(Onze
heures huit minutes)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, collègues, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte.
La
commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet
de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie.
Mme la
secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire :
Non, M. le Président.
Auditions (suite)
Le Président (M.
Bergman) : Alors, collègues, on reçoit maintenant la Société québécoise
des médecins de soins palliatifs.
Dr
Vinay, Dre Dallaire, bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre
présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission.
Donnez-nous vos noms, vos titres. Et les prochaines 15 minutes, c'est à vous.
Et bienvenue encore à l'Assemblée nationale.
Société québécoise des médecins
de soins palliatifs (SQMDSP)
M. Vinay
(Patrick) : Alors, je suis le Dr Patrick Vinay et je suis actuellement
le président de la Société québécoise des médecins de soins palliatifs.
Mme Dallaire (Michelle) : Michelle Dallaire. Alors, je suis aussi médecin
en soins palliatifs depuis plus de 15 ans. Je fais des soins palliatifs à domicile
dans la région de Saint-Hyacinthe depuis deux ans. Et, avant ça, j'ai travaillé
pendant une quinzaine d'années à l'Hôpital Notre-Dame du CHUM.
• (11 h 10) •
M. Vinay (Patrick) : Merci, M. le Président, de nous recevoir ce matin. La Société québécoise
des médecins de soins palliatifs est une nouvelle société qui s'est formée dans
la dernière année. Et, comme toute société
professionnelle, elle a les buts de s'occuper
de ses membres, de la formation de ses membres, de la recherche et également
de la pratique des soins palliatifs à travers le territoire. La première
tâche que cette société est en train de faire, c'est d'écrire des guides de
pratique pour l'utilisation de la sédation palliative. Ce document sera évalué
par de nombreuses instances, et nous pensons l'adopter quelque part au mois de
mai 2014.
Alors que seulement
20 % des grands malades qui sont en fin de vie ont accès à des soins
palliatifs de grande qualité, il est évident
que notre société voit avec beaucoup d'intérêt que cette loi vise à assurer une
meilleure accessibilité de tous les
citoyens à des soins palliatifs de qualité. Nous sommes — vous le savez, ça a été probablement
abondamment dit — dans un contexte souvent mal compris, mal
compris du public, mais aussi assez souvent mal compris des médecins, en
particulier de ceux qui n'oeuvrent pas en soins palliatifs.
Le
premier point que nous souhaitons faire valoir, c'est que les soins palliatifs
sont des soins qui accompagnent la vie;
la vie qui reste, bien sûr. Qui dit soins dit avenir. Pas de soins s'il n'y a
pas d'avenir. La proposition euthanasique, qui est une proposition d'arrêter immédiatement la vie, ne saurait donc
faire partie du continuum des soins et encore moins du continuum de
soins palliatifs. Nous ne disons pas qu'il n'y a pas des gens qui souhaitent
terminer leur vie de façon précoce. Ceci n'est cependant pas un soin.
Considérez
les choses suivantes. Notre charte fédérale dit que nous avons tous droit à des soins. La législation nous dit également,
à travers cette loi, que l'euthanasie sous forme de sédation palliative ou aide
médicale à mourir est un soin. Nous savons également
que tout le monde a le droit de refuser des soins, et ceci est
parfaitement normal, et nous sommes
parfaitement d'accord avec cela. Si, donc, tout citoyen doit avoir des soins
et peut refuser des soins, s'il refuse des soins curatifs et s'il refuse
des soins de confort, que lui reste-t-il dans les soins dont il a droit selon
les chartes? Il a droit de demander l'euthanasie. En d'autres termes, la
demande d'euthanasie est la demande du seul — ouvrez les guillemets, fermez
les guillemets — soin
qu'il lui reste puisqu'il n'y a pas d'autres soins qu'il accepte.
Ici,
l'espace de concertation entre soignant et médecin est dominé par l'imposition
au médecin d'un soin demandé par le
malade. Pourquoi imposé? Parce que le médecin aura le devoir, si ce soin est un
droit, de donner au malade l'accès à son
droit. Et, s'il a refusé toute autre forme de soin et qu'il ne lui reste que
celui-là, voilà que cet espace de concertation qui existe en général
entre le médecin et son patient vient d'être profondément changé. Dans un
dialogue de partage de décision de soins, ni
le médecin ni le malade n'imposent rien à l'autre. Nous partageons ensemble et
nous choisissons ensemble un chemin. Dans le cas qui nous intéresse, je
crois qu'il est possible — et
notre conseil s'en inquiète — il est possible que le malade puisse
dire : Monsieur, ceci est mon droit, veuillez accomplir ce geste.
Je
vous donne un exemple pour comprendre concrètement. Voilà un patient qui est en
soins palliatifs, qui est en coma depuis trois jours, qui est
parfaitement confortable sur le plan physique. L'équipe de soins palliatifs
voit qu'il est parfaitement bien contrôlé.
La famille, cependant, le trouve souffrant parce qu'il n'est pas comme il était avant, bien sûr, et, comme il avait écrit, dans les papiers qu'il
a légués, qu'il souhaitait, s'il devenait dans une condition
insupportable, avoir l'euthanasie, la
famille le demande. Le médecin, que peut-il faire avec cette demande? Il ne
peut que l'accepter, c'est un droit
du malade. Pourtant, il n'y a pas de soin médicalement requis dans la demande
de la famille, et deux jours, un
jour, six heures de plus, la mort sera venue pour des causes naturelles. Il est
donc tout à fait possible, ayant l'expérience de dix années de soins palliatifs à Notre-Dame et ayant vu assez souvent
la chose, que les familles qui ne souhaitent pas que les choses se
prolongent demandent que l'on achève leur malade rapidement même s'il n'y a pas
réellement de justification médicale. En d'autres termes, il y a une
imposition.
Tel que la
loi n° 52 est rédigée, nous ne voyons pas le caractère de fin de vie
imminente requise. En d'autres termes, les
gens pourront avoir l'aide médicale à mourir et la sédation palliative alors qu'ils ont beaucoup
de temps devant eux en respectant les balises de la loi.
Je vous donne
un exemple : cette madame a 52 ans, elle est peintre. Elle a une vie
artistique et professionnelle extrêmement vive. Elle devient aveugle ou
semi-aveugle puis rapidement aveugle par une dégénérescence maculaire. C'est une maladie de l'oeil qu'on ne peut pas
guérir, et elle est en train de s'en aller vers un monde où elle ne peut
plus voir. Elle est extrêmement déprimée, elle a un sentiment très avancé de déchéance. Elle a peut-être
encore 40 ans de vie. Selon les balises de la loi, elle a parfaitement
le droit de demander et de recevoir de l'euthanasie en raison des souffrances
psychologiques qu'elle subit à l'occasion de cette transformation.
Je crois également
que l'aide médicale à mourir, qui n'est jamais bien définie par la
loi, je suis obligé d'y voir ce qu'on
y voit ailleurs, c'est-à-dire un geste dans lequel des médicaments nouveaux — curare,
pentobarbital — viennent
arrêter rapidement la vie. Je constate qu'une grande partie du public québécois
ne comprend pas ce que c'est que l'aide
médicale à mourir. La nomenclature
est floue, elle laisse place à des interprétations. Il me semble que toute loi
doit être claire dans son objet et dans ses dispositions.
La sédation palliative terminale n'est pas non plus
définie dans la loi. C'est assez ennuyeux puisque cela n'existe pas en
soins palliatifs. Nous ne savons pas ce que c'est. Nous devons comprendre qu'il
s'agit d'une sédation qui est fournie à des
patients qui ne sont pas en fin de vie, qui n'ont pas deux semaines ou plus de
vie comme le prévoient en général les guides de pratique un peu partout,
et donc nous pensons que ce message est ambigu. Non seulement est-il ambigu,
mais, comme il est proche de la sédation palliative non terminale, que nous
utilisons volontiers en soins palliatifs
quand il n'y a pas d'autre façon de soulager un malade, les familles croiront
que la sédation palliative qui a été donnée à ce malade avec leur accord
a réduit la vie de ce malade.
Nous pensons enfin qu'il est impensable que l'on
puisse pratiquer des homicides, même légalisés, à l'intérieur d'un milieu de soins. Un hôpital doit être un lieu
absolument sécuritaire. Vous amenez votre papa et votre maman, même s'ils sont dans un état qui est un état
proche de la fin, vous ne voulez pas que personne ne puisse attenter à la
vie de cette personne. Bien sûr, ce n'est pas ça que la loi prévoit, mais c'est
quand même cela que beaucoup de Québécois vont
comprendre. Et donc nous pensons que, si le législateur souhaitait donner un
accès euthanasique à une partie de la population, ça ne devrait pas être
à l'intérieur du système de santé, mais très clairement en dehors de celui-ci.
Nous pensons
que le geste euthanasique, surtout lorsqu'il est posé avec une période de temps
prolongé devant le malade alors qu'il
n'est pas de façon… la mort n'est pas imminente, comme décrit dans cette loi
qui ne prévoit aucune terminalité,
nous pensons qu'elle ôte au malade toute possibilité de changer d'avis, et la
possibilité de changer d'avis nous semble un droit inviolable.
Enfin, je
vois des conflits d'intérêts entre les personnes qui seront appelées à poser un
geste euthanasique et le malade. Je suis néphrologue, je l'ai été
pendant 30 ans. J'avais, dans mon service, une dizaine de lits. Sur ces lits
qui étaient présents, cinq étaient occupés
par des patients à qui il n'y avait plus de soins actifs et qui attendaient un
transfert en CHSLD. Les médecins, au Québec,
sont payés à l'acte, et donc la présence de ces cinq malades diminuait mon
revenu de façon significative. Si, pour une raison ou pour une autre, je trouve
une façon de les injecter et de les envoyer ad patres, je libère cinq lits; libérant cinq lits, j'augmente les actes et
mon salaire double. Est-ce que l'on peut laisser à un professionnel de la santé, qui est en conflit
direct avec son malade, le droit, ou le privilège, ou la responsabilité — parce
que ce n'est ni un droit ni un privilège, mais la responsabilité — de
poser un geste euthanasique?
• (11 h 20) •
Il y a
également un conflit d'intérêts avec les institutions qui ont de la difficulté
à pouvoir vider les urgences parce que les lits sont pleins par des gens
qui ne vont pas en CHSLD parce que ceux-ci sont pleins. Si on vide ces lits-là,
voilà, tout d'un coup, que la gestion
hospitalière et les coûts s'améliorent. On pourrait même dire qu'en bout de ligne même le ministère de la Santé
est un peu en conflit avec les malades. C'est une partie très significative,
plus de 50 % de son budget est dépensé
dans les six derniers mois de vie. Et, si ces six derniers mois de vie étaient
beaucoup plus courts, les impacts
financiers deviennent considérables. Je ne pense pas qu'il y ait une collusion,
une pensée de conflit d'intérêts. Je pense
seulement qu'il est possible que le public le voie comme cela. Je pense qu'il
faut non seulement de la transparence et qu'il faut une absence de
conflit d'intérêts, mais il faut aussi que ce soit évident.
En
conclusion, nous souhaitons que ce gouvernement maintienne son plan de
développement des soins palliatifs, ça nous semble un plan très heureux.
Nous souhaitons que ce gouvernement ne reconnaisse pas l'euthanasie comme un soin de droit, c'est-à-dire qui fasse partie
des soins au sens où c'est dans la charte. Nous souhaitons qu'elle ne
permette pas de procéder à des euthanasies
dans les milieux de santé et qu'elle retire le terme «sédation palliative
terminale», qui est une réalité qui n'existe pas et qui, à toutes fins
pratiques, est une deuxième voie pour une euthanasie moins bien balisée que la première de la loi. Effectivement,
la sédation palliative terminale n'a pas les mêmes conditions
encadrantes, même si celles-ci ne sont pas satisfaisantes
pour l'aide médicale à mourir, que celles qui sont dans l'aide médicale à mourir. Nous souhaitons que l'on ne considère
jamais que l'aide médicale à mourir puisse faire partie d'un continuum
de soins. À ce titre, nous pensons que cette
loi doit donc être reformulée et repensée de façon profonde. Je vous
remercie, M. le Président.
Le
Président (M. Bergman) : Merci, Dr Vinay, pour votre
présentation. Alors, pour le gouvernement, le premier bloc, Mme la
ministre.
Mme
Hivon :
Oui. Alors, bonjour à vous deux. Merci d'être ici. Peut-être, dans un premier
temps, Dr Vinay, simplement… On vous a vu
lorsqu'il y a eu deux, en fait, nouvelles associations de créées au cours des
derniers mois, donc l'association que
vous représentez aujourd'hui, des médecins en soins palliatifs, et aussi le
collectif des médecins pour le refus
médical de l'euthanasie. Et, à l'origine, vous étiez le porte-parole du
collectif des médecins pour le refus, donc, de l'euthanasie. Donc, je
veux juste savoir la différence ou les convergences entre ces deux
associations-là.
M. Vinay (Patrick) : Les deux choses sont particulièrement différentes. Je ne dirais pas que
nous ne sommes jamais, nous-mêmes,
complètement étanches, mais les choses sont différentes. Ce que je représente,
ce matin, c'est un regroupement professionnel de médecins de soins
palliatifs qui oeuvrent en soins palliatifs depuis plusieurs années et qui sont inquiets du contenu de cette loi. La
présentation que je vous fais n'est pas la présentation de mes idées
personnelles, mais bien celles du conseil
qui a lu, modifié et changé ce mémoire pour qu'elle représente sa pensée. Et
donc ce que vous entendez de moi, ce matin, c'est la pensée de ce
regroupement-là qui est la pensée de professionnels.
Mme Dallaire
(Michelle) : Peut-être que j'aimerais ajouter à ça le point suivant.
La Société québécoise des médecins de soins palliatifs est l'équivalent de la
société québécoise des néphrologues du Québec et l'équivalent de l'Association
des cardiologues du Québec, au sens où c'est une association professionnelle où
nous allons ensemble, comme autres experts
dans la société, définir, par exemple, qu'est-ce qui serait la meilleure
compétence pour exercer la sédation
palliative avec nos malades, comment les autres médecins, au Québec, qui ont à
faire de la sédation palliative… comment on peut organiser ça peut-être
à domicile. Alors, on a beaucoup de réflexion là-dessus.
On a donc des soucis
de formation, des soucis, mon Dieu! de représenter nos membres, effectivement,
dans différents lieux, on a des soucis d'aide
de professionnels. Comme d'autres sociétés, si des médecins sont mal
pris, ils veulent avoir des conseils, bon,
ils vont nous appeler, puis on va dire : Bon, regarde, peut-être, on peut
faire ça comme ceci, comme cela.
Voyez-vous, ce n'est vraiment pas une société qui a un rapport quelconque avec
l'euthanasie, pas plus, quelque part, que, je ne sais pas, moi, si la
société des néphrologues venait vous dire comment eux, avec les dialysés
chroniques, ça va leur causer des soucis d'avoir ces patients qui ne sont pas
mourants ou qui peuvent continuer de vivre,
mais, s'ils demandent l'euthanasie, bien, ils vont devoir les laisser aller
alors que ce ne serait pas médicalement requis. Mais comprenez-vous? Il
faut vraiment distinguer ça complètement. Dr Vinay a des…
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Donc, c'est ça. Parce que vous avez pris naissance,
si je comprends bien, au dernier congrès des soins palliatifs, et donc votre objectif va être beaucoup plus large
pour des prises de position pour différents sujets et non pas dans la
foulée du projet de loi n° 52, ce qui est le cas du collectif des
médecins. O.K. Parce que je voulais juste vous dire… Mais c'est normal un peu
aussi.
Mais,
quand je regardais, hier, les membres de votre conseil d'administration, il y a plusieurs
de ces membres-là qu'on a déjà
vus, dans les dernières semaines, pour d'autres associations. Donc, Dr
Daneault est venu pour le collectif; hier, on a Dre Martel pour le
Réseau de soins palliatifs. Donc, à un moment donné, il y a comme une
convergence où c'est comme si les gens de
votre conseil d'administration, de ce que je comprends, sont les mêmes
personnes qui sont très actives dans plusieurs regroupements. Les regroupements
n'ont pas toute la même fin en elle-même, mais, si je comprends bien, le même
noyau de personnes est très actif à différents égards par rapport au projet de
loi.
Mme Dallaire
(Michelle) : Parce qu'effectivement, pour nous, ça a un impact…
Le Président (M.
Bergman) : Dre Dallaire
Mme Dallaire
(Michelle) : Excusez-moi.
Le Président (M.
Bergman) : Dre Dallaire.
Mme Dallaire (Michelle) : Parce
que, pour nous, effectivement, en soins palliatifs, cette loi-là, ça a un impact majeur, alors c'est normal que tous nos membres en
soins palliatifs se sentent concernés. Dre Martel est venue représenter le Réseau de soins palliatifs du Québec. Moi, j'ai
lu le mémoire du réseau, et c'est très proche de ce que nous, on amène.
On amène peut-être des choses complémentaires, mais c'est très, très proche.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Vous dites, vous affirmez que 90 % des médecins en soins palliatifs sont
contre l'aide médicale à mourir. Et j'aimerais
savoir si… Moi, j'ai vu passer un chiffre de 90 % qui était quelque chose
de pancanadien, qui n'était donc pas
en lien spécifiquement avec le projet de loi n° 52, et je voulais
savoir : Votre chiffre de 90 %, est-ce que c'est cette
source-là, pancanadienne, ou si c'est un sondage que vous avez fait au Québec?
M. Vinay
(Patrick) : C'est une…
Le Président (M.
Bergman) : Dr Vinay.
M. Vinay
(Patrick) : Je m'excuse, M. le Président. Me permettez-vous de
répondre?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Vinay.
M. Vinay
(Patrick) : Il s'agit d'une analyse des interventions qui ont été
tenues lors des audiences de la commission
sur la question de mourir dans la dignité, dans laquelle nous avons eu accès à
une analyse chiffrée des positions de chacune des personnes qui se sont
prononcées sur la question. Et, si on fait un sous-groupe des médecins de soins
palliatifs, on arrive à un chiffre qui est proche de 90 %.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Donc, ce que vous voulez dire, c'est : Les
médecins qui se sont présentés à la commission spéciale, quand vous regardez la proportion, ceux qui sont
venus étaient, à 90 %, des médecins qui étaient contre. C'est ça,
la…
M. Vinay
(Patrick) : Des médecins de soins palliatifs.
Mme
Hivon :
De soins palliatifs.
M. Vinay
(Patrick) : Parce que ça peut être très différent si on regarde les
médecins en général.
Mme
Hivon : Oui, oui, oui. C'est beau. Parfait. Je voulais juste
peut-être recadrer certaines choses. Vous avez dit tout à l'heure qu'une femme de 52 ans qui
deviendrait graduellement aveugle parce qu'elle a une dégénérescence
maculaire pourrait faire la demande et vous
ne voyez pas comment ça pourrait lui être refusé. Je dois vous dire que ça lui
serait refusé parce qu'elle n'est pas
en fin de vie. Et le critère premier du projet de loi, c'est un projet de loi
pour les personnes en fin de vie, c'est
là du début à la fin. Et donc, évidemment, quand quelqu'un, il lui reste plusieurs
années, qu'elle est au milieu de sa
vie, on ne peut pas la considérer en fin de vie — donc, si je peux vous rassurer à cet
égard-là — au même
titre où les personnes handicapées ne
sont pas concernées. Elles peuvent être concernées, préoccupées, mais ce que je
veux dire, ce n'est pas une maladie grave et incurable que d'avoir un
handicap, pas plus qu'on est en fin de vie parce qu'on a un handicap. Donc, ça,
je voulais vous le préciser.
Même chose pour une
personne qui est dans le coma. Vous nous avez dit : Ses proches
pourraient, si elle l'a demandé dans ses
directives anticipées… Dans le projet de loi, il est exclu qu'une personne
puisse faire une demande anticipée d'aide
médicale à mourir parce que l'article 26 prévoit que la personne doit être majeure
et apte. Donc, dans les directives médicales anticipées, elle ne pourra
pas… Et c'est d'ailleurs un sujet de débat parce que plusieurs groupes sont
venus nous dire que ça devrait être le cas, qu'une personne apte devrait
pouvoir, en prévision d'une éventuelle inaptitude,
prévoir une demande d'aide médicale à mourir, mais, dans le projet de loi, ce n'est
pas quelque chose qui est prévu. Donc, ça, je voulais aussi vous le
signifier.
• (11 h 30) •
Et,
pour ce qui est de la question que vous soulevez en dernier, je dois vous dire
que je trouve ça très troublant que vous
nous parliez du conflit d'intérêts. Je pense que c'est très difficile de
laisser passer ça sous silence, une affirmation comme celle-là, parce que vous parlez vous-même de l'importance de la
confiance, et là, en fait, vous êtes en train de remettre complètement en cause la confiance que les gens pourraient
avoir à l'égard des médecins. Parce que, si on suit votre logique, les
seules choses qui guideraient les médecins qui soignent leurs patients, ce
serait l'idée de faire plus d'argent. Donc,
moi, je dois vous dire, là, quand j'ai lu ça hier, je l'ai relu plusieurs fois
parce que j'avais beaucoup de difficultés
à comprendre comment vous pouviez faire une telle affirmation, de nous dire
que, dans le fond, les médecins, ce qu'ils
vont vouloir faire, c'est peut-être — même,
à la limite, sans demande — donner
une aide médicale à mourir parce que ça
va leur simplifier la vie, parce qu'ils vont libérer des lits, parce
qu'ils vont pouvoir faire plus d'argent.
Donc, je me dis, si c'est ça
en ce moment, je trouve ça très
triste et très grave comme affirmation. Et, je me dis, si c'est ça la
philosophie ou la vision que… je ne sais pas, que vous voulez nous amener sur
les médecins, je me dis, ça veut déjà dire que, dans l'état actuel des choses, les médecins, si c'est juste ça qui les
intéresse, ils ne vont pas offrir un nouveau traitement à leurs patients, ils vont leur dire : Bien, dans le
fond, ça va être plus simple si tu refuses un traitement, comme ça, il n'y
aura pas de prolongation de la vie, on devrait arrêter ton traitement. Donc, je
vous le dis, je trouve ça très grave.
Puis,
à la fin, vous nous dites : Bien, en fait, ce n'est pas vraiment ça que je
pense, mais c'est ce que le public voit. Mais moi, je dois vous dire qu'on
a entendu beaucoup de gens, beaucoup d'associations, la Protectrice du citoyen,
les comités d'usagers, les protecteurs du
malade, qui représentent des gens, des associations, il n'y a personne qui est
venu nous défendre une vision comme ça de la
médecine. Donc, que ça vienne de médecins en soins palliatifs, je trouve ça
très troublant. Donc, je ne sais pas si vous avez des commentaires à faire?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Vinay.
M. Vinay (Patrick) : Je suis heureux de votre première partie de votre
réponse m'indiquant que, dans la loi n° 52, la terminalité est effectivement nécessaire. Je l'ai lue plusieurs fois
et je ne suis pas convaincu de trouver cela clairement dans l'article
26. Si c'est clair, cela devrait être inscrit clairement dans les conditions de
l'article 26. Je pense que ce serait important.
Je vois la loi et je vois également le rapport
Ménard qui l'a précédée, et, pour la question de l'aptitude et au moment même
où on fait la demande, je pense qu'il y a un flou également. Donc, je pense que
votre réponse, qui est appropriée, pourrait être une voie pour modifier la
formulation de la loi pour que cela soit clair.
Enfin,
dernièrement, je pense qu'en justice il faut non seulement avoir la justice,
mais l'apparence de la justice. Et, si on veut avoir à la fois la
justice et l'apparence de la justice, je pense qu'il ne faut pas mettre
personne dans des circonstances où l'apparence n'est pas là. Loin de moi de
penser que les médecins du Québec ne sont pas dévoués et n'ont pas comme premier intérêt les patients qu'ils
soignent. Je suis dans le milieu de la santé depuis 40 ans et je n'ai vu
essentiellement que cela. Et j'ai entendu
également, dans le milieu de la santé, beaucoup de commentaires qui
proviennent d'un manque de clarté ou d'un
manque d'apparence de conflit d'intérêts ou de… d'une apparence de conflit
d'intérêts qui se manifeste.
Je pense donc qu'il est parfaitement
plausible — et
je l'ai entendu déjà, à quelques reprises, de la part du public — que les gens se demandent si cette loi n'est
pas là pour des raisons économiques, n'est pas là pour des raisons économiques d'État, des raisons économiques d'institutions
et alors, pourquoi pas, des raisons économiques de médecins. Cette
vision est très probablement fausse, mais peut-on y donner… y prêter flanc? Ne
devrait-on pas avoir une situation de pleine transparence? C'est le but de ce
paragraphe.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du
gouvernement. Le premier bloc de l'opposition officielle, Mme la députée
de Gatineau.
Mme Vallée : Merci, M. le
Président. Alors, bonjour, merci beaucoup pour votre participation à nos
travaux. Évidemment, on comprend très bien
votre… Comme la plupart de vos collègues qui vous ont précédés, votre
objection à l'introduction de l'aide médicale à mourir, en soi, c'est clair. On
nous a proposé, hier, d'avoir une approche un petit peu différente au niveau du
projet de loi, c'est-à-dire de peut-être s'inspirer de ce qui s'est fait
ailleurs, que ce soit en Belgique ou que ce soit, je crois…
Une voix : Au Luxembourg.
Mme Vallée :
…au Luxembourg, où on a traité de la question dans deux projets de loi
distincts, c'est-à-dire qu'un projet
de loi encadrant et mettant en valeur les soins palliatifs… afin de donner
suite aux recommandations du rapport, parce qu'on s'entend que le
rapport de la commission spéciale porte beaucoup sur la question des soins
palliatifs, qu'il y a un effort substantiel
à faire. Et on comprend aussi de la ministre que cette volonté-là, elle est
présente. Donc, un des groupes qui vous a précédés a suggéré qu'un projet
de loi traitant de cet aspect-là bien spécifique soit présenté, présenté aux députés pour le vote, et que la question…
s'il y a une volonté d'introduire, à titre de soins… Et là,
bon, je comprends que vous, vous n'êtes
pas en faveur de cette façon de faire là, mais il
y a certains groupes qui ont demandé
et qui font… et qui militent en faveur de l'introduction d'une aide
médicale à mourir. Bon, il y a toute la question constitutionnelle, on sait que
ces éléments-là sont présents.
Mais, compte tenu de ça, êtes-vous d'accord avec cette façon de prendre la bête, c'est-à-dire : Mettons de l'avant un projet pour les soins
palliatifs, traitons les soins palliatifs comme vraiment ce qu'ils sont, un
soin à part, et encadrons à l'intérieur d'un autre projet de loi la question de
l'aide médicale à mourir, de la sédation palliative — continue
ou terminale, peu importe le terme qu'elle sera — et traitons ça de
façon distincte pour éviter cette confusion-là aussi qui existe entre l'aide
médicale à mourir et les soins palliatifs? J'aimerais avoir votre avis là-dessus.
Le Président (M. Bergman) :
Dre Dallaire.
Mme
Dallaire (Michelle) : Oui.
Je pense qu'effectivement, si notre société, à ce
moment-ci… Et je pense qu'il y
a la preuve ici puisque ce projet est là. Il y a une partie de notre société
qui souhaite avoir des conditions qui vont permettre l'accès à l'euthanasie.
Puis là, bien, juste pour les mots, là, hein, on a ici un article du président
du collège qui dit qu'il faut bien être
clair que l'aide médicale à mourir, c'est l'euthanasie, puis être sûr qu'on
s'entend, là, que c'est la même
chose. Alors donc, si, dans notre société, on a ce besoin, puis il semble que oui, une
façon comme ça vous a été proposé
hier, entre autres — je
ne sais pas si c'était par le Réseau des soins palliatifs du Québec,
là, mais je sais qu'ils étaient en faveur de ça — bien,
nous, on pense que c'est… on pourrait appeler ça un moindre mal. En fait, ça
permet de contenter un peu. Nous, en soins palliatifs…
Parce que,
voyez-vous, le coeur de notre travail en soins palliatifs, c'est vraiment…
ce qu'il y a là puis qu'on a moins ailleurs, c'est vraiment toute l'intensité
de l'accompagnement, hein? On a des gens qui font face à la mort, puis ils disent : Il reste peut-être
quelques semaines. Ils sont vraiment désorganisés, ils sont souffrants, ils sont
apeurés. Et nous, avec l'équipe en soins
palliatifs — parce que c'est vraiment un gros travail interdisciplinaire — on
réussit finalement à les aider d'un jour à l'autre, hein? Parce qu'il y
a une crise à traverser, là. Ce n'est pas banal, hein, mourir. Donc, il y a
vraiment une crise là. Il y a un tas de deuils : la maison, ce qu'on
faisait, ce qu'on espérait, les projets, les enfants qui vont grandir, ce qu'on ne verra pas, etc. C'est terrible.
Donc, on réussit, en étant à côté, à les suivre comme ça. Puis, à l'intérieur d'eux-mêmes, ces patients-là,
régulièrement, vont dire : C'est trop difficile, je ne suis plus capable,
il faut que ça finisse, c'est trop difficile. Mais nous, on dit : Regarde,
on va attendre encore un petit peu. Veux-tu, on continue encore un petit peu?
On
a de grands succès. Puis, Mme Hivon, il y a plein de gens, là, qui ont témoigné
là-dessus pendant toute… Votre partie
de la commission, là, ça dit qu'effectivement il y a quelque chose, en soins
palliatifs, qui est bon pour une société. Alors, mais, à partir du
moment où ces personnes-là disent : C'est bien, je ne suis plus capable, j'arrête,
mais moi, mon travail, mon temps de soins
palliatifs, il peut bénéficier… Puisqu'on dit qu'on a juste 20 % des
personnes, peut-être 25 % qui ont accès, quand elles en ont besoin,
aux soins palliatifs, bien, nous, c'est important que notre travail, on puisse
l'allouer peut-être pour aller chercher un 22 %, un 24 %, un
25 % de soins palliatifs. Puis, pour qu'on puisse continuer à faire bien ce travail dans un esprit de soins palliatifs où
on essaie de donner l'opportunité aux gens d'aller chercher du sens
encore, malgré la mort qui vient — puis on est témoins que ça se peut — bien,
là, nous, on se dit : Protégeons ça en soins palliatifs.
Et
ce que vous proposez, vous, de dire : Bon, bien, faisons une loi pour
développer les soins palliatifs pour qu'il y ait plus d'accessibilité,
pour que les gens qui ont les compétences puissent se développer puis que tous
ceux qui sont dans ce milieu-là soient avec
plus de formation, plus compétents, puis donnons une autre structure au niveau
de la loi, comme vous dites, pour l'aide
médicale à mourir, qui s'appelle l'euthanasie… Et j'en profite pour dire :
Profitons-en pour enlever toute cette question de sédation palliative
terminale, qui ne correspond à rien, hein? Ce n'est pas quelque chose que nous,
on utilise en médecine. Puis, si on met ça là, bien, comme on dit, ça va juste
mêler les gens, point.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
• (11 h 40) •
Mme
Vallée : Il y avait évidemment, dans les échanges que nous
avons avec les intervenants depuis le
début, toute la question évidemment de la définition, de préciser les termes. Ça,
ça fait partie, c'est certain, nous, de notre côté,
des demandes qu'on formulera parce qu'il y a, et je le comprends, là, il y a à peu près...
Il y a la Fédération des médecins
spécialistes qui disait qu'il n'y avait pas de problème puis que tout le monde savait exactement de quoi on parlait. Mais, outre la
Fédération des médecins spécialistes, je pense qu'on comprend que généralement il
y a un besoin, lorsqu'on légifère — surtout
dans une question aussi importante — de
bien préciser, de bien encadrer et de bien comprendre de quoi il s'agit.
Dans le rapport de la
commission spéciale, dans les documents de consultation qui ont précédé, il y avait
un certain nombre de définitions pour les termes qui avaient été utilisés. Je
ne sais pas si les termes qui ont été utilisés, que ce soit pour l'aide médicale à mourir, que ce soit pour la sédation,
la sédation palliative continue, si ces termes-là vous satisferaient.
Mais est-ce qu'il y aurait d'autres termes à l'intérieur du projet de loi qui
devraient, à votre avis, être définis, outre
la question de la sédation palliative, qu'elle soit terminale ou continue? Parce qu'on a eu des échanges sur cette question-là.
Il y a l'aide médicale à mourir, il
y a également la notion de fin de
vie qui n'est pas clairement identifiée et qui est quand même très
large. Est-ce qu'il y a d'autres éléments, quand vous parlez de flou, sur
lesquels on devrait se pencher et tenter de préciser la portée?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Vinay.
M. Vinay
(Patrick) : Il me semble, madame, que tout citoyen qui lit une loi
doit pouvoir la comprendre. Et, si ça n'est
pas clairement expliqué et s'il faut des définitions de
définitions, c'est un problème. Il faut une loi claire. Je pense que c'est parfaitement compréhensible que nous souhaitions savoir qu'est-ce que c'est vraiment, l'aide médicale à mourir. Je suis convaincu que 30 % des Québécois ne comprennent pas ce que c'est.
Je pense que c'est absolument important que ce terme de «sédation palliative», qui est ambigu, avec ce que l'on fait
pour sauver des situations qui sont des situations importantes et qu'on
fait avec succès, ne doit pas être ambigu, il faut que ce soit clair. Donc, il
ne peut pas y avoir deux sortes de
sédation : la sédation palliative appropriée et puis une sédation
palliative qui est une forme d'euthanasie sous un autre habit, avec beaucoup moins de conditions. Donc, je pense que ces deux termes-là, c'est certainement très important.
Pour la fin de la
vie, bien sûr que nous sommes tous devant une situation qui n'est pas absolument
prévisible. Elle est largement prévisible,
mais pas toujours absolument prévisible, et donc je pense que ça devient très
important de dire qu'est-ce que c'est pour nous, la fin de la vie, et à partir de quel type de
terminalité appréhendée est-ce qu'on
entre dans la fin de la vie. Et donc je pense que c'est plus difficile à
définir, mais qu'il faut s'adresser à cette question.
Vous
remarquerez que les sociétés européennes, canadiennes qui se sont penchées
sur la sédation palliative, par exemple, mettent la terminalité comme une condition
absolue pour faire de la sédation palliative, et, pour eux, la
terminalité est de l'ordre de deux semaines et moins. Et il
y a un certain nombre de publications
internationales sur cette question. En présence d'une période plus
longue, il n'y a qu'un seul auteur qui va aller à trois semaines, c'est un
Japonais du nom de Morita, qui, lui, va un petit peu plus loin. Et pourquoi? Pour
éviter justement qu'il y ait un problème de nutrition-hydratation qui ne se
pose pas dans les derniers 15 jours de la vie, ou à peu près pas.
Il est évident que
nous rentrons là dans des domaines où la connaissance des soins palliatifs n'est
pas la connaissance de M. Tout-le-monde. Nous savons que la morphine
ne tue pas; ça n'est pas l'opinion de M. Tout-le-monde.
Nous savons que les sédations n'entraînent
pas le décès; ça n'est pas l'opinion de M. Tout-le-monde. Et donc nous sommes
dans un débat où il y a une confusion de concepts, et toute définition et toute
clarification est la bienvenue.
Le Président (M. Bergman) :
Ceci met fin au premier bloc de l'opposition officielle. Pour le dernier bloc
du gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui. Merci, M. le Président. Pour ce qui est de l'aide
médicale à mourir versus euthanasie, je l'ai dit souvent depuis le dépôt
du projet de loi, lors du dépôt, ce qui explique la définition... je dirais, le
choix de mots différent, c'est parce que le mot «euthanasie» ne contient pas en
lui-même la référence au fait que c'est la personne elle-même qui doit faire la demande et il ne sous-entend pas non plus le
contexte médical, d'où le choix de l'expression «aide médicale à mourir».
Et, pour ce
qui est, par ailleurs, de la notion de fin de vie, je veux juste dire que, qu'importe...
C'est très difficile, vous le dites vous-même.
Et il n'y a personne qui est venu nous dire qu'il faudrait
mettre un moment ou un temps parce que, justement, ce serait d'une très grande complexité. De toute façon, vous, vous êtes contre l'idée de l'aide médicale à mourir, ça fait que je ne vous demanderai pas
ce que vous voudriez mettre.
Mais, juste
quand on parle de «terminal», vous, vous dites : La terminalité, dans le cas
de la sédation palliative continue… — puis je vais y revenir — vous la situez à une à deux semaines. Dans
toutes sortes de lois, de règlements — on a fait une petite recension — la phase terminale, par exemple dans la Loi
sur le régime de retraite des agents
de la paix ou toutes sortes de lois sur les régimes de retraite, c'est un décès
dans un délai de deux ans. Donc, juste pour vous dire que juste le terme
«terminal», ça va varier énormément, comme, il y a des gens qui... «Imminent», «moins imminent», j'ai toujours pensé que c'était
imminent, là, c'était comme demain. Il y en a qui disent :
Imminent, ça pourrait être...
Donc, je
dirais qu'il y a une très grande complexité à vouloir définir sans laisser la
marge de manoeuvre voulue pour faire, je
pense, ce que l'on souhaite : pouvoir aider une personne qui est en fin de
vie. Et moi, je pense que la notion
de fin de vie est quand même très éclairante. En Belgique, eux, ils y vont avec
«brève échéance» versus «pas brève échéance». «Brève échéance», ils disent
que c'est jour, semaine ou mois, ce qui laisse quand même un flou. Et puis ils ont d'autres critères quand la
mort n'est pas à brève échéance. Donc, tout ça pour vous dire que je
pense qu'il n'y a personne qui a
réussi — et ce n'est
pas sans raison, je vous dirais — à définir ça de manière archipointue.
C'est parce qu'il faut laisser ça aussi, dans la mesure où on est en fin de
vie, à une évaluation aussi qui n'est pas... si vous tombez un jour plus tard,
un jour trop tôt. Donc, c'est un peu ça que je voulais préciser.
Vous affirmez, dans votre mémoire, que seulement
20 % des gens auraient accès aux soins palliatifs. Donc, encore une fois, j'aimerais voir comment vous
arrivez à ce chiffre-là parce que je dois vous dire que nous, on est en
train de faire un travail très important, au
ministère, pour mieux documenter et on a répertorié... La seule étude qu'on a
répertoriée au Québec sur le sujet, c'est une étude de l'INSPQ au début des
années 2000 et qui l'évaluait à 34 % et uniquement en milieu hospitalier.
