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Version finale

40e législature, 1re session
(30 octobre 2012 au 5 mars 2014)

Le mardi 8 octobre 2013 - Vol. 43 N° 44

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie


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Table des matières

Auditions (suite)

Association québécoise de prévention du suicide (AQPS)

Association québécoise des retraité-e-s des secteurs public et parapublic (AQRP)

Réseau FADOQ

Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ)

Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ)

AREQ (CSQ), Association des retraitées et retraités de l'éducation
et des autres services publics du Québec

Institut de planification des soins

Intervenants

M. Lawrence S. Bergman, président

Mme Véronique Hivon

M. Yves Bolduc

Mme Stéphanie Vallée

Mme Marguerite Blais

M. Sylvain Lévesque

Mme Jeannine Richard

Mme Suzanne Proulx

Mme Hélène Daneault

*          M. Bruno Marchand, AQPS

*          Mme Lyne Parent, AQRP

*          M. Normand Bérubé, idem

*          M. Mathieu Santerre, idem

*          M. Maurice Dupont, réseau FADOQ

*          M. Danis Prud'homme, idem

*          Mme Lucie Tremblay, OIIQ

*          Mme Suzanne Durand, idem

*          Mme Sylvie Truchon, idem

*          Mme Sylvie Tremblay, OPHQ

*          Mme Pauline Lemieux, idem

*          Mme Anne Hébert, idem

*          Mme Céline Marchand, idem

*          M. Pierre-Paul Côté, AREQ (CSQ)

*          Mme Danielle Chalifoux, Institut de planification des soins

*          Mme Denise Boulet, idem

*          Mme Louise Boyd, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, collègues, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie.

Collègues, est-ce qu'il y a consentement que le député de Vanier-Les Rivières remplace la députée de Groulx pour la première partie de la séance? Consentement? Pour que le député de Vanier-Les Rivières remplace la députée de Groulx pour la première partie de la séance, consentement?

Une voix : Oui.

Le Président (M. Bergman) : Consentement, M. le député de Jean-Talon?

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui.

Le Président (M. Bergman) : Mme la secrétaire, y a-t-il d'autres remplacements?

La Secrétaire : Non, M. le Président.

Auditions (suite)

Le Président (M. Bergman) : Alors, ce matin, collègues, on reçoit l'Association québécoise de prévention du suicide. M. Marchand, bienvenue. Mme Dupuis, bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. S'il vous plaît, donnez à nous vos noms, vos titres et commencez votre présentation. Encore, bienvenue à l'Assemblée nationale.

Association québécoise de
prévention du suicide (AQPS)

M. Marchand (Bruno) : M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, merci de prendre ce temps avec nous ce matin. Alors, effectivement, Bruno Marchand, directeur général de l'Association québécoise de prévention du suicide. Je suis accompagné de mon estimée collègue Pascale Dupuis, coordonnatrice à la recherche et au développement à l'organisation.

L'Association québécoise de prévention du suicide, en guise de bref rappel, regroupe 150 membres d'horizons divers : organismes communautaires, organismes publics, chercheurs, cliniciens, endeuillés, citoyens, alors tout un groupe éclectique de gens qui ont à coeur la prévention du suicide au Québec.

D'entrée de jeu, nos membres sont très soucieux des travaux de cette commission, tout comme ils l'ont été des travaux de la Commission spéciale sur la question du mourir dans la dignité. Et, pour nous, il nous apparaît important de reconnaître les efforts qui ont été faits dans le projet de loi n° 52. On a toujours senti, par les législateurs qui ont travaillé à cette oeuvre-là, cette préoccupation de ne pas avoir d'impact négatif sur la prévention du suicide. On s'est d'abord sentis entendus et on a senti que, dans le projet de loi n° 52, il y avait un réel effort de présenter les choses de façon à éviter les effets négatifs sur la prévention du suicide, et ça, nous en sommes reconnaissants. Je pense que vous avez cherché à faire en sorte que les bénéfices pour les personnes qui demandent l'aide médicale à mourir n'aient pas d'effet indésirable sur d'autres personnes et sur l'ensemble de la société. Cependant, pour nous, il était important aujourd'hui de venir témoigner parce que, je ne vous apprends rien… mais le suicide nous enlève 1 100 personnes par année au Québec. Encore aujourd'hui, c'est trois personnes qui vont mourir, et encore demain ça sera la même chose. Et en ce sens notre perspective par rapport au suicide est une perspective bien plus qu'individuelle.

Évidemment, le suicide s'inscrit dans une souffrance individuelle où l'individu vit des difficultés et ne voit pas d'option à sa souffrance, mais il ne voit pas d'option à sa souffrance et pense que le suicide peut en être une, et cette option suicide s'installe comment?, s'installe… il y a quelqu'un qui brasse des chaudrons en haut, ça ne sera pas long, mais le dîner va être excellent… alors, s'inscrit dans une perspective aussi qui dépasse la perspective individuelle, s'inscrit dans une perspective culturelle. Il y a des endroits dans le monde où le suicide n'existe pas, malgré la détresse. Je pourrais vous nommer Haïti, je pourrais vous donner des pays d'Afrique, je pourrais vous parler de l'Italie, de la Grèce, où les taux de suicide sont inférieurs à ceux du Québec. Le suicide existe dans une perspective qui dépasse l'individu qui souffre mais existe dans une perspective où, dans une société, on présente, on tolère, on banalise, on accepte la question du suicide comme un état de fait ou comme une solution, malheureusement, acceptable. Et notre travail à nous, c'est de s'assurer que la mort, le suicide ne soit pas vu par l'ensemble d'une société comme une façon pour les plus vulnérables de mettre fin à leurs souffrances.

En ce sens, c'est, pour nous, le lien qu'on fait avec la présentation qu'on vous fait ce matin. C'est que, tout ce qu'on fait en amont, tout ce qu'on fait autour de la mort, on n'en vienne pas à présenter celle-ci comme une façon de répondre à la détresse, comme une façon de l'envisager comme une solution. Des mesures comme la loi sur l'aide médicale à mourir, pour nous, sont susceptibles d'influencer cette culture. L'aide médicale à mourir touche la représentation de la mort comme un moyen de mettre fin à la souffrance. Et, je pense, en tout cas le propos qu'on va essayer de vous amener ce matin, c'est de… sans être pour ni contre, parce qu'on ne pensait pas que c'était notre travail d'être ni pour ni contre, de dire quelles préoccupations nous avons pour s'assurer… tout comme, je pense, vous avez essayé de le faire et, jusqu'à certains égards, l'avez fait, on peut faire pour éviter certains pièges qui nous apparaissent poindre à l'horizon.

Donc, dans un premier temps, pour nous, les quatre premiers éléments de nos recommandations que vous avez pu voir dans notre mémoire touchent la question de renforcer le caractère exceptionnel du recours à l'aide médicale à mourir, en ce sens que plus on le rend exceptionnel... On comprend qu'il y a des gens qui en ont besoin et pour lesquels la société est prête à leur accorder ce droit-là, mais en même temps plus on la rend exceptionnelle, plus on évite les pièges de tomber dans une ouverture, dans une présentation de la mort comme une option accessible à la... une option acceptable pour mettre fin à la souffrance. Le premier élément, pour nous, concerne le fait de réserver explicitement l'aide médicale à mourir aux personnes en fin de vie. Je sais que, ce débat-là, vous l'avez eu précédemment avec d'autres intervenants. Cependant, pour nous, comme d'autres vous l'ont présenté, on pense que, dans l'article 26, on aurait avantage à être plus précis. Même si l'intention de la loi et même si le titre de la loi traitent de la fin de vie, on pense qu'on aurait avantage à être plus précis et à préciser la question soit de décès imminent soit de phase terminale — les associations de médecins vous en ont parlé — à la limite de fin de vie pour venir renforcir cet élément-là et renforcir le caractère exceptionnel.

Une deuxième recommandation qu'on vous a soumise dans notre mémoire, c'est celle d'offrir tous les autres moyens possibles de soulager la souffrance. Cette question-là, pour nous, est importante, et on suggère, à l'article 28b, qu'on inclue la question notamment des soins palliatifs. On parle déjà, dans l'article 28b, des possibilités thérapeutiques envisageables et de leurs conséquences, on demande d'inclure explicitement la mention des soins palliatifs. Pourquoi? Parce qu'on pense que le projet de loi donne un sens à l'oeuvre des gens sur le terrain, et, en ce sens-là, de rendre obligatoire ou de préciser l'offre de service, notamment celle des soins palliatifs, vient dire aux acteurs du terrain, aux actrices du terrain qu'il y a des solutions qui existent, et qu'elles doivent être présentées, et qu'elles doivent être bien entendues par la personne qui demanderait l'aide médicale à mourir et non pas qu'on soit dans un désir d'efficience ou d'efficacité, mais beaucoup plus dans un désir de présenter ce qui existe. Et en ce sens on est d'accord avec plusieurs intervenants et, je suis sûr, avec beaucoup d'entre vous que les soins palliatifs doivent être développés et ne devront jamais, par un manque de disponibilité, être un frein, et une difficulté pour les personnes qui en auraient besoin, et une voie de... malheureusement, avec ce frein, une passerelle vers l'aide médicale à mourir, puisque les soins palliatifs ne seraient pas rendus disponibles.

Alors, nous, on pense qu'il y a derrière ça l'obligation de rendre les autres moyens possibles disponibles et de s'assurer qu'ils sont bien entendus par la personne qui demande l'aide médicale à mourir.

Dans un troisième temps, pour renforcer le caractère exceptionnel du recours à l'aide médicale à mourir, on pense, tout comme c'est indiqué dans le rapport des juristes experts, qu'une deuxième consultation devrait être requise lorsque le médecin juge que la condition mentale du patient est incertaine soit à l'égard de l'aptitude, et là je lis la question du rapport des juristes, soit à l'égard d'une maladie dépressive. La consultation serait faite par un psychiatre et jointe au formulaire, et le jugement... et le médecin pourrait utiliser, dans son jugement clinique, cet avis-là pour tenir... pour décider si, oui ou non, il devrait autoriser ou non l'aide médicale à mourir pour le patient qui la demande.

Finalement, la première recommandation, qui en regroupe quatre en fait, qui traite toujours du caractère exceptionnel, on pense qu'il est important d'accorder une place importante à l'ambivalence qui entoure le désir de mourir. Et, pour le bien de cette courte présentation, je serai bref, mais, pour nous, la personne qui se place dans ce processus d'aide à mourir, l'aide médicale à mourir, est une personne qui est probablement dans l'ambivalence de vie et de mort et, il y a des journées, elle est probablement plus convaincue qu'elle souhaite mettre fin à sa vie, il y a des journées où elle est probablement moins convaincue, et on juge que c'est tout à fait normal. Et en ce sens on propose que soit indiqué à l'article 27... On ne l'avait pas mis dans notre mémoire, mais je vous le précise.

Dans l'article 27, on dit : «Une personne peut, en tout temps et par tout moyen, retirer sa demande...» On propose que ce soit inscrit, «retirer ou reporter sa demande d'aide médicale à mourir», pour faire place à cette ambivalence-là, pour faire face à cette possibilité-là qu'a la personne de décider que, malgré que tout est en place, que sa famille est réunie et que ça devait se passer aujourd'hui, qu'elle puisse encore, à la dernière minute, décider qu'elle désire reporter et que ça se déroulera demain ou un autre jour parce qu'aujourd'hui elle a décidé de vivre. En ce sens, ça, ça nous apparaît important.

Et un autre élément qui nous apparaît important à la suite de certaines études qui ont été faites, notamment en Oregon, où au moins 20 % des personnes ayant achevé le processus de demande de suicide assisté, dans ce cas-là, et disposant du produit destiné à mettre fin à leur vie ne s'en sont pas servis… il nous apparaît important de former… et là, comment l'enchâsser dans la loi, vous serez plus habiles que moi pour le faire… ou, en tout cas, de le préciser, de s'assurer qu'on forme le personnel traitant pour qu'on soit bien apte et connaissant de cette ambivalence de vie et de mort qui existe chez la personne qui peut demander l'aide médicale à mourir, et qu'on soit très tolérant, très ouvert, et qu'on soit conscient de cet aller-retour-là entre la vie et la mort et non pas de voir ça comme un processus rationnel qui est l'aboutissement d'étapes pour lesquelles on ne revient jamais en arrière. On pense, pour nous... et on sait qu'il y a des enjeux au niveau santé, la formation n'est pas toujours disponible. En ce sens, il faut s'assurer que les gens qui pratiqueront l'aide médicale à mourir seront bien conscients de cette ambivalence-là.

Alors, ça, c'est les éléments qui traitent du caractère exceptionnel du recours à l'aide médicale à mourir.

• (10 h 10) •

Dans notre rapport, vous retrouvez trois autres recommandations qui traitent des préoccupations de l'AQPS; une première, qui est celle de prendre soin des gens qui restent. Prendre soin des gens qui restent, de nos yeux, là, peut-être qu'on a mal lu, mais on ne le retrouve que très peu dans le projet de loi et on pense que ça devrait s'y retrouver. «Ceux qui restent»; on fait référence ici à ceux qui se verront refuser l'aide médicale à mourir. Qu'est-ce qui arrive de ces gens-là et comment on va s'assurer que ces gens-là ne pensent pas, parce qu'ils ont été refusés, que maintenant la seule avenue qu'il leur reste, c'est le suicide? Comment on va faire qu'au-delà d'une décision qui sera communiquée il y ait des services qui leur soient offerts pour faire en sorte qu'ils ne passent pas du côté obscur de la force, là, qu'ils ne passent pas du côté obscur en pensant que le suicide maintenant est la seule avenue pour eux? Ça, ça serait un effet assez pervers.

De même, «ceux qui restent», on pense aussi aux proches. Présentement, ce n'est pas vrai, avec les urgences qu'on traite dans le système de santé, qu'on s'occupe tant que ça des proches. Et on pense que, dans ce cas-ci, autant pour ceux qui auront eu accès à l'aide médicale à mourir que ceux qui n'auront pas eu accès à l'aide médicale à mourir, il faut préciser, dans le projet de loi ou dans les demandes qui seront faites aux établissements, il faut préciser qu'est-ce qu'on va faire des proches de ces gens-là, comment on va faire pour les soutenir, comment on va faire pour faire en sorte qu'ils aient les services nécessaires. Parce que, oui, la mort peut être demandée par quelqu'un, mais ça ne veut pas dire que les proches étaient prêts ou ça ne veut pas dire qu'une fois que ça arrive, même s'ils se pensaient prêts… qu'ils n'ont pas des défis personnels, des défis de santé mentale pour eux à vivre avec ce deuil-là qu'ils ont à vivre. Alors, en ce sens, on pense qu'il faut soutenir les proches.

Et finalement on pense qu'il faut aussi soutenir les professionnels. On est souvent avec des ressources qui sont limitées pour des raisons qu'on connaît tous. Cependant, on aimerait retrouver, dans le projet de loi n° 52, des façons de mise en oeuvre d'obliger les établissements à faire rapport du soutien aux professionnels qu'ils vont offrir, ces professionnels qui vont pratiquer l'aide médicale à mourir. Malgré qu'un professionnel puisse le vouloir, ça ne veut pas dire qu'après une, deux, trois, quatre, cinq actions en ce sens il n'ait pas besoin d'aide. Et on pense que le milieu traitant, l'organisation traitante devraient être très proactifs pour offrir à la fois aux médecins mais aussi aux gens qui sont autour de ces équipes traitantes là tous les soins nécessaires et tout le soutien psychologique nécessaire à leur pratique et à leurs défis qu'ils pourraient vivre dans la mise en application de cette loi-là. Alors, pour nous, le «prendre soin de ceux qui restent» est aussi important.

Une autre recommandation qu'on soumet à votre attention, c'est la question des retombées sociales. Alors, vous retrouvez dans notre mémoire… On souscrit à la création de la Commission des soins de fin de vie, mais on pense qu'on devrait être plus précis dans le projet de loi n° 52 par rapport à son mandat, notamment sur l'essence même de son travail, en tout cas une partie de son essence qui est celle de dire : Il faut comprendre ce phénomène-là et il faudra savoir, dans cinq ans : Qui a utilisé, pourquoi, quelles ont été les retombées sociales de ce geste-là que des gens ont posé, y a-t-il eu des retombées sociales ou non?

Présentement, on nous dit, en Belgique ou aux Pays-Bas, il n'y a pas eu d'augmentation de suicide. Donc, ça n'a pas eu d'effet sur le suicide. C'est une demi-vérité. Tant qu'on n'est pas capables de documenter si le suicide n'aurait pas baissé de façon plus importante dans ces pays-là, on ne peut pas garantir que ça n'a pas eu d'impact sur le suicide. Le suicide au Québec pourrait rester le même, et on pourrait penser que ça n'aurait pas eu d'impact, alors que, si la loi n'avait pas été mise en vigueur, le suicide aurait pu baisser de 5 %, 10 % par année. Je ne suis pas en train de dire que c'est le cas, je suis juste en train de dire qu'on pense que, dans votre travail, il y a le devoir de se dire comment on va faire pour mesurer les retombées à la fois individuelles mais à la fois sociales. Et dans le document, dans le projet de loi, on ne parle pas beaucoup des retombées sociales.

On pense que ça devrait être dans les mandats de la commission, de soumettre des rapports sur les retombées sociales et de soumettre d'abord, avant de soumettre les rapports… mais de faire les études nécessaires pour savoir quels ont été les effets de l'application de cette loi-là et notamment au niveau sociétal. Les Pays-Bas présentement vivent une augmentation de 13 % des cas… entre 2011 et 2012. On parle d'une sixième hausse annuelle après des baisses consécutives dans les premières années. La commission qui encadre l'euthanasie indique que les raisons de cette hausse ne peuvent être déterminées avec certitude. Moi, ça me décevrait que, dans 10 ans, on soit juste capable de dire : On n'est pas capable de déterminer les raisons de la hausse. Il y aura peut-être de bonnes raisons à la hausse, et ça n'aura peut-être pas de lien du tout avec le suicide, mais je pense qu'on a le devoir, quand on construit un pont, de s'assurer qu'on va l'entretenir et qu'on va bien être au fait des recherches pour s'assurer qu'il ne s'écroule pas 10, 15, 20, 25 ans plus tard. Je pense que c'est la même chose ici, on a le devoir de s'assurer, comme société, de mesurer ses impacts et d'être très proactifs dans la mesure et non pas seulement d'attendre les impacts pour après essayer de les comprendre.

Finalement, et je terminerai là-dessus, M. le Président, la communication autour de l'adoption de ce projet de loi là, si l'Assemblée nationale va en ce sens, sera, pour nous, déterminante. Un sondage que vous avez certainement pris connaissance la semaine dernière indiquait la confusion des personnes sondées autour de la compréhension des thèmes liés à l'aide médicale à mourir. Je ne pense pas qu'il s'agit ici d'une faute des législateurs ou des gens qui ont travaillé à la commission, loin de là. Je pense que les gens ont été très soucieux de communiquer avec précision quels en étaient les termes et les réalités. Cependant, c'est un grand défi qui repose sur vos épaules. Je pense qu'il faut malheureusement se mettre... pas dans la peau de ce qu'on est capables de communiquer, mais dans la peau de ceux qui entendent notre message et faire en sorte que ces gens-là, par d'abord des campagnes de pub mais par un message très précis qui insiste sur la fin de vie, qui insiste sur le contexte médical, le continuum de soins pour lequel on précise que l'objet de la loi n'est pas de donner la mort mais d'accompagner la fin de vie…

Alors, il y a des éléments comme ça que vous retrouvez dans le mémoire, qui vont venir baliser, dans la communication publique, et ça, pour nous, ça nous apparaît déterminant, le fait qu'on ne vient pas présenter ici la mort comme une option à la souffrance, qu'on ne vient pas dire à des gens âgés que ce serait normal, compte tenu des défis qu'on a avec le vieillissement de notre population — et, Mme Blais, vous en êtes au courant, pour y avoir travaillé de façon très intime et très convaincue — qu'on ne vienne pas présenter une mesure qui serait comprise… je sais que ce ne sera jamais votre intention, mais qui serait comprise par une partie de la population comme une façon, entre guillemets, d'offrir la mort plutôt que des soins, plutôt que d'autres éléments. Je sais que ce n'est en aucun cas votre intention, mais je pense qu'il faudra être très précis, et il faudra que le gouvernement soit très proactif. On l'a fait pour la charte des valeurs, d'investir des sommes pour expliquer de quoi il en retournait, à tort ou à raison, qu'on soit pour ou contre cette charte des valeurs là. Je pense qu'il faudra faire la même chose ici pour bien préciser et bien présenter aux gens qu'on ne vient pas travailler la question de dire : L'option de la mort est une option maintenant disponible au Québec et qui pourrait avoir des effets notamment sur le taux de suicide, mais beaucoup plus : Voici le cadre dans lequel on adopte cette loi-là et pour qui on la rend disponible. Et tout le contexte exceptionnel de cette loi-là viendra, je pense, baliser la compréhension des gens, qu'on ne vient pas jouer dans une culture où il serait trop facile de penser que la mort peut être une option à la souffrance.

Je termine en vous disant qu'autant pour les adultes que pour les jeunes qui souffrent leur souffrance à eux et à elles est quelque chose d'insurmontable qui ne changera pas et qui est là pour eux pour l'éternité. Vous savez, vous et moi, qu'un jeune de 18 ans qui vit des difficultés, ça n'a rien à voir avec l'éternité, ses souffrances. Cependant, vous savez dans quelle perspective il peut se placer. En ce sens, on est soucieux de ça. Je sais que vous êtes soucieux également de ça, et c'est en ce sens qu'on voulait vous proposer nos recommandations.

Lors de la tournée qu'on a faite avec les personnes âgées, beaucoup de gens nous disaient : On ne sait pas comment, comme intervenants, redonner espoir à des personnes âgées...

Le Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.

M. Marchand (Bruno) : ...qui font une dépression. Je pense qu'il faut être très vigilants de ça, que beaucoup de nos intervenants ne voient pas les perspectives d'avenir pour les personnes âgées. Il ne faudrait pas que ce projet de loi vienne en ajouter une couche, mais au contraire… soit bien balisé, notamment dans la communication publique. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bergman) : M. Marchand, merci pour votre présentation. Alors, le gouvernement, pour le premier bloc. Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Marchand, Mme Dupuis, merci beaucoup, merci de la qualité de votre intervention et surtout, je vous dirais, merci d'avoir été, depuis le début, des acteurs impliqués dans ce débat-là.

J'ai toujours eu, depuis les débuts des débats entourant toute la question de la fin de vie, j'ai toujours eu personnellement un souci que les gens qui oeuvrent en prévention du suicide soient étroitement associés pour justement nous aider à distinguer les réalités qui sont en cause dans notre projet de loi et les réalités qui sont celles de votre combat de tous les jours, d'aider les gens, justement, qui ne sont pas en fin de vie à trouver un sens à leur vie et à trouver la force de continuer à vivre. Parce que la vie, elle est profondément belle, et il faut être capable de s'en rendre compte le mieux possible et d'avoir des gens comme vous, qui travaillent à ce que des gens qui ne voient pas cette possibilité-là puissent la voir. Et je veux vous remercier, parce que vous auriez pu faire le choix de dire : Nous, on s'exclut complètement, on ne veut pas être associés de près ou de loin à ce débat-là pour les éléments peut-être plus de craintes dont vous nous faites part. Mais au contraire je pense que vous avez joué votre rôle jusqu'au bout, et c'est tout à votre honneur. Et je dois vous dire que, la première fois que vous étiez venus nous voir en commission, comme vous venez de le faire aujourd'hui... c'est certain que ça nous fait évoluer aussi, parce que je suis profondément habitée par ce souci-là qu'il n'y ait aucune confusion autant sur le fond des choses que dans les messages qui peuvent être transmis, et c'était la même chose pour l'ensemble des membres de la commission spéciale, et je suis convaincue que c'est la même chose ici, bien sûr, autour de cette table.

• (10 h 20) •

Et il faut toujours, ceci dit, être très vigilant, et je vous dirais que c'est pourquoi on a vraiment voulu faire un projet de loi qui soit très, très clair, très balisé, très circonscrit sur la fin de vie, sur le fait qu'on se situe dans un continuum de soins et que l'aide médicale à mourir, ce n'est pas un geste isolé qui peut être sorti d'un contexte médical, d'un contexte de fin de vie ou d'un contexte de continuum de soins, que tout ça doit être vu d'une manière intégrée pour éviter précisément ce que vous dites : dans l'ambivalence ou l'ambiguïté qui pourrait se dessiner de par les messages.

Vous parlez de l'importance de la communication. Je suis profondément convaincue de l'importance de la communication. C'est pour ça que je dois vous dire qu'on a apporté un souci très, très précis, je dirais, à l'expression de ce qu'on voulait refléter dans le projet de loi mais aussi dans toutes les communications publiques. Et, à chaque fois que je parle du projet de loi, je dis que l'aide médicale à mourir, c'est une mesure exceptionnelle pour des circonstances exceptionnelles de souffrances exceptionnelles en fin de vie. Et là-dessus je suis tout à fait, je dirais, au diapason de ce que vous nous dites, que c'est important de toujours renforcer ce message-là, y compris en lien avec, je dirais, la prévention du suicide, mais y compris aussi en lien avec toute l'importance aussi d'accompagner les gens le mieux possible en fin de vie. Ce n'est pas parce que cette option-là tout à fait exceptionnelle arrive que tout ce qu'on veut déployer comme accompagnement, comme soins palliatifs doit céder le pas, au contraire. Et ce qui est peut-être rassurant, c'est que, dans les pays où ils ont introduit une forme d'aide médicale à mourir, les soins palliatifs ont été développés aussi, et c'est devenu… Si on regarde la Belgique et les Pays-Bas, ils sont dans les sept pays qui ont les meilleurs soins palliatifs.

Donc, pour moi, pour nous, ce sont des éléments encourageants. Et je vous dirais qu'il y a deux chantiers qui se travaillent en même temps : il y a le projet de loi, mais il y a tout le chantier du développement et de l'amélioration des soins palliatifs qui se fait aussi de manière très intensive. Donc, ça, je voulais vous rassurer. Et le terme, je dirais, «suicide assisté» est aussi un terme qu'on a toujours évité. On n'est pas du tout dans cette réalité-là parce qu'on est dans un contexte médical, un accompagnement fait par un médecin, parce que, pour nous, c'était fondamental qu'il n'y ait aucune espèce de rapprochement qui puisse être fait. Et moi, je dois vous dire que, du fait justement de la lutte très, très importante et fondamentale qu'on mène comme société, que vous menez pour la lutte au suicide, juste le terme et juste la réalité de dire à quelqu'un que c'est lui qui va être en plein contrôle de son suicide médicalement assisté, même s'il y a des balises ou un encadrement, mais qu'on lui remette une prescription, qu'il retourne chez lui, qu'il soit isolé et qu'il décide, lui, quand il va prendre ça, dans un contexte où il peut être tout à fait seul, pas accompagné par aucune équipe, pour nous, ça ne fonctionnait pas, et ce n'était pas, je dirais, la voie qu'on voulait emprunter justement de par les préoccupations qu'on a pour la prévention du suicide.

Donc, voici un peu ce que je voulais vous dire peut-être pour vous rassurer.

Deux questions. Vous faites des suggestions qui sont très intéressantes, là. Deux questions. «Fin de vie», ça va de soi. Donc, vous l'avez dit vous-même, le projet de loi, le titre, le premier article… donc, on parle toujours des personnes qui sont en fin de vie. Donc, évidemment, quand on arrive pour l'aide médicale à mourir, c'est pour une personne qui est en fin de vie. Vous, vous nous dites : O.K., bien peut-être que c'est ça qu'il faudrait écrire noir sur blanc à l'article 26. Donc, je ne suis pas fermée à ça, là, clairement. C'est une question plus, des fois, de légistique, si on fait ça, il faut-u le répéter à chaque article, puis tout ça, là?, donc de cohérence législative. Mais vous parlez aussi : Peut-être imminence, peut-être terminal.

Donc, moi, j'aimerais comprendre, pour vous, quelles sont les différences qu'il pourrait y avoir entre «imminent», «terminal», «fin de vie» et comment ce qui, pour vous, a un sens pourrait avoir le même pour une autre personne. Quelle est la différence pour vous entre ces termes-là?

M. Marchand (Bruno) : Votre question est bonne, mais je vais me garder d'y répondre parce que ma réponse serait probablement non pertinente, étant donné ma faible étendue de connaissances en ce domaine.

Pour nous, ce qu'on disait à travers ces mots-là, c'était de dire au législateur : Vous devrez choisir un mot probablement, peut-être «fin de vie», peut-être d'autres qui répondront à cette meilleure cohérence là à la fois législative, mais cohérence avec les traitements pour préciser qu'il s'agit de la fin de vie. Alors, pour nous, on ne vous en recommande pas un, parce qu'on serait ici en terrain très miné puis pour lequel on a très peu de connaissances, mais beaucoup plus… on a repris des mots qui ont été utilisés dans les présentations que d'autres vous ont faites, en disant : Si ce n'est pas «fin de vie», est-ce que ça peut être d'autres mots?, juste pour s'assurer que, dans l'article 26, on vienne dire : On traite encore de la fin de vie, même si c'était bien inscrit dans l'intention et dans le libellé de la loi.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Alors, moi, je dois vous dire que j'ai un préjugé très favorable pour ce que j'ai mis dans ma loi, donc je reste cohérente avec moi-même, mais je pense que «fin de vie» dit ce qui doit être dit.

Alors, c'est sûr que ça, pour moi, c'est un élément important, dans la mesure où «imminent», pour moi, «imminent», c'est imminent, là, c'est là, là. Et donc il y a des gens qui vont dire : «Imminent», c'est dans les minutes et dans les heures, et je pense qu'on s'éloignerait de la logique de la fin de vie si on allait avec un mot comme «imminent». Puis, pour ce qui est de «terminal», bien on a fait un recensement aussi, et «terminal», ça a différents sens selon différents contextes. Donc, ce n'est jamais simple, et il n'y en aura pas... Je pense que l'idée derrière ça, c'est qu'on soit clair sur ce qu'on veut dire et aussi de ne pas venir mettre, je dirais, une limite fixe dans le temps. Les médecins sont tous venus nous dire qu'on ne pouvait pas venir dire : C'est tant de mois, voici, c'est ça, parce que ce n'est pas gérable, médicalement parlant, ce n'est pas une science exacte non plus. Donc, ça, je voulais peut-être voir ça avec vous.

L'autre chose, c'est la condition mentale, puis vous êtes bien placés, bien sûr, pour en discuter. Vous nous parlez peut-être du rôle du psychiatre ou d'un référencement. Je dois vous dire que c'est une question à laquelle on a réfléchi. Par ailleurs, ce n'est pas dans le projet de loi formellement, parce que qu'est-ce qui différencie la nécessité, je vous dirais, de formaliser un recours pour le médecin traitant, celui qui est en lien avec son patient, à un psychiatre dans un contexte x versus un autre contexte? Donc, à chaque jour, vous savez qu'il y a des arrêts de traitement : il y a des gens qui décident d'arrêter leur dialyse en sachant très bien ce qui va se produire, il y a des gens qui décident de refuser une chimiothérapie en sachant très bien ce qui va se produire, il y a des gens qui demandent d'être débranchés d'un respirateur en sachant très bien ce qui va se produire. Donc, il y a toute une panoplie de décisions médicales qui sont prises au quotidien et pour lesquelles c'est le médecin qui est en lien avec son patient qui doit évaluer l'aptitude à consentir de la personne. Et, si lui estime qu'il a un besoin d'aller demander une consultation en psychiatrie, par exemple, il va le faire. Et, moi, mon inconfort, ce serait de dire : Systématiquement, si quelqu'un fait une demande d'aide médicale à mourir, on va comme suspecter qu'il puisse y avoir là une maladie mentale, alors que, si personne ne demande un arrêt de traitement, si une personne prend une décision qui a l'air plus rationnelle, mais elle peut aussi être dans une situation de maladie mentale, là on va se fier parfaitement au jugement de son médecin traitant. Et là soudainement ça ne deviendrait plus le coup.

Et je dois vous dire que vendredi on a entendu L'AGIDD, donc, qui représente des personnes atteintes de maladie mentale, et eux ont très peur à la stigmatisation justement et à dire : Pour les personnes, par exemple, qui seraient en fin de vie, systématiquement, s'ils font une demande qui pourrait apparaître moins rationnelle qu'une autre aux yeux du corps médical du fait qu'à un moment dans leur vie ils ont souffert de maladie mentale, ils pourraient être stigmatisés en fin de vie et que ça devienne une embûche supplémentaire pour obtenir ce qu'ils souhaitent obtenir.

Donc, j'aimerais vos réactions là-dessus.

Le Président (M. Bergman) : M. Marchand.

M. Marchand (Bruno) : Effectivement, si on stigmatisait, on aurait rendu service à cette portion de la population qu'on stigmatiserait.

On a fait référence au rapport des juristes en se disant : Pour nous, il y avait une importance là, et ça venait baliser clairement que le médecin avait une forme d'obligation d'évaluer cette question-là de la santé psychologique de la personne. Et ce n'est pas vrai présentement qu'avec le temps qu'ils ont parfois… ou des fois, avec leurs connaissances, sans mauvaise foi aucune… ils ont le temps de penser à cet aspect-là de la personne. Et, pour nous, ça nous apparaissait important, si ce n'est pas obligatoire, au moins que ça soit inscrit dans la loi, de dire : Une deuxième consultation peut être nécessaire si le jugement clinique du médecin arrive à la conclusion qu'il a un doute que c'est un problème de santé mentale qui amène la personne à demander l'aide médicale à mourir. Ça venait, pour nous, baliser le fait que l'aide médicale à mourir en fin de vie était liée à des problèmes mais qu'ils n'étaient pas ceux liés à la maladie mentale ou à la santé mentale. C'était, pour nous, une façon de discriminer cette portion-là, là, de la demande de la personne qui faisait une telle demande.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Maintenant, pour le premier bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.

• (10 h 30) •

Mme Vallée : Merci, M. le Président. M. Marchand, Mme Dupuis, merci d'être là, merci d'avoir accepté l'invitation de la commission de participer à nos travaux, parce qu'au même titre que les interventions de la ministre je pense que votre perception, vos interventions sont tout à fait à propos et ne peuvent être passées sous silence.

Je crois qu'on a eu, de part et d'autre, toutes sortes de commentaires de groupes qui avaient certaines craintes justement quant à la mise en place d'une aide médicale à mourir et les répercussions sur le message qui pourrait être contradictoire avec le message passé dans la société auprès des jeunes. Évidemment, il faut faire une distinction. Et vous avez souligné l'importance de communiquer, l'importance des messages, ça, c'est clair, si la loi devait être adoptée. Mais j'aimerais bien pouvoir comprendre de quelle façon les organismes qui sont membres de votre organisation oeuvrent justement auprès d'une certaine clientèle. J'imagine que vos organismes membres ou les intervenants qui ont à travailler avec votre ligne d'aide sont parfois aux prises avec des situations qui… avec des gens qui appellent et qui sont dans des situations que la loi vise à encadrer. Actuellement, est-ce que c'est le cas? Et comment sont dirigées les interventions auprès de ces gens-là?

M. Marchand (Bruno) : C'est le cas dans une plus petite proportion parce qu'évidemment ça concerne beaucoup moins de gens que l'ensemble des gens en détresse. Et ils sont dirigés présentement de la même façon que les autres, ils sont traités de la même façon, c'est-à-dire avec les mêmes protocoles, avec les mêmes balises d'intervention, donc, c'est-à-dire, les gens vont travailler à redonner l'espoir. On va faire une évaluation de la situation, redonner espoir, voir le traitement possible, en fonction de l'urgence vont soit appeler les mesures d'urgence, vont soit proposer aux personnes des services, si jamais l'urgence n'est pas si élevée que ça, ou vont proposer des suivis eux-mêmes, dépendamment des organisations, pour s'assurer que la personne ne passe pas à l'acte. Présentement, c'est comme ça.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Et comment entrevoyez-vous les interventions dans un contexte où le projet de loi devait être adopté? Est-ce que vous devriez changer vos protocoles d'intervention? Est-ce que vous avez réfléchi à cette question-là?

Le Président (M. Bergman) : M. Marchand.

M. Marchand (Bruno) : Votre question est intéressante. Moi, je pense que, si jamais l'Assemblée l'adoptait et que… Je souscris à la communication que faisait Mme Hivon, Mme la ministre, sur le caractère exceptionnel, je pense que ça facilitera notre travail. Je pense, ça facilitera notre travail qu'on soit capables de présenter ça comme une mesure d'exception et non pas comme un possible. Parce que, si c'était le cas… puis je ne pense pas que vous, vous le présenteriez comme ça, mais, si jamais c'était entendu comme un possible, ça viendrait diminuer de beaucoup notre capacité d'intervenir avec des gens qui ne verraient pas pourquoi pour eux c'est différent. Alors, ça, ça…

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

M. Marchand (Bruno) : Pardon.

Mme Vallée : Et, quand vous dites, bon… puis c'est sûr que vous auriez à revoir votre intervention, mais même est-ce qu'il y aurait… verriez-vous une nécessité, pour vous, de faire une communication particulière également ou de joindre votre voix à celle du gouvernement?

Une voix :

Le Président (M. Bergman) : M. Marchand.

M. Marchand (Bruno) : Excusez-moi, M. Bergman, je vous devance à chaque fois. Il faudra, nous, être très proactifs, voir comment on peut contribuer avec d'autres partenaires si la loi est adoptée dans le sens où on va présentement. Et je pense qu'il faudra beaucoup, beaucoup insister et être de nombreuses organisations à insister sur ce caractère exceptionnel. Parce que des gens nous ont dit… pour aller dans le sens de ce que je pense que vous allez, des intervenants nous ont dit : Moi, si cette loi-là est adoptée — il y avait une certaine mauvaise compréhension de la loi, là, mais une perception — je ne sais pas comment je vais être capable de faire mon travail, parce que, d'un côté, je vais pouvoir dire : C'est possible, d'un autre côté, je vais pouvoir dire : Ce n'est pas possible. Et, si on n'axe pas sur ce caractère exceptionnel, ce caractère de fin de vie et ces éléments-là, je pense que ça va venir altérer de beaucoup la conviction d'intervenants à faire ce travail-là de prévention du suicide.

Alors, est-ce que ça va venir bouger nos protocoles? Peut-être pas tant que ça. Il faudra bien l'étudier quand même. Mais certainement ça va nous obliger à faire une communication très étroite, très active avec des partenaires pour dire : Voici c'est quoi, le projet de loi, et voici en quoi ça ne touche pas la prévention du suicide.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Est-ce que vous avez songé… Parce que, la semaine dernière, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse s'est présentée devant nous et nous a fait état de certains constats. Entre autres, la commission des droits de la personne et de la jeunesse recommandait à la commission d'élargir la portée du projet de loi aux mineurs et aux inaptes et considérait que les restrictions mises en place étaient déjà trop strictes.

En fait, j'aimerais avoir votre perception quant à cette recommandation-là parce que je me questionne beaucoup sur le message lancé à nos jeunes puis la population vers qui vous faites un travail de sensibilisation de première ligne, que ce soit dans les écoles, que ce soit partout. Et j'aimerais avoir votre perception quant à cet élément-là.

Le Président (M. Bergman) : M. Marchand.

M. Marchand (Bruno) : Je pense que, si les travaux de la commission et le projet de loi étaient modifiés pour aller dans ce sens-là, nous, on serait très inquiets, voire contre, parce que la personne vulnérable se retrouve dans un triangle où elle a l'impression qu'elle ne vaut rien, elle a l'impression que personne ne peut l'aider et, aussi important, elle a l'impression que ça ne changera jamais. Pour elle, là, le jeune de 18 ans… puis je sais que ce n'est probablement pas à ces gens-là qu'ils faisaient référence, mais, pour le jeune de 18 ans qui est dans une autre situation mais qui, pour lui, voit sa situation comme quelque chose où ça ne changera jamais, il se considère lui-même en fin de vie. En ce sens, que d'autres jeunes autour de lui puissent avoir accès à la fin de vie, pour lui, ça ne sera pas quelque chose de rationnel, ça ne sera pas quelque chose de facilement compréhensible. Ça va être : L'État ouvre une porte, la communauté ouvre une porte à voir ce que moi, je vois, à renforcir ce que moi, je vois comme une façon de mettre fin à la souffrance, soit par la mort.

On serait très inquiets de ça, parce qu'on pense que ça serait encore plus difficile d'envoyer un message que, d'un côté, on peut prévenir le suicide, mais que, d'un autre côté, il y a un paquet de gens… donc, enlevez le caractère exceptionnel… mais il y a plus de gens qui sont capables de faire une telle demande d'avoir accès à l'aide médicale à mourir. Nous, on aurait de grandes inquiétudes.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : J'ai noté, vraiment, lorsque vous avez mentionné : La mort n'est pas une option à la souffrance, le message est très fort. Et pourtant, si on prend les conditions de l'article 26, on a cette notion-là de souffrances physiques, psychiques constantes, insupportables qui ne peuvent être apaisées que dans des conditions qu'elle juge, que la personne juge tolérables. Certains intervenants militent en faveur d'une évaluation indépendante de la souffrance. Pour d'autres intervenants, une condition allant dans ce sens-là irait peut-être à l'encontre des principes de dignité.

Est-ce que je comprends de votre commentaire que l'évaluation de la souffrance devrait se faire selon des critères objectifs et non selon les critères subjectifs propres à l'individu faisant cette demande-là?

Le Président (M. Bergman) : M. Marchand.

M. Marchand (Bruno) : Oui. Pour nous, oui.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : D'accord. Votre commentaire, tout à l'heure, concernant les jeunes, j'imagine que c'est à peu près la même réflexion que vous faites concernant les personnes âgées, parce que vous avez mentionné comment redonner espoir aux personnes âgées atteintes de dépression.

Est-ce qu'il s'agit là d'une catégorie en croissance dans le cadre de vos interventions?

Le Président (M. Bergman) : M. Marchand.

M. Marchand (Bruno) : Le suicide chez les personnes âgées est en... Il faut subdiviser le groupe des 65 ans et plus pour voir les tendances.

Présentement, il y a une hausse chez les hommes de 85 ans et plus des dernières années, là. Il faudra voir la tendance pour être sûr que c'est une hausse qui est marquante et importante, mais… Et, dans d'autres groupes, il y a des baisses et, dans d'autres tranches d'âge des 65 ans et plus, il y a une stagnation. Alors, on ne peut pas dire que l'ensemble des 65 ans et plus est en hausse, on pourrait beaucoup plus parler d'une stagnation, d'une légère baisse pour l'ensemble des 65 ans et plus. Une fois qu'on le subdivise, on peut voir certaines hausses dans des tranches d'âge, là. Je viens de nommer les hommes, 85 ans et plus.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Est-ce que les circonstances entourant ces suicides-là ont été analysées par votre organisation?

Le Président (M. Bergman) : M. Marchand.

• (10 h 40) •

M. Marchand (Bruno) : Oui, certains. Présentement, au Québec, on n'a pas d'observatoire ou on n'a pas d'endroit où on est capable d'avoir… On a des statistiques par rapport au travail que font les coroners, par le biais d'un rapport que fait l'Institut national de santé publique, mais on investigue peu ce domaine-là autrement qu'en publiant des statistiques quantitatives.

Ce qu'on en sait, de par les groupes qui sont membres de l'association, c'est que la personne âgée, comme dans d'autres groupes d'âge, vit des moments critiques. On pourrait nommer la perte du permis de conduire, on pourrait nommer le placement d'un conjoint dans une institution ou dans une organisation privée, on pourrait nommer un paquet d'éléments, des moments critiques qui sont différents d'à d'autres âges de la vie mais qui reviennent à chaque fois sur son sens à elle à faire partie d'une communauté. En temps de guerre, le taux de suicide diminue dans les pays en guerre parce que les gens ont l'impression de contribuer à un tout plus grand qu'eux-mêmes. Alors, ça veut dire quoi? Ça veut dire que, malgré l'atrocité de la guerre, il y a des gens qui se sentent coude à coude et se sentent partie prenante d'une société et contribuent à celle-ci, et le taux de suicide diminue parce qu'ils sont membres, ils appartiennent à quelque chose de plus grand qu'eux.

La question des personnes âgées présentement fait référence à ça. C'est qu'une fois isolés, une fois seuls, il arrive que des gens ne se sentent plus appartenir à une communauté, ne se sentent plus appartenir à une famille mais aussi à une communauté. Et, pour certains, certains nous ont nommé… je ne pourrais pas dire «tous», mais certains nous ont nommé que la communication publique qui est faite autour du vieillissement présentement — et je ne parle pas… celle des élus, mais je parle d'une communication publique beaucoup plus large — est celle de personnes âgées qui nous coûtent cher, qui nous coûtent cher en fonds de retraite, en déficit démographique, en coûts reliés au système de santé. Et donc, involontairement, on envoie l'image de quelqu'un qui est coûteux, de quelqu'un qui est un poids pour la société et on est à l'inverse de travailler le sentiment d'appartenance de ces gens-là envers notre communauté, mais au contraire, dans un sentiment de… presque de bris générationnel… j'exagère, là, c'est trop fort, là, mais d'un certain bris, et certaines personnes âgées se sentent dans ce mouvement-là, se sentent inutiles, se sentent isolées et ne retrouvent pas ce sentiment d'appartenance si important à la prévention du suicide, ce facteur de protection si puissant pour la prévention du suicide.

Alors, je réponds largement à votre question, là, peut-être un peu plus largement que votre question. Mais c'est ce qu'on retrouve comme conditions où les gens, les personnes âgées pensent au suicide.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le deuxième bloc du gouvernement, il vous reste neuf minutes. Mme la ministre.

Mme Hivon : Merci, M. le Président. Maintenant, j'aimerais aborder la question de la commission, de la Commission, en fait, sur les soins de fin de vie. Je dois vous dire que cette commission-là… parce que vous dites : Dans les autres pays, on n'a pas été capable de venir vraiment évaluer, c'est un peu limité quand ils font leurs constats, et tout ça, et nous aussi, on a constaté ça. Et c'est la première commission du genre.

Donc, d'abord, dans les États américains où on est plus face à une logique de suicide assisté, on n'est pas du tout dans une logique d'avoir une commission qui puisse suivre l'évolution, et tout ça. Dans les pays européens, c'est vraiment très limité, c'est une commission de contrôle en fait qui vient a posteriori s'assurer que tout a été fait correctement. Nous, c'est vraiment beaucoup plus large, et donc il va vraiment y avoir ce suivi-là sur l'ensemble des soins de fin de vie, donc. Parce que notre approche, elle est globale, elle n'est pas, comme je le répète toujours, bien que c'est ça qui retienne plus l'attention des médias, sur l'aide médicale à mourir, elle est sur l'accompagnement et les soins de fin de vie. Donc, la commission, elle est aussi sur les soins de fin de vie et elle va devoir suivre l'évolution des pratiques, oui, des nouvelles pratiques, de la réalité de l'aide médicale à mourir mais aussi beaucoup celle des soins palliatifs, comment on se situe, comment on s'améliore, comment c'est disponible, comment on l'offre à domicile versus les lits dédiés, comment les établissements, donc, ont mis en place leur politique, les résultats que ça donne.

Donc, c'est vraiment une commission qui se veut large dans sa mission et qui va s'inscrire dans le temps. Et c'est pour ça d'ailleurs qu'elle a comme deux fonctions : un rapport annuel, qui, je dirais, est plus technique, qui va rendre des comptes plus techniquement sur ce qui s'est fait dans le domaine au cours de la dernière année puis un qu'on propose d'être aux cinq ans pour suivre de manière longitudinale l'évolution des choses.

Donc, je pense qu'il y a vraiment une communauté de vues entre ce que vous nous dites et ce qu'on a en tête comme rôle de cette commission-là. Par ailleurs, vous nous parlez de l'importance de la formation, toute la question de l'ambivalence des personnes, de cette étape-là aussi de la fin de vie, qui est aussi une étape bien particulière, et puis je dois vous dire qu'évidemment tout ça ne passe pas par un projet de loi, dans le sens qu'on ne peut pas, dans un projet de loi, aller dans le détail de tout ce qui se fait, je dirais, en parallèle et ce qui va être mis en place pour soutenir les gens. Mais c'est certain que toute la question de la formation, je le répète à chaque fois parce que je veux que ça soit clair, c'est notre priorité, tous domaines confondus, la formation sur les soins de fin de vie pour la prochaine année. Donc, ça, c'est un chantier aussi qui est très important. Et toute la question de la communication autant auprès des gens du réseau, des gens qui oeuvrent dans le domaine que de la population, c'est vraiment aussi une étape très importante dans les travaux qu'on mène. On a commencé parce que, quand on a déposé le projet de loi, il y a eu ce petit document-là qui a été produit, dont tous les députés ont obtenu des copies et qui peut être disponible très facilement.

Mais bien sûr il va y avoir une vaste campagne de communication, je dirais, interne et externe pour expliquer les tenants et aboutissants et aussi inciter les gens à entreprendre le dialogue, à parler de ce qu'ils souhaitent, ce qu'ils ne souhaitent pas, à faire leurs directives médicales anticipées. Donc, tout ça va se faire. Mais je voulais vous entendre un peu, parce que tout ne peut pas passer dans le… c'est-à-dire, dans le projet de loi dans le menu détail. Il va y avoir des politiques, il va y avoir des règlements puis il va y avoir aussi tout un enjeu de formation qui va se déployer.

Le Président (M. Bergman) : M. Marchand.

M. Marchand (Bruno) : Bien, vous avez raison et vous connaissez mieux tout le processus législatif que moi.

Mais je pense, par exemple, à l'article 10. Quand on demande au directeur général de l'établissement qu'il «doit, chaque année, faire rapport au conseil d'administration sur l'application de cette politique», le rapport doit faire notamment mention du «nombre de personnes en fin de vie ayant reçu des soins», du «nombre de sédations palliatives», etc., on est très… on demande de faire un rapport au conseil d'administration très technique. Moi, je pense qu'on pourrait inclure là-dedans que le directeur de l'établissement doit faire aussi rapport de la formation qu'il a offerte, du soutien qu'il a fait aux proches, du soutien qu'il a fait à son personnel. On pourrait nommer ça ici aussi, et ça viendrait renforcer l'idée que, pour vous, c'est hyperimportant. Ça oblige le directeur de l'établissement à dire : Je dois tenir ça en compte. Et ce n'est pas vrai qu'on le tient toujours en compte, malheureusement. Moi, je pense qu'on aurait avantage à l'écrire ici, même si on ne peut pas tout écrire. Et, par rapport à la commission, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous mentionniez comme mandat de la commission. Moi, je pense que, dans l'article 39, on devrait être plus précis. On devrait être plus précis notamment sur les retombées sociales. On devrait indiquer que, la commission, son mandat est aussi d'évaluer les retombées sociales de la mise en application de cette loi-là et d'en faire rapport. Et, si vous me permettez, moi, je pense que ce rapport-là doit être rendu public. Alors, est-ce qu'il faut en faire rapport à l'Assemblée nationale?

