(Onze heures vingt-six minutes)
Le Président (M. Martel) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones
cellulaires.
Le mandat de
la commission est de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 52, Loi
concernant les soins de fin de vie.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Richard (Duplessis) remplace Mme Proulx (Sainte-Rose) et M. Reid (Orford) remplace Mme Blais (Saint-Henri—Sainte-Anne).
Remarques préliminaires
Le
Président (M. Martel) :
Nous allons, sans plus tarder, débuter les remarques préliminaires. Mme la ministre déléguée aux Services
sociaux, vous disposez d'un maximum de 20 minutes pour vos remarques
préliminaires.
Mme Véronique Hivon
Mme
Hivon : Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, je vous souhaite la bienvenue dans cette commission
qui n'est pas ordinaire, qui parle
d'un sujet très important, et je suis certaine que vous allez trouver beaucoup
d'intérêt à être parmi nous aujourd'hui, alors je suis bien heureuse que
vous soyez là.
Je veux bien sûr
saluer et remercier tout le personnel de la commission, sa précieuse
secrétaire et évidemment son adjointe, qui font un travail remarquable, et
saluer à nouveau toute l'équipe, donc, des parlementaires avec qui nous
avons vécu quatre semaines d'intenses consultations. Je comprends que pour vous le rythme a continué à être très intense
en consultations dans les dernières semaines aussi, et il va se
poursuivre pour les prochains jours. Donc, très heureuse de vous retrouver, ma collègue la porte-parole, donc, de l'opposition officielle pour
le dossier, son collègue de Jean-Talon
et le député d'Orford, que je connais bien pour avoir sillonné le Québec avec
la commission spéciale, donc, pendant des mois et avoir travaillé avec lui, pendant des années, sur l'élaboration
du rapport. Donc, c'est un plaisir de vous retrouver, M. le député, et
de voir que vous gardez toujours un grand niveau d'intérêt pour nos travaux.
Donc, merci d'être là.
Merci à tous mes collègues du parti ministériel
qui vraiment sont très engagés pour la santé et les services sociaux et qui
travaillent très fort à mes côtés, aux côtés du ministre de la Santé et merci
bien sûr à toute l'équipe du ministère, qui
aussi travaille très fort. Et j'ai à mes côtés aujourd'hui Me Patricia
Lavoie qui est, donc, la légiste principale au dossier et qui va nous épauler, ainsi que toute l'équipe, pour cette
étude détaillée qui s'amorce. Donc, évidemment, je suis… Et bien sûr madame… la collègue, mon Dieu, qui avait la tête
penchée, et bien sûr ma précieuse collègue, aussi, de Groulx, la porte-parole de la deuxième
opposition pour le dossier, qui a été très présente, très pertinente pendant
les travaux jusqu'à ce jour. Donc, très heureuse de la retrouver, ainsi
que son nouvel acolyte.
Donc, pour
moi, c'est un moment, un autre privilège de pouvoir amorcer une nouvelle étape
dans le cheminement du projet de loi
n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie. Vous savez comment ce
dossier-là, comment ce projet de loi
là me tient à coeur, à quel point, je pense, qu'on a réussi, tous ensemble à
l'Assemblée nationale, à faire évoluer cette question-là, qui est fondamentale pour les citoyens et les citoyennes du
Québec, d'une manière particulière, non partisane, avec beaucoup de
collaboration.
• (11 h 30) •
Et je sais
donc qu'il est important pour moi, il est important pour mes collègues, il est
important pour beaucoup de députés de
l'Assemblée nationale, mais il est surtout très important pour la population du
Québec, qui suit son cheminement aussi
avec beaucoup d'intérêt,
et aussi pour plusieurs, plusieurs groupes de la société, ordres professionnels,
groupes qui représentent les usagers, les citoyens,
la Protectrice du citoyen, beaucoup de groupes que nous avons eu la chance
d'entendre à quel point ce sujet, ce projet de loi est important.
C'est un projet de loi qui est important, qui est loin
d'être banal, on l'a dit souvent. Il porte sur un sujet sensible, mais il porte sur un sujet très important qui est
la fin de vie, et c'est un projet qui est sur cette étape fondamentale de la
vie qu'est la fin de vie, et ça,
c'est très important. C'est un projet de loi qui propose, je le rappelle
toujours, mais c'est important parce
que ce qui retient l'attention dans les médias n'est pas nécessairement tout ce
qui est contenu dans ce projet de loi. Donc, c'est vraiment un projet de
loi sur l'ensemble de cette étape qu'est la fin de vie, et il vise à assurer à
toutes les personnes qui sont en fin de vie
qu'elles vont pouvoir être accompagnées, qu'elles vont pouvoir recevoir les
soins qui sont requis relativement à
leur état. Et, malgré toute la complexité de ces besoins-là, malgré toute la
complexité de leur situation propre, on va tenir compte de leur
situation personnelle, de toute la complexité de cette situation-là, de toute
l'individualité de cette situation-là. Donc, c'est vraiment un projet de loi
sur l'ensemble de cette étape importante qu'est la fin de
vie. Et je pense que c'est le chef parlementaire de l'opposition officielle,
dans son discours, lors de l'adoption de principe, qui a dit que, pour lui,
c'était autant un projet de loi sur la vie que sur la mort. Et ça, c'est très important parce que cette étape de la fin de vie,
c'est effectivement une étape de la vie. Et je pense que, dans ce projet
de loi là, on fait tout pour accompagner
correctement, le mieux possible, les personnes en fin de vie mais aussi pour
leur donner toutes les assurances
que, qu'importent leurs souffrances, qu'importe la difficulté de leur
situation, elles vont être accompagnées jusqu'au bout pour pouvoir
mettre fin… et soulager leurs souffrances.
C'est
un projet de loi qui est très important parce qu'il porte sur différents
enjeux. Un de ces enjeux, c'est toute la
question de la reconnaissance des soins palliatifs. Donc, pour la première
fois, on les reconnaît formellement dans un projet de loi. On reconnaît toute leur importance, donc, pour les
personnes en fin de vie. On va aussi situer l'ensemble, donc, de la réflexion sur les soins de fin de vie,
comme nous y conviait le Collège des médecins il y a maintenant quatre ans,
sur l'idée d'un continuum de soins.
Alors,
ce qui est au coeur de ce projet de loi là, c'est vraiment de dire qu'une
personne va être accompagnée le mieux
possible sur l'idée d'un continuum, donc, d'où cette idée de venir encadrer,
au-delà des soins palliatifs, la question de la sédation palliative, qui peut être requise dans certains cas, et
aussi d'introduire l'aide médicale à mourir très, très balisée, qui peut être un soin ultime, le soin
exceptionnel pour des circonstances de souffrances exceptionnelles, et de
manière très balisée bien sûr quand la personne elle-même le demande pour
elle-même de manière répétée et dans un encadrement
très précis. Pourquoi? Bien, évidemment, on ne s'étendra pas pendant des
heures… je pense que je l'ai dit souvent,
mais je pense que, dans une société qui est faite de solidarité et de
compassion, il est important d'apporter des réponses aux personnes qui aujourd'hui sont sans réponse, pour
lesquelles les souffrances en fin de vie ne trouvent pas de réponse, comme d'ailleurs nous y conviaient
aussi le Collège des médecins et plusieurs organisations. Et maintenant ils nous y convient, mais ils nous y ont conviés
aussi il y a quelques années, parce qu'à ce jour personne n'a apporté de
réponse satisfaisante à savoir : Que
fait-on? Quelles réponses apporte-t-on à quelqu'un qui souffre et pour qui on
ne peut pas, dans le cadre actuel,
apporter des réponses satisfaisantes pour que ses souffrances soient soulagées
et aussi pour apaiser son esprit pendant la maladie?
Donc,
c'est évidemment le coeur du projet de loi, mais le projet de loi porte aussi
sur toute la question des directives médicales
anticipées et vient consacrer l'importance du principe de la reconnaissance de
l'autonomie de la personne. Et, en
prévoyant le régime des directives médicales anticipées, on vient vraiment
reconnaître formellement l'importance de l'expression des volontés d'une personne en prévision d'une éventuelle
inaptitude pour qu'elle puisse dire à l'avance les soins qu'elle ne
souhaiterait pas recevoir, qui, pour elle, seraient quelque chose qui serait
disproportionné, ou avec lesquels, pour ses
valeurs ou pour toutes sortes de raisons, elle ne serait pas confortable. Donc,
c'est une manière aussi de consacrer
la dignité de la personne, de reconnaître son autonomie, de reconnaître
l'importance qu'elle a. Donc, c'est un pas de plus qui est franchi dans
ce sens-là.
Les
auditions nous ont permis de voir, je pense, toute l'importance de ce projet
de loi, nous ont permis de voir à
quel point ce projet de loi était attendu et
appuyé. Donc, évidemment, sans faire un retour exhaustif, on a vu bien sûr
que l'ensemble des ordres
professionnels qui sont venus nous voir, que ce soit du milieu médical, que ce
soit du milieu social ou que ce soit
du milieu juridique, appuient le projet
de loi. On a vu aussi que des institutions très importantes, comme la Protectrice du citoyen, comme la Commission des droits, appuient le projet de loi. On a vu aussi des institutions très importantes
de défense des droits d'usagers qui sont venues, les comités d'usagers, les associations aussi des établissements de
santé, les associations des conseils de médecins, dentistes et
pharmaciens des établissements. On a vu aussi des groupes représentant les personnes aînées — la FADOQ — les personnes handicapées, comme la COPHAN,
l'Office des personnes handicapées du
Québec, venir soutenir ce projet de
loi. Donc, je pense que ça montre
l'étendue de ce consensus que l'on sent
aussi très présent dans la population, que l'on sent très, très fort, et ça, je
pense que c'est important d'en prendre acte.
Et par ailleurs on a
vu certains groupes qui ne sont pas à l'aise avec certains aspects du projet de
loi. Évidemment, toute la question des soins palliatifs fait consensus,
les directives médicales anticipées aussi, dans l'ensemble. Donc, les divergences qui ont pu s'exprimer
étaient sur la question de l'aide médicale à mourir, mais je suis convaincue,
après les avoir entendus… et leurs craintes
sont tout à fait, évidemment, légitimes, nous pouvons les entendre, tous les
points de vue doivent être entendus, mais forte aussi de l'appui de la Protectrice
du citoyen, qui a fait ressortir que l'ensemble
des dispositions du projet de loi montraient un souci d'équilibre, un souci pour la
protection des personnes vulnérables.
Moi, je suis très confiante, et c'est le souci qui m'habite depuis le premier
jour où je travaille sur l'élaboration de
ce projet de loi, qu'on a vraiment réussi à atteindre cet équilibre, qui est
fondamental, et surtout à mettre des balises et des critères très stricts qui font en sorte que l'encadrement requis
est bien présent, et les confirmations qu'on a pu avoir de différents
groupes à cet égard sont très rassurantes.
Pour
ce qui est de certains groupes qui y sont opposés, bien sûr
certains de ces groupes sont contre pour toutes sortes de raisons. Il
peut y avoir des questions de valeurs qu'il faut bien sûr respecter, il peut y
avoir des questions de pratiques aussi. C'est
certain, et je pense qu'on peut tous le concevoir, que, des gens qui
travaillent exclusivement en soins palliatifs,
pour eux, ça peut être une révolution. Ce sont des gens qui au quotidien sont
formés pour soulager, soulager le
mieux possible, essayer d'endiguer toutes les douleurs, toutes les souffrances.
Et je pense que c'est toujours difficile pour tout professionnel d'être confronté à certaines limites, mais toute
science, toute profession, oui, a des limites, au même titre où le chirurgien n'arrive pas à sauver toute
personne qui arrive en état d'urgence et pour qui il faut faire une chirurgie.
Je pense qu'évidemment c'est la même chose
en soins palliatifs. Et, de l'aveu même des experts en soins palliatifs, il
reste un pourcentage de personnes… on nous a parlé
de 8 %, on nous a parlé de 10 %, mais il reste un pourcentage de
personnes qui, même avec les
meilleurs soins palliatifs, avec les maladies qui répondent le mieux aussi aux
soins palliatifs, n'arrivent pas à
voir leurs souffrances, leurs douleurs endiguées, et je pense que c'est très
important de tenir compte de ces gens.
Donc, c'est
certain que, depuis l'adoption de principe, je dois vous dire qu'il y a eu une
certaine vague d'inquiétude de la
part de certaines personnes qui… je dirais, de citoyens qui m'ont dit :
Mais qu'est-ce qui va arriver avec le projet de loi? Et je les ai rassurés en leur disant que,
le projet de loi, je suis très confiante pour la suite des choses. Je suis très
confiante pour la suite du projet de loi. Il
n'est pas question… Certaines personnes disaient : Mais est-ce qu'on va
enlever des principes du projet de
loi? Est-ce qu'on va dénaturer le projet de loi? Je pense, autant de ce côté-ci
que de l'autre côté, il n'y a aucune
volonté de venir dénaturer ce projet de loi là. Les principes, l'esprit de ce
projet de loi là sont fondamentaux et donc ils sont là pour rester,
c'est certain. Donc, je veux rassurer les gens à cet égard-là.
• (11 h 40) •
Je me sens,
je dois dire, aussi fiduciaire, à travers ce projet de loi là, de tout le
travail qui a été fait par la commission spéciale sur la question des soins de fin de vie, de tout
l'investissement qui a été fait par l'équipe de députés qui a travaillé,
donc, dans le dossier, de tous les gens, de
tous les groupes qui sont venus se faire entendre. Et je ne travaille, donc,
pas juste en mon nom de ministre. Je
travaille, oui, au nom d'un gouvernement, mais je travaille aussi au nom, je
pense, d'un large consensus et au nom d'une équipe qui a mis beaucoup
d'énergie, pendant plusieurs années, dans ce dossier-là. Donc, pour moi aussi, c'est très important
d'être respectueuse de ce travail-là et de continuer dans la même veine. Il y en a plusieurs, d'ailleurs, qui ont souligné la qualité du projet de loi. Moi, je dois dire que la qualité du projet de loi, elle est,
je crois, directement proportionnelle aux efforts et au travail qui a
été mis par les parlementaires dans les travaux de la commission et la
qualité du rapport qui a été mis de l'avant.
Ceci étant
dit, j'ai beaucoup d'ouverture et j'ai beaucoup
écouté tout ce qu'on a entendu comme commentaires, tout ce que les collègues de l'opposition, que ce soit de la deuxième
opposition ou de l'opposition officielle… tout ce dont ils m'ont fait part. Il y a place évidemment, comme il
y a toujours place, pour améliorer
le projet de loi, pour bonifier le projet de loi, et c'est
vraiment dans cet esprit-là que j'entreprends les travaux aujourd'hui. Il y a assurément des éléments, donc, de
bonification. Déjà, nous avons préparé un certain nombre d'amendements en ce
sens. Il y a des éléments de précision, de clarification. Ça va me faire
plaisir de travailler avec les collègues des deux oppositions pour pouvoir
améliorer les choses en ce sens. Il y a aussi un certain nombre de commentaires
qui nous ont été faits quant à certains mécanismes,
la précision de certains mécanismes, quant aussi à la question
du médecin qui pratique en cabinet privé de professionnel, selon l'expression consacrée, mais en fait qui travaille
seul et qui pourrait être appelé à faire des sédations palliatives continues ou des aides médicales à
mourir. Donc, de voir le meilleur rattachement possible, on a aussi réfléchi
là-dessus et on va avoir des amendements à cet égard. Et on a aussi réfléchi à la
composition ultime… optimale… pas ultimale,
optimale de la commission sur les soins de fin de vie. Donc, à la lumière
des commentaires qu'on a eus de différents groupes, il y a un grand intérêt
pour cette commission-là.
Donc, l'idée,
c'est bien sûr de pouvoir avoir les personnes, qui ont une bonne
expertise, autour de la table tout en
s'assurant qu'elle va pouvoir fonctionner correctement. Et donc on va quand même
avoir une équipe pas trop étendue, mais une équipe équilibrée. Donc, on a
travaillé aussi à cet égard-là et aussi sur quelques précisions sur les
directives médicales anticipées, pour s'assurer que le tout soit le plus clair
et le plus efficace possible.
Alors, ceci
étant dit, M. le Président, c'est avec beaucoup d'enthousiasme bien sûr
que j'entreprends les travaux, cette
étape, donc, de l'étude détaillée de chaque article du projet de loi. Je dois dire que, quand on a rédigé le projet de loi, on y a apporté
un grand soin, on a travaillé de manière chirurgicale pour chaque disposition,
et je pense que c'est un travail qui a été reconnu. Et on a fait la même chose, depuis la fin des auditions, avec l'ensemble des commentaires
qu'on a reçus. On a travaillé très
fort aussi pour pouvoir amener les meilleurs amendements possible pour que
ce projet-là soit le meilleur possible. Et je veux, à
l'avance, remercier mes collègues. Je sens, dès ce matin, notre climat de collaboration
qui est maintenu, la bonne humeur de tous les collègues, malgré les horaires de
travail chargés.
Donc, je suis
très confiante qu'on va travailler pour bonifier, on va travailler dans le
meilleur intérêt, je dirais, de la
législation, mais surtout dans le meilleur intérêt de la population, parce
qu'il y a énormément d'espoirs qui sont mis en nous, comme députés, comme législateurs, pour faire aboutir ce projet
de loi, pour que ce projet de loi puisse devenir loi, et je suis très
confiante qu'on ne décevra pas la population à cet égard. Merci beaucoup, M. le
Président.
Le
Président (M. Martel) : Merci, Mme la ministre. J'invite
maintenant la porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux et députée de
Gatineau à faire ses remarques préliminaires pour une période de
20 minutes.
Mme Stéphanie Vallée
Mme Vallée : Merci, M. le
Président. Alors, bienvenue parmi nous, c'est un plaisir de vous accueillir
dans la commission.
Je veux
prendre le temps pour saluer la ministre et ses collègues du gouvernement qui
travaillent toujours très fort parce
que cette commission, c'est une commission qui est relativement occupée,
dernièrement en tout cas, du moins depuis
le début septembre, saluer l'équipe qui accompagne la ministre; sa chef de
cabinet ainsi que son personnel politique; et aussi le personnel du ministère, évidemment saluer nos collègues, nos
charmants collègues de notre équipe de l'opposition et le député d'Orford, qui se joint à la
commission et que nous accueillons à bras ouverts, évidemment notre collègue de
Jean-Talon, qui est toujours fidèle au
poste, et notre collègue de la seconde opposition, qu'il fait toujours plaisir
de retrouver, ainsi que le personnel de la commission.
Donc, c'est un plaisir d'entamer aujourd'hui
l'étude article par article du projet de loi n° 52. C'est une étape extrêmement importante. Et puis je tiens, d'entrée
de jeu, à rassurer peut-être
la ministre puis rassurer peut-être les gens qui nous écoutent. On a, au cours des dernières
semaines, au cours des derniers mois, lors du dépôt du projet de loi, pris une attitude, à l'intérieur de notre formation politique, qui était une attitude de respect face à
l'opinion contraire et face à l'opinion,
face aux choix individuels de chaque individu parce que ce projet de loi là, c'est un projet de loi, oui, qui encadre les soins de fin de vie, qui encadre cette partie-là de la vie qui est tellement
importante, qui vient nous chercher, chacun, de façon individuelle,
très différente et qui introduit de nouveaux principes, des éléments qu'on n'a
jamais nommés dans le passé, des éléments
avec lesquels on est peut-être moins familiers, moins à l'aise. L'aide médicale à mourir, c'est quelque
chose de particulier, c'est un
nouveau concept, et puis on a le courage d'en parler, et l'Assemblée nationale,
c'est vraiment le forum tout à fait approprié pour entreprendre ces
débats-là.
Alors, dans ce contexte-là, notre chef
parlementaire et notre chef de parti, M. Couillard, nous ont clairement
donné, à chacun d'entre nous, une
liberté rarement vue à l'Assemblée nationale. Puis je peux comprendre, pour le
public, je peux comprendre, pour les
parlementaires du gouvernement, pour les gens qui ont participé aux
consultations, pour les journalistes,
que ce soit un petit peu particulier. Puis là on va se demander de quelle façon
est-ce que l'opposition travaillera dans
ce projet de loi là. Bien, soyez assurés que l'opposition va travailler d'une
manière responsable parce que la multiplicité de points de vue qui a été démontrée lors du vote sur le principe du
projet de loi n° 52, c'est une multiplicité de points de vue qu'on retrouve dans nos circonscriptions, il
ne faut pas se le cacher. Oui, il y a une grande majorité, les gens demandent
ce projet de loi là, oui, on a entendu des
groupes qui majoritairement étaient en faveur du principe, c'est vrai, mais il
existe, au sein de nos
circonscriptions, des citoyens, des médecins, des citoyens, M. et
Mme Tout-le-monde, des gens qui ont certaines réticences ou des
réticences certaines face à l'introduction du concept d'aide médicale à mourir
dans notre quotidien, dans la société
québécoise. Et, comme toute nouvelle chose, on a un travail à faire, oui,
d'éducation, de sensibilisation, mais on a aussi une écoute à avoir face
aux gens qui ont cette crainte-là et qui nous manifestent cette crainte-là.
Ceci étant dit, le
travail est aussi d'être à l'écoute de ceux qui sont en faveur de cette
introduction de l'aide médicale à mourir et
de ce que ça accompagne. Alors, on travaillera ici dans un esprit de
bonification du projet de loi, dans
un esprit d'ouverture, dans un esprit de collaboration. On a évidemment
énormément de questions, puis c'est des questions tout à fait légitimes et c'est des questions qui seront très
importantes pour la suite des choses parce que ce qu'on fait aujourd'hui puis ce qu'on va faire dans les
prochains jours puis au cours des prochaines semaines va servir. Lorsque
ce projet de loi… Si le projet de loi devait être adopté un jour, on demandera
de l'interpréter. Peut-être qu'un jour certaines de ces dispositions seront
portées devant les tribunaux, et à ce moment-là il sera hyperimportant de
savoir quelle était l'intention du
législateur, qu'est-ce qu'on entendait par certains termes utilisés à
l'intérieur du projet de loi. Donc,
le travail que nous faisons est très, très, très important. Les réponses aux
questions, les questions que nous allons poser ont toutes leur place à
l'intérieur du processus.
Alors,
ça, c'est le travail qu'on souhaite faire, un travail rigoureux, peut-être une
déformation professionnelle de légistes, mais le travail se veut positif
et proactif. Alors, il est évidemment important de rassurer mes collègues de la
commission, rassurer la ministre, parce que
je sais qu'à un certain moment donné le vote libre a suscité certains
questionnements à savoir, bon, qu'est-ce que ça va impliquer dans un
contexte étude article par article.
• (11 h 50) •
Il
faut savoir aussi que certaines personnes qui étaient peut-être moins à l'aise
avec le projet de loi avaient plein de
questions. Ces questions-là, bien c'est le moment de les poser, parce que, lors
des consultations, la ministre a répondu aux interrogations des groupes, et puis j'ai vu et j'ai pu constater sa
grande ouverture aussi et puis sa volonté d'expliquer, de faire de la pédagogie avec le projet de loi.
Donc, ce sera tout simplement cette suite-là, puisque, lors de l'étude article par article…
lors des consultations, pardon, on n'a pas eu cette possibilité-là, nous, les parlementaires, on a eu la chance d'échanger avec les
groupes.
Cette
consultation-là nous a également amenés à constater
que les groupes, même si les groupes étaient en faveur du principe, avaient aussi certaines questions,
avaient aussi certaines suggestions de bonification. Donc, je pense qu'on peut prendre ces éléments-là et voir de quelle
façon on peut les inclure, qu'est-ce
qui peut être amené, comment on peut aussi
rassurer, par exemple, les regroupements de maisons de palliatifs, qui, outre
la question de l'aide médicale à mourir, ont amené un certain nombre de questions et d'éléments quant au reste du
projet de loi, quant aux obligations qu'elles auront, quant à leurs
relations avec le ministre face aux orientations ministérielles, et tout ça.
Alors,
il y a bon nombre d'éléments qu'on pourra aborder lors de cette étude article
par article et qui vont nous permettre,
je crois, de vraiment faire le meilleur… de faire de ce projet de loi là le
meilleur projet de loi possible, pas pour nous... bien, peut-être, un jour, pour nous, mais surtout, surtout pour
les citoyens du Québec qui sont dans cette période de fin de vie là. Donc, on a la responsabilité de
s'assurer que le projet de loi, qui est loin d'être un projet de loi usuel...
On ne parle pas d'un projet de loi sur les mines, on ne parle pas d'une réforme du Code de procédure civile, bien que ce soit très important. C'est un projet
de loi qui touche la vie humaine, c'est un projet de loi qui touche la fin de
la vie humaine, et donc on a une responsabilité qui est très grande, et, notre responsabilité, on la prend très au sérieux de ce côté-ci, et je sais que c'est la même chose du côté du gouvernement.
Alors, c'est dans cet
état d'esprit là que nous sommes aujourd'hui et c'est de soulever les
questions. Et puis évidemment il y aura des débats vraiment intéressants, je
crois, parce que qu'est-ce que la fin de vie? On l'a mentionné lors des
échanges, mais qu'est-ce que la fin de vie? Elle commence où, cette fin de vie
là? Alors, c'est des éléments importants
qu'on devra identifier en cours de route, qu'on devra clarifier en cours de
route, tout comme la définition d'aide
médicale à mourir. J'en ai parlé longtemps, des questions de définition, lors des échanges.
Pour moi, c'est important. Définir l'aide médicale à mourir est
essentiel. Pourquoi? Parce qu'afin d'avoir un consentement libre et éclairé
d'un individu cette personne-là doit savoir
exactement ce à quoi il ou elle consent. Donc, on ne peut pas laisser à la
discrétion de qui que ce soit le soin
de définir qu'est-ce que l'aide médicale à mourir, c'est notre responsabilité,
comme parlementaires, de le faire.
C'est notre responsabilité, comme parlementaires, de définir les grands thèmes
de ce projet de loi là, qui est un projet de loi qui introduit, et je le
répète, du droit nouveau, et mieux on fera ça, mieux la population va se
porter.
Alors,
en gros, c'est le message que je souhaitais lancer, parce que, je sais, bon, à
travers les branches, on entend
toutes sortes d'inquiétudes qui ont été
véhiculées, puis je tiens à rassurer tout
le monde parce que
c'est vraiment un travail sérieux et rigoureux, et il n'est pas question de badiner ou de faire de
la politique avec un projet aussi important qu'un projet
de loi sur les soins de fin de vie.
Alors, ceci étant dit, je
sais peut-être que j'ai peut-être quelques collègues qui souhaiteraient faire
quelques remarques préliminaires, puis il
reste un petit peu de temps, alors je souhaite leur céder la parole,
mais je crois que nos échanges seront
fort, fort constructifs et je tiens encore
une fois à vous dire à quel point je
suis heureuse de participer avec vous.
Puis je pense qu'on fait quelque chose, là, qui est
assez exceptionnel dans une vie de parlementaire et je suis bien heureuse de pouvoir
partager ces moments-là avec vous.
Le
Président (M. Martel) :
Merci, Mme la députée. On va revenir un petit peu plus tard
pour d'autres collègues qui veulent faire des interventions.
J'invite maintenant
la porte-parole du deuxième
groupe d'opposition en matière de santé et députée de Groulx
à faire des remarques préliminaires d'une durée maximale de 20 minutes.
Mme Hélène Daneault
Mme
Daneault : Merci,
M. le Président. Alors, d'entrée de jeu, j'aimerais saluer évidemment tous les membres
de la commission, les membres du gouvernement, les membres de l'opposition officielle ainsi que les gens qui sont derrière, qui ont travaillé fort, qui sont des fois dans
l'ombre mais qui ont travaillé fort à l'élaboration de ce projet
de loi n° 52, projet de
loi qui concerne les soins de fin de vie.
D'entrée de jeu, j'aimerais vous dire que pour moi ça a été un honneur de pouvoir
participer à l'élaboration de ce projet de loi parce que, bon, premièrement, j'ai, comme médecin, eu à oeuvrer avec des gens
en fin de vie, depuis le début de ma
pratique, qui est depuis 28 ans, et ce projet de loi vient finalement
encadrer ce que sont les soins de fin
de vie et qui sont pratiqués depuis bien des années au Québec
mais qui ne l'étaient pas dans un cadre qui va nous le permettre maintenant.
Évidemment,
on parle d'un meilleur encadrement des soins
palliatifs. C'est sûr que la sédation
palliative terminale est pratiquée
depuis nombre d'années, mais aujourd'hui, avec ce projet
de loi là, on vient encadrer ces
soins-là qui sont donnés depuis de
nombreuses années, et je pense que ça, c'est bien reçu de tout l'ensemble
du corps médical. Évidemment, aussi, dans le projet de loi, on parle des directives médicales anticipées, d'avoir
dorénavant un registre. Et je peux vous dire d'entrée de jeu que ça, ça sera très utile, parce que, les
directives médicales anticipées, même si les gens le font souvent dans le cadre d'une décision médicale en fin de
vie, on s'aperçoit qu'elles ne sont pas suffisamment connues soit de la part
du corps médical soit de la part de la famille,
et ça mène souvent à de l'acharnement thérapeutique, malheureusement. Alors, je pense que c'est essentiel de bien le
clarifier, c'est essentiel d'avoir un registre, et, je pense qu'on l'a entendu
de la part de plusieurs participants, il
faut que ça soit facilement accessible, cette notion de directives médicales
anticipées, afin qu'on puisse
respecter la volonté de tous et chacun. Et le projet de loi, comme il est fait
actuellement, va nous permettre de
clarifier cette situation-là et de l'instaurer dans une pratique qui va être
généralisée à l'ensemble des régions. Je sais qu'actuellement, dans certains établissements, c'est bien connu, dans
d'autres, un peu moins, et je pense que, ça, à partir de maintenant, on aura, nous, comme élus, à faire
la promotion mais à s'assurer de l'application de ces directives
médicales anticipées qui, à mon avis, vont être utilisées beaucoup plus que
l'aide médicale à mourir.
Et évidemment
on a parlé beaucoup d'aide médicale à mourir, mais on doit se souvenir que ça ne
s'adresse qu'à certains cas, que ce
sera des exceptions. On a mis beaucoup l'emphase sur l'aide médicale à mourir
parce qu'effectivement c'est un enjeu
qui est nouveau, c'est un enjeu qui est très sensible auprès de la population,
auprès du corps médical, mais, sincèrement, quand on entend parler des
directives médicales anticipées, elles vont être beaucoup plus utilisées que
l'aide médicale à mourir, et ça, je pense que c'est important de le
dire. Par contre, on ne peut pas oublier qu'effectivement c'est un enjeu qui est sensible quand on parle de
la mort, quand on parle de donner un soin à des gens qui désirent mettre
fin à leur vie parce qu'on n'arrive pas à les soulager. Je pense que c'est une
notion qui est tout à fait nouvelle, peu pratiquée
dans l'ensemble des pays du monde mais appelée à le faire et à le faire dans le
respect, dans la dignité. Et je pense
qu'on a, tous et chacun, à rassurer la population. On a entendu des groupes qui
étaient tout à fait à l'opposé à certains moments, mais je pense que certains ont besoin d'être rassurés. Et,
quand on parle d'obtenir l'aide médicale à mourir, il y a une notion qui est très claire dans le projet
de loi, qui s'adresse à des gens qui sont majeurs, aptes à consentir, qui ont
une maladie grave, incurable, qui ont une souffrance qu'on ne peut soulager, et
en plus on doit l'obtenir des gens de manière libre et éclairée.
Alors, dans
le projet de loi, on a défini des termes qui ont un encadrement qui est très,
très rigoureux, en plus de demander
aux médecins de s'assurer d'obtenir l'aide médicale à mourir dans une demande
qui est libre de toute pression extérieure et en plus de s'assurer qu'on
obtient l'avis d'un deuxième médecin.
• (12 heures) •
Alors, sincèrement, je sais qu'il y a des
craintes de dérapage au sein de la population, au sein du corps médical aussi, mais, quand on lit le projet de
loi… Et, en passant, je veux le souligner, c'est un projet de loi qui est très
bien rédigé et pour lequel on doit, nous, comme élus, je pense, en faire la
promotion mais l'expliquer pour rassurer la population. Évidemment, il y a la crainte de dérapage. On l'entend de certains
groupes, on l'entend de la population, on l'entend
du corps médical, mais souvent on réalise que les gens n'ont pas lu ou n'ont
pas réussi à comprendre la définition du projet de loi.
Alors, sincèrement, moi, je pense qu'il faut revenir sur le caractère exceptionnel
de l'aide médicale à mourir alors que
les soins palliatifs… et ça, on l'a entendu de toutes parts, on
doit s'assurer, nous, comme élus, que tout
le monde ait accès à des soins palliatifs de qualité au Québec.
Et ça, c'est défini dans le projet de
loi, et ça, on doit insister là-dessus.
