(Dix heures deux minutes)
Le Président
(M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, collègues, ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte.
La commission
est réunie afin de poursuivre les consultations
particulières et les auditions publiques sur le projet de loi
n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Non, M. le
Président.
Auditions (suite)
Le
Président (M. Bergman) : Alors, collègues, on reçoit maintenant
l'Alliance des maisons de soins palliatifs. Alors, on vous souhaite la bienvenue. Mme Wiseman, vous avez 15 minutes
pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission. Alors, donnez-nous vos noms et
vos titres, et vous avez le prochain 15 minutes pour faire votre
présentation, et bienvenue encore à l'Assemblée nationale.
Alliance des maisons de
soins palliatifs du Québec
Mme
Wiseman (Lucie) : Merci, M. le Président. Alors, je voudrais vous présenter la vice-présidente de l'alliance, Mme Suzanne Fitzback, qui est directrice générale
à la maison de soins palliatifs Maison Mathieu Froment-Savoie, à Gatineau; Me
Pierre Hébert, qui est président du conseil d'administration de la Maison
Colombe-Veilleux d'Alma… excusez, Dolbeau-Mistassini — je suis désolée — de la région Saguenay—Lac-Saint-Jean. Et j'ai également des
collègues dans la salle, trois qui nous accompagnent de trois maisons de soins
palliatifs également.
Alors, merci
beaucoup. Merci de nous recevoir. J'aimerais remercier les membres de la
Commission de la santé et des
services sociaux de nous recevoir pour entendre les commentaires de l'alliance
sur le projet de loi n° 52. Je voudrais remercier particulièrement
la ministre, Mme Hivon, qui a démontré encore récemment, lors de l'inauguration
de notre toute nouvelle maison à
Lac-Mégantic, son engagement au regard du développement des soins palliatifs du
Québec. Elle a vraiment rendu un vibrant hommage.
Nous nous
excusons du délai avec lequel nous avons fait parvenir notre mémoire. L'alliance
a peu de moyens techniques pour la supporter dans ses activités, alors
vous ne l'avez reçu qu'hier soir, nous nous en excusons encore une fois.
Les maisons
de soins palliatifs ont vu le jour au Québec grâce à la mobilisation des
communautés autour d'un projet commun : bâtir une maison qui
offrirait des soins palliatifs et des services à des personnes en fin de vie et
qui supporterait leurs proches dans ces
difficiles moments, un lieu où les personnes pourraient vivre leurs derniers
moments en toute sérénité, quiétude dans le
respect et la dignité. Les communautés ont ramassé les fonds nécessaires à la
réalisation de leur rêve.
Actuellement, à notre connaissance, il existe 29
maisons de soins palliatifs au Québec, incluant la Maison André-Gratton, exclusivement dédiée aux enfants,
et la dernière-née, la Maison La Cinquième Saison du Lac-Mégantic,
inaugurée le 16 septembre dernier. Ces maisons opèrent 241 lits et sont situées
majoritairement en dehors des grands centres
ou en périphérie de ces derniers. Je vous ai fait remettre une petite chemise
dans laquelle vous trouverez un tiré à part sur la situation des maisons
au Québec et une carte géographique qui démontre bien où nous sommes situés
dans l'ensemble de la province.
Sauf La
Maison Michel Sarrazin, les maisons sont des organismes à but non lucratif. Leur financement provient… environ
40 % des fonds publics, soit du ministère de la Santé et des Services
sociaux, et à 60 % d'activités de financement
et de dons de diverses provenances, soit de grandes fondations, dons memoriam,
dons généraux. Nos maisons comptent
non seulement sur les donateurs pour assurer leur fonctionnement, mais
également sur le bénévolat. Seulement en 2012-2013, nous avons pu compter sur près de 360 000 heures de
bénévolat dans l'ensemble des maisons. Si nous avions eu à défrayer le
coût de ces ressources au salaire minimum, c'est plus de 4 millions de
dollars que nous aurions dû débourser comme employeur.
L'Alliance
des maisons de soins palliatifs du Québec est née il y a maintenant 10 ans d'une
volonté des maisons de partager leur expérience, d'échanger sur des
problématiques vécues et de faire reconnaître leur expertise. En ce sens, l'alliance a participé à des travaux pilotés par le
ministère de la Santé et des Services sociaux, entre autres pour l'accréditation des maisons et les règles
associées à leur financement. L'Alliance des maisons de soins palliatifs
regroupe actuellement 26 des 29 maisons de soins palliatifs au Québec et trois
projets de maisons.
Je voulais
juste vous donner quelques statistiques. Le nombre de patients admis :
3 537 pour la dernière année, soit avec une durée moyenne de séjour
de 17,3 jours. On parle donc de 61 190 jours-présence. Si nous avions à
dire que, dans nos hôpitaux, la durée moyenne de séjour
est de quatre jours, c'est plus de 15 000 patients qui auront été vus en plus dans nos CSS, dans les centres hospitaliers.
Âge moyen de nos patients : 71 ans. Les diagnostics autres que le
cancer : 11 % des patients admis.
Le nombre de bénévoles, comme dit précédemment : 3 894 bénévoles. Les
heures de bénévolat : près de 360 000.
Le projet de
loi n° 52. Les maisons de soins palliatifs se sont réjouies des
recommandations de la commission spéciale
mourir dans la dignité, dont plusieurs portaient sur la reconnaissance et le
développement des soins palliatifs au Québec.
En ce sens, nos attentes étaient grandes au regard d'un éventuel projet de loi.
Pour nous, le projet de loi déposé en juin dernier a suscité plusieurs
questionnements.
Je vous ai noté le chapitre I. Je fais référence
évidemment au chapitre du projet de loi déposé. Alors, dans le chapitre I, dans ce projet de loi, les maisons de
soins palliatifs sont reconnues formellement comme un lieu de prestation
des soins et services pour les personnes en fin de vie. Nous ne pouvons que
nous en réjouir et en remercier la ministre, Mme
Hivon. Nous sentions une volonté ferme d'enchâsser le droit d'accès pour les
patients à des soins palliatifs de fin de vie correspondant aux standards de qualité attendus. Et voilà, à notre
étonnement, un projet de loi qui, pour nous, met sur un pied d'égalité
les soins palliatifs de fin de vie et l'aide médicale à mourir.
Vous
comprendrez que d'associer l'aide médicale à mourir avec les maisons de soins
palliatifs ne fait qu'ajouter de la
confusion pour les personnes qui pourraient y être accueillies, déjà que, pour
les personnes en fin de vie, c'est déchirant de laisser derrière eux leur domicile ou même le centre hospitalier où ils
espèrent encore pouvoir avoir des soins actifs. Nous nous serions attendus à ce que le législateur
trouve une façon de dissocier les soins palliatifs de fin de vie de l'aide
médicale à mourir, de sorte que l'importance
qu'on leur accordait soit d'une évidence pour la population, en lien avec ses
besoins.
Suite à un
sondage auprès de nos maisons, celles qui ont répondu sont unanimes à dire que
l'aide médicale à mourir n'est pas un
soin de vie. Comprenons que des corporations ont prononcé que c'étaient des
soins de fin de vie, mais, pour nous,
ce ne sont pas des soins de fin de vie. L'aide médicale à mourir n'est pas un
soin de fin de vie. Pour tous ceux qui sont
auprès des patients en fin de vie, en particulier nos médecins, il y a là une
confusion quant à l'intention à l'origine du geste médical à poser. Nous
demandons le retrait de l'aide médicale à mourir dans la définition des soins
de fin de vie, l'article 3, paragraphe 3°.
Compte tenu de ceci, tous les articles où il est
fait mention des soins de fin de vie doivent être modifiés en conséquence pour assurer la concordance, par
exemple à l'article 5, où les maisons sont reconnues comme prestataires
de soins et services.
• (10 h 10) •
La mission
des maisons de soins palliatifs est d'accompagner les personnes en fin de vie
et leurs proches dans une approche
interdisciplinaire qui tient compte des besoins particuliers de chacun de nos
patients. Nous accompagnons la vie jusqu'au
bout et, en ce sens, nous prodiguons des soins palliatifs de fin de vie. Nous
sommes persuadés que la personne en fin de vie qui obtient des soins
palliatifs de qualité, des soins qui soulagent sa souffrance, qu'elle soit
physique, spirituelle, morale ou
psychologique, aura le désir de vivre jusqu'à la fin. Nous en sommes témoins de
façon régulière et répétée.
Au chapitre III. Plusieurs articles de ce projet
font référence à la gestion des maisons de soins palliatifs et au contrôle des
activités qui y ont cours. Nous désirons rappeler ici tous les contrôles
auxquels sont déjà soumises les maisons de soins palliatifs. Pour opérer une
maison de soins palliatifs, cette dernière doit répondre à 42 critères d'accréditation dont, bien entendu, la majorité
traite de l'offre de soins et services au patient et à ses proches. L'accréditation
est renouvelée par le ministère de la Santé et des Services sociaux aux quatre
ans sur recommandation des agences.
Les critères
de l'accréditation exigent déjà une entente de gestion avec les agences,
laquelle prévoit les mécanismes de
reddition des comptes, dont le dépôt du rapport annuel des activités de la
maison. Les critères demandent également qu'une entente de coordination des services soit signée avec les CSSS
dont nous desservons les territoires. Fait à noter, plusieurs de nos maisons répondent aux besoins des
populations de plus d'un CSSS. Ces outils administratifs de contrôle encadrent complètement, à notre avis, nos
activités, et ils devraient être les leviers à utiliser pour tout besoin
supplémentaire en termes de reddition des comptes.
À l'article 10, au deuxième paragraphe, on
demande que le directeur général d'un établissement fasse rapport à son conseil de la politique sur les soins de fin
de vie qu'il aura adoptée. Au troisième paragraphe, on y dit que ce
rapport doit indiquer les activités spécifiques qui se sont déroulées en
maisons de soins palliatifs. Pour nous, ceci n'est pas acceptable. Nous ne
pouvons imaginer ne pas être imputables des activités qui se déroulent dans nos
maisons, sous notre responsabilité. En quoi les maisons doivent-elles être
subordonnées aux CSSS? Nous sommes des organismes à but non lucratif ayant des
conseils d'administration formés selon la loi et selon les critères d'accréditation.
Ces conseils sont imputables. Nous
demandons le retrait de ce paragraphe ou, à tout le moins, le retrait de toute
allusion aux activités qui se
déroulent dans les maisons de soins palliatifs. L'autonomie des maisons doit
être protégée et reconnue formellement.
À l'article
14, on dit que les soins de fin de vie peuvent être offerts dans une maison de
soins palliatifs. Compte tenu que, pour nous, l'aide médicale n'est pas
un soin, nous aimerions avoir une concordance évidemment pour ce qui sera
offert dans les maisons de soins palliatifs.
L'article 15,
quant à nous, n'a pas sa raison d'être puisque l'entente à intervenir entre les
CSSS et les maisons de soins
palliatifs fait déjà partie des critères d'accréditation des maisons. Nous
aimerions souligner ici que le ministère
de la Santé et des Services sociaux doit s'assurer que les CSSS nous considèrent
comme des partenaires à part entière et non comme des organismes qui sont à leur service. Nous sommes en premier
lieu au service de la population dans la prestation de soins et, à ce
titre, nous devons nous situer dans le continuum des soins à offrir aux
personnes en fin de vie. Quelques-unes de
nos maisons éprouvent des difficultés avec leur CSSS à ce chapitre et ne
sentent pas toujours faire partie de ce continuum. Nous demandons le
retrait de l'article 15.
Compte
tenu de nos premiers commentaires, pour l'article 16, il devra être modifié en
conséquence et nous demandons sa modification.
À
l'article 18, il est prévu que toute agence doit déterminer les modalités
générales d'accès aux soins dispensés par
les maisons. Nous aimerions voir ajouter à cet article «après consultation des
maisons et selon les ressources disponibles».
À
l'article 22, on introduit une notion d'inspection dans nos maisons. Nous en
demandons le retrait. Pour nous, il va de
soi que les agences et le ministère peuvent venir nous visiter à tout moment. Nous n'avons
pas besoin d'inspection. Pour nous, nous sommes déjà très ouverts.
Sédation
palliative terminale. Pour les prestataires de soins palliatifs dans nos
maisons, la sédation palliative n'est certainement pas terminale en ce
sens qu'elle ne provoque pas le décès, mais plutôt qu'elle adoucit la
souffrance sur le chemin de la finitude.
Tous s'entendent à dire qu'elle est utilisée dans les cas de symptômes
réfractaires et fait l'objet d'une concertation
interdisciplinaire : une mort imminente attendue. La sédation est utilisée
dans un processus de cas par cas afin qu'elle soit adaptée à la
situation du patient.
Les
discussions avec les patients ou, le cas échéant, la personne habilitée à consentir
aux soins font partie intégrante du processus des soins palliatifs de
fin de vie et les personnes sont associées à toute décision les concernant.
Nous demandons que cette section soit retirée.
Pour
toute la surveillance d'un acte médical, les médecins de nos maisons relèvent
des CSSS et donc sont soumis aux règles du CMDP, et la surveillance de l'acte
médical se fait via le CMDP. Et je pense que les lois actuelles encadrent très bien la pratique médicale, que ce
soit par les CMDP ou par le Collège des médecins, s'il y a lieu. Alors,
pour nous et pour nos médecins, tout le contrôle concernant leurs actes, c'est
déjà fait de par leur appartenance à un CMDP de CSSS.
En
conclusion, comme mentionné précédemment, le projet de loi n° 52 a suscité
de nombreux questionnements dans nos maisons, nous vous avons exprimé
les plus importants à nos yeux. L'Alliance des maisons de soins palliatifs du Québec est unanime pour dire que la
prestation des soins palliatifs de qualité doit être bonifiée et
privilégiée. L'humanisme qui ressort de ces soins prime grandement sur l'option
de l'aide à mourir. Pour nous, c'est un acte qui cause volontairement le décès d'une personne, et nous croyons que
beaucoup d'interventions peuvent être mises de l'avant pour soulager les souffrances et pour respecter l'autonomie
ainsi que la dignité des personnes. Fait à noter, nous avons réalisé un
petit sondage rapide auprès de nos maisons, toutes les maisons qui ont répondu
à notre sondage n'offriront pas d'aide médicale à mourir.
Nous
n'avons pas parlé dans ce mémoire de la réaction de nos professionnels. Nous n'avons
pas non plus exprimé le bien-être de
nos patients et les moments intenses que nous vivons avec eux et leurs proches.
Cela fera certainement partie de
discussions ultérieures. Nous invitons les membres de la commission à visiter
nos sites Web. Plusieurs ont des vidéos où nos valeurs, nos soins et
services sont décrits, et où des patients ou leurs proches témoignent des soins
et services qu'ils reçoivent. C'est vraiment
exceptionnel, et nous méritons d'être connus et surtout reconnus. Merci aux
membres de la commission.
Le
Président (M. Bergman) : Merci, Mme Wiseman, pour votre
présentation. Maintenant, pour le premier bloc du gouvernement, Mme la
ministre.
Mme
Hivon : Merci, M. le Président. Alors, bonjour et bienvenue
à vous trois, Mme Wiseman, Mme Fitzback, Me Hébert. Donc, très heureuse de vous recevoir. Vous êtes un élément
central de la dispensation des soins palliatifs au Québec. Vous avez une cote très élevée aussi, je
pense, de reconnaissance et d'appréciation de par la population. Donc, c'était
important pour nous de pouvoir avoir votre point de vue.
Peut-être pour
contextualiser un peu le projet de loi… je pensais que vous vous en réjouiriez,
je sais qu'il y a beaucoup de
questionnements, puis on va y venir, mais c'est certain que ce qu'on vient
faire avec le projet de loi, c'est donner
une reconnaissance formelle aux soins palliatifs et aux maisons de soins
palliatifs aussi pour la première fois parce qu'on vous reconnaît formellement dans la loi avec l'appellation «maison
de soins palliatifs». Et il y a vraiment une volonté politique et
législative de donner un grand essor et de montrer l'engagement, au Québec,
pour les soins palliatifs en reconnaissant
un droit, mais aussi en venant formaliser, je dirais, le cadre et la nécessité
que ces soins-là puissent être, donc, disponibles dans les différents
établissements.
Donc,
je sais que, pour vous, il y a des éléments qui sont nouveaux, puis on va y
revenir, mais vous savez que, pour les
établissements aussi publics, il y a beaucoup de choses qui vont de pair avec
le fait qu'on décide de venir vraiment encadrer
et donner un essor aux soins palliatifs, donc de se doter de politiques
formelles, de devoir pouvoir offrir, dans les établissements où il y a des personnes en fin de vie, systématiquement
des soins palliatifs. Donc, il y a tout un engagement, je vous dirais,
qui est, à tous égards, pris par le milieu avec ce projet de loi là, et les
établissements publics sont prêts à entrer dans la danse, je dirais, parce qu'ils
ressentent bien la nécessité d'aller plus loin à cet égard-là.
Donc, c'est certain
que, puisqu'on est comme, pour la première fois, en train de donner cette
reconnaissance formelle, bien il y a un
formalisme accru qui est amené pour les maisons de soins palliatifs, mais il y
avait vraiment une volonté de
respecter l'autonomie — je vais y revenir — des maisons. On comprend tout à fait que ce
sont d'abord des émanations portées
par la communauté, qui, donc, les soutient, les finance, et tout ça, mais il y
a aussi déjà beaucoup de choses qui
existent dans vos relations, je dirais, avec le réseau, les ententes, vous y
faisiez référence. Donc, l'idée, c'est un peu de formaliser ce qui existe déjà, mais aussi d'aller un petit peu
plus loin, pas tant dans des nouvelles obligations, mais dans la
formalisation de ça.
• (10 h 20) •
Donc, dans un premier
temps, moi, je veux vous dire que, pour ce qui est de votre autonomie, il n'y a
rien qui remet en cause votre autonomie, il n'y a aucune volonté à cet
égard-là. Puis d'ailleurs à l'article 5, quand vous regardez
le troisième paragraphe, on dit bien que les dispositions vont s'appliquer «en
tenant compte des dispositions législatives
et réglementaires relatives à l'organisation et au fonctionnement des
établissements, [mais] des orientations, des politiques et des approches des maisons de soins palliatifs». Donc, tout
de suite, on reconnaît que vous pouvez avoir vos approches, vos politiques, et tout ça. Alors, dès le début, pour nous, c'était
important, cette reconnaissance-là. Donc, je voulais juste vous le
souligner.
Par ailleurs, je veux
peut-être venir sur certains éléments plus pointus que vous soulevez. Vous
dites, à l'article 10… il ne vous apparaît
pas souhaitable qu'en fait les éléments reliés à votre prestation de soins se
retrouvent, donc, dans la reddition de
comptes de l'établissement. Moi, je pense, en fait, qu'il n'y a rien là-dedans
qui s'oppose. Les maisons, vous
faites votre rapport annuel. Donc, on vient en quelque sorte prévoir ce qui
doit y être, mais, j'imagine, qui y est déjà. Mais ce qu'on dit, c'est que, pour des fins, je dirais, de tableau
global dans un territoire donné, c'est certain que c'est une plus-value aussi, compte tenu que vous êtes en
plus en entente avec les établissements, que cette information-là puisse
se retrouver aussi dans le rapport, donc, de l'établissement. Donc, on n'est
pas en train de dire qu'il y a un nouveau rapport,
ou tout ça. C'est un peu les données qui doivent apparaître au rapport, donc,
de la maison qui vont devoir être reflétées
dans le rapport de l'établissement. Donc, ça, je veux comprendre où il est,
pour vous, l'irritant dans ça parce que, pour vous, ça ne change rien
comme tel, là.
Mme Wiseman (Lucie) :
Premières des choses…
Le Président (M.
Bergman) : Mme Wiseman.
Mme Wiseman (Lucie) : Excusez, M. le Président. Premièrement, il y a des maisons qui
répondent à 10, 12 CSS. On va
comprendre, là, ça peut arriver, là, que des établissements effectivement
soient chez nous, entre autres. En tout cas, à d'autres endroits, on répond à deux CSS. Si c'est pour fins de
compilation des activités, les agences et le ministère va se retrouver
avec la compilation de données, parce que j'imagine que la raison pour
laquelle, vous, le législateur, là, introduit
dans le CSS, c'est qu'il y a une question de reddition de comptes. On a de la
misère… en tout cas, ce n'est pas explicite pour nous, cette
histoire-là, mais n'empêche que, si c'est pour une question de reddition de
comptes, on va retrouver les mêmes données
de la même maison dans deux ou trois CSS. Alors, en termes de reddition de
comptes, il va falloir que tout le
monde biffe la maison parce qu'on n'aura pas huit fois de… tu sais, ce n'est
pas trois fois ce nombre-là de patients
qui auraient été vus en soins palliatifs, ce n'est pas ça. Donc, pour nous, c'est
petit, mais quand même il y a là quelque chose de difficile pour les
maisons de se retrouver dans le rapport de trois CSS.
L'autre
chose, c'est peut-être plus le rôle… Si c'est une question de reddition des
comptes, ça pourrait être le rôle de l'agence
de dire : Bien, voici, mes maisons de soins palliatifs sur le territoire
de la Montérégie, de Gatineau, voici ce que les maisons de soins palliatifs ont produit comme services auprès des
patients. À ce moment-là, on a une espèce de vision globale de l'activité
des maisons de soins palliatifs qui n'est pas sur un territoire en particulier,
mais qui est dans un ensemble d'un territoire global qui est le territoire de l'agence.
Mais,
comme je vous dis, l'autre chose, j'ai un… Bien, en tout cas, comme… oui, vous
dites que peut-être que c'est complémentaire,
mais, ceci étant dit, je ne fais pas le rapport à mon conseil d'administration
de comment le CSS a fait de soins
palliatifs. Est-ce que le CSS va m'aider dans mon rapport annuel puis
dire : Écoutez, nous, dans la région, ici, on fait des soins palliatifs, puis justement, dans le CSS,
voici ce qui s'est produit? Il n'y a pas de réciprocité là-dedans.
Alors, j'essaie juste de comprendre… bien,
en tout cas, pour nous, qu'est-ce que ça fait de… pourquoi le législateur a
voulu ça.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui. Il y a vraiment une volonté, vous savez
comment… Il y a vraiment une volonté de développer les soins palliatifs le mieux possible avec la
vision la plus intégrée possible, ce qui veut dire que, dans une région x,
on a telle maison de soins palliatifs, on a
tant de lits dédiés en CH ou en CHSLD puis on a notre offre de services en
première ligne en soins à domicile. C'est
important, je pense, d'être capables d'avoir une vision intégrée puis c'est
important aussi que ça puisse se refléter dans les outils qu'on a.
On se fait beaucoup
dire : C'est difficile d'avoir le portrait, c'est difficile d'avoir l'ensemble
des données. On travaille très fort
là-dessus au ministère pour développer des indicateurs aussi, mais il y a des
choses qui sont simples à faire.
Puis, dans la mesure où il y a déjà des ententes… C'est normal qu'il y ait des
ententes, parce que vous êtes partie prenante
d'une offre de services. Donc, oui, vous avez votre autonomie. Je pense que c'est
une belle flexibilité qu'on s'est donnée au fil du
temps de pouvoir développer des
maisons de soins palliatifs, mais, ça va de soi, ces ententes-là,
personne ne les remet en question. Ce n'est
pas une question qu'un vient chapeauter l'autre ou est plus important, mais c'est
une question qu'il faut être capable d'avoir
le portrait global. Puis c'est un peu, de notre point de vue, je dirais, le
complément normal d'une entente pour simplement pouvoir avoir accès plus
facilement à l'information. Donc, c'était ça, l'idée.
Et
puis est-ce qu'on va en demander plus? On va en demander beaucoup plus, vous
pouvez être certains, dans la reddition de comptes aussi de nos
établissements, là. On vient demander de mettre le nombre de sédations
palliatives qui se font, l'accès aux soins,
l'aide médicale à mourir, les politiques qui sont faites, les codes d'éthique.
Donc, tout ça, c'est aussi important,
ce qui est demandé au réseau public, donc aux établissements. Donc, c'est un
peu, je vous dirais, une vision
globale. Il n'y a pas là-dedans une volonté de mainmise. C'est plus une
volonté, je dirais, de cohérence puis
de reddition de comptes, mais d'une manière simplement centralisée puis d'information
aussi parce qu'il y a ce besoin-là. Donc, je voulais vous préciser ça.
Pour la fameuse
question de... Il y a les articles 15 et 22, là. Peut-être tout de suite passer
à la question des inspections. Vous dites : Ils ont déjà le pouvoir. Donc,
c'est vrai. Mais, là-dedans, on n'est pas en train, en fait, de venir tant créer des
réalités nouvelles; ce qu'on vient faire, c'est formaliser. Pourquoi? Pour
donner confiance. Vous savez, les
pouvoirs d'inspection, là, le ministère les a pour des résidences privées de
personnes âgées, pour des ressources en toxicomanie privées et communautaires. Si on parle de reddition de comptes,
les maisons funéraires, il y a des pouvoirs d'inspection. Ce n'est pas une mainmise sur l'autonomie, c'est juste une
question de saine gouvernance publique d'avoir, donc, ce type d'inspections
là qui peuvent se faire. Donc, vous le dites vous-mêmes, c'est déjà possible.
Donc, l'idée, c'est de venir le reconnaître
formellement dans la loi, au même titre où c'est reconnu dans la loi pour une
foule d'autres ressources qui, pour
plusieurs, n'ont même pas l'importance du financement public qui est accordé
aux maisons de soins palliatifs.
Donc, ça, je voulais aussi vous préciser ça. Ce n'est pas une volonté de mettre
en doute, c'est une volonté, je dirais,
de rassurer et de montrer que ce qui peut avoir lieu, bien, c'est formellement
reconnu dans la loi. Je ne sais pas si vous avez des commentaires par
rapport à ça.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Wiseman.
Mme Wiseman
(Lucie) : Merci, M. le Président. Je voudrais juste revenir à la
reddition des comptes avant. Vous voulez… le
ministère veut une vision globale de ce qui se passe en soins palliatifs. Vos
agences, actuellement — et c'est
demandé dans l'entente de gestion — on doit leur déposer à tous les mois les
statistiques de nos maisons. Alors, en termes
de reddition des comptes, je pense que la vision globale des maisons, de ce qui
se passe en soins palliatifs via les maisons,
les agences ont actuellement tout ce qu'il faut. On leur fait rapport à tous
les mois : nombre de patients, durée moyenne de séjour, l'âge des patients, les diagnostics. On fait tout ça.
Je veux juste... En termes de vision globale, vos agences devraient les avoir, les visions globales.
Il y a une personne qui a cette donnée-là dans chacune des agences.
Alors, je reviens à dire : Si nous
faisons déjà ce rapport-là et compte tenu que certaines maisons font affaire
avec plusieurs CSS, la vision globale
est, à mon avis et à notre avis, beaucoup plus simple si on le fait directement
et que l'agence a sa vision globale
des quatre maisons qu'il y a sur son territoire ou des deux maisons qu'il y a
sur le territoire. Alors... Excusez?
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : En fait, je comprends que, vous, votre enjeu, ce n'est
pas tant de dire que vous avez une réserve que ces données-là soient
intégrées dans les rapports, c'est de dire : Ce n'est pas le rapport du
CSSS, c'est le rapport de l'agence. C'est ça, votre propos?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Wiseman.
Mme Wiseman (Lucie) : Oui, Mme la ministre, c'est ça, le propos. Les agences font déjà cette
surveillance-là. Et, vous le disiez
vous-même, vous avez besoin d'information pour savoir où ça s'en va, les soins
palliatifs. Bien, vos agences l'ont,
le portrait des maisons, puis vous n'aurez pas de duplication, il n'y aura pas
de doublons, l'agence l'a. Ça fait que je ne sais pas, je ne vois pas pourquoi l'agence ne fait pas... Tu sais, vos
CSS, je ne sais pas à qui… ils doivent faire rapport à l'agence, probablement pas directement au
ministère, mais, je veux dire, il y a un amalgame, là, de données qui peut
être fait directement à l'agence. Voilà, pour moi.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
• (10 h 30) •
Mme
Hivon : C'est parce que c'est une… La volonté dans ça, ce n'est pas pour nous — bien,
c'est bien pour nous, là — mais
c'est aussi de donner un portrait public dans des rapports publics. Donc, c'est
cette volonté-là aussi. Mais, je pense, j'ai bien compris votre point.
Puis, sur la question des inspections?
Mme Wiseman (Lucie) :
À 22, excusez-moi, là, je me suis perdue avec…
Le Président (M.
Bergman) : Mme Wiseman.
Mme Wiseman (Lucie) : Merci, M. le Président. Je suis désolée, je ne suis pas habituée. Oui,
l'inspection. Je m'excuse, je ne les ai pas encore par coeur, les
projets de loi. Avec le…
Une voix :
On n'a aucun problème avec ça.
Mme Wiseman (Lucie) : C'est ça, on n'a pas non plus de problème avec. C'était juste le
principe de l'inspection. Puis,
assortie d'amende de 25 000 $, vous comprenez, ça fait beaucoup de
tournois de golf, là, pour ramasser 25 000 $. Je m'excuse de
la mauvaise blague, là, mais je veux juste dire : On ne se rendra sûrement
pas à ça. Mais on n'a pas de problème en
soi. C'est juste que — je pense qu'on vous l'avait déjà dit — pour nous, on ne fait que ça, des soins
palliatifs. Puis je le comprends, avec les…
Vous nous l'aviez expliqué aussi pour les maisons. Mais nous, tu sais, on est
déjà financés par le ministère de la Santé, donc il y a déjà toute une…
des choses qui se passent, là. Pour nous, c'était comme… Je comprends que les maisons funéraires sont visitées
puis elles peuvent être inspectées, mais, dans notre cas, tu sais, on
est déjà dans le sillon du réseau, là. Ça fait que, pour nous, c'était comme un
peu superflu. Mais on n'a pas plus de problèmes, dans le fond… C'est que ça
soit écrit de cette façon-là qui était peut-être un peu plus surprenant.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Bien, je peux comprendre. Mais je veux juste, pour
vous rassurer… Le mot «inspection», dans une loi, ne fait pas en sorte qu'on remet plus en cause quoi que ce soit, ça
vient juste, justement… Puis moi, je pense que c'est tout à votre honneur. Et ce n'est que, je dirais,
une manière supplémentaire de donner confiance dans l'ensemble, je
dirais, du réseau, autant public, que
maisons de soins palliatifs, que domiciles, de savoir que ces inspections-là,
elles existent. On vient le reconnaître formellement, noir sur blanc,
comme c'est le cas pour tout. En fait, c'est comme si vous… Il n'y avait rien qui était venu le prévoir du fait du
développement qui s'est fait un peu à la pièce. Puis là, en ce moment, on
est en train de faire une loi sur tout ce
secteur-là, la fin de vie, les soins palliatifs. Donc, ça nous apparaissait
important de venir le reconnaître
parce que c'est le cas pour bien d'autres ressources qui sont privées,
communautaires, qui reçoivent ou non un financement public. Donc, je pense que c'est de nature à rassurer puis
ça n'amène aucun, je dirais, fardeau supplémentaire sur vos épaules. C'est
juste un gage, je dirais, de sécurité pour le public qu'on vient reconnaître
formellement.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Wiseman.
Mme Wiseman (Lucie) : Ça va.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Ça va?
O.K. Maintenant, il me reste du… Est-ce qu'il me reste du temps dans le premier
bloc?
Le Président (M. Bergman) :
Ah non. Le premier bloc a été complété maintenant.
Mme
Hivon : Ah! O.K.
Le Président (M. Bergman) :
Et on va laisser cinq minutes pour le deuxième bloc.
Mme
Hivon : O.K. Bien,
je vais laisser… C'est beau, on reviendra.
Le Président (M. Bergman) :
Alors, Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Alors, bonjour, bienvenue parmi nous pour débuter… On
débute la semaine. Et puis je tiens à souligner la présence de
Mme Fitzback, digne représentante de l'Outaouais.
J'aimerais qu'on
puisse échanger davantage sur toute la question de l'aide médicale à mourir qui
est incluse dans le projet de loi. J'ai
bien compris le positionnement de votre association, de votre regroupement, et
surtout l'importance que vous accordez à l'autonomie de vos maisons et
donc au choix d'offrir ou de ne pas offrir certains soins.
Lorsque, dans
votre mémoire, vous indiquez clairement que l'aide médicale à mourir — bon, qui n'est pas définie, en passant, là, mais qui est prévue au projet de
loi — ne
constitue pas un soin, pour moi, c'est quand même important parce qu'il
y a une volonté du gouvernement d'intégrer cette notion-là à l'intérieur d'un
continuum de soins.
J'aimerais
vous entendre davantage lorsque vous dites : Ce n'est pas un soin pour
nous, on ne peut pas l'inclure dans
ce que sont les soins de fin de vie. Pouvez-vous élaborer davantage? On a eu
plusieurs groupes qui sont venus nous donner leur perception de la
question, mais je pense que votre interprétation, tout ça, est aussi très
importante pour la réflexion des parlementaires.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Wiseman.
Mme
Wiseman (Lucie) : Oui,
merci, M. le Président. Alors, évidemment, nous, nous faisons des soins
palliatifs de fin de vie. Vous comprenez que
le temps de séjour des patients chez nous, comme ça a été indiqué, c'est 17
jours. Alors, on se situe vraiment à
la fin de vie. Quand on discute avec nos médecins et nos professionnels de la santé qui oeuvrent dans nos
maisons, dans le fond, dans l'intention du geste, pour eux, ce n'est pas dans
une continuité de soins, c'est ce qu'ils vivent,
c'est dans l'intention. Puis je pense qu'il y
a beaucoup de gens qui sont
venus vous dire ce que c'était, puis qui fait le geste et qui ne le fait
pas, et quelle est l'intention en arrière du geste de l'aide médicale à mourir.
On s'en vient aider quelqu'un directement qui nous l'a demandé, on vient l'aider
à mourir d'une certaine façon, alors que nous, ce qu'on fait, c'est qu'on
accompagne la vie jusqu'au bout.
Alors, pour
nos soignants, pour les médecins qui oeuvrent dans les maisons de soins
palliatifs — et
je laisserai sûrement mon collègue de
La Maison Michel Sarrazin vous l'expliquer encore en long… vous expliquer cette
position-là en long et en large — ça ne fait pas partie d'un soin pour les
maisons de soins palliatifs. Puis, comme je vous le dis, quand on pose la question : Est-ce que
vous offririez — offririez, j'espère que je le dis comme il
faut — l'aide
médicale à mourir dans nos maisons?, et que les gens disent non, les conseils
d'administration se sont prononcés à non, bien, pour nous, c'est clair, ça ne fait pas partie de leur mission. C'est
comme ça qu'on le voit. Je vais laisser, M. le Président…
Le Président (M. Bergman) :
Certainement. Mme Fitzback.
Mme Fitzback (Suzanne) : Non, ça
allait bien. J'étais juste pour dire que ça ne fait pas partie de notre mission. Chaque maison, la mission sur laquelle on
se base pour offrir les soins, c'est vraiment d'accueillir, d'accompagner
les personnes en fin de vie, et on le fait
très bien. Quand on fait un soin palliatif de fin de vie, quand la souffrance
physique est contrôlée
par la médication, souvent ça va aller au niveau de la souffrance
psychologique, la souffrance de l'âme, et, habituellement, dans chacune des maisons, on a des gens qui sont là en
soutien aux patients et aussi à la famille. Et, bon, si on parle de la maison en Outaouais, on n'a pas eu
encore de demande d'aide à mourir. On a des fois des : Ah, mon
Dieu! je suis fatigué, je suis tanné, ça
va-tu se terminer? Mais jamais, jamais que quelqu'un a dit : Je veux
mourir là, là, aujourd'hui. Alors, c'est tout ce que je voulais
rajouter. Merci.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Je pose la
question : Est-ce que vous croyez qu'advenant la volonté de maintenir la
notion d'aide médicale à mourir dans le projet de loi ce service-là… je n'ose
pas vraiment l'appeler un service, mais cet acte-là — appelons-le
l'acte — devrait
être encadré et dispensé exclusivement, par exemple, dans les établissements, dans les hôpitaux? Est-ce que ça pourrait être une
alternative plutôt que, d'une façon indirecte, de l'imposer sans l'imposer
aux maisons de soins palliatifs? Parce que je
comprends que vous dites : Nous, là, on ne veut pas avoir à rendre des
comptes, entre autres, là-dessus parce que
nous, on n'en offrira pas. Puis je comprends aussi une certaine crainte,
peut-être, de… pas de répression, mais est-ce qu'on va venir, à un
moment donné, à vous imposer d'offrir des services.
Parce que,
là, on reconnaît le droit de toute personne à un accès aux soins de fin de vie,
et donc ça, c'est peu importe où ces gens-là se situent au Québec. On
fait un lien très précis dans le projet de loi avec les soins de fin de vie et
les maisons, on reconnaît l'importance et le
rôle des maisons de soins palliatifs. Donc, afin d'éviter qu'éventuellement
on impose d'offrir des services dans les établissements, est-ce qu'on ne
devrait pas penser… est-ce qu'il ne devrait pas y avoir une restriction, c'est-à-dire
que ce service-là, comme je vous disais, là, soit offert exclusivement dans les
établissements? Est-ce que ça ne pourrait
pas être une idée pour enlever un peu la pression qui est actuellement sur
les maisons de soins palliatifs?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Wiseman.
• (10 h 40) •
Mme
Wiseman (Lucie) : Oui,
merci. Mme Vallée, nous n'avons pas demandé spécifiquement cette
question-là à nos maisons. Cependant, comme je vous dis, dans le sondage,
celles qui nous ont répondu, et il y en a plusieurs… presque la majorité ne l'offriront pas. Est-ce que de là à déduire ce
que vous venez de mentionner? Je vous aurais dit que oui. J'aurais
déduit que, si les maisons étaient exclues de cette possibilité-là… Parce qu'on
entend que les craintes… Et puis je reviens un petit peu à ce qu'on disait tout
à l'heure. L'entente avec les CSSS, quand on vous dit dans notre mémoire :
On veut être sûrs d'être dans le continuum, c'est sûr qu'il y a une crainte qu'à
un moment donné on dise : L'agence, c'est
elle qui détermine comment ça se passe, ensuite de ça faites des ententes de
gestion. Je veux dire, tu sais, c'est sûr que nous avons la crainte qu'à
un moment donné, malgré l'autonomie… Et c'est pour ça que la question de l'autonomie est si importante. C'est sûr que nos
maisons ont une crainte qu'à un moment donné il y ait un CSSS qui nous dise : Bien là, regarde, là, bien, nous
autres on est pris, bien, vous allez faire ça. Regardez, là, le réseau de la
santé, là, il est comme ça, là, hein?
On s'entend? Puis, je veux dire, pour l'avoir vécu pendant 27 ans dans le
réseau de la santé, je veux dire, je sais comment un peu ça se passait.
Puis, vous le
disiez tout aussi bien tout à l'heure, on impose maintenant au réseau de la
santé une reddition des comptes assez
formelle… bien, pas «assez», formelle concernant les soins de fin de vie. Ça
fait que c'est sûr que la crainte, elle
est là, je ne vous le cacherai pas. Mais je vous redis que nous n'avons pas
posé spécifiquement cette question-là à nos maisons. Ce n'est pas cette
question-là qu'on a posée. On aurait peut-être dû. Mais, si la commission le
permet, on pourrait vraiment le dire comme
ça. Mais, de façon générale, avec les collègues ici, c'est sûr que ça serait
une bonne… une belle voie pour nous.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Sur la question de la sédation palliative terminale telle que présentée dans le
projet de loi, on a eu des échanges
la semaine dernière. Et la ministre mentionnait que peut-être le terme
«sédation palliative continue» pourrait être utilisé plutôt que «terminale» parce que «terminale» a vraiment cette
notion de finalité, d'objectif qui, pour certains, pourrait être similaire à l'objectif de l'aide médicale à
mourir. Est-ce que l'utilisation dans le projet de loi du terme
«continue» plutôt que «terminale» viendrait modifier un petit peu les
recommandations que vous avez à l'intérieur de votre mémoire?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Wiseman.
Mme
Wiseman (Lucie) : C'est sûr.
Nous l'avions déjà souligné à Mme la ministre, et je suis contente qu'elle
vous en ait fait part. Nous, pour nous,
cette notion-là, de sédation palliative terminale, c'est comme : Qu'est-ce
que c'est, ça? Je m'excuse. Puis, imaginez, on nous demande : Il
faut que tu fasses signer au patient, là, il s'en vient, là, «terminale», là. Tu sais, je vais vous dire, ce n'est pas
évident, là, pour nous puis pour les gens qui ont à parler des maisons de
soins palliatifs. Alors, pour répondre à votre question, oui, le fait d'enlever
le mot «terminale»…
Et même nos
médecins se disent en lisant le projet de loi : Qu'est-ce que ça veut
dire, de la sédation? Nos médecins, là,
nous ont dit ça, là : Qu'est-ce que c'est, ça, la sédation palliative
terminale? Là, tu sais, c'est comme… La sédation, elle est dans la
continuité des soins, elle est dans la discussion avec le patient, elle est
dans la situation cas par cas avec le patient.
Ce n'est pas : Regarde, à matin, on va te faire une sédation terminale. Ce
n'est pas comme ça que ça se passe dans le quotidien, là. Vous
comprenez? C'est vraiment un continuum. Alors, oui, pour répondre à votre
question.
Le Président (M.
Bergman) : Maintenant, pour le deuxième bloc du gouvernement,
Mme la ministre, il vous reste cinq minutes.
Mme
Hivon :
Oui. Alors, merci. Je veux juste vous faire part que ce qui est recherché dans
le projet de loi, là, c'est un
équilibre. Il y a une grande volonté de trouver un équilibre et de respecter un
peu les différentes préoccupations, sensibilités
que l'on a entendues pendant toute la durée de la commission parlementaire. Et,
dans cette volonté d'équilibre, on a voulu permettre aux maisons de
soins palliatifs de déterminer lesquels des soins elles souhaitaient offrir, ce
qui veut dire évidemment : Nous offrons des soins palliatifs de fin de
vie, c'est notre mission même, et nous offrons, oui, la sédation palliative
continue ou terminale et, oui ou non, nous offrons l'aide médicale à mourir.
Donc, il y a une liberté qui a été…
Et puis là je veux que ça soit très clair. C'est
un choix très clair dans le projet de loi, il n'y a rien qui remet ça en cause,
de dire : Les maisons de soins palliatifs ont la liberté de déterminer si
elles offrent ou non l'aide médicale à mourir.
Donc, je pense qu'on ne peut pas se mettre à craindre que ça pourrait être
imposé, là, c'est dans une loi. Donc, une agence ne viendra pas à l'encontre
d'une loi. Donc, ça, il faut que ça soit clair.
Par ailleurs,
c'est certain — puis je
pense que c'est une question sans doute que des gens vont vous poser — qu'il
y a des gens qui sont venus nous voir puis qui ne sont pas d'accord avec ce
choix-là que j'ai fait de dire : On laisse la liberté aux maisons de soins
palliatifs. Parce qu'ils disent : Une personne qui est en fin de vie dans
une situation de vulnérabilité, puis là elle
est dans une maison de soins palliatifs, puis elle souhaiterait obtenir l'aide
médicale à mourir parce qu'elle a des
souffrances réfractaires, elle ne pourra pas l'obtenir. Donc, qu'est-ce qu'on
va faire? On va la transférer? On va
l'envoyer ailleurs? Ça n'a pas de bon sens. Moi, je leur ai dit : Dans la
mesure où c'est clair et que la maison des soins palliatifs est très
claire quant aux soins qu'elle offre ou non, bien je pense qu'on atteint un bon
point d'équilibre.
Ça fait que,
ça, je voulais juste le dire, mais vous dire aussi que vous savez qu'il y a des
gens qui voudraient qu'on aille plus
loin. Il y a des gens qui voudraient que les maisons de soins palliatifs, comme
les établissements, soient tenues… Mais ce n'est pas le choix qu'on a
fait. Puis j'aimerais savoir peut-être combien de maisons… Vous dites «les
maisons qui ont répondu à notre sondage». C'est combien, sur les 29, de… vous
avez été capables d'avoir l'avis?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Wiseman.
Mme Wiseman (Lucie) : Une vingtaine
de maisons.
Mme
Hivon : O.K.
Parfait.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
C'est beau. Puis, ma dernière question, je vais continuer sur la question de la
sédation parce que je veux qu'on se
comprenne bien, là, c'est très important. Moi, là, pour vous dire, il y a eu
deux notions — puis j'ai
relu les documents de Michel Sarrazin, puis tout ça… qu'on va entendre
aussi — et,
lors des auditions, les deux notions nous ont été transmises un peu comme des
synonymes : sédation palliative continue et sédation palliative terminale.
Et, pour toutes sortes de raisons — le rapport des juristes
experts, et tout ça — le
terme qui a été retenu, c'est «sédation palliative
terminale». Moi, je vous le dis tout de suite, je suis très ouverte à ce que ça
soit «sédation palliative continue», là. Pour moi, ce qui est important,
ce n'est pas le terme, c'est la réalité qu'on veut traduire. Donc, ça, je n'ai
pas de problème. Mais où je veux bien comprendre, c'est que j'ai toujours perçu
que la différence entre la sédation palliative
intermittente — et le
mot le dit — et la
continue, c'est que la continue, on l'administre. Et c'est clairement
dit à la personne que, lorsqu'on fait ce choix-là, on ne la réveillera plus
comme on ferait dans une sédation intermittente, mais donc on va la laisser
dans un état, donc, similaire à une anesthésie jusqu'à la fin de sa vie.
