(Onze heures)
Le Président (M. Bergman) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance
de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à
toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de
leurs téléphones cellulaires.
Collègues, la commission s'est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Non, M. le
Président.
Auditions (suite)
Le Président (M. Bergman) :
Alors, collègues, on reçoit ce matin le Protecteur du citoyen du Québec, et je
souhaite donc la bienvenue à vous, Mme Saint-Germain, et aussi vos collègues.
Je vous demande de nous donner vos noms, vos titres, et vous avez
15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres
de la commission. Alors, le micro, c'est à vous, madame.
Protecteur du citoyen
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Merci,
M. le Président. Je suis accompagnée,
à ma gauche, du vice-protecteur, M. Marc-André Dowd, et de
M. Michel Clavet, à ma droite, qui est conseiller expert au Protecteur
du citoyen.
Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes,
MM. les députés, je vous remercie de votre invitation. Avant de commenter le projet de loi concernant les soins de
fin de vie, je tiens à souligner le travail remarquable qu'a accompli la
Commission spéciale sur la question de
mourir dans la dignité. Les élus membres de cette commission ont jeté les
bases d'une réflexion sérieuse qui permet de
tenir aujourd'hui des discussions de grande qualité sur cet enjeu important
auquel sont confrontés au quotidien les
intervenants de la santé, les personnes malades en fin de vie et leurs proches.
Je suis très consciente du caractère
sensible de cet enjeu qui fait appel autant à des arguments rationnels qu'à des
valeurs personnelles et à des croyances intimes.
Pour ma part, j'ai fondé ma réflexion autour de
quatre grands principes : la reconnaissance de l'importance fondamentale du droit à la vie, le respect de l'autonomie
de la personne, l'accès concret aux soins palliatifs de fin de vie et le respect du droit des citoyens de mourir dans la
dignité. J'ai choisi d'aborder ensuite quelques préoccupations
concernant la qualité de la reddition de comptes et l'application du régime d'examen
des plaintes dans le réseau de la santé et des services sociaux.
Après une réflexion approfondie qui a inclus l'examen
des pratiques des autres pays qui se sont engagés dans cette voie, je suis d'avis que l'équilibre entre le respect des droits
individuels, au premier chef, le respect de l'autonomie de la personne et celui de la protection des
personnes vulnérables se reflète dans toutes les dispositions du projet de loi.
Je note le respect des droits et de la liberté de chaque médecin, notamment en
ne l'obligeant pas à poser un acte médical qui
irait à l'encontre de ses valeurs et de ce que sa conscience lui dicte de
faire. Notre analyse du projet de loi nous amène à conclure qu'il
prévoit les précautions essentielles pour assurer l'implantation de l'aide
médicale à mourir de façon strictement balisée et toujours dans le respect de
la volonté de la personne en fin de vie.
J'aborde
maintenant certains éléments liés aux principes que je vous ai annoncés
précédemment. Premier principe : la reconnaissance de l'importance
fondamentale du droit à la vie. Ce droit est le premier droit que garantissent
la Charte canadienne des droits et libertés
de la personne et la charte québécoise des droits et libertés. Concilier ce
droit avec l'aide médicale à mourir
peut, dans un premier réflexe, sembler paradoxal. Pourtant, le droit civil du
Québec reconnaît depuis longtemps le droit qu'a une personne majeure et
apte de refuser des soins médicaux, même si sa mort doit en résulter. Il y a aussi lieu de concilier ce droit
avec le droit à la vie, tout aussi important. J'estime que le projet de loi
n° 52 réussit cet équilibre.
La possible
dévalorisation du droit à la vie, surtout pour les personnes vulnérables,
apparaît comme une préoccupation centrale pour plusieurs. Les trois
arguments suivants illustrent les principales craintes que l'on observe souvent
dans les discussions publiques sur le sujet.
Ceux qui s'objectent font valoir que la légalisation de l'aide médicale à
mourir, un, risquerait d'être dispensée à des personnes seules et
vulnérables qui n'en auraient pas fait la demande; deux, servirait de moyen pour libérer des lits d'hôpitaux dans le
contexte du vieillissement démographique, lequel exerce une pression de plus en plus importante sur le système de soins de
santé et de services sociaux; et, trois, induirait un devoir de mourir
afin de ne plus être un fardeau pour la famille ou la société, surtout pour
certaines personnes vulnérables, par exemple des personnes en perte d'autonomie
ou des personnes handicapées. Chacun de ces arguments doit nous faire réfléchir
sérieusement.
J'ai
voulu m'assurer que des balises appropriées soient prévues et mises en oeuvre
de façon concrète afin d'empêcher que de
telles dérives puissent survenir avant de donner mon aval à un projet ouvrant
la loi à la légalisation de l'aide médicale à mourir. Notre mémoire
expose de façon détaillée pourquoi j'estime que ces balises sont introduites dans le projet de loi. Je réfère à toutes les
exigences et aux divers contrôles qui y sont prévus, tant a priori qu'a
posteriori, afin de strictement encadrer l'accès à l'aide médicale à mourir.
Dans le cadre de ce
bref exposé, je souhaite simplement répondre aux arguments que je viens d'évoquer.
Une personne qui n'a pas fait de demande
écrite et contresignée de sédation palliative terminale ou d'aide médicale à
mourir ne pourrait recevoir de tels services médicaux. Tous les mécanismes sont
prévus afin de s'assurer que cette demande est libre et volontaire et qu'elle est faite par une personne apte à donner
son consentement. Des pressions externes pour libérer des lits dans le contexte du vieillissement
démographique, en particulier dans les hôpitaux, doivent entraîner un refus
de procéder par le médecin traitant en
raison du caractère non libre et non volontaire de cette demande. Et enfin le
devoir de mourir afin de ne plus être un
fardeau pour la famille ou la société, craint par plusieurs intervenants, sera
diagnostiqué lors de l'examen de la personne ou des entretiens tenus à des
moments différents par le médecin traitant et entraînera également un refus de
procéder.
Bref, dans ses
principes et sa rédaction actuelle, j'estime que le projet de loi ne dévalorise
pas l'importance fondamentale du droit à la
vie. Au contraire, il met ce droit en équilibre avec un autre principe tout
aussi fondamental : le respect
de l'autonomie de la personne. Ce respect est fondé sur le consentement aux
soins, libre et éclairé. Notre mémoire explique pourquoi, dans le cas d'une
personne apte, toutes les garanties sont présentes afin de s'assurer de la
validité de son consentement.
Se pose par contre la difficile
question d'une demande exprimée par une personne devenue inapte à
consentir. Dans ce cas, c'est par l'entremise du régime des directives
médicales anticipées que cette reconnaissance légale deviendra concrète. Les professionnels de la santé auront le
devoir de respecter et d'appliquer la volonté de la personne concernant
les soins ou traitements qu'elle souhaite ou non recevoir.
Sous
réserve de précisions à être apportées dans le projet de règlement, j'estime qu'il
s'agit d'un mécanisme adéquat afin de s'assurer
du respect des volontés auparavant exprimées de façon libre et éclairée par des
personnes devenues inaptes à
consentir par la suite. Par contre, selon ma compréhension, l'accès à l'aide
médicale à mourir ne pourrait faire l'objet
d'une directive médicale anticipée. La rédaction du projet de loi suggère que
seule une personne apte peut faire cette demande dans la mesure,
évidemment, où elle satisfait à tous les autres critères.
Des intervenants ont soulevé la question de savoir
si l'accès à l'aide médicale à mourir pourrait être élargi aux personnes
devenues inaptes mais qui en auraient auparavant fait clairement la demande
dans le cadre d'une directive médicale
anticipée. Cette suggestion soulève des enjeux éthiques, médicaux et légaux
importants. Il serait sage, à mon avis, de confier un mandat à la future
commission sur les soins de fin de vie de mener une réflexion approfondie sur
cette question avant d'aller de l'avant. Je souligne au passage qu'il sera
important de bien faire comprendre aux acteurs et intervenants de même qu'à la population les différences entre les
directives médicales anticipées et le mandat en cas de prévision de l'inaptitude
d'une personne, qui peut déjà contenir des spécifications concernant les soins.
J'en viens au
troisième principe, qui est l'accès concret aux services de soins palliatifs de
fin de vie. Le projet de loi est généreux
dans ses principes et reconnaît à toute personne le droit de bénéficier de
soins palliatifs de fin de vie de qualité,
ce à quoi je souscris, évidemment. Toutefois, les réalités organisationnelles
et les contraintes budgétaires risquent de peser lourd dans la
matérialisation de ce droit. Déjà, plusieurs régions ne répondent pas à la
norme du nombre de lits disponibles en soins palliatifs prévue dans la
Politique sur les soins palliatifs de fin de vie de 2004. Un effort concret s'impose pour redresser cette situation. Cela sera
d'autant plus nécessaire avec l'ouverture faite à l'aide médicale à
mourir. Je le dis sans détour : L'appui
du Protecteur du citoyen à l'introduction de l'aide médicale à mourir est
conditionnel au développement
conséquent des soins palliatifs de fin de vie. C'est là, il me semble, le
premier gage de protection pour les personnes
vulnérables. Les défis seront de taille. Dans la logique du projet de loi, l'aide
médicale à mourir s'inscrit dans une relation thérapeutique patient-médecin
traitant. Dans le contexte où près de 40 % des Québécois n'ont pas accès à
un médecin de famille, des problèmes d'accès se poseront inévitablement.
C'est pourquoi
je recommande de mettre à jour la Politique sur les soins palliatifs de fin de
vie de 2004 pour y inclure les engagements
énoncés dans ce projet de loi. Également, un plan d'action visant à développer
à court terme les soins palliatifs dans toutes les régions qui le
requièrent doit être préparé et mis en oeuvre.
Enfin, le
quatrième et le dernier principe : le respect du droit des citoyens de
mourir dans la dignité. En fin de vie, pouvoir bénéficier d'un environnement
stable où le respect de son intimité est assuré est de première importance. Les dernières confidences et les marques d'affection
des proches demeurent du domaine intime, et l'accès à une chambre
individuelle compte parmi les conditions de respect de la vie privée.
•
(11 h 10)
•
Je
demeure préoccupée quant à l'accès à de telles chambres individuelles de fin de
vie dans tous les établissements du Québec. Compte tenu de l'augmentation prévisible de la demande et dans le contexte actuel
des finances publiques, comment les quelque 280 établissements
publics et privés vont-ils parvenir à relever ce défi? Nous le savons, dans plusieurs
régions, il manque déjà des lits en soins palliatifs pour atteindre les objectifs
et répondre aux besoins de la population. Le plan d'action ministériel que j'ai
recommandé précédemment devient donc d'autant plus nécessaire pour que cette
disposition de la loi puisse être respectée.
Il faut
aussi que cette garantie puisse être concrètement offerte à tous les citoyens.
Autrement, l'exercice du droit de vivre ses derniers moments en toute
intimité ne serait réservé qu'aux seules personnes capables de payer les frais
de chambre exigibles, ce qui apparaîtrait hautement inéquitable.
Je recommande donc de renforcer, par une modification
au projet de loi et un règlement en vigueur, cette garantie de gratuité pour
les usagers, dans les circonstances très particulières où leur mort est
imminente.
J'aimerais
maintenant vous parler de la qualité et de l'indépendance de
la reddition de comptes. Tous conviendront que le projet de loi soulève des enjeux sensibles et qu'il sera
important de suivre attentivement les impacts de son éventuelle mise en oeuvre. En ce sens, je salue la
création de la commission sur les soins de fin de vie, à qui reviendra le
mandat de porter un regard externe et indépendant à ce sujet. L'expertise de
ses membres sera le premier gage de sa crédibilité. Il importe donc d'y nommer les meilleurs experts et non des représentants de milieux intéressés; j'insiste. J'ajouterais deux autres
conditions : la qualité de l'information dont la commission disposera pour
réaliser son mandat et la perception d'indépendance, qui la rendra crédible
auprès des intervenants concernés et, plus largement, auprès de la population.
En ce qui concerne la qualité de la reddition de
comptes, l'information demandée aux établissements est complète. Toutefois, qu'en est-il de l'état
de la situation à l'échelle du Québec? Pour s'en faire une
idée, faudra-t-il consulter les rapports
annuels de gestion de tous les établissements? Ce rôle devrait revenir à la commission
sur les soins de fin de vie. Il faudrait donc que l'ensemble des
statistiques colligées par les établissements, incluant le nombre de demandes refusées et les motifs de ces refus, soit transmis
à la commission. Cette information lui permettrait de dresser un rapport
annuel exhaustif et un bilan quinquennal
plus complet pour faire le point sur l'impact de la loi et les conséquences de
sa mise en oeuvre. J'en fais une recommandation.
Quelques mots
également sur la perception d'indépendance. Dans la formule proposée, la
commission sur les soins de fin de
vie relèverait du ministre de la Santé et des Services sociaux, à qui elle
devra rendre compte. Sans prêter aucune mauvaise intention à qui que ce soit, il me semble que les mécanismes
prévus dans les législations de la Belgique et du Luxembourg, où les
organismes de surveillance doivent rendre compte directement à leur Parlement,
apparaissent davantage de nature à renforcer
l'indépendance de la reddition de comptes et à éviter toute apparence de
conflit d'intérêts. Une solution simple serait de dissocier le
rattachement administratif de la commission de sa reddition de comptes. Le rattachement administratif serait confié au
ministre, tel que prévu, mais sa reddition de comptes pourrait relever
directement d'une commission de l'Assemblée nationale. J'en fais aussi une
recommandation.
Il est
inévitable que l'application des nouvelles dispositions prévues au projet de
loi entraîne certaines insatisfactions qu'il faudra traiter. Ma
compréhension est à l'effet que le régime général d'examen des plaintes du réseau de la santé et des services sociaux s'appliquera
implicitement au projet de loi n° 52. Je note par contre qu'il
demeure muet sur la façon concrète dont les citoyens pourront exercer leurs
recours à l'égard de tels services ou encore en leur absence.
En bref, je recommande que le projet n° 52
précise de façon explicite que le régime d'examen des plaintes en vigueur dans
le réseau de la santé et des services sociaux s'applique, avec les adaptations
requises, notamment quant aux délais applicables au traitement des plaintes.
En
conclusion, M. le Président, ma réflexion s'est appuyée sur une vision intégrée
des soins de fin de vie. À mon avis,
le développement de l'offre de services en soins palliatifs est intrinsèquement
lié à l'ouverture faite à l'aide médicale à mourir. Cet élément est d'une importance capitale. C'est à cette
condition que j'appuie ce projet de loi, en rappelant qu'il revient à
chaque personne capable de donner un consentement ou non sur les soins qui s'offrent
à elle. C'est à cette personne, et à elle
seule, que revient le choix de se prévaloir de l'aide médicale à mourir, dans
la mesure où elle répond à tous les
critères énoncés dans le projet de loi n° 52. La sphère d'autonomie
reconnue à chacun doit pouvoir inclure cette ultime décision. À cet égard, je salue le courage du législateur démontré dans ce projet de loi concernant les
soins de fin de vie. Et je vous remercie.
Le
Président (M. Bergman) : Merci, Mme Saint-Germain. Alors, maintenant, pour le bloc du
gouvernement, le premier bloc de 10 min 30 s, Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui, merci,
M. le Président. Alors, bonjour, Mme
la protectrice, et bonjour aux membres de votre équipe. Je dois vous dire que j'ai lu votre mémoire avec beaucoup
d'intérêt et je trouve qu'il est vraiment d'une qualité remarquable. Et ce qui est rassurant, c'est que les questions
que vous vous posez, heureusement, ce sont des questions que je me suis posées aussi. Alors, évidemment,
toutes les réponses ne peuvent pas être inscrites dans le projet de loi, parce qu'il y a d'autres
choses, des politiques, de la réglementation, plan d'action, qui vont venir,
mais l'objectif de tout ça, l'objectif que
je poursuis est exactement le même que le vôtre. Et c'est ce que je souhaite qu'il
se dégage, d'abord et avant tout, du
projet de loi, c'est d'avoir vraiment une approche intégrée, complète des soins
de fin de vie, ce qui implique les soins palliatifs, bien sûr, et aussi
des soins plus exceptionnels, que nous venons encadrer et baliser strictement
dans le projet de loi, que sont la sédation palliative et l'aide médicale à
mourir.
Donc, je
pourrai revenir sur les éléments plus pointus que vous abordez, mais, d'entrée
de jeu, je note que vous faites, en fait, une analyse très intéressante
entre le droit à la vie, le droit à l'autonomie, la protection des personnes vulnérables. Et j'ai noté que vous avez dit que
«la protection des personnes vulnérables se reflète dans toutes les
dispositions du projet de loi». Donc, je
suis heureuse de le voir, parce que c'était un souci très grand que nous
avions. Mais vous avez dit aussi que
vous l'aviez analysé à la lumière de l'expérience étrangère. Donc, j'aimerais
peut-être vous entendre sur ce, à savoir quand vous faites cette
conclusion-là que la protection des personnes vulnérables est bien présente
dans tout l'ensemble du projet de loi, à la
lumière de ce que vous avez vu à l'étranger, si vous pouviez expliciter sur cet
énoncé.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Saint-Germain.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Alors, merci, M. le Président. Dans
un premier temps, vos remerciements et félicitations sur la qualité du
mémoire s'adressent beaucoup aussi à mes collaborateurs; j'en profite pour
souligner leur compétence. Vous dire aussi que vous faites référence à un
éventuel règlement d'application, et, dans un projet de loi comme celui-ci, entre autres, notre examen
des expériences étrangères nous démontre que beaucoup d'éléments fondamentaux et même des éléments de mise en
oeuvre ont été introduits au projet de loi afin d'en assurer, je dirais,
un respect encore plus fondamental et
structurant. Donc, je vous assure déjà que nous commenterons et nous
examinerons avec grand intérêt le règlement d'application.
La question des personnes vulnérables est la
question la plus fondamentale et en même temps la plus complexe. C'est celle
que vous soulevez : Comment ne pas les priver de l'exercice de ce droit,
mais en même temps comment s'assurer de leur
capacité réelle à consentir au moment où elles devront le faire? Et, en ce
sens, cette distinction qui est faite entre la sédation palliative
terminale et l'aide médicale à mourir m'apparaît vraiment très prudente et très
importante, et il ne faudra pas éluder la question, quand même, de leur accès.
C'est pourquoi je recommande que la commission sur les soins de fin de vie soit
chargée d'étudier de façon plus approfondie cette question.
Par ailleurs,
sur les expériences étrangères, nous avons retenu en particulier celles du
Luxembourg et de la Belgique, qui
nous ont paru être les plus pertinentes dans les circonstances. Et, avec votre
permission, M. le Président, je demanderais à notre conseiller expert, M. Clavet, qui non seulement les a étudiées,
mais est entré en communication avec des membres des autorités de ces
deux pays qui ont été associés à cette législation-là, je lui demanderais
peut-être de compléter ma réponse, pour le bénéfice de la commission.
Le Président (M. Bergman) :
M. Clavet.
• (11 h 20) •
M. Clavet (Michel) : Oui, merci.
Bonjour. Oui. Sur ce texte-là, en effet, j'ai communiqué avec M. le docteur Marc Englert, de la commission de contrôle belge
sur l'aide médicale à mourir, et puis, tout au long de nos échanges, c'est
une préoccupation qui est ressortie très clairement puis qui était aussi très
présente en Belgique à ce moment-là. La solution
belge qui a été mise de l'avant, ça a été d'offrir une garantie législative au
niveau des soins palliatifs, au départ, à toute personne qui était dans
la situation pour obtenir l'aide médicale à mourir. Ça, c'est le premier point.
Puis,
plus particulièrement sur les personnes vulnérables, c'est que, dans leur
mandat de contrôle, il y a toujours une section qui s'adresse spécifiquement à ça, où on regarde de façon très
pointue comment c'est adressé, si vous me passez l'expression. Donc, à
ce moment-là, ça donne des garanties a posteriori, supplémentaires, comme quoi il
y a une préoccupation particulière à l'égard des personnes vulnérables qui sont
identifiées.
Puis, au niveau
de la littérature scientifique, il y
a des examens indépendants qui ont
été faits sur ces dispositions-là et puis il n'y a rien qui ressort de
négatif dans l'expérience aux Pays-Bas, particulièrement, où ils sont beaucoup
plus avancés qu'en Belgique et au Luxembourg sur cet aspect-là. Ça
compléterait.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui. Puis je dirais en outre qu'il y a quand même une différence importante entre
les législations belge, néerlandaise
et la nôtre. C'est que la nôtre vient vraiment préciser qu'on doit être en fin
de vie, alors que, pour les autres législations, une personne qui, par
exemple, à la suite d'un accident, serait devenue quadriplégique, ne serait plus capable donc de bouger et demanderait l'aide
médicale à mourir, dans certaines circonstances, c'est possible. Ici, c'est
quelque chose qui est totalement exclu. Il
faut donc que la personne ait une maladie grave et incurable — une maladie et non un état — et qu'elle soit en fin de vie. Donc, je vous
dirais qu'il y a quand même une différence. Et on voit qu'à la lumière de ce que vous nous dites, et ça me
rassure aussi, ça concorde avec nos propres travaux aussi et la mission
qu'on avait faits lors des travaux de la
commission, en Belgique et aux Pays-Bas, à savoir que les choses se passent
très bien et que les taux d'appui,
même, à la législation ont augmenté au fil du temps plutôt que rester stables
ou diminuer, ce qui, je pense, est un signe encourageant. Donc, je
comprends que vous arrivez aux mêmes conclusions à cet égard.
Peut-être un
mot sur les soins palliatifs. C'est une préoccupation que vous avez, et que j'ai
aussi, et qui se reflète, je pense, dans le projet de loi. Peut-être simplement
vous dire que, pour nous aussi, ça va de pair. Même si je pense qu'il est aussi pertinent de dire que les gens qui
sont venus pendant les travaux de la commission parlementaire et qui
nous ont parlé d'un proche qui a eu une fin de vie très difficile, c'étaient
généralement des gens qui avaient eu accès aux
soins palliatifs, donc c'était quand même des gens qui avaient eu accès à de
très bons soins, mais, comme on le sait, il y a des gens qui ont des
souffrances réfractaires, il y a des gens qu'on n'arrive pas à soulager, et c'était
surtout ce type de cas là qu'on portait à notre attention.
Mais ce que je souhaite vous dire, c'est qu'on
est en plein travail, donc, sur tout l'axe du développement des soins
palliatifs. La situation est quand même beaucoup moins pire que certains
aimeraient le laisser entendre. Donc, il y a
toutes sortes de chiffres qui circulent, mais il n'y a pas d'étude, il n'y a
aucune étude que j'ai vue, exhaustive, sur l'accès aux soins palliatifs, et c'est ce qu'on s'emploie à faire en ce
moment au ministère en développant des nouveaux indicateurs. Et je peux vous dire qu'avec un indicateur qui est très
fiable, qui est celui des soins palliatifs donnés à domicile, on arrive
à un taux de 51 % des gens qui seraient susceptibles de devoir recevoir
des soins palliatifs qui en reçoivent à
domicile. Donc, ça, c'est sans compter tous ceux qui en reçoivent en maison de
soins palliatifs ou en établissement. Et il y avait eu une étude, au
début des années 2000, avant même la politique, qui est venue dire qu'en
établissement il y avait environ 34 % des gens susceptibles de devoir
recevoir des soins palliatifs qui en recevaient. Et ça, ça fait plus de 10 ans, et le développement s'est beaucoup
accru. Donc, est-ce que tout est parfait? Non. Mais est-ce qu'on est sur
la bonne voie et est-ce que l'accès est quand même large? Je vous dirais oui.
Et, puisque vous
faites état des chiffres de lits dédiés, je voulais simplement vous dire qu'à l'heure
actuelle la cible pour les lits dédiés, elle
est atteinte à 91 %, compte tenu des derniers chiffres. Donc, on a annoncé
un investissement au printemps. C'est
vraiment une priorité d'action. La priorité en formation, pour l'année
prochaine, va être pour les soins palliatifs. Donc, ça, je veux vous rassurer à cet
égard-là : on est exactement dans la même lignée que vous et on
continue à travailler très fort pour que tout ça puisse s'améliorer.
Peut-être
sur un aspect plus… Si vous avez des commentaires sur ce point-là, ça me fera
plaisir de les entendre aussi. Sur un
aspect peut-être plus précis, quand vous dites que la mécanique de
plaintes — puis je
pense que c'est très important aussi que tout ça soit accessible — elle
soit accessible autant pour le refus de traitement, l'acharnement
thérapeutique, la sédation terminale, l'aide médicale à mourir, vous nous dites
que vous jugez qu'il faudrait avoir des dispositions
spécifiques dans le projet de loi, donc, j'aimerais ça que vous élaboriez
davantage. Parce que, comme vous savez,
ce projet de loi là doit être lu évidemment en concordance avec la loi générale sur les services de santé et services sociaux qui prévoit le
mécanisme, donc, de plainte générale, et c'est bien sûr le mécanisme qui sera
applicable pour cette loi-là également. Donc, je voulais comprendre ce qui vous
inquiète avec cette loi.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Saint-Germain.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Merci, M. le Président. Sur les soins palliatifs, vos propos sont
rassurants, Mme la ministre.
Je suis contente de les entendre. Je veux rappeler que, dans notre mémoire,
nous soulignons la grande qualité du
personnel, dans les centres hospitaliers, qui est dédié aux soins palliatifs et
que les plaintes que nous recevons dans
ce contexte concernent beaucoup plus l'environnement, les enjeux de milieu de vie et les facturations
aussi de frais de chambre, que nous
abordons dans le mémoire. Mais il faut souligner, effectivement, qu'il y a beaucoup de personnel dédié, que c'est presque une vocation, sinon c'est une
vocation de travailler en soins palliatifs, et je tiens vraiment
à le souligner.
Quant
au régime d'examen des plaintes, effectivement notre compréhension est que le
régime général s'applique. Ce qui me
préoccupe, c'est l'adaptation de ce régime dans la situation très particulière
des soins palliatifs de fin de vie. Vous savez que c'est un régime à
deux niveaux, le dernier recours étant le Protecteur du citoyen, avec des
délais, des échéances qui sont particulières, une échéance de 45 jours, au
premier niveau, qui peut être extensionné à 60 jours. Alors, ma préoccupation, c'est qu'il y ait une
adaptation de telle sorte que l'intervention puisse être faite avec des
exigences et un encadrement qui sont adaptés à l'urgence d'agir dans ces circonstances.
Et,
vous savez, déjà, avant même l'entrée en vigueur de cette loi sur
la question des soins de fin de vie, nous avons recensé, au cours des dernières années, des trois
dernières années — et
c'est un recensement qui est très conservateur, là, on est allés uniquement à soins palliatifs et on aurait pu aller plus largement — 30 plaintes — ce qui est beaucoup dans un contexte de fin de vie — généralement formulées par les proches, 21
étaient fondées, et les citoyens ou leurs mandataires, en l'occurrence, se plaignaient du manque de
qualité dans les soins, de transferts inadéquats de chambres dans l'établissement
ou d'un établissement à l'autre. On a, dans certaines situations, en fin de
vie, eu à documenter des transferts d'un
établissement spécialisé à une ressource intermédiaire ou à un CHSLD, et, en l'occurrence,
ce n'était peut-être pas ce qui
aurait été le plus indiqué. Je veux du coup préciser, évidemment, que ce sont
des situations d'exception, mais ça s'est quand même produit, et je pense
que c'est quand même important qu'un recours indépendant puisse agir et
intervenir au moment où c'est encore pertinent de le faire.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au premier bloc du
gouvernement. Pour le bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de
Gatineau.
Mme
Vallée : Merci, M. le Président. Alors, Mme Saint-Germain, je
tiens à joindre ma voix à celle de la ministre pour la qualité du travail. J'en faisais état tout à l'heure, un peu
plus tôt, avant le début de nos travaux, avec M. Dowd. Et je dois vous dire que c'est un mémoire fort
intéressant à tout point de vue. Vous abordez de front des enjeux qui parfois
ne sont pas toujours évidents à aborder ouvertement, toutes les préoccupations
que peuvent avoir certains groupes à l'égard du projet de loi et des impacts.
Je
me préoccupe particulièrement d'une de vos recommandations qui touche la mise
en place du plan d'action et du renouvellement
de la politique. La semaine dernière, je me questionnais beaucoup et j'ai questionné
plusieurs intervenants sur la mise en
oeuvre de l'article 5 et de l'article 13, c'est-à-dire : Comment
on peut assurer qu'au moment où la loi… dans le cadre d'une éventuelle
adoption du projet de loi, comment peut-on s'assurer qu'au jour 1 les services
soient accessibles? Parce qu'à partir du
moment où une loi a force… est en vigueur, disons qu'il est un peu de notre
responsabilité de s'assurer qu'elle puisse être mise en oeuvre. Autrement, il n'y
a pas de presse à la mettre en oeuvre.
De
quelle façon on devrait fonctionner? Est-ce qu'à votre avis ce plan d'action
là, cette politique-là devraient être déposés avant l'adoption d'un
projet de loi? Est-ce que cette politique-là… À quel moment donné, dans le
calendrier, on devrait pouvoir avoir accès à tout ça?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Saint-Germain.
• (11 h 30) •
Mme Saint-Germain
(Raymonde) : Merci, M. le Président. Merci de vos commentaires,
Mme la députée. Il y a déjà une politique de
soins palliatifs, celle de 2004, à l'époque, évidemment, où on ne parlait pas
comme tel, là, de l'aide médicale à
mourir. Je pense que c'est une bonne politique. Il faut la compléter et l'adapter. Le besoin d'aide médicale à mourir… Je
pense que la volonté de la population
qui le souhaite, dans le respect de la volonté des personnes qui ne le souhaiteraient pas, m'apparaît suffisamment solide pour qu'on puisse continuer d'adapter la politique
et de progresser sur le plan législatif. Je pense qu'il y a là un besoin
pour plusieurs citoyens. Ça permettrait de donner suite à leur volonté dans des conditions, encore une fois, qui sont des
conditions prudentes, respectueuses des droits, respectueuses aussi de
la conscience professionnelle des médecins. Certains médecins qui ne
souhaiteraient pas y être associés, c'est vraiment important qu'ils puissent
référer au directeur des services professionnels et que les arrangements soient
pris.
Mais
donc moi, je dirais : Il faut continuer parallèlement à appliquer,
améliorer la mise en oeuvre de la politique et continuer sur le plan législatif et sur le plan réglementaire. Je pense
qu'autrement ce serait un retard. Et, vous savez, on constate souvent l'écart entre des services
annoncés et la réalité sur le terrain, et je pense que de dissocier l'amélioration
de la politique, la préparation de l'implantation
de la loi et de son règlement d'application de la mise en oeuvre sur le
terrain de la législation, ce serait
vraiment créer un retard ou engendrer inévitablement un retard. Alors, moi, je
vous encourage à aller de l'avant sur les deux aspects simultanément.
Il y a
certains endroits où, on le voit, il restera peu à faire. Dans d'autres
situations, particulièrement en région, c'est sûr que c'est plus difficile, mais, encore là, je trouve que la loi
prévoit des mesures qui sont, si elles sont mises en oeuvre, encore une
fois, pragmatiques. Le recours à un DSP, le signalement à un autre médecin si
le médecin de famille n'est pas d'accord ou s'il n'y a pas de médecin de
famille, je pense que ce sont toutes des mesures qui sont pragmatiques.
Maintenant,
il faut être vigilants dans la mise en oeuvre. Et je dirais : Il va
falloir aussi s'assurer, peut-être — il y a
des représentants administratifs aussi du ministère de la Santé — que
les budgets annoncés soient bien dédiés et suivent
les annonces qui vont être faites. C'est aussi quelque chose… puis je le dis en
tout respect puis en tout respect de votre
travail, c'est aussi quelque chose qu'on constate. On annonce parfois des
budgets, mais, dans la réalité, un, de leur disponibilité, il y a un
écart dans le temps, mais aussi, en fin d'année, dans la reddition de comptes,
on peut parfois constater qu'il y a eu des
utilisations à d'autres fins. Alors, dans ce cas-ci, ce sera vraiment
important, compte tenu de la nature du service et du contexte des
citoyens qui le réclament.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Est-ce que vous
voyez une difficulté, justement, en région, à l'accessibilité à l'aide médicale
à mourir? Parce qu'il peut y avoir, dans
certains services, dans certains centres, des médecins qui ne soient pas à l'aise
de pratiquer l'aide médicale à mourir, que
ce soit pour des raisons personnelles ou des raisons professionnelles. C'est-à-dire
que c'est un acte bien particulier, et ce n'est pas tout le monde qui sera à l'aise
d'aller de l'avant et de procéder avec une procédure qui n'est pas
nécessairement régulière, avec laquelle on n'est pas familier et qui a des conséquences
très importantes.
Alors, croyez-vous que l'accès à l'aide médicale
à mourir puisse être compromis dans certains secteurs, dans certaines régions?
Et, auquel cas, comment on pourrait y remédier, s'assurer que, partout au
Québec, ce soin-là soit effectivement disponible et qu'on ne se retrouve pas
dans des situations comme pour ce qui est de la question des interruptions volontaires de grossesse, où on a
des régions où on n'a aucun centre de santé qui offre les services et où
les patientes doivent nécessairement se diriger vers des cliniques privées?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Saint-Germain.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Alors, M. le Président, cette
question-là est effectivement liée directement à l'accès à un médecin de
famille, et on sait que, dans certaines régions, c'est quand même plus
difficile qu'ailleurs.
Au fond, vous
me demandez… Votre question, j'y répondrais en deux volets. À mon avis, le
projet de loi prévoit déjà, en
fonction de l'organisation de notre système de santé et de l'organisation du
réseau, prévoit déjà un recours qui m'apparaît opérationnel, efficace,
celui d'un directeur de services professionnels qui, autant dans le cas de l'absence
d'un médecin de famille ou d'un médecin de
famille qui ne souhaiterait pas pratiquer lui-même l'aide médicale à
mourir ou même la sédation palliative terminale… on va trouver un autre
médecin, une autre alternative. Je pense que ça, c'est déjà bien prévu. Restera
à s'assurer que les ressources sont là.
Il y a
peut-être un élément que j'ajouterais, et là on n'en a pas discuté entre nous,
mais ce qui me vient à l'esprit, c'est que, comme c'est le cas pour la difficulté
d'accès, en région, à d'autres services, notamment des chirurgies très spécialisées, il y a une possibilité qu'il y ait un transfert de l'usager dans une autre région
où ces services sont accessibles. Alors,
est-ce que, dans la Loi sur les services de santé et services sociaux, présentement, c'est déjà couvert et ce serait assuré et financé? Je
pense que oui. Si ce n'était pas le cas, si les juristes pensaient autrement, à
ce moment-là il faudrait regarder peut-être
pour que, cette initiative ou cette garantie additionnelle, il n'y ait pas de
privation d'accès pour une personne en région — et,
incidemment, ça peut arriver aussi à Montréal, là — donc, que cette
garantie additionnelle puisse être offerte. Donc, moi, je pense que c'est une
hypothèse additionnelle à regarder.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Pour la question
du transfert, je ne sais pas. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais il me semble
qu'à mon avis ce serait plutôt de s'assurer d'avoir des équipes qui pourraient
se rendre au chevet plutôt que d'orchestrer un transfert pour un patient qui
est vraiment en fin de vie. Parce que c'est à eux que s'adresse ce projet de loi là.
Est-ce que c'est quelque
chose qui est envisageable? Est-ce que
c'est quelque chose qui peut être mis en oeuvre sans trop de problématiques? Je ne sais pas
comment vous pouvez le percevoir, on l'avait effleuré la semaine dernière, lors de nos échanges.
J'aimerais
revenir sur la commission sur les soins de fin de vie. Vous insistez sur
l'indépendance de la commission. Est-ce
que vous… Comment voyez-vous la suggestion
qui a été faite par certains groupes que cette commission relève de l'Assemblée
nationale plutôt que du ministre?
Est-ce que c'est quelque
chose qui pourrait être envisageable,
à votre avis?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Saint-Germain.
Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, M.
le Président, sur la fin, sur vos commentaires, Mme la députée,
concernant la question des transferts, évidemment j'ai répondu à
votre question dans le contexte d'un dernier recours, d'une dernière option s'il n'y avait pas,
dans une région particulière, pour un citoyen, l'accès aux services de soins de fin
de vie. Je ne crois pas. Il faut
envisager quand même l'angle des coûts. Je crois qu'il serait plus
réaliste, malgré tout, d'envisager un
transfert dans une autre région où les services seraient offerts, ce qui n'est
pas souhaitable, hein? C'est vraiment le dernier choix, parce que ça vise aussi les
proches de cette personne-là. Mais je vous dirais : Entre ne pas
avoir les soins ou devoir se déplacer à l'étranger, je pense que ce serait,
disons, le dernier, dernier compromis.
Quant
à la commission sur les soins de fin de vie, devrait-elle
relever de l'Assemblée nationale? Évidemment, toutes les commissions ne
peuvent pas relever de l'Assemblée nationale. Par contre, je dis : Dans la
logique de la commission parlementaire sur
les soins de fin de vie — dont je réitère que ça a été une commission de grande qualité
et, quant à moi, je me permets de le dire,
le parlementarisme à son meilleur — je pense qu'il y a une solution qui serait
simple, c'est que le ministre de la Santé
soit toujours responsable administratif de la commission et ne soit pas, par
ailleurs, celui à qui la commission fait ses rapports. Les rapports
pourraient être déposés directement à l'Assemblée nationale.
Vous
savez, ça se fait déjà, dans le cas notamment de la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse qui, administrativement, doit se
rapporter au ministre de la Justice mais qui fait ses rapports directement à l'Assemblée nationale. Ces rapports sont déposés
par le président de l'Assemblée nationale. Alors, ça ne veut dire… aucun
sou, donc c'est intéressant comme
proposition, je pense, et, à mon avis, ça ajouterait beaucoup à la perception d'indépendance.