Alors, 34 % au début des années 2000, avant même la politique, alors que
maintenant on a deux fois plus de maisons de
soins palliatifs… il y a eu un développement quand même important des soins
palliatifs. Nous, on a fait l'exercice pour
les soins à domicile. On arrive, avec nos données, avec 50 % des gens qui
ont un potentiel de recevoir des soins palliatifs qui en reçoivent à
domicile. Donc, ça exclut les maisons de soins palliatifs et milieux
hospitaliers. Donc, je dois vous dire qu'on arrive à des chiffres
significativement... beaucoup plus élevés que votre 20 %. Donc, je veux
comprendre d'où vient le 20 %.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Vinay.
M. Vinay (Patrick) : Nous sommes au
courant de l'étude de l'institut national, nous l'avons abondamment regardée.
Nous sommes au courant que ce que fait cet institut, au fond, c'est de faire
des statistiques. Et nous savons tous que les statistiques sont aussi bonnes
que les sources d'où elles viennent. Je ne pense pas qu'il suffit de soigner
quelqu'un qui est en fin de vie pour dire que l'on fait des soins palliatifs.
Voyez-vous, les soins palliatifs, c'est une espèce
de sous-discipline de la médecine et une sous-discipline très délicate, puisque
le malade n'a pas la même fonction rénale, la même fonction cardiaque le
lendemain que la veille et, donc, que l'on doit ajuster la médication à cela.
Je me réjouis
que les maisons de soins palliatifs soient apparues au Québec. Je pense que c'est
un signe de santé sociétale extraordinaire et qui, pour ma part, m'impressionne
considérablement. Je travaille moi-même à essayer de créer de nouvelles maisons
de soins palliatifs. Je pense que c'est une belle réponse.
Il s'agit,
quand on regarde la réalité des mots et des affirmations, de se mettre dans les
contextes. Le contexte de terminalité n'est pas du tout le même dans le
contexte des soins palliatifs qu'il peut l'être dans d'autres contextes, avec des définitions qui sont différentes. Je
voudrais vous rappeler que la terminalité de 20 jours ou 15 jours ou plus
dont je parlais, c'est une terminalité qui a été définie par la Société
européenne des soins palliatifs, qui regroupe plusieurs sociétés de soins
palliatifs, dont la belge, qui se sont mises d'accord sur cette notion de terminalité,
de fin de vie.
Nous pensons
qu'une partie de l'effort de cette loi va essayer d'augmenter ce pourcentage
qui est probablement, aujourd'hui, effectivement plus grand que 20 % si on pense aux maisons mêmes qui sont en train d'apparaître,
qui vont, donc, augmenter, non pas vers 50 %, mais sur 100 %.
Au fond, si c'est un droit d'avoir des soins de fin de vie, c'est un droit pour 100 % de nos concitoyens, et
notre but ne saurait être plus bas que celui-là : 100 % de nos
concitoyens. Je suis sûr que vous
êtes d'accord avec moi. Et je serai le premier heureux de pouvoir voir que, l'année
prochaine, l'institution qui compile ces statistiques nous dit que nous
sommes à 40 %. Eh bien, tant mieux, et nous ne nous reposerons que lorsque
nous serons à 100 %.
• (11 h 50) •
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre, il reste trois minutes dans ce bloc.
Mme
Hivon :
O.K. Donc, le 20 %, en fait, il est plus basé sur une expérience ou une
évaluation que vous faites. Parce
que, je vous dis, on va être plus qu'à 40 % l'année prochaine parce qu'on
est déjà, dans nos données, à l'intérieur, avec ce qu'on peut faire pour ce qui est du domicile… Je ne vous dis pas
que tout est parfait, mais on a déjà un chiffre de 50 %, puis, quand on jumelle ça à un chiffre
de 34 % d'il y a 10 ans pour le milieu hospitalier, on est pas mal plus
qu'à 20 %. Donc, je voulais juste
savoir c'était quoi, parce que vous insistez sur l'importance que les choses
soient claires, donc je voulais
comprendre. C'est un chiffre qu'on entend beaucoup. Le 20 %, vous le
véhiculez beaucoup. Ce n'est malheureusement pas un chiffre qui
correspond à la réalité que l'on voit.
Le Président (M. Bergman) :
Dre Dallaire.
Mme Dallaire (Michelle) : Oui, je
veux juste intervenir un instant. Ces chiffres-là principalement sont documentés par l'Association canadienne des soins
palliatifs. Je pourrai vous envoyer le rapport, c'est eux qui nous ont donné ces statistiques. C'est sûr que les
statistiques que vous avez faites, vous, dernièrement, pour les soins
palliatifs, nous, on n'a pas accès à ça, on
ne les sait pas, mais je peux vous faire suivre les documents de l'Association
canadienne à cet effet-là.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Sainte-Rose, il vous reste 1 min 30 s.
Mme Proulx :
1 min 30 s? En fait, j'avais juste une préoccupation. Et
peut-être que je pourrai laisser la minute qu'il reste, là, soit au Dre Dallaire ou au Dr Vinay, de revenir sur l'objection
de conscience. Parce que vous aviez, tantôt, mentionné que le droit du patient pourrait être imposé au médecin, mais
qu'est-ce que vous faites de votre compréhension de l'objection de
conscience des médecins?
Le Président (M. Bergman) :
Dr Vinay.
M. Vinay (Patrick) : La remarque que
je faisais s'adressait bien sûr à l'imposition d'une demande euthanasique de la part d'un malade. Il est clair
que l'espace de discussion des soins est ouvert pour toutes sortes d'autres
soins. Je n'ai jamais vu de malade venir me demander d'être transplanté le
lendemain matin. J'ai vu des malades me demander d'être transplantés… et ouvrir
avec lui une discussion sur l'à-propos de la chose.
Si on revient
à votre question plus spécifique, qui est le malade qui dit : Moi,
monsieur, j'ai le droit de demander l'aide
médicale à mourir parce que c'est un soin et que j'ai refusé tous les autres
soins. Je refuse les soins curatifs, je refuse les soins palliatifs, que me reste-t-il? Il me reste ce soin-là.
donnez-le-moi, je crois qu'on rentre effectivement dans un espace où il
peut y avoir de l'objection de conscience de la part des médecins.
Je ne pense pas que l'objection de conscience
soit bien comprise. Je ne suis pas sûr qu'elle soit bien comprise de la majorité de... enfin, de beaucoup de monde.
Je pense que le médecin peut parfaitement, et doit parfaitement, s'il pense que c'est... ce sont... sa conscience, de ne
pas répondre à cette demande. À ce moment-là, si je comprends les termes
de la loi, c'est le directeur des services
professionnels qui se retrouve avec une demande pour laquelle il peut lui-même
avoir, lui aussi, une objection de
conscience. Je ne sais pas comment ce problème se règle. Quand je lis cette
loi, ce n'est pas clair pour moi.
Le Président (M. Bergman) :
Alors, maintenant, pour le deuxième bloc de l'opposition officielle, Mme la
députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Merci beaucoup. Merci
d'être parmi nous. Je dois vous dire, pour n'être pas médecin, pour
ma... Je n'ai pas non plus participé à la
commission. Je suis assise ici depuis quelque temps et je dois vous dire qu'on
peut avoir une idée au départ, une
idée préconçue, mais, depuis que je suis assise, je dois vous dire que c'est
extrêmement émouvant, cette commission parce que j'assiste ici à des
chocs de valeurs, des chocs de valeurs où je rencontre des médecins qui
traitent des patients en phase terminale et qui, pour une grande majorité — c'est
la grande majorité — s'objectent
au projet de loi tel qu'il est libellé, tel qu'il est proposé.
Hier, j'ai
été extrêmement émue. Il
y avait un médecin, je pense que c'est
la Dre Martel… en tout cas, il y
avait un médecin qui était ici et qui disait : On manque de ressources
personnellement pour nous soutenir, nous, les médecins dans ce que nous
faisons. Si je suis obligée d'accompagner une personne dans ce que vous appelez
une sédation palliative… — elle
n'aimait pas le mot «terminale», donc «continue» ou «euthanasie», là, je veux
dire, ce n'est pas nécessairement clair, la
terminologie — elle
dit : J'aurais beaucoup de difficultés personnellement, et qui pourrait
me soutenir, alors qu'actuellement on n'a pas ces groupes de soutien, que ça
existe ailleurs dans d'autres pays?
Je dois vous
dire que c'est extrêmement prenant d'entendre des médecins qui… normalement,
quand on est, nous, des patients,
quand on va vers les médecins, c'est pour se faire rassurer… d'entendre des
médecins qui sont déstabilisés à quelque part face à ce projet de loi,
qui est un projet de loi extrêmement important. Donc, nous, comme députés, comme législateurs, on a une très grande
responsabilité par rapport à ça. Et je trouve ça sain qu'il y ait ici encore
une fois une commission
parlementaire. Parce que ce n'est pas la première commission parlementaire. C'est
une autre commission parlementaire qui parle non pas du sujet, mais qui
parle du projet de loi.
Est-ce que vous trouvez qu'il vous manque, vous,
comme médecins, des ressources pour vous aider dans votre tâche, qui est celle
actuellement d'accompagner des personnes en fin de vie? Parce que vous vivez
avec ça tout le temps, là. Vous vivez avec
des personnes plus âgées qui partent ou vous vivez avec des personnes qui ont
le cancer. Vous faites face à la mort quotidiennement. Est-ce que vous
manquez, personnellement, de ressources?
Le Président (M. Bergman) :
Dr Vinay.
M. Vinay
(Patrick) : Nous allons partager la réponse à deux, M. le Président,
si vous voulez bien.
Le Président (M. Bergman) :
Certainement.
M. Vinay (Patrick) : Un tout petit
mot pour vous dire : La fin de la vie des hommes est une époque très importante pour eux et aussi pour les proches et
les familles. La fin de la vie des hommes n'est pas qu'un drame. Dans la
fin de la vie des hommes, voilà que les
priorités changent, voilà que les petites priorités disparaissent et qu'il
reste des priorités lourdes qui ont
toutes un nom propre. Et les patients souhaitent qu'on les aide à rencontrer
ces priorités, et c'est ce que nous
ferons en enlevant la douleur, le mal de coeur, etc. Et le fait de pouvoir
rencontrer ces nouvelles priorités, de parler
à cette madame qu'il n'a pas vue depuis deux ans et qui vient le voir samedi et
il a quelque chose à lui dire et il demande qu'on ne lui donne pas trop
de morphine parce que, des fois, il dort avec ça... C'est l'expression que ces
nouvelles priorités, ces changements qu'ils sont en train de vivre, ces
patients et leurs familles ont un côté précieux.
Il y a, bien
sûr, aussi un côté difficile. Et nous avons tous besoin de support dans le côté
difficile. Pour ma part, je voudrais rendre hommage aux malades, qui m'ont
tellement transformé depuis que je m'occupe d'eux. Je fais cela seulement depuis 10 ans et je suis beaucoup plus
vivant depuis que je fais cela. Et ce que j'essaie de faire, c'est de
protéger pour chacun un espace de fin de vie
qui soit véritablement un espace où on cueille les derniers fruits de cette vie
et on s'occupe de ceux qui restent
après nous. Il y a quelque chose qui se passe là. Il y a beaucoup plus que de
la technique, il y a beaucoup plus
que de la médecine pharmacologique, il y a aussi une transformation humaine,
relationnelle qui est à l'oeuvre et
qui est d'une très grande efficacité, une efficacité que notre monde technique
ne peut pas mesurer et, donc, qu'il ne regarde pas.
Ma réponse
est donc : J'ai déjà énormément de support devant le courage et devant l'attitude
de ces familles que j'ai le privilège d'accompagner. J'ai quelquefois
besoin d'un peu plus.
Le Président (M. Bergman) :
Dre Dallaire.
• (12 heures) •
Mme
Dallaire (Michelle) : Je
voudrais compléter ça. Suivre ces malades dont la vie s'achève, qui ont,
comme je disais, encore plein de projets,
plein d'idées, plein de choses qu'ils voulaient faire, dans toutes les
déceptions que ça leur amène, dans
leur souffrance, ça devient effectivement, certains jours, presque
insupportable pour l'équipe interdisciplinaire où on est. Il y a des situations qui sont tellement difficiles. C'est
vraiment très souffrant. Et c'est parce qu'on a une équipe
interdisciplinaire solide, complète, avec le service social, souvent,
malheureusement, pas assez de psychologues, très peu de psychologues dans notre milieu
en général puis dans le milieu de santé… Donc, avec les équipes, ensemble,
on se donne les uns les autres le soutien, mais il demeure que c'est souvent
extrêmement souffrant.
Et, quand
notre patient reprend un peu… avec tout ce qu'on fait comme équipe, il reprend
un petit peu le dessus puis il sourit un petit peu plus… Bon. Mais, si
on va, mettons, en cardiologie, avec un patient qui a une insuffisance cardiaque, qui a fait trois fois de l'eau sur les
poumons, qui a été… trois fois revenu à l'urgence, puis que, là, il dit :
Là, il dit, vraiment, c'est difficile... Il n'a pas l'équipe interdisciplinaire formée
comme nous on a en soins palliatifs, développée, habilitée, qui est habituée d'entendre des gens qui disent : C'est
fini, cette vie-là, je n'en veux plus, je ne suis plus capable. Ça n'existe
pas, ça. Si on veut avoir les soins palliatifs compétents, interdisciplinaires,
dans notre société, qui soient adéquats, si
on veut, il faut que ça, cette force-là, soit disponible au service de cardio,
au service de néphro, avec les patients dialysés qui sont fatigués, ils ont eu une mauvaise semaine, puis ils
disent : Ah, c'est assez, je n'en veux plus, de la dialyse. Et ces patients-là sont tous des gens en fin de
vie, là. Quand je parle des grands cardiaques qui ont fait trois fois des
épisodes d'oedème sur les poumons, là, c'est
des gens qui tiennent à un fil, qui peuvent faire encore une année, mais qui
peuvent aussi mourir dans les prochains temps. Donc, ils vont rentrer dans
notre espace fin de vie, là. Mais il faut qu'il y ait quelqu'un, là, qui soit
capable aussi de les aider.
Et l'autre
chose que je veux ajouter… Donc on est beaucoup à avoir besoin d'aide. Beaucoup
de médecins ne sont pas en soins
palliatifs. Tous les médecins, hein, la majorité sont vraiment engagés pour
trouver des nouveaux chemins pour guérir, pour sauver. Ça fait que c'est
une petite minorité, là, qui s'est comme mis à la main… qui s'expose avec cette fin, là, ou le fait que les humains meurent.
Donc, oui, on a besoin nous-mêmes, en soins palliatifs, de soutien. Et
les autres, il me semble que les autres vont
en avoir un besoin mais démesuré partout dans les hôpitaux, là, où on va se
mettre à faire l'euthanasie. Ça va être
incroyable, là, ça va être la souffrance partout. Nous, on est habitués de
souffrir, quelque part, mais on a
développé, hein… mais les autres, non. Et, quand on dit que les soins
palliatifs ne sont pas accessibles, on ne les voit pas, nous, les
patients en cardio, on ne les voit pas, les patients en pneumo, là, qui ont une
maladie cardiaque chronique depuis déjà
deux, trois, quatre années, qui sont venus trois fois à l'urgence, qui sentent
bien, là, que bientôt ils vont
partir, là. Mais nous, on ne les voit pas, on n'a pas de consultation, on n'en
a pas pour les patients qui ont des maladies pulmonaires obstructives
chroniques sévères. Nous, on voit ces patients-là à la toute fin parfois…
cette clientèle-là, souvent, pas du tout parce que la mort, on ne peut pas la…
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
Mme Dallaire (Michelle) : …la
préciser.
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
Mme Dallaire (Michelle) : En
conclusion… Oui, oui, on va avoir besoin d'aide.
Le Président (M.
Bergman) : Alors, ceci met fin au bloc de l'opposition
officielle. Pour le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault :
Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au Dr Vinay. Sincèrement, j'ai
lu votre mémoire, ça fait plusieurs heures qu'on entend des groupes qui
ont des positions différentes envers l'aide médicale à mourir, je peux vous dire que toutes les interventions se
sont faites dans le respect, mais j'avoue que, quand je reçois votre
mémoire, je n'y vois plus aucune crédibilité lorsqu'on arrive au point 12 et qu'un
professeur émérite de votre trempe signe un document où il est inscrit et où l'on
affirme que «les médecins hospitaliers seront en conflit d'intérêts avec le
malade puisqu'ils retireront des bénéfices personnels directs en posant un
geste euthanasique».
Sincèrement, je peux comprendre votre position,
comme on peut comprendre la position de ceux qui sont favorables, mais, quand on a des affirmations de la sorte venant d'un
professeur de votre trempe, sincèrement vous perdez toute crédibilité à
mes yeux, et je vous le dis.
Ma
question : Est-ce que les cosignataires de ce document ont vu l'article 12?
Et est-ce que tous les médecins qui sont listés en annexe ont aussi vu
le document avant que vous nous l'envoyiez?
Le Président (M. Bergman) :
Dr Vinay.
M. Vinay (Patrick) : Les médecins
qui sont en annexe se sont simplement prononcés sur le fait qu'à leurs yeux l'euthanasie
ne soit pas un soin. Ils n'ont pas vu ce document.
Une voix : Palliatif.
M. Vinay
(Patrick) : L'euthanasie n'est
pas un soin palliatif. Cette annexe ne vise, au fond, qu'à vous montrer
qu'il ne s'agit pas là d'une opinion très minoritaire de la part des soins
palliatifs de penser que l'euthanasie ne soit pas un soin.
Pour le
reste, la première partie de votre question, ce document n'est pas mon document, c'est notre document, et tous les membres de notre conseil d'administration l'ont vu plus qu'une fois avant que nous l'envoyions,
et donc c'est les résultats d'une concertation. Je crois qu'il ne faut
pas le regarder autrement que comme la nécessité d'avoir à la fois la justice et l'apparence de justice. Ce
paragraphe, tout ce qu'il dit, c'est qu'il dit que l'on peut lire qu'il y ait
des conflits d'intérêts à l'intérieur de ce geste. Il y a peut-être
moyen de faire qu'il n'y ait pas d'apparence de conflit d'intérêts à l'intérieur de ce geste. Je ne vois pas ces moyens
dans la loi. Peut-être que nous pouvons améliorer l'organisation de
cette loi pour que personne ne pense qu'il y
ait des conflits d'intérêts, mais, des gens qui le pensent, madame, il y en a,
et j'en ai entendu plusieurs, surtout d'un grand public.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Groulx, il vous reste 1 min 30 s.
Mme
Daneault :
Je m'excuse de vous dire ça, Dr Vinay, mais sincèrement de penser que les
médecins sont réduits à servir leurs malades, à soigner leurs malades en
bénéficiant d'intérêts personnels, c'est carrément… pour le corps médical, c'est insultant… dont je fais partie. Et
je ne pense pas qu'à l'intérieur de ce projet de loi… Et, s'il y a lieu
d'ajouter certaines balises, je pense que
tout le monde ici, autour de la table, est de bonne foi et a travaillé dans le
respect de tous les individus, incluant le corps médical, et je pense
que, si, oui, effectivement, il y a des balises à ajouter, on est ouverts à le
faire. Mais, de là à affirmer que les médecins retireront des bénéfices
personnels et iront vers cette option-là, uniquement dans cette voie-là,
sincèrement je pense que c'est de dénigrer l'ensemble du corps médical et c'est
tout à fait, de votre part… sérieusement, c'est
insultant. Et c'est une insulte à ma profession, je vous le dis. Et je suis
profondément insultée aujourd'hui de lire ça. Et j'espère qu'on pourra corriger
cette vision…
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
Mme
Daneault : …et
ensemble, en assurant qu'il n'y ait pas de mauvaise perception à cet égard-là.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est
écoulé. Alors, Dr Vinay, Dre Dallaire, merci pour votre présentation,
merci de partager votre expertise avec nous.
Je demande aux gens de NOVA Montréal de prendre
leur place à la table. Et, collègues, je suspends pour quelques instants
seulement.
(Suspension de la séance à 12 h 8)
(Reprise à 12 h 9)
Le
Président (M. Bergman) : Alors, je souhaite la bienvenue à NOVA
Montréal. Dr Laplante, Mme Mainville, bienvenue.
Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec
les membres de la commission. S'il
vous plaît, donnez-nous vos noms, vos titres, et le prochain 15 minutes, c'est
à vous pour faire votre présentation. Bienvenue.
NOVA
Montréal
Mme Mainville (Marie-Claude) : Bonjour. Tout d'abord, on tenait profondément à
vous remercier de nous avoir invités,
on a été très touchés. NOVA Montréal existe depuis 118 ans, mais presque
personne ne nous connaît, donc, qu'on nous reconnaisse et qu'on nous
invite, ça nous a fait très chaud au coeur.
Mon nom est Marie-Claude Mainville, je suis, de formation,
une infirmière, actuellement directrice générale de NOVA Montréal et j'ai presque 30 ans d'expérience en soins
palliatifs comme infirmière. J'ai travaillé dans un milieu hospitalier au tout, tout, tout début des soins
palliatifs, j'ai travaillé dans une maison de soins palliatifs et j'ai
travaillé à domicile, donc 30 ans d'expérience en soins palliatifs. Et, Dr
Laplante…
• (12 h 10) •
M. Laplante (Michael) : Michael
Laplante, chirurgien en retraite. Et je suis ici représentant le conseil d'administration de NOVA Montréal. Alors, je suis président du conseil, et ce n'est
pas nécessairement complètement mes vues personnelles que
je vais essayer d'exprimer. Alors, le mémoire est à Mme Mainville.
Mme Mainville (Marie-Claude)
: Donc, je vais procéder à la lecture de notre
mémoire. Je crois qu'on va arriver dans le 15 minutes et répondre à vos questions.
On pourra expliquer davantage notre position. N'hésitez pas.
Donc, premièrement, c'est un constat qu'on n'est pas tous égaux devant la mort. Et la mort
est un phénomène naturel. Je vous
annonce qu'on va tous mourir. Évidemment, on ne meurt pas tous de la même façon
ni avec les mêmes souffrances. Donc,
dans la plupart des cas, lorsqu'un malade est bien entouré, adéquatement traité
et maintenu dans une zone de confort
et que le personnel qualifié répond à ses besoins, les derniers moments de sa
vie se déroulent habituellement dans le calme et la sérénité, et c'est
notre expérience.
Les soins
palliatifs, ce n'est pas juste les soins en fin de vie; pour nous, c'est l'ensemble
des soins qui sont prodigués à des
personnes dont la maladie est potentiellement incurable et l'espérance de vie
limitée, dont les objectifs sont la qualité de vie, le respect et la dignité jusqu'à la mort. Et nous nous devons,
comme professionnels en soins palliatifs, de répondre aux
besoins multiples de ces malades, physiques, psychologiques, sociaux et
spirituels. C'est une philosophie de transparence, de franchise et de dialogue avec le malade et
ses proches et c'est accompagner ceux-ci dans leur cheminement dans la maladie jusqu'à la mort. Nous visons à
améliorer la qualité de vie; nous ne visons pas le prolongement de la
vie à tout prix ni la précipitation de la
mort. Munie d'une longue expérience auprès des personnes atteintes de cancer ou
autres maladies en phase terminale, NOVA Montréal désire soumettre sa position.
Donc, juste un petit peu pour l'histoire, depuis
1898, NOVA Montréal, anciennement le
VON — et là il
y a une petite erreur de frappe — c'est la Victorian Order of Nurses ou l'ordre des infirmières de Victoria.
Donc, les toutes premières infirmières visiteuses ici, au Québec et au Canada, étaient le VON, donc NOVA Montréal. On a
toujours offert des services infirmiers à domicile à la communauté de la
province de Québec, mais, à l'arrivée des CLSC, nous nous sommes concentrés à
la communauté montréalaise. Il n'y a plus de VON au Québec, excepté NOVA
Montréal, trois branches, uniquement dans la région de Montréal.
Donc, au
cours des années, NOVA a cherché à aider ceux qui en avaient le plus besoin
sans faire un duplicata des services, et on a commencé au début des
années 90, quand ce n'était pas encore très la mode, les soins palliatifs. Les infirmières de NOVA se sont consacrées à aider les
personnes atteintes de cancer principalement, qui désirent finir leurs jours à la maison et vivre ces derniers moments
dans les meilleures conditions possible. NOVA fait des soins palliatifs depuis, donc, bientôt 25 ans. Et nous sommes un
organisme communautaire sans but lucratif. Nous offrons gratuitement nos services spécialisés à la population et nous
sommes entièrement tributaires de nos donateurs et de nos dons. Donc, on
ne reçoit aucun autre argent à part les gens qui donnent à NOVA.
Voici ce qui
ressort de cette longue expérience. Il est illusoire de penser que les familles
peuvent donner tous les soins nécessaires au bien-être d'une personne
atteinte d'un cancer en phase terminale qui désire mourir à la maison. La famille seule ne peut pas y arriver. Pour être
efficaces, le contrôle de la douleur, la gestion des médicaments, le
support psychologique, entre autres, doivent
être supervisés par des professionnels de la santé dans une équipe
multidisciplinaire. S'ils reçoivent des soins adéquats à domicile qui les
maintiennent dans une zone de confort, un grand nombre de ces patients terminent leur vie entourés de leurs
proches dans le calme et la sérénité. Et là, évidemment, c'est plus
compliqué que ça, ça prend un milieu
adéquat, apte, formé, etc. Pour d'autres qui vivent une grande détresse causée
par la douleur physique et/ou
psychique que la médecine n'arrive pas à soulager — et ça représente de 3 % à 5 % de notre clientèle — le
choix de mourir dignement au moment voulu devient une option envisageable. C'est
un constat.
Donc, des
exemples. Depuis plus de deux décennies, chaque année, les infirmières de NOVA
sont appelées au chevet des patients. On en suit en moyenne 403 par
année, donc c'est à peu près ce qu'on suit dans notre organisme annuellement.
Voici les observations des statistiques maison de notre organisme. 36 % de
nos patients suivis par NOVA, évidemment conjointement avec les divers CLSC de notre territoire
parce qu'on couvre divers CLSC, 36 % voient leurs voeux se réaliser et meurent à la maison
dans de bonnes conditions. 30 % de ces patients de NOVA Montréal — pas du 36 %, mais de la totalité de nos patients — souffrent de douleurs difficiles à contrôler
et, à un moment donné ou un autre, vocalisent le désir de mettre fin à
leur vie, mais, très souvent, après un contrôle efficace de leurs symptômes,
dans 27 % des cas, cette option n'est
plus à l'avant-plan, et nous reconnaissons plus une demande dans le sens de
vouloir être soulagé que d'en finir
réellement. Cependant, il existe encore toujours le même 3 % à 5 %
pour qui, malgré tous nos efforts, il y a une grande détresse, et ils
veulent en finir.
Quelques exemples que
je vous ai donnés, c'est des cas réels, précis. Je pourrais vous en donner
2 012, mais j'en ai choisi
quelques-uns. Françoise, 64 ans, atteinte d'un cancer du côlon en phase
terminale. Malgré la bonne volonté de ses
quatre enfants, ils font appel aux infirmières de NOVA Montréal parce que c'est
le chaos, c'est la panique. Rapidement, le calme fait suite au chaos, l'état de la patiente est stabilisé, la
famille, rassurée, et soulagée, réconfortée. Françoise voit enfin son voeu se
réaliser, et elle termine sa vie chez elle entourée des siens. Évidemment, ça
ne s'est pas fait en deux jours, on s'entend.
Pour
Louis, dans la trentaine, atteint également d'un cancer en phase terminale, c'est
une agonie lente. Il accepte éventuellement
son décès imminent, il est calme, il est prêt à mourir, mais il trouve ça trop
long. Il se confie à l'infirmière : Je m'endors en espérant mourir dans mon sommeil. Chaque matin, je me
réveille déçu, je suis encore vivant. Moi qui veux mourir, dites-moi
pourquoi est-ce que je vis encore.
Troisième
cas : Aline, 83 ans, souffrant d'un cancer de poumon en phase
terminale, exprime son désir de terminer ses jours chez elle, entourée des siens. Elle est stable, non
souffrante, elle a cependant de la difficulté à respirer, cancer de
poumon exige. Les enfants sont incapables de la regarder mourir, ils veulent l'euthanasie
pour leur mère. On achève bien les animaux, pourquoi faut-il encore la regarder
mourir? Et ça, ça nous est très, très souvent dit.
Notre
position. Alors, évidemment, je pense que je l'ai entendu
précédemment, il faut bien éclaircir le langage utilisé. Le projet
de loi mélange un peu les termes, ou du moins c'est ce qu'il nous semblait,
sans distinction. Dans le chapitre 1.3.3,
«soins de vie», «soins palliatifs», «sédation palliative terminale»,
«euthanasie», et voilés sous l'aide médicale à mourir, nous semblent un
peu mélangés et pas bien définis.
Pour
la définition des soins palliatifs, je l'ai déjà dit ci-haut, précédemment,
mais ce n'est pas uniquement les soins de
fin de vie, un client peut bénéficier des soins palliatifs parce qu'il n'y a
pas de soins curatifs à donner, possibles pour sa maladie, et sa maladie
peut évoluer pendant plusieurs années, et c'est pourtant un soin palliatif mais
pas terminal. Donc, «soins palliatifs» n'est
pas juste «soins aux mourants», en d'autres termes. Et les soins palliatifs
incluent bien sûr les soins de fin de vie aussi. Donc, il y a une
distinction ici à faire. Et nous devons parfois nous battre pour que des gens malades acceptent nos services de soins palliatifs
afin que nous puissions mieux contrôler leur douleur ou leurs symptômes,
et ils nous refusent parce qu'ils
disent : Bien, je ne suis pas encore mourant. Donc, on a de la difficulté,
nous, à voir que «soins palliatifs» existe juste sous la forme de soins
aux mourants. «Soins palliatifs» devrait être «soins de confort», soins pour les gens pour qui il n'y a plus de
traitement curatif possible, mais ils ont encore du temps à vivre puis ils
ne sont pas, par nous, considérés comme des mourants. Alors, c'est une
distinction qu'il est important de faire.
• (12 h 20) •
La sédation
palliative terminale. Nous aussi, on utilise plus le terme «sédation
palliative». Nous avons, par expérience,
très rarement recours à la sédation palliative terminale telle qu'on l'entend,
mais elle est une option légale et éthique,
quant à nous, pour éventuellement soulager le 3 à 5 % des patients non
soulagés. Il ne s'agit pas de mettre un terme à leur vie, ce n'est pas utilisé pour achever leur vie, et ça, c'est
très important, nous aussi, que vous le compreniez dans ce sens-là. Mais ça permet à ces personnes de dormir quand ça devient insupportable de se voir
mourir soit parce qu'on a des
souffrances physiques ou soit parce qu'on a des souffrances physiques ou
psychiques. Et ce n'est pas utilisé six mois avant
qu'ils meurent, c'est utilisé dans les derniers jours pour leur permettre de ne
pas être conscients qu'ils sont en train de mourir. Et j'ai déjà vu... Je peux vous en dire, plusieurs cas où les
médecins avaient finalement prescrit la médication d'aide à mourir, et, quand je suis venue pour la leur
donner : Non, je ne veux pas mourir. Mais vous n'allez pas mourir,
c'est un médicament... vous l'avez demandé,
vous aviez demandé à être soulagé, c'est-à-dire de dormir. Donc, encore une
fois, dans les souhaits, parfois, des patients,
ce qu'on entend, c'est : Aidez-moi, plus que le souhait réel de mourir.
Mais là je ne rentre pas dans ce débat-là.
L'aide médicale à
mourir ou euthanasie, comme on l'entend, comme nous le comprenons dans le texte
de loi, va à l'encontre de notre philosophie
de soins palliatifs et, quant à nous, n'est ni légale ni éthique. En 2013, on
doit encore se battre pour convaincre le grand public et démystifier la
morphine comme n'étant pas un médicament qui tue, mais un médicament qui va aider leur douleur. Donc,
associer les soins palliatifs à un milieu qui va leur donner l'aide
médicale à mourir, on pense que c'est une voie dangereuse.
Le
suicide assisté — je sais
que vous n'en avez pas parlé dans votre projet de loi — qui est permis aux États-Unis selon des critères bien établis, en Oregon et dans
l'État de Washington, permet au médecin de prescrire une médication mortelle
que le patient prend lui-même lorsqu'il en juge le moment, et ça s'adresse aux
personnes en fin de vie, nous démontre que très peu de malades passent à l'acte,
comme si le besoin de décider pour eux-mêmes était plus fort que le désir vraiment d'en finir. Si toutes les
demandes d'en finir se terminaient par l'aide médicale à mourir telle que
décrite dans le projet de loi, qu'arriverait-il
de ceux qui avaient la possibilité de le faire et ne l'auraient pas fait? Et, à
domicile, on suit, comme je vous dis, 400 cas par année. Ils ont tout ce
qu'il faut à la maison éventuellement pour passer à l'acte, s'ils le
souhaitaient, parce qu'ils ont de la morphine et ils ne passent pas à l'acte.
Donc, ça pose question aussi.
Nous croyons que le
projet de loi va, à notre avis, beaucoup trop loin. Et, pour nous, l'euthanasie
est éthiquement inacceptable alors que la majorité des gens n'ont pas accès à
des soins palliatifs égaux pour tous et un bon contrôle de leurs symptômes. Il
faut qu'il y ait des ressources financières adéquates et des ressources
humaines compétentes et formées en soins palliatifs pour soutenir les clients
et leurs familles dans leur cheminement face à une mort probable.
Nous
ne souhaitons pas non plus que l'euthanasie puisse être perçue de la part du
gouvernement… ou acceptée pour des
raisons économiques. Nous, NOVA, on se fait dire que les gens n'ont pas les
moyens financiers. Le gouvernement n'a pas les finances pour nous aider.
Donc c'est limité. Et on ne voudrait pas que, pour des raisons économiques, l'euthanasie
devienne accessible… mais plus pour des raisons de compassion. Lorsque tous les
malades auront des services de soins
palliatifs adéquats au Québec et qu'on répondra à tous leurs besoins, on croit
peut-être que l'on pourra rouvrir le
débat. Mais ce que nous croyons, c'est que, si une personne souffre et n'a pas
accès à des soins palliatifs, c'est plus facile de demander l'aide médicale à mourir que si elle reçoit des soins
et qu'on s'occupe de son confort et qu'on s'occupe de sa douleur ou de
sa souffrance émotionnelle.
Et je rajouterais que, pour les soins
palliatifs, en majorité, au Québec, peut-être que ça va changer, mais, pour l'instant,
il faut que vous ayez le bonheur d'avoir un cancer — et je dis bien «le
bonheur d'avoir un cancer» — pour
avoir accès aux soins palliatifs, parce que, si vous avez
une sclérose en plaques ou si vous mourez de la maladie de Lou Gehrig, vous n'avez pas accès aux lits de
soins palliatifs ou aux résidences de soins palliatifs, qui se limitent aux
gens avec un cancer. Et c'est très triste
pour cette population-là aussi. Et c'est une réalité. Donc, on ne meurt pas
tous égaux, c'est évident. Merci.
Le
Président (M. Bergman) : Merci pour votre présentation. Pour le
premier bloc du gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Bonjour. Alors, merci beaucoup d'être ici. En fait, oui, on vous a invités,
vous êtes peu connus, mais je vous
avais entendus lors... j'ai eu la chance de faire l'autre commission. Ce n'était
pas vous deux qui représentiez, je crois…
Mme Mainville (Marie-Claude) : Non,
c'était Marla Stovin, je crois.
Mme
Hivon :
… — oui, c'est
ça — donc,
votre regroupement. Mais on avait été très impressionnés parce que c'étaient
des infirmières qui nous avaient parlé avec leur coeur de l'accompagnement qu'elles
faisaient au quotidien à domicile avec une
grande expertise. Et, je vous dirais, autant pour votre expertise, votre
expérience que pour, je dirais, votre
transparence, tel que ça nous avait été reflété quand on avait entendu NOVA, on
avait tous été, les membres de la commission,
très impressionnés puis on avait trouvé que c'était un apport significatif. Et
donc, pour nous, c'était important de
pouvoir vous entendre. Parce qu'on entend beaucoup, beaucoup de médecins, et
puis c'est très important, les médecins, mais les infirmières, on sait à quel point elles sont au premier plan
dans la fin de vie, avec les soins palliatifs,
donc je pense que c'est aussi
très important. Alors, merci beaucoup d'être ici.
Je dois vous
dire que, pour ce qui est de… Puis je trouve ça intéressant parce que,
pour une fois, les gens… On a eu, là,
hier, beaucoup de regroupements en soins palliatifs, et à peu près
personne ne nous parle des soins palliatifs, ils nous parlent uniquement de l'aide médicale à mourir. Donc, on a compris qu'il y avait beaucoup
de gens en soins palliatifs qui n'étaient
pas à l'aise. Mais je pense qu'il y a tout un volet du projet de loi aussi et du chantier qui est entrepris qui porte sur les soins palliatifs. Donc, je suis heureuse de
voir que vous parlez quand même de la réalité des soins palliatifs dans ce
que vous nous avez transmis comme mémoire.
Donc, à ce
sujet-là, je voulais peut-être vous faire part de quelques éléments. C'est
certain qu'on est tout à fait
d'accord avec vous — je
vais prendre le dernier point — sur le fait que… bien, l'avant-dernier, je
pense… mais que les soins palliatifs
doivent intervenir plus tôt et en parallèle, je dirais même parfois avec
du curatif ou dès lors qu'on sait qu'il
n'y a plus de possibilité curative, mais le projet de loi… Ça ne fait pas en
sorte qu'on ne travaille pas sur ce front-là effectivement, mais le projet de loi est un projet de loi, c'est vrai,
dédié à la période qui est la fin de vie parce qu'on pense que c'est une période qui est très importante, où
l'accompagnement requis doit être présent et on doit pouvoir répondre
aux souffrances de la meilleure manière possible. Ça n'exclut pas l'autre
partie.
