(Onze
heures cinq minutes)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et
des services sociaux ouverte.
La
commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les
auditions publiques sur le projet de loi n° 52, Loi concernant les
soins de fin de vie.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire :
Non, M. le Président.
Auditions (suite)
Le
Président (M. Bergman) : Alors, on reçoit maintenant la
Fédération des mouvements Personne d'abord. Alors, bienvenue avec nous, bienvenue à l'Assemblée
nationale. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation. S'il vous
plaît, commencez par donner à nous vos noms, vos titres et, après, continuez
votre présentation.
Fédération des mouvements Personne
d'abord du Québec (FMPDAQ)
Mme Bourgeois (Louise) : Eh bien, bonjour à tous. Je me présente, Louise
Bourgeois, présidente de la Fédération des
mouvements Personne d'abord du Québec. Je suis accompagnée, pour cette
présentation devant la commission, de Steve
Janelle, mon vice-président interne, et de Danielle Gratton, personne-ressource
à la fédération. Merci aux membres de
la commission de nous recevoir afin que nous puissions vous présenter notre
avis sur le projet de loi n° 52 de soins de fin de vie.
Afin
de vous présenter notre avis, qui porte le titre Dans le respect des droits,
de l'équité, du libre choix jusqu'à la fin, j'aimerais vous
parler de notre organisme et de nos membres. La Fédération des mouvements
Personne d'abord du Québec est un
organisme à but non lucratif qui a pour mission la défense collective des
droits de toutes les personnes vivant
avec une déficience intellectuelle. Les mouvements Personne d'abord se
distinguent par une politique «par et pour». Nos organismes sont dirigés par les membres vivant avec une déficience
intellectuelle et pour elles-mêmes. La philosophie du «par et pour», c'est
la prise en charge et la prise de parole par nos membres.
Les
Personne d'abord luttent depuis des années pour qu'on leur reconnaisse le droit
de décider de leurs vies, le droit de
choisir le lieu où ils veulent vivre, le droit d'avoir un amoureux, de se
marier, le droit de travailler. Dans toutes les actions, les Personne d'abord travaillent à défendre leur droit à l'autonomie
et à décider par eux-mêmes de ce qui est bon pour eux en visant l'élimination des préjugés. Quels que soient les
dossiers que nous travaillons au niveau de la santé, du logement, du travail, de l'éducation, etc.,
nous mettons toujours en avant la reconnaissance des acquis, des
compétences des personnes vivant avec une
déficience intellectuelle, le fait que nous sommes avant tout des personnes d'abord,
que nous sommes capables de décider pour nous-mêmes.
Nous
avons des inquiétudes, des opinions, des revendications sur l'accès aux soins
de santé, et les soins de fin de vie
en font partie. Certains de nos membres restent craintifs, vivent au quotidien
le poids des préjugés et la cruauté que cela peut entraîner. Toujours aux prises avec des conditions de vie
difficiles, avec peu de possibilités de sortir de la pauvreté, certains de nos membres peuvent être victimes d'abus
et de mauvais traitements. Malgré tout ça, plusieurs d'entre nous sont ouverts au droit de toutes les personnes à
décider comment ils veulent vivre et aussi comment ils veulent mourir.
Je laisse la parole à
Steve Janelle.
Le Président (M.
Bergman) : M. Janelle.
• (11 h 10) •
M. Janelle (Steve) : Merci. En 2010, Louise et moi étions devant la commission
spéciale Mourir dans la dignité pour
exprimer les préoccupations de nos membres
sur les questions de l'euthanasie, du suicide assisté et des
soins en fin de vie. Depuis, nous avons
gardé notre intérêt pour les soins de fin de vie. Après le dépôt de la loi n° 52,
il était naturel pour nous de
poursuivre nos discussions et de revenir en commission parlementaire pour
réaffirmer notre point de vue sur certains aspects des soins de fin de
vie.
Pour
commencer, tout comme nous l'avons fait en 2010, les Personne d'abord ont
décidé de ne pas se prononcer pour ou
contre l'aide à mourir. Il faut comprendre que certains d'entre nous gardent
des peurs et de grandes inquiétudes face
aux abus ou aux dérapages qui pourraient arriver avec l'aide médicale à mourir. Leurs expériences de vie n'ont pas toujours
été heureuses, et elles sont conscientes que la société a encore des préjugés
face à la déficience intellectuelle et face
aux personnes handicapées en général. Malgré cette dure réalité, nous avons
choisi d'utiliser notre droit de parole pour exprimer notre point de
vue sur l'encadrement de l'aide médicale à mourir, sur le respect du droit à décider et sur
l'accessibilité pour tous à de bons soins palliatifs.
Avant
de parler de l'encadrement de l'aide à mourir, j'aimerais vous rappeler une des
demandes que nous avions faites en 2010 devant la Commission spéciale
Mourir dans la dignité : s'assurer qu'advenant l'adoption d'une loi sur l'euthanasie et le suicide assisté l'encadrement
de celle-ci ne laissera aucune place aux possibilités d'abus et de
dérapage. Nos membres ont pris connaissance
des moyens que la loi prévoit pour encadrer l'aide médicale à mourir. Nous
sommes d'accord avec les conditions et les
étapes pour faire une demande d'aide à mourir. Nous croyons que, si toutes les
étapes que la personne doit franchir pour
faire une demande d'aide à mourir et celles que le médecin doit respecter…
permettront d'éviter les abus et les
dérapages. Mais nous avons encore des questions. Qu'arrivera-t-il si les deux médecins
consultés ne sont pas du même avis? Qui
devra trancher? Nous n'avons pas trouvé de réponse à cette question
dans la loi. On sait, de nos jours,
que tout ce qu'un médecin signe est chargé au patient. Alors, le formulaire que
la personne devra remplir pour faire
sa demande sera-t-il gratuit ou chargé au patient? Ce formulaire devra absolument
être gratuit mais aussi être disponible en langage accessible ou facile
à lire pour que la personne comprenne ce qu'elle va signer.
Le rôle de la commission sur les soins de vie ne
devrait pas être simplement de ramasser des demandes, des acceptations et des refus. Nous croyons que cette commission
doit être le chien de garde de la loi. Elle doit surveiller et faire respecter l'encadrement de l'aide à mourir
qui est décrit dans la loi. Cette commission doit pouvoir agir ou imposer des sanctions aux établissements de santé ou aux
médecins qui ne respecteraient pas les règles ou n'accorderaient pas
toute l'attention nécessaire aux demandes
reçues. L'aide à mourir, ce n'est pas pour n'importe qui, ça ne doit pas être
n'importe quoi et ne doit pas être fait n'importe
comment et n'importe quand. La loi doit s'en assurer, et la Commission
sur les soins de fin de vie doit le surveiller.
En 2010,
devant la commission spéciale Mourir sur la dignité, nous avions deux demandes
concernant le libre choix des Personne
d'abord. Je vous les rappelle : s'assurer qu'une personne vivant avec une
déficience intellectuelle aura le
pouvoir de prendre une décision libre et éclairée sur ses conditions de fin de
vie; s'assurer que, dans la situation où une personne
serait dans l'impossibilité de prendre une décision ou de faire connaître de
façon claire sa décision, cette décision ne pourra jamais être prise par une autre personne, un tuteur, un
parent, etc. L'obligation que ce soit la personne elle-même qui fait la demande d'aide à mourir répond à un
des deux points soulevés dans notre avis de 2010, et il faut que cela
demeure ainsi. Il est aussi important que la personne puisse choisir elle-même
qui l'accompagnera et la soutiendra dans cette démarche importante.
En vertu du Code civil, toute personne, y
compris les personnes qui sont protégées par le Curateur public, est présumée apte à consentir aux soins. Nos membres
adultes se préoccupent beaucoup du consentement aux soins de santé en général et l'aide à mourir
en particulier. C'est le rôle du médecin d'évaluer si la personne est apte ou
inapte à demander l'aide à mourir. Le
personnel soignant devrait recevoir une formation particulière pour
intervenir de la bonne façon auprès des
clientèles vulnérables comme les Personne d'abord. Il faut faire attention quand on utilise les termes «apte» et
«inapte». Il arrive souvent que la personne
soit inapte dans certaines situations de sa vie quotidienne mais tout à fait
aptes dans d'autres situations.
Cela demeure assez difficile pour plusieurs d'aborder
un sujet aussi délicat que la mort. Notre réseau de santé aura peut-être besoin de se doter de services
spécialisés pour répondre aux besoins d'information de la population et
des personnes plus vulnérables. Les
personnes vivant avec une déficience intellectuelle, comme d'autres groupes de
personnes vulnérables, ont besoin de
conditions particulières pour exercer leur droit à l'autodétermination. Elles
ont besoin d'informations simples,
rédigées dans un langage clair et accessible, de capsules vidéo informatives,
de formation adéquate, etc. Il sera essentiel
de produire des formulaires et des documents d'information qu'elles peuvent
lire et comprendre. Nous devons insister
sur le besoin d'accompagnement. Les intervenants des CRDITED et les CSSS
devraient aborder ce sujet avec les
personnes qu'ils accompagnent dans leur plan d'intervention. Dans la
consultation que nous avons faite auprès de nos membres, il a été suggéré de mettre en place une politique de soutien à
l'autodétermination en fin de vie pour accompagner toutes les personnes qui ont des besoins
particuliers de soutien. Cela serait sûrement aidant pour beaucoup de
personnes.
S'assurer que
les Personne d'abord en fin de vie puissent prendre une décision libre et éclairée
demeure en soi un défi important.
Nous devons mettre en place toutes les ressources nécessaires pour assurer que
ce droit est respecté et qu'il se fait réellement dans les meilleures
conditions possible.
Je retourne la parole à Mme Bourgeois.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Bourgeois.
• (11 h 20) •
Mme
Bourgeois (Louise) : En
2010, nous avions aussi une demande sur l'accessibilité aux soins palliatifs.
La voici : s'assurer que... l'accessibilité,
pour tous les groupes de la population et dans toutes les régions, de soins
palliatifs de qualité. La reconnaissance du
droit aux soins palliatifs dans le texte de la loi est une partie de la réponse
à cette demande. Pouvoir recevoir des
soins de fin de vie à domicile est aussi une réponse aux besoins de plusieurs
citoyens. Comment le réseau de la
santé pourrait-il répondre à une demande aussi grande alors que sa population
vieillit rapidement, il manque de
main-d'oeuvre en santé, que ses ressources financières sont limitées? Les
hôpitaux, les CHSLD, les maisons de soins palliatifs doivent se préparer à offrir des soins palliatifs partout au
Québec. En plus, elles devront aussi offrir ces soins de fin de vie à
domicile si la personne le demande.
Les
investissements de 15 millions de dollars annoncés par la ministre juste
avant le dépôt de la loi ne seront pas suffisants.
Il ne faudrait pas que le gouvernement demande aux familles et aux proches de
la personne en fin de vie de supporter seules tout le poids de l'accompagnement
parce qu'il n'a pas les moyens de le faire.
Vieillir et
mourir à domicile est un souhait de beaucoup de personnes, mais, pour répondre
à la demande, il faudra prévoir des
ressources humaines et financières qui pourront répondre aux besoins de la population. Les membres de la Fédération
des mouvements Personne d'abord du Québec reconnaissent le travail important
fait par le gouvernement qu'on respecte la personne… et reconnaître ses droits jusqu'aux derniers
instants de sa vie. Plusieurs demandes faites par les associations, les médecins,
les citoyens, dont la fédération, ont été entendues.
Dans
le contexte de l'adoption de cette loi, les membres de la fédération veulent s'assurer que
la commission de soins de fin de vie
aura le pouvoir de faire respecter les étapes et les conditions pour la demande
d'aide à mourir, faire obstacle aux
abus et aux dérapages; que les personnes auront droit à toute l'information, le
soutien et l'accompagnement nécessaires
pour faire un choix libre et éclairé sur les derniers instants de leur vie; que
toutes les ressources humaines et financières
seront déployées dans chacune des régions du Québec pour offrir des bons soins
palliatifs accessibles à tous.
Chaque
fois que les membres des mouvements décident de se prendre en main, de discuter
d'un projet de loi, de faire
connaître leurs opinions, ils le font avec passion, détermination et vont jusqu'au
bout. C'est avec beaucoup de fierté qu'ils prennent à la Commission de
la santé et des services sociaux le fruit de leurs réflexions et leurs
commentaires.
Merci de nous avoir
écoutés avec attention. Et, si vous avez des questions, il nous fera plaisir d'y
répondre en langage clair et facile à comprendre. Merci.
Le
Président (M. Bergman) : Merci. Je vous remercie pour votre
présentation. Nous allons maintenant débuter la période des échanges.
Mme la ministre, pour le premier bloc du gouvernement. Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui. Alors, bonjour à vous trois, représentants de la Fédération des mouvements
de Personne d'abord. Je vois la collègue de
Mille-Îles qui venait vous saluer, parce que j'ai fait la commission spéciale
avec elle et je sais qu'elle est très
proche de votre fédération. Donc, je pense qu'elle voulait venir vous saluer,
mais elle ne voulait pas vous interrompre.