Moi personnellement, je ne crois pas qu'aucun ministre de la Santé se
permettrait de tabletter le rapport ou de le déposer
le dernier jour de la session, sans communiqué de presse, mais c'est une
question de perception. Et je pense que c'est simple à régler.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au premier bloc de
l'opposition officielle. Pour le deuxième bloc du gouvernement, Mme la
ministre.
• (11 h 40) •
Mme
Hivon : Merci, M. le Président. Alors, peut-être pour
terminer, tout à l'heure, sur les soins palliatifs… C'est ça. En fait,
ce qui est important, je pense… Puis, dans la compréhension de beaucoup de
gens, c'est que, pour eux, les soins
palliatifs, ce ne sont que des lits dédiés, une maison de soins palliatifs ou
une unité de soins palliatifs dans un centre hospitalier. Mais les soins
palliatifs, c'est beaucoup aussi l'approche palliative, c'est beaucoup le fait
de pouvoir recevoir des soins palliatifs à domicile.
Donc,
c'est pourquoi l'indicateur, je dirais, des lits dédiés est important. On a cet
objectif-là, mais ce n'est pas une fin
en soi. La fin, c'est vraiment que tous les gens qui en ont besoin puissent en
avoir en fin de vie. Et, même, on souhaite maintenant qu'ils
interviennent beaucoup plus tôt, qu'ils arrivent beaucoup plus tôt dans le
processus, d'où cette idée, qui est aussi
générale, je pense, et qui concorde avec… qui correspond au désir des gens, c'est-à-dire
de les offrir le plus possible à
domicile. C'est pour ça que, dans l'investissement qu'on a annoncé, il
y a 11 des 15 millions
que c'est pour, vraiment, les soins palliatifs à domicile, pour, aussi, que
les gens — dont
la majorité le désire, on le voit aussi — puissent
mourir ou rester le plus longtemps possible à domicile. Donc, ça, il y a vraiment,
aussi, une vision à cet égard-là.
Pour
ce qui est de la question de l'accès à un médecin de famille, c'est évident
qu'il y a encore beaucoup de travail à faire. Mon collègue le ministre
de la Santé y travaille très ardemment pour améliorer, bien sûr, la desserte en
médecine familiale auprès des gens, mais je pense que c'est important de se
dire que les gens qui sont en fin de vie, les gens qui sont concernés, la grande partie, par ce projet de loi là, notamment
quand on pense à l'aide médicale à mourir, ce sont essentiellement des
gens qui souffrent de cancer ou de maladie dégénérative. Et ces gens-là — et c'est
une bonne chose — sont évidemment suivis par des
professionnels, parce qu'il n'y a personne, dans notre système, qui, lorsqu'il
a une maladie, est laissé pour compte lorsqu'il est dans une situation
telle qu'un cancer en fin de vie, une maladie neurodégénérative. Donc, je pense
que ça aussi, c'est un élément qui peut être rassurant, malgré les
imperfections de notre système, le fait que,
quand on est en fin de vie… Je ne sais pas pour vous, mais je connais quand
même peu de gens qui... Vous voyez toutes sortes d'histoires d'horreur,
mais, en termes de fin de vie, les gens qui ont un cancer, ou tout ça,
évidemment, ont généralement accès aux services requis, et je pense que ça
aussi, c'est un élément rassurant.
Pour
ce qui est de votre recommandation que la commission relève, je dirais, en
termes de reddition de comptes versus
son... à qui elle serait rattachée administrativement, je la trouve très
intéressante, je dois vous dire. C'est une question avec laquelle on avait jonglé aussi : Est-ce
qu'elle devait relever de l'Assemblée nationale entièrement? On trouvait
ça complexe, d'autant plus que les… Ça
pourrait créer un précédent, je dirais, très important, à savoir : Est-ce
que, maintenant, toutes les
commissions qu'on va créer vont devoir relever de l'Assemblée nationale? Mais,
le double rattachement que vous proposez, je dois vous dire que je pense
que c'est une piste très intéressante, qu'on va regarder très sérieusement.
Même chose pour l'ensemble de vos recommandations, évidemment.
Peut-être
un mot sur la question de la chambre que vous appelez la chambre privée. En
fait, il y a peut-être une nuance importante à apporter. Ce que l'on dit
dans le projet de loi, c'est «une chambre qu'elle sera seule à occuper». Donc, c'est une question que l'on a abordée
notamment avec l'AQESSS, l'Association québécoise des établissements en santé, parce qu'on a été très sensibles, lors des
travaux de la commission, à cette préoccupation-là des gens de dire :
Lorsque la mort est imminente, dans les tout
derniers moments, c'est important d'être capable d'avoir son intimité, c'est
une question de dignité et de
respect. Donc, oui, on va loin, on le met dans le projet de loi, mais il y a
une souplesse accrue qui est donnée aux
gestionnaires, c'est-à-dire que la personne… ça n'a pas à être une chambre
privée, mais ça pourrait être une chambre, par exemple, double mais où
un patient ne sera pas à ses côtés pendant une période donnée, qui est la toute
fin de sa vie. Donc, ça peut...
C'est sûr qu'on tend
tranquillement, dans les rénovations et les agrandissements d'hôpitaux, à aller
vraiment, pour toutes sortes de raisons,
vers des chambres privées, mais, dans l'état actuel des choses, je pense que c'est
de nature à pouvoir
donner une flexibilité supplémentaire aux gestionnaires. Ça ne veut pas dire
que c'est archi-simple, mais c'est une
volonté qui est partagée aussi par les gestionnaires d'établissement, par l'AQESSS,
de pouvoir assurer cette réalité-là. Et on nous dit évidemment que ça va
entraîner peut-être certains réaménagements mais que c'est quelque chose qui
est faisable. Donc, c'est notre volonté.
Et, bien sûr, la
question des frais, elle est tout à fait pertinente, et, à partir du moment où
on prévoit une telle possibilité, bien,
évidemment, c'est sans frais. Peut-être que la problématique… et nous aussi, on
l'a vue, on l'a entendue, ce qui
arrive parfois, comme réalité, c'est que quelqu'un est à l'hôpital, pas dans un
lit dédié, dans une chambre simple, et là on le transfère dans une unité
avec un lit dédié en soins palliatifs. On ne repose pas la question
nécessairement, on présume qu'il veut
toujours sa chambre simple. Donc, on continue la facturation, et tout ça, au
même titre. Évidemment, il y aurait
des ajustements à apporter avec ce qu'on vient prévoir pour une telle
situation, puisqu'on veut venir vraiment écrire noir sur blanc cette
importance à l'intimité, je dirais, en fin de vie.
Pour
ce qui est, peut-être, de votre question quand... Parce que je dois vous dire
qu'en général je reçois très bien vos recommandations. Ce que je
souhaite peut-être vous dire, c'est que, pour ce qui est du bilan quinquennal,
il y a un bilan annuel, vraiment, sur les activités annuelles et il y a le
bilan quinquennal, donc, qui va être en mesure, pour la commission, de faire un peu le parallèle entre l'évolution… comme l'accès
aux soins palliatifs sur une période donnée, le nombre d'aides médicales
à mourir, et tout ça.
Et je trouve encore une fois très intéressant que
vous veniez suggérer qu'il y ait une analyse vraiment liée aux groupes de personnes vulnérables. On entend par
là, par exemple, les personnes handicapées, les personnes âgées. Je
pense que c'est très intéressant, parce que
c'est de nature à rassurer encore davantage. Dans la littérature, on voit qu'il
n'y a pas, effectivement, de pente
glissante, comme certains le craignaient, où, par exemple, les gens plus
vulnérables demanderaient davantage
une aide médicale à mourir. En fait, c'est plutôt l'inverse : souvent, c'est
des gens qui ne sont pas très âgés, donc. Mais je pense que c'est de
nature à rassurer.
Et je voulais
juste préciser avec vous ce que vous entendez par «personnes vulnérables»,
tantôt vous avez fait allusion, évidemment, aux personnes inaptes, là, ça peut
être une catégorie de personnes, mais les autres personnes sur lesquelles vous
voulez porter notre attention.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Saint-Germain. Puis limitez vos remarques dans
une minute pour la fin de ce bloc.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : C'est bien. Je vais simplement ajouter aux commentaires sur le premier
sujet, la question des chambres, qu'il sera nécessaire de modifier le règlement.
Présentement, le règlement sur les frais de chambre, règlement sur la Loi sur l'assurance-hospitalisation,
nécessitera une modification.
Bon.
Les personnes vulnérables, d'abord, c'est la question la plus complexe, hein, quant à moi, la plus sensible. C'est très
difficile... Je sais que la littérature scientifique identifie, là,
10 catégories de personnes vulnérables. Mais je trouve que c'est
difficile d'aborder cette question-là et d'être... Il faut demeurer équitable.
Et, quant à moi, par exemple, des personnes
handicapées physiquement ne sont pas
nécessairement des personnes inaptes à consentir. Des personnes qui ont
un problème de santé mentale, qui vivent avec un problème de santé mentale,
même au moment de requérir l'aide médicale à
mourir, n'ont pas nécessairement une inaptitude à consentir. Alors, c'est vraiment
la question la plus délicate.
Je
sais que plusieurs de ces personnes et plusieurs
représentants craignent qu'on applique la loi de façon outrancière et qu'au
fond on pratique à leur endroit — j'ose
dire le mot — l'euthanasie
volontaire, et je pense que ce n'est pas ça. C'est surtout ça qu'il faut
prévenir. Mais en même temps il faut permettre à ces personnes-là qui auraient
la volonté et la pleine conscience, la pleine compréhension de la loi également,
si elles le souhaitent, à mon avis, de pouvoir être admissibles à tous les services. Alors, c'est pourquoi
je pense que la commission doit vraiment, de
façon très approfondie,
étudier cette question-là.
Le
Président (M. Bergman) : Pour l'opposition officielle, le deuxième bloc, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Merci
beaucoup, M. le Président. À mon tour de vous remercier d'être présente et présents. Toujours
impressionnant pour nous quand le Protecteur du citoyen se présente, parce que ses propos sont
lourds de conséquences.
Vous
avez dit que vous étiez favorables au projet
de loi — et en
même temps ma question va vous
permettre de poursuivre sur ce que
vous étiez en train de dire — là,
vous avez fait un «mais», un «mais» qui était, en fait, conditionnel à ce que l'offre — et vous me corrigerez — de services en soins palliatifs soit suffisante,
soit dans toutes les régions, que les gens
y aient accès. Autrement, ça pourrait — et là je veux vous entendre là-dessus — porter flanc et ouvrir sur cette
espèce de perspective que certaines
personnes ont qu'éventuellement le projet de loi, qui est balisé, là, pourrait
ouvrir sur une autre dimension qui
permettrait, à un moment donné, de dire : Bon, bien là, il y a un
vieillissement de la population, ça coûte cher de les soigner, puis voici comment on pourrait fonctionner, parce que ça
coûte — j'ai lu
un mémoire — moins
cher, l'aide médicale à mourir, que les soins palliatifs. Alors, je
pense qu'il y a cette crainte-là dans la population, et c'est très important d'en
parler ici pour qu'éventuellement nous soyons en mesure de porter le message sur
la scène publique.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Saint-Germain.
• (11 h 50) •
Mme Saint-Germain (Raymonde) :
Alors, M. le Président, la question de la députée m'amène à préciser que, dans ce projet de loi là, une fois devenu
loi, il ne faut jamais que la question du budget ou de l'argent soit un
enjeu, ni positif ni négatif. Et c'est pourquoi l'appui du Protecteur du
citoyen est effectivement conditionnel à la poursuite du développement des soins palliatifs partout. La
ministre expliquait les enjeux. En centre hospitalier, c'est déjà, je
pense, mieux balisé, mais il reste qu'à d'autres
endroits, dans les ressources intermédiaires et même à domicile, il y a
encore place à beaucoup de développement, et développement de services aussi,
qui soient sécuritaires et de qualité.
Quand nous
avons examiné le projet de loi, nous n'avons pas dit au départ : Ça nous
semble très bien, et nous serons d'accord.
Nous avons pris en considération les réserves ou les craintes de la population
et nous avons examiné très sérieusement
ce qui est dans le projet, comme nous examinerons sérieusement ce qui sera dans
le projet de règlement. Et nous nous
sommes rendu compte que, toutes ces craintes, il y a des balises strictes qui
les encadrent et il y a un contrôle a priori comme il y a un contrôle a
posteriori, donc avant, au moment de la demande, et après. Et ça, c'est
vraiment très important.
On parlait
des personnes vulnérables. Moi, je suis particulièrement préoccupée que l'on
puisse s'assurer que des personnes, handicapées ou non, qui seraient
dans un état dépressif causé par leur maladie et qui… dont la mort est
inéluctable mais pas nécessairement imminente, que, pour ces personnes-là, on s'assure
bien qu'elles aient les soins médicaux
requis et qu'elles ne soient pas trop rapidement amenées vers l'aide médicale à
mourir ou vers les soins de fin de
vie. Alors, voyez-vous, pour moi, c'est une catégorie particulière de personnes
vulnérables, les personnes dépressives, en lien ou non avec leur maladie. Et ça, je considère que le projet de loi
prévoit véritablement les balises, et que c'est un enjeu qui est très
important, et qu'au moment où il y aurait cette demande par une personne
dépressive, bien, l'obligation médicale,
elle est véritablement de s'assurer si la personne est apte à consentir, dans
un contexte d'un état dépressif. Alors, ça, c'est un exemple, pour moi,
vraiment très important.
Donc, en
résumé, très important de ne jamais lier l'aide médicale à mourir à des
considérations budgétaires et de toujours respecter les principes de la
loi, qui sont la volonté de la personne, les garanties médicales, vraiment que
ce sera bien fait, dans les meilleures
conditions, dans le respect des droits, et qu'une personne devenue inapte après
avoir été en mesure de consentir ne pourra pas recevoir l'aide médicale à
mourir sans aucune autre forme de contrôle. Je pense que ça, c'est vraiment
très important.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne…
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci, M. le Président. Merci d'être ici aujourd'hui. C'est toujours un plaisir
de vous entendre, puis vous avez une très grande crédibilité au niveau de la
population parce que vous travaillez vraiment pour le bien des usagers.
On en a parlé plus souvent, ça semble clair,
mais parfois il y a des gens qui nous amènent des commentaires, puis ce que je
vais vous expliquer comme exemple n'est pas si clair que ça. Si on lit le
projet de loi actuel, une personne est apte, apte à consentir, 45, 50 ans,
puis saine d'esprit, elle fait une directive médicale anticipée qui
dirait : Moi, quand je vais arriver à la fin de ma vie, si je suis inapte,
j'aimerais avoir l'aide médicale à mourir, ou j'exige d'avoir l'aide médicale à
mourir. La personne vieillit, développe un trouble cognitif important qui la
rend inapte, on arrive à la fin de sa vie, relativement imminente, inéluctable,
on lit ses désirs, et, à ce moment-là, si je comprends le projet de loi actuel,
on ne pourrait pas lui offrir l'aide médicale à mourir. Est-ce que c'est la
même lecture que moi que vous faites?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Saint-Germain.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Alors, M. le Président, les avocats
du Protecteur du citoyen me confirment que l'interprétation du député
est la bonne. Et ça, c'est très important, d'une part, bien dissocier la
sédation palliative terminale… C'est-à-dire
que l'aide à mourir quand la mort est évidemment imminente et inéluctable, l'aide
à mourir dans des conditions où la
souffrance sera, dans la mesure du possible, soulagée, c'est une chose, et,
oui, une personne qui aurait fait sa
demande au moment où elle est apte à consentir, son représentant, au moment où
elle serait inapte, pourrait, à ce moment-là, demander qu'on respecte
cette demande-là. Mais ce qui est l'aide médicale à mourir, c'est-à-dire une intervention médicale qui va entraîner le décès, à
ce moment-là, si la personne n'est
plus apte, elle ne pourrait plus, et son représentant ne pourrait pas exiger cela pour elle. Et j'ajouterais :
Dans notre mémoire, on en fait la recommandation.
Vous savez, nous craignons que certaines
personnes qui ont fait déjà un mandat en cas d'inaptitude devant notaire et qui auraient demandé, par exemple, qu'on ne prolonge pas leur vie, etc., croient qu'elles n'auront pas
besoin de faire leur demande en fonction de
la loi. Et c'est très important : elles auront besoin de refaire une
demande selon les balises de la loi.
C'est extrêmement important. Et en même temps, le mandat en cas d'inaptitude,
il ne faut pas oublier, il faut qu'il soit homologué par le tribunal, ce
qui est très long. Alors, si… Ce ne serait pas la formule, je dirais, la plus
apte, la plus adéquate. Donc, effectivement,
l'aide médicale à mourir ne pourra être accordée par un médecin traitant,
confirmée par un médecin indépendant que si la personne, au moment de procéder
à l'acte médical, est apte à consentir.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Groulx, pour le deuxième groupe d'opposition, un bloc de cinq
minutes.
Mme
Daneault : Merci, M.
le Président. Merci de votre
présence. Je veux revenir à… Évidemment, quand on regarde l'ensemble des gens qui
sont venus présenter des mémoires — et la qualité de votre
mémoire, effectivement, est excellente — on voit que l'ensemble du projet
de loi fait l'unanimité ou à peu près. Là où il y a des divergences d'opinions,
c'est surtout quand on parle de patients inaptes ou pas. Et, bon, vous
connaissez un petit peu la lenteur du processus
parlementaire, si je peux m'exprimer ainsi, à maintes reprises. Et là on se
dit : Bon, on est à faire cette loi qui permettra des soins de fin de vie. Et certains
intervenants nous ont dit que, oui, on devrait inclure les personnes
inaptes, et d'autres, non. Alors, je comprends que vous avez une réserve à cet
effet.
Vous avez,
tout à l'heure, parlé des expériences à l'étranger, puis je voudrais être sûre
d'avoir bien compris, parce que ce qu'on
a dit… En Belgique, entre autres, on permet aux gens qui sont inaptes de
requérir des soins de fin de vie, mais
il y a des conditions qui sont, entre autres, d'avoir… de le faire en présence
de deux témoins, dont un des témoins n'a pas d'implication financière
avec le patient, et aussi d'avoir fait cette demande cinq ans avant la
mort imminente. L'expertise… Ce que moi, j'ai
lu, mais là c'est là-dessus que je voudrais avoir des précisions de votre part,
ce que j'ai lu, c'est que finalement
l'expérience qu'ils ont, elle est bonne, et que, manifestement, les cas qui ont
eu… finalement, qu'ils ont procédé à
l'aide médicale à mourir, dans 80 % des cas, c'étaient des cas de cancer,
dans, je pense, 5 % ou 7 %, des cas d'atteinte neuromusculaire, et que c'est moins de 2 % de cas de
démence qui ont eu des soins de fin de vie. Alors, ce qui apparaît potentiellement possible : dans le
cas de la Belgique, on n'a pas senti de dérapage. Et ce que je comprends
aussi du rapport qu'ils vous ont fait, c'est
aussi dans ce sens-là. Alors, pourquoi maintenez-vous vos réserves? C'est ma
question.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Saint-Germain.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : M. le Président, je pense qu'il est
important que ce projet de loi puisse être mis en oeuvre, même de façon prudente. Et, si le consensus social permet
que tout ce qui est dans le projet de loi puisse être accepté, moi, je
pense qu'il faut aller de l'avant. Et, s'il y a encore des réserves qui font en
sorte que le projet de loi pourrait être
bloqué et retardé, à mon avis, mieux vaut commencer avec ce qui fait consensus,
ce qui est assuré, et faire évoluer
le projet de loi. C'est souvent ça, hein, les législations évoluent avec les
besoins, l'évolution même de la société. Et c'est pourquoi je pense que
la commission sur les soins de fin de vie devrait quand même, en priorité,
examiner cette question-là. Et je pense qu'avec
le temps la mise en oeuvre va devenir rassurante. On va avoir des rapports, on
va voir ce qui s'est passé. Il y aura
eu des plaintes ou pas. Il y a le contrôle a priori, il y aura le contrôle a
posteriori. Mais, manifestement, je pense que, s'il y a une trop grande
ouverture, ça risque de compromettre la mise en oeuvre du projet de loi.
Maintenant,
M. le Président, la question de la députée amenait aussi certaines précisions
sur les expériences… Belgique, notamment, la question de la subrogation.
J'aimerais à nouveau, M. le Président, demander à notre expert, M. Clavet,
brièvement, de répondre à cet aspect de la question.
• (12 heures) •
Le Président (M. Bergman) :
M. Clavet, dans une minute.
M. Clavet (Michel) : Une minute.
Bon, alors la question de la subrogation, oui, c'est prévu dans la loi belge, effectivement.
Disons qu'en Belgique ils ont beaucoup d'expérience à cet égard-là… qu'au Québec,
où on essaie d'implanter la législation.
Vous avez
souligné avec raison que ça concernait moins de 2 % de la population, alors pourquoi ne pas y aller? Mais justement c'est que ces enjeux-là sont
médicaux, légaux et éthiques. Donc, c'est trois éléments, ça, qui font en
sorte que, lorsqu'on en a discuté en équipe,
la lecture du consensus social qui avait été faite par la Commission spéciale
sur la question de mourir dans la dignité nous est apparue tout à fait prudente
dans les circonstances actuelles. Et c'est ce qui est ressorti finalement de
nos analyses.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, merci beaucoup à Mme
Saint-Germain. Me Dowd, M. Clavet, merci pour votre présentation. Merci
d'être ici, partager votre expérience et votre expertise avec nous.
Collègues, la
commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes, vers
16 heures cet après-midi. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 1)
(Reprise à 15 h 58)
Le Président (M. Bergman) : À
l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses
travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Nous allons poursuivre sans plus tarder les consultations
particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 52, Loi
concernant les soins de fin de vie.
Alors, je
souhaite la bienvenue… C'est vraiment un privilège de recevoir la Chambre des notaires
du Québec. Me Lambert, bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire
votre présentation. S'il vous plaît, donnez-nous votre nom, votre titre ainsi
que ceux qui vous accompagnent. Et vous avez 15 minutes pour votre
présentation.
Chambre des notaires du
Québec (CNQ)
M. Lambert (Jean) : Alors, M. le
Président, merci de nous accueillir.
Alors, sans plus tarder, je vous présente les
deux personnes qui m'accompagnent : à ma droite, donc à votre gauche, Me Sabina Watrobski, qui est directrice
aux services juridiques de la Chambre des notaires, et elle est la
personne qui a tenu la plume pour écrire le mémoire,
donc qui a interagi avec les différents spécialistes et experts qui ont
travaillé dans ce
dossier, et ce, même depuis le temps de la commission, elle est
intéressée à ce dossier; et, à ma gauche, à votre droite, le professeur à l'Université — de
droit — de
Montréal, le notaire et docteur en droit des personnes et
de la famille Alain Roy. Et Jean Lambert, président de la Chambre des
notaires.
• (16 heures) •
Alors, M. le Président, d'entrée, je voudrais saluer la persévérance de Mme la ministre. Ce n'est pas un dossier facile.
C'est un sujet qui est délicat. Et je souligne également le doigté et la
grande humanité avec laquelle Mme la
ministre fait part, dans ses échanges avec… en tout cas avec nous, et, j'imagine, sans doute avec les autres personnes avec qui
elle a échangé et travaillé depuis le dépôt de son projet de loi et même avant.
Donc, évidemment, nous avons déjà mentionné que nous étions d'accord avec le principe du projet de loi, donc je réitère.
Et, à cet égard, nous vous dévoilerons qu'un sondage tout à fait récent,
effectué à la demande de la Chambre des
notaires par Léger Marketing, situe à hauteur de 87 % le désir des
Québécois de pouvoir se prévaloir de la disposition permettant de
requérir les soins palliatifs et particulièrement de pouvoir recourir à l'aide
à mourir lorsque le temps viendra. Alors donc, on voit que le gouvernement,
là-dedans, est en accord avec la population.
Essentiellement,
nous avons fait certaines remarques qui sont d'ordre, peut-être, un petit peu
plus technique. On verra s'il y a lieu de répondre à des questions. Je m'arrête
surtout à deux éléments de notre mémoire.
Le premier, c'est le notaire qui est partenaire
de l'équipe médicale. En fait, on est en présence, dans cette discussion et ce projet de loi, de deux valeurs
auxquelles tiennent les Québécois : d'une part, l'autonomie de la
volonté d'un individu, donc qu'on lui
reconnaisse cette autonomie et qu'on aille… qu'on prolonge cette reconnaissance
en permettant à l'individu de pouvoir
décider de la façon dont il pourra requérir de l'aide à mourir, donc à
déterminer, par des directives de fin
de vie, la façon, donc, en cas de maladie, où il voudra terminer son séjour
parmi nous. Alors, c'est une première valeur. De l'autre côté, on a vu qu'il y a de l'appréhension. La population,
tout en étant d'accord avec ce volet, donc, de reconnaître la volonté, l'autonomie de la volonté, elle veut
aussi que le recours à une aide médicale à mourir soit fait en donnant
toutes les assurances que c'est vraiment le consentement de la personne qui va
être déterminant.
Et, à cet égard, il y a lieu d'établir un
équilibre entre ces deux valeurs, et peut-être sommes-nous prétentieux, mais nous croyons que le notaire est ce
professionnel qui peut venir, en complémentarité à l'équipe médicale, offrir
cette assurance à la population. Pour qu'il n'y ait pas de méprise : le
notaire ne veut pas se substituer à la compétence de l'équipe médicale, tant au niveau du diagnostic que de l'application du
protocole. Mais, par ailleurs, le notaire, en venant constater que les balises, et les critères, et les
conditions que fixe la loi auront été satisfaits et respectés, que le
consentement de la personne est vraiment
librement donné en toute connaissance de cause, à ce moment-là, on pense que le
notaire pourra donc témoigner et rassurer la population, par sa
présence, que le processus aura été fait selon les normes et tel que désiré par
le législateur.
Alors, c'est-à-dire
que je fais référence en particulier aux articles 25, et 26, et 28, et on
peut se demander pourquoi, un peu.
Bien, on a vu, par exemple, dans le cas de Nancy B., que le tribunal s'est
rendu au chevet de la personne pour bien s'assurer que le consentement était vraiment réel, et sans captation ni
influence d'aucune sorte, et en toute connaissance de cause. Évidemment,
on ne peut pas toujours demander au tribunal de se déplacer. C'était un cas un
peu particulier, on en convient.
Mais ce que
nous proposons, donc, c'est un mécanisme simple par lequel le notaire… Et ça, c'est
calqué sur les procédures devant
notaire dans les cas de régimes de protection, d'ouverture des régimes de
protection et d'homologation des
mandats. Donc, le notaire vient témoigner de ses opérations, de ses
vérifications, par exemple que le consentement a été bien donné à
plusieurs occasions, ça doit être noté au dossier médical, que le consentement
a été bien reçu devant deux médecins différents, que les autres conditions que
fixe la loi, par exemple par rapport au diagnostic, donc tous ces éléments-là
auront été satisfaits. Et donc c'est un contrôle a priori, alors que le projet
de loi… Là-dessus, c'est le reproche qu'on
pourrait lui faire, c'est que le contrôle vient à la fin, par la commission
sur les soins de fin de vie. Et là on se demande un peu, face, par
exemple, à un constat qui pourrait être négatif, quelles en seront les conséquences.
Alors, on pense que c'est préférable de faire un contrôle a priori plutôt que
de ne s'en tenir qu'à un contrôle et une vérification faits a posteriori.
L'autre
élément de notre mémoire concerne les directives médicales anticipées. Dans des
discussions antérieures, l'hypothèse
de pouvoir donner par anticipation des directives de fin de vie allant jusqu'au
consentement de requérir de l'aide à mourir et de désigner une personne,
ça semblait dans l'ordre des choses. Mais le projet de loi a écarté… a réduit
la portée des dispositions médicales anticipées et a même créé un acte distinct
de ce qui existe déjà. Et on se pose la question : Pourquoi cet acte si
semblable au mandat de protection en cas d'inaptitude? Pourquoi en créer un
autre distinct alors qu'on peut très bien
prendre le véhicule qui existe déjà et qui est bien connu des citoyens?
Alors, là-dessus, donc, on
fait des remarques que ça devrait être permis, ces directives-là, dans le cadre
d'un mandat de protection, puisque les formalités sont les mêmes.
Deuxièmement, reconnaissant le caractère
contraignant — ça,
c'est une bonne chose que le projet de loi apporte
à ces directives — on
voudrait que ça soit élargi, donc, aux soins de fin de vie, donc à la sédation palliative et l'aide médicale à mourir, et, en cela, on rejoint
l'opinion du Collège des médecins. Et, notre sondage, dont nous allons
nous faire un plaisir, évidemment, de transmettre à la commission, 83 %
des interrogés par la firme Léger Marketing demandent
d'avoir cette possibilité de pouvoir faire ces directives de fin de vie, y
compris de recourir à l'aide médicale à mourir, si jamais la situation
se présente. Alors, un tel taux, je pense, milite pour amener le législateur à
modifier son approche et élargir les
directives de fin de vie. Et évidemment on suggère un cadre précis, c'est-à-dire
l'acte notarié, parce qu'il s'agit évidemment d'un consentement,
probablement le consentement le plus lourd de conséquences dans la vie d'un individu, alors, qu'il soit fait vraiment après
que ce consentement-là soit donné en toute connaissance de cause, en
ayant toute l'information, et surtout en l'absence de toute captation et
influence indues.
Alors, voilà, en gros, M. le
Président, l'essentiel de notre mémoire. Et je pense qu'à ce moment-là on sera
tout à fait prêts à répondre aux questions des parlementaires. Merci.
Le
Président (M. Bergman) : Merci, Me Lambert, pour votre
présentation. Alors, maintenant, pour le premier bloc du gouvernement,
Mme la ministre.
• (16 h 10) •
Mme
Hivon : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Me Lambert,
bien heureuse de vous retrouver après votre présence lors des travaux de la commission, tout comme Me Watrobski et
Me Roy. Donc, merci beaucoup. Un mémoire très précis, très fouillé,
donc, qui nous apporte une autre dimension, très juridique, mais en lien avec
le formalisme, notamment… et s'assurer de la concordance de notre droit civil.
Alors,
écoutez, j'ai très hâte de voir votre sondage. Donc, je ne sais pas quand vous
allez en déposer une copie à la commission, mais je vous invite à le
faire dès que possible.
Vous
dites, dans votre première recommandation, que vous souhaiteriez qu'on intègre,
donc, dans le Code civil les dispositions
du projet de loi qui relèvent du droit privé. Évidemment, c'est une question qu'on
s'est posée en élaborant le projet de
loi. Et le choix qui a été fait… Par souci, je dirais, d'avoir une loi qui s'autocontienne,
qui soit autoportante, en quelque
sorte, pour cette étape importante de la fin de vie, des soins de fin de vie,
on a donc décidé d'en faire une loi mais, évidemment, qui doit se lire en conjonction, en concordance avec ce qui
existe déjà dans le Code civil. Et, si on avait procédé en mettant toutes les dispositions qui ont trait au consentement
ou à l'encadrement du consentement des procédures exceptionnelles que sont la sédation et l'aide
médicale à mourir dans le Code civil, en fait on se serait vraiment
retrouvés avec deux instruments qu'il aurait fallu lire distinctement :
une loi, mais qui aurait été vraiment uniquement sur l'aspect plus administratif… les soins palliatifs, qui, quand même,
ont un lien important avec les autres procédures, on se serait retrouvés
avec la question des politiques, des protocoles, du rôle des CMDP, des DSP.
Donc, je pense… En
tout cas, notre postulat, c'est que ça simplifiait autant la compréhension, la
cohérence et, je dirais, la pédagogie d'avoir
tout ça dans un tout, tout en s'assurant qu'évidemment il y a
une cohérence et une logique avec le
Code civil. Et on dit d'entrée de jeu que ça doit être évidemment vu comme complétant
le Code civil. Donc, je voudrais comprendre, pour vous, outre le fait de
dire : On aurait aimé mieux que le véhicule soit celui du Code civil, où
est le problème fondamental.
Le Président (M.
Bergman) : Me Lambert.
M. Lambert
(Jean) : Merci. Je vais demander au Pr Roy de répondre à votre
question, Mme la ministre.
Le Président (M.
Bergman) : Me Roy.
M. Roy (Alain) : Bien sûr. Mme Hivon, vous, qui avez été directrice
adjointe du Centre de recherche en droit privé de l'Université McGill,
vous savez comme moi que le Code civil s'adresse aux justiciables, alors ce qui
est de droit privé se retrouve normalement dans le Code civil au profit des justiciables. Les dispositions de droit administratif qu'on retrouve
dans le projet de loi n° 52, donc qui sont destinées à faire partie d'une
loi spécifique, s'adressent aux professionnels beaucoup plus qu'aux
justiciables. Alors, dans cette perspective, on a une préoccupation pour le justiciable pour qui le Code civil est l'instrument de prédilection. C'est normalement à la base du droit commun, comme le dit la disposition préliminaire.
On
cherche à favoriser l'accessibilité au droit, et c'est d'abord
par le Code civil que ça passe, à mon sens. Et, en ce sens-là, il me
semble que ça aurait été tout aussi défendable de concentrer les dispositions
de droit administratif, qui sont destinées
aux professionnels, au personnel médical, dans une loi
particulière mais rapatrier les règles de droit privé dans le Code
civil, comme ça se fait en ce qui a trait à la Loi sur la protection de la
jeunesse, en matière d'adoption, par exemple.
La Loi sur la protection de la jeunesse contient un certain nombre de règles
qui s'adressent à la DPJ. La Loi sur le curateur public aussi complète
le Code civil, mais les perspectives, les finalités sont très différentes.
Alors,
les règles qui s'adressent aux justiciables sur les soins de fin de vie, à
notre avis, auraient dû se trouver, compte tenu de cette finalité,
compte tenu de la mission du Code civil, dans l'instrument de base qui s'adresse
aux justiciables. Alors, la préoccupation,
elle est aussi une de cohérence mais cohérence par rapport aux justiciables et
non pas par rapport à l'objet intégral de la
loi dans toutes ses dimensions, quelles que soient justement les différentes
dimensions qui la constituent.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui.
Alors, je pense en effet qu'il
y a un choix un peu innovant qui a
été fait, qui est pleinement assumé, parce qu'on est dans un domaine…
Ceci dit, en tout respect pour l'opinion contraire, qui se défend tout à fait. On y a réfléchi, mais, quand on est dans un
domaine, je pense, qui est ici, je dirais, sensible, humain, nouveau, il
nous apparaissait important que ça puisse être contenu dans un seul instrument
juridique. Parce que, bien qu'il y ait des dispositions
qui s'adressent peut-être davantage à l'administration, on est d'avis que c'est
de nature à rassurer grandement la population,
le justiciable, de les voir de pair avec ce qui s'adresse plus à lui, donc de
voir que lui, il a certains droits mais qu'il y a des obligations aussi
pour les prestataires de services et que tout ça forme un tout cohérent. Donc,
c'est un peu la logique qui nous habitait. Mais je comprends très bien votre
point de vue, évidemment.
Le
deuxième élément. Vous parlez évidemment du fait que les directives médicales
anticipées pourraient — puis là c'est ça que
je veux que vous me précisiez, «pourraient» ou «devraient» — obligatoirement
être partie du mandat en prévision d'inaptitude. Donc, je veux comprendre si,
pour vous...
Une voix :
…
Mme
Hivon :
«Pourraient»? O.K., très bien. Donc, la personne pourrait évidemment les
inclure au mandat en prévision d'inaptitude. Bon.
Le Président (M. Bergman) :
Me Lambert.
M. Lambert
(Jean) : C'est mieux d'avoir
deux documents, d'avoir le mandat en prévision de l'inaptitude et de faire un autre acte notarié strictement pour les
DMA. À ce moment-là, on pense que ça peut très bien aller dans le même document. Par contre, quelqu'un qui ne voudrait pas… ou aurait déjà
fait son mandat de protection, ne voudrait pas, lui, retoucher mais
voudrait particulièrement donner ces dispositions de DMA, à ce moment-là ça
pourrait être dans un document distinct. On n'en a pas contre le document
distinct, mais on voudrait que ça puisse être dans le mandat si c'est le désir de
la personne. Notaire Roy?
M. Roy (Alain) : Oui. En fait, on
peut faire un parallèle avec la nomination d'un tuteur, en cas de décès, par les parents qui peuvent très bien
le faire par déclaration au Curateur public. Donc, si telle est la volonté des
parents, ils le font dans le cadre d'un
document distinct. Mais, si ces gens se présentent chez un notaire, elles ont
la possibilité… ou ils ont la possibilité de faire cette désignation
soit dans un mandat d'inaptitude ou dans un testament. Alors, c'est un peu le même parallèle. Dans la mesure où ça permet de
diminuer les actes, et donc les coûts, ça permettrait aux personnes de
disposer d'options qui, à notre sens, seraient tout aussi valables l'une que l'autre.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Évidemment, le défi, quand on est dans un mandat en
prévision d'inaptitude, c'est qu'il doit être homologué. Donc, pour qu'il puisse être ouvert, qu'il puisse prendre
effet, il doit y avoir homologation. Donc, pour ce qui est des
directives médicales anticipées, si certains souhaitaient les mettre dans le
mandat, c'est une chose, mais, si on souhaitait qu'elles puissent être actives
et utiles… si quelqu'un arrive inconscient à l'hôpital, si quelqu'un subit un accident ou une situation qui est urgente, qu'on
soit capables d'y avoir accès et de voir ce que cette personne-là
souhaite ou ne souhaite pas. Évidemment,
quand on parle des directives médicales anticipées qui pourraient
éventuellement, selon votre proposition, inclure l'aide médicale à
mourir, c'est autre chose, parce que la personne va y avoir pensé avant.
Les
directives médicales anticipées, elles ont toutes sortes de formes d'utilité et
d'utilisation. Donc, dans un contexte comme celui-là, est-ce qu'il n'y a
pas une embûche de dire : Si elles sont dans un mandat en prévision d'inaptitude,
elles sont sujettes donc à devoir ouvrir le régime et avoir l'homologation?
Le Président (M. Bergman) :
Me Lambert.