L'autre chose
que je suis très contente de vous entendre dire, c'est qu'il y a encore
beaucoup de difficultés — bien, contente
et pas, mais c'est pour ça que j'apprécie votre transparence — pour les personnes qui ne souffrent pas de
cancer, qui ont, par exemple, une maladie dégénérative, d'avoir accès aux soins
palliatifs en fin de vie. Parce qu'on a un son de cloche parfois différent, d'institutions qui nous disent qu'il n'y a
aucune discrimination, qu'on accepte tout le monde. Mais, quand on regarde dans les faits, c'est à peu
près exclusivement des gens qui souffrent de cancer. Évidemment, c'est beaucoup plus complexe d'accompagner, je pense… et
c'est plus long parce que la fin de vie d'une personne qui a une maladie
neurodégénérative, une SLA, tout ça, est beaucoup plus longue et complexe. C'est
pour ça que, des fois, je dis que la fin de
vie ne se mesure pas de la même manière selon la maladie. Mais c'est quelque
chose qu'on constate et sur quoi on travaille très fort, tout comme la
bonification en général des soins palliatifs, et surtout en mettant l'accent
sur les soins palliatifs à domicile. Donc, on a bon espoir qu'on puisse changer
les choses pour faire ce virage-là, qui, je pense, est demandé aussi par la
population.
Je voulais vous amener sur la question du… Je
trouve ça très intéressant quand vous nous… Parce que c'est documenté, là, puis moi, j'aime ça quand c'est
clairement documenté. Donc, vous nous dites combien de personnes que vous suivez peuvent, à un moment ou l'autre, vous
exprimer le souhait que ce soit fini, qu'ils n'en peuvent plus, puis
tout ça, et que, quand, par exemple, ils
sont bien accompagnés, ça diminue significativement. Puis vous évaluez à
3 %, à 5 % le nombre de personnes à qui vous n'êtes, en
quelque sorte, pas capables d'amener une réponse satisfaisante. Puis ça correspond, je vous dirais… Michel Sarrazin nous
disait 5 % à 6 %. Et puis on avait une étude, hier, dont je faisais
mention, qui l'évaluait à 5,8 %. Donc des gens qui, au fil du temps,
continuent à demander à chaque jour, et tout ça.
Donc, votre
position, je l'entends. Vous dites que personnellement… en tout cas, Nova ne
souhaite pas l'ouverture à l'aide
médicale à mourir. Je serais quand même curieuse de vous entendre parce que,
quand vous étiez venus dans l'autre commission, vous aviez une position
différente, donc, en demandant que le droit de chaque personne de décider de la
fin de sa vie soit respecté, et tout ça.
Donc, peut-être nous expliquer ce qui a modifié les choses. Mais ma question,
plus fondamentalement, c'est : Si
3 % à 5 % des personnes, avec les meilleurs soins palliatifs — parce que je pense que vous offrez
pas mal la Cadillac des soins palliatifs — continuent à formuler une
telle demande, qu'est-ce qu'on fait avec ces gens-là?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Mainville.
• (12 h 30) •
Mme Mainville (Marie-Claude) : C'est qu'en règle générale… Premièrement, comme
je dis, c'est ça, tous les efforts sont faits dans le sens d'essayer de
combler leurs besoins, essayer de voir où est-ce que ça… où est-ce qu'on ne répond pas à leurs
besoins pour qu'elles en arrivent à demander ça. Soit c'est une souffrance
physique, à cause du cancer, de la
maladie, de l'atteinte nerveuse, neurologique ou neuropathique de tout ça, qui
fait que les douleurs sont plus difficilement
contrôlables malgré toute l'expertise qu'on a en 2013. On est capables d'aller
sur la planète Mars, donc, des fois,
on est aussi capables de les soulager. Mais c'est au prix de la conscience.
Alors, des fois, la personne veut rester lucide, veut rester en contrôle mais souffre. Et là, bien, on a tout le débat
avec eux de dire : Bien, écoutez, on pourrait éventuellement
soulager davantage vos souffrances physiques, mais ça serait peut-être au prix
de votre conscience. Donc, on serait obligés d'arriver à des doses de morphine extrêmement
élevées, ou de Dilaudid, ou peu importe la médication, qui feraient que vous
seriez éventuellement soulagé, mais vous dormiriez les trois quarts du temps.
Ou alors on pourrait aller — et
ça, c'est un plan thérapeutique qui doit être discuté avec les médecins ou avec
les infirmières, mais nous, on pousse
pour que le dialogue soit ouvert — vers la sédation terminale. Si la souffrance
est telle, physique, on n'hésitera pas à donner des médicaments pour les
faire dormir ou, du moins, les déconnecter de leurs souffrances. On prendra
tous les moyens qu'il faut. Mais on ne précipitera pas, donc on ne donnera pas
une dose létale qui va faire : Ah, inquiétez-vous pas, on est bonnes, nous
autres, vous allez voir, vous ne souffrirez plus. Mais on leur explique qu'évidemment, s'ils dorment les trois quarts du
temps et qu'ils sont rendus là, là, qu'on est rendus dans les derniers
jours, bien ils ne mangeront plus, ils vont
boire de moins en moins, et évidemment la mort va arriver, mais ils ne seront
pas conscients.
Donc,
on l'offre, on offre en équipe multidisciplinaire ce choix-là aux patients, c'est
ça qu'on fait avec notre 3 % à 5 %. Et on essaie de voir, si c'est
psychologique, on peut, à ce moment-là, demander l'ajout d'un psychologue, si
ce n'est pas déjà fait, ou d'un psychiatre,
ou d'une médication antidépressive si on pense que c'est une dépression qui
fait qu'ils demandent ça. Mais il y a des
gens pour qui c'est leurs valeurs, ils veulent en finir. Et à ce moment-là on
fait tout ce qui est en notre
ressort. Mais on ne peut pas dire : Bon, bien, vous voulez mourir, donc on
va le faire, parce qu'à l'heure actuelle c'est criminel.
Et la position de
NOVA, vous m'aviez posé la question. En fait, on a toujours été des grands
défenseurs des besoins des clients et, dans
le dernier mémoire, que j'ai relu aussi, on laissait la porte ouverte en
disant : Bien, ils ont le droit de choisir. Et, quand je pose la
question à mes infirmières : Est-ce que vous seriez prêtes à la faire, de
donner vous-mêmes l'injection… Je sais que,
dans votre texte de loi, c'est aux médecins qu'on pose la question, mais la
sédation palliative, c'étaient aussi
les médecins au départ puis maintenant c'est délégué aux infirmières et c'est
les infirmières qui donnent la
médication. Donc, je me dis : Est-ce que vous seriez prêtes à le faire? Et
c'est partagé. Il y en a que c'est non, jamais, et d'autres oui. Mais la position de NOVA Montréal, c'est qu'on
pense qu'il y a d'autres moyens que l'euthanasie pour arriver à soulager
les souffrances.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Est-ce que vous… Parce que vous êtes en contact avec les gens, puis tantôt c'était
intéressant parce que… Puis je suis tout à
fait d'accord avec vous qu'il y a encore beaucoup de pédagogie à faire pour que
les gens comprennent bien, puis tout ça. Et, quand on tombe dans des
termes… Puis c'était intéressant, la semaine dernière, il y avait quelqu'un qui nous disait : La
personne, elle ne dira pas : Je veux une sédation palliative continue ou
je veux une aide médicale à mourir.
Elle va dire : Écoutez, je voudrais dormir jusqu'à… et ne plus jamais me
réveiller, ou elle va dire : Je voudrais
que ça s'arrête maintenant, je n'en peux plus, je veux que vous me donniez
quelque chose qui va faire en sorte que je vais mourir. Donc, c'est sûr
que la personne, elle ne dira pas…
Mais
moi, je pense que les gens, ils comprennent quand même assez bien ce dont il s'agit.
C'est notre défi à tous, puis je pense que c'est un défi aussi aux
soignants d'expliquer tout ça. Parce que, on se rend compte, ça fait 20 ans qu'il y a eu beaucoup de modifications au Code
civil pour préserver le principe de l'autonomie de la personne et le
refus de traitement, le refus de l'acharnement
thérapeutique. Tout ça est tout à fait accepté et devrait être la norme. Et on
se rend compte à quel point il y a beaucoup de gens qui sont encore, je
dirais, dans le doute. Donc, je pense que c'est une responsabilité collective — nous, élus, vous, soignants — de démystifier un petit peu tout ça. Et
nous, on souhaite le faire avec des
outils de communication pour que les gens, ça ne soit pas quand ils sont en
toute fin de vie qu'ils se mettent à se poser ces questions-là, mais qu'il
y ait une plus grande sensibilisation à cet égard-là. Mais… Oui?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Mainville.
Mme Mainville (Marie-Claude) : Mais il faut juste décoder, c'est bien important de décoder, là, «je n'en
peux plus, je veux mourir», puis je pense
que j'ai insisté là-dessus, parce que ce n'est pas à prendre toujours au
premier degré.
Le Président (M.
Bergman) : Alors, ceci met fin au premier bloc du gouvernement.
Pour le premier bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Alors, bonjour, merci pour votre présentation qui est
assez limpide. J'avais un certain nombre de
questions, et là vos échanges avec la ministre ont permis de clarifier aussi
cette question-là, surtout sur le
3 % à 5 %. Donc, ce que je comprends, vous, le 3 % à 5 %
des patients qui sont rendus vraiment au bout, au bout du rouleau, vous,
vous les dirigez davantage vers la sédation palliative terminale?
Mme
Mainville (Marie-Claude) : C'est une option.
Mme Vallée :
Oui, c'est une option. Je comprends que ça fait partie de ce qui est présenté
comme offre d'accompagnement et de soins, et que cette sédation-là s'accompagne
également d'une réduction de l'hydratation puis de l'alimentation
donc. Je veux juste la raison, là. Ce
n'est pas un piège. C'est parce qu'on a certains groupes qui nous disaient : Oui, nous, on va privilégier
une sédation qui va simplement amener la personne dans une inconscience,
mais il n'y aura pas d'autres gestes de posés, c'est-à-dire on ne va pas précipiter la mort en réduisant l'hydratation,
en réduisant l'alimentation.
Et
donc elle est là, à mon avis, la distinction, puis on doit bien faire la part
des choses. Il y a la sédation palliative, la sédation qui amène la personne à ne pas être
consciente de ses douleurs, qui peut être utilisée en fin de vie, mais qui peut être utilisée à
d'autres moments, dans d'autres circonstances; mais il y a
cette sédation palliative terminale, continue, peu importe, qui s'accompagne
aussi d'une réduction de l'hydratation et de l'alimentation, qui ultimement
aura un effet.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Mainville.
Mme Mainville (Marie-Claude) : C'est
que le médicament que vous donnez doit être donné d'une façon régulière et continue, sinon la personne se réveille, à
moins qu'elle soit déjà rendue dans un état comateux. Mais, si vous
dormez tout le temps, vous ne mangez plus et
vous ne buvez plus. Vous ne pouvez pas vous réveiller puis dire : Ah, là,
tout d'un coup, j'ai faim. La
médication force le sommeil, c'est un curare qui est utilisé, qui n'affecte
pas… En tout cas, pour parler en termes
médicaux, là, c'est un médicament qui n'affecte pas les centres respiratoires,
donc la personne n'arrêtera pas de respirer
sous ce médicament-là, mais elle va dormir comme une personne en anesthésie.
Mais vous n'aurez pas besoin de l'intuber, par exemple, pour la faire
respirer; elle va respirer, ça n'affecte pas sa respiration.
Mais elle va vraiment dormir profondément, vous
ne pouvez pas la réveiller. Donc, si vous ne pouvez pas la réveiller… Bien, vous pouvez la réveiller si vous
attendez que le médicament ne fasse plus effet, et, à ce moment-là, elle
va cuver son médicament puis elle va se réveiller. Mais, si vous ne la laissez
pas se réveiller, et c'est ce qu'elle souhaite, évidemment elle ne mangera plus et elle ne boira plus. Mais nous, en
soins palliatifs, on ne prône pas le soluté, par exemple, pour l'hydrater par les veines alors qu'elle est
comateuse parce qu'à ce moment-là vous allez remplir ses poumons d'eau
et vous allez avoir une agonie atroce. Donc,
évidemment, on ne prône pas l'alimentation pendant qu'elle dort. Mais,
lorsque vous donnez de la sédation, évidemment la personne dort tout le temps.
Et, au début, je me souviens, au début de ma
carrière, là, il y a 25 ans, quand occasionnellement on donnait de la sédation terminale, après 24 heures — et encore dans certains milieux — on les laisse se réveiller pour leur
demander si c'est toujours leur choix. Et,
9,9 fois sur 10, ils ne se réveillent même pas parce qu'ils étaient rendus à
cette étape-là de leur maladie, puis juste le fait qu'on les ait bien
endormis, le naturel prend le dessus et ils meurent de façon naturelle, mais en
dormant. On ne précipite pas rien et on continue les antidouleurs, etc., mais
on ne les nourrit pas de force par des solutés. Oui.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Lorsque je pensais à l'hydratation, je pensais au soluté. Je m'excuse, je ne l'avais
pas précisé, là. Il n'était pas…
Mme
Mainville (Marie-Claude) : …non, non. Ah, non, non, non, jamais. Non,
non. Ça fait des agonies atroces, le soluté.
Mme Vallée :
Et je comprends que, de pousser au-delà de ça, donc d'offrir un soin
additionnel ou supplémentaire qui se
nommerait l'aide médicale à mourir, pour vous, cet élément-là, c'est une étape
additionnelle qui va… on va un peu trop loin. Est-ce que je comprends
bien?
Mme
Mainville (Marie-Claude) : Oui.
Mme Vallée :
O.K. Mais, à ce moment-là — j'essaie de bien comprendre — la distinction, pour vous, entre
cette sédation palliative là où vous me dites : Bien, ils étaient rendus
là, ils étaient rendus à s'éteindre tranquillement, entre l'administration de cette sédation-là et l'aide
médicale à mourir… J'essaie de comprendre. Parce que c'est quand même… c'est délicat. Pour certains, on pourrait
dire : Bien, c'est du pareil au même. Parce que certains groupes qui
oeuvrent en soins palliatifs nous
disaient : La sédation palliative puis terminale, on n'est pas à l'aise
avec, on la met dans le même bateau que l'aide médicale à mourir.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Mainville.
• (12 h 40) •
Mme
Mainville (Marie-Claude) : Merci. Il y a certaines personnes qui nous
disent effectivement que l'aide médicale à…
bien, la sédation palliative, c'est de l'euthanasie déguisée. Dans notre livre
à nous, c'est… C'est sûr que c'est une question de perception, hein?
Parce que, pour certaines personnes, prendre de la morphine, c'est
tranquillement prendre un médicament qui va
vous faire mourir. Donc, évidemment, tout est perception. Mais, pour nous, c'est
offert quand tout le reste a été répondu ou
du moins qu'on a essayé de répondre à tous les besoins, et que la personne est
vraiment rendue en fin de vie, et qu'il lui
reste peut-être, maximum — je dis bien «maximum» — quelques jours à une semaine à vivre.
Contrairement à nous,
l'idée qu'on se fait du projet de loi, de l'euthanasie ou de l'aide médicale à
mourir pourrait être demandée par une
personne lucide, pas rendue dans ses derniers, derniers moments, et qui déciderait
d'avoir ça comme option alors qu'on n'a pas évalué sa détresse psychologique,
qu'on n'a pas fait tout le reste. Donc, c'est pour ça que nous, on en fait une grosse distinction, parce qu'on
le voit, des fois, on arrive dans le décor et la personne nous dit déjà,
alors que sa maladie est terminale : Je veux mourir. Mais on n'a pas
encore évalué sa douleur, on n'a pas encore évalué ses besoins
psychologiques. Et c'est tout de suite ça qu'elle nous dit. Donc, si, tout de
suite, elle nous dit : Aidez-moi, mais
on n'a pas encore fait le tour de toutes les ressources qu'on a pour l'aider
avant d'en arriver là… Et c'est pour
ça qu'on a peur que le piège de donner… l'euthanasie soit trop vite
donnée alors qu'on n'a pas tout fait les efforts dans l'autre sens.
Et, pour nous, quand
on donne de la sédation à la fin de la vie, c'est juste que la personne dort,
elle n'est pas consciente qu'elle meurt, mais on ne précipite pas sa mort. On
ne cause pas la mort avec la sédation. Elle va dormir. Évidemment qu'on joue sur les mots parce qu'elle va dormir, elle
ne mangera pas, elle ne boira pas, mais, de toute façon, souvent, quand
ils sont à ce stade-là, ils ne mangent plus et ils ne boivent presque plus parce qu'ils sont vraiment rendus
dans les derniers milles. Et ce n'est pas proposé à des gens à qui il reste une
espérance de vie de deux à trois mois dans notre façon de pratiquer…
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Donc, la
notion de fin de vie est extrêmement importante pour vous dans toute la question
des soins qui pourraient être offerts aux patients.
Mme
Mainville (Marie-Claude) : Oui.
Mme Vallée :
J'aimerais vous entendre sur un autre élément. Vous mentionniez que seuls les
chanceux — et
je le mets entre guillemets pour les fins de
la sténographie — qui
sont atteints d'un cancer ont accès aux soins palliatifs. Donc, qu'est-ce qui fait ça? Ça, c'est un élément
dont on a très peu parlé avec les regroupements de médecins. Je sais qu'hier
la Société canadienne du cancer a plaidé pour un accompagnement plus rapide en
soins palliatifs auprès de leur clientèle, mais là vous faites état aussi d'autres
maladies, d'autres patients.
Mme Mainville (Marie-Claude) : Chez NOVA, on accepte à… Notre mission, c'étaient vraiment
les cancéreux, les gens qui avaient
un cancer en phase terminale. C'est ça, notre mission première. Mais on s'est
aperçu qu'il y avait un énorme besoin dans la communauté,
et des gens qui n'avaient pas de soins alors qu'ils avaient la maladie de Lou
Gehrig, par exemple, en phase terminale ou un cancer en phase… pas un cancer,
une dégénérescence très importante, je parle de
la sclérose en plaques ou une insuffisance rénale en fin de vie,
et ces gens-là ne pouvaient pas être admis dans les unités de soins palliatifs parce qu'on n'admet que des
gens qui ont le cancer. C'est ça, les critères d'admission. Comme on a
dit précédemment, c'est que ces gens-là, des fois, n'ont pas toujours une
espérance de vie ou un pronostic de deux à trois
semaines, mais ça pourrait être plus long. Et là ils occuperaient des lits, et il y en aurait…
en tout cas, il n'y
en a pas assez, des lits, pour qu'on puisse offrir à tous les mourants
de toutes les catégories… Donc, on se concentre sur…
Et
la douleur du cancer, la souffrance physique du cancer, le fait que le cancer
empiète et vous dévore certains organes — pour
vulgariser un peu ce que le cancer fait dans votre corps — ça
devient plus souffrant, donc un besoin de les soulager davantage. Et on sait, avec le cancer, les statistiques et tout ce qu'il y a autour de ça, qu'on peut bien prévoir… plus ou moins, là, parce qu'on n'est pas des bons
dieux, là, mais on peut avoir un pronostic. On sait que, cette personne,
il lui reste approximativement un mois, trois semaines, un an à vivre.
Évidemment, elle peut déjouer les statistiques et mourir plus rapidement ou faire plus longtemps, mais on a déjà une
piste, alors qu'avec la sclérose en plaques il n'est pas forcément
mourant, il est en terminale de sa maladie et il ne mange plus… bien, il mange
avec aide, mais il est alité presque tout le temps, il est en chaise roulante. Et là, bien, il ne peut plus rester à la
maison et souvent il va être placé en CHSLD
ou ailleurs, alors que ce n'est pas forcément la meilleure ressource
pour lui s'il a 40 ans. Mais il n'aura pas accès à une unité de soins palliatifs telle qu'on l'entend
dans le réseau à l'heure actuelle. Donc, c'est dommage. C'est pour ça que je
dis qu'il faut avoir le bonheur d'avoir un cancer pour être admis dans les
soins palliatifs.
À
domicile, les équipes de soins à domicile qui font des soins palliatifs ont des
critères un petit peu plus larges et des fois vont suivre, aux
soins courants, une personne avec la sclérose en plaques. Mais, si elle ne peut
plus rester à domicile, elle ne finira pas
dans le système de soins palliatifs du domicile, elle va être
placée. Il faut que vous ayez aussi le
bonheur d'avoir une famille qui puisse s'occuper de vous, qui puisse ne pas
travailler et ne pas avoir d'emploi, ou de ne pas avoir un employeur qui permet les congés, ou… Parce qu'encore une fois prendre soin d'un grand malade, ça
implique que vous ayez quelqu'un
qui le fait. Et, si c'est votre conjoint qui a 40 ans, bien il y a
des grandes chances qu'il travaille. Donc, lui, il est placé face à une situation
extrêmement difficile. Et là le placement est envisagé, et ces gens-là qui ont
d'autres maladies que le cancer n'ont pas beaucoup d'options.
Le Président (M.
Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition
officielle. Maintenant, pour le deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon : Je suis
très contente qu'on vous ait invités encore une fois — non,
je dois vous le dire — parce
que je pense qu'avec la question de la sédation palliative… moi, je reviens
souvent là-dessus, puis des fois ça a l'air très
technique, mais je pense que c'est très central aussi. C'est très central en
termes de… Ce n'est pas pour rien qu'il est dans le projet de loi. Puis là certains nous ont dit : Vous, vous
utilisez «terminale», donc je vois que ce n'est pas quelque chose de si inusité, que c'est utilisé. En fait, c'est
un peu un synonyme de «continue», selon moi, là. Sédation palliative continue ou terminale, plusieurs nous ont dit que
c'était mieux, «continue». Moi, je suis tout à fait ouverte à ça. Mais,
pour moi, c'est l'idée, la définition est toujours la même, de plonger quelqu'un
dans un état, en fait…
Mme
Mainville (Marie-Claude) : De non-conscience.
Mme
Hivon : …de non-conscience jusqu'à ce que le décès
survienne. Et on sait, quand on le lui propose, qu'elle va ou qu'il va dormir jusqu'à ce que le décès
survienne. Et, avec les questions de ma collègue, bien je pense que ça
montre justement pourquoi certains sont moins confortables puis pourquoi aussi
c'est important pour nous de le mettre dans le
projet de loi. C'est parce que plusieurs sont venus nous dire, lors des travaux
de la précédente commission : Il faut que ça soit encadré avec des protocoles qui sont
corrects, justement parce que ce n'est pas une pratique qui semble normale
s'il vous reste encore deux ou trois mois à
vivre, parce que la personne s'alimente encore ou… Donc là, c'est comme
radical.
Alors
que, quand on est plus dans une période de fin de vie où la personne, des fois,
ne mangera plus vraiment, mais des
fois va boire encore un peu, mais elle va avoir de la souffrance — bon, dépendamment, il y a une
expectative de vie, en général on nous dit deux semaines, évidemment, des fois,
la personne, elle peut faire trois semaines, on ne le sait pas — mais
que, là, c'est plus approprié, mais que ce n'est quand même pas banal comme
soin parce que la personne ne se
réveillera plus. Et d'où l'importance, nous, on trouvait, de spécifier qu'il
faut un consentement, donc, écrit parce que c'est quelque chose qui est
quand même très sérieux pour la personne elle-même ou pour le tiers qui consent
à ça. Donc, c'est ça, l'idée de l'encadrement.
Puis
je pense qu'avec les questions puis l'éclairage que vous nous apportez aujourd'hui
c'est très intéressant. Parce que,
là, certains sont venus nous dire : Oui, mais «terminale», on est contre
ça, l'utilisation de «terminale» parce que c'est comme si on le faisait
dans des circonstances non appropriées où, la personne, il pourrait rester deux
ou trois mois à vivre. Moi, je dis non. Je
veux dire, c'est exclu, ça. Toute l'idée derrière le fait de mettre ça dans le
projet de loi, c'est justement que ça soit encadré par des protocoles
uniformes partout parce que ce n'est pas tout le monde qui a cette expertise-là
de vraiment faire une sédation continue. Donc, c'est ça, l'idée, puis de
montrer que ce n'est quand même pas un soin banal.
Et,
pour plusieurs personnes… C'est pour ça que je suis contente de vous entendre
dire que, pour certains, bien, on joue
un peu sur les mots. Pour le commun des mortels, il y a là-dedans une
distinction entre la sédation continue et l'aide médicale à mourir qui souvent est très ténue. Parce qu'il y a des gens
qui sont venus nous dire, lors des autres auditions : Vous savez, moi, je n'avais pas envie qu'on me
dise : On va vous endormir, puis vous ne vous réveillerez plus. J'avais
envie de dire : Là, pour moi, ça n'a
plus aucun sens, je veux qu'on arrête ça. Dans un processus très encadré, là, c'est
ça, l'autre réalité. Donc, pour le commun
des mortels qui n'est pas dans cette réalité-là où on fait des distinctions,
puis de l'hydratation, puis l'alimentation,
puis tout ça, il y a quand même, je dirais, deux pratiques qui sont très
proches. Donc, on les distingue dans
le projet de loi parce qu'on comprend que, dans le milieu médical, ce n'est pas
la même chose. Mais je pense que c'est
important de clarifier tout ça. Ça fait que je vous remercie parce que je pense
que vous avez permis de le clarifier encore davantage.
Puis,
quand vous nous dites que vous ne pensez pas qu'il faut franchir l'autre pas
parce que, bon, il y a des gens qui
peuvent, tu sais, changer d'idée, évoluer, moi, je pense que justement toutes
les balises qui sont là sous-tendent un processus qui fait en sorte que ce n'est pas une personne, au jour un,
qui se réveille, elle n'a jamais parlé de ça avec son médecin ou son
infirmière, ou tout ça, là elle décide : Aujourd'hui, je suis découragée,
on arrête. Tout l'encadrement qui est là fait en sorte qu'on ne pourrait pas
être dans une situation comme ça. Mais c'est une manière d'apporter une réponse aux 3 % à 5 % des gens pour
lesquels on n'a pas de réponse. Parce que je me demande… je continue
toujours à me demander ce qu'on fait avec
ces gens-là qui ne sont pas à l'aise, par exemple, à dire : O.K.,
endormez-moi jusqu'à la fin, mes
proches vont me veiller, mais combien de temps ça va durer, tout ça? Puis ça
peut leur créer, certains me disaient, de l'angoisse, juste cette
idée-là aussi de dire : À quoi ça va ressembler? Donc, c'est un peu ça que
je me… Dans votre expérience à vous, très
concrète, j'imagine que votre 3 % à 5 % des gens, c'est des gens qui
ont de la difficulté à obtenir une réponse qui les satisfait, eux, dans
leur individualité en fin de vie.
• (12 h 50) •
Le Président (M.
Bergman) : Mme Mainville.
Mme
Mainville (Marie-Claude) : Oui, c'est sûr. Mais, en même temps, pour
nous, l'euthanasie ou l'aide médicale à
mourir, c'est fini, c'est bâton, on cause la mort. Et, comme professionnels, on
ne peut avoir cette idée, en
tout cas chez NOVA, qu'on va précipiter la
mort de quelqu'un, on est plus dans le naturel. Je sais que la nuance, elle est
mince. On est en zone grise. Les faire dormir pour trois jours ou leur donner
une injection trois jours avant, c'est peut-être, pour vous, pareil au même; pour nous, ça ne l'est pas du tout. Pour nous, ça
ne l'est pas du tout. Donc, vraiment, c'est… Mais il faut répondre aux besoins de la personne, c'est définitif. Et je suis d'accord
avec vous quand vous dites que ce n'est pas quelque chose qu'on doit
discuter avec eux à brûle-pourpoint, du jour au lendemain. Mais, nous, cette
distinction-là, elle est très, très, très, importante à faire.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Laplante.
M. Laplante
(Michael) : Je trouve qu'il faut faire vraiment une distinction et qu'il
y a une vraie distinction entre soins palliatifs et l'euthanasie, et il s'agit
de l'intention. Et, en loi, ça, c'est quelque chose qui, je crois, est important. L'intention de sédation palliative est
de permettre au patient… et c'est quand… ça doit être toujours quand la mort est imminente, pas
deux ans avant. Alors, le terme «terminale» n'est pas un bon terme, c'est quand
la mort est imminente. Notre intention, c'est
de soulager l'angoisse de ce patient qui a quelques heures ou jours à vivre. Un
geste spécifique pour terminer la vie, c'est une autre chose. Et il y a vraiment
une distinction.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Sainte-Rose.
27 12235 Mme
Proulx : Oui, merci, M. le Président. Je voudrais revenir… Dans
votre présentation, vous avez mentionné tantôt quelque chose qui me… je voudrais que vous puissiez clarifier un
peu ce que vous vouliez dire. Et d'ailleurs, dans votre mémoire, vous faites référence, à un moment
donné, quand vous parlez du suicide assisté, disant qu'en fait, même
ceux parmi les malades qui le demandent, il y en a très peu finalement qui
passent à l'acte, «comme si le besoin de décider était plus fort que le besoin
[réel] de vouloir en finir».
Je
trouve ça extrêmement intéressant comme réflexion. Est-ce que vous ne pensez
pas par ailleurs qu'avec l'aide médicale
à mourir, le simple fait… Peut-être que c'est vrai que les gens ont besoin de
savoir qu'ils pourront décider pour eux-mêmes le temps venu. Est-ce que
vous ne croyez pas que la simple possibilité pour quelqu'un de savoir qu'il existerait l'aide médicale à mourir, à laquelle
ils pourraient recourir, viendrait peut-être diminuer le niveau d'angoisse
et peut-être ferait en sorte que la personne
ne le demanderait jamais? Et, si elle ne le demande pas, à mon sens, il n'y a
pas de problème, elle ne le demande pas,
mais par contre elle sait que ça existe. Et quelqu'un peut le demander et, en
dernier, comme vous mentionnez, ne pas l'utiliser.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Laplante…
Mme
Proulx : Moi, je ne vois pas un problème là-dedans. Je voudrais
savoir : Est-ce que vous ne croyez pas que ça pourrait justement
faire diminuer l'angoisse de quelqu'un qui est en fin de vie, de quelqu'un pour
qui la mort est inéluctable et pour qui,
dépendant de la maladie dont il souffre, ça pourrait peut-être représenter
quelque chose d'extrêmement difficile
à vivre, une agonie ou une angoisse de mourir étouffé — je prends un exemple, mourir étouffé — si la personne sait que ça peut lui arriver et qu'il y aurait, à
ce moment-là, une possibilité pour elle, au moment où elle le choisira,
de demander une aide médicale à mourir?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Laplante.
M. Laplante (Michael) : Bien, je ne suis pas d'accord parce que je vois
cette distinction et je vois vraiment où la sédation palliative est très efficace. L'intention, c'est de soulager,
pas de terminer la vie. Et, dans ce cas-là, les soins palliatifs devraient être tels qu'on peut donner
assez d'espoir ou de foi au patient qu'on ne le laissera pas souffrir
comme ça.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Mainville.
Mme Mainville (Marie-Claude) : Par exemple, pour l'angoisse face à étouffer, ça fait partie des
angoisses, ça fait partie des choses
que les patients nous disent. Mais on a des médicaments qui vont permettre qu'ils
n'étoufferont pas, à moins d'avoir un
cancer de la gorge avec une tumeur
qui les étouffe, et à ce moment-là peut-être que la sédation pourrait être une façon de faire qu'ils ne s'étouffent pas.
Mais les râles du mourant ou cette sensation de manquer d'air, c'est
très souffrant pour les familles qui assistent, mais nous, on
sait très bien qu'on a de la médication qui va faire qu'on va assécher
les poumons, avec la scopolamine, ou l'atropine, ou peu importe, et qui va
faire en sorte qu'il n'y aura pas de râle.
Mais
les soins palliatifs ne sont pas égaux pour tous. Donc, si le médecin ne
prescrit pas la scopolamine, ça se peut que vous assistiez à une mort qui vous semble épouvantable parce que la
personne a énormément de râles et, comme il s'est bien hydraté jusqu'à la fin, ça mousse et que ça
lui sort par la bouche. C'est très différent d'une mort calme, bien
contrôlée, avec des médicaments qui vont
assécher ses sécrétions et qui ne donneront pas de problèmes à respirer. Mais
il y a autant de façons de mourir qu'il
y a de personnes qui meurent, et il y a autant de peurs face à mourir. Les
peurs sont exprimées différemment. Il y a des gens qui vont avoir peur
de mourir étouffés…
Le Président (M.
Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.
Mme Mainville (Marie-Claude) : …d'autres qui vont avoir peur de mourir dans d'autres conditions. Et,
si vous suggérez éventuellement l'euthanasie
comme une possibilité, il y en a, parce qu'ils ont peur, qui vont être tentés
de la prendre, alors que, si on avait
donné le support ou la médication adéquate… Nous, on croit qu'il y a d'autres
choses à proposer avant d'en arriver
à proposer ça. Et on décode plus dans «je ne veux pas souffrir ou je
veux…» Ça, on le décode très
facilement. Mais, quand on les conforte dans le fait qu'on va les soulager, ils
ne disent plus qu'ils veulent mourir.
Donc, je suis un peu
ambivalente face à votre question. Parce que, oui, il faut répondre à leurs
besoins, oui, il faut les rassurer, oui, il faut être à leurs côtés, et, si on
propose trop tôt l'euthanasie, nous, on croit que ça devient une option facile.
Et on vit dans une société où on a tout de suite tout ce qu'on veut tout le
temps. Les gens n'ont pas l'habitude de souffrir.
Le Président (M.
Bergman) : Alors, ceci met fin au bloc du gouvernement.
Mme
Mainville (Marie-Claude) : Pardon? Je m'excuse?
Le Président (M.
Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement.
Mme Mainville
(Marie-Claude) : O.K.
Le Président (M. Bergman) : Pour le
bloc de l'opposition officielle, le deuxième bloc, Mme la députée de Gatineau…
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. C'est
très philosophique. Et puis c'est comme vous disiez, vous, vous donnez
des exemples par : Si on leur laisse le temps, ils vont peut-être… ils
vont décider de continuer de vivre. Mais
prenez n'importe quelle situation, vous pouvez toujours trouver des cas qui
sont reliés à cette situation. Puis c'est ça qui est difficile dans cette commission, c'est que les gens, lorsqu'ils
ont une position, ils viennent défendre leur position en donnant des
exemples très pratiques qui sont vrais, mais, pour chacun de ces cas, on
pourrait faire un film avec une conclusion
qui est différente. Et c'est ce qu'on vit dans nos pratiques. Puis, à la fin,
il y a des gens qui veulent avoir le choix, qui ne reculeront pas et qui
ne comprennent pas, sur le principe de l'autonomie et que c'est leur vie,
pourquoi on leur refuse. Et ça, nous en avons, de ces cas-là.
L'objectif de
la loi, c'est d'être capables de dire sur quelles valeurs on se base. Mais là,
quand les gens viennent, il y en a
qui disent : La valeur, c'est la vie, c'est un incontournable. Ça dépend
comment vous avez été élevé, ça dépend de vos valeurs profondes. Puis il
y a des endroits, dans certaines civilisations, où que la vie, ce n'est pas la
finalité, il y a d'autres valeurs autres. Puis il y en a d'autres qui vont
dire : C'est l'autonomie, c'est moi qui décide.
Vous avez dit
quelque chose qui est vrai au début : On finit tous par mourir. Mais le
chemin peut être différent. Et ce que
je me rends compte ici, c'est qu'il y en a qui veulent qu'on prenne leur chemin
à eux autres, mais il y en a, des personnes,
qui nous disent : Le chemin, ce n'est pas lui que je veux, c'est un autre.
Et nous avons des patients qui veulent avoir
le choix, nous avons des patients qui ne veulent pas vraiment avoir le choix
parce qu'ils sont contre le principe. Et nous avons des professionnels qui disent : Moi, je ne le ferai
jamais. Nous avons d'autres professionnels qui sont prêts à le faire.
Maintenant, c'est quoi, la combinaison pour respecter, si possible, l'avis de
chacun, en assumant…
Moi, je pars avec le principe que… Il y en a qui
disent : La vie, c'est Dieu qui va décider de nous l'enlever. Mais ce n'est pas tout le monde qui pense comme
ça. Il faut être capable de respecter les gens qui ne croient pas là-dedans
puis que ça fait partie de notre société. D'ailleurs, on est une société
pluraliste dans laquelle on peut trouver plusieurs opinions, et il faut répondre à ces gens-là. Je pense que, quand on
arrive à notre fin de vie, il y a un principe… Puis tout le monde en a vu, moi, j'ai vu des patients qui ont
témoigné, ils ne voudraient pas que leur mère soit morte comme elle est morte. C'est un choix. Puis il y en a qui
disent : Moi, je ne veux pas mourir comme ça. C'est son choix personnel.
Il ne l'applique pas à sa mère, il se
l'applique à lui-même ou à elle-même. Ça fait que c'est des décisions qui
doivent être faites.
La loi, comme
elle est faite actuellement, a besoin d'être améliorée. Puis il y a des
contraintes. Il va y avoir la contrainte de l'applicabilité à cause de l'objection
de conscience, puis à cause du choix du patient, puis à cause de toutes les
craintes qui peuvent être amenées. Mais, à la fin, on n'aura pas le choix, il
va falloir qu'on prenne une décision :
On y va dans ce sens-là ou on n'y va pas, puis comment on va l'appliquer. Ce
que je trouve un petit peu difficile, là,
c'est, à la fin, comment on va faire pour appliquer cette loi-là de façon
pratique. Exemple, puis ça va être ma question. Si on arrive puis que la loi passe, vous allez avoir
des patients qui vont arriver en fin de vie, soins palliatifs. Vous
autres, vous dites : Nous autres, on n'est
pas d'accord à cause de l'intention de poser le geste. Comment vous allez
réagir face à ça? Parce que ça, ça va être la difficulté qu'on va avoir
dans l'applicabilité.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Mainville.
