(Onze
heures trente-trois minutes)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte.
La commission est
réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions
publiques sur le projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de
vie.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements.
La Secrétaire :
Non, M. le Président.
Auditions (suite)
Le Président (M.
Bergman) : Alors, collègues, ce matin on reçoit le Conseil pour
la protection des malades, Me Paul Brunet, le président.
Alors,
Me Brunet, bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre
présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission.
Alors, le micro, c'est à vous.
Conseil pour la protection des malades (CPM)
M. Brunet (Paul
G.) : Merci, M. le Président. Messieurs dames, Mme la ministre,
messieurs dames les parlementaires, merci de nous inviter, le Conseil pour la
protection des malades.
Nous
fêterons nos 40 ans en 2014. Nous avons sollicité le gouvernement pour
avoir une aide pour célébrer ces 40 ans avec lui. Nous espérons que
le gouvernement sera avec le conseil, qui, à mon avis, est devenu une
institution, parmi d'autres, importante dans notre société.
Je
voulais signaler aussi que ma collègue Mme Hasbrouck de l'organisme Toujours vivant n'a toujours pas
été invitée par la commission. J'espère qu'on pourra l'entendre parce que, bien
que je ne partage pas son point de vue, elle mérite, elle et son organisme, d'être
entendue.
Bravo aux membres de
l'Assemblée nationale qui, tous partis confondus, avez eu le courage de mettre
par écrit ce projet de loi si important
pour, à mon avis, clarifier certaines choses importantes dans notre société, c'est-à-dire
notamment le droit pour une personne
lourdement handicapée, gravement malade, dont la mort est inévitable à
décider elle-même et pour elle-même de ce qui va lui arriver et quand cela va
lui arriver.
Sept points
rapidement — parce
que je ne lirai pas, évidemment, notre mémoire — pour signaler d'abord
que les articles 1 et 5 du projet de loi sont annonciateurs de belles
promesses. Comment, par ailleurs, le législateur assurera-t-il que ces soins,
ces services nouveaux seront prodigués aux patients qui le demanderont? Il y a,
comme dirait Guy A. Lepage, l'article 5,
paragraphe trois, qui tue, c'est-à-dire qui vient limiter ces promesses, à notre avis, aux ressources
humaines, matérielles disponibles dans les établissements. Ça, ça me fait très
peur, parce que déjà — nous
le disons depuis plusieurs
années, en tout respect, Mme Saint-Germain l'a dit hier — les
établissements, le réseau ne fournit pas par
rapport aux services que les lois,
les politiques, les directives et vous-mêmes, les élus,
promettez aux citoyens. Il va falloir
faire quelque chose avec ça pour que ce projet de loi là veuille dire quelque chose dans les faits. Il va falloir mettre des
sous supplémentaires, à notre avis.
Je
demande aussi aux législateurs de
venir préciser, aux articles 3, alinéa 3°, 13 et 26 qui laissent
entendre — et cela rejoint ce que nous disions en
commission en 2010 — qu'une
personne qui rencontre les 24 exigences du projet de loi pour décider pour
elle d'en finir, que cette personne-là… ou que sa mort soit imminente ou pas,
une fois que la personne lourdement handicapée, adulte, apte, en ayant passé
toutes les exigences que j'ai énumérées et que j'ai répertoriées dans le projet
de loi, c'est-à-dire au moins 24, que cette personne-là devrait pouvoir en
finir, que sa mort soit imminente ou non.
Le
troisième point que je veux signaler, c'est qu'aux articles 2, 11 et 16 le législateur
parle de principes en regard de la
liberté, de l'autonomie, du droit d'être traité avec compréhension, courtoisie,
équité. Je vous soumets respectueusement que ces énoncés ne sont pas des
principes, ils sont des droits consacrés par les chartes et la jurisprudence. À
notre avis, c'est réducteur de parler de ces
éléments, de ces droits comme étant des principes. Il faut les réitérer ou
renvoyer le lecteur aux chartes et aux décisions des tribunaux.
Le quatrième point, c'est
qu'encore une fois, quand la personne rencontre toutes les exigences de la loi,
c'est-à-dire au moins 24 sur ce qu'on a répertorié, elle devrait avoir le droit
d'utiliser tout moyen et non strictement devoir
le faire par écrit. Il y aura assez de gens autour et d'intervenants, selon les
exigences du projet de loi, pour que l'écrit ne soit pas nécessaire. Dans certaines circonstances, ce sera
pratiquement impossible de l'obtenir, mais nous croyons que, si elle peut refuser à tout moment par tout moyen
toutes les procédures et tous les processus qui sont en cause, elle
devrait pouvoir y adhérer aussi par tout moyen. Et on compte sur le législateur
pour que ces corrections-là, ces équilibres-là soient confirmés dans le projet
de loi.
Le cinquième point, en fait, c'est
plus une illustration. J'ai répertorié toutes les exigences requises dans le
projet de loi. J'en ai évalué… j'en ai
énuméré 24. Pour votre lecture, succinctement : Ne pas avoir déjà
consenti à la sédation; être informé; être majeur; être apte à
consentir; être un assuré au sens de la loi; être atteint d'une maladie grave incurable; avoir une situation médicale dont le
déclin est avancé et irréversible; être affligé de souffrances physiques
ou psychiques; formuler elle-même la
demande; remplir le formulaire; un professionnel qui devra le consigner;
continuer à satisfaire aux conditions de l'article 26; continuer d'être
libre et éclairé, selon l'article 13; être informé à nouveau du pronostic;
continuer à démontrer la persistance de ses souffrances; continuer à démontrer
sa volonté; avoir eu des entretiens avec un médecin; obtenir l'avis d'un second
médecin; être situé dans un établissement de soins qui a déjà adopté ses
orientations en la matière, qui dispose des ressources matérielles et
financières, qui dispose aussi d'un protocole
clinique applicable; et, si c'est à domicile, il doit y avoir en plus une
entente avec l'instance locale; ne pas avoir ultimement fait l'objet du droit de refus du médecin, qui, lui aussi,
est sacré; et finalement ne pas avoir subi de changement.
• (11 h 40) •
Je vous soumets respectueusement que je pense qu'il y en a
assez, de conditions. En fait, il y en a tellement que je soupçonne que ce que les médecins font ou nous ont
dit qu'ils faisaient déjà dans le réseau, de facto, pourrait se
continuer, compte tenu d'une certaine lourdeur dans le processus. Mais je fais
très attention, parce que c'est tellement grave et important, la décision que la personne prend, je pense
qu'elle mérite d'être encadrée. Et là-dessus nous vous rejoignons, évidemment.
Évidemment,
sixième point : uniformiser les expressions utilisées dans le projet de loi. Je vous soumets qu'aux articles 28e vous parlez de «ses
proches»; à 45 deux, vous parlez de «personnes de confiance»; et, à 55, entre
autres, vous parlez de «personne qui
démontre un intérêt». Je pense qu'il y aurait peut-être une uniformisation à
faire pour être certain que l'on puisse baliser le genre de personne
dont on s'attend qui guidera, inspirera — parfois le médecin, parfois
le patient — la
personne dans la suite des choses qu'elle veut pour elle.
Enfin, aux
articles 45 et suivants, il n'est pas clair, à notre avis, dans le projet de
loi, bien que l'article 1, paragraphe deux l'évoque, que des
directives médicales anticipées, c'est-à-dire celles relatives aux soins de fin
de vie ou de sédation palliative terminale,
puissent être incluses dans de telles directives. Alors, on demande au
législateur de préciser sa pensée pour que celles-ci, ces directives
relatives aux soins de fin de vie ou à la sédation palliative terminale,
puissent aussi, puisque c'est l'intention du projet de loi, être incluses dans
ces directives.
C'est, en résumé, ce que je souhaitais dire à la
commission en regard du document qui est déjà déposé auprès de vous.
Le Président (M. Bergman) :
Merci pour votre présentation, Me Brunet. Alors, pour le premier bloc du
gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Brunet, merci
beaucoup. Les collègues vont être tannés de l'entendre, mais je m'excuse
de la piètre qualité de ma voix. Mais je veux quand même vous poser quelques
questions, donc désolée si ça vous heurte les oreilles.
Je vais passer la parole à mes collègues pour le
deuxième bloc, mais je voulais d'abord vous dire que je suis tout à fait d'accord
avec vous, que ça prend, en quelque sorte, une vue d'ensemble. Donc, le projet
de loi, ce qu'il propose, c'est une vision
intégrée des soins de fin de vie. Donc, on les situe sur un continuum — des soins palliatifs, une reconnaissance au droit aux soins palliatifs — mais, pour des cas exceptionnels avec des
souffrances exceptionnelles, des mesures autres pour pouvoir soulager
toutes les personnes et permettre que leur décès puisse survenir dans la
dignité, avec compassion et solidarité.
Donc, évidemment, nous aussi, on essaie d'être
cohérents avec nous-mêmes, c'est une grande vertu dans la vie. Donc, nous avons
annoncé que tout le chantier des soins palliatifs était une priorité. Et, dans
cette foulée, on a dégagé un montant de 15 millions, qui a été annoncé au
mois de mai pour, donc... un 11 millions de ce 15 millions pour améliorer la prestation de soins palliatifs à
domicile, parce qu'on pense que ça rejoint la volonté de la majorité des
gens de pouvoir vivre le plus longtemps en fin de vie à domicile et de mourir,
si possible, à domicile; et, par ailleurs, un montant de 4 millions pour
poursuivre le développement de lits dédiés, donc soit en maison de soins
palliatifs ou en centre hospitalier. Et, à l'heure
où on se parle, on a atteint 91 % de l'objectif du ratio un pour
10 000 de lits dédiés, en date, donc, du 31 mars dernier.
Donc, on poursuit, évidemment, pour pouvoir améliorer les choses.
Mais notre
optique à nous, c'est que les soins palliatifs, contrairement des fois à ce qu'on
pense, ce n'est pas une niche ou une
chasse gardée de petits lieux formés pour donner des soins palliatifs. Ça, c'est
une réalité, mais c'est surtout la formation des équipes, des équipes
interdisciplinaires qui savent c'est quoi, l'approche palliative, et qui
peuvent donc la donner autant à domicile que
dans les établissements et aussi dans les CHSLD, c'est très important. Donc,
c'est l'optique dans laquelle on situe le projet de loi et c'est l'optique dans
laquelle on travaille.
Pour vous amener sur la question. Vous soulevez
des questions très intéressantes, vous allez au coeur des choses. Vous nous parlez que vous n'aimez pas la
notion de mort imminente. Moi, je dois vous dire que ce n'est pas la notion qui est dans le projet de loi. La notion
qui est dans le projet de loi, c'est la notion de fin de vie. Parce que la
fin de vie, elle peut être différente si on
est en phase terminale d'un cancer versus si on a une maladie
neurodégénérative. C'est important de
prendre compte de cette diversité-là de maladie et de fin de vie. Ceci étant
dit, je pense que c'est important de situer ça dans un contexte de continuum de soins,
d'un cadre médical et d'une fin de vie. Et, après, c'est l'appréciation
du médecin de savoir si on est en fin de vie ou non.
Tout le monde nous a dit qu'il ne fallait pas
mettre d'échéance, de temps, de durée, on est tout à fait d'accord avec ça. Mais vous, vous semblez vraiment
vous éloigner de cette notion-là pour dire : On n'a pas besoin, dans le fond, d'être même
en fin de vie — c'est
ça que je veux que vous me clarifiiez — on pourrait être dans le
milieu de sa vie. Ça pourrait être une personne qui est handicapée et pour qui
il reste près de 20, 30 ans à vivre et qui estime que ses conditions de vie sont intolérables. Et ça, ça s'éloigne
de la philosophie qui est mise de l'avant,
qui en est une de soins, de maladies graves et incurables versus un
état.
Et vous savez à quel point beaucoup de gens…
Vous parlez de Mme Hasbrouck. Quand on va l'entendre, Mme Hasbrouck va sûrement nous dire qu'il
faut faire très attention, très attention aux personnes handicapées, très
attention à des possibles dérapages. Alors,
comment vous réconciliez ça, vous qui, je le sais, êtes dédié à la protection
des personnes vulnérables, avec ce qu'on entend de l'autre côté, des
risques de dérives?
Le Président (M. Bergman) :
Me Brunet.
M. Brunet (Paul G.) : En fait, Mme
la ministre, depuis 40 ans que nous oeuvrons à la défense des droits des
personnes à recevoir des soins adéquats, nous n'avons pas recherché à être
partie prenante dans ce débat. Mon frère Claude
nous a inspirés, quand il a fondé le conseil, à partir de valeurs
judéo-chrétiennes très fortes, et il les a défendues avec coeur. Sauf qu'on s'est aperçus que ce n'est pas
vrai. Le réseau de la santé, avec tous les efforts que tous les
ministres qui se sont succédé ont fait depuis
40 ans... puis Mme Saint-Germain le confirmait hier : On ne fait pas la
job. Je suis désolé, là, il y a du
monde en soins de longue durée qui ne reçoivent pas les soins, la nourriture, l'alimentation,
les soins de chevet qu'ils méritent. Ils ne se sentent pas humains, Mme
la ministre, parce qu'ils puent, ils sont mal lavés. Je m'excuse, mais c'est ça, la réalité. Tout le monde fait de
grands efforts. Une chance, d'ailleurs, qu'il y a des hommes et des
femmes comme vous et ceux qui oeuvrent dans
le réseau qui font tout ce qu'ils peuvent avec l'argent qu'ils ont puis les
ressources. Puis, des fois, il y a des dérives, puis ce n'est pas de ça dont je
parle. L'État ne fait pas la job qu'il est supposé de faire en regard des
personnes en soins de fin de vie.
Qu'est-ce que ça donne? Je reçois des
confidences, nous recevons des confidences — puis depuis l'âge de six ans
que je fréquente Saint-Charles-Borromée — de gens qui disent :
Moi, Paul, là, je suis tétraplégique, je suis paralytique cérébral depuis la
naissance, ma mort est imminente, je vais mourir dans trois ans ou dans 10 ans,
mais je vais probablement finir étouffé. Je
ne reçois pas les soins, je suis seul, je suis isolé, il n'y a pas personne qui
s'occupe de moi, je n'aurai même pas un médecin pour accoter et appuyer ma
demande pour en finir. Parce que, ce monde-là, là, il n'y a pas de famille pour revendiquer des choses auprès des CSSS et
puis auprès d'un CLSC. Une personne sur quatre, seulement, en soins de
longue durée reçoit de la visite régulièrement.
Je ne dis pas que c'est par défaut, qu'on
devrait être plus larges, je dis juste que, sereinement, il y a des personnes… je parle de Pauline Julien, parce que
je connais un peu l'entourage de sa famille, qui, sereinement, avant de
se rendre aux phases critiques et indignes
du alzheimer, a décidé qu'elle en finirait avant. Une fois qu'elle a eu son
diagnostic, c'était irréversible. Nous
prétendons que ces personnes-là, dans ces situations-là et après avoir
rencontré les 24 conditions, devraient pouvoir aussi, au nom de son
droit à elle, cette personne-là, de décider elle-même et non pas à la fin,
après de multiples et grandes souffrances, d'en finir.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
• (11 h 50) •
Mme
Hivon :
Merci beaucoup. Merci de votre franchise. Vous savez qu'on reçoit vos
commentaires toujours avec beaucoup d'ouverture.