Et, que celle-ci relève de l'Assemblée nationale, je serais relativement favorable, mais je pense que ce rapport-là doit être certainement public pour que les citoyens puissent en prendre acte.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre, il vous reste 3 min 30 s.

• (10 h 50) •

Mme Hivon : Pour moi, je dois vous dire, ça va de soi que ces rapports-là sont rendus publics à l'Assemblée nationale.

Donc là, il y a un débat là-dessus. Il y a eu une proposition intéressante de la Protectrice du citoyen, à savoir qu'administrativement la commission pourrait relever d'un ministre. Mais, je dirais, légalement ou dans sa reddition de comptes, elle devrait relever de l'Assemblée nationale, un peu comme la commission des droits. Je pense que c'est intéressant comme proposition parce qu'évidemment c'est de créer un précédent d'avoir une commission, je dirais, qui a un mandat aussi de suivi, d'être directement juste en lien avec l'Assemblée nationale, là. Je pense que ce n'est pas en soi un problème à l'indépendance quand on regarde le nombre de commissions et d'organismes qui existent et de secrétariats qui relèvent d'une autorité ministérielle. Mais, pour ce qui est de la reddition de comptes, moi, je suis tout à fait d'accord. Pour moi, ça va de soi que tout ça va être rendu public, là. C'est le but. Puis je veux vous dire aussi que votre proposition quant à l'idée d'ajouter, retirer ou reporter sa demande, c'est une proposition que je reçois très positivement. Donc, d'autres groupes sont venus nous dire qu'il faudrait être plus clairs. Moi, je trouvais que c'était déjà très fort parce qu'en plus c'est que ça va de soi, là, dans la réalité concrète, une personne qui dit : Non, j'ai changé d'idée. Ça va de soi, on va… Mais je pense que c'est un bon ajout.

En terminant, j'aimerais peut-être juste vous dire une chose, c'est que je pense qu'on est vraiment des partenaires importants là-dedans. Autant nous, dans les travaux de la commission spéciale, dans ses travaux, dans l'élaboration du projet de loi, on trouve que c'est très important de rappeler toujours qu'on n'est pas dans une logique générale de choix total, du moment et du pourquoi on va décider de mourir, l'autonomie poussée à l'extrême, on n'est pas du tout là-dedans, on est dans une logique de fin de vie, de circonstances exceptionnelles, de solutions, d'options exceptionnelles, mais, de votre côté, je pense que c'est tout aussi important que, quand des gens vous passent des messages comme quoi ça va banaliser les choses, ça va faire en sorte que les jeunes ne comprendront plus le message… pour moi, c'est tellement deux univers complètement différents parce qu'il y en a un où les gens sont malades de maladies graves et incurables, ils sont en fin de vie, ils sont en fait à l'agonie, et, pour moi, on est dans une réalité tout à fait autre.

Donc, moi, je me bats à chaque fois pour que le message soit très clair et très clairement entendu puis je compte sur vous pour que, vous aussi, quand vous avez des gens qui peut-être ne comprennent pas bien ou voudraient, pour des raisons aussi autres, faire entendre que c'est un dérapage vers une banalisation du suicide… que vous aussi, vous soyez très fermes dans l'explication des choses, parce que je pense qu'on s'entend qu'il n'y a aucune banalisation là-dedans, au contraire. En mettant toutes les balises, tous les critères, tout le caractère exceptionnel, on vient montrer à quel point c'est quelque chose qui est éminemment exceptionnel, en fin de vie, dans un contexte très clairement balisé.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps pour ce bloc s'est écoulé, alors il ne reste pas de temps pour une réponse. Pour le deuxième groupe de… pour le groupe opposition officielle, je m'excuse, le deuxième bloc, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne. Il vous reste 6 min 30 s.

Mme Blais : Merci beaucoup, M. le Président. Mme Dupuis, M. Marchand, vous savez combien j'apprécie votre organisation. Vous avez été vraiment les premiers, avec l'AQRP, à parler d'un sujet tabou, soit le suicide chez les personnes âgées, à travailler pour faire en sorte qu'on puisse s'outiller davantage.

Vous avez dit qu'il y avait malheureusement peu d'études. Et on a financé, il y a quelques années, la première chaire de maltraitance à l'Université de Sherbrooke, qui touche les aînés, et ils ont le mandat éventuellement de faire une recherche dans ce domaine-là et de travailler avec les principaux acteurs. Je voudrais aussi relever des points que vous avez mentionnés, entre autres prendre soin des gens qui restent, et il me semble que c'est fondamental. Prendre soin des proches aidants, il me semble que ça va de soi. Les proches aidants, là, c'est toujours extrêmement difficile, ça n'a aucun rapport avec le degré de scolarité que tu peux avoir, mais, quand tu dois accompagner une personne qui est malade, tu es totalement dépourvu dans la vie. Vous avez parlé de ces retombées sociales, entre autres, à quelques reprises, mais moi, je suis tout à fait d'accord qu'il faut mesurer ces retombées sociales, et ma collègue le disait : La mort, c'est… la mort comme une option de souffrance. Vous avez parlé des aînés. Et moi, je sais que la perception, c'est la communication. Hier, j'ai rencontré toute la journée des personnes aînées qui sont extrêmement inquiètes, parce que, d'une part, ces gens-là disent : Quand on appelle au CLSC pour avoir des services, il manque des soins à domicile, puis, d'autre part, on parle de projets de soins de fin de vie, de mort. Ils ne parlent pas de projet de soins de fin de vie, ils parlent d'euthanasie, eux autres. Donc, ils veulent qu'on disparaisse.

Et ici, là, nous, on est des élus puis on entend tous les mémoires qui sont présentés, et je peux vous dire qu'il y a beaucoup de confusion. Il y a de la confusion entre les définitions, entre la sédation palliative, la sédation palliative terminale, l'aide médicale à mourir. Les gens parlent de suicide assisté, ils parlent de toutes sortes de choses. Dans la population, là, c'est un sujet où les gens ont peur, et je suis tout à fait d'accord que, si le projet de loi est adopté, ça prend une communication, mais une communication qui va vraiment à la base et partout, là. Il va falloir travailler avec toutes les organisations qui existent parce qu'il y a beaucoup de craintes, entre autres pour les aînés, de vouloir les éliminer. Et je sais que ce n'est pas l'intention du législateur, absolument pas, mais entre comment c'est véhiculé et comment les gens se sentent… Et vous avez parlé souvent de personnes qui se suicident parce qu'elles se sentent en sentiment de solitude, qu'elles ne font plus partie de la société, mais on sait que la solitude, c'est la maladie du siècle, là.

Ça fait que je veux vous entendre un peu là-dessus, parce que je considère que, écoutez, ça fait partie de l'ensemble du débat, et, au-delà d'une loi, ça va prendre, je crois, beaucoup de temps pour que ça descende sur le terrain parce que les gens ont peur au dérapage puis aux dérives aussi.

Le Président (M. Bergman) : M. Marchand.

M. Marchand (Bruno) : Moi, je partage que la perception, c'est ce qui est retenu au final, même si ce n'est pas ça qu'on a communiqué, et ce qu'on entend, pour certaines personnes, c'est effectivement ce que vous nommez. Je sais que la ministre est très soucieuse d'avoir eu toujours à sa communication ce caractère exceptionnel, mais je pense que c'est l'oeuvre du gouvernement de s'assurer qu'on met suffisamment d'efforts pour que ce soit bien entendu et non pas seulement : Bien, ils n'ont pas compris ce qu'on a voulu leur dire. Je pense qu'il faut aller au-delà de ça. Il faut s'assurer qu'ils aient entendu ce qui était vraiment nos visées.

Et je reviens sur la question du proche aidant, pour en être un moi-même. On est tous d'accord pour dire que les proches aidants sont importants, mais je peux vous certifier, par ma pratique individuelle mais aussi par ma pratique professionnelle, qu'on ne s'en occupe que très peu, pas faute de volonté, peut-être un peu, mais surtout faute de temps, faute d'un système qui doit aller vite et qui doit faire vite. Et ce n'est pas vrai présentement que, les proches aidants, on s'en occupe tant que ça. On essaie de s'en occuper, mais, pour m'occuper d'une maman qui souffre d'Alzheimer, qui a 85 ans, elle vit des choses très difficiles… et on ne s'occupe pas de moi, parce qu'on n'a pas le temps de le faire, et c'est correct. Je connais assez de ressources pour être capable d'aller chercher ces ressources-là, mais, je me mets dans la peau de quelqu'un qui ne connaît pas le système, il doit se sentir, bien des fois, bien tout seul là-dedans. Il y a ça, bien, même si on est tous d'accord.

C'est pour ça que nous autres, on disait là-dedans : Il faut être très précis pour s'occuper des proches, il faut le mentionner. Parce que, même si, au Québec, on a unanimité là-dessus, ce n'est pas vrai qu'on le fait ou ce n'est pas vrai qu'on le fait suffisamment.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste 1 min 30 s.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Merci d'être ici. Excellente présentation. Puis vous nous avez apporté des aspects qui n'avaient pas été touchés jusqu'à maintenant. Merci de nous rappeler également qu'il y a 1 100 décès par suicide par année au Québec. Puis, juste pour donner une perspective, il y a moins de 500 décès, par année, au Québec, d'accidents d'automobile, c'est deux fois plus qu'on a en termes de suicides.

Juste un élément, vous avez parlé de l'ambivalence face à la mort puis vous êtes un des premiers qui l'ait apporté comme ça. Comme de fait, la personne devrait avoir le droit de se retirer mais aussi peut-être de reporter. Et ça amènerait peut-être cette nuance-là au niveau du projet de loi. On va essayer d'en discuter avec la ministre. Parce que, lorsqu'on arrive au moment final, il peut y avoir de l'hésitation, puis ça ne devrait pas être un «go-no-go» mais plutôt une possibilité de revenir en arrière et d'attendre, toujours offrir le choix à la personne de décider, et ça, moi, je le retiens.

Je ne sais pas s'il y avait d'autres éléments par rapport à l'ambivalence que vous auriez aimé que l'on traite ou c'est assez complet.

Le Président (M. Bergman) : Alors, il reste 30 secondes pour une courte réponse.

M. Marchand (Bruno) : Je pense que, malgré que nos professionnels de la santé connaissent certains pans de la santé mentale, je pense que l'ambivalence est encore beaucoup sous-estimée. Il faut les former.

On s'inscrit beaucoup, comme professionnels de la santé, dans un processus rationnel où les choses avancent étape par étape et on ne revient pas en arrière. Dans le cas de la vie et de la mort, ce n'est pas vrai. Et je pense que la formation, l'éducation, la sensibilisation de notre personnel traitant devra être un aspect majeur de ça. Parce que, si nos médecins ou les gens qui travaillent avec la personne qui demande l'aide médicale à mourir ajoutent, sans le vouloir, une pression à décider puis à dire : Ça fait trois fois que tu le reportes, on aura un problème. Il faut que la personne se sente libre de le reporter même une quatrième fois parce que c'est de sa vie qu'il est question.

Le Président (M. Bergman) : Merci. Maintenant, pour le deuxième groupe d'opposition, M. le député de Vanier-Les Rivières.

M. Lévesque : Merci beaucoup, M. le Président. M. Marchand, Mme Dupuis, c'est un plaisir de vous revoir.

Pour avoir moi-même à l'époque, dans mon organisation précédente, été membre de l'AQPS, de vous revoir et d'entendre à nouveau le discours que vous tenez, je trouve ça intéressant, et de voir aussi que, pour vous, l'humain est toujours au centre de vos préoccupations. C'est important, je crois, de le mentionner, d'avoir la sensibilité de ne pas banaliser le suicide. Et c'est ce que vous apportez comme contribution à notre commission aujourd'hui, je trouve que c'est ça, de toujours avoir la préoccupation de ne pas banaliser le geste ultime de mettre fin à ses jours, et ça, c'est important.

Je trouve intéressant ce que M. le député de Jean-Talon vient d'exprimer, qu'il y a 1 100 suicides par année. C'est énorme, c'est immense. Et principalement, chez les jeunes hommes, c'est une cause de décès qui est majeure. Sinon, si ce n'est pas la première, c'est certainement dans les premières. Alors, ça, c'est important de le mentionner. Et j'ai beaucoup aimé tout l'aspect aussi de l'évaluation que vous mentionnez, l'évaluation psychologique, psychiatrique qui doit se faire dans un continuum, dans les gestes que l'on doit... l'évaluation qu'une personne peut en faire, autant les professionnels qui accompagnent l'individu qui souhaite éventuellement se prévaloir de... je ne voudrais pas utiliser le mot «opportunité», mais de la proposition qu'on fait dans notre commission. Mais il doit toujours y avoir un moment où est-ce qu'on peut reculer. Ça, je trouve que c'est important comme notion.

Vous avez parlé beaucoup des retombées aussi sur ce que vous faites comme travail. Étant très sensible au volet social, je ne voudrais pas qu'on crée un effet pervers, qu'on amplifie la situation, qui est déjà trop dramatique au Québec. 1 100 personnes, ce n'est pas rien, je ne voudrais pas qu'on l'accentue. Et vous parlez que, dans d'autres pays… vous avez, tout à l'heure, souligné qu'aux Pays-Bas il y a déjà des expériences, on évalue d'une certaine façon, à tout le moins, quels ont été les impacts, et votre proposition 7, votre recommandation 7 parle beaucoup de ça, «de documenter les retombées sociétales de cette loi, en commandant des études portant notamment sur le lien entre l'aide médicale à mourir et le suicide et sur les effets sur les personnes refusées». Je vais m'arrêter là pour la citation.

Est-ce que, dans votre lecture, ou dans votre évaluation, ou dans votre regard de la littérature ailleurs dans le monde, est-ce qu'il y a des retombées déjà à cette étape-ci, là, que la commission devrait s'inspirer pour éviter qu'on répète des mauvaises pratiques ou des erreurs qui ont été commises par d'autres endroits dans le monde?

• (11 heures) •

Le Président (M. Bergman) : M. Marchand.

M. Marchand (Bruno) : Sur la question du suicide, il y a… bien, en tout cas, nous, on n'a pas trouvé d'étude, autrement qu'un jugement qui disait : Le taux de suicide n'a pas monté dans tel pays, donc ça n'a pas eu d'impact. Comme je le disais tout à l'heure, il faut faire attention. C'est peut-être vrai, mais ce n'est peut-être pas vrai non plus. On ne peut pas juste se fier sur ce seul jugement pour dire : Ça n'a pas eu d'impact. Sur la question d'autres retombées, là, il faudrait… on ouvre une grande porte, notamment, entre autres, celle de la Suisse, où l'ouverture beaucoup plus grande à la mort, pour différentes personnes, différents groupes, différentes maladies, devient quelque chose qui, à nos yeux, peut être très inquiétant et peut encore plus renforcir l'image que la mort peut être une solution quand tu es handicapé, quand tu souffres d'une maladie qui est dégénérative et dont on ne peut guérir mais qui va être longue dans le temps.

On ouvre des portes énormes, et je ne sais pas comment les Suisses vont faire pour faire de la prévention du suicide après ça. Mais on n'a pas réussi à, pour l'instant, là, avoir des études très claires qui vont dans ce sens-là.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Vanier-Les Rivières.

M. Lévesque : Je crois que c'est très important de se soucier de ça parce qu'on veut améliorer la situation au Québec et non la détériorer.

Puis ça m'amène à ma deuxième question. On voit présentement… et je crois que l'AQPS, vous êtes dans l'un de ces reportages-là, on parle présentement, dans une des émissions qui parlent de publicité au Québec, 30 secondes pour changer le monde, pour ne pas faire trop de publicité, mais quand même… on voit les impacts positifs que peut avoir la publicité gouvernementale en différentes matières, notamment la prévention du suicide. Et moi, je pense que ce serait important aussi qu'on se penche sur la façon de bien communiquer ce qui en résultera, de cette commission-là. Et je maintiens le fait puis je suis sensible à ce que vous apportez.

Comment qu'on peut faire pour réduire les impacts négatifs et la publicité, vous l'apportez. Avez-vous déjà quelques suggestions à nous soumettre à cette étape-ci?

Le Président (M. Bergman) : M. Marchand, il vous reste du temps pour une très courte réponse.

M. Marchand (Bruno) : Puis le feu d'artifice, on ne le fait pas aujourd'hui, finalement? Non, ce n'est pas vrai.

Bien, je pense qu'on a essayé d'indiquer dans le mémoire comment on peut faire pour bien le communiquer, mais je pense qu'il faudra mettre l'accent et des ressources pour que ça, ça soit entendu et diffusé le plus largement possible. Si on y allait juste d'une communication qui passerait, par exemple, par une conférence de presse, pour nous, ça serait insuffisant. Il faut aller, de façon beaucoup plus large, rejoindre les citoyens et leur faire entendre ce caractère exceptionnel que vous aviez bien nommé, Mme Hivon. Il ne faut pas juste que ça soit dit, il faut que ça soit compris et entendu. Et c'est à nous, je pense, comme c'est à vous, comme législateurs, de prendre les moyens pour que ça soit fait ainsi, je pense.

Le Président (M. Bergman) : Alors, M. Marchand, Mme Dupuis, merci pour votre présence ici aujourd'hui, pour votre présentation et partager votre expertise avec nous.

Je demande les gens de l'Association québécoise des retraité-e-s des secteurs public et parapublic pour prendre leur place à la table et je suspends pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 11 h 4)

(Reprise à 11 h 6)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue à l'Association québécoise des retraité-e-s des secteurs public et parapublic. Bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. S'il vous plaît, donnez-nous vos noms, vos titres, et les prochaines 15 minutes sont à vous.

Association québécoise des retraité-e-s
des secteurs public et parapublic (AQRP)

Mme Parent (Lyne) : Merci, M. le Président. Mon nom est Lyne Parent, je suis présidente de l'AQRP, l'Association québécoise des retraité-e-s des secteurs public et parapublic. Je vous présente M. Normand Bérubé, qui est le premier vice-président de l'association, et M. Mathieu Santerre, qui est le directeur général par intérim présentement. Alors, je suis vraiment heureuse d'être ici aujourd'hui et je vous remercie de votre invitation.

En fait, l'Association québécoise des retraité-e-s des secteurs public et parapublic est la principale association indépendante des retraités de l'État au Québec. Notre mission est de promouvoir et de défendre les droits et les intérêts économiques, financiers, culturels, intellectuels et sociaux de nos membres. Nous nous démarquons par notre implication citoyenne soutenue en faveur des enjeux d'intérêt public qui concernent les aînés des retraités du Québec. Nous accueillons des personnes des gouvernements du Québec, du Canada, des municipalités, des sociétés d'État, des niveaux de santé, de l'éducation. Le profil de l'AQRP est 25 % de cadres, une proportion significative de professionnels, de techniciens, d'agents correctionnels, d'agents de bureau, d'ouvriers, en fait tout l'ensemble de ces personnes-là. On comprend également 40 % de femmes, alors c'est quand même beaucoup. Nous sommes fortement impliqués dans les 17 régions du Québec. Alors, toutes les régions sont représentées par l'AQRP.

La préoccupation de nos membres concernant la commission. Il existe divers points de vue. C'est un sujet complexe qui regroupe des enjeux éthiques et moraux, des croyances et des valeurs individuelles.

Voici les raisons pour lesquelles nous avons décidé de ne pas intervenir sur l'aide médicale à mourir mais d'assurer un meilleur accès aux soins palliatifs en situation de fin de vie. En fait, l'opinion de l'AQRP rejoint celle du Dr Bernard Lapointe, chef de division des soins palliatifs à l'Hôpital juif de Montréal. Le Québec s'est doté d'une excellente politique de soins palliatifs. Toutefois, il faut être lucide et constater qu'entre les souhaits d'une politique et sa mise en place un ensemble d'investissements de temps, de ressources financières, humaines, qui continuent de tarder aujourd'hui comme il y a 10 ans, l'accès aux soins palliatifs demeure limité partout au Québec, et c'est pour cette raison que, dans le cadre de cette commission, la Protectrice du citoyen a également insisté sur le développement des soins palliatifs dans toutes les régions du Québec.

Notre priorité est d'avoir accès à des soins palliatifs. C'est ça, mourir dignement. Alors, je passe la parole à M. Bérubé.

M. Bérubé (Normand) : En 2010, l'AQRP a présenté un mémoire où on proposait différents éléments de réflexion. En plus de rappeler que ce débat mettait en jeu des croyances et des valeurs personnelles, et de souligner l'importance d'être bien au fait de ce qui se faisait ailleurs au niveau des soins en fin de vie, et d'avoir des définitions claires sur les termes utilisés, nous trouvions que ce débat pouvait sembler prématuré étant donné que nous n'avions pas l'assurance que les soins palliatifs de qualité pouvaient être accessibles à tous.

• (11 h 10) •

Au cours de la dernière campagne électorale, le Parti québécois s'était engagé à donner suite aux conclusions de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, et je cite : «Convaincu de l'importance d'améliorer l'accès aux soins palliatifs afin de répondre aux souffrances des personnes en fin de vie, le Parti québécois s'engage de mettre en oeuvre les recommandations de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité. Cela implique notamment la production d'un portrait de la situation des soins palliatifs au Québec et la mise en oeuvre de mesures visant à assurer l'accessibilité aux soins palliatifs.»

À cet effet, en mai 2013, la première ministre a annoncé l'intention de son gouvernement d'investir une somme de 15 millions en soins palliatifs, dont 11 millions pour les soins palliatifs à domicile, incluant le soutien communautaire et la formation, ce qui laisse 4 millions qui seraient attribués à l'ajout de lits afin de soutenir la mise sur pied de nouvelles maisons en soins palliatifs et d'ajouter des lits aux maisons existantes, ce qui est, à notre avis, nettement insuffisant. Du propre aveu de la première ministre, ça ne répondra pas à tous les besoins. Après mûre réflexion et compte tenu de l'évolution du dossier, l'AQRP constate que, depuis 2010, le débat public est en train de se concrétiser, que des éclaircissements sont survenus, mais elle fait le choix conscient d'intervenir principalement sur la question des soins palliatifs par respect pour les préférences personnelles de nos membres.

En se basant sur sa connaissance de la situation, sur les consultations effectuées jusqu'à maintenant et les préoccupations exprimées au cours des dernières années, l'AQRP recommande au gouvernement d'associer au projet de loi ce qui suit : premièrement, s'assurer du développement et du financement à long terme de l'offre des soins palliatifs appropriée avant la mise en vigueur des dispositions concernant l'aide médicale à mourir; deuxièmement, atteindre le ratio de lits de soins palliatifs équivalant à la norme gouvernementale de un par 10 000 habitants dans l'ensemble du Québec, et ce, dans toutes les régions sociosanitaires; de créer 200 nouveaux lits en soins palliatifs; quatrièmement, à cet effet, de confirmer un financement national dédié et récurrent d'au moins 12 millions pour le développement et le maintien de ces 200 lits; cinquièmement, que chaque agence de santé et de services sociaux concernée s'engage à développer et financer le nombre requis de places dans un délai de deux ans; que chaque installation de type CHSLD se dote d'un programme d'accompagnement en fin de vie au cours des deux prochaines années; et finalement que la priorité soit accordée au développement de lits en soins palliatifs par rapport à la possibilité de développement d'une offre de services de soins palliatifs à domicile.

Voilà. Je cède maintenant la parole à Mme la présidente pour la conclusion.

Le Président (M. Bergman) : Mme Parent.

Mme Parent (Lyne) : Alors, nous vous remercions de nous donner la chance d'apporter notre contribution aux discussions dans ce délicat dossier. De plus, nous sommes heureux de constater que les différentes suggestions et propositions ont été bien accueillies dans le passé et que le projet de loi en a été amélioré.

Notre message aujourd'hui est que vous mettiez le développement des soins palliatifs en vigueur avant l'aide médicale en fin de vie. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bergman) : Merci pour votre présentation. Maintenant, pour le premier bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Merci, M. le Président. Alors, Mme Parent, M. Bérubé, M. Santerre, bienvenue, merci de votre contribution, une deuxième contribution, donc, au débat.

Simplement, peut-être vous dire que j'imagine que vous avez vu que ce qu'on vous a dit, c'était quand même vrai dans la mesure où on travaille vraiment sur les deux fronts. Donc, oui, mettre en oeuvre les recommandations de la commission spéciale, contrairement à ce que certains pensent, ça ne veut pas dire uniquement parler d'aide médicale à mourir, ça veut dire consacrer l'importance des soins palliatifs parce que de nombreuses recommandations de la commission allaient dans ce sens-là. Et donc on travaille vraiment sur les deux voies de manière parallèle, et elles ne sont pas parallèles dans le sens que tout ça constitue un tout, selon nous, qui est très cohérent, qui est une approche intégrée qui se situe sur un continuum de soins en fin de vie où on veut offrir le meilleur accompagnement possible, des soins palliatifs aux gens en fin de vie et, pour des circonstances exceptionnelles de souffrances exceptionnelles où même avec les meilleurs soins palliatifs, comme certains sont venus nous en témoigner, on n'arrive pas à soulager les douleurs et les souffrances d'une personne, avoir cette possibilité tout à fait exceptionnelle qu'est l'aide médicale à mourir.

Donc, pour vous dire que, oui, il y a eu cette annonce de 15 millions qui s'est faite au mois de mai et que le travail est fait de manière très, très intensive au ministère pour qu'on… je dirais, qu'on développe vraiment notre offre de soins palliatifs de la meilleure manière sur l'ensemble du territoire et de la manière la plus intégrée possible. Parce que l'argent, c'est une chose, c'est certain, mais certains sont venus nous voir aussi pour nous dire, et puis on le constate en travaillant avec certains modèles au ministère, que la manière aussi d'offrir et d'intégrer l'offre de services… exemple, soins à domicile, avec un certain nombre de lits dédiés et avec ce qui peut exister dans certaines régions, une maison de soins palliatifs, ça peut faire en sorte de créer toute une synergie et favoriser, je dirais, l'accès aux soins palliatifs.

Par exemple, si votre offre à domicile est très bonne et que vous avez des lits dédiés mais qui servent en fait dans des moments plus aigus, où on a de la difficulté à stabiliser la personne en fin de vie et on peut l'amener, je dirais, pour être dans un univers surspécialisé ou avec une équipe vraiment de soins palliatifs de pointe pour stabiliser la personne, en même temps donner du répit parfois aux proches et ensuite permettre à la personne qu'elle puisse retourner à domicile comme elle le souhaite, souvent, ça, c'est des avenues intéressantes qui en ce moment sont essayées dans certains endroits. Je pense notamment au travail qui est fait à l'Hôpital Sacré-Coeur avec différentes organisations, je pense aussi… je suis allée visiter le CSSS à Verdun qui, eux, ont vraiment mis l'accent sur une équipe qui va à domicile et qui donc se déplace vers les gens avec un soutien, je dirais, qui est plus à l'hôpital.

Donc, il y a vraiment différentes formules qu'il faut regarder pour maximiser, je dirais, l'accès aux soins palliatifs.

Vous, vous nous dites de ne pas prioriser, contrairement à ce qu'à peu près tout le monde nous dit, de ne pas prioriser les soins à domicile, de ne pas prioriser le développement des soins palliatifs à domicile mais plutôt les lits dédiés. Alors, puisque vous êtes un peu un oiseau rare dans ce domaine-là, j'aimerais comprendre pourquoi vous arrivez avec cette demande-là.

Le Président (M. Bergman) : Mme Parent.

Mme Parent (Lyne) : Oui. J'aime votre question parce que, dans le fond, ce qu'on veut, nous… C'est que présentement on voit qu'il manque beaucoup de places. Il y a des soins palliatifs, il y a des lits, les lits sont pleins, et il y a des gens en attente qui vont faire leur fin de vie à l'hôpital ou à des places vraiment incongrues. Et le fait que nous demandions de mettre l'argent vraiment sur ce qui existe présentement et d'améliorer ce qui existe présentement est très important. Pour nous, le fait que quelqu'un n'ait pas le droit ou ne peut pas avoir de place en soins palliatifs, un lit en soins palliatifs fait que… si on le donne à la maison, comment vous pensez qu'on va le faire? Il n'y a déjà pas assez de lits là, puis là on va envoyer un médecin. On voit qu'il y a trois personnes qu'il faut qu'elles soient là. Il y a le médecin, il y a la famille puis il y a quelqu'un d'autre aussi, là, dans le projet de loi.

Tu veux le…

M. Santerre (Mathieu) : Je peux compléter?

Mme Parent (Lyne) : Oui, après. Ce qui arrive, c'est que nous voulons vraiment pouvoir donner ce qui existe présentement. Ce qui est déjà sur place, qui est mis en place, n'est pas concluant, ça ne répond pas au besoin, à la demande qui est faite. C'est là qu'on voudrait vraiment régler ce problème-là avant de continuer à faire autre chose.

Oui, monsieur.

Le Président (M. Bergman) : M. Bérubé.

M. Santerre (Mathieu) : M. Santerre.

Le Président (M. Bergman) : M. Santerre. Je m'excuse.

M. Santerre (Mathieu) : Excellent, merci. En complément à la demande formulée par Mme Parent, comme vous le disiez, les soins palliatifs, il faut le voir dans une perspective intégrée, et on ne peut pas faire abstraction des autres éléments qu'il y a autour et du contexte général dans lequel ça va se donner. C'est là-dessus qu'on tente de faire un petit rappel à la réalité sur le plancher des vaches. Vous le savez très bien, les soins à domicile, dans le réseau de la santé, à l'heure actuelle, c'est la débandade. Le Protecteur du citoyen l'a mentionné, le Vérificateur général également. En théorie, ça peut être intéressant de privilégier les soins palliatifs à domicile, mais dans les faits, dans le réseau, aujourd'hui, des soins à domicile tout court, ça ne va pas bien du tout. Les soins ne se rendent pas jusqu'au client, le budget ne se rend pas jusqu'aux clientèles concernées.

Alors, c'est pour ça qu'au fond on n'y croit pas, à court terme, de la réelle capacité du réseau à se rendre jusqu'au client qui en aurait besoin. Et puis c'est pour ça qu'on vous dit que ce serait une bonne idée de prioriser l'atteinte, là, d'un nombre de lits dans chacune des régions avant de permettre l'aide médicale à mourir, pour éviter de se retrouver dans une situation où on offre l'aide médicale à mourir par défaut de rendre les soins appropriés.

• (11 h 20) •

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. En fait, je pense qu'il y a comme deux débats ou deux axes à votre intervention.

Un, vous dites : Développement des soins palliatifs. Nous, on ne veut pas parler d'aide médicale à mourir. Première chose. Moi, je suis dans un aspect : développement des soins palliatifs. Dans cet aspect-là, je vous dis, je vous demande... vous semblez nous dire : La priorité… Pour le développement des soins palliatifs, l'amélioration des soins palliatifs, ne faites pas une priorité du développement à domicile, faites une priorité du développement de lits dédiés. Et je trouve ça surprenant, parce que la plupart des gens nous disent que les gens souhaitent rester à domicile le plus longtemps possible, quand c'est possible, être le mieux accompagnés possible. Là, vous nous dites : Il y a de grandes améliorations à apporter aux soins à domicile. Je vous dis : Justement, on a investi, du 15 millions annoncé, 11 millions pour le domicile, ce qui veut dire soutenir les gens, soutenir les proches aidants, pouvoir donner du répit mais faire en sorte de favoriser le maintien à domicile en fin de vie. Donc, ça ne veut pas dire qu'on ne développe plus de lits dédiés, là. On continue à développer des lits dédiés et de manière très proactive. Vous allez voir au cours des prochaines semaines qu'il y a du développement très intéressant qui se fait en termes de lits dédiés. Mais en même temps je pense aussi qu'il faut être conscient qu'il y a des régions, d'ailleurs, qui ont très bien fait en soins à domicile, notamment en soins palliatifs à domicile, parce que, de par, je dirais, la diversité de leur territoire, la grandeur de leur territoire, eux, d'avoir une maison de soins palliatifs dans le milieu du territoire, ça ne les aide pas. Ou de n'avoir que des lits dédiés, ce n'est pas ça qui répond aux besoins.

Donc, moi, je pense qu'il faut avoir une approche flexible aussi. Et c'est ce que ça nous permet aussi de développer, les soins palliatifs à domicile. Quand vous nous dites : Il y a des lacunes, moi, je pense qu'il y a de l'amélioration à faire en soins à domicile. C'est certain, il y a de l'amélioration à faire. Est-ce que tout est catastrophique? Je vais vous dire non. Il y a des choses formidables qui se font et il y a des gens qui sont très heureux de recevoir les soins qu'ils reçoivent à domicile. Donc, il faut miser sur ces modèles-là.

Puis là on est dans vraiment la réalité des soins palliatifs à domicile. Je pense qu'il faut miser sur ça pour améliorer la desserte puis l'accès.

Le Président (M. Bergman) : M. Santerre.

M. Santerre (Mathieu) : En fait, j'aimerais vous rappeler l'appui que vous avez obtenu de la Protectrice du citoyen sur le principe du projet de loi. Cet appui-là était conditionnel, conditionnel au développement d'une offre de soins palliatifs appropriée dans toutes les régions. Et ce qu'on vous dit, c'est que, compte tenu que votre priorité, c'est les soins à domicile du côté soins palliatifs, c'est peut-être miser sur le mauvais cheval à court terme, parce qu'à l'heure actuelle, malgré de beaux succès, il y a beaucoup de problèmes. Et, malgré tout le respect qu'on a pour tous les intervenants du réseau… ce n'est pas nécessairement de leur faute, mais il y a des problèmes sérieux dont on ne peut pas faire abstraction du côté des soins et services à domicile à l'heure actuelle.

Alors, si on canalise les énergies uniquement de ce côté-là, bien on craint de se retrouver dans la situation où le service ne se rend pas, mais que l'aide médicale à mourir soit disponible par contre, ce qui pourrait présenter des situations indésirables.

Le Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Maintenant, pour le premier bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Merci beaucoup, M. le Président. Mme Parent, Mme la présidente, M. Bérubé, M. Santerre, écoutez, je suis contente que vous soyez là. Et évidemment vous avez fait, comme l'Association québécoise de prévention du suicide, vous avez fait... vous avez posé des actions, entre autres, chez les baby-boomers. Et aujourd'hui vous nous parlez de l'importance d'améliorer les soins palliatifs partout. La ministre a fait un bel effort en investissant 11 millions, mais à long terme ça va prendre pas mal plus que 11 millions pour développer les soins palliatifs partout.

Vous êtes très préoccupés par les CHSLD. Puis moi, je veux vous en entendre parler — ça va faire probablement la première fois qu'on en parle dans cette commission — parce que vous dites à la page 9 de votre mémoire qu'«à la suite de l'examen des rapports d'inspections des CHSLD» vous avez fait le constat que «la plupart des CHSLD [n'ont] pas de programme d'accompagnement en fin de vie», que ça vous inquiète, «compte tenu de la mission première de ces établissements». Il n'y a pas de programme, il n'y a pas de formation. Je veux vous entendre là-dessus, parce que c'est vous qui avez fait le constat à partir de l'examen des rapports d'inspection.

Le Président (M. Bergman) : Mme Parent.

Mme Parent (Lyne) : Oui. Merci. On a fait l'examen de tous les rapports des inspecteurs qu'ils ont faits depuis janvier dernier et on s'est aperçus que, oui, il n'y a rien en fin de vie dans les CHSLD… à peine s'il y a quelque chose de préparé. Alors, on trouve ça vraiment dommage que présentement… On est en 2013, si on veut… C'est pour ça exactement qu'on veut continuer à s'occuper de tout ce qui est en fin de vie avant d'aller à domicile.

Parce que, dans le fond, ce qu'on a besoin, c'est que les gens qui sont déjà là, parce qu'ils sont… On sait très bien que les gens qui sont en CHSLD sont là pour 3 h 30 min de soins et plus et qu'ils sont là pendant quelques années, et c'est souvent pour les fins de vie. Puis ça ne finit pas vraiment bien. Parfois, ils vont aller en soins palliatifs, mais parfois il n'y a pas toujours de la place pour ça. Et ce qu'on trouve dommage, c'est qu'il n'y a pas de préparation pour les gens qui sont là, et pour la famille qui va accompagner la personne il n'y a rien de préparé. Ça, ça nous interpelle beaucoup. C'est vraiment quelque chose qui est important pour l'humain, pour la personne qui est là. Et on a une tendance à dire que, oui, il faudrait développer ce qui existe présentement, parce qu'on sait qu'il y a des problèmes, il y a une grosse problématique : il manque de lits, il manque de places. Je m'informe beaucoup, parce qu'étant donné que je suis une personne aînée je connais beaucoup de retraités dont les parents sont souvent malades, et tout ça, puis je leur demande : Est-ce qu'ils ont eu une place en soins palliatifs? Est-ce qu'ils ont eu un lit? Puis ils ont dit : Elle était en train de mourir, puis ils étaient deux dans la chambre, mais ils ont fini par trouver une place à l'hôpital où il y avait un soin palliatif. Mais ils ont trouvé. Et il y en a, plusieurs fois : Ah, non, ma mère, ils n'ont rien fait, et ça s'est mal terminé.

Alors, c'est des histoires qui peuvent être bonnes et mauvaises. Ce n'est pas… tout n'est pas mauvais, mais je crois qu'il y a une importance à mettre une qualité sur ce qui existe présentement pour être certain de ne pas échapper personne puis qu'ils aient le droit d'avoir une fin de vie qui est confortable, évidemment.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup pour votre présentation, merci de joindre votre voix à celle de la cinquantaine de groupes qui se sont présentés devant nous depuis le début des travaux.

On a eu plusieurs messages qui allaient un petit peu dans le sens de celui que vous nous passez ce matin, c'est-à-dire l'importance de développer davantage les soins palliatifs. On a certains groupes également qui nous ont mentionné la distinction entre les soins palliatifs et les soins que pourrait constituer l'aide médicale à mourir. Et, dans cette veine-là, certains groupes ont suggéré que le projet de loi puisse être scindé de sorte qu'une attention particulière soit accordée aux soins palliatifs, en faire un encadrement, tout en respectant évidemment les recommandations de la commission, et qu'un autre projet de loi se concentre sur ce nouveau soin que serait… ce soin exceptionnel que serait l'aide médicale à mourir.

Je vous écoutais puis je ne pouvais pas… Je ne peux pas faire autrement que de me demander, compte tenu de votre recommandation, qui semble dire… Bien, ce n'est pas reporter à deux ans, mais, si on prend un petit peu vos recommandations, on pourrait dire, bon, vous donnez comme un délai, un échéancier au gouvernement d'environ un an : Dotez-vous de politiques, augmentez les ratios, faites en sorte que les soins palliatifs se déploient rapidement avant d'introduire… Mais est-ce que la question de scinder le projet de loi pourrait être une façon acceptable, pour vous?

Le Président (M. Bergman) : Mme Parent? M. Santerre.

M. Santerre (Mathieu) : Oui. En fait, vous aviez bien compris notre intention, qui est de s'assurer… en fait, notre souhait, là, de s'assurer qu'il y ait des soins palliatifs partout avant qu'on mette en place les dispositions sur l'aide médicale à mourir.

Ce n'est pas nécessairement par la scission d'un projet de loi que ça doit passer. L'article 70 parle des dates de mise en vigueur. Nous, dans le fond, ce que ça veut dire, c'est que les articles 25 à 39 auraient avantage à être mis en vigueur plus tard, par exemple, après une recommandation favorable de la commission instituée par le projet de loi, qu'on appuie, par ailleurs.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

• (11 h 30) •

Mme Vallée : Donc, si je comprends votre raisonnement, il y aurait lieu de mettre en place la commission, de permettre à la commission d'évaluer les ressources sur le terrain, d'émettre des recommandations et donc de la mettre tout de suite en place de sorte qu'elle puisse rapidement faire une évaluation du terrain. Je comprends qu'il y a déjà un travail qui semble être amorcé, là, de par les représentations que la ministre nous a faites, mais vous voudriez, vous, que ce soit un travail indépendant fait par la commission?

Le Président (M. Bergman) : M. Santerre.

M. Santerre (Mathieu) : Oui. En fait, c'est une suggestion cohérente avec notre recommandation que les soins palliatifs soient en place avant qu'on permette l'aide médicale à mourir. Et, recherchant un point de vue neutre sur la question pour évaluer la disponibilité ou non des services en question, la commission pourrait être interpellée si elle est mise en place. Et, pour répondre de façon pointue à votre question, ça peut se régler par l'article 70 en ne mettant pas en vigueur toutes les dispositions du projet de loi en même temps.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Et donc vous reporteriez… Est-ce que vous avez un délai? Est-ce que le délai de deux ans prévu à votre mémoire serait, à votre avis, suffisant ou est-ce que le délai de mise en vigueur serait, par exemple, sujet au dépôt d'un rapport adopté par l'Assemblée nationale? Je ne sais pas, là, je réfléchis à haute voix.

M. Santerre (Mathieu) : Si vous me permettez?

Le Président (M. Bergman) : M. Santerre.

M. Santerre (Mathieu) : S'il arrivait qu'au bout de deux ans les soins ne sont pas disponibles, il ne faudrait pas plus mettre en vigueur les dispositions concernant l'aide médicale à mourir. Donc, deux ans, c'est une demande d'engagement de la part des agences et du gouvernement dans son ensemble pour qu'il y ait le développement des soins en question. C'est ce qui est inscrit dans notre mémoire. Ça ne veut pas dire qu'on croit qu'automatiquement ça va arriver au bout de deux ans, mais on le souhaite.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : La suffisance des soins palliatifs ou la qualification, la quantification de ces soins-là, c'est un petit peu aléatoire.

C'est-à-dire, aujourd'hui, en date du 8 octobre 2013, vous nous dites : On considère que le ratio de un par 10 000 est nécessaire. Ça, c'est suivant votre analyse. Maintenant, est-ce que c'est ça qui sera toujours nécessaire dans deux ans? C'est parce que de retarder… Je pose la question parce que retarder jusqu'à ce qu'on atteigne une situation ou un déploiement adéquats sur le territoire, c'est relativement subjectif, dans le sens qu'on n'a pas qu'est-ce qui est suffisant pour vous, qu'est-ce qui est suffisant pour d'autres intervenants qui nous ont parlé des soins palliatifs. C'est difficilement quantifiable, vous ne trouvez pas? Est-ce qu'on va avoir des insatisfactions éternelles ou est-ce qu'on ne doit pas arriver et établir des balises, des normes tout de suite très claires, parce que, dans deux ans, peut-être que vous allez dire : Oui, il y a eu un effort de fait, mais ce n'est pas encore suffisant? Comment on évite de tomber dans ce piège-là?

Le Président (M. Bergman) : M. Santerre.

M. Santerre (Mathieu) : Si je peux répondre, on s'est basés sur le ratio qui a été utilisé dans le cahier des crédits. On ne l'a pas remis en question pour le moment. Ce sont des chiffres qui sont reliés à la population actuelle. Donc, ils devraient suivre l'évolution de la population. Je veux dire, s'il s'avérait que ces chiffes-là… ou ce ratio doit être révisé, peut-être, mais soyez assurés que, dans deux ans, on va se souvenir de ce qu'on a dit ici ce matin.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Peut-être, c'est ça, certains éléments. En fait, je suis curieuse. Donc, peut-être en tout cas vous pourrez nous dire d'où vous avez pris vos données pour faire le calcul sur le un sur 10 000 quand vous arrivez région par région, parce qu'effectivement tout n'est pas parfait.

Donc, dans l'atteinte, ça, je suis d'accord. Mais, par exemple, en Estrie, vous dites qu'il manque cinq lits. Nous, selon nos chiffres, il n'en manque pas, surtout que, là, on vient d'inaugurer une nouvelle maison de soins palliatifs à Lac-Mégantic. Par exemple, en Chaudière-Appalaches, vous dites qu'il manque 10 lits. Nous, dans nos données, dans le ratio un pour 10 000, au 31 mars, l'année dernière, là, évidemment il peut y avoir des fluctuations de population, mais il n'en manquait pas. Mauricie : nous, selon nos chiffes, il manque sept lits… Mauricie—Centre-du-Québec; vous, 10. Mais je ne veux pas que, là, on prenne ce temps-là… Mais je serais intéressée de savoir comment vous arrivez à votre calcul. Bref, donc…

M. Santerre (Mathieu) : Je peux répondre précisément à la question. Nous sommes partis de l'étude des crédits, les besoins objectifs en quantité qu'on a ajustés avec un charmant document de l'Institut national de santé publique sur les soins palliatifs qui fait des prévisions d'évolution de la clientèle. Alors, on a ajusté de quelques lits selon la région où il y avait des manques, point final.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : C'est beau, parce que… En fait, c'est ça. Donc, je regarderai votre formule, parce qu'il n'y a rien de parfait là-dedans, hein, puis donc on n'est pas dans le mathématique non plus.

Donc, on a cet objectif-là de un par 10 000 quand on tient compte de l'ensemble des lieux de dispensation, qu'ils soient en centre hospitalier, en CHSLD ou en maison de soins palliatifs, mais nous, en plus de ça… qui est évidemment l'objectif que l'on souhaite atteindre, puis on ne souhaite pas l'atteindre dans 10 ans, on souhaite l'atteindre d'ici deux ans. Donc, je suis très claire. Puis je l'ai dit quand on l'a annoncé, on l'a annoncé il y a maintenant quatre, cinq mois, là, mais, nous, c'est sur un objectif très à court terme qu'on veut atteindre ce ratio-là. Mais par ailleurs on veut aussi bonifier l'offre à domicile. Puis c'est pour ça que je vous dis qu'on n'est pas dans de la mécanique pure. Donc, on pourrait dire : C'est le un par 10 000, puis on ne s'occupe plus du tout des soins à domicile. Moi, je pense que ça serait une erreur parce que, nous, c'est un peu les deux. C'est le un par 10 000 parce que c'est une base qu'on s'est donnée puis que personne ne remet en question, qui est dans la politique, mais est-ce qu'en soi c'est parfait puis ça répond à tous les besoins? Je ne crois pas. Et je crois que ça occulte aussi toute la réalité des soins palliatifs à domicile qu'il faut travailler plus. Une région où ils sont super bien développés, on pourrait se dire, peut-être que le ratio de un par 10 000 devrait même être revu à la baisse, mais on n'est pas dans cette logique-là.

Nous, on veut que ça aille très bien, mais je vous dirais qu'on veut additionner tout ça, mais on ne veut pas exclure. Donc, on travaille sur les deux fronts. Puis, je vous rassure, notre volonté, elle est très forte, très ferme à cet égard-là.

Mais, pour revenir à la question, je dirais, de départ, de dire : Bien, en fait, tant qu'on n'a pas atteint ce chiffre-là magique ou tant que tout n'est pas parfait selon les critères x, on ne permettra pas l'aide médicale à mourir, moi, je pense que ce serait de faire fausse route. Parce qu'il faut savoir que la plupart des gens qui nous ont parlé d'un proche qui a demandé une aide médicale à mourir en fin de vie qui a été refusée, c'étaient des gens qui étaient en soins palliatifs. Ça, je pense que c'est important, ce n'est pas des choses qui s'excluent. Et c'est toute l'approche du projet de loi. Ce n'est pas de dire : À défaut de soins palliatifs, la personne veut une aide médicale à mourir. Non, la majorité des cas, c'est des gens qui recevaient de bons soins. Mais, comme nous a dit La Maison Michel Sarrazin, 5 % à 6 % des gens, on n'arrive pas à les soulager parce qu'ils ont des conditions excessivement difficiles.

Donc, ça, c'est, je vous dirais, une réalité avec laquelle il faut composer et ce n'est pas mécanique où on exclut ça puis ça va aller mieux de ce côté-là. Je pense que ça doit être considéré de manière intégrée.

Puis la Protectrice du citoyen, oui, elle nous a encouragés à développer les soins palliatifs, mais on lui… Je veux juste vous le dire parce que, la question, je ne me souviens pas si c'est moi ou mes collègues qui l'ont demandée, mais elle, elle a dit : Il faut aller de l'avant, je pense qu'il faut aller de l'avant avec le projet de loi. Elle est favorable à l'introduction de l'aide médicale à mourir, elle est favorable à une bonification des soins palliatifs, mais elle s'est fait poser la question spécifiquement et elle n'a pas dit : Il faut attendre ou tout ça. Pour elle, il y avait quand même une logique, et ce n'était pas conditionnel dans le sens d'un report, c'était : Faisons tout ça de manière intégrée, avançons sur les deux plans.

Donc, ça, je voulais peut-être vous redire ça puis peut-être vous entendre, c'est ça, sur la question des soins palliatifs et du lien avec l'aide médicale à mourir.

Le Président (M. Bergman) : Mme Parent.

• (11 h 40) •

Mme Parent (Lyne) : Merci. Je comprends, Mme Hivon, très bien vos préoccupations d'essayer de régler ce problème qui est vraiment latent dans notre société aujourd'hui. Quand on parle de chiffres, c'est sûr, la vie, c'est des chiffres, on fait toujours une espèce de statistique de savoir où est-ce qu'on s'en va, combien de kilomètres on va faire quand on va aller à quelque part, que… Il faut absolument se fier sur quelque chose pour pouvoir arriver à donner un ratio de lits qu'on croirait qui pourrait être demandé et on sait que présentement il en manque.

Alors, ça, c'est pour les chiffres. Ça vaut ce que ça vaut. On sait très bien qu'on fait dire ce qu'on veut aux chiffres, mais il faut vraiment se baser sur quelque chose pour dire : Bien, il en manque présentement. Combien il en manque? On peut toujours essayer de dire : Bon, chaque région… il y a quelques régions que ça va bien, il y a sept régions, bien, sur 17 régions, qui fonctionnent bien, alors qu'ailleurs il y en a plus qui vraiment demandent d'avoir des lits supplémentaires. Ça, ça nous interpelle beaucoup, premièrement. Pour le deux ans, on se dit : Si le ratio est bon et si ça… il faudrait vraiment faire en sorte que les places où il en manque soient vraiment… qu'on puisse prendre soin de ces places-là, de ces gens-là.

