(Dix
heures huit minutes)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre,
s'il vous plaît! Je demande aux
députés de prendre leur place à la table.
Des voix :
…
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, collègues, ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Collègues,
la commission est réunie afin de procéder aux
consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi
n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire :
Oui, M. le Président. Mme Blais (Saint-Henri—Sainte-Anne) remplace Mme de Santis
(Bourassa-Sauvé).
Le Président (M.
Bergman) : Merci. Alors, collègues, ce matin, nous allons
commencer par les remarques préliminaires, puis nous recevrons, comme premiers
invités, le Collège des médecins du Québec et la Fédération des médecins
omnipraticiens du Québec.
Remarques préliminaires
Alors, j'invite maintenant
Mme la ministre déléguée aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse
à faire vos remarques préliminaires. Vous avez six minutes, Mme la
ministre.
Mme Véronique Hivon
Mme
Hivon : Merci beaucoup,
M. le Président. Alors, je vous salue. Dans un premier temps, je
vous dis que je suis très heureuse, bien sûr,
qu'on amorce ces travaux aujourd'hui, ces importants travaux sur cet important projet deloi, et, d'entrée de jeu, je veux bien sûr saluer mes collègues d'en face, ma vis-à-vis, c'est
le cas de le dire, donc, la députée
de Gatineau, bien sûr aussi notre collègue de Jean-Talon, notre collègue
de Saint-Henri—Sainte-Anne
et je vois deux anciens collègues de
la commission spéciale mourir dans la dignité avec qui nous avons vécu une expérience
très étroite, donc l'ancien président, le député de Jacques-Cartier, et sa successeure lorsqu'il a été ministre,
donc la députée de Hull, donc bien heureuse de vous retrouver, et bien
sûr mes collègues, donc, du parti ministériel, députés de Sainte-Rose, de Masson, les Îles-de-la-Madeleine et d'Argenteuil. Je
pense qu'on a un dossier très important, un projet de loi très important
entre les mains, et je suis très confiante que le climat qui a été celui
pendant les travaux de la commission et qui déjà s'est dessiné dans les
échanges qu'on a pu avoir à ce jour sur le projet de loi va se poursuivre pour qu'on puisse vraiment faire ressortir toute l'importance
des dispositions et du projet de loi et les bonifier, bien sûr, au
besoin. Pour ma part, je tiens à vous dire que je suis très heureuse qu'il y
ait donc cette… qu'on entreprenne cette nouvelle étape.
• (10 h 10) •
Ce projet de loi là,
bien sûr, fait suite aux recommandations unanimes de la Commission spéciale sur
la question de mourir dans la dignité. Les dispositions qu'il contient s'en
inspirent directement, sont en droite ligne avec les recommandations unanimes,
donc, de la commission, et je suis très confiante, donc, qu'on va être capables
de faire des avancées importantes avec ce
projet de loi pour les personnes qui sont en fin de vie, pour qui on doit
considérer cette étape-là de la vie comme une étape tout aussi importante que
les autres étapes de la vie, autant pour elles que pour leurs proches. Et donc,
d'abord et avant tout, ce projet de loi est fondé sur des valeurs de respect,
de dignité, d'autonomie, de protection aussi des personnes vulnérables, de
solidarité et de compassion.
C'est un projet de
loi qui propose une vision intégrée des soins de fin de vie, une vision qui se
situe sur un continuum de soins. En fait, il vient donner aux personnes en fin
de vie des droits, une reconnaissance de leurs droits pour cette étape particulière de leur vie. Les Québécois souhaitent
pouvoir être accompagnés par des soins appropriés en fin de vie, adaptés à leurs situations
spécifiques, à leurs conditions médicales, à leurs souffrances aussi, et ils
souhaitent pouvoir vivre cette étape de leur vie de la manière la plus sereine
possible, et c'est ce que nous entendons faire avec ce projet de loi.
Donc,
le projet de loi prévoit, d'entrée de jeu, les principes qui doivent nous
guider dans la prestation des soins en fin
de vie. Il prévoit aussi les droits des personnes en fin de vie : droit de
recevoir des soins, droit aussi de les refuser, bien entendu. Le projet
de loi aussi comporte des règles particulières, donc applicables aux différents
dispensateurs de soins
de fin de vie, que l'on parle des établissements du réseau de la santé ou des
services sociaux, des maisons de soins palliatifs et des cabinets privés
de professionnels. Il prévoit aussi des dispositions sur les fonctions et les
pouvoirs particuliers des agences de la santé et des services sociaux et du
ministre de la Santé et des Services sociaux.