Puis je pense que l'idée derrière ça, c'est de toujours travailler ensemble
pour améliorer les choses. Et ce n'est pas facile tous les jours, mais…
et l'important, c'est de ne jamais baisser les bras et de tout faire pour
améliorer les choses. Et je pense qu'on est en train d'améliorer les choses
avec ce projet de loi là et avec notre volonté de travailler pour les soins de
fin de vie.
Vous venez de refaire référence aux 24
exigences. Vous semblez les trouver vraiment nombreuses. Je le dis depuis le
début, le but de ce projet de loi là, c'est d'assurer une fin de vie digne, de
consacrer des principes — si
j'ai le temps, je vais y revenir, d'ailleurs — principes versus droits d'accompagnement,
de compassion, de solidarité, d'autonomie aussi, bien sûr, mais c'est aussi de
trouver un équilibre, un équilibre pour la protection des personnes vulnérables
pour s'assurer qu'on est certain que c'est la bonne chose à faire pour la bonne
personne, d'où la présence d'exigences.
Moi, je vous soumettrais qu'il y a comme … l'article
26, il y a des critères, donc des exigences strictes, puis ensuite il y a l'article
28. Ça, c'est le processus, donc ce qui doit être suivi dans le processus, je
dirais, pour que le médecin en arrive à dire
que les critères sont suivis. Par ailleurs, vous ajoutez tout ce qui est, je
dirais, d'exigences auprès de l'établissement : de se doter d'un
protocole, de se doter d'une politique de soins de fin de vie. Moi,
sincèrement, je pense que ça devrait déjà
être le cas. Je pense que tous les établissements devraient déjà avoir ça, et
il y en a un bon nombre qui ont déjà
ça. Mais ce qu'on vient formaliser là-dedans, c'est que tous les établissements
vont devoir offrir les soins de fin
de vie. Donc, il faut formaliser tout ça et le rendre obligatoire. Mais ça, je
ne pense pas que c'est un fardeau indu sur la personne ou sur le
médecin, c'est l'établissement, en fait, qui doit juste faire son travail.
Quand tu offres des soins de fin de vie, il faut que tu le fasses dans un
contexte clair, balisé, et donc c'est ça qu'on met de l'avant.
Alors, je
vous entends, je vous entends de dire : N'en rajoutez pas. Notre objectif,
c'est de ne pas en rajouter, notre objectif,
c'est d'être dans le juste équilibre. Il y en a qui voudraient qu'on en
rajoute, là, on en a entendu, ils voudraient d'autres choses. Mais moi, je veux comprendre si vous pensez qu'on est
capables de bien faire le travail avec ce qui est là, que c'est quand même raisonnable, et, sinon, qu'est-ce
que vous enlèveriez dans ce que vous qualifiez de 24 exigences?
Le Président (M. Bergman) :
Me Brunet.
M.
Brunet (Paul G.) : En fait,
Mme la ministre, vous avez vu, j'ai eu la prudence de ne pas dire qu'il y en
avait trop, hein, j'ai juste dit de ne pas en ajouter. Pourquoi? Parce que, sur
le terrain, c'est difficile pour une personne lourdement handicapée, qui réside
dans un centre d'hébergement, de faire une plainte, des fois. C'est difficile
pour une personne lourdement handicapée, qui
est résidente dans un centre d'hébergement, de procéder à son plan de
soins. Tu sais, ce n'est pas très compliqué,
là, ces processus-là, puis ils doivent être revus aux deux ans, quand on a un
plan de soins. Puis une plainte, ça devrait être assez facile, mais, des
fois, la commissaire ou le commissaire aux plaintes n'est pas rejoignable, c'est
un numéro de téléphone, le gars n'a pas de main, il est paralysé.
On a déjà de
la misère à procéder à des choses simples, alors c'est pour ça que je vous
dis : Les exigences sont importantes, j'en conviens, mais plus ça
va être compliqué, plus ça va exacerber les efforts que des personnes vont devoir… Et je ne nie pas l'importance des
exigences, je dis juste : C'est déjà compliqué et fastidieux pour beaucoup
de gens qui résident dans les centres d'hébergement d'avoir recours à des
choses très simples comme l'exercice de leurs droits et parfois leur propre
plan de soins.
Le Président (M. Bergman) :
Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Pour le premier bloc de l'opposition
officielle, Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Merci, M. le
Président. Alors, bonjour, merci de partager avec nous votre analyse du projet
de loi n° 52.
Je dois vous
dire, bien honnêtement, que votre interprétation, vos demandes, évidemment, on
n'a pas votre vécu personnel, mais me
font craindre un petit peu. Si, rapidement, on élargit le projet de loi au-delà
de ce qui est prévu, il y a plusieurs groupes qui nous ont dit qu'il y
avait peut-être des dangers à ça.
Et
donc est-ce qu'il n'est pas plus opportun de permettre, advenant l'éventualité
de l'adoption du projet de loi, de permettre
à l'organisme que sera la Commission sur les soins de fin de vie, de prendre
acte, entre autres, de vos demandes, des demandes d'autres groupes qui
souhaitent élargir la portée du projet de loi, que ce soit aux inaptes, que ce
soit à d'autres groupes, de voir aussi
peut-être à ajuster des critères d'admissibilité à l'aide médicale à mourir,
entre autres? Est-ce qu'il ne serait pas plus opportun de laisser ça
entre les mains de la commission afin d'évaluer… C'est-à-dire, moi, j'aime bien la théorie des petits pas dans les
dossiers qui sont aussi délicats que celui-là. Parce que, vous avez
entendu, il y a évidemment tout… il y a des
groupes qui sollicitent, qui font des demandes pour mettre en oeuvre l'aide
médicale à mourir depuis des années, je le sais, mais on a aussi des
groupes qui sont très mal à l'aise, pour toutes sortes de raisons, avec la question. Il appartient aux parlementaires de trouver cet
équilibre-là et de naviguer dans cet équilibre-là. Il y a des éléments, autant de votre côté,
je dirais, que du côté des autres groupes, qui nous apportent à nous questionner
très, très, très sérieusement sur la façon dont on abordera la suite des choses
dans le projet de loi n° 52.
Mais est-ce que
la commission des soins en fin de vie
ne serait pas le véhicule approprié afin de voir, justement, à assurer
qu'il n'y ait pas de dérives? Et vous apportez quelque chose de très, très
important lorsque vous dites : Ce qui se
fait actuellement et qu'on souhaite encadrer continuera de se faire parce que
les exigences sont trop élevées. Quand vous apportez ça, quand vous
soulevez ça, vous m'interpellez. Parce que je me dis : Oups! On souhaite
mettre des filets de sécurité et là peut-être est-ce que, d'en mettre trop, on
va créer d'autres failles.
Mais donc
tout ça pour vous dire, pour revenir à ma question : Est-ce que la
Commission des soins de fin de vie ne
serait pas, ne sera pas le véhicule approprié pour assurer, de façon
périodique, une reddition de comptes sur ce qui se fait et pour aussi, sans doute, apporter des
recommandations aux parlementaires ou au ministre? Parce que là il y a
différents points de vue aussi, là, quant à la reddition de comptes de la
commission.
Le Président (M. Bergman) :
Me Brunet.
M. Brunet (Paul G.) : En fait, Mme la députée, j'ai eu beaucoup d'éclairage par ce que la
ministre a dit tantôt. Le projet de loi, il est sur des soins de fin de
vie. On ne mettra pas de cadre de combien de temps il faut être proche de sa mort pour décider de recevoir ou de demander
les soins de fin de vie. Alors, je reçois cet éclairage-là comme étant,
pour moi, un élément proche ou plus proche de ce que nous, on prétend. D'ailleurs,
l'article 13, entre autres, laisse entendre qu'on peut demander les soins de
fin de vie, que notre mort soit imminente ou non, hein? C'est sur une chose
relativement simple, la demande d'une chambre privée.
Mais ce que je comprends, c'est qu'il y a une latitude qui,
peut-être, pourrait être examinée par la commission, éventuellement. Mais je n'oserais pas mettre sur
le même pied cette proposition que nous faisons pour une personne apte,
majeure, complètement lucide, lourdement handicapée et les questions, à mon
avis, qui sont totalement différentes de celle
de procéder à des soins de fin de vie pour une personne qui serait inapte. Pour
moi, là, rendus là, nous autres, on aura une position qui n'ira pas
jusque-là, c'est sûr. Pour moi, ce n'est pas pareil. Mais je vous rejoins, dans
le sens où la commission pourra regarder ce qu'elle… Tu sais, est-ce que le
Dr Low, dont la plupart des gens ont dû voir le vidéo, s'il avait pu en
finir avant, l'aurait demandé, hein? La question est intéressante.
Et je continue de
croire que des personnes lucides, lourdement handicapées, qui se font
diagnostiquer une grave maladie et qui vont en finir, éventuellement, devraient
pouvoir… Et là je vous parle, tu sais, comme… moi, je fréquente Saint-Charles-Borromée depuis que j'ai six ans. J'en ai vu, du
monde, j'en ai eu, des amis qui sont morts après des années de souffrance physique, morale, souvent isolés, hein? Les
familles… D'ailleurs, ce n'est pas à notre honneur comme société d'abandonner nos vieux ou nos
personnes handicapées. Et je me dis : Qu'est-ce qui est le moins
indigne : passer 15 ans à
Saint-Charles-Borromée à souffrir puis à ne pas être traité convenablement ou
de dire, une journée : Moi, je
suis paralytique cérébral, je n'en ai pas pour longtemps, je commence à
étouffer, je pense que c'est le temps, sereinement, après
l'analyse puis la rencontre des exigences, de pouvoir en finir? Pour moi, ça, c'est
probablement moins indigne que ce que j'ai vu en 50 ans d'expérience dans
les centres d'hébergement, entre autres.
Mais on a tous nos expériences personnelles. Qu'est-ce que
mon frère, Claude, penserait, s'il était ici? Je ne le sais pas. Ce que je sais, c'est qu'il faut
toujours garder à l'esprit une chose, comme la ministre l'a dit, de se battre
pour que le monde reçoive les soins auxquels il a droit puis dont il a besoin.
On ne peut pas se battre pour la dignité, puis renoncer à dire qu'il ne faut
pas tomber dans l'hérésie, puis, en même temps, ne pas offrir les soins. Je
veux dire, Mme Saint-Germain, là, elle
a confirmé des choses, hier, que nous, on vous dit depuis 10, 15 ans. Je passe
un peu pour un malcommode, mais,
respectueusement, avec toute l'affection que je dois avoir pour les membres de
l'Assemblée nationale, tu sais, on a… ou bien donc on va être obligés d'être
honnêtes, dire : Regarde, ça ne marche pas. On n'a pas l'argent pour le faire. On va être obligés de couper. Puis là le parti ou le gouvernement qui osera dire ça va probablement être battu. Mais on ne peut pas continuer à faire semblant qu'on va offrir ou
continuer à offrir des choses. Ce n'est pas ça, la réalité, puis l'écart
grandit. Alors, je vous trouve très courageux et courageuses de faire ce que
vous faites, mais je pense qu'il va falloir
être honnête, autant en regard des soins et des services en général
que dans cette cause-ci, si on veut que ça marche et que la loi ait le
moindre sens.
• (12 heures) •
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Vous soulevez quelque
chose qui est tellement... qui vient tellement... qui nous interpelle tellement
personnellement parce que, lorsque vous mentionnez... vous faites état du manque de ressources.
Et, lorsque, dans votre mémoire,
vous mentionnez, à la page 5 : «Cette demande est faite pour diverses
raisons, notamment : le système de santé, particulièrement en ce qui à trait aux soins de longue durée, aux
soins palliatifs et [à] ceux de fin de vie, n'offre pas des soins dignes
à tous les patients ou résidents qui en ont besoin et qui ont pourtant le droit
de les recevoir», c'est lourd de portée et c'est lourd de sens, dans le
contexte, aussi, de l'article 5 du projet de loi.
Moi, je vous avoue bien honnêtement que je
trouve ça très difficile de penser à étendre la portée du projet de loi n° 52 en raison d'un manque de
ressources. Je trouve, comme société, que c'est... Ouf! C'est lourd. C'est-à-dire,
d'aller et de dire : On va étendre ou on va élargir la portée ou l'admissibilité
à l'aide médicale à mourir non pas pour apaiser la souffrance, mais parce que cette souffrance-là, elle est reliée à un
manque de ressources. Et donc, indirectement, on viendrait faire un aveu de notre incapacité à offrir aux citoyens du
Québec des soins dignes, alors qu'ils sont là, dans les centres d'hébergement, dans les soins palliatifs.
Je trouve ça très, très lourd. Je trouve ça difficile, ce matin, de vous
entendre.
Je comprends,
j'ai pris connaissance du rapport de Mme Saint-Germain. Je n'ai pas votre
connaissance personnelle et fine du milieu. Par contre, comme
parlementaire, à titre d'élue, je trouve ça très difficile d'aller jusque-là.
Déjà que le projet de loi, dans son cadre
bien défini, n'est pas toujours facile à faire, et ce n'est pas tout le monde
qui comprend sa portée, qui accepte,
même, son principe dans le contexte très restrictif que vous décrivez. Et de l'amener
jusque-là — je
comprends que c'est un cri du coeur aussi de votre part — je ne
trouve pas ça évident, je vous avoue, là, puis je vous parle vraiment très... C'est
mon coeur qui vous parle, là : Je ne trouve pas ça évident, parce que je…
Il y a
énormément d'efforts qui sont consentis, mais on doit, à mon humble avis,
mettre tous nos efforts pour assurer à ceux et celles qui sont
actuellement hébergés dans différents systèmes, que ce soit, même, à la maison,
que ce soit dans les maisons de soins palliatifs, que ce soit dans les centres
d'hébergement… on doit continuer à soutenir ces gens-là. On doit aussi continuer d'encourager les ordres professionnels
et les professionnels qui offrent des services à ces gens-là. Parce que,
d'ouvrir la porte sous prétexte qu'on n'y arrivera jamais, je trouve qu'on va
très loin. Je trouve qu'on pousse très loin.
Je comprends
que vous avez une expérience personnelle, là, mais je tiens à le partager avec
vous parce que c'est lourd, et je ne pense pas qu'il y ait un ministre de
la Santé qui ait passé ici... qui ait passé et qui n'ait pas eu en tête l'intérêt… puis ça, ce n'est pas ce que vous avez
dit, mais l'intérêt des patients et des malades, je pense que c'est
toujours là. Est-ce qu'on peut faire mieux?
