(Neuf
heures trente-deux minutes)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques
sur le projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie.
Mme la Secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire :
Oui, M. le Président. M. Lévesque (Vanier-Les Rivières) remplace Mme Daneault
(Groulx).
Auditions
(suite)
Le
Président (M. Bergman) : Bienvenue. Alors, je souhaite la
bienvenue à l'organisation Carpe Diem — Centre de ressources Alzheimer. Mme Poirier, bienvenue.
Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation. Donnez-nous votre
nom, votre titre, et le micro, c'est à vous.
Carpe
Diem —
Centre de ressources Alzheimer
Mme Poirier (Nicole) : Merci beaucoup. Bonjour à tous et à toutes. Merci
de l'invitation que vous m'avez faite pour venir partager mes
réflexions. Alors, oui, je me nomme, Nicole Poirier, directrice de Carpe Diem — Centre de ressources Alzheimer, à Trois-Rivières. C'est un
centre… c'est une association qui accueille des personnes touchées par des «maladies apparentées Alzheimer», autant au
niveau de l'hébergement que de l'accompagnement à domicile, service de
soutien aux familles, d'accompagnement des personnes, jusqu'à l'arrivée
progressive dans la maison.
Carpe
Diem a développé une approche depuis plus de 17 ans, une approche qu'on peut
qualifier de novatrice parce qu'elle
se vit dans une vraie maison avec une cuisine où le personnel vit avec les
personnes. Et on a développé, avec les années, une approche qui fait
école ici et ailleurs dans le monde, particulièrement en France et en Belgique.
Alors, moi, je vais…
avant d'entrer dans le mémoire, je veux juste vous raconter un peu ce qui m'amène
ici, parce que ça fait 28 ans, je pense,
qu'à tous les jours de ma vie j'ai réfléchi sur les conditions de vie des
personnes touchées par la maladie
d'Alzheimer, et ça a débuté en 1985, quand j'avais eu l'idée de convertir notre
maison familiale en résidence pour
personnes âgées. Notre maison était à vendre, et mon père cherchait un
acheteur, et une amie nous dit : Votre maison, ce serait une bonne maison pour accueillir des
personnes âgées. À ce moment-là, les problèmes liés au vieillissement ne
faisaient pas l'actualité. Et je n'avais pas
d'expérience et j'ai accueilli tranquillement… mon père m'a fait confiance,
j'ai accueilli des personnes dans cette
maison. Et mon idée, c'était que ce soit chez eux, qu'ils viennent s'impliquer dans la maison.
Je leur demandais : Voulez-vous m'aider à préparer le repas, m'aider à
faire la vaisselle? Et les gens s'impliquaient.
Rapidement,
j'ai accueilli une personne qui souffrait de la maladie d'Alzheimer et j'ai eu
la même approche avec elle. Je
n'avais pas de connaissance, je n'avais pas d'expérience, mais je lui ai
proposé de m'aider : Voulez-vous m'aider? En faisant le geste avec le linge de vaisselle, elle comprenait et elle
m'aidait. Voulez-vous brasser la soupe? Elle brassait la soupe. Ramasser les feuilles? Elle ramassait
les feuilles. Elle n'avait plus de mots pour s'exprimer, mais en imitant
nos gestes… et nous, en vivant avec elle, on
voyait qu'elle avait de la… elle comprenait même si les mots étaient
absents. Et, à un moment donné, elle s'est levée la nuit, et moi, je voulais la ramener
se coucher. Et puis, comme ça arrive chez la plupart des personnes atteintes d'Alzheimer, bien elle se levait de plus en plus. Et, moi, bien, il fallait que je dorme et je l'ai amenée se recoucher. Elle se relevait, elle se
recouchait. Je me suis couchée à côté d'elle, j'ai tenu sa main pour qu'elle
reste couchée, et mon but, c'était qu'elle dorme parce que, la nuit, on dort.
Alors, rapidement, je suis devenue épuisée. Et rapidement j'ai appelé sa
famille, son médecin et j'ai demandé de l'aide au médecin qui m'a dit : Je
vais t'arranger ça. Et puis il m'a
arrangé ça, à moi. Le soir, elle a eu une médication, elle a dormi toute la
nuit. Mais, le matin, elle ne se levait plus. Puis, quand je suis allée la voir, j'ai eu de la difficulté
à la réveiller, elle avait uriné dans son lit. Elle s'est levée, elle était chambranlante, beaucoup
plus confuse. Et, le deuxième matin, même chose, elle se lève, elle tombe, elle se fend
le crâne et elle se retrouve à l'hôpital. Et à l'hôpital j'ai appris qu'il y
avait… ça existait, des contentions, qu'on pouvait attacher le monde puis qu'on
pouvait aussi les attacher avec des médicaments.
On
est en 1985, là. Et là j'ai fait un lien entre mon manque de connaissances, entre mon manque d'adaptation et sa condition. Parce que, là, j'ai réalisé, mais je l'ai réalisé aussi
plus tard, que, quand on se lève la nuit, on a des
besoins. Mais moi, je n'ai jamais pensé qu'elle pouvait avoir le besoin d'aller
aux toilettes, de manger, peut-être, ou de ne pas avoir envie de dormir davantage.
Et là ça a
été l'événement déclencheur qui a fait que j'ai décidé de
m'investir puis d'accompagner les
personnes atteintes d'Alzheimer et d'essayer de créer des lieux où on s'adapte
à eux. J'ai fait un lien direct entre mon manque d'expérience et mon manque d'adaptation.
Et je me suis longtemps questionnée. C'était quoi, son besoin? Pourquoi elle se levait comme ça la nuit? Puis je me suis dit : Les lieux, éventuellement, qu'on va créer pour les personnes atteintes d'Alzheimer
devront être adaptés la nuit. Si une personne se lève la nuit, si vous vous
levez la nuit, est-ce que vous vous
dites : Eh, que j'ai de la chance de me lever, puis aller aux
toilettes, puis aller aux toilettes sur une toilette? Non, c'est un droit, ce n'est pas un privilège. Alors,
je me suis dit : Il faut créer un lieu qui va répondre à ces besoins
particuliers des personnes. Et c'est comme ça que, pendant 10 ans, je l'ai
accompagnée, et j'ai accompagné des familles aussi tout en présentant des
projets au gouvernement. Et, pendant ces 10 années là, combien de fois des
familles m'ont dit : Ça devrait être fini, pourquoi on continue? C'est
quoi, le sens de la vie quand on est couché dans un lit et puis qu'on ne
reconnaît pas les proches et… quel est le sens de la vie?
Et j'ai longtemps
adhéré aux propos des familles que j'ai accompagnées, jusqu'au
jour où on a ouvert la Maison Carpe
Diem à Trois-Rivières et que, là, on a accueilli des personnes qui soit
étaient en train de s'éteindre dans des milieux non adaptés ou qui étaient en train de crouler sous le poids de la médication. Et, quand je les ai vues
revivre et que j'ai vu des familles
recommencer à s'épanouir parce que leurs parents étaient bien accompagnés, parce qu'ils pouvaient retrouver des
capacités… Parce qu'on s'est rendu
compte aussi… puis ça, aujourd'hui, les neurosciences le démontrent, quand
on dit : Les gens ne reconnaissent plus les proches, les neurosciences le
prouvent aujourd'hui que ce n'est pas vrai, qu'il y a toujours une forme de reconnaissance. La prosopagnosie, qui est le
fait de ne pas reconnaître les visages, c'est une chose, mais les sciences ont démontré que l'émotion reste
jusqu'au bout. Et c'est prouvé. J'arrive de Poitiers où un chercheur en
neurosciences l'a démontré.
• (9 h 40) •
Donc, quand
j'ai… Carpe Diem… Ça fait maintenant 17 ans que Carpe Diem existe. Et, lorsque
la consultation publique a eu lieu il y a trois ans, il a été question d'ouvrir
la possibilité aux personnes, dans l'éventualité où elles deviendraient inaptes, d'avoir accès à une aide
médicale pour mourir. Là, mon expérience des dernières années a remonté,
et là c'est là que j'ai décidé d'écrire un mémoire et de questionner moi-même
les gens autour de moi. Et ce qu'on me répondait,
c'est : Oui, effectivement, au niveau des sondages, les gens sont assez
favorables à cette ouverture-là. Mais, quand on demande pourquoi, oui,
il y a la peur de la maladie, la peur des pertes des capacités intellectuelles,
mais il y a aussi et surtout la peur des
conditions de vie dans lesquelles on se retrouve, une chose, et la
deuxième : la peur d'être un poids
pour les proches. Deux conditions sur lesquelles, comme société, on a du
pouvoir : on a du pouvoir de modifier les conditions de vie et on a
du pouvoir de mieux soutenir les proches. Quand on dit : L'aide médicale…
lorsque tout a été tenté, je pense qu'à ce niveau-là tout n'a pas été tenté.
Alors, vous
comprendrez que mon point va rester autour de l'article 45 qui porte sur… qui
stipule que «toute personne majeure, apte à consentir aux soins, peut
déterminer, dans [les] directives médicales anticipées, les soins médicaux qui
pourraient être requis par son état de santé et auxquels elle consent ou non au
cas où elle deviendrait inapte à le faire».
«Au cas où elle
deviendrait inapte». Alors, pour moi, avec l'accompagnement, que j'ai fait, des
familles, le point majeur… on peut discuter d'inaptitude, puis tout ça, mais le
point majeur : c'est éthiquement, humainement et émotionnellement impossible de demander à une tierce personne
d'appliquer des directives dans le cas d'une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer. C'est impossible parce que d'abord on ne sait pas
la durée de vie qui reste à venir. J'ai vu des gens déclarés soins palliatifs, où on a enlevé les médicaments
qu'ils prenaient, particulièrement les antipsychotiques, se remettre à
aller mieux et vivre un an, un an et demi plus longtemps. Donc, c'est
impossible. Et c'est impossible de déterminer
l'état d'inaptitude. Même au moment du diagnostic, les spécialistes, les
professionnels arrivent peut-être à mesurer un peu les incapacités, oui,
mais pas les forces. Les forces, ils n'arrivent pas à les déterminer.
Alors, nous, ce qu'on dit, c'est que, si on regarde juste
socialement, en ce moment, il y a une forme de condition de vie qui
réduit l'espérance de vie. Et je ne veux pas rentrer dans le détail mais au
moins dire que c'est démontré que la dénutrition fait partie de la réalité des
gens qui sont en CHSLD. On dit que 30 % à 60 % des gens sont dénutris
pour des raisons… pas parce que ce qu'on
leur offre n'est pas bon, parce que… pour des raisons d'organisation, de temps
de personnel ou de manque de connaissances.
La personne a son assiette, elle a faim, mais elle ne sait pas comment
manger et puis le personnel ne comprend pas sa réalité. Puis on prend le
plateau, puis elle ne mange pas. Ils sont dénutris, et ça quadruple les coûts,
le fait d'être dénutri, et ça réduit l'espérance de vie.
L'autre point aussi,
puis ça, c'est connu, c'est documenté : on donne 10 fois trop d'antipsychotiques
aux personnes atteintes d'Alzheimer. 10 fois trop, c'est une chose, mais
ça réduit l'espérance de vie, ça réduit… ça fait perdre l'autonomie et ça crée des effets secondaires qui sont néfastes
pour la personne. C'est démontré qu'ils ne devraient pas consommer autant. Et souvent ces
médicaments-là sont donnés pour combattre la douleur. La personne qui a de
la douleur, qui ne peut plus exprimer avec
des mots sa douleur, elle peut devenir agressive, elle peut crier, et on ne la
comprend pas et, au lieu de détecter la douleur, on donne un antipsychotique.
Alors, il y a du travail à faire de ce côté-là, puis on a
les moyens de le faire, ce travail-là, si on se donne la peine de le
faire. Et puis il y a aussi toute la société qui parle de la maladie d'Alzheimer
d'une forme négative, d'une forme misérabiliste. Même, on parle de démence
encore aujourd'hui. Et le DSM-V vient d'enlever le mot «démence» du DSM-V.
C'est aux États-Unis, mais ça montre que l'évolution se fait au niveau de la
connaissance de la maladie, puis qu'on parle aujourd'hui… on ne parle
plus de démence. En France aussi, on ne parle plus de démence, on parle de
maladies apparentées Alzheimer.
Alors, nous, ce qu'on
dit, c'est qu'à propos des articles qui sont dans le projet de loi, bien, on
demande… Par exemple, l'article 2: «…elle
est atteinte d'une maladie grave et incurable.» Nous, on demande franchement de
retirer les pathologies neurodégénératives qui sont comme la maladie d'Alzheimer
parce que, même atteint de cette maladie, ce n'est pas… ça ne signifie pas «fin
de vie», mais ça signifie «une maladie, oui, incurable».
«[La] situation médicale se
caractérise par un déclin avancé et irréversible…» Alors là, encore c'est
impossible, c'est très subjectif. C'est quoi,
avancé et… un déclin avancé? Pour certains, ça va être ne plus savoir lire,
écrire, parler, pour d'autres, ça va être être
incontinent, pour une autre personne, ça va être être couché dans un lit.
Comment on peut… Qu'est-ce qu'on va écrire dans ces directives-là qu'une tierce
personne devra appliquer? Je pense que là-dessus c'est impossible, humainement, d'appliquer… J'ai assez accompagné de familles. Prenez juste les médicaments qui sont
sur le marché en ce moment, là, qu'on donne aux personnes atteintes. Il arrive
un moment où ces médicaments-là ne sont plus efficaces. Mais, juste de les
retirer, juste de les retirer, ce que ça demande aux familles, de consultations,
puis de réflexion, puis de conflits, puis de culpabilité pour retirer un
médicament qui n'est pas efficace ou qui est devenu inefficace, ça te crée des
conflits.
Alors, j'imagine, les
tribunaux vont être bondés de monde d'ici 10 à 15 ans parce que, chaque année,
c'est 25 000 nouvelles personnes qui sont diagnostiquées maladies
apparentées Alzheimer.
Alors,
si la personne, quand elle reçoit le diagnostic, elle vit une dépression, elle
est sous le choc puis elle rédige ses volontés
de peur d'être un poids pour les proches puis de peur aussi d'aller vivre dans
des conditions inacceptables, bien ça
va faire pas mal de monde éventuellement qui vont avoir écrit des directives
puis qu'on devra traiter, et je pense que ça va être… je pense qu'on
mesure encore difficilement l'impact d'une telle mesure.
Donc,
nous, on fait aussi… Bien, je vous donnerais un exemple. Je ne sais pas si
c'est un bon exemple, mais je pense
aux tierces personnes, aux personnes de confiance, qui devront faire, comment
on dit, les directives anticipées, qui devront les faire appliquer. Moi,
j'avais, quand je n'avais pas de chien… Je n'avais jamais eu de chien puis,
quand je pensais aux chiens malades, je me
disais : C'est facile quand ils sont malades, les chiens, on les fait
euthanasier, puis c'est juste humain de faire ça, jusqu'au jour où j'ai
eu un chien qui a fait partie de ma vie pendant 13 ans puis de celle de mes enfants pendant 13 ans. Puis, le jour où j'ai
eu à faire le geste… Si vous avez eu des animaux de compagnie, là, on le
sait tous, comment se dire : C'est
aujourd'hui, ou c'est demain? Qu'est-ce qui fait la différence? C'est parce que
je suis fatiguée, parce que, moi, ça fait mon affaire ou parce que c'est
vraiment le jour? La vétérinaire m'a dit : Vous n'êtes pas toute seule à
vivre ça, tout le monde le vit, ça. Mais je me dis : C'est un chien.
Donc,
pour moi, c'est le point le plus important. Malgré toutes les considérations
médicales et clartés juridiques, je pense que c'est inacceptable puis
impossible de faire porter ce poids-là à des proches, même à un médecin.
Alors, je suis prête
à échanger avec vous sur ces points-là.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Poirier, merci pour votre présentation. Maintenant,
pour le premier bloc du gouvernement, Mme la ministre.
• (9 h 50) •
Mme
Hivon :
Oui. Alors, merci, M. le Président. Merci beaucoup, Mme Poirier, de votre
présentation très humaine, très sentie, à l'image, je pense, de ce que Carpe
Diem est et fait au quotidien. Puis je veux en profiter pour vous remercier de tout votre engagement, autant
personnel que via Carpe Diem, pour la cause des personnes atteintes de
la maladie d'Alzheimer. Je pense que c'est une inspiration pour tous ceux qui
travaillent auprès de ces personnes-là. Alors, merci beaucoup.
En fait, peut-être
clarifier certaines choses. Puis peut-être que tout ça est clair pour vous,
puis vous voulez juste nous dire votre
position dans l'éventualité où on envisagerait certains éléments. Dans l'état
du projet de loi, ce à quoi vous
faites référence, ce n'est pas possible donc, parce que, pour obtenir l'aide
médicale à mourir, la personne doit être apte au moment où elle le
demande, où elle répète sa demande. Donc, les directives médicales anticipées…
Donc, je comprends qu'on se comprend, là,
mais vous vouliez nous éveiller sur votre position si on voulait aller dans une
autre voie. Et les directives médicales anticipées peuvent porter sur tout soin
de fin de vie, ou non, d'ailleurs, c'est important de le spécifier, qu'une
personne voudrait ou ne voudrait pas recevoir dans l'éventualité où elle
deviendrait inapte.
Donc,
dans l'état du projet de loi, une personne ne pourrait pas demander à l'avance,
dans l'éventualité où elle deviendrait, par exemple, atteinte de la
maladie d'Alzheimer ou sachant qu'elle a la maladie d'Alzheimer, dire :
Moi, aujourd'hui, j'ai encore toutes mes
facultés, je demande que, si j'arrive à tel stade et qu'en plus je réponds à
tous les critères de l'article 26… je voudrais donc recevoir l'aide
médicale à mourir. Ce n'est pas possible dans le projet de loi parce que ce n'est
pas une avenue qui a été mise de l'avant. La commission spéciale ne l'avait pas
non plus recommandé. Ce qu'elle avait demandé, c'est que le Collège des
médecins forme un comité sur la question.
Et
le Collège des médecins, au premier jour des auditions, est venu témoigner et nous a déposé son rapport. Et
eux, ils recommandent effectivement d'ouvrir cette possibilité-là, comme plusieurs autres groupes qui
sont venus, mais d'une manière très encadrée qui… Le Collège des
médecins, eux, ils demandent qu'il y ait une autorisation du tribunal, que ça
pourrait être une piste, en plus de la demande de la personne, qu'il y ait donc
une autorisation du tribunal.
Je comprends votre position qui est de dire que vous ne souhaitez pas que cette possibilité-là soit là. J'aimerais quand même vous entendre, compte tenu de
votre expérience et compte tenu du fait que plusieurs groupes sont venus, et non les moindres, là… il va y avoir même la Commission
des droits après vous aujourd'hui qui va parler de ce sujet-là… ils sont
venus nous faire une telle demande.
Moi,
depuis le début, cette question-là, elle m'embête énormément pour toutes sortes de raisons mais notamment pour la question de l'évaluation de la
souffrance.
Ceci dit, je comprends
que vous faites des petits miracles. Mais j'imagine qu'il y a des personnes
aussi qui sont plus souffrantes quand même,
et comment on fait pour évaluer… C'est une question tout à fait, je dirais, générale, là, mais comment
on fait pour évaluer la souffrance des personnes qui sont atteintes de maladie
d'Alzheimer, physique ou, je dirais, psychologique, psychique?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Poirier.
Mme
Poirier (Nicole) : Merci. D'abord,
je vais faire la différence entre la souffrance et la douleur. Et ça,
encore là, j'arrive de France où un
chercheur en neurosciences a confirmé ce qu'on prétend au niveau de la souffrance, c'est que la personne atteinte d'Alzheimer, qu'on
va confiner dans un coin, qu'on va enfermer, qu'on va ignorer, parce que
souvent c'est ce qui arrive, ils sont mis de côté et même mis derrière des
digicodes…
Ce qu'on dit, c'est que cet état-là,
d'être rejeté, d'être isolé, de ne pas être compris… Au niveau du cerveau, là, en neurosciences,
on a fait des recherches et on démontre par des recherches en laboratoires que
le fait d'être ignoré comme ça crée une souffrance et, avec des électrodes et
puis tous les graphiques qui viennent avec, démontre que les circuits de
neurones qui s'activent au niveau du cerveau sont les mêmes, quand on vit de la
souffrance psychologique comme les gens la
vivent, que la souffrance physique. Donc, c'est les mêmes circuits de neurones
qui s'activent au niveau… Bien, alors
donc, ça, ça prouve que les personnes atteintes, oui, ont une souffrance liée
aux réactions de l'environnement. Par
contre, si on leur parle, si on les implique, si on a un ton de voix qui est
adapté, si on a toute une approche finalement qui est adaptée, on a un impact sur la souffrance psychologique. Ça,
c'est une chose, pour la souffrance que je dirais morale et
psychologique. Mais il y a tout l'accompagnement aussi, où on apprend à
accompagner les personnes. Quand tu te retrouves
dans un établissement puis que tu ne sais plus pourquoi tu es là, tu as besoin
de... tu n'as pas besoin qu'on barre la porte, tu as besoin qu'on t'écoute, qu'on comprenne, qu'on valide ton
émotion, qu'on sorte avec toi dehors plutôt qu'on t'enferme. On a tout
développé des réactions contraires aux besoins des gens au niveau
psychologique.
Donc, ça, il
faut défaire ces systèmes-là, qui sont répressifs, plutôt que de les
accompagner. Moi, je pense qu'il y a moyen, à ce niveau-là, de faire
beaucoup pour qu'elles puissent vivre mieux la maladie.
