(Onze heures trente-huit minutes)
La
Présidente (Mme Proulx) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission de la santé et des services
sociaux ouverte. Je demande à toutes
les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission
est réunie afin de procéder à des consultations
particulières et auditions publiques
sur les conditions de vie des adultes hébergés en centre d'hébergement
et de soins de longue durée.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Non, Mme la
Présidente.
Auditions (suite)
La
Présidente (Mme Proulx) : Merci. Alors, nous accueillons, ce matin, l'Ordre des dentistes du Québec
et la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer. Nous ajournerons nos
travaux, un peu plus tard, vers 18 heures.
Je souhaite la bienvenue à nos invités. Pour les
fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la
période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.
Ordre des dentistes du
Québec (ODQ)
M. Dolman
(Barry) : Merci. Je tiens à
remercier la commission et les parlementaires de nous offrir à nouveau l'occasion d'être ici aujourd'hui. Permettez-moi d'abord de me présenter : Dr Barry Dolman, président
de l'Ordre des dentistes du Québec et dentiste en pratique. Également, vous présenter les personnes qui
m'accompagnent : le Dr André Lavallière, dentiste-conseil auprès de
la Direction de la santé publique de l'Estrie, le Dr Christian Caron, directeur
fondateur du Centre d'excellence pour la
santé buccodentaire et le vieillissement et directeur du programme de la
formation spécialisée en gérontologie à l'Université Laval, deux personnes qui vivent l'expérience professionnelle de la santé
en CHSLD; et Me Caroline Daoust, directrice générale de l'Ordre des dentistes
du Québec.
Sous la
présente législature, nous eûmes le privilège
d'être entendus par vous à deux reprises : sur le dossier de la fluoration et celui de l'assurance autonomie. Nos
préoccupations sont les mêmes, et nous sommes heureux de l'intérêt que vous nous accordez. Les personnes qui sont
hébergées en CHSLD ont un accès très limité, voire inexistant à des
soins buccodentaires adaptés à leur condition.
• (11 h 40) •
Le mémoire de
l'Ordre des dentistes du Québec a pour objectif d'alerter les instances
gouvernementales quant à la nécessité et à l'urgence qu'il soit reconnu
de façon générale que la santé buccodentaire fait partie de la santé globale. L'Ordre des dentistes du Québec
se veut un partenaire tant de la promotion de la santé buccodentaire auprès de
tous les intervenants que de la
recherche de solutions en vue de donner à tous accès à un diagnostic établi par
un dentiste et un plan de traitement
préventif et curatif. Il demande aux instances gouvernementales de
reconnaître le droit aux soins buccodentaires dans un objectif de santé
globale.
Nous soutenons
l'importance et l'urgence de prendre charge de la santé buccodentaire des
adultes en CHLSD. Nous constatons que
la santé buccodentaire ne faisait pas partie des orientations ministérielles de
2003 et qu'elle n'est pas encore
spécifiée dans le document de consultation ayant mené à vos travaux. Cet état de fait doit
changer. L'ordre fait de la promotion de l'accès aux soins buccodentaire
un objectif principal. On constate l'état de santé buccodentaire plus pauvre chez certains groupes dans les clientèles
âgées en perte d'autonomie, l'accès aux soins buccodentaires pour ces
personnes reste très limité. 49,3 % des résidents ayant au moins une dent
présentent de la carie dentaire; 21.8 % des résidents ayant au moins une
dent ont besoin d'un traitement dentaire; 49,3 % des résidents ayant au
moins une dent nécessitent un détartrage
dentaire ou un traitement chirurgical à la gencive. Ces statistiques datent de
2006, la situation s'aggrave.
Peu de
dentistes visitent des clientèles en centre d'hébergement notamment en raison
des restrictions imposées par le
système. Les dentistes qui veulent contribuer n'ont pas aisément accès aux
établissements et les dentistes des réseaux ne sont pas généralement remplacés lorsqu'ils prennent leur retraite.
Les CHLSD disposent par ailleurs de peu d'équipements pour les besoins d'une équipe dentaire. Les soins
d'hygiène dentaire sont rarement inclus dans des plans d'intervention en
CHLSD, sinon carrément absents. Les bénéficiaires n'ont pas d'examen
buccodentaire à l'admission. Plusieurs résidents ont des problèmes latents liés
aux caries et aux maladies de la gencive; d'autres, en développement. Bien que les hygiénistes dentaires puissent faire les
dépistages, enseigner des principes d'hygiène et brosser les dents,
elles sont presque absentes des CHLSD et des domiciles.
L'importance
de la santé dentaire a été approuvée par des études qui démontrent sa relation
avec la cause de nombreuses maladies. De plus, chez ces clientèles, la prise
des médicaments engendre une sècheresse de la bouche qui provoque des caries de
la racine dentaire. L'absence des caries et des maladies de la gencive est
essentielle. Une mauvaise hygiène permet la
plaque d'accumuler, durcir. La plaque se transforme en tartre, qui favorise une
perte osseuse et de l'infection. Ne
pas se préoccuper de ces conditions, c'est accepter la perte des dents,
l'augmentation des risques et des problèmes de santé, dont la
dénutrition et d'autres plus importants comme la pneumonie par l'aspiration.
Le
médecin et le dentiste doivent donc collaborer pour assurer une prise en charge
adéquate. Le dentiste est le docteur
qui veille sur votre bouche. L'accès aux soins buccodentaires est un droit au
même titre que l'accès des soins qui concernent les autres parties du
corps. Toute personne a donc un droit à un diagnostic et un plan de traitement
établis par un dentiste. Un suivi et
l'exécution de certaines des composantes de plan de traitement pourront être
réalisés par des professionnels
formés pour le faire. Une ordonnance faite par un dentiste est un outil
privilégié. Les services des dentistes doivent
être favorisés dans des institutions publiques. Il est nécessaire de former des
préposés et le personnel soignant aux techniques
de brossage quotidien des dents. La clientèle est lourde, il s'agit souvent
même de lui procurer des soins de fin de vie ou palliatifs.
Nous sommes prêts à nous investir dans des
solutions. Des initiatives sont déjà mises en place. Des recommandations
seront faites au printemps 2014 au terme du
travail du comité de l'accès sur les soins buccodentaires pour favoriser
l'accès pour les clientèles les plus vulnérables. Un projet sera présenté pour
soutenir les bienfaits des soins buccodentaires en CHLSD, nous serons en mesure
de vous présenter les détails au printemps.
Certaines
solutions sont à notre portée, dont l'implantation des infrastructures propices à recevoir des patients. Aucun de ces voeux ne serait vraiment
porteur sans une volonté politique claire de votre part. Regardez à gauche, à
droite, c'est presque garanti qu'au moins un d'entre nous va vivre l'expérience
de vivre dans un CHSLD. L'absence de soins
buccodentaires n'est pas un dossier qui concerne les autres. Des décisions
législatives importantes doivent être prises pour inclure la santé buccodentaire dans chaque dossier de santé. Ces
changements doivent être des pierres angulaires de l'amélioration des services pour les personnes en perte d'autonomie. C'est une responsabilité que vous avez et que nous avons tous envers les citoyens québécois.
Merci.
La
Présidente (Mme Proulx) : Merci beaucoup pour votre présentation, Dr Dolman. Nous allons
maintenant débuter la période d'échange avec
le groupe formant le gouvernement. La parole est à la députée des
Îles-de-la-Madeleine.
Mme
Richard
(Îles-de-la-Madeleine) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à
chacun de vous, Dr Dolman, Dr Lavallière, Dr Caron et Me Daoust. Bienvenue à
cette commission parlementaire qui discute de la situation des personnes hébergées en CHSLD. Vous apportez évidemment
un dossier très important, qui est la santé buccodentaire pour les
personnes qui sont hébergées. Merci beaucoup de votre mémoire et de vos
explications que vous nous apportez.
J'aimerais
tout d'abord essayer de voir pour quelle raison il y a
peu de dentistes qui vont en CHSLD, peut-être
élaborer davantage là-dessus.
Et vous dites aussi que c'est difficile pour les patients d'aller en clinique
privée ou aller visiter le dentiste,
ça prend un accompagnateur, souvent c'est assez difficile. Maintenant,
pourquoi on ne réussit pas à augmenter le nombre de
soins qui sont donnés, là, à nos personnes hébergées en CHSLD?
La Présidente (Mme
Proulx) : Dr Dolman.
M. Dolman (Barry) : Je pense que je vais passer la parole à Dr Lavallière, qui a beaucoup
plus d'expérience à l'intérieur du système, peut-être qu'il peut
répondre.
La Présidente (Mme
Proulx) : Dr Lavallière.
M. Lavallière (André) : Il y a plusieurs obstacles à l'organisation des services
dans les centres d'hébergement. De déplacer
les bénéficiaires en cabinet privé devient de plus en plus complexe. On
sait que l'alourdissement des clientèles dans les centres d'hébergement
rend les déplacements plus difficiles. À l'occasion, le transport adapté,
accompagné d'un auxiliaire du personnel de l'établissement… D'offrir les services au sein de
l'établissement serait beaucoup plus facile, non seulement des services ponctuels, mais des services organisés de
façon plus systématique au niveau de l'ensemble de la clientèle.
Par
le passé, la majorité de la clientèle hébergée était complètement édentée, les
gens avaient des dentiers. Ça fait qu'en
termes de besoins dentaires dans les centres d'hébergement les besoins étaient
quand même réduits au minimum. Il y avait
des denturologistes qui se déplaçaient, à l'occasion quelques dentistes. Mais
actuellement les nouvelles clientèles qui arrivent dans les centres d'hébergement ont des dents. Environ 40 %
des gens actuellement dans les centres d'hébergement ont des dents. Bien sûr, ils n'ont pas la totalité
de leurs dents, mais les dents qu'ils ont en bouche doivent être
maintenues en bonne santé.
Et
souvent, dans le processus de la perte d'autonomie, les gens cessent les
visites régulières chez leur dentiste. Et, lorsqu'ils arrivent en
hébergement, des fois ça fait cinq, 10, 15 ans qu'ils n'ont pas vu le dentiste.
Et c'est la raison pour laquelle on dit
qu'environ la moitié de ces gens-là ont besoin de soins dentaires soit parce qu'il y a des caries qui sont très grosses, des abcès, des dents qui
sont cassées, qui génèrent de la douleur, de la souffrance, des infections dans
la bouche. C'est des situations qui sont inacceptables. Comment une personne
peut bien s'alimenter si elle n'a pas une condition buccodentaire adéquate?
Maintenant, pourquoi qu'on n'a pas plus de
dentistes dans les centres d'hébergement? D'offrir des services dentaires nécessite des conditions minimales pour
pouvoir les offrir, c'est-à-dire, ça nécessite des équipements, de l'instrumentation, un
espace. Mais il y a un préalable à tout ça, c'est de sensibiliser les
gestionnaires à la problématique qui
existe, sensibiliser les gestionnaires qu'il
y a un problème important en termes de santé dentaire et que ces problèmes de santé dentaire là, on
doit s'en occuper au même titre que tous les autres problèmes de santé. Si un
bénéficiaire a un problème au niveau du coeur, de l'estomac, au niveau
dermatologique, au niveau orthopédique, on va s'en occuper. Pourquoi on ne
s'occupe pas d'une partie du corps? C'est comme si on avait exclu la bouche du
corps humain.
• (11 h 50) •
On a un système de santé mais excluant la bouche, et c'est
une situation qui est un peu inacceptable. Et souvent, dans notre système de santé, au niveau des gestionnaires, ce que j'ai perçu,
moi, c'est qu'ils doivent offrir des services de santé, mais souvent, quand on pense services de santé, on pense à des
services médicaux, des services infirmiers, mais on oublie qu'il y a des services dentaires aussi qui
sont nécessaires pour maintenir une bonne santé. Ça fait que la sensibilisation, je pense, des directives
claires de la part du ministère que les soins dentaires sont tout aussi importants
que les autres soins médicaux, infirmiers, qui sont nécessaires, est un
préalable.
Par la suite,
au sein des établissements, c'est certain que la question de la formation… et Dr Caron pourrait
en parler, ça nécessite une formation
particulière. La majorité des dentistes sont formés pour offrir d'excellents
services en cabinet privé, mais le
fait d'offrir une formation complémentaire en gérodontologie permet de
développer des compétences qui
permettent de mieux s'intégrer à l'équipe de soins. Mais progressivement on va
devoir déployer ces services-là parce que le besoin est en croissance très, très rapidement
actuellement, au Québec, pour des services curatifs, mais aussi
pour des services préventifs. C'est bien de
rétablir la condition buccodentaire, mais, si on mettait en place des services
préventifs dès la perte d'autonomie — on
a présenté lors des audiences sur l'assurance autonomie — si
on agissait de façon plus précoce, on limiterait énormément les besoins
en services curatifs lors de l'hébergement par la suite. Je pense que la
réflexion que le ministère
de la Santé devrait avoir serait de prendre un peu de recul et de préparer une politique
ou une réflexion sur des services
véritablement bien intégrés dès le début de la perte d'autonomie jusqu'à
l'hébergement et même jusqu'en fin de vie.
La Présidente (Mme Proulx) : Mme
la députée des Îles-de-la-Madeleine.
Mme
Richard
(Îles-de-la-Madeleine) : Oui. Merci beaucoup. On a parlé aussi d'hygiène buccodentaire,
c'est très important. On a parlé, hier, avec les nutritionnistes, et
tout ça, qui voyaient aussi justement toute la région de la bouche qui est très, très importante et qui est négligée
parfois, et que l'hygiène buccodentaire devrait être systématiquement
vérifiée.
Vous parlez
aussi, dans votre mémoire, qu'on devrait moderniser le cadre réglementaire par rapport à tous les professionnels, justement, qui interviennent dans ce
dossier, entre autres pour les hygiénistes dentaires. Nous avons reçu en commission,
ici, à un moment donné, les hygiénistes dentaires, qui réclament de pouvoir
faire plus d'actes de prévention, entre
autres de nettoyage, qu'ils puissent le faire sans avoir la supervision d'un
médecin parce que ça leur permettait,
avec de l'équipement mobile, d'aller en CHSLD et justement de prévenir des
problèmes qui vont, après ça, nécessiter l'intervention des dentistes. Qu'est-ce
que vous pouvez nous parler par rapport au cadre réglementaire? Et aussi
comment vous voyez d'élargir le cadre de compétence des hygiénistes dentaires?
La Présidente (Mme Proulx) :
Dr Dolman.
M. Dolman (Barry) : Je pense que
c'est très important d'éclaircir un petit peu la désinformation qui se propage autour de cette question.
D'abord, présentement, il y a quasi-absence des hygiénistes dans les CHSLD.
Pourquoi? À l'intérieur des compétences
présentes de dépistage, de faire instruction d'hygiène, des choses qui peuvent
améliorer l'état de ces citoyens, on peut faire ça demain matin, sans aucune modification
de cette législation. Ça, c'est une chose.
Deuxième
chose. À l'Ordre des dentistes du Québec, on est prêts dès demain de travailler avec des
ordonnances pour encourager un autre futur et une autre modernisation. On n'est
pas contre, mais il faut qu'on ait une solution beaucoup plus globale, parce que,
quand on regarde, par exemple, juste en Ontario, où ils ont eu
certains actes élargis, depuis plusieurs années les tarifs n'ont pas
descendu, l'accès n'a pas augmenté. Alors, ce n'est pas juste une question d'augmenter, par exemple, par législation,
des actes que les hygiénistes peuvent faire parce que la réalité, c'est la
formation de travail avec cette cible de population,
c'est très difficile. Je suis en pratique 35 ans, même si je rentre, demain
matin, dans le CHSLD, ce n'est pas tout à fait facile de travailler avec ce
genre de clientèle. Et c'est des patients hautement médicaments, c'est des
patients qui prennent des... un genre de collaboration.
Mais l'Ordre
des dentistes est en faveur de faire une collaboration
interdisciplinaire avec les hygiénistes. On a fait une proposition il y
a plusieurs années, ça a été rejeté par l'Office des professions. On va aller
de l'avant encore pour voir si on peut
avancer ce contexte d'ordonnances. On a déjà eu des projets dans
Sherbrooke, et Dr Caron peut aussi parler de son expérience personnelle. On est ici pour les solutions. Mais
comment est-ce qu'on peut avoir une solution de base si, tout au début, avant d'ouvrir la porte, le patient
n'est pas examiné, il n'y a pas un diagnostic, il n'y a personne qui
regarde la bouche? Pour moi, c'est une pierre angulaire d'avoir un diagnostic
chez le dentiste avant de réagir. Après ça, tout le reste du voyage peut être
fait facilement.
La Présidente (Mme Proulx) :
Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.
Mme
Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Merci,
Mme la Présidente. Effectivement, vous avez affaire à une clientèle qui est quand même difficile, différente de ce que vous voyez en
clinique privée, parce que ça prend la collaboration puis ce n'est pas évident que les gens vont vouloir
collaborer. Surtout s'il y a de la douleur ou quoi que ce soit, ce n'est pas évident que vous pouvez
avoir la collaboration. On en entend parler aussi pour tous les soins
que… pour les personnes qui sont en
perte d'autonomie, mais aussi en déficit cognitif. J'aimerais peut-être
avoir un aperçu de la formation qui est donnée aux dentistes pour cette clientèle particulière, si vous pouvez nous parler de formation spécifique pour
les personnes aînées.
La Présidente (Mme
Proulx) : Dr Caron.
M. Caron
(Christian) : Oui. Moi, je voudrais commencer par vous dire que ce
n'est pas seulement les dentistes qu'il faut former, il faut former l'ensemble
des gens qui entourent la personne âgée, y compris les proches aidants, pour le suivi quotidien des soins à faire
pour la bouche. Je ne réponds pas à votre question, mais je vais y
venir.
Ce qui est important
dans… Ça, au niveau des dentistes, présentement, dans les facultés dentaires,
on essaie d'instaurer de plus en plus des
parties de cours et des contacts directs avec cette clientèle parce qu'une des
réalités, c'est que c'est une
clientèle qui est quand même peut-être plus difficile à traiter puis,
présentement, à cause du manque de structure qu'on a dans l'offre des
soins, c'est plus difficile pour un dentiste ou un jeune dentiste qu'on forme
de voir comment pourrait être son avenir en traitant cette population-là.
Donc,
ce qui manque, dans le fond, comme je l'ai dit, c'est une structure à laquelle
le dentiste pourrait s'intégrer pour
offrir les soins. Ça devient extrêmement difficile pour eux. Il y a des
exemples épars de petites cliniques dentaires mobiles qui se forment, il y en a quelques-unes au Québec, mais c'est
très peu. Et, si on veut régler le problème d'une façon plus définitive, la formation doit être amplifiée,
mais il faut aussi voir aussi quel genre de carrière on peut offrir à ces
gens-là qui vont se dédier à cette
population-là qui est plus difficile. Ça leur prend une infrastructure à la
fois fixe dans certains endroits,
mais aussi mobile, parce qu'il y a des gens qu'on ne pourra pas atteindre avec
un cabinet traditionnel. Même si on en
mettait dans les CHSLD publics, on sait combien qu'il y a des petites
résidences privées, semi-privées conventionnées qui ont quand même moins
de lits et qui ne pourraient pas voir une clinique dentaire.
Donc,
on a besoin d'un modèle qui est diversifié pour aussi structurer, qui fait que
les jeunes dentistes, une fois formés,
vont pouvoir voir : Où est-ce que je peux m'intégrer, moi, dans ce système
de santé là, et aussi comment est-ce que
je vais pouvoir aussi, en faisant ça, être capable de gagner ma vie
honorablement?, dans le sens où cette clientèle-là, comme vous l'avez dit, nous demande beaucoup plus
de temps à traiter, et souvent on a des gens qui ne coopèrent pas. Présentement, le système de rémunération à l'acte
fait en sorte que, lorsqu'on traite un patient et qu'il ne coopère pas,
bien l'acte ne se fait pas et donc il n'y a pas de facturation possible.
Donc,
c'est un ensemble d'éléments qui fait qu'au niveau de la formation on l'accélère,
mais il faut aussi qu'on voie ce qui
va venir après. Présentement, on a fait un programme de deuxième cycle, nous,
donc on forme des spécialistes en gérodontologie qui justement
apprennent tous les problèmes de comportement associés à des gens qui sont
atteints de démence, la gestion de ces
patients-là, toute la question du patient qui est médicalement compromis.
Alors, chez le patient gériatrique,
c'est aussi ça, c'est un patient qui est en perte d'autonomie, mais qui a une
panoplie de médicaments et de problématiques
médicales qui fait que la pratique du dentiste devra être modifiée, si ce
n'est, par exemple, que, lorsqu'on extrait une dent, il faut vérifier
qu'il n'y a pas d'anticoagulants pour ne pas mettre à risque le patient.
Et, dans cette
optique-là, je reviendrai un peu sur ce que Dr Dolman a dit, et c'est pour ça
qu'on insiste aussi autant pour dire qu'avant qu'un patient soit traité par
d'autres professionnels de la santé pour leur bouche, il faut qu'il y ait en
premier lieu un diagnostic et une évaluation du patient pour sa sécurité aussi.
Donc, c'est aussi dans cette optique-là qu'on amène cette venue-là. On pense
que les autres professionnels vont pouvoir venir nous aider à endiguer ce
problème, qui est important, là, sauf que, comme je vous dis, il faut qu'il y
ait, préalablement à ça, une évaluation qui soit faite.
Pour ce qui est de la
formation des autres intervenants que je dis, c'est très important qu'on forme
les gens qui sont en CHSLD, les infirmières. Les infirmières, c'est tellement
important qu'elles reçoivent une formation sur la santé buccodentaire parce que
c'est elles vraiment qui coordonnent les soins dans les résidences, c'est elles
qui…
• (12 heures) •
La Présidente (Mme
Proulx) : M. Caron, désolée, le premier bloc est épuisé. Vous
allez peut-être pouvoir poursuivre dans les échanges avec la députée de
l'opposition officielle. La parole est maintenant à la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais :
Merci, Mme la Présidente. Dr Dolman, Dr Lavallière, Dr Caron, Me Daoust, vous
pouvez poursuivre sur ce que vous parliez, là…
M. Caron
(Christian) : Je vais y aller brièvement.
Mme
Blais :
…concernant la formation, parce qu'hier on a reçu l'Ordre des infirmières, et
elles nous parlaient comment c'était
important, et la différence entre une infirmière et un préposé, et comment,
quand l'infirmière faisait l'acte de
nourrir la personne, il y avait toute une évaluation. Donc, vous êtes en train
de dire : Il faut aller plus loin aussi pour la formation
buccodentaire.
M. Caron (Christian) : Ce que je disais, c'est que les infirmières,
c'est une personne pivot et c'est elle qui gère les gens qui vont prendre soin au quotidien de la
personne. Il y a un plan de soins qui est fait, le plan de soins
buccodentaire doit être intégré et plus
suivi que ce l'est présentement. Et ça, ça va venir par la formation de ceux
qui disent aux autres qu'est-ce que vous devez faire avec ce patient-là.
Donc,
dans mon élan tout à l'heure, ce que je disais, c'est que les infirmières, on
doit les former pour deux choses
principalement. Un, détecter les anormalités rapidement pour qu'il y ait une
référence rapide. Nous, les dentistes, c'est beaucoup plus facile de traiter une petite lésion
qu'une grosse lésion d'une dent ou une dent qui est détruite. Donc, on veut intervenir précocement. Deuxième chose, elles
doivent comprendre un peu qu'est-ce qu'il y a dans une bouche, parce
qu'il y a toutes sortes de types de
prothèses maintenant. Maintenant, il y a des implants, il y a des prothèses
fixes, il y a des prothèses amovibles. Il faut qu'elles connaissent un
peu ce qui se passe, les principales pathologies qu'on retrouve dans la bouche, mais vraiment dans un but pas de
diagnostic, mais de détecter l'anormalité de la normalité pour qu'on ait
une référence rapide, donc, toute, aussi, la prise en charge au quotidien pour
qu'elle puisse elle-même, après ça, au niveau
de ses préposés, faire une certaine formation, un suivi, etc. Donc, on a aussi
à former ces gens-là, et c'est beaucoup par eux, par ça qu'on va réussir à intégrer de la prévention puis de
réduire la force de caries comme on le voit présentement. Donc, il y a
ça.
Les proches
aidants, c'est la même chose, il faut aussi qu'on ait un programme. On le fait,
nous, avec la société d'Alzheimer, où on a introduit un programme de formation
pour les aidants. Pour les infirmières, on a un cours qui va se donner ici, à l'Université Laval, qui va
être de 45 heures, pour justement préparer les infirmières à cette tâche-là.
La Présidente (Mme Proulx) :
Dr Dolman.
M. Dolman (Barry) : Juste pour un
complément. Je peux dire que moi, j'ai passé cinq ans avec le président présent de l'Ordre des infirmières dans un CHSLD quand j'ai suivi une
longue maladie de ma mère qui est finalement décédée d'Alzheimer. Alors, j'ai vu toute la détérioration d'elle et
aussi des personnes sur l'étage. J'ai eu beaucoup de conversations avec le président de l'Ordre des
infirmières du Québec, et c'est évident qu'on ne peut pas nécessairement
juste cibler ou le dentiste, ou les hygiénistes, ou de changer un petit peu de
législation, il faut avoir le portrait de cette situation et essayer d'agir avec un programme interdisciplinaire pour
voir, avec des préposés, des infirmières, tout le monde qui travaille à
l'intérieur de… pour aider ces citoyens, pour donner une vie avec un petit peu
de dignité.
J'ai écouté
un petit peu l'histoire, il y a à peu près une demi-heure, vis-à-vis la
question d'être capable d'avoir un bain
dans un CHSLD. Ça, c'est des choses qui sont vraies. Alors, tu peux voir que la
bouche devient quelque chose d'un petit
peu oublié. Mais c'est tellement important pour le futur des citoyens, parce
que, pour revenir à la conclusion,
les citoyens qui vont rentrer dans des CHSLD, c'est nous.
La Présidente (Mme Proulx) : Mme
la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Vous me direz si je me trompe, mais j'ai comme
l'impression qu'en quelque part il y a peut-être
une difficulté d'accès. Moi, par exemple, si je vais chez le dentiste, je dois payer si je
n'ai pas d'assurance. Et, à un
moment donné, quand on se retrouve, les personnes plus âgées, en CHSLD, et même les
personnes en situation de handicap, plus jeunes… Comment êtes-vous rémunérés? Comment ça fonctionne? Je veux
comprendre ça. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles c'est beaucoup
plus difficile d'avoir des dentistes en CHSLD ou si je me trompe?
La Présidente (Mme Proulx) :
Dr Dolman.
M. Dolman
(Barry) : …de rémunération, je pense que Dr Lavallière peut répondre, mais c'est selon
le même barème que le patient va payer pour l'hébergement.
La Présidente (Mme Proulx) :
Dr Lavallière.
M.
Lavallière (André) :
Actuellement, au Québec, il y a
des services assurés par la Régie de
l'assurance maladie du Québec pour les enfants de zéro à neuf ans, pour les
prestataires de l'aide de dernier recours. Mais, pour les personnes, les
adultes qui ne sont pas sur l'aide sociale ou les personnes âgées, il n'y a
aucun service assuré.
Pour les
clientèles qui sont en hébergement,
il y a une directive administrative, il y a une politique pour les
besoins spéciaux, c'est-à-dire que la personne qui est hébergée, si elle est
admissible au supplément de revenu garanti, à ce moment-là, il y a un budget au sein de l'établissement qui permet de
contribuer aux honoraires qui sont demandés pour ces traitements.
En Estrie, on
a réussi à développer des services en centre d'hébergement où est-ce que le
dentiste est rémunéré par la Régie de
l'assurance maladie du Québec, rémunéré à salaire. Le dentiste n'est pas
rémunéré à l'acte. Et, à ce moment-là, lorsque les services sont rendus
au sein de l'établissement, les honoraires, vu que les services ne sont pas
assurés par la Régie de l'assurance maladie
du Québec, l'établissement doit facturer le bénéficiaire pour les services qui
sont rendus. Ça fait qu'à ce
moment-là il y a une facturation qui est faite, mais l'argent appartient à
l'établissement. Et cet argent-là peut permettre
de payer l'assistante dentaire, l'hygiéniste dentaire, les fournitures, les
matériaux, ce qui fait que les services, lorsque le dentiste est rémunéré à salaire par la Régie de l'assurance
maladie du Québec, de développer des services au sein d'un établissement
de santé, les services peuvent presque s'autofinancer.