Certainement. Est-ce qu'on doit faire plus? Certainement. Mais, si on ouvre la
porte à ce que vous recommandez en raison de ce que vous recommandez à
la page 5, je crois qu'on vient tout simplement biffer et dénaturer l'article 5. C'est-à-dire, pourquoi, à ce moment-là,
investir, alors qu'il y aura toujours cette porte-là d'ouverte à ceux et
celles qui ne sont pas satisfaits ou qui ne sont pas à l'aise avec les soins qu'ils
reçoivent? Puis la perception aussi de la
qualité des soins est très, très variable. Pour vous et pour moi, la qualité des
soins ne sera peut-être pas
évaluée de la même façon.
Le Président (M. Bergman) :
Me Brunet.
M. Brunet
(Paul G.) : En fait, je le
répète : Il faut que la personne rencontre toutes les autres exigences,
notamment celles de l'article
26, là. On ne parle pas de n'importe qui qui décide, un matin, qu'il veut en
finir, là. On parle de grands malades
qui, le plus sereinement possible,
décident un matin : C'en est assez. Quelle est la différence d'indignité
entre le moment où cette personne-là décide, un matin, d'en finir, cinq ans
avant sa mort ou huit jours avant sa mort? Quelle est la différence d'indignité
que l'on constate et cette pudeur que l'on a, que le Collège des médecins a
mentionnée aussi? C'est quoi, la différence?
Je connais du monde serein, lourdement handicapé, qui a tous les éléments de
confort, qui est chez eux puis qui
dit : Moi, Paul, je ne suis pas capable de me suicider, mais je crois
respectueusement, avec toute l'affection
dont je suis capable pour ma famille, que c'est assez. Qui sommes-nous pour
venir dire : Non, tu vas attendre, peut-être, que ta mort soit
imminente? Qui sommes-nous, qui suis-je?
Je crois qu'il
y a une pudeur qui s'installe, puis à raison, hein? C'est un débat extrêmement
délicat, mais je pense qu'entre le moment où on reçoit ce diagnostic
grave, ce qui bouleverse notre vie, que c'est irréversible et qu'on a rencontré toutes les
conditions… je continue de croire, avec toute l'affection, évidemment, que j'avais
pour mon frère et ceux que j'ai vus et visités depuis, que cette
personne-là… même, si comme Mme Lapointe me disait, à un moment donné :
Mais tout d'un coup elle se trompe? Il y a une personne qui a le droit de se
tromper pour elle-même, c'est la personne elle-même. On ne veut pas qu'un
médecin ou que la famille se trompe pour elle. On a le droit de faire une erreur à propos de soi-même. Mais est-ce qu'on n'a
pas le droit aussi de décider qu'est-ce qui sera le plus digne pour
nous?
Je pose la
question, Mme la députée. Je n'ai pas plus de réponses que vous, là, je suis…
Mais je pose la question et je cherche à définir c'est quoi, cette
pudeur que l'on a à ne pas… «Non, mais, écoutez, ça n'a pas de bon sens, aller jusque-là.» Je comprends, puis probablement que
je… comme on dit, c'est un pitch que je fais, mais un pitch, c'est
risqué, hein? J'en conviens, mais je crois honnêtement que, si moi, j'étais
diagnostiqué d'une maladie aussi grave et que je rencontrais les conditions, je
souhaiterais probablement ne pas pâtir pendant 15 ans dans un CHSLD où je ne
reçois pas les soins. Tu sais, quand vous
êtes dans une couche souillée, là, puis que ça pue, vous ne vous sentez plus
humain, ce n'est pas digne.
Alors, qu'est-ce
qui est le moins digne? Prendre cette décision-là puis être appuyé par les
autorités, ou attendre que, dans 12
ou 15 ans, on étouffe avec les soins qu'on n'aura pas eus? Je pense que ça
mérite qu'on se questionne et peut-être que la commission que vous songez instituer en décidera, mais je pense
qu'il va falloir se questionner et ce n'est pas juste à cause du manque
de soins. On va continuer à se battre… je vous annonce déjà qu'on va continuer
à se battre pour les 10, 20 prochaines années, n'en déplaise au ministre de la
Santé, et autres, qui se succéderont, là. On n'arrêtera pas, vous le savez, à
moins qu'un jour je tombe gravement malade, puis que là… Mais ça, c'est une
autre question. En attendant, on va se battre avec vous tous et toutes, qui
avez ce courage de vous battre pour le réseau de la santé et des services
sociaux. Ça, c'est notre objectif principal, oui.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau, pour compléter tout le bloc.
• (12 h 10) •
Mme Vallée :
Justement, sur la commission… puis que vous vous battiez, bien, je pense que ça
prend… Le Québec a besoin de citoyens qui montent au front et puis qui
apportent les problématiques devant les élus. Quand vous avez cette image très forte de la personne et de sa
couche souillée, moi, je vous dirais, ce qui serait digne, c'est qu'on n'ait
pas, justement, de situation de personnes, dans les CHSLD, avec des couches
souillées, qu'on puisse… que les gens, dans les
CHSLD, n'aient pas à vivre ça. Moi, c'est ce que je souhaite, c'est ce qu'on
souhaite et… Bon. On pourrait en
débattre longtemps.
J'aimerais
revenir sur… parce qu'on a peu de temps, je réalise qu'on a déjà
dépassé pas mal. Sur la commission, j'aimerais avoir votre avis parce
que vous avez vraiment un regard critique qui est hyperimportant pour nous. Votre
mémoire n'en traite pas, mais la commission
a une composition d'un certain nombre de membres. Sur sa composition et sur sa reddition de comptes, à savoir :
Est-ce que cette commission-là devrait, comme le Protecteur du citoyen,
relever de l'Assemblée nationale afin d'assurer une neutralité? Est-ce que c'est
quelque chose qui, à votre avis, serait une idée intéressante, une avenue intéressante à envisager? Et est-ce que la
composition de la commission, telle qu'elle est prévue au projet de loi,
convient à votre association?
Le Président (M. Bergman) :
Me Brunet.
M. Brunet
(Paul G.) : Oui. Pardon. En
fait, j'ai moins discuté avec le fait qu'une telle commission relèverait
du ministre ou de la ministre que, par exemple, le Commissaire à la santé, qui
devait relever de l'Assemblée nationale et qui relève désormais du ministre de
la Santé. Il y a un élément d'observation, de regard distant et indépendant
qui, à mon avis, est bien plus important sur
le travail que fait actuellement le Commissaire à la santé que sur le travail
très noble, aussi, que ferait cette commission-là, qui pourrait très
bien relever d'un ou d'une ministre. À mon avis, c'est moins un regard sur ce qu'il a fait ou pas fait que des
éléments d'une extrême sensibilité sociale, qui pourraient très bien relever du ministre, de la ministre, qui, évidemment, elle ou lui, aura des comptes à rendre à la société
et à l'Assemblée nationale.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au bloc de l'opposition
officielle. Pour le gouvernement, le deuxième bloc. Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Merci beaucoup. Alors, juste pour revenir brièvement sur votre cri du coeur qu'on
avait entendu, qu'on entend périodiquement
et, moi, je pense, qui est très sain d'entendre, je suis tout à fait d'accord
avec vous qu'il ne faut pas se mettre la tête dans le sable. C'est pour
ça que je reçois toujours ça, quand même, positivement, même si, comme ma collègue, j'estime que c'est très
difficile à recevoir parce que ça nous met face à beaucoup de défis,
disons.
Et je pense qu'en fait, pour vous connaître — un
peu, mais pas beaucoup — aujourd'hui,
vous ne venez pas nous dire : Ouvrez la
porte grande comme ça. Ce que vous venez nous dire, c'est : Travaillez pour toujours plus de qualité et, par ailleurs, pour ce que vous êtes en train de faire, questionnez-vous à savoir : Elle est où, la juste
limite, dans la porte? Moi, je décode
un peu ça dans ce que vous venez nous dire aujourd'hui. Et qu'il faut
se battre puis qu'il ne faut
jamais baisser les bras. Comme je vous ai dit, c'est votre combat et c'est mon
combat aussi, au quotidien, aux Services sociaux. Et puis moi, je suis prête à
reconnaître tout ça, que tout n'est pas parfait.
Mais je pense aussi qu'il faut reconnaître qu'il
y a eu de grandes améliorations et qu'il y a un travail quand même important,
en profondeur, qui se fait au quotidien, je dirais, tous ministres confondus,
qui ont eu cette chance ou cet énorme défi d'être
à la Santé et aux Services sociaux d'améliorer les choses. Mais il n'y a
rien de simple, ça, j'en conviens, mais je pense qu'on travaille au
quotidien pour améliorer les choses, et c'est ça qui est peut-être rassurant, malgré les discours
difficiles qu'on peut entendre des fois, et je pense qu'il faut qu'on les
entende. Mais c'est qu'il y a des gens qui veulent que les choses s'améliorent
et qui posent des gestes, aussi petits ou grands soient-ils, mais qui font une
différence.
Pour revenir à des éléments peut-être plus
particuliers que vous avez soulevés, simplement vous dire… Vous dites... avoir
un consentement écrit, vous êtes mitigés. Je comprends que vous avez une
expérience importante avec, notamment, les personnes
handicapées, personnes vulnérables. J'ai
aussi cette préoccupation-là, et c'est pour ça, dans le projet de loi, que nous prévoyons que c'est une exigence d'écrit, mais ça peut être
le représentant de la personne qui signe, parce qu'il peut y avoir une incapacité physique ou une extrême faiblesse qui fait
qu'on ne peut pas signer, mais que la lucidité est là, et donc ça, c'est
comme une soupape qu'on a prévue. Donc, j'aimerais ça que vous nous disiez éventuellement
si ça vous apparaît opportun et suffisant. L'idée évidemment, c'est toujours de
s'assurer qu'il y a un certain formalisme. C'est
pour dire : C'est quelque chose d'important,
une nouvelle option qu'on ajoute, puis on veut aussi rassurer, en même
temps. Donc, l'écrit a un peu cette vocation-là.
Par ailleurs, tantôt, vous avez dit que vous, vous
iriez davantage avec les personnes qui ne sont peut-être pas en fin de vie,
plutôt qu'avec les personnes inaptes, si vous vouliez ouvrir davantage. Et là
je veux juste bien vous comprendre. Quand
vous parlez d'inaptes, je perçois que vous parlez des inaptes depuis la
naissance ou des gens qui n'ont pas
pu être aptes et prévoir quelque
chose en prévision de leur
inaptitude. Donc, ça aussi, vous pourrez me le confirmer.
Et mon dernier point, c'est sur la question, justement,
des personnes aptes, mais qui écrivent leurs directives médicales anticipées en
prévision d'une éventuelle inaptitude. Juste pour vous clarifier ce qui est
présentement, ce qui est prévu : on parle que la personne peut prévoir
tout ce qui a trait aux soins médicaux. Pourquoi on a mis soins médicaux? C'est parce que les soins, c'est beaucoup
plus large, hein, c'est aussi l'hébergement, c'est énorme. Donc, on a
parlé des soins médicaux, mais, évidemment, les soins médicaux, ça inclut les
soins palliatifs, les soins de fin de vie. Dans
l'état actuel des choses, l'aide
médicale à mourir ne peut pas être
incluse dans la directive médicale anticipée, pas parce qu'on dit «soins médicaux», mais parce qu'on
prévoit, à l'article 26, que la personne doit être apte au moment de
faire la demande. C'est ce qui crée la
restriction. Et je comprends — et vous me clarifierez — que vous, vous souhaiteriez que, dans
la directive médicale anticipée, la personne puisse aussi prévoir une demande d'aide
médicale à mourir pour une éventuelle inaptitude. C'est ça? Parfait.
Le Président (M. Bergman) :
Me Brunet.
M. Brunet (Paul G.) : Oui,
effectivement. Et, sur l'aptitude, jamais, en tout cas, à date, le conseil n'a-t-il
proposé ou accepté et n'acceptera que la
condition fondamentale que, pour demander l'aide à mourir, une personne
doit être apte et y consentir librement et volontairement. On n'a jamais
proposé qu'il en soit autrement. Ça va?
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Je veux
juste clarifier : il faut toujours qu'elle ait été apte à un moment, mais
elle pourrait le prévoir dans ses directives médicales anticipées…
M. Brunet (Paul G.) : Oui.
Mme
Hivon : …au cas qu'elle
devienne inapte.
M. Brunet (Paul G.) : Oui.
Mme
Hivon : O.K., on
se comprend, parfait. Ça va. Je ne sais pas si mes collègues…
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : Non, c'est…
Mme
Gadoury-Hamelin :
Ah oui? O.K.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin : Bon. Alors, bonjour, monsieur. Merci d'être là,
merci de nous apporter un éclairage différent
puis très, aussi, touchant. Alors, vous, vous avez mentionné qu'il y avait quand même
des pratiques d'euthanasie qui se
pratiquent déjà à l'heure actuelle. C'est sûr qu'on a des
préoccupations, là. On pense que le projet
de loi va justement encadrer
plus à ce niveau-là. Mais est-ce que vous avez, vous, des situations que vous
êtes au courant de ça ou qu'il y a des
pratiques qui se passent actuellement puis que, justement, le projet de loi pourrait aussi régler en même temps?
M. Brunet
(Paul G.) : Bien, en fait, Mme la députée, c'est un sondage de la Fédération des médecins spécialistes, à
l'automne 2009, qui concluait que, chez 70 % des répondants, ils
admettaient que l'euthanasie se pratique de facto dans les établissements de soins de santé au Québec à l'heure où on se
parle. C'est ce que le sondage de la FMSQ déclarait, observait à ce
moment-là. Les médecins, 70 % des répondants avouaient que ça se passait.
Maintenant, j'étais au Royal Vic il y
a trois semaines. Mon meilleur ami est décédé, puis je disais à son
épouse : Comment ça se fait qu'il est si serein? Bien, elle a dit :
On s'est assis avec le médecin. Le médecin lui a dit : Écoute, il te reste
pour deux semaines. Qu'est-ce qu'on fait? Veux-tu du confort ou tu veux-tu te
battre? Il a dit : Je veux du confort.
Alors, il était médicamenté, il avait accepté, il avait vu tous ses enfants et
il était rendu à une autre étape. C'est-u de l'euthanasie ou si c'est de
la sédation terminale? Je ne le sais pas. Alors, qu'est-ce que les médecins ont
voulu dire quand ils ont répondu? C'est peut-être ce dont je viens de vous
parler, plutôt qu'une euthanasie…
Alors, ce que je
comprends… et on l'a tous expérimenté. Dans nos familles… À un moment
donné, on a une rencontre avec le personnel
soignant, et ces choses-là se font probablement depuis plus longtemps qu'on
pense, jusqu'à un certain point. Alors, on n'est pas loin de, comme la
ministre le propose, simplement confirmer ce qui se fait déjà dans la plupart
des cas, d'une manière civilisée, respectueuse des familles et, surtout, du
patient.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oh! si tu en as, oui, vas-y.
• (12 h 20) •
Mme
Gadoury-Hamelin : Bien, je voulais juste clarifier.
Finalement, c'est les soins de confort, finalement, qui amènent
doucement la personne à quitter, mais ce n'est pas nécessairement le terme «euthanasie»,
là, tu sais, qu'on l'entend... comme les gens ont la réticence de l'entendre,
là.