Maintenant, la Protectrice du citoyen comprend qu'il y a une bonification à faire dans les soins palliatifs. Maintenant, nous, on avait vraiment… Ce que j'avais lu, moi, c'était qu'ils voulaient prioriser vraiment les soins palliatifs avant de donner de l'aide à mourir, de faire l'aide à mourir. Alors, moi, que ce soit intégré, je ne veux pas… on ne veut pas, nous, l'AQRP, vraiment s'impliquer dans ça. Tout ce qu'on voudrait, c'est vraiment que les places où il y a des problèmes présentement, où il existe des problèmes… Puis, d'ici quelques années, si on met juste un horizon de deux ans, je crois que cet horizon-là est viable pour essayer au moins de pallier aux problèmes qui existent présentement. Le souhait, que vous nous offrez aujourd'hui, que vous nous dites, vos préoccupations sont très légitimes, et on peut comprendre très bien que vous voulez faire un travail qui aide les gens. Maintenant, on a écouté les autres qui sont passés ici. Vous en avez entendu de toutes les couleurs, de toutes les sortes, et c'est très bien.

Maintenant, nous, on va vraiment s'arrêter au fait qu'il manque des places et qu'on voudrait que toutes les personnes aient au moins la chance d'avoir une place pour leur fin de vie. Voilà.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Oui. Merci, M. le Président. Bien, peut-être en continuité de ça, j'aurais aimé savoir s'il y a eu une consultation auprès de vos membres par rapport au reste du projet de loi, c'est-à-dire l'aide médicale à mourir, les directives médicales anticipées. Est-ce qu'il y a eu une consultation? Et un peu, là, le rapport de ça, de cette consultation, pour le reste du projet de loi, parce qu'on voit que vous avez vraiment étudié beaucoup les chiffres, les rapports, les études de crédit, et tout ça, vous avez fait un travail énorme, je pense, du côté… justement pour établir les paramètres. Par contre, plus au niveau de la discussion et la consultation auprès de vos membres…

Le Président (M. Bergman) : M. Santerre.

M. Santerre (Mathieu) : Oui. On a fait effectivement une consultation, et je vous dirais que les points de vue étaient partagés. C'était divisé, si je peux m'exprimer ainsi, ce qui a fait en sorte que nous avons pris cette position.

Et, pour revenir sur l'intervention de Mme la ministre, je voudrais simplement citer Mme Raymonde Saint-Germain, du 24 septembre, qui a dit dans son communiqué de presse : «L'appui du Protecteur du citoyen à l'aide médicale à mourir est conditionnel à l'accès à des soins palliatifs de fin de vie de qualité.» Alors, pour nous, c'était assez clair.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Oui, merci. Je pense qu'on est tous d'accord avec l'amélioration des soins palliatifs, et le gouvernement du Québec travaille fort pour l'améliorer.

On a vu qu'il y avait eu quand même une intervention de 15 millions cette année et que le choix des personnes de rester à domicile, c'est très important, nous devons le respecter. Et il faut dire aussi que «domicile», ça implique l'endroit où vit la personne, ça fait que c'est assez large aussi. Il faut comprendre «domicile» comme pas nécessairement «à la maison» où ils ont vécu depuis 80 ans, mais bien le domicile où ils demeurent présentement. Puis, qu'ils aient un accès aux soins, je pense que c'est important et le 15 millions qui a été investi le prouve.

Maintenant, pour les directives médicales anticipées, est-ce que vous avez eu une discussion sur ce point-là particulier? On voit que c'était divisé sur l'aide médicale à mourir. Par contre, comment vous voyez le respect de l'autonomie des personnes dans le fait qu'elles vont donner des directives médicales anticipées?

Le Président (M. Bergman) : Mme Parent? M. Santerre.

M. Santerre (Mathieu) : Oui. En fait, ces articles-là du projet de loi se situent dans les clarifications sur les choses auxquelles on pourrait avoir accès dans le futur. Alors, notre point de vue est généralement favorable sur ça, sans qu'on ait fait un examen approfondi, là, article par article de ces éléments-là, là. Mais on voit d'un point de vue, grosso modo, favorable cette section-là du projet de loi.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement. Maintenant, pour le bloc de l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon, il vous reste 9 min 30 s.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Juste pour expliquer le chiffre du un pour 10 000, d'où ça vient, c'est une méthode empirique. Il n'y a pas de méthode scientifique, là, qu'on calcule chacun des critères, la population, parce qu'il y a une variabilité.

Ce que nous avons fait, nous sommes allés voir les endroits qui fonctionnent le mieux, où les services à domicile sont bien développés et qu'il y a une population qui représente l'ensemble du Québec. Puis, je ne vous le cacherai pas, on a pris le CSSS Lac-Saint-Jean, où il y avait 50 000 personnes, environ 14 % à 15 % de personnes de 65 ans et plus. Il n'y avait pas de patients en attente de soins palliatifs dans les lits de courte durée. Et la maison Soli-Can avait cinq lits, et ça répondait bien aux besoins. Donc, ça a été vraiment sur une base empirique. On a pris ce qui se faisait à peu près de mieux et on l'a appliqué, et ça a donné ce chiffre. Ce que nous avons noté, c'est que un sur 10 000 pour les lits de soins palliatifs, ça répond aux besoins dans les conditions de la population du Québec actuelle, et je m'explique. Avec le temps, la population va augmenter, mais le nombre de personnes de 65 ans, et de 75 ans, et de 85 ans augmente plus grand que la population. Donc, avec le chiffre de un sur 10 000, on va réussir à passer à travers, à une condition, c'est que, pour cette croissance de vieillissement, il faut développer des soins à domicile. Donc, il faut juste s'entendre comme il faut sur cette base.

Également, c'est le même principe pour les lits de CHSLD, nous sommes allés voir les meilleurs endroits pour ce qui s'agit des lits de CHSLD. Et on sait qu'actuellement il y a des endroits, dont, entre autres, le CSSS Lac-Saint-Jean-Est, le CSSS Arthabaska Les Érables, la région de Sherbrooke, qui réussissent à fonctionner avec 2,5 lits par 100 personnes de 65 ans et plus. Le critère pour savoir si c'est le bon chiffre ou pas, je vais vous le dire, là, c'est empirique encore, c'est aller voir à l'hôpital est-ce qu'il y a des gens qui sont en attente de soins palliatifs, est-ce qu'il y a des gens qui sont en attente de lits de CHSLD. Et on assume que, s'il n'y a personne qui est en attente de lits de CHSLD, personne n'est en attente de lits de soins palliatifs et qu'avec ces ratios-là ils réussissent à fonctionner, on pourrait s'attendre que l'ensemble du Québec devrait fonctionner avec ces ratios. Le risque de développer trop de ressources, ça va enlever un peu de pression pour développer les soins à domicile et les lits de soins palliatifs. Ça fait que c'est la logique qu'il y avait. Et moi, je suis d'accord avec vous, les endroits où est-ce qu'on est en déficit de lits, il faut les combler. Ça, c'est l'autre illusion : il y a des endroits qui ont pensé qu'ils vont être tellement bons qu'ils ne développeront pas les ressources nécessaires. Puis, à la fin, ce n'est pas tellement compliqué, ces gens-là se retrouvent à l'hôpital. Parce que, lorsque vous n'avez pas les ressources nécessaires dans la communauté, vous n'avez pas les ressources nécessaires en lits de CHSLD, en ressources intermédiaires, en lits de soins palliatifs, ce sont des patients qui sont en attente à l'hôpital.

Puis les trois endroits qui sont modèles au Québec… Il y en a, plusieurs endroits très bons, là, mais les trois endroits qui étaient modèles au Québec, sur lesquels on pouvait se fier sur le développement de ces ressources-là, c'étaient la région de Sherbrooke, le CSSS Arthabaska Les Érables, qui est vraiment bien développé, puis le CSSS Lac-Saint-Jean-Est. Donc, ce sont nos modèles, et on veut que tout le monde au Québec se rapproche de ça. Qu'est-ce que vous en pensez, de ma théorie?

Le Président (M. Bergman) : Mme Parent.

Mme Parent (Lyne) : Évidemment, je l'aime beaucoup parce que je trouve que c'est ce qu'il faut.

Ce qu'on veut, c'est vraiment qu'il n'y ait personne qui soit en attente ou qui reste dans le passage alors qu'elle est en fin de vie. Il ne faudrait pas que ça arrive. Il faut vraiment s'arranger pour que les gens puissent avoir droit… et avoir les soins nécessaires. Parce que c'est sûr que la souffrance, au Québec, aujourd'hui, c'est inacceptable, alors ce n'est pas de donner une petite piqûre puis de s'en aller. Le fait qu'en CHSLD il n'y ait rien pour aider, d'ouverture pour les gens qui sont en fin de vie, c'est important. Il faut que les gens puissent avoir au moins une rencontre, que les gens aillent les voir. Je regarde M. Bérubé, sa mère était à l'hôpital puis elle était en fin de vie, puis les médecins n'allaient pas la voir, elle n'avait pas de place. Il allait la voir deux fois par jour, c'est lui qui passait la journée avec elle. C'est des choses qui existent. Alors, c'est ce qu'on déplore. Et voilà.

Le calcul peut se faire de toutes les façons, l'administration est très importante là-dedans. Et je ne veux pas mettre le blâme sur les gens qui y travaillent, mais en fait l'administration est très importante. La manière d'organiser les choses et de voir comment on peut faire… on demande des lits parce qu'on sait qu'il en manque. Mais c'est la seule chose. Je ne voudrais pas non plus avoir l'air d'exagérer.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. L'autre critère qui est important, puis je veux avoir votre opinion là-dessus, c'est ma théorie puis c'est une théorie personnelle, mais j'aimerais la partager, c'est que la personne devrait avoir le choix où mourir, ce qui veut dire que, si elle veut mourir à domicile, elle devrait avoir la possibilité, avec tous les services nécessaires. Si elle veut mourir dans un lit de soins palliatifs, dans une maison de soins palliatifs, elle devrait avoir le choix. Mais le troisième sur lequel il faut faire la discussion puis il faudrait se mettre d'accord, si, à la fin de sa vie, la personne veut mourir à l'hôpital, on devrait également lui offrir cette possibilité. On n'en parle pas beaucoup parce qu'on insiste beaucoup sur les soins palliatifs à domicile avec parfois, je pense, un peu l'illusion que ça va tout régler, là, mais la réalité… Moi, je suis beaucoup plus partisan d'offrir le choix. Et on sait que la majorité des gens, lorsqu'ils le peuvent, ils veulent mourir à domicile. Parfois, ils sont obligés de transférer dans des lits de soins palliatifs. Mais il y en a quelques-uns qui veulent mourir à l'hôpital, et on doit leur offrir ce choix-là également. Qu'est-ce que vous en pensez?

Le Président (M. Bergman) : Mme Parent.

• (11 h 50) •

Mme Parent (Lyne) : Merci. Moi, je crois que, selon les personnes… il y a des personnes qui sont seules à la maison, qu'il n'y a personne qui va s'en occuper. C'est bien beau, le soin d'aide à domicile, mais, si la personne est seule puis qu'elle a quelqu'un qui vient quelques heures par jour, trois ou quatre heures par jour, elle va dire : J'aimerais bien mieux être à l'hôpital quand, la nuit, je suis seule puis que j'ai peur.

Et c'est très, très aléatoire parce que plusieurs personnes… On sait très bien qu'en vieillissant il y a toujours un des deux conjoints qui décède, l'autre est seul. Puis il y a beaucoup plus de femmes seules, il y a beaucoup plus de personnes seules qui sont encore à la maison. Est-ce qu'ils vont décider : Bon, aujourd'hui, c'est la journée où je vais mourir ou bien si on va avoir quelqu'un à côté d'eux pendant cinq, six jours? Est-ce qu'ils vont être là jour et nuit? La personne va peut-être demander : Oui, je préfère aller à l'hôpital. Ça, là-dessus, je crois qu'il faut vraiment être ouverts aux gens qui… Il y a plusieurs personnes qui sont seules, il y a beaucoup, beaucoup d'isolement. Il y a beaucoup de gens qui ont besoin d'avoir des gens autour d'eux. Et ça, ça peut être très long, ça peut demander beaucoup.

Alors, je crois facilement qu'on peut demander d'aller à l'hôpital, même si on a envie de rester chez soi. Ça dépend s'ils ont quelqu'un autour d'eux.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste 2 min 30 s.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Ça va me permettre de toucher deux autres concepts que j'aimerais partager avec vous.

Pour réussir à permettre à la personne de mourir où elle veut, ça nous prend ce qu'on appelle de la fluidité dans le système. Ça veut dire que, lorsqu'on a un besoin, on doit être capable d'y répondre immédiatement. Et un des problèmes que nous avons actuellement dans le réseau de la santé, c'est que la personne est à l'hôpital, voudrait aller dans une maison de soins palliatifs, mais il n'y a pas de place dans les maisons de soins palliatifs. Donc, c'est pour ça que c'est important d'avoir peut-être une surcapacité légère à modérée de façon à toujours s'assurer qu'il y ait un lit de disponible ou des lits de soins palliatifs et également que, dès que quelqu'un a besoin de soins à domicile, l'équipe soit capable d'y répondre. Et, pour moi, là, c'est un élément extrêmement important. Le deuxième concept que j'aimerais partager avec vous puis sur lequel je vais demander votre opinion : au-delà de l'endroit où on va mourir, au-delà de l'organisation des soins palliatifs à domicile, maisons de soins palliatifs ou à l'hôpital, le plus important, puis je pense que la ministre insiste également là-dessus, c'est qu'on ait tous la philosophie des soins palliatifs dans laquelle va venir s'incorporer le continuum de soins, dont, entre autres, les soins à domicile, les soins palliatifs en général, possiblement tout le concept de sédation, qu'on va déterminer le terme à un moment donné, puis également, si la loi passe, une possibilité d'avoir l'aide médicale à mourir.

C'est comme ça que je pense qu'il faut le voir dans l'organisation, c'est-à-dire avoir la place nécessaire où on veut mourir, philosophie des soins palliatifs et également le continuum de services. Ce serait à peu près l'orientation que nous aurions, au Québec, pour l'organisation pour la fin de vie.

Le Président (M. Bergman) : Mme Parent.

Mme Parent (Lyne) : Oui. Ça sera M. Santerre.

Le Président (M. Bergman) : M. Santerre.

M. Santerre (Mathieu) : Par rapport à vos deux questions, offrir un choix à la personne, c'est bien sûr; et, nous sommes d'accord, ça prend la souplesse requise.

Notre mise en garde aujourd'hui, c'était que, du côté des soins à domicile, nous n'avons pas la souplesse requise à l'heure actuelle pour appliquer votre théorie que vous avez partagée et qui est bien positive. Concernant la philosophie des soins palliatifs, bien sûr on croit que c'est quelque chose qui doit s'étendre un peu partout dans le réseau, et je reviens notamment du côté des CHSLD où, je vous le rappelle, près d'une personne sur cinq qui est à l'intérieur de l'établissement décède en dedans d'une année. Alors, c'est 10 000 personnes qui décèdent en CHSLD à chaque année. Alors, c'est important que ces personnes-là vivent une fin de vie digne et dans les meilleures conditions possible.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le deuxième groupe d'opposition, M. le député de Vanier-Les Rivières.

M. Lévesque : Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, Mme Parent, M. Bérubé et M. Santerre, de votre présentation.

Vous avez volontairement décidé de parler davantage des soins palliatifs que de l'aide médicale... l'assistance médicale à mourir, et c'est bien correct, là, vous amenez un éclairage. On a parlé beaucoup, dans les derniers jours, du volet davantage sur l'aide médicale à mourir, mais là on parle des soins palliatifs, de voir qu'il y a quand même six régions sur 11, selon ce que vous nous démontrez, qui vont relativement bien au moment où on se parle. Il y a de l'amélioration à faire, puis je pense que l'ensemble des parlementaires ici présents sont d'avis justement qu'on doit aussi accompagner davantage nos gens dans cette perspective qui est les soins palliatifs. Puis ça, vous l'amenez très bien. Et il y a des efforts qui doivent être consacrés davantage, c'est bien évident. Peut-être, l'axe que je vais vous parler, c'est concernant la finalité, parce que je ne voudrais pas répéter ce que les collègues ont dit. Ils ont posé des questions tout à fait pertinentes, mais on a peu abordé la suite, si la politique se met en place et est adoptée par les parlementaires, sur le suivi qu'on devra faire, parce qu'évidemment, là, il y a une évaluation qui doit se faire au niveau des soins palliatifs eux-mêmes. On parle, dans le projet de loi, d'un délai de cinq ans. Avez-vous réfléchi sur cet élément-là, en première question?

Et, en deuxième question, peut-être aussi au niveau d'un processus d'examen de plaintes, comment on pourrait évaluer justement l'efficacité des services qui sont offerts à nos gens? Évidemment, une personne en soins de vie, ce ne sera peut-être pas facile d'avoir ses propres commentaires, mais les gens de l'entourage, les gens proches, il faut avoir la sensibilité… comment ces gens-là aussi ont été traités. Avez-vous eu la chance d'échanger avec vos membres sur le délai que la commission devrait émettre des rapports et également sur l'évaluation et un processus de recevoir les commentaires par les proches de la famille?

Le Président (M. Bergman) : Mme Parent.

Mme Parent (Lyne) : Merci. Quand je lis le projet de loi n° 52… je regardais, il y a plusieurs choses qui sont déjà mises en place sur comment on va faire le suivi, qui fait quoi, combien il y a de personnes autour de la personne qui est en fin de vie, qu'est-ce qu'elle décide, etc. Non, on n'a pas vraiment continué à dire qu'est-ce qui va se passer par la suite. L'évaluation, telle qu'elle est proposée dans le projet de loi, est vraiment très claire. Je crois que ce qu'il faut faire là-dessus, c'est bien. Ce que vous suggérez également, c'est d'avoir un suivi avec les personnes restantes, tout dépendant. Et ça, là, c'est tout simplement normal de pouvoir voir qu'est-ce qui s'est passé, où est-ce qu'on s'en va, est-ce que ça convient, est-ce qu'on a le bon terme, est-ce que c'est les bonnes choses à faire. Je crois que c'est tout à fait normal. Maintenant, M. Santerre va continuer.

Le Président (M. Bergman) : M. Santerre.

M. Santerre (Mathieu) : Oui, merci. Alors, en termes de suivi concernant l'implantation de soins palliatifs, on a une inquiétude en fait qui nous est apparue à la lecture du projet de loi, ce sont les articles 18 et 19 qui donnent, disons, un poids important aux agences de santé et de services sociaux dans la détermination de l'accès à des soins palliatifs. C'est ce qui a généré, de notre point de vue, notre recommandation n° 5, à savoir que non seulement on s'attend à des engagements du côté gouvernemental pour le développement de soins palliatifs, mais que chaque agence de santé et de services sociaux prenne cet engagement-là également et en soit imputable.

Le Président (M. Bergman) : M. le député.

M. Lévesque : Ça me convient.

Le Président (M. Bergman) : Alors, Mme Parent, M. Bérubé, M. Santerre, merci pour votre présentation, merci d'être ici avec nous et partager votre expertise avec nous.

Et, collègues, la commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes, soit vers 15 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 58)

(Reprise à 15 h 6)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux. Nous allons poursuivre, sans plus tarder, les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie.

Alors, je souhaite la bienvenue à la FADOQ. Bienvenue, M. Prud'homme, Mme Bouchard, M. Dupont. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. S'il vous plaît, donnez à nous vos noms, vos titres, et les prochaines 15 minutes, c'est à vous.

Réseau FADOQ

M. Dupont (Maurice) : Alors, Maurice Dupont, président du réseau FADOQ. Alors, tout d'abord, je tiens à remercier la commission de nous donner l'opportunité de pouvoir exprimer notre position aujourd'hui. Je suis accompagné du directeur général, M. Danis Prud'homme, ainsi que de notre attachée politique, Mme Caroline Bouchard, qui m'assisteront pour la période de questions.

Le réseau FADOQ est un regroupement volontaire de personnes de 50 ans et plus dont l'objectif principal est d'améliorer la qualité de vie de ses membres et, par voie de conséquence, de l'ensemble des aînés québécois. Aujourd'hui, le réseau FADOQ est présent dans l'ensemble du Québec et rassemble plus de 275 000 personnes autour de sa mission. Le présent avis consiste en une réflexion suivant le dépôt du projet de loi n° 52. Le contexte Mourir dans la dignité revêt une signification lourde de sens. Qu'est-ce que la dignité et comment rester digne à travers l'étape ultime du cycle de la vie? À notre avis, la société québécoise fait preuve d'une grande maturité en poussant cette réflexion jusque dans une proposition de projet de loi. La réconciliation entre la vie et la mort reste un sujet encore difficile à aborder en société, particulièrement en raison du caractère très personnel de cet exercice philosophique et spirituel. Cependant, une chose est certaine, pour la majorité des gens, la mort est la phase suivant celle de la vieillesse. Ainsi, il nous apparaît évident que nous devons également réfléchir aux assises sociales qui permettent un vieillissement dans la dignité. La corrélation entre la vieillesse et la mort implique donc nécessairement une réflexion complémentaire entre ces deux grandes phases de la vie.

En somme, en tant qu'observatoire et défenseur des droits des aînés, le réseau FADOQ est heureux de prendre part au débat de société sur la mort digne tout en précisant l'importance de la dignité à travers la vieillesse.

À la suite de l'analyse du projet de loi, nous sommes heureux de constater que les mots d'ordre sont «autodétermination», «autonomie», «libre choix» et «dignité du patient». Le réseau FADOQ donne son appui sur le principe du projet de loi proposé par la Commission sur les soins de fin de vie. D'abord, nous tenons à féliciter les membres de la commission qui ont mené ce débat social avec rigueur et intégrité, de manière démocratique et ouverte. Le réseau FADOQ maintient que le projet de loi n° 52 devrait être adopté en principe. Cependant, nous souhaitons vous faire part de réflexions additionnelles ayant pour but de suggérer certaines modifications de manière à éviter tout flou dans l'application du projet de loi. La nature même de cette initiative législative ne laisse aucune place à l'erreur.

• (15 h 10) •

Le Québec est la société occidentale qui vieillit le plus rapidement au monde. Nous vivons plus longtemps, que l'on soit malade ou en santé. En ce sens, les soins palliatifs représentent une grande avancée pour la médecine moderne. Cependant, nous réalisons qu'ils sont toujours au rang des soins rares donnés à certains privilégiés. De fait, selon la Société québécoise des médecins en soins palliatifs, seulement 20 % des malades du Québec ont accès aux soins palliatifs. Il s'agit d'un pourcentage inacceptable lorsque nous considérons l'importance de la dignité humaine jusque dans la mort. Cependant, afin de ne pas nuire au développement des soins palliatifs, il nous faut passer la loi de manière holiste. La sensibilité du sujet demande à ce que les termes employés soient des plus clairs. De fait, la distinction ténue entre les termes amène un risque important, soit celui d'associer la sédation terminale à la sédation palliative ou encore l'euthanasie à l'accompagnement en soins palliatifs.

Ce projet de loi met une importante pression sur les prestataires de soins de santé, qu'ils soient médecins ou infirmières, puisqu'ils devront répondre aux mécanismes de surveillance, aux familles, aux patients ainsi qu'à l'opinion publique. Un guide pratique doit être élaboré, définissant les termes utilisés dans le texte de la loi, par exemple celui d'«aide» médicale à mourir, tout comme les bonnes pratiques à mettre en place au sein d'un établissement de soins de santé. Accompagner des prestataires de soins de santé dans la mise en oeuvre d'une telle initiative législative, c'est mettre en place les balises pratiques assurant le respect de la loi dans son intégrité. Autrement, le réseau FADOQ craint le manque de reddition de comptes mais surtout de suivi quant aux décisions prises dans le cadre du projet de loi n° 52. Au fil des années, nous avons pu constater que plusieurs initiatives gouvernementales ont été mises en place et partaient de principes de bonne foi. Cependant, leur mise en application entraînait des irrégularités qui faisaient l'objet de rapports sans toutefois être corrigées par la suite, un manque de suivi aux conséquences fâcheuses. Dans le cas qui nous intéresse, il ne faut absolument pas que les rapports fournis par les institutions de santé soient tablettés et que les correctifs nécessaires à la bonne gestion de l'aide médicale à mourir et à la prestation de soins palliatifs ne soient pas apportés.

En ce sens, le réseau FADOQ demande un mécanisme de surveillance efficace, indépendant et rigoureux.

Qui plus est, nous demandons la mise en place d'un mécanisme de reddition de comptes et de suivi, qui rendra imputables les prestataires de ces soins de fin de vie. Nous sommes conscients qu'un coût important y sera associé, cependant. Le caractère irréversible des décisions prises dans le cadre de ce projet de loi rend le processus de surveillance d'autant plus important et impératif.

En dernier lieu, nous tenons à souligner l'importance du caractère indépendant de la future commission d'évaluation des soins de fin de vie. Nous considérons que les articles 10 ainsi que de 20 à 24 du projet de loi n° 52 accordent des prérogatives trop importantes au gouvernement. Les changements de gouvernement impliquent nécessairement des variations de philosophie et de valeurs transposées de manière systémique. En ce sens, nous devons envisager la prise de pouvoir par un gouvernement moins enclin à favoriser l'aide médicale à mourir. Ainsi, nous recommandons que la prérogative d'orientation des politiques de l'aide médicale à mourir soit accordée entièrement à la commission d'évaluation des soins de fin de vie et non au gouvernement afin de protéger le droit de la dignité des patients. En deuxième lieu, le réseau FADOQ soutient qu'il est impératif de mettre la priorité sur l'amélioration et le développement de l'offre en matière de soins palliatifs. Ces soins permettent aux patients de vivre leurs derniers moments dans le confort, l'intimité, la compréhension et l'accompagnement.

En ce sens, nous devrons faire en sorte que le projet de loi priorise la qualité, l'accessibilité et le développement des soins palliatifs, et ce, dans différents centres de santé. Pourtant, les chiffres sont alarmants lorsque nous constatons que seulement 20 % des malades ont accès à ces types de soins. C'est dire que 80 % de la population malade risque de mourir dans la souffrance, l'isolement, la solitude et la dépression. Dans une société qui valorise ses aînés, ces chiffres sont inacceptables, à notre avis. Au Canada, mais plus particulièrement au Québec, nous devrions atteindre 100 % de gens malades ayant un accès gratuit à des soins palliatifs et de fin de vie.

Le réseau FADOQ croit qu'il est impératif pour le gouvernement de passer les soins palliatifs de manière indépendante de l'aide médicale à mourir et de faire de leur accessibilité une priorité sociale. Nous devons développer une offre de services complète et large à la fine pointe des nouvelles techniques afin de garantir une qualité de vie et de mort adéquate aux citoyens du Québec. En effet, notre société ne peut se priver de méthodes et pratiques qui ont du succès dans d'autres pays. L'ouverture d'esprit dont nous faisons preuve actuellement doit s'étendre afin que nous repoussions les frontières des bonnes pratiques, comme nous le faisons ici avec l'aide médicale à mourir. Autrement, la bonne mort implique nécessairement plusieurs critères qui sont favorisés dans divers milieux, notamment dans les maisons de fin de vie.

Le réseau FADOQ recommande que nous assurions le maintien des maisons de fin de vie en leur offrant l'aide financière nécessaire au développement et à l'amélioration de leurs services. Ainsi, nous pourrions faciliter l'achat d'équipement de pointe, par exemple des pompes implantables à antalgiques, l'embauche de personnel adéquat, interdisciplinaire et la mise en place d'infrastructures répondant aux besoins des patients. Il faut savoir que, d'ici 20 ans, le Québec sera composé de près de 50 % de gens de 50 ans et plus, augmentant ainsi la pression autant sur le système de santé que sur le filet social. Les demandes en matière de soins palliatifs et de fin de vie ne feront que croître. Il nous faut planifier en fonction de ce défi démographique et considérer les maisons spécialisées comme des alliés nous permettant de déployer nos forces de manière à assurer la prestation de soins adéquats. Troisièmement, mourir dans la dignité nous pousse à nous questionner sur ce qu'est la dignité. Comment mourir dignement? Qu'est-ce qu'une bonne mort? Comment accompagner de façon adéquate quelqu'un qui est en fin de vie? Ces questions se poseront davantage pour les prestataires de soins de santé, c'est pourquoi les questionnements éthiques qu'elles impliquent devront être au coeur d'une formation intensive. Nous croyons que le caractère inéluctable de l'aide médicale à mourir nécessite le déploiement d'une formation médicale spécialisée en accompagnement de fin de vie de manière à outiller les intervenants du réseau de santé. Ils doivent être formés adéquatement puisqu'ils devront travailler aux limites du suicide et de l'euthanasie.

L'obligation de formation devrait être incluse dans les articles de loi pour ainsi assurer la qualité des soins prescrits. Qui plus est, nous sommes d'avis que le projet de loi n° 52 devra s'arrimer au projet d'assurance autonomie que propose le gouvernement.

Mourir dans la dignité peut également vouloir dire mourir à la maison, selon le choix du patient. Cette réalité nécessitera un réaménagement des soins de santé et impliquera peut-être un retour à la vocation itinérante des médecins d'autrefois, qui rendra à la médecine son rôle d'accompagnement initial, d'où l'importance de définir un guide des meilleures pratiques en accompagnement de fin de vie et d'arrimer investissements et ressources humaines afin de faciliter le déplacement des intervenants en santé et de favoriser la proximité des spécialistes de la santé avec leurs patients. Peu importe le lieu où les services seront donnés, les prestataires de soins de santé devront faire preuve de qualités particulières nécessaires à l'accompagnement en fin de vie. Nous croyons qu'il est requis de souligner l'importance de la formation, de l'éducation et de la sensibilisation du corps professionnel dans le texte de loi de manière à fournir les soins adéquats au domicile, en maison spécialisée ou en milieu hospitalier.

Des questions sans réponse. Selon le réseau FADOQ, quelques questions de nature éthique restent en suspens. En effet, plusieurs éléments implicites dans le projet de loi nous amènent à nous questionner sur l'étendue et la portée qu'aura la loi pour la société québécoise. Nous souhaitons les soulever en toute humilité puisque nous ne prétendons pas en détenir les réponses.

D'abord, en considérant que l'autodétermination et l'autonomie du patient à décider de ce qui est mieux pour lui sont les fondements de l'intention du législateur et considérant qu'au sens de la loi le patient peut refuser tout traitement mais aura acquis le droit de mourir dans la dignité, comment justifier la demande de mourir d'un patient qui aurait préalablement refusé tout traitement palliatif? Deuxième question : Ensuite, comment pouvons-nous justifier le refus de l'aide médicale à mourir à quelqu'un qui n'est pas en fin de vie, qui est atteint d'un handicap ou d'une maladie grave et qui souffre quotidiennement, tant de manière psychologique, physique que spirituelle? Et la troisième et dernière : Sachant que les coûts entourant les soins de fin de vie sont très élevés en milieu hospitalier, comment arriverons-nous à prévenir les dérapages de nature pécuniaire dans un contexte d'aide médicale à mourir?

En conclusion, le réseau FADOQ appuie le projet de loi n° 52 sur le principe dans la mesure où les recommandations mentionnées ci-haut sont intégrées au texte de la loi. Nous sommes d'avis que l'aide médicale à mourir doit rester une exception à la loi. Elle ne doit pas devenir pratique courante et elle ne doit surtout pas être normalisée. Cette proposition représente une avancée pour la société québécoise et pour la dignité individuelle. Il s'agit d'une initiative courageuse, qui mérite d'être menée jusqu'au bout. Le réseau FADOQ continuera de prendre part à la réflexion au nom de la qualité de vie et de la dignité de nos aînés, et ce, dans toutes les phases de leur vieillissement. Merci de votre attention.

• (15 h 20) •

Le Président (M. Bergman) : M. Dupont, merci pour votre présentation. Et maintenant, pour le premier bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Prud'homme, merci beaucoup d'être parmi nous aujourd'hui. Merci aussi, bien sûr, aux gens de la FADOQ qui vous accompagnent. Merci, M. le président.

Écoutez, je vous remercie d'avoir pris le temps une deuxième fois… parce que vous savez à quel point le réseau FADOQ, il est important. On n'a pas besoin d'être député pendant longtemps pour le découvrir et découvrir à quel point votre implication est forte et importante dans toutes nos communautés mais aussi au plan national, bien sûr. Puis je vous remercie de votre contribution, parce que moi, je pense que certains qui pourraient nous observer d'ailleurs trouveraient sans doute assez formidable ce qu'on est capables de faire au Québec en ce moment en termes d'avancement avec ce projet de loi là mais aussi avec l'autre chantier, qui l'accompagne à côté, du développement des soins palliatifs mais, je dirais, d'avoir fait des consultations, d'avoir fait des débats sur un enjeu, comme vous le soulevez fort bien, qui peut être très sensible, mais d'avoir été capable de faire ça dans le respect, en incluant beaucoup les représentants des personnes aînées, en incluant les représentants des personnes handicapées aussi, ce matin des gens de la prévention du suicide, les ordres professionnels, donc, en étant capables d'avoir une conversation vraiment de fond, comme on n'en a peut-être pas souvent, avec l'ensemble des acteurs et de certains acteurs que l'on pourrait penser d'emblée qu'ils vont être plus réfractaires à cette ouverture-là, à l'aide médicale à mourir. Et je pense que votre intervention montre très bien que les aînés aussi souhaitent avoir cette possibilité-là dans la mesure aussi où ils savent qu'on veut leur offrir le meilleur accompagnement possible via les soins palliatifs et via, je dirais, une réponse à leurs besoins en fin de vie, à une réponse, je dirais, la plus complète possible à l'ensemble de leurs besoins qui peuvent être très complexes, qui peuvent être très différents. Et c'est dans cette optique-là que l'aide médicale à mourir arrive. C'est un soin exceptionnel pour des circonstances exceptionnelles.

Donc, peut-être vous dire… quand vous vous posez une question, vers la fin de votre mémoire, une question éthique, comme vous l'appelez, à savoir : Comment on peut justifier ou comment on justifierait qu'une personne qui a un handicap, par exemple, ne peut pas se prévaloir de l'aide médicale à mourir?, bien, ça, je vous dirais que, pour nous, c'était fondamental. Et c'est pour ça qu'il y a vraiment une philosophie du début à la fin de la loi, qui est celle, un, de la fin de vie et qui est celle du continuum de soins.

Et donc en aucun temps on ne veut se sortir, je vous dirais, de cette philosophie-là et de ces balises-là qui sont beaucoup plus détaillées à l'article 26.

Donc, j'aimerais juste comprendre ce qui, pour vous, peut soulever ce questionnement-là, de savoir comment on va dire non à une personne, par exemple, qui n'est pas en fin de vie. Est-ce parce que, selon vous, ce n'est pas clair ou est-ce parce que, selon vous, ces personnes-là vont vouloir s'en prévaloir d'une autre manière? Donc, j'aimerais juste que vous clarifiiez votre pensée à ce sujet-là.

Le Président (M. Bergman) : M. Dupont? M. Prud'homme.

M. Prud'homme (Danis) : Pardon. Je pense que ce qu'il est important de mentionner, c'est, au niveau de ce qu'on est en train d'essayer de voir, comment élaborer un projet comme ça pour mettre en place des mesures et, j'allais dire, des choses qui vont faciliter la vie de certaines personnes.

Quand on parle spécifiquement de personnes en fin de vie, il faut s'assurer… dans notre questionnement, pour nous, c'est, dans un premier temps, détacher, et je reprends un peu ce qu'on a dit, détacher les soins palliatifs, par rapport à ce qu'on parle, de soins terminaux. Parce que, quand on regarde au niveau soins palliatifs, dans un premier temps, on sait que c'est divisé en certains types. Donc, les types, on va dire, 1, qui décèdent beaucoup plus rapidement, qui sont habituellement des gens qui sont, malheureusement, atteints de cancer, en dedans de trois mois, souvent, vont se retrouver effectivement dans les maisons à soins palliatifs. Les gens qui... tout ce qui touche… cardiopulmonaire, où on peut s'échelonner sur quelques années, ne vont malheureusement pas nécessairement avoir accès, sauf quand on arrive à la fin en tant que telle. Et, si on passe au type n° 3, qui sont tout ce qui est alzheimer et maladies apparentées, démence et fragilité du corps, qui peut aller jusqu'à huit à 10 ans avant que quelqu'un décède, ils n'ont évidemment pas accès à des maisons en soins palliatifs avant la fin peut-être, si on peut. Et c'est là tout le débat, au niveau de dire… quand on parle de l'argent, quel argent on va mettre de l'avant pour, si on veut, financer les équipes multidisciplinaires qui vont travailler à ça, la formation que ça engendre.

Il y a beaucoup de questionnements qui tournent autour du fait qu'il faut éclaircir plusieurs points. Et, parmi ces points-là, comme vous avez mentionné, au niveau des… quand on dit : Comment refuser à un par rapport à l'autre?, bien, pour nous, ce n'est pas clair présentement. Puis on ne dit pas qu'on détient la vérité de La Palice, on ne le sait pas, mais c'est des questions qu'on ose poser parce que, si on l'a lu, si des gens l'ont lu et nous ont référé des commentaires au niveau de qu'est-ce qui va se passer à ce moment-là, donc c'est des questions qui, pour nous, persistent dans le sens que ce n'est pas nécessairement bien détaillé au niveau du projet de loi en ce moment.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : En fait, pour ce qui est de l'horizon temporel, le projet de loi, ce qu'il vient dire du début à la fin, c'est qu'il faut que la personne soit en fin de vie.

Donc, quand vous dites, par exemple : Les soins palliatifs devraient peut-être intervenir plus tôt, au début d'une maladie de quelqu'un qui a une maladie dégénérative, par exemple, en lien avec d'autres soins qu'il va pouvoir recevoir, ça, je suis d'accord avec vous, je pense que c'est un enjeu important, que les soins palliatifs arrivent au bon moment. Mais le projet de loi, sa portée, son cadre, si vous voulez, c'est la fin de vie. Donc, c'est les soins palliatifs de fin de vie — et c'est la sédation palliative «continue» ou «terminale», et on se dirige vers «continue», donc c'est deux termes qui étaient vus comme des synonymes, mais on peut utiliser «continue» sans faire plus consensus — donc qui arrivent en fin de vie, et l'aide médicale à mourir, qui peut être un soin exceptionnel bien sûr en fin de vie aussi. Et, quand vous dites : Peut-être qu'il faut distinguer, c'est sûr que l'aide médicale à mourir, ce n'est pas un soin palliatif, on ne la considère pas comme un soin palliatif. Mais, par ailleurs, de faire une distinction, c'est-à-dire de… je dirais, de vraiment faire une scission entre les deux, pour moi, ce n'est pas dans la logique du projet de loi parce que la logique du projet de loi, elle veut justement considérer la personne dans toute la complexité des besoins qu'elle peut manifester en fin de vie puis qu'il n'y ait pas une rupture.

Vous avez des soins, des bons soins palliatifs, c'est ce qu'on souhaite et c'est ce qu'on veut offrir aux gens en fin de vie, et là, si, par malheur, ça ne fonctionne pas, que vous êtes dans les pourcentages de personnes dont on n'arrive pas à soulager les souffrances, vous demandez l'aide médicale à mourir, vous répondez aux critères, bien, que, là, ça soit comme un autre univers. Me suivez-vous?

Donc, pour nous, c'est important qu'il y ait un peu cette logique-là de continuum parce qu'on parle toujours de la même personne qu'on veut accompagner le mieux possible. Je ne sais pas si vous voulez…

Le Président (M. Bergman) : M. Prud'homme.

M. Prud'homme (Danis) : En fait, je reviendrais en disant : Si on se fie à la définition de l'Organisation mondiale de la santé, quand on parle de soins palliatifs, c'est quelqu'un… puis on n'est pas des experts, là, mais, quand on regarde la définition, c'est que c'est une maladie à pronostic réservé, donc il y a une fin, on sait qu'il va y avoir une fin x, là. Et cette fin x là... c'est pour ça que je disais : Il y a comme trois types. Ça peut être très, très vite, à huit à 10 ans, là, quand on parle de l'alzheimer. Je peux dire des cas précis, dans mon cas, là, où j'ai vu ça.

C'est pour ça que, quand on parle de soins de fin de vie, bien, dans ce cas-là, soins de fin de vie, c'est huit ans, parce qu'ils sont entrés dans la phase où ils ont besoin de ces soins-là. Pourquoi est-ce qu'on attendrait trois mois? Pourquoi est-ce qu'on attendrait deux mois? C'est pour ça. Puis je vais répondre de façon simple. Pour nous, ce qui est important, premièrement, c'est la vie et la qualité de vie qu'on a, que la fin de vie soit d'un mois ou huit ans. Est-ce que, comme société, on est prêts à mettre de l'avant ce qu'il faut pour ça? Pour nous, c'est ça. Et, dans ce cas-ci, le projet de loi, bien, vous l'avez dit, se concentre sur la fin de vie. Et c'est pour ça qu'on dit : Nous, ça nous questionne, parce qu'avant de parler de mourir dans la dignité on aimerait peut-être parler de vivre dans la dignité.

Et, on le dit, on est d'accord sur le principe, mais il y a plusieurs choses pour nous qui… on a des bémols, là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

• (15 h 30) •

Mme Hivon : Oui. Bien, moi, je pense qu'un n'empêche pas l'autre. Et, comme j'ai déjà dit, vivre dans la dignité… je pense que, quand on est un élu, on travaille à tous les jours pour améliorer la qualité de vie des gens puis de nos concitoyens et certainement qu'on veut tous travailler très fort — je sais qu'il y a des gens autour de la table que ça leur importe aussi beaucoup — pour améliorer la qualité de vie, de vie des gens en fin de vie. Mais là on parle.

C'est un tout, dans le sens qu'il faut faire le maximum pour que les gens puissent vivre le mieux possible. Mais, quand on est rendu à l'étape ultime de notre vie, quand on est rendu en fin de vie, je différerais quand même légèrement d'opinion avec vous, dans le sens qu'une personne... Je suis tout à fait consciente que la fin de vie n'est pas exactement la même chose si c'est une personne qui a un cancer ou qui a une maladie neurodégénérative, la maladie Lou Gehrig par exemple, au dernier stade. Mais, quand on dit : Huit ans ou 10 ans, la personne peut avoir la maladie d'Alzheimer et tranquillement s'en aller vers sa fin de vie, mais elle ne sera pas, en tout cas, selon moi, dès lors qu'elle a le diagnostic d'une maladie dégénérative, dans sa fin de vie. Me suivez-vous? Au même titre où quelqu'un qui va avoir un diagnostic de sclérose ou de parkinson, il n'est pas, du jour au lendemain, en fin de vie. Il y a beaucoup d'étapes avant qu'il soit à l'étape ultime. Mais je pense qu'on se comprend.

Et puis, sur la question des soins palliatifs, ça, je peux vous rassurer. Vous avancez le chiffre de 20 %. Je ne sais pas si vous vous êtes arrêtés sur quelque chose de précis. C'est un chiffre qui circule beaucoup mais qui malheureusement ne correspond pas à la réalité. Donc, si ça peut vous rassurer, il y a beaucoup, beaucoup plus que 20 % des gens en fin de vie qui ont accès aux soins palliatifs. Il y a plusieurs groupes de médecins en soins palliatifs qui ont avancé un chiffre comme celui-là, mais, à ce jour, je ne sais pas d'où vient ce chiffre, parce que je dois vous dire que chez nous, juste avec les données qu'on a pour ce qui est des soins à domicile, c'est 51 % des gens qui ont une offre de services à domicile. Est-ce que toute l'intensité est celle qu'ils souhaiteraient avoir? Peut-être pas. Mais il y a quand même 51 % des gens qui en requièrent, qui ont des soins palliatifs à domicile, ce qui exclut tout ce qui est donné en plus en maison de soins palliatifs puis en centre hospitalier. Ça fait que, ça, je veux juste le recadrer, parce que c'est fort possible. Il y a beaucoup de groupes qui ont repris ce chiffre-là de 20 %, mais, à ce jour, on n'est aucunement capable de retracer... Il y a une seule étude de faite vraiment par un organisme, et ça date d'il y a 12 ans. C'était juste en milieu hospitalier, et ça tournait autour de 34 % d'accès à ce moment-là en milieu hospitalier.

Donc, ça, je voulais juste vous dire… parce que c'est sûr que, pour nous, c'est une priorité, on y travaille très fort. On a annoncé des sommes pour les soins palliatifs, on veut améliorer significativement l'accès aux soins palliatifs, je dirais, la qualité aussi des soins palliatifs autant à domicile qu'en établissement.

Donc, on veut faire le maximum pour ça. Donc, ça, on est commis, je dirais, de la même manière que vous à cet égard-là. S'il me reste du temps dans mon bloc...

Le Président (M. Bergman) : Le bloc est complété, à moins que vous vouliez poursuivre la discussion.

Mme Hivon : Bien, je vais poursuivre juste sur un élément, si c'est possible.

Le Président (M. Bergman) : Certainement.

Mme Hivon : Vous arrivez aux mécanismes de surveillance. Vous insistez beaucoup sur le mécanisme de surveillance puis vous semblez faire une distinction entre «mécanismes de surveillance», «reddition de comptes» puis «Commission sur les soins de fin de vie». Donc là, nous, dans l'état actuel du projet de loi, il y a, si vous voulez, la reddition de comptes par les établissements comme tels via les rapports où on va demander des données très spécifiques sur la politique des soins palliatifs, sur le nombre de sédations d'aide médicale à mourir, tout ça, puis il y a aussi la Commission sur les soins de fin de vie qui va venir vraiment regarder ça, je dirais, de manière micro, de manière macro et dans le temps.

Donc, quand vous nous parlez d'un mécanisme de surveillance, qu'est-ce que vous avez, en tête, de plus ou de différent?

Le Président (M. Bergman) : M. Prud'homme.

M. Prud'homme (Danis) : Oui. Dans le fond, ce qu'on... On voit bien ce que le projet dessine en ce moment au niveau de la surveillance.

Une des choses qu'on dit, c'est s'assurer que, si, au niveau du pouvoir, le gouvernement change… on veut s'assurer… et c'est de là qu'on disait de donner plus de pouvoir à la commission, à ce moment-là, pour ne pas qu'il y ait un changement de cap lorsque le gouvernement change. Ça, c'est une chose.

La deuxième chose, c'est s'assurer, parce qu'on a des mécanismes de surveillance dans notre société… on le voit pour les CHSLD, on le voit pour les inspections qu'on fait au niveau de différentes choses où il y a des rapports qui sont faits, mais personne n'est redevable ou presque, il n'y a personne d'imputable ou presque, et les corrections ne se font pas. Donc, nous, on se dit : Déjà, ça, c'est inacceptable quand on parle, par exemple, de CHSLD ou autres soins. Quand on arrive à un sujet comme ça, et il y a des soins de ce type-là au niveau de l'aide médicale à mourir, définitivement, il faut s'assurer que le mécanisme qu'on va mettre en place ait des dents pour mordre quand c'est le temps de mordre, parce que ça ne peut pas rester sur les tablettes. Ça ne peut déjà pas rester sur les tablettes dans le cas de CHSLD et malheureusement ça le reste dans bien des cas. Alors, c'est ça qu'on veut s'assurer.

Le Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Pour le premier bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup pour votre présentation, merci d'avoir partagé vos préoccupations avec les membres de la commission.

Je prends note que vous, comme bien d'autres groupes, vous mettez un accent tout particulier sur l'importance de l'accessibilité aux soins palliatifs sur les territoires du Québec. Bon, les chiffres, à savoir : Est-ce que c'est 20 %, est-ce que c'est 34 %, est-ce que c'est 40 %, une chose est certaine en tout cas, qui ressort des auditions, l'accès aux soins palliatifs doit être bonifié puis, je pense, tout le monde s'entend, puis il y a une volonté très claire du côté de la ministre aussi d'aller dans ce sens-là. On a certains groupes qui nous ont, au cours des auditions, aussi fait valoir leurs préoccupations quant à l'importance de la bonification, l'importance à accorder à la bonification des soins palliatifs avant d'aller plus loin, avant d'en arriver à ce choix ultime qui est l'aide médicale, de recourir à l'aide médicale à mourir. Et là il y a eu différentes propositions sur la table. Puis vous n'abordez pas la question directement dans votre mémoire, mais je me demandais si vous y aviez pensé. Est-ce que vous croyez qu'il devrait y avoir un processus graduel dans l'adoption du projet de loi? Je vous dis, le groupe qui vous a précédés, l'AQRP, nous a suggéré d'utiliser l'article 70 du projet de loi pour retarder la mise en oeuvre de certaines dispositions de sorte que les efforts des premières années de la mise en vigueur de la loi soient concentrés ou soient consacrés au déploiement des soins palliatifs sur le territoire. Donc, s'assurer que partout on ait accès à des soins en fonction de ratios un petit peu différents de ceux qui sont en place actuellement.

On a d'autres groupes qui nous ont dit : Bien, écoutez, scindez le projet de loi, faites comme ça s'est fait ailleurs, dans d'autres législations, faites un projet de loi qui va traiter des soins palliatifs, qui va vraiment porter une attention particulière à cet aspect-là sans pour autant mettre de côté l'aide médicale à mourir mais l'inclure dans un projet de loi distinct pour éviter une confusion entre les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir. Il y a des groupes qui nous ont dit, sans aller jusque-là, nous ont dit : Ne mêlez pas les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir. Il ne faut pas que ce soit mis dans le même panier, même si, oui, dans une philosophie d'encadrer les soins de fin de vie, ce n'est pas la même chose, ce n'est pas la même philosophie.

Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que vous avez cette préoccupation-là pour les soins palliatifs. Mais comment on peut s'assurer, nous, en tant que législateurs, que cette importance-là soit accordée? Est-ce qu'il y a, dans les moyens que je vous ai présentés… est-ce qu'il y en a qui, à votre avis, pourraient peut-être être les plus opportuns?

Le Président (M. Bergman) : M. Prud'homme.