Pour la
souffrance physique, bien, évidemment, souvent c'est là qu'il y a le plus…
bien, pas qu'il y a le plus, mais que
c'est une difficulté importante. Parce que la personne, si, par exemple, elle
fait une chute, elle se fracture une côte, elle ne pourra pas dire : J'ai mal ici, ou j'ai mal à la tête,
ou j'ai mal au ventre. Elle va l'exprimer en cris, en pleurs, en coups, et il faut absolument éviter qu'on la calme avec
des neuroleptiques plutôt qu'avec des antidouleurs ou avec un traitement
efficace. Et puis il existe des grilles de plus en plus sophistiquées qui nous
permettent, à travers des comportements de
la personne qui sont non verbaux… Par exemple, si je montre le poing, si je
crie, si je fronce les sourcils, il y a plein de signes comme ça qui, en
s'accumulant, nous font présumer qu'il y aurait une souffrance, une douleur.
Alors, à ce moment-là, on évalue, avec un antidouleur, si le comportement qu'on
juge agressif est soulagé.
Ça fait qu'il faut qu'on fasse des recherches de
ce côté-là parce qu'il y a moyen, il y a moyen de repérer mais pas avec les moyens traditionnels. Si je dis à une
personne : À cinq sur 10, ça vous fait mal, bien on n'aura pas de
réponse.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Et, dans
votre expérience en général, est-ce que ces souffrances-là, je dirais, qui
peuvent être difficiles à diagnostiquer, là,
mais qui sont quand même constantes… Parce qu'il y a des gens qui nous disent
ça, hein, que les… Malheureusement,
je dois le dire, vous êtes la seule personne qu'on reçoit qui est comme une
experte pour les gens qui ont la
maladie d'Alzheimer. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas essayé. On a invité deux experts, médecins
gériatres, qui malheureusement ont décliné, la société, aussi, de l'Alzheimer qui a décliné. Donc, je le
dis, je trouve ça vraiment dommage parce que ce n'est pas banal, puis on
veut vraiment un éclairage important. Donc, c'est pour ça qu'on jette beaucoup
notre dévolu sur vous, et on vous remercie beaucoup d'être là.
Mais la question
donc de la souffrance, parce qu'on nous parle beaucoup de cas de souffrance… des
gens qui sont des spécialistes, là,
ont… pas ici, là, mais par des choses que j'ai lues, des rencontres qu'on avait
faites lors de l'autre commission… de gens qui ont la maladie d'Alzheimer mais qui
sont quand même souffrants et que c'est excessivement difficile parce
que c'est difficile de bien
diagnostiquer. Est-ce que vous diriez qu'il y a de la souffrance qui
est difficile… de la souffrance et de la douleur, les deux, puis vous
pourrez faire les nuances, là, mais difficiles à traiter et à résorber pour les
personnes qui ont la maladie d'Alzheimer?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Poirier.
Mme
Poirier (Nicole) : Oui, je pense
qu'on vit encore beaucoup d'impuissance. À un moment donné,
malgré tout ce qu'on peut faire, on vit de l'impuissance.
Il y a
aussi des conditions où il y a, par
exemple, des gens qui vont avoir des
émotions en dents de scie puis qui vont,
par exemple, beaucoup,
beaucoup pleurer et puis, cinq
minutes après, vont rire. Alors là, il faut faire attention parce que,
quand ils rient, on trouve ça drôle puis, quand ils pleurent, là on trouve ça…
on pense qu'il y a une souffrance équivalente à l'intensité du cri, ce qui n'est
pas nécessairement vrai. Alors, je pense qu'il faut être capable de prendre situation
par situation puis essayer de voir est-ce que c'est vraiment une question
neurologique, est-ce qu'il y a une condition dans laquelle la personne vit.
Je
vous donne un exemple vécu la semaine
dernière en France, où une personne
m'a dit : Mon père est recroquevillé, et puis on me dit que,
quand c'est le temps de faire les soins, il crie, puis ça lui fait mal, puis il
est hypersouffrant puis il criait tellement qu'on pensait qu'il n'était plus
capable de prendre un bain. On l'a amené dans un bain thérapeutique, et puis là
ils disaient : Miracle, il est détendu et puis… Ce n'est pas un miracle,
là, c'est que, comme tout le monde, il avait… C'est un homme qui a apprécié le bain, et puis il a réussi à
se détendre. Une autre personne me
dit : Il a de la souffrance
quand on lui met des gouttes dans les yeux. Je vous parle de quelqu'un très
avancé. Mais moi, je pose tout le
temps la question : Qu'est-ce qui se passe quand ça va bien? On gratte
beaucoup quand ça va mal. Puis ça, on le documente, on a bien des
dossiers bien épais quand ça va mal, mais on n'a rien sur qu'est-ce qui se
passe quand ça va
bien. Là, moi, je m'informe puis je dis : O.K., il crie quand vous mettez
des gouttes dans ses yeux. Qu'est-ce qui se passe quand ça va bien?
Est-ce qu'il y a des infirmières qui réussissent mieux que d'autres? Ah oui, il
y en a une qui réussit mieux. Ah, bien, tu
sais, on va aller voir qu'est-ce qu'elle fait, elle. On va laisser faire ceux
qui ont de la misère puis on… En
fait, elle avait une approche en douceur, elle lui parlait, elle baissait le
ton de sa voix. Parce qu'avec la maladie on peut avoir une hyperacuité
auditive : les bruits entrent tous ensemble, il n'y a pas de filtre. L'oreille,
d'habitude, elle filtre les bruits, mais,
avec la maladie, les bruits arrivent, puis ça fait mal, alors souvent il faut
parler moins fort que… encore plus
bas. Alors, elle, elle chuchotait et, en chuchotant tranquillement, elle lui
tenait les mains puis elle réussissait à lui mettre les gouttes sans qu'il
crie, sans qu'il hurle puis sans qu'il essaie de frapper.
Ça
fait que ce que je veux dire, c'est qu'on ne prend pas le temps d'analyser
chaque situation pour trouver la cause de
la souffrance, puis on voudrait que ça disparaisse sans qu'on fasse… en
s'épargnant l'analyse. Donc, moi, je pense qu'il y a moyen. Puis notre propos, c'est de dire : On ne connaît
tellement pas, à l'heure actuelle, la réalité des personnes qui sont
atteintes, on a tellement de chemin à faire de ce côté-là, investissons de ce
côté-là puis peut-être que oui, en bout de ligne,
quand on aura fait nos devoirs comme société, on pourra réfléchir de façon
objective et éclairée. Mais je pense qu'il y a un gros travail à faire.
Je fais de la formation dans les milieux, au Québec, en Europe, puis ils n'en
reviennent pas de voir comment ils ont encore un pouvoir pour aider les gens à
êtres soulagés.
Je
vous donne un exemple de souffrance psychologique. La personne, elle se
retrouve dans un établissement puis elle
ne comprend pas pourquoi elle est là, elle pense que ses enfants l'attendent,
elle pense que sa maison est en danger. Les réflexes, c'est de dire : Parlez-lui pas de sa maison, parlez-lui
pas de sa souffrance, parlez-lui pas de ses enfants. Bien, c'est
justement ça qu'il ne faut pas faire. Il faut dire : Vos enfants vous
manquent, vous êtes inquiète, vous voulez voir
votre mère? Tu ne lui dis pas : Votre mère est morte. Tu dis : Je
vous comprends d'avoir envie de voir votre mère, peut-être qu'elle s'ennuie,
peut-être qu'elle a faim. Puis les mots qui viennent, c'est : Je veux voir
ma mère.
Il
y a tellement d'incompréhension, puis on traite toutes ces souffrances-là avec
des médicaments, des calmants. Si la personne se lève la nuit, là… Elle
n'a pas le droit, là, de se lever la nuit sans que ça devienne un trouble d'errance
nocturne. Mais le jour elle marche,
elle fait de l'errance. La nuit, c'est un trouble d'errance nocturne. Puis, si
elle a faim… puis moi, je repense toujours à la première dame que j'ai connue… si elle a faim puis qu'elle fait
comme on ferait, tout le monde, elle ouvre des portes, bien là elle va faire un trouble d'errance
nocturne invasif. Puis après ça, si elle réveille la personne, ça va être un
trouble d'errance nocturne invasif perturbateur. La table est mise pour
médicaliser. Le médecin qui arrive le matin, là, il lit ça : La table est
mise. On a médicalisé une situation qui est non médicale. Elle a des forces,
elle marche. Mais là on va, par incompréhension, parce que le système, il est
fait pour que la nuit on dorme… mais ce
n'est pas adapté à eux. Si on changeait ces choses-là, on ferait des… Puis d'ailleurs
on éviterait l'épuisement du personnel.
Ça serait bien plus
motivant d'accompagner des personnes en sachant qu'on est capable de les
accompagner correctement. On pourrait faire beaucoup avec les mêmes moyens en
ce moment.
• (10 heures) •
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Pour le premier
bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Merci, M. le Président. Mme Poirier, merci énormément d'avoir pris le temps ce matin de
venir vous entretenir avec la commission — parce que, je joins ma voix à
celle de la ministre, on a lancé des invitations, et malheureusement peu ont pu
répondre positivement à l'appel qui a été lancé — parce que vous nous
apportez une vision très différente, très humaine.
Et puis moi, je vous
avoue, je lisais votre mémoire avec énormément d'intérêt, mais vous entendre,
c'est extraordinaire. Et, lorsqu'on lit… Hier soir, j'ai lu le mémoire
de la Commission des droits de la personne, qui réclame une
ouverture davantage aux inaptes, et ce
matin… J'avais lu votre mémoire, mais votre mémoire n'a pas votre fougue et
votre passion. Puis ce matin je vous entends
puis je vous avoue que je me questionne énormément et j'ai beaucoup d'intérêt pour ce que vous nous apportez là quant à tout ce qu'on
peut mettre en place pour aider davantage et accompagner davantage les malades. Et là comment on arrive à pouvoir… Moi,
ma question… Je vous écoutais tout à
l'heure dans vos échanges avec
la ministre. Comment, dans notre société, on peut arriver à concilier tout ça? Parce
que ce que je comprends, c'est que l'accompagnement
individuel, le temps, prendre le temps d'accompagner le malade et de
comprendre, de décoder, c'est une grosse
partie du travail que vous faites puis du travail que les gens qui oeuvrent
auprès de votre organisme font. Comment on peut arriver dans une société, avec nos ressources limitées, et tout
ça, à arriver à mettre en place cette philosophie-là, cette approche-là que vous avez? Parce que
c'est ce qu'on souhaite. C'est ce qu'on souhaiterait comme
accompagnement. Moi, ça vient tellement me
chercher. Peut-être parce
qu'on vit aussi… dans nos vies, on
est en contact aussi avec des gens qui
sont affligés par cette maladie-là et puis on dit : Mon Dieu, si ces
gens-là pouvaient être en contact avec Mme Poirier. On voudrait
vous avoir pour chacun des membres de la société.
Comment on peut
arriver justement à introduire ces soins-là? Parce que, vos recommandations, le
gros de vos recommandations vise justement une amélioration de la recherche,
une amélioration de la documentation et une amélioration des soins directement
offerts à ces patients avant de penser à ouvrir la porte à l'aide médicale à
mourir. Comment on peut faire tout ça et rendre ça possible? Peut-être qu'on
aura des sons de cloche différents, mais c'est ce qu'on souhaite.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Poirier.
Mme Poirier (Nicole) : Bien, d'abord, je ne pense pas que… je pense
qu'avec les moyens qu'on a actuellement on peut faire beaucoup. Ce n'est
pas plus long de dire à une personne : Voulez-vous me parler de vos
enfants? que de lui dire :
Vous êtes chez vous ici maintenant puis vous ne retournerez jamais
chez vous. Ce n'est pas plus long. Ce qu'on propose, nous, c'est de
modifier.
Je vous donne un
petit exemple : des gens qui ne veulent pas se laver. Ça, souvent c'est un
gros problème dans les établissements :
ils ne veulent pas se laver. Mais de te faire dire : Venez, je vais vous
laver, personne n'aime ça, puis ta
réaction première, c'est dire : Stop, non, je ne veux pas. Mais de
dire : Vous allez vous laver, je vais être avec vous, c'est vous qui allez vous laver, ça fait toute la
différence. Donc, ce n'est pas toujours une question de temps. Puis on n'a pas un personnel en surplus tant que ça. On a des budgets
inférieurs à ce que ça coûte dans le réseau public. Et puis, quand on fait de la formation, les gens sont étonnés de
voir que, dans le même temps qu'ils ont… ils vont plus vite, ils gagnent
du temps en changeant leur façon de faire. Le plus dur, c'est de changer ton
attitude quand tu arrives avec la personne. Ça fait que, moi, pour ça je suis
convaincue.
Qu'on
se donne la chance. Je le fais à longueur d'année en France dans des
établissements qui sont plus rigides qu'ici,
au Québec, puis ça fonctionne. Puis ils en redemandent puis
ils disent : On est moins essoufflés, les familles sont plus heureuses, puis la personne va mieux. Ça, c'est
une chose, là, par rapport au temps puis au coût. Ce n'est pas vrai
que c'est une approche qui est coûteuse plus qu'une autre.
Deuxièmement, je
pense que ça prend des directions d'établissement qui y croient, puis qui
embarquent, puis qui tiennent le volant puis
qui disent : C'est vers ça qu'on s'en va. On n'est pas juste un hôpital
ici, on ne donne pas juste des soins, on a aussi une préoccupation
humaine, une philosophie à implanter. Et je pense aussi que ça prend une
volonté politique, ça prend quelqu'un qui dit en haut : Bien, il
faut l'essayer. On s'en va directement dans le mur, ça va coûter énormément…
Si on regarde juste ce que ça coûte au
niveau des médicaments, les coûts des
médicaments, l'épuisement du personnel, l'insatisfaction, socialement,
on a tous peur de ce qui s'en vient.
Je
pense que ça prend une volonté politique et je pense que ça ne coûtera pas si cher que ça
de le faire autrement. Mais au moins donnons-nous la chance.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Dans vos
recommandations qui touchent le libellé du projet de loi, vous suggérez
des modifications à l'article 2. Et,
quand vous dites que le… Il n'y a pas nécessairement, dans le projet
de loi, une référence à l'article
2, une référence à la fin de vie comme
telle. Certains groupes nous ont suggéré d'entrer, d'inclure, à l'intérieur de l'article
2, le caractère imminent de la mort puis de
quelle façon, quelle terminologie on utilise pour être le plus précis possible,
parce que l'imminence de la mort, bon, pour certains… certains qui
philosophaient avec nous disaient : Bien, la mort est imminente pour
chacun d'entre nous, là. Mais vraiment d'inclure une terminologie dans ce
sens-là.
Dans
le fond, je comprends que votre recommandation tend aussi vers cet élément-là,
de dire : Il faut éviter que le projet de loi puisse… qu'on puisse
tenter d'appliquer le projet de loi à une maladie dégénérative qui ne… à un
état dégénératif pour lequel la mort n'arriverait pas à court terme, là.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Poirier.
Mme Poirier (Nicole) : J'ai pensé à le mettre, à en parler dedans, puis
je me suis dit : C'est trop difficile de savoir. Je m'étais dit : On devrait peut-être essayer
de voir, lorsque la fin de vie est vraiment annoncée… Mais j'ai vu des
gens, vraiment, j'ai vu des gens, des familles m'appeler puis me dire : Ça
y est, c'est la fin, on arrête tous les traitements. Puis combien de fois je l'ai vécu puis ils m'ont dit : Mais là il
va mieux puis, un an plus tard, il vit encore? Et c'est là que je… Là, je me suis dit : Non. Je me suis
rappelé ces histoires-là encore récentes puis je me suis dit : On n'est
pas prêts encore. Peut-être un jour, quand on connaîtra mieux la réalité
de la personne. Mais moi, je craindrais ça.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Et donc, à ce moment-là, si on exclut les maladies
dégénératives, comment on pourrait le présenter à l'intérieur du projet de loi? Est-ce qu'on devrait
plutôt définir la fin de vie? Est-ce qu'on pourrait… Parce qu'on a
aussi, à l'intérieur du projet de loi, toute
la question des soins palliatifs. On a de l'aide médicale à mourir, la sédation
palliative, terminale, qui sont des éléments très importants du projet de loi,
mais il y a aussi toute la question des soins palliatifs qui sont inclus, et c'est
là vraiment que vous êtes peut-être plus proches de ce secteur-là.
Comment, à ce
moment-là, on devrait… Quels seraient les critères, à ce moment-là, pour qu'une
personne puisse bénéficier de l'aide
médicale à mourir? Est-ce que, si on enlève l'imminence de la mort… si aussi on n'a pas la question de l'imminence
de la mort, on enlève les maladies dégénératives, on le restreint à quoi?
• (10 h 10) •
Le Président (M.
Bergman) : Mme Poirier.
Mme Poirier (Nicole) : Bien, je ne suis pas sûre d'être en mesure de
répondre à cette question-là puis je ne suis pas sûre de la
comprendre aussi.
Mme
Vallée : Bien, en
fait, parce que vous nous dites : J'ai… Vous dites que vous
aviez songé, avec la question de l'imminence
de la mort… vous ne l'avez pas… vous n'avez pas voulu vous prononcer sur cette question-là
à l'intérieur de votre mémoire. Quand vous dites : On n'est pas prêts à ça,
est-ce que c'est : On n'est pas prêts à ouvrir l'accès
à l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes d'une maladie
dégénérative, qui pourraient éventuellement être inaptes ou qui sont inaptes ou c'est
la question de l'aide médicale à mourir dans son ensemble?
Mme
Poirier (Nicole) : Non, non, non, moi, c'est…
Le Président (M.
Bergman) : Mme Poirier.
Mme Poirier
(Nicole) : Pardon. Non, moi, c'est vraiment pour les personnes qui
sont devenues inaptes uniquement, ce n'est pas le projet dans sa globalité.
Mme Vallée :
O.K. Je voulais juste bien comprendre. Merci.
Le Président (M.
Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition
officielle. Maintenant, pour le deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Merci beaucoup, M. le Président. Écoutez, je vais vous dire, c'est vraiment
fascinant. C'est fascinant de vous entendre et c'est fascinant, des fois,
comment la vie fait les choses, parce qu'on vous entend, puis après on entend la Commission des droits, qui
vient d'arriver, et c'est des points
de vue différents mais aussi, je
dirais, des niveaux de réflexion différents. Puis, nous, comme législateurs, il
faut considérer tous les niveaux, donc le niveau d'acceptation sociale, ce que les gens veulent dans la société, le
niveau légal, le niveau éthique, le niveau clinique, médical.
Donc,
c'est fascinant, on est vraiment privilégiés, mais c'est complexe aussi, des fois.
Donc, c'est, je pense, un grand constat.
Et
je veux vous amener un peu vers justement les réflexions qui sont les nôtres et qui nous
ont été amenées par des gens qui, contrairement à ce que vous nous dites, souhaiteraient que ça soit une possibilité pour les personnes aptes en prévision
d'une inaptitude. Donc, il y a beaucoup la question de l'autonomie, de dire : Pourquoi je ne
pourrais pas décider à l'avance, si je suis dans telle situation et que
je réponds à tous les critères — donc, ça, il faut toujours le dire — que je ne pourrais pas, au nom de l'autonomie, le
demander? Pourquoi il devrait y avoir
un frein soudainement à mon droit à la liberté, à l'autonomie? Pourquoi
je n'aurais pas droit à ça, alors que je risque de me retrouver dans une
situation qui, alors que je suis apte… Et,
vous savez, il y a plein de choses qu'on peut décider, quand on est aptes, en
prévision de son inaptitude aussi, puis peut-être que, si on savait tous
les détails et tous les déterminants, on aurait peut-être changé d'avis, mais
on a cette faculté-là.
Donc,
comment? Parce que vous devez côtoyer aussi des gens qui ont la maladie
d'Alzheimer dans les premiers stades et qui vous formulent de tels
souhaits ou qui disent : Moi, jamais, jamais je ne voudrais me rendre au
stade grabataire, où je vais être
recroquevillé dans mon lit… plus en mesure de manger, tout ça. Donc, comment on
réconcilie ça, je dirais, toute cette évolution vers l'autonomie, le respect de
l'autonomie, de la liberté de la personne avec, je dirais, une fermeture
complète pour les personnes qui deviendraient inaptes?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Poirier.
Mme Poirier (Nicole) : Je vais commencer par le point le plus facile à
répondre, là. C'est parce que je vais faire porter une décision de fin…
de mettre un terme à mes jours sur une tierce personne. Pour moi, ça, c'est…
Mme
Hivon : Vous avez écrit, demandé dans votre… je comprends,
mais je veux juste… on se ramène à ça, là, pour les tenants de l'autonomie.
Mme Poirier
(Nicole) : Mais oui, mais c'est vous qui l'avez demandé, mais c'est là
que je… Ce que je dis, c'est que les conditions
que je vais avoir écrites ne sont pas mesurables puis sont subjectives. Et,
quand on dit : Bien, ça serait
quoi?, bien, d'abord, il faudrait que je sache ça serait quoi, le genre de
directives. Quand je suis au lit? Quand je suis… Si je lis Pierre Foglia, je peux être debout puis marcher, mais, si je
n'ai plus mes capacités intellectuelles, c'est fini, ça ne fait plus de sens. Lise Payette, c'est la même
chose, elle, elle dit : La vie n'a plus de sens, dans sa perspective à
elle. Mais c'est quoi, la directive puis la…
Mais moi, je pense
que c'est difficile à mesurer. Comme on pourrait mesurer un nombre d'heures
possibles à vivre. Ça, c'est peut-être plus
facile. Mais, dans le cas de la maladie d'Alzheimer, c'est tellement variable,
il y a tellement des formes
différentes d'évolution de maladie
aussi que c'est : on ne sait même pas comment la maladie va évoluer
pour chaque personne. C'est parce que
je pense que ça ne sera pas applicable. Puis ça va faire porter sur la
personne, même si tout est écrit, un choix qui n'est pas du genre :
on débranche ou on ne débranche pas, on traite la pneumonie ou on ne la traite
pas, là. On n'est pas dans ce genre de décision là, on est dans des décisions beaucoup
plus subtiles. Pourquoi aujourd'hui, puis pas hier, puis pas demain?