M. Lambert
(Jean) : Merci. Deux
éléments de réponse. Tout d'abord, les mandats, enfin ceux que les
notaires reçoivent, ont cette disposition
qui dit que, même non homologuées, les directives qui concernent les fins de
vie… Parce qu'on en a déjà, et c'est même très détaillé, et c'est autant
le diagnostic que… tel thérapeutique et autres. Et on a une mention très claire
pour dire que le représentant, donc le mandataire, pourra faire les
représentations concernant ces dispositions-là particulièrement, pas le
restant, pas la gestion des biens, ou tout ça, mais même si le mandat n'est pas
autorisé. Et on réfère à l'article du Code civil qui permet à un intéressé, à
une personne significative dans la vie, par exemple, de l'intéressé, etc., un
conjoint, de le faire.
Un autre élément aussi que je porte à votre
attention, c'est que, vous savez, depuis, je pense, au moins sept ou huit ans maintenant, nous consignons les refus
mais surtout, et parce que c'est surtout ça, les dons d'organes dans nos
mandats, et cette disposition-là, elle est valable même si le mandat n'est pas
homologué. Alors donc, je pense qu'à ce moment-là
on pourrait très, très bien considérer que, le mandat, qui est un document qui
existe, ce n'est pas l'homologation qui
le fait exister, il existe, c'est juste l'étendue des pouvoirs du mandataire
que l'homologation vient prolonger, vient donner. Mais, sur cet aspect-là des directives de fin de vie et de
consentement aux soins, le mandat explique très clairement que le
mandataire peut agir sur la foi de la présentation du document seulement.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du
gouvernement. Pour le premier bloc de l'opposition officielle, Mme la
députée de Gatineau.
• (16 h 20) •
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Alors, bienvenue. Merci beaucoup de nous avoir apporté
un son de cloche vraiment différent
de ce qu'on a eu à date, mais qui est fort intéressant, surtout sur la
question, je vous dirais, de l'inclusion d'un certain nombre de
dispositions à l'intérieur du Code civil plutôt qu'à l'intérieur du projet de
loi.
J'aimerais
vous entendre… Je sais… Bon, j'ai pris connaissance évidemment de vos échanges
avec la ministre, sauf que j'aimerais vous entendre davantage sur les
avantages de cette proposition et peut-être sur… Je ne sais pas, est-ce que vous avez noté des difficultés d'application
de la loi telle qu'elle le serait si elle était adoptée dans le véhicule
actuel plutôt que d'une application une fois des dispositions intégrées au Code
civil, à certains éléments? Parce que, par exemple, bon, il
y a tout ce qui touche les soins, le consentement aux soins, mais il y a aussi, en matière contractuelle… On l'a peu invoqué, mais il y a quand même
l'article 43 aussi, du projet de
loi, où on indique que, par exemple, «la décision d'une personne de refuser un soin ou de retirer
son consentement à un soin[...], ne peut être invoquée pour refuser de payer une prestation ou toute autre somme due en matière
contractuelle». Donc, il y a certains essais au niveau des dispositions sur les
contrats.
Donc, j'aimerais vous
entendre davantage sur ce qui vous a poussé à formuler cette recommandation-là
à la commission.
Le Président (M.
Bergman) : Me Lambert.
M. Lambert
(Jean) : Oui. Je vais demander au Pr Roy de compléter, oui, la
réponse.
M. Roy
(Alain) : Bien sûr.
Le Président (M.
Bergman) : Me Roy.
M. Roy (Alain) : En fait, en lien avec ce que Mme Hivon disait, c'est vrai que c'est une
loi exceptionnelle, mais, vous savez,
dans le Code civil, les dispositions sur les soins sont aussi exceptionnelles
et peuvent avoir des conséquences extrêmement lourdes. Quand on dit qu'on
peut refuser, au nom du droit à l'autodétermination, des soins vitaux, on peut demander à être débranché de façon à ce que
la mort s'ensuive, je pense que c'est une décision fondamentale. Bien
sûr, il y a une nuance avec l'aide médicale à mourir, mais le Code civil, en soi,
contient des matières qui portent à conséquence.
Moi, j'ai peur qu'on
finisse par fragmenter la base du droit privé en légiférant à l'extérieur de l'outil
qui normalement constitue le droit privé. Et un code civil, c'est
toujours écrit de manière à être le plus accessible
possible aux justiciables. Clairement, quand
on regarde les dispositions sur les soins, on voit que les dispositions du projet de loi qui relèvent du droit privé pourraient facilement y être intégrées. J'ai
peur aux problèmes de cohérence, d'interprétation qui pourront se poser éventuellement, parce que, quand on a deux instruments qui cohabitent, il y a des risques de
contradiction. Et, en ce sens, si on
concentre les éléments de droit administratif
dans une loi, si on concentre les
éléments de droit privé dans le Code
civil, le Code civil qui est un tout en soi, qui s'interprète comme une unité,
j'ai l'impression qu'on va favoriser une interprétation d'ensemble. J'ai l'impression
qu'on va éviter, qu'on va prévenir des problèmes d'interprétation quant
à la portée des soins, quant à la définition
des termes, quant à la terminologie employée. Je pense que les modèles que
l'on a, Loi sur le curateur public, Loi sur
la protection de la jeunesse, qui contiennent des matières de droit privé, mais
des aspects administratifs qui y sont contenus et qui sont traduits,
parce qu'elles sont, évidemment, ces dispositions-là, beaucoup plus destinées à un professionnel, à un médecin, à
un travailleur social, aux gens du Curateur public… je pense qu'on
aurait pu adopter la même conception.
Alors,
oui, c'est vrai que c'est exceptionnel. Mais je pense que l'instrument auquel a
le plus facilement accès le justiciable,
c'est le Code civil, et ça, bien, des sondages aussi pourraient le démontrer,
là. C'est ça qu'on retrouve dans les librairies grand public, là. La
personne qui a le goût de savoir comment ça fonctionne, au Québec, en droit,
droit privé, se procure un code civil.
Le Président (M.
Bergman) : M. Lambert.
M. Lambert (Jean) : Et j'ajouterais peut-être, effectivement, la conséquence sur l'assurance
vie, hein, je pense que c'est ça,
ici, qui est prévu par 43, je l'aurais parfaitement vu, moi, dans la section
sur les assurances, les rentes, etc., là, parce qu'on comprend très bien
que c'est ça dont il est question ici. Alors, ça serait très pertinent que ça
soit ça.
Puis,
si on regarde l'histoire de l'évolution du Code civil, on voit, par exemple,
dans le Code civil, là, maintenant, en détail, tout le bail du logement
résidentiel, mais ça a déjà été dans une loi à part, ça, autrefois. Puis ça a
été pareil, l'adoption, etc. Donc, on voit que, dans la réforme du Code civil,
justement, on a tout rapatrié ce qui, effectivement, là… Et je vais au soutien
de ce que le Pr Roy disait, je pense que…
M. Roy
(Alain) : …
M. Lambert
(Jean) : Oui?
Le Président (M.
Bergman) : Me Roy.
M. Roy
(Alain) : Et, vous savez, c'est déjà compliqué d'assurer la cohérence
du Code civil en lui-même, là. En droit de
la famille en particulier, il y a un ménage à faire dans le Code civil, parce
qu'il y a eu un certain patchwork, si vous
me permettez l'expression, qui a été réalisé. Alors, si, en plus de ça, en plus
des problèmes de cohérence interne du Code
civil, on légifère à l'extérieur dans des matières de droit privé, je pense qu'on
va se retrouver avec un fouillis juridique.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Je vous avoue que votre réflexion porte… nous amène
nous-mêmes vers une réflexion, parce que ce que vous abordez n'a pas du tout été abordé par le Barreau. Vous êtes
les premiers à le voir de cette façon-là. Et en même temps je comprends très bien, parce que vous parlez de l'adoption, on aura à se
pencher dans peu de temps sur la nouvelle loi sur l'adoption aussi, qui viendra faire des modifications au Code civil. Et puis, quant à ça, j'imagine que votre réflexion s'adapte aussi au Code de procédure civile, parce qu'on le modifie légèrement. Là, on modifie
le code actuel alors que, devant une autre commission, on est en train
de modifier le Code de procédure civile.
Mais
est-ce que vous verriez des amendements aussi à apporter au Code de procédure
civile pour tout ce qui est de la
question d'homologation, de tout ce qui touche les directives médicales anticipées
et la façon de les aborder ou même de les contester? Parce qu'on voit, à
l'intérieur… Il y a deux poids, deux mesures, là. Je mêle un peu deux trucs,
là, mais on a deux poids, deux mesures. C'est-à-dire
que le mandat, Mme la ministre le mentionnait tout à l'heure, le mandat pour cause d'inaptitude doit faire l'objet d'une
homologation. Vous nous avez bien expliqué que certaines dispositions
peuvent être appliquées, peu importe l'homologation ou nonobstant l'homologation
du mandat. Mais nos directives médicales
anticipées, bon, d'une part, n'ont pas à être homologuées et, d'autre part,
sont présumées… on présume de leur validité.
Et c'est celui ou celle qui a certaines préoccupations qui va saisir le
tribunal, et là le tribunal peut demander à surseoir. Mais il y a comme
une présomption… bien, il y a une présomption que les directives médicales
anticipées contiennent véritablement les
volontés du patient. Donc, on semble avoir deux façons d'aborder les directives
données par un même individu. Je ne sais pas
si vous l'avez vu de cette façon-là, c'est-à-dire que l'homologation était
obligatoire pour le mandat et, pour les directives médicales anticipées,
elle ne l'est pas.
Le Président (M. Bergman) :
Me Lambert.
M. Lambert
(Jean) : C'est une grande
question. Parce qu'effectivement, au niveau du Code de procédure civile,
on a demandé l'effet immédiat, justement, des procédures devant notaire. D'abord,
un, on a suffisamment de recul maintenant
pour s'apercevoir que ça fonctionne très bien et que certains délais que l'homologation
formelle apporte, ce n'est pas
nécessairement intéressant pour les justiciables. Alors, effectivement, on a
fait cette démarche-là. Ça suppose… Je pense que, dans notre mémoire,
vous avez, à la fin, un tableau qui justement suggère une démarche, et
effectivement ça aura un effet sur la procédure.
Alors, par exemple… Et je pense que ça va
répondre à votre question des deux éléments. C'est sûr qu'on a deux types de documents qui arrivent : un qui
ne nécessite pas l'homologation, qui, donc, statue sur les — ah, mon Dieu! l'expression me manque tout le temps, là — directives médicales anticipées, mais la
même chose qu'on peut retrouver dans un mandat. Donc, ce qu'on
dit : On a deux écrits, laissons de côté l'homologation.
Ce qu'on
propose, c'est que, rendu au moment où l'acte doit être posé, le notaire dépose
son procès-verbal au juge de garde de la Cour supérieure — vous
savez qu'il y en a toujours un 24 heures par jour — et il
doit en disposer dans 48 heures, et ça,
le 48 heures, on a tenu compte qu'il pourrait y avoir une contestation de
proches, par exemple, ou autres. Donc, compte tenu du fait que la
personne était quand même dans un état de souffrance, on ne veut pas que ça s'étire. Ce n'est pas une question de mois, de
semaines, donc voilà le court délai échu. Et ce volet-là, effectivement,
aurait un impact sur le Code de procédure civile.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition
officielle. Pour le deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.
• (16 h 30) •
Mme
Hivon :
Oui, merci, M. le Président. Juste pour terminer sur la question des directives
médicales anticipées versus le mandat en prévision d'inaptitude. Si les
directives médicales anticipées sont dans le mandat en prévision d'inaptitude,
moi, je pense que ça se peut, c'est juste qu'on n'est pas dans une même
logique. Dans le mandat en prévision d'inaptitude,
c'est une relation mandant-mandataire. Donc, en quelque sorte, c'est une
relation privée, c'est de dire à une
tierce personne : S'il m'arrive quelque chose et que je deviens inapte,
voici les directives médicales anticipées que je souhaite que tu suives à mon endroit; versus les directives
médicales anticipées qui existent en elles-mêmes dans un registre, et il n'y a pas de tiers qui intervient
pour dire à l'équipe médicale : Voici ce que ma mère, ma soeur, ma fille
veut. C'est : Nous avons le registre,
nous sommes l'équipe et nous voyons ce qu'elle veut. Donc, il y a quand même une différence à cet égard-là qui pourrait…
Dans les faits, en fait, quelqu'un peut mettre dans son mandat, en prévision d'inaptitude, comme ça se fait déjà,
des directives. Donc, si la personne souhaite continuer à aller de l'avant
comme ça, c'est son choix, sauf que
la relation est un petit peu différente, parce que c'est le mandataire
qui va s'exprimer en son nom versus elle-même qu'on présume qui est en
train de s'exprimer face aux directives.
Donc, c'est quand même,
selon moi, une nuance. Mais un ne fait pas que l'autre est exclu. C'est juste
que, le régime des directives
médicales anticipées, il nous est apparu opportun qu'il puisse exister par
lui-même, être dans un registre. Parce
que l'autre question
que ça m'amène, c'est : Si c'est dans le mandat et qu'on demande que ça
soit versé au registre, est-ce que l'ensemble du mandat serait versé au
registre?
M. Lambert (Jean) : On peut faire un
extrait, on peut répondre…
Le Président (M. Bergman) :
M. Lambert.
M. Lambert (Jean) : Merci, M. le
Président. Excusez-moi. On peut faire un extrait de l'acte qui contienne justement
cette partie-là sans nécessairement que le restant du document soit révélé, parce
que ce n'est pas pertinent. Alors, je pense
bien que ça, techniquement, ça ne
pose aucun problème. L'extrait est reconnu dans le Code civil et, à ce
moment-là, avec toute sa force juridique.
Pour revenir
à l'autre volet de votre question, il reste que c'est vraiment l'expression de
la volonté de la personne. Je veux
que mon mandataire… parce que c'est ce que je veux. Et, s'il y a lieu, même, on
pourra adapter ces clauses-là que nous
mettons, tout comme je vous l'ai mentionné tantôt, où on dit : C'est mon
intention que, même si mon mandat n'est pas homologué, mon mandataire puisse faire valoir ces points-là lorsqu'il
sera question de prendre des décisions concernant mes soins, même si mon mandat n'est pas homologué.
Donc, on pourrait peut-être modifier légèrement notre clause pour dire : C'est également mon expression. Puis
là on pourra même faire un renvoi à l'article de la loi, lorsqu'il sera
adopté. Puis je pense que ça réglera le problème, si jamais problème il y
avait. Je ne sais pas si ça vous satisfait.
Mme
Hivon : Oui.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre…
M. Lambert (Jean) : Ah...
Le Président (M. Bergman) :
Excusez. Me Roy.
M. Roy (Alain) : En fait, le projet
de loi lui-même prévoit, à l'article 45, la personne de confiance, dans
les directives médicales anticipées, qui
sert de relais. Je pense que le mandataire, dans la mesure où on inscrit la
proposition dans le contexte du projet de
loi, peut être cette personne de confiance. Elle n'a pas de discrétion, cette
personne, ce n'est pas elle qui va
substituer sa volonté à celle de la personne malade, elle va simplement relayer
les volontés. Alors, le mandataire, autrement
dit, a différentes fonctions quant aux biens, quant à la personne et, ici,
aurait une fonction bien particulière, qui n'est pas de substituer sa
volonté à celle de la personne malade.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui. Je comprends bien. En fait, la seule petite différence avec la personne de
confiance, évidemment, dans le projet
de loi, je dirais que son rôle est plus probant lorsque les directives ne sont
pas encore dans le registre, donc pour signifier l'existence de
directives qui n'auraient pas été versées, et tout ça. À partir du moment où on
est dans le registre, bien, la relation peut se faire en bilatéral.
Je voudrais
vraiment qu'on aborde la question de la possibilité. Selon vous, vous
recommandez que le projet de loi
aille plus loin, donc qu'il prévoie que des personnes aptes, en prévision d'une
éventuelle inaptitude, puissent donc faire des directives médicales anticipées pour demander une sédation palliative
terminale ou une aide médicale à mourir. Pour ce qui est de la sédation, c'est déjà prévu, parce que c'est l'état actuel
des choses. Il y a un formalisme un peu plus grand qui est demandé dans le projet de loi, et ça ne les
exclut pas du champ des directives médicales anticipées. Mais, pour l'aide
médicale à mourir, effectivement, pour l'instant elles sont exclues dans le
projet de loi.
Et vous recommandez donc, d'une part, de les
introduire, mais, d'autre part, vous venez donc demander un formalisme accru : acte notarié obligatoire,
présence du juge, avis du mandataire ou de la personne de confiance.
Donc, j'aimerais ça que vous m'expliquiez un
peu comment vous voyez tout ce fonctionnement-là, je dirais, dans un
contexte de fin de vie, là, où ce n'est pas
nécessairement simple. Et là on vient mettre un formalisme quand même important
pour ouvrir tout ça, donner effet à tout ça.
Et le
deuxième élément, évidemment, c'est la question des coûts. Donc, c'est de
savoir autant le fait que ça soit un acte
notarié mais aussi la procédure que ça implique. Est-ce que ça pourrait faire
en sorte que certaines personnes versus d'autres n'auraient pas le même
accès à cette possibilité?
Le Président (M. Bergman) :
Me Lambert.
M. Lambert
(Jean) : Merci. Dans notre
proposition, les directives médicales anticipées, tel que le projet de
loi le prévoit, peuvent demeurer. À ce moment-là, elles ont l'effet
contraignant, par exemple, sur un refus d'être alimenté ou… Mais, si on veut aller plus loin avec la sédation palliative
terminale et l'aide médicale à mourir, c'est là qu'on impose le formalisme de l'acte notarié. Parce que, là, on
comprend que ça nécessite peut-être davantage d'information, une prise de conscience de la personne qui donne ce consentement-là
de bien saisir les conséquences que ça donne. Alors donc, voilà l'explication pour laquelle on pense que,
dans le cas où la sédation palliative terminale, et l'aide médicale à
mourir, est désirée dans les directives médicales anticipées, ça devrait être
par acte notarié.
Maintenant,
pour le processus. Bon, c'est vrai qu'en apparence ça a de l'air de compliquer
les choses, mais je pense que ça ne
les complique pas tant que ça. D'abord, je me permets de dire que vous allez
trouver, dans le sondage dont on va
se faire un plaisir de vous transmettre, que la vérification… On a posé la
question aux gens, et, à 35 %, ils voient qu'un juge soit la
personne qui vérifie l'aspect juridique, la conformité juridique; le deuxième,
évidemment, le notaire, 18 %; le
troisième, 14 %, le prêtre; et, 11 %, l'avocat. Mais, si je rattache
ces avocats au bloc des deux premiers, on voit qu'à 64 % les gens
veulent qu'il y ait une vérification par des juristes.
Alors, on
pense que le notaire qui intervient, d'abord, un, c'est un notaire accrédité,
un peu comme dans le cadre des procédures
d'ouverture de régimes de protection où la conséquence, c'est qu'on retire l'exercice
des droits à une personne. Donc, on
comprend qu'on est encore à un niveau beaucoup plus important, parce que la
finalité, on la comprend, elle est assez définitive. Donc, le notaire
intervient, et, après avoir dressé son procès-verbal — là,
il n'y a pas vraiment de perte de temps
là-dedans — je pense
qu'il accompagne l'équipe médicale, et il fait ses vérifications et dépose
auprès du tribunal, et le juge de garde en dispose très rapidement.
Alors, je ne
pense pas que… C'est sûr que ça ajoute une étape, mais on pense que ça prend
cela pour assurer… donner l'assurance que la population s'attend. Elle
est d'accord avec l'idée, mais il y a ce petit quelque chose de désir de
dire : Y a-tu moyen de rassurer davantage? Et je pense que, ce faisant, c'est
possible.
Maintenant,
la question des coûts. D'abord, un, ce n'est pas des coûts qui sont énormes, je
ne le crois pas. On a fait… On a
pensé un peu, mais on sait que c'est peut-être un 1 500 $ ou un
2 000 $, peut-être, au maximum. Et je pense que la question des coûts ne devrait pas être retenue
dans ce débat. C'est comme si on se posait la question de savoir combien
ça coûte, mettre des feux rouges au coin des
rues pour protéger les gens dans la circulation, puis dire : Bien là, ça
va coûter de l'argent, donc on n'en mettra pas. Alors, on pense, si on
se fie…
Et je pense
aux travaux qui ont été faits dans le cadre des discussions antérieures, en
prenant la Belgique comme exemple — on sait pourquoi — ça
peut peut-être donner 500 personnes, 500 cas par année, peut-être.
Alors, on voit qu'on ne parle pas de quelque
chose d'énorme. Alors, avec l'estimé que je vous donnais, on n'est même pas à
1 million pour l'ensemble. Alors, je
pense bien que ce n'est pas… On trouvera bien une façon. Et je pense que ce
sera… Je pense bien que l'État
québécois pourra voir là-dedans, il y a toutes sortes de programmes qui
existent. Enfin, je pense que ça devient bien secondaire, à mon point de
vue, cette question de coût là.
Je pense que…
Dans une affaire aussi délicate, stratégique, où, d'une part, on a une volonté
très affirmée de la population d'aller de l'avant mais, d'autre part, de
vouloir être rassuré que tout se passe correct, il me semble que la question du
coût n'entre pas en ligne de compte.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au dernier bloc du
gouvernement. Pour le deuxième bloc de l'opposition officielle, Mme la
députée de Gatineau.
• (16 h 40) •
Mme Vallée : Je suis un petit
peu étonnée, je vous avoue, par votre commentaire à l'effet que les coûts ne
devraient pas ralentir notre réflexion ou on ne devrait pas, comme
législateurs, se questionner sur la question des coûts. Je pense qu'au contraire c'est notre responsabilité, entre autres
choses, de se questionner sur les coûts, tant pour les contribuables d'aujourd'hui que pour les
contribuables de demain. Et ça, c'est à tous les niveaux, dans tous… c'est
un souci… en tout cas, c'est un souci qu'on a qui est constant, de tous les
jours.
Et il faut
aussi penser aux coûts pour l'individu, parce que, la famille... l'individu
qui… ou l'individu lui-même qui
voudra se prévaloir de cette procédure-là, il faut le penser, il faut y penser
maintenant et ne pas se retrouver devant une situation, dans quelques années, où on se fait reprocher que le
processus est théorique mais que, dans l'application, peu de gens peuvent y avoir recours, parce qu'ils n'ont
pas la capacité. Donc, est-ce que c'est quelque chose... Je pense qu'on doit vraiment se questionner là-dessus, là. Et ça,
c'est à tous les niveaux, dans tous les dossiers, et dans celui-là
encore plus, parce que c'est un dossier... C'est
tellement sensible, la fin de vie, c'est tellement... les gens sont tellement
émotifs qu'on doit avoir cette petite... cette considération-là pour les
familles; et puis tout le monde autour de la table, ici, l'a.
C'est pour ça que je suis un petit peu étonnée
de votre question, parce que c'est aussi... lorsque je voyais le processus décrit dans votre mémoire, à la fin, je
me disais : Ça va, mais qui va assumer les coûts? Pour certaines
personnes qui en ont les moyens, c'est une
chose. Puis il ne faut pas que l'aide médicale à mourir soit accessible... Puis
on le voyait un peu plus tôt aujourd'hui,
la Protectrice du citoyen a bien insisté sur le fait qu'à partir du moment où l'aide
médicale à mourir et l'ensemble des soins de fin de vie sont considérés
comme étant un droit pour l'ensemble des citoyens du Québec on ne doit pas faire un véhicule procédural, faire
en sorte que seule une clientèle plus fortunée y ait accès et mettre de
côté tous ceux et celles qui n'ont pas les
moyens financiers de recourir aux services de notaire, sachant très bien qu'il
y a de moins en moins de notaires qui acceptent de travailler et qui
acceptent des mandats d'aide juridique. Parce que ça aussi, c'est une réalité.
C'est vrai qu'en
théorie l'aide juridique pourrait peut-être être un véhicule approprié. On
pourrait, pour une certaine clientèle, s'assurer que l'aide juridique
puisse couvrir les procédures. Mais, encore là, les seuils de l'aide juridique étant ce qu'ils sont puis les tarifs étant ce qu'ils
sont pour les professionnels, c'est peut-être théorique. Alors, il faut
trouver comment, à partir... Puis en même
temps — je vous
fais cette réflexion-là — puis en même temps je comprends très bien l'importance d'un véhicule procédural rigoureux,
parce qu'on traite d'un élément extrêmement sérieux, qui est la fin de
vie d'un individu, et donc il faut s'assurer que les filets de sécurité soient
bien installés et bien accrochés.
Alors, ceci
étant dit... Puis j'ai un autre point. Je voulais vous entendre un petit peu
sur... Vous avez effleuré votre façon d'administrer le registre pour les
dons d'organes — je
sais que la Chambre des notaires est responsable — et vous souhaitiez
peut-être qu'un registre similaire soit mis en place, qu'on puisse s'inspirer
du registre des dons d'organes — certains autres groupes nous ont fait
cette recommandation-là — qu'on
s'en inspire pour le registre des directives
médicales anticipées. Donc, j'aimerais vous entendre un petit peu sur la façon
dont vous le voyez, pratico-pratique, ce registre-là.
Le Président (M. Bergman) :
Me Lambert.
M. Lambert
(Jean) : Merci. Je vais
répondre à la deuxième, parce que ça va être plus facile pour revenir à
l'autre. Le registre, pour nous, ça serait d'une
extension du don d'organes. En fait, ce qu'on fait, c'est qu'on révèle l'existence
de directives et où on peut les trouver.
Alors, actuellement, ça fonctionne très bien, les centres hospitaliers, il y a
des gens qui ont accès 24 heures par jour, sept jours par semaine à
notre registre et peuvent savoir s'il y a eu un consentement de donné. Et, à ce moment-là, ça permet d'agir très
rapidement. C'est encore mieux, ça peut se faire même avant que la
famille arrive pour elle-même reformuler,
souvent, parce qu'on demande à la famille s'ils ont objection, mais déjà
l'information est rentrée. Et, pour nous, ce sera relativement facile parce qu'on
a déjà l'infrastructure informatique pour traiter ça. Alors, je ne pense pas que ça soit quelque chose de compliqué. Pour nos
clients, il n'y a aucuns frais additionnels pour faire inscrire leurs
dons d'organes à notre registre, et ça sera exactement la même chose pour les
directives de fin de vie, il n'y a pas d'impact.
Pour
revenir sur la question préalable... précédente... D'abord, un, j'aimerais vous
mentionner que, même s'il n'y a pas d'obligation
de recourir à la formule notariée, 80 % des mandats ou un peu plus de
80 % des mandats, actuellement,
sont faits en forme notariée, tant au niveau d'un sondage que le Curateur
public a fait en 2010 que dans son Analyse des mandats homologués
entre 2008 et 2009, c'était à ce niveau. Donc, ça veut dire que, les gens,
pour des questions qui les touchent d'une
façon importante, hein, on leur dit : Écoutez, vous ne serez plus
vraiment... vous n'aurez plus
vraiment de prise sur vos décisions
alors que c'est votre entourage qui va décider, alors peut-être
que vous préférez donner déjà vos
directives, choisir les personnes qui vont effectivement exécuter vos
volontés. Et je pense qu'à un fort niveau, donc, c'est... la population
accepte de débourser, alors qu'elle pourrait le faire sous d'autres formules
qui ne demandent pas ça.
Maintenant,
pour en venir précisément à ce dont on parle. D'abord, d'une première façon…
une première réponse, ça va vous
paraître un peu curieux, mais ce n'est pas l'individu qui va payer, mais c'est généralement la succession. Ça fait partie
des dépenses, les frais funéraires, qui sont généralement de l'ordre de plusieurs dizaines de... plusieurs milliers de dollars. Généralement, la moyenne, c'est 7 000 $
ou 8 000 $. Alors, on voit donc que les gens... les successions
paient ça, il y a généralement suffisamment de sommes à ce moment-là.
Par
contre, pour répondre à la question de ceux qui n'ont pas les moyens — et probablement que leur succession n'aura
pas non plus les moyens — bien,
écoutez, l'État fait des choix. Elle a déjà fait un choix, par exemple, pour
les cliniques de fertilité, qui coûtent des
sommes assez importantes. Moi, je vous ai soulevé qu'au total ce ne serait
même pas 1 million dans une année. Si on se fie sur l'expérience belge
quant au nombre de cas possibles, moi, je pense qu'à ce moment-là il y a moyen de regarder et de discuter. Et, quand je vous
parle de 1 million, là, ce serait la totalité des 500. Ce n'est
probablement pas les 500 qui auraient besoin d'être soutenus, peut-être
quelques-uns, je ne sais pas quoi, là, mais mettons qu'il y en aurait 100,
alors je pense qu'à ce moment-là ce n'est pas une somme qui est significative.
C'est
dans ce sens-là que je voulais dire. Je ne veux pas dire qu'il faut faire
abstraction des coûts. Si on vous arrivait puis on parlait de plusieurs millions, je serais d'accord, mais on
parle, somme toute, dans l'ensemble, pour une matière aussi importante,
de sommes qui sont plutôt modestes.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau, il vous reste une
minute.
Mme Vallée :
Est-ce qu'on ne vous a pas entendu sur la question de la commission? Donc, vous
aviez des recommandations quant à la
commission qui sera créée... qui est créée, en fait, par le projet de loi. Vous
souhaitiez qu'elle soit composée au moins de deux juristes et non
seulement que d'un juriste. Est-ce que vous avez une opinion sur l'indépendance de la commission? Parce qu'on a eu
plusieurs recommandations à l'effet que cette recommandation relève de l'Assemblée
nationale et non directement du ministre.
Le Président (M.
Bergman) : Me Lambert, il vous reste à peu près une demi-minute
pour une réponse.
M. Lambert (Jean) : Oui. Je pense... Que ça soit une nomination effectuée par l'Assemblée
nationale, c'est un peu comme le Protecteur du citoyen puis l'autre, là,
alors je pense que ça, ça nous satisfait.
Pourquoi
deux juristes? Bien, on voudrait qu'il y ait au moins un notaire et on comprend
qu'il y aura probablement une
personne désignée par le Barreau. Alors, c'est une question de... Je pense que,
sur ces questions-là, le notariat est très près des gens et je pense que
c'est une façon d'assurer la présence également du notariat.
Mais
je pense que deux juristes, c'est important, parce qu'il y aura un quorum, et
on sait que c'est plutôt rare que tout
le monde, dans une commission, siège, soit il y a de la maladie, quelqu'un est
à l'extérieur, ne peut pas à cause de son travail. On voudrait au moins qu'il y ait, dans toute décision… au moins
un des deux juristes qui soit présent. Alors, on pense que... On répond, dans le fond, un peu à la donnée que je vous
disais, du sondage, où les gens, pour la vérification, aimeraient bien
que les juristes soient présents.
Le Président (M.
Bergman) : Ceci met fin au deuxième bloc de l'opposition
officielle. Maintenant, pour le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de
Groulx.
Mme
Daneault : Merci, M. le Président. Merci de votre présence.
J'aurais une question pour vous. Il y a un groupe qui est venu nous rencontrer qui nous a dit que,
quant aux directives médicales anticipées, peu de gens y ont recours, et
ce qui nous amène à de l'acharnement thérapeutique dans beaucoup de cas. Est-ce
que vous avez des statistiques par rapport à ça?
Le Président (M.
Bergman) : Me Lambert.
• (16 h 50) •
M. Lambert (Jean) : Merci. Et la réponse, c'est non, on n'en a pas. Tout ce que je peux
vous dire, c'est qu'à peu près tous
les mandats que moi, j'ai vus et que... les formulaires de la Chambre mis à la
disposition des notaires contiennent ces
dispositions-là. Donc, s'il y a un mandat notarié, normalement... Et, je vous
dirais, dans une très, très grande mesure, les clients — parce
que je suis un praticien — nous
disent qu'effectivement c'est ce qu'ils veulent : pas d'acharnement diagnostique, pas d'acharnement thérapeutique, pas
de contrainte, etc., d'avoir la médication pour soulager les douleurs,
même si ça devait raccourcir leur vie, etc. Et ça, on a ça dans nos mandats.
Alors
donc, moi, les témoignages que des clients m'ont donnés, c'est que souvent l'équipe
médicale ne s'occupe pas du mandat.
Et, je me rappelle, dans une commission antérieure — ça date de 13 ans, là — lorsqu'on parlait justement des procédures devant notaire, j'avais été assez
surpris d'entendre des personnes des milieux médicaux dire qu'eux autres
ne s'occupaient pas de
ça, ils réunissaient la famille derrière une porte, puis ça se réglait comme
ça. Alors, je pense que c'est un peu
court. Et probablement que ça a dû évoluer; je l'espère. Mais c'est souvent,
aussi, le fait de ne pas avoir le document
ou de ne pas en tenir compte. Alors, je pense qu'il y a une question d'éducation
aussi à faire à ce niveau-là.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault : Merci. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu… parce
que, bon, on sait qu'il y a un registre pour les dons d'organes. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de tout réunir
ensemble, quand on parle de dons d'organes, quand on parle de directives médicales anticipées, quand on parle
aussi d'aide médicale à mourir, pour que tout le monde s'y retrouve? Parce que, finalement, je pense que, quand arrivent
ces moments-là, on n'a peut-être pas le réflexe, le corps médical, d'aller
vérifier les papiers légaux. Et souvent la
famille n'est même pas au courant que le membre de la famille a fait déjà
ses… On serait surpris de voir qu'il y a bien des gens qui ne savent pas si
leurs parents ont déjà rempli un papier officiel. Alors, est-ce qu'il n'y
aurait pas lieu d'avoir un registre où on retrouve toutes ces directives-là?
Le Président (M.
Bergman) : Me Lambert.
M. Lambert (Jean) : Merci. Je pense que c'est l'idéal qu'effectivement il y ait un
registre. Maintenant, moi, je peux
vous dire que nos registres sont très consultés. Et c'est, je pense, une
pratique que, lorsque, par exemple, dans les établissements, on indique aux membres de la famille que, là, il
faudrait peut-être voir s'il existe un mandat, alors, à ce moment-là,
les gens s'adressent à un notaire ou directement au registre. Ils peuvent le
faire directement au registre, à la Chambre des notaires, et ils ont la réponse
très rapidement. Alors donc, ça, ça existe.
Pour
les dons d'organes, c'est les milieux médicaux qui consultent. Ce n'est pas le
grand public, évidemment, c'est parce que c'est les milieux médicaux, on
comprend pourquoi, et ça fonctionne très bien. Alors, je conçois très, très
bien que tout ça pourrait être regroupé dans un registre.
Maintenant,
nous, on est là depuis 1961, puis ça fonctionne très bien. Il ne faudrait
peut-être pas réinventer la roue.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault :
Il me reste combien de temps?
Le Président (M.
Bergman) : 1 min 30 s.
Mme
Daneault : Merci. Je voudrais revenir… Vous avez mentionné
tout à l'heure que vous avez fait un sondage. Est-ce que vous pouvez nous donner un petit peu plus de détails sur les
résultats et sur les questions de votre sondage?
M. Lambert (Jean) : Il y a cinq questions — et d'ailleurs on va vous remettre la copie
des résultats — effectuées entre le 7 et le
9 septembre dernier, donc le sujet était dans l'air bien comme il faut. Et
les résultats vont vous être communiqués.
Notre directeur des communications est ici présent, et on devrait avoir des
copies qu'on va remettre au président de la commission.
Le
Président (M. Bergman) : Si on peut les envoyer au secrétaire
de la commission, qui va les envoyer à tous les membres de la
commission, Me Lambert.
M. Lambert
(Jean) : Oui, on pourra faire un envoi officiel, il n'y a pas de
problème.
Le
Président (M. Bergman) : Merci. Alors, ceci met fin à ce bloc.
Alors, Me Lambert, Me Roy, Me Watrobski, on vous remercie pour votre
présentation, d'être ici avec nous aujourd'hui pour partager votre expertise
avec nous. On apprécie beaucoup.
Alors, on demande aux gens du Collectif de médecins
du refus médical de l'euthanasie de prendre place à la table.
Et je suspends pour
quelques instants seulement.
(Suspension de la séance à
16 h 54)
(Reprise à 16 h 57)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, on souhaite la bienvenue au Collectif de
médecins du refus médical de l'euthanasie. Dre Ferrier, Dr Daneault et Dr Primeau, bienvenue. Vous avez
15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec
les membres de la commission. Alors, s'il vous plaît, donnez-nous vos noms et
vos titres, et vous avez le prochain 15 minutes pour votre présentation.
Collectif de médecins du refus médical de l'euthanasie
Mme Ferrier (Catherine) : Vous m'entendez
bien? Parce que ma voix ne porte pas beaucoup. Mais je pense que…
Alors,
je vous remercie de nous avoir invités. Je m'appelle Catherine Ferrier. Je suis
médecin de famille et professeure adjointe
de médecine familiale à l'Université McGill. Je travaille depuis 30 ans
dans une clinique de gériatrie, alors
je vois des gens qui commencent à perdre l'autonomie à cause d'une démence ou à
cause d'une atteinte physique. C'est
un moment très angoissant dans la vie d'une personne. Et j'ai été témoin
plusieurs fois devant les tribunaux pour des cas d'abus, des cas de chicane de famille autour du parent âgé, souvent
motivée par l'argent. Et je constate toujours la grande vulnérabilité de
ces personnes.
Alors,
je vous présente mes collègues. Dr Serge Daneault est médecin et chercheur
à l'unité des soins palliatifs de l'Hôpital
Notre-Dame du CHUM. Il est professeur agrégé à la Faculté de médecine de l'Université
de Montréal. Il fait des recherches internationalement reconnues sur la
souffrance en relation avec les services de santé. En octobre 2012, il a
fait une tournée des milieux belges francophones où se pratiquent des
euthanasies. Le Dr François Primeau est gérontopsychiatre, et membre du
Comité d'éthique de la recherche à l'Hôtel-Dieu de Lévis, et professeur agrégé
de clinique à l'Université Laval. Il compte
plusieurs années d'expérience clinique et d'enseignement en
gérontopsychiatrie et en éthique.