M. Prud'homme (Danis) : Écoutez, si on regarde un peu le changement qui s'est produit dans les dernières années au niveau des soins, on regarde les études qui ont été faites, ça coupe du soin curatif au soin palliatif.

Aujourd'hui, on voit beaucoup comme deux triangles qui se chevauchent, c'est-à-dire les soins palliatifs très petits en début de vie, parce que ça arrive, à très grands en fin de vie, puis on a même rajouté au niveau du deuil, parce que c'est une chose quand on parle des proches aidants qui ont aidé pendant des années, c'est eux qui tombent sur le carreau, pour ne pas dire autrement, c'est eux qui se retrouvent à être malades et à avoir besoin de soins. Donc, ça, c'est un tout. Oui, effectivement, la meilleure façon de le traiter, ça serait de dissocier complètement… surtout quand on parle, et c'est pour ça qu'on revenait souvent là-dessus, soins palliatifs terminaux. Et c'est pour ça que je mentionnais qu'il y a différents types au niveau des soins. Quand on regarde au niveau des soins palliatifs, c'est vrai que la personne ne va pas mourir demain matin des fois, mais elle va être, pendant huit ans, et c'est des cas vécus… où elle n'est plus là et elle a besoin de soins palliatifs, premièrement, quand on parle d'alléger la douleur, deuxièmement, quand on parle d'alléger la souffrance de tous les sens, parce qu'il y en a plusieurs, sens de la souffrance. Et notre priorité… quand je disais : On veut la vie, en premier, digne, avec ce qu'il faut pour la rendre, en qualité de vie, adéquate jusqu'à la fin, c'est sûr et certain qu'au niveau des soins palliatifs, pour nous, et des soins de fin de vie… ou d'aide médicale à mourir, en fait, excusez, oui, l'idéal, serait que ce soit dissocié.

• (15 h 40) •

Dans le projet de loi actuel, ça ne l'est pas. Et, oui, on le disait bien quand on le mentionnait : Pour nous, il y a une distinction très importante à faire si on ne fait pas deux choses différentes.

Il faut distinguer un par rapport à l'autre comme il faut parce que, justement, on dit «fin de vie». C'est quoi, «fin de vie»? C'est un mois? Qui décide que c'est un mois? Tu sais, c'est pour ça que je disais tout à l'heure : Il y a trois types de maladie qui mènent à une fin de vie, et c'est pour ça que j'ai utilisé la définition de l'Organisation mondiale de la santé. Tu sais, souvent on veut réinventer la roue. Ne réinventons pas la roue, là. Il y a des choses qui existent déjà, là, dont «fin de vie», là. Dans certains cas, c'est un mois, dans certains cas, c'est huit ans puis ce n'est pas huit ans que la personne, elle est numéro un pendant huit ans, là. Elle peut être huit ans à avoir besoin des soins palliatifs. Ça se voit. Au Québec, il y a à peu près 25 maisons, si je ne m'abuse, qui donnent des soins spécialisés de ce genre-là. En CHSLD, on parle de soins de fin de vie. Je ne suis pas sûr qu'on donne le même type de soins en CHSLD qu'on donne dans les maisons qu'on a, qui sont spécialisées là-dessus. Je ne suis pas sûr qu'on donne ça à la maison non plus. Et, là aussi, on pourrait relater des cas vécus où la personne qui décide de mourir à la maison, quand elle arrive à l'hôpital parce que c'est les derniers moments… mourir à la maison veut aussi dire dans les 24, 48 heures à l'hôpital, c'est considéré mourir à la maison, là, et ça, je ne vous apprends rien… bien, il y a des médecins qui ont dit : Bien, qu'est-ce qu'il fait ici? Retourne-le chez eux, il veut mourir chez eux. C'est ça.

C'est aussi important que ça quand on parle de soins de fin de vie et soins palliatifs en fin de vie. Et c'est quoi, la fin de vie? Ça, il faut le définir comme il faut. Et qui devra définir ça? C'est pour ça qu'on disait aussi : Il faut faire attention au niveau de l'argent. Si c'est l'argent qui définit ça, on part du mauvais côté. C'est dangereux pour l'humain.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Vous nous amenez vers la question de la définition des termes qui est un élément qui, pour nous, est aussi très important, s'assurer que pas seulement dans un guide d'interprétation qui peut être modulé au goût du jour... Autant que vous nous disiez, bon : On doit faire attention de qui relèveront les orientations politiques, je pense qu'on peut dire la même chose avec des guides d'accompagnement qui peuvent varier suivant le rédacteur ou suivant l'orientation ministérielle.

Seriez-vous en faveur à ce que justement ce type de termes là, tant la question de la fin de vie que la définition même de l'aide médicale à mourir qui ne semble pas toujours très claire pour tout le monde... À moins que vous me disiez : Pour vous, c'est très clair, pour vos membres, c'est très clair, mais je lis votre mémoire, et vous dites : Bien, nous sommes en faveur du projet de loi sur l'aide médicale à mourir, mais il ne faut pas décriminaliser l'euthanasie, il ne faut pas décriminaliser le suicide assisté, alors qu'on a des gens qui nous ont dit : Pour nous, l'aide médicale à mourir, c'est de l'euthanasie, il faut appeler un chat un chat.

Donc, il semble y avoir peut-être des perceptions différentes ou des interprétations différentes des termes qui sont utilisés. Donc, est-ce que ça répondrait à vos préoccupations de définir si les termes étaient définis à l'intérieur du projet de loi?

Le Président (M. Bergman) : M. Prud'homme.

M. Prud'homme (Danis) : Je pense qu'effectivement, comme je mentionnais, pour les soins de fin de vie… qu'est-ce que les soins de fin de vie? C'est quoi, la durée? Qui décide comment on arrive à dire que c'est ça, les soins de fin de vie, puis c'est la durée? Oui, effectivement, parce qu'on l'a mentionné dans le mémoire, on essaie des fois «euthanasie», «suicide assisté», on parle «d'aide médicale à mourir». C'est assez vague, ces termes-là. Et, quand on va creuser, chose qu'on est allés faire dans certains cas pour comprendre, il y a une grande différence entre «euthanasie» et «suicide assisté». «Aide médicale à mourir» se situe où? Comment on y arrive?

Donc, oui, au niveau de vraiment définir des termes, je pense qu'on l'a dit, le vocabulaire, pour nous, il faut enlever tout flou. Donc, il faut être très précis au niveau des définitions et des termes. Ça, c'est oui, tout à fait.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Merci, M. le Président. Donc, rapidement, avant de céder la parole à ma collègue, juste vous dire, pour revenir à notre dernier échange, que je suis tout à fait sur la même longueur d'onde que vous pour ce qui est de la reddition de comptes.

Donc, je vous suis parfaitement. Je voulais comprendre un peu où vous étiez. En fait, vous dites : Lorsque ces rapports-là vont être produits, il faut s'assurer, un, qu'ils soient publics et, deux, qu'on les suive. Je peux vous dire qu'à la lumière du temps qui a été investi dans tous les travaux de la commission, dans la préparation de ce projet de loi là et dans les travaux de l'actuelle commission, c'est certain que tout ce qui va se faire et s'analyser par la suite va être pris très au sérieux. Il y a une volonté là-dedans de, je dirais, vraiment concilier un grand principe, oui, d'accompagnement, de respect de la volonté de la personne, mais de protection en même temps des personnes. Donc, ça, ça va de pair, ça fait que, pour moi, ça s'inscrit dans cette foulée-là.

Je vous suis aussi sur l'importance de l'approche palliative en CHSLD. On le répète depuis un petit moment dans la commission, les soins palliatifs, ça ne se résume pas à des lits dédiés de soins palliatifs dans des hôpitaux ou dans des maisons de soins palliatifs. Et on le constate, quand on voit des gens qui vivent en CHSLD, à quel point il faut aussi que les intervenants de CHSLD soient formés à l'approche palliative, qu'il puisse y avoir des équipes donc palliatives. Et on y travaille, c'est une priorité de formation.

Donc, je voulais juste vous le dire. Je vais laisser la parole à ma collègue.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose, il vous reste 3 min 30 s.

Mme Proulx : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, messieurs, madame. M. Prud'homme, bien, justement en lien avec ce que la ministre mentionnait au niveau de la formation, vous avez une recommandation dans votre mémoire au sujet de la formation et vous proposez même que l'obligation de formation soit incluse dans les articles de loi pour assurer la qualité des soins prescrits. En fait, vous posez une question éthique. Vous posez la question, comme vous l'avez mentionné plus tôt : Qu'est-ce qu'une bonne mort? Comment accompagner quelqu'un de façon adéquate en fin de vie? Et en fait les prestateurs de soins de santé, donc les équipes soignantes, sont au coeur de cette préoccupation-là.

Pouvez-vous nous expliquer un peu, de manière un peu plus détaillée, pourquoi ça vous semble si important, au point de l'inclure dans un projet de loi?

Le Président (M. Bergman) : M. Prud'homme.

M. Prud'homme (Danis) : Oui. Parce que, si on vit l'expérience, en famille, d'aller voir, dans les maisons spécialisées, comment ça se fait en théorie, si on veut faire ça dans la société, désolé de dire ça, mais ce n'est pas tout le monde qui est capable de faire ça. Et donc c'est pour ça qu'il faut qu'il y ait non seulement une formation, mais, comme on peut tous faire le même métier, mais il y en a qui sont meilleurs dans les relations publiques, d'autres, dans d'autres créneaux de leur... pourtant, ce sont tous des gestionnaires, c'est la même chose pour les médecins et les infirmières. Et, à ce niveau-là, pour nous, c'est très important d'avoir quelque chose de très défini au niveau de la formation, de très défini au niveau des guides de bonnes pratiques.

Puis l'exemple que je donnerais, je reviens à ça, c'est ce qui se passe dans les 25 maisons spécialisées. C'est ça qu'il faut qu'il se passe partout.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose, il vous reste 1 min 30 s.

Mme Proulx : Oui. En fait, simplement pour vous dire : Si je comprends bien, ce que vous souhaitez, c'est un programme de formation qui pourrait être défini et qui puisse rayonner, là, dans l'ensemble, partout où il y a des soins palliatifs et des soins de fin de vie qui seraient offerts.

Le Président (M. Bergman) : M. Prud'homme.

M. Prud'homme (Danis) : En fait, si on regarde... si on parle de soins palliatifs et on va ultimement à la fin de vie, c'est des équipes … pardon, multidisciplinaires, et donc ça veut dire des gens spécialement formés pour ça. C'est à ce point-là, pour nous, important.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose, il vous reste une minute.

Mme Proulx : Oui. Et vous mentionnez aussi, dans votre mémoire, des expériences, à l'étranger, d'accompagnement, de soins de fin de vie. Est-ce que vous auriez quelques exemples de choses qui pourraient être faites ici, au Québec, là, et qu'on n'aurait peut-être pas nécessairement touchées dans le cadre du projet de loi?

Le Président (M. Bergman) : M. Prud'homme.

M. Prud'homme (Danis) : En fait, à brûle-pourpoint comme ça, je ne peux pas vous en donner parce que je n'ai pas... justement, c'est ce que… je regardais ma collègue, mais ce que je peux vous dire, c'est : Quand on a regardé dans le premier dépôt qu'on a fait originalement à la commission, avant qu'on arrive avec un projet de loi, on avait été explorer justement ce qui se faisait au niveau, bon, de la méthode d'en arriver à un médecin, un deuxième médecin, la prescription, donc un peu ce qui se fait ailleurs. On avait aussi été voir la façon que les gens utilisent à travers le monde dans la médecine pour alléguer… alléger, pardon, les souffrances, chose qu'on ne fait pas nécessairement ici.

Et donc je ne peux pas vous le spécifier, mais on l'a, et je pourrais vous revenir avec ça.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement. Pour le bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, M. Dupont, M. Prud'homme, Mme Bouchard, d'être avec nous.

Je souscris totalement à ce que disait la ministre tout à l'heure, vous êtes une organisation importante. Vous représentez plus de 275 000 membres au Québec, ce n'est pas rien. Vos membres sont d'accord avec le fait de la portion de l'aide médicale à mourir?

Le Président (M. Bergman) : M. Prud'homme.

• (15 h 50) •

M. Prud'homme (Danis) : En fait, je peux vous dire qu'on a beaucoup de gens qui nous écrivent parce que, depuis que c'est commencé, les audiences, autant au début à la commission que maintenant pour le projet de loi, beaucoup de gens ont peur qu'on banalise et qu'on marginalise, un, les mourants, deux, la mort et que, dans le fond, quand on peut se placer du côté des gens qui arrivent vers la fin de calendrier, là, qu'on appelle de vie, où ils sont quand même très en santé et où ils se questionnent beaucoup sur tout ce qu'on est en train de déployer comme énergie… Puis il y en a même qui nous écrivent pour dire : Ça veut-u dire qu'on n'aura plus le droit à certains soins rendus à un certain âge?

Tu sais, ça pose beaucoup de questions. C'est pour ça qu'on marche sur des oeufs. C'est pour ça qu'on dit qu'on est d'accord avec le principe, puis il faut faire attention de comment on va le définir, enlever tout le flou possible, et c'est pour ça qu'on dit : La vie en premier lieu.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Vous savez, j'entends beaucoup de choses ici, des gens qui sont d'accord avec le projet, d'autres personnes qui viennent nous dire : On favorise les soins palliatifs ou des médecins qui pratiquent en soins palliatifs qui se disent peut-être incapables de pouvoir faire l'acte médical à mourir, l'«euthanasie», là, c'est le mot, mais on dit ici «acte médical à mourir».

Ce matin, il y avait l'AQRP qui est venue ici et qui disait que la plupart des CHSLD n'avaient pas de programme d'accompagnement en fin de vie. Est-ce que c'est un constat que vous faites également?

Le Président (M. Bergman) : M. Prud'homme.

M. Prud'homme (Danis) : Enfin, comme j'ai mentionné tout à l'heure, quand on parle de soins de fin de vie, pour nous, ça devrait… ou, enfin, soins palliatifs, dans un premier temps, pardon, ça devrait être reflété, ce qui se passe dans les 25 maisons qu'on a au Québec, là, ça devrait être ça qui se passe quand on parle de soins palliatifs, premièrement, partout.

Deuxièmement, quand on parle de soins de fin de vie, ce qui se passe aussi dans ces maisons-là quand on arrive à la fin, c'est aussi comme ça que ça devrait se passer partout. Ce qu'on constate, c'est : non, ce n'est pas ça qui se passe présentement, même quand on parle de soins palliatifs qu'on donne ailleurs, à la maison, comme j'ai mentionné tout à l'heure. Et, pour nous, c'est très préoccupant parce que c'est de là qu'on dit : Il ne faut pas marginaliser, il faut bien définir ce que c'est. Et, quand on parlait de formation tout à l'heure, ce sont des équipes multidisciplinaires qui sont spécialisées. Ce n'est pas n'importe qui qui peut faire ça. Vous l'avez dit, il y en a qui ne le feraient pas, ça. Alors, ce n'est pas donné à tout le monde de devoir faire ça ou de pouvoir faire ça. Alors, c'est de là d'avoir une importance particulière pour la formation, d'inclure que ça peut en devenir, entre guillemets, une certaine spécialisation, parce que ça prend tout un courage de faire ça. Ça prend quelqu'un qui est capable, au niveau des sentiments, d'accompagner les gens là-dedans.

C'est un acte humain, là, ce n'est pas un robot où on tourne la «switch» à off. C'est très, très, très particulier.

Mme Blais : C'est irréversible.

M. Prud'homme (Danis) : Tout à fait.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Vous avez touché trois points importants, puis j'aimerais ça y revenir.

Premièrement, vous avez dit que vous aviez des doutes que, si quelqu'un refusait d'avoir des soins palliatifs, il n'aurait peut-être pas ou qu'elle n'aurait peut-être pas le droit à avoir accès à l'aide médicale à mourir. Ça, c'est une inquiétude que vous avez?

Le Président (M. Bergman) : M. Prud'homme.

M. Prud'homme (Danis) : En fait, dans le questionnement, ce qu'on disait, c'est : Comment on va définir l'aide médicale à mourir?

C'est pour ça qu'on disait : Dissociez un par rapport à l'autre parce que les soins palliatifs... comme on dit, on utilise les soins palliatifs… sédation palliative terminale. Il y a de la sédation palliative qui se fait, qui n'est pas terminale, là, on le sait, là. Les grands brûlés, là, on va les mettre dans un coma artificiel, je vais le dire comme ça, je ne suis pas du tout spécialiste, mais ce n'est pas pour les tuer, là, c'est parce qu'on ne veut pas qu'ils souffrent, puis après ça ils vont revenir à eux. Ça fait que c'est pour ça qu'on dit qu'il y a une grande… Il y a les mots. Le flou, il faut l'enlever, il faut vraiment bien définir… Puis au niveau de dire : Bien, quelqu'un effectivement qui ne serait pas en soins palliatifs ou qui n'en a pas besoin peut par contre, en bout de vie, dire : Là, je suis rendu à l'étape où c'est irréversible, c'est… on le sait, que ça va aller de pire en pire, il n'y a plus rien qu'on peut faire pour moi…

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Prud'homme (Danis) : C'est pour ça qu'on dit : On questionne au niveau de ça, là.

M. Bolduc (Jean-Talon) : C'est ça. Bien, on va certainement en discuter.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : On va certainement en discuter lorsqu'on va arriver à l'étude article par article. Mais, chose qui est certaine, quelqu'un peut arriver à la fin de sa vie puis par choix décider de ne pas avoir eu recours aux soins palliatifs, mais il peut répondre aux critères d'avoir l'aide médicale à mourir, quant à moi, ce n'est pas indissociable. Ce n'est pas une continuité jusqu'au point où est-ce qu'il faut tout faire, mais, la condition médicale, je pense, c'est la condition médicale et les critères qui doivent déterminer si tu vas avoir le droit ou pas à l'aide médicale à mourir. Si on respecte l'autonomie et la décision de la personne, on va le respecter également que, s'ils ne veulent pas être soignés, bien on va respecter ce choix-là, ce qui ne leur empêche pas d'avoir accès à leur droit à la fin de vie. C'est comme ça que vous voyez ça aussi?

Le Président (M. Bergman) : M. Prud'homme.

M. Prud'homme (Danis) : Je comprends, je comprends ce que vous mentionnez. Puis c'est pour ça qu'on disait : Il ne faut pas nécessairement que l'un soit associé à l'autre, c'est-à-dire, dans un cas, c'est une chose; dans l'autre cas, c'est autre chose. Effectivement, quelqu'un pourrait dire : Moi, je ne veux pas ça, puis il est rendu, comme je disais tout à l'heure, à l'étape où, là, il veut l'aide médicale à mourir.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste trois minutes.

M. Bolduc (Jean-Talon) : O.K., M. le Président. On va éliminer le troisième, ce que vous nous avez parlé comme troisième élément, la question du dérapage pécuniaire, là.

Quant à moi, là, ce n'est pas rentable de faire mourir les gens puis en disant : On va abréger leur vie parce qu'on n'a pas à s'en occuper, là. Selon moi, on va enlever ça de la tête des gens. Ça, il faut le dire, tout le monde, il faut arrêter d'avoir cette inquiétude-là. Moi, je ne connais pas un professionnel de la santé, je ne connais pas un administrateur non plus qui dit que, parce qu'il y a des gens qui attendent de mourir dans des lits, ça leur cause des problèmes. En tout cas, ça, je n'ai jamais entendu ça. J'ai entendu dire par contre qu'il y a des gens qui étaient en attente d'hébergement, qu'eux autres prenaient des lits de courte durée. Puis ça, je pense qu'il faut réarranger ça pour ne pas que ça se produise. Mais, la fin de vie, là, on n'a pas le contrôle là-dessus.

La seule affaire, ce qu'on est en train de faire avec le projet de loi, c'est de permettre à des gens de prendre leur décision pour abréger des souffrances. Moi, c'est comme ça que je le vois. Et, à toutes les fois qu'on nous ramène cet argument-là, il faudrait, tout le monde, qu'on s'entende, y compris la FADOQ, l'AQRP, là, que ce n'est pas ça qu'on veut, là. Parce qu'en passant, quand on dit ça puis on crée le doute dans la tête de la population, je pense qu'on ne les aide pas. Personnellement, je pense qu'on ne les aide pas du tout, là. Ça fait que, tous ceux qui pensent comme ça, là, on va vous le dire, là, tant de l'autre côté, de notre côté que les professionnels de la santé, là, ce n'est pas ça qu'on veut. Par contre, il y en a peut-être, parce qu'ils ne veulent pas que le projet passe, qui se servent de cette argumentation. S'il vous plaît, trouvez-nous des argumentations, là, qui sont un peu plus vendeuses que ça pour défendre votre cause. Je pense que la ministre est d'accord avec ça, hein, on est sur la même longueur d'onde.

L'autre élément, là, le troisième, je l'ai gardé pour la fin parce qu'il est un petit peu plus délicat, parce que, ce qu'on entend, la majorité des courants de pensée, actuellement, là, s'il te reste une dizaine d'années à vivre puis tu as une grande souffrance intérieure, le projet de loi, ce sera : tu n'auras pas le droit à l'aide médicale à mourir. Il y a vraiment une question d'imminence, là. Puis je comprends qu'on peut défendre un courant de pensée différent, l'autodétermination totale, mais, ce matin, on avait justement les groupes de prévention du suicide, qu'eux autres c'était leur crainte. Moi, je connais des patients, là, qui souffrent, qui ont beaucoup de difficultés, et, oui, les douleurs ne sont pas toujours contrôlées, mais surtout des souffrances intérieures, là, les dépressions sévères, là, très marquées. Ces gens-là, si on y allait avec ce que vous venez de nous dire, auraient le droit à de l'aide médicale à mourir, mais je ne pense pas que, le projet de loi, c'est ça qu'on veut. C'est pour ça que la plupart des gens veulent rajouter un élément qui s'appelle l'imminence de la mort. Je suis d'accord avec vous, on ne sera jamais capable de définir une semaine, deux semaines, un mois, trois mois, mais il y a une marge de manoeuvre entre trois mois puis 10 ans. Moi, je pense qu'il faut être capable de juger ça.

Mais le courant de pensée qu'on a autour de la table, en tout cas ce que je vois actuellement, ce n'est pas d'offrir le choix à la personne de décider qu'on va lui faire l'aide médicale à mourir, parce que, dans le fond, ça serait quasiment un suicide déguisé. C'est comme ça que je le vois. Je ne sais pas comment vous vous situez ou peut-être clarifiez plus votre pensée par rapport à ça.

Le Président (M. Bergman) : M. Prud'homme, dans une minute, s'il vous plaît.

M. Prud'homme (Danis) : En fait, j'ai… Oui. Mais je reviendrais à ce que vous avez dit pour l'objectif pécuniaire.

Ce que nous, simplement, on dit, c'est : Si on veut mettre de l'avant comme il faut les soins palliatifs, dans un premier temps, parce que c'est ce qu'on demande et, dans un deuxième temps, ce qui va avec pour assurer le fin de vie, il y a des coûts énormes à ça. Et il ne faut pas s'arrêter. Si on décide qu'on y va, il faut y aller, et sinon on n'y va pas. Ça, c'est pour ça, le pécuniaire. Ce n'est pas de dire : On tire la plug parce que ça coûte cher, pas du tout, c'est de dire : Si on le fait, on le fait comme il le faut, sinon on ne le fait pas. Quand on revient au niveau de ce que vous mentionniez, pour nous, tu sais, il faut juste bien définir c'est quoi, la fin de vie, on l'a dit tout à l'heure, dans un premier temps, et, dans un deuxième temps, bien quelqu'un peut avoir besoin des soins palliatifs pendant huit ans puis il ne veut pas mourir, mais il n'en a pas là, il n'est pas capable d'en avoir. Puis, de l'autre côté, quelqu'un peut dire : Toutes les conditions sont là, mais il ne sait pas quand est-ce qu'il va mourir.

Le Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au bloc de l'opposition officielle. Pour le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Merci de votre présence ici. Je voudrais revenir dans votre mémoire en page 5 où vous nous partagez votre réflexion en disant que, dans le fond, vous êtes en faveur avec le principe de la loi n° 52, mais vous voulez apporter quelques précisions. En premier lieu, vous avez mentionné «la clarté au sens du texte de loi et dans l'utilisation d'une terminologie précise». J'aimerais vous entendre sur quels termes vous voudriez voir précisés à l'intérieur du projet de loi.

Le Président (M. Bergman) : M. Prud'homme.

M. Prud'homme (Danis) : En fait, quand on parle… et on en a mentionné un peu tout à l'heure, quand on parle d'aide médicale à mourir, on oscille entre euthanasie, suicide assisté. Ça, c'est des… il faut bien définir ces choses-là.

Quand on parle de soins de fin de vie, on l'a dit tout à l'heure, il faut définir c'est quoi, les soins de fin de vie, c'est quoi, le temps, qui décide c'est quoi, la fin de vie. On en a reparlé tout à l'heure. Donc, il y a des choses là-dessus, pour nous, qui sont importantes. Le vocabulaire, il faut s'assurer, dans un premier temps, qu'il est juste. Ça, c'est la première chose. La deuxième chose, au niveau des définitions, s'assurer qu'elles sont là, et, la troisième chose, quand on parle au niveau de la clarté du sens du texte de loi, c'est des choses à préciser, comme par exemple quand on parlait de la formation tout à l'heure, de l'inclure et de le préciser comme il faut, qu'est-ce que ça sera, qu'est-ce qu'on veut, vers quoi on veut aller. C'est un peu, là, l'ampleur, là, dans un premier temps.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx.

• (16 heures) •

Mme Daneault : Merci. Vous avez mentionné aussi en page… attendez un petit peu, en page 11 que les chiffres alarmants… «lorsque nous constatons que seulement 20 % des malades ont accès» aux soins palliatifs. Bon, on a entendu toutes sortes de chiffres depuis le début de la commission.

J'aimerais savoir d'où viennent ces chiffres-là, les chiffres que vous avez avancés.

Le Président (M. Bergman) : M. Prud'homme.

M. Prud'homme (Danis) : Je ne l'ai pas retrouvé, mais il est inscrit dedans, c'est de l'association des médecins en soins palliatifs ou quelque chose de…

M. Dupont (Maurice) : Société québécoise des médecins…

M. Prud'homme (Danis) : Société québécoise des médecins en soins palliatifs. Et, pour mentionner… bon, les chiffres peuvent varier. On peut faire dire ce qu'on veut à des chiffres, là. On peut prendre une année d'un rapport ou d'un autre, puis ça peut varier, mais je pense que ce qui est important, c'est de mentionner que, nous, ce qu'on dit, c'est que tout le monde devrait avoir droit, quelle que soit sa situation, quand il est arrivé à ces soins-là, d'en bénéficier.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx, il vous reste 2 min 30 s.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Ce qu'on comprend, c'est que, bon, effectivement ce n'est pas tout le monde qui a accès aux soins palliatifs. Et votre demande est en ce sens, de permettre à l'ensemble des Québécois de pouvoir y accéder.

Vos chiffres aussi sont un peu alarmants dans le sens qu'on sait qu'avec le vieillissement de la population… Est-ce que vous avez des données? Actuellement, on se base sur un lit de soins palliatifs par 1 000 habitants. Est-ce qu'il a d'autres expériences dans le monde? Est-ce que vous avez eu des données ailleurs qui nous démontrent que ce n'est pas suffisant ou l'objectif qu'on s'est fixé est suffisant, selon votre association?

Le Président (M. Bergman) : M. Prud'homme.

M. Prud'homme (Danis) : Si on regarde au niveau… ce que nécessitent des soins palliatifs, premièrement, même au niveau où on aurait besoin aujourd'hui, si… On mentionnait, tout à l'heure : On arrivera à près de 50 %, dans une vingtaine d'années… 30 ans, en fait, près de 30 ans au Québec, de 50 ans et plus, donc c'est sûr, cette pyramide-là va continuer à vieillir. Quand on va arriver où c'est nécessaire, si aujourd'hui on n'en a pas assez avec les ratios qu'on a, c'est définitif qu'on n'en a pas assez dans les 30 prochaines années. Et c'est là notre préoccupation au niveau, un, de l'argent qu'on veut mettre de l'avant pour ça. Si on y va, il faut y aller et il faut y aller comme il faut. Il faut être conscients, comme société, de ce qu'on fait, et combien ça va coûter, et quels sont les… le nombre de personnes qui travailleront à ça au niveau des équipes multidisciplinaires?

Donc, pour nous, c'est là l'urgence, je dirais, de dire : Aujourd'hui, on n'est pas vraiment dans le mille. Puis, si on continue comme on va là, on ne le sera certainement pas, encore moins dans 30 ans.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. M. Prud'homme, Mme Bouchard, M. Dupont, merci pour votre présentation, merci d'être ici avec nous aujourd'hui et partager votre expertise.

Et je demande à l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec de prendre place à la table.

Et je suspends pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 16 h 3)

(Reprise à 16 h 5)

Le Président (M. Bergman) : Alors, collègues, nous recevons maintenant l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. Bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission.

Alors, Mme Tremblay, la présidente-directrice générale, bienvenue encore, et, s'il vous plaît, donnez-nous vos noms, vos titres, et le temps est à vous.

Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ)

Mme Tremblay (Lucie) : Merci beaucoup, M. le Président. Je suis Lucie Tremblay, présidente-directrice générale de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. Je vous remercie, Mme la ministre, MM. et Mmes les parlementaires.

L'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec vous remercie de lui permettre de présenter ses réflexions sur le projet de loi n° 52 concernant les soins de fin de vie. Ce projet de loi, c'est une étape importante pour assurer des soins de vie appropriés et de qualité à tous les Québécois. D'ailleurs, nous profitons de cette commission pour souligner la détermination de la ministre dans ce dossier qui est très sensible, mais pourtant c'est un dossier qui est essentiel à l'évolution de notre société.

Aujourd'hui, je suis accompagnée, à l'extrême droite, de ma collègue Claudia Gallant, qui est vice-présidente du conseil d'administration; juste à ma droite, de Suzanne Durand, directrice du développement et soutien professionnel, qui a coordonné d'ailleurs les travaux du mémoire; et de Mme Sylvie Truchon, qui est syndique.

L'ordre appuie d'emblée le projet de loi n° 52 qui rejoint certaines des propositions que nous avions énoncées dans notre mémoire présenté à la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité en 2010. L'ordre croit qu'au-delà de l'énoncé du projet de loi il faut vraiment s'assurer d'une mise en oeuvre concrète et intégrée des soins de fin de vie, axée sur les besoins des patients et de leur entourage. Nous profitons donc de l'occasion pour formuler des commentaires susceptibles d'améliorer le projet de loi. Notre mémoire, d'ailleurs, va aborder six thèmes principaux autour desquels nous présenterons des préoccupations et des recommandations. Alors, on va parler de la signification des termes, de l'organisation des soins et services aux personnes en fin de vie, de l'encadrement des soins de fin de vie, la représentation des infirmières à la Commission sur les soins de fin de vie, l'objection de conscience et les directives médicales anticipées.

Apprendre que sa propre vie s'achève, c'est, sans aucun doute, extrêmement dramatique. Dans une période aussi déchirante, c'est important que les choses soient claires parce que les émotions souvent vont se bousculer. Pour cette raison, nous, on croit qu'il est essentiel de clarifier la signification de certains termes dont la portée est susceptible d'être une source de confusion tant chez les professionnels que dans le grand public. Le projet de loi s'applique à la personne en fin de vie. Ainsi, la notion de fin de vie, à proprement dit, constitue la pierre angulaire du projet de loi. Une bonne compréhension de cette notion est donc essentielle pour cerner la portée des droits qui seront conférés par le législateur une fois le projet de loi adopté. Or, définir la fin de vie, ce concept, ce n'est vraiment pas simple. Il peut se moduler de différentes façons, selon la perspective clinique des différents professionnels de la santé. Il nous apparaît essentiel d'avoir recours à la conception la plus uniforme qui soit afin que ce soit clair, qu'est-ce que la fin de vie.

Alors, nos recommandations vont dans le sens que le projet de loi comporte un renvoi à des critères élaborés par un organisme reconnu pour l'expertise dans le domaine, soit la future Commission sur les soins de fin de vie ou encore l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux.

Par ailleurs, la définition des soins de fin de vie proposée dans le projet comporte un peu un risque de confusion entre «soins de fin de vie» et «soins palliatifs». Le texte laisse parfois entendre qu'ils sont des synonymes, alors que ce n'est vraiment pas le cas. Les soins palliatifs ont une portée beaucoup plus large et ils s'appliquent tout au long du continuum, alors que les soins de fin de vie constituent vraiment, là, l'étape ultime. De plus, la définition de «soins de fin de vie» fait un rapprochement parfois entre les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir. Cette définition risque d'engendrer des inquiétudes au sein de la population puis des incertitudes au niveau des professionnels. Les infirmières qui travaillent en ce moment auprès de cette clientèle-là nous disent que parfois les patients vont refuser des soins palliatifs parce qu'ils ont des peurs. Ils ont des peurs qu'on précipite leur mort, ils ont peur qu'ils soient abandonnés, ils ont peur qu'il n'y ait plus rien à faire, alors que ce n'est vraiment pas le cas. Cette confusion associe souvent les soins palliatifs à l'aide à mourir et même à l'euthanasie.

Il faut absolument clarifier cette définition, autrement il y a un risque d'accentuer encore plus les réticences chez les patients et leurs familles vis-à-vis les soins palliatifs. Cette interprétation diminuerait l'accès à des soins de qualité et limiterait la réponse à leurs besoins. Du coup, on affaiblirait l'impact positif que vous souhaitez par ce projet de loi.

• (16 h 10) •

Finalement, il faut aussi clarifier, et c'est très important, la sédation palliative terminale. Il importe de s'assurer que les professionnels et le public aient la même compréhension de ce traitement médical. Ainsi, il y aurait lieu d'utiliser la terminologie qui est généralement reconnue et de préciser le terme «sédation palliative» visé dans le projet de loi. Dans un premier temps, l'utilisation du terme «sédation palliative terminale» risque d'être mal interprétée puisqu'avec le temps le sens a perdu un peu de son essence. À l'origine, l'adjectif «terminale» parlait de la phase terminale du malade, alors qu'aujourd'hui cette définition a un peu glissé, et c'est comme si on parlait que la sédation palliative amène un terme à la vie.

Alors, pour prévenir la confusion entre l'idée de soulager la douleur et de mettre fin à la vie humaine et pour dissocier de la pratique de l'euthanasie, l'ordre préconise, comme la plupart des experts, d'ailleurs, l'expression «sédation palliative continue», qui correspond beaucoup mieux à la terminologie qui a cours dans la communauté scientifique. De plus, dans le domaine des soins palliatifs, il y a trois formes de sédations palliatives : la sédation intermittente ou de répit, qui est utilisée particulièrement pour apporter du soulagement temporaire; la sédation transitoire ou d'urgence, qui est appelée souvent le protocole de détresse, qui est utilisée, comme on le dit, dans une situation d'urgence, de détresse, par exemple détresse respiratoire ou hémorragie; et finalement la sédation palliative continue, qui est une intervention de dernier recours, irréversible et définitive. Et cette sédation, c'est pour traiter des symptômes qui… pardon, cette sédation, c'est pour traiter des symptômes réfractaires non soulagés par d'autres traitements disponibles, puis elle est administrée aux personnes dont la mort est imminente.

Alors, l'ordre est d'avis que la seule sédation qui devrait être visée et encadrée par le projet de loi, c'est la sédation palliative continue. S'il advenait que le projet de loi englobe toutes les formes de sédation, ça risquerait d'amener une lourdeur importante, et on aurait de la difficulté à discerner la sédation qu'on veut vraiment encadrer, qui est la sédation en continu. Nous recommandons donc de clarifier ces définitions.

En second lieu, nous regarderons de plus près l'organisation des soins. Pour nous, il importe que la personne en fin de vie et sa famille puissent avoir l'assurance que les services requis sont disponibles en tout temps, qu'ils sont accessibles rapidement lorsque la situation de santé se détériore et qu'ils sont coordonnés entre eux afin de garantir des soins sécuritaires et de qualité. À cet égard, la situation en soins de fin de vie dans le contexte de soins à domicile et dans les centres d'hébergement nous préoccupe très largement. Il faut souligner qu'au moment où se tient cette commission les soins palliatifs de fin de vie à domicile ne sont pas adaptés aux personnes, aux… ne sont pas adaptés aux besoins des personnes qui veulent demeurer dans leur milieu de vie, que ce soit le domicile ou encore le CHSLD. Pourtant, ces personnes devraient pouvoir bénéficier des soins équivalents à ceux qu'on retrouve dans les milieux hospitaliers. Elles devraient aussi bénéficier d'une politique d'accès aux médicaments. Les soins à domicile exigent une intensité de soins, et la présence d'infirmières, et la mise en place de mécanismes de communication efficaces avec le médecin traitant. Ils exigent aussi que le médecin traitant soit disponible pour répondre lorsque la condition du patient se détériore.

Alors, pour illustrer la précarité, par exemple, on peut vous donner des exemples de malades qui vont attendre ou qui vont reporter l'achat de médicaments parce qu'ils n'ont pas les moyens de se les payer. Ils vont attendre à la dernière minute en disant : Quand je ne serai vraiment plus capable, à ce moment-là, je me les procurerai. Ça peut être aussi des gens qui sont transférés d'un centre hospitalier qui est en dehors de leur région, qui sont transférés dans leur CSSS d'origine et qu'il n'y a pas personne qui a fait de communication, alors ils sont laissés à eux-mêmes. Et ça peut être aussi des personnes à domicile dont l'état se détériore puis qui sont dirigées à l'urgence d'un centre hospitalier pour séjourner sur une civière, et ça prend beaucoup de temps avant qu'ils soient admis, et ce n'est pas vraiment un environnement qui est propice à leur situation. Ces situations mettent en péril la possibilité de vivre les derniers jours dans la dignité. Il faut tout mettre en oeuvre pour éviter que ces personnes en fin de vie se retrouvent dans de telles situations.

Les soins de fin de vie en CHSLD méritent aussi une attention particulière et s'adressent à une clientèle qui est très vulnérable. On y trouve des personnes qui sont atteintes de déficits cognitifs, qui ont des problèmes au niveau physique puis qui vont vivre le stade avancé, terminal de leur maladie dans ce milieu de vie, qui devrait leur offrir des soins requis à leur condition. Or, la majorité de la clientèle qui vit dans ces CHSLD là ont encore accès à une mort qui n'est pas tout à fait ce qu'on pourrait appeler une mort digne et confortable. Les difficultés de communication de ces personnes, c'est vraiment un réel défi, et les cliniciens doivent déceler rapidement les problèmes, les symptômes, la douleur, les difficultés respiratoires, l'agitation. Les symptômes demeurent encore sous-évalués, mais ces symptômes-là, pour pouvoir les évaluer, il faut avoir une maîtrise, une compétence clinique spécifique.

Et, en tout premier lieu, il faut que les ressources professionnelles soient disponibles dans ces milieux-là. Alors, il arrive fréquemment qu'une infirmière ait la charge de 80 résidents et parfois beaucoup plus que 80 résidents. Alors, une seule infirmière, elle n'est pas capable de répondre aux besoins complexes de l'ensemble des gens qu'elle doit traiter et, en plus, prendre soin de malades qui sont en phase terminale, qui sont souvent plus nombreux qu'un ou deux patients sur son unité de soins. Alors, comment elle peut assurer un suivi, aller évaluer la douleur, faire le suivi clinique de cette clientèle-là, soutenir aussi la famille qui en a de besoin?

Alors, dans cet esprit-là, l'ordre souhaite que le gouvernement mette un accent particulier sur l'application du projet de loi en soins à domicile et en CHSLD afin d'éviter que les soins de fin de vie dans ces milieux reposent sur des initiatives locales ou tout simplement sur le bon vouloir des personnes qui y travaillent. De plus, il est essentiel que le gouvernement alloue des ressources professionnelles, l'équipement, les médicaments, le soutien financier requis pour assurer la mise en oeuvre de ce projet. L'infirmière, c'est le membre pivot de l'équipe interdisciplinaire. Les infirmières sont présentes sept jours par semaine, 24 heures par jour. De par leur relation privilégiée avec les personnes, elles apportent une contribution unique aux discussions avec les médecins et les autres membres de l'équipe interdisciplinaire. Or, nous sommes très étonnés de constater que, malgré cette réalité bien présente, le projet de loi élude complètement la contribution des infirmières, ne les mentionnant qu'en référence à l'exercice de leur profession quand elles sont en cabinet professionnel. La contribution des infirmières aux divers paliers de l'organisation des soins de fin de vie nous apparaît essentielle. Les infirmières peuvent apporter tellement, que ce soit lors du développement des services à offrir à cette clientèle ou encore lors de l'élaboration de programmes et de politiques. Comme les soins infirmiers sont incontournables dans la prestation même des soins de fin de vie, il nous apparaît essentiel que la directrice des soins infirmiers et les conseils d'infirmiers, d'infirmières soient impliqués dans les diverses étapes du processus de soins de fin de vie.

Nous accordons une attention particulière au troisième thème, qui concerne l'encadrement de la sédation palliative continue et à l'aide médicale à mourir. Le projet de loi est silencieux sur les critères justifiant l'administration de la sédation palliative continue, alors l'ordre s'interroge sur l'absence de tels critères. Pourtant, la littérature est assez abondante sur les critères à prendre en considération pour administrer ce type de sédation. Étant donné que les ordres professionnels doivent veiller à ce que les membres exercent leur profession selon les pratiques scientifiques reconnues, il leur revient d'adopter de tels critères. Ce travail devrait impliquer la collaboration de l'ordre avec les membres qui sont des acteurs incontournables de la sédation palliative, et ce qu'on recommande, c'est de confier au Collège des médecins et à l'ordre la responsabilité d'établir des lignes directrices.

En ce qui a trait à l'aide médicale à mourir, on considère que c'est une situation vraiment d'exception. On comprend que, dans un premier temps, le législateur a parlé des soins, de l'aide médicale à mourir pour les personnes aptes. Nous vous invitons aussi à regarder comment ça pourrait s'appliquer auprès des personnes qui sont inaptes. Finalement, toujours en lien avec l'aide médicale à mourir, nous demandons que la notion d'accompagnement du patient par le médecin soit mieux définie. L'article 29 prévoit que le médecin qui conclut qu'il y a lieu d'administrer l'aide médicale à mourir à une personne doit lui administrer lui-même et accompagner jusqu'au décès… Alors, l'expression «accompagner» peut porter à confusion. On aimerait davantage préciser ce terme-là pour dire qu'est-ce que ça veut dire. Est-ce que le médecin doit rester au chevet du malade jusqu'à son décès?

Nous croyons aussi que l'encadrement des interventions dans les établissements doit intégrer l'apport des infirmières. Les articles 32 et 33 confient essentiellement aux membres du CMDP la responsabilité d'adopter les protocoles applicables à la sédation palliative et à l'aide médicale à mourir. Alors, nous croyons que les infirmières devraient être davantage impliquées. La représentation des infirmières aussi, au niveau de la Commission des soins de fin de vie, est incontournable. Nous sommes présentes auprès de ces malades-là et nous croyons que les infirmières devraient avoir une place sur cette Commission des soins de fin de vie.

• (16 h 20) •

L'objection de conscience. Notre interprétation de l'article 44 nous amène à comprendre qu'il consacre pour tous les professionnels de la santé le droit à l'objection de conscience. Ainsi, un professionnel pourrait refuser de donner des soins en fin de vie et de collaborer pour des raisons personnelles. Alors, l'ordre s'interroge sur la reconnaissance du droit d'un... pardon, d'un droit pour un professionnel de la santé de refuser de fournir des soins de fin de vie ou de collaborer à leur fourniture. Comme ordre, nous sommes d'avis qu'il faut resserrer la portée de cet article en visant uniquement la sédation palliative et l'aide médicale à mourir.

Pour ce qui est des directives médicales anticipées, l'infirmière est largement interpellée par l'application de ces directives médicales anticipées là, et nous croyons qu'il faut davantage clarifier comment ça va s'orchestrer dans les milieux et qu'est-ce qui va avoir préséance, par exemple, les directives médicales anticipées par rapport au niveau d'intervention médicale. Alors, il y a des clarifications à faire à ce niveau-là. Et, pour nous, il est important aussi que les directives médicales anticipées soient contemporaines pour qu'on puisse prendre soin du patient qui est devant nous aujourd'hui, pas des directives qui auraient été données des années avant qu'il soit dans la situation actuelle.

15 minutes, c'est court pour tout vous expliquer. Alors, il y avait six thèmes qu'on voulait couvrir : la signification des termes, on pense qu'on doit clarifier les choses; l'organisation des soins et services; l'encadrement des soins de fin de vie; la représentation des infirmières à la commission; l'objection de conscience; et les directives médicales assistées.

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay, merci pour votre présentation.

Mme Tremblay (Lucie) : Ça me fait plaisir.

Le Président (M. Bergman) : Maintenant, pour le premier bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour à vous quatre. Très heureuse que vous soyez ici, je dois vous le dire. Je vous l'ai dit tout à l'heure, mais je veux le dire au micro, j'ai trouvé que votre mémoire était d'une qualité exceptionnelle, très fouillé, très précis. On n'est pas d'accord sur tout, mais vraiment j'ai senti, dans ce mémoire-là, une volonté de pousser la réflexion, de nous amener des pistes, de ne vraiment pas juste nous soulever des enjeux ou des choses qui, selon vous, apparaissaient importantes à clarifier, mais en me disant jusqu'où vous iriez, comment vous feriez les choses.

Donc, bien franchement, je pense que c'est une contribution significative à nos débats, alors merci beaucoup.

Écoutez, j'ai beaucoup de questions. Peut-être, avant de passer aux questions, juste vous dire que, sur beaucoup d'éléments… Je veux vous dire, d'entrée de jeu, sur votre proposition pour l'article 29, pour préciser l'accompagnement : Tout à fait d'accord avec vous, s'il y a lieu d'être encore plus précis, on va le faire. Pour ce qui est de la sédation continue, c'est cette réalité-là que nous voulons refléter. Donc, puisqu'il semble se dégager un consensus autour du terme «sédation palliative continue», c'est le terme qui pourra être employé si vraiment c'est le terme qui se dégage. La volonté, c'était vraiment de venir consacrer cette réalité-là en fait qui existe déjà mais, de ce qu'on a compris, de manière pas nécessairement... je dirais, à géométrie variable un peu partout et même à l'intérieur des équipes de soignants, chez les infirmières, chez les médecins. On sent que la compréhension n'est pas toujours la même, là, entre augmenter des doses de morphine versus une réelle sédation palliative continue, donc je... pour avoir vécu ça et avoir vu des médecins venir et sentir que, pour eux aussi, il y avait peut-être du travail à faire, donc, ça, je vous rejoins parfaitement.

Vous dire que le but du projet de loi, c'est de venir consacrer l'existence de cette pratique-là, qui est déjà là sur le terrain, mais de venir s'assurer d'un encadrement plus important, notamment avec l'importance qu'il y ait des protocoles appliqués uniformément. Et ce sont les ordres professionnels, comme on le dit, les ordres professionnels concernés qui développent ces protocoles-là. Donc, évidemment, vous pouvez être tout à fait impliqués dans le développement des meilleurs protocoles qui vont devoir s'appliquer pour ce qui est de la sédation. Pour ce qui est aussi des soins en CHSLD et à domicile, des soins palliatifs, je vous rejoins complètement, ce sont deux grandes priorités : d'une part, de favoriser un meilleur accès à domicile mais aussi de favoriser la formation dans les CHSLD. Donc, moi-même, je fais des visites de CHSLD pour voir à quoi ça ressemble, j'étais dans un la semaine dernière. Et donc il faut, je pense, que cette approche-là palliative soit beaucoup mieux connue et appliquée, bien qu'il ne faut pas non plus penser que l'approche des soins palliatifs, là, c'est la panacée à tout et que c'est la réponse à toutes les personnes en CHSLD. Il y a de la gestion de la douleur aussi qui se fait autrement, qui ne nécessite pas l'approche palliative aussi, là.

Donc, il faut aussi faire la part des choses, mais je vous suis très bien.

Donc, quand je disais : Vous apportez plusieurs contributions importantes… Vous vous questionnez sur la notion de fin de vie. En fait, vous dites… je pense que vous êtes dans la même réflexion que nous, c'est-à-dire… Moi, je tiens beaucoup à ce que ce soit l'expression «fin de vie». Mes collègues ont peut-être des positions différentes, on pourra y revenir. Moi, je trouve que c'est la bonne expression, mais vous, vous nous dites : Il faudrait voir comment on peut s'entendre, un peu de manière globale, sur ce qu'est la fin de vie. Je vous dirais aussi que je pense qu'il faut tendre à s'entendre, mais il faut aussi être prudents, des fois, de trop vouloir définir de manière pointue. Vous savez, en droit civil, il y a une notion très large qui traditionnellement s'appelait «le bon père de famille», qui est maintenant rendue «la personne raisonnable». Et cette notion-là, c'est celle qui fonde tout notre droit de la responsabilité civile, c'est-à-dire que, pour qu'il y ait une faute, c'est que la personne ne s'est pas comportée comme une personne raisonnable aurait dû se comporter. Alors, c'est la base de pas mal beaucoup de choses en droit civil. Et certains pourraient nous dire : Mais ça n'a aucun sens, «personne raisonnable», comment peut-on venir mettre autant d'éléments importants de notre droit civil sur une notion comme celle-là? Mais l'idée évidemment, c'est que c'est une notion, je pense, qui résonne et qui, selon les différents contextes, voit si on s'éloigne de la personne raisonnable. Je ne vous dis pas que c'est un parallèle qui est parfait, mais je pense aussi qu'il y a certaines réalités et certains termes. Que l'on prenne «terminale», que l'on prenne «imminente», que l'on prenne «fin de vie», ça va résonner d'une manière, et il va falloir qu'on voie comment ça résonne et si c'est ça que l'on souhaite. Moi, je pense que c'est ce qu'on souhaite avec la notion de fin de vie, mais je veux vous entendre.

Quand vous dites : Il faudrait avoir des critères plus scientifiques, vous faites référence à d'autres instances qui pourraient regarder ça. Pour vous, ça pourrait être quoi, ces critères-là? Et c'est quoi, pour vous, la fin de vie?