Donc là, je
veux juste être sûre qu'on s'entend bien là-dessus. Parce que, quand vous
dites : Là, ce n'est pas terminal ou irréversible, moi, qu'on
enlève le mot «terminale», je n'ai pas de problème, mais j'ai toujours compris
que, quand on s'engageait dans ce processus-là, une sédation continue, c'était
jusqu'à ce que le décès survienne. Et c'est pour ça que les gens sont venus
nous dire : C'est quand même très sérieux, il faut avoir un protocole très
important, il faut avoir un consentement très clair, d'où l'encadrement plus
important que l'on fait dans le projet de loi.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Wiseman.
Mme Wiseman (Lucie) : Écoutez, je ne
sais pas si mes collègues veulent répondre, mais…
Le Président (M. Bergman) :
Mme Fitzback.
Mme
Fitzback (Suzanne) : Mon
Dieu! Je vous dirais… Je ne sais vraiment pas quoi vous répondre là-dessus,
je ne suis pas médecin. Ce que l'on vit dans nos maisons… Je vais parler pour
ma maison parce que je ne travaille pas dans
les autres maisons. Ce que l'on vit chez nous, en Outaouais… Bon, on en a eu un
dernièrement, un patient, c'est un patient qui souffre énormément, qu'on
a de la difficulté à contrôler avec les médicaments normaux, si on peut dire.
Alors, la
sédation palliative, c'est un protocole… je pense que ma coordonnatrice des
soins pourrait l'expliquer mieux que moi, mais c'est un protocole de
médicaments qu'on administre et qu'on peut endormir la personne pour la nuit parce qu'elle est souffrante et le lendemain
matin. Alors, ça, c'est intermittent. La continue, on l'a déjà vécue une
fois sur 15 ans — ça fait quand même 15 ans qu'on est
ouverts — et c'est
vraiment… Je pense que ça a pris cinq jours avec le patient, mais c'est vraiment une continue et c'est le patient
qui décide s'il veut continuer : O.K. un petit peu plus, un petit
peu plus. Hélène, est-ce que c'est à peu près ça? Comme je vous dis, je ne suis
pas médecin, mais…
Mme
Hivon : Moi, je…
Le Président (M. Bergman) :
Malheureusement, le temps s'est écoulé pour ce bloc. Et le deuxième bloc de l'opposition
officielle, M. le député de Jean-Talon.
• (10 h 50) •
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'abord saluer Mme
Wiseman, avec qui je suis allé voir le début
de construction de La Maison Au Diapason, puis je m'engage à aller vous visiter
à un moment donné, également Mme
Fitzback, qui m'a fait visiter leur maison de soins palliatifs, Me Hébert, avec
qui on a fêté les 20 ans de la Maison Colombe-Veilleux. Puis je voudrais
souligner également la présence de Mme Christiane Hudon, qui est la directrice générale de la maison Soli-Can où j'ai pratiqué
les soins palliatifs et avec qui j'ai eu beaucoup, beaucoup de plaisir à
travailler.
Vous savez
que j'ai beaucoup défendu votre cause. Puis je vais prendre immédiatement
position : quand on va faire le
projet de loi, je vais probablement être celui qui va défendre votre autonomie
au maximum. Parce que, dans ce dossier-là, c'est important de comprendre
qu'autant le ministère, les agences et les établissements, souvent compte tenu
des contraintes budgétaires, voudraient peut-être vous faire prendre une plus
grande part de travail que vous êtes capables de prendre. Premièrement.
Deuxièmement, vous faites partie des soins intégrés avec la continuité, mais le fait
d'avoir des soins intégrés avec continuité ne veut pas dire qu'on est
aux ordres des autres, qu'ils décident pour nous. Pour moi, c'est bien important,
ce principe d'autonomie qu'on va devoir respecter.
L'autre
élément qui, pour moi, est très important : si une maison de soins palliatifs décide de ne
pas offrir l'aide médicale à mourir, vous avez le droit de le faire, et on ne peut
pas vous obliger, et je m'engage à ce que, dans la loi, ce soit marqué, ça va être noté. Parce qu'on ne fera pas juste une affaire de directives ou de règlements
qui va venir… Pour moi, ça va être important que la maison de soins
palliatifs n'ait pas d'obligation, face à l'agence et à l'établissement, d'offrir l'aide médicale à mourir, en sachant qu'il
y en a qui sont venus témoigner ici en nous disant que, si on donne du financement, on devrait les obliger à faire cet
acte, alors que, pour moi, c'est un choix de la maison de soins
palliatifs.
Par contre, c'est
important que, lorsque quelqu'un entre dans une maison de soins palliatifs, la
personne sache qu'elle ne pourra pas
recevoir ce service. Donc, ça devient le choix de la personne d'y aller ou pas.
Et, pour moi, par contre, également,
si une maison de soins palliatifs se construit au Québec — exemple, dans la région de Montréal, un
exemple, ou Laval — et quand l'équipe et la maison de soins
palliatifs décident d'offrir l'aide médicale à mourir, ils vont pouvoir
le faire, c'est un choix. Parce que moi,
comme clinicien, bien… Il y a certains médecins qui sont peut-être très mal à
l'aise avec le concept, comme il y en a qui sont mal à l'aise, en passant, avec
le concept de sédation, mais il y en a d'autres qui sont à l'aise d'offrir le
service aux patients. Donc, ça va devenir le choix et de l'organisation et du
patient.
Et des mêmes
personnes qui viennent défendre l'autonomie de la personne, je suis un peu
étonné qu'elles, en même temps, ne
défendent pas l'autonomie des soignants et des maisons de soins palliatifs pour
offrir le service. Donc, je pense, c'est
là qu'on va trouver notre équilibre, puis j'ai confiance de convaincre la
ministre, là, qu'on devrait se situer à ce niveau-là. C'est à ce
niveau-là. Et on va s'organiser pour que ce que vous nous disiez soit bien
appliqué et que ce soit marqué dans la loi.
Pourquoi que je veux que ce soit marqué dans la loi? Parce que souvent on nous
dit : Non, on n'obligera pas,
mais, quand ce n'est pas marqué dans la loi, il se passe un règlement à quelque
part, à un conseil des ministres, et par la suite il y a une obligation qui se fait. Et je me méfie énormément des
gens qui veulent imposer aux autres leur propre opinion. L'autonomie, c'est bon pour tout le monde, et autant pour les
maisons de soins palliatifs que pour la personne.
La question
de la sédation terminale, moi, je pense, c'est un terme qui doit être revu.
Parce qu'on fait de la sédation dans plusieurs endroits, et on peut la
faire en maison de soins palliatifs, on peut la faire à l'hôpital, on peut la
faire en CHSLD. L'objectif, à la fin, c'est
d'offrir un bon soin pour soulager la personne. Et il n'y a aucun plaisir à
souffrir en fin de vie. Et le terme n'est
pas approprié parce que «terminale», ça va beaucoup trop avec la notion qu'on
va faire mourir. Mais, pour l'avoir
pratiqué à l'Hôpital d'Alma, on fait des sédations en fin de vie… ce sont des
protocoles qui, en passant, vont être
balisés par le Collège des médecins. Donc, on devrait avoir à peu près le même
protocole partout au Québec. Et ça s'applique dans certaines conditions.
Et l'objectif,
là, ce n'est pas philosophique, c'est qu'on veut que les gens aient une qualité
de vie à leur fin de vie. Et il y a
un petit pourcentage de patients… Puis, quand quelqu'un me dit que tous les
gens peuvent être soulagés, là, en tout cas, moi, Mme Hudon peut témoigner, j'en ai fait beaucoup, des soins palliatifs,
là, en fin de vie, il y a toujours le cas exceptionnel qu'on ne peut pas
soulager, qui, pour cette personne-là, il faut avoir une mesure qui est
exceptionnelle. Et c'est comme ça que je le vois, moi, ce sont des mesures
exceptionnelles, mais qui peuvent être appliquées.
Ça fait que
ma question, c'est par rapport à l'autonomie. Si je comprends bien, vous tenez
absolument à être des organisations autonomes. Vous êtes prêts à
collaborer avec le réseau pour être dans la continuité des soins, dans les soins intégrés, mais vous n'êtes pas prêts à obéir
à des ordres venant de d'autres personnes parce que justement vous avez
le financement en fonction de ça de la part du ministère.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Wiseman.
Mme
Wiseman (Lucie) : Alors, je
pense qu'il est essentiel de comprendre que les maisons de soins palliatifs
sont dans le continuum de soins. Ce qu'on
dit même dans notre mémoire, c'est que parfois, dans les CSSS, nous ne
sommes même pas à des
tables de discussion pour être dans le continuum. Alors, la notion des maisons
de soins palliatifs sont dans le continuum.
Pour nous, si on ne l'est pas, on ne fait pas notre job non plus. C'est
essentiel pour les patients, pour notre population que cette
continuité-là existe et que ce soit fluide. Alors, ne vous en faites pas, l'autonomie
ne fait pas qu'on ne veut pas être dans le
continuum. Au contraire, c'est essentiel. On serait tellement déconnectés, ça
ne fonctionnerait pas, ce système-là.
Puis on n'aurait pas accueilli 3 500 patients dans la dernière année
seulement. Alors, n'ayez aucune crainte là-dedans, le continuum; au
contraire, il faut que les CSSS nous mettent dans leur continuum. C'est ça,
notre message, qu'on soit assis à la table
avec eux pour en discuter, du continuum. Donc, ça, il n'y a pas de problème là-dessus.
Alors, pour le reste, c'est ça, l'autonomie,
dans le fond, c'est qu'on veut être reconnus comme partenaires à part entière. Donc, on n'est pas la place où on
envoie notre patient quand on ne sait plus quand l'envoyer à l'hôpital ou quand l'hôpital est débordé puis là qu'on nous envoie un patient
à la dernière minute, il faut que tu le prennes, puis on n'a même pas le
dossier médical, puis le docteur n'est même pas capable de prescrire. Ça, c'est
ce bout-là, là, dans notre autonomie, d'être
capables d'être vraiment encadrés sur les patients que nous recevons dans nos
maisons pour leur donner les meilleurs soins possibles. C'est ce que j'ai
à répondre à ça.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon, il vous reste 2 min 30 s.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Oui. Merci, M. le Président. Vous connaissez le principe que je viens de dire, c'est-à-dire qu'à partir du moment que vous
décidez de ne pas offrir l'aide médicale à mourir la personne qui va être
admise dans votre organisation, dans votre maison, elle va le savoir, donc elle
ne s'attendra pas à le recevoir à ce moment-là.
Également, j'aimerais
ça vous entendre : Est-ce que vous êtes d'accord avec le principe que, si une
maison de soins palliatifs, elle,
avec les intervenants, les gens s'entendent au départ que, oui, on pourra
offrir l'aide médicale à mourir, à ce moment-là elle peut quand même s'appeler
une maison de soins palliatifs et qu'elle pourra à la limite faire partie de
votre organisation puis ça ne serait pas une cause d'exclusion, c'est un choix
de l'organisation de l'offrir ou pas?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Wiseman, il vous reste deux minutes pour une réponse.
Mme Wiseman (Lucie) : …
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Oui, j'aimerais entendre la réponse officiellement au micro, là.
Mme Wiseman (Lucie) : Excusez-moi,
M. le Président, je parle toujours trop vite. Oui à votre question.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Parce que, si on y va sur cette base-là, il y
a une obligation dans la loi d'offrir le service par CSSS ou d'avoir une
entente. La maison de soins palliatifs, dans la loi, n'aura pas d'obligation,
évidemment ne sera pas liée au financement
pour ne pas qu'on fasse du chantage par la porte d'en arrière. Et moi, je pense
que, si le patient le sait, l'organisation
le sait et les CSSS le savent, bon, ils respectent les principes d'autonomie,
de bonne organisation des soins et de
soins intégrés. Moi, quant à moi, c'est là qu'on devrait se situer dans le
projet de loi, et ça devrait être balisé. Donc, déjà, les gens du
ministère devraient commencer à penser de nous arranger le libellé pour
répondre à cette demande-là. Puis ça, ça va être un point sur lequel, en tout
cas, ça va être difficile de me faire lâcher.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé
pour ce bloc. Pour le bloc du deuxième groupe d'opposition, Mme la
députée de Groulx.
Mme
Daneault : Merci,
M. le Président. Merci de votre présence aujourd'hui. Je réfléchissais sur la
sédation palliative puis effectivement je pense que plusieurs intervenants nous
ont dit que c'est… bon, la terminologie, c'est complexe. Je me posais la question : Si on écrivait tout simplement
«sédation palliative»? Parce qu'on sait que la sédation palliative, le
but, c'est de soulager la souffrance, et on doit augmenter les doses forcément
en fin de vie parce que les souffrances sont plus élevées, donc ça fait encore
partie d'une sédation palliative. Est-ce que, pour vous, ça serait plus
acceptable de retrouver le mot «sédation palliative» tout simplement?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Wiseman.
Mme Wiseman (Lucie) : Oui.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Wiseman.
Mme Wiseman (Lucie) : Oui. Excusez,
je ne l'avais pas dit assez fort.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault :
Merci. Je me requestionnais aussi sur la position, là, quand vous dites que c'est
unanime, dans les maisons de soins
palliatifs, de ne pas offrir l'aide médicale à mourir. La question que je me
posais… Puis, quand on regarde un
petit peu l'expérience qu'il y a eu dans les pays où actuellement ils ont accès
à l'aide médicale à mourir, on sait que plus de 80 % des gens qui y
ont accès souffrent de cancer en phase terminale. La question que je me posais,
et je ne sais pas si
vous vous la posez ou si c'est… bon, si c'est… on pourrait le faire dans le
futur, mais : Est-ce qu'on ne pourrait pas envisager…
Parce
que moi, j'imagine le patient qui est en fin de vie, en soins terminaux puis
qui, une journée… n'a pas pensé de vouloir
avoir l'aide médicale à mourir, mais qui se retrouve dans une situation où c'est
tellement souffrant, il n'est tellement pas soulagé qu'il en arrive à
faire cette demande-là, et il est apte à la faire, et qu'il est déjà dans une
maison de soins palliatifs. Est-ce qu'on pourrait envisager d'avoir des équipes
volantes, dans une région, qui viennent du CLSC et auxquelles
exceptionnellement on pourrait avoir recours pour satisfaire un patient qui
aurait changé d'idée ou qui est déjà dans la
maison de soins palliatifs et qui en arrive à une telle souffrance à demander l'aide
médicale à mourir? Et est-ce qu'on ne
pourrait pas, à ce moment-là, avoir recours à une équipe volante plutôt que de
se dire qu'à ce moment-là l'option du
patient serait d'être transféré dans un autre établissement alors qu'on sait qu'il est en fin de vie? Et ce n'est
pas simple, puis vous le savez, vous le vivez, ce n'est pas simple d'avoir
à transférer quelqu'un en phase terminale dans un autre établissement alors qu'il
est déjà là depuis quelque temps. Est-ce que c'est une option qui, pour vous,
pourrait être envisagée ou s'il y a une fermeture qui est complète à ça?
• (11 heures) •
Le Président (M.
Bergman) : Mme Wiseman.
Mme Wiseman
(Lucie) : Alors, écoutez, ça fait beaucoup d'hypothèses dans… bien,
enfin, d'exemples qui pourraient nous
arriver de façon spécifique. Encore une fois, nous n'avons pas… Vous comprenez
que, notre alliance, on n'a pas posé
de façon spécifique cette question-là. Je suis un peu en malaise de répondre
pour l'ensemble des maisons dans ce cas-là particulier.
On
comprend que les maisons de soins palliatifs, leur but en premier, c'est de
soulager la douleur puis d'accompagner
le patient. Alors, ce qu'on entend de notre monde, c'est : Même si la
personne le demandait, en premier lieu
on va aller voir qu'est-ce qui se passe en arrière de ça puis qu'est-ce qu'on peut
faire de plus. Pour nous, là, ça va être ça, notre mission, puis c'est
ça que nos professionnels et nos médecins vont faire.
Ce
que vous nous dites là, c'est, oui, une situation qui pourrait nous
arriver. Je vous le dis, le premier réflexe, ça va être de comprendre. Dans le continuum de soins, en tout cas, pour nous, là, ça va être assez rare. Comme Mme Fitzback le mentionnait tout à l'heure, en 15 ans, y
a-tu quelqu'un qui l'a demandé, là,
tu sais? Puis je ne sais pas si vous avez vu un médecin, hier, qui faisait un commentaire, ou avant-hier, dans La
Presse, qui disait que, bon, oui, à un moment donné, il y a une journée, le monde est à bout de
souffle, là. Mais, je vous dis sincèrement, on en a, des personnes qui sont à
bout de souffle présentement puis on ne se le fait même pas demander aujourd'hui.
Je
veux revenir à qu'est-ce que c'est hypothétiquement. Il faut vraiment
comprendre qu'on n'aimerait pas ça que le
projet de loi permette une confusion des genres pour les patients. On vous le
disait, à un moment donné, de prendre la décision de venir dans une maison de soins palliatifs, en premier lieu c'est
une décision qui peut être parfois très grave pour les gens. C'est quand ils arrivent à nos portes qu'ils
disent : O.K., ah, j'ai donc bien fait de venir ici finalement! Mais
tu es chez vous, tu fermes la porte, tu ne
reviens plus. Il y a déjà là une grosse décision, là, de s'en venir. Ça fait
que, là, en plus de ça, si on leur dit : Regarde, sédation
palliative terminale, puis là tout d'un coup : Ah bien, tu vas pouvoir
peut-être faire de l'aide médicale parce qu'il y a une équipe volante, on est
dans beaucoup, beaucoup d'hypothèses, madame.
Alors,
est-ce qu'il y a des maisons… C'est sûr que la situation pourrait nous arriver.
Puis on a une maison qui nous a
dit : Écoutez, si ça arrivait, on est des gens de compassion envers les
patients, là. Alors, comme je vous dis, on va faire le maximum pour aider à soulager la douleur morale, physique, de
cette personne-là. Est-ce qu'il y aura des exceptions exceptionnelles,
qu'une maison dira : Oui, je ne vais pas laisser tomber, mon patient n'est
pas transférable, il a signé qu'il savait qu'on
ne faisait pas d'aide médicale à mourir? Je vais vous dire, là, on est dans une
hypothèse. Mais j'imagine que chacune
des maisons prendra sa décision à ce moment-là. Mais nous sommes des êtres,
avant tout, de compassion.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est
écoulé. Mme Wiseman, Mme Fitzback, Me Hébert, merci pour votre
présentation, merci d'être ici avec nous aujourd'hui et partager vos
expertises.
Alors,
je demande les gens de La Maison Michel Sarrazin pour prendre leur place à la
table et je suspends pour quelques instants seulement.
(Suspension de la séance à 11 h 4)
(Reprise à 11 h 7)
Le Président (M.
Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, on souhaite la
bienvenue à La Maison Michel Sarrazin.
Dr
L'Heureux, M. Richard, bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre
présentation, suivie d'un échange avec
les membres de la commission. Alors, vos noms, s'il vous plaît, vos titres.
Et les prochaines 15 minutes, c'est à vous.
La Maison Michel Sarrazin
M. L'Heureux (Michel) : Merci
beaucoup, ça nous fait plaisir d'être
ici. Michel L'Heureux, je suis le directeur général de La Maison Michel
Sarrazin. Je suis accompagné de M. Louis-André Richard, qui est professeur de philosophie et membre de notre comité d'éthique clinique, et
également, dans l'assistance, quelques membres du conseil d'administration
et une personne responsable de nos communications.
J'aimerais,
d'entrée de jeu, distinguer notre capacité d'apprécier au niveau du concret les
gestes que pose le présent gouvernement
et que posaient aussi les précédents gouvernements depuis 2004 en faveur des
soins palliatifs sur le terrain, par des actions très concrètes, des
politiques, et la manière qu'on apprécie ou qu'on déprécie plusieurs éléments
du présent projet de loi, qui, en apparence,
peuvent donner l'image de promouvoir ou défendre les soins palliatifs, mais,
par la confusion des termes qui sont utilisés, font, pour nous, plus de tort
que de bien.
D'abord, le
fait d'utiliser un vocabulaire qui juxtapose les soins palliatifs et l'aide
médicale à mourir à l'intérieur d'un concept de soins de fin de vie,
pour nous, c'est inapproprié. Puis, si on prend l'expérience belge, ils avaient
fait deux projets de loi : un sur les
soins palliatifs et un qui dépénalisait l'euthanasie. On n'est pas d'accord
avec cette deuxième dimension, mais,
déjà, de ne pas confondre les deux genres et de ne pas subordonner l'un à l'autre
pour en arriver à faire la promotion des soins palliatifs serait pour
nous une approche beaucoup plus positive en faveur des soins palliatifs.
C'est certain
que La Maison Michel Sarrazin pourrait se contenter d'être reconnaissante
envers l'article 65, qui est l'équivalent,
pour la maison Sarrazin en tant qu'établissement, de l'article 14 pour les
autres maisons de soins palliatifs, à savoir
qu'on peut choisir d'offrir ou ne pas offrir l'aide médicale à mourir. Mais c'est
dans notre mission d'être... On a toujours
considéré dans notre mission, depuis l'ouverture de la maison, de travailler à
sensibiliser le public et le système de santé aux questions difficiles de la fin de vie puis aux pratiques en
fin de vie. Et, dans ce sens-là, c'est un peu la posture qu'on adopte encore aujourd'hui. Ça nous amène
parfois peut-être à vouloir amener le débat sur un terrain plus philosophique,
sur des arguments plus philosophiques, pourquoi ou pourquoi ne pas faire telle
ou telle chose, mais c'est toujours... c'était
la posture qu'on a prise en 2010, c'est encore celle qu'on prend aujourd'hui.
Et, dans ce sens-là, cette question du vocabulaire est essentiellement
très importante.
• (11 h 10) •
C'est une
définition de l'OMS qui définit les soins palliatifs comme ne hâtant pas la
mort et ni ne la retardant. Puis c'est une définition que le ministère
de la Santé a adoptée dans sa politique en 2004. Puis, dans le langage des
soins palliatifs, les soins de fin de vie
ont toujours été considérés comme la portion des soins de fin de vie en phase
terminale. Et les soins palliatifs sont plus
englobants, il y a un schéma dans le mémoire qui vous l'illustre bien, où les soins palliatifs s'intéressent à la qualité
de vie de toutes les personnes qui sont atteintes d'une maladie incurable qui
va les faire mourir. Et là, dans un projet de loi, on laisse les juristes inverser les termes médicaux en faisant le
grand ensemble, les soins de fin de vie puis, un petit morceau, les
soins palliatifs, alors que, dans la pratique médicale, depuis 50 ans, c'est le
contraire qui se passe.
Donc, pour
nous, c'est très difficile de s'y retrouver et c'est une source… C'est déjà
difficile d'expliquer au public, aux
patients et même, à l'intérieur du système de santé, aux
soignants, aux intervenants, qui sont encore plus familiers avec les concepts de soins palliatifs, de leur
expliquer ces concepts-là. Si la loi vient virer ça à l'envers, ça va
être encore plus difficile et ça va être encore plus source de
confusion.
La question
de la sédation palliative continue ou terminale, vous en avez abondamment
débattu tout à l'heure. On avait dit en 2010 : Il faut
retenir le terme de «soins palliatifs»… «sédation palliative continue». On a
cité, on avait donné une référence, des associations canadiennes,
américaines, françaises, européennes de soins palliatifs qui ont décidé de mettre
de côté le terme «sédation palliative continue» pour celui de sédation… c'est-à-dire
de «sédation palliative terminale» pour celui de «sédation palliative
continue», et je réitère encore que c'est ce qui devrait être fait, et non pas
l'inverse.
Et il ne faut pas encadrer la sédation
palliative tout court parce qu'on s'enfargerait dans quelque chose d'épouvantable si on voulait encadrer la sédation
palliative intermittente, ou les protocoles de détresse, ou toutes ces
formes d'autres sédations qui existent en médecine. Mais, quand on parle de
sédation palliative continue, si on définit bien les termes… Ça, c'est un autre défaut du projet de loi, les termes ne
sont pas définis, ils sont nommés sans être définis. Bien, si on définit bien les termes, on pourra
bien encadrer une pratique qui doit être encadrée. On est tout à fait d'accord
avec l'encadrement de cette pratique, c'est simplement que le choix des termes
actuellement est malheureux et risque d'entretenir la confusion chez les
soignants et dans le public.
Évidemment,
le coeur de notre présentation et de notre mémoire tourne autour de l'aide
médicale à mourir, qu'on considère qui devrait être retirée du projet de
loi. Pour nous, premièrement, le choix du terme est un euphémisme qui n'a pas sa place. Quand on regarde vraiment dans
le tableau qu'on vous présente aux pages 11 et 12 ce que sont les
critères et les processus de la loi belge avec ce qui est proposé dans le
projet de loi n° 52, on voit qu'il s'agit vraiment de la même pratique à
des différences minimales près. Alors, pourquoi on ne nomme pas un chat, un
chat?
C'est sûr qu'on
est conscients que le législateur a un problème avec le Code criminel, mais, en
même temps, de créer la logique d'en
faire un soin, d'essayer d'introduire ça comme une continuité avec les soins
palliatifs ou à l'intérieur des soins
de fin de vie, pour nous, c'est un euphémisme qui est plus dommageable pour les
soins palliatifs et qui ajoute encore une fois à la confusion. Une
confusion additionnelle parce que, même pour les soignants eux-mêmes en soins palliatifs et pour les autres qui accompagnent les
personnes en fin de vie, accompagner et soutenir sans provoquer la mort,
c'est une forme d'aide. Alors, en utilisant
le terme «aide à mourir», on crée à la fois de la confusion dans le soutien
et l'aide qu'on apporte, mais, aussi, on
atténue la réalité du geste euthanasique, qui ne devrait pas l'être, comme l'ont
fait certaines juridictions, même si,
comme je vous dis, au départ, on n'est pas d'accord avec le fait qu'une société
ouvre cette porte-là.
Il y a une
comparaison qu'on vous présente dans le mémoire, où on entend dire : L'euthanasie
ou l'aide à mourir, c'est devancer par compassion une mort dont la
souffrance s'avère insupportable. Puis il y a une analogie. Toutes les comparaisons ont leurs limites, mais c'est comme
dire : Piquer l'héritage, ce n'est pas un vol, c'est d'assurer par
anticipation la jouissance de biens qui nous seront de toute façon dévolus un
jour. Je veux dire, quand on transgresse des interdits fondamentaux comme celui de porter atteinte à la vie d'autrui, bien c'est
ce qu'on introduit comme idée, c'est qu'il y a des interdits auxquels on peut contrevenir à un moment ou à un autre de
l'évolution d'une société et plus dommageables que…
Il y a l'interdit lui-même, mais la personne qui le demande, en même temps,
impose à un tiers de, lui aussi, transgresser cet interdit-là.
Et ça nous
amène à la réalité où c'est certain que, devant les personnes en fin de vie,
parfois il y a des situations où on
se sent impuissant et où on peut penser ou avoir un sentiment d'urgence, qu'il
faut faire quelque chose. Puis parfois il faut être capable de se
retenir et de ne pas abandonner, mais d'accompagner. Et les personnes qui sont
en fin de vie demeurent des gens de la
communauté humaine, et ça ne leur donne
pas le droit d'exiger qu'un tiers transgresse un interdit. Ces
personnes-là sont aussi soumises à la loi de la même manière.
Je vais vous prendre un exemple très concret.
Dans les maisons de soins palliatifs, lorsqu'est arrivée la loi sur l'interdiction de fumer dans les établissements — nous,
à Sarrazin, on est un établissement — on
a eu à se poser cette question. On a essayé de maintenir une forme d'exception
pendant un certain temps, jusqu'à ce qu'à un moment donné ça devienne intenable et qu'aujourd'hui, même les personnes en fin
de vie, même si ça peut apparaître en soi moins… manquer de compassion,
doivent aller fumer à l'extérieur. Puis la raison, c'est qu'à un moment donné il
y a aussi les droits des autres puis il y a…
Et ils ne sont pas des citoyens différents des autres citoyens, et on doit
appliquer les lois pour eux aussi.
L'euthanasie, ce n'est pas un soin. Je pense que
notre mémoire de 2010 l'avait explicité abondamment, on n'y reviendra pas. Pour nous, abréger la vie, ce n'est plus un soin, c'est
un geste radical qui met fin à la vie. C'est certain que la personne qui le demande est tellement
souffrante qu'elle est prête à payer le prix de sa vie pour ne plus
souffrir, mais, encore une fois, il y a
une philosophie, en soins palliatifs, qui nous amène à s'abstenir de vouloir
poser ce geste-là parce que l'expérience montre que, dans l'accompagnement,
dans l'acceptation de nos limites, il peut survenir des éléments inattendus, il peut survenir des situations où le
cours des choses peut changer. Ce n'est pas une façon idéaliste de voir
les choses tout le temps, c'est-à-dire qu'on n'idéalise pas que ça arrive tout le temps, mais ça arrive
suffisamment souvent pour que les
soignants soient convaincus qu'on ne doit pas éclipser ou écourter l'espace de
temps qu'il reste parce que
justement ça laisse place à ces éléments d'imprévu.
On avait, il y a 10 jours, un colloque sur les soins palliatifs,
sur l'aide à mourir, comment on reste
accompagnants, et ce que les soignants nous réitéraient encore, c'est que comment
le fait d'admettre leurs limites et de les exprimer aux patients, ça
pouvait être source de ces éléments inattendus.
Une grande
partie du mémoire touche sur l'aspect de la situation
en Belgique, l'analyse qu'on fait des dérives, sur les dommages que ça
crée aux soins palliatifs et sur la souffrance des soignants. On a voulu ici — on a
mis beaucoup d'insistance sur ça dans le mémoire
et dans une annexe — on
a voulu ici ébranler les certitudes qu'on voyait affichées dans le rapport de la commission
spéciale, certitudes qui étaient basées sur des analyses en Belgique et aux
Pays-Bas. On ne connaît pas les
Pays-Bas, mais on connaît bien la Belgique pour y être allés tous les deux,
pour avoir d'autres collègues qui y sont allés, qui nous ont aussi rapporté
leurs expériences et les rencontres qu'ils ont eues.
Pour nous, 1 % des décès et une croissance
de 17 %, 18 % et même 26 % l'année dernière, ce n'est plus de l'exception,
puis ce n'est pas une croissance lente. 10 % de personnes qui ont des
maladies chroniques et qui sont euthanasiées alors que leur mort n'est pas
prévue à brève échéance, «brève échéance» étant définie pour eux comme étant des mois à venir, bien on est rendus dans
les personnes vulnérables qui reçoivent des euthanasies. Et également on
a voulu questionner l'objectivité de
certaines personnes qui ont été les personnes-ressources de la commission lors
de sa visite en Belgique. Ces
personnes ont un militantisme évident qui leur enlève l'objectivité. La
commission avait rejeté les études parce que les auteurs, supposément,
avaient des biais personnels en fonction de leurs convictions, mais les
personnes rencontrées avaient un peu les mêmes biais.
Le dernier
sujet qui est important, c'est toute la question de la souffrance et les dommages
sur les soins palliatifs. On ne peut pas, en son for intérieur, ne pas
réaliser qu'on commet une transgression puis simplement anesthésier ça en se donnant un discours rationnel que c'est un
moindre mal ou que c'est la bonne chose à faire. Il y a certainement une
rationalisation qui se vit, et qui s'observe,
et qui se décrit chez les personnes qui font des euthanasies en Belgique, et
qui nous est rapportée. Et il y a également
une souffrance de recevoir des demandes et d'avoir à les accompagner là-dedans.
Mais c'est déjà difficile sans ajouter ce
nouveau paradigme où, dans le fond, l'espace-temps va être court-circuité,
puis où les gens des soins palliatifs n'auront plus cet espace et cet outil
essentiel pour travailler à aider les personnes qui sont tellement à bout qu'elles
pensent que le décès est la seule issue qu'il leur reste.
• (11 h 20) •
Les critères
également sont très larges dans ce projet de loi. Ils s'éloignent considérablement de
la position du Collège des médecins, qui avait dit : Pour la phase
terminale, écourtez quelques agonies. On n'est pas d'accord avec la position du collège, qui en fait un soin, mais
au moins ça avait le mérite de mettre une fenêtre tellement petite qu'on
ne vivrait pas les dérives que la Belgique
vit si vous décidiez d'aller quand même avec ça, alors que ce n'est pas ce
qu'on préconise. On n'a pas le sentiment non plus qu'il y a une urgence
politique d'agir.
Et j'attire votre attention, dans le fond, sur
la citation, à la fin, de Dominique Lambert, un philosophe belge. Il y a deux idées, dans cette citation, qui sont
importantes pour moi. C'est que, d'une part, la philosophie palliative,
c'est plus que les soins palliatifs. C'est
étonnant de voir à quel point les soins palliatifs sont appréciés, sont
écoutés, sont presque louangés pour le travail qui est fait par les
intervenants au quotidien aux personnes en fin de vie, mais comment, quand on arrive dans le présent débat, la
dimension, ou le bout de la philosophie des soins palliatifs qui dérange
l'opinion majoritaire du public, là, on est en train de la marginaliser puis de
dire : Elle n'est pas importante.
Mais la philosophie palliative, c'est plus que
les intervenants. C'est un tout qui est issu de cette pratique au quotidien et qui est une conviction, de rester… de
s'abstenir et, devant le doute, de ne pas poser ce geste de mainmise, ou
de contrôle, ou de toute-puissance envers la personne qui est souffrante. Et ce
n'est pas quelque chose qu'on peut piger à
la carte puis dire : Ce bout-là, on le prend, puis ce bout-là, il ne fait
pas notre affaire, puis on ne le prend pas. C'est une vision globale.
Le
Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.
M. L'Heureux (Michel) : C'était ça, ma conclusion. C'est cette vision
globale des soins palliatifs, qu'on ne peut pas commencer à morceler, et ne prendre que les éléments qui nous
conviennent et rejeter ceux qui nous dérangent parce qu'ils ne vont pas dans
le sens de la majorité de l'opinion publique.
Le
Président (M. Bergman) : Merci pour votre présentation, Dr L'Heureux.
Alors, maintenant, pour le premier bloc du gouvernement, Mme la
ministre.
Mme
Hivon : Merci, M. le Président. Merci, Dr L'Heureux, M.
Richard. Ça commence à faire quelques fois qu'on se voit dans différents forums. C'est toujours très intéressant, on est…
Moi, je pense que, contrairement à ce que plusieurs des personnes qui nous écoutent pourraient penser
et qu'elles pourront penser après notre échange… Parce qu'évidemment on
va se concentrer sur le bout sur lequel on est moins d'accord, mais il y a
beaucoup de choses sur lesquelles on est d'accord,
dont l'importance d'avoir une volonté politique ferme pour développer les soins
palliatifs et l'importance de travailler
avec les gens du milieu pour en arriver à, je dirais, diffuser le plus
largement possible l'importance des soins palliatifs et l'importance aussi de la culture palliative, qui, je suis
tout à fait d'accord avec vous, est plus que… beaucoup plus que l'idée d'avoir
des lits de soins palliatifs dédiés dans nos établissements.
Et
c'est pourquoi, comme vous m'avez peut-être entendue le dire, on a un grand
chantier chez nous d'améliorer l'accès,
autant à domicile que via des lits dédiés, mais surtout aussi de miser sur la
formation des intervenants à l'approche palliative parce que c'est quelque chose qui est essentiel pour que
cette culture-là palliative puisse être diffusée. Puis ce soir, on va avoir d'ailleurs une présentation très
intéressante de la Société canadienne du cancer sur toute l'importance
aussi que les facultés de médecine et de
soins infirmiers devraient donner à l'approche palliative. Parce que c'est
assez désespérant quand on voit le peu d'heures qui sont consacrées à
cette réalité-là dans les cursus actuels.
Donc,
je vous remercie de votre présentation, de votre mémoire. Peut-être certains
points, en partant. Vous savez… Je sais que vous n'êtes vraiment pas d'accord
avec eux, mais toute l'idée d'un continuum de soins et d'inscrire l'aide médicale à mourir, sur un continuum de soins,
comme un soin exceptionnel, c'est une idée qui est venue d'abord par le
Collège des médecins. Et le Collège des médecins a amené cette idée-là pour
dire que certains soignants en fin de vie étaient
face à des situations pour lesquelles ils étaient incapables d'apporter des
réponses adéquates et qu'il fallait entrer dans une logique de continuum
et de soins exceptionnels, et c'est cette idée-là qui a amorcé tout le débat.
Et donc je pense que c'est important de situer ça dans son contexte.
L'autre
élément, sur les termes. Je veux juste vous dire que ce projet de loi là, il
est sur la fin de vie, ce qui veut dire que, quand on parle de soins palliatifs, on parle de soins palliatifs en
fin de vie, ça va de soi. Et la politique, d'ailleurs, québécoise qui
existe, elle est sur les soins palliatifs en fin de vie. Est-ce que ça veut
dire qu'on ne pense pas que les soins
palliatifs devraient intervenir plus
tôt? Pas du tout. On pense aussi qu'ils devraient intervenir plus tôt, que c'est
une bonne idée. D'ailleurs,
dans le rapport de la commission, on en parlait. Mais le projet de loi et la politique ne sont pas sur cette réalité-là, de venir faire coexister le palliatif et le curatif,
je vous dirais, de manière plus
généralisée. Là, on est sur un projet
de loi sur la fin de vie et, encore aujourd'hui, évidemment on voit qu'il y a
bon nombre... les lits dédiés, les maisons de soins palliatifs, ils sont là pour la fin de vie. Donc, c'est l'objet
de notre projet de loi. Je pense que c'est important de le dire parce que, quand on parle des soins
palliatifs, quand vous y faites référence, vous, vous faites référence à la
logique des soins palliatifs dans leur globalité, mais, dans le projet de loi,
on parle bien des soins palliatifs de fin de vie. Donc, je voulais juste
mentionner ça.
Puis
aussi, autre point, sur la question de notre mission en Belgique, je pense que
c'est important de vous dire... parce
qu'on pourrait... ça pourrait laisser entendre ce que vous avez dit, qu'on n'a
rencontré des gens que d'un côté. Or, tant aux Pays-Bas qu'en Belgique... C'est vrai qu'on a rencontré des gens qui
étaient très militants, et puis ça faisait partie du travail, mais, si vous prenez la Belgique, je veux
juste vous dire que les deux derniers médecins qui sont dans l'annexe, sur les gens qu'on a rencontrés, c'étaient des
médecins qui étaient contre l'aide médicale à mourir et qui, oui,
siègent, donc, sur la Commission fédérale de contrôle, mais qui étaient des
médecins contre. Le fait qu'ils oeuvrent à un endroit où il y a une offre dans ce sens-là ne fait pas en
sorte qu'ils étaient des médecins pour. Donc, je voulais juste vous spécifier
ça, parce que c'était très important pour nous, puis, quand on a fait le
programme, c'était dans ce sens-là.
Sauf
que, ce qu'on a constaté, on doit vous le dire, c'est que les médecins qui
étaient contre et qui étaient sur la commission de contrôle… je ne vous
dis pas que tous les médecins en Belgique sont pour, mais ils nous disaient qu'il n'y avait pas de dérive, donc, dans les
médecins qui étaient contre. Même dans les gens de Jurivie, qui sont des
gens provie qui étaient contre depuis le
début, on n'estimait pas qu'il y avait de dérive. Alors, je voulais juste vous
souligner ça.
Et
ce que je veux vous souligner, c'est que notre loi, elle n'est pas comme la loi
de la Belgique. Donc, je trouve ça bien intéressant qu'on vienne nous
dire : Faites attention, il y a des décès qui... sur des gens qui
pouvaient avoir des années devant eux à
vivre, mais c'est parce que justement, dans la loi belge, il y a deux
réalités : il y a le «brève échéance» et il y a le «pas brève
échéance», où il y a des critères supplémentaires, et c'est ce qui le permet.
Mais ici, nous, on est dans un contexte de
fin de vie, la personne doit être en fin de vie, c'est une différence
importante. Et l'autre différence importante, c'est que la personne ne
peut pas être affligée d'un handicap. Ça doit vraiment être, pas un état, mais bien une maladie grave et incurable, ce qui est
une autre différence importante. Ça fait que je ne sais pas si vous
voulez réagir à ces éléments-là. Parce que j'ai plein de questions, mais je
voulais préciser certaines choses.
Le Président (M.
Bergman) : Dr. L'Heureux.
M.
L'Heureux (Michel) : D'abord,
je vous rejoins dans l'importance de la diffusion de la culture palliative,
mais le problème antinomique de diffuser une culture palliative qui, en même
temps, à l'intérieur du terme «soins de fin de vie», place les soins palliatifs et l'aide à mourir — que nous, on appelle euthanasie — sur le même pied... La réalité, en Belgique, c'est que les patients se font
offrir : Voici ce que sont les soins palliatifs, puis sinon il y a l'euthanasie.
Et ce n'est peut-être pas tout le temps comme ça, mais c'est
suffisamment souvent pour que ça soit très inquiétant et que ça contrevienne à
cette culture palliative qu'on veut développer parce que justement il y a un
choix à la carte qui devient offert aux patients.
La question
du Collège des médecins, le continuum de soins, c'est vrai qu'on n'est pas d'accord
avec cette idée qu'a avancé le collège,
cette idée que des médecins belges ont aussi reprise après l'adoption du projet
de loi en développant le concept de
soins intégraux au lieu de soins palliatifs puis en disant : L'euthanasie
en fera partie, comme quelque chose de continuité. Mais, comme je vous
dis, dans la loi belge et dans la conscience de probablement beaucoup de monde,
ça reste qu'on transgresse un interdit
fondamental qui est présent depuis des millénaires dans les civilisations
humaines. Alors, c'est sûr qu'on peut
se développer un discours rationnel pour essayer de contourner le sentiment
quand notre petite voix intérieure
nous dit : Ce n'est probablement pas quelque chose qu'on devrait faire,
mais qu'on se trouve une rationnelle théorique pour le faire, on a le
droit, mais on ne peut ne pas être d'accord.
• (11 h 30) •
Au niveau des
termes «soins palliatifs», «de fin de vie» et le projet de loi, que le projet
de loi ait fait ce choix-là,
je l'entends. Au niveau de la politique,
j'ai toujours trouvé que le titre n'était pas en accord avec le
contenu parce que, quand on
lit le contenu de la politique de 2004, elle parle de l'ensemble des soins
palliatifs, elle remet même en question les critères pronostiques comme
un critère d'accès aux soins palliatifs justement parce qu'elle parle de l'ensemble
des soins palliatifs, cette politique, et non pas de simplement la fin de vie.
Et, pour la
Belgique, bien, quelques commentaires sur vos points. C'est certain que vous
dites que la loi n'est pas comme
celle de la Belgique, mais le tableau qu'on vous montre, quant à moi, il n'est
pas le même, dans le sens qu'il ne dit pas :
On dépénalise l'euthanasie. Les juristes, dans leur rapport, ont trouvé une
façon de dire : On ne contourne pas le Code criminel, on en fait quelque chose qui est balisé par les soins. On
verra si ça tient la route sur le plan juridique, s'il y a des gens qui
le remettent en question. L'objet aujourd'hui, ce n'est pas ça.
Mais l'enjeu
des interlocuteurs, quand vous nous dites qu'il y avait des gens contre, on l'a
constaté, mais la liste qu'on vous a…
On a repris la liste que vous avez mise dans le rapport. Les médecins ou les
milieux de soins… On n'a pas regardé les Jurivie et autres organismes
qui n'étaient pas dans la santé comme tels, mais ceux qui sont des gens qui pratiquent la médecine ou qui sont des milieux de
soins. Même un que vous dites, dans les deux derniers, qui était contre,
nous, on sait qu'elle en pratique, cette
personne. Donc, c'est difficile de voir, dans cette liste, qu'il y avait des
gens impliqués sur le terrain à donner des soins, qu'il y en avait qui
étaient contre et qu'on voie l'affirmation que les milieux ou les médecins qui
n'en pratiquent pas ou qui sont contre ne concèdent pas les dérives.
Puis cette question des dérives, c'est toute une
question d'interprétation. Qu'est-ce qui est exceptionnel? Puis est-ce qu'une croissance lente de 18 % à
26 % est vraiment lente? Donnez-moi ce rendement-là sur mes fonds de
pension puis je vais être très heureux. Ce n'est
pas lent, 16 % à 18 %. Je
regrette, ce n'est pas lent. Dans le commun des mortels, dans l'opinion publique, ce n'est pas une
croissance lente. Et, à ce rythme-là, ça double aux quatre ans. Puis ce n'est
pas une courbe qui est en train de s'arrêter,
en Belgique, et ils ont 10 ans d'expérience. Mais tirons leçon de cette
expérience pour réaliser que ça
risque de nous arriver aussi. Parce que les critères, dans notre loi, sont
moins précis que ceux de la Belgique parce que justement il n'y a pas
cette notion de brève échéance. Mais l'interprétation de…
Je ressors le terme exact de votre projet de
loi, à la page 12 du tableau, qui dit que la personne «est atteinte d'une
maladie grave et incurable; sa situation médicale se caractérise par un déclin
avancé et irréversible». Sauf qu'il y a bien
des personnes... et même en Belgique, la notion de brève échéance a nécessité l'interprétation
de la commission de contrôle. À
toutes les fois qu'il y a des termes aussi vagues qui laissent place à
interprétation et que l'interprétation également…
que c'est la personne qui juge les conditions que c'est tolérable ou pas ses
souffrances ou les moyens utilisés pour le faire, on laisse place à
beaucoup de subjectivité et à beaucoup d'interprétation a posteriori par ceux
qui seront chargés d'appliquer la loi. Et ça, c'est l'ingrédient qui a fait que
la situation évolue comme elle évolue en Belgique. Et, dans votre projet de loi, il y a les mêmes ingrédients de liberté d'interprétation
et de place d'imprécision qui va permettre ces interprétations de plus
en plus larges avec le temps. Au début, les gens vont se garder une petite
gêne, puis ils vont dire : Bien, là,
passé un mois, c'est un peu… Mais, dans quelques années, ça va être… quelques
mois, ça ne sera pas nécessairement rare. Parce que c'est ça qui s'est
passé.
