(Douze heures)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre,
s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance
de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte.
La commission est réunie afin de poursuivre les
consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi
n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Non, M. le
Président.
Auditions (suite)
Le
Président (M. Bergman) : Alors, collègues, nous recevons ce matin Vivre dans la dignité. Alors, bienvenue, vous avez 15
minutes pour faire votre présentation et, s'il vous plaît, donnez-nous vos noms
et vos titres. Et le prochain 15 minutes, c'est à vous.
Vivre dans la dignité
M. Steenhout (Nicolas) : Merci. M.
le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs, je m'appelle Nicolas Steenhout. Ça fait 20 ans que je travaille dans le domaine du droit des personnes
handicapées, avec un intérêt particulier
dans le sujet de l'euthanasie. Me Racicot, à ma toute droite, est avocat,
a été un associé de McCarthy Tétrault jusqu'à
sa retraite. À ma droite, ici, c'est le Dr Marc Beauchamp, il est chirurgien
orthopédique. Il a été assistant-professeur à l'Université de Montréal,
il fait de la recherche clinique et il a enseigné la bioéthique au département
de chirurgie. Dr Beauchamp est le président de Vivre dans la dignité.
Vivre dans la
dignité est un mouvement citoyen à but non lucratif, areligieux et sans
affiliation politique. Ça a été formé
en 2010. Vivre dans la dignité regroupe des milliers de personnes, pas juste
des médecins mais des personnes de
tous horizons. Notre mission est de défendre les droits inhérents et
inaliénables de chaque individu. Notre mémoire a été déposé en français
et en anglais. Et je passe la parole à Me Racicot.
M. Racicot (Michel) : Dr Beauchamp.
M. Steenhout (Nicolas) : Pardon!
M. Beauchamp (Marc) : Non, désolé, c'est
plutôt Dr Marc Beauchamp qui va parler. On vous remercie grandement de l'invitation qui nous a été faite de
pouvoir venir vous parler ici. Et on est venus d'abord et avant tout, je
le dis d'entrée de jeu, pas tellement pour
parler de tous les aspects du projet de loi n° 52, mais plutôt pour parler
spécifiquement de celui qui fait débat
actuellement, et qui fait débat de façon importante au Québec, et on parle,
bien sûr, de ce qui est désigné dans
la loi comme aide médicale à mourir. On pourra parler un peu aussi, un peu plus
loin, de sédation palliative avec
intention de provoquer la mort. C'est surtout autour du débat autour de l'aide
médicale à mourir qu'on aimerait centrer notre intervention aujourd'hui.
On vient
aujourd'hui… Comme on l'a dit, Vivre dans la dignité est un mouvement
populaire. Ce n'est pas des dirigeants
d'associations médicales comme les dirigeants que vous avez déjà rencontrés la
semaine passée, ce n'est pas tous des
médecins non plus. Il y a beaucoup de médecins, il y a beaucoup d'infirmières,
beaucoup de monde, des gens de la santé,
mais beaucoup de gens, j'ose le dire, là, ordinaires qui viennent de tous les
milieux. C'est ces gens-là qu'on est venu représenter aujourd'hui et c'est ces gens-là qu'on veut représenter en
voulant apporter aux députés, en voulant apporter ici, à l'Assemblée
nationale, des éléments d'information qui, nous l'espérons, vont permettre de
comprendre l'ampleur de qu'est-ce qui est en train de se jouer ici et de qu'est-ce
qui va se jouer ici.
On a l'impression,
jusqu'à maintenant, d'une certaine façon, que ce n'est pas tout le monde qui
est saisi de l'ampleur de qu'est-ce qui est en train de se
décider… — pas
dans cette salle, mais qui va se décider dans l'autre salle — de qu'est-ce
qui est en train de se décider au Québec. Ce qui est en train de se décider au
Québec, au niveau du système de
santé, c'est probablement la plus grosse réforme, la plus grande nouveauté
depuis l'instauration de l'assurance maladie, en 1970, parce qu'on est
en train de réécrire la loi médicale actuellement.
Je vais m'expliquer.
Il y a une ligne rouge qui existe dans la médecine puis une ligne rouge qui
existe dans la société aussi, et
cette ligne rouge là qui existe actuellement dans notre société occidentale,
moderne, démocratique, c'est qu'un être humain n'a pas le droit d'enlever
la vie à un autre être humain. La seule exception à ça, ça a été dans les cas
de peine de mort, et ça a été enlevé du
droit canadien il y a plusieurs décennies, malgré un appui populaire très fort
pour le réintégrer, mais on l'a
enlevé. Donc, cette ligne rouge là, on veut l'effacer, actuellement. On veut l'effacer
et on veut que ceux qui vont l'effacer et la mettre en pratique soient des gens du corps
médical, des médecins. Et c'est le contexte dans lequel on s'adresse à
vous.
Parce que
vous, vous allez avoir, comme députés, une responsabilité immense. Qu'est-ce
qui va se passer à petite, moyenne,
grande échelle? On pourrait discuter des chiffres un peu plus tard, c'est que
des centaines ou peut-être même des milliers
des personnes, à chaque année, vont mourir de la main d'une autre personne,
cette personne-là étant probablement un
médecin. Vous allez avoir la responsabilité, le jour du vote, de donner le
permis, de donner le feu vert à ces gens-là pour faire ça. Donc, chaque député qui va voter, qui va appuyer la loi
va avoir dans sa conscience la responsabilité de quelque chose qui va non seulement influencer la vie des gens, mais qui
va faire cesser la vie des gens. Il y a des personnes qui vont prendre
une seringue et qui vont injecter quelqu'un qui va mourir tout de suite, dans
quelques secondes, quelques minutes peut-être, cinq au plus. C'est de ça qu'on
parle. Alors, votre responsabilité, elle est énorme, elle est vraiment énorme,
et nous voulons…
Vous allez
voter comme votre conscience va vous le donner, parce que je ne peux pas
imaginer que quelqu'un ne va pas prendre cette responsabilité-là sans
faire recours à sa conscience personnelle. Puis d'ailleurs je suis à peu près certain que tous les partis vont donner le droit
de vote selon la conscience, que ça va être un vote libre. Et j'espère
que Mme la ministre va me le confirmer
aujourd'hui parce que, pour un enjeu aussi important, il est question de
conscience parce qu'on va avoir la
responsabilité de décès, la responsabilité de morts. Là-dessus, je vais céder
la parole à Me Racicot.
M. Racicot
(Michel) : Merci. M. le
Président, Mme la ministre, mesdames, messieurs, je voudrais, tout d'abord,
avant de parler du projet de loi n° 52,
juste rétablir que la santé est évidemment de droit provincial, et le droit
criminel est de droit fédéral. Et, si on
regarde la pratique médicale actuelle, il y a beaucoup de gestes qui sont
permis et qui n'ont pas à aller aussi loin que l'aide médicale à mourir.
On peut refuser et interrompre un traitement. Dans ce cas-là, quand on refuse
ou on interrompt un traitement, il s'agit de laisser mourir, mais non pas de
faire mourir.
Quand on
parle d'acharnement thérapeutique aussi, l'acharnement thérapeutique, que ce
soit à la demande de la famille ou par le médecin lui-même qui prend
cette initiative-là, c'est interdit. Donc, quand on refuse l'acharnement thérapeutique, que ce soit par le médecin, le
patient ou ses proches, on ne veut pas donner la mort, on accepte de ne
pouvoir l'empêcher. Nous allons tous y passer un jour, alors on ne veut pas
faire ça.
La sédation
palliative. Il existe une énorme confusion au sujet de la sédation palliative,
on a vu ça encore hier soir. Dans le
fond, au niveau de la sédation palliative, il faut tout simplement distinguer
celle qui vise à causer la mort et celle qui vise tout simplement à soulager. Alors, nous sommes très à l'aise avec
les définitions de sédation palliative continue ou sédation palliative intermittente, qu'on retrouve d'ailleurs
dans le rapport de la commission, et nous incitons le gouvernement à
introduire ces choses-là en précisant toujours cependant que l'intention n'est
pas de causer la mort, mais de soulager la souffrance.
Que vient
changer le projet de loi n° 52? Le projet de loi n° 52 vient
redéfinir la pratique de la médecine. Pour la première fois, on ajoute
une activité aux médecins qui ne va pas dans le sens de soigner quelqu'un. On
prévoit qu'il s'agit d'administrer un
médicament ou une substance à une personne en vue «d'obtenir l'aide médicale à
mourir». C'est un énorme changement
éthique depuis le serment d'Hippocrate, il y a 24 siècles, donc 500… 400
ans avant Jésus-Christ. Ce qui est
nouveau, c'est qu'on introduit l'aide médicale à mourir. Pour un geste aussi
important, le projet de loi n° 52 n'en comporte aucune définition.
Alors, on va
se tourner vers le rapport de la commission, qui nous dit que l'euthanasie, sous
la forme d'une aide médicale à
mourir, c'est ce qu'on propose, et on dit : «Bien que le terme
"euthanasie" soit celui qui est utilisé en Belgique et [en Hollande], les auditions publiques ont fait
ressortir que ce terme est très chargé…» Donc, on a édulcoré le terme et
on dit : On va retenir l'expression
«aide médicale à mourir». Donc, l'aide médicale à mourir, c'est de l'euthanasie,
le rapport le reconnaît lui-même.
Et le rapport
reconnaît aussi qu'est-ce que c'est, l'euthanasie. L'euthanasie, c'est un
«acte qui consiste à provoquer intentionnellement la mort d'une personne
à sa demande pour mettre fin à ses souffrances». Donc, l'aide médicale à mourir, c'est de l'euthanasie. Mais on va plus
loin, on définit aussi, dans les actes réservés aux médecins, ce que c'est,
mais pas quand il s'agit de définir vraiment l'acte lui-même.
• (12 h 10) •
Et cette définition d'«euthanasie» qu'on
retrouve dans le rapport de la commission et qui correspond à l'aide médicale à
mourir, ça correspond à la définition d'«homicide» du Code criminel, et un
homicide coupable, c'est un meurtre. Même le Collège des médecins reconnaît qu'il
s'agit d'un acte qui consiste «à provoquer intentionnellement la mort d'une
personne». La Société royale canadienne reconnaît que l'euthanasie volontaire,
tout comme l'aide au suicide, est nettement illégale. Et, finalement, dans le
rapport de la commission, on reconnaît que, «selon le Code criminel[…], l'euthanasie et le suicide sont des
actes criminels». Donc, l'aide médicale à mourir, c'est un acte
criminel, de l'aveu même du rapport de la commission.
Je vais parler maintenant des conditions d'éligibilité.
Il y a eu beaucoup de choses qui se sont dites sur les critères d'éligibilité en disant qu'ils étaient clairs, qu'ils étaient
restrictifs, etc. Jamais, dans les conditions d'éligibilité, on ne dit qu'une personne est en phase terminale, ou en
fin de vie, ou, pour reprendre une expression que vous avez utilisée
hier, Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine, une condition où on parle d'une mort imminente.
Le Collège des médecins, bien que
très favorable à la loi, reconnaît ces difficultés, et on dit : «…la condition voulant que la
mort soit inéluctable et imminente
devrait être formulée explicitement, en faisant appel à la notion de
"phase terminale".» Quand on parle des souffrances de la
personne, des souffrances que la personne juge tolérables, c'est très
subjectif.
J'en viens à
la sédation palliative terminale. Je pense que je n'ai pas besoin d'insister,
on est d'accord avec les définitions qui sont dans le
rapport, mais certainement pas avec l'utilisation du terme «sédation palliative
terminale», qui vient
d'une confusion qu'on retrouvait dans le rapport Ménard. Mais, même dans le
rapport Ménard, on reconnaît que, quand la sédation terminale n'a pas pu
entraîner la mort… — et
je lis — «constitue
une aide au suicide ou une sorte d'euthanasie».
Alors, actuellement, dans la population, quand on parle d'aide médicale à mourir ou quand
on parle de sédation palliative
terminale, il y a une très grande confusion. Et je pense qu'il y va
de votre responsabilité comme législateurs de dissiper cette confusion et de venir dire exactement
de quoi il s'agit, d'autant plus que, dans le cas de la sédation
palliative terminale, il n'y a
aucun des contrôles qui s'appliquent, comme à l'aide médicale à mourir. Hier,
on a dit qu'on venait mieux encadrer la sédation palliative terminale.
Ce qu'on vient faire, c'est clarifier le consentement libre et éclairé, qui est
déjà une condition pour tout acte médical. On offre l'aide médicale à mourir
pour respecter l'autonomie de la personne,
mais on oublie l'autonomie des médecins, l'autonomie des directeurs des
services professionnels. Le médecin doit référer au DSP s'il refuse. Le
DSP doit trouver quelqu'un. Le DSP n'a pas droit à l'objection de conscience.
Quand on
parle des normes, on va avoir plusieurs normes : le ministre va déterminer
des orientations; chaque ordre professionnel va adopter des standards
cliniques; chaque agence de santé, des modalités d'accès; chaque CMDP, des protocoles cliniques; puis chaque établissement,
un programme clinique. Hier, Mme la ministre, vous avez dit que les protocoles — dans un échange avec le Dr Bergeron — étaient pour être uniformes. Il n'y a aucune
obligation ni garantie d'uniformité
de toutes ces politiques, qui pourraient être très contradictoires, à travers
le Québec. Et, quant aux contrôles qu'on
propose par la nouvelle commission sur les soins de fin de vie, on n'a qu'à s'en
référer à l'existence de ce qui s'est fait, au rapport de ce qui s'est
fait en Hollande, qui est annexé.
On prétend
que c'est un soin. Regardez toutes les lois du Québec en matière de santé. Je
résume, c'est tout dit dans la loi de
santé publique : protéger, maintenir, améliorer l'état de la santé. Le
rapport de la commission va même plus loin, on reconnaît que le suicide assisté ne peut être considéré comme un soin.
Si le suicide assisté n'est pas un soin, comment prétendre que l'aide
médicale à mourir est un soin?
Et, en plus,
ce projet de loi là viole les deux chartes, québécoise et fédérale. Et
pourquoi? On a des prémisses, des postulats éthiques que l'on retrouve
dans le rapport Ménard : «…le caractère sacré de la vie — dit-on — n'a
de sens que si la dignité de la vie en fait
partie.» Et écoutez bien ça, si vous ne l'avez jamais lu : «…l'intérêt de
l'État à préserver la vie diminue en
fin de vie. L'autonomie de la personne redevient prépondérante, et l'État n'a
aucun intérêt à forcer une personne à
poursuivre une vie qui a perdu l'essentiel de son humanité.» Mais on peut
arrêter les soins, on peut soulager les gens, on n'a pas besoin de les
tuer. J'en arrive à la question importante : Combien d'euthanasies? On y
reviendra peut-être en en parlant tantôt.
Mais, devant
une question aussi grave, nous avons une proposition à vous faire, en espérant
qu'elle rallie tous les partis et tous les députés. Premièrement, comme
le disait le Dr Beauchamp, un vote libre. Si on a confiance dans l'autonomie de
la personne pour lui donner le pouvoir de décider si elle veut mourir ou non,
je pense qu'il faut avoir confiance dans l'autonomie et le jugement de tous les
députés pour respecter leur autonomie et leur permettre de voter selon leur
conscience.
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
M. Racicot (Michel) : Deuxièmement,
si cette loi est adoptée, nous avons confiance dans notre position constitutionnelle, comme vous, vous avez sans
doute confiance dans la vôtre, alors voici ce que nous proposons. Si la
loi est adoptée après un vote libre, qu'il y ait une résolution unanime de tous
les partis de soumettre les questions constitutionnelles à la Cour d'appel du
Québec. Ça n'a pas besoin d'être une résolution unanime parce que le cabinet a le pouvoir de faire cette résolution en vertu de
la Loi sur les renvois à la Cour d'appel. Et, si le gouvernement en
place ne le fait pas, le gouvernement
fédéral a le pouvoir de le faire. En vertu de l'article 53 de la Loi de la Cour
suprême, le gouvernement fédéral a le pouvoir de référer le tout, mais
alors ça va aller directement à la Cour suprême. Je vous en supplie, si le projet de loi passe, ne laissez pas
l'odieux aux comités de citoyens d'avoir le fardeau financier de
défendre notre position.
Le Président
(M. Bergman) : Merci pour votre présentation. Et maintenant le
gouvernement pour le premier bloc. Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui, merci beaucoup, M. le Président. Merci à vous trois, membres du groupe
Vivre dans la dignité. Je suis
vraiment désolée pour la qualité de ma voix. Je ne vous ferai pas souffrir trop
longtemps, je vais passer la parole à mes
collègues sous peu. Ce n'est pas parce que je manquerais de questions, mais je
pense que… C'est ça, ça a l'air plus souffrant que ce que c'est, mais
bon.
Écoutez, je
veux vous remercier. Je sais à quel point vous vous êtes engagés dans cette
cause-là. On ne partage pas le même point de vue, mais je pense qu'on a
toujours été capables, avec les gens de Vivre dans la dignité, avec votre prédécesseure, notamment, qui était très présente,
comme M. Steenhout est très présent pour les présentes auditions, aux travaux de la commission spéciale… Et je dois vous
dire que, même si on ne partage pas le même point de vue, j'ai vu à quel
point vous avez mis un soin — et c'est le cas de le dire — et
beaucoup de profondeur dans ce que vous nous soumettez aujourd'hui. Donc, je
vous en remercie.
Simplement
quelques précisions. En quoi l'aide médicale à mourir… pourquoi ce mot-là et
pourquoi pas le mot «euthanasie»? Et on l'a expliqué à plusieurs
reprises, et le mot «euthanasie», qui, en passant… c'est un aparté, mais il n'apparaît pas dans le Code criminel. C'est l'association
que certains font en disant que c'est un homicide parce qu'il remplit
les conditions, mais le mot «euthanasie» n'est pas dans le Code criminel, on ne
le retrouve pas, on retrouve «suicide assisté». Pourquoi le mot «aide médicale à mourir»? Il n'y a
aucune volonté de tromper les gens, de cacher le mot «euthanasie», bien que c'est vrai que le mot «euthanasie» est un mot
très chargé parce qu'on parle d'euthanasie des animaux, parce qu'on
parle d'euthanasie dans le régime nazi. Donc, oui, c'est un mot très, très
chargé. Mais la raison fondamentale, c'est
que l'aide médicale à mourir se distingue sur deux éléments. Vous m'avez
entendue le dire, je suis sûre que
vous avez suivi le dépôt du projet de loi, et tout ça, mais l'aide médicale à
mourir, ça suppose en tout temps que la demande vient de la personne, ce
qui n'est pas intrinsèque à la notion d'euthanasie. Et par ailleurs ça suppose
le contexte médical, ce qui, juste par les exemples que je viens de donner, n'est
pas entendu évidemment avec le terme «euthanasie». Et vraiment c'est une idée
fondamentale.
Puis, moi, j'aurais
aimé ça que vous parliez des autres aspects du projet de loi sur lesquels je
pense qu'on se rejoint, donc la
consécration des soins palliatifs, l'importance de les reconnaître formellement
pour la première fois dans une loi. J'aurais
aimé ça aussi, donc, que vous reconnaissiez que cette obligation qui est faite
aux établissements de les fournir est une
avancée. Mais, je peux comprendre, vous avez 15 minutes, vous focussez sur ce
qui vous préoccupe le plus. Mais, pour
nous, c'est vraiment fondamental, et ça se situe dans un continuum. Et l'idée,
là, ce n'est jamais de mettre fin à la vie de quelqu'un. Oui, ça peut
être l'effet. Mais l'idée, c'est quoi? C'est d'arrêter la souffrance de quelqu'un
pour qui il n'y a pas d'autre moyen d'arrêter la souffrance. Alors, c'est la
première nuance que je voulais faire.
• (12 h 20) •
Pour ce qui est de la sédation, on a eu un très
bon échange hier soir, je crois, et, bien sincèrement, pour moi, «sédation
terminale» ou «sédation continue», c'est la même chose. Donc, si le terme
«sédation continue» fait plus consensus, c'est le terme qu'on pourra utiliser. Pour moi, vraiment,
il n'y a pas de… je ne voyais pas cet enjeu-là. C'est
vrai que le rapport Ménard utilise
«terminale». Et je pensais, et avec
les consultations qu'on avait faites… Parce que le mot, dans l'autre
commission, était vraiment… les deux expressions étaient employées, et on
pensait que l'expression «sédation
terminale» était plus juste. Mais, si vous préférez «sédation continue», on
fera les travaux et on va regarder si c'est possible de le modifier.
Pour moi, l'idée,
c'est que la sédation continue, comme je l'ai dit hier, c'est que quelqu'un est
endormi, placé, en quelque sorte,
dans un coma artificiel. Et la différence entre l'intermittente et la continue,
c'est que l'intermittente, on le ramène de temps en temps pour voir s'il
souffre toujours, alors que la continue, on se dit qu'on n'a pas d'autre choix
que de le laisser dans cet état-là jusqu'au décès. Donc, voilà, pour moi, la
différence.
Moi, la
question que j'aimerais vous poser… Je sais que vous allez me venir sur l'intention,
mais moi, je veux que vous vous
placiez de la perspective du patient, le patient à qui on peut tout à fait
retirer un respirateur en sachant qu'il va arrêter de vivre. Et il y a
quelqu'un qui est venu nous voir, lors des consultations de la commission, nous
a dit : Vous savez, moi, j'ai
accompagné ma femme qui avait une maladie, qui était sous respirateur depuis
des mois, et le processus pour l'accompagner
ou prendre cette décision-là, il a été le même que pour l'aide médicale à
mourir parce qu'on savait très bien ce qui allait s'ensuivre.
C'est sûr que les médecins nous disent : Ah
oui, mais ce n'est pas pareil, l'intention, ce n'est pas pareil, c'est d'arrêter un traitement, ce n'est pas de poser un
geste actif. Je peux comprendre que vous faites cette nuance-là comme soignants, mais, pour la personne qui sait très
bien l'effet pour sa famille et pour le processus, même pour le médecin…
Les médecins nous ont dit : Vous savez,
il y a tout un processus qui entoure ça aussi, ce n'est pas simple non plus.
Quand on se place de cette perspective-là,
puis qu'il y a des gens, eux, qui ne sont pas branchés mais qui souffrent et qu'on
n'arrive pas à soulager, quelle option — puis on parle autant de gens
qui ont le cancer que de gens qui ont des maladies neurodégénératives — quelle
option on leur offre? Puis comment on peut dire que cette différence-là est
vraiment fondamentale du point de vue du patient?
M. Beauchamp (Marc) : J'ai plusieurs
choses à dire…
Le Président (M. Bergman) :
Dr Beauchamp.
M. Beauchamp (Marc) : Pardon?
Le Président (M. Bergman) :
Me Racicot.
M. Racicot (Michel) : Non, Dr
Beauchamp.
M.
Beauchamp (Marc) : Je fais
de la… soigne la douleur, d'une certaine façon, par la chirurgie
orthopédique. J'ai traité beaucoup de gens
qui sont décédés suite à leur chirurgie, des gens qui étaient très malades, à l'époque
où j'étais à l'Hôtel-Dieu de
Montréal. J'ai le bonheur aussi d'être l'époux d'une femme qui pratique l'oncologie
médicale. Alors, la discussion sur les patients souffrants, qu'est-ce
que les patients demandent, comment le patient le vit, la perspective du
patient, comme vous le dites, je suis très familier.
Ce que les
gens veulent, c'est qu'on s'occupe d'eux autres. Je comprends que la demande
verbale, parfois, c'est : Tuez-moi ou mettez fin à ça. Je vais
donner un exemple. Il y a deux semaines, il y a un patient qui s'est présenté à
l'urgence de l'Hôpital du Sacré-Coeur, métastatique, il réclamait la mort. Et
les gens ont eu… ils lui ont offert un analgésique. Le lendemain, il a demandé
plus de traitements. Alors, quand les gens formulent une demande, ce qu'ils
veulent surtout, c'est des soins. Je comprends qu'il y a des cas qui sont
difficiles, qui sont extrêmes.
La médecine
moderne, surtout dans les dix dernières années, au niveau du contrôle de la
douleur, a fait des pas de géant, et il faut le reconnaître, ça. Dr
Mount a créé les soins palliatifs au Québec, et c'est en train de se répandre,
puis on fait un effort
pour que tout le monde en ait. On répond à la demande de ces patients-là dont
vous parlez. Ce qui est très problématique,
ici, c'est que la subtilité : arrêter un traitement versus tuer quelqu'un.
On prend une distance pas seulement d'avec
qu'est-ce qui se passe dans la vraie vie, aussi dans les unités médicales, mais
on prend une distance aussi avec la communauté médicale mondiale. Il
faut le comprendre, ça.
En guise d'exemple,
il y a un amalgame, dans le projet de loi n° 52, des soins palliatifs avec
l'aide médicale à mourir qui est
inscrite dans le cadre des soins de fin de vie. Ça, c'est la déclaration de l'Organisation
mondiale de la santé, qui décrit les soins palliatifs, je pourrai vous
donner une copie, il y en a une pour chacun de vous : «…[soulagement de] la douleur et autres symptômes[...];
soutiennent la vie et considèrent la mort comme un processus normal; ne
visent ni à hâter ni à différer la mort»;
et, après ça, tous les autres aspects psychologiques. Ça, c'est la définition
qui est acceptée partout dans le
monde. On ne veut pas prendre une distance par rapport à ça puis inventer, au
Québec, des nouveaux termes, des nouveaux concepts de soins palliatifs
qui incluent la mort donnée, etc. Si moi, je faisais ça comme chirurgien puis
que j'utilisais une sémantique, des termes qui ne correspondent pas à qu'est-ce
qui est la norme du bon traitement médical mondial, dans des congrès aux
États-Unis, en Europe, partout, je ne serais pas crédible.
Alors, vous,
qu'est-ce qui a été fait avec le projet de loi n° 52, c'est de prendre une
distance avec qu'est-ce que les Nations unies puis l'Organisation
mondiale de la santé reconnaissent comme soins palliatifs. Puis les impacts de
ça vont être immenses. Les impacts dans les
unités de soins palliatifs, ils vont être immenses. L'impact de la confusion
qui a été créée par l'invention de ces nouveaux termes là, il est immense déjà.
J'ai pu le mesurer cet été auprès de mes collègues
et dans la population. Vous avez créé une confusion, peut-être
involontairement, en utilisant les nouveaux termes, mais vous avez créé
énormément de confusion.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre…
M. Racicot (Michel) : Je vais faire
certains commentaires…
Le Président (M. Bergman) : Me
Racicot.
M. Racicot
(Michel) : …au niveau du
droit. Je voudrais rappeler aussi qu'il y a une énorme différence, ce n'est
pas juste une nuance quand on parle à quelqu'un de se donner la mort. Vous avez
parlé que le mot «suicide assisté» ne se retrouve pas dans le Code criminel,
pas plus que l'expression «euthanasie». Le Code criminel utilise l'expression «aide au suicide», «conseiller le suicide»,
«encourager quelqu'un à se donner la mort». Et, chose que tout le monde
semble oublier, l'article 14 du Code
criminel dit que personne «n'a le droit de consentir à ce que la mort lui soit
infligée» et, même si la personne consent, ça ne diminue pas la
responsabilité de celui qui pose le geste. Alors, il s'agit ici d'une étape beaucoup plus importante que ce qu'on semble
vouloir dire. Et il y a une énorme confusion dans la population. Je sais
que vous avez dit, selon vos sondages, qu'il
y a un consensus, il y a un consensus sur ce projet de loi. Je ne sais pas sur
quoi vous fondez cette affirmation.
Le Président (M. Bergman) :
Alors, ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Pour le premier bloc de l'opposition
officielle, Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Merci, M. le
Président. Alors, messieurs, bienvenue parmi nous. On a eu la chance d'avoir la
présence, de pouvoir compter sur la présence de M. Steenhout depuis le
début de nos travaux et maintenant on a la chance de vous entendre.
J'aimerais
pouvoir poursuivre la discussion sur toute la question des termes. Je vous
avoue que cet élément-là, pour moi, m'apparaît
essentiel dans tout le débat sur la question du projet de loi n° 52, c'est-à-dire
d'utiliser les bons termes, les mots justes. Puis je pense que ce n'est
pas une préoccupation qui doit s'appliquer exclusivement à l'étude du projet de
loi n° 52, mais bien à l'étude de tous
les projets de loi qui nous sont présentés. Et je pense que ça a toujours été
un souci de la part de tous les parlementaires d'utiliser les bons
termes, de prendre les bons mots.