Il comporte aussi des exigences particulières
concernant certains soins de fin de vie, notamment la sédation palliative terminale et l'aide médicale à mourir,
qui sont des soins qui sont encadrés de manière spécifique, la sédation
terminale étant, je le rappelle, le fait d'endormir une personne, de la plonger
dans un état d'inconscience jusqu'à ce que
la mort se produise, et donc c'est un sujet, sans doute, sur lequel on va
revenir; l'aide médicale à mourir étant celui, donc, de soulager les
souffrances de la personne en arrêtant, donc, les souffrances par une
médication spécifique. Et il y a des
conditions très strictes qui viennent encadrer ces soins qui sont
exceptionnels — l'aide
médicale à mourir en particulier, un
soin exceptionnel pour des situations de souffrances exceptionnelles — parce que nos valeurs de compassion
et de solidarité nous commandent d'avoir des réponses aux personnes qui, à ce
jour, ne trouvent malheureusement pas de réponse à une situation sans issue en
fin de vie.
En outre, le projet de loi institue la
Commission sur les soins de fin de vie. Il prévoit donc sa composition, ses règles de fonctionnement. Il prévoit aussi,
bien sûr, le mandat de cette commission-là qui représente, selon nous,
une grande avancée aussi pour tout ce qui est de bien documenter la situation
des soins de fin de vie au Québec. Alors, voilà en quelques minutes les grandes
lignes du projet de loi.
Je suis
accompagnée de Claudie Morin, qui est conseillère politique à mon cabinet,
et de M. Luc Castonguay, sous-ministre adjoint au ministère de la
Santé et des Services sociaux, et de l'équipe du ministère, de la Direction de l'éthique,
et, bien sûr, des Affaires juridiques qui ont travaillé très fort. Et j'amorce
avec beaucoup de confiance cette étape des consultations particulières, et c'est
avec beaucoup d'ouverture que je vais entendre les différents groupes et personnes qui vont venir nous faire part de leurs commentaires, et je les remercie à l'avance de la bonification qu'ils vont
apporter au projet de loi. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bergman) : Merci, Mme la ministre. Maintenant, la
porte-parole de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau,
pour six minutes, pour vos remarques préliminaires.
Mme Stéphanie Vallée
Mme Vallée : Merci, M. le
Président. Alors, d'abord, les premiers bonjours, en cette journée de rentrée parlementaire, pour nos collègues qui se joignent
à nous ce matin et qui se joindront à nous pour le prochain mois parce que nous serons ensemble, nous allons passer
plusieurs heures ensemble. Salutations à la ministre, à sa chef de
cabinet, qui était l'une des signataires du
rapport de la commission spéciale de mourir dans la dignité. Salutations aussi
à ma collègue et complice de Hull, collègue de Jacques-Cartier et
évidemment à mes collègues… la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne, mon collègue
de… Jean-Talon, désolée, et notre recherchiste, Natacha Joncas Boudreau.
Nous sommes
ici effectivement pour un projet de loi qui est très important et qui est le
projet de loi n° 52 sur les soins de fin de vie. Je tiens, dans un
premier temps, à réitérer le message que nous avons porté au moment du dépôt du
projet de loi, c'est-à-dire que, ce projet de loi, on doit l'étudier vraiment
dans une approche non partisane, dans la même
philosophie qu'ont été entrepris les travaux de la commission spéciale sur
mourir dans la dignité. Je pense que le travail qui a été fait pendant toutes ces années est digne de mention,
et il nous appartient à nous, les parlementaires et les membres de cette
commission, de maintenir le débat à la hauteur de ce qu'il a été pendant toutes
ces années. Alors, Mme la ministre, vous pouvez compter sur mon entière
collaboration.