C'est
dans ce sens-là que je pense qu'on va faire porter à des gens quelque chose d'impossible à appliquer. Oui, pour ce qui est du respect de l'autonomie,
je le comprends, mais…
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
C'est très intéressant. C'était mon autre point. Vous parlez : Ce n'est
pas comme débrancher, ou arrêter une médication, ou tout ça. Pour certains il y
a une énorme différence, pour d'autres il n'y a pas beaucoup de différences.
C'est-à-dire qu'il y a une
différence au niveau de l'intention comme telle, quand on sait qu'on débranche
quelqu'un puis que le décès va s'ensuivre, versus une personne qui n'a pas, et
là, entre guillemets, la chance, comme certains
nous parlaient de certaines chances pour avoir accès à des soins versus
d'autres, d'être sous respirateur, donc de pouvoir
débrancher un respirateur. Donc, il y a des gens qui nous disent : Vous
savez, c'est assez ténu, à un moment donné,
c'est ce qui va arrêter la vie. Donc, qu'est-ce qui est naturel, qu'est-ce qui
ne l'est pas? Bon. Dans votre expérience quotidienne, il y a quand même
des gens qui ont dû écrire des directives anticipées. C'est sûr que, là, nous,
avec le projet de loi, on vient leur donner une force contraignante. On veut
que ça aille beaucoup plus loin, ce n'est pas juste indicateur de volonté. Mais une personne pourrait, en prévision d'une
inaptitude causée par une maladie d'Alzheimer, dire : Si j'arrive dans telle situation, si je me rends dans telle
situation, surtout ne me donnez plus d'antibiotiques, ne me soignez plus. Ça, elle a tout à fait le droit, elle pourrait même dire : Arrêtez de m'alimenter, comme
c'est le cas comme on le voit à l'heure actuelle, et on devrait suivre
ces directives.
Est-ce que
dans votre pratique, dans le quotidien, il y a des gens, quand même
un bon nombre, qui ont écrit des directives, et, des dilemmes, des
moments difficiles, il doit quand même y en avoir, à savoir : Est-ce qu'on
respecte? Est-ce qu'on ne respecte pas?
Qu'est-ce que la famille en pense? Et comment vous travaillez avec tout ça
quand les gens ont fait, par exemple, un testament de fin de vie?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Poirier.
Mme
Poirier (Nicole) : Oui. Bon,
d'abord, j'ai vu des gens, des familles arriver avec des directives :
non-réanimation, non-traitement, puis, quand ils ont vu leurs parents
revivre, ils ont dit : Redonne-moi le papier, on n'est pas prêts pour l'instant à aller de l'avant si jamais notre
mère fait un arrêt cardiaque, par exemple, parce qu'ils ne pensaient pas
qu'elle pourrait revivre. Ça, c'est une chose.
J'ai vu des
gens aussi dont les directives étaient claires sur l'absence de traitement, sur
l'absence de réanimation puis des
familles se dire, malgré que c'était extrêmement clair… de dire : Oui,
mais il me semble que mon père, il combat encore, il me semble que je ne
suis pas sûr qu'aujourd'hui il dirait la même chose. Et puis là il faut
accompagner les familles là-dedans. Nous, ce
qu'on fait, c'est qu'on les accompagne à clarifier leurs peurs, c'est vraiment
le cas par cas, mais je dirais que ce
qu'il faut absolument se faire, d'après moi, c'est éviter toute forme
d'acharnement, surtout si c'est écrit : Pas d'antibiotique, par
exemple, en cas de pneumonie, rien d'invasif, pas de gavage. Si on réussissait
à faire ça, là ça serait déjà extraordinaire.
Si on
réussissait à éviter à tout prix les acharnements qui sont pour faire durer la
vie d'une façon qui n'est pas naturelle, je pense que ce serait déjà un
grand pas. Nous, on accompagne les familles beaucoup dans ce sens-là.
Le Président (M. Bergman) :
Ceci met fin au bloc du gouvernement. Maintenant, pour le dernier bloc de l'opposition
officielle, M. le député de Jean-Talon.
• (10 h 20) •
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci, M. le Président. Vous relatez vraiment les dilemmes et les difficultés.
Il y a
toujours des gens qui arrivent avec un contexte très théorique, ils font des
écrits très théoriques. Moi, je suis un clinicien, comme vous avez traité des gens. Mais, quand on arrive dans
la vraie vie, au moment où ça se passe, il y a des éléments qu'on doit tenir compte, que, lorsqu'on a
une directive déjà d'écrite, que tout le monde est mal pris… Et même la personne, si elle était en haut puis elle
regardait, elle dit : Je ne suis pas sûr que c'est ça que je voudrais.
C'est le principe que j'expliquais hier avec les testaments de vie. Les
gens disent toujours : Quand je vais être rendu là, c'est ça que je veux.
En passant, c'est très facile de dire : Je ne veux pas de réanimation si
je tombe dans le coma, puis on sait que je ne récupérerai pas.
Tout le monde s'entend, nous sommes tous contre
l'acharnement thérapeutique. Mais, lorsque la personne a une certaine qualité
de vie, et puis pas nécessairement juste dans les troubles cognitifs, dans d'autres
circonstances, mais qu'elle n'est pas apte
nécessairement à décider, est-ce qu'on donne l'antibiotique ou pas pour une
simple hyperthermie, mais qu'on voit que cette personne-là pourrait se
détériorer puis pourrait en mourir, ou je la regarde mourir de son infection?
Puis, moi, c'est déjà arrivé, puis il y a des cas, à un moment donné, où on
dit : Bien, vous savez, il reste encore
plusieurs mois à vivre, une certaine qualité de vie. Puis ce n'est pas de
l'acharnement thérapeutique, là. On
dit que cette personne-là, juste avec un cinq jours d'antibiotiques, elle va
passer à travers, puis ça va bien aller. Mais, si je ne la traite pas à
ce moment-ci, on a des chances qu'elle va peut-être décéder de ça. Ce que j'ai
vu également — ça,
vous êtes témoin — quand on arrive à la fin de la vie, on sait
que la personne peut faire une pneumonie, faire de la température. On s'entend
qu'on donne peut-être de l'acétaminophène pour soulager, mais qu'on ne traitera
pas la pneumonie avec des antibiotiques.
C'est ça,
tout le dilemme des directives médicales anticipées. Moi, à ma connaissance, il
faut être capable d'avoir un
jugement. Personnellement, si je rédige ma directive médicale anticipée, je
vais peut-être laisser une marge de manoeuvre pour
dire : Selon la situation, peut-être réévaluer, en sachant pertinemment que ça peut
causer un problème, parce qu'à
ce moment-là la famille peut ne pas l'interpréter de façon adéquate. Mais ça,
je pense, dans la loi, je suis d'accord avec les
directives médicales anticipées. Il faut juste que les gens, quand ils les
rédigent, sachent que ça va peut-être causer des problèmes par la suite.
J'aurais peut-être des petites questions
théoriques. Moi, j'ai visité votre maison. J'avais été impressionné par votre approche, et puis c'est une approche, je
dirais, très artisanale, hein, très positive, en passant, parce que vous
êtes très près de vos gens, vous les
connaissez, c'est dans une maison. Vous avez combien de personnes que vous vous
occupez dans votre maison, à Carpe Diem?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Poirier.
Mme Poirier (Nicole) : Dans la
maison, il y a 15 personnes qui y vivent et, à chaque jour, il y a presque une dizaine de personnes qui s'ajoutent aux 15
personnes, des personnes qui vivent chez elles puis qui viennent passer la
journée ou la soirée. Donc, à chaque jour, on accompagne à peu près 20, 25
personnes, puis... Oui.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Puis vous êtes combien de personnes qui s'en occupez, soit des employés ou des
personnes comme vous, là, qui êtes à la maison?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Poirier.
Mme Poirier (Nicole) : C'est
difficile de faire un ratio précis, parce qu'aux 15 personnes s'ajoutent celles
du domicile.
Mais, au lever, par exemple, il y a trois
personnes dans l'équipe qui accompagnent les personnes à mesure qu'elles se réveillent, qu'elles se lèvent. Ce n'est
pas beaucoup, trois personnes pour 15, et puis ça monte à 20 à un moment
donné, quand les gens du domicile arrivent.
Alors là, on peut ajouter du personnel, ce qui fait peut-être quatre pour
20. L'avantage qu'on a, c'est qu'on n'a pas une cuisine qui est à l'extérieur.
La personne qui cuisine, c'est un membre de
l'équipe, qui va aussi offrir une présence aux gens. On n'a pas d'homme
d'entretien, c'est les intervenants qui font l'entretien avec les
personnes. Ça rehausse... C'est sûr que cette façon de faire là rehausse la
présence.
Il y a eu une
recherche avec l'Université de Sherbrooke il y a plusieurs années parce que le
gouvernement voulait voir l'impact de
l'approche Carpe Diem versus 15 personnes qui vivent dans un établissement
traditionnel. Et les chercheurs avaient comme hypothèse au départ qu'il
y avait plus de personnel, que les gens devaient être moins atteints pour vivre à Carpe Diem puis qu'ils devaient prendre de
la médication pour rentrer dans le moule, puis ils se sont rendu compte qu'ils étaient plus atteints au niveau cognitif et
fonctionnel à Carpe Diem que dans l'unité de CHSLD, qu'ils prenaient moins de médication puis qu'au niveau du
personnel, oui, il y a un peu plus de présence, mais c'est causé par l'organisation
puis le décloisonnement des rôles, la polyvalence du personnel.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Avez-vous été capable de reproduire votre modèle
Carpe Diem ailleurs au Québec, même principe de maison?
Mme
Poirier (Nicole) : On a beaucoup
influencé des unités, on a influencé des créations de maisons, mais on n'a
pas réussi à reproduire tel quel Carpe Diem, parce que... bien, parce que, d'abord,
si on a réussi à recevoir un soutien du gouvernement, c'est après la création de Carpe Diem. On n'a pas eu d'autorisation du gouvernement, on n'a pas eu de soutien financier, on n'a
pas eu de subvention pour le faire. On l'a parti par conviction puis par
mobilisation de la communauté, et c'est
juste après qu'on l'a parti qu'on a eu un financement. Les autres endroits qui
ont essayé d'en ouvrir, la contrainte majeure — vous
la connaissez aussi, vous êtes venu chez nous — c'est que, pour recevoir un
financement gouvernemental, il faut être rattaché à un établissement public, et, en étant rattaché à un établissement public, on est
obligé de jouer le jeu à bien des niveaux, par exemple la polyvalence du personnel, l'admission, et tout ça. Et nous, on ne
veut pas entrer là-dedans.
On pense que, pour créer quelque
chose de différent, il faut accepter
d'être un peu parallèle au réseau. On ne veut pas créer… Notre but, ce n'est
pas de créer plein de maisons, c'est d'influencer les pratiques.
Ça fait
que ce n'est pas tant de ne pas avoir pu créer d'autres maisons comme de ne pas
avoir pu diffuser davantage cette approche-là.
Puis, juste
pour ce que vous avez amené tout à
l'heure, je devrais rajouter, par rapport à la fin de vie, les directives anticipées. Puis ça, c'est important. J'ai eu une discussion avec quelqu'un
d'atteint, récemment, dont le père est atteint. C'est une Française qui a 40 ans, qui a le diagnostic. Et on fait une
coopération Carpe Diem et AMA Diem, en France. Et j'ai eu une discussion
avec elle, parce que je lui expliquais le projet que j'étais en train de
rédiger, puis elle me dit : Il faut absolument que tu dises… Parce qu'elle,
elle a pensé au suicide quand elle a appris le diagnostic. Et puis après elle a
accompagné son père, qui a vécu une situation difficile où ils ont eu à prendre
des décisions, puis ils ont décidé de poursuivre
la vie. Puis elle m'a dit : Il faut… Moi, elle dit : Aujourd'hui, je
sais que je ne voudrai jamais faire vivre cette décision-là à mes
enfants ou à mon mari, jamais je ne ferai ça. Puis elle dit : Il faut que
tu dises que… comme vous le disiez, laisser une ouverture à la famille d'analyser
la situation dans le contexte dans lequel ça va se passer. Il faut laisser cette marge de manoeuvre là pour que… Les
proches, on veut leur éviter un fardeau, mais en même temps on risque de
les traumatiser s'ils n'ont pas la possibilité de dire… de juger, justement,
exactement comme vous le disiez.
S'il reste un
an et demi ou deux à vivre, ce n'est pas comme une pneumonie en fin de vie,
puis ça, je pense que ça doit être possible. Je ne sais pas comment ça
se rédige, mais…
Le Président (M. Bergman) :
Il vous reste deux minutes, M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci, M. le Président. Vous l'avez très bien exprimé, lorsqu'on arrive à ces
moments-là, moi, j'ai eu l'occasion d'en discuter, c'est de laisser savoir l'intention
générale.
Puis
là je tiens à dire, puis ce n'est pas péjoratif : Il faut que vous
choisissiez les bonnes personnes, parce que ce n'est pas toutes les
familles qui pensent pareil. Puis nous autres, on arrive des fois dans
certaines familles, il y en a une partie
qui, par croyance, vont penser que la vie, c'est un… on ne peut pas abréger la
vie de quelqu'un. Puis vous en avez d'autres qui n'acceptent pas qu'on
ne puisse pas abréger. Si vous avez six enfants… Puis ce n'est pas parce que ça
s'appelle une famille qu'ils pensent tous
pareil. Puis, en passant, j'ai vu qu'il arrivait… des gens qui arrivent avec
des croyances, ça peut être une croyance
athée ou une croyance religieuse, qui, pour eux autres, dans leur croyance, on
ne pouvait pas faire ça. Donc, ça devient
difficile à gérer. Mais, la personne, ce qu'elle doit faire, c'est de laisser
savoir son intention. Moi, je pense
que chacun fera bien ce qu'il voudra, parce qu'il est autonome là-dedans, mais
laisser une marge de manoeuvre, mais
surtout penser que les personnes qui vont exécuter, si elle peut nommer
quelqu'un, qu'elles pensent… que cette personne-là pense qu'on va
penser… elle va avoir le même esprit qu'elle.
Mais, je dois
vous avouer, lorsqu'on a des intentions de la personne, comme soignant… Puis,
vous le savez, quand la personne, elle dit : Moi, j'aimerais ça qu'on
ne fasse pas d'acharnement thérapeutique, même pour la famille ça devient thérapeutique, parce qu'elle dit : Au
moins — puis
moi, j'utilisais beaucoup ce terme-là — on respecte la volonté de la personne
le plus possible. Il n'y a pas de situation parfaite.
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, M. le député.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Et il y a des gens qu'à un moment donné ça va
être un peu plus difficile parce que, comme
vous disiez, il y a des conflits intrafamiliaux. Je ne sais pas si vous êtes
d'accord avec ça. Puis vous n'aurez pas le temps de répondre longtemps,
M. le président aujourd'hui est très strict encore.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc de l'opposition
officielle, je m'excuse. Maintenant, pour le deuxième groupe d'opposition,
M. le député de Vanier-Les Rivières.
M. Lévesque : Merci beaucoup,
M. le Président. Tout d'abord, merci beaucoup, Mme Poirier, pour votre
présentation, c'est fort intéressant. Puis je tiens à exprimer les salutations
sincères de ma collègue députée de Groulx qui
hier m'a mentionné toute l'affection qu'elle avait pour votre groupe. Comme
médecin de famille, elle-même, là, elle m'a spécifié : J'apprécierais,
Sylvain, si tu pouvais leur souligner. Alors, c'est fait.
J'ai beaucoup apprécié votre présentation puis
je tiens à vous dire : C'est une cause, l'alzheimer, qui me touche beaucoup personnellement, ayant un grand-père qui, malheureusement, est décédé en ayant cette maladie-là. Et mon père qui l'année passée, quelques semaines avant
la campagne électorale, est décédé, il commençait à avoir des
symptômes. Ça fait que vous comprenez qu'on parle de facteurs de risque,
souvent, d'être atteint soi-même
d'une maladie dégénératrice comme
celle-ci, et on se dit toujours : Bien, j'ai les gènes, qu'est-ce qui
arrivera? Et ça, j'ai été très, très, très intéressé à vous écouter. Et bien sûr c'est en remplacement
aujourd'hui que je suis ici pour ma collègue, et je n'ai pas eu la
chance de suivre aussi intensément les
débats et les échanges qui ont été faits dans les dernières années. Parce que
ce n'est pas nouveau, tout ce qui… Aujourd'hui, si on débat de ce
sujet-là sur mourir dans la dignité, c'est parce qu'il y a eu un cheminement, il y a eu des discussions. Et c'est des
discussions qui sont très émotives, hein? Les citoyens de ma circonscription
qui sont venus me voir, qui sont
venus m'en parler, c'est sûr, il y a des divisions : il y a des gens qui
sont pour, il y a des gens qui sont
contre. Mais souvent ce que les gens me soulignent, c'est l'importance d'être
capable de prendre une décision pour soi-même le plus éclairée possible.
Et souvent c'est : les maladies dégénératrices reviennent souvent.
Je dirais, je
reprends un peu ce que la ministre disait tout à l'heure, que les gens
l'interpellent et lui en parlent, puis
d'être capable de prendre une décision éclairée
quand ils en ont la capacité, de le faire. Et souvent les gens ont peur
de se retrouver dans un état tel qu'ils ne
se reconnaîtront plus eux-mêmes, et, cette notion-là, moi, je trouve que vous
avez bien exprimé les réserves que vous
pouvez en avoir, sur les choix. Puis j'ai aimé aussi votre analogie, que vous
parliez, du choix sur nos petits animaux de
compagnie qu'on peut avoir et comment ça peut être déchirant de prendre une
décision dans des cas comme ça. Mais comment
respecter la volonté des gens qui prennent une décision le plus éclairée
possible avant que la situation se détériore versus le poids, que doivent
porter les familles, de faire appliquer? Ce n'est pas évident, puis ça, j'en
suis conscient.
Ce que je
voudrais vous poser comme question, Mme Poirier, si vous me permettez, c'est... J'ai
été interpellé par un autre élément. Vous parlez qu'il y a 10 fois trop
de... qu'on prescrit 10 fois trop d'antipsychotiques aux gens qui sont atteints
de maladie de l'alzheimer. Pourriez-vous m'expliquer un peu les impacts de ça,
que vous voyez chez votre clientèle, s'il vous plaît?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Poirier.
• (10 h 30) •
Mme Poirier (Nicole) : Ah, bien les
impacts sont multiples. Ça dépend toujours de la dose, ça dépend toujours
de l'état de santé de la personne, mais l'effet le plus classique… mais vous
pourriez répondre aussi mieux que moi, c'est souvent une plus grande
confusion, de l'incontinence… perte d'équilibre.
Le cycle
classique, c'est : la personne marche, elle dérange, on n'est pas adapté
pour l'accueillir dans cette force-là, on
va donner une médication, et elle va devenir à risque de chute, elle risque de
chuter, se retrouver contentionnée et, étant contentionnée, devient
incontinente… plus d'accès aux toilettes, crie, et puis là les cris font que,
là, on rajoute des neuroleptiques. C'est le
cycle habituel où la douleur qui est mal repérée… qu'on va traiter avec des
neuroleptiques. Tout ça fait en sorte que
la... En CHSLD… moi, j'ai fait des visites de CHSLD, les visites
d'appréciation, et tout ce qui... Là, je parle juste des neuroleptiques, mais je ne parlais pas des
anxiolytiques, je ne parlais pas des antidépresseurs puis je ne parlais pas des
somnifères. Ça fait qu'ajoutées aux antipsychotiques ces trois autres
catégories de molécules, ça fait des cocktails
puis ça, ça coûte extrêmement cher. Puis je ne comprends pas pourquoi
au Québec on ne fait pas un stop là-dessus comme ils ont fait aux États-Unis, où le gouvernement américain a même poursuivi des compagnies
pharmaceutiques parce qu'elles avaient induit les médecins en erreur en
disant : Oui, par exemple, tel neuroleptique va traiter des troubles
du comportement, alors que c'est complètement faux, c'est contre-indiqué.
Alors, moi,
je pense que c'est, encore là, un exemple de mauvaise connaissance de la part
des équipes. Moi, je dis souvent :
Les bons médecins, c'est les... ce qui fait les bons médecins, c'est souvent
les bonnes équipes, qui vont analyser comme
il faut, qui vont s'adapter, les bonnes organisations, puis qu'ils
n'appelleront pas le médecin au moindre problème qui les confronte. Et
puis ça, là, on a du pouvoir là-dessus.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Alors, Mme Poirier, merci
d'être ici avec nous aujourd'hui, merci pour partager votre expertise
avec nous, et on vous remercie pour votre présence.
Je demande les gens de la Commission des droits
de la personne et des droits de la jeunesse de prendre place à la table et je
suspends pour quelques instants seulement.
(Suspension de la séance à 10 h 34)
(Reprise à 10 h 36)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, on souhaite la bienvenue à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Me Frémont, bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation,
suivie d'un échange avec les membres de la commission. Vous nous donnez vos
noms, vos titres et faites votre présentation. Bienvenue.
Commission des droits
de la personne
et des droits de la jeunesse (CDPDJ)
M. Frémont
(Jacques) : Merci. Merci, M.
le Président. M. le Président, Mme la ministre déléguée aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse, Mmes et
MM. les députés, je suis Jacques Frémont, président de la
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Je suis
accompagné aujourd'hui de Me Renée Dupuis, qui est vice-présidente de la commission, de Me Daniel Carpentier, qui est
directeur de la recherche, et de Me Marie Carpentier, donc deux
Carpentier, conseillère juridique à la commission, sans lien de parenté
entre les deux.