Comme je l'ai
dit à quelques reprises également, je n'ai pas eu le privilège d'entendre
toutes les consultations lors de la
commission spéciale sur mourir dans la dignité. Donc, évidemment, j'ai pris ce
projet de loi là avec un oeil plus neuf, c'est-à-dire, c'est un regard
différent, n'ayant pas été impliquée dans le projet de loi. Et mon premier
réflexe, lorsque j'ai lu le projet de loi,
ça a été de me dire : On a peu de définitions pour des concepts qui ont un
impact quand même important et qui vont
toucher les gens vraiment directement. Et la confusion dont vous parlez, je l'ai
sentie aussi parce que j'ai fait des consultations auprès des citoyens
de ma circonscription, j'ai senti que les termes… on n'était pas trop certains
de ce que le législateur entendait par l'utilisation de certains termes. Et
donc j'aimerais pouvoir continuer les échanges avec vous là-dessus.
Est-ce qu'à
votre avis… Parce qu'on a toujours ce souci-là de s'assurer que tout projet de
loi soumis au vote des parlementaires
soit le meilleur projet de loi possible puisqu'un vote libre, comme vous le
suggérez, peut amener à l'adoption d'un
projet de loi, hein? Vous en êtes conscients, un vote libre n'apporte pas
nécessairement le rejet d'un projet de loi. Il pourrait aussi bien, un vote libre, avoir… obtenir… Un projet de loi
pourrait obtenir l'appui d'une majorité de députés, et donc nous nous
retrouverions avec un projet de loi en vigueur qui vient modifier de façon
substantielle la façon dont on aborde les soins de fin de vie au Québec.
• (12 h 30) •
Quelle
serait votre définition de l'aide médicale à mourir? Est-ce que je comprends qu'on
devrait utiliser le terme «euthanasie» comme on le fait dans d'autres
législations qui traitent de la question ailleurs dans le monde? Est-ce qu'on peut conserver le terme «aide médicale à mourir», mais
lui donner une définition particulière? Est-ce qu'on doit utiliser… Est-ce qu'on devrait utiliser la définition que vous avez
retirée, qui a été élaborée par les collègues de la commission spéciale? Et, quant à la sédation
palliative, est-ce que la suggestion de Mme la ministre, c'est-à-dire d'utiliser
le terme «sédation palliative continue» et de la définir, évidemment, serait
une alternative envisageable pour vous?
Le Président (M.
Bergman) : Me Racicot.
M. Racicot (Michel) : Je vais reprendre vos questions dans l'ordre inverse. Premièrement, je
trouve ça très sage que vous décidiez
d'éclaircir ça. Parce que j'ai une vie en dehors de ma vie d'avocat. Depuis
deux ans et demi, je suis très, très souvent
à l'étage des soins palliatifs dans un CHSLD que Mme Daneault connaît très
bien, à Sainte-Thérèse. Et, quand on demande
aux infirmiers, infirmières, préposés : Êtes-vous en faveur de l'euthanasie?,
bien sûr. Quand on leur demande ce que
c'est, on a toutes sortes de réponses. Alors, même des personnes… du personnel
médical ne sait pas ce que c'est, l'euthanasie.
Je ne vous dirai pas
comment rédiger la loi, mais ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a une
définition de l'euthanasie qu'on retrouve
dans le rapport de la commission, qui est très claire, qui est l'acte qui
consiste à provoquer intentionnellement
la mort d'une personne à sa demande. Et, dans le projet de loi, si vous
regardez l'article 63, on voit qu'il
s'agit d'administrer un médicament ou une substance — pour faire quoi? — pour provoquer intentionnellement la mort. Alors, qu'on l'appelle «aide médicale à
mourir» et qu'on le définisse comme ça, ce n'est pas l'idéal. Trouvez un
autre terme qu'«euthanasie», je vous laisse le choix. Mais une chose est
certaine, c'est que nul n'est censé ignorer la loi et, si on ne sait pas ce qu'on
a à respecter comme loi, c'est très difficile.
On
a voulu en avoir le coeur net, quant à nous. Alors, on a fait un sondage par la
maison Ipsos. Je vous en
remets une copie dans deux secondes. Ce
sondage est tout récent — nous
l'avons reçu hier — du
18 au 20 septembre. Quand on demande aux gens qu'est-ce que c'est, l'aide
médicale à mourir, il y a une confusion totale. Quand on regarde ça…
excusez-moi, 33 % disent que l'aide médicale à mourir, c'est demander à un
médecin de donner une injection d'une substance qui provoque la mort de son
patient parce que le patient le veut. 29 % des gens au Québec pensent que
c'est de soulager des symptômes comme la douleur sans prolonger la vie. Et là
on continue. La définition, c'est une définition
de «soins palliatifs». 22 % des gens pensent que c'est l'arrêt de l'acharnement
thérapeutique, et 16 % des gens pensent que c'est du suicide
assisté.
Alors, quand on dit
qu'il y a un consensus au Québec, il y a un consensus sur quoi? On n'a même pas
de définition dans la loi puis on demande
aux gens de se prononcer. Alors, je vous remettrai une copie du résultat de ce
rapport, mais j'attire votre attention sur la conclusion de la maison
Ipsos :
«L'expression
"aide médicale à mourir" semble très floue [auprès de] la population
québécoise et est sujette à diverses interprétations. […]un tiers des Québécois
l'interprètent comme étant la demande par le patient d'une injection létale faite par un médecin, […]près de
30 % comprennent qu'il s'agit de soulager des symptômes à travers
les soins palliatifs. […]40 % des
sondés l'associent à l'interruption de l'acharnement thérapeutique ou au
suicide assisté.»
Quand on fait l'inverse
et qu'on demande aux gens : C'est quoi, l'euthanasie? Là, ça paraît un peu
plus clair. Mais 60 % des gens
comprennent que l'euthanasie, c'est une injection mortelle à la demande du
patient. Mais il y a encore 40 % des gens qui lui associent un sens
erroné. Alors, qu'est-ce qu'on dit de l'euthanasie même? 60 % disent que c'est
vraiment une injection létale, 13 % disent que c'est du suicide assisté,
16 % disent que c'est l'interruption de l'acharnement thérapeutique et
11 % disent que c'est des soins palliatifs. Si vous voulez une
démonstration de la confusion, là vous l'avez.
Et, ce sondage, bien qu'il ait été réalisé sur Internet, on nous dit qu'il ne
peut pas être considéré techniquement comme étant probabiliste, mais
cependant, considérant la taille de l'échantillon, si la marge d'erreur était
appliquée, elle serait de plus ou moins 2 % 19 fois sur 20.
Alors,
quand on parle d'aide médicale à mourir, déjà on voit que la population est
confuse. Il vous appartient de clarifier
ce que la loi veut dire. Et cette lecture de la population peut servir à
interpréter tous les sondages qu'on a eus sur l'euthanasie ou l'aide médicale à mourir, etc., quels qu'ils soient, que
ce soit le sondage de la Chambre des notaires, que ce soient vos propres sondages, qu'on n'a jamais vus,
ou autre chose. Voilà. Alors, je vous en remettrai une copie à la fin.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, si vous avez des copies pour
donner au page, on va les donner aux membres de la commission. Ceci met
fin au premier bloc de l'opposition officielle. Et maintenant le bloc du
gouvernement. Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Merci. Avant de céder la parole à ma collègue de Sainte-Rose, je veux
simplement dire que nous, non, on n'en a pas
de sondage, on n'en a jamais fait faire. Il y a plein de gens qui en font
faire. Et puis on les regarde tous, mais on n'agit pas sur la base de
sondages. Effectivement, les sondages, depuis 20 ans, semblent démontrer une
constance, un consensus, tout ça, mais on n'agit pas sur cette base-là d'abord
et avant tout.
Et
je suis tout à fait d'accord avec vous que c'est très important que les gens
sachent de quoi il est question, comme pour
tout. À chaque fois qu'il y a des nouvelles réalités, qu'on change une loi… Le
développement durable, ce n'était pas quelque
chose d'évident pour les gens. C'est sûr qu'il y a un énorme travail de
pédagogie. Je pense qu'avec la commission on en a fait tout un, je pense qu'on continue à en faire un en ce
moment. Et je vous dirais que, de toute façon, il y a toute une vaste opération de communication qui va être
entreprise. Mais surtout, vous le dites vous-même, et, quand les
fédérations sont venues nous voir lors des
auditions de la commission spéciale, elles nous ont dit, vous savez quoi :
Au sein même du corps médical, il y a
une grande confusion. Là, moi, je me dis, ça, ça ne peut pas être un frein pour
dire : On ne peut pas aider à soulager les gens de leurs
souffrances par les meilleurs moyens possible. Donc, ce qu'il faut, c'est
travailler pour que les gens comprennent la distinction.
Mais, au bout du compte, ce que les
gens veulent, c'est d'être rassurés qu'ils n'auront pas à souffrir et que,
même pour des souffrances exceptionnelles,
il va y avoir des réponses exceptionnelles. Donc, c'est juste ça que je voulais
dire. On a ce même souci que les termes… que
la compréhension soit la meilleure possible, mais, en même temps, je vous
dirais qu'il y a eu plein de sondages. Il y
en a eu qui ont été faits pendant la commission spéciale. Je m'en souviens d'un
de Radio-Canada, il prenait les termes spécifiques, il expliquait les
choses, puis ça donnait des pourcentages d'appui très élevés aussi. Donc, je pense qu'il faut faire attention, je suis d'accord
avec vous, mais en même temps il faut agir pour répondre à la souffrance
des gens.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.
M. Beauchamp
(Marc) : Est-ce que je pourrais répondre, s'il vous plaît?
Le Président (M.
Bergman) : Oui, certainement. Dr Beauchamp.
M. Beauchamp (Marc) : Merci. Non, mais c'est parce qu'on veut aider les gens. On veut aider
les patients qui souffrent, c'est vrai. On ne peut pas le faire sans les
informer. On ne peut pas aider personne sans les informer puis faire appel aussi à leurs connaissances, parce qu'il
faut donner de l'information, il faut s'assurer que tout le monde sait
de quoi on parle dans le but que chaque
personne utilise son choix, sa conscience comme il faut. Ceci dit, quand on
veut traiter les gens aussi ou quand
on veut prendre une décision importante, il faut respecter la conscience de
chacun, aussi, qui a besoin d'information.
Et vous ne m'avez pas donné l'information à savoir si votre parti allait
laisser ses députés voter librement ou non. Je l'attends.
M. Racicot
(Michel) : J'aimerais ajouter quelque chose.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Racicot.
• (12 h 40) •
M. Racicot (Michel) :
Vous parlez de souffrances exceptionnelles et de cas exceptionnels. Avec les
mêmes critères, comme j'ai dit tantôt, c'est
comme vider deux fois ou trois fois par année les lits du Centre Drapeau-Deschambault
ou ceux de l'Hôpital Saint-Sacrement. Et
vous avez des photos de ces établissements pour voir l'ampleur du
problème. Vous dites que c'est des
souffrances exceptionnelles et des cas exceptionnels, mais vous ne définissez même pas, dans vos
critères, une exigence que la personne soit en fin de vie, en phase terminale
ou que la mort soit imminente, comme le soulignait
la députée des Îles-de-la-Madeleine. Est-ce
que c'est intentionnel ou c'est
accidentel? J'ose croire que c'est accidentel et que, comme législateur,
on va essayer d'être plus transparent, plus précis, parce qu'on parle d'environ
600 morts par année.
Bien sûr, on va tous
y passer, mais chaque chose en son temps, chaque chose à son heure. On ne veut
pas prolonger la mort au-delà de la période
de mort naturelle, donc on ne veut pas d'acharnement thérapeutique. Mais on
ne veut pas non plus abréger la vie, donc on
ne veut pas d'aide médicale à mourir. Vous savez, les moments de fin de
vie sont des moments exceptionnels. Il n'y a
jamais un passage qui est facile. Quand on est né, on est né en poussant un
cri. Quand on est passé à l'adolescence, on a fait des crises, quand on
devient adulte aussi. Mais, quand on arrive en fin de vie, ce n'est pas
nécessairement facile, mais ce n'est pas une raison pour faire disparaître le
patient parce qu'on veut faire disparaître la douleur.
Vous
savez, j'ai vécu ça personnellement. Mon épouse est décédée à 37 ans, après
trois ans de cancer, après avoir adopté
trois enfants. J'ai accompagné ma soeur, qui est décédée le 2 octobre, l'an
dernier. L'été dernier, elle faisait de la montagne en Corse. Elle est
revenue, elle avait une douleur au sciatique. On a découvert que c'était, dans
le fond, une métastase d'un cancer du
poumon. Elle a été traitée dans un hôpital régional de la Rive-Sud, où on ne
soulageait pas sa douleur. Je l'ai
accompagnée pendant six semaines, j'étais là tous les jours, sauf les fins de
semaine. Elle a été... Quand, finalement, mon beau-frère a fait une
plainte à l'ombudsman de l'hôpital, là, on l'a envoyée pour consultation à l'Hôpital Notre-Dame, et là on l'a soulagée de sa
douleur. On lui a offert une alternative : la sédation palliative
continue ou une opération qui consistait à
lui placer des tiges au bassin, des tiges dans la colonne vertébrale pour qu'elle
puisse se lever et s'asseoir parce qu'elle
s'était écroulée un soir dans sa salle de bains après avoir consulté le médecin
pour sa douleur au sciatique. Et qu'est-ce qui est arrivé? Elle a
choisi, elle a choisi de se faire opérer pour être lucide jusqu'à la fin, sachant très bien — et j'ai été là quand le médecin l'a
expliqué — que ça
ne prolongerait pas sa vie d'un jour. Vous savez, ça peut être des
moments souffrants, mais ça peut être de très beaux moments.
Je vous donne un
autre exemple. Je me suis remarié. Ma deuxième épouse avait perdu son mari,
qui, lui, était décédé à 41 ans d'un cancer.
Quelques jours avant sa mort, il l'a demandée en mariage. Alors, ça peut être
des occasions... Et ils se sont mariés, et il disait, après : Tu es
ma vraie femme maintenant. C'était le jeudi, et il est décédé le dimanche. Ce sont des moments privilégiés. Et, s'il
y avait l'aide médicale à mourir, je ne suis pas sûr que les gens
vivraient ces moments privilégiés. Je ne
suis pas médecin, les médecins vous le confirmeront, il y a moyen de soulager
la douleur.
M. Beauchamp
(Marc) : Il y a moyen de soulager la douleur.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx :
Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs, ça me fait plaisir d'échanger avec
vous. Écoutez, je vous écoute attentivement, et c'est véritablement, pour moi,
qui n'ai pas, comme ma collègue, participé, là, à la commission spéciale… ce sont des réflexions
extrêmement importantes que vous... Votre point de vue est important, et
vous suscitez des réflexions importantes
aussi. Et j'entends bien toutes vos préoccupations, notamment des
préoccupations au niveau, si la loi devait
passer, de dérives possibles et de l'importance, de ce que j'entends de ce que
vous me dites, de bien baliser et de vraiment s'assurer, là, de ne pas
laisser place à de potentielles dérives.
Vous
savez, on a entendu, hier et avant-hier aussi, d'autres groupes qui sont venus
nous dire un peu le point de vue que vous nous apportez ce matin,
notamment un groupe qui nous a présenté un petit extrait vidéo que j'ai trouvé
extrêmement touchant, où il y a un jeune homme qui se questionne sur :
Est-ce que la mort égale soulagement? Et sa réflexion était à l'effet qu'on ne
sait pas, on ne sait pas. Est-ce que le processus de mort, est-ce que mourir,
pour quelqu'un qui est dans de très grandes souffrances, ça représente effectivement
un soulagement? On ne le sait pas, peut-être que non. Peut-être que oui, par
contre.
Moi,
j'aimerais vous apporter un point. Je ne suis pas du milieu médical, je ne suis
pas médecin, je ne suis pas avocate non plus. Je vous parlerais plutôt
comme tout simplement femme, fille de parents, soeur de frères, mère de filles aussi. Qu'est-ce que vous faites… Parce que
tantôt, Me Racicot, vous avez parlé de la dignité humaine. Et moi, j'ai
un très grand respect pour la vie humaine et
une très grande préoccupation face à cette dignité. Lorsqu'on est devant
quelqu'un qui est en fin de vie, quelqu'un qui est tellement souffrant qu'il
est… tous ceux autour de lui, là, se… il y aurait un consensus que cette
personne-là, elle est agonisante. Il peut y avoir des fins de vie qui se
passent très bien, et ce sont
même des moments de rapprochement pour les
familles, et il y a beaucoup d'histoires très positives. Il y a aussi des fins
de vie qui se font dans d'atroces souffrances.
Quelle
est la différence que vous faites entre… Pour une personne en fin de vie,
agonisante, qui gémit, qui est crispée,
qui est extrêmement souffrante et dont on sait qu'à quelques heures ou à
quelques jours, inéluctablement la mort va survenir, l'espace-temps
compris entre le moment où on est à son chevet et qu'on la voit souffrir et
jusqu'à ce que la mort survienne, est-ce que
vous ne pensez pas qu'en termes de compassion… Et, lorsque, cette personne-là,
il n'y a plus de dignité humaine
tellement la souffrance est grande… Est-ce que vous voyez une si grande
différence entre la sédation palliative continue et l'aide médicale à
mourir? Qu'est-ce qu'on peut faire pour cette personne-là?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Beauchamp, il reste une minute sur ce bloc pour
cette réponse.
M. Beauchamp (Marc) : J'aurais aimé ça que mon épouse soit là pour vous le dire parce que c'est
le genre de truc que j'entends toutes les semaines chez moi. Elle
accompagne régulièrement des patients qui sont dans la situation que vous venez
de décrire.
La
première chose, on ne laisse pas les gens souffrir, madame. On ne les laisse
pas souffrir. Il faut que la population sache qu'on ne va pas abandonner
les gens en train de souffrir. On donne des analgésiques, on s'assure que les
gens ne souffrent pas. Comme le patient dont je vous ai parlé, qui est arrivé à
l'urgence de Sacré-Coeur il y a deux fins de semaine,
on s'est assurés qu'il ne souffrait pas. Quand il ne souffrait pas, il était
capable de prendre plus de décisions. On l'a libéré de sa douleur, donc il pouvait être plus libre. Après ça, il
voulait des traitements. Ça arrive, des fois, qu'on doive donner des traitements antidouleur très sérieux.
Ça arrive que les gens meurent. Ils meurent, madame, ils finissent par mourir, les gens qui ont des cancers
métastatiques, ils finissent par mourir. On ne les laisse pas mourir dans la
douleur, on soulage la douleur, et ils arrêtent de respirer. On n'a jamais
cherché à devancer tout ça, on cherche d'abord et avant tout à enlever les
symptômes.
Le
Président (M. Bergman) : ...s'il vous plaît. Alors, ceci met
fin au bloc du gouvernement. Le dernier bloc de l'opposition
officielle...
Une voix :
…
Le Président (M.
Bergman) : Je m'excuse, mais le temps s'est écoulé pour ce
bloc, et on va aller à l'opposition officielle et peut-être entrer la réponse
dans une de ces questions. Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Oui. Me Racicot, j'aimerais poursuivre sur l'échange
que nous avions dans le premier bloc, puisque vous nous avez déposé le
sondage. Vous avez traité de la question de l'aide médicale à mourir.
Maintenant, qu'en est-il de la définition ou
du concept de sédation palliative tel qu'il est prévu actuellement dans le
projet de loi n° 52? Est-ce que la suggestion qui a été faite par
la ministre de remplacer «sédation palliative terminale» peut-être par ce qu'elle
entend, «sédation palliative continue»,
est-ce que vous croyez que ça pourrait constituer un amendement intéressant?
Et croyez-vous qu'il serait important de
définir tant le concept de sédation palliative terminale, continue, là, selon
le terme, et le concept également de sédation palliative qui est
intermittente, c'est-à-dire définir afin de permettre aux citoyens, advenant
une adoption du projet de loi… permettre que le citoyen soit bien au fait des
services que la loi crée, des nouveaux concepts créés par ce projet de loi là?
Le Président (M.
Bergman) : Me Racicot.
• (12 h 50) •
M. Racicot
(Michel) : Premièrement, l'idée de sédation palliative, ce n'est pas
un nouveau concept, c'est quelque chose qui se pratique dans nos hôpitaux. Nous
sommes très à l'aise avec la définition de «sédation palliative continue» et de «sédation palliative
intermittente» que l'on retrouve dans le rapport de la commission, avec une
nuance : il faudrait préciser que c'est toujours sans intention de
causer la mort dans les deux cas. Si, ça, c'est dit puis qu'on évacue la
définition de «sédation palliative terminale» ou «sédation terminale», nous
sommes d'accord.
Je veux juste rajouter une
chose. Cette sédation, elle apaise la souffrance physique, elle n'apaise pas toujours
la souffrance psychologique. Et la souffrance psychologique, c'est dans des
bonnes unités de soins palliatifs. Je vous rappelle
l'exemple de ma petite soeur, qui n'était pas soulagée physiquement parce qu'on n'avait pas ce qu'il fallait, et pourtant c'était un gros hôpital de la Rive-Sud de Montréal, mais, encore plus important,
c'est la souffrance psychologique.
Laissez-moi vous donner un exemple. Ce
printemps, mes premiers beaux-parents sont admis tous les deux à l'Hôpital
de Saint-Eustache. Je vous donne les détails parce que vous pourrez
vérifier. On les traite et on dit : Ils ne peuvent pas retourner dans la maison où ils étaient avant,
ils doivent être placés dans des établissements. Madame sort de l'hôpital la première, on l'envoie dans un centre de soins intermédiaires, au Boisée, que
vous connaissez. Monsieur est envoyé au Centre Drapeau-Deschambault. Malgré tous nos efforts pour les convaincre
que madame est plus malade que monsieur, rien n'y fait. Je me suis adressé aux médecins des deux établissements,
je me suis adressé aux cadres, etc. Et ça, c'est des cas réels que l'on vit. Imaginez-vous, si moi, j'ai
vécu autant de cas, comment ça se passe au Québec. Hier, la Protectrice
du citoyen est venue dire qu'il y avait des
plaintes… Je ne doute pas qu'on essaie d'améliorer la qualité des soins. Mais,
si on parle de système qui ne laisse pas
place au caractère humain, que les médecins, dans le fond, laissent souffrir
les gens, il faut regarder ce que
fait notre système. Et vous allez me demander qu'est-ce qui est arrivé. Il est
arrivé ce qui était prévisible. Mon beau-père, trois semaines après, a
eu 92 ans. Elle, elle est décédée le matin où lui a eu 92 ans. Voilà
notre système de santé.
C'est sûr qu'il
y a tellement de belles choses qui se passent aussi dans notre système de santé
que je ne veux pas simplement créer
des cas comme ça, mais il y a des choses à corriger. Si on a de l'argent à
mettre, mettons l'argent dans les soins palliatifs, dans une meilleure
organisation des soins de santé. On n'a pas besoin d'aide médicale à mourir.
M.
Beauchamp (Marc) : J'aimerais
rajouter à qu'est-ce que M. Racicot vient de dire, un point important
parce que je pense que tout le monde veut
construire soit un accès aux soins palliatifs, aux soins de qualité, je pense
que tout le monde est d'accord avec
ça, et nous les premiers. Mais ce qu'il faut que vous compreniez, c'est que, si
vous introduisez l'aide médicale à mourir, vous allez donner un gros
coup de pied là-dessus. Il y a plusieurs médecins de soins palliatifs qui m'ont dit, cet été, que, si l'aide médicale à
mourir est introduite dans leurs unités de soins palliatifs, ils vont
démissionner. Alors, le Québec va perdre ses médecins de soins palliatifs,
plusieurs.
Vous allez
aussi avoir des troubles avec les unités de médecine générale… de médecine
familiale. Plusieurs nous ont
contactés. Parce que maintenant, depuis quatre ans qu'on parle de ces
choses-là, on finit par les connaître. Alors, c'est important que vous
ne parliez pas juste aux dirigeants de nos associations, mais aussi aux gens
qui parlent à ceux qui travaillent dans les
hôpitaux, les unités. Plusieurs nous ont dit qu'ils veulent voter des motions
comme quoi ils vont être soustraits
de la loi qui va leur dire de faire de l'aide médicale à mourir ou de l'euthanasie.
Il y en a plusieurs qui sont en préparation.
Vous allez avoir, si vous faites cette loi-là, une fronde de l'intérieur du
système médical comme vous ne pouvez même pas imaginer. Puis il ne va
pas y avoir de meilleurs soins pour les patients dans un tel contexte, c'est
sûr.
En Belgique,
vu que je suis obligé de parler de Belgique parce que c'est là qu'il y a un peu
plus d'expériences, vous pensez que c'est
une chose douce, une euthanasie, une
aide médicale à mourir? Le personnel infirmier, quand ils savent qu'il
va y avoir une euthanasie le lendemain, comme le Dr Daneault nous le disait,
50 % «call sick», ils disent qu'ils
sont malades pour ne pas être là quand
ça va arriver. C'est une chose violente, une euthanasie, une aide
médicale à mourir. C'est une chose très violente de voir quelqu'un mourir
devant soi. Aussi, le personnel, quand il y a une aide médicale à mourir, a une
journée de congé automatique à cause du préjudice psychique que ça amène, le
préjudice psychique de l'équipe traitante,
pas seulement du médecin qui va avoir injecté, mais tous ceux qui auront
contribué, même administrativement, même la personne qui a été obligée
de courir au bureau du DSP pour donner la formule remplie, tel que c'est écrit ici.
Tous ces gens-là vont avoir des préjudices psychologiques importants.
Donc, on veut bâtir des soins, mais on fait quelque
chose qui va amener des problèmes dans les unités de soins — vous
comprenez? — des
problèmes dans les hôpitaux, des problèmes dans une unité de médecine
familiale. Ça fait que, si on veut
construire vraiment qu'est-ce qu'on a commencé à construire depuis deux ou
trois décennies, c'est la pire façon,
qu'est-ce que vous êtes en train de proposer. Vous allez mettre le trouble,
entre guillemets, le bordel, dans les unités de soins, c'est certain.
Attendez-vous à ça si vous appuyez un tel projet.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau...
M. Racicot (Michel) : ...puis-je
ajouter quelque chose, M. le Président?
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Je vais céder la
parole à mon collègue de Jean-Talon.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon, il vous reste trois minutes.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci, M. le Président. Votre regroupement, il représente combien de personnes?
M. Racicot (Michel) : Nous sommes
impliqués avec des gens qui ont appuyé le collectif des médecins qui refusent l'euthanasie. Il y a plusieurs centaines
de médecins, dont d'ailleurs les noms sont dévoilés pour ceux qui
voulaient l'admettre, qui sont annexés au collectif. Il y a
11 000 citoyens qui ont signé un appui. On ne parle pas d'un nombre
insignifiant. Et ces gens-là nous appuient, ces gens-là nous interpellent.
Il y a une autre chose que
je voulais ajouter. C'est qu'on parle beaucoup de la liberté de choix, etc. J'oserais
croire que l'euthanasie ne fait pas partie des nouvelles chartes des valeurs
québécoises. Je pense qu'on a des valeurs québécoises
plus hautes que ça, de respecter la vie. Et, si je peux vous recommander une
lecture... Je sais qu'on vous a recommandé
une lecture hier soir, je vais vous en recommander une autre : Marie de
Hennezel — vous
allez trouver la référence, c'est
dans le mémoire du collectif des médecins — Nous voulons tous mourir dans la dignité.
Et qu'est-ce qu'elle fait, cette dame-là? C'est une psychologue. Et elle
traite des médecins pour des troubles psychologiques suite à des euthanasies.
Ces médecins-là ne sont plus capables de se regarder dans le miroir.
Elle
dit : «En tant que psychologue, j'ai reçu depuis 20 ans bien des confidences
de médecins et d'infirmières ayant euthanasié un patient. Je peux
attester de la violence que représente cet acte radical : les gens font
des cauchemars pendant longtemps et certains, hantés par le dernier regard de
celui ou celle à qui ils ont donné la mort, traînent des dépressions qui n'en
finissent pas.» Ce n'est pas inventé, ça.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon, il vous reste une minute.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Je
comprends puis je tiens à vous remercier d'être venus témoigner ici de votre
expérience. Sauf qu'on a quand même
deux notions qui s'opposent parfois, celles de l'autodétermination versus
l'obligation de rester en vie. Quand vous
regardez ça, à la fin, vous avez l'obligation de rester en vie parce que vous ne pouvez
pas avoir de l'aide médicale à mourir. Mais
moi, de ce que je comprends... Puis, en passant, ça n'a rien à voir avec la
charte des valeurs québécoises...
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
...c'est un dossier qui est complètement indépendant, parce que, dans l'un, on
peut être pour puis, dans l'autre, on peut être contre. Et puis je pense que c'est
un choix personnel, à ce moment-là, de prendre
une décision par rapport à ça. Mais je retiens très bien puis je reçois très bien
vos commentaires. Sauf que, comme législateurs, à un moment donné, il y
a d'autres personnes qui vont venir nous dire qu'eux autres ils veulent avoir
ce choix-là. Et il y a...
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
...des professionnels également qui
vont être prêts à le faire. C'est ce qu'on peut voir actuellement. Mais
c'est sûr que ça amène des dilemmes dans notre société.