• (13 heures) •
Mme Mainville (Marie-Claude) : À mon avis, c'est tout le support psychologique que
vous pouvez donner à cette personne-là puis tout en respectant ses
choix. Donc, à leur domicile, des fois, ils nous disent : Je veux mourir,
je veux mourir, je veux mourir. Ils ont, comme je disais tout à l'heure, toute
la médication pour le faire, s'ils voulaient, puis
ils ne le font pas. Donc, ça va devenir... Si ça devient légal, c'est sûr que
ça ne sera pas aux infirmières — nous, on est des infirmières — donc, que ce ne sera pas à nous de l'injecter. Et, si le médecin
traitant, avec son patient, décide qu'il le fait, il le fera pour le patient. On ne se battra pas contre lui, on ne
se battra pas contre ses valeurs. Mais nous, en termes d'organisation,
on doit se positionner. Et c'est sûr qu'on n'en fera pas la promotion puisque,
depuis qu'on existe, on fait la promotion
des soins de confort aux gens, des mourants, et on travaille très fort pour
combler tous leurs besoins et qu'ils soient bien entendus et bien
écoutés. Donc, évidemment, on les écoute quand ils nous disent : Je veux
mourir pareil puis… Mais, je vous dis, c'est une minorité de nos clients.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : ...M. le Président. Je suis d'accord quand on me dit que c'est une minorité, mais,
si ces gens-là font ce choix-là, comment on
va faire pour organiser notre système pour être capables de le leur offrir en
tenant compte que c'est légal? D'ailleurs,
dans la loi, la plus grande difficulté qu'on va avoir, c'est quand on va arriver par
la suite. Puis je prenais un exemple :
on avait des gens qui pratiquaient à Notre-Dame ce matin à l'unité de soins palliatifs, eux autres, ils vont tout simplement refuser par conviction puis ils vont probablement même
démissionner de l'hôpital
plutôt que d'avoir l'obligation de faire ça, et, dans la loi, on a une obligation
de faire ça.
L'autre question
qu'on va devoir se poser, puis elle est profonde, quand vous faites des
sondages… Puis, en passant, les premiers sondages, là, ça répondait beaucoup
plus à la question : Est-ce que vous êtes d'accord qu'on est contre l'acharnement thérapeutique? Est-ce que
vous êtes d'accord qu'on doit vous soulager en fin de vie? C'est
normal, 90 % des docteurs, ils
sont d'accord. La vraie question, ça va être : Oui, vous êtes d'accord
pour l'aide médicale à mourir. Maintenant, si vous êtes si d'accord que ça, êtes-vous prêts à la pratiquer? Ça va
être ça, le défi. Parce qu'il y a plusieurs personnes qui sont tout à
fait d'accord que quelqu'un d'autre le fasse, mais il y en a combien qui vont
être d'accord pour le faire? Ça, ça va être
peut-être la question qu'un sondage devrait être fait par un journal de façon
un peu plus scientifique, là, pour voir le nombre de personnes puis, si
possible, qu'ils donnent leur nom, parce qu'on va avoir besoin d'eux autres
après, ça va être…
Là, on va tomber dans l'applicabilité
d'une loi, que je ne vous dis pas qu'il ne faut pas la passer quand
même, mais, si on n'y pense pas aujourd'hui à comment on va la travailler
après... Parce qu'il y a trois éléments : tu as un droit du patient, c'est une obligation de l'établissement
puis tu peux également avoir ton objection de conscience. Je ne le sais pas, mais il va falloir qu'on découvre des
mécanismes de façon transitoire sur quelques années, que ça ne se fera pas
du jour au lendemain, mais on ne pourra pas
répondre à tous les droits, d'où l'obligation aussi d'être capables de
soulager puis d'aider ces gens-là.
Ça fait que moi, Mme
la ministre, on va avoir beaucoup de travail à faire là-dessus, parce que les gens
sont arrivés… Puis l'autre élément que je
voudrais mettre en pratique, l'idéalisme puis le pragmatisme. Tu sais, dans un
monde idéal, il n'y en aurait pas, de
problème. Dans un monde réel, c'est une loi qui va être très difficile à
appliquer pour tout le monde, partout
au Québec. Par contre, si on passe la loi, il va falloir qu'on travaille
ensemble pour le faire, dont, entre autres,
on va avoir besoin des collaborations, même de ceux qui n'y croient pas, non
pas un refus, dire : On va continuer à faire… mais comme on va faire un mécanisme de référence, possiblement,
au niveau des établissements, qu'est-ce qui est possible à faire, d'où, je pense, à la fin, je ne suis pas certain qu'on
va être capables de garder dans la loi… peut-être qu'on va être capables de le garder, mais il va falloir
avoir un mécanisme transitoire pour dire… On ne pourra pas appliquer ça demain matin, là, ça va nous prendre quelques
années avant de mettre le système en place, en espérant, si la loi
passe, qu'il y a des professionnels qui vont y croire assez par conviction pour
dire : Moi, je vais être prêt à aider les patients dans les situations qu'ils
le demandent. Vos commentaires.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Mainville.
Mme Mainville (Marie-Claude) : C'est sûr, j'ai beaucoup de professionnels qui m'ont dit : Si les soins palliatifs deviennent l'aide... l'accessibilité à l'euthanasie, je n'en ferai plus. Je l'ai
entendu. J'ai entendu des gens du public qui m'ont dit… Comme je vous
donnais l'exemple de cette famille qui demandait l'euthanasie pour leur mère parce
qu'ils ne pouvaient pas croire qu'on pouvait
mourir de cette façon-là — et
ils n'en avaient pas déjà vu beaucoup mourir parce
que je peux vous dire que cette dame-là
était confortable et mourait paisiblement, mais l'idée de voir mourir sa mère
est atroce, même si ça se passe dans de bonnes circonstances — et
qui clamait que je fasse la fameuse injection. Parce que vous, vous la faites
bien, la fameuse injection. Et, quand je disais : Quelle injection?, bien,
l'injection qui va finir, que… faire que ma… Bien, j'ai dit : Faites-la, l'injection. Et j'avais la seringue
de morphine dans les mains, et ça n'allait pas causer la mort de personne. Et là elle était tout outrée, en
me disant : Mais vous n'allez quand
même pas me demander de tuer
ma mère, vous êtes payée pour ça, vous.
Donc, il y a une marge entre le vouloir «at large» et l'exécuter.
C'est comme la peine de mort, il y a
des gens qui peuvent être pour mais qui ne seraient certainement pas le bourreau qui ferait l'injection léthale. Donc, nous, c'est notre position aussi, c'est :
l'idée de ne pas prolonger les souffrances, on est en accord; l'idée de
pousser la seringue qui cause la mort, c'est un autre débat.
Le Président (M.
Bergman) : Ceci met fin au bloc du deuxième groupe d'opposition…
du premier groupe d'opposition. Pour le deuxième groupe d'opposition, Mme la
députée de Groulx.
Mme
Daneault : Merci, M. le Président. Merci de votre présence.
Merci aussi de votre mémoire, et je pense qu'on peut vous féliciter de votre excellent travail et peut-être s'inspirer,
dans plusieurs régions du Québec, sur votre travail. Ce que je comprends de votre position, c'est que
finalement on voudrait, dans un système idéal, que tout le monde ait
accès à des soins palliatifs.
Mme Mainville (Marie-Claude) :
...palliatifs, excellents soins palliatifs.
Mme
Daneault :
C'est ça, des soins de grande qualité, mais des soins palliatifs.
Mme Mainville (Marie-Claude) :
...de qualité, uniformisés.
Mme
Daneault : ...uniformisés et d'excellente qualité. Mais je
veux vous amener un petit peu plus loin. À partir du moment où on dit
que, oui, bon, un individu a eu droit à des soins palliatifs d'excellente
qualité... Puis, quand je regarde dans votre
mémoire et on se retrouve avec Louis, dans la trentaine, qui a un cancer en
phase terminale, qui a une agonie lente, qui accepte son décès, qui est
calme, qui est prêt à mourir mais la mort ne vient pas... Et c'est souvent le cas chez les jeunes, les plus jeunes, vous le
savez comme moi, parce que le coeur, les fonctions vitales sont encore
en santé et en forme, ce qui fait qu'on prolonge la phase terminale parce que
les organes vitaux sont encore en forme.
Alors,
on se retrouve dans une situation où Louis, à chaque matin, se réveille puis
est déçu d'être encore vivant. Et là
ce qu'on lui offre actuellement, c'est une sédation terminale qui va l'amener
dans un coma qui peut durer et qui peut se prolonger parce que, comme il est jeune, on le sait, et que ses
organes vitaux sont quand même en bon état, on peut se retrouver dans un coma, dans un soin qui est de
longue durée puis qui peut être très pénible aussi pour lui et sa
famille, alors que, dans le projet de loi
actuel, on pourrait lui offrir aussi de dire : Bon, bien, on pourrait te
donner l'aide médicale à mourir et arrêter tes souffrances à partir de
maintenant, plutôt que de le plonger dans un coma qui risque de durer on ne
sait pas combien de temps.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Mainville.
Mme Mainville (Marie-Claude)
: Ce ne serait pas proposé
s'il lui restait plusieurs semaines. Si mon M. Louis a 30 ans, est capable de parler, et qu'il
trouve ça long, et qu'il est très faible, mais qu'il mange son steak à tous les
soirs, il est évident qu'on ne lui proposera
pas tout de suite l'aide de la sédation terminale. Donc, c'est vraiment proposé
en fin de vie. Mais ce qu'il va être
très important de faire avec Louis, c'est d'écouter sa détresse, de s'asseoir
avec lui puis d'en parler. Parce que beaucoup de gens, quand on arrive à
ce point-là, ils trouvent ça tellement insupportable de voir ce jeune homme là mourir, qui attend la mort, que
leur détresse est tellement grande qu'ils fuient. Donc, cette personne-là
se retrouve très souvent très seule et
personne pour répondre à son besoin. Et c'est là où, des fois, justement, nous,
on aurait peur que, si Louis ne
serait pas tout à fait rendu en fin de vie, on ne prenne pas le temps d'écouter
sa détresse et qu'on irait trop vite vers l'injection. Je ne sais pas si
ça répond à votre question.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault :
Mais moi, je vais un petit peu plus loin dans son état, dans le sens où, quand
Louis n'est pas soulagé de ses
douleurs, de sa souffrance mais qu'il n'est pas capable de manger non plus...
Parce qu'on le sait, en phase terminale, l'appétit s'en va et, bon, même
s'hydrater, se nourrir... Mais, à partir du moment où il est dans un état où on n'arrive plus à soulager ses souffrances, qu'il
n'arrive plus non plus à manger et à s'hydrater, mais qu'il a 30 ans,
35 ans, on sait que, bon, l'offre qu'on
va lui faire, c'est de le sédationner davantage pour qu'il atteigne finalement
un... qu'il ne sente plus ses souffrances,
et souvent, bon, il est en coma. Mais on ne sait pas d'avance combien de temps
va durer ce coma-là. Est-ce qu'il va
durer deux jours, trois jours, une semaine? Puis plus il est jeune, plus il y a
un risque que ça se prolonge.
Et là mon
questionnement : Est-ce qu'à ce moment-là il n'est pas en mesure d'accepter
de faire le choix de dire : Non, moi, je ne veux pas que vous me
plongiez dans un coma qui aura une durée x, je voudrais mettre un terme aujourd'hui à ces souffrances-là, en connaissance
de cause, et tout ça? Et c'est un petit peu l'option qu'on offre à ce
minime pourcentage de patients là qui arrivent en fin de vie et qui demandent à
soulager les souffrances, mais à ne pas les soulager
dans un coma qui se prolonge d'une durée que personne ne connaît d'avance.
Alors, c'est la question qu'on
se pose, en fait, quand on offre cette option-là à ces patients-là.
• (13 h 10) •
Le Président (M. Bergman) :
Il reste du temps pour une très courte réponse. Dr Laplante.
M.
Laplante (Michael) : C'est
dans ce cas ou cette situation où il faut faire aussi une distinction entre le
suicide assisté et l'euthanasie. Il y a
une distinction. Pour ce monsieur, la sédation palliative n'est pas appropriée parce que la mort n'est pas imminente dans son cas, apparemment. Si oui, alors... et le projet de loi n'aborde pas cette très délicate
question de suicide assisté, mais je pense qu'il faut voir que ça, c'est aussi
une option où le patient, qui est conscient, qui est apte à faire ses décisions
lui-même, peut avoir peut-être cette option.
Le
Président (M. Bergman) : Dr Laplante, Mme Mainville,
merci pour votre présentation, merci d'être ici avec nous aujourd'hui.
Et, collègues, la commission suspend ses travaux
jusqu'à 15 heures aujourd'hui. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 13 h 11)
(Reprise à 15 h 8)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît!
Alors, la commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les
personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leur téléphone
cellulaire.
Nous allons poursuivre sans plus tarder les
consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi
n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie.
Alors, je
souhaite la bienvenue au Centre de recherche et d'intervention sur le suicide
et l'euthanasie, représenté par Dr
Brian L. Mishara, le directeur. Alors, Dr Mishara, bienvenue d'être avec nous.
Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange
avec les membres de la commission. S'il vous plaît, donnez-nous votre nom,
votre titre, et la parole, c'est à vous.
Centre de recherche et
d'intervention
sur le suicide et l'euthanasie (CRISE)
M. Mishara (Brian L.) : O.K. Merci
beaucoup. Je m'appelle Brian Mishara, je suis directeur du Centre de recherche
et d'intervention sur le suicide et l'euthanasie. Et je vais partager avec vous
brièvement quelques réactions au projet de
loi, basées sur mes expériences en recherche et aussi mon expérience, il y a
quelques années, en 1995, quand j'avais la bourse Bora Laskin sur les
droits de la personne et j'ai étudié les situations d'euthanasie dans les
Pays-Bas.
• (15 h 10) •
Nous vivons
dans une époque où il y a énormément d'emphase sur la liberté de décider pour
nous-mêmes ce qu'on va faire. C'est
très valorisé. Aussi, on vit à un moment dans l'histoire où la souffrance n'est
pas valorisée. Il y a 100 ans, c'est pris comme acquis qu'une femme
devrait souffrir à l'accouchement. Maintenant, c'est considéré comme cruel et
barbare. En même temps, on vit dans un monde imparfait, où les êtres humains
ont des fausses croyances, peuvent avoir des peurs et des craintes qui ne sont pas
justifiées. On a des biais, des préjugés. On peut souhaiter mourir par
crainte des souffrances futures, qui sont
vraiment évitables. On peut ignorer
des bons traitements. Et on peut choisir de faire des choses qui ne sont
pas bonnes pour nous. On peut fumer des cigarettes, même si on sait c'est quoi,
les effets. On peut vouloir rouler sans
porter une ceinture, ou une moto sans casque, ou prendre des drogues qui ne
sont pas bonnes pour nous. Et l'État nous protège contre nous-mêmes :
nous sommes obligés de porter une ceinture, porter un casque, il y a des
drogues qui sont interdites.
Donc, votre
tâche n'est pas facile. C'est balancer entre un respect du droit des personnes
et l'obligation de l'État de protéger
des citoyens contre leurs fausses croyances, habitudes et
pratiques qui ne sont pas bonnes pour eux-mêmes. Dans ce contexte, un
des premiers défis, c'est s'assurer que l'euthanasie ne devient pas un
substitut pour les bons soins palliatifs. Le
gouvernement a déjà fait un pas en investissant plus dans les soins
palliatifs, mais, quand même, on est loin
d'avoir un système parfait. Les Pays-Bas étaient cotés septièmes
parmi 40 pays au monde, par rapport à la qualité des soins palliatifs,
Belgique, cinquième, deux pays où l'euthanasie est légale.
Je sais que vous n'utilisez pas le mot
«euthanasie», vous préférez «aide médicale à mourir». Je comprends parfaitement
les enjeux par rapport aux lois canadiennes, qui interdisent l'homicide ou tuer
qui que ce soit, même par compassion, mais, quand même,
c'est de l'euthanasie. Même le mot «euthanasie» a été développé pour rendre la mort plus
acceptable, c'est une bonne mort, ce n'est pas juste une mort banale.
Alors, ici,
45 % de la population meurt à l'hôpital,
et je ne comprends pas du tout pourquoi on n'a pas un accès universel complet en soins palliatifs pour tout le
monde, simplement parce que toutes les études, jusqu'à date, indiquent
que ça sauve de l'argent. Par exemple, l'étude de Taylor, en 2007, aux
États-Unis, a trouvé que les hospices ont diminué de 25 % les coûts de
santé dans la dernière année de la vie, ont sauvé en moyenne 2 309 $
par personne. Il n'y a pas d'excuse. Alors,
deuxièmement, il y a un problème fondamental dans le système de soins
palliatifs. On a deux systèmes : soit
on rentre dans une unité, soit on reçoit des soins à domicile. En Angleterre,
aux États-Unis et ailleurs, il y a intégration, et la grande majorité du temps passé dans une unité, c'est pour du répit
temporairement, une fin de semaine, quelques jours. Il faut repenser le
système.
On a une
obligation pour comprendre pourquoi les personnes demandent l'euthanasie au
lieu des soins palliatifs. Il me
semble que votre hypothèse de base, c'est que c'est à cause de la souffrance
physique ou mentale associée aux effets ou aux pertes liées à la maladie. La recherche indique que ce n'est
simplement pas le cas. Quelqu'un qui a un cancer, à peu près 23 %
des personnes vont, à un moment donné, désirer mourir, et presque 100 % de
ces personnes vont souffrir de la dépression,
souvent, comme effet secondaire des traitements, des médicaments pour traiter
le cancer. Pour beaucoup de maladies graves — cancer, sida, maladie
d'Alzheimer — le
danger du suicide est le plus élevé après avoir reçu le diagnostic, avant de commencer à avoir les symptômes graves ou beaucoup de souffrance. Il y a des recherches sur
ce qui constitue une mort digne, et ce n'est pas lié tellement à... ce n'est
pas lié à la souffrance physique, mais des choses comme soutien social et vivre
dans un environnement où on se sent en sécurité et à l'aise.
Nous savons
qu'à l'État d'Oregon, où, entre 1998 et 2012, il y avait
480 000 personnes qui sont
mortes, seulement 673 ont demandé le suicide assisté. Pas beaucoup. Et
le critère, c'est qu'il faut souffrir tellement qu'on ne peut pas continuer à
vivre. Ces personnes ont reçu un médicament pour se tuer, et 36 % ne l'ont
jamais pris. Qu'est-ce que ça indique? C'est
que, même si on peut dire «je souffre et il faut que je meure tout de
suite», très souvent c'est pour éviter une souffrance dans l'avenir. Et,
dans un grand nombre des cas, l'avenir qu'on craint n'arrive jamais.
Donc, je
conclus qu'il faut tout faire pour soulager la souffrance avant d'avoir accès à
la mort. Et les Pays-Bas, qui est le
pays qui a le plus de pratiques de l'euthanasie, le premier pays à légaliser, a
étudié la question, et deux tiers des demandes sont refusées d'habitude
parce que le médecin croit que ce n'est pas bien réfléchi ou la souffrance n'est
pas insupportable, mais souvent parce qu'il y a quelque chose qu'ils n'ont pas
encore essayé.
Vous avez
inscrit que la personne doit avoir une souffrance physique ou psychologique qui
ne peut pas être apaisée dans les
conditions qu'elle juge tolérables. Dans les Pays-Bas, ce n'est pas à la
personne de décider ce qui est tolérable, c'est le médecin qui dit : Vous souffrez de dépression, il faut faire
quelque chose et revenir avec la demande. Il y a d'autres traitements
pour la douleur. Vous êtes isolé, vous avez besoin de soutien social. Et ce qui
arrive dans les Pays-Bas, c'est : les gens ne reviennent pas avec une
demande après.
Comment ça se fait que les personnes peuvent
vouloir mourir et se tromper? J'ai beaucoup d'expérience en prévention du suicide. Et, quand quelqu'un appelle
un CPS au Québec, la personne a pris des médicaments et la personne dit : Je souffre de cancer, je veux mourir, j'ai
pris des médicaments. Ils retracent l'appel, ils envoient l'ambulance.
On le justifie de deux façons. Un, dans un
état de situation de crise, on ne prend pas des bonnes décisions. Mais
heureusement il y a quelque chose qui arrive
souvent, c'est qu'en général la personne rappelle deux jours plus tard pour
nous remercier, même si, au moment où
la personne a pris les médicaments, la personne dit : Non, je ne veux pas
l'ambulance. Donc, des fois, on ne
prend pas des bonnes décisions parce qu'on souffre de dépression, on est dans
une situation de crise ou on a peur de quelque chose qui ne va pas
vraiment arriver.
Par exemple,
la sclérose amyotrophique latérale, quand on étudie pourquoi quelqu'un qui
souffre de cette maladie générative veut mourir par l'euthanasie, dans
45 % des cas, la réponse : ils ont peur de s'asphyxier. En réalité,
selon les études, il y a entre 0 % et
3 % des personnes qui meurent par asphyxiation et il y a des traitements
pour l'éviter. Donc, souvent, on choisit de mourir parce qu'on a peur
des choses qui ne vont pas arriver.
• (15 h 20) •
O.K. Qu'est-ce
qu'on doit faire? Moi, je suggère d'abord de choisir la phrase qui ne peut pas
être... de laisser la phrase «ne peut
pas être apaisée» et s'assurer que les médecins ont une obligation de tout faire avant d'accorder accès à la mort. Les médecins ont de la misère à prendre ces
décisions. Dans les Pays-Bas, où l'euthanasie existe depuis longtemps,
25 % des médecins ont de la misère à décider, 79 % si la souffrance
est intolérable, 58 % si c'est bien réfléchi. Donc, les
médecins ont besoin de soutien. Ce qui est inscrit dans la loi, le deuxième
médecin doit juste regarder le dossier. Ailleurs où ces pratiques sont légales,
le deuxième médecin doit rencontrer la personne et faire une évaluation. C'est
une autre garantie.
Il faut aussi
comprendre les vraies raisons pour les prises de décision. Pour cette raison,
dans les Pays-Bas, quand ils ont
commencé, ils ont créé un comité consultatif que les médecins pouvaient
consulter avec des psychiatres, psychologues, qui ont pu évaluer
davantage pourquoi la personne fait la demande.
Aussi, dans
votre projet de loi, vous parlez des souffrances physiques ou psychiques et qu'il
faut que ce soit «une maladie grave
et incurable». La schizophrénie est une maladie grave et incurable et, des
fois, les schizophrènes ont des souffrances psychiques. Est-ce que vous
voulez vraiment que les personnes qui ont un problème de santé mentale aient accès à l'euthanasie pour soulager leurs
souffrances au lieu de prendre des médicaments, si quelqu'un juge que ce
n'est pas acceptable de prendre les
médicaments? Dans les Pays-Bas, il y a 400 demandes de personnes âgées, chaque
année, d'euthanasie. 48 % sont
fatiguées de vivre, 57 % disent qu'ils ont vécu assez longtemps. Ces
demandes sont refusées.
Je vais
terminer en suggérant que, d'abord, il faut établir un système
intégré universel des soins palliatifs. L'idée de mettre l'aide médicale
à mourir avec des soins palliatifs, c'est comme mettre une clinique d'avortement
dans une église catholique. C'est tout à fait à l'encontre de la philosophie des soins palliatifs, qui est que c'est
mieux pour vivre jusqu'à la fin de la
vie. Ça n'a rien à faire avec accélérer la mort. Il faut vraiment
s'assurer qu'on fait tout pour soulager la souffrance si on veut avoir
accès…
Et, finalement, je n'ai pas compris, en lisant
la loi — peut-être,
quelqu'un peut clarifier — si
une directive médicale anticipée peut prévoir l'aide médicale à mourir. Si c'est
le cas, ce serait la première fois dans le monde où quelqu'un peut décider d'avoir
l'euthanasie des mois, des années avant que la personne soit rendue dans une
telle situation. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Bergman) : Merci, Dr Mishara, pour votre présentation. Alors, maintenant,
le gouvernement, pour le premier bloc. Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui. Alors, merci beaucoup, Dr Mishara, de votre
présence pour un éclairage un peu différent et votre expérience aussi. Peut-être juste clarifier certaines choses sur lesquelles
vous vous posez des questions. D'abord, est-ce qu'une personne qui a une schizophrénie pourrait demander l'aide médicale à mourir? La réponse, c'est non parce qu'elle
ne serait pas en fin de vie, et le
projet de loi ne parle que des personnes en fin de vie. Donc, je le répète à
chaque fois, mais c'est fondamental. Donc,
évidemment, si quelqu'un est au milieu de sa vie ou qu'il lui reste plusieurs
années à vivre, c'est essentiel que cette
possibilité-là ne soit pas là parce qu'on n'abdique pas, comme on n'abdique pas
par rapport à quelqu'un qui peut
avoir des idées suicidaires. Je pense qu'une société solidaire ça veut dire aussi, bien sûr, faire tous
les efforts et déployer tous les efforts
possibles pour prévenir le suicide. Donc, ça, je voulais vous faire cette
spécification-là.
Pour ce qui est du deuxième médecin, le deuxième
médecin, ça dit bien, à l'article 28e, 3°, que le deuxième médecin «prend connaissance du dossier de la
personne et examine celle-ci». Donc, ça ne pourra pas se faire sur
dossier; ça va devoir, dans tous les cas,
nécessiter une rencontre et un examen de la personne, ça va de soi. Et tout ce
processus-là fait justement en sorte
qu'une personne ne peut pas se lever un bon matin, dire : Je suis déprimée
et je veux l'aide médicale à mourir maintenant, dans la prochaine
minute. Donc, il y a un encadrement qui est prévu aux articles 26 et
suivants.
L'autre
élément sur lequel je voulais apporter une précision, c'est la question que
vous amenez, à savoir si, dans les directives
médicales anticipées, quelqu'un pourrait demander l'aide médicale à mourir.
Donc, dans le projet de loi, ce n'est pas
possible. Pourquoi? Parce qu'à l'article 26, qui énonce les critères, la
personne doit être apte à consentir. Donc, elle doit être apte à
consentir au moment où elle fait sa demande d'aide médicale à mourir. Donc, ce
n'est pas possible dans le projet de loi.
Je dois
toutefois vous dire que plusieurs groupes sont venus nous dire que ce devrait
être une possibilité, qu'on devrait l'envisager
pour des cas où une personne aurait, de manière anticipée, pu voir venir dans
quelle situation elle pourrait être, dans quel état d'inconscience elle
pourrait être, et donc il y a des groupes qui nous l'ont demandé, pas pour que quelqu'un puisse faire une demande d'aide médicale
à mourir cinq ans, ou 10 ans, ou 15 ans avant la fin de sa vie, mais
que, lorsqu'elle serait en fin de vie mais
dans une situation où ce ne serait pas possible, elle ait pu le faire à l'avance.
Mais, je vous le dis, ce n'est pas prévu
dans le projet de loi. Donc, ça, c'est des éléments de clarification que je
voulais apporter.
Je trouve ça
très intéressant, ce que vous dites par rapport aux soins palliatifs et l'aide
médicale à mourir. L'aide médicale à
mourir n'est pas, dans le projet de loi, considérée comme un soin palliatif.
Donc, c'est considéré comme un soin,
mais pas dans un soin palliatif. On est bien conscients que, pour le milieu des
soins palliatifs, il y a une différence, là, importante, que l'on
souhaite respecter. Par ailleurs, je pense que toute cette idée…
Tantôt vous
disiez : Il faut avoir accès aux soins palliatifs. On en est, on travaille
très fort à cet égard-là, c'est un chantier
prioritaire. Et je crois que c'est très important de ne pas opposer les deux,
parce que la plupart des gens qu'on a entendus dans l'autre commission
parlementaire et qui sont venus nous relater des expériences ou quand on lit
les journaux — encore une histoire qui est relatée dans Le Soleil,
au cours des dernières semaines, de Georges C. — ce sont très, très, très
généralement… En fait, je ne me souviens pas vraiment d'un cas où on nous a
amené une histoire où la personne n'avait pas reçu de soins palliatifs et qu'elle
aurait voulu avoir une aide médicale à mourir.
Donc, ce n'est
pas une opposition, c'est une idée fondamentale du projet de loi de se situer
sur un continuum de soins, de, oui,
offrir les soins palliatifs, on en fait même un droit dans le projet de loi. On
veut provoquer un essor important, une prise de conscience importante
des établissements, des soignants quant à l'approche palliative. Mais on se dit
aussi que l'accompagnement qu'on veut offrir
à tous, le meilleur possible, par les soins palliatifs… Il arrive des
situations où… Encore, ce matin, on avait les infirmières de NOVA, qui font des
soins palliatifs, hier, on avait La Maison Michel
Sarrazin, qui nous situent autour de 3 % à 5 % ou 5 % à 6 %
les gens qu'on n'arrive pas à soulager. Et l'idée derrière ça, c'est d'être
capables d'offrir une réponse à ces gens-là qui n'ont pas de réponse à ce jour.
Un autre
élément que je veux apporter, c'est qu'aux Pays-Bas la personne n'a pas à être
en fin de vie. C'est une distinction fondamentale avec ce qu'on propose
dans le projet de loi. Aux Pays-Bas, le critère fondamental, c'est la souffrance, et c'est à peu près le seul élément,
là, de ne pas être capable d'arriver à soulager sa souffrance. Et c'est ce
qui explique qu'on arrive à des situations
très différentes de ce qui, ici, serait le cas, puisqu'ici en plus, bien sûr,
le critère de base, c'est que la
personne doit être en fin de vie et qu'elle le demande elle-même pour
elle-même. Donc, ça, je voulais spécifier ça.
Vous semblez vous être arrêté beaucoup à la
réalité des Pays-Bas, au fait que deux tiers des personnes qui le demandent voient leur demande refusée. Je trouve ça
très intéressant puis je ne sais pas si vous pouvez élaborer davantage, parce que justement c'est comme s'il y en a qui
pensent que, du jour au lendemain, tout le monde va vouloir avoir l'aide
médicale à mourir puis tous les médecins
vont se mettre à donner de l'aide médicale à mourir sans se soucier du
respect des critères. Moi, je pense que la
plus forte des balises, c'est la volonté de vivre des gens malgré l'adversité,
cette volonté-là, elle est très
forte, et c'est aussi tous les critères et, je dirais, le dialogue qui doit s'enclencher
entre un médecin et son patient.
Donc, quand vous me dites que les deux tiers des
demandes sont refusés aux Pays-Bas, je trouve que c'est de nature à rassurer. Alors, je ne sais pas si vous
pourriez élaborer là-dessus, sur les raisons pour lesquelles les demandes
sont refusées, aux Pays-Bas, dans une large
majorité, au même titre où on parlait ce matin d'en Oregon, où il y a très peu
de gens qui finalement vont jusqu'au bout de la démarche, et la même chose, je
pense, en Belgique, de ce qu'on a compilé.
• (15 h 30) •
Le Président (M. Bergman) :
Dr Mishara.
M. Mishara
(Brian L.) : Merci. Je
voulais juste... parce que, peut-être que j'ai manqué quelque chose, mais
je ne vois pas où c'est inscrit comme critère ou condition qu'il faut que la
personne soit en fin de vie. J'ai relu les critères et je ne le vois pas.
Est-ce qu'il y avait des modifications ou...
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
En fait, le titre, c'est «les soins de fin de vie». Et, dès le premier article,
on dit : «...a pour but d'assurer aux
personnes en fin de vie des soins respectueux...» Et, en fait, la raison
pourquoi ça n'apparaît pas, c'est que sinon il faudrait le mettre à chaque article ou à peu près parce que l'objet de
la loi, c'est une loi pour les personnes en fin de vie, donc c'est pour ça. Il n'y a vraiment pas d'ambiguïté
à cet égard-là. Et d'ailleurs on nous parle des soins palliatifs, que
les soins palliatifs doivent intervenir plus tôt, et on est tout à fait d'accord
avec ça, mais je répète toujours que cette loi-là, c'est vraiment pour les
personnes en fin de vie, pour cette étape-là fondamentale de la vie qu'est la
fin de vie.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Mishara.
M. Mishara
(Brian L.) : Oui. Peut-être
qu'il faut, dans ce cas-ci, définir ce que c'est, «fin de vie». Et, même
si c'est dans le titre, si c'est l'objectif,
peut-être qu'il serait plus clair si c'était parmi les critères qu'il faut
que... Parce que, «fin de vie», vous
savez, il y a des recherches sur les habiletés des médecins à prédire l'espérance
de vie, et en général les médecins sous-estiment
l'espérance de vie, ils sous-estiment pas mal. Et probablement une tendance à
sous-estimer, c'est parce que, si quelqu'un vit plus longtemps, la
personne, la famille se sent bien, mais, si la personne meurt plus tôt, la
famille, la personne seraient peut-être moins contentes. Donc, mais c'est
tendance. Il y a des recherches là-dessus. Mais peut-être qu'il faut définir c'est
quoi, «fin de vie», si c'est vraiment pour les personnes seulement en fin de
vie.
C'est certain que les médecins dans les Pays-Bas
font une évaluation de la personne. Et il y a une différence fondamentale, c'est que, dans une étude, les
médecins ont connu la personne qui a demandé l'euthanasie… de
20 ans. Donc, dans un contexte où il y
a une relation entre le médecin et le patient, c'est plus facile de cerner ce
qui se passe. Et, en effet, ils ont l'obligation
de tout faire pour soulager la souffrance avant d'avoir accès à la mort. Donc,
ils ont tendance à fouiller, et regarder
toutes les possibilités, et exiger que le patient essaie des traitements. D'habitude,
ces traitements fonctionnent : traitement pour la dépression, autre
façon de contrôler la douleur, etc. C'est à cause de ça que ça... Je me demande
si cette obligation devrait être inscrite dans un tel projet, de tout faire
avant d'avoir accès à la mort.
Mais ce qui
est important pour moi, c'est que… On parle beaucoup de la souffrance physique et des quelques rares cas où on ne peut pas contrôler cette souffrance,
mais l'ensemble des recherches indiquent que ce n'est pas à cause
de la souffrance physique que les gens
demandent l'euthanasie, ils demandent à abréger leur vie souvent par
crainte de quelque chose qui va arriver. Et il y a moins de ces craintes…
elles sont très rares dans une bonne unité de soins palliatifs ou quand la personne reçoit des bons soins palliatifs à
domicile parce que c'est très facile d'avoir peur des choses qu'on ne vit pas encore. Pour cette raison, en Oregon, les
personnes qui reçoivent des poisons,
qui ont rempli l'ordonnance et ont avec eux un moyen de se tuer et qui
ont convaincu deux médecins qu'ils doivent mourir tout de suite parce qu'ils
souffrent tellement, plus qu'un tiers changent d'avis parce que
ce n'est pas si pire. Leurs craintes ne sont pas fondées. Donc, c'est
très important de tout faire pour soulager la souffrance. Et, s'il y a
une loi passée au Québec sur l'euthanasie, j'aimerais que ce soit inscrit nommément
comme une obligation des médecins pour s'assurer que l'euthanasie ne devient
pas quelque chose que les gens vont choisir quand il y a d'autres options.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Pour le premier
bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Merci,
M. le Président. Alors, bonjour,
merci pour votre présentation. Si je
comprends bien, vous
souhaiteriez une espèce de gradation. Advenant le cas où le projet de loi
serait maintenu dans sa forme actuelle, vous souhaiteriez certains amendements
incluant une espèce de gradation quant aux soins de fin de vie, c'est-à-dire,
soins palliatifs. Est-ce qu'il faudrait que
la sédation palliative fasse partie de cette gradation de soins là, puisque vous
demandez que l'aide médicale à mourir ne soit placée comme le choix de dernier
recours ou le choix ultime? Donc, j'essaie de comprendre,
parce lorsque vous dites : Tout faire avant d'accéder… il faut s'assurer
de tout faire avant d'accéder à la mort, ça veut dire qu'il y aurait une
gradation dans les soins qui pourrait être offerte.
M. Mishara (Brian
L.) : Je pense…
Le Président (M.
Bergman) : M. Mishara.
M. Mishara (Brian L.) : Oui. Merci. Je pense qu'il y a deux choses. La
première chose, c'est que souvent les êtres
humains se trompent. On ne prend pas des bonnes décisions : on ne se marie
pas avec la bonne personne, on n'achète pas la voiture la plus fiable.
On fait toutes sortes d'erreurs dans la vie. Et très souvent les personnes qui demandent
l'euthanasie, selon les recherches dans les
Pays-Bas et en Oregon, se trompent. Ils pensent que l'avenir est
épouvantable, qu'il n'y a rien à faire, que
je vais continuer à souffrir comme ça, et ils ignorent le fait que peut-être
ils sont déprimés à cause des effets
secondaires des médicaments ou quoi que ce soit. Donc, il y a obligation
primordiale de s'assurer qu'on fait tout notre possible pour soulager
les souffrances autrement avant de donner accès à la mort. C'est une chose.
La
deuxième chose, c'est vraiment par rapport à c'est quoi, les soins palliatifs.
Quand Cicely Saunders a créé le premier
hospice en Angleterre, dans les années 1950, c'était un lieu pour vivre, ce n'était
pas un lieu pour mourir. C'était un lieu
pour vivre avec la meilleure qualité de vie possible jusqu'à la fin de la vie.
Il fallait ne pas continuer des traitements pour prolonger la vie pour entrer en soins palliatifs parce que l'idée,
c'était de ne pas lutter contre la mort mais vivre dans les meilleures
conditions possibles jusqu'à la mort. Plus tard, elle a mis toute l'emphase sur
les soins à domicile, et les lits dans les
unités de soins palliatifs servaient et servent maintenant majoritairement
pour donner un peu de répit à la famille qui prend soin de quelqu'un. Quelqu'un, dans une période de crise, peut rentrer quelques
jours, retourner à la maison. Donc, ce n'est pas : Vous rentrez là,
vous allez mourir, mais c'est dans une… vraiment un service de soins intégrés.
Donc, l'idée de mettre dans un lieu pour
vivre, pour bien vivre… Le fait que la personne… un des intervenants peut
donner la mort à quelqu'un, c'est incompatible avec la philosophie de
base des soins palliatifs.
• (15 h 40) •
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Merci. J'ai un certain nombre de questions. Si toutes vos réponses sont aussi
longues, on va en avoir pour un petit bout de temps.
Dans
votre présentation, vous nous avez parlé à votre façon de l'article 26 du
projet de loi, les critères qui... les conditions
qui permettraient, dans l'éventualité d'une adoption du projet de loi, de
recourir à l'aide médicale à mourir. Et j'ai compris de vos commentaires qu'il y aurait peut-être, advenant le
cas où cette loi-là était adoptée, advenant le cas où on maintenait cette orientation-là, ce soin-là, il
faudrait peut-être ajouter le caractère imminent de la mort, c'est-à-dire,
pour peut-être venir pallier à votre préoccupation à l'effet que, par exemple,
une personne atteinte de schizophrénie puisse
se prévaloir à un certain moment donné, bien qu'on est dans une question de
soins de fin de vie… le préciser, à l'intérieur
de l'article 26, que c'est vraiment dans un contexte où la mort est imminente,
est à nos pas, et de ne pas laisser la voie à une interprétation plus
large. De un.
