et services sociaux, parce que, justement, on a mis beaucoup d'efforts sur le 2-5 ans, puis c'est bien correct, sauf que l'autiste, il ne guérit pas à cinq ans. L'autisme, ça continue après. Puis, à ce moment-là, justement, le réseau... Après cinq ans, l'enfant a hâte à l'école : le réseau n'est plus là puis il ne revient pas après non plus. Ça fait qu'il y a vraiment... Le parcours, là, il est problématique parce qu'il s'arrête très, très, très tôt, puis on n'a pas réussi à développer le reste de l'offre de service encore. Ça fait qu'il y a un problème important.

Mme Lamarre : Merci. Je laisse la parole à mon collègue député de Rosemont.

M. Lisée : Merci. Bonjour, Mme Sylvestre, Mme Côté. Mme Lauzon, vous avez été une des premières que j'ai rencontrées après avoir été désigné porte-parole de l'opposition officielle pour les questions de santé et services sociaux. Je me souviens très bien qu'à l'époque, avant qu'on sache que la réforme allait venir, vous disiez : Bon, bien, le système de santé québécois, le ministère de la Santé, le Vérificateur général, la Protectrice du citoyen, tout le monde sait quoi faire. On attend le rapport sur le parcours d'accompagnement de la période deux à cinq ans jusqu'au monde adulte, et c'est là-dessus qu'on devrait travailler. Et, M. Lisée, on sait que vous n'êtes pas au pouvoir, mais, si vous pouviez dire au ministre et à la ministre déléguée qu'on veut avoir ce parcours-là le plus tôt possible, ils vous écouteraient peut-être. C'est toujours une possibilité parce qu'on a une grande capacité d'écoute. Il ne nous entend pas toujours, mais il nous écoute.

Alors, c'est sûr que ça aurait été ça, la priorité. Ça n'aurait pas été d'engager la totalité des cadres supérieurs et des administrateurs du secteur de la santé dans une réforme où ils vont mettre des énergies folles pendant deux ou trois ans au moins — vous, vous avez dit : 10 ans pour la réforme précédente — alors que des recherches ont montré qu'à ce niveau-là de fusion il n'y a pas de gain, il n'y a pas de gain. Le système réussit toujours à trouver des façons d'effacer les gains, parce qu'il y a des tâches qui doivent se faire. Alors donc, ce n'est pas la bonne priorité, dites-vous, mais vous proposez quand même des aménagements pour rendre le choc moins dur.

 Il y a une chose que vous comprenez et que presque tout le monde qui sont venus ici jusqu'à maintenant comprennent, c'est l'importance de la proximité locale, de la prise de parole des gens qui connaissent le sujet pour pouvoir indiquer aux administrateurs les correctifs immédiats à prendre. Là, vous avez eu une discussion avec le ministre, la ministre déléguée, sur, bon, est-ce que, au niveau national, au niveau régional, il y aurait une table où on serait présents. Et votre réponse, elle est dans le mémoire, et vous l'avez fait, vous dites : «Dans le projet actuel, l'utilisateur n'a plus vraiment accès au processus décisionnel. En effet, en abolissant tous les conseils d'administration et tous les comités des usagers pour les remplacer par un seul conseil [...] dont les membres seront choisis par le ministre[...], le ministère laisse peu de place au processus démocratique...» Et vous dites en plus : «À notre avis, dans une structure aussi grosse qu'un CISSS, les administrateurs perdront le contact avec la réalité du terrain...» Vous vous appuyez d'ailleurs sur le Vérificateur général, qui avait bien montré qu'il y a une époque où les administrateurs lointains avaient l'impression que tous les objectifs étaient satisfaits, alors qu'ils n'avaient pas eu accès à de l'information de qualité, mais une statistique brute et bête. Alors — je le fais avec plusieurs — je vous demande d'expliquer au ministre pourquoi il faut garder des comités d'usagers locaux ou un mécanisme local pour que des administrateurs locaux aussi puissent réagir à la réalité terrain.

Mme Sylvestre (Jocelyne) : Moi, je pense que, depuis la mise en place de ces comités d'usagers là, cet aspect-là fonctionne bien. Ce n'est pas les comités d'usagers qui ne font pas bien leur travail, ce n'est pas pour ça que le système de santé ne fonctionne pas. On déplace... C'est comme si on essayait de régler un problème avec quelque chose de nouveau, mais ce n'est pas là où se situe le problème. Je ne pense pas que c'est en... Je pense que l'objectif est louable de vouloir replacer le citoyen au centre, etc., mais le moyen... c'est-à-dire la fusion, ce n'est pas le bon moyen, ce n'est pas le bon mécanisme pour arriver à cet objectif-là. Comme je le disais tantôt, par rapport à la proximité, je vois mal comment une personne de l'Abitibi, qui a un problème spécifique, va se sentir appuyée par un comité d'usagers qui ne le connaît pas, qui ne connaît pas sa problématique, etc. Parce qu'au-delà de la proximité il y a aussi l'expertise ou la compréhension de ce que peut représenter une problématique particulière. Je pense que, quand on connaît bien, par exemple, l'autisme, on connaît bien les problèmes de dépendance, etc., on est beaucoup plus capable d'offrir des solutions adéquates aux personnes, au comité des usagers, puis ça, ce n'est vraiment pas présent dans le projet de loi n° 10, mais pas du tout.