On doit aussi insister sur les directives
médicales anticipées, je le redis, et je
pense que le projet de loi là-dessus est très clair. Et, encore une fois, je
pense qu'on a entendu plusieurs groupes qui nous ont demandé de mieux définir
certains termes du projet de loi. Et je salue l'ouverture du gouvernement à cet effet-là et je pense que, tout autour de
la table, on a finalement, aussi, compris qu'à un certain moment donné,
pour rassurer les gens et éviter le dérapage, on doit mieux définir certains
termes. Alors, ça, je peux vous assurer de notre collaboration là-dessus. Et,
quant à l'accès aux soins palliatifs, aussi
on l'a entendu de plusieurs groupes, on doit s'assurer que, dans toutes les
régions du Québec, on ait accès à des soins palliatifs de qualité. L'aide médicale à mourir doit, dans
tous les cas, être une exception à la règle, c'est-à-dire une exception aux
gens qu'on n'arrive pas à soulager. Et je
pense que ces gens-là aussi doivent
être entendus et, dans le cadre du projet de loi, le seront dorénavant.
Évidemment,
on a entendu aussi la mise en place de ces mesures-là de l'aide médicale à
mourir. On doit aussi s'assurer qu'étant donné
le caractère exceptionnel… du jour au lendemain, de mettre en application ce projet de loi va nécessiter qu'on devra
recourir à certains experts, à certains pionniers qui accepteront de le faire
aussi, parce que ce n'est pas
naturel pour un médecin de donner une aide médicale à mourir, ce n'est pas
naturel dans notre formation. On est
formés pour aider, pour guérir les
gens. Alors, il y aura effectivement des pionniers. C'est certain que, demain
matin, toute la population médicale
ne sera pas prête à offrir ce soin-là. D'ailleurs, il y a la notion d'objection
de conscience. Et ça aussi, je pense
que c'était essentiel, pour rassurer le corps médical, que ça se retrouve dans
le projet de loi. Mais, demain matin, on devra s'assurer que certains
seront pionniers dans le domaine et pourront être capables de soutenir des
groupes à l'ensemble des régions du Québec pour être capables d'offrir ce
soin-là.
Alors, en
terminant, je veux remercier tous les groupes qui sont venus. Et je pense qu'il
y a une notion de respect. Malgré des
opinions qui ont été d'un extrême à l'autre dans certains cas, je pense que la
notion de respect d'autrui dans les
soins de fin de vie a été à tous les jours et de tous les intervenants qui sont
venus et des membres de la commission aussi.
Ça a été fait dans le respect et la dignité, et je tiens à le souligner. Je
tiens à remercier l'ensemble des intervenants qui sont venus à tour de rôle nous sensibiliser à certaines craintes, à
certains dérapages. Et aussi, évidemment, je remercie tous mes collègues et je suis convaincue qu'on va
continuer à travailler dans le même respect et pour le bien de l'ensemble
des citoyens du Québec. Merci à tous.
Le
Président (M. Martel) : Merci, Mme la députée. Est-ce qu'il y a
d'autres personnes qui souhaitent faire des remarques préliminaires? M.
le député d'Orford.
M. Pierre Reid
M.
Reid :
Merci, M. le Président. Je voudrais évidemment saluer tous les collègues de
tous les groupes, et dire merci à la
ministre pour ses bons mots, et réitérer que c'est réciproque de ma part aussi.
Je voudrais aussi saluer quelqu'un qui
est dans la salle, l'ex-députée de Marguerite-D'Youville, Monique Richard, qui
a été membre de la commission Mourir dans la dignité, la commission
spéciale, et qui est parmi nous.
J'ai eu la
chance de participer à cette commission spéciale, et c'est une chance pour
plusieurs aspects. D'abord, ça m'a permis de faire quelque chose qui ne
se fait pas souvent. On n'a pas toujours la chance de participer à une commission de cette ampleur, qui est non
partisane, mais aussi ça m'a permis d'abord personnellement d'apprivoiser la
fin de la vie, d'apprivoiser la mort. Ça m'a
permis d'accepter plus facilement, d'ailleurs, de recevoir mon premier chèque
de rente de la RRQ l'été passé, à 65 ans, mais aussi ça m'a
permis d'apprivoiser la mort, parce
que j'avais des amis — et
c'est une des raisons qui m'intéressaient — qui
avaient des maladies, effectivement, et qui sont décédés maintenant,
et ça m'a permis d'entretenir avec
eux des conversations que je n'aurais pas pu faire avant d'avoir eu la chance
de participer à cette commission.
L'élément
le plus frappant de cette commission qui a été souvent dit, c'est le respect, le
respect que les parlementaires ont eu
entre eux, mais le respect qu'on a eu pour toutes les opinions et tous les points de vue. Je trouve, pour ma part, que les
auditions, comme on vient de le souligner d'ailleurs, de la commission
récemment ont été marquées également
par ce respect fondamental, malgré que parfois les diversités de points de vue
soient assez larges, et je dirais aussi que le débat sur le principe et
le vote sur le principe aient été aussi marqués par le respect.
L'étude
article par article que nous commençons aujourd'hui revêt un caractère
historique. En tout cas, je n'ai pas
trouvé de député qui avait eu déjà la possibilité ou la chance de participer à
une étude article par article d'un projet de loi qui était ensuite soumis à l'Assemblée pour vote individuel. Et
donc c'est quelque chose d'assez spécial, mais en même temps, comme on
le voit bien dans les présentations de ce matin, ça signifie aussi qu'à toutes
fins pratiques la commission devient une
commission non partisane. Moi, j'aime beaucoup ça parce que j'ai participé à
une commission non partisane, qui
était la commission spéciale, mais aussi à une commission, depuis plusieurs
années, qui est non partisane, une
commission sectorielle, qui est la Commission de l'administration publique. Et
je pense que c'est quelque chose qui n'est
pas si surprenant que ça — et je voudrais terminer là-dessus — parce qu'après 10 ans… un peu plus de 10 ans
de législation, participation à la
législation dans les commissions je pourrais vous dire sans faire de longs
calculs qu'à mon avis, dans la
presque totalité… il y a quelques exceptions, mais dans la presque totalité des
cas le travail des députés est à
80 %, 90 % non partisan. Puis je vois une présidente de commission en
face de moi qui pourrait sûrement le confirmer. Oui, il y a des points de vue parfois qui sont débattus de façon très
forte puis parfois il y a des éléments de stratégie, mais en général on travaille tous pour faire en sorte
que le projet de loi soit le meilleur possible, et c'est exactement l'intention
de tous les membres autour de la commission aujourd'hui.
Et, je pense
que la porte-parole de notre formation politique l'a affirmé tantôt, l'idée est
de permettre d'avoir à la fin un
projet de loi qui soit le meilleur possible, d'abord, à soumettre à nos
collègues, les 125 membres de l'Assemblée, mais aussi, ensuite, pour la
population, pour que la population puisse profiter de notre réflexion. Alors,
merci, M. le Président.
Le Président (M.
Martel) : Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres
membres qui souhaitent faire des remarques préliminaires? M. le député de
Jean-Talon.
M. Yves Bolduc
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Un, je me suis fait
plaisir, je voulais saluer chacun et chacune d'entre vous personnellement ce matin. Et, je dois vous avouer, j'aborde
les travaux qu'on va faire pas comme un politicien, mais plutôt comme un
médecin qui est un passionné de l'éthique et qui surtout veut offrir ce qu'il y
a de mieux aux Québécois. Et pour le Québec
c'est un moment extrêmement important qui va aboutir à un beau projet de
société. Donc, je mets les cartes sur la table.
On va travailler en collaboration. Moi, j'ai
présidé pendant 10 ans le comité de bioéthique du Saguenay—Lac-Saint-Jean. Et, autour de la table, les gens
devaient s'exprimer, devaient apporter différents points de vue, et, l'objectif
à la fin, on doit faire ce qu'il y a de
mieux, et, pour faire ce qu'il y a de mieux, il faut poser des questions. Même
s'il y a des questions qu'on ne
voudrait pas poser, on va devoir les poser parce qu'il y a des gens qui vont
nous écouter, et ils vont s'attendre
qu'on fasse le tour du dossier complètement — notre expression — va tourner chacune des pierres. Mais, à la fin, je vous garantis une chose, on va être
extrêmement fiers de notre travail. Un peu comme les gens de la commission
ont créé des liens non partisans entre vous,
lorsqu'on a fait les auditions, moi, je pense qu'on a eu une belle ambiance,
un respect les uns des autres. Et, à un
moment donné, j'ai même dit : On ne sait plus trop qui appartient à qui
comme parti, parce qu'on travaillait ensemble pour bonifier le projet.
Moi, je
reçois très bien le projet de loi. Il y a des discussions à faire, et puis on
va les faire dans une ambiance de collégialité.
On se souhaite bonne chance et on va avoir beaucoup de plaisir ensemble au
cours des prochaines semaines. Merci, M. le Président.
• (12 h 10) •
Le Président (M. Martel) :
Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres personnes qui souhaitent faire
des remarques préliminaires? Non? Bien,
bravo. Merci. C'est vraiment touchant, ce que j'ai entendu, puis ça fait preuve
de beaucoup de profondeur dans les travaux, puis je suis certain qu'on
va avoir une belle commission.
Je ne crois pas qu'il y ait de motion
préliminaire.
Organisation des travaux
Mme Vallée :
En fait, M. le Président, si vous me permettez, compte tenu de l'importance du
projet de loi, compte tenu aussi de
la façon dont certains articles sont rédigés, je ferais motion afin qu'on
puisse étudier le projet de loi paragraphe par paragraphe plutôt qu'article par article parce qu'il y a certains
articles qui comportent plusieurs paragraphes qui ont peut-être des
fondements différents.
Alors, je
pense que ça pourrait nous permettre parfois d'adopter des paragraphes puis de
travailler d'une façon… comme on le
fait, là, dans d'autres projets de loi qui sont ainsi faits. Ça nous permet de
travailler d'une façon, je crois, un
petit peu plus encadrée puis ça nous permet aussi... ça permet à la ministre de
ne pas avoir à lire tout l'article puis revenir à chaque fois sur chaque paragraphe. C'est qu'on lit le paragraphe, on
travaille sur ce paragraphe-là, on passe à l'autre paragraphe.
Alors, je
propose ça, parce qu'hier soir je lisais le projet de loi puis je me
disais : Ça serait peut-être plus simple, là, d'une façon… ce
serait peut-être plus structuré de cette façon-là.
Le Président (M. Martel) :
Merci. Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Bien, en fait, je ne suis pas fermée du tout à ça, là, je veux juste qu'on se
comprenne bien sur notre manière de fonctionner.
En général,
les articles ne sont pas très longs. Moi, ce que je suggère, juste pour notre…
c'est qu'on puisse lire l'article et
ensuite les étudier paragraphe par paragraphe. Mais je pense qu'en général ça
serait… Il y a quelques articles où
peut-être, de manière spécifique, si c'est très long, on pourrait effectivement
lire le paragraphe, faire le débat sur l'alinéa, là, ou le paragraphe.
Mais, en général, je pense que ça donne une compréhension quand même plus
complète de lire l'ensemble de l'article,
là. Puis la majorité des articles ne sont pas très longs. Donc, moi, j'irais
plus d'une manière de… dans ce
fonctionnement-là, de manière générale, lire l'article au complet, mais au
besoin, si on sent qu'il y a quelque chose qui est très long, on peut
lire paragraphe par paragraphe, là.
Le Président (M. Martel) :
Merci, Mme la ministre. M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : C'est un projet de loi très particulier, là.
Ça fait qu'au niveau de la méthode de travail, moi, ce que je nous proposerais, c'est… On va arriver à certains articles
où on dit : Bien, il faudrait quasiment qu'on sache plus loin qu'est-ce qui va se passer, puis, à ce
moment-là, il faut revenir. C'est que, si on ferme l'article, le problème qu'on
va avoir, c'est qu'on va demander à en rouvrir.
Moi, je vais
vous offrir, là, qu'on va passer les articles. Puis des fois on est mieux de
passer en disant : Bien, plutôt que
de passer des heures et des heures sur un article où on a trop de questions, on
pourrait revenir plus tard puis on pourrait le travailler comme ça, ce qui est inhabituel dans les projets de loi. Des
fois, on en saute un, mais c'est rare qu'on peut en sauter plusieurs.
Puis ça va être plus facile d'avoir la vision globale à la fin, quand on va
avoir fait des clarifications, parce qu'il y a beaucoup, beaucoup d'éléments à clarifier. C'est juste
pour qu'on s'entende, parce que, des fois… Il ne faut pas que les gens aient l'impression que c'est parce qu'on ne veut
pas avancer. C'est juste qu'il faut être capables de faire le tour du
dossier puis après ça être capables de faire le tour de chaque article, juste
comme méthode de travail.
Le Président (M. Martel) :
Merci.
Mme
Hivon : M. le
Président, j'ai vraiment toute l'ouverture pour qu'on fonctionne, pour que ce
soit le plus efficace possible. Quand il
faut suspendre un article, on va suspendre un article. Si l'opposition
dit : On aimerait mieux pour ça
discuter, on va le faire, mais je nous donnerais une souplesse pour y aller,
selon les besoins, au fur et à mesure. C'est bon?
Le
Président (M. Martel) : Merci, Mme la ministre. De toute façon,
la demande est valable, là, elle est légitime. Je pense que ce qui est important, c'est de préserver le temps de parole
de tout le monde. Et, à chaque paragraphe, si vous souhaitez, bien on peut faire des interventions.
Mais peut-être c'est une bonne idée, quand l'article n'est pas très long,
de le lire tout de suite. Mais on peut
revenir paragraphe par paragraphe pour s'assurer des temps de parole. Ça vous
convient comme ça? Oui.
Mme Vallée :
En fait, c'était pour éviter que la ministre ait à répéter. Mais, si la
ministre est à l'aise de lire d'abord l'article
pour en faire une explication plus globale… L'objectif, là, c'est vraiment de
pouvoir être efficaces dans notre façon de travailler.
Étude détaillée
Le
Président (M. Martel) : Donc, nous allons immédiatement débuter
l'étude article par article. Je prends en considération l'article 1. Mme
la ministre, la parole est à vous.
Mme
Hivon :
Oui. Alors, article 1 : «La présente loi a pour but d'assurer aux
personnes en fin de vie des soins respectueux de leur dignité et de leur
autonomie. À cette fin, elle précise les droits de ces personnes de même que l'organisation et l'encadrement des soins de fin
de vie de façon à ce que toute personne ait accès, tout au long du continuum
de soins, à des soins de qualité adaptés à ses besoins, notamment pour prévenir
et apaiser ses souffrances.
«De plus, la
présente loi reconnaît la primauté des volontés relatives aux soins exprimées
clairement et librement par une personne, notamment par la mise en place
du régime des directives médicales anticipées.»
Donc, je ne
vous ferai pas des commentaires en long et en large, M. le Président.
Évidemment, c'est l'objet, donc, de
la loi, et on reprend, donc, les différents éléments du projet de loi de
manière sommaire, donc, dans ce premier article.
Le Président (M. Martel) :
Merci, Mme la ministre. Est-ce qu'il y a des interventions?
Mme Vallée :
…oui, c'est l'objet de la loi, et ça nous amène dans, surtout au premier paragraphe,
certains éléments, qui pourront peut-être être abordés dans le cadre de
l'article 3, au niveau des définitions.
Tout à
l'heure, lors de mes remarques préliminaires, j'ai mentionné la question de la
définition de la «fin de vie» pour
certains. Puis, parmi les questions… Et je me souviens, là, que, dans les
commentaires, on avait également… Ces commentaires-là
avaient été formulés : Qu'est-ce que la fin de vie, où commence la fin de
vie, et qui sont les personnes qui sont en fin de vie?
Alors, je
comprends que l'article traitant des définitions est l'article 3, mais je note,
je soulève au passage que la question
de la fin de vie aurait peut-être intérêt à être clarifiée, de sorte que ça va
permettre… puis ce terme-là… d'autant plus
que ce terme-là est utilisé abondamment au cours du projet de loi et que le
projet de loi porte le titre de «soins de fin de vie». Évidemment, on pourrait se dire : Bien, la fin de vie,
qu'est-ce que c'est? Est-ce que c'est le moment ou l'état? Parce qu'on réfléchit comme ça. Est-ce que c'est
le moment où on sait que la mort est enclenchée et qu'elle est inéluctable?
Est-ce que c'est là la fin de vie? Est-ce
qu'on est capable de l'identifier, ce moment-là? Est-ce que c'est le moment où
le patient entre en phase terminale
d'une maladie? Est-ce qu'on est capable aussi de l'identifier? Parce qu'il y a
toute cette question-là. Pour être en mesure d'attribuer des droits à
une clientèle qui est à cette étape-là de la vie, qui est l'entrée dans la fin de vie, encore faut-il savoir où
débute cette fin de vie là. Je pense, par exemple, à la politique actuelle sur
les soins palliatifs. On avait choisi
que les soins palliatifs soient accessibles à une certaine clientèle avec un
certain pronostic. Est-ce qu'on applique cette même logique là à la
notion de fin de vie? Est-ce que la notion de fin de vie s'applique, nonobstant la maladie? Est-ce que la fin de vie
s'applique à partir d'une phase terminale où on est à deux mois, trois mois,
quatre mois, six mois dans un échéancier?
Et, pour moi, c'est extrêmement important parce que le projet de loi consacre
des droits pour les citoyens en fin de vie,
et il faudra, à ce moment-là, être capables d'identifier qui a accès à ces
soins-là et qui n'a pas accès, aussi
déchirant que ça puisse être. Mais, à un certain moment donné, il va falloir
définir : Bien, vous, vous êtes
admissible, puisque vous êtes en fin de vie, suivant ce que nous avons établi
comme étant la fin de vie, et vous n'êtes pas admissible parce que vous
n'êtes pas en fin de vie.
Qu'il
s'agisse de la sédation palliative, qu'il s'agisse de l'aide médicale à mourir,
qu'il s'agisse de l'admission dans
une maison de soins palliatifs ou dans un département de soins palliatifs dans
un établissement, il faudra déterminer qui
est admissible et qui n'est pas admissible à ces soins de fin de vie là. On
comprend lorsqu'on se parle entre nous, on a une idée, puis ça paraît très clair : on est en fin de vie. Mais ce
n'est pas si clair que ça, ce qu'est la fin de vie. Et je me souviens
que le Collège des médecins nous mentionnait, lors des échanges sur la question
de l'aide médicale à mourir, de l'importance que cette aide médicale à
mourir là ne puisse être octroyée que lorsque la mort revêt un caractère inéluctable. Il ne fallait pas permettre que
l'aide médicale à mourir puisse être offerte dans d'autres circonstances. Et on
parle de fin de vie aussi.
Donc, est-ce
que la ministre a une suggestion à nous faire ou une définition de «fin de vie»
qu'elle avait en tête lors de l'élaboration du projet de loi?
• (12 h 20) •
Le Président (M. Martel) : Merci,
Mme la députée. Mme la ministre.
Mme
Hivon : Merci, M. le Président. Alors, écoutez,
c'est une grande question, puis je pense qu'on y a réfléchi beaucoup
pendant les auditions.
Moi, j'y ai
réfléchi pendant les travaux de la commission et je dois vous dire que je pense — et
avec respect pour l'opinion
contraire, puis on peut en discuter, là, je n'ai aucun problème — que
l'expression «fin de vie», après avoir fait tout un tour… Je vous dis qu'on a regardé des affaires. Je pense que l'expression de «fin de vie» est la
meilleure expression, comme on en est
arrivés à cette conclusion-là quand on a fait les travaux de la commission.
Est-ce que c'est une expression qui,
en elle-même, est pointue, pointue, pointue? Non. Mais je pense, puis la
députée de Gatineau le dit aussi, je pense que, quand on parle des soins de fin de vie… Puis on va y venir parce
qu'on a des définitions à l'article 3. Je pense que, quand on parle des
personnes en fin de vie dans le contexte d'un projet de loi, parce qu'on n'est
pas dans un contexte désincarné, la notion
de fin de vie dit ce qu'elle a à dire. Et je pense, pour avoir eu des échanges
avec toute sorte de monde, que tout
le monde comprend de manière globale ce dont il est question. Et, vous savez,
dans les lois, c'est très important, oui, de savoir ce dont on parle,
mais c'est aussi important… et je pense que tous les experts sont venus nous le
dire, il n'y a absolument personne qui est
venu… y compris des médecins, qui nous ont dit : Il faut mettre un espace
temporel de jours, semaines, mois.
Vous devriez dire : C'est six mois et moins. Vous devriez dire :
C'est un an et moins. Vous devriez dire :
C'est deux mois et moins. Il n'y a personne — puis on l'a posée, la question, de part et
d'autre — il n'y a
personne qui nous a dit que ça serait
une bonne idée de faire ça, parce que c'était quelque chose qui allait
potentiellement compliquer énormément
la vie des gens qui allaient avoir à appliquer la loi. Il faut laisser une part
importante au jugement des médecins. Donc, ça, c'est quelque chose qui
est revenu constamment.
Puis là
ensuite on a entendu des expressions comme «mort inéluctable». Mais «inéluctable»…
puis on l'a fouillé, mais une «mort
inéluctable»… la mort, elle est inéluctable pour tout le monde. Non, mais ça,
c'est vrai. «Imminent», c'est d'autre
chose, je vais y revenir. Mais, «inéluctable», on ne peut pas aller avec cette
expression-là parce que, dès qu'on naît,
il y a une certitude, c'est qu'on va mourir — donc, je vous l'apprends tous, nous avons
tous une mort inéluctable — ce qui fait qu'on a rejeté «inéluctable».
«Imminent».
On a regardé «imminent», mais «imminent», moi, je dois vous dire que, dans ma
compréhension, «imminent», c'était
beaucoup trop restrictif parce que c'était : c'est là, là, c'est sur le
point d'arriver. C'était ma compréhension.
Là, on a eu les gens de défense des personnes qui sont atteintes d'un problème
de santé mentale qui sont venus nous
dire qu'avant, dans la loi, on parlait de «risque imminent» et qu'on est venus
dire que «risque imminent», ce n'était
pas assez en quelque sorte imminent, et donc on a changé pour «risque
immédiat», parce que «risque imminent», selon les interprétations de la jurisprudence, ça pouvait être quelque
chose qui soit dans des mois, des années. Ça fait que moi, je me suis
dit : O.K., ma compréhension d'«imminent», ce n'est pas la bonne
compréhension.
Là, ensuite on a regardé «terminale». Donc,
«terminale», on a fait... Je vous l'avais dit parce que, pendant les auditions, on avait commencé à faire le travail,
mais on l'a fait de manière beaucoup plus exhaustive. «Terminale», là, selon différentes lois, ça a toutes sortes de
réalités, et selon la littérature médicale aussi. Et donc, dans différentes
lois sur les régimes de retraite, on
parle de deux ans. Donc, on dit qu'«employé atteint d'une maladie en phase
terminale»... Puis là on vient
décrire, là, je vous donne un exemple. Ça, c'est la Loi sur le régime de
retraite des agents de la paix en services correctionnels. Je me doutais qu'on allait parler de ça ce matin, donc
je les avais gardés pas loin. Donc, ça dit «atteint d'une maladie qui entraînera vraisemblablement son décès
dans un délai de deux ans». Donc, c'est ça, la durée qui est mise. Donc, on retrouve souvent ça dans des lois du
Québec, un délai de deux ans, beaucoup en lien avec les régimes de retraite,
donc maladie en phase terminale.
Par ailleurs,
il y a des endroits où on a vu, dans la littérature… où c'était plus une
question de six mois. Par ailleurs, j'ai
parlé à des gens — puis on
a un médecin... deux médecins devant nous — j'ai parlé à toutes sortes de médecins du
ministère et en dehors du ministère, et on
m'a dit que l'expression «phase
terminale», c'était beaucoup une expression, dans le jargon médical, qui était associée aux maladies, donc, aux
phases de cancer beaucoup plus que, par exemple, les maladies dégénératives où ce n'est pas une
expression qu'on retrouve. Évidemment, notre projet
de loi concerne aussi des gens
qui ont une maladie dégénérative.
Donc, c'est
pour ça que, bien sincèrement, je suis ouverte à la discussion, mais je dois
vous dire qu'après avoir fait tout un
tour de roue exhaustif je pense que la notion de fin de vie est la notion la plus
porteuse qui, analysée dans le contexte d'un projet de loi, vient dire
ce qu'elle a à dire.
L'autre chose
que je voudrais dire, c'est qu'évidemment on parle des soins de fin de vie, on parle
aussi de l'aide médicale à mourir.
Et, je pense, c'est drôle, parce qu'il n'y a
personne qui a relevé le problème de parler de soins de fin de vie de
manière générale, ils l'ont juste soulevé, «fin de vie», en lien avec l'aide
médicale à mourir, mais on parle des mêmes personnes. S'il n'y a pas de problème pour dire : On fait une
politique… Puis la politique, elle était vraiment sur les soins palliatifs de fin de vie, donc elle est déjà
ancrée, cette expression-là, elle est déjà là dans la Politique sur les soins
palliatifs de fin de vie. On vivait
déjà avec cette expression-là. Il n'y a pas de durée dans la loi non plus, les
gens le savent. C'est en quelque sorte quand on est rendu de l'autre
versant de la montagne. Et je pense que, de manière globale, il n'y a effectivement personne
qui est venu nous dire : Vous savez, pour les soins palliatifs, on ne le
saura pas quand la personne est en
fin de vie. Bien, non, on le sait. C'est quand justement le curatif ne peut
plus faire d'effet, quand il faut s'occuper de la personne, donc, qui
est en cheminement vers le décès. Donc, je pense que c'est important.
Puis, pour ce
qui est de l'article 26 sur l'aide médicale à mourir, quand on fait la
conjonction — puis
vous allez le voir quand on va
arriver à l'article 26 — on introduit un amendement pour venir rappeler «fin de vie», comme
plusieurs l'ont demandé, qu'il soit
spécifiquement mis à l'article 26, que la personne doit être en fin de
vie. Ça allait de soi parce que ça va
de soi dans l'ensemble du projet de loi, mais, pour être plus clair, on suggère
de le ramener. Quand, l'article 26, on lie «fin de vie» avec l'ensemble des critères, je pense que c'est
très clair dans quelle situation on se trouve, sans dire que c'est une
bonne idée de mettre un délai, comme personne ne nous a suggéré de le faire.
Puis, en
terminant, je voudrais dire, j'ai réfléchi beaucoup, vraiment, puis je me suis
dit : Il y a beaucoup d'expressions dans notre corpus législatif qui sont générales mais qui, à la lumière
de justement la loi, du contexte dans lequel elles sont… on sait très bien ce qu'elles veulent dire. Puis
ma collègue est juriste. Donc, en droit civil, tout ce qui fonde la
responsabilité civile, c'est la
notion de personne raisonnable. Avant, c'était le bon père de famille. Bien,
«personne raisonnable», là, si on me
demandait de définir «personne raisonnable» en deux lignes pour savoir
exactement c'est quoi, être une personne raisonnable, je pense qu'on n'y
serait pas arrivé puis je ne pense pas que ça aurait été une bonne idée.
Puis moi, je vous soumets que je pense que «fin
de vie» doit être la bonne expression, avec toutes les balises, avec tout l'encadrement qu'on trouve dans le
projet de loi, avec tout aussi ce que la pratique nous apporte par rapport à
l'administration des soins palliatifs en fin de vie, ce que la politique dit et
tout ce qu'on introduit aussi à l'article 26. Donc, moi, je pense que
l'expression «fin de vie», jumelée avec aussi ce qu'on va voir à l'article 3,
qui vient préciser certaines choses, les
soins palliatifs, les soins de fin de vie, la sédation, l'aide médicale à
mourir... On a fait beaucoup de chemin,
là. J'ai travaillé fort avec les légistes qui à l'origine ne voulaient aucune
définition parce que normalement les termes
qui ont un sens général ne doivent pas être définis. Mais je pense que ça va
être un plus, puis on est tous maintenant à l'aise avec ça. Mais je vous
soumets que l'expression «fin de vie» est la bonne.
Le Président (M. Martel) :
Merci, Mme la ministre. D'autres interventions?
Mme Vallée : En fait, oui,
bien, dans cet ordre-là. L'Ordre des infirmières, à la page 5 de son
mémoire, nous suggérait que la notion de fin
de vie soit balisée mais que ce ne soit pas... l'ordre ne suggérait pas que ce
soit nécessairement à l'intérieur du projet de loi.
Mme
Hivon : ...
Mme Vallée : L'Ordre des
infirmières.
Mme
Hivon : Des
infirmières.
• (12 h 30) •
Mme Vallée : Et suggérait que la notion soit balisée dans le projet de loi par des critères cliniques élaborés par un organisme reconnu pour son expertise. En
l'occurrence, elle faisait référence, entre
autres, possiblement à la Commission des soins de fin de vie. Le Collège des médecins,
comme je le mentionnais, souhaitait peut-être revenir sur le caractère terminal. Je vois que vous l'avez étudié. Évidemment, deux ans, ça a été défini de cette façon-là,
mais il faudrait savoir.
C'est parce que le but de mon intervention, ce
n'est pas tant de définir précisément «fin de vie» que d'être en mesure… parce
qu'on aura un projet de loi… puis d'établir qui est admissible et qui ne l'est
pas, donc qui pourra recevoir les
différents soins de fin de vie. Entre autres, je pense à l'article 5 qui
prévoit que tout citoyen a droit d'avoir accès à des soins de fin de vie. Donc, on parle de soins
palliatifs et des autres soins qui seront énumérés dans le projet de loi. Je
pense qu'on a peut-être une responsabilité de définir qui va y avoir
accès. Est-ce qu'on laisse ça au loisir des tribunaux, de déterminer l'admissibilité ou la non…
non-admissibilité, pardon, d'un citoyen à un soin qui aura été définie à
l'intérieur du projet de loi? Je sais puis je comprends très bien le
questionnement puis le défi que cela pose avec l'ensemble des définitions, les pour et les contre, les
différentes définitions qui existent actuellement dans notre droit, mais moi,
je le vois vraiment comme une
question. À partir du moment où on définit, où on sait ce que ça représente, on
va être capables de déterminer qui a
accès ou qui n'a pas accès aux soins. Je comprends que, dans le domaine de la
fin de vie puis dans le domaine
médical, arriver avec… et là mon collègue de Jean-Talon pourra sans doute
élaborer davantage, ce n'est pas évident de pouvoir déterminer à une journée près ou à une fraction de seconde
près, là, je comprends, mais, il me semble, ce serait important d'avoir
peut-être des balises, on se situe où. Parce qu'au même titre que la mort est
inéluctable, donc, techniquement, la fin de
vie commence le jour de notre naissance, mais… C'est parce que je reprenais des
propos de notre collègue de Verdun
qui avait mentionné cet élément-là, puis effectivement, si on le revoit d'un
côté plus philosophique, c'est vrai que la fin de vie débute au moment
de la naissance.
Mais je pense
que vous comprenez ma préoccupation. C'est d'être capable d'assurer ou de
déterminer qui seront les citoyens
admissibles aux soins qui seront prévus au projet de loi. Parce qu'un jour
peut-être que… Pour des raisons budgétaires,
des raisons de contraintes, de manque de places, est-ce qu'on pourra dire à
quelqu'un : Non, désolé, vous n'êtes pas admis parce que vous
n'êtes pas en fin de vie? Et puis là on dirait : Oui, mais moi, je suis
dans une phase terminale, il me reste deux
ans, il me reste six mois, il me reste neuf mois à vivre. Il faut être capables
de le définir pour éviter des situations qui seraient extrêmement
délicates puis extrêmement douloureuses, je crois.
Le Président (M. Martel) :
Merci, Mme la députée. Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Peut-être, pour fins de compréhension… Je comprends tout à fait le
questionnement de ma collègue.
Ce
n'est pas parce qu'on n'a pas travaillé fort sur cet enjeu-là, mais je dois
vous dire qu'on leur parle, au Collège des
médecins, on a reparlé. Leur spécialiste, au Collège des médecins, elle avait
déposé un rapport, un mémoire, lors des premières auditions de la commission
spéciale, et ils sont revenus, puis elle n'a toujours pas trouvé. Donc, on est
tous dans le même dilemme, c'est-à-dire
que ça peut être… Ils nous avaient dit «inéluctable», puis là après, quand on a
échangé avec eux, ils ont dit :
C'est vrai qu'«inéluctable», ce n'est pas assez, bon, défini. «Terminale»,
comme je vous dis, on l'a fouillé, ce
n'est pas… la législation québécoise, à date, c'est deux ans. Tout le monde
nous a dit de ne pas mettre de moment comme
tel, qu'on était mieux avec une notion globale. Selon le type de maladie, on ne
fait pas référence à la même chose. Ça
fait que ce n'est pas parce qu'on ne l'a pas regardé, mais, je vous dis, on
avait jonglé avec ça lors des travaux de la commission, et on a jonglé
dans l'élaboration du projet de loi, et on jongle encore ici, et moi, je reste
convaincue que «fin de vie» dit ce que ça a à dire dans le contexte du projet
de loi.