Ce ne serait pas une charge financière très,
très, très importante pour des établissements. Les gens qui ont des revenus
paieraient pour leurs services, les gens qui sont vraiment à très, très faibles
revenus, la politique pour les besoins spéciaux vient améliorer beaucoup
l'accessibilité, Et, à l'occasion, pour certains clients, les tarifs sont
réduits vraiment pour favoriser
l'accessibilité. Ça fait qu'en hébergement la contrainte financière, elle est
relativement atténuée. Pour les
clientèles qui sont en perte d'autonomie à domicile, et tout ça, là il y a un
problème majeur en termes de barrière financière,
sur lequel on devrait se pencher. C'est la raison pourquoi on s'était
présentés, lors de l'assurance autonomie, pour essayer d'atténuer cette
barrière financière là.
Mais, au niveau des établissements,
actuellement il y a des modalités. Une des grosses difficultés qu'on a,
c'est d'obtenir l'autorisation du ministère
de la Santé pour rémunérer un dentiste à salaire ou à tarif horaire. Ça, il y a
un obstacle majeur qui est là depuis 10 ou 15 ans. Et, à chaque fois
qu'au sein d'un établissement on demande des heures pour rémunérer un dentiste à tarif horaire ou à
honoraires fixes, on doit se battre avec le ministère de la Santé. Et ça ne
devrait plus exister en 2014. Le besoin, il
est là, il est énorme, et il devrait nécessairement y avoir un assouplissement
de la part du ministère pour
attribuer beaucoup plus d'heures pour que les établissements puissent organiser
beaucoup plus facilement les services au sein de leur établissement.
La Présidente (Mme
Proulx) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais :
On se rend compte de l'importance de cette commission parlementaire, parce que,
si on veut améliorer les conditions
de vie des personnes, des adultes qui sont dans les CHSLD… et, quand vous venez
nous dire qu'en 2003, quand il y a eu
les orientations ministérielles favorisant les milieux de vie, puis que vous
n'étiez pas là, puis que vous n'êtes à peu près pas là ou un peu, puis
que là vous faites un projet pilote à Sherbrooke, ça veut dire que ce n'est pas
rendu partout à travers le Québec.
J'aimerais que vous nous parliez de votre projet pilote à Sherbrooke et comment
ça pourrait changer la qualité de vie des gens.
La Présidente (Mme
Proulx) : Dr Lavallière.
• (12 h 10) •
M. Lavallière
(André) : C'est plus qu'un projet pilote. Les services dentaires en
hébergement existent depuis 30 ans à
Sherbrooke. La fusion des établissements a fait en sorte qu'on a pu étendre les
mêmes services dans les autres installations, ce qui fait que les quatre
installations en hébergement à Sherbrooke sont desservies. On a installé des équipements fixes au niveau
du CSSS-IUGS. Il y a des équipements fixes dans chacun des établissements avec des lève-patients. Si
le patient arrive en chaise roulante, en fauteuil gériatrique ou même sur
une civière, on peut soulever le patient
avec un lève-patient qui est sur rail au plafond. Le patient est déplacé au-dessus de la chaise dentaire et déposé
en toute sécurité.
On a deux dentistes
qui desservent les quatre installations, et ça fonctionne très, très bien.
C'est un mode qui fonctionne bien, mais il
ne faudrait pas se limiter à ce mode-là. Il pourrait y avoir de la rémunération
à l'acte ou d'autres modes de
rémunération. Je pense qu'on doit s'asseoir, au Québec, il y a un problème qui
est là, qui est identifié, il faut s'asseoir
et collectivement trouver des solutions. Les ordres professionnels, le
ministère, ça interpelle plusieurs partenaires, ça implique de la formation. Il faut s'assurer que le brossage des
dents… qu'il y ait au moins un brossage de dents de fait quotidiennement.
On sait qu'il y a des bénéficiaires qui n'ont pas eu les dents brossées depuis
plus d'un mois, O.K.? Il y a des situations…
Il y a des bénéficiaires qui sont en situation de dépendance et même de
situation de négligence en termes
d'hygiène. On pense beaucoup à l'hygiène corporelle, mais l'hygiène de la
bouche doit se faire quotidiennement aussi, et ça fait partie de la
problématique.
Ça
fait que, oui, c'est possible d'organiser les services, mais moi, je souhaite
beaucoup plus que des petits projets pilotes à gauche et à droite. Je
pense que ça nécessite une réflexion, au niveau national, de bien se pencher
sur la problématique, de bien planifier les
services, de bien coordonner les services en question. La dentisterie au
Québec, c'est une multitude de cabinets privés, mais sans coordination
au niveau national, c'est-à-dire qu'un système de santé, c'est la
responsabilité de l'État de s'assurer que les services de santé rejoignent les
gens qui en ont le plus besoin.
Et
on sait qu'au niveau de la santé dentaire, ce qu'on offre en cabinet privé,
c'est très, très bien, mais on sait qu'il y a des clientèles qui sont
complètement oubliées au Québec, dont la clientèle en hébergement. Et il faut
se pencher sur cette problématique-là au niveau collectif et arriver avec
quelque chose qui est… pas une multitude de petits programmes à gauche et à droite et une multitude de petits projets
pilotes. Je pense qu'on doit vraiment s'asseoir et aller vers une politique de santé dentaire qui pourrait
inclure la fluoration, les services dentaires pour les enfants, les services
en cabinet privé, mais aussi tous les services qui sont nécessaires pour les
clientèles les plus vulnérables.
La Présidente (Mme
Proulx) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais :
Je voulais dire «initiative», j'ai dit «projet pilote». Et, vous me corrigerez
si je me trompe, mais j'ai comme
l'impression que, dans les ordres professionnels, ça se heurte beaucoup et
c'est ça qui fait en sorte que parfois on a beaucoup de difficultés à avancer, là. À un moment donné, j'ai entendu que
l'ordre des professions rejetait l'idée
d'alliance avec les hygiénistes dentaires. Vous pourriez, je ne sais pas, faire
un front commun aussi avec l'ordre
des nutritionnistes, des diététistes. Je pense que ça va ensemble, ça. Plus
vous serez d'ordres ensemble pour faire avancer le dossier, je pense que vous pourriez défoncer des portes. Mais
j'ai comme l'impression que c'est cloisonné puis que tout le monde
travaille en silo. Est-ce que j'ai raison ou si je me trompe?
La Présidente (Mme
Proulx) : Dr Dolman.
M. Dolman (Barry) : On essaie beaucoup d'ouvrir les portes et d'avoir un dialogue
respectueux avec tous les intervenants parce que c'est la seule façon
qu'on peut déclencher un processus à travers le Québec. La réalité, c'est, en bureau privé, les dentistes, les hygiénistes,
les denturologues, tout le monde travaille en collaboration tous les
jours. Et je pense qu'il y a une façon de
faire le même geste pour essayer de trouver des solutions pour les citoyens.
Mais il ne faut pas nier le fait qu'à
l'intérieur de toutes les démarches on parle toujours de la santé de la bouche,
de la santé. Il y a quelque chose qui ne marche pas. La santé, c'est la
santé de la bouche, la santé des yeux, la santé des oreilles, des poumons.
Il
faut déclencher un processus important, que chaque fois, parmi vous autres en
train de regarder une législation, des plans
d'action pour la santé, que ce n'est pas une question de faire un plan, un
diagnostic et, après ça, de regarder :
Bon, la bouche. Il faut que la santé ça va englober la santé de la bouche, des
oreilles, les yeux, le coeur parce
que l'intégration de la santé, c'est une pierre angulaire vis-à-vis la
médecine. Et le dentiste est un docteur. Et, si on quitte cette salle et on commence à oublier cet objectif
principal de l'Ordre des dentistes du
Québec, c'est difficile d'entraîner un futur qu'ensuite, si c'est le
DSQ, l'accès, le diagnostic… C'est complètement normal, si, par exemple, tu vas
chez le médecin, que le médecin va regarder
en bouche, même s'il n'est pas dentiste. C'est la même chose par exemple, dans
le CHSLD. Quand tu regardes, par exemple,
l'évaluation à la porte, je pense que c'est tout à fait normal que quelqu'un
regarde la bouche, pas juste les yeux pour voir si le patient si a une
cataracte, pas juste les oreilles, pas juste de regarder si le patient a une
haute pression, pas juste si le patient a un diabète. Il faut regarder
l'ensemble, et ça, c'est la clé pour les actions dans le futur.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais :
Il me reste un petit peu de temps encore. On va recevoir la fédération des
sociétés Alzheimer du Québec. Quand vous êtes confrontés à soigner une personne
atteinte de la maladie d'Alzheimer — puis on sait qu'il y a une évolution — comment vous faites? Comment vous vous y
prenez pour traiter cette personne qui n'est pas toujours volontaire à vouloir? Écoutez, moi, je n'aime pas
bien ça aller chez le dentiste, vous vous imaginez, des fois, des
personnes qui sont en déficit cognitif.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Dolman.
M. Dolman (Barry) : J'étais avec ma mère pour cinq ans, j'ai vu une détérioration à travers
les années. C'est une situation qui prend beaucoup de patience, beaucoup
de patience de toutes les personnes qu'ils ont encadrées à l'intérieur du système : le dentiste, l'infirmière, le préposé. C'est quelque
chose, c'est un défi énorme. C'est un défi énorme pour les familles, pour l'institution et pour l'État. Et c'est difficile à dire, mais ça va
augmenter avec les années qui vont venir.
Parce que, si vous êtes entourés avec tous les spécialistes du monde, des fois le patient ne veut
rien savoir, et ça prend beaucoup de courage à tout le monde. Mais
peut-être Dr Caron peut donner un petit peu son idée.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Caron.
M. Caron (Christian) : En complément, ce que je pourrais dire, c'est
que… rapidement, c'est que, ces gens-là, là, on peut les segmenter
aussi en diverses clientèles. Tu as
les gens qui, plus en début de maladie, ont besoin de stimulation, d'autres qui ont besoin de stimulation et d'aide,
par exemple, au brossage quotidien, et ceux qui sont plus loin dans la maladie, où, là, eux ont vraiment de la difficulté
de coopération, tant pour les soins quotidiens que pour les nôtres, nos
soins.
Mais
le jeu dans ça qui est important, c'est qu'il ne faut pas attendre à l'entrée
des CHSLD pour faire quelque chose.
Il faut que, dès que les gens sont sur un programme de soutien à domicile,
qu'on commence, à ce moment-là, la prévention pour réduire le fardeau
des caries qu'on va avoir lorsqu'ils vont être hébergés.
Donc,
si déjà on endigue une partie du problème avant qu'ils rentrent en hébergement
par… Par exemple, il y a des infirmières de soutien à domicile qui y
vont, on peut penser à des visites à domicile pour être capables d'engendrer une prévention plus agressive, pour que, quand on
arrive au niveau de l'hébergement puis qu'on a fait un bon examen à l'entrée, après ça on ait un suivi qui va demander
moins d'interventions. Et ça, c'est important
parce qu'il faut agir en amont
de l'hébergement, au moment où la perte
d'autonomie commence à se développer, et ça, là, c'est un message très
important de prévention qui coûte beaucoup moins cher à l'État que d'offrir des
soins et de structurer toute une machine pour donner des soins.
Donc,
c'est important que vous réfléchissiez à ça, même si on parle ici, là, de la
qualité de vie en hébergement parce que c'est un corollaire, si on
commence à l'avance à avoir cette qualité de vie là… parce qu'une bonne qualité
de vie… aussi, une santé buccodentaire, c'est synonyme d'une bonne qualité de
vie pour le patient.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est
écoulé. Dr Dolman, Me Daoust, Dr Lavallière, Dr Caron, merci d'être ici
avec nous, partager votre expertise avec nous.
Et
je demande aux gens de la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer pour prendre place à la table et je
suspends pour quelques instants seulement.
(Suspension de la séance à
12 h 20)
(Reprise à 12 h 21)
Le Président (M.
Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, on souhaite la
bienvenue à la Fédération québécoise des
sociétés Alzheimer. Bienvenue. Vous avez 10 minutes pour faire votre
présentation, suivie d'un échange avec
les membres de la commission. Pour les fins d'enregistrement, on a besoin
de vos noms et vos titres. Et le prochain 10 minutes, c'est à vous.
Fédération québécoise des sociétés
Alzheimer (FQSA)
Mme Lalande (Lise) : Merci. Merci, M. le Président. Bonjour à tous. Je me présente, mon nom est Lise
Lalande et je suis la directrice générale de la Société Alzheimer Laval et de
sa Maison Francesco Bellini. Je suis accompagnée aujourd'hui de Geneviève
Grégoire, qui est directrice générale de la Société Alzheimer de la Rive-Sud et de la Maison
au Campanile, elle est également
membre du conseil d'administration de la Fédération québécoise des sociétés
Alzheimer; et de ma collègue
Ginette Labrosse, qui est une conseillère spécialisée à la Société
Alzheimer Laval et responsable de la formation professionnelle.
Mes
collègues et moi représentons aujourd'hui la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer et ses 20 sociétés
régionales. Nous vous remercions de nous avoir invitées à participer à cette
importante réflexion sur les conditions de
vie des adultes hébergés en centre d'hébergement et de soins de longue durée. La mission commune de nos organismes est d'alléger les conséquences sociales et
personnelles de la maladie d'Alzheimer et des maladies apparentées,
d'aider les personnes atteintes, les proches aidants, ainsi que de promouvoir
la recherche.
Nous
souhaitons représenter aujourd'hui les personnes touchées par la maladie d'Alzheimer, défendre leur cause et leurs droits. Notre intention n'est pas tellement
de porter un jugement sur ce qui se fait ou ne se fait pas en centre d'hébergement et de soins de longue durée, mais plutôt de partager avec vous notre philosophie
d'intervention et notre expérience en matière d'accompagnement et d'hébergement de
personnes atteintes de troubles cognitifs. Notre expertise vise une majorité d'adultes qui résident en CHSLD,
soit les personnes qui présentent des déficits cognitifs. J'aimerais
aussi ajouter que notre philosophie
d'intervention est pertinente à tout être humain et correspond tout à fait aux
orientations et aux sept principes
directeurs du ministère de la Santé et des Services sociaux quant à la
philosophie et aux pratiques qui doivent prévaloir en CHSLD.
Depuis
plus de 30 ans, le Mouvement Alzheimer québécois met en pratique et préconise
l'approche humaniste centrée sur la
personne dans l'aménagement et la prestation de services de soutien et de
soins. Nous recommandons cette approche
parce qu'elle continue de faire ses preuves au quotidien en permettant une
meilleure qualité de vie aux résidents, en favorisant la présence et la participation des proches et parce
qu'elle permet aux divers membres de l'équipe soignante de se sentir appréciés et valorisés, ce qui contribue
de façon importante à une meilleure rétention du personnel. Par exemple,
à la Maison Francesco Bellini, nos résidents sont accompagnés par 20 employés
permanents, et la moyenne d'eux ont 4,6 années d'ancienneté.
L'approche humaniste,
centrée sur la personne, reconnaît l'individualité de chaque être humain, son
droit à la dignité et au respect. Elle mise sur les ressources et les capacités
de la personne et n'est pas guidée par les déficits. Elle exige une souplesse organisationnelle qui s'adapte à la personne.
Tous les membres du personnel — et là j'inclus la direction — doivent apprendre à connaître chaque
résident, ce dernier étant considéré comme l'expert de sa routine et de
ses besoins. Lorsque la personne n'est plus
en mesure de le faire elle-même, les proches jouent un rôle crucial en
relayant les informations pertinentes.
En
s'appuyant sur cette philosophie, les cinq maisons d'hébergement des sociétés
Alzheimer du Québec offrent des milieux de vie où les résidents, le
personnel et les familles sont appréciés et respectés et où ils sont traités
comme des partenaires égaux dans la planification et la coordination des
activités quotidiennes et des décisions en matière d'accompagnement et de soins. C'est à partir d'une vision différente des
personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer que l'implantation d'une
approche centrée sur la personne peut se concrétiser. Elle n'est ni utopique,
ni irréalisable, mais elle exige de changer les façons de penser et, bien sûr,
de faire.
Les sociétés
Alzheimer du Québec souhaitent que l'approche centrée sur la personne devienne
la norme non seulement dans les centres d'hébergement et de soins de longue
durée, mais également dans toutes les résidences et établissements de soins de santé au Québec. Le respect de notre approche
d'intervention repose sur l'engagement de chacun des membres du personnel, qui doivent tout d'abord être recrutés non
seulement pour leur savoir-faire, mais tout autant pour leur savoir-être. Ils doivent bien connaître
chaque résident, être sensibles à leurs besoins spécifiques.
L'accompagnement de la personne doit
toujours avoir priorité sur les tâches à accomplir. La relation de confiance
qui est établie entre l'intervenant et
le résident permet de mieux comprendre la personne atteinte, ce qui diminue les
frustrations reliées aux pertes cognitives et qui peuvent mener à des
comportements déroutants.
La
qualité de vie est soutenue par un environnement souple où la personne est
maître de son horaire, encouragée à collaborer et à participer aux
activités de la vie quotidienne. Dans nos maisons, chacun se lève et se couche
à l'heure qui lui convient, peut choisir ce
qu'il veut pour le petit déjeuner, reçoit sa famille sans restriction d'heures,
etc. Notre modèle d'hébergement permet une transition aussi beaucoup
plus douce entre le domicile et le milieu d'hébergement, qu'elle se rapproche
du milieu familial. Nous croyons qu'il est important d'aménager des milieux de
vie qui accueillent un maximum de 12 personnes et qui permettent la poursuite
d'activités de la vie quotidienne telles que se faire un petit déjeuner, un
goûter, faire du jardinage, avoir des espaces aussi pour recevoir nos proches.
Chacun de nous a une
définition bien différente et personnelle de ce qu'est la qualité de notre vie.
Il y a toutefois des critères qui sont
communs à tout le monde : le besoin d'intimité, l'importance de contrôler
sa vie quotidienne et de faire des activités qui nous intéressent. Tous
ceux qui participent à la vie des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou d'une maladie apparentée doivent
savoir ou apprendre que ces personnes sont capables d'éprouver du plaisir, de la satisfaction, peu importent les
changements et les pertes de facultés. La maladie d'Alzheimer ne
dépossède pas la personne de sa capacité
d'apprécier, de réagir, de ressentir des sentiments comme la colère, la peur,
l'amour, la tristesse, la joie. Reconnaître les capacités, les intérêts
et les compétences permanentes de la personne aide à conserver le plus
longtemps possible ses habiletés et à améliorer sa qualité de vie.
Le personnel
des centres d'hébergement et de soins de longue durée doit reconnaître qu'il
joue un rôle majeur dans la qualité de vie de la personne atteinte de la
maladie d'Alzheimer et de celle de ses proches et rechercher les stratégies
d'accompagnement et de soins qui permettront à tous une meilleure qualité de
vie. La qualité de vie doit servir de point de mire dans
l'accompagnement et les soins prodigués à la personne. Enfin, il est possible
d'apprendre à faire autrement et ainsi d'atteindre un meilleur équilibre entre
l'accompagnement et les tâches à accomplir.
Les sociétés
Alzheimer du Québec travaillent déjà avec les instances locales et régionales
du ministère de la Santé et des
Services sociaux. Il est évident que les orientations ministérielles en matière
d'hébergement sont en accord avec celles
de la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer et de nos 20 sociétés
régionales. C'est pourquoi nous souhaitons étendre ce partenariat à notre programme de formation professionnelle,
sur l'approche humaniste centrée sur la personne et à l'accompagnement des équipes de travail à l'intérieur des CHSLD. La
mise en pratique de notre philosophie promet un impact positif majeur sur la qualité de l'accompagnement et des soins
offerts aux résidents qui présentent particulièrement des déficits
cognitifs. De plus, nous savons qu'elle permet de contrer les problèmes de
recrutement, de rétention et de valorisation du personnel.
En terminant,
on a un petit exercice très simple pour évaluer la condition de vie dans un
CHSLD. On se demande : Est-ce qu'on travaille chez nos résidents ou
est-ce qu'ils vivent dans notre milieu de travail? Merci.
Le
Président (M. Bergman) : Merci, Mme Lalande. Maintenant, pour
le bloc du gouvernement, Mme la députée de Sainte-Rose.
• (12 h 30) •
Mme Proulx :
Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Lalande. Bonjour, mesdames qui accompagnez
Mme Lalande. Je pense que votre
dernier commentaire est assez percutant. Je pense que l'image est très forte.
Je trouve ça extrêmement intéressant.
On aura beaucoup de questions, là, sur votre présentation, mais moi, j'en ai
une pour vous, à titre de Société Alzheimer de Laval. Vous savez, dans
mon comté de Sainte-Rose, il y a un CHSLD, qui s'appelle Sainte-Rose-de-Lima,
que vous connaissez probablement, sûrement, que j'ai eu l'occasion d'aller
visiter et dans lequel ils ont implanté ce
qu'on appelle une salle multisectorielle, selon l'approche, là, Snoezelen, et
j'ai été vraiment impressionnée de
voir ça. Il y avait là une douzaine de personnes avec des graves problèmes
cognitifs, et on nous disait : Ces
personnes-là sont là, ici, parce qu'elles ont beaucoup de problèmes de
comportement, elles font de l'errance, elles sont très agitées, tout ça,
et il y régnait un calme, un apaisement dans cette salle-là. J'aimerais ça que
vous me parliez un peu de… Vous, comme
société Alzheimer, est-ce que vous avez analysé un peu cette approche-là?
Est-ce que vous pensez que l'implantation
de ces salles multisectorielles… multisectorielles! pardon, multisensorielles
peuvent être quelque chose d'intéressant, là, à implanter un peu
partout?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Lalande.
Mme
Lalande (Lise) : Oui,
effectivement, je pense que c'est certainement un plus, un positif, d'avoir des
activités de ce type-là dans les résidences,
mais toute la vie, tous les jours de la semaine et non pas à des heures
précises. On doit quand même avoir un regard sur la qualité de vie des
gens qui vivent là, ils doivent choisir eux-mêmes. Et, si on est bien dans notre milieu de vie, si on se sent bien
accompagné, en sécurité, mais aussi maître de notre quotidien, il y a
moins de frustration. Alors, je pense que,
oui, toutes ces activités sont intéressantes, mais la base de la vie, l'heure à
laquelle on se lève, ce qu'on mange, comment on véhicule nos activités, comment
est-ce qu'on vit notre journée, c'est ce qui va contribuer beaucoup à notre
bonheur et puis possiblement à moins de stress et de frustration.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx :
Oui. En fait, ce dont je vous parlais, c'est… il y a cette salle
multisensorielle, mais c'est beaucoup plus toute une approche où il y a
un étage vraiment complètement dédié à des personnes qui sont plus atteintes et
qui fait en sorte que ces personnes-là ont
une liberté. Si ça leur tente de se promener toute la nuit, elles peuvent
déambuler. Si ça leur tente de manger à
trois heures de l'après-midi, elles ont l'opportunité de le faire. Alors, c'est
vraiment une approche centrée sur les personnes et ça rejoint un peu
votre approche humaniste, là.
Mme Lalande (Lise) : Exactement. Et
c'est ce qu'on promouvoit, de permettre à ces gens-là de vivre à leur rythme.
Ce n'est pas très compliqué. C'est plus compliqué à faire dans un système, mais
ce n'est pas si compliqué.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : En fait, il
suffit de s'organiser en fonction de ça.
Mme
Lalande (Lise) : Exactement.
Et puis il y a beaucoup… Bon, souvent on va dire : Mais comment on
peut organiser le matin si on ne lève pas tout le monde à la même heure? Mais,
justement, c'est beaucoup plus simple de les
accompagner à leur rythme. Chez nous, bien, il y en a qui vont se lever à 7
heures, d'autres, 7 h 30,
d'autres, 9 h 30, 10 heures. Alors, l'équipe a le temps
d'accompagner chaque résident dans sa petite routine du matin. Il y en a qui
préfèrent déjeuner en robe de chambre puis d'autres qui disent : Bien,
moi, j'aimerais ça faire ma toilette, m'habiller avant d'aller déjeuner. Mais on a le temps de le faire parce qu'on n'a
pas un système rigide, on a une souplesse dans notre horaire. Et nos intervenants, ils ont une
souplesse dans leur possibilité de faire autre chose. Ils ne font pas que
donner des bains, qu'accompagner une personne
à une activité, ils vont accompagner la personne, c'est ce qu'elle veut faire,
on la suit, on est là pour l'accompagner, l'aider.
Le
Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx :
Oui. Je vais laisser ma collègue députée des Îles-de-la-Madeleine…
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.
Mme
Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Merci, M. le Président.
Bonjour, mesdames, ça me fait plaisir de vous rencontrer. Puis c'est un
dossier qui me tient vraiment à coeur. Je suis la porte-parole pour la société
Alzheimer des Îles-de-la-Madeleine… c'est
Gaspésie—Les
Îles-de-la-Madeleine, je suis la porte-parole pour la Marche de la
mémoire aux Îles-de-la-Madeleine. Alors, je
marche fièrement, en juin, avec toutes les personnes qui veulent bien le faire
pour amasser les sous. Ça fait que c'est un dossier qui me tient à coeur
aussi de façon personnelle. Maintenant, alors, bienvenue.
Et
j'aimerais savoir de votre part qu'est-ce que vous pensez, en CHSLD, les
personnes qui sont hébergées, qui ont
la maladie, qui sont atteintes de la maladie d'Alzheimer, comment vous percevez
la vie de ces gens-là en CHSLD, étant
donné que c'est le but de notre commission d'essayer de voir la situation des
personnes hébergées, les personnes qui sont
atteintes d'Alzheimer puis voir vos recommandations, peut-être voir un peu un
état de situation, vu qu'on n'a pas vu, là, exactement votre perception
de ce qui se passe dans les CHSLD, et vos recommandations par rapport à la vie
des personnes qui sont hébergées.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Lalande? Mme Grégoire.
Mme Grégoire (Geneviève) : Bien, écoutez, je
pense que, dans le milieu des CHSLD, je pense
qu'il y a de plus en plus le souhait de créer des milieux de vie justement,
pas nécessairement juste pour les personnes atteintes de la
maladie d'Alzheimer, mais pour tous les
résidents de la maison, donc je pense qu'il y
a un souhait qui… Et je le dis assez
fièrement parce que je suis aussi sur le conseil d'administration du CSSS
Pierre-Boucher, alors je sais ce qui se passe dans les sept CHSLD de mon CSSS. Donc, je peux dire que c'est une vision qui
apparaît clairement dans plusieurs endroits, de créer des milieux de vie
avant de créer des milieux de travail pour les gens qui y sont.
Alors donc, je crois
que, si on pouvait multiplier cette philosophie-là dans les CHSLD, c'est sûr
qu'en termes d'organisation du travail c'est
une chose, je pense que ça prend des gestionnaires qui ont la vision de vouloir
un peu changer les choses et d'axer
évidemment les responsabilités des gens sur les personnes plutôt que sur les
tâches, ça demande un revirement un peu de situation ou, en tout cas, on
change la direction, mais je pense que le souhait de vouloir donner une qualité de vie à nos aînés et surtout aux gens
qui sont atteints de la maladie d'Alzheimer, elle est présente dans nos CHSLD. C'est un soutien et une formation qu'il
faut leur donner par rapport à l'approche que nous, on prône évidemment
dans nos sociétés Alzheimer où on a de l'hébergement.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.
Mme
Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Merci. Mais est-ce que, la
situation, d'après vous, à travers le Québec, est-ce que vous avez une vision un peu plus générale? Quelle serait la
situation à travers le Québec? Est-ce que ça répond justement à
l'approche humaniste, centrée sur la personne, ce qui est magnifique? Et
quelles recommandations avez-vous à apporter?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Grégoire.
Mme Grégoire (Geneviève) : Je pense que, en fait, ce vers quoi les CHSLD
devraient tendre, c'est d'aller vers
une approche centrée sur la personne, donc de donner la formation à leur
personnel dans ce sens, pour moi, ça, c'est important. On peut connaître
le savoir-faire… le savoir-être, c'est une chose, mais le savoir-faire, c'en
est une autre, et, quand on parle de la
maladie d'Alzheimer, c'est un contexte particulier d'approche. Évidemment,
chaque personne est différente,
chaque personne est atteinte différemment, donc, je pense que c'est important,
tous les gens qui sont en lien direct
avec les gens qui sont atteints de la maladie d'Alzheimer devraient avoir une
formation appropriée, surtout quand on parle
de comportements déroutants. L'idée, ce n'est pas de frustrer la personne qui
est devant nous, c'est le contraire, c'est d'essayer de s'ajuster à ses besoins plutôt que, nous, essayer d'ajuster
la personne aux besoins, évidemment, soit de la tâche ou de la journée. Donc, je pense que le souhait et, en fait, ce
qu'il devrait être important de véhiculer à travers les CHSLD, c'est
cette approche-là, cette formation-là. Je ne sais pas si vous voulez…
Mme Labrosse
(Ginette) : Je veux juste rajouter quelque chose.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Labrosse.