Comme vous le
savez, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a
été instituée en vertu de la Charte
des droits et libertés de la personne du Québec. Elle a reçu de l'Assemblée
nationale le mandat d'assurer la promotion et le respect de l'ensemble
des droits reconnus dans la charte. C'est dans le cadre de ce mandat que la commission procède à l'examen des textes
législatifs afin d'en vérifier la conformité aux principes contenus dans la
charte et qu'elle fait les recommandations
qui s'imposent, le cas échéant. Conformément à ce devoir, nous sommes heureux
de participer aux travaux de la Commission de la santé et des services sociaux
consacrés à l'étude du projet de loi n° 52. Comme vous l'avez constaté, ce projet de loi soulève des questions
extrêmement difficiles, des enjeux délicats, et il n'est pas exagéré d'affirmer que la problématique des
droits et libertés demeure au coeur des débats entourant son adoption. C'est
donc uniquement en regard des droits et
libertés de la personne et non de l'acceptabilité sociale des mesures
proposées que la commission a analysé le projet de loi et partage ses
réflexions avec votre commission aujourd'hui.
D'entrée de
jeu, la commission salue l'initiative du législateur de légiférer en matière de
droits relatifs aux soins de fin de
vie. Elle y voit certes une façon de combler l'écart entre les besoins de la
société et le cadre législatif actuellement en vigueur. Ce projet de loi est le fruit d'un important travail réalisé en
collégialité et en dehors de tout esprit partisan, ce qui lui confère une plus-value certaine. La commission est
d'accord avec ce qu'elle perçoit comme les deux grandes avancées
proposées par le projet de loi n° 52, soit l'encadrement de la sédation
palliative terminale et l'introduction de l'aide médicale à mourir. Elle souscrit également au principe qui fonde, entre
autres, l'accessibilité de l'aide médicale à mourir.
Le premier de ces principes est la conception
des soins de fin de vie, y compris de l'aide médicale à mourir, comme faisant partie d'un continuum de soins. Les
notes explicatives accompagnant le projet traitent de, et je cite… de soins de vie que l'état d'une personne requiert.
Les conditions d'accès à l'aide médicale à mourir prévues par le projet
de loi nous indiquent d'ailleurs clairement à quel moment, eu égard à son état
de santé, une personne peut recourir à cette aide. Le second principe est l'inscription, à l'article 2 du projet de loi, de
la reconnaissance des droits et libertés de la personne comme devant
guider la prestation des soins de fin de vie. Le législateur invoque en effet
la reconnaissance des droits et libertés
ainsi que le respect de la dignité comme étant des facteurs devant guider la
prestation de ces soins. La référence à la dignité inhérente à l'être
humain dans le projet de loi est, selon nous, cruciale. La dignité est
également inscrite au préambule de la charte québécoise des droits et libertés
de la personne et doit, de ce fait, inspirer l'interprétation de tous les
autres droits qui y sont énoncés.
• (10 h 40) •
Tous les
droits protégés par la charte découlent en effet de la dignité inhérente de
l'être humain et doivent viser à sa préservation.
C'est également le cas du droit à la vie. La sauvegarde de la
dignité de l'être humain ne peut se situer que dans une logique inhérente à la défense des droits et
libertés de la personne et non, nous le soumettons, dans une logique de
satisfaction d'impératifs étatiques.
Ce faisant, la commission
s'est principalement attardée sur le chapitre IV du projet de loi qui annonce les exigences particulières relatives à certains
soins de fin de vie, en l'occurrence la sédation palliative terminale et l'aide
médicale à mourir. La commission est
satisfaite des conditions médicales qui doivent être réunies avant de pouvoir
obtenir l'aide médicale à mourir. Elle est d'avis non seulement que ces
conditions constituent un rempart suffisant pour assurer la protection des
droits des personnes qui requièrent ces soins, mais, au surplus, que l'encadrement
juridique de l'aide médicale à mourir par le
droit est nécessaire afin de mettre
en oeuvre les droits et libertés en vertu de la charte. Autrement dit, c'est l'absence de législation en la matière qui pourrait avoir pour effet de violer les droits fondamentaux des Québécois. La commission s'inquiète cependant des conditions
juridiques imposées par le projet de loi qui font en sorte que ni les personnes mineures, ni les personnes inaptes à
consentir aux soins, ni les personnes qui ne sont pas assurées aux soins
de la Loi sur l'assurance maladie ne puissent bénéficier de l'aide médicale à
mourir. En effet, l'inaccessibilité de ce soin requis par l'état du patient
pour les personnes mineures et les personnes inaptes à consentir et pour les
personnes qui ne sont pas assurées est susceptible de porter atteinte à
plusieurs de leurs libertés et droits fondamentaux.
Dans
le cas présent, par exemple, on parle du droit à la vie, du droit à la sûreté,
du droit à l'intégrité, du droit à la liberté
de sa personne, la liberté de conscience, le droit à la sauvegarde de sa dignité et le droit au respect de la vie
privée.
Ces atteintes aux
droits fondamentaux ne pourront vraisemblablement pas être sauvegardées par le
biais de l'article 9.1 de la charte, puisqu'ils ne satisfont pas au
critère dit de «l'atteinte minimale». Ce critère exige en effet que la mesure adoptée porte le
moins possible atteinte aux droits et
libertés entravés. Or, une interdiction complète et inconditionnelle,
comme celle proposée dans le projet de loi, imposée aux personnes mineures, aux
personnes inaptes à consentir aux
soins et aux personnes qui ne sont pas assurées au sens de la Loi sur
l'assurance maladie est difficile à justifier. En outre, la distinction
entre les personnes inaptes à consentir aux soins et les autres personnes peut
constituer de la discrimination fondée sur le handicap. Des règles de
consentement à l'aide médicale à mourir qui seraient plus en phase avec les règles de consentement du droit
commun pour les personnes mineures et les personnes inaptes à consentir
et qui tiennent compte du caractère terminal et irréversible de ce soin
seraient mieux à même de satisfaire au critère de l'atteinte minimale. C'est
d'ailleurs ce qui est prévu au projet de loi quant à la sédation palliative
terminale. En outre, l'accessibilité de
l'aide médicale à mourir par le biais des directives médicales anticipées, qui
n'est pas prévue dans l'état actuel du projet de loi, permettra aux
personnes qui n'ont pas toujours été inaptes à avoir accès aux soins.
La commission invite
donc le législateur à ouvrir la possibilité de recourir à l'aide médicale à
mourir aux personnes mineures et aux personnes inaptes à consentir aux soins,
moyennant le développement de mécanismes de consentement appropriés. La
commission invite également le législateur à revoir l'obligation d'être assuré
au sens de la Loi sur l'assurance maladie afin de ne pas exclure inutilement
des personnes qui par ailleurs résident au Québec.
En
bref, la commission estime que l'adoption du projet de loi n° 52 est
nécessaire pour protéger adéquatement les droits constitutionnels des Québécois et plus particulièrement leur
droit à la dignité. Par contre, nous entretenons de sérieux doutes sur la validité de la prohibition d'avoir
recours à l'aide médicale à mourir pour les personnes mineures ou
inaptes. À cet égard, la commission espère
que le législateur saura apporter les nuances nécessaires afin de faire valoir
leurs droits et de voir leur dignité
respectée. Si l'exercice est difficile, il demeure néanmoins essentiel. Il serait dommage, après avoir
courageusement parcouru tout ce chemin, que le législateur omette ainsi de
protéger les droits des personnes éminemment vulnérables.
Nous
restons évidemment à votre disposition pour répondre à vos questions
et vous remercions de votre attention.
Le Président (M.
Bergman) : Me Frémont, merci pour votre présentation. Maintenant,
pour le premier bloc gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Me Frémont, bienvenue. Je ne sais pas
si c'est votre première présence en commission depuis votre nomination. Déjà
votre deuxième? Bon. Alors, vous allez devenir un habitué rapidement. Donc, félicitations donc pour évidemment
votre accession à la présidence de la commission. Bien sûr, Me Dupuis, bien heureuse que vous soyez ici. Me
Carpentier et Me Carpentier, donc Carpentier, Carpentier parmi nous aujourd'hui,
merci beaucoup. Écoutez, comme je le disais tout à l'heure, je pense que c'est
fascinant de vous entendre à la suite
d'avoir entendu Carpe Diem. Ça enrichit de beaucoup, je vous dirais,
notre travail aujourd'hui parce
qu'on est dans la réalité très concrète, très clinique, très humaine et on
est aussi dans la réalité juridique, et nous, on ne peut faire
abstraction ni de l'une ni de l'autre. Alors, merci pour l'éclairage que vous
nous apportez.
Peut-être avant de
venir sur des éléments plus de fond, là, sur toute la personne des mineurs et
des personnes inaptes, je veux juste noter
deux choses. Dans un premier temps, je comprends que, vous, l'approche d'un
continuum de soins, donc l'idée de
voir les soins palliatifs, la sédation, l'aide médicale à mourir sur
un continuum, c'est quelque
chose qui vous apparaît bien fondé. Je voudrais juste comprendre en quoi pour
vous c'est, je dirais, opportun de considérer l'ensemble, je dirais, de l'approche de cette manière-là
dans le projet de loi, parce que
certaines personnes sont venues nous
dire qu'au contraire… c'est quand même très minoritaire, mais certaines
personnes sont venues nous dire qu'on devrait scinder, donc parler, dans un projet de loi, des soins palliatifs puis,
dans un autre projet de loi, par exemple, de la sédation puis de l'aide
médicale à mourir.
Je
comprends que ce n'est pas votre position. Est-ce que vous pouvez nous dire
pourquoi la commission estime que c'est opportun?
Le Président (M.
Bergman) : Me Frémont.
M. Frémont (Jacques) : Merci de votre question, Mme la ministre. Pour
nous, c'est extrêmement important parce que ça situe finalement la question de l'aide médicale à mourir et de la
fin de vie dans son contexte, qui est un contexte naturel,
qui est le contexte de la prolongation de soins, et il y a déjà un encadrement
normatif, par le Code civil du Québec, par d'autres lois, au sujet des soins
médicaux à recevoir.
Alors, il est
important que ce soit mis dans cette continuité par rapport à une logique de
droits et libertés, par rapport, et spécialement, à l'égard des mineurs, des
personnes inaptes. Ce sont des personnes qui ont des droits, ce sont des
personnes qui ont une histoire médicale aussi, et l'aboutissement de la vie
fait partie et, comment dire, est l'aboutissement naturel de ce continuum de
soins. D'autre part, et c'est peut-être un peu à l'extérieur du propos de la commission, mais le constitutionnaliste en moi ne
peut pas être complètement mis au rancart, il est clair qu'en situant le
projet de loi dans un continuum de soins on
campe le projet de loi dans une juridiction tout à fait provinciale. Et je ne
peux pas m'empêcher… J'ai vu le Globe and Mail ce matin où, précisément,
le fédéral dit : On est peut-être prêt à parler avec les provinces.
Donc, c'est une confirmation
au moins implicite de la légitimité d'une action provinciale à cet égard.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
• (10 h 50) •
Mme
Hivon :
Puis d'ailleurs c'est assez extraordinaire, ce qui se vit en ce moment, je
dirais, comme débat, puis le Québec est
précurseur, et la reconnaissance, la légitimité de la démarche québécoise
aussi, sur ces assises juridiques constitutionnelles. Donc, évidemment,
on va revenir aux droits et libertés.
D'autres
nous ont dit aussi que… Puis là vous, vous venez nous dire qu'en fait
c'est bien campé avec les premiers articles du projet
de loi, qu'on rappelle bien le
contexte du respect des droits et libertés, de la dignité et de l'autonomie.
Certains
sont venus nous dire qu'en parlant de principes à l'article
2 on pourrait peut-être en venir à diminuer la portée de la reconnaissance des droits et libertés. Moi, je
dois vous dire que notre approche était tout autre, c'était plutôt
de vraiment camper, en l'écrivant
noir sur blanc, «la reconnaissance de ses droits et libertés doivent inspirer
chacun des gestes posés à son
endroit», qu'on voulait faire le rappel. Et de toute façon ça doit être lu en conjonction avec les chartes et le Code
civil.
Mais
est-ce que, pour vous, il y a un risque à cet égard-là, je ne sais pas, de
diminuer l'importance du respect des droits et libertés parce qu'on
serait au niveau des principes plutôt qu'au niveau des droits?
Le Président (M.
Bergman) : Me Carpentier.
M. Carpentier (Daniel) : Écoutez : pour nous, ce serait difficile de dire que ça vient diminuer
la portée des droits, puisque la
commission, dans sa première fonction, et ce que dit la charte… je me permets
de citer, c'est que «la commission assure, par toutes mesures appropriées, la promotion et le respect des
principes contenus dans la présente charte». Donc, c'est vraiment… Et on le fait en assurant
l'exercice et la reconnaissance de l'ensemble des droits et libertés de la
personne.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Merci. C'est juste que ça permet de clarifier…
Des voix :
…
Mme Dupuis (Renée) : … si vous me permettez, que… Si on a bien compris l'esprit du projet de
loi et sa lettre, à l'article 2,
quand on définit : «Les principes suivants doivent guider la prestation
[des services]», on vient préciser que le cadre de référence qui doit être appliqué dans le cadre de la prestation
des soins de vie est défini à 1, 2 et 3 et que la pleine reconnaissance
des droits et libertés fait partie de ce cadre de référence qui doit être
appliqué.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Contente de voir qu'on se comprend. Alors, je disais
à la légiste qu'ils avaient fait du bon travail. Donc, quand on passe le
test, du moins en partie, pour les principes de la commission des droits, c'est
toujours un bon signe.
Donc, j'aimerais en venir bien sûr à la question
des personnes mineures et des personnes inaptes. Donc, évidemment, je
comprends que votre réflexion n'est qu'une… mais est toute une réflexion
juridique, mais, comme vous l'avez dit d'entrée
de jeu, elle ne se situe pas sur le plan de l'acceptabilité sociale des
politiques publiques mais bien de la question du respect des droits et
libertés. Vous n'êtes pas sans savoir que c'est un enjeu pour l'acceptabilité
sociale qui est très, très important et qui, pour nous, je dirais, a suscité
beaucoup de questions pendant les travaux, parce que le Collège des médecins,
au jour un, est arrivé en nous disant qu'on devrait considérer l'ouverture pour
les personnes inaptes, et d'autres groupes
sont venus à cet égard-là. Et, pour d'autres, comme vous avez entendu avec
nous, c'est vraiment une approche de dire : Allons-y avec ce qui
est là, quitte à confier un mandat à la Commission sur les soins de fin de vie
de regarder plus précisément la question, par exemple, des personnes inaptes.
Donc,
si on revient vraiment sur un strict plan juridique… bien, c'est important pour
moi de faire quand même la distinction, si on revient sur un strict plan
juridique, vous nous dites que vous ne croyez pas que cela pourrait passer le
test comme une atteinte minimale parce qu'il n'y a pas d'encadrement possible,
c'est exclu.
Est-ce
qu'un objectif plus large de… je ne sais pas, de paix sociale, ou de
considérations générales de l'intérêt public, ou de l'évolution de la
pensée sur le sujet pourrait être invoqué pour dire que cette limitation-là est
justifiée?
Le
Président (M. Bergman) : Me Frémont.
M. Frémont (Jacques) : Votre question est intéressante, et ça soulève
toute la question des droits et libertés. On en parle beaucoup ces
semaines-ci dans d'autres contextes.
Les
droits et libertés, ce n'est pas nécessairement un concours de popularité. Il y
a une façon… Ce sont des débats sociaux.
Ça mène à des débats, ça mène à des débats d'équilibrage et de peser des
intérêts sociaux en présence et souvent de peser les intérêts
minoritaires ou de personnes en état de minorité ou de vulnérabilité contre des
intérêts sociaux plus importants. Ce qu'il
faut se rappeler, notamment pour les mineurs, c'est que l'inaptitude du mineur
résulte non pas de la nature,
contrairement à la personne inapte qui est tout simplement… qui n'est pas capable
d'exprimer… majeure qui n'est pas
capable d'exprimer ses choix… le mineur, ça résulte de la loi, ça résulte du
Code civil. Et je pense qu'il n'y a pas un médecin au monde qui va dire
qu'un jeune de 16 ans ou de 17 ans est foncièrement différent d'un jeune de 18
ou de 19 ans dans une situation semblable. Donc, la loi crée cette distinction.
Vous
nous dites : Est-ce que les objectifs sociaux pourraient être pris en
compte? Ça va être pris en compte parce que, comme vous le savez, dans
le test de l'article 9.1, qui est l'équivalent du test de l'article premier de
la Charte canadienne, c'est le premier volet
du test et probablement que l'objectif social va passer le test, va
passer ce premier volet.
Le
deuxième volet ou le troisième, selon... ça dépend comment on compte, c'est
l'atteinte minimale et là avec une exemption
brutale, totale, sans possibilité d'ouverture. Pensez au jeune de 16 ans qui
est dans les situations de l'article 26, qui répond d'autre part à tous
les cas de l'article 26. Ça me paraît assez clair que, s'il va devant les
tribunaux, il n'y a personne qui va être capable de défendre que le législateur
a cherché l'atteinte minimale là-dessus en ne laissant pas d'ouverture à ce jeune. Et il en va de même, c'est peut-être
moins évident, mais pour la personne inapte. La personne
inapte, pourquoi est-ce que, parce qu'elle est inapte... Vous le
savez, le test de l'article 26 exige… être atteint d'une maladie grave et incurable, un déclin avancé et irréversible,
des souffrances physiques ou psychiques constantes. Alors, si on est une
personne inapte, dans ces conditions il n'y a pas d'échappatoire possible,
alors qu'une personne apte va avoir accès à l'aide médicale à mourir.
Je
ne vois pas comment... Ça va être très difficile en tout cas à plaider au
niveau de l'atteinte minimale. C'est ce qu'on vous dit, qu'il y a un problème considérable, et c'est loin d'être
clair que les tribunaux vont valider cette approche, qui empêche tout
accès à l'aide à mourir pour ces personnes.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du
gouvernement. Maintenant, pour le premier bloc de l'opposition
officielle, Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Alors, Me Frémont, bienvenue parmi nous. Félicitations
pour votre nomination. Je vous remercie
aussi d'avoir pris le temps avec votre équipe de nous faire part de votre
analyse du projet de loi.
Évidemment, la
ministre l'a mentionné un peu plus tôt, il y a toute la question... il y a
différents éléments qui doivent être pris en considération lorsqu'on analyse le
projet de loi et, au-delà de la question strictement juridique et strictement constitutionnelle, il y a les éléments
humains. Et j'aimerais, pour les fins des gens qui nous entendent, qui
nous écoutent, qui suivent nos travaux, j'aimerais beaucoup vous entendre sur
la notion de dignité parce que cette notion-là,
pour vous, le droit à la dignité, est le droit qui est intrinsèque à tous les
autres. Et on a eu des témoignages devant cette commission qui viennent
un petit peu apporter certaines définitions de la dignité. Votre définition de
dignité n'est peut-être pas la mienne, ma
perception de la dignité n'est peut-être pas celle de mon collègue, celle de la
ministre, et c'est une notion qui est très
subjective, la dignité humaine et la dignité d'un individu. Et donc j'aimerais
pouvoir vous entendre là-dessus parce que c'est extrêmement important
dans ce débat-là. Tout à l'heure, l'équipe de Carpe Diem, Mme Poirier nous
expliquaient à quel point un changement dans notre attitude face aux inaptes
pouvait changer complètement la vie de ces personnes-là et probablement
affecter, justement, la dignité de ces gens-là.
Donc, j'aimerais bien
vous entendre, parce que l'aspect juridique est un parmi d'autres, et on doit
en tenir compte aussi.
Le Président (M.
Bergman) : Me Frémont.
• (11 heures) •
M. Frémont (Jacques) : Je vais passer la parole à la vice-présidente, à
Me Dupuis, mais avant, tout simplement… pour vous dire qu'en matière de
droit c'est bien sûr que chacun peut penser subjectivement ce qu'il entend par
droit à l'égalité, droit à la liberté
d'expression, droit à la dignité. Ultimement, c'est la définition
jurisprudentielle, lorsque ça viendra devant
les tribunaux, qui va trancher la question. Alors donc, il y a un élément
subjectif par rapport aux gens, ce qu'ils comprennent, qu'est leur dignité ou ce que devrait être la dignité des
autres, mais il y a un élément aussi objectif dans le discours social,
au-delà de tout, malheureusement ou heureusement. Me Dupuis.
Le Président (M.
Bergman) : Me Dupuis.
Mme Dupuis (Renée) : Et d'ailleurs la question de la dignité que vous soulevez est très
importante et elle évolue, elle évolue. La preuve, c'est que, dans le
Code civil, on en est venu à établir des normes qui permettaient à une personne
de consentir à des soins, par la suite de refuser des soins.
Et la question,
d'après ce qu'on comprend du projet
de loi, elle se pose aujourd'hui dans ce continuum de soins, parce que
c'est la personne humaine qui est au coeur du projet de loi ici, ce n'est
pas l'opposition entre les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir, c'est :
Comment encadre-t-on dans le contexte actuel la fin de vie des êtres humains?