Mais
je veux juste dire, peut-être pour rassurer la députée : Moi, je pense
que, quand on lit l'article 5, ça dit ce que ça a à dire, dans le sens… Premièrement, les gens ont le droit,
hein, il y a un droit général d'accès aux soins, c'est prévu dans la loi sur la santé et les services
sociaux. Là, on vient vraiment
préciser parce qu'on veut reconnaître formellement les soins palliatifs. À l'article 5, on dit vraiment : «Toute personne, dont l'état le requiert, a le droit de recevoir des soins
de fin
de vie…» Puis on va voir tantôt à
l'article 3 qu'on définit les soins de fin de vie. Et je pense que tout ça,
oui, renvoie à des choses qui ne sont
pas à la minute près mais qui disent ce qu'elles ont à dire. Donc, il faut que
son état requière des soins de fin de vie.
Donc,
c'est évident que les équipes médicales, elles savent de quoi on parle, au même
titre où... C'est drôle, quand on débat de ce projet de loi là, tout le
monde nous parle spontanément des soins palliatifs, tout le monde nous parle spontanément des maisons de soins palliatifs, les
gens ne se disent pas : O.K., c'est des soins pour une personne qui vient
d'avoir 60 ans, par exemple. Moi, je pense qu'on a ce qu'il faut dans le projet de loi pour que tout ça puisse être interprété très correctement.
Le Président (M.
Martel) : Merci, Mme la ministre. M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Oui. Vous allez voir, parfois je suis très pragmatique, là, et puis je
prends le problème d'une autre
façon.
La
raison, ce n'est pas pour la majorité des gens, mais il va arriver, au nombre
de personnes qui peuvent le demander,
qu'on peut avoir une demande, là, que la personne pourrait répondre aux
critères, et par la suite tout le
monde va dire : Pourtant, il me
semble qu'il n'est pas si en fin de vie que ça. Et ce qu'on veut éviter, c'est
l'exception. Là, on dit : Est-ce
qu'on fait une règle générale en
disant qu'il n'y aura pas d'exception? Dans ce cas-là, il faut
y penser, parce que, je l'avais dit en commission, lorsque
vous allez arriver avec une première d'un journal qu'il y a quelqu'un que ça
fait trois ans... ou son espérance de vie
est de trois ans, mais qu'il répondrait d'une certaine façon aux critères et
qu'il y a un docteur qui va accepter
de le lui faire, parce que ça peut arriver, là tout le monde va
dire : Pourquoi on n'y a pas pensé avant? Tu sais, c'est ça, l'objectif auquel il faut répondre là-dedans. Et
également, en général, tout le monde va s'entendre que presque tous les cas... Puis ça, c'est dans le
cas vraiment de l'aide médicale à mourir. Tu sais, quand vous regardez
pourquoi est-ce qu'on veut avoir une fin de soins de vie, là, c'est pour l'aide
médicale à mourir, et l'aide médicale à mourir
vient beaucoup plus loin. Donc, ça serait peut-être un exemple d'article, si on
veut avoir... Tu sais, on peut parler pendant
des heures de temps, mais on est peut-être mieux de dire : Bien, écoute,
on va tout regarder le reste de l'article. Quand on va arriver
là-dessus, on va attendre d'aller au bout puis on reviendra l'adopter, juste
côté pratique.
Mais
la façon dont moi, je le vois, c'est — on en avait discuté lors de la
commission : si quelqu'un arrivait, puis on sait qu'il lui reste deux ans à vivre, puis il répond aux critères de
soins de fin de vie, mais le gros bon sens nous dit que ça n'a pas de bon sens que cette personne-là
puisse y avoir accès parce que ce n'est pas tant fin de vie que ça mais qu'il
répond aux critères, je pense qu'il faut
être capable de prévoir un mécanisme pour dire que… dépassé un certain délai,
je pense que ça prend peut-être un
appel à un autre endroit que juste le médecin. Là, je sais que dans la loi les
gens prévoyaient... Là, on en fait la
discussion, en passant, là, tu sais. Moi, je suis prêt à tout regarder puis à revenir
en arrière. Ça fait que, je tiens à
le dire à tout le monde, là, ce que je dis aujourd'hui, je peux changer d'idée
demain, O.K.? Ça, c'est important
autour de la table, parce que, si vous dites quelque chose puis vous être pris
avec après, là vous êtes mal pris. Moi, j'étais habitué, en tout cas
dans mon comité de bioéthique, qu'on pouvait s'exprimer, écouter les autres
puis se réexprimer, puis ça peut être le contraire. Ça fait qu'il faut que ce
soit comme ça autour de la table.
Mais,
moi, ce que je vois comme problème, là, définitivement, c'est le cas
exceptionnel, qui va arriver peut-être une
fois aux deux ans, qu'on va se faire dire : La loi aurait dû fermer ce
trou-là. Moi, la façon dont je le voyais… Puis je vais vous mettre une hypothèse. Je vous dirais,
99,9 % des gens, là, ils vont demander ça à l'intérieur des six mois,
parce que six mois, c'est, en
médecine, là... Deux ans, là, en passant, c'est pour les gens qui tombent
inaptes au travail. Puis on sait
qu'ils vont mourir dans deux ans, on n'est pas pour les faire travailler
jusqu'à six mois avant leur mort. Ça fait que c'est un contexte qui est complètement différent. Mais
là on tombe dans un côté médical, puis je pense que les gens peuvent
s'entendre assez facilement que le délai de six mois est approprié. On ne peut
pas prédire la mort de quelqu'un dans trois
mois, quatre mois, cinq mois, mais on peut se donner une perspective qu'on sait
la différence. Puis là on parle, là, des scléroses en plaques et puis des maladies de Lou Gehrig, là, ces
maladies-là qui souvent vont demander longtemps d'avance à avoir l'aide médicale à mourir. Parce que
quelqu'un qui a le cancer, là, généralement, il le souhaite vraiment à la phase
qu'on appelle plus terminale. Mais, ces gens-là, il y a quelqu'un qui pourrait
dire : Moi, là, j'ai un diagnostic aujourd'hui, je réponds aux
critères et je ne veux pas passer... je voudrais qu'on me l'applique dans deux,
trois semaines, un mois. Puis, quand vous regardez ces gens-là, souvent
ce n'est pas vraiment ça qu'ils veulent, c'est juste parce qu'ils sont
découragés sur le moment.
• (12 h 40) •
Ça
fait que, moi, ce que j'avais pensé lorsqu'on avait fait ces auditions-là,
c'est que généralement... Puis je sais que
tout le monde est contre les critères. Mais, en passant, tout le monde est
contre les critères, là, mais, quand arrive le temps de faire une loi, là ce n'est pas eux autres qui la font, c'est
nous autres. Ça fait que c'est nous autres qu'il faut qui décident ça. Puis on peut consulter, par contre.
On n'est pas obligés de prendre la décision aujourd'hui. Mais moi, je me
disais, si on s'entendait, là, que, lorsque
la mort était prévisible sur une période d'environ six mois, à ce moment-là… Ces
gens-là, c'est 99,5 % des gens. S'il y
a des gens qui sont longtemps d'avance, exemple, une sclérose latérale
amyotrophique ou une sclérose en
plaques, là… O.K., qui, elle, dit : Moi, là, je suis à un an et demi, deux
ans, mon espérance de vie, mais je ne suis plus capable de vivre ça,
j'ai de la souffrance, bien, à ce moment-là, qu'on se facilite en disant :
Bien oui, il pourrait y avoir un appel
peut-être au comité central, où ce cas-là pourrait être évalué de façon
exceptionnelle. Si vous essayez de
traiter tous les cas de la même façon, en disant : Bien, ils vont tous
passer dans le même mode, en médecine il
y a de l'exception. Et pourquoi je vous apporte cette idée-là d'un comité à un
moment donné? C'est que, si j'y vais avec le critère simple de six mois, vous allez me trouver des gens qui
devraient l'avoir et auxquels on empêche d'avoir ce soin-là, alors
qu'eux autres peut-être qu'il leur reste 18 mois, ou 16 mois, ou 20 mois, mais
eux autres, ils y ont droit.
Pourquoi je
vous dis ça? Ça nous éviterait d'avoir, puis ça va arriver, là, le patient qui
a une demande, qui ne répond pas
vraiment aux critères ou qui répond vraiment, sur la ligne, aux critères et
qu'il y ait un docteur qui joue à celui qui va faire l'acte médical à mourir à tous ceux qui le demandent. On a eu ça
aux États-Unis, on a eu ça en Europe. Et ça nous éviterait cette possibilité d'abus là. Et, à partir du moment que vous
mettez un mécanisme comme ça en place, ce qui est intéressant, les gens
savent que, dans ces cas-là, il y a un appel à faire, donc souvent il n'y en
aura pas, de problème.
Je vous soumets…
puis je suis ouvert, là, même à regarder la proposition de la ministre, mais je
vous dirais que, quand on parle, là,
dans le projet de loi, des endroits qu'il faut vraiment qu'on fasse une bonne
discussion puis regarder les
possibilités, ça, c'est un, je vous dirais, un des cinq éléments les plus
difficiles à traiter. Puis, encore là, moi, je nous recommanderais, là, de ne pas nécessairement se
presser pour prendre une décision là-dessus. Ça, c'est une réflexion qu'il
faut qu'on fasse, mais il faut qu'on se dise
des choses, les uns les autres, là. En passant, on n'est pas obligés d'essayer
de se convaincre, il faut juste mettre ce qu'on pense sur la table.
Le Président (M. Martel) :
Merci, M. le député. Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui. Bien, j'apprécie beaucoup l'attitude, je dois dire aussi, des collègues,
là, parce que je pense que, si on
veut être capables de se faire confiance mutuellement aussi puis d'avancer, il
faut être capables d'avancer des hypothèses. Je suis très à l'aise avec
ça.
Donc, je ne
suis pas fermée, mais moi, je vais vous le dire, je suis très mal à l'aise
qu'on parte du principe qu'il va y
avoir des balises mais qu'il pourrait y avoir des cas exceptionnels où on va le
faire, même si ça ne répond pas aux balises. Puis ce n'est pas exactement ça que le député de Jean-Talon a dit, là,
mais c'est de dire : Si on met un six mois, le corollaire de ça, c'est que, mon Dieu, si c'est sept mois…
Puis je comprends qu'on… Tu sais, les gens, ils ne seront pas là avec leur
calculatrice, là. Les médecins, c'est des
professionnels. Mais c'est pour ça que moi, j'ai confiance dans la notion de
fin de vie, parce que je pense que
99 %, effectivement, des cas, ça va être… Puis en Belgique c'est 90 %
des cas qui sont vraiment en question
de jours, semaines, O.K., comme à brève échéance, et il y a quelques cas
exceptionnels. C'est même plus que ça, je crois, que
90 %. 90 %, c'est que c'est des cas de cancer.
Donc, moi
aussi, je suis convaincue que la très, très grande majorité, ça va être des questions
de phase terminale de cancer, puis il
va y avoir une petite partie où ça va être des gens qui ont une maladie
dégénérative, une sclérose, bon, les
maladies de Lou Gehrig qui sont scléroses latérales amyotrophiques,
quelques, bon, maladies dégénératives importantes, où, là, ça va peut-être se calculer plus en
semaines, mois. Et puis c'est là que c'est difficile d'aller mettre : Six
mois, O.K. Sept mois, ce n'est pas correct. Et moi, je vous le resoumets parce
qu'on l'a travaillé, on l'a travaillé en commission. Là, on l'a travaillé, là, depuis le jour un qu'on
écrit le projet de loi. Puis on a mijoté des choses, puis j'ai parlé, puis j'ai
appelé plein de médecins… puis vous
êtes médecin, ça fait que vous le savez… des médecins qui sont plus des neurologues,
des médecins… tu sais, comment vous
voyez ça. Puis tout le monde dit : Bien, ça dit… Tu sais, en général ils
vont dire : Ça dit ce que ça a à
dire. Puis je comprends que le défi, c'est beaucoup 26 avec l'aide médicale à
mourir. Mais, quand on le lit, là, puis quand on lit l'ensemble des critères…
La personne est en fin de vie. C'est vrai que ça peut être dur. Il y a des
gens qui nous disent : Mais votre loi
ne s'applique pas à une personne paraplégique à la suite d'un accident. Puis je
dis : C'est vrai. Puis ils vont
me dire : Mais ce n'est pas correct. Puis je dis : La loi, elle n'est
pas parfaite. Puis il y a quelqu'un qui était venu en commission, je pense que c'était Dr Marcel Boisvert, lors
de la commission spéciale, puis on essayait puis on fouillait : Oui, mais là tel cas, tel cas. Puis, à un
moment donné, il avait dit : Vous ne pourrez pas avoir une loi
parfaite, là.
Ça ne peut pas être une loi qui est parfaite
puis en même temps qui a l'équilibre, qui a la protection pour les personnes vulnérables. Donc, c'est sûr qu'il va y
avoir des compromis à faire. Puis toute la philosophie de la loi, elle est
fondée sur un continuum de soins. Ça, je
pense que c'est un autre élément important. On le dit dans l'article 1 — on est toujours dans notre article 1 — on le dit à l'article, qu'on est sur un
continuum de soins. Donc, dans cette optique-là, on est sur un continuum de soins puis là on arrive dans
l'étape des soins, qui est la fin de vie, pas dans l'étape de la vie en général
après avoir travaillé puis que l'on est à la
retraite, dans l'étape, dans le cadre de ce projet de loi là, qu'on est en
fin de vie. Et donc moi, je veux, dans un souci justement de rassurer
puis d'être claire…
C'est vrai
que des fois il y a des notions qui sont un peu plus générales. Je parlais de
la «personne raisonnable». Puis il n'y a personne qui va venir nous
dire : On va venir décrire ça dans notre Code civil. Parce qu'il faut être
clair, cette loi-là, l'article 26, toutes les balises qui y sont, c'est
rigoureux, c'est strict. Il va falloir qu'ils soient suivis, le médecin doit les suivre, plutôt que de dire :
Bien, ça se peut, on va mettre un critère de temps, puis là ça va peut-être
faire en sorte
qu'il va y avoir des injustices pas possibles ou des situations vraiment
difficiles, puis là il faut trouver un autre mécanisme pour répondre à cette situation-là. Moi, j'aime mieux être
avec un critère qui, selon moi, dit ce qu'il a à dire, «fin de vie», avec tous les autres critères de 26,
puis qui dit : Le médecin, comme c'est le cas à tous les jours, pour
tous les soins, y compris pour les
fins de vie, quand les décisions se prennent puis qu'elles ne sont pas
faciles, il va interpréter la
loi correctement, il va exercer son jugement professionnel puis il va s'assurer
que la personne est en fin de vie. Moi, je pense que, quand on dit ça, pour avoir fait des débats, des entrevues,
quand on dit : La personne est en fin de vie, c'est assez clair, les gens, ils comprennent que ce
n'est pas quelqu'un qui a une dépression dans sa vie. Les gens, ils comprennent
que ce n'est pas une personne lourdement
handicapée ou paraplégique, parce qu'on est dans un contexte de soins, de
continuum, de fin de vie avec des critères, à 26, très, très précis.
Donc, c'est
là que j'en suis après avoir vraiment analysé plein de choses. Puis je sais que
le deux ans, ça peut faire drôle dans
la loi, mais c'est quand même la définition qui est accolée, pas à la personne
qui a une maladie grave et incurable, là…
personne qui est en phase terminale, atteinte d'une maladie en phase terminale.
Donc, je me dis : Il n'y a pas de… Puis pour avoir regardé un petit peu… J'ai demandé un peu qu'on regarde
la littérature, qu'on consulte. Il n'y en a pas, de mot magique, de période magique puis… Donc, je
sais que nous, on fait les lois, mais, en même temps, je pense qu'il faut
quand même entendre toutes les opinions qui nous ont été soumises sur le fait
du risque d'aller mettre une période.
Le Président (M. Martel) :
Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Gatineau.
Une voix : …
Le Président (M. Martel) M. le
député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Je ne suis pas sûr qu'on va trancher le débat
aujourd'hui, là. Mais la ministre, elle arrive, elle dit : Il faut faire confiance à la… Moi, j'ai une autre
expérience, j'ai une expérience de directeur de services professionnels,
et puis d'éthicien, puis, en plus de ça,
d'évaluation des plaintes dans les établissements. Vous allez dire :
Qu'est-ce que ça a rapport avec un
projet comme ça? C'est que, malheureusement, c'est vrai, 98 %,
99 % des professionnels pensent comme ça, mais on a parfois, puis je vous dirais que ça existe… sur
20 000 médecins, il y en a qui vont penser différemment. Et il s'agit qu'il y en ait un ou deux qui pensent
différemment pour qu'après ça ça remette en question pour la population
puis pour même les patients la validité.
Quand on
parle du six mois, la ministre, elle l'a dit, ça répond probablement à la
grande, grande majorité, mais, quand
on arrive à deux ans, on va avoir des cas, d'après moi, là, où est-ce qu'on va
se dire : Il me semble que ça n'a pas de bon sens. Puis, le gros bon sens, on essaie de l'appliquer, mais ce
n'est pas tout le monde qui l'applique. Et, pour avoir vu plusieurs situations où est-ce que des gens
disent : Il me semble que, comme professionnel, il ne devrait pas faire
ça, ça, c'est vrai, sauf que,
lorsqu'on s'en va au Collège des médecins puis on regarde les types de plaintes
qu'il y a, le type de poursuites
qu'il y a, on se rend compte qu'il aurait peut-être dû y avoir une balise à
quelque part qui prévoit autre chose.
Moi, ce que
je dis, je ne veux pas rendre inaccessible le service, sauf qu'on répond à une
grande, grande, grande majorité. En
passant, entre six mois, sept mois, huit mois, là, on ne se chicanera pas
longtemps, ce n'est pas un enjeu pour moi.
Puis il n'y a personne qui va dire à l'autre : Il restait peut-être sept
mois, tu aurais dû attendre un mois. On ne fera pas… personne. Ce qu'on veut éliminer comme abus, comme
réflexion, ce n'est pas le six, sept mois, c'est la personne qui est à
trois ans et qui, elle, le veut et puis qu'elle ne serait peut-être pas
accessible.
Puis là, le problème, on… difficile de répondre
à la question aujourd'hui parce qu'on n'a pas fait l'étude de l'article 26 dans lequel on a cette définition-là.
Et ça, ça sera notre enjeu qu'on va avoir tout le long, c'est-à-dire :
Est-ce qu'on accepte quelque chose
aujourd'hui en disant : On va le définir plus tard? Moi, je me dis, à un
moment donné, il va falloir qu'on le
définisse comme il faut puis dire : C'est ça qui va s'appliquer. Mais je
pense qu'il y a une grande réflexion à
faire là-dessus parce que, pour moi — on
va voir les critères à ce
moment-là — la façon dont on l'avait vu lors de l'étude
en commission, définitivement, il y a des cas qui passeraient dans les fentes
du plancher.
Mais
laissons-nous une réflexion puis on va voir qu'est-ce que ça va faire, là.
Je laisse la parole à ma collègue.
• (12 h 50) •
Le Président (M. Martel) :
Merci, M. le député. Mme la ministre.
Mme
Hivon : Non, ça va.
Je pense que la collègue…
Le Président (M. Martel) : Parce
que j'étais rendu à la députée de Groulx.
Mme
Daneault : Merci. Peut-être pour préciser un petit peu, parce que,
dans le fond, on est à l'article 1 où on parle
effectivement de soins de fin de vie, j'ai des synonymes de «fin» ici qui sont
«décès», «mort».
Alors, je
pense que c'est clair pour tout le monde qu'on parle de la fin de vie, que le
projet de loi considère que les soins
palliatifs font partie aussi de la fin de vie, les directives médicales
anticipées aussi. Je pense que la crainte des gens, c'est plus pour l'aide médicale à mourir. Et s'il y a peut-être…
si je peux vous suggérer, là… c'est que peut-être, quand on arrivera dans l'aide médicale à mourir,
de mieux définir… Par contre, quand on parle de définir en termes de temps, sincèrement, moi, et les experts qui sont
venus ici nous l'ont dit, de pouvoir prédire il reste combien de temps à une
personne avant de mourir, c'est impossible
pour personne. Moi, j'ai vu des cas où on pensait qu'on était en début de fin
puis que ça s'est terminé un an, un an et
demi plus tard, alors que d'autres où on ne pensait pas… finalement ils sont
décédés dans les semaines qui ont
suivi. Alors, il n'y a personne qui peut avoir la prétention de pouvoir
déterminer quel jour va être le décès d'une autre personne, sincèrement. Et je pense
que, si on se met à aller préciser un temps, ça va être difficile pour ceux qui l'appliquent de se convaincre. Parce que
la journée où tu dis : Oui, il reste six mois, est-ce que c'est vraiment
six mois? Et là d'impliquer une définition
de temps, alors qu'on se refuse à dire aux familles des proches qui sont en fin
de vie qu'ils sont en phase
terminale, on se refuse de leur donner un temps parce qu'on ne le sait pas…
Alors, cette notion-là, pour moi, ne devrait pas être introduite.
Je
pense que la notion de fin de vie, elle est claire, à mon avis. Quand viendra
le temps peut-être de préciser l'aide médicale
à mourir, est-ce qu'on pourra être plus pointu sur certains termes pour
rassurer la population, pour éviter des dérapages? Peut-être que, rendus là, oui. Mais là, à l'article 1, pour
moi, la notion de fin de vie, elle s'adresse à ceux qui vont, bon, avoir
recours aux soins palliatifs. Est-ce qu'on se limite à six mois, à un an? Je
pense qu'on ne peut pas introduire cette
notion-là. Et, dans le corps médical, souvent, on s'interdit de l'introduire
même aux familles des proches qui sont en fin de vie.
Le
Président (M. Martel) : Merci, Mme la députée de Groulx. Mme la
ministre, vous voulez ajouter quelque chose?
Mme
Hivon : Non. Je suis bien d'accord avec ce que la députée a
dit. Je pense aussi que ce qui brouille le… c'est, effectivement, c'est… Je pense que tout le monde
est d'accord, puis c'est pour ça que tantôt je disais : Il n'y a personne
qui est venu remettre en cause «fin de vie»
quand on parlait des soins de fin de vie, puis les personnes en fin de vie,
c'était juste à 26. Un, les gens nous
disaient : Est-ce que c'est sûr que, quand on parle d'aide médicale à
mourir, il faut que la personne soit
en fin de vie? Parce que, «fin de vie», sincèrement, je pense que c'est
beaucoup ça qui a sonné. Avoir su, je
dois vois vous dire que «fin de vie» serait apparue à 26. Donc là, les gens ont
soulevé des questions parce qu'ils ont dit :
Mais là ça ne dit pas que la personne est en fin de vie. Oui, ça le dit, parce
que c'est un projet de loi sur la fin de vie.
Donc,
moi, je pense qu'en le mettant à 26… Puis on pourra faire le débat quand on va
être rendus à 26, qui est vraiment
sur l'aide médicale à mourir, mais déjà, dans les amendements, je prévois qu'on
va mettre «fin de vie». Mais je ne
pense pas qu'il faut tout remettre en cause le projet de loi, qui est sur les
soins de fin de vie, avec la notion de fin de vie qui dit ce qu'elle a à
dire, pour un questionnement qui a trait spécifiquement à l'aide médicale à
mourir.
Donc,
je vous soumettrais ça pour qu'on puisse aussi avancer. Et puis, à 26, bien on
le regardera plus en détail.
Le Président (M.
Martel) : Merci, Mme la ministre. M. le député d'Orford.
M.
Reid : Oui, rapidement. La ministre ne sera pas surprise,
parce qu'on a, pendant 54 réunions, je pense, eu des opinions, essayé de persuader les uns les autres,
échangé, et tout ça. Mais, dans le cas, je voudrais juste attirer l'attention
sur le fait qu'une des préoccupations — ce n'est pas la seule — qu'on
avait quand on parlait de fin de vie, et dans la commission spéciale on avait aussi cette préoccupation-là, c'était le
fait qu'on ne demandera pas de passer par une commission, de passer par un paquet de monde à quelqu'un qui va mourir
dans une semaine, deux semaines, un mois pour, autrement dit, l'empêcher
de bénéficier de ce soin, autrement dit, de mettre fin à ses souffrances.
Dans la proposition
que j'entendais tout à l'heure, il y a quand même un élément, par rapport à ça,
qui est nouveau. Et je ne dis pas que c'est
le seul critère, mais le fait est
que, quand on parle d'une perspective d'un an, demander à un comité, une commission, etc., de se
prononcer, avec un délai qui peut être d'une semaine, deux semaines, ce n'est
pas la
même chose que quand on pense à quelque chose où il reste peu de temps, très peu de temps et qu'on ne veut pas
que ce temps-là soit perdu parce qu'on met une étape bureaucratique entre les deux ou, enfin, une étape
complexe entre les deux, alors qu'à toutes fins pratiques, pour la
majorité des cas, c'est à court terme.
Alors,
juste amener cet élément-là. Et je pense qu'effectivement ce dont on
parle s'adresse surtout aux problèmes liés
à… ou aux préoccupations liées à l'aide médicale à mourir. Et là on verra
si on va attendre, etc. Je pense qu'il
y a ouverture de part et d'autre là-dessus.
Le Président (M.
Martel) : Merci, M. le député. Est-ce que vous avez quelque
chose à ajouter?
Mme
Hivon : J'ai bien
pris note. Moi, je dois vous dire, par
rapport à une avenue comme ça… Parce que
M. le député de Jean-Talon
l'avait un peu soulevé une fois, je me souviens très bien, puis il avait dit
que, dans son esprit, c'était «semaines», «mois», mais qu'effectivement,
si on était trop précis, il pouvait y avoir des cas autres.
Mais
moi, je dois vous dire qu'on a un grand souci de rassurer, hein, et d'être très
équilibrés dans le projet de loi et
moi, je ne pense pas qu'on peut faire un
projet de loi en disant : Bien, il va peut-être y avoir des exceptions,
mais c'est très, très balisé puis
c'est très, très clair, puis soyez tous rassurés, mais il va peut-être y avoir
des exceptions. Je pense qu'il faut être
très, très prudents et dire : Ces critères-là, ils sont là, ils sont clairs, voici comment la loi se
décline, et tout ça, plutôt que de dire : Bien, peut-être
que des fois il pourrait y avoir des exceptions. Moi, je pense qu'il faut être
prudent par rapport à ça.
Le Président (M.
Martel) : Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Mais, juste
avant de suspendre, tout simplement porter à l'attention des collègues, puis peut-être que
ça pourra nous être utile aussi dans la suite des choses, que... peut-être
même lors de l'article 26, mais, en Oregon, dans le Request for Medication Act, on avait
défini «terminal disease» comme étant «means an incurable and irreversible
disease that has been medically confirmed
and will, within reasonable medical judgment, produce death within six months».
Alors,
c'est un petit peu ça qui a amené aussi mon questionnement. Je me
disais : Bien, dans une pièce législative, chez nos voisins, on a été capable de le circonscrire à l'intérieur, bon, de certaines balises. En Belgique, on ne le définit pas clairement,
on parle de critères graves, des trucs comme ça. Alors, ce sont ces éléments-là
qui m'ont amenée à me questionner
pour être en mesure de définir, oui, l'accès à l'aide médicale à mourir, mais il y a
aussi l'accès aux autres soins de fin de vie, parce que je pense que le
rapport soulignait clairement l'importance aussi d'encadrer la sédation palliative. Alors, c'est aussi pour la question de
sédation palliative, et c'est aussi pour l'admissibilité dans les unités de
soins palliatifs, et c'est de là que vient
le questionnement. C'est-à-dire, on a une loi qui va donner ou définir un certain nombre de soins, il
faut simplement être en mesure de déterminer à qui cette loi-là s'adresse, le
plus spécifiquement possible, bien que je sache très bien que ce n'est pas
évident puis que la médecine n'est pas nécessairement précise. Alors, je sais
que c'est difficile, mais la question se pose.
Alors,
je ne sais pas comment on... Bon, peut-être qu'on pourra y revenir un peu plus tard, mais il y a plein d'articles à l'intérieur du projet de loi qui vont
nous amener à nous questionner sur ce terme bien précis qu'est la «fin de vie».
Le Président (M.
Martel) : Merci. Mme la ministre.
• (13 heures) •
Mme
Hivon : Oui, M. le Président. Peut-être juste pour la sédation palliative… justement,
on a entendu, on a eu tout un débat,
là, qu'on va voir... éventuellement qu'on pourrait la rebaptiser «sédation
palliative continue». Mais, dans le protocole, dans les standards
cliniques à partir desquels les protocoles doivent être pris, justement, pour
la sédation palliative, parce que ma collègue souligne avec raison que
la sédation palliative aussi, c'est en lien, là, mais, premièrement, la
sédation palliative, ça fait partie des soins palliatifs. On va le voir quand
on va aller à nos définitions, là. Donc, la sédation
palliative, c'est, comme tout le
monde nous a dit, à partir du moment
où on l'appelle «continue» et que ça ne fait plus consensus, un soin
palliatif reconnu.
Et
donc on vient proposer une définition de «soins palliatifs» et de «sédation palliative continue». Donc, premier élément,
on est comme dans l'univers des soins
palliatifs de fin de vie.
Comme la politique emploie cette expression-là, donc, je ne
pense pas que la question se pose avec la même, je dirais, acuité.
Puis
l'autre chose, c'est qu'en travaillant sur la question de la sédation, c'est ça,
c'était vraiment ressorti qu'en fait les standards cliniques, les bons standards et desquels découlent
les bons protocoles vont justement dire dans quel, je dirais, espace temporel c'est applicable ou c'est une bonne pratique
médicale que de faire une sédation
palliative continue. Par exemple, ce ne serait pas, de ce que j'ai compris dans cette question
fort complexe, une bonne pratique médicale si quelqu'un en avait encore pour
deux ou trois mois à vivre, parce
que, là, cette personne-là
s'alimente, s'hydrate, et là on n'est plus
dans une notion de sédation
palliative parce que,
là, pour que ça soit une bonne pratique, il faut arrêter son alimentation
puis son hydratation. Donc, à l'intérieur même des protocoles, cette notion-là doit être là, et c'est d'ailleurs
ce qui fait toute la force de dire : On a une bonne pratique
ou on n'a pas une bonne pratique.
Donc,
ça, à partir du moment où on reconnaît dans le projet de loi que les choses
vont devoir se faire à partir des protocoles
basés sur les standards cliniques reconnus, je pense que cette notion-là
va être intégrée. Elle va être intégrée à la question de la sédation.
Le
Président (M. Martel) :
Merci. Il est 13 heures, on va suspendre les travaux. Merci pour votre
collaboration, et bon appétit, tout le monde.
(Suspension de la séance à
13 h 2)
(Reprise à 15 h 4)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Collègues,
la commission reprend ses travaux. Je vous rappelle que le mandat de la
commission est de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 52, Loi
concernant les soins de fin de vie. Nous sommes sur l'article 1. Mme la
ministre, à vous la parole.
Mme
Hivon : Merci, M. le Président. Alors, je viens d'apprendre
que vous veniez de recevoir un honneur important,
ce qui expliquait, bien que je ne puisse pas dire ça, donc, ce qui expliquait
qu'on vous ait moins vu que d'habitude ce
matin, donc, que vous avez reçu la médaille d'honneur de la Chambre des
notaires, alors je veux vous en féliciter en mon nom puis au nom de mes collègues. Alors, félicitations! Sur ce, vous
avez manqué des échanges… si vous n'aviez pas été là ce matin, vous auriez manqué des échanges palpitants. Donc,
on est sur la notion de personnes en fin de vie.
Le
Président (M. Bergman) : …mes questions de tous ces échanges ce
matin plus tard dans la journée, mais c'était un grand honneur pour moi de recevoir cette médaille de la Chambre des
notaires. J'ai commencé ma pratique comme notaire en 1965 et j'ai toujours aimé ma pratique, et pour moi c'était
un grand honneur ce matin de recevoir cette médaille.
Mme
Hivon :
Alors, félicitations.
Le Président (M.
Bergman) : Merci.
Mme
Hivon : Voilà.
Donc, oui, en fait je voulais juste peut-être conclure sur la question des personnes en fin de vie, à la lumière des derniers
échanges.
Donc, j'ai bien suivi les sources de préoccupation
de ma collègue de Gatineau. Donc, si je comprends bien, il y avait
comme trois éléments en lien avec, donc, les soins palliatifs, les soins de
fin de vie, en lien avec la sédation puis en
lien avec l'aide médicale à mourir, à savoir que ce serait intéressant de savoir ce qu'est une personne en fin de vie en lien avec ces trois éléments-là. Donc, pour la
sédation, je pense que j'ai expliqué… donc, j'ai fourni
l'explication, qui me semblait la
bonne, sur le fait que, dans les standards et les protocoles, la question
du moment est présente compte tenu
que ça ne serait pas une bonne pratique si
ça survenait trop tôt. L'aide
médicale à mourir, je pense
qu'on a tous convenu que, quand on allait étudier l'article 26, on
allait regarder ça plus en détail. Et ce que je voulais peut-être juste ajouter
sur la question du droit, donc, de l'accès aux soins palliatifs, évidemment, ça
le dit à l'article 5, qu'il faut que l'état de la personne le requière. Donc, si, en
vertu de son état, elle le requiert.