Le Président (M. Bergman) :
Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Pour le bloc de l'opposition
officielle, Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Merci beaucoup. Merci, Dr L'Heureux, M. Richard, de prendre le temps
de venir échanger avec nous. Je suis
extrêmement intéressée par l'analyse que vous faites actuellement puis vos
échanges avec la ministre sur toute la
question de l'aide médicale à mourir. Une réflexion comme ça, je pense, c'est
essentiel pour les parlementaires. Le projet de loi comme tel sur les
soins de fin de vie…
Puis là je
pose une question parce que je pense que l'objectif, c'est aussi de réfléchir à
voix haute entre nous et d'échanger sur certaines possibilités. Est-ce
que vous croyez qu'il serait opportun que l'aide médicale à mourir fasse l'objet
d'un projet de loi distinct et, donc, qu'un projet de loi encadrant les soins
de fin de vie, les soins palliatifs... Je ne
sais pas. Est-ce qu'il est nécessaire, considérez-vous qu'il est
nécessaire, considérez-vous qu'il est toujours
nécessaire d'inclure le droit, prévu à l'article 5 du projet de loi, pour tout citoyen
du Québec d'avoir accès à des soins palliatifs, à des soins de fin de vie ou est-ce que… Et est-ce qu'on devrait penser peut-être à, compte tenu de la réflexion que vous faites puis compte tenu que, dans le projet
de loi, on a quand même énormément d'articles qui se réfèrent à l'aide médicale à mourir… Lorsqu'on pense de l'introduction,
de la mise en place d'une commission sur les soins de fin de vie, si je prends votre réflexion puis si on regarde le
mandat de la commission, cette commission-là va surtout se pencher sur l'aide
médicale à mourir, sur l'administration de l'aide médicale à mourir puis sur
certains cas, beaucoup plus que, par exemple, je
crois, les services qui sont offerts
dans les maisons de soins palliatifs et dans les établissements comme le
vôtre. Est-ce que ce serait, à ce moment-là, une voie? Parce qu'à partir du
moment où on s'oppose à inclure «aide médicale
à mourir» dans les soins de fin de vie, bien il faudrait peut-être l'exclure du
projet de loi. Je vous pose la question.
Le Président (M. Bergman) :
Dr L'Heureux.
M. L'Heureux (Michel) : Écoutez, c'est
une question complexe parce que ce n'est pas tant le fait que ce soit dans deux projets de loi ou dans le même qui est
le problème, le fait est que c'est la confusion des définitions qui met
les soins palliatifs et l'aide à mourir dans
un même tout, un même ensemble de continuité et qui dit : C'est deux
dimensions d'un continuum de soins. Le
problème de fond, il est là. Mettez-le dans deux projets de loi séparés, si
cette définition-là apparaît dans le
deuxième sur l'aide à mourir puis qu'elle met le lien avec les soins
palliatifs, on aura le même problème.
C'est
sûr que les articles 4 à 12 du projet de loi, le fait de pouvoir avoir une
chambre privée en fin de vie, le fait de reconnaître le droit, les directives médicales anticipées, c'est toutes
des bonnes dispositions, en théorie, du projet de loi, si elles ne
viennent pas associer avec le concept des soins palliatifs celui de l'aide à
mourir comme un soin. À partir du moment où
ça n'est pas là, nous, on n'est pas d'accord que la société ouvre la porte à l'aide
à mourir. Si jamais le législateur décide de le faire quand même, ça lui
appartient, mais jamais vous ne nous ferez dire qu'on est d'accord dans une position de compromis avec une façon différente de
le faire. Mais, à tout le moins, si vous préservez l'identité et l'intégrité
des soins palliatifs tels qu'ils ont été
bâtis depuis 50 ans sans les associer d'une manière ou de l'autre à une
continuité de soins avec l'euthanasie, c'est
sûr que ça serait un plus. Mais ça ne veut pas dire pour autant que c'est un
assentiment de notre part à dire que l'aide à mourir, c'est quelque
chose de bien pour notre société.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Je comprends
bien votre point, d'où la question, c'est-à-dire : Est-ce qu'il y a une
nécessité d'encadrer, à l'intérieur d'une
loi, l'offre de soins palliatifs au Québec? Est-ce qu'il y a une nécessité de
donner, d'encadrer le droit aux soins palliatifs au Québec? Croyez-vous
qu'on doit… est-ce nécessaire…
Si
on tient votre raisonnement, si on prend votre raisonnement et que vous étiez
placé dans la position d'un d'entre nous,
c'est-à-dire à titre de législateur, le projet de loi, vous le rejetteriez
parce qu'il comprend des éléments avec lesquels vous n'êtes pas en accord. Donc, est-ce que vous avez, à l'intérieur du
projet de loi... Je vais retourner ma question : Est-ce qu'il y a
des éléments dans le projet de loi, qui, pour vous, sont essentiels et qui sont
nécessaires à la bonification de l'offre de soins palliatifs au Québec?
Le Président (M. Bergman) :
Dr L'Heureux.
• (11 h 40) •
M. L'Heureux
(Michel) : Je ne suis pas
certain qu'on a absolument besoin d'une loi pour l'aspect de promotion des soins palliatifs, dans la mesure où, de plus
en plus, tous les établissements de santé sont soumis à un agrément qui
intègre de plus en plus des normes qu'une bonne pratique et une bonne
organisation de services doit inclure des soins palliatifs. Et ces normes d'agrément
sont très exigeantes. Alors, est-ce qu'on a besoin d'une loi pour dire qu'on
doit rendre accessibles les soins palliatifs au Québec? Je ne suis pas
absolument certain parce qu'il y a tellement d'autres mécanismes qui nous ont fait faire énormément de progrès depuis 10 ans
que ce n'est pas sûr que ça prend une loi pour ça.
Les directives médicales anticipées, c'est
certainement un plus dans le projet de loi. C'est complexe, c'est peut-être un
peu lourd, ça nécessite un encadrement juridique parce que ça peut… on joue
dans la notion du consentement. Alors, probablement que ça, ça nécessite d'être
régi par un projet de loi. Mais vous en avez fait un chapitre à part, de toute
façon. Que ce soit un chapitre à part ou une loi séparée, pour moi, ce n'est
pas un enjeu. Mais l'aspect de dire que les soins palliatifs doivent être
encadrés par une loi pour leur conférer un caractère obligatoire, je pense qu'il
est déjà obligatoire juste par les normes d'agrément qui s'implantent de plus
en plus et que ce n'est pas absolument nécessaire d'ajouter une loi pour les soins
palliatifs.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Sur la question,
j'aimerais vous entendre justement sur la question des directives médicales
anticipées parce qu'il en a été peu question dans votre présentation. Qu'est-ce
qui, à votre avis, mérite peut-être d'être précisé davantage?
Le Président (M.Bergman) :
Dr. L'Heureux.
M. L'Heureux (Michel) : Je vais vous dire, on n'a pas vraiment
analysé cette dimension. J'ai simplement,
par expériences antérieures à ma vie, à La Maison Michel Sarrazin été confronté
à des situations de consentement dans des situations où possiblement que des
directives anticipées auraient aidé à solutionner des situations litigieuses. Alors, c'est pour ça que je pense qu'il y a un plus à aller
vers ça, mais sans que je puisse me prononcer, parce que je n'ai pas analysé de
façon très précise les dispositions du projet de loi.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Est-ce qu'il y a d'autres éléments à l'intérieur du
projet de loi qui seraient essentielles, qui feraient en sorte d'aider ou de faciliter votre vie comme
établissement et faciliter le travail et la dispensation des soins un peu
partout sur le territoire? Parce que vous avez aussi une connaissance vaste de
la question sur le territoire du Québec.
Le Président (M.
Bergman) : Dr L'Heureux.
M. L'Heureux (Michel) : C'est très difficile à trouver des éléments positifs,
tant qu'ils sont formulés comme ça, associés
à l'aide à mourir. Parce que, même s'il
y a les articles
14 et 65, qui permettent aux maisons de ne pas être tenues d'en faire… Je prends d'emblée une parenthèse pour
dire, par rapport à la discussion qui a précédé, avec l'Alliance
des maisons : Faire faire l'euthanasie ou l'aide à mourir par une équipe volante qui viendrait comme un tiers
dans la maison, c'est aussi irrecevable, à mes yeux, que de ne pas en
faire soi-même. Vous savez, les familles se parlent au salon, à la salle à manger. Tout se sait dans une maison. Et
on ne peut pas garder une image ou un message fort comme celui-là et en même temps poser des gestes qui viennent entacher
la crédibilité de ce message-là. Alors, pour moi, c'est incompatible de penser qu'on pourrait garder des personnes pour qu'un
tiers vienne le faire dans les murs d'une maison. Puis vous avez tous
les impacts que ça aurait sur les autres patients, sur les autres familles, qui
pourraient se poser la question : Bien, ils disent ça, mais, en même temps, je suis venu ici parce que
c'est ça, puis là, bien, non, ils rouvrent la porte par en arrière.
Pour
revenir à la question, donc : Est-ce qu'il y a des éléments
dans ce projet de loi là?, c'est sûr, on le dit dans le mémoire,
sur le moyen et long terme, les maisons, même si elles tiennent la position de
ne pas en faire, vont vivre très difficilement la capacité de maintenir cette
position dans le long terme à cause des pressions qu'elles vont subir, du discours
qui va se faire à l'effet que les soins palliatifs, dans le fond… Parce que c'est
ce qu'une des maisons, en Belgique, vit, et
c'est ce que des unités de soins palliatifs qui ne font pas d'euthanasie
vivent, se faire dire que leurs soins palliatifs,
à un moment donné, deviennent futiles et cruels, se faire dire que les… ils
sont… se faire dire : Bien, si vous les laissez mourir à petit feu
comme ça, on va vous couper le financement. Ça, ça fait partie d'une certaine…
Parce que le
militantisme n'arrête pas le lendemain que le projet de loi est adopté. Parce
que le militantisme continue parce qu'après ça il y a une volonté de vouloir l'étendre,
de vouloir des nouveaux amendements, de vouloir un élargissement et de mettre de la pression sur les institutions qui n'en
offrent pas. C'est la réalité de la Belgique, ça sera la réalité du
Québec. Et c'est clair que les maisons auront à naviguer dans un environnement
qui parfois deviendra peut-être hostile
parce qu'elles maintiennent une position de ne pas en faire. Donc, pour moi, c'est
difficile de voir du positif dans le
projet de loi tant qu'il va maintenir cette association et qu'il va introduire
l'aide à mourir comme quelque chose qui fait partie des soins
palliatifs.
Le Président (M.
Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition
officielle. Maintenant, pour le deuxième bloc du gouvernement, il vous reste
neuf minutes. Mme la ministre.
Mme
Hivon : Merci. Alors, maintenant, j'aimerais poursuivre en
se mettant de la perspective du citoyen. Donc, c'est sûr que nous, on
vous entend comme maison de soins palliatifs. Vous parlez aussi des soignants,
la souffrance des soignants, je vais y
revenir parce que je pense que c'est un élément important qu'il ne faut pas sous-estimer. Mais je pense
que la souffrance des soignants, elle est déjà présente dans beaucoup
de situations, et c'est une réalité de la pratique de la
médecine, évidemment, à l'heure actuelle. Perspective du citoyen, donc. Alors,
on l'a vu la semaine dernière, on a Dr Low qui a fait un appel en prévision de
son décès qui est survenu huit jours après qu'il ait enregistré une vidéo
demandant qu'on considère — il
s'adressait au gouvernement fédéral — la possibilité, donc, de
prévoir le suicide médicalement assisté. Lui, c'est les termes qu'il employait.
Dr Low, on pourrait s'imaginer qu'étant un médecin, qu'étant quelqu'un de très reconnu, j'imagine qu'il était capable d'obtenir
des soins pour diminuer ses souffrances. En tout cas, je trouve ça surprenant
si ce n'est pas le cas, mais c'est peut-être possible, là. Mais il disait : Vivez quelques
heures... j'aimerais ça que quelqu'un vive quelques heures dans mon corps et qu'il
continue à dire que ça n'a pas de bon sens de penser, par exemple, à pouvoir
permettre une aide en fin de vie pour mourir.
On a M. Georges C.
qui a fait l'objet, dans Le Soleil, de deux articles, au cours des
dernières semaines, qui, il y a quelques semaines, demandait... Il était dans une
unité de soins palliatifs dans un hôtel de Québec et il demandait
que le projet de loi n° 52 passe parce
qu'il vivait des souffrances
excessivement pénibles. Il n'était pas laissé à lui-même, là, il était
dans une unité de soins palliatifs. Et là, en date d'hier, il y a un autre article
qui nous dit qu'il est décédé. Sa femme continue à demander qu'on adopte le projet
de loi n° 52 parce que finalement il a eu une sédation palliative terminale, mais ce n'est pas ça qu'il voulait. Et
lui l'a eue au bout de semaines de souffrances et à essayer de
convaincre une équipe médicale.
Alors,
je pense que c'est important de... Ça peut apparaître des cas anecdotiques pour
certains soignants, mais, pour les
gens qui sont dans la position dans laquelle on est, on n'a pas le choix d'entendre
ces cas-là. Vous-même, vous
avez reconnu, dans votre mémoire, lors des
travaux de la commission, qu'il y avait de 5 %
à 6 % des gens que vous receviez à Michel Sarrazin qui avaient
des souffrances réfractaires et pour lesquels vous deviez en arriver à une
sédation continue. Vous me corrigerez si ce n'est plus le cas.
Et
il y a une étude, en 2007, d'une équipe de chercheurs canadiens qui ont suivi
huit services de soins palliatifs réputés
du Canada, dont un au Québec, auprès de 379 gens atteints de cancer en phase
terminale, et, parmi ces gens-là, il y avait 5,8 % des gens qui, le jour même,
auraient demandé une aide médicale à mourir. Et, à chaque semaine, on
faisait le même test auprès de ces gens-là,
et ils auraient toujours formulé cette demande, ce qui, je pense, tend vers la
réalisation qu'il y a des gens qu'on n'arrive malheureusement pas à soulager de
leurs souffrances malgré qu'ils soient dans des meilleures unités.
Donc, c'est sûr que j'aimerais
vous entendre là-dessus. Et je vous amène sur le point parce que vous allez probablement m'invoquer... Je suis au résumé de votre mémoire, à la page 3, le point d, et vous
parlez de l'impuissance des soignants,
qu'il faut admettre, il faut admettre qu'il
y a des situations
d'impuissance. Et vous dites : «Refuser de reconnaître cette
impuissance peut procurer une illusion de toute-puissance de l'humain, par la
science, sur la vie et la nature. L'environnement en fin de vie est fragile et,
pour le préserver, nous privilégions un lâcher-prise, plutôt qu'une ultime
recherche de contrôle.»
Mais
moi, je me demande qui décide de ce lâcher-prise-là. Est-ce que
c'est le soignant qui doit dicter au patient qu'il doit lâcher prise, et donc qu'on ne peut pas tout contrôler, et
que c'est au patient de lâcher prise? Et au bénéfice de qui? Je
comprends que, pour le soignant... Puis, je vais vous le dire comme on l'entend,
là, il y a beaucoup de gens qui nous
disent : C'est sûr que c'est plus confortable pour les soignants de ne pas
faire face à ces demandes-là ou à cette réalité-là, mais qu'est-ce qu'on
fait de la perspective du patient? Est-ce qu'on lui impose un lâcher-prise pour
faire en sorte que les soignants qui sont en soins palliatifs puissent ne pas
souffrir de ces demandes-là? Puis…
Le Président (M.
Bergman) : ...
Mme
Hivon :
Oui, O.K. Bon, allez-y.
Le Président (M.
Bergman) : Dr L'Heureux.
M. L'Heureux
(Michel) : On fera les deux...
M. Richard
(Louis-André) : Oui. J'aimerais réagir tout d'abord...
Le Président (M.
Bergman) : M. Richard.
• (11 h 50) •
M. Richard (Louis-André) : Merci. Cette citation que vous faites, il ne faut
pas l'interpréter comme vous le faites. En fait, ce n'est pas notre intention. Nous, on fait simplement exprimer
par là l'expérience de la maison. Parce
que cette question du lâcher-prise, ce n'est pas seulement pour le
médecin, c'est l'expérience des patients qui, en toute fin de vie — et
c'est le lot de tous les êtres humains — doivent
lâcher prise, laisser la famille, laisser les biens, et tout. C'est dans
ce sens-là seulement que c'est utilisé, pas comme quelque chose de moralisant,
qui devrait être une espèce de ligne de conduite à imposer au médecin traitant.
Pour
ce qui est de la question des exceptions, nous, nous en avons traité, et
moi, je suis toujours ébahi devant le fait… devant la façon dont vous amenez la chose. Il y a
des exceptions, c'est entendu. Du point
de vue politique, ça peut toujours
arriver, une exception. La question, c'est de savoir comment on compose avec
cette exception. Nous, notre position, c'est
qu'on n'a pas besoin de toucher à la loi, on n'a pas besoin d'en faire une. La
façon de gérer les exceptions… et,
surtout quand vous donnez comme exemple des gens qui passent par les médias, il
faut être très, très, très prudent sur la façon d'interpréter ces cris du coeur via les médias, parce que
ça, ce n'est pas la vraie vie. Il y a des combats, et souvent des combats politiques,
derrière.
Encore une fois, dans
les maisons, à Michel Sarrazin en particulier, il y a très, très peu de
demandes et des demandes qui se
métamorphosent en cours de route sur la base qu'il y a une relation qui s'établit
entre les personnes, puis cette
espèce de lâcher-prise auquel on fait référence est une réalité qu'on
expérimente. Nous, là, c'est ça qu'on cherche à protéger. On cherche à le protéger pour les patients de la maison, pour
tous ces citoyens qui se ramassent chez nous et qui doivent faire face à
cette condition terrible à laquelle nous devons tous faire face. Et l'expérience,
depuis le début, tend à montrer, toujours en reconnaissant qu'il pourra y avoir
des exceptions et qu'une exception doit rester une exception... Les chiffres
auxquels le docteur L'Heureux faisait référence tout à l'heure, pour moi, sont
très éloquents.
Quand
on change la loi, quand on en crée une et qu'on permet l'aide médicale à mourir, donc l'euthanasie, ceci a une conséquence
directe sur ce qu'on appelle le tissu social. Je connais des gens dans mon
entourage qui se disent pour l'euthanasie
parce qu'ils ne veulent pas souffrir,
et j'en suis, c'est-à-dire je ne veux pas souffrir. Mais, quand j'entends
les gens parler comme ça et que j'ai l'occasion
de leur expliquer, ils comprennent très bien par la suite. Il n'y a pas de
raison d'aller si vite avec un projet de loi
comme celui-là puisque toute l'éducation est à faire, encore. Et il faut
entendre le citoyen de la bonne
façon, entre ce qu'il perçoit, qui est, je dirais, propulsé par sa peur, puis
ce qu'il vit réellement en fin de vie. C'est
de ça dont nous, on veut témoigner, ce qui se vit réellement en fin de vie dans
une maison où l'expérience montre que si, majoritairement, les
intervenants en soins palliatifs sont frileux avec l'idée de votre projet de
loi, c'est qu'il y a une expérience derrière qui les amène à ce frisson. Et c'est
ça que je pense que vous n'entendez pas toujours bien.
Vous avez fait
allusion, Mme Hivon, tout à l'heure, à la position du Collège des médecins qui
disaient qu'ils entendaient, eux, des
médecins qui se trouvaient dans des situations difficiles puis qui demandaient
cette loi-là pour leur faciliter la
tâche. Moi, j'aimerais bien savoir lesquels, c'est-à-dire lesquels dans le sens
de quelle spécialité proviennent-ils, parce que mon expérience, notre
expérience de ceux des médecins qui oeuvrent en soins palliatifs — et
vous les avez entendus à la commission — donc ceux qui sont directement concernés par
le sujet, très majoritairement, sont frileux.
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion.
Mme
Hivon : Je veux juste dire, parce que je vous suis
parfaitement, ce n'est pas la même chose pour une personne qui n'est pas dans une situation de fin de vie que celle qui
est dans une situation de fin de vie. C'est pour ça que, dans mes remarques, j'ai parlé de deux cas, de
deux personnes qui, oui, ont interpellé les médias, mais moi, je pense
que, quand tu es en fin de vie puis que tu
interpelles les médias, c'est peut-être parce que tu vis toute une détresse,
parce que tu as pas mal d'autres chats à fouetter. Et je vous soumets ça
comme ça.
Et
l'autre élément, c'est 5 % à 6 %... Quand je vous ai parlé des
5 % à 6 % des cas qui avaient des souffrances réfractaires, c'étaient des gens qui étaient dans
des unités de soins palliatifs. Je ne vous parle pas, là, des gens en
général. Je vous parle de ces gens-là en fin de vie. Je veux juste que ça soit
clair.
Le Président (M.
Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement. Pour le
dernier bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. J'aimerais vous poser une question, puisqu'il y a une
clause qui vous touche directement. Est-ce que l'introduction de l'article 65
dans le projet de loi, qu'on nous a présenté comme étant la «clause Michel Sarrazin», est-ce que c'est une
disposition qui vous satisfait ou est-ce que vous avez des commentaires
additionnels à formuler sur cet article-là?
M. L'Heureux
(Michel) : Bien, écoutez...
Le Président (M.
Bergman) : M. L'Heureux
M. L'Heureux
(Michel) : Excusez. À partir du moment où on permet à la maison
Sarrazin qui, dès… c'est son origine, a dit
que c'était quelque chose d'exclu dans nos murs et qu'on entend toujours
maintenir cette position dans le futur, même si on sait qu'on
naviguerait dans un environnement plus difficile, est-ce qu'il doit être
reformulé? L'important, c'est qu'il dise ce
qu'il a à dire. Ça dit qu'on peut continuer à n'offrir que des soins palliatifs — sous-entendu,
incluant la sédation palliative continue — et
qu'on n'est pas tenus d'ajouter dans l'offre de services, en tant qu'établissement, l'aide médicale à mourir. C'est certain que, pour nous, c'est important
de préserver cette idée. Quelle que soit la manière que vous le nommez, il faut préserver cette idée.
C'est certain qu'on n'est pas à la merci qu'un législateur, dans 10 ans, dans
15 ans, décide de retirer cet article-là, et c'est pour ça qu'au départ on
préférerait qu'il n'y ait pas d'aide à mourir dans la loi. C'est ça,
puis…
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Donc, est-ce qu'il serait, advenant… Bien, évidemment,
on doit regarder toutes les options de… en tout cas, à titre de
parlementaires, voir... ne sachant pas de quelle façon... quel sera le projet
de loi qui ultimement sera présenté devant
les parlementaires. Est-ce qu'il serait opportun de dire clairement qu'on vous
dispense d'offrir l'aide médicale à mourir? Parce que ce n'est pas
clairement indiqué comme tel dans le libellé de l'article 65, puisqu'on dit «n'offre que des soins palliatifs». Mais, bon,
est-ce qu'il devrait être spécifiquement défini que vous n'avez pas d'obligation
ou vous êtes dispensés d'offrir l'aide médicale à mourir?
Le Président (M.
Bergman) : Dr L'Heureux.
M. L'Heureux
(Michel) : C'est vrai autant pour la maison Sarrazin que pour l'ensemble
des maisons dans l'article 14. Quand on fait des phrases par la négative ou qu'on
dit… qu'on sous-entend, à travers un phrase pour les maisons, que… doit
indiquer au patient, avant qu'il fasse une demande, quels sont les soins de fin
vie qu'elle offre, sous-entendu qu'elle
pourrait en retirer dans la liste, dont l'aide à mourir, ce n'est pas la même
chose que de dire que la maison peut
choisir de ne pas offrir l'aide à mourir. Ça, c'est certain qu'une phrase
directe est beaucoup plus claire qu'une façon de le décoder à travers la
lecture du projet de loi ou à travers la lecture de l'article par un
sous-entendu. C'est vrai aussi pour l'article
65. À partir du moment où on l'affirme plus clairement que par une négative, c'est
certainement plus acceptable ou, en tout cas, plus clair pour tout le monde.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Merci. Vous avez devancé ma question. Je vais céder la parole à mon collègue.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Oui,
moi, je voulais revenir là-dessus. Bon, mettons l'hypothèse qu'on comprend que vous êtes contre, mais,
advenant le cas que le projet de loi passe et qu'au Québec soit
disponible l'aide médicale à mourir, vous
seriez pour qu'au moins les maisons de soins palliatifs, ce soit clair qu'elles
affichent leur choix. Et ce sera le
choix du patient, à ce moment-là, s'il va là ou pas, mais, s'il va à la maison
de soins palliatifs, il peut s'attendre — et c'est à peu près
certain — qu'il
n'aura pas l'aide médicale à mourir. Il va avoir la sédation palliative, mais
il n'aura pas l'aide médicale à mourir.
Le Président (M. Bergman) :
Dr L'Heureux.
M.
L'Heureux (Michel) : Oui, mais il faudrait aussi que ce soit clair qu'en
tant qu'établissement — moi,
j'occupe à la fois la fonction de directeur
général et de DSP — il
faudrait que ce soit clair que, si un patient fait la demande quand même, on n'est pas assujettis à tout le
processus de la loi et que… parce que, sinon, ça devient, par en arrière,
être obligé de s'assujettir indirectement à…
Et moi, je ne voudrais pas avoir, comme DSP, l'obligation de trouver un
autre médecin dans un autre établissement
pour… ou trouver un hôpital prêt à reprendre le patient. Mais, selon le
processus que la loi édicte, alors c'est sûr
qu'il faut que ça soit, le plus possible, clairement défini. Je n'avais pas
vraiment réfléchi à cette question,
mais vous la posez, puis là je réfléchis tout haut en voyant venir que, oui,
effectivement, il y a, à cause de la nature de notre établissement, une
mécanique à laquelle on serait assujettis, même si on dit d'avance…
Parce que ça ne veut
pas dire qu'un patient ne le demandera pas en cours de route ou ne voudra pas
signer un formulaire que la loi aura
prescrit pour le faire. Mais, encore là, même si on met toutes ces balises-là,
le dommage, ça va être l'effet des
pressions de l'environnement pour changer nos positions, pour se faire dire que
ce qu'on fait n'est plus acceptable, est inhumain, qu'on n'a pas de
compassion pour les M. Georges et les Dr Low de ce monde, alors que ce n'est
pas vrai.
• (12 heures) •
Il y a 10 jours, on
avait un colloque. Il y avait 140 personnes de soins palliatifs qu'on a
réunies, le Colloque Yves Quenneville, qu'il
s'appelle. D'ailleurs, je veux remercier la ministre pour l'aide
discrétionnaire qu'on a eue pour la tenue de ce colloque. On était sur
cette question, mais on a placé les soignants dans une posture de se rappeler
les situations difficiles où il y avait
des demandes de patients pour mourir et comment elles avaient soit bien évolué
soit mal évolué en termes de qu'est-ce qui étaient les approches, qu'est-ce qui
avait changé la donne ou qu'est-ce qui n'avait pas bien fonctionné. Et, parmi les éléments, il y a la
notion de temps dont je vous ai parlé tout à l'heure, mais il y a aussi toute
cette posture de rester en relation, de
rester accompagnant sans juger cette personne, de lui garantir qu'on ne
l'abandonnerait pas, qui était beaucoup plus
efficace que de travailler dans un discours rationnel d'essayer de la
convaincre de changer d'idée.
Le lâcher-prise, ce n'est
pas la convaincre de lâcher prise, c'est le soignant, de dire : J'atteins
mes limites et j'accepte avec humilité de
les partager, même avec le patient, puis de lui dire : Regarde, je suis
aussi impuissant que toi dans la
situation, mais je vais être encore là demain, je ne t'abandonnerai pas. Et c'est
étonnant comment, à travers cet échange
et cette admission d'impuissance, parfois il y a de l'imprévu et de l'inattendu
qui se passe. Je n'ai pas le temps, avec
le temps qui est limité, de vous raconter des histoires particulières, mais il
y en a autant, d'histoires particulières qui ont évolué, où les demandes ont changé, dans des situations qui avaient l'air
dramatiquement sans issue qu'il y en a d'histoires tristes qui sont
médiatisées puis qui peut-être auraient pu évoluer différemment s'il y avait eu
une autre approche d'intervention avec eux.
Puis je ne veux pas blâmer, je ne veux pas juger, on ne connaît pas toute la
vérité de chacune de ces histoires. Et il faut faire attention, comme
élus, d'avoir un sentiment d'urgence d'agir à toutes les fois qu'il sort une
situation de détresse comme celles-là dans les médias. Et c'est pour ça qu'on
pense qu'il n'y a pas d'urgence d'agir.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous reste une
minute.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Oui, merci, M. le Président.
Moi, je sais que, dans ce dossier-là, toute la question de la fin de vie, il y a toujours des situations qui
sont difficiles, quelle que soit la loi. Mais un des problèmes que nous
avons, lorsque ce n'est pas clair... Entre autres, vous avez dit : La
définition des termes doit être claire, l'attente du patient doit être claire, la position de l'établissement
doit être claire. Mais, quand on part par la négative ou qu'on fait des
sous-entendus un jour, oui, quelqu'un qui
est militantiste, d'un côté ou de l'autre, va utiliser la loi en faisant des
propositions ou en ayant des prétentions,
mais la réalité, c'est parce que la loi n'aura pas été claire. Notre rôle de
législateurs, là, si on allait dans
ce sens-là, c'est au moins de mettre des balises de protection puis de s'assurer
que tous comprennent la même chose par rapport à l'application de la
loi.
Mais
moi, ma notion, c'est : quel que soit l'état du droit, il y a toujours des
situations qui sont difficiles. On est en fin de vie, et il y a toujours
des situations très particulières qu'il va falloir gérer au cas le cas. Et la
loi ne pourra pas tout prévoir, mais au moins mettons une loi qui répond à la
clarté pour que les gens sachent à quoi s'attendre. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps de l'opposition
officielle s'est écoulé. Pour le deuxième groupe d'opposition, Mme la
députée de Groulx.
Mme
Daneault : Merci, M. le Président. Merci de votre présence.
Vous avez mentionné dans votre intervention, au début, que, malheureusement, dans le projet de loi, on nommait les
termes, mais on ne les définissait pas. Lesquels, selon vous, devraient
être définis?
Le Président (M.
Bergman) : Dr L'Heureux.
M. L'Heureux (Michel) : À partir du moment où on choisit d'intégrer la
notion de soins palliatifs dans la loi, je pense qu'il faut définir «soins palliatifs» puis il y a des définitions
reconnues. Celle de l'OMS est certainement la meilleure.
«Sédation palliative
continue», où la définition permettrait de bien préciser qu'on est en phase
terminale, que la personne s'endort et ne se
réveillera pas, qu'elle va mourir de sa mort naturelle mais en étant en
sédation. Les définitions de «sédation palliative continue», il y en a
plusieurs très bonnes dans la littérature scientifique. L'association
canadienne, américaine, européenne, française, ils ont des belles définitions
de la sédation palliative continue.
Je pense, c'est les deux termes qu'on vous
invitait à regarder au lieu de «sédation palliative terminale» puis de définir
les soins palliatifs sans y intégrer toute notion d'aide à mourir ou toute notion
qu'on peut hâter la mort ou la provoquer. Et je pense que, si vous devez laisser ces notions dans le
projet de loi, vous devez les définir. La troisième, on ne vous suggère
pas de la définir, on vous suggère de la retirer.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault :
Merci, M. le Président. Vous avez aussi mentionné l'expérience de la Belgique,
là, dont on a fait état à plusieurs reprises depuis le début de la
commission. Ce qui nous avait été rapporté et moi, ce que j'ai lu, là, en me préparant, c'était finalement que l'expertise
de la Belgique n'était pas tant qu'il y avait de la dérive qui faisait
que le nombre de cas augmentait de façon annuelle, mais bel et bien qu'il y avait une acceptabilité grandissante au
niveau de la société et que, bon, la pratique étant bien mieux connue,
je dirais, et sans dérive faisait en sorte que de plus en plus de gens, de plus en plus de patients adhéraient à
cette pratique-là et à cette demande-là. Alors, ce que je comprends de votre
intervention, c'est que vous n'avez pas eu du tout les mêmes échos. J'aimerais
vous entendre à cet égard.
Le Président (M. Bergman) : Dr
L'Heureux.
M. L'Heureux (Michel) : Bien, vous
venez, dans votre propre question, d'amener un élément de la réponse. L'intention initiale… Je n'étais pas en Belgique
en 2002 quand le débat a commencé, mais, si on regarde notre propre débat, on a un Collège des médecins qui veut
introduire la notion de l'euthanasie dans des circonstances très précises
d'écourter des agonies difficiles. Puis on
est rendus avec un projet de loi qui ressemble à la Belgique, où on permet à
des gens, des mois avant leur décès,
qui ont des souffrances réfractaires qu'eux jugent intolérables, avec un cadre
qui dit : Une maladie incurable avec une déchéance avancée… Mais
«avancée», ça peut être… il peut rester encore un an de survie. Je veux
dire, on n'est pas dans un cadre où on vient
avec l'intention initiale de dire : Ce sont des exceptions, puis ce sont
des cas très rares et isolés. On est
rendus où ça devient justement une conception sociale acceptée que, quand on
arrive en fin de vie, on peut choisir les soins palliatifs, ou l'euthanasie,
ou faire un bout de soins palliatifs puis, à un moment donné, dire : C'est
assez, ma vie est accomplie, je suis tanné de souffrir.
Et il y a des
recherches qui ont analysé… qui ont catégorisé les personnes qui font des
demandes d'euthanasie ou d'aide à mourir en quatre ou cinq catégories.
Il y a celles pour qui c'est une notion de contrôle absolu : J'ai le droit
à déterminer quand est-ce que je veux
mourir. Et puis ils sont malades, là, on ne parle pas de gens bien portants.
Ils sont malades, mais l'argument
fort de leur demande, c'est autour de : J'ai le droit de décider quand
est-ce que je veux mourir. Il y en a
qui sont vraiment épuisés d'une maladie qui a été épuisante pour eux pendant
des années puis qui ne fait plus de sens pour eux. Il y a ceux qui sont
déprimés. Il y a ceux qui sont vraiment dans des souffrances très réfractaires,
que même les souffrances physiques… et c'est
dans ces cas-là, souvent, le 5 % à 6 %, qu'on va faire de la
sédation. Mais on est rendus souvent…
Ces souffrances réfractaires multiples, à la fois physiques et psychologiques,
sont souvent seulement dans la dernière semaine de vie, et c'est là que
la sédation continue peut entrer en jeu.
Mais les
personnes qui perdent du sens à leur vie, qui trouvent que… ou qui ont peur de
souffrir dans six mois, dans un an, ou qui ont peur d'être un fardeau
pour leurs proches, ou qui ont peur de toutes sortes de choses mais qui sont anticipées et qui préfèrent mourir maintenant qu'attendre
l'issue naturelle de leur maladie, c'est ça qui est permis maintenant en
Belgique et c'est ça que votre projet de loi ouvre la porte clairement. Ce n'est
plus la notion de la petite exception de, quelques jours avant le décès, on
écourte l'agonie parce que la sédation ne s'applique pas ou la personne ne veut
pas la sédation.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est
écoulé. Alors, Dr L'Heureux, Pr Richard, merci pour votre présentation,
merci d'être ici avec nous aujourd'hui.
Et la commission suspend ses travaux jusqu'à 16
heures cet après-midi. Merci, collègues.
(Suspension de la séance à 12 h 8)
(Reprise à 16 h 1)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses
travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Nous allons
poursuivre sans plus tarder les consultations particulières et les auditions
publiques sur le projet de loi
n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie.
Je souhaite
la bienvenue à nos invités. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation,
suivie d'un échange avec les membres de la commission. Alors, c'est l'Observatoire
Vieillissement et Société. Bienvenue. Alors, vous avez le micro. Vous nous
donnez vos noms, vos titres et votre présentation.
Observatoire
Vieillissement et Société (OVS)
M. Ledoux (André) : M. le Président,
Mme la ministre Hivon, chers membres de la commission. André Ledoux, je suis
retraité de l'enseignement, auteur de plusieurs ouvrages sur la santé et le
vieillissement, et président du Comité
Mourir dans la dignité de l'Observatoire Vieillissement et Société. Alors, je
vais demander à mes collègues de se présenter à leur tour.
Mme Jeliu (Gloria) :
Gloria Jeliu, pédiatre de profession et jeune retraitée depuis quelques années.
Mme
Destrempes (Denise) : Alors,
Denise Destrempes, je travaille à l'Observatoire Vieillissement et Société
comme vice-présidente et je suis secrétaire au conseil d'administration de l'observatoire.
M. Tessier
(Claude) : Claude Tessier, vice-président Affaires publiques pour l'Observatoire Vieillissement et Société,
sociologue de profession et, dans mes temps libres, je fais des tableaux. Je n'en
ai pas à vendre aujourd'hui. Et
je vais laisser la parole à mon collègue
André, qui est, à toutes fins pratiques, l'auteur de ce mémoire,
avec qui on a travaillé très longtemps et de façon très ardue. Et je
pense que vous aurez beaucoup de questions quand nous aurons terminé la
livraison de ce mémoire. André.
Le Président (M. Bergman) :
Alors, M. Ledoux.
M. Ledoux
(André) : Alors, nous sommes
très heureux, en tant que membres de l'Observatoire Vieillissement et Société,
de vous présenter ce mémoire sur le projet de loi n° 52.
L'Observatoire
Vieillissement et Société a été créé en 2003. Nous célébrons donc cette
année son 10e anniversaire. Organisme
sans but lucratif, il doit être
considéré comme une structure relativement unique. L'OVS vise à
promouvoir le bien-vieillir des aînés et
aide la réflexion et la prise de décision individuelle ou collective sur les
défis engendrés par le vieillissement de la population et ses
conséquences sur la société. Son activité s'exerce dans le cadre général de la
lutte à l'âgisme.
Partenaire de
l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal, l'OVS croit qu'il
peut maintenant être considéré comme une fenêtre ouverte sur notre société. L'OVS fonctionne principalement grâce au bénévolat des personnes âgées, retraitées ou préretraitées. Il compte plus de 3 500 membres correspondants. Son site
Internet est consulté mensuellement par
un très grand nombre de personnes. L'organisme joue un rôle de vigie sociale
dans différents domaines où l'âgisme peut se manifester de façon insidieuse
ou évidente : la santé, le droit, le travail, la finance, le maintien à
domicile, le multiculturalisme, la retraite, les transports, etc. L'OVS exerce
son rôle grâce à l'aide de vigies, qui sont des aînés volontaires, compétents
dans les différents domaines d'intérêt liés à sa mission.
Le Comité Mourir dans la dignité de l'OVS, que
je présidais, est formé de professionnels de la santé, de bioéthiciens et d'autres
domaines. Il a été mandaté pour entreprendre une étude, concrétisée dans le
présent mémoire. Considérant la divergence des opinions, nos réflexions nous
ont amenés à nous poser davantage de questions que de prendre une position ferme sur le projet de loi n° 52.
Le comité d'étude de l'OVS a voulu se prononcer sur le projet pour attirer l'attention du législateur sur un certain nombre de points qui l'interpellaient.
Nous croyons que nos commentaires, sous
forme de questions qui apparaissent dans la conclusion de notre mémoire,
contribueront sans doute à bonifier cette loi sur les soins de vie.
Alors, je passe rapidement au coeur de… aux
éléments essentiels de l'exposé, qui touchent la maîtrise de la souffrance, les dérives, le dérapage, le rôle des
infirmiers. Et j'arrive tout de suite à la conclusion, qui est, bien sûr, la
base même de notre intervention. Le comité,
misant sur la sagesse et le respect des opinions démocratiques, ne prendra
donc pas fermement position sur la question
du mourir dans la dignité. Tout au plus, il tient à formuler les interrogations
suivantes sur le projet de loi n° 52 :
Les soins
palliatifs sont-ils en mesure de toujours bien contrer la souffrance morale? Au
point de vue chronologique, quels critères doit-on octroyer à la fin de
vie? C'est quoi, la fin de vie? Une semaine, un mois ou plus? Une personne mineure atteinte d'une maladie grave et incurable,
qui répond aux critères 2°, 3° et 4° stipulés à l'article 26 n'a-t-elle
pas le droit de mourir dans la dignité comme
les personnes majeures? Ne s'agit-il pas d'une forme de discrimination? Le
consentement libre et éclairé chez un patient en fin de vie pose souvent
problème. Comment s'assurer d'une lucidité satisfaisante
chez un malade pour qu'il soit apte à prendre une décision? Cette question
touche surtout l'article 26 de la loi.
Comment un
patient dont la situation médicale se caractérise par une déchéance avancée de
ses capacités peut-il prendre une décision claire et sans ambiguïté
quant à sa fin de vie? Faudrait-il donner une formation minimale en soins de vie à toutes les personnes qui y
travaillent, particulièrement aux médecins chargés de l'aide médicale à
mourir? La souffrance morale et
psychologique peut-elle être évaluée d'une manière précise? Les balises de la
future loi pourront-elles permettre d'éviter
le plus possible les dérives de l'assistance médicale à mourir? Y aurait-il
lieu de faire une implantation graduelle de la loi n° 52, par
exemple, dans une grande ville et deux régions, pour en mesurer toute la
portée?
La future loi
sera accompagnée d'un guide des droits des personnes en fin de vie pour bien
expliquer la situation. Que fera le
49 % de la population québécoise qui éprouve des difficultés en lecture?
Des tensions pourraient-elles survenir entre les autorités
gouvernementales et des établissements qui voudraient se soustraire à la future
loi? Puissent ces questions alimenter la
réflexion de tous ceux qui travaillent à la mise en place de la future loi et
que notre intervention contribue finalement à répondre aux aspirations
de la société québécoise en ce qui touche la fin de vie. Merci.
Le
Président (M. Bergman) : M. Ledoux, merci pour votre
présentation. Et maintenant, pour le premier bloc du gouvernement, Mme
la ministre.
• (16 h 10) •
Mme
Hivon : Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue à vous quatre, représentants, donc,
de l'observatoire sur le vieillissement et
la société. M. Ledoux, Mme Jeliu, M. Tessier, Mme Destrempes, donc, merci.
J'ai pris connaissance de votre mémoire avec
beaucoup d'intérêt. Et effectivement vous nous posez beaucoup de questions… puis pour alimenter notre
réflexion. Je dois vous dire que nous alimentons notre réflexion de manière
intensive depuis quelques
semaines, et moi, j'ai la chance de l'avoir fait aussi depuis maintenant
quelques années. Donc, c'est certain que je pense qu'on est tout le
temps dans un processus continu pour approfondir cette réflexion-là.
Mais, dans un
premier temps, moi, j'aimerais vous entendre parce que vous soulevez des
questions, et, si vous les soulevez,
j'imagine que vous aussi, vous y avez réfléchi. Vous parlez, à la page 12 de
votre mémoire, du palliativisme. Vous
êtes les premiers qui nous parlez du palliativisme, et j'aimerais savoir ce que
vous entendez par ça, parce que vous faites référence à comment les
choses se déroulent dans les unités de soins, et tout ça. Donc, j'aimerais ça
que vous élaboriez sur la notion.
Le Président (M. Bergman) :
M. Ledoux.
M. Ledoux (André) : Bon. Alors,
écoutez, pour nous, le palliativisme, ce serait une sorte de déformation de
toute la philosophie des soins palliatifs. Je m'explique. J'ai travaillé en
soins palliatifs, je travaille encore en soins palliatifs, et, dans les lieux de soins palliatifs, il s'établit des
contacts entre les divers professionnels, il se crée une mentalité, une
ambiance qui font que ces unités de soins palliatifs, qui croient beaucoup en
leur mission, visent essentiellement à prolonger la vie, je dirais, presque à
tout prix. Alors, c'est une façon de voir qui s'oppose fermement à l'esprit du
projet de loi n° 52.
Alors donc,
en gros, le palliativisme... qui ne touche pas, remarquez-le bien, toutes les
unités de soins palliatifs, mais ça
arrive dans plusieurs endroits, où il y a cet esprit de... bien, oui, un esprit
de clan, entre guillemets, qui fait qu'on pense avant tout à sauvegarder
les valeurs des soins palliatifs, malheureusement, au détriment d'une
prolongation indue de la vie.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui. Merci beaucoup. En même temps, l'approche palliative en elle-même, du moins,
lorsqu'elle intervient en fin de vie, on se comprend qu'elle est là pour
prendre compte de la situation globale de la personne, atténuer ses souffrances morales ou physiques, s'occuper aussi, je
dirais, de son bien-être global dans ses derniers moments de vie. Donc, normalement, la culture palliative,
quand même, c'est assez clair qu'elle n'est pas là pour prolonger, mais,
comme on nous disait ce matin, pour
accompagner de la meilleure manière possible les gens en fin de vie, pour
qu'ils aient le plus grand confort possible.