Et,
de deux, est-ce que vous croyez, justement en raison des mauvais choix parfois
qui sont faits par l'être humain de façon naturelle, est-ce que vous
croyez qu'il serait opportun d'introduire un délai entre la première demande et
la deuxième demande ou entre l'avis du
premier médecin et le deuxième avis, c'est-à-dire un délai où le patient
pourrait peut-être revenir sur sa décision?
Ça avait été présenté au tout début, lors des auditions de la commission, de la
commission spéciale. Certains groupes
avaient suggéré qu'un délai puisse être introduit pour donner justement cette
réflexion-là ou un petit peu la même réflexion que les patients en
Oregon qui reçoivent leur médication et qui ne la prennent pas. Bien, probablement qu'il y a quelque chose qui s'est
passé pendant cette période tampon là, entre le moment où ils sont allés
voir le médecin et qu'ils ont dit : J'ai
besoin de ma médication, et le moment où ils sont arrivés à la maison puis ont
dit : Oups! c'est peut-être un peu fort, comme solution. Est-ce que vous
croyez que d'introduire ces balises-là pourrait...
Puis
je comprends, là, je comprends aussi votre distinction entre l'aide médicale à
mourir et les soins palliatifs. Il y a énormément de groupes qui nous l'ont
dit puis, à quelque part, ça n'allait pas ensemble. Ça, on a bien compris la
philosophie des soins palliatifs. Mais, une fois ça mis de côté, est-ce que
vous croyez que ces éléments-là devraient être... ces balises-là devraient être
incluses à l'article 26?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Mishara.
M. Mishara (Brian
L.) : Merci. Dans un premier temps, si vous souhaitez que ce soit
limité aux personnes en fin de vie, je pense
qu'il faut l'inscrire. L'expérience démontre... au début, en Belgique et dans
les Pays-Bas, c'étaient les personnes
en fin de vie et personne d'autre. Maintenant, les personnes qui souffrent de
dépression ont reçu l'euthanasie. Quelqu'un récemment qui a eu une
intervention chirurgicale pour changer son sexe a réclamé et reçu l'euthanasie.
Si vous voulez que cette pente glissante dont tout le monde parle n'arrive pas,
il faut être très précis.
Par rapport aux questions
de délais, je laisse à vous… C'est inscrit qu'il faut que ce soit réfléchi.
Pour moi, ça implique un certain délai. Je ne sais pas si ça ajouterait. Je pense que ce qui est crucial, ce n'est pas tellement
des choses techniques,
si on a mis 10 jours ou cinq jours. Mais, si on a une obligation
de tout faire pour soulager la souffrance avant, le nombre de personnes
pour lesquelles on ne peut pas soulager ces souffrances va être très petit.
Encore une fois, le Sénat du Canada, à deux reprises, ils ont un comité spécial qui s'est
penché sur la question, ils ont
entendu plus ou moins les mêmes arguments que vous avez entendus et ils ont
conclu que c'est prématuré de passer une loi sur l'euthanasie ou le
suicide assisté parce que tous les Canadiens n'ont pas accès aux bons soins
palliatifs. Donc, personnellement, je souhaiterais que d'abord
vous assurer que tout le monde ait accès aux soins palliatifs. Des gens
qui travaillent en soins palliatifs croient que c'est très rare — et
c'est leurs expériences — que
quelqu'un demande l'euthanasie ou désire mourir quand il reçoit ces soins. Et un
bon nombre de demandes, c'est des personnes qui ne connaissent pas assez
bien c'est quoi, les bons soins ou qui n'ont pas accès.
Le
Président (M. Bergman) : …fin au premier bloc de l'opposition
officielle. Deuxième bloc du
gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui, merci beaucoup. Peut-être un élément pour ce
qui est de s'assurer de la réflexion de la personne. Je vous référerais à l'article
28.1°c, qui dit que le médecin doit donc s'assurer «de la persistance de ses souffrances et de sa volonté réitérée d'obtenir l'aide
médicale à mourir, en menant avec elle des entretiens à des moments différents, espacés par un délai raisonnable
compte tenu de l'évolution de son état». Donc, c'est quelque chose qui est justement là pour s'assurer qu'on s'inscrit dans une
demande qui est réitérée dans le temps, qui fait l'objet d'échanges, je dirais,
à des moments différents avec le soignant. Et je vous entends dire : Vous
n'iriez pas dans quelque chose de chiffré comme cinq jours ou 10 jours.
Et effectivement, de l'expérience d'ailleurs, on nous a dit de ne surtout pas
faire ça. C'est pour ça qu'on met «compte
tenu de l'évolution de son état» parce
qu'on est conscients qu'une
personne… — puis
on avait un cas, ce matin, qui nous a été
relaté — chaque
heure peut représenter comme deux jours d'agonie tellement c'est difficile.
Donc, quelqu'un peut en avoir pour quelques jours, quelqu'un peut en avoir pour
quelques semaines, mais l'important, c'est de s'assurer, compte tenu de son
état, de la persistance de sa demande, de ses souffrances et en menant des
entretiens, donc, à des moments différents. Je voulais juste porter ça à votre
attention.
Il y a peut-être
deux éléments sur lesquels j'aimerais vous entendre. Vous avez dit tout à l'heure que, dans les 40 pays où
on a évalué le niveau ou la qualité des soins palliatifs, la Belgique
et les Pays-Bas se situent au cinquième et au septième rang. Et on a
souvent entendu, pendant les travaux de la commission spéciale — ce
qui sont des bons rangs quand même pour des pays où l'aide médicale à mourir et
où l'euthanasie sont possibles — et on nous a souvent dit, pendant les travaux, que justement il y avait eu
cet essor des soins palliatifs dans la foulée de l'introduction d'une
forme d'aide médicale à mourir dans ces deux
pays-là. Donc, ça, j'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce qu'effectivement
c'est le cas?
Et l'autre élément, c'est de savoir,
quand une personne est en toute fin de vie… Parce que vous dites…
tantôt, vous parliez : Il y a une crise
qui peut survenir après un diagnostic, des symptômes de dépression, avec les
traitements aussi, en chimiothérapie
notamment quand on est dans un contexte de cancer. Ça, je vous suis
parfaitement. Mais, quand on n'est plus dans le curatif, on n'est plus
dans le choc du moment mais qu'on est en fin de vie, j'imagine aussi qu'il
y a beaucoup de gens qui sont déprimés parce
que, la fin de vie, il y a la souffrance existentielle de voir cette mort-là
qui est imminente ou qui approche à grands pas. Est-ce que, dans les derniers
jours de la vie de quelqu'un, on traite… Si on estime qu'elle est en dépression, est-ce qu'on traite la
dépression? Parce que les antidépresseurs, ça prend du temps à
agir, une psychothérapie aussi. Donc, est-ce qu'on traite ça en toute fin de
vie?
• (15 h
50) •
Le Président (M.
Bergman) : Dr Mishara.
M. Mishara (Brian L.) : C'est curieux, mais, d'habitude, selon les
recherches, plus qu'on se rapproche de la mort, moins qu'on souffre de
dépression, anxiété, et tout cela. Donc, les craintes, les peurs, et les
craintes, et les réactions de dépression
sont les plus aiguës au moment où on apprend le diagnostic et les quelques mois
après, loin d'être en fin de vie. Et c'est à ce moment-là qu'il y a le
plus de demandes. Donc, si vous insistez sur le fait que c'est fin de vie, ça
va éliminer un certain nombre de personnes
qui ont des réactions en anticipation de ce qui va arriver. C'est la même
chose avec le vieillissement et l'âge des
personnes. Les jeunes ont plus peur de la mort que les vieillards. Les
personnes âgées ont moins peur de la mort quand elle se rapproche. Et
évidemment il y a des exceptions.
Une
partie de la philosophie en soins palliatifs, c'est beaucoup de la dépression,
c'est lié au milieu de vie. Et, si c'est à domicile ou dans une unité de soins palliatifs, si on améliore la
qualité de la vie de la personne, le désir de mourir plus tôt disparaît
dans un grand nombre de cas. Et, quand j'avais suggéré et dit que, selon les
recherches, même si tout le monde peut citer
un cas épouvantable de douleurs non traitables, qui est très rare, grosso modo
les personnes qui reçoivent l'euthanasie, suicide assisté ailleurs ne
sont pas ces personnes qui souffrent physiquement. Ce sont des personnes qui ont une souffrance plus psychique. Et il y a
toutes sortes de questionnements si ces personnes continueraient à
souffrir si elles avaient des bons soins.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose, il vous reste deux
minutes dans ce bloc.
Mme
Proulx : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Dr Mishara.
Vous venez de mentionner quelque chose qui m'apparaît intéressant et que je mets en lien avec des propos que vous
aviez au début de votre présentation. Vous venez de dire que plus on se rapproche de la mort, en fait,
les études démontrent que moins on est dépressif ou angoissé. Et vous
mentionniez, au début, que, bien souvent, les gens ont peur, et, lorsqu'ils demandent
l'aide médicale à mourir, ça peut être parce qu'ils anticipent, ils ont peur de
ce qui peut arriver.
Mais
à ce moment-là, si on prend un exemple de quelqu'un qui est réellement en fin
de vie, qui sait que sa mort est très
proche, quelqu'un qui est extrêmement souffrant, quelqu'un qui, par exemple,
ferait partie du 3 % de personnes pour qui on ne peut pas soulager
la souffrance et qui, en toute connaissance de cause, légitimement, demande l'aide médicale à mourir, est-ce que vous
ne pensez pas que ça peut être quelque chose d'envisageable, là, de la part du
médecin, compte tenu notamment de ce que vous venez de dire, qu'on peut
présumer que cette personne-là n'est pas dans une grande déprime, elle
est souffrante?
Moi, je vous
donne l'exemple de quelqu'un qui a des souffrances intolérables, qui est en
train d'agoniser et qui, par exemple,
se rendrait au bout du continuum, c'est-à-dire que tout ce qu'il nous reste à
lui proposer serait la sédation et qui, confronté à ce choix-là,
dirait : Je décide, et je souhaite, et je demande plutôt l'aide médicale à
mourir.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Mishara, le temps pour une très courte réponse.
M. Mishara
(Brian L.) : Je peux donner
la réponse que Cicely Saunders m'a donnée quand j'ai posé la même
question à elle, fondatrice des soins palliatifs. Sa réponse était : Si
quelqu'un souffre, c'est parce que son médecin ne sait pas comment bien soulager la souffrance, parce que,
chez nous, on est toujours capables. Je ne sais pas si c'est vrai, mais la question est plus large qu'un seul cas. Si on fait les
lois basées sur un cas d'exception rare, on est un peu foutus comme société, parce qu'il faut qu'on crée
des lois qui vont s'appliquer à tout
le monde, être accessibles à tout le monde, et pas pour un rare cas. Donc, pour moi, la décision d'adopter une loi qui
autorise ou permet l'euthanasie dans certains cas doit considérer l'ensemble
des demandes, le contexte réel.
Ou l'exemple
que vous donnez, qui… J'ai beaucoup d'empathie et sympathie, et ça me touche, un tel
exemple, mais je sais que la grande majorité
des personnes qui reçoivent l'euthanasie aujourd'hui ne sont pas comme cet exemple. Donc, il
faut penser, quand on relit les critères, et tout cela : Est-ce que ça
vise cette personne rare et ça exclut tous les autres ou est-ce que cette
personne est, comme en Belgique ou les Pays-Bas, la personne qui a une
dépression chronique et dit qu'elle ne veut
pas prendre des médicaments parce
que, tel qu'inscrit ici, la personne ne juge pas que c'est tolérable de
prendre des médicaments? Donc, il faut vraiment penser à l'ensemble des
personnes et pas les rares cas d'exception qui semblent évidents pour beaucoup
de monde.
Le Président (M. Bergman) :
Maintenant, pour le bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de
Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Merci, docteur, Pr
Mishara. En préambule, avant la commission, on se parlait et vous disiez — parce
que vous êtes un spécialiste de la prévention du suicide — que
les personnes sourdes étaient les personnes qui se suicidaient moins que d'autres groupes dans la population, comme des
personnes en situation de handicap. Je voulais le dire parce que je
pense qu'il y a quelque chose d'important.
Deuxièmement, quand vous avez parlé, vous avez toujours
dit «euthanasie» et vous avez évité le terme «aide médicale à mourir». J'ai
comme l'impression que vous n'aimez pas tellement cette terminologie.
Troisièmement, vous avez aussi mentionné que, s'il y avait des accès universels complets pour les personnes qui ont besoin
de soins palliatifs, ça coûterait 25 % des coûts, ça coûterait beaucoup
moins cher. Je pense que c'est ça que vous avez dit, puis vous me corrigerez.
Puis, en
terminant, c'est une question très directe : Vous, qui avez étudié l'euthanasie
aux Pays-Bas, est-ce que vous êtes pour un projet de loi tel qu'il est
présenté actuellement au Québec?
Le Président (M. Bergman) :
Dr Mishara.
• (16 heures) •
M. Mishara (Brian L.) : Bon. Un, je
suis convaincu que ça coûterait moins cher. Chaque dollar investi en soins palliatifs va sauver de l'argent parce qu'on
meurt à l'hôpital et ça coûte cher à l'hôpital. Mais, quand j'ai dit :
Je pense qu'il faut repenser le système et avoir une meilleure intégration du
système, ne pas avoir deux systèmes, un à domicile, un dans un hôpital ou une
unité spécialisée...
Oui, j'utilise le mot «euthanasie» parce que c'est
le mot que tout le monde utilise pour décrire ce que vous voulez légaliser, même si je comprends
parfaitement pourquoi vous avez choisi une autre terminologie. Je pense que
ça porte confusion dans la population. On ne
sait pas ce dont on parle parce qu'on crée une autre terminologie et une
autre… Bon. Je crois que c'est vraiment une
décision de société si on légalise ou on ne légalise pas quelque chose, mais
personnellement, et ce n'est pas très bien
vu au Québec, si on légalise quelque chose, je préfère légaliser le suicide
assisté parce que, quand j'ai les
«medicines» dans ma poche, je peux faire comme en Oregon, je peux les prendre
ou ne pas les prendre, mais, quand le
médecin vient pour mettre fin à ma vie, j'ai de la misère à refuser. Mais je ne
pense pas que c'est… on va dans une telle direction, donc c'est inutile
de le dire. Mais, dans le contexte actuel, je préférerais s'assurer que tout le
monde ait accès à de bons soins palliatifs et, après ça, voir s'il y a toujours
une demande pour l'euthanasie.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Une question qu'on n'a
pas beaucoup abordée parce qu'on est partis avec le principe que c'est
un droit du patient d'avoir l'aide médicale assistée : Est-ce que vous
trouvez que ça doit être une obligation pour
un établissement de santé au Québec d'offrir l'aide assistée tel que ça a été
émis dans la loi ou encore on devrait
avoir une organisation du service dans le sens que c'est une possibilité de l'avoir
au Québec, mais ça devient le choix de la personne
puis, à ce moment-là, on mettra en place une organisation de services pouvant
le plus possible être capable de répondre à ce besoin, et non pas en faire un
droit?
Le Président (M. Bergman) :
Dr Mishara.
M. Mishara
(Brian L.) : La question, c'est :
Qui est en mesure de déterminer si une demande de mourir répond aux critères? Et l'option, en Europe, que ce soit
le médecin, c'est parce que les médecins, d'habitude, ont une longue
relation avec leur patient et ils sont en
mesure de prendre ces décisions. Et le problème, c'est… Moi, pendant longtemps,
je n'avais pas de médecin de famille.
Je suis allé à une clinique. À ce moment-là, si je demandais l'euthanasie, ce
serait un médecin que je viens de rencontrer, qui ne me connaît pas en
tant que personne. Donc, c'est une situation très différente.
Donc, l'obligation,
si on légalise quelque chose, c'est de s'assurer que les personnes qui décident
si je réponds aux critères me
connaissent, et prennent ça au sérieux, et font une bonne évaluation, et
prennent le temps de me connaître. Et je ne pense pas que le fait de créer des spécialistes qui ne font qu'accueillir
les personnes qui veulent mourir va s'assurer qu'il y a une très bonne
évaluation de ce qui se passe.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci, M. le Président. Admettons l'hypothèse que le projet de loi passe, on va
vouloir le mettre en application dans les
mois qui suivent. Au Québec, la situation actuelle, en moyenne, c'est 25 %
des Québécois qui n'ont pas de médecin de
famille, mais, certaines régions comme Montréal, c'est près de 40 % des
gens qui n'ont pas de médecin de famille. Ce
que vous demandez là, c'est peu plausible qu'on soit capables de le faire à
brève échéance.
Deuxième phénomène. On a rencontré la majorité
des groupes de soins palliatifs, et eux ne veulent pas le faire. Donc, on va se retrouver dans le dilemme où
ceux qui suivent les patients sur une longue période, lorsqu'arrive le
moment de la demande de l'aide médicale à mourir, la réponse, dans le projet de
loi, c'est de dire : Ils vont référer à un
endroit, qui, d'après moi, ne devrait pas être le DSP, mais peut-être quelqu'un
dans la structure hospitalière ou du CSSS, et cette personne-là va avoir la responsabilité de trouver quelqu'un,
mais la personne qu'ils vont trouver, ce ne sera pas quelqu'un qui
connaît le patient, dans un premier temps. Ça fait que je ne sais pas… Vous
voyez la mécanique qu'on doit mettre en place pour réussir à répondre à ce
droit-là selon le projet de loi.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Mishara.
M. Mishara
(Brian L.) : Je ne sais pas.
C'est tout un défi. Parce que l'objectif de répondre n'est pas
simplement d'accéder à une demande; l'objectif, c'est de faire la meilleure chose
pour la personne et s'assurer que la personne ne meure pas quand on peut soulager sa souffrance autrement. Donc, il faut
que ce soient les personnes qui sont en mesure de s'assurer que la personne reçoit les bons services
et qu'il y a un suivi et une bonne intervention. Et, avant de faire ça, il
faut s'assurer qu'on a les services
disponibles — les bons
soins palliatifs à domicile, l'hébergement, et tout cela — accessibles à tout le monde. Sinon, quelqu'un va faire une demande, le médecin va
dire : Bon, cette personne a besoin d'un meilleur contrôle de sa
souffrance, mais malheureusement elle est sur une liste d'attente.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci, M. le Président. Vous avez glissé le mot sur le suicide assisté.
Moi, je pensais que le fait d'avoir l'aide
médicale à mourir répondrait aux gens qui faisaient justement
de la demande de suicide assisté tout
simplement parce qu'étant donné que c'est balisé ils vont
être supportés par un médecin et ils n'auront pas l'odieux, à ce moment-là, soit de prendre la médication ou s'injecter
un produit par eux autres mêmes pour ne pas que quelqu'un d'autre soit accusé au niveau criminel. Moi, il me
semblait, au contraire, qu'en créant l'aide médicale à mourir on pouvait
dire qu'on répondait également aux demandes
de suicide médical assisté, mais par un geste de consentement tant du
patient que du professionnel.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Mishara.
M. Mishara
(Brian L.) : Le problème, c'est
la question de pouvoir changer d'avis. Si je prends rendez-vous avec un
médecin qui va venir mettre fin à ma vie parce que je l'ai convaincu que je
dois mourir, c'est pas facile, dire au médecin :
Est-ce que vous pouvez revenir la semaine prochaine?, j'hésite un peu. Il est
occupé, il est convaincu que je dois
mourir. D'habitude, on est dans une situation de quelqu'un de pouvoir, qui a un
grand pouvoir, qui est présent, mais, dans le suicide assisté, moi, tout
seul, je décide. Et l'expérience indique que 37 % des personnes qui ont
convaincu deux médecins qu'elles souffrent tellement qu'elles doivent tout de
suite mourir et qui ont procuré les moyens ont décidé de continuer à vivre. Pour moi, c'est très puissant. Presque
0 % des personnes qui prennent rendez-vous avec un médecin pour l'euthanasie
ou l'aide médicale à mourir changent d'avis.
Donc, je veux ouvrir les possibilités aux
personnes de changer d'avis, mais je suis tout à fait conscient qu'actuellement
ce n'est pas envisagé au Québec. Donc, c'est une opinion. Mais donc il faut
voir ce qui est réaliste. Actuellement, on a
un projet de loi déposé. Si ça passe, je veux m'assurer que ça protège autant
que possible les personnes vulnérables.
Mais personnellement je préfère d'abord investir en soins palliatifs et je ne
comprends pas pourquoi il faut se dépêcher pour avoir accès à l'euthanasie
quand on n'a pas encore accès aux bons soins palliatifs.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Je vous suis dans votre raisonnement. Mais moi, je n'avais pas tout à fait le
même raisonnement, dans le sens que, lorsque
la personne va faire la demande, il n'y aura pas une réponse immédiate. Il y
a une démarche qui doit être faite, entre autres le deuxième médecin. Je ne
sais pas s'il est prévu qu'il va y avoir un délai pour s'assurer que la
personne veuille continuer à être dans cette démarche-là. Et ce que je
comprends, puis ça, c'est important :
avant de poser le geste, qui est quand même un geste important, il va
certainement y avoir une validation si, oui ou non, les gens veulent qu'on continue. Puis là, si leur décision,
c'est de continuer, bien on va respecter leur choix.
Et, dans ce
dossier-là, pour moi, un élément extrêmement puissant : on offre le choix
au patient, mais à un moment donné le
patient a aussi la responsabilité de prendre sa décision. Là, tous les gens
viennent nous voir et nous disent : Oui, mais pression de la famille ou telle autre raison, il peut changer en
cours de route, il va être plus heureux s'il décide de ne pas le faire. Ils nous disent tous, 10 jours
après : Je suis content de ne pas l'avoir fait. On est dans un principe
aussi, on fait nos choix. Moi, quand
un patient vient me voir au bureau puis je lui offre quelque chose… Un exemple,
on parlait des dépressions. On lui
offre des antidépresseurs. S'il décide de ne pas les prendre, je ne me sens pas
coupable comme docteur. Je travaille
avec elle peut-être ou avec lui pour qu'il essaie de les prendre si je pense
que c'est bon, mais, à la fin, c'est son choix, cette personne-là.
Je le vois comme ça également dans l'aide
médicale à mourir, qui, pour moi, est un soin qu'on voit plus gros, mais, à la fin, c'est la décision des personnes,
en termes d'autonomie, qui doit prévaloir. Et, oui, sur 10 000
personnes ou 600 personnes par année, on va avoir des histoires où des gens
nous ont dit : On n'aurait peut-être pas voulu ça, on n'aurait pas ci, on n'aurait pas ça. Et ça, c'est
le dilemme de la médecine de chaque jour. Ce n'est pas parfait, mais on
vise à satisfaire le plus de personnes possible en respectant les droits de
chaque personne. Qu'est-ce que vous en pensez?
Le Président (M. Bergman) :
Dr Mishara.
• (16 h 10) •
M. Mishara (Brian L.) : Ce n'est pas
un choix comme les autres, le choix de mourir. Et les médecins, même dans les
Pays-Bas et en Belgique, qui doivent voir si quelqu'un répond aux critères se
sentent très mal à l'aise à appliquer les
critères. Donc, ce n'est pas facile. Et c'est un choix irréversible. Donc, si
on doit faire des erreurs dans une telle situation, c'est mieux d'avoir un accès plus difficile que plus facile
et de maximiser les possibilités de changer d'avis même après avoir fait
un tel choix.
Quand je suis
tout seul avec mes médicaments, tel qu'il se passe en Oregon, je les prends, je
ne les prends pas, il n'y a personne
d'autre d'impliqué. Mais, nous savons, il y a une situation psychologique et
sociale quand un médecin arrive pour
faire une intervention, énormément de pression de continuer même si on
dit : Est-ce que vous voulez continuer? Et, en réalité, ça arrive
rarement que quelqu'un qui choisit l'euthanasie change d'avis à la dernière
minute parce qu'il va décevoir le médecin,
qui est un homme occupé, qui est arrivé, tout est prévu, et tout cela. C'est
différent quand j'ai les médicaments, je décide, et c'est autre chose.
Mais, encore une fois, je suis réaliste et je ne
crois pas que l'idée d'avoir le suicide assisté est acceptée. Et, encore une fois, il y a un problème légal. Le
suicide assisté est interdit par la loi 241 du gouvernement fédéral, donc
il serait moins faisable de l'autoriser.
Le Président (M. Bergman) :
Malheureusement, le temps s'est écoulé. Dr Mishara, merci beaucoup pour la
présentation. Merci d'avoir partagé votre expertise avec nous.
Je demande aux gens de l'Association du Québec
pour l'intégration sociale de prendre place à la table.
Et je suspends pour quelques instants seulement.
(Suspension de la séance à 16 h 12)
(Reprise à 16 h 14)
Le
Président (M. Bergman) : Alors, collègues, on reçoit maintenant
l'Association du Québec pour l'intégration sociale. Je souhaite la bienvenue à l'association. Je vous demande de
vous présenter : vos noms, vos titres. Et vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un
échange avec les membres de la commission. Alors, les prochaines 15
minutes, c'est à vous.
Association du Québec pour l'intégration sociale (AQIS)
Mme Babin (Jacqueline) : Merci, M.
le Président. Mme la ministre, membres de l'Assemblée, bonjour. Merci à la commission de permettre à l'AQIS
de présenter son mémoire. Je suis Jacqueline Babin, présidente, et
surtout maman d'un enfant de 47 ans qui vit
avec une déficience intellectuelle; M. Roger Duchesneau, vice-président, qui est père d'une jeune fille de 24 ans qui vit également avec
une déficience intellectuelle et qui, de plus, est non verbale; Mme Catherine
Fortier, qui représente les personnes qui vivent avec une déficience
intellectuelle sur le conseil d'administration de l'AQIS et également à l'Association pour
l'intégration sociale, région de Québec, où elle travaille également, Mme Fortier est
aussi la première femme présidente du Mouvement Personne d'abord
canadien; et Mme Susie Navert, la dernière et non la moindre, conseillère
à la promotion et à la défense des droits.
L'Association
du Québec pour l'intégration sociale est un organisme
provincial voué à la promotion des intérêts et à la défense des droits des personnes présentant une déficience intellectuelle et de leurs familles, et
ce, depuis plus de 60 ans. Elle
regroupe plus de 80 associations oeuvrant dans le domaine de la déficience
intellectuelle à travers le Québec. Dans le mémoire que nous avons présenté à la commission spéciale Mourir dans la
dignité en 2010, nous évoquions que l'AQIS a développé un grand intérêt pour la question de l'euthanasie au début des
années 90 lors du cas Latimer, en Saskatchewan, ce père qui a tué par compassion sa fille qui avait de grands besoins en
raison de ses limitations sur les plans physique et intellectuel.
Cet événement tragique a amené l'AQIS à se doter
d'une charte des valeurs qui fut suivie d'une profonde réflexion concernant la prise de décision. Ainsi ont été élaborés un
guide et une formation, qui se donne encore, intitulée Prendre la décision de décider pour l'autre :
un pensez-y-bien, dont Catherine
Fortier est d'ailleurs coformatrice. En fait, pour bien dire, nous avons de sérieux doutes quant
à la capacité de certaines personnes qui ont de la difficulté
à maîtriser des concepts à prendre une décision libre et éclairée sur
des sujets aussi cruciaux que l'euthanasie. Enfin, notre ultime crainte est que
des personnes ayant une déficience intellectuelle se fassent euthanasier sans
leur réel consentement.
Les
consultations. Bien que nous saluions la démarche et le processus de la consultation de la commission
spéciale Mourir dans la dignité, qui a eu un
haut taux de participation, nous avons été étonnés des conclusions qui en ont
été tirées. Tout particulièrement,
nous avons été stupéfaits d'apprendre que les Québécois sont majoritairement
pour l'euthanasie. C'est ce que les
sondages font ressortir. Mais doit-on s'y fier, sachant que l'arrêt ou le refus
de traitement est souvent pris pour
de l'euthanasie par la population? D'ailleurs, dans son document de réflexion Mourir
dans la dignité — Des
précisions sur les termes et quelques enjeux éthiques, la Commission de l'éthique
de la science et de la technologie souligne les diverses conceptions de
certains termes et les limites de sondages.
Par ailleurs,
l'organisme réseau Vivre dans la dignité, qui a analysé mémoires, présentations
et interventions à la consultation publique de la commission, a tiré des
statistiques selon lesquelles 60 % des Québécois sont totalement opposés à l'euthanasie et au suicide assisté et
seulement un tiers, 34 %, de ceux qui ont participé aux auditions
étaient favorables ou plutôt favorables à l'euthanasie.
On fait référence ici aux individus et aux organismes qui ont pris la
peine d'écrire un mémoire ou de se déplacer
pour faire part de leurs réflexions sur le sujet. Nous sommes très préoccupés
du fait que la commission se soit basée sur
différents sondages menés au cours des dernières années pour affirmer qu'entre
70 % et 80 % des Québécois
démontrent un appui à l'euthanasie, terme qui est mal compris, plutôt que ceux
sur les réflexions des personnes qui
ont participé à la commission en personne ou par écrit. La majorité des
Québécois souhaitent-ils vraiment la légalisation de l'euthanasie?
• (16 h 20) •
La terminologie. Par manque de temps, je
passerai vite sur cette question. Mais nous considérons que l'aide médicale à
mourir n'est pas un soin et qu'elle devrait être dans une catégorie à part.
Aussi, par souci de clarté et de transparence, nous aurions préféré qu'un terme
plus précis soit utilisé et nous suggérons «l'euthanasie médicalement
accompagnée».
Les soins
palliatifs. Le gouvernement actuel a entendu la population, qui réclame l'accès à des soins palliatifs. Nous espérons qu'il poursuivra ses efforts. Dans l'éventualité
où l'euthanasie deviendrait accessible au Québec, il serait primordial que la personne qui la demande ait l'opportunité
de bénéficier des soins palliatifs à sa convenance avant que sa demande
ne soit considérée afin que ce ne soit pas par manque d'alternative qu'elle
envisage l'euthanasie.
La sédation palliative terminale. Dans son
rapport de 2012, la commission souligne le besoin d'encadrer la sédation
palliative intermittente et continue, entre autres pour contrer le fait que
certains médecins demandent le consentement de la famille sans s'assurer de
celui de la personne concernée même si elle est apte à le faire.
Nous
aimerions vérifier notre compréhension de la sédation palliative alternative.
Nous avons compris, lors de votre
conférence de presse, Mme la ministre, que c'est l'administration d'une
médication à une personne de façon continue dans le but de soulager sa
douleur en la rendant inconsciente jusqu'à son décès. Est-ce alors un soin de
confort ou est-ce plutôt un acte d'euthanasie
puisque, dans le projet de loi, à l'article 25, on précise que cet acte est irréversible?
Si tel est le cas, pourquoi la sédation
palliative n'a-t-elle pas le même encadrement que l'aide médicale à mourir? Un représentant légal pourrait-il donner
son consentement pour une personne inapte? Le cas échéant, en serait-elle
informée? Par ailleurs, qu'en est-il de la sédation palliative intermittente?
Fera-t-elle toujours partie des soins palliatifs?
L'aide médicale à mourir : les critères et les balises. Lors de notre
présentation à la commission spéciale Mourir dans la dignité, nous nous sommes montrés très préoccupés du sort qui
pourrait être réservé aux personnes déclarées inaptes advenant la légalisation ou la dépénalisation de l'euthanasie.
En effet, partant du principe que personne ne peut juger de la qualité de la vie d'une autre et que, d'autre
part, le Code civil du Québec prévoit qu'un représentant autorisé par la
loi peut donner son consentement aux soins
en remplacement d'un autre, le souci de l'AQIS est d'éviter que, par
compassion, un tiers — famille
ou représentant légal — décide
de demander l'euthanasie à la place d'une personne qui a une déficience
intellectuelle.
Le projet de loi comprend des critères qui, à première vue, apparaissent rassurants, en
ce sens que la personne doit demander l'euthanasie elle-même et doit
être apte à consentir aux soins. Mais une telle loi aurait-elle préséance sur l'article
11 du Code civil, qui se lit comme suit : «Si l'intéressé est
inapte à donner ou à refuser son consentement à des soins, une personne
autorisée par la loi ou par un mandat donné en prévision de son inaptitude peut
le remplacer»? Si tel n'est pas le cas, est-ce suffisamment explicite dans le projet
de loi?
Les
dérives. Le rapport de la commission se fait également rassurant en soulignant que l'euthanasie ne
conduit à aucune des dérives appréhendées au sujet des personnes vulnérables,
qu'elle n'a pas nui au développement des soins palliatifs là où elle est permise. Peut-être que les
appréhensions de la commission ne se sont pas avérées justes, mais il n'en demeure pas moins que des abus et des dérives
ont été constatés dans les pays où l'euthanasie est autorisée. D'ailleurs,
ce printemps même, un mouvement citoyen s'est élevé en
Belgique en réaction à de nouvelles propositions de loi visant à étendre le champ de la loi aux mineurs d'âge et aux déments.
Ainsi, un collectif de professeurs universitaires, professionnels de santé et juristes de tous les
coins de la Belgique et d'horizons philosophiques différents a annoncé,
en avril 2013, la création du site Internet euthanasiestop. Ces gens
sentent-ils que, 10 ans après l'autorisation de pratiquer l'euthanasie, ils
sont au bord de la pente glissante?
Le
consentement aux soins de fin de vie. Nous approuvons les précisions, à l'article
6, concernant le droit de refuser un
soin. Nous souhaitons qu'elles soient diffusées pour que chaque personne sache
qu'elle n'est pas obligée de se faire soigner à tout prix et qu'elle
peut refuser l'acharnement thérapeutique. Cependant, que signifie ici «sauf
disposition contraire de la loi»? Cet
élément nous apparaît flou. Dans quelles circonstances un représentant légal pourra-t-il consentir aux soins pour une autre personne,
tel que le prévoit l'article 11 du Code civil? Il est clair, dans le projet de
loi, qu'il s'appliquerait à la sédation
palliative terminale, mais qu'en est-il de l'aide médicale à mourir? Si l'intention
est que le représentant légal ne peut
donner son consentement à la place de la personne, cela devrait être écrit noir
sur blanc pour éviter toute interprétation.
Le consentement libre
et éclairé. La notion du consentement libre et éclairé est fort complexe puisque
nous sommes influencés par de multiples sources. Le droit à un consentement
libre et éclairé est tantôt respecté, tantôt mal compris, tantôt bafoué,
dépendant des contextes mais aussi des individus qui doivent l'appliquer.
Ainsi,
on peut lire, dans le rapport du comité des juristes experts présidé par Me
Jean-Pierre Ménard, que — et
je cite — «les
abus et dérapages qui sont signalés de temps à autre, tant dans les pays où l'aide
médicale à mourir est permise que dans les
juridictions où elle ne l'est pas, impliquent principalement des problèmes liés
au consentement. Ce peut être la liberté du consentement, son caractère
éclairé ou l'aptitude de la personne à consentir qui est en cause. Certains rapports font également état d'euthanasie
non volontaire ou involontaire, dans lesquels le consentement du patient
n'a pas été obtenu, ou, pire encore, outrepassé.»
Et
aussi : «La liberté de consentement peut être affectée par la douleur, qui
peut être tellement considérable qu'elle amène le patient à solliciter la mort pour s'en délivrer. Dans un tel
cas, le médecin doit s'assurer que toutes les tentatives ont été faites pour soulager le patient, et qu'il en
conclut que sa douleur résiste à tout traitement, qu'il s'agit d'une
douleur réfractaire. La douleur momentanée
ne devrait pas être suffisante ni pour solliciter la mort ni pour convaincre le
médecin de la liberté de consentement.»
En conclusion, le
seul réelconsensus social qui ait été établi, ces dernières années,
autour de la question de mourir dans la dignitéest le besoin de soins
palliatifs de qualité dans toutes les régions du Québec, préférablement à
domicile. Soulager la souffrance morale, physique, psychologique des personnes
mourantes et de leurs proches, voilà le réel besoin de tous les Québécois.
L'AQIS doute
fortement qu'une réellemajorité des Québécois veuille la légalisation
de l'euthanasie. Nous sommes plus
pessimistes ou peut-être plus réalistes que le gouvernement quant aux dérives
possibles envers des groupes de
personnes dites vulnérables. Ce qui se discute actuellement au Parlement belge
seulement 10 ans après la légalisation et les propos que nous avons entendus de certains professionnels qui sont
intervenus devant cette commission — qui parlent déjà de permettre, sous prétexte d'égalité, l'aide médicale à mourir aux
personnes inaptes et aux mineurs — renforcent
notre conviction qu'il faut à tout prix protéger les plus vulnérables de notre
société et éviter que des tiers prennent la décision
de les euthanasier. C'est par des soins palliatifs de qualité que tous seront
égaux. Pensons-y bien. Que souhaitons-nous léguer aux générations
futures : une société qui protège ses membres les plus vulnérables ou qui
laisse place à d'éventuelles dérives?
Je vous remercie. Et, M. le Président, si vous le permettez et s'il me reste quelques
secondes, Catherine aurait quelque chose d'important à nous dire.
• (16 h 30) •
Le Président (M.
Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé, mais...
Mme Babin
(Jacqueline) : Ah!
Le Président (M.
Bergman) : Il y a consentement. Alors, Mme Navert.
Mme Babin
(Jacqueline) : Catherine.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Fortier. Je m'excuse.
Mme Babin
(Jacqueline) : Merci.
Mme Fortier (Catherine) : Merci. Moi, je vous remercie de...
Excusez-moi. Je vous remercie de me... parmi vous autres. Je veux vous
dire, je ne souffre pas de mon handicap intellectuel. J'ai une belle vie, je
crois. J'ai un logement, je fais des activités,
je suis comme tous les autres, à peu
près. Oui, je suis chanceuse, moi. Je
suis comme mes soeurs, je suis en...
Mais je souffre des préjugés encore en face de moi quand les personnes me
disent telle, telle chose. C'est
ça, c'est... Ils pensent que je ne suis pas
capable de prendre les décisions. Quand j'ai besoin d'aide, je le demande, mais
la décision finale revient à moi-même, à
moi, pas aux autres. C'est dangereux que les autres, ils prennent des décisions
à ma place. Je vous remercie.