Nous
sommes ici au nom de tous les médecins ordinaires qui sont très inquiets du
sort de leurs patients si le projet de
loi n° 52 est adopté. Lors de la commission mourir dans la dignité, nous,
on ne comprenait pas pourquoi, en voulant parler de comment améliorer les soins des patients en fin de vie, le
collège et le gouvernement ont sauté directement à l'euthanasie presque sans passer par toutes les autres
interventions qu'il y a à faire : augmenter l'accès aux soins
palliatifs, améliorer les soins dans les
hôpitaux et en longue durée, former mieux le personnel en santé sur les soins
et les décisions en fin de vie. Tuer
un patient est beaucoup plus facile que le soigner, que parler avec lui et sa
femme de ses craintes et tout faire pour que sa fin de vie soit
paisible. C'est plus facile que guérir le système de santé. C'est plus facile
et moins cher que rendre les soins palliatifs disponibles à tous ceux qui en
ont besoin, qu'humaniser les soins de longue durée.
Nous,
médecins, nous savons à quel point une personne peut devenir vulnérable et
influençable quand elle est malade,
qu'il est inévitable qu'une fois légales il y aurait des euthanasies sans consentement
réel, avec un consentement motivé par la crainte, par la pression des
tierces personnes, par un sens de culpabilité d'occuper un lit dans un hôpital
quand il en manque tellement, d'être un poids sur les personnes de la famille.
• (17 heures) •
Beaucoup
de médecins sont allés à la commission exprimer ces craintes. La grande
majorité des médecins qui sont allés
à la commission s'opposaient à l'euthanasie. Seulement trois ou quatre étaient
en faveur, à part les dirigeants du collège et des fédérations. On ne
nous a pas écoutés.
Le rapport de la
commission n'a tenu compte ni de l'opinion des médecins ni de celle du public.
60 % des soumissions étaient contre l'euthanasie. On nous disait que les
membres de la commission étaient unanimes sur les conclusions, mais des
15 commissaires qui ont commencé seulement neuf ont signé.
On
entend dire que tout le Québec est en faveur, sauf une petite bande de
fanatiques. La FMSQ est même venue ici dire que seulement les
extrémistes religieux sont contre ce projet de loi. Ce n'est pas vrai. La
grande majorité des personnes qui font la
promotion de ce projet de loi ne sont pas médecins. Parmi les médecins qui
parlent au nom du collège et des
fédérations, plusieurs travaillent peu ou pas en médecine clinique et surtout
pas en médecine dans le soin des patients vulnérables, fin de vie, âgés, etc., comme nous soignons. Le
Dr Barrette est radiologiste, le Dr Yves Robert travaille
temps plein pour le collège; ils ne voient pas les dangers. Des médecins en
soins palliatifs, 90 % s'opposent à l'euthanasie, et ils sont ceux qui
savent le plus sur ce qui se passe en fin de vie et qui voient plus clairement
les risques.
Le
collectif de médecins est né en 2012 en réaction à cette réalité. On a rédigé
un manifeste qui résume notre vision des
soins en fin de vie sans euthanasie. Nous sommes maintenant près de 600, de
tous les âges, de tous les domaines de la médecine et de tous les coins du Québec. Je trouve ça énorme. Les
médecins n'ont pas l'habitude de signer des pétitions. Plus de 10 000 citoyens québécois,
non-médecins, ont signé pour appuyer notre manifeste. Vous avez la liste de ces
gens-là. Dans un article publié dans La Presse
il y a deux semaines, le Dr Balfour Mount, le fondateur des soins
palliatifs au Québec, et deux autres spécialistes reconnus en soins
palliatifs ont posé la question suivante : Si nous avions pour projet de construire un pont et que 90 % des ingénieurs
pensaient que sa conception était dangereuse, cela provoquerait l'indignation
du public. Alors pourquoi le projet de loi
n° 52, auquel s'oppose une grande majorité des intervenants en soins
palliatifs, ne soulève-t-il pas la même indignation?
Nous
avons hésité beaucoup avant de venir ici aujourd'hui. On s'est dit :
Est-ce qu'on nous écoutera maintenant, alors qu'on a tout dit sans être
entendus? Mais nous avons finalement décidé de suivre le processus démocratique
jusqu'au bout. J'espère que vous avez l'esprit
ouvert et la volonté de faire ce qui est dans l'intérêt réel des Québécois
âgés et malades. J'espère que vous prendrez
au sérieux votre responsabilité. Je vous demande d'abandonner ce projet de
loi et de le remplacer par une loi pour
garantir l'accès aux soins palliatifs et aux soins de qualité en fin de vie.
Et, si vous tenez absolument à le proposer et à le débattre, au moins
que ce soit un vote libre pour tous les membres de l'Assemblée nationale pour
que chacun puisse décider selon sa conscience dans une chose de si grande
portée. Merci.
M. Daneault
(Serge) : Bonjour. Dan Bigras, que tout le monde connaît, écrivait
récemment : «La souffrance est sale? On
ne la soigne plus, on la nettoie?» Tout ce que je voudrais qu'on retienne de ma
courte allocution aujourd'hui est
que, si ce projet de loi est adopté tel qu'il est, la preuve sera faite qu'on
veut nettoyer notre société de cette souffrance sale que nous ne voulons
plus collectivement accompagner jusqu'au bout.
L'appui
au projet de loi ne peut pas être éclairé, à mon avis, car la définition des
termes importants y est manquante, ce
qui ouvre la porte à toutes les interprétations possibles tout en semant une
confusion délétère, autant dans la communauté médicale que dans la
population en général.
D'abord, le titre
même du projet soulève des interrogations. On comprend, à la lecture du texte de
loi, que «soins de fin de vie» n'équivalent pas à «soins palliatifs». C'est
sans doute pourquoi on confond l'aide médicale à mourir avec les soins palliatifs, en opposition
flagrante avec la définition des soins palliatifs de l'Organisation
mondiale de la santé selon laquelle ceux-ci n'accélèrent ni ne retardent le
moment naturel du décès.
Aussi,
l'absence de définition de l'aide médicale à mourir pose un énorme problème,
même s'il est clair que cela correspond
à l'euthanasie. Elle peut s'expliquer par la volonté du législateur québécois
de soustraire cette loi à l'application du Code criminel canadien, mais on comprend, à la lecture de l'article 63,
qu'il s'agit d'administrer le médicament ou la substance permettant d'obtenir l'aide médicale à mourir, ce qui revient
à dire de pratiquer l'euthanasie d'une personne.
Si
le droit de toute personne d'obtenir de l'euthanasie est consacré dans le
projet de loi, le droit d'obtenir des soins palliatifs est assujetti à l'article 5, aux limites des ressources
humaines, matérielles et financières des établissements, ce qui va signifier, dans les faits, qu'il n'y aurait
pas davantage de soins palliatifs aux personnes qui le requièrent autres
que cet accès à l'euthanasie. L'euthanasie
coûte quelques dollars, alors que les soins palliatifs entraînent des coûts de
personnel et d'infrastructure qui sont loin
d'être négligeables. C'est pourquoi j'affirme que ce projet consacre la
marginalisation des soins palliatifs, pour ne pas dire leur disparition
progressive. D'ailleurs, les patients qui souhaitent être euthanasiés refusent souvent les soins palliatifs. Si l'Assemblée nationale vote cette loi, le message sera clair pour tous
les citoyens. Il constituera certes une réponse non équivoque à tous
ceux qui se questionnent sur la valeur de leur vie lorsque celle-ci est
traversée par la souffrance inévitable.
Nous avons noté dans
le projet que le malade n'a pas à être atteint d'une maladie terminale pour
profiter de l'euthanasie mais plutôt d'une
maladie grave et incurable. Ainsi, toute maladie grave sans possibilité de
guérison pourra justifier l'acte euthanasique, en autant que le malade
estimera éprouver des souffrances physiques ou psychiques insupportables.
Rappelons que, dans les pays permettant l'euthanasie, le refus de l'euthanasie
est exceptionnel : 5 %.
Le
projet de loi québécois va plus loin cependant qu'en Belgique ou en Hollande,
dans le sens que la demande peut être
formulée par un tiers sans que celui-ci ait démontré qu'il n'a pas d'intérêt
matériel au décès de la personne. Cette disposition peut assurément donner lieu à d'injustifiables abus. D'ailleurs,
les rapports des juristes sont formels : chaque année, au Québec, il se commet, dans notre réseau
de santé, plusieurs centaines de milliers d'erreurs médicales. Comment
peut-on avoir la naïveté qu'il n'y aura jamais d'erreur dans la pratique de l'euthanasie?
C'est
le médecin et non pas le juge qui doit s'assurer du caractère libre de la
demande d'euthanasie et garantir qu'elle ne résulte pas de pressions
extérieures. Comme les pressions extérieures sont souvent subtiles ou occultées
et comme les médecins n'ont aucune formation
pour apprécier ce critère, on peut s'attendre à ce que la majorité refuse
de jouer ce rôle, comme c'est d'ailleurs le
cas en Hollande et en Belgique. Quels que soient les résultats des sondages
électroniques, qui, je le rappelle — je parle à des politiciens — n'ont pas de valeur statistique, la plupart
de ceux appuyant la dépénalisation de l'euthanasie ne la pratiquera pas.
L'interdiction d'homicide,
même par compassion, appartient à la conscience morale commune à toutes les cultures et à toutes les époques. Elle ne doit pas
être confondue avec la religion. D'ailleurs, tous les médecins
euthanasistes que j'ai rencontrés en
Belgique ont insisté pour affirmer haut et fort que cet acte est le plus
difficile qu'ils aient pratiqué dans toute
leur vie. Le Dr Luc Sauveur, qui est un euthanasiste important en Belgique, a
même ajouté que donner la mort à un patient constitue la violence la
plus terrible dont il a été témoin.
Je termine, et j'aimerais
rappeler en terminant les propos du Dr Dominique Lossignol — c'est
un promoteur important de l'euthanasie en
Belgique — qui
affirmait, et je cite : «Le patient, lorsqu'il fait une demande d'euthanasie,
est, en général, bien contrôlé pour ses
douleurs. Et on comprend bien. Si vous imaginez que quelqu'un qui a mal et
qui me demande : Docteur, aidez-moi à
mourir, j'ai trop mal, et que j'accède à sa demande sans traiter sa douleur, je
commets une faute professionnelle majeure.» Si l'Assemblée nationale du Québec
vote ce projet de loi alors que des milliers de
Québécois terminent chaque année leur vie dans la douleur non soulagée par
manque de services et manque de formation des professionnels de santé,
de l'avis même du Dr Lossignol, on commettra alors une faute majeure.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Primeau.
• (17 h 10) •
M. Primeau (François) : Oui, bonjour. Le code d'éthique de l'Académie
américaine de médecine de la douleur s'oppose
à l'euthanasie, qu'elle définit comme l'administration intentionnelle d'une
substance létale pour causer la mort, comme
le reconnaît le dernier mémoire du collège en page 5. Donc, j'utiliserai
le mot «euthanasie». Cependant, le projet de loi crée le néologisme «aide médicale à mourir», qui est sans aucune
validité reconnue dans la littérature scientifique, ce qui cause un profond malaise dans la profession
médicale, car l'euthanasie demeure un homicide, selon le Code criminel.
Ceci accentue aussi la confusion parmi le public.
On
veut justifier l'euthanasie pour des souffrances, je cite, «physiques ou
psychiques constantes, insupportables [...]
qui ne peuvent être apaisées». Mais, comme médecins, nous savons qu'il n'existe
pas de définition scientifiquement acceptée par la littérature pour la
souffrance physique insupportable en fin de vie. Il en existe encore moins pour
la souffrance psychique. Ces impasses
logiques invalident, d'un point de vue scientifique, toute démarche dans le
sens d'une légalisation de l'euthanasie, à moins de vouloir avaliser à
peu près n'importe quel motif exprimé subjectivement par le patient pour lui
donner la mort.
Comme médecins, nous
savons aussi qu'une fois aboli l'interdit de tuer, la confiance réciproque à la
base de la relation patient-médecin est ébranlée, sans parler de l'effet
néfaste sur la psyché du médecin qui donnerait la mort de façon préméditée avec l'aval
de la loi. L'euthanasie désensibilise le médecin face à l'acte de donner la
mort et le place, en conscience, dans
une situation de souffrance éthique, car il est tiraillé entre
la bienfaisance, accompagner sans acharnement thérapeutique, et l'autonomie, mettre fin à la vie
du patient sur demande, sans parler des pressions sociales exercées sur lui.
Comme médecins, nous
savons aussi que le projet de loi n'offre que l'illusion du contrôle, du choix
et de la dignité. Au-delà de l'acte
lui-même, l'euthanasie est principalement une défense symbolique donnant l'illusion du
contrôle, du choix et de la dignité pour contrer la terreur insupportable
devant l'inévitabilité de la mort.
Une voix :
…
M. Primeau
(François) : Moi, je suis le troisième, vous savez. Je vais
implorer votre bienveillance, quand
même.
Ce n'est pas vaincre la mort que de la devancer.
Rien ni personne ne peut efficacement contrôler la mort. Le médecin décidera
quand et comment le patient mourra. Paradoxalement, l'autonomie supposée
absolue du patient devient le tremplin du
renforcement du paternalisme médical. Le médecin pose le diagnostic d'incurabilité,
valide la douleur insupportable,
décide de l'aptitude, remplit les formulaires pré et post-mortem et procède à
donner la mort. Quel choix est vraiment libre, surtout dans le contexte du choix de sa
propre mort? Choisir de mourir est toujours illusoire, car un tel choix n'est qu'un acte symbolique face à la
réalité implacable : nous allons tous mourir. L'euthanasie n'est pas le
contrôle de la mort mais l'acte ultime de
capitulation face à la mort. Et en quoi prendre le contrôle, entre guillemets
recevoir l'euthanasie, donne à la
mort sa dignité? La mort détruit la personne, source de dignité. Le mourant,
lui, est toujours un vivant, une personne avec la dignité et le respect
dus à tout être humain du fait qu'il est humain, comme dit Paul Ricoeur.
Vous savez peut-être
qu'en 2009 l'ONU a épinglé les Pays-Bas à cause du taux élevé d'euthanasies qui
s'y font. L'ONU, et je cite :
«Tout se déroule donc comme si la [légalisation] augmentait la permissivité et
la tolérance envers l'acte euthanasique,
à la fois chez les médecins et chez certains malades. Bref,
une fois institutionnellement et officiellement approuvée et pratiquée,
l'euthanasie développe sa propre dynamique et résiste à toutes les procédures
de surveillance censées la contenir.»
Je vais peut-être être un des rares psychiatres
qui va être devant vous dans cette phase de l'audience, le ou un des rares. Alors, sur le plan psychiatrique, nous
craignons une instrumentalisation des psychiatres selon le piège de la
double allégeance : loyauté envers le patient,
tâche confiée par l'État. Il n'existe pas de critère scientifiquement reconnu
pour évaluer l'aptitude spécifique à consentir à recevoir la mort à sa demande.
Je pourrais avoir vos questions là-dessus. Les
conséquences sociales sur les patients avec des maladies psychiatriques ou avec
la démence sont à redouter dans le contexte où ces personnes souffrent
déjà de la stigmatisation dans notre société. Les cas d'euthanasie augmentent
chaque année pour ces deux types de malades aux Pays-Bas. Nous craignons que
nos patients vulnérables fassent les frais de ces choix de société.
Et je conclus par deux citations. Comme l'ont
dit en 2012 Claude Évin, ministre socialiste de la Santé de Michel Rocard de 1988 à 1991, et le
Pr Puybasset, de La Pitié Salpêtrière, légaliser l'euthanasie veut dire qu'il
s'agit en pratique d'«exiger du
personnel soignant qu'il donne activement la mort, c'est-à-dire qu'il arrête le
coeur du malade pour traiter sa
souffrance. [...]C'est en réalité un geste d'une grande violence qui n'apaise
pas la fin de vie des patients et de leurs
proches, mais qui au contraire multiplie les deuils pathologiques et génère une
division des équipes soignantes.»
«Nommons les choses par leur nom. Se prononcer
en faveur de l'euthanasie consiste désormais à vouloir légaliser l'injection létale de barbituriques et de curares — pour
bloquer la respiration. [...]Ce que l'on présente comme une idée progressiste, qui pouvait encore faire
illusion dans les années 1970, lorsque les moyens de lutte contre la
douleur étaient limités et les — souvent — médecins enfermés dans la
toute-puissance — l'euthanasie — est
un concept devenu archaïque.» Fin de la citation. Le ministre de la Santé qui a
dit ça.
Tuer n'est
pas un soin. Tuer le patient, même à sa demande, est une faute éthique grave
dans une société qui se veut civilisée. Merci beaucoup de votre écoute.
Le
Président (M. Bergman) : Merci pour la présentation.
Maintenant, pour le premier bloc du gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui.
Alors, bonjour à vous trois. Je suis très heureuse que, malgré vos réticences,
que je peux comprendre, vous ayez accepté de
venir ici. On apprend à se connaître. Dr Daneault, on commence à bien se
connaître, on s'est vus quelques fois, et je
connais tout à fait votre opposition, mais je pense que c'est important de poursuivre le dialogue, même
si on ne part pas de la même prémisse. Mais je pense qu'il y a certainement des
choses, quand même, qui nous rassemblent
avec ce projet de loi là. Et c'est pour ça que je vous trouve… je vais
vous le dire d'entrée de jeu : Je vous trouve très dur sur la
question des soins palliatifs, comme si notre seule obsession, c'était de
mettre fin à la vie de tout le monde et qu'on ne veut pas humaniser, améliorer la fin
de vie des gens, alors que je pense qu'il y a une intention très claire dans le projet
de loi et dans les gestes qui ont été
posés aussi, par, notamment, des investissements supplémentaires en
soins palliatifs, un travail colossal qui se
fait en ce moment avec toutes les agences du Québec, chez nous aussi, au
ministère, pour améliorer l'accès aux soins,
qui, ceci dit, n'est pas si catastrophique que certains veulent le laisser
entendre, qui, quand même, atteignent beaucoup, beaucoup de gens au Québec.
Alors, c'est certain que, sur ce point-là du
moins, dans la mesure où vous pouvez lire une sincérité dans le projet de loi,
que je vous demande de lire parce qu'elle est bien réelle, je pense qu'on a un
point commun, c'est celui de vouloir mieux accompagner, développer davantage
les soins palliatifs, les rendre beaucoup plus disponibles à domicile — c'est une grande priorité — et s'assurer que les gens en fin de vie
peuvent avoir le meilleur accompagnement possible et les meilleurs remèdes à leur douleur et à leur souffrance,
parce qu'il y a la douleur mais aussi la souffrance. Donc, ça, j'imagine
que, sur cet aspect-là, si vous estimez qu'il y a une certaine sincérité, on
pourrait être d'accord.
Par ailleurs, je n'ai
pas le choix de vous poser la question. Vous savez, on a commencé la semaine
dernière, et il y a eu une grande unanimité
des ordres professionnels. Ce matin, on a eu la Protectrice du citoyen — ce n'est quand même pas rien et ce n'est
pas quelqu'un qui se gêne pour donner des avis — qui est venue nous
dire qu'elle estimait que le juste équilibre
avait été trouvé entre le droit à la vie, l'autodétermination et la protection
des personnes vulnérables. Elle a même dit que l'ensemble des
dispositions du projet de loi reflétaient un souci pour la protection des
personnes vulnérables. Jumelés à ça des sondages d'opinion, que vous remettez
en doute… Mais je vous soumettrais que plus le débat a
avancé, plus, les sondages d'opinion, l'appui à une ouverture à l'aide médicale
à mourir a augmenté, avec des définitions de plus en plus précises, des
concepts qui séparaient les soins palliatifs, la sédation palliative, l'aide
médicale à mourir.
Donc, ma question, en
fait, c'est la suivante. Je peux tout à fait concevoir qu'il y a des médecins
pour… qui, compte tenu de leurs valeurs — je ne parle pas juste de
valeurs religieuses, je parle d'un ensemble de valeurs — ne
puissent pas vouloir donner l'aide médicale à mourir. Je peux tout à fait le
concevoir — d'ailleurs,
on prévoit un mécanisme qui fait que toute personne qui a une objection de
conscience va pouvoir référer et n'aura pas elle-même à référer le patient — mais je me dis : Comment vous pouvez
dire que vous jugez mieux de la situation et de ce qui est acceptable ou
non quand on a des ordres professionnels dont la mission, à tous les jours, est
de protéger le public… C'est très grave, ce
que vous nous dites, parce que vous remettez en cause, en fait, le Collège des
médecins, son rôle, et tout ça. C'est quand même… Et le Collège des
médecins, il travaille à tous les jours pour la protection du public, les associations de médecins, l'Association médicale
du Québec. Donc, je me dis : Pourquoi? Pourquoi c'est vous qu'on
devrait écouter? Vous nous faites part de
votre point de vue de médecins, et je l'entends très bien, mais il y a beaucoup
d'autres qui sont venus, qui représentent
des médecins, qui sont l'ordre qui protège le public. Pourquoi tous ces avis-là
ne seraient pas bien enlignés et que c'est le vôtre qu'on devrait
écouter?
Le Président (M. Bergman) :
Dre Ferrier.
• (17 h 20) •
Mme Ferrier
(Catherine) : Je dirais d'abord que, comme j'ai dit, les gens au
collège, ce n'est pas les gens qui soignent
les patients. Les autres ordres, je ne sais pas qu'est-ce qu'ils font, ces
gens-là, dans la vie de tous les jours.
Quand
on parle d'équilibre dans ce projet de loi, les critères… Presque tous mes
patients réuniraient les critères pour
avoir droit à se faire tuer par ce projet de loi. Alors, tout le monde dit que
c'est très restrictif, que c'est juste un petit nombre, et tout ça, et pas seulement que réunir les critères… mais je
vois parfaitement qu'ils pourraient se faire convaincre de… J'ai des gens qui, par exemple, se font convaincre de changer leurs testaments,
de changer leurs mandats d'inaptitude. Ils
ne sont pas nécessairement inaptes, mais ils sont vulnérables et dépendent
de l'affection des gens qui les entourent, et, pour moi, ce projet de loi, pour mes patients, ce serait une catastrophe. Et
c'est ça que je vois dans la vie de tous les jours. Je pense que, mes
deux collègues, c'est la même chose. Il n'est pas du tout équilibré.
90 %
des médecins aux soins palliatifs s'opposent. Vous dites : Bon, il y a
tout ce monde-là qui est pour, et, vous autres, vous êtes peu… vous êtes
contre. Mais l'Association médicale mondiale vient de répéter sa position
contre. L'Association médicale canadienne…
Bon, le Québec, c'est une société distincte, mais c'est les mêmes gens, c'est
les mêmes maladies, c'est la même situation.
Moi, je vois qu'il y a une illusion de consensus, mais il n'y a pas de
consensus. Mes collègues à qui je parle tous les jours, ils ne sont pas pour
ça. Vous avez les dirigeants des organismes qui sont venus, mais il n'y a pas d'autres groupes de médecins ordinaires comme
nous qui sont venus vous dire : Oui, oui, faites-le, faites-le,
faites-le. Je pense que c'est une illusion, ce que vous dites, là, il n'y a pas
de consensus.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Daneault.
M. Daneault (Serge) : Oui. C'est sûr qu'on est dans un processus démocratique. Alors, moi, je
suis tout à fait capable d'assumer
toutes mes marginalités et j'espère que c'est un lieu où on peut les exprimer.
Le collège, les fédérations, en effet, se sont positionnés, et d'ailleurs
ont initié le débat, hein, il ne faut pas... ça a commencé par le collège en 2006. Alors, nous, on est tout à fait contre cette
position qui, dès le départ, a assimilé l'acte euthanasique à un soin et
on se pose la question très sincèrement de
quels sont les motifs, au fond, de tout ça. D'abord, les fédérations médicales
ou les associations médicales… Et ce n'est pas facile de venir dire ça
ici, puisqu'on sait qu'on a pas mal de boulot à abattre ensuite sur les réseaux
sociaux. Les gens ne sont pas très gentils envers nous, parce qu'on ne supporte
pas qu'on dise : Non, on ne peut pas faire ça.
Pour
la question des soins palliatifs, l'annonce de 15 millions au mois de mai,
au congrès où nous nous sommes rencontrés,
en effet, moi, je ne peux pas dire que ce n'est pas une bonne chose, j'en suis
très heureux. Mais je ne peux pas dire non plus que la majorité des
Québécois en fin de vie ont les soins qu'ils devraient recevoir. Et, si la
solution euthanasique est mise au-devant, bien, on assiste probablement à
quelque chose qui... il n'est même plus question de choix. Je donne un exemple.
Il y a deux semaines, une entrevue à Radio-Canada qui parle d'un réalisateur important qui est atteint de la maladie de Lou Gehrig, et son épouse a eu les six
semaines, six semaines de congé de compensation — ce
n'est quand même pas beaucoup pour une maladie comme ça — elle
doit retourner au travail. Et les services qu'il reçoit du réseau
public, c'est un bain par semaine, c'est 10 heures de soins. Je pense que,
devant une maladie comme celle-là, nous n'avons pas, à l'heure actuelle où on
discute de ça, les soins requis pour assurer le bien-être de ces malades.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Primeau.
M. Primeau (François) : Écoutez, moi, je répondrais… Mme la ministre parle d'un accès quand même
assez favorable ou convenable aux soins palliatifs. À l'Hôtel-Dieu de Lévis, il
n'y a pas de lit de soins palliatifs. Il y a une équipe médicale qui, comme consultant, essaie de donner des consultations mais avec des ruptures de services. De peine et de misère, à
Lévis, pour 125 000 habitants, on a créé, il y a un an et demi à peu près,
sept lits de soins palliatifs. Alors, dans mon évaluation à moi, ce n'est pas
satisfaisant.
Aussi, moi, je suis
gérontopsychiatre et moi, je me suis impliqué dans ce débat-là en pensant à mes
patients psychiatriques et mes patients âgés souffrant de démence. Et, dans le
moment, pour ces patients-là, nous n'avons pas les ressources nécessaires. Nous avons des
patients hospitalisés en soins aigus de gérontopsychiatrie qui doivent
recevoir un meilleur encadrement dans des
soins de longue durée. Il n'y a pas de place. Même, il y en a un, soin de
longue durée, dans le moment, qui ne peut pas en accueillir parce qu'il
n'y a pas de médecin pour prendre en charge ces patients-là.
Et aussi il y a une dichotomie, je ne sais
pas si vous êtes au courant, mais on ne peut pas avoir plus que 65 ans et avoir des problèmes psychiatriques.
Alors, 65 ans et plus, ça, c'est des patients avec démence qui vont dans
les CHSLD. Soins de santé mentale, là, des
ressources particulières, ça va jusqu'à 65. Autrement, c'est extrêmement
compliqué de trouver des ressources appropriées pour nos patients.
Alors, pour des pathologies courantes qui
couvrent un grand nombre de patients vulnérables, on est loin, actuellement, d'avoir les ressources nécessaires;
et la progression démographique du vieillissement n'est pas arrivée, et
le pourcentage afférent de démence qui se
manifestera proportionnellement non plus, et on est dans la conjoncture
financière que vous connaissez, puisque vous
faites les comptes pour tout ce qui dépend de la santé et des services sociaux.
Alors, on peut avoir des graves préoccupations à ce sujet-là par rapport aux
patients qui souffrent non seulement, en fin de vie, de problèmes oncologiques… mais moi, je pense aussi aux patients avec la
démence et aux patients psychiatriques, et j'en suis très préoccupé,
parce qu'ils souffrent déjà d'une grande stigmatisation dans la société.
Et
je vous donnais un exemple concret. J'étais de garde à la fin août, et une
personne dans la cinquantaine a dû être
admise pour un trouble de personnalité en désorganisation avec une psychose
dans un cas de détresse humaine, à moitié nue, criant très fort, etc., comme certains patients peuvent présenter
une détresse humaine. Dans ces conditions-là, elle a été admise à l'urgence,
et je l'ai évaluée. Et, un peu plus tard dans la journée, j'ai entendu la
réflexion suivante d'un urgentologue senior qui m'a dit : François, tu
sais, dans le fond, pour ces patients-là, psychiatriques, en grande détresse, l'euthanasie,
ce serait une bonne chose.
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
M. Primeau (François) : Alors, en
conclusion, je crois que c'est une remarque, cette remarque-là, tout à fait inappropriée parce que l'euthanasie, ce n'est pas la réponse à des patients psychiatriques qui ont besoin
de soins appropriés.
Et j'ajouterais
aussi : Je déplore beaucoup le néologisme «d'aide médicale à mourir» qui
accentue la confusion, alors qu'un projet de loi devrait avoir une vertu
pédagogique de clarification, et l'expression «soins de fin de vie»,
hétéroclite, qui recoupe des réalités qui n'ont pas d'affaire à être regroupées
sur le même vocable. Le projet de loi accentue la confusion.
Et vous dites… Pourquoi on
devrait nous écouter? Parce que… En tout cas, moi, je suis sur le terrain.
Depuis trois ans, je suis impliqué dans ce
sujet-là. Ça fait 30 ans que je fais de l'éthique et je l'enseigne. Je
parle à mes collègues médecins, et aux patients, et aux familles, et les
gens sont dans la confusion.
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
M. Primeau
(François) : Alors, je
voudrais dire à Mme la ministre que les gens sont dans la confusion même
après tout le processus qui s'est… Une confusion, je trouve, qui s'accroît.
Le Président (M. Bergman) :
Alors, ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Pour le premier bloc de l'opposition
officielle, Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Bonjour. Merci beaucoup de votre présence. Je
pense que la ministre a mis le doigt sur la question en disant que votre point de vue est important,
et c'est important de pousser la réflexion puis de participer au processus et non de laisser… d'abdiquer. Votre rôle ici est très important.
Parce que justement, en début, en remarques préliminaires,
on l'a mentionné qu'il existait une panoplie de points de vue sur cette
question-là qui est extrêmement délicate. Et puis certains d'entre nous ici, autour de la table, n'avons pas participé à
toutes les séances de la commission
sur mourir dans la dignité. On n'a
pas eu ce privilège-là d'entendre tous les groupes, toutes les opinions, y
compris l'opinion contraire. Et donc votre
participation aux travaux de la commission est extrêmement importante pour
permettre à tout le monde, justement, d'avoir l'autre point de vue. Et,
lorsqu'on est à l'intérieur d'un débat démocratique, bien, l'autre point de vue
est très important. Alors, je tiens à vous remercier.
J'aimerais…
Vous avez abordé toute la question des mots, du choix des mots dans le projet
de loi. Je comprends très bien où
vous vous situez quant au projet de loi n° 52. Pour vous, l'aide médicale
à mourir devrait être complètement exclue,
et le projet de loi, modifié. Je vous ai peu entendus parler de la sédation
palliative terminale — parce que ce qu'on a entendu,
c'est que, dans les unités de soins palliatifs, la sédation palliative était
administrée, faisait partie d'une pratique, était administrée — et j'aimerais
vous entendre sur cette question-là.
Je comprends que, l'aide médicale à mourir, pour
votre collectif, vous l'assimilez à l'euthanasie, de façon… vous dites : Pour nous, c'est de l'euthanasie,
peu importent les mots et peu importe la définition que certains
pourraient lui donner, pour nous — puis vous me corrigerez si je me
trompe — dans
notre perception du projet de loi, c'est de l'euthanasie, et on n'est pas en
accord, on est contre ça.
Mais je ne
vous ai pas entendus parler beaucoup de la sédation palliative puis j'aimerais
connaître votre point de vue, parce
que beaucoup de vos membres oeuvrent en soins palliatifs. D'ailleurs, j'ai eu
la chance de m'entretenir avec certains d'entre eux qui sont dans la
région de l'Outaouais. Mais j'aimerais vous entendre sur la question.
• (17 h 30) •
Mme Ferrier (Catherine) : Je pense
que c'est le Dr Daneault…
Le
Président (M. Bergman) : Dre Ferrier.
Mme Ferrier
(Catherine) : Je pense que c'est le Dr Daneault qui peut répondre à
cette question le mieux.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Daneault.
M. Daneault (Serge) : L'exemple de la sédation palliative dite terminale — dans
le projet de loi, c'est un terme qui est utilisé — c'est
un exemple, ça, pour moi, de mauvaise information du public. C'est antipédagogique
parce que, d'abord, le mot n'existe pas en soins palliatifs. On va parler de
sédation palliative, mais on ne dit jamais «sédation palliative terminale». En quoi ça consiste? En fait, on évolue de plus en plus maintenant vers le terme… même, on ne parle même
plus de sédation, parce que ce qu'on cherche, ce n'est pas la sédation, c'est
le soulagement du malade. Donc, on appelle
maintenant ça l'anxiolyse. On va donner des médicaments au
malade jusqu'à tant qu'il soit confortable. Alors, un malade
qui est confortable mais qui est encore capable d'entrer en contact avec ses
proches, on ne dit pas que c'est un patient sédationné.
Donc, ce terme-là ne
nous convient pas du tout, les gens de soins palliatifs, parce qu'on trouve que
ça laisse entendre qu'en soins palliatifs
nous étirons un processus dans le
but de donner la mort, ce qui est absolument contraire à toutes les pratiques que j'ai vues. On ne fait pas
ça. Même les sédations dont vous parlez sont généralement réversibles et elles sont renversées parce qu'il y a des patients qui peuvent devenir
extrêmement anxieux et, une fois qu'ils ont été comme sous des
médicaments… là, je n'ai pas besoin de donner les noms, là, mais des
médicaments qui les calment, après deux jours ils reviennent et puis ils sont
moins anxieux, ils sont… la situation s'est corrigée.
Et
le projet de loi, pour moi, a un danger extrêmement important parce que, comme
il introduit une nouvelle notion qui
est étrangère à nos pratiques, et avec un paquet d'obligations, ça peut avoir l'effet
contraire que celui qui est recherché. Moi,
je ne pense pas que le législateur veut du mal, hein? Je ne sais pas… On n'est
pas d'accord, mais ce n'est pas ça que j'ai
voulu dire. Je veux dire qu'on va alourdir le processus, et ce que ça va avoir
comme effet, c'est qu'il y a des patients qui ne seront pas soulagés à
temps, parce que, dans certains cas, en soins palliatifs, il y a urgence et il
faut travailler vite. Et je pense que les médecins qui pratiquent…
Et
c'est important, la question que vous posez, parce que j'entends beaucoup de
mes collègues, moi, qui ne font pas de
soins palliatifs et qui assimilent ce que nous faisons, par exemple, dans des
détresses à l'euthanasie. Je l'ai entendu très souvent, ça, puis de gens,
là, très compétents, par ailleurs. Alors, je pense qu'il faut absolument
dissiper cette chose, qui est tout à fait contraire à nos pratiques.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : On a beaucoup
insisté la semaine dernière sur la question des définitions, justement, parce qu'il ne semblait pas… En tout cas,
je n'étais pas sous l'impression que, dans le monde médical, même à l'intérieur
de vos collègues, on s'entendait sur ce qu'était l'aide médicale
à mourir, sur ce qu'était la sédation palliative terminale, puis je
pense que vous me le confirmez, et donc votre son de cloche est important.
J'aimerais
aussi vous entendre, bon, sur… Le projet
de loi codifie le droit ou l'accès…
et la Protectrice du citoyen allait
même jusqu'à suggérer que
ce soit un accès gratuit, là, que ce soit bien précisé, aux soins de fin
de vie, qui incluent les soins palliatifs. On a eu plusieurs débats. Je sais qu'il y a des avancées qui se
sont faites au cours des dernières années, tous gouvernements confondus, pour
l'amélioration des services et de l'accessibilité aux soins palliatifs. J'aimerais obtenir votre point de vue sur l'accessibilité qui
pourrait être accordée… sur la disponibilité des soins palliatifs sur le territoire,
que ce soit à domicile, que ce soit dans des résidences ou que ce soit à l'intérieur
des centres hospitaliers. Parce qu'il y a
toute une offre de services qui est là, et je pense qu'il y a
une volonté — et
la ministre l'a réaffirmé très clairement, là — de
bonifier et de faire en sorte qu'il n'y ait pas d'obstacle à l'offre de
services. Donc, quelle est votre évaluation de cette offre de services là aujourd'hui,
le 24 septembre 2013?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Daneault.
M. Daneault (Serge) : Écoutez, moi, j'ai pratiqué pendant plus de 20 ans à
domicile, sous le pont Jacques-Cartier, et, il y a 20 ans, pour cette population-là,
l'accessibilité aux soins était supérieure à ce qu'elle est aujourd'hui. Aujourd'hui, il n'y a plus d'équipe spécialisée, il n'y a plus
d'équipe dédiée. J'ai quitté parce que c'était... il y avait un roulement de
personnel absolument extraordinaire. Donc, dans ce lieu-là — et je
pense que c'est un peu partout à travers le Québec, même si je crois que
certaines populations plus rurales sont mieux desservies — la
desserte, les services effectivement accordés aux personnes, elle est moindre. Il n'y
a plus de médecin qui se rend à domicile, les infirmières qui y vont ne sont pas dédiées. Je vous explique rapidement : Une infirmière dédiée, c'est une infirmière qui a une formation
et qui a une formation continue pour faire
ce travail-là auprès des mourants. Ça n'existe plus dans ce lieu en
question, que je ne veux pas identifier ici.
Donc,
oui, il y a des avancées, oui, il y a de la bonne volonté,
oui, il y a eu de l'argent, mais ce qu'il reste à
faire est tellement important que je considère que d'aller dans le
sens que le projet de loi n° 52 va, c'est pratiquement suicidaire.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition officielle.
Alors, pour le gouvernement, le dernier bloc, un bloc de huit minutes.
Mme
Hivon : Oui, merci,
M. le Président. Alors, sur la
question des soins palliatifs, je dois dire que je suis quand même très
étonnée de ce que vous me dites, parce
que, quand on regarde les chiffres,
en 10 ans, le nombre de lits dédiés est passé de 300 à près de 800. On est à 736. Ça, c'est les lits dédiés. Par ailleurs, il y a eu des maisons de soins palliatifs qui
sont nées un peu partout, les gens en parlent beaucoup plus. Il y a des équipes
de première ligne. Est-ce que toutes les équipes sont interdisciplinaires,
dédiées, ne font que des soins palliatifs? Non, je suis parfaitement d'accord
avec vous. Est-ce qu'on devrait avoir des équipes plus spécialisées
éventuellement? Oui, et nous y travaillons très fort.