M. Ledoux (André) : Tout à fait.
Le Président (M. Bergman) :
M. Ledoux.
M. Ledoux
(André) : Remarquez que c'est
tout à fait… très subtil, là, cette question de culture palliativiste,
et ça ne saute pas toujours aux yeux,
puisque c'est une ambiance, une mentalité. Alors, nous en avons contre le
palliativisme, cette déformation des soins palliatifs, parce que nous croyons
que ça puisse nuire à des patients qui voudraient quitter plus rapidement.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui. Vous
parlez, dans votre... En fait, ce qui est intéressant, c'est que, quand on lit
toutes vos questions une à la suite de l'autre, visiblement vous ne vous êtes
pas cantonnés dans un seul créneau, parce qu'il y a certaines de vos questions qui pourraient nous laisser entendre que vous
voudriez un élargissement de la loi et d'autres, au contraire, qui
peuvent nous laisser entendre que vous voulez qu'on donne un champ plus limité
à la loi.
Donc, je vous
donne un exemple. Vous dites, par exemple : Est-ce qu'on ne devrait pas
permettre à une personne mineure qui
répondrait aux mêmes critères d'avoir accès à l'aide médicale à mourir? Je vous
poserais la question aussi : Est-ce
que vous vous êtes demandé si ce pourrait être le cas pour une personne devenue
inapte, par exemple, qui était apte, mais qui, au fil du temps, est
devenue inapte et qui aurait pu écrire dans ses directives anticipées qu'elle
souhaite, dans de telles circonstances, avoir une aide médicale à mourir?
Donc, ça, ça me laisse entendre que vous
pourriez nous suggérer un certain élargissement pour ce qui est des personnes
qui auraient accès à l'aide médicale à mourir. Par ailleurs, vous nous
dites : Il faut s'assurer clairement qu'il
ne puisse pas y avoir de dérives, donc il faut avoir des critères très stricts.
Donc, j'aimerais ça que vous m'expliquiez, pour vous, votre préoccupation,
elle se situe à quel niveau quand on parle de l'admissibilité à l'aide médicale
à mourir et aux critères qui sont prévus dans le projet de loi.
Le Président (M. Bergman) :
M. Ledoux.
M. Ledoux (André) : …oui, Gloria.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Jeliu.
Mme Jeliu (Gloria) : Écoutez, j'aimerais
peut-être aborder le problème qui est particulièrement complexe, qui est celui
des soins de fin de vie et nous rappeler que nous avons discuté longuement et
soigneusement avec nos collègues de l'Observatoire Vieillissement et Société. Et je pense, personnellement, comme nos collègues,
que la loi et que le projet de loi n° 52 s'inscrivent dans une
mouvance sociétale bien précise, celle qui, depuis 30 ou 40 ans, a érigé comme
principe supérieur l'autonomie de la personne. Et c'est au nom de cette
autonomie que nous avons connu des avancées
précises dans certains changements au niveau de la relation médecin-patient,
changements qui ont transformé la relation
médecin-patient, qui, souvent, était empreinte d'un certain autoritarisme, pour
la transformer dans une relation basée sur l'écoute et la collaboration.
Ceci étant
dit, je dirais que le projet de loi n° 52 est un projet moderne, en accord
avec les désirs des bien-portants, des
personnes qui ne sont pas encore vieilles. Car je nous le rappelle que, quand
on est jeunes, la mort est une abstraction relativement lointaine, et,
quand on vieillit, on a le nez dessus. Donc, il est important de savoir jusqu'à
quel point les personnes âgées ont été réellement consultées comme groupe par
rapport au contenu très précis de la loi n° 52.
Par rapport
aux questions qui ont été soulevées, c'est-à-dire le rôle que la loi pourra
exercer sur des mineurs et sur des adultes qui sont devenus inaptes
alors qu'ils étaient relativement jeunes, je pense que la loi ne s'est pas
encore clairement penchée sur cet aspect. C'est
un aspect particulièrement important, et je dirais que ça représente
probablement une des nombreuses pentes glissantes que la loi n° 52 peut
connaître.
Je sais, et j'en
suis certaine, que les personnes qui ont contribué à l'élaboration de cette loi
ont été particulièrement conscientes
des dérives possibles, dérives au niveau du consentement réellement libre. Or,
nous savons, et vous savez tous, messieurs, mesdames, que, quand on
vieillit, on devient extrêmement influençable. Et je dirais que la personne
âgée qui écoute le discours ambiant actuel
de la société, même s'il est fou, entend : Les vieux coûtent cher, la
société s'en va à vau-l'eau parce que
vous êtes là. Et, comme les personnes âgées sont relativement bienveillantes en
général et particulièrement influençables, il est possible qu'elles
prêtent, non pas le flanc, mais qu'elles se laissent convaincre de façon
insidieuse à des ouvertures de soins de vie médicalement assistés.
• (16 h 20) •
Par rapport
au sujet qui a été évoqué en tout début, c'est-à-dire le palliativisme ou ce
qui se passe dans les soins palliatifs,
personnellement… je ne les connais pas personnellement. Mais on peut se poser
la question : Est-ce que nos législateurs
et ceux qui ont contribué à fabriquer cette loi moderne, en accord avec la
mouvance sociale, est-ce qu'ils ont été éventuellement informés du
nombre réel de demandes d'euthanasie au sein des soins palliatifs? Moi, je ne
le sais pas. Il semble bien que, dans les
soins palliatifs, cette demande d'en finir
est exceptionnelle. Et donc on peut imaginer et penser que, lors de l'application de la loi, il n'y aura pas beaucoup
de demandes d'euthanasie ou de soins de vie médicalement assistés. C'est
un euphémisme que je ne partage pas.
Il faut
appeler les choses par leur nom. Quand on injecte à un patient un mélange de
curare et de pentobarbital, c'est clair que, dans les minutes — je
dis bien «les minutes» — qui
suivent, la mort va apparaître. Quand on fait une sédation terminale avec un cocktail lithique approprié et bien fabriqué,
on sait que, dans les minutes ou dans les quarts d'heure qui suivent, la
personne également va s'éteindre. On peut appeler ça des soins de vie
médicalement assistés, on peut aussi appeler ça du terme qui n'est pas un terme
odieux et qui est celui d'«euthanasie». Sémantiquement, l'euthanasie veut dire
une mort douce, donc on ne devrait pas considérer que l'euthanasie, comme mot,
devrait être considérée comme une horreur.
Ceci étant
dit, personnellement, je
trouve que la loi est moderne, qu'elle
est bien construite, qu'elle est assortie de balises extrêmement nombreuses, qui, parfois, ont un relent bureaucratique. Je ne voudrais pas m'éterniser sur
cet aspect-là, mais il est certain
que les balises sont là et elles sont rassurantes. Enfin, je pense que nos collègues
qui ont participé à nos discussions autour du projet de loi n° 52
sont également conscients de dérives possibles, qui sont parfois inconnues aujourd'hui et qui ne pourront être connues que
lorsqu'on commencera à appliquer la loi. Et c'est la raison pour
laquelle notre conclusion, à l'Observatoire Vieillissement et Société, est d'aménager
dans l'application de la loi une période que
je pourrais considérer comme étant une période, non pas d'expérimentation, mais
d'essai, de façon limitée, de manière à pouvoir bien identifier ce qui
pourrait déraper et que ni vous, ni moi, ni personne ne peut identifier au jour
où nous nous trouvons. Je vous remercie.
Le Président (M. Bergman) :
Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. M. Ledoux.
M. Ledoux (André) : Mme la ministre,
je ne suis pas sûr que nous ayons répondu à votre question. Alors,
pourriez-vous... Auriez-vous l'amabilité, s'il vous plaît, de nous rappeler
votre question?
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre, on va retourner à la question dans le deuxième bloc.
Mme
Hivon :
Je n'ai plus de temps. C'est compliqué, mais je n'ai plus de temps sur mon
bloc. C'est le bloc de mes collègues d'en face. Et on va revenir tantôt,
donc on pourra continuer à échanger.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, pour le premier bloc de l'opposition
officielle, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Alors, merci beaucoup.
C'est un honneur pour moi. C'est la Journée internationale des personnes
âgées, et, en face de moi, je constate qu'il y a la Dre Jeliu, qui est une
personne extrêmement jeune, qui parle d'un projet de loi moderne et qui, en
même temps, parle d'une forme de paradoxe à l'intérieur de ce projet de loi, où
j'entends que peut-être que les aînés n'ont pas été assez consultés, une
crainte de dérives, tout en parlant aussi de l'évolution de la société.
Vous qui avez été pédiatre jusqu'à
tout récemment, vous qui vous préoccupez des personnes âgées et vous
vous préoccupez aussi de l'évolution de notre société, peut-être une question
directe : Vous dites que c'est un bon projet de loi, mais est-ce que vous avez peur de ce projet de loi? Est-ce que
vous craignez… Vous avez parlé de dérives, je voudrais que vous alliez un peu plus loin. Est-ce que vous pensez que
nous pourrions, nous, parce qu'on est des législateurs, on doit faire
avancer le projet de loi… Qu'est-ce que vous pensez qu'on pourrait faire mieux
pour faire avancer ce projet de loi là ou qu'est-ce qu'on devrait retrancher?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Jeliu.
Mme Jeliu (Gloria) : Merci. Il est très probable que, lors des séances ultérieures, des
organismes qui regroupent des personnes âgées viendront peut-être répondre à cette question en connaissance de
cause, hein? Personnellement, par rapport aux dérives, comme tout projet d'une complexité
aussi énorme et aussi nouvelle, comme tout projet, on ne peut pas tout prévoir. Et je pense que c'est là qu'est le
point le plus, je dirais, dramatique, c'est qu'on ne sait pas où sont les
dérives, et elles vont apparaître au fur et à mesure, que ce soit au niveau du consentement...
J'ai évoqué très rapidement la qualité de bienveillance de la personne âgée,
qui est, en même temps, très susceptible d'être influencée. J'ai parlé du discours ambiant de la société,
où, à tort peut-être, on dit que les personnes âgées coûtent cher.
Mais la personne âgée dans son coin, qu'elle soit chez elle ou dans un
CHSLD, elle entend cela et, dans un mouvement, on va dire, d'altruisme, elle est peut-être
plus prête à se laisser, on va dire,
endormir, au propre et au figuré, que si elle était tout à fait libre de le faire. Je répondrais de cette manière-là.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne...
Mme
Blais : Dernière question avant de passer à mes collègues.
Il y a une commission qui est prévue à l'intérieur de ce projet
de loi, pour, en quelque sorte, surveiller ou contenir... Est-ce que vous
croyez que c'est une bonne idée, cette commission?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Jeliu.
Mme Jeliu (Gloria) : Cette commission est une bonne idée, absolument.
La commission, oui. Nous sommes en démocratie, et, en démocratie, on peut débattre de
tout, librement et sans arrière-pensée. Et je pense que nous sommes ici
pour cette raison.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Non, je parlais d'une commission
qui sera mise sur pied pour être en mesure... une commission qui pourrait être à la fois...
qui pourrait relever à la fois soit de la ministre, soit de l'Assemblée
nationale — parce
que ça a été évoqué — et qui pourrait regarder à ce que le projet
de loi soit bien balisé, bien encadré, qu'il n'y ait pas de dérive
possible, voir à cette évolution, là. Ça, c'est prévu dans le projet de loi.
M. Ledoux
(André) : Vous parlez de la question sur les soins de vie, quoi?
Mme
Blais :
Oui. C'est comme ça que ça s'appelle?
M. Ledoux
(André) : Qu'on retrouve à l'article 35... et 36?
Mme
Blais :
Oui.
Mme Jeliu
(Gloria) : C'est une commission de contrôle.
Mme
Blais :
Une commission de contrôle.
M. Ledoux (André) : Oui, alors, bien sûr, bien sûr que, pour nous, on trouve que c'est
vraiment un élément de grande sécurité pour éloigner le plus possible
les dérives. C'est certain que cette commission, qui va être, en fait, le chien
de garde de la loi, je crois que c'est absolument bienvenu et c'est un élément
très heureux de la loi.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Alors, mesdames, messieurs, merci beaucoup de venir
partager vos questionnements avec nous cet
après-midi. J'aimerais revenir sur la question soulevée par Mme Jeliu
sur... Dans le contexte des dérives potentielles, vous avez fait état...
et vous avez échangé avec ma collègue sur la question à l'effet que les aînés
étaient très, très à l'écoute du discours ambiant. Et peut-être que leur
consentement pourrait être affecté ou peut-être
que le choix de recourir à l'un ou l'autre des différents soins de fin de vie
pourrait être influencé par une perception ou une compréhension d'un
discours qui est peut-être un peu alarmiste.
Comment on
peut baliser? Qu'est-ce qu'on peut faire, nous, comme législateurs, pour
baliser davantage? Est-ce nécessaire, le projet de loi? Qu'est-ce qu'on
peut faire de plus ou qu'est-ce qu'on pourrait faire de plus, à l'intérieur du projet de loi, pour éviter cette situation-là? Parce qu'il
ne faudrait pas attendre que la Commission sur les soins de fin de vie revienne devant... que ce soit l'Assemblée
nationale ou revienne devant le ministre ou la ministre pour dire :
Suite à l'adoption du projet de loi, voici les situations auxquelles on a dû faire
face et voici les recommandations qu'on émet. Il faudrait éviter cette
situation-là au tout début du projet de loi.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Jeliu.
• (16 h 30) •
Mme Jeliu
(Gloria) : Pour répondre à
votre question, madame, je répondrais de façon un petit peu imaginaire.
Je ne suis pas législateur, mais je pense qu'une
exploration directe dans des milieux où vivent des personnes âgées — qu'il
s'agisse de CHSLD ou qu'il s'agisse de résidences privées ou de résidences,
disons, publiques, il nous semblerait que ça
serait l'endroit où être à l'écoute directe des personnes âgées — pourrait permette à celles-ci peut-être de
s'exprimer dans le sens de la loi et peut-être de s'exprimer autrement, je ne
le sais pas.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Je ne peux pas m'empêcher de faire référence à un mandat d'initiative qui a été
adopté par cette même commission, les
membres de cette commission. On est en attente de dates justement pour un
mandat d'initiative sur les
conditions de vie des gens hébergés en CHSLD. Donc ça aurait peut-être été
intéressant d'aborder cette question-là. Mais, comme on n'a pas de dates qui nous ont été confirmées par les leaders
et puis, bon, on a priorisé d'autres choses… Mais on ne fera pas de
politique.
Alors, oui,
il faut être à l'écoute de nos aînés, mais, vous, comme observatoire, à titre d'observatoire,
est-ce que vous avez, dans vos
échanges ou dans vos travaux, pu justement capter le pouls de ces gens-là?
Est-ce que vous avez pu recenser ce que les aînés pouvaient percevoir ou
leur interprétation de ce qui était offert dans le projet de loi?
Le Président (M. Bergman) :
M. Ledoux.
Une voix : …Voulez-vous répondre?
Je vais répondre? ...
M. Ledoux
(André) : Oui. Écoutez, en
ce qui me concerne, bon, j'ai l'occasion de faire régulièrement du
bénévolat dans des CHSLD, dont celui de l'Institut
universitaire de gériatrie de Montréal, et je dois vous dire que c'est bien sûr
que ces personnes, ces patients, ces… oui,
ces personnes, toute l'information, toute l'actualité leur échappent parce que
je suis en face de gens, disons, à
90 %, qui sont dans un état à peu près neurovégétatif. Alors, ces gens… on
ne peut pas échanger avec ces personnes. Alors donc, il y a une
clientèle qui est complètement fermée à l'information. Et surtout, de plus en plus, dans les CHSLD, la clientèle s'alourdit,
et ces gens-là n'ont pas accès aux renseignements. Alors, je pense que c'est
un problème. Alors, il faut aller frapper ailleurs pour diffuser de l'information
et donner des renseignements
Le Président (M. Bergman) :
Mme Destrempes.
Mme
Destrempes (Denise) : Je
peux ajouter qu'à l'Observatoire Vieillissement et Société on a fait plusieurs
projets de recherche en ce qui a trait à l'âgisme, l'âgisme dans les CHSLD,
dans les résidences privées, et l'âgisme existe
très fortement. C'est une mentalité qu'il va falloir changer ou amener du
changement. C'est à quoi l'observatoire travaille régulièrement. Mais
même on fait un travail chez les centenaires, et évidemment, oui, l'âgisme
existe envers le personnel, qui va regarder
la personne âgée puis lui dire : Bien, prenez vos petits bonbons
roses, ma belle petite madame. Alors, ce sont des mentalités qu'on
travaille à changer, à l'observatoire.
Le Président (M. Bergman) :
Ceci met fin au premier bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le
deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui. Alors, bien, merci. Je pense que c'est très intéressant, en fait, l'échange
qu'on a, beaucoup plus largement aussi que juste sur notre projet de
loi. Je dois vous dire, peut-être pour vous rassurer, que, pendant les travaux de la commission, il y a 13 groupes
représentant des aînés ou des personnes retraitées qui ont demandé à se
faire entendre pendant la commission spéciale. Donc, il y a quand même eu un
point de vue aîné qui a été entendu. Et évidemment,
outre les groupes, parmi tous les citoyens qui sont venus se faire entendre
dans les huit villes où on est allés, il y avait beaucoup d'aînés, si on
peut dire, ou de proches d'aînés, et c'est certain que ça fait partie, tout ça,
de nos éléments aussi de bagage quand on aborde ce sujet-là.
Puis, pour vous rassurer aussi, je vous dirais
qu'on est d'abord et avant tout des députés ancrés dans nos circonscriptions. Moi, encore hier, j'étais, dans
un CHSLD à Joliette, allée jaser avec autant des gens qui vivent là que
des gens qui travaillent là, et je m'enquérais
beaucoup des soins, des soins de fin de vie, de la réalité, encore une fois, de
ces gens-là. Donc, je veux juste vous dire ça pour vous rassurer un peu qu'on
est aussi des personnes qui sont en lien constamment avec des gens qui évoluent
dans nos circonscriptions, des jeunes, des moins jeunes, des aînés, puis les
différents lieux aussi.
Moi, ça m'intéresse
beaucoup quand vous dites : L'espèce de contexte
social peut faire en sorte que ça peut changer la perception d'un aîné, par
exemple. Puis j'aimerais ça vous
entendre, parce que la question du consentement, c'en est une qui est fondamentale. Il y a
beaucoup de balises dans le projet de loi. Il y a M. Brunet, qui est venu, de
la protection des malades, qui, lui, nous en énumérait
24, puis il trouvait que ça n'avait pas de bon… bien, il n'est pas allé jusque-là, mais il trouvait qu'il y en avait beaucoup, disons, des balises.
Certains trouvent que c'est très, très encadré. D'autres, comme vous,
disent : Est-ce c'est suffisamment encadré? Et, en fait, toute la question
du consentement, elle est fondamentale. C'est pour ça que le coeur des
conditions à l'article 26, c'est que la personne soit majeure et apte.
Donc, la recherche, dans ce
projet de loi, c'est d'avoir un équilibre. Est-ce que ça veut dire que les
personnes mineures peuvent être brimées?
Bien, probablement, mais l'idée derrière ça, c'est de se dire : Il faut
peut-être avoir atteint un niveau de
maturité pour pouvoir consentir à ce type de soins là. Et toute l'évaluation du
consentement, elle est vraiment centrale,
d'où tout le processus de l'article 28 : deux médecins, une demande
répétée dans le temps, consulter l'équipe, consulter les proches à la
demande pour s'assurer qu'il n'y a pas de pression extérieure. D'ailleurs, c'est
écrit noir sur blanc.
Et moi, j'aimerais
savoir… Dans l'état actuel des choses, vous savez qu'une personne peut refuser
tout traitement, elle peut demander d'être débranchée, elle peut dire,
même si ça peut avoir l'air irrationnel : Je ne veux pas avoir de chimiothérapie, là, une personne de 40 ans, comme
de 80 ans. Est-ce que, dans l'état actuel des choses — et ça, c'est tout à fait légal parce qu'on se fie toujours à l'évaluation
qui est faite, dans la relation patient-médecin, par le médecin, de la
qualité du consentement — donc,
est-ce c'est bel et bien un consentement libre et éclairé de la personne qui
est avec moi? Est-ce que vous avez le
sentiment qu'il y a un enjeu là, à l'heure actuelle? Parce que vous nous
dites : Les risques qui pourraient
peut-être survenir… Mais, dans l'état actuel des choses, c'est déjà tout à fait
légal, ça, de refuser un traitement, d'arrêter un traitement. Donc, je
veux comprendre en quoi ce serait différent avec l'aide médicale à mourir.
Le Président (M. Bergman) :
M. Ledoux. Mme Jeliu.
Mme Jeliu
(Gloria) : Alors, si je
comprends bien votre question, vous me demandez : Dans l'exercice de
l'écoute ou dans la relation professionnelle entre le médecin et une personne
malade ou une personne mourante, est-ce que la manière dont l'échange se fait, est-ce que, quand la personne refuse, on
est vraiment certain qu'elle a refusé en étant bien consciente de ce qu'elle refuse? Je dirais qu'une
communication médecin-patient qui est réussie est empreinte d'écoute, et
c'est pour cela que j'ai fait mon petit topo très rapide sur la place de l'autonomie
qui est entrée dans notre monde médical et
qui a transformé la qualité de la relation médecin-patient. Si la communication
entre le médecin et le patient est correctement conduite, c'est-à-dire
avec écoute, avec écoute non seulement de la souffrance et de la douleur, mais
écoute de toutes les circonstances de l'environnement psychosocial de la
patiente, je pense que, quelle que soit la décision
du malade, elle est colorée par l'information que le médecin va lui donner, et, à ce titre,
elle va être quand même particulièrement
libre parce qu'elle sera bien éclairée et bien informée. Est-ce que je réponds
à votre question?
Mme
Hivon : Oui.
Le
Président (M. Bergman) :
Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine, il vous reste deux
2 min 30 s pour ce bloc.
Mme
Richard (Îles-de-la-Madeleine) :
Ça va être court. D'accord. Merci, M. le Président. Bonjour à vous tous. Merci d'être là. Et je vous ai bien écoutés,
et c'est intéressant. Je veux revenir sur le fait justement que vous
voulez que la personne soit au coeur des
décisions et qu'elle soit maître de la fin de sa vie. Ça, j'ai trouvé ça
important dans votre mémoire quand
vous mentionnez ça, que la personne a droit d'être le maître de la fin de sa
vie. Alors… et de vous entendre, là,
justement parler de sentiment éclairé et de décision éclairée, je pense que c'est
important aussi que ce soit fait en toute connaissance de cause. Vous ne
voulez pas vous prononcer évidemment sur le projet de loi. Je pense, ça a été
clair.
Maintenant,
j'aimerais savoir si vous avez fait comme un sondage à l'intérieur des membres,
3 500 membres, ou des
gens qui ont travaillé au mémoire. Est-ce qu'il y a eu un genre de sondage pour
voir est-ce que c'était plus pour le projet de loi, ou contre, ou si vous avez
laissé aller?
• (16 h 40) •
Le Président (M. Bergman) :
Mme Destrempes.
Mme
Destrempes (Denise) : Non. C'est
le groupe du comité dont les membres ont diverses formations qui ont
travaillé à la réalisation du rapport.
Mme Jeliu
(Gloria) : Pour répondre clairement à votre question,
madame, il n'y a pas eu de sondage réel auprès des
personnes intéressées.
M. Ledoux (André) : Il n'y a pas eu
de sondage, de consultation, mais il y a une chose qui est bien certaine, c'est
que, dans le comité que j'ai présidé, nous étions huit professionnels, et, au comité
consultatif, où il y a une quinzaine de
personnes, où nous nous sommes présentés, il est certain qu'il n'y avait pas unanimité autour du projet
de loi n° 52. Les avis étaient partagés. D'accord?
Et c'est la raison pour laquelle, moi, en tant que président, je suis
arrivé avec un mémoire posant des questions pour essayer de, comme on dit, entre
guillemets, de sauver la face.
Mme
Richard
(Îles-de-la-Madeleine) : Vous l'avez bien sauvée. C'était intéressant de vous entendre.
Merci.
Mme Jeliu
(Gloria) : Mais on peut maintenant considérer que cette loi est pleine
de balises très claires et rassurantes. Cependant, les doutes que nous avons
exprimés quant à des dérives continuent à nous hanter parce que ces dérives ne sont pas
prévisibles avant, elles vont nous frapper en pleine face une fois qu'elles
vont arriver, et c'est pour ça que le
principe de précaution m'apparaît essentiel. Je ne voudrais pas citer M. Hans
Jonas qui a écrit un livre qui est quand même un classique du genre. Il
faut, quand nous prenons des décisions aussi graves que celle qui nous
intéresse ou qui nous occupe aujourd'hui… il est essentiel d'être
animés de façon permanente par le désir de précaution. Je terminerai.
Le Président (M.
Bergman) : Malheureusement, le temps pour ce bloc s'est écoulé.
L'opposition officielle, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Oui, vous avez… Moi, je connais maintenant
assez bien l'Obervatoire Vieillissement et Société et je trouve que c'est formidable,
la place que vous prenez dans la société, des aînés qui réfléchissent, qui
prennent position. Et on parlait aujourd'hui de participation, et cette participation est essentielle pour la
collectivité. Et je voulais justement vous
poser la question que ma collègue des Îles-de-la-Madeleine a réussi à vous faire dire, qu'il
n'y avait pas eu unanimité et
que c'est l'une des raisons pour lesquelles vous avez déposé un mémoire sous
forme de questions. Vous étiez vite. D'après
vous, est-ce que ça reflète un peu la société? Parce qu'ici on a vu des gens qui étaient tout à
fait pour le projet de loi et d'autres personnes qui n'étaient pas d'accord
avec le projet de loi. Est-ce que vous pensez que votre groupe était un peu le
reflet de cette société-là?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Jeliu.
M. Ledoux
(André) : Non. Je m'explique… Oui, ça va, M. le Président?
Le Président (M.
Bergman) : M. Ledoux.
M. Ledoux
(André) : Oui. Bon.
Mme
Blais :
Son rôle, c'est de vous donner la…
M. Ledoux (André) : J'ai dit non à votre question, en ce sens que, non, le reflet de la
population… Vous le savez très bien, la population, majoritairement, est
en faveur de la loi n° 52; c'est de l'ordre de 75 %. Vous me corrigez
si je me trompe. Il y a une majorité de personnes qui sont en faveur du projet
de loi.
À
l'Observatoire Vieillissement et Société, je vous dirai que c'était partagé. Je
ne peux pas vous dire dans quelle proportion, mais il y a beaucoup de
gens au comité consultatif qui ont reconnu — d'abord, ça, c'est un
fait — la
consultation exceptionnelle qu'il y a eu autour de cette question, mourir dans
la dignité, avec le premier rapport Mourir
dans la dignité. C'est du
jamais-vu au Québec, une consultation comme celle-là — vous me corrigerez encore une fois. Et ensuite on a été très, très prudents,
on est allés ensuite avec le rapport Ménard, on est allés vers… pour
essayer de voir ce qu'étaient les balises juridiques,
et là aussi on a obtenu des réponses très pertinentes. Et nous, à l'Observatoire
Vieillissement et Société, c'est surtout au
rapport Ménard que nous avons travaillé avant de préparer notre mémoire.
Et je vous dirai qu'il y a plusieurs personnes au comité consultatif qui
reconnaissent le bien-fondé du projet de loi
n° 52, et il y a même quelqu'un qui a fait même de la politique, un ex-député, qui nous a dit qu'il avait rarement
vu un projet de loi aussi bien établi, aussi bien écrit, aussi
précis, aussi remarquable. C'est à votre honneur, Mme la ministre.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais :
On voit que vous étiez d'accord avec le projet de loi.
Des voix :
Ha, ha, ha!
Mme Blais :
Est-ce que... Parce qu'ici... parce que, durant les fois où j'étais présente,
il y a des gens qui ont mentionné qu'on
devrait peut-être, dans le projet de loi, définir en quelque sorte les
différences entre «soins palliatifs», «sédation palliative» et «sédation
palliative terminale»...
Mme Jeliu
(Gloria) : On connaît la réponse.
Mme
Blais :
Oui. Vous la connaissez, vous êtes médecin. Mais est-ce que vous pensez qu'il
devrait y avoir plus de précision? Vous avez même mentionné tout à l'heure
le mot «euthanasie», Dr Jeliu.
M. Ledoux
(André) : Personnellement, je crois que les précisions, les
définitions sont tout à fait exactes, justes
et éclairantes. Je ne vois pas comment on pourrait ajouter des précisions aux
définitions qui se trouvent actuellement dans le projet de loi
n° 52. Sédation… tout est tout à fait bien précis, et je pense que, pour
quelqu'un qui veut bien s'informer, tout est là.
Mme Jeliu (Gloria) : Il est clair que la sédation, les soins de vie, qui sont bien décrits,
bien encadrés, bien balisés dans
cette loi, ne représentent pas des soins curatifs mais des soins qui conduisent
à la mort avec le désir express, express de la personne concernée. Et je
pense que c'est la réalité. Quelle que soit la qualité de la loi, c'est de ça
qu'on parle, on parle de soins de vie qui conduisent... des soins de fin de vie
qui conduisent à la mort avec l'accord des intéressés.
Le
Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon, il vous
reste quatre minutes.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : C'est beau, M. le Président.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Oui. Je voudrais faire un petit bout sur ce que vous disiez, parce que le
projet de loi définit «établissement»,
définit «maison de soins palliatifs», définit «soins de fin de vie» mais ne
définit pas l'aide médicale à mourir,
ne définit pas la sédation palliative terminale ou «continue. On a eu des
échanges. Donc, il y a des termes qui ne sont pas définis à l'intérieur du projet de loi, d'où la question de ma
collègue parce que... Est-ce qu'il ne serait pas justement important
pour le bénéfice des aînés de savoir de quoi il s'agit précisément lorsqu'il
est question d'aide médicale à mourir? Parce qu'aujourd'hui on nous
disait : Il pourrait y avoir confusion. L'aide médicale à mourir, ce n'est
pas l'accompagnement de fin de vie, c'est vraiment... c'est un acte médical
très précis auquel on fait référence.
Une voix :
Oui, définitivement.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Jeliu.
Une voix :
…
Le Président (M.
Bergman) : M. Ledoux.
M. Ledoux
(André) : Je n'ai pas de commentaire à faire là-dessus.
Mme Jeliu
(Gloria) : Je suis d'accord que, la définition même des actes qui sont
posés, nous les connaissons implicitement.
Il est plausible de constater ou de considérer qu'il y a place pour un
éclairage, pour le public, de ce que c'est
qu'une sédation palliative terminale. Le terme de «terminale» est assez
suggestif. Toutefois, «terminale» veut dire qu'il n'y a pas de retour en arrière. Et d'ailleurs c'est
bien dit que, quand on fait une sédation palliative terminale, l'objectif
n'est pas de pouvoir renverser les choses, c'est
définitif et ça s'en va vers le même but, qui est la disparition de la vie
biologique.
Que
le public ait besoin de bien comprendre que l'aide médicale à mourir, c'est une
injection létale et extrêmement rapide,
c'est également nécessaire, mais je présume que la majorité des gens, je
présume, savent avec certitude que l'aide médicale à mourir, c'est la piqûre, la piqûre terminale, la
piqûre : Docteur, donnez-moi la piqûre, je ne veux plus vivre. Ça,
c'est la définition de l'aide médicale à mourir. C'est une injection létale de
curare et de barbiturique, si mes souvenirs sont bons, et ça entraîne la mort
en quelques minutes.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Mais, c'est justement, je...
Le Président (M.
Bergman) : ...une minute et demie.
• (16 h 50) •
Mme Vallée :
Je vous remercie. Parce que, pour moi, en tout cas, du moins, et, je pense,
pour mes collègues, c'est important. Compte tenu de l'importance de ce projet de
loi là, c'est très important. Je sais qu'il va y avoir une campagne, et la
ministre nous a rassurés qu'il y aurait une vaste campagne d'information à l'attention
du public dans l'éventualité où le projet de
loi était adopté. Ça, c'est excessivement important. Mais je crois que le
projet de loi aussi commande qu'on
définisse clairement les termes qu'on va utiliser pour éviter des
interprétations aussi qui ne seraient pas conformes nécessairement avec
les intentions du législateur et puis aussi, bon, comme le disait ma collègue,
des perceptions. Alors, peut-être dans un
principe de bien communiquer avec les citoyens, de bien faire les choses, pour
nous, il nous importe que le projet de loi soit clair quant à ce qu'on souhaite
faire et là où on veut aller.
Le Président (M.
Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.
Mme Vallée :
Et donc merci d'avoir échangé avec nous là-dessus.
Le Président (M.
Bergman) : Alors, pour le deuxième groupe d'opposition, Mme la
députée de Groulx.
Mme
Daneault : Merci, M. le Président. Merci de votre présence
ici. Ma question, je vais l'adresser à Dr Jeliu. On a entendu plusieurs groupes depuis quelques jours.
Vous êtes un des premiers à avoir osé, je dirais, peut-être, parler de personnes mineures qui, dans le projet de loi, ne
sont pas incluses. Vous avez mentionné, à la page 14 de votre
mémoire : «Une personne mineure atteinte d'une maladie grave et incurable
qui répond aux critères 2°, 3° et 4° stipulés à l'article 26 n'a-t-elle pas le droit de mourir dans la dignité comme les
personnes majeures? Ne s'agit-il pas d'une forme de discrimination?» J'aimerais
vous entendre, étant donné que votre expérience de pédiatre... Évidemment, au
courant de votre expérience, probablement que vous avez eu à faire face à ce
genre de situation. J'aimerais vous entendre.
Mme Jeliu (Gloria) : C'est une question qui est très lourde de sens et
de tragique. Il est clair qu'un enfant qui est arrivé très loin dans le cours de sa maladie, dans certains cas, peut
être exposé à ce qu'on peut appeler de l'acharnement thérapeutique dans une… — comment dirais-je? — dans un mouvement où on essaie de prolonger
la vie. Et prolonger la vie parfois veut dire prolonger la souffrance.
Par contre, de
décider que cet enfant, qui s'appelle comme il s'appelle, devrait cesser de
vivre alors qu'il est encore vivant, c'est
une situation tragique. Et je pense qu'il faut approcher avec énormément de
précautions et de respect cette situation qui est tragique. Je n'ai pas
la réponse. Et je sais qu'elle devrait se poser, mais je n'ai pas la réponse. Personnellement, est-ce que j'ai eu à faire face à
des situations pareilles? Oui, mais je pense que l'évolution naturelle a
réglé les choses sans que l'on intervienne de façon précise. Est-ce que vous me
comprenez?
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault : Merci. Oui, tout à fait, merci. Puis, évidemment,
c'est une situation très sensible, et je pense qu'effectivement il n'y a pas... les groupes qu'on a vus ont de la
difficulté. Même, je pense que nous, comme parlementaires, aussi avons
de la difficulté avec cette notion.
Vous
avez mentionné, à quelques reprises, dans votre mémoire, la crainte de dérives.
Est-ce que c'est la crainte de dérives qui vous a amenés à nous
recommander de peut-être faire une implantation graduelle de la nouvelle loi,
par exemple dans une grande ville, dans des régions, de façon plus progressive
que d'arriver avec l'implantation de la loi à l'ensemble du territoire du
Québec?
Mme Jeliu
(Gloria) : Exactement.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Jeliu.
Mme Jeliu
(Gloria) : Oui, je suis entièrement d'accord. C'est la raison pour
laquelle, connaissant ou ne connaissant
pas les dérives possibles qui pourraient être catastrophiques pour — comment
dirais-je? — la santé de la société, ne connaissant pas ces
dérives, une implantation progressive permettrait de résoudre cette espèce de dilemme
ou de crainte, de le résoudre en essayant d'implanter une loi qui est, comme a
dit mon collègue à ma gauche, pleine
de balises, et qui est bien construite, et qui est moderne, et qui est en
accord avec… disons, l'impression que la
population est d'accord.
C'est sûr que l'implantation
progressive permet de comprendre de façon plus précise où sont les points qui sont — comment dirais-je? — dangereux dans l'application, que ça soit au
niveau du consentement, que ça soit au niveau
du
contrôle. Je pense en
particulier à l'article
17, où il est dit que les soins de vie peuvent être administrés à domicile par le médecin et par l'infirmière tout en respectant
le cadre de sa compétence. Ce n'est pas clair. C'est quoi, la compétence
d'une infirmière prise toute seule avec le
médecin dans une famille où le patient est mal, ne va pas bien et où la
famille ne peut pas tolérer cette agonie?
Est-ce que les choses peuvent se régler d'une manière aussi — comment dirais-je? — clinique
que l'on voudrait qu'elles se… ou est-ce qu'il y aurait des dérives à cet
égard? La palliation définitive ou l'aide
médicale à mourir à domicile est un sujet probablement aussi brûlant et épineux que le problème des mineurs qui n'a
pas été abordé pour des raisons très compréhensibles. D'ailleurs, c'est parce que
c'est trop complexe, j'imagine, que ça n'a pas été abordé.
Le Président (M.
Bergman) : M. Ledoux, le temps est écoulé mais le dernier mot,
c'est à vous.
M. Ledoux (André) : Je veux tout simplement ajouter qu'il ne faudrait pas trop mettre l'accent…
En tout cas, en tant que représentant
de l'Observatoire Vieillissement et Société, il ne faudrait pas trop, trop
mettre l'accent sur ce qu'on appelle les dérives parce qu'on a bien dit
quand même, lors de nos discussions, que les dérives, dans bien des cas, c'est minimal. On a le cas de la Belgique, par
exemple, où il y a eu assez peu de dérives dans toute l'application de la
loi et on a aussi les propos d'experts qui prétendent que les dérives
pourraient être finalement quelque chose de pas si catastrophique dans un sens.
Alors, je voudrais ajouter ça, quand même, comme éclairage un peu particulier.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, M. Ledoux, Mme Jeliu, M.
Tessier, Mme Destrempes, merci pour votre présentation. Merci d'être ici
avec nous aujourd'hui et de partager votre expertise avec nous.
Et je demande aux
gens du Réseau des soins palliatifs du Québec pour prendre place à la table et
je suspends pour quelques instants seulement.
(Suspension de la séance à 16 h 58)
(Reprise à 17 heures)
Le Président (M.
Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, collègues, on
reçoit maintenant le Réseau de soins palliatifs du Québec.
Je vous souhaite la
bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un
échange avec les membres de la commission. S'il vous plaît, donnez-nous vos
noms, vos titres. Et vous avez le micro maintenant.
Réseau
de soins palliatifs du Québec
Mme Déry (Alberte) : Merci beaucoup.
Alors, bonjour, M. le Président, et MM., Mmes les parlementaires. Je suis Alberte Déry, je suis présidente du Réseau
de soins palliatifs du Québec, je suis diplômée en sciences infirmières,
et je m'implique en soins palliatifs depuis
maintenant 26 ans, et je suis directrice générale présentement à l'organisme
Palli-Aide, au Saguenay, qui fait de l'accompagnement en soins palliatifs.
J'ai le grand
privilège d'être accompagnée aujourd'hui par d'éminents experts dans le domaine
des soins palliatifs et des soins de fin de vie, soit : à ma
gauche, Dre Christiane Martel, qui est médecin en soins palliatifs pour le CSSS
Richelieu-Yamaska, région Saint-Hyacinthe,
et pour La Maison Victor-Gadbois; à ma droite, Mme Danielle Blondeau,
professeure associée à la Faculté des sciences infirmières à l'Université
Laval, titulaire d'un doctorat en éthique et présidente
du comité d'éthique de notre association; et, enfin, M. Pierre Deschamps,
avocat — qui est
à ma gauche, et notre seul homme, donc — avocat éthicien bien connu.
Il a notamment été président du conseil d'administration de LEUCAN, il est président de la Fondation
Charles-Bruneau pendant 15 ans, il est aussi membre du comité des droits
de la personne à l'Association canadienne des soins palliatifs. On a aussi avec
nous des membres du réseau qui nous accompagnent
ainsi que notre directeur général, M. Jessy Savaria, un membre du conseil d'administration,
M. Ivan Lessard, et ainsi que notre personne aux communications.
Alors, le
Réseau de soins palliatifs, notre association existe maintenant depuis plus de
23 ans. Notre mission est de
faciliter et promouvoir l'accès aux soins palliatifs à toute personne au Québec
pour s'assurer d'avoir des soins palliatifs de qualité pour la personne en fin de vie et en phase palliative. Nous
regroupons 1 200 membres, donc 25 % des médecins, 25 %
des infirmières, 50 % autres personnes, donc gestionnaires d'hôpitaux,
travailleurs sociaux, des ergos et évidemment bénévoles.
Nous avons
aussi la participation des maisons de soins palliatifs avec nous et nous avons
aussi la moitié des CSSS du Québec qui sont membres de notre
association. Nous organisons aussi un congrès annuel de soins palliatifs au
Québec depuis… nous prenons le 24e cette année, qui aura lieu effectivement
ici, à Québec.
Bref, nous
sommes le principal intervenant en soins palliatifs au Québec. Nous sommes la
voix des soins palliatifs, et des intervenants aussi, et des bénévoles,
là, de tout ce beau monde qui s'implique aux soins palliatifs. Alors, je passe
maintenant la parole à Dre Christiane Martel pour qu'elle nous parle de ce que
sont les soins palliatifs et de son expérience terrain.
Le Président (M. Bergman) :
Dre Martel.
Mme Martel
(Christiane) : Bonjour.
Donc, comme Mme Déry vous le disait, je suis médecin de famille depuis 18 ans, je fais des soins palliatifs depuis 16 ans
et j'exerce en maison de soins palliatifs et dans un programme de soins
à domicile en CLSC. Donc, j'ai choisi de supporter l'insupportable : la
maladie grave, la souffrance, trop souvent la solitude, l'insuffisance de soins
et de ressources bien souvent aussi.
Je partage
toutes les inquiétudes que plusieurs de mes collègues médecins sont venus vous
exposer. L'aide médicale à mourir n'est pas un soin de fin de vie, c'est
une interruption de soins. L'aide médicale à mourir ne peut faire partie d'un
continuum de soins palliatifs puisqu'elle est contraire à sa philosophie d'accompagner
la vie jusqu'à la fin. Je m'inquiète aussi, comme eux, de l'absence de
définitions claires, essentielles à la compréhension de ce projet de loi.
Ce temps de la vie est un temps d'ambivalence.
Un matin, on me demande de mourir — ça m'arrive assez souvent — et le lendemain on veut du temps pour aller au
mariage de sa fille ou pour aller au baptême de son petit-fils. C'est un temps de vulnérabilité, de subtilité.
Rien n'est blanc ou noir, tout est en nuances de gris à ce moment de la
vie. Derrière «docteur, aidez-moi à mourir»,
il y a «docteur, je n'en peux plus de vivre, je suis seul, je suis trop seul, j'ai
trop mal, j'ai perdu mon autonomie, j'ai perdu le contrôle sur ma vie». C'est
ce qu'on entend régulièrement. Devant cette souffrance,
devant la souffrance, nous avons deux réflexes pour survivre : la fuir ou la supprimer. Le projet de loi légitime de la supprimer, d'où
le consensus de notre société en faveur de l'euthanasie. C'est un réflexe
humain : face à la souffrance, tout le monde est inconfortable.
Je vis dans
une société démocratique et je n'aurai aucun choix face à la décision du plus
grand nombre, mais je m'inquiète. Le
Québec manque de médecins. Le programme d'aide aux médecins nous parle que près
de 35 % de ceux-ci ont des problèmes de santé. Une collègue belge
me racontait qu'après une euthanasie elle doit prendre deux jours de congé
avant de pouvoir soigner à nouveau un patient. Dr Serge Daneault vous a
exprimé le désarroi des soignants en Belgique
après une euthanasie. À la lumière de ces informations, je me questionne :
Peut-on se permettre de fragiliser notre profession? Qui prendra soin
des soignants qui seront plongés dans des conflits de valeurs importants? C'est
inévitable. Même avec la possibilité de
référer mon patient qui souhaite obtenir l'aide médicale à mourir, comment je
vais vivre avec l'idée d'abandonner celui ou
celle que je soigne depuis plusieurs mois si je fais le choix de ne pas faire
d'aide médicale à mourir?
Mes plus grands défis quand je soigne un patient
en fin de vie, ce sont les proches, ceux pour qui la vie devra continuer. Ma responsabilité est de veiller à ce
que la perte de leur mère, de leur conjoint ou de leur fille se déroule le
plus sereinement possible. Cela implique parfois une sédation. La sédation
palliative survient dans un contexte précis, vous
l'avez entendu à plusieurs reprises, et n'est pas un geste euthanasique. Ce que
vous n'êtes peut-être pas conscients, c'est
l'effet de la sédation sur les proches. Accompagner un dormeur pendant quelques
jours peut préparer au deuil et au détachement de celui ou celle qu'on
aime.
Je
pense à Monique, mise sous sédation pour des difficultés respiratoires
insupportables. Ses deux filles ne s'étaient pas parlé depuis plusieurs années. Après quelques jours au chevet de
leur mère, elles se sont réconciliées. Monique est décédée la même journée. Je pense à Jacques, qui,
endormi depuis cinq jours, son épouse lui tenant la main, est décédé le jour de la Saint-Valentin, au même moment où des
ballons, arrivés de nulle part, se sont accrochés dans l'arbre devant sa
fenêtre, et sur les ballons était écrit «Je
t'aime». Je pense à Chantale, 37 ans, placée sous sédation parce que trop
agitée et confuse, qui a cessé de respirer pendant qu'elle écoutait avec
Martin, son amoureux, leur chanson d'amour préférée.