Ceci étant dit, un débat non partisan, ça ne
veut pas dire un débat qui ne fait pas… qui ne va pas regarder tous les points de vue. On sait que, dans la
société, il y a une multiplicité de points de vue sur la question des soins
de fin de vie, sur la question philosophique, des points de vue éthiques, des
points de vue juridiques, et donc, pour nous, il est important à ce stade-ci de bien faire le tour, de soulever chaque
pierre. Comme le disait mon collègue de Jean-Talon, notre rôle, notre
responsabilité, c'est de s'assurer que les projets de loi qui seront adoptés
par les parlementaires soient les meilleurs
projets de loi possible, et il nous appartient, aux membres de la commission, à
titre de législateurs, de vraiment… de
revirer chaque petite pierre. Et, dans les prochaines semaines, notre
responsabilité sera d'être à l'écoute des groupes qui ont analysé le projet
de loi et qui ont des recommandations à nous apporter, qui ont des commentaires
à faire valoir. Alors, j'ose espérer que
chaque groupe qui aura manifesté l'intention d'être entendu par les membres de
cette commission puisse l'être. On a déjà des plages horaires qui se
libèrent, et donc je pense qu'il y a possibilité de faire le travail et d'entendre tous ces groupes-là, et donc je tends
la main vers la ministre pour nous assurer que tous et chacun puissent
être entendus.
Évidemment,
il y a aura également… Comme il y a une multiplicité de points de vue dans la
société sur la question des soins de fin de vie, sur la question de l'aide
médicale à mourir, il y a fort probablement une multiplicité de points de vue à l'intérieur des parlementaires parce que
les parlementaires ici présents, à l'Assemblée nationale, sont
représentatifs de la société du Québec. Et c'est pour ça que les députés de
notre formation politique pourront voter librement sur la question lorsque le projet de loi sera soumis aux
parlementaires. Mais, d'ici ce temps-là, évidemment on a tout un travail qui nous attend et qui commande de traiter la
question avec le plus grand sérieux et d'entendre évidemment tout ce que les groupes auront à nous apporter. Alors,
évidemment, comme je le disais, ce sera un vote libre et qui sera en
fonction de la conscience de chaque élu. C'est
le message qu'a passé, en juin dernier, le chef de notre formation politique,
M. Couillard.
• (10 h 20) •
Alors, évidemment, ceci étant dit, je pense que,
sans plus tarder, il est temps de laisser place aux groupes qui seront devant
nous, et je tiens également à remercier à l'avance tous ceux et celles qui ont
pris le temps de répondre à l'appel lancé par la commission et de venir… de se déplacer pour venir
échanger avec les parlementaires sur ce projet de loi, parce que plusieurs d'entre eux ont déjà fait
l'exercice, se sont déjà soumis à l'exercice lors de la consultation qui
portait sur des enjeux très larges. À partir
du moment que nous avons un projet de loi bien défini, bien, les discussions
sont plus précises et sont d'autant plus importantes. Merci.
Le Président (M. Bergman) :
Merci, Mme la députée. Alors, collègues, je propose que les remarques préliminaires de la porte-parole du deuxième
groupe d'opposition en matière de santé, Mme la députée de Groulx, se
fassent après l'audition du Collège des médecins, avec votre consentement.
Consentement?
Auditions
Alors, nous allons maintenant procéder aux
auditions. Et je souhaite la bienvenue aux représentants du Collège des médecins du Québec. Dr Bernard,
je vous laisse vous présenter, présenter également les personnes qui
vous accompagnent. Vous disposez d'un maximum de 15 minutes pour vos
remarques préliminaires, suivies d'un échange avec
les membres de la commission. Les échanges avec les membres de la commission
seront divisés : pour le gouvernement, 21 minutes; pour l'opposition
officielle, 19 minutes, et, pour le deuxième groupe d'opposition,
cinq minutes. Alors, Dr Bernard, le micro, c'est à vous.
Collège des médecins du
Québec (CMQ)
M. Bernard
(Charles) : Oui. Merci, M. le Président. Alors, M.
le Président, Mme la ministre, Mmes, MM.les parlementaires, alors le Collège des médecins
du Québec vous remercie de lui permettre de vous présenter ses
réflexions sur le projet de loi n° 52 concernant les soins de fin de vie,
et j'ajouterai que nous sommes honorés d'être les premiers à auditionner devant
cette commission en cette journée de rentrée parlementaire. Alors, on vous en
remercie.