Le Président (M. Bergman) :
Ceci met fin au bloc de l'opposition officielle. Et malheureusement...
M. Racicot (Michel) : ...commission
est censée être ici pour nous écouter.
M. Beauchamp (Marc) : Pour nous
écouter.
M. Racicot (Michel) : Laissez-nous
répondre à la question, s'il vous plaît.
Le Président (M. Bergman) :
Malheureusement, je dois aller au bloc du deuxième groupe d'opposition, et Mme
la députée de Groulx.
Mme
Daneault : Merci,
M. le Président. Je vais vous laisser répondre sur mon temps.
M.
Beauchamp (Marc) : La
prémisse de qu'est-ce qu'on a dit, c'est notre définition de «dignité» et
d'«humanité». La définition que la Charte des droits et libertés a sur la
dignité, c'est que chaque personne est égale en dignité et en humanité. Ce n'est pas vrai qu'on perd son
humanité à la fin, ce n'est pas vrai qu'on peut considérer qu'une
personne est moins humaine, donc qu'elle peut décider d'en finir pour cette raison-là.
Donc, on ne peut pas dire non plus, comme médecin,
qu'un patient qui est encore vivant c'est parce qu'on lui a refusé la mort. Ce
n'est pas une conception médicale, ça,
de la médecine. On a aidé quelqu'un, on le supporte. Mais dire qu'une personne
est vivante parce que quelqu'un ne lui a pas donné la mort, ça ne tient
pas vraiment la route du point de vue médical.
M. Racicot
(Michel) : Et, si des gens
demandent à mourir, est-ce que vous avez l'obligation de répondre à
cette demande? Est-ce que la législature
répond à toutes les demandes des citoyens? Je vous demande d'y réfléchir, c'est
tout.
• (13 heures) •
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault :
Merci, M. le Président. Merci de votre présence, rebonjour. Merci de nous aider
à cheminer. Évidemment, à chaque
intervenant, je pense que, de jour en jour, il y a des points qui sont
soulevés, qui sont importants pour le législateur de clarifier. Je
voudrais revenir un petit peu, profiter de votre expertise légale, je voudrais
revenir sur votre intervention au départ d'inclure l'euthanasie dans le Code
criminel. J'aimerais avoir des précisions sur cet aspect légal là, votre avis.
M.
Racicot (Michel) : Bien, c'est
Mme la ministre qui disait que le mot «euthanasie» n'était pas utilisé dans
le Code criminel. Bien sûr, ce n'est pas un terme qui est utilisé dans le Code
criminel. Le Code criminel utilise d'autres expressions
comme «le consentement à la mort», en disant que «nul ne peut consentir à la
mort», comme «un homicide». Qu'est-ce
que c'est, un homicide? Quiconque, directement ou indirectement, commet, par
quelque moyen… «Commet un homicide, quiconque, directement ou
indirectement, par quelque moyen, cause la mort d'un être humain.» C'est ça, un
homicide.
C'est quoi, l'euthanasie? C'est sûr que c'est à
la demande d'une personne, mais la demande de la personne n'empêche pas que c'est un homicide. On dit :
«Nul n'a le droit de consentir à ce que la mort lui sera infligée, et un
tel consentement n'atteint pas la responsabilité pénale de la personne par qui
la mort peut être infligée…» Vous, comme médecin, si un patient vous demande de
l'aider à mourir, vous ne pouvez pas le faire parce que vous engagez votre
responsabilité pas seulement civile, mais criminelle. C'est ça, l'état du
droit.
Nous, on est
ici pour dire… on est ici pour témoigner au nom de la science, au nom de la
vérité. Vous allez nous dire :
Oui, mais vous n'êtes pas un expert en droit constitutionnel. Il n'y a personne
qui est un expert en droit constitutionnel. Les gens qui ont fait le
rapport Ménard, personne n'était… Dr Ménard… c'est-à-dire, Me Ménard, c'est un
expert en responsabilité médicale qu'on connaît tous et qu'on respecte tous, le
docteur… M. Hébert est un criminaliste très reconnu, et l'autre personne est
moins connue, mais est un professeur de droit, et il n'y a personne qui s'est
prononcé en droit constitutionnel.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Groulx, il vous reste 1 min 30 s.
Mme
Daneault : O.K.
Merci. Je voudrais revenir aussi sur la notion de sédation palliative — on en
a parlé hier — terminale ou continue. On en a discuté, on
sait très bien, comme médecin, qu'à la fin de la vie… Et, quand on parle
d'aide médicale à mourir, effectivement il y
a une certaine confusion au sein du corps médical de comprendre : Est-ce
qu'on parle de sédation terminale ou
vraiment d'un geste qui est différent? On sait très bien qu'à la fin de la vie,
en soins palliatifs, les gens ont à
gérer la souffrance extrême et vont devoir pallier à cette souffrance-là par
des analgésiques qui vont, d'une part,
soulager la souffrance, mais aussi, d'autre part, on le sait, donner ce qu'on
appelle une dépression respiratoire — vous savez ce que je
parle — et
évidemment provoquer la mort. Mais la ligne est fine. Est-ce que, à l'administration
de cette sédation-là, est-ce que la mort est survenue naturellement ou c'est la
médication qui a fait la différence? Alors…
Le Président (M. Bergman) :
…s'il vous plaît.
Mme
Daneault :
…est-ce qu'on n'a pas là… Et ça, c'est une pratique quotidienne qui n'a jamais
été légiférée, et, dans le projet de
loi actuel, on vient encadrer cette façon de faire. Alors, est-ce que ça, vous
êtes d'accord avec ça?
M. Beauchamp (Marc) : Je ne crois
pas qu'il y a un encadrement dans le projet de loi sur ce que vous êtes en
train de…
Le Président (M. Bergman) :
Une courte réponse. Le temps est écoulé, mais on vous laisse du temps pour une
courte réponse.
M.
Beauchamp (Marc) : D'accord.
Je ne pense pas qu'il y a un encadrement sur ça, pour la sédation
palliative, dans la loi actuellement.
Maintenant, dans la vraie vie, effectivement, en oncologie, quand les gens sont
rendus là, on parle des dernières
heures, des derniers jours de la vie, c'est assez clair, là, on parle gens
agonisants, en général, et on donne… on veut enlever les symptômes
douloureux. On pourrait parler de double effet, puis c'est le terme qui est
utilisé habituellement, on appelle ça le
double effet. Ce qui était visé, l'intention était naturellement de soulager le
patient de ses symptômes, et, à un
moment donné, la personne est morte. Donc, on considère qu'elle est morte de sa maladie naturelle, dans ces cas-là, madame, et non pas d'un geste...
La mort n'a pas été devancée par une intervention médicale. Puis, ça, c'est
accepté partout dans le monde, ce qu'on dit là. Puis il n'y a aucune place dans
le monde où ça, ça s'appelle de l'aide médicale à mourir, ou de l'euthanasie,
ou d'autres vocables de ce genre-là.
Donc, l'aide
au mourant, c'est de l'aide au mourant, ce n'est pas de l'aide à mourir, ça, c'est
de l'aide au mourant. Ça existe partout. Il y a des protocoles de ça
partout. Mon épouse l'applique toutes les deux semaines à peu près, et ça fait consensus.
Jamais ce n'est un problème.
Pourtant, elle est tout à fait contre l'aide médicale à mourir, qu'elle
pense qui va détruire la relation
médecin-patient dans son unité d'oncologie. Puis, croyez-moi, ça va tout
détruire la relation, ça va même
détruire l'offre de soins raisonnables, l'offre de soins de qualité
internationale qu'on essaie d'offrir à nos patients si on leur donne une
option qui va s'appeler l'aide médicale à mourir. C'est ça que je vous dis, les
conséquences…
En amenant
ces nouveaux concepts là, de mort volontaire provoquée, délibérée pour faire
mourir la personne, vous allez porter
un coup énorme à la médecine clinique sur les unités de soin. Vous allez porter
un coup énorme. Vous allez faire du
mal vraiment aux gens qui essaient de donner des soins, vous
allez faire du mal aussi à ceux qui veulent faire des unités palliatives
partout. Ces personnes-là, vous allez les démotiver, vous allez les sortir du
jeu. Faites attention quand vous allez voter. Nous autres, on a des antennes
avec les gens qui travaillent dans ces milieux-là.
Mme la ministre demandait hier : Pourquoi
je vous écouterais, vous autres, les médecins — en parlant du collectif — plutôt que vos chefs qui sont venus nous
parler la semaine passée? Bien, c'est ça, la raison. Eux autres, ils ne
travaillent pas dans ces unités-là…
Le
Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.
M. Beauchamp (Marc) : Alors, c'est ma conclusion. Moi, je vous dis : On a commencé
depuis plusieurs années à bâtir des
soins pour les gens en fin de vie comme ça n'existait pas avant. On est sur une
lancée. Dr Mount a créé les soins
palliatifs. On veut de l'accès aux
soins. 20 % ont de l'accès aux soins actuellement. Si on est sérieux, on
va aller voir le président du Conseil
du trésor puis on va lui dire : Donnez-nous de l'argent, donnez-nous des
ressources pour qu'on fasse des soins
partout. Ça, c'est sérieux. Et c'est ça qu'on espère vraiment qu'il arrive dans
le futur, qu'on ne brise pas cet élan de construction de soins là au Québec, mais qu'on ouvre l'accès aux soins,
aux vrais soins qui sont reconnus internationalement, aux vrais soins
palliatifs, dans le fond.
Le Président (M.
Bergman) : Me Racicot, Dr Beauchamp, M. Steenhout,
merci pour votre présentation. Je m'excuse, on n'a pas plus de temps que ça.
Alors, on vous remercie d'être ici avec nous aujourd'hui.
Collègues, la
commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures, dans la salle
Louis-Joseph-Papineau. Merci, collègues.
(Suspension de la séance à
13 h 8)
(Reprise à 15 h 12)
Le Président (M.
Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend
ses travaux. Nous allons poursuivre sans plus tarder les consultations
particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 52, Loi
concernant les soins de fin de vie.
Je
souhaite la bienvenue à nos invités. Alors, c'est l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité. Bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire
votre présentation, suivie d'un échange avec les membres de la commission
pour 45 minutes. Alors, s'il vous plaît, donnez-nous vos noms et vos
titres et continuez avec votre présentation.
Association québécoise pour le droit
de mourir dans la dignité (AQDMD)
Mme Bolduc (Hélène) : Alors, bonjour, M. le
Président. Bonjour, les députés.
Bonjour, Mme la ministre. Alors, je suis Hélène Bolduc, je suis la présidente de l'organisme l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité
et je suis accompagnée du Dr Marcel Boisvert, que la plupart, je pense,
connaissent certainement pour avoir passé la première
fois la commission. Dr Boisvert a fait des soins palliatifs dans les tout débuts déjà, dans les années 70. Je pense qu'il
n'a pas besoin d'autre présentation que ça. Il a aussi participé tout au
long du débat, et ça, bien, bien avant même que l'association commence.
Je
présente aussi le Dr Georges L'Espérance, à ma gauche. Dr Georges L'Espérance
est neurochirurgien. C'est un des derniers arrivés à l'association, mais
il s'est embarqué corps et âme depuis le mois d'avril, et on est très, très
heureux de l'avoir avec nous. Il a un blogue et il participe régulièrement au
débat.
Et
maintenant, il y a le docteur... — c'est vrai, on pourrait dire «docteur», hein? — Jean Mercier, qui est professeur de
philosophie des politiques publiques à l'Université Laval, et M. Mercier
est membre du conseil d'administration de l'association depuis justement trois
ans, où il y a eu les premières auditions de cette commission. Alors, voilà.
Le projet de loi
n° 52 est l'aboutissement d'une démarche démocratique exceptionnelle des
parlementaires québécois. Le rapport du
comité mourir dans la dignité est admirable à plusieurs points de vue. Étoffé,
nuancé, il est le constat de la réflexion sociétale sur ce sujet, et
nous devons tous en prendre acte, citoyens autant que soignants.
Le
projet de loi n° 52 traite de l'ensemble des soins de fin de vie. Quatre
années d'efforts soutenus ont précédé cet excellent projet de loi consacré aux soins de fin de vie, à la sédation
palliative terminale et à l'aide médicale à mourir. Comme représentants de l'association québécoise,
nous ne traiterons pas ici de toutes les dimensions du projet de loi
avec lesquelles nous sommes en accord. Nous joignons donc notre voix à tous
ceux et celles qui s'expriment en ce sens. C'est la base même d'une approche
qui respecte la dignité de la personne humaine dans la dernière partie de sa
vie.
Nous
avons choisi de nous limiter, dans ce mémoire, à la question de l'ajout de ce qu'il est convenu d'appeler
l'aide médicale à mourir dans l'ensemble des soins de fin de vie offerts aux Québécois.
Dans ses grandes lignes, le projet de loi est irréprochable en ce qu'il respecte les grands
principes de la bioéthique, à savoir : le respect de l'autonomie du patient dans la mesure où les droits d'autrui
ne sont pas violés; l'exigence de la bienveillance à son endroit,
reconnaissant que lui seul peut juger de
cette bienveillance; il y a un élément de justice sociétal en ce que chaque
individu y a accès, mais aucun n'y est obligé par qui que ce soit.
La
mission de l'association. Nous avons 500 membres bénévoles qui regroupent des
personnes de tout horizon social et
professionnel. L'association défend le droit à une mort digne depuis 2007. C'est
dans ce contexte que nous prônons une approche active pour le respect
des valeurs de liberté, de dignité, de compassion, de justice et d'autonomie personnelle dans un domaine particulièrement important,
celui de la fin de vie et de la mort de chacun d'entre nous. Nous voulons qu'il soit possible, pour toute personne
atteinte d'une maladie en phase terminale ainsi que pour celles qui
vivent des douleurs physiques et/ou
psychiques insupportables dans le cours d'une pathologie grave et sans espoir
thérapeutique raisonnable, d'obtenir, si désiré, l'aide médicale nécessaire à
une fin de vie digne et à une mort douce.
Nous soulignons en
particulier que cette aide médicale à mourir a des assises très solides sur les
plans humain, philosophique, et politique, au sens où elle correspond tout à
fait à ce qui fait tout le fondement de notre vie collective,
à savoir : le respect des chartes des droits, la liberté de choix des
individus et le respect des choix que ces individus
expriment. Il s'agit, en fin de compte, de la reconnaissance du droit à l'autonomie
décisionnelle des personnes.
En se penchant sur
cette question délicate et en s'engageant dans une volonté de diminuer non
seulement les douleurs, mais aussi la
souffrance intenable qui accompagne certaines personnes en fin de vie, le
Québec se situe dans un grand courant
humaniste qui comprend maintenant plusieurs pays européens et plusieurs États
américains. Il n'est donc pas exceptionnel, mais il se situe à l'avant-garde
des politiques publiques à cet égard.
Malgré
d'importantes avancées, les meilleurs soins palliatifs ne réussissent pas à
contrôler toutes les douleurs des états
de fin de vie et encore moins la souffrance des états débilitants ou vécus
comme tels par les patients aux prises avec une situation sans espoir.
De nombreux travaux scientifiques ont démontré que la continuité et la
complémentarité entre les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir avaient
un effet positif qui réduit l'angoisse de la mort annoncée. La certitude d'être
aidé médicalement à mourir, si tel est notre choix, nous aide à mieux vivre nos
derniers moments.
Alors,
nous avons quelques commentaires plus spécifiques sur les conditions — l'article 26 — pour obtenir cette aide médicale à mourir.
Alors, dans le projet de loi, ces conditions pour obtenir l'aide médicale à
mourir s'adressent uniquement aux patients
en fin de vie. Qu'en est-il des personnes qui vivent des souffrances physiques
et/ou psychiques constantes,
importantes, mais dont la fin de vie n'est pas à brève échéance? Nous ne devons
pas fermer les yeux devant les gens emprisonnés dans leur corps sous
prétexte qu'ils ne sont pas en fin de vie. Il n'y a qu'à penser aux maladies neurodégénératives ou aux accidents vasculaires
massifs et permanents. Il faut être à leur écoute, comprendre ce qui est
important pour eux, être sensibles à leur
détresse et à leur souffrance globale, envahissante, et non pas seulement à
leur douleur. Personne n'a le droit de
décider pour eux ce qui leur convient ou de leur refuser ce qui leur paraît
juste. Pour ces personnes dont la nature même de leur humanité se
décompose de même que pour celles qui sont conscientes de leur enfermement
progressif dans un corps qui leur devient étranger, notre réponse actuelle de
les faire vivre contre leur gré devrait être remise en question avec courage et
humanité.
• (15 h 20) •
Alors,
voici les changements qui sont demandés à l'article 26. Bien, en fait, dans le
1°, simplement que ces soins de fin
de vie puissent être obtenus par une personne qui aurait exprimé clairement et
librement son choix en ce sens dans des directives médicales anticipées.
Le 2° nous apparaît très clair.
Et
le 3°, c'est vraiment la modification qui semble importante parce que
«maladie incurable», «phase terminale», et tout ça, ça nous semblait un
petit peu… peut-être
un peu flou. Alors, la définition que vous retrouvez ici est celle du
Barreau, lors des premières auditions, la présentation d'il y a trois ans, et c'est
celle aussi qui ressemble le plus à celle de la Belgique, qui était un de nos modèles. Alors, c'est ceci : «[Elle]
fait face à une souffrance physique ou psychique constante et insupportable que la médecine ne permet pas de
traiter ou de soulager dans des conditions tolérables pour la personne,
et qui résulte d'une affection pathologique ou accidentelle grave ou
incurable.» Alors, la personne doit bien sûr…
L'autre ne change… le
paragraphe suivant ne change pas. Et simplement qu'on est d'accord aussi que,
dans le cas d'une personne inapte à
consentir aux soins, les directives médicales anticipées tiennent lieu d'un tel
formulaire, qu'elle aurait exprimées au…
Et le 2, ce sont quelques
ajouts aux modifications pour les directives anticipées. Mais nous avons vu aussi
que d'autres représentants, comme le
Barreau, avaient fait exactement la même réflexion. Donc, comme le Barreau,
nous souhaitons que les directives médicales
anticipées relatives aux soins médicaux, y compris les soins de fin de vie,
rédigées alors que la personne était apte,
soient respectées si cette personne devient inapte. À cet effet, en plus des
changements suggérés à l'article 26, nous suggérons que les 45 et 52, ici,
soient modifiés dans le même sens. On demande que ça comprenne «y compris les soins
de fin de vie» quand la personne est «apte à consentir aux soins, peut
déterminer, dans des directives médicales anticipées, les soins médicaux, [y
compris les soins de fin de vie]…»
Alors,
je pense que je n'ai pas besoin de le lire, vous avez tout
le texte devant vous, à moins que je lise encore les deux ou trois
autres paragraphes. Je voudrais vous faire sauter du temps un petit peu. Alors,
les changements, c'est que simplement qu'on
voudrait que les personnes qui deviennent inaptes, on respecte leurs directives
anticipées. C'est le gros, d'ailleurs, de notre travail dans le moment, ça a été de faire des directives
anticipées puis les gens les font justement au cas où ils deviendraient
inaptes.
Alors, les articles 14 et 65 — c'est
cette exemption que nous avons cru comprendre en tout cas dans l'article
65 — tels
que rédigés, portent atteinte à l'accessibilité aux soins de fin de vie en permettant l'échappatoire des maisons de
soins palliatifs et de certains établissements. Quelle sera la
possibilité réelle pour le malade d'obtenir l'aide médicale à mourir devant ce qui nous
semble être une obstruction systématique du Réseau de soins palliatifs ou à
tout le moins de ses porte-parole officiels?
L'objection
de conscience d'un individu est un droit inaliénable reconnu, et nous
comprenons que ce débat ait perturbé davantage le milieu des soins
palliatifs. Nous savons par contre que plusieurs soignants dans ce milieu sont d'accord avec l'aide médicale à mourir, mais leur
relative discrétion dans ce regroupement nous inquiète et fait craindre
l'échec d'une mise en oeuvre harmonieuse de la continuité des soins de fin de
vie.
Nous croyons qu'une
institution telle qu'une maison de soins palliatifs ou un établissement de
santé qui reçoit un financement public
significatif ne devrait pas pouvoir se soustraire à cette nouvelle obligation d'offrir
toute la gamme de soins couverts par
ce projet de loi qui, dans son énoncé, dit respecter la décision du malade.
Cela inclut bien sûr l'aide médicale à mourir, qui, dans notre esprit,
doit être considérée comme un soin nécessaire, justifié, éthique et surtout
respectueux de l'humain. Nous réitérons qu'une telle obligation
institutionnelle n'inclut pas l'obligation individuelle du professionnel, qui gardera
toujours son libre arbitre, ses convictions. Mais le libre arbitre de l'un ne peut et ne doit pas occulter, et encore moins
sacrifier celui de l'autre, d'autant plus qu'il est de loin le plus
vulnérable.
Nous suggérons donc
que tout établissement qui reçoit un financement public ait une obligation de
moyens et de résultat, à savoir celle de
mettre à la disposition des personnes qui en font la demande la possibilité
réelle, pratique, d'obtenir une aide médicale à mourir par un professionnel dont l'éthique
et l'empathie seront compatibles avec ce noble but. Alors, pour conclure, alors, pour nous, l'article
65, on dit que les soins de fin de vie devraient être offerts partout,
et on enlèverait le reste, bien sûr.
Alors,
en conclusion, un effort d'éducation et d'information, autant pour les
professionnels de la santé que pour la population en général, sera
nécessaire, car ce long débat a eu des détracteurs qui ont véhiculé de fausses
informations en insufflant des craintes non fondées et malheureusement souvent
basées sur une démagogie malicieuse. Par ce discours
alarmiste, non fondé — répétons-le — ces
personnes ont laissé une certaine crainte envahir les groupes de défense
des personnes âgées, des personnes plus vulnérables. Il est de notre devoir,
comme regroupement mais aussi comme citoyens raisonnables, d'appuyer les élus
pour faire en sorte que le projet de loi les rassure à tous niveaux.
Nier
les droits à la liberté, à la dignité et à l'autonomie décisionnelle de la
personne n'est certainement pas un moyen de rassurer sur la dignité de la fin de vie. Mettre en opposition des
concepts aussi humains que les soins palliatifs d'un côté et l'aide
médicale à mourir de l'autre est une voie sans issue. L'un n'empêche pas l'autre,
et la reconnaissance de cette deuxième voie ne signifie aucunement la
disparition de la première.
Les membres de notre
association pensent que le projet de loi n° 52, incluant l'aide médicale à
mourir, est un progrès appréciable sur le
statu quo devenu impraticable. Nous espérons contribuer à la bonification de ce
projet de loi en participant à cette commission parlementaire. L'Association
pour le droit de mourir dans la dignité sera en première ligne pour participer
à cet effort pédagogique nécessaire et essentiel. Merci.
Le Président (M.
Bergman) : Alors, Mme Bolduc, merci pour votre présentation. On
commence avec le gouvernement. Le premier bloc, Mme la ministre.
Mme
Hivon : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, j'ai un filet de voix. Donc, ce matin, je
n'ai pas été sage, j'ai dit que j'allais laisser la parole aux autres
puis je ne l'ai pas fait autant que j'aurais dû.
Je veux juste dire
deux commentaires avant de laisser la parole. Merci, merci beaucoup de votre
présence. Il y a vraiment deux éléments qui nous ont guidés dans l'élaboration du projet, c'est la logique d'un continuum de soins en fin de vie et une recherche d'équilibre, et, dans cette recherche-là et compte
tenu de cette position qui avait été
amenée par le Collège des médecins sur une
logique de soins de fin de vie, on est vraiment dans un contexte de fin de vie. On ne met pas
un moment, on ne met pas une durée parce que tous les médecins sont venus nous
dire que c'est impossible de mettre une durée, et ça peut se compter
différemment, la fin de vie, selon que vous avez un cancer ou une affection
neurodégénérative. Donc, c'est des logiques qui sont différentes.
Donc,
ces deux logiques-là sont présentes. Mais vous êtes le premier groupe à venir
nous demander qu'on puisse aussi
aller vers des personnes qui ont une affection grave et incurable des suites d'un
accident, donc quelqu'un, j'imagine, qui pourrait être paraplégique
ou... Donc, ça, c'est certain que... je vous dirais qu'on n'est pas allés là parce
que, dans notre esprit, on s'éloigne d'une logique d'un continuum de soins si
on va vers cette réalité-là. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Et
l'autre chose que je veux vous dire comme précision, c'est qu'il y a
eu un autre choix, toujours dans la recherche de l'équilibre, effectivement, de faire en sorte que les établissements soient obligés de fournir les soins de fin de vie, mais que, pour
ce qui est des maisons de soins
palliatifs, c'étaient eux qui choisissaient l'étendue des soins de fin de vie
qu'ils allaient donner.
L'article
65, une petite précision, le seul établissement qui est concerné par l'article 65, c'est La Maison Michel Sarrazin. Il n'y a pas d'autres établissements publics qui peuvent se soustraire. En fait, c'est la clause Michel
Sarrazin pour consacrer son statut. C'est la
seule maison de soins palliatifs qui a un statut d'établissement. Pourquoi? Parce que ça a été la première, et elle fait de la recherche, elle est institut
universitaire, et on n'a pas le choix. On voulait lui
donner... la mettre sur le même pied que les autres maisons de soins
palliatifs. Donc, c'est pour ça qu'il y a cette clause-là, et ça ne peut pas s'appliquer
parce que c'est le seul établissement qui n'offre que des soins palliatifs,
donc c'est une clause grand-père, en fait. Voici. Et je cède maintenant la
parole à mes collègues qui ont des questions.
• (15 h 30) •
Le Président (M.
Bergman) : Alors, voulez-vous répondre à ce commentaire ou… Mme
Bolduc.
Mme Bolduc
(Hélène) : Pardon?
Le Président (M.
Bergman) : Voulez-vous faire un commentaire sur le commentaire
de Mme la ministre?
Mme Bolduc (Hélène) : Oui. Mais je comprends, là, pour La Maison Sarrazin, c'est parfait. Je
veux dire, de toute façon, nous, on ne changera pas, on faisait simplement
apporter nos commentaires. Ça se comprend. Mais il faut comprendre aussi que la population, le malade en fin de vie, il n'a pas
toujours le choix. Et, s'il s'attend à aller dans une maison de soins
palliatifs, il y a des choses qui dégénèrent vers la fin, il voudrait avoir
cette aide-là, bien, disons que si déjà il a une entente et qu'il a un contrat
avec Sarrazin… Mais les autres maisons, il peut y avoir du blocage aussi.
Je pense que vous
allez entendre... Ce n'est pas évident, là, à dire publiquement, mais il y a
une loi du silence carrément à l'intérieur
du réseau des soins palliatifs. Ça, je peux vous le dire, j'ai des témoignages
depuis des années. Ça fait six ans au
mois de septembre, là, que je suis présidente de l'association, et il y a des
soignants dans les maisons de soins palliatifs qui ne peuvent pas dire…
ils ne donnent pas leur opinion personnelle, ils ne peuvent pas. Alors, c'est
pour ça aussi qu'on n'a pas eu beaucoup de monde.
Alors, quand la loi sera en vigueur, comment ça
va se passer vraiment sur le terrain? Ce n'est pas aux malades à se battre en fin de vie. Puis ils ne sont pas dans la
situation… Tu as beau avoir des directives écrites… J'essaye d'imaginer… Déjà, même,
dans les hôpitaux on a des droits, on a droit au consentement, il y a tout ça,
ça existe déjà, puis c'est difficile
pour le malade de se faire entendre, si, en plus, il y a toute cette discussion
autour de la continuité des soins...
On est très
conscients que le réseau des soins palliatifs, pour le moment, c'est un non,
hein? Je veux dire, on peut quand
même l'admettre, ce n'est pas grave, c'est leur droit, c'est même dans leur
philosophie : ne pas prolonger, ne pas accélérer la mort. On ne peut pas changer cette façon de voir. On fait
simplement exprimer une inquiétude sur comment ça va se passer dans les
maisons de soins palliatifs.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.
Mme
Richard
(Îles-de-la-Madeleine) : Oui. Merci. Bonjour, merci d'être
présents à cette commission. Tous les avis sont très, très importants.
On a reçu des gens qui avaient justement des avis différents. Et tout le monde
est bienvenu, évidemment, et on est heureux d'entendre tous les points de vue.
J'aimerais
sauter déjà à la conclusion de votre mémoire, quand vous parlez d'information.
Parce qu'on en a discuté beaucoup
depuis hier, au niveau de l'information et de l'éducation à faire dans la
population. Je pense que vous êtes partie prenante de ça, et vous souhaitez que chacun des termes soit bien
expliqué au niveau de la population. Et j'aimerais vous entendre un peu plus longuement sur ça. Comment
vous voyez justement cette information, qui doit être dispensée par le ministère, bien sûr, ou si vous êtes d'accord à
faire partie de cette information et de dispenser plus d'information
auprès des personnes malades, mais aussi dans la vie.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Bolduc.