Mais
on voit quand même, dans nos données, que 51 % des gens qui sont
susceptibles de devoir requérir des soins palliatifs à domicile en
reçoivent à domicile. Est-ce que c'est parfait, la parfaite intensité, l'équipe
interdisciplinaire parfaite? Je ne dirai pas
que tout est parfait. Moi, je pense que la perfection est difficilement
atteignable. Mais les choses me semblent
être vraiment sur la bonne voie, parce que vous ajoutez à ça les maisons de
soins palliatifs, les lits dédiés. Et, si vous me dites : Est-ce que ça prend absolument des unités dédiées?,
moi, je vais vous dire : Non, je ne pense pas. Je pense que ça prend des gens qui sont bien formés, qui
savent c'est quoi, les soins palliatifs, puis qui accompagnent
correctement les gens. C'est pour ça qu'on
en fait une priorité au ministère, tous domaines confondus, la formation aux
soins palliatifs, pour la prochaine année. Donc, c'est pour ça que ce que
vous me dites me surprend beaucoup.
Et
ce qui me surprend aussi beaucoup, c'est la question de la sédation palliative.
Dans les auditions qu'on a eues, les gens de soins palliatifs sont venus
nous dire qu'il y avait deux formes de sédation palliative, la sédation
palliative intermittente, où on peut endormir quelqu'un et voir, peut-être 24,
48 heures après, si ça va mieux, mais qu'il y avait aussi la sédation palliative continue ou
terminale, on employait les deux mots. Et ce qu'on nous disait, c'est qu'il y a
des cas… Et Michel Sarrazin est venue nous
dire que de 5 % à 6 % des gens qui sont chez eux ont des souffrances
réfractaires telles que c'est la seule voie.
Donc, on sédationne le patient, on le plonge dans un état d'inconscience jusqu'à
ce que le décès arrive. Alors que, là, vous me disiez que ça, ça n'arrive
pas. Je suis surprise, ça fait que je vais vouloir vous entendre là-dessus.
• (17 h 40) •.
Mais,
surtout, moi, je veux que vous me disiez qu'est-ce qu'on fait avec les gens,
les… Je comprends que, pour le médecin…
puis ça, je veux vous le dire puis je tiens à vous le dire : Je comprends
que, pour les médecins puis les médecins de soins palliatifs, il y a quelque chose de difficile à accepter
là-dedans, je le comprends parfaitement. Vous, vous êtes formés pour
apaiser les douleurs et les souffrances. C'est ça, votre mission, c'est ça,
votre rôle. Donc, c'est sûr qu'il y a eu un échec ou il y a quelque chose qui n'est
pas satisfaisant pour vous quand il y a quelqu'un qui ne voit pas ses souffrances
ou ses douleurs apaisées ou qui, malgré tout, dit qu'il veut mourir, qu'il veut
en finir. Je le comprends parfaitement, au même titre où un chirurgien qui rate
une chirurgie cardiaque, ça doit être dramatique. Ça fait que, ça, je ne veux
pas que vous pensiez que je ne saisis pas bien ça.
Mais, du point de vue
du patient, de la personne qui souffre en fin de vie, quelle réponse on peut
lui apporter, qu'est-ce qu'il faut lui dire? Parce que, oui, on en a eu, des gens, qui sont venus, et
ces gens-là sont venus nous témoigner de situations où la très grande majorité
des gens étaient en soins palliatifs, étaient en soins palliatifs, et on n'arrivait
pas à les soulager. Et donc ces gens-là,
oui, demandaient lucidement de mourir. Comme on a des gens encore qui
prennent la plume… M. Tissier, qui a donné une entrevue récemment, qui
dit : S'il vous plaît, aidez-moi, je suis en soins palliatifs, mais je
souffre.
Moi,
je me dis : La perspective du médecin est importante, mais la perspective
du patient? Qui qui est le mieux placé
que le patient lui-même pour dire : Moi, je souffre, je suis en fin
de vie? Et ça, c'est très important. Quand vous dites que tous vos patients se qualifieraient, je me
dis... Tout le monde nous dit que les critères sont stricts. Il y en a beaucoup qui nous disent que c'est trop strict, il faut
aller plus loin. Il faut que tous les critères soient là, mais que la
personne soit en fin de vie, c'est
une balise fondamentale. Donc, je me dis : Comment on... Quand on
est dans la perspective de la personne qui souffre, qu'est-ce qu'on lui
dit? On lui dit qu'il faut qu'elle endure ses souffrances pour un plus grand
bien?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Primeau.
M. Primeau (François) : Moi, je vous dirais : C'est intéressant
parce que, dans toute la discussion, on n'entend pas parler du tout des facteurs psychologiques.
Avez-vous remarqué ça? Depuis tantôt, il n'y a pas eu une question. Moi,
je vous dirais que, dans la littérature, ce
qui ressort, c'est que les gens veulent mourir, en fin de vie, pas d'abord pour
des douleurs physiques : des questions d'anxiété, de dépression,
perte d'espoir, perception d'être un fardeau, perception de perte de la
dignité.
Et
c'est très intéressant, les études de la Chaire de recherche en soins palliatifs,
qui est au Manitoba. Je suis allé, là,
à Winnipeg, au mois de mai, rencontrer le Dr Chochinov. Ils nous disent que
souvent les éléments importants, c'est des changements d'apparence ou la
dépendance face à autrui. Et, comme vous le savez, bien, la dépression, il y en
a de 20 % à 50 % dans les soins
palliatifs, elle est traitée dans 3 %... les patients en fin de vie
plutôt, je devrais dire, elle est traitée dans 3 % des cas
seulement, et les gens en dépression sont de quatre à cinq fois plus
susceptibles que d'autres de demander l'euthanasie.
Alors,
il y a vraiment un gros problème, là, de formation aussi puis de reconnaissance
d'une souffrance existentielle aussi, qui n'est pas juste une souffrance
physique. Parce que vous faites allusion à des modalités comme la sédation
palliative, que mon collègue vous a commentée tantôt, mais il y a tout un
aspect de reconnaissance de la souffrance au
niveau de l'anxiété et de la dépression, qui sont des pathologies traitables.
Mais par contre je veux vous rappeler, comme je l'ai fait aux consultations publiques, qu'en Hollande, depuis 1994,
la dépression majeure est une condition acceptée pour demander l'euthanasie.
Puis je comprends que vous, comme ministre, vous
fassiez allusion à des balises. Mais la véracité des faits, dans les deux
législations qui ont légalisé l'euthanasie en 2002, nous montre que,
10 ans après, les balises n'existent plus et puis que, même s'il y a une commission de
contrôle qui est... Comme en Belgique, par exemple, bien, la commission de contrôle que vous proposez, en Belgique, en 10
ans, n'a référé aucun cas à la justice pour réévaluation d'une demande.
Ça fait qu'on peut se poser beaucoup de questions à propos des balises.
Puis par
contre il y a tout un état de fait, dans la réalité, de souffrances
psychologiques qui ne sont pas prises en compte ou auxquelles on s'adresse mal. Puis il y a un gros manque de
formation dans le diagnostic, dans le traitement puis dans la formation
des intervenants au niveau de la psychologie — ce n'est pas seulement au
niveau de la souffrance physique — et puis aussi de l'accompagnement des
proches. Parce que, vous comprenez — je parle souvent pour les patients avec la démence — souvent le patient avec la démence, le
patient lui-même semble, de l'extérieur, vivre ça plus ou moins bien, mais la famille est très souffrante de
voir son père ou sa mère être dans un état qu'elle ne reconnaît plus.
Alors, vous comprenez que considérer l'aide à la fin de vie ou l'euthanasie
pour soulager les souffrances du proche, ça n'a pas de bon sens. Alors, il faut
s'adresser à cette souffrance-là aussi.
Mais on l'entend… Puis j'ai des cas concrets d'histoire
clinique que je pourrais vous rapporter, où c'est ça, la demande. Tel et tel enfant n'en peut plus de voir
son père ou sa mère avec une démence, et on peut le comprendre, donc on demande
de mettre fin à cette vie-là. Mais vous comprenez que ça ne peut pas être une
valeur dans une société démocratique, ça. Il faut s'adresser à la bonne
souffrance, à la bonne place, avec les bons intervenants. Et puis, là, on
commence à avoir des intervenants formés en première ligne.
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
M. Primeau (François) : Je veux
juste finir aussi pour dire à la ministre et à l'ancien ministre de la Santé combien
on manque d'intervenants formés en première ligne au niveau des troubles
gérontopsychiatriques, pour les problèmes cognitifs puis les problèmes
de dépression dans le troisième âge, qui ne ressemblent pas nécessairement
aux problèmes de dépression dans l'adulte. Alors, on a un grand déficit aussi d'intervenants
formés, compétents, qui peuvent accompagner le patient et la famille.
Alors, vous comprenez qu'il y a tout un travail
à faire — c'est
ça, moi, mon étonnement de praticien dans la vie
courante — avant
d'arriver à l'injection de barbituriques puis de curare, comprenez-vous? Alors,
moi, c'est ça mon étonnement, de voir
qu'il y a tellement de besoins concrets qui ne reçoivent pas leur
réponse dans le moment et qu'on prenne
tant de temps pour s'intéresser — quoique la souffrance, et la détresse
humaine, est là — à des
cas qu'on nous présente comme étant
si exceptionnels, alors que, dans la réalité concrète de ma vie quotidienne, je
suis ligoté pour pouvoir agir. Dans beaucoup de cas, j'ai les mains
ligotées parce qu'on manque de ressources concrètes pour tant de patients.
Alors, ça, pour moi, c'est une grande interrogation.
Et puis on
dirait qu'il y a vraiment des personnes qui sont ignorées. Puis, les personnes
en CHSLD, moi, j'appelle ça le
quart-monde, et j'ai l'impression qu'on les ignore dans tout ce processus-là,
qu'on ne prend pas leur souffrance en compte.
Même les familles, parfois, s'en désintéressent, parce que c'est trop souffrant
de considérer ces gens-là qui sont abandonnés
dans notre société. Mais qu'est-ce qui arrivera plus tard, quand… Là, la
personne âgée de 80 ans a six enfants, mais,
dans 20 ans, la personne âgée de 80 ans aura un ou deux enfants, ou
peut-être pas du tout, ou cet enfant-là habitera à Vancouver. Comprenez-vous la souffrance et l'abandon
de ces personnes-là? Je ne sais pas si les gens qui sont assis dans les
fauteuils de député sentent ça, parce que nous, les praticiens, on le vit à la
journée longue, cette souffrance-là.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement.
Maintenant, pour l'opposition officielle, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Dr Primeau, Dre
Ferrier, Dr Daneault. Dr Primeau, je pense que je comprends la souffrance que
vous avez aujourd'hui, pour avoir visité plusieurs CHSLD.
Je voudrais peut-être m'adresser au Dr Daneault,
que je connais et que j'apprécie beaucoup. Et, chez vous trois, j'ai senti aujourd'hui… Et figurez-vous pas
qu'aujourd'hui vous n'avez pas votre place, au contraire. On parle de
vies humaines, on parle d'êtres humains, et
c'est important d'en débattre et d'écouter les opinions. J'ai senti, Dr
Daneault, beaucoup de souffrances aussi à l'intérieur
de vous, une souffrance par rapport à ce sujet-là, probablement par
rapport au fait que vous accompagnez des personnes en fin de vie depuis tant d'années
que vous avez vu aussi beaucoup de souffrances.
J'ai posé la question, la semaine dernière, à un évêque : Est-ce que les
patients en fin de vie vous disent vouloir terminer leur vie? Comment ça se passe entre vous et le patient au
moment, là, de la fin de vie, là, quand ces personnes-là sont si
malades, si souffrantes? C'est quoi, votre relation?
M.
Daneault (Serge) : Moi, je
travaille en soins palliatifs, où il n'y a pas d'euthanasie. Donc, je ne
pourrais pas parler de ce qui se passe. Mais je suis allé en Belgique,
par contre.
Mme
Blais : Je parle
de vous, de votre pratique, avec vos propres patients qui sont malades, quand
vous les accompagnez en soins palliatifs.
M. Daneault (Serge) : Quand le
malade est accompagné, mes malades, les malades de mon équipe — je ne
travaille pas tout seul, hein, parce que ce ne serait pas bien — la
fin de la vie que je vois — puis
je me suis fait des statistiques il n'y a
pas longtemps, là, c'est plusieurs milliers de personnes — ça se termine presque toujours
extrêmement doucement. Ces patients sont soulagés, sont soulageables des
douleurs physiques et ils sont heureux de vivre ce qu'ils ont à vivre, lorsqu'ils sont confortables, avec leurs proches. La
majorité, lorsqu'ils sont aimés — et c'est la majorité des patients,
heureusement, qui sont aimés — ne veulent pas mourir, ils veulent rester en
vie le plus longtemps possible et être
en contact avec leurs proches. Et je peux vous dire… Il y a toujours une
histoire d'horreur qu'on peut sortir du chapeau, là, mais c'est
exceptionnel.
C'est pour
ça que moi, je me questionne énormément sur cet engouement collectif. En
Belgique, il y a 58 % des députés qui ont voté pour la loi,
42 % qui ont voté contre. Et là j'entends que tout le monde est d'accord
au Québec. Les ordres viennent, ils sont d'accord,
etc. Ça ne ressemble pas à ma réalité de tous les jours avec mes patients, ce
n'est pas comme ça, et je ne comprends pas, je ne comprends pas.
Puis, l'autre
élément, de la souffrance et du désir de mort, je suis convaincu que cette
analogie est fausse. J'ai vu des patients
souffrir, avoir des cratères dans le corps, etc., et ne jamais
réclamer quoi que ce soit pour écourter leur vie. Et on sait qu'il y a
des patients qui, avant même que le diagnostic soit posé, vont dire : Si jamais
ça m'arrive, je veux l'euthanasie. Alors, je trouve que cette association-là,
souffrance et désir de mourir, il faut y faire très attention.
• (17 h 50) •
Le Président (M. Bergman) :
Dr Primeau.
M. Primeau
(François) : Oui. Je
pourrais juste répondre… Je m'appliquerais la même question
que vous venez de faire, qui n'est
pas une pratique de soins palliatifs, une pratique gérontopsychiatrique. Oui, j'ai eu
des patients âgés avec dépression
majeure qui sont… lors de l'admission, qui m'ont dit : Moi, docteur,
donnez-moi une piqûre pour en finir. Ils sont en dépression majeure. Alors, vous comprenez que je ne suis pas
pour leur dire : Tendez-moi le bras, je vais vous donner une
injection de barbiturique suivi d'un paralysant musculaire, puis, quatre ou
cinq minutes après, vous allez être décédé.
Alors, ces
patients-là sont évalués. Alors, j'évalue ces patients-là, parfois des patients
psychotiques, qui ont des délires en
plus. Alors, avec le traitement approprié, bien, ces gens-là, en général, quand
ça va bien, au bout de quelques semaines — deux,
trois, quatre semaines, dépendant des possibilités de facilité de traitement — bien,
on les revoit, leur état clinique est
amélioré, et ils n'ont plus du tout ces demandes-là dans l'esprit. On a de ces
demandes-là quotidiennement comme psychiatre de garde à l'urgence aussi.
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Bien, c'est un sujet qu'on pourrait parler des heures de temps, mais j'aimerais
faire un commentaire. Premièrement, c'est important de vous écouter, et puis on reçoit très bien
votre discours. D'ailleurs, le danger d'une loi comme celle-là, c'est que tout le monde vient, puis on
dit tous la même chose puis, à la fin, on se rend compte qu'on
a fait une erreur. C'est pour ça qu'il faut écouter tous les points de vue. Et
c'est le principe de l'éthique, on a différents
points de vue, et autant vous faites des témoignages qui, pour
moi, sont très émouvants, autant on va avoir des gens qui vont venir
faire des témoignages, qui vont demander, eux autres, à avoir le droit, le
choix.
Et c'est là
que c'est important, quand on est ici, d'entendre tous les gens, pour
qu'après ça, en tant que législateurs, on
puisse, si on passe la loi, mettre les bonnes balises, écouter également
les remarques que vous nous faites. Aussi, à un moment donné, le
discours peut changer, puis on peut décider de ne pas passer la loi. Ça, je
peux vous dire que, dans notre parti, on a
pris la décision de laisser le vote libre. Ça ne sera pas un vote unanime à l'Assemblée nationale, ça, je peux vous l'assurer. Il va
représenter probablement le pouls de la population. Et j'ai même des députés
qui viennent me voir, qui me disent aujourd'hui :
Je ne le sais pas encore. Puis on nous a demandé des documents, puis ils
veulent savoir comment ils vont voter.
Et c'est une loi, si elle passe ou qu'elle ne
passe pas, qu'il est important de discuter. Par contre, ce qu'il faut accepter, c'est l'opinion des autres. Autant il y
en a qui veulent défendre des positions comme vous le faites, parce que
vous avez vécu ça avec les personnes… Puis moi, je comprends la question de la
personne qui est déprimée. Puis c'est ça qu'on
veut protéger quand on dit : On ne veut pas que quelqu'un, à un moment
donné, dans un état aigu, dise : Bien,
moi, je veux mourir, puis on lui accorde rapidement. Il faut avoir des balises
pour protéger. Sauf qu'à la fin il y a des gens, en toute conscience,
ils savent ce qu'ils veulent et, dans leur idée à eux autres, ils aimeraient
avoir le choix lorsqu'ils vont arriver à ce moment-là. Un exemple : Sue
Rodriguez.
Une fois qu'on
a dit ça, je pense qu'on va en faire la discussion. Comme législateurs, on va
être capables de mettre en place, je
pense, des bonnes choses. Mais, au niveau de la société, ça ne fait pas l'unanimité.
C'est pour ça qu'aujourd'hui je veux
vous remercier. Parce que, si tout le monde vient dire : Puis c'est bon,
puis c'est bon, puis c'est bon, moi, je vous dirais : Il faut se
poser des questions si on a fait une bonne loi. Donc, on écoute les ouvertures.
On peut essayer de convaincre les autres,
mais il faut accepter aussi que l'autre a un point de vue qui peut être
différent, et, comme législateurs, on va devoir respecter les différents
courants de pensée.
Puis, l'autre affaire, pour terminer, il y en a,
qu'est-ce qu'ils voulaient, c'est qu'ils voulaient qu'on aille très rapidement
puis qu'on accorde tout. Moi, je ne suis pas de cette école-là. Je pense que la
société est évolutive, et, contrairement à
ce qu'on pense, la société, à un moment donné, peut revenir en arrière dans
certaines décisions. Ça, on le verra au cours des prochaines années.
Mais aujourd'hui il faut faire la discussion par rapport à ce projet de loi,
mais surtout des gens comme vous venir… laissez-vous entendre. D'ailleurs, on
veut parler avec la ministre, il y a des groupes qui veulent se faire entendre.
Pour ou contre, on doit leur offrir la possibilité de venir ici. Parce que la
seule chose que je me refuse, c'est de laisser parler les gens, et la seule
chose que je m'oblige, c'est de les écouter. C'est mes commentaires.
Le Président (M. Bergman) :
Dre Ferrier, il reste seulement deux minutes.
Mme Ferrier (Catherine) : Oui, c'est ça. Je veux dire très rapidement que
ce qu'on propose avec ce projet de loi,
ce n'est pas une petite chose, c'est de lever l'interdit à l'homicide qui
existe dans toutes les sociétés occidentales depuis des siècles, et de
le lever seulement pour le groupe des patients vulnérables.
Et
l'autre chose que je voudrais dire, c'est que, pendant les deux minutes qui
restent, j'aimerais que vous écoutiez le Dr Daneault parler de ce qu'il
a vécu en Belgique, parce que c'est vraiment très frappant.
M. Daneault (Serge) : Si vous acceptez? Oui, en effet, en Belgique, moi, j'ai visité des milieux où se passent
des euthanasies, et les gens m'ont raconté
comment ça se faisait. N'oublions pas, là, que ce n'est pas quelque chose qui est cousu de fil blanc. Souvent, les patients… Parce qu'en
moyenne c'est six mois avant la fin naturelle de la vie, et — il y a des médecins ici — vous savez bien que, six mois avant qu'on
meure, on est encore très vivant, hein? On marche, on mange, etc. Et c'est
là que les injections sont faites. La personne parle à ses proches, le médecin
injecte, et la mort survient immédiatement après, dans l'espace de
cinq minutes.
Alors, c'est une
réalité qui est au-delà du discours philosophique, qui est important, je l'entends,
mais c'est au-delà de ça. Et c'est de ça
dont on parle, au fond. On est tous d'accord avec les soins palliatifs, on est
tous d'accord avec le soulagement de la souffrance. Mais, la loi, c'est
ça qu'elle introduit, en propre. Parce que le gouvernement a édicté une politique en 2004, il y a eu des efforts qui
ont été faits, il y a des maisons qui s'ouvrent, etc., oui, on est tous
d'accord avec ça, mais c'est de l'injection létale à la demande du patient dont
il est question, et c'est la décision que vous allez prendre comme Parlement.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin à ce bloc. Le
deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault : Merci, M. le Président. Merci à vous trois de
votre présence. Je tiens aussi à souligner que je pense qu'on est tous ici pour entendre toutes les
opinions, et avec la même neutralité qu'on se doit comme législateur. Et
on est ici pour entendre vos points de vue, pour avoir des éclaircissements. Et
moi, je vous le dis en toute honnêteté : On
chemine à chaque jour, d'heure en heure. Et je suis la première à vous
dire — et j'ai
la même formation médicale que vous,
je pratique encore : On est confronté, comme médecin, effectivement, dans
notre formation, à prodiguer des soins, à guérir autant que se peut,
mais à confronter aussi la mort, qui fait partie de notre quotidien.
Et
je vous dirais que, bien évidemment, quand on parle des gens qui acceptent l'aide
médicale à mourir et qui nous la demandent dans notre pratique, c'est
difficile, de la même façon que lorsqu'une personne âgée… et ça, je le vis de plus en plus parce qu'avec le
vieillissement de la population… de la même façon que lorsqu'on est
confronté à une personne âgée qui nous dit,
sans être déprimée, tout à fait consciente, qui nous dit : Bon, bien, moi,
j'ai atteint 80, là, vous allez me
lâcher. Mais ça, on entend ça régulièrement dans nos bureaux, ceux qui
pratiquent encore. Moi, il est hors de question
que vous allez commencer à me chercher un cancer, me chercher une maladie, je
ne veux plus, je ne veux plus que vous me cherchiez pour me traiter. Et,
cette réalité-là, on la vit au quotidien.
Par
contre, ces gens-là, on leur permet de refuser l'investigation, parce qu'ils
ont atteint un certain âge, parce qu'ils ont… Et ce ne sont pas des gens qui sont déprimés, là. Ce sont des gens
qui ont 80 ans, qui ont le… qui disent : Moi, j'ai fait ma
vie, là, puis je n'en demande pas plus, mais je ne veux surtout pas qu'on me
trouve une maladie. Et on n'est pas formés à ça non plus. On a l'habitude de
questionner, d'avoir des symptômes et de dire : Bien, on va chercher ce
qui donne ces symptômes-là. Et on a à cheminer avec ces patients-là puis on…
Bon, en toute liberté, finalement, on les accompagne puis on arrête l'investigation,
selon leurs choix et leurs demandes.
Alors, aujourd'hui,
on a à répondre à des gens qui nous demandent… Et là je ne parle pas des gens
qui sont nécessairement en fin de vie, là,
je parle des gens qui sont souffrants, oui, mais qui ont déjà réfléchi à ce que
pourrait être leur fin de vie. Et
pourquoi, ces gens-là, on leur refuserait l'aide médicale à mourir
différemment, finalement, de ce qu'on accepte des personnes âgées, de ne
plus investiguer pour ne plus les soigner et leur trouver finalement une
recette, là, ou un traitement à leurs maladies?
Alors,
c'est sûr que c'est difficile. Et la ligne est mince où on arrête dans cette
démarche-là et jusqu'où on laisse, chacun de nous, la liberté de
choisir. Dans le fond, le projet de loi vient permettre la liberté à un patient
de choisir sa fin de vie. Alors, on le
permet dans certains cas. Pourquoi on le refuserait dans l'aide médicale à
mourir? Je veux vous entendre
là-dessus. Et, comme je vous dis, je
ne suis pas… je suis neutre par
rapport à toutes les réponses qu'on
entend depuis le début de la commission.
• (18 heures) •
Le Président (M.
Bergman) : Dre Ferrier, il vous reste seulement une minute.
Mme Ferrier
(Catherine) : Je pense que ces deux actes que vous décrivez, c'est
deux choses complètement différentes. C'est tout à fait normal, une personne très âgée, qu'on n'investigue plus à un moment donné pas seulement parce qu'elle est tannée, mais parce que, si on trouve le
cancer, elle ne va pas survivre à l'opération. Et ça, c'est les limites
de la médecine, c'est les limites de l'humanité.
Entre ça et dire : Je vais te donner la mort, c'est complètement différent, et ça, ce n'est
pas la vocation du médecin. Si vous voulez le légaliser, faites-le faire par quelqu'un
d'autre, qu'ils ne soient pas des médecins, parce que ce n'est pas ce qu'on
doit faire, nous autres. Et je pense que, depuis toujours aussi, il y a une
différence éthique, complètement, entre ces deux actes. Peut-être, François, tu
as…
M. Primeau (François) : Moi, j'aurais dit la même chose : C'est tout à fait… Le projet de loi… D'ailleurs,
c'est un grand défaut aussi, moi, je trouve, on a récusé la notion d'intentionnalité
et on a confondu le retrait de soins avec l'acte de donner la mort. Alors, ça,
pour moi, c'est des fondements de confusion qui font que l'édifice est vicié.
Mais, pour ces… Ça, le cas que vous
amenez, il y a deux cas de figure complètement différents là-dedans,
là. Et, qu'une personne refuse, à 80…
dire : Bien, moi, je ne veux pas être investigué, et qu'on estime ça
raisonnable ou non, je pense qu'il y a
une marge, et c'est tout à fait normal d'accepter que cette personne-là décide de
ne pas avoir telle et telle investigation. Mais, de là à lui donner la
mort, ça, c'est un autre chapitre, là.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Dre Ferrier, Dr Daneault,
Dr Primeau, merci pour votre présentation. Merci de partager vos connaissances,
votre expertise avec nous.
Collègues, la commission
suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30, ce soir.
Une voix :
…
Le Président (M.
Bergman) : Oui, on est dans la salle La Fontaine ce soir, collègues,
la salle La Fontaine.
(Suspension de la séance à
18 h 2)
(Reprise à 19 h 33)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes
les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones
cellulaires.
Nous allons
poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet
de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie.
Alors, je souhaite la
bienvenue à La Coalition des médecins pour la justice sociale. Bienvenue. Vous
avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec les membres
de la commission. Avant de commencer, donnez-nous vos noms, vos titres.
Et le micro, c'est à vous pour 15 minutes.
La Coalition des médecins pour la justice sociale
M. Saba (Paul) : D'accord. O.K. Moi, je suis le Dr Paul Saba. Je suis coprésident de La
Coalition des médecins pour la
justice sociale. C'est un organisme qui existe au Québec, à but non lucratif,
depuis 1998. Et nous revendiquons l'amélioration
de notre système de santé dans une perspective de justice sociale, équité, et
surtout avec l'idée, l'optique de protéger les plus vulnérables de notre
société.
Pour nous, la loi
n° 52 qui est proposée, pour nous, ce n'est pas acceptable. Et je vais
soulever, une forme de question importante,
pourquoi ce n'est pas acceptable. Je vais parler d'abord si l'euthanasie a une
place dans la pratique médicale moderne. Ici, c'est notre mémoire, et,
dans le mémoire, on soulève ces questions.
Depuis
2 500 ans, les médecins, mondial, ont exercé leur profession selon le
serment d'Hippocrate, qui vise à éviter de provoquer la mort intentionnelle chez les personnes. L'objectif de la médecine, c'est de
protéger les patients, de les soigner,
de guérir des fois, soulager toujours.
Et, notre position, on est encore avec la position de l'Association
médicale mondiale, qui représente
9 millions de médecins à travers le monde. Même dans votre poste de
presse, nous avons une lettre, ce
matin, à 2 h 27, par le secrétaire général de l'Association médicale
mondiale, et je vais la lire en anglais, il nous a écrit en anglais, à
2 h 29 : «Thank you very much for your message. I can confirm to you that the World Medical Association stays firmly
to its policy rejecting euthanasia and physician-assisted suicide.» Là,
ici.
Selon
l'Association médicale mondiale, l'euthanasie, c'est-à-dire le fait de mettre
fin à la vie d'un patient par un acte délibéré, même à sa demande ou à
celle de ses proches, est contraire à l'éthique. Cela n'empêche pas le médecin de respecter la volonté du patient de laisser le
processus naturel de la mort suivre son cours dans la phase terminale de
la maladie. Je veux aussi vous rappeler que l'Association médicale canadienne,
qui est membre de cet organisme, qui représente
77 membres à travers le Canada, s'oppose aussi à l'euthanasie et encourage
le support aux soins palliatifs. Le Collège
des médecins de famille du Canada et le Collège des médecins du Québec
affirment le droit fondamental de tous les citoyens à l'accès aux soins
palliatifs, par opposition à l'euthanasie.
Souvent,
c'est soulevé que des pays qui sont bien développés socialement, on est dans un
pays moderne et que, si nous sommes modernes et sophistiqués, on doit
regarder au droit à l'euthanasie comme un droit pour respecter l'autodétermination d'une personne. Je vais vous
rappeler que, parmi les 176 pays du monde, seulement quatre d'entre
eux autorisent l'euthanasie ou l'assistance-suicide, mondialement. Donc, si le
Québec décide de ne pas suivre les quatre
pays pour l'assistance médicale à mourir ou l'euthanasie, ça ne dit pas qu'on
est… si on décide de ne pas suivre ces pays, ça ne dit pas qu'on n'est
pas modernes, ni sophistiqués, ni socialement évolués.
La
quatrième question qui est dans le mémoire… J'ai posé la question : Les
soins palliatifs représentent-ils une alternative à l'euthanasie? Pour
nous, la réponse est oui, absolument, oui. Les études et la pratique de la
médecine moderne démontrent que les soins
palliatifs sont efficaces pour soulager les patients qui sont souffrants qui
sont en fin de vie. Malheureusement, et ça, c'est très important,
actuellement, au Québec, seulement 20 % des patients qui ont besoin des soins palliatifs ont accès aux soins
palliatifs. Et, je vous rappelle, c'est dans le rapport Ménard, ils ont mis
ça dans son rapport. La majorité des
patients, donc, qui sont face à des maladies graves, des maladies chroniques,
des maladies sévères, ces patients-là
s'inquiètent, parce que la grande majorité des patients n'ont pas accès aux
soins palliatifs au Québec.
• (19 h 40) •
Je
vais poser une autre question : Les patients… Parce que, dans la loi, il
parle de… détermine… il dit que… des patients
en phase terminale. Le problème,
c'est : C'est quoi, phase terminale? Est-ce que c'est trois semaines,
trois jours, trois semaines, trois mois, six mois?
Juste pour expliquer que les modèles médicaux qui essaient de déterminer avec précision combien de temps il reste à une personne
très malade sont souvent imprécis et incapables d'assurer un pronostic raisonnablement fiable. Et, dans le rapport, je
cite quelques études, je donne l'exemple des patients atteints de
maladies chroniques sévères, et la
prévisibilité d'obtenir une réponse pour les prochains six mois de survie, c'est
50 %. Ça équivaut à une
pièce de monnaie pour le jeu de pile ou face.
Je pose des
questions. Est-ce que les balises qui existent dans le monde et dans la loi
offrent une protection complète? La réponse,
c'est non. Toutes les études, mondialement, démontrent, ou en Belgique ou aux
Pays-Bas, que les balises ne fonctionnent pas. Il y avait beaucoup d'études
qui sont citées dans… Je donne l'exemple, par exemple, que, la Belgique, selon l'étude, 32 % des patients qui étaient
euthanasiés n'ont pas donné un consentement éclairé. En Belgique et aux
Pays-Bas, jusqu'à 50 % des patients… les décès… ne pas… l'euthanasie n'était
pas rapportée.
Je
vais demander à… L'histoire de… Quand je parle de dérapage, je veux donner qu'il
y a plusieurs cas. On ne parle pas
juste en chiffres, des études, il y a des vrais cas. Dr Tom Mortier, qui nous a
visités il y a quelques semaines, a rapporté son histoire du décès de sa
mère par euthanasie à l'âge de 64 ans. Elle souffrait d'une dépression
chronique. Elle est allée dans un
hôpital — il va
vous raconter l'histoire — elle n'avait pas une maladie comme du cancer, mais c'était,
selon un de ses médecins, grave et incurable. Elle souffrait de problèmes
psychiques. Et il a été avisé le lendemain : Est-ce que je peux avoir l'autorité? Et ça, c'est la dernière chose que
je vais dire avant que je vais céder la parole. Et on commence à
1 min 50, c'est ici. C'est le Dr Tom Mortier.
(Présentation
d'un extrait sonore)
(19 h 43
—
19 h 46)
M. Saba (Paul) : O.K. Merci. Maintenant
je cède la parole à Me Dominique Talarico, qui agit comme conseiller
juridique pour la coalition, et il va expliquer les failles dans la loi.
M. Talarico
(Dominique) : Dr Saba. Bonjour.
Le Président (M.
Bergman) : Deux minutes.
M. Talarico (Dominique) : Merci. Le projet de loi comporte des
failles importantes qui, à notre avis, sont fatales. Notre société, comme vous le savez tous, est fondée
sur la primauté du droit et des droits fondamentaux.
Je
commence l'analyse rapidement avec l'article 7 de la charte canadienne qui prévoit que
«chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne»,
et j'ajoute que, selon la jurisprudence, les principes de justice fondamentale comportent des garanties procédurales et une
protection contre des décisions arbitraires ou des normes imprécises. Et
c'est de ça que je veux vous parler. Alors,
si on adopte des normes imprécises qui peuvent faciliter le décès, on aura
permis plus facilement l'assistance à la mort.
Le
premier point à soulever, c'est que le consentement de la personne qui demande
l'aide à mourir doit être donné de
façon libre et éclairée, persistant
et réitéré sur une période minimale. Alors, la question qui se pose, c'est de
savoir si le consentement est libre
et éclairé si les soins appropriés ne sont pas accordés de façon
suffisante, par exemple quand on a une carence de fourniture de soins palliatifs ici, au Québec,
en raison de coupures budgétaires. Encore une fois, posons-nous la question de savoir si le consentement est libre et
éclairé, si le patient est en état de souffrance, déprimé, abandonné par les membres de sa famille, craint pour sa vie, en
désespoir ou, peut-être même simplement, incrédule. La vérification…
Le Président (M.
Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.
M. Talarico
(Dominique) : Pardon?
Le Président (M.
Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.
M. Talarico
(Dominique) : Lisez mon mémoire. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bergman) : Alors…
M. Talarico
(Dominique) : Je comprends, il n'y a pas de problème. Merci.
Le
Président (M. Bergman) : Merci. On a un «schedule» pour finir ce soir, à 9 h 30 ce soir. Alors, maintenant, pour le bloc du gouvernement, Mme
la ministre.
• (19 h 50) •
Mme
Hivon : Oui, merci, M. le Président. Alors, vous allez excuser ma voix. Je ne suis pas
très malade. Je sonne très malade,
mais je ne suis pas très malade. Donc, je sais qu'il y a beaucoup
de médecins dans la salle si jamais j'ai un problème. C'est juste un problème
de voix.
Alors,
Dr Saba, Me Talarico, Mme D'Amico et Mme Beaudin, bienvenue. On est très
heureux de vous entendre. Ce n'est pas pour rien qu'on vous a invités.
On vous a entendus sur plusieurs tribunes. On s'est même succédé à quelques
tribunes lors du dépôt du rapport de la commission. Et ici on est là pour
entendre tous les points de vue, pour faire le débat le plus ouvert possible, évidemment.
Vous allez comprendre que, si j'ai déposé ce projet de loi là, c'est parce que j'y crois, c'est parce qu'on y croit comme gouvernement, parce
qu'on croit que c'est une réponse à
la souffrance humaine dans des circonstances tout à fait exceptionnelles,
si on parle spécifiquement de l'aide médicale à mourir, mais surtout on pense
qu'il faut aller beaucoup plus loin
et consacrer les soins palliatifs, et faire tout ça dans un ensemble
intégré. Et l'étape ultime de la vie qu'est la fin de vie, pour nous, c'est une étape assez significative
pour lui consacrer un projet de loi propre pour que les gens puissent avoir
tout l'accompagnement requis en fin de vie.
Et, quand vous dites qu'on coupe dans les soins palliatifs, je vous dirais,
avec égard, qu'au contraire on investit en
ce moment en soins palliatifs. Il y a des grands développements en soins
palliatifs. C'est une priorité. L'accessibilité s'améliore constamment.
Et c'est une priorité d'action pour nous.
Vu que vous
avez été coupé dans votre élan, maître, je reviendrais sur la question du
consentement libre et éclairé, parce
que je pense que c'est très
important, c'est une balise fondamentale. Je vous dirais que la balise, par exemple, la plus fondamentale, c'est la volonté de vivre. Les gens, ils
veulent vivre. Les gens, ils ont une soif de vivre. Et, pour moi, ça, c'est la
plus grande des balises. Parce que la majorité des gens, la très, très, très
vaste majorité des gens ne demanderont jamais l'aide médicale à mourir. Ils
vont demander d'être accompagnés. Ils vont demander des soins. Ils vont vouloir vivre jusqu'à la dernière
seconde. Et, pour moi, c'est ça, la plus grande balise. Mais, puisque…
Quand on est face à des gens qui n'en
peuvent plus de vivre parce qu'ils ont des souffrances et qu'on doit s'assurer de
protéger les personnes vulnérables,
on doit mettre de l'avant des balises, et la plus importante, celle de départ,
c'est le consentement libre et éclairé.