Et, dans ce sens-là, on peut imaginer
que le concept de dignité n'est pas un concept figé, qu'il évolue. Et ce que
l'on dit aujourd'hui, c'est que la dignité… aujourd'hui, pour respecter la dignité des êtres humains, il
faut respecter l'autonomie décisionnelle de la personne. Et c'est dans ce sens-là qu'on pense que le cadre qui est
établi ici, entre autres, à l'article 26, est suffisamment défini, et le test est suffisamment contraignant
pour l'individu pour assurer qu'on va respecter cette dignité-là, mais
qu'on va permettre à la personne d'être la personne qui… le sujet qui va
déterminer ce qu'il advient d'elle-même. Et donc il y a un déplacement dans le
contexte de dignité actuel, où ce n'est plus des préceptes religieux, où ce
n'est plus la position d'un médecin. On va un peu plus loin et on
dit : Ce qui doit être déterminant dans les… Compte tenu aussi, comme on
le dit dans notre mémoire, du fait qu'on accroît énormément, et Carpe Diem l'a
souligné, l'usage de psychotiques, d'antipsychotiques, d'antidépresseurs… fait
en sorte que cette médicalisation croissante n'est pas nécessairement dans l'intérêt
objectif de la personne.
Alors, on a
choisi, c'est ce qu'on comprend du projet de loi, et, selon la commission, ça respecte la Charte des droits et libertés, d'assurer un cadre qui est
défini à 26, qui va permettre à des individus de prendre position pour eux-mêmes…
des personnes pour elles-mêmes, de ce qui est répondre à leur dignité et éviter
que le débat ne se fasse. Et ce n'est pas pour
rien que le Collège des médecins l'a soulevé, le véritable problème, ce sont
les personnes inaptes à l'heure
actuelle. Et c'est pour ça que la commission
dit : Surtout si les majeurs ont fait des directives médicales anticipées, on veut permettre à la personne
de ne pas faire reposer sur des tierces personnes le choix de mettre un terme à
leurs souffrances.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Dans ce contexte où on permettrait, via les directives médicales anticipées, à
un individu de recourir au soin qui
est l'aide médicale à mourir, on revient toujours avec la difficulté
d'application de l'article 27, c'est-à-dire : la personne
inapte ne peux pas venir indiquer qu'elle change d'idée. Et ça soulève toute la
question du délai entre le moment où la
directive médicale anticipée a été préparée et le moment où l'inaptitude
survient. Parce qu'on peut penser, comme
il arrive dans les cas de testaments, de mandats pour cause d'inaptitude, que
les gens aient fait leurs directives médicales anticipées à un moment
donné x de leur vie, pour toutes sortes de raisons ne les ont pas mises à jour.
Et là, advenant le cas ou l'aide médicale à
mourir serait rendue admissible, comment on peut s'assurer… Puis je vous
dirais que nous, comme législateurs, dans le
doute, des fois, on a peut-être tendance à être plus frileux qu'ouverts, parce
que comment on peut s'assurer qu'au
moment où l'inaptitude survient la directive médicale anticipée correspond
toujours à la volonté qui a été exprimée à un certain moment donné par
la personne?
Le Président (M. Bergman) :
Me Frémont.
M. Frémont
(Jacques) : Écoutez, la
question n'est pas facile. Vous encadrez de toute façon à l'article 45, si
je me souviens bien, ce consentement médical.
Il n'y a pas de règle facile, mais il y a
certainement… Si vous regardez le droit commun, le majeur inapte actuellement, en vertu du droit commun, en vertu
des articles 13 et 16 du Code civil… l'autorisation du tribunal peut
être requise, sauf s'il y a
un cas d'urgence, donc, comment dire, si jamais il y avait
un doute. Et la réalité, j'ai l'impression… moi, je ne suis pas médecin, je ne suis rien qu'avocat, mais la réalité,
c'est lorsqu'autour du majeur maintenant inapte il y avait une volonté claire quand la maladie… Tant que la
personne a été inapte, elle a dit : Je ne veux pas que ça traîne,
je ne veux pas ce genre de traitement là. Les gens qui ont désormais le pouvoir
sont d'accord, la famille est d'accord, le médecin
est d'accord. Il nous semble que ça serait bête, que ça serait
discriminatoire de dire : Bien, on s'excuse, il est inapte. À ce
moment-là, la personne n'a pas accès à ces soins qui… en tout cas, les soins,
dans le Code civil, qui sont requis.
Alors, est-ce que
c'est le recours à un tribunal? Pour la jeunesse, est-ce que
ça serait le recours au Tribunal de la jeunesse
pour aller chercher, comment dire, une vision objective pour être sûr qu'il n'y ait pas de collusion entre les proches, le médecin, etc.? Et, vous
avez vu, dans nos recommandations, de façon très claire, on est un peu… passez-moi
l'expression, on est un peu «chicken» là-dessus
parce qu'on ne vous en donne pas, de
solution. Et je vous avoue qu'on a discuté.
La commission, ce n'est pas seulement le président puis les vice-présidents,
c'est 10 commissaires aussi, et vous pouvez
imaginer qu'on a discuté longuement de ces questions. Et c'est sûr qu'il y a,
comment dire… il y avait des visions légèrement différentes, il y avait
des solutions légèrement différentes. Et c'est pour ça que, faute d'un
consensus quant à ces solutions, et quelque
part le rôle de notre commission n'est pas de faire la job du législateur, mais
de commenter les projets de loi, ce qu'on s'est dit très clairement, c'est :
En s'inspirant, en étant en phase avec les logiques qui sont les logiques de consentement dans le Code civil du
Québec et dans les lois particulières lorsqu'il s'agit de jeunesse, il y
a sûrement moyen pour le législateur de
trouver une solution qui soit acceptable, qui permette, qui ouvre l'aide
médicale à mourir, mais sans que ça soit nécessairement… sans faciliter les
choses. Mais on ne peut pas s'empêcher d'autre part de constater… Puis ça, on a eu cette conversation-là à l'interne
longtemps, c'est que, dans la sédation palliative terminale, soudainement : Ah, là, ça va, et il n'y a pas
un médecin autour de la table qu'on a consulté qui a été capable de nous
dire : Il y a une définition claire de la sédation palliative ou de l'aide
à mourir.
Alors, on est
dans une zone grise. Et parfois c'est assez simple de voir si on se situe dans
le zéro ou dans le un, mais, dans beaucoup de cas, on est dans le
milieu. Et il est clair qu'à ce moment-là ça nous paraît paradoxal, comme commission, de voir que, pour la sédation
palliative terminale, ce sont les règles ordinaires du droit commun et, pour
l'aide à mourir, c'est une prohibition. Et on peut se demander s'il ne devrait
pas y avoir… Et ça, on ne le fait pas dans notre mémoire, mais il pourrait y avoir une espèce de clause miroir parce que,
dans le fond, on n'est pas dans des situations qui sont tellement
différentes l'une de l'autre.
On s'est
demandé aussi… je suis parfaitement candide avec vous aujourd'hui, on s'est
demandé s'il ne devrait pas y avoir
des définitions. Les juristes, on aime bien les définitions, c'est toujours
rassurant. Puis, d'après ce que je crois comprendre, dans les débats actuels, au Québec on
aime beaucoup les définitions et on a l'impression que les définitions vont nous sauver la vie. La réalité… Et là tout le
monde était autour de la table, on a eu cette conversation. Il y en a
certains qui disaient : Oui, il faudrait avoir une définition. Puis il y
en a d'autres qui ont dit : Non, il ne faut pas avoir de définition précisément pour laisser la souplesse
en question, alors la souplesse nécessaire pour faire face… Parce que c'est
un débat théorique que le débat qui nous
occupe aujourd'hui, mais avec des ramifications extrêmement réelles,
concrètes, pratiques pour des gens, pour la dignité des gens qui sont en cause.
Alors, on s'est abstenus de demander des
définitions. Il y a des groupes qui en ont proposé et qui définissent
«restreint», et à ce moment-là on pensait que c'était plus sage de s'abstenir
de faire des recommandations là-dessus.
Le Président (M. Bergman) :
Ceci met fin au premier bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le
dernier bloc du gouvernement, Mme la ministre.
• (11 h 10) •
Mme
Hivon :
Bien, j'apprécie beaucoup que vous alliez au fond de votre raisonnement. Puis,
pour la question des définitions, moi, j'entends bien ce qui nous est
dit par différentes personnes.
On y a
réfléchi aussi. La volonté, c'est que ça soit le plus clair possible. Mais il y a
une embûche de plus, c'est que
normalement, dans le droit civil, dans nos lois, on ne définit que ce qui n'est
pas usuel dans le sens commun. Et, dans les lois médicales, si on se mettait à définir tous les termes qui sont
utilisés, ça serait très complexe. Mais je dois vous dire qu'on va vraiment essayer de trouver la meilleure voie de passage,
pour que ça soit clair, mais qu'à la fois ça respecte notre esprit du
droit civil, et de ne pas créer un précédent non plus, là. Voilà, il y a
quelques enjeux comme ça.
Écoutez, j'ai beaucoup de questions, ça fait que
je vais essayer d'y aller rapidement, puis si vous pouvez aussi…Tantôt, vous avez dit… J'ai trouvé ça très
intéressant. Parce que vous savez qu'on entend parler aussi des
risques de dérives pour les personnes vulnérables, O.K.? Et là vous avez dit en
terminant : C'est l'absence de législation en la matière qui pourrait avoir pour effet de brimer les droits des personnes
vulnérables. Donc, ça, j'aimerais que vous me disiez ce qui vous permet de faire une telle affirmation.
Et aussi vous semblez dire que ce projet
de loi là non seulement
respecte le droit à la dignité, mais qu'il
peut favoriser, donc, l'exercice du droit à la dignité et le respect de la
dignité de la personne. Et, compte tenu du contexte dans lequel on est,
où certains qui représentent les personnes vulnérables ont un discours différent, j'aimerais ça que la commission des
droits nous explique ça. Je vais vous dire mes trois questions, puis on
va gagner du temps. C'est ma technique pour que le président ne me coupe pas.
Donc, ça, c'est le premier élément. Le deuxième
élément, bien là vous y avez fait référence un peu en disant que vous avez été
un peu «chicken», pour prendre les guillemets.
Mais c'est sûr que moi, j'aimerais savoir si, pour vous, ce qui pourrait être
une atteinte jugée moins grande pourrait
être le fait, par exemple, de venir mettre une balise d'autorisation du
tribunal. C'est ce que le Collège des médecins amenait comme piste pour la personne inapte, par exemple. J'aimerais vous entendre aussi sur la situation de la personne inapte depuis sa naissance, pas celle qui a le
loisir de faire des directives anticipées, là. Mais on sait que, dans l'état
actuel des choses, il y a beaucoup
de droits qu'elle ne peut pas exercer, alors elle ne pourra pas se marier,
elle… Donc, comment on peut concilier ça?
Et
finalement, s'il nous reste du temps, c'est toute la question — vous
y avez fait référence du point de vue
du respect des droits et libertés de la
personne — de
permettre, par exemple, à un tiers d'accepter le débranchement d'un
respirateur, d'accepter l'arrêt de
traitement, l'arrêt des soins versus l'aide
médicale à mourir. Est-ce que vous y
voyez quand même une différence, je dirais, dans l'importance des gestes qui
sont posés?
Le Président (M. Bergman) :
Me Frémont. Il reste sept minutes dans ce bloc pour répondre à ces questions.
M. Frémont (Jacques) : Trois petites
questions.
Écoutez, prenons la deuxième, si vous le voulez
bien, en premier : Est-ce qu'il devrait y avoir des balises d'autorisation? Je pense que pour la commission,
clairement… c'est-à-dire, on ne peut pas passer d'un extrême à l'autre.
Il devrait y avoir des balises. Il y a déjà des
balises dans le droit commun. Et, vous le savez, notamment pour les
mineurs, il y a déjà une possibilité de consentir aux actes médicaux au-dessus
de 14 ans. Il y a tout un mécanisme dans le droit commun que, si jamais il y avait un refus, s'il y a un refus de
traitement des titulaires de l'autorité parentale, il y a moyen d'aller
devant le Tribunal de la jeunesse pour les médecins pour avoir un consentement
et procéder aux soins. Donc, il y a véritablement, déjà, un régime, et on
dit le message : Il faut que vous ouvriez la porte. Maintenant, ce
régime… comment dire, il y a déjà des clés
dans le droit commun, on vous dirait, et les clés ne sont pas les mêmes pour le
majeur inapte évidemment que pour le mineur puisque les régimes juridiques sont
différents.
On pourrait certainement, pour le majeur inapte,
comme je le disais tout à l'heure… de recourir à l'autorisation d'un tribunal
pour l'aide à mourir, ça serait une des possibilités. Évidemment, c'est,
comment dire… S'il y a eu… Il y en a
d'autres qui vont dire : Si le médecin est d'accord, la famille est
d'accord, les titulaires de l'autorité sur l'inapte sont d'accord et que
d'autre part toutes les conditions de 26 existent, est-ce qu'on a besoin d'aller
devant un tribunal? Là, c'est un choix législatif que vous avez à faire… ou d'aller
devant une autre autorité ou une autre personne qui va vérifier qu'effectivement
c'est correct comme décision, parce que c'est ce qu'on cherche à faire. L'inapte,
depuis sa naissance, oui, il est privé, pour répondre à votre question. Par
définition, tout au long de sa vie, mineur ou majeur, il y a certains gestes
que l'inapte ne sera pas capable de poser. Mais il reste qu'il y a quelque
chose qui est fondamental à l'inapte, c'est son droit à la vie et son droit à
la dignité. Et ça, qu'il soit apte ou inapte, vous allez convenir avec moi que
c'est le même droit. Et à cet égard, comment dire, c'est peut-être une chose de
ne pas être capable d'ouvrir un compte de banque, c'est autre chose d'être
capable de mourir dans la dignité ou d'être capable de recevoir tous les soins
qu'il pourrait recevoir dans le continuum de soins n'eût été de son inaptitude.
Donc, comment dire, les droits… l'incapacité
de l'inapte… oui, à certains égards et par définition. Mais, pour des droits aussi fondamentaux que le droit à la vie,
le droit à la dignité, on pense que, là, il faut que ça rejoigne le
traitement que le droit fait et offre les possibilités que le droit offre aux
personnes aptes.
Votre
première question, si vous permettez, et je ne suis pas sûr de l'avoir bien
comprise… mais ce que l'on dit dans
notre mémoire, c'est très clairement qu'on n'a absolument pas le choix. Le
législateur, finalement… quelqu'un qui voudrait avoir l'aide à mourir et
qui ne peut pas l'avoir… C'est-à-dire que, s'il n'y a pas de projet de loi,
dans les circonstances actuelles, on pense que ça viole les droits des
Québécois en vertu de la charte, de ne pas avoir cette possibilité-là, de ne pas avoir cet accès-là. Et pourquoi? À cause des
droits qui sont définis dans notre mémoire. Ce sont des droits de la charte québécoise, ce ne sont pas des
droits imposés par des systèmes étrangers. Ce sont les droits qui ont
été votés par l'Assemblée nationale :
le droit à la vie, la sûreté, la conscience, la sauvegarde de sa dignité, le
respect de la vie privée. Alors, il y
a tous ces droits. Et, pour nous, le droit à la dignité, c'est le droit de
chaque personne. Comme le disait Me
Dupuis, comme on le dit dans le mémoire aussi, ce droit à la dignité s'articule
en fonction de chacun. Ce n'est pas à l'État
de définir, dans un cas, ce qu'une personne considère comme étant son droit à
la dignité, alors l'État doit s'abstenir de le définir pour lui. Et, en mettant des prohibitions sur le mineur,
sur les inaptes, l'État définit, fait des choix qui empêchent la
personne ou ses représentants d'exercer leurs droits constitutionnels.
Alors,
c'est un… comment dire, ce n'est pas nécessairement populaire, ce qu'on dit, ce
n'est pas nécessairement consensuel, mais c'est dans une logique de
droits et libertés, qui font partie de notre contrat social au Québec,
profondément ancrés dans notre contrat social. C'est difficile d'échapper à ces
conclusions.
Le Président (M.
Bergman) : Vous avez une minute.
M. Frémont
(Jacques) : La troisième question, c'était…
Mme
Hivon :
Bien, ce n'est pas… En fait, c'est plus, peut-être, médical que droits et
libertés, mais c'est que beaucoup de
personnes font une grande distinction entre un arrêt de traitement, un refus de
traitement et l'aide médicale à mourir,
mais, d'un point de vue de respect des droits de la personne, pour vous, vous
comprenez tout ça. Vous l'avez très bien dit, pour une sédation, par
exemple, c'est possible, pour un mineur ou une personne inapte, par le
consentement substitué, l'arrêt de traitement est possible auprès du mineur,
débrancher alors que le décès va se causer.
Et donc, pour vous,
est-ce que tout ça est sur le même pied ou vous y voyez quand même des
différences?
Le Président (M.
Bergman) : Me Frémont.
M. Frémont
(Jacques) : Je ne le sais pas. Je ne sais pas si…
Mme Dupuis
(Renée) : Je voudrais dire que…
Le Président (M.
Bergman) : Me Dupuis.
• (11 h 20) •
Mme Dupuis (Renée) : …du point de vue de
l'autonomie de la personne, et c'est une des raisons pour lesquelles on insiste, dans le cas des personnes majeures
inaptes qui ont formulé des directives anticipées… Et il y a
des façons de rédiger… On a commencé
à travailler sur des façons de rédiger les directives de telle sorte qu'elles ne déplacent pas, comme dans la situation actuelle, le pouvoir de décider et l'autorité de
décider sur autre, que ce soit le médecin ou la famille, avec les
conflits potentiels auxquels le député Bolduc avait fait référence un peu plus
tôt ce matin.
Et,
dans ce sens-là, on se dit : Si, dans la sédation palliative terminale, à
l'heure actuelle les règles de consentement substitué peuvent jouer,
donc les gens qui ont l'autorité pour intervenir le font à l'heure actuelle
pour ce qui est de la sédation palliative
terminale. Alors, si le médecin propose, quelqu'un a le droit de décider
d'accepter ou de refuser au nom d'une
personne inapte ou d'un mineur. Dans le cas de… On parle d'autorisation de
tribunal s'il y a des risques sérieux ou des possibilités d'effets
graves ou permanents. C'est exactement le contexte de l'aide médicale, le
contexte n'est pas différent. Il y a un
déplacement de : Est-ce qu'on fait une demande ou est-ce qu'on accepte?
Mais ce qu'on veut ouvrir comme
possibilité, c'est que, les règles de consentement substitué, quelqu'un qui a
déjà l'autorité… raison de plus s'il y a des directives anticipées, mais on veut que cette personne-là puisse
éventuellement avoir l'autorisation de demander l'aide médicale à mourir
pour que dans les faits le droit à la dignité de la personne puisse être
respecté et puisse être exercé.
Le Président (M.
Bergman) : Me Marie Carpentier.
Mme Carpentier (Marie) : Oui. En fait, un autre aspect de la question,
c'est aussi la question du continuum de soins. Et puis effectivement pour la commission il n'y a pas de
différence morale, éthique, juridique importante entre le fait de débrancher une personne ou le fait d'accélérer…
de lui permettre de soulager ses souffrances. En fait, la distinction n'est
pas très simple à faire ni en droit, ni en
médecine, ni en éthique. Donc, c'est pour ça qu'on a situé… ou c'est pour ça
que la commission considère effectivement l'aide médicale à mourir dans un
continuum de soins qui s'inscrit effectivement dans une gradation de soins où l'intention
finalement, ultimement, est toujours la même, c'est-à-dire soulager la personne
de ses souffrances.
Le Président (M. Bergman) :
Alors, ceci met fin au bloc du gouvernement. Maintenant, pour le dernier bloc
de l'opposition officielle, il vous reste six minutes, M. le député de
Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Je vais
faire une analogie. Je suis médecin et je ne suis pas juriste, mais je
dois vous avouer que j'étais un petit peu déconcerté par ce que vous me dites
là. Il y a une très grosse différence entre injecter quelqu'un et le laisser
mourir.
Et la question, pour la première :
Aviez-vous des médecins qui vous conseillaient dans votre opinion?
M. Frémont (Jacques) : Oui. Nous
avons un membre de la commission qui est médecin.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Un membre?
M. Frémont (Jacques) : On a un
membre de la commission qui est médecin, oui, effectivement.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : C'est probablement son jugement de valeur à
lui… vous l'apportez. Parce que moi, je trouve, dans ce que vous nous apportez, il y a beaucoup de jugements de
valeur. Entre autres, la question du droit à la dignité, vous dites, si je comprends bien, que ça fait des années qu'on
aurait dû passer une loi comme ça pour permettre à quelqu'un de mourir,
d'avoir l'aide médicale à mourir. Si le Québec est précurseur, ça, je suis d'accord,
les autres provinces ne sont pas rendues là. Puis je comprends que le fédéral
peut vouloir ouvrir… mais, à ma connaissance, c'est Sue Rodriguez, ça avait été
invoqué, cet argument-là, puis ça n'a pas été retenu par la Cour suprême.
Puis c'est
intéressant que vous alliez à l'encontre d'un jugement de la Cour suprême alors
que vous dites que la jurisprudence a priorité dans ce type de dossier
là.
Le Président (M. Bergman) :
Me Frémont.
M. Frémont
(Jacques) : Effectivement,
dans Rodriguez… Mais le contexte était complètement différent dans
Rodriguez, et c'était il y a 20 ans.
Les droits
constitutionnels, contrairement à ce qu'on pense, ne sont pas cristallisés dans
le temps, ils sont en phase aussi avec
une lecture que les tribunaux font de la société et que la société fait
d'elle-même. Alors, maintenant, si vous voyez, dans notre mémoire, justement, nous en parlons, de Rodriguez,
nous parlons d'autres causes, et nous voyons… Et il y a un arrêt qui
actuellement est en train de monter au Canada, qui a eu une influence
considérable sur l'évolution de la pensée
juridique, qui a été rendu en Colombie-Britannique par la juge Smith, qui, je
pense… comme on dit, elle a passé l'aspirateur dans les coins, là, elle
a vraiment regardé tous les angles, de tous les côtés. Et ça prouve qu'il y a
eu une évolution à la fois, par les
juristes, de la lecture des droits et de l'étendue des droits. Et là-dessus,
comment dire, on n'a peut-être
rien qu'un médecin, mais est-ce qu'il… notre lecture des droits… ce médecin
était tout à fait confortable. Nous nous
situons dans une optique, clairement, du patient, nous nous situons dans une
optique des personnes et des relations entre les personnes et le corps
médical et des personnes et l'État.