M. Brunet (Paul
G.) : En fait, moi, je vous rapporte ce que le sondage écrivait. J'essaie
d'interpréter ce que les médecins voulaient dire quand ils ont dit : Oui,
ça se fait. Là, je ne suis pas dans leur peau. Mais c'est ce que le sondage
concluait.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre, il vous reste une minute.
Mme
Hivon : Peut-être
juste vous dire que... Je pense que vous mettez le doigt sur un élément
fondamental, qui est celui de la communication médecin-patient, et aussi
équipe. Puis moi, j'espère qu'au-delà des vertus intrinsèques de ce qu'on veut faire concrètement avec le projet de loi on va vraiment amener — comme
on le fait, j'espère, depuis presque quatre ans — une
conversation beaucoup plus importante dans la société sur l'importance de
communiquer et que les soignants, les
médecins au premier chef, communiquent beaucoup mieux avec leurs patients. Parce qu'encore ce matin j'avais un collègue qui venait me voir et qui me disait à quel
point, dans toutes sortes de réalités, on proposait une ixième chimiothérapie, tout ça, quand on savait que
ça n'allait rien donner. Puis, des fois, ça nuisait davantage à la fin
de vie de la personne. Sauf que c'est difficile aussi, pour le soignant, d'être
confronté aux limites, à un moment donné, de son travail, de dire : Là, il
n'y a plus rien à faire. Donc, de faire cette transition-là...
Le Président (M.
Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.
Mme
Hivon : Je veux juste vous dire que, là-dessus, je vous
entends parfaitement, et, en le consacrant dans les principes, les
principes qui viennent ajouter aux droits reconnus, qui peuvent peut-être les
renforcer, je pense qu'on va y arriver. Merci.
Le
Président (M. Bergman) : Maintenant, pour le deuxième groupe d'opposition,
Mme la députée de Groulx, pour un bloc de cinq minutes.
Mme
Daneault :
Merci. Merci, M. le Président. Ce n'était pas la... Il me semble que c'est eux?
D'habitude, l'ordre, c'est eux…
Le Président (M.
Bergman) : ...Mme la députée. Mme la députée de Groulx?
Mme
Daneault : O.K. Bon. Merci. Bonjour, M. Brunet. Merci
de votre présence. Je voudrais revenir un petit peu pour préciser
peut-être votre pensée quand vous dites qu'actuellement… bon, on est près de ce
que le projet de loi... que la pratique
actuelle est près du projet de loi et que... Je veux juste comprendre que ce
que vous semblez dire, c'est que ça n'apportera pas tant de nouveauté,
le projet de loi tel qu'il est écrit. Est-ce que ma compréhension est bonne?
Le Président (M.
Bergman) : Me Brunet.
M. Brunet (Paul
G.) : C'est ce que je comprends. À telle enseigne que, si on complique
ça plus, j'ai peur que les médecins continuent à faire ce qu'ils font avec les
familles puis en parlant puis en assurant des soins de confort, plutôt qu'à
procéder à la procédure formelle du projet de loi. Moi, je ne suis pas médecin,
vous êtes médecin vous-même. Alors, je pose
la question en même temps, tu sais. Est-ce que ça ne sera pas plus compliqué
puis beaucoup plus confrontant pour
le professionnel d'être pris, entre guillemets, dans cet engrenage-là, plutôt
que d'y aller de facto, comme ça semble être le cas dans la majorité des
situations que les médecins vivent? Je pose la question. Peut-être que vous
êtes mieux placée que moi pour y... Même si vous avez été mairesse, là, vous
êtes médecin aussi, là.
Mme
Daneault : Oui,
bien oui.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault :
Merci. Effectivement, et j'ai soulevé à certaines reprises que, quand on
regarde le projet de loi, la sédation
terminale qui se pratique actuellement, mais qui n'est pas encadrée par un
projet de loi, mais qui se pratique puis...
Quand vous nous dites que 70 % des médecins qui ont répondu ont dit que ça
se... actuellement, c'est... déjà, ça se pratiquait dans les centres
hospitaliers, dans les CHSLD, je pense que les médecins, à ce moment-là, font
référence à la sédation terminale, qui, bon,
je l'ai expliqué à quelques reprises... à plusieurs reprises, qui, finalement,
font en sorte qu'à un moment donné la ligne entre soulager et provoquer
la mort par la médication terminale... on n'est pas.. on ne sait pas à
100 %, bon, qui a fait quoi, là, dans cet état-là.
Et on sait qu'actuellement en phase terminale
avancée, quand les patients deviennent très souffrants, on soulage la
souffrance avec des doses qu'on augmente de façon potentiellement élevée et qui
peuvent donner un arrêt respiratoire, donc provoquer la mort. Alors, est-ce que
c'est l'état du patient qui a entraîné la mort ou c'est vraiment l'administration de la médication qui a haussé les
effets secondaires sur la dépression
respiratoire? Alors, évidemment, on est incapables, pour le moment, de
déterminer... Quand je vous entends dire que 70% des médecins ont répondu oui,
j'ai l'impression que la perception des médecins, elle était là.
Par contre,
je pense qu'avec la commission... Et on a avancé — et je vous dis, moi aussi, là — dans
toute cette commission, à bien comprendre que la différence entre l'aide
médicale à mourir, c'est vraiment qu'une journée on décide… on n'est pas nécessairement
dans les dernières heures, mais on peut décider, quand la mort est imminente,
de mettre fin plus rapidement que seulement avec la sédation terminale, de
mettre fin avec une médication dans les minutes qui suivent.
Alors, c'est
sûr que c'est deux actes qui sont différents, mais qui se rapprochent, parce qu'on a... dans notre projet de loi, on inscrit la mort imminente, ce que
certains pays ne font pas, alors ce qui fait que… oui, les soins de fin de
vie, c'est ça… alors que certains pays ne le font pas. Alors, je pense que c'est
l'essentiel; la distinction, elle est là. Quant à l'application, vous soulevez
une bonne question. Mais, dans le corps médical, est-ce que les gens... C'est
sûr que la journée où on a... On est habitués...
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
Mme
Daneault : ...en
soins palliatifs, de prodiguer l'aide médicale à mourir, c'est différent, là.
Quand on est habitués de prodiguer la sédation terminale, est-ce qu'on va être
capables d'aller à l'aide médicale à mourir? J'avoue, avec vous… je pense qu'il va falloir voir sur le terrain, et la
commission sera là pour nous faire le suivi là-dessus. Et est-ce qu'on
devra modifier par la suite le projet de loi? Je pense qu'on aura à s'adapter,
c'est certain.
Le Président (M. Bergman) :
Malheureusement, le temps s'est écoulé.
Mme
Daneault : Je m'excuse
de...
Le
Président (M. Bergman) : Alors, Dr Brunet... M. Brunet, je dois
vous remercier pour votre présentation, d'être ici avec nous aujourd'hui.
Et je demande les gens de la Fédération interprofessionnelle de la santé du
Québec pour prendre place à la table.
Et je suspends pour quelques instants seulement.
(Suspension de la séance à 12 h 27)
(Reprise à 12 h 29)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je
souhaite la bienvenue à la Fédération interprofessionnelle
de la santé du Québec. Bienvenue, mesdames. Vous avez 15 minutes pour faire
votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la
commission. Je vous demanderais de donner vos noms et vos titres et pour
commencer votre présentation pour les prochaines 15 minutes.
Fédération
interprofessionnelle
de la santé du Québec (FIQ)
Mme
Laurent (Régine) : Merci.
Bonjour. Merci, M. le Président. Bonjour, Mme la ministre, Mmes et MM.
les députés. Merci de nous recevoir.
Alors, avant
de commencer, je vous présente, à ma droite, Mme Julie Martin, qui est
conseillère à la fédération, au secteur tâches et organisation du
travail; juste à ma gauche, Michèle Boisclair, qui est première vice-présidente
à la fédération, et, à la gauche de Mme
Boisclair, Mme Brigitte Doyon, qui est conseillère syndicale au secteur
sociopolitique.
• (12 h 30) •
Alors, merci.
On saisit l'opportunité de vous transmettre le point de vue des infirmières,
infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes
de la fédération, tout comme nous l'avions fait en 2010. Ce projet de loi a été
attendu par beaucoup de groupes que ce sujet interpelle. De façon
générale, la FIQ est en accord avec un bon nombre de principes mis de l'avant dans le projet de loi n° 52. Il s'agit pour nous d'un
pas dans la bonne direction et qui devrait favoriser une mort digne à chaque Québécoise et Québécois. Le Québec
doit être en mesure de se donner les moyens de ses ambitions, et la mise en place de la loi doit aller de pair avec
des investissements conséquents afin de permettre l'accès, à la
population, à des soins de vie de qualité.
Nous allons vous faire part de nos commentaires,
accords, réflexions, mais surtout faire état d'éléments incontournables à la mise en oeuvre d'une politique entourant les soins
de fin de vie qui ne sont pas suffisamment mis en lumière dans le projet de loi, et ce, plus
particulièrement en ce qui a trait à la contribution des professionnels en
soins.
La FIQ est intervenue en juillet 2010 auprès de
la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité sur ce sujet
après avoir consulté les membres de l'organisation et les délégués. La base de
notre consultation est toujours d'actualité.
Tout comme en 2010, on ne se
prononcera pas sur la question de permettre le recours à l'aide médicale
à mourir. Pour nous, cette question demeure un choix de société et doit faire l'objet
d'un débat plus large et démocratique. Donc, ma présentation va toucher les
points suivants : les principes devant guider la prestation des soins de vie, ensuite, les lieux où c'est
dispensé, les exigences particulières à la sédation palliative terminale, les
directives médicales anticipées et, finalement, la contribution des
professionnels en soins.
Sur les principes devant guider la prestation
des soins, historiquement la fédération a toujours fait de la liberté de choix vraiment une des batailles, et,
pour nous, c'est clair que les individus doivent être libres de prendre
les décisions qui les concernent, qui
concernent leur propre santé en vertu de leur autonomie, de leur capacité
d'autodétermination, de leurs besoins et désirs, de leurs croyances et de leurs
valeurs. Donc, la fédération souscrit au but du projet de loi et aux principes
énoncés d'entrée de jeu et qui doivent guider la prestation des soins de vie.
Pour nous, la personne en soins de fin de vie…
en fin de vie, pardon, comme c'est le cas pour n'importe quel autre problème de santé requérant des soins,
devrait être en mesure de faire les choix non seulement libres, mais
aussi éclairés. Donc, elle doit être apte à
consentir aux soins, ce qui fait référence dans le projet de loi à la capacité
de la personne de comprendre la nature de la maladie pour laquelle un
traitement lui est proposé, la nature, le but du traitement, qu'elle le reçoive ou non. En ce sens, la disposition
prévue au second alinéa de l'article 6 est accueillie favorablement par
la FIQ.
Par contre, en 2010, nous demandions encore une
implication plus étroite des équipes multidisciplinaires. On réitère ça. Ces
équipes offrent l'accompagnement et le soutien dont la personne et sa famille
ont besoin au cours du processus de
décision, et ça, tant sur le plan physique que psychologique, ce qui amène la
première recommandation : Que tous les intervenants impliqués dans
le continuum de soins de vie soient mis à contribution en fonction de leur expertise respective. Maintenant,
les lieux possibles de dispensation de soins de vie. À l'article
5, le projet de loi prévoit
que les soins peuvent être offerts dans une installation maintenue par un établissement,
dans les locaux d'une maison de soins palliatifs ou encore à domicile.
Je cite maintenant
le projet de loi qui nous dit que c'est «en tenant compte des dispositions
législatives réglementaires relatives à l'organisation et au
fonctionnement des établissements, des orientations, des politiques et des
approches des maisons de soins palliatifs
ainsi que des ressources humaines, matérielles et financières dont ils
disposent». Fin de la citation. Compte tenu de ces nombreuses réserves, la FIQ
se questionne sur l'étendue de l'obligation du réseau d'offrir des soins
palliatifs. Et, même quand on se réfère à la section I du projet de loi qui
précise les règles particulières, pour nous,
des ambiguïtés demeurent. Pour ce qui est des établissements, la fédération accueille favorablement le principe selon lequel
l'ensemble des établissements du Québec doivent offrir des soins de fin de vie.
Cependant, il faut donner aux établissements les moyens de
réaliser cette ambition. Les établissements de santé du Québec ne doivent pas avoir le pouvoir, en vertu de l'article
5 dont je faisais référence tantôt, de se dégager de leurs obligations sous
prétexte d'un manque de financement ou de
personnel. À ce moment-là, l'obligation deviendrait vile de sens, et déjà qu'il y a un manque flagrant de lits de
soins palliatifs en CHSLD et peu d'équipes multidisciplinaires spécialisées… On
ne peut pas non plus passer sous silence le manque de lits de soins palliatifs
en centre hospitalier et, vous le savez, c'est là où l'incidence de décès est
la plus élevée.
Nous avons
remis dans ce mémoire-ci, encore en 2013, les conditions essentielles à l'amélioration des soins de fin de vie, et ce qui nous amène à notre seconde recommandation :
Que l'offre des soins palliatifs vise l'ensemble des problématiques de santé et
s'étende à l'ensemble des établissements du réseau québécois.
Pour ce qui est des chambres maintenant, pour nous, c'est
clair que c'est fondamental que les chambres doivent être adéquates.
Outre l'accessibilité, c'est important que l'aménagement soit adéquat, et ça,
nos membres et nos délégués nous l'ont
pointé à l'époque. À la façon des maisons des naissances, les chambres de soins palliatifs devraient avoir leurs
propres caractéristiques : un environnement calme, apaisant, personnalisé
et disposant des commodités nécessaires. Comme l'énoncé à l'article 13 du projet de loi : «Tout établissement doit offrir à une personne qui
reçoit des soins de fin de vie dans [son établissement], et dont la mort
est imminente, une chambre qu'elle est seule à occuper.» Bien sûr qu'on est d'accord
avec ça, une chambre privée, mais c'est loin d'être suffisant.
Considérant que plusieurs établissements ont investi une énergie considérable pour développer cette distinction qu'on appelle maintenant «ami des bébés» quand il
s'agit de naissances, afin de démontrer l'importance et le respect que nous devons avoir, qui est réservé à cette étape
tout aussi importante qu'est la fin de vie, est-ce qu'on peut espérer un
jour, puis peu importe l'appellation, mais d'avoir quelque chose qui ressemble
à «ami des mourants» aussi, et peu importe l'appellation,
mais qu'on ait cette distinction-là et qu'on mette l'énergie comme on l'a mise
au niveau des naissances?
Notre recommandation
3 vise l'ensemble des lieux dans lesquels sont dispensés les soins de fin de
vie et que ça doit respecter l'intimité ainsi que la dignité de la personne, ce
qui inclut notamment une chambre privée qui peut être personnalisée, des
adaptations possibles selon la condition physique de la personne et,
évidemment, un lieu pour accueillir la famille.
Sur
le programme clinique, le projet de loi demande aux établissements de prévoir
un plan d'organisation, un programme clinique de soins de vie; c'est l'article 9.