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Lucie) : Je vais amorcer la réponse puis je vais laisser la parole à ma collègue, Mme Durand. Mais, vous savez, quand on travaille au sein d'une équipe interdisciplinaire, il arrive qu'on ait des perspectives différentes, et, si on ne s'entend pas, vous comprendrez que, dans une situation comme celle qu'on parle, c'est assez irréversible. Donc, c'est pour ça que c'est important de clarifier les termes. Et je peux comprendre qu'on ne peut pas toujours avoir le niveau de précision ultime, mais il faudrait le préciser davantage.

Je laisse la parole à Mme Durand, qui va vous compléter cette réponse-là.

Le Président (M. Bergman) : Mme Durand.

Mme Durand (Suzanne) : Oui. Mais en fait la personne en fin de vie, pour nous, ça réfère à toutes les personnes, qu'importe la maladie de la personne, parce que, quand on parle… On voulait amener la notion finalement de fin de vie par rapport à une maladie plutôt que faire des liens carrément avec soins palliatifs, soins de fin de vie. Et c'est cette notion-là qu'on voulait clarifier pour éviter que ça soit, justement, réducteur. On ne voulait surtout pas que ce soit réducteur, on voulait que ça englobe l'ensemble des personnes, qu'importe la maladie. Mais, lorsqu'elle est en fin de vie, elle a besoin des soins de fin de vie, et ce n'est pas vraiment la question de réduire. Mais ce qu'on voulait aussi apporter comme nuance, la notion de soins palliatifs et soins de fin de vie, dont un, pour nous, très large, mais le soin de fin de vie se trouve comme l'ultime étape des soins palliatifs. Donc, on voulait s'assurer que tout le monde s'entende sur «soins palliatifs», «soins de fin de vie», et, juste à entendre les commentaires du groupe qui nous ont précédées, on voit que ce n'est pas tout à fait clair pour tout le monde quand on parle de fin de vie ou soins de fin de vie et soins palliatifs.

Donc, on voulait juste une clarification sans nécessairement être réducteurs ou excessivement spécifiques.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui, c'est ça. En fait, c'est que c'est un beau principe de dire qu'il faut que tout le monde s'entende, mais il n'y a personne encore qui est arrivé à nous dire comment on fait ça pour que tout le monde s'entende. Et c'est pour ça que moi, je vous dis que… Je pense aussi qu'à un moment donné on ne peut pas non plus aller dans un exercice trop pointu.

Parce que, je vous suis parfaitement, en fait moi, je suis sur la même longueur que vous, je pense que, selon le contexte, la fin de vie, ce n'est pas exactement la même chose. Donc, une personne qui a un cancer en phase terminale, on peut savoir, là, elle est rendue en fin de vie parce qu'elle est rentrée… Là, on a décidé que la chimiothérapie ne fonctionnait plus, ça se peut que son état se dégrade rapidement, bon, tout ça. Là, elle est en fin de vie. Et ça peut être une question de semaines, ça peut être une question de jours. Il y a une personne qui peut avoir une maladie neurodégénérative, elle est en fin de vie, mais ça ne veut pas dire que ça se comptabilise de la même manière que la personne qui a un cancer.

Et donc ce n'est pas nécessairement le même horizon temporel, mais, en même temps, les spécialistes ou les médecins qui traitent avec ces personnes-là, selon les différentes maladies qui sont là devant eux, ils vont vous dire : Cette personne-là, elle est en fin de vie. Moi, j'ai l'impression que les gens, l'équipe soignante, ils savent. La référence à «fin de vie», j'ai l'impression que c'est quand même assez présent pour que ça ne suscite pas nécessairement de grand débat. Et l'autre chose, c'est que, je me dis, on sent tellement que les médecins veulent y aller avec prudence, on sent tellement cette volonté que ça soit bien balisé, comme c'est dans le projet de loi, puis que ça soit regardé de manière restrictive que moi, j'ai quand même confiance que la notion de fin de vie, elle va dire ce qu'elle a à dire, c'est-à-dire que les gens sont en fin de vie. C'est pour ça que je suis curieuse quand vous dites : Peut-être qu'un organisme pourrait venir… J'aimerais ça que vous nous… venir nous donner des critères sur c'est quoi, la fin de vie.

Est-ce que, dans votre optique, c'est, par exemple, qu'il viendrait nous dire : Dans tel type de maladie, ça peut ressembler à ça? Quand vous faites cette proposition-là, vous avez peut-être quelque chose en tête, là?

• (16 h 30) •

Le Président (M. Bergman) : Mme Durand.

Mme Durand (Suzanne) : Oui. En fait, ce qu'on a vu, dans le fond… Il y a, c'est sûr... Et c'est très difficile de trouver, dans la littérature, une définition de fin de vie. On en a cherché. Mais par contre, ce qu'on a vu, entre autres, chez nos voisins américains, effectivement il existait des critères, selon les différents types de maladies, qui pourraient un petit peu baliser. Puis je ne dis pas que c'est un cadre excessivement serré, mais c'est comme des balises qui diraient, par rapport à un incident cardiaque, certaines balises par rapport à la fin de vie versus une personne avec un cancer.

Donc, c'est des données qu'on a vues, qui existaient. On n'a pas voulu mettre ça directement dans un… je ne pense pas que ça va dans un projet de loi non plus. Mais est-ce que ça pourrait être aidant pour les professionnels dans toute cette démarche qu'on a à faire avec les établissements de santé pour établir des standards de pratique, des protocoles? C'était une idée qu'on a proposée.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Maintenant, pour le premier bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, mesdames, merci. Merci pour votre mémoire, merci aussi pour la façon claire avec laquelle vous avez su nous livrer quelque chose qui était relativement substantif.

J'aimerais, dans un premier temps, aborder la question de l'objection de conscience que vous abordez plutôt sous l'angle de l'article 44, où vous suggérez que la portée de l'article 44 soit vraiment limitée à la question de la sédation palliative continue… terminale, mais on comprend le principe, et l'aide médicale à mourir. Donc, si je comprends bien, votre interprétation du projet de loi est telle que, selon l'article 44, les autres soins prévus au projet de loi seraient touchés par l'article 44. C'est bien comme…

Mme Tremblay (Lucie) : Il y a un risque de dérapage. Puis je vais laisser Mme Truchon compléter la réponse.

Le Président (M. Bergman) : Mme Truchon.

Mme Truchon (Sylvie) : Oui. Alors, effectivement, nous, la façon dont on comprenait l'article 44, c'est que l'objection de conscience était permise pour tout professionnel en regard de soins de fin de vie. Donc, on le comprenait de façon large. Et notre inquiétude était à l'effet que nos infirmières et infirmiers soignent des clients en soins de fin de vie un peu partout, dans tout secteur d'activité, et on se disait que, si l'objection de conscience était présente pour tous les soins de fin de vie, à ce moment-là, est-ce qu'il n'y avait pas un risque que des clients qui avaient besoin de soins de fin de vie se retrouvent avec des situations délicates pour lesquelles les professionnels ne voudraient pas soigner?

Alors, on comprenait que l'esprit de la loi était vraiment dirigé… l'objection de conscience par rapport à la sédation palliative en continu et à l'aide médicale à mourir et on se demandait, dans ce cadre-là, s'il n'y avait pas lieu de le préciser nommément dans l'article pour éviter toute confusion.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Et donc mettre de côté toute la question des refus de traitement qu'un patient pourrait aussi manifester, j'imagine?

Mme Truchon (Sylvie) : Bien, c'est-à-dire que le refus de traitement… le client, à ce moment-ci, peut le faire, son refus de traitement. Alors, pour nous, on comprenait qu'on était vraiment dans les soins de fin de vie. Et le refus de traitement… le client, s'il décide de refuser un traitement, à l'heure actuelle, il peut le faire. Alors, on n'avait pas saisi que c'était le refus de traitement, là, qui était associé à l'article 44. Peut-être que notre interprétation n'était pas tout à fait adéquate.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Il y a également… Dans la question de l'objection de conscience, on prévoit aux articles 29, 30 la possibilité pour un médecin de refuser, et c'est clairement indiqué.

Certains ordres professionnels nous ont fait part que leurs membres aussi seraient visés particulièrement et demandaient de pouvoir être spécifiquement identifiés quant aux articles 29 et 30. Est-ce que vous croyez que vos membres, comme membres de l'équipe soignante, devraient être spécifiés de façon claire dans leur possibilité de ne pas accompagner ou de ne pas accompagner un médecin qui… Parce que, j'imagine, il ne fera pas ça seul. Il y aura une équipe autour de lui. Et donc est-ce que vous croyez qu'il serait nécessaire de spécifier que l'équipe qui entoure le médecin, qui accompagne le médecin dans l'administration de l'aide médicale à mourir ait aussi cette possibilité-là de dire : Non, je ne suis pas à l'aise avec l'acte qui va être administré et donc je vais essayer de trouver quelqu'un, un collègue, une collègue, qui pourra prendre ma place? Est-ce que vous croyez que ça doit être spécifié ou l'article 44 fait le travail et est suffisant?

Le Président (M. Bergman) : Mme Truchon.

Mme Truchon (Sylvie) : Notre compréhension, à l'heure actuelle, était que l'article 44 faisait le travail. Et ce qu'on comprenait également, c'est qu'à partir du moment où un professionnel pouvait avoir une objection de conscience en regard de l'article 44, à ce moment-là, c'est nos codes de déontologie par la suite qui prendraient la relève.

Donc, pour nous, dans notre code de déontologie, bien, si une infirmière soigne un client mais qu'elle aurait une objection de conscience par rapport à une situation précise tel que le prévoit le projet de loi, à ce moment-là, elle pourrait faire l'objection de conscience, mais elle devrait s'assurer que le client… il y ait une continuité de soins qui va se faire pour ne pas qu'on se retrouve avec une clientèle qui ne recevrait pas de soins. Mais notre première lecture et notre interprétation de l'article faisaient en sorte que, pour nous, ça faisait le travail à l'heure actuelle.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci. Pour ce qui est de la question des directives médicales anticipées, vous apportez… vous rapportez, plutôt, l'idée d'avoir des directives médicales anticipées contemporaines. C'est un élément qui a fait l'objet de certaines discussions, justement. Lorsqu'il est question d'introduire l'accès aux directives médicales anticipées pour l'aide médicale à mourir, actuellement ce n'est pas le cas dans le projet de loi, mais il y a des gens qui nous font part que l'aide médicale à mourir devrait être permise via des directives médicales anticipées pour les inaptes. Et vous établissez, vous, une durée, c'est-à-dire une date de péremption des directives médicales anticipées, à cinq ans. J'aimerais vous entendre davantage sur cette question-là.

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Lucie) : En fait, ça a été basé sur ce qu'on a vu, ce qui se passait ailleurs mais les travaux aussi de la commission Ménard. Et Mme Durand peut-être peut compléter la réponse.

Le Président (M. Bergman) : Mme Durand.

Mme Durand (Suzanne) : Oui. En fait, on avait une préoccupation par rapport à la durée de vie des directives médicales anticipées.

Notre expérience clinique auprès… autant qu'on a consulté des médecins que des infirmières… et nos expériences aussi auprès de cette clientèle-là pendant de nombreuses années dans le réseau de la santé nous démontrent que, la personne, sa pensée va évoluer au cours des années et aussi le fait que, lorsqu'on est en santé, on a beau s'imaginer ce que ça pourrait être, c'est très difficile de se mettre en contexte. Et même des fois, quand on est pris dans la situation, en début de maladie, on va réagir d'une certaine façon qui risque aussi d'évoluer au fur et à mesure que la maladie et que notre état de santé se détériorent, et je peux vous dire que des fois j'ai vu des changements d'avis à deux semaines.

Donc, pour moi, j'avais comme une inquiétude. Parce qu'en tant qu'humains on a tous la mauvaise habitude de faire quelque chose, par exemple un testament, puis il est fait depuis 20 ans, puis on ne s'est pas questionnés, même si notre vie a changé, les enfants ne sont plus à la maison, et j'ai l'impression… un peu à ce principe-là avec les directives médicales anticipées : on l'a fait une fois et on a arrêté d'y réfléchir après ça pendant 10, 15, 20 ans. Et, compte tenu que le législateur, dans la réglementation, dans le projet de loi, veut s'assurer que, lorsque la personne est apte… qu'elle remet les directives médicales anticipées à un professionnel de la santé pour s'assurer que ça soit d'actualité, un médecin, dans le projet de loi, doit aussi s'assurer, lorsqu'il voit le déclin cognitif d'une personne, de vérifier si les directives médicales sont toujours d'actualité.

Ça fait qu'on trouvait que vous aviez déjà une bonne voie dans la bonne direction, et on voulait que ça s'élargisse à l'ensemble de la clientèle et non pas uniquement quand la personne est apte au moment où elle remet ses directives médicales. Donc, on avait la préoccupation de s'assurer que ça corresponde le plus possible aux soins qui se donnent actuellement et non pas quelque chose qui date de 10, 15, 20 ans. Donc, on souhaitait soit un mécanisme plus universel, comme on fait avec la carte d'assurance maladie, ou une pérennité. Donc, au bout de cinq ans, la personne va se reposer la question si c'est toujours ça qu'elle souhaite.

• (16 h 40) •

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Je vais vouloir poursuivre sur cette question-là qui est très intéressante.

Juste avant, sur l'objection de conscience, en fait l'article 44, il ne vient pas créer la réalité de l'objection de conscience, en fait il vient dire que ça ne vient pas limiter. On voulait le réaffirmer, là, pour sécuriser tout le monde, que ça ne vient pas limiter l'objection de conscience qui est déjà prévue dans les codes de déontologie, donc, on pense, médecins et pharmaciens. Je comprends que les infirmières n'ont pas cette objection de conscience dans leur code de déontologie. Vous me faites : Oui, on ne l'a pas. C'est cela? O.K. Ce qui fait… donc ça ne vient pas la créer. Et donc, par exemple, pour la sédation palliative continue, si, par exemple, vous me dites qu'il y a de l'inconfort chez certaines infirmières avec cette réalité-là, bien là je pense que c'est à l'ordre de se questionner à savoir si l'objection de conscience devrait être intégrée, auquel cas, si elle était intégrée dans votre code de déontologie, elle serait confirmée par le biais de l'article 44, si vous me suivez.

Pour ce qui est… Là, vous dites : L'ensemble des soins, est-ce qu'on ne devrait pas spécifier? Bien, en fait, quand on voit dans les codes de déontologie… en théorie, les médecins, ils ont droit à l'objection de conscience pour tout ce qui n'est pas en conformité avec leur conscience, hein? Là, je suis retournée voir, c'est : on parle de services professionnels qui pourraient être appropriés mais que, par conviction personnelle, on ne veut pas offrir. Donc, c'est difficile de venir limiter dans le projet de loi quelque chose qui est déjà reconnu dans les codes. Ça fait que je voulais juste vous préciser ça. Vous pourrez commenter si vous voulez. Juste sur la question, donc, des directives, puis je veux vous entendre aussi d'une manière plus générale sur la question des personnes inaptes, parce que je comprends que vous nous recommandez d'ouvrir, donc, l'aide médicale à mourir aussi pour les personnes inaptes qui auraient pu le demander de manière anticipée, vous pourrez peaufiner votre pensée ou clarifier votre pensée là-dessus. Mais je voulais dire que, sur la question du délai, là, c'est toute une question, ça, si on met un délai. Parce qu'une personne est atteinte de la maladie d'Alzheimer. Elle peut être atteinte et ne plus avoir son aptitude pendant pas mal plus que trois, quatre ou cinq ans, là, ça peut durer des années.

Et donc, si on met une limite de cinq ans, et que la personne a perdu son aptitude, et qu'elle vit pendant 10, 12, 15 ans, est-ce à dire que toutes ses directives anticipées tombent parce qu'on a prévu dans la loi qu'il fallait les refaire aux cinq ans? Vous me suivez? C'est parce qu'on s'est vraiment cassé la tête avec celle-là et, je vous dis, ce n'est vraiment pas simple. Et on ne voudrait pas venir brimer quelqu'un qui est venu écrire ses directives anticipées, qui est devenu inapte mais, par le fait que son inaptitude se prolonge dans le temps, verrait ses directives devenir caduques. Je pense que ce à quoi vous voulez faire référence, c'est : si moi, aujourd'hui, je suis en pleine santé, j'écris mes directives médicales anticipées, puis en fait je n'y repense jamais, puis là, à 80 ans, il arrive quelque chose, je deviens inapte, puis on se tourne vers mes directives, est-ce qu'elles vont encore refléter ce que je voudrais? Mais moi, je vous soumettrais que c'est ma responsabilité. C'est-à-dire que l'autonomie de la personne, c'est de dire : Je m'assume aussi. Est-ce qu'il faut que ce soit un principe parfait? Non.

C'est pour ça que, nous, ce qu'on prévoit, c'est qu'au moment du renouvellement, par exemple, de la carte d'assurance maladie il y aurait un rappel de fait : Un, avez-vous fait vos directives médicales anticipées? Vous devriez les faire. Et, deux, si vous les avez faites, sont-elles encore conformes à vos volontés?

Mais je dois vous dire que c'est toute une problématique si on met une échéance fixe. Parce qu'on échangeait avec des gens en Belgique qui ont mis, eux, une échéance, puis ils nous ont dit : Ne faites pas ça, parce qu'on est vraiment dans une situation sans issue dans plusieurs circonstances où justement les directives médicales devraient avoir toute leur place.

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Lucie) : Je ne sais pas par lequel je vais commencer, si c'est par l'inaptitude ou la révision des directives médicales.

Pour nous, les gens qui sont inaptes, c'est des citoyens à part entière, et ils devraient avoir les mêmes droits que tout autre citoyen. Et il est possible qu'une personne qui est devenue inapte ait des souffrances intolérables, soit à la fin de sa vie. Et on vous encourage à faire la réflexion sur comment on pourrait aussi leur donner accès à des soins équivalents à l'ensemble des citoyens.

Sur la révision des directives médicales anticipées, je suis contente de vous entendre parler d'un mécanisme de rappel. Parce que notre expérience clinique, mais aussi l'expérience clinique des infirmières qu'on a consultées, est à l'effet qu'on ne pense pas effectivement de la même façon à la fin de vie quand on a 20 ans et qu'on est fringants que lorsqu'on en a 80 et qu'on approche possiblement plus de la fin de vie, où on ne pense pas que la qualité de la vie, c'est la même chose quand on est en pleine santé et quand on est dans un processus où est-ce qu'on a une maladie chronique, dégénérative où est-ce qu'il y a un processus d'adaptation. Donc, l'aspect contemporain, pour nous, est particulièrement important. Je ne sais pas, est-ce que, Mme Durand, vous voulez ajouter quelque chose à ça?

Le Président (M. Bergman) : Mme Durand.

Mme Durand (Suzanne) : Mais en fait je comprends le dilemme du nombre d'années, en fait de validité des directives médicales anticipées. Puis j'ai eu une longue réflexion, parce que j'ai fait partie des… je représentais l'ordre, avec le Collège des médecins, sur les travaux que vous aviez demandés, Mme la ministre, par rapport à la démence, et on voyait très bien que des fois ça pouvait aller jusqu'à huit, 10 ans, puis dire : Bon, si ces gens-là ont fait des directives médicales anticipées, on limite à cinq ans. Oui, peut-être que certaines personnes pourraient ne pas bénéficier de l'aide médicale à mourir. Donc, c'est une question excessivement difficile. Si au moins il y a un mécanisme au moins qui sensibilise la population, de s'assurer de les mettre à jour, c'est déjà, pour nous, une bonne chose à entendre, parce que, dans le projet de loi, on ne pouvait pas le deviner, qu'il y avait cette éventualité-là. Par contre, oui, je suis consciente que le cinq ans, ça pourrait limiter certaines personnes.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Oui, en fait, c'est ça, c'est qu'on se rejoint, il y a la même chose qu'on ne veut pas qu'elle se produise, d'où cette idée d'un rappel plutôt que d'une obligation statutaire. Parce que c'est la même chose, hein? Une personne, mettons, qui vit… elle les fait à 75 ans, est-ce qu'on va l'obliger? Entre 20 ans puis 80 ans, ça peut changer beaucoup, mais entre 75, 80, 85, 90 peut-être que votre idée ne changera pas tant que ça. Donc, ça, c'est une autre… Est-ce qu'on va l'obliger à chaque cinq ans, si elle veut la même chose, à refaire les mêmes choses à chaque fois? Donc, c'est intéressant parce qu'on a peu parlé de ça, donc, du délai, la question du délai.

Peut-être en terminant… Vous avez dit tout à l'heure : Vous savez, il y a des gens qui craignent d'aller en soins palliatifs, là, dans l'état actuel des choses, déjà là, parce qu'ils ne savent pas trop c'est quoi, puis c'est la fin de vie, puis qu'est-ce qui va se passer? Puis est-ce qu'on va écourter leur vie ou… Et j'aimerais savoir, parce que moi, j'étais sous l'impression que… on sait qu'il y a encore beaucoup de pédagogie à faire, mais j'imagine que ça s'est beaucoup amélioré, cet effet de diminuer, je dirais, les mythes entourant les soins palliatifs, d'essayer d'expliquer, que les gens comprennent mieux maintenant c'est quoi ou si vous me dites : Non, pas du tout, il y a 20 ans versus aujourd'hui, les gens ne savent pas plus c'est quoi, les soins palliatifs.

Mme Tremblay (Lucie) : Les experts qu'on a consultés nous disent qu'il y en a encore beaucoup, d'éléments méconnus, il y a beaucoup de crainte. Et cette crainte, parce qu'on accepte des soins palliatifs, que sa vie soit abrégée, c'est vraiment très présent chez les experts qu'on a consultés. Ils nous disent que parfois la clientèle est inquiète de ça.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Pour le deuxième bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Merci, M. le Président. Je poserai une ou deux questions assez rapides pour laisser le temps à mon collègue docteur d'intervenir.

Mme la présidente-directrice de l'ordre des infirmiers et infirmières, mesdames, à force d'écouter ce qui se passe en cette commission, on se rend compte qu'entre autres les soins palliatifs, ce ne sont pas des soins de fin de vie nécessairement — il se peut fort bien que les soins palliatifs agissent à la fin de la vie, mais ils ne sont pas uniquement des soins de fin de vie — et qu'il y a la sédation palliative, qui va devenir continue, et l'aide médicale à mourir qui se rapprochent quand même beaucoup.

Un se fait de façon, je pense… et vous me corrigerez, avec la nature et l'autre se fait immédiatement, et tous les deux, c'est terminal. Donc, il n'y a pas de retour en arrière, ça se termine. Est-ce que vous seriez plus à l'aise, parce que c'est une question qui a été posée énormément, qu'il y ait cette séparation entre les soins palliatifs et toute la question de l'aide, des soins de fin de vie?

• (16 h 50) •

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Lucie) : En fait, pour ce qui est de l'aide médicale à mourir, chez les infirmières, ce n'est pas perçu comme un soin. C'est une intervention, mais ce n'est pas un soin, et elles sont mal à l'aise qu'on le nomme de cette façon-là. Comment ce sera libellé dans la loi? On vous laisse la place de le faire correctement. Mais c'est sûr que les infirmières, elles ne considèrent pas que l'aide médicale à mourir, c'est un soin. C'est une intervention qui met fin à la vie.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : J'ai aussi compris, quand vous avez fait votre présentation, que vous souhaitiez que les infirmiers, infirmières aient beaucoup plus de reconnaissance à l'intérieur de ce projet de loi, puisque, sur le terrain, vous intervenez à tous les jours, que vous êtes présents partout, et que, sans vous, je pense que… le réseau aurait beaucoup de difficultés à fonctionner. Et on le sait, vous l'avez mentionné, parfois il y a une infirmière, un infirmier pour 80 personnes et qu'on ne peut pas arriver à s'occuper de la même façon de tout le monde en même temps, là, hein?

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Lucie) : Pouvez-vous…

Mme Blais : Bien, ma question, c'est que vous souhaitez avoir beaucoup plus de reconnaissance à l'intérieur du projet. Vous l'avez mentionné tout à l'heure durant votre mémoire, vous aimeriez avoir une place, une place à la commission, vous aimeriez… Vous avez mentionné que vous sentiez que, dans le projet de loi, vous étiez un peu absents.

Mme Tremblay (Lucie) : Entre autres, je vous dirais qu'au niveau de certaines structures qui sont prévues dans le projet de loi on parle beaucoup, par exemple, des professionnels ou des comités qui découlent du conseil des médecins et dentistes. Mais les infirmières, elles vont faire partie prenante de ces décisions-là de fin de vie, et jamais on ne nomme le conseil des infirmiers et infirmières, qui a un rôle d'appréciation de la qualité des soins.

Donc, si on veut aller mesurer qu'est-ce qui se fait, si on veut améliorer les choses, à notre avis, c'est essentiel qu'il soit nommé. La même chose au niveau de la directrice des soins. Mais aussi, dans le projet, on ne voyait pas à quel point l'infirmière était proche de ces décisions-là. Et bien sûr le médecin joue un rôle important, mais la contribution de l'infirmière est unique puisqu'elle est là toujours. Donc, elle donne un éclairage à l'ensemble de l'équipe interdisciplinaire, qui est essentiel, à notre avis.

Je ne sais pas, Suzanne, si tu veux rajouter quelque chose, là?

Le Président (M. Bergman) : Mme Durand.

Mme Durand (Suzanne) : Oui. En fait, actuellement, dans les milieux où se fait la sédation palliative continue, où c'est très bien encadré, l'infirmière est partie prenante du processus décisionnel au niveau de l'équipe interdisciplinaire, et c'est souvent elle qui est en mesure d'évaluer toute la question : Est-ce que c'est vraiment des douleurs réfractaires, est-ce qu'on a… est-ce que telle thérapie peut fonctionner ou pas? C'est vraiment elle qui est là continuellement, 24 heures sur 24, sept jours par semaine.

Donc, pour nous, on avait un peu de la difficulté à concevoir que, lorsqu'on arrive à la rédaction de standards de pratique ou de protocoles ou lorsqu'on dit que le CMDP va assurer par la suite le suivi pour voir si ça s'est bien fait, l'aide médicale à mourir ou la sédation palliative continue… Mais le CMDP, c'est des médecins et pharmaciens et dentistes, ce n'est pas des infirmières. Et, pour nous, on trouvait, c'est de se priver d'une expertise importante que de ne pas permettre à l'infirmière d'être associée à ces processus-là, parce qu'on est là. La sédation palliative continue, ce n'est à peu près que l'infirmière qui est là, qui va travailler pour arriver à prendre une décision avec les autres professionnels, et la famille, et le patient, qui va l'administrer, qui va surveiller le patient jusqu'à son décès et qui va lui donner tous les soins. Donc, pour nous autres, c'était comme vraiment impensable qu'on ne retrouve rien au niveau du projet de loi par rapport à la contribution vraiment importante de l'infirmière. Et, même si, au niveau de l'aide médicale à mourir, c'est le médecin qui va l'administrer, puis ce qu'on demande, c'est qu'il soit présent au chevet… mais vous vous doutez bien que l'infirmière, elle soigne le patient avant la décision, elle va participer à la prise de décision puis elle va être là pendant que ça va se faire, mais aussi elle va être là aussi après pour soutenir la famille.

Donc, pour nous, même si on ne l'administre pas, l'aide médicale à mourir, ça reste que c'est des patients qui vont avoir des soins par une infirmière.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste trois minutes.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'ailleurs, je tiens à vous le dire, on va défendre énormément que vous ayez un poste statutaire sur la commission, comme les pharmaciens, d'ailleurs. Puis je pense que les psychologues également devraient y avoir droit, puis les travailleurs sociaux, quitte à agrandir le comité. Parce que je trouve ça difficile de penser que vous allez être peut-être désignés, peut-être pas désignés, parce que vous faites partie quand même de l'équipe qui s'occupe de ça. Ça, je pense que vous êtes d'accord avec ça, oui?

Mme Tremblay (Lucie) :

M. Bolduc (Jean-Talon) : La question du soin par rapport à l'intervention, là, c'est certain qu'on peut aller chercher des nuances, là, mais à la fin il faut que ça demeure dans le domaine de la santé pour une question de constitution.

Parce que, si ça ne fait pas partie de notre continuum de soins, moi, je pense qu'on s'attend à ce que cette cause-là va aller en Cour suprême à un moment donné pour savoir est-ce que ça va être du côté de la santé, la juridiction au niveau du fédéral. Et, dès qu'on essaie de démontrer que c'est peut-être juste une intervention pour faire en sorte que la personne décède, je pense que, là, on pourrait arriver puis tomber du côté euthanasie. Puis au niveau légal on pourrait peut-être se retrouver, du côté fédéral, avec une objection. Je ne sais pas si la ministre l'a fait évaluer de ce côté-là, mais je suis certain que, quand on dit toujours : Ça fait partie du continuum de soins, là il faut penser à ça, que, si, un jour, on veut que ça reste à l'intérieur de la décision du Québec, de procéder avec l'aide médicale à mourir, il faut être capable de le défendre par la suite. Sinon, on peut faire un très gros dossier, avoir des belles intentions mais légalement, par la suite, être bloqué.

J'adhère à votre position également que le CI, lorsqu'il a été créé, comme le CM d'ailleurs, le conseil multidisciplinaire, a été créé pour être le pendant d'autres professionnels, le pendant du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, qui fonctionne très bien dans les établissements. Moi, à ma connaissance, les CI également fonctionnent très bien. Donc, je pense qu'il faut regarder dans la loi où vous voudriez un droit d'intervention ou, au moins, de consultation. Par contre, il y a des éléments qu'il faut qu'on laisse au conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, surtout par rapport à l'aide médicale, possiblement aussi l'évaluation médicale. Par contre, je verrais bien que le CI, dans le contexte qu'il est responsable de faire de l'évaluation des soins, également ait son mot à dire pour le travail au niveau des infirmiers et infirmières.

Je pense que ça doit être ça, l'essence de votre intervention, ou c'est encore plus que ça?

Mme Tremblay (Lucie) : Ce serait un peu mal…

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay, il vous reste une minute dans ce bloc.

Mme Tremblay (Lucie) : Pardon. Ce serait un peu malaisant que des médecins viennent évaluer la qualité du travail des infirmières. C'est dans ce cadre-là qu'on dit : C'est des infirmières qui doivent évaluer la qualité du travail qui est fait par les infirmières. Et on comprend bien aussi toute la subtilité attachée à la loi par rapport à l'aide médicale à mourir. Ceci étant dit, on vous a exprimé le malaise qu'ont les infirmières quand qu'on le nomme comme un soin. C'est là que des fois c'est un petit peu difficile chez nos membres.

Le Président (M. Bergman) : Alors, maintenant, pour le bloc du deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Merci de votre présence et merci de votre mémoire aussi qui, effectivement… j'adhère à la position de la ministre, qui est d'une qualité exceptionnelle.

Puis j'aimerais revenir un petit peu sur les directives médicales anticipées. Parce qu'on a eu des intervenants qui sont venus nous dire qu'effectivement, actuellement, on n'a pas une méthode contemporaine, comme vous le dites, qui fait en sorte qu'on a, à certains moments, de l'acharnement thérapeutique parce qu'il n'y a pas de directives qui sont claires. Et je me posais la question : Quand vous avez dit ou mentionné qu'on pourrait, peut-être au renouvellement de la carte d'assurance maladie, demander au bénéficiaire de remplir… ou de vérifier si ses directives sont bien à jour, est-ce qu'il ne serait plus simple ou plus efficace que ces directives-là soient automatiquement dans le dossier médical d'un patient qui est hospitalisé… peu importe, jour un, qu'on s'assure que ça soit toujours mis à jour et que ça soit suivi à chaque hospitalisation?

Mme Tremblay (Lucie) : En fait, c'est sûr…

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Lucie) : Je m'excuse. Je suis pressée de répondre, hein? On a effectivement discuté du fait que c'est important que l'infirmière ait un accès rapide à ces directives-là. Est-ce que c'est dans le dossier médical? Est-ce que c'est dans un registre? Il faut qu'on trouve un moyen pour que ce soit facilement accessible et qu'elle ait accès aux directives, là, qui sont les plus récentes.

Je sais que ma collègue a travaillé beaucoup sur ce dossier-là. Est-ce que tu veux ajouter quelque chose?

Le Président (M. Bergman) : Mme Durand.

• (17 heures) •

Mme Durand (Suzanne) : Oui. Bien, en fait, ce que moi, j'ai compris du projet de loi, c'est que les directives médicales anticipées étaient déposées au dossier médical du patient et qu'on demande au professionnel qui les reçoit de s'assurer qu'elles sont d'actualité.

Moi, je l'ai compris comme ça, le projet de loi, là. Je ne sais pas exactement ce que vous voulez entendre plus par rapport à ça, parce que moi, j'ai compris qu'ils allaient au dossier médical. Et d'ailleurs notre préoccupation étant qu'actuellement il existe d'autres outils, là, pour les interventions ou non que le patient a demandées et, entre autres les niveaux d'intervention médicale… et, nous, notre crainte, notre préoccupation est plus : Dans le feu de l'action — puis vous savez, c'est souvent l'infirmière qui est dans le feu de l'action — c'est quel papier qui va être le bon, là? C'est-u les directives médicales anticipées? Est-ce que c'est les niveaux de soins? Nous, on demande qu'il y ait un arrimage pour être sûrs qu'on ne se retrouve pas en urgence à se demander : Qu'est-ce qu'on fait? Et c'est là notre préoccupation. Parce que je pense qu'elle a une valeur importante, la directive médicale anticipée. Je pense qu'elle doit se retrouver au dossier du patient. Je pense qu'à chaque fois qu'un patient est hospitalisé et puis qu'il est apte c'est facile, on peut s'assurer de la validité de ses directives médicales. C'est plus complexe pour la personne inapte.

Mais notre problème n'était pas de les voir dans le dossier médical, c'est de savoir, sur le terrain, avec les autres outils existants, comment ça va se vivre, comment ça va être fonctionnel au moment où on va en avoir de besoin. Parce que c'est toujours quand le patient se met à arrêter de respirer qu'on se pose la question : Il faut-u le réanimer ou pas? si ce n'est pas clair au dossier. Et on sait dans le projet de loi que les directives médicales anticipées vont être prédominantes par rapport à tout autre document. Donc, qu'est-ce qui va être plus visible au dossier du patient lorsque l'infirmière a besoin d'intervenir en situation d'urgence? Ça, c'est les éléments qui nous préoccupaient par rapport aux directives médicales anticipées.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx, il vous reste une minute.

Mme Daneault : Merci. Ce que je voulais mentionner, c'est : Est-ce qu'on devrait s'assurer que... Bon, effectivement ça peut être fait il y a cinq ans, il y a six ans, mais, à chaque hospitalisation, avec quelqu'un qui est apte, de s'assurer ou de cocher quelque part dans le dossier, en présence de la famille ou non, qu'effectivement c'est toujours les volontés du patient et que, là, ça soit clair. Tu sais, un petit peu comme on a «allergie : pénicilline» sur le dessus du dossier, bien, qu'on ait «directives médicales anticipées», que ça soit très visible pour tous les soignants. Parce qu'on sait effectivement que ça peut être vérifié auprès d'un… mais pas nécessairement avec l'ensemble du personnel soignant quand ça arrive. Alors, que ça soit aussi visible que dans les cas d'allergie, finalement, là.

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Lucie) : C'est évident, pour nous, que ça doit être très visible. Par ailleurs, notre compréhension était à l'effet que ces directives-là étaient mises à jour effectivement à chacune des hospitalisations, là.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Mais, Mme Tremblay, Mme Durand, Mme Truchon, Mme Gallant, merci pour votre présentation, merci d'être ici avec nous aujourd'hui, on apprécie beaucoup.

Et on demande aux gens de l'Office des personnes handicapées du Québec de prendre place à la table.

Et je suspends pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 17 h 3)

(Reprise à 17 h 5)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, on reçoit, collègues, l'Office des personnes handicapées du Québec. Bienvenue à la commission. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation. Alors, Mme Tremblay, si vous pouvez nous donner vos noms, vos titres. Et le prochain 15 minutes, c'est à vous pour faire votre présentation.

Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ)

Mme Tremblay (Sylvie) : Merci, M. le Président. Donc, je vous présente les gens qui sont avec moi, Sylvie Tremblay, directrice générale des l'Office des personnes handicapées : Mme Anne Hébert, qui est directrice générale adjointe de l'office; Mme Lemieux, qui est membre de notre conseil d'administration; et Mme Marchand, qui est conseillère à l'intervention nationale.

L'office a pour mandat général de veiller à la coordination des actions liées à l'élaboration et la prestation des services qui concernent les personnes handicapées et leurs familles. Il doit aussi favoriser et évaluer l'intégration scolaire, professionnelle et sociale des personnes handicapées, promouvoir leurs intérêts, les informer, les conseiller, les assister.

Le projet de loi n° 52 concernant les soins de fin de vie interpelle l'office, car il soulève plusieurs enjeux pour les personnes handicapées en fin de vie. À l'instar des personnes sans incapacité, les personnes handicapées connaissent une augmentation importante de leur espérance de vie. Ce faisant, devant l'imminence de la mort, elles font face aux mêmes questionnements, inquiétudes, angoisses que les personnes sans incapacité. Elles doivent donc avoir accès comme les autres à l'ensemble des soins et des services visant à soulager leurs souffrances physiques et bénéficier de la reconnaissance de leur propre autonomie décisionnelle au même titre que les autres personnes. Cela étant, l'office désire manifester son appui au projet de loi qui, à notre avis, donne une impulsion importante au développement des soins palliatifs et offre un encadrement aux soins de fin de vie. L'office voit ainsi ses inquiétudes calmées concernant l'aide médicale à mourir et se sent rassuré par l'encadrement serré qui est prévu.

L'office souscrit aux valeurs, à l'objet et aux principes énoncés dans le projet de loi. Néanmoins, en vertu de sa mission, il souhaiterait que les soins de fin de vie soient adaptés aux besoins et à la situation particulière des personnes et de leurs familles. À cet égard, rappelons qu'une des orientations de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées consiste à adopter une approche qui considère la personne handicapée dans son ensemble et qui respecte ses caractéristiques particulières, alors qu'une autre orientation consiste à adopter une approche qui favorise l'adaptation du milieu aux besoins des personnes handicapées et de leurs familles. De plus, que l'apport et les besoins de la famille et les proches de la personne en fin de vie soient reconnus, qu'une approche globale ou holistique de la personne en fin de vie soit préconisée. Cette approche, qui permet de prendre en compte l'ensemble de ces besoins, rejoint une des orientations de la loi et l'exercice des droits des personnes handicapées mentionnés précédemment. Que l'accompagnement des personnes en fin de vie, et de leurs familles, et de leurs proches soit au coeur de la prestation de soins, que la priorité soit donnée aux ressources et aux services assurant le maintien des personnes en fin de vie dans leurs milieux de vie. Ce principe rejoindrait ainsi une autre des orientations de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées concernant le maintien des personnes dans leurs milieux de vie naturels.

• (17 h 10) •

Concernant les directives médicales anticipées, l'office aimerait faire valoir l'importance d'offrir aux notaires une formation spécifique incluant un volet sur les besoins et les réalités des personnes handicapées qui pourraient avoir recours à leurs services. Dans l'optique où les directives médicales anticipées exigeraient le même formalisme que pour un testament notarié ou devant témoin, il importe de s'assurer de la concordance entre les nouvelles dispositions prévues du Code civil du Québec et celles du projet de loi en prévoyant notamment les mêmes aménagements pour les personnes sourdes qui ne savent ni lire ni écrire. Ainsi, de façon plus générale, pour les personnes handicapées souhaitant rédiger de telles directives, il faut, selon le cas, rendre accessible la documentation en format braille, gros caractères, langue des signes québécoise, le langage simplifié.

En ce qui a trait à la future Commission sur les soins de vie, l'office considère qu'afin de créer un meilleur équilibre en termes de représentation des groupes concernés il serait opportun de modifier l'article 36 pour, d'une part, accroître le nombre d'usagers y participant et, d'autre part, prévoir une représentation de professionnels provenant du secteur des services sociaux.

Concernant l'aide médicale à mourir, l'office souhaite que cette nouvelle option bénéficie d'un encadrement très strict. De fait, l'office s'oppose au recours à l'aide médicale à mourir pour toute autre raison que celles prévues au projet de loi. Bien que nous n'ayons pas d'objection à ce qu'une telle pratique soit introduite dans le continuum de services de soins dispensés en fin de vie, nous recommandons notamment qu'il soit clairement précisé à l'article 26 que l'on se trouve dans un contexte de maladie terminale et de fin de vie imminente. Aussi, il est nécessaire de fournir aux médecins l'information et, le cas échéant, la formation requises concernant la pratique de l'aide médicale à mourir, les exigences légales en la matière ainsi que les considérations éthiques, déontologiques qu'elle implique. L'office souhaite que ces activités d'information et de formation tiennent aussi compte des besoins particuliers des personnes handicapées qui souhaiteraient se prévaloir de cette aide. De plus, il est souhaitable que des données concernant les demandes et l'administration de l'aide médicale à mourir dans le réseau de la santé et des services sociaux soient colligées afin de pouvoir dresser le profil de ces personnes à qui on a administré l'aide médicale à mourir.

Dans cette perspective, l'office est donc favorable à la mise en place des adaptations et aides requises afin que les personnes handicapées puissent s'exprimer et formuler une demande d'aide médicale à mourir, en discuter librement avec un médecin et recevoir et comprendre toute l'information pertinente à ce sujet.

L'office désire faire valoir l'importance d'assurer le déploiement optimal des soins palliatifs sur l'ensemble du Québec et suggérer, pour ce faire, que soit actualisée la politique des soins palliatifs en fin de vie de 2004. Il est aussi souhaitable que soient développées des approches palliatives adaptées qui tiennent compte de la spécificité des incapacités des personnes en ce qui concerne, entre autres, la gestion des symptômes et de la douleur. Il importe que la formation du personnel soignant soit aussi adaptée. L'office est d'accord avec l'introduction dans la loi de dispositions qui encadrent la demande pour obtenir la sédation palliative terminale. Cette pratique doit toutefois être balisée par des lignes directrices et des protocoles rigoureux. C'est ce qui vient confirmer l'article 32 du projet de loi. L'office est d'avis que les équipes soignantes doivent avoir accès à de la formation continue portant sur la sédation palliative terminale et que cette formation aborde les besoins et les réalités des personnes handicapées.

De même, comme nous l'avons mentionné, concernant l'aide médicale à mourir, il est souhaitable que les données concernant l'utilisation de la sédation palliative terminale dans le réseau de la santé et des services sociaux soient colligées afin qu'un profil soit dressé des personnes à qui on a administré ce type de sédation. Une évaluation périodique de la pratique serait également souhaitable.

J'aimerais, si vous me le permettez, laisser le soin à Mme Lemieux, de notre conseil d'administration, de conclure notre présentation.

Le Président (M. Bergman) : Mme Lemieux.

Mme Lemieux (Pauline) : M. le Président, mesdames, messieurs, en résumé, l'office souscrit aux valeurs de compassion et de solidarité sur lesquelles le projet de loi s'appuie de même qu'aux divers principes guidant la prestation des soins de fin de vie.

L'office se réjouit du renforcement des soins palliatifs dans l'offre de services en santé et en services sociaux. Il salue à cet effet les investissements de 15 millions annoncés récemment pour améliorer ces services. Pour l'office, la mise en place d'un organe de contrôle et de surveillance comme la Commission sur les soins de fin de vie est indispensable pour s'assurer du respect de la loi, particulièrement pour les exigences palliatives à l'aide médicale à mourir. L'office, je le rappelle, est contre l'usage de cette pratique pour toute raison non prévue au projet de loi.

En terminant, M. le Président, l'office est confiant que les commentaires et les recommandations qu'il a formulés concernant les soins de fin de vie favoriseront le respect des besoins et des réalités des personnes handicapées lorsque celles-ci arriveront à cette étape. Et je réitère notre volonté de collaborer à la future commission concernant toute question relative aux personnes handicapées. Je vous remercie.

Le Président (M. Bergman) : Merci, Mme Lemieux, pour votre présentation. Alors, le gouvernement, pour le premier bloc. Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Merci, M. le Président. Alors, Mme la présidente, merci. Mme Tremblay, Mme Hébert, Mme Marchand, bienvenue à vous trois... bienvenue à vous quatre. C'était très important pour nous de pouvoir vous entendre.

On note votre intérêt pour la commission. Je dois vous dire qu'il y a un engouement fou pour siéger sur la Commission des soins de fin de vie, donc on va avoir un travail à cet égard-là. Mais je vous remercie de cet intérêt et de l'intérêt pour l'ensemble du projet de loi, que vous avez manifestés. J'ai quand même plusieurs questions. Avant de rentrer plus dans les questions, peut-être vous dire que je suis très sensible à ce que vous dites, évidemment de par mes fonctions et de par les échanges qu'on a déjà pu avoir sur d'autres enjeux. Que la réalité des personnes handicapées soit pleinement tenue en compte, je dirais, dans l'offre de services, dans notre sensibilité quant à la formation, c'est un grand enjeu pour les soins palliatifs pour qu'ils soient beaucoup mieux intégrés à la pratique médicale en général, que beaucoup plus de soignants soient formés, que cette approche-là soit beaucoup mieux connue et intégrée. Comme je le répète souvent, ça ne passe pas que par des lits dédiés, mais ça passe beaucoup par une approche de la culture palliative et de la diffusion de ça et aussi son intégration aux soins à domicile ou aux soins en CHSLD, par exemple.

Et j'aimerais vous entendre, parce que vous dites : La réalité des personnes handicapées doit être prise en compte par les équipes soignantes pour les soins de fin de vie. Mais évidemment je dirais qu'elle doit être prise en compte pour l'ensemble des soins, parce qu'on sait qu'il y a toutes sortes de réalités qui sont moyennement bien prises en compte à l'heure actuelle. Parfois, on sous-estime, on n'est pas capables d'avoir le même niveau de communication avec certaines personnes, donc on passe à côté de problématiques. On va penser que c'est lié à la déficience ou au handicap de la personne, alors qu'il y a une autre maladie qui est en train de se tailler une place, bon, tout ça.

Mais est-ce qu'il y a une problématique plus aiguë en fin de vie? Est-ce qu'il y a une réalité qui est plus difficile encore? Est-ce qu'il y a un niveau de complexité encore plus grand ou vous nous diriez : On est pas mal dans le même bateau, mais on veut vous sensibiliser aussi qu'il faudrait améliorer la connaissance peut-être ou la sensibilité des soignants à la réalité des personnes handicapées en fin de vie?

• (17 h 20) •

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay

Mme Tremblay (Sylvie) : Vous avez raison, en introduction, de dire que la participation sociale des personnes handicapées, dans tous les domaines, entre autres au niveau de l'accès aux soins et de l'accompagnement des personnes elles-mêmes et leurs familles, est un enjeu constant. Et l'adaptation, ou la formation, ou l'accompagnement du personnel au type de déficience et la reconnaissance aussi des familles dans le processus est un grand débat. Par ailleurs, je vous donnerais un exemple un peu plus concret qui… On parlait de la douleur tantôt. Vous savez qu'il y a certains types de handicap, où, pour toutes sortes de raisons, les sensibilités physiques ne sont pas les mêmes.

Donc, il faut être conscient que ce n'est pas que les personnes ont déjà ces problématiques-là et il faut les accompagner et les comprendre pour être capable d'adapter le plus possible les soins de fin de vie en fonction des problématiques. Donc, c'était à ce niveau-là, entre autres.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : O.K. Vous nous parlez de la notion de fin de vie. Donc, ça, c'est un élément sur lequel on est revenus souvent. Vous, vous dites : Il faudrait mettre «terminale» et «imminente». J'aimerais ça comprendre, pour vous, ce que ça veut dire une «maladie terminale» et une «mort imminente»?

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Sylvie) : On va dans le sens de certains des intervenants qui sont venus en commission. Pour nous et pour plusieurs, je pense, représentants des personnes handicapées qui sont venus vous rencontrer, il faut bien baliser la notion de fin de vie et des soins qui y seront donnés et qu'on puisse aussi baliser et de ne pas ouvrir l'ensemble à d'autres perspectives dans un contexte, vous comprendrez, où il pourrait y avoir des dérives. Alors, nous, on demeure persuadés que cette perspective doit être très stricte en fonction de ce que vous aviez précédemment nommé. Je sais  qu'il y a eu certains commentaires, par exemple, de la Commission des droits de la personne, qui aimerait aussi ouvrir davantage par rapport à d'autres types de clientèle. Alors, pour nous, l'important, c'est que ça reste pour des personnes adultes et aptes qui pourront aussi faire des choix en fonction de leur fin de vie.

Donc, on est dans une perspective ou peut-être que la commission éventuellement pourra ouvrir sur certaines problématiques, mais, pour nous, l'objectif étant très clair, de restreindre en fonction de la maladie terminale et de la fin de vie imminente… Pour nous, dans un contexte où il pourrait y avoir certaines dérives, on considère que cette vision doit être stricte au niveau du projet de loi.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Je pense qu'on se comprend sur l'importance que ce soit un soin exceptionnel. Puis, en passant, je veux le dire, tantôt ce n'était pas moi qui étais… mais une intervention, c'est un soin. Je veux dire, des fois, on... Là, on vient dire le mot «soin». Arrêter un respirateur, c'est un soin. Tout est un soin. Même placer quelqu'un dans un centre de soins de longue durée, c'est un soin au sens de la loi.

Donc, ça, je pense qu'il faut démystifier ça. Puis je fais un aparté, ça ne vous concerne pas, mais ça me fait penser…

Une voix : …de services.

Mme Hivon : Exactement. C'est un continuum de services et donc de soins. Ça, je pense qu'on s'entend très bien, il faut que ça soit clairement balisé. Les critères sont là. J'entends votre message, vous dites : Selon nous, ce sont les bons critères. Mais pour la question de la fin de vie vous nous dites : Terminale, mort imminente. Moi, je veux juste vous demander : Pour vous, c'est quoi? Pourquoi ? Parce que tantôt c'était intéressant, il y en a qui sont venus nous dire : «Soins de fin de vie», ça, là, c'est vraiment restrictif, là, c'est… selon la perception de certains, c'est à la fin, fin de vie. Vous comprenez? Puis il y en a d'autres qui nous disent : Bien là, «fin de vie», on ne sait pas exactement, puis, dans le fond, il faudrait mettre peut-être «terminal» ou «imminent».