M. Lisée : Il y a des choses intéressantes dans les dialogues qu'on a entre les groupes comme le vôtre et le ministre et la ministre déléguée. On nous dit : Les budgets vont être protégés. Bon, bien, c'est bien parce que, dans le passé, les budgets n'étaient pas protégés, et il y avait du glissement de la prévention vers le curatif. Ça, c'est bon à savoir. On aimerait ça l'avoir par écrit. Il y a beaucoup de choses qui sont dites ici, heureusement, il y a des transcriptions, mais, si on l'avait par écrit, ce serait encore mieux. Alors, quoi qu'il en soit... des engagements, parce que, des fois, ils disent des choses puis là ils disent : Ah non! Ce n'était pas un engagement, c'était une cible, et puis, bon, tu sais, on aime ça même l'avoir par écrit. Quoi qu'il en soit...

Une voix : ...

M. Lisée : Il dit : Ce n'est pas nous autres. La solidarité ministérielle, c'est important, c'est important.

Alors, quoi qu'il en soit, la prévalence dont vous parlez... Il y a quelques années, c'était un quart de pourcentage de prévalence des troubles du spectre de l'autisme, maintenant c'est 1 %, ça pourrait augmenter. Ça veut dire que même la protection actuelle des budgets n'est pas suffisante. Et ce qu'il vous faudrait, c'est une prévision pour pouvoir répondre — déjà, il y a des listes d'attente, donc il faudrait les épurer — à cette demande en progression, n'est-ce pas?

• (21 h 20) •

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Tout à fait. Puis on n'en parle pas dans notre mémoire, parce qu'on le sait, là, qu'il faut remanier la santé et les services sociaux, que ça coûte cher, etc., mais notre réalité, c'est que nos personnes autistes, après 12 ans à peu près, ils ont peu de services puis, après 21 ans, ils n'en ont plus, de services, c'est clair, là, il n'y en a plus, ça n'existe plus, l'autisme. Ça coûte cher, ça aussi, à la société, des gens qu'on doit s'occuper dans une grosse garderie où il y a des problèmes de santé qui découlent de ça, etc. On n'en a pas parlé, mais... Puis on le sait, que ce qu'on coupe à quelque part, c'est pour la dette, là, ce n'est pas pour remettre dans d'autres programmes. Puis on en avait parlé avec Mme Charlebois quand on s'est vus, qu'on a besoin encore de sous en autisme. Ça, c'est clair. On ne dira pas le contraire, parce que nos clients, ils n'ont pas de services. Et, de plus en plus, dans certaines régions actuellement, le programme, ce n'est même plus pour les 2-5 ans. On les prend par... Puis on a des parents qui nous appellent couramment là-dessus : Votre enfant va avoir des services à quatre ans pour qu'on puisse le préparer au moins avant qu'il rentre à l'école. Mais ce n'est plus du service 2-5 ans, ça, là, là. C'est à quatre ans, là. Donc, oui, effectivement, il y a encore besoin de sous, mais, bon, le projet de loi n'est pas là-dessus. Mais c'est une réalité.

M. Lisée : Merci beaucoup pour ce que vous faites. Merci pour votre engagement. Merci pour tous les bénévoles qui travaillent avec vous aussi.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant céder la parole au collègue le député de Lévis pour une période de 8 min 30 s.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Mme Sylvestre, Mme Lauzon, Mme Côté, je vais vous faire probablement redire des choses que vous avez déjà dites parce que, dans le fond, ça se ramène à peu près à la même chose. Mais, juste avant, en fin de semaine, j'étais de passage dans le Bas-Saint-Laurent et je rencontrais une jeune dame dont l'enfant était atteint d'autisme. Elle me disait : Ça ne va pas si mal, parce que son trouble est relativement léger. Et, malgré ça, papa et maman prenaient tout leur temps, et on voyait dans ses yeux l'espèce de crainte pour plus tard aussi, parce que l'enfant était jeune. Et là, bien, on parle de trouble, selon la maman, qui n'était pas très sévère.