Mme Labrosse
(Ginette) : Merci. Je veux juste rajouter que l'idée générale, en
fait, c'est vraiment de voir la personne
derrière la maladie. Et c'est important d'avoir des connaissances sur la
maladie d'Alzheimer et sur l'évolution de la maladie d'Alzheimer aussi, comment ça se déroule un petit peu. Au
niveau aussi affectivement, des comportements déroutants, c'est important vraiment d'avoir des connaissances pour
pouvoir mieux intervenir auprès des personnes atteintes et mieux les
accompagner.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.
Mme
Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Merci. Je pense aussi que,
dans votre présentation, vous avez parlé qu'il
y ait maximum 12 personnes, que ce soient des regroupements de clientèles, je
pense que vous favorisez que les gens soient
regroupés mais en plus petits îlots, aussi qu'on ait des départements plus
petits, à ce moment-là, pour accueillir les personnes et avoir des soins
plus personnalisés.
Ensuite,
je voulais un peu vous entendre sur… On a reçu les spécialistes en éducation et
les loisirs en institution hier. Par rapport aux loisirs qui sont
offerts, et tout ça, qu'est-ce que vous auriez comme recommandation, là, pour
la commission?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Lalande.
• (12 h 40) •
Mme Lalande (Lise) : Merci. Bien, tout d'abord, les loisirs, c'est certain que c'est
extrêmement important, pour les gens qui ont moins à faire dans leurs
journées, d'avoir des activités intéressantes sur lesquelles ils peuvent… bon, s'amuser, se divertir. Mais il ne faut pas oublier
aussi que la vie est une activité. Et, si on est dans un petit milieu, un
milieu qui répond mieux à l'attente des gens
qui ont passé leur vie dans une maison, dans leur propre domicile, bien c'est
de leur permettre de participer aux
tâches, de faire des choses normales qu'ils feraient à la maison, alors de se
faire une petite collation s'ils ont
faim, de participer. Alors, oui, ça prend des activités structurées, et on peut
les encourager à participer, mais il
ne faut pas négliger l'aspect général
de la routine. Parce qu'on dit : Bien là, il y a
deux activités, une l'après-midi, une le
soir, ça va être merveilleux. Toute la journée... La vie est une activité.
Alors, c'est un peu ça, là, je pense qu'il faut faire attention de ne pas
combler un par l'autre.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose, il vous reste deux
minutes.
Mme
Proulx : Oui,
j'aimerais vous entendre sur votre vision, là, du rôle des familles et des...
Ceux qui étaient des proches aidants, ils sont toujours des proches
aidants une fois que la personne entre en CHSLD. C'est souvent une période extrêmement difficile, là, pour les familles qui ont à faire
des choix et à en arriver à cette solution-là. Vous, comme fédération, est-ce que vous avez des programmes...
ou comme société, plutôt, pardon, est-ce que vous avez des
programmes ou est-ce que vous avez des
initiatives, des activités pour accompagner, expliquer comme il faut la
maladie, accompagner, en fait, les
familles et les proches? Comment vous intervenez auprès des proches?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Lalande, dans une minute.
Mme Lalande
(Lise) : D'accord. Alors, bien, les sociétés Alzheimer offrent un
accompagnement tout au long de la maladie
tant à la personne atteinte qu'aux proches. Alors, c'est certain que nos
conseillers spécialisés vont faire le cheminement
avec les proches, les préparer : Voilà ce à quoi vous devez vous attendre
quand votre proche va être hébergé, et tout ça.
Mais,
il y a toujours un bobo. Quand les gens arrivent en maison
d'hébergement, souvent on se fait dire : On va vous expliquer comment ça marche chez nous. Et souvent ils nous
reviennent puis ils disent : Mais ils ne m'ont jamais demandé comment mon conjoint... lui, c'est quoi,
sa routine, qu'est-ce qu'il a besoin, qu'est-ce qu'il veut.
C'est : On va vous dire comment
ça marche chez nous. Alors, ça, c'est un gros problème de l'accueil, de
pouvoir tout d'abord donner la
place au client, dire : Mais on doit
apprendre, nous, à connaître votre conjoint. Et bien sûr on va expliquer un
fonctionnement, là. Mais ça, je pense que c'est primordial.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Maintenant, pour le bloc de l'opposition
officielle, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais :
Merci, M. le Président. Mmes Lalande, Labrosse, Grégoire, merci d'être ici. Je
tiens à vous féliciter, tout d'abord, parce que j'ai beaucoup
d'admiration pour les sociétés d'Alzheimer du Québec. Vous faites un travail remarquable et je voulais vous le dire. Je marche
avec la Société Alzheimer de Montréal et, quand j'ai eu le privilège… parce que c'est un privilège d'être ministre, on a
été capables de soutenir plusieurs sociétés qui avaient des projets pour
aider les aînés, puis j'ai même découvert qu'il y avait des personnes de 40 ans
atteintes de la maladie d'Alzheimer, là.
Moi,
ma première question, c'est… Je privilégie beaucoup les petits milieux et je
suis une amoureuse un peu de la Maison
Carpe Diem, mais j'ai aussi découvert la maison Bellini. Et c'est une question
très technique et économique : Ça coûte
combien à opérer par année, un petit milieu de vie comme la maison Bellini?
Combien ça coûterait au gouvernement pour opérer ça? Et est-ce que vous
recevez de l'aide gouvernementale pour vos cinq maisons actuellement?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Lalande.
Mme Lalande (Lise) : C'est certain… Oui, merci. Notre édifice a été un cadeau de la communauté
lavalloise, alors on n'a pas d'hypothèque,
c'est un gros plus. Alors, je ne peux pas mettre ça dans l'équation, mais ça
nous coûte à peu près 750 000 $ par année. On reçoit une
subvention pour à peu près 380 000 $. Alors, le reste, c'est de
l'autofinancement. Nos clients ont aussi un loyer à payer, les résidents, les
10 résidents ont un loyer.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : C'est une
approche assez similaire à celle de Carpe Diem, finalement, là…
Mme Lalande
(Lise) : Mais oui, c'est la…
Mme
Blais : …c'est
cette approche-là, là.
Mme Lalande (Lise) : C'est cette
approche, exactement.
Mme
Blais : Est-ce que vous auriez
dans la tête… Est-ce que ce serait quelque chose qu'on devrait
multiplier plutôt qu'à un moment donné de
juste avoir de très grands endroits qu'on doit transformer, comme la députée de
Sainte-Rose parlait, là, de son CHSLD Rose-de-Lima,
où on doit transformer, où c'est parfois très difficile? Est-ce qu'on
aurait intérêt à avoir des agents multiplicateurs de petites maisons comme ça
un peu partout?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Lalande.
Mme
Lalande (Lise) : C'est certain
qu'il y a un plus à avoir une plus petite résidence. Notre jardin, bien,
c'est un jardin de maison, on vit une vie
normale d'une maison normale. Alors, c'est certain que plus petit est le
milieu, plus tout le monde est près. Les
familles arrivent, vont venir dans le jardin, on va, bon, cultiver des plants
de tomates ou… C'est peut-être moins
possible dans un grand édifice, CHSLD où il y aurait 300 personnes, même si
elles sont dans des petits milieux à
l'intérieur, de pouvoir avoir cette espèce d'atmosphère. Nous, les résidents
peuvent sortir dehors, aller prendre
le café sur la terrasse, là, c'est… Ils ouvrent la porte puis ils sortent,
c'est fini. Ce n'est pas la même chose. Alors, c'est certain que les
plus petits milieux…
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Parce
qu'il reste encore beaucoup
de tabous. Moi, évidemment, je suis très sensibilisée à toute la question
de la maladie d'Alzheimer, mais, dans le public en général, est-ce qu'il reste beaucoup de tabous, par exemple un membre d'une famille qui commence à être atteint de
la maladie d'Alzheimer, la négation qui est autour de ça, la difficulté, à un moment donné, de la personne à vouloir accepter d'être placée parce qu'on ne veut pas quitter le domicile, toute cette problématique-là
qui est autour d'une personne qui peut développer la maladie d'Alzheimer?
Le Président (M. Bergman) : Mme
Lalande.
Mme
Lalande (Lise) : Il y a
moins de tabous qu'il y en avait, c'est certain. Mais il y a combien de
maladies graves pour lesquelles on fait encore des blagues? Il n'y en a
pas, sauf qu'on dit souvent : Ah! Je dois faire de l'Alzheimer.
Mme
Blais : On a les
sourds. On fait beaucoup de blagues sur les sourds.
Mme Lalande (Lise) : Alors, c'est
certain qu'il y a, dans la population en général, une méconnaissance de la gravité, ils vont dire : Bien, regarde, il
perd la mémoire, ce n'est pas grave. Ou les familles aussi ont une pudeur face
à la condition de leur proche qui est
atteint, donc on va plus dire : Bien oui, il ne me reconnaît pas. C'est
quand même assez anodin, «il ne me reconnaît pas», mais on ne dit pas
tout ce que ça implique derrière. Ce n'est pas juste de ne pas reconnaître la
famille. C'est tellement complexe, c'est tellement une maladie qui affecte
toutes les facultés, toutes les capacités.
Alors, oui, on a vraiment besoin de faire connaître ce qu'est la maladie
d'Alzheimer, et aussi ça permettrait à des gens d'arriver à des services
plus rapidement, parce qu'ils sont mal à l'aise, gênés, ils sont…
Une voix : Je peux-tu
rajouter?
Mme Lalande (Lise) : Oui.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Labrosse.
Mme
Labrosse (Ginette) : Oui. Je
rajouterais peut-être… Bon, dans l'animation, par exemple, du groupe des
personnes qui ont moins de 65 ans et qui ont
un diagnostic de maladie d'Alzheimer, c'est une des principales
difficultés, ils trouvent que l'entourage
s'éloigne, les amis, les anciens collègues de travail, ou quand, au début, ils
vont les aider ou les amener dans certaines activités ou venir les
rencontrer. Mais c'est une des premières choses qu'ils trouvent difficiles,
c'est que les amis, les connaissances
s'éloignent. Je voulais rajouter quelque chose, mais là j'ai perdu mon
idée… Ah oui! L'utilisation…
Une des
premières questions que les gens vont nous… Les proches aidants et les
personnes atteintes, en début de maladie,
une des premières questions qu'ils nous posent : Est-ce que la maladie
d'Alzheimer, c'est de la démence? Parce que c'est un mot encore utilisé naturellement dans le milieu médical, et
c'est un mot qui, pour eux… nous disent que ça leur fait beaucoup peur
parce que c'est comme si les gens nous voient comme si on n'avait plus de
contrôle de nos actions, comme si on était
vraiment déments. La démence réfère à quelqu'un qui est fou. Alors, ça, ils
trouvent ça difficile. C'est un tabou aussi, pour ça.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Mme Grégoire, vous êtes membre du conseil d'administration
de votre CSSS Pierre-Boucher. Est-ce que
vous avez vu une évolution au niveau de la façon d'agir dans le CHSLD, les
CHSLD sur votre territoire? Je pense que vous en avez un ou deux.
Mme Grégoire
(Geneviève) : On en a sept.
Mme
Blais :
Vous en avez sept. Est-ce que vous avez vu une évolution au niveau de… Dans les
CHSLD, est-ce que vous constatez que
c'est davantage des milieux de vie qu'auparavant? Je veux que vous me parliez
de ça.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Grégoire.
Mme Grégoire (Geneviève) : Merci. Oui, de plus en plus, il y a une volonté
pour le CSSS Pierre-Boucher de rendre
les CHSLD plus… un milieu de vie plus qu'un CHSLD ou, en tout cas, un centre de
soins. C'est sûr qu'on ne peut pas
tout changer. Ça reste qu'il y a des… Quand on parle de maladie d'Alzheimer,
bon, bien, chez nous, par exemple, dans nos sociétés, on a les gens en début et en milieu de maladie. Quand on
arrive vers une période plus avancée de la maladie, on va les transférer en CHSLD. Et ce qu'on voit,
c'est qu'on essaie de préserver un peu le souci du milieu familial. Et
on voit aussi certaines transformations, ça, je l'ai vu à travers la
Société Alzheimer Rive-Sud, où on a des résidences privées aussi qui
aujourd'hui décident de modifier des étages.
Si je prends, par
exemple, la résidence Bois-de-Boulogne, dans le nord de la ville, c'est une
résidence qui a carrément transformé son deuxième étage en milieu de vie,
changé la décoration, camouflé les racks pour les soins ou des choses, c'est plus camouflé, la salle à manger, c'est plus feutré.
On a l'impression de rentrer vraiment dans le domicile de quelqu'un. Alors, je pense qu'il y a vraiment une volonté de s'approprier cette philosophie-là à
travers les CHSLD et à travers les
résidences privées, de créer ce milieu de vie là. C'est pour ça qu'on le fait
dans les sociétés Alzheimer.
Il ne faut pas
oublier que plus on va créer ou recréer le milieu de vie le plus familial
possible, le plus souple possible, on va
garder les repères le plus longtemps possible aux gens qui sont atteints de la
maladie d'Alzheimer. Ça, c'est important
de le souligner, aussitôt qu'on en voit… Et ça, c'est une crainte. En fait,
c'est ce qu'on entend souvent de la
part des familles, quand les gens sont transférés en CHSLD, il y a comme une
déchirure qui se fait parce qu'ils savent qu'entre le milieu de vie qui est chez nous… Nous autres aussi, on a un
grand jardin thérapeutique, on a le plus grand au Québec, sur la Rive-Sud. Mais de quitter ce
milieu-là vers le CHSLD, c'est vraiment une déchirure pour les familles,
c'est d'une tristesse de les voir partir
parce que les familles se sentent qu'elles n'auront pas la même chose au niveau
familial, au niveau petits groupes. C'est
pour ça qu'eux ils sont 12, nous, on est 23, mais, dans nos 23 résidents, on a
trois secteurs, on a trois maisons
dans notre maison, donc c'est neuf personnes, neuf personnes, cinq personnes.
Même à travers 23 personnes, on a
voulu recréer un plus petit milieu justement pour faciliter… en tout cas,
s'apparenter à un peu plus le milieu familial. Alors, quand on transfère une personne de chez nous à un CHSLD, c'est
une crainte de voir qu'on ne retrouvera pas ce milieu-là feutré ou ce milieu-là familial qu'on a chez nous. Mais de
plus en plus, dans la résidence privée ou dans certains CHSLD, on voit
les transformations.
• (12 h 50) •
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne, il vous reste
cinq minutes.
Mme
Blais :
J'aimerais qu'on parle d'une réalité assez méconnue, les personnes beaucoup
plus jeunes atteintes de maladie
d'Alzheimer. On pense souvent que ce sont des personnes très âgées, il y en a,
c'est majoritaire, mais il y a aussi… Je
me souviens, aux Petits Frères des pauvres, je voyais cette personne beaucoup
plus âgée qui était avec une personne plus
jeune, puis il dit : Je suis avec mon fils, il est atteint de maladie
d'Alzheimer. Il avait 40 ans. Alors, c'est aussi une réalité, puis je
veux vous entendre sur cette réalité plutôt méconnue.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Labrosse.
Mme Labrosse (Ginette) : Merci. Les personnes de 65 ans et moins qui ont
un diagnostic de maladie d'Alzheimer, nécessairement
leurs besoins ne sont pas les mêmes que des personnes qui étaient déjà à la
retraite. Souvent, eux, ils étaient au
travail, ils ont commencé à remarquer des difficultés, alors… Et généralement
le diagnostic se fait quand même assez
sur un long terme parce que, bon, les personnes sont jeunes justement, mais ça
peut créer aussi des difficultés
financières, hein, parce que, quand on travaille tous les deux, bien, quand le
conjoint malheureusement perd son
emploi parce qu'il a un diagnostic de maladie d'Alzheimer, eh bien ça peut
créer des difficultés au niveau financier.
C'est sûr aussi,
comme je le disais tantôt, ils se sentent un petit peu abandonnés parfois, pas
par la famille immédiate, mais par l'entourage. Il y a 5 % à 7 % des
personnes qui ont moins de 65 ans qui sont atteints de maladie d'Alzheimer, mais… Donc, c'est ça, leurs besoins
sont vraiment différents, comme par exemple, au niveau de l'évolution de la maladie, à un moment donné, ils viennent
dans nos groupes de soutien, au début, seulement pour un après-midi,
mais éventuellement, quand la maladie
évolue, qu'ils seront en phase modérée, si le conjoint continue de travailler,
bien, à ce moment-là, ils viennent au
centre d'animation-répit passer la journée pour justement pouvoir être en
activité, continuer d'avoir des liens sociaux avec les gens, pour
continuer d'avoir une vie, là.
Le Président (M.
Bergman) : Madame… M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bergman) : Il vous reste trois minutes.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Bienvenue à notre
commission. Vous faites beaucoup de travail
à la maison avec les familles, vous leur offrez du support. Ce que je
comprends, vous avez également des endroits où ils peuvent aller demeurer lorsqu'ils ont une perte d'autonomie.
Est-ce que ça peut être une perte d'autonomie aussi forte que celle en
CHSLD ou c'est plus comme ressource intermédiaire?
Mme Lalande
(Lise) : Plus ressource intermédiaire.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Ressource intermédiaire. Et après ça, si la personne se
détériore, elle peut être appelée à transférer
en CHSLD. Est-ce que vous faites le suivi depuis le domicile, la ressource
intermédiaire jusqu'au CHSLD ou, lorsqu'ils sont en CHSLD, à ce
moment-là ils sont pris en charge plus par l'établissement CHSLD?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Lalande.
Mme Lalande (Lise) : Oui, exactement. On les accompagne dès qu'ils arrivent chez nous
avec un diagnostic. Et, une fois
qu'ils quittent notre résidence, ils sont relocalisés parce qu'on n'a aucun… On n'a pas d'équipement
pour pouvoir lever les personnes.
C'est leurs meubles dans leur chambre, c'est leur maison, on travaille chez
eux. Alors, c'est certain, quand ils arrivent à nécessiter à peu près,
on dit, trois heures-soins personnels par jour chacun, bien, à ce moment-là, on fait une demande de
relocalisation. Le temps que ça prend pour qu'ils soient relocalisés, c'est
certain qu'on accompagne les gens qui
sont plus avancés dans la maladie. Mais, par contre, une fois qu'ils
s'en vont en CHSLD, on les visite, les familles continuent d'avoir des
contacts avec nous, mais on n'a plus de juridiction sur les soins qu'ils
reçoivent.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste deux
minutes.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Et puis est-ce
que ça peut arriver que les gens
décèdent dans vos maisons?
Mme Lalande (Lise) : Chez nous, on a eu une résidente qui est décédée, ça a été la seule
depuis l'ouverture en 2006. Elle a
fait une crise cardiaque, elle est décédée dans son sommeil. Mais, des suites
de la maladie d'Alzheimer, ça ne va pas jusque-là.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste 1 min
30 s.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Donc, autrement
dit, vous êtes seulement
une place de transition. Puis, comme
modèle de services, est-ce que vous trouvez que c'est un modèle qui est intéressant? Parce que, si vous ne les preniez pas, je suppose que ces gens-là s'en iraient soit directement en CHSLD ou dans une ressource
intermédiaire peut-être moins adaptée pour les gens qui ont la maladie
d'Alzheimer.
Mme Lalande (Lise) : Les gens qui arrivent en hébergement… Parce que, nous, en tout cas, à
Laval, on est un petit peu différent
que Rive-Sud, là, mais on fonctionne avec le système régional d'admission.
Alors, ce n'est pas nous qui décidons de qui est sur notre liste
d'attente et qui arrive en hébergement chez nous, ça se fait avec l'agence.
C'est comme : Bon, c'est un miracle, la
prière a fonctionné, notre conjoint va arriver et va venir demeurer à la maison
Francesco… Les gens adorent, on a une longue liste d'attente. C'est ce
que les gens recherchent, un milieu de vie comme le nôtre.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est
écoulé. Mme Lalande, Mme Labrosse, Mme Grégoire, merci d'être ici avec
nous aujourd'hui et partager votre expertise avec nous.
Et,
collègues, compte tenu de l'heure, je suspends les travaux de la commission jusqu'à
15 heures cet après-midi. Et vous devez prendre vos dossiers avec
vous.
(Suspension de la séance à
12 h 57
)
(Reprise à 15 h 4)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, collègues, la commission reprend ses
travaux. Je vous rappelle que la commission
est réunie afin de procéder à des consultations
particulières et auditions publiques
sur les conditions de vie des adultes hébergés en centre d'hébergement et de
soins de longue durée.
Alors,
on a le privilège de recevoir maintenant le Protecteur
du citoyen. Merci d'être ici avec
nous, bienvenue. Vous avez 10 minutes pour faire votre
présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Pour fins d'enregistrement,
on a besoin de vos noms, vos titres. Et les prochaines 10 minutes, c'est à
vous.
Protecteur du citoyen
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Merci, M. le Président. Alors, je suis Raymonde Saint-Germain,
Protectrice du citoyen. Et je suis accompagnée, à ma gauche, de M. Michel
Clavet, qui est conseiller expert, et, à ma droite, de M. Nicolas Rousseau, qui est délégué pour les enquêtes en Soutien à
l'autonomie des personnes âgées. Mes deux collègues pourront aussi
compléter et répondre à vos questions terrain.
Alors,
M. le Président, Mmes,
MM. les députés membres de la
commission, j'apprécie votre invitation à contribuer à ce mandat
d'initiative et je vous en remercie. Le mémoire que nous avons adressé à la commission respecte l'angle
que vous avez choisi, c'est-à-dire celui de l'hébergement en CHSLD. Avant de
vous présenter certains de nos constats et suggestions, toutefois j'aimerais
vous formuler trois remarques.
Ma
première remarque concerne
l'importance de considérer l'hébergement et les soins aux personnes âgées
dans un continuum de services qui inclut des
services de soutien à domicile, l'accès aux hôpitaux et l'hébergement de
transition. Le mémoire, d'ailleurs, de la
commission y fait référence en introduction. En adoptant cette vision
d'ensemble, on constate que les personnes âgées qui le requièrent ne
sont pas toutes hébergées dans un CHSLD, faute de place. L'impact de cette réalité sur l'organisation et la qualité des
services ainsi que sur le respect des droits des personnes âgées ne doit pas
être occulté ni en CHSLD, ni en ressource intermédiaire et ni en résidence pour
personnes âgées.
Ma
deuxième remarque concerne le travail en CHSLD et plus particulièrement le
personnel qui y oeuvre. Malgré les
lacunes qui peuvent être observées dans le cadre de nos enquêtes, je tiens à
souligner que nous constatons souvent la bonne volonté, l'expertise et
le dévouement du personnel des CHSLD. Plusieurs des enjeux que nous soulevons
dans notre mémoire dépassent leur seule capacité et leur bon vouloir, et nous
constatons aussi qu'ils travaillent dans des conditions difficiles et avec des
personnes qui ont des besoins et des exigences très intensives.
Ma
troisième remarque concerne les constats et analyses contenus à notre mémoire.
Ils s'appuient principalement sur des problématiques que nous avons
identifiées lors de nos enquêtes. Le Protecteur du citoyen ne conclut pas sur les
seules allégations et sur le ouï-dire, mais à la suite d'une enquête méthodique
qui aura permis de vérifier les faits allégués.
Au cours des cinq dernières années, le Protecteur du citoyen est intervenu dans
128 des 202 CHSLD du Québec, c'est-à-dire
dans 63 % d'entre eux. Au total, 75 % des plaintes et signalements
que nous avons conclus fondés portaient sur la qualité des soins et des services, l'environnement et le milieu de
vie ainsi que le respect des droits. Pour la seule année 2012-2013, 56
CHSLD du Québec ont été visés par une ou des plaintes et signalements fondés.
Notre mémoire couvre
chacun des défis qu'a retenus la commission. Compte tenu du temps qui m'est
imparti maintenant, je vous ferai part de
quelques observations en lien avec trois de ces défis : l'accessibilité,
les services, les soins et le suivi de leur qualité.
Relativement au défi
de l'accessibilité aux CHSLD, il est documenté que le vieillissement de la
population s'accentue et que l'attente est déjà démesurément longue pour y
accéder. Compte tenu que le nombre de places est stagnant, voire en diminution, nous nous interrogeons sur
l'accessibilité réelle des places en CHSLD pour la prochaine génération. Nous formulons trois suggestions à la
commission. Elles concernent les modalités d'accès à l'hébergement, y inclus transitoire, la qualité et la clarté des
communications à ce propos avec les personnes âgées et leur famille, et
enfin l'impact de l'augmentation prévisible de la demande d'hébergement public
sur l'offre de services.
Relativement
au défi des services et des soins, l'assistance aux activités de la vie
quotidienne constitue la source la plus
importante d'insatisfaction des résidents hébergés dans les CHSLD. Alors que le
maintien et le renforcement des capacités des personnes hébergées sont
l'un des principes directeurs des orientations ministérielles pour un milieu de
vie de qualité, nos enquêtes révèlent que le
plan de travail quotidien des préposés laisse peu de marge de manoeuvre
pour respecter ces conditions pourtant à la base d'une réponse adéquate aux
besoins.
Dans
plusieurs CHSLD ayant fait l'objet d'une enquête, nous observons, par exemple,
que le personnel n'est pas en mesure de prendre le temps de s'asseoir
pour aider les résidents durant les repas ou pour interagir avec eux de façon
personnalisée à un moment qui est opportun. Nous faisons le même constat pour
les soins d'hygiène et le seul bain hebdomadaire.
Des résidents déplorent aussi le long délai d'attente que l'on met à répondre à
leurs appels en utilisant les cloches
d'appel. Des aménagements dans l'organisation du travail ne sont pas toujours
faits pour favoriser un maximum de présence du personnel aux périodes de
pointes. Pour soutenir l'implantation d'un milieu de vie adapté aux besoins particuliers des résidents hébergés, on ne peut
faire l'économie d'une meilleure organisation du travail et d'une
mobilisation accrue du personnel afin qu'il adapte ses façons de faire pour
mieux répondre aux besoins de base des résidents.
• (15 h 10) •
J'aborde
maintenant le défi du suivi de la qualité des services et des soins. Dans son
document de consultation, la commission
s'interroge sur la suffisance et sur la capacité des sept mécanismes qu'elle
identifie pour assurer des services et des
soins de qualité dans les CHSLD. À notre avis, ces mécanismes sont
théoriquement adéquats et certes assez nombreux. Ce qui nous préoccupe, c'est le manque de proactivité, de constance
ainsi que des lacunes dans le suivi des recommandations pourtant
acceptées par les instances à qui elles ont été adressées. De plus, lorsque des
problèmes sont identifiés dans ces mécanismes, les délais sont beaucoup trop
longs pour les corriger.
J'en
prends pour exemple les difficultés que nous observons dans le contrôle de la
qualité lorsqu'il y a achat de places d'hébergement transitoire dans le contexte d'ententes conclues
entre les CSSS ou les agences et des ressources privées. Le phénomène est
d'ailleurs croissant en raison des délais d'accès aux CHSLD. Le Protecteur du
citoyen a à maintes reprises identifié des lacunes dans ces ressources
d'hébergement transitoire quant à la formation de la main-d'oeuvre
et à l'encadrement clinique sur place. Ces lacunes ne permettent pas
d'assurer une prestation de soins adéquate et sécuritaire pour les résidents en toutes circonstances et en toutes
ressources. Or, l'usager a besoin et a droit à la même qualité des soins
et des services, peu importe le type d'hébergement où le réseau public le
réfère en attendant qu'une place en CHSLD, celui de son choix, se libère.
Le
Protecteur du citoyen n'a pas en soi de réserves quant au principe des
ententes d'achat de places. Cependant, il a marqué et continue de marquer son inquiétude envers le contrôle
insuffisant du suivi de la qualité que nous constatons. Plusieurs CSSS
et agences ne se dotent pas de procédures adéquates pour favoriser un choix
éclairé et judicieux d'un partenaire privé. À notre avis, les éléments suivants liés à l'organisation du travail méritent d'être mieux
considérés : les critères d'évaluation et d'embauche du personnel de ces ressources, les habiletés et les
compétences de ce personnel en fonction
du profil de la clientèle, les ratios de personnel par rapport au nombre de
résidents dans ce milieu particulier et les outils d'encadrement
clinique.
Nous
attendons avec intérêt les suites concrètes de la révision en profondeur qu'a
entreprise le ministère de la démarche
des visites d'évaluation dans les CHSLD, qui se feraient dorénavant sans
distinction à l'égard du statut public ou privé d'une instance et en considérant les achats de places dans des
ressources privées. La mise en oeuvre de cette nouvelle approche est
prévue pour ce printemps.
Dans le
contexte où les ressources aux partenaires privés iraient en s'accroissant, il
est d'autant plus essentiel que les CSSS et les agences assument leurs
responsabilités de suivi de la qualité des services dispensés aux usagers
qu'ils dirigent vers ces partenaires privés.