Alors,
bien, écoutez, merci beaucoup d'être parmi nous. Je veux vous dire qu'il y a
beaucoup de choses que vous nous avez
dites dans votre présentation qui résonnent beaucoup chez moi. D'abord, j'ai le
double chapeau, comme je l'ai dit
hier aux représentants de notamment la COPHAN et l'AQIS, d'être la ministre
responsable de ce projet de loi, mais bien sûr aussi la ministre responsable
des personnes handicapées. Donc, je dois vous dire que c'est une double responsabilité que je prends très à coeur, et je
pense que ça permet aussi d'avoir une sensibilité dans le projet de loi
pour toute la réalité des personnes qui
doivent vivre avec une limitation ou une déficience au quotidien et de s'assurer
qu'elles sont à la fois respectées dans leur quête d'autonomie, dans leur
volonté d'autonomie, mais aussi protégées, parce que certaines de ces personnes-là évidemment peuvent être plus vulnérables.
Donc, je suis très heureuse de vous entendre.
Pour
ce qui est de la question, donc, je dirais, des soins palliatifs versus la loi,
c'est vraiment un travail qui se fait en
parallèle. Donc, on a le projet de loi qui vient consacrer l'importance des soins
palliatifs et l'aide médicale à mourir, aussi, dans certaines circonstances exceptionnelles, mais tout n'est pas
dans un projet de loi. Donc, on travaille très fort, au ministère. Vous avez fait référence à l'investissement
de 15 millions. Est-ce que c'est tout, et les choses s'arrêtent là?
Non, on continue à travailler très fort pour
toujours améliorer les soins palliatifs, et il y a un vaste chantier en cours à
cet égard-là, donc, pour les améliorer,
parce que, oui, il y a l'argent, mais il y a aussi beaucoup comment on procède,
comment on organise les soins.
Et
vous parliez de soins à domicile. Je suis vraiment commise, et on est vraiment
commis à améliorer les soins à
domicile. Et la priorité des investissements et du travail qu'on fait pour les soins
palliatifs, c'est les investissements pour les soins à domicile, y compris du répit pour les proches quand, en fin
de vie, ils doivent accompagner les gens. On sait que c'est une clé
aussi pour pouvoir garder les gens à domicile. Donc, je voulais vous situer ça.
Je voulais aussi vous rassurer. Oui, on vous
a bien entendus quand vous êtes venus, et je pense que la majorité de vos
préoccupations sont prises en compte
dans le projet de loi. Et je veux vous réitérer que je partage complètement
votre point de vue quand vous dites que,
lorsqu'une personne, du fait de sa déficience, serait dans une situation où
elle n'a jamais été apte et n'est pas apte à consentir, il ne pourrait pas y avoir une tierce personne qui demande ou
consente à l'aide médicale à mourir à sa place. Donc, ça, je dois vous dire que c'est quelque chose qui est exclu parce
qu'on est bien conscients de la vulnérabilité des personnes qui peuvent
ne pas avoir la capacité, du fait d'une déficience intellectuelle, à consentir.
Par
ailleurs, je vous entends beaucoup sur la question du libre choix, la question
du respect de l'autonomie de la personne.
Et tout le projet de loi, il est bâti dans une logique, dans une recherche d'équilibre,
l'équilibre entre le meilleur accompagnement
possible des gens en fin de vie, le respect de leur choix et de leur autonomie
mais la protection aussi des personnes. C'est pour ça qu'il y a beaucoup
de balises, là, et qu'on vient bien encadrer tout le processus en ce qui
concerne l'aide médicale à mourir.
Donc, moi, j'aimerais
comprendre, quand vous parlez du libre choix, tout en nous disant que vous ne
vous prononcez pas sur la question de l'aide
médicale à mourir, quel message spécifique vous voulez nous passer par rapport
aux personnes qui font partie de votre fédération.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Bourgeois.
Mme Bourgeois (Louise) : Bien, c'est vrai aussi, on a des inquiétudes.
Comme j'ai dit, il ne faut pas que ça se fasse à n'importe qui, n'importe
quand, n'importe comment puis il faut faire attention là-dessus.
(Consultation)
Le Président (M.
Bergman) : Mme Gratton.
Mme
Gratton (Danielle) : Je vais donner un coup de main à ma présidente.
Dans le fond, ce que les gens nous disaient,
c'est que même les personnes, puis il y en a plusieurs, qui ont une déficience
intellectuelle mais qui sont sous un régime de protection, que ce soit au Curateur
public, en tutelle ou en curatelle, elles ont la possibilité… Et souvent
elles vivent en appartement toutes seules,
ont un ami de coeur, prennent des décisions au quotidien. Donc, il y a aussi,
dans ce groupe de personnes, des personnes
qu'il faudra considérer comme aptes à décider. Et c'est dans ce sens-là qu'ils
voulaient le dire.
Oui, il y a
des personnes qui ont des inquiétudes. Oui, il y a des personnes qui sont plus
vulnérables parce qu'il y a des
degrés dans la déficience intellectuelle, mais il y a aussi tout le groupe des
personnes… Et ils sont très actifs, ils sont très intégrés, ils vivent avec tout le monde, en appartement, tout
seuls, et ne voudraient pas d'emblée perdre leur droit de décision, y
compris pour celui de l'aide à mourir.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
• (11 h 30) •
Mme
Hivon : Oui. Bien,
écoutez, c'est ça, on se rejoint parce que moi, je dis souvent qu'il faut
protéger les personnes vulnérables, mais il ne faut pas non plus être
paternalistes, dans le sens qu'il faut laisser aussi toute la part d'autonomie
que ces personnes-là sont en mesure… que toutes les personnes, en fait, qu'importent
leurs facultés au quotidien, qu'importe une
déficience qu'elles peuvent avoir, de légère à plus importante, ou les
personnes qui sont parfaitement
aptes, qu'on juge sans déficience, mais, quand on creuse, des fois on trouve
aussi toutes sortes de réalités… Donc,
je pense que c'est important aussi de bien protéger puis je pense que les
critères qui sont là le font, mais on pourra y revenir. Mais, en même temps, de permettre l'exercice de l'autonomie des
personnes qui, oui, malgré une déficience ou une limitation, ont cette
aptitude à consentir.
Et, moi, ce
que je veux vous dire, c'est que, pour pouvoir avoir accès à l'aide médicale à
mourir, il y a tous les critères qui
sont prévus à l'article 26. Et tout le projet de loi est pour les personnes en
fin de vie, et ça, c'est très important, hein, parce qu'il y a des
personnes qui pensent qu'une personne, parce qu'elle est en dépression ou parce
qu'elle est lourdement handicapée, pourrait
faire une demande d'aide médicale à mourir. Ce n'est pas le cas, c'est exclu.
Donc, il faut que la personne soit en
fin de vie, donc, qu'elle ait une maladie grave et incurable et aussi qu'elle
ait des souffrances qui sont inapaisables — ça, c'est des critères
très, très importants — et
qu'elle ait bien sûr son aptitude à consentir.
Et ça, ça m'amène
à mon autre question. Dans votre vie de tous les jours, j'aimerais ça savoir…
Vous avez parlé de l'importance de la
sensibilisation des intervenants dans le milieu de la santé à la réalité, des
fois, où c'est plus compliqué de
savoir si une personne est apte ou pas apte à consentir. Et ça, je dois vous
dire que je fais beaucoup de sensibilisation à cet égard-là, je pense qu'il y a beaucoup de travail à faire. Mais moi,
j'aimerais savoir, dans votre quotidien, est-ce qu'il y a des histoires, est-ce qu'il a des expériences que
vous avez vécues, qui, je dirais, vous disent : Vous êtes bien
considérée, quand c'est le moment de
consentir ou non, d'accepter ou non un soin ou un traitement ou si en général
on se retourne plus vers les proches et qu'on laisse un peu de côté la
personne elle-même, même si elle a l'aptitude à consentir?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Bourgeois.
Mme
Bourgeois (Louise) : Non, je n'ai
pas eu d'expérience là-dessus. Mais, si un jour... si ça arrivait,
mettons, à moi, ça ne sera pas une personne
qui déciderait pour moi. Il faut que ça vienne de moi, ma décision si je dois
continuer à vivre ou mourir. Puis aussi j'ai
un bon médecin aussi qui m'écoute, qui prend le temps d'expliquer des choses
avec des mots simples puis
vulgarisés. Puis il faudrait que les médecins soient plus formés pour expliquer
aux personnes vulnérables quel impact ça a sur leur décision.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du
gouvernement. Maintenant, pour le premier bloc de l'opposition
officielle, Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonjour. Je vous réitère les
salutations de ma collègue de Mille-Îles,
parce qu'elle m'avait chargée de le faire, puis, si je ne le fais pas, je vais
me faire chicaner. Alors, je vous réitère ses salutations.
Je vous remercie beaucoup d'avoir pris le temps
de venir nous rencontrer, puis de partager avec nous vos préoccupations quant à l'éventuelle adoption du projet
de loi, puis de nous sensibiliser aussi sur certaines questions qui sont
bien, bien, bien importantes pour vous puis pour les membres de votre
fédération.
Je suis
particulièrement touchée, comme la ministre, sur toute la question qui touche
votre droit le plus fort de décider,
de prendre des décisions et que ces décisions-là concernant votre santé,
concernant vos soins ne soient pas prises par quelqu'un d'autre. Puis, je pense qu'il faudra voir, peut-être, dans
le projet de loi, il y a une distinction, dans le fond, dans les différents régimes de protection qui sont
mis en place. Est-ce qu'il faudrait faire en sorte, dans le projet de
loi, d'assurer, de bien préciser, par
exemple, qu'un régime de protection qui touche l'administration des biens,
bien, on sait bien que ça ne vient
pas nécessairement faire en sorte qu'une personne n'est pas capable de décider
d'un soin, si elle est bien accompagnée par une personne de confiance,
par exemple, pour lui expliquer correctement ce qu'il en est?
Et ça, ça
amène aussi à votre préoccupation d'avoir accès à de l'information claire et
précise, puis là-dessus on milite
beaucoup, nous, depuis le début de la commission, sur l'importance de bien
définir les termes. Parce que, dans le projet
de loi, on parle de différents soins, on parle de sédation palliative
terminale, entre autres, on parle d'aide médicale à mourir, mais c'est des termes, qu'on soit pour ou
qu'on soit contre, qui ne sont quand même pas évidents, parce que ce n'est
pas quelque chose qu'on utilise dans la vie
de tous les jours, hein? Et pour nous c'est important que ces termes-là
soient définis non seulement dans un guide d'accompagnement,
mais dans la loi pour que ce soit bien,
bien, bien clair pour tout le monde. Puis votre présentation me rassure sur l'importance qu'on accorde à cette question-là depuis le début des travaux de la commission, parce que, oui, on parle des médecins, des spécialistes de
la santé qui vont avoir à travailler avec la loi, mais il
faut penser, d'abord
et avant tout, à ceux et celles qui un jour peut-être auront à faire un
choix, auront à prendre une décision.
Puis il faut que cette décision-là, pour vraiment
pouvoir être éclairée, bien, qu'elle se repose sur des termes qui sont
clairs.
Donc,
pour ça, moi, ça me… votre mémoire m'a vraiment frappée. Puis, s'il y a une chose aussi que
je dois vous dire, c'est que votre
mémoire puis votre présentation sont tous les deux très clairs. Il n'y a
pas beaucoup de zones grises, vous dites les choses bien clairement, et puis tout
le monde comprend, et ça… ça aussi, c'est
bien apprécié. J'aimerais tout simplement que vous puissiez peut-être
préciser un petit peu un paragraphe qui est à la page 4 de votre mémoire, lorsque vous dites que les personnes qui vivent
avec une déficience intellectuelle, comme d'autres personnes de groupes vulnérables, ont des besoins
particuliers pour exercer leur droit à l'autodétermination. J'aimerais ça que
vous puissiez élaborer un petit peu plus sur
cette question-là pour nous permettre, nous, lorsqu'on sera
rendus à une autre étape, de nous assurer que ces personnes-là auront ce
à quoi elles ont droit.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Bourgeois.
Mme Bourgeois (Louise) : Je laisserais à Steve de répondre à la question vu que c'était lui
qui avait lu le texte.
Le Président (M.
Bergman) : M. Janelle.
M. Janelle (Steve) : Merci. Bien, l'autodétermination, en fin de compte, c'est de se donner
le... comment je pourrais dire, c'est
se donner, en fin de compte, les moyens… en fait les moyens efficaces pour
pouvoir répondre correctement et de pouvoir prendre une décision
éclairée, là, sur qu'est-ce qu'on veut comme soins.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Gratton.
Mme Gratton (Danielle) : Je vais relancer M. Janelle en lui
demandant : C'est quoi, les conditions particulières qui vous permettent de bien décider? Est-ce que tu
es en mesure de répondre à cette question-là?