Donc, j'aimerais ça comprendre, pour vous, pourquoi «terminal» ou «imminent» vous rassure plus que «fin de vie». Parce que, c'est sûr, on est tous sur la même longueur d'onde, les personnes handicapées, elles ne sont pas comprises dans le projet de loi, sauf si c'est des personnes handicapées qui ont une maladie grave et incurable, qui sont en fin de vie avec des souffrances et une déchéance avancée. Mais le handicap n'est pas une maladie grave et incurable, avec tous les critères de l'article 26. Il n'y a rien là-dedans qui fait en sorte que ça peut ouvrir la porte à quelqu'un qui a un handicap. Ce n'est pas du tout là-dedans qu'on est, puis on l'a réitéré ce matin très clairement aussi avec les gens de la prévention du suicide. Moi, je veux comprendre, pour vous, c'est quoi. Qu'est-ce que ça apporte de plus, par exemple, de dire «terminal» ou «imminent»?

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Sylvie) : ...ça irait dans votre sens. Quand on en a discuté au conseil d'administration, l'effet était... je vous le caricaturerais en… c'étaient la bretelle et la ceinture, dans le sens que les gens sont préoccupés, à l'office, ainsi que le conseil d'administration, à ce que ce soit tellement strict qu'il n'y ait pas de dérive pour l'ensemble des personnes handicapées qui ont des maladies invalidantes ou qui arrivent dans le continuum de services et qui n'ont pas d'autre option parce qu'il n'y a pas de soin palliatif, parce qu'il n'y a pas d'autre façon de faire.

Et là, bon, plusieurs ont parlé d'euthanasie ou autres. Nous, ce qu'on se disait, avec cette qualification-là, je répète, ça mettait les bretelles et la ceinture pour être certain qu'il n'y aura pas de dérive à ce niveau-là.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Pour l'opposition officielle, le premier bloc, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup pour votre présentation et surtout pour les éléments que vous portez à notre attention, les éléments qui sont très importants pour l'office, c'est-à-dire un encadrement rigoureux et strict pour justement éviter des dérives. Vous l'avez bien mentionné.

On reçoit bon nombre de commentaires de groupes et qui vont un petit peu de toutes les directions. Pour certains, le projet de loi est trop strict, beaucoup trop strict, pour d'autres le projet de loi est trop permissif. Alors, il s'agit de naviguer à travers tout ça. Je comprends aussi de votre mémoire l'importance que l'aide médicale à mourir soit vraiment, comme on le disait, ce choix exceptionnel là, qu'il ne devienne pas une alternative à un manque de ressources, à un manque d'accompagnement, à un manque de suivi pour quiconque mais surtout pour la clientèle que vous représentez. Et je pense que vraiment, là, la phrase dans votre mémoire indiquant : «Il ne faut pas que la décision de recourir à celle-ci devienne un non-choix»… je pense que c'est au coeur des préoccupations de tous les collègues autour de la table. Et d'où l'importance de développer les soins palliatifs sur le territoire.

Je vous pose la question, je l'ai posée à d'autres groupes. Dans cette optique-là, il a été suggéré de prendre une position, comme il s'est fait dans d'autres juridictions, d'encadrer les soins palliatifs ou de maintenir l'encadrement des soins palliatifs et de maintenir les recommandations évidemment du rapport de la commission spéciale concernant les soins palliatifs, de les mettre à l'intérieur d'un projet de loi distinct, qu'un effort soit fait vraiment pour s'assurer d'un accès plus vaste aux soins palliatifs et que l'aide médicale à mourir et la sédation palliative fassent l'objet d'un autre projet de loi afin qu'il n'y ait pas une confusion au sein de la population, au sein des gens en général entre «soins palliatifs» et «soins de fin de vie» ou «aide médicale à mourir». Alors, ça, c'est une recommandation qu'on a eue. Il y a eu une autre recommandation qui, plutôt que de refaire des projets de loi, visait surtout à la mise en… qui touchait la mise en oeuvre, c'est-à-dire : Mettez en oeuvre l'aide médicale à mourir une fois que des efforts substantiels auront été faits au niveau du développement de l'accès aux soins palliatifs sur le territoire québécois.

Alors, on a ces deux propositions-là qui ont été exprimées. Et, je me demandais, dans le contexte justement de ce que vous nous avez écrit que l'aide médicale à mourir ne doit pas devenir un non-choix, est-ce que vous croyez qu'il pourrait être opportun d'utiliser une de ces deux avenues?

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

• (17 h 30) •

Mme Tremblay (Sylvie) : On vous indiquait dans le mémoire que les soins palliatifs doivent être disponibles partout au Québec et pour toute personne.

Donc, pour nous, l'un n'est… on n'a pas vraiment débattu entre nous sur… de diviser le projet de loi ou non, quel impact ça aurait sur l'ensemble de l'oeuvre, l'idée étant qu'il faut absolument, pour nous, que… Puis on abonde un peu dans ce que… par rapport aux commentaires du Protecteur du citoyen aussi, donc d'avoir des soins palliatifs partout au Québec et accessibles pour qu'effectivement ce ne soit pas un non-choix, donc qu'on ait une offre de services de soins palliatifs partout au Québec. Cela étant, l'idée de scinder n'est pas incompatible, dans le sens où il n'y a pas… Pour nous, un n'empêche pas l'autre, dans le sens où effectivement il faut développer l'accès aux soins palliatifs, il faut les avoir partout au Québec parce que tous doivent avoir accès aux soins palliatifs partout au Québec.

Au-delà, est-ce qu'il doit y avoir un autre projet de loi pour l'autre bout? Ce sera au législateur de regarder qu'est-ce qui est le plus optimal. Pour nous, on n'avait pas de recommandation à cet effet-là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Mais je comprends que, pour vous, vraiment l'accès aux soins palliatifs est une préoccupation de premier plan, de premier ordre.

Mme Tremblay (Sylvie) : De premier plan.

Mme Vallée : D'accord. Vous avez fait état aussi… Lorsque vous parlez des directives médicales anticipées, il y a… Bon, vous avez parlé de remplacer la question de l'incapacité physique par un terme plus général, par une description plus générale, c'est-à-dire l'incapacité pour une personne de… ou l'impossibilité de rédiger elle-même ses directives médicales anticipées. Donc, dans la formulation, est-ce que vous auriez un terme spécifique à nous proposer?

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Sylvie) : Je vais laisser Mme Hébert répondre à cette question.

Mme Hébert (Anne) : On n'avait pas vraiment de terme très précis à vous proposer mais peut-être vous expliquer pourquoi on soulevait cette question-là, parce que le terme «incapacité physique» est souvent employé pour désigner des personnes qui ont des difficultés en mobilité, d'agilité, et on ne voudrait pas qu'il y ait de confusion. La personne peut avoir des incapacités physiques qui ne l'empêchent pas de rédiger ou de… C'était juste pour éviter cette confusion-là qui est utilisée par le terme «incapacité physique». Mais peut-être que ça serait… il faudrait peut-être plus préciser l'incapacité à rédiger elle-même ou à consentir elle-même aux directives, d'être peut-être plus précis dans l'appellation.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de…

Mme Hébert (Anne) : On n'avait pas de formulation précise, mais l'intention, c'était ça.

Mme Vallée : Donc, vraiment, faire une distinction entre la capacité, la possibilité de le faire ou avoir les moyens moteurs ou…

Mme Hébert (Anne) : …adaptés. C'est ça.

Mme Tremblay (Sylvie) : Parce que quelquefois les gens qui ont des incapacités physiques peuvent être accompagnés, par exemple. Ils peuvent rédiger, avec l'accompagnateur, l'ensemble, là. Donc, c'est en ce sens que nous, on parle d'incapacité, et d'adaptation, et d'accompagnement.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Est-ce que je comprends de vos recommandations que vous souhaitez que les directives médicales anticipées fassent vraiment l'objet d'un acte notarié ou est-ce que ce n'était pas nécessaire, là, parce qu'il y a une référence à la forme que devrait prendre la directive médicale anticipée?

Est-ce que vous considérez qu'elle doit nécessairement passer par un acte notarié ou est-ce que ça pourrait être un formulaire sous seing privé?

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Sylvie) : C'était dans le… C'est-à-dire qu'on voulait qu'il y ait des concordances avec le fait que, dans les nouvelles modifications prévues au Code civil… que les notaires puissent… que les personnes sourdes… Parce qu'à cette étape-ci… Exemple très, très concret : les personnes sourdes qui vont chez le notaire, qui ne savent ni lire ni écrire, ne peuvent pas faire leur testament parce qu'elles doivent être accompagnées, et le code ne le prévoit pas, et les notaires ne font pas les testaments.

Donc, ce qu'on vous dit, c'est que ces personnes-là aussi peuvent vouloir écrire des choses. Il faut qu'on comprenne qu'elles doivent être accompagnées, puis quelquefois elles doivent être accompagnées pour écrire, donc il doit y avoir des concordances si le Code civil est modifié. C'est en ce sens que nous avons demandé ces modifications-là. Il faudrait, pour le projet de loi aussi, qu'il y ait une prise en compte de cela.

Ça ne veut pas dire nécessairement que ce doit être notarié, mais cette perspective d'adaptation, encore une fois, et d'accompagnement doit être présente.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Merci, M. le Président. Peut-être pour rester sur ce sujet-là… en fait, ce qui est prévu dans le projet de loi, comme je pense que vous l'avez vu, ce peut être notarié, ce peut aussi être fait à partir du formulaire qui va être élaboré, avec signatures de deux témoins pour, donc, garantir un certain formalisme, compte tenu que ces directives médicales anticipées vont avoir une force contraignante. Mais quelqu'un peut décider d'aller chez le notaire parce qu'il a déjà, par exemple, un mandat en prévision d'inaptitude chez le notaire, ça donne un formalisme encore plus grand, mais l'obligation n'est pas là. Donc, c'est le choix de la personne.

Tantôt, vous parliez de la formation des notaires. Est-ce que, dans la foulée de ce qui s'est dégagé, donc, pour les testaments des personnes sourdes… est-ce qu'il y a eu ce type de formation là? Est-ce que l'office est en relation avec les notaires? Si vous nous parlez de ça, c'est parce que vous sentez un écueil. Je ne sais pas si vous pouvez élaborer.

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Sylvie) : Je reviendrais sur le fait qu'effectivement les gens pourraient avoir le choix d'aller dans un exercice de rédaction notariée ou pas. Mais, dans le cas des personnes sourdes, ce n'est pas vraiment un choix parce qu'elles ne peuvent pas, dans le contexte où on ne peut pas leur permettre l'accompagnement si elles ne savent ni lire ni écrire. Donc, la formation des notaires, comme pour beaucoup d'autres professions, quelquefois pour la participation sociale des personnes handicapées, devient nécessaire. Et, dans cette foulée-là, la recommandation qu'on faisait par rapport aux modifications du Code civil, pour nous, serait une avancée, parce que beaucoup de personnes sourdes, depuis longtemps, le demandent, et ce n'est pas vraiment pris en compte.

Alors, ce qu'on se dit, c'est que, pour ces professions qui auront à travailler dans le contexte du projet de loi n° 52, il faut les sensibiliser, il faut former et puis il faut peut-être exiger davantage pour une plus grande ouverture pour que les gens puissent exercer effectivement leur choix en fonction de ces outils.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : O.K. Pour revenir aussi sur la question de l'incapacité physique, donc, je vous suis très bien, en fait vous dites que vous aimeriez mieux qu'on écrive si elle est dans l'incapacité physique de rédiger ou de remplir le formulaire. Vous voulez qu'on l'écrive parce que ce n'est pas un automatisme. Ce n'est pas parce que tu as une incapacité physique que tu n'es pas capable de remplir ton formulaire. Je vous suis parfaitement là-dessus. Pour moi, ça allait de soi, parce qu'il me semble que, si quelqu'un est capable de le faire, on va lui demander de le faire, mais je pense que c'est une précision effectivement qui peut être la bienvenue. Est-ce que, pour vous, c'est suffisant, ce qui est prévu là? Ou est-ce que vous avez des cas d'espèce où… Parce que j'essayais de voir… Il y a un autre groupe qui est venu. Avec la COPHAN, on en a discuté. Mais est-ce qu'il y a d'autres situations ou d'autres mécanismes qui font en sorte que ça simplifie les choses, je vous dirais, quand il y a des formulaires à être remplis mais qu'une personne n'a pas la capacité physique de le remplir? Est-ce qu'il y a moyen? Est-ce que c'est la bonne formulation?

Est-ce qu'on prévoit la bonne chose ici pour s'assurer que la personne n'ait pas de restriction dans son droit d'obtenir l'aide médicale à mourir parce qu'elle a une simple incapacité à rédiger ou à signer le document?

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

• (17 h 40) •

Mme Tremblay (Sylvie) : Dans tout contexte d'adaptation, il y a bien sûr l'incapacité physique, et je pense que ça répond bien. Au-delà, ce qu'on disait dans le mémoire, pour toute autre personne qui n'a pas d'incapacité physique, par exemple pour les personnes qui ont des déficiences intellectuelles ou autres, c'est sûr que l'adaptation des outils en tant que telle devient une exigence. Donc, on est toujours dans le domaine de l'adaptation et, si ce n'est pas adapté comme tel, de permettre l'accompagnement et que les proches puissent supporter... Mais, pour le reste, ça répond.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : C'est sûr qu'il peut y avoir des défis importants de communication. Et, je dirais, c'est ce que certains groupes aussi sont venus nous dire… l'AQESSS, la COPHAN, ce n'est pas parce qu'on explique les choses que les choses sont comprises. Donc, évidemment, il faut s'adapter à la personne avec laquelle on est, on transige et l'aptitude aussi. Quelqu'un peut avoir une déficience mais avoir tout à fait l'aptitude à consentir aux soins, donc il faut tout à fait, évidemment, s'adapter à ça.

Donc, ça, le message est très bien reçu, le message de votre recommandation 14 aussi, à savoir… je pense qu'il y a des bonnes suggestions là-dessus, pas juste dans le cadre de ce qui est en train de se faire sur la fin de vie, mais évidemment d'avoir une sensibilité pour tout ce qui est document d'information et qu'il soit adapté pour évidemment les personnes qui ont un handicap. Donc, on y travaille très fort, je dois vous le dire, c'est un souci constant et une amélioration constante, j'espère. Mais, dans la campagne qu'on va faire, qu'on projette… On veut faire une importante campagne d'information, si le projet de loi va de l'avant, et donc on va y accorder un souci important, parce qu'on est bien conscients des craintes qui ont pu être vécues ou véhiculées concernant les personnes handicapées. Donc, je pense que toutes les occasions vont être bonnes de venir expliquer que ça ne concerne pas les personnes handicapées, mais ça les concerne dans la mesure où ça concerne toutes les personnes qui sont en fin de vie. Aussi, vous dire que l'article… votre recommandation 10, vous demandez, donc, le profil des personnes qui ont reçu l'aide médicale à mourir. Je vous dirais que ça va être la même chose pour la sédation palliative terminale ou continue, parce qu'on souhaite aussi documenter beaucoup plus cette pratique-là, savoir à quel point elle est répandue, ce qu'on ignore en ce moment.

Donc, on veut aller dans ce sens-là, d'être capable de voir l'âge de la personne, sa situation, justement pour pouvoir répondre aux craintes ou aux préoccupations de certaines personnes, à savoir est-ce qu'il va y avoir des groupes de la société qui pourraient le demander davantage, ou tout ça? Ce matin, on nous parlait aussi de l'évolution, je vous dirais, sur l'influence ou les impacts sociaux, les perceptions sociales aussi. Donc, je vous suis bien, puis ça fait partie aussi de ma volonté qu'on soit capables de documenter ça sur le long terme.

J'aimerais savoir, quand vous dites que vous voulez un représentant des services sociaux sur la commission — c'est très bien — est-ce que vous voulez un représentant de l'office? Est-ce que vous voulez un représentant des personnes handicapées? Ou vous êtes plus larges, plus…

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Sylvie) : C'est l'idée que par… de majorer peut-être le nombre de personnes usagères, usagers ou dans… au niveau des professions, que ce soient les services sociaux, plutôt, donc travailleurs sociaux, psychologues, qu'il y ait une préoccupation qu'il y ait une personne handicapée. Donc, ça peut être un travailleur social qui a une incapacité, un handicap, ça peut être un usager. Nous n'avons pas de prétention à y être, à la commission, l'idée étant que, oui, il y ait une personne handicapée qui puisse y être.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : O.K. Et puis pour ce qui est de… Donc, je comprends, effectivement une personne peut avoir… mais vous êtes plus sur l'axe services sociaux, c'est ça? Parfait.

Dans votre mémoire, là, vous nous dites : C'est très important de garder les critères tels quels. Beaucoup de groupes sont venus nous parler. Là, je ne parle pas de la commission des droits, qui nous a demandé d'élargir aux mineurs et aux personnes inaptes, mais beaucoup de groupes sont venus nous demander qu'une personne puisse le demander alors qu'elle est apte dans ses directives médicales anticipées, au cas où elle deviendrait inapte. Donc, les personnes handicapées, tout le monde peut être concerné par ça, là, juste à vouloir prévoir sa fin de vie. Est-ce que c'est quelque chose sur quoi vous vous êtes penchés, cette possibilité-là que, par directive médicale anticipée, on puisse demander les soins ou refuser certains soins? Est-ce que, pour vous, l'aide médicale à mourir devrait y être?

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Sylvie) : Je vais laisser Mme Marchand répondre à cette question.

Mme Marchand (Céline) : Oui. En fait, on s'est plus ou moins penchés sur la question parce que ce n'était pas l'objet du projet de loi en soi. On a vu par contre que plusieurs groupes s'étaient présentés en commission et avaient soulevé la question. Vous avez entendu avant nous l'Ordre des infirmières vous dire toute la question de la… en tout cas, du caractère contemporain des directives médicales et tout ce que ça suscite comme questionnement à l'effet de… relié à l'effet contraignant, surtout relié à l'aide médicale à mourir.

Pour tout autre soin, je pense que, bon, il faut voir, mais pour la spécificité de l'aide médicale à mourir, le caractère contraignant de telle directive, puis en cas d'inaptitude… Je comprends que la personne, quand elle formule ses directives médicales anticipées, elle est apte, et, dans l'éventualité où elle deviendrait inapte… On en a vaguement discuté, là, dans les derniers jours, parce que ça a été soulevé. On était plus, je crois, de la position à l'effet… Allons-y par petits pas, en fait. Il y a un projet de loi qui introduit actuellement une nouvelle pratique au Québec, ce n'est pas banal, qui est l'aide médicale à mourir, qui est une nouvelle pratique, et on offre cette option-là à des personnes, on encadre très bien… puis l'office est d'accord avec ça, on vous l'a réitéré. Ce n'est peut-être pas dans la crainte de dérives, mais actuellement, on trouve que la pratique n'a pas fait ses preuves. Il faut donner le temps à cette pratique-là de s'installer. Il faut que le corps médical, le corps soignant, le personnel médical soient aussi à l'aise avec cette façon de faire là et peut-être qu'éventuellement… Effectivement, je sais que, par exemple… je pense que la Protectrice du citoyen est venue vous dire : Il faudrait peut-être éventuellement songer à ouvrir aussi à cette catégorie de personnes là. Et on trouve qu'il n'y en a pas encore eu, de débats sociaux, la question n'a pas été débattue très largement dans la société québécoise. Par contre, éventuellement, je pense qu'il faudra peut-être aller vers une réflexion, et on souhaiterait, à ce moment-là, que peut-être la Commission sur les soins de fin de vie soit mandatée pour réfléchir à ces questions-là, où les différents membres des ordres professionnels y seront, mais aussi les représentants des citoyens, les différents regroupements, qui pourront faire… qui est, je pense, toute la question de la démence, entre autres, qui a été l'objet d'un comité de travail. Ils n'en sont pas venus non plus à une suggestion très claire, à trancher clairement sur cette question-là.

Donc, nous, le principe de prudence puis de précaution nous recommande aujourd'hui, là, de vous dire qu'on reste un petit peu sur notre quant-à-soi. Mais éventuellement je ne pense pas que l'office soit contre qu'on porte la réflexion plus loin, mais dans une deuxième étape, là, qui n'est pas l'objet du projet de loi actuellement. Nous, on trouvait que l'importance des balises qui sont actuelles, qui permettent à une personne majeure, apte de consentir au moment où survient la fin de vie, où survient la demande d'aide médicale à mourir, c'est primordial, c'est au coeur du projet de loi, et c'est sur cette base-là que l'office a donné son … .

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement. Pour le deuxième bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, mesdames de l'Office des personnes handicapées. Mme Hébert sait que j'aime beaucoup l'office et que j'ai eu plusieurs contacts avec vous.

Je suis très heureuse que vous ayez parlé, dans votre mémoire, des personnes sourdes gestuelles et/ou muettes, parce que ce n'est pas parce qu'on est sourd qu'on est muet. Et je dois vous dire que j'ai accompagné La Fondation des sourds du Québec ici, en commission, pour le projet de loi n° 35, où effectivement la Chambre des notaires refusait qu'il y ait un interprète, une tierce personne pour le testament. Or, et je tiens à préciser, je considère que c'est fondamental qu'il y ait à la fois des interprètes professionnels formés en LSQ et en American Sign Language et, j'irais même plus loin, des interprètes tactiles pour les personnes sourdes-aveugles qui ont besoin aussi de rédiger leurs volontés, que ce soit testamentaire ou que ce soit pour les soins de fin de vie. Je suis contente que vous l'ayez fait parce qu'on les oublie trop, trop souvent, et c'est extrêmement discriminatoire par rapport à ça. Donc, je répète, là, American Sign Language aussi. Vous avez mentionné «LSQ», mais on a une communauté anglophone aussi, et ça, c'est important. Et il faut dire qu'il y a des sourds qui savent écrire, qui sont moins scolarisés, mais ils écrivent en français sourd. Donc, le français sourd, c'est un français qui est beaucoup moins compréhensible pour nous, le verbe est à la fin de la phrase.

Alors, c'est pour ça que parfois ça prend aussi quelqu'un qui sera en mesure de bien dicter les volontés de la personne, pour ne pas qu'il y ait un mélange. Vous savez comme moi qu'il y a des degrés de niveaux de connaissance au niveau des langues gestuelles et que ce n'est pas tout le monde qui peut devenir interprète. Ça prend une formation.

Donc, vous êtes d'accord avec ce que je suis en train de vous dire et même d'être encore plus attentif. Et moi, j'irais même au niveau d'une communication. Le braille, aussi, je vous ai entendus, le braille. Qu'on ait une communication particulière pour les personnes qui sont sourdes, sourdes-aveugles et les personnes qui sont aveugles.

• (17 h 50) •

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Sylvie) : Et, j'ajouterais, comme on avait dit aussi, il y a une préoccupation. Les personnes de la fédération des Personne d'abord sont venues vous dire aussi que quelquefois, malgré le fait qu'on a un beau formulaire et qu'on est capable de le lire, il faut adapter le plus possible et prendre le temps aussi d'adapter les formulaires et les différents outils de communication. Donc, on est toujours… on le répète, l'office est le chien de garde sur le fait que la participation sociale pleine et entière des personnes passe aussi par les outils de communication qui leur permettent d'avoir une vie active et de faire des choix en fin de vie aussi.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, dans la veine de ce que vous dites concernant les représentations qui ont été faites par les groupes au cours des dernières semaines, il y a une des représentations aussi qui visait à s'assurer que la personne puisse être accompagnée et qu'on lui explique… de quelqu'un qui… ne serait-ce que d'expliquer dans un langage adapté. Je pense, entre autres, à tous ceux et celles qui souffrent d'un handicap intellectuel, qui ont cette capacité-là de prendre des décisions mais qui ont besoin parfois qu'on vulgarise. Et, dans cette optique-là, est-ce qu'il serait opportun, vous croyez, de définir davantage les différents concepts qui sont prévus au projet de loi? Parce qu'on réalise, je pense, dans les différentes interventions que, même entre professionnels, il n'y a pas nécessairement la même perception de ce qu'est, par exemple, l'aide médicale à mourir, de ce qu'est la sédation palliative continue, de ce que ça va avoir comme impact.

Et est-ce que vous croyez qu'il serait opportun, oui, dans des documentations d'information, de le vulgariser mais aussi, à l'intérieur du projet de loi, de définir davantage pour s'assurer que tous ceux et celles qui pourraient éventuellement être appelés à faire, à prendre une décision comprennent vraiment de quoi il s'agit?

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Sylvie) : Je vais vous donner l'exemple de la discussion qu'on a eue au C.A. par rapport à notre mémoire qu'on vous présente aujourd'hui, qui a été adopté.

À notre conseil d'administration, il y a une représentante des mouvements Personne d'abord, qui est accompagnée, et on a présenté le mémoire que vous lisez, que vous avez lu, et je vous dirais que c'est sûr que, pour notre membre du conseil d'administration, ça a été assez long pour l'accompagnatrice de décrire… Mais, au-delà, je ne pense pas que l'idée, l'idée étant qu'il faut prendre le temps d'expliquer les choses et de permettre l'accompagnement dans des mots simples et les accompagnateurs… On parle des personnes qui… Les interprètes, les accompagnateurs souvent qui travaillent avec les personnes déficientes intellectuelles ont cette forme aussi de capacité à vulgariser l'ensemble.

Donc, je pense qu'il faut faire confiance aux gens qui travaillent avec les personnes qui ont une déficience intellectuelle, permettre aussi d'adapter le plus possible et d'avoir des lieux de communication plus ouverts, c'est-à-dire que, par exemple… que le médecin comprenne bien qu'il y aura de l'accompagnement pour une personne qui a une déficience intellectuelle et que les concepts seront peut-être expliqués autrement, mais qu'en soi tout le monde se comprenne. Donc, je ne vois pas en quoi les concepts que l'on mettrait, qu'on pourrait adapter dans le projet de loi, pourraient se faire autrement. L'idée, c'est qu'on permette l'accompagnement, qu'on prenne le temps, avec les personnes qui ont un handicap intellectuel, de bien comprendre. Et je vous dirais, pour avoir terminé le débat au conseil d'administration, que la personne avait très bien compris. Elle nous l'a dit, d'ailleurs. Ça va dans le sens du mémoire de la fédération, puis je suis confiante puis je comprends bien ce que ça veut dire.

Donc, en soi, je pense qu'il faut faire confiance à notre réseau puis au réseau des accompagnateurs, mais quand même il faut quand même former le milieu médical, il faut former le milieu des soins, il faut former toujours et prendre le temps aussi de permettre à ces personnes de poser les questions et de répondre à ces questions, qui sont souvent de... pour lesquelles il faut comprendre et puis qu'il faut vulgariser le plus possible.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau, il vous reste deux minutes.

Mme Vallée : On nous avait suggéré que les documents, les formulaires puissent peut-être être accompagnés de pictogrammes, en fait, les documents qui seront signés par la personne, qu'ils soient vraiment simplifiés, dans un langage simple, clair. Évidemment, ce n'est pas les... il ne s'agit pas du projet de loi, ça, c'est un peu plus complexe, mais vraiment que les documents destinés au patient qui fera, qui formulera cette demande d'aide médicale à mourir là puissent être les plus simples possible d'accès, donc, j'imagine, et accompagnés... avec la possibilité d'être accompagnés… Pour vous, ça serait suffisant pour s'assurer d'une bonne compréhension puis permettre aux personnes handicapées, que ce soit quelqu'un qui souffre d'un handicap intellectuel ou physique, de pouvoir participer pleinement, être partie prenante à cette décision-là.

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Sylvie) : Oui. Dans des formats braille, LSQ. Bien sûr, on parle de l'ensemble des moyens de communication, et plus c'est... Et puis ça peut permettre aussi pour des personnes qui sont analphabètes de pouvoir utiliser les pictogrammes et de bien suivre aussi. Donc, c'est un outil inclusif.

Le Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au bloc du groupe de l'opposition officielle. Pour le deuxième groupe de l'opposition, Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Merci de votre présence et de la qualité de votre mémoire aussi.

Je voudrais revenir, dans votre mémoire, à la troisième recommandation, où vous mentionnez «que des approches palliatives adaptées aux personnes handicapées en fin de vie soient développées et que celles-ci tiennent compte de la spécificité des déficiences et des incapacités des personnes en ce qui concerne, entre autres, la gestion des symptômes et de la douleur». J'aimerais vous entendre par rapport... Actuellement, est-ce qu'il y a des failles, selon vous, au niveau des soins palliatifs qu'on donne aux personnes handicapées? Est-ce que vous avez des exemples à nous donner? Puis, dans le fond, pourquoi vous avez fait cette recommandation-là?

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Sylvie) : C'est, encore là pour bien comprendre, que quelquefois... Par exemple, on a quelqu'un, au conseil d'administration. On l'a soulevé au conseil, que c'est banal, mais ça va vous qualifier la chose. Un de nos membres du conseil, qui est à mobilité réduite, a eu des pierres sur le rein. Ce n'est pas de la phase terminale, là, on s'entend, mais, lui, ça ne lui faisait pas mal parce qu'il ne sentait pas… Donc, il a été antibiotique sur antibiotique, on n'a rien vu, on n'a... Et, bon, là, il est en, pour une deuxième fois, en... il a été hospitalisé pour une deuxième fois. Donc, c'est ce qu'on veut dire. C'est que quelquefois le handicap empêche ou ne permet pas tout à fait de bien soigner la personne ou de le supporter dans des symptômes de douleur ou de non-douleur qu'il n'a pas.

Donc, c'est ce qu'on veut dire, par ailleurs. C'est que ceci peut aussi être induit par le handicap que l'on a. Il faut être très précis par rapport à ça. Il faut bien poser les questions, il faut être conscient que... Et, même en fin de vie, il faut être conscient aussi que la personne qui a un handicap… il faut adapter en fonction des symptômes et des douleurs qu'il a ou qu'il n'a pas.

• (18 heures) •

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci. Donc, quand vous recommandez aussi une formation, c'est d'ajouter, dans la formation médicale du personnel soignant, le fait qu'effectivement certaines personnes n'ont pas de douleur, mais ça ne veut pas dire qu'ils n'ont pas de symptôme. C'est ce que je comprends de votre recommandation.

Mme Tremblay (Sylvie) : Il y a des gens…

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Sylvie) : Il y a des... Dr Bolduc est conscient de ça. Il y a d'autres... les gens le savent. Mais nous, on veut toujours... il faut l'appuyer, ça. C'est que ce qu'on entend quelquefois, quand les gens nous appellent en soutien à la personne, c'est : On n'a pas pris en compte ma situation. Et c'est dans ce sens-là qu'il faut toujours redire les choses, reformer et que la formation continue soit aussi en lien avec les symptômes et les non-symptômes de la douleur.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Il me reste...

Le Président (M. Bergman) : Il vous reste 1 min 30 s.

Mme Daneault : O.K. Je voulais encore revenir là-dessus : Est-ce qu'il y a des failles qui ont été notées au niveau de l'équipement médical ou si uniquement ça a toujours été par rapport à une aide thérapeutique?

Le Président (M. Bergman) : Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Sylvie) : Je vais laisser Mme Hébert...

Le Président (M. Bergman) : Mme Hébert.

Mme Hébert (Anne) : Notre connaissance qu'on a actuellement concerne plus les soins en général, pas nécessairement sur les situations en fin de vie. On fait comme un rapprochement, c'est-à-dire qu'en termes d'équipement ça nous est souvent souligné — je vais prendre cet exemple-là — puis c'est connu que, pour les personnes obèses, bien ils ne disposent pas de lits assez larges, assez grands, les chaises, tout ça. Donc, c'est un peu la même... on peut supposer qu'une situation semblable peut exister dans les situations de vie. Il faut qu'aussi l'équipement dans ces situations… si la personne part de chez elle, s'en va en milieu hospitalisé, que l'équipement soit également adapté.

On a insisté beaucoup sur l'importance de la communication pour connaître les volontés de la personne, mais il faut aussi que tout le reste soit adapté. Peut-être, on ne pourra pas rentrer dans le détail, mais on a déjà commencé des échanges avec certains ordres professionnels pour justement parler de formation et d'adaptation. On a rencontré le Collège des médecins il y a quelques mois, la Chambre des notaires. On a eu des échanges sur des points précis avec plusieurs ordres professionnels. On a ces échanges-là puis on essaie de faire du travail de collaboration pour ajuster les pratiques pour qu'elles soient de plus en plus adaptées.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement...

Mme Hébert (Anne) : La pratique étant formation mais aussi équipement…

Une voix :

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Mme Tremblay, Mme Hébert, Mme Lemieux, Mme Marchand, merci pour votre présentation, merci d'être ici avec nous aujourd'hui.

Collègues, la commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30 ce soir. Merci.

(Suspension de la séance à 18 h 3)

(Reprise à 19 h 33)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, collègues, la commission reprend ses travaux. Nous allons poursuivre, sans plus tarder, les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie.

Collègues, on reçoit maintenant l'association des retraités en éducation et autres services publics du Québec. Bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation. S'il vous plaît, donnez-nous vos noms, vos titres, et les prochaines 15 minutes, c'est à vous.

AREQ (CSQ), Association des retraitées et retraités
de l'éducation et des autres services publics du Québec

M. Côté (Pierre-Paul) : Alors, nous vous remercions de l'accueil que vous nous faites, d'être en mesure de venir vous présenter nos positions sur le projet de loi. Je suis accompagné de M. Michel Gagnon, qui est le deuxième vice-président de l'AREQ, et de Mme Ginette Plamondon, qui est conseillère. Moi, je suis le président de l'association, Pierre-Paul Côté.

Alors, l'AREQ, association des retraités de l'éducation et des autres services publics du Québec, représente plus de 56 000 membres dont la moyenne d'âge est de 68 ans. Plus des deux tiers de nos membres sont des femmes. L'AREQ a été fondée en 1961 par Mme Laure Gaudreault, militante du milieu de l'enseignement. Son principal objectif était de rehausser le revenu du personnel enseignant retraité qui vivait alors dans une extrême pauvreté. Depuis, l'association a élargi sa mission. Elle consacre ses énergies à promouvoir et à défendre les intérêts et les droits culturels, sociaux et économiques de ses membres et des personnes aînées afin de contribuer à la réalisation d'une société égalitaire, démocratique, solidaire et pacifiste. De plus, l'AREQ intègre dans sa mission le principe de l'égalité de droit et de fait entre les femmes et les hommes. L'association oeuvre essentiellement au Québec par ses structures nationales, régionales et sectorielles qui lui permettent d'être présente dans toutes les régions et municipalités du Québec. Elle regroupe, sur une base volontaire, des personnes retraitées de la Centrale des syndicats du Québec et de ses syndicats affiliés.

Au sein de l'AREQ, on compte 10 régions regroupant 90 secteurs qui se sont dotés de nombreux comités de travail touchant une multitude de sujets tels que les soins de santé, l'hébergement des personnes aînées, l'âgisme, les régimes de retraite, le pouvoir d'achat des personnes aînées et l'environnement. L'AREQ accueille des personnes issues de diverses catégories d'emploi et est affiliée à la Centrale des syndicats du Québec.

De façon générale, l'AREQ reçoit positivement le projet de loi n° 52 concernant les soins de fin de vie. Nous y voyons la reconnaissance de droits importants pour toutes les personnes en fin de vie : le droit de recevoir des soins palliatifs ainsi qu'une aide médicale à mourir. Pour nous, ce projet de loi codifie un principe auquel nous attachons une importance cruciale : l'autonomie décisionnelle propre à chacune et à chacun. L'AREQ a tenu à prendre part à l'étude de cet important projet de loi, car il nous apparaît essentiel de faire entendre le point de vue des personnes aînées pour qui les soins de vie constituent un enjeu qui les interpelle spécifiquement. En 2010, l'AREQ a pris part à la vaste consultation nommée par la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité. Nous y avons fait valoir certaines inquiétudes. Pour l'AREQ, les soins palliatifs constituaient le coeur de ce que doivent être les soins de fin de vie. Nous dénoncions l'insuffisance des soins de fin de vie, tant en établissement qu'à domicile. Nous avons alors fait connaître notre appréciation de la mise de l'avant du principe de l'autonomie décisionnelle de toute personne.

Enfin, en juin 2013, l'AREQ a salué la sortie du projet de loi n° 52 sur les soins de fin de vie en indiquant qu'il était essentiel que le législateur codifie le droit aux soins de fin de vie. Afin de s'assurer de défendre la vision qu'ont ses membres en regard des soins de fin de vie, l'AREQ a fait réaliser un sondage par la firme CROP. Cette enquête a été menée en mars 2013 auprès de 1 000 de nos membres répartis sur tout le territoire québécois. Une majorité, soit 60 % des personnes qui ont répondu à nos questions, ont indiqué qu'en ce qui concerne les soins de vie le système de soins de santé et de services sociaux devrait prioriser à la fois les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir. Pour notre association, les soins de fin de vie doivent se comprendre dans une approche qui intègre à la fois les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir. Les soins palliatifs, incluant la sédation terminale et l'aide médicale, ne doivent pas être administrés dans des lieux différents. La dispensation de ces soins doit se faire dans une perspective de continuité, et un patient ne devra jamais être obligé de choisir entre l'un ou l'autre.

Le projet de loi concernant les soins de fin de vie reconnaît des droits importants aux personnes en fin de vie. Pour l'AREQ, ces droits prennent assise sur un principe éthique absolument fondamental au regard de la dignité humaine : l'autonomie décisionnelle. Ce principe doit s'appliquer autant en ce qui concerne les soins palliatifs que l'aide médicale à mourir.

L'AREQ accueille positivement l'article 1 du projet de loi, qui reconnaît la primauté des volontés relatives aux soins exprimées clairement et librement par une personne. L'individu doit être au centre de la prise de décision le concernant. Nul ne doit se faire imposer quelque soin que ce soit, incluant l'aide médicale à mourir. Chaque personne doit avoir accès, si elle le désire et si elle satisfait aux conditions prévues à la loi, aux soins palliatifs, à la sédation palliative terminale et à l'aide médicale à mourir, mais personne ne doit jamais être contraint d'y recourir si elle ne le désire pas.

• (19 h 40) •

Nous comprenons de l'article 45 et suivants que les directives médicales anticipées rédigées de manière conforme aux indications prévues au projet de loi auront un caractère exécutoire et que tout médecin devra les respecter. Nous appuyons cette obligation dévolue au médecin puisqu'elle constitue le respect de l'autonomie décisionnelle de chaque individu. Par ailleurs, afin de rassurer la population, nous croyons qu'il serait souhaitable de préciser quels sont les soins médicaux qui peuvent faire l'objet de directives médicales anticipées. Un effort de clarification permettrait d'éviter toute ambiguïté. Dans l'éventualité où une personne aurait formulé des directives médicales anticipées, il est essentiel que le médecin puisse y avoir accès facilement et rapidement. À cette fin, la création d'un registre des directives médicales anticipées constitue une avancée intéressante. Il nous apparaît que la souplesse prévue à l'article 46 du projet de loi, qui prévoit que ces directives puissent être rédigées sur un formulaire devant témoins, permettra à un plus grand nombre de personnes de s'en prévaloir. De plus, nous croyons important qu'une campagne de sensibilisation et d'information incitant la population à rédiger de telles directives soit menée rapidement après l'adoption du projet de loi.

Pour notre association, les soins palliatifs constituent le coeur des soins de fin de vie dont doit pouvoir bénéficier toute personne qui le désire. C'est pourquoi nous accueillons positivement l'inscription du droit de recevoir des soins de fin de vie, incluant les soins palliatifs. L'AREQ accueille avec satisfaction l'inscription du droit aux soins palliatifs en soins de fin de vie à l'article 5 du projet de loi. Pour nos membres, il s'agit d'une priorité en matière de soins de vie. Nous considérons que la reconnaissance de ce droit implique un corollaire, soit l'obligation pour les établissements de soins de santé de dispenser de tels soins. Pour l'AREQ, il est primordial que l'accès concret et réel à toute la gamme de soins palliatifs existants ne soit pas conditionné par le lieu de résidence. Lors des derniers moments de vie, le droit de mourir dans la dignité de tout individu ne doit jamais dépendre de considérations budgétaires et financières ni de l'endroit où il habite. Il s'agit d'un droit qui doit s'appliquer en toute égalité à toutes et tous. Nous croyons que les promesses du projet de loi n° 52 ne pourront se réaliser sans un important investissement.

Par ailleurs, la lecture du projet de loi nous amène à comprendre que le gouvernement souhaite soutenir la dispensation de soins palliatifs dans divers lieux : les centres hospitaliers de soins généraux et spécialisés, les centres hospitaliers de soins de longue durée, les maisons de soins palliatifs et au domicile. Nous appuyons cette orientation qui devrait permettre à chaque personne de choisir le lieu de sa fin de vie.

Le projet de loi indique à l'article 13 que les établissements doivent offrir une chambre, qu'elle sera seule à occuper, à toute personne qui bénéficie de soins de fin de vie, dont la mort est imminente. Toutefois, nous souhaiterions que le projet de loi soit modifié pour prévoir que l'accès à une telle chambre doit être offert dès le début, dès qu'une personne débute les soins palliatifs, et ce, gratuitement. Plusieurs personnes expriment le souhait de finir leur vie à domicile. Toutefois, nous croyons que cette option nécessite l'offre de soins palliatifs d'une large variété et de grande intensité afin que la personne mourante obtienne les soins que requiert son état, sans que ses proches ne s'épuisent. Pour nous, la mise en oeuvre du projet de loi ne doit absolument pas avoir pour effet d'alourdir davantage la tâche des proches aidants qui assument déjà de grandes responsabilités. Il ne faut pas tenir pour acquis que les proches aidants pourront offrir tous les nouveaux soins requis par des soins palliatifs à domicile.

Les maisons de soins palliatifs offrent des services fort appréciés par les personnes en fin de vie et leurs proches. L'approche globale des soins à la personne qui y est déployée ainsi que le grand dévouement du personnel et des bénévoles qui y oeuvrent constituent une force de ces organismes dont peuvent bénéficier les patients et leurs proches. Nous croyons qu'il est essentiel de stabiliser le financement des maisons de soins palliatifs et de mieux les intégrer dans le continuum des soins de santé et de services sociaux offerts aux personnes en fin de vie.

L'article 25 du projet de loi précise les modalités d'accès à la sédation palliative. Il y prévoit que l'administration de la sédation palliative doit être conditionnelle au consentement écrit de la personne en fin de vie. Avant d'exprimer son consentement, cette personne ou la personne habilitée à consentir pour elle doit être informée du pronostic, du caractère terminal et irréversible de la sédation ainsi que de sa durée prévisible. Nous accueillons positivement l'intention du législateur de mieux encadrer l'accès à la sédation palliative terminale. Nous apprécions que le droit à l'information du patient soit respecté. En effet, nous jugeons essentiel que la personne qui est susceptible de bénéficier de la sédation palliative terminale soit informée du pronostic, du caractère terminal et irréversible et… la durée prévisible de la sédation. Ce sont des informations nécessaires à une prise de décision éclairée, base de l'autonomie décisionnelle.

Le projet de loi 52 crée un nouveau droit : l'aide médicale à mourir. L'article 26 et suivants précisent les critères donnant accès à ce soin. La personne concernée doit, de manière libre et éclairée, formuler pour elle-même la demande d'aide médicale à mourir, par un formulaire prescrit. Ce formulaire doit être daté et signé par la personne elle-même ou par un tiers en cas d'incapacité physique. En tout temps et par n'importe quel moyen, la personne peut retirer sa demande. Avant de donner suite à une demande d'aide médicale à mourir, le médecin doit vérifier que la personne qui en fait la demande répond aux critères. Le médecin est obligé d'obtenir l'avis d'un second médecin qui confirme lui aussi que la personne qui fait la demande d'aide médicale à mourir répond aux critères prévus à la loi. Si le médecin conclut que tous les critères sont satisfaits, le projet de loi prévoit qu'il doit administrer l'aide médicale à mourir. Par contre, s'il arrive à la conclusion que cela n'est pas possible, il doit en aviser la personne qui la demande et l'informer des motifs de ce refus.

Pour l'AREQ, seule la personne en fin de vie peut décider de demander l'aide médicale à mourir. L'autonomie décisionnelle d'une personne mourante doit être préservée. C'est cette autonomie décisionnelle qui lui permettra d'exprimer sa volonté au regard de l'aide médicale à mourir. Nous voulons être très clairs, en aucun cas l'aide médicale à mourir ne devra être administrée à une personne sans qu'elle ait préalablement consenti de manière libre et éclairée et sans que toute la panoplie de soins palliatifs lui ait été offerte. La personne en fin de vie doit demeurer la maîtresse des décisions la concernant, surtout celle de recourir ou non à l'aide médicale à mourir. Il s'agit d'un enjeu de dignité humaine autant dans la vie que dans la mort. Selon l'AREQ, il n'est pas souhaitable d'élargir, du moins pour l'instant, l'admissibilité à l'aide médicale à mourir aux personnes inaptes à consentir. Il nous apparaît que les connaissances médicales actuelles ne permettent pas d'assurer hors de tout doute que cette intervention correspond vraiment à la volonté de la personne. Nous croyons que le débat sur ce sujet doit se poursuivre à la lumière de l'expérience acquise par la mise en oeuvre du projet de la loi à l'étude.

Administrer l'aide médicale à mourir est un geste qui interpelle les convictions morales du personnel médical. C'est pourquoi le projet de loi précise qu'un médecin peut refuser une demande d'aide médicale à mourir en raison de ses convictions personnelles. L'objection de conscience est un droit important qui doit être préservé. Il nous apparaît tout à fait légitime qu'un médecin puisse refuser une demande médicale à mourir si sa conscience l'en empêche. Toutefois, en aucun cas l'exercice de ce droit de refus ne doit brimer le droit d'un patient de recevoir l'aide médicale à mourir si les dispositions prévues à la loi sont respectées. Une attention particulière devrait être accordée à cet aspect dans les petits milieux où exercent un petit nombre de médecins. Une préoccupation devra également être accordée à toute situation où un médecin pratiquant en cabinet privé refuserait d'accorder l'aide médicale à mourir pour des raisons de conscience. La référence au directeur des services professionnels devrait se faire à l'intérieur d'un délai déterminé, le plus court possible, afin que le patient puisse obtenir le soin auquel il a droit.

• (19 h 50) •

Par ailleurs, nous constatons que le projet de loi prévoit que les maisons de soins palliatifs ne seront pas obligées d'offrir l'aide médicale à mourir en raison du respect de l'objection de conscience des médecins qui y pratiquent. Nous nous étonnons de cette situation. Nous l'avons dit plus haut, nous respectons le fait que le médecin soit parfaitement libre d'accepter ou de refuser d'administrer l'aide médicale à mourir. Toutefois, il nous apparaît que la liberté d'une personne en fin de vie de se prévaloir du droit que reconnaît le projet de loi en matière d'aide médicale à mourir vaut tout autant. Comment justifier qu'un patient ne puisse faire valoir son droit à la totalité des soins de fin de vie qui devraient lui être offerts? Le droit à l'autonomie des médecins doit-il s'exercer à l'encontre du droit à l'autonomie décisionnelle des patients? Nous y voyons un questionnement éthique qui mériterait d'être clarifié. Nous souhaitons aussi attirer l'attention sur la situation où une personne qui désirerait obtenir de l'aide médicale à mourir ne puisse la recevoir parce qu'elle ne répond pas aux critères prévus au projet de loi. Un tel refus pourrait entraîner une très grande détresse chez cette personne. Nous croyons qu'un soutien particulier devrait lui être accordé afin de l'accompagner dans cette situation.

Nous réitérons toute l'importance que nous attachons à la réalisation d'une vaste campagne d'information sur les divers aspects des soins de fin de vie.

En conclusion, notre association accueille positivement la reconnaissance de plusieurs nouveaux droits aux personnes en fin de vie. Pour nous, les soins de fin de vie doivent être offerts de façon intégrée et en complémentarité. L'autonomie décisionnelle propre à chaque personne doit être respectée lors de la dispensation de tous ces soins. L'AREQ réclame que les soins palliatifs soient au coeur des soins de fin de vie. Toute personne, quel que soit l'endroit où elle vit, doit bénéficier d'un accès réel à toute la gamme de soins palliatifs. Nous réitérons que l'accès à ces soins comme à tous les soins médicaux ne doit jamais être lié à des considérations financières.

Le projet de loi crée le droit de requérir à l'aide médicale à mourir. Nous croyons que le respect de l'autonomie décisionnelle propre à chaque personne fait en sorte qu'elle peut décider par et pour elle-même si elle souhaite recourir à cette nouvelle possibilité. En aucun cas, et sous aucune considération, une aide médicale à mourir ne peut être administrée à une personne qui ne répond pas aux critères prévus à la loi et qui n'y consentirait pas de manière libre et éclairée. Pour nous, en toute situation, l'offre médicale à mourir doit être conditionnelle à l'accès à toute la variété de soins palliatifs de qualité dont une personne en fin de vie peut se prévaloir. Ce n'est qu'en dernier recours, dans une ultime étape, une fois que toute la panoplie de soins palliatifs a été administrée à la personne en fin de vie, que ceux-ci n'arrivent plus à soulager des souffrances que la personne elle-même considère insupportables, qu'une aide médicale à mourir pourrait être offerte à une personne qui en fait la demande et qui respecte les dispositions prévues à la loi.

Toujours et en tout temps, la meilleure organisation possible des soins palliatifs doit être privilégiée. Pour nous, l'AREQ, il s'agit d'un enjeu de dignité humaine. Merci de nous avoir écoutés.

Le Président (M. Bergman) : M. Côté, merci pour votre présentation. Maintenant, pour le premier bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Merci, M. le Président. Alors, bonsoir à vous trois, M. Côté, M. Gagnon, Mme Plamondon. Bien heureuse de vous accueillir à nouveau. Donc, vous êtes des habitués. Alors, merci.

Je pense que vous avez fait le tour de plusieurs enjeux. Si je résume, vous accueillez favorablement… vous nous dites d'insister sur l'importance de l'accès aux soins palliatifs, mais vous iriez peut-être plus loin. Notamment, vous souhaiteriez que les maisons de soins palliatifs aient l'obligation d'offrir l'aide médicale à mourir. Puis l'autre élément de ce que je décode, mais ça, j'aimerais peut-être, dans un premier temps, que vous me clarifiiez ça, vous souhaitez donc que, par directive médicale anticipée, on puisse demander également l'aide médicale à mourir de manière anticipée.