C'est pourquoi nous suggérons à la commission de demander au ministre de la Santé et des Services sociaux d'instaurer une politique d'assurance qualité assortie d'un plan d'action à la lumière de la présente consultation et d'inclure dans ses préoccupations l'examen de procédures qui favoriseront le choix éclairé d'un
partenaire incluant les mécanismes de contrôle de qualité auxquels il serait
assujetti.
En conclusion, relever les neuf défis qu'a retenus la commission exige une vision
d'ensemble, un plan d'action
intégré incluant un contrôle adéquat de la qualité et une action soutenue. Pour
ce faire, l'adhésion et l'appropriation concrète du concept de milieu de vie par
tous les acteurs du réseau, notamment les dirigeants d'établissement, est essentielle. Leur leadership fort doit faire la
différence, car les problèmes à solutionner et leurs causes sont bien
connus, un leadership centré sur la résolution
de problèmes et qui ne perd pas de vue la dimension humaine, de loin la plus
primordiale que doivent considérer tant les
gestionnaires que les membres du personnel à tous les niveaux. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Bergman) :
Merci pour votre présentation. Maintenant, pour le bloc gouvernemental, Mme la
députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : Merci,
M. le Président. Bonjour, messieurs,
Mme Saint-Germain. Ça me fait plaisir d'échanger avec vous. Plaisir, oui et non. Je vous avoue que,
quand on vous entend, on a une impression, là, qu'il y a énormément de problèmes à régler dans notre système.
Vous mentionnez dans votre mémoire, là, qu'au
cours des cinq dernières années le Protecteur du citoyen est intervenu dans 128 CHSLD et qu'il y avait
51 % des plaintes qui étaient
fondées, comparativement à 43 % dans le reste du système de santé. Est-ce que vous pouvez expliquer
cet écart? Avez-vous une explication par rapport à cet écart en termes de
niveau de plaintes fondées qui paraissent plus élevées dans les CHSLD?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Saint-Germain.
Mme Saint-Germain (Raymonde) :
Merci. Alors, M. le Président, effectivement cette explication, nous, on l'oriente beaucoup vers le fait que, dans les
CHSLD, il y a une demande qui est plus grande que la capacité actuelle
de satisfaire les besoins, d'une part, et que, d'autre part, des alternatives
ont été prises, qui devaient être prises mais qui en soi entraînent aussi un certain nombre de difficultés, et j'en ai
fait état dans ma présentation. Notamment, souvent, on a nécessité de
désengorger les hôpitaux. On doit donc utiliser des ressources de transition
mais qui ne sont pas toutes adaptées ou qui
n'ont pas toutes en temps opportun le personnel en mesure de prendre charge
adéquatement personnes. Donc, délai
d'attente important et, je dirais, offre de services qui n'est pas toujours
adaptée aux besoins de la clientèle.
Vous me
permettrez, M. le Président, vous dites que c'est un peu, comment dire, ce
n'est pas le mot que vous avez utilisé, mais je vais dire «décourageant»
d'entendre le Protecteur du citoyen. Je vous dirais que non, au contraire, parce qu'il faut bien voir que d'une
part nous faisons la part des choses, nous reconnaissons aussi qu'il y a
des bonnes pratiques, qu'il y a du personnel dévoué, et surtout il faut
regarder qu'une plainte pour laquelle on trouve une solution, c'est un intrant pour améliorer la qualité. Donc, il faut
regarder aussi les choses constructivement. Je reconnais que ce qui est positif, ce qui est une bonne nouvelle
ne fait pas nécessairement les manchettes, mais je tiens quand même à
vous dire que le Protecteur du citoyen fait la part des choses.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : J'aimerais, de
votre point de vue, savoir si vous constatez plutôt une amélioration ou une
dégradation de la situation si on prend comme indicateur les plaintes et non
seulement le nombre, mais la sévérité. Est-ce
que vous voyez un changement dans les dernières années? Est-ce qu'on a tendance
à voir des situations plus graves qui
sont la cause, là, des plaintes que vous recevez ou si, au contraire, vous
constatez une amélioration de la situation?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Saint-Germain.
Mme Saint-Germain (Raymonde) :
Alors, nous constatons que la situation comme telle est plus complexe à gérer qu'elle ne l'était il y a 15 ans, il y a
20 ans. Votre document de consultation y fait aussi référence, c'est que
les besoins des
personnes sont de plus en plus complexes, et l'adaptation du réseau n'est pas
encore parfaitement au niveau. Et, sur
ce point, M. Rousseau, qui m'accompagne, M. le Président, est un délégué qui
est spécialisé dans les enquêtes auprès des personnes âgées, et j'aimerais qu'il vous donne des exemples très
précis de ce qu'on constate sur le terrain et qui est justement une
illustration… pas exceptionnelle, mais une illustration probante de situations
vécues dans ce contexte d'aggravation.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : Oui. Bien, je
laisserais monsieur nous donner ses exemples.
Mme Saint-Germain (Raymonde) :
M. Rousseau.
Mme Proulx : M. Rousseau.
Le Président (M. Bergman) :
M. Rousseau.
M.
Rousseau (Nicolas) : M. le Président, la question qui nous est posée, c'est : L'évolution, au cours des dernières années, de la situation, est-ce qu'il y a une
détérioration, une amélioration? C'est sûr qu'au cours des dernières
années il y a eu des bouleversements dans la
clientèle qui était accueillie en CHSLD. Aujourd'hui, 85 % de la clientèle
qui est reçue en CHSLD, ou environ,
aura des déficits cognitifs. On remarque une augmentation des gens qui, avec
ces problèmes cognitifs là, ont des
troubles de comportement, agressivité, d'autres troubles de comportement. Et
nous, notre préoccupation de sécurité
par rapport à ça, c'est surtout une préoccupation sur les agressions qui
surviennent entre les résidents de plus en plus.
Il y a beaucoup de familles qui s'adressent à
nous en se plaignant, dans le fond, que d'autres résidents entrent dans la chambre de leur parent, en se plaignant
que leur parent est pris par les poignets par d'autres résidents qui ont
des troubles de comportement, qui sont devenus agressifs, pas parce qu'ils sont
agressifs, mais parce qu'ils sont malades, dans
le fond, des gens qui rentrent dans leur chambre, qui crient des vulgarités,
qui disent des obscénités. Donc, souvent, c'est la préoccupation qu'on a par rapport à l'évolution de la
clientèle. C'est, dans le fond, l'accentuation de la présence de
troubles de comportement qui crée, sur les unités d'hébergement régulières, des
frictions entre des types de clientèles qui ne sont pas toujours compatibles.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx :
J'aimerais ça que vous nous donniez peut-être encore, M. Rousseau, si vous avez
des exemples, ou Mme Saint-Germain,
par rapport aux mesures transitoires, parce que vous n'êtes pas les premiers à
nous soulever cette question, cette
préoccupation, là, par rapport aux mesures transitoires, et j'aimerais ça que
vous puissiez nous illustrer la nature des plaintes… en fait, la nature
des difficultés que rencontrent les personnes âgées avant de pouvoir arriver
réellement dans un milieu qui répond à leurs besoins.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Saint-Germain.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : M. le Président, avant de laisser la
parole au délégué qui effectivement va dans
les CHSLD, là, directement, notre préoccupation dans ces situations-là, elle
est aussi en amont du transfert, et
des recommandations sont faites précisément. Il est important que ces
ressources-là soient choisies à la fois pour leur capacité d'accueillir
des personnes qui normalement devraient être en CHSLD mais pour lesquelles on
n'a pas encore de place. Et là est une
partie des difficultés qu'on rencontre, c'est que, malgré toute la bonne
volonté… encore une fois ce n'est pas
un blâme, mais il y a un choix de ressources qui ne répond pas toujours aux
standards qui sont ceux du ministère de la Santé, qui sont des standards
adéquats : personnel insuffisamment qualifié, insuffisamment formé pour
composer avec des personnes qui exigent un comportement particulier du
personnel pour bien les encadrer, bien travailler
avec eux. Alors, ce sont toutes sortes de dimensions. Je vais demander à M. Rousseau de vous illustrer des
cas concrets, qui ne sont pas, encore une
fois, des cas d'exception, mais qui sont représentatifs des plaintes que nous
concluons... nous constatons.
• (15 h 20) •
Le Président (M. Bergman) :
M. Rousseau.
M. Rousseau (Nicolas) : Merci, M. le
Président. Par rapport à l'hébergement de transition, nous, ce qui nous inquiète le plus et ce qu'on nous reflète le plus
comme insatisfaction chez les familles, c'est... Parce que, présentement, avant d'accéder au centre d'hébergement que les familles ont choisi comme lieu permanent d'hébergement, bien il y a une transition qui est imposée, un hébergement de transition dont la durée varie mais qui est presque
systématiquement imposé avant d'accéder, dans le fond, au centre d'hébergement
de notre choix.
Ça, ça
implique nécessairement que toutes les personnes âgées ou à peu près
ont à vivre au moins dans deux CHSLD différents avant d'accéder dans
celui-là qu'ils ont choisi. À ça, des fois il faut ajouter un centre d'hébergement
où ils ont été évalués pendant 30 jours ou
45 jours. Donc, on peut compter trois CHSLD. Et à ça s'ajoutent les autres
transitions que la personne a vécues avant
d'arriver en CHSLD : quitter son domicile, aller en résidence privée,
aller en ressource intermédiaire, et ainsi de suite.
C'est
sûr que nous, ce n'est pas rare qu'on reçoive des... La plupart de nos
dossiers, les personnes âgées
qu'on rencontre dans nos dossiers ont
souvent vécu cinq, six déménagements dans les deux ou trois dernières années
précédentes. C'est souvent plus de
déménagements que tout ce qu'ils ont vécu dans leur vie de 90 ans souvent et
plus, là. Donc, c'est sûr que c'est
une préoccupation qu'on nous reflète souvent, la question
des transitions, surtout que le lieu de la transition n'est pas choisi,
c'est imposé.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : Oui. Et toujours en lien avec cette question, est-ce que
vous pouvez nous dire si la situation
que vous décrivez, on la rencontre particulièrement dans les régions ou en région urbaine, Montréal, Québec? Est-ce que vous pouvez nous faire le
comparatif, là, de ces situations-là?
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : On peut vous faire un comparatif qui est relatif. On a fait cet
exercice de documenter nos plaintes
en proportion par les régions, et il est bien évident que plus il y a
de population, plus il
y a de CHSLD, plus le nombre de plaintes était important. C'est presque
une question de logique mathématique. On s'est donc rendu compte qu'il y a une conclusion qui n'est pas liée aux
régions, mais qui est plus liée aux établissements. Il y a des
établissements qui sont plus performants et qui vont, par exemple, prendre des mesures qui sont liées à l'organisation du travail, prendre des mesures qui sont liées à un
personnel davantage formé, davantage axé vers la réponse aux besoins des usagers, et ce sont ces expériences-là qui sont,
je dirais, les plus probantes. Et on en trouve dans différentes régions,
mais on ne peut pas dire qu'elles sont concentrées dans une région plutôt que
dans une autre. On voit, par exemple, au niveau des plaintes, Montréal est surreprésentée. En d'autres termes, c'est 36 % de nos plaintes qui proviennent de
Montréal, alors que la proportion de la population de Montréal est de
30 %. Je me retourne vers le statisticien, là.
Le Président (M. Bergman) :
M. Clavet.
M. Clavet
(Michel) : Oui, M. le
Président. Mme, MM. les députés. C'est 39 %, en fait, le chiffre qu'il
fallait...
Mme Saint-Germain (Raymonde) :
39 % de nos plaintes, c'est ça.
M. Clavet (Michel) : Voilà, mais il
compte pour 30 % des établissements, mais on n'a pas encore réussi à comptabiliser le nombre de places d'hébergement
qu'il y a dans ces établissements-là. Donc, on s'attend, une ville comme
Montréal, que les CHSLD soient de plus grande amplitude que ce qu'on retrouve
en région qui n'est pas urbanisée de cette façon-là.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Donc, pour répondre à la question,
il faudrait qu'on ait compté le nombre de places par région. Mais on pense que, même si on le faisait, ce ne
serait pas si probant parce que c'est beaucoup la question de l'initiative d'un directeur d'établissement, du
directeur ou de la directrice des programmes, qui fait en sorte que,
dans ces ressources-là qui sont... ou pour
lesquelles on a moins de plaintes et où on trouve un plus grand degré de
satisfaction des résidents, tout est
axé en fonction du service, je dirais, de la souplesse aussi. Par exemple,
pourquoi les bains sont tous le matin? Dans les exemples réussis qu'on
a, on trouve des situations où le bain est donné le soir. Il y a des personnes
pour qui c'est mieux comme ça. Pourquoi le travail n'est pas organisé en
conséquence?
On a trouvé
des situations — moi-même,
j'ai de la difficulté à accepter ça — où l'organisation du travail fait en
sorte qu'une partie du personnel va prendre ses repas en même temps que la
clientèle. Il faut organiser autrement le travail.
Et, je dirais, ça, ce n'est même pas une question d'argent, là. Dans tout ce
qu'on vient de donner comme exemples de réussite, il n'y a pas, encore
une fois, une question d'argent, il y a une question d'être tourné vers ce
service à la clientèle, le respect du milieu de vie, le respect des besoins de
la clientèle.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : Vous soulevez
quelque chose d'extrêmement important et, encore une fois, ce sont des commentaires… ou des constats plutôt qu'on a
entendus de d'autres intervenants qui sont venus témoigner. Toute cette
question, en fait, c'est une question, comme vous le dites, d'organisation du
travail où — tu
sais, tout dépend de la vision et du point de vue — ou bien on adapte la
personne bénéficiaire à l'organisation du travail de l'institution ou, au
contraire, on adapte les services aux besoins de la personne.
Et, avec les
visites que vous faites, là, pour les enquêtes que vous faites sur les plaintes
que vous recevez, quel constat vous faites, de façon générale, au
Québec, dans l'ensemble des CHSLD, de cette vision et de cette volonté d'organiser les services autour des besoins des
personnes? Est-ce que c'est quelque chose que vous trouvez qui est
présent ou qui n'est encore pas vraiment développé et que ce sont uniquement
quelques initiatives ici et là, ou si c'est de plus en plus généralisé?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Saint-Germain.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : En fait, notre angle, bien sûr, est
toujours celui d'une plainte, hein? Ce qui déclenche notre intervention, c'est une insatisfaction. On constate que
les orientations ne sont pas suffisamment implantées de façon
généralisée, elles sont implantées à
certains endroits, mais il y a encore beaucoup de place à l'amélioration.
Et ça, c'est un constat qui est décevant, parce que ces orientations-là, elles
datent quand même d'une dizaine d'années. Et, au-delà
des orientations, quand on est à la direction d'un établissement qui a pour
mission d'accueillir des personnes âgées, de les accueillir sur une période de relative longue durée — moi, quand on me dit 18 mois, c'est
presque des soins palliatifs, je suis en total désaccord avec ça —je pense
qu'on n'a même pas besoin d'orientation pour réaliser que ces vers ces
personnes-là, vers la satisfaction de leurs besoins qu'il faut se tourner.
Alors, ce
qu'on constate, je dirais, il y a de la bonne volonté, mais il y a encore un
tour de roue très important à donner
dans les CHSLD mais aussi dans les partenariats, dans les ressources qui sont
partenaires des CHSLD pour que partout les personnes soient vraiment
prises en compte et mieux considérées. Et, encore une fois, c'est une question
d'organisation du travail, de formation du personnel.
Et c'est une
question de leadership de la part des directeurs d'établissement. Il faut
qu'ils soient sur le terrain aussi, et,
dans nos enquêtes, on ne les trouve pas tous dans les corridors, sur le
terrain. On trouve beaucoup plus de personnel… et de plus en plus, d'ailleurs, du personnel qui est
du personnel de… des préposés aux bénéficiaires, des infirmières
auxiliaires. Ils forment de plus en plus la
majorité du personnel qui s'occupe le plus des personnes hébergées en CHSLD.
Alors, c'est un constat qu'il faut faire : formation adéquate du
personnel, encadrement adéquat du personnel et prise en compte des besoins des
usagers.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx :
Si je comprends bien ce que vous dites, quand vous parlez de c'est une question
de leadership, c'est vraiment une question de vision, là, c'est une
question de volonté, parce que, sinon, on peut difficilement expliquer les disparités entre les centres autrement que par
une question de volonté et de vision, et d'assumer un leadership, et de
centrer les services sur la personne.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Saint-Germain.
Mme Saint-Germain (Raymonde) :
…de prendre quand même des initiatives. M. Rousseau le soulignait notamment, il y a de plus en plus de situations où
des personnes âgées qui sont en perte cognitive vont vivre des
difficultés de… par exemple, qui vont les
rendre agressives, ou encore une mixité de clientèles où il y a des personnes
qui avaient des problématiques de santé mentale toute leur vie et, bien
sûr, qui les ont encore à cet âge-là. Et pourquoi il n'y a pas plus d'étages qui sont réservés ou de chambres qui
sont réservées avec ces personnes-là avec, à ce moment-là, un ratio de personnel qui soit suffisant? Dans certaines
situations, on va en trouver qui sont parsemés un peu partout sur les
étages. Alors, il y a encore place, à mon avis, à de l'initiative.
Et, si vous
permettez, je pense que M. Rousseau serait en mesure de donner encore des
exemples de situations vraiment
concrètes et, encore une fois, je le redis, qui ne sont pas des cas
d'exception, mais qu'on trouve dans différents CHSLD dans différentes
régions.
Le Président (M. Bergman) :
M. Rousseau.
M.
Rousseau (Nicolas) : Oui. Merci, M. le Président. Dans le fond, ce qui
ressort pas mal de nos dossiers, des situations
qu'on voit dans nos enquêtes, c'est justement, comme Mme Saint-Germain vient de
dire, l'approche milieu de vie qui
est encore incomplète, qui est encore implantée de manière partielle dans
beaucoup d'établissements, pas par mauvaise volonté, mais c'est ça.
Par exemple, le moment du repas, on sait que
c'est un moment important, un moment crucial dans la vie des personnes qui vivent en CHSLD. C'est l'activité
principale pour certains d'entre eux, pour plusieurs d'entre eux. Or,
nous, on voit, dans nos enquêtes, souvent
des lacunes sur l'approche, sur l'ambiance des repas, sur… Par exemple,
beaucoup de membres du personnel restent
encore debout, qui nourrissent les personnes âgées debout plusieurs à la fois,
soit parce qu'ils n'ont pas eu la
formation qu'il faut, soit ils ne sont pas assez nombreux pour suffire à
répondre à tout le monde. On voit aussi
des délais d'attente pendant les repas qui ne sont pas animés, où les personnes
attendent leurs repas toutes installées mais que ça attend longtemps
sans être stimulées. D'autre fois, on voit aussi, après que le repas soit
terminé et que la personne a fini son assiette, on voit que des gens sont
laissés pendant un bon moment à eux-mêmes. Il y en a même qu'on voit s'endormir
devant leur assiette, avec leur tablier encore puis de la nourriture au coin
des lèvres.
Donc, c'est dans des trucs concrets comme ça que
nous, on dit que l'approche milieu de vie n'est pas encore implantée
complètement et que, si on voulait le faire, c'est de résoudre des situations
comme ça. On pourrait aussi parler de soins
d'hygiène, qui, dans beaucoup d'endroits encore, malheureusement, le personnel
y va un peu machinalement, n'a pas le
temps ou ne prend pas le temps de créer un lien personnel avec le résident pour
justement avoir ce qui est à la base d'une approche milieu de vie.
• (15 h 30) •
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Sainte-Rose, il vous reste trois minutes.
Mme Proulx :
Est-ce que vous pourriez nous parler un petit peu de votre vision, là, du
mode de financement des CHSLD et quels sont les constats que vous êtes à même
de faire?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Saint-Germain.
Mme Saint-Germain (Raymonde) :
Merci, M. le Président. Au niveau du financement, d'une part, la contribution ou la hauteur de la contribution de
la personne hébergée ne fait pas l'objet de plainte chez nous. Jusqu'à maintenant, on n'a pas reçu de plainte en disant
que c'était un montant qui était trop élevé par rapport aux personnes, et cela — notre
interprétation — est
dû au fait qu'il y a notamment un programme qui est géré par la RAMQ, qui permet de tenir compte de la situation
particulière de certaines personnes et de donner des exonérations, bon, totales ou partielles.
Par
contre, sur cette question-là, il y a la dimension, je dirais, plus globale du
financement, pour laquelle je laisserais mon collègue M. Clavet, qui a examiné particulièrement nos plaintes et
les solutions qu'on préconise dans ce volet-là, là, de votre… pour ce
défi-là, pardon.
Le Président (M.
Bergman) : M. Clavet.
M. Clavet
(Michel) : Oui, merci, M. le Président. Oui, c'est un important défi,
en effet, comme Mme Saint-Germain l'indique.
La hauteur, en effet, de la tarification, la répartition ou la hauteur de la
contribution maximale qui est demandée aux usagers ne fait pas l'objet
de plaintes chez nous. Cependant, les plaintes se portent particulièrement sur le Règlement d'application de… — je vais vous le nommer avec son titre
officiel — Règlement
d'application de la Loi sur les
services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris, chapitre
S-5, r.1. Mais, en fait, c'est dans ce règlement d'application là que
sont déterminés les paramètres puis les exemptions qui sont permises au niveau
de l'allocation financière maximale qui est
permise, qui est encore de 2 500 $, qui est reliée au règlement d'application
de l'aide sociale qui date de 1983. Et ces
hauteurs de financement là qui sont accessibles aux usagers, elles n'ont pas
été modifiées depuis ce temps-là. Ça cause un problème. Ça, c'est un
premier problème.
L'autre problème
qu'on rencontre, c'est que les autorités administratives en place, elles ne
peuvent pas… elles ne disposent pas d'un
pouvoir d'exception dans des cas qui sortent de l'ordinaire. Il y en a qui ont
été médiatisés. Par exemple, c'est le
cas d'une mère de famille avec trois enfants, qui était, bien entendu, en bas
de 65 ans, et qui avait une maladie
de dégénérescence, qui a fallu habiter en CHSLD, et son conjoint n'était pas
exempté parce que sa conjointe était
considérée comme une personne à charge puisqu'ils étaient mariés. Les conjoints
de fait ne sont pas assujettis à
cette particularité-là. Donc, à ce moment-là, ça a pris une décision
discrétionnaire du ministre pour que les versements soient ajustés en conséquence. Nous, on considère qu'il y a
un problème là, au niveau du règlement, et on a écrit au ministre pour
l'aviser de ça. Puis le ministre même reconnaît le problème et aussi dit… Oui…
Une voix :
…
M. Clavet
(Michel) : Merci.
Le Président (M.
Bergman) : …le temps est écoulé pour le côté ministériel.
Maintenant, pour l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président.
Bienvenue à notre commission puis félicitations pour votre travail. Puis j'ai beaucoup aimé votre
commentaire. Les gens voient une plainte comme étant une question de
qualité, mais il faut voir aussi, dans le
réseau de la santé, une plainte comme étant une façon de s'améliorer et de
l'amélioration continue. D'ailleurs, dans
les établissements, il y a des programmes où on encourage les gens à dire leurs
insatisfactions, de façon à ce qu'on puisse savoir c'est quoi qu'il y a à
améliorer.
Ça
fait que c'est triste parce que souvent, la perception de la population, une
plainte égale avec mauvaise qualité, alors qu'il faut voir aussi une
plainte comme étant un processus d'amélioration. Et, lorsqu'on voit ça juste
comme étant un jugement qui est mauvais,
c'est le contraire, les gens ont tendance à diminuer le nombre de plaintes.
Puis un des constats qu'on fait dans
le réseau de la santé, c'est, des endroits où est-ce qu'il y a beaucoup de
plaintes, ce n'est pas parce que c'est mauvais, c'est souvent parce
qu'ils s'en occupent et, plutôt que de dissimuler les plaintes, ils les
traitent, ils les déclarent comme il faut. Je ne sais pas si c'est le constat
que vous avez vu également, là.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Saint-Germain.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Il y a deux volets dans les constats
qu'on fait au niveau du traitement des plaintes.
Souvent, ce sont des plaintes individuelles ou avec un effet collectif, disons,
dans un CHSLD, une insatisfaction sur
la façon dont les repas sont servis, et effectivement, pour une plainte, si
c'est bien pris en charge, ça va prévenir 10, 12, 20 plaintes. Ça, ça va
bien et ça se règle bien dans ces situations-là.
Mais ce qui est plus
difficile, c'est lorsque ça va toucher des problèmes systémiques, des
modifications à des règlements, à des
pratiques ou des ententes qui sont, comment dire, mal... une organisation du
travail qui est inadéquate et qui ne
se corrige pas au fur et à mesure des plaintes. Il y a beaucoup d'enjeux qui
sont liés à une organisation du travail qui est déficiente, et moi, je
redis que ce n'est pas, dans ces cas-là, une question d'argent. On dit
souvent : Ça coûte cher, hein, régler ces problèmes-là, mais, dans
plusieurs situations qu'on observe, on n'est pas à des solutions qui ont une
incidence financière.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci, M. le Président. Et je suis entièrement d'accord avec vous. Et même,
souvent, quand on fait les correctifs, quand
vous regardez au financier, ça peut coûter moins cher parce que les gens se
donnent la peine de revoir les processus et de corriger la défectuosité ou
encore la méthode de travail. Vous avez eu combien de plaintes concernant les
CHSLD au cours d'une année comme l'année dernière?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Saint-Germain.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Alors, sur cinq ans, le nombre
concernant les CHSLD strictement, c'était 831, et l'année dernière
spécifiquement, nous sommes à...
M. Clavet
(Michel) : Entre 125 et 150 par année.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Mais je dois préciser que le
Protecteur du citoyen est le dernier recours, hein? Sans qu'il traite les plaintes, il y a quand
même... Nous, on encourage beaucoup le rôle des comités d'usagers pour
faire de la prévention. Il y a aussi, bien
sûr, le commissaire local aux plaintes et à la qualité des services, qui
reçoit, lui, beaucoup plus de plaintes que nous parce que c'est quand
même en premier niveau. Nous, c'est le dernier recours.
Alors,
c'est quand même significatif comme nombre de plaintes, compte tenu aussi du
fait que les personnes qui se plaignent ou leurs proches sont dans des
situations assez particulières. Et, pour se plaindre, il faut vraiment, là,
avoir essayé les autres recours, avoir essayé autrement de régler le problème,
et, si ça ne s'est pas réglé, donc on vient au dernier recours qui est le
protecteur.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Oui. Merci, M. le Président.
Moi, j'allais vous faire décrire, justement, ce processus-là, où il y a des plaintes qui peuvent être déposées
au niveau de l'établissement. Chaque établissement de santé au Québec a
un responsable de la qualité et des
plaintes, et puis, après ça, il y a un recours à votre niveau lorsque les gens
sont insatisfaits. Mais il reste
que... Je suis d'accord que c'est significatif, mais il n'en demeure pas moins…
puis je ne veux pas diminuer l'importance des plaintes, mais il n'en
demeure pas moins que c'est 40 000 usagers que nous avons à chaque année
dans le réseau de la santé. Donc, c'est 125 pour 40 000 usagers que nous
avons dans le réseau de la santé.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Saint-Germain.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : ...M. le Président, c'est une
approche... Si on dit ça comme ça, on laisse de côté toutes les
personnes vulnérables ou toutes les lacunes d'un système qui, malgré tout, a
encore des lacunes. Et, comme on le disait
tout à l'heure, l'important, c'est de considérer, là où il y a eu des
dysfonctionnements, les causes de ça — parfois, c'est simple à
régler, parfois, ça l'est moins — et qu'on ait justement un plan de match
pour que ça ne survienne plus.
Et j'ajouterais même,
il y a une partie de ces plaintes-là que l'on considère non fondées et pour
lesquelles le Protecteur du citoyen motive
aux usagers ou à leurs proches pourquoi l'établissement a bien agi, en fonction
de quels droits, de quels programmes,
de quels services c'était adéquat de fonctionner comme ça. Alors, ça amène
autant, je dirais, au niveau des
usagers, à une plus grande confiance dans les établissements et dans le
traitement adéquat qui a été donné qu'à une correction, auprès des
établissements, de dysfonctionnement. Et c'est étonnant de voir combien de
représentants d'établissement, que ce soient
des commissaires, des directeurs généraux, même des présidents de conseil
d'administration, qui nous remercient, quand
on a fait des enquêtes, de la manière respectueuse dont on a fonctionné,
impartiale aussi, et ils sont
d'accord avec nos recommandations et ils les mettent en place. Donc, il faut le
voir constructivement, effectivement.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
• (15 h 40) •
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : D'ailleurs, c'est comme ça que
je le vois, parce que toute plainte mérite d'être traitée, et ce qui est important, c'est qu'on ait confiance
dans le traitement des plaintes. Et puis moi, ce que j'ai vu dans le
réseau, parce que j'ai participé, justement,
à la mise en place de la loi, puis je donnais la formation sur les plaintes…
Puis je peux vous dire que le fait
d'avoir des gens qui s'occupent des plaintes, ça permet de dire aux gens :
Au moins, je sais que je peux aller
cogner à une porte. Parce qu'il y a eu une époque, tu allais voir le directeur
général, tu allais voir le directeur, tu ne savais pas où aller, tandis que là il y a une porte d'entrée qui est
unique, qui est le responsable des plaintes, qui par la suite a
l'obligation de traiter la plainte.