M. Janelle (Steve) : Bien, c'est des explications plus claires avec un langage simplifié,
quelque chose qu'on est capable de
comprendre, ne pas arriver avec des grands mots, là, excusez, longs comme un
bras, là. Ça nous prend des explications qui sont vraiment claires et
précises, sinon on ne pourra pas prendre une décision, là, vraiment.
Une voix :
Je pense qu'il y avait toute la… Excusez.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
J'imagine aussi que ça peut vouloir dire d'être accompagné par une personne en
qui vous avez confiance, une personne qui n'est
pas nécessairement un membre de la famille, qui peut être une
personne avec qui vous avez développé
des liens : un travailleur social ou que ce soit… parfois des amis aussi.
Est-ce que ça fait partie, ça, ce droit-là
à l'accompagnement puis être… à pouvoir avoir vos rencontres avec cette
personne-là qui vous accompagne, ça, ça fait partie des moyens puis des
conditions pour pouvoir prendre ces décisions-là dans un état d'esprit plus
calme?
Le Président (M.
Bergman) : M. Janelle.
M. Janelle (Steve)
: Moi, je pense que oui. Si on est accompagné de quelqu'un puis on a de la difficulté
à comprendre, bien juste le fait que la
personne soit à côté de nous, ça
va comme nous rassurer. Ça fait que, s'il y a
des mots qu'on n'arrive pas à
comprendre, bien la personne qui est avec nous va pouvoir nous aider, là, à
mieux choisir, mieux décider, en fin de compte.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
• (11 h 40) •
Mme
Vallée : Merci. Vous
avez aussi soulevé un point — là,
je vais vers la commission sur les
soins de fin de vie — vous avez soulevé des préoccupations. Et, dans votre mémoire, vous dites à la toute
fin de la page 3 que la commission «doit pouvoir agir ou imposer
des sanctions aux institutions ou aux médecins qui ne respecteraient pas les
règles de fonctionnement ou n'accorderaient pas toute l'attention nécessaire
aux demandes reçues».
Qu'est-ce que vous
voulez dire par ça, par «l'attention nécessaire aux demandes reçues»?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Bourgeois.
Mme Bourgeois (Louise) : Bien, c'est que le médecin, il doit être attentif à la demande que la
personne veut faire, lui expliquer
quels sont les impacts, là, comme j'expliquais tantôt. Puis il faut que la
personne prenne le temps de lire avant de signer le formulaire puis que
le médecin, lui, s'assure que la personne ait bien compris.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition
officielle. Maintenant,
pour le deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon : Bien, en fait, la réponse peut... Je ne sais pas si
ça serait plus simple que la réponse vienne maintenant puis que ça soit
simplement imputé sur l'autre bloc.
Le Président (M.
Bergman) : Oui?
Mme
Hivon :
Oui, vous pouvez continuer.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Bourgeois.
Mme Bourgeois (Louise) : C'est ça que je disais, que la personne... s'assurer
que... le médecin, il faut qu'il s'assure que la personne ait bien
compris.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui.
Parfait. Je pense que c'est un message important, puis c'est un message
important à passer pour toute la population.
Donc, on est plusieurs à, des fois, en perdre notre latin. Moi, ça m'aide,
parce que ça fait bientôt quatre ans que je suis dans le dossier, mais, la sédation palliative
continue, au début je ne savais pas exactement ce que c'était,
mais, au bout de trois ans et demi, je le sais un peu mieux. Mais encore il y a
des nuances, à chaque jour, qui nous sont apportées.
Alors,
écoutez, moi, je voulais juste... je sais que ma collègue de Sainte-Rose a des questions pour vous, mais, avant de céder la parole, je voulais juste vous dire que le critère,
pour nous, qui est dans le projet de
loi pour l'aide médicale à mourir, à l'article 26, c'est l'aptitude à consentir aux soins,
et ça, c'est le critère général en
matière de soins. Donc, on a vraiment
décidé de se référer à la faculté, à l'aptitude générales des personnes. Même
si elles ont une limitation ou une déficience
et qu'il peut y avoir certains aspects de leur vie pour lesquels elles ont
besoin de plus d'assistance, il y a des personnes qui sont tout à fait aptes à consentir aux soins, et, pour nous, c'est la même logique qui
est prévue dans le projet de loi pour l'ensemble des soins de fin de
vie, y compris l'aide médicale à mourir.
Donc, il
n'y a pas un automatisme de
dire s'il y a une tutelle ou si on est dans telle circonstance,
c'est toujours la même
recherche de l'aptitude de la personne à consentir aux soins qu'elle souhaite
recevoir dans un moment x.
Donc,
on s'inscrit en droite ligne, là, vraiment dans la même foulée que ce qui se fait jusqu'à ce jour, avec les défis, mais, je
pense, aussi toute la place à l'autonomie que ça laisse aux personnes. Je
voulais juste le clarifier. C'est ça. C'est pour ça que ce n'est pas apte... ce n'est
pas «une personne majeure et apte», c'est «une personne majeure et apte à consentir aux soins». Parce que,
si on avait juste mis «apte», ça aurait pu soulever beaucoup
de questions. Donc, il faut regarder plus finement si elle est apte à
consentir aux soins.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme
Proulx : Merci, M. le Président. Bonjour à vous trois. Comme mes collègues, j'ai
aussi bien entendu votre grande préoccupation par rapport à l'autodétermination
des personnes. Et dans votre mémoire vous mentionnez, spécifiquement, toujours en lien avec cette notion de choix libre et
éclairé, vous mentionnez qu'il faudra «s'assurer qu'une personne vivant avec une
"déficience intellectuelle" aura le pouvoir de prendre une décision
libre et éclairée sur ses conditions
de fin de vie». Mais vous allez un
petit peu plus loin dans votre
mémoire et vous recommandez qu'«il serait peut-être intéressant de
réfléchir à une politique de soutien à l'autodétermination en fin de vie».
Alors,
moi, j'aimerais ça que vous nous en disiez un peu plus. Concrètement,
quels seraient les éléments qu'il vous apparaîtrait important de
retrouver dans une politique de soutien à l'autodétermination en fin de vie?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Bourgeois.
Mme Bourgeois (Louise) : Bien, c'est que, la personne, il faudrait qu'elle soit bien soutenue de
la part du médecin.
Le Président (M.
Bergman) : M. Janelle.
M. Janelle (Steve) : En fin de compte, bien, que la personne soit vraiment,
là, bien informée de tout ce qui l'attend en frais de… Quand elle
rencontre le médecin, c'est d'avoir toutes les informations qu'elle a vraiment
de besoin pour s'assurer qu'elle fasse, comme vous disiez tantôt, un choix
libre et éclairé. Ça fait que comme ça, bien, au moins la personne, elle va savoir à quoi s'attendre quand
son médecin lui dit : Bon, vous avez besoin de telle affaire, telle
affaire, telle affaire. Ça fait que, comme
ça, mais, qu'elle arrive, puis, si elle arrive à comprendre, bien, au moins,
elle va pouvoir mieux choisir après ça ce qui est bon pour elle.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx :
Oui. Il y a madame qui veut intervenir.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Gratton.
Mme Gratton (Danielle) : On a fait une consultation auprès de tous
nos organismes membres, et cette suggestion-là nous est venue d'un groupe de nos membres à Québec.
Et, quand ils y ont réfléchi, ils disaient : Si on avait une politique qui
était à la grandeur du Québec et non pas milieu par milieu, on aurait peut-être,
à ce moment-là, des mesures de soutien et d'accompagnement qui seraient équitables pour
tous et non, mettons, mieux faites à Québec parce
que les services se sont organisés plus vite ou qu'ils ont mis en
place des choses particulières mais
moins bien dans une autre région parce qu'elles
n'ont pas eu le temps ou n'ont pas les mêmes préoccupations, tandis que, si c'était
une politique menée par Québec, dans
la tête des personnes, ils se disaient : Ça serait plus obligatoire et
aussi plus égal comme approche. Ça pourrait fournir des outils à tout le monde, mais les mêmes outils,
que tu sois à Chibougamau, à Sainte-Thérèse, à Trois-Rivières. Ça fait que ça garantissait comme une uniformité pour tout
le monde d'avoir des outils bien préparés, d'avoir des formations pour
le personnel médical, d'avoir de l'information
pour les personnes vulnérables, et ce serait la même information et ce
serait le même… Et ça les préoccupait que ce
soit différent d'un endroit à un autre, tout dépendant des initiatives de
chacun des milieux. Parce qu'ils le
vivent aussi, ils sont en mesure de dire : Moi, ça se passe bien dans ma
région, oui, mais, moi, ça se passe moins bien.
Ça
fait qu'ils le voient. Ça fait qu'ils ont dit : Si on avait une politique
nationale de soutien à l'autodétermination, bien peut-être qu'on aurait quelque chose qui est plus équitable puis
qui est plus facile pour tout le monde, plus facilitant.
Le
Président (M. Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose, il vous
reste deux… Mme la députée de Masson, il vous reste deux minutes.
Mme
Gadoury-Hamelin : Merci. Merci, M. le Président. Bonjour, merci
d'être là. Écoutez, dans la présentation de votre mémoire, vous parlez, entre autres, que la «commission [sur les
soins de vie devra] être le chien de garde de la loi».
Donc,
dans le projet de loi, il y a comme des balises déjà d'indiquées par rapport à
comment la commission va être
structurée. Pouvez-vous nous donner des éléments qui feraient que... des choses
que vous vous verriez ajouter, là, pour vous assurer que ce volet-là est
bien couvert? Est-ce que vous avez des éléments que vous voulez ajouter à ça?
Le Président (M.
Bergman) : M. Janelle.
M. Janelle (Steve) : On n'est pas vraiment sûrs de tout, là, mais juste que ça soit bien
surveillé. C'est pour ne pas qu'il y
ait de… comme on disait aussi dans le document, qu'il n'y ait pas de dérapage,
là, tu sais, qu'on n'arrive pas puis qu'on entende parler qu'il y ait eu
des abus, des dérapages dans certains secteurs. Ça fait que c'est plus ça qu'on
demande, là, qu'il n'y ait pas de… que ça soit vraiment bien surveillé.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Pour vous rassurer. Vous parlez aussi que, quand deux médecins sont consultés,
qui ne seraient pas du même
avis, vous vous demandez qu'est-ce
qui pourrait arriver à ce moment-là. Est-ce que vous pouvez nous en parler un petit peu plus? Parce que nous
allons devoir, tu sais, dans nos discussions regarder tous les
commentaires, et j'aimerais ça comprendre un peu où... si vous voulez aller un
peu plus loin là-dessus.
Le Président (M.
Bergman) : M. Janelle.
• (11 h 50) •
M. Janelle (Steve) : Oui. Bien, quand, mettons, on va consulter deux médecins, puis le premier nous dit : Bon, vous devez avoir ce traitement-là, ce
traitement-là et ce traitement-là, l'autre médecin peut aussi arriver avec l'avis
contraire. Ça fait qu'on se demande qui va être
capable de trancher ça. On ne découvre vraiment pas, là, qui pourrait vraiment nous donner
un avis, là, vraiment, là, éclairé là-dessus, là.
Le Président (M.
Bergman) : Le bloc...
Mme
Gadoury-Hamelin :
...qui vous préoccupe.
Le
Président (M. Bergman) : Excusez-moi, Mme la députée de Masson, le bloc du gouvernement s'est
écoulé. Mme la ministre.
Mme
Hivon : Je voulais
juste vous dire que, s'il y a l'obligation d'avoir un deuxième avis, c'est que le
deuxième avis doit venir dire la même chose
que le premier avis. Sinon, on ne peut pas aller de l'avant, vous comprenez? C'est
une obligation dans la loi d'avoir deux avis qui vont dans le même sens du premier et
du deuxième. Donc, ce n'est pas : Qui qui a raison?, c'est :
On ne pourra pas procéder.
Le Président (M.
Bergman) : Merci, Mme la ministre. Alors, pour le dernier bloc
de l'opposition officielle, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Alors, à mon tour de vous souhaiter la bienvenue,
et je tiens à vous dire que j'aime beaucoup
votre mouvement. Je le suis, je l'observe et je constate que vous faites bouger
les dossiers de société. Vous vous engagez politiquement, et je pense que c'est rafraîchissant. Et je
suis très heureuse que vous soyez ici. Il
y a des points qui ont été
couverts, alors je ne reviendrai pas, mais j'ai peut-être deux points sur
lesquels j'aimerais vous entendre.
M.
Janelle, vous avez dit à un moment
donné que vous aimiez particulièrement, là, l'aspect de l'aide à mourir. Qu'est-ce qui fait que vos membres s'intéressent particulièrement à l'aide
médicale à mourir et qu'est-ce que vous considérez, vous, comme l'aide
médicale à mourir?