Mme Bolduc
(Hélène) : Je peux répondre
pour l'association. Dans le moment, on a un rôle très modeste… pour faire de l'information, là. Je veux dire, il faut
quand même être réaliste. Je pense que ce serait l'affaire de… D'abord,
le ministère, les établissements de santé,
on a tout un réseau public bien organisé, il y a des CLSC, il y a des
travailleurs sociaux. Donc, cette information-là, elle ne se fait pas
nécessairement… Si vous voulez des conseils, là, pas juste par Internet, puis pas des dépliants, parce qu'il y a
40 % ou 50 % des gens qui ne les lisent pas. Puis il y en a aussi
que, quand ils sont malades puis qu'ils
ont besoin de l'information — c'est ce que j'entends, moi, dans les
conférences — ils
viennent… ils veulent qu'on leur explique clairement.
Alors, moi,
je dirais qu'à travers le réseau, déjà, des travailleurs de la santé, une fois
que le projet de loi serait voté... Il
faudrait aller vite, par exemple, pour ne pas… parce que les gens peuvent être
inquiets. Puis ce n'est pas tout le monde qui est inquiet, hein? Je veux dire, on parle de personnes vulnérables, vous
connaissez les groupes. Les personnes âgées, je pense qu'il va falloir les rassurer le plus vite possible, c'est sûr,
parce que des gens m'ont dit qu'on va euthanasier des personnes âgées parce qu'on manque d'argent. C'est comme...
Il n'y a pas de rapport entre la dépense des heures de couche ou de
service dans un CHSLD puis d'obtenir un droit pour les personnes qui le
demandent. Mais il faut clarifier les choses.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.
Mme
Richard
(Îles-de-la-Madeleine) : Oui. Justement, il y a certains
groupes qui nous ont parlé de possibilité de dérives et, justement, qu'il y ait de l'exagération, ou bien que les
personnes soient forcées de donner un consentement, ou, en tout cas,
tous les genres de dérives qui pourraient arriver. Justement, peut-être, vous
pouvez continuer dans l'élan que… Oui?
Mme Bolduc
(Hélène) : J'aimerais ça, à
cet effet, que Jean Mercier vous réponde parce qu'il est allé en
Belgique et en Hollande, il a fait une sabbatique là-bas. Alors, je lui laisse
la parole, il va pouvoir vous rassurer.
Le Président (M. Bergman) :
Pr Mercier.
M. Mercier (Jean) : Oui. Alors, je
vais me présenter brièvement, même si j'ai déjà été présenté. Je suis professeur de sciences politiques.
J'ai été en année sabbatique, il y a deux ans, et je suis allé en Belgique parce qu'un de mes projets sabbatiques, c'était
de voir cette question d'application de l'aide médicale à mourir dans d'autres
pays qu'on prend comme modèles, donc la Belgique, les Pays-Bas.
Et je dois
vous dire que j'arrive avec pas grand-chose d'original, puisque j'arrive avec
la même conclusion que la commission sur la question du droit de mourir
dans la dignité, la même conclusion que la Société royale du Canada, qui a fait les mêmes études, est allée sur place
aussi, le juge Baudoin, avant moi. Et, moi, c'est juste une personne, lors d'une
sabbatique, qui est allée voir, mais je
suis resté là plusieurs mois, j'étais dans un centre de soins de fin de
vie, le End-of-Life Care Research Center, à Bruxelles, dans la partie
flamande. Et j'ai fait de nombreuses entrevues, et puis les dérives dont on
parle ici, de l'autre côté de l'Atlantique, ce n'est pas ça qui se passe là-bas.
Et, je pense, c'est un peu exagéré, de l'autre
côté de l'Atlantique, d'analyser la situation, alors que les gens qui vivent ces situations-là
depuis une dizaine d'années maintenant dans le cas de la Belgique et puis des
Pays-Bas, ne voient pas les problèmes qui sont identifiés ici, à plusieurs
milliers de kilomètres.
Le système de santé belge obtient un taux d'approbation
de 92 % 10 ans après l'instauration. Évidemment, il n'y a pas seulement l'aide médicale à mourir, il y
a d'autres facteurs qui amènent cette satisfaction, mais l'aide médicale
à mourir n'a en rien diminué la satisfaction
des Belges par rapport à leur propre système de santé, qui est un système
comme le nôtre, public, obligatoire, qui couvre tout le monde. Et donc je n'ai
pas vu de ces dérives.
Alors,
j'ai vu des équipes qui prenaient la mort au sérieux, parce que ce n'est pas
parce qu'il y a eu une ouverture vers l'aide
médicale à mourir que la mort n'est pas sérieuse, ça demeure un sujet sérieux.
Les statistiques ne démontrent pas qu'il
y a une dérive sur le plan des nombres, on reste en dedans de 3 %, à peu
près, du total des décès. On n'a pas,
dans ce pays-là… — je parle
de la Belgique, surtout, où j'étais — il n'y a pas de conflit entre les soins
palliatifs puis l'aide médicale à mourir, c'est
des soins qui se complètent. Statistiquement, la moitié des personnes qui
demandent l'aide médicale à mourir et qui l'obtiennent
passent par les soins… sont d'abord passées par les soins palliatifs et
puis sont allées à l'aide médicale à mourir, l'autre moitié sont allées
directement à l'aide médicale à mourir, donc.
Et
je vous dirais qu'il y a des arguments… c'est le législateur qui décide de sa
loi, bien entendu, mais il y a des arguments qui ne tiennent pas la
route. Comme j'ai dit tout à l'heure, décider d'ici de crises qui ne sont pas
vécues là-bas, c'est un mauvais fondement
pour diminuer la force de la loi, qui, d'après moi, devrait aller dans le sens
du respect de la volonté du malade.
Le Président (M.
Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du gouvernement.
Maintenant, pour le bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de
Gatineau.
• (15 h 40) •
Mme
Vallée : Merci, M. le Président. Alors, Mme Bolduc, messieurs,
bonjour, merci d'être avec nous et de venir partager votre perception du
projet de loi n° 52 et puis vos commentaires, vos suggestions de
bonification.
Je
ne peux pas m'empêcher, lorsque j'entends l'argument voulant qu'on oblige les
maisons de soins palliatifs ou les organismes
qui reçoivent un financement de l'État à offrir l'ensemble des soins… Je vous
dis pourquoi, puis peut-être que vous saurez me convaincre parce que
vous avez une expertise dans le domaine qui dépasse largement celle que je peux
avoir.
On
codifie, à l'intérieur du projet de loi, la liberté de conscience pour le
médecin, liberté de conscience que, je dirais,
à mon avis — mais ça,
on aura des échanges là-dessus — devrait être applicable à l'ensemble des
professionnels. On a eu des échanges avec l'Ordre
des pharmaciens, qui nous a soulevé certaines problématiques potentielles, et
puis je pense que c'est
hyperimportant. Au même titre qu'il est hyperimportant de respecter la liberté
individuelle du malade, je pense qu'on doit aussi s'assurer de respecter
la liberté individuelle du professionnel, de celui ou de celle qui sera appelé
à intervenir. Parce qu'on le voit dans le
débat il y a des professionnels qui oeuvrent dans les soins de fin de vie, qui,
pour des raisons bien personnelles, ne sont
pas à l'aise avec le concept d'aide médicale à mourir. Parfois, ça peut être
pour des raisons aussi strictement de compétence, c'est-à-dire ce n'est
pas un soin qu'on sait administrer, ou c'est quelque chose avec lequel on n'est
pas à l'aise.
Donc, moi, cette
liberté de conscience là, je crois qu'il est important aussi de la transposer
vers les conseils d'administration, en fait,
des maisons qui vont offrir des soins de fin de vie à la population. Certaines
maisons — moi, je le
sais très bien, là, dans ma circonscription, il y a un organisme qui offre des
soins palliatifs — je sais
qu'ils ne voudront pas aller dans
cette orientation-là, ils ne sont pas à l'aise avec ça. Ils vont être là pour
accompagner le malade, ils vont être là pour l'aider, pour le soutenir, mais je sais que, si on leur impose, on
souhaite leur imposer d'offrir, à l'intérieur de leurs murs, l'aide
médicale à mourir, ils ne seront pas prêts à le faire.
Donc,
pourquoi on ne pourrait pas respecter cette liberté de conscience là au sein
des maisons qui offrent des soins palliatifs à la clientèle certaine?
Moi, j'ai l'impression que, si... De ce que je comprends de votre intervention,
vous dites : Il y a des médecins
actuellement en soins palliatifs qui ne parlent pas, qui sont en faveur de l'aide
médicale à mourir, qui ne parlent pas
parce qu'ils ne souhaitent pas avoir un combat de coqs sur la place publique
entre différents professionnels. Donc, si, à l'intérieur de ce
regroupement-là, comme vous le dites, il y a des gens qui sont disposés à offrir ces services-là, j'imagine qu'ils vont
faire des démarches auprès de la maison où ils oeuvrent afin que la
maison puisse offrir ces services-là.
Mais
est ce qu'on peut... est-ce qu'on ne doit pas, compte tenu de l'enjeu
hyperdélicat qu'est la question des soins de fin de vie, de l'aide médicale à mourir, et surtout de l'aide
médicale à mourir... Je pense que de tout... À l'intérieur du projet de loi n° 52, la bonification des
soins palliatifs, c'est un peu ce que j'appelle la clause tarte aux pommes,
dans le sens qu'il n'y a personne qui
est contre, il n'y a personne qui va être contre la bonification des soins
palliatifs sur le territoire du Québec, personne. La sédation
palliative, est-ce qu'elle est terminale ou est-ce qu'elle est continue?, bon,
ça, ça sera à vérifier, mais la sédation palliative semble quand même faire l'objet
d'un certain consensus.
Là, où on va se
positionner, là où on va polariser le débat, c'est vraiment sur la question de
l'aide médicale à mourir parce que ça
interpelle chacun d'entre nous dans nos valeurs les plus fondamentales. Et je
pense que c'est pour ça, par respect de cette interpellation très
personnelle, que le législateur a codifié la liberté de conscience des
médecins. Donc, moi, je comprenais qu'il y avait une certaine liberté de
conscience aussi de la part des maisons, mais, de votre intervention, vous ne
semblez pas à l'aise avec ça.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Bolduc.
Mme Bolduc
(Hélène) : Bien, peut-être que Dr Boisvert aimerait ça répondre. Hein,
Marcel?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Boisvert.
M. Boisvert
(Marcel) : Je suis d'accord avec ce que vous dites, madame. Il y a
moyen, je pense, et peut-être, peut-être
obligation de la part du ministère, le cas échéant, de rappeler que le conflit
de conscience entre deux individus qui
s'opposent n'est pas égal en soi. Je pense que les moralistes... Je peux vous
en nommer plus qu'un, mais je vais m'en tenir à un seul qui est bien connu, francophone. Alors, tout le monde
peut le lire, Paul Ricoeur rappelle à la profession médicale, précisément sur ce sujet, que, quand il
y a conflit, c'est une erreur de jugement de mettre l'autonomie du
médecin sur le même pied d'égalité avec l'autonomie
du patient. Le patient est vulnérable et affaibli; le médecin est conscient
de sa science, conscient de sa position d'autorité.
Et il y a d'autres
exemples dans la vie où ce genre de situation se présente. Je vous cite John.
F. Kennedy, le premier président américain
catholique, et, quand le groupe «pro-life» s'est adressé à lui pour vouloir s'attaquer
à la loi qui permettait l'avortement,
lui a dit : Ce n'est pas mes croyances qui comptent, je suis le président
de tous les Américains, et il faut répondre au principe. Alors, ce que
Paul Ricoeur nous dit, c'est que ce n'est pas renier ses principes que de reconnaître qu'il y a une différence très
significative dans l'opposition entre la position d'un médecin d'un patient
très vulnérable et d'un médecin qui est fondamentalement à son service. Et il dit textuellement que le médecin doit voir
se profiler «une autre [...] exception [...]
que l'exception en ma faveur, à savoir l'exception en faveur de l'autre». On ne
renie pas ses principes de médecin — et j'en suis un — quand on voit qu'un patient mourant,
insoulageable, pour qui tous les soins
deviennent un acharnement palliatif, y inclus la sédation continue dans
certains cas… Je ne suis pas, en principe, contre la sédation, mais on
reconnaît que, dans certaines situations et pour certains patients, ce n'est
pas, et de loin, la solution la plus
humaine. Alors, il se dégage de cela une sorte de responsabilité morale
médicale d'être au service de l'autre. Et, indépendamment de ses
croyances profondes, qui n'ont pas à changer, on a l'obligation morale de
réaliser que le patient qui est mourant, qui
souffre, qu'on ne sait pas soulager, qui ne veut pas de sédation pour lui comme
pour les siens… Ricoeur nous rappelle
que c'est à l'autre que je dois et que je veux être fidèle. Et je pense qu'il y
a lieu de réfléchir à cela.
Et je rajouterais
juste ceci. C'est évident que vous ne pouvez pas, en tant que gouvernement,
tout régler du premier coup, mais que ce
serait une erreur importante, stratégique de ne pas au moins mentionner dans le
projet de loi comme étant «une
commission à être établie en vue de» pour regarder ces questions, de sorte que,
dans deux ans, quatre ans, six ans,
si ces situations deviennent à être discutées au point de les voter, les
opposants ne brandissent pas, ce qu'ils
ont commencé à faire déjà, hier soir, entre autres, à la télévision… de la
pente dangereuse. Ce n'est pas une pente dangereuse de considérer un nouveau développement qui est déjà
prévisible maintenant, sauf qu'on se donne un peu plus de temps pour le régler. Et, si on réglait quelque
chose comme ça pour l'objection de conscience, la maintenir, mais
réaliser qu'il y a des nuances dans l'objection de conscience, et la même chose
pour les démences, etc., que, dans le futur, au moment où on commencera à
étudier… c'est qu'on peut se donner un temps de réflexion, mais de le
reconnaître tout de suite comme étant un problème à venir et que ça ne
correspond pas du tout à une dérive. Merci.
Le Président (M.
Bergman) : ...
M. L'Espérance
(Georges) : L'Espérance.
Le Président (M.
Bergman) : Dr L'Espérance.
M. L'Espérance (Georges) : Oui, juste un petit mot pour répondre à votre
question, si vous le permettez. Moi, j'entends
très, très bien ce que vous dites. Il n'y a aucun problème, il n'y a personne
ici qui va discuter de l'autonomie, du choix
de conscience du médecin ou d'un conseil d'administration. Nous sommes ici face
à deux droits. Et je vais vous retourner un peu votre situation.
Trouvons-nous dans
une région où il n'y a qu'un seul établissement qui offre quelques soins
palliatifs, et l'ensemble du conseil d'administration
décide qu'il ne veut pas avoir d'aide médicale à mourir, mais un patient, lui,
de cette région-là, voudrait l'avoir. Alors là, il va se retrouver démuni d'avoir…
que l'on respecte son droit, alors qu'il n'est pas obligé de soit traverser le fleuve, si on regarde la Gaspésie ou la
Côte-Nord, soit de s'en aller très loin pour obtenir ce droit. Ça n'empêche
absolument pas, à mon sens à moi, toute objection de conscience de la part des
gens qui sont là.
Tout
ce que l'on dit, c'est qu'il faudrait qu'il y ait, à l'intérieur du conseil d'administration
ou de l'établissement, une mécanique, un processus qui va permettre d'aller
aider cette personne-là avec… appelons-les des médecins itinérants — on peut
trouver tous les termes que l'on veut, là — mais, tout au moins, d'avoir un mécanisme
pour respecter la volonté de ce patient-là qui, sinon, va se retrouver
dans un vide juridique ou même vital, si je peux dire.
• (15 h 50) •
Le Président (M.
Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition
officielle. Et maintenant, pour le gouvernement, Mme la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Alors, merci. Merci d'être présents et de nous apporter votre éclairage. Comme
ma collègue l'a dit tout à l'heure, c'est sûr qu'on entend différents points de
vue, et ces différents points de vue là visent à éclairer notre réflexion.
Alors,
Mme Bolduc, dans votre présentation tout à l'heure vous avez
dit : Les meilleurs soins palliatifs n'arrivent pas à soulager les patients dans certains cas,
dans certaines situations. On a entendu d'autres tenants qui nous
parlaient plutôt que tout ça était très, très
contrôlé et qu'on arrivait à soulager tous les patients, donc ils ne voyaient
pas la pertinence d'avoir la
continuité avec l'aide médicale à mourir. Alors, j'aimerais vous entendre sur
ce sujet-là, en nous parlant plus spécifiquement, là, des situations où est-ce
que vous êtes conscients, là, que ça arrive et que ça se produit.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Bolduc.
Mme Bolduc
(Hélène) : Je ne sais pas si je peux répondre, mais des études sont
probantes là-dessus.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Boisvert.
M.
Boisvert (Marcel) : C'est
très étonnant, très étonnant pour nous de voir que les gens qui s'opposent à
l'aide médicale à mourir persistent à voir
dans la littérature qu'on peut contrôler toutes les souffrances et toutes les
situations. Tout ce qui a été publié, lu à esprit ouvert, dit le contraire.
J'ai un
article ici de… qui démontre l'écart de clientèle et l'écart de comportement.
On rapporte toute une référence qui
relève des études qui démontrent, qui chiffrent l'incidence des sédations
terminales. Ça va de 2 % à
80 %. Des études qui démontrent
80 % de sédation terminale. Est-ce que les clientèles sont aussi
différentes que ça? La grande probabilité, c'est non. C'est une
différence de perception, c'est une différence de pratique.
Et, à La
Maison Michel Sarrazin, il y a trois ans, on rapportait 5 % de sédation
terminale... sédation palliative, pour n'insulter
personne, 5 % de patients qu'on ne sait pas soulager. Dans l'étude de
Wilson, publiée en 2007, 5,8 % de patients qu'on ne savait pas soulager. Et, si on leur demandait : Quelle est
votre opinion, dans le moment, face à votre situation en phase terminale, 5,8 % auraient demandé de
remplir leur formulaire pour une demande d'aide à mourir la journée
même, 5,8 %. Il y a deux, trois autres études, c'est étonnant, c'est
autour des mêmes... c'est autour de 5 % et 6 %. Alors, de prétendre
qu'on contrôle tout, ça ne correspond pas à la réalité.
Il y a des gens qui sont au chevet des malades
depuis longtemps, je peux vous en citer juste quelques-uns, des gens du Québec.
Le premier du Québec, le sociologue théologien Jacques Grand'Maison, il a
écrit — j'ai
son texte ici — 50 ans
au chevet des grands malades en fin de vie, et ce qu'il dit, c'est que les
situations sont tellement diverses et tellement complexes qu'on ne peut pas s'en
tenir à une vision univoque. Et il conclut pour ça, qu'il refuse de s'enfermer totalement dans une position
totalement pour ou totalement contre l'euthanasie . C'est le mot qu'il
emploie. Alors, de prétendre qu'on peut régler tout, c'est un biais
inacceptable.
Hubert
Doucet, bien connu au Québec, qui a passé nombre d'années et d'heures au chevet
des mourants, dit la même chose, que c'est une fausse représentation que
de prétendre qu'on peut soulager toutes les souffrances, surtout existentielles. Et ce sont surtout les souffrances
existentielles qui amènent les demandes d'aide médicale à mourir. Alors,
quand on dit qu'on n'a pas besoin de l'aide médicale à mourir parce que les
soins palliatifs peuvent tout soulager, c'est une bonne exagération.
M. L'Espérance
(Georges) : Mais, je pense,
sans faire de la sémantique, qu'il faut vraiment toujours repréciser la différence entre la douleur... C'est
vrai que les soins palliatifs peuvent la traiter de façon relativement bonne dans la très grande majorité des cas. Il faut différencier
la douleur ou les douleurs de la souffrance, essentiellement, qui est un phénomène
psychique conscient.
Si on veut
soulager la souffrance d'un individu,
qu'elle soit existentielle ou simplement en fin de vie, qui se pose toutes
les questions qu'il veut, à ce moment-là il y a
une seule façon de faire, c'est de l'endormir complètement. Quelle
est la différence entre l'endormir pour un
mois, deux mois, trois mois ou je ne
sais combien de temps ou simplement l'amener à une aide médicale à
mourir? Sinon, on joue sur les mots de façon incroyable.
Le patient
qui est souffrant dans son être, profondément, qui se demande pourquoi il vit
encore — et la
médecine moderne a amené beaucoup de gens à
ce niveau-là, ce qui n'existait pas dans les 500 000 années auparavant — les gens qui sont dans cette
attitude-là d'une souffrance ou dans cette situation d'une souffrance morale,
mentale, existentielle profonde, ces gens-là, il n'y a rien qui va les
soulager, sauf s'ils ont décidé d'avoir une aide médicale à mourir.
Et, encore
là, les États américains qui l'acceptent et les pays qui le font aussi, c'est
toujours dans… c'est des chiffres minimes. Ce sont des chiffres minimes,
ça ne correspond… En Belgique, le dernier rapport, ça ne correspond pas à plus
de 2 % de tous les décès. Donc, on parle vraiment d'une strate de gens
choisis, si je peux employer ce terme, ce mauvais terme, mais qui ont une
souffrance. Et c'est à ces gens-là essentiellement que l'aide médicale à mourir
doit s'adresser, à mon avis. Et c'est ce qui
va contre aussi l'affirmation paternaliste — j'utilise le mot — des gens de soins palliatifs qui
disent qu'ils peuvent tout guérir et tout traiter. Et ça, ce n'est pas vrai.
Mme Bolduc
(Hélène) : Moi, j'aurais
ajouté aussi que les soins palliatifs, là, il n'y a pas juste les médecins
qui font de la médecine palliative dans un contexte où il y a des lits
palliatifs, comme on s'entend, là, à développer.
D'ailleurs, j'avais
le goût de dire : Je ne pense pas que Dr Barrette a besoin que je le
défende, mais ça reste que ce n'était
pas comme radiologiste qu'il parlait, l'autre soir, il parlait comme
responsable des médecins spécialistes. Puis, les médecins spécialistes, il y a des cardiologues, des pneumologues, des
néphrologues, des… toutes les spécialités, et tous m'ont dit, à un moment où l'autre, en entrevue,
dans des rencontres, qu'on a toujours l'impression qu'on va limiter les
soins palliatifs aux cancéreux, parce que là, on sait qu'il va mourir tant,
puis là on leur fait un petit nid douillet puis on leur passe le poulet barbecue jusqu'à la dernière minute, mais ce n'est
pas ça, la réalité dans les hôpitaux. Il y a plein de lits où il y a des malades qui vont mourir, on
arrête la dialyse, ils arrivent à l'urgence. Alors, ces fins de vies là ne
sont pas planifiables dans les règles qu'on voudrait faire ici, là. Mais déjà
je pense qu'on en a assez dit sur…
Les autres médecins aussi, il y a de la médecine
palliative. Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire soulager les symptômes.
Puis le reste, quant à ce que j'ai appris, moi, là, sans être du tout une
spécialiste, c'est que l'approche globale de
l'idéologie des soins palliatifs, c'est une chose, c'est bien, mais il ne faut
pas en faire un mythe non plus, il y a encore bien des souffrances à
régler dans la société.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine, il vous reste 1 min 30 s.
Mme
Richard (Îles-de-la-Madeleine) :
Oh! On va faire ça court. J'aimerais peut-être entendre brièvement ce que vous entendez par «étendre les directives
médicales anticipées à l'aide médicale à mourir», ce qui n'est pas prévu
dans le projet de loi, mais vous voudriez étendre les directives pour la
personne qui devient inapte en fin de vie.
Mme
Bolduc (Hélène) : Oui.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Bolduc.
Mme Bolduc
(Hélène) : Bien, je pense que, si la personne… Quand on rédige nos
directives anticipées, c'est entendu qu'on est lucide à ce moment-là et qu'il y
a des témoins, et tout, mais on le fait en prévision souvent d'une inaptitude. C'est justement pour ça qu'on les
écrit, sinon on va discuter avec le médecin. Donc, il faudrait que les
directives médicales anticipées ne s'appliquent
pas seulement à l'arrêt de traitement, comme c'est le cas maintenant, ou à
l'interruption, mais que, si cette
personne-là qui est inapte et souffrante… Il faut qu'il y ait toutes les autres
conditions : qu'elle soit en fin de
vie, qu'elle soit très souffrante. On peut avoir une démence, puis s'étouffer
avec de la nourriture, puis faire une
pneumonie, puis être très souffrante pendant trois, quatre jours, pendant une
semaine et plus. Alors, on peut avoir
un cancer aussi puis être… devenir inapte. Moi, je ne parle pas des autres cas
où il va y avoir des études là-dessus. Le collège a ouvert une porte,
puis ça, c'est d'autre chose.
Le Président (M.
Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.
Mme Bolduc (Hélène) : Moi, je parle des personnes qui auraient fait leurs directives de fin
de vie alors qu'elles étaient aptes. Un jour, elles deviennent inaptes,
un anévrisme, je ne sais pas quoi, quelque chose d'imprévu, et là on respecte
leurs directives de fin de vie.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement.
Pour l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon.
• (16 heures) •
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Merci
de votre présentation. Merci d'être
présents également. Et puis, comme
vous avez pu voir, la commission entend des points de vue, là,
diamétralement opposés. Il y a
beaucoup, également, une question
de philosophie de vie, une question de défense, de défendre l'autodétermination
de la personne. Par contre, il y en
a qui disent aussi : Il faut
protéger des gens peut-être contre des décisions qui pourraient être faites à
leur encontre.
Je
ne réviserai pas tout ce qui s'est dit, mais je vais vous dire un peu comment
moi, personnellement, je me situe. Parce que, quand on vient ici, là, on s'assoit avec une
équipe, mais chacun le vit personnellement. Puis vous savez que notre parti a décidé que ce sera un vote libre.
Donc, on va certainement avoir des gens qui vont voter pour, des gens
qui vont voter contre, puis ça, on respecte ça. D'ailleurs, le principe, c'est
de respecter l'opinion des autres.
Là,
ce qu'on se rend compte, c'est qu'il
y a des groupes qui viennent et puis
qui disent que leur position est assez ferme. Puis on a ça des deux
bords. Là, il faut trouver un équilibre. Puis c'est ça, le mot important, il
faut trouver un équilibre entre ce que les
gens qui exigent, au niveau de l'autonomie, de dire : Je veux défendre l'autonomie
presque à tout prix, versus les autres qui vont dire : Il faut
protéger les gens quasiment contre eux autres mêmes. C'est ça qu'on retrouve beaucoup comme discussion ici. Et c'est pour ça que le projet de loi, de la façon dont il est rédigé — puis
on va devoir le travailler ensemble — il faut être capable d'accorder une certaine autonomie. Mais on ne sait pas
comment ça va être dans six mois puis 12 mois.
Puis
les gens nous parlent de la Belgique, mais, c'est drôle, là, vous n'avez certainement pas tous fait le même voyage ensemble, là, parce qu'on en a que
c'est terrible, ce qui se passe là-bas, puis il y en a d'autres que c'est bien balisé. Ça me fait penser quand on va visiter un système de santé, tu peux revenir emballé, tout dépendant qui tu vas voir, et puis tu peux être découragé, tout dépendant si tu
vas voir un autre groupe. Ça dépend de ta perception de ton système de santé. C'est pour ça que notre projet
de loi doit être équilibré.
Et puis, si on se rend jusqu'au
bout, c'est-à-dire avec une adoption — on présuppose toujours que ça peut ne pas se
rendre jusqu'au bout, ou ça peut se rendre jusqu'au
bout — il faut
qu'on soit capable de travailler ça, puis de voir que la société est
rendue à un niveau et que peut-être que, plus tard, il va y avoir d'autres
décisions. En passant, plus tard, là, puis
je tiens à rassurer des gens de tous les groupes, l'évolution, ce n'est pas toujours dans le sens qu'on en donne plus. À un
moment donné, on peut se rendre compte qu'il y a eu des abus puis on peut être
obligé de revenir en arrière. C'est comme ça que ça fonctionne.
C'est
pour ça que, sur trois points, je dois vous avouer que je suis moins en accord
avec vous. La question des maisons de soins palliatifs, pour moi, c'est
clair, s'ils ne veulent pas l'offrir et qu'ils le disent, si quelqu'un
veut avoir l'aide médicale à mourir, il a juste à ne pas aller là. Il
faut offrir d'autres alternatives. Ça, c'est mon premier principe.
Le
deuxième, on ne peut pas obliger des professionnels. Malgré qu'on dirait :
Le patient a des droits, on ne peut pas aller dire à un professionnel : Tu vas devoir faire ça. Si on part
avec ce principe-là, là, on brise le
projet de loi. La société suit, jusqu'à
date, selon les sondages, mais, si on commence à obliger des gens à des choses
comme ça, si vous voulez mon avis…
Vous pouvez en parler parce que vous défendez une position, mais moi, je ne
vous suivrai pas jusque-là, ça, c'est certain, puis la plupart des
professionnels ne vous suivront pas là.