Vous pouvez, comme
représentant et comme membre du corps médical, ne pas être d'accord avec ça, et
c'est pour ça qu'on est ici pour en débattre, je pense que c'est
important, ces conversations, mais, pour nous, de l'optique de l'inapte, c'est
difficile à soutenir, cette prohibition totale.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Puis, moi, la façon dont vous me l'expliquez,
puis je n'achète pas l'argument, là, du respect de la dignité, que ça devient quasiment une obligation, comme si
on avait été quasiment illégal malgré l'évolution du droit depuis des
années… mais, de la façon dont vous l'apportez, moi, je dirais : Ne
passons pas cette loi-là.
Si c'est pour
être discriminatoire face à des catégories, à ce moment-là que tout le monde
soit égal et que ça ne sera pas
accessible, l'aide médicale à mourir. Moi, ça serait mon raisonnement que je
vous ferais ce matin. Je suis pour la loi, mais je suis d'accord qu'au niveau de l'accessibilité sociale il y a
peut-être de l'évolution. Puis un jour on va peut-être en arriver où vous êtes, là, mais on n'est pas obligé
de le faire dans une seule phase, on peut le faire dans deux phases.
Parce que, si on ne protège pas, comme
législateurs, justement, les inaptes, je pense qu'on peut créer d'autres
précédents qui peuvent causer des
problèmes. Et la commission fera des recommandations. Puis on a très bien lu le
Collège des médecins, dans le mémoire
du Collège des médecins, qu'eux autres mêmes n'étaient pas certains que ça
devait se passer à ce temps-ci mais plutôt dans une autre étape. Parce
que de façon pratique je comprends que votre rôle, c'est… vous dites :
Nous autres, on fait l'évaluation de telle façon avec notre perspective à nous
autres. Mais, comme législateur, moi, à ma connaissance,
je ne suis pas obligé d'accepter ça à ce moment-ci. Et, comme législateurs, on
ira par étapes, et puis, dans un deuxième
temps, peut-être que ça va venir. Je suis d'accord avec vous qu'on peut faire
jouer les tribunaux là-dedans. On n'a justement pas voulu faire un
projet de loi dans lequel les tribunaux vont venir s'impliquer. Parce que, si
ça allait à ça, à toutes les fois qu'on
devrait avoir l'aide médicale à mourir, bien, qu'on demande également que ce
soit validé par un juge pour éviter peut-être qu'il va y avoir à un
moment donné un incident, que par la suite on va dire : Bien, on aurait dû
avoir un juge dans le dossier, ce qui va à l'encontre de cette philosophie-là
où, à un moment donné, quand les gens ont consenti, les gens s'entendent que ça
devrait être comme ça, qu'on puisse procéder sans avoir toujours un avocat, qui
nous valide ce qu'on est en train de faire, ou un juge.
Mais je
comprends que votre position… puis je la respecte beaucoup, là, vous êtes
arrivés avec une perspective. Mais moi, comme médecin, là, puis comme
législateur, je ne l'accepte pas. Ça, je tiens à vous le dire.
Le Président (M. Bergman) :
Me Frémont.
M. Frémont (Jacques) : Si vous permettez, c'est parfaitement légitime,
votre position, je ne la partage absolument pas.
La mauvaise nouvelle
pour vous, c'est que, si le projet de loi reste comme ça, est adopté comme ça,
je vous garantis qu'il va y avoir un jeune
de 16 ans qui va aller devant les tribunaux, puis le discours va se déplacer en
milieu judiciaire. Et, si j'avais un brun à mettre sur la table, ça va… votre
législation… l'exemption, la prohibition pour notamment
les mineurs inaptes va sauter assez rapidement. C'est tout simplement ce que je
vous dis. Vous n'êtes pas obligé de le prendre. Et c'est le législateur…
Puis c'est pour ça qu'on n'a pas fait de recommandation, précisément pour ne
pas se mêler du rôle qui est le vôtre, en tout respect.
Le Président (M.
Bergman) : Malheureusement…
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Mais juste en conclusion, M. le Président…
Le Président (M.
Bergman) : …M. le député, le temps s'est écoulé.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : J'accepte votre conclusion, par contre.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, pour le deuxième groupe
d'opposition, M. le député de Vanier-Les Rivières.
M. Lévesque :
Merci, M. le Président. Merci beaucoup, M. Prémont et tous les membres de votre
équipe, d'avoir été présents.
Moi,
je ne suis ni médecin ni juriste. Alors, moi, je viens du milieu social
davantage, puis c'est sûr que l'aspect humain, c'est toujours l'aspect
qui nous préoccupe, personnellement qui me préoccupe énormément. Puis j'aime la
distinction que vous avez apportée entre le…
Parce qu'il y a des droits à faire reconnaître autant pour les mineurs
que pour les personnes inaptes, et les deux
ne me semblent pas sur le même palier d'égalité, là, dans le sens que j'ai
beaucoup aimé quand vous avez parlé
que, pour un jeune homme de 16 ans ou une jeune fille de 16 ans, la distinction
entre d'avoir 18 et 16, là, c'est une distinction bien souvent qui a été
mise par une loi, et donc c'est très différent. Et là on pourrait en débattre. Mais ça me semble beaucoup plus facile.
C'est : l'aspect des inaptes, pour moi, me semble plus difficile,
sur le plan humain, à faire avancer. Je
comprends le volet juridique, ça pourrait être discutable en cour, et on peut
vivre peut-être des éléments de jurisprudence et prévoir une
jurisprudence future dans le cas où le projet de loi serait adopté de la façon
dont il est présenté aujourd'hui.
Mais j'aimerais
peut-être que vous me parliez sur l'aspect de la capacité à faire reconnaître
ces droits pour les personnes inaptes,
justement. Avez-vous des exemples où les personnes ont été capables… Puis c'est
quoi, les mécanismes qui sont mis en place dans des cas comme ça pour permettre
à des personnes inaptes, que ce soit
de naissance ou qu'ils le deviennent,
qui peut être... encore là, il y a une autre nuance à y apporter, la ministre,
je trouve qu'elle l'a bien apportée tout à l'heure... des exemples autres, où des personnes inaptes seraient
en mesure de défendre ces droits-là puis qu'on puisse leur permettre de jouir pleinement de leurs droits,
dans un cas comme... bien, dans d'autres exemples mais qui
éventuellement pourraient s'appliquer dans notre projet de loi qui nous
concerne aujourd'hui?
• (11 h 30) •
Le Président (M.
Bergman) : Me Frémont.
M. Frémont (Jacques) : Oui, bien merci de votre question. Tout le droit
commun a un régime au début du Code civil
du Québec pour permettre aux inaptes de consentir par le biais de leur
représentant, que ce soient des tuteurs, que ce soient des curateurs. Dans certains cas, c'est même le Curateur public.
Et normalement, dans la vie, lorsqu'une personne est inapte, on procède et pour les soins qui sont
requis on respecte la volonté du représentant. Si le représentant refuse
toutefois de consentir à des soins qui sont
par ailleurs requis médicalement, à ce moment-là, là, il faut aller devant le
tribunal pour faire trancher la
question. La raison derrière ça, c'est toujours de protéger le droit à la vie
et la présomption de la charte, la présomption
du gros bon sens aussi de la société québécoise en faveur de la vie. Si on a un
doute, il faut choisir la vie, il ne faut pas choisir la détérioration
de la vie, la diminution de la qualité de vie, etc.
Alors
donc, comment dire, c'est le régime de droit commun. Et dans le projet de loi,
à l'article 25, pour la sédation palliative terminale, on fait référence
à ça pour l'inapte, tout simplement. Il n'y a pas d'autre exigence, on
dit : C'est le régime de droit commun
qui va s'appliquer. Alors, notre malaise, il est là, en disant : On arrive
à 26 dans le droit de mourir, et là
c'est une interdiction totale. Alors, il est clair que le régime de droit
commun, qui est par le Code civil, permet aux inaptes, dans les faits, par représentation, d'exercer la majorité…
en tout cas, à l'égard de leur vie, que des bonnes... que les décisions correctes soient prises. Ce n'est
pas les bonnes décisions, c'est des décisions correctes, je pense, en
fonction de l'intérêt médical et de santé de ce majeur inapte.
Donc,
le droit commun, pour nous, ne semble pas poser tellement de problèmes. Je
pense que les hôpitaux, les médecins gèrent ça bien. Et je ne sais pas
si on va souvent devant les tribunaux. Je n'ai pas l'impression que c'est judiciarisé
tellement. Donc, c'est un système qui est relativement correct et qui
fonctionne de façon correcte dans des situations parfois difficiles, mais il y
a un recours, il y a un «backstop», il y a un cran d'arrêt, qui sont les
tribunaux, justement pour s'assurer cette présomption de soins… que la personne
inapte va avoir tous les soins et consent aux soins dont elle a par ailleurs
besoin.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est
écoulé. Me Frémont, Me Dupuis, Me Carpentier, Daniel, Me Marie
Carpentier, merci pour votre présence aujourd'hui pour partager votre expertise
avec nous.
Et
je demande les gens de L'Association des groupes d'intervention en défense de
droits en santé mentale du Québec pour prendre leur place à la table.
Je suspends pour
quelques instants seulement.
(Suspension de la séance à
11 h 34)
(Reprise à 11 h 37)
Le Président (M.
Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la
bienvenue à L'Association des groupes
d'intervention en défense de droits en santé mentale du Québec.
Bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un
échange avec les membres de la commission. S'il vous plaît, donnez-nous vos
noms, vos titres. Et le micro, c'est à vous.
L'Association des groupes d'intervention en défense
de droits en santé mentale du Québec (L'AGIDD-SMQ)
Mme Morneau
(Andrée) : Parfait. Bien, bonjour, mon nom est Andrée Morneau et je
suis présidente de L'AGIDD, qui est l'association des groupes en intervention et défense des droits en santé mentale du Québec. Je vais le dire juste une fois.
Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés. C'est ça,
je suis présidente de L'AGIDD. Je suis aussi
une personne utilisatrice de services en santé mentale et infirmière de
profession dans une autre vie.
Donc,
je vais vous présenter qu'est-ce que c'est, L'AGIDD. L'AGIDD, c'est
l'association… Bien, c'est ça, je ne le répéterai pas. Nous, on lutte en faveur de la reconnaissance et de
l'exercice des droits pour les personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale, soit les droits
de tout citoyen et de toute citoyenne fondés sur des principes de
justice sociale, de liberté et d'égalité.
L'association regroupe, à titre de membres actifs, des groupes de défense des
droits, des groupes régionaux de défense des droits en santé mentale et
des groupes d'entraide ayant un mandat de promotion-vigilance. L'AGIDD a développé une expertise reconnue et unique au
niveau des droits des personnes depuis sa fondation. Elle porte un regard critique sur les pratiques en
santé mentale et s'implique pour le renouvellement de ces pratiques.
Notre action se situe au niveau de différents axes, soit la prise de position
publique et politique, la diffusion de formations aux personnes utilisatrices ainsi qu'aux intervenants du milieu
communautaire et du réseau de la santé, la diffusion de publications et l'organisation de colloques sur
les droits en santé mentale. La volonté de l'association, bien ça a
toujours été de transmettre son expertise
afin de sensibiliser de plus en plus de personnes vivant ou ayant vécu un
problème de santé mentale aux enjeux liés à leurs droits.
Pour
débuter, l'association veut remercier la Commission de la santé et des services
sociaux de nous recevoir dans le but de vous présenter notre mémoire. De
prime abord, on tient à souligner les qualités du projet de loi n° 52, Loi
concernant les soins de fin de vie. Ça remet
la personne au coeur des décisions médicales qui la concernent. Pour
nous, c'est très louable.
• (11 h 40) •
Toutefois, on
souhaite vous présenter quelques commentaires et quelques propositions de modification
qui touchent plus précisément certains articles étant la primauté des volontés
relatives aux soins, les droits des personnes relatifs
aux soins de fin de vie, l'organisation, les exigences particulières relatives
aux soins de fin de vie, la Commission
sur les soins en fin de vie, les dispositions diverses et les directives médicales anticipées. On comprend que ce projet de loi s'adresse aux personnes aptes qui correspondent aux conditions indiquées
à l'article 26. On comprend que le consentement libre et éclairé, c'est la condition sine qua non
pour obtenir les soins de fin de vie. Auparavant, la personne pouvait
refuser les soins. Ce projet de loi lui
permet de demander, dans le cadre des soins de fin de vie, les soins
palliatifs, la sédation palliative terminale de même que l'aide médicale
à mourir.
Or, pour les
personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale, l'aptitude à
consentir devient particulièrement délicate.
On sait qu'en santé mentale ce n'est jamais pareil. Donc, je parle ici au
niveau de la crédibilité des personnes. Le manque de connaissances des
acteurs du milieu médical et de la justice des problématiques de santé mentale, le modèle biomédical qui prime, au niveau
de la psychiatrie, les mythes et préjugés qui existent malheureusement encore beaucoup minent cette crédibilité. Donc, on
constate que malheureusement, malgré les outils légaux qui existent,
avoir un diagnostic en santé mentale, ça amène trop souvent les professionnels
de la santé à douter de l'aptitude de la personne, et sur le terrain on le voit
beaucoup et dans plusieurs domaines, mais dans le domaine médical beaucoup.
Les
soins de fin de vie et le consentement aux soins étant primordiaux, il faut
présumer de l'aptitude de la personne vivant
ou ayant vécu un problème de santé mentale de la même façon qu'on peut présumer
de l'aptitude de n'importe quelle
personne. Le projet de loi vise un juste équilibre entre l'autonomie de la
personne et son pouvoir de décider d'obtenir des soins en fin de vie et
les risques d'abus qui pourraient interférer si la personne n'est plus en
mesure de donner un consentement libre et éclairé.
Je vais passer la
parole à ma collègue.
Mme Provencher
(Doris) : Alors, bonjour, Doris Provencher, directrice générale de L'AGIDD.
Donc, encore une
fois, le consentement aux soins, bien sûr qui est au coeur, comme ma présidente
l'a dit… Évidemment, c'est en respect des
outils internationaux, hein? Il y a la charte québécoise, il y a le… Le
consentement, c'est une des pierres
angulaires de la législation québécoise donc en lien avec l'inviolabilité et
avec son droit à l'intégrité, comme nous ont très bien présenté la
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
Donc, toute personne est présumée
capable et apte à consentir tant que son consentement, il doit être libre et
éclairé. Bien sûr, consentement libre :
sans menace, et je peux le faire librement, et «éclairé», c'est que j'ai toute
l'information pour prendre une décision.
L'aptitude doit être vérifiée à chaque fois qu'on me propose un soin, hein? Ce
n'est pas : je le donne une
fois, et c'est terminé, ce que malheureusement on voit souvent dans le domaine
de la santé mentale. Il ne faut pas aussi… la capacité juridique…
L'inaptitude est une chose, et l'inaptitude à consentir aux soins en est une
autre, c'est différent. Donc, je garde
toujours mon droit au consentement aux soins. Donc, à chaque fois, il faut que
le médecin vérifie auprès de moi si je comprends les soins qui me sont
proposés, les risques et les conséquences que mon refus peut entraîner sur ma
santé.
Donc, il faut
différencier la capacité de compréhension de la personne qui prend une décision
et la décision elle-même. Ce n'est pas parce
que la décision peut nous sembler déraisonnable, et ça, Dieu sait qu'on le voit
beaucoup au niveau de la santé mentale, que cette décision-là, elle n'est pas
vraie et authentique.
Donc,
dans le projet de loi, si la personne, elle est déclarée inapte et qu'elle n'a
pas indiqué, là, dans les directives médicales
anticipées… donc elle n'a pas accès à l'aide médicale à mourir. C'est ce qu'on
comprend aussi du projet de loi.
Chloé?
Mme Serradori (Chloé) : Moi, mon nom est Chloé Serradori, je suis agente
de liaison et d'analyse à L'AGIDD. Alors, on va commencer, avec le peu
de temps qu'il nous reste, les recommandations.
Au
niveau des recommandations, bien on avait été tout d'abord surpris de voir une
approximation du droit plutôt que le
réel droit qui devrait être cité et aussi de trouver, dans le projet de loi, des
choses qu'il ne faut pas faire plutôt que d'insister, là encore, sur le droit. Alors, vous avez, à la page 9
du mémoire, deux recommandations où on insiste sur le fait d'ajouter «notamment le droit au consentement
libre et éclairé et le droit à
l'information». En même temps, ça permettra de faire un peu d'éducation
populaire auprès de tous les intervenants. Et, de la même façon, à
l'article 2, on cite que les principes
doivent être «basés […] sur les droits fondamentaux de la Charte des droits et libertés» et de tous les outils légaux. Concernant l'article 6,
deuxième alinéa, on a été fort surpris de voir là une obligation du médecin
dans les droits de la personne, et, si
vraiment c'est comme obligatoire de repréciser que «le médecin doit s'assurer
du caractère libre de la décision», bien,
à ce moment-là, il pourrait être transféré à l'article 2, point 4, dans
les principes, et, par contre, remplacer cet article-là par le réel droit, c'est-à-dire que «tout usager des
services de santé et des services sociaux a le droit d'être informé [de]
son état de santé et de bien-être». Vous avez tout l'article ici.
Au niveau de l'article 7,
on demande vraiment… justement, c'est là qu'on trouve l'inverse du droit. C'est
tout à fait illégal de faire ça, et, que ça
soit dans un projet de loi, on trouve ça bizarre. Donc, on préférerait vraiment
avoir… à la place de «une personne ne peut se voir refuser des soins», avoir la
définition de ce qu'est «libre et éclairé». Et le ministère de la Santé et des Services sociaux en a fait une excellente
dans la formation Droits et recours en santé mentale, que vous avez ici.
Et, si on a encore un
peu de temps, peut-être, Mme Provencher?
Mme Provencher (Doris) : On a vu des restrictions aussi à l'exercice des
droits, entre autres, l'article 5 du projet de loi, qui nous parle,
un peu comme la Loi sur les services de santé et les services sociaux,
dépendamment de la disponibilité des
ressources humaines, matérielles et financières dont les établissements
disposent. Cet article 13 — il nous reste cinq minutes — cet article 13 a été source de beaucoup
de problèmes d'accessibilité pour des personnes vivant un problème de
santé mentale. On a un petit peu peur que ça… les gens puissent revivre la même
chose. Et on dit qu'on devrait aussi mettre les recours dans la loi. Quels sont
les recours des personnes s'ils ne sont pas satisfaits?
C'est ce que vous
avez donc à la page 13, les deux recommandations à cet effet.
Mme Serradori
(Chloé) : Alors, au niveau de l'opérationnalisation du projet de loi,
on vous a fait un petit graphique, parce
qu'on a essayé de savoir qui fait quoi, comment et on voit que tout le monde fait à peu près la même chose, mais on ne sait pas forcément
qui prime.
Alors, nous, ce qu'on
vous propose, on vous propose que l'article 20 concernant les fonctions et
pouvoirs particuliers du ministre
soit avant la section sur les Règles particulières applicables aux
dispensateurs des soins de vie et modifié
et, au lieu de parler d'orientations dont doivent tenir compte… On a eu de très
mauvaises expériences en santé mentale sur les orientations concernant l'isolement
et la contention, donc on n'aimerait pas que ça se reproduise au niveau des soins de fin de vie. Donc, on voudrait
vraiment avoir une obligation d'application de ces orientations-là et
par tout le monde et aussi qu'elles soient
appliquées dans les standards cliniques. Vous avez tout ça là. On pourra vous
répondre plus tard s'il y a des questions.
On demanderait aussi qu'il y ait un article supplémentaire qui donne des
grandes balises sur ce que devraient
être ces orientations et en particulier tout ce qui touche le droit; au niveau
du mécanisme d'inspection, on aimerait
beaucoup ça, d'avoir un mécanisme précis, régulier et
indépendant et, encore une fois, sous la responsabilité
du ministre. Au niveau de la sédation
palliative terminale, il y a eu un grand débat qu'on a entendu tout à l'heure, et ça nous fera plaisir de
répondre à certaines questions, mais on ne comprend pas pourquoi les deux
articles sont séparés. On aimerait qu'il y ait une concordance. Merci.
Au niveau du formulaire, on veut qu'il soit disponible en tout lieu parce que
ce serait vraiment ennuyeux que le
formulaire ne soit pas présent et on veut vraiment qu'il soit spécifié que le
professionnel qui doit être là doit signer
en tant que témoin et non pas comme juge. Le délai… on ne fait jamais
ça, mais on vous a proposé un délai de 48 heures
• (11 h 50) •
Et, au niveau de la
composition de la commission, on aimerait bien que le juriste soit spécialisé
dans le droit de la santé pour les personnes et qu'il y ait un rajout de deux
membres issus des groupes d'action communautaire autonome.
Peut-être…
Mme
Provencher (Doris) : Au
niveau des directives médicales, pour
nous, ce n'était pas clair. Il y a un mandat en cas d'inaptitude qui existe.
Alors, les directives médicales anticipées, en tout cas, pour nous, il manquait
quelques informations pour bien saisir
comment ça va s'opérationnaliser. Ça doit passer devant un juge, etc. Ça, ce
n'est pas dit.
J'irais peut-être à la conclusion.
Mme
Morneau (Andrée) : Oui. En
terminant, bien c'est ça, le respect de l'esprit de la loi concernant les
soins de fin de vie dépendra énormément de
la culture et des pratiques qui seront mises en place dans les différents lieux
où seront dispensés ces soins de fin de vie. Ce qui est impératif, pour
nous, c'est bien évidemment que les professionnels de la santé ne voient pas
une personne avec un diagnostic psychiatrique, mais une personne en fin de vie,
comme toute autre personne.