Pour la FIQ, une telle politique est essentielle à la prestation des soins palliatifs. Cependant, il n'existe aucune
indication sur le contenu du programme. De plus, les programmes
cliniques, s'ils sont adaptés localement, devraient au moins s'appuyer sur les
orientations nationales pour éviter la situation actuelle où les soins
palliatifs varient d'une région à l'autre, voire d'un établissement à l'autre.
Alors, la recommandation est donc que les
programmes cliniques élaborés par les établissements tiennent compte des
orientations nationales et que l'ensemble des soins palliatifs fassent l'objet
d'une démarche d'uniformisation.
Dans les maisons de soins palliatifs… en
2010, il y en avait 14, maisons de soins palliatifs au Québec.
L'ancien gouvernement libéral avait établi
comme norme une maison par tranche de 30 000 à 40 000 habitants,
et, dans les plus petites localités,
que ce soient des lits de CHSLD ou encore dans les hôpitaux de courte durée, qu'il
y ait des lits dédiés. Le projet de
loi actuel ne semble pas nous indiquer une orientation contraire. Nous
aimerions des éclaircissements sur ce sujet,
d'autant plus que l'article 15 prévoit que la contribution des maisons des
soins palliatifs sera officialisée dans une entente, entente dont les contours
sont flous et qui accorde une grande autonomie à ces maisons. La FIQ s'inquiète
notamment de la qualité des soins et questionne également les mécanismes qui
seront mis en place pour assurer la qualité des services offerts. La FIQ craint
qu'une situation similaire à celle qui prévaut actuellement pour les services
aux personnes âgées par le biais des ressources intermédiaires… Notre
question : Les ententes avec les maisons de soins palliatifs auront-elles la même teneur que celles qui lient les
ressources intermédiaires en ce moment? De plus, pour nous, le développement des maisons de soins
palliatifs devrait se faire en complémentarité avec le réseau et l'ensemble
des services offerts, les services
professionnels dispensés par des professionnels du réseau public et financés
publiquement; nul besoin de vous rappeler le rapport de la Protectrice du
citoyen qui était clair, très d'actualité malheureusement encore hier.
•
(12 h 40) •
Je
vais au chapitre IV du projet de loi, qui aborde maintenant spécifiquement les
exigences associées à la sédation palliative
terminale et à l'aide médicale à mourir. Sur la sédation palliative terminale,
on ne peut que louanger l'article 25
qui permet de mieux s'assurer du caractère libre et éclairé du consentement. Le
fait que le consentement doit être donné
par écrit et conservé au dossier facilitera grandement le travail de tous les
intervenants. Sur l'aide médicale à mourir, nous croyons que l'article 26,
les conditions associées, constitue pour nous une réponse pertinente à de
nombreuses préoccupations. Cependant, chaque
cas est unique, chaque situation est différente, ce qui peut rendre difficile
l'application uniforme et objective de ces
critères. C'est fondamental pour nous de s'assurer d'une évaluation pointue et
d'un suivi
personnalisé, ce qui demandera des ressources. Est-ce qu'on ne devrait pas
réfléchir, par exemple, à d'autres balises, particulièrement
lorsqu'on fera face à des souffrances psychiques? Notre recommandation 6 s'adresse
particulièrement aux ordres professionnels
pour qu'ils précisent les normes de pratique et les normes déontologiques
relatives aux rôles de leurs membres dans le continuum de soins
entourant la sédation palliative terminale et l'aide médicale à mourir, et que
ces ordres élaborent les guides pratiques nécessaires.
Sur les directives
médicales anticipées, pour la fédération, c'est un outil sur lequel il faut
miser. Le deuxième alinéa de l'article 1 qui
dit : «…la présente loi reconnaît la primauté des volontés relatives aux
soins exprimées clairement et librement par une personne, notamment par
la mise en place du régime des directives médicales anticipées»… Déjà, en 2010, la délégation de la FIQ suggérait
que le testament de fin de vie soit spécifiquement mentionné dans la
loi, autrement dit, que ça ait une valeur juridique et que ce soit
contraignant. Donc, notre recommandation est que les établissements et les ordres professionnels concernés s'assurent de
transmettre les informations pertinentes concernant le régime des directives médicales anticipées à l'ensemble
des professionnels visés. La FIQ trouvait à l'époque et trouve encore primordial de sensibiliser la population à
ce régime, à son fonctionnement, ce que justifie notre recommandation 9,
que vous retrouvez. Et, sur la recommandation 10, nous demandons que soit clairement
inscrit, à l'article 45, qu'une demande d'aide médicale à mourir ne peut
figurer dans les directives médicales anticipées.
Pour ce qui est du
domicile, maintenant, ici, on se questionne sur la mise en place de la recommandation 2 de la commission spéciale selon laquelle le ministère de la Santé et des Services sociaux devrait privilégier le développement de soins palliatifs à domicile. En soi, c'est
louable et ça rejoint le voeu de plusieurs de nos concitoyens et concitoyennes. Mais,
la dernière fois, j'avais laissé une minute de trop. On doit déceler que la
notion d'obligation, pour le réseau, de planifier
l'accès à de tels soins est soulevée par la présente loi, le présent projet de loi. L'article 19 dit que l'instance locale doit prévoir
l'offre de soins; on ne sent pas l'obligation. Alors, la recommandation 5
touche l'ensemble de ces lieux.
Sur
la contribution des professionnels en soins, c'est clair que, pour nous, on
trouve malheureux que ce soit souligné uniquement
dans le cadre des soins de fin de vie en cabinet privé. On constate aussi que
le projet de loi laisse une place majeure et centrale aux médecins, mais
qu'il existe une ambiguïté quant au rôle des professionnels en soins en collaboration avec le médecin. Le projet de
loi nous reconnaît une certaine
contribution, à l'article 28, et une contribution dans la remise et
la validation des directives médicales. Ça, c'est parce que ce n'est pas
suffisant. Actuellement, il existe un manque
de reconnaissance à l'égard du rôle des professionnels en soins. Il est
difficile de dégager les spécificités de leurs tâches, de leurs rôles,
de leurs fonctions et responsabilités, ce qui peut être un irritant dans l'organisation.
Notre recommandation 11 vise donc
une demande pour qu'il y ait une uniformisation de la formation en ce qui concerne les soins en fin de vie,
pour leur permettre d'exercer pleinement leurs rôles. En aucun cas les
professionnelles en soins ne devraient être considérées comme des exécutantes.
Ce serait nier leur jugement clinique, ce serait minimiser, mal utiliser l'outil formidable qu'est le plan
thérapeutique infirmier qui est une source précieuse d'information en regard de son évaluation sur la douleur et un outil de
communication de première. C'est clair pour nous que, pour ces raisons, la fédération
recommande que le développement des soins de fin de vie dans le réseau s'appuie
sur l'expérience et l'expertise des professionnelles en soins qui,
elles, sont présentes 24 heures par jour, 7 jours-semaine, 365 jours par année.
En conclusion, comme je vous le
disais au début, nous sommes d'accord avec un bon nombre de principes mis de l'avant dans le présent projet de loi. Cependant, ça va demander des changements majeurs dans la gestion du
réseau de la santé. Comment une
professionnelle en soins peut-elle dispenser des soins de qualité à domicile à
un mourant lorsque ses interventions sont minutées et qu'elle doit faire
une reddition de comptes qui lui est exigée? Et c'est une pratique de plus en plus répandue dans les soins à domicile. Nous espérons sincèrement que les
instances gouvernementales feront preuve d'une volonté politique
réelle pour instaurer une gestion saine, une gestion en santé dans le réseau en
général, mais particulièrement quand il s'agit de soins de fin de vie. Je vous
remercie.
Le Président (M. Bergman) : Merci, Mme Laurent. Mme la ministre, pour le premier bloc du gouvernement.
Mme
Hivon :
Oui. Alors, merci beaucoup, Mme Laurent. Merci à toute votre équipe d'être ici aujourd'hui
avec un mémoire très intéressant et très concret. Donc, ça nous fait avancer,
ça me fait avancer — en
tout cas, je vous remercie — pas
uniquement en lien avec le mémoire, mais en lien avec toute la question de l'organisation
des soins palliatifs, qui est un vaste
chantier en ce moment au ministère. Donc, certains pourraient vous en témoigner de
par les longues heures qu'ils y consacrent à chaque jour.
Je veux simplement vous dire d'entrée de jeu que
la situation s'est quand même beaucoup améliorée dans les dernières années en
matière de soins palliatifs. Vous disiez : 14 maisons en 2010. On en
compte maintenant 28. Nous avons maintenant 736 lits dédiés, donc on est à 91 %
de l'atteinte de la cible du 1 par 10 000, comme je le disais, qui demeure la cible du 1 par 10 000 habitants
mais à quoi on ajoute aussi, bien sûr, une offre que l'on veut grandement
bonifiée des soins à domicile. Vous venez d'y faire référence.
Et, justement, en ce moment, parmi notre... dans
le cadre de notre chantier, on a travaillé avec l'ensemble des agences pour
voir… parce que vous parlez d'uniformisation — puis je vais vouloir vous
entendre là-dessus — quand
vous parlez d'uniformisation des soins palliatifs… Parce qu'évidemment la
réalité n'est pas la même, qu'on soit à Montréal,
à Québec, qu'on soit en Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine ou qu'on soit en Mauricie, on
n'est pas tout le temps dans la même
réalité, ce qui fait en sorte que le travail qu'on fait, c'est de voir c'est
quoi, l'offre optimale sur un territoire donné pour avoir l'équilibre,
je dirais, entre lits dédiés, CH, CHSLD, maison de soins palliatifs et
domicile. Ce n'est pas possible partout d'avoir
des maisons de soins palliatifs, ce n'est pas possible partout d'avoir des
unités dédiées dans des tous petits
CH. Alors, quand vous parlez d'uniformisation, je veux comprendre si vous
parlez d'uniformisation vraiment dans
l'offre ou si vous parlez dans l'approche, parce que ça, c'est l'autre angle,
et on mise beaucoup, beaucoup — c'est la
priorité pour la prochaine année — dans la formation en soins palliatifs,
notamment pour ceux qui travaillent en CHSLD. Donc, je voulais vous entendre
sur votre notion d'uniformisation.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Laurent.
Mme
Laurent (Régine) : Merci.
Alors l'uniformisation, c'est une uniformisation des soins. On est très
conscientes que les agences de santé vont regarder leur territoire, et, comme
vous disiez, faire le portrait et donner l'offre de service en conséquence.
Pour nous, ce qui est important, c'est que, que la personne soit à Montréal, à
Québec, en Mauricie ou en Abitibi, qu'elle
ait des soins de fin de vie corrects, peu importe le territoire québécois. Et,
pour nous, la réalité, maintenant, c'est que ce n'est pas uniformisé.
Les soins de fin de vie, en Abitibi ou en Mauricie, ce n'est pas la même chose. Ce n'est même pas la même chose d'un
établissement à l'autre dans une même région. Et, pour nous, c'est
important, cette uniformisation-là dans les soins que la personne va recevoir.
Vous parliez, Mme la ministre… effectivement, il
y a une augmentation du nombre de maisons de soins palliatifs. Vous avez tout à fait raison. Là où nous questionnons, c'est
sur les ententes. Et plus les maisons de soins palliatifs vont augmenter... ce sont les ententes. Les
ententes sont secrètes. On n'a pas... il n'y a pas moyen… Et comment est-ce
qu'on va s'assurer de la qualité des soins
qui sont dispensés? Donc, c'est au niveau des ententes, et on veut
comprendre : Est-ce qu'il y a une orientation
claire d'aller plus vers une augmentation des maisons de soins palliatifs
versus les lits, par exemple dans des établissements ou dans des CHSLD?
Parce que, nous, vous connaissez très bien la position de la fédération pour ce
qui est du privé, et partout on n'est pas capables... et même les instances qui
sont prévues dans le réseau de la santé sont
incapables et ne se sentent plus imputables dès que ça sort et que ça va dans
le privé. Donc, c'est plus au niveau des ententes, notre préoccupation.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
• (12 h 50) •
Mme
Hivon :
Je vous suis parfaitement. Pour répondre très clairement à votre
question : Est-ce qu'on priorise, tous domaines confondus, les
maisons de soins palliatifs? La réponse est non. La réponse, c'est
vraiment — puis
ça, c'est une orientation que j'ai donnée
très clairement — dans chaque
milieu, d'être capable de répondre le mieux possible. Ce qu'on priorise, je vais vous le dire, oui, c'est
le domicile dans le développement des soins palliatifs avec les équipes
de première ligne, mais, ensuite, dans les lits dédiés, parce qu'on ne peut pas
faire l'économie de lits dédiés. On cherche un équilibre.
Donc, oui, on pense que c'est bien, des maisons
de soins palliatifs, mais on pense que c'est irréaliste de penser — et
pas souhaitable — que
ça va juste se donner dans les maisons de soins palliatifs. C'est important de
penser aux CHSLD et aux CH parce qu'il y a beaucoup de gens qui rentrent au
centre hospitalier, on ne pense pas qu'ils sont en fin de vie, mais l'état se
dégrade, et, oui, ils sont finalement en fin de vie, et donc on espère avoir un
lit en soins palliatifs.
Sur ça, par exemple, parce que
vous insistez beaucoup sur l'aménagement, les chambres, tout ça, j'en suis. On prévoit d'ailleurs quelque
chose en lien avec la chambre individuelle. Mais moi, je pense que ce qui est
plus fondamental… on ne pourra pas partout avoir des unités dédiées avec
12 lits de soins palliatifs. Et je pense qu'il faut s'adapter aux différents contextes, et ce qu'il faut, c'est que
les équipes, elles, peu importe où est situé physiquement le lieu dans le
centre, c'est que les équipes soient formées et que la personne puisse avoir la
bonne équipe, la bonne approche et les soins palliatifs qui lui conviennent en
fin de vie. Est-ce que, oui, c'est souhaitable d'aménager puis d'avoir un
endroit pour les proches? Oui, dans la
mesure où on est capable de le faire. Mais ce qu'on se rend compte, c'est que,
des fois, justement, les centres hospitaliers n'offrent pas
nécessairement de lits dédiés parce qu'ils ne sont pas capables de créer cette unité-là — vous me suivez? — parce que… pour toutes sortes de raisons.
Et, moi, ce que je dis, c'est qu'il ne faut pas, de ce fait-là ou de cet empêchement-là, à court
terme, ne pas avoir l'approche et de ne pas avoir des lits. Donc, ça, j'aimerais
quand même vous entendre là-dessus.