Les parents que vous représentez, cette dame que j'ai rencontrée à Rimouski incidemment, leur principale inquiétude, c'est de se perdre dans cette mégastructure, c'est de ne plus avoir d'oreille attentive, c'est de ne plus retrouver les services qu'elles ont peut-être déjà, mais qu'elles questionnent, parce que ça ne semble pas suffisant puis qu'on s'inquiète de l'après 2-5, bon, jusqu'à 21 et plus tard ensuite. Quand elles vous rencontrent, qu'elles vous disent : Vous vous en allez en commission parlementaire pour parler du projet de loi n° 10, dites-leur donc ça, qu'est-ce que c'est, l'inquiétude du père et de la mère d'enfant autiste aujourd'hui?

Mme Lauzon (Jo-Ann) : C'est un peu tout ce que vous venez de dire. C'est l'avenir, c'est le court terme, c'est : J'ai des services présentement, mais on m'a déjà averti que, dans trois mois, c'est fini. On parle d'épisode de service maintenant. Un enfant a un problème x, puis ça peut être des crises assez importantes, là. Il y a des gens qui sont menacés de perdre leur loyer parce que l'enfant ne dort pas de la nuit, puis toutes sortes de situations. Ils se font mettre à l'extérieur de l'école spéciale. Après l'école spéciale, c'est quoi, là? Tu ne vas pas à l'école du quartier, là. C'est vraiment des situations de toutes sortes.

Et ce qu'il faut dire aussi, c'est qu'il y a de plus en plus de familles qui ont plus d'un enfant autiste. C'est vraiment de plus en plus fréquent. Au Salon de l'autiste, j'ai rencontré une maman, quatre enfants, quatre personnes autistes. C'est vraiment... Et des trois, et des deux, c'est de plus en plus fréquent. Donc, c'est tous les problèmes dont vous avez parlé : Qu'est-ce qu'il va arriver quand je ne serai plus là? C'est de garder mon emploi aussi, parce que l'école m'appelle : Il a fait une crise, on ne sait pas quoi faire avec, ça ne marche pas. Je dois aller le chercher trois fois par semaine, j'ai des rendez-vous médicaux. Donc, le patron ne va pas comprendre nécessairement à chaque fois, là. Il y a comme un seuil de tolérance qui est dépassé à un moment donné.

Donc, c'est des gens qui sont beaucoup isolés puis qui ont besoin... Quand ils ont un service, ils ont besoin de pouvoir compter sur ce service-là puis ne pas être obligés de répéter leur histoire tout le temps. Le projet de loi semble nous dire que ce bout-là, ça va être rencontré, mais... C'est au moins que les services... qu'il y ait une durée avec le service, là, que ça ne soit pas des petits services à court terme, là.

M. Paradis (Lévis) : Vous dites : Les parents nous disent : Le service qu'on a, on veut le garder. Vous dites : Dans le projet, on semble comprendre qu'à ce chapitre-là, c'est-à-dire la continuité, il y a quelque chose d'intéressant, il y a une opportunité. Puis, en même temps, bien, de façon contradictoire, l'importance de la structure vous fait craindre que le fil soit coupé du haut jusqu'en bas puis qu'il n'y ait plus cette espèce de perception de proximité là. Est-ce que les avantages l'emportent sur les inconvénients ou vice versa? Parce que, là, on a un problème : d'un côté, on dit : Ah! ça peut aider; de l'autre, on n'est pas certains que la lourdeur va faire en sorte qu'on va pouvoir conserver ce qu'on a déjà acquis.

Mme Lauzon (Jo-Ann) : On est déjà dans un système où il y a un plan d'accès qui est supposé garantir déjà toutes ces choses-là dans une structure plus petite, et ça ne fonctionne pas. Ça ne fonctionne pas, là, vraiment pas. Le plan d'accès, c'est depuis 2008, puis c'est rendu que ... C'était pour garantir le premier service à une personne handicapée, et j'appelle pour lui dire qu'elle ne peut pas avoir de service, elle tombe sur une liste d'attente, et je coche que c'est un premier service que j'ai fait, ça. On s'entend que la personne handicapée, elle ne va pas au service pour se faire dire qu'il n'y a pas de place ou pour se faire dire : Ça va être dans huit mois, dans 10 mois, dans un an. Les délais ne sont pas respectés actuellement pour l'accessibilité, pour la continuité. C'était exactement ça, le plan d'accès dans la structure actuelle, donc c'est difficile pour nous de croire que, dans une structure encore plus grande, ça va fonctionner. On a déjà ces objectifs-là depuis 2008, puis ça ne fonctionne pas.