Le
Président (M. Bergman) : Merci, Mme Fortier. Merci beaucoup pour ces beaux mots de... Merci beaucoup. Maintenant, pour le bloc du
gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui. Bonjour. Alors, bonjour à vous quatre. Mme Babin, je sais que vous venez
de loin, donc heureuse que vous soyez ici, M. Duchesneau, Mme Navert et bien
sûr Mme Fortier. D'ailleurs, je vous félicite. Je comprends que vous êtes maintenant présidente du Mouvement Personne d'abord Canada. Donc, demain, on va entendre le Mouvement
Personne d'abord du Québec. Donc... Non?
Mme Navert (Susie) : Elle a été.
Mme
Hivon : Vous avez été. Bon. Bien, félicitations quand même!
Ça s'applique pour le passé aussi, donc. Bien, merci beaucoup d'être
ici.
Vous savez,
pour moi, c'est assez spécial parce
que je pilote ce projet de loi sur les soins de fin de vie, j'ai été membre, donc vice-présidente
de la commission spéciale pendant plusieurs années, et je suis aussi, par le
fait de l'évolution des choses, maintenant ministre
déléguée des Services sociaux et donc ministre responsable de l'Office des personnes
handicapées et ministre responsable, donc, évidemment, de la réalité, je
dirais, des services, et de l'aide, et de l'accompagnement pour les personnes qui vivent avec une déficience, qu'elle
soit intellectuelle ou physique. Donc, c'est certain que votre présence
et votre témoignage sont doublement importants pour moi.
Et j'ai une
sensibilité, depuis le début, je dirais, de ce projet de loi là, à ce que, d'une
part, les personnes qui ont une
déficience sentent qu'on les traite sur un pied d'égalité dans ce projet de loi
là. Donc, exactement comme vous venez de
dire, Mme Fortier, je dois vous dire qu'on est sur la même longueur d'onde,
parce que ce qui est au coeur de ce projet de loi là, c'est de respecter, avec d'autres principes évidemment, mais…
la personne elle-même. Donc, ce n'est pas un médecin qui doit prendre la décision. Que ce soit un refus de
traitement, que ce soit un arrêt de traitement, que ce soit une sédation
ou une aide médicale à mourir, le pouvoir doit être entre les mains de la
personne.
Mais on n'est
pas dans un régime d'autonomie absolue, à dire : Moi, je veux ci, ça, à
tel moment, à telle heure parce que je suis toute-puissante. On est
aussi dans un contexte médical où il y a une relation thérapeutique avec un médecin, et donc il y a des balises aussi, quand
on parle de l'aide médicale à mourir, pour éviter évidemment les dérives.
Mais le principe au coeur de ça, c'est de
respecter la personne, et ça, je pense que c'est fondamental. Donc, ça, c'est
quelque chose qui m'habite beaucoup, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas un
paternalisme, quand on regarde ce projet de loi là, pour dire : Ah bien, il faut avoir des critères
différents, ou s'inquiéter indûment, ou avoir... pour les personnes qui
auraient une déficience ou un défi particulier. Je pense qu'il faut être
conscients que ces personnes-là, comme nous le rappelle toujours le Mouvement des personnes d'abord, sont des personnes d'abord
aptes dans la mesure des choses à exprimer leur point de vue.
Mais l'autre,
évidemment, préoccupation, c'est de se dire qu'il ne faut pas que des personnes
qui peuvent être plus vulnérables dans notre société puissent, je
dirais, ne pas se sentir assez sécurisées ou sentir qu'il y a les balises juste pour éviter qu'il puisse y avoir des
dérapages. Et, à cet égard-là, je veux vous dire que, pour moi, la plus grande
des balises, c'est d'abord, comme je le dis
toujours, la volonté très forte de vivre des gens, et la deuxième, c'est qu'on
doit être dans un contexte de fin de vie.
Donc, je sais
qu'il y a des associations de personnes handicapées qui ont des craintes ou
véhiculent des craintes à l'effet qu'il pourrait y avoir des dérapages
concernant les personnes handicapées, mais on ne parle pas ici de mettre fin à la vie de personnes qui sont dans le courant
de leur vie pour des raisons qui n'ont rien à voir avec de la souffrance
incontrôlable ou une situation qui n'est pas en fin de vie. Donc, tout ça est
exclu parce qu'on est dans un contexte de fin de vie. Donc, ça, pour moi, c'est
toujours important de recadrer ça pour rassurer les gens.
L'autre
élément — puis
après je vais revenir plus à votre situation à vous — c'est de dire comment on en est venus
avec ces recommandations-là à la commission, comment on a évalué tout ça, la
place des sondages. Je vous dirais que c'est évident que ce n'est pas les
sondages qui ont mené la démarche parce qu'on n'aurait pas fait deux ans de consultations, on aurait dit : On a des
sondages, depuis 20 ans, qui nous indiquent un appui fortement majoritaire de
la population. Ça aurait été une démarche
vraiment beaucoup plus simple. Mais je ne pense pas qu'elle aurait été, d'un
point de vue démocratique, saine et solide.
Donc, quand on est arrivés avec nos recommandations,
c'est à la base de tout l'éclairage qu'on a reçu autant des experts, des groupes, des particuliers et à la lumière de 51 séances
de travail des membres de la commission qu'on en est venus avec ces recommandations-là pour une
multitude de raisons, mais surtout parce qu'on pensait qu'elles
reflétaient le juste équilibre entre les
besoins d'accompagnement, de compassion, de respect de la personne, de limites,
je dirais, aux souffrances humaines
et aussi de protection des personnes vulnérables. C'est ça qui nous a habités
et c'est ce qui m'habite encore avec le projet de loi qui est devant
nous.
Ceci dit, je pense que les sondages, quand ils
sont constants sur une période de 20 ans, comme ils le sont… Il y en a qui nous disent : Aide médicale à
mourir, c'est confus. Il y en a qui nous disent : Euthanasie, c'est
confus, les gens, ils ne comprennent pas. Moi, je pense, pour être
députée aussi puis avoir des gens qui me parlent quotidiennement dans différentes circonstances, que les gens, ils comprennent,
en général, bien franchement. Je pense que les gens, surtout à la
lumière de débats qui ont eu cours au Québec, au Canada, je pense que les gens
savent de quoi il est question. Est-ce que
tous les sondages sont parfaits? Non. Mais est-ce que c'est une indication
quand même tenace dans le temps? En plus, on avait fait une consultation
en ligne, et ça cadrait parfaitement avec les résultats des sondages, avec des
définitions précises, et tout. Je ne pense
pas que c'est un élément qui doit être celui qui nous guide, mais je pense que
c'est un élément qui indique une évolution sociale. Ça, je voulais juste
vous faire part de ça, puis vous pourrez réagir, évidemment.
Moi, ce qui m'intéresse,
c'est toute la question du consentement libre et éclairé pour les personnes qui
ont une déficience intellectuelle, qu'importe
le degré, légère, moyenne, sévère. Il y a toutes les dispositions du Code
civil. Mais je veux savoir, dans le
quotidien — puis
peut-être que, Mme Fortier, vous êtes bien placée pour nous le dire — quand
on accepte ou on
refuse un traitement… Il y a des personnes qui sont jugées aptes à consentir
aux soins, puis il y en a qui ne sont
pas jugées aptes à consentir aux soins. Je voudrais que la logique qui nous
habite dans le projet de loi, c'est la logique de suivre ce qui existe
déjà. Une personne apte à consentir aux soins peut consentir à tous les soins,
y compris si elle est en fin de vie. Elle ne perd pas cette aptitude-là parce
qu'elle est en fin de vie. Donc, j'aimerais ça savoir, dans le quotidien,
peut-être, les défis que vous rencontrez ou comment ça se passe, toute cette
question de l'évaluation de l'aptitude des
personnes pour consentir aux soins, que ce soit un traitement, une chirurgie.
Et aussi, plus spécifiquement, si vous avez des histoires de personnes
qui sont en fin de vie, qui ont été en fin de vie, comment tout ça s'est
articulé.
• (16 h 40) •
Mme Fortier
(Catherine) : Je pense, d'après moi, selon moi, c'est la peur en
premier, la peur, la colère, pas la...
Comment? Je vais vous donner un exemple. Mon père, il a déjà vécu... ça fait
cinq ans, mon père, il a déjà vécu dans un soin palliatif. Puis là,
quand il s'est ouvert… un peu, une petite affaire, puis à ceux-là, ils sont...
avec sa maladie, ils ne l'ont pas mis,
réellement mis dans le coma, il n'était pas capable. Il était conscient, il
était là, mais il... Puis, quand il s'est aperçu : Oui, c'est bien
beau, mais ce n'est pas chez nous, c'est quoi que je fais là? C'est un peu la
peur, c'est un peu la colère... Non?
Une voix :
...
Mme Fortier (Catherine) : Excusez-moi, je ne veux pas me... Oui, une
seconde. Je peux aussi... Je pense à ma cousine, ma cousine propre. Elle, elle ne parle pas, mais elle est
consciente. Elle ne parlera pas, elle n'est pas… comme moi, elle ne parle pas. Comme je vous ai dit, la
personne, il faut que ça revienne d'elle-même avant, en premier. Je le
sais, que vous êtes bien conscients, vous...
Mais elle, comme… supposons, on la prendrait par la main, on l'emmènerait
au... une autre place pour la soigner, c'est
la colère, c'est la peur, elle se demanderait quoi il se passerait pour elle.
On lui expliquerait correctement…
Une voix :
Tu veux que je continue?
Mme Fortier
(Catherine) : Oui.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Navert.
Mme Navert
(Susie) : Oui. En fait, en termes de consentement libre et éclairé, la
difficulté… Premièrement, pour tout le monde, ce n'est jamais facile parce qu'on
a... comme Mme Babin disait tantôt, il y a des influences de toutes parts. Mais, pour une personne qui a une
déficience intellectuelle, dépendant de son degré évidemment,
c'est facile de subir les pressions,
ils sont plus sensibles aux pressions de l'extérieur. Ils sont plus sensibles
souvent à vouloir répondre à ce qu'on attend d'eux.
Je vous rappelle le
gros cas qui est bien connu, de M. Marshall, ici, de Québec, qui s'était
accusé lui-même de viol qu'il n'avait
jamais fait, là, et que c'est l'ADN qui avait démontré que ce
monsieur-là, il n'était pas coupable, puis qu'il a fait cinq ans ou huit ans de prison pour rien, là, parce que
lui comme beaucoup de personnes de sa condition, ils vont
avoir tendance à fléchir à la pression et à vouloir plaire à la personne,
vouloir répondre dans le sens de ce que la personne demande. Alors, c'est pour
ça qu'on disait que, pour certaines personnes, on pense que le consentement
libre et éclairé, c'est difficile de l'obtenir.
Et
aussi pour l'aptitude. Qui est-ce qui va juger de l'aptitude d'une personne à
consentir aux soins? C'est ça qui est aussi
particulier. Ce n'est pas facile, il
faut connaître bien la personne, il faut
avoir des bonnes intentions aussi à son égard. Mais comment on fait? Qui
va la déterminer, cette aptitude-là?
En
fait, ce qu'on a vraiment peur, nous, c'est les dérapages, c'est les
dérapages comme... On ne pense pas que, demain matin ou dans 10 ans, on va dire : Bon, bien, toutes
les personnes qui ont telle déficience, on va les euthanasier, là. Ce n'est
vraiment pas de cet ordre-là. C'est de l'ordre de ce que notre prédécesseur a
mentionné tantôt, là, qu'on a vu dans les
nouvelles ce matin, d'une personne qui a 44 ans puis qui n'est pas satisfaite de l'opération qu'elle a subie suite à son changement de sexe, qui n'est pas satisfaite de son corps, que cette personne-là,
elle a demandé l'euthanasie, pas parce qu'elle
a des grandes souffrances physiques, parce qu'elle n'est pas capable d'aimer
son corps. Alors, mais, moi, l'idée
que j'ai, là, tout de suite, en voyant ça, c'est : Bien, regarde, c'est peut-être
d'une psychothérapie que cette personne-là aurait
besoin. Ce sont des soins. Mais qu'est-ce
qu'on a fait, c'est qu'on l'a
euthanasiée. C'est ce genre de… On va dans l'extrême, mais c'est un
extrême qui est là, qui est réel, qui est actuel.
Alors, c'est ce genre
de choses là dont on a peur beaucoup. Et il faut dire que je suis très, très
consciente, et, à l'AQIS, on est très conscients du soin qui a été pris pour
faire la commission Mourir dans la dignité, de toutes les interventions qui ont été faites, l'écoute, la
qualité de l'écoute, et de l'écoute que vous avez aussi ici, à la
commission, là, c'est incroyable, c'est
vraiment très, très, très bien. Sauf que, nous autres, notre position, c'est
que c'est dangereux d'ouvrir.
Le Président (M.
Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du gouvernement.
Maintenant, pour le premier bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de
Gatineau.
Mme
Vallée : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, merci beaucoup
pour votre présentation, merci de venir partager avec nous votre
interprétation et surtout aussi vos craintes face à la mise en oeuvre du projet
de loi.
J'aimerais savoir...
Le témoignage de Mme Fournier, tout à l'heure, a suscité une question. Mme
Fournier mentionnait, a fait état de la
question de la peur, la crainte face à l'inconnu, la crainte peut-être face à
des concepts, des notions qui ne sont pas tout à
fait claires à un certain moment donné. Comment se fait l'accompagnement en
soins palliatifs pour une personne qui est atteinte d'un déficit intellectuel,
d'une déficience intellectuelle? Comment on accompagne
cette clientèle bien particulière de
gens là à l'intérieur d'un processus de fin de vie? Je ne sais pas si
vous avez une connaissance ou si, au sein de
vos membres, il y a eu des gens qui ont eu à traverser cette période-là. Parce
qu'on parle du consentement aux soins, mais
c'est une étape qui apporte énormément de peur aussi pour les gens. Et je
pense que ça pourrait être éclairant d'avoir votre expertise ou vos
connaissances, de les partager avec nous.
Le Président (M.
Bergman) : Madame…
Une voix :
O.K. Vas-y.
M. Duchesneau (Roger) : O.K. Les soins palliatifs… L'AQIS a des congrès à
chaque année, puis il y a eu une présentation
par une personne — puis je
n'arrive pas à me rappeler son nom — qui travaille à l'hôpital Robert-Giffard,
qui porte un autre nom aussi maintenant. Elle nous a présenté ça, puis, quand
elle reçoit les personnes, elle va faire la même chose que pour n'importe qui,
elle va soulager les personnes du mieux qu'elle le peut pour que ces
personnes-là puissent vivre leur fin de vie de la meilleure façon qui soit.
Puis
tantôt on parlait d'au quotidien comment ça se vit. Pour ma fille, je vais
prendre des décisions pour elle parce qu'elle ne peut pas prendre des décisions.
Ça fait qu'on est avec l'article 11 du Code civil. Pour améliorer sa santé ou sa condition, je vais prendre des décisions pour
elle, mais je vais l'informer du mieux que je peux. Mais je ne me vois
pas prendre une décision à sa place pour l'euthanasier, mettre… ou, si on aime
mieux, utiliser le terme «les soins de fin de
vie», parce que j'ai une conviction profonde — puis ça, c'est personnel à moi — qu'elle, malgré la souffrance, elle
va vouloir rester avec nous autres jusqu'à la fin, le plus loin possible. C'est
ce qui va arriver.
Ça
fait que c'est aussi une grande crainte pour moi puis mon épouse, quand on va
mourir ou quand on ne sera plus capables de s'occuper d'elle — parce
qu'elle a quand même un certain âge, puis nous autres, on est un petit peu plus vieux — les personnes qui vont s'en occuper, c'est
une des grandes craintes, ça, qu'ils prennent… tu sais, surtout qu'on
appelle ça un soin, là, un soin de fin de vie, on n'appelle plus ça l'euthanasie,
là… quelqu'un d'autre qui va répondre pour
elle pour recevoir des soins, puis, on peut peut-être imaginer, y compris
celui-là. Puis ça va peut-être être par compassion. Mais, tu sais, je ne
suis pas capable d'imaginer qu'on va décider pour elle de ces soins-là.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Bien, en fait, je laisserais… je voyais que madame avait levé la main.
• (16 h 50) •
Mme Babin (Jacqueline) : Bien, écoutez, moi, je n'ai pas de grands
diplômes universitaires, là. J'ai simplement été à l'école de la vie pendant 47 ans. Il faut croire que j'ai eu de la
misère, hein, ça a duré longtemps. Et cette école que j'ai fréquentée, ils m'ont appris les vraies valeurs, ce qu'étaient les
valeurs et ce qui va me suivre tout au long de ma vie. Pendant 47 ans, je me suis battue pour que mon
fils soit intégré à la société, qu'il fasse partie puis qu'il soit inclus
dans la communauté, et qu'il fasse partie de
la communauté à part entière. Je me suis battue comme tous les parents d'enfants
différents et je me dis qu'on est portés à
miser sur... pas à miser, mais à regarder les faiblesses de ces personnes,
alors qu'il faudrait miser sur leurs capacités, et Dieu sait qu'ils en ont qu'ils
peuvent nous donner.
Moi,
comme je disais, je me suis battue pendant 47 ans pour tout ça. Je me demande
si j'ai le courage ou la force encore
de me battre pour sa fin de vie. Mais je pense que, s'il le faut, je vais le
faire. Mais, moi, il y a une chose que je ne veux pas et des choses que je veux. Je ne veux pas
d'acharnement thérapeutique. Ce que je veux pour mon enfant, ce sont des soins palliatifs de qualité, qu'il soit
accompagné de gens qui l'aiment, entouré d'amour, de respect et de dignité.
Et je ne crois pas qu'aucune personne dans cette salle ait le droit de faire
basculer quelqu'un dans une autre vie sans que cette personne ait vraiment dit
que c'était son choix ou fait savoir que c'était son choix.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Le projet de loi, dans sa forme actuelle, prévoit vraiment que l'aide médicale
à mourir serait admissible seulement aux personnes aptes à consentir. Donc, je
comprends que, face à une situation comme la vôtre, ce serait particulier, là, ça ne pourrait pas s'appliquer, vous ne
pourriez pas l'appliquer. Mais votre crainte, c'est une dérive
éventuelle. Donc, pour vous, c'est de dire : Là, actuellement, on est très
limitatifs dans ce qu'on souhaite introduire, par contre, avec les pressions de
certains groupes, de certains lobbys, de certaines corporations, il pourrait y
avoir un élargissement de ces soins-là, parce que, comme on disait, c'est plus
facile, une fois que le concept est sur la table, c'est plus facile de l'ouvrir,
pas à tous, mais de l'ouvrir à ceux qui n'étaient pas initialement visés.
Alors,
je comprends de votre présentation, aujourd'hui, c'est de dire : Écoutez, on n'en est pas
là, on milite pour des soins palliatifs de qualité, un élargissement des
soins palliatifs à la clientèle, aux gens, à tous les citoyens du Québec. On n'est pas rendus à introduire cette notion d'aide
médicale à mourir là, et nous, on a des craintes que cette notion-là mène,
d'ici cinq ans, d'ici 10 ans, d'ici quelques
années, à des dérives, et là ce sera très difficile de revenir là où nous
sommes actuellement. Est-ce que je comprends bien votre message?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Babin.
Mme
Babin (Jacqueline) : Bien,
vous m'ouvrez la porte en parlant de soins palliatifs. C'est que, comme
vous disiez, je viens de la Gaspésie, je viens de loin, on a une belle maison
de soins palliatifs, où j'ai eu la chance d'aller visiter des personnes et qu'elles
étaient très bien, très bien soignées, et malheureusement, depuis — je ne
sais pas le temps — un
an, un an et demi, cette maison est fermée faute de sous. Et je me demande si,
avec les nouveaux projets que le gouvernement a en tête, que, si des infrastructures sont déjà là, qu'il pourrait y avoir des argents
de déposés pour que cette maison ouvre de nouveau, parce que c'est vraiment
un besoin, vraiment un besoin.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme Vallée : En fait, je pense que, justement, la question
de l'accessibilité aux soins palliatifs sur le territoire fait partie des préoccupations. Je sais qu'on
est en train — la
ministre nous l'a confirmé — de recenser, en train de faire une évaluation. Je pense qu'un peu partout sur le
territoire on souhaite... Puis d'autant plus que le projet de loi prévoit le
droit à toute personne d'avoir accès à certains soins, donc il va falloir
arriver avec des solutions pour permettre justement cet accès-là. En Gaspésie, je ne sais pas quelle est votre situation en fait d'accès aux soins palliatifs,
mais moi aussi, je suis loin, là, je
suis à Maniwaki, on est aux deux extrêmes toutes les deux. Je sais qu'en région
rurale ce n'est pas… les soins palliatifs ne sont pas nécessairement
accessibles partout, là. Nos citoyens doivent faire de grandes distances pour
se rendre dans les centres urbains pour avoir accès à des maisons de soins
palliatifs.
Mme Babin (Jacqueline) : Il y en a
qui se font à domicile aussi. Mais, je veux dire, c'est que le besoin est
tellement grand qu'on manque d'effectifs. C'est sûr que ce n'est pas 15 minutes
pas jour qui va aider la famille.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Oui. Je voyais
qu'il y avait une demande d'intervention. Je vais vous…
Le Président (M. Bergman) :
M. Duchesneau.
M.
Duchesneau (Roger) : Merci.
On n'a pas besoin d'aller loin pour les soins palliatifs. Quand on parle de
soins palliatifs, on veut avoir des soins palliatifs de qualité.
J'ai pour
exemple ma belle-mère, qui est décédée au printemps. Elle a eu des soins
palliatifs, mais ce n'était pas extraordinaire.
C'est dans un hôpital ici, à Québec, là, je ne donnerai pas le nom. Elle a été
mise sur une liste d'attente parce que le secteur où c'est qu'il y a les
soins palliatifs adéquats et de qualité, c'était plein puis il fallait attendre
que quelqu'un en sorte. Elle a été mise dans
une chambre, sur un étage où c'est que c'est, entre guillemets, la production,
là. Il faut qu'il y ait… Il faut que les
gens sortent au plus vite pour qu'on puisse en rentrer d'autres. Puis c'est
bien correct, parce que c'est ça que ça prenait. Puis c'était très
bruyant.
Puis la personne qui donnait les… la responsable
des soins palliatifs venait la voir une fois par jour, tôt le matin, pas longtemps, puis elle prescrivait des
choses pour ma belle-mère. Mais les gens qui venaient donner les soins, eux autres, c'était à la course. On vient, bon, on
le regarde. C'est prescrit ça. À telle heure, on te donne ça puis on s'en
va. Ce n'est pas ce que j'appelle des soins
palliatifs de qualité, là. Ça fait que c'était juste cet exemple-là que je
voulais donner.
Le Président (M. Bergman) :
Ceci met fin au bloc de l'opposition officielle.
Alors, collègues, il y a un vote à l'Assemblée
nationale. Alors, on se reprend après le vote.
Je suspends pour quelques instants seulement. Il
y a un vote à l'Assemblée nationale.
(Suspension de la séance à 16 h 57)
(Reprise à 17 h 14)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, on
vient de terminer le bloc de l'opposition officielle, le premier bloc. Le dernier bloc du
gouvernement, un bloc de cinq minutes, Mme
la ministre.
Mme
Hivon : O.K.
Merci, M. le Président. Peut-être… Bien, je pense que vos réponses aux
questions de ma collègue nous ont bien éclairés sur le type de craintes qui
vous animent. Puis, moi, comme je le dis depuis le début, il faut recevoir, je pense, aussi l'ensemble des
messages et les messages de craintes aussi qui peuvent nous être
véhiculés, et essayer, autant de par nos
messages à nous que par le projet de
loi, de répondre à ces craintes-là. Je pense
que le meilleur guide dans ça, ce n'est
pas la peur, mais c'est la prudence, je vous dirais. Donc, pour avancer dans la
vie, des fois les peurs nous freinent, donc il faut essayer de les
mettre de côté, mais il faut être prudent, par ailleurs. Donc, c'est ça qui me
guide dans le projet de loi.
Pour ce qui
est de la question des dérapages, je vous dirais que, si vous me parlez de ce
qu'on a vu en Belgique, de la
personne qui aurait demandé une euthanasie à la suite d'une opération de
changement de sexe, je pense qu'effectivement
c'est quelque chose qui n'a pas sa
raison d'être. Du moins, ici, au Québec, je ne vois pas comment on pourrait
accepter une telle chose, au même titre où on avait vu dans le passé que les
personnes sourdes et aveugles... des jumeaux devenus sourds et aveugles avaient
demandé aussi l'aide médicale à mourir.
Et, vous savez, je pense
que chaque société fait ses débats, et on peut s'inspirer aussi d'améliorer les
choses. Et ici notre loi, elle est
différente de ce qu'on voit ailleurs parce
qu'on dit spécifiquement qu'il faut être en fin de vie, et je le répète, mais ce n'est pas le cas ni en Belgique ni
aux Pays-Bas, il n'y a pas cette balise-là de la fin de vie. Et, pour
moi, c'est une balise importante dans la
mesure où toute l'optique du projet de loi, c'est un continuum de soins, c'est
d'accompagner le mieux possible la personne en fin de vie et, dans des
circonstances exceptionnelles, de pouvoir considérer l'aide médicale à mourir.
Dans les
autres juridictions, ils sont plus axés sur la notion de souffrance en
elle-même, mais ils sont également fermés aux personnes inaptes. Et ça
aussi, c'est important de vous le dire. Ma collègue vous l'a dit, ma collègue
de Gatineau. Mais c'est quelque chose, dans
le projet de loi, qui serait tout à fait impossible, qu'une tierce personne,
que le tuteur, le curateur, le parent demande, pour une personne qui est inapte
à consentir, l'aide médicale à mourir. C'est totalement
exclu. Et je dois vous dire qu'il n'y a personne qui est venu nous demander ça.
Il y a des gens qui sont venus nous demander d'élargir la loi, mais
jamais pour les personnes qui sont inaptes à consentir, je dirais, de
naissance. Ce que certains nous ont demandé,
c'est que les personnes aptes pourraient peut-être le demander en prévision d'une
inaptitude, mais il n'y a personne qui nous
a parlé de le permettre pour une personne qui serait inapte à consentir. Et je
peux vous assurer que ce n'est pas
présent dans la loi. Et évidemment c'est à mille lieues de ce que l'on souhaite
avec cette loi-là.
Je pense que
c'est très important de valoriser la pleine participation à la vie, à la
société des personnes qui ont un handicap,
qui ont une déficience intellectuelle et que tous les efforts doivent être
déployés en ce sens-là, et j'y travaille très fort. Et ça, je pense que
c'est un message très important et très puissant. Et, pour moi, ce projet de
loi là, il n'a absolument rien à voir… Je reçois vos craintes, mais je veux
vous dire, moi, comment on l'a vu, il n'y a rien à voir là-dedans qui pourrait envoyer un message de dévalorisation, au
contraire, parce qu'il n'y a rien qui concerne les personnes qui ont une
déficience.
Ceci dit, je
comprends tout à fait ce que vous nous dites : Est-ce que ça pourrait
faire en sorte que, dans l'évolution du
temps, ou tout ça… Moi, je pense qu'il faut faire confiance à nos institutions
démocratiques. Je suis convaincue que non parce que j'entends ce qui
nous est dit par l'ensemble des groupes en ce moment. Je vois aussi que, dans
les autres juridictions, ce n'est jamais
quelque chose qui a été considéré non plus. Alors, pour voir le soin et le
sérieux que l'on met dans un débat de société, je pense aussi qu'il faut
faire confiance au processus démocratique.
Et l'autre
chose, je pense, qui est de nature à rassurer, c'est qu'on propose la mise en place
d'une commission sur les soins de fin
de vie, et cette commission-là, elle va regarder non seulement les gestes qui
vont se poser au quotidien, mais elle
va regarder l'évolution des tendances, par exemple : Est-ce qu'il y a plus
de demandes d'aide médicale à mourir au fil du temps? Est-ce que les
sédations palliatives — on
a vu ça en Europe — les
sédations palliatives vont augmenter?
Donc, je voulais juste vous dire que, pour moi,
je reçois très bien ce que vous nous dites puis je l'accueille pleinement, mais je pense aussi qu'il ne faut pas
que quelque chose, je dirais, qui n'a pas de prise dans le projet de loi
qui est déposé devant nous puisse nous
empêcher de donner des réponses aussi à des personnes, y compris des personnes
qui peuvent avoir des fins de vie
difficiles, et surtout nous empêcher d'avancer pour améliorer les soins de fin
de vie. C'est le coeur de ce projet
de loi là aussi, c'est d'améliorer les soins de fin de vie et de mieux
accompagner les gens évidemment, y compris les gens qui ont une
déficience. Donc, moi, c'est ça qui m'anime. Donc, j'espère vous avoir rassurés
le mieux possible. Ceci dit, je respecte
votre position complètement, mais je voulais vous apporter ces éléments-là. Je
pensais que j'avais 10 minutes, mais j'avais moins de temps que ça.
• (17 h 20) •
Le Président (M. Bergman) :
Merci beaucoup. Alors, ceci termine le bloc du gouvernement. Et maintenant,
pour le bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Merci
beaucoup, M. le Président. Merci d'être parmi nous. Si vous avez présenté un
deuxième mémoire — donc,
vous avez fait la première consultation — le
deuxième, et si vous arrivez avec autant de questionnements,
c'est que probablement que le projet de loi n'est pas assez clair pour vous.
Peut-être que les définitions ne sont pas assez claires. Pour vous, l'aide
médicale à mourir, c'est de l'euthanasie. Je pense que c'est très important que
ce soit clair. Il y avait le professeur
Brian Mishara qui était un peu plus tôt et qui mentionnait : Bien, on ne
le voit pas, «soins de fin de vie».
Et la ministre disait : Bien, c'est dans le titre, «soins de fin de vie»,
il faut que la mort soit imminente. Probablement qu'il faut définir
encore plus.
Mais, au-delà
de ça, je suis très sensible, M. Duchesneau, quand vous mentionniez, tout à l'heure...
Parce que je suis grand-mère d'un
petit garçon différent, alors je suis très, très sensible à ce que les parents
peuvent vivre. Et c'est quand vous allez partir… Parce que, pour l'instant,
vous vous occupez de votre fille, vous travaillez avec elle, vous partagez les prises de décision, en quelque sorte, mais, si un
jour vous n'êtes plus là et que votre fille est confiée à quelqu'un d'autre,
quelles seront les décisions? Et je pense que c'est ça. Et, si, dans le temps,
le projet... Parce qu'on ne sait jamais, hein?
S'il y a eu, au fil du temps, dans les Pays-Bas, en Belgique ou au Luxembourg,
des modulations dans la loi, est-ce que ça pourrait arriver? À moins que la commission de soins de fin de vie
soit tellement forte pour baliser et faire respecter le projet de loi.
Je crois que c'est ce qui vous inquiète le plus.
Le Président (M. Bergman) :
M. Duchesneau.
M. Duchesneau (Roger) : Oui. Merci.
C'est très inquiétant de savoir ce qui va se passer. Puis, de toute façon, j'y
ai comme pensé — remarque,
peut-être que je me trompe — mais,
à voir ce qui s'est passé ailleurs, ça commence
par ça, puis ça a tendance à s'élargir, puis plus ça avance, plus les balises tombent.
Ça fait qu'à un moment donné c'est inquiétant à savoir ce qui va se
passer dans l'avenir, si on va inclure des personnes vulnérables dans le processus, puis là comment ça va se passer. Mais c'est
certain qu'une des plus grandes inquiétudes, c'est quand on ne sera plus là, à savoir les personnes qui vont
décider, dans un exemple concret, pour ma fille et, pour les autres
parents, pour leurs enfants. Mais on ne sait pas ce qui va se passer, puis c'est
ça qui est inquiétant.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de… Mme Babin?
Mme
Blais : Est-ce que
vous trouvez que les définitions sont assez claires dans le projet de loi?
M. Duchesneau (Roger) : Bien, à
force d'écouter des… Excusez-moi.
Le Président (M. Bergman) : ...
M. Duchesneau
(Roger) : Merci. À force de
regarder des séances qui se passent ici, bien, ça devient plus clair, on
le sait, mais en général, pour la population
en général qui ne s'arrête pas à ça, je pense que «soins de fin de vie», ça
sonne «soins», alors que, quand on regarde le processus, bien, pour nous
autres, on considère que ça ressemble pas mal à l'euthanasie.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de…
M.
Duchesneau (Roger) : Ça fait
que, tu sais, la clarté n'est pas là, là, Il me semble que… Tu sais, on a
soumis un terme tantôt qui pourrait être très adéquat, là, «l'euthanasie
médicalement accompagnée». Il me semble que c'est clair. Parce que l'euthanasie, les gens, ils ont une mosus de bonne idée
de ce que c'est, là, puis, si on regarde au dictionnaire, on le trouve. Ça fait que je pense que ce serait
une clarté d'avoir un terme comme ça. L'aide médicale à mourir, soins de
fin de vie, tu sais, c'est des soins. Pour les gens en général, ils vont
regarder ça comme des soins.
Le Président
(M. Bergman) : Mme la
députée de Saint-Henri—Sainte-Anne?
Mme Babin? Excusez. Mme Navert.
Mme Navert
(Susie) : Merci. En fait, au
niveau des définitions, ce n'est effectivement pas suffisamment clair
pour nous. Bon, comme le disait M. Duchesneau, pour nous, ce n'est pas un soin
et puis ça devrait être complètement à part,
l'euthanasie et les soins. Les soins palliatifs, ce sont des soins médicaux, et
ça devrait être une chose. Et, s'il y a un projet de loi qui a à passer pour l'euthanasie, bien ça devrait d'abord
être nommé pour ce que c'est et être complètement à part.
Mais, ceci étant dit, par exemple, l'article 11
du Code civil, on ne comprend pas encore s'il a préséance sur le suicide… voyons, l'euthanasie... bien, l'aide médicale à mourir, pardon. Est-ce
qu'en principe un article du Code civil a préséance sur les lois? L'article 11 du Code civil dit que quelqu'un
peut… un représentant peut prendre la décision pour l'autre. Comment ça ne s'applique pas ici?
Vraiment, ça, c'est une autre de nos inquiétudes, là. Je ne sais pas si
quelqu'un peut y répondre.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon? Mme la députée de Gatineau.
Une voix : …
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
En fait, je pense que la question serait plutôt dirigée aux législateurs. Nous,
on n'est pas… Ce n'est pas… Merci de me refiler la balle. J'apprécie. C'est
un travail d'équipe.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Savez-vous... J'ai une
bonne idée. Tout à l'heure, la ministre pourra répondre à votre question,
mais là on va demander au député de Jean-Talon, si le président le souhaite,
de…
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Je ne sais pas qu'est-ce qu'ils en pensent, nos législateurs, là, mais je peux
vous garantir, là, que, lorsqu'on va faire l'étude
détaillée, là, on va le clarifier puis on va s'assurer que, dans la loi, le
Code civil ne peut pas avoir
préséance là-dessus. Parce que, si je comprends, si la personne décide, puis,
dans cette loi-ci, on dit qu'elle n'a pas accès à l'aide médicale à
mourir, quant à moi c'est cette loi-là qui va avoir préséance. Sinon on ira
modifier le Code civil. Moi, c'est comme ça que je le vois.
D'ailleurs,
quand on fait des lois comme ça — on a eu une discussion, à un certain moment
donné — lorsque
c'est dans le Code civil et également au niveau de la loi, moi, j'aime ça qu'on
clarifie ça d'abord dans le Code civil, tout simplement
parce que les gens vont référer beaucoup plus souvent… — pour les légistes — beaucoup plus souvent au niveau du Code civil que de retourner dans une loi
qui a été passée voilà trois, quatre, cinq ans, là. Vous mettez...
dans six ans, le Code civil va toujours
être encore très actif, la loi va être active, mais les gens ne penseront pas
nécessairement, là, au niveau de la loi. Ça fait que ça, je vous garantis qu'on
va surveiller ça de près.
Quant à moi, c'est clair,
les gens qui ont des déficiences, qui sont inaptes à consentir ne peuvent pas
avoir le droit à l'aide médicale à mourir.
Et il y en a qui nous disaient : Oui, mais un jour on va ouvrir. Pour
cette catégorie de personnes là — puis je connais le cas Latimer, où quelqu'un
d'autre a pris la décision pour sa fille — quant à moi, je ne pense pas qu'il faut ouvrir là-dessus. Il faut
protéger les personnes les plus vulnérables de la société. Qu'une
personne soit apte à consentir, prend sa
décision, moi, je respecte ça, mais, lorsque la personne n'est pas apte à
consentir, je pense qu'il faut fermer ça puis garder ça très serré. Ça,
c'est un endroit qui, quant à moi, on ne devrait pas ouvrir.
Pour ce qu'il s'agit des gens… Parce qu'il y a
une autre catégorie, c'est les gens qui, à un moment donné, développent la maladie d'Alzheimer, puis ils
auraient voulu laisser savoir, lorsqu'ils étaient aptes, qu'ils pourraient
avoir accès aux services. Ça, je pense que c'est
une discussion qui va pouvoir avoir lieu. Personnellement, actuellement, je
ne serais pas apte à ce qu'on ouvre… je ne
serais pas… pas apte, mais je ne serais pas d'accord pour qu'on ouvre là-dessus,
mais il va y avoir des travaux qui vont être
faits. Et, pour les personnes qui ne sont pas aptes et qui ont des
déficiences intellectuelles qui empêchent l'aptitude, quant à moi, je pense que
c'est bien important qu'il faut fermer la porte. C'est ça que vous voulez? Il
faut le dire au micro.
Le Président (M. Bergman) : ...
Mme Navert (Susie) : Ah bien, c'est
ça qu'on veut.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Durant ce temps-là, on dit un gros «oui», comme si on se mariait.
Mme Navert (Susie) : Un beau «oui».
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : O.K., c'est parfait. Parce que, pour moi, en
tout cas, c'est bien, bien, bien important. Ça, du côté du législateur, je pense qu'avec les remarques que vous avez
faites, si ce n'est pas clair pour vous, ce n'est pas clair pour
probablement plusieurs personnes. Et l'objectif également de cette loi-là, où
les gens ont... Ah, c'est évident! Mais il y
a d'autres personnes qui viennent puis qui disent : Bien, c'est loin d'être
évident. Mais je pense qu'il faut faire un effort pour clarifier. Et c'est
ce qu'on va faire à ce niveau-là.