Mais aussi, comme c'est la même chose pour tout soin, personne ne peut arriver
dans un cabinet de médecin ou dans un hôpital en disant : Je requiers tel
soin.
Le député de
Jean-Talon, d'ailleurs, avait mentionné cette préoccupation, qu'il avait en lien avec les directives médicales anticipées, de
dire : Est-ce qu'une personne pourrait se mettre à demander des choses qui
pourraient être futiles ou inutiles au regard du jugement professionnel? Puis
on va y venir parce que, quand on va traiter de ça, on va proposer aussi un amendement pour que les choses
soient encore plus claires à cet
égard-là. Mais c'est la même chose pour ce droit aux soins
palliatifs. Évidemment,
personne ne peut invoquer un droit de
manière désincarnée de son état ou
du jugement professionnel d'un médecin.
Donc, évidemment, pour que cette personne-là puisse les recevoir,
il faut que son état le requière, il
faut que le médecin juge évidemment qu'elle est rendue à un stade où, le pronostic
étant réservé, l'évolution de sa maladie fait en sorte qu'elle nécessite des
soins palliatifs. Et alors, bien
sûr, la question
de la personne en fin de vie entre en jeu, mais le jugement du médecin
va bien sûr être interpellé.
Je voulais
juste amener cette précision-là pour dire que moi, je continue à penser que
l'expression «personne en fin de vie»
comme telle devrait être retenue. Puis, à 26, on pourra voir, dans le contexte
de l'aide médicale à mourir, comment on
le travaille. Mais, pour ce qui est de l'expression comme telle qu'on retrouve
à l'article 1 puis qu'on retrouve évidemment à plusieurs endroits dans le projet
de loi, je vous soumets, M. le Président, que je pense que c'est la bonne expression.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Je crois que l'enjeu, ce n'est pas le terme
«personne» en fin de vie»
comme, lorsqu'on va arriver à l'acte médical à mourir, c'est quoi, les critères
qui vont faire que la personne va y avoir
droit. Donc, moi, personnellement, ce n'est pas… on en a profité pour quand même
en discuter parce que l'enjeu, ça va être au niveau de l'aide
médicale à mourir, mais on pourrait le faire à ce moment-là.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Moi, ça
va. Donc, dans ce contexte-là, puisque
la question, dans l'article 1, elle était soulevée en lien avec
«personne en fin de vie», moi, ça m'irait. Je pense que ça complète et je
serais prête à adopter l'article 1.
Le Président (M. Bergman) : Est-ce
qu'il y a d'autres commentaires? Est-ce que l'article 1 est adopté?
Des voix : Adopté.
Le
Président (M. Bergman) : Adopté. Alors, collègues, l'article 1 du projet de loi n° 52 est adopté. L'article 2. Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui.
Alors, l'article 2 : «Titre II. Soins de fin de vie.
[...]Dispositions générales.
«Les principes suivants doivent guider la
prestation des soins de fin de vie :
«1° le
respect de la personne en fin de vie et la reconnaissance de ses droits et
libertés doivent inspirer chacun des gestes posés à son endroit;
«2° la
personne en fin de vie doit, en tout temps, être traitée avec compréhension,
compassion, courtoisie et équité, dans le respect de sa dignité, de son
autonomie, de ses besoins et de sa sécurité;
«3° les
membres de l'équipe de soins responsable d'une personne en fin de vie doivent
établir et maintenir avec elle une communication ouverte et honnête.»
Alors, bien sûr, cet article énonce les
principes généraux, donc, qui sont applicables aux soins de fin de vie, à l'ensemble
du projet de loi. Certains de ces principes se retrouvent déjà
dans la Loi sur les services de santé et les services
sociaux. Toutefois, compte
tenu de l'importance de la loi dont
on discute, du projet de loi, il nous semblait nécessaire de les réaffirmer, et aussi de les préciser à
certains égards, et de les conserver, donc, évidemment en mémoire pour l'ensemble de l'interprétation du projet de
loi. Ça nous apparaissait important de leur donner cette visibilité-là et cette
précision.
• (15 h 10) •
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon? Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Oui. Bien, en fait, le premier réflexe ou la
première chose qui m'est venue à l'esprit lorsque j'ai lu l'article 2,
je me suis dit : Pourquoi sentons-nous le besoin de préciser ces
principes-là à l'intérieur du projet
de loi, alors qu'il m'apparaît évident que ces principes-là
doivent s'appliquer dans la prestation de soins, peu importe la nature des
soins, qu'il s'agisse des soins… je pense,
entre autres, et je ne peux pas faire abstraction à la question
des CHSLD. Une personne qui est hébergée dans un CHSLD devrait en
principe avoir droit à ces mêmes droits là, finalement.
Ces
principes-là doivent s'appliquer tant à une personne qui est hébergée en CHSLD,
qui n'est pas en fin de vie, à une
personne qui reçoit des soins à
l'intérieur d'un établissement de santé, un enfant, un adulte, un adolescent. Et je me questionnais, comme on sait très bien que le législateur ne
parle pas pour ne rien dire, pourquoi on a senti le besoin d'inclure
spécifiquement cette notion-là à l'intérieur du projet de loi.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : C'est une excellente question.
En fait, il ressemble beaucoup à ce qui est prévu dans la loi sur la santé
et les services sociaux.
Mais ça
apparaissait important parce
qu'on a fait le choix — puis ça, je pense qu'il n'y a personne qui l'a remis en
cause, là — de
faire une loi, que moi, j'appelle autoportante, sur les soins de fin de vie
plutôt que de retrouver des dispositions un peu partout. Et, dans cette
optique-là, évidemment il faut qu'il y ait des principes qui soient présents
pour guider l'interprétation de la loi, les droits des personnes. Donc, oui, ça
recoupe beaucoup ce qui est dans la loi sur
la santé et les services sociaux, mais de bâtir une nouvelle loi spécifiquement
sur la question des soins de fin de vie, qui s'inscrit vraiment dans une volonté de reconnaître l'importance de
cette étape-là de la vie… il apparaissait important de réitérer, de
réaffirmer les principes et de dire, donc, toute leur importance en fin de vie
aussi.
L'autre
chose, c'est que vous allez voir qu'on fait une référence, je dirais, à la
conjonction, à l'interprétation de la Loi
sur les services de santé et services sociaux avec la loi actuelle, mais plus
loin, pour un chapitre distinct, qui est le chapitre V… pas le chapitre V, mais à partir de
l'article 5, mais pas dès le début. Donc, dans ce contexte-là, on nous a
dit… on m'a recommandé… les légistes…
que ce serait très important d'avoir les principes directeurs, d'entrée de jeu,
pour ce qui est de l'interprétation
de la loi. Et l'importance aussi, c'est que, dans la loi sur la santé et les
services sociaux, ça ne couvre pas
tout ce qui est couvert dans notre projet de loi parce que ça concerne nos
établissements. Et là on a aussi les maisons
de soins palliatifs, donc c'est une distinction. Puis ces principes-là doivent
aussi guider ceux qui donnent des services en maison de soins palliatifs
aussi ou en cabinet de professionnels dans le cadre de cette loi-là.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Est-ce qu'il n'y a pas un danger, en affirmant ces droits-là à l'intérieur du
projet de loi, de hiérarchiser certains soins au Québec?
Est-ce qu'en
accordant une attention particulière dans le cadre des soins de fin de vie on
ne crée pas, d'une façon… puis je
sais que ce n'est pas… Je ne crois pas que ce soit l'objet du projet de loi.
Mais est-ce qu'on ne crée pas un danger de hiérarchisation par
opposition aux droits justement qu'aurait une personne hébergée en CHSLD, une
personne qui reçoit des soins dans un
établissement de santé au Québec dans un autre cadre que celui… ou une
personne, par exemple… on parle des
maisons de soins palliatifs, mais une personne qui serait hébergée dans une
ressource intermédiaire, qui n'a pas
nécessairement… Je ne sais pas si on a introduit, à l'intérieur d'autres
projets de loi, au fil des ans, cette notion-là et cet encadrement-là.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui, alors, pour débuter… puis peut-être que je vais demander une précision,
mais, pour tout ce qui est
établissement, donc, les centres, évidemment, de soins de longue durée, les
ressources intermédiaires, c'est, donc, assimilable, c'est contenu. Les
principes que l'on retrouve, donc, à la loi santé et services sociaux
s'appliquent. Ces principes-là sont quand
même très clairs. Donc, tout ça va s'appliquer pour l'ensemble de ce qui existe
déjà. Donc, il n'y a pas de risque, à cet égard-là, de hiérarchisation.
Vraiment, la
seule idée, c'est qu'à partir du moment où on a une nouvelle loi sur cette
étape-là qui est la fin de vie, bien
sûr, la LSSSS continue à s'appliquer, mais on nous disait que c'était plus
logique, plus prudent, plus complet de
venir réaffirmer les principes clés pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté puis
aussi pour que ce qui puisse être des éléments plus nouveaux… il y a des éléments, évidemment, nouveaux dans cette
loi-là, il y a des lieux de dispensation qui n'étaient pas présents dans d'autres lois, que tout ça
puisse être interprété à la lumière des principes que l'on met là. Puis on me
dit qu'il n'y a pas de risque en ce qui a trait à une hiérarchisation.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Je sais que vous
aviez une question.
Le Président (M. Bergman) :
…Mme la ministre, si je peux vous demander une question. Si je peux vous
demander une question…
Une voix : …
Le
Président (M. Bergman) : À l'article 2, les
sous-sections 1 et 2, c'est général, et ça s'applique à toutes les
personnes qui sont en contact avec la personne en fin de vie.
Quand on lit la sous-section 3, vous faites
référence aux membres de l'équipe des soins responsable d'une personne en fin
de vie, mais vous mentionnez seulement «doivent établir et maintenir avec elle
une communication ouverte et honnête», mais
vous n'avez pas référence aux mots que vous avez dans la sous-section 2,«avec
compréhension, compassion, courtoisie
et équité, dans le respect de sa dignité, de son autonomie, de ses besoins et
de sa sécurité», et je me demande si ces mots ne doivent pas être répétés dans la
sous-section 3, car vous semblez avoir une distinction entre les responsabilités de toutes les personnes, sauf les
personnes qui sont les membres de l'équipe de soins responsable, pour qui vous
avez des balises ou des demandes plus limitées. Et je me demande pourquoi vous
faites cette distinction et si on ne
peut pas répéter les mots de la section 2 encore une fois en
section 3. Je sais que c'est une répétition, mais, en lisant, je me demande pourquoi les membres de l'équipe de
soins responsable ont des responsabilités qui sont différentes que les
responsabilités mentionnées dans les sections 1 et 2. Et je suppose que
les responsabilités dans les sections 1 et 2 s'appliquent à toutes les personnes qui viennent en contact avec la
personne en fin de vie, que ce soient les personnes… parentés, les
professionnels.
Mais je me
demande pourquoi vous avez fait une exception pour les membres de l'équipe de
soins responsable d'une personne et,
pour peut-être être plus certains, si on ne doit pas répéter les mots de la
section 2 en section 3. Ou je laisse aux légistes pour avoir
la solution.
• (15 h 20) •
Mme
Hivon : O.K. Je
vais y aller avec mon explication, et, si j'erre, mes légistes me corrigeront.
Donc, moi, je
vous soumettrais qu'il faut… Premièrement, ça dit : «Les principes doivent
guider la prestation des soins de fin
de vie.» Donc, ça s'applique dans ce contexte de prestation des soins de fin de
vie. Donc, est-ce que ça s'applique
aux proches? Bien, dans la mesure où ils ne sont pas des prestataires de soins
de fin de vie, non. Donc, c'est vraiment
dans le contexte de la prestation des soins de fin de vie. Moi, je vous
soumettrais qu'en fait c'est plutôt l'inverse. De ce que je comprends, 1
et 2, ce sont des principes tout à fait généraux, ils sont formulés de manière
très générale. Évidemment, ça s'applique à tous les membres de l'équipe de
soins responsable de la personne.
Donc, ça, ça
s'applique de manière générale dès qu'on est dans un contexte de prestation de
soins de fin de vie, donc, que ce
soit l'administration de l'établissement, que ce soit toute personne qui est en
contact dans le contexte de la prestation
des soins de fin de vie. On reconnaît les droits prévus à 1° et 2° puis on vient spécifier qu'en plus d'être tenus
à ces obligations-là les membres de l'équipe de soins ont une autre obligation
spécifiquement pour eux, qui est celle d'établir
et maintenir avec la personne une communication ouverte et honnête. Mais évidemment
ils sont assujettis, comme toute
personne qui est dans le cadre de la prestation, à tout ce qui est dans 1 et 2.
Donc, je vais regarder à ma droite pour voir si…
Le
Président (M. Bergman) : …question, vous avez
mentionné les mots «en plus». Est-ce qu'on ne doit pas avoir ces mots
dans la section 3 pour être plus clairs?
Mme
Hivon : Ce qu'on me dit, c'est que les trois se lisent ensemble. Donc, généralement, lorsqu'on rédige, ce
que je comprends, c'est qu'on n'a pas à le préciser. Il y a aussi, je vous
dirais, dans la rédaction… Au début, c'est la personne.
De la manière que c'est rédigé, c'est vraiment axé sur la personne, le respect
de la personne, la personne en fin de vie
doit être traitée, alors que, l'autre, l'obligation est vraiment mise sur les
membres mais en plus des obligations qui leur incombent par rapport à la
personne. Donc, non, je ne pense pas que c'est nécessaire.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Lors des auditions, la COPHAN, la Confédération
des organismes de personnes handicapées du Québec, l'association des groupes… pas la COPHAN, pardon, la
Confédération des organismes de personnes handicapées et L'Association des groupes d'intervention en
défense des droits en santé mentale du Québec demandaient que soit inclus à l'article 2
que les principes de prestation de soins de fin de vie soient basés sur les
droits fondamentaux de la charte. Je pense
qu'il y avait une préoccupation afin d'assurer une sensibilité ou une sensibilisation à la particularité des personnes
handicapées et des personnes atteintes de
déficience intellectuelle. Et notamment l'Office des personnes handicapées
aussi nous avait fait la
recommandation suivante : soit que les soins de fin de vie soient adaptés
aux besoins et aux situations particulières et vraiment d'avoir une
approche globale ou holistique.
Alors, je me demandais, suite à ces
recommandations-là qui étaient dans les mémoires tant de l'Office des personnes handicapées et des associations que j'ai
mentionnées plus tôt, est-ce qu'il y avait lieu ou est-ce qu'il y aurait
lieu de modifier l'article 2 ou
d'apporter des modifications afin de tenir compte de la situation particulière,
entre autres, des personnes handicapées.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui. Alors, deux choses. Pour ce qui est d'écrire précisément «la charte»,
j'avais posé la question à la
Commission des droits, et en fait on consacre «droits et libertés». On dit, en
fait, «de ses droits et libertés». Donc, c'est la formule usuelle. Donc,
pas besoin de faire référence à la charte. Et il y avait une autre crainte de
la part de certains groupes qui étaient
venus nous dire : Mais est-ce que, dans le fond, on est en train de
réduire, si on ne met pas le mot «charte», que ce ne seraient pas tous les droits? Bien, non. Puis ça, la
commission nous l'avait confirmé. Au contraire, la charte est toujours
là. Donc, ça, il n'y a pas de risque.
L'autre élément, à savoir si on devrait prévoir
spécifiquement une référence aux droits ou à la réalité des personnes
handicapées, en fait, le défi, c'est que, si on le prévoit ici mais que ce
n'est pas prévu dans les autres lois d'application générale, est-ce que ça veut
dire que, là, on est en train de créer une catégorie particulière ou une
réalité particulière pour les personnes
handicapées juste dans cette loi-là? Donc, est-ce que ça veut dire que pour
d'autres lois il n'y aurait pas cette
nécessité de tenir compte de leur réalité spécifique? Donc, ça, c'est un
élément qui milite pour ne pas introduire… Mais l'autre chose que je dois vous dire, c'est qu'il y
a un comité qui a récemment été formé sur toute la question, puis on va
en parler quand on va parler de la rédaction de certains articles sur
l'incapacité d'une personne à signer, par
exemple, tout ça. Il y a un comité qui est formé pour regarder, dans l'ensemble
du corpus législatif, les adaptations qui
seraient requises pour consacrer la spécificité, je dirais, d'accommodements ou
de réalité des personnes qui vivent avec
un handicap. Mais évidemment on veut y aller de manière globale, donc on est en
train de le faire au sein d'un comité. Puis la recommandation, c'est de
ne pas venir le faire, là, dans une seule loi parce que ça viendrait
désorganiser la cohérence des lois. Ça
pourrait même avoir un effet néfaste s'il y avait un principe d'interprétation
qui venait dire éventuellement :
Pourquoi on le prévoit là? Est-ce que ça veut dire que, dans les autres lois,
il ne doit pas y avoir d'adaptation?
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Merci. Ça vous
va?
Le Président (M. Bergman) : Est-ce
qu'il y a d'autres commentaires en ce qui concerne l'article 2?
Mme
Hivon : …à
l'alinéa.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Oui.
Excusez-moi, M. le Président. À l'alinéa 2°, on parle de «ses besoins».
C'est la formule consacrée. Et donc ça veut dire que les besoins en lien avec
la spécificité de la personne… Donc, si une personne est handicapée, les
besoins vont être ceux d'une personne handicapée.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Et donc, vu que
vous soulevez ça, j'imagine que ça répond également à la préoccupation de l'Association québécoise en éthique clinique
qui nous avait suggéré d'inclure, après «besoins», «biologiques,
psychologiques, sociaux et spirituels». D'accord.
Mme
Hivon : Oui. Et
aussi c'est…
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Oui, M.
le Président. C'est que, si on
énumère puis qu'on en oublie un, bien là on est comme… on a limité notre interprétation de «besoins»,
alors que, si on parle des besoins généraux, c'est les besoins. Donc, on a une
interprétation la plus large possible. Je
vois que vous avez fait un très bon recensement de tout ce qui nous a été dit
et que j'ai…
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme Vallée : En fait, M.
le Président, c'est un petit aide-mémoire
pour permettre… Parce que, lorsqu'on a dit qu'il
était important de poser des questions… il y
a nos questions mais également
les questions qui ont été soulevées par les
présentations, questions aussi de certains collègues et de certains citoyens.
Et donc, oui, un petit aide-mémoire comme
ça. Puis je pense qu'en même temps ça permet à ceux et celles qui ont pris le
temps de venir devant nous pour présenter
leur mémoire de voir aussi que les recommandations… bien, certaines recommandations vont être
présentes dans les amendements que la
ministre déposera sans doute, mais aussi, bon, qu'on prenne le temps d'étudier
l'impact des recommandations qui nous ont été formulées.
Alors, j'aurai des commentaires comme ça à faire
tout au long du projet de loi parce que, pour moi, c'est important de faire ce
travail-là, de faire le travail de cette façon-là.
Le Président (M. Bergman) :
Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur l'article 2? Mme la ministre.
Mme
Hivon :
…simplement dire que c'est excellent. Je pense que c'est excellent parce que ça
montre… Nous aussi, on a fait cet
exercice, donc on a tenu compte de tout ce qui nous avait été soumis. Et donc
ça explicite pourquoi quelque chose est retenu ou non ou… Donc, ça a un
bon effet pédagogique, en effet.
Le Président (M. Bergman) :
Alors, est-ce que l'article 2 est adopté?
Des voix : Adopté.
Le Président (M. Bergman) :
Adopté?
Une voix : Oui.
Le Président (M. Bergman) :
Adopté?
Mme
Hivon : Oui.
Le Président (M.
Bergman) : Adopté. Alors, l'article 2 est adopté.
L'article 3. Mme la ministre.
Mme
Hivon : Alors, nous avons un amendement, M. le Président,
qui devrait faire le bonheur… je ne sais pas dans le détail, mais dans
le principe que nous avons un amendement pour des définitions de l'opposition.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, est-ce que vous êtes assez bons
pour déposer l'amendement, s'il vous plaît?
Mme Vallée :
Je suggère…
Mme
Hivon :
On va y aller…
Mme Vallée :
Oui, article par article, parce qu'il y a pas mal de substance.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Je suggère d'y aller paragraphe par paragraphe pour
cet article-là, puisqu'il y a beaucoup de substance dans ce que nous
avons.
Le
Président (M. Bergman) : Parfait. Mme la ministre, on va y
aller paragraphe par paragraphe. Alors, l'amendement…
Mme
Hivon :
Alors, ça me va, M. le Président.
Le
Président (M. Bergman) : Est-ce qu'on peut attendre pour tous
les députés pour avoir une copie de l'amendement? Alors, Mme la
ministre, voulez-vous nous lire l'amendement, s'il vous plaît?
Mme
Hivon : Oui. Alors, l'amendement à l'article 3, c'est
pour remplacer. Donc, c'est un amendement qui vient remplacer au complet l'article 3 actuel en
ajoutant, donc, des définitions. Et puis, oui, c'est un mot qu'on a entendu
souvent.
Le Président (M.
Bergman) : On peut vous demander pour lire l'amendement?
Mme
Hivon : Oui. Bien oui, je suis déjà en train de commenter.
Donc, le premier alinéa : «3. Aux fins de l'application de la
présente loi, on entend par :
«1°
"établissement" tout établissement visé par la Loi sur les services
de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) qui exploite un centre local de services
communautaires, un centre hospitalier ou un centre d'hébergement et de soins
de longue durée, de même que le Conseil cri
de la santé et des services sociaux de la Baie-James institué en vertu de la
Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris
(chapitre S‑5).»
Alors,
cette définition était déjà présente dans l'article 3 actuel du projet de
loi. Ça vise simplement à consacrer, là, le sens du mot «établissement»
dans la loi sur les soins de fin de vie.
• (15 h 30) •
Le Président (M.
Bergman) : Alors, est-ce qu'il y a des commentaires sur
l'article 3 tel qu'amendé à la sous-section 1? Mme la députée de
Gatineau.
Mme
Vallée : Oui, M. le Président. Donc, simplement pour m'assurer
que ce... J'imagine que ce terme, «établissement», est utilisé. C'est la
définition qu'on retrouve à l'intérieur d'autres lois?
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Non. Et c'est pour ça qu'on a une définition ici.
J'avais expliqué que la règle générale — je vais me faire plaisir — en législation, c'est de ne définir que ce qui n'a pas le sens
usuel. Et donc ici la raison pour laquelle il faut venir le définir, c'est que, dans la LSSSS, les établissements
comprennent les centres de réadaptation et les centres de protection de la jeunesse, les centres
jeunesse. Et donc, évidemment, ici ils sont exclus du champ d'application de la
loi sur les soins de fin de vie.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Ce qui m'amène à une question : Est-ce que, dans
un contexte où un enfant hébergé... Ah, non. En fait, on n'est pas vraiment... Un enfant hébergé, en vertu de la Loi
sur la protection de la jeunesse, qui se retrouverait en fin de vie et qui passerait sa fin de vie soit
dans la famille d'accueil ou… bien, peut-être moins dans le centre, mais...
Je sais que c'est très hypothétique, là, mais...
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
O.K. Alors, s'il est en famille d'accueil, c'est le prolongement, c'est comme
s'il était à son domicile, dans le fond. Donc, s'il reçoit des soins, il
va les recevoir du CLSC, donc, du CSSS à domicile. Et là ma question, c'était... C'est un très bon point. S'il est en
unité de réadaptation, par exemple... Et ce qu'on m'a dit, c'est qu'il ne
serait pas gardé en unité de
réadaptation s'il est en fin de vie. Dès lors qu'il a des besoins importants,
il ne serait pas en unité de réadaptation.
Mme Vallée :
Il serait déplacé en...
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : L'enfant serait déplacé en établissement et donc...
D'accord. Quelle est la raison pour laquelle on a spécifiquement choisi d'adopter une définition qui
est différente de la définition qu'on retrouve dans la LSSS... la LSSSS,
pardon?
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : C'est parce qu'on crée l'obligation d'offrir les
soins de fin de vie. Et évidemment, en centre jeunesse ou en centre de réadaptation, ça ne s'applique
pas. Donc, est-ce qu'on aurait pu prendre la même définition mais en sachant
d'entrée de jeu qu'il y a un bout de la
définition qui ne tient pas la route dans le contexte dans lequel on est? On
voulait juste que ce soit clair, en
partant, pour ne pas venir se faire dire que notre définition... ou que la
réalité d'établissement ne
correspondait pas à la réalité de notre loi. Donc, à cause de ces deux
éléments-là, il est apparu plus avisé d'avoir notre propre définition.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Oui. La Maison Michel Sarrazin,
elle va être considérée. Je sais qu'il y a un article spécial, l'article
Michel Sarrazin, mais, par rapport aux deux définitions, où on pourrait la
positionner? Parce que, théoriquement, c'est une maison de soins palliatifs.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Merci, M. le Président. Donc, c'est un établissement
au sens de notre définition, la maison de soins palliatifs Michel Sarrazin, et c'est pourquoi nous sommes tenus d'avoir
un article spécifique pour eux, pour leur donner la liberté d'offrir les
soins qu'ils souhaitent offrir, et donc uniquement les soins palliatifs, si
c'est leur souhait. Ils sont reconnus, donc,
parce qu'ils ont une entente historique et spécifique avec le ministère. Ils
sont reconnus. Et c'est la seule maison de soins palliatifs qui a ce
statut d'établissement.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Oui, puis il y a des... On
parle des maisons de soins palliatifs, mais, à Montréal, il y a une organisation qui fait des soins palliatifs à
domicile. Est-ce qu'à ce moment-là c'est compris à quelque part dans la
définition ou c'est un article qui va apparaître plus tard?
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui. Alors, on pense, par exemple, à l'ancienne
Entraide Ville-Marie qui est la société des soins palliatifs du Grand Montréal. Donc, c'est un
organisme communautaire. Donc, ils ne sont pas reconnus comme établissement,
mais ils fonctionnent en quelque sorte par
entente, souvent, avec les CSSS de la grande région de Montréal. Et donc ils
sont mandataires dans ce cadre-là. Et c'est
via leur entente qu'ils offrent, au nom, si vous voulez, de l'établissement,
les soins.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Non. C'est beau, M. le Président.
Le
Président (M. Bergman) : Est-ce qu'il y a d'autres questions
sur cet article 3 tel qu'adopté, la sous-section 1?
Mme Vallée :
...
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Sur la question de la notion d'établissement, je n'ai pas d'autre question pour
le moment.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, on va procéder à la section 2 : Maisons de soins palliatifs. Mme la ministre.
Mme
Hivon : «2° "maison de soins palliatifs" un
organisme communautaire titulaire
d'un agrément délivré par le ministre
en vertu du deuxième alinéa de l'article 457 de la Loi sur les services de
santé et les services sociaux et ayant conclu
une entente en vertu de l'article 108.3 de cette loi avec un établissement en
vue d'obtenir tout ou partie des soins requis par les personnes en fin
de vie qui utilisent ses services.»
Le
Président (M. Bergman) : Est-ce qu'il y a des commentaires sur cette section 2? Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Est-ce qu'il existe, à votre connaissance, des maisons de soins palliatifs qui
n'ont pas d'entente avec un
établissement? Je comprends qu'elles ont besoin que le… l'agrément est
nécessaire, mais est-ce qu'elles ont toutes nécessairement conclu une
entente?
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Non. Toutes les maisons de soins palliatifs doivent avoir une entente avec
l'établissement pour pouvoir opérer.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Et est-ce que toutes les maisons de soins palliatifs sont des organismes
communautaires ou est-ce que d'autres
maisons de soins palliatifs peuvent opérer sous le couvert, par exemple, d'un
organisme religieux ou d'une paroisse?
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Donc, pour répondre à la question, effectivement toutes les maisons de soins
palliatifs, à l'exception de La
Maison Michel Sarrazin qui a un statut unique d'établissement, doivent et sont
des organismes communautaires. En
fait, pour pouvoir conclure une entente en vertu de l'article 108.3 et pouvoir,
donc, dispenser des soins palliatifs, il faut être un organisme
communautaire.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Donc, le statut d'organisme communautaire est un critère nécessaire à la
réception d'un agrément et à la conclusion d'une entente.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui, effectivement.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Ça va pour moi.
Le
Président (M. Bergman) : Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires? M. le député? Alors, on peut procéder à la
sous-section 3 : Soins de fin de vie.
Mme
Hivon :
Alors : «3° "soins de fin de vie" les soins palliatifs offerts
aux personnes en fin de vie et l'aide médicale à mourir.»
Je me
permettrais peut-être de lire quelques paragraphes, quelques alinéas, juste
pour la compréhension. Je vais expliquer.
Il y a un phénomène un peu d'entonnoir, là. On a les soins de fin de vie qui
font référence aux soins palliatifs, ensuite
on définit. Donc, peut-être pour une compréhension de ceux qui nous écoutent,
et donc nos fidèles, et qui n'ont pas l'amendement devant eux.
Donc : Soins de fin de vie.
«4°
"[les] soins palliatifs" les soins actifs et globaux dispensés par
une équipe interdisciplinaire aux personnes atteintes d'une maladie avec pronostic réservé, dans le but de soulager
leurs souffrances, de les aider à conserver la meilleure qualité de vie
possible et d'offrir à ces personnes et à leurs proches le soutien nécessaire;
«5° — on va les reprendre un par un, là,
mais… — "sédation
palliative continue" un soin offert dans le cadre des soins palliatifs consistant en l'administration de
médicaments ou de substances à une personne en fin de vie dans le but de
soulager ses souffrances en la rendant inconsciente, de façon continue, jusqu'à
son décès; et finalement
«6° "aide médicale à mourir" un soin
consistant en l'administration de médicaments ou de substances par un médecin à une personne en fin de vie, à sa
demande, dans le but de soulager ses souffrances en entraînant son décès.»
Donc, on va
les reprendre un par un, mais juste expliquer la logique qui nous a guidés, là,
dans l'élaboration des définitions.
«Soins de fin
de vie». On a retiré ce qui semblait avoir créé de la confusion avec les
virgules, là. Donc, à l'origine, on
le définissait comme «les soins palliatifs offerts aux personnes en fin de
vie». Là, on mettait «y compris la sédation palliative terminale» mais
qui, là, va devenir «sédation palliative continue», virgule, et l'«aide
médicale à mourir».
Certains
sont venus nous dire qu'ils interprétaient ça comme si l'aide médicale à mourir
faisait partie des soins palliatifs, ce qui n'est pas le cas. Seule la
sédation palliative continue ou terminale, dans cette énumération-là, faisait partie des soins palliatifs. Donc, pour simplifier
la compréhension, on a vraiment mis que c'étaient les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir. Ensuite, on définit les
soins palliatifs. Ensuite, on définit la sédation palliative continue en disant
que c'est un soin qui fait partie des soins
palliatifs. Donc, ça, c'est clarifié.
Et l'aide médicale à mourir, elle est un soin, mais on ne l'inclut pas
dans les soins palliatifs pour clarifier toute cette idée-là.
Mais maintenant je peux répondre plus
spécifiquement sur l'alinéa 3°.
• (15 h 40) •
Le Président (M. Bergman) :
On retourne à l'alinéa 3°. Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Alors là, on entre dans un débat. J'ai été très sensibilisée à la sensibilité
que certains groupes avaient d'associer
«soins de fin de vie» et «soins palliatifs» et je sais que le Collège des
médecins nous sensibilisait à la question de ne pas associer de trop près «soins palliatifs» et «soins de fin de
vie», en ce sens qu'il mentionnait que les soins palliatifs ne se limitaient pas nécessairement aux soins de
fin de vie et que les soins de fin de vie évidemment ne se limitaient pas
aux soins palliatifs. J'ai senti aussi les
commentaires qu'entre autres La Maison Michel Sarrazin nous a émis par le biais
de son mémoire et je sais que, bon,
on... Puis je comprends qu'en même temps c'est le projet sur les soins de fin
de vie, qui encadre les soins de fin de vie, et qu'on souhaite, d'une
certaine façon, indiquer quels sont les soins de fin de vie.
Donc, je ne
sais pas, est-ce qu'on ne devrait pas plutôt regarder à faire en sorte que...