Moi,
je pense que ça a beaucoup augmenté
la confiance dans le réseau, mais surtout ça a beaucoup augmenté la qualité, parce
que, si on se donne la peine de
traiter la plainte, surtout dans la perspective de mettre en place un système
qui fait que ça ne se reproduira pas... Parce que 90 % des gens, quand
vous leur demandez : Pourquoi vous faites une plainte?, regarde, on ne veut juste pas que les autres vivent la même
chose, c'est souvent ça qu'ils vont dire. Ça fait que je veux vous féliciter pour le travail avant de
passer la parole à nos collègues. Et vous êtes essentiels dans notre réseau
de la santé pour s'assurer de la qualité puis surtout d'établir une confiance
avec les usagers.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Saint-Germain, voulez-vous faire un commentaire?
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : M. le Président, je pense que ces
propos-là vont faire plaisir à mon équipe, qui travaille vraiment très,
très fort. Alors, je les accepte et je les accepte en leur nom. Ils le méritent
vraiment.
Et je dirais
qu'il y a aussi le comité des usagers. Vous cherchez souvent, et nous
aussi, des exemples de bonnes
pratiques. Les directeurs d'établissement, les conseils d'administration, qui
travaillent de près avec les comités des usagers, c'est souvent ceux qui ont les plus grands succès parce qu'ils
font plus de prévention puis ils sont capables de faire vraiment la part
des choses. Et les comités des usagers sont sur le terrain. Alors, c'est
vraiment important aussi de les considérer.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : On veut tous vous
poser des questions, alors je serai succincte. Une question 1 avec a et b.
Vous savez, pendant la consultation publique
sur les conditions de vie des aînés, qui s'est déroulée en 2007, et par la
suite, les gens m'ont souvent demandé
un ombudsman pour les aînés. Nous avons résisté parce qu'on se disait : Il
y a le Protecteur du citoyen, la Commission des droits de la personne,
commissaire aux plaintes, commissaire local aux plaintes. À un moment donné,
une multiplication de structures, je trouvais que c'était trop. Est-ce que vous
considérez qu'il y aurait de la place pour un ombudsman ou si ma résistance
était la bonne décision?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Saint-Germain.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Moi, je vous réponds, M. le
Président, que je suis l'ombudsman des aînés, comme je suis l'ombudsman
des contribuables, comme je suis l'ombudsman correctionnel, «je» étant
l'institution du Protecteur du citoyen.
La Commission
des droits de la personne a un mandat très particulier en matière de
discrimination au sens de la charte.
Ça, c'est un enjeu très précis. Il n'y a pas de dédoublement entre nous,
d'ailleurs, parce que, lorsque nous avons — et c'est très rare, d'ailleurs — des plaintes de cette nature, nous les
référons à la Commission des droits de la personne. Mais autrement, avec
ce régime à deux niveaux, donc un premier niveau local ou régional, et le
Protecteur du citoyen, qui est une
institution indépendante de l'Assemblée nationale, je pense qu'il y a matière à
bien canaliser ces plaintes-là. Et ça
créerait, je trouve, si on... D'abord, en plus d'entraîner des coûts
additionnels, ça créerait, je crois, un dédoublement, et, à mon avis,
les citoyens ne seraient pas mieux servis.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Je suis
contente d'entendre ce que vous venez de dire, Mme Saint-Germain.
Ma question
b. J'ai déposé un projet de loi pour contrer la maltraitance chez les personnes
vulnérables, hein — je
spécifie, «personnes vulnérables» — qui ferait en sorte que, dans le réseau de
la santé, nous pourrions à la fois faire un signalement à la Commission des droits de la personne, et ça protégerait
l'employé, le professionnel, le bénévole pour ne pas perdre son emploi.
Sans entrer dans les détails, est-ce que vous considérez que c'est une bonne
idée?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Saint-Germain.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : J'ai avec moi votre projet de loi.
Parce qu'effectivement je pense que le personnel
des établissements est fort bien placé pour voir certaines choses, certaines
situations. À mon avis, la première étape,
dans le cas du personnel, c'est d'avertir l'établissement, d'avertir les
gestionnaires. Mais, lorsqu'il n'y a pas de mesures adéquates qui sont
prises, effectivement il faut que ces personnes-là puissent non seulement faire
des signalements — c'est
en leur âme et conscience, au fond, qu'ils le font — mais aussi qu'elles
soient protégées de représailles. Et je dois
vous dire que ça se fait déjà auprès du Protecteur du citoyen, d'ailleurs, de
la part également de médecins. Nous
avons des signalements de la part de professionnels, dont des médecins, et
aussi de la part du personnel. Mais
je sais, nous savons, en allant sur les lieux, que certaines personnes ont
peur, évidemment, des conséquences pour elles.
Alors, oui,
c'est important et c'est important de vous dire aussi que, nous, dans ces
situations-là, nous avons des méthodes d'enquête qui nous permettent de
protéger autant l'identité des gens qui nous font un signalement... Nous prenons même des signalements anonymes. Nous ne
savons pas, dans certaines situations, qui fait les signalements. Bien
sûr, on commence toujours par vérifier si un signalement est fait de bonne foi.
Ça, c'est très important. Mais donc les signalements
de notre part reçoivent une considération particulière, tant dans le but de
vérifier et de protéger la personne qui
a signalé que de protéger la personne qui est l'objet du signalement, parce
qu'on sait que les aînés ont des craintes aussi de se plaindre et d'avoir des représailles d'une personne qui
donne les repas, qui donne les bains, qui répond aux appels des
clochettes. Alors, c'est important dans toutes ces situations-là.
Le
Président (M. Bergman) : Question. M. Rousseau, vous avez fait mention
à cinq ou six déménagements, on sait, les fameux lits d'évaluation, les
lits de transition. À mon avis, un déménagement est trop. Il doit y avoir une
tolérance zéro.
Et on a reçu au
bureau de comté des visites des conjoints, des visites des enfants qui sont
vraiment dans une situation de crainte
énorme. Et nous, comme députés, on n'a pas des réponses à ces questions. Et je
me demande si ça prend des législations. Je m'excuse à mes collègues,
car j'ai demandé cette question à quelques reprises et à quelques intervenants et je n'ai pas eu… J'ai eu l'état de
situation, mais je n'ai pas eu la réponse que je voudrais avoir, qu'il y
a tolérance zéro pour
ce type de situation. Et je me demande si ça prend des législations de la part
du gouvernement pour éviter ces situations et éviter qu'il doive y avoir
un lit d'évaluation, un lit de transition, un lit d'attente, etc.
Et
récemment, sur ce même sujet mais un peu à part, on a eu connaissance d'une
autre situation, dumping, qu'un CHSLD envoie un patient à un hôpital,
l'hôpital dit : On n'a pas de place pour le patient, ce n'est pas
nécessaire. Ils mettent le patient dans un
taxi avec une jaquette ou quelque chose et, dans l'hiver, ils le retournent au
CHSLD : Il ne doit pas être ici, ce n'est pas à nous pour avoir le
patient.
Je
me mets dans l'esprit de cette personne, un aîné qui a donné tellement à notre
société, et, à la fin de ses jours, on le
traite comme ça, je pense que c'est inexcusable et inacceptable. Je suis un peu
honte pour les familles et certainement pour l'aîné qui a fait tellement pour notre société. Et maintenant, on
n'a pas des réponses spécifiques. Et, comme vous avez dit, vous êtes l'ombudsman des aînés. Alors, je me
demande, c'est quoi, la réponse, c'est quoi, la manière pour prévenir ce
type de situation.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Alors, je vais commencer, M. le
Président, la réponse et je vais demander à M. Rousseau de donner
d'autres exemples concrets.
Pour nous, le
dumping, c'est vraiment se débarrasser — c'est le mot, là — de
personnes âgées qui sortent de l'hôpital,
et, comme on n'a pas de place de transition, on les retourne à leur domicile,
lorsqu'il y a un domicile, ou chez un
proche. Là-dessus, on n'a pas de plainte. Je pense que ça se règle plus au
premier niveau. Les plaintes que nous avons, ce sont des transits
multiples, et on a plusieurs plaintes à cet égard parce qu'à ce moment-là
l'usager n'a pas le choix de l'hébergement
transitoire et doit quitter rapidement l'hôpital pour désengorger les lits, ce
que l'on peut comprendre, et il va se retrouver dans des contextes où
parfois c'est un hébergement transitoire dans une ressource privée, un CHSLD
privé ou privé conventionné qui est plus loin de sa famille, qui est plus loin
de son proche aidant.
Et la solution — avant
qu'on vous redonne d'autres exemples — nous, on recommande, c'est
une de nos suggestions, en fait, à la
commission, que vous demandiez au ministre de la Santé une analyse de cette
situation-là en vertu de trois
paramètres puis qu'un plan d'action soit préparé. Les paramètres, c'est, au fond,
les modalités d'accès à l'hébergement,
incluant des délais qui seraient réalistes pour des attentes, les conséquences
d'un recours systématique à un
hébergement transitoire, les conditions de sortie de l'hôpital dans ces
situations-là. À mon avis, on ne devrait jamais permettre une sortie
d'hôpital sans avoir l'assurance que l'hébergement où s'en va la personne, que
ce soit un retour au domicile, que ce soit
un CHSLD public, privé, que ce soit une autre ressource transitoire ou une
résidence privée, est adéquat en fonction de la situation médicale de la
personne. Après tout, elle quitte un hôpital.
Et évidemment que le
troisième paramètre, ce serait qu'on regarde l'adéquation, donc, avec
l'augmentation prévisible de la demande.
Parce que nous regardons la courbe démographique et nous disons : Cette
situation, qui s'aggrave au fil des
ans, elle va continuer de s'aggraver. Alors, ça m'apparaît important. Si vous
permettez, s'il y a encore le temps, pour des situations de transits
multiples, je pense que M. Rousseau pourrait vous donner aussi d'autres
exemples.
Le Président (M.
Bergman) : M. Rousseau.
• (15 h 50) •
M. Rousseau (Nicolas) : Pour vous donner un exemple qui est assez
représentatif du genre de situation qui est portée à notre attention, on
est présentement en traitement d'une plainte d'une famille qui refuse que son
parent aille en transition dans un endroit qui est à une heure de route du
conjoint de la dame qui est hébergée. Or, le conjoint en question est la seule personne que l'usagère
reconnaît encore, parce que cette dame-là a des problèmes cognitifs,
donc c'est la seule personne qu'elle
reconnaît encore. Et présentement le mari visite deux fois par jour à
l'hôpital, mais, à une heure de route, étant lui-même une personne âgée,
ne pourra pas potentiellement faire le même soutien auprès de son épouse, et
qui est la seule personne qu'elle reconnaît encore.
Donc,
nous, ce qui ressort des plaintes qu'on reçoit sur le mécanisme d'hébergement,
c'est que le mécanisme porte bien son
nom, dans le sens qu'il est un peu intransigeant dans la prise en compte de
l'aspect humain des situations dans les
cas particuliers comme celui-là où est-ce qu'on a un conjoint âgé qui va se
ramasser à distance et qui ne pourra pas faire le trajet, des fois n'a plus de permis de conduire lui non plus.
Donc, c'est une espèce d'engrenage dans lequel on n'a pas la capacité, nous… on a de la difficulté,
nous, à faire valoir des aspects humains. Donc, essentiellement, c'est la
réponse…
Le
Président (M. Bergman) : Si mes collègues me le permettent,
juste… Cette question d'une heure de route, vraiment, comme société, on brise le couple, on brise le mariage dans un
instant et on n'a pas le droit pour faire ça comme société. Mme Saint-Germain,
mais je vais passer après au député de Gatineau.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Rapidement, si vous permettez, M. le
Président. Dans des situations comme celle-là,
on va probablement gagner, là, ce dossier-là. Mais imaginez le stress de la
personne hébergée et de son conjoint, qu'ils
vivent, là, depuis qu'ils sont chez nous. C'est un signalement, donc c'est venu
directement chez nous. Imaginez le…
Une voix :
…
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Pardon? C'est une plainte. Imaginez
le stress de ces personnes-là, là, c'est inhumain.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau, vous avez cinq minutes.
Mme Vallée : Merci,
M. le Président. Alors, merci beaucoup de votre présentation, de votre présence
ici. Vous avez brièvement effleuré la
question des personnes hébergées qui ont moins de 65 ans. Je comprends que vous
avez eu peu de plaintes qui ont été formulées.
J'ai
une question. On entend les groupes et on se rend compte qu'effectivement ce
n'est pas tout à fait adapté, la routine des CHSLD n'est pas toujours
adaptée à la routine d'un jeune adulte ou d'un adulte. Est-ce qu'il est
toujours opportun… Est-ce que c'est vraiment
la meilleure façon d'héberger cette clientèle-là que de les héberger à
l'intérieur d'un CHSLD en compagnie
d'une clientèle aînée qui a d'autres besoins? Est-ce que c'est toujours
opportun de fonctionner comme ça?
Est-ce qu'il y aurait lieu de revoir toute la question de l'hébergement pour
les personnes de 65 ans et moins qui ne peuvent rester à domicile?
Malgré tous les efforts, il y a des milieux familiaux qui ne peuvent pas être
adaptés et puis il y a un besoin de soins
qui est plus important. Je n'ai pas posé la question à d'autres intervenants
parce que je crois que vous, à titre de Protecteur du citoyen, vous avez
une vision d'ensemble. Et je ne sais pas si vous avez eu la chance de vous
pencher sur cette question-là.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Saint-Germain.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Merci, M. le Président. On a eu
moins de plaintes parce que le nombre est moins important. Mais le document de la commission réfère à 4 113
personnes, je crois, il y a deux ans. Ces personnes-là sont
manifestement en CHSLD par défaut d'établissements ou de ressources qui
répondraient mieux à leurs besoins. Et la difficulté…
Et
là il y a une difficulté régionale. C'est que, dans plusieurs régions, il n'y a
pas une masse critique pour dire : On serait en mesure, disons, d'avoir une ressource qui pourrait répondre à
leurs besoins. On a certains cas qui sont quand même assez tristes, là, où on se rend compte que, d'une
part, c'est démoralisant pour ces personnes-là, l'adaptation des
services, des activités n'est pas faite en
conséquence pour eux. Et la solution, elle est beaucoup plus dans des
ressources de type beaucoup plus à échelle humaine, plus petites, où on
pourrait regrouper ces personnes-là, malgré tout, par affinités et avoir des programmes d'activités en conséquence. Alors,
oui, il faudrait que ce soit ailleurs qu'elles soient hébergées, mais, encore là, ça prendrait des
ressources plus adaptées, justement, en réadaptation et en animation. On
a une situation… M. Rousseau… Si vous permettez, M. le Président, sur
l'occupation du jeune dont on a parlé…
Le Président (M.
Bergman) : M. Rousseau.
M. Rousseau (Nicolas) : Merci, M. le Président. Dans le fond, les
personnes plus jeunes, quand elles s'adressent à nous, souvent nous
mentionnent leurs insatisfactions sur le milieu de vie qui leur est offert.
C'est sûr que, par rapport aux personnes
âgées, ils ont des besoins différents, mais le milieu de vie, pour nous, ça
devrait être une adaptation aux besoins individuels de chacun, dépendant
de son histoire de vie, de là où il est rendu, ainsi de suite.
Par
exemple, les personnes plus jeunes qui s'adressent au protecteur, on nous dit
qu'il n'y a pas assez d'activités,
qu'il y a de l'isolement, qu'il n'y a pas d'amis pour parler, pour discuter, qu'on
voudrait faire des visites, des sorties, se coucher plus tard, faire des activités, dans
le fond, adaptées à l'âge. Donc, par exemple, on nous a déjà demandé d'avoir des visites d'un animal de compagnie, mais ça avait été refusé par l'établissement pour des raisons de sécurité, de milieu de soins. Donc, là, la personne avait invoqué, dans le fond, son droit à l'autonomie, son droit de prendre des risques pour elle-même.
Donc,
c'est des demandes qui sont différentes des personnes âgées, mais, dans un
milieu de vie, tout le monde
peut en profiter, que ça soit une personne plus jeune, personne âgée. C'est
juste que les personnes âgées, étant donné les déficits cognitifs, des fois
n'ont pas tendance à revendiquer ça, mais en ont besoin tout autant.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau, il vous reste une
minute.
Mme
Vallée : Je comprends
que vous formulez des recommandations pour revoir un peu toutes les politiques encadrant les jeunes, mais, à court terme, qu'est-ce qu'on pourrait faire, faute... Je comprends aussi les enjeux, les défis
au niveau de la régionalisation et du nombre. Qu'est-ce qu'on pourrait faire à
court terme pour rendre ce milieu de vie plus adéquat pour cette clientèle-là?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Saint-Germain, pour une courte réponse.
Mme Saint-Germain
(Raymonde) : Courte réponse. Deux hypothèses. On n'est pas
obligés de faire du mur-à-mur. Dans certains
CHSLD, pourquoi il n'y
aurait pas une aile ou une partie
d'une aile réservée à ces plus jeunes personnes qui ont des problèmes
importants et, à ce moment-là, avoir du personnel qui vient les voir, du CLSC,
des CSSS, et du personnel qui prend mieux en
charge leurs besoins? On pourrait ajuster les horaires en conséquence,
même le genre de repas qui sont servis. Le jeune dont M. Rousseau parlait nous
dit passer ses journées à faire de l'ordinateur.
L'autre
hypothèse, dans d'autres régions, c'est d'utiliser notamment
les ressources en hébergement, en centre de réadaptation, où il y a aussi une capacité d'avoir du personnel qui
pourrait tenir compte davantage de leurs besoins et donc organiser l'offre de services, les activités,
les programmes, les horaires en conséquence. Donc, des solutions, je
dirais, alternatives de gros bon sens au fur et à mesure et selon le contexte de chacune des raisons, donc ce qu'on appelle le
plan de services individualisé, pourraient
être bien adaptées dans ces contextes-là, tout en reconnaissant que ce n'est
pas facile et qu'effectivement il n'y a pas la masse critique, là, de
personnes partout.
Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Mme Saint-Germain, M.
Clavet, M. Rousseau, merci pour votre présentation, merci d'être ici
avec nous aujourd'hui et partager votre expertise.
Et je demande aux
gens de l'Office des personnes handicapées du Québec pour prendre leur place à
la table et je suspends pour quelques instants.
(Suspension de la séance à
15 h 58)
(Reprise à 16 heures)
Le Président (M.
Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors collègues, on
reçoit maintenant l'Office des personnes handicapées du Québec.
Bienvenue. Vous avez
10 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres
de la commission. Pour fins d'enregistrement, on a besoin de vos noms, vos
titres et votre présentation.
Office des personnes
handicapées du Québec (OPHQ)
Mme Tremblay (Sylvie) : M. le
Président, donc Sylvie Tremblay, directrice générale de l'Office des
personnes handicapées. Je suis accompagnée
de Mme Anne Bourassa, directrice de l'intervention nationale, et de Mme
Murchison, qui est conseillère à cette même direction.
M.
le Président, membres de la commission, je rappelle à la commission que
l'office a pour mandat général de veiller
à la coordination des activités relatives à l'élaboration et à la prestation
des services qui concernent les personnes handicapées et leurs familles. Il doit aussi favoriser et évaluer
l'organisation, l'intégration scolaire, professionnelle et sociale des personnes handicapées, promouvoir leurs
intérêts, les informer, les conseiller, les assister et faire des
représentations en leur faveur. Le mandat
d'initiative sur les conditions de vie des adultes hébergés en centre
d'hébergement et de soins de longue durée interpelle l'office.
Parmi
les enjeux soulevés dans le cadre de la présente consultation, l'hébergement en
CHSLD des personnes âgées de moins de 65 ans nous préoccupe au premier
chef. En effet, au 31 mars 2012, elles étaient près de 3 650, soit
11 % des personnes hébergées. Ces
adultes handicapés représentent donc une proportion préoccupante de la
population hébergée en CHSLD.
Contrairement aux résidents en fin de vie, ceux qui ont moins de 65 ans sont
généralement des personnes handicapées
ayant été, comme certaines le disent, placées en CHSLD faute de choix. Pour
l'office, cette situation n'est pas conforme
à certaines orientations de la loi qui visent à favoriser leur autonomie, leur
maintien ou leur retour dans leur milieu de vie de manière à accroître
leur participation sociale.
Bien que ces
personnes en CHSLD reçoivent un important nombre d'heures de services pour
réaliser leurs activités de vie quotidienne
et domestique, ce type d'hébergement ne permet pas une réalisation optimale de
leurs autres activités courantes et
l'exercice de leurs rôles sociaux comme la participation à des activités
éducatives, professionnelles ou de
loisirs. La raison de leur placement en CHSLD est généralement liée à une offre
trop limitée d'heures de service de soutien à domicile ou l'absence de
ressources résidentielles alternatives mieux adaptées.
À titre de référence,
quelques statistiques de notre Service de soutien à la personne pour 2012‑2013.
Ainsi, 11 % des demandes reçues
concernent les ressources résidentielles, soit environ 2 200 interventions.
Il s'agit d'une hausse de 20 % par rapport à l'année précédente.
6 % des demandes reçues au Service de soutien à la personne de l'office
concernent le soutien à domicile, soit à peu près 1 100 quelques
interventions.
Et
voici quelques exemples de cas soutenus par nos intervenants à l'office. Un
homme dans la mi-trentaine ayant une paralysie cérébrale depuis sa
naissance, occupant un poste à temps plein, vivant en logement autonome, a été orienté vers le CHSLD en raison d'un plafond
d'environ 30 heures de service à domicile par semaine. Cette personne
même est en lien avec le protecteur. Dans un autre cas, une femme dans la
vingtaine ayant une paralysie cérébrale sévère et vivant chez ses parents s'est retrouvée admise en CHSLD en raison d'une
réduction de ses heures de soutien à domicile qui passèrent de 100 à 50
heures. Un dernier cas, celui d'une personne qui, au début de la vingtaine,
ayant une incapacité physique et une déficience intellectuelle sévère a été
admise en CHSLD par manque de ressources résidentielles et alternatives dans sa
région.
En
accord avec la politique
de soutien à domicile Chez soi :
le premier choix, adoptée en 2003, et dans le respect du choix des individus, l'office soutient que le
domicile doit d'abord être priorisé comme milieu de vie. L'office
souhaite donc un virage inclusif en matière
d'hébergement et de soins de longue durée privilégiant l'accès à un continuum
de formules et de services
résidentiels favorisant le chez-soi d'abord partout au Québec. Ce continuum
doit inclure une offre suffisante de services
de soutien à domicile ainsi que des formules résidentielles alternatives plus
légères de proximité et de qualité, bien sûr, exemplaire afin que les
personnes puissent se loger adéquatement, selon leurs besoins spécifiques, dans
un lieu librement choisi répondant à leurs attentes et celles de leurs
familles.
À cet égard, il y a
des formules intéressantes. Je vous donne, par exemple, le projet Habitations
Pignon sur roues à Montréal. Cette formule accueille des locataires âgés de
moins de 65 ans ayant des déficiences physiques et d'importants besoins
d'assistance. Ils y occupent des logements de façon autonome et, grâce à la
mise en commun de leurs heures-service, bénéficient d'un service optimisé de
24/7, comme on dit dans le jargon. Il existe plusieurs projets innovants du genre qui peuvent servir d'exemple afin de
développer sur tout le territoire une offre plus diversifiée de formules
résidentielles pour les personnes dont les besoins se situent entre le domicile
et le CHSLD.
L'office est d'avis que le CHSLD ne devrait
toujours constituer qu'une solution de dernier recours pour ces personnes.
C'est pourquoi nous jugeons essentiel que soit dressé un portrait global de la
situation des personnes handicapées
de moins de 65 ans hébergées en CHSLD et que soit développé un plan national de
transition leur permettant d'accéder
dans les délais les plus courts aux ressources et aux services résidentiels
correspondant à leurs besoins, leurs choix et leurs projets de vie, des
types d'hébergement dont je vous décrivais un peu… que je vous décrivais un peu
tantôt.
D'ici à ce
que chaque région du Québec puisse compter sur une variété suffisante de
ressources résidentielles, l'hébergement en CHSLD demeure, dans certains
cas, la seule option pour les handicapés de moins de 65 ans. Pour ces derniers, il importe alors que le CHSLD
constitue un réel milieu de vie favorisant leur autonomie, leur donnant
accès à une offre suffisante et variée
d'activités à la fois éducatives, professionnelles, civiques, sociales et
récréatives et, bien sûr, adaptées à leurs attentes et à leurs besoins
individuels.
Par exemple,
la création de ce genre de milieu… j'aimerais vous citer le centre
d'hébergement du Centre-Ville de Montréal qui regroupe les jeunes
résidents ayant un profil semblable au sein d'îlots qui leur offrent un cadre
de vie plus adapté. C'est là une autre initiative porteuse qui pourrait être
étendue à l'ensemble des régions du Québec. Pour l'office, la détermination de ces besoins doit s'appuyer sur une
planification individualisée et coordonnée des services, notamment par le biais des plans… les PSI et des
PAI, afin que soient assurées une continuité, une cohérence, une
complémentarité de services.
En
conclusion, l'office considère urgent d'apporter une solution à la situation
des adultes handicapés vivant en CHSLD. Il est impératif que les travaux
découlant de la présente consultation mènent au développement de solutions
novatrices pour améliorer le continuum de ressources et de services résidentiels
qui leur sont offerts. L'office offre son
concours et son entière collaboration au ministère de la Santé et les
partenaires afin de contribuer au développement dans toutes les régions
du continuum de ressources et de services souhaités. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bergman) : Merci, Mme Tremblay. Alors,
maintenant, pour le bloc gouvernemental, Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx :
Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Tremblay, Mme Bourassa, Mme Murchison.
Écoutez, c'est vraiment très intéressant de vous entendre, parce que
c'est une très grande préoccupation, effectivement, les jeunes personnes
handicapées qui se retrouvent hébergées en CHSLD, confrontées à des situations
extrêmement difficiles à vivre pour elles.
J'aimerais
ça, dans un premier temps, que vous nous fassiez le portrait un peu des
personnes handicapées et de la fréquence,
là, de l'hébergement en CHSLD comme réponse à leurs besoins d'hébergement. C'est quoi, la proportion à peu près, là?
• (16 h 10) •
Mme Tremblay (Sylvie) : Nos
dernières statistiques...
Le Président (M. Bergman) :
Mme Tremblay.
Mme
Tremblay (Sylvie) : Merci, M. le Président. Nos dernières statistiques datent du 31 mars 2012. Il y a environ 3 500... pas environ, 3 597 personnes qui sont handicapées et
qui sont âgées entre 25 et 64 ans; 51 personnes ont moins de 25 ans; et il y aurait, au 31 mars 2013,
285 personnes handicapées en attente, ce qui fait à peu près
7 % de l'ensemble. Donc,
c'est, grosso modo, le portrait que nous avons des personnes handicapées en
hébergement en CHSLD.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx :
Donc, si je comprends bien, à peu près 7 % des personnes qui sont en
CHSLD. Est-ce que c'est ça que vous dites?
Mme Tremblay (Sylvie) : 11 %
des personnes...
Mme Proulx : Handicapées?
Mme Tremblay (Sylvie) :
...handicapées sont...
Mme Proulx : …sont en CHSLD.
Mme Tremblay (Sylvie) : 11 %
des personnes en CHSLD sont handicapées, et il y a 7 % qui sont en
attente.
Mme Proulx : Mais, sur
l'ensemble des personnes handicapées au Québec, une idée de la proportion qui
doit être hébergée en CHSLD. Est-ce que c'est fréquent? Est-ce que c'est
beaucoup?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Tremblay.