Alors, ce projet
de loi constitue à nos yeux un jalon très important dans la réflexion sur les
soins de vie, et, à notre avis, il
devrait être adopté. Amorcée en mai 2006 à l'occasion de notre assemblée
générale annuelle, cette réflexion s'est transformée en un vaste débat
public à l'issu duquel la Commission spéciale sur la question de mourir dans la
dignité a remis son rapport en
mars 2012. D'entrée de jeu, vous nous permettrez de souligner le travail
exceptionnel effectué sur ce sujet extrêmement complexe et sensible par
tous les parlementaires et, en particulier, le vôtre, Mme la ministre. Vous avez fait preuve d'un respect, d'une qualité
d'écoute, d'une rigueur et d'une compréhension des enjeux d'une rare
qualité, et nous vous en remercions sincèrement. Cela mérite d'être souligné.
Je suis accompagné aujourd'hui du Dr Yves Robert
ici, à ma droite, qui est le secrétaire de l'ordre, le médecin le plus connu du Québec, et de la Dre Michèle Marchand qui est
secrétaire du groupe de travail en éthique clinique du collège. Les deux
ont coordonné les travaux au collège sur ce sujet au cours des dernières
années. Avec l'aide d'invités, d'experts, de
représentants d'autres ordres professionnels, le collège a développé des
positions qui ont été adoptées unanimement par les membres de leur
conseil d'administration.
D'abord, je
vais vous faire quelques commentaires généraux. Le Collège des médecins appuie
d'emblée ce projet de loi qui rejoint
tout à fait la perspective que nous proposions initialement, à savoir : d'aborder
les soins de vie dans leur ensemble; de reconnaître au patient son droit
légitime d'exprimer ses volontés quant aux soins qu'il souhaite obtenir en fin de vie; d'insister sur le fait que les
soins sont plus appropriés lorsqu'ils sont le fruit d'un dialogue entre le
patient, ses proches et les intervenants; de replacer la question de l'euthanasie
dans une perspective de soins, ce qui permet d'introduire un concept
relativement nouveau, l'aide médicale à mourir; de définir des critères sociaux
et médicaux restreignant à des situations d'exception
le recours à cette aide et de tenir compte de la nécessité de protéger les
personnes les plus vulnérables; de prévoir un mécanisme de contrôle qui, en
plus d'assurer le respect des nouvelles dispositions légales, devrait permettre le recueil de données qui manque cruellement
sur les soins de fin de vie, et d'assurer la poursuite du débat dont ce
projet de loi ne peut constituer qu'une étape.
D'avoir pu concilier tous ces objectifs constitue
en soi un tour de force. En arriver à un projet de loi qui reflète le consensus
social tout en respectant la logique de soins et la logique qui prévaut au plan
des droits et libertés représentait tout un défi.
Alors, dans
sa forme actuelle, le projet de loi présente déjà plusieurs qualités
importantes. D'abord, la perspective. Le
titre même du projet de loi lui donne une perspective englobante. On ne peut qu'insister
sur la nécessité que tous les autres aspects du projet se situent dans
cette perspective. S'il y a un élément qui devrait faire l'unanimité, c'est
bien celui-ci : la volonté que chaque Québécois ait non seulement le droit,
mais l'accès aux soins de fin de vie les plus appropriés à ce qu'il est.
Concernant la reconnaissance de la place du
patient et de ses droits, le projet de loi a pour second objectif de
reconnaître la primauté des volontés relatives aux soins exprimées clairement
et librement par une personne, entre autres
dans des directives anticipées. À notre avis, ceci fait déjà l'objet d'un assez
large consensus au Québec, mais le projet de loi va un peu plus loin en
modifiant certaines dispositions du Code civil, en particulier l'article 4 à 7
et les articles 59 à 61. Aussi, il est important de lever une première
ambiguïté. Même quand on veut bien reconnaître la primauté de ces volontés, il
reste d'autres éléments qui sont essentiels pour la prise de décision en
situation clinique : le jugement
médical, celui des autres intervenants de l'équipe soignante et parfois celui
des proches. Ceci est d'autant plus vrai quand il s'agit de soins
extrêmes et exceptionnels comme l'aide médicale à mourir où s'ajoute alors une
autre contrainte déterminante, les limites que la société a décidé d'imposer à tous
ces acteurs et qui font justement l'objet de ce débat ce matin.