Les soins de fin de vie, est-ce que
ce ne serait pas plutôt, je ne sais pas, moi, l'ensemble des soins qui sont
dispensés au stade terminal ou autre d'une maladie? Est-ce que ça ne pourrait pas être ce type de définition là qui
pourrait faire l'objet de la définition de «soins de fin de vie»? C'est parce que je comprends la
sensibilité des maisons de soins palliatifs qui se disent : Nous, on ne
veut pas d'aucune façon que... puis
actuellement, compte tenu de la philosophie de nos maisons, on ne voudrait pas être associées à certains soins qui ne seront pas offerts à l'intérieur de nos murs puis on ne voudrait pas créer une confusion. Donc, si, à l'intérieur de la définition même des soins de fin de vie, on
fait référence aux soins palliatifs, est-ce
qu'on ne crée pas… ou on n'entre pas
dans cette potentielle confusion là, alors que, si on ne fait pas référence
spécifiquement aux soins palliatifs ni à l'aide médicale à mourir, mais
on y va tout simplement en disant : Voici, les soins de fin de vie, ça sera
l'ensemble des soins qui seront dispensés ou
qui seront offerts à un individu dans le stade terminal — là,
je comprends, ça revient un petit peu à notre discussion de l'article premier, mais... — au stade terminal d'une maladie, donc, parce que justement les soins palliatifs pourraient peut-être...
quelqu'un pourrait avoir recours aux soins palliatifs un peu plus tôt qu'il aura recours à d'autres soins?
Les soins
palliatifs feront partie de cet ensemble de soins là. C'est une réflexion comme
ça. Et, aussi pour répondre, moi, j'y
voyais une façon de répondre peut-être positivement à la préoccupation des
regroupements de maisons de soins palliatifs et, entre autres, La Maison
Michel Sarrazin.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Oui. Donc, c'est ça. C'est comme les
petites boîtes dans les petites boîtes, là, donc on va essayer de se suivre. Je comprends ce que la députée dit. En
fait, il y en a qui nous ont dit : Il ne faut pas se limiter
à «soins palliatifs». Là, il y avait
deux interprétations complètement opposées et de groupes qui représentaient des
médecins. Et depuis j'ai fouillé, et il n'y a pas de consensus. Il y en
a pour qui les soins palliatifs, au sens usuel du terme — et je
dirais que, la majorité, c'est ça — font
partie des soins de fin de vie. Il y
en a quelques-uns qui sont venus nous dire : Les soins de fin de vie, c'est une petite partie des soins
palliatifs. Le choix qu'on a fait... Puis évidemment c'est aux fins de la loi,
hein? Je ne pense pas qu'on va
arriver à une définition parfaitement consensuelle auprès de tous les médecins,
parce qu'on voyait… il y avait
vraiment une majorité qui, je pense, s'est reflétée dans ce qu'on a choisi,
mais il y avait des gens qui nous disaient qu'eux, ils ne voyaient pas ça comme
ça. Mais évidemment il faut toujours se rappeler que c'est aux fins de
l'application de la présente loi.
Donc, dans le contexte de notre loi, voici comment, pour que tout le monde
s'entende, pour se simplifier la vie, pour que tout soit clair, on vient
définir «soins de fin de vie».
En fait, les maisons de soins palliatifs, ce
qu'elles veulent surtout, c'est continuer à avoir toute la marge de manoeuvre et la liberté de ne pouvoir offrir que
des soins palliatifs et non pas, si elles ne le souhaitent pas, l'aide médicale
à mourir. Le projet de loi est bâti sur la
réalité d'un continuum de soins qui comprend les soins palliatifs, qui
comprennent eux-mêmes la sédation, et
l'aide médicale à mourir qui est le soin exceptionnel dans des circonstances
exceptionnelles. Mais justement on
parle, donc, d'une politique. Quand on parle d'une politique, on parle d'une
politique des soins de fin de vie
pour que tout ça soit toujours envisagé d'une manière globale. Donc, ça, c'est
un principe qui est important, qu'on ne
veut pas, donc, je dirais, s'éloigner du principe d'un continuum de soins. Les
maisons de soins palliatifs, elles portent le nom de «maisons de soins palliatifs», elles ne portent pas le nom de
«maisons de soins de fin de vie». Donc, en partant, c'est très clair que ce qui s'applique à eux...
Parce que c'est des maisons de soins palliatifs. Donc, si elles veulent ajouter
à leur offre, elles pourront ajouter à leur offre, comme on prévoit dans le
projet de loi, si elles souhaitent offrir l'aide médicale à mourir. Mais on a, à l'alinéa 4°, la définition des
«soins palliatifs», et je pense qu'elle rejoint pas mal ce que la
députée de Gatineau souhaite, parce que la définition de «soins palliatifs», ça
dit vraiment «les soins actifs et globaux — donc, la globalité des soins — dispensés par une équipe interdisciplinaire
aux personnes atteintes d'une maladie avec pronostic réservé».
Donc, la
définition, l'élément, c'est «pronostic réservé», et ça, c'est inspiré
directement de la définition de l'OMS. Puis,
quand on demandait aux groupes : Ça serait quoi, la définition?, en
général ils nous disaient : La définition de l'OMS. Je dois vous
dire que la définition de l'OMS, elle fait à peu près 14 lignes. Vous
l'avez lue. Donc, on l'a simplifiée parce qu'il y a des éléments qui ne sont pas des
définitions. Mais c'est vraiment collé sur l'OMS. Et donc elle est là, je
dirais, la définition globale des soins
palliatifs. Et ce qu'on ajoute dans notre définition de «soins de fin de vie»,
c'est qu'il peut y avoir les soins
palliatifs, et on vient dire «offerts aux personnes en fin de vie» parce que
c'est sûr que, de plus en plus, les
soins palliatifs, parfois, sont offerts à des gens qui ne sont pas en fin de
vie, qui peuvent être offerts parallèlement avec du curatif quand il y a des souffrances importantes, ou tout ça. Donc,
ça, c'est un élément, mais évidemment ce n'est pas dans le contexte de
notre loi.
Donc, c'est
pour ça qu'à «soins de fin de vie» on vient préciser que c'est les soins
palliatifs offerts aux personnes en
fin de vie et aussi l'aide médicale à mourir. Donc, je ne sais pas si je suis
claire, M. le Président, là, mais c'est la logique qui nous a guidés.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
• (15 h 50) •
Mme Vallée :
Je comprends. Mais est-ce qu'il y aurait problème à ce que, plutôt que de
limiter aux soins palliatifs et à
l'aide médicale à mourir... Parce que je ne sais pas ce que la science
apportera aussi. Ou est-ce qu'il y aura d'autres soins de fin de vie, en cours de route, qui pourront être... ou d'autres
soins qui pourront éventuellement être considérés, avec l'avancement de la science, avec d'autres
pratiques, qui pourront éventuellement être considérés des soins de fin de vie?
Donc, en
limitant la question des soins de fin de vie aux soins palliatifs et à l'aide
médicale à mourir à l'intérieur de la
définition plutôt que d'y aller d'une façon plus large, est-ce qu'on ne limite
pas la portée de la loi? Est-ce qu'il ne serait pas opportun de tout simplement y aller avec... Bon, il y a aussi
la suggestion. Le Collège des médecins nous disait que c'était l'ensemble des soins qui étaient
dispensés. En fait, «soins de fin de vie», «tous les soins effectivement
offerts dans cette période où la vie
tire à sa fin», évidemment, c'est
tout le... on revient avec la notion de fin de vie, de «terminale», et tout ça. C'est pour ça que moi, je me
disais : Bien, peut-être qu'on pourrait y aller avec «l'ensemble des soins
dispensés au stade terminal d'une
maladie», ce qui limitait ou ce qui précisait peut-être le moment où ça
s'adoptait. C'est parce qu'il est possible que d'autres soins, en cours de
route, puissent être identifiés comme étant un soin de fin de vie. Là, dans le
contexte de ce projet de loi là, on est vraiment centrés puis on pense aux soins palliatifs, à
l'aide médicale à mourir parce
que ce sont les principaux soins qui seront touchés par la loi, mais, je ne
sais pas, est-ce qu'il y aura d'autres types d'intervention au fil des années?
C'est une question.
Et là je me
dis, bien, plutôt que de définir, définir, définir ou amender la loi
constamment, est-ce qu'on ne pourrait pas tout simplement y aller
avec une définition un petit peu plus large, quitte par la suite à être plus
précis dans nos interventions ou dans les soins qui seront définis?
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Oui. Alors, je dois vous dire qu'on a exploré ça,
parce que certains, c'est ça, nous disaient :
Il faudrait dire «l'ensemble des soins».
Une possibilité, là, ça aurait été «l'ensemble des soins, dont les soins palliatifs,
offerts aux personnes en fin de vie
et l'aide médicale à mourir», mettons, exemple. Et là on a creusé. Donc, la
plupart des médecins de soins palliatifs — là, on
est retournés voir, on a consulté — nous
disent : En fait, les soins palliatifs comprennent… quand
on est rendus en fin de vie, ils vont comprendre les autres soins
nécessaires au confort de la personne qui pourraient être plus usuels.
Mais là on se
trouve en contexte de fin de vie, on est dans un contexte de soins palliatifs.
Donc, compte tenu de la définition
très large de «soins palliatifs», «soins actifs et globaux dispensés» pour,
bon, soulager les souffrances, donc, c'est
très large, ils vont être compris là-dedans. Ou d'autres nous disent : De toute façon, si jamais ils n'étaient pas compris là-dedans… Ils disent : Ce n'est pas parce
qu'une personne est en fin de vie qu'elle n'a plus droit aux mêmes soins que
toute personne a droit après une chirurgie
ou… parce que, vous savez, vous pouvez faire une plaie de lit en fin de vie,
mais vous pouvez faire une plaie de lit
après une chirurgie, quand vous n'êtes pas en fin de vie, vous pouvez avoir
besoin de soins de confort à un autre
moment, donc que ce n'était pas une bonne idée de comme venir parler d'autres
soins, parce qu'il y a une logique
qui veut que tu as droit... ce n'est pas parce que tu es en fin de vie que tes
droits sont limités puis que, là, il y a juste cette loi-là qui
s'applique à toi. Ce qu'on veut faire… Pourquoi on le définit, dans le fond, de
cette manière-là? C'est qu'il y a beaucoup
de choses après dans la loi qui viennent dire : Les établissements vont
devoir se doter d'une politique sur
les soins de fin de vie. Donc, leur politique, il faut qu'elle porte sur les
soins de fin de vie, il faut qu'elle porte
sur les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir. Il ne faut pas qu'elle…
Ils n'engloberont pas tous les types de soins qu'une personne qui est en fin de vie peut, mettons, recevoir. Ils
vont le faire, mais par le prisme des soins palliatifs. Je ne sais pas
si vous me suivez dans la logique qui nous a guidés là.
Donc, c'est
ça, l'idée, c'est vraiment de ne pas vouloir limiter mais, dans le contexte de
la loi, d'être clair sur ce qu'on
entend par «soins de fin de vie», donc ce qui est la réalité des soins de fin
de vie, la politique qui va devoir en découler, bon, tout ça. Si on est trop large, bien on risque de se perdre. Et
évidemment, à l'article 8, l'article 8 vient dire que les soins de fin de vie doivent être donnés en
continuité et en complémentarité avec les autres soins qui lui sont dispensés
ou qui lui ont été dispensés. Donc, ce n'est
pas parce que vous êtes en fin de vie que, là, vous allez avoir : Voilà,
votre choix, c'est les soins palliatifs,
vous n'avez plus rien d'autre. Si quelqu'un estimait qu'il y a des soins qui ne
sont pas des soins palliatifs, même
si la définition est large, évidemment ils vont continuer à être offerts comme
toute personne a droit à tous les soins requis par son état de santé.
Puis, je dois
vous dire, je vais être complètement… Il y avait une réflexion qui avait été
faite sur… qu'on dise «les soins
offerts à une personne en fin de vie, comprenant les soins palliatifs et l'aide
médicale à mourir», exemple, donc pour ne
pas être limitatif. Mais, en même temps, on s'est dit : Ça, ça n'aidera
pas les établissements quand on va leur demander de faire leur politique sur les soins de fin
de vie. On leur demande de faire une politique
sur les soins de fin de vie, donc ils vont nous dire : Oui, vous nous demandez de faire une politique,
dans le fond, sur les soins
palliatifs et l'aide médicale à mourir, oui, c'est bien ça, alors
que, si on définissait trop largement «soins
de fin de vie» en disant : C'est
notamment ça, bien, dans
le fond, on n'est pas en train de les
aider ou d'aider les personnes, les établissements, tous ceux qui doivent, donc, faire cette
offre de soins.
Puis, pour la
question du «terminal», ça, c'est dans les soins palliatifs, la définition de l'OMS, en fait
c'est vraiment «une maladie avec
pronostic réservé», c'est vraiment ça pour justement… parce que, des fois, les…
C'est, en fait, quand le curatif
n'est plus… on n'est plus dans le domaine du curatif, qu'il y a un pronostic
réservé. Mais on ne s'embarque pas, dans
l'OMS, à venir qualifier trop précisément, justement pour ne pas faire en sorte
que la personne ne serait pas vue comme étant un candidat aux soins palliatifs. Donc, «un pronostic réservé», je
pense que ça dit ce que ça a à dire. C'est la définition qui est
reconnue, donc c'est celle-là qu'on a prise pour «soins palliatifs».
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Je veux juste
m'assurer qu'on ne viendra pas, de cette façon-là, porter atteinte, justement,
aux activités des maisons de soins
palliatifs et que ça ne pourra pas être utilisé pour éventuellement, je ne sais
pas, imposer aux maisons de soins
palliatifs, dans un contexte de direction ministérielle, de devoir offrir
l'ensemble des soins de fin de vie tels qu'ils auront été définis dans
le projet de loi.
L'importance,
oui, de définir les soins de fin de vie, dire qu'est-ce qu'il en est, mais, si,
à l'intérieur de l'article et de la
définition de «soins de fin de vie», on fait référence à l'aide médicale à
mourir, parce qu'un peu plus tard, bon, on va voir les obligations qu'auront les établissements, les maisons de
soins palliatifs, de définir les services, les soins qu'ils souhaitent offrir, je ne voudrais pas, compte tenu
que les directives ministérielles vont avoir aussi un rôle à jouer dans
tout ça, je ne voudrais pas que ça permette,
pas à court terme mais dans un avenir plus lointain, de mettre une pression sur
les maisons de soins palliatifs afin
qu'elles soient tenues pour avoir, qu'il s'agisse de leur accréditation, leurs
ententes… qu'en contrepartie d'une
entente avec un établissement et d'un financement elles soient tenues d'offrir
l'ensemble des soins palliatifs.
Je comprends
que ce n'est pas l'intention, mais il ne faudrait pas que le texte de loi
éventuellement soit amené et utilisé à ces fins-là.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Merci, M. le Président. Alors, je tiens à le dire dans le micro, comme on dit,
ce n'est aucunement l'intention. Et non seulement ce n'est pas
l'intention, mais c'est clair dans la loi. À l'article 14, on va le voir.
Tel qu'il est
libellé en ce moment, ça dit que «les soins de fin de vie peuvent être offerts
dans les locaux des maisons de soins
palliatifs» et ensuite ça disait : «Toute maison de soins palliatifs doit,
avant de recevoir une personne, lui indiquer les soins de fin de vie qu'elle offre.» Donc, ça montrait qu'elle avait
le choix d'offrir ou non. Certains nous ont dit : Ce n'est pas
assez clair. On a un amendement pour que ce soit encore plus clair. Donc :
«Les maisons de soins palliatifs déterminent les soins de fin de vie qu'elles
offrent dans leurs locaux.» C'est elles qui le décident.
Ça, je veux
le dire, c'est un principe, c'est clair, c'est fondamental, les maisons de
soins palliatifs conservent leur entière
liberté, si elles le souhaitent, de ne continuer à n'offrir que les soins
palliatifs comme elles le font en ce moment et elles ne sont pas tenues,
si elles ne le souhaitent pas, d'offrir l'aide médicale à mourir. Je veux que
ce soit très clair, il n'y a aucun doute sur
cette intention-là ni dans ma tête ni dans le projet de loi, d'où l'amendement,
parce que je voulais qu'il n'y ait
aucun doute là-dessus. Et je pense que c'est tout à fait pertinent de poser la
question, de le redire, donc je le redis.
Et puis je veux qu'il n'y ait personne qui ait de crainte avec un lien éventuel
avec du financement. Au contraire, on vient
de rehausser le financement par lit, qui est passé de 60 000 $ à
68 000 $. On n'a pas… ça après la loi en regardant quelles
maisons… ça n'a rien à voir.
Toutes les
maisons sont des partenaires fondamentaux de notre action. Ce sont des lieux
extraordinaires, et on veut les
encourager à continuer à travailler comme elles le souhaitent. Et elles ont
toute la liberté. Si certaines veulent offrir
l'aide médicale à mourir, ce sera leur choix. Si elles souhaitent rester comme
elles le sont en ce moment, ce sera leur choix. Ça n'a rien à voir. Je suis une alliée des maisons de soins palliatifs.
On a rehaussé leur financement. Il n'y a aucune intention. Et je tiens à les rassurer, moi aussi, parce que j'ai entendu
des drôles de choses aussi. Il y a certaines craintes. Donc, il n'y a
pas du tout objet, lieu d'avoir des craintes.
• (16 heures) •
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Merci. Merci de cette précision. Je n'avais aucun doute quant aux intentions de
la ministre, loin de moi… mais, comme
les textes de loi survivent au test des années, je voulais simplement m'assurer
que, dans un avenir plus lointain, on n'utilise pas ce levier-là pour
soumettre les maisons de soins palliatifs à l'obligation, si leur conseil d'administration ou leur direction ne souhaitent
pas aller là… les obliger à offrir l'ensemble de la gamme des soins de
fin de vie telle qu'elle aura été définie dans le projet de loi. Donc, c'était
ma préoccupation.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Quand vous parlez de soins de fin de vie,
juste une question théorique… On sait que la loi va probablement être contestée, à un moment donné, en cour. Le
fait d'appeler ça un soin, est-ce qu'à ce moment-là ça veut dire qu'on l'amène sous le parapluie du
volet santé qui est de juridiction provinciale? Est-ce que ça a joué dans la
décision?
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Est-ce que ça a joué dans la décision? Je vous dirai que toute la philosophie…
On n'a pas le choix de toute façon.
On travaille dans notre champ de compétence, on est convaincus de nos assises,
là, je vous le dis. Il y en a qui
peuvent penser autrement, mais on est vraiment confiants. Je pense que le
Barreau est venu aussi, le comité des juristes experts… Donc, on est
confiants sur, vraiment, nos bases légales constitutionnelles.
Ce qui nous a vraiment guidés… Puis on n'était
pas tant dans une optique de juristes dans les travaux de la commission, là. Essentiellement, j'étais la seule
juriste. Donc, c'était bien, il y avait des gens qui trouvaient que c'était
juste correct, qu'il n'y avait pas trop
d'avocats, pour une fois. Et la logique qui nous a guidés, c'est vraiment une…
Je pense que c'est vraiment plus…
puis plus on avance, puis plus on avançait pour rédiger le projet de loi, puis
plus je trouvais que c'était vraiment le bon choix, c'était la logique
du continuum de soins, qui est, je pense, la plus porteuse, la plus pédagogique pour faire ce qu'on souhaite faire,
c'est-à-dire accompagner les gens le mieux possible en fin de vie, compte
tenu de leur réalité. Puis c'est le Collège…
on n'a pas de mérite, hein, c'est le Collège des médecins qui avait amené cette
idée-là en disant qu'eux étaient face à des culs-de-sac en fin de vie face à
des patients qu'on n'arrivait pas à soulager correctement,
qui restaient sans réponse. Donc, c'est eux qui avaient amené l'idée de
continuum de soins, et je vous dirais qu'on est toujours partis de cette
idée d'un continuum de soins qui, oui, fait en sorte qu'on est dans notre champ
de compétence mais qui aussi fait en sorte
qu'on est, je pense, dans la bonne philosophie quand ce qu'on souhaite, ce
n'est pas une succession de ruptures,
c'est plus de dire : On s'occupe d'une personne dans sa globalité en fin
de vie, on s'occupe de l'ensemble de
ses besoins, on va lui offrir tous les soins dont elle a besoin, les soins
palliatifs. Et, dans certains cas exceptionnels, de souffrance
exceptionnelle, l'aide médicale à mourir peut intervenir comme soin ultime.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Bon, je vais taquiner la ministre. Vous savez, chacun qui amène sa cause, ils
sont toujours très confiants de gagner. Mon
expérience, dans le réseau de la santé, ils sont toujours… Même parfois ils
sont certains de gagner. Mais, à la
fin, ça prend un jugement. Mais, je suis d'accord, je pense qu'au moins c'est
une voie qui est acceptable.
Quand on
parle d'aide médicale à mourir, on la traite comme un soin. On ne devrait pas
plutôt la définir comme étant une
intervention? Parce qu'il y a une sensibilité autour le la table, hein? Les
gens, ils disaient… Les gens des soins palliatifs,
entre autres, disaient : Nous autres, pour nous, ce n'est pas un soin.
Mais moi, je le voyais… Peut-être qu'à ce moment-là ça aurait pu être le
mot «intervention».
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Alors, on a réfléchi beaucoup, puis je dois vous dire que, pour rester dans
l'idée du continuum de soins, on est
convaincus que c'est la meilleure définition. Même chose pour la sédation
palliative, là. On va les reprendre, j'imagine.
Je vois ma collègue d'en face qui est très systématique dans les définitions.
Donc, on va les reprendre une par une, mais…
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
…de notre comité à nous autres, là, je vous dis tout de suite, là.
Mme
Hivon : Oui. C'est
bon.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Donc, en fait, c'est qu'il faut se coller à la réalité du Code civil aussi, où
la notion, c'est vraiment la notion de soin.
Donc, si on
veut rester avec… en étant vraiment, là, en cohérence, c'est vraiment une logique de soin. Et, la logique de soin, je sais que, là, il y a
des gens… C'est parce qu'il y a des gens, je pense, qui découvrent ce
qu'est un soin. Un soin, ce n'est pas
juste donner un médicament à un patient ou faire une opération. Un soin, c'est
excessivement large, là. Donc, un
respirateur, c'est un soin, l'hébergement est un soin, un avortement est un soin. Donc, la
sédation terminale est un soin. Donc, on est vraiment dans un contexte
de soins. Et, tu sais, l'expérimentation est un soin, au sens du Code civil. Un
protocole de recherche, c'est un soin. Donc,
on ne peut pas s'éloigner de ça parce
que sinon on se mettrait à
dire : Pourquoi des fois c'est
une intervention, pourquoi des fois c'est un acte? Une intervention, en fait
c'est un soin, ça fait partie des soins, au sens du Code civil. Donc,
c'est très, très large, l'expérimentation, tout ça.
Donc, c'est
pour ça qu'on est vraiment, dans le vocabulaire, en toute cohérence avec ce
qui existe déjà avec la littérature, la jurisprudence,
dans l'idée du continuum aussi.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Un instant, M. le…
Le Président (M.
Bergman) : Est-ce qu'il y a d'autres commentaires en ce qui
concerne l'alinéa 3°?
Mme Vallée :
Oui. En fait, sur la question de soins et d'intervention, je ne l'avais pas
abordée parce que je souhaitais l'aborder
dans la question de l'aide
médicale à mourir, là, mais
j'avais regardé et je me disais : Pour l'aide médicale à mourir, je le voyais davantage comme une
intervention, ce qui n'exclut pas en soi la définition de «soins de fin de
vie». Mais l'aide médicale à mourir comme telle, compte tenu que, parmi les
définitions de «soins» et de «soigner», il y a «s'occuper de guérir un
mal», alors que l'aide médicale à
mourir, c'est... on met terme, on met
une fin à la vie, donc on ne guérit pas… ou est-ce que,
philosophiquement, on guérit en mettant un terme à la vie?
Alors,
c'est une question un peu complexe. Mais, dans cette logique-là, je
me disais qu'il pouvait être plus à propos
que, lorsqu'on arrive à l'aide médicale à
mourir, on définisse l'aide médicale à mourir d'abord et avant tout comme une
intervention qui a un but précis, qui
n'exclut pas non plus que cette intervention-là puisse être incluse dans
l'ensemble des soins de fin de vie, là.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui. Je pense qu'il faut chercher la plus grande
cohérence, et puis, dans cette optique-là, la plus grande cohérence nous
apparaît de toujours partir de la réalité du soin.
La
question que soulève ma collègue, c'est très pertinent, encore une fois. En
fait, le Collège s'est rendu compte que
la Loi médicale en fait, dans l'état où elle était, elle n'aurait même pas
pu... elle ne parlait que de «prévenir et traiter les maladies dans le but de maintenir la santé ou
de la rétablir chez l'être humain en interaction avec son environnement».
Et donc, évidemment, toute la notion, on
voyait qu'elle n'était pas à jour du tout avec toute la notion du palliatif,
donc des soins palliatifs. Toute la
question de soulager les symptômes n'était pas présente. Et donc il va y avoir
un amendement, là, qui était déjà
prévu dans le projet de loi, à la Loi médicale pour venir amener cette
notion-là, parce qu'en fait c'est comme si, dans l'état actuel des choses, les soins palliatifs, tels qu'ils
sont donnés, seulement pour accompagner la personne vers le décès,
n'étaient pas compris dans la Loi médicale.
Et
donc, à partir de ce moment-là, c'est certain que, nous, toute notre logique,
c'est la même que celle-là. C'est une
continuité, je dirais, avec les soins palliatifs. On ne dit pas que c'est un
soin palliatif, on comprend la différence, mais on sait que pour le milieu des soins palliatifs cette distinction-là est
très importante. Ce n'est pas un soin palliatif, mais ça demeure un soin parce que c'est dans un
continuum, et le but, c'est de soulager la personne, oui, en faisant en sorte
qu'elle ne souffre plus de la seule manière
qui est possible dans les circonstances, avec toutes les balises qui sont
prévues. Et c'est pour ça que d'ailleurs, dans le rapport de la
commission, on faisait une grande distinction puis on marquait l'importance qu'on soit en fin de vie par rapport,
par exemple, à quelqu'un qui aurait un handicap, qui serait très lourdement
handicapé à la suite d'un accident, qui
aurait une souffrance passagère très difficile, parce qu'on est justement dans
cette idée d'un continuum de soins.
On
ne peut pas dire que, si on intervenait auprès d'une personne qui est dans une
situation d'être paraplégique, ce
n'est pas la même chose. C'est beaucoup plus un geste de rupture. Ici, c'est
l'idée d'un continuum, d'une continuité dans l'accompagnement et avec un soin, une option exceptionnelle pour
les cas exceptionnels où on n'arrive pas à soulager. Mais c'est cette
même idée logique d'un continuum.
• (16 h 10) •
Le
Président (M. Bergman) : Est-ce qu'il y a d'autres commentaires
sur la section 3? M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Non, c'est beau, M. le Président.
Le Président (M.
Bergman) : Alors, on procède à la section 4. Mme la ministre.
Mme
Hivon : Alors, je vais relire. 4°, c'est vraiment la
définition des soins palliatifs, donc «les soins actifs et globaux dispensés par une équipe
interdisciplinaire aux personnes atteintes d'une maladie avec pronostic
réservé, dans le but de soulager
leurs souffrances, de les aider à conserver la meilleure qualité de vie
possible et d'offrir à ces personnes et
à leurs proches le soutien nécessaire». Donc, je répète ce que j'ai dit, c'est
une définition qui est basée sur la définition de «soins palliatifs» de l'Organisation mondiale de la santé. On a
repris l'essentiel des termes de cette définition, comme ceux qui sont venus nous demander de mettre une
définition de «soins palliatifs» nous l'ont recommandé, mais, je dois le
dire, en la raccourcissant un peu.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Moi, j'ai un malaise, là, c'est «dispensés
par une équipe interdisciplinaire aux personnes atteintes d'une maladie avec
pronostic réservé». Compte tenu que les soins palliatifs, c'est d'abord une philosophie, est-ce qu'on peut imaginer qu'un
professionnel pourrait, lui, offrir des soins palliatifs sans nécessairement le
faire en équipe? J'imagine, sur le nombre de cas qu'on a au Québec, ça doit
pouvoir exister avec…
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Effectivement, mais je dois dire que ça ne veut pas
dire que toutes les personnes dispensent… Je vais vous expliquer ma compréhension des choses, là, parce que c'est un
élément, de ce que je comprends, très important des soins palliatifs, cette idée d'interdisciplinarité dans la
définition. Et ça ne veut pas dire qu'une personne qui agit seule n'est pas en train d'offrir des soins palliatifs
parce qu'elle est seule au chevet ou auprès du patient. Mais je pense que,
selon la définition, pour être dans un
contexte de soins palliatifs au sens de l'OMS, il faut donc que cette
personne-là soit en relation, d'une manière ou d'une autre, avec des
professionnels autres que juste sa personne, par exemple, de médecin, donc, par exemple, qu'il puisse être en référence
avec un travailleur social, qu'il puisse être en référence avec des gens
qui ont cette même compréhension, donc, de l'accompagnement en fin de vie avec
des soins palliatifs.
C'est ce que
je comprends. Ça ne veut pas dire qu'un médecin qui va au chevet de quelqu'un à
domicile, comme on le sait, au CSSS
Verdun, ou tout ça, n'est pas en train de faire des soins palliatifs. Ce
médecin-là est en train de faire des
soins palliatifs, mais il a aussi dans son équipe des gens, infirmières qui
peuvent prendre le relais au même titre… Je pense que ça serait assez rare qu'un médecin n'ait pas l'accompagnement
d'une infirmière, minimalement, qui, d'une manière ou d'une autre, là… ou d'un travailleur social. Donc, je pense
que la notion d'équipe, elle n'est pas paralysante.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Bien, je n'exclurais pas que quelqu'un pourrait, dans un contexte particulier,
à un moment donné, ne pas… où la famille ne veut pas avoir les services d'une
infirmière ou pour… il y a toutes sortes de raisons,
et puis quelqu'un pourrait être capable de faire des soins palliatifs quand
même. Je ne l'exclurais pas, ne serait-ce que des… Tu sais, on est dans
une société, là, avec plusieurs aspects, mais il y a des communautés également
que…
Je vais vous
donner un exemple. Il y a des gens qui ne veulent tout simplement pas avoir de
l'aide du CLSC, point. Ils n'en
veulent pas. Est-ce que ça nous empêcherait de les suivre à domicile, de leur
offrir les services, de leur permettre de
prendre des médicaments? C'est sûr qu'on aurait peut-être une limite à un
moment donné, mais, pendant plusieurs années, on pourrait les suivre sans que… Moi, je peux vous dire, j'ai suivi des
patients en soins à domicile avec des cancers. On peut parler de soins palliatifs que ça peut durer
plusieurs mois, puis le CLSC n'y allait jamais. Moi, oui, c'est vrai, je suis
un cas. Je suis peut-être le cas particulier
qui a déjà fait ça. Parce que, pour suivre un patient à domicile, là, en soins
palliatifs, il n'y a pas
nécessairement besoin d'avoir d'injection sous-cutanée, ça peut être tout
simplement de la morphine per os, puis
on va voir notre patient à domicile sur une base régulière, le CLSC
n'intervient pas. Puis parfois c'est les familles… ou la patiente elle-même qui ne veut pas tout simplement
avoir de soins, comme j'ai vu des
gens, moi, encore récemment qui refusaient que les gens aillent les
aider à faire du ménage parce qu'ils voulaient garder leur intimité.
Puis la
question qu'il faut se poser, c'est : En ajoutant «un professionnel», à ce moment-là, ça, ça voudrait dire qu'on
est plus large puis on ne restreint pas? Parce que moi, je pars toujours
avec le principe que les soins palliatifs, c'est une philosophie de
soins.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Oui. Je comprends tout à fait le point de vue. Je dirais juste deux choses. Moi, en fait, ici, là, ce n'est
pas moi l'experte, c'est pas mal plus les médecins puis les membres des équipes
de soins palliatifs.
Donc, moi, je
me fie beaucoup à ce qu'on a entendu au fil des ans. Et en fait il y a
deux éléments que, je dirais, puis on peut poursuivre la discussion, là,
je suis loin d'être fermée. Ce n'est pas parce qu'il y a une équipe derrière le
médecin mais que l'équipe ne se déplace pas
vers la personne, parce que la personne, exemple, n'a pas besoin du travailleur social, n'a pas besoin de l'infirmière… son médecin, le bon député de
Jean-Talon, fait tout le travail parfaitement, donc elle n'a pas besoin
d'aucun autre professionnel dans sa vie. Et ça ne veut pas dire effectivement qu'elle ne reçoit pas des soins
palliatifs, parce que, si le besoin se manifestait, le bon docteur
pourrait se tourner vers d'autres membres d'une équipe qui, eux aussi, connaissent l'approche des soins
palliatifs, que ce soit un travailleur social, parce
que la famille serait en crise, par
exemple, mais là ce n'est pas le cas,
ou que ce soit une infirmière parce
qu'il y a un soutien, je ne sais pas,
autre qui doit être donné. Je ne
pense pas qu'on n'est plus, donc, dans le cadre de la définition parce que
toutes les personnes ne sont pas là
au même instant, là. L'idée, c'est de se dire : Il y a
cette équipe-là potentielle qui est là aussi. Donc, ça, c'est le premier
élément.