Juste pour vous dire,
en passant, les associations, pas sûr qu'ils ont fait des grands sondages dans
leurs groupes, sans compter que le premier sondage qu'il y a eu qui a amené ce
débat-là, on va se le dire franchement, là, il
n'y a personne qui savait de quoi il parlait. Et, quand on parlait d'euthanasie,
pour plusieurs docteurs, les soins palliatifs, c'était de l'euthanasie, de la façon dont ça a été posé. Et, comme
ministre, je m'étais positionné rapidement, j'ai dit : Aïe, il n'y a personne qui sait de quoi il parle. La
question qui a été posée, c'est une question qui était large, ce qui fait
que des gens pouvaient dire : Oui, je
suis d'accord, je ne veux pas… On veut tous mourir dignement, ça, on est tous d'accord
avec ça. En passant, je peux rajouter :
Ceux qui sont des croyants, on veut tous aller au ciel, hein? Ça, c'est beau de
dire ça, mais, une fois qu'on a dit
ça, ce qu'il est bien important de comprendre, c'est… les gens ne savaient pas
vraiment, quand la question a été posée, c'était
quoi, la définition d'«aide médicale à mourir», qui n'existait pas à l'époque,
mais de l'euthanasie. Parce que, pour
plusieurs, les soins palliatifs, avec la sédation, c'était de l'euthanasie. Et
ce qu'on ne voulait pas, surtout… Je
pense, la question était surtout orientée : Est-ce que vous aimeriez qu'on
fasse de l'acharnement thérapeutique contre vous? Et, à ça, je pense qu'il
n'y a pas grand monde qui va répondre oui.
Bon,
une fois qu'on a dit ça, on est rendus ici. La deuxième chose que je voyais,
puis vous avez touché le point, c'est
la question de l'accessibilité. Dans ce dossier-ci, si vous êtes… on avait l'exemple,
hier, des Îles-de-la-Madeleine, et vous
êtes quelqu'un qui croyez que vous devriez avoir le droit à l'aide médicale à
mourir et vous répondez aux critères, ça se peut que vous n'ayez personne qui veuille le faire, de vous offrir ce
service-là. Ça, je vous dirais, faisons le meilleur projet de loi, comme dit ma collègue, là,
possible, et il va y avoir des choses comme ça qu'on va devoir régler après.
Et ce n'est pas vrai qu'on va régler toutes les problématiques en six à 12
mois.
Par
contre, tout dépendant de l'orientation, ce qu'on veut avec ce projet de loi
là, en tout cas, l'orientation qui se prend,
c'est qu'il y a une demande de plusieurs personnes dans la société, il y a un
courant qui nous dit qu'on devrait ouvrir, mais, d'un autre côté, on n'ouvrira pas à tout, et c'est ça qui va être
la limite qu'on va faire. Supposons qu'on ne répondrait pas à vos critères — ça va être ma question — si on ne répondait pas à ce que vous nous
disiez par rapport aux maisons de soins palliatifs, la question de
laisser libre choix aux professionnels, de ce que j'ai compris, vous seriez quand
même en accord avec ce qu'on est en train de faire.
Mme Bolduc (Hélène) : Mais, M. Bolduc, on a toujours dit qu'on respectait la liberté du professionnel,
c'est même écrit textuellement. Ça va
de soi. Liberté de conscience, ça n'a même pas été remis en question. C'était
sur l'établissement comme tel, en disant qu'il y a un malaise, là, parce
qu'on sent qu'il va y avoir une obstruction de ceux qu'on appelle «membres du
réseau des soins palliatifs». On ne fait que poser la question qu'on est
inquiets, mais il n'a jamais été question de
forcer, ou d'exiger, ou même… D'abord, ce serait contre la loi, et ce n'est pas
dans notre esprit non plus. Puis il n'y
a pas un médecin qui ferait bien ça si, en plus, il n'a pas le goût de le
faire, et ce n'est pas à l'avantage de personne de donner cette
impression-là.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Je suis très, très content de
votre réponse et je suis d'accord avec vous. C'est qu'on est dans un
dossier dans lequel il va y avoir deux grands courants de pensée. Et il y a des
gens qui vont faire aussi leur promotion,
comme vous avez fait la promotion de l'idée, il y en a qui vont faire la
promotion qu'ils s'opposent à ça, même une fois le projet de loi passé.
Juste
pour vous donner… Aux États-Unis, il y avait le dossier sur l'avortement, hein,
puis il y a des groupes que c'était
pour, des groupes, c'était contre, et ce n'est pas parce que le projet de loi
va être passé que demain, les gens vont changer d'idée. Une fois qu'on a dit ça, je pense qu'on va régler des
choses, mais, tout dépendant comment le projet de loi va être adopté puis avec les modifications qui
vont être apportées au niveau du projet de loi, il y a des éléments qui
vont devoir être réglés après, qu'on ne peut
pas régler avant. Il va y avoir un grand mécanisme de précaution, sauf que,
comme on dit souvent, quand on prend des
décisions comme ça, ça n'existe pas, le zéro risque, il y a toujours un risque,
mais on va le gérer de façon responsable.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, il reste moins d'une
minute pour un commentaire. Mme Bolduc ou Dr L'Espérance.
Mme Bolduc
(Hélène) : Alors, qu'est-ce que… Parce que j'ai de la difficulté à
vous…
Le Président (M.
Bergman) : Si vous voulez un commentaire sur le…
Mme Bolduc
(Hélène) : Un commentaire final. Bien, on vous remercie, évidemment,
de nous avoir donné la chance de nous exprimer. Et est-ce qu'il y a quelqu'un
qui… Non? Bon.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, maintenant, le deuxième groupe
d'opposition. Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault :
Merci, M. le Président. Oubliez-moi pas, j'ai mon gros cinq minutes.
Écoutez,
j'aimerais vous entendre, Dr L'Espérance, parce que, quand on regarde… Puis
vous avez mentionné tout à l'heure,
là… Bon, l'aide médicale à mourir tel qu'on le définit ici, dans les critères
de sélection dans la loi, au quatrième alinéa,
on demande : «Elle éprouve des souffrances physiques ou psychiques constantes,
insupportables et qui ne peuvent être
apaisées dans des conditions qu'elle juge tolérables.» Et je vais vous avouer
que moi, je n'ai pas participé longuement à la commission avant, là, dans les trois dernières années — la ministre est au courant de ça — et je vous dirais que, bon, comparativement à ce qui se passe en Belgique,
nous, dans le fond, on exige que ces soins-là d'aide médicale à mourir soient donnés en fin de vie. Par contre, quand on
regarde les critères de sédation en phase terminale — ou qu'on les appelle «sédation
continue» — dans
les critères de sédation en phase terminale… Et là je réfère à une étude de
Cherny et Portenoy, qui nous disent que l'indication
de sédation en phase terminale, si les symptômes réfractaires constituent
une indication de sédation, c'est «le caractère réfractaire et la pénibilité du
symptôme pour la personne malade […] qui justifient la sédation».
Alors, vous, est-ce
que vous voyez une distinction claire, nette et précise dans le projet de loi
tel qu'il est rédigé entre la sédation
terminale et l'aide médicale à mourir? Parce que, quand on regarde, dans
certains endroits, c'est sensiblement
la même définition. Alors, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de penser qu'il
pouvait y avoir une confusion chez certains médecins ou chez les gens
qui pratiquent, entre autres, en soins palliatifs, à cet égard-là?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Bolduc.
Mme Bolduc (Hélène) : Bon. Bien,
alors, la…
Mme
Daneault : …Dr L'Espérance.
Je m'excuse, mais je voulais juste avoir le point de vue médical.
Des voix : …
Mme
Daneault :
Excusez.
• (16 h 10) •
M.
Boisvert (Marcel) : La notion de sédation, en soi, c'est dormir, entre
guillemets, perte de conscience, et on laisse
la vie s'éteindre. Alors que l'aide médicale à mourir, c'est rapide, c'est… qui
correspond au besoin. On n'a rien contre
la sédation. Il y a des situations où la sédation n'est pas la solution la plus
humaine. Encore, je reviens à Jacques Grand'Maison,
mais c'est lui qui l'a le mieux dit. Il y a des situations de sédations
palliatives continues qui deviennent terminales,
mais qui vont s'étirer sur… on l'a mentionné, ça peut aller… on ne le sait pas,
ça peut aller jusqu'à 10 jours, deux semaines. Et ce que Jacques Grand'Maison dit, c'est
de nous mettre en garde contre l'absolutilisation du caractère sacré de la vie, ne pas pouvoir l'écourter d'une
seconde ou d'un jour. Et il dit : Ça peut mener à des postures
inhumaines et il a utilisé la même image devant la commission il y a deux,
trois ans, en disant que ça peut mener à des… faire des choses cruelles.
Alors, il faut accepter et reconnaître que la
sédation, dans certains cas, c'est correct; dans d'autres cas, ça ne correspond pas à la situation la plus humaine. Il
faut rechercher la situation la plus humaine, et la situation
la plus humaine, parfois c'est l'aide
médicale à mourir rapide; d'autres fois, c'est la sédation continue et laisser
la vie s'éteindre au bout.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Groulx.
M. L'Espérance (Georges) : Une
petite précision.
Le Président (M. Bergman) :
Dr. L'Espérance.
M. L'Espérance
(Georges) : La sédation
terminale à mourir, effectivement peut s'étirer longtemps. Mais, appelons les choses telles qu'elles sont, un patient que l'on
laisse s'éteindre tout doucement pendant autant de temps, il meurt de faim, il meurt de soif, il meurt dans des
conditions… qualifions-les d'exécrables et certainement d'inhumaines, en tout cas. L'aide médicale à mourir, c'est
de faire un geste volontaire, immédiat, avec l'assentiment du patient, bien sûr,
avec l'assentiment du médecin, bien sûr, mais qui évite toute cette espèce de processus — et je
n'hésite pas à employer le terme — hypocrite que l'on fait depuis fort
longtemps. Et laisser des gens mourir de faim et de soif dans le fond d'un
lit, en leur donnant des doses filées de morphine, il n'y a rien d'intelligent
là-dedans et il n'y a rien d'humain dans ça.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est
écoulé. Alors, Mme Bolduc, Dr Boisvert, Dr L'Espérance, Pr Mercier,
merci d'être avec nous aujourd'hui et merci de partager votre expertise avec
nous.
Et je demande
aux gens du Collectif Mourir digne et libre de prendre place à la table et je
suspends pour quelques instants seulement.
(Suspension de la séance à 16 h 12)
(Reprise à 16 h 15)
Le Président (M. Bergman) :
Alors, M. Leblond, M. Bureau, bienvenue.
Des voix : …
Le Président (M. Bergman) :
Bienvenue…
Des voix : …
Le Président
(M. Bergman) : M. Leblond, M. Bureau, bienvenue. Alors,
vous avez 15 minutes pour faire une présentation, suivie d'un
échange avec les membres de la commission. Je vous demanderais de donner vos
noms, vos titres. Et, pour faire votre présentation dans les prochaines 15 minutes,
le micro, c'est à vous.
Collectif Mourir digne
et libre
M. Leblond (Ghislain) : Merci. Est-ce
que vous pouvez m'entendre?
Une voix : …
M.
Leblond (Ghislain) : Merci. Écoutez, je suis Ghislain Leblond, je suis
tout simplement quelqu'un qui souffre d'une maladie dégénérative, j'ai des
problèmes depuis 50 ans. Et j'ai l'honneur d'être accompagné par M. Yvon
Bureau, qui, lui, est un militant de très longue date — je ne
veux pas référer à ton âge nécessairement, mais de… — sur
la question de mourir dans la dignité et la sérénité au Québec.
Alors,
merci de nous accueillir. On veut d'abord évidemment se joindre à tout le
monde, la plupart, du moins, qui vous
ont félicités pour la qualité du travail que vous avez accompli et la qualité
des rapports qui en ont découlé, de même que du projet de loi. J'ai déjà eu l'occasion de le dire auparavant ici,
à une pareille commission puis en public également, je ne suis pas surpris de la qualité du travail que
vous avez accompli. Dans une vie antérieure, j'ai eu souvent l'occasion
de travailler avec des élus et j'ai toujours
constaté le sérieux avec lequel ils prenaient leur travail. Alors, dans cet
exercice particulier, je peux vous dire que vous faites honneur à votre métier
de député.
Dans
l'exercice… ou l'étape où on en est rendus de l'exercice, il faut se rappeler…
il faudrait qu'on se rappelle que ça
a débuté en 2006 par une décision du Collège des médecins, qui a demandé à son
comité d'éthique de regarder qu'est-ce
qu'on pouvait faire avec des demandes de soins, d'intervention, de la part de
patients, auxquelles ils ne pouvaient pas
répondre dans le cadre médico-légal actuel. Je pense que ça a été… Les médecins
parlaient d'impasse. Je pense que cette
impasse-là, dans les audiences publiques, les consultations publiques que la
commission spéciale a conduites, ça s'est avéré. Vous avez entendu aussi de nombreux témoignages de la part de
patients ou de proches qui avaient accompagné des patients, qui disaient qu'effectivement la palette
de soins n'était pas apte à rencontrer certaines demandes caractérisées
par des souffrances et des douleurs intolérables.
Alors,
écoutez, nous, on accueille très favorablement le projet de loi. On pense qu'il
répond à la demande du conseil du
collège et d'autres instances qui se sont manifestées. Je pense que c'est de
nature à satisfaire aussi les gens qui
sont laissés pour compte actuellement. La raison principale, c'est que ça vient
compléter ce qui était déjà fait au Québec. La question ou la préoccupation de mourir dans la dignité et la sérénité
au Québec, ce n'est pas nouveau. Je réfère aux soins palliatifs. Je réfère aussi aux modifications au Code criminel
pour le refus de traitement, l'abandon de traitement, etc., auxquelles
mon collègue Bureau a été largement associé, parce que ça correspond à ce que
la société demande aussi et parce que le
projet de loi laisse une place prépondérante
aux volontés de nos finissants de la vie dans un modèle inclusif. Ça
fait de la place à tout le monde, à toutes les valeurs, à toutes les situations,
tant des soignants que des soignés. Donc, c'est un modèle inclusif, et, nous,
ça nous accroche beaucoup parce qu'il vise à rendre les soins palliatifs
accessibles à tous sur l'ensemble du territoire.
• (16 h 20) •
Je
sais que nous, on est beaucoup… particulièrement, moi, je suis beaucoup associé
à l'idée d'aide médicale à mourir,
mais, toujours dans nos communications, tant écrites à la commission que
publiques, on a toujours reconnu et on a toujours fait la promotion des
soins palliatifs.
Aussi,
une raison, une dernière raison, c'est parce qu'il rend désormais, le projet de
loi, l'aide médicale à mourir balisée
et contrôlée pour ceux qui font face à des agonies inhumaines dans un contexte
où le droit de demander est dans un processus,
un contexte où ce droit est exercé d'une manière socialement responsable. Et c'est
comme tout droit dans la société. Vous avez des droits, et ces droits-là
doivent être pratiqués, observés, utilisés d'une manière socialement
responsable, que ce soit un permis de conduire, que ce soit tout autre chose.
Et
nous avons toujours reconnu dès le départ… Il y a des gens qui ont toujours
parlé de dérives, que c'était une préoccupation sérieuse. Et nous voyons
dans le projet de loi que les critères permettent effectivement une pratique socialement responsable de ce droit. Et je dois
vous dire qu'en deçà de ces balises nous croyons, nous, que la meilleure
garantie contre les dérives, c'est la déontologie, c'est l'éthique des
professionnels soignants.
Quand
j'entends que… il me vient des noms évidemment, je pense que ce ne serait pas
approprié dans la salle de nommer des
noms, n'est-ce pas, hein, et même si je parlais en mon nom personnel… qui ont
dit que… et je l'ai entendu de la part d'un opposant lors d'une émission
de radio à laquelle je travaillais… je participais avec cette personne-là, que dorénavant la tâche principale des DSP dans les
hôpitaux sera d'éliminer le plus grand nombre de patients possible pour des fins d'économies budgétaires. Alors, ça fait
longtemps que j'ai perdu l'illusion d'avoir un dialogue intelligent avec
des gens qui prononcent ça. Et, si j'étais un professionnel de la santé, je ne
serais pas resté silencieux dans ça. C'est d'un mépris total.
Alors,
même si, pour nous, l'opportunité de se doter d'une loi sur les fins de la vie
fait un très large consensus, on a
quand même deux points qu'on voudrait soulever plus particulièrement. C'est la
question des aptes versus inaptes. Je pense
que, pour pouvoir encadrer cette discussion-là, il faut… en tout cas, nous, on
en est venus à l'idée, à la conclusion qu'il
faut identifier trois catégories d'inaptes : ceux qui ne l'ont jamais été
parce qu'ils sont venus au monde inaptes, ils n'ont jamais pu le
devenir, ou qui n'ont pas pu le devenir avant l'âge légal; ceux qui sont
devenus inaptes — je
parle toujours dans un contexte d'application
des directives anticipées de soins de vie — ceux qui sont devenus inaptes sans
avoir formulé leurs directives anticipées; et, une troisième catégorie, ceux
qui sont devenus inaptes après avoir eu la possibilité en bonne et due forme de
formuler et d'expliciter leurs soins de… leurs directives anticipées.
Bon,
pour la première catégorie, il est clair qu'on n'est pas… ceux qui sont
inaptes, qui l'ont toujours été, qu'on n'en
est pas rendus là, que la société n'est pas là, qu'on n'a peut-être pas la connaissance qu'il faut, mais on
reconnaît, on endosse la recommandation du Collège des médecins que, peut-être, la commission de contrôle dirige un comité
d'étude là-dessus. Je pense
qu'il faut passer par-dessus nos tabous. Je sais qu'il y a des grandes âmes qui
vont s'émouvoir, mais il reste qu'il
y a une catégorie de personnes qui sont condamnées à des vies d'enfer,
atroces, et des parents, des familles qui sont condamnés à des vies d'enfer, et on doit passer, comme société…
si on est une collectivité, on doit passer par-dessus nos tabous et regarder ça de face.
Pour ce qui est de la
deuxième catégorie, ceux qui sont devenus inaptes sans avoir exprimé leurs
directives anticipées, c'est le statu quo, c'est
le modus operandi, et les proches, s'il y en a, et les soignants essaient de se
débrouiller comme ils peuvent présentement. Il y a différentes techniques.
Pour ce qui
est des inaptes… ceux qui sont devenus inaptes après avoir… lorsqu'ils étaient
aptes à formuler leurs directives, je
dois dire, là, que là-dessus, là, vous m'avez soufflé un peu dans vos
discussions. Si tu fais des directives anticipées,
c'est, par définition, pour parer à l'éventualité où tu seras inapte. L'image
qui me vient à l'esprit, c'est de ne pas
exécuter un testament parce que la personne est morte. Par définition, un
testament, c'est pour décréter, une fois que tu seras mort, comment tes pauvres avoirs, tes vieilles bottines, vont
être distribués, et il n'y a personne qui va remettre ça en question.
Alors là, si on n'a pas cette possibilité-là, moi, je ne vois pas pourquoi on s'embarrasserait
du système des directives anticipées. Si tu
es réduit à… si le seul moyen que tu as à exprimer ce que tu veux comme soins
de vie d'une manière verbale, c'est ça, tu n'as pas besoin de… Puis, si
ce que tu as écrit n'a aucune valeur, ne montons pas ce système-là de manière
inutile. Tu sais, encore une fois, je vous fais le parallèle avec le testament.
Une voix : …
• (16 h 30) •
M. Leblond
(Ghislain) : Oui, monsieur, oui. Alors, écoutez, je veux vous parler
aussi de l'imminence de la mort. Il y a plusieurs médecins qui ont parlé
de ça, il y a plusieurs groupes qui ont soulevé ça, qu'il faudrait que la mort soit imminente. D'une part, ils disent : On
ne peut pas… tout le monde reconnaît qu'on ne peut pas mettre un chiffre,
un mois, une semaine, peu importe. Mais on
voudrait que, d'un autre côté, ce ne soit pas trop loin, on ne sait pas trop.
Le projet de loi… et c'était à la demande
des médecins, tout à fait justifiée, qui voulaient que, si on a des
balises, que ce soit un processus… que ce ne soit pas une recette, qu'ils
puissent exercer leur jugement professionnel, leurs compétences
professionnelles, et que, là, on était dans un contexte, si on allait dans l'aide
médicale à mourir, de soins de fin de vie appropriés et personnalisés.
Pour les gens — je vais me citer en exemple,
puis je peux vous dire que j'ai été contacté par énormément de personnes en
chaise roulante qui ont des maladies dégénératives, etc. — le
fait qu'il n'y ait pas de porte de sortie, qu'il
n'y ait pas de mort — on va
employer les mots — de décès
prévisible à court terme, alors qu'ils ont déjà rempli les autres… déchéance, etc., maladie mortelle, etc.,
mais qu'ils ne voient pas de sortie à court terme, ce n'est pas un… ça
ne vient pas seulement ajouter, ça vient multiplier les souffrances.
Le fait de se
retrouver prisonnier de son corps avec la perspective — oui,
je vais vous donner la parole bientôt — d'être dans son lit, sans aucune qualité de
vie, à la merci de tout le monde, c'est un facteur d'aggravation sérieux
de douleur et de souffrance pour soi-même et
pour sa famille. Alors, on parle de soins personnalisés et appropriés de
fin de vie. C'est dans ce dialogue
particulier, dans un cas particulier qu'il pourra peut-être en arriver à une
entente entre le médecin et ce que
demande le patient, le client, et qui pourrait peut-être se traduire par
quelque chose qui… on ne le sait pas, mais près de six mois, un an,
avant que… ce qu'on appelle, entre guillemets, de mort naturelle.
Alors, en conclusion, M. le Président — j'arrive,
ça fait longtemps que vous l'attendez — on est convaincus qu'il y a plusieurs personnes qui vous ont dit que
votre tâche, ça ne serait pas facile. Et j'irais même jusqu'à dire qu'il
y en a même qui vous ont menacés en termes relativement clairs quant à votre
rôle comme députés. Nous, on pense plutôt que
vous êtes dans une situation privilégiée. Il n'y en a pas beaucoup qui ont mon
âge ici, autour de la table, là, mais il y a longtemps que vous avez découvert que la condition humaine n'est pas
facile. Il y a longtemps que vous avez découvert aussi qu'aider un autre être humain est peut-être l'élément ou le geste
le plus gratifiant qu'un être humain peut connaître. Comme parlementaires,
comme membres du gouvernement, pris au sens générique du terme, vous avez la
possibilité d'aider pas seulement une
personne, mais un grand groupe de personnes, des gens qui autrement seraient
laissés sur le carreau. C'est l'occasion
que vous avez. Alors, je pense que ce sera un legs que vous laisserez à l'ensemble
de la population et dont vous serez fiers toute votre vie.
On est prêts aux questions. Je ne voudrais pas
influencer la commission, M. le Président, mais on est prêts à répondre à des questions, surtout si vous nous
parlez de confusion dans les termes, de la relation patient-docteur, la
réaction au niveau des soins palliatifs et l'efficacité des soins palliatifs et
de la sédation aux qualificatifs multiples. Merci.
Le
Président (M. Bergman) : Merci, M. Leblond. Alors, pour le
premier bloc du gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui. Bonjour à vous deux, M. Leblond,
M. Bureau. merci de votre présence parmi nous. Donc, M. Leblond, on commence à bien se connaître.
Donc, il y a des gens des deux côtés, disons, qui sont des
fidèles de nos travaux depuis de
nombreuses années, dont M. Bureau. De l'autre côté, on avait les gens de
Vivre dans la dignité aussi qui étaient très, très assidus.
Écoutez,
vous voyez l'état de ma voix, ce qui fait que je vais être très concise. Je
voulais simplement peut-être clarifier une chose. Les directives médicales
anticipées, j'entends très bien votre propos, vous estimez, comme d'autres
groupes qui sont venus, qu'on devrait
pouvoir y inclure une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Là, vous
semblez dire : Sinon, à quoi ça sert?
Puis, en fait, ça sert à tout le reste, parce qu'on peut demander pas d'acharnement thérapeutique, de ne pas être branché à un respirateur, de ne pas
être réanimé dans telle situation. Donc, je voulais juste clarifier que
les directives médicales anticipées comme
celles qu'on peut faire aujourd'hui, alors que l'aide médicale à mourir
n'existe pas, ont quand même une valeur.
Et la
question sur laquelle je veux vous amener, c'est une question, je vous dirais,
de législateur. On a chacun notre rôle,
là, mais je vous la pose quand même. On comprend que c'est une idée formidable,
d'un point de vue d'autonomie de la personne, de dire : Moi, là, je
veux le demander à l'avance de pouvoir avoir l'aide médicale à mourir si je
suis dans telle
situation. Mais il y a deux enjeux, selon moi, importants — puis je veux vous entendre là-dessus — qui font que c'est difficile dans le
concret de voir exactement comment ça va se faire.
Un, c'est le
moment x. Donc, je le dis toujours, je dis que le jour moins un, on n'est pas
rendu à ce qu'on avait expliqué dans nos directives médicales
anticipées, mais le jour zéro, on y est rendu. Qui détermine ça? Est-ce que c'est
le médecin? Est-ce que c'est un proche? Est-ce que ce n'est pas très complexe?
Et l'autre
question, c'est : Comment on évalue la souffrance d'une personne qui ne
peut plus l'exprimer? Donc, il y a
des éléments… On peut voir que quelqu'un est inconfortable. Mais comment on est
capable d'évaluer ça quand la personne
est devenue inapte? Donc, je vous la soumets parce que je sais, j'ai lu et je
vous entends que vous souhaiteriez qu'on aille plus loin. Je vous
explique les problèmes ou les enjeux que ça soulève.
Le Président (M. Bergman) :
M. Leblond.
M. Leblond
(Ghislain) : Oui, merci. J'ai passé, là, parce que M. le Président me
distrayait et contrainte de temps… Et,
comme ancien fonctionnaire, la parole d'un élu, n'est-ce pas? Je pense qu'il
faut faire deux… On le suggère dans nos notes, là, il faut faire un cas particulier des affections du cerveau
par rapport à d'autres. Et ça, ça peut découler de plusieurs choses. Ça peut être d'une dégénérescence
cognitive, d'une démence. Ça peut être l'objet de quelqu'un qui a fait un
AVC, qui a fait une crise cardiaque et qui est resté à l'état végétatif. Il ne
faut pas penser que ceux qui vont demander l'aide médicale à mourir de manière anticipée, dans l'éventualité où ils
deviendraient inaptes, ce n'est que les gens qui vont avoir un
diagnostic de démence comme l'Alzheimer, mais il y a beaucoup d'autres
personnes qui se savent en danger de faire
des AVC, qui font des crises cardiaques à répétition — un cas que je connais malheureusement trop
intimement, un anévrisme au cerveau inopérable — qui vont dire dans leurs directives
anticipées : Quand je serai… si jamais ça arrivait et que j'étais à
l'état végétatif, je voudrais qu'on mette un terme à mon agonie.
Quant aux
démences, je pense qu'on est sur une mauvaise track… sur une mauvaise voie,
pardon, lorsqu'on essaie d'utiliser
les mêmes critères pour ce genre d'affections cérébrales que pour les maladies
physiques, essayer d'évaluer en termes
de souffrance et de douleur. Et je sais que mon épouse n'aime pas beaucoup
parler du cas de ma belle-mère qui est morte
d'Alzheimer et que ça s'est… pendant cinq ans, où elle était, à toutes fins,
partie au point de vue cognitif et ce qui s'est terminé par une palliation que je ne qualifierai pas, mais qui a
duré trois semaines. Dans ce genre de maladie là, on a maintenant… Oublions les concepts de souffrance et
de douleur. On sait que, rendu à un certain stade… Pour finir avec l'exemple de ma belle-mère, bien malin… — moi, en tout cas, ça faisait 45 ans que je
la connaissais — bien
malin celui qui disait qu'elle était
capable d'interpréter son état, si elle souffrait, si elle n'était pas
souffrante, si elle était heureuse
ou pas. Mais on savait tous, tous autour du
lit, les proches comme les soignants, qu'elle n'était plus là depuis longtemps,
qu'elle n'avait plus de qualité de vie, qu'elle
ne reconnaissait plus personne et qu'il fallait la nourrir, qu'il fallait la
changer, etc. Je n'ai pas besoin de faire le portrait, vous connaissez
la déchéance de ces gens-là.
J'ai lu dans
les rapports conjoints du Barreau et du… enfin, le groupe de travail mené par
le Collège des médecins, on a des étapes reconnues où on sait que, pour
utiliser l'expression de la loi belge, on a atteint un stade irréversible d'inconscience. Pour les affections du cerveau, c'est
la voie qui nous permettrait de sortir de ce supposé dilemme, et non pas
essayer d'évaluer les souffrances pour les gens qui sont inconscients.