Et puis vous dites : Comment on fait pour y
arriver? Mais moi, je vous demanderais : Comment on fait déjà pour y arriver dans la vie de tous les jours? Il y a
des arrêts de traitement à chaque jour. Il y a des gens qu'on
débranche de respirateurs. Il y a
des gens de 40, 50 ans qui pourraient avoir de l'espoir, qui décident de
ne pas suivre une deuxième, une troisième chimiothérapie. Là, je suis
consciente que vous allez m'expliquer que, selon vous, ce n'est pas la même chose, arrêter un traitement puis l'aide médicale à mourir. Je vous suis là-dessus, dans vos
distinctions d'intention. Mais moi,
je parle… Quand vous me dites : Le consentement libre et éclairé, comment
on va y arriver, pourquoi, dans l'état actuel des choses, pour un arrêt de traitement, un refus de
traitement, il n'y aurait pas de problème, mais que, là, soudainement,
avec l'aide médicale à mourir, là, il y aurait une tonne de problèmes, puis que le médecin ne s'acquitterait plus
correctement de son rôle de valider ça?
M. Saba (Paul) : Vous me posez… Je
peux répondre?
Le Président (M. Bergman) :
Dr Saba.
M. Saba (Paul) : Oui. Première
chose : quand on arrête, cesse ou réduit les traitements, on peut toujours
recommencer, augmenter. C'est sûr que ça a
causé une mort, mais c'est non intentionnellement. Mais il y a quand même une chance. Parce qu'il y a des patients, des fois, ils sont fatigués avec le
traitement de chimio. Après un ou deux traitements, il va dire : J'en ai assez. Mais, après un ou
deux mois, il se sent mieux, il peut recommencer. Ça, c'est un exemple. Parce
qu'on n'a pas une deuxième chance dès que la mort est provoquée
intentionnellement. Ça, c'est une très, très grande différence. On travaille toujours
pour essayer de comprendre ce que le patient souhaite.
Quand le
patient est déprimé, on essaie de trouver des suivis psychologiques dans un
hôpital. Malheureusement, à l'extérieur
de l'hôpital, il n'y a pas de service. Des gens doivent payer par Visa,
s'ils ont Visa, ou une ressource… La grande majorité des gens en besoin
ne reçoivent pas des suivis psychologiques. Nous, des médecins de famille, on
fournit ça, on est formés, on fait de notre mieux, mais on n'est pas des grands
experts.
Quand quelqu'un
est malade, il y a une discrimination à plusieurs… D'abord,
il est malade, il a moins de forces, il est fatigué souvent et, financièrement, il a des problèmes de finances
et de… Souvent, des gens sont tentés… Souvent, des patients me disent : Docteur, je veux mourir. Je dis :
Heureusement, on n'a pas une loi d'euthanasie et on va faire tout pour
soulager vos souffrances, on va trouver… J'essaie toujours de donner un peu d'espoir,
toujours un peu d'espoir. Souvent, ce qui manque, c'est de l'espoir, un sens de
l'abandon.
Et, peut-être,
Hélène Beaudin peut parler un peu de ce sens, pour comment… l'idée de l'accompagnement,
parce que vous avez parlé de l'accompagnement, c'est très, très important. Est-ce
que je peux céder la parole?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Beaudin.
Mme Beaudin (Hélène) : Oui, d'accord.
Bon, j'ai une histoire familiale qui est très touchante à cet effet. Moi-même, personnellement, à 29 ans, j'ai eu
une coarctation de l'aorte du coeur et j'étais pour l'euthanasie
tellement que la souffrance était grande.
Mais, au fil du temps, j'ai compris que cette souffrance-là… et puis, dans le
développement de la personne et du
cheminement personnel qu'on peut y avoir, on apprend plus à vivre, et à
accepter, et à aider les autres. Donc, moi, personnellement,
présentement, je suis aussi une préposée et j'aide beaucoup mes parents dans
leur cheminement — je
suis un peu fatiguée aujourd'hui, je suis debout depuis très longtemps,
là. Bref, maman, présentement, elle a
aidé mon père dans son cheminement jusqu'à 90 ans. Monsieur voulait mourir à la maison,
mais la santé de ma mère ne pouvait
pas l'accompagner jusque-là, parce qu'elle-même,
elle agissait comme préposée à 86 ans. Monsieur refusait l'aide du CLSC parce qu'il voulait être entouré
seulement de sa famille. Et malheureusement, une journée, il se
retrouvait à l'hôpital, et son coeur a
flanché. On lui a mis un pacemaker. Ils nous ont consultés, ma mère et moi,
mais, disons, on leur a expliqué qu'il n'avait pas de qualité de vie.
Mais mon père tenait à vivre. Donc, on a accepté sa proposition. Et monsieur a
vécu jusqu'à trois ans plus tard. Il s'est retrouvé à l'hôpital dans les
faiblesses. Et le médecin qui nous accompagnait là-dedans, et moi, et ma mère,
et les autres enfants, nous sommes allés le voir et nous lui avons expliqué qu'il fallait
que maintenant il se prépare pour son autre vie. Et, depuis ce jour que nous
lui avons dit, en un mois, il nous avait quittés. Donc, il avait comme
un épanouissement de lui et une acceptation de sa situation.
Ce que je pense… Puis maintenant je fais la même
chose avec ma mère, et ça m'aide beaucoup, moi aussi. Présentement, bien, j'ai eu une autre intervention chirurgicale au
niveau du coeur. C'était une malformation de naissance que j'avais. Donc, on m'a réparé ma valve en
février dernier, et, depuis février, je n'ai pas eu vraiment de temps de
me remettre. Mais toutefois la vie est
tellement gratifiante et nous aide tellement à cheminer que j'ai compris que
l'euthanasie, ce n'est pas la solution. Je
pense qu'il faut aider nos gens dans le cheminement des soins palliatifs pour
qu'on puisse les aider à comprendre
leur cheminement personnel, et c'est ce que je fais avec maman. Et puis,
depuis… ça fait simplement deux mois, et je peux vous dire qu'elle est
heureuse maintenant. Elle accepte son cheminement. Mais c'est vrai que, pour nous, ce n'est pas facile. Mais, de la voir
heureuse et d'accepter cette situation sans savoir exactement combien…
mais nous, nous connaissons nos parents,
nous savons que c'est sûr que ça ne sera pas six mois, que ça va être plus vite
que ça. Parce que l'acceptation nous aide à notre épanouissement de la
conscience personnelle.
Et, voilà, c'est ce que j'avais à témoigner. Et
j'ai beaucoup d'émotion, mais voilà.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Merci de votre témoignage. C'est effectivement très émouvant. Puis, vous savez,
pendant l'année et demie qu'on a fait
des consultations, on en a eu, des témoignages bouleversants de fin de vie,
extraordinaires, qui ont été des
moments, je pense, de rapprochement très importants entre des personnes. Et je
crois profondément que ça peut arriver et que souvent ça arrive,
effectivement. Mais la grande question, c'est pour les gens qui sont dans de
tels états de souffrance et de douleur et,
je tiens à le dire, qui sont en fin de vie. C'est sûr que, quand vous aviez
29 ans puis que vous aviez un problème, vous étiez très souffrante,
visiblement vous n'étiez pas en fin de vie, parce que vous êtes encore avec
nous aujourd'hui heureusement.
Mme
Beaudin (Hélène) : Mais on
ne sait jamais, parce que, si j'avais été atteinte psychologiquement, il y
aurait peut-être eu une décadence. Mais en tout cas il n'y en a pas eu,
heureusement, et je n'en souhaitais pas non plus.
Mme
Hivon : Moi, j'ai
confiance dans les médecins, j'ai très confiance dans les médecins. Des fois, j'ai
le sentiment qu'il y a plusieurs médecins qui viennent nous voir qui n'ont pas
confiance dans les médecins. Ça, il va falloir m'expliquer ça. Mais…
M. Saba (Paul) : Mais il y a…
Mme
Hivon :
Si je peux juste finir, vous reviendrez. Mais donc je pense que les médecins
sont quand même là pour voir si la
personne est en fin de vie : maladie grave incurable, déclin, bon, tout
ça. Mais je vous suis complètement : il y a des histoires extraordinaires. Mais le fait est qu'il y a des
gens dont la fin de vie, puis on a eu aussi des témoignages à cet effet-là, est complètement gâchée. Et il y a
de leurs proches qui ont de la difficulté après à vivre leur deuil parce
que, dans les derniers jours de vie de leur
mère, de leur soeur, tout ce que la personne demandait — elle était aux soins palliatifs, elle était quand même bien entourée — c'était de mourir. Et ces personnes-là sont
venues nous dire : Moi, je n'ai pas pu aider ma mère à arrêter ses
souffrances en fin de vie.
Mme
Beaudin (Hélène) : Oui, mais
la médecine est là pour les soulager. Ma mère, présentement, les
médecins sont là, et ils vont la voir, et
ils lui demandent : Est-ce que vous souffrez? Si oui, ils lui donnent une
médication appropriée. Il y a deux
semaines, la médication était tellement forte qu'elle était dans la vallée de
la mort. Regarde, c'était ça. Mais là
je suis allée voir les médecins puis je leur ai dit : Attendez, wo,
doucement! Parce que, je veux dire, elle n'a pas fini de se préparer. Donc, ils ont arrêté tout. Ça a bien
été. Puis là, là, elle l'accepte. Là, elle me dit : J'en ai-tu pour
un mois? Bien, je lui dis : Je
ne le sais pas, maman, peut-être deux. Elle dit : Peut-être trois? Je lui
dis : Bien oui. Mais tout ça pour dire que la médication, elle doit être
suivie aussi, puis ça va les aider. Je ne sais pas si j'arrive à faire
comprendre le point de vue.
• (20 heures) •
M. Saba
(Paul) : Juste une chose que
Dr Mortier… Les expériences en Belgique.
Et on utilise Belgique parce que c'est
souvent soulevé comme un pays qui a déjà 10 ans d'expérience. C'est un pays assez
développé, c'est le siège
social pour l'European Union, c'est des gens qui sont éduqués, une bonne
économie, médicalement très sophistiqué. Mais, 10 ans après, on voit une
augmentation en flèche, de 235 euthanasies en 2003, maintenant c'est… l'année
dernière, 1 450, et maintenant la loi
est en train d'être élargie. Juste récemment, il y avait des patients qui
étaient euthanasiés à cause d'épuisement, fatigue de la vie, dépression.
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
M. Saba
(Paul) : Mais, dans la loi
actuelle… Ils ont commencé comme nous, avec toutes sortes… Parce qu'il y
a des gens, ils te disent : Je suis… je
souffre... psychologiquement incurables. Donc, ça devient un bar ouvert. Et on
ne peut pas oublier les expériences des autres pays, ils ont 10 ans
d'expérience. On ne doit jamais…
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
M. Saba (Paul) :
Merci.
Le Président (M. Bergman) :
Alors, maintenant, pour l'opposition officielle, votre premier bloc de temps,
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Merci, M. le
Président. Alors, messieurs dames, bonsoir. Merci d'être avec nous puis de
venir partager votre point de vue sur cet important projet de loi.
Ma première
question, je crois, je vais… J'aimerais permettre à Me Talarico de
poursuivre, parce que Me Talarico a
soulevé, d'emblée, qu'à son avis et selon l'avis de votre regroupement il y
avait des failles importantes à l'intérieur du projet de loi. On a entendu, depuis quelques jours, quelques... depuis
la semaine dernière, certaines recommandations, certaines
interprétations, et donc j'aimerais vous permettre de poursuivre votre analyse
et de la partager avec nous.
M. Talarico (Dominique) : Je vous
remercie. Je vais le faire très rapidement.
Le Président (M. Bergman) :
Me Talarico.
M. Talarico (Dominique) : Merci. Je
vais me concentrer simplement sur la question du consentement. La méthode de vérification du consentement libre et
éclairé consiste à obliger ou faire en sorte que le médecin qui explique
les thérapies possibles, etc., s'assure que
le consentement a été donné librement et de façon éclairée. S'il conclut que
oui, il fait valider ses observations, remet
le dossier à un médecin qui est indépendant et qui ne fait que valider le
dossier, et c'est ce même médecin là
qui doit, s'il conclut que le patient peut recevoir le traitement, administrer
le traitement. En partant, il y a un problème.
Deuxièmement, les balises pour expliquer ou pour
découvrir si le consentement est fait de façon libre et éclairée sont minimalistiques dans la loi. Le médecin est un spécialiste
de la médecine, il peut être spécialiste de choses qui ont trait à l'aspect psychologique. Il n'est pas
nécessairement un spécialiste des définitions puis des tenants et aboutissants
d'une définition. On va dire : «Libre et éclairé», c'est facile à
déterminer, mais, quand il s'agit d'un patient qui est, par exemple, dans une
situation de désespoir, ce n'est pas si clair que ça.
Alors, si l'objectif de la loi, c'est, comme
disait Mme Hivon, de permettre à ces cas exceptionnels — le
très peu de cas — de pouvoir se prévaloir d'un soulagement
définitif à un problème qui n'a pas d'autre issue qu'un soulagement définitif, je veux bien, mais mettons des balises
pour déterminer, pour que le consentement soit défini clairement et que
son processus de vérification soit fait d'une façon pas mal plus sérieuse qu'avec
le médecin qui doit administrer le traitement s'il estime que le patient se
qualifie pour le traitement en vertu de 26 et 28. C'est ce que j'avais à dire
sur la question du consentement.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Lorsque vous parlez de la mise en place d'un processus de vérification qui
serait sérieux, est-ce que vous avez une idée de ce qui pourrait
constituer un processus de vérification qui pourrait correspondre aux normes
que vous avez établies?
Le Président (M. Bergman) : M.
Talarico.
M. Talarico (Dominique) : J'ai une
idée, mais je pense — merci — que
ça n'existe pas.
Mme Vallée : Mais, la notion
de consentement libre et éclairé, on le rencontre dans différents… à
différentes étapes. On le voit à l'intérieur
du Code civil, on le voit, consentement
libre et éclairé, en matière
contractuelle, en matière de soins.
Et donc on arrive, dans certaines circonstances, à le définir puis à établir si
un individu a, dans une situation x, y… Je comprends qu'en matière
d'aide médicale à mourir, qu'en matière de soins palliatifs, ultimement, la
finalité est tout autre, hein, vous avez… c'est
clair. Mais par contre la notion de consentement libre et éclairé, elle
a quand même été définie, au fil des ans, par notre jurisprudence.
Donc, qu'est-ce
qui ferait que le consentement libre et éclairé serait différent dans le cas… J'essaie
de comprendre et de voir. Est-ce qu'on a différents types de
consentement libre et éclairé, selon ce que vous nous dites?
Le Président (M. Bergman) :
Me Talarico.
M.
Talarico (Dominique) : Il y
a différents types de consentement dans différentes situations juridiques,
puis il y a des consentements qui relèvent de la juridiction du gouvernement du
Québec puis d'autres qui relèvent du Parlement fédéral. Mais le consentement
libre et éclairé, vous savez, c'est une notion qu'on a tous discutée dans nos carrières, dans nos vies. Tout le monde sait ce que
c'est, un consentement libre, c'est libre de toute pression, de coercition, etc. «Éclairé», bien, on a été informé
adéquatement. Mais il n'y a pas de processus de vérification de l'enquête
que doit faire le médecin qui, s'il est satisfait de son enquête à l'effet que
le patient se qualifie, doit administrer le traitement lui-même. Il n'y a pas
de processus de vérification qui est prévu.
Le danger
ici, c'est qu'on arrive à un dérapage, une perte de contrôle de la situation.
Encore une fois, je répète que, si l'objectif,
c'est de faire en sorte que les cas absolument extrêmes seulement puissent
bénéficier de ce genre de traitement, c'est une chose, mais regardez ce qui se passe
dans d'autres pays du monde où l'euthanasie est pratiquée. Regardez le
cas de Jeanette Hall, de l'Oregon, qui
a demandé à mourir, clairement, de façon non équivoque, à son médecin à trois
reprises différentes, qui a refusé à chaque
fois, et qui, 13 ans plus tard, aujourd'hui, vit encore et remercie son
médecin d'avoir refusé de le faire.
Parce que la personne peut facilement, en plus de tout le reste, manipuler son
médecin pour lui faire croire, parce qu'elle est en désespoir… On ne le
sait pas, il y a trop d'aléas.
Et c'est un
consentement libre et éclairé qui doit être une qualité énormément supérieure
au consentement libre que vous manifestez quand vous louez un véhicule
ou prenez un vol d'avion.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Mais nous avons
eu, cet après-midi, la Chambre des notaires qui suggérait un encadrement par eux, à titre d'officier de justice, et puis…
puisque les notaires, lorsqu'ils sont appelés à intervenir dans différents
actes, qu'il s'agisse d'un testament, d'un
mandat, d'une vente, ils doivent constater la nature même du consentement,
est-ce qu'il s'agit d'un consentement libre
et éclairé. Donc, une des propositions qui est faite par la Chambre des
notaires, c'est d'être finalement l'officier de justice qui pourra venir
constater le consentement libre et éclairé de l'individu, du patient. Est-ce
que ce type de processus là pourrait être acceptable?
• (20 h 10) •
Le Président (M. Bergman) :
Me Talarico.
M.
Talarico (Dominique) :
Merci. La réponse, c'est qu'on ne saura pas si ce sera acceptable tant qu'on ne
l'aura pas essayé. Moi, je vous dis
ceci : Le projet de loi tel quel ne définit pas de façon claire et
éclairée la notion du consentement libre
et éclairé. Ce n'est pas clair. Il devrait, à tout le moins, le définir d'une
façon claire pour qu'il n'y ait pas de norme imprécise ou de
subjectivité possible. Pour y arriver, il va falloir que la loi soit plus
transparente qu'elle ne l'est à l'heure actuelle, et on mettra tous les
mécanismes de vérification, que ce soit par un notaire ou un autre officier de justice. Je vous dis qu'il y a un danger énorme,
quand la personne qui donne son consentement est une personne qui peut
être en proie au désespoir, à la souffrance, à toutes sortes de choses. Je ne
vois pas comment on s'en sort, pour vous répondre franchement.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Saba.
M. Saba (Paul) : Oui. Souvent, on
travaille... Parce que, comme Me Hivon a dit, souvent on demande le consentement pour un traitement... un consentement de commencer à arrêter un traitement. On sait toujours,
il y a un peu de lousse, on a un peu
une marge de manoeuvre. Le patient décide d'arrêter aujourd'hui, il peut recommencer une
semaine, deux semaines. Mais, dès qu'on décide de l'euthanasie, c'est final, on
n'a pas une deuxième chance.
On n'a pas la peine de mort. Pourquoi? Parce qu'on
ne veut jamais, jamais prendre la vie d'un innocent. Et il y a des patients qui seront innocents, qui sont
troublés, qui sont en désespoir, qui n'ont pas reçu les traitements
adéquats. Le système a des failles. Il faut
admettre ça, que des soins palliatifs... malgré les investissements, il nous
manque beaucoup pour les soins palliatifs. Des patients qui attendent
deux, trois ans pour une colonoscopie puis atteints d'un cancer terminal
intestinal métastatique... Parce que, dans notre hôpital, par exemple, on n'est
pas capables de… et beaucoup à travers la province, on ne peut pas avoir des
dépistages de cancer quand les gens attendent pour voir un médecin de famille.
Il y a beaucoup des failles qui mettent en sorte qu'un système, que nous
voulons tous améliorer…
On veut tous
avoir le meilleur système de santé du monde. On n'a pas besoin d'un meilleur
système d'euthanasie. Je préfère qu'on
mette nos énergies pour améliorer des soins, soins de base, soins palliatifs,
et ne pas dépenser l'argent et nos
efforts pour avoir le meilleur système d'euthanasie mondialement. On sait déjà
des expériences ailleurs que ça ne marche pas, ça ne fonctionne pas. Et
les risques sont vrais et sont réels, il ne faut pas passer par là.
Le
consentement libre et éclairé pour un patient pour dire : On va mettre fin
à vos jours, ça n'existe pas, ça ne va jamais exister. Il y a trop de
risques. Il ne faut pas aller là.
Le Président (M. Bergman) :
Ceci met fin au premier bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le gouvernement,
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui.
Alors, merci. On sent toute votre passion et on sent que ça vient vous chercher
très profondément, puis je respecte ça. Je veux que vous sachiez que je suis
bien consciente que tout le monde n'a pas la même vision par
rapport à ce qui est proposé dans le projet de loi. Tout le monde n'a pas non plus les mêmes
valeurs par rapport à ce qui est discuté dans le projet de loi. Mais je pense que l'idée là-dedans,
c'est d'essayer d'arriver à un projet de loi qui est équilibré et qui essaie de donner le plus de réponses
possible, les meilleures réponses possible pour les personnes aussi qui
souffrent en fin de vie.
Moi, je
trouverais ça extraordinaire qu'il n'y ait personne qui n'ait ni douleur ni souffrance en fin de vie,
mais je pense que ce serait un peu une utopie, parce que je pense que toute
science a des limites. Et puis c'est sûr qu'on peut avoir peur, mais moi, je
pense que la peur, ce n'est jamais un bon guide. Je pense que la prudence, c'est
le bon guide, et c'est ça qui m'a guidée dans l'élaboration du projet de loi.
Puis je dois vous dire que, ce matin, la Protectrice
du citoyen est venue. Puis, quand on présente un projet de loi — c'est
la première fois, mais j'ai été souvent dans l'opposition — la Protectrice du citoyen, quand elle vient,
on est toujours un peu… on se
dit : Qu'est-ce qu'elle va dire? Elle a une grande autorité, elle a toute
une équipe : des juristes, des gens de tous les secteurs. Puis elle est venue
dire précisément qu'elle, elle l'avait regardé sous l'angle de trois
choses : le droit à la vie, le respect
de l'autonomie de la personne et la protection des personnes vulnérables. Et
elle estimait qu'on était arrivés à l'équilibre.
Elle estimait aussi que toutes les dispositions du projet de loi démontraient
un souci pour la protection des
personnes vulnérables, et ce, après avoir regardé en plus ce qui se faisait
dans les autres pays comme Belgique, Pays-Bas.
Moi, ce que
je veux vous dire, c'est que, pour ce qui est des expériences étrangères...
Vous savez, ça fait bientôt quatre
ans que je suis dans ce sujet-là, donc j'ai lu les études, la commission s'est
déplacée en Belgique, aux Pays-Bas, en France aussi, parce qu'il y a une
réflexion là-bas, et, bien sincèrement, je pense que moi, j'ai été très
rassurée. Très rassurée surtout parce que je
me dis que, dans une société démocratique, s'il y avait de telles dérives, de
tels dérapages… C'est quand même la
Belgique, les Pays-Bas, comment ça se fait que les gens qui étaient opposés à
ça… Il y avait des gens comme vous,
là, qui étaient contre en Belgique. Même
sur les commissions de contrôle, il y a un équilibre
entre les gens qui étaient contre et les gens qui étaient pour. Comment
ça se fait qu'il n'y ait pas un tel débat pour revenir en arrière? Comment ça se fait que ça ne fait pas la une des
journaux? Et d'ailleurs, des fois, ça le fait, puis je pense, avec
raison… quand on pense au cas des jumeaux, parce que ça ne rentrait pas. Donc, je me dis : Comment ça se fait que ces
sociétés-là démocratiques, avancées, ne
reviennent pas en arrière malgré l'opposition qu'ils ont pu connaître là-bas? Et même
les sondages montrent une approbation des mesures qui va en augmentant. Donc,
ça, pour moi, c'est un peu une énigme.
Puis, en
terminant — je
vais vous entendre — notre
projet de loi, là, il n'est pas comme ce qui se fait aux
Pays-Bas et en Belgique, en plus. Parce qu'ici il y a une balise fondamentale,
en plus de toutes les balises, c'est la fin de la vie. Aux Pays-Bas, vous n'avez pas ça. Une personne qui a une condition, je
dirais, à la suite d'un accident peut requérir. En Belgique, il y a deux chemins. Il y a si vous
êtes en fin de vie, ce qui se compte là-bas... c'est-à-dire si c'est prévu à
brève échéance, le décès, ou pas à brève
échéance. Donc, ce n'est pas le même cadre. Ça fait que ça, je pense que… La
balise de la fin de vie, je pense qu'elle est fondamentale aussi.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Saba.
M. Saba
(Paul) : Oui. Moi, je ne
suis pas rassuré par les études qu'on voit en Belgique et aux Pays-Bas. Il y
a des groupes, si vous regardez sur les sites Web, férocement opposés à l'euthanasie
dans ces pays. Je pense qu'il faut vraiment
regarder ce qui s'est passé. Ils ont commencé avec des contraintes assez
sévères et, avec les années, ils ont élargi. Même aux Pays-Bas, avec le
Protocole Groningen, des nouveau-nés ont pu être euthanasiés.
Je pense que
nous, comme société, nous devons mettre la valeur sur la valeur intrinsèque de
chaque humain. Nous sommes capables de soulager la souffrance, nous
sommes capables même avec la sédation palliative. Vous avez déjà parlé avec des experts en soins palliatifs, on ne
doit jamais mettre la chance en erreur. Et c'est clair, dans les études,
les pourcentages des erreurs des gens qui sont euthanasiés à mort qui ne
devaient pas être euthanasiés, selon nos critères que nous avons mis en place, ils vont être euthanasiés. Ça peut être un
de nos parents, un prochain, quelqu'un qu'on connaît. C'est pourquoi on
regarde les expériences en Belgique. On regarde en Belgique parce qu'ils ont 10
ans d'expérience. Et je pense que c'est ça.
Et moi, j'aimerais
parler sur les effets. On n'a pas eu la chance de... Mme D'Amico, si elle peut
parler de l'effet de la loi sur les gens victimes... des handicapés.
Le Président (M. Bergman) :
Mme D'Amico.
• (20 h 20) •
Mme D'Amico (Lisa) : Bien, d'abord,
merci de nous recevoir. Moi, je m'appelle Lisa D'Amico. Je suis handicapée de naissance suite à de l'acharnement
thérapeutique. J'ai survécu à une unité néonatalogique. Et aujourd'hui
je fais du bénévolat au Fonds d'aide aux victimes d'erreurs médicales.
Et nous,
quand on regarde ça, on se pose la question à savoir que… déjà, les gens qui m'appellent
au bureau disent : Je suis la
mandataire de mon mari, je suis la mandataire de mon fils ou de ma fille, et le
médecin veut que je réduise le niveau
de soins du niveau optimal de soins à zéro, c'est-à-dire soins de confort. Et
on n'est pas d'accord, et le patient n'est pas d'accord non plus, mais on nous harcèle pour diminuer le niveau de
soins; et on n'est pas rendus là, nous, on pense que la vie vaut encore la peine et on veut encore
vivre. Et comment on se défend contre ces médecins-là qui jouent à Dieu
et qui veulent précipiter le décès?
Et
actuellement le seul recours contre ces gens-là, c'est les tribunaux. Et le
plus souvent ce que j'observe, ce sont des
établissements, des CSSS qui vont introduire un recours judiciaire contre mes
clients pour dire au juge et au tribunal : Bien, écoutez, nous, on sait ce qui est bon pour le patient, on voudrait
une ordonnance de soins forcés. Et là il se trouve que la mandataire n'a
plus rien à dire ou le mandataire n'a plus rien à dire, et c'est le médecin qui
décide des soins de fin de vie, alors que la famille n'est pas rendue là.
Mais, étant donné que le juge s'est fait dire
par un médecin omnipotent, omniscient : Voici que moi, je sais ce qui est
bon pour mon patient, nonobstant ce que dit la famille et le mandataire… Et
tout ça, ça se décide très, très vite. Et ça se décide souvent en pratique,
pour ceux qui sont avocats, donc ça ne se décide pas au fonds. Donc, les
ordonnances sont accordées la plupart du temps. Et ça, c'est... Si tu es
chanceux, tu vas avoir un avocat, sinon, tu n'es pas représenté, c'est encore
pire. Donc, moi, ce que je vous dis, c'est que l'euthanasie passive, même si on
ne la nomme pas, ça existe déjà. Ça existe. Ça, c'est la première chose.
Je vais
respirer. C'est un peu stressant ici, parce
que je me sens concernée
personnellement puis en même
temps j'ai tellement de gens qui comptent sur nous puis qui comptent
sur la vie. Parce que, contrairement à ce que vous pensez, moi,
je souffre énormément, j'ai beaucoup
de douleur. Par contre, je ne suis pas prête à mourir. Mais ici tout ce
qu'on m'offre, c'est des pilules, des
pilules et encore des pilules. Le Québec n'offre pas, contrairement à l'Europe, de méthode
alternative de
contrôle de la douleur. Donc, à moins de vouloir collaborer avec ton médecin et
de vouloir prendre beaucoup,
beaucoup, beaucoup de pilules, de médication, bien, il n'y a rien pour soulager
la douleur.
Mais moi, j'ai
juste 47 ans. Donc, dans quelques années, qu'est-ce
que je vais choisir : l'euthanasie ou la vie? Est-ce que je vais avoir un vrai choix? Et quand je dis
«moi», vous comprendrez que j'ai beaucoup de pairs, p-a-i-r-s, là. Je dis «je» parce
que c'est plus facile quand je témoigne, mais c'est vrai pour tous mes clients.
On n'a pas de choix, il n'y a...
Et, quand vous dites «l'autonomie», bien, c'est...
Il faudrait que, d'abord, le Québec se pose la question : Qu'est-ce qu'on donne aux personnes vulnérables
comme qualité de vie? Parce que, quand on se bat 10, 15 ans contre
un gros système, puis que, quelque part, on
est apte et doué de raison au sens juridique, mais que, chaque fois qu'on
veut pallier à notre handicap, c'est une
tierce partie qui décide, par exemple une ergothérapeute, une physiothérapeute
pour des aides techniques, bien là, on se dit… Pourtant, c'est en vente libre.
Mais, quand l'État paie, l'État décide, donc... Mes clients puis moi, on est
majeurs, vaccinés, mais on ne décide rien, là. On n'a pas le choix, on suit ce
que le système veut bien nous donner, quand il veut bien nous le donner.
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
Mme D'Amico
(Lisa) : Donc, moi, je vous
dis que, compte tenu des services qui sont offerts, compte tenu de la qualité de vie qu'on a et de l'extrême pauvreté souvent
dans laquelle on vit, si jamais le médecin nous suggère ou nous impose l'euthanasie, on n'a aucun moyen juridique
de se défendre, parce qu'on ne peut pas se payer un avocat, ce n'est pas
couvert par l'aide juridique. Donc, si on veut un jour m'euthanasier, moi, je n'ai
aucune voie de recours, aucune voie de droit, je n'ai pas de voie tout court,
là.
Donc, moi, ce
que je vous dis, c'est que mes clients se disent : On ne peut même pas
quitter le Québec parce qu'on est des
fardeaux excessifs aux termes de l'immigration. On ne peut pas dire : Ah,
je ne partage pas les valeurs sociales et sociétales de mon Québec, donc
je vais immigrer en France. La France, elle ne veut pas de nous parce qu'on est
des fardeaux excessifs. Donc, notre pays, notre province, c'est notre prison,
et notre prison nous offre l'euthanasie.
Moi, je vous
dis : Donnez-nous une qualité de vie, donnez-nous des vrais choix. Puis on
ne veut pas mourir, on veut juste arrêter de souffrir puis arrêter d'être
des personnes inaptes au sens social. On veut prendre nos propres décisions, on veut faire nos propres choix. Et l'euthanasie,
ce n'est pas un choix, c'est quelque chose qui est imposé par une
société bureaucratique, parce que la santé, ça coûte trop cher.
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
Mme D'Amico (Lisa) : N'investissez
pas dans le béton, investissez dans les humains. Merci.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau... M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'abord, je veux vous
remercier pour vos témoignages, je pense que c'est très important qu'on les entende. Et puis, je l'ai dit il y a
quelques minutes, cet après-midi, c'est important qu'on entende tous les
points de vue, c'est important que vous veniez nous dire, là, comment vous
sentez ça, c'est quoi, vos expériences personnelles; puis les expériences
personnelles varient d'une personne à l'autre et d'un groupe à l'autre.
Le premier élément que je voudrais dire, c'est
par rapport aux soins palliatifs. J'écoute tout ce que vous me dites. Moi, j'ai été ministre de la Santé, je suis
médecin, j'ai pratiqué... maintenant
plus de 30 ans. Il y a des soins palliatifs au Québec. Il en reste encore à développer, on le reconnaît, mais il y
en a beaucoup qui reçoivent des excellents soins palliatifs. On ne peut pas nier ça. Parce que je pense que… Moi, j'en ai
suivi, des patients, puis je suis allé en visiter, des endroits, puis un plan de développement au Québec…
Moi, je suis tout à fait d'accord avec la ministre, là : ici, au
Québec, on a fait des gros avancements au cours des 10 dernières années.
La difficulté
dans ce dossier-là, l'idée que vous défendez… On se sert d'arguments, mais au
moins il faut partir au moins avec la même base : tout le monde
veut des meilleurs soins palliatifs. Et on veut améliorer ça. Et le fait de discuter de ce projet de loi… qu'on y aille ou
pas, projet de loi, on va développer des bons soins palliatifs au Québec.
Puis j'ai visité, puis vous avez visité, Dr Saba, je suis certain, des
maisons de soins palliatifs de très haut niveau. Ici, on a Michel Sarrazin,
mais je pourrais vous en nommer des dizaines au Québec.
M. Saba (Paul) : Et notre hôpital
aussi. Et ces familles étaient soignées à l'Hôpital Saint-Joseph de...
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : L'autre
élément, c'est qu'on a des très bons soins palliatifs également
à domicile, mais il faut les développer encore plus par le domicile.
Puis, dans nos établissements de santé, on a des excellents soins palliatifs. Puis, pour tous les avoir visités, là,
c'est la philosophie des soins palliatifs qui est importante,
qui doit être la même partout. Ça, il faut qu'on se dise ça.
M. Saba (Paul) : Oui. On est d'accord
avec ça.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
O.K. Bon. On a au moins un point d'accord.
Deuxièmement,
sans prendre position, on est quand
même dans une société
pluraliste. Puis, des beaux témoignages comme vous venez de faire, on en
a qui viennent nous en faire mais pour le contraire, c'est-à-dire qu'ils
veulent avoir le choix. Et c'est là qu'on a
des valeurs, chacun d'entre nous. Et je comprends que les gens ont peur à des
dérives, mais je peux
vous dire, comme opposition — puis
la ministre, elle va probablement
jouer dans notre équipe sur cette patinoire-là : On veut un projet de loi qui veut éviter les
dérives, on veut le faire avec prudence puis on veut protéger nos
vulnérables.
Et, quand
vous disiez, tantôt : On va m'imposer… on ne veut plus ça, comme on ne
veut plus d'ailleurs qu'un médecin fasse de l'acharnement thérapeutique
contre la volonté de la personne, ça, on est tous d'accord avec ça, hein? Un des éléments, là, qui disait… Pourquoi il
y en a qui veulent les soins palliatifs? Parce qu'ils ne veulent pas
avoir l'acharnement thérapeutique. Il faut dire aux Québécois : Si vous ne
voulez pas recevoir le traitement, vous voulez un arrêt de traitement, ou on est rendu à un stade que, vous dites,
votre choix, c'est de ne pas avoir de traitement, nous sommes tous d'accord
avec ça.
Où on va avoir
de la divergence, et ça va être notre rôle de législateurs de faire cet
arbitrage-là, c'est de savoir : Est-ce que le projet de loi va
passer? Et pas juste s'il va passer, quand il va passer, est-ce qu'on est
capables de se donner les balises pour corriger les failles que vous dites?
En passant, le consentement libre et éclairé, si
on est trop exigeants, là, on ne peut plus rien faire dans la société. Il y a une prudence aussi à avoir de ce
côté-là, mais on peut peut-être resserrer. Et c'est ça, l'objectif, je
pense, du projet de loi, ça va être de finir
avec une discussion, et c'est important que vous veniez nous dire c'est quoi,
vos objections, c'est quoi, vos questionnements, c'est quoi, les
failles.
Moi, j'ai été
déçu, là. Puis j'ai trouvé qu'il y a des gens qui ont fait des belles
présentations, mais, quand un groupe vient nous dire que c'est parfait
puis on doit le passer comme ça, là je me lève, je me dis : Il y a un
problème à quelque part. Quand un groupe me
dit, par contre : On ne devrait jamais faire ça, on a assez de cas dans
notre société pour dire qu'il y a
peut-être 300 personnes qui vont en bénéficier, mais, de se donner des
barrières trop restrictives et d'empêcher ces 300 personnes là d'avoir
les soins nécessaires, je ne suis pas sûr que, comme médecin, je trouve ça
humain.
Puis vous avez fait des beaux témoignages. Ce
dossier-là est d'abord un dossier humain. Ce n'est pas un dossier de béton. En passant, ce n'est même pas un
dossier d'argent, là; les meilleurs soins palliatifs vont nous aider à
faire des économies. Mais, quand on prend ces décisions-là, ce n'est jamais des
questions d'argent, c'est des questions : C'est quoi qui est bon pour la
personne?
La question
que moi, je vais vous poser : Si on se donne assez de balises, on fait de
la surveillance… Puis je ne vous dis pas d'être pour, hein? Je pense
que... En passant, on a accepté un principe. Moi, je ne m'attends pas que ce projet-là va passer à l'unanimité. Puis je tiens à
le dire aux députés : Si ça passe à l'unanimité, là, vous allez me
décevoir. Parce que, s'il y a des gens, dans
leur conscience, ils pensent qu'ils doivent voter contre ça pour… quelle que
soit leur raison, il faut qu'ils
votent contre ça. C'est leur choix à eux autres, puis ça, il faut le respecter,
ça. Mais, advenant le cas qu'on réussissait à trouver quelque chose puis
à concocter quelque chose qui pourrait être assez protecteur, avec des possibilités de révision — et la possibilité de révision, ce n'est pas
nécessairement d'élargir, on pourrait restreindre aussi, par la
suite — je
pense que le fait d'offrir le choix à certaines personnes dans certaines
occasions, je pense que ça pourrait être un bon choix de société.