L'autre
chose, moi, j'ai beaucoup entendu les gens de soins palliatifs nous parler
de l'importance de l'interdisciplinarité comme réalité des soins palliatifs et que c'est ça
qui faisait en sorte qu'au besoin on était capable de répondre à des besoins,
je dirais, moins purement médicaux ou de
santé plus traditionnels, physiques de la personne, mais des approches plus de
soins globaux, là, comme on le dit,
spirituels ou d'accompagnement plus social, puis la famille aussi, parce que
la famille est prise en compte dans cette réalité-là. Donc, même si la
personne n'a pas besoin de tous les professionnels, le fait qu'il y a
cette idée d'équipe, moi, de ce que j'ai compris de tout ce qui nous a été
véhiculé du travail qu'on fait sur les soins
palliatifs, c'est une notion qui importe beaucoup aux gens de soins
palliatifs. Mais il faudrait leur demander, là, mais c'est ce que j'ai
compris.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Moi, je vais défendre la minorité. Souvent, quand on fait des travaux comme ça,
c'est des gens qui travaillent toujours en équipe, et puis ils sont dans
des organisations, sauf qu'au Québec il y a plusieurs médecins qui pratiquent dans des villages, qui pratiquent à des
endroits, et le fait qu'eux autres vont suivre leurs patients à domicile... Moi, je regarde les secteurs dans le
Nord. Des fois, c'est les médecins qui y vont, et puis il n'y a
pas... Juste pour
vous donner une idée, si la famille ne veut pas d'implication du CLSC — puis je suis certain que, sur les milliers
de cas au Québec, il va y en
avoir — ça ne
veut pas dire qu'on ne peut pas leur offrir les services. Moi, ce que je
trouve, c'est au niveau philosophique : parce que tu n'as pas une équipe,
ça ne s'appelle pas des soins palliatifs, et ton patient va quand même mourir dans ce contexte-là. Moi, en tout cas,
je ne serais pas prêt à accepter cette définition-là aujourd'hui, ça, c'est
certain. Il va falloir qu'il y ait des gens
qui viennent me redire, là, que c'est vraiment ça, là, et je regarde dans la
vraie vie.
En passant,
c'est sûr que les gens qui viennent, là, sont toujours tout bien organisés, là,
mais, la réalité de la vie de tous
les jours, là, il y a des gens qui ne sont pas si bien organisés que ça et puis
il y a des gens qui, comme je vous dis, vont accepter que leur médecin aille les voir. Mais moi, je peux vous
donner des exemples, là. Moi, je suis allé en voir des gens à domicile pendant des certain temps,
puis ça a duré peut-être un an et demi, deux ans, puis on n'a pas toujours
l'implication d'autres professionnels de la
santé. À un moment donné, les autres professionnels vont rentrer dans le décor,
mais on peut être un an à suivre un patient
sans que nécessairement... ne serait-ce que tu vas les voir à domicile parce
qu'ils ont juste besoin d'une médication par la bouche. L'infirmière du
CLSC n'est pas impliquée toujours.
Moi, en tout
cas, philosophiquement, je pense que ça ne veut pas dire que les gens ne font
pas de soins palliatifs. Mais vous
pourriez peut-être vérifier au niveau de vos experts, puis qu'ils m'appellent,
puis je vais jaser avec eux autres. Puis,
en passant, ce n'est pas une question... je ne veux pas qu'on soit prétentieux,
c'est juste que je veux juste qu'on en fasse une bonne discussion.
Puis, moi,
pour avoir pratiqué à beaucoup d'endroits loin, là, dans le centre-ville de
Montréal, là, puis à Havre-Saint-Pierre,
là, ce n'est pas le même monde. Puis, en passant, à Havre-Saint-Pierre, il y en
a qui sont près de la ville, mais il
y en a qui sont très loin de la ville. Ça fait que moi, je pense qu'il faut...
S'il y a un docteur au Québec qui fait des soins palliatifs puis qui n'a
pas d'équipe, bien je pense qu'on a une petite exception.
Puis l'autre
affaire : Qu'est-ce que ça enlève, sauf de dire aux gens : Il faut absolument
que vous soyez suivis par une équipe?
Je ne crois pas à ça, moi. Je pense qu'on est capable d'avoir des soins pas juste par
une équipe, là. On peut être capable, à un moment donné, d'être un professionnel
puis de s'en occuper.
• (16 h 20) •
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Oui. En
fait, je suis très bien le raisonnement de mon collègue de Jean-Talon.
Ce que je
veux juste porter à l'attention, c'est que, dans la philosophie, je dirais, actuelle des soins
palliatifs, de ce qui m'a été
vraiment communiqué… Parce qu'on travaille aussi beaucoup sur les soins
palliatifs, comme vous le savez. Il y a tout un chantier sur les soins
palliatifs, on travaille sur un bilan. Et les gens disent beaucoup… les gens de
soins palliatifs, que, pour qu'on considère
que ce sont de réels soins palliatifs, il faut qu'il y ait dans le décor cette
idée d'interdisciplinarité et donc d'autres professionnels qui peuvent
être disponibles et formés à cette approche.
L'autre chose
aussi : Dans la philosophie des soins palliatifs, il y a la personne puis
il y a son entourage, et l'entourage
aussi est vu comme faisant partie de l'équipe. En fait, les proches aidants,
par exemple, parce qu'ils sont très sollicités
aussi, donc sont vus… Je vous explique ce qu'on m'explique, là, à travers les
travaux qu'on a faits, les consultations,
puis tout ça. Donc, cette idée-là d'équipe puis d'interdisciplinarité apparaît
très, très chère aux gens des soins
palliatifs, mais j'essaie juste de… Je suis ce que vous me dites puis j'essaie
de voir, parce qu'en fait l'expression «soins
palliatifs», elle est à quatre endroits dans notre projet de loi. Donc,
j'essaie juste de voir si ça pourrait nuire d'avoir une définition qui parle d'équipe. Est-ce que ça
pourrait nuire à l'application de nos articles ou de faire quelque chose?
Puis là c'est ça que je suis en train de
regarder, les articles 6, 10, 12 et 63, où on retrouve la réalité, mais je ne
pense pas que ça pourrait faire en
sorte que notre médecin qui pratique en région éloignée ne pourrait pas être vu
comme faisant des soins palliatifs, en fait.
Mais l'idée,
c'est qu'en consacrant l'expression de «soins palliatifs» comme elle est là,
un, on entend ce qu'on nous a
demandé, de se baser sur la définition de l'Organisation mondiale de la santé,
où l'idée de multidisciplinarité est présente,
et, deux, dans les politiques qui vont être élaborées, c'est certain que les
politiques, c'est des politiques qui vont être élaborées, sur les soins de fin
de vie, par les établissements. Donc, les établissements, eux, vont avoir la
responsabilité de mettre en place des
équipes. Ça ne veut pas dire que toute l'équipe va se déplacer dans la
communauté nordique, ou tout ça. Mais, juste pour vous dire, dans l'appel de
projets qu'on a fait, on a eu des projets soumis par le Nord, les communautés
nordiques, et tout ça, et il y a cette volonté aussi de vouloir se doter
d'équipes.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Bien, je pense que ça demande réflexion. Moi,
je suis toujours prêt à évoluer dans ma pensée, là, mais je pense que, chez vous, pour qu'il y ait… en tout cas,
il faudrait avoir une meilleure argumentation, puis j'aimerais ça qu'on réponde à mon argument :
un médecin seul, qui suit un patient qui en phase terminale, dans un endroit.
Puis l'argument que je veux apporter :
Si la famille ou la personne… il y en a qui préféreraient n'avoir que le
médecin, ne veulent pas avoir
d'autres professionnels, ça devient un choix personnel, est-ce qu'à ce
moment-là on peut dire qu'il ne fait
pas de soins palliatifs? À partir du moment qu'on a une exclusion, il faudrait
peut-être penser à écrire une petite exception.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Selon moi, M. le Président, ça ne fait pas du tout en sorte qu'il ne fait pas
de soins palliatifs. Selon moi, il
fait des soins palliatifs. Mais, écoutez, on peut dire… parce qu'on pourrait peut-être,
dans la définition, là, je dois dire…
On me dit que, dans la définition originale, on parle de soins actifs et
globaux organisés et dispensés par une équipe interdisciplinaire. Donc, est-ce que, si on
mettait «organisés», pour vous, du fait que le médecin n'est pas nécessairement
là pour tout organiser et tout dispenser, ça donnerait… est-ce que vous estimez
que ça pourrait donner une souplesse supplémentaire
de faire référence, donc, à l'équipe qui pourrait être là, dans le fond, pour
organiser un peu la philosophie ou l'offre de soins, là?
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Bien, M. le Président, on n'est pas obligés
d'adopter ce point-là, on peut peut-être faire une réflexion. Comme moi,
je pourrais le revoir, là, suite aux définitions. Mais je pose la question, là.
Le Président (M. Bergman) :
Avant d'aller à Mme la ministre, Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault :
Mais moi, j'ai une définition ici. Mais, quand on parle d'interdisciplinarité,
on peut aussi voir la famille, les proches aidants comme faisant partie de
l'interdisciplinarité. Alors, même si tu as uniquement un seul médecin,
tu as un patient, mais tu as une famille, déjà tu es inclus dans la... c'est de
l'interdisciplinarité.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Effectivement, M. le
Président, c'est ce que j'ai dit tout à l'heure et c'est ce que notre expert m'a dit, donc que…
Une voix : …
Mme
Hivon : …oui, qu'en fait des proches aidants, le
pharmacien, tout ça, ça peut être des membres de cette équipe-là. Donc, je
ne pense pas que c'est un frein à faire partie des soins palliatifs.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de...
Une voix : …
Des voix : Ha, ha, ha!
Une voix : Ça va être écrit
dans les galées de l'Assemblée nationale.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Oui, mais vous allez en avoir beaucoup, des questions comme ça. Moi, je les pose toutes parce
que je suis très spontané. Ça fait que...
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Moi, je trouve ça excellent de poser toutes les questions. Dans la mesure où on
a le loisir de pouvoir se convaincre, c'est toujours bon.
Le
Président (M. Bergman) : Est-ce qu'il y a d'autres commentaires, monsieur? Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Oui. Sur la question des soins palliatifs, dans la définition de l'OMS, il
y a une référence, et je pense que
c'est peut-être très important, du moins, pour les maisons de soins palliatifs, parce que l'OMS complète sa définition, et c'est
même dans la politique en soins palliatifs et soins de fin de vie.
On indique à la page 7 de la politique :
«L'OMS complète sa définition en soulignant que "les soins palliatifs
soutiennent la vie et considèrent la mort comme un processus normal, ne hâtent
ni ne retardent la mort, atténuent la douleur
et les autres symptômes, intègrent les aspects psychologiques et spirituels des
soins, offrent un système de soutien pour permettre aux usagers de vivre aussi activement que possible jusqu'à
la mort".» Je ne sais pas, est-ce
qu'il pourrait être opportun
d'inclure ou d'ajouter à la définition qui est proposée un petit élément, par
exemple «les soins palliatifs soutiennent
la vie et considèrent la mort comme un processus normal, ne hâtent ni ne retardent la mort», dans le fond, faire référence autant que la définition proposée par la ministre
fait référence à l'équipe interdisciplinaire à l'équipe multidisciplinaire à laquelle on fait référence dans la définition de
l'OMS? Est-ce qu'on ne devrait pas prévoir que... Et puis ça, ça
pourrait permettre aussi de clarifier les choses.
L'aide médicale à mourir, c'est distinct des
soins palliatifs. Et là ça pourrait peut-être me rapprocher de la définition de «soins de fin de vie», c'est-à-dire
que les soins palliatifs, c'est une approche vraiment particulière qui ne
vise pas à hâter la mort. C'est vraiment un
accompagnement de la personne jusqu'à la toute fin puis un accompagnement
qui n'est pas seulement médical, qui est à
tous les niveaux. Et ça permet vraiment de bien mettre cette base-là à
l'intérieur du projet de loi. Quand
on va parler d'aide médicale à mourir, on va parler d'aide médicale à mourir
parce que, pour certains, la liberté
de choix, c'est ça aussi, c'est de faire un bout de chemin puis de dire :
Bien là, je suis rendu un petit peu trop loin, puis, voici, je suis rendu à une autre étape. Mais vraiment faire
la distinction entre l'aide médicale à mourir et les soins palliatifs, puis ça permettrait probablement
aussi de rassurer tous ceux et celles qui oeuvrent dans le milieu des soins
palliatifs, de
reconnaître que les soins palliatifs ne sont pas là pour hâter ou provoquer la
mort, qu'ils sont vraiment un accompagnement jusqu'à ce que la vie
quitte et s'éteigne et sans autre considération.
C'est dans la
définition de l'OMS, donc on ne réinvente pas la roue. On fait tout simplement
l'inclure dans notre projet de loi.
Puis aussi, dans le processus didactique… c'est-à-dire, on a de la pédagogie à
faire, bien ça sera inclus à ce moment-là. Parce que, je vous dirais,
honnêtement, dans le travail préalable qu'on a fait, on avait préparé certaines
définitions pour avoir des échanges. Je ne
les ai pas déposées, parce que j'avais pris connaissance… et puis je me disais :
Bon, bien c'est sensiblement pareil, alors
on va avoir des échanges. Mais, «soins palliatifs», la définition à laquelle
nous avions pensé, c'était... bien,
évidemment, c'est une condensation de la définition de l'OMS, parce qu'on
comprenait que 14 pages, ce
n'était peut-être pas nécessaire, là, mais c'était «l'ensemble des soins actifs
et globaux dispensés aux personnes atteintes d'une maladie avec
pronostic réservé».
On n'avait
pas nécessairement fait la référence à l'équipe multidisciplinaire et on
indiquait : «Les soins palliatifs soutiennent
la vie et considèrent la mort comme un processus normal, ne hâtent ni ne retardent la mort.» Donc, c'était cette reconnaissance-là de la particularité du soin palliatif, qui n'affecte en rien les autres soins de fin de vie qui
pourront être définis à l'intérieur de la loi.
• (16 h 30) •
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Bien, écoutez, je ne suis pas fermée du tout, donc on va le
prendre en délibéré, mais je serais juste… Là, on fait des définitions, puis je veux juste qu'on essaie… Vraiment,
je vais le mijoter, là, je ne trouve pas ça sans intérêt du tout, mais on fait
des définitions, donc on essaie d'être le plus, je dirais, dans un cadre de
définition et non pas, je dirais, dans un cadre plus philosophique, ou
d'effets, ou… Ma seule question, c'est : Est-ce que ça fait vraiment
partie de la définition? Est-ce que
ça fait vraiment partie du coeur même de ce qu'est un soin
palliatif? Parce que je voudrais juste… Puis peut-être c'est plus les médecins, là, qui pourraient nous
éclairer sur ça, mais est-ce que, dans tous les cas, l'intention du médecin… je sais qu'il y a la double intention,
puis il y a tout ça, là, tu sais… est-ce
que c'est toujours
tellement clair, et tout ça, là, mettons, pour la
sédation, et tout ça, là?
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Pour
moi, oui, parce que c'est le principe du double effet, c'est-à-dire,
quand tu augmentes tes doses, à un moment donné la personne peut décéder parce
que tu as augmenté ta dose, mais
c'est souvent quand la mort serait
arrivée quand même à très,
très brève échéance, là. Pour moi, à ce moment-là, ce n'est pas un enjeu.
L'avantage de
le définir, «en ne retardant pas et ne provoquant pas la mort»… l'avantage que
j'y vois, moi, c'est qu'on va être
capables de dire aux gens, entre
autres, les gens de soins palliatifs, là : Écoutez, il y a des soins
de fin de vie, il y en a deux :
la première chose, il y a toute la question des soins palliatifs et, oui, il y
a une autre affaire, qui est une aide
médicale à mourir, qui est plus une intervention, quant à moi. Ça fait qu'à ce
moment-là ça va permettre, faire voir aux gens que c'est pour que les
soins… l'aide médicale à mourir fait partie des soins palliatifs. Et ça
n'enlève pas grand-chose. Puis, ma collègue, qui est médecin aussi, je ne sais
pas si elle voit ça comme ça, là.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault : …
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Bien, c'est ça. Moi, je trouve ça très bien.
L'autre chose, c'est certain que l'OMS, c'est quand même un bon cadre, et puis on ne peut pas tout mettre parce que,
là, on va se retrouver avec des projets de loi de 150 pages, on ne veut pas nécessairement ça,
puis c'est difficile à interpréter, mais je pense que ce serait une nuance qui
rajouterait, surtout dans notre contexte,
que les gens ne voulaient pas que l'aide médicale à mourir fasse partie des
soins palliatifs. Moi, je pense que ça fait partie des soins de fin de
vie. Très, très bonne idée.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Bien, je suis ouverte, donc on va essayer de voir le meilleur endroit où le
mettre, là. On est déjà en train de
regarder ça, on va le… De toute façon, je ne pense pas qu'on finisse l'étude
détaillée aujourd'hui… de l'ensemble du
projet, je veux dire, donc on pourra revenir. Mais je comprends que vous
acceptez l'équipe interdisciplinaire puis, de mon côté, je vais
réfléchir sur la question de l'ajout de cet élément.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
M. le Président, je veux répondre à la ministre là-dessus.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Malheureusement, en éthique, je ne fais
jamais de «tradeoff» dans ce sens-là. Mais par contre je vais laisser tomber l'histoire du médecin individuel parce
que vous m'aviez convaincu, mais pas parce que vous je vous fais un
«tradeoff». En éthique, je ne fais jamais ça. J'ai assez d'en faire dans ma vie
personnelle.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Je ne suis pas certaine que c'est une bonne idée dans la vie personnelle non
plus, mais c'est un autre débat.
Bien, c'est
bon, écoutez, on va revenir pour la prochaine séance avec… on va faire la
réflexion sur cet élément-là. Puis
c'est certain que, quand on fait la définition, je pense qu'on essaie de
ressortir les éléments les plus importants, mais ça pourrait peut-être
être un élément d'intérêt pour le milieu des soins palliatifs.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, question, collègues :
Est-ce qu'on met de côté, pour le moment, la section 4?
Mme Vallée : Bien, on va le
suspendre, de toute façon. C'est ça, on…
Le Président (M. Bergman) :
On va le suspendre. Est-ce que la section 3, ça va pour vous?
Mme
Hivon : 3°,
c'était fait. 4°, on le suspend, puis là on passe à 5°, c'est ça?
Une voix : …
Mme
Hivon :
O.K. 5°, donc «sédation palliative continue» qui fait son entrée. Donc, nous
laissons tomber l'expression «sédation palliative terminale». Et
maintenant :
«5°
"sédation palliative continue" un soin offert dans le cadre des soins
palliatifs consistant en l'administration de médicaments ou de substances à une personne en fin de vie dans le but de
soulager ses souffrances en la rendant inconsciente, de façon continue,
jusqu'à son décès.»
Donc,
peut-être deux petits commentaires. Nous avons été très sensibles aux
représentations qui nous ont été faites, à savoir que l'expression consacrée et la plus heureuse désormais serait
«sédation palliative continue», donc c'est celle qui serait désormais
retenue. Et on spécifie bien que c'est dans le cadre des soins palliatifs, donc on est dans une logique de soins palliatifs. Parce que je
dois vous dire que, quand on m'a proposé la définition et qu'on m'a dit qu'on
parlait d'administration de médicaments ou
de substances, je me demandais pourquoi il fallait avoir les deux notions. Et on m'a
expliqué de manière très savante qu'en fait, dans la liste fédérale, en vertu
de la Loi sur les aliments et drogues, il y a certains
médicaments qui sont reconnus comme des médicaments, mais il y a
certains médicaments qui sont reconnus comme des substances. Alors, si
on ne mettait que «médicaments» et que, par exemple, dans les protocoles,
certains médicaments, au sens usuel, étaient
en fait, au sens de la loi fédérale, des substances, peut-être
qu'on ne couvrirait pas tout.
Donc, pour être plus, je dirais, sécures dans
notre définition, il faudrait mettre les deux. Donc, c'est pour ça qu'on a
«médicaments ou substances».
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Là, c'est une question — peut-être que nos amis experts et médecins pourront y
répondre : Est-ce que la
sédation palliative continue se pratique exclusivement dans le cadre de soins
palliatifs?
Est-ce que,
par exemple, quelqu'un qui serait admis dans un établissement, pas nécessairement dans l'unité de soins palliatifs, dans les dernières heures, dans
la dernière journée de sa vie et qui serait dans un état de souffrance terrible
pourrait peut-être demander à ce qu'on le place ou on la place sous sédation?
Il ne serait pas nécessairement dans un cheminement
de soins palliatifs. Parce qu'il faut penser… Là, on a en tête quelqu'un qui va
faire une espèce de cheminement dans
sa fin de vie, mais la fin de vie peut arriver aussi très rapidement, et on
peut se retrouver… être restés à la maison et sans nécessairement avoir eu recours à des soins, à tout
l'encadrement de soins palliatifs, se retrouver en établissement et être
dans un état tel que la sédation palliative sera la seule façon d'être apaisés
dans nos souffrances.
Alors,
lorsque j'ai vu la définition, je me suis dit : Est-ce qu'elle est
exclusivement offerte dans le cadre des soins palliatifs? Est-ce que ça veut dire qu'il n'y aura aucune possibilité
d'administrer la sédation palliative continue à l'extérieur du
processus?
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Là, je viens de me valider, mais il y a une autre validation en cours, mais ce
que je vous donnerais comme idée et qui, je crois, est bien fondé, c'est
qu'en fait on parlerait de «sédation continue» mais pas de «sédation palliative continue». Comme, par exemple, un grand
brûlé, comme, par exemple, d'autres contextes, on plonge la personne
dans un état proche d'un…
Une voix : …
Mme
Hivon :
…bien, c'est ça, comme dans un coma, comme dans une anesthésie, mais on ne
serait pas dans la réalité du terme consacré «sédation palliative
continue». Ce serait comme une forme de sédation continue. Mais l'expression consacrée, «sédation palliative
continue», elle est vraiment dans le contexte des soins palliatifs de la fin de
vie parce que c'est vraiment jusqu'au décès,
ce qui est différent d'une sédation, je vous dirais, dans d'autres contextes,
là. Mais, en théorie, si vous êtes
dans un contexte de fin de vie mais que, par exemple… parce que vous donniez
d'autres exemples, là… vous allez être dans le contexte
d'une sédation palliative continue si c'est dans le contexte où ça se rend
jusqu'au décès.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée Gatineau.
Mme
Vallée : En fait, ce que j'expliquais, c'était que la personne
demande une sédation jusqu'à son décès parce qu'elle est dans les derniers moments de sa vie, mais est-ce que,
nécessairement, c'est dans le cadre de soins palliatifs? Parce qu'on peut vivre les derniers instants ou
les derniers moments de notre vie sans nécessairement être dans une
unité de soins palliatifs ou sans avoir eu
recours à des soins palliatifs, mais on peut, en raison de la souffrance qui
est vécue, dire : La sédation est le seul et unique moyen de
survivre jusqu'à ma mort. Ça, c'est une façon… C'est un peu ça.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
• (16 h 40) •
Mme
Hivon : Oui, donc, c'est possible. Par exemple, quelqu'un
pourrait être aux soins intensifs mais soudainement a une dégradation totale… souffrances importantes,
et donc la seule manière, dans l'état actuel, serait de, donc, faire une
sédation ou la seule option qui serait mise
de l'avant serait de faire une sédation continue jusqu'au décès. On me dit
qu'on serait alors dans le domaine du
palliatif parce que, dans le fond, il n'y a plus de curatif. Donc, l'expression serait la bonne, la réalité serait la bonne parce que,
cette personne-là, on ne peut plus rien faire pour maintenir sa vie, améliorer
ses chances. On tombe dans le domaine
palliatif, mais le seul soin palliatif qui serait approprié serait la sédation
palliative continue parce que la personne en fait n'aurait pas eu le
temps d'avoir d'autres soins palliatifs.
Ce qu'on m'a expliqué
beaucoup aussi, c'est que les soins palliatifs ne sont pas l'apanage des unités
de soins palliatifs dans les hôpitaux.
Donc, il y a des soins palliatifs qui se donnent aux soins
intensifs, il y a des soins palliatifs qui se donnent dans d'autres unités, où les gens
peuvent être en fin de vie mais ne sont pas nécessairement, physiquement,
dans une unité de soins palliatifs ou ils
peuvent être même pas tout à fait en fin de vie, pas en fin de vie puis avoir aussi
des soins palliatifs. Comme on le disait, de plus en plus, c'est une bonne pratique parfois avec le curatif. Mais on peut aussi être dans un domaine, je dirais, de soins
plus aigus, puis rapidement l'état se dégrade, on se retrouve en fin de vie, la
personne n'a pas besoin de l'arsenal
traditionnel des soins palliatifs, mais une sédation palliative serait une
bonne option. Donc, notre définition tiendrait.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député d'Orford.
M.
Reid : …question
par rapport à ça. C'est qu'étant donné qu'on parle de
définitions puis, plus tard dans le projet
de loi… et je ne retrouve pas le numéro, là, parce que ce n'est pas le
temps, mais on parle d'un certain nombre de rapports ou d'éléments, donc, autrement dit, où on doit tenir compte et rapporter le nombre de, et tout ça. Si nous,
on se pose la question si ça correspond à ce… c'est-à-dire, à la sédation palliative, continue ou non, j'imagine qu'il faudrait peut-être vérifier
qu'on ne se trouve pas avec une situation où, le projet de loi étant adopté
tel quel, qu'on n'ait peut-être pas cette clarté quand ce sera le temps effectivement de faire des rapports pour rapporter au comité,
en particulier, là, à la commission,
les éléments, ce qui est arrivé dans l'année, pour qu'on puisse effectivement
faire un contrôle global de tout ça.
Alors,
simplement peut-être une précaution à regarder exactement si cette
définition-là nécessiterait d'être un
petit peu plus précise pour nous assurer que ce qu'on
considère aujourd'hui qui est une sédation palliative continue sera
bien compris par tout le monde comme tel et sera rapporté comme tel pour que le public… publiquement,
qu'on sache qu'est-ce qu'on a,
qu'est-ce qui s'est passé au Québec pendant l'année.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
C'est un excellent point. Je pense qu'il n'y a pas vraiment de risque — je
vais vous expliquer pourquoi — parce que chaque établissement qui va
être tenu de rapporter ces gestes-là, donc les sédations, les aides médicales à mourir, doit s'être doté d'une
politique sur les soins de fin de vie dans lesquelles il va expliquer… Donc,
dans ce contexte-là, on va expliquer
la sédation, le protocole qui est retenu, puis tout ça. Donc, ça va vraiment
être en lien avec cette politique-là
que les gestes vont devoir être rapportés. Donc, je pense qu'il n'y a pas de
risque qu'on soit dans des contextes
complètement différents, comme un grand brûlé, ou tout ça, parce qu'on serait
pas dans un contexte de fin de vie lié à la politique puis les standards
que doit se donner un établissement.
M.
Reid :
Ça veut dire aussi…
Le Président (M.
Bergman) : M. le député d'Orford.
M.
Reid : Oui, excusez. Ça veut dire aussi, à ce moment-là, il
faut s'assurer que les politiques couvrent ça, qui n'était pas si clair
que ça pour nous jusqu'à tantôt, là.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
On va le voir plus loin quand on va parler de la politique dont doit se doter
l'établissement.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
C'est une question pratique. «Sédation palliative continue», je pense qu'il va
y avoir des protocoles de proposés
pour ça. Lorsqu'on arrive à la fin de la vie, les gens, parfois ils tombent
inconscients, puis on les maintient inconscients en continuant leurs doses de
morphine sous-cutanées, d'hydromorphone. Est-ce que ça va faire partie
de la notion de sédation palliative continue? Je pense, ça, il ne faudrait pas,
là, mais… Non?
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : La réponse, c'est non. La sédation palliative
continue, c'est vraiment un protocole selon des standards cliniques très établis avec, donc, des médicaments
ou substances très établis et, donc, qui ont pour effet de maintenir la personne de manière continue. Donc, ce n'est pas
du tout via l'injection de morphine, par exemple, qui, elle, est supposée
soulager la douleur, dans le fond. Elle
n'est pas supposée plonger la personne… même si ça peut être un effet, là.
Donc, le but de la morphine, ce n'est pas de rendre quelqu'un
inconscient, même si ça peut, de ce je comprends, avec d'autres médicaments, et
tout ça, avoir cet effet-là.
Donc,
l'idée, non, c'est vraiment une pratique très clairement balisée. C'est pour ça
d'ailleurs que je pense qu'il y a beaucoup
de pédagogie à faire, même auprès des médecins. Et, on l'a vu aussi dans les échanges,
là, tout le monde n'avait pas la même
compréhension. C'est quelque chose de très pointu, très précis, la sédation
palliative continue. On avait eu une
séance de travail exclusivement sur cette réalité-là pendant les travaux de la
commission. Donc, non, ça ne couvrirait pas…
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : C'est sûr que je ne suis
seulement que médecin, je ne suis pas avocat, mais j'imagine qu'un
avocat qui va lire ça mot à mot : Sédation palliative continue, c'est «un
soin offert dans le cadre des soins palliatifs — donc, je soulage mon patient avec de la
morphine — consistant
en l'administration de médicaments ou de substances — c'est de la morphine — à une personne en fin de vie — bien, on sait qu'elle va mourir — dans le but de soulager ses souffrances — c'est pour ça que je lui donne de la
morphine — en la
rendant inconsciente — elle va être inconsciente,
elle l'est déjà — de façon
continue, jusqu'à son décès», je lui… ça en sous-cutané aux quatre heures. À
savoir, «de façon continue», ça veut
dire comment? Mais moi, je regarde, textuellement. Si je lis le mot, là… Puis
je comprends, en passant, je suis
d'accord avec vous, là, ça n'a pas d'affaire là, mais, si on veut être puristes,
là, comment est-ce qu'on appelle ça, l'autre façon que je fais?
Puis,
en passant, ce n'est pas des questions pièges, là, c'est vraiment parce qu'on
s'était dit qu'on faisait le projet de loi comme il faut, là.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Ce que vous faites quand vous administrez, par
exemple, de la morphine, vous pouvez l'administrer à quelqu'un qui est en fin de vie puis quelqu'un qui
n'est pas en fin de vie aussi. Donc, ce n'est pas le fait d'administrer
de la morphine en soi qui pourrait être
associé à une sédation palliative continue, même si les effets peuvent sembler
être les mêmes dans un contexte donné.
Moi, je vous dirais deux éléments. Un, nos
définitions, il faut toujours se rappeler que c'est aux fins de l'application
de la présente loi, donc on sait dans quel
contexte on est. Puis, à l'article 32, on vient vraiment dire, donc, que
tout ça va devoir être fait en lien avec les protocoles cliniques qui
vont être applicables, basés sur les standards.
Une voix :
…
Mme
Hivon : Oui. Oui, mais je me demande si… On s'est posé la
question, mais on ne pensait pas que ça devait aller dans la définition même parce que c'est plus une question de
pratique que de définition comme telle. C'est la conclusion à laquelle on en est venus. Puis toutes les
définitions de sédation palliative qu'on a trouvées, répertoriées — ce qu'on avait fait lors des travaux
de la commission aussi — ne
font jamais référence à un protocole.
Donc,
en fait, c'est la réalité, c'est l'explication, c'est que c'est fait dans
l'objectif de rendre la personne inconsciente. Si vous administrez de la morphine à quelqu'un, une bonne pratique
médicale, vous n'êtes pas supposé d'administrer de la morphine à quelqu'un pour qu'il soit inconscient
jusqu'à son décès. Ça peut être un effet, mais ce n'est pas supposé être l'intention.
Ça serait une mauvaise pratique, dans le fond.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Oui, c'est juste que je veux vraiment le
réfléchir comme il faut. Puis, comme je vous dis, il faut vraiment essayer de le voir, là. Y a-tu des choses que,
comme législateurs, on peut se rendre compte par la suite qu'on pourrait
peut-être améliorer.