Et, en terminant, bien c'est ça, ça nous
apparaît tout à fait approprié de renouveler qu'est-ce qu'on… La recommandation qu'on dit toujours, quand on se présente sur les tribunes, c'est la
nécessité d'une formation générale et continue
sur les droits et libertés de la personne pour tous les professionnels du
domaine de la santé. Je vous remercie.
Le Président (M. Bergman) :
Alors, merci pour votre présentation. Maintenant, pour le premier bloc du gouvernement,
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, Mme Morneau, Mme la présidente; Mme la
directrice générale, que
j'avais vue au forum sur l'itinérance;
et Mme Serradori, donc bienvenue à
vous trois. Je suis très heureuse de vous entendre.
Je pense
que c'est important de rappeler effectivement la réalité des
personnes qui ont un problème de santé mentale et toute la complexité d'aller
chercher le consentement libre et éclairé et en fait toute la complexité, qui
peut émerger dans la relation avec certains professionnels, de ne pas catégoriser trop
facilement, et, je pense, vous l'avez très bien illustré. C'est vrai pour des personnes qui peuvent avoir un
problème de santé mentale, mais c'est vrai pour des personnes aussi qui n'ont pas nécessairement de problème de santé
mentale, qui des fois peuvent prendre des décisions qui peuvent sembler
déraisonnables. Mais l'autonomie de la personne, je pense, c'est aussi ça,
quand on est sûrs que le consentement évidemment
est libre et éclairé et que la personne a eu toute l'information. Peut-être
vous préciser certaines choses parce que vous suggérez des modifications
à quelques articles pour préciser ou souligner certains éléments. Des fois, par
ailleurs, vous n'êtes pas d'accord avec ce
que l'on met. Évidemment, cette loi-là, elle doit se lire, je dirais, en
concordance avec le Code civil. Donc, elle
ne vient pas modifier évidemment ce qu'il y a dans le Code civil, avec les
chartes et avec aussi la Loi sur les services de santé et les services
sociaux, les lois qui sont déjà existantes.
La volonté,
c'est vraiment d'avoir une loi sur la fin de vie pour qu'une personne puisse
savoir c'est quoi, l'encadrement, et l'accompagnement, et les droits des
personnes en fin de vie plus spécifiquement, parce que c'est une étape
importante.
Donc,
simplement vous dire que peut-être votre préoccupation quant à la
reconnaissance des droits et libertés de la personne est de ne pas
vouloir les limiter. Clairement, ça ne les limite pas, comme d'ailleurs la
Commission des droits vient de venir le
dire, et, outre le fait que ça existe, et même si on n'y faisait pas référence
dans le projet de loi, ce serait
toujours dans le décor, on y fait référence à l'article 2. Donc, on parle de la
reconnaissance des droits et libertés de la personne qui «doivent
inspirer chacun des gestes posés à son endroit». Donc, oui, on l'a réaffirmé
dans les principes. Donc, ça, je voulais
vous le dire. À l'article 6, peut-être plus précisément, vous nous
dites… le deuxième alinéa, vous trouvez
ça drôle qu'on vienne parler que «le médecin doit s'assurer du caractère libre
de la décision». En fait, il faut le lire vraiment en lien avec le
premier alinéa, qui parle du refus, donc, de recevoir un soin ou de retirer son
consentement à un soin. En fait, on vient le prévoir parce que ça nous apparaît
important.
C'est vrai
que c'est implicite dans le Code civil, parce que, vu qu'on doit donner son
consentement libre et éclairé à chaque fois, ça veut dire qu'on a tout à
fait le droit de refuser en ne donnant pas son consentement libre et éclairé. Mais c'est un petit peu par la négative. Et c'est
l'interprétation via la jurisprudence, notamment dans Nancy B., qui est venue dire qu'on pouvait refuser. Donc, dans ce
cas-là, on avait retiré son respirateur. Et c'est un moyen donc de venir
encore être plus clair pour la période de la fin de vie, de venir l'écrire, parce
que, dans le Code civil, vous ne retrouverez pas ça. Et, quand on parle du rôle du médecin, c'est en lien avec cette
question-là du refus de traitement. Donc, je vous entendrai si vous avez
des commentaires.
Je veux juste
revenir sur quelques petits points. La sédation versus l'aide médicale à
mourir, je ne vous ferai pas tout le
débat, là, parce qu'on en a parlé abondamment avec les gens du corps
médical, mais en fait la sédation palliative terminale ou continue,
parce que plusieurs nous demandent d'appeler ça «continue», c'est une pratique
qui existe déjà et qui fait partie des soins
palliatifs dans certaines circonstances de souffrances réfractaires, mais
plusieurs étaient venus nous dire lors des audiences de la commission
spéciale qu'il y aurait besoin de l'encadrer davantage avec un protocole
unique, uniformisé qui pourrait s'appliquer
partout. C'est ce qu'on vient prévoir dans la loi, et on ajoute une exigence, parce que c'est
un soin qui est quand même important, qui n'est pas banal, on vient prévoir l'exigence
d'un consentement écrit. C'est l'encadrement supplémentaire qu'on vient mettre. Mais c'est un soin. On
pourrait en débattre longtemps, mais
c'est un soin qui existe déjà et qui
est quand même là dans un certain pourcentage de cas de gens qui ont des
souffrances réfractaires, d'où la différence entre la sédation et l'aide
médicale à mourir. Le formulaire disponible en tout lieu, je peux vous rassurer que c'est évidemment l'objectif, et plus
que l'objectif, ça va être le cas. Et… directives médicales anticipées,
la différence avec, par exemple, le mandat en prévision d'inaptitude, effectivement
c'est qu'un mandat en prévision d'inaptitude va devoir être homologué, mais le
mandat en prévision d'inaptitude, il n'est pas nécessairement sur vos directives en fin de vie. Il peut être juste de
dire : Je veux qu'un tiers, si je deviens inapte, prenne les décisions à
ma place, autant, je dirais, financières,
administratives que médicales. Donc, vous le faites un peu par rapport à ce qui
vous apparaît important.
Beaucoup de mandats
en prévision d'inaptitude ont une partie qu'on appelait traditionnellement un
testament biologique. L'expression consacrée
maintenant, c'est «directives médicales anticipées», donc
ils peuvent être ensemble. Mais
justement la force des directives médicales anticipées en soi, c'est qu'elles
n'ont pas le même formalisme, elles ne doivent
pas être homologuées. Donc, si vous les faites sur le formulaire qui va être
prescrit, donc, par le ou la ministre ou si vous le faites par acte notarié,
les deux choix sont possibles, elles
vont avoir une force contraignante, sans que vous passiez devant le tribunal,
elles vont devoir, si elles ont respecté les formes prescrites, être suivies
donc par l'équipe médicale.
Donc,
c'est ça, la différence. Ça ne passe pas nécessairement par un mandat
et par un tiers, c'est vous qui vous exprimez à l'avance sur ce que vous
voulez en prévision d'inaptitude.
Donc, je voulais peut-être
amener ces points-là, puis vous entendre aussi, si vous avez des réactions par
rapport à ça, sur les éléments dont je vous ai parlé.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Morneau.
Mme Morneau
(Andrée) : Bien, non, pas particulièrement. Je n'ai pas besoin... Toi?
Mme Provencher
(Doris) : Bien, je veux revenir...
Le Président (M.
Bergman) : Mme Serradori.
Mme Provencher
(Doris) : Moi, je voudrais revenir au niveau... Si tu permets, Chloé,
ce ne sera pas long. Quand on parle de
décision déraisonnable, notre expérience et notre expertise, au niveau des gens
qui ont des problèmes de santé mentale, qui ont un diagnostic, qu'ils
soient inaptes, juridiquement ou pas, quand la personne a dit oui, elle prend une bonne décision. Si elle refuse,
automatiquement, ah, là c'est le diagnostic, c'est sa maladie, veux veux pas. Parce que, vous savez, comme, je pense, ce qu'a dit Andrée,
la première chose que tu perds quand tu as un diagnostic psychiatrique, c'est ta crédibilité. Donc, à
partir de là, tout ce que tu vas nommer, c'est un peu... c'est vu sous la
loupe du diagnostic et, si tu refuses particulièrement des traitements médicaux, médicamenteux particulièrement, c'est déraisonnable et là c'est ta maladie qui
parle.
Combien
de gens se pointent à l'hôpital, ils ont un problème physique et souvent des
problèmes évidents, et on leur envoie
le psychiatre de service? Alors, on est craintifs, vous comprenez, parce que
dans la pratique, là… On aura beau dire
ce qu'on veut, ça fait 20 ans que les groupes en défense de droits existent,
qu'ils sont sur le terrain dans toutes les régions du Québec, et c'est ça qui se passe. Ça fait que c'est pour ça
qu'on est un petit peu... qu'on insiste un peu là-dessus, je suppose,
par rapport à préciser...
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
• (12 heures) •
Mme
Hivon :
Bien, je pense que vous faites bien. C'est un point central, parce que c'est un
point central évidemment du projet de loi et
de l'ouverture à l'aide médicale à mourir, le consentement libre et éclairé et
l'aptitude de la personne. Et je suis tout à fait d'accord avec vous
qu'il y a du travail de sensibilisation à faire, il
y en a à cet égard-là et, je vous dirais, il y en a en général sur toute la question
du refus de traitement, du consentement libre et éclairé. C'est évident que ce n'est pas toujours simple. Puis on a eu
ces échanges-là aussi avec différents groupes qui sont venus puis
différents médecins. Parce que
c'est vrai qu'on ne remet pas en cause la décision si elle va parfois dans le
sens de ce que l'équipe pense qui est la bonne décision. Donc, des fois,
quelqu'un va accepter, moi, je donnais cet exemple-là, une ixième
chimiothérapie qui n'est pas nécessairement garante de beaucoup de succès, mais
c'est sûr que c'est peut-être moins confrontant
que la personne qui décide de refuser des traitements de manière précoce parce qu'elle ne veut pas se rendre plus loin dans le cheminement de sa
maladie. Donc, je suis très sensible à ça.
Mais
j'aimerais ça vous entendre sur comment faire plus. Quand vous nous
dites : Il faut sensibiliser davantage, vous comprenez que ça fait
plus de 20 ans que le Code civil a été modifié, et on se rend compte encore de
ces défis-là. À qui revient cette responsabilité-là? Est-ce que c'est aux ordres professionnels de sensibiliser
davantage les intervenants à tous niveaux? Est-ce
que c'est une obligation plus du ministère, carrément, pour que ça soit bien
reçu, là, de par votre expérience à vous au quotidien?
Mme Provencher
(Doris) : Je voudrais juste…
Le Président (M.
Bergman) : Mme Provencher.
Mme Provencher
(Doris) : …oui, vous dire une chose, la différence fondamentale qu'il
y a. C'est vrai qu'il y a des gens qui peuvent refuser des traitements puis
que ça va être mal perçu ou ça va être… sauf que la seule,
la seule et l'énorme différence qu'il y a : si j'ai un diagnostic psychiatrique et je refuse un traitement, je
peux me retrouver hospitalisée contre mon gré. Ça, si j'ai, par exemple,
un cancer, et que je refuse un traitement, et que, bon, on n'est peut-être pas d'accord
avec ma décision, on trouve que ce n'est pas la bonne, on trouve… mais je vais
m'en aller chez nous.
Si j'ai un diagnostic
psychiatrique, je risque de me retrouver hospitalisée contre ma volonté. C'est
ça, la différence, je pense, entre la vision
du raisonnable et déraisonnable au
niveau d'un refus de traitement, par exemple. C'est une nuance qui était… Ça va? C'est clair?
Une voix : Oui.
Mme Provencher (Doris) : Oui. Je ne
sais pas, Chloé, si… ce que je parle. Vas-y, Chloé.
Le Président (M. Bergman) : Certainement,
Mme Serradori.
Mme
Serradori (Chloé) : Pour la responsabilité, c'est des responsabilités partagées. Et, nous, ça fait des années
et des années qu'on demande à ce que les
médecins, les juristes, les avocats aient une formation, par exemple, sur toute la médication
psychiatrique, tous les psychotropes, les effets des psychotropes. Peut-être
M. Bolduc, qui est médecin, pourra nous
le dire, mais je pense que c'est 45 heures sur les psychotropes dans la
formation d'un spécialiste ou d'un médecin.
Donc, il y a vraiment un énorme travail à faire
pour qu'au niveau académique les travailleuses sociales, les psychoéducateurs,
les médecins et certains juristes aient cette formation-là et aussi une
formation sur les droits, les droits et libertés.
«Consentement libre et éclairé», il y a beaucoup de personnes qui ne savent pas ce que ça veut
dire, et ça fait des années et des
années qu'on en parle. Tout à l'heure, vous disiez quelque chose, qu'on ne
définit dans une loi que ce qui n'est pas
usuel. C'est ça que vous avez dit tout
à l'heure, et je trouve ça dommage.
Je ne sais pas si «libre et éclairé» est usuel, mais ça serait vraiment bien que ça soit dans une loi et dans cette
loi-là parce que ça tourne autour du consentement libre et éclairé. Puis je voulais revenir sur les
directives médicales anticipées où ce projet
de loi dit : Ça va
être prépondérant. Si moi, je suis
apte, que je fais mes directives anticipées, quand je deviens inapte, on
devrait les appliquer. Mais je pense que, pour que ça soit encore plus fort, la proposition qu'on vous faisait
à la page 19, c'était de rajouter les soins médicaux de fin de vie. Parce
que, là, on parle de directives médicales anticipées, hein, «peut déterminer,
dans les directives médicales anticipées, les soins [...] qui pourraient être
requis par son état de santé et auxquels elle consent ou non au cas où elle
deviendrait inapte à le faire», mais on ne parle pas des soins de fin de vie,
ni de la sédation palliative terminale, ni des soins palliatifs.
Ça fait que, si on veut vraiment accorder une prépondérance à ces directives
médicales, bien il va falloir que les personnes puissent l'indiquer là-dedans.
Et ça, ça déchargerait énormément la famille et l'entourage.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Maintenant,
pour le premier bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de
Gatineau.
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Merci de venir échanger avec nous. C'est toujours important d'avoir le pouls des gens qui sont
intéressés par le projet de loi et de prendre le temps de les entendre parce
qu'on a un projet de loi concret, on a des
dispositions concrètes qui seront possiblement appelées à venir modifier un
petit peu les choses. Et moi, je considère
que de prendre le temps de vous entendre, c'est tout à fait essentiel, puis
chaque groupe apporte un élément puis un éclairage nouveaux et
différents en fonction de ceux et celles que vous représentez.
Évidemment, toute la question de la santé
mentale et de la problématique de la santé mentale, ça soulève beaucoup de
questionnements dans le contexte des soins qu'on s'apprête à mettre en oeuvre
dans le projet de loi. Dans l'article 26, on
fait référence à la douleur, à la douleur physique mais aussi à la douleur
psychique. Vous représentez des gens qui au quotidien, bien souvent,
vivent cette douleur psychique. Est-ce que vous croyez qu'il serait opportun d'insérer, à l'article 26, une notion d'imminence
de la mort pour pouvoir se prévaloir du soin que sera l'aide médicale à mourir? Je vous explique pourquoi, parce qu'on a
entendu différentes analyses, différentes interprétations de l'article
26. Certaines personnes nous disent : Bien que cet article-là s'inscrive
dans un projet de loi qui porte spécifiquement sur les soins de fin de vie, la notion de fin de vie est relativement
extensible, c'est aléatoire, c'est-à-dire qu'une fin de vie peut durer quand même un certain temps. Et, pendant
cette période qu'est la fin de vie, il peut y arriver également des
moments où une personne traverse une période plus sombre mais sans être
nécessairement à la fin, fin de sa fin de vie, si vous me comprenez.
Donc, on recommande peut-être d'inclure l'imminence
ou le caractère imminent, bon, il restera peut-être à trouver le terme, la
terminologie exacte, mais d'essayer de le restreindre à l'intérieur peut-être
des derniers jours, des derniers moments, que ça ne soit pas une notion qui
puisse s'appliquer généralement à une maladie dégénérative ou à quelqu'un qui, dans le cadre de cette maladie
dégénérative, a un épisode où il est plus... qu'il se sente moins bien,
qu'il est plus découragé, et tout.
Alors, je me demandais, vu que vous représentez
les gens qui sont affectés, qu'est-ce que vous pensez de restreindre davantage
l'article 26, vraiment, ou de préciser… peut-être pas de restreindre, mais de
préciser davantage la question de l'imminence de la mort?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Provencher.
Mme Provencher (Doris) : Mme
Serradori. Mais après je voudrais compléter, peut-être.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Serradori.
Mme
Serradori (Chloé) : «Imminent». On nous a déjà fait le coup plusieurs
fois, en particulier au niveau de la
dangerosité. On a essayé de remplacer «dangerosité immédiate» par «imminente».
«Imminente», pour vous ou pour moi, ce n'est peut-être pas la même
définition.
«Restreindre».
On a entendu tout à l'heure la Commission des droits de la personne qui dit que
déjà ça ne passe pas le test comme ça
pour les personnes inaptes. Donc, moi, je ne le verrais pas du tout. Puis je
tiens à vous préciser que ce qui est écrit à l'article 26, «maladie
grave et incurable», «situation médicale» qui se caractérise par un déclin
avancé et irréversible de ses capacités,
souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables et qui ne
peuvent être apaisées dans des
conditions qu'elle juge tolérables… Si moi, je suis schizophrène et que je suis
dans cet état-là, ce n'est pas grave
que je sois schizophrène, ce qui est grave, c'est que je souffre et que je dois
avoir les mêmes traitements et les mêmes possibilités que quelqu'un d'autre.
Et c'est une... Il y a une différence entre... C'est une loi pour fin de vie,
et il y a une différence : la personne, elle va souffrir pareil, qu'elle
soit apte ou inapte. Mettez tous les diagnostics que vous voulez, elle va
souffrir pareil.
Ça
fait que, si vous avez peur que la personne qui va poser l'acte, c'est-à-dire
le médecin, ait une difficulté
ou un problème, il faut le régler à ce niveau-là, mais il ne faut pas le régler au
niveau de la santé mentale, ou des
diagnostics, ou des possibilités d'hallucination où la personne, elle est dans
cet état-là. On n'est pas dans une possibilité où je suis tellement «down» ou
fatiguée que je veux me suicider, là.
On n'est pas dans
cette position-là, là, on est dans une position de fin de vie. Et l'«imminent»,
ça doit être un adjectif à la mode parce qu'on essaie de nous le passer en
santé mentale à toutes les sauces. Ça fait que réfléchissez. En tout cas, je
pense qu'on n'en veut pas.
• (12 h 10) •
Mme Provencher (Doris) : Puis je voudrais dire aussi que je… Excusez-moi.
Pour compléter, je suis d'accord évidemment
avec ma collègue et que, comme M. Frémont, le président de la commission, a
dit, c'est basé sur la volonté de la
personne. Alors, moi, que ça soit que, là, je n'en peux plus, c'est une
décision qui m'appartient. Alors, même si on juge que je vais mourir dans deux mois, si, là,
maintenant… mais que je corresponds à tous les critères de l'article 26 et là
moi, je n'en peux plus, ça m'appartient comme décision. Je n'ai pas, moi, à
juger : Ah, bien là, c'est parce que tu es trop déprimée ou que… Non, ça m'appartient.
Alors,
non, moi, je ne serais pas d'accord non plus à ce qu'on indique «imminence de
la mort» ou je ne sais trop, là, mais de rajouter, c'est quand même à…
Il est clair, l'article 26. Il faut que tu répondes à ces critères. Donc, dans
ce sens-là, c'est ça.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Serradori.
Mme Serradori (Chloé) : …détail, malheureusement, pour avoir vécu
plusieurs décès, il n'y a pas un médecin qui va vous dire quand c'est que c'est imminent. Ça fait que comment vous
allez faire pour le définir? Ça va être très difficile.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Merci. C'est important d'avoir votre point de vue. On
reçoit le point de vue, sur cette question-là, de la part de plein d'autres
organismes, et vous représentez les gens les plus touchés peut-être par cette
question-là de la souffrance psychologique, de la souffrance psychique. Et donc
avoir votre point de vue sur cette question-là... Et, lorsqu'on pose des questions, sachez une chose, c'est qu'on va valider,
auprès des autres groupes, parfois des représentations qui nous sont faites,
qui nous sont formulées. Et puis c'est important de le faire, ça fait
partie de notre travail, d'essayer de voir
un petit peu comment le projet de loi pourrait être bonifié, amélioré. Est-ce
qu'une suggestion apportée par un groupe fait vraiment l'unanimité ou
est-ce qu'il y a des enjeux qui pourraient survenir suite à cette
suggestion-là?
Donc, je vous
remercie beaucoup de la candeur avec laquelle vous nous faites part de votre
analyse.
Lors de votre
présentation, vous nous avez dit : Bon, on souhaiterait élaborer davantage
sur la question de la sédation palliative terminale et de l'aide médicale à
mourir. Vous demandez que la sédation palliative terminale soit assujettie aux
mêmes critères, aux mêmes exigences que… aux exigences de l'article 26. J'aimerais
vous entendre, parce que la sédation
palliative terminale actuellement est assujettie aux critères, comme le disait
la Commission des droits de la personne, aux critères de consentement
prévus au Code civil.
Pourquoi souhaitez-vous
que ce soin-là soit assujetti à des critères plus stricts?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Serradori.
Mme Serradori (Chloé) : Bien, c'est parce que probablement, actuellement,
c'est à peu près la seule façon légale, entre guillemets, de pouvoir
mourir, et on ne pense pas que c'est forcément un moyen qui est le plus doux
possible.