Et je
comprends qu'on parle des Pays-Bas ou de la Belgique, mais on a vu leurs
expériences, il y a des bons coups, il
y a des mauvais coups. Ce qu'on veut, au Québec, par la prudence, c'est être
capable de restreindre assez ou d'ouvrir assez pour faire le bon choix,
puis se réajuster par la suite. Parce qu'à la limite vous pourriez accepter que,
si l'Assemblée nationale passe le projet de
loi, on puisse collaborer par la suite pour avoir un genre de bonification au
cours des années, d'un côté ou de l'autre.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Saba.
• (20 h 30) •
M. Saba (Paul) : Dr Bolduc, j'ai beaucoup
de respect pour vous comme médecin et aussi le travail que vous avez fait dans le passé pour améliorer notre société
médicale, mais le choix de l'euthanasie, c'est le pire choix qu'on peut choisir
comme société. Si des gens qui sont des grands souffrants… Si on a une
catégorie de gens qui ont besoin de plus d'aide, il faut leur donner l'aide. C'est
de trouver des équipes qui sont capables. Il y a beaucoup de… Les soins
palliatifs ont beaucoup avancé. Il ne faut jamais donner la chance à des
erreurs dans la médecine. On sait ça que, s'il y a des chances à des erreurs, on essaie de les éviter. Avec toute la
recherche mondiale, internationale, il y a des dérives. Ils vont avoir des dérives, ils vont avoir des
dérapages. On ne peut pas mettre un système de contrôle. C'est comme
dans la peine de mort. C'est pourquoi on a dit non à la peine de mort, parce qu'on
ne peut pas être 100 %... qu'un innocent sa vie n'était pas enlevée.
Et la
médecine, on est là pour soigner, jamais, jamais pour euthanasier, dans n'importe
quelle instance, et on ne devrait
jamais passer… Vous me parlez… Si, à l'Assemblée nationale, ils décident de
passer ça, ils vont avoir des batailles juridiques, je vous assure.
Parce qu'une chose qui est non éthique, selon le plan médical — et on
est appuyés par l'Association médicale mondiale — et qui n'est pas
éthique et même immorale… Immorale, je dis, parce que de prendre la vie intentionnellement d'une personne,
sans donner tous les soins nécessaires pour éviter sa souffrance, ça
devient immoral. Et ça, je parle de la vie, d'une valeur intrinsèque de chaque
humain, qui est universelle, qui est humaniste. Et nous devons, comme société,
mettre toujours tout sur le côté de la vie et, quand les gens souffrent, de
faire tout pour les soulager.
Et je sais que vous étiez beaucoup impliqué dans
les soins palliatifs et je suis d'accord avec la ministre pour les soins palliatifs. Mais l'autre partie, ce n'est
pas acceptable dans notre société, une société juste et sociale, une
société que moi, je suis né; mon père était né ici, et on a bénéficié beaucoup
de cette société. Et je ne veux jamais, à un autrui qui va être maltraité… Et,
pour moi, le pire maltraitant, c'est l'euthanasie.
Le Président (M. Bergman) :
Le deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault : Merci, M. le Président. Merci de votre présence
avec nous aujourd'hui. J'aimerais m'adresser à Mme D'Amico. Votre intervention était très touchante tout à l'heure, puis
je vous ai entendue dire à un certain moment : Je voudrais aller en
France, mais je ne peux pas y aller. J'aimerais vous entendre : Pourquoi
vous choisiriez la France, puis qu'est-ce qu'on n'offre pas au Québec que la
France offre?
Mme D'Amico
(Lisa) : Le Québec, par
définition, c'est une province très paternaliste, très… comment... Je
vais vous donner un exemple concret. Quand
on veut pallier un handicap avec des aides techniques… Qu'est-ce que c'est,
des aides techniques? C'est une marchette, un
fauteuil roulant, des béquilles. Quand on veut pallier un handicap avec ce
type d'aide, on doit en référer toujours à
une tierce personne : un ergothérapeute, un neurologue, un physiatre. Tous
ces gens-là doivent donner leur
accord pour que la RAMQ assume la facture. C'est ce que je disais tantôt :
Quand l'État t'aide, l'État décide.
Et l'État a décidé qu'une tierce personne, un professionnel, était toujours
mieux placée que moi, qui est par ailleurs apte et douée de raison… C'est toujours une tierce personne qui décide à
ma place de ce qui va convenir à mon autonomie. Ce qui fait que cette marchette-là, qui est en vente libre chez Jean
Coutu, pour ne pas le nommer, pour donner un exemple, elle coûte 150 $, mais, quand la RAMQ paie,
il y a tellement de personnes qui interviennent que cette marchette-là
coûte 1 500 $, même un peu plus.
Donc, si on considère que je suis handicapée depuis la naissance et que mon
handicap n'est pas contesté, je trouve que c'est beaucoup de
bureaucratie. Ça alourdit la facture sociale qu'on paie tous avec nos impôts.
Et moi, j'ai
beau ne pas être d'accord avec ce paternalisme-là, parce que mon handicap, en
ce moment, il appartient à l'État, comme celui de tous mes pairs,
p-a-i-r-s... Bon, nous, si on n'est pas d'accord avec ça, on ne peut pas
dire : Bon, je ne partage pas les
visions sociales de l'État ou la politique de l'État, qui est très
paternaliste, qui nous met sous une curatelle déguisée, finalement,
parce qu'on n'est pas en mesure de faire des choix personnels quand il s'agit
de notre vie, parce que l'État paie, l'État décide. Bon, moi, je ne peux pas
dire : Je vais aller en France ou je vais aller aux États-Unis, parce qu'ils offrent des meilleurs
services et plus de liberté de choix, parce que, malheureusement, à peu
près tous les pays démocratiques de la planète ont une politique d'immigration
de fardeau excessif.
Donc, les gens comme moi n'ont pas le droit d'immigrer
à l'étranger sous prétexte que notre handicap, notre maladie coûte plus cher que la vie d'un citoyen français ou américain
standard, pas malade, pas handicapé. Mais moi, je n'ai pas choisi d'être
handicapée, je suis victime de l'acharnement thérapeutique. Je n'ai pas
délibérément attenté à ma vie pour créer un
handicap que maintenant toute la société assume. Puis, même si j'avais
fait ça, est-ce que ce ne serait pas le résultat d'une
détresse qui n'aurait pas été soignée au préalable? Je ne le sais pas.
Mais ce qui
est sûr, c'est que, si demain vous votez cette loi-là et que… moi, je redoute d'aller
voir le Dr Saba, parce que ma première réflexion, ça va être : Combien
cet homme-là a tué de personnes? Et est-ce
que cet homme-là va croire que
moi, je mérite les meilleurs soins ou est-ce qu'il va faire comme beaucoup de
médecins de mes clients, qui vont
décider : Ah, bien, Mme D'Amico, elle parle trop, Mme D'Amico n'a pas une
qualité de vie, Mme D'Amico, trop ci, trop ça, trop cher, on va diminuer
la qualité des soins, le niveau de soins, puis, dans six mois, dans six
semaines ou dans six jours, elle va être morte?
Moi, je n'ai pas envie d'entrer dans le bureau d'un
médecin en me posant la question : Ce médecin-là a tué combien de monde? Ce médecin-là, je ne veux pas
lui demander : Est-ce que tu crois que je mérite de vivre, moi? Déjà
qu'il faut que je me batte avec mon médecin
pour lui faire comprendre qu'il existe des méthodes alternatives pour
contrôler la douleur. Ce n'est pas nécessaire de prendre autant de pilules.
Mais, au Québec, on finance juste les pilules. Ça fait qu'on fait vivre les
pharmaceutiques. Mais nous, on n'a pas le choix, c'est juste les pilules.
Donc, je ne
peux pas partir d'ici. Ce n'est pas un choix que je fais de rester ici. Mon
pays, ma province, c'est ma prison, parce que la loi étrangère… Puis
nous-mêmes, on a une loi de l'immigration qui interdit l'immigration des personnes
handicapées, sauf pour certains statuts.
Le
Président (M. Bergman) : Merci. Alors donc, Dr Saba, Me Talarico, Mme D'Amico, Mme Beaudin,
merci pour votre présentation, merci d'être ici ce soir, avec nous, et partager
votre expertise avec nous.
J'invite
les gens du Rassemblement québécois
contre l'euthanasie de prendre la place à la table, et je suspends pour
quelques instants seulement.
(Suspension de la séance à 20 h 38)
(Reprise à 20 h 44)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, Dr Morin, Dr Bergeron et Me Arsenault,
bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un
échange avec les membres de la commission. S'il vous plaît, donnez-nous vos
noms, vos titres. Et le micro, c'est à vous pour les prochaines
15 minutes.
Rassemblement québécois
contre l'euthanasie (RQCE)
M. Morin (Claude) : Alors, bonjour,
Mmes et MM. les membres de la commission. Alors, mon nom est le Dr Claude Morin, et je suis médecin urgentologue.
Je suis le président du Rassemblement québécois contre l'euthanasie. À ma droite, aussi du
rassemblement, avec moi, le Dr Marc Bergeron, qui est hémato-oncologue à l'Hôpital
de L'Enfant-Jésus; à ma gauche, ici, Me
Daniel Arsenault et M. Clément Vermette, qui agissent à titre de conseillers
pour le Rassemblement québécois contre l'euthanasie.
Tout d'abord, avant de débuter, je voudrais simplement dire que… je ne les ai pas
ici, mais le Rassemblement québécois contre l'euthanasie a commandé 125
de ces exemplaires… de ce livre qui s'appelle Plaidoyer pour une mort digne, et qui sera remis à tous les députés. S'il y a un livre à lire pour
remettre des concepts et des idées en place et pour résumer les principaux arguments contre l'euthanasie, c'est
celui-là. Alors, il se lit en une heure, et nous avons pensé que c'était
un excellent investissement pour la cause que nous défendons.
Et par ailleurs j'aimerais déposer ici une pétition, que nous avions recueillie avec l'aide
de différentes personnes, qui regroupe les noms de 670 personnes
qui se prononcent contre l'euthanasie.
Alors, immédiatement, je remets la parole au Dr Bergeron, qui va nous lire un peu la position
du Rassemblement québécois contre l'euthanasie. Mais avant j'aimerais
vous dire que notre présentation est un peu en deux parties, une présentation où on parle de l'argumentaire
principal et, deuxièmement, une présentation un peu plus clinique, que je
vais animer moi-même, et que j'aimerais certainement un peu interactive, et qui
découle, évidemment, de ma formation et de notre formation médicale. Alors, Dr
Bergeron.
M. Bergeron (Marc) : Alors, le Rassemblement
québécois contre l'euthanasie, RQCE, s'oppose fermement à l'introduction de l'aide
médicale à mourir et la sédation palliative terminale — avec
intention d'abréger la vie des malades — dans le système de santé du Québec,
ce qui répond à la définition de l'euthanasie et qui consiste à donner volontairement
la mort à un malade par une injection létale. Pour des raisons de clarté et
pour éviter tout malentendu, le terme
«euthanasie» sera utilisé dans ce texte pour désigner l'aide médicale à mourir
et la sédation palliative terminale avec intention d'abréger la vie.
L'euthanasie
n'est pas un soin et ne sera jamais un soin. Selon l'interprétation du ministre de la Justice lui-même, de l'article 11 du Code
civil du Québec, un soin est «toutes espèces d'examens, de prélèvements, de
traitements [ou] d'interventions, de nature médicale, psychologique ou sociale,
requis ou non […] par l'état de santé, physique ou mental» du patient. De plus, au sens du Code civil, un soin est l'action
de soulager, d'entretenir et de sauvegarder la vie, et non d'y mettre soin… pardon, non d'y mettre fin
de façon brutale, d'une manière volontaire, par une injection létale.
Le projet de loi n° 52 vise à dépénaliser l'euthanasie au Québec,
est illégitime et antidémocratique. Illégitime, car il fait fi des
recommandations majoritaires des experts et des groupes sociaux variés, venant
de toutes les régions du Québec, et qui se sont majoritairement prononcés contre l'ouverture
à l'euthanasie lors de la commission
parlementaire mourir dans la dignité, qui a remis son rapport en mars 2012.
De plus, il s'appuie sur des sondages d'opinion dans la population générale, laquelle
est très mal informée des enjeux aussi complexes. Des états généraux auraient
dû mis en place pour informer à fond
les Québécois, et, même, un référendum national aurait dû
être enclenché, vu l'importance du sujet. Antidémocratique, car il
contourne outrageusement le Code criminel canadien, qui relève du gouvernement
du Canada et qui interdit formellement l'homicide, l'euthanasie et le suicide
assisté. Le Québec donne le mauvais exemple à sa population
en matière de respect des lois avec l'introduction du projet de loi n° 52
et, de ce fait, il n'incite pas ses citoyens à respecter ses propres lois.
Le projet de
loi n° 52 est inutile. Nous sommes capables, au Québec,
avec de bonnes équipes de soins palliatifs et avec la science moderne
contemporaine, avec un bon esprit de solidarité — un thème qui est très
cher à la première ministre, Mme Pauline
Marois — de
prendre soin et de traiter toute douleur physique, ou psychologique, ou de
toute autre nature. Les soins palliatifs généralisés à la grandeur du
Québec, donnés par des personnes compétentes, gratuits et rapidement
disponibles rendent caduc le besoin de donner intentionnellement la mort à nos
concitoyens.
L'euthanasie n'est pas la réponse à l'acharnement
thérapeutique, qui d'ailleurs est fort bien encadré au plan réglementaire. L'acharnement thérapeutique résulte
principalement des demandes des patients et de leurs familles, non pas seulement des médecins qui veulent conserver la
vie à tout prix, en dépit du fait qu'il n'y ait plus d'espoir de
guérison.
• (20 h 50) •
L'ouverture à l'euthanasie est extrêmement
dangereuse pour la santé et la sécurité de tous les citoyens du Québec, surtout les plus vulnérables, comme les
personnes âgées, isolées, ou ayant des troubles cognitifs, ou, encore,
des malades atteints de troubles
psychiatriques. Elles ne pourront plus compter sur la protection universelle et
inconditionnelle que leur confère le Code
criminel canadien, qui seul est garant de la sécurité de tous les citoyens. Le
cadre réglementaire fixant les conditions d'éligibilité à l'euthanasie s'élargira
au fil des années, comme cela se passe en Belgique et en Hollande, et de nouvelles indications vont
apparaître. À preuve, des groupes ont déjà recommandé à cette commission
d'inclure des malades atteints de démence. De plus, il est dangereux d'accorder
le pouvoir aux médecins de donner la mort, selon l'avis du Comité consultatif
national d'éthique, CCNE, au président de la République française en
juillet 2013. Les médecins seront protégés par ce projet de loi mais pas
les malades.
La personne humaine
est dignede par sa propre nature, ce qui la distingue de l'animal. Ce n'est
pas parce qu'elle est âgée ou malade qu'elle
perd sa dignité intrinsèque. Offrir l'euthanasie à un être humain parce qu'il
est malade constitue, dans les faits,
un dénigrement de son état de dignité. En ce qui concerne l'autonomiede l'individu et la place prépondérante que lui confère le projet
de loi n° 52, cette autonomie n'est pas absolue et elle s'inscrit dans un
cadre personnel, familial et sociétal dont il faut tenir compte. En légiférant
et en permettant l'euthanasie pour l'un, on compromet irrémédiablement la
sécurité de tous les autres citoyens : habiller Pierre pour déshabiller
Paul.
Le recours à l'euthanasie est un aveu d'échec pour toute
société qui utilise ce moyen brutal et inhumain de mettre fin à la vie humaine, une reddition de l'État
québécois face à la souffrance et à la mort. Au Canada, la peine de mort
pour les grands criminels a été abolie en
1976, car on disait alors que c'était inhumain et qu'il y avait des
possibilités d'erreur. Allons-nous la rétablir pour nos citoyens
coupables seulement d'être malades et débilités?
Le rôle d'un État est celui de protéger tous ses citoyens.
Le projet de loi n° 52 est un échec lamentable et pernicieux
pour la sécurité de tous les citoyens du Québec, surtout pour les plus
vulnérables. Avec le vieillissement accéléré de la population du Québec — 20 %
de ses citoyens auront plus de 65 ans vers l'an 2020 — nous
allons assister impuissants à une hécatombe que nous aurons créée
nous-mêmes.
En conclusion, le
projet de loi n° 52 est un mauvais projet de loi qui ne s'intéresse qu'à
donner la mort à ses concitoyens malades et
qui occulte complètement le développement des soins palliatifs au Québec, selon
les recommandations de la commission parlementaire mourir dans la
dignité de 2012. Comme tel, il doit prendre le chemin des tablettes, et le gouvernement du Québec, s'il désire
véritablement le bien-être et la sécurité de ses citoyens, doit reprendre
complètement le débat public en créant des états généraux, selon la suggestion
du Comité consultatif national d'éthique français, CCNE. Des soins palliatifs disponibles à tous les Québécois, donnés par
des personnes compétentes et empathiques, voilà ce dont nous avons
besoin immédiatement pour contrer la souffrance de nos concitoyens. Merci.
M. Morin
(Claude) : Alors, je vais prendre la parole.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Morin.
M. Morin (Claude) : Mmes et
MM. les membres de la commission, je tiens d'abord à vous remercier de
pouvoir exprimer, avec le Dr Bergeron, Me Arsenault et M. Vermette, le point de
vue du Rassemblement québécois contre l'euthanasie sur le projet de loi
n° 52 à cette commission.
Le Dr Bergeron vient à l'instant de résumer notre position
de façon claire, nette et précise. Mon but n'est pas d'en rajouter au niveau de l'argumentation. À ce
moment-ci, vous avez entendu, depuis déjà belle lurette, les arguments
de groupes et individus qui s'opposent à l'introduction de l'euthanasie au
Québec. De plus, je tiens à vous mentionner que,
le 18 mai dernier, le Rassemblement québécois contre l'euthanasie
organisait un événement, La Marche printanière, qui a rassemblé à Québec 1 700 personnes. Ces Québécoises et
Québécois sont venus marcher jusqu'au parlement pour vous dire : Mmes et MM. les parlementaires, l'euthanasie
chez nous, non merci. C'est donc au nom de ces 1 700 concitoyens et
des milliers d'autres qui les supportent que je vous adresse la parole.
Mon but est plutôt de vous faire réfléchir sur les
conséquences néfastes de l'euthanasie, que vous n'avez même pas le
courage de nommer dans le projet de loi. À cet effet, j'ai préparé, déformation
professionnelle oblige, ou plutôt formation, quelques vignettes cliniques
tirées de mon expérience personnelle de médecin à partir de cas vécus. Nous y réfléchirons et, j'espère, en débattrons en nous
représentant la situation qui pourrait prévaloir advenant l'adoption de
la loi n° 52 dans sa mouture actuelle.
Afin de mieux vous aider… Afin de mieux situer l'angle de
mes propos, voici un bref rappel de mon expérience professionnelle et personnelle. Je suis médecin de
famille, père de quatre enfants. Mes 15 premières années de pratique se
sont déroulées aux Îles-de-la-Madeleine. Et d'ailleurs je salue Mme Richard, je
crois, que je reconnais dans la salle; bonjour,
Mme Richard. Parce qu'aux Îles tout le monde se connaît, c'est bien connu. Là, j'ai eu une pratique de médecine
familiale complète, incluant les soins en cabinet, en centre hospitalier, en
CHSLD, en dispensaire et à domicile, tout le
kit, autrement dit, là, la totale. Depuis mon retour à Québec,
en 2002, je pratique l'urgence à temps complet à l'Hôpital Saint-François d'Assise et, depuis 2008, je fais
aussi du sans rendez-vous dans une clinique-réseau de Beauport. Et,
depuis un an, j'agis à titre de
médecin-conseil auprès d'un centre privé traitant les toxicomanies et les
troubles psychologiques. Avec toute
ma famille, je me suis exilé à deux reprises, pendant un an, durant ma
carrière, pour vivre une expérience de travail
différente : en 1999, en Nouvelle-Zélande, et en 2009, en Australie. Alors, voilà pour vous
dire un peu de quel côté je me situe. Et je peux vous dire qu'en
26 ans de pratique je n'ai eu affaire qu'à une seule demande d'euthanasie.
O.K. Alors,
maintenant, je n'aurai peut-être pas le temps de
passer tous les cas cliniques, là, mais je vais y aller avec le premier
cas, parce que c'est un cas que j'ai vécu aux Îles-de-la-Madeleine, pour vous
présenter… Je veux vous faire réagir là-dessus,
voir la situation. Alors, je vous le présente : c'est une madame A,
elle a 80 ans, elle a un cancer, elle a une phase terminale, elle est à domicile, elle vit avec sa famille et…
elle vit avec sa fille et la famille de sa fille. Et moi, j'arrive… — on
parle évidemment il y a quelques années. Il y a eu des développements depuis ce temps-là, j'en conviens, mais c'est pour vous dire un peu le contexte, pour vous mettre dans des
situations réelles. J'arrive. Là, la dame est en phase, disons, préterminale, l'atmosphère est très
lourde. C'est une très grande famille. Le gendre est agressif, on voit que
lui… C'est lui qui supporte, là, le fait que sa belle-mère et que toute la
famille sont là, et c'est lui qui est très inconfortable dans la situation. Et là on me demande. Il y a de
la morphine en injection au chevet, mais personne n'ose la donner. La dame est visiblement souffrante. Alors, moi, je n'étais
pas de garde, on m'appelle parce que ce sont pratiquement mes voisins. Je vais
là et évidemment je donne la morphine, puisque c'est ce qu'il faut faire, parce
que… pour soulager la dame, alors que personne n'a osé la donner. Et le
résultat est excellent parce que la dame repose par la suite.
Alors, moi, les questions que je veux soulever
avec ce cas-là, c'est que… ce que je veux dire, c'est qu'il y a énormément… Actuellement, au Québec, il y a énormément d'éducation à faire au
niveau des soins palliatifs avant
d'arriver à l'euthanasie. Il y a ce que j'appelle la morphinophobie. Il y a certainement…
Là, c'est certain qu'on parle il y a plusieurs années. Et je suis d'accord que les ressources se
sont probablement développées aux Îles, mais il y a
un manque de ressources, on l'a mentionné, on l'a mentionné à plusieurs
reprises.
En plus, quand on arrive dans… Ce sont des
situations sociales et familiales très lourdes, très difficiles. Moi, je
vois, avec une ouverture à l'euthanasie, des occasions d'abus, parce
que, malgré tout ce qu'on peut dire,
malgré toutes les balises qu'on peut
mettre, moi, je pense que nous avons affaire à des humains. Les médecins sont
des êtres humains. Les gens, les membres
de la famille peuvent avoir toutes sortes de relations conflictuelles. Dans ce
cas-ci, on peut penser au gendre qui aurait pu avoir… pu faire des
pressions pour que ça finisse parce que ça devient lourd. Alors, je reviens encore, on revient encore à la question
du libre consentement. Il y a toutes ces pressions-là. Et, pour une question
de vie ou de mort, je ne pense pas que le…
Le Président (M.
Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît.
M. Morin
(Claude) : Je ne pense pas
que le patient soit libre. Mais je suis obligé de conclure là-dessus. J'aurais eu d'autres cas intéressants,
peut-être qu'on pourra y revenir plus tard.
Mais ce que
je veux dire, mon principal point, c'est que, malgré tout ce qu'on dit, le projet de loi est dangereux. On a affaire à des humains. Et je ne crois pas… Et le
Rassemblement québécois contre l'euthanasie ne croit pas à l'efficacité des balises et ne croit pas qu'il faille aller du
côté de l'euthanasie, pense que l'euthanasie est un mal en soi et pense
aussi qu'il y a énormément de travail à faire au niveau des soins palliatifs.
Et, quand tous les Québécois auront leurs soins palliatifs, accès à leurs soins palliatifs, et tout ça, on pourra se
reparler d'euthanasie, mais je pense que, réalistement, ce sera
peut-être dans 10 ou 20 ans.
Le Président (M. Bergman) :
Merci, Dr Morin, pour votre présentation, Dr Bergeron. Alors, le bloc du
gouvernement, Mme la ministre.
• (21 heures) •
Mme
Hivon :
Oui. Merci. Merci beaucoup à vous quatre d'être venus présenter votre point de
vue. Vous voyez, j'accepte tous les
points de vue, même quand on me dit que c'est un très mauvais projet de loi.
Donc, je pense que c'est sain en démocratie de pouvoir entendre toutes
les choses.
Mais il y a une chose que je vais vous dire clairement
que je trouve qui n'a pas sa place, c'est... Vous dites en conclusion : «… un mauvais projet de loi qui ne s'intéresse
qu'à donner la mort à ses citoyens malades et qui occulte complètement le développement
des soins palliatifs au Québec…» Alors, vous allez permettre quand même que je
réplique à cette affirmation, qui, je pense, aurait peut-être pu être nuancée,
même si vous avez un point de vue qui est très défini et définitif.
Ce projet de loi là, il est d'abord axé sur les principes qui sont énoncés au tout
début du projet de loi. D'ailleurs, j'aimerais ça savoir si c'est
des principes avec lesquels vous êtes d'accord, les principes qu'on retrouve à
l'article 2. Mais justement
ils proposent un développement, je
pense, important pour les soins palliatifs et une approche très intégrée où les soins palliatifs sont au coeur de la vision que l'on met de l'avant
dans ce projet de loi là : un droit aux soins palliatifs, des politiques
en soins palliatifs, des protocoles, tous les établissements qui vont devoir
avoir une offre de soins
palliatifs, sans compter les investissements qu'on a faits, sans compter la
priorité à la formation aux soins palliatifs. Donc, je trouve ça un peu gros
comme affirmation.
Je sais que
vous avez votre point de vue, je le respecte tout à fait, puis vous avez le
droit de le faire entendre, mais vous
allez comprendre que, de mon point de
vue, de venir affirmer ça et de venir
dire que ce qu'on veut, c'est donner la mort aux gens, bien franchement, quand on voit les balises qui sont là, quand
on voit que ça doit venir de la personne elle-même de manière répétée, encadrée, un premier médecin, un deuxième
médecin, une commission qui vient analyser ça, un processus très
formel et formalisé, j'ai un peu de misère avec votre conclusion.
Mais, ceci dit, j'aimerais peut-être qu'on
revienne sur vos cas, parce que je me dis : Vous avez fait... je pense que c'est très intéressant, effectivement. Je les
ai lus, évidemment, à l'avance. Puis, si je peux vous rassurer, je ne
sais pas… moi, je pense que, de manière
générale, ce projet de loi là et tout le débat qu'on a eu dans un climat, je
pense, de grande écoute depuis près de quatre ans, ça a beaucoup
contribué à l'information des gens, au fait que les gens sentent qu'ils s'approprient
davantage leur fin de vie. Ça a levé beaucoup de tabous, et ça, en soi, je
pense que c'est une avancée dans une société démocratique.
Donc, pour
revenir aux cas, je pense que les cas n° 2 et n° 4, en tout cas, moi,
de mon point de vue, je ne suis pas médecin, mais on n'est pas à des
situations où les personnes sont en fin de vie, et c'est une balise
fondamentale du projet de loi, c'est d'être
en fin de vie. Donc, est-ce qu'une personne handicapée ou une personne
dépressive va pouvoir demander l'aide
médicale à mourir et qu'on va pouvoir lui accorder? Non. Ce n'est pas ça qui
est prévu au projet de loi. Donc, j'aimerais comprendre pourquoi vous
mettez ces cas-là qui ne sont pas des gens en fin de vie.
M. Morin (Claude) : Alors, la raison
pour laquelle je les ai mis...
Le Président (M. Bergman) :
M. Morin... Dr Morin.
M. Morin
(Claude) : Oui. La raison pour laquelle j'ai mis ces cas-là, c'est
parce que moi, je ne vois pas comment, dans une société démocratique,
dans une société qui se veut égalitaire, je ne vois pas comment l'élargissement
des critères ne surviendra pas à court ou
moyen terme, comme c'est arrivé en Belgique. Ils partagent une culture, disons-le,
relativement similaire à la nôtre. Pourquoi ça n'arrivera pas au Québec? Qu'est-ce
qui fait qu'on est si différents? Qu'est-ce qui fait qu'on est si meilleurs qu'eux
pour empêcher l'élargissement des critères?
Vous avez vu
ce cas de cette dame qui était atteinte d'anorexie nerveuse, et qui souffrait
de dépression chronique, et qu'on a accepté
d'euthanasier aux Pays-Bas. Alors, pour moi, je me dis : Si j'ai quelqu'un
dans mon bureau qui vient me voir, qui... Et comment on va soutenir l'argumentaire
de quelqu'un qui va nous dire : Bien, écoute, docteur, moi, je souffre, je souffre énormément. Qui êtes-vous pour
juger de ma souffrance? Je souffre, c'est psychologique, ce n'est pas visible, mais je souffre énormément. Lui a droit à
l'euthanasie parce qu'il a un cancer, puis c'est quelque chose de
visible; moi, ce n'est pas visible, et tout
ça, je n'ai pas le droit à ça. Alors, je ne vois pas comment on n'arrivera pas
là. Je ne crois pas que ça soit possible, avec une loi comme ça, de ne
pas arriver là. C'est mon point de vue.
L'autre
chose, c'est qu'il n'y a aucun critère de temps dans la loi. Puis vous dites
«phase terminale», mais, comme on l'a mentionné ultérieurement, il n'y a
aucun critère de temps qui est mentionné. Qu'est-ce que la phase terminale? Qu'est-ce que la fin de
vie? Est-ce que c'est trois semaines, trois mois, trois ans? Dans le cas que je
présente... Je présente un cas, le
cas n° 4, vous y avez fait allusion, c'est une dame avec
une sclérose en plaques, et qui est en fauteuil roulant, et qui a besoin de services pour être autonome. On
pourrait penser… un peu comme la dame qui était assise à notre gauche il y a
peu de temps, alors une dame qui, comme ça, se casse une épaule, elle a
64 ans et elle dit : Bien, moi, écoutez, c'est fini. J'ai assez souffert, je veux que ça cesse.
Alors, on n'est pas devant une personne qui est en fin de vie, là, on
est… quelqu'un… Je suis d'accord, c'est quelqu'un
qui a peut-être encore huit, 10, 15 ans à vivre, mais
comment on va justifier à cette
dame-là par rapport à l'autre, tu sais? Comment on évalue? Comment on
dose la souffrance psychique, la souffrance existentielle, la souffrance physique? On est dans des notions extrêmement subjectives, on nage en pleine subjectivité. On est dans l'humain, là, il y a énormément
de subjectivité dans tout ça, et il y
en a beaucoup dans le projet de loi. Alors, moi, ce que je dis, c'est que finalement on n'arrivera
pas à endiguer ces choses-là.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée des Îles-de-la-Madeleine.
Mme
Richard
(Îles-de-la-Madeleine) : Oui, merci beaucoup, M. le
Président. Dr Morin, ça me fait plaisir de vous revoir. Ça fait
plusieurs années que vous avez quitté les Îles-de-la-Madeleine.
Bon,
évidemment, bon, peut-être déjà pour commencer avec ce dont vous avez parlé, c'est
clairement établi dans le projet de
loi : il faut que les gens soient en fin de vie, une mort imminente. Ce
sont des souffrances intolérables qui ne peuvent pas être soulagées par les soins palliatifs. Il y a des balises
déjà qui sont établies dans le projet de loi, et je pense qu'on peut se
fier que les médecins vont prendre clairement ces balises-là pour établir le
diagnostic avec la personne.
Il faut que
la personne demande aussi, que ce soit un choix libre et éclairé, que ce soit
la personne elle-même qui le demande.
Ça fait que, dans les vignettes que vous nous proposez, où c'est peut-être le
gendre qui commence à être tanné, je
pense qu'on n'en est pas là du tout, du tout. Et, le cas des Pays-Bas dont vous
faites allusion, on parle de suicide assisté plus que d'aide médicale à
mourir et de soins de fin de vie.
Mais aussi il y a une vignette où vous parlez
des Îles-de-la-Madeleine, et justement vous avez bien connu les
Îles-de-la-Madeleine, je pense qu'on ne peut pas non plus se dire qu'aux
Îles-de-la-Madeleine il y a un médecin ou deux
médecins, et on ne pourrait pas avoir un médecin qui accepterait d'accompagner
une personne en fin de vie. On a 22 médecins
aux Îles-de-la-Madeleine, et pas mal toujours comblés… les postes sont comblés.
Je pense que, n'importe où au Québec,
on peut offrir les soins adéquats à des personnes qui vont demander, dans une
demande éclairée, en toute connaissance de cause, qui vont demander
cette aide médicale à mourir. Mais, comme on l'a dit, le projet de loi est
beaucoup plus large que ça.
Puis il y a
une phrase importante que vous dites dans votre mémoire que je pense que
là-dessus on se rejoint très bien. En
fin de mémoire, vous nous dites que les «soins palliatifs disponibles à tous
les Québécois, donnés par des personnes compétentes et empathiques,
voilà ce dont nous avons besoin immédiatement pour contrer la souffrance de nos
concitoyens», et nous sommes évidemment en
accord avec cette phrase-là. On a besoin des soins palliatifs — il faut qu'ils soient développés, on
en est conscients — mais,
quand les soins palliatifs n'arrivent pas à soulager la souffrance en fin de vie, selon toutes les balises, les balises
qu'on s'est données, est-ce qu'on ne peut pas aller plus loin et que ce
soit un acte médical qui soit posé à ce
moment-là? Et j'aimerais vous entendre peut-être dans les balises, pour qu'elles
soient mieux définies : Qu'est-ce que vous verriez pour que ces balises-là
soient mieux définies?
Le Président (M. Bergman) :
Dr Morin.
M. Morin
(Claude) : Oui. Tout d'abord, Mme Richard, je voudrais vous dire que, contrairement
à votre opinion, je ne crois pas… et je pense qu'il est possible et même
très plausible que personne aux Îles-de-la-Madeleine ne veuille euthanasier qui que ce soit. Je pense que c'est
très possible. Et là on parle de 22 médecins, et il y a d'autres milieux
où on peut parler qu'il y a peut-être 10 médecins. Mais je pense que c'est
très possible. Ce n'est pas une situation tout à fait utopique, et je pense que
c'est dans le domaine du possible.
Alors, la
situation que j'ai décrite, où quelqu'un veut être euthanasié aux
Îles-de-la-Madeleine, et qu'on a besoin de l'envoyer — et c'était
le cas n° 3, je pense, là, oui, c'était le cas n° 3 — ou qu'on doive l'envoyer se faire
euthanasier dans un centre reconnu, disons,
d'euthanasie, ou qu'on ait des unités mobiles d'euthanasie, je pense que ça, c'est
dans le domaine du possible, là. Vous seriez peut-être surprise de voir à quel
point les médecins, quand... Peut-être, certains diront : Ah! moi, je suis en faveur. Mais, quand viendra le temps
de poser le geste, je pense qu'il n'y en aura pas énormément qui vont lever
la main. Ça, je suis à peu près convaincu de ça.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. On va retourner
au deuxième bloc. Pour le bloc de l'opposition officielle, Mme la
députée de Gatineau.
Mme Vallée : Merci, M. le
Président. Alors, messieurs, bonsoir. Merci d'avoir partagé avec nous votre point
de vue puis votre analyse du projet de loi puis de ses conséquences.
Une question
qu'on a abordée au cours de la dernière semaine, c'est toute la notion des
termes qui sont utilisés dans le projet de loi, les mots qu'on utilise
pour décrire différents actes. Je comprends que, dans votre mémoire, vous avez choisi, puis c'est volontaire, d'utiliser
le terme «euthanasie», un terme qui parle fort, un terme qui frappe.
Mais, à l'intérieur du projet
de loi, on a trois grands objectifs,
trois grands termes qui sont utilisés et puis qui nous guident tout au long
du projet de loi. Bon, on a la question des soins palliatifs. Là-dessus,
je pense que le développement puis l'accès aux soins palliatifs, c'est
ce que vous souhaitez et c'est ce pour quoi vous militez, puis vous me
corrigerez si je me trompe. Il y a la notion d'aide
médicale à mourir. Et il y a la notion aussi de sédation palliative terminale,
avec laquelle on nous explique que, dans les maisons de soins palliatifs, il y
aurait la sédation palliative continue, la sédation palliative… intermittente,
pardon, oui — vous
m'excuserez je n'ai pas la connaissance pointue de ma collègue la ministre, n'ayant
pas procédé à toutes les auditions sur la commission sur mourir dans la
dignité.
Mais, bref, j'aimerais avoir votre point de vue
sur l'utilisation de la sédation palliative dans le cadre des soins palliatifs, parce que c'est quand même…
on entend que c'est quand même un soin auquel on a recours de façon quand même assez fréquente, et donc
qu'il serait important de l'encadrer, d'encadrer l'utilisation de cette pratique-là, d'encadrer… de permettre aussi aux médecins qui l'offrent d'avoir certaines balises.
Et, dans votre notion de soins palliatifs, ça s'inscrit où, la sédation
palliative? Ou est-ce que c'est quelque chose que vous occultez complètement,
auquel vous ne souscrivez pas?
• (21 h 10) •
Le Président (M. Bergman) :
Dr Morin.
M. Morin
(Claude) : Je vais laisser
Dr Bergeron répondre. Juste dire que ce à quoi on ne souscrit pas, c'est
la sédation palliative terminale, parce que, pour nous, c'est l'équivalent de l'euthanasie.
Alors, Dr Bergeron, je pense…
Le Président (M. Bergman) :
Dr Bergeron.
M.