Des
histoires exceptionnelles peut-être, vous pensez. Ce ne sont pas des histoires
qui font les médias, ce n'est pas des
histoires sur lesquelles on met un accent, sauf que tous ceux qui accompagnent
ce temps de la vie pourront vous dire que non. Toutes ces personnes sont
décédées à un moment que personne n'a choisi, et ceux qui restent en gardent de
beaux souvenirs malgré la peine, malgré la grande souffrance qui a été vécue.
Les
médecins connaissent les indications pour appliquer la sédation palliative, et
les guides de pratique clinique sont là pour aider ceux qui la
pratiquent moins souvent. Nous n'avons pas besoin d'une loi pour encadrer ce
type de soin.
Je suis aussi
professeure d'enseignement clinique et, tous les jours, je rencontre des
résidents en médecine, médecine familiale surtout, je leur enseigne les soins
de fin de vie. Je ne peux m'imaginer leur enseigner comment pratiquer l'euthanasie.
Pourtant, quelqu'un devra le faire. Ce printemps, plusieurs enseignants de
chaque faculté de médecine du Québec se sont rassemblés le temps d'une journée
pour réfléchir sur le sujet. Toutes nos questions sont restées sans réponse,
surtout celle-ci : Qu'est-ce que nous souhaitons transmettre à ces futurs
médecins?
Avant de passer la
parole à Mme Blondeau, je tiens à vous dire que, de notre point de vue, ce
n'est pas d'aide médicale à mourir que l'être humain souffrant a besoin, mais
de plus d'humanité autour de lui. Même avec toutes les modifications demandées
depuis le début de cette commission, est-ce que l'adoption de la loi n° 52
fera de nous une société plus humaine?
Est-ce qu'en voulant bien faire nous sommes sur le point de déshumaniser ce
temps de la vie, ce temps de la fin
de vie où nous devons plutôt faire appel de toutes nos forces à ce qu'il y a de
plus grand en nous? Est-ce que supprimer une souffrance n'aurait pas l'effet
d'en générer plusieurs?
Je vous remercie très
sincèrement d'accorder tout ce temps pour améliorer les soins de fin de vie. Au
Réseau de soins palliatifs du Québec, nous allons continuer de travailler sans
relâche afin que les soins palliatifs puissent être accessibles pour tous les Québécois, et surtout au moment où ils en ont besoin. Notre défi :
faire en sorte que les demandes d'aide médicale à mourir ne surviennent
pas au Québec. Merci.
• (17 h 10) •
Le Président (M.
Bergman) : Madame… Blondeau?
Mme Déry
(Alberte) : …ça va être Mme Blondeau.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Blondeau.
Mme Blondeau
(Danielle) : Bonjour.
Le Président (M. Bergman) :
Il vous reste 5 min 30 s.
Mme Blondeau (Danielle) : Merci. Ce projet de loi est, sans l'ombre
d'un doute, l'un des plus importants projets de
loi que des parlementaires québécois auront eu à considérer dans l'histoire récente du
Québec. Par-delà vos convictions personnelles, par-delà les lignes de
parti, il vous appartient de vous assurer, en tant que législateurs, que le projet
de loi soit d'une limpidité et d'une clarté législatives telles que tous ceux
et celles qui y seront soumis connaîtront leurs droits et leurs
obligations en tant que citoyens, patients et professionnels de la santé.
Contrairement à ce qui s'est fait en Belgique, au Luxembourg et aux Pays-Bas, où on a
dissocié législativement soins
palliatifs et euthanasie en adoptant des lois séparées, ce projet de loi met dans un seul et même texte ces deux réalités. On fait de l'aide
médicale à mourir un soin palliatif, allant, de ce fait, à l'encontre des
définitions acceptées des soins palliatifs, notamment celle de l'Organisation
mondiale de la santé.
La terminologie
utilisée dans le projet n° 52 est ambiguë. L'expression «aide médicale à
mourir» devrait être clairement définie.
Comme le souligne la commission au terme de sa délibération, il s'agit d'une
forme d'euthanasie. Il serait approprié de définir l'expression pour
bien traduire la réalité à laquelle elle correspond.
L'expression
«sédation palliative terminale» est encore plus ambiguë. Suivant le rapport des
juristes experts, le terme engendre
de la confusion. Les soins palliatifs pratiquent la sédation
palliative, ce qui implique que le malade est en toute fin de vie alors
qu'il ne s'hydrate plus et ne s'alimente plus. Votre sédation palliative
terminale vise à mettre un terme à la vie
par l'arrêt de l'hydratation et de l'alimentation, ce qui est bien différent de
la sédation palliative. Les soins palliatifs
tiennent compte à la fois du patient et de ses proches. Ils sont dispensés
grâce aux efforts d'une collaboration interdisciplinaire.
Les soins palliatifs considèrent que la mort est un phénomène naturel, ils ne
hâtent ni ne retardent le décès.
Ce projet de loi ajoute une aide médicale à mourir
aux soins palliatifs. C'est un non-sens puisque l'un consiste en des soins à fournir à un patient et que l'autre ne
peut être considéré comme un soin, il met un terme à la vie. En tant que
législateurs, vous vous devez de prendre le
parti du citoyen ordinaire, des professionnels de la santé, des
établissements de santé, des agences de
santé, qui auront, une fois le projet de loi adopté, à l'appliquer non pas de
façon confuse et chaotique, mais de façon cohérente et sensée.
Le
projet de loi est trop important pour que toute la minutie requise pour assurer sa
clarté ne soit pas utilisée. L'aide médicale à mourir est une nouvelle
expression pour désigner un acte d'euthanasie. Cette pratique, qui vise clairement
à provoquer la mort, ne s'inscrit pas dans
la philosophie des soins palliatifs. En mettant un terme à la vie, l'aide
médicale à mourir ne fait pas partie d'un continuum de soins comme c'est le cas
avec les soins palliatifs.
L'heure des choix est arrivée au Québec.
Assurez-vous que les choix que la société québécoise fera par votre entremise
seront marqués sous le couvert de la clarté, de la limpidité, de la transparence,
comme cela s'est fait en Belgique et au Luxembourg, par
exemple, deux pays qui ont su faire
la part des choses entre soins palliatifs et euthanasie. Tel qu'il est actuellement rédigé, ce projet de loi fera du Québec le seul endroit au monde où un législateur aura
délibérément mêlé soins palliatifs et euthanasie.
Pour ces raisons, nous nous opposons donc au projet
de loi n° 52. Plus spécifiquement, nous faisons les recommandations
suivantes.
Premièrement,
développer l'offre de soins palliatifs au Québec et, par conséquent, en
augmenter l'accessibilité. Il faut améliorer l'offre de soins palliatifs
au Québec plutôt que de prôner l'euthanasie.
Deux, faire deux projets de loi, comme l'ont
fait la Belgique et le Luxembourg, l'un sur les soins palliatifs et l'autre sur l'aide médicale à mourir, ou, à
défaut, dissocier l'aide médicale à mourir des soins palliatifs et faire que le
titre du projet de loi soit modifié en conséquence et se lise comme suit :
Loi concernant les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir.
Troisièmement,
inclure dans le projet de loi des définitions telles que proposées dans notre
mémoire et qui clarifient les
expressions du texte de loi et ne font pas de l'aide médicale et à mourir et de
la sédation terminale des soins faisant partie des soins palliatifs.
Éliminer du
projet de loi toute référence à la
sédation palliative terminale, puisque cette expression n'existe pas
dans la littérature scientifique, de même que
toute référence à la sédation palliative puisqu'on ne légifère pas sur des
pratiques reconnues.
Cinq, modifier la composition de la commission
sur les soins de fin de vie en y incluant un médecin détenant une expertise reconnue en soins palliatifs et,
enfin, faire relever la commission sur les soins de fin de vie de l'Assemblée
nationale. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Bergman) : Merci. Mme Blondeau. Merci pour votre
présentation. Alors, pour le premier bloc du gouvernement, Mme la
ministre.
Mme
Hivon :
Bonjour. Alors, merci, merci à vous quatre, donc, Mme Déry, Mme Blondeau, M.
Deschamps… M. Deschamps, c'est un de mes
anciens professeurs, donc, en droit. Donc, on s'est déjà vus à différentes
occasions, je suis heureuse de vous
retrouver. Et, Dre Martel, je suis heureuse de faire votre connaissance aujourd'hui.
Je vous remercie de votre
présentation, de votre mémoire aussi, qui était très clair. On sait ce que vous
voulez, on sait ce que vous ne voulez pas. Donc, ça a le mérite d'être
clair.
Moi, je
voulais justement, dans un premier temps, parler de la question de la sédation
palliative. Nous avons eu beaucoup d'échanges
sur cette question, qui peut avoir l'air bien technique pour certaines des
personnes qui nous écoutent, mais
qui, je pense, est très importante. Parce que souvent, quand on pose la
question aux gens de soins palliatifs, ils nous disent que, quand c'est très, très difficile de contenir les
souffrances, qu'elles soient physiques, ou morales, ou psychologiques, d'une
personne, on a recours à la sédation palliative continue.
Je dois vous
dire qu'avec l'utilisation de «sédation palliative terminale» il n'y avait
aucune volonté de s'éloigner de la
réalité de la sédation palliative continue, comme vous l'avez peut-être déjà
entendu, c'étaient deux termes qui ont été véhiculés pendant les auditions de la commission. Et effectivement, dans
le rapport des juristes experts, ils amènent la notion de sédation terminale. Mais, juste pour que ce
soit très clair, moi, je n'ai aucune objection à ce que l'expression
consacrée soit «la sédation palliative continue». Parce que j'ai toujours
compris que ce que ça voulait dire, la sédation palliative continue, c'était le
fait de plonger quelqu'un, de par, je dirais, le caractère aigu de ses
souffrances, ses souffrances réfractaires,
dans un état d'inconscience de manière continue jusqu'à son décès parce qu'on n'arrive
pas à le soulager autrement. Donc, si
vous me confirmez que c'est bien cela, votre compréhension aussi, je peux vous
dire que la volonté, c'est, donc, de parler de sédation palliative
continue.
Par ailleurs,
je suis étonnée que vous me disiez que vous ne trouvez pas cela pertinent de
mettre ça dans le projet de loi parce que la majorité des intervenants
qui étaient venus nous voir et avec qui on a échangé sur la sédation palliative continue ou terminale — mais aujourd'hui on va parler de
continue — nous ont
dit qu'il y avait un grand flou autour
de cette notion-là. Puis je dois vous dire qu'encore il y a des gens qui
parlent de sédation palliative et qui, pour eux, on voit, quand on commence à jaser avec eux, qu'en fait ils nous
parlent de morphine puis d'augmentation de dose de morphine, alors que
la sédation palliative continue, c'est une réalité propre où vraiment il y a un
protocole qui doit être suivi. Et il y avait
plusieurs, donc, de vos confrères médecins ou, en tout cas, du milieu des
soignants qui nous ont dit : Ce
serait très important de le prévoir, et ce n'est pas un soin banal, il faut que
la personne sache vraiment ce qu'il en est, ou le tiers qui consent pour
la personne.
Donc, on
vient prévoir dans le projet de loi, pour la sédation palliative — si vous le souhaitez, qu'on l'appelle
continue — un encadrement un peu plus formel en
prévoyant la nécessité d'un consentement écrit, la nécessité aussi de
dire quand une telle sédation a eu lieu et la nécessité qu'il y ait, donc, un
protocole clairement établi par les ordres professionnels
et suivi, parce qu'on s'est rendu compte que, de tels protocoles, La Maison
Michel Sarrazin en a un, mais il y a beaucoup d'endroits qui n'en ont
pas. Donc, on pensait que c'était une avancée importante. Et là je dois vous dire que vous êtes les premiers à nous dire de ne
pas mettre ça dans la loi, donc je veux comprendre. Je comprends qu'on
aime ça, garder notre liberté d'action le plus possible, là, mais, si c'est de
nature aussi à encadrer et à rassurer… Parce que je ne pense pas que c'est un
soin banal, quand même. Donc, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.
Mme Martel (Christiane) : En fait…
Là, je pense que… Correct?
• (17 h 20) •
Une voix : Oui, oui, c'est…
Mme Martel (Christiane) : La distinction la plus importante, c'est : Est-ce que
la sédation survient au moment où la mort est imminente ou la sédation
survient de façon précoce? C'est pour ça qu'on vous parle de deux mots, parce qu'il y a une confusion énorme, et je suis
parfaitement d'accord avec vous. L'exercice que j'ai fait, depuis quelques
mois, de lire, relire le projet de loi,
rediscuter avec des collègues nous a amenés à comprendre aussi que, même entre
nous, les termes n'étaient pas si clairs. Donc, c'est un exercice qui
était nécessaire.
La
sédation palliative et la sédation palliative continue est
celle qui survient à la fin de la vie, au moment où la mort est
imminente, où on a tout essayé et les symptômes sont réfractaires ou il y a une
souffrance autre qu'on ne peut apaiser. La
sédation palliative est dans une situation vraiment de fin de vie, et on parle de très court terme.
Les patients, souvent, ne
communiquent plus, les proches sont au courant que la mort est imminente. Et on
ne voit pas, à ce lieu-là, la nécessité de légiférer. Je ne peux pas m'imaginer,
comme médecin — et
tous mes collègues médecins qui font des soins
palliatifs — obtenir
un consentement chez un patient qui est à trois jours, deux heures, quatre
heures de mourir. C'est humainement impossible. Ils ne communiquent
plus, pour la plupart, ils ne boivent plus, ils ne mangent plus. On est dans
une situation de mort imminente. On parle de sédation palliative.
La
sédation terminale… Et c'est pour ça que notre mémoire…
Vous lirez les définitions, et je
pense que, même pour la
communauté des soins palliatifs, c'est important. La sédation terminale est
plutôt celle où, de façon… dans un lieu où
la mort n'est pas imminente, où on va arrêter l'hydratation et la nutrition de
quelqu'un qui est dans une trop grande
souffrance ou qui demande à mourir et dont le décès va être accéléré par le
geste de la sédation. Je ne sais pas si vous voyez la différence.
La sédation palliative,
où on n'interrompt pas l'hydratation et la nutrition, les gens vont mourir au
bout de leur maladie parce qu'ils étaient déjà dans ce processus-là, et
le stade de la vie avait aboli les réflexes de manger et de boire. La sédation terminale, qui conduit à la mort est
celle qu'on applique chez un patient dont la mort n'est pas imminente.
Oui, il va mourir à cause de la sédation
puisqu'il était encore dans une vie active. À la limite, celle-là, je pense, a
besoin d'être encadrée, parce que celle-là a besoin effectivement de
plus d'explications, de plus de… et le patient peut donner un consentement à ce
stade-là de sa maladie. Et c'est la nuance qui est extrêmement importante à
apporter dans le terme de «sédation».
Ce qu'on ne veut pas,
comme médecins en soins palliatifs, c'est une loi qui réglemente une pratique
clinique reconnue qu'on pratique
exceptionnellement — on ne
fait pas ça à tous les jours — mais où on n'induit pas la mort. On n'est
pas dans un processus euthanasique, ce n'est pas la même chose. Je ne sais pas
si c'est clair.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui. Bien,
en fait, je vous comprends. Je suis très bien votre raisonnement, mais, de par…
On en a entendu beaucoup, des médecins en soins palliatifs — il y
a Dr L'Heureux derrière vous — puis on nous a toujours dit que, vous
savez, c'est très difficile de prévoir si la sédation palliative continue, elle
va durer 12 heures, 24 heures, deux jours,
six jours. Et, dans des cas, ça se prolonge. Et ce n'est pas parce que
c'est ça qu'on avait anticipé au départ, mais il s'avère que la personne, elle ne décède pas nécessairement comme
on l'avait prévu. Et justement on nous a dit : Des fois, il
y a des sédations qui sont
administrées alors que la personne est encore hydratée, là, qu'elle soit
consciente ou pas consciente. Parce que ça peut arriver, elle est encore
hydratée, mais elle souffre, puis là…
Donc, je n'avais jamais
compris que ça allait de soi qu'on parlait de sédation continue quand il n'y
avait plus d'hydratation puis qu'on parlerait de sédation terminale quand il y
avait encore de l'hydratation. Mais, si c'est ça… Parce que, quand on est venus
nous parler — différents
experts des soins palliatifs — on
ne faisait pas cette distinction-là. Ce
qu'on nous disait, justement, c'est qu'il faut qu'il y ait un protocole,
au-delà de la procédure, qui vienne nous dire dans quel cadre c'est applicable, dans quel cadre c'est
une bonne pratique médicale, donc d'y aller vers une sédation palliative
continue. Puis vous-même, vous dites qu'il n'y a pas comme de consensus ou que
tout n'est pas clair au sein de la communauté médicale. Donc, c'est ça, l'idée.
Et c'est de se dire…
Je
comprends que vous me dites que la volonté et que la vie suive son cours, sauf
qu'on endort la personne durant toute la durée où la fin de vie suit son
cours, et je pense que, de ce que j'ai compris, c'est un processus qui devient irréversible à partir du moment… Si on
parle de sédation intermittente, non, on peut ramener la personne, mais,
lorsqu'on est dans la continue, elle est
irréversible. C'est pour ça que ça nous apparaissait important,
à la lumière de tout ce que les experts
en soins palliatifs nous ont dit et de leurs demandes, de dire : On va
venir le baliser en disant qu'il doit y avoir un protocole. C'est
fantastique dans les lieux où ça se fait parfaitement, mais le problème, c'est
dans les lieux où ça ne se fait pas parfaitement.
Le Président (M.
Bergman) : Dre Martel.
Mme Martel (Christiane) : Je crois que ça se balise par des guides de
pratique clinique. C'est un geste médical, c'est une décision médicale.
Est-ce qu'on prend une loi pour baliser tous les gestes médicaux qui se posent?
C'est là où je me questionne, sincèrement. Parce qu'on n'est pas dans
un processus où je vais devancer la mort… en tout cas, dans vraiment très peu de situations. Mais là je vous
parle de mon territoire à moi, là, je ne vous parle pas des gens qui
vont demander cette sédation-là six mois
avant la fin de leur vie. Quand on est dans un processus de mettre fin à la
vie, je pense que c'est sage de l'introduire
dans une loi, si on veut, mais pas une pratique médicale. Nous, on a nos
devoirs à faire, d'avoir des bons
guides cliniques, d'avoir des bons protocoles de soins pour préciser le lieu où
se produit ce soin-là. Mais je ne vois la nécessité d'avoir ça dans une
loi.
Le Président (M.
Bergman) : Malheureusement, le premier bloc du gouvernement s'est
terminé. Le premier bloc de l'opposition officielle, M. le député de
Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Oui. Moi, je trouve ça intéressant, toute la
discussion sur la sédation. Mais, en réalité, moi aussi, j'ai fait des soins palliatifs. Il y a un phénomène naturel
qui se passe, et puis, à un moment donné, on n'a pas besoin de faire beaucoup de discussions. On parle
avec les familles, la personne, elle vient qu'elle tombe dans le coma,
et on ne veut pas nécessairement qu'elle se
réveille, puis on fait juste maintenir les doses ou les augmenter. C'est
comme ça qu'on fonctionne.
Quand on parle de l'aide médicale à mourir, moi,
je prendrais plus un exemple, là… Parce que les gens nous apportent beaucoup d'exemples. Vos témoignages
sont très, très bons. On prend des cas particuliers, mais c'est des
milliers de personnes qui meurent à chaque année, ça fait qu'on peut tous se
trouver un cas particulier qui peut défendre notre cause. Moi, je vois la sédation… L'aide médicale à mourir, un
exemple : Sue Rodriguez. Maladie très dégénérative, on arrive à la fin de notre vie, il nous reste
quelques semaines à vivre, mais on est prisonnier de notre corps et puis on
dit : On ne voudrait pas vivre ça. Donc, à ce moment-là, lorsqu'on est
conscient, apte, adulte, citoyen du Québec, on pourrait demander que, dans ce
cas-là, on abrège nos souffrances. C'est comme ça que je le vois, moi.
Mais là c'est
sûr que, quand le projet de loi a été fait… Parce que c'est rendu qu'on est
rendus extentionnés, que n'importe
qui n'importe quand peut le demander. Moi, je pense, ça va demeurer des cas
exceptionnels, et on va regarder les cas exceptionnels. Et puis, pour
avoir déjà discuté avec le Dr Deschamps, qui m'avait fait évoluer là-dessus… Il
ne s'en souvient peut-être pas, mais on a présenté ensemble, voilà plusieurs
années, dans une allocution sur les soins palliatifs…
Il avait dit : On n'est pas pour ça, sauf que c'est vrai qu'il y a des cas
dans lesquels ces personnes-là pourraient être aidées par ça. Ça fait
que moi, je me dis, il faut travailler avec le projet de loi, bien le baliser.
Mais est-ce qu'on peut penser… Puis c'est
ça, ma question : Est-ce qu'on penser que… C'est sûr qu'on fait tous des
bons soins palliatifs, puis on aime tous ça, mais il y a des cas
exceptionnels qui, eux autres, pourraient profiter de ça, dont, moi, je vois le
cas de, exemple, Sue Rodriguez.
Le Président (M. Bergman) :
Dre Martel… Me Deschamps.
M.
Deschamps (Pierre) : Si c'est
pour être comme ça, ce qu'on dit dans le mémoire, c'est : Soyez clairs.
Comme législateurs, vous devez être clairs. Sur la sédation palliative
terminale, pour avoir lu, relu et relu le rapport Ménard, quand on regarde ce qu'il y a dedans, on comprend
mieux qu'est-ce que ça veut dire, «sédation terminale». Et pourquoi on l'encadre? Parce qu'on la met dans la même section
que l'aide médicale à mourir. Et ce qu'on dit dans le mémoire, c'est :
Si la volonté du législateur ou de la
société, c'est d'aller dans ce sens-là, vous n'êtes pas obligés d'en faire un
soin palliatif parce que ça va à l'encontre de la philosophie des soins
palliatifs. Alors, c'est pour ça qu'on dit : Définissez les soins palliatifs, comme on l'a proposé, à l'exclusion de
l'aide médicale à mourir et de la sédation terminale, définissez la
sédation terminale, définissez l'aide médicale à mourir. Parce que, dans les
projets de loi de la Belgique et du Luxembourg, le premier article, on définit
les termes. Et, comme ça, ce sera clair pour tout le monde.
Quant à
savoir : Est-ce que la loi va être adoptée ou elle ne le sera pas?, c'est
à vous de décider. Et vous avez, comme on dit, à tenir compte d'un tas
de facteurs, oui. Comme on a dit, comme Mme Blondeau l'a dit, pour éviter la confusion, soyons clairs, parce que la clarté est
essentielle dans une loi, pour ne pas qu'on ait à interpréter une loi en
disant : Bien là, je vais me référer à
la commission sur mourir dans la dignité, je vais me référer au rapport Ménard
pour essayer de comprendre ce qui est dit. Alors, je pense que ça, c'est
essentiel.
Et l'autre
élément, c'est qu'il y a une définition qui a été adoptée par l'Organisation
mondiale de la santé, qui, je pense, tient la route, alors
respectons-la. Mais vous pourrez avoir, si telle est la volonté du législateur,
le projet de loi qui vous semblera, mais on
ne viendra pas créer de la confusion et faire en sorte que des gens se
sentiront mal à l'aise dans l'interprétation ou même dans l'application.
Parce que, comme l'ont dit le Collège des médecins, les fédérations des médecins spécialistes et des omnipraticiens, le critère de mort imminente n'est pas présent. Et là
on se questionne sur cet élément-là : Est-ce que c'est à dessein ou
c'est un oubli? Parce que, si ce n'est pas la mort imminente, bien peut-être qu'on n'est pas dans le domaine des soins
palliatifs aussi. Ça peut être un soin, comme c'est suggéré par le projet de
loi. Mais essayons de préserver l'intégrité des soins palliatifs. Nul n'est
besoin, pour aller de l'avant avec le projet de loi, de faire de l'aide médicale
à mourir et de la sédation terminale un soin palliatif. Et l'essence de notre
mémoire porte là-dessus, en plus de tous les autres éléments.
• (17 h 30) •
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci. J'aime beaucoup votre clarification. D'ailleurs,
ma collègue qui est responsable de notre équipe, elle l'a dit dès le
début, ça nous prend des définitions. Et puis également ce n'était pas pour
avoir l'impression… c'est peut-être pour
mieux passer la pilule, on a tendance à voir ça comme consulter… des soins.
Puis peut-être que ça peut être comme
ça dans la vision de certaines personnes. Mais ça va être important de définir
qu'est-ce qui est soins palliatifs, dont entre autres la sédation à la
fin de vie, versus sédation terminale, qui est beaucoup plus associée avec le contexte de l'aide médicale à mourir, être
capable de dissocier ça. Que ce soit dans le même projet de loi, je
pense que vous aviez des objections. Moi, je
vis bien avec le fait que ce soit dans le même projet de loi, mais qu'on
dissocie les deux concepts.
Et je retiens également, puis vous l'avez dit,
là, c'était comme… L'autodétermination permet quasiment de déterminer au moment
où tu vas mourir, indépendamment de ta condition. Quand les gens me
disent : Bien, on peut peut-être le déterminer un an ou deux d'avance… Moi, je suis d'accord
que la mort n'est pas prévisible tant que ça, mais un an ou deux d'avance, on est capable d'avoir une
marge de manoeuvre, là. Je pense que ça va être intéressant également qu'on puisse en discuter. Mais moi, je suis d'accord
avec vous et je vous rejoins : la clarification des termes, qu'est-ce
qu'on veut, jusqu'où on est prêts à aller, c'est quoi, les balises qu'on va
mettre.
Puis je vais vous donner mon impression. On est
partis d'une commission médicale à mourir qui a fait un excellent travail, dans laquelle on a beaucoup entendu les gens qui
étaient pour que ça devienne disponible, mais ce qu'on entend actuellement dans la commission, c'est
beaucoup les gens qui, en voyant le projet de loi, ont dit : Nous autres,
ce n'est pas là qu'on pense qu'on devrait se rendre. Maintenant, il faut
retrouver l'équilibre.
L'autre
élément, et vous avez raison, il y a eu un travail de commission médicale à
mourir, il y a eu le rapport Ménard, mais actuellement c'est un projet
de loi, avec une loi, il faut refaire un gros travail pour être certains qu'on n'ait pas à interpréter en fonction de la
commission et qu'on n'ait pas à interpréter en fonction du rapport Ménard,
mais bien qu'est-ce qu'on voulait ici, en auditions, suite à ce que les gens
aient consulté le projet de loi et qu'on ait pu le travailler pour le modifier, pour être certains que ça répond aux
besoins de la population. Il y a un équilibre à aller chercher. Je ne
sais pas si c'est comme ça que vous le voyez également, là?
Le Président (M. Bergman) :
Me Deschamps.
M.
Deschamps (Pierre) : Eh
bien, je pense que c'est ça que l'on vise. Pas besoin, comme on dit, de faire
en sorte que les soins palliatifs, ça
devient encore plus confus. Si les distinctions sont là puis si les définitions
sont claires, à ce moment-là ce sera
peut-être plus facile. Mais il n'en demeure pas moins que ça demeurera toujours
un élément qui va diviser les gens.
Mais, comme vous disiez, puis je suis d'accord avec vous, et c'est dans notre
mémoire, si on fait une loi, c'est pour
que ce soit compris par le citoyen ordinaire, sans qu'il ait à se référer à d'autre
chose et sans non plus mettre de côté les acquis. Puis les acquis en
soins palliatifs sont précieux, puis on dit qu'on veut faire la promotion des
soins palliatifs, alors arrangeons-nous pour
que ce soit comme ça et qu'on ne vienne pas mettre dans la maison des soins
palliatifs quelque chose qui n'est pas nécessairement un soin palliatif.
Mais, si la société veut en faire un type de soin, bien, soit.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Oui, seulement pour terminer. Ce que je voie
où on s'en va, c'est que les gens des soins palliatifs sont très craintifs de se faire imposer, à un moment donné, d'avoir
à faire de l'aide médicale à mourir ou d'avoir à supporter l'aide
médicale à mourir. Et, comme le projet de loi a été fait, présentement tous les
CSSS doivent être capables d'offrir l'aide médicale à mourir et, suite à avoir
entendu les gens des soins palliatifs, ils ne veulent pas nécessairement être
associés avec ça.
Ça fait que
ça va être, dans notre organisation des soins par territoire, qu'est-ce que la
personne veut, qu'est-ce que les intervenants veulent offrir, puis être
capables à ce que tout le monde se retrouve là-dedans et qu'on puisse donner satisfaction à tout le monde. Ça, ça va
être le grand, grand défi. Parce qu'on peut passer de soins palliatifs, à
un moment donné, puis dire : Oui, moi,
maintenant, j'aimerais passer à l'autre étape, mais ce ne seront pas
nécessairement les mêmes équipes qui vont pouvoir et qui vont vouloir le faire.
Ça va être ça, notre défi. Je ne sais pas ce que vous en pensez, Dr Martel? Sur
le terrain, ça va être un défi.
Le Président (M. Bergman) :
Dre Martel.
Mme Martel
(Christiane) : Bien, c'est
parce que le plus grand défi, c'est que… Quand on choisit de faire des soins palliatifs, quand on choisit d'être médecin,
au départ on a des valeurs qui nous portent quand on choisit de faire
ça. Et les valeurs de soutenir la vie, ce n'est pas juste des valeurs
superficielles, c'est des valeurs intrinsèques à ce qu'on est. Et j'étais à un colloque, il y a quelques semaines, de 140 ou 150 intervenants de soins
palliatifs, qui se sont posé la question : Qu'est-ce
que je vais faire avec la demande d'aide
médicale à mourir? Et j'ai vu là plus de médecins pleurer que je n'ai jamais vu dans mes 18 ans de médecine parce que
ça nous préoccupe profondément. C'est nous qui sommes là à
la fin de la vie, c'est nous qui recevrons ces demandes-là et c'est un conflit
avec nos valeurs.
On ne peut
pas vous dire qu'on est d'accord avec la loi n° 52, mais c'est un
mouvement de société. On est dans une société démocratique, on
doit… on en fait partie. Mais ma plus grande question, c'est : Est-ce qu'en
soulageant la souffrance on va en générer plusieurs?
Et c'est vraiment une question sincère, c'est vraiment une question
qu'on doit se poser. Et, oui, sur le
terrain, quand on soigne des gens pendant des mois, des semaines, dans des
périodes vulnérables, dans une
période où ils sont fragiles, dans une période où ils changent d'idée à tous
les jours, moi, ma principale préoccupation,
c'est : Est-ce que la demande d'aide à
mourir est vraiment une demande d'aide à mourir? Et je vous jure que,
sur le plan humain et sur le terrain,
même après 18 ans de pratique, je ne suis jamais parfaitement certaine que c'est une réelle demande d'aide à mourir, parce que,
quand on voit cette demande-là, qu'on se retrouve dans un milieu privilégié — j'ai
la chance d'être dans un milieu privilégié,
où les soins sont vraiment au maximum qu'on peut donner au niveau humain, au niveau ressources, bon — et
que je vois le changement chez ces gens-là…
Hier, une dame de 92 ans me disait : Écoutez,
je voulais mourir il y a une semaine, mais je vous dis que je suis contente de ne pas avoir eu la chance de faire ça,
je suis tellement bien maintenant. Mais ce genre de phrase là, ce n'est pas l'exception, ce n'est vraiment
pas l'exception. Mais je comprends votre exemple. Je suis des SLA à domicile, des
gens qui ont des scléroses latérales
amyotrophiques. C'est triste, c'est horrible, c'est difficile. Mais, lorsque
moi, je vais arriver à la limite de ma capacité de soins parce que mes
valeurs profondes me mettent en conflit avec le geste que mon patient me demande, qu'est-ce que ça va générer? Et c'est extrêmement difficile, en ce moment, ce que la société nous demande, vous n'avez pas idée comme… Quand on est des médecins en soins
palliatifs, où on a soutenu la vie, où on la soutient jusqu'à la fin, et
qu'une société vient nous demander : Quand je vais te demander que je veux
mourir, fais-le, c'est quelque chose.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps pour le premier bloc est écoulé. Pour
le deuxième bloc du
gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon : C'est très intéressant, en fait, cet échange-là. Et
puis je pense qu'il faut trouver l'équilibre aussi entre la réalité des soignants et des patients. Et il y
a aussi la souffrance, dans certains cas, je pense… En fait, c'est des
proches qui nous l'avaient amené beaucoup.
Parce que vous parlez des souffrances qu'on va peut-être créer, mais je pense qu'il
ne faut pas non plus faire abstraction des
souffrances qui restent sans réponse à l'heure actuelle, autant pour les
personnes que pour les proches. Et puis il y
a quelques personnes qui étaient venues nous dire que… Puis, on peut tous,
comme dit mon collègue de Jean-Talon, prendre des cas, là. Vous en
prenez, des histoires extraordinaires. Il y a plein d'histoires extraordinaires. Et je pense qu'il y a beaucoup
plus, heureusement, d'histoires extraordinaires de fin de vie que d'histoires
un peu sans réponse et sans issue. Nous,
notre défi, c'est d'être capables de trouver une réponse aux situations
désespérées, en quelque sorte.
Et
puis moi, je me dis, tout ce questionnement-là et, ce que vous dites, comment
ça vous interpelle, j'imagine aussi que
ça vous interpelle beaucoup quand vous êtes face à une situation sans issue en
ce moment. Et j'imagine aussi que, quand
des gens… C'est parce qu'il y a toujours ça. Je sais que, pour vous, il y a une
grande différence entre un arrêt de traitement puis une aide médicale à mourir. Mais, pour beaucoup de gens, le
processus… puis il y a des gens qui sont venus nous raconter des processus d'arrêt de traitement, c'est
un processus qui ressemble quand même… parce qu'on sait que, quand on va
débrancher, la personne va mourir.
Donc,
je me dis, est-ce que les soignants se posent autant de questions quand il y a
quelqu'un qui demande un arrêt de traitement, dire : Mon Dieu,
est-ce qu'elle veut vraiment un arrêt de traitement? Est-ce que c'est un moment
de découragement? Est-ce qu'il y a tout ça?, ou quelqu'un, au contraire, qui
demande : On continue, on continue les traitements,
qui ne veut pas arrêter les traitements. Moi, je me dis, ces questions-là aussi
sont importantes en fin de vie. Quelqu'un qui n'est pas capable de voir
qu'il est en fin de vie, là, qui continue à en demander, à en demander, je suis
certaine que c'est plus facile pour le soignant d'acquiescer à ça. Mais est-ce
que ça rend service à la personne, aussi?
Donc, je pense qu'il
y a toute une gamme de questionnements là-dedans qui font en sorte qu'il n'y a
pas de réponse simple. Et, nous, la question
avec laquelle on est pris, c'est : Qu'est-ce qu'on fait avec ces cas-là
exceptionnels? Qu'est-ce qu'on fait quand l'histoire
de fin de vie, elle n'est pas celle qu'on voulait? Et surtout, je vous entends parfaitement,
vous dites : Quelqu'un qui demande, une journée, il dit : Je n'en
peux plus, il ne faudrait pas lui donner l'aide médicale à mourir, là, je suis
100 % d'accord avec vous là-dedans,
il faut voir ce qu'il en est. Mais je pense
que les cas qu'on a vus ou les cas qu'on
voit, comme Dr Low, la semaine passée, dans les médias, ou monsieur… j'en parle
aujourd'hui, mais M. Georges C., dans Le Soleil, ce n'est pas des gens qui se sont levés un bon matin en disant :
Je n'en peux plus. Puis je pense que,
les balises, la force de ces balises-là, c'est qu'il y ait tout un processus d'encadrement très formel pour
dire : Il faut que ça soit répété dans le temps, il faut que la personne
soit en fin de vie.
Parce
que, là, vous me disiez : Il n'y a pas de balises. Le projet de loi, c'est
un projet de loi pour les personnes en fin
de vie. La personne est en fin de vie, là, elle n'est pas à 10 ans de la
fin de sa vie. Ce n'est pas une personne qui est lourdement handicapée,
c'est une personne qui est en fin de vie. Tout le projet de loi est pour les
personnes en fin de vie. Donc, ça, je pense,
c'est important de vous le réitérer. Alors, je me dis, il y a quand même tout
un processus qui fait en sorte qu'on
exclut cette personne-là qui évidemment, une journée, est découragée puis
dit : Je veux en finir. Donc, moi, ma question, c'est un peu : Qu'est-ce qu'on fait avec ces cas-là qui
sont sans issue? Est-ce qu'en fait la réponse, c'est de dire : Il
faut les laisser sans réponse parce qu'il y a un bien plus grand et, donc, il
ne faut pas répondre à ces personnes-là, malheureusement leur dire : Pour
vous, on ne peut pas arriver à soulager?
• (17 h 40) •
Le Président (M.
Bergman) : Me Deschamps.
M. Deschamps (Pierre) : Nous, on dit que c'est pour les personnes en fin
de vie. Moi, je me pose la question : Pourquoi le Collège des médecins puis les deux fédérations se
disent : Où est le critère de la mort imminente? Peut-être qu'il faudrait le mettre pour être sûr que… Mort
imminente, ça peut être quelques jours, ça peut être… Mais le projet de
loi, ce n'est pas ça qu'il dit. Et, quand j'ai deux fédérations, le Collège des
médecins et l'Association médicale qui disent : On ne voit pas cette balise-là, bien je pense qu'il faut les écouter
puis se demander : Est-ce qu'on ne devrait pas la mettre pour justement éviter que des personnes… Et moi,
des fois, j'ai l'impression que l'aide médicale à mourir, ce sera pour
des personnes qui vont être loin de la fin de vie puis, simplement parce qu'ils
auront une souffrance psychologique, etc., ils voudront peut-être rencontrer
les autres critères. Ça, je pense qu'il faut se poser la question.
Et
l'autre question — puis c'est
la position qui a été prise — c'est si ça doit être considéré comme un
soin, bien ce n'est certainement pas un soin palliatif dans le sens
classique du terme. Et, comme le Collège des médecins l'a dit, il y a peut-être une promiscuité un petit peu trop
grande entre soins palliatifs et aide médicale à mourir. C'est ce qu'ils
ont écrit dans leur mémoire. Il faudrait
peut-être dissocier les deux pour que les choses soient claires pour tout le
monde. Puis, s'il faut aller de l'avant
avec l'aide médicale à mourir, qu'on aille de l'avant, puis les soins palliatifs
vont aller de l'avant, puis il appartiendra aux professionnels et au
réseau de voir comment ça va se dérouler.
Et la
question que j'ai aussi, qui m'a turlupiné, c'est : On parle de politique,
on parle d'orientations, on parle de protocole,
on parle de toutes ces choses-là. Est-ce qu'on va attendre, pour que le projet
de loi soit en vigueur, que tous les établissements,
tous les CMDP aient mis en place ce qu'il faut pour faire en sorte que le
projet de loi soit, comme on dit, non seulement sanctionné, mais entre en
vigueur? Ça, c'est une question, je pense, qui mérite d'être considérée. Quand
est-ce que ça va entrer en vigueur? Est-ce que toutes les balises doivent être
là avant que ça entre en vigueur?
Mme Martel (Christiane) : Je
voudrais juste revenir… Pour répondre à la question de Mme Hivon…
Le Président (M. Bergman) :
Dr Martel.
Mme Martel
(Christiane) : …les cas
désespérés, les cas de souffrance extrême, les cas… quelle est la
différence entre arrêter un traitement versus donner l'aide médicale à mourir?
Bien, de mon côté, je peux vous dire qu'un arrêt de traitement, sauf l'arrêt de traitement où la personne est décédée et
on la maintient en vie… Parce qu'il y a des traitements comme ça en médecine, les soins intensifs, etc.,
la personne est morte, et on la maintient en vie. Donc, un arrêt de
traitement comme ça n'est pas dans un processus euthanasique, la personne est
décédée.
Pour tous les
autres qui décident… qui refusent le traitement ou qui arrêtent le traitement,
la grande différence, très grande
différence, c'est le temps. J'arrête un traitement de chimiothérapie d'une
patiente qui n'est pas certaine qu'elle doit continuer ou arrêter puis qui… Il y a du temps qui se passe, il y a du
temps où on discute, il y a du temps… Et la notion de temps, c'est flou. Est-ce que, quand quelqu'un me
demande de mourir, j'attends deux semaines pour confirmer sa demande? Est-ce que j'attends un mois? Est-ce que je donne
un délai de trois mois entre la première demande et l'injection létale? C'est très difficile. Puis moi, je vous parle de
fin de vie, là, je ne vous parle pas de gens qui ont des maladies
chroniques depuis des années. Je parle de mon terrain. Je ne peux pas parler du
reste, je le connais moins. Mais, en fin de vie, les gens changent de position
très souvent.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Oui. Juste pour bien clarifier ça. L'aide
médicale à mourir n'est pas un soin palliatif. Donc, ce n'est pas un
soin palliatif dans le projet de loi. C'est un soin de fin de vie, mais ce n'est
pas un soin palliatif. Donc, je veux juste
vous… Puis, pour ce qui est de la question du temps, je la comprends, je comprends tout à fait ce que vous me dites. Ce n'est pas la même chose si quelqu'un
dit : Je ne veux pas une chimiothérapie, puis tout ça. Mais, en même temps, quelqu'un qui dit : Je veux arrêter ma dialyse, on sait
pas mal ce qui va arriver. Il y a des gens conscients, ils ne parlent plus,
mais ils sont capables encore d'exprimer de différentes manières non verbales
qu'ils veulent être débranchés d'un respirateur, par exemple. On sait que la
mort va se produire.
Donc, moi, je
comprends la distinction que vous faites, je vous le dis,
mais en termes de processus d'échange, d'être certain que c'est ça que la personne veut…
C'est toute la question de dire : L'autonomie de la personne, dans
le fond, quelle place on lui donne? Dans la
vie de tous les jours, les gens, à chaque jour, ils prennent des décisions qui
ont des impacts majeurs sur leur vie, ils les assument, des fois, pas
très bien, mais c'est à eux de les assumer… c'est ça, jusqu'où…
Parce qu'on est dans un contexte médical ou en
fin de vie, là c'est comme si on ne pouvait pas permettre aux personnes d'assumer pleinement leur autonomie
parce qu'on se dit : Le choix qu'ils vont faire a une incidence trop
rapide, trop réelle, trop concrète, qui,
moi, comme médecin, m'interpelle. Je le comprends, là, 100 %, pour vous, c'est
un gros changement. Et puis je ne
suis pas certaine que c'est, non plus, les médecins de soins palliatifs qui ont
tout ça à porter sur eux, dans le
sens qu'il y a toute la communauté médicale aussi qui est derrière ça. Donc, c'est
à ce niveau-là que je voulais tantôt illustrer la question de l'arrêt de
traitement. C'est plus dans le questionnement, où on remet peut-être moins ça
en cause qu'une personne qui va demander qu'on l'aide à mourir, dans le fond.
Le Président (M. Bergman) :
Me Deschamps, dans 1 min 30 s.
Mme
Hivon : J'aimerais…
M.
Deschamps (Pierre) :
…définissez ce que c'est que les soins palliatifs et dites, dans le projet de
loi, que c'est à l'exclusion de l'aide
médicale à mourir et de la sédation terminale, si on tient à ce terme-là. Comme
ça, ça va être clair. Parce que, là,
on dit «soins de fin de vie», ça équivaut les soins palliatifs, puis on dit «y
compris la sédation». Je pense que là, il faudrait être beaucoup plus
clair.
Puis la différence entre arrêter un traitement
et puis faire de l'euthanasie ou de l'aide médicale à mourir, dans un, je m'abstiens; dans l'autre, je cause le décès
de la personne délibérément, avec l'intention de le causer. Puis, jusqu'à
ce que… à moins que je connaisse mal mon droit, mais, en droit criminel, c'est
considéré comme un meurtre de porter directement atteinte à la personne de
quelqu'un. Et, d'un point de vue moral, il y a une distinction à faire. Vivre
avec le fait que j'ai laissé mon épouse aller, puis vivre avec le fait que
quelqu'un l'aurait tué, c'est autrement différent, psychologiquement parlant.
Mme Blondeau (Danielle) : J'aimerais…
Le Président (M. Bergman) :
Dans une demi-minute.
Mme Blondeau (Danielle) : Un peu l'historique de nos réflexions, c'est qu'on
a accueilli le projet de loi n° 52, puis on l'a lu, puis on l'a
analysé pour réaliser que les soins palliatifs étaient peu promus. Et nous,
comme réseau, on s'est
dit : Bien, il faut lever le signal que la promotion des soins
palliatifs — ça a été
dit à la commission — ça
demeure un objectif de société. Puis on
trouvait que ce n'était pas très présent. Puis on trouvait que d'accoler l'aide
médicale à mourir ou la sédation
palliative terminale, au lieu d'éclairer la population québécoise, tout le
monde est mêlé, les médecins, les patients, les citoyens. Bien, nous, on
aimerait avoir un effort de clarification, comme ça s'est fait, par exemple, en
Belgique et aux Pays-Bas, où on a préservé l'intégrité
des soins palliatifs, d'une part, et on a fait un projet de loi, là,
pour encadrer l'euthanasie.
Le Président (M.
Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement. Pour le bloc
de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Merci. Alors, bonjour, merci de votre participation
aux travaux de la commission. Je souhaitais justement aller dans le sens de votre intervention et en savoir
davantage. Parce que vous faites une proposition, en quelque sorte, de scinder le projet de loi et de faire
deux projets de loi distincts, dont un qui se pencherait sur la question des
soins palliatifs et l'autre qui inclurait vraisemblablement le concept et l'encadrement
de la sédation palliative terminale et l'aide
médicale à mourir. Donc, il y aurait des finalités distinctes et une… On ne
mettrait pas à l'intérieur d'un même projet de loi des concepts qui ne s'accordent pas nécessairement ou qui
naturellement ne vont pas ensemble. Je l'avais
suggéré ce matin et puis je n'avais pas
encore pris connaissance de votre mémoire, donc j'aimerais vous entendre un petit peu sur quels éléments du projet
de loi n° 52 pourraient être retenus dans le projet de loi qui encadrerait
les soins palliatifs.
• (17 h 50) •
Le Président (M.
Bergman) : ...Me Deschamps.
M. Deschamps (Pierre) : Bien, il va falloir, comme on dit, utiliser un
sécateur pour essayer de voir qu'est-ce
qui peut être fait. Il y a toute la question
du consentement. Il y a toute la question de l'accès aux soins. Il y a toute la
question de l'encadrement des maisons de
soins palliatifs. Il y a toute la question de l'offre de services qui pourrait
avoir lieu dans les établissements.
Il pourrait y avoir des précisions sur le fait que «soins palliatifs», c'est…
voici la définition qu'on en donne. Je pense que c'est dans ce sens-là
qu'on pourrait aller.
Pour
ce qui est de l'aide médicale à mourir, bien, à ce moment-là, c'est tout l'encadrement
qu'on doit y mettre, toutes les
balises qu'on doit y mettre, tous les critères qu'on doit y mettre, tous les
contrôles qu'on doit y mettre. Moi, je suis un peu étonné quand on parle
de sédation palliative terminale puis on dit que le médecin doit aviser le
Conseil des médecins et dentistes. Si c'est
vraiment de la sédation palliative, je ne vois pas l'utilité, mais, si c'est
sédation terminale qui implique l'arrêt
de l'hydratation, là je peux comprendre. Puis Me Ménard, dans son mémoire, je
pense, a bien lu ça.
Donc,
ça, ça pourrait être dans un projet de loi, avec toutes les balises que ça peut
comporter, toutes les obligations du médecin. Ce seraient peut-être des
projets de loi qui seraient moins volumineux, mais, quand vous regardez la Belgique et le Luxembourg, c'est relativement
court comme projets de loi. Je ne dis pas qu'il faut imiter ce qu'ils ont
fait là-bas, mais je pense que ce n'est pas par accident qu'ils ont scindé les
deux. Il y avait une sagesse, je pense, des parlementaires
de dire : Oui, avec tout ce qu'on a entendu, peut-être que c'est
préférable d'aller dans ce sens-là. Alors, vous voyez, grosso modo, ce
qu'on pourrait mettre dans l'un puis ce qu'on pourrait mettre dans l'autre.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Est-ce que, par exemple, la commission sur les soins
de fin de vie serait nécessaire à l'encadrement des soins palliatifs?
Le Président (M.
Bergman) : Me Deschamps.
M. Deschamps
(Pierre) : Bien, la commission, ça va dépendre de ce qu'on va lui
donner comme mandat. Il y en a qui sont
venus devant vous en disant... Et je pense que c'est le Protecteur du citoyen
qui a fait des représentations, je pense,
qui sont très valables sur les soins palliatifs. Je pense qu'il y avait trois
recommandations qui portaient là-dessus.
J'ai l'impression que
la commission sur les soins de fin de vie, le contrôle ou la supervision qu'elle
voudrait exercer, c'est surtout sur l'aide
médicale à mourir et la sédation terminale parce que c'est là qu'on a peur des
dérapages, et on a dit : On va mettre,
entre autres choses — et il y
en a plusieurs — cette
balise-là. Qu'une commission sur les soins de fin de vie vienne voir comment les soins palliatifs... Comme on a dit,
il y a des guides de pratique, il y a l'agrément qui existe, il y a
toutes sortes de contrôles qui existent. Alors, ça dépend du mandat qu'on
voudrait lui donner et de ce que le législateur
veut faire comme supervision globale. Mais là je pense qu'il va falloir
regarder ça dans l'optique : si jamais les deux projets de loi...
si le projet de loi était scindé.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Et on vous a peu entendus sur toute la question des directives médicales
anticipées dans le contexte de vos pratiques
et de la pratique en soins palliatifs. Qu'est-ce que vous pensez des articles
qui sont prévus au projet de loi entourant la question des directives
médicales anticipées?
Le Président (M.
Bergman) : Dre Martel.
Mme
Martel (Christiane) : C'est une excellente idée parce que très
souvent, à la fin de la vie, on n'a pas clairement
ce que... les gens n'ont pas réfléchi tant que ça à leur niveau de soins et à
ce qu'ils pourraient souhaiter dans les...
s'ils sont très malades. Le seul point qui m'inquiète, c'est le temps, parce
que, quand on est vraiment en santé — et le docteur... je ne me rappelle plus son nom, la pédiatre nous l'a dit
tantôt — quand on
est très jeune et très loin de la vieillesse et de la mort, on n'a pas du tout les mêmes besoins et on n'a pas du
tout les mêmes souhaits, par rapport à si on est malade.
Donc,
ces directives anticipées, excellente idée, mais peut-être avec une petite
notion de temps, avec la révision, je ne
sais pas, moi, aux deux ans ou avec... pour que le médecin qui reçoit un
patient qui est dans une complication grave et qui a fait ses directives
anticipées il y a 10 ans... Je ne suis pas certaine que, dans un espace de
temps de 10 ans, les directives anticipées
peuvent être... à cause de l'ambivalence de la maladie de la fin de vie. Quand
on est malade, on ne pense plus de la même manière que quand on est sur
le point de mourir.
On
a accompagné, dans notre maison de
soins palliatifs, quelqu'un qui était vraiment un disciple de l'euthanasie,
qui a fait des livres, qui a fait des
écrits, qui a, toute sa vie, parlé pour que le Québec légalise l'euthanasie.
Et, quand il est arrivé à la fin de sa vie, il nous a dit : Je suis
désolé, je me suis trompé. Il a eu une bronchite puis il nous a demandé de
traiter sa bronchite. Donc, c'est pour ça que je vous dis que nous, on la voit,
cette ambivalence-là.
Ça
fait que les directives anticipées, c'est une excellente idée. Et
personnellement, en soins palliatifs, c'est de ce côté-là que je vais travailler beaucoup avec mes
personnes âgées et avec mes patients qui sont très malades. Mais une
petite notion de temps par rapport à
peut-être la révision ou savoir où les gens sont dans leur vie. Mais c'est une
excellente idée.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc de l'opposition
officielle. Avant de reconnaître le deuxième groupe d'opposition, je rappelle aux collègues de la commission qu'on a
une séance de travail à 18 heures, ce soir, à la salle RC.171.
Alors, maintenant le deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault : Merci, M. le Président. Merci de votre présence.
J'aimerais revenir à votre intervention en début d'allocution, concernant les médecins qui... En Belgique, actuellement,
il y a une expertise, bon, qui... Bien, en fait, eux, ils appellent ça l'euthanasie, finalement. Et vous
semblez avoir eu des contacts avec des médecins qui, là-bas, pratiquent
l'euthanasie. J'aimerais vous entendre à cet effet-là, à cet égard-là.
Le Président (M.
Bergman) : Dre Martel.
Mme Martel (Christiane) : Bien, en fait, les discussions ont eu lieu dans
une rencontre francophone des maisons de
soins palliatifs, où on a pu échanger avec des médecins qui travaillaient dans
des milieux de soins palliatifs ou dans des hôpitaux et qui, pour certains, pratiquaient l'euthanasie ou ne la
pratiquaient pas nécessairement. On n'est pas obligés, même en Belgique, de pratiquer l'euthanasie. Mais
les discussions que j'ai eues avec des médecins sur place étaient de la nature : J'ai choisi de le faire, j'ai
accepté de le faire parce que je n'étais pas capable de laisser mon patient,
parce que ça fait... Il y avait une
oncologue, entre autres, qui me disait : Bien, je ne pouvais pas, ça fait
des années que je les accompagne. Mais, quand je le fais, je dois me
retirer. Je ne vais pas bien pendant un temps.
Un
autre médecin nous disait : Bien, j'ai dû changer d'hôpital parce que la
culture de l'hôpital où j'étais est devenue une culture où, disons, on se questionnait moins, où on se préoccupait
moins des demandes d'euthanasie. Et, pour elle, dans son conflit de valeurs personnelles, elle a dû changer d'hôpital
parce qu'elle était vue comme un médecin qui manquait de compassion ou
un médecin qui n'acceptait pas de faire ça pour ses patients.
Donc,
ça peut prendre des chemins qu'on ne s'attend pas, je pense. Mais on ne doit
pas négliger ça. Parce que je ne pense
pas qu'on est dans un système de santé où c'est très, très facile. On est tous
débordés, on a tous beaucoup de travail. Et est-ce qu'on aura
suffisamment de temps, de support, de… Le programme d'aide aux médecins, je
parlais avec Me Deschamps, il pense à
ça : si cette loi-là arrive, comment on s'y prépare, parce qu'il y a des
médecins qui n'iront pas bien dans ce
lieu-là. Ce n'est pas aussi simple que de référer et de dire : Bon, bien,
moi, je ne veux pas le faire, faites-le. On parle de relations humaines, on parle de relations intimes entre un
médecin puis un patient. Donc, quand on est en conflit de...
Je ne sais pas si j'ai
le temps, mais, dernièrement, il y a un patient qui m'a demandé l'aide médicale
à mourir parce qu'il pensait que la loi était passée. Donc, il me demande — il
avait entendu ça dans les médias, un monsieur âgé — il me dit : Là, Dre Martel, moi, c'est
vraiment ça que je veux, puis je voudrais qu'on en parle sérieusement,
puis... Et la discussion m'a amenée... J'ai
dit : Écoute, bon, la loi n'est pas passée, mais je vais faire comme si
elle était passée, je vais vous
parler exactement comme si la loi était passée. Et on a discuté ensemble :
qui je suis, pourquoi je suis médecin, d'où je viens. J'ai tassé mon crayon, mon dossier, mon stéthoscope, et on a
parlé. On a juste parlé comme deux êtres humains avec des valeurs puis des choses… des passés, des valeurs différentes.
Et, à la fin de la discussion, je me suis retrouvée devant une situation
où, tout à coup, c'est le patient qui, les yeux dans l'eau, m'a dit :
Bien, finalement, Dre Martel, même si la loi était là, je ne vous demanderai
jamais ça. Pourquoi? Pas parce que je voulais le convaincre de ne pas mourir, là, mais il a comme entendu, et, tout à
coup, moi, qui le soignais, je suis devenue comme : Coudon, j'ai-tu
bien fait de dire ça, parce que...
• (18 heures) •
Mais
c'est ça qui se passe dans une relation médecin-patient. Mais ce patient-là me
disait : Je vous comprends, je comprends vos valeurs. Mais j'ai dit
aussi : Je vais tout faire, je vais être là puis je vais tout faire pour
que ce ne soit pas souffrant. C'est la peur
de la souffrance de la fin de la vie qui amène ces demandes-là. Mais on est
dans une relation intime, on est dans
une relation qui dépasse… à ce stade-là, à ce niveau-là, dans les demandes d'aide
à mourir, ça dépasse de loin la
simple relation médecin-patient. Et c'est ce qui m'inquiète, dans notre système. Si l'aide médicale arrive, comment
on va faire pour préserver notre profession,
pour faire en sorte que trop de médecins entre nous ne soient vraiment pas bien dans cette situation-là?
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Groulx, il vous reste une minute.
Mme
Daneault :
Merci. Bien, merci de votre... Et puis je pense que, cette notion-là, on a
tendance à l'oublier quand on fait des lois. L'aspect humain, bien, je
pense que c'est essentiel. Alors, c'est bien de nous ramener à ça. Bon.
Si éventuellement la loi passait, est-ce que
vous pensez qu'on ne devrait pas déjà, d'ores et déjà avoir des équipes peut-être dédiées à supporter, un peu
comme on le fait dans les groupes de... dans les soins palliatifs, d'aide
aux personnels qui sont... les personnels soignants, là, mais qui ont à vivre
ça au quotidien?
Mme Martel (Christiane) : C'est tellement
vrai que...
Le Président (M. Bergman) :
Il reste du temps pour une courte réponse.
Mme Martel
(Christiane) : Oui, ce ne sera
pas long. C'est tellement vrai qu'au dernier Congrès international de
soins palliatifs, dans une discussion de corridor, en parlant avec quelqu'un de
la Belgique, il me disait comment ça se passait dans leurs hôpitaux et dans
leur milieu, et les équipes. Il faisait partie d'une équipe qui soutenait les
équipes soignantes. Et il me dit : Bien, comme dans vos établissements,
vos équipes qui supportent les groupes vont aussi s'occuper de ceux qui supportent... J'ai dit : C'est parce que
nous, dans nos établissements, on n'a pas d'équipe qui supporte les soignants. On n'a pas de gens qui nous
soutiennent, là, ce n'est pas quelque chose qui est installé, alors que ce
que je comprenais, c'est qu'en Belgique c'était
déjà quelque chose qui était installé avant que l'euthanasie arrive. Ils
avaient des équipes de support, des équipes de discussion pour permettre que la
vie continue. Mais nous, on n'a pas ça. Ça fait que c'est très pertinent, votre
question.
Le
Président (M. Bergman) : Merci. Alors, Mme Déry, Mme Blondeau, Dr Martel, Me Deschamps, merci
pour votre présentation.
Collègues, la
commission suspend ses travaux pour quelques instants seulement afin de se réunir en séance de travail à
la salle RC. 171, hôtel du Parlement. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 2)
(Reprise à 19 h 34)
Le Président (M. Bergman) : À
l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Nous allons
poursuivre sans plus tarder les consultations particulières et les auditions
publiques sur le projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de
vie.
Alors, je souhaite la bienvenue à nos invitées,
la Société canadienne du cancer, division du Québec. Alors, bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire
votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission.
S'il vous plaît, donnez-nous vos noms, vos titres. Et le micro, c'est à vous.
Société canadienne du
cancer, division
du Québec (SCC-Québec)
Mme Dubois
(Suzanne) : Merci, M. le
Président. Distingués membres de la commission, bonsoir. Je me
présente : mon nom est Suzanne Dubois,
je suis la directrice générale de la Société canadienne du cancer, division
Québec. J'ai avec moi Mélanie
Champagne, qui est directrice de la défense d'intérêt public, ainsi que
Marie-Anne Laramée, qui est analyste.
Alors, je
vous remercie de nous avoir conviées à ces audiences. C'est un exercice qui
revêt une extrême importance. Les
enjeux sont fondamentaux, puisque c'est de l'ensemble des mesures et des moyens qui doivent être mis en
oeuvre pour que tous puissent mourir dans la
dignité, et commençant par ne plus tolérer la souffrance ni négliger cette
étape de la vie, ce à quoi nous travaillons activement, à la société.
Depuis 75 ans, on se consacre à l'éradication du
cancer et l'amélioration de la qualité de vie des personnes touchées par cette maladie. Nous sommes présents
partout au Québec, en prévention, en recherche, en information, en soutien et en défense de
l'intérêt public. Nous aidons les personnes en fin de vie et leurs proches de plusieurs façons : par notre aide
financière et matérielle, par notre service de soutien psychosocial Cancer J'écoute
et par des programmes de jumelage et de l'information.
On le sait, c'est pour les personnes atteintes
de cancer qu'ont été développés les soins palliatifs. Il serait cependant faux de
croire que toutes les personnes atteintes de cancer ont accès à ces soins. En
termes de contrôle de la douleur, c'est 50 % de la douleur cancéreuse qui
serait sous-traitée, ce qui est énorme si on songe que plus de 20 000
personnes mourront de cette maladie seulement cette année au Québec.
Vous l'avez entendu à de
nombreuses reprises, mais nous tenons à le souligner, la Commission spéciale
sur la question de mourir dans la dignité et ce qui s'en est suivi a été
exemplaire sur le plan de la collaboration du travail parlementaire. C'est un privilège que d'y prendre part aujourd'hui, et
il est à souhaiter que cet esprit de collégialité se poursuive. De notre côté, il s'agit de notre
première intervention publique dans le cadre de la démarche mourir dans
la dignité. Comme beaucoup d'autres organisations, nous nous sommes d'abord
imposé un certain devoir de réserve, mais l'intérêt des médias et du public s'est
principalement attardé à la question de l'aide médicale à mourir et aux divergences d'opinions qui se sont fortement exprimées,
alors que, pour nous, l'essentiel du projet de loi n° 52 réside dans la
place qui est faite aux soins palliatifs. Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est
pour porter la voix des personnes atteintes de cancer et pour parler de soins
palliatifs.
Mme Laramée (Marie-Anne) : M. le
Président, les recommandations...
Le Président (M. Bergman) :
Mme Laramée.
Mme
Laramée (Marie-Anne) : Oui. Les recommandations que vous entendrez dans quelques instants sont issues de plusieurs sources. Il
y a d'abord, bien sûr,
l'expertise du personnel de la SCC, mais il fallait aussi être en mesure
de se faire une meilleure cartographie des
enjeux entourant les soins de fin de vie. Donc, ce qu'on a fait, c'est une
enquête terrain. On parle d'une trentaine d'entrevues qualitatives.
On a
rencontré des professionnels des soins palliatifs, médecins, infirmières,
psychologues, des proches aidants et des patients qui ont vécu les soins
palliatifs à l'hôpital comme à la maison et on leur a demandé de nous raconter
leur parcours ou celui d'un patient marquant, de leurs priorités, de leurs
urgences, autant de récits touchants que de ratés dramatiques. Vous avez plusieurs extraits des entrevues dans le mémoire. Cette
démarche-là nous a permis d'approcher le
quotidien des soins de fin de vie et d'illustrer le besoin d'accès aux soins
palliatifs au bon moment et au bon endroit.
Ça a
aussi mis en relief les besoins d'information et d'accompagnement des patients, mais aussi de
soutien pour les proches et de formation des soignants. Ce qui est
marquant, c'est l'écart beaucoup trop grand entre les visées de nos politiques
et leur application, un écart qui laisse des personnes sans services ni soutien
à un moment où, sur papier, ça devrait être autrement.
Comme le gouvernement investit davantage en
soins palliatifs à domicile, on a voulu aussi prendre la mesure du souhait des Québécois de mourir à la
maison et leur niveau de confiance à recevoir des soins adéquats lorsqu'ils
seront eux-mêmes en fin de vie. À 69 % de Québécois qui veulent mourir
chez eux, ça fait beaucoup de monde. Selon les intervenants qu'on a rencontrés, ce serait possible pour 50 % des
gens, mais ça se réalise pour moins d'une personne sur 10. Ça prend des
conditions gagnantes, et il reste encore des freins, notamment le fait que ça
coûte plus cher pour le patient de mourir chez lui.
Maintenant,
les Québécois croient-ils qu'ils recevront les soins adéquats lorsqu'ils
seront eux-mêmes en fin de vie? La
réponse est tout aussi claire, c'est presque la même proportion de répondants,
c'est 70 % qui nous dit : J'ai
peur de ne pas recevoir les soins adéquats à la fin de ma vie. C'est une
crise de confiance importante. On pense que le projet de loi peut améliorer la
situation et apporter des réponses et, de notre côté, on en a quelques-unes à
vous suggérer.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Champagne.
• (19 h 40) •
Mme
Champagne (Mélanie) : Merci, M. le Président. Nous allons vous présenter en premier lieu nos remarques sur certains passages du projet de loi pour
ensuite enchaîner avec des revendications plus larges. Toujours, on va s'attarder à l'accès aux soins palliatifs au bon
moment et au bon endroit, au soutien aux proches et à la formation. Je
tiens à saluer le travail effectué par la
Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité dans son ensemble,
mais on a quand même certaines inquiétudes par rapport à certains libellés du projet
de loi.
La première,
le libellé de l'article 3, alinéa 3°. On parle d'une garantie d'accès aux soins de fin de vie qui
inclut les soins palliatifs mais aussi la
sédation palliative et l'aide médicale à mourir. Est-ce que ça veut dire qu'un
établissement pourrait affirmer offrir des
soins de fin de vie s'il n'offre, par exemple, que la sédation palliative? Ce n'est
pas ça, l'esprit de la loi, mais ce n'est
pas tout à fait clair dans le libellé. Nous recommandons évidemment que l'accès
à chaque élément soit garanti et qu'il soit hiérarchique, donc,
autrement dit, les soins palliatifs avant tout.
À l'article 5
maintenant, on présente les ressources humaines matérielles et financières dont
les établissements disposent comme
une limite au droit de recevoir les soins de fin de vie. On ne voudrait pas que
cette formule-là, qui est aussi dans la loi sur la santé et services
sociaux, serve d'excuse pour ne pas donner des services de soins palliatifs.
Maintenant,
aux articles 9, 10 et 39, où on traite plus de politique et de rapports, on s'est
tracé un portrait des soins palliatifs
au Québec. C'est une tâche laborieuse. C'est pour ça qu'on est très
enthousiastes à l'idée que la situation de la fin de vie au Québec
puisse être documentée en continu par un organisme dont ça va être vraiment la
responsabilité, la spécialité. On veut juste
souligner que, pour nous, l'important, c'est que ces rapports-là et ces
données-là soient publics et accessibles.
Et, en dernier lieu, les articles 6, 25 et 28,
on traite des nouvelles responsabilités qui vont être attribuées aux médecins, surtout communicationnelles, mais ce n'est
pas donné à tous d'avoir les compétences pour avoir ces conversations
très importantes de fin de vie. Donc on peut se demander comment les soignants
vont exercer cette nouvelle responsabilité. Ça devrait faire , pour nous, l'objet
d'une attention particulière.
Maintenant,
pour nos revendications en général. Le Québec s'est déjà doté d'une excellente
politique sur les soins palliatifs en
2004. Pourtant, quand on est en contact avec ce qui se passe sur le terrain, c'est
très clair que l'ensemble des recommandations
n'a pas été appliqué. Je ne pense pas qu'on accepterait qu'il manque de
ressources à l'hôpital quand il y a une naissance d'un enfant, par
exemple, ou qu'il manque de places dans les écoles. On prend ça pour acquis, c'est
non négociable. Nous, on pense que l'accès aux soins de vie, ça devrait être la
même chose, et ça devrait être une priorité gouvernementale béton.
Actuellement,
par contre, entre 20 % et 60 % des personnes ont accès aux soins
palliatifs, selon les régions; c'est loin d'être suffisant. Et c'est
difficile aussi de suivre les progrès accomplis en soins palliatifs dans le
développement des
soins pals au Québec. Donc, nous réclamons l'uniformisation et la bonification
de l'offre des soins pals pour tous. Ce développement devrait être
assorti d'une reddition de comptes transparente et de rapports publics.
Aussi, il y a des gens qui doivent faire des
pressions et cogner aux portes pour recevoir des soins. Il y a des personnes
qui quittent l'hôpital sans référence aux soins palliatifs, qui ne savent pas
où téléphoner si leur situation se dégrade.
Les spécialistes soignants, eux autres, ne sont pas toujours équipés pour
référer. Des fois, ils n'ont pas le temps, des fois, ils ne connaissent même pas les services qui sont offerts dans
leur région. En outre, on sait déjà que, si les soins palliatifs étaient introduits plus tôt dans le
processus, ça permettrait de prolonger la vie des personnes et de sauver
des coûts. Donc, nous réclamons une procédure plus claire tout de suite après
un diagnostic de maladie incurable et un meilleur pont entre l'oncologie et les
soins palliatifs.
Présentement,
au Québec, 85 % des gens meurent à l'hôpital ou en CHSLD, 5 % en
maison de soins palliatifs et seulement
10 % à domicile. C'est le pire résultat pour une province canadienne.
Pourtant, Mme Laramée l'a dit, c'est le souhait de la vaste majorité de décéder à domicile. Il y a quand même…
ce n'est pas tout noir. Il y a des endroits qui le font très bien, comme le CLSC de Verdun ou le CSSS
du territoire d'Arthabaska, où on atteint des chiffres de 55 % de
décès à domicile. Donc, nous réclamons que tous les CLSC offrent des soins
palliatifs à domicile intensifs et que la rémunération des soignants soit
bonifiée quand ils sont à domicile.
Aussi,
saviez-vous qu'il coûte plus cher à un malade de mourir chez lui qu'à l'hôpital
parce que celui-ci doit payer une partie de ses médicaments, de l'aide
matérielle, toutes sortes de frais? Et ces frais, quand on est à l'hôpital,
sont pris en charge. D'ailleurs, la commission a déjà dit, et je cite, qu'«il s'agit
là d'un frein inacceptable au maintien des personnes
en fin de vie dans leur milieu». Nous réclamons donc que ces coûts soient pris
en charge à domicile, là, comme ils le sont déjà à l'hôpital.
Quand on
parle de décès à domicile, il faut également considérer l'immense impact pour
les proches. On parle, pour eux, d'entre
trois à cinq ans pour se remettre complètement d'un accompagnement. Le lieu du décès va donc
dépendre énormément du soutien qu'on va
décider de fournir aux aidants. L'épuisement les guette, mais surtout il ne
faut pas oublier que, s'ils n'étaient
pas là, les aidants, le système s'effondrerait, avec la charge de travail qu'ils
accomplissent. Donc, nous réclamons un meilleur appui aux aidants,
incluant du soutien financier, des congés légaux, du dépannage, de l'aide
domestique et psychosociale, et, très important, peu importe l'âge du patient.
Également, on nous a parlé beaucoup des CHSLD
qui seraient, aux dires de certains intervenants, des déserts palliatifs. Dans
certains endroits, on nous a même dit que, pour soulager la douleur, c'était le
Tylenol. Pourtant, il y a beaucoup de
personnes qui meurent en CHSLD parce que c'est leur milieu de vie. On réclame
donc que soit implantée, dans tous les CHSLD, l'approche palliative, que
ce soit par des équipes dédiées ou par des équipes volantes.
Mais, pour l'instant,
c'est toujours à l'hôpital que ça se passe avant tout. Donc, on est d'avis que
chaque lit devrait toujours s'accompagner
d'une équipe dédiée en soins palliatifs. Ça ne sert pas à grand-chose d'ouvrir
des places si on n'a pas le personnel nécessaire pour donner les soins.
Et autre fait qui nous a beaucoup choquées,
nous, c'est d'apprendre qu'au début des années 2000 4 % des cancéreux décédaient à l'urgence. Rien n'indique
présentement que cette situation-là ait changé. On n'a pas les données, mais, si on applique aux données d'aujourd'hui, ça
ferait 800 personnes par année au Québec qui décéderaient du cancer dans
un corridor d'urgence. C'est vraiment inacceptable, sans compter que c'est une
aberration organisationnelle et économique,
hein? On sait que l'urgence, c'est le service qui coûte le plus cher à l'hôpital.
On réclame donc des procédures de
préadmission qui passeraient par l'unité des soins palliatifs et non par les
urgences. Et on sait aussi que, s'il y avait une infirmière pivot, ça faciliterait beaucoup la navigation dans le
système. Donc, ça prend des infirmières pivots en milieu hospitalier. Il
faut qu'il y en ait plus et partout.
Pour
terminer, la formation et la reconnaissance. C'est sûr que, si le personnel en
soins palliatifs n'est pas formé ou soutenu, en bout de piste, c'est le
patient qui ne recevra pas les soins dont il a besoin. Or, la formation des
médecins généralistes en soins palliatifs, c'est
presque inexistant, et les exigences de formation pour occuper des postes, on
dirait qu'elles ne sont pas toujours présentes. Souvent, on s'est fait dire que
les bénévoles des maisons de soins palliatifs étaient
plus formés que certains professionnels soignants. Et les soignants interviewés
étaient unanimes, ils sentent que leur pratique,
elle n'est pas comprise par leurs collègues, que les soins palliatifs sont vus
comme des soins de seconde zone, ou c'est un domaine pour les moins
bons.
Donc, on
réclame, comme l'a déjà fait l'Association médicale canadienne, que, dans la
foulée de l'implantation du projet de loi, toutes les facultés de
médecine québécoises se dotent d'une formation en soins palliatifs. Aussi, on
pense qu'il devrait y avoir un nombre minimal d'heures payées pour la formation
continue. C'est très important. J'aimerais ça terminer mon allocution en
soulignant que les professionnels de soins palliatifs font vraiment un travail
extraordinaire qui mérite d'être valorisé et reconnu, mais malheureusement il n'y
a pas encore un accès pour tous.
Si on a encore peut-être deux, trois minutes, j'aimerais
ça laisser la parole à Mme Dubois, qui nous glisserait quelques mots sur son
expérience personnelle avec les soins palliatifs.
Le Président (M. Bergman) :
Il vous reste une minute. Il vous reste une minute.
Mme Dubois
(Suzanne) : Une minute. Alors, je
vais faire ça vite. C'est une histoire vécue. Mon père est décédé, il y a trois ans, du cancer, et je peux vous dire que
d'avoir des soins à la maison, c'est quelque chose. Après sa chirurgie,
il est retourné à la maison, mais il est
comme tombé entre deux chaises, et il n'y avait pas de contrôle de la douleur.
Mon père ne vivait pas à Montréal. Moi, je vis à Montréal, alors il n'y
avait personne de proche pour les soutenir, mes parents. Et donc, quand je me suis aperçue qu'il était
souffrant puis qu'il n'avait que de l'Advil… Je vous dis, l'Advil, là, ça ne
fait pas la job, pas quand quelqu'un est en
fin de vie. Et il a fallu se débattre. On a fini — c'est une histoire qui se termine bien quand même — on a fini par avoir des
soins, et c'était surtout venir donner le bain parce que ma mère, qui a elle-même pas loin de 80 ans, n'avait pas la force
de faire ça. Pendant un an et demi, ma mère a dormi juste d'une oreille
pour être sûre de se réveiller, si mon père souffrait, pour qu'elle puisse lui
donner ses médicaments.
Ensuite, il a
réussi à avoir une place à l'hôpital, à l'unité de soins palliatifs, et, comme
il ne mourait pas assez vite, au bout
de quatre, cinq jours, on parlait de le placer ailleurs. Mon père n'avait
jamais été à l'hôpital de sa vie, sauf pour sa chirurgie. Alors, je peux
vous dire que de partir de chez lui pour aller à une unité de soins palliatifs
puis commencer à s'habituer au personnel
puis aux bénévoles qui, soit dit en passant, étaient formidables, puis là,
dire : Bien, écoute, c'est
passé dû, ton affaire, là. La plupart des
gens meurent en quatre jours. Toi, tu es encore vivant puis tu as l'air bien.
On va te retourner ou t'envoyer ailleurs.
Il était découragé, dévasté, ma mère aussi. Il me dit : Je ne suis pas
capable. Alors, c'était vraiment un grave problème. Finalement, il est resté là et il a pu finir ses jours
tranquillement. Mais pourquoi est-ce
qu'on est obligés de vivre ce stress-là
quand on a déjà à vivre une étape aussi difficile? C'est vraiment
ce que je trouve incroyable. Ça devrait être accessible à tout le monde.
• (19 h 50) •
Le
Président (M. Bergman) : Merci pour votre présentation. Et merci pour vos commentaires très touchants. Pour le premier bloc du gouvernement, Mme la
ministre.
Mme
Hivon : Oui. Alors, merci, M. le Président.
Bonsoir à vous trois. Merci beaucoup d'être parmi nous. Je dois vous dire…
Pardon. Comme je vous l'ai mentionné tout à l'heure en vous saluant, j'ai vraiment
lu avec beaucoup d'intérêt votre mémoire hier soir. Je trouve qu'il est vraiment
fouillé et je vous félicite du travail que vous avez fait.
En fait, en
ce moment, au ministère, on est en
train de travailler sur un bilan, et effectivement ce n'est pas toujours simple parce qu'on a besoin de bonifier
certaines choses, certains indicateurs. La commission va être très utile, si évidemment elle est mise sur pied, pour faire un
suivi via des rapports annuels qui, oui, seront publics, donc déposés à l'Assemblée nationale, autant les annuels que le
quinquennal, pour voir l'évolution, là, dans le temps, du développement
et de la pratique, là, des soins palliatifs ainsi que de la sédation et de l'aide
médicale à mourir.
Donc, je vois
que vous avez fait tout un travail. Et puis je pense que c'est très éclairant
aussi. Vous l'avez fait évidemment
dans une perspective uniquement des patients qui reçoivent des traitements, en
fait, qui sont accompagnés en fin de
vie parce qu'ils ont un cancer, mais je pense que ça nous donne une bonne
indication aussi de l'offre à laquelle vous êtes confrontés. Peut-être vous dire qu'en ce moment, en regardant tout
ça d'ailleurs, je vais être intéressée à vous entendre, parce que, nous,
selon les études, on évalue qu'il y a environ 70 % des gens qui ont, je
dirais, une problématique, une maladie, une
situation qui ferait en sorte qu'ils seraient des potentiels bénéficiaires de
soins palliatifs en fin de vie. Vous, vous
évaluez ça à beaucoup plus. Vous semblez juste exclure les décès accidentels.
Mais tout ce qui est décès, je dirais, subit, d'une maladie, d'une infection
subite ou d'une crise cardiaque par exemple, ou tout ça… Donc, ça, je suis intéressée à comprendre comment vous déterminez
votre nombre de gens potentiellement bénéficiaires de soins palliatifs,
là. C'est juste parce que je suis curieuse de le voir, parce que c'est des
choses qu'on documente en ce moment.
Et nous, en
partant de nos données, on évalue qu'environ 50 % des gens qui seraient
des bénéficiaires potentiels de soins
palliatifs en reçoivent à domicile. Est-ce qu'ils ont tous l'intensité parfaite,
tout ça, l'équipe parfaite? Je ne suis pas en train de dire oui mais qu'ils auraient au moins un soutien à domicile en
soins palliatifs. Et on ajoute à ça les gens qui en reçoivent. Ce matin,
l'Alliance des maisons de soins palliatifs nous disait qu'au cours de la
dernière année il y avait eu 3 500
personnes qui avaient reçu des soins en maison. Donc, c'est un petit peu plus
que de… c'est près de 10 % des récipiendaires potentiels. Puis il y
a ce qui se fait en centre hospitalier et en CHSLD. Et, pour ça, on est en
train de travailler les indicateurs. Donc, je veux juste vous donner un horizon
d'où on est en ce moment dans nos travaux.
Puis je veux
vous dire qu'on est vraiment… Je partage vraiment votre point de vue, à savoir
qu'il doit y avoir une grande
impulsion, une grande volonté politique et une grande volonté aussi de
développer les soins à domicile. Et on est vraiment dans cette logique-là, autant pour les soins, je dirais, en
général que pour les soins palliatifs. Puis c'est pour ça que la majorité du financement qu'on a annoncé au mois
de mai est pour les soins à domicile, pour justement permettre que des équipes,
donc, dédiées, mieux formées aussi puissent oeuvrer. Et puis la grande
priorité, en formation, tous domaines confondus,
va être pour les soins palliatifs, notamment pour le CHSLD parce qu'il y a
énormément de travail à faire là.
Et j'étais, hier encore, dans un CHSLD, et je
parlais aux intervenants, et c'est certain qu'il faut améliorer les choses. Et puis il y a des exemples extraordinaires.
Vous parlez du CLSC Verdun, vous parlez de ce qui se fait. J'étais là
vendredi aussi et puis effectivement je pense qu'il y a des modèles qui ne sont
pas si complexes. On a des gens dans notre
équipe qui ont eux-mêmes vu des modèles, élaboré des modèles. Donc, c'est
vraiment, pour nous, une grande priorité. C'est que je voulais vous
rassurer à cet égard-là. Donc, qu'on est en plein travail sur ça.
Pour ce qui
est de vos questionnements sur certains éléments du projet de loi, vous dire
que, bon, d'abord, oui, il y a une
volonté de la plus grande transparence pour que justement on soit capable de
suivre l'évolution des choses. Il y a une
volonté aussi que ce soit clair que la politique des… Parce que vous vous
questionniez à savoir si la politique des soins de fin de vie pourrait
exclure une partie et ne comprendre qu'un des soins. La réponse, c'est non.
Évidemment, c'est d'abord et avant tout une
politique sur les soins palliatifs. Donc, comme on le dit, chaque établissement
qui reçoit des gens en fin de vie va
devoir avoir une politique, et donc c'est sûr que ça inclut les soins
palliatifs. Donc, si ça peut vous rassurer à cet égard-là, c'est un
élément que je voulais vous dire.
Je voulais
vous dire aussi qu'on travaille sur une trousse pour le patient, c'est-à-dire
que la personne qui arriverait au
stade où le curatif n'a plus sa place recevrait une trousse, à savoir quels
sont les services, quels sont ses droits, avec aussi un répertoire des
possibilités d'obtenir des soins palliatifs, comment c'est organisé, puis tout
ça.
Et,
évidemment, bien, il y a une sensibilisation qui va de pair avec les équipes
soignantes. Parce que ce n'est pas la première fois qu'on entend ça que
parfois les bénévoles sont mieux formés que certains intervenants. On a déjà entendu ça pendant les auditions de la commission. Donc, il
y a une volonté à travers ça de sensibiliser autant les soignants que les patients sur l'offre de services, l'accès, les
infirmières pivots, et tout ça. Donc, ça, c'est quelque chose sur quoi on travaille. Parce qu'évidemment on lie le
projet de loi… Le projet de loi c'est une chose, mais il y a tout un
chantier soins palliatifs au ministère aussi qui travaille en ce moment la
question du répit aussi qui est importante aussi dans le soutien qui se fait.
Moi, j'aimerais
savoir, de par votre expérience, quand vous racontez même l'expérience
personnelle que vous avez vécue et
que vous nous dites : Il y a vraiment un problème en matière de formation,
où on laisse, par exemple, sortir des gens
sans qu'ils soient outillés en termes de gestion de la douleur, si c'est
fréquent, pour vous, cette espèce de méconnaissance
de certains soignants qui donnent, par exemple, un congé à quelqu'un mais en
sachant que la personne est en fin de
vie, quant à la gestion, donc, de la douleur, quant à l'accompagnement qui va
être requis pour une personne en fin
de vie et… Parce que j'imagine que, dans le cas où vous nous parlez qu'on
traitait avec des Advil, c'est parce qu'on n'avait pas jugé bon de
donner des prescriptions pour autre chose. Donc, est-ce que c'est des histoires
qu'on vous rapporte souvent, cette espèce de carence là, dans, je dirais, le
suivi approprié?
Puis mon autre volet, c'est : Est-ce que
vous avez déjà fait des démarches ou de la sensibilisation, comme association, auprès des facultés ou… Parce qu'on
sait que c'est quelque chose qui était ressorti, puis vous le ressortez,
je pense, vous aussi, que les vétérinaires
reçoivent plus d'heures de formation dans les facultés, en gestion de la
douleur, que les médecins. Donc, est-ce que c'est quelque chose à quoi vous
vous êtes attardés un petit peu plus en profondeur?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Dubois.
Mme Dubois (Suzanne) : Si vous permettez,
je…
Le Président (M. Bergman) : Mme
Champagne.
Mme Dubois (Suzanne) : …je vais demander
à Mme Champagne.
Mme Champagne (Mélanie) : Il y a
plein de choses à dire, il y a plein de choses…
Le Président (M. Bergman) :
Mme Champagne.
• (20 heures) •
Mme
Champagne (Mélanie) : Je
vais juste récapituler : démarche auprès des facultés, gestion de la
douleur, le pourcentage de décès à domicile et les gens admissibles aux
soins palliatifs. Il y avait, je pense, quatre questions.
On peut peut-être
commencer par la démarche auprès des facultés, ce ne sera pas compliqué. Non,
ce n'est pas quelque chose qu'on a fait, ce n'est pas quelque chose où on se voyait nécessairement les leaders de cet axe-là. Donc, non, on ne l'a pas fait. Ça ne nous empêche pas, par exemple, de déplorer le fait que, bon, il
y a beaucoup de choses à
améliorer.
Au niveau
de la gestion de la douleur, bien, déjà, on a des chiffres de certaines sources. Et on ne
veut pas tomber dans l'anecdote,
mais, oui, c'est quelque chose qu'on s'est fait dire à plusieurs
reprises, surtout de personnes
justement qui arrivent en fin de vie et qui
n'ont pas les soins suffisants à domicile, et donc, dans la panique du moment,
vont à l'urgence parce qu'ils ont des
douleurs. Puis, à l'urgence, bien on n'est pas équipés pour nécessairement la
gestion de la douleur ou on n'est pas
formés en soins palliatifs, donc on donnait du Tylenol puis on disait :
Retournez chez vous, par exemple. On a eu des histoires comme ça.
Avais-tu d'autre chose à ajouter sur le type d'anecdote…
Le Président (M. Bergman) :
Mme Laramée.
Mme
Laramée (Marie-Anne) :
Merci, M. le Président. C'est sûr que c'est une enquête qualitative. On a fait
une trentaine d'entrevues, mais, dans les histoires de cas, c'est quelque chose
qui revenait beaucoup. Bon, c'est des cas qu'on
n'a pas pêchés tous au même endroit. Je dirais qu'au moins la moitié avaient
des problématiques par rapport à des… ce qu'on appelle «entre deux
chaises», là, effectivement.
Mme
Champagne (Mélanie) : Pour
ce qui est des décès à domicile, vous parliez de 50 % des gens qui
auraient accès au soutien à domicile?
Mme
Hivon :
Que 50 % des gens qui auraient un potentiel de devoir bénéficier de soins
palliatifs à un moment de leur trajectoire de fin de vie recevaient,
selon les données compilées par les CLSC, recevaient à un moment des soins
palliatifs, dans leur trajectoire de fin de vie, à domicile.
Mme
Champagne (Mélanie) : Je
sais qu'on utilise… Le 20 % à 60 %, ça venait du mémoire de Michel
Sarrazin, en fait, qui nous apparaît à ce moment-là…
qui nous apparaissait les données les plus solides, là, qu'on avait
compilées. En même temps, vous l'avez souligné, puis j'aimerais ça le souligner
encore, on ne connaît pas l'intensité des soins.
Moi, je me
pose la question parce que je viens juste, juste d'accompagner mon parrain,
dont j'étais proche, dans sa fin de
vie. Quand il est sorti de l'hôpital puis on lui a dit : Il n'y a rien à
faire, il n'a pas eu de référence automatique. Par chance, j'étais à la Société canadienne du cancer, je sais qu'on a
le service d'information sur le cancer, qui est excellent. Donc, sa femme a téléphoné immédiatement pour
savoir où est-ce qu'elle pourrait avoir un lit à la maison, où est-ce
qu'elle pourrait avoir des soins. On l'a référée à différentes organisations,
on a fait beaucoup de démarches. Puis moi, je connais un
peu le dossier puis je n'ai pas trouvé ça facile. Puis, au final, il a eu une
place dans une maison de soins palliatifs
pour un peu plus de 36 heures avant son décès. Donc, pour moi, ce n'est pas un
accompagnement, il n'était pas du tout préparé à la mort.
Mais, au
travers ça, il y a eu, à un moment donné, un téléphone de l'hôpital à la
maison, en disant : Le CSSS va vous
appeler et il aura sûrement des services à vous donner, d'accompagnement. Il y
a eu deux, trois échanges de coups de
fil comme ça. Est-ce que mon parrain est rentré dans les statistiques où il a
eu un service? Je ne le sais pas. On ne connaît pas l'intensité des soins, mais on sait que c'est très variable. Est-ce
que des fois on pense que donner un bain, ça fait partie des soins?
Est-ce qu'un téléphone une fois de temps en temps, est-ce qu'une visite d'un
médecin une fois par deux semaines, c'est un
soin palliatif qui… On ne le sait pas. Mais on n'a pas le portrait. Si vous n'avez
pas le portrait global, nous l'avons encore moins que vous.
Donc, c'est
ce que j'aurais à dire sur les personnes qui reçoivent des soins à domicile. On
a justement très hâte d'avoir le
rapport. On trouve, je tiens à le répéter, que c'est une excellente idée qu'il
y ait une commission qui soit créée pour faire un suivi de ce
dossier-là, qu'il y ait un rapport aux cinq ans. C'est une très, très bonne
nouvelle.
Par rapport
aux personnes qui seraient admissibles aux soins palliatifs, vous avez parlé de
70 %. Nous, on avait des chiffres plus élevés qui viennent de… La
source… qui viennent d'où?
Mme
Laramée (Marie-Anne) : Oui.
C'est l'Association canadienne de soins palliatifs qui estime que… C'est
quand même beaucoup, c'est 97 %.
Mme
Champagne (Mélanie) :
97 %. J'ai pensé, en lisant la Politique de soins palliatifs de fin de
vie de 2004, que c'était
peut-être en lien avec la page 17. On dit : «[Les soins palliatifs] visent
également les proches des usagers. [...]ils sont aussi pertinents dans le cas de personnes atteintes de maladies
fulgurantes ou victimes de traumatismes entraînant [un] décès subit, ne serait-ce que pour soutenir les
proches dans les différentes phases du deuil.» Donc, c'est sûr que, si
on a pris ça en compte aussi, ça augmente le pourcentage. Donc, peut-être que l'explication
vient de là.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du
gouvernement. Pour le premier bloc de l'opposition officielle, Mme la
députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Alors, bonjour, mesdames… bonsoir. J'aimerais revenir
un petit peu sur la façon dont vous avez présenté votre point de vue. À
la page 23 de votre mémoire, vous mentionnez… Dans les modifications proposées au texte du projet de loi sur les soins de fin
de vie, votre première modification
proposée, vous indiquez :
«Garantir l'accès à chaque élément du continuum proposé, et que cet accès soit
hiérarchique, c'est-à-dire qu'une
offre de soins palliatifs de qualité soit
formellement préalable à l'aide
médicale à mourir.» Pouvez-vous
élaborer davantage un petit peu sur cet élément-là? Qu'est-ce que vous
entendez par cette modification-là?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Champagne.