Mme
Tremblay (Sylvie) : La
proportion des personnes handicapées en... L'office n'évalue pas la proportion
des personnes qui sont hébergées en CHSLD en
fonction des autres problématiques. Pour nous, l'idée, quand on
accompagne les personnes, par exemple, au
soutien à la personne, souvent elles changent de milieu de vie, et c'est comme
ça qu'on l'accompagne, et c'est comme ça qu'elles vont en hébergement,
l'idée étant, pour l'office et pour probablement tous les
intervenants — et
je pense que la réflexion que vous faites est intéressante — l'idée
étant... C'est que, bien sûr, il y a des
personnes qui ont besoin de beaucoup d'heures de service, qui sont handicapées,
qui doivent vivre en CHSLD. Mais, à
l'âge où ces personnes y entrent et y restent, les CHSLD doivent s'adapter à
leurs conditions de vie et à leur vie aussi. Donc, ce qu'on dit, c'est qu'il ne peut pas y avoir partout, au Québec,
on comprend, d'alternatives aux CHSLD, parce qu'il y a peu... comme vous disiez, comme disaient les
principaux intervenants précédents, il n'y a pas de masse critique, on
pourrait dire. Mais de réaliser des CHSLD adaptés, des îlots adaptés, cela ne
demande pas beaucoup de réorganisation au
niveau de l'hébergement, et je pense que les administrations publiques
pourraient faire un tour de roue supplémentaire pour pouvoir héberger de
façon adéquate ces personnes-là.
L'office est
soucieux aussi et initie avec d'autres partenaires dans les régions… On vous
parlait de Pignon sur roues tantôt.
Il y a beaucoup, beaucoup de développements, par des OSBL, d'initiatives fort
intéressantes, dans à peu près toutes les
régions du Québec, en fonction du type de handicap. Je pourrais vous en donner,
M. le Président, si vous êtes d'accord.
Le Président (M. Bergman) :
Certainement.
Mme Tremblay (Sylvie) : Donc, on
parle de... Et ça, c'est porteur, et ce sont des initiatives qui sont à la fois… — peut-être pour mettre en perspective — des initiatives qui sont à la fois faites
par les personnes elles-mêmes, leurs familles,
les CSS, les comités d'usagers quelquefois aussi, qui connaissent des gens qui
pourraient ne pas entrer puis, bon, des centres de réadaptation. Donc,
c'est des initiatives porteuses, et je pense qu'il faut les soutenir, et il
faut qu'elles soient le plus présentes au Québec.
Pignon sur roues, c'est pour des personnes,
donc, qui ont des déficiences physiques; il y a l'îlot adapté de Drummondville
pour les personnes qui ont une déficience cérébrale, une déficience motrice;
Résidence Entre-deux, Trois-Rivières, des
personnes qui ont des paralysies cérébrales ou déficiences motrices; à
Charlesbourg, une résidence qui devrait venir bientôt pour les personnes
qui ont des problèmes... qui ont des handicaps au niveau de la dystrophie
musculaire; et bien d'autres. Donc...
Une voix : ...
Mme
Tremblay (Sylvie) : Oui,
absolument, absolument, un bel exemple aussi, effectivement. Donc,
l'idée étant, c'est qu'il faut soutenir ces
initiatives-là à l'hébergement en CHSLD. Je vous dirais que quelquefois, quand
les gens viennent au soutien à la
personne et que nous les accompagnons... on les accompagne, les gens nous
disent… Par exemple, dans certaines
régions du Québec, vous parliez, tout à l'heure, de mari et femme, mais il arrive aussi que les personnes âgées de
moins de 65 ans disent : Nous, on veut rester près de nos familles, et des
ressources plus adaptées devraient nous... on devrait être obligés de déménager, et nous, ça ne
nous convient pas. Donc, la formule du CHSLD demeure la seule. C'est ce qu'on vous dit. Dans le fond, c'est... Alors,
il n'est pas le seul handicapé qui a probablement besoin de services, qui en aura besoin,
donc il faut adapter ce réseau de CHSLD aux besoins de ces personnes-là.
Idéalement, elles ne devraient jamais être en CHSLD, mais, bon...
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : Justement, puisque
vous en parlez, j'aimerais ça échanger avec vous sur toute la question du maintien à domicile de ces personnes-là pour éviter qu'elles en arrivent à devoir être
hébergées en CHSLD. Vous mentionnez notamment
votre préoccupation pour un continuum de services et de services
résidentiels aussi, là, pour les personnes,
et vous mentionnez spécifiquement, à la page 12, que le projet d'assurance
autonomie pourrait représenter une avenue intéressante. J'aimerais ça
que vous nous parliez un peu plus de votre vision sur cet aspect-là et de ce
que ça pourrait représenter, là, si on
faisait un virage vers, par exemple, une assurance autonomie pour maintenir à
domicile le plus longtemps possible les personnes handicapées et leur
offrir les services que leur état nécessite.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Tremblay.
Mme
Tremblay (Sylvie) : M. le Président, lorsque nous sommes allés en
commission parlementaire sur cet aspect, sur l'assurance autonomie, ce que nous avons dit, et c'est ce qu'on
reflète encore aujourd'hui, c'est qu'en interministériel il va falloir
qu'il y ait développement de ressources alternatives, et de un, et qu'on puisse
offrir une multitude d'hébergements adaptés pour les personnes, bien sûr, de
moins de 65 ans qui sont en CHSLD. Ce que ça veut
dire, c'est à moindre coût aussi et que ça permet aussi d'avoir une meilleure
qualité de vie pour les personnes et qu'elles participent socialement à
la société.
Pour nous,
cette option permettrait donc de dédier… Parce que ce qu'on voit dans le réseau
depuis nombre d'années, et vous le voyez
aussi, c'est que le financement ne permet pas, justement, ces solutions
alternatives. Et, quand les personnes sont en CHSLD, les solutions sont plus
coûteuses. Ce que l'on dit, c'est : Offrez la possibilité d'avoir des solutions alternatives et de cibler
des montages financiers pour au moins réaliser l'ensemble de l'oeuvre
pour à la fois le maintien à domicile et
l'hébergement. Donc, revoyez l'ensemble des formules pour être capables
minimalement de pouvoir offrir pour les
personnes handicapées des milieux adaptés. Donc, c'est dans ce sens-là que nous
étions favorables à la discussion et à l'ouverture par rapport à cette
assurance autonomie.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : Merci.
Et, en fait, je pense qu'il y a effectivement un espace pour des solutions
alternatives. Et, en termes de financement, quand on regarde le coût,
qui est évalué à peu près à 90 000 $ par année, d'une place, d'une personne… d'une place en CHSLD pour une personne
hébergée, comparativement à un groupe qu'on a reçu hier, où ils ont développé une ressource pour, si je ne me trompe
pas, 14 personnes et pour un coût de 550 000 $... Ça m'a frappée,
ce ratio du nombre de personnes qui sont dans un milieu de vie beaucoup mieux
adapté, premièrement, qui ressemble, en partant,
à un milieu de vie et non pas à un hébergement en institution. Ça fait que je
pense que, quand il y a une volonté et une
volonté d'aller de l'avant avec des initiatives et des projets novateurs, il y
a certainement des espaces possibles pour aller de l'avant dans des
projets qui répondent beaucoup mieux aux besoins notamment des personnes
handicapées.
Mme Tremblay
(Sylvie) : M. le Président, si je peux...
Le Président (M.
Bergman) : Mme Tremblay.
Mme Tremblay
(Sylvie) : Si je peux ajouter. Les solutions dont on vous parlait tantôt,
donc les initiatives mentionnées sont
souvent en lien avec le soutien à domicile en logement social, et on évalue à
peu près à 12 000 $ par année pour une personne,
contrairement, comme vous dites, à 90 000 $, là, par rapport à un
hébergement en CHSLD. Donc, un OSBL qui
vient... Des gens qui se regroupent en logement social, regroupent leurs heures
de service, ont une qualité de vie
intéressante. Pour les personnes handicapées âgées de moins de 65 ans, c'est la
solution... en tout cas, ce n'est pas la meilleure... Pour que ces
personnes se regroupent, et le fassent, et qu'elles nous demandent l'appui, je
pense que c'est très porteur.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.
• (16 h 20) •
Mme
Proulx : Tout à fait, parce que l'exemple que vous soulignez
dans votre mémoire, je le trouve très frappant et très triste en même temps. Ce jeune homme
qui occupe un emploi, et qui vit dans un logement adapté, et qui tout à coup n'obtient pas le nombre d'heures que sa situation… qu'il avait, et que,
par le fait même, il se retrouve obligé de s'en aller en CHSLD… Et là ça
veut dire, tout l'impact de ça, cette personne-là ne peut plus vivre sa vie de citoyen
à laquelle il pourrait légitimement aspirer
et se retrouve avec, bon, tous les effets négatifs, là, de ce qu'on peut
appeler un placement en CHSLD et qui l'empêche de poursuivre sa vie
sociale. Et la même chose…
En
fait, les cas que vous illustrez, là, je trouve que ce sont des cas qui ne
devraient tout simplement pas arriver. Et on parle de jeunes personnes,
malgré un handicap, qui peuvent aspirer à vouloir s'impliquer, à vouloir avoir
une vie sociale active qui tienne compte de
leurs limites, mais qui pourrait leur permettre, là, de vivre de manière beaucoup plus enrichissante leur vie
d'adulte et, bien souvent, de jeune adulte aussi.
Ceci étant dit, les personnes qui, actuellement, sont
quand même hébergées en CHSLD, j'aimerais ça avoir votre point de vue sur l'approche... en fait, je pense
que ça relève de la formation des intervenants en CHSLD, l'approche pour
répondre aux besoins de jeunes personnes
handicapées, contrairement aux besoins... répondre aux besoins des
personnes aînées. Est-ce que, selon vous, les intervenants en milieu de CHSLD
ont la formation requise et ont ce qu'il faut pour pouvoir répondre de façon
optimale aux besoins particuliers des personnes handicapées?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Tremblay.
Mme Tremblay (Sylvie) : Je vous citerais certaines personnes… Dans
certaines régions du Québec — nous, on est partout au Québec — il y
a des tables de concertation sur différents sujets. Et, entre autres, en
Montérégie, il y a des personnes qui ont un handicap, qui ont une sclérose en
plaques, qui sont en CHSLD, ils ont produit un questionnaire, justement, un peu, de qualité… Ce n'est pas
l'Institut des statistiques, mais c'est très révélateur. Et ce qu'on voit,
c'est que, considérant leurs conditions de vie, ils sont assez... ils nous
disent que c'est passable, donc que c'est... Et je vais vous donner un peu les
différentes préoccupations qu'ils ont.
Donc,
les heures de lever et de coucher ne respectent pas les désirs des résidents,
les heures de bain non plus, les contraignant
parfois à devoir annuler des sorties, puisque les bains sont parfois offerts en
plein après-midi. Ces personnes de
moins de 65 ans, comme on se disait, veulent participer socialement, veulent
sortir, vont à l'école, font des choses. Donc, ça les limite parce que les horaires, Mme la protectrice le disait
aussi, les horaires sont encadrés en fonction des conditions... des
services, mais pas vraiment au niveau des besoins des personnes. Les heures de
repas, on vous en a parlé tantôt. Et il y a
même, pour les très jeunes… disant : Nous, effectivement, au niveau des
technologies, au niveau même de la cuisine — ils parlaient, par exemple, de cuisine
orientale — nous, on
veut goûter à autre chose. Et il y a comme une espèce de diminution de
choix d'options.
Donc,
les gens, ils sont de bonne volonté dans les CHSLD, mais le problème, c'est que
ce milieu de vie ne répond pas très adéquatement à leurs aspirations.
Donc, voilà.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose, il vous reste...
Mme
Proulx : Oui, merci, M. le Président. Je sais qu'à l'office
vous vous préoccupez aussi beaucoup de toute la mobilité des personnes handicapées. Alors, si je prends le cas des
personnes qui sont actuellement hébergées en CHSLD, qui sont des
personnes handicapées, comment ça s'organise et quels sont les constats que
vous faites par rapport à la disponibilité de transport adapté pour pouvoir
avoir des activités externes? Parce que c'est un défi, là. Et quel est le
constat que vous faites?
Le
Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.
Mme Tremblay (Sylvie) : M. le Président, c'est un défi et un problème. Je
laisserais peut-être Mme Bourassa vous entretenir sur ce sujet-là.
Mme Bourassa (Anne) : Donc, d'une part, par rapport au transport adapté, dans certaines
régions, le transporteur peut peut-être, exceptionnellement, là,
accepter de transporter ces gens-là, mais, règle générale, les personnes qui sont hébergées en CHSLD n'ont peut-être pas
nécessairement accès au service de transport adapté… ou à des heures
très limitées. Donc, comme on le disait tout
à l'heure, par rapport à des jeunes ou par rapport au jeune homme — l'exemple
qu'on avait tout à l'heure — qui avait un emploi, qui allait travailler
avec l'aide du transport adapté à tous les jours, à une heure qui convenait, bien, à ce moment-là, en
étant en CHSLD, il se voyait ne plus avoir ce service-là au niveau du
service de transport adapté, ou avec des
heures réduites, ce qui fait en sorte que le maintien à son emploi est
compromis aussi.
Les
gens, s'ils désirent aussi avoir des activités de loisirs, et tout ça, c'est
beaucoup plus difficile, à ce moment-là. On parle aussi de personnes qui peuvent se déplacer aussi avec des
aides… plus les aides à la mobilité motorisée, là, les AMM, comme on les
appelle, quadriporteurs, triporteurs. Bien, à ce moment-là, aussi, souvent ce
qu'on dit : C'est au CHSLD à faire
l'achat pour ses résidents, donc une personne ne peut pas avoir son équipement
pour se déplacer. Il y a des problèmes aussi parfois au niveau de
l'adaptation de véhicules. Donc, les gens, quand ils sont en CHSLD, n'ont
peut-être pas accès au programme, là, d'adaptation de véhicules actuellement.
Donc,
c'est toutes des choses qui vont venir faire en sorte qu'une personne qui est
hébergée en CHSLD a peut-être beaucoup
moins de possibilités de se déplacer, de participer selon sa capacité aussi à
la société, aussi d'être contributive. Quand
qu'on parle de jeunes qui étaient à l'emploi, ils participent, ils sont
contributifs, ils ont des amis, et tout ça, et souvent, là, c'est ça, ça va être restreint, là, s'il y a
un placement. Donc, c'est pour ça qu'on se dit : Si jamais c'est la seule
possibilité, l'hébergement en CHSLD, il faut
peut-être essayer de prévoir que ces gens-là puissent continuer quand même à
avoir un milieu de vie adéquat et qui répond à leurs besoins. On sait qu'il y a
certains exemples où ils ont formé des îlots, les partenaires, tout à l'heure, en ont parlé également, donc des îlots qui
peuvent être faits aussi à même le CHSLD, mais nous, on le voit vraiment s'il n'y a vraiment pas
d'autres ressources, là, d'autres alternatives possibles pour ces personnes-là.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx :
Oui. Il reste combien de temps, M. le Président?
Le Président (M.
Bergman) : Il reste peut-être 2 min 30 s.
Mme
Proulx : Bon. Alors, bien, je voudrais vous parler de
financement. En fait, vous recommandez, dans votre mémoire, de revoir les critères d'accessibilité et
de tarification, j'aimerais ça vous entendre un petit peu là-dessus.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Tremblay.
Mme Tremblay
(Sylvie) : Je vais laisser Mme Murchison, si vous permettez, répondre.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Murchison.
Mme
Murchison (Noée) : Oui, merci, M. le Président. Donc, la difficulté,
c'est qu'il y a des critères d'admission qui sont liés au profil de besoins des individus, et il y a d'autres
critères qui vont être liés à leurs revenus ou à leur capacité de payer
selon la ressource. Alors, parfois, il y a des gens qui pourraient profiter
d'une ressource plus légère, que ce soit une
résidence privée pour aînés ou encore du logement autonome, mais ils n'y ont
pas accès. D'une part, ils peuvent ne pas
avoir les moyens de payer le montant qui est demandé par la résidence privée
pour aînés ou encore ils peuvent avoir un revenu trop élevé pour accéder
à une ressource alternative qui est un projet de logement social. Donc, la
difficulté, en fait, c'est de s'assurer que
les gens aient accès à la ressource qui répond le mieux à leurs besoins, donc
que les critères soient harmonisés de façon à ce qu'on ait la solution
la plus efficace et qui répond aux besoins des individus.
Mme Proulx :
En fait…
Le Président (M.
Bergman) : Vous avez à peu près une minute.
Mme
Proulx : O.K.
Bien, en fait, juste pour bien comprendre. Si je comprends bien, ce que
vous recommandez, c'est de revoir la
tarification en fonction des besoins des personnes et non pas de leurs
revenus. Est-ce que c'est ce que vous recommandez?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Murchison ou Mme Tremblay?
Mme Tremblay (Sylvie) : Oui, j'ajouterais… Oui. Et il y a
le principe de neutralité qu'on a ajouté dans notre mémoire, qui dit
ceci : c'est qu'une personne handicapée ne devrait pas s'appauvrir parce
qu'elle a un handicap, ne devrait
pas s'enrichir non plus, donc il y a une équité derrière ça, c'est sûr, parce qu'elle est doublement pénalisée en soi. Parce
qu'une personne handicapée ça coûte
plus cher pour beaucoup, beaucoup de choses. Ce n'est pas vrai qu'on rembourse l'ensemble des coûts. Donc, nous, on est très préoccupés du
fait que les personnes ne s'appauvrissent pas davantage…
Le Président (M.
Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.
Mme Tremblay
(Sylvie) : … parce qu'elles ont un handicap.
Le
Président (M. Bergman): Alors, le
temps s'est écoulé pour le bloc du gouvernement. Maintenant, pour le bloc de l'opposition officielle, Mme
la députée de Gatineau.
• (16 h 30) •
Mme Vallée : Mesdames, merci beaucoup pour votre présence en commission
parlementaire. Je suis particulièrement intéressée par vos recommandations.
Tout à l'heure, la Protectrice du citoyen nous disait que le regroupement des adultes de moins de 65 ans sous un même toit
pouvait s'avérer difficile en raison de la régionalisation parce que,
dans certaines régions, on a un nombre moins important de personnes hébergées
en CHSLD qui ont moins de 65 ans. Et je suis
sensible à cet enjeu-là, habitant moi-même une communauté rurale et étant aussi très sensible à
l'importance pour les personnes
hébergées d'avoir des liens avec leurs familles, avec leurs amis. J'ai un cas
en tête et je me demande si cette jeune dame là qui est hébergée actuellement en CHSLD à Maniwaki, si on devait régionaliser ne
serait-ce qu'à Gatineau-Centre, si elle aurait autant accès à sa
jeune pitchounette, si elle aurait autant accès à ses amis, à son conjoint, à
sa famille.
Donc,
comment on pourrait… Comment on relève ce défi-là? Parce que
je comprends très bien quand vous dites : Ce n'est pas les mêmes besoins, ce n'est pas les
mêmes défis. C'est une clientèle différente avec des besoins différents, plus jeune, plus dynamique et ayant le
goût bien souvent de faire la même chose que les gens de leur âge, de leur génération. Mais comment on concilie tout ça
avec également le besoin d'être près de ceux et celles qui vont
mettre un petit rayon de soleil dans notre vie aussi?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Tremblay.
Mme Tremblay (Sylvie) : Cette préoccupation aussi nous arrive par les gens qui sont, bien sûr,
comme je vous disais tantôt, qui
arrivent avec le… qui nous demandent de l'accompagnement, par exemple, pour un plan de services et qui doivent arriver en… qui doivent aller en CHSLD, et on les accompagne. Et
ce que je vous disais, et vous avez tout
à fait raison, c'est : Dans des régions où il n'y a pas d'autres
alternatives — puis
on y reviendra — je
pense que c'est aux établissements à revoir les façons de faire pour créer des
milieux de vie à l'intérieur de leur ressource, de leur CHSLD afin de s'adapter aux
personnes et non l'inverse.
Il
arrive, et c'est arrivé chez nous, que les personnes
disent : Moi, je ne déménagerai pas — exactement
un peu comme vous dites —parce que tout mon réseau est ici, et c'est
déjà difficile, je ne déménagerai pas. Et il n'y a pas de ressource intermédiaire. Il y a beaucoup
d'adaptation à faire dans les CHSLD, mais, s'il y a au moins une
adaptation qui devrait se faire dans des délais plus courts, c'est, pour ces personnes, donc, avec le PSI qui est là, donc,
d'évaluer les besoins et de réaliser un lieu de vie pour ces
personnes-là, dans cet hébergement-là, qui corresponde à ces attentes. Anne
Bourassa me titille. M. le Président, Mme Bourassa.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Bourassa.
Mme Bourassa (Anne) : Peut-être aussi, je ne sais pas si vous vouliez voir un peu comment on
peut instaurer aussi ou… bon, par rapport à des projets novateurs. Il
commence à y en avoir dans quelques endroits. Souvent, c'est un regroupement, les parents… Parce qu'il y a
beaucoup aussi de parents qui hébergent leur jeune, qui se voient
vieillissants et qui ont crainte que leur jeune adulte… bon, qu'eux partent, et
qu'il n'y ait aucune ressource, et que, justement, il se retrouve en CHSLD.
Donc,
souvent, dans certains endroits, il y a des groupes de parents qui se sont
formés et qui sont déjà reliés avec une
association de personnes handicapées. On voit souvent des ressources au niveau
de la paralysie cérébrale, au niveau de sclérose en plaques. On a vu, là, il y a une initiative au niveau des
gens qui ont une dystrophie musculaire. Donc, souvent, c'est des gens qui vont se regrouper, qui vont
regarder un peu l'évaluation de leurs besoins, qui vont aller chercher
des conseils avec le CSSS, avec leur
association. Souvent, ils viennent cogner aussi à notre porte au niveau de
l'intervention collective régionale, pour
voir qu'est-ce qu'on peut faire pour les aider. On regarde avec la SHQ
différentes possibilités, avec l'agence. Et c'est comme ça qu'au fur et
à mesure on peut regrouper souvent quelques personnes…
Parce
que, vous le disiez, une personne isolée, il n'y aura pas une ressource juste
pour elle. Mais, à ce moment-là, quand il y a un regroupement, qu'on
prouve les besoins… C'est sûr que c'est des dossiers souvent de longue haleine.
Il y a certains dossiers sur lesquels on a
travaillé pendant peut-être quatre, cinq, six ans, sept ans, mais par la suite
il y a une ressource qui est là, et
la ressource, elle demeure aussi. Après ça, c'est aussi de s'assurer, là, que
les services sont toujours disponibles, et tout, là. On sait que, des
fois, il y a certaines difficultés à ce niveau-là, mais c'est quand même plus facile. Donc, souvent, c'est un processus, c'est
une initiative, des fois, d'une personne ou d'un groupe de parents. Et
par la suite on peut voir, là, certaines opportunités qui arrivent et des
ressources qui sont intéressantes et aussi, après ça, qui stimulent
dans d'autres régions aussi une démarche similaire. Donc, nous aussi, on est là
au niveau de l'intervention collective régionale pour accompagner parfois, là, nos
partenaires, là, dans des démarches à ce niveau-là.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Lorsque vous parliez qu'à court terme il y aurait lieu d'adapter davantage le
milieu de vie à la clientèle plutôt que de
demander à la clientèle de s'adapter au milieu de vie, qu'est-ce que ça veut
dire, concrètement? Est-ce qu'il y a de gros coûts? Est-ce que vous avez
une idée de ce que ça peut engendrer comme coûts pour les établissements ou
est-ce qu'on a besoin de plus de ressources humaines? Est-ce qu'on a besoin de
différents types de ressources humaines? Ça veut dire quoi comme implication,
ça?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Tremblay.
Mme Tremblay (Sylvie) : Je dirais que c'est de l'adaptation de ressources
humaines et aussi d'intersectorialité avec
les autres partenaires, dans le sens où une personne qui veut garder un lien
avec l'extérieur, la participation sociale, donc l'ouverture aux bénévoles, l'ouverture à des activités autres que
prescrites à l'intérieur, le développement de liens aussi avec des partenaires de l'école, du milieu
de loisirs, donc de créer un réseau pour cette personne-là qui permettra
une participation sociale.
Tout
ne se fait pas en CHSLD, les personnes qui y sont sont très, très occupées.
Mais les besoins pour les personnes adultes
sont différents. Donc, de permettre à cette administration-là d'être en complémentarité
avec les autres ressources et de
trouver des façons de faire pour que cette personne-là puisse continuer à vivre
et s'intégrer… Donc, je pense que ce n'est
pas nécessairement un changement de type de ressources à l'interne, mais c'est
plutôt de s'ouvrir en intersectorialité pour permettre à d'autres
personnes de participer à… le fait que la personne continue à participer
socialement à la vie collective de son patelin, de sa ville et puis même avec
sa famille aussi.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Je vais céder la parole à ma collègue.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais :
Merci beaucoup. Mme Tremblay, Mme Bourassa, Mme Murchison, c'est toujours un
privilège pour moi que de pouvoir
interroger l'office… «interroger» je n'aime pas le terme, là, mais de pouvoir
échanger — c'est
plus délicat — les
membres de l'Office des personnes handicapées.
Aujourd'hui,
je suis un peu une personne indignée et, en vieillissant, je deviens de plus en
plus indignée. Quand on regarde que
l'Année internationale des personnes handicapées était en 1981 et que le thème
en anglais, c'était Never Without Us, ne jamais prendre de
décisions sans nous, c'était ça, la thématique, et on se retrouve aujourd'hui, en
2014, on sait qu'il y a du chemin de parcouru, mais il y a tant d'obstacles
encore, tellement d'obstacles pour les personnes en situation de handicap qui
doivent se battre pour rester à la maison, les maisons ne sont pas adaptées,
qui doivent se battre pour le transport, qui doivent se battre pour ne pas
aller en CHSLD, qui doivent se battre pour la reconnaissance de leurs droits,
qui doivent se battre constamment, qui doivent se battre contre les préjugés,
contre la stigmatisation. Moi, je pense qu'à un moment donné il faut dénoncer
ça.
Puis
une personne en situation de handicap, c'est un être humain comme un autre être
humain. Puis vous avez raison quand
vous dites que ce n'est pas forcément la place des personnes… Vous avez même
dit : Ce n'est pas la place des
personnes… ultimement, ce n'est pas la place des personnes en situation de
handicap que les CHSLD. Mais encore faut-il que les milieux de vie
soient adaptés, et ça, ce n'est pas toujours facile. Parce qu'on ne vient pas
au monde nécessairement en situation de
handicap, hein? Des fois, on le devient subitement à cause d'un accident, puis
là il faut tout adapter l'environnement, puis ça coûte cher, puis ce
n'est pas toujours facile, et c'est difficile.
Vous avez mentionné des milieux qui sont
formidables, comme Saint-Charles-Borromée, qu'on appelle maintenant, aujourd'hui, le centre-ville, là, où les
gens… — ça n'a
pas toujours été facile, mais c'est mieux maintenant — où les jeunes peuvent sortir parce qu'il y a la rue Saint-Denis, il y a le
centre-ville, il y a les festivals, donc il y a peut-être cette façon de
s'évader de l'établissement plus que dans
d'autres endroits. Je pense, entre autres, à Yvon Lamarre, pour les
personnes atteintes de déficience intellectuelle, qui a créé des maisons un peu
partout à travers Montréal. Je pense à L'Arche aussi, qui est une oeuvre pour les personnes, je pense, trisomiques.
Mais il faut vraiment qu'on travaille là-dessus. Je pense qu'il faut
qu'il y ait des petits milieux de vie un peu partout, beaucoup plus que de
penser à recréer des milieux de vie à l'intérieur des CHSLD. Puis je veux que
vous le confirmiez une fois de plus au microphone, là, parce qu'il faut changer
cette façon de voir les choses.
• (16 h 40) •
Le Président (M.
Bergman) : Mme Tremblay.
Mme Tremblay (Sylvie) : Je réitérerai avec même la recommandation que
nous faisions. C'est-à-dire que ce qu'on disait, c'est qu'il fallait recenser,
et de voir les besoins de ces 3 000 personnes là, et d'arriver à un plan
d'action pour qu'éventuellement elles ne soient plus dans ces ressources-là.
C'est le bonheur qu'on leur souhaite.
Vous parliez de ressources intermédiaires, de ressources plus légères, c'est la solution d'hébergement pour les personnes
handicapées dans toutes les régions
du Québec. Et, si ce n'est pas possible, il faut
privilégier, dans les milieux de CHSLD, des îlots adaptés, des chambres,
des coins adaptés pour répondre aux besoins de ces adultes-là.