En général — ma question serait plus d'ordre
général — y
a-tu autre chose que vous voyez, qu'on devrait protéger… protéger des gens, dans la loi qui est proposée, ou c'est
seulement que l'élément que vous venez de parler, qui est un problème
par rapport aux personnes…
Le Président (M. Bergman) :
Mme Babin.
• (17 h 30) •
Mme Babin (Jacqueline) : J'ai vécu,
personnellement, quand mon mari est décédé... Quand on parlait, tout à l'heure, qu'on ne donnait pas… c'est la famille
qui prenait la décision pour la personne, même si elle était apte à
choisir, mon mari, c'est sûr qu'il était en
fin de vie, ses poumons ne fonctionnaient presque plus, mais le médecin est
venu me demander qu'est-ce que je
décidais pour lui, est-ce qu'on le réanimait si jamais il s'en allait ou bien
si on l'installait au confort,
entouré de sa famille et, comme on disait tantôt, avec dignité, amour, et tout. Et, moi — c'est pour ça que je me dis qu'aujourd'hui
je ne pourrais pas prendre cette décision-là pour n'importe qui — je n'ai
pas pu. Il était conscient, il ne parlait
pas fort, mais j'ai dit au médecin : Allez-lui demander, ça va
être son choix, et il a choisi le confort. Mais, si c'est moi qui avais
choisi ça, je n'aurais pas vu vivre avec cette décision-là, sachant que lui
pouvait la prendre.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Oui. Merci, M. le Président. Mais, quant à moi, c'est toujours la personne qui
doit décider. Lorsqu'on arrive dans la question
de l'aide médicale à mourir, les autres ne peuvent pas décider pour nous.
Et, si quelqu'un n'avait pas l'opportunité ou n'y a pas pensé, bien, à ce
moment-là, l'aide médicale à mourir ne doit pas devenir disponible parce que,
quand on… on ne peut pas laisser aux autres ce choix-là.
Et ce que
vous venez de dire, là, c'est vrai. Lorsque les gens sont confrontés avec ce
choix-là, il y en a que ça
va peut-être briser leur vie par la suite. Et on n'est pas dans un monde
parfait. Puis il y a des gens qui viennent ici puis ils disent : Il faudrait
tout corriger pour que, tout le monde, ce soit parfait. Ce ne sera pas ça. Je
pense qu'il faut répondre à la majorité
des demandes des gens, des besoins, répondre aux besoins, également rester à l'intérieur
de la loi en sachant que ce n'est pas parfait, mais c'est mieux
peut-être que ce qu'il y avait auparavant, si jamais les gens veulent respecter
le choix de la personne parce qu'elle est apte à consentir.
Le Président (M. Bergman) :
Oui. Mme Navert.
Mme Navert (Susie) : Ce qui est important,
ce serait d'encadrer la définition. Comment on va définir si une personne est apte à consentir ou pas? Est-ce que ça va
être fait par une équipe multi? Parce
qu'en déficience intellectuelle c'est
peut-être intéressant qu'il y ait des gens qui sont habituellement autour, les
gens du CRDI — en tout
cas, je ne sais pas si ce sera
toujours le cas — ou les
gens du CSSS, les intervenants, là, peu importe, la famille aussi évidemment,
l'entourage. Mais comment on va déterminer
ça? Ça ne se fait pas, ce n'est pas… On parlait tantôt qu'il y a plein de gens
qui n'ont pas de médecin de famille,
alors ce n'est pas aux médecins en urgence, à la clinique 24 heures, là, qu'on va
pouvoir décider si la personne est apte à consentir. Alors, il y aurait
besoin d'encadrer ça.
Aussi,
vous nous demandiez tantôt quelles étaient nos préoccupations autres. Mais le
fait que «fin de vie» ne soit partie
intégrante des critères… Pourquoi ce n'est pas marqué dans les critères? Oui, c'est
dans le préambule, mais pourquoi ce n'est
pas dans les critères? C'est un peu agaçant. On se dit : C'est quoi? C'est
un oubli ou s'il y a quelque chose derrière ça? C'est agaçant. Et ce
serait intéressant ou important que ce soit vraiment défini.
Le Président (M.
Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Alors, Mme
Babin, M. Duchesneau, Mme Fortier, Mme
Navert, merci pour votre présentation, merci d'être avec nous aujourd'hui et
merci de partager votre expertise avec nous. Et certainement le
témoignage de Mme Fortier était très touchant. Alors, merci beaucoup.
Je
demande aux gens de la Confédération des organismes de personnes handicapées du
Québec pour prendre leur place à la table et je suspends pour quelques
instants seulement.
(Suspension de la séance à
17 h 33)
(Reprise à 17 h 36)
Le Président (M.
Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, collègues, on
reçoit la Confédération des organismes de
personnes handicapées du Québec. Pour faciliter nos invités pour nous
connaître, est-ce que je peux vous demander, chacun des députés
et la ministre, pour identifier, votre nom et votre titre? On va commencer avec
vous, Mme la ministre, votre titre et peut-être votre circonscription.
Mme
Hivon : Oui.
Alors, je suis Véronique Hivon, ministre
déléguée aux Services sociaux et à la
Protection de la jeunesse, députée de Joliette. Et peut-être, pour les
fins des gens de COPHAN, juste vous dire que j'ai, à ma gauche, Marie-Joëlle Carbonneau, qui travaille avec moi à
mon cabinet, et, à ma droite, Nathalie Desrosiers, qui est la directrice
de la Direction de l'éthique au ministère de la Santé et des Services sociaux.
Et je laisse mes collègues se présenter.
Le Président (M.
Bergman) : Oui, Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx :
Oui. Bonjour, mon nom est Suzanne Proulx, je suis députée de Sainte-Rose.
Mme
Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Bonjour, je suis Jeannine
Richard, la députée des Îles-de-la-Madeleine.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Oui, bonjour. Je suis Diane Gadoury-Hamelin, députée du comté de Masson.
Le Président (M.
Bergman) : Et, M. le député d'Argenteuil, votre nom et votre
titre.
M. Richer :
Oui, bonjour. Je suis Roland Richer, député de la circonscription d'Argenteuil.
Le
Président (M. Bergman) : Merci beaucoup. Sur le côté de l'opposition
officielle, Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Alors, Stéphanie Vallée, députée de Gatineau,
porte-parole de l'opposition en matière de services sociaux, d'adoption
et de protection de la jeunesse.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Yves Bolduc, député de Jean-Talon.
Mme
Blais :
Marguerite Blais, députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, bienvenue à nos invités. Mme
Vézina, M. Lavigne, Mme Leduc, on vous souhaite
la bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation. S'il
vous plaît, nous donner vos noms et vos titres et commencer de faire
votre présentation pour les prochaines 15 minutes.
Confédération des organismes de personnes
handicapées du Québec (COPHAN)
M. Lavigne
(Richard) : Bien, merci, M. le Président. Donc, je vais commencer par
le minoritaire de la gang. Richard Lavigne, je suis le directeur de la
Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec. Et je vais
permettre à la personne à ma gauche de se présenter.
Mme Vézina
(Véronique) : Bonjour. Véronique Vézina, présidente de la COPHAN.
M. Lavigne
(Richard) : Et à ma droite.
Mme Leduc (Michèle) : Et Michèle
Leduc, responsable du dossier pour la COPHAN.
M.
Lavigne (Richard) : Ce qu'on
vous propose, M. le Président, c'est que Mme Vézina commence et, après
ça, que j'essaie de continuer.
Le Président (M. Bergman) :
Alors, le micro, c'est à vous.
• (17 h 40) •
Mme Vézina (Véronique) : Merci, M.
le Président. Tout d'abord un bref préambule pour vous présenter la COPHAN. La COPHAN existe depuis maintenant
30 ans. On a pour mission de défendre les droits des personnes qui ont des limitations fonctionnelles au Québec.
Nous regroupons 55 organismes provinciaux et régionaux de personnes qui
ont différentes limitations, que ce soit motrices, visuelles, auditives, intellectuelles, des problèmes
de santé mentale, des troubles envahissants
du développement, des problèmes neurologiques ou organiques. Depuis sa création,
la COPHAN intervient dans plusieurs
domaines, notamment en santé et services sociaux, mais aussi
en éducation, en habitation, en transport, en travail
et bien sûr sur d'autres dossiers.
Une petite
précision en préambule, la COPHAN, je vous le disais, est constituée de 55
membres d'organismes provinciaux et régionaux, et ces membres sont
majoritairement constitués de personnes qui ont des limitations fonctionnelles ou de familles, de parents de
personnes qui ont des limitations fonctionnelles. Et le grand nombre de
nos organismes sont des représentants de personnes. Il y a quelques organismes
qui sont des représentants de familles.
Aussi, on
tient à préciser qu'on est membre du Conseil des Canadiens avec déficiences. Par contre,
sur la question qui nous préoccupe aujourd'hui, on a des divergences d'opinions,
mais, la COPHAN étant une instance québécoise, on représente les intérêts des
personnes qui ont des limitations fonctionnelles au Québec et non pas les
intérêts des personnes qui ont des limitations fonctionnelles dans l'ensemble
du Canada.
Ensuite, rapidement
vous faire un préambule sur ce qui nous amène à se prononcer ici puis à vous
présenter ici aujourd'hui un mémoire. D'abord, la COPHAN avait tenu,
avant qu'il y ait la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, une consultation auprès de ses membres pour avoir leur point de vue sur cette
question-là. Lors de cette
rencontre-là, il y avait au moins la moitié de nos membres qui étaient
présents et il y a eu différentes discussions favorables ou non à cette situation-là,
mais il y a quand
même des enjeux généraux sur lesquels
il y a eu un consensus et qui ont
ensuite été acheminés à l'ensemble de nos membres. Donc, la position qu'on
présente aujourd'hui est une position associative et non pas une position individuelle. À chaque fois qu'on
présente un mémoire — d'ailleurs,
c'est le mode de fonctionnement qu'on a — on parle toujours par
et pour nos membres et on se base sur leur expertise pour le faire. Dans la
présentation qu'on va vous faire, il y a deux enjeux principaux sur lesquels il
y a consensus, et c'est ceux-là qu'on va vous présenter.
D'abord, ce qui est important pour nous, dans le
cadre de la question qui nous préoccupe, c'est donner aux personnes qui ont des
limitations fonctionnelles une réelle liberté de choisir de façon éclairée.
Lorsqu'on parle de choisir de façon éclairée,
c'est bien sûr de s'assurer que l'information qui leur est
transmise est accessible, qu'on respecte leur rythme et leur capacité de
choisir et que les services qu'on leur offre, notamment les soins palliatifs,
sont aussi accessibles à ces personnes.
L'autre question qui nous préoccupe et sur
laquelle il y a consensus, qui devrait primer, je dirais, sur pouvoir mourir dans la dignité, c'est la question de vivre
dans la dignité. On doit, tout d'abord, soutenir adéquatement les personnes avec
des limitations fonctionnelles afin qu'elles puissent vivre dans la dignité,
incluant les soins de fin de vie, et une dignité…
et pouvoir mourir dans la dignité, mais on insiste beaucoup
sur les services qu'elles doivent recevoir pour d'abord pouvoir vivre
dignement. Je laisse M. Lavigne vous expliquer plus clairement nos positions.
Le Président (M. Bergman) :
M. Lavigne.
M. Lavigne
(Richard) : Merci, M. le Président. Alors, ma présidente est très claire, je pense
que la COPHAN a… Je pense que
certains d'entre vous nous connaissez déjà, c'est notre leitmotiv, le «pour et
par». Alors, on vous dit tout de
suite que la COPHAN a fait le choix
de la liberté, c'est-à-dire que la COPHAN ne se prononce pas, comme
organisme, si on veut ou pas. On considère que c'est un choix de la personne.
Alors, vous entendrez des personnes dire qu'elles sont d'accord, d'autres qui
ne sont pas d'accord, et nous considérons qu'elles ont le droit.
Ceci dit, la
COPHAN promeut l'autonomie, la liberté, le choix, Mme Vézina vous l'a dit.
Alors, ce serait difficile pour nous de promouvoir le choix libre,
éclairé de quelque chose et, après ça, dire qu'on ne veut pas d'autre chose. C'est
là-dessus que nos recommandations que vous avez reçues reposent. On veut s'assurer
aussi qu'il n'y ait pas de dérapage, c'est
très important. On en parle beaucoup.
Nos prédécesseurs de l'AQIS ont
illustré un certain inconfort, certains questionnements, et, en gros, on
appuie ces questionnements-là. On compte sur nos législateurs pour nous donner
toutes les garanties qu'il n'y en aura pas, de dérapage. Il y en aura peut-être
un peu de dérapage, mais je crois qu'on est capables, au Québec, de se donner
des outils.
Premier outil
qu'on souhaite, c'est que la loi, bien
sûr… le projet de loi nous propose de référer à un certain nombre d'autres lois. Et peut-être
que ça serait bien que, dans la loi, on reprenne ces droits-là,
responsabilités, obligations de tout le
monde là-dedans, parce que,
lorsqu'on est clairs dans une loi, c'est plus facile à suivre. Les Québécois
n'ont pas tous la capacité de faire
des interactions entre les lois, le Code civil, la charte, la loi sur la santé et services sociaux, d'ailleurs,
qui est une petite loi pas trop, trop
difficile à comprendre. Alors, je pense que nous, on souhaite que ce soit
clairement dit sur quels droits, responsabilités et obligations que ce projet
de loi là repose. Et nous, on souhaite que cette loi-là soit adoptée dans le
respect du droit de tous de décider pour lui-même.
Et on parle
bien de tous. À la COPHAN, on a des groupes qui représentent des familles. Mais
les groupes membres de la COPHAN disent que, oui, ce sont des parents,
mais — je
crois que vous l'avez entendu tantôt — lorsque les personnes sont capables
de décider, c'est à elles de décider. On vit dans une famille, oui, mais, lorsqu'on
parle de soins, notamment de soins
palliatifs et des soins de fin de vie, on pense que ça doit reposer sur les personnes et de leur
donner tous les outils dans un format…
Hein, il y a beaucoup
d'informations que les gens doivent obtenir, et
ces informations-là… Actuellement, c'est un défi, au Québec, d'avoir de l'information
simple à comprendre et surtout accessible à tous et à toutes. Je parle de l'accessibilité dans son sens large, en termes de
compréhension et en termes d'accès. On a une politique gouvernementale sur
l'accès aux documents qui a été adoptée en 2006. Alors, on
considère que cette politique-là doit guider le gouvernement et les réseaux concernés, notamment
dans ce dossier, pour que tous, on ait accès à l'information. Moi,
personnellement, quand j'aurai un choix à
faire, j'aimerais ça avoir mes informations que je peux lire moi-même puis, si je ne les
comprends pas, bien j'aimerais ça avoir quelqu'un qui est capable de me les
expliquer non pas pour m'influencer, mais pour me donner l'information juste.
Pour ce qui
est — rapidement — de
la question des directives médicales anticipées, je dois vous
avouer que ce qu'on comprend, c'est
que ça nous semble assez compliqué. Parce
que, si on comprend bien, le projet de loi dit qu'on va pouvoir d'avance dire, sur un papier que quelqu'un
du réseau va mettre dans un registre, quelles sont les choses, les services qu'on veut en cas de besoin. Moi, je vais
vous dire bien franchement, je ne peux pas savoir quels services j'ai besoin parce
que je ne le sais pas, ce va qui m'arriver
dans deux jours peut-être, dans trois semaines, dans cinq ans. Ce
que je sais, par exemple, c'est qu'on pourrait avoir aussi, premièrement, une
liste de services, ou de soins, ou de traitements — appelez ça comme vous
voulez — que
je veux et que je ne veux pas.
Et la question qu'on se demande, c'est :
Tant qu'à faire des directives, pourquoi qu'on n'inclut pas dans les directives le droit, pour une personne, de dire qu'elle
veut des services de fin de vie? Dans le projet
de loi, c'est exclu. Et moi, personnellement, s'il m'arrive… puis d'autres,
s'il nous arrive, par exemple, de tomber dans le coma, je ne voudrais pas que ce soit ma conjointe qui décide ce qui se
passe avec moi vers la fin et qui soit prise avec une décision. Si je
pouvais, moi, dès le départ, dire qu'en cas de... bon, les autres... les
critères qui sont édictés dans la loi, si ça m'arrive, bien, d'autoriser par
avance le fait que je souhaite bénéficier de ce traitement ultime qui est de me
permettre de passer à une étape autre de la
vie, parce que partir, ça fait partie de la vie. Donc, pour
résumer, donc, on souhaiterait inclure ça dans les directives et aussi d'avoir
une possibilité de pouvoir gérer ça d'une façon plus facile.
La mise en
oeuvre de la loi, bien, écoutez, si je réfère à mes notes, il y a quand même
certains enjeux qui nous... Si vous permettez, là, un petit peu d'accommodements
pour moi, s'il vous plaît. Là, je suis rendu à la composition de la commission.
Il y a beaucoup d'interlocuteurs qui sont concernés — je n'ai
pas la liste par coeur, puis, si je le cherche dans mon mémoire, ça va être trop long — et il faudrait qu'on précise vraiment le
rôle, les responsabilités de chacun, que ce soit clair pour tout le
monde. Il faudrait aussi vraiment que la population soit informée, parce que,
souvent, c'est des problèmes d'information. Je pense que, dans plusieurs
dossiers, on se rend compte qu'une personne ou un groupe de personnes mal informées peut prendre de mauvaises
décisions. Et, lorsqu'on parle avec des professionnels, bien il faut
bien les former et les informer sur leur
rôle, leur mandat, leurs responsabilités, et notamment lorsqu'on parle des
personnes qui ont une limitation fonctionnelle.
Je vais juste
vous donner un exemple. Il nous arrive... en tout cas, moi, il m'arrive
régulièrement encore, lorsque je vais
m'acheter des vêtements, que le vendeur ne s'adresse pas à moi, mais il s'adresse
à la personne qui m'accompagne. Alors,
j'imagine que, s'il m'arrive un problème de fin de vie, ça se peut que ça soit
la même chose qui arrive, hein? Et je crois que les gens ont un malaise.
Et je crois qu'on doit vraiment s'assurer que les gens sont bien informés, sont
bien formés sur ce que c'est qu'une personne
qui a une limitation fonctionnelle. On est des gens qui… on est capables de
décider pour nous-mêmes, on est capables de s'exprimer verbalement et/ou
autrement. Mme Blais pourrait très bien nous parler
d'autres façons de s'exprimer. Je pense qu'elle peut m'en montrer là-dessus,
sur la question des personnes sourdes. Alors, je pense qu'on doit
vraiment insister là-dessus.
• (17 h 50) •
Concernant les orientations dont on parle dans
la loi, je crois que c'est important qu'il y ait des orientations qui
sous-tendent la mise en oeuvre et l'application de tout ça. La seule chose qui
nous inquiète, c'est comment et quand seront
déterminées ces orientations-là. Nous, comme représentants de beaucoup de personnes
qui ont des limitations fonctionnelles,
ça nous inquiète, et on souhaite que, lorsqu'il y aura réflexion sur toute la question
des orientations, je pense que… En
tout cas, moi, je vais parler pour la
COPHAN, en tout cas, là. La COPHAN souhaiterait pouvoir
participer aux discussions pour aider à
préciser les orientations. Parce
qu'il y a beaucoup
de craintes, je vous dis, chez les personnes qui ont des limitations
fonctionnelles, là-dessus. Nous, on fait de la formation, on leur explique,
mais, vous savez, ce n'est pas monolithique,
les personnes de notre milieu. Il y a des gens qui sont pour, il y en a
qui sont contre, il y en a qui
veulent, il y en a qui ne veulent pas.
C'est pour ça — je
reviens là-dessus — que
nous, on ne prend pas cette position... cette décision-là pour les
autres.
Concernant la qualité des services palliatifs et
des services de soins de fin de vie — parce que c'est de ça dont on
parle aujourd'hui — nous
recommandons qu'il y ait un processus indépendant qui s'assure de la qualité
des services et qui puisse éventuellement
faire des rapports. Le projet de loi prévoit la rédaction et le dépôt de
rapports, mais cinq ans, ça nous
paraît très long. Je pense que, surtout les premières années, ce serait bien qu'il
y ait une surveillance, entre parenthèses, de la mise en oeuvre de cette
loi-là et je pense que les rapports de mise en oeuvre devraient être rapides,
déposés dans des délais prescrits, et non pas le plus tôt possible mais avec
des délais prescrits dans la loi et surtout publics, et tout ça. Bon…
La
composition de la commission, bien, écoutez, on prend pour acquis que les gens
qui vont être là vont savoir de quoi
ils parlent, on prend pour acquis que oui. Ce qu'on prend moins pour acquis, et
on vous demande, au gouvernement, de songer sérieusement : compte
tenu qu'il y a des enjeux particuliers liés aux personnes qui ont des
limitations fonctionnelles, on recommande au gouvernement
d'ajouter des représentants des groupes de personnes qui ont des limitations
fonctionnelles dans la commission parce qu'effectivement je pense qu'on doit
partager sur ces enjeux-là parce qu'il y a
beaucoup de choses qui se disent, qui se passent à l'extérieur du Québec, en
tout cas, on entend tout et son contraire, là, concernant ce qui est réservé
aux personnes qui ont des limitations fonctionnelles. Nous, on pense qu'il y a
moyen de gérer la chose, mais on pense que la présence de représentants des
personnes qui ont des limitations fonctionnelles à la commission serait un gage
de transparence et aussi d'ouverture.
La formation
du personnel, ça, on n'en parlera jamais assez. Je vous ai donné quelques
exemples tantôt. Alors, nous, on
insiste sur l'importance que la population soit bien informée, bien formée,
mais surtout les divers intervenants qui
travailleront dans ce dossier, notamment sur toute la question des personnes
qui ont des limitations fonctionnelles, de comment ça fonctionne… Souvent, les gens ont tendance à penser que,
lorsqu'on a une limitation fonctionnelle, on n'est pas capable de
décider, on ne comprend pas. En tout cas, une sensibilisation, une formation à
laquelle la COPHAN offre ses services de collaborer pour la mise en place de
programmes.
Notre
présidente vous a parlé tantôt qu'au-delà de mourir avec dignité ou d'avoir des
soins de fin de vie, pour nous, la priorité, c'est la vie en pleine
dignité. On va prendre deux minutes pour vous resensibiliser sur l'importance que tout soit mis en place pour que les personnes
les plus hypothéquées puissent vivre en toute dignité. Pour nous, il n'est
pas question que les soins de fin de vie
soient demandés en lien avec l'absence ou l'inadéquation des besoins versus
les services rendus, notamment pour les
services… les soins palliatifs. Je ne l'ai peut-être pas dit, mais ce qu'on
nous rapporte, c'est que, lorsque
quelqu'un requiert des services… des soins palliatifs à domicile, imaginez-vous
qu'on leur retire souvent leur
maintien à domicile. C'est un ou c'est l'autre, hein? Alors, ça, on voudrait
que, dans la loi, d'ailleurs, ça soit inscrit que ça soit des soins et des services à domicile. On parle de soins à
domicile dans le projet de loi, et le mot «soins», c'est souvent vu comme étant plus au niveau médical, et
nous, on souhaiterait que, dans la loi, figure que la personne qui le requiert peut obtenir des soins et des services à
domicile dans son processus d'achèvement de vie, de soins palliatifs ou etc.
Alors, on
attire votre attention sur cette dimension-là parce que nous, on considère que
le Québec fait un choix de respect de
la personne, du respect de sa capacité de décider et on pense que, si on fait
le maximum pour aider les personnes à avoir des services, notamment de
soutien à domicile, d'accompagnement, des services de soutien aux familles, des
services dont ils ont besoin pour être autonomes, participer socialement, bien
on aura moins de liens à faire avec ce qui se véhicule malheureusement comme rumeurs.
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
M. Lavigne (Richard) : Alors, là-dessus,
on aurait terminé. Si notre temps est terminé, on a terminé.
Le Président (M. Bergman) : Ça
va. Merci beaucoup pour votre présentation. Alors, pour le premier bloc du gouvernement,
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui.
Alors, bien le bonjour à vous trois, merci beaucoup de votre précieuse
présentation. C'est toujours un plaisir de vous entendre parce que je pense que
vous nous ramenez toujours au vrai sens des choses.
En fait, tantôt,
j'essayais d'illustrer en disant qu'en ayant les deux chapeaux j'ai un souci
constant, que ce n'est pas parce qu'une personne a une limitation, de quelque
nature qu'elle soit, physique, intellectuelle, que cette personne-là ne doit pas être considérée au même titre que toute
autre personne dans la société et donc au même titre dans le cadre de ce
projet de loi là. Mais par ailleurs il faut être conscient qu'il peut y avoir
des défis, ou des enjeux, ou des craintes particulières.
Et donc il faut y répondre aussi dans le cadre de ce projet de loi là. Donc, c'est
ce qui m'anime, et je comprends que c'est ce qui vous anime aussi.
À la fin,
vous avez dit : Il ne faut pas laisser place aux rumeurs, ou je… Vous avez
terminé avec le mot «rumeurs», mais juste au moment où le président
demandait de conclure. Donc, qu'est-ce que vous voulez dire par «rumeurs»?
M. Lavigne (Richard) : M. le
Président, mesdames messieurs de la commission, écoutez, tous ceux qui me connaissent savent que je suis direct. On a eu
toutes sortes de correspondances qui ont circulé, et nous, à la COPHAN,
c'est clair qu'on veut collaborer avec vous autres pour que cette loi-là passe.
Cependant, on veut vous sensibiliser une
fois encore sur l'importance de ne pas donner flanc à ceux qui disent qu'on
préfère faire ça que de développer des services. C'est-u assez direct
comme réponse?
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Comme ceux
qui diraient qu'on fait ça pour économiser de l'argent ou parce que… c'est ça,
on ne veut pas…
M. Lavigne
(Richard) : Oui. Économiser
de l'argent ou que les personnes handicapées valent moins cher que les
autres. Je pense…
Mme
Hivon : O.K.
M. Lavigne (Richard) : Moi,
personnellement, je sais que je ne vaux pas cher, mais je ne suis pas le seul. Puis ce n'est pas parce que je suis aveugle, je
vous le garantis. Puis, je vous dis, c'est que, dans d'autres pays, eux, il
y a eu des choses qui ont été dites, il y a eu d'autres
choses qui ont été dites aussi, alors il faut faire attention lorsqu'on ramène
des soi-disant études. Moi, là, je n'ai pas de maîtrise ni de doctorat en
éthique ni en droit. Je vous le dis, là, je représente
des personnes qui vivent. J'ai beaucoup de respect pour les experts, mais j'ai
beaucoup plus de respect pour les individus qui vivent et je crois que
les experts sont là pour nous aider et non pas pour nous manipuler.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Bon. O.K. Alors, c'est clair. Bien, je veux vous dire que je pense qu'il faut
travailler sur tous les fronts en
même temps, et moi, je suis convaincue qu'on peut le faire. Est-ce que ça pose
des défis? Oui. Est-ce que ça pose de grands défis? Oui. Mais est-ce qu'on
est capables de relever des grands défis? Je pense que oui, surtout quand on
travaille ensemble.
Et, dans le
cadre du projet de loi sur les soins de fin de vie, on a un grand défi qui est
celui d'améliorer les soins de fin de
vie, de les rendre encore plus disponibles, de meilleure qualité, de voir
comment on peut maximiser, je dirais, l'offre en ayant une meilleure
organisation des services. On regarde ça très, très attentivement. Il y a tout
un chantier, comme je le répète tout le temps, au ministère sur ça. Mais je
suis convaincue aussi que ça ne fait pas… que tout ce travail-là doit évacuer les situations qui sont plus difficiles, où on a
besoin de soins plus exceptionnels pour répondre aux souffrances de
personnes en fin de vie qui sont de nature tout à fait exceptionnelle.
Et est-ce qu'il
faut travailler… Ça me faire rire parce que, quand on avait déposé le rapport
de la commission, j'avais fait une entrevue avec Jean-Luc Mongrain, on
avait fait une belle entrevue, puis, à la fin, il avait dit : O.K., et maintenant vivre dans la dignité. Alors là, j'avais
dit : Vaste chantier. Donc, on va s'attaquer à celui-là. Mais je
pense surtout que vivre dans la dignité, c'est
un chantier auquel il faut s'attaquer à chaque jour, en constance. Ce n'est pas
une question d'un projet de loi, c'est une
question de travail continu. Et je peux vous dire que, comme ministre déléguée
aux Services sociaux, c'est un travail de tous les jours qui n'est pas toujours
facile mais qui est un travail très important.
• (18 heures) •
Alors, quand
on me dit qu'on peut marcher et mâcher de la gomme en même temps, moi, c'est ce
qui m'habite dans mon travail, c'est d'améliorer au quotidien, et jamais
qu'il faut baisser les bras pour améliorer, comme vous le faites aussi avec l'ensemble
de votre regroupement, la qualité de vie des personnes qui ont une situation,
donc, de limitation ou de handicap. Mais je
pense que ça ne nous empêche pas non plus d'avancer sur d'autres fronts. Il faut essayer de mener ça le mieux possible ensemble.
Je vous entends bien. Puis je dois vous dire que
c'est un souci que j'ai parce que, depuis que j'ai
la chance d'occuper ces fonctions-là, il
y a plusieurs personnes… Je veux
dire, je vous entends bien sur la question aussi de l'accès aux soins palliatifs pour les personnes, par exemple, handicapées ou qui ont une limitation et du fait que c'est comme si, là, si vous êtes aux soins
palliatifs, votre réalité propre d'avant les soins palliatifs ne serait plus
dans le décor. Donc, je comprends très bien ce que vous voulez dire
D'autres
personnes nous disent aussi à quel point, pour certaines personnes qui ont une
déficience, c'est difficile de voir
reconnaître leurs souffrances ou leur situation, à quel point il y a des défis, je dirais,
de diagnostic, surtout quand les gens ont une limitation pour s'exprimer,
ou tout ça, et que souvent ça va avoir un impact pour le moment où on va diagnostiquer
certaines choses parce qu'on va penser tout de suite : Ah bien, c'est lié
à sa déficience, ou elle est inconfortable parce que c'est une personne qui a
une déficience, ou tout ça. Donc, je pense qu'il faut être très vigilant aussi
par rapport à ça. Donc, je reçois très bien votre message.
Par rapport,
je dirais, aux éléments plus précis sur lesquels vous vous penchez, notamment
la nécessité d'expliquer, d'outiller davantage, que toute l'information
soit plus accessible, y compris pour les personnes qui peuvent avoir une limitation, je pense que c'est un message aussi
qui est très important. On a l'objectif et… pas juste l'objectif, on va le
faire, mais de donner de l'information
beaucoup… très vulgarisée, donc une trousse d'information pour les personnes
qui vont se retrouver en fin de vie,
qui va être la plus accessible possible, qui va sensibiliser à la fois les personnes
en fin de vie pour savoir ce qui s'en
vient puis ce qui est disponible, mais aussi les soignants qui vont devoir
remettre cette trousse-là et qui vont peut-être aussi engager un
dialogue à la lumière de ça.
Tantôt, vous disiez : Je voudrais être
capable, si j'étais dans une situation de coma, d'avoir prévu de manière
anticipée, mais comment savoir, comment prévoir de manière anticipée ce que je
voudrais ou… je ne saurai pas nécessairement
ce dont j'ai besoin. C'est évident qu'on ne peut pas anticiper tout ce qui peut
nous arriver, mais la réalité ou la volonté des directives médicales
anticipées, c'est de venir dire le type de soins qu'on souhaiterait avoir ou
non. Exemple, si je suis dans telle
situation en fin de vie, est-ce que je veux encore qu'on me donne des
antibiotiques? Si j'arrive à l'urgence dans telle situation, est-ce que
je voudrais qu'on me réanime? Si je suis en fin de vie, que je n'ai plus aucune conscience, est-ce que je voudrais qu'un
proche demande une sédation palliative continue si je souffre? Donc, des
éléments comme ça. Évidemment, on ne peut
pas tout prévoir, mais c'est l'objectif des directives médicales
anticipées.
Là, je veux vous amener… Parce que vous avez
dit : Moi, si j'étais dans un coma… Je voudrais être capable, peut-être,
de dire à l'avance : Si je suis dans cette situation-là, je voudrais
pouvoir recevoir une aide médicale à mourir — exemple — pas nécessairement vous, mais une personne.
En ce moment, dans le projet de loi, on exclut la possibilité de
demander de manière anticipée une aide médicale à mourir. Vous pouvez prévoir
les soins que vous voudriez ou que vous ne voudriez pas, mais, vu, je dirais,
la sensibilité autour de l'aide médicale à mourir et toute la prudence qu'on veut y mettre, c'est quelque chose
qu'on a exclu d'une demande anticipée. Est-ce que, comme d'autres qui
sont venus ici, vous pensez qu'il faudrait le prévoir?
Le Président (M. Bergman) :
M. Lavigne.
M.
Lavigne (Richard) : Bien
oui, M. le Président, Mme la
ministre, nous, à la COPHAN, on
considère que ça fait partie des
choix, oui. La réponse est aussi simple que oui parce que justement
on considère que, de faire cette chose-là pour quelqu'un qui… Il
y a moyen de vérifier auprès des
proches si c'est bel et bien vrai ce qu'il voulait. Tu sais, je ne dis
pas qu'on fait ça juste avec un papier, mais c'est de ne pas donner le fardeau
à un proche de prendre les décisions.
Moi, dans ma
vie personnelle, j'ai… On a discuté de ce genre de question
là, puis beaucoup d'entre nous… Je pense qu'à un moment donné on doit pouvoir le faire. Je ne connais pas les
enjeux légaux, en tout cas, ou tout ça, mais nous, on vous dit qu'effectivement,
si on pouvait évaluer… En tout cas, nous, on souhaiterait que ce picot-là soit
dans la liste, vous savez, le petit picot, «soins de fin de vie», là, après…
Comment qu'ils ont appelé ça? Sédation… Vous me pardonnerez, les termes médicaux, là… Sédation palliative terminale. C'est
que, lorsqu'on a parlé avec M. Ménard, je lui expliquais : Comme
ça, dans le fond, j'ai le droit qu'on arrête de me nourrir, mais je n'ai pas le
droit de me donner la dernière petite shot
pour m'en aller. Tu sais, c'est comme quelque chose qu'on… Il y a juste une… On
comprend que le gouvernement puis l'Assemblée nationale peut-être
hésitent, mais nous, on considère que ça devrait être évalué, de permettre ça. On se rappelle que c'est le choix de
la personne, là — je
ne sais pas si on nous enregistre, là — il
ne s'agit pas de promouvoir la mort, il s'agit de promouvoir le choix de
la personne.
Le Président (M. Bergman) :
Alors, ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Pour le premier bloc de l'opposition
officielle, Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Merci, M.
le Président. Alors, bienvenue, Mme
Vézina, M. Lavigne, Mme Leduc. C'est un plaisir d'avoir votre voix qui s'ajoute à celles de tous les organismes qui viennent devant la commission. On
comprend bien, là, votre philosophie, la philosophie qui vous a animés
lors de la préparation de votre mémoire. C'est-à-dire, pour vous, la liberté de choix prime avant toute chose, c'est-à-dire :
Moi, je n'imposerai pas mes valeurs à l'autre, je vais respecter l'autre
dans ses valeurs et je m'attends à ce que l'autre me respecte également dans
mes valeurs et dans mes choix, mes choix de vie.
Pour revenir
à l'échange que vous aviez avec la ministre, juste avant que le président mette
fin à cet échange-là, sur la question
des directives médicales anticipées, vous dites : Moi, j'aimerais pouvoir
consigner à l'intérieur des directives médicales anticipées ce que je
souhaite obtenir comme soins de fin de vie advenant un certain nombre de
situations qui pourraient se présenter. Par
contre, ce qui arrive… Puis, je pense, c'est que, dans le projet de loi pour l'aide
médicale à mourir, on prévoit que la
personne qui fait la demande peut toujours changer d'idée. On prévoit que le
consentement peut toujours être retiré à la dernière minute, et tout ça.
Comment on pourrait s'assurer qu'une directive
médicale anticipée donnée, par exemple, le 2 octobre 2013, corresponde toujours à ce que vous voulez le
2 octobre 2020, disons? Parce qu'on le sait parfois les gens
négligent un petit peu ces trucs-là, puis on ne met pas nécessairement à
jour nos documents. Est-ce qu'on peut s'assurer que le consentement donné face à un soin très précis et terminal sera toujours
valide? Est-ce qu'il ne faudrait pas avoir certaines balises autour de
ça? Parce qu'il faut vraiment s'assurer… puis c'est ce que je comprends du
projet de loi, là, c'est qu'on veut vraiment
s'assurer que le soin qu'on s'apprête à accorder corresponde toujours à l'intention
de la personne qui en fait la demande.
Le Président (M.
Bergman) : M. Lavigne.
M. Lavigne (Richard) : Oui, vous
avez raison, il faut que… Et c'est prévu dans le projet de loi qu'on peut
changer d'idée. Et j'espère qu'on peut changer d'idée parce que le libre choix
fait partie de changer de choix aussi. Et
effectivement on s'est posé la question… on se pose la question, en même temps,
en disant : Si, par ailleurs, il m'arrive un événement qui… dans
mon certificat, c'est écrit que j'autorise les soins palliatifs terminaux — c'est
ça? — bien,
si ça arrive, le consentement, je ne pourrai
pas peut-être l'avoir plus, là. Je ne le sais pas, là. Si je
suis dans le coma… Admettons que je
tombe dans le coma puis je marque : Je veux les soins palliatifs terminaux
ou je veux les services de soins de vie, je comprends que c'est presque
la même chose, c'est juste un autre chemin pour y arriver. C'est notre
compréhension.
Mais
effectivement c'est pour ça qu'on dit : Il faudrait que vous regardiez ça,
la possibilité de le faire. Et la gestion du consentement, c'est la première chose. Mais, de toute façon, quand la
personne ne peut plus gérer son consentement dans un processus x, que ça
soit pour un traitement ou un autre, la possibilité de vérifier demeure
inexistante dans les deux cas. Alors, si
moi, je fais le choix, pendant que je me porte bien, de dire : Advenant le
cas que tatati, tatata… il y a moyen, je pense, aussi de se prémunir de
ça.