Alors, on se disait,
pourquoi avoir séparé, si ce n'est le fait que la sédation, c'est un… je veux
dire, quelque part, c'est une décision de la
personne contre son gré par rapport à l'aide médicale à mourir où c'est une
demande, là? Ça fait que peut-être
que ça serait plus facile si les personnes obtiendraient plus facilement l'aide
médicale à mourir, si elles le veulent, dans la situation décrite à l'article
26, si c'était balisé. La peur qu'on a, c'est que finalement on continue à
faire ce qui se fait actuellement au niveau de la sédation. C'est ça, la peur
qu'on a.
Le Président (M.
Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition
officielle. Maintenant, pour le deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui. Merci, M. le Président. Alors, pour poursuivre un peu dans la veine de ma
collègue, effectivement on vous pose toutes
sortes de questions parce qu'il y a beaucoup de gens qui sont venus nous parler
de la difficulté d'avoir un
consentement libre et éclairé en fin de vie. Et certains nous disent :
Vous savez, en fin de vie, les gens peuvent être déprimés, il peut y
avoir de la dépression, donc, les personnes, est-ce qu'on peut vraiment obtenir
un consentement libre et éclairé?
Donc,
j'aimerais que vous nous fassiez la distinction entre, par exemple être
déprimé, souffrir de dépression et comment
ça peut influencer ou non, comment on peut conserver, malgré le fait d'être
déprimé ou d'être en dépression légère,
moyenne, majeure… c'est vous qui êtes les experts, sur le consentement libre et
éclairé, parce que j'imagine que ça se pose à tous les jours pour toutes
sortes de consentements, médicaux et non médicaux. Mais on s'intéresse aux consentements médicaux, donc ce n'est pas qu'en
fin de vie, et vous comprenez que, pour la fin de vie, c'est un enjeu
qui revient aussi. Donc, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Morneau.
Mme Morneau (Andrée) : Oui. Bien,
moi, ce que je peux vous dire, c'est que, que ce soit en fin de vie ou…
Une voix : Au milieu.
Mme Morneau (Andrée) : …ou au
milieu, que la personne… en santé mentale, c'est toujours teinté par le
diagnostic. Ça, on ne s'en sort pas.
Quand on
parle au niveau de la distinction au niveau des types de dépression, si on
parle d'en fin de vie moi, je pense
que… En tout cas, moi, même si j'allais bien, je serais déprimée, là, rendue
là. Ça fait qu'à quelque part je pense que quelqu'un qui ne le serait
pas, ça serait comme pas normal, là. Ça fait que je pense que ce n'est pas un
critère qui, comment je pourrais dire… Quand
tous les autres critères sont là, c'est sûr que la personne, elle va… quand on
sait qu'on va mourir, je ne pense pas
qu'il y en ait que ce soit dans la joie, là. Je pense qu'il y a des symptômes
dépressifs qui sont tout à fait
normaux, comme dans d'autres situations de vie où on met le mot «dépression»
comme une maladie, quand c'est une réaction à une situation de la vie
qui est normale, là. Je le vois un peu dans le même contexte.
Ce n'est pas
différent, là, que ça soit une personne qui ait un problème de santé mentale
reconnu ou pas. Là non plus, moi, je ne vois pas la différence.
Mme
Provencher (Doris) : Puis en
plus on est bien mal placées pour vous faire la différence parce qu'on a
déjà un peu de mal avec les diagnostics,
parce que les diagnostics, ça va, ça vient, ça s'en retourne et ça revient.
Donc, une personne qui a cinq
diagnostics psychiatriques, on en connaît des centaines, vous voyez. Donc, dans
cette mesure-là, ce n'est pas tant ce
diagnostic. Je pense que, comme Andrée dit, il y a sûrement un état dépressif
normal. Mais, encore une fois, je reviens, il y a les critères, il y a
plus que ça. C'est protégé en quelque part, je pense, avec les critères qui
sont là. Puis, si la personne est déprimée ou plus ou moins, bien ça, ça lui
appartient, là.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
• (12 h 20) •
Mme
Hivon : Oui. Si j'ai
le temps, je vais y revenir, mais je veux être sûre de poser une autre
question.
Vous nous
parlez, dans vos recommandations, de l'article 45 concernant les directives
médicales anticipées. Puis je prends
l'occasion, je saisis l'occasion pour clarifier quelque chose. On parle, à
l'article 45, de soins médicaux, qu'on peut prévoir dans les directives
anticipées les soins médicaux, et certains interprètent ça comme si on excluait
les soins de fin de vie. Mais évidemment on
se situe dans un continuum de soins de fin de vie qui sont des soins
médicaux. Alors, ça inclut bien sûr les
soins de fin de vie, sauf l'aide médicale à mourir. Je vais y revenir. Mais ça
inclut les soins de fin de vie qui
font partie d'un ensemble plus large, qui sont les soins médicaux. Puis
pourquoi on n'a pas mis juste les soins de fin de vie? C'est parce qu'une personne, dans ses directives
médicales anticipées, elle peut prévoir ce qu'elle veut ou non pour la fin de vie, mais elle peut aussi dire,
de manière générale : Si j'arrive à l'urgence dans telle situation :
coma après une chute, je ne veux pas, par
exemple, être mise sous respirateur, tout ça. Elle n'est pas nécessairement en
fin de vie, vous me suivez ?, elle va le devenir si elle refuse les
traitements. Mais elle peut avoir 27 ans, elle est en pleine forme trois heures
avant. Donc, c'est pour ça qu'on ne voulait pas être limitatif. Donc, ça, je
voulais vous le souligner.
Pourquoi on parle de soins médicaux? C'est que
les soins, au sens large… Les définitions sont importantes, mais, de par l'interprétation, les soins, ça peut
être des choses aussi larges que l'hébergement. Donc, il y a énormément
de choses autres que strictement médicales. Donc, c'est pour ça qu'on parle de
soins médicaux, mais ça inclut les soins de
fin de vie. Pourquoi ça n'inclut pas l'aide médicale à mourir? C'est parce
qu'on prévoit à l'article
26 qu'il faut que la personne soit apte lorsqu'elle demande l'aide
médicale à mourir. C'est ce qui fait que quelqu'un ne pourrait pas le demander, dans le projet de loi tel qu'il a été
écrit, de manière anticipée. Elle
pourrait demander un refus de traitement, elle pourrait dire : Je
ne voudrais pas être branchée dans telle circonstance, je ne voudrais pas qu'on
m'alimente ou qu'on m'hydrate de manière artificielle. C'est toutes des choses
qu'elle pourrait demander, mais l'aide médicale à mourir, puisque c'est un soin
qui a ses exigences propres, ne pourrait pas être demandée par directives
médicales anticipées.
Une voix : …chaque fois.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Provencher.
Mme
Hivon :
Il faut que la personne soit apte. Elle ne pourrait pas le demander de manière
anticipée, ce serait exclu. Donc,
j'aimerais savoir si, pour vous, ça apparaît une bonne idée de l'exclure. Ça ne
concerne pas nécessairement les personnes qui ont une situation de
maladie mentale, là, mais c'est une question générale que je vous pose. Est-ce
que ça vous apparaît plus indiqué de l'exclure ou est-ce qu'une personne qui
est apte pourrait l'écrire en prévision de son inaptitude, par exemple?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Serradori.
Mme Serradori (Chloé) : C'est parce que la proposition qu'on a faite,
c'est celle-là, c'est-à-dire d'inclure l'aide médicale à mourir, et, dans
notre grande candeur ou naïveté, on pensait que c'était un des moyens pour
faire rentrer les personnes inaptes dans cette possibilité-là si elles avaient
fait des directives médicales anticipées.
Tout
à l'heure, vous cherchiez des moyens : Comment le faire, quelles balises,
etc.? Nous, on se disait, pour que les directives médicales anticipées
aient vraiment un caractère prépondérant par rapport au consentement, bien c'était
d'inclure les soins de fin de vie, les soins
palliatifs, y compris l'aide médicale à mourir, parce qu'à ce moment-là…
et la sédation palliative terminale, parce qu'à ce moment-là, si, une fois
apte, j'ai fait mes directives médicales, et que je deviens inapte, et que j'ai indiqué ça, bien aucun proche autour de moi
ne devra prendre une décision difficile. Et le médecin qui va aller voir le registre, ça, c'est une
autre… on a fait quelques… on a lu ça et on a fait au moins une
recommandation de faciliter… mais, à ce
moment-là, le médecin aussi appliquera la procédure et devra procéder. On
trouvait que c'était une possibilité de faire entrer les personnes
inaptes au même niveau que les personnes aptes.
Le Président (M.
Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement. Maintenant,
pour le deuxième bloc, l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Je
comprends très bien les messages que vous nous faites. J'ai été
directeur de services professionnels, j'ai eu à gérer les gardes en établissement
et toute cette question-là. On peut avoir un diagnostic de santé mentale, ce
qui ne rend pas du tout inapte à fonctionner dans la société. D'ailleurs, on a plusieurs personnes, elles ont pu avoir fait une
dépression, mais, quand on regarde le diagnostic de dépression, il ne
faut pas avoir de préjugé par rapport à
cette personne parce qu'elle récupère. Même chose au niveau des maladies
bipolaires, la schizophrénie : ces gens-là peuvent fonctionner très
bien, avec un certain contrôle.
Je
vais aborder une question qui est très, très délicate, là, puis je n'ai pas de
mauvaise intention, mais, compte tenu que
vous êtes là, je m'oblige personnellement à vous la poser. On comprend bien
que, l'aide médicale à mourir, dans les critères, vous avez la question de la souffrance psychologique, et moi,
j'ai eu un cas, comme coroner, dans lequel une personne souffrait
tellement psychologiquement qu'elle a demandé l'aide médicale — à ce
moment-là, c'était le suicide assisté — pour mourir. Et c'était une jeune personne.
On comprend très, très bien qu'une personne, qui vivrait une grande détresse psychologique, beaucoup
d'idées suicidaires, apte à consentir… en tout cas, on est d'accord avec
ça, c'est deux niveaux différents, en
passant, en termes de décision, là, que cette personne-là qui arriverait,
d'après les critères, à cause de la
question qu'il n'y a pas nécessairement de déchéance à court terme, ce n'est
pas une personne qui pourrait demander de l'aide médicale à mourir, même
si des experts pourraient nous dire : On n'est pas capables de traiter
cette souffrance psychologique.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Provencher.
Mme Provencher
(Doris) : Et la question : Est-ce qu'on est d'accord ou pas?
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : La question est :
Êtes-vous d'accord que cette personne-là n'a pas les critères à cause qu'il n'y a pas de mort imminente? Elle n'a pas
les critères pour dire : Moi, à cause de tous les critères que je
remplis, à la limite, je pourrais demander l'aide médicale à mourir parce que
ma souffrance psychologique est trop grande. Là, on parle de désespoir, puis il
y a des gens qui vivent ça, là.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Morneau.
Mme Morneau (Andrée) : Oui. Bien, moi, je pense que... Voyons, j'ai perdu
le fil. Quand on sort... bien, je veux dire, quand on reste au niveau
des critères, ça demeure au niveau plus physique, parce qu'au niveau
psychologique je pense que ce serait d'aller
dans le désespoir que de penser qu'une personne qui a une souffrance
psychologique, même si elle est
intense, tu sais… que ça ne peut pas revenir, qu'il n'y a pas d'espoir, qu'il
n'y a pas d'amélioration. Je peux vous parler…
Je pourrais vous en parler longtemps, de ça, à quel point il y a un espoir qui
peut renaître, comparativement à quand on arrive avec une maladie
physique puis que, bon, dans la pratique, on voit qu'objectivement… on voit qu'il
n'y a pas de solution possible. C'est un peu ce que je pourrais vous répondre.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Écoutez, je vous l'ai dit, que c'était délicat comme question, là, puis je me
suis obligé à la poser. J'ai hésité, mais je pense que c'est important qu'on se
la pose. Même quelqu'un qui arriverait puis nous
dirait : Non, moi, je souffre tellement psychologiquement… Puis on parle de grand, grand
désespoir, là, ces gens-là vont jusqu'à...
d'habitude, ça aboutit par un suicide. Dans le cas que je vous parle, c'était
avec un... bien, c'est un suicide assisté, là. Ces gens-là ne répondent pas aux
critères, c'est vraiment dans les cas de déchéance physique du côté...
Bon. On est d'accord là-dessus? O.K.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Morneau.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Vous faites juste confirmer la perception que j'avais, mais je voulais juste qu'on
s'entende, que tous les groupes là-dessus, c'est à ce niveau.
Également, comme je vous disais, je reçois très,
très bien votre message. Souvent, lorsqu'on arrive avec un diagnostic, est-ce que les gens devraient
se poser la question : Parce
qu'elle ou il a eu un problème de schizophrénie, est-ce que ça le rend inapte par la suite à consentir,
mettons, sur l'aide médicale à mourir? Pour moi, c'est deux paliers complètement différents de décision. On peut avoir
eu des problèmes, comme on a pu avoir fait un infarctus, on peut avoir eu une maladie. L'aptitude, les critères sont
différents, mais je suis d'accord avec vous, de temps en temps, on peut
pousser un petit peu plus loin, on peut forcer quelqu'un, mais il faut vraiment se retenir et dire que c'est comme tout le monde. On applique les mêmes critères que tout
le monde, et, si cette personne-là a
les critères et qu'elle est apte, à
ce moment-là, elle devrait avoir le droit au service.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Provencher.
Mme
Provencher (Doris) : Si je
peux me permettre, écoutez, M. Bolduc, allez porter la bonne nouvelle
auprès de vos confrères et consoeurs parce que
dans la pratique, malheureusement… il
y en a qui pensent comme vous aussi,
là, bien sûr, mais dans la pratique, malheureusement, ce n'est pas toujours ça
qui se passe. Alors, propagez votre nouvelle.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Serradori.
Mme
Serradori (Chloé) : Et aussi
il faudrait propager un peu ce que Mme Provencher disait tout à l'heure, la différence entre inapte, c'est-à-dire une personne qui n'est
pas apte à prendre soin d'elle-même, ou de ses biens, ou d'elle-même et de ses
biens, et l'aptitude à consentir aux soins.
La
jurisprudence a décrit dans tous les sens qu'est-ce que ça veut dire. En particulier au niveau de l'autorisation
judiciaire de soins, hein, on a de la
jurisprudence importante qui décrit ce qu'est l'aptitude à consentir. Ça fait
que ça aussi, ça va être important et
ça va permettre de démystifier un peu les histoires de «dépression, pas
dépression, schizophrénie, pas schizophrénie». Ce n'est pas ça qui est important.
L'important, c'est la personne. Est-ce
qu'elle est capable...
souffrante psychologique à l'extrême ou
quoi? Quand elle prend une décision, est-ce
qu'elle est capable de voir c'est
quoi, les impacts de cette décision? Si elle est capable, il n'y a
personne d'autre qui doit se poser des questions, elle est capable.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau. Il vous reste trois minutes.
Mme Vallée : Donc, dans votre
dernier commentaire, vous demandez finalement qu'on fasse une référence peut-être
entre un adulte ou une personne qui ferait l'objet d'un régime de protection, parce
qu'on a des régimes de protection aux biens,
à la personne et aux biens. Donc, quelqu'un qui a un administrateur, par exemple, pour ses biens est toujours capable, peut encore prendre parfois des
décisions pour sa personne, ou l'inverse. Donc, vous voudriez vraiment qu'on puisse clairement identifier, à l'intérieur du projet de loi, cette notion-là de distinction entre la personne
qui n'est pas capable de prendre une décision et qui fait l'objet, par exemple, d'un régime de protection et la personne qui est peut-être affligée d'une maladie mentale mais qui ne fait
pas l'objet d'un régime de protection? Est-ce
que c'est ça? Je tente de bien...
Mme Serradori (Chloé) : ...parce que
ce que je vous dis...
Le Président (M. Bergman) :
Mme Serradori.
• (12 h 30) •
Mme
Serradori (Chloé) : ...et ce
que la loi dit, c'est que même une personne qui est sous régime de
protection… et, si elle est… que ce soit à sa personne ou aux biens, et c'est
écrit dans la loi, elle est apte à consentir à ces soins. Juridiquement, elle a la même
capacité que vous et moi, alors on va demander à son substitut. Tout à l'heure, M. Frémont expliquait le processus. On va demander à son substitut ou à son curateur, et mettons que le
curateur dise : Oui, je veux tel soin. Mais, si la personne, elle
continue catégoriquement, et c'est ça, le terme de la loi, «catégoriquement», à
refuser, bien l'établissement est obligé ou la personne est obligée d'aller au
tribunal pour trancher sur l'aptitude à consentir.
Alors, c'est pour ça qu'il y a comme une espèce
de mélange entre apte et inapte. Mais on est dans un concept d'aptitude à
consentir aux soins, et il faut peut-être… la chose qu'il faudrait préciser, et
nous, on le dit dans notre mémoire, c'est
que toute personne est présumée apte à consentir et c'est le médecin ou le… qui
doit faire la preuve que la personne, elle n'est pas apte à consentir,
qu'elle soit sous régime de protection ou non. Et c'est ça, c'est parce qu'il y
a un mélange. Quand, tout à l'heure, on parlait d'aptitude juridique et d'aptitude
à consentir… la personne peut être sous curatelle et être apte à consentir. C'est
ça qui est mêlant des fois.
Mme Provencher
(Doris) : Il y a eu des cas, d'ailleurs, des gens qui étaient sous
curatelle publique et qui refusaient catégoriquement un soin. C'est allé en
cour, et la personne, elle a gagné parce qu'elle… et c'était au niveau des
soins. Donc, c'est à distinguer. Il ne faut pas en faire un automatisme, vous
voyez. Parce que la personne, elle est inapte juridiquement ou elle est sous un
régime de protection, ah, bien là, elle, elle est inapte. C'est ça qu'on veut
essayer de prévenir.
Le Président (M. Bergman) :
Ceci met fin au bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le deuxième
groupe de l'opposition, M. le député de Vanier-Les Rivières.
M. Lévesque : Merci beaucoup,
M. le Président. Bienvenue, mesdames. Merci beaucoup, Mme Morneau, Mme
Provencher, Mme Serradori — je
ne voudrais pas mal le prononcer — de votre présence. C'est très
intéressant, puis vous amenez un côté également humain.
La santé mentale, c'est extrêmement préoccupant.
J'ai le plaisir d'avoir une conjointe qui travaille, d'ailleurs, dans le
domaine de la santé mentale, et c'est un milieu qui est large, hein, c'est…
Vous oeuvrez avec des gens avec différents niveaux, hein, de difficulté, avec
différentes problématiques en santé mentale et des problèmes d'anorexie…
boulimie, en passant par la schizophrénie, et j'en passe, là. Il y a des graves
troubles de dépression aussi qui peuvent survenir. Et vous parlez de tout l'aspect
du consentement libre et éclairé, vous venez d'en parler aux questions
précédentes de mes collègues de l'opposition officielle. Pour vous, vous ne
faites pas de nuance, c'est un consentement libre et éclairé, peu importe la
problématique. C'est ce que je comprends, il n'y a pas vraiment de différence
dans un cas comme ça, là.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Provencher.
Mme Provencher (Doris) : Bien, c'est-à-dire
qu'il ne devrait pas y avoir… Parce que, la loi, ce qu'elle dit, pour qu'un
consentement soit légalement légal, légalement légal, oui, enfin bref, vous me
comprenez, il y a deux conditions essentielles : il faut qu'il soit donné
de manière libre et il faut qu'il soit éclairé.
Avant que je
prenne une décision, le médecin a l'obligation de m'informer de qu'est-ce qui
peut arriver si je dis oui, si je dis
non, les alternatives, etc. Donc, on dit : Peu importe à qui on va
s'adresser, dans le contexte des soins de fin de vie, il faut faire la même chose pour tout le monde,
essayer d'enlever la loupe du diagnostic psychiatrique. C'est ça qu'on
dit. Vous savez, il y a un slogan, au
niveau de la santé mentale, qui date des années… 80, je suis mêlée un peu dans
mes dates, Je suis une personne, pas une maladie. Alors, ce sont des
personnes avant tout, peu importe le diagnostic. D'ailleurs, on ne travaille
pas, nous, avec les diagnostics, on travaille avec la souffrance des gens,
O.K.?
Mais donc peu
importe parce qu'en bout de piste ce sont des personnes comme vous et moi.
Puis, n'oublions pas, on peut se retrouver ici, tout le monde, sur un
département de psychiatrie un jour. Personne n'est à l'abri de ça.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Vanier-Les Rivières.
M. Lévesque : Tout à fait.
Donc, on a eu la chance d'entendre précédemment les gens de la Commission des droits de la personne nous souligner qu'ils
souhaitaient justement que ces droits-là… peu importe la condition, les
gens puissent venir exprimer leur… je veux prendre la bonne expression, leur
«capacité de consentement» aux droits. Donc, vous êtes en faveur de cet
aspect-là, c'est ce que je comprends?
Mme Provencher (Doris) : Tout à
fait, tout à fait.
M. Lévesque : Eu égard à la
condition, au diagnostic que les personnes on eu, vivent avec la condition, peu
importent, là, les états avancés de dépression, peu importe, il n'y a pas de
problème.
Mme Provencher (Doris) : …dans le
cadre de l'application du projet de loi n° 52.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Morneau.
Mme Morneau (Andrée) : Ça va, dans
le cadre de l'application… C'est ça.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Provencher.
Mme
Provencher (Doris) : Bien,
c'est dans le cadre de l'application du projet de loi n° 52. Il y a des
critères assez clairs, je pense… on pense.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, le temps s'est écoulé,
malheureusement. Mme Morneau, Mme Provencher, Mme Serradori, merci pour
être ici avec nous et partager votre expertise avec nous.
Collègues, la commission ajourne ses travaux au
mardi le 8 octobre 2013, à 10 heures, afin de poursuivre les consultations
particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 52. Bonne
fin de semaine.
(Fin de la séance à 12 h 36)