M. Paradis (Lévis) : Je vous prends au mot là-dessus, puis je le prends... Vous dites : «On constate aujourd'hui que les 10 dernières années ont servi à essayer de mettre en place des modes de fonctionnement pour arrimer les services, et ce, avec peu de succès», avec évidemment les références que vous nous faites. «Nous craignons — et vous venez de le dire — [...] la lourdeur de la mégastructure [qui]...» Avez-vous tenté d'identifier les irritants dans ce premier 10 ans là qui ne donnent pas résultats concrets, parce qu'on se dit aujourd'hui que ça ne marche pas comme ça aurait dû marcher puis on n'a pas atteint nos cibles?

Mme Sylvestre (Jocelyne) : Les documents auxquels on réfère au début du mémoire, là, vos propres bilans de mise en oeuvre, les deux rapports du Protecteur du citoyen, le Vérificateur général font justement tous ces constats-là, là. Ça a été revu : Bon, on n'arrive pas à faire ça, on n'arrive pas à faire ça, il faudrait faire ça, il faudrait faire ça. Ça fait 10 ans qu'on fait ça, là, puis qu'on remâche ces recommandations-là puis ces constats-là. Ça sert à quoi de refaire les mêmes constats? On le sait, là, c'est écrit, là : Il faudrait faire ça, il faudrait faire ça; faisons-le.

M. Paradis (Lévis) : Il faudrait faire quoi? Il faudrait faire quoi?

Mme Sylvestre (Jocelyne) : Bien, comme par exemple, dans les documents...

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Déjà, le plan d'action national en autisme qui touchait tous les groupes d'âge de zéro à 100 ans, il y avait des mesures. Il y avait 46 mesures dans le plan d'action, des mesures, par exemple : faire connaître l'autisme; faire de la sensibilisation dans les services de garde pour qu'on puisse déjà, là, quand on suspecte qu'un enfant peut être autiste... quand on soupçonne, pardon, qu'il est autiste, qu'on puisse en parler avec la famille puis les diriger au bon endroit; formation, première ligne, hein, parce que, tout le monde, la porte d'entrée, c'est la première ligne, donc être capable de recevoir quelqu'un puis de dire autre chose que, ah! l'autisme, on ne connaît pas ça ici. Ça se dit encore en 2014, O.K.? C'était pour les adolescents, les frères et soeurs... La fratrie, jamais, jamais qu'on ne s'occupe de ça. Il y avait des mesures vraiment pour tous les groupes d'âge : le soutien à l'emploi pour les adultes, le transfert du secondaire, le TEVA, là, vers la vie active, le travail, l'hébergement, hein? À un moment donné, je pars de chez maman. Qu'est-ce que je peux avoir comme soutien là-dedans? Tout était prévu, et ça a arrêté en chemin. On a mis la priorité sur les 2-5 ans, puis les cinq, six dernières années, c'est des bilans, là, de tout ça. Pourquoi ça ne marche pas? Pourquoi ça ne marche pas? Il est là, le plan d'action en autisme. On fait juste ne pas le réaliser pour... beaucoup entre autres avec l'augmentation du taux de prévalence, hein? C'est une réalité. Si je budgète pour un nombre donné de personnes autistes puis qu'il y en a quatre fois plus, j'ai un problème. Donc, c'est tout ça.

M. Paradis (Lévis) : Vous parlez de chiffres qui sont impressionnants, du 27-10 000 à 100-10 000, c'est quasi exponentiel.

Je sors un peu du projet ou de la réforme proposée, parce que vous l'abordez également, c'est une réalité puis les gens le reconnaîtront probablement en nous écoutant puis en prenant... en se servant de vos propos, probablement, pour faire tomber des préjugés, des tabous de la méconnaissance aussi. À travers la reconnaissance du trouble du spectre de l'autisme, il y a, j'imagine, l'élément information extrêmement important, faire en sorte qu'on le sache, qu'on le connaisse, qu'on le reconnaisse, qu'on arrête — permettez-moi de le mettre entre guillemets — d'en avoir peur.

Qu'est-ce qu'on peut faire pour ça : l'intégration de l'information, de faire en sorte qu'on puisse, de fait, connaître davantage ce que vous êtes, ce que vous représentez? Comment on travaille ça? Quelles seraient les pistes de solution?

Le Président (M. Tanguay) : En quelques secondes, pour terminer l'échange.

Mme Sylvestre (Jocelyne) : Ne pas détruire ce qui commence à...

Une voix : Poindre.

• (21 h 30) •

Mme Sylvestre (Jocelyne) : ...fonctionner. Quand je parlais tantôt des CRDI — je vais y revenir — d'avoir des établissements qui s'occupent de clientèles spécifiques, moi, je pense que ça, c'est essentiel à préserver parce que c'est à travers ce réseautage-là mais à partir d'un noyau qui connaît bien la clientèle que ça peut se développer, ça.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous vous remercions, les représentantes de la Fédération québécoise de l'autisme.

Afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 10 et, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain matin, après les affaires courantes. Merci.

(Fin de la séance à 21 h 31)

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