Ce qui est
très important dans les directives médicales, puis ça, j'espère qu'on va
vraiment porter une attention particulière,
c'est d'éviter des dérapages, que quelqu'un pourrait influencer quelqu'un
pour qu'il signe un document. Et ça,
des vérifications, il n'y en aura jamais trop. Et, pour l'aptitude
à consentir, il y a moyen de s'assurer que la personne est bien consciente de ce qu'elle signe. Et, comme on
disait, même quand on a des limitations fonctionnelles importantes ou
assez importantes, notre jugement, il n'est pas toujours affecté. Dans certains
cas, oui, mais dans d'autres cas non.
Alors, je ne
sais pas c'est quoi, la recette, mais nous, on considérait de vous proposer de
songer à aller… tant qu'à respecter le consentement, bien peut-être d'aller
regarder si on ne pourrait pas ajouter ce traitement-là, ce soin-là qui est de
permettre à la personne de passer outre, de passer l'arme à gauche — je ne
sais pas trop comment le dire — de passer à une autre étape.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Est-ce qu'il pourrait y avoir une date de péremption?
Je ne sais pas, parce que… Est-ce qu'on pourrait…
Pour éviter la situation… En fait, ma question, c'était… Il peut y avoir, au
cours de notre vie, des éléments qui se présentent et qui font qu'on change d'idée. Et là où je voulais avoir
votre point de vue, c'est qu'aujourd'hui… Mettons qu'aujourd'hui vous
allez faire vos directives médicales anticipées et vous dites : Si j'arrive
à l'hôpital dans un coma profond à la suite d'un accident et puis, je ne sais
pas, je suis dans un état végétatif, je souhaite, par exemple, qu'on m'administre la sédation palliative terminale, par
exemple. Ça, c'est aujourd'hui, en 2013. Il peut y avoir des avancées médicales. Vous pouvez arriver dans cet état-là 10
ans plus tard, puis comment on peut s'assurer que la directive médicale anticipée que vous aviez donnée il y a 10 ans
correspond toujours à votre volonté? C'est là la difficulté, je pense, c'est
de s'assurer… Est-ce qu'à ce moment-là on ne devrait pas s'assurer que les
directives médicales anticipées aient été données à l'intérieur d'un délai x,
soient quand même relativement récentes?
• (18 h 10) •
Le Président (M.
Bergman) : M. Lavigne.
M. Lavigne (Richard) : Vous posez la question, puis là je réfléchis en
même temps que vous parlez. Ce n'est peut-être pas une mauvaise idée.
Écoutez, effectivement, s'il y a des progrès scientifiques puis que moi, je ne
le sais pas, bien, peut-être que, si je le
savais, je ferais d'autres choix, vous avez raison. Mais c'est parce qu'avec
des «si», on peut aller loin, puis, à
un moment donné, je pense que la personne doit aussi… Peut-être qu'il faudrait
voir dans la loi s'il n'y aurait pas
effectivement quelqu'un qui a signé un… en tout cas, les directives voilà 28
ans. Il faudrait peut-être, de temps en temps, que quelqu'un… Peut-être que le système pourrait lui envoyer une
lettre de temps en temps : Est-ce que vous êtes encore sûr? En tout
cas, je ne sais pas, là.
Mais vous avez
raison. Mais ça s'applique aux soins pour mourir puis ça s'applique au reste
aussi parce qu'il s'ajoute des traitements aussi. Dans 15 ans, il y aura
peut-être des traitements x, y, z qui pourraient se rajouter dans la liste des services et des soins qu'on voudrait
avoir. Effectivement, je pense que tout évolue puis ça aussi. Ce n'est
pas prévu, mais j'imagine que le législateur pourrait voir… Parce que, si
quelqu'un oublie, là, de refaire son petit papier, ça peut aller à l'inverse aussi, hein? Ça peut aller à l'inverse. Alors,
peut-être qu'il pourrait y avoir une espèce de délai ou de… Je ne sais
pas.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Pour revenir à votre demande à ce que l'information soit accessible et
compréhensible, nous, on s'est beaucoup
attardés, au cours des dernières semaines, sur l'importance de définir
clairement les termes utilisés dans la loi
pour que tout le monde comprenne très bien de quoi il s'agit. Est-ce que, pour
vous… Je comprends que vous ne prenez pas position en faveur, en
défaveur parce que c'est vraiment une question de choix personnel. Mais est-ce
que vous trouvez que les termes utilisés
devraient être définis de façon claire, de sorte que quelqu'un sache très bien,
clairement que l'aide médicale à mourir, ce
n'est pas un soin palliatif, c'est une euthanasie… bien, l'équivalent de l'euthanasie
ou les définitions prévues dans les documents de consultation de la
commission spéciale ou même dans le rapport de la commission spéciale… On a
parlé de la sédation palliative terminale. C'est des termes qui, bien, pour les
experts, sont clairs, mais, pour M. puis Mme
Tout-le-monde, ce n'est pas toujours très clair. Parce que, justement, vous
dites que vous êtes la voix de M.
puis Mme Tout-le-monde et de vos membres, j'aimerais ça vous entendre
là-dessus. Est-ce qu'il serait important justement que les citoyens se
retrouvent plus facilement dans ce jargon-là?
M. Lavigne
(Richard) : Très important…
Le Président (M.
Bergman) : M. Lavigne.
M. Lavigne (Richard) : Oui, très important — M. le Président, je m'excuse, j'ai parlé
trop vite — très
important que ça soit le plus clair… Ça ne sera jamais assez clair, les termes.
Et il faut les expliquer parce que souvent il y a des mots qui sont associés à des affaires qui ne sont pas tout à fait
vraies aussi, là, hein? Je n'en nommerai pas, là, mais des fois on fait
dire des significations à des mots. Alors, peut-être qu'on pourrait…
Puis, en parlant de
langage simple, le langage simple, c'est bon pour tout le monde. Le langage
compliqué, il n'y a quasiment personne qui comprend ça. Ça fait que, si on est
simple, on est sûr qu'on est compris. Des phrases courtes, des affaires… Vous savez, il y a beaucoup d'analphabètes au
Québec aussi, là. Il n'y a pas juste des personnes qui ont des
difficultés à comprendre en termes cognitifs, ou tout ça, il y a des gens qui
ont de la misère à lire. Les gens qui n'ont
pas beaucoup d'instruction, puis même ceux qui ont de l'instruction, des fois,
ils ne comprennent pas tout ou ils comprennent différemment. Alors, je
pense que c'est important qu'on fasse un devoir d'éducation populaire.
Et tantôt Mme la
ministre parlait de ça, et je vous dirais que l'information pertinente doit
être toujours disponible à tout le monde pour préparer nos choix, pas juste quand ça
arrive. Tu sais, moi, j'aimerais ça, l'avoir, le kit du décideur avant que je sois obligé de l'avoir. Je
pourrais y penser, tu sais. Mais, si je pouvais l'avoir en braille, ça
serait pas pire, mais ça, bon, ça, c'est une
autre histoire. Mais, quand qu'on parle d'accessibilité, c'est pour tout le monde. Puis il ne faut pas penser
qu'il y a juste les sites Internet. Parce
que ça, on s'en vient pas mal
Internet, là. Les gens ne vont pas tous sur Internet. Il y a des
campagnes d'information, on entend toutes sortes de publicités à la télé, on
pourrait entendre de l'information sur ça aussi. Parce que je pense que le gouvernement
a les outils pour bien faire comprendre les choses. Mais on n'est jamais trop
clair. Ça, c'est…
Le Président (M.
Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition
officielle. Pour le dernier bloc du gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui. Merci beaucoup. Alors, peut-être juste pour les directives médicales
anticipées… Moi, je dois vous dire,
avant ça, que j'aime beaucoup vous entendre parce que je pense que vous êtes un
peu la voix du gros bon sens. Et on
écoute tous les avis, on est réceptifs à tout, et puis on entend… Il faut, de
temps en temps, se ramener aux citoyens, aux citoyens… dans toute la
complexité de la vie aussi de certains citoyens, donc plusieurs des personnes
et associations que vous représentez. Puis
il faut aussi entendre ce que les soignants ont à nous dire parce qu'ils sont
impliqués là-dedans, c'est certain.
Mais il ne faut pas perdre de vue, donc, je dirais, les considérations très
concrètes des gens qui se projettent dans leur fin de vie, dont le
besoin d'information. Puis ça, je veux vous le dire, c'est un grand souci puis
une grande préoccupation pour nous que les gens soient outillés, autant pour
savoir, en fin de vie, ce qui s'en vient — c'est quoi, mes options, puis tout ça — que de sensibiliser les gens à l'importance
de faire des directives médicales anticipées pour qu'ils s'assurent
davantage d'avoir des soins, à la fin de leur vie, conformes à ce qu'ils
veulent vraiment.
Et, pour ce qui est de la question : Est-ce
qu'il devrait y avoir un délai, et tout ça?, évidemment, on s'est posé ces questions-là, et le défi, c'est de dire… En
Belgique, ils ont dit qu'eux ils ont mis un délai et ils trouvent que c'est
très restrictif parce que, si vous les
faites à 80 ans, est-ce que vous devez les renouveler à 82 ans, à 84 ans, à 86
ans quand votre situation ne change pas tant que ça? On se comprend qu'entre
25 ans, 50 ans, 75 ans ça peut changer. Mais, nous, l'idée qu'on a — je vous partage ça — c'est de vraiment valoriser les directives
médicales anticipées et de rappeler aux gens, peut-être lors du
renouvellement de leur carte d'assurance maladie ou quelque chose comme
ça : Avez-vous fait… vous devriez en
faire et, si vous en avez fait, est-ce qu'elles sont toujours à jour et
conformes à vos volontés? C'est ce genre d'éléments là qu'on regarde.
Moi, je veux vous entendre sur une réalité plus
technique. On prévoit, à un endroit, notamment pour l'aide médicale à mourir, qu'il doit y avoir un
consentement écrit. Donc, c'est-à-dire que la personne qui demanderait une
aide médicale à mourir doit signer un
formulaire, qui serait déjà existant, là, pour accroître le formalisme. On est
conscients qu'il y a des gens qui ne peuvent
pas signer, ils ont des limitations fonctionnelles qui font en sorte qu'ils ne
peuvent pas signer, par exemple. Il y
a déjà des réalités qui existent, où on demande un consentement écrit, dans la
vie, là, en termes de soins, ça existe
déjà, comme par exemple pour les soins qui ne sont pas requis par l'état de
santé, par exemple, pour l'aliénation d'une
partie du corps, un don d'organe. Il y a des réalités comme ça. Est-ce que,
pour vous… Ce qu'on prévoit alors, c'est que ça peut être un tiers qui signe pour la personne. Je ne sais pas si
vous pouvez nous éclairer, comment ça fonctionne dans la vie de tous les
jours. Parce que je sais que notre président, qui est notaire, a notamment une
préoccupation par rapport à ça. Puis plus c'est
important, ce qu'on demande, plus cette exigence-là, on veut s'assurer de bien
la remplir. Donc, à quoi ça peut ressembler dans le quotidien?
Le Président (M. Bergman) :
M. Lavigne.
M. Lavigne (Richard) : Oui. Puis, c'est
très important, le consentement peut s'exprimer par une signature, mais par aussi un constat de consentement obtenu
autrement. Moi, j'adore ma famille, mais je ne voudrais pas que ma famille signe à ma place sans s'assurer que je
suis bien au courant qui signe, là. Je dis «ma famille», mais n'importe
qui, hein? Je veux dire, il faudrait…
Écoutez, je n'ai
pas la réponse, là. C'est un souci qu'on a. Je pense qu'il y a d'autres... Il y
a la signature, mais il y a aussi la confirmation par… Tu sais, on parle
de deux médecins, mais on pourrait peut-être voir, dans certains cas où quelqu'un ne peut pas consigner par écrit quelque
chose, d'avoir une troisième personne puis que… Puis quelqu'un qui ne peut pas signer un acte notarié… Il y a, si je me
souviens bien, une réforme qui a été suggérée dans le Code civil — il
faudrait s'y référer — pour
s'assurer que le consentement exprimé par la personne comme elle le peut soit
consigné par quelqu'un qui garantit le respect. Et le meilleur moyen de
garantir le respect de quelque chose... de la volonté de quelqu'un, c'est de ne pas être en conflit d'intérêts avec cette personne-là d'aucune façon. Il faudrait trouver des alternatives.
La seule
chose que je voudrais dire ici, c'est qu'il ne faudrait pas, sous le prétexte
que quelqu'un, soi-disant, ne peut
pas signer, qu'on demande à ses proches de décider à sa place. Les proches ont
un rôle à jouer, mais le projet de loi parle bien de la personne qui
doit elle-même consentir. Il faut faire attention de ne pas défaire un petit
peu ce qu'on essaie de faire de l'autre côté.
• (18 h 20) •
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Effectivement, c'est très important. Mais peut-être juste vous dire qu'à l'article
26 ce qu'on prévoit… Évidemment, ça ne
remplace jamais la demande de la personne, donc la demande doit être faite par
la personne, verbalisée, répétée,
tous les critères. Mais, pour cette embûche-là, je dirais, qui est plus
technique, là, ce qui est prévu, c'est que c'est un tiers qui peut
signer mais en présence de la personne qui fait la demande évidemment, qui a verbalisé
la demande, qui a répondu à tous les
critères d'un professionnel de la santé. Donc, c'est ça, en ce moment, qui est
mis de l'avant.
Ça n'a rien à voir avec le fait de dire :
une tierce personne pourrait consentir au nom d'une personne inapte, par exemple, qui ne l'aurait pas demandé. Ça n'a
rien à voir. On garde tous nos critères d'aptitude, là. C'est vraiment
juste une personne qui serait dans l'incapacité
physique, motrice de le faire. C'est ce qui est prévu pour l'instant. Un tiers
qui ne fait pas partie, donc, de l'équipe
soignante de la personne, qui n'a comme pas d'intérêt dans, je dirais, la
dispensation de soins pourrait signer le formulaire en présence de la
personne qui fait la demande de manière répétée, verbalement, puis tout ça.
Est-ce que ça, ça peut vous apparaître adéquat?
Le
Président (M. Bergman) : M. Lavigne.
M. Lavigne (Richard) : C'est juste qu'il faut le gérer, s'assurer que c'est
vraiment la personne qui décide. Moi, je ne me rappelais plus de ce petit bout d'article là, mais, rendu là, bien
il faudrait voir à ce que les professionnels autour s'assurent que c'est
bel et bien le cas qu'on respecte… Mais, comme vous dites, il n'y a pas juste
une personne dans le bureau, là, il y a… et
ça commence à faire un peu de monde. J'imagine qu'à un moment donné il n'y a
pas de complot, là. À un moment donné, c'est ça, là. Parce qu'on a déjà
parlé de… J'ai déjà vu, dans des courriels, qu'il y a des gens qui criaient au complot contre les personnes
handicapées, là. Il ne faut pas aller là non plus. On ne peut pas avoir des
bretelles, puis une ceinture, puis une autre ceinture. À un moment donné, il
faut quand même faire confiance à la loi. Alors, effectivement, il faut juste s'assurer que le tiers en question respecte
bien la personne. Puis il y a d'autres moyens. Même quelqu'un qui ne
peut pas s'exprimer verbalement, je vous garantis, M. le Président, d'une façon
ou d'une autre, il peut vous dire s'il est content ou pas.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui. Avant de céder la parole à ma collègue de
Sainte-Rose, je veux juste vous dire… On n'a pas le temps d'aborder tous les points, là, mais j'ai
pris note et je reçois avec beaucoup d'ouverture plusieurs de vos
commentaires. Puis juste vous dire que, pour
ce qui est de la question des droits, de la reconnaissance des droits, de ne
pas exclure des droits, ça va de soi.
Puis, quand évidemment on fait une loi comme celle-là, on réaffirme ou on met
de l'avant certains principes qui
nous apparaissent particulièrement importants en lien avec la fin de vie, mais
tout ça se lie en conjonction avec l'ensemble du corpus législatif, des
chartes, évidemment, et des droits, donc, des personnes handicapées. Il n'y a
rien là-dedans qui peut venir limiter quoi que ce soit d'autre, et tout ça doit
être lu, je dirais, dans un ensemble.
Évidemment,
dans le meilleur des mondes, on ferait une loi sur les soins de fin de vie et
les personnes handicapées pour que tout ça soit dans un tout. On
pourrait faire plein de petites lois qui pourraient simplifier la lecture. Mais
la législation étant ce qu'elle est, il faut
essayer d'avoir les outils les plus clairs. Je suis tout à fait d'accord avec
ça. Mais on ne peut pas faire l'économie
ou, je dirais, redoubler à chaque fois et remettre tous les principes qui se
trouvent dans la LSSSS, ou qui se
trouvent dans les chartes, ou qui se trouvent dans le Code civil dans notre
loi. Donc, je voulais juste vous dire…
M. Lavigne
(Richard) : M. le Président?
Le Président (M.
Bergman) : M. Lavigne.
M. Lavigne
(Richard) : Est-ce que je peux réagir?
Le Président (M.
Bergman) : Certainement.
M. Lavigne
(Richard) : Je voudrais dire à Mme la ministre qu'on rêve, nous, à la
COPHAN, qu'il n'y aurait plus de loi pour
les personnes handicapées au Québec. On rêve du jour où toutes les lois vont
nous inclure. Je ne sais pas si on va réussir avant ma fin de vie, mais
on rêve du… On rêve justement que les personnes qui ont des limitations fonctionnelles, ça soit tellement acquis pour tout
le monde qu'on n'ait plus besoin de loi particulière. Mais ça, c'est un
petit aparté, comme ça, à la ministre responsable de la loi sur un exercice des
droits des personnes handicapées.
Mme
Hivon :
Ça me ferait une loi de moins à gérer.
M. Lavigne
(Richard) : Oui, c'est ça.
Mme
Hivon :
Donc, je reçois ça avec ouverture. Merci.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose, il vous reste
2 min 30 s.
Mme
Proulx : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, M. Lavigne,
Mme Vézina, Mme Leduc. Je voulais vous reparler, M. Lavigne, parce que
vous avez mentionné un intérêt pour ce qui est de la formation. Et vous n'êtes
pas le premier groupe à nous signifier un intérêt pour la formation des
professionnels de la santé. Et vous mentionnez dans votre mémoire, notamment à ce sujet-là, que présentement les divers
professionnels de la santé et les médecins sont formés aux niveaux technique et scientifique, mais que
vous souhaiteriez, compte tenu de la place prépondérante et du pouvoir, hein, que cette nouvelle loi
pourrait leur conférer, vous souhaiteriez vraiment que ces personnes-là soient
préparées et qu'elles devraient recevoir une
meilleure formation, notamment sur l'accompagnement des patients en soins de
vie et leurs proches, c'est
un des éléments que vous mentionnez. Et vous proposez aussi d'être partie
prenante de l'élaboration d'un contenu de formation. J'aimerais ça vous
entendre de manière un peu plus détaillée. Pourquoi cet aspect-là de formation
des équipes soignantes sur les soins palliatifs et l'accompagnement des
patients vous semble si important?
Le Président (M.
Bergman) : M. Lavigne.
M. Lavigne (Richard) : Bien, écoutez,
on a tous, comme citoyens — et
ça, j'imagine que je ne vous apprends rien — on
a tous des préjugés, des façons de penser, des opinions sur toutes sortes de
choses. Et, au moment où on se parle, je vous l'ai dit tantôt lors d'une autre question, je vous l'ai dit, M. le Président, que, lorsqu'on veut s'acheter des vêtements, les gens ont le réflexe encore trop souvent de s'adresser à d'autres
personnes qu'à nous. Lorsque je m'adresse à quelqu'un d'autre qu'à celui
à qui je parle, je ne m'en rends pas compte, mais je ne lui donne pas beaucoup
de crédibilité. Je ne m'en rends pas compte, là, mais c'est ça quand même. Je
vous dis ce que les personnes ressentent.
Alors, lorsqu'on
arrive dans ce genre… Lorsqu'on parle de formation du personnel, là, M. le Président… On parle de ça à peu près
à toutes les fois qu'on vient ici parce
qu'il y a une méconnaissance du potentiel des personnes. Alors, qu'on soit médecin ou autre, on a tous, dans notre
bagage, notre vécu, notre façon de voir la vie, les choses et les
personnes. On n'est pas en train de dire que
les gens du réseau de la santé et des services sociaux, ils ont plus besoin de
formation que les autres, c'est que la formation dont ils ont besoin, compte
tenu de leur rôle, est beaucoup plus importante. On parle de soins de fin de
vie puis de soins palliatifs, là, on ne parle pas d'aller chercher un hamburger
à la cafétéria, là. Alors, on se dit, c'est
beaucoup plus fondamental. Et la COPHAN, nous, notre leitmotiv, si on peut
dire, c'est qu'il n'y a personne de mieux qu'une personne elle-même pour
parler à une personne de ce que c'est qu'une personne qui a des limitations
fonctionnelles.
Il existe des programmes de formation sur nous,
mais c'est souvent sans nous. Alors, ça, nous, on considère que c'est complètement… je ne dirai pas le mot, mais
inacceptable — on va le
dire comme ça — qu'on
vienne former quelqu'un sur les
personnes handicapées sans qu'on ait des personnes handicapées qui soient là.
Et ça, il faudrait peut-être, à un
moment donné, qu'on y pense. Nous ne sommes pas juste des témoins de la
situation, on a, dans nos bagages, à nos organismes, la connaissance de
donner de la formation de façon à amener les gens justement à poser des
questions directement.
Le Président (M. Bergman) :
Alors, le temps du bloc du gouvernement s'est écoulé. Mme la députée de
Gatineau, pour l'opposition officielle.
Mme Vallée : Merci, M. le
Président. M. Lavigne, j'ai une petite question pour vous. Parce que
plusieurs groupes craignent les dérives
advenant la mise en application de l'aide médicale à mourir. Est-ce qu'il
serait important de prévoir, parmi
les conditions qui sont énumérées à l'article 26, les conditions qui
donnent ouverture à l'aide médicale à mourir? Est-ce qu'on devrait
inclure le caractère imminent de la mort?
Parce qu'actuellement
on parle d'une personne qui peut se prévaloir de ça si «elle est atteinte d'une
maladie grave et incurable [que] sa
situation médicale [est caractérisée] par un déclin avancé et irréversible de
ses capacités [puis qu'] elle éprouve des souffrances physiques ou
psychiques constantes, insupportables». Mais ça, bon, selon certains groupes, c'est
interprété différemment. Donc, que pensez-vous d'ajouter ce caractère imminent
de la mort aux conditions?
Le Président (M. Bergman) :
M. Lavigne.
M. Lavigne (Richard) : Écoutez, c'est
quoi, ça, l'imminence? C'est-u cinq minutes, deux heures, trois jours, cinq semaines? À un moment donné, si on commence à
mettre des mots, là, il y a quelqu'un qui va décider que ce n'est pas encore assez précis. Je le sais, là, j'en ai
entendu, des gens, puis vous allez avoir… je ne nommerai pas personne,
mais vous allez en avoir au moins un, un
organisme qui va venir vous parler de l'imminence. Bien, «l'imminence», là…
On parle de l'imminence de la mort et non pas de d'autres sortes d'imminences,
là. Bien, ça commence à être compliqué.
Écoutez, il y
en a déjà, des critères que nous, on considère très, très corrects comme ça. Si
on en rajoute, bien, écoutez, là,
tantôt, l'autre, il va parler… un délai : L'imminence, c'est-à-dire, entre
parenthèses, dans les trois prochaines heures?
On n'en finira plus. À un moment donné, on dit aux gens : Vous devez
consentir. Écoutez, la personne consent, puis là on va dire : Bien,
ce n'est pas assez imminent, ça ne compte pas?
En tout cas,
moi, j'ai un problème avec ça, je vous le dis, M. le Président, messieurs dames
de la commission. Je nous encourage à
permettre aux gens de bénéficier de la liberté de choisir s'ils veulent avoir
des services pour en finir avec leurs
souffrances. L'imminence, ça, c'est quelque chose qui va… On va se ramasser je
ne sais pas où pour savoir c'est quoi, l'imminence, après, là.
• (18 h 30) •
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Merci
beaucoup, M. le Président. M. Lavigne, je suis très contente que vous soyez
ici. On a parlé tout à l'heure d'un tiers qui pourrait participer à la signature si une personne a des
limitations pour pouvoir le faire. Mais
vous avez mentionné tout à l'heure la personne sourde. Il y a
des sourds qui ont besoin d'interprètes et il y a des sourds aveugles qui ont besoin d'interprètes tactiles.
Alors, je pense que dans le projet de loi — puis j'aimerais ça que vous puissiez élaborer — il faut aussi penser à ce qu'il puisse y
avoir un interprète, qui serait… un interprète professionnel, formé en LSQ ou en American Sign Language, qui
serait capable de pouvoir interpréter les volontés de la personne pour
qu'il y ait par la suite une signature, s'il y a un acte notarié, devant le
notaire, là.
Le Président (M. Bergman) :
M. Lavigne.
M. Lavigne (Richard) : Écoutez, Mme
Blais, je pense que vous connaissez très bien le rôle des interprètes, et vous
savez que ce sont des professionnels. Lorsqu'on parle d'un tiers, bien, un
interprète... s'il y a un notaire ou un témoin,
l'interprète, lui, il va dire : Oui, il veut que tu signes. L'interprète
pourrait signer si quelqu'un peut confirmer qu'il l'autorise. Moi, je
pense que... Nous, à la COPHAN, on fait affaire avec des interprètes régulièrement,
puis je ne dis pas que
les interprètes sont parfaits, il n'y
a rien de parfait, mais les
interprètes sont habitués à faire des choses comme ça. Mme Blais, en autant que ce n'est pas un enfant de
quatre ans qui devient l'interprète de sa mère, là, il n'y a
pas de problème.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : M. Lavigne, je suis heureuse de vous entendre. C'est
parce que, dans la modification du Code
civil, à un moment donné, il y a eu une difficulté parce
que, pour modifier le testament, au
niveau de la Chambre des notaires, il y a eu un imbroglio par rapport aux interprètes en LSQ et American Sign Language.
C'est la raison pour laquelle je vous posais la question ici, parce qu'il me semble que c'est extrêmement important et que ça pourrait arriver… ça ne veut pas dire que ça va
arriver, mais que ça pourrait arriver. Alors, mieux vaut que le législateur soit immédiatement au courant de la situation pour qu'il
y ait peut-être une clause qui
prévoit que, si, devant un notaire, il
y a cet acte notarié pour une
personne sourde ou sourde aveugle avec un interprète, les volontés
puissent être considérées parce que l'interprète est professionnel. Je voulais seulement
vous entendre le confirmer, là, ici, là.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Vézina.
Mme Vézina
(Véronique) : Pour
compléter, je pense que la nécessité d'avoir un interprète professionnel
pour le faire doit être non pas seulement offerte, mais obligée. Mais je pense
que ça va au-delà de l'interprétation, il y a une aide à la compréhension qui
doit y être associée. Je vais vous donner un exemple de quelqu'un qui avait un
interprète professionnel lorsqu'il
était allé rencontrer un médecin — on l'a ressorti à quelques reprises dans
différentes situations — et qui reçoit un résultat positif pour le
VIH, et qui sort de là content : C'est beau, mon résultat est positif, parce
qu'on lui a interprété directement le résultat, mais il n'en a pas compris les
conséquences ou qu'est-ce que ça voulait dire.
Donc, je
pense que l'interprète ne doit pas être juste un interprète professionnel qui
est capable de bien traduire ce qui a
été dit, mais aussi d'aider la compréhension de ce qui est bien dit parce que,
quand on est dans des termes médicaux, des
fois, ce n'est pas simple pour personne puis ça ne l'est pas plus pour les
personnes sourdes. Donc, il faut s'assurer que cette personne-là est
aussi en mesure d'aider à comprendre le message qu'on est en train de lui
transmettre.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Merci d'être ici, c'est très, très
intéressant. La directive médicale anticipée,
on l'a abordée, les gens trouvent que c'est comme une solution à beaucoup
de problèmes, mais je vais vous exposer deux, trois problématiques avec
ça.
Premièrement, lorsque la personne la rédige, elle ne peut pas prévoir
toutes les situations. Et, une des problématiques, lorsqu'il arrive une situation qui est différente,
elle n'est pas en état de décider, mais les autres qui ont à gérer la
directive médicale anticipée ont à prendre une décision. Puis, quand moi, j'ai
fait ma formation en éthique à l'Université
du Québec à Chicoutimi, on en a longuement
discuté. Et vous savez que l'ancêtre de la directive médicale anticipée,
c'est le testament biologique, qui n'avait pas force de loi et qui n'était pas
contraignant.
Le problème, c'est que la famille qui a à gérer
ça par la suite — parce
qu'on ne peut pas tout prévoir, comme je
vous disais, à moins de le rédiger de
façon très large et faire confiance à
la personne qui va l'interpréter ou la gérer par la suite — elle,
elle a à prendre des décisions qui parfois sont très, très difficiles. Et nous autres,
on avait évalué, à ce moment-là, que ça se pourrait qu'il y ait des gens qui
pouvaient rester avec des séquelles parce qu'ils iraient soit à l'encontre parce
que ça n'avait pas de bon sens dans la directive médicale anticipée, ou encore
qu'ils sont obligés de respecter la volonté en sachant que ce n'est pas
correct.
Le Président (M. Bergman) :
M. Lavigne.
M. Lavigne (Richard) : C'est sûr qu'il
y a toujours des risques, là. Mais, écoutez, c'est parce qu'à un moment donné il faut se donner un mécanisme. Puis,
à partir du moment où j'écris, moi, puis que tout le monde sait que je suis sain d'esprit, qu'advenant telle situation je
veux qu'on me donne un soin de fin de vie, bien, là, je veux dire, à un
moment donné, il faut quand même lire ce qui est écrit sur la feuille. Ce qui n'est
pas écrit sur la feuille, bien, ça, je comprends
que, là, ce n'est pas évident, là. Puis c'est pour ça qu'on disait dans notre
mémoire que c'est complexe parce qu'on ne pourrait pas prévoir une liste
de…
Le formulaire,
il va être assez énorme, là, parce qu'il en arrive, des sortes de situations qu'on
ne peut pas imaginer. Mais il faudrait se pencher sur une direction à
donner. Puis je pense qu'une fois qu'on a compris que monsieur ou madame X a
dit : Je ne veux pas ci, je veux ça, je veux ça, je veux ça, on peut
établir un peu… — comment
qu'on dit ça? — une orientation de la personne. Si ça
dit «je ne veux pas qu'on me nourrisse, je veux qu'on me donne des
soins de fin de vie», on comprend un peu
vers où elle veut aller, la personne, là. C'est sûr, si la personne se
contredit, si j'ai mal a l'oreille gauche, je veux une affaire, si j'ai
mal à l'oreille droite, je veux autre affaire, bien, là, là, il y a un
problème, là. Mais là on parle de choses majeures.
Mais
effectivement il y a toujours un risque. Mais je pense qu'il faut qu'on trouve
une façon de respecter le plus possible
le choix de la personne. Et le petit risque qu'il y a ne doit pas empêcher le
Québec d'avancer. Je pense qu'on est capables de trouver des façons de
minimiser les risques. Mais, si on attend d'avoir une loi parfaite, je
considère que l'Assemblée nationale devrait
fermer ses portes. Il n'y a pas de loi parfaite au Québec. Alors, il faut qu'on
avance. Les lois, c'est modifiable.
Je pense que, dans les orientations ministérielles, nous, on souhaite que le
ministre ou la ministre éventuellement puisse discuter avec des groupes comme nous sur les
orientations que ça doit prendre. On peut travailler là-dessus, sur le formulaire en question. Il y a
sûrement des gens qui peuvent aider à trouver des formulations simples,
mais qui sont les plus complètes possible.
Je
n'ai pas la réponse. Je n'ai pas mon postdoc non plus, là, puis je n'en ai pas
besoin. Mais, en même temps, je pense qu'on doit trouver des façons d'éviter
le dérapage. Et le dérapage, il ne faut pas non plus en parler à tous les cinq minutes, là. Je veux dire, là où ça a été
fait, là, ces soins-là, il y a toujours du dérapage, mais il ne faut pas en
faire non plus une règle, là. Ce n'est pas si vrai que ça… Il n'y en a pas eu
tant que ça, du dérapage, là, selon les informations qu'on a, en tout cas.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Tout à fait d'accord avec vous.
La directive médicale anticipée, pour certaines choses, ça peut s'appliquer très bien. Exemple, si vous
dites : Si j'arrive en fin de vie puis des gens savent que mon
espérance de vie est très courte, je ne veux pas avoir de réanimation cardiaque
et je ne veux pas être intubé. Ça, je vous dirais que c'est la partie facile de la directive médicale anticipée. Mais je vais
vous donner un exemple avec des gens qui vont peut-être décrire comme
directive médicale anticipée : Quelle que soit ma situation, je veux qu'on
me donne le maximum de soins avec certaines
spécifications. Mais, si vous, vous ne révisez pas vos directives médicales
anticipées puis vous arrivez à la fin
de votre vie puis vous avez un cancer en phase terminale où les soins
deviendraient ce qu'on appelle futiles, bien l'interprétation doit être
assez claire pour tout le monde qu'on n'aura pas à donner ces soins-là.
Et c'est cette façon
de rédiger les directives médicales anticipées qui va être très, très
importante. On va certainement en discuter
lorsqu'on va arriver à cet article. Mais le législateur doit penser, de la
façon dont il va mettre les directives médicales anticipées dans la loi,
d'être capable d'avoir un certain jugement puisque, dans le cas où est-ce qu'il y aura un soin futile que personne ne voudrait
donner mais que la personne, par exemple, aurait demandé, est-ce qu'il y
a un mécanisme pour dire que ça ne deviendra pas contraignant pour le
professionnel?
Le Président (M.
Bergman) : M. Lavigne.
M. Lavigne (Richard) : Oui, M. le Président. Oui, M. le député a raison.
Et certains sont venus et vont venir vous dire avec ça que… Hein? Il y en a qui vont se servir de ce qu'on discute
là pour dire qu'il ne faut rien faire. Alors, moi, je vous dis : On
doit trouver une façon pour permettre aux personnes de faire des choix. Puis on
doit trouver une façon aussi pour ne pas,
non plus, que ça soit… je ne dirai pas farfelu, parce que ce n'est pas farfelu,
mais, à un moment donné, si tu es… si
c'est vraiment qu'il n'y a plus rien à faire… Tu as beau dire : Je veux
tout, je veux tout, je veux tout, mais, à un moment donné, ça… Il y a
comme une limite. Tu sais, c'est le gros bon sens aussi, là. C'est juste qu'il
ne faut pas penser que… C'est des cas probablement assez rares.
Puis
il faut vous dire que, dans la loi, le ministre doit faire des rapports, là, de
tout ça, là. On va faire un suivi, j'imagine…
«on» n'étant pas la COPHAN, mais quelqu'un d'autre. On va faire des suivis
là-dessus puis on va réajuster. Puis,
moi, je pense qu'il faut se… Dans vos discussions… moi, je ne suis pas légiste,
mais il y a sûrement un légiste ou quelqu'un qui va être capable de trouver
des formulations de manière à éviter le plus possible... Mais quelqu'un qui va venir vous dire qu'il y a un risque de
dérapage, là… Bien, je vous le dis, on vous le dit, nous autres aussi. Mais ce
n'est pas le risque de dérapage qui doit
nous faire agir, c'est le risque de... de respecter la liberté de la personne
puis le libre choix.
• (18 h 40) •
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste 1 min
30 s.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : M. le Président, juste pour clarifier. On ne sera pas contre les
directives médicales anticipées, sauf
qu'il y a la règle générale puis les cas particuliers qui
pourraient s'appliquer. Et les réponses que vous m'avez données sont très, très bonnes, ça peut être revu plus tard. Mais, si on
pouvait faire un peu de droit préventif puis voir les problématiques qui pourraient survenir... Parce que,
soit, la personne, on ne pourra pas respecter sa volonté, soit qu'il y a
quelqu'un qui est un proche que la personne aime qui pourrait être mal pris
avec la situation, ou encore des professionnels qui pourraient être appelés à appliquer
des directives qui ne peuvent pas être appliquées à cause de la futilité du
soin. C'est seulement que la réflexion qu'on va devoir faire. Puis, je suis d'accord
avec vous, il ne faut pas s'empêcher d'avancer
au Québec en disant qu'il y a toujours
un risque. Donc, pour moi, c'est une bonne idée. Parce que, déjà de laisser savoir ce que l'on veut, c'est une
bonne idée. Sauf que les gens doivent être conscients qu'on ne peut pas
tout prévoir, et ça, il faut le prévoir quand on fait notre directive médicale
anticipée.
Le Président (M.
Bergman) : Alors, malheureusement, le temps s'est écoulé...
M. Lavigne (Richard) : M. le Président, je voudrais vous remercier et
insister. Vous avez entendu et à entendre beaucoup de choses sur la question des personnes qui ont une limitation
fonctionnelle. Je nous invite tous, organisations, élus, à garder une
chose en tête, c'est qu'individuellement les personnes ont le droit pour
elles-mêmes de décider. Il ne faut pas verser dans la démagogie, ni dans un
sens ni dans l'autre.
Alors,
j'espère que le Parlement, l'Assemblée nationale abordera cette question-là de
façon à respecter... d'ailleurs, reconnaître que tous ou à peu près
tous, on peut décider qu'on a le droit de choisir, on a le droit d'avoir les
outils pour choisir et que le respect de
notre choix n'est pas fondé sur le fait qu'on a des préjugés plus favorables ou
défavorables aux limitations fonctionnelles. Le droit de la personne va
jusque-là. Et je nous invite à faire attention à tout dérapage dans ce qu'on va
entendre dans les prochaines semaines.
Le Président (M.
Bergman) : Merci. Mme Vézina, M. Lavigne,
Mme Leduc, merci pour votre présentation, merci d'être ici avec nous et de
partager votre expertise.
Collègues, la commission ajourne ses travaux au
jeudi 3 octobre 2013, après les affaires courantes, soit vers 11 heures, afin de poursuivre les
consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi
n° 52. Merci, collègues.
(Fin de la séance à 18 h 43)