Pour
ce qui est des maisons de soins, si vous avez le temps, vous écouterez quand
ils vont venir nous voir. Je ne sais pas ce qu'ils vont nous dire, mais
l'Alliance des maisons de soins palliatifs puis tout ça… Évidemment, on n'est
pas dans le privé, on est, selon nous, dans
le communautaire. Donc, c'est vraiment une approche communautaire avec ce
que la communauté juge qui est opportun,
avec des levées de fonds de la communauté en parallèle avec le financement
du public. C'est quelque chose auquel
beaucoup de communautés tiennent beaucoup. Et on vient quand même franchir
un grand pas avec l'article 15 parce qu'on vient prévoir cette entente-là et on
vient prévoir une reddition de comptes, et, plus
tard, on vient même prévoir les inspections et tout ça. Donc, on va beaucoup
plus loin, je dirais, que l'état actuel des choses, justement du fait de
l'essor de ces maisons-là et de l'essor qu'on veut donner aux soins palliatifs.
On veut que cet encadrement-là soit plus important tout en — oui,
je pense que ça va de soi — respectant
leur caractère plus communautaire. Donc, j'aimerais ça vous entendre sur ces
précisions.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Laurent.
Mme Laurent
(Régine) : Merci. Sur les chambres, c'est clair que ce n'est pas en
opposition — peut-être
que je me suis mal exprimée — avec les équipes multidisciplinaires. C'est
très important, et nous le disons, que les équipes multidisciplinaires sont
mises à contribution. On trouve même qu'il n'y en a pas suffisamment, d'équipes
multi dédiées aux soins palliatifs.
Cependant, quand on
est, nous, comme professionnels, 24 heures par jour avec quelqu'un qui est en
fin de vie et que la famille… c'est
important que les familles aient un lieu aussi où elles peuvent avancer,
cheminer là-dedans. Parfois, c'est
juste de ne pas être toujours directement à côté de la personne, mais d'être
pas loin, et ça nous permet, nous, de continuer ce cheminement-là avec
la famille qui, parfois, se sent plus confortable d'avoir certaines
discussions, de poser certaines questions et qu'elle ne soit pas à côté de la
personne qui est en fin de vie parce que, nous, comme professionnels, souvent
les familles nous disent… Je vous donne un exemple: Est-ce que la personne m'entend?
Nous, on dit toujours : Si jamais elle
vous entend, pensez toujours comme ça. Donc, c'est important d'avoir ce lieu-là
pour la famille, mais ce n'est vraiment pas en opposition avec les équipes
multi.
Je comprends, quand
vous me dites, Mme la ministre, que c'est si l'établissement est capable. On l'a
soulevé à différents endroits dans le projet de loi, chaque fois que ça vient
un peu atténuer et qu'on ne sent pas vraiment l'obligation.
Malheureusement, avec l'état actuel des choses, on est obligés de se
questionner chaque fois qu'ils nous disent : Si l'établissement est capable. Ça fait 10 ans que
j'entends : Si on est capables, on va le faire, puis il y a bien des
affaires qui ne sont pas faites.
Sur l'approche
communautaire des maisons — on
n'en a pas contre ça — le
problème, c'est sur les ententes. Dans la
mesure où il y a des ententes et que ces ententes-là, c'est flou, c'est secret,
on n'est pas capables d'influencer dès qu'il y a des ententes de ce
type-là. Comment est-ce qu'on va mettre en place… pour s'assurer de la qualité
des soins et des services? Vous nous
dites : Oui, il va y avoir des inspections qui vont être mises en place.
Malheureusement, dans notre vécu, on l'a vu avec les personnes âgées,
les ressources intermédiaires, etc., bien, les inspections, ça ne donne absolument à peu près rien parce qu'il faut qu'ils
soient avisés ou bien donc tout le monde le sait; à ce moment-là, la
journée que ça arrive, c'est extraordinaire.
Ça, c'est comme quand l'agrément arrive dans nos établissements, on le
sait : il y a du monde partout, tout est numéro un.
Donc,
pour nous, il faut être capables, que les ententes… qu'on soit capables d'influencer
les ententes, que ce ne soit pas secret par exemple, et, à ce moment-là,
au moins, ce sera ça. Mais, les ententes, si c'est sur le modèle qu'on connaît actuellement
avec les ressources intermédiaires, nous, on vous le dit, ça ne donnera pas
grand-chose, même s'il y a des inspections de prévues.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : En fait, juste pour vous rassurer peut-être, il y a
effectivement des ententes, il y a un guide, il y a un modèle à ces
ententes-là et, bien franchement, ce n'est pas le même modèle que les
ressources intermédiaires et… Il y a les
ordres professionnels, il y a généralement évidemment des liens parce que les
gens, comme les médecins qui sont dans les maisons de soins palliatifs,
sont en lien avec le CH, donc il y a quand même une supervision, et c'est ce
que les gens des maisons de soins
palliatifs, eux, risquent de nous dire. Il y a déjà tout un système quand même
de contrôle avec les liens qui sont faits, l'entente, l'agence, tout ça.
On vient le formaliser et on va plus loin. Je vous entends, mais je pense qu'on
a, selon moi, un bon équilibre.
Pour la question des inspections, c'est une
vaste question. Ce n'est pas systématiquement. Vous savez, c'est comme pour toutes les ressources, là : on ne
peut pas se fier aux inspections des inspecteurs pour que les choses
marchent correctement. Il faut qu'il y en ait, je pense
que c'était essentiel, mais il faut se fier aussi au fonctionnement normal, à
la reddition de comptes dont l'agence est redevable, aux responsabilités autant
de l'entité que des professionnels qui y
oeuvrent. Donc, il y a aussi… ces professionnels-là sont redevables à leurs
ordres, et je vous dirais qu'à ce jour les maisons de soins palliatifs
ne sont pas un endroit pour lesquels on a des plaintes où les gens
disent : On ne reçoit pas de bons
services. En général, les services sont bons. Est-ce qu'il y a un enjeu? Il y a
toutes sortes d'enjeux. On n'entrera pas dans tous les détails, mais
effectivement… Mais moi, je suis d'avis qu'on franchit un pas significatif avec
ce qu'on prévoit, là.
Là, je pense que mon bloc est fini, je voulais
juste pouvoir vous répondre. Vous pourrez me répondre sur le prochain bloc
parce qu'il faut que je cède la parole.
Le
Président (M. Bergman) :
Parfait. On peut avoir la réponse maintenant, si vous voulez, oui, certainement.
Mme Laurent.
Mme Laurent (Régine) : Oui.
Rapidement. Sur les maisons de soins palliatifs, ce qu'on questionne aussi dans notre mémoire, c'est le financement précaire,
et ce n'est pas un financement public, là, comme on l'entend dans le
reste du réseau de la santé, et, ce financement précaire, on ne trouve pas que
c'est la meilleure chose.
Quand vous
parliez, Mme la ministre, de… oui, il y a des professionnels qui y travaillent.
En ce moment, il y a aussi des
professionnels en soins des CSSS qui vont dans les ressources intermédiaires,
et la difficulté que nous avons en ce moment, c'est : Qui est
responsable? Nous, on y va, dans les ressources intermédiaires. Si on se rend
compte qu'il y a quelque chose qui ne marche
pas, avec la multiplication des structures dans les établissements, avant d'arriver
à… voir qui, finalement, va dire quelque chose… Et le propriétaire, il n'est
pas obligé d'écouter ce que dit le CSSS. L'infirmière
ou l'infirmière auxiliaire qui va dans une ressource intermédiaire, elle dit au
propriétaire : Ça, ça ne marche pas. Ça s'arrête là, là. Donc, c'est
tout ça aussi qu'on questionne.
Le Président (M. Bergman) :
Alors, pour le bloc de l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon.
• (13 heures) •
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Bienvenue à notre
commission. C'est toujours un plaisir de vous revoir. J'ai toujours trouvé qu'on a fait des bonnes collaborations
puis j'écoute vos suggestions, puis on va devoir en tenir compte, là,
entre autres, de la question des ressources qui doivent être disponibles, et
puis on va faire une transformation. Dans n'importe quel système, ça prend la
collaboration des gens sur le terrain puis des travailleurs.
Il y a un
sujet que vous n'avez pas abordé et puis, quant à moi, il est important,
surtout pour votre organisation : c'est
la question de l'objection de conscience. Vous savez que, quand on travaille
dans les établissements de santé ou dans le réseau de la santé, on parle souvent du médecin, puis vous êtes d'accord
avec moi : souvent, pour un médecin, il y a probablement trois, ou
quatre, ou cinq infirmières qui travaillent aux soins aux patients parce que c'est
vous autres qui offrez la majorité des soins 24 heures sur 24, infirmières,
infirmières auxiliaires, des préposés.
Donc, j'aimerais ça vous entendre parce que…
Est-ce que ça va être un enjeu, la question de l'objection de conscience? Puis
vous savez que l'objection de conscience, ça va loin parce que... On a entendu
des groupes, là, qui ne sont pas du tout d'accord avec ça puis pas du tout d'accord
à un tel point que même le fait de collaborer de façon indirecte, pour eux autres, ça va contre leurs consciences. Je ne dis
pas que c'est ça qu'on a dans le réseau la majorité du temps, mais ça demeure qu'il y a des gens qui vont
être traités avec des soins palliatifs, puis, avec les ententes
syndicales, bien, si vous vous retrouvez
dans une chambre… je comprends que ce n'est peut-être pas là que l'aide
médicale à mourir va se faire pour la sédation palliative, mais ça va se
faire à un endroit dans l'établissement, et il y a des conventions collectives
qui font qu'on doit respecter, entre autres, l'ancienneté quand les gens ont
des postes. Si, sur ton unité, justement, on est obligés de procéder à une sédation
palliative parce que ça va être une obligation,
comment vous voyez qu'on va organiser
ça? Est-ce qu'on va faire une entente spéciale? Est-ce qu'on va respecter ou
est-ce qu'on va obliger les gens à collaborer parce que ça fait partie
de leurs tâches professionnelles?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Laurent.
Mme Laurent (Régine) : Merci. Alors,
merci, M. Bolduc.
Il y a deux cas, effectivement. Et on en parle,
de l'objection de conscience, dans notre mémoire. Si, par exemple,
il y a une unité complète de soins
palliatifs, personne n'est obligé d'aller
travailler là, donc la personne qui
va postuler sur ce poste va y aller en sachant où elle va. Là où on pense qu'il
peut y avoir une nécessité pour certains établissements
d'établir une politique ou une façon de faire avec les gestionnaires, c'est si,
par exemple, on a deux lits de soins
palliatifs sur un département d'orthopédie. Alors, si vous vous retrouvez avec
ce groupe de patients là puis vous avez deux lits de soins palliatifs,
effectivement c'est possible qu'on doive changer l'organisation pour tenir
compte de cette objection de conscience.
Mais, à mon avis, c'est minime parce que les gens qui vont appliquer sur un
département complet savent où est-ce qu'ils doivent aller.
Et ce n'est pas les conventions collectives qui
vont empêcher ça parce que ça, c'est une organisation du travail, et les conventions collectives ne
touchent pas comment… Quand on arrive sur un département, on est sur un
poste, sur un département, mais les groupes de patients à qui on a la charge, c'est
une question de gestion, donc c'est les gestionnaires
qui déterminent les équipes de travail. Et, la dernière convention collective,
vous vous en souvenez, vous aviez fait un cheval de bataille de la
mobilité, ça fait que vous l'avez, toute la mobilité pour qu'on soit capables
de s'entendre sur une politique au niveau de nos unités de soins.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Oui. Si je comprends bien, pour vous, ce n'est pas un enjeu, ce n'est pas ça
qui va empêcher de mettre en place la politique ou encore d'avoir une bonne
organisation des soins pour les patients.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Laurent.
Mme
Laurent (Régine) : Non, pas
du tout. Et, quand on a fait le travail, en 2010, de consultation des
membres et des délégués, comme vous l'avez
vu, à l'époque — et, encore
là, on en fait référence — c'est que ce que les professionnelles en soins veulent, de
façon très majoritaire, c'est que les gens puissent avoir une fin de vie digne,
qu'elles puissent, elles, comme
professionnelles, y amener toute leur contribution et leur expertise, qu'il y
ait des lieux qui soient corrects.
Donc, c'est vraiment ça, la préoccupation, c'est dans comment être capable de
nous aider à accompagner mieux, dignement, nos concitoyens et
concitoyennes. C'est vraiment ça.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Vous n'avez pas fait mention… Il y a
la commission médicale, la commission qui va se mettre en place pour justement…
au niveau du projet de loi, des
commissions des soins de fin de vie. Vous n'avez pas fait mention que ça
serait intéressant d'avoir une infirmière qui soit, de façon statutaire, sur la
commission. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Laurent.
Mme
Laurent (Régine) : Oui,
merci. On y fait référence, là, peut-être que ce n'est pas suffisamment clair.
Mais nous disons que, dans le projet de loi, le rôle, tâche, fonction,
responsabilité des professionnels en soins ne sont pas clairs ou mal définis ou
qu'on y fait référence uniquement quand on parle de nous en cabinet privé.
Alors, c'est clair qu'autant à domicile, en
maison de soins palliatifs et les différentes… On demande, par exemple, que,
dans les établissements, les conseils
des infirmières et infirmiers soient là, les conseils des infirmières et
infirmiers auxiliaires et le comité multidisciplinaire soient
consultés — nous,
on a mis «doivent être consultés» — au moment où le conseil des médecins et dentistes, dans les établissements,
vont établir les politiques. C'est clair qu'on veut être présentes, on
veut être capables d'influencer et que notre expertise soit reconnue.
Je suis
passée rapidement, peut-être, sur certains points, mais on y fait référence
effectivement dans le mémoire. Pour
nous, c'est important. Et, de la même façon qu'on demande à nos ordres d'harmoniser
les normes de pratiques, les meilleures
pratiques et de définir les politiques qui vont avec, mais aussi, à ce
niveau-là, on veut être capables d'influencer.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : On parlait de la commission. Il va y avoir
sept personnes, dont deux médecins… Mais je suis content que vous ayez
fait ce point-là parce que…
Mme Laurent (Régine) : D'accord. C'est
bon. O.K.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : …mais sur laquelle il va y avoir… la
commission sur laquelle il va y avoir sept personnes, dont deux médecins
d'emblée, mais deux autres professionnels désignés. Ce qui ne veut pas dire
que, de façon statutaire, vous allez être présentes.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Laurent.
Mme Laurent (Régine) : Oui. Vous
avez tout à fait raison, merci. Et on n'a pas fait de recommandation
particulière là-dessus, mais je suis contente de voir qu'on aura en vous quelqu'un
qui va s'assurer qu'il y ait une infirmière là-dessus. Si c'est le cas, on va
être très, très, très contentes.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Mme Laurent, je vous offre toute mon aide. Ça
fait que je vais… D'ailleurs, c'est un point,
pour moi, qui va être important. Je ne vois pas tellement que, sur une
commission, celle-là, que certains professionnels n'y soient pas d'emblée,
surtout ceux qui travaillent très, très près… Ça fait que je vais défendre
votre cause, là, si vous faites — sans dire du lobbying, là — également
savoir que vous êtes intéressées.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Laurent.