Bergeron (Marc) : Alors, écoutez,
disons que moi, comme hémato-oncologue, je dois vous dire que ça fait 30 ans que je soigne des malades. Je les
accompagne jusqu'à la mort aussi. Je soigne des cancéreux, des gens atteints
de cancer, et puis, la plupart des gens, on est capables de les soigner, la
moitié, peut-être, et plus qu'on guérit, mais certainement qu'il y a un autre pourcentage
de gens qui vont décéder, et puis moi, j'accompagne ces gens-là, depuis
30 ans, jusqu'à la fin de la mort. Et puis je peux vous dire que je n'ai
jamais vu, en 30 ans, de cas, sauf une exception — je
vais y revenir — où
on n'a pas été capables de soulager ces gens-là avec nos médicaments. Donc, je pense qu'il y a un mythe là-dedans, qu'on
n'est pas capables de soulager les malades qui souffrent. C'est faux.
Je parle des
cancéreux, mais même je parle aussi... je pourrais même
parler aussi des gens qui sont porteurs de sclérose latérale
amyotrophique. J'en discutais avec un éminent collègue neurologue de L'Enfant-Jésus
qui me disait qu'eux… et lui s'occupe de la
cohorte des malades de SLA, sclérose latérale amyotrophique, et puis la maladie
neurologique de dégénérescence typique, où les gens vont souffrir pendant
des années puis, à un moment donné, vont mourir, par exemple, paralysés, puis,
après ça, difficultés respiratoires. Lui m'affirme qu'en introduisant
précocement des soins palliatifs, ces
gens-là, ils ont réussi à contrôler parfaitement la souffrance et la douleur de ces gens-là jusqu'à
la fin de leur mort, jusqu'à la vie, et la fin de leur vie, et la mort,
sans avoir recours à faire des injections létales. Donc, ça, ça vient d'un
spécialiste, aussi, qui s'occupe de ça.
Moi, je vous
donne mon opinion comme un médecin spécialiste qui travaille depuis 30 ans
auprès des cancéreux puis je n'ai
jamais vu de gens qu'on n'a pas soulagés avec des médicaments. Écoutez,
on en a des médicaments… puis pas nécessairement avec l'intention de les faire mourir, etc.,
non, on les soulage, et on donne des doses qui sont des doses standard,
et puis on est capables de soulager les gens.
J'ai vu un
cas, moi, dans ma carrière, où on a fait une sédation palliative. Je voudrais peut-être
un peu préciser qu'est-ce que c'est, la sédation palliative. Sédation
palliative, par exemple, ça peut être celle qu'on accepte ou qui est acceptée
dans les unités de soins palliatifs comme La Maison, par exemple, Michel
Sarrazin. Sédation palliative intermittente,
où on peut endormir quelqu'un temporairement pour le soulager puis le réveiller
de temps en temps, quitte à le rendormir
s'il est toujours souffrant. La sédation palliative continue, où,
là, quelqu'un, par
exemple… en général, il lui reste
moins d'une semaine de vie, puis qui a une douleur incontrôlable, on n'est plus
capable... la personne n'est plus capable
psychologiquement, elle est complètement épuisée, vidée, etc., là on offre
exceptionnellement ce qu'on appelle la sédation
palliative continue, O.K.? Mais l'objectif est de soulager, l'objectif est de soulager,
mais ce n'est pas de causer la mort, mais la mort peut survenir aussi. C'est
le double effet, là, mais l'objectif principal est de soulager et non pas de
donner la mort.
Dans le projet de loi, la sédation palliative terminale… Ce mot-là, il sort… c'est dans le rapport de Me Ménard, ils ont
sorti cette terminologie-là. Ça, il faut faire une distinction. C'est que ça, c'est
dans le but éventuellement, même, d'abréger
la vie de la personne. C'est-à-dire que quelqu'un pourrait demander... il n'est
pas nécessairement... Il peut lui rester
deux semaines, trois semaines, un mois de vie. Il n'en peut plus, on l'endort.
À ce moment-là, je veux dire, on peut accélérer
son décès parce qu'il est privé d'alimentation, est privé d'hydratation. Donc,
c'est cette forme d'euthanasie là qu'on appelle, nous autres, de l'euthanasie,
parce qu'il y a quand même derrière ça une intention de donner la mort.
Puis cette forme-là d'aide médicale à mourir, ou
euthanasie, ou aide médicale... pardon, sédation palliative terminale, elle n'est pas du tout encadrée dans le
projet de loi. Daniel pourra me confirmer, peut-être le lire, mais,
cette sédation palliative terminale, nous autres, qu'on associe à de l'euthanasie,
vous n'avez pas… il n'y a pas d'âge là-dedans,
il n'y a pas de... vous n'avez pas besoin d'être assuré par la RAMQ, il n'y a
aucune condition qui s'applique à l'aide
médicale à mourir. Alors, c'est vraiment... N'importe qui, théoriquement,
pourrait avoir accès à la sédation palliative terminale. C'est une forme
d'euthanasie. Alors, ça, nous, on s'oppose complètement à cela.
Alors,
c'est pour ça que, quand vous parlez d'encadrement, bien, celui-là, là, il ne l'est
pas, encadré. Puis, même le cadre de
l'aide médicale à mourir, nous, on n'y croit pas, tout simplement. Oui, vous
avez beau l'encadrer, le mettre en petit
carré, etc., vous avez mesuré cinq pieds, etc. Je ne veux pas parodier
personne, je ne veux pas… mais ce que je veux dire, c'est que ce cadre-là va bouger un jour ou l'autre, parce que vous
allez créer un droit dans la population. Les gens vont avoir le droit d'accéder à la mort, comme ça,
pour soulager leur anxiété. Ils ont peur de mourir, puis c'est normal
aussi. La mort, c'est
inévitable. Tout le monde ne réagit pas de la même façon. Alors, il y en a qui
vont avoir absolument besoin de ça
parce qu'ils sont trop anxieux, ils ont peur, ils veulent mourir un jour.
Alors, éventuellement, ils vont avoir un droit, ces gens-là qui, par
exemple, n'étaient pas éligibles, ils vont le devenir avec le temps. L'expérience
d'ailleurs le prouve.
Le Président (M.
Bergman) : Me Arsenault.
M. Arsenault
(Daniel) : Oui. J'attirerais, si vous permettez, à l'attention des
membres de la commission l'article 25 du projet de loi, où il est question
de sédation palliative terminale. Je ne vois pas les mêmes conditions qui s'appliquent à l'article 25 que celles qu'on
retrouve à l'article suivant, à l'article 26. Deux scénarios
possibles : soit on n'a pas
voulu encadrer la sédation palliative terminale de la même façon, soit il n'est
pas question ici de donner la mort de la même façon et qu'on parle d'une autre sorte de sédation, pas celle dont
il est question dans ce que le Dr Bergeron vient d'expliquer. C'est une
faiblesse dans le projet de loi. J'invite les membres de la commission à se
pencher là-dessus : soit de mieux définir qu'est-ce que c'est que la
sédation palliative terminale, soit de l'encadrer de la même façon que l'article 26.
Merci.
Le Président (M.
Bergman) : Ceci met fin au... Dr Morin.
M.
Morin (Claude) : Je voudrais juste rajouter une dernière chose. Lors
des audiences de la commission qui a mené
au rapport Ménard, mourir dans la dignité — je tiens à vous répéter, et je le sais parce
qu'on me l'a dit — les
auteurs de ce livre ici, en particulier le
Dr Michel L'Heureux, avaient bien mis en garde les membres de la commission de
ne pas utiliser le terme «sédation
palliative terminale», et ça a été fait quand même, ça a été quand même
utilisé. Alors, est-ce qu'il y a un objectif de confusion là-dedans? On
peut se poser la question.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au premier bloc de
l'opposition officielle. Maintenant, pour le deuxième bloc du
gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon : Merci, M. le Président. Il n'y a aucun objectif de
confusion là-dedans. Lors de nos travaux, il y a deux termes qui ont été
utilisés. Je vous dis, je suis un peu mystifiée en ce moment, ça fait que vous
allez m'aider à me démêler moi-même.
On
nous a expliqué qu'il y avait deux types de sédation palliative. La sédation
palliative intermittente : donc une personne est souffrante, on la plonge dans un état de sommeil induit et
dans l'espoir de la réveiller 24 heures ou peut-être 48 heures
après pour voir si elle va mieux et si on peut continuer encore en la laissant
dans un état de conscience. On nous a dit par ailleurs qu'il y a la sédation palliative continue ou terminale. On nous a
présenté ça comme étant deux termes qui
veulent dire la même chose, parce que la continue… On nous a expliqué, mais
là, si ce n'est pas ça, vous allez... je vais être très surprise, parce qu'il
y avait vraiment toute une explication. On a toujours mis les définitions dans
les documents de consultation, puis c'était
toujours ça. Donc, la continue ou la terminale, c'était le fait, donc, d'induire
la sédation, de mettre, en quelque
sorte, la personne dans un état d'inconscience jusqu'à la fin de sa vie, parce
que la décision était prise, qu'on n'arrivait pas à la soulager après l'avoir
réveillée une fois ou deux fois puis que la personne était encore souffrante, excessivement anxieuse, qu'on n'est pas capable de
contrôler sa souffrance. Donc, c'était la voie. Et d'ailleurs j'ai fait ressortir le mémoire de La Maison Michel-Sarrazin
lors des auditions. On nous disait qu'environ, dans les cinq dernières
années, 5,5 % des gens qui avaient des souffrances réfractaires, on avait
dû avoir recours à une sédation palliative continue. Je crois que c'était
continu. Donc, c'est pour ça, là.
Donc,
moi, le terme «continue» ou «terminale», bien sincèrement, si «continue», ça
fait plus consensus, je n'ai aucun
problème avec ça, vraiment aucun. Pour moi, la différence, c'est entre
«intermittente» et «continue», jusqu'à la fin de la vie, et, en fait, qu'elle soit terminale ou continue, là, je ne m'obstinerai
pas sur le vocabulaire, les deux expressions nous ont été soumises. Mais
l'idée, c'est qu'on endort quelqu'un jusqu'à ce que le décès arrive, et, dans
certains cas, effectivement, il n'y a plus d'hydratation,
il n'y a plus d'alimentation. On est tous venus nous expliquer ça. Alors là,
je veux comprendre ce que je n'ai pas compris.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Morin.
• (21 h 20) •
M.
Morin (Claude) : Bien, je vais vous référer justement au livre Plaidoyer
pour une mort digne, où on définit ces termes de façon nettement plus intelligente que moi, je pourrais le
faire, parce que ce sont des gens qui travaillent avec ces notions-là quotidiennement. On comprendra que,
dans ma pratique d'urgence, la sédation palliative, je n'en fais pas
souvent.
Alors,
le document de consultation… Je vais juste vous lire un petit paragraphe ici.
On dit… bien, on mentionne précédemment
que c'est un terme, «sédation terminale», qui avait été introduit dans les
années 91. Puis je vous accorde, il y a eu, dans la littérature,
des problèmes avec ces termes-là, là, il y a de la confusion là-dessus, O.K.?
Alors, on dit : «La notion de
"sédation terminale" est apparue pour la première fois en 1991 dans
la littérature médicale. Avec le temps, cette expression est devenue moins [pertinente] que "sédation
palliative", parce que l'adjectif "terminal", tout en
désignant la condition du patient — en phase terminale — auquel
on administre une sédation palliative, qualifie aussi cette pratique d'une manière qui pourrait faire
erronément croire qu'elle met un terme à la vie de ce patient. Nous
[préférons utiliser] l'expression «sédation palliative», tout comme le font
bien des experts reconnus et plusieurs associations nationales de soins
palliatifs. La sédation palliative est définie comme l'administration d'une
médication sédative...»
Alors, bon, là, on comprend l'idée que c'est de
l'anesthésie, là, et... Alors, c'est ça. C'est que, dans le fond, dans la
sédation palliative, je pense qu'on devrait... Moi, ce que je recommande, en
bref, là, c'est qu'on devrait ne pas utiliser le terme «sédation palliative terminale», parce que la
sédation palliative terminale, ça peut être interprété comme de l'euthanasie.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Puis je
vous explique, donc, le but : nous, c'était de faire référence à cette
pratique qui est une sédation palliative
continue ou terminale. Là, je comprends que les deux termes existent, mais
maintenant c'est mieux d'utiliser
«continue». Donc, on a eu des opinions visiblement divergentes là-dessus. On va
choisir le meilleur mot. Donc, la «continue», vous me confirmez que c'est
bien le fait de plonger quelqu'un dans un état, donc, d'inconscience, d'anesthésie
en quelque sorte, jusqu'à la fin de la vie, jusqu'au décès de la personne.
En fait, c'est
que nous, on est venu nous dire : Vous savez, ça, ça se fait, et, en ce
moment, ce n'est aucunement encadré.
Donc, venez prévoir la nécessité d'avoir un protocole, un processus plus formel. Et c'est ce qu'on fait. Parce que, oui, ce n'est pas les mêmes balises que l'aide
médicale à mourir, bien que, pour certains… Je dois vous dire, là, vous
êtes des médecins, donc, pour vous, il y a une grande différence, parce
que, l'intention, vous allez me dire
qu'elle n'est pas la même, mais,
quand on sait qu'en mettant quelqu'un dans un état de coma, en
quelque sorte, il va en décéder… Je
suis bien consciente que vous allez me dire qu'il meurt de sa maladie, qu'il ne
meure pas de l'introduction d'une autre aide ou administration, mais, pour
certains citoyens, c'est un peu de la rhétorique.
Mais j'ai
suivi tout le débat, et donc notre objectif, c'était de venir dire : Ce soin-là qui n'est
aucunement encadré, on va venir
prévoir qu'il faut, donc, un protocole — on vient
le prévoir — un
protocole défini, uniforme, qui va devoir être suivi, consentement et obligation de déclaration de ces pratiques-là.
Quand on dit que le projet de loi, il vise à protéger les personnes
vulnérables, là, c'est parce qu'en ce moment on n'a aucune idée combien ça se
fait, qui consent à ça, les tiers peuvent consentir, tout ça. Donc, c'est ça,
la différence.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Morin.
M. Morin
(Claude) : Je veux juste dire que, nous, notre opinion là-dessus, c'est
que, oui, la sédation palliative fait partie des soins palliatifs. Et, à
la question : Est-ce qu'elle doit être encadrée?, nous sommes tout à fait
d'accord. Mais ce qu'on dit, c'est que la sédation palliative n'est pas
nécessairement toujours terminale, alors elle peut être intermittente. Alors,
je pense que ça aiderait de définir mieux les termes.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Bergeron.
M.
Bergeron (Marc) : Oui. Moi,
je voudrais quand même rajouter aussi que la sédation palliative terminale,
telle que proposée par le document de Me Ménard et aussi rapportée dans ce
projet de loi là, ouvre la porte quand même à une
forme d'euthanasie, si vous faites mourir... vous faites une sédation
palliative et que ça induit la mort avant le temps, avant la mort
naturelle. Vous pouvez... Par exemple, si vous vous prenez un mois d'avance
pour faire une sédation continue terminale,
c'est une forme d'euthanasie pour nous, parce que vous voulez accélérer la mort
avant qu'elle arrive dans son temps naturel. Tandis que moi, si j'ai un
cancéreux, par exemple, qu'il lui reste une semaine à vivre ou trois jours — je le sais qu'il va mourir dans quelques
jours — faire
une sédation continue dans ce cas, dans ce cas-là, c'est une sédation continue acceptable, qui fait partie des
soins palliatifs, qui est un soin palliatif. Mais la sédation palliative
continue, terminale, qui va raccourcir la vie d'une personne d'une semaine… de
deux mois, trois mois, quatre mois, qui est possible dans ce cas-là, c'est de l'euthanasie
puis, pour nous, c'est inacceptable.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Je vous
suis bien, en fait, d'où l'importance d'avoir des protocoles pour dire
justement à la communauté médicale :
Voici les cas où la sédation palliative continue ou terminale est appropriée ou
n'est pas appropriée. Donc, moi, je
vous suis parfaitement et je pense… Parce qu'il y a des médecins qui sont venus
témoigner, qui nous ont dit que c'était
arrivé, dans le sens qu'ils pensaient que la personne… ils lui donnaient
48 heures à vivre… Puis ça revient au fait qu'est-ce qu'on est capables de toujours prévoir. Non. Donc, est-ce qu'on
met une balise de temps formelle? Non. Je pense que c'est un avis général… mais que finalement ça s'est prolongé, une
semaine, deux semaines, dans un cas, trois semaines. Alors, c'est sûr que, quand on est dans des eaux
comme ça, on n'est pas dans une logique qui s'éloigne beaucoup d'une
autre logique, qui pourrait être de donner à la personne une médication pour
arrêter ses souffrances à un moment x. Mais
l'idée, c'est que ce n'est pas simple. Et c'est ça, l'idée, c'est de venir l'encadrer
pour que les indications soient claires et qu'il y ait, je dirais, une
uniformité pratique dans la communauté médicale.
M. Bergeron (Marc) : Pouvez-vous
nous assurer…
Le Président (M. Bergman) :
Dr Bergeron.
M.
Bergeron (Marc) : Pardon.
Excusez-moi. Je voulais… J'aurais dû vous laisser la parole. Bon. Pouvez-vous
nous assurer… Donc, je comprends bien que, si on a des protocoles, s'ils sont
bien adoptés, la sédation palliative continue ne servira pas d'une forme d'euthanasie?
C'est ça qu'on veut savoir, là, c'est ça qu'on veut… Est-ce que vous pouvez nous assurer que, si les protocoles
sont bien respectés, qu'ils n'ont pas pour but d'accélérer la fin de la
vie mais de soulager
la personne jusqu'à la fin de la vie naturelle, pouvez-vous nous assurer, à ce
moment-là, que ce n'est pas une forme… que ce ne sera pas utilisé comme
une forme de l'euthanasie? C'est ça qu'on veut savoir, là, c'est à ça qu'on s'oppose
aussi.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Bien, c'est
certain que moi, je vois une différence entre la sédation palliative continue
et l'aide médicale à mourir. J'y vois une
différence parce que les médecins sont venus nous expliquer la différence.
Mais, quand vous dites :
Sédation continue, ça ne peut pas durer longtemps puis ça ne peut pas induire
ou avoir pour effet d'induire le décès,
je vous dirais qu'à partir du moment où la bonne pratique… Parce qu'on nous a
dit que les bonnes pratiques, c'était de
retirer l'hydratation et l'alimentation quand on induit une telle sédation. C'est
évident que je vais vous dire que, pour bien des gens, la différence,
elle est mince, sauf que moi, j'étais à l'écoute de la communauté médicale, on
m'a dit : C'est quelque chose qui se
fait. Si c'est bien balisé, si on vient prévoir un protocole uniforme, si on
vient mettre l'exigence du consentement,
tout ça, on va venir beaucoup mieux encadrer ce qui parfois ne se fait pas
correctement en ce moment. Parce que,
vous savez, moi, je ne peux pas juger, je ne suis pas médecin, mais beaucoup de
gens me disent : Vous savez, en ce moment, il s'en fait, des aides
médicales à mourir, on fait toutes sortes de choses, des fois on va… Donc,
peut-être que jamais dans votre pratique, moi, j'ai des gens qui m'ont dit…
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion.
Mme
Hivon :
Puis moi, je ne suis pas placée… Je ne vous dis pas que je crois qu'il y en a
ou qu'il n'y en a pas, je vous dis qu'il
y en a qui nous ont dit ça. Mais je ne suis pas médecin puis je ne suis pas
dans le milieu. Mais l'idée de ce projet
de loi là, c'est justement de venir mettre un cadre, de venir mettre des balises et de venir prévoir
des protocoles pour protéger les
gens, pour que tout ça soit plus clair, mieux discuté, beaucoup
plus ouvert dans la relation patient-médecin.
Le Président (M. Bergman) :
Pour le bloc de l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Alors, merci, M. le Président. Je serais prudent quand on dit :
Pouvez-vous nous garantir? Moi, je vais vous
conter ce que j'ai vécu comme médecin, là, ça remonte à, à peu près, voilà 15 ans. J'avais une patiente
qui était en phase terminale. Et, lorsqu'on arrive à la fin puis que les gens
ont l'air souffrants, on augmente nos doses
de morphine. Puis, à la fin de la vie, les gens, ils sont comateux. Les gens ne
passent pas de parler puis ils tombent comateux.
Il y a différentes façons que ça peut se produire, mais habituellement… Puis là, le principe, quand on est rendu à cette fin de vie là, qu'il reste quelques heures,
on ne cherche pas à ce qu'ils se réveillent, on cherche juste à les
soulager. Pour vous montrer qu'on ne peut pas garantir, la patiente avait l'air
inconfortable, ce qui est une indication pour augmenter
la dose de morphine. Je dis à l'infirmière, je lui dis : Tu peux lui
augmenter sa dose de morphine. Ça fait que je fais la prescription. J'apprends, à peu près une demi-heure
après, que la patiente est décédée. Mon intention, ce n'était pas de la faire mourir, mais elle est peut-être décédée… On est allés voir l'infirmière,
je lui ai dit : C'est-u après avoir donné la dose? Elle dit :
Non, je n'ai pas eu le temps de lui donner qu'elle est décédée.
Ça fait qu'il
faut être prudent, quand on arrive dans la fin de vie, d'interpréter ce qui s'est
passé, l'augmentation de la dose avec le décès. Parce que, si elle avait
donné la dose, bien, elle serait peut-être décédée 10 minutes après, on
aurait dit : Bien, c'est à cause de la morphine. Mais le principe final qu'on
veut : on veut soulager la patiente. Et, en éthique — vous
avez fait de l'éthique, vous savez — on a le principe de la double intention. On
ne donne pas la morphine pour la faire mourir. Mais, à un moment donné,
le fait de prendre de la morphine, en augmentant les doses s'ils sont comateux,
s'ils finissent par mourir, c'est à cause de leur condition générale.
En passant,
pour nos auditeurs, la morphine ne fait pas mourir. Au contraire, les gens sont
confortables. Moi, mon expérience à moi, ils vont même vivre plus
longtemps, plus confortables lorsqu'on les soulage que lorsqu'ils ont de la douleur. Je ne sais pas si vous êtes d'accord
avec ça, mais c'est ce que j'ai vu. D'ailleurs, c'est pour ça qu'on dit
aux gens… Moi, j'ai vécu à une époque, là, à
peu près, encore là, il y a une vingtaine d'années, où les gens étaient
hésitants à soulager puis même les patients sont hésitants à soulager. Puis
récemment j'ai vu quelqu'un, à mon bureau, qui était hésitant, parce qu'il disait : Je ne veux pas trop prendre… à cause
que ça pourrait changer mes fonctions. J'ai dit : Non, non, j'ai dit, prenez-le parce que, si vous êtes
soulagé, vous allez être encore mieux. Donc, quand on dit qu'il faut
garantir, en médecine il n'y a pas de
garantie. Donc, il faut juste peut-être avoir un doute raisonnable et avoir la
prudence, mais, à la fin, il va falloir qu'on agisse.
Puis ce n'était
pas ça, ma question. Ma question : Vous êtes aux Îles-de-la-Madeleine… Là,
je suis entré dans le sujet, parce que j'écoute puis je suis obligé de
faire mon commentaire aussi. Aux Îles-de-la-Madeleine… Puis on est d'accord,
vous êtes contre le projet de loi puis vous ne voulez pas que ça passe. On est
tout à fait d'accord, d'accord que vous êtes
d'accord avec ça. Par contre, advenant le cas que le projet de loi passe, ce
que vous nous disiez : Ça peut être
un projet de loi qui peut être difficile à appliquer aux Îles-de-la-Madeleine,
malgré que, selon le projet de loi, il y a un droit d'avoir accès à ces
services-là. Voyez-vous une façon de s'en sortir, à part d'envoyer des médecins
là-bas, ou encore d'avoir le patient qui est
transféré, ou accepter le principe que cette personne-là ne pourra pas avoir
les mêmes services — on
ne pourrait peut-être pas parler de soins, parce que ce n'est pas de ça que
vous parlez — les
mêmes services que si elle était, mettons, à Québec ou à Montréal?
• (21 h 30) •
Le Président (M. Bergman) :
Dr Morin.
M. Morin (Claude) : Dr
Bolduc, premièrement, je ne vais pas vous donner de trucs ou de… je ne vais pas
vous aider à réaliser un projet contre
lequel je m'élève. Je ne vais pas vous donner de façons puis de trucs. Moi, c'est
certain, là, que l'euthanasie, il n'en sera
pas question pour moi. Moi, je n'en
ferai pas, personnellement, et je ne vais pas aider personne à en faire non plus. Et le but du Rassemblement québécois
contre l'euthanasie, c'est justement
d'empêcher l'euthanasie, parce qu'on
pense que c'est une erreur, on pense que la société… c'est une erreur
monumentale. Alors, je ne vais pas vous dire : Oui, vous devriez
faire ça comme ça.
Moi,
ce que je dis… Ce que je vois, par exemple, là… Tantôt, on parlait de :
Ah! bien là, pour le consentement, oui,
mais on va avoir des juristes. Je vois une grosse patente bureaucratique. Je
vois ça arriver, là, tout l'argent qu'on va mettre là-dedans, là : les juristes, les avocats, et
tout ça, là, et le médecin, là. Parlons… Si on a une équipe mobile, au
Québec, là, une équipe d'euthanasistes, alors eux, ils vont se promener à la
grandeur du Québec en avion, ils vont aller aux Îles-de-la-Madeleine, dans tous les petits milieux où est-ce qu'il n'y aura
pas de médecin qui voudra faire de l'euthanasie, ils vont se promener puis ils vont… On va en faire
deux… On en a deux à Chibougamau, on en a un aux Îles-de-la-Madeleine. Si on se promène avec l'avion… Ça va être l'avion-ambulance?
Ça va être quoi? Ils vont-u avoir leur jet privé? Tu sais, on peut
penser à ces choses-là. Tu sais, on peut… Vous allez avoir, si ça passe, à le
mettre en pratique, puis cet argent-là qui va être mis pour aller euthanasier
des gens, il ne sera pas là pour les soins palliatifs. C'est ça qu'on dit.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Bien, M. le Président, ce que…
Mon seul commentaire : Je pense que, pour vous, la réponse, c'est la bonne réponse. Parce que, dans
le fond, si vous n'êtes pas d'accord, il n'y a pas de scénario à faire,
à part de dire que ça ne devrait pas passer. Sauf que la réalité, c'est que… Tu
sais, il y a des gens qui sont venus expliquer : On peut ne pas être pour, mais on comprend que le législateur peut avoir
une vision différente. Mais on est dans une société qui est pluraliste,
donc il faut tenir compte de toutes les opinions, tous les courants de pensée,
y compris le vôtre. C'est la façon dont moi, je le vois. Avais-tu une question?
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Merci. On comprend bien votre message, mais en même temps vous avez aussi… Dans
votre analyse puis votre connaissance du
terrain, il y a des éléments que vous pouvez apporter à notre connaissance, qui
sont fort utiles, et d'où la question de l'accessibilité
des soins palliatifs en région. Aux Îles-de-la-Madeleine, j'imagine qu'il y
a une situation x. Quelle est votre connaissance des soins palliatifs sur
le territoire, l'accessibilité des territoires plus… des régions plus
éloignées, des communautés moins accessibles? Est-ce que…
Admettons…
Prenons, par exemple, l'article 5 du projet de loi, qui codifie le droit
ou l'accès aux soins palliatifs. Je mets
de côté les deux autres éléments. Je sais très bien que vous n'êtes pas d'accord,
puis on ne parlera pas pour parler, là. Est-ce que, selon votre
connaissance du terrain, selon votre expérience, c'est faisable, c'est
envisageable de codifier l'accès aux soins
palliatifs en 2013? Est-ce qu'on a suffisamment de ressources sur le terrain,
tant en centre hospitalier qu'en
maison d'hébergement, qu'en équipes qui vont aller à domicile pour rejoindre
les patients? Est-ce qu'on a ce qu'il faut?
Parce
qu'on a cet élément-là dans le projet de loi. On n'en parle pas beaucoup. On a
parlé beaucoup d'euthanasie, on a parlé beaucoup d'aide médicale à
mourir, mais on a toute la question des soins palliatifs qu'on semble vouloir vraiment encadrer aussi. On semble vouloir en
faire un droit qui sera extrêmement important, compte tenu du
vieillissement de la population et des besoins du territoire. Est-ce qu'on est
prêts, au Québec, à codifier ce droit aux soins palliatifs?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Morin.
• (21 h 40) •
M.
Morin (Claude) : Bien, moi, je vous répondrais, madame : Quand on
veut, on peut. Je pense qu'au Québec il y a suffisamment de… il y a des professionnels, il y a des gens… Moi, ce
que je vois dans les milieux, puis je pense que tous les médecins ici
peuvent en témoigner et toutes les personnes qui ont eu affaire… à être
soignées dans notre système de santé, il y a énormément de dévouement dans
notre système de santé. Et ça, ça part de celui qui passe le balai au préposé, à l'infirmière, au médecin, au
spécialiste, ça inclut tout le monde, là. Je pense qu'il y a énormément de
dévouement, je pense qu'il y a… on a, au
Québec, ce qu'il faut pour fournir des soins de qualité et des soins
palliatifs — parce
que c'est de ça qu'on parle plus spécifiquement — on est capables de le
faire.
Je pense que la
répartition est très inégale. Je ne dis pas ça en tant qu'expert, je n'ai pas
fait d'études, mais, connaissant un peu la réalité de la médecine, je suis
certain que cette répartition de soins palliatifs doit être inégale sur le
territoire et qu'elle peut être améliorée. Mais, je pense, c'est surtout une question
de volonté. On doit mettre l'accent sur les soins palliatifs.
Et,
par rapport aux Îles-de-la-Madeleine, bon, je suis parti des Îles depuis 11 ans maintenant, et quel est l'état de l'administration
des soins, la disponibilité des soins palliatifs aux Îles-de-la-Madeleine? J'espère
bien meilleure que quand je suis parti, mais
je ne peux pas vous en dire davantage. Mais ce que je dis, c'est que, oui, au Québec, il y a ce qu'il faut, on a ce qu'il faut,
mais il faut la volonté politique de le faire.
M. Bergeron
(Marc) : Est-ce que je pourrais juste…
Le Président (M.
Bergman) : Dr Bergeron.
M. Bergeron
(Marc) : Ça me fait penser un peu… Par exemple, dans le cancer, à un
moment donné, le gouvernement a décidé, par exemple, d'améliorer les
soins des cancéreux en général dans la province et puis ils ont créé, par exemple, le poste des infirmières pivots. Alors, le Dr Bolduc était certainement là à ce moment-là. Et puis, bien, écoutez, au début, nous, on se demandait qui c'étaient, ces
gens-là. Des cancérologues, on était habitués de travailler seuls un peu
et dans notre coin. Et puis on s'est
aperçus, bon, qu'en répartissant ces infirmières-là un peu partout dans la
province on pouvait… Par exemple, notre centre, par exemple, à L'Enfant-Jésus, qui est le centre de référence
pour tout l'Est du Québec, on pouvait…
d'infirmière pivot à infirmière pivot, l'information se transmettait, les protocoles de recherche se
transmettaient, les protocoles de
traitement. Alors, ce n'est pas des investissements énormes,
mais ça a été très efficace.
Alors,
les soins palliatifs demandent à être encore bonifiés puis ils pourraient se
répandre très facilement. Puis je peux
vous dire déjà que, par exemple, si je prends dans notre centre hospitalier,
depuis cinq ans, là, il y a eu des soins palliatifs qui se sont
développés de façon extraordinaire.
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
M. Bergeron (Marc) : Les gens sont
devenus très compétents. Et puis je ne vois pas la place de l'euthanasie là-dedans. Il n'y en a pas. Dans notre centre
hospitalier, les gens sont bien soignés par des gens extrêmement
compétents. Ça rend, comme je vous disais,
caduc le besoin d'euthanasier les gens. Alors, on pourrait facilement, là… Si
on mettait des pôles un peu partout dans la province, ça pourrait être
aux Îles-de-la-Madeleine, dans le Bas-du-Fleuve, etc., avec des… ça ne
coûterait pas très cher. Vous avez déjà mis 15 millions, Mme Hivon, suite
à nos interventions…
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
M.
Bergeron (Marc) : …dans les
journaux et puis lors d'un congrès à Montréal. Ça a bien tombé, là, c'est un bon début. Mais
ça se pourrait… Avec quelques millions de plus, bien centrés, ça pourrait très,
très bien…
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion…
M. Bergeron (Marc) : Sans parler du
fait que je vous l'ai relancée, celle-là, là.
Le Président (M. Bergman) :
Ceci met fin au bloc…
M. Bergeron (Marc) : Vous avez réagi
vite, là.
Le Président (M. Bergman) :
Ceci met fin au bloc de l'opposition officielle.
Des voix : …
Le Président (M. Bergman) : S'il
vous plaît!
M. Bergeron (Marc) : On peut donc
répandre ça très rapidement, à peu de frais, puis mettre… Ce n'est pas nécessaire, les soins… faire mourir le monde pour
les soigner, on peut les soigner avec de la bonne volonté. On a des bons
médicaments, des bonnes… Les gens sont
dévoués, ils se donnent corps et âme. Puis ça ne coûte pas cher, cette
affaire-là. Ça n'augmente pas leur paie au bout de la ligne, là.
Le Président (M. Bergman) :
Ceci met fin au bloc de l'opposition officielle. Maintenant, pour le deuxième
groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault : Merci,
M. le Président. Merci de votre présence ici ce soir.
Je voulais
revenir… Parce que je
comprends bien votre intervention
quant à l'aide médicale à mourir et le fait que vous soyez contre toute
forme d'aide médicale à mourir. Là où je vous suis moins, c'est quand on parle
de sédation palliative terminale. Quand vous
parlez d'avoir des soins palliatifs de qualité, disponibles à tous, ça, je comprends ça, je n'ai pas de problème avec ça. Mais vous savez très bien
que les soins palliatifs… la sédation palliative fait partie des soins palliatifs, forcément, parce que,
par définition, les soins palliatifs, dans le fond, ce qu'on fait, c'est qu'on
accompagne les gens dans leurs derniers moments, on accompagne les gens vers la
mort.
Et ce que la majorité de nos patients nous
disent, quand ils sont rendus là puis qu'ils acceptent d'aller aux soins
palliatifs… Parce que souvent c'est fait avec l'accord des patients, et ils
sont avisés que, si on s'en va aux soins palliatifs, donc on va vous
accompagner vers la mort. Je vous dirais que la majorité des témoignages que
les patients vont nous dire, ce n'est pas qu'ils
ont peur de mourir, mais ils ont peur de souffrir. Et ça, on entend ça ad
nauseam. À chaque fois qu'on prépare
un patient pour le transférer vers les soins palliatifs, puis ça, je l'ai vécu à plusieurs reprises, ce n'est pas la crainte de mourir qui les
habite mais plutôt la crainte de souffrir, et le propre des soins palliatifs, c'est
d'éviter la souffrance à ces gens-là.
Alors, quand
on parle de sédation palliative, moi, je vois là-dedans une sédation
palliative où, oui, au début des soins
palliatifs, au début de la maladie, on va utiliser cette sédation-là pour soulager,
mais, quand on parle de sédation palliative terminale, c'est vraiment à
la fin, à la toute fin.
Là, quand vous
dites : On ne voudrait pas voir des gens qui auraient pu survivre deux,
trois semaines mourir en 48 heures parce qu'on leur a donné plus de médication, moi,
je vous dirais qu'au quotidien personne ne sait quand est-ce qu'ils doivent mourir. C'est-u dans deux semaines,
trois semaines, deux jours, trois jours? On ne le sait pas. Par contre,
ce qu'on sait, c'est que la souffrance les
habite et c'est ce qu'ils nous demandent d'éviter. Et ça, moi, je vous dirais
que, quand on arrive à la toute fin
et qu'ils sont dans un coma, ils ne sont plus en mesure de nous dire s'ils sont
souffrants ou non. Par contre, vous
savez comme moi, il y a des signes physiques : les gens gémissent, les
gens sont… le visage est contracté. Alors,
ce qu'on fait tout naturellement, c'est qu'on augmente la dose jusqu'à temps qu'on
sente que le patient est soulagé. Mais
vous savez aussi que cette médication-là, à la toute fin, comme ça, il y a
aussi… ça provoque un arrêt respiratoire. On ne le sait pas quand. Est-ce c'est la maladie ou est-ce que c'est la
médication? On ne le saura jamais puis on ne pourra jamais définir ça
dans un projet de loi.
Mais je pense que d'encadrer la sédation
palliative terminale, et c'est le but du projet de loi, c'est vraiment d'aller
au-delà de parler uniquement de la sédation palliative. Il y a, à la toute fin
de la vie… Et là, effectivement, dans le
cadre actuel des choses, ça se pratique au quotidien, mais il n'y a pas d'encadrement.
Je pense que la loi, ici, vient, pour une fois, l'encadrer correctement.
Est-ce que vous êtes d'accord avec ce que je viens de dire ou non?
M. Morin (Claude) : Bien, écoutez,
ce qu'on dit puis…
Le Président (M. Bergman) :
Dr Morin.
M. Morin (Claude) : Ce qu'on a dit essentiellement,
c'est que nous sommes d'accord avec la sédation palliative. Tout est dans l'intention. Si la sédation… Parce que
le problème du terme «sédation palliative terminale»,
c'est que ça peut être associé au fait qu'il y ait
une intention d'euthanasie, une intention d'abréger la vie du patient, alors
une intention de faire survenir la mort
avant la mort naturelle. Alors, c'est ça. Alors, c'est ce que le terme
«sédation palliative terminale» introduit comme confusion. Mais,
«sédation palliative», on n'a pas de problème avec ça, là, ça fait partie des soins palliatifs. Et, le fait de l'encadrer,
la sédation palliative, oui, tout à
fait d'accord avec ça, ça prend des
protocoles. Tout à fait d'accord avec vous, madame.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin à ce bloc. Et, Dr Morin, Dr
Bergeron, Me Arsenault, M. Vermette, on vous remercie pour votre
présentation et d'être ici avec nous, ici, ce soir.
Et,
collègues, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux
jusqu'à mercredi le 25 septembre 2013, à midi, afin de
poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet
de loi n° 52. Merci, collègues.
(Fin de la séance à 21 h 48)