Concernant les dispositions relatives à l'organisation des
soins de fin de vie, ces dispositions exigent des établissements qu'ils
prévoient l'offre de soins de fin de vie sur le plan des services médicaux. La responsabilité
des établissements dans la gestion des demandes d'aide médicale à
mourir notamment nous semble une façon intéressante de respecter à la fois les demandes exprimées par certains
patients, le droit de certains médecins à l'objection de conscience et
les contraintes imposées en fonction du consensus social.
Concernant la
création de la commission sur les soins de fin de vie, à notre avis, il s'agit
là d'un élément majeur du projet de loi et d'une innovation extrêmement
structurante. Cette commission pourrait remplir plusieurs rôles, notamment celui de la surveillance, de la
vigilance, de la recherche et de l'expertise, mais nous y reviendrons.
Malgré toutes ces qualités, on ne peut demander à ce projet de loi de résoudre
d'un coup tous les enjeux. En limitant par exemple l'aide médicale à mourir aux
seuls adultes aptes, on exclut les personnes répondant aux autres conditions médicales, mais qui seraient devenues inaptes ou l'auraient
toujours été. Même les directives anticipées rédigées par une personne
alors qu'elle était apte et auxquelles le projet de loi veut donner plus d'importance
ne lui donneraient pas accès à cette
nouvelle option, d'où l'intérêt de cette commission qui pourrait alimenter la
réflexion dans les zones laissées en suspens. Nous comprenons que le
souci de respecter le consensus social précieusement dégagé par la commission spéciale oblige à faire des choix prudents. Et le
collège salue la sagesse d'une telle approche, heureusement compensée
par la possibilité de la poursuite du débat.
Parmi les
dossiers ouverts, notons que le rapport de la Commission spéciale sur la
question de mourir dans la dignité
interpellait le collège sur sa recommandation n° 24 pour étudier la
possibilité pour une personne atteinte d'une démence causée par une maladie dégénérative du cerveau de faire une
demande anticipée de l'aide médicale à mourir. Elle souhaitait que le
comité mixte d'experts, sous l'égide du collège, produise un avis sur cette
question. Alors, c'est avec plaisir, M. le
Président, que je joins à notre mémoire… Vous avez reçu le fruit de cette
réflexion menée au cours de la dernière année par les représentants du
Barreau du Québec, de la Chambre des notaires du Québec, de l'ordre des
infirmiers et infirmières du Québec et de l'Ordre des travailleurs sociaux et
thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec
ainsi que de plusieurs autres experts. Tous ces ordres professionnels, y
compris le collège, ont adopté cet avis, et nous vous le soumettons pour
la suite de vos travaux et, éventuellement, ceux de la nouvelle commission
créée pour aborder les questions non résolues. Essentiellement, le rapport
recommande de ne pas créer de régime distinct pour les personnes atteintes de
démence et de pousser plutôt la réflexion sur les soins de fin de vie chez l'ensemble
des personnes inaptes.
Quelques
commentaires plus détaillés maintenant concernant les articles 1 à 3, l'objet
de la loi et dispositions générales. À ce chapitre, nous souhaitons commenter
la définition de soins de fin de vie proposée au troisième alinéa de l'article 3, pour être plus précis. «Aux fins
de la présente loi — l'article
se lit comme ça — on
entend par "soins de fin de vie" : les soins palliatifs
offerts aux personnes en fin de vie, y compris la sédation palliative
terminale, de même que l'aide médicale à mourir.»
• (10 h 30) •
Alors, malgré l'extrême importance qu'ont prise
les soins palliatifs dans cette période difficile qu'est la fin de vie,
il n'est pas clair pour nous qu'il faille associer de trop près soins de fin de
vie et soins palliatifs. Les soins palliatifs ne
se réduisent pas aux soins de fin de vie, pas plus que les soins de fin de vie
ne se limitent aux soins palliatifs. La chose est d'autant moins claire
si l'on pense inclure dans ces soins une nouvelle option comme l'aide médicale
à mourir. Les soins palliatifs se sont
développés dans un contexte où tout acte visant à écourter activement et
volontairement la vie était frappé d'un
interdit, si bien que c'est l'accompagnement qui a été privilégié et d'autres
voies qui ont été explorées pour
soulager les symptômes, dont la sédation palliative pour les symptômes
réfractaires. On peut donc comprendre que, pour plusieurs, l'aide
médicale à mourir est contraire à l'esprit même des soins palliatifs. Aussi, il
nous semblerait préférable d'exclure ici
toute allusion aux soins palliatifs et de désigner simplement par «soins de fin
de vie» tous les soins effectivement offerts pour cette période où la
vie tire à sa fin.