Le Président (M. Bergman) :
M. Janelle.
M. Janelle
(Steve) : Pour répondre à la
première, il y a beaucoup de nos membres qui sont rendus à un âge quand même assez avancé. Donc, eux s'inquiètent un peu
comment que ça va... comment que leur vie va se terminer. Puis ce qu'ils veulent, c'est d'être bien traités, d'avoir
vraiment, là, les... Ces gens-là, tout ce qu'ils veulent, c'est d'être bien
traités par leur médecin quand ils sont
vraiment rendus au stade où qu'ils doivent vraiment avoir de l'aide médicale à
mourir, mais qu'ils soient vraiment, là, lucides quand ils vont prendre cette
décision-là, ne pas non plus attendre qu'ils soient vraiment sur leur lit de
mort, là, pour leur dire : Regardez, vous avez besoin de ça, de ça, de ça.
Mais ce qu'ils
veulent, c'est juste d'être vraiment lucides, là, quand ils vont prendre les
décisions pour leur choix, là, d'aide à mourir.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Vous avez dit quelque
chose tout à l'heure. Parce que je me préoccupe beaucoup des personnes
qui vieillissent. Et c'est
Mme la présidente qui mentionnait que, pour donner les soins, les
soins palliatifs entre autres, ça prend beaucoup de personnel. Parce qu'il va falloir qu'il y ait du personnel
et que ce personnel-là soit en fait formé partout, qu'on les retrouve... Vous avez parlé qu'il y avait un
manque de main-d'oeuvre, qu'il va falloir qu'il y ait du personnel dans les CHSLD, entre autres, pour les soins
palliatifs. Et, pour vous, c'est une inquiétude. Quand vous parlez aussi de
l'aide médicale à mourir, j'ai comme l'impression que ça englobe, pour vous,
les soins palliatifs pour soutenir la personne jusqu'à la fin de sa vie.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Bourgeois.
Mme Bourgeois (Louise) : Oui, ça m'inquiète
beaucoup parce que, quand on parle des soins palliatifs ou à domicile, une personne proche qui accompagne... la
famille proche qui accompagne, supposons, sa soeur ou... jusqu'à la fin, ce n'est pas facile. Il ne faut pas les
laisser tout seuls. Il faut qu'il y ait du personnel pour l'aider, pour
soutenir la personne jusqu'à la fin.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Donc, pour vous, ce
projet de loi, s'il est bien balisé, si c'est seulement lorsque la mort est
imminente, que la personne est dans des
douleurs, qu'elle a fait un choix, qu'elle a choisi — vous êtes les Personnes d'abord, donc
c'est l'autonomie — et
que c'est votre choix, vous êtes d'accord avec ce projet de loi.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Bourgeois.
Mme
Bourgeois (Louise) : Oui, je suis
d'accord, mais avec certaines craintes.
Parce que, quand on parle de projet… quand on parle de soins de fin de vie, il faut
que la personne ait, mettons, une maladie incurable, un cancer puis que
le médical ne peut plus rien faire. On ne peut pas penser ça à la légère.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Merci
beaucoup. J'aimerais revenir un tout petit peu, parce que tout à
l'heure, quand mon bloc de
temps… le bloc de temps s'est terminé, je voulais savoir.
Vous avez
mentionné que le formulaire… vous aviez des préoccupations quant au
formulaire à remplir pour faire une
demande d'aide médicale à mourir, entre
autres. J'imagine que c'est ce formulaire-là dont vous parliez. J'aimerais
ça
vous entendre sur les informations qui devraient, à votre avis, contenir… qui
devraient être contenues au formulaire et
puis aussi vous entendre, parce que vous n'en avez pas parlé beaucoup,
sur ce qu'on appelle les directives médicales anticipées, parce qu'on
parle, dans le projet de loi, de la possibilité d'avoir des directives
médicales anticipées, ce qui veut dire que
ce n'est pas quelqu'un d'autre qui va
décider de certains soins, mais ça va être… c'est la personne qui a fait ses directives médicales anticipées. Évidemment, on enlève de ça l'aide médicale à
mourir, là, qui n'est pas touchée
par les directives médicales anticipées dans le projet de loi.
Mais j'aimerais ça savoir, pour vous, pour les
membres de votre fédération, ce genre de document là, là, doit prendre quelle
forme, doit comporter quel type d'information pour être vraiment accessible à
vos membres.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Bourgeois.
Mme
Bourgeois (Louise) : Bien,
comme je disais, l'information, dans un formulaire, il faut que ce soit dans
un langage clair et vulgarisé, dans les mots
très simples pour qu'ils comprennent, puis s'asseoir avec eux puis leur expliquer quels sont les impacts, si elles font le bon choix, puis aussi que ça
soit un caractère gros parce que, si
c'est écrit en tout petits caractères, ils ont de la misère à voir. Il y en a que… puis
aussi des pictos, avec des images. Dans le fond, c'est-ce que... ça
répond à votre question, là.
Mme
Vallée : C'est vraiment intéressant, parce qu'hier les
représentants de la COPHAN nous indiquaient puis ont porté à notre attention : Il y a encore beaucoup de gens qui ne
sont pas à l'aise pour lire, il y a encore beaucoup de gens au Québec qui sont analphabètes. J'imagine
que, dans la fédération puis dans les membres que vous représentez, il y a aussi ces gens-là qui n'arrivent pas à bien
comprendre un texte, qui ont des aptitudes limitées pour lire. Donc, ce que vous soulevez, pour moi, c'est bien, bien
important, parce que parfois on ne réalise pas jusqu'à quel point ça
peut faire toute une différence dans l'accessibilité
pour les citoyens. Merci beaucoup de nous avoir fait part… d'avoir,
disons, ouvert nos lumières sur cet élément-là.
J'ai
posé la question, je me suis renseignée. Malheureusement, vous ne serez pas des
nôtres dans la consultation sur l'assurance
autonomie. Vous faites référence au livre blanc dans votre mémoire parce que
vous avez des craintes quant à l'accessibilité
de cette mesure-là pour les membres de votre fédération. Parce que vous dites,
à la page 6 : «L'état actuel du
réseau de la santé est fragile, les soins à domiciles sont sous-développés et
le financement n'est pas assuré, à en juger par les solutions présentées dans le livre blanc du ministre [...] — je ne vais pas plus loin parce que nos règles
parlementaires ne me permettent pas de le nommer, donc du ministre de la
Santé.»
J'aimerais
que vous puissiez un petit peu vous exprimer sur cette question-là un petit peu
plus en détail parce qu'on n'aura pas la chance d'échanger
avec vous sur l'assurance autonomie, malheureusement.
• (12 heures) •
Le Président (M.
Bergman) : Mme Bourgeois.
Mme Bourgeois
(Louise) : Je laisserais Mme Gratton vous répondre au sujet du livre blanc.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Gratton.
Mme
Gratton (Danielle) : C'est
vrai qu'on n'aura peut-être pas une tribune officielle, mais présentement, dans les différents mouvements, les gens sont en train de
regarder un contenu vulgarisé du livre blanc. Ils vont donner des opinions dans
les prochains jours et ils sont membres… D'ailleurs, M. Janelle siège au conseil
d'administration de la COPHAN. Nous sommes
aussi les voisins de l'AQIS, donc de l'association québécoise
pour l'intégration sociale. On travaille
beaucoup en partenariat, nos membres sont partout, on a
une de nos membres qui siège aussi à l'OPHQ, donc on a d'autres voix pour se faire entendre, et
les gens chez nous prennent le temps, parce que c'est plus long, puis c'est
correct, prennent le temps de faire les choses une par une.
Alors
là, on était concentrés sur les soins de fin de vie, là on va passer au livre
blanc. Ils commencent déjà à le regarder.
Ils ont fait des approches puis avec nos partenaires ils vont exprimer… Ne soyez
pas inquiets, vous aurez de leurs nouvelles.
Le Président (M.
Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Alors, Mme
Bourgeois, M. Janelle, Mme Gratton, merci
pour votre présentation, merci d'être ici avec nous aujourd'hui et de partager avec
nous votre expertise.
Et
je demande à l'Association québécoise de gérontologie de prendre place à la
table et je suspends pour quelques instants seulement.
(Suspension de la séance à
12 h 2)
(Reprise à 12 h 4)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue à l'Association
québécoise de gérontologie. Et vous
avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec
les membres de la commission. Je
vous demande de nous donner vos noms, vos titres. Et le prochain
15 minutes, c'est à vous pour faire votre présentation.
Association québécoise de gérontologie (AQG)
Mme Geoffroy (Catherine) : Merci beaucoup. M. le
Président, Mme la ministre déléguée, Mmes et MM. les parlementaires, l'Association québécoise de
gérontologie, que j'appellerai l'AQG pendant toute la présentation, tient d'abord
à remercier la Commission de la santé et des
services sociaux de lui donner l'occasion de présenter ses commentaires et ses
recommandations relativement au projet de loi n° 52, loi concernant les
soins de vie.
Nous
félicitons et remercions la commission
spéciale d'avoir eu le courage de proposer un projet de loi qui a suscité
beaucoup de discussions très passionnées,
mais dans un esprit démocratique. Les consultations sauront enrichir son
contenu, mais nous savons que votre
tâche n'était au départ pas facile et qu'elle le sera peut-être encore moins
après avoir entendu tous ces
mémoires. Nous espérons que vous serez en mesure de considérer l'aide à finir
sa vie comme l'ultime soin palliatif et
d'apporter les balises nécessaires pour permettre aux personnes en fin de vie
qui souhaitent accélérer la fin de leurs souffrances intolérables de mourir en toute dignité, ainsi qu'à tous les
intervenants, professionnels de la santé, proches aidants et autres proches qui souhaitent les
accompagner dignement. Je suis accompagnée aujourd'hui de Mme Nathalie Adams.
Elle est directrice générale du Centre d'assistance
et d'accompagnement aux plaintes de Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine et elle est secrétaire
au C.A. de l'AQG. On en est très fiers.
La mission de l'AQG, en quelques
mots. Fondée en 1978 — on a donc 35 ans cette année et on le fête le 1er novembre,
entre parenthèses — l'AQG est un organisme à but non lucratif,
francophone, qui s'intéresse aux différents aspects du vieillissement. L'association regroupe tout
intervenant, toute personne, tout groupe et tout organisme qui s'intéressent
aux différents aspects du vieillissement
dans le contexte de la société québécoise et d'ailleurs et collabore avec d'autres
groupes et associations s'intéressant à des questions similaires.
L'appui
de l'AQG au projet de loi : l'AQG accueille positivement le projet de loi
n° 52, et on félicite la ministre déléguée
aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse. Ce projet de loi
faisant suite au rapport de la Commission spéciale sur la question du mourir dans la dignité publié en mars 2012
nous apparaît remarquable quant à la profondeur de la réflexion sociétale qu'il propose. Le Québec est une société
avancée sur le plan du respect des valeurs de chacun, et ce respect se
reflète dans le projet de loi. L'AQG a participé activement à la réflexion sur
le mourir dans la dignité notamment en
déposant un mémoire, déjà, en 2010 et en participant à la consultation à l'automne
2010. Nous avons aussi pris
connaissance du rapport produit par le comité, lequel est nuancé et documenté,
et nous avons demandé à un comité restreint de l'AQG, de nos membres,
restreint… d'étudier le projet de loi concernant les soins de fin de vie.
L'AQG
se sent en effet fortement interpellée par ce débat de société parce que les
personnes âgées, qui sont au coeur de
nos préoccupations quotidiennes, sont très concernées par les décisions de fin
de vie, surtout les personnes âgées les
plus vulnérables. Nous nous préoccupons aussi de l'ensemble des soignants qui
sont, pour nous, tous les intervenants de la santé et des services
sociaux, qu'ils soient professionnels et non professionnels.
Nous
souhaitons maintenant soumettre nos commentaires à l'attention de la commission
sur deux volets : d'abord, nous
aimerions souligner ce qui nous apparaît comme des impératifs dans ce projet de
loi; par la suite, nous soumettrons à
votre attention quelques préoccupations quant à l'implantation du projet de loi
relativement à la personne qui requiert des soins de vie et ses proches ainsi qu'au niveau de la pratique
quotidienne des soignants du réseau de la santé et des services sociaux.
Donc,
les incontournables du projet de loi n° 52 sont sous quatre volets. Je ne
veux pas les énumérer, je veux vous les dire au fur et à mesure. Le
premier, c'est l'aide médicale à mourir, est, pour nous, un soin de fin de vie.
Dans le contexte des soins palliatifs, l'aide médicale à mourir est un soin de
fin de vie approprié dans des circonstances exceptionnelles.
Il s'agit de l'ultime soin prodigué à un malade, à sa demande, par compassion,
dans le respect de ses valeurs personnelles. Les soignants qui accompagnent la
personne majeure et apte à consentir acceptent de la suivre dans la direction qu'elle veut prendre lorsque la
souffrance n'est pas traitable ou soulagée à sa satisfaction. Comme il s'agit
d'un soin, on ne parle pas de suicide
assisté, ce qui ouvrirait la porte à l'aide au suicide par n'importe qui,
proche, ami, personne hostile, etc.,
et placerait les soignants dans une position extrêmement inconfortable, par
exemple, s'ils étaient témoins de gestes qu'ils jugeraient inappropriés
à la condition du malade.