• (16 h 40) •
Le Président (M. Bergman) :
M. Bureau.
M. Bureau (Yvon) : Par rapport à
votre question, j'aimerais dire simplement que la réalisation des directives médicales
anticipées, ça sera toujours complexe, mais, d'une façon, ça ne sera pas
compliqué du tout en autant qu'on demeure
centré sur la personne, son seul intérêt, et qu'on ne laisse pas les autres
intérêts s'impliquer là-dedans pour toutes sortes de fins, et tout ça.
Alors, pour moi, je pense, la réalisation… Puis ça devrait se faire, moi, je
pense, en équipes interdisciplinaires,
lorsqu'on a des décisions aussi touchantes et touchées, de dire : Maintenant, on va passer à la réalisation des
directives médicales anticipées. Si on est centrés sur la personne, je crois
que toute l'équipe et les proches, tout
le monde va se sentir à l'aise et le
deuil, par après, va être beaucoup facilité parce
qu'on va se dire : On l'a
respecté jusqu'à la fin.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Richard (Îles-de-la-Madeleine) :
…
Le Président (M. Bergman) : Mme la
députée des Îles-de-la-Madeleine.
Mme
Richard
(Îles-de-la-Madeleine) : Oui. Merci beaucoup de votre présence. On sent dans tous vos
propos un grand respect pour l'ordre professionnel, pour les médecins, mais
aussi pour les députés. Ça nous fait du bien, merci beaucoup. On entend souvent
le contraire. Mais on sent vraiment un respect et…
Une voix : …
Mme
Richard
(Îles-de-la-Madeleine) : Merci. Je vous remercie pour ça, mais aussi pour les médecins. Je pense qu'au
niveau de l'éthique vous ne remettez pas du tout en cause au niveau de l'éthique
des professionnels soignants… J'aimerais
vous entendre, peut-être… Parce
que je sais que vous avez quand même
été impliqués dans ce dossier depuis longtemps. Et hier on a eu une
discussion sur les termes qui ont été choisis dans le projet de loi, et je
pense que vous nous
avez même suggéré que ça pouvait être une question qu'on retourne. Je l'avais déjà
notée, mais vous nous l'avez suggérée.
Alors, j'aimerais entendre, au niveau des termes, la sédation palliative,
intermittente, continue, terminale, même le terme «aide médicale à
mourir»… peut-être
avoir votre opinion sur les termes qui ont été choisis dans le projet de loi.
Le Président (M. Bergman) :
M. Leblond.
M. Bureau (Yvon) : Juste au niveau
de la terminologie, on…
Le Président (M. Bergman) :
M. Bureau.
M. Bureau
(Yvon) : Merci. Juste au
niveau de la terminologie, on peut voir qu'il y a eu une grande
évolution depuis une trentaine d'années. Je
ne sais pas si vous vous souvenez, au début, il y a une trentaine d'années,
on parlait : Ça serait intéressant d'avoir les souhaits de fin de
vie, hein, ça serait intéressant. Par après, c'est devenu… les gens ont commencé à parler de volontés de fin de vie. Ah!
Hein, la personne en fin de vie prenait de plus en plus de place. Et on
en est arrivés à parler de directives de fin de vie. Vous voyez jusqu'où la
place du patient est devenue de plus en plus importante dans le processus
décisionnel.
Quant à la
terminologie, pour Ghislain et moi, et pour moi, depuis une trentaine d'années
que je m'occupe de la promotion des
droits, libertés, responsabilités de la personne en fin de vie, c'est drôle, les
gens comprennent à peu près
tout ce dont vous parlez. Ils savent, quand
on dit : Les gens vont pouvoir refuser des traitements, c'est clair. Ils
ont le droit de faire cesser des
traitements, comme Nancy B. et compagnie, c'est clair. Ils peuvent demander d'avoir
tous les médicaments contre la
douleur pour que ça soit efficace, même si ça nous fait mourir plus vite, c'est
clair. Ce qui est encore clair aussi, quand
ils nous disent : J'aimerais aussi à ce que, si, à un moment donné, mes douleurs ne sont plus contrôlables, on me fasse dormir jusqu'à ce que le bon Dieu vienne me
chercher, c'est clair, ce qu'on pourrait appeler la sédation. Moi, j'aimerais
mieux peut-être une anesthésie générale jusqu'à la fin, ça serait clair. Les
gens, ils comprennent très bien. Si on dit «sédation palliative» : Oh! Qu'est-ce
que c'est, ça? Alors, pour moi, me faire dire qu'on peut…
Je parlais d'ailleurs
avec quelqu'un en fin
de vie dernièrement, qui
disait : Oui, ça se peut qu'à un
moment donné, quand ça ne sera plus…
je veux qu'on m'endorme, que je dorme solidement, comme si j'étais en
anesthésie, et puis que le bon Dieu
vienne me chercher. Et, quand on parle de l'aide médicale à mourir, dans tous
mes 30 ans, je n'ai jamais
entendu quelqu'un dire : Docteur, pourriez-vous m'euthanasier?
Non. Les gens n'ont jamais demandé : Docteur, pourriez-vous m'aider à me suicider? Non. Qu'est-ce qu'ils disent, les gens? Et c'est pour ça que l'expression «aide médicale à
mourir» est si extraordinaire, d'une façon, parce que c'est l'expression de la population,
ils disent : Docteur, aidez-moi à terminer ma vie, aidez-moi à mourir maintenant,
donc une aide médicale à mourir.
Alors, pour moi, je pense que la terminologie, elle est très précise.
Et, lorsqu'on dit qu'il y a eu complot pour rendre confus des choses pour qu'on
puisse passer toutes sortes de sapins, ça ne
tient pas. Et, lorsque des gens, comme hier, disent un tel vocabulaire, moi, je
crois qu'ils perdent en crédibilité de jour en jour.
Le Président (M. Bergman) :
Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Maintenant, pour l'opposition
officielle, Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Alors, messieurs, merci de venir partager votre point
de vue. Je pense que, de notre côté et de tous les côtés, il était
important de solliciter les points de vue sur le projet de loi n° 52 de
tous les intervenants qui ont un intérêt envers ce projet de loi là. Vous avez
un intérêt personnel très senti et d'autres groupes également. Je pense qu'on doit respecter aussi, même si on n'est pas d'accord
avec les propos qui ont pu être tenus par un groupe ou l'autre, respecter que ces propos-là sont, pour eux, très
importants, viennent chercher des valeurs qui les touchent profondément. Je suis qui, moi, pour remettre en
cause ce que vous apportez aujourd'hui? Pas plus que je ne remettrais en
cause ce qui m'a été apporté par l'organisme
qui vous a précédé et par l'organisme qu'on a entendu cet avant-midi. Je
prends ce que vous nous apportez et je tente
de voir, avec tout ça, comment on va pouvoir faire avancer ce projet de
loi là qui est important.
Pour rassurer
M. Leblond, sachez qu'on n'a pas eu de menaces. Je comprends le sous-entendu
que vous avez fait, mais sachez que,
si nous posons des questions, que, si, de notre côté, de notre formation
politique, il y a un vote libre sur la question,
c'est pour respecter la liberté de conscience des gens, ce n'est pas en raison
de menaces. Et j'ai bien compris le sous-entendu,
mais je voulais juste mettre les choses au clair de façon bien correcte. On a
une préoccupation de s'assurer que le
projet de loi qui sera apporté devant nos collègues sera le meilleur projet de
loi possible. Et on a aussi ce respect-là pour la conscience de chacun
des élus, au même titre que le projet de loi reconnaît la liberté de conscience
pour les professionnels qui seront peut-être
appelés au chevet de quelqu'un qui demandera de se voir administrer l'aide
médicale à mourir.
Je tiens, M.
Bureau, à revenir sur la question de la terminologie. Je comprends que, pour le
patient, la terminologie est claire.
Maintenant, ce que nous avons compris des interventions, entre autres du Collège
des médecins, qui a été le premier
groupe à s'adresser à cette commission, c'était qu'il y avait peut-être une
confusion au sein même du collège, au sein
même des professionnels, à savoir qu'est-ce que voulaient dire les termes du
projet de loi, pas tant pour le patient, mais pour celui ou celle qui sera appelé à mettre en pratique ce que le
projet de loi prévoit. Et puis, pour ça, c'est très important parce que, s'il semble y avoir différentes
interprétations, bien il nous appartient de bien les préciser, de bien les
baliser. Et puis, je ne sais pas, est-ce que vous croyez… Est-ce qu'il est
inapproprié d'insérer des définitions ou de préciser les termes à l'intérieur
du projet de loi? Moi, je pense que, dans un concept où on tient à faire un
travail d'éducation populaire,
de sensibilisation, je pense que ça peut aider davantage à la compréhension et
à l'acceptabilité sociale de
la loi qui pourrait éventuellement être adoptée par l'Assemblée nationale et j'aimerais
vous entendre à ce niveau-là.
Je comprends, quand
vous me parlez, quand vous nous dites : Les patients nous disent : Je
veux m'endormir, docteur, je comprends que
les patients vont utiliser leurs mots, vont vous parler dans leurs mots, mais
on a quand même un projet de loi qui utilise des termes bien précis, et c'est à l'aide de ces termes-là
que seront évalués aussi les gestes posés par les professionnels. C'est avec ce projet de loi là que la commission sera appelée à se questionner, à
évaluer la mise en oeuvre du projet de loi. Donc, j'aimerais vous
entendre sur l'utilisation ou la précision des termes à l'intérieur du projet
de loi comme tel.
• (16 h 50) •
M. Bureau
(Yvon) : Tout à fait d'accord avec vous pour qu'on…
Le Président (M.
Bergman) : Dr Bureau.
M. Bureau (Yvon) : Merci. Tout à fait d'accord
avec vous pour qu'on puisse bonifier, placer des termes. J'ai écrit un livre qui s'appelait Ma mort, ma
dignité, mes volontés. Vous savez ce que mon épouse me demandait toujours?
Donne des exemples. Si on parle d'un terme,
pourquoi ne pas mettre un ou deux exemples? Et, à ce moment-là, je pense qu'on
comprend beaucoup mieux que, lorsqu'il y a des termes qui
sont, comme on dit, plus élastiques ou qui sont plus… qu'on peut mettre beaucoup…
Exemple,
si on parle… je ne sais pas trop, trop… Si on parle de l'éthique, ça peut être quelque chose au niveau de la construction, mettons, mais, si on parle de l'intégrité,
les gens comprennent beaucoup plus c'est quoi, l'intégrité que l'éthique. Alors, qu'au niveau, je pense, de ce projet de loi, bien sûr, qu'on puisse mieux définir, trouver des mots
qui disent le plus… pour toute la population, au fond. Parce que, je me dis, au fond, oui, ça va
rendre service puis, en même
temps, je me dis qu'il faut penser aussi à
la population. Il y a 60 000
personnes qui vont décéder cette année. Au Québec, il y a à peu près une trentaine de personnes qui sont touchées
par ça, c'est presque 2 millions, à chaque année, de personnes qui sont touchées par le décès… des choses. Alors, je me
dis, ce projet de loi, plus il va apporter une terminologie qui est
porteuse, qui est inclusive, qui dit bien les choses, et, si possible, avec un
exemple ou deux…
Je
sais que les professionnels, ils ont de la misère à dire : On va donner
des exemples, parce que, dans nos têtes à nous, les intellectuels, les intellos, c'est toujours très clair, mais,
quand on donne des exemples… Et c'est là, je pense, que ça va nous forcer à mieux comprendre une
terminologie. Puis, bravo, vous insistez, depuis le début de la commission,
pour la terminologie, et je vous seconde là-dessus, qu'on cherche les meilleurs
termes qui disent le plus de choses possible et avoir l'humilité des termes
simples aussi.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
M. Leblond
(Ghislain) : Si vous me permettez?
Mme Vallée :
Oui, certainement.
Le Président (M.
Bergman) : Certainement. M. Leblond.
M.
Leblond (Ghislain) : Oui? Écoutez, je n'ai jamais insinué que vous
allez céder à la menace, trop de respect pour vous pour ça. Quant à la confusion des termes, tout à fait d'accord
pour essayer, les termes techniques, pour essayer de les définir le plus possible. Ça va aider à la
confusion. Mais on a utilisé aussi cet argument-là, sondage à l'appui,
pour essayer de vous démontrer qu'il n'y
avait pas de consensus dans la population pour un projet de loi tel que celui
qu'on a devant nous, devant vous. Il est
évident qu'on ne peut pas demander à la population générale, alors que les
professionnels du secteur ne s'entendent pas entre eux sur la signification
précise de chacun des termes, de les connaître.
Mais
ce qui est clair dans les sondages, et je réfère particulièrement à celui de
Radio-Canada en décembre 1999, je pense… 2009, pardon, c'est que ce que
les gens expriment, c'est que tout le monde… les gens savent… on va tous mourir, mais que, dans l'éventualité où ils sont
placés devant des agonies inhumaines, ils veulent avoir la possibilité
de recourir à quelque chose qui rendra leur
agonie plus humaine et plus acceptable. Là-dessus, il y a un consensus, et
c'est là-dessus que, je pense, l'opportunité de la loi est démontrée.
Pour
ce qui est des termes techniques, les professionnels s'entendront entre eux.
Moi, je ne ferai pas d'urticaire, que ce
soit la sédation terminale, ou prolongée, ou… Et les gens… C'est des moyens.
Vous êtes avocate, quelqu'un va vous voir puis il dit : Je pense que mes droits n'ont pas été respectés ou il
y a une situation que je n'aime pas, ils n'arriveront pas chez vous en vous demandant de faire telle requête à la cour, telle chose. Ils disent :
Je veux qu'on me rende justice. C'est ce que les gens expriment dans les
sondages. Et là-dessus, à 83 %, je pense qu'on ne peut pas nier qu'il y a
un consensus général dans la population. Et ces sondages favorables là, ça ne date pas du début de la commission, on remonte au début des années
90. Ça a toujours été largement favorable. Et puis je pense qu'il faut faire
confiance. Et vous êtes ici un groupe qui est capable de porter un jugement là-dessus,
sur la sagesse populaire, la capacité du peuple de juger pour eux-mêmes et de
comprendre les grands enjeux.
Le Président (M.
Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition
officielle. Maintenant, pour le gouvernement, Mme la députée des
Îles-de-la-Madeleine.
Mme
Richard
(Îles-de-la-Madeleine) : Oui. Merci, M. le Président. Je
voudrais revenir à ce que vous avez apporté tantôt sur l'imminence de la
mort parce que votre vision n'est pas compatible avec le projet de loi et peut-être
qu'il faudrait revenir sur ça pour voir… La
différence de ce que vous voyez par rapport au projet de loi, est-ce que ça ne
pouvait pas s'approcher du suicide assisté plutôt que l'aide médicale à mourir?
C'est ce que j'ai senti comme une ambiguïté peut-être. Puis je pense que ça
vaut la peine que vous reveniez pour nous expliquer vraiment comment vous voyez
cette différence.
M.
Leblond (Ghislain) : Je pense que, je ne sais pas, vous m'avez mal
compris ou je me suis certainement mal expliqué. Au contraire, moi, je
disais que, dans ces cas-là, le projet de loi, tel qu'il est, avec le processus
qui permet d'accéder… de définir des soins
appropriés et personnalisés en discussion, en communication avec le médecin,
que les cas où des maladies ou des
douleurs prolongées, constantes, ou un état dégénératif qui a excédé le critère
dans le… l'autre critère qu'on a, que
justement je suis d'accord avec le projet de loi. Puis ce projet-là laisse la
place à un dialogue entre le médecin…
dans un processus, là, qui n'est pas une recette, que les deux peuvent
discuter, ils peuvent déterminer à quel moment on peut, ensemble, d'une manière satisfaisante… à quel moment le
patient pourra avoir recours à l'aide médicale pour mourir. Alors, moi,
je suis, de ce côté-là, satisfait du projet de loi parce que ça donne cette
flexibilité-là.
On
parle de soins de fin de vie personnalisés et appropriés, et, à ce moment-là,
le processus donne cet espace pour le dialogue
entre… Parce qu'on ne peut pas… moi, je ne peux pas dire : Je voudrais qu'on
me donne… Si jamais je devais me rendre
là, j'espère que ça n'arrivera pas, mais je ne pourrais pas dire, comme le
médecin ne pourrait pas dire : Écoute, je vais mourir dans deux
mois… Je ne le saurai pas, le médecin ne le saura pas non plus. Alors, la façon
de sortir de ce dilemme-là, c'est justement
revenir aux principes fondamentaux de la loi ou du processus. C'est des
critères… c'est un processus aussi qui est dirigé par le médecin, mais
qui laisse la place à un dialogue entre le médecin et le patient qui justement
a des souffrances multipliées par le fait qu'on ne peut pas identifier un
horizon précis pour le décès. C'est souffrant pour le patient, ça affecte sa
sérénité, et pour la famille également, et pour l'équipe de soignants
également.
Le Président (M.
Bergman) : Madame…
M.
Leblond (Ghislain) : Donc, de ce côté-là, je suis satisfait. Je m'excuse
si je me suis mal exprimé. Ça ne serait pas la première fois.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : C'est vraiment pathétique, là, je suis désolée. Il
manque de médecins dans la salle pour me soigner, comme j'ai dit hier.
Une voix :
…
• (17 heures) •
Mme
Hivon : C'est ça. Juste pour comprendre. Vous, le fait qu'en
fait la balise temporelle soit «fin de vie», là… Parce qu'au début on en a discuté beaucoup, «terminal», «fin de vie»,
«imminent». Vous, je comprends que vous garderiez «fin de vie» plutôt que de mettre un horizon
temps, là, ça, je pense que tout le monde l'a dit, qu'on ne peut pas fixer,
mais vous n'aimez pas «imminente». C'est ça
que je décode de ce que vous avez dit parce que vous affirmez qu'«imminent»,
c'est rapide, rapide.
Le Président (M.
Bergman) : M. Leblond.
M.
Leblond (Ghislain) : Bien, «imminent», c'est imminent. Tu sais, si on
va parler de la précision des termes, là, c'est ça. Mais je pense que, dans un tel cas, quand on parle de soins de
fin de vie personnalisés, appropriés, on doit garder une place au
jugement professionnel, justement, du médecin en dialogue avec le patient.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.
Mme
Richard
(Îles-de-la-Madeleine) : Moi, je pense, ça allait. Peut-être,
il y avait…
Le Président (M.
Bergman) : Vous avez quatre minutes. Mme la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin : Oui. O.K. Alors, merci, merci d'être là. C'est
très intéressant, vos commentaires. Moi, j'ai un questionnement. Les
gens qui sont venus nous voir, vous savez, on en a de toutes les positions. Et
il y a des gens qui craignent beaucoup le
dérapage, qui craignent que tous les gens vont avoir accès à l'aide médicale à
mourir puis qu'on va en profiter, à
la limite, pour éliminer des gens, là. Ça va jusque-là dans certains discours.
Vous, avec le projet de loi qu'on vous présente, avec lequel vous avez
eu l'occasion… est-ce que vous sentez cette situation-là?
Puis
l'autre chose aussi que j'ai, moi, comme individu, parce que moi non plus je ne
suis pas médecin, je ne suis pas avocate non plus, mais les gens que j'ai
accompagnés, les gens qui, dans ma vie… j'ai côtoyé de près, là, qui sont
passés par ces moments-là, ce que j'ai remarqué, c'est que les gens ne veulent
pas mourir, là. Même quand la situation, je vous dirais, est assez imminente,
là, les gens s'accrochent. Les gens ont encore l'espoir de vivre.
Ça fait que, moi, mon impression de citoyenne, j'ai
l'impression que les gens ne vont pas demander tant que ça l'aide médicale à mourir, mais, avec ce projet de loi là, j'ai l'impression
qu'on leur donne cette option-là, ce choix-là, puis… Alors, c'est un peu les questionnements que
j'ai. Donc, est-ce qu'on va déraper? Puis est-ce que mes impressions par rapport à la vie, à la mort, puis que les gens
ne veulent pas… ne demanderont pas tant que ça l'aide médicale à mourir,
que ça va demeurer quand même…
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée, Mme la députée.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Oui. Excusez.
Le
Président (M. Bergman) : On est appelés voter à l'Assemblée.
Alors, je dois suspendre la commission pour le temps pour permettre les
députés pour aller voter.
Alors, on va suspendre pour l'instant. Alors, on
se voit après la suspension. Je m'excuse, mais il y a un vote à l'Assemblée
nationale.
(Suspension de la séance à 17 h 3)
(Reprise à 17
h 26)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre,
s'il vous plaît, collègues! Alors, Dr Bureau, M. Leblond. On reprend nos
travaux. Alors, on reprend nos travaux. On était sur le bloc du gouvernement.
Il vous reste deux minutes sur le bloc du
gouvernement. Alors, on va reprendre avec Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.
Et vous avez…
Des voix : …
Mme
Gadoury-Hamelin :
J'aurais une question à poser. La parole était…
Le Président (M. Bergman) :
Je m'excuse. Vous avez raison.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Est-ce que vous vous souvenez?
Le
Président (M. Bergman) : C'était M. Leblond et Dr Bureau. Qui
veut reprendre? Vous avez deux minutes dans ce bloc.
M. Leblond
(Ghislain) : Je crois que, si je me souviens bien, votre question
était relative aux balises, puis le danger de dérapage, puis, etc.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Oui, c'est ça. Le dérapage. Est-ce vous considérez que le projet de loi vous
protège contre les dérapages? Puis l'autre question aussi, c'était :
Est-ce que… votre impression de gens qui vont demander à mourir. Parce que je vous parlais de mon
expérience à moi qui a fait que j'ai vu des gens qui ne demandent pas tant
que ça à mourir, là, qui vont jusqu'au bout, là.
M. Leblond (Ghislain) : Oui. Bien…
Le Président (M. Bergman) :
Il vous reste seulement deux minutes pour répondre.
M. Leblond
(Ghislain) : Oui, oui, je vais essayer d'être concis. Écoutez,
clairement, bien, j'en ai parlé au début ou à un moment donné plus tôt,
moi, je pense que je suis satisfait des critères qui sont là. Je voudrais qu'on
les modifie pour les gens qui sont atteints
d'une affection au cerveau. Mais moi, je pense que c'est un processus qui place
le patient au centre et qui est
administré, au sens noble du terme, par des professionnels de la santé. Alors,
il y a les critères en tant que tels,
et, moi, ce qui me rassure, ce qui me sécurise, c'est la déontologie, le code d'éthique
de ces corps professionnels là.
Pour qu'il y
ait dérapage, ça prendrait la complicité des médecins, des infirmières, des
préposés, des travailleurs sociaux,
des psychologues et des établissements. Est-ce qu'il y aura des erreurs?
Probablement. Dans ma vie antérieure, j'ai administré des grands systèmes, peu importe. Pour vous dire la vérité,
tu essaies de faire les meilleurs systèmes possible puis c'est administré par des humains. Mais, là,
on n'est pas une personne, tu n'as pas un contrôleur aérien qui dit :
Tu peux atterrir ou pas. C'est une équipe.
Alors, le fait que c'est une équipe de professionnels, avec le code d'éthique
qu'ils ont, qui administrent ces critères-là me sécurise.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Merci.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Bureau.
M. Bureau (Yvon) : L'adoption d'une
loi, c'est la meilleure des garanties contre le dérapage. Le statu quo
amènerait un dérapage et le statu quo amènerait même une augmentation des
suicides chez les personnes très âgées, chez les personnes en fin de vie. Le projet de
loi, il est rassurant, il est rassembleur puis il est inclusif, il permet à
tout le monde de pouvoir mourir, tant les soignants ou autres... Ça inclut tout
le monde pour que chacun soit respecté, autant comme soignant, comme établissement et aussi comme soigné, et tout ça.
Et les gens ne demanderont pas plus. Il y a des gens qui vont demander de vivre jusqu'au bout, et tout ça, qui ne
veulent pas mourir, mais il y en a d'autres … Et mon père l'a été et ma mère aussi, ils ont dit :
Maintenant, c'est mon heure de partir, accompagnez-moi, et je veux terminer ma
vie, je veux mourir.
Le Président (M. Bergman) :
Ceci met fin au bloc du gouvernement. Le bloc de l'opposition officielle, Mme
la députée de Gatineau.
• (17 h 30) •
Mme Vallée :
J'aimerais revenir sur la question de l'inaptitude, c'est-à-dire qui survient
une fois les directives médicales
anticipées données. Je me demandais s'il
ne pourrait pas être… Dans le contexte où on prend ce que vous nous dites comme étant finalement important… C'est-à-dire que les directives médicales anticipées ont un
but, oui, il y a des éléments qui ont été soulevés par la ministre, mais, ultimement, dans le contexte de la loi, je comprends que vous dites : Bien,
il faudrait être logique avec l'orientation de la loi et permettre les directives médicales
anticipées pour quelqu'un qui était apte, qui répondait clairement aux
critères de l'article 26 et qui devient inapte. Est-ce qu'à ce moment-là il devrait y avoir, advenant le cas qu'on se
dirige vers cette alternative-là, est-ce
qu'il devrait y avoir un cas d'homologation
plus strict mis en oeuvre pour, une fois l'élément ou l'inaptitude et l'élément
médical…
Comme M.
Leblond disait, je suis rendu dans un état végétatif. J'ai clairement indiqué, il y a quelques mois, il y a quelques années, dans
des directives médicales anticipées, que, rendu à cette étape-là de ma vie, je
souhaitais qu'on en finisse. Est-ce qu'il devrait y avoir la mise en place d'un processus d'homologation au même titre
qu'on le fait, par exemple, pour les mandats pour cas d'inaptitude, pour les
testaments holographes, et tout ça? Est-ce
qu'il devrait y avoir un
contrôle plus strict des directives médicales anticipées? Est-ce que ça
pourrait, à ce moment-là, être envisageable? Est-ce que ce serait toujours
utile?
Le Président (M. Bergman) :
M. Leblond.
M. Leblond (Ghislain) : Bien,
écoutez, je pense que c'est envisageable, je pense que ça pourrait alourdir le processus. Et, il ne faut pas oublier non plus, je pense qu'on a toujours le
concept que quelqu'un a demandé l'aide médicale. Il peut bien arriver, puis ça va arriver, que des gens disent : Je
ne veux pas l'aide médicale. Est-ce qu'à ce moment-là on va… Si on veut être logique, là, dans la structure
de la loi, est-ce qu'il va falloir faire homologuer ça aussi que la
personne ne voulait pas?
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Vous soulevez
effectivement un bon point.
M. Leblond
(Ghislain) : C'est parce que c'est certain qu'il y a des gens, à
raison… puis c'est le principe, c'est le but de la loi, c'est la liberté de choisir. Puis tu peux dire :
Moi, là, il n'est pas question, c'est jusqu'au bout, peu importe, pour des… — puis on n'a pas à revenir sur les motifs,
discuter de ça — je ne
veux pas l'aide médicale. Est-ce qu'on va faire homologuer ça ou est-ce
qu'on va se mettre à harceler quelqu'un, dire : Es-tu certain, etc.?
Mme Vallée : La raison…
M. Leblond
(Ghislain) : Et aussi, pour moi, c'est que, si quelqu'un met ça dans
ses directives, prend la peine de l'écrire, mettre ça dans ses
directives… Parce que c'est important. Peut-être que l'exemple avec le
testament, c'est un peu exagéré, mais c'est
dans le même esprit. Est-ce que, comme avocate, vous pensez que vous pourriez,
au nom d'un client, aller remettre la
clause d'un testament… la remettre en question parce que c'est une clause
importante, hein? La question, c'est : Est-ce que M. Leblond, qui a
été faire son testament, est-ce qu'il avait ses… est-ce qu'il était apte? C'est
la seule chose qui…
Mme Vallée : Mais, en fait,
la raison pour laquelle je demandais si on ne devrait pas, advenant le cas où
les membres de la commission reconnaissent
que c'est une avenue envisageable… La raison pour laquelle je vous
demandais si l'homologation n'était pas quelque chose de requis, c'est la
finalité… Je n'avais pas pensé au refus d'aide médicale à mourir, je vous avoue, là. Mais la finalité de
quelqu'un qui a fait une demande anticipée d'aide médicale à mourir est
quand même irréversible, contrairement à
celui, par exemple, qui dit : Je ne veux pas d'aide médicale à mourir.
Donc, est-ce qu'il ne devrait pas y
avoir un contrôle afin de s'assurer que les conditions de l'article 26 sont, d'une
certaine façon…
M. Leblond (Ghislain) : Je sais que
mon collègue va me couper la parole, mais…
Le Président (M. Bergman) :
M. Leblond.
M.