Mme
Champagne (Mélanie) : Merci,
M. le Président. Ça, c'est dans l'article 3 qui dit : «Aux fins de la
présente loi, on entend par : 3°
"soins de fin de vie" les soins palliatifs offerts aux personnes en
fin de vie, y compris la sédation palliative terminale, de même que l'aide
médicale à mourir.»
Ce qu'on dit,
c'est que… On a souligné que ce qui est intéressant dans le projet de loi, c'est
qu'il s'attaquait de façon globale
aux soins de fin de vie. Ceci étant dit, comme Mme Dubois l'a dit tantôt,
on est ici, nous, pour mettre de l'avant l'importance des soins palliatifs, que ça soit priorisé et que ça soit
un aspect hiérarchique, c'est-à-dire qu'on ne puisse pas sauter à la sédation palliative terminale ou
demander l'aide médicale à mourir si on n'a pas eu les soins de fin de vie,
donc que ça ne soit pas un «ou et/ou», mais que ça soit hiérarchisé, donc
priorisé. Est-ce que c'est clair?
Mme Laramée (Marie-Anne) : J'ai
compris.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Laramée.
Mme
Laramée (Marie-Anne) : On
peut ajouter quand même qu'on a tout à fait conscience que le patient
peut refuser ces soins-là.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Nous avons eu, cet après-midi, des représentations, puis, en fait, certains
groupes disent : Les soins palliatifs, les soins de fin de vie, ce
n'est pas du tout… ça ne devrait pas être mis dans le même package — excusez
mon chinois — que l'aide médicale à mourir. On devrait
adopter une approche similaire à celle qui a été prise en Belgique et dans d'autres États, où on a vraiment donné une
importance aux soins palliatifs en les encadrant à l'intérieur d'une loi
spécifique où on porte vraiment l'attention
sur la question des soins palliatifs parce que ça n'a pas la même
philosophie que l'aide médicale à mourir.
Tu sais, je
vous avoue, je n'avais pas abordé nos travaux dans cette optique-là. Mais plus
on y va, plus on entend des groupes
qui nous font état de cette distinction importante entre les soins palliatifs
et… qui n'ont pas, comme finalité, la mort, nécessairement, même si on
sait que c'est là qu'on se dirige, l'énergie est concentrée sur l'accompagnement,
et tout ça… donc de
faire cette distinction-là, entre la philosophie des soins palliatifs et deux
autres offres de service qui pourraient être mises en place, qui
seraient la sédation palliative terminale et l'aide médicale à mourir. Est-ce
que, de l'aborder dans ce sens-là, ça
viendrait justement accorder l'importance que vous souhaitez qui soit accordée
à la question des soins palliatifs?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Champagne.
Mme
Champagne (Mélanie) : Je
viens juste de le dire, même si on est ici pour ne parler que de soins
palliatifs, on trouve ça très intéressant qu'il y ait une approche globale. Je
vous avoue qu'on n'a pas réfléchi au fait de séparer ou non. On n'en a
peut-être pas vu spontanément la pertinence parce que, pour nous, c'était déjà
une excellente nouvelle qu'il y ait une
commission qui se base… qui travaille énormément sur les soins palliatifs. Et,
même si, dans l'opinion publique, on
a beaucoup plus parlé de l'aide médicale à mourir, le projet de loi a
énormément d'importance par rapport aux soins palliatifs. Il y a des
bijoux là-dedans. Et, à part ce qui est dans le projet de loi, je pense que — Mme
la ministre Hivon le disait aussi — il y a tout le chantier au ministère de la
Santé, donc il y a vraiment quelque chose en branle. Nous, on est très
contents que ça soit reconnu dans un projet de loi. Je dirais qu'a priori c'est
là où a été notre réflexion.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
• (20 h 10) •
Mme Vallée :
D'accord. Mais je comprends l'importance que vous accordez aux soins
palliatifs. Maintenant, sur la
question de l'aide médicale à mourir, dans le cadre de votre expertise, de vos
contacts avec les gens, comment vous percevez
les critères mis de l'avant par l'article 26? Est-ce qu'ils sont
suffisants? Est-ce qu'ils devraient être resserrés davantage? Est-ce que
le concept d'aide médicale à mourir devrait être défini plus précisément? Parce
que vous oeuvrez, vous travaillez auprès des
gens. Est-ce que les malades, les gens que vous aidez, que vous
soutenez connaissent la finesse des subtilités entre les différents
soins de fin de vie? Croyez-vous qu'il pourrait être opportun de les définir davantage
à l'intérieur du projet de loi?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Champagne.
Mme
Champagne (Mélanie) : Jamais
je ne pourrais me substituer à l'ensemble de nos… les gens qui bénéficient de nos services. Donc, je ne peux pas répondre en
disant : Est-ce que la majorité comprend ou ne comprend pas? Par contre, on peut peut-être vous
expliquer pourquoi on ne s'est pas penchés sur l'aide médicale à mourir.
Suzanne, voulais-tu peut-être en parler un peu?
Mme Dubois (Suzanne) : Oui, oui.
Mme Champagne (Mélanie) : S'il vous
plaît.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Dubois.
Mme Dubois
(Suzanne) : Merci beaucoup. Alors, nous sommes une organisation pancanadienne, d'où notre nom : Société
canadienne du cancer. Les autres provinces ne sont peut-être
pas aussi avancées que nous, au Québec, à réfléchir sur ces importantes questions,
et donc on n'a pas de position canadienne encore à ce sujet-là.
Ce que je
vous dirais, c'est que je ne penserais pas que les gens sont si peu
intelligents et au courant pour ne pas faire la distinction. Je pense
que les gens comprennent très bien de quoi on parle. C'est sûr que je ne peux
pas vous arriver avec des statistiques, on n'a pas sondé, mais je me fie au gros bon sens de la population. Et je pense qu'on en a tellement parlé dans les médias
que les gens comprennent assez bien de quoi il en retourne.
Maintenant,
nous, on ne se positionne pas par
rapport à ça parce que
justement on n'a pas consulté nos clients, nos bénéficiaires et les gens que nous aidons. Alors,
on ne peut pas vous arriver avec un… en disant : Voici, les trois
quarts des gens que nous aidons sont en faveur ou non du droit à mourir dans la
dignité. Pour nous, que ça soit encadré dans… Les
deux principes dans une même loi ne fait pas de différence pour nous, en autant
que les gens puissent avoir accès, de manière
opportune et à l'endroit de leur choix, à des soins palliatifs pour qu'ensuite
on se… On respectera la décision de la population et votre décision par rapport au droit à mourir,
on ne s'opposera pas… on ne montera pas aux barricades, là, pour s'opposer
à ça, on va respecter ce qui aura été décidé.
Mais, pour
nous, la priorité va aux soins palliatifs, c'est certain. Puis, pour nous,
comme on est présents sur tout le continuum
du cancer, à partir de la prévention, de l'information et du soutien,
bien, pour nous, ça fait partie du continuum, de dire qu'il y a des gens
qui vont s'en sortir puis il y a des gens qui vont en mourir. Alors, la question,
pour nous, elle est traitée dans le cadre de votre projet de loi.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Je comprends que
vous ne vous prononciez pas. Je comprends la raison pour laquelle vous ne vous
prononcez pas sur l'aide médicale à mourir, mais, compte tenu… Je trouve ça un
peu dommage parce que ça demeure quand même
un élément majeur. C'est du droit nouveau, ici, au Québec.
C'est un élément majeur du projet
de loi, au même titre que l'encadrement de la sédation palliative terminale, ce
sont des éléments majeurs du projet de loi.
Et
je suis bien honnête, là, je partage avec vous… J'aurais aimé entendre la
Société canadienne du cancer sur la question
parce que vous touchez… Le cancer affecte tellement de citoyens, et vous êtes
présents partout sur le territoire, vous êtes tellement près des
malades, tellement près des gens que, bien honnêtement, ce soir, je m'attendais
que vous puissiez échanger… Parce que je suis
persuadée que vous avez accès à tellement d'histoires, de tranches de vie,
donc, pour moi, vos commentaires sur cette
question-là auraient permis certainement d'ajouter à notre réflexion. Et je
comprends la question, le fait que vous êtes
un organisme pancanadien et que le Québec soit un petit peu… soit vraiment
novateur dans la question, mais, en même
temps, ça aurait peut-être… ça pourrait certainement éclairer le débat. Je
pense qu'il ne faut pas avoir peur d'en parler parce qu'ailleurs on n'en
parle pas.
Mais,
bon, ceci étant dit, oui, l'importance des soins palliatifs… Je pense, s'il y a
une chose qui fait l'unanimité au sein
des groupes que nous entendons, c'est l'importance à accorder aux soins
palliatifs. Et les soins à domicile, de la façon dont vous l'apportez, à
mon avis, est aussi un questionnement qu'on doit avoir. Vous nous apportez énormément
de statistiques. Puis, lorsque vous avez parlé de l'intensité des soins qui n'était
pas nécessairement encore… qui était méconnue, trop méconnue, ça aussi, c'est quelque
chose qui est important. Alors, comment on pourrait assurer… Est-ce qu'il y a un élément… Est-ce qu'il y a une
façon, à l'intérieur du projet de loi, des éléments… Est-ce qu'on pourrait
bonifier le projet de loi afin de s'assurer que vos préoccupations seront
considérées?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Champagne.
Mme Champagne (Mélanie) : On est contentes de la façon dont en parle le projet de loi. On est contentes de ce qu'on
a entendu. Comme je le disais tantôt, le fait qu'il y aura une commission
qui se va se pencher, le fait qu'il y ait un rapport, un état de situation… Parce
que c'est très difficile d'avoir un
portrait global de la question des soins palliatifs au Québec. Quoi dire
d'autre?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Dubois.
Mme Dubois (Suzanne) : J'insisterais peut-être sur la référence. Parce que
tantôt on a parlé des gens qui tombaient entre deux chaises. Je peux peut-être élaborer un peu là-dessus et vous dire que ce qui
arrive, c'est… Si une personne, dans les
cas de cancer, va subir, mettons, une chirurgie, elle sait qu'il n'y a pas de
traitement curatif, mais elle n'est pas souffrante, on la renvoie à sa vie normale, chez elle. Mais c'est entre
ce moment-là puis le moment où elle est beaucoup plus proche de la fin de vie… il peut se passer, je ne sais pas, un an,
un an et demi, et c'est durant cette période-là que la personne nous glisse entre les mailles du filet,
si on peut dire. Alors, c'est ça qu'on entend par une référence
systématique, et tôt dans le processus pour ne pas qu'on échappe la personne en
cours de route.
Le
Président (M. Bergman) : …le premier bloc de l'opposition
officielle. Pour le deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon : Merci, M. le Président. Peut-être pour compléter notre échange précédent sur les
personnes qui reçoivent des soins à domicile. Juste pour vous
préciser : le 50 % qu'on a, nous, à partir de nos données… Parce que ça, on les a, les CLSC entrent leurs données dans
un fabuleux système qui s'appelle Gestred.
Et donc ils rentrent leurs données,
et c'est 50 % des gens qui ont un potentiel à en recevoir qui en reçoivent
par les équipes dédiées. Donc, ce n'est pas un bain, ou un appel, ou… ça ne rentrerait pas dans les données.
Mais ce que ça veut dire : qu'ils sont intervenus au moment parfait puis avec l'intensité parfaite, là.
Donc, il y a du travail de raffinement à faire, là. Je peux vous dire
que, dans notre jargon, en moyenne, il y a
20 interventions par personne qui en a reçus. Mais évidemment vous allez me
dire : Une intervention, il faut que ça
soit la bonne au bon moment, puis tout ça. Mais on est capables, quand même, de
mesurer ça.
Ça se complexifie
beaucoup parce qu'il y a évidemment des gens qui n'auront jamais eu à en
recevoir, par exemple, à domicile, bien que
je partage le point de vue qu'ils doivent intervenir plus tôt, les soins
palliatifs, même ils doivent parfois
cheminer avec le curatif, là, et que ça peut améliorer les choses de beaucoup.
Mais disons que, si on regarde la question de la fin de vie, c'est sûr
qu'il y a aussi des gens qui vont être à l'hôpital et leur situation va se
dégrader. Soudainement, on va se rendre
compte qu'on ne peut plus traiter, on arrête la chimiothérapie, et tout ça, et
la situation est tellement difficile
qu'automatiquement ils s'en vont dans une unité de soins palliatifs, et donc
ils n'auront pas eu à avoir un épisode de soins à domicile, exemple.
Mais ça, je voulais juste peut-être vous préciser ça.
Il y a vraiment plein
de choses éclairantes dans votre mémoire. Moi, je serais intéressée de savoir s'il
y avait une priorité, que vous disiez :
C'est la chose sur laquelle il faut miser. Je comprends que vous êtes d'accord
pour dire : On développe à
domicile. Vous êtes d'accord avec ça. Mais, dans ça, là, ça serait quoi? C'est
vraiment l'intensité? C'est plutôt le
passage d'un établissement au domicile ou d'une condition à une autre? Ça
serait quoi, la priorité des priorités, du haut de votre expérience, pour nous, si on doit vous
entendre aujourd'hui sur un élément, là, pour bonifier ou améliorer les choses?
• (20 h 20) •
Puis
l'autre élément sur lequel j'aimerais vous entendre… C'est ma technique, vu qu'on
n'a pas beaucoup de temps, je vous
pose beaucoup de questions en même temps, puis après il ne peut pas m'arrêter, comme ça, pendant ce
temps-là. Donc, le deuxième élément, c'est… Il y a des gens pour qui les soins
palliatifs, c'est, en fait, des lits dédiés dans des unités. Puis je pense qu'il
y a beaucoup aussi de travail à faire pour dire : Ce n'est pas ça ou uniquement
ça, les soins palliatifs, c'est une culture, c'est une formation. C'est donc
des équipes qui sont capables — interdisciplinaires — de travailler ensemble, puis tout ça. Mais
moi, j'aimerais savoir, de votre point
de vue, si on veut offrir le mieux
qui puisse exister, comment on arrime
les choses, comment on développe cette culture-là. Quels conseils, du haut de
votre expérience, vous nous donneriez, à nous, au ministère?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Champagne.
Mme Champagne (Mélanie) : Merci, M.
le Président. Je vais prendre la première question, peut-être que Mme Laramée
peut prendre la deuxième. On complétera ensemble.
La priorité,
pour nous, c'est vraiment l'accès à tous. C'est inacceptable qu'il y ait des personnes qui aient un accès aussi formidable à des soins
palliatifs et d'autres, pas du tout. On ne veut absolument pas tomber dans ce
qu'on voit présentement, qui est des fois une médecine de code postal,
comme on dit, malheureusement. Donc, ce serait non seulement l'accès à tout,
mais il y a une intensité… d'une intensité nécessaire — je
fais comme vous, je mets plusieurs choses dans ma réponse — et
du répit. Il ne faut juste jamais oublier les aidants. On a tendance à les oublier.
Donc, ce serait un peu ça. Ça, c'est
vraiment dans nos priorités. Par
rapport à la deuxième question,
qui était plus sur le statut de la culture palliative…
Mme Laramée (Marie-Anne) : Oui,
comment on développe la culture palliative?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Laramée.
Mme Laramée (Marie-Anne) : Merci.
Écoutez, je pense que les deux choses de base, c'est la formation, l'information. Ça va prendre du temps, ça ne se
fera pas demain matin. Si tout le personnel médical a une formation,
déjà, en partant, il y a une base commune,
donc il y a un terreau pour une culture palliative. La trousse que vous êtes en
train de faire, ça va être formidable aussi. Mais, si on avait cette
réponse-là, mon Dieu, on vous l'aurait dit.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre… Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine, il vous reste
2 min 30 s pour une question et la réponse.
Mme
Richard (Îles-de-la-Madeleine) :
Merci, M. le Président. Alors, bien, en lisant votre mémoire, j'avais justement constaté que vous ne parliez pas
beaucoup de l'aide médicale à mourir ou sédation palliative terminale.
Par contre, on peut lire à quelques reprises
que vous appuyez le projet de loi n° 52 dans son ensemble, ça fait qu'alors,
moi, ça a répondu à ma question, dans un sens.
Mais il y a
aussi que vous insistez sur l'effet hiérarchique des soins. D'insister tant sur
les soins palliatifs, c'est très bien,
mais vous n'évacuez pas, quand même, qu'il peut… dans un continuum de soins, on
peut se rendre, après ça, à la sédation
palliative terminale et même l'aide médicale à mourir. Ça fait que j'ai compris
quand même, de votre mémoire, qu'il y
avait un continuum de soins qui pouvait être présent dans le projet de loi
n° 52, que vous accueillez favorablement. Et j'ai beaucoup aimé aussi quand vous parlez des aidants, des
soignants, de la formation et même d'un soutien financier pour les
proches aidants. Nous en avons parlé un peu plus tôt, nous, dans une autre
réunion, puis je pense que ça revient
souvent, cette notion de donner de l'aide financière aux proches aidants. Ça
fait que je ne sais pas si vous voulez réagir, là. C'étaient deux
minutes.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Champagne.
Mme Laramée (Marie-Anne) : Vous
pouvez peut-être réagir en conclusion.
Le Président (M. Bergman) :
Il reste une minute…
Mme
Champagne (Mélanie) : Tout à
fait, je fais ça rapidement. Je pense que ça peut répondre aussi aux
questions de Mme Vallée tantôt, qui soulignait un peu la déception, je peux
dire, qu'on ne se soit pas penchés sur l'aide médicale à mourir plus qu'il
faut.
Premièrement,
je suis d'accord, je suis d'accord avec vous que l'aide médicale à mourir, c'est
quelque chose qui est majeur, qu'il y
a un grand débat de société. Ceci étant dit, dans les soins — on a beaucoup entendu aujourd'hui que
ce n'était pas un soin, mais là n'est pas mon propos — c'est
que c'est une mesure exceptionnelle, alors que les soins palliatifs, c'est ce
qu'on demande de base. Alors, pour nous, c'est tout à fait logique et naturel
qu'on s'attarde bien davantage aux soins palliatifs qu'à l'aide médicale à
mourir. C'est tout.
Le Président (M. Bergman) :
Alors, ceci met fin au bloc du gouvernement. Et, pour le bloc de l'opposition
officielle, M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, merci d'être ici. Puis je tiens à
vous féliciter pour tout le travail que vous
faites. J'ai eu l'occasion de collaborer régulièrement avec votre organisation, puis vous êtes appréciés, puis on a besoin de vous
dans notre réseau de la santé.
Je sais que vous vous préoccupez des patients,
des gens qui ont le cancer, mais vous avez la préoccupation aussi des familles, les proches. Comment vous
voyez l'intégration d'une stratégie pour que les proches soient encore plus
impliqués ou qu'on puisse plus les soutenir pour s'assurer que les gens
puissent demeurer plus longtemps à domicile, si
possible terminer leurs jours à domicile? Avez-vous eu des stratégies
particulières par rapport aux aidants
naturels ou aux proches qui s'occupent de ces gens-là?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Champagne.
Mme
Champagne (Mélanie) : Est-ce
que vous voulez dire par rapport à nos recommandations? J'imagine que
non parce que vous les avez…
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
…recommandations. Mais c'est parce que, quand on parle de soins palliatifs, les
trois conditions pour être capable de garder
quelqu'un à domicile… La première, ça prend un patient qui a une
pathologie qui permet de demeurer à
domicile. Si quelqu'un vomit toujours, avec des rectorragies, il arrive un
temps que ça prend un plateau technique un peu plus évolué. La deuxième
chose, ça prend une famille qui est capable de les soutenir à domicile, une famille ou des proches. Et,
troisièmement, ça prend une équipe de soins — infirmière, médecin, pharmacien, nutritionniste — qui est capable de les soutenir à domicile.
Comment vous voyez l'approche par rapport à ces personnes-là?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Champagne… Mme Laramée.
Mme
Laramée (Marie-Anne) :
Merci. J'ajouterais peut-être,
quatrièmement, les bénévoles. C'est
une donnée qui peut vraiment
changer la donne. Si on pense à la Fondation Jacques Bouchard, notamment,
sur le territoire de Verdun, ils font une différence. Il y a des gens qui nous ont dit que, sans leur apport,
ils n'auraient pas pu garder la personne en fin de vie à domicile pendant un bout de temps. Ça fait
que, qu'il y ait plus de répit, vraiment, c'est un des
éléments fondamentaux pour que le décès à domicile soit plus possible.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Puis, par rapport aux aidants naturels,
comment vous voyez… les aidants naturels ou… Moi, j'appelle toujours ça
les proches, là, ce n'est pas nécessairement la famille, mais ça peut être
quelqu'un qui est une autre personne qu'un
lien de parenté. Comment vous voyez qu'on pourrait mieux les soutenir, ces
gens-là? Soit par de la formation,
des groupes? Parce qu'on n'est jamais préparé à faire face à la situation,
excepté que ces gens ont à vivre avec des personnes qui vont mourir à
domicile, ça peut durer plusieurs mois et ça demande toute une réorganisation
au niveau de leur propre vie. Je ne sais
pas, votre expérience par rapport à ça, au niveau de la Société canadienne du
cancer?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Dubois.
Mme Dubois
(Suzanne) : Je dirais, ce
qui manque beaucoup par rapport à ça, puis je me base sur mon expérience
personnelle, c'est que, quand on parle de
gens qui ont 80, ce n'est pas des gens qui sont habitués de demander des
services, de se plaindre, c'est des gens
qui… Souvent, les enfants ne sont pas nécessairement dans la même région
géographique. Donc, ils ont besoin d'information.
Mais, même nous, à la Société canadienne du cancer, c'est difficile de les
rejoindre pour leur donner… parce que c'est
des gens qui ne demandent pas d'information, alors il faut être comme proactifs
envers eux. Et, comme la plupart des gens vont passer à l'hôpital à un
moment donné, comme si quelqu'un a une chirurgie puis qu'il n'y a plus de curatif, bien je pense que c'est le lieu où, là, on
pourrait donner de l'information à la famille, au conjoint, conjointe, mais aussi peut-être aux enfants. Ça
serait intéressant. Parce que je sais que même moi, j'ai eu de la
misère, des fois, à avoir de l'information
de l'équipe soignante parce que, bon, je n'étais pas directement sur place.
Alors, je pense que, si le conjoint,
conjointe ou même un enfant qui est peut-être un peu plus jeune peut avoir l'information
de c'est quoi, les étapes qui s'en viennent, puis ce que ça représente,
et puis on s'organise pour combien de temps, bien ça aide beaucoup le milieu à
s'organiser puis à avoir la capacité de prendre en charge le plus longtemps
possible.
Mme Champagne (Mélanie) : Si je
peux, peut-être… Est-ce que je peux compléter?
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon… Mme Champagne.
Mme
Champagne (Mélanie) : Oui,
merci. En fait, si les professionnels, on était meilleurs dans la question
de la référence, déjà, et de l'aide d'une
infirmière pivot, on pourrait faire beaucoup mieux. C'est ce qu'on entend
beaucoup. Les proches sont démunis parce qu'ils
doivent mettre tellement d'énergie à trouver où est l'aide, où sont les soins,
ça devient un travail à temps plein. Mais, en même temps, les journées
ont 24 heures, puis il faut s'occuper de la personne qui est malade, avec toute l'inquiétude qui vient avec.
Donc, la pire chose qui peut arriver, c'est d'être laissé complètement
dans un flou, là. Et ça, c'est sans compter,
bon, ceux qui s'endettent, l'anxiété, tout ça. Mais vraiment la référence, le
processus de référencement est crucial.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon, il vous reste 1 min 30 s.
• (20 h 30) •
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Oui. D'ailleurs, vous avez glissé sur l'infirmière
pivot. Puis ça n'a pas beaucoup été remarqué,
mais il y a eu un hémato-oncologue qui disait que, lorsque sont arrivées des
infirmières pivots en hématologie, ils ne savaient pas trop qu'est-ce qu'ils
allaient faire avec, et actuellement ils ne seraient plus capables de s'en
passer. Et toute notre organisation de services en oncologie, au niveau
thérapeutique, curatif, là, est en fonction de l'infirmière pivot. Même moi, comme médecin, quand j'ai un
patient, on téléphone à l'infirmière pivot qui, elle, va organiser les
services ou les soins avec certains spécialistes, ou encore certains examens.
Et ça a changé complètement, complètement notre façon de travailler. Beaucoup
plus efficace, plus facile à rejoindre, et les gens ont l'impression qu'ils
sont pris en charge.
Et, si je comprends bien, le modèle
que vous prôneriez — on
parle d'infirmières, mais parfois on peut parler aussi de professionnels
parce que ça peut être aussi des travailleurs sociaux, dans certains cas — ça
serait vraiment d'avoir notre organisation
de services pour qu'ils parlent… qu'ils réfèrent à une personne ou qu'ils font
affaire avec une personne, et cette personne-là s'organise pour
coordonner les services. Si je comprends, c'est le modèle que vous prôneriez,
là, quand vous parlez...
Mme Dubois (Suzanne) : De façon proactive. De ne pas attendre que le
patient demande, mais d'aller vers le patient puis tout de suite l'offrir.
Mme Champagne (Mélanie) : Également, vous touchez un truc important, c'est : une personne. C'est la grande richesse aussi de l'infirmière
pivot, de ses compétences, du réseau, mais d'avoir une personne qui est l'intervenant,
ça change tout pour une expérience de fin de vie.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc de l'opposition
officielle. Maintenant,
pour le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault : Merci, M. le Président. Merci de votre présence, bonne soirée. Je vais profiter un petit peu de votre connaissance canadienne, en fait. Vous avez donné des statistiques
un petit peu, dans votre mémoire, à la page 8, entre autres, où vous faites état que, dans les
données de Statistique Canada, 68 %
des Canadiens meurent dans un hôpital, alors
qu'on est à 84 % au Québec, malgré la volonté grandissante des Québécois
de vouloir décéder à la maison. On est dans les provinces les moins performantes avec l'Alberta, alors qu'on a, en
Colombie-Britannique, le plus faible taux de décès à l'hôpital, à 49 %. Est-ce que vous avez des
données sur les raisons qui font qu'on performe mieux en Colombie-Britannique
qu'au Québec à cet égard-là?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Champagne.
Mme Champagne
(Mélanie) : On sait qu'il y a des provinces qui ont investi
massivement dans les soins à domicile et
très peu dans les hôpitaux, alors que nous, on a une proportion inverse ici.
Par rapport aux soins palliatifs, on a mis
beaucoup d'argent sur la fin de vie dans les centres hospitaliers et très peu
de ressources dans les soins à domicile. On cite d'ailleurs même le
Dr Hébert, qui disait, il n'y a pas longtemps : La solution passe par
à l'extérieur de l'hôpital, puis on n'a pas fait assez jusqu'à maintenant au
domicile.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault : Donc, on n'a pas investi suffisamment dans les
ressources à domicile. Par contre, tout à l'heure, dans votre intervention, vous avez mentionné le
fait qu'à Arthabaska 55 % des décès de cancer se font à domicile.
Alors, qu'est-ce qui explique leur succès? Parce que c'est quand même au
Québec. Alors comment ont-ils fait? Est-ce que vous êtes au courant?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Champagne.
Mme Champagne (Mélanie) : Merci. Pour avoir parlé avec l'équipe du CLSC
Verdun, avec qui on a discuté différentes choses, premièrement, d'être
sur le terrain, donc… parce que la majorité des… même des médecins qui soignent à domicile, des intervenants à domicile
passent plus de temps au bureau que sur le terrain. Premièrement, il
faut comprendre aussi qu'il y a un frein aux
soins à domicile parce que la rémunération, elle n'est pas bonifiée. Donc,
c'est sûr qu'entre avoir une consultation en
bureau puis prendre le temps d'aller chez un patient, prendre le temps qu'il
faut, ce n'est pas équitable. Ils ont fait la décision, ils ont pris la
décision d'offrir ces services-là.
Ils
se sont dotés aussi de quelque chose aussi banal que les téléphones
intelligents. C'est-à-dire que le médecin, peu importe où est-ce qu'il
est sur la route, peut toujours changer un dosage de médicament, par exemple.
Il est toujours rejoignable, il est toujours là, en ligne. Donc, il n'a pas
toujours besoin d'être sur place aussi. Donc, c'est vraiment toujours le lien
entre les équipes d'infirmières, le médecin. C'est une souplesse qu'ils se sont
donnée, qui a fait la différence. Quelque chose à rajouter?
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault :
Merci. Mais ça part du CLSC?
Une voix :
…
Mme
Daneault :
O.K., de la volonté du CLSC, finalement, d'organiser les soins. C'est ce que je
comprends?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Champagne.
Mme Champagne
(Mélanie) : Merci, M. le Président. En fait, c'est, je dirais même… Ce
n'est même pas tant la volonté du CLSC, qu'on va dire, que c'est la volonté de
personnes. Et c'est ça qui est dommage aussi. C'est que souvent les histoires de succès reposent sur
la volonté de personnes qui ont dit : Nous, on va faire que ça
fonctionne puis on va faire autrement. Le
danger, avec ça, c'est que, si on retire les personnes, des fois c'est la fin
des services. Donc, c'est pour ça qu'on trouve intéressant toute la
démarche qui se fait présentement parce que ces histoires de succès là...
On ne demande
pas de réinventer la roue puis de chercher de midi à quatorze heures. Les
exemples de succès, 55 %, c'est très élevé, c'est fantastique.
Puis, si on est capables de le faire là, bien, peut-être qu'on est capables de
le faire dans plusieurs régions du
Québec sans réinventer la roue, comme je disais. Et ces personnes-là qui
réussissent à le faire sont d'avis que, sans injecter plus d'argent,
juste en réorganisant les services, elles sont capables d'augmenter de cinq à
six fois le pourcentage de personnes qui décèdent à domicile. Je pense que ça
vaut la peine qu'on s'y penche de près.
Le Président (M. Bergman) :
Ceci met fin au bloc du deuxième groupe d'opposition. Alors, Mme Dubois, Mme
Champagne, Mme Laramée, merci pour votre présentation. Merci d'être ici avec
nous ce soir.
Et j'invite les gens de la Centrale des
syndicats du Québec de prendre place à la table. Et je suspends pour quelques
instants seulement.
(Suspension de la séance à 20
h 36)
(Reprise à 20
h 39)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je
souhaite la bienvenue à la Centrale des syndicats du Québec. Bienvenue.
Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec
les membres de la commission. S'il vous plaît, donnez-nous vos noms, vos
titres. Et vous avez les prochaines 15 minutes pour faire votre présentation.
Centrale des syndicats
du Québec (CSQ)
Mme Chabot
(Louise) : Merci. Louise
Chabot, présidente de la Centrale des syndicats du Québec; Pierre Jobin,
mon collègue, vice-président à la CSQ; Claire
Montour, qui est présidente de la Fédération de la santé du Québec
affiliée à la CSQ; et Lise Goulet, conseillère.
Bien, merci
de l'invitation. Ça vous fait des longues journées. On sait que le... je pense
que l'enjeu est important. Puis merci
de nous inviter, nous aussi, dans le cadre de tout le processus qui a commencé
par la commission spéciale, sa vaste tournée.
C'est notre
première participation dans le cadre de ces travaux. Et, M. le Président, je
tiens à souligner le travail de la
ministre Hivon pour sa rigueur dans le processus depuis le début et aussi le
travail de tous les parlementaires. Je pense que... En tout cas, c'est un dossier qui a traversé l'ensemble des
partis dans l'unanimité. Ce n'est pas toujours le cas, mais, dans ce
cas-là, je pense que ça vaut la peine de le saluer.
• (20 h 40) •
Donc, vous
dire d'emblée qu'on accueille avec satisfaction le projet de loi qui est devant nous, mais vous dire tout de suite
que, comme centrale syndicale qui
représente 200 000 membres, on ne se prononcera pas si nous sommes
pour ou contre une partie du projet de loi qui est sur la question
particulièrement de l'aide médicale à mourir parce qu'on n'a pas fait de consultation, mais on s'inscrit quand
même dans le cadre de la commission pour vous faire part qu'il y a là un
projet de loi, et il y a beaucoup de choses avec lesquelles nous sommes d'accord,
puis il y a des choses qu'on veut participer plus particulièrement, là, en
termes de réflexion ou de questionnement que nous voulons soulever.
Donc, il y a
trois problématiques principales qu'on veut soulever avec vous : l'accessibilité
des soins de fin de vie; la participation du personnel dans la mise en
oeuvre et le déploiement des soins de fin de vie; et aussi les mécanismes
libres et éclairés pour les personnes concernées.
Bon, on sait
qu'en général les besoins de santé et de services sociaux sont en augmentant,
puis c'est la même chose aussi pour les soins palliatifs et les soins de
fin de vie. Et la question qu'on se pose : Est-ce qu'on aura les
ressources nécessaires pour répondre, je pense, au projet ambitieux qui est
devant nous? On l'espère, du moins, parce que la Loi concernant les soins de
fin de vie doit servir avant tout de levier à l'essor des soins palliatifs. C'est
notre volonté. Et en aucun cas — on ne sera pas les seuls à vous le
dire — on pense
que l'aide médicale à mourir ne doit devenir une solution de rechange à
des soins palliatifs qui doivent être renforcés.
On voit qu'à
l'article 5 le projet de loi reconnaît un nouveau droit, celui de recevoir,
pour les personnes, des soins de fin
de vie. Et, à notre avis, il y a seul un portrait global des besoins à combler
qui pourrait le dire. C'est pour ça qu'on va vous recommander finalement
de retenir au ministère de la Santé qu'un portrait des soins palliatifs
actuellement au Québec qui va permettre de
rendre compte des ressources, rendre compte des besoins et de l'état des soins
palliatifs dans chacune des régions. Et on pense que ça doit être mis à
jour régulièrement.
Au niveau de l'accessibilité
à des services de qualité, bien le projet de loi est clair. Je pense qu'on sait
où l'organisation et l'encadrement
des soins de fin de vie doivent permettre à «toute personne — c'est l'article 1 — [d'avoir] accès, tout au long du
continuum de soins, à des soins de qualité adaptés à ses besoins». Dans ce
sens-là, on a des préoccupations en ce qui concerne l'accessibilité.
Et, à l'article
5, précisément, on parle de domicile. On vient préciser dans quels lieux on
pourra… dont le domicile. Et, pour
nous, ça devient important, c'est une de nos recommandations de définir la
notion de domicile. Parce que, si on fait
les liens avec d'autres articles, on va voir que, si un établissement n'est pas
en mesure d'offrir, il va pouvoir l'offrir dans un autre établissement. Ça fait que la question qu'on
se pose : Pour une personne, par exemple, qui résiderait dans une ressource intermédiaire, est-ce qu'on va
considérer cette ressource-là comme un domicile? Parce que la personne
aura le droit, mais est-ce qu'on pourra considérer ça comme le domicile? Qu'est-ce
qu'on entend par domicile? Parce qu'on sait que le domicile, ce n'est pas la
résidence principale ou la maison nécessairement, que… Tu peux être dans une résidence privée, tu... Donc, pour nous, ça
devient majeur de préciser ça parce que, si c'est un droit, puis en plus
qu'on le prévoit à domicile, puis on sait qu'il y a une demande de plus en plus
forte, il va falloir définir concrètement la notion de domicile.
Aussi notre inquiétude… bien, la maison de soins
palliatifs. Je sais qu'aujourd'hui ils étaient en commission parlementaire. Donc, les maisons de soins
palliatifs sont très importantes dans l'offre de soins, dans l'accessibilité,
mais on sait que ces maisons ne se… l'aide médicale à mourir ne sera pas
offerte d'emblée. Et puis là on se pose la question : Qu'est-ce qui va arriver avec une personne qui
voudrait avoir l'aide médicale à mourir? Puis c'est possible qu'elle
soit dans une maison de soins palliatifs au
départ, mais qu'en cours de route elle fasse ce choix-là. Ça fait que l'important,
c'est la question du continuum de soins. C'est
plus une question qu'une réponse, là. Je comprends que la question est…
Donc, on pense que les maisons de soins palliatifs qui sont en mesure de
répondre à leurs besoins, c'est important.
On va vous
demander aussi qu'une chambre à occupation simple, que vous expliquez... vous
dites que ça doit être accessible lorsque la mort est imminente. À
notre avis, ça doit être accessible dès le moment où tu entres en soins palliatifs. Je pense que, pour la dignité des
personnes… On sait dans quelle période de vie se trouve cette personne-là,
donc c'est important pour nous que ça soit dès le départ.
L'article 30 aussi, pour nous, n'était pas très
clair. On vous demanderait de préciser quand on dit que, sous l'objection de conscience, un médecin pourrait, le
plus tôt possible, le signifier, et ça appartiendrait au DSP de voir un
substitut. On pense que c'est flou. On va réclamer que les politiques de soins
de fin de vie précisent davantage les responsabilités et les procédures à
suivre.
Donc, vous
avez une série de recommandations : qu'on veut un seuil minimal
obligatoire de soins palliatifs dans toutes
les régions du Québec, ça nous apparaît important; que le personnel qui va
offrir le soin, quel que soit l'établissement ou le lieu, soit du
personnel du réseau public; et que la notion de domicile soit précisée.
On va attirer
votre attention — je vais
laisser la parole à Mme Montour — sur la question des personnes proches
aidantes. Ça nous apparaît essentiel de
faire une évaluation de la situation des personnes proches aidantes et d'une
offre de services publics. On ne peut pas
parler de virage, on ne peut pas parler de cette volonté de mourir à domicile
sans prendre en compte la situation des proches aidantes et sans prendre
en compte la réalité, le besoin et comment on les soutient. C'est
indissociable.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Montour.
Mme
Montour (Claire) : Oui, à la
deuxième partie, on voulait soulever
l'aspect en lien avec la participation du personnel de la santé. Je pense que tout le monde reconnaît que le
personnel est un acteur de premier plan. On connaît bien les besoins de
la population, on possède une expertise en ce sens. En même temps, on estime qu'on
peut jouer un rôle actif dans l'élaboration
des mécanismes, dans les politiques dans les établissements de santé. Je pense
qu'on le réaffirme encore, notre expertise, nos préoccupations du
personnel doivent être prises en compte.
On veut participer, on est dans le continuum de
soins. Pour nous, il y a une priorité des soins de qualité, respectueux de la dignité des gens. Nos membres
souhaitent relever ce défi-là, mais, en même temps, on ne peut pas... on
veut aussi participer à l'élaboration des politiques que les établissements
doivent faire. Notamment, il y en a trois qui sont prévues dans le projet de
loi : à l'article 10, la politique sur les soins de fin de vie; l'article
9, quand on parle du programme clinique de
soins de fin de vie; et l'article 32, dans les protocoles cliniques applicables
à la sédation palliative terminale et l'aide médicale à mourir. À cet
égard, on recommande au ministère d'émettre des directives afin que les
établissements concernés impliquent activement le personnel de la santé.
Tout ça, pour
nous, a aussi une clé essentielle, c'est la formation. Si on veut… On sait que
ça soulève beaucoup de questions, d'inquiétudes
parmi la population, mais aussi chez les intervenants du réseau de la santé. On
peut constater que le projet de loi
n° 52... et on l'a soulevé en début, qu'on peut apprécier qu'il est
relativement explicite sur les mécanismes et les règles à suivre. Sa mise en oeuvre transformera à coup sûr les
façons de faire, les rôles. Il faut aussi s'assurer d'une bonne
compréhension de tous les enjeux.
On peut comprendre que le professionnalisme des
équipes, ça constitue un très bon rempart pour les dérives ou contre les risques d'abus à l'égard des
personnes vulnérables, mais, en même temps, pour soutenir ce personnel-là
qui est prêt à relever le défi — je le disais précédemment — bien, il faut qu'il y ait des programmes de
formation. Entre autres, on en a
soulevé des exemples dans notre avis, c'est les droits des patientes et des
patients, les responsabilités professionnelles, la prise en charge
symptomatique, psychologique ou sociale.
Donc, à cet égard, nous recommandons au
ministère de la Santé de prévoir des budgets et d'émettre des directives afin
que le personnel de la santé impliqué dans la mise en oeuvre et la prestation
des services de soins de fin de vie puisse
avoir accès, dans le cadre de leur travail, à des programmes de formation
dispensés par les établissements, qu'il y ait aussi une certaine
uniformité dans tout ça.
• (20 h 50) •
Alors, en dernier
point, on a soulevé la responsabilité professionnelle à l'égard de l'objection
de conscience, le droit de l'objection
de conscience. On a soulevé l'article 44 : le législateur a prévu la
possibilité pour tout professionnel de la santé de refuser de fournir des soins de fin de vie ou de collaborer à
leur fourniture en raison de ses convictions
personnelles et conformément à son code de déontologie.
On a soulevé des questions.
C'est quelque chose de quand
même nouveau et c'est prévu dans le projet de loi, mais, à cet égard-là, je pense que notre recommandation vise le gouvernement du Québec à s'adresser
à l'Office des professions, en
disant : Il faut regarder comment les ordres professionnels qui couvrent
les professionnels de la santé doivent, dans le code de déontologie, établir les règles pour assurer que le personnel,
dans le cadre de leur travail, puisse émettre peut-être un jour ou à un
moment donné dans leurs prestations de travail une objection de conscience aux
soins de fin de vie. Donc, pour nous, il y avait là un enjeu qui était
important pour le personnel.
Mme Chabot
(Louise) : Je conclus avec nos dernières recommandations, mais je
tiens à préciser aussi que, sur cette
question-là, quand on parle de soins de vie, là, on s'est posé la question.
Parce que, dans les soins de vie, ça inclut soins palliatifs, la sédation terminale puis l'aide médicale à mourir.
Ça fait que, quand on parle de... Ça, je pense qu'il va falloir... Parfois, comme pour l'objection de
conscience, on le voit que... en tout cas, nous, on l'a lu dans l'aide
médicale à mourir et non pas une objection
de conscience dans des soins palliatifs. Mais parler de soins de fin de vie,
là, je pense… qui englobent les trois, peut-être qu'il y aura lieu de...
Je soumets ça à votre attention.
Au
niveau du consentement éclairé et de l'information, où nous en sommes. Vous
avez deux articles là-dessus, l'article 10, l'article 11, des politiques
d'établissement, le guide d'information pour le droit des patients.
J'écoutais,
tout à l'heure, aussi, les... Je pense qu'on doit aussi faire plus, ne pas
attendre que la personne soit rendue à avoir à faire ce choix-là pour
connaître ses droits. Je ne sais pas ce que le législateur fera dans le cadre
de ce projet de loi, mais, à partir du
moment où ça deviendra une réalité, on pense que de l'information sur toute la
notion des soins de fin de vie, des
droits des patients doit faire l'objet largement d'une information auprès du
public, que déjà ces droits-là soient connus dans notre prestation de
soins, dans notre organisation de services, ce qui ne dispose pas d'autres
outils, mais… L'information est très
importante, et c'est pour ça qu'on va vous faire trois recommandations dans ce
sens-là, tant pour les professionnels que pour les individus, pour qu'ils
soient informés adéquatement.
Et
je conclus en disant qu'on réitère qu'on appuie les modalités qui visent à
améliorer la qualité des services de soins palliatifs. Et vous aurez
compris que tant la question de l'accessibilité du financement de nos services...
On ne pourra pas tout mettre en oeuvre sans penser financer adéquatement ce
réseau-là.
J'aurai
l'occasion, dans les questions, de parler des soins à domicile. Ça fait
longtemps qu'on en parle, mais on aura d'autres
occasions d'en parler. Mais on sait qu'au Québec cette question-là est
préoccupante en raison du financement. Ça, pour nous, c'est important.
Les proches aidantes
ne doivent pas être perdues de vue dans ce projet de loi là, surtout si on
parle de ce droit-là à domicile. Et je pense
que vous devez comprendre que le réseau de la santé et le personnel et les
membres qu'on représente sont prêts à relever le défi, mais en autant
que les conditions soient réunies. Merci.
Le Président (M.
Bergman) : Alors, merci pour votre présentation. Et maintenant,
pour le premier bloc du gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Merci, M. le Président. Merci beaucoup à vous quatre, représentants de la CSQ.
Je pense que c'est important de vous
entendre parce que vous représentez énormément, donc, d'intervenants, de
travailleurs dans le réseau. Donc, c'est
ça qui va aussi beaucoup m'intéresser, de comprendre, de ce point de vue là,
les besoins qui se font le plus
sentir, je dirais, en lien avec cette période de la fin de vie et des soins palliatifs.
Donc, je vais y revenir, là. Peut-être commencer par les questions plus
pointues.
Quand vous parlez du
domicile, donc, évidemment, ce qu'on prévoit dans le projet de loi, c'est que l'offre
de soins palliatifs va se faire dans... peut
exister autant dans les établissements qu'en maison de soins palliatifs, qu'à
domicile. Et là vous nous dites : Oui,
mais le domicile, c'est quoi, le
domicile? Vous, dans votre optique à vous, qu'est-ce que ça devrait être, le domicile? Avez-vous réfléchi à
ça ou, en fait, c'est juste que vous levez un peu un drapeau pour nous
dire : Pensez à ça?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Chabot.