• (12 h 10) •
Notre deuxième
préoccupation : la primauté de l'expression de la volonté relative aux
soins. Nous sommes heureux de constater que
ce projet de loi confirme la valeur éthique fondamentale qu'est l'expression de
la volonté de la personne, soit, là,
son autonomie, plutôt que de s'appuyer sur une valeur morale ou religieuse. En
effet, au chevet du malade, l'éthique
en situation détermine la prise de décision pour des soins appropriés selon la
condition de la personne malade. Dans
chaque cas, les soignants cherchent
la solution la plus humaine possible plutôt que de se référer à des principes moraux ou religieux qui souvent ne tiennent pas compte
des valeurs de la personne devant soi ou de l'expression de sa volonté. Le respect de la dignité de la personne implique que
les valeurs des soignants ne doivent pas être imposées, mais que ceux-ci
respectent ce qui est sans doute le dernier geste d'affirmation et de l'autonomie
personnelle.
Le
troisième point porte sur les conditions d'admissibilité à l'aide médicale à mourir. Bien que nous croyions que la sédation terminale, qui rend un malade
inconscient de sa souffrance, répond aux situations de souffrance
intolérable, nous reconnaissons que l'aide médicale à mourir ainsi balisée peut être un soin approprié
supplémentaire pour un mourant qui le
demande. Nous saluons par la même occasion la volonté ferme, dans le projet de loi, d'encadrer la pratique de la sédation terminale par un
protocole uniforme élaboré par le Collège des médecins du Québec.
Le
dernier point que j'aimerais souligner maintenant, c'est la démarche de la demande d'aide médicale à mourir. L'encadrement rigoureux de la démarche proposée par la loi n° 52
nous incite à croire que les personnes qui demanderont l'aide médicale à mourir arriveront à cette conclusion après mûre
réflexion et avec la conviction profonde qu'il s'agit de la décision la plus humaine pour elles. Aussi, ces
balises permettent d'assurer qu'une personne qui demande l'aide médicale à mourir n'est pas dans un
état dépressif transitoire et qu'elle ne subit aucune pression de l'entourage,
qui l'amènerait à prendre cette
décision. De plus, le projet de loi précise qu'il s'agit d'un acte médical, donc
effectué par le médecin, lequel peut
et doit s'entourer de l'équipe soignante pour confirmer qu'il s'agit bien du
soin approprié, au sens de l'article
26.
Je vais maintenant
passer la parole à Mme Adams, qui m'accompagne, pour partager avec vous les
autres… les préoccupations de l'AQG quant à l'application du projet de loi.
Mme Adams
(Nathalie) : Nos préoccupations à l'égard du projet de loi sont en
lien avec nos inquiétudes quant à l'application des soins de fin de vie dans les pratiques quotidiennes. Elles touchent
notamment le respect des droits des usagers, l'accès aux soins palliatifs de qualité sur le territoire québécois, la situation particulière de la personne inapte, le
soutien aux proches aidants, le respect des opinions et des valeurs
divergentes.
En ce qui concerne le respect des droits des usagers, l'AQG trouve nécessaire
que les gens puissent être informés et
soutenus dans leurs démarches, dans leurs décisions, dans le processus de
décision à aller vers l'aide médicale
à mourir. Ce qui est important,
c'est que le caractère libre et éclairé du consentement à recourir à l'aide médicale à mourir exige du médecin qu'il lui donne de l'information notamment sur le pronostic, les possibilités thérapeutiques, les conséquences. Mais un consentement libre et éclairé, c'est aussi de l'information qui est apportée, qui soit… est adaptée aux particularités de la
personne et de leurs proches. Donc, on parle ici d'appropriation de l'information.
La
compréhension de l'information est influencée par divers éléments : l'accès
à l'information; la disposition et l'organisation des ressources; les spécificités et les besoins
des personnes; le contexte particulier dans lequel évolue la personne.
La compréhension de l'information, c'est une responsabilité partagée, ça va au-delà
des aspects médicaux.
Donc, au niveau de l'AQG, nous faisons une recommandation à l'effet que le projet de loi prévoit l'accès
à une aide professionnelle
à la personne et à ses proches dans le processus de prise de décision à l'aide médicale à mourir afin de faciliter le passage de la
démarche de la personne.
La connaissance des droits des usagés : une voie d'accès pour le respect. Le projet de loi prévoit que l'agence soit informée… excusez-moi, informe la population
des soins de fin de vie et des modalités d'accès ainsi que le droit des personnes en fin de vie et les recours possibles.
On y note notamment que l'agence a une obligation de le faire par le
biais du site Internet. L'AQG a une préoccupation concernant l'accessibilité à l'information à la population. L'aide
médicale à mourir s'annexe aux autres droits déjà
reconnus dans la loi santé et
services sociaux. La promotion des
droits des usagers et les recours,
comme le régime d'examen des plaintes, présentement et depuis quand même un bon bout de
temps… a des difficultés, et des obstacles perdurent malgré la
diversification des moyens de diffusion.
Au niveau…
Je me réfère à l'Institut de statistique du Québec qui avait fait une
étude qui disait que sept personnes sur
10 ne savent pas comment porter plainte. Je me réfère également au rapport du
commissaire santé et bien-être où est-ce qu'un avis avait été produit et
arrive aux mêmes conclusions au niveau de l'information des droits des usagers.
Nous croyons que l'information ne bénéficie pas d'une stratégie de diffusion à l'information efficace. Donc, notre préoccupation, c'est que l'information qui soit donnée à la population soit faite dans
une stratégie efficace et adaptée à la population
qui est visée. L'obligation limitée
de diffusion par le biais d'Internet, les ressources limitées, que ce
soit… financières ou humaines, des agences
risquent de compromettre l'accessibilité à l'information. Une partie de la
population n'utilise pas Internet. Ça varie
d'une région à l'autre et ça varie aussi selon le niveau socioéconomique. Et
également, selon l'Institut de la statistique du Québec, les personnes âgées
sont le segment de la population qui utilise le moins Internet : on parle de 31,8 % pour les personnes âgées de 65
ans et plus, comparativement à 98 % pour les personnes âgées entre 16 et 24 ans. Donc, on croit qu'il y a
vraiment une amélioration à faire à l'égard de diffuser l'information
concernant les droits des usagers et tout
particulièrement le nouveau droit qui va être donné aux gens de pouvoir avoir
recours à des soins, à l'aide médicale à mourir.
Donc, nous
faisons… la recommandation de l'AQG est que l'information à la population
concernant tout ce qui est au niveau des services de soins de fin de
vie, des modalités d'accès, les droits, le droit de la personne soient… qu'ils s'inspirent des orientations du commissaire à la
santé, bien-être dans le cadre de son avis qu'il avait fait, là, qui s'appelle
Informer des droits et sensibiliser aux responsabilités en matière de santé.
Le droit de
porter plainte. Vous savez, même si on a l'information de ce qu'on peut avoir
comme services, ça ne veut pas dire
que pour autant… qu'on n'aura pas des difficultés à actualiser, dans le fond,
nos droits ou avoir les services si
on parle d'accessibilité ou autres problématiques. Le Québec s'est donné des
mesures qui favorisent le respect des droits des usagers, notamment le régime d'examen des plaintes et les centres d'assistance
et d'accompagnement aux plaintes qui
sont mandatés par le ministre de la Santé. On s'interroge à savoir si toutes
les personnes qui vont avoir recours aux soins des services de fin de vie vont pouvoir avoir la possibilité d'avoir
recours à ce régime d'examen des plaintes. Est-ce que ça va être accessible pour ces gens-là? À cet
effet, nous recommandons que toutes les ressources offrant des soins de fin de vie sont assujetties au régime d'examen
des plaintes afin de faciliter la démarche pour la personne et ses
proches en cas de non-respect de leurs droits, par souci d'amélioration
continue des services de soins de vie.
Concernant la
Commission sur les soins de fin de vie, nous pensons que l'appréciation et l'application
du droit ainsi que son mandat de
surveillance pourraient être bonifiés si l'information qui découle des motifs
de plainte concernant ce droit et les
conclusions qui en suivent pourraient être acheminés au commissaire… à la
commission, autant au niveau du régime d'examen des plaintes qu'au
niveau du signalement.
Au niveau de
l'accès aux soins palliatifs de qualité sur le territoire, l'AQG fait plusieurs
recommandations à l'effet que le
ministère puisse développer l'accès aux soins palliatifs de qualité sur tout le
territoire du Québec pour toutes les clientèles et que le ministère
poursuive le déploiement des soins palliatifs par des orientations et par des
ressources suffisantes autant au niveau des établissements qu'au niveau à
domicile.
Également, au niveau de la situation des
personnes inaptes, on souligne…
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
Mme Adams (Nathalie) : Excusez?
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
• (12 h 20) •
Mme Adams
(Nathalie) : Oui. On souligne l'effet qu'au niveau des directives pour
les personnes qui sont inaptes mais
qui sont… Vous ne pourrez pas exercer ce droit-là. Il y aurait des
recommandations à faire. Je n'ai peut-être pas le temps, mais, si j'ai
des questions par la suite, je pourrais vous en faire part. Donc, je te laisse…
Une voix : Mais c'est terminé,
on…
Le
Président (M. Bergman) : Alors, merci pour votre présentation.
Et peut-être, pendant la période d'échange, vous pourrez soulever les points que vous avez manqué de soulever dans
votre présentation. Et on commence avec le bloc du gouvernement. Mme la
ministre.
Mme
Hivon : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Mme
Geoffroy, Mme Adams, merci d'être ici pour représenter l'Association québécoise de gérontologie. Vous aviez été d'un
précieux apport lors des travaux de la précédente commission. Donc, je
vous remercie de participer à nos travaux.
Vous
représentez donc… Bien, c'est ça, vous êtes une association en gérontologie. C'est
certain que j'aimerais vous
questionner parce que certaines personnes nous ont dit qu'il fallait être très,
très vigilants, très rigoureux bien sûr dans les balises et les critères que l'on met de l'avant dans le projet
de loi. C'est l'objectif, qu'on s'est donné aux articles 26 et suivants, de vraiment pouvoir venir protéger les
personnes vulnérables. Et certains nous disent craindre des dérapages ou
des dérives. Certains vont même jusqu'à dire qu'ils craignent qu'une telle
possibilité affecte la relation avec le
médecin, que des gens pourraient avoir moins confiance dans leurs médecins ou dans
les soignants si l'aide médicale à
mourir devenait possible. On nous parle beaucoup des aînés, on nous parle
beaucoup… Lorsque l'on parle de dérapage, les gens qui nous parlent de
ça nous parlent beaucoup soit des aînés ou des personnes handicapées.
Donc, j'aimerais avoir votre
point de vue là-dessus, sur les risques de dérapage, ou de dérive, ou de perte
de confiance à la lumière de ce que vous avez lu dans le projet de loi.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Geoffroy.
Mme
Geoffroy (Catherine) : J'aurais
une tendance à dire ce que je dis souvent aux gens : Prenez
connaissance du projet de loi avant de le
juger, et le lire ne fait pas mourir. Et les gens, les principaux concernés ne
veulent pas le lire, ils ne veulent
pas en prendre conseil. Alors, il faut vraiment passer par un système, il faut
vraiment avoir une bonne stratégie de
communication pour que ce soit… que les informations adéquates… On entend des
horreurs, et ça, au niveau des… autant au niveau des intervenants, de
certains intervenants qui sont résistants à des changements, que ce soit aux
changements qui vont être apportés par l'assurance autonomie que par cette
nouvelle possibilité avec ce projet de loi.
Donc, la
grosse objection, le gros obstacle, je devrais dire, ça va venir de la
communication qui devra passer pour qu'il y ait des sensibilisations.
Nous-mêmes, on a déjà entamé le
processus avec un colloque qu'on a organisé dans le cadre des journées du vieillissement actif. On en a fait une revue avec
des articles qui ne prônent pas l'euthanasie ou qui ne prônent pas… mais
qui essaient de faire valoir qu'il y a quand
même une possibilité que ce soit un soin palliatif terminal. Alors, il faut
faire changer des… On touche à un domaine où
personne ne veut parler de ça, hein, personne ne veut parler de la mort, et
les intervenants et les infirmières, les
jeunes infirmières ne veulent pas soigner les personnes âgées particulièrement
parce que ça s'en va vers la mort. Donc, il y a des obstacles.
On est dans
une… Ce n'est pas très sexy, là. Nous, on ne parle pas de sujets très sexy en
ce moment et à la mode. Ça, on s'entend.