Leblond (Ghislain) : …avant, mais, écoutez, quelqu'un qui dit qu'il a
l'Alzheimer ou qu'il a un anévrisme inopérable au cerveau, puis que les
chances sont que, et qui demande de ne pas… encore l'Alzheimer, on sait dans quel chemin de croix,
dans quel calvaire il s'embarque. On pourrait avoir le même raisonnement, hein? Tu refuses, puis on pourrait dire : Êtes-vous certain que vous
avez vu toutes les conséquences de votre refus, hein? Bien, on a tous
connu qu'est-ce que c'est que mourir d'Alzheimer, là, autour de nous. On
pourrait avoir le même raisonnement. Si tu refuses, ce n'est pas sans
conséquence. Et un des principes qui est derrière les directives anticipées, c'est
de responsabiliser le patient. Tu fais des choix. Moi, je réclame le droit d'exercer
mon choix. Et, dans ça, le corollaire de ça,
c'est que j'accepte les conséquences. Si, quand j'étais apte, j'ai dit :
Je voudrais… je veux, c'est mon choix, je l'assume, c'est les
conséquences, c'est le corollaire du choix, un choix libre.
Mme
Vallée : La seule
distinction, c'est qu'une fois rendu inapte on ne peut pas changer d'idée. C'est
plus… C'est là qu'est...
M. Leblond
(Ghislain) : Oui, exactement, mais, dans un sens comme...
Mme
Vallée : Et le
mandat… la directive médicale anticipée a pu être faite dans un contexte x ou
y, non modifiée pour toutes sortes de raisons, l'inaptitude survient de
façon soudaine, et c'est là qu'il est un petit peu...
M.
Leblond (Ghislain) : Bon. Ça
revient à la responsabilité. C'est comme mon testament. Si je veux le
changer, c'est à moi à y voir.
Mme Vallée :
Mais, si vous êtes inapte, vous ne pouvez pas.
M.
Leblond (Ghislain) : Bon,
bien, c'est ça. Mais on l'a ou on ne l'a pas. Tu respectes la
volonté ou pas, hein? Puis, comme je vous dis, ça peut être quelqu'un
qui le demande puis ça peut être quelqu'un qui le refuse. Alors, pour quelqu'un
qui le refuse, si tu as l'Alzheimer, ce n'est pas sans conséquence, hein, on s'embarque
dans un calvaire, hein, tout le monde sait ça. Alors, est-ce qu'on va se mettre à boguer cette personne-là puis
dire : Es-tu sûr que c'est ce que tu veux? Mais ce n'est pas sûr
que c'est ça qu'elle voulait. Et embarquer une troisième personne, ça, je suis
certain que mon ami Yvon va commenter là-dessus.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Bureau.
M. Bureau (Yvon) : L'homologation, c'est nécessaire, mais pas nécessairement l'homologation,
dans ce sens qu'au fond il y a
bien des mourir qui deviennent simples, faciles à la fin, tu sais, tout va de
soi. Il y a d'autres fois, c'est plus complexe, et c'est là qu'en travail interdisciplinaire les gens vont regarder qu'est-ce
qu'il en est. Ce qui est
important, lorsqu'on va offrir des formulaires pour permettre... ça ne
demeure pas des formulaires, on fait des directives médicales anticipées, clac! c'est fini après ça? Non, c'est
révisible. Mais il faut que ça soit un document qui va être ouvert pour
des ajouts. Si je sais que je vais être
opéré pour la cinquième fois au niveau du coeur, et tout, je ferai mettre une
autre... Vous voyez? Donc, au
besoin... Il faut que ça soit, en d'autres
termes, des documents qui sont vivants,
qui vont évoluer avec le temps, que
je vais repréciser de temps en temps. J'ai vu des gens qui ont fait des testaments
biologiques. Une madame qui est morte
à 102 ans, depuis l'âge de 80 ans elle resignait ses papiers. Donc, c'est un
document qui avait repris de la valeur.
Donc,
en d'autres termes, ce sont des documents qui se doivent d'être
bonifiés, qui doivent voir aussi l'évolution de la personne. Quelqu'un pourra changer des choses, ouvrir, ajouter,
préciser des choses. Et ça aura encore plus de valeur que si c'est quelque
chose qui a été fait il y a
15 ans. Vous voyez? Ça va être une responsabilité des gens. Et moi, je crois à la richesse de la lucidité et j'espère qu'on aura... — je vois Mme Blais — qu'on fera une promotion auprès des
personnes en fin de vie de faire... auprès
des personnes âgées ou très âgées de faire des directives médicales anticipées,
de nommer des mandataires, d'être
debout pour être debout jusqu'à la fin de sa vie, tant qu'ils sont lucides,
puis, quand ils ne le seront plus, ils
seront encore debout parce qu'on connaîtra ce qu'ils veulent, ces gens-là,
alors une promotion pour responsabiliser aussi les personnes en fin de
vie. Et, lorsqu'arrivent de grandes interventions, j'espère que la Fédération
des médecins spécialistes va voir à ce qu'on
demande aux gens : Avez-vous des directives au cas où il arriverait
quelque chose? On peut aller plus loin encore.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc de l'opposition
officielle. Maintenant, pour le deuxième groupe d'opposition, Mme la
députée de Groulx.
• (17 h 40) •
Mme
Daneault : Merci, M. le Président. Merci, M. Leblond, merci,
M. Bureau, d'être avec nous. Effectivement, depuis quelques jours, on reçoit des gens qui ont des opinions différentes,
on peut dire, du projet de loi. Votre comparaison avec le testament,
pour moi, me parle beaucoup. Effectivement, le respect des volontés de quelqu'un
qui est apte au moment où il donne ses directives, entre autres quand on parle
de refuser l'acharnement, de refuser des réanimations cardiorespiratoires, c'est facilement accepté dans le corps médical et c'est
facilement accepté dans la pratique courante.
La
problématique qu'on a soulevée, mais
moi, j'ai… Et je l'ai dit à quelques reprises, quand on fait un projet de loi, avant d'y revenir et de
corriger, c'est souvent long puis, bon, la pratique nous fait agir peut-être
avec plus de prudence pour, bon, éviter qu'il
y ait des dérapages actuellement. Par
contre, je comprends qu'il y a des gens qui sont laissés de côté dans ce projet de loi là, les gens qui
sont inaptes actuellement et qui ne pourront pas bénéficier des soins d'aide
médicale à mourir. Ce que je comprends de
votre intervention, c'est qu'on devrait réfléchir et possiblement trouver
une façon de les inclure et que ça soit acceptable socialement dès maintenant.
Est-ce que je comprends ou vous êtes pour la prudence, et on attend, et on
laisse aller l'application actuelle?...
Le Président (M.
Bergman) : M. Leblond.
M. Leblond
(Ghislain) : Il y a deux catégories d'inaptes, là : ceux qui
étaient aptes, qui sont devenus inaptes puis ils n'ont pas fait de... mais ceux qui n'ont jamais été aptes et qui ne
le seront jamais, soit de naissance ou encore ils le sont devenus avant
d'atteindre l'âge légal. Non, non, je pense que je me suis probablement encore
une fois mal exprimé. Je pense que la
société n'est pas rendue là. On a besoin, la profession ou la société, de vivre
avec ce qu'il y a sur la table. Mais
je pense aussi, aussi fortement, que c'est un groupe de gens qui sont ignorés,
il y en a beaucoup qui sont — sinon la
totalité — condamnés
à des vies atroces, dont les parents vivent des vies d'enfer. Et je pense que,
comme solidarité collective, on doit passer
au-delà de nos tabous et regarder ces gens-là. Mais on n'est pas prêts à faire
ça tout de suite. Et on endossait, nous autres, la recommandation du
Collège des médecins, que la commission de la fin de vie prenne peut-être le
leadership d'un groupe qui regarderait, avec les instances appropriées, comment
on pourrait alléger la lourdeur des cas de ces gens-là.
M. Bureau (Yvon) : Mais ce qui est
sûr... M. le Président?
Le Président (M. Bergman) :
Dr Bureau.
M. Bureau (Yvon) : Ce qui est sûr, c'est
que nous avons un devoir, comme société, de voir à ce que toute personne, qu'elle soit mineure, enfant, que ce
soient des gens qui ont toujours été inaptes, nous avons un devoir de
voir, quand la fin de la vie va arriver, que
ces gens-là aient le moins de douleur possible, qu'ils souffrent le moins
possible et que leur mourir soit le plus facilité, si l'on veut. Et là
le travail d'une équipe inter va être majeur.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Groulx, il vous reste 1 min 30 s.
Mme
Daneault :
Merci. Bon, pour les personnes inaptes, pour moi, c'est clair, votre position.
Quant aux personnes qui auraient donné des directives médicales
anticipées...
M. Leblond (Ghislain) : ...qu'on est
clairs, là, les personnes qui ont toujours été inaptes, qui le seront toujours.
O.K.?
Mme
Daneault :
Oui, c'est ça. Dans le cas des personnes qui sont aptes, mais qui auraient
donné des directives médicales anticipées. En Belgique, on le sait, c'est
possible de le faire si les directives ont été données en deçà de cinq ans et devant deux témoins, dont un des deux
témoins n'a pas de rapport financier avec le patient. Est-ce que ça,
selon vous, c'est quelque chose qu'on
devrait envisager dès maintenant, ou on laisse aller le projet de loi dans la
façon dont il est rédigé actuellement, ou vous nous suggérez d'aller
plus loin? Ça, c'est ma question...
Le Président (M. Bergman) :
Il reste peu de temps pour une réponse, alors vous pourrez…
M. Leblond
(Ghislain) : Écoutez, ça serait peut-être une prudence, une saine
prudence que de dire qu'il faut que ça soit
renouvelable aux cinq ans. Je pense que, dans l'état, dans l'évolution, quand
on regarde où on est, on pourrait être... Je ne ferais pas d'urticaire,
là, si on me disait que c'est renouvelable aux cinq ans. Et ça responsabilise
davantage les gens devant leur choix parce que...
Le
Président (M. Bergman) : Alors, M. Leblond, Dr Bureau, merci d'être ici avec nous aujourd'hui. Merci pour votre présentation et de partager vos expertises
avec nous.
Je demande aux gens du Regroupement provincial
des comités des usagers de prendre leur place à la table et je suspends pour quelques
instants seulement.
(Suspension de la séance à 17 h 45)
(Reprise à 17 h 47)
Le
Président (M. Bergman) : Alors, M. Ménard et M. Blain, bienvenue. Vous avez 15 minutes pour
faire votre présentation, suivie d'un
échange avec les membres de la commission.
Et, s'il vous plaît, donnez-nous
vos noms et vos titres. Et le micro, c'est à vous.
Regroupement provincial
des
comités des usagers (RPCU)
M. Ménard (Claude) : Alors, bonjour.
Je me présente, Claude Ménard, je suis président du Regroupement provincial des
comités des usagers et je suis accompagné du directeur général, Pierre Blain.
Alors, M. le Président, Mme la ministre déléguée aux Services sociaux, membres de la commission, d'entrée de jeu, je veux
souligner le travail accompli et surtout le volet humain de ce projet de
loi.
Fondé en 2004, le Regroupement provincial des comités d'usagers du réseau de la santé et des services sociaux défend les droits des usagers et représente les
quelque 600 comités des usagers et de résidents des établissements de santé
et services sociaux du Québec, qu'ils soient publics, privés, conventionnés ou
autofinancés. Notre organisation
représente plus de 82 % de tous les comités des usagers et de résidents de
ce réseau.
Le
Regroupement provincial des comités d'usagers
porte une attention particulière aux personnes vulnérables et aînées, et, afin de rejoindre toutes les
clientèles, le regroupement a mis sur pied la Semaine des droits des usagers du
réseau de la santé et des services sociaux, et cette semaine débutera vendredi. Alors, nous
vous incitons à faire mention dans vos communications de cette Semaine
des droits.
«Avais-je le droit de
le garder vivant à tout prix, par pur égoïsme?» Ce commentaire très touchant,
tiré de la consultation faite auprès des membres du regroupement
provincial du réseau de la santé et
des services sociaux en 2010, ouvrait notre mémoire lors de la commission
spéciale de l'Assemblée nationale sur la question mourir dans la dignité.
Nous le reprenons aujourd'hui, car il est toujours pertinent dans le cadre de
cette commission parlementaire concernant les soins
de fin de vie. Ce que nous espérons, c'est que vous, les membres de cette commission,
vous garderez en mémoire ce commentaire tout au long de vos auditions. En effet, pour qui
faites-vous ce projet de loi, sinon pour ceux et celles qui, confrontés
à la fin inéluctable de leur vie, devront affronter l'angoisse et la douleur?
Le
RPCU appuie le projet de loi n° 52, et, de nouveau, nous soulignons la qualité du
travail. Nous félicitons aussi tous
les députés, tous les partis
politiques pour avoir fait preuve de
courage dans ce dossier sensible. Sans votre travail, sans votre ouverture, sans votre écoute, aucun consensus
sur la question n'aurait pu se dégager sur cette question. De plus, les personnes qui en ont besoin ne seraient aujourd'hui à la veille d'avoir de meilleures conditions pour la fin de vie. Au
nom des usagers du réseau de la santé et des services sociaux, de leurs familles et surtout au nom des plus
vulnérables qui font face à la fin de leur vie, le regroupement vous
remercie très sincèrement.
• (17 h 50) •
M. Blain (Pierre) : À mon tour. Notre première constatation est que ce projet de loi met avant tout l'accent sur les besoins des personnes en fin de
vie et établit les règles qui régiront les soins à prodiguer, plus particulièrement
en soins palliatifs. Les usagers ont toujours souhaité qu'on leur donne accès à
ces soins. Ils sont nécessaires pour éviter l'angoisse
de la souffrance. Et le projet de loi vise les soins palliatifs avant d'offrir
d'autres possibilités de mettre fin à sa vie. Par conséquent, nous sommes donc satisfaits que ce projet de loi
tienne compte d'abord des personnes et de leurs besoins. Cela démontre
bien, comme nous avons toujours dit, que nous devons mettre l'humain avant
tout.
Il
faut d'ailleurs éviter de mêler les besoins des personnes en fin de vie et les
convictions personnelles d'un certain nombre d'individus qui en font
peut-être un combat avec leur propre conscience. Si ce projet de loi est
adopté, les soins palliatifs constitueront
dorénavant un droit pour tout usager du réseau de la santé et des services
sociaux. Les soins palliatifs
pourront aussi être disponibles dans une maison de soins palliatifs ou à
domicile. Et j'insiste aussi pour les soins à domicile qui devraient être là. On le sait tous, les gens veulent
vieillir chez eux et ils veulent mourir chez eux, et il faudrait qu'on
en tienne compte également. Aussi, l'importance qui est accordée aux
établissements de prévoir dans leur plan d'organisation
un programme clinique de fin de vie… et nous pensons aussi qu'il faut s'assurer
d'une répartition régionale.
Dans
le cas de la sédation palliative terminale et de l'aide médicale à… nous
revenons d'abord sur les conditions. Le
projet de loi, comme nous l'avons vu, met d'abord l'accent sur les soins
palliatifs. Il introduit cependant également les notions de sédation palliative terminale et d'aide médicale à mourir.
Ces deux notions sont, à notre avis, bien encadrées dans le projet de loi. Un consentement libre et
éclairé en est leur base. De plus, les demandes d'aide médicale à mourir
devront répondre aux critères prévus à l'article 26. Ces conditions sont
acceptables pour le RPCU.
Nous aurons donc, au
Québec, des balises claires sur ces notions et des directives aux
établissements et aux intervenants du milieu de la santé à cet effet. Mais il n'y
a pas présentement, au Québec, uniformité dans la façon de prévoir les soins de fin de vie, et cela nous
préoccupe grandement. Le projet de loi devrait prévoir une uniformisation
des pratiques afin que tout usager soit
traité équitablement sur tout le territoire du Québec. Il n'existe pas
présentement de ce genre d'uniformité
dans les établissements au Québec. D'ailleurs, nous participons aux travaux de
l'INESSS, qui travaille actuellement sur les travaux d'interventions
médicales nécessaires en soins de fin de vie afin de proposer un cadre aux
médecins du Québec.
La
dispensation des services repose aussi sur le personnel en santé, les médecins,
le personnel infirmier et les autres professionnels
du réseau de la santé. Qu'adviendra-t-il si, par conviction religieuse ou
personnelle, l'une de ces personnes refuse
de dispenser les soins demandés par l'usager? Le RPCU est préoccupé par cette
question. Nous voulons donc nous assurer
que les professionnels qui ont des responsabilités prévues à la loi réfèrent
obligatoirement à un autre professionnel un usager qui voudrait avoir accès à de la sédation palliative terminale
ou à l'aide médicale à mourir. Il faudra s'assurer que, même en cabinet
privé — et
je sais que vous en avez débattu — ou en soins à domicile, un professionnel
ait l'obligation de rediriger vers un autre
professionnel un usager qui souhaite ces formes de soins. Mais, au-delà des
codes d'éthique et des codes de déontologie,
il faudra nous assurer que toutes les régions du Québec aussi soient desservies
par des professionnels qui pourront aider
les usagers. Alors, je pense que vous aviez parlé de centres et je pense que ça
pourrait être applicable.
Maintenant,
je vais parler rapidement du consentement. Le professionnel doit s'assurer du
consentement libre et éclairé de l'usager
qui souhaite la sédation palliative terminale ou l'aide médicale à mourir. Le
RPCU s'était longuement penché sur le
sujet dans son mémoire lors de la commission spéciale. Nous sommes toujours d'avis
que le consentement éclairé se
prépare longtemps à l'avance. Pour prendre une décision libre et éclairée le
moment venu, nous croyons que tout usager
doit s'être informé à une ou à des sources fiables et neutres. C'est pourquoi
nous reprenons l'idée d'une information impartiale préparée par le
ministère de la Santé et des Services sociaux.
Nous croyons également que les comités des
usagers et de résidents devraient être impliqués dans leur distribution et dans la diffusion de cette information. Nous voulons nous assurer surtout de l'uniformité des informations
disponibles afin d'éviter des disparitions entre régions.
Je sais que les agences régionales auront aussi un rôle à jouer. Cependant, si
nous regardons les sites des agences régionales, souvent il y a des disparités.
Donc, je pense que c'est important que, dans ce dossier-là, nous ayons des
choses identiques partout.
Il y a souvent aussi confusion entre les termes
comme «testament de fin de vie» et «directives médicales anticipées». Dans le cadre de ce projet de loi, le législateur privilégie «directives médicales anticipées», et
nous croyons que c'est le bon choix.
Le
Président (M. Bergman) : M. Ménard, je dois vous demander d'arrêter pour une seconde. Collègues,
il y a un vote à l'Assemblée
nationale. On était prêts pour
retourner à l'Assemblée pour quelques instants.
Alors, je
suspends cette séance pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 56)
(Reprise à 18 h 13)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît, à l'ordre. S'il vous plaît! Alors, M.
Ménard, donc, on reprend. Je m'excuse, mais il y avait un vote, alors on
a l'obligation d'aller voter.
M. Ménard (Claude) : Ça va.
Le Président (M. Bergman) :
Et maintenant on peut continuer.
M. Blain
(Pierre) : Et j'espère que le vote va être positif dans le
cas de ce projet de loi aussi. Alors, les directives médicales anticipées sont là pour faciliter les
échanges entre le médecin, l'usager et les membres de la famille pour ce
qui a trait au traitement souhaité en fin de vie. Elles comprennent, d'ailleurs,
les traitements que l'usager désire subir et les soins qu'il aimerait recevoir, incluant ceux qui maintiennent l'usager
en vie par des moyens artificiels. Ces échanges sont importants, car, advenant l'incapacité de l'usager
à prendre lui-même les décisions qui le concernent, des directives
seront disponibles. Elles permettront à la
personne qui prendra les décisions à la place de l'usager, le mandataire, de
comprendre les choix et les sentiments qui
les ont motivées. Cela devrait-il inclure une demande de fin de vie? N'est-ce
pas le but des directives de fin de vie, tout prévoir en cas d'inaptitude?
Nous posons la question.
La
participation active d'un médecin dans le processus permettra aussi à l'usager
de poser des questions et de se renseigner
afin de prendre des mesures… des décisions plus éclairées. Les soins de fin de
vie sont habituellement palliatifs, ils
sont axés non pas sur la guérison, mais sur le confort et la dignité. Le RPCU,
d'ailleurs, propose à la commission
un exemple de directives anticipées en
annexe. Ces mesures, naturellement, ont été prises d'autres sources, donc, qui
sont très médicales, il faudrait peut-être les simplifier.
Nous sommes
surtout satisfaits de voir que les directives médicales anticipées seront
faites par acte notarié, en minutes,
devant témoins, comme un testament. Ainsi, les volontés de l'usager seront
respectées. Cependant, le projet de loi prévoit que les directives seront versées au registre des directives
médicales anticipées et que le ministre en aura la gestion. Nous croyons plutôt que ce n'est pas suffisant et
que ces directives médicales anticipées devraient aussi se retrouver
dans le dossier de l'usager, car on sait qu'avec
l'informatisation c'est là où tout se trouvera. Donc, nous en avions déjà fait
la suggestion lors du projet de loi sur le
dossier de l'usager. À notre avis, ce sera la seule façon de nous assurer que
toutes les instances du réseau de la santé et des services sociaux aient accès
à ces directives et qu'elles soient conformes et uniformes. En effet, lors du transfert d'un usager d'un établissement à
un autre, il risque d'y avoir confusion, et les volontés de l'usager
pourraient ne pas être respectées.
En terminant, en instituant une commission des
soins de fin de vie, le législateur s'assure de bien encadrer les mesures qu'il met en place. Cette commission est
constituée de sept membres, dont un usager nommé après consultation avec les regroupements des comités des usagers. Le
RPCU salue cette décision qu'il juge sage. Et d'ailleurs, en passant,
les membres du comité des usagers siègent
déjà au conseil d'administration d'un établissement, et ça pourrait être une
personne choisie parmi ces personnes-là. Le
gouvernement nommera le président, le vice-président, mais nous croyons que
ces postes devraient être assurés, plutôt
que par un médecin, plutôt par un avocat, un légiste ou bien un usager
lui-même, comme ça se fait souvent dans les tribunaux administratifs ou
à d'autres endroits.
M. Ménard
(Claude) : En conclusion, le
Regroupement provincial des comités des usagers est satisfait du projet
de loi n° 52. Il croit que les mesures mises de l'avant permettront un
meilleur accès aux soins palliatifs au Québec. Mourir dans la dignité est
malheureusement encore aujourd'hui un sujet de division, tout comme le furent
auparavant d'autres débats de société. C'est pourquoi les membres de la
commission doivent tenir compte de l'évolution de la société ainsi que des
besoins et des intérêts de l'usager en tout premier lieu. Les usagers du réseau
de la santé et des services sociaux ont besoin de cette loi. Merci.
Le
Président (M. Bergman) : Merci pour votre présentation. Pour le
bloc du gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue, merci beaucoup. Je pense
que, comme hier, quand on a reçu la Protectrice
du citoyen, vous recevoir, c'est très important, c'est très éloquent parce que
c'est l'usager, c'est
la personne qui est au coeur de ce projet de loi là, donc, de vous entendre, je
vous dirais, me rassure quant au fait qu'on est dans la bonne voie parce
que vous représentez ces usagers.
Peut-être
juste des petites clarifications. Pour ce qui est des directives médicales
anticipées, du dossier, donc, de l'usager
et du registre informatisé, en fait, un n'exclut pas l'autre. Ce qui est prévu
dans le projet de loi, article 49 et suivants, c'est que, dès lors que le médecin sait qu'il y a des directives
médicales anticipées — parce qu'évidemment ça peut arriver que la personne ne le
dise pas ou qu'il n'y a personne de son entourage qui le sache, auquel cas,
évidemment, on souhaite qu'elle les ait
versées au préalable dans le registre — il va aller consulter le registre, elles
vont être accessibles. Mais on les verse aussi au dossier physique, je
dirais, du patient, donc, pour s'assurer qu'elles se retrouvent à tous les endroits où ça pourrait être utile, bien qu'à
partir du moment où elles sont dans un registre qui va être accessible je
pense que ça va être la meilleure garantie
que tout le monde puisse y avoir accès facilement en temps utile. Donc, je
voulais juste préciser ça, vous pourrez revenir en commentaires si vous
avez quelque chose à ajouter.
Avant que je
perde complètement la voix, j'aimerais juste savoir, pour ce qui est de la
commission… En fait, de ce que je détecte, vous êtes à l'aise avec ce
qui est recommandé comme formation, les gens qui viennent des différents horizons. Mais ce que vous nous dites, c'est :
Pour ce qui est de la présidence et de la vice-présidence… en gros, vous
ne voudriez pas que ça soit un médecin. Si
je vous lis, là, donc, vous voudriez soit un avocat, soit le représentant des
usagers ou du milieu de l'éthique, avocat
ou… en fait, on dit «juriste», là, pour ne pas offusquer les notaires, parce
que ça peut être notaire ou avocat. Alors, ça, j'aimerais ça que vous me
l'expliquiez.
• (18 h 20) •
Le Président (M. Bergman) :
M. Ménard.
M. Blain
(Pierre) : Oui, absolument, vous avez très bien compris la raison pour
laquelle on le fait. Effectivement, nous croyons que, justement, comme
les médecins vont être impliqués dans la décision et que souvent c'est leur jugement qui va être mis en cause, on pense que ça
devrait être d'autres personnes qui président. Ça ne veut pas dire qu'ils
ne peuvent pas être là, il y en a déjà
quatre de prévus, je pense. Donc, pour moi, ça va bien, on a aussi un usager,
on a un juriste et on a un éthicien.
Pour moi, je pense que, pour montrer justement l'ouverture de cette commission,
ça pourrait être comme ça.
Et souvent
vous voyez, d'ailleurs, dans les conseils d'administration des établissements
de santé, ce n'est pas le médecin qui
peut présider le conseil, ça ne peut pas être… il y a des types de… Un employé
ne peut pas présider le conseil. Donc,
on a repris à peu près la formule qui arrive dans les conseils d'administration
des établissements, où un employé ne peut
pas l'être, le représentant du conseil des médecins ne peut pas l'être, le
représentant des infirmières ne peut pas l'être. Alors, c'est un peu le
même principe qu'on a fait.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui. En
fait, je vais céder la parole à mes collègues.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.
Mme
Richard
(Îles-de-la-Madeleine) : Oui, merci. Je vais essayer de bien
vous représenter, Mme la ministre, par mes questions, essayer de deviner
les questions que vous auriez.
Je trouve
quelque chose très important dans votre mémoire, et vous le soulignez à la fin,
c'est que l'usager est au coeur de
tout ça et que c'est l'usager avant tout. Et je pense que c'est très, très,
très important de toujours garder ça en tête, c'est la personne qui est
importante dans toutes les discussions qu'on peut avoir et avec le projet de
loi.
Puis il y a
une phrase que vous n'avez pas lue dans votre présentation, qui est dans le
mémoire. Moi, j'avais marqué «important» à côté et je pense que ça vaut
la peine peut-être d'y revenir rapidement, c'est que l'«usager qui consulte un professionnel pour un avis sur [les] questions
délicates n'a pas à subir de pression afin qu'il change son opinion. Il n'a pas non plus à recevoir de leçons.» Puis ça,
moi, j'avais marqué «important» dans cette phrase-là. Et il a besoin de conseil, et il a besoin d'aide, et il ne doit pas
subir aucune pression ni d'un côté ni de l'autre, et il n'a pas de leçons à
recevoir. Je pense que ça, c'est
important. Je ne sais pas si vous voulez un peu élaborer sur ça. Puis j'avais
deux autres questions.
Le Président (M. Bergman) :
M. Ménard.
M. Blain
(Pierre) : Vous avez tout à
fait raison, c'est une partie qui est très importante. Ce que le projet de
loi est en train d'établir, ce sont des… c'est ce qui va être alentour pour
aider l'usager, pour aider le patient, pour aider la personne en fin de vie, et
c'est ça qui est la chose la plus importante. Ce n'est pas le professionnel qui
est important individuellement là-dedans, c'est plutôt les mesures qu'on va
mettre en place alentour par des professionnels pour pouvoir accompagner. Et c'est là où le prêchi-prêcha n'a pas sa place.
Ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas en faire, là, mais, la différence, pour moi… On ne peut pas
faire des pressions indues. Je ne pense pas que personne souhaite
mourir, en réalité. Moi, je suis content, je
suis éternel, alors ça va être facile pour moi. Mais je pense que personne ne
souhaite être mis devant une réalité
semblable, et c'est là, plutôt, que le système que vous êtes en train de mettre
en place, c'est pour aider en fin de vie les personnes.
Et
je veux revenir sur le dossier de l'usager. Le problème… et ça s'est produit
récemment : une personne qui était en CHSLD a été transférée d'urgence
à… d'urgence à l'urgence, oui, parce qu'elle a fait un ACV, mais sauf que le
dossier n'a pas suivi, donc on ne sait pas qu'est-ce qu'il y a dans le dossier.