Donc, je ne sais pas si ça, ça fait partie de vos demandes ou si vous demandiez uniquement une clarification, à savoir quels types de soins de fin de vie étaient prévus via les directives médicales anticipées. Donc, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Bergman) : M. Côté.

M. Côté (Pierre-Paul) : Alors, pour nous, là, ce n'est pas lié. L'aide, les directives médicales, on veut qu'il y ait plus d'explications là-dessus. Mais on ne lie pas ça, on ne veut pas avoir ça dans les directives médicales. La question d'aide médicale à mourir, ça devrait être à part. Je me suis peut-être mal exprimé, mais, en tout cas, c'est ça.

Mme Hivon : Non, c'est moi qui ai échappé… c'est pour ça que je vous demande la clarification. Quand vous dites… en fait, en ce moment, les directives médicales anticipées, vous pouvez venir prévoir ce que vous souhaitez ou ne souhaitez pas avoir, en fait, plus généralement même que juste la fin de vie, là. Mais là on est dans un projet de loi sur la fin de vie. Mais vous pouvez venir dire : Je ne voudrais pas, dans telle circonstance, obtenir des soins, je ne voudrais pas être réanimé, bon, tout ça. Et vous pouvez venir dire, par exemple : Je souhaiterais obtenir la sédation palliative continue ou terminale, si j'étais dans telle situation, les soins palliatifs, tout ça. En ce moment, vous ne pourriez pas demander l'aide médicale à mourir via directive médicale anticipée, pas parce qu'on l'exclut aux articles qui concernent les directives médicales anticipées, mais par le truchement de l'article 26 qui vient dire que vous devez être apte au moment où vous le demandez.

Donc, quand vous, vous dites : Pour nous, on distingue, est-ce que vous voulez dire que, pour vous, l'aide médicale à mourir doit en tout temps être demandée par une personne apte au moment où elle le demande ou vous voulez dire que vous distinguez ça de manière plus générale, les directives médicales anticipées, mais que vous voudriez quand même qu'on considère qu'une personne alors qu'elle est apte et qu'elle fait ses directives médicales anticipées pourrait demander l'aide médicale à mourir?

Le Président (M. Bergman) : M. Côté.

M. Côté (Pierre-Paul) : Pour nous, là, l'aide médicale à mourir doit être demandée par une personne qui est apte, et, on se dit, peut-être dans quelques années, ce sera d'autre chose, mais vivons l'expérience. On verra. Si on est encore là, on reviendra vous réexpliquer d'autres choses.

Mais sur la question de… Les directives médicales, bon, vous avez donné quand même un bon topo là-dessus. On voudrait que ce soit peut-être plus précisé parce qu'on sent aussi qu'il y a un certain mélange avec les mandats d'inaptitude, parce que ces mandats d'inaptitude… En tout cas, moi, personnellement, j'en ai fait un, mais ce n'était pas juste pour me donner quelqu'un qui va s'occuper de moi, là, financièrement. C'est aussi, là, pas d'acharnement thérapeutique puis tout ce volet-là, là. Mais c'est vraiment, là, pour clarifier parce qu'il y a des gens qui peuvent penser qu'ils ont déjà fait ça, puis ce n'est pas tout à fait ça.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : C'est un très bon point. En fait, il y a une différence importante, oui, parce que le mandat en prévision d'inaptitude, ça le dit, c'est d'abord et avant tout un mandat.

Donc, vous investissez un tiers des pouvoirs de vous représenter dans l'éventualité où vous devenez inapte. Vous pourriez simplement désigner un tiers, et puis il déciderait comme bon lui semble en essayant de penser à ce que vous voudriez, vous ne voudriez pas. Mais vous pouvez aller plus loin en rédigeant, dans le coeur de votre, je dirais, mandat en prévision d'inaptitude, des éléments que vous souhaiteriez qu'ils soient pris en compte. La différence entre… Le mandat en prévision d'inaptitude, ça peut demeurer le mandat en prévision d'inaptitude. Il n'y a aucun problème à ce que bien sûr une personne qui préférerait ça le fasse. La différence entre ça et les directives médicales anticipées, c'est que les directives médicales anticipées, en fait elles ne s'adressent pas à un tiers, elles sont comme le prolongement de ce que vous souhaitez, et on va les prendre sans l'interprétation ou l'intervention d'un tiers. Elles vont être déposées dans un registre, et l'équipe soignante, les gens qui vont vous accueillir, si vous êtes dans un état d'inaptitude, vont regarder : Voici, c'est ça qu'il a demandé, qu'il voulait avoir ou ne pas avoir, et puis ils vont suivre ça.

L'autre différence, c'est qu'un mandat en prévision d'inaptitude, ça requiert l'homologation du tribunal, alors que les directives médicales anticipées, si elles suivent les formes prescrites dans le projet de loi, acte notarié ou formulaire prescrit signé par deux témoins, elles seraient, donc, effectives et elles auraient une force contraignante pour les personnes qui devraient, donc, s'en saisir, c'est-à-dire l'équipe de soins.

Donc, en fait, c'est ça. Donc, c'est sûr qu'il y aurait une force contraignante directe versus le mandat en prévision d'inaptitude qui donne vos pouvoirs à un tiers, en quelque sorte. Est-ce que c'est ce que vous aviez compris ou est-ce que ça vous suscite des questions?

M. Côté (Pierre-Paul) : Oui.

Le Président (M. Bergman) : M. Côté.

• (20 heures) •

M. Côté (Pierre-Paul) : Vous avez vu que j'ai répété souvent l'expression «autonomie décisionnelle».

C'est sûr que nous autres, on parle aussi au niveau des aînés, là. Tu sais, ce n'est pas nous autres qui a décidé de venir au monde, mais on peut-u décider quand est-ce qu'on va partir puis de quelle façon? C'est un petit peu… Dans cette décision-là, c'est toujours la personne qui doit décider. Dans les directives médicales, là, pour nous, c'est important aussi que ce soit par un formulaire. Puis, s'il y en a qui veulent le faire devant un notaire, ça, c'est un autre… Mais, quand on regarde l'ensemble, ce seraient des coûts additionnels, puis il y a des gens qui n'auraient pas l'accès. Alors, à ce moment-là, ils peuvent avoir l'accès.

Et, c'est toujours important, c'est toujours la personne qui va dire quels soins qu'elle veut avoir, quels soins qu'elle veut enlever, c'est la personne qui doit décider et non un tiers. J'ai bien aimé votre présentation, la différence entre le mandat d'inaptitude… Ça, ça clarifie et c'est important.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. Et je dois vous dire que c'est précisément pour cette question-là des coûts et de l'accessibilité que l'on n'a pas prévu la formule notariale obligatoire.

Donc, c'était aussi pour s'assurer de cette accessibilité-là, d'un degré de formalisme quand même important, mais de ne pas avoir l'obligation d'aller chez le notaire, bien qu'on pense que sans doute… que certaines personnes vont vouloir, plusieurs… On pense aussi, sans doute, que les notaires vont aussi… Je dirais, de manière parallèle à la campagne d'information qu'on va faire, sans doute qu'eux aussi… puis c'est des professionnels bien placés. On ne voulait pas le rendre obligatoire.

Et ça m'amène sur la question, oui, des campagnes d'information. Donc, je le répète, c'est vraiment… nous allons faire une campagne d'information destinée au grand public sur la question du contenu du projet de loi, donc quels sont leurs droits, soins de fin de vie, donc ce que ce projet de loi là vient prévoir, mais aussi sur la question des directives médicales anticipées pour sensibiliser les gens à l'importance de faire leurs directives médicales anticipées au nom justement du processus de l'autonomie décisionnelle. Donc, s'ils veulent s'assurer que ce qu'ils souhaitent ou ce qui est très important pour eux soit respecté en fin de vie… que le meilleur moyen d'y arriver, c'est d'exprimer à l'avance leurs volontés dans des directives médicales anticipées. Puis je vous dirais qu'au-delà des vertus, puis je le dis souvent, autant du projet de loi que de l'idée des directives médicales anticipées c'est que je pense qu'en faisant, donc, une campagne pour informer les gens, ça va aussi susciter le dialogue encore davantage. Là, ça fait quatre ans qu'on a amorcé le dialogue avec la société québécoise, je pense que ça va bien. Puis ça lève des tabous, ça fait en sorte que les gens, en tout cas je le souhaite, en parlent plus librement avec leurs médecins, avec leurs proches. Mais je pense aussi, de savoir, de manière beaucoup plus concrète, les possibilités offertes par les directives médicales anticipées, que ça devrait aussi favoriser ces échanges-là.

J'aimerais peut-être ça qu'on revienne à la question. Il me reste-tu du temps? Est-ce qu'on fait juste un bloc?

Le Président (M. Bergman) : Deux blocs.

Mme Hivon : Deux blocs? O.K. Donc, il me reste un peu de temps au premier bloc?

Le Président (M. Bergman) : Deux minutes sur ce bloc.

Mme Hivon : Deux? C'est bon. Donc, vous dites que vous respectez tout à fait la question de l'objection de conscience, donc, du professionnel. Là, par ailleurs, quand on arrive dans la question des dispensateurs de soins de fin de vie, donc, y compris l'aide médicale à mourir, vous nous dites que, pour ce qui est des maisons, vous estimez qu'elles devraient être tenues d'offrir l'aide médicale à mourir.

Dans le projet de loi, pour un peu réconcilier le fait qu'une personne doit savoir à quoi s'attendre, malgré cette souplesse-là qui est offerte aux maisons de soins palliatifs, ce qu'on dit, c'est que les maisons doivent indiquer aux personnes qu'elles reçoivent, qu'elles accueillent, donc, dans leurs murs ce qu'elles offrent et ce qu'elles n'offrent pas. Donc, si elles n'offrent pas l'aide médicale à mourir, elles devront le dire aux personnes qui vont être admises. Ça, ça ne vous apparaît pas suffisant, je dirais, pour que la personne sache, dans le fond, ce à quoi elle peut s'attendre en allant dans une maison donnée.

Le Président (M. Bergman) : M. Côté.

M. Côté (Pierre-Paul) : On a des membres un peu partout dans la province de Québec, hein, ils sont répartis.

Et, dans certaines régions, il va peut-être y avoir une petite maison de soins palliatifs. Mais l'alternative, elle est où? Elle est peut-être à 200 kilomètres de là. Et c'est pour ça qu'on se dit : La personne… La maison de soins palliatifs, elle pourrait dire : Bien oui, on n'offre pas la deuxième partie. Mais ça oblige la personne qui est dans cette situation-là à se déraciner. Obliger la famille, si on veut aller la voir, de faire un 200, 300 kilomètres pour aller la voir. C'est cette situation-là, nous autres, qu'on a regardée, puis on se disait : Bon, oui, c'est vrai qu'ils ont le droit de s'objecter, etc., mais il peut-u y avoir d'autres médecins qui aillent dans ces maisons-là aussi, là, compte tenu aussi que ces médecins, quand ils vont là, ils sont financés aussi par le ministère?

Donc, il devrait y avoir une certaine facilité pour permettre… Nous autres, on pense à l'ensemble du Québec, là. C'est sûr que, dans les grands centres, c'est plus facile, des maisons de soins palliatifs. Il y a des centres hospitaliers, des CHSLD, etc. Mais, en région, ce n'est pas évident partout. Et c'est sur cette base-là qu'on a regardé, nous autres, un genre d'équité pour l'ensemble. Si on l'offre, on l'offre à tout le monde, on donne la possibilité de.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Maintenant, pour le premier bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, bonsoir. Merci d'avoir partagé avec nous les préoccupations de vos membres, les préoccupations de l'AREQ.

J'aimerais, dans un premier temps… Je suis intéressée par le sondage que vous avez fait auprès de vos membres et plus particulièrement par la définition de l'aide médicale à mourir qui est incluse dans votre sondage. Parce que vous mentionnez à la page 3 de votre mémoire que vous avez quand même 26 % de vos répondants qui indiquaient que la priorité quant aux soins de fin de vie devait être apportée aux soins palliatifs. 12 % de vos répondants priorisaient l'aide médicale à mourir. Dans les échanges qu'on a eus avec les groupes, la notion d'aide médicale à mourir n'était pas nécessairement comprise par tout le monde de la même façon, suivant la même intensité. Puis, dans les échanges qu'on a — j'ai eu des échanges, dans la circonscription, avec des citoyens puis avec des gens — la notion d'aide médicale à mourir n'est pas toujours la même d'une personne à l'autre.

Alors, j'étais intéressée de savoir quelle définition d'aide médicale à mourir avait été utilisée par votre organisme.

Le Président (M. Bergman) : M. Côté.

M. Côté (Pierre-Paul) : Je n'ai pas la question de sondage sous les yeux, là, parce que c'était un sondage quand même qui ne parlait pas uniquement de ça, c'était un sondage, là, qui a été… la personne était 20 minutes au téléphone, là, là-dessus. Je n'ai pas… mais, en tout cas, ce qu'on en comprend, l'aide médicale à mourir, c'est : Tu veux en finir, de ta vie, mais avec le respect, là, des conditions de la loi. C'est très, très limité, là. Et, nous autres, c'est sûr qu'on a été déçus un peu de certaines avancées, là. C'est, on pourrait dire : Ce soir, on se fait peur, hein? On a vu, là, des publicités, on a vu des organismes dire que… Aïe, juste aller à l'hôpital, ils vont vous tuer, là. Pas obligé d'avoir ça pour que tu sortes les pieds devant à l'hôpital, là. En tout cas, je trouvais ça un peu méprisant, en disant qu'ils n'avaient pas confiance aux médecins qu'il y avait dans les hôpitaux. Je me dis, tu vas là pour te faire soigner, et l'aide médicale à mourir, bien c'est un choix avec des éléments qui sont précis et aussi avec des conditions, là.

En tout cas, ce que j'ai entendu, ce que j'ai lu, c'était… Nous autres, là, on n'est pas dans la ligne de faire peur à notre monde, on veut les sécuriser. C'est pour ça qu'on a mis beaucoup de propension sur l'autonomie décisionnelle. Ce n'est pas les voisins, ce n'est pas la famille qui va décider, ça allait être vous autres. Et c'est pour ça que ça englobe…

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Je comprends très bien les orientations. J'étais curieuse, parce que votre sondage a été fait en mars 2013.

Et donc, pour moi, ça aurait été intéressant de voir quelle était la définition. Parce que, pour certaines personnes, l'aide médicale à mourir, ça peut être un soin palliatif. Ça peut être l'accompagnement en fin de vie, ça peut être la sédation palliative terminale ou continue, peu importe. La notion, si vous comprenez, la notion d'aide médicale à mourir, ce n'est pas nécessairement le soin ou l'administration de l'injection qui va être le dernier soin, le dernier acte qui va être posé envers une personne. Et c'était dans ce sens-là. Ce n'était pas du tout une question des épouvantails qui peuvent avoir été brandis. Au contraire, j'étais curieuse. Pour vous, je comprends qu'il est important d'intégrer la notion de soins palliatifs et d'aide médicale à mourir. C'est différent. Parce que dernièrement, depuis quelques jours, on entend beaucoup les gens dire : S'il vous plaît, faites une distinction entre les deux parce qu'il n'y a pas la même approche. Les gens des soins palliatifs nous disent : Ce n'est pas la même philosophie, pour nous c'est vraiment d'accompagner, et l'aide médicale à mourir, c'est une autre démarche. Et même certaines personnes nous ont demandé de… On a demandé soit de scinder le projet de loi ou de… Le Collège des médecins a demandé de faire la part des choses entre les soins de fin de vie, les soins palliatifs.

Et donc je comprends que pour vous c'est une vision intégrée de ces deux notions-là.

• (20 h 10) •

M. Côté (Pierre-Paul) : Oui, pour nous autres, c'est un continuum, là. Les soins palliatifs… vous parlez de la sédation palliative terminale.

C'est, pour moi… en tout cas, ce qu'on a jasé ensemble, ce qu'on en comprend, ce n'est pas la même chose que l'aide médicale à mourir. Ça a l'air peut-être, excusez l'expression, plus «soft» de dire «la sédation», tout le monde a l'air à l'aise avec ça, mais, quand moi, en tout cas, j'ai eu à accompagner un de mes frères là-dessus, ce n'est pas évident, là, je veux dire, c'est… ce n'est pas un mot ici qui est parlementaire, mais en tout cas ça commence par un «h», avec «y». Mais c'est qu'il y a des gens, là, quand ils reçoivent la sédation palliative, on les empêche de manger puis de boire, et ça veut dire… c'est tout de l'intérieur qu'ils sont en train de mourir. Mais, moi, en tout cas, pour avoir accompagné mon frère, là, quand on lui passait juste le petit coton ouaté sur les lèvres, là… puis même s'il était comme comateux, là, il voulait quasiment le manger, là.

Alors, on se dit, à ce moment-là, là, ce n'est pas nécessairement… Et, pour nous autres, l'aide médicale à mourir, oui, c'est un geste, c'est un geste avec les conditions, là. Il faut toujours se rappeler qu'est-ce qui est écrit dans le projet de loi. Ce n'est pas pour n'importe qui et c'est très, très serré, puis même le médecin doit revoir de temps en temps, dans des périodes… requestionner, puis etc., là.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Justement, parce que vous mentionnez l'importance de le baliser et de garder les règles très strictes, de ne pas l'étendre à d'autres catégories comme les inaptes, croyez-vous qu'il serait important, dans les conditions émises à l'article 26, d'ajouter une notion d'imminence de la mort ou de finalité, là, qui arriverait, qui serait tout près, pour éviter, comme nous ont demandé certains groupes, d'arriver dans un débordement et de faire en sorte qu'une personne qui n'est pas nécessairement en fin, fin de vie puisse accéder à cette aide-là, à cet acte-là?

Le Président (M. Bergman) : M. Côté.

M. Côté (Pierre-Paul) : Disons que nous aussi, on parle d'une certaine imminence de la mort, là. Bon, c'est toujours relatif, en termes de délai, là, je pense qu'on est capable… Mais, entre six mois puis une semaine, il y a une différence, là. C'est qu'on ne voudrait pas que ça se fasse puis que la personne, dans le fond, quand le médecin et l'équipe soignante s'aperçoivent… Bien, il pourrait peut-être encore être six mois, là… Ça, là-dessus, là, c'est pour ça qu'on a amené la notion d'imminence de la mort, la mort imminente. Mais, c'est sûr, on ne peut pas baliser en termes d'heures et de temps, mais je pense qu'il y a assez d'expérience, de vécu de la part des équipes soignantes pour… Même si on ne pourra pas prédire, il y a quand même des éléments qu'ils sont capables d'aller vérifier.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Donc, vous amenez vraiment le caractère exceptionnel de ce soin-là qui arrive dans une période vraiment particulière.

Je comprends aussi que, pour vous, il est important que cette aide exceptionnelle là ne devienne pas un choix causé par l'absence de ressources, que ce soit en soins palliatifs à domicile, dans les maisons, ou tout ça. Et est-ce que vous croyez, parce que, là, je reviens sur la question des directives médicales anticipées de tout à l'heure… Vous suggérez qu'un certain nombre de soins soient énumérés… des soins accessibles soient énumérés, ce qui peut peut-être être compliqué, parce que la médecine évolue tellement vite que j'imagine qu'en matière de soins de fin de vie il peut y avoir une panoplie, puis on ne voudrait pas en oublier. Mais pensez-vous qu'il pourrait être opportun de spécifier sur le formulaire de directives médicales anticipées que l'aide médicale à mourir n'est pas un soin couvert ou n'est pas accessible, en fait prévoir clairement que l'aide médicale à mourir est exclue des directives médicales anticipées si c'est l'intention? Parce que c'est ce qu'on comprend à la lecture du projet de loi, mais ce n'est pas clairement défini. Et puis les gens sont… Je ne sais pas si, parmi vos membres, il y avait des gens qui étaient un petit peu mêlés face à ça. Mais, je vous dirais, moi, pour avoir eu des échanges avec des citoyens, pour certaines personnes, ils pourront, par le biais des directives médicales anticipées, faire une demande d'aide médicale à mourir, et cette aide médicale à mourir là pourrait leur être administrée advenant leur incapacité.

Alors, moi, je me disais, bien, est-ce qu'on ne devrait pas plutôt préciser que ce soin-là, cet acte médical là, peu importe, ce n'est pas quelque chose qu'il est possible d'insérer à l'intérieur des directives médicales anticipées?

Le Président (M. Bergman) : M. Côté.

M. Côté (Pierre-Paul) : Comme je l'ai précisé tout à l'heure aussi, là, c'est vraiment séparé, l'aide médicale à mourir ne doit pas être dans le formulaire des directives médicales anticipées.

Et là, tout à l'heure, vous avez souligné aussi : Bien, la médecine évolue. Et, bon, moi, je pense que les gens sont assez imaginatifs pour trouver une fin de phrase, en disant que ça ne soit pas limitatif. On ne peut pas tout penser, mais je pense qu'on est capable de trouver un soin, sans dire «etc.», là, être capable de préciser qu'il y a d'autres choses qui peuvent arriver. Puis le formulaire, il pourrait changer aussi, évoluer, parce que, là, il faut se dire, là : C'est nouveau. Puis moi, je pense que le Québec là-dessus il doit être fier, en termes d'Assemblée nationale, d'être capable d'avoir ramené cet élément-là à l'unanimité dans le comité, etc., et d'être capable de dire : Bien, on va regarder ce qui se passe, on va l'analyser. Vous avez la commission, là, des droits de fin de vie que vous créez, là. Bien, ça, cette commission-là, c'est sûr qu'elle va avoir beaucoup de travail à faire. On suppose qu'il va y avoir des personnes un peu spécialistes et des gens formés à l'intérieur de ça qui seront capables de voir l'évolution puis de regarder qu'est-ce qui se fait, puis qu'est-ce qui n'est pas correct, qu'est-ce qui est correct, qu'est-ce qui est à corriger et regarder toujours vers le futur.

Pour nous autres, ce n'est pas de reculer, c'est d'avancer, mais éviter les dérapages, s'organiser… qu'il n'y en ait pas puis être capable de satisfaire le droit qui est prévu dans la loi pour les soins palliatifs et pour l'aide médicale à mourir.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition officielle. Pour le deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. J'aimerais revenir sur la question de la sédation palliative. Vous avez donné l'exemple de votre frère.

La réalité à laquelle on veut faire référence dans le projet de loi, c'est vraiment la sédation palliative terminale ou continue, donc l'idée de dire que, quand une personne a des souffrances tellement intenses qu'on n'arrive pas à apaiser, des souffrances qu'on appelle réfractaires dans le jargon de la fin de vie, on peut donc lui offrir, du moins, dans l'état actuel des choses, c'était la seule voie, une sédation permanente en quelque sorte, donc continue, qui est l'équivalent un peu de la plonger dans un état d'inconscience jusqu'à ce que son décès se produise. Plusieurs qui étaient venus nous voir lors des auditions de la commission spéciale nous ont dit : C'est important, ce serait important de bien encadrer… plusieurs médecins, même, là… ce serait important de s'assurer d'un bon encadrement, d'une uniformité dans les protocoles qui sont utilisés, les conditions dans lesquelles on a recours à une telle pratique, ce qui est une bonne utilisation de la sédation versus ce qui pourrait en être une moins bonne. Et ce qu'on est venu prévoir dans le projet de loi, c'est essentiellement cette nécessité, donc, d'être assujetti à un protocole clair, uniforme et aussi, parce que ce n'est quand même pas banal, de devoir donner un consentement écrit. Ça peut être la personne elle-même, ça peut être un tiers aussi. Parce que, oui, on est dans une situation où on est dans les soins palliatifs, et, comme c'est le cas à l'heure actuelle, ça peut arriver que ce soit un tiers qui consente pour la personne.

Vous, vous nous dites que vous craignez que… vous voulez qu'on regarde ça quand même avec une certaine souplesse, toute la question de la sédation. Est-ce que vous pouvez nous dire si, pour vous, ce qui est prévu apparaît trop contraignant ou si, à la lumière de ce que je vous expose, ça apparaît dans l'ordre des choses?

Le Président (M. Bergman) : M. Côté.

M. Côté (Pierre-Paul) : Nous, ce qu'on a évalué à ce niveau-là, c'est qu'il y aurait un certain recul pour surtout des accidentés de la route où il y aurait quelques heures… La personne est à l'extérieur de chez elle, elle n'a pas de papiers, etc., elle ne peut pas… l'hôpital ne peut pas… les médecins ne peuvent rejoindre la famille. Mais là il y a une souffrance épouvantable, puis les médecins le savent, qu'il ne pourra peut-être pas passer, là, bien, bien des heures. Alors, à ce moment-là, il n'y a pas de formulaire écrit, là, mais il y a quelqu'un qui devrait prendre une décision. C'est surtout à ce niveau-là, des accidents de la route ou accidents de travail, là, mais… les gens qui n'auraient pas écrit mais qui ne seraient pas capables de le faire. C'est à ce niveau-là qu'on avait pensé.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

• (20 h 20) •

Mme Hivon : Oui. Je ne suis pas certaine que ça serait un cas. Je ne suis pas la spécialiste, là, mais je ne suis pas certaine que ça serait un cas de sédation continue. En fait, la personne, si elle est dans des très, très grandes souffrances, on pourrait la plonger dans un état un peu de coma artificiel. Mais je pense qu'on serait alors dans une sédation qu'on appelle, dans le jargon, intermittente. Donc, on la plongerait pour essayer de la calmer de ses souffrances, mais, puisqu'on ne serait peut-être pas sûr de comment les choses vont évoluer, peut-être qu'on reviendrait à autre chose ou il y aurait des procédures ou tout ça. Je ne suis pas certaine qu'elle serait automatiquement en fin de vie.

Mais je comprends ce que vous voulez dire, c'est plus pour une réalité comme celle-là. Donc, ça va. Je comprends. Je vais passer la parole à ma collègue.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Merci, M. le Président. Bonsoir, messieurs et madame.

M. Côté, je voyais dans votre mémoire que vous... dans votre conclusion, là, vous spécifiez que «l'offre de l'aide médicale à mourir doit être conditionnelle à l'accès à toute [une] variété de soins palliatifs».

Je comprends dans cette position-là qu'en fait ce que vous souhaitez, c'est que l'aide médicale à mourir ne devienne jamais un pis-aller à défaut d'avoir eu accès à des soins palliatifs de qualité. Mais, dans le cas où une personne, pour des raisons qui lui appartiennent, refuserait, à qui on aurait offert la possibilité d'obtenir des soins palliatifs et… les aurait refusés, est-ce que, pour vous, cette personne-là serait exclue de l'aide médicale à mourir, puisqu'elle n'a pas eu de soins palliatifs, ou si vous considérez qu'une personne volontairement déciderait de ne pas vouloir de… de ne pas accepter de soins palliatifs… Est-ce qu'elle pourrait quand même, à un moment donné, demander l'aide médicale à mourir?

Le Président (M. Bergman) : M. Côté.

M. Côté (Pierre-Paul) : Comme je le disais en début… puis même on l'a répété souvent dans le texte, l'autonomie décisionnelle… il a le choix de prendre des soins ou de ne pas en prendre. S'il décide de ne pas en prendre, des soins palliatifs, il a quand même la possibilité à la fin d'avoir de l'aide médicale à mourir.

Pour nous, c'est toujours la personne, le patient, le malade qui prend les décisions, et ça, pour nous autres, c'est fondamental. Puis c'est ça que les gens nous ont dit aussi. Puis ils ne veulent pas que ce soient les autres qui prennent la décision. Donc, tu sais, des fois il y a des soins palliatifs, bon, que les gens… ils ne veulent pas nécessairement être, comme tout à l'heure, là, qu'on disait, mis dans le coma, ils aiment mieux, bon… Puis à un moment donné il dit : Bon, c'est fini, je le sais, qu'il me reste deux semaines à vivre, je ne veux pas, je veux les vivre… comment, je partais pour dire «réveillé», mais en tout cas avoir conscience un peu, avec la famille. Mais après ça il dit : O.K., c'est terminé, là, je veux avoir l'aide médicale à mourir.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : En lisant votre mémoire, j'ai aussi constaté que vous semblez avoir vraiment une grande préoccupation pour les proches aidants. Si on regarde la possibilité d'obtenir des soins palliatifs à domicile, j'aimerais ça vous entendre un peu, de façon plus détaillée, sur votre position. Vous dites : Oui, les soins palliatifs, les soins à domicile, mais attention aux proches aidants, il ne faudrait pas que d'offrir la possibilité d'avoir des soins palliatifs à domicile vienne alourdir encore plus la tâche des proches aidants et qu'on s'en remette de façon indue à eux, finalement.

Le Président (M. Bergman) : M. Côté.

M. Côté (Pierre-Paul) : Lors d'un sondage, pas le dernier, un autre qu'on avait fait avant, nous avions un nombre… je ne me souviens plus du pourcentage, je pense que c'était 40 %... que nos membres étaient proches aidants, et je pourrais dire «proches aidantes», parce qu'une très, très grande majorité était des femmes.

Donc, on ne voudrait pas… Parce que ce qu'on en sait, ce que les gens nous rapportent, c'est que des fois… Puis les statistiques sont là aussi, hein? Des fois, la proche aidante, elle va décéder avant le malade quand il y en a trop. On a vu dans certaines situations où il y a eu moins de services puis on a demandé aux proches aidantes de faire, entre guillemets… en tout cas, ça, je ne suis pas un spécialiste, mais, dans le jargon, là, c'est un peu un acte médical, donner un vaccin, là, une piqûre, comme on l'appelle communément, là. Alors, à un moment donné, les proches aidants, ils en ont beaucoup, et il ne faudrait pas alourdir. Et, avec ce qui s'en vient, on ne sait pas comment ça va se développer. Il faut mettre ça en lien avec l'assurance autonomie aussi, où on demande plus de soins à domicile.

Alors, il ne faudrait pas tout transférer sur les proches, je vais dire, aidantes, parce que c'est une grande majorité, des femmes qui sont… sans nier qu'il y a des hommes qui le font, là. Mais la réalité est là, c'est un nombre de femmes assez élevé.

Le Président (M. Bergman) : Il reste seulement une demi-minute, alors, pour un commentaire, Mme la députée de Sainte-Rose.

Mme Proulx : Bien, en fait… O.K. Est-ce que vous pensez qu'une meilleure formation… Est-ce que vous pensez que… En fait, est-ce que vous pensez que la formation pourrait faire partie d'une solution à ce que vous présentez comme une situation potentiellement problématique pour les proches aidants? Est-ce qu'une formation pourrait aider à solutionner cette situation-là?

Le Président (M. Bergman) : M. Côté, pour une très courte réponse.

M. Côté (Pierre-Paul) : Sans tout solutionner, de la formation… On vient d'un milieu d'éducation. Pour nous autres, l'information, la formation, on y croit. Puis c'est nécessaire, et puis ça peut soulager pas mal de personnes autour. Mais il faut faire attention aussi parce que les proches aidants, s'ils ont besoin aussi, oui, de la formation, ils ont besoin de répit aussi. Ils vont-u en formation quand ils prennent un répit? Ça, c'est une autre histoire.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement. Pour le bloc de l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'abord, merci, vous avez vraiment bien fait un tour de la question puis vous avez apporté plusieurs points que je trouve extrêmement intéressants. D'abord, je veux vous féliciter d'avoir fait un sondage, parce que je pense que vous venez défendre une position qui est bâtie sur de l'objectivité en ayant posé des questions à vos membres, et puis, ça, je trouve que c'est très, très bien.

J'aimerais recadrer des choses par contre, deux affaires. La question de l'accident d'auto, là, c'est juste une question d'information parce que j'ai l'avantage d'être médecin dans le milieu médical, mais c'est important que nos auditeurs l'entendent, c'est toujours préséance à la vie. Donc, ça ne sera jamais un cas d'aide médicale à mourir, parce que, quelle que soit la situation, quand que la personne va arriver à l'urgence, on va lui donner une préséance à la vie, sauf que, si on avait quelqu'un qui avait dit : Je ne veux pas de réanimation, à ce moment-là, on pourrait respecter sa volonté. Mais par contre on n'appliquera jamais la question de l'aide médicale à mourir parce que ça demande peut-être un peu plus de discussions, de vérifications, puis on va toujours essayer de sauver la vie de la personne. Puis c'est important de vous le dire parce que, ça, vous n'étiez peut-être pas informés parce que vous n'êtes pas dans le milieu médical.

M. Côté (Pierre-Paul) : Merci, docteur.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. Deuxième notion, puis on fera juste partager de l'information, deuxième notion, je pense peut-être réussir à vous faire changer d'avis : la question des maisons de soins palliatifs. En région, ça ne sera pas un problème parce que, lorsque les gens sont très loin, c'est des petites populations, et de toute façon il y a toujours une offre de services qui va se faire au CSSS, au niveau de l'hôpital.

Donc, ce qui est important dans ce dossier-là, c'est que les gens aient le choix. Et, oui, ils ont le droit d'avoir le service, mais ce n'est pas nécessairement dans une maison de soins palliatifs qui, elle, en disant : J'offre ou je n'offre pas le service… À ce moment-là, la personne va avoir le choix d'aller là, mais elle va avoir l'alternative d'aller ailleurs également. Et puis, pour moi, c'est important. Parce que votre fil conducteur dans tout votre processus, c'est l'autonomie décisionnelle qui… je tiens à vous féliciter, c'est un excellent choix, sauf que l'autonomie décisionnelle se fait à deux niveaux également. Elle se fait au niveau du professionnel qui n'est pas obligé de poser un geste parce qu'il peut avoir une objection de conscience. Mais, encore là, il ne refuse pas l'aide médicale à mourir à la personne. C'est que lui, il ne l'appliquera pas, mais il doit lui offrir une alternative, qu'il pourrait aller… d'aller à l'hôpital. Là, actuellement, dans la loi, c'est le directeur des services professionnels. Moi, je pense que ça devrait être peut-être une autre personne, avoir le choix d'une autre personne.

Ça fait qu'à ce moment-là ce n'est pas un refus, ça va juste être un transfert vers une autre activité, mais la personne va avoir le droit de pouvoir avoir l'aide médicale à mourir. Ça fait que c'est comme ça qu'on voudrait l'appliquer. Et puis là c'est certain que, quand que vous arrivez dans une communauté, puis j'en ai parlé à plusieurs reprises, si la personne a un droit d'avoir un service, l'autre a un droit par objection de conscience, bien ça relève du domaine de l'éthique. Et, au niveau de l'organisation des services, parce qu'il y a une obligation de la part de l'établissement d'offrir le service, là, il faut trouver des alternatives. Mais dans la loi il reste que… puis à la fin, je pense, il faut le voir, c'est qu'on peut l'appliquer en fonction aussi de la disponibilité des ressources. Ça fait que, si ce n'est pas possible de l'appliquer parce qu'il n'y a pas de disponibilité des ressources, bien, à ce moment-là, c'est possible que la personne soit brimée dans son droit.

Mais ça, c'est des choix qu'on doit faire comme organisation. Je ne sais pas si vous saisissez ça, là, comment ça fonctionne.

Le Président (M. Bergman) : M. Côté.

M. Côté (Pierre-Paul) : Le problème, c'est que… supposons que la personne est admise. Bon, elle n'y pense pas, là, elle est malade, là, puis, bon, elle va dans la maison de soins palliatifs parce que, là, elle veut rester près de son monde. Et après, parce que ça dure, ils ne sont pas longtemps dans une maison de soins palliatifs, il y a des délais à respecter, mais là, si elle veut… si elle change d'idée, là, là, c'est… la maison ne peut pas lui offrir, il va falloir qu'elle s'organise pour être déplacée pour aller ailleurs. C'est ça, nous autres, qu'on trouvait un peu, là…

• (20 h 30) •

M. Bolduc (Jean-Talon) : Mais là on ne fait seulement que discuter. Mais la personne le savait en rentrant. Donc, c'est sûr qu'elle peut changer d'opinion en cours de route. Mais à ce moment-là on pourrait transférer la personne puis procéder à un autre endroit. Mais, encore là, on n'est pas dans des situations souvent de mort puis la personne va décéder dans la minute ou l'heure qui suit. Et, quand on parle, souvent les gens nous parlent de ça, ils disent : Je voudrais avoir l'injection les trois dernières heures. Je ne pense pas que les gens vont la demander à ce moment. C'est souvent un processus dans lequel ils sont préparés, et ça peut être imminent dans l'espace, plus de jours ou de semaines. Parce que, quand on a... Moi, j'ai fait beaucoup de soins palliatifs. Quand on arrive à la fin puis on dit aux gens : C'est une question d'heures, deux heures, trois heures, ça peut durer plusieurs heures, la famille est relativement patiente à ce moment-là.

Est-ce qu'on appliquerait l'aide médicale à mourir avec tout le processus qu'il y a là? Je ne suis pas certain. Sauf que, sur plusieurs jours, oui, je pense que c'est une intervention. On ne sait pas encore si ça va être un soin ou pas, mais c'est une intervention qui pourrait être faite à ce moment-là. Je pense qu'il faut comprendre le contexte dans lequel on fait ce type de soin.

Le Président (M. Bergman) : M. Côté.

M. Côté (Pierre-Paul) : Il y a toujours deux droits, hein, qui sont confrontés, là : c'est le droit du médecin à l'objection de conscience puis c'est le droit du patient à dire : Bien là, j'ai un droit dans la loi, qui peut me l'offrir? Je pense que peut-être qu'avec le temps aussi ça va se résorber ou ça va s'expliquer. Il va y avoir des situations, j'imagine, dans des endroits, et la commission qui va être mise sur pied, elle va regarder des choses aussi, probablement. Il peut y avoir des situations. Parce que, quand vous disiez tout à l'heure : Bien, la personne, elle le savait quand elle est rentrée… mais la personne, elle n'est pas dans la même condition que le médecin, là. Le médecin, en principe, lui, il est en bonne santé, parce que c'est inquiétant s'il n'est pas en bonne santé puis il me soigne, là.

M. Bolduc (Jean-Talon) : ...

M. Côté (Pierre-Paul) : Mais, si... la personne qui arrive, là, qui elle, elle est malade puis vraiment, là, elle le sait, que, quand elle s'en va en soins palliatifs… elle connaît le vécu un peu puis elle sait que probablement elle va ressortir de là les pieds devant. Ça fait que c'est ça, là, qui est...

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste deux minutes.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. Bien, moi, je pense que, comme vous disiez, là, on n'aura pas toutes les solutions à tous les problèmes la première journée.

En cours de route, il va y avoir des expériences qui vont se vivre. Par la suite, bien, la commission fera des recommandations. Et c'est certain, quand on dit qu'il y a deux droits qui s'opposent, également un autre principe, c'est qu'au niveau de l'organisation de services… être capable d'offrir ce que chacun veut. Ça fait que je pense que là-dessus on s'entend tous qu'on va essayer d'organiser les services. Mais on sait qu'à un moment donné il peut arriver cette situation-là. Là, la question, c'est : Qu'est-ce qui va avoir priorité? Bien, moi, je ne pense pas qu'on peut obliger, dans ce cas-ci, un professionnel à pratiquer un geste sous le principe que c'est un droit du patient. Et là sur quoi on doit se réfugier? C'est tout simplement… si la ressource n'est pas disponible, parce que la personne va décéder dans les heures qui suivent et qu'à ce moment-là on devrait appliquer l'aide médicale à mourir, il n'y a personne pour le faire, bien ça se peut que la personne décède sans qu'il y ait eu l'application de l'aide médicale à mourir. Il faut juste l'expliquer. Puis vous savez qu'en médecine ce n'est pas toujours très précis, puis il y a toujours un peu de flou. Puis dans l'éthique c'est... Je pense qu'il faut accepter le principe qu'il n'y a pas de situation parfaite. Et, s'il y a des discussions éthiques, c'est parce qu'il y a des problèmes qui ne sont pas résolus facilement, parce que, tout ce qui est facile, ça fait longtemps qu'on l'a réglé. Ce qui est difficile, c'est là qu'on apporte l'éthique. M. le Président?

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Alors, M. Côté, M. Gagnon, Mme Plamondon, merci pour votre présence ici ce soir, merci de partager votre expertise avec nous.

Et je demande aux gens de l'Institut de planification des soins pour prendre place à la table.

Et je suspends pour quelques instants seulement.

(Suspension de la séance à 20 h 34)

(Reprise à 20 h 35)

Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, on souhaite la bienvenue à l'Institut de planification des soins. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. S'il vous plaît, donnez-nous vos noms, vos titres, et les prochaines 15 minutes, c'est à vous.

Institut de planification des soins

Mme Chalifoux (Danielle) : Merci beaucoup, M. le Président. Mesdames, messieurs, ministres et députés, nous vous remercions de l'opportunité que nous avons de faire valoir nos propositions aux modifications du projet de loi n° 52. Je vous présente ici Me Denise Boulet, que d'ailleurs certains d'entre vous connaissent parce qu'elle a déjà été entendue à la commission itinérante, avocate en droit de la santé et des aînés et chargée de cours à l'Université de Sherbrooke, et Me Boyd, qui s'est jointe récemment à un organisme qui s'appelle l'Institut de planification des soins, que je vais vous présenter aussi tout à l'heure. Elle est aussi membre du conseil d'administration d'un organisme qui est bien connu, qui s'appelle la Clinique juridique Juripop. Elle s'occupe beaucoup des groupes communautaires et elle est intéressée par le droit des aînés. Elle nous a aidés beaucoup dans notre travail concernant les directives médicales anticipées et des dispositions logistiques, là, qui étaient quand même assez importantes.

Alors, moi, j'ai déjà eu le privilège d'être entendue dans la commission itinérante et de produire des mémoires. J'en garde un très bon souvenir. Et je suis maintenant présidente de l'Institut de planification des soins, qui est un institut, qui est un organisme à but non lucratif que nous avons formé à la fin de 2011, qui est une organisation qui s'occupe surtout d'éducation, de soutien aux personnes qui désirent planifier leurs soins de vie, que ce soient des personnes qui sont atteintes de maladies dégénératives chroniques, comme la maladie de Parkinson, la SLA ou l'alzheimer, ou des personnes qui veulent tout simplement faire leurs directives médicales anticipées et s'occuper de prévoir pour la fin de leur vie. Alors, l'institut a aussi une mission scientifique de recherche et de publication. Nous avons un site Internet, que nous vous encourageons à regarder et où il y a quelques publications. Nous publions des cahiers régulièrement sur tous les sujets qui peuvent intéresser, de près ou de loin, les soins et la planification des soins.

Alors, d'entrée de jeu, comme nous n'avons pas beaucoup de temps, nous voudrions vous féliciter du travail que vous faites en commission, du travail non partisan que nous trouvons vraiment très intéressant.

Nous allons commencer tout de suite par la fin : l'article 60 du projet de loi, qui représente une modification à l'article 12 du Code civil du Québec. Nous aimerions faire une représentation assez courte là-dessus. L'article 12 du Code civil du Québec est un article qui concerne le consentement aux soins et les critères qu'on doit employer quand une personne consent pour autrui. Alors, le Barreau, le comité des experts et notre institut ont demandé à plusieurs reprises que l'article 12 soit en lien avec la philosophie du projet de loi n° 52, c'est-à-dire que la priorité soit donnée au respect des volontés des personnes et non pas à leur intérêt, leur intérêt tel que vu subjectivement par les personnes qui sont à l'extérieur de la situation. Alors, malheureusement, le projet de loi n° 52 n'a pas retenu cette idée, et nous rappelons que, dans les provinces du Canada, priorité est donnée au respect des volontés exprimées. Dans les documents internationaux comme l'ONU, qui a des conventions sur le droit des handicapés, la priorité est donnée également au respect des volontés, et nous aimerions que la commission parlementaire se penche un peu sur le sujet pour peut-être réviser sa proposition.

Voici ce que nous suggérons. Nous suggérons que l'article 12 soit modifié comme suit : «Celui qui consent à des soins pour autrui ou qui les refuse est tenu de respecter les volontés [de] cette personne […] — c'est le premier principe, ensuite — à moins de motifs graves à l'effet contraire, auquel cas, il devra agir dans le seul intérêt de cette personne.»

• (20 h 40) •

Alors, voyez-vous, il n'y a pas de conflit entre l'intérêt et le respect des volontés. Il y a le respect des volontés, et ensuite, si on ne peut pas les appliquer d'une façon ou d'une autre, on ne les connaît pas, la personne a toujours été inapte, donc elle n'a pas pu manifester de volontés, alors là on se fie sur l'intérêt qui a... les «guidelines», un peu, excusez-moi le terme anglais, dans le deuxième alinéa de l'article 12. Alors, c'est notre proposition là-dessus.

Maintenant, moi, je vais essayer d'être très brève. J'ai vu que ça faisait l'objet d'autres commentaires avant moi. Je dois vous parler de l'accès à l'aide médicale à mourir dans l'ensemble du projet de loi, tel que les gens qui ont répondu à un questionnaire que nous avons fait sur Internet… aux gens qui consultent notre site, aux discussions qui ont eu lieu, parce que nous avons des groupes de discussion, et aussi aux gens qui nous consultent quand on donne des conférences. On pourrait vous dire qu'il y a unanimité sur le fait que les gens veulent aller dans les maisons de soins palliatifs et veulent avoir l'aide médicale à mourir dans les maisons de soins palliatifs, et c'est remarquable, les maisons de soins palliatifs ont une excellente réputation, et les gens voudraient ce service.

Autre problème au niveau de l'accès — et là je pense que je vais vous poser la question, vous me répondrez tout à l'heure — c'est l'article 65, l'article 65, qui concerne les soins à donner, les soins palliatifs, dans les centres hospitaliers généraux ou spécialisés qui donnent déjà des soins palliatifs. D'après ce que j'ai compris, ils ne seraient pas obligés ou ils ne seraient pas soumis à la loi. Ils pourraient continuer de donner des soins palliatifs sans donner les soins de fin de vie comme tels. Alors là, nous, on se demande un peu… si les maisons de soins palliatifs sont libérées de leurs obligations, parce qu'elles ont la plus grande discrétion possible, elles peuvent donner des soins, puis c'est à peu près tout, si elles le veulent ou elles ne le veulent pas, puis on connaît un peu la mentalité de ce côté-là, alors on présume qu'il n'y aura pas beaucoup d'aide médicale à mourir dans les maisons de soins palliatifs. Si les centres de soins aigus et des soins généraux n'en donnent pas non plus, alors quelle est l'alternative? Finalement, les soins de fin de vie, l'aide médicale à mourir, la sédation palliative terminale pourraient se donner dans les CHSLD. Bien là, on comprend qu'ils vont le faire pour leur propre population. Puis, comme les lits sont tellement rares et les gens ne pourront pas… il ne pourra pas y avoir de clinique d'aide médicale à mourir dans les CHSLD, je pense que ce n'est pas la solution.

Maintenant, l'aide médicale à mourir à domicile, le monsieur qui me précédait tout à l'heure en parlait. On sait que le problème des aidants naturels est aigu en matière de soins palliatifs. Les ressources sont là ou quelquefois ne sont pas là. Mais mettez-vous dans la peau de — 90 % sont des femmes — la personne qui a à peu près le même âge que la personne qui va décéder, qui a, dans son frigidaire et dans son armoire, des seringues que probablement elle ne sait pas trop exactement qu'est-ce qu'elle va faire avec. Mais on lui confie, à elle, le mandat de donner des soins et des soins infirmiers elle-même dans un état émotionnel très fragile. Elle est épuisée, et puis il faut qu'elle s'occupe, qu'elle mobilise… qu'elle lave, qu'elle s'occupe d'une personne qui va mourir et qui est son proche. Imaginez-vous la difficulté.

Moi, je suis assez âgée pour avoir connu la question de la désinstitutionnalisation dans les milieux psychiatriques et je dois vous dire que tout le monde avait de beaux espoirs par rapport à ça, puis on retournait les gens dans leurs milieux, et tout. Mais on sait que ça n'a pas été un succès. Puis moi, je redoute que la politique de soins à domicile, étant donné que ça demande énormément de ressources à tout point de vue… que peut-être que les ressources ne suivront pas puis qu'on va encore avoir besoin des CHSLD, des CH et des maisons de soins palliatifs pour donner les soins de fin de vie au complet. Alors, ça nous préoccupe beaucoup.

Dans notre mémoire, on a fait aussi état du fait que donner des droits, comme on a consacré les droits à l'aide médicale à mourir et au respect des volontés dans le préambule, dans l'article 1, dans l'article 16, on donne des obligations aux établissements à l'article 8… mais par ailleurs, ces droits-là, on n'aura pas possibilité de les exercer. C'est contraire au principe de droit. Et je dois vous soumettre humblement également que… je crois que c'est la Chambre des notaires qui a fait un sondage Léger Marketing il n'y a pas longtemps, où 83 % de la population voulait avoir l'aide médicale à mourir par directives médicales anticipées. Ce qui veut dire que la population est largement favorable à l'aide médicale à mourir. Vous donnez le droit à toute personne d'y recourir, mais, oups, on n'a pas les ressources, ou on n'a pas le moyen, ou on ne pourra pas le faire dans telle circonstance, ni dans telle autre, ni dans telle autre.

Je pense que j'ai dépassé mon temps, alors je pourrai répondre aux questions plus tard. J'aurais aimé qu'on parle un peu, si ça vous intéresse, un peu du statut des maisons de soins palliatifs, du contrôle puis de l'intégration, qu'ils ont maintenant dans le réseau régional, là, des soins puis de la santé, puis du fait qu'il y aurait peut-être des solutions à apporter qui garantiraient en même temps les droits des personnes et en même temps le droit à l'objection de conscience des médecins. Mais, comme, là, je suis pressée par le temps, peut-être que vous pourrez me poser la question tout à l'heure.

Alors, Me Boulet va vous parler des directives médicales anticipées et de l'aide médicale à mourir.

Le Président (M. Bergman) : Me Boulet.

Mme Boulet (Denise) : Merci.

Le Président (M. Bergman) : Vous avez cinq minutes.

Mme Boulet (Denise) : Merci. Alors, moi, comme ma collègue, je salue le travail du législateur qui a fait de grands pas vers une modernisation de la réalité qu'est la fin de vie, mais, à notre sens, il reste un autre pas à franchir, et c'est l'accès à l'aide médicale à mourir, dans le contexte des directives médicales anticipées. Je sais qu'il en a été question dans la présentation précédente. On n'est pas d'accord avec la présentation précédente. Alors, il est heureux que le législateur ait pris position. Quand la personne souffre, elle aura droit de demander et d'obtenir l'aide médicale à mourir si elle est apte et elle a rempli des conditions prévues par la loi, et ce, au nom de l'autonomie et de la dignité. Cependant, une autre personne tout aussi souffrante n'y aura pas accès parce qu'elle est devenue inapte, et ce, même si elle aurait souhaité le prévoir alors qu'elle était apte.