Comme
vous disiez, c'est un peu simple. Ça fait 35 ans que l'office existe cette
année. Il y a beaucoup de chemin parcouru, par ailleurs. On
regarde, nous, le verre qui est à moitié plein, et on est contents de
l'intégration scolaire, le soutien pour toutes sortes de dossiers aussi qui sont proches des préoccupations des personnes
handicapées, mais il y a beaucoup
de chemin à faire. Et il y a des choses quelquefois plutôt
simples et qui sont regardées à la fin parce
que, par exemple, pour les
CHSLD, c'est un petit nombre dans les statistiques, mais c'est des vies puis
c'est de la condition de vie. Je pense qu'il faut être attentif.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais :
Tout à l'heure, je ne sais pas, ça a été plus fort que moi, c'était la partie
ministérielle, mais j'ai dit : Ah! La Maison des sourds… Parce qu'il y a la Maison des sourds à Montréal,
et ça a pris des années avant que ça arrive, parce qu'on parlait de financement, ça s'est fait aussi avec les
AccèsLogis. Et c'est possible, avec la ville de Montréal, avec AccèsLogis, un terrain, de faire en sorte qu'il y ait des
milieux… Et les sourds sont capables de se regrouper, jeunes et moins jeunes, ils ont même une salle de
spectacle — c'est
formidable — où il y
a un échange, puis les gens sont bien
entre eux. Donc, je pense qu'il y a des possibilités de financement avec
AccèsLogis pour permettre aux personnes en situation de handicap de
pouvoir vivre…
Je
voudrais vous entendre maintenant. Parce que vous avez parlé des droits, des
droits de la personne et que souvent les personnes en situation de
handicap ont besoin de faire respecter leurs droits, que parfois ce n'est pas
toujours facile. On parle de négligence, de
maltraitance quand ils se retrouvent dans des milieux institutionnels. Parce
que vous parlez entre autres de la
ligne Aide Abus Aînés. Donc, pouvez-vous me parler un peu de ça et de
l'importance peut-être de lever le secret professionnel pour permettre à
ces personnes d'être respectées dans leurs droits?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Tremblay.
Mme Tremblay (Sylvie) : Lorsque cette ligne a été mise en place… On est
en partenariat avec eux pour être en second, s'il y avait des plaintes.
Je vous dirais, il y a peu de plaintes qui arrivent chez nous, avec cette
ligne-là. Nous, on est toujours vigilants par rapport à ça. On l'est aussi avec
d'autres partenaires, par exemple Services Québec qui reçoivent, comme tout le monde… Les personnes handicapées demandent des
informations à Services Québec, mais, nous, en est en partenariat pour être au service des personnes et pour pouvoir
aussi, pour toutes sortes de raisons, accompagner, même si elles
arrivent sur des choses un peu neutres avec le réseau du gouvernement.
Je
reviendrais un peu, par ailleurs, sur… On disait, dans notre mémoire, que les
ressources, même si elles sont de type intermédiaire ou autre, il faut
que ce soit de qualité. Et la préoccupation que nous avons est que beaucoup d'intervenants
ont — ils
vous ont probablement dit la même chose aussi — c'est que toute visite
d'appréciation, tout mécanisme d'évaluation,
que les parents puissent être présents et qu'ils soient bienvenus dans ces
ressources-là, c'est d'une importance capitale. Et nous, on est aussi
préoccupés de ça.
Vous
dire aussi que l'office est en train de faire une évaluation
très exhaustive des plans de services individualisés dans toutes les régions. On fait aussi des liens
avec les différents ministères, que ce soit l'Éducation et le ministère de la Santé. On devrait déposer
un rapport quelque part au printemps de cette année, qui va aussi un peu
décrire… Parce que le plan de services doit être l'outil pour aussi
permettre une véritable adéquation entre les services et les besoins de la personne. C'est fluctuant d'une région à
l'autre et d'un établissement à l'autre, et quelquefois il y a beaucoup
d'améliorations à
faire. Donc, nous, on est en recherche sur cet aspect-là. Et on pourra aussi, bien sûr,
avec les partenaires des établissements et le ministère aussi de l'Éducation et de la Santé, vous donner
une idée encore plus précise des
besoins des personnes handicapées au niveau des PSI et des PI, et pouvoir cibler un
peu plus aussi, en termes d'amélioration, qu'est-ce
qui pourra se faire au niveau des prochaines années.
Le
Président (M. Bergman) : Mme Tremblay, si je peux vous demander
une question… Premièrement, on a reçu
devant nous le Centre d'hébergement du Centre-Ville de Montréal, et on parlait
de la création d'un milieu de vie, et vraiment ça faisait chaud au coeur
pour les entendre. Et je me demande : Dans les CHSLD, en ce qui concerne
les personnes handicapées, est-ce qu'il y a une mise à jour régulière des
évaluations de l'état physique des résidents permettant d'identifier les
ajustements requis aux soins et services des personnes handicapées? Et, s'il y
a ce type de programme dans les CHSLD en ce
qui concerne les personnes handicapées, est-ce que ça peut mener au portrait
national de la situation des personnes
handicapées de moins de 65 ans que vous suggérez dans votre mémoire? Mais je
suis intéressé de savoir : Est-ce qu'il y a cette évaluation
régulière des personnes handicapées dans les CHSLD pour évaluer leur situation
physique?
Mme Tremblay
(Sylvie) : Je vais laisser, si vous me permettez, M. le Président, Mme
Bourassa...
Le Président (M.
Bergman) : Mme Bourassa.
Mme Tremblay
(Sylvie) : ...répondre à cette question.
Mme
Bourassa (Anne) : D'accord.
Alors, l'évaluation plus des besoins des gens qui seraient hébergés, ça se
ferait, là, davantage versus le plan d'intervention. Nous sommes déjà
intervenus aussi au niveau du service de soutien à la personne, là, pour aider des personnes au niveau du plan d'intervention,
donc, mais sinon c'est la qualité des services qui est évaluée, comme
pour toute autre personne, là. Je ne pense pas qu'il y a d'évaluation
actuellement davantage, là, au niveau des
personnes handicapées. Ce que nous, on propose, c'est plus un portrait, qui est
là, quels sont leurs besoins, etc., aussi pour, après ça, peut-être
voir, là, des ressources alternatives. Donc, dans ce qui était proposé pour le
portrait des personnes hébergées de moins de
65 ans, c'était vraiment plus un portrait global aussi, là, des personnes qui
constituent ce groupe-là et aussi de voir leurs besoins pour par la suite y
répondre de façon adéquate.
Le
Président (M. Bergman) : Est-ce que vous pourriez nous parler
de la situation de la formation du personnel dans les CHSLD en ce qui concerne les personnes handicapées? Est-ce que
vous pensez que le niveau de formation des personnes, à travers le Québec, en ce qui concerne les personnes
handicapées, est à un niveau acceptable pour vous? Est-ce qu'on doit avoir des cours de temps en temps, dans
les CHSLD, pour le personnel, en ce qui concerne spécifiquement les
personnes handicapées qui nécessitent un soin particulier? Et est-ce qu'il y a
un besoin d'une formation spécifique? Mme Tremblay.
• (16 h 50) •
Mme
Tremblay (Sylvie) : On
parlait tantôt de masse critique, et c'est là tout le problème, M. le
Président. Dans un contexte où, dans certains CHSLD, il y a peu de
personnes handicapées, les préposées ont souvent peu de formation pour pallier ou pour comprendre aussi la situation de
handicap qui n'est pas celle des personnes de 65 ans et plus. Pour les lieux d'hébergement où il y a
plus de monde, la formation continue est un petit peu plus intéressante.
Donc, c'est à géométrie variable, tout ça.
Ce qui est impératif pour nous, c'est que les soins soient de qualité et
qu'ils répondent aux besoins des personnes, donc. Et, bien évidemment,
il y a besoin, dans les CHSLD, d'une formation un petit peu plus
adéquate au niveau des personnes handicapées.
Le
Président (M. Bergman) : Merci.
Malheureusement, le temps s'est écoulé. Alors, Mme Tremblay, Mme Bourassa,
Mme Murchison, merci d'être ici avec nous aujourd'hui et partager votre
expertise.
Et je demande aux gens de l'Institut
canadien-polonais du bien-être de prendre leur place à la table.
Et je suspends pour quelques instants seulement.
(Suspension de la séance à 16 h 51)
(Reprise à 16 h 52)
Le Président (M. Bergman) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue à l'Institut
canadien-polonais du bien-être.
Bienvenue à l'Assemblée nationale. C'est fort possible, pendant votre présentation,
que nous sommes appelés à un vote à l'Assemblée nationale. Alors, on va suspendre la commission
pour laisser les députés faire le vote à l'Assemblée nationale et
retourner ici. Mais, pour le moment, on attend l'appel pour le vote.
Vous avez 10 minutes
pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Pour les
fins d'enregistrement, pouvez-vous nous donner vos noms et vos titres?
Et les prochaines 10 minutes, c'est à vous.
Institut canadien-polonais du bien-être inc.
(ICPBEI)
M. Tormen
(Georges) : Merci, M. le Président. Mmes et MM. les députés, membres de la commission,
nous vous remercions de votre
invitation. Permettez-moi de vous présenter, à ma droite, M. George Pajuk, qui
est le président du conseil d'administration de l'Institut
canadien-polonais du bien-être; près de lui, Mme Frances Sztuka, qui est la présidente
de la Fondation de l'Institut canadien-polonais. À ma gauche, je vous présente
Mme Monika Szpotowicz, directrice générale,
qui est présentement en congé de maternité et qui reprendra bientôt ses
fonctions à compter du 8 avril 2014. Près d'elle…
Le Président (M. Bergman) :
Félicitations!
M. Tormen
(Georges) : Près d'elle, je vous présente Mme Violetta Sikora, directrice
des soins infirmiers. Pour terminer, je me présente : Georges
Tormen, directeur général par intérim pour la durée du congé de maternité de
Mme Szpotowicz.
Qu'est-ce que l'Institut canadien-polonais du bien-être?
M. le Président, permettez-moi de vous dire humblement que nous connaître, c'est comprendre un peu plus
comment la culture est au service du milieu de vie substitut en CHSLD, comment la culture est essentielle au milieu de
vie substitut. Vous l'avez vu dans la première partie de notre mémoire
et vous l'avez sans doute retenu, l'institut est peut-être petit avec ses 126
lits d'hébergement, mais c'est un diamant au cou
de la communauté polonaise, je le dirais aussi, de la communauté ukrainienne et
pour les autres communautés slaves. L'institut
y occupe une position centrale et y brille de tous ses feux. En fait, même si
la chose est peu connue, l'institut est un diamant au cou de la
communauté québécoise.
Vous le savez maintenant, nous l'avons expliqué
dans notre mémoire, l'institut est, nous nous permettons
d'insister, un centre d'hébergement et de soins de longue durée public,
mais qui n'est pas regroupé ou pas intégré au sein d'un CSSS et qui est à vocation unique. Ces
trois éléments mis ensemble et les conséquences qui en découlent font de
notre établissement une entité autonome qui
doit disposer des ressources nécessaires et suffisantes pour s'acquitter
de sa mission, celle d'héberger des
personnes âgées de la communauté polonaise, de la communauté ukrainienne et des
autres communautés slaves.
Il suffit de prendre connaissance de son
histoire. L'institut est né d'un acte d'entraide et du sens des responsabilités de la communauté polonaise. C'est
aussi un témoignage de reconnaissance
des immigrants polonais qui ont choisi
le Canada comme pays d'adoption et qui ont élu domicile au Québec,
terre d'accueil par excellence. Ces immigrants ont fait du Québec leur chez-soi. Ils ont élevé leur famille, ils
ont occupé des emplois, des professions, certains et même plusieurs sont
devenus célèbres et, tout en s'intégrant dans le mode de vie du Québec, ils ont
conservé l'amour de leur patrie d'origine, ses traditions et ses habitudes de
vie sociale et culturelle, ethnique et linguistique.
Aujourd'hui et demain, un grand nombre d'entre eux se trouvent et se retrouveront
sur notre liste d'attente et sont devenus
ou deviendront résidents de notre établissement. Il n'en demeure pas moins que la communauté
polonaise, pour ne parler que d'elle, est très bien intégrée au Québec.
Ses membres apportent une contribution appréciable dans tous les domaines,
diplomatique, politique, religieux, culturel, professionnel, éducatif, sportif,
etc.
L'institut a 48 ans d'existence et a hébergé, à
ce jour, 1 191 résidents. À ce jour aussi, huit de nos résidents ont 100 ans et plus. Nous avons aussi une
résidente qui habite le centre depuis plus de 25 ans. La communauté
polonaise est très présente dans toutes nos activités. Nous recevons régulièrement
des bénévoles, des troupes folkloriques et même l'ambassadeur, des consuls
généraux et d'autres dignitaires de la République de la Pologne qui viennent
honorer nos résidents qui ont servi leur patrie d'origine à divers titres.
Approche populationnelle, approche
communautaire, approche culturelle et approche relationnelle, toutes les composantes sont présentes, à l'institut, pour
réaliser sa vocation unique. Plus encore, à l'institut, la culture est au
service du milieu de vie substitut, qui est
lui-même fondé sur l'histoire de vie de nos résidents. Le passé de l'institut
est élogieux, son présent actuel est honorable. L'institut a reçu, au
cours des dernières décennies, de nombreuses reconnaissances : à deux reprises par l'Assemblée nationale, qui lui
a confirmé son statut particulier et pour la qualité des soins et
services en obtenant son agrément à plusieurs reprises; et récemment, avec honneur, pour une période de
quatre ans, par Agrément Canada.
Donc, passé élogieux, présent actuel honorable, son avenir, par contre,
est incertain, voire en péril, puisque
le financement qui lui est alloué et les ponctions récentes en termes
d'optimisation ont fragilisé les assises budgétaires et poussent l'institut vers le déficit, même si les performances de
l'institut démontrent que les ressources sont gérées de façon efficace
et productive.
Quoi dire sur
les conditions de vie des personnes
âgées en hébergement public, les
déterminants? Qu'est-ce que ça
implique, vivre en milieu de vie substitut dans un CHSLD public? A-t-on des
recommandations à faire pour bien comprendre
et agir adéquatement sur les déterminants des conditions de vie? Les conditions de vie des personnes âgées en
hébergement public dépendent des assises
légales, du statut institutionnel, c'est-à-dire du CHSLD public comme tel, du milieu de travail, des milieux de services et de
soins et traitements, de la manière dont le milieu de vie substitut est
organisé et de la communauté, par sa participation, incluant les membres de la
famille, les proches, les bénévoles, etc.
• (17 heures) •
À partir de
notre expérience, de nos 48 années d'existence, nous avons comparé ce que
c'est, un chez-soi, et ce que cherche
à recréer un milieu de vie substitut. Nous avons identifié les déterminants des
conditions de vie des personnes âgées en
CHSLD public. D'ailleurs, la deuxième partie de notre mémoire
vous livre les résultats de cette démarche. Quant à la troisième partie
de notre mémoire, nous vous avons répondu aux 38 questions que la commission a
formulées dans son mandat d'initiative.
Pour
terminer, nous vous exposons quelques-unes
des propositions de recommandation : mettre sur pied un centre d'étude et d'action prospective sur les modalités
de création de milieux de vie
substituts en CHSLD; entreprendre une démarche
de consultation élargie afin d'étudier les impacts de l'implantation des dispositions de la loi sur l'assurance autonomie; créer des enveloppes
monétaires pour garantir la transformation des CHSLD qui en font maintenant un lieu public de dernier recours et de fin de vie;
intégrer le bénévolat dans le programme d'éducation civique des écoles et
subventionner des projets de bénévolat issus des écoles et de la communauté;
s'assurer que les CHSLD publics non regroupés
à vocation unique reçoivent le financement nécessaire et suffisant pour maintenir leur statut particulier et réaliser leur mission;
préserver de toute diminution les budgets de formation en CHSLD, voire les
augmenter et y inclure les coûts de
remplacement; développer des actions concertées tant au niveau national qu'au
niveau local pour augmenter la responsabilisation
et la participation à l'accompagnement des résidents par les proches; et enfin
mettre en place un mode de gestion de la communication d'information du
ministère qui assure non seulement la transparence et la fiabilité des informations rendues publiques, mais la mise en
séquence des interventions, la démonstration publique de la démarche concertée, responsable, professionnelle et
imputable des porteurs de dossiers de qualité, la responsabilisation de
l'image médiatisée, ce qui éviterait la récupération
de l'information à d'autres fins que celle de l'amélioration continue de la
qualité.
M. le
Président, Mmes, MM. les députés, membres de la commission, nous vous
remercions de votre attention.
Le
Président (M. Bergman) : Merci. Merci, M. Tormen pour votre
présentation. Alors, pour le bloc ministériel, Mme la députée de
Sainte-Rose.
Mme Proulx :
Merci, M. le Président. Alors, bonjour, M. Tormen. Ça me fait plaisir de vous
accueillir. Je vous salue aussi, M.
Pajuk, Mme Sztuka, Mme Szpotowicz et Mme Sikora. Alors, bienvenue à vous. Je ne
suis pas pire, hein?
Écoutez, en
tout premier lieu, vous me permettrez de saluer la communauté polonaise. Je
connais personnellement plusieurs
membres de la communauté polonaise et je pense que votre arrivée ici il y a de
nombreuses années a contribué de belle façon à l'enrichissement collectif de la
société québécoise. Alors, je vous félicite pour ça et je vous félicite aussi
pour votre présentation.
Écoutez, vous
avez tellement de recommandations qui m'apparaissent pertinentes et
intéressantes que je ne sais pas trop par laquelle commencer, mais il y
a plusieurs choses que vous avez mentionnées qui ont vraiment suscité mon intérêt. J'aimerais ça, premièrement, que vous
commenciez par nous donner un portrait peut-être des personnes que vous
hébergez, alors peut-être l'âge, le profil des personnes et un peu à quoi ça
ressemble, là, vos résidents.
M. Tormen (Georges) : Permettez-moi
de donner la parole à…
Le Président (M. Bergman) :
M. Tormen.
M. Tormen (Georges) : Excusez-moi,
M. le Président. Permettez-moi de céder la parole à Mme Sikora.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Sikora.
Mme Sikora
(Violetta) : Merci, M. le
Président. Alors, depuis quelques mois, les dernières années, notre clientèle
a changé énormément. Nous avions… la
majorité des résidents qui hébergaient étaient des programmes 21, donc
demandant 2,5 heures et moins de soins. Je peux confirmer que, depuis environ
deux, trois ans, ce n'est plus, malheureusement, la réalité. Nous avons 19 personnes dans le programme 21 et 107
programmes dans le programme 31. Donc, vous voyez qu'il y a un gros
alourdissement de la clientèle.
Et 92,1 % de nos clients ont plus de 80
ans. C'est des personnes qui sont d'origine polonaise, quelques-unes d'origine ukrainienne, et on a une personne
d'origine hongroise aussi, qui, à travers leur vécu, ont contribué à la
communauté québécoise et canadienne et qui se retrouvent chez nous, dans leur
dernière, disons, maison, leur dernière étape de vie. Et nous sommes là pour les héberger et leur offrir
une culture, donc aller chercher qu'est-ce
qu'ils ont vécu dans le passé, qu'est-ce
qui était leur maison, leur chez-soi dans leur pays. On essaie de leur donner
une petite terre, une petite maison qui va leur rappeler leur culture,
leurs traditions. Donc, on héberge des personnes, comme je vous ai dit,
d'origine slave. Notre cuisine est
typiquement polonaise, notre musique, nos activités aussi sont adaptées à la
culture polonaise. Est-ce que je peux peut-être demander aux collègues
de rajouter quelque chose?
M. Tormen
(Georges) : Madame a bien
décrit la situation. Nous vivons à la polonaise dans un Québec francophone,
dans un Québec qui a été accueillant pour
les Polonais, qui fait en sorte que, tout en étant très polonais… parce que,
vous savez, en vieillissant on retourne vers
nos racines et, à toutes fins pratiques, on se rappelle beaucoup plus ce que
nous avions connu quand nous étions jeunes, et conséquemment c'est ce
qui nous apporte sans doute les plus grandes joies, les plus grands plaisirs. Et n'oubliez pas, à cet âge-là, la saveur, le son,
la musique, la lecture d'un poème, tout ça, c'est du bien-être, tout ça, c'est un plaisir de continuer
à vivre tout en sachant que ces personnes-là sont malades et qu'elles
ont besoin beaucoup de soins. Je pense avoir
décrit… peut-être Mme Sikora… Mme Szpotowicz souhaiterait peut-être
rajouter quelque chose, M. le Président.
Le Président (M. Bergman) :
Oui, certainement.
Mme
Szpotowicz (Monika) : Non.
Je crois que vous avez très, très bien décrit. Je tiens à souligner que M.
Tormen n'est pas d'origine polonaise. Il est
à l'institut depuis quelques mois et il a très bien compris les besoins de nos
résidents, il a très bien… il s'est très
bien adapté aussi à la culture. Donc, c'est une personne neutre qui se retrouve
ici à défendre, d'une certaine façon, l'institut canadien-polonais.
Mme Proulx :
Merci beaucoup. J'aimerais souligner que, dans votre mémoire, vous faites état
particulièrement de performances extrêmement
intéressantes de l'institut, selon l'agence notamment, qui vous confère un
quatrième rang pour les services alimentaires. Alors, j'aimerais un
petit peu que vous nous parliez de la qualité de l'alimentation que vous servez
dans votre centre et comment vous avez pu atteindre ce succès-là au niveau de
la qualité alimentaire.
Le Président (M. Bergman) :
M. Tormen.
M. Tormen (Georges) : Oui, M. le
Président. Mme Szpotowicz aimerait vous expliquer cela.
Le Président (M. Bergman) : …
Mme
Szpotowicz (Monika) : Merci,
M. le Président. Tout d'abord, je tiens à souligner que notre
établissement est parmi ceux dont le taux de
sous-alimentation est le plus faible. Donc, le fait d'avoir un petit taux... un
petit coût par repas ne signifie pas nécessairement que nos résidences
sont mal alimentées.
Je crois que ce qui est important, c'est la
volonté des employés de retrouver des recettes polonaises. Donc, il y a beaucoup de choses qui sont faites à la
maison, donc de la façon qu'on aimerait le faire à la maison. Donc, bien
sûr, ça fait diminuer les coûts. Il y a
beaucoup d'employés qui vont même préparer des gâteaux chez eux, à la maison,
et qu'ils vont apporter et ils vont partager avec nos résidents. Je vous
parle ici des employés de la cuisine. Donc, nos résultats sont excellents parce
qu'il y a cette volonté, je crois, de la part des employés de la cuisine, de
recréer un repas polonais, mais à des petits coûts. Et bien sûr il y a aussi l'implication de la
diététiste qui va faire une évaluation fréquente du menu puis des
changements de menu selon la saison, pour s'adapter. Donc, voilà.
Le Président (M. Bergman) :
M. Tormen.
M. Tormen (Georges) : Oui, si vous
permettez, M. le Président. C'est qu'aussi n'oubliez pas que l'institut
polonais partage beaucoup avec sa communauté. Alors, à chaque fois qu'il y a
une occasion de fêter, on fête.
Je vous donne
l'exemple, le jour du réveillon, la communauté était invitée. Il n'y avait pas
simplement que les résidents à la
table, il y avait aussi les membres des familles, il y avait des membres du
conseil d'administration, il y avait des
médecins. C'est l'occasion d'une véritable fête et du partage du pain, là,
permettez-moi l'expression. Donc, on partage ce repas, on le fait en musique, on le fait selon les traditions, et le
repas n'est plus un repas. C'est l'occasion de se réjouir ensemble, de savourer des saveurs du pays,
puisque, même si quelquefois… À l'occasion du réveillon, par exemple,
les repas étaient des repas polonais, mais avec une petite touche de modernité,
ce qui fait que tout le monde a beaucoup apprécié. Et on était au-delà de 400 à
fêter sur toutes les unités et même à la salle à manger en bas.
• (17 h 10) •
Le Président (M. Bergman) : Mme la
députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : M. Tormen, vous
nous donnez le goût d'y être. Avez-vous une longue liste d'attente?
Des voix : Ha, ha, ha!
Mme Proulx : Écoutez, j'aimerais ça que vous nous parliez aussi… Parce que
vous avez souligné votre entente de gestion et d'imputabilité. Je ne
sais pas si c'est M. Tormen, là, qui peut nous en parler sur cette
particularité de votre entente qui vous permet de générer des effets aussi
positifs, là, dans votre gestion.
Le Président (M. Bergman) : M.
Tormen.
M. Tormen (Georges) : Oui, je vous
en prie. Merci, M. le Président. Vous savez, l'entente de gestion et d'imputabilité, ça concerne des cibles, hein,
comme par exemple l'assurance salaire, des choses comme ça. Écoutez,
c'est une opinion personnelle, je n'en fais
pas une opinion d'établissement, mais, vous savez, quand les gens travaillent
très fort et qu'ils sont malades, c'est
difficile de leur dire : Viens donc, la moitié du temps, travailler puis,
l'autre moitié, tu restes à la maison
malade. Cette question d'imputabilité relativement à ce sujet-là, ce n'est pas
ça qui est vraiment la chose la plus importante. Si on donne des bonnes
conditions de travail…
Parce que,
vous savez, dans mon mémoire, nous avons distingué trois choses, d'abord vis-à-vis
le milieu de vie substitut, mais ce
milieu de vie substitut là, il ne naît pas comme ça tout d'un coup, là. On ne
crée pas des conditions qui font que
c'est un chez-soi… J'ai bien décrit ce que c'était un chez-soi puis, quand on
arrive en milieu de vie substitut, qu'est-ce que c'est, qu'est-ce qu'on n'a plus. On n'a plus notre chat, on n'a plus
notre chien, on n'a plus notre bibliothèque, on n'a plus de jardin, on ne peut plus faire de barbecue.
On se retrouve donc confiné dans une chambre ou dans une partie de
chambre. Donc, c'est des sacrifices. C'est un abandon d'un certain nombre de
choses.
Ce qu'il est
important de comprendre, c'est qu'il y a… c'est un milieu de travail aussi,
avec son rythme, avec son organisation.
Puis vous avez aussi un milieu de soins, de traitements. Donc, il faut savoir
conjuguer cet ensemble-là. Moi, je
dis toujours : Les cadres qui sont en place — on n'est
que trois d'ailleurs, trois à temps complet dans cet établissement — ces cadres-là, il faut qu'ils aident
les employés à donner le meilleur d'eux-mêmes parce que, quand ils donnent le meilleur d'eux-mêmes, bien c'est de la qualité qui
se produit, là. Puis le meilleur d'eux-mêmes, vous savez, c'est… On ne
leur demande pas simplement de poser un geste mécanique, de développer une
technique. On leur demande un investissement
affectif et émotif. Vous savez ce que ça coûte, ça, un investissement émotif et
affectif? C'est énorme, ce qu'on leur demande.
Alors, vous comprenez que, si la lourdeur des
patients que l'on a augmente la charge de travail et que l'on n'arrive pas de
trouver des moyens pour compenser, automatiquement on les rend malades. Et il
ne faut pas les rendre malades. C'est eux
qui, sur le 24 heures et les sept jours par semaine, donnent des soins. C'est
eux qui offrent, de façon éphémère mais répétée à l'infini, des
sourires. C'est eux qui portent une attention particulière à nos résidents. Il
faut en prendre soin. C'est un capital humain extrêmement important. Alors, il
ne faut pas oublier cette chose-là.
Ce qui fait
que les ententes de gestion… Vous savez, tout ce qui peut être des
considérations d'ordre administratif ou bureaucratique, ce n'est pas ça
qui fait que notre milieu de vie substitut permet à nos résidents de vivre des
bons moments, des derniers moments, c'est la
présence de la personne, c'est l'accompagnement de la famille. C'est
l'ambassadeur de la République de
Pologne qui vient d'Ottawa fêter le jour du soldat en remettant de façon
honorifique des médailles à nos
résidents et résidentes. C'est ce qui fait le milieu de vie et qui rend ce
milieu de vie agréable à vivre pour ces gens-là.
Alors, oui, il y a les contraintes budgétaires.
Oui, il y a les ententes de gestion, il faut les respecter. Oui, il y a l'équilibre
budgétaire, il ne faut pas l'oublier, même si on se trouve coincés, parce que,
tout en étant autonome, on ne peut pas avoir des économies d'échelle comme un
CSSS, puisqu'on fonctionne comme un CSSS, là. On est un petit établissement, mais ce petit établissement doit se
suffire à lui-même. Vous savez, quand on nous a donné cette autonomie, on nous a dit : Vous disposez des ressources
suffisantes et nécessaires. Voyez-vous, avec toutes les coupures qu'on a
eues, on n'a plus que 1,5 budget pour trois cadres. Et ce n'est pas exagéré,
trois cadres à temps complet. Je parlais avec un directeur général qui me disait : Tu sais, avec 8 millions, au
moins tu devrais avoir six cadres à temps complet. Combien tu en as? Je n'en ai que
trois. Ah, oui? Et tu réussis? Comment tu fais? Bien, c'est la résilience et
puis c'est le courage. C'est la détermination de tout un peuple qui est
derrière.
Puis aussi
l'investissement, bien sûr, on le fait auprès des résidents, essentiellement
auprès des résidents. Puis, vous savez,
les gens de l'administration qui sont là… Vous savez, le bénéficiaire qui, avec sa chaise roulante, vient voir
le monsieur qui s'occupe de la caisse, de
son argent, bien il vient d'établir une relation d'affaires avec cette
personne-là. La vie, ce n'est pas simplement des loisirs, c'est tout le
reste, et ce reste-là, c'est le contact...