Mme
Laurent (Régine) : Merci. Et
je reviens encore… et je l'ai dit d'emblée en début de présentation :
Pour nous, il y a quelque chose d'important dans notre mémoire, c'est la place
et le rôle des professionnels en soins. Et on en a parlé, j'en ai fait ma
conclusion un peu trop rapidement — manque de temps — mais,
pour nous, on l'a dit, ce projet de loi doit s'appuyer sur l'expérience et l'expertise des professionnels
en soins qui sont là 24 heures par jour, sept jours semaine. Donc, si,
au niveau de la commission, on est capables d'avoir une infirmière qui soit
là-dessus, nous, on va être très contentes
parce que c'est sûr qu'on a un pouvoir d'influence et, si on peut l'exercer à
ce niveau-là, nous allons beaucoup l'apprécier.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Je reviendrais sur la
question des maisons de soins palliatifs. Je pense que, dans la philosophie générale de l'organisation des soins, la
première chose, c'est de répondre aux besoins des patients et des familles, naturellement.
Deuxièmement, le plus important, c'est la philosophie des soins palliatifs.
Que vous soyez à l'hôpital, à domicile, en CHSLD, je pense que ce qui est
important, c'est d'avoir la même philosophie, puis ça, la ministre l'a très bien décrit. Puis je suis content qu'aujourd'hui
tout le monde reconnaisse qu'il y a eu beaucoup de développement au niveau des soins palliatifs au
cours des dernières années. Il en reste encore à faire à tous les
niveaux.
Au niveau des soins à domicile, l'endroit le
meilleur au Québec pour le nombre de personnes ou pourcentage de personnes qui va mourir à domicile, dans des
cas de soins palliatifs, c'est Arthabaska-Les Érables, autour de 50 %. Donc, c'est
une norme, pour nous autres, à atteindre.
L'autre élément qui est important, au niveau des
maisons de soins palliatifs, c'est qu'on a établi, au Québec, pour donner les
soins… puis c'est la norme qui existe encore actuellement au niveau du
ministère, c'est environ un lit par
10 000 personnes. Bien, en mon expérience personnelle, actuellement, ça
répond aux besoins. Et, si on augmente le nombre d'heures-soins dans les soins palliatifs à domicile, nous avons
des chances qu'on va être capables de répondre encore mieux parce que c'est
sans tenir compte de tout l'effort qui avait été fait ou qui va être à faire au
niveau des soins à domicile.
Une fois qu'on
a dit que c'est un pour 10 000, ça peut être des lits qui sont soit en
CHSLD, dans une maison de soins
palliatifs ou encore dans un hôpital. Et il faut reconnaître qu'un hôpital doit
garder certains lits de soins palliatifs. Parce qu'un des principes, en
tout cas, moi, que je défendais, c'est que la personne, c'est elle qui décide
où elle veut mourir quand elle peut. Si elle
peut puis elle veut mourir à domicile, on devrait lui permettre en tenant
compte qu'il y a certaines conditions qui parfois nous empêchent de les
garder à domicile. Si, exemple, elle rentre à l'hôpital —puis ça, des gens ont de la difficulté à l'accepter — et si elle veut mourir à l'hôpital, et si c'est
son choix personnel, on devrait être
capables de lui offrir. C'est des soins de fin de vie. Mon expérience
personnelle, une grande partie des gens qui ne peuvent plus rester à
domicile ou ne veulent pas rester à domicile préfèrent aller dans des maisons
de soins palliatifs, d'où l'importance de développer des maisons de soins
palliatifs sur les territoires.
Et je suis content, vous avez fait la mention… L'expérience
que nous avons, au Québec, c'est que, si vous avez
un territoire de 15 000 personnes, exemple, aux Îles-de-la-Madeleine, c'est
difficile de développer une maison de soins palliatifs pour 1,5 lit.
Donc, ce qu'on a trouvé — puis
ça, c'est de l'expérience, il n'y a pas d'écriture là-dessus — c'est :
lorsque vous avez 35 000, 40 000 personnes pour un territoire donné,
ça peut être intéressant d'avoir une maison de soins palliatifs avec un
minimum de quatre ou cinq lits, quoique ce qu'on a trouvé, optimalement, c'est
d'avoir au moins six lits. Ça fait que ce qui est en bas de six ou cinq lits,
on est mieux d'avoir ces clientèles-là dans un
lit de CHSLD ou d'hôpital dédié tout simplement pour une question de qualité
des soins puis de financement. Quand vous
avez seulement deux ou trois patients, ça vous prend des équipes minimales. En
haut de 50 000 ou 60 000 personnes, là, ça devient intéressant.
Puis moi, j'avais fait la commande, comme ministre, d'avoir des projets de
maisons de soins palliatifs par chacun des territoires. Pourquoi? Pas parce qu'on
veut favoriser l'un par rapport à l'autre, c'est parce que c'est un besoin, et
les gens veulent ça. Et, quand ils sont… quelqu'un est décédé dans une maison
de soins palliatifs, les familles autour, là, ils en font la recommandation aux
autres puis ils veulent ça pour eux autres aussi. La majorité des gens, c'est
ça. Donc, c'est ça, l'objectif, c'est d'offrir le choix aux gens.
• (13 h 10) •
Et l'endroit
où est-ce qu'on avait le plus grand problème, la plus grande pénurie de maisons
de soins palliatifs, c'est Montréal. Donc, entre autres, il y avait un
projet qu'on avait aux côtés de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont où, plutôt que
de les avoir dans l'unité, qui est une unité rénovée puis que c'est une unité
qui datait, on serait mieux d'avoir une
maison de soins palliatifs. Ça fait que c'est ça, l'objectif de la
transformation. Puis c'est la première fois que j'ai l'occasion de l'expliquer
à nos auditeurs, de façon à ce qu'on soit capables de couvrir tout le Québec au
niveau des soins palliatifs.
Moi, je suis
allé visiter, entre autres, un endroit à Coaticook où eux autres, ils ont à peu près
20 000 de population,
puis ils ont deux lits de soins palliatifs à l'intérieur de leurs lits de
CHSLD, et ils donnent des excellents soins. Quand
vous rentrez là, vous avez l'impression de rentrer comme dans une maison de
soins palliatifs. Et ce qui est le plus important, c'est la philosophie
des soins palliatifs. Un autre endroit, c'est Magog où, théoriquement, il
aurait pu y avoir une maison des soins
palliatifs, mais eux autres ont préféré créer une maison à l'intérieur de leur
établissement, puis ça, il faut favoriser ça. Et à la fin, puis on est
rendus presque à la fin, on va pouvoir atteindre le nombre d'un lit par
10 000 de population. Il y a des endroits, entre autres à Lévis, où on a
autorisé… puis il s'est mis en place une maison de soins palliatifs avec sept
lits — les
gens en ont parlé cette semaine — et les professionnels préféraient aussi
garder les lits à l'hôpital. On accepte également ce principe-là.
Ça fait que
c'est ça, l'organisation qu'on veut avoir au niveau des lits de soins palliatifs.
Puis moi, je vais défendre la ministre là-dessus, là. C'est vrai que les
gens nous arrivent ici puis c'est comme s'il n'y avait jamais eu de développement. J'en ai visité, des endroits, là.
Je ne vous dis pas qu'il n'y en a pas encore à mettre, là, mais je peux
vous dire que c'est pas mal mieux que c'était vers 10, 15 ou 20 ans, et tout le
monde veut le développer. Et je salue, moi, la position de développer le plus possible les
soins à domicile de façon à ce qu'on atteigne, partout au Québec, si possible,
les gens, à peu près 50 %, qui peuvent et qui veulent mourir à domicile.
Ça fait que…
juste pour vous expliquer vers quoi on s'en allait parce que vous amenez le
sujet. Puis je pense que c'est
important qu'on ait tous les mêmes notions. Indépendamment des partis
politiques, c'est vraiment quelque chose… qui est un dossier qui est
important pour tout le Québec.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Laurent.
Mme
Laurent (Régine) : Oui,
merci. Je vous rejoins, M. Bolduc. Puis je l'ai soulevé avec Mme la
ministre tout à l'heure, pour nous, c'est clair que ce sont les soins… c'est
ça, la priorité. Donc, la philosophie de soins palliatifs, c'est clair, on est
tout à fait d'accord là-dessus. Et notre crainte, c'est qu'il y a trop peu d'équipes
multidisciplinaires dédiées aux soins palliatifs, formées, et tout ça. Donc, on
espère que ça va aller.
Sur les soins à domicile, on l'a dit dans notre
mémoire, c'est clair que ça rejoint le voeu de beaucoup de nos concitoyennes et
concitoyens. Mais je reviens encore là-dessus. Je vous le dis clairement :
Si on ne change pas la philosophie de
gestion, ce ne sera pas possible de développer plus de soins palliatifs à
domicile. On ne peut pas demander à
une professionnelle… puis dicter que ton temps de relation d'aide, c'est 10
minutes. Si c'est une relation d'aide, deuxième niveau, c'est 20 minutes. Je suis désolée, mais moi, je suis infirmière
depuis 1980, je suis incapable de rentrer là-dedans. Je dois être
capable de voir la personne dans sa globalité. Et peut-être que mon
gestionnaire avait prévu 20 minutes la veille,
mais que, là, quand j'arrive aujourd'hui, ce n'est pas ça et, en ce moment, je
devrai justifier que j'ai passé une heure au lieu de 20 minutes. Ça n'a
pas de bon sens. Et je dois partir chez nous le soir avec mon «case load» pour
justifier pourquoi j'ai passé une heure au lieu du 20 minutes prévu. Je suis
désolée, je suis très émotive quand on me parle de ça parce que, pour moi, c'est comme dénaturer qu'est-ce que c'est que
donner des soins, c'est dénaturer notre travail, c'est dénaturer ce pour
quoi on veut soigner nos concitoyens et concitoyennes.
Alors, tout ça, on est d'accord avec les grands
principes de la loi, on l'a dit. Mais, si on ne change pas en profondeur comment ça se fait et comment est-ce
que les gestionnaires vont mettre ça en place, ça va être épouvantable.
Je ne me vois pas, moi, comme infirmière, dire à quelqu'un qui est en fin de
vie : Je suis désolée, je ne peux pas rester plus que 10 minutes aujourd'hui.
Ne me mettez pas dans cette situation-là. Je m'excuse.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon, il vous reste quatre minutes.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Puis, madame, là, moi, je suis tout à fait d'accord
avec vous, là. Moi, je n'ai pas de difficulté avec ça. La première
chose, c'est les soins. Et je pense que, si on fait notre réorganisation des
soins, entre autres, on s'enlève des tâches
qui sont strictement inutiles. Tout le monde le reconnaît que, lorsque… En
fait, il y a certaines tâches qui sont inutiles, il y a l'informatisation
aussi qui peut aider les infirmières, parce qu'il y a beaucoup de temps d'écriture dans des dossiers. Mais je suis d'accord
avec vous, sauf qu'il faut s'entendre qu'il y a quand même… sans dire qu'il
faut calculer à la minute près, on est capables de mesurer dans une journée qu'il
y a peut-être des patients qui, eux autres,
vont nécessiter plus, d'autres qui vont nécessiter moins. Il faut qu'on soit
capables d'évaluer, d'une certaine façon,
sans nécessairement mesurer de façon précise. Mais ça, je suis certain que, si
on… Quand on s'assoit ensemble… Puis
on en a déjà discuté : il faut que les équipes se fassent ensemble, il
faut qu'on prenne nos décisions ensemble, et puis qu'on s'entende… c'est
quoi que sont… les soins qui sont utiles.
Le problème
du réseau de la santé, je vais vous le dire, puis vous connaissez… puis je sais
que vous n'aimez pas toujours le mot parce que vous avez eu des
mauvaises expériences, mais, dans le «lean management», une chose qui est
importante, c'est d'abord qu'on le fait à… c'est avec vous, c'est vous qui
décidez c'est quoi qui doit être fait. Deuxièmement,
c'est que, si on vous demande vos opinions puis qu'on mesure qu'est-ce qui doit
être fait, qu'est-ce qui ne doit être
pas fait, qu'est-ce qui est pertinent ou pas, généralement on enlève 20 %
à 30 % des tâches qui sont strictement inutiles, ce qui vous permet
de mettre encore plus de temps sur, justement, cette relation d'aide là. Mais
ça, il faut collaborer ensemble puis il faut
le mettre en place. Et ce n'est pas du temps et mouvement, parce que c'est ça
que vous avez eu comme mauvaise expérience, du temps et mouvement, mais
bien un projet qui est fait, à la base, pour les patients, avec des
professionnels qui démontrent toutes leurs compétences pour nous dire
exactement ce qui doit être fait.
Moi, je pense que c'est comme ça qu'on pourrait
le travailler ensemble. Et les soins à domicile est un des endroits où est-ce
que les gens nous disent souvent qu'ils perdent du temps, qu'ils font des
choses pour rien. Puis parfois, sans dire qu'ils
écrivent trop, le fait de revenir au CLSC puis de prendre un après-midi parce
qu'ils sont obligés d'écrire des dossiers parce que c'est la demande qui
est faite, ça, je pense que c'est le genre de choses qu'on doit retravailler
ensemble.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Laurent.
Mme Laurent (Régine) : En tout
respect, M. Bolduc, je pense qu'on ne parle pas aux mêmes personnes, parce que, la façon dont on gère maintenant, on ne
permet quasiment plus à moi, comme infirmière, de décider du temps que j'ai besoin pour ce patient-là. On ne me le
permet plus. On me dit : Voici le temps qui t'est accordé. Et ça, c'est
difficile.
Quand vous dites que c'est décidé entre les
équipes, c'est qu'on met, à l'intérieur d'une même équipe, les professionnels
en concurrence. On dit : Comment ça se fait que Michèle est arrivée, elle,
dans le temps qui était alloué? Toi, tu n'es
pas arrivée, Régine, dans le temps qui t'était alloué. On met les professionnels
en concurrence. Alors, moi, je dois
justifier que, quand je suis arrivée chez vous, que cette journée-là, ça n'allait
pas bien, que votre fille avait un problème, je dois justifier au sein de l'équipe
pourquoi je ne suis pas rentrée dans le temps qui m'était accordé. C'est
ça qu'on n'est pas capables de prendre. C'est
impossible. Et, si on veut gérer les soins palliatifs avec cette philosophie
de gestion, je vous le dis très humblement,
ça va être épouvantable. Et je ne souhaite à personne, comme professionnelle
en soins, d'être devant… d'être confrontée
pour dire : Je suis obligée de partir, je suis trop pressée aujourd'hui
parce que je ne rentrerai pas dans mon temps. Et, en ce moment, on est
obligées de falsifier des affaires parce qu'autrement on est obligées de se
justifier devant une équipe de travail pourquoi je ne suis pas arrivée.
Ce qu'on veut, c'est être capables de dispenser
des soins, ce qu'on veut, c'est soigner, ce qu'on veut, c'est accompagner. On est d'accord avec le projet de
loi, mais, je vous en supplie, revoyez la gestion pour que ce soit
correct. Oui, M. Bolduc, on a parlé de «lean», vous savez que je suis
allergique à ça.