Moi,
je vais vous proposer… Celui-là aussi, j'accepte l'explication, mais je ne
serais pas prêt à dire aujourd'hui… donner
mon accord dessus, ça fait qu'on… mais j'aimerais ça y penser. Puis peut-être
que vos équipes y pensent aussi, avec
la façon… puis peut-être qu'ils vont me trouver des arguments, là, qui vont
être encore plus convaincants. La ministre est très convaincante, là. Je résiste à me faire convaincre, mais c'est
parce que je voudrais juste être certain qu'on fasse une réflexion
là-dessus.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Je n'ai aucun problème, M. le Président. On va la faire, nous aussi, mais je
dois vous dire que c'est celle-là
qu'on avait faite parce que j'ai posé la question. Puis en fait ce n'est pas un
élément, comme tel, de définition, de… puis moi, j'ai été convaincue,
donc, que ce n'était pas un élément de définition. Puis l'autre élément que je
vous soumets dans votre réflexion, c'est
l'effet versus l'intention. Parce que c'est vraiment dans le but de la rendre
inconsciente jusqu'à son décès. Donc,
il faut vraiment être dans une optique très, très claire, très, je dirais,
limitée. Le médecin qui va faire ça, ce n'est vraiment pas banal, là,
donc, normalement, il ne fera pas ça avec des doses accrues de morphine.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
• (16 h 50) •
Mme
Vallée : Petite question : Pourquoi, dans la définition
qui est présente à l'amendement, on parle de «soulager ses souffrances» plutôt que d'utiliser les termes
qui avaient été utilisés, tant dans le document de consultation que dans
le rapport, lorsqu'il est question de sédation palliative continue, même
sédation palliative intermittente?
À
la «sédation palliative continue» on avait donné la définition suivante :
«Administration d'une médication à une personne, de façon continue, dans
le but de soulager sa douleur en la rendant inconsciente jusqu'à son décès.»
Alors,
la définition qu'on retrouve au projet
de loi est légèrement différente.
C'est sûr qu'à une première lecture comme
ça on peut dire : Ah, c'est la même chose, mais il y a quand même
des distinctions. Dans un premier temps, on a choisi de dire : Il s'agit d'un soin, alors qu'on n'en parlait pas
dans les définitions tant dans le document de consultation que dans le rapport, et on a choisi également de parler de
soulagement des souffrances plutôt que de la douleur. Ça peut paraître similaire, mais est-ce qu'il y a… j'imagine qu'il y a une raison pour laquelle on parle de
«souffrances» et non seulement de «douleurs».
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui. Alors,
oui, c'est tout à fait volontaire d'avoir mis «souffrances» plutôt que
«douleurs». «Souffrances» est plus
englobant, «douleurs» fait beaucoup plus référence à une douleur physique. Et, si
vous vous rappelez bien, il y a beaucoup
de gens qui sont venus, des experts de soins
palliatifs. Je me souviens notamment
de l'équipe, donc, d'Entraide
Ville-Marie, Société des soins palliatifs du Grand Montréal, qui est venue nous dire que, souvent en fin de
vie, il y a des souffrances existentielles, des angoisses
existentielles, psychologiques qui ne sont pas des douleurs mais qui sont beaucoup plus de l'ordre de la souffrance incontrôlable et
que, dans un certain nombre de cas, c'est vraiment pour des situations comme celles-là — et on a un expert ici qui pourra en témoigner — c'est vraiment dans des cas comme ceux-là qu'on doit aussi avoir recours à la
sédation continue. Et donc, en relisant les définitions, on s'est rendu compte
que c'était sans doute trop restrictif, à la
lumière des commentaires qui nous ont été faits, dont les commentaires de notre
consultant expert. Donc, ça, c'est la première chose.
Puis,
l'autre élément, bien c'est qu'on est vraiment dans un continuum de soins. En
fait, on ne le spécifiait pas dans le
rapport, mais, dans la définition comme telle, on commençait avec
l'administration, alors que, là, c'est un soin. Puis, dans toute la logique de soins de fin de vie, soins palliatifs,
sédation, aide médicale à mourir, ça nous apparaissait très important de toujours partir du tronc commun
parce qu'on est dans le cadre des soins de fin de vie, parce qu'on m'a
aussi fait valoir toute la logique du Code civil, donc, de rester toujours en
phase avec ça.
Et
une autre différence… je vous le dis, vous ne l'avez pas demandé, mais moi,
j'aimais bien «médication» parce qu'on
parlait… ça nous simplifiait la vie de ne pas être obligés de dire «médicaments
ou substances», mais, en fouillant «médication»…
ce n'est pas un médicament, c'est le fait en lui-même d'administrer un
médicament, donc on ne pouvait pas retenir ça. Donc, on s'améliore
constamment, M. le Président.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : C'est parce que je me demande la nécessité de revenir…
à chaque élément, à chaque soin, de préciser qu'il s'agit d'un soin si, au paragraphe 3°, on l'a inclus dans la
définition de soins de fin de vie en l'énumérant. Parce que, si on conserve les «soins de fin de vie» avec
l'énumération de soins palliatifs, d'aide médicale à mourir, et qu'on considère
que la sédation palliative terminale fait
partie des soins palliatifs ou sera administrée dans le cadre des soins
palliatifs, et que l'aide médicale à
mourir est déjà incluse dans les soins de fin de vie, donc, est-ce nécessaire
de prévoir le mot «soins»?
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui. Outre le fait que je ne sais pas comment on
écrirait la définition, parce que c'est vraiment… puis ça, c'est quelque chose qui m'a été apporté
par l'équipe, c'est vraiment… ce qui est important, c'est plus le soin que le
geste. Donc, dans une optique d'accompagnement de la personne, de soulagement,
qui est vraiment l'optique qui transcende toute la réalité du projet de loi,
c'est vraiment l'idée de soins qui transcende. L'idée c'est peut-être d'être pédagogique mais d'expliquer toujours… au même
titre où, «soins palliatifs», bien on vient expliquer que ce sont des soins, là… oui, ils font partie des soins de fin
de vie, mais ce sont des soins, la sédation palliative, c'est un soin dans ce
cadre-là, puis l'aide médicale à mourir,
c'est une autre forme de soins. Donc, c'est l'idée de dire… Parce que sinon je
ne vois pas ce qu'on dirait, là. On dirait «gestes», on dirait… Parce
que ce sont des soins et puis…
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : En fait, ce qu'on pourrait dire, c'est peut-être le
débuter un peu comme la définition
qu'on retrouve à l'intérieur du rapport, c'est-à-dire «administration de médicaments ou de substances à une personne en fin de vie dans le
but de soulager ses souffrances en la
rendant inconsciente, de façon continue, jusqu'à son décès», donc
commencer avec l'administration comme telle sans nécessairement... Est-ce qu'on a besoin de préciser qu'il
s'agit d'un soin qui est offert
dans le cadre des soins palliatifs, puisqu'on
définit «soins palliatifs», puisque «soins palliatifs» est inclus dans la définition
de «soins de fin de vie»?
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Oui. Moi, je pense qu'il faut dire que c'est dans
le cadre des soins palliatifs, parce
que sinon on ne le dit nulle
part ailleurs que la sédation palliative, c'est un soin palliatif. C'est pour
ça.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme Vallée : D'accord. Et
donc, ce faisant...
Mme
Hivon : Parce qu'on a enlevé, vous vous rappelez, au paragraphe
3°, de la définition de «soins de fin de vie» la référence à «sédation palliative», qui créait beaucoup
de confusion et d'irritation, je dirais, de la part des gens de soins palliatifs. Donc, on a épuré la définition de
«soins de fin de vie», mais on se rattrape à l'alinéa 5° en
disant que la sédation palliative continue est un soin palliatif.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme
Hivon : Donc,
c'est offert… un soin qui fait partie des soins palliatifs.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Et, ce faisant, on empêche l'utilisation de la sédation... ou est-ce qu'on
empêche la sédation palliative continue dans d'autres contextes que les
soins palliatifs?
Le Président (M. Bergman) : …
Mme Vallée :
Par exemple, est-ce qu'il y a un protocole où est-ce qu'on retrouve à un
endroit une assurance que la sédation
palliative continue ne pourra pas ou ne pourrait pas être administrée, par
exemple… et là c'est toujours des cas d'espèce,
mais quelqu'un ne pourrait pas requérir ou demander la sédation palliative tout
simplement parce qu'ils ne sont pas en
phase terminale, mais ils ont peut-être cette souffrance dont on parlait tout à
l'heure et trouvent cette alternative-là comme étant une alternative qui
n'est peut-être aussi drastique que d'autres alternatives?
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Ils ne le pourraient pas parce que ça ne serait pas conforme à ce que
l'article 32 va venir prévoir en
termes de standards cliniques qui, comme je le disais tout à l'heure, doivent
venir prévoir qu'on est vraiment à tel stade pour que ce soit une bonne
pratique médicale.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Pour ce qui est
de la sédation palliative, moi, ça me va. Je ne sais pas si...
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
Mme
Hivon :
…importante, par exemple, si vous...
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : …oui, si vous étiez avec un grand brûlé, outre que ça ne
s'appellerait pas «palliative» parce
que la personne va revenir, la personne serait sous sédation, mais ce
n'est pas exactement le même protocole parce qu'on continuerait de l'hydrater,
par exemple. Donc, ce n'est pas la même chose parce qu'elle va revenir à la
vie.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Vous me faites penser à quelque chose. Le retrait de l'hydratation et de
l'alimentation avait été suggéré, je
crois… la référence au retrait de l'alimentation, et là je recherche ça. Est-ce
que c'est notre comité d'experts qui
nous avait indiqué qu'il serait peut-être opportun de prévoir... ou un des
groupes qui nous avait parlé, justement, de cette référence-là au retrait de l'hydratation et de l'alimentation, qui
devait peut-être être précisé à l'intérieur du projet de
loi afin de donner un consentement véritablement libre et éclairé à la personne
qui ferait une demande de sédation palliative
continue? Parce que ça s'accompagne, ce que j'ai pu comprendre, ça s'accompagne
de ce retrait, puisqu'on
dit : Ce n'est pas nécessaire puisque
la personne est sédationnée, le retrait de l'alimentation et de
l'hydratation va de pair. Mais donc est-ce qu'on ne devrait pas le prévoir, ce retrait d'hydratation là, afin que les...
vraiment faire une distinction, justement,
entre cette sédation dans laquelle on
plongera les grands brûlés, qui ne comprend aucunement cet arrêt, cette
interruption d'hydratation et d'alimentation?
• (17 heures) •
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : En fait, je
pense qu'effectivement le comité d'experts le suggérait, mais c'est qu'ils faisaient, eux,
une distinction, qui a été d'ailleurs
fort contestée par plusieurs du milieu des soins palliatifs, entre
«sédation continue» et «sédation
terminale». Et c'est ça qui a semé beaucoup
de… je dirais, d'intérêt,
de passion… et qu'il y en a qui sont venus nous dire que, dans le rapport Ménard, on parlait de sédation terminale
en disant que la sédation terminale, ça sous-tend le retrait. Et là ce que les gens de soins palliatifs sont venus nous dire : Bien, il ne faut pas écrire ça parce que,
dans le fond, ça
va de soi. Une bonne pratique médicale de sédation palliative continue, c'est
quand, de toute façon, la personne ne
s'alimente plus vraiment, peut-être est hydratée mais très peu — donc,
ce n'est pas un geste drastique — des
semaines et des semaines avant l'échéance de son décès dit naturel.
Donc, moi, je pense
que de mettre ça, ça ne ferait pas consensus
chez les experts de soins palliatifs, compte tenu de ce que j'ai senti comme
réaction à ce que Me Ménard avait mis dans son rapport. Puis ça va être
évidemment présent dans les
protocoles. Donc, dans le protocole, ça va venir le spécifier, mais c'est plus
un élément de protocole que de définition.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Merci, ça va. Je
pense que mes collègues avaient des...
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Oui. Juste, on se rappelle, il me
semble qu'au niveau des gens qui font
des soins palliatifs il y en a
même qui n'étaient pas d'accord à faire de la sédation palliative continue. Est-ce que
c'est possible? Je sais que la majorité
le font, mais je sais qu'il y a même des gens qui associaient ça, là, avec l'euthanasie. Pour eux autres, là, c'était sous le concept de l'euthanasie.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Il y a effectivement, à mon souvenir, quelques rares groupes qui
sont venus nous dire que, pour eux,
ce n'était pas une pratique acceptable. Donc, pour eux, la seule chose,
c'étaient des soins palliatifs en enlevant «sédation palliative continue». Mais, à mon souvenir, ce
n'était pas, je dirais, des experts de soins
palliatifs, parce qu'à mon souvenir autant les gens de Michel Sarrazin que du réseau,
que de l'alliance nous disaient que c'était une pratique reconnue, quand
même pas très fréquente, mais reconnue.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Non, l'objectif, c'était seulement de le
rappeler quand même, qu'il y a des gens qui, pour eux autres… ça faisait partie... même que ça ne faisait pas partie
des soins palliatifs, mais, avec le projet de loi, en tout cas, au
Québec, il va être incorporé dans les pratiques de soins palliatifs. Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Bergman) :
Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur le paragraphe 5°? Alors...
Mme
Hivon :
...M. le Président. Je pense que c'est une grande avancée de reconnaître
formellement dans la loi la sédation
palliative continue parce que, on s'en est rendu compte, il y a énormément de
confusion, tout le monde ne s'entend pas
sur ce que c'est, et c'est une manière aussi de démystifier et de faire la
pédagogie. Donc, je pense que c'est très bien. Les gens avaient demandé lors des travaux qu'on vienne
baliser la sédation, qu'on vienne l'encadrer d'un protocole pour pas que
ça se fasse n'importe comment, comme
parfois, malheureusement, c'est le cas, de ce qu'on comprend à l'heure
actuelle, avec des mauvaises
pratiques, justement, comme des administrations de doses accentuées de
morphine, ce qui n'est pas la bonne
pratique pour rendre quelqu'un inconscient, évidemment. Donc, je pense que la
notion de sédation est une belle avancée dans notre projet de loi.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon, sur le paragraphe 5°.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Oui. Juste rappeler qu'il y a eu un éclaircissement par rapport à la question
de la morphine versus la sédation
palliative, là. Je veux dire que, le médecin qui garde son patient inconscient
à cause de la morphine, j'aimerais ça quand même qu'on ait d'autres
discussions puis des clarifications.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Je veux juste comprendre le député...
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Non, c'est correct. C'est beau.
Le Président (M. Bergman) :
Ça va? Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur le paragraphe 5°?
Mme
Gadoury-Hamelin :
Moi, je...
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Oui. Bien, j'aurais juste le goût de dire que, suite à tout ce qu'on a entendu
dans la commission, je suis très
contente qu'on retrouve le mot «continue» dans la «sédation palliative
continue» au lieu de ce qu'on avait entendu, «terminale». Moi, en tout
cas, ça…
Le Président (M. Bergman) : Mme la
députée, merci beaucoup.
Mme
Gadoury-Hamelin :
…je trouve, ça répond à...
Le Président (M. Bergman) :
Alors, le paragraphe 6°. Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui.
Alors, amélioration continue, M. le Président.
Donc :
«6° "aide médicale à mourir" un soin consistant en
l'administration de médicaments ou de substances par un médecin à une personne en fin de vie, à sa demande, dans le but de soulager ses
souffrances en entraînant son décès.»
Le
Président (M. Bergman) : Est-ce qu'il y a des
commentaires sur le paragraphe 6°? Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Oui. Dans un premier temps, bien heureuse qu'on puisse avoir une définition du
concept à l'intérieur du projet de loi. Je pense que c'est
hyperimportant.
Je reviens
avec le choix des mots. J'aurais tendance à choisir davantage le terme
«intervention» que «soin» pour les
motifs qui ont été invoqués plus tôt. Puis je reviens avec mon Petit
Larousse puis mon Petit Robert, et, dans la définition de «soin»… une des définitions de «soin» du Larousse
est : «Moyens par lesquels on s'efforce de rendre la santé à un
malade.» Et la définition du Robert, comme je disais tout à l'heure,
c'était de… en fait, la définition de «soigner» étant «s'occuper de guérir un mal». Et «intervention»,
bien c'est plutôt un «acte». Donc, c'est vraiment : on pose un geste,
on pose un acte. Et je sais aussi
que, pour certaines personnes qui sont venues en commission parlementaire… on
ne parlait pas de la définition à ce
moment-là, on parlait plutôt de l'article 26 et de l'introduction du concept
d'aide médicale à mourir, mais, pour certaines personnes, le concept
d'aide médicale à mourir allait à l'encontre de la philosophie des soins. Je
comprends que la loi médicale demandait certaines modifications, qu'on est dans
un processus constant d'évolution, d'adaptation,
de redéfinition des termes, et tout ça, mais est-ce que le geste qui est posé
par le médecin est… Dans le fond, c'est un acte.
Le médecin va
administrer un médicament, va administrer une substance qui aura un effet qui
est fatal. Est-ce qu'on peut
philosophiquement dire : C'est vraiment un soin ou c'est vraiment :
On met fin à la souffrance d'une personne, on ne guérit pas la souffrance de la personne, on y met fin parce qu'on
met fin à la vie de la personne? Et donc d'où peut-être le choix… Et
puis moi, j'étais un petit peu plus… Puis j'ai eu quelques bonnes discussions
avec Mme Joncas…
Une voix : …
• (17 h 10) •
Mme Vallée : …Boudreau,
pardon, et le député de Jean-Talon sur cette question-là, à savoir :
Est-ce qu'on devrait… Parce qu'on avait aussi pensé à une définition d'«aide
médicale à mourir» qui est différente. Je vous la lis : «Intervention
pratiquée par un médecin visant à mettre intentionnellement fin à la vie d'un
patient, à la demande de celui-ci, afin de mettre fin à ses souffrances.» Et
là, lors de la rédaction, on se disait : Est-ce qu'on choisit «soin»? Est-ce que c'est un «acte»? Est-ce que c'est un
«acte médical»? Est-ce que c'est une «intervention»? Est-ce que c'est… Et, à ce moment-là, on avait pensé au terme
«intervention» plus qu'au terme «soin», puis aussi à la lumière des
représentations que certains groupes
nous ont formulées. Et évidemment le… le rapport, pardon, ne définit pas l'aide
médicale à mourir, mais, dans les
définitions, il y avait la définition d'«euthanasie» qui prévoyait «l'acte qui
consiste à provoquer intentionnellement la mort d'une personne, à sa
demande, pour mettre fin à ses souffrances». Je comprends qu'on choisit
ici le terme d'«aide médicale à mourir» et qu'on réfère évidemment au rapport
de la commission.
On a choisi
d'utiliser le terme «aide médicale à mourir», mais il n'en demeure pas moins
que c'est une… en tout cas, à notre
avis, une «intervention». La définition d'«euthanasie» prévoit «acte». Je
trouvais qu'«intervention» avait plus un
caractère médical qu'un «acte». Il y a cet élément-là aussi, là. Ça se fait
dans un contexte très, très particulier que sont les soins de fin de vie. Donc, on ne peut pas
banaliser non plus et prétendre que ce n'est pas… Si c'est accompagné
médicalement, à mon avis, le terme
«intervention» était plus approprié que le terme «acte», évidemment. Et par
contre le terme «soin»… compte tenu
de la finalité de l'intervention en question, j'ai un petit peu de difficultés
à utiliser le terme «soin» pour la définition de l'«aide
médicale à mourir», ce qui n'en fait pas pour autant… Compte tenu des
explications données par la ministre,
ça ne change pas pour autant, à mon avis, l'inclusion de l'aide médicale à
mourir dans la grande notion de soins de fin de vie. Les soins de fin de
vie comprennent des soins, comprennent probablement aussi des interventions médicales. Parce que vous faisiez référence à
l'avortement qui était un soin mais qui, dans sa définition même… c'est
une intervention. Et certains diront : Bien, on s'enfarge dans les
virgules.
Mais les mots
parlent beaucoup, et le choix des mots est très important. Et, dans le contexte
de la finalité de l'aide médicale à mourir, le terme «intervention»
m'apparaissait approprié.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui.
Alors, bien, écoutez, j'ai bien entendu les propos de ma collègue.
Moi, je pense
que le terme «soin», c'est un terme porteur. C'est un terme porteur parce que
c'est l'idée centrale du projet de
loi. Donc, on recherche une cohérence, on recherche une cohérence dans la
philosophie aussi. Et effectivement une
intervention, c'est un type de soin.
Mais pourquoi, là, soudainement on serait un peu en rupture, je dirais? Il
pourrait y avoir une volonté de faire
ça. Moi, ce n'est pas la mienne. On serait un peu en rupture parce que tout le
but de ça, c'est de soulager les
souffrances d'une personne avec les soins palliatifs, parfois avec la sédation
et, de manière tout à fait exceptionnelle, pour les personnes qui ne sont capables de trouver des réponses à leurs
souffrances de les soulager avec l'aide médicale à mourir. Et je pense que c'est très important de rester dans une
cohérence parce que moi, j'y tiens beaucoup. C'est pour ça que je rappelle toujours que ce n'est pas un
projet de loi sur l'aide médicale à mourir, c'est un projet de loi très global
pour répondre aux besoins d'une personne en fin de vie, au premier chef,
soulager ses souffrances. Premier élément.
Deuxième
élément. C'est sûr que, quand on va dans les définitions, je dirais, usuelles
de «soin», ce n'est pas la même chose
que dans un contexte légal, comme du Code civil ou de nos lois en santé. Le contexte
usuel, je vous dirais que les soins
palliatifs ne rentreraient pas comme des soins. Parce que rendre la santé… on
ne rentrera pas la santé avec les soins
palliatifs, pas plus qu'on va guérir, qui était l'autre définition. Donc, il
faut aussi s'adapter à notre réalité propre qui est en évolution. Et donc ce qui est dans un dictionnaire usuel
n'est pas la même réalité que la réalité médicale ou la réalité légale, légistique, je dirais. Et on part
de toute la philosophie des soins de fin de vie. Donc, à partir du moment où on
se comprend qu'on est dans une logique de
soins de fin de vie, bien je ne pense pas qu'à un moment donné on peut se
dissocier puis, là, dire : Bien là,
dans la définition d'«aide médicale à mourir», ce n'est plus un «soin». Parce que
c'est compris dans la logique de
soins de fin de vie, on définit les «soins palliatifs», la «sédation palliative
continue» comme un «soin». La
«sédation palliative» aussi, on pourrait dire, c'est «l'administration d'un
médicament ou d'une substance de façon
continue dans le but de rendre inconscient», mais c'est un soin parce qu'on
part… Moi, je pars de la perspective de la personne, de l'accompagnement
à la personne plutôt que de la perspective du médecin ou du soignant.
C'est sûr
que, si on est de la perspective du soignant, lui, il administre. Il administre
une sédation, il administre une aide
médicale. Mais, quand on part de la perspective de la personne, qui est au
centre de notre projet de loi, on part vraiment d'un accompagnement,
d'un soin. Donc, deuxième élément.
Puis l'autre
chose que je vous dirais, outre l'idée de rupture, puis tout ça, on a sorti
les… Quand je vous disais tantôt tout
ce qui peut être un «soin» au sens du Code civil, parce qu'on se colle à la réalité du Code civil et des soins
au sens du Code civil, je vous ai
donné plusieurs exemples, jusqu'à l'expérimentation,
l'hébergement, l'administration d'un contraceptif,
l'alimentation, bon, tout ça, mais… premier commentaire dans le… c'est le code civil annoté, c'est : «La notion de soins
retenue par le législateur comprend l'ensemble des interventions — donc,
effectivement, l'ensemble des interventions — médicales
sur la personne humaine sans égard à leur finalité.» Donc, moi, je trouve ça tout à fait clair, puis ça m'a vraiment…
je me suis dit : On est vraiment dans un contexte où on dit «des
interventions médicales sur personne humaine
sans égard à leur finalité», voilà ce qui est un «soin» au sens du Code civil.
Et je suis convaincue, donc, que c'est la bonne chose de rester dans
cette logique-là.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme Vallée : C'est pour dire à quel point on peut lire le même
texte, le voir et en avoir une application différente. Justement, de par ce texte-là,
je choisirais le terme «intervention», sachant que, compte tenu de ce que vous venez de lire, l'aide
médicale à mourir, même
ayant «intervention», serait reconnue comme étant un soin, et d'autant plus
qu'elle entre dans la définition de
nos «soins de fin de vie», elle est énumérée dans les soins, dans ce qui est
offert à titre de «soins de fin
de vie»…
Une voix : Au paragraphe 3°.
• (17 h 20) •
Mme Vallée : …du paragraphe
3° — oui,
merci.
Mais il n'en
demeure pas moins que c'est une intervention, parce que le but n'est pas de
soigner la personne, au sens usuel du terme, on soulage les souffrances.
En fait, on met fin aux souffrances, on ne les soulage pas, parce que, «soulager», je me demande si ça n'a pas un
caractère temporaire. On met fin aux souffrances, on les abrège. En mettant
fin à la vie de la personne, il n'y a plus
de souffrance, il n'y a plus rien, c'est une finalité totale. Donc, on ne
soulage pas les souffrances. On va
soulager les souffrances pour quelqu'un qui… on les soulage, on les apaise,
mais là on y met fin. Puis il n'y a
rien de mal, à moins qu'on me dise qu'il y a une raison vraiment importante de
ne pas utiliser le terme «intervention». Mais, même la question de
soulager les souffrances, je dirais, est-ce que c'est vraiment soulager les souffrances ou de mettre un terme aux souffrances
de la personne? Parce que c'est beaucoup plus... c'est plus profond. L'«aide médicale à mourir»
est beaucoup plus profonde que la «sédation palliative continue». La sédation
palliative continue évidemment va
mener à la mort de la personne, mais le but de l'administration de la sédation
n'est pas cette finalité-là, c'est
vraiment de soulager les souffrances de la personne. Donc, la personne est dans
un état tel que, si on n'administre pas la sédation, elle va souffrir.
On administre la sédation, et la personne est apaisée, est soulagée.
L'«aide
médicale à mourir», c'est beaucoup plus fort, dans ce sens que ça a un
caractère terminal évidemment, et on
met fin à la souffrance de la personne. On ne la soulage pas, on y met fin
catégoriquement. L'objectif, c'est d'y mettre fin, ce n'est pas de dire : Tu ne souffriras pas et demain
peut-être que tu vas souffrir un petit peu. Demain, il n'y en a pas, de
demain. Donc, on est vraiment dans un concept distinct qui est vraiment
distinct du soin traditionnel auquel on est habitués.
Le soin traditionnel peut supposer qu'il y aura… bon, au lendemain de l'administration
du soin, il y aura un suivi, il y
aura une autre évaluation, mais, dans le cas de l'aide médicale à mourir, c'est
l'intervention finale qui sera posée envers la personne. On va soulager
les souffrances d'une façon finale, on y met fin. Même soulager les
souffrances…
Je
pense que l'objectif de l'aide médicale à mourir, c'est vraiment de mettre fin.
Puis, on m'indique, la définition
de «soulager» dans le Larousse, c'est
de «rendre un malmoins pénible, plus supportable». Bien là, c'est parce qu'on ne le rend pas moins pénible, plus supportable, on y met
fin, au mal, on met fin, et c'est une solution ultime, d'où tout l'encadrement
qui sera prévu à l'article 26. Mais il n'en demeure pas moins que c'est ça.
Et
c'est aussi ce qu'on retrouvait dans les définitions du rapport, c'est-à-dire
que l'objectif, c'était de mettre fin à
la souffrance. Lorsque, dans le rapport et dans les conclusions du rapport… et
je ne faisais pas partie de votre équipe, mais on a choisi d'utiliser l'aide… de mettre en place une aide médicale
à mourir sous une forme d'euthanasie et on a fait un choix de ne pas
aller vers le suicide assisté. Ça, c'est un autre élément aussi dans le cadre
de la définition, là. Je comprends que c'est
vraiment un acte. L'intervention est directe, donc elle est médicale, elle est…
C'est le médecin qui va administrer
le médicament ou la substance, ce ne sera pas remis à la personne pour que la
personne se l'administre par
elle-même. Donc, on comprend. Et ça, ça vient aussi clarifier certaines interprétations
du projet de loi qui avaient été faites,
parce que, bon, à la lumière de certains articles, il y a des gens qui
croyaient qu'une personne pouvait, suite à la prescription d'un médicament ou d'une substance, elle-même l'ingérer
sans nécessairement l'encadrement médical. Puis on voit clairement que
ce n'est pas du tout l'objectif du projet de loi. Mais, pour moi, je le vois
vraiment comme une intervention et qui a un
but de mettre fin aux souffrances de la personne qui est vraiment rendue à ce
moment de la vie où il n'y a plus de sens, il n'y a aucun sens et il n'y
a pas de volonté d'aller plus loin.
Donc,
on ne veut pas rendre la souffrance moins pénible, moins supportable, on veut y
mettre fin. Et je pense que ce sera
aussi dans toute l'évaluation du médecin, et cet élément-là de volonté de
mettre un terme définitif à la souffrance du patient… la volonté du
patient de mettre un terme à sa souffrance sera un élément clé également.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui. Bien, moi, je vous dirais deux éléments :
cohérence, cohérence avec nos définitions, on part toujours de «soins».
Donc,
«soins de fin de vie», on le consacre, c'est un soin de fin de vie, mais on
serait en rupture quand on arrive là. «Sédation
palliative», c'est une intervention aussi, mais on ne met pas le mot
«intervention», on met le mot «soins». Moi, je vous dis, je me situe de la perspective de la personne, je trouve ça
important. L'idée du continuum de soins est là dès le départ, dans notre premier article. C'est ça qui
est la trame du projet de loi. Cohérence avec le Code civil, parce que le
Code civil, il parle des «soins», il
explique tout ce que ce sont des soins, mais on revient tout le temps à la
notion de soins. Puis moi, je ne pense pas que quelqu'un va demander une
aide médicale à mourir pour mourir. Dans le fond, c'est philosophique aussi, il va savoir qu'il va mourir, O.K., mais ce qu'il
veut, c'est arrêter de souffrir, c'est ça qui a la… Non, mais, dans notre philosophie de la loi… Puis là on
ne se mettra pas, je pense, à passer des jours et des jours sur… On peut le
voir de différents points de vue aussi, là. La personne, ce qu'elle souhaite,
c'est arrêter de souffrir, arrêter de souffrir physiquement, existentiellement, psychologiquement, parce que c'est
intenable en fin de vie, parce qu'une heure de sa vie est comme une semaine de sa vie quand elle était
en santé, parce que ça n'a aucun sens. Comme plusieurs sont venus nous le dire,
c'est rare que quelqu'un va nous dire : Vous savez, médecin, je veux
mourir. Ce que les gens vont dire, c'est : Je n'en peux plus, je
n'en peux plus de vivre, je n'en peux plus de souffrir.
Donc,
je ne veux pas jouer sur les mots, moi non plus, là, mais ce n'est pas pour
rien que c'est rédigé comme ça, c'est
parce qu'il y a une trame, il y a une trame de soins, de cohérence,
d'accompagnement de la personne jusqu'à la toute fin de sa vie pour soulager la personne dans ses souffrances à partir de
son point de vue et aussi parce que, on le dit depuis le début, c'est le soin ultime, l'option ultime
pour soulager les souffrances qui n'arrivent pas à être soulagées. C'est
toujours ça que je répète, c'est ça
que le Collège des médecins a véhiculé, c'est ça, l'idée, puis je pense que
c'est très important.
C'est
sûr qu'il y a une différence, là. Puis c'est pour ça que, dans les définitions,
il y a une différence aussi. Et il y en a une que c'est dans le but de soulager ses souffrances en la rendant
inconsciente jusqu'à son décès. Mais moi, je pense que, si c'est une bonne pratique… La personne, on
met fin à ses souffrances en sédation. Là, normalement, elle n'est pas supposée être soulagée temporairement. En tout
cas, j'espère pour elle qu'elle ne souffre pas, là, parce que sinon ce n'est
pas une bonne pratique. Donc, c'est la même
idée. Il y a une nuance, on se comprend. Selon moi, elle est ténue. Selon
certains, elle est énorme. Puis là on rentre
dans des considérations philosophiques. Mais moi, je vous l'explique. Pour
ces raisons-là, je pense que c'est important de garder cette définition-là puis
cette référence.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault :
Merci, M. le Président. Peut-être juste une petite spécification. Ici, j'ai une
définition du mot «soin» au sens médical,
où on réfère à des attentions qu'on a pour soulager le patient. Donc, c'est
«attentions qu'on a pour soulager», quand on parle de soulagement de souffrances et qu'on
n'arrive pas à soulager avec une médication… peut finir par l'aide médicale à mourir, aussi, dans le
but de soulager des souffrances. Alors, je pense que ce n'est pas... c'est
en lien avec un «soin», même si on n'aime pas ça tout le temps entendre ça.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député d'Orford.
M.
Reid : Oui. Merci,
M. le Président. Moi, je trouve que la discussion est extrêmement intéressante.
On n'a peut-être jamais été aussi loin quand on était en commission.
Moi, pour ma
part, je vais vous dire qu'à condition de garder le paragraphe 3° où on
dit : Soins de vie, c'est des «soins
palliatifs offerts aux personnes en fin de vie», et «l'aide médicale à mourir»,
je ne vois pas beaucoup de problèmes à
remplacer «un soin» par «une intervention» dans le paragraphe 6° parce que je
pense que ça veut dire que ça reste un soin.
On la définit comme tel, même si on en parle, quand on le détaille, comme une
intervention. Et je pense que, même si... enfin, je n'ai pas l'impression que ça change grand-chose sur le plan de
la législation. Des législateurs pourraient nous le dire plus, mais... Par contre, on dit :
Évidemment, c'est des mots et qui ont un sens et que ça correspond peut-être à
une certaine cohérence. Mais ce sont des mots, ce sont des mots, Mme la
ministre, comme...