Alors, je pense que la communication va avoir une importance pour répondre aux
craintes et arriver à faire accepter
certains changements, parce que, d'après les balises qui sont présentées
actuellement, les gens devraient être
rassurés parce qu'on en présente… ça fait quand même deux commissions, là, qui
passent là-dessus. Il y a beaucoup d'appuis qui sont apportés. On sait
qu'il y en a qui ne sont pas d'accord, puis il faut le respecter, puis… Donc,
voilà.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Mais je comprends que vous, vous n'avez pas de crainte comme association à la
lumière… Vous, vous dites : Il y a des gens qui ont des craintes,
donc il faut faire de la pédagogie.
Je dois vous dire que c'est un grand objectif qu'on
a. Je pense même que les quatre dernières années ont aidé énormément à amener le sujet dans la lumière, je
dirais, à lever des tabous, à faire en sorte qu'on puisse en parler
davantage. Je pense même… j'ai cet espoir
que les gens en parlent plus. Juste de voir certaines expériences autour de moi, les gens s'informent
davantage, et tout ça, mais l'exercice n'est pas terminé. Ça, je peux vous
rassurer.
Donc, c'est
certain qu'on est dans une optique où on veut bien vulgariser la loi, faire des
documents qui vont bien informer les gens, parce que, vous avez raison,
les gens, c'est rare qu'ils vont lire les lois. Ils vont lire ceux qui leur
parlent de la loi ou ce qui explique, mais c'est
rarement très sexy de lire une loi. Donc, il faut faire des bonnes lois, mais
il faut aussi s'assurer par la suite qu'on a les bons outils de
communication. Donc, c'est dans nos objectifs.
Vous nous avez dit que vous souhaiteriez que les
gens puissent être bien accompagnés dans leurs prises de décision. Donc, c'est sûr que l'aide médicale à
mourir, c'est une chose, mais au quotidien déjà il y a une foule de
décisions qui sont prises dans le milieu hospitalier, en matière de soins, par
les personnes. On pense à l'arrêt de traitement, par exemple. Un jour, on décide qu'on va arrêter notre dialyse, que c'est
trop lourd, qu'on veut arrêter d'être gavé, qu'on veut… ne pas prendre un autre traitement de
chimiothérapie, même si on nous dit qu'il pourrait y avoir des chances que ça
améliore notre condition. Il y a beaucoup de
décisions lourdes de sens et d'impacts qui sont prises déjà au quotidien dans
notre système.
Est-ce que vous avez le sentiment que c'est
difficile, pour ce type de décisions là, qui sont déjà des décisions communes
qui se font à chaque jour, pour les gens de bien prendre des décisions
éclairées?
Mme Geoffroy (Catherine) : Mais la…
Le Président (M. Bergman) :
Mme Geoffroy.
Mme Geoffroy (Catherine) : Pardon.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Geoffroy.
Mme Geoffroy
(Catherine) : La difficulté est certainement parce que la décision
vient en même temps que peut-être des douleurs, en même temps qu'un grand
désarroi, d'une peur de l'avenir, de… .
Les
décisions, elles devraient… les réflexions à ces sujets-là devraient être…
peut-être arriver un peu avant et quand
on… ne serait-ce que juste penser à faire signer un mandat d'inaptitude ou
faire… alors qu'ils vont bien ou leur faire
signer un testament de vie, puis Dieu sait qu'on a des bons outils, là, qui ont
été développés pour que les gens au moins
suscitent la discussion dans la famille, avec leurs enfants. Mais c'est peu
connu et ça fait peur, et les gens ne le font pas. Alors, on arrive en fin de vie, et c'est sûr qu'on ne sait pas dans
quel état on va être, quelle maladie ou quel problème de santé on va avoir pour… Est-ce qu'on va
souffrir? Alors, on présume qu'on va… j'espère qu'on va, comme beaucoup…
la majorité vont mourir tranquillement et
paisiblement, mais il y en a d'autres qui, malheureusement, vont rencontrer
des douleurs et des souffrances, à moins qu'on
ait un superbeau programme de soins palliatifs qui s'installe puis qu'on
ne manquera de pénurie… de main-d'oeuvre et que… Moi, j'en ai accompagné,
plusieurs personnes qui ont fait… qui souffraient
mais qui ont été tellement bien accompagnées que finalement, a priori, elles
disaient : Bien, moi, je ne veux pas
souffrir, je vais mourir, mais avec les soins qui ont été… l'accompagnement. Et
elles ne voulaient pas mourir, elles étaient capables de continuer à
endurer le… et vivre leur fin de vie dignement. C'est ça, je crois.
Une voix : Oui.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Adams.
• (12 h 30) •
Mme Adams
(Nathalie) : Oui. Ce qui est
important aussi, c'est qu'au niveau de la décision effectivement c'est facilitant lorsque la
personne est accompagnée, de a, et bien informée.
Par contre,
la qualité des services joue beaucoup
quand les services sont disponibles
aussi, parce que, si la personne est dans une situation où, en plus d'être
vulnérable, malade et souffrante… a de la difficulté à avoir des services et de
recevoir des services adaptés à ses besoins,
on vient jouer, selon l'AQG, sur peut-être la décision d'aller plus
rapidement vers une aide médicale à mourir.
Donc, c'est quand même des éléments à prendre en considération. Vous parliez
tantôt de confiance par rapport au médecin.
Je pense justement, lorsqu'il y a un échange d'information, que la
personne se sent accompagnée dans sa
démarche, il y a un lien de confiance qui s'établit, dépendamment si la
personne est consciente ou pas. Sinon, c'est avec les proches.
Donc, quand
on parlait de l'accès aux services... on sait qu'au niveau du Québec ce n'est
pas pareil partout, ce n'est pas
donné de la même façon, ce n'est pas toujours accessible. Donc, c'est déjà, en
partant, un obstacle à la personne qui
voudrait, par exemple, aller chercher l'aide pour des soins de fin de vie et
aller chercher l'aide médicale à mourir. On ne peut pas passer sous silence,
que, bon, pour arriver à rendre, à faire le travail, ça demande des
ressources : ressources financières, ressources humaines. Est-ce
que nos établissements ont la capacité de le faire? Est-ce que le ministère va
octroyer plus de sous par rapport à ça? C'est une préoccupation.
Au niveau
des personnes, en lien avec votre question, au niveau des personnes
inaptes, à ce moment-là, les proches ont une importance, aussi, majeure dans le cheminement de la personne.
Concernant… au niveau des gens inaptes et qui seraient dans une situation de fin de vie, on se
questionne à savoir : le droit de la personne à recourir à une aide
médicale à mourir est limité, à l'effet qu'elle
n'est plus apte. Généralement… pas généralement,
dans une grosse partie des
situations qui sont vécues, souvent la
personne est inapte. Donc, ce serait une partie de la population
qui pourrait bénéficier de ce soin-là,
parce que, selon ce qu'on a compris, c'est que ce consentement ne peut pas être donné, selon le
projet de loi actuel, par soit une personne qui est représentante ou un
membre de la famille.
Par
expérience, je vous dirais, quand on accompagne une personne, que ce soit dans
une démarche de plainte, quand la
personne est inapte, souvent son inaptitude n'est pas reconnue de façon légale.
Donc, il n'y a pas de représentant légal. On est, je vous dirais, souvent dans une zone
grise. Cette zone grise là, les gens soit n'avaient pas fait, par exemple, un mandat d'inaptitude, il y a des gens qui ne savent pas non plus que ça
existe, mais il y a aussi le fait que ça coûte des sous, homologuer un mandat. Donc, on reste dans
des zones grises qui pourraient venir, dans
le fond, limiter le nouveau
droit de l'aide à mourir.
Le Président (M. Bergman) :
Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Pour l'opposition officielle, M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci, M. le Président. Bienvenue pour notre commission.
La question
va s'adresser à Mme Adams. Vous pratiquez en Gaspésie. Vous avez parlé de l'applicabilité
de la loi. En Gaspésie, c'est un grand territoire avec des petites
populations, avec des CSSS qui sont à des grandes distances. Advenant le cas qu'on reconnaît le droit de la
personne à avoir recours à l'aide médicale à mourir puis qu'il n'y pas de
professionnels qui peuvent le pratiquer, de façon pratique, qu'est-ce que vous
pensez qu'on devrait faire?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Adams.
Mme Adams (Nathalie) : Oui. Je vous
dirais que je pense que déjà il y a plein de solutions ou des pistes de
solutions qui ont déjà été pensées par bien d'autres personnes. Par contre, je
pense que c'est dans l'application.
C'est sûr que
ce n'est pas… Même au Québec, ce n'est pas seulement en Gaspésie et aux Îles,
avoir un médecin de famille… c'est
encore une chance de pouvoir en avoir un de façon régulière, si vous voulez, de
façon suivie. Je crois qu'au niveau
de la façon d'exercer ça il peut y avoir des personnes, ou bien des
institutions, ou des comités qui peuvent prendre… mettre en place des façons de fonctionner
où est-ce que la personne peut le faire. J'ai entendu quand même d'autres organisations. Bon, O.K., on parlait, par
exemple, comme dans les cas où est-ce que c'est un médecin en clinique privée, ça devrait être l'ordre… le Collège des
médecins, bon, et tout ça. Je vous dirais, légalement, là, au niveau… Je
ne suis pas juriste, donc, au niveau légal, je ne peux pas vous dire comment ça
peut être libellé. Par contre, au niveau de l'application,
ce n'est pas un médecin qui peut être là, mais il y a sûrement un médecin dans
l'autre MRC. On a la télémédecine, je
pense que le réseau est… Je ne vous dis pas, dans l'application, comment ça
peut être géré. Par contre, avec tout ce qu'on a, présentement, lorsqu'une personne va à l'urgence, elle finit
par voir le médecin qu'elle a besoin. Il y a peut-être des délais, mais
elle a quand même le service.
À
ce moment-là, je vous dirais que je n'ai pas réfléchi à cette question-là. C'est
une bonne question parce que ça concerne l'accessibilité des services.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : D'ailleurs, je ne m'attendais
pas à avoir une bonne réponse puis une réponse exacte parce que, si on l'avait,
on n'aurait probablement pas posé la question.
Mais
ça va être un grand dilemme, parce que ce que vous venez de dire là, c'est ce
qu'on va rencontrer de façon concrète
sur le terrain. Et également — puis on n'a pas d'étude, mais j'espère
encore qu'il y a quelqu'un qui va faire un sondage là-dessus — un
médecin peut être d'accord, peut être le médecin traitant, être très
compatissant, suivre la personne, mais, la
façon dont la loi est faite, c'est lui qui va devoir injecter également et donc c'est lui qui va devoir poser le geste final, et ça, je ne suis pas certain qu'il y a
plusieurs médecins au Québec qui vont vouloir le
faire. Et, quand tu vas dans une
grande région comme Montréal, les Laurentides, où il y a
des centaines de milliers de personnes, l'applicabilité, on peut toujours
finir par trouver quelqu'un qui va accepter de se déplacer, par principe, de
dire : Je veux le rendre accessible.
Mais, lorsque vous allez être à Sainte-Anne-des-Monts, tu sais,
une population de 12 000
ou 13 000 personnes, les
Îles-de-la-Madeleine, à peu près 12 000 personnes, le secteur également de
Bonaventure, une trentaine de mille de personnes, je ne suis pas certain
qu'on va être capable de trouver un professionnel qui va poser le geste.
La
télémédecine est intéressante si on acceptait le principe que, pour avoir un
avis d'un deuxième médecin, encore là, il faudrait qu'il le rencontre
probablement en personne. Mais, lorsque va arriver le temps de faire l'injection,
ça ne pourra pas se faire à distance
puis demander à une infirmière de le faire. Ce que j'ai compris, c'est que le
médecin devra procéder de lui-même. Donc, ça va être ça, la difficulté.
Mais vous avez peut-être d'autres suggestions suite à notre discussion?
Mme
Adams (Nathalie) : Écoutez, dans le cas où… Il y a quand même des
actes délégués qui se font, qui sont délégués
parfois à des infirmières. Est-ce que ça pourrait faire partie d'un acte
délégué? Je ne le sais pas. Ça peut être une piste de solution. Mais effectivement il va falloir réfléchir à… Quand
on passe… L'application de la loi dans la pratique, c'est ce qu'on
disait, il faut que ça soit… Il faut qu'on mette en place des moyens pour que
ce soit accessible.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Geoffroy.
Mme Geoffroy (Catherine) : Oui. Bien, j'ai une… Est-ce que je peux poser une
question? Dans la prévision de… Dans
ce projet de loi, moi, je comprenais que la Commission sur les soins de fin de
vie qui va être mise sur pied et qui va être gérée par le CSSS… Je
comprends bien?
Une voix :
Non.
Mme Geoffroy
(Catherine) : Ce n'est pas… La commission avait…
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : National.
Mme Geoffroy
(Catherine) : Ça va être… Il va y en avoir… C'est national? Il n'y en
aura pas de locale?
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Non.