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
Mme
Laurent (Régine) : Mais,
regardez, après ça, il y a eu Proaction, puis ils n'arrêtent pas, puis là…
revient. Il y a plein d'affaires qui sont
maintenant dans le réseau pour nous dire comment faire notre travail, en
oubliant que notre travail, c'est de soigner. Alors, je dis juste :
Permettez-nous de soigner.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc de l'opposition
officielle. Pour le dernier bloc du gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Merci, M. le Président. Alors, c'est un échange fort intéressant. Je comprends
que vous avez un passé de discussions
sûrement très intenses sur ce sujet-là dans une autre époque. Je veux
simplement dire qu'on reçoit votre message. C'est une préoccupation que
j'ai, justement, du fait de ce virage-là vers les équipes et les équipes
dédiées soins palliatifs à domicile, parce que c'est tout un enjeu aussi.
Est-ce qu'on essaie de spécialiser les équipes ou c'est des équipes générales, mais qui font, entre autres choses, du
soin palliatif? Donc, il faut regarder, dans la mesure du possible, comment on est capables de faire ça
et aussi que cette approche de soins palliatifs, évidemment, je dirais,
s'intègre bien dans nos manières de faire, donc de regarder nos manières de
faire.
Je voudrais
vous ramener sur certains éléments. Moi, je trouve ça extraordinaire que vous n'ayez
pas dit : Il faut qu'on soit sur
la commission. Je vous le dis, vous êtes les premiers à ne pas dire :
Nous, comme ordre… Je vois que mon collègue
a un grand coeur, il veut vous inclure, mais vous n'avez pas dit : Nous,
comme ordre, il faut absolument qu'on soit là, parce que je pense que
vous comprenez le but et la philosophie de cette commission-là. Puis ce qu'on a
souhaité, c'est se donner une marge de
manoeuvre parce que… Oui, deux médecins, vous comprenez que les médecins sont
très… puis on peut revoir ça, là, c'est ce
qui est prévu, mais très impliqués parce que c'est un acte réservé, la nouvelle
réalité… bon, tout ça. Mais on voulait se donner une flexibilité parce que, là,
si on écrit noir sur blanc : Une infirmière, un travailleur social, un
médecin, un psychologue, tout le monde, les pharmaciens aussi…
• (13 h 20) •
Donc, moi, je
l'apprécie. Et ça ne veut pas dire que les infirmières n'ont pas leur rôle, au
contraire, puis je pense que je vous l'ai dit quand vous êtes venues à l'autre
commission. Et on en a eu beaucoup, de témoignages : en soins palliatifs, les infirmières, ce sont les piliers,
c'est elles qui sont près des gens, c'est elles qui entendent les demandes.
C'est toujours fascinant aussi, on entend les médecins venir nous dire qu'ils n'ont
jamais eu aucune demande — aucune
demande, jamais — d'aide
médicale à mourir. C'était très intéressant, parce qu'hier quelqu'un a
dit : Vous savez, il n'y a personne qui va lever la main puis qui va
dire : Moi, je veux une aide médicale à mourir, ou je voudrais être euthanasié, ou je voudrais… Ce n'est pas ça que
les gens vont dire. Ils vont dire : Je n'en peux plus de vivre, aidez-moi
à mourir. Donc, je pense que ça, c'est
intéressant. Puis les infirmières qui sont venues nous voir nous ont dit :
C'est drôle, nous, on en reçoit souvent. Ça fait que je ne veux pas que
vous voyiez là-dedans qu'on minimise, au contraire.
Puis je veux
vous amener sur la question de l'interdisciplinarité. On le reconnaît, à l'article 8,
deuxième alinéa, que ça doit se faire
dans un souci d'interdisciplinarité, là : «Des mesures pour favoriser l'interdisciplinarité».
Moi, je trouvais ça important que ça soit consacré dans le projet de
loi.
Par ailleurs,
à 28d, dans le processus de suivi pour l'application des critères, l'équipe,
donc, interdisciplinaire doit être impliquée. Mais j'aimerais ça vous
entendre parce que…
Puis, juste
avant, je veux juste vous dire que, sur la question de l'obligation pour les
établissements, pour moi, elle est
très ferme. Je veux juste vous dire qu'il y a des établissements… L'AQESSS est
venue, l'AQESSS est ouverte, mais, pour eux, c'est très fort de
dire : Tous les établissements sont obligés d'avoir une politique, des
protocoles, d'offrir des soins palliatifs. Et, je vous le dis, ça va être non
négociable. Donc, ce n'est pas une question de : s'ils peuvent, si
possible. C'est une obligation, puis tout le monde va se mettre au travail. Fin
de ma parenthèse.
Pour revenir
à l'interdisciplinarité, il y a des gens qui nous disent par ailleurs qu'ils
ont une crainte. Puis, vous voyez,
tantôt, M. Brunet qui disait : Là, on a 24 critères, éléments de
processus, puis comment on va finir par pouvoir obtenir l'aide médicale à mourir? Puis il y a des gens qui nous
disent : Plus on va impliquer le monde formellement, je dirais, avec des obligations de consultation, plus
il y a un risque que la personne ne reçoive pas ce qu'elle demande pour
toutes sortes de raisons : pour la lenteur du processus, la longueur, pour
des objections de conscience qui pourraient se multiplier de différents membres de l'équipe. Donc, ça, j'aimerais ça
vous entendre… Parce qu'il y a des gens qui ont une position de nous dire : S'il vous plaît,
gardez ça le plus étroit possible, pour ce qui est de l'évaluation, je vous
dirais, et du processus, pour ne pas
que tout un chacun puisse intervenir, puis mettre son grain de sel, puis
complexifier les choses.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Laurent.
Mme
Laurent (Régine) : Merci. C'est
vrai que notre mémoire est, de tout temps… c'est toujours dirigé
vers : Comment est-ce qu'on va soigner,
comment on va dispenser les soins? C'est vrai, vous avez raison, c'est à nous
que ou les familles ou les patients parlent beaucoup parce qu'on passe
du temps avec eux autres et parce que, les familles, on les voit plusieurs
fois, et on établit une relation de confiance, et, effectivement, à nous ils
disent : Comment je pourrais faire? Je
ne suis plus capable, je veux qu'elle s'en aille. Et, à chaque fois, on est
démunies. Alors, depuis le début, on est tout à fait d'accord avec la
démarche que vous avez entreprise, l'ensemble des parlementaires.
Sur le rôle, oui, on y fait référence. Mais ce
qu'on ne veut pas, c'est que ça reste comme en filigrane. On veut que notre rôle soit clairement défini dans la loi.
Malheureusement, l'expérience nous dit que, quand ce n'est pas fait de
cette façon-là et que c'est laissé à d'autres, l'application, c'est drôle, tout
d'un coup, les infirmières ne sont plus là. On ne veut pas vivre ça dans le projet de loi. On n'a pas demandé d'être sur
la commission médicale. Mais par contre on veut que, là où nous sommes
concernées dans le projet de loi, ce soit clairement défini. Et c'est pour ça
que, dans le projet de loi, on disait :
Bien, c'est quoi, notre rôle, responsabilité, c'est quoi, les… comment vous
nous voyez, nous, dans le projet de
loi? C'est dans l'application. Donc, si on va avoir des problèmes dans l'application,
on veut en mettre le maximum dans le
projet de loi. Et, à mon avis, y aller de façon plus claire dans le projet de
loi, ça ne viendra ni dénaturer ni avoir des problèmes vraiment
là-dedans.
Sur l'objection de conscience, nous, on vous le
dit, on est tout à fait d'accord avec ça. On ne pense pas, en tout cas, chez
les membres de la fédération, qu'on va avoir des problèmes majeurs là-dessus.
Ce qu'on devra faire…
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
Mme
Laurent (Régine) : Bien sûr.
Ce qu'on devra faire, comme organisation, c'est vraiment de voir
comment, quand ça se présente, comme
maintenant il y a d'autres difficultés, comment est-ce qu'au sein des équipes
de travail on peut réorganiser le
groupe de patients auquel on est dédiées pour l'heure de travail ou pour la
semaine de travail. Sincèrement, chez nous, quand on a fait les
consultations, vraiment, l'objection de conscience, il n'y a à peu près rien eu
là-dessus. Donc, pour nous, on est très à l'aise avec ce que vous apportez à ce
niveau-là.
Et, comme je termine, je veux vous remercier
infiniment de nous avoir donné l'opportunité de cet échange et de vous
présenter…
Le Président (M. Bergman) : L'audition
n'est pas encore complétée.
Mme Laurent (Régine) : Ah bon! O.K.
Je vais pouvoir continuer à parler. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bergman) : C'est
la fin du bloc du gouvernement. Alors, maintenant, le bloc du deuxième groupe d'opposition.
Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault :
12201 Mme Daneault :Merci, M.
le Président. Oui, il nous reste encore du temps, mais un petit peu.
Malheureusement, je n'en ai pas beaucoup. Merci de votre présence
aujourd'hui.
D'ailleurs,
je veux juste, avant de vous poser votre première question, vous appuyer sur le
fait que de donner des soins, et des
soins palliatifs, mais tous les soins, ça ne se minute pas, on est à soigner
des humains. Et je pense qu'avec les années on a comme oublié, par
manque de budget, ce que sont des soins, d'abord, de santé. Alors, là-dessus,
je vous comprends très bien. J'aurais
préféré voir la méthode lean appliquée aux agences qu'à ceux qui donnent les
soins comme les infirmières, les médecins. Alors, bon, bref, mon
commentaire.
Sincèrement,
ma question est… On a parlé d'uniformité des soins de fin de vie, ce qui est…
Finalement, l'aide médicale à mourir,
c'est une nouvelle notion de soins. Quand on regarde l'expérience qu'il y a
ailleurs, dans les autres pays, ça ne sera pas une majorité de patients
qui vont avoir recours à cette aide médicale à mourir. Et là, quand on parle d'uniformité
de soins dans toutes les régions, il y a certains groupes qui sont venus nous
questionner à cet effet-là, et j'imagine que
vous avez aussi les mêmes interrogations. Mais moi, je voudrais vous entendre
sur le fait que, bon, ça va devenir
un soin qui est quand même… qui ne sera pas généralisé, qui va devenir comme
surspécialisé. Est-ce que vous voyez
l'application de cette aide médicale à mourir là avec des équipes
multidisciplinaires qu'on devrait former par région, qui sont reliées à
un centre hospitalier, ou à un CLSC, ou… Je ne sais pas comment vous avez vu la
réalisation et l'application, vous qui êtes sur le terrain au quotidien et vous
qui avez à prodiguer la majorité des soins aux patients.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Laurent.
Mme
Laurent (Régine) : Merci.
Vous avez raison, c'est vrai, ce n'est pas une majorité de patients qui vont
le demander, mais on est aussi pour le libre
choix. Donc, ceux qui vont le demander, on souhaite qu'ils puissent y avoir
droit.
Vous avez aussi raison, ça va être des équipes…
un soin surspécialisé. Pour nous, par exemple, on pourrait le prendre sur le territoire des CSSS. Il y en a
partout, au Québec, des CSSS. Alors, ça pourrait être, par exemple, des
équipes. Parce que c'est une expertise
particulière, hein? Travailler en soins palliatifs, travailler en soins de vie,
c'est vraiment autre chose. Donc, ça
pourrait être par territoire de CSSS, et on pourra le regarder de cette
façon-là, surtout dans les endroits où la population est moins dense.
Donc, on pourra évaluer de cette façon-là.
Mais on pense qu'effectivement il faut avoir de
plus en plus d'équipes formées qui développent l'expertise pour être capables non seulement d'accompagner, mais
aussi pour être capables de soutien clinique à leurs collègues parce
que, vous le savez, je n'ai pas à vous convaincre, on a beaucoup,
malheureusement, de nos citoyens et concitoyennes qui meurent sur une civière encore à l'urgence.
Alors, si on est capables d'avoir ces équipes-là, multipliées, qui sont
un soutien clinique aussi, je pense que ce serait encore bien.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Groulx, il vous reste deux minutes.
Mme
Daneault :
Merci. Vous connaissez aussi le choix de la majorité des patients, de plus
en plus, de pouvoir mourir à domicile, et je pense que, de plus en plus,
on va devoir développer cette expertise-là à domicile. Est-ce que, selon vous… Bon, par territoire de CSSS, c'est une
chose, mais je pense qu'il faut prévoir aussi cette aide-là à domicile. Puis, encore là, on arrive avec la complexité d'uniformiser
le niveau de soins et la qualité aussi pour que ça soit uniforme à l'ensemble
du Québec.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Laurent.
• (13 h 30) •
Mme Laurent (Régine) : Oui, je
comprends. Et, à l'intérieur des CSSS, à ce moment-là, quand on parle du domicile, il faut miser sur les CLSC. Et, comme
dans différents programmes actuellement, il y a des équipes, donc on
pourrait avoir des équipes effectivement liées par le CLSC et qui dispensent
les soins à domicile, et ça, on en a sur tout
le territoire québécois. Nous, on en serait très contentes. Et c'est pour ça
que c'est un des principes qu'on appuie dans le projet de loi. C'est que, par exemple, pour les CLSC, soins à
domicile, on n'est pas allé pointu comme ça dans notre mémoire, mais c'est
aussi redonner, à quelque part, aux CLSC leur vocation réellement
communautaire. Un CLSC où on a une équipe qui accompagne sur le territoire,
nous, on pense que ça redonne la vocation aux CLSC. Merci.
Le Président (M. Bergman) :
Alors, malheureusement…
Mme Laurent (Régine) : Un petit
instant, Mme Boisclair voulait ajouter quelque chose.
Mme Boisclair (Michèle) : Je
voudrais ajouter quelque chose. Vous avez parlé beaucoup des maisons de soins
palliatifs avec une vision communautaire. Bon. Régine vous l'a dit, ce n'est
pas quelque chose qu'on s'oppose, mais ce qu'on
souhaiterait, c'est que, dans ces maisons-là, les soins professionnels
soient offerts par les professionnels du réseau de la santé, un peu ce
qu'on a fait avec les GMF quand on a,
à ce moment-là, regardé, dans les ententes, à ce qu'une infirmière du CLSC prenne ça. Moi, je pense que,
dans les maisons qui s'ouvriraient, avec un volet plus communautaire,
les infirmières, les infirmières auxiliaires, qui seraient intéressées à y
aller, iraient parce qu'elles ont la formation. Quand on parle d'uniformisation,
c'est qu'il y ait un concept, une philosophie qui soit bien comprise par les gens
qui prendraient ces cours-là, et, à ce moment-là, on aurait une réponse
adéquate.
Alors, moi, je pense que le gouvernement doit
vraiment privilégier de prendre des professionnels en soins qu'on retrouve dans
notre réseau de la santé et de pouvoir faire des ententes de prêts de service
pour des périodes de temps dans ces maisons-là.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est
écoulé. Alors, Mme Laurent, Mme Boisclair, Mme Doyon, Mme Martin, merci
pour votre présentation. Merci d'être avec nous, ici, partager votre expertise.
Et, collègues, la commission ajourne ses travaux
au mardi 1er octobre 2013, à 10 heures, afin de poursuivre les consultations
particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 52.
Merci, collègues.
(Fin de la séance à 13 h 32)