Mme Chabot (Louise) : Bien, on lève le drapeau, ça, c'est certain. Puis, «pensez à ça», c'est
parce qu'on essaie de se donner des exemples qui ne sont pas des cas
personnels, là, mais qu'on connaît tous. On sait qu'une personne, dans
son parcours, rendue à un certain âge, peut ne plus résider dans la maison où
elle a vécu toute sa vie puis aller dans une résidence privée soit pour
personnes autonomes ou semi-autonomes, et, pour ces personnes-là, c'est leur
domicile, hein? Est-ce que,
rendu dans ce lieu-là qui est leur domicile, les soins qu'on vient dire à l'article 5,
qui vont pouvoir être offerts à
domicile, ça va être une possibilité ou on devra leur dire que, bien là ce n'est plus
chez eux, que ça sera ailleurs qu'on pourra leur offrir? C'est ça qu'on…
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui, merci. Évidemment, pour ces personnes-là, c'est leur domicile maintenant.
Donc, on se comprend que… Moi, je pense
que c'est comme par opposition à un établissement, donc par opposition à être
dans un centre hospitalier ou dans un
CHSLD, même si un CHSLD, jusqu'à un certain point, ça devient un domicile, on
pourrait dire ça. Mais on se comprend qu'on est plus dans une logique
institutionnelle d'établissement versus une logique de domicile ou de
prolongement du domicile naturel. J'aimerais…
Mme Chabot
(Louise) : ...Mme Hivon, ça veut dire aussi qu'effectivement c'est le
domicile. Vous semblez répondre clairement.
On sait que les lieux physiques diffèrent, donc ça va tout poser la question de
l'organisation. Est-ce que la famille pourra…
Mme
Hivon : Tout à
fait.
Mme Chabot (Louise) : Bon. Merci.
Mme
Hivon : Je
comprends très bien ce que vous voulez dire. Par exemple, les proches aidants
qui peuvent soutenir à domicile, est-ce que
les proches aidants vont pouvoir soutenir dans un milieu autre que le domicile
comme on le conçoit? Parce qu'on sait que les employés, par exemple, de
la résidence ne pourront pas faire office de proches aidants en termes d'injection
ou de soutien, là. Donc, je vous suis, je vous suis parfaitement. Mais c'est ça
que vous vouliez nous dire comme préoccupation, c'est ça? Parfait.
Peut-être venir à l'article 30. Vous dites…
Bien, avant ça, ça m'intrigue un peu parce que vous semblez nous dire : Dites aux établissements que, quand
ils vont élaborer leurs politiques, il faut qu'ils tiennent compte de nous.
Donc, est-ce à dire que, quand ils vont
élaborer des politiques qui concernent des différents ordres de soignants, de
travailleurs, qui mettent en cause des approches interdisciplinaires comme les
soins palliatifs, vous avez une crainte de ne pas être impliqués dans l'élaboration
de ces politiques-là?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Chabot.
Mme Chabot
(Louise) : Oui.
Mme Montour... Bien, c'est parce
que vous faites référence à l'article 30, et c‘est ça qui nous pose problème pour répondre parce que, l'article 30,
on est dans l'objection de conscience pour les médecins puis la
mécanique, là.
Mme
Hivon :
Oui, en fait, j'ai commencé sur 30 puis j'ai dit : Avant d'aborder 30, je
vais plutôt vous écouter sur les
questions de politiques, parce qu'après vous nous suggérez que cette espèce de
mécanisme de référence soit prévu dans la politique pour que ce soit
plus clair que juste l'article 30. On va y revenir.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Chabot.
Mme
Hivon : Mais, je veux savoir, quand vous nous disiez tantôt «forcez
les établissements», vous comprenez qu'il
y a jusqu'à un certain niveau où on
peut aller, là, parce que l'établissement aussi a sa responsabilité, quand il élabore ses politiques,
d'impliquer les personnes concernées. Donc, je voulais juste comprendre. Quand
vous nous dites ça, c'est parce que vous avez une crainte de ne pas être
impliqués.
• (21 heures) •
Mme Montour (Claire) :
Effectivement, je pense qu'on peut avoir des craintes ou des fois le passé nous
questionne pour le futur. Effectivement,
pour nous, s'il y avait un message clair qui était lancé dans le projet de loi à l'égard des
établissements... Parce qu'on pense que le personnel qu'on représente ont une
expertise, voient aller beaucoup de choses,
voient les transformations, vivent les transformations, mais je pense qu'ils
ont des choses à dire puis ils ont une opinion par rapport à… pour les
soins, donner les soins, la dignité de la personne.
Effectivement, s'il y avait un message clair de
lancé... Puis, je comprends, vous me dites : On ne peut pas aller jusqu'à — je vais le traduire peut-être, là — écrire la politique, je le comprends. Mais
déjà un message lancé en disant : Bien,
il y a des paliers au niveau des établissements, on peut parler de divers
regroupements, il y a des équipes, à quelques endroits, il y a des
unités de soins palliatifs, bien, il y a des personnes, il faut qu'elles soient
impliquées, le personnel professionnel, il faut qu'il participe.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Bien, je dois vous dire que, pour avoir eu des échanges avec l'AQESSS…
Évidemment, je n'ai pas toute votre
expérience terrain des dernières années, mais, pour ce qui est des politiques
de soins palliatifs, je sens, en tout cas, cette volonté-là qu'elles
soient évidemment arrimées et inspirées de par ceux qui ont la meilleure
connaissance possible sur le terrain. Parce qu'on n'est pas dans une politique
administrative, là, on s'entend. On est plus dans une politique qui englobe, oui, peut-être certains éléments administratifs,
mais des éléments aussi cliniques, d'accès, de vision aussi et de
culture palliative. Mais je comprends votre message.
Donc, j'arrive
à l'article 30. Là, vous allez me suivre mieux. Effectivement, l'article 30, il
parle de l'objection de conscience. En fait, l'objection de conscience,
elle apparaît dans le code de déontologie des médecins et des pharmaciens, elle n'est pas dans le code des
infirmières. Et j'ai eu des échanges dans le passé avec les infirmières,
qui nous disaient que, dans la mesure où l'aide médicale à mourir était un acte
réservé pour les médecins, elles ne pensaient pas qu'elles devaient, donc,
modifier leur code de déontologie pour inclure l'objection de conscience.
Évidemment, là, quand
vous faites référence à ça, vous me demandez : Est-ce c'est juste en lien
avec l'aide médicale à mourir? Bien, la
réponse, c'est que, dans les codes de déontologie où l'objection de conscience
est présente, évidemment, c'était large, c'était quand le médecin estime
que, par rapport à ses convictions personnelles — parce qu'on l'appelle «objection de conscience», mais le
libellé, il me semble, c'est «convictions personnelles» — il n'est pas à l'aise
à faire… ou donner un certain soin. Il ne le fait pas, il a le droit de ne pas
le faire, mais il doit référer. Donc, évidemment, l'aide médicale à mourir n'était
pas reconnue jusqu'à ce jour, donc c'était pour d'autres types de soins que ça
pouvait s'appliquer.
Donc,
en fait, c'est la même logique, la même disposition, sauf que, là, on voit que
certains médecins viennent nous voir et disent : Bien, nous, on
aurait recours à ça parce qu'on ne voudrait pas faire une aide médicale à
mourir, administrer une aide médicale à
mourir. Et l'objectif derrière l'article 30, c'est d'aller un petit peu plus
loin, parce que certains médecins nous ont dit, puis aujourd'hui il y en
a qui nous l'ont dit aussi : Moi, je ne pourrais même pas m'acquitter de
mon obligation, dans mon code de déontologie, de référer parce que, pour, moi,
déjà ça serait trop.
Donc,
on pourrait avoir un long débat là-dessus, là, mais l'idée derrière l'article
30, c'était de dire : Bien, on vous a entendus, et, plutôt que de dire que vous, vous allez devoir référer,
il va y avoir un mécanisme qui va devoir être mis en place dans les
établissements. On met le DSP ou toute autre personne désignée par le directeur
général. Donc, effectivement, dans la
politique, on pourra prévoir autre chose. Mais l'idée derrière ça, c'était de
venir dire qu'à défaut ça pourrait
être un rôle assumé par le directeur des services professionnels pour que la
charge de référer ne soit pas uniquement celle du médecin, par exemple, puis qu'il y ait une prise en charge, puis
qu'on soit sûr que quelqu'un ne tombe pas entre deux chaises parce que
la personne avec qui elle est en relation ne veut pas le faire et ne veut pas
la référer. Est-ce c'est plus clair?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Chabot.
Mme Chabot (Louise) : Pour l'article 30, oui, mais je… Peut-être
que, Lise, si tu as… Je pense que… En
tout cas, notre objectif, effectivement, c'est que ce ne soit pas laissé
aléatoire.
Sur
la question des autres ordres professionnels, écoutez,
notre lecture, au prime abord, on a dit : Ça doit viser plus
précisément l'aide médicale à mourir. Puis on avait fait l'analyse aussi que probablement
ça va être un acte réservé médical, si on se
compare à autre chose. Mais, quand
même, pour les professionnels de la santé qui oeuvrent
déjà en soins palliatifs, par exemple, puis
on sait que, déjà, il y a une médication, tout ça, ça va, mais tu accompagnes
quelqu'un qui a fait ce choix-là, qui a ce
droit-là, puis que, même si tu ne poses pas l'acte pour l'instant, peut-être
plus tard, est-ce que c'est possible
de penser qu'il sera aussi difficile d'accompagner quelqu'un qui aurait fait ce
choix-là en termes de soins, si ça devient un soin? Effectivement, cette
notion-là, c'est comme ça aussi que nous l'avons pensée, pas juste sur la
notion de l'acte.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Montour, ça va?
Mme Montour (Claire) : Bien, peut-être...
Effectivement, dans le rôle de l'équipe multidisciplinaire, on comprend que ça peut être l'acte médical, mais, quand on le
regardait : Dans le futur, est-ce que ça va nous questionner dans
nos ordres professionnels?, et on voyait là peut-être une opportunité de poser
la question aux ordres en disant : Bien, regardez plus loin, en termes d'équipe multi, en termes de travailler avec le
médecin ou d'accompagner la famille, ou les patients, ou les proches
aidants. Donc, il y avait… à tout cet égard-là, peut-être, la question devait
se poser au niveau des ordres des professionnels.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Pour le premier
bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Merci, M. le Président. Alors, bonsoir, merci beaucoup
pour votre participation aux travaux de la commission. Vous apportez une
lumière qui est vraiment différente, c'est un éclairage qui est complètement
différent sur le projet de loi.
Puis j'aimerais poursuivre sur la question
des membres que vous représentez.
Certains groupes nous ont sensibilisés
au fait que le personnel qui travaillerait et qui… les différentes équipes qui
seraient en lien, entre autres, avec la
prestation de services d'aide
médicale à mourir auraient sans doute possiblement
besoin d'un support aussi. Bon, je comprends
que vous plaidez en faveur de l'intégration
de l'objection de conscience parce que, bien que ça puisse être un acte
réservé, il y aura toujours un accompagnement autour, il y aura toujours
une équipe autour du médecin et donc il peut
y avoir, à l'intérieur de cette équipe-là, pour toutes sortes de raisons, des
gens qui ne soient pas nécessairement à l'aise avec la prestation du service. Et je comprends votre réflexion
lorsque vous demandez à ce qu'on puisse étendre aussi cette question-là
à cette équipe-là, au personnel qui sera appelé d'une façon ou d'une autre à
intervenir dans cette démarche-là.
Mais
est-ce qu'on devrait également s'attarder à l'accompagnement du personnel?
Parce qu'on nous disait que, dans certains pays où l'aide médicale à
mourir… ou peu importe de quelle façon on la nomme, il y a un besoin d'accompagnement pour le personnel. Certains
pensent être en mesure d'accompagner le patient dans cette volonté-là,
se retrouvent à trouver ça beaucoup plus
difficile qu'ils le croyaient. Donc, j'aimerais vous entendre sur cette
question-là, sur le soutien qui
devrait ou qui devra être mis en place pour aider l'équipe. Parce que l'aide
médicale à mourir va bien au-delà seulement que de la prestation d'un
service par un médecin. C'est toute une équipe, peut-être tout un étage même
qui sera affecté.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Montour.
Mme Montour (Claire) : Oui. Bien, effectivement, je ne
reprendrai pas… Ça peut impliquer beaucoup, et on en fait référence dans notre avis,
peut-être pas dans ces mots-là. Effectivement, on l'a mis de façon beaucoup
plus large et globale quand on parle de la
formation. Et là je fais référence à la partie où on dit, bon : Le projet
de loi est explicite sur les mécanismes, les règles, mais «sa mise en
oeuvre transformera à coup sûr certains rôles», et on dit que ça va nécessiter
«une bonne compréhension des enjeux et des responsabilités».
Mais, quand on parle
de ça, pour quelqu'un qui travaille dans le réseau, bien, de la santé, le
personnel qu'on représente entre autres,
tout le temps dans une responsabilité, on n'est pas… on a toujours des émotions
ou on a toujours… dans notre travail, on est confrontés à ça. Donc,
effectivement, là-dedans, dans la partie formation, qui était beaucoup globale que juste dire : Voici le protocole,
comment je l'applique, l'évaluation du patient, etc., qui est beaucoup
clinique, il y a aussi tout l'aspect psychologique, comment, comme personnel
soignant… et c'est un peu, si on regarde les proches
aidants, bien, comme personnel, c'est : Qu'est-ce qu'il faut que je
décode? Qu'est-ce que… Est-ce que je suis rendu à ma limite?, bon, etc.,
pour toujours être en mesure de bien remplir notre rôle. Mais, dans le sens de
la formation, ça englobait des points plus précis peut-être, là, mais c'était
un aspect… il était abordé globalement.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Vous l'incluez vraiment dans votre recommandation, la deuxième recommandation
qui se trouve à la page 9?
Mme Montour
(Claire) : …la page 11, là, quand on parle de…
Mme Chabot
(Louise) : Plus explicite, là.
• (21 h 10) •
Mme Montour
(Claire) : …de la formation, là, la mise en oeuvre, de compréhension
des enjeux et des responsabilités. Mais, à l'égard
de la responsabilité aussi, à un moment donné, tu as des émotions, et là… Mais
on n'a pas effectivement précisé le mot «support».
Mme
Vallée : La formation
préalable, mais... Dans le fond, moi, ce que j'abordais, c'était plutôt l'après,
après avoir accompagné quelqu'un
dans ces derniers moments là, dans un contexte d'aide médicale à mourir, il y aurait
peut-être, possiblement, des
besoins d'accompagnement parce qu'on... La formation, c'est une chose, et je
comprends que vous souhaitez aborder cette
question-là à l'intérieur de la formation, mais, bon, c'était plus sur les
services qui pourraient être offerts après, de support, parce qu'on nous
en a parlé un peu plus tôt aujourd'hui.
J'aimerais
bien vous comprendre lorsque, à la page… Attendez un instant. À la page 8,
votre première phrase, votre premier paragraphe, lorsque vous mentionnez
que les soins professionnels, les soins «de fin de vie soient offerts gratuitement et exclusivement par le personnel du
réseau public de la santé», est-ce qu'indirectement vous excluez le
réseau de bénévoles, par exemple, des
maisons de soins palliatifs? Parce que ce qu'on nous a expliqué un peu plus tôt
aujourd'hui, c'était que les maisons de
soins palliatifs, au Québec, comptaient sur bon nombre de bénévoles, qui
garantissaient un certain nombre d'heures
de services et d'accompagnement auprès de la clientèle, et que, sans ce réseau
de bénévoles là, il serait impossible pour les maisons de soins
palliatifs d'offrir les services. Donc, est-ce que ça vise les bénévoles, ou c'est
autre chose, ou je me trompe complètement, là?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Montour? Ou Mme Chabot?
Mme Chabot
(Louise) : Mme Chabot. Bien, peut-être que Mme Montour voudra
compléter. Bien là, on fait référence
exactement à l'article 12 quand on mentionne ça. L'article 12 vient dire qu'un
établissement qui ne peut pas «fournir adéquatement» peut diriger la
personne «vers un autre établissement ou vers une maison de soins […] qui est
en mesure…» Non, ça ne vise pas le bénévole.
Mais,
quand on parle de soins de fin de vie, là, on parle de soins, on parle de
personnel qui, au-delà de l'accompagnement
par des bénévoles, va donner des soins à ces personnes-là. Et, pour nous,
indépendamment du lieu où la personne reçoit… Je vais prendre l'exemple
du domicile. Actuellement, hein, les services sont offerts par les CLSC, si je
prends les infirmières, par les infirmières ou les auxiliaires familiales des
CLSC, du personnel du réseau public. Bien, c'est exactement le même lien. Si on
ne peut pas offrir le service dans le réseau public ou dans des maisons puis qu'on
doit le transférer ailleurs, on veut s'assurer que les soins soient donnés par
le personnel du réseau public.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Et donc...
Mme Chabot (Louise) : Les bénévoles ont toujours leur place, c'est vrai dans les hôpitaux, c'est
vrai dans nos CHSLD, là. Ils forment maintenant un tout. Je pense que
les bénévoles ont toujours leur place.
Mme Vallée :
...sur la question des soins.
Mme Chabot
(Louise) : Mais le personnel en nombre suffisant, qualifié, bien formé
a grandement sa place aussi. Puis il faut penser à investir. Si on décide de
prendre ce virage, un virage qui est déjà quand même amorcé, de soins palliatifs, de
soins de fin de vie, puis on y accorde toute l'importance, il faut être capable
d'investir aussi dans du personnel
qualifié, du personnel en nombre suffisant puis qui… On a une forte
prédominance pour le réseau public, on ne se le cache pas, là. On a un
parti pris. Nous, les PPP, c'est Parti Pris pour le Public.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : C'est noté. Avez-vous une idée des besoins, justement,
de personnel formé, compétent pour venir répondre au droit qu'on est en
train de créer? C'est-à-dire, à partir du moment où on créé ce droit-là d'accès
à des soins de fin de vie sur le territoire,
il va y avoir des attentes qu'on créé également. Et donc avez-vous, à l'intérieur
de votre réseau, une idée de ce que ça peut représenter en fait de
besoins supplémentaires?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Chabot.
Mme Chabot (Louise) : C'est pour ça qu'on demande de faire un portrait de la situation en
termes de besoins, puis on pourra faire l'équation avec le besoin de
ressources. Bien, c'est pour ça que ça nous apparaît important dans la
recommandation. Je pense qu'on l'a dit dès le départ, là. Excusez, je…
Une voix :
La première.
Mme
Chabot (Louise) : La première. Ça fait que… Parce qu'on est… on sait que c'est à géométrie variable
aussi sur le territoire du Québec.
Donc, c'est pour ça qu'on demande qu'il
y ait un minimum aussi de services,
en partant, dans toutes les régions, en termes de soins palliatifs. Mais
ça prend un portrait de la situation, puis d'ailleurs je pense que la commission
le suggérait, puis on fait nôtre cette recommandation de la commission.
Le Président (M.
Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition
officielle. Pour le dernier bloc du gouvernement, Mme la députée de
Sainte-Rose.
Mme
Proulx : Merci, M. le Président. Bonsoir, mesdames, monsieur.
Écoutez, j'aimerais poursuivre un peu sur cette question de la formation. Avant vous, on a reçu la Société
canadienne du cancer, qui, eux, nous ont vraiment fait part de leurs grandes préoccupations au niveau des
soins palliatifs, de développer les soins palliatifs. Et ils nous ont fait
part aussi de certains constats, c'est-à-dire de la perception négative, au
sein des équipes soignantes, de ceux qui interviennent dans les soins
palliatifs. Ce n'est pas nécessairement quelque chose qui semble valorisé. Et
ils avaient justement une préoccupation, une recommandation à l'effet de
trouver des façons de valoriser les soins palliatifs, et je vais juste vous
donner quelques constats qu'ils ont faits.
Ils
ont fait plusieurs entrevues, ils ont mené des entrevues notamment auprès du
personnel soignant, et il y a certains témoignages, par exemple une
infirmière spécialisée qui souligne que, si elle voulait aller travailler aux
soins intensifs demain matin, elle ne
pourrait pas parce que, pour travailler aux soins intensifs, on exige une
formation particulière qui peut s'étaler sur plusieurs mois, alors que,
pour aller travailler dans une unité de soins palliatifs, cette exigence-là n'existe pas. Et ils nous réfèrent aussi, dans un
autre exemple, en termes de formation dans les institutions d'enseignement,
par exemple, dans le cours d'infirmière ou
même au niveau de la formation des médecins, on constate qu'il y a très
peu d'heures de formation reliées aux soins palliatifs.
Par exemple, au
niveau de la formation des médecins, vous savez que c'est... Je sais bien que
les médecins ne font pas partie de vos
membres, là, mais je vous le souligne quand même, du côté des médecins, c'est
seulement en juin 2013 que, pour la
première fois, les étudiants en médecine familiale à l'Université de Montréal
ont reçu obligatoirement 90 minutes de formation sur les soins
palliatifs, et, pour un cursus de soins infirmiers, on parle de six heures de formation sur les soins palliatifs. Et la Société
canadienne du cancer semblait vraiment faire un lien entre cette lacune
constatée au niveau de la formation et la perception négative et le peu de
valorisation au sein des équipes soignantes des soins palliatifs.
Alors, moi, j'aimerais
bien vous entendre. Est-ce que vous, de votre côté, vous faites ces mêmes
constats? Est-ce qu'au sein de vos membres…
est-ce que c'est des choses que vous avez constatées ou que vous avez
entendues, ce peu de valorisation des soins
palliatifs et le fait qu'il y ait si peu de formation? Je sais que vous
recommandez d'avoir plus de formation continue. Il y a aussi la
formation initiale, donc, dans les écoles. Est-ce que vous avez une opinion ou
certains constats que vous avez faits à ce niveau-là?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Chabot.
Mme Chabot (Louise) : Oui. Je vais y aller global, je vais laisser ma collègue Claire... On
est dans un... Écoute, je ne veux pas
faire de généralités, mais, quand on compare les soins palliatifs, par exemple,
aux soins intensifs, je ferais le parallèle
qu'au Québec dans le domaine des soins, on a valorisé beaucoup le curatif,
moins le préventif ou l'approche globale.
Puis, si on le regarde juste au niveau des médecins — le Dr Bolduc pourra me corriger — on a valorisé beaucoup aussi la médecine en spécialité versus la médecine
familiale, alors qu'il y a d'autres pays qui vont valoriser beaucoup la
première ligne ou les médecins de famille. Puis je ne veux pas dire qu'ils
dévalorisent la... Les infirmières ou le personnel soignant, je dirais, il y a
une tendance, dans le milieu, à vivre...
Peut-être que c'est plus glamour de travailler
dans les soins critiques que de travailler avec des personnes âgées en médecine ou en soins palliatifs. Cela
dit, la question de la valorisation, je pense que les personnes qui y
travaillent le font
avec beaucoup de professionnalisme puis avec la conviction que leur travail est
important. C'est le regard des autres beaucoup plus que le regard des
personnes qui le font. C'est pour ça que, quand on parle de première ligne,
quand on parle de soins palliatifs, de
continuum de soins, d'une approche globale de la personne, bien, là, ça ne devient pas des techniques qui sont urgentes, mais comme des soins qui s'inscrivent dans
une tout autre philosophie où la formation
initiale peut répondre à ça. Mais effectivement il y a le regard des autres en termes de valorisation. Puis je pense que le projet de loi vient mettre en
perspective l'importance de ces soins-là dans le réseau de la santé et des services
sociaux.
• (21 h 20) •
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : Oui, je pensais
que madame voulait...
Le Président (M. Bergman) :
Mme Montour?
Mme Montour (Claire) : Oui. Bien, effectivement,
on a soulevé la formation. Je ne reprendrai pas ce que Mme Chabot a dit. Effectivement, des fois, c'est souvent le regard des autres par rapport à la technique de soins, ou l'état du patient, ou… dans le
département qu'on se trouve. Mais les personnes qui travaillent auprès de cette
clientèle-là s'investissent énormément
et ont autant à coeur le patient qui est là, la famille, les soins qu'ils
donnent que quelqu'un qui est aux
soins intensifs avec un moniteur cardiaque. Je pense que c'est quand on
commence, justement, les comparaisons que, là, ça devient peut-être
moins... moins facile pour le personnel aussi.
Puis moi, je
soulève : Justement, si on fait une politique de soins de fin de vie,
bien peut-être qu'on va replacer des choses dans le
réseau aussi par rapport à cette clientèle-là. Mais, il faut noter aussi, la
personne ou le patient... Là, je dis encore
«le patient»… d'expérience, je ne suis pas capable de me défaire de mes... Mais
ça dépend aussi où il se trouve, parce que, quand on n'a pas accès à des
soins palliatifs puis que le patient, il se retrouve dans une unité de médecine
chirurgie, où — là, je ne vous annoncerai pas une grande primeur — le
personnel est débordé, à bout, il en manque, etc., peut-être qu'on
entend ou on répète des choses, mais il y a peut-être une partie de l'explication...
Puis ce n'est juste le personnel qui n'est pas affecté ou qui n'est pas
intéressé par ce type de… je m'en allais dire «de spécialité», mais ce type de
soins là.
Ça fait qu'il y a peut-être plein d'éléments, il n'y
en a peut-être pas juste un, dire : Il n'aime pas ça, puis ce n'est
pas glamour, pour reprendre l'expression. Mais, oui, il y a la formation, puis
peut-être que... je le disais dans mon... puis vous l'avez soulevé, s'il y avait un message : l'importance de la
formation. Parce que c'est au-delà de la technique de faire un pansement. Il y a aussi la technique... L'approche
au mourant, tout ça, on connaît, il y a des notions, il y a des cours.
Donc, ça seraient des beaux messages pour compléter.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Masson, il vous reste deux minutes pour les questions et les
réponses.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Merci, M. le Président, alors je vais faire rapidement. Bonsoir, mesdames, monsieur. Alors, écoutez, dans votre mémoire, vous
nous parlez des proches aidants, les gens qui prennent soin de gens qui sont malades à la maison. Disons que c'est un
segment de la population qui est très important dans les soins. Alors,
vous parlez, dans votre mémoire, que ça...
on devrait penser à «un volet d'évaluation de la situation des proches aidants
et une offre de services sociaux et
de santé publics adéquate visant à les soutenir». Pouvez-vous nous en parler
plus longuement de comment vous voyez ça? Puis quels devraient être la
reconnaissance et le soutien qu'on devrait leur apporter?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Chabot.
Mme Chabot
(Louise) : Oui. Bien, vous
allez en retrouver à la page 10, là. Je pense qu'on avait une donnée
assez récente puis qui était parlante, la contribution des proches aidants en
termes de coûts, quand on demande d'avoir une situation,
c'est quoi, la réalité de la part des proches aidants, ce que ça leur demande.
Parce que nous, un proche aidant... on n'aime
pas tellement la notion d'aidant naturel, c'est un proche aidant, qui doit le
faire de façon volontaire. Et on sait que la contribution est majeure puis qu'ils ont besoin d'être soutenus. C'est
impensable, là, que... Ça fait que c'est pour ça qu'on disait qu'il y ait un volet d'évaluation de ces
situations-là : il y en a combien, ils sont dans quel état, c'est quoi, le
service de répit, d'accompagnement, le service support qu'on leur accorde
actuellement. C'est ce qu'on voulait dire. Lise, je ne sais pas si tu veux
compléter?
Mme Goulet
(Lise) : Oui. Donc, quand on
regarde... Bonsoir, M. le Président. Quand on regarde notamment
la plateforme de revendication du
Regroupement des aidants naturels du Québec, on peut voir, dans cette plateforme-là,
un ensemble d'éléments qui illustrent
vraiment les besoins de ces gens-là, notamment en termes de répit, soutien
psychologique, mais aussi d'information dans l'accompagnement des
proches à la maison qui ont besoin de soins. Il y a même des gens qui nous
disaient... Puis on n'est pas allés jusque-là dans le mémoire, parce que je
pense que c'était... on ne voulait pas...
Le Président (M. Bergman) :
...
Mme Goulet (Lise) : Oui?
Le
Président (M. Bergman) : En conclusion.
Mme Goulet
(Lise) : Ah bon! Il était même question de faire de l'évaluation
systématique de leur détresse. Il y a des gens… Bon, on n'est pas allés jusque-là,
comme je disais. Mais je pense que c'est important. On leur fait jouer un rôle majeur, on
prend un virage. On ne doit pas prendre pour acquis que ces gens-là vont
pouvoir accompagner la personne à qui on
reconnaît un droit. Donc, le reconnaître, c'est une chose. Maintenant,
faire l'évaluation de l'environnement, si ces gens-là vont
pouvoir les accompagner, devrait faire partie de l'évaluation première.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, pour l'opposition
officielle, le deuxième bloc, M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. J'aimerais recadrer quelque
chose, là. Parce que, là, on arrive ici, en
commission, puis on dit : Bien, il n'y a pas de formation, il n'y a pas
ci, il n'y a pas ça. Moi, ce n'est pas mon expérience du réseau. Puis d'aller
dire qu'en médecine on a juste quelques heures puis que ça fait qu'on est des
pas bons médecins ou qu'on ne sait pas quoi
faire, là, ce n'est pas comme ça que ça fonctionne, l'apprentissage. On a des
stages, toute la formation traite des gens
qui sont malades. On apprend à utiliser, lorsqu'on fait nos stages cliniques,
la morphine, les médicaments. Puis on
travaille en équipe multidisciplinaire aussi, c'est-à-dire que, lorsqu'on
arrive pour le soulagement de la douleur, souvent les pharmaciens vont
intervenir, les infirmières vont nous dire souvent comment eux autres, elles
fonctionnent, il y a… C'est un apprentissage par osmose beaucoup plus qu'en
classe.
Je
me méfie beaucoup des gens qui me disent : Ils devraient étudier plus
telle matière. Ceux qui sont bons, c'est ceux qui aiment ça puis ceux qui pratiquent. Donc, les gens qui en font
beaucoup, qui développent des habiletés puis qui ont le goût de le faire, ils deviennent nécessairement bons. Et il y a
des gens qui n'en font pas, de soins palliatifs. Ça fait que, pour eux autres, ils n'iront pas chercher des
formations là-dedans. Puis, à toutes les fois qu'on va dans une formation
de quelque chose, que ce soit en
cardiologie, en neurologie, la gériatrie, tout le monde va vous dire qu'on
devrait augmenter le nombre d'heures de formation dans ce domaine-là. Le
cours de médecine va devenir sur 20 ans, puis ils vont pratiquer 10 ans.
Le
message que je veux faire… On arrive en commission puis on nous dit : Ça
prendrait plus de… Moi, je suis d'accord,
ça prend plus de formation, ça prend plus… Mais de là à dire qu'il ne s'en
donne pas… Il s'en donne énormément. Les congrès de soins palliatifs au
Québec, il y en a plusieurs. La plupart des gens font une, deux puis trois
journées de formation annuelle. Donc, ils apprennent sur le terrain, mais ils
apprennent également en parlant avec les autres, puis ils apprennent dans des
congrès.
Ça
fait que la formation, oui, on peut en donner plus, mais vous allez voir… La
stratégie, vous allez donner de la formation à tout le monde. Mais, si, à
un moment donné, tu ne le pratiques pas, tu ne deviendras pas bon. D'ailleurs, c'est comme ça que le réseau, le système de santé
fonctionne. Moi, ce que j'ai vu, les infirmières de soins palliatifs, je
n'ai pas jamais vu de problème nécessairement de recrutement. Souvent, c'est
fait par les infirmières de soins à domicile, qui savent qu'elles vont faire
des soins palliatifs, et, en en faisant, elles deviennent meilleures, Puis il
se donne de la formation, à ce moment-là, et
elles apprennent aussi avec leurs collègues qui, eux autres, en font depuis
longtemps. C'est comme ça que ça fonctionne dans le réseau de la santé.
Si
les gens, des fois, ont l'impression qu'ils n'ont pas assez de formation, je
pense qu'il faut faire attention entre le «pas assez de formation» comme
«il manque de monde pour en faire». Et, dans la relation d'aide, on le
développe avec le temps, mais il faut avoir
des habiletés pour ça. Puis ce qu'on voit dans le réseau de la santé également,
c'est que les gens qui aiment un
domaine… exemple, les soins intensifs, ils vont aller faire des soins
intensifs. Mais pourquoi est-ce que
ça prend trois à quatre mois, des fois, de soins intensifs, puis six mois en
bloc opératoire? Parce qu'ils ont énormément de techniques à apprendre.
Il faut qu'ils fassent le tour de toutes les chirurgies. Tandis que, quand on
arrive dans les soins palliatifs, c'est une
complexité qui est différente, c'est plus l'approche humaine, de rencontre, qui
est importante. Donc, pas besoin, à
ce moment-là, d'avoir une formation de six mois en soins palliatifs. Ce qui est
important, surtout, c'est d'en faire et d'avoir les bonnes aptitudes.
Moi,
je veux recadrer ça parce que, des fois, on dit des choses, on veut faire un
message, puis ce qui est reçu, c'est… D'après moi, ce n'est pas la
réalité du réseau de la santé. Par contre, on est d'accord, il faut insister
pour développer plus de soins palliatifs et
puis il faut que les gens aient une certaine formation. Mais de là à dire qu'actuellement
ils ne sont pas formés, là, moi, ce n'est
pas ça que j'ai vu sur le terrain. Surtout, comme je vous dis, on travaille en
équipe multidisciplinaire. Les pharmaciens sont arrivés avec des livres
ça d'épais sur le contrôle de la douleur, qui étaient ultra bien faits, puis généralement les médecins ne les lisent pas, et
les pharmaciens vont leur dire comment l'appliquer. Puis, quand ça fait quelques cas que tu as, tu
sais comment faire également pour soulager la douleur, soulager les symptômes.
Merci beaucoup d'être
ici parce que, pour moi, c'est bien important. Je voudrais vous revenir sur la
question des maisons de soins palliatifs.
Les maisons de soins palliatifs, vous nous avez dit : On va se retrouver
dans un dilemme, c'est-à-dire les gens ne voudront pas faire l'aide
médicale à mourir. L'aide médicale à mourir devient un droit. Moi, la façon
dont je le voyais, si on avait une maison de soins palliatifs qui disait au
départ : Nous autres, nous n'offrons pas l'aide médicale à mourir, on
comprend que le CSSS, dans ses ressources, serait capable de développer le
service ailleurs que dans les maisons de soins palliatifs, qui est souvent
connexe à l'organisation des services.
Je ne sais pas
comment, vous autres, vous voyez ça, mais surtout pour vos membres, parce que l'objection
de conscience va devenir importante à un
moment donné. Parce que le médecin, quand il va faire l'aide médicale à
mourir, peut-être que c'est lui qui va poser le geste médical, puis je peux
vous garantir qu'il va y avoir une infirmière qui va être à côté de lui. Comment
on va l'appliquer à ce moment-là?
• (21 h 30) •
Le Président (M.
Bergman) : Mme Chabot.
Mme
Chabot (Louise) : Là, pour la dernière partie, je pense qu'on devra l'appliquer,
justement, l'objection de conscience, dans le même esprit que les médecins
souhaitent pouvoir… Alors, en vertu de l'article, c'est dans cet esprit-là qu'on
le fait. Ça fait que c'est pour ça qu'on demande de réfléchir, au niveau de nos
ordres professionnels, qu'il serait nouveau du côté des infirmières ou d'autres
professionnels de le faire.
L'autre chose, bien, c'est… on l'a posée comme… Écoutez,
on ne se cachera pas, on trouve précieuse la contribution des
maisons de soins palliatifs actuellement dans l'offre de soins en termes de qualité et en termes d'offre
de soins. Puis on ne veut pas, par nos propos, dire : Bien, obligez-les,
là. On fait juste dire : Peut-être qu'à court terme ça sera clair, je suis
une personne, un patient qui sait qu'il
va vouloir se prévaloir de ce droit puis j'ai une maison — je ne la nommerai pas — qui
ne l'offre pas, bien je n'irai pas là, je vais aller ailleurs ou, comme vous
dites… Mais c'est parce que parfois, ça peut se…
C'est
le fun de dire : Je décide, là, puis le parcours va être comme ça, mais tu
peux aussi choisir d'être dans une maison comme ça, puis, en cours de
route, à cause de ton état de santé… Là, tu fais quoi? On fait juste le
soulever. Écoutez, on va laisser… Ce n'est
pas simple, ce n'est pas simple à résoudre parce qu'en même temps on vient vous
dire : Tout ce projet de loi là… ou l'aide
médicale à mourir plus précisément ne doit pas être une raison pour qu'on
diminue les soins palliatifs ou qu'on ne les renforce pas. Ça fait qu'on ne
dirait pas non plus : Fermez les maisons ou… Sauf qu'on prend acte puis ça
se pose comme ça.
Je
termine, M. Bolduc. En tout cas, nous, en ce qui concerne la formation des
médecins, là, j'ai compris que le message ne nous était pas adressé.
Puis, du côté de notre personnel, notre personnel de soins, bien je répondais
tout à l'heure que la formation initiale, je pense qu'elle est adéquate, mais,
en termes de formation continue, il y a plusieurs approches maintenant, puis qu'il
y ait des… qu'on offre aussi dans le milieu… on appelle ça de la mise à jour
des connaissances, de l'actualisation. Parce
que, c'est justement, les soins palliatifs, en soi, c'est une spécialité — spécialité
au sens noble du terme — de travailler avec ces personnes-là, ce n'est
pas une technique, mais c'est quand même… Ça fait que c'est ça qu'on revendique, de la formation
continue ou du perfectionnement… de la mise à jour, du perfectionnement,
de l'actualisation. Je dois vous dire,
peut-être que, pour les médecins, c'est heureux, mais, pour le personnel, ce n'est
pas si simple en termes de disponibilité, en termes de ressources à obtenir.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Oui. Puis juste pour… Ce n'était
pas un reproche. Je voulais juste clarifier ça parce que souvent, quand on arrive en commission… ce n'est
pas nécessairement juste vous, moi, ça fait plusieurs fois qu'on en entendait parler. Moi, je peux dire que j'ai fait
des soins palliatifs, puis il y a d'excellents soins palliatifs. Il faut plus
de ressources. Il y a toujours de la formation à donner, ce n'est pas tout le
monde qui est au même niveau, mais, compte tenu qu'on travaille en équipe, je pense que chacun apprend des
autres. Donc, on devient de meilleur en meilleur pour chacun des
professionnels.
La question des
maisons de soins palliatifs, je reviens là-dessus parce que la question de l'objection
de conscience va être un enjeu important.
Moi, c'est étrange, je ne vois pas ça si compliqué que ça parce que, dans un
CSSS, il va nécessairement y avoir des soins
palliatifs… peut-être dans une maison de soins palliatifs… il va certainement y
en avoir aussi à l'hôpital pour toutes
sortes de raisons, ne serait-ce que des patients qui, en fin de vie, doivent
mourir et ils ne pourront pas être transférés. Mais, si au départ la
maison de soins palliatifs annonce ses couleurs, bien je pense que les gens, le
sachant, ils n'iront pas là.
Sauf que, je suis d'accord
avec vous, il va y avoir le cas de figure qui va survenir, où, en cours de
route, il voudrait peut-être l'avoir. Mais, en sachant qu'il ne peut pas l'avoir
à cet endroit-là, le compromis qu'il devra peut-être y avoir, c'est qu'il pourrait être transféré. Là, des gens vont
nous dire : Oui, mais, des fois, si on est dans les dernières minutes, les derniers jours? Bien, l'aide médicale
à mourir, ce n'était pas prévu non plus, comme plusieurs l'ont dit :
Ce matin je me lève, puis je décide que je le veux, puis je vais l'avoir pour 5
heures le soir. Il y a une réflexion à faire, il y a un mécanisme à mettre en place et, en cours de route, il y a
peut-être des gens qui le voulaient le matin, mais qui n'en voudront
plus deux jours après. Il faut savoir respecter ça.
Mais ça, c'est à l'usage
qu'on va être capables de gérer ces situations. Et, après ça, on fera les
scénarios pour pouvoir améliorer le système. Parce que ce que je comprends, c'est
que la commission qui va être mise en place va étudier ces situations-là puis
va nous revenir avec des recommandations afin d'améliorer. Ça fait qu'il ne
faut pas s'attendre que, du jour au
lendemain, ça va être parfait, mais il va y avoir des améliorations puis il va
falloir tous accepter, comme société,
si ça passe comme loi, que c'est une nouvelle façon de faire qui va se mettre
en place progressivement.
Comment
vous voyez ça dans un établissement où ils ne pourront pas offrir l'aide
médicale à mourir par question d'objection
de conscience? On sait qu'il y a des endroits, c'est des petits CSSS, des
petites équipes médicales, mais des petites équipes de soins également,
et, dans ces endroits-là, ce ne sera peut-être pas possible d'offrir l'aide
médicale à mourir. Puis je vais vous poser une question existentialiste...
Le Président (M. Bergman) : Malheureusement, il n'y aura pas le
temps pour la réponse, M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Vous êtes chanceux.
Une voix :
Est-ce que j'ai...
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Vous êtes chanceuses.
Le Président (M. Bergman) :
Alors, pour le deuxième groupe d'opposition, M. le député de Groulx.
Mme
Daneault : Merci, M. le Président. Merci d'être présentes ce
soir. Je voulais revenir un petit peu sur... On a parlé beaucoup de
formation, effectivement, puis peut-être le choix moins glamour de faire des
soins palliatifs. Moi, j'irais plus vers...
peut-être moins glamour mais surtout très exigeant. On n'a pas parlé beaucoup
de l'implication émotive du personnel infirmier auprès des gens qui sont
en soins palliatifs parce qu'on sait que le soin palliatif et les gens qui y
travaillent sont confrontés avec la mort au quotidien. On a eu un groupe un
petit peu plus tôt en soirée qui sont venus
nous dire que, malheureusement, on n'offrait pas beaucoup de support à notre
personnel soignant qui se retrouve surtout en soins palliatifs.
Évidemment,
en ajoutant l'aide médicale à mourir… L'expérience dans d'autres, pays comme,
entre autres, en Belgique, où le
personnel soignant, après avoir pratiqué l'aide médicale à mourir ou l'euthanasie,
appelons-le comme on voudra, se
retrouve dans des situations où certains médecins même attendent deux jours
avant de revenir… Alors, c'est éprouvant moralement. Est-ce que c'est
une question qui vous... mais sur laquelle vous voudriez qu'on se penche pour avoir des équipes peut-être
multidisciplinaires spécialisées, mais d'assurer un support à ces équipes-là
plus intense et plus important que ce qu'on a actuellement?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Chabot.
Mme Chabot
(Louise) : Je vais être très
honnête avec vous, on n'a pas spécifiquement abordé... même si ce que
vous dites, on peut le reconnaître. Dans le parcours de la vie professionnelle,
oui, il y a ça, puis... mais je vous dirais qu'aussi
il y a d'autres lieux où actuellement notre personnel travaille, est confronté
avec des enfants qui ont un diagnostic, puis là on n'est pas dans l'aide
médicale à mourir, puis on doit les accompagner... C'est vrai dans... Bon. Ça
fait que la question ne se pose pas juste nécessairement dans ce cas-là. Je
pense que...
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Groulx.
Mme Chabot (Louise) : Mais la
question est pertinente.
Mme
Daneault :
Merci. Donc, ce n'est pas quelque chose... ce n'est pas des demandes qui vont
sont faites de façon régulière par vos membres, à ce que je comprends.
Mme Montour (Claire) : Bien, si je
peux me permettre...
Le Président (M. Bergman) :
Mme Montour.
Mme Montour (Claire) : Pas dans l'esprit...
Quand on travaillé pour le projet de loi, ce n'est pas quelque chose qui… Au-delà de ce qu'on a soulevé dans
notre document, la formation — je ne reprendrai pas tout ce qui a
été dit — bon, l'objection de conscience, ça nous a
questionnés. On se dit : Bon, il y a peut-être un groupe qui pourrait
se poser cette question-là, mais… Puis, en terminant, je vous dirais, de faire
face à la mort ou aux difficultés de la vie, pour le personnel qu'on représente, il est dans tous les départements, à tout
moment. Puis c'est à ça qu'on est confrontés, et c'est le choix qu'on fait en faisant cette profession-là.
Ça fait que je ne veux pas non plus minimiser ce que ça demande ou ce
que ça implique pour le personnel, je le reconnais et elles le reconnaissent
aussi, mais, en même temps, c'est un peu partout. Donc, on n'y a pas été spécifiquement dans l'approche à mourir,
dire : Ça prend... Parce que, je vous dirais, probablement que tout
notre personnel de toutes les sphères, de tous les milieux, de tous... du CLSC
jusqu'à l'hôpital aurait fait la même demande.
Le Président (M. Bergman) :
Vous avez 1 min 30 s, Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault :
L'autre question que je me pose, parce qu'on a eu les statistiques, entre
autres, des soins... De plus en plus
de Québécois demandent de mourir à domicile, d'avoir des soins à domicile,
alors qu'on voit qu'on a uniquement 10 % des décès qui se font à
domicile. La question que je vous poserais : Est-ce que votre personnel
est prêt à offrir des soins à domicile, mais des soins de fin de vie de plus en
plus importants?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Chabot. Mme Montour.
Mme Montour (Claire) : Oui, notre
personnel est prêt, si le réseau est là avec le budget puis le support. C'est
ce que j'ai envie de répondre.
• (21 h 40) •
Le Président (M. Bergman) :
Alors, malheureusement, le temps s'est écoulé. Mme Chabot, Mme Montour, Mme
Goulet, M. Jobin, merci d'être ici avec nous ce soir, merci pour partager votre
expertise.
Collègues, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux jusqu'à
mercredi le 2 octobre 2013, après les affaires courantes, soit vers 11
heures, afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions
publiques sur le projet de loi n° 52. Merci, collègues. Bonne soirée.
(Fin de la séance à 21 h 41)