Mme Geoffroy (Catherine) : O.K.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : D'ailleurs, la façon dont il faut le voir, c'est que le CMDP
va être appelé à faire de la collaboration. Il y a un mécanisme de
surveillance, mais à la fin ça prend quelqu'un qui pose le geste.
Puis,
moi, pourquoi je pose toujours cette question-là? On va être vraiment dans un dilemme,
là : le droit de la personne de recevoir le soin ou le service
selon nos convictions versus l'objection de conscience d'une personne qui, à la
fin… si toutes les personnes qui pratiquent dans ce milieu-là ont cette
objection-là de conscience, en pratique la personne ne pourra pas avoir accès à
son droit. Et puis ça, il faut y penser parce que, quand on va mettre la loi en
application, là est-ce qu'on peut accepter le principe… puis je vous donne une
idée comme ça, est-ce qu'on pourrait accepter
le principe que, s'il n'y a personne pour le faire, puis on ne peut pas
déléguer des gens pour faire ce travail-là… Moi, je ne pense pas que la délégation est prévue dans la loi, parce que, là, ça deviendrait encore plus facile de dire : Bien, on va
déléguer ça à quelqu'un. Mais ce n'est pas ça qui est prévu.
Est-ce qu'on peut
partir avec le principe que, s'il n'y a personne pour le faire, ça se peut que
la personne n'ait pas accès à l'acte, et puis, à ce moment-là, on ne respectera
pas son droit? C'est ça, la difficulté de mettre des fois un droit, là, qui devient quasiment
inaliénable : tu es obligé d'y répondre. Peut-être que la faisabilité
ne pourra pas se faire.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Geoffroy.
Mme
Geoffroy (Catherine) : À ce
moment-là, ça soulève vraiment une grande inquiétude, parce qu'à la rencontre qu'il y a eu avec le colloque organisé par les
coopératives de services de soutien à domicile l'autre semaine j'ai entendu
des choses qui m'ont fait peur, entre autres
que certaines préposées d'aide à la vie quotidienne, donc qui ont une délégation
d'acte… qui peuvent faire des actes
infirmiers, et ça allait jusqu'à donner de la morphine dans certaines régions
où il n'y avait pas les ressources
médicales… il n'y a pas les médecins qui sont là. Et, à ce moment-là, est-ce
que ça peut aller jusque-là? Alors
là, c'est plus inquiétant. Le proche aidant, c'est encore plus inquiétant,
parce que, là, on touche à des liens
familiaux, à des liens émotifs, et tout ça. Alors, il va falloir faire… il va
falloir multiplier les médecins, il va falloir les cloner si c'est les
médecins qui doivent…
Mais dans les
régions, d'après ce que j'ai entendu, aux soins à domicile ça va être très,
très, très difficile à appliquer.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
• (12 h 40) •
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Oui. Un commentaire qui n'est pas une question.
Si j'amène le
sujet, ce n'est pas que je suis en opposition, c'est juste qu'il faut la faire,
cette réflexion-là. Et c'est beau d'avoir
des grands principes, mais, à un moment donné, il y a de l'application à faire
sur le terrain. Et on ne peut pas
juste dire : Bien, on va régler ça à ce moment-là. Ça, je trouve ça
toujours difficile de dire : On va régler ça. Il y a des choses qui peuvent se régler par la suite, mais,
celle-là, fondamentalement, il faut qu'on le sache. Parce qu'à la limite,
dans la loi, on pourrait prévoir un
amendement disant : Dans cette situation-là, qu'est-ce qui va arriver? Ce
qui n'enlève pas le droit de la
personne, mais possiblement qu'on ne peut pas en faire l'application. Ce n'est
pas une question toujours de ressources, c'est une question également de
volonté de la plupart des gens.
Mais je fais juste apporter le sujet comme
réflexion, parce qu'on va devoir en parler à un moment donné.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Geoffroy.
Mme
Geoffroy (Catherine) : La
première chose à se poser, c'est le droit aux soins palliatifs, c'est ça qui
devance. Et, je veux dire, si on arrive à régler l'accessibilité, et
puis la quantité, et la qualité de ces soins partout au Québec et l'accessibilité partout au Québec, avec une... que
ce soit équitable pour tous les citoyens du Québec d'avoir accès à ces soins, bien il y aura un mécanisme qui va déjà
être en place pour arriver à ce soin ultime, mais le médecin ne sera peut-être
pas là. C'est…
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Là, je vais faire un commentaire, là. Quand
on arrive dans une situation difficile, les gens nous ramènent toujours à : On va développer les soins
palliatifs, mais c'est deux niveaux complètement différents. Et, la ministre l'a très bien dit, la plupart des
gens qui demandent l'aide médicale à mourir ont déjà eu des très, très bons
soins palliatifs. La majorité du temps, ils ont déjà eu des très bons soins
palliatifs.
Mais ça,
encore là, je pense que c'est un mythe de dire : Bien, parce qu'on n'a pas
de soins palliatifs, ils vont faire plus
d'aide médicale à mourir. Oui, peut-être, mais, à partir du moment que vous
avez l'aide médicale, les soins palliatifs, la loi va permettre d'avoir l'aide médicale à mourir. Et moi, je pense
que, quand on arrive à l'aide médicale à mourir, la plupart des professionnels de la santé,
contrairement à ce qu'on pense au Québec, dans ces situations-là… Moi, j'étais
au Lac-Saint-Jean, et il s'en faisait
des très bons, soins palliatifs. Des fois, il y a des gens qui arrivent, qui
ont l'impression que c'est juste dans leurs unités qu'il se fait des
bons soins palliatifs. Bien, moi, je suis allé à domicile, là, puis, de la morphine, j'en ai donné. Puis, en passant, la
morphine, des fois c'est la famille qui la donne, sous-cutanée, là.
Généralement, on est capable d'enseigner
à un proche aidant, qui va le faire de façon correcte, à donner la morphine.
Juste pour vous dire une anecdote, le
proche aidant pouvait la donner, mais l'infirmière auxiliaire ne pouvait pas la
donner. On a changé la loi pour ça. Donc, c'est un geste de compassion
qu'on fait. Ça ne fait pas mourir, c'est pour soulager la personne.
Mais ce que j'apporte
là, c'est de la réflexion, parce que, si on ne la fait pas, cette réflexion-là,
pendant le projet de loi, on va se
retrouver après avec des articles dans les journaux pour dire : Ils ont
passé une loi puis ils n'ont pas pensé à ça, expliquez-moi ça. Bon, que la ministre n'y ait pas pensé, là, à la
limite, ça pourrait être acceptable, mais que l'opposition, ils n'aient
pas pensé de lui poser la question, ça, c'est inacceptable, n'est-ce pas? Ça
fait qu'on va poser la question.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition
officielle. Pour le deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Vous voyez, c'est l'occasion d'échanger entre nous aussi. C'est un beau jeu
croisé comme ça, et puis on s'entend
sur beaucoup de choses, je pense, l'opposition et nous, puis c'est l'approche
qu'on met de l'avant pour faire avancer les choses, mais j'apprécie
beaucoup l'éclairage. Mais j'y ai pensé.
On a
travaillé des mois sur ce projet de loi là, donc je me suis posé beaucoup de
questions. Et vous savez pourquoi on
le met comme on le met dans le projet de loi. Si on le met comme on le met dans
le projet de loi — puis j'espère
que mon
collègue m'écoute — c'est
parce qu'on veut qu'il y ait une équité aussi, parce qu'on est tout à fait
conscients que, si on se mettait à
dire que c'est au loisir de certains établissements, ou tout ça, ou... bien on
peut tout à fait se retrouver à des régions
avec des établissements, avec les pressions qu'on voit, qui pourraient être
exercées dans certains milieux, où on dirait :
Non, non, non, c'est bien trop compliqué chez nous de l'offrir, puis on ne l'offrira
pas, puis ça va être plus simple de ne pas se casser la tête.
Donc, oui, il
faut que ce soit offert, les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir, dans
le réseau public. Pourquoi? Par souci
d'équité, pour que la personne qui vit à Montréal, Québec ou en Gaspésie ait le
même accès. Ça, c'est la volonté.
Là,
maintenant, il faut, oui, que ces choses-là deviennent très concrètes, et on y
travaille très fort et on s'est posé plein
de questions, mais je veux aussi qu'on garde toujours en perspective que l'aide
médicale à mourir, c'est un très petit nombre
de personnes. Du jour au lendemain, là, il n'y aura pas une avalanche de demandes,
que tout le monde va vouloir se
mettre à avoir l'aide médicale à mourir, là. C'est dans les cas vraiment précis
où on n'arrive pas à soulager une personne. Donc, dans les juridictions où on le voit, ce n'est souvent pas 1 %
de l'ensemble des décès. Donc, on s'entend que c'est quand même très exceptionnel, et c'est bien que ce
soit comme ça. Puis je veux juste rappeler peut-être que l'AMQ a fait un sondage, l'Association médicale du Québec, puis
66 % des médecins se sont dit ouverts à l'aide médicale à mourir,
et 41 % se sont dit ouverts à le faire.
Et, parmi les médecins à qui on a demandé : Est-ce que vous avez une
clientèle qui pourrait vous amener à
recevoir et à devoir administrer l'aide médicale à mourir… et parmi ceux-là,
41 % ont dit qu'ils seraient
ouverts à le faire. Donc, je ne pense pas... ce n'est pas 100 %, mais il y
a quand même un nombre important de médecins qui se disent ouverts.
Moi, je veux
revenir sur la question de la communication des directives médicales
anticipées, le principe de la communication, parce que vous avez
dit : Ce n'est pas très sexy, c'est difficile de parler de ça.
Moi, comme je
vous le disais tantôt, j'ai bon espoir qu'au-delà du fond du projet de loi
toute la discussion qu'on fait depuis
maintenant près de quatre ans aide, justement, à ce qu'on en parle plus
franchement et aide aussi, dans la relation
patient-médecin, à ce qu'on parle plus franchement et plus ouvertement. Parce
que je suis tout à fait d'accord avec vous que je ne pense pas que c'est
quand on est en toute fin de vie, agonisant qu'on devrait commencer à se questionner à ce qu'on veut comme soins, niveaux
de soins. Alors, c'est bien d'avoir
ces discussions-là, je pense, et de ses
valeurs comme patient avec son médecin aussi dans le processus. Donc, c'est
pour ça que c'est un principe qu'on a mis dès l'article 2 du projet de
loi, toute l'importance d'avoir, d'établir et de maintenir une communication
ouverte et honnête.
L'autre chose
sur laquelle je voulais vous apporter une précision... Vous disiez que ce
serait bien qu'on ait accès aux
ressources de soins palliatifs sur un territoire donné. Donc, je vous invite à
regarder l'article 19 du projet
de loi. Il prévoit donc que chaque agence va devoir informer
sa population des services en soins palliatifs, des modalités
d'accès, des politiques, le faire de manière générale, mais on prévoit même que ça
doit être sur le site Internet. Donc, pour nous, c'est important que,
sur chaque territoire donné, l'information soit disponible. Puis, avant de
passer la parole à mes collègues, je vais revenir sur la question des personnes
inaptes et des directives médicales anticipées. Je voudrais que vous me clarifiiez votre position, parce qu'ici il
y a des gens qui nous ont dit... Pour ce qui est des personnes inaptes,
je dirais, depuis la naissance, il semble y
avoir un large consensus, à savoir que jamais un tiers ne pourrait consentir à une aide médicale à mourir pour une personne inapte depuis la naissance.
Mais, si vous avez des commentaires à nous faire sur ça, on va être
intéressés à les entendre.
Mais ce sur
quoi plusieurs groupes nous ont interpellés, c'est la possibilité, pour une personne qui est apte, de prévoir, dans ses directives médicales anticipées, la possibilité de recevoir l'aide médicale à mourir dans la situation où elle deviendrait inapte. Et je veux bien comprendre votre position là-dessus, parce qu'évidemment il y a beaucoup
d'aînés dont c'est le lot, si vous, vous
estimez qu'une telle ouverture devrait être prévue. D'autres sont venus nous
dire : Peut-être qu'on devrait
donner ce mandat-là à la commission des soins de fin de vie, de regarder ça.
Nous, la commission, on l'avait demandé
à un comité du Collège des médecins. Ils sont venus nous déposer un rapport,
ils recommandent cette ouverture-là.
Donc, j'aimerais ça vous entendre sur ça.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Geoffroy.
Mme
Geoffroy (Catherine) : Oui.
On en a déjà discuté plusieurs fois, et la question est délicate et doit être
bien encadrée aussi, là, effectivement. Mais nous, on aurait certainement une tendance à dire : Si la personne a
exprimé ce voeu de finir sa vie, sous
certaines conditions, évidemment, là, si c'est irréversible, si jamais il n'y a
plus rien à faire, mais il faut que
ce soit établi par des médecins, il faut que ce soit bien balisé, comme cette
loi-là pour les personnes aptes l'est. Mais je crois qu'il ne faut pas
les oublier, parce que, si les gens ont décidé de faire un testament de vie qui
dit, bon : Prenez mes organes, on va
les prendre, leurs organes. S'ils disent : Bien, prenez mon corps, ils
prennent le corps pour la science. Et
là, pour la fin de vie, pourquoi est-ce
que cette personne, qui a pris le
soin de le dire... Et généralement
je pense qu'ils vont peut-être avoir déjà prévenu les gens, leurs proches.