Une voix : ...
M.
Reid :
Non. Ce sont des mots. Mme la ministre, comme vous le savez, on a entendu
beaucoup de monde, et vous avez
entendu encore plus de personnes — moi, je n'étais pas dans les dernières
consultations — pour qui
ces mots ont un sens important et peut-être même qui sont un irritant,
jusqu'à un certain point, alors qu'«intervention», c'est quelque chose qui est probablement plus facile à
accepter. Et, à mon avis, puisque... Au sens où je le vois, je ne vois pas
une grosse distinction.
Je ne vois
pas de distinction fondamentale entre la définition d'«aide médicale à mourir»
comme une «intervention». Et, en
partant de ce que ma collègue ici a dit, ça donne aussi... Quand on parle de
«sédation palliative continue», pour beaucoup
de monde il s'agit effectivement d'un «soulagement pendant que la vie continue
d'exister». C'est un petit peu ce que
j'ai compris de l'intervention. Et effectivement c'est quand même une vision
des choses qu'il, peut-être, faut respecter chez beaucoup de monde,
alors qu'effectivement l'aide médicale à mourir, c'est une… on arrête la
souffrance, et la souffrance est terminée.
Donc, il y a quand même... dans l'esprit de plusieurs de nos concitoyens, il y
a peut-être effectivement une
distinction qui… si ça ne pose pas de problème, peut-être qu'on pourrait
essayer de respecter cette distinction-là qui est dans l'esprit de plusieurs
concitoyens. À mon avis, en tout cas, à ma lecture aujourd'hui, je ne vois pas,
pour ma part, beaucoup de... je ne
vois pas de problématique et je ne pense pas que... enfin, pour ma part, là, je
ne vois pas que ça a un impact négatif sur le fait qu'on parle bien d'un
continuum de soins.
D'ailleurs, c'est quand même un soin parce que
l'article 3 dit que c'est un soin. Tu sais, c'est dans ce sens-là. S'il n'y avait pas le paragraphe 3°, je serais
beaucoup plus réticent. Mais, comme il y a le paragraphe 3°, je trouve que
le 6°, si on remplaçait le mot «soin» par...
«un soin» par «une intervention», je ne vois pas beaucoup, disons, de problèmes
que ça puisse causer. Ça vaut peut-être la
peine qu'on y réfléchisse sans nécessairement arriver à la réponse tout de
suite, là, mais...
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
• (17 h 30) •
Mme
Hivon :
Oui. Bien, écoutez, je ne répéterai pas une ixième fois. Moi, je pense qu'il y
a une logique. Avec les légistes,
c'était la même chose : en termes d'interprétation, c'était important de
garder une cohérence. On consacre «soins
de fin de vie» à 3°. C'est un soin de fin de vie. Quand on répète nos soins, ça
demeure un soin. C'est sûr qu'il y a des gens... On a entendu les gens, là. Il y a des gens qui sont contre, pour
qui ça n'a aucun sens. Ils sont contre l'aide médicale à mourir. Je veux dire,
ils sont contre, puis il faut
respecter ça. Ils sont contre cette réalité-là. Ils sont contre l'idée que ça
peut être l'option ultime, le soin ultime
pour des gens qui souffrent en fin de
vie. Mais, à partir du moment où,
oui, ça fait partie, dans notre projet de loi, des soins de fin de vie,
moi, je pense qu'il faut être cohérents. Ce que l'équipe a dit quand les choix ont été faits, aussi, c'est qu'il
faut être cohérents avec ces notions-là, qu'on consacre dans le projet de loi,
de continuum de soins, de soins de fin de vie.
Donc, si on
est pour faire des définitions, puis on a fait un grand pas, les légistes ont fait un grand pas, on met
des définitions, mais, pour nous, c'est important qu'il y ait une cohérence
dans les définitions.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci, M. le Président. On va les aider à marcher vers l'avant. Moi...
Une voix : …
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Je
suis d'accord, mais c'est pour ça, d'ailleurs. Ce n'est pas parce qu'ils ont fait quelque chose que c'est le point final,
sinon on n'aurait pas de raison d'être ici.
Moi, honnêtement, là, la cohérence me demande d'intervenir pour «intervention». Puis, en
passant, c'est philosophique, là, parce qu'il va y en avoir, de la philosophie, ici, là. On n'a pas le choix, là.
Moi, personnellement, là, il y a une rupture entre «sédation palliative continue» puis «aide médicale à mourir». Ce n'est pas juste un continuum de soins, là, on
passe à une autre étape. La différence, un, c'est :
tu soulages, tu mets dans le coma et tu laisses la nature faire, mais, l'aide médicale à mourir, là, on pose le geste.
Et, en passant, il y a une histoire de délai, là. Dans l'aide médicale à mourir, on ne pense pas que la personne va prendre 10 heures à mourir, là, ça va se faire dans
très peu de temps après. Et, pour moi, là, je pense que c'est vraiment une intervention qu'on fait. Et, la notion de
soins, je suis d'accord avec Pierre, on la retrouve dans le 3. Tu sais, honnêtement, le grand pas qu'on fait dans de projet de loi, là, si ce n'était pas de ces trois mots-là, «aide médicale» à «mourir», là on s'entendrait très, très, très rapidement, puis tout le
monde serait venu nous dire :
Faites-le, là, il n'y a aucun problème.
Mais, à cause de cette notion-là, on fait une rupture puis, en passant, on fait
une grosse rupture avec ce qui se faisait
avant. Et moi, je pense que notre intervention, ça va satisfaire beaucoup
de gens en disant : C'est vrai. Ceux qui veulent le faire le
feront, là. Parce que c'est ça, la différence. Tout le monde va probablement
faire la première partie, mais, celle-là, il n'y a
pas tout le monde qui va vouloir la faire. Puis, si on le considère
comme une intervention qui… tout le
monde, on s'entend, c'est un soin, déjà je
pense qu'on respecterait la rupture qu'on est en train de faire. Et moi, je
pense que c'est plus cohérent de marquer
«intervention» que de continuer avec la notion de soins puis de faire accroire
au monde que c'est juste l'étape après.
Ce n'est pas
juste l'étape après, là, c'est la différence entre soulager puis prendre un
certain temps puis laisser la nature
faire, juste poser l'acte que la personne va mourir. On va le dire, là, on ne
veut pas prononcer le mot, là, quand que
les gens nous parlent d'euthanasie, hein, même si on a trouvé un nouveau
concept, là… mais, si vous voulez mon avis,
regardez n'importe quel livre de bioéthique, on est dans le domaine de
l'euthanasie, là. Ça fait que moi, j'aimerais ça peut-être que... Moi,
personnellement, ce n'est pas juste une question, là... Moi, ma
cohérence à moi me demande, là… puis
je vous le dis sincèrement, là, j'aimerais mieux le mot «intervention» que le
mot «soin». Puis ça, c'est le coeur de tout le projet de loi, en passant, là, c'est la partie la plus difficile.
Ça fait que je ne vous demande pas de faire un grand pas en
avant, mais je vous demande au moins d'en faire la réflexion.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Bien, écoutez, c'est ça, philosophie pour philosophie, pour
moi, on n'est justement pas... on est dans une grande différence. Mais,
pour vous rapporter à certains propos, qu'on avait eus à l'époque, du Collège
et du Barreau à qui on posait la question : Est-ce qu'on est dans une évolution ou une révolution?, on
était dans une évolution compte tenu de la pratique.
Et, écoutez, ça dépend du point de vue duquel on
se place. Vous savez, la sédation palliative continue, dans certains contextes, versus l'aide médicale à mourir, je ne pense qu'on est nécessairement en si grande rupture. Je comprends tout à fait, là, l'idée que
certains viennent nous dire... Je comprends tout ça, là, la nature, la mort
naturelle. Il y a une différence importante,
là, je le conçois tout à fait. Mais, pour moi, la trame, elle est, je dirais,
philosophique aussi, de dire qu'on
est dans un continuum. Pour moi, on est dans un continuum, et le continuum nous
amène parfois dans une situation sans
issue, où les soins traditionnels palliatifs ne fonctionnent pas pour soulager
la personne en fin de vie. Il n'y
a personne qui souhaite ça. Il n'y a personne qui souhaite
arriver à l'aide médicale à mourir. M. Ghislain Leblond, qui est un tenant, un défenseur, partout, de l'aide médicale à mourir, nous dit : J'espère que jamais je ne vais avoir recours à l'aide médicale à mourir, mais, si c'est la seule manière de
soulager mes souffrances... Il ne dit pas : Si c'est la seule manière de
mourir ou si un jour je veux mourir. Il dit : Si, un jour, je souffre
tellement… Puis c'est ça que les gens nous apportent comme
témoignage : C'est une question de souffrance.
Donc, pour
moi, c'est très important. Puis il
y a une notion qui est constante, qui
est une notion de bienveillance, qui
est une notion d'accompagnement. Oui, ça peut paraître… C'est parce que
sinon moi, je trouve que, oui, il y a une rupture
dans la philosophie, et, pour moi, il
n'y a pas de rupture dans la
philosophie. Ce n'est pas le même soin, ce n'est pas la même réalité, ce n'est pas la même
finalité exactement. Je suis tout
à fait d'accord avec ça. Mais, pour
moi, il n'y a pas de rupture dans la philosophie de ce qu'on est
en train de faire. C'est d'accompagner la personne pour qu'elle puisse se
rendre à son décès sans souffrir, en
soulageant ses souffrances. Donc, il
y a différentes manières, il y a
une manière qui est plus, effectivement, définitive. Mais la sédation palliative continue, c'est définitif, parce qu'une foi que vous avez décidé que c'était continu puis que vous ne réveillez
plus la personne vous ne la ramènerez pas, là, parce qu'elle ne sera pas dans
l'état où elle était avant.
Donc, oui, il
y a une différence, mais, pour moi, on est dans un continuum. Pour moi, l'idée
de bienveillance, elle est importante. Puis les gens, là, qui ne sont pas
d'accord puis qui ne sont pas d'accord avec l'idée de soins de fin de vie, ils
ne seront pas plus d'accord, qu'importe ce qu'on met, qu'importe la définition,
qu'importe qu'on en mette une ou non. Ils
sont contre l'idée même d'aide médicale à mourir. Donc, on ne réunira pas
personne en changeant un mot dans une définition,
mais ce à quoi on va se nuire, c'est de la cohérence : la cohérence dans
l'interprétation, la cohérence dans notre philosophie du projet de loi.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Je n'arrive pas à comprendre que d'utiliser «intervention» plutôt que «soin»
viendrait modifier quelque chose dans
la cohérence des interventions. S'il faut peut-être à «sédation palliative»
utiliser «intervention» plutôt que
«soin» afin de maintenir cette cohérence-là, allons-y puisque, justement, le
paragraphe 3° prévoit la définition de «soins de fin de vie».
Mais, pour
revenir à la question de ceux et celles… mes propos ne sont pas exclusivement
pour satisfaire… ne visent pas
exclusivement à satisfaire ceux et celles qui nous ont manifesté leur désaccord
face au principe de l'introduction de
l'aide médicale à mourir. Moi, je vous dirais, Mme la ministre, que, et je l'ai
mentionné, dans mes interventions, je suis encore
un petit peu ambivalente, mais je suis quelqu'un qui est, comme plein d'autres
de mes collègues, très ouvert d'esprit et
j'ai une très haute considération pour le choix, la liberté de choix des
individus. Mais, en même temps, et tel que
je l'ai dit dans le passé, pour moi, il est important que les choses soient
claires. On n'a pas à faire un patinage artistique ou un… pas un patinage artistique, ce n'est pas le
terme que je ne veux pas… mais, pour moi, les choses doivent être claires.
L'aide médicale à mourir, c'est une intervention
qui a une finalité très particulière. On a beau prétendre que ce n'est pas
nouveau, oui, c'est nouveau, oui, c'est du droit nouveau.
On est en train de consacrer, à l'intérieur d'un
projet de loi, une série d'actes qui n'ont jamais été consacrés à l'intérieur d'un projet de loi au Québec. C'est
hyperimportant. Et l'aide médicale à mourir, elle sera vraisemblablement
offerte à des gens. Il ne faut pas créer
d'ambiguïté du tout. L'objectif de l'aide médicale à mourir, c'est de mettre
fin aux souffrances, c'est… Le décès…
On peut philosopher et dire : Non, le décès n'est pas l'objectif, puisque
ce que les gens souhaitent, c'est mettre fin à leurs souffrances. Ce à
quoi je répondrais : Bien, on n'a pas besoin d'introduire l'aide médicale
à mourir, puisqu'on a la sédation palliative continue qui place la personne
dans un coma et qui met fin à sa souffrance. Elle ne met pas fin à la vie, mais
elle met fin à la souffrance.
• (17 h 40) •
Donc, si
l'objectif, c'est de mettre fin à la souffrance de façon… et mettre fin à la
vie, bien soyons capables de le nommer,
de le dire clairement, au même titre que les choses ont été tellement
clairement expliquées et identifiées dans le rapport de la commission.
Moi, c'est avec ça que j'ai travaillé et aussi avec le mémoire des experts.
Donc, je mets de côté, là... j'ai mis
de côté bien des choses. On met de côté bien des trucs qui nous ont été
proposés et suggérés d'une façon... Travaillons de façon très objective,
là. L'objectif, là, c'est… l'objectif est d'être objectifs.
Et je
regardais la suggestion que les experts nous avaient formulée, c'était,
bon : «Fait pour un professionnel de la santé de fournir un service médical, qu'il s'agisse de soins ou de toute
autre intervention, dans le but d'aider son patient à mourir dans des conditions strictes, à la demande
de ce dernier, soit en l'aidant directement à mourir.» Je comprends que ça, c'était flou, parce qu'on laissait
sous-entendre, là, qu'il y avait peut-être une forme de suicide assisté, puis ce n'était pas
du tout là où on souhaitait s'en
aller. Parfait. Ça, c'était la définition qui était à la page 5 du mémoire que
nous ont soumis Me Ménard, Me Giroux
et Me Hébert. Mais, quand on reprend les propos, et je ne sais pas lequel
d'entre les membres a écrit ces recommandations-là, mais les
propositions sur l'aide médicale à mourir dans le rapport, je pense que c'est important
d'y référer, on suggérait clairement que «nous croyons qu'une option
supplémentaire est nécessaire dans le continuum
de soins de fin de vie : l'euthanasie sous [...] forme d'une aide médicale à mourir». Donc, on prend cet élément-là, cette phrase-là, on retourne dans le lexique, dans
les bases de la discussion, à la page 17, dans ce que signifient les mots,
et, à la définition d'«euthanasie», on prévoit
qu'il s'agit d'un «acte qui consiste à provoquer intentionnellement la mort
d'une personne à sa demande pour mettre fin
à ses souffrances». Bon, je comprends que les mots parfois sont un peu...
les mots sont lourds de signification.
Je pense
qu'il y a moyen de trouver une place à l'intérieur de la définition qui est
proposée tout en étant très clairs. C'est
une intervention, puis le but est de mettre fin aux souffrances. Ce n'est pas
terrible, à mon avis, comme suggestion, mais ça réfère à la finalité de cet acte-là, à la finalité de ce
choix-là. C'est que, dans tous les choix qui seront soumis au patient, il
y a des choix qui vont entraîner
certaines conséquences. Bon, oui, on parle du décès, mais on met fin à la
souffrance. La conséquence, c'est de
mettre fin à la souffrance, ce n'est pas de la soulager temporairement. C'est vraiment
d'y mettre fin une fois pour toutes
pour permettre... et, pour certains, ce sera vraiment le choix qui
s'imposera, qu'il faut respecter.
On aura toujours
des gens qui ne seront pas à l'aise avec certains soins, au même titre qu'il y
a des gens qui ne sont pas à l'aise avec des soins qui existent et qui
sont offerts actuellement. Mais je pense que c'est une intervention, et on va
prendre le temps qu'il faut pour faire la discussion aussi, et l'objectif,
c'est de mettre fin aux souffrances.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Groulx.
Mme
Daneault : …M. le Président. Je voudrais simplement introduire une notion dans la définition
d'«intervention», qui, moi, me
dérange puis que je ne voudrais pas voir... qu'on retrouve à l'intérieur du projet de loi, parce que, dans la définition même d'«intervention»,
il y a une notion d'intervenir, il y a une notion d'interposer son autorité.
Alors, ça, c'est ça qu'on ne veut pas voir.
On ne veut pas, nous, voir... on ne veut pas voir le médecin en train
d'interposer son autorité.
Alors, quand on parle d'une intervention
chirurgicale, quand on parle d'une intervention, il y a la notion d'intervenir, et cette notion d'interposer son
autorité me dérange au plus haut point, alors que, dans la notion de soins,
on a une notion de soulager, soulager les
souffrances. Et, à mon avis, si on veut éviter les dérapages et si on veut
remettre les choses à leur place, on
ne veut pas voir un médecin intervenir, mais on veut voir un médecin soulager,
soigner. Donc, dans la notion de
soins, il y a la notion de soulagement qu'on ne retrouve pas
dans la notion d'intervention qui, elle, est plutôt vers l'interposition
de son autorité. Et, sincèrement, je pense que l'objectif du projet de loi
était loin de vouloir permettre aux médecins
d'intervenir. Et, à mon avis, c'est ce qui pourrait même créer à certains
groupes une crainte de voir les médecins. Moi, je me souviens très bien
de la dame qui était la représentante des handicapés nous dire : Je ne
voudrais pas voir un médecin intervenir pour m'imposer l'aide médicale à
mourir.
Alors,
cette notion-là, à mon avis, d'intervention devrait être bannie à tous les
points de vue dans le projet de loi actuel.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Bien, écoutez, j'ai bien entendu, je veux vraiment être ouverte, là, on a une
divergence, visiblement. C'est sûr
que moi, c'est ça, pour les raisons que j'ai exposées, je trouve que ce que la
députée de Groulx énonce est aussi pertinent.
Je
vous répète que moi, je pense qu'il faut être du point de vue du patient. Je
trouve que, quand on parle de soins, de
soulagement, c'est dans ce point de vue là qu'on est. Puis peut-être juste dire
que justement, quand on est arrivés avec l'idée d'aide médicale à mourir, on ne l'a pas définie dans le rapport,
mais ce n'était pas la même chose qu'«euthanasie» formellement, parce
que sinon on aurait dit «euthanasie», là. Donc, quand on renvoie à la
définition d'«euthanasie» pour dire qu'il
faudrait que ça soit mot à mot la définition qui était dans le rapport… bien
non, parce que justement on a introduit
une nouvelle réalité qui est l'aide médicale à mourir. J'ai expliqué les deux
choses qui distinguent. Et puis, oui, c'est
vrai qu'«euthanasie», c'est un terme très chargé. Donc, oui, ça, c'est un
élément, on le disait dans le rapport. Mais il y a deux choses très différentes... bien, différentes, disons, c'est,
bon, deux idées que j'explique toujours, là, c'est l'idée qu'on doit être dans un contexte médical, ce qui
ne va pas de soi avec l'idée d'euthanasie, et que ça doit provenir de la
personne elle-même. Donc, on l'avait
spécifié dans un des deux documents, mais c'est une spécification. Quand vous
allez voir la définition, ça ne va pas de soi.
Donc, ce
n'est pas pour rien qu'on est arrivés avec l'idée d'aide médicale à mourir.
C'est parce qu'il y a deux différences importantes
avec la notion d'euthanasie. Et, non, dans le rapport, on ne l'a pas définie.
Puis on arrive, là, dans un projet de loi, puis là, oui, ce n'est pas une mince
tâche. Là, on vient l'expliquer, cette notion-là. Mais cette notion-là, elle
n'est pas désincarnée de la
philosophie du projet de loi, de ce qui nous amène à faire une loi qui va
jusqu'à ce soin ultime de fin de vie,
dans ce continuum. Puis il n'y a personne qui a remis en cause l'idée de
continuum. Il n'y a personne qui a remis en cause l'idée que c'était dans une philosophie de soulager les
souffrances. Il y en a qui remettent en cause l'idée même, là, donc, ça, c'est leur choix. Mais, à partir du
moment où on accepte l'idée qu'on la met de l'avant dans un projet de loi, moi,
je ne pense pas... Puis je ne dis pas que ce
n'est pas nouveau. Moi, je suis de celles qui disent : Oui, c'est nouveau.
Ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est
que je pense qu'on est plus dans le domaine de l'évolution que de la
révolution. Mais, encore une fois,
là, on est dans les... je ne veux pas jouer sur les mots, mais je pense qu'on
est dans un spectre, dans un continuum, dans une réalité de
bienveillance, d'accompagnement. Et tout ça, c'est très important que ça
ressorte aussi. C'est très important aussi
pour rassurer les gens. Puis, je rejoins la collègue de Groulx, je pense que...
Ce n'est pas une affaire de vouloir
cacher les choses, là. Je pense que je suis assez claire quand j'explique les
choses puis je pense que les gens, ils comprennent très bien aussi, là.
Mais c'est
l'idée d'être dans un continuum, dans la bienveillance, dans l'accompagnement.
Puis ça rassure aussi. On n'est pas
dans une idée radicale de changement, de rupture, de... Donc, si cette idée-là
a du sens, comme elle semble en avoir
eu, d'un continuum, d'une continuité, d'une option ultime, d'un soin ultime,
bien je pense qu'il faut que ça se reflète aussi dans nos définitions.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député d'Orford.
• (17 h 50) •
M.
Reid : Bien, il ne
reste pas beaucoup de temps, mais j'aimerais intervenir pour dire que peut-être
on peut essayer de réfléchir un petit peu plus.
Nous avons signé, Mme la ministre, vous et moi,
un document qui dit, entre autres, à la page 78, que «nous croyons — c'est les membres qui parlent — qu'une option supplémentaire est nécessaire
dans le continuum de soins de fin de
vie : l'euthanasie sous la forme d'une aide médicale à mourir». Donc, le
mot «euthanasie» n'a jamais été un mot caché, n'a jamais été quelque chose qu'on ne dit pas, et, je suis d'accord avec
ce que vous dites, là, on ne le cache pas. Puis je ne pense pas que c'est ce que mon collègue voulait
dire non plus. Mais, à l'époque où on avait travaillé là-dessus, on n'avait
pas nécessairement... on parlait souvent de
soins, etc., mais on n'avait pas essayé de définir chaque mot par des soins,
et tout ça, mais le mot «aide médicale à mourir» en lui-même a été notre choix.
Et je lis un
autre petit bout de la page 78
ici : «Tout au long [de nos] travaux de la commission, l'expression
"aide médicale à mourir" s'est imposée graduellement
d'elle-même. Le mot "aide" renvoie à la valeur incontournable de l'accompagnement — ce n'est pas obligé d'être "soin", là, le
mot "aide" renvoie inévitablement à la valeur de l'accompagnement. Quant au terme "médicale", il précise la
nature de l'accompagnement, qui suppose l'intervention du médecin et du
personnel soignant — etc.»
Moi, je
répète ce que je disais tantôt, a priori il me semble que le changement qui est proposé
ici respecte l'esprit, tout à fait, et même les mots qui sont dans cette page-là dans ce sens
que, oui, ça fait partie des soins paragraphe 3°, et, quand on en parle, on
parle d'une intervention, et, à mon
avis, ça n'enlève absolument
rien au fait que c'est un soin, ni à
la continuité ni au fait que c'est un continuum de soins puisque c'est un soin
paragraphe 3°. Et donc je ne vois pas trop la difficulté, pour ma part, et j'aimerais ça que… on n'est
pas obligés d'arriver à une conclusion aujourd'hui,
mais qu'on y réfléchisse tous encore. On aura un peu de temps pour le
faire.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Je suis tout
à fait d'accord, M. le Président, on peut suspendre. On a suspendu 4° puis on
peut suspendre 6° aussi
puis, jusqu'à notre prochaine séance, réfléchir chacun de notre côté.
Moi, je suis très ouverte à réfléchir. Je
réfléchis à ça depuis longtemps. J'ai des préoccupations qui m'ont été
transmises quand on a écrit tout ça. Vous savez, on n'a rien écrit de tout ça, y compris les amendements… ce
n'est pas pour rien que vous avez eu ça hier, là, aussi… on
n'a rien écrit de ça sur le coin d'une table, il y a toutes sortes d'éléments,
dont on veut tenir compte, de cohérence, de philosophie,
de continuité, de continuum, et tout ça. Donc, on a travaillé étroitement avec
les légistes, c'est ce qui apparaissait le mieux.
Donc, puisque c'est des définitions très importantes,
un article très important, je pense que c'est une sage recommandation, on
pourra y revenir à notre prochaine séance. Puis on peut peut-être passer au
prochain article en comprenant
qu'on a adopté 1°, 2°, 3°, 5° comme paragraphes et qu'on va revenir à 4° et 6° avec
les questions qui nous ont été soulevées.
Le
Président (M. Bergman) : Je suis d'accord qu'on va suspendre 6°. Les
autres paragraphes ne sont pas adoptés. On doit adopter tout l'article au même
temps.
Alors,
je suspends notre étude du paragraphe 6°, Mme la
ministre. Et, Mme la ministre, j'appelle l'article 4 du projet de loi et je pense que vous
avez un amendement.
Mme
Hivon :
En fait, on suspend l'article 3. C'est bon?
Le Président (M.
Bergman) : En fait, tout l'article est suspendu.
Mme
Hivon :
C'est ça, c'est ça.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, collègues, si vous êtes d'accord, on peut être à l'article 4. Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui, M. le Président. Il y a un amendement. Ça ne sera pas long pour l'article
4. Nous proposons de supprimer l'article
4. En fait, on remanierait les articles 4, 5 et 6 à la lumière de commentaires qui nous ont été faits par le comité des experts juristes et le
Barreau. L'article 6 prévoit, dans sa forme actuelle, que…
Le Président (M.
Bergman) : …
Mme
Hivon :
Oui. Excusez-moi.
Le Président (M.
Bergman) : Je pense que nous pouvons le faire article par
article, alors…
Mme
Hivon : Oui.
Alors, l'article 4, il y
a aurait un amendement, et, l'article 4, l'amendement, c'est de supprimer l'article 4 du projet
de loi. Donc là, je commençais à expliquer pourquoi.
Le
Président (M. Bergman) : Est-ce qu'il y a des
commentaires? Est-ce qu'il y a des commentaires, Mme la députée de
Gatineau?
Mme
Vallée : Bien, en fait, avant d'accepter l'amendement qui… on
va écouter, parce que je comprends que tout est interrelié. Donc, il y aura l'explication en bloc, puis après ça on
pourrait y aller, pouf, pouf, pouf, là, point par point.
Le
Président (M. Bergman) : Je vais suspendre l'adoption de
l'article 4 pour entendre l'article 5 et l'article 6 à la demande de Mme
la députée de Gatineau, si vous acceptez.
Mme
Vallée : Bien, en fait, l'objectif, ce n'était pas tant de
suspendre que de permettre à la ministre de donner une explication globale sur le réaménagement de
ces articles-là ou de la façon dont ça a été réécrit, et puis on pourrait
peut-être après les prendre un par un.
Le
Président (M. Bergman) : Pour efficacité, avant de présenter les articles 4, 5 et 6, Mme la ministre, pouvez-vous nous donner la raison pour la suspension des trois
articles? On va retourner aux articles 4, 5 et 6 individuellement.
Mme
Hivon : Oui.
Alors, c'est que l'article 6 prévoit en ce moment que «toute personne
majeure et apte à consentir aux soins
peut, en tout temps, refuser — donc,
c'est la disposition sur le refus de soins — de
recevoir un soin ou retirer son consentement à un soin qui est
nécessaire pour la maintenir en vie».
Donc,
ça consacre de façon positive un droit qui peut se dégager des articles
du Code civil, donc, dans la section des soins. Toutefois, dans le Code civil,
c'est plus large que pour une personne majeure et apte, si vous vous rappelez
des explications qu'on nous avait fournies.
Donc, il y avait un souci, de la part de juristes, d'être certains
qu'à l'article 6 on ne
venait pas restreindre ce qui était déjà possible, c'est-à-dire qu'un mineur de
14 ans et plus... et il y a des personnes, donc, qui peuvent consentir aux soins dans la mesure qui est prévue par
la loi ou refuser, donc, de tels soins. Donc, on voulait être certains qu'en consacrant le droit de refus aux soins à l'article
6 on ne venait pas restreindre la portée du Code civil. Et donc on
aurait pu interpréter qu'on voulait limiter ce droit-là au refus de soins aux
personnes majeures et aptes.
Donc,
dans ce contexte-là, on retire l'article 4 parce que c'est à cet article-là
qu'on venait expliquer, qu'on venait compléter
les règles du Code
civil. Mais là ce n'est plus nécessaire parce que, de la manière qu'on va
libeller le nouvel article 6, on va
le dire nommément, dans la mesure où le Code civil prévoit… Donc, on n'est plus
obligés de faire référence, à
l'article 4, aux dispositions du Code civil et on va plutôt reprendre la
référence à la Loi sur les services de santé et les services sociaux à l'article 5, ce qui va être
plus cohérent. Donc, c'est une question un peu de cohérence globale, ce qui
nous amènerait à, donc, supprimer 4. Si vous souhaitez...
Le
Président (M. Bergman) : ...article par article. Est-ce qu'il y
a des commentaires sur les commentaires de Mme la ministre sur les trois
articles? Alors, Mme la ministre, est-ce que vous pouvez nous présenter chaque
article un à la fois, s'il vous plaît?
Mme
Hivon : O.K. On peut les considérer ensemble, dans un tout.
Donc, on va suspendre 4, l'amendement à 4 et 4 ou vous êtes prêts à
l'adopter?
Le
Président (M. Bergman) : Il semble qu'ils sont prêts à adopter…
Alors, présentez l'article 4, s'il vous plaît… l'amendement.
Mme
Hivon :
Alors, l'amendement, c'est le même amendement, c'est de supprimer l'article 4
du projet de loi.
Le Président (M. Bergman) :
Est-ce que l'amendement est adopté?
Des voix : Adopté.
Le Président (M. Bergman) :
Adopté. Et, en fait, l'article 4 maintenant est supprimé. Article 5.
Mme
Hivon : À
l'article 5, il y a aussi un amendement.
Le Président (M. Bergman) :
...amendement, s'il vous plaît?
Mme
Hivon : Mes
collègues ont l'amendement? C'est le secrétariat qui n'a pas l'amendement? O.K.
Alors,
l'article 5. C'est de modifier l'article 5 du projet de loi par l'ajout, à la
fin du troisième alinéa, de la phrase suivante :
«Elles complètent celles de la Loi sur les services de santé et les services
sociaux et celles de la Loi sur les services de santé et les services
sociaux pour les autochtones cris portant sur les droits des usagers et des
bénéficiaires.»
L'explication — c'est donc ce que je viens de dire : En
supprimant l'article 4, on vient reporter la référence à la Loi sur les
services de santé et les services sociaux à 5 et au Code civil à 6 par plus
grande cohérence.
Et là, si
vous le souhaitez, je pourrais lire l'article 5. Ou souhaitez-vous que nous
disposions de l'amendement tout de suite?
Le
Président (M. Bergman) : ...disposer l'amendement. Est-ce qu'il
y a des commentaires sur l'amendement? Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Compte tenu des explications de la
ministre, il n'y a pas lieu de... Je n'ai pas de question additionnelle,
pour ma part.
Le Président (M. Bergman) :
Alors, est-ce que l'amendement est adopté?
Des voix : Adopté.
Le Président (M. Bergman) :
L'amendement est adopté. Alors, l'article 5 tel qu'amendé. Mme la ministre.
Mme
Hivon : Tel
qu'amendé, donc l'article 5 se lirait :
«Toute
personne, dont l'état le requiert, a le droit de recevoir des soins de fin de
vie, sous réserve des exigences particulières prévues par la présente
loi.
«Ces soins
peuvent lui être offerts dans une installation maintenue par un établissement,
dans les locaux d'une maison de soins palliatifs ou à domicile — et
troisième alinéa.
«Les
dispositions du présent article s'appliquent en tenant compte des dispositions
législatives et réglementaires relatives
à l'organisation et au fonctionnement des établissements, des orientations, des
politiques et des approches des maisons de soins palliatifs ainsi que
des ressources humaines, matérielles et financières dont ils disposent — et là
on ajouterait ce qu'on vient d'adopter par amendement. Elles complètent celles
de la Loi sur les services de santé [etc.]»
Le Président (M. Bergman) :
Est-ce qu'il y a des commentaires sur l'article 5 tel qu'amendé?
Des voix : …
Le
Président (M. Bergman) : Collègues — je m'excuse — compte tenu de l'heure, la commission
ajourne ses travaux au lundi 25 novembre, à 14 heures, afin de
poursuivre l'étude du projet de loi n° 52.
(Fin de la séance à 18 heures)