C'est pour ça que le dossier papier n'est pas suffisant et c'est pour… que c'est le dossier
de l'usager. Mais, quand j'avais interrogé le ministre de la Santé dans
le temps, il m'a dit : Ça, cette
partie-là, pour l'usager, ça ne sera pas avant 2020, parce que ce n'est pas le
dossier de l'usager d'abord, c'est le dossier de l'administration.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Mais on s'entend parfaitement, c'est juste qu'on ne
dit pas la même chose. Mais, en fait, ce qu'on prévoit, c'est un registre. Donc, il va être là. Justement, il ne va pas
attendre le reste des développements. Il va y avoir un registre des directives médicales anticipées.
Est-ce qu'ultérieurement il va pouvoir être fondu avec les autres
développements qui sont en cours,
mais sur une longue période? Probablement, puis tout ça va pouvoir être… mais
dans un même lieu, un même support
technique. Mais l'idée, justement, c'est qu'à partir du moment où le projet de
loi s'il est adopté et entre en vigueur qu'on puisse avoir un registre
informatisé pour éviter les situations que vous décrivez.
Le Président (M.
Bergman) : M. Ménard, voulez-vous… Vous avez un commentaire?
Des voix :
…
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.
Mme
Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Merci, M. le Président. Vous savez que je viens d'une région, je
suis la députée des Îles-de-la-Madeleine. Alors, plusieurs mentions sont faites dans le
mémoire comme quoi il faut étendre le service
partout sur tout le territoire du Québec. Alors, c'est sûr qu'à chaque fois que je vois ça
je me dis : Merci de l'inscrire noir sur blanc et d'avoir cette préoccupation-là.
Également,
vous parlez d'uniformiser les pratiques. Ça aussi, je pense que c'est important
que ce soit uniformisé. Et vous
travaillez présentement avec l'INESSS pour développer le cadre que
pourraient être les soins. Peut-être vous pouvez nous en parler davantage sur le
travail qui se fait présentement avec l'institut?
Le Président (M.
Bergman) : M. Ménard.
M. Blain (Pierre) : Oui, bien sûr.
La demande… Nous siégeons… Nous sommes… Nous avons le privilège de siéger à la table de concertation de l'INESSS, qui
est l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux,
qui présente surtout de la recherche et qui doit offrir aussi des avis. Il y a
eu des projets qui ont été présentés, et c'est l'Association médicale du Québec qui a présenté ce projet-là pour avoir
des balises, pour avoir des moyens de fin de vie pour uniformiser les traitements qui pourraient être faits parce que,
même parmi les médecins, comme vous l'avez vu avec les différentes fédérations, ils ne sont pas tout à fait sur la même longueur d'onde, ils ne savent pas. Et présentement — et
c'est là que c'est si important — il
n'y a rien qui est semblable, il n'y a pas un dossier qui est pareil, il n'y a
pas une façon de fonctionner de la même façon. Mais, quand l'INESSS,
après les travaux sérieux qu'ils vont faire…
Et j'ai assisté à la
première réunion il y a maintenant quelques semaines, et la présidente de l'Association
médicale du Québec a bien expliqué comment c'était
important que le médecin puisse savoir comment traiter, justement, une personne qui va lui faire des demandes
semblables et comment qu'elle va pouvoir l'accompagner. Et c'est surtout
ça, l'accompagner, et avec la façon de le faire.
Et,
moi, ce que j'y ai rajouté, là-dedans — parce que c'est une de mes préoccupations, c'est un dada — c'est
la communication. Je pense, Mme Blais, vous êtes d'accord, le
problème, c'est toujours comment qu'on communique ces choses-là, et
c'est ça qui est le problème avec les professionnels. Présentement, le problème
des professionnels, entre autres des médecins, ils ne savent pas communiquer de
façon efficace avec leurs personnes. Et on pense que ça, avec l'INESSS de côté-là et avec les pressions qu'on
fait pour qu'on puisse bien communiquer, je pense que ça serait quelque
chose d'extrêmement important.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.
Mme
Richard
(Îles-de-la-Madeleine) : Mme la ministre me fait remarquer qu'au
point 2, c'est justement mentionné, à l'item
3, que «les membres de l'équipe de soins responsable d'une personne en fin de
vie doivent établir et maintenir avec
elle une communication ouverte et honnête». Je pense que ça répond bien
à votre préoccupation par
rapport à la communication avec la personne.
Le Président (M.
Bergman) : M. Ménard.
M. Blain
(Pierre) : Oui, vous avez raison, sauf que le problème… les gens, les
médecins… et c'est une des préoccupations. J'étais
encore hier avec le président du Collège des médecins, puis c'est une des
préoccupations. Vous savez que 70 %
des prescriptions ne sont pas suivies quand elles sont données par les
médecins, présentement; c'est les chiffres.
Le président du Collège des médecins me disait 50 %; non, c'est 70 %. Pourquoi? Parce que les gens ne
comprennent pas. Alors, est-ce que c'est la même chose qui va arriver?
Ça prend des habiletés de communication aussi. Donc, il va falloir que le
personnel soit bien sensibilisé à ça.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Moi, je n'ai pas de question pour le moment. Monsieur…
Le Président (M. Bergman) :
M. le député d'Argenteuil.
M. Richer :
Merci. M. Ménard, je suis heureux de rencontrer quelqu'un qui est éternel. Vos
ambitions dépassent les miennes. Moi,
j'ai longtemps dit que je serais actif jusqu'à 100 ans et, depuis quelques
années, je me dis : Pourquoi se mettre des limites? Donc, on se
rejoint là-dessus.
Moi, ce que j'ai
aimé dans votre présentation tantôt, c'est l'ensemble des termes positifs que
vous avez employés. Parce que c'est
important qu'on ait entendu tous les sons de cloche, mais dernièrement on a
entendu parler de violence, d'euthanasie,
de… Et ce que j'ai aimé, c'est quand vous avez parlé de soins de fin de vie. Et
j'imagine que ces propos reflètent un peu l'état d'esprit des gens que
vous représentez au niveau des comités des usagers?
M. Blain (Pierre) : Absolument.
Le Président (M. Bergman) :
M. Ménard.
• (18 h 30) •
M. Blain (Pierre) : Je vais vous
dire une chose. On l'avait présenté à la commission spéciale. Nous, notre mémoire, quand on avait présenté ça, on l'a fait
revoir par un comité de sages. Et notre comité de sages a regroupé
religions, on avait des représentants de
Juifs, musulmans, chrétiens, et nous avions également les peuples autochtones
qui ont participé dans la rédaction
de ce mémoire, quand on a fait notre sondage, quand on a fait notre première
présentation. Et, pour eux, là, c'était
ça qu'il fallait qu'on dise, il ne fallait pas parler de mort, il fallait
parler d'accompagnement en fin de vie. Et les autochtones nous ont dit
une chose extrêmement importante, et je pense que ça peut toucher aussi les
opposants dans certains cas, ils nous
ont : Nous, notre préoccupation, ce n'est pas pour la personne qui va
partir parce qu'elle va aller retrouver
le grand esprit, mais c'est plutôt pour la personne qui va rester et qui va
devoir subir l'odieux de peut-être avoir pris cet acte-là qu'elle a fait, et c'est avec eux que notre pensée est.
Alors, c'est ça que les autochtones nous avaient dit à ce moment-là. Et je pense que c'est ça aussi qui est
important. Il est important d'avoir un support psychologique également,
également pour le personnel et également pour les gens qui vont rester après.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Moi, je voudrais juste vous entendre parce que,
d'entrée de jeu, vous avez dit que vous trouviez que c'était un bon projet de loi pour les
personnes vulnérables. Puis vous comprenez, si vous avez suivi un peu nos
travaux, que c'est aux antipodes de ce que certains viennent nous dire, qui
nous disent : Il y a des risques précisément pour les personnes vulnérables. C'est toujours
un peu une dichotomie parce que moi aussi, je pense que là-dedans on
vient protéger les gens vulnérables, plus que dans l'état actuel, où ne
vient pas encadrer les choses. Mais vous, vous représentez les usagers, alors
vous pouvez comprendre que c'est un peu surprenant pour certains. Ça doit être
surprenant de vous entendre dire ça. Donc, j'aimerais ça savoir sur quoi vous
vous fondez pour dire que ça précisément vient protéger les personnes
vulnérables.
Le Président (M. Bergman) :
M. Ménard.
M. Blain (Pierre) : C'est fondé sur,
d'abord, une partie de la loi sur la santé qui dit que l'usager a droit de participer aux décisions, mais il doit y
participer dans un avis libre et éclairé. C'est là qu'est la partie importante.
Une personne qui va prendre une décision va
prendre un avis libre et éclairé. Si elle ne veut pas le prendre, elle ne le
prendra pas. Ce projet de loi là ne s'adresse pas à ceux n'en veulent pas. Ce projet de loi là s'adresse à ceux qui en ont besoin et qui veulent le faire.
Quand vous parlez de personnes vulnérables…
Et c'est pour ça qu'on dit aussi dans notre mémoire
que cette décision-là, là, ça ne se prend pas quand on est confrontés à ça; il faut qu'on y ait réfléchi.
Pour moi, là, c'est il y a 20 ans, dans mon cas, qu'il aurait fallu peut-être que je prenne cette décision-là et que j'y aie réfléchi. Et, ce qui arrive,
quand on parle de personnes vulnérables, c'est là où on a une chose importante aussi. Est-ce que quelqu'un remet en question
le testament biologique qu'on fait, qui dit : Je ne veux pas être
réanimé, supposons que j'ai quelque chose? Alors, pourquoi que, tout à coup,
quand on se retrouve à l'urgence dans le
coma puis qu'on ne veut pas être réanimé, il n'y a pas de problème, puis, tout
à coup, quand on est vulnérable mais qu'on n'est plus là, que ça
deviendrait un problème?
Le
Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au bloc du
gouvernement. Le bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de
Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Oui, merci beaucoup d'être
présents, M. Ménard, M. Blain. J'aimerais avant… parce que vous avez parlé de communication, puis je vais aller dans
cette voie-là, mais je veux partir d'une phrase que le Dr Marcel
Boisvert, qui était là précédemment, a dite, c'est que le conflit de conscience
entre deux personnes qui s'opposent n'est pas égal. Et, quand vous avez dit, tout à l'heure, «communication», mais la
communication pour un n'est pas nécessairement la communication pour l'autre.
Et de là l'importance de bien définir tous les termes pour qu'ils soient
clairs, précis.
Moi,
je me souviens, M. Blain, en 2007, quand je suis arrivée, combien ça a été
difficile. Ce n'est pas si facile pour
les comités des usagers de prendre leur place dans les établissements de santé
et de services sociaux, d'être respectés, d'être à la table des décisions, de prendre la
parole et d'être respectés dans cette parole. Si, hypothétiquement, un
projet de cette nature-là, le projet de loi serait adopté, est-ce que vous
pensez qu'un comité des usagers qui a mis sur pied des outils de communication
pour les usagers mêmes… J'ai de la misère un peu avec ce terme-là, mais on se
comprend. Est-ce que vous seriez en mesure
de faire des outils de communication pour sensibiliser, en général, votre
population, les personnes de vos
établissements? Parce que, quand on est vulnérables dans des établissements, on
comprend les choses pas toujours de la bonne façon. Vous voyez ce que je
veux dire? Je vous amène sur l'angle de la communication. Si les médecins ne
sont pas capables de s'entendre entre eux, imaginez-vous comment, à un moment
donné, des personnes vulnérables peuvent comprendre les différents points de
vue.
Le Président (M.
Bergman) : M. Ménard.
M. Blain (Pierre) : Merci beaucoup de m'amener sur ce sujet-là. Effectivement, je pense que
vous avez une chose importante. Nous
avons des personnes qui se dévouent pour la défense des droits, et ces gens-là
vont le faire dans des comités dans
tous les établissements de santé. Ça leur prend des moyens cependant pour le
faire. Et, quand vous me parlez justement
de faire ça, il faut aussi que nous, le RPCU, nous puissions les former
correctement. Et, grâce justement à des interventions que vous avez faites, on a commencé cette formation-là,
mais il faut qu'elle se continue. Elle va se terminer bientôt, mais il faut qu'on y revienne. Et, oui,
ça prend des instruments. Le même problème existe avec la maltraitance, c'est la même chose. Personne ne veut parler de
maltraitance. La seule différence, il faut justement donner des
instruments.
Ce
que vous dites là est extrêmement important, et ça, on l'avait dit. D'ailleurs,
la commission l'avait souligné parce qu'on avait été un des seuls, dans
notre mémoire, dans l'autre commission, où on avait parlé d'instruments d'information. Oui, moi… Et le problème,
justement, il ne faut pas faire ça comme un jargon bureaucratique, là,
sans…vous le savez, vous êtes en
communication, moi, j'étais en communication, la même chose. Il y a des mots
qui sont capables de toucher les
gens. Cependant, je pense que ces instruments-là sont d'abord des instruments
de sensibilisation. Et, par la suite, quand
on arrive dans d'autres instruments comme ceux qu'on vous a donnés, les
directives médicales anticipées, qui est un jargon de professionnels de
la santé, il faut qu'elles soient remplies justement avec un professionnel
de la santé pour qu'on puisse comprendre ces
implications-là. Mais il faut surtout que d'abord on s'est fait une tête, pour
dire : Oui, ça pourrait être important pour nous.
J'ai
mangé récemment, là, avec une mémé qui a 92 ans, qui est en forme, qui reste
chez elle, qui est très contente. Mais
je lui ai dit : Qu'est-ce qui va arriver quand vous allez… Supposons qu'il
arrivait quelque chose, vous êtes… Elle vit ici, sa famille est en France. Mais vous n'avez personne. Vous devez
avoir des renseignements. Et elle m'a dit : As-tu quelque chose, Pierre, à me donner pour que je
puisse lire? Je n'avais rien à lui donner présentement pour pouvoir le
faire. Oui, il y a des beaux instruments qui sont épais comme ça, mais ce n'est
pas de ça qu'on a besoin, on a besoin d'un instrument
de communication, et ça, je pense que c'est essentiel. Et, si jamais la
commission voulait nous en donner le mandat, le RPCU, on est prêts à le
faire. Et je suis sûr que M. Castonguay va le financer.
Des voix :
...
Le Président (M.
Bergman) : Alors, je vais prendre une question moi-même sur le
temps de l'opposition officielle et je vais
mettre mon chapeau de notaire. Et je regarde les articles 46 et 47 : «Les
directives médicales anticipées sont
faites par acte notarié en minute — ça va bien — ou devant témoins au moyen du formulaire
prescrit par le ministre.» Et je le comprends, c'est comme un testament
homologue, qui est signé par le testateur lui-même.
Où
j'ai un problème — et vous
avez mentionné les personnes vulnérables — c'est dans le deuxième alinéa de l'article 47, où vous dites qu'«elle — étant la personne — peut aussi, en cas d'incapacité physique,
les faire signer par un tiers, en sa
présence». Alors, comme notaire, j'ai beaucoup de difficultés avec cette
phrase, car je peux voir la personne vulnérable, où la famille est
autour de cette personne, et ils disent : Ça va? Ça va?, et la personne
même ne rédige pas la directive médicale
anticipée, ni ne la signe, et quelqu'un, un tiers — et le tiers, on ne sait pas qui est le
tiers — va dire : Oui, je vais signer, et il y
a deux témoins, on ne sait pas qui sont les témoins, et on sait que cette
directive médicale anticipée n'est pas
homologuée par la cour, car, si vous signez un testament homologue par votre
main, le testament en question est
homologué par la cour. Alors, c'est difficile pour un abus. Et même, avec ça,
la cour prend les moyens pour vérifier. Mais ici je ne comprends pas
cette phrase. Et peut-être, comme comité des usagers, vous pouvez me dire s'il
peut y avoir des abus.
• (18 h 40) •
M. Blain (Pierre) : Je pense que vous avez raison de soulever la question, effectivement.
Et il faut qu'on clarifie dans
quelles circonstances. Moi, ce que je le comprenais plutôt, c'est que la personne,
elle n'était pas inconsciente, elle n'était pas incapable. Je ne le
comprenais pas vraiment comme ça. Mais il faut que ça soit clarifié,
effectivement.
Mais je voudrais
aussi rassurer peut-être la commission sur le fait que même un mandataire, si
la famille, dans certains cas, s'oppose à la
décision qui serait prise, pourrait retourner devant un juge, tout comme pour
un… dans un cas d'inaptitude, et le juge, à ce moment-là, pourrait voir
si la décision a été prise clairement. Ça aussi, c'est une chose qui… qui sont des possibilités. Bien sûr, il faut que ça se fasse rapidement
dans ces cas-ci, supposons qu'on arrive dans des mesures de fin de vie.
Mais il y a toujours la possibilité d'un recours judiciaire qui se fait devant
le tribunal.
Le Président (M.
Bergman) : Merci. Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Pour continuer dans cette lignée, encore faut-il que la
famille soit informée, par contre, de l'existence… Et c'est là toute la question
de la relation du professionnel avec son patient et de la
confidentialité. Il y a des gens qui seront accompagnés par les membres de leur
famille, mais on peut imaginer aussi que, pour toutes sortes de raisons, les
membres de la famille ne soient pas informés de… même du fait que, par exemple,
on est, là, sur le point de procéder à l'aide
médicale à mourir. Dans ce contexte-là, la contestation judiciaire, oui,
elle est là, elle est prévue, mais elle devient un petit peu…
Par
exemple, hier soir, on a eu la chance de… on s'est fait présenter un vidéo, et,
dans le vidéo, on nous disait… Puis c'est
le témoignage — un
témoignage bien personnel — de quelqu'un qui dit : On n'était pas informés que
notre mère avait fait… ou allait prendre ce courant-là et qu'elle était pour
partir de cette façon-là, on ne le savait pas. Et donc comment donner à la
possibilité de la contestation judiciaire par la famille un réel… un sens réel?
Le Président (M.
Bergman) : M. Ménard.
M.
Blain (Pierre) : Je pense qu'il faut prendre, à ce moment-là, le même
processus que le testament. Quand la personne
est décédée, son testament devient public. Et je pense que peut-être, dans ce
cas-ci, quand on aura justement une décision
à prendre parce que c'est un tiers, je pense qu'à ce moment-là, ça, c'est aussi
quelque chose qui devrait être rendu public immédiatement par le
notaire, parce que, si c'est fait devant notaire, il faudrait qu'il y aurait
peut-être cette partie-là. Parce que nous, dans ce qu'on vous a donné comme
directive, il y a…
Je
ne suis pas sûr qu'on est capables d'homologuer ça, là, ce qui est là-dedans,
là, nous, dans ce document-là, qui est un
document médical. Je ne suis pas certain que c'est ça qu'il faut faire comme
testament homologué. Mais il faudrait le voir. Mais je pense qu'il y aurait cette procédure-là qui devient
justement publique, et là la famille va être informée, et là, à ce
moment-là, il pourrait y avoir des… Parce qu'on pense…
Nous,
ce qu'on dit dans les directives qu'on met là, on dit qu'il faut que votre
famille soit impliquée aussi, il faut que la famille soit là, et, pour
qu'elle soit là, il faut qu'elle le sache qu'est-ce que ce vous voulez, il faut
que vous fassiez connaître d'avance vos
exigences. C'est si important. Et je reviens encore à la communication. Nous,
maman nous avait toujours dit que,
quand je vais mourir, je veux telle chose, telle chose, telle chose. Mais c'est
là qu'il est important. On le savait tous, donc on ne s'est pas
contestés, sauf sur… l'héritage.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : C'est beau dans les familles unies. Théoriquement, c'est
beau, sauf qu'on a… Et c'est toujours l'exception.
On doit toujours, à titre de législateurs, garder en tête l'exception et s'assurer
que les dispositions d'un projet de loi
pourront s'appliquer à tout le monde. Et c'est là le défi parce qu'on peut
imaginer des cas où un patient, un parent va avoir cette volonté-là d'inclure un certain type de soins à l'intérieur
des directives médicales anticipées, sachant très bien que les enfants
ne seront pas nécessairement en accord avec ça, mais ça représente leur volonté
et là, par la suite, on peut imaginer ce que
ça peut donner, à la différence du testament. Le testament, une fois la
contestation engagée, malheureusement
la personne est déjà… la personne est décédée. Dans le cas des directives
médicales anticipées, il y a une finalité qui est différente. Alors, la
personne, lorsqu'il s'agit peut-être de l'administration de l'aide médicale à
mourir, on ne peut pas attendre après coup, parce que, là, la contestation est
utopique.
M. Blain
(Pierre) : Si vous me permettez?
Le Président (M.
Bergman) : M. Ménard.
M. Blain
(Pierre) : Je vais vous donner un exemple. Dans le cas des personnes qui
refusent des transfusions sanguines et que l'établissement de santé doit prendre des mesures, il y en a, des choses. Et, à
mon point de vue, ça pourrait peut-être s'approcher un petit peu de ça, parce que justement, à ce
moment-là, c'est l'État qui a l'obligation, lui-même, de
prendre les mesures pour voir si. La même chose dans le cas des personnes en
santé mentale. C'est souvent l'État ou la
famille qui décide de faire déclarer inapte quelqu'un. Et, dans certains cas,
même, on a des moyens de mettre en séquestre une personne pendant un
mois. Alors, vous voyez, vous pouvez regarder de ce côté-là pour avoir des
balises.
Le Président (M.
Bergman) : M. Blain.
M. Ménard
(Claude) : Je suis M. Ménard, et lui, il est monsieur… parce que c'est
M. Blain qui est éternel. Moi, je suis Ménard.
Des voix :
Ha, ha, ha!
M. Ménard (Claude) : Je pense que, un, il faut revenir à la base. Le projet de loi est en
lien avec la personne qui est en fin
de vie, et le droit de regard est au niveau de cette personne-là. Qu'un membre
de la famille veuille contester, c'est le droit à qui? C'est le droit à la personne qui est dans cette
situation-là à ce moment-là. Qu'est-ce qui fait que, un, exemple, je ne sais pas, la famille est réunie et l'ensemble
des membres de la famille sont en accord, mais il y en a un qui va à l'encontre
de ça? Je pense qu'il faut respecter le droit de la personne qui est dans cette
situation-là à ce moment-là, et c'est ça que
le projet de loi devrait privilégier. Ce n'est pas la personne qui dit :
Bien, non, moi, je ne suis pas d'accord, quand l'ensemble des gens sont
en accord avec ça.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau, il vous reste 1 min 30 s.
Mme
Vallée : Sur la question de la commission des soins de fin de
vie, je comprends vos recommandations. Que pensez-vous de certaines recommandations qu'on a eues que cette
commission-là relève soit de l'Assemblée nationale ou d'une commission
de l'Assemblée nationale, mais qu'elle ait une certaine indépendance et qu'elle
relève vraiment des membres de l'Assemblée pour lui donner un peu le même
couvert que le Protecteur du citoyen, par exemple?
M. Blain
(Pierre) : Moi, je considère
que c'est une excellente suggestion. Ça devient un officier du Parlement
comme on les a, et je pense qu'à ce
moment-là ils auront l'indépendance pour le faire. Mais je n'ai pas l'impression
que… Pour moi, il y a une autre chose aussi,
je n'ai pas l'impression qu'il va y avoir énormément de demandes. La
différence va être là, par exemple, pour ceux qui vont vouloir vraiment en
faire. Mais, pour moi, oui, c'est une suggestion qui est très intéressante et
qui pourrait justement éviter qu'on pense qu'il y a des complots en arrière de
ça pour éliminer certaines personnes.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé
pour ce bloc. Alors, le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée, s'il
vous plaît.
Mme
Daneault :
Merci, M. le Président. Merci d'être présents. J'ai très apprécié votre
mémoire, je veux vous le dire, et il est très bien fait. Je voudrais
vous amener à la page 8, où, dans vos commentaires sur la sédation palliative terminale et aide médicale à mourir, vous parlez d'uniformité
et vous demandez au législateur, dans le fond, de «prévoir une uniformisation des pratiques afin que tout
usager soit traité équitablement sur tout le territoire du Québec». Par
la suite, vous affirmez : «Il n'existe
pas d'uniformité entre les différents établissements au Québec, parfois même au
sein d'un même établissement et leurs départements.» Alors, et là vous
demandez : «Il est essentiel que cela soit prévu.» Ça, on est d'accord que
ça soit prévu, mais quelle suggestion vous faites pour que ça soit respecté et
que ça ne devienne pas un voeu pieux?
Le Président (M. Bergman) :
M. Blain
M. Blain
(Pierre) : Malheureusement,
je vais être obligé de dire : un formulaire. Un autre formulaire. Non,
mais le problème est là parce qu'on l'a même vu à l'intérieur de CHSLD.
Pourtant, un CHSLD, ce n'est pas très gros, mais, même à l'intérieur du CHSLD, les dossiers ne sont pas montés de la même
façon. Et, je pense, quand on va parler d'aide médicale à mourir, il
faut que ce soit un formulaire uniforme partout, un peu comme le baptistaire.
On sait tous que le baptistaire est fait de
certaine façon. Et je pense que c'est ça, ça serait aussi simple que ça. Et c'est
pour ça que c'est si important aussi,
en plus, avec ce que l'Association médicale du Québec a demandé, aussi de
regarder comment qu'on pourrait aussi assurer que les soins soient
semblables.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Groulx.
• (18 h 50) •
Mme
Daneault : Merci.
On a eu — je
ne me souviens plus quel groupe, là — une suggestion de regrouper ensemble les directives médicales anticipées, le don d'organes ainsi que l'aide médicale à mourir, en fait, et de retrouver
ce formulaire-là dans tous les dossiers
médicaux. Je ne sais pas si vous, vous avez des statistiques, là, mais ce qu'on
nous a dit, c'est que ce qui contribue
beaucoup à l'acharnement thérapeutique, c'est le fait que les directives
médicales anticipées ne se retrouvent souvent pas dans le dossier
médical. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Bergman) :
M. Blain.
M. Blain
(Pierre) : C'est exactement le point de notre mémoire. C'est
exactement ça. C'est ce que je vous disais tantôt. Quand une personne est en CHSLD, et, tout à coup, on la
transporte à l'urgence d'un hôpital, le dossier ne suit pas. Le dossier ne suit pas. Alors, c'est arrivé
justement dans le cas… On m'en avait parlé dans une des réunions de l'INESSS.
Une médecin, sa mère a été comme ça, et sa mère, c'était évident, elle ne
voulait pas être réanimée, mais elle a été transférée,
le dossier n'a pas suivi. Par conséquent, elle a été réanimée, et madame a dit
«bonjour»… mais, non, elle n'a pas dit «bonjour» parce qu'elle est morte
pareil plus tard mais dans d'autres conditions qu'elle avait souhaitées.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Groulx.
Mme
Daneault : Il me
reste combien de temps?
Le Président (M. Bergman) :
Il vous reste deux minutes.
Mme
Daneault :
Bon, d'accord. Alors donc, ce qu'on comprend, c'est d'essayer de regrouper ça,
mais que ça suive le dossier. Le DSQ pourrait peut-être être une
solution éventuellement, avec une note d'alerte pour que tout le monde le voie et puisse le considérer aussi, parce
qu'on le sait, par expérience personnelle, quand on arrive devant, entre
autres, des situations d'urgence, on n'a pas
nécessairement le réflexe, alors que, si tout était clairement établi et
suivait le patient, je pense que ça éviterait, entre autres, des dérives.
Le Président (M. Bergman) :
M. Blain.
Mme
Daneault : Mais je reviens à ma question. Ma question, c'était
vraiment : Est-ce que vous, vous avez des statistiques quant aux
directives médicales anticipées, le pourcentage des usagers qui l'ont rempli
ou… Pas vraiment, hein? Ce n'est pas disponible, ça.
M. Blain
(Pierre) : C'est des données
qui ne sont pas disponibles. Je pense qu'il y a eu certains sondages. Le
problème est plutôt autre chose présentement. Comme ce n'est pas homologué, c'est
plutôt… Même s'il y en a des directives,
elles ne sont pas respectées. La famille décide : Non, je ne veux pas que
maman meure. Puis avec raison, mais sauf que… Et c'est là plus qu'autre
chose présentement…
Moi, plutôt,
ce que j'ai entendu dire souvent par le personnel infirmier, le personnel
médical, c'est de dire : Même si on nous avait dit que, la famille
s'oppose. Donc, mais, non, on n'a pas de statistiques pour le nombre de
personnes qui en ont fait. Et je ne pense
pas… Et surtout, comme présentement ça n'a même pas de force de loi — parce que ça n'a pas force de
loi — donc,
à partir de ce moment-là, c'est presque inutile.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est
écoulé. Alors, M. Ménard, M. Blain, merci pour votre présentation, merci
de partager votre expertise avec nous.
Et,
collègues, la commission ajourne ses travaux jusqu'à jeudi le 26 septembre
2013, après les affaires courantes, soit
vers 11 heures, afin de poursuivre les consultations particulières et les
auditions publiques sur le projet de loi n° 52. Merci, collègues.
(Fin de la séance à 18 h 53)