Donc, pourquoi
est-ce qu'on laisserait cette personne-là et on ne
respecterait pas sa dignité, en fin de compte, qu'il a identifiée déjà
puis qu'il a pris le soin de bien l'indiquer?
Le Président (M. Bergman) :
Ceci met fin au bloc du gouvernement, et je m'excuse. Alors, pour le bloc de l'opposition
officielle, Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Merci. Bonjour. Alors, pour continuer, là, je
veux aller dans deux sujets que vous avez abordés avec mes collègues.
Mais, pour continuer sur votre échange
concernant la possibilité pour une personne apte, par le biais des
directives médicales anticipées, de pouvoir
obtenir l'aide médicale à mourir, moi, je me préoccupe d'une chose, c'est qu'au
projet de loi on prévoie la possibilité pour la personne de modifier son consentement en tout temps, c'est-à-dire que quelqu'un qui aurait donné un consentement très lucide à l'aide médicale à mourir
pourrait, au moment de recevoir son injection, dire : Non, écoutez,
finalement, je ne suis pas là, je change d'idée.
Par contre, dans le
cas d'une directive médicale anticipée, comme la personne est inapte puis elle
n'est pas en mesure nécessairement
d'exprimer... Parce que dans certains cas peut-être qu'elle sera inapte
puis elle sera capable de verbaliser, mais elle pourrait aussi être dans
un état qui fait en sorte qu'elle n'est pas capable de s'exprimer. Et cette possibilité-là
de changer d'idée, elle n'est pas là face aux inaptes.
Personnellement,
cet élément-là, moi, me préoccupe beaucoup. Je ne
sais pas si vous avez des idées ou si
vous avez réfléchi à cette question-là.
• (12 h 50) •
Le Président (M.
Bergman) : Mme Adams.
Mme
Adams (Nathalie) : Dans un premier temps, ce serait le seul droit qui ne serait pas égal
pour tout le monde, dans le sens que, quand je parle de droit à des
services adéquats, des droits à des services d'urgence, on ne se pose
pas la question : Est-ce que la
personne est apte ou inapte pour y avoir droit?, de un. Donc, ça serait le seul
droit qu'on dirait : Bien, seulement les personnes aptes peuvent le
faire ou les gens qui sont inaptes mais qui auraient déjà pensé auparavant
de faire un... voyons, s'inscrire au
niveau du registre pour mentionner qu'ils
voulaient avoir l'aide médicale à mourir.
En
lien avec ce que vous mentionnez, je vous dirais que c'est litigieux et c'est
questionnable, dans le sens qu'effectivement
une personne qui serait inapte et qui déciderait de changer d'idée, peu importe
son inaptitude… je me verrais mal donner cette aide médicale à mourir quand la
personne inapte mentionnerait qu'elle ne veut pas mourir. Je ne sais pas
comment quelqu'un pourrait le faire. Mais, effectivement, c'est un
questionnement, là, qui demande réflexion.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Geoffroy.
Mme Geoffroy (Catherine) : Je crois que ça avait commencé par la définition
et l'encadrement de ce que c'est que l'inaptitude,
qu'est-ce qu'on entend par «une personne inapte», inapte à quoi?, pour qu'on
puisse la considérer incapable de ne
pas prendre sa décision, de ne pas réagir à cette situation-là. Je pense qu'a
priori, quand on demande aux... quand
on demande le mandat d'inaptitude, c'est déjà mentionné, mais la personne, elle
peut continuer à marcher, tout ça,
mais elle n'est plus capable, à cause de déficits cognitifs, de prendre ses
décisions au niveau de ses finances, au niveau de ses... incapable de se
rendre elle-même pour aller à l'hôpital.
Donc, il y a des
niveaux d'inaptitude, et là il va falloir que ça soit bien balisé pour
identifier quels profils d'inaptitude
peuvent nous amener à considérer que quelqu'un qui a décidé, quand elle était
apte à vouloir mourir… Si elle
devient inapte, sous ces définitions, pourquoi est-ce qu'on changerait d'avis?
Parce qu'il y a un fils qui arrive puis qui dit : Je ne veux pas qu'elle meure ou... C'est quoi qui va
faire que... À mon avis, la personne n'est plus capable de correspondre,
elle a un déficit cognitif important ou... qui est irréversible, bon, tu ne
communiques plus, là.
Alors,
ça serait à... Je crois qu'il faudrait vraiment ouvrir à cet aspect-là, parce
que je crois que la société aussi le considère.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau, il vous reste
2 min 30 s.
Mme
Vallée : Bon, à ce moment-là, c'est parce qu'on pourrait échanger longtemps, parce que
la personne dans un état neurovégétatif ne peut pas exprimer quoi que ce
soit, et puis, moi, c'est une préoccupation.
Vous dites à la
page 7, puis ça fait un petit peu suite aux échanges que vous avez eus
avec mon collègue de Jean-Talon : «Il serait important de ne pas
développer l'accès à l'aide médicale à mourir sans fournir tous les efforts préalables pour que les soins palliatifs soient
accessibles et de qualité partout au Québec.» Vous entendez quoi précisément? Qu'est-ce qui, à votre avis,
constitue une accessibilité qui permettrait d'ouvrir ou de développer l'accès à
l'aide médicale à mourir? Comment vous
balisez ça? Est-ce que c'est par le biais, comme certains l'ont suggéré, de
dire : Scindez le projet de loi,
commencez d'abord par donner toute l'importance qui doit être accordée aux soins palliatifs, puis, une fois que ça, ça
sera fait puis que les ressources seront au rendez-vous, bien, à ce moment-là,
penchez-vous, comme d'autres pays l'ont fait, sur la question de l'aide
médicale à mourir et ses balises?
Est-ce
que c'est des… Est-ce que vous avez des critères très objectifs que le
gouvernement devrait rencontrer avant de
dire : Voilà, le projet de loi a peut-être été adopté, mais il ne sera pas
mis en oeuvre avant... tel ou tel article ne sera pas mis en oeuvre
avant une certaine date, une certaine échéance? Qu'est-ce qu'il en est?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Geoffroy, il reste du temps pour juste une très
courte réponse.
Une voix :
Oui.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Adams.
Mme Adams (Nathalie) :
Bien, je crois, dans un premier temps, quand on amène une loi, généralement les
gens ont déjà réfléchi aux possibilités d'obstacle et aux possibilités
de solution.
Je regarde la
question qui m'a été soulevée tantôt, je pense qu'il y a beaucoup de gens qui
se sont posé la question. Et l'effet qu'on
puisse aller en consultation justement pour pouvoir avoir des avis différents
va permettre, je crois, un plus dans
la résolution de problèmes ou d'obstacles qui pourraient avoir lieu. Ça ne veut
pas dire qu'on n'arrivera pas à
atteindre 100 % de l'objectif, mais le droit d'avoir l'aide à mourir, c'est…
D'un premier abord, il faut accepter, bien, le principe de pouvoir avoir
ce droit-là, puis de travailler sur les obstacles possibles, que ce soit… Quand
on parle d'accessibilité, bien c'est d'être capable d'avoir le service, le soin
au moment opportun, par exemple.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc de l'opposition
officielle. Maintenant, pour le deuxième groupe d'opposition, Mme la
députée de Groulx.
Mme
Daneault :
Merci, M. le Président. Merci de votre présence. Avant de questionner, j'aimerais…
est-ce que c'est possible d'avoir une copie
du document que vous nous avez montré tout à l'heure, là, que vous remettez?
Oui?
Mme Geoffroy (Catherine) :
Oui. Bien, je pourrais en faire parvenir aux membres, là, puis…
Le Président (M.
Bergman) : …à la secrétaire de la commission, qui va envoyer
les copies aux membres de la commission.
Mme Geoffroy (Catherine) : O.K.
Mme
Daneault : Merci. J'aimerais revenir. On a parlé des
directives médicales anticipées puis des patients inaptes, là.
J'aimerais
vous entendre à cet effet. Parce qu'il y a une chose qu'on oublie, quand on
dit, bon, que quelqu'un, au moment où il est apte à donner ses
directives médicales anticipées, s'il est bien informé… bien indiqué, dans ses directives, qu'on parle de l'aide médicale à
mourir, mais en fin de vie, on oublie, là… on dirait qu'on oublie, quand
on arrive aux personnes inaptes, que la loi
s'adresse vraiment lorsque la mort est imminente. Donc, de décider pour
quelqu'un qui est inapte mais qui, lui, au
moment où il était apte, est capable de se voir dans une situation d'inaptitude
en toute fin de vie, lorsque la mort
est imminente, de dire : Je ne veux pas qu'on prolonge, qu'on traîne avec
une sédation, mais bel et bien qu'on
m'offre l'aide médicale à mourir, est-ce que ce que vous entendez auprès de la
population des personnes âgées… est-ce que c'est acceptable, ou, selon
vous, c'est encore trop tôt pour penser à ça?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Geoffroy.
Mme Geoffroy (Catherine) : …j'aurais tendance à dire : C'est trop tôt
pour penser à ça, parce qu'on considère actuellement, dans des conditions… on regarde avec les lunettes de l'aptitude,
là, que ce projet de loi est fait dans le cas de personnes aptes. La balise et le profil de la personne, du mourant ou
de la personne qui souffre est bien décrit. Donc, moi, je pense que ce serait vraiment une
recommandation d'ouvrir le projet de loi rapidement, après, sur comment on va…
comment on peut considérer l'inaptitude de la personne qui est inapte et qui a
signé avant pour mettre fin à sa vie.
Je pense qu'on est un
peu trop tôt, à mon avis. Nous, on n'a pas réfléchi à ça assez.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Groulx.
• (13 heures) •
Mme
Daneault : Merci. Bon, alors on comprend qu'on est mieux d'agir
avec prudence, selon vos recommandations.
Vous
qui êtes sur le terrain, tout à l'heure, vous avez dit : On entend des
histoires d'horreur quant à l'adoption de ce projet de loi, j'aimerais
vous entendre par rapport à ça.
Est-ce que
vos membres sont très inquiets ou vous pensez qu'avec le temps on a réussi à
les rassurer ou pas encore?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Geoffroy.
Mme Geoffroy (Catherine) : Pas encore, je ne crois pas, pas encore. Je pense
qu'il y en a une bonne partie qui
sont contents de savoir qu'il va y avoir des
balises et qu'il va y avoir… Ils voient ça d'une façon rassurante parce que,
quand les gens qui disent que… De toute façon, il y a des soins de fin de vie
qui se donnent déjà pour faire mourir la personne
si elle souffre trop, puis ça se fait, puis ce n'est pas ouvert ou ce n'est
pas… Et c'est ça qui va… Ce projet de loi, s'il passe, je pense que ça va apporter beaucoup de tranquillité chez
les intervenants pour ne pas se sentir avec ce poids-là, de dire… de
participer ou d'être complice de quelque chose qui se fait d'une façon… par en
dessous, de toute façon.
Alors,
il y a ces personnes qui pensent comme ça et il y en a d'autres qui pensent que
ça va être… Moi, j'ai eu des
réactions l'autre jour dans un groupe où les gens ont dit : Ah oui, ce
projet de loi, c'est pour faire des sous. Alors là, j'ai dit : Bon, d'accord, où est-ce qu'on
fait des sous là-dedans? Alors, c'est… bon, il va y avoir des médecins, des
cliniques privées puis il va y avoir
des cliniques qui vont un peu comme faire le parallèle avec les… comment, les
inséminations pour les naissances.
Là, on part de loin pour essayer de ramener ça vers le débat ou vers la vraie
situation, puis qu'il n'y a personne
qui est en train de faire comme dans le film le Soleil vert, s'il y en a
qui connaissent ce film. Alors, on n'est pas là. Alors, on part de loin pour essayer de sensibiliser et de rassurer. Et
aussi on ne voit pas le lien avec… Il y a quand même un lien très
important avec le projet de loi de l'assurance autonomie et les soins
palliatifs. Ce n'est pas parallèle, là.
Moi,
je pense que ça s'en va dans la même direction pour se renforcir et rendre
notre société bien vivable jusqu'au bout de notre vie, mais il faut qu'il
y ait des ressources, il faut qu'il y ait beaucoup de ressources.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est
écoulé. Alors, Mme Geoffroy, Mme Adams, merci pour votre présentation,
merci d'être ici avec nous aujourd'hui et de partager votre expertise avec
nous.
Collègues, la
commission suspend ses travaux pour quelques instants seulement afin de se
réunir en séance de travail à la salle RC. 161. Merci.
(Fin de la séance à 13 h 3)