Nous nous demandons pourquoi une personne atteinte d'une maladie dégénérative à progression lente, qui affectera inéluctablement les fonctions cognitives et toutes les sphères de ce qui constitue un être humain, telles la maladie d'Alzheimer ou la démence, serait condamnée sans appel, à savoir qu'un jour non seulement elle sera désorientée, perdra sa mémoire, ne reconnaîtra plus ses proches, sera incapable de se nourrir, deviendra incontinente et incapable de pourvoir à sa propre hygiène, mais en plus on ne pourra pas lui permettre de mettre fin à ses souffrances causées par une autre maladie, qui pourtant seraient devenues intolérables pour elle. Comment justifier de priver la personne d'une telle aide le moment venu, alors qu'elle sait ou qu'elle craint qu'elle deviendra inapte et qu'elle souffrira inéluctablement? Au début de notre travail, on formulait deux hypothèses. La première était que le législateur n'avait pas souhaité ce trou dans la loi, et notre proposition était de clarifier et changer certains textes. Mais il semble, de ce que j'ai compris, que le trou en question est voulu par le législateur. Et, dans ce cas, nous croyons que, si cette catégorie est exclue, c'est non seulement une erreur, mais ça constitue, quant à nous, un recul dans l'état de notre droit. Ce droit, qui est maintenant aujourd'hui reconnu au préambule du projet de loi n° 52 et à l'article 1, instaure un régime où la primauté de la volonté de la personne est reconnue pour toute personne sans distinction.

Cependant, il y a une ambiguïté au niveau des articles 45 et 52, et la lecture peut conduire vers deux interprétations différentes. Alors, ou bien ces termes englobent toute la gamme des soins de fin de vie, dont l'aide médicale à mourir… Si c'était le cas, il faudrait clarifier la loi, puisque la primauté des volontés exprimées par directives médicales anticipées, formulées sans contredit par l'article 52, stipule que ces volontés ont la même valeur que si la personne les avait exprimées alors qu'elle était apte à consentir aux soins. Alors, ce droit qui est reconnu par l'article 2 devrait se continuer dans une directive médicale anticipée et s'appliquer également à l'aide médicale à mourir. Si toutefois l'aide médicale à mourir est aussi associée à un soin, le projet de loi sur les soins de fin de vie devrait permettre de demander et d'obtenir cette aide médicale à mourir par directives médicales anticipées, et, pour éviter tout doute, le législateur devrait le dire clairement.

Si par contre, en employant le mot «soins» seul ou accompagné de «médicaux», le législateur a voulu faire une distinction dans les soins de fin de vie pour exclure l'aide médicale à mourir des directives médicales anticipées, il nous semble que cette restriction n'est pas conforme aux règles de droit ni acceptable dans le contexte d'une société libre et démocratique. Notons également, en passant, que ça pourrait soulever un gros problème au niveau du droit constitutionnel.

Alors, étant donné que le droit à l'aide médicale à mourir et le droit de demander des soins à l'avance sont conférés par le projet de loi, il faudrait se demander s'il serait légal de prohiber aux personnes devenues inaptes la demande d'aide médicale à mourir exprimée dans un véhicule valide, qui a été consacrée exécutoire et prioritaire par le projet de loi et par la jurisprudence. Pour répondre à cette question, il faut appliquer le test de l'arrêt Oakes, qui a été présenté largement devant vous. Et nous sommes d'avis, comme bien d'autres, qu'une telle prohibition ne respecterait pas la charte et le droit reconnu.

Le dernier argument, quant à nous, c'est quant à la possibilité de demander l'aide médicale à mourir par directives médicales anticipées et celui de l'aspect discriminatoire d'une telle prohibition. En effet, cela…

• (20 h 50) •

Une voix :

Mme Boulet (Denise) : Pardon?

Le Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Boulet (Denise) : Alors donc, une personne pourrait avoir accès alors qu'elle est apte et souffrante; une autre, tout aussi souffrante, n'y aurait pas accès. Et, pour nous, ça constituerait une discrimination fondée sur un handicap, c'est-à-dire l'inaptitude.

Alors, on propose, dans notre mémoire, des ajouts au projet de loi, et je vous invite à lire les propositions aux articles 53 ou 29 que nous proposons.

Le Président (M. Bergman) : Merci pour votre présentation. Maintenant, pour le premier bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Merci, M. le Président. Alors, bonsoir à vous trois, Me Chalifoux, Me Boulet, Me Boyd. Alors, merci de votre contribution significative à nos travaux, comme la dernière fois. C'est très bien aussi de savoir que cet institut est maintenant sur pied. Donc, je pense qu'il y a beaucoup d'évolution qui se fait en termes de planification de soins de fin de vie. Donc, c'est certainement un moyen de donner à tous ces développements-là un essor encore plus important, de répondre aux besoins aussi de la société à cet égard-là.

Passons tout de suite dans le vif du sujet pour vous rassurer un peu, parce que, si on a fait un projet de loi qui vient prévoir l'aide médicale à mourir, non, ce n'est pas juste pour dire : Tiens, ça va être joli, on va maintenant dire que l'aide médicale à mourir peut exister, quoique ça aurait pu être ça, dans le sens que ça aurait pu être la totale liberté de chaque professionnel et de chaque établissement. Donc, je vous rassure, il y a une obligation pour les établissements d'élaborer une politique de soins de fin de vie et d'offrir, donc, l'ensemble des soins de fin de vie. L'article 65, il est… et c'est peut-être subtil, mais je vous invite à le regarder, il parle d'un établissement qui n'offrirait, au moment de l'adoption de la loi, «que des soins palliatifs». En fait, c'est la clause Michel Sarrazin. Donc, c'est une clause qui ne vise qu'un seul établissement, la seule maison de soins palliatifs qui est en fait un établissement. C'est parce que Michel Sarrazin n'a pas le même statut, c'est la première maison qui a été créée. Et à l'époque elle avait été créée et elle a eu la reconnaissance d'établissement, si vous voulez. Et en fait c'est qu'on la considère généralement comme une maison de soins palliatifs, et on a voulu lui donner la même latitude.

Donc, je voulais le porter à votre attention. Ça va peut-être vous rassurer pour la suite des choses.

Donc, c'est pour ça. On n'a pas voulu mettre «Michel Sarrazin» dans le libellé, là. Ça aurait été plus simple, ça aurait été plus clair, mais, pour des questions de légistique, donc de… Le nom aurait pu changer. Il y a différentes réalités. Donc, ça a été libellé comme ça. Mais je vous le dis pour qu'on se comprenne, c'est la clause Michel Sarrazin, parce que la maison va être considérée au même titre que les autres maisons. On pourra revenir. Je sais que vous souhaiteriez revenir. Ça va m'intéresser aussi de vous entendre. Ce choix-là a été fait : de ne pas assujettir les maisons de soins palliatifs à l'obligation d'offrir tous les soins de fin de vie mais à l'obligation de dire aux personnes qu'elles admettent lesquels elles offrent, mais par ailleurs pour les établissements du réseau l'obligation est là pour l'ensemble des soins de fin de vie. Donc, clarification que je voulais porter à votre attention.

Pour tout ce qui est de la question de la possibilité de prévoir, par directives médicales anticipées, l'aide médicale à mourir, je l'ai dit lorsque j'ai déposé le projet de loi, ça n'a pas été inclus dans le projet de loi. Donc, ce n'est pas… effectivement, vous le lisez bien. C'est par le truchement, donc, de l'article 26, où on dit que la personne doit être apte. Ça fait en sorte qu'il n'y a pas la possibilité, à l'heure actuelle. Le choix a été fait parce qu'on attendait le rapport du Collège des médecins, qui avait été mandaté spécifiquement via une recommandation de la commission spéciale. C'est une question qui est excessivement complexe, parce que c'est certain qu'on peut la voir d'un strict point de vue de droits et libertés, de comment on… est-ce qu'il y a une justification ou il n'y en a pas en vertu de l'article 1, et tout ça. Mais l'idée, c'était aussi de regarder comment les critères que l'on prévoit pourraient s'appliquer aussi dans le cas où la personne, elle est inapte, donc elle n'est pas capable d'exprimer… puis d'entrer en relation significative avec le soignant.

Bref, on avait beaucoup de questions lors des délibérations de la commission spéciale. On a demandé au Collège des médecins, qui a mis en place un comité. Donc, on voulait regarder, et c'était aussi pour nous une manière de pouvoir en discuter, mais le choix avait été fait de ne pas l'inclure parce que les assises ne nous apparaissaient pas assez solides. Et, je dois vous dire, vous le voyez, presque systématiquement, ça fait l'objet d'échanges avec les gens qui viennent. Il y en a qui sont pour, il y en a qui sont contre, il y en a qui sont pour l'aide médicale à mourir, il y en a qui sont contre. Donc, c'est une question qui n'a pas été tranchée dans le projet de loi pour ces raisons-là. Mais j'aimerais ça vous entendre. Quand vous dites : Il y a un problème là parce que la personne qui devient inapte ne serait pas dans la même situation, n'aurait pas accès à la même chose, je vous suis. En même temps, il y a des limites qui sont mises aussi dans toute société. Les mineurs, les personnes inaptes depuis le jour un, j'aimerais ça… qui sont inaptes de naissance, par exemple, donc, comment vous vous positionnez par rapport à ça?

Et, deux, admettons qu'on suit votre recommandation, est-ce que certains ne pourraient pas venir dire que, du fait qu'il est excessivement complexe d'évaluer la souffrance constante et inapaisable d'une personne qui n'a pas les mêmes manières de s'exprimer… qu'en fait on n'est peut-être pas capable de faire l'évaluation pour cette personne-là… que la manière qu'on serait capable de la faire pour une personne qui est apte?

Le Président (M. Bergman) : Me Chalifoux.

Mme Chalifoux (Danielle) : Je ne sais pas si je ferais un accroc au protocole, M. le Président, mais ma compagne qu'il y a ici aurait trois minutes qu'elle n'a pas pu faire, parce que nous avions débordé de notre temps. Est-ce qu'on pourrait lui permettre d'expliquer? Parce qu'elle a fait un travail sur les directives médicales. Elle aurait un petit trois minutes à vous exposer. Est-ce que c'est possible de faire ça?

Mme Hivon : De consentement.

Le Président (M. Bergman) : Oui, certainement. Certainement. De consentement.

Mme Chalifoux (Danielle) : De consentement?

Le Président (M. Bergman) : Certainement.

Mme Hivon : Si c'est sur le sujet…

Mme Chalifoux (Danielle) : Bon, alors, Me Boyd. Et puis on pourra répondre par la suite. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bergman) : Me Boyd.

Mme Boyd (Louise) : O.K. Eh bien, je vous remercie. En fait, il y avait plusieurs clauses de nature générale. Pour répondre à madame, tantôt, qui… quand il y a eu une question qui a été posée sur les définitions, alors on croit que c'est nécessaire de définir certains termes comme la «personne de confiance», qui est une nouvelle création de la loi, définir vraiment ce qu'est un soin palliatif, la sédation palliative terminale, parce que cette sédation rend la personne inconsciente, l'aide médicale à mourir. Plusieurs se demandent quelle est la différence avec l'euthanasie. «Soin». Le mot «soin» est employé très souvent sans qu'il soit clair s'il englobe ou non les soins de fin de vie, comme le disait ma collègue. Alors, ça, c'est pour la section des définitions.

Pour la section des dispositions diverses, à l'article 43, on propose un ajout pour la personne qui est décédée à la suite d'une sédation palliative terminale ou d'une aide médicale à mourir. On propose d'ajouter que cette personne est réputée décédée de mort naturelle, et ce, pour éviter des difficultés d'interprétation. Dans la section Directives médicales anticipées, Dispositions générales, à l'article 49, pour l'enregistrement des directives médicales, on propose l'ajout de personnes qui pourront verser les directives médicales au registre. Entre autres, on propose «la personne elle-même et la personne de confiance». Ça, c'est pour éviter que des personnes qui n'en ont pas les moyens n'aient à avoir recours à des professionnels du droit, pour leur éviter d'avoir recours à des professionnels du droit. Pour ces mêmes raisons et pour une question d'efficacité, le directeur des archives de l'état civil devrait gérer ce registre. Même section : la constatation de l'inaptitude, à l'article 51. On aimerait qu'il soit rajouté que le médecin doit rapporter cet état d'inaptitude au dossier du patient et en informer immédiatement la personne de confiance parce que l'avènement de l'inaptitude est de la plus haute importance tant pour l'inapte que pour la personne de confiance, puisque c'est le moment où les directives prennent effet.

Nous suggérons deux nouveaux articles dans l'organisation des soins de fin de vie, un article sur l'accès à l'information. Il faut créer pour le dispensateur de soins une obligation de divulgation de renseignements qui est corrélative au droit d'accès. Le recours… On sait que le véhicule approprié en cas de refus d'accès est la Commission d'accès à l'information. Le recours à cet organisme engendre les délais qui se traduisent en semaines, au pluriel, alors que le patient est en situation d'urgence. Ce n'est pas une critique envers la Commission d'accès, c'est tout simplement qu'on n'est pas dans le même ordre de grandeur au niveau des échéances.

Enfin, pour terminer, on aimerait rajouter un article sur l'immunité, un article qui se lirait comme suit : «Nul ne peut être tenu responsable pour avoir agi de bonne foi et conformément aux dispositions de la présente loi.» Alors, cet article s'adresse aux personnes de confiance et au personnel médical qui craindraient de ne pas être couverts par les dispositions de la loi. Merci.

• (21 heures) •

Le Président (M. Bergman) : Alors, merci, madame. Alors, maître, on retourne au bloc du gouvernement. Mme la ministre.

Mme Hivon : O.K. Alors, je vous repose ma question. Merci beaucoup. Je ne sais pas si vous pouvez répondre sur la question de la considération des différents groupes. Et là, si vous dites qu'il faut ouvrir, est-ce que vous ouvririez aussi pour les inaptes de naissance et les personnes mineures?

Mme Boulet (Denise) : Dans nos propositions et dans les propositions qu'on fait au niveau des modifications au projet de loi actuel, la directive médicale anticipée, si elle doit prévoir l'aide médicale à mourir, ça doit être fait par une personne qui est apte. Donc, ça exclut les mineurs et ça exclut les personnes qui ont toujours été inaptes. Alors, la directive doit être valide conformément aux dispositions de la loi, et ensuite on ajoute des conditions additionnelles pour couvrir le cas des personnes devenues inaptes, et notamment c'est une personne de confiance désignée dans la directive médicale anticipée qui devra s'assurer de la communication de la directive médicale… bien, de la demande d'accès à l'aide médicale à mourir. Et les souffrances doivent être objectivées.

Et là, sur ce volet de votre question, je vais référer à ma collègue Me Chalifoux, qui, elle, a de l'expérience au niveau des soins palliatifs. Et apparemment, bien, il existe des mesures qui permettent d'objectiver les souffrances.

Mme Chalifoux (Danielle) : Bien, je vais prendre le problème un petit peu différemment.

De toute façon, je pense que la question de la discrimination a été un petit peu escamotée. Mais moi, c'est vrai, j'ai oeuvré un peu dans les domaines des soins palliatifs. Et je m'imagine deux patients qui sont dans deux chambres côte à côte : un patient qui a demandé l'aide médicale à mourir, disons… admettons qu'il a un cancer du cerveau, mais qu'il est encore apte, et il le demande, il va l'avoir; et, de l'autre autre côté, vous avez une patiente qui souffre de manière intolérable, disons. C'est parce qu'un cancer du cerveau, c'est très souffrant, d'habitude. Dr Bolduc le sait. Alors donc, elle est dans la même situation. Mais cette personne-là est devenue inapte pour toutes sortes de raisons. Ça ne fait peut-être pas longtemps, mais, je veux dire, les conditions sont… les souffrances sont intolérables, la maladie est terminale. Tout est pareil, sauf l'inaptitude. Et je me trouverais vraiment, en tout cas, dans un dilemme assez spécial de dire : Vous, on le donne, on vous le donne à vous, mais on ne vous le donne pas à vous parce que vous, vous êtes inapte. Vous l'avez demandé, vous avez fait une demande, vous l'avez fait dans votre planification de vie, dans vos planifications de soins, etc.

Et je dois vous dire que, dans les personnes qu'on aide à faire leurs directives médicales anticipées, la question de l'aide médicale à mourir est une question très importante. Et, quand on leur dit qu'ils peuvent le demander, mais on ne sait pas, le jour où ils seront inaptes, s'ils vont pouvoir l'avoir, ils sont très déçus puis souvent ils nous disent : Bien, ça ne vaut vraiment pas la peine de faire des directives médicales, à ce point de vue là. Alors, il y a ça.

Deuxièmement, il y a l'objectivation de la souffrance. C'est sûr que la souffrance telle que la personne la ressent... Parce que c'est comme ça dans l'article 26. On dit que la souffrance est intolérable, dans son opinion à elle. Ça, c'est exclu, on ne peut pas faire ça. On peut le faire avec des grilles d'évaluation. Je veux dire, c'est peut-être… Je ne sais pas, il y a peut-être des opinions au contraire, mais il y a beaucoup d'opinions médicales puis il y a beaucoup d'infirmières qui font beaucoup d'évaluations de douleur de personnes qui ne sont… même, on fait une évaluation de la douleur des personnes qui sont sous sédation terminale, parce qu'éventuellement on peut, par certains signes : le pouls, la grimace, le fait, quand on l'immobilise... etc., tout ça, on est capable de voir un peu puis on peut dire : Cette personne est en douleur, on va lui donner plus d'opiacés ou quelque chose comme ça. Je suis à peu près sûre, moi, que, dans ces cas qui sont vraiment comme des cancers ou des maladies qui sont réputées être très douloureuses, on est capable de faire une objectivation de la douleur. Et à ce moment-là on pourrait demander à deux médecins de faire l'objectivation de la douleur pour qu'on soit très sûr que ce soit une douleur qui est intolérable. Ça, moi, je crois qu'on peut. Ce n'est pas une condition qui fait qu'on ne pourrait pas donner l'aide médicale à mourir à des personnes qui sont inaptes.

Ensuite de ça, la question de savoir si la personne l'aurait vraiment voulu, n'aurait pas changé d'idée, tout ça, bien il y a une personne de confiance, là. Dans probablement 90 %... il va y avoir une personne de confiance. Et nous, on suggère que la personne de confiance ait aussi une déclaration officielle à faire et que ce soit mis au dossier, qu'elle a pris connaissance. Comme ma consoeur le disait, elle a eu l'accès aux dossiers, elle est en connaissance de cause et elle va signer une déclaration comme quoi elle est confortable avec le fait que le temps est venu de donner l'aide médicale à mourir, que la personne qu'elle connaît bien, puisqu'elle la représente et qu'elle a fait des directives médicales anticipées… les conditions sont là, elles sont arrivées, c'est le moment. Et je pense que, donc, le double consentement, le fait qu'on ne pourrait pas s'en plaindre puisque le mandataire est d'accord, l'évaluation objective de la douleur, tous les autres critères sont là. Je veux juste peut-être souligner que ce ne serait pas des cas où une personne meurt de la maladie d'Alzheimer en général parce qu'il est très rare qu'il y ait des souffrances intolérables. On ne pourrait pas comme… les gens ne pourraient pas comme dire : Bien, oui, on va faire l'aide médicale à mourir à tous les alzheimer, on va les faire… Non, ce n'est pas ça, c'est que la personne aurait une maladie terminale autre que ces maladies-là, qui en général ne causent pas de douleur intolérable. Parce qu'il n'y a rien qui n'empêche une personne qui est alzheimer d'avoir un cancer du pancréas. Elle peut souffrir énormément, peut avoir un cancer de la colonne puis être dans un état de souffrance énorme. Puis, celle-là, bien on l'abandonne, on ne s'en occupe pas. Elle a fait une directive, on ne la respecte pas. Je trouve ça difficile à… je veux dire, humainement, je trouve ça difficile puis juridiquement je trouve que ce n'est pas justifiable. Puis on n'est pas les premiers, hein?

En Belgique, il y a des cas où ça se fait, puis en Hollande ça se fait sur des critères encore qui sont extrêmement bien scrutés et toujours avec la directive médicale anticipée, valide, obligatoire au début. Ça, c'est un sine qua non. Parce que vous parliez tout à l'heure de ce qui est acceptable dans une société libre et démocratique. C'est sûr qu'il y a des conditions, des fois, puis il y a des restrictions qui sont acceptables. Bien, celle-là, selon nous, elle en serait une.

Alors, c'est dans ce cadre-là, qui est encore plus restreint que celui des articles 26 et 28, où nous pensons qu'on pourrait permettre l'aide médicale à mourir avec une directive médicale anticipée.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Pour l'opposition officielle, le premier bloc, Mme la députée de Gatineau.

• (21 h 10) •

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, bonsoir. Merci de venir partager avec nous vos réflexions sur le projet de loi n° 52.

Je vous écoute concernant la question des directives médicales anticipées, et, moi, ce qui me préoccupe dans la question du tiers ou du mandataire qui pourrait valider ou exprimer le changement d'idée qui est prévu à l'article 27, là, c'est que ce tiers-là, ce mandataire-là bien souvent est celui ou celle sur qui repose toute la responsabilité de s'occuper de la personne qui est devenue inapte. Et dans quelle mesure on peut s'assurer que son jugement sera vraiment… ou correspondra vraiment à celui de la personne qui a émis des directives médicales anticipées? Parce que le projet de loi, justement, sur la question, pour une question d'autonomie, porte ou accorde une importance à la possibilité pour la personne de changer d'idée, de revenir sur la décision, dire : Bon, finalement, je ne suis pas prêt.

Parce qu'on ne parle pas d'un refus de traitement ici, là. On parle d'aide médicale à mourir, on parle de la mort. Alors, c'est : Docteur, administrez-moi… De façon très, très simple, là, c'est : Administrez-moi une dose létale, et je vais mourir, pas : Vous allez pouvoir me réveiller. Je vais mourir.

Alors, dans le contexte de l'importance de cette décision-là, moi, je comprends du texte législatif de l'article 27 qu'on permet, jusqu'à la toute dernière minute, au patient de dire : Oups, c'est trop, là. Je pensais que j'étais prête, mais je ne suis pas prête. Parce que c'est ce que les gens nous disent. Il y a bien des gens qui viennent nous le dire, des gens qui oeuvrent en soins palliatifs. Bien souvent, lorsqu'on est en pleine forme, on a une vision de l'avenir, on a une vision de ce qui sera acceptable puis ce qui ne le sera pas, et, une fois rendus dans cette situation-là, nos perceptions changent ou nos critères vont changer. Et donc, si on modifie, si on suit vos recommandations, et on accorde l'aide médicale à mourir via les directives médicales anticipées et on permet qu'une personne, une fois rendue inapte, puisse accéder à cette aide médicale à mourir là, bien on n'a plus cet élément-là où la personne peut toujours changer d'idée, où la personne est capable d'apprécier le moment présent et dire : Finalement, ce n'est pas ce que je souhaite. On laisse ce choix-là reposer sur les épaules d'un tiers qui peut être épuisé, qui peut être à bout, qui peut être découragé et qui n'aura pas nécessairement non plus la même perception de la souffrance. Donc, moi, cet élément-là me fait accrocher.

Je comprends vos notions, bon, les notions vraiment du respect de la personne et du choix individuel, mais en même temps, une fois la personne inapte, elle ne peut plus manifester le fait qu'elle a peut-être changé d'idée. Et on laisse ce dernier élément là entre les mains d'un tiers. Est-ce que ce n'est pas trop subjectif? Est-ce que ce n'est pas… Je vous pose la question parce que…

Mme Boulet (Denise) : Bien, le premier constat qu'il faut faire par rapport à toute la question de l'inaptitude, c'est que ce n'est jamais du tout blanc ou du tout noir. Tous les conférenciers le disent. On se demande toujours, avant de dire qu'une personne est inapte : Elle est inapte à quoi?

Alors, il ne faudrait pas prendre pour acquis, je crois, que, parce que la personne est devenue inapte à quelque chose, elle est nécessairement inapte à refuser l'aide médicale à mourir, qu'elle a par ailleurs peut-être souhaitée alors qu'elle était apte, dans une directive médicale anticipée. C'est pourquoi, dans les propositions aux modifications législatives qu'on… les propositions de modification, on écrit spécifiquement que la personne peut retirer… ou peut refuser en tout temps et… apte ou inapte, à toutes fins pratiques, et en aucun cas c'est un soin qui peut être forcé, d'une part. D'autre part, à la fin du processus, en cas de doute, on prévoit aussi que la question peut être soumise à un tribunal. Mais, avant tout ça, ce que nous, on propose, c'est que la décision ne reposera pas… ou ne sera pas initiée par le tiers en charge, ou épuisé, ou fatigué. Ça vient d'abord d'un constat médical, quant à l'état irréversible.

Donc, les conditions de l'article 26 doivent être rencontrées d'abord. Donc, ce n'est pas la personne tierce, la personne de confiance ou le mandataire qui décide qu'aujourd'hui il y a une aide médicale à mourir qui va être prodiguée à cette personne-là, c'est d'abord et avant tout un constat d'un médecin qu'il existe des souffrances physiques et psychiques constantes, que la maladie est irréversible. Il existe des directives médicales anticipées, valides au sens de la loi, publicisées au sens de la loi. Et, à partir de là, le médecin doit obtenir une deuxième opinion d'un de ses collègues quant à l'état irréversible de la maladie, quant à l'état des souffrances. Et, à l'issue de ça, la personne de confiance remplit un formulaire dans lequel elle reconnaît avoir reçu les informations, consulté le dossier médical et rempli les formulaires, les conditions prévues aux autres articles de la loi, dont… à l'effet qu'elle a eu l'occasion de poser un consentement libre et éclairé quant à la condition de la personne vulnérable.

Alors, toutes les conditions, à notre avis, sur des craintes de pente glissante ou de la trop lourde responsabilité qui reposerait sur les épaules du tiers épuisé, ou de la personne de confiance, ou du mandataire, à notre avis, seraient évacuées par ces formalités tout à fait obligatoires qui seraient inscrites dans la loi.

Le Président (M. Bergman) : Mme la députée de Gatineau.

Mme Chalifoux (Danielle) : Et, si je peux me permettre d'ajouter, dans l'article que nous proposons, il y a toujours aussi le possible recours au tribunal en cas de difficulté, que le médecin trouve que ce n'est peut-être pas approprié à ce moment ou que le mandataire ou que toute personne intéressée... bien, on peut avoir l'opinion... disons, un jugement d'urgence par un tribunal. Alors, ça fait beaucoup de conditions qui pourraient le permettre, selon nous, en tout cas.

Mme Boyd (Louise) : Mais j'aimerais rajouter aussi un petit commentaire. J'ai, dans mon entourage, une personne dont le père est atteint d'alzheimer, à un tel point que… enfin, c'est son père, oui… ne reconnaît plus ses enfants, O.K.? Alors, lui, il dit : Moi, si jamais, là, j'ai l'alzheimer, je me tue; je le sais, je me tue. Alors, cette personne-là, si elle savait que, par aide médicale, par directives médicales anticipées, elle peut mettre des balises sur sa condition éventuelle où elle serait devenue inapte, ça pourrait prolonger sa vie de deux, trois à quatre ans, dépendant du seuil qu'elle aurait exprimé.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. L'idée de mettre le recours... Admettons, là, qu'il y aurait une ouverture. L'idée de mettre le recours au tribunal systématique...

Mme Chalifoux (Danielle) : Il n'est pas...

Mme Hivon : Hein?

Mme Chalifoux (Danielle) : Ah! Non, d'accord. Excusez. Je vous écoute, oui. Pardon.

Mme Hivon : Oui, c'est ça. Est-ce que c'est quelque chose… Parce qu'il y a des situations. En cas de refus de soins déraisonnable, je veux dire, il y a déjà des situations où on n'a pas le choix d'aller au tribunal, donc. Parce qu'il y a un autre groupe qui nous a parlé de cette réalité-là. Je pense que c'est le Barreau. Donc, est-ce que vous pensez que ça, c'est une mesure même qui pourrait être souhaitable, de mettre un recours au tribunal systématique, directives médicales anticipées, évidemment rencontre des critères plus autorisation du tribunal?

Le Président (M. Bergman) : Me Chalifoux.

Mme Chalifoux (Danielle) : Personnellement, je ne crois... Si tous les médecins sont d'accord, si le mandataire est d'accord, s'il n'y a aucune des personnes intéressées, parce qu'on peut peut-être élargir à la famille aussi… ne s'en plaint, qu'objectivement toutes les conditions sont valides et requises et sont exprimées, est-ce qu'il faut recourir au tribunal à chaque fois?

Personnellement, j'ai beau être avocate, le recours au tribunal… des fois, je trouve que peut-être qu'il ne faut pas encombrer les tribunaux pour rien. Si personne ne peut s'en plaindre et que toutes les conditions sont là, que la personne ne le refuse pas puis que... si elle a encore un brin de compréhension, elle le veut, c'est encore mieux, mais sinon, si elle ne s'en plaint pas puis qu'elle ne refuse pas, tout est là pour que ça puisse se faire. Puis je voudrais dire, entre parenthèses, aussi que ce ne sont pas des décisions qui appartiennent ni au médecin ni à la personne de confiance, c'est la décision que la personne a prise elle-même. Elle est anticipée, mais c'est sa décision. Alors, pourquoi recourir au tribunal quand tout va si bien?

Dès qu'il y a un problème, quel qu'il soit, là c'est sûr que le recours au tribunal est nécessaire. Moi, c'est comme ça que je le vois.

Le Président (M. Bergman) : Mme la ministre.

Mme Hivon : Oui. J'aimerais maintenant qu'on aborde la question des soins parce que vous dites qu'il n'y a pas une constance dans l'utilisation du terme «soin». Donc, je vais vous exposer comment le projet de loi est monté.

Donc, les soins de fin de vie comprennent les soins palliatifs, palliatifs de fin de vie. On ne dit pas «de fin de vie» à chaque fois parce qu'on est dans le contexte de la fin de vie. Ça, c'est la base de notre projet de loi. Donc, les soins de fin de vie comprennent les soins palliatifs, les soins palliatifs comprennent la sédation palliative continue ou terminale. Par ailleurs il y a l'aide médicale à mourir qui fait partie des soins de fin de vie, mais ce n'est pas un soin palliatif. Ça, c'est nos soins de fin de vie.

Quand on arrive à la fin, dans les directives médicales anticipées, et on parle de soins médicaux, évidemment les soins médicaux comprennent les soins de fin de vie, mais pourquoi on...

• (21 h 20) •

Mme Chalifoux (Danielle) : C'est ce que j'avais compris.

Mme Hivon : Bon, O.K. Pourquoi on ne parle pas, à ce moment-là, de soins de fin de vie? C'est parce qu'évidemment les directives médicales anticipées s'appliquent à quelqu'un qui pourrait ne pas être en fin de vie.

Donc, ça pourrait être quelqu'un qui dit : Je ne veux pas être réanimé, là. C'est sûr que, s'il dit : Je ne veux pas être réanimé, il va devenir en fin de vie. Mais ça pourrait être quelqu'un par ailleurs qui dit : Moi, je voudrais obtenir tel traitement plutôt que tel autre. Si j'étais inconscient, je voudrais qu'on me traite de telle manière, je voudrais... bon. Donc, ce n'est pas sine qua non que la personne va être en fin de vie. Donc, on est en contexte, nécessairement, pour les directives médicales anticipées, de manière générale, de soins de fin de vie. C'est pour ça qu'on parle alors de soins médicaux. Puis pourquoi «soins médicaux» plutôt que «soins», tout court? C'est que les soins, dans l'interprétation qui en est faite… puis on en a discuté longtemps parce que moi, j'avais du mal à comprendre aussi pourquoi il fallait mettre «médicaux», mais les soins, au sens de la loi, loi santé et services sociaux, et tout ça, c'est beaucoup plus large que juste des soins médicaux. Donc, vous le savez très bien, les notions d'hébergement, les... Donc, on voulait que les directives médicales anticipées qui ont une valeur contraignante portent sur la partie médicale des soins et non pas sur toute la réalité des soins.

Donc, je ne sais pas si ça, ça vous apparaît... C'est ce que vous aviez compris ou pas tout à fait?

Mme Chalifoux (Danielle) : Bien, c'est-à-dire... Bien, je ne sais pas si je peux laisser Me Boulet répondre.

Moi, le problème des soins médicaux, je l'ai vu un peu comme ça. Moi, ce que je trouve qui est questionnable ou que je plaiderais peut-être éventuellement, c'est qu'à l'article 52 vous dites que la directive médicale anticipée qui a été faite au moment où la personne était apte, elle vaut exactement aujourd'hui, alors qu'elle est inapte, comme si elle était apte. Donc, il n'y a pas de différence, et je pense que c'est normal, et c'est comme ça. D'ailleurs, le droit est comme ça.

Alors, quand vous dites, à l'article 26, que la personne peut demander l'aide médicale à mourir, la première condition, elle est apte, bien, moi, je me réfère à 52 immédiatement puis je dis : Oui, mais la personne qui a fait une demande anticipée, on considère qu'elle était apte et qu'elle est encore apte. C'est comme une continuité d'aptitude, cette demande-là. Alors donc, ce n'est pas nécessairement vrai ou en tout cas ça pourrait être interprété que 52 permet dans le moment, même si on ne faisait aucune modification à la loi, que la directive médicale d'aide médicale à mourir peut être acceptée ou agréée par le jeu de cet article-là. Parce que c'est très péremptoire, hein, à 52. Là, il n'y a pas de... il n'y a aucune interprétation à faire sur le fait de la validité et de la portée de la directive médicale anticipée, ce dont d'ailleurs je suis extrêmement fière, et je vous félicite de l'avoir fait parce que vraiment ça consacre le droit, et c'est très bien. Par ailleurs, nous, quand on dit qu'on serait favorables, dans les critères encore beaucoup plus restreints, là, de l'aide médicale à mourir par directives médicales anticipées, on ajouterait à l'article 26, pour plus de clarté, qu'il faut que la personne soit apte ou ait été apte au moment où elle a rédigé sa directive médicale anticipée, pour être sûr qu'il ne reste pas ce problème d'interprétation là.

Le Président (M. Bergman) : Il reste une minute, pour un commentaire.

Mme Hivon : Bien, je vous dirais que je comprends ce que vous plaideriez, mais moi, je plaiderais que, puisqu'on a mis «apte» spécifiquement à l'article 26 et qu'on ne l'a pas fait nulle part ailleurs, ça doit s'interpréter comme une condition restrictive. Et donc la personne devait être apte à ce moment-là. Mais, puisque ce n'est pas ça, le but, on va s'assurer que ce soit bien clair dans le projet de loi.

Le Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement. Alors, pour le bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée : Merci. Alors, je veux tout simplement terminer les échanges qu'on n'a pas eu le temps d'avoir.

Mme Chalifoux (Danielle) : Il y en a tellement!

Mme Vallée : Simplement mentionner que je comprends ce que vous avancez. On a d'autres groupes qui ont avancé la question aussi d'ouvrir les directives médicales anticipées à l'aide médicale à mourir. Mais je vous dirais que parfois, en cas de doute, dans des situations de droit nouveau, la prudence est aussi de rigueur. Puis c'est aussi notre responsabilité, comme législateurs. Est-ce que cette législation-là pourrait ultérieurement être contestée? Est-ce que sa validité pourrait être contestée? Peut-être. Ce ne serait pas la première fois.

Puis d'ailleurs ça m'amène à la page 2 de votre mémoire. Je sais que vous n'avez pas voulu vous prononcer, mais vous soulevez aussi toute la question constitutionnelle que soulève le projet de loi. Vous ne vous êtes pas avancés. Mais ça aussi, c'est un élément qui pourra peut-être éventuellement être soumis aux tribunaux. Mais moi, je vous dirais, puis je pense que, de notre côté, on adopte pas mal cette attitude-là, c'est qu'il s'agit de droit nouveau, il s'agit d'éléments vraiment précis, et, l'aide médicale à mourir, je souscris beaucoup à l'argument de la ministre qu'il s'agit d'un soin d'exception. Et commençons. Dans un premier temps, si la loi devait être adoptée, allons-y avec une théorie des petits pas. Permettons aussi à la commission de documenter, de faire un travail aussi de sensibilisation auprès de la population. Parce qu'il y a des groupes. Vous nous avez fait part de vos préoccupations, mais on a aussi des groupes qui sont venus nous dire — des groupes tout aussi crédibles, tout aussi sérieux : Attention, faisons attention. Je pense que, du côté du législateur, oui, du droit nouveau, mais du droit nouveau fait de façon responsable… Et là-dessus je vais laisser la parole à mon collègue de Jean-Talon.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. J'entérine à 100 % ce que ma collègue a dit. Il y a des gens qui sont venus présenter... puis il y en a qui ont dit complètement le contraire de ce que vous nous avez dit, puis ça avait l'air très vrai aussi. Je pense qu'à un moment donné il va falloir qu'il y ait des jugements. L'autre élément, on est mieux d'être plus prudent puis de refaire un deuxième tour de roue. Il va y avoir d'autres travaux qui vont être faits, et on va voir également comment on va appliquer déjà ce qu'il y a à être appliqué, ce qui ne sera pas facile.

Je vais vous amener sur un autre sujet. Quand vous avez parlé tantôt des médecins… Est-ce que ça va être disponible l'aide médicale à mourir avec les médecins? Il y a cinq groupes de médecins qui sont venus : Collège des médecins, Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, Fédération des médecins spécialistes du Québec, l'Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens et l'Association médicale du Québec, et tous nous ont dit qu'une grande majorité de leurs membres étaient d'accord. Puis j'ai eu le sondage. J'avais posé une question, on m'a répondu.

L'Association médicale du Québec avait posé la question. Il y aurait 60 % des médecins qui seraient prêts à le faire. Là, je ne le sais pas, là.

Mme Chalifoux (Danielle) : Combien?

M. Bolduc (Jean-Talon) : 60 % des médecins sondés qui seraient prêts à le faire.

Là, je mets un bémol. Quand on a posé ces questions-là les premières fois, là, la définition d'aide médicale à mourir puis euthanasie, je pense que ce que les gens disaient qu'ils voulaient faire... À la fin de la vie, là, on est prêt à donner de la morphine pour soulager les gens, mais je ne suis pas certain qu'ils sont prêts à donner la grosse dose de morphine, ou de barbiturique, ou de curare pour faire mourir la personne en l'espace de cinq minutes.

Mme Chalifoux (Danielle) : C'est ça. Il y avait confusion.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Bon. Il y a des nuances. D'ailleurs, je tiens à le dire, si c'est si bon que ça, quand on va arriver dans l'application, mettons une hypothèse, qu'on trouve peu de personnes qui veulent le faire, là il va falloir que ces groupes-là viennent nous expliquer comment ça se fait qu'en commission parlementaire ils étaient tous unanimes que ça ne serait pas un problème, l'accessibilité.

D'ailleurs, la loi est basée là-dessus. C'est que les sondages ont été faits. Les groupes médicaux… la population veut l'avoir. Le Québec est rendu au stade, je pense, où on est capables de l'offrir, comme dans d'autres pays, on n'est quand même pas les premiers au monde, ce qui fait que, si jamais dans l'application on n'est pas capable de le faire, il y a des gens qu'il va falloir qu'ils viennent nous expliquer pourquoi. Puis je tiens à défendre le prochain ministre, quelle que soit la personne, mais il y a une responsabilité pas juste du gouvernement, là, il y a des groupes qui sont venus ici puis qui nous ont dit que ça fonctionnerait, puis ils vont avoir la responsabilité. Puis, s'il faut, on va sortir mon... ce que je dis aujourd'hui, en ce moment-ci, là, on le rappellera aux gens. L'application de la loi, là, ça ne sera pas juste la responsabilité du gouvernement, ça va être la responsabilité de tous les gens qui sont venus ici, puis qui nous ont dit que c'était une bonne chose de le faire, et qui étaient prêts à collaborer.

Qu'est-ce que vous en pensez, d'une position comme ça? Parce que c'est le fun. C'est plaisant, on nous écoute, puis on nous enregistre, puis on va également nous écrire. Ça fait qu'on va…

Le Président (M. Bergman) : Me Chalifoux.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Puis, en passant, on les ressort. 10 ans après, on les ressort, qu'est-ce qu'on a dit, puis on leur dit : On vous l'avait dit à l'époque.

Le Président (M. Bergman) : Me Chalifoux.

• (21 h 30) •

Mme Chalifoux (Danielle) : Alors, bien, écoutez, moi, ça va me donner l'occasion... ça m'ouvre la porte à revenir à la question des maisons de soins palliatifs. Je comprends que, dans la population des médecins en général, on devrait être capable… peut-être pas dans une aussi… une grande quantité, mais on devrait être capable de fournir de l'aide médicale à mourir. Il y a assez de médecins qui se sont prononcés en toute connaissance de cause, là, qui n'ont pas pris ça pour de la sédation palliative terminale. Je crois que oui.

Mon problème, c'est que je trouve que vous avez été très pudiques et très peu audacieux par rapport aux maisons de soins palliatifs. J'aurais aimé que ces maisons-là soient traitées un peu comme les établissements parce que, depuis la loi no 83, avec les politiques de M. Couillard, des soins palliatifs, eux-mêmes se réclament de dire : On donne des soins, on donne des soins comme un centre hospitalier, un CHSLD, etc. On peut difficilement, maintenant, les considérer comme des organismes communautaires. Ils le sont dans un certain domaine, puis, quand ils décident de faire des jardins, des endroits pour de l'hébergement pour les familles, etc., c'est merveilleux, la communauté participe. Mais, pour la partie soins, selon moi, leur statut est beaucoup plus relié à la santé, puis, de plus en plus, ils ont des obligations puis des contraintes d'agrément, de contrôle, et tout.

Ce qui me fait dire, Dr Bolduc, qu'avec toutes les ententes de consultants de tout genre que les maisons de soins palliatifs ont avec les CSSS et les agences il me semble qu'il serait possible qu'on puisse faire un système de consultants. Quand une personne est dans un endroit, une maison de soins palliatifs… Et moi, je pense tout à fait comme le monsieur qui était ici tout à l'heure, qu'une personne va entrer là de bonne foi, pensant qu'elle n'aura pas besoin d'aide médicale à mourir, elle n'en demandera pas, mais qu'éventuellement, quand ça va évoluer puis que, là, à un moment donné, elle, elle va vouloir l'avoir, là… Est-ce qu'on va transférer un agonisant dans un centre où qu'il va se retrouver à l'urgence d'un hôpital? On ne fera pas ça. Mais, s'il y avait des consultants, par exemple, et si les maisons de soins palliatifs étaient assujetties aux mêmes obligations que les établissements, à rapporter leur refus, à motiver leur refus, à faire leurs statistiques, moi, je suis sûre qu'à ce moment-là un consultant peut arriver. Regardez, là, la maison de soins palliatifs, qu'est-ce qu'elle fait? Elle fournit le local, c'est tout. Il n'y aucun médecin là-dedans, là, qui est en objection de conscience puis qui a un problème d'éthique, ni même les infirmières.

M. Bolduc (Jean-Talon) : C'est parce que je veux avoir le droit de répondre.

Le Président (M. Bergman) : En conclusion.

Mme Chalifoux (Danielle) : C'est tout.

Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui, M. le Président, je tiens absolument à répondre à ça.

Mme Chalifoux (Danielle) : Ah bon!

M. Bolduc (Jean-Talon) : Écoutez…

Mme Chalifoux (Danielle) : Bien non, mais j'essaie de voir…

M. Bolduc (Jean-Talon) : Non, non, écoutez, je veux juste…

Mme Chalifoux (Danielle) : …une solution.

M. Bolduc (Jean-Talon) : C'est parce qu'on n'a pas beaucoup de temps.

Mme Chalifoux (Danielle) : O.K.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Écoutez, je trouve que ça triste que des gens qui défendez l'autonomie des personnes… on ne soit pas capable de défendre également l'autonomie de groupes qui sont indépendants du système de santé. Et, même s'il y a du financement qui vient du système de santé, comme on fournit à des organismes communautaires, moi, je veux qu'on respecte le choix de ces gens-là. Le patient va le savoir en allant là, mais il y a un choix à respecter au niveau des maisons de soins palliatifs, parce qu'il y a des gens qui sont venus témoigner ici. Eux autres, quant à ça, ils n'iront plus dans les maisons de soins palliatifs, puis on va perdre des excellentes ressources qui font de l'excellent travail.

Il faut juste qu'au départ, comme le projet de loi le prévoit… que le patient sache à quoi s'attendre. Pour le reste, je suis contre qu'on est toujours en train d'imposer, au nom de l'autonomie de chacun, aux autres ce qu'on ne voudrait pas se faire imposer soi-même. Merci, M. le Président.

Mme Chalifoux (Danielle) : Est-ce que j'ai un droit de réplique? Non?

Une voix : Malheureusement.

Le Président (M. Bergman) : Alors, pour le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.

Mme Daneault : Merci, M. le Président. Merci de votre présence. Merci d'un petit peu clarifier une situation qui, moi, m'apparaît, depuis le début des auditions, un petit peu complexe. Et, quand on parle de discrimination, effectivement le point que vous amenez, à mon avis, est très valable.

Là où je voudrais vous amener, c'est quand on parle aussi de discrimination, parce qu'actuellement on peut, avec des directives médicales anticipées, décider qu'au moment d'un arrêt cardiaque on ne veut plus… on ne veut pas de réanimation cardiorespiratoire, et c'est respecté. Alors, moi, ma question, depuis le début… Et, quand on fait ces directives-là, on est apte. Alors, depuis le début des auditions, je me dis : Pour quelles raisons, quelqu'un qui déciderait, lorsqu'il est apte, d'avoir recours à l'aide médicale à mourir, on ne respecterait pas sa volonté à la fin de la vie? Alors là, et, bon, c'est un petit peu ce que vous avez répondu tout à l'heure, je pense, j'aimerais ça vous entendre là-dessus, au niveau légal, cet aspect légal là, parce que, oui, il y a la discrimination par rapport à quelqu'un qui est apte puis qui a droit d'y avoir accès mais aussi par la personne elle-même, qui a droit de décider ne pas avoir de réanimation cardiorespiratoire mais qui se verrait refuser l'aide médicale à mourir.

Est-ce qu'il y a un aspect légal ou on peut invoquer encore une fois la discrimination à ce sujet-là?

Mme Chalifoux (Danielle) : Bien, voyez-vous, c'est…

Le Président (M. Bergman) : Me Chalifoux.

Mme Chalifoux (Danielle) : Oui. Je peux répondre?

Le Président (M. Bergman) : Le micro est à vous.

Mme Chalifoux (Danielle) : Parfait. Bien, la base de notre argument, c'est un peu ça, c'est que la jurisprudence est très claire à ce niveau-là. Quand il y a une directive médicale anticipée, on doit la respecter, même si on croit que la chose est déraisonnable, même si... Parce que c'est toujours l'exemple de M. Corbeil qu'on donne, là, contre la Pointe Bleue…

Une voix : Manoir de la Pointe Bleue.

Mme Chalifoux (Danielle) : …Manoir de la Pointe Bleue, qui avait décidé de faire une grève de la faim, qui voulait terminer ses jours comme ça, et l'institution dans laquelle il était a demandé au tribunal s'ils devaient le forcer à s'alimenter ou non. Et le juge a dit : Cette personne-là est apte? Bon. Alors, elle fait une directive médicale anticipée, c'est-à-dire elle dit : Quand je deviendrai inapte, je ne veux pas que personne me nourrisse, ni m'hydrate, ni m'alimente d'aucune manière. Parce que lui, il voulait mourir. C'était ça, son but. Et le juge Dufour, à cette occasion-là — ça n'a jamais été porté en appel, c'est le droit au Québec — a dit : La seule condition, c'est que la personne soit apte. Si sa volonté, c'est ça, on va la respecter. Si ce n'est pas de notre goût, si on trouve que c'est déraisonnable, ce n'est pas à nous à juger. La personne a jugé, et on va le faire comme ça.

Donc, c'est comme que ça se serait passé si par ailleurs M. Corbeil n'avait pas changé d'idée éventuellement, un jour. C'est ce qu'il a fait, pour la petite histoire.

Mais effectivement, pour nous, la directive médicale anticipée, elle a la même valeur, et ce n'est pas parce qu'on demande l'aide médicale à mourir dans cette directive-là que, tout d'un coup, ça devient quelque chose qui ne devrait pas être respecté. C'est un voeu exprimé comme un autre, c'est une directive comme une autre, comme la personne peut demander la sédation palliative terminale ou qu'elle peut demander l'aide médicale à mourir. C'est légal. Je veux dire, elle ne demande pas quelque chose qui ne peut pas se faire ou qui, éthiquement, n'est pas correct. Quand la loi va être passée, elle demande l'application de la loi. C'est assez simple. Alors, je pense que juridiquement… Et d'ailleurs toute cette discussion-là, elle a lieu dans le moment à la Cour d'appel de Colombie-Britannique dans l'affaire Carter, parce que l'affaire Carter, c'est du suicide assisté, mais on peut faire le parallèle avec l'aide médicale à mourir. C'est des gens qui disent : Nous, on voudrait le faire, mais on est handicapés, puis l'inaptitude, ça relève du handicap, on est handicapés, on ne peut pas le faire, c'est pour ça qu'on demande de l'aide. Alors, la cour va juger bientôt, et ça va probablement mettre de l'eau au moulin aussi pour la loi ici.

Si la discrimination, qui est faite à une personne handicapée, de ne pas être capable de se donner la mort, de ne pas être capable de la demander… que quelqu'un le fasse pour lui, c'est à peu près dans les mêmes eaux, alors, à ce moment-là, bien, je veux dire, la question de la discrimination entre en jeu, là.

Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Me Boulet, Me Boyd, Me Chalifoux, merci pour votre présentation. Merci d'être avec nous ici ce soir.

Une voix : Merci à vous.

Le Président (M. Bergman) : Et, collègues, la commission ajourne ses travaux au mercredi 9 octobre 2013, après les affaires courantes, soit vers 11 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 52. Merci, collègues.

(Fin de la séance à 21 h 38)

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