Vous en connaissez beaucoup, des représentants
du conseil d'administration qui viennent aux loisirs? En connaissez-vous beaucoup,
des bénévoles qui sont là cinq jours par semaine depuis 15 ans et qui ont été préposés pendant 10 ans? Je n'en ai
pas connu beaucoup. Moi, quand je suis arrivé à l'Institut canadien-polonais,
ça a été pour moi un émerveillement, ça a
été une découverte extraordinaire. Moi qui avais connu d'autres choses dans
le passé, je n'en revenais pas. Et c'est
pour ça que j'ai accepté le mandat puis de remplacer au mieux et de comprendre
l'âme polonaise dans cette institution-là, parce qu'il y a une âme, et c'est ce
qui fait notre milieu de vie substitut de qualité.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx :
Moi, je suis vraiment fascinée de vous entendre et intriguée à la fois. À quoi
vous attribuez cet engagement du personnel, des cadres, que vous semblez
avoir été en mesure de susciter? Il doit y avoir une recette en quelque part, là. Qu'est-ce que c'est? Quelle
est l'approche que vous préconisez? Parce qu'effectivement ce n'est pas nécessairement courant, ce que vous décrivez comme milieu de vie, de pouvoir en arriver à
avoir un environnement et une dynamique comme ça. Donc, ça prend nécessairement du personnel dédié, engagé, vous l'avez dit tantôt, émotivement
engagé. Mais comment vous en arrivez à susciter un tel engagement de la part du
personnel?
M. Tormen (Georges) : Si vous
permettez, M. le Président, je laisserais la parole à Mme Szpotowicz.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Szpotowicz.
Mme
Szpotowicz (Monika) : Merci.
Je crois que c'est le sentiment d'appartenance, le sentiment
d'appartenance à la communauté, la fierté de faire partie de cette petite
Pologne. Parce que l'institut est devenu un peu comme une petite Pologne, on a reproduit le pays. Les gens
sont tellement fiers, ils veulent tellement réussir et démontrer un
petit peu aux autres communautés qu'on s'est très bien adaptés et qu'on réussit
très bien. Ça fait qu'il y a beaucoup de gens qui font du bénévolat.
On peut dire,
nous tous, on travaille la fin de semaine, le soir puis même pendant nos
vacances. Il y a beaucoup d'employés, comme des préposés, qui vont
travailler sur leur pause, ils vont discuter avec des résidents, des gens de
l'entretien qui vont jouer de l'accordéon. Donc, tout ça mis ensemble... Je
crois qu'en se regardant ça nous motive encore plus de voir où est-ce qu'on
s'est rendus.
Le Président (M. Bergman) :
M. Tormen.
M. Tormen
(Georges) : J'ajouterais, M.
le Président, ceci, si vous me permettez, Mme Szpotowicz. La langue, facteur
d'unification, les valeurs patrimoniales, le passé, l'importance du passé et de
l'histoire, ce sont des choses importantes
pour un peuple, et pas seulement pour le peuple polonais, vous savez. Cette
chose-là est tellement évidente que, lorsqu'on partage cette culture-là,
à travers le folklore, à travers les traditions, à travers les mets
traditionnels, c'est évident qu'on est là pour s'entraider.
C'est pour ça que je vous disais : Approche
communautaire, hein, populationnelle, bien sûr, puisqu'on se préoccupe d'un segment de la population, approche
communautaire, approche culturelle et aussi approche relationnelle, ces composantes-là font en sorte que vous avez quelque
chose de tout à fait particulier à l'Institut canadien-polonais du bien-être.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Sainte-Rose, il vous reste quatre minutes.
Mme Proulx : Oui. Je vais
laisser la parole à ma collègue, qui souhaite intervenir.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Oui, qui a une question qui...
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Merci, M. le Président. Qui a une question qui me brûle les lèvres. Vous avez
mentionné tout à l'heure... Bien, bravo à tout le monde, bravo pour ce que vous
avez réussi et ce que vous réussissez à faire au quotidien pour les gens qui
sont chez vous.
Vous avez
parlé tantôt, madame, qu'il y avait un alourdissement de la clientèle, les gens
sont plus hypothéqués, ils sont en
plus grande perte d'autonomie. Comment arrivez-vous à composer avec cette
réalité-là, cet alourdissement-là? Parce
qu'il y a des gens qui nous ont dit : Bien, c'est plus difficile. Et puis,
ça, j'aimerais ça vous entendre sur cet aspect-là.
• (17 h 20) •
Mme Sikora
(Violetta) : Je vous dirais
que c'est beaucoup plus difficile d'y arriver, mais, comme Mme Szpotowicz et M. Tormen le disaient, on est une équipe qui
veut le meilleur pour notre résident, donc tout employé travaille en pensant à la sécurité, à
la qualité des soins. On se réorganise, on refait des plans, on redivise la
tâche et on doit y arriver parce qu'au bout du compte, c'est la
satisfaction du résident qui compte.
C'est certain que, si
le budget serait là, nous pourrions augmenter nos ressources. Parce que c'est
certain que, depuis un certain temps, on
voit aussi une plus grande assurance salaire au niveau des employés, et c'est
normal parce que les personnes sont
épuisées. Et on les remercie pour le grand travail, qu'ils mettent tout le
coeur à faire leurs tâches auprès des résidents. Mais, comme je vous
dis, c'est vraiment une réorganisation, la collaboration de tous et de tous les
professionnels de tous les départements.
Parce qu'on a un département de réadaptation, on a une diététicienne, on a
une pharmacienne, on a un département de
loisirs. Donc, c'est vraiment le fait parfois de faire des rencontres interdisciplinaires,
de revoir notre plan puis voir quel objectif
qu'on doit atteindre. Mais vraiment tous les soins sont faits de façon sécuritaire, et nous suivons les
normes recommandées, nous passons les agréments, la visite
ministérielle, le milieu de vie. On essaie
le plus possible de tout mettre en place pour réussir. Mais c'est certain, les
ressources... Si le budget serait beaucoup plus grand, les ressources
seraient meilleures puis on serait plus capables de réussir facilement.
Le Président (M.
Bergman) : M. Tormen.
M. Tormen
(Georges) : Oui. Permettez-moi une information complémentaire. Vous
savez, j'ai comparé les revenus nets, si
vous voulez, le revenu net par lit reçu par différents centres d'hébergement,
de CHSLD publics. Vous savez, il y en a qui reçoivent 82 000 $
par lits; nous en recevons 46 000 $. Nous sommes celui qui recevons
le moins par lit. Donnez-moi simplement, comme la caisse le présentait,
70 % du 93 000 $ que coûte un lit ou... ça nous donne
65 000 $, 19 000 $ par lit. Avec 19 000 $ par
lit, multiplié par 126, 2,4 millions, nous faisons plus que des miracles.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Masson, il vous reste une
minute...
Mme
Gadoury-Hamelin : Oui. J'ai une question. Votre personnel,
est-ce qu'ils sont majoritairement des gens d'origine polonaise?
Le Président (M.
Bergman) : ...
Mme Sikora (Violetta) : Oui, majoritairement, surtout les préposés parce
que c'est le premier contact avec le résident.
Donc, un de nos critères, effectivement, c'est la langue polonaise ou une
langue slave. Au niveau des infirmières et infirmières auxiliaires, des
fois c'est un peu plus difficile. Mais c'est aussi au niveau de la sécurité.
Une infirmière a une évaluation qui est un
peu plus poussée qu'une préposée. Donc, de façon légale, la personne, l'employé
doit connaître un peu qu'est-ce que
le résident a besoin et quelle évaluation a besoin d'être faite. Donc, de façon
que ça soit sécuritaire, c'est certain qu'on essaie d'avoir du personnel
d'origine polonaise, mais on est conscients que ça va être de plus en plus
difficile aussi à trouver, que tous parlent la langue polonaise.
Le Président (M.
Bergman) : Malheureusement, le bloc... le temps s'est écoulé
pour cette...
Mme
Gadoury-Hamelin :
...petit, minicommentaire, M. le Président.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin : Juste dire à Mme la présidente fondatrice
de l'endroit : Vous devez être fière, madame, de voir que ça évolue
dans le sens que vous nous présentez aujourd'hui. Alors, vous pouvez être fière
d'avoir été la fondatrice de cet endroit.
Le
Président (M. Bergman) : Maintenant, pour le bloc de
l'opposition officielle, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais :
Merci beaucoup, M. le Président. Écoutez, vous êtes tellement dynamiques, vous
avez tellement de joie de vivre. Je pense, M. Tormen, que vous avez
adopté les Polonais, hein?
Une voix :
…
Mme
Blais :
Oui, tout à fait, hein? Je vais vous dire que, dans mon comté, j'ai une église
polonaise. Moi, je suis dans Saint-Henri—Sainte-Anne, il y a une église
polonaise, j'ai une pâtisserie polonaise extraordinaire, j'y vais régulièrement,
elle me gâte tout le temps. Et j'ai aussi une résidence pour personnes âgées,
qui s'appelle la maison hongroise. Et c'est
un peu comme, je dirais, au niveau de la sensation quand je suis invitée dans
une fête pour Noël, on ne peut pas partir, là, ou, quand on est invités
pour le 24 juin, on ne peut pas partir : les saucisses, les mets hongrois
qui arrivent, les familles... Ça ne finit plus. Les gens sont heureux, toujours
bien habillés. Et, vous avez tout à fait raison, en vieillissant, la langue
d'origine est quelque chose de tout à fait essentiel, et ça fait en sorte qu'il
y a un lien, et les gens sont tissés, tricotés serrés.
Avant
peut-être de vous parler de côté financier, évidemment il y a des gens qui
n'ont pas parlé ici… Vous avez une fondation. Ça serait peut-être intéressant
que vous me parliez de votre fondation et qu'est-ce que vous arrivez, avec la
fondation, à pouvoir apporter de plus à votre centre canadien-polonais du
bien-être.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Sztuka. Et félicitations à vous, madame.
Mme Sztuka (Frances) : Merci, M. le
Président. Ce n'est pas seulement moi, c'est la coopération de toute la communauté polonaise et slave et tous les
bénévoles qui nous ont aidés. La fondation a été fondée en 1992. Alors,
c'est une assez jeune fondation, mais nous
avons réussi, jusqu'à date, de
dépenser au-dessus de 700 000 $ dans des affaires qui étaient
de besoin pour l'institut, qui n'étaient pas couvertes par le budget du
gouvernement du Québec.
Alors, pour
donner un exemple, nous avons créé une chambre, qu'on appelle le «Snoezelen
room». Parce que nous avons maintenant, à l'institut, beaucoup de
résidents qui ont la maladie Alzheimer, puis ça va de pire en pire. Et puis le «Snoezelen room», c'est une place où on donne
un genre de thérapie qui a effet à tous les «senses», les sens, vous
savez, comme la vue, le goût et le
«hearing» — excusez-moi,
je mêle les affaires un peu — et puis ça nous a coûté
20 000 $...
Mme
Blais : Vous
pouvez le dire en polonais aussi.
Des voix : Ha, ha, ha!
Mme Sztuka
(Frances) : Merci beaucoup.
Ça a coûté 20 000 $ et puis c'est beaucoup apprécié jusqu'à date.
Aussi, nous avons acheté seulement en septembre… pas seulement, mais en
septembre 2013, un nouveau autobus pour les gens
handicapés. Ça a coûté à la fondation 99 000 $. Mais c'est un autobus
qui est très confortable. Parce que les gens qui vieillissent, ils ont
plus besoin de soins, disons, avec leur chariot puis les chaises roulantes et
tout ça. Alors, il fallait que cet
autobus-là soit très bien installé pour accommoder toutes ces affaires-là, vous
savez. Et puis c'est surtout pour conduire les résidents qui sont encore
mobiles, dans un sens, avec leurs «walkers» et les chaises roulantes, pour les amener à l'hôpital ou chez les médecins pour les
suivis, naturellement. Et puis, surtout en été ou bien quand la
température va bien, nous avons des «outings»…
Une voix : Des sorties.
Mme Sztuka
(Frances) : …des sorties pour ces résidents-là. Puis ils pensent
qu'ils sont en vacances. C'est quelque chose de très merveilleux pour
eux. C'est important pour eux, pour changer les idées, d'être toujours, disons,
dans leur propre chambre, n'est-ce pas?
C'est pareil comme nous, quand on va en vacances, on apprécie ça beaucoup.
C'est la même chose pour eux. Alors, il y a
beaucoup d'affaires que la fondation a achetées pour nos résidents et grâce aux
dons des gens de la communauté polonaise et slave et d'autres membres des
autres communautés qui nous ont supportés aussi. Et puis c'est comme ça que la fondation
gère.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Ça me fait penser un
peu à l'esprit de ce que vous avez au centre gériatrique de la communauté
juive, qui nous a rendu visite, où on nous
expliquait que c'était une gestion linéaire plutôt qu'en pyramide. On avait
beaucoup moins de cadres et beaucoup plus de personnes sur le plancher, que la
directrice se promenait sur le plancher, et que les gens étaient pas mal multifonctionnels, et que c'était très
familial, et ça faisait en sorte qu'on était capables, évidemment, d'offrir des services plus personnalisés. Puis
vous êtes en train de prouver qu'avec beaucoup moins d'argent… parce
que, quand je regarde que vous recevez 46 000 $ pour vos lits,
46 245 $, soit 19 149 $ de moins qu'un autre CHSLD qui
n'est pas celui le plus cher, vous êtes obligés de faire des miracles.
J'imagine, vous avez un bon président de conseil d'administration.
Une voix : …
Mme Blais : C'est vous qui faites
des miracles? C'est vous qui faites des miracles, là?
Le Président (M. Bergman) :
Mrs. Sztuka.
Mme Sztuka (Frances) : Nous avons un
très bon président du conseil d'administration, M. George Pajuk.
• (17 h 30) •
Mme
Blais : Donc…
Le Président (M. Bergman) :
M. Pajuk.
M. Pajuk
(George) : Merci, M. le Président. Alors, premièrement, je vais dire un grand merci à notre directeur
général par intérim, qui va devenir Polonais dans 11 mois et puis devenir très
fier de notre institut, très supportant. Mais,
comme vous savez, notre budget est très difficile à gérer parce que
nous avons seulement trois cadres et puis, dans les quatre dernières années, il y a
eu un remplacement de nos cadres parce
que les trois précédents ont pris
leur retraite. Et, en même temps, nous sommes frappés par les programmes
d'optimisation où on coupait demi des salaires de nos trois cadres, et
on se trouve vraiment maintenant dans une situation très précaire, M. Tormen a
déjà décrit ça.
Espérons que, par exemple,
si on parle d'impôt, si quelqu'un gagne seulement 20 000 $
par année, on nous demande des
coupures de taxes additionnelles, on se trouve… peut-être, dans notre cas, on
devrait appliquer les mêmes approches. Nous sommes
vraiment de base, de base, et, pour demander de nous d'appliquer… couper le
programme d'optimisation, c'est vraiment
très difficile. Et on devrait voir vraiment est-ce que, dans notre cas,
comme nous sommes un CHSLD non
associé avec un centre, est-ce qu'on ne peut pas penser de nous donner un peu
plus d'argent, peut-être une moyenne
des CHSLD ou certainement… prix maintenant 46 000 $ par lit. Et je
pense que c'est une demande raisonnable. On travaille fort. On se trouve maintenant avec une situation que notre
CHSLD… avec nos résidents qui sont âgés, avec toutes sortes de problèmes
pas seulement physiques, mais aussi de santé mentale.
On a besoin
aussi beaucoup de formation, nos employés avoir besoin de formation. Et, si on
considère couper dans le budget de
formation, dans une situation… partout aux CHSLD, c'est vraiment difficile
d'accepter de couper 25 % de ce budget.
Je pense que c'est un autre budget qui devrait être gardé comme... parce que la
difficulté est énorme. L'équipe travaille bien. On essaie de répéter à
nos employés que nous sommes très fiers de leur travail, on essaie d'indiquer notre appréciation de notre personnel, mais on a
vraiment besoin d'aide financière parce que sinon on se trouve en
déficit.
Et on ne
désire pas d'être jumelé avec un centre, on désire garder notre autonomie et
garder notre esprit d'appartenance,
notre fierté. Et, comme M. Tormen et Mme Szpotowicz ont déjà décrit, nous avons
une grande implication de notre communauté et aussi de la communauté ukrainienne.
Par exemple, régulièrement nous avons une visite par l'excellente chorale ukrainienne avec vraiment... qui est appréciée
beaucoup par nos résidents. Et nous, on apprécie d'être reçus par vous, M. le Président et membres du
comité. Espérons que vous avez cette habilité de nous aider par indiquer
ça dans votre rapport de commission. Merci.
Le
Président (M. Bergman) : Merci. Certainement, on va profiter
peut-être pour une visite individuelle. M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Si j'ai bien compris,
puis je connaissais votre établissement parce que je voyais votre existence à Montréal, lorsqu'est arrivée la
fusion des CSSS, vous avez eu une clause spéciale compte tenu de l'origine polonaise. Est-ce que ça
a été difficile à obtenir ou… Oui? Avec quel CSSS? Habituellement, vous
êtes dans quel territoire de CSSS?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Szpotowicz.
Mme
Szpotowicz (Monika) : Nous
sommes associés au CSSS Lucille-Teasdale. C'était en 2003, toute la
communauté s'est opposée à cette fusion-là parce qu'on avait peur qu'à force
d'être fusionnés finalement on va finir par
disparaître. Et, aussi le fait d'être fusionnés, bien il n'y aura plus cette implication de la communauté, donc l'idée d'avoir un institut polonais, ça ne serait plus aussi
valable. Donc, on s'est débattus, comme c'était le cas aussi de L'Hôpital chinois, de l'Hôpital Santa Cabrini et aussi de
l'Hôpital juif. Donc, c'est quatre établissements qui n'ont pas été
fusionnés. Donc, je vais peut-être faire un
lien avec la question de tantôt. Je pense que ce qui est important, c'est que,
pour avoir cette réussite-là en
termes de ressources humaines puis de dépenses qui sont minimes, on peut dire,
il faut avoir le sentiment d'appartenance puis des petits établissements
aussi. Donc, c'est ça.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Vous couvrez à peu
près combien de personnes au niveau de la population polonaise?
Mme Szpotowicz (Monika) : Au Québec,
il y a près de 50 000 Polonais d'origine polonaise, et nous avons une liste d'attente d'environ 30 personnes, mais
c'est parce qu''elle s'arrête à 30 personnes. Mais nous savons qu'il y a
des gens qui attendent depuis plus d'un an.
Il y a des gens qui, malheureusement, doivent être placés ailleurs et qui
attendent, des fois, deux ans avant de venir chez nous. Donc, la demande est
là.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Le pourcentage de personnes qui décèdent à
chaque année dans votre établissement, c'est quel pourcentage environ?
Mme
Szpotowicz (Monika) : Avant,
bien, quand j'ai commencé, c'était environ une personne par mois. Avant
mon départ, on pouvait avoir deux à trois décès par mois. Donc, ça a triplé.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : O.K. Puis, le personnel, vous m'avez dit que
la majorité des personnes parlent polonais et puis l'autre… Est-ce que
vous utilisez comme autres langues le français et l'anglais aussi?
Mme Szpotowicz (Monika) : Tous les documents
légaux sont en français. tous les rapports. Puis la langue officielle de communication, c'est le français. C'est sûr que le polonais sert
uniquement pour desservir les personnes âgées. Mais toutes nos réunions
des fois se déroulent en trois langues, chacun s'exprime dans la langue dans
laquelle il est confortable. Nous sommes trilingues, donc il y a des gens qui
sont nés ici, il y a des gens qui ont immigré
ici qui ont appris le français ou l'anglais. Et aussi
nous devons, des fois, avoir des réunions en français puis en anglais
uniquement parce qu'il y a des gens qui ne parlent pas polonais.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Et puis c'est quoi,
le pourcentage de chambres uniques versus le pourcentage de chambres
doubles? Puis avez-vous des chambres triples et quadruples?
Mme
Szpotowicz (Monika) : Non.
Nous avons 68 chambres simples, donc avec un seul lit, puis 29 chambres
avec des lits doubles. Donc, ça représente 58 places. On n'a pas de chambres
triples.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Le bâtiment date de quelle année?
Mme Szpotowicz (Monika) : Le
bâtiment, en 1966, mais il y a une aile qui a été ajoutée en 1984.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : M. le Président, vous avez vu comme je suis
discipliné, hein, je ne parle pas quand vous ne me donnez pas la parole.
Des voix : Ha, ha, ha!
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : On apprend ça avec le temps. Et puis
avez-vous un plan pour, à un moment donné, convertir votre établissement seulement qu'en chambres uniques? Parce
que, je suppose, quand les gens vivent deux par chambre, ça doit être
une source de conflit. Habituellement, dans les CHSLD, la plus grande source de
conflit, c'est celle-là. Avez-vous un plan
de développement qui vous permettrait soit d'agrandir ou de transformer vos
chambres doubles en chambres uniques?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Szpotowicz.
• (17 h 40) •
Mme Szpotowicz (Monika) : Oui,
effectivement, on aimerait bien que nos résidents puissent vivre dans une chambre
à lit simple. On a même pensé d'acquérir une clinique qui fermait juste à côté,
c'était Domus Médica, pour pouvoir offrir plus de place à nos résidents. Pour
le moment, il faut faire des choix quand même pour accommoder la population
qui a vraiment besoin de soins. Donc, si on se mettait, à fermer
des lits puis à créer des chambres à un seul lit, donc ça veut dire
qu'il va y avoir des gens qui vont attendre encore plus longtemps pour être
admis à l'institut.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Non, l'objectif, ce n'est pas de diminuer le nombre de chambres,
mais peut-être de faire en
sorte que vous soyez à 126 lits, mais des chambres simples.
Une dernière petite question avant de passer la
parole à mon collègue, c'est au niveau médical. Est-ce que vos médecins parlent polonais? Est-ce que
c'est facile à recruter? Et puis généralement, un
médecin polonais, probablement qu'il a une petite… il vous favorise un peu en
essayant d'aller chez vous? Oui?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Sikora.
Mme Sikora
(Violetta) : Oui. Donc, oui,
nous avons trois médecins qui parlent
le polonais mais qui ne sont pas nécessairement d'origine polonaise, donc ils
sont d'origine slave. Le but premier, c'est
que ces médecins-là, quand ils rentrent dans la chambre de nos résidents,
puissent communiquer dans leur langue, puis qu'ils les comprennent, puis
qu'ils puissent voir c'est quoi, les besoins du résident. Donc, nous avons
trois unités, un médecin par unité. Le recrutement, non, ce n'est pas facile,
les garder, non, ce n'est pas facile, mais nous essayons tout notre possible de
les accommoder. Et ce sont des médecins que nous adorons parce qu'ils sont
disponibles pour nous en tout temps quand
nous en avons besoin. Donc, il faut prendre bien soin d'eux aussi comme qu'ils
prennent soin de nos résidents.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
M. le Président, je vais vous passer la parole.
Le
Président (M. Bergman) : Vous avez mentionné que vous avez une
liste d'attente. Ces personnes qui sont sur liste d'attente, est-ce
qu'elles restent à domicile ou est-ce qu'elles sont placées dans les CHSLD en
dehors de votre communauté? Et c'est quoi, les défis pour ces personnes qui
probablement parlent seulement le polonais? Est-ce que vos bénévoles visitent ces personnes dans les autres CHSLD? Est-ce qu'il
y a une manière pour les intégrer dans votre CHSLD?
C'est quoi, les défis que vous avez pour ces personnes pour qui on a de la
compassion, car ils n'ont pas les coutumes, et tout ce qui va avec votre CHSLD?
Mme…
Szpotowicz (Monika) : Szpotowicz.
Le Président (M. Bergman) : ...Szpotowicz.
Mme
Szpotowicz (Monika) : Donc,
les personnes qui sont sur notre liste d'attente des fois ils sont à
domicile, des fois ils sont dans un autre centre d'hébergement. Des fois, il y
a des gens qui sont très bien accompagnés, qui ont des familles. Nos bénévoles,
comme c'est une communauté assez restreinte, on connaît, des fois, ces gens-là,
donc ils vont visiter ces résidents-là.
Mais, des fois, on a des gens qui ont, des fois, parfois perdu tous les membres
de leur famille dans la Deuxième Guerre mondiale, donc c'est des gens
seuls, qui vivent chez eux seuls, qui n'ont aucun soutien. Donc, ces gens-là, lorsqu'ils arrivent chez nous,
c'est comme retrouver leur famille. Donc, c'est un constat très triste,
mais c'est la réalité d'une bonne partie de nos résidents.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Sikora.
Mme Sikora
(Violetta) : Oui. Si je peux
juste rajouter. Merci, M. le
Président. Le fait que la liste est gérée par l'agence, par le service
d'admission, nous aide grandement parce qu'on peut facilement repérer les
Polonais qui se retrouvent sur d'autres territoires que seulement ceux qui se
retrouvent sur le territoire du CSSS Lucille-Teasdale. Donc, quand qu'on regarde la liste d'attente, on voit que seulement un
petit pourcentage se retrouve vraiment au niveau de notre territoire, et
beaucoup sont soit placés dans d'autres centres d'hébergement comme le centre…
prolongés Grace Dart, d'autres qui sont en soins à domicile avec des CLSC un
peu éloignés, mais, en regardant la liste, on voit rapidement où qu'on peut les
cibler, et je crois aussi que ça nous aide à pouvoir desservir la population
polonaise sur l'ensemble du territoire et non pas seulement sur l'île de Montréal,
mais vraiment dans l'ensemble du Québec. Par
rapport à si on parle dernièrement du fait que le service d'admission serait
vraiment au niveau du territoire, je pense que, pour nous, ça
restreindrait beaucoup notre accessibilité à notre CHSLD.
Le
Président (M. Bergman) : Parmi les CHSLD qui réussissent beaucoup et ceux qui sont
venus devant nous, on voit qu'il y a
un grand bénévolat, une grande implication de la communauté autour de ces
CHSLD. Pouvez-vous nous dire la grandeur, combien de bénévoles que vous
avez et les quelques activités de vos bénévoles dans votre institution?
Mme Sikora (Violetta) : Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Sikora.
Mme Sikora
(Violetta) : Oui. Merci, M. le Président. Donc, c'est des périodes variables, je vous
dirais. Comme M. Tormen le disait au
début, nous avons deux dames qui viennent depuis des années, plus que 15 ans,
quotidiennement s'impliquer — soit c'est directement au niveau des
résidents... — donc,
qui vont participer aux activités, ils vont les amener à la messe. Parce qu'on
a une messe quotidienne à chaque jour, le matin, à 9 heures, ça fait partie des
valeurs de nos résidents, ça fait partie de leur vie. Donc, nous avons
des bénévoles qui vont s'impliquer directement aux soins avec le résident et d'autres bénévoles qui vont aller
aider au département de loisirs, donc décorer, faire que leur maison
soit encore plus belle, donc ils vont aider
à la décoration à la technicienne en loisirs. Mais nos bénévoles aussi vont
faire du temps individuel avec les
résidents. Donc, les résidents qui ne peuvent plus vraiment participer à des
activités de groupe, ces bénévoles-là vont prendre la main, vont
discuter avec des personnes, vont prendre un 10-15 minutes par jour.
Comme je disais au début, c'est des périodes...
Surtout au niveau estival, nous avons parfois beaucoup plus de jeunes aussi qui vont venir, parce que c'est le
temps des vacances, donc les jeunes vont venir faire du bénévolat. Pendant
l'hiver, je vous dirais, c'est un peu plus
les personnes qui sont routinières, donc celles qui vont venir
quotidiennement à l'année longue. Mais présentement nous avons autour de 10
bénévoles qui viennent régulièrement. Ils participent aussi au programme de
marche. Donc, oui, les préposés, ils vont essayer de faire marcher les
résidents, mais parfois, à cause de leur
plan restreint, nous impliquons aussi les bénévoles. Les bénévoles, si c'est
sécuritaire — et ils
ont une formation qu'ils reçoivent par le département de
réadaptation — si le résident est sécuritaire, les
bénévoles vont participer à ce programme de marche. Donc, on a plusieurs
aspects pour aider avec les bénévoles.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est
écoulé. Comme vous voyez, on n'était pas prêts pour faire un vote, le
vote a été reporté pour demain.
Alors, Mme
Sztuka, M. Pajuk, Mme Szpotowicz, M. Tormen, Mme Sikora, merci pour votre
présentation, merci de partager votre expertise avec nous, votre joie
avec nous.
Et,
collègues, compte tenu de l'heure, je suspends les travaux jusqu'à demain
matin, après les affaires courantes. Bonne soirée!
(Fin de la séance à 17 h 48)