Si l'on veut
introduire la sédation terminale et l'aide médicale à mourir dans cet ensemble,
il serait par contre utile de préciser que la
période de fin de vie comporte habituellement plusieurs phases. En parlant de la phase
terminale, on réfère justement
au moment où la mort d'une personne devient inéluctable et plus ou moins imminente, et ce, même si un pronostic vital précis est difficile
à établir. Mais, à partir de ce moment, il nous apparaît que l'équilibre entre
la crainte d'écourter la vie et le désir de
soulager les symptômes réfractaires peut facilement basculer en faveur
de ce dernier.
Il nous semblerait également
utile de mieux préciser, dans cet article ou ailleurs dans le projet de loi, ce
qu'on entend par l'aide médicale à mourir.
Nous l'avons déjà exprimé ailleurs, ce terme nous convient parce qu'il précise qu'il s'agit d'un acte qui serait accompli par un
médecin dans un contexte de soins, ce qui exclut le suicide médicalement
assisté. Il demeure qu'il s'agit d'un acte consistant à provoquer
intentionnellement la mort d'une personne, mais, ce, dans un contexte de soins de fin de vie dans certaines
situations exceptionnelles et en respectant les conditions établies par la
loi.
Concernant
les articles 8 à 24, qui concernent l'organisation des soins de fin de vie, une fois les enjeux replacés dans le contexte d'une offre de soins de fin de
vie, il devient effectivement possible de l'encadrer par des dispositions
générales de la Loi des services de santé et services sociaux, de ses règlements
et d'effectuer les liens appropriés avec le Code civil du Québec pour les
aspects portant sur le consentement aux soins.
C'est
ainsi que le réseau public de santé, directement ou indirectement, par ententes formelles, devient
l'instance responsable de l'accessibilité, de la qualité et de l'encadrement de
la dispensation de ces soins. Sauf pour ce qui est des soins à domicile prodigués
par des médecins exerçant exclusivement en cabinet, les éléments structuraux
prévus pour le projet de loi nous apparaissent assez complets et appropriés.
Alors, ces éléments, c'est :
La nécessité, pour les établissements de santé, de se doter d'une politique, d'un plan d'organisation et d'un code d'éthique pour les soins de fin de
vie. Incidemment, nous saluons la volonté de réserver une chambre privée à
toute personne en soins de fin de vie;
La responsabilité par le Conseil
des médecins, dentistes et pharmaciens, ce qu'on appelle le CMDP, et les
comités professionnels des établissements d'assurer et de surveiller la qualité
des soins;
L'obligation
pour les établissements de produire des rapports périodiques et un rapport
annuel sur toutes les activités entourant
les soins de fin de vie, notamment et en particulier la sédation palliative
terminale et l'aide médicale à mourir, et de rapporter toutes les
demandes, même celles qui ont été refusées. À cet égard, nous aimerions que
soient évités les dédoublements administratifs. Nous pensons que les informations
devraient être colligées à ce… qui sont colligées
à ce niveau... devraient être… pourraient être associées au constat de décès et
retransmises à la Commission sur les soins de fin de vie;
La
nécessité pour les maisons de soins palliatifs d'établir des ententes avec les établissements de santé décrivant les services qu'elles offrent, l'article 65
du projet de loi offrant la possibilité de conserver des droits acquis à cet
égard;
Quant aux
soins de fin de vie prodigués à domicile, le projet de loi prévoit un
rattachement obligatoire du médecin et de l'équipe
traitante à un établissement de santé et un assujettissement aux obligations
qui en découlent. Nous notons et saluons l'attention particulière
accordée spécifiquement à l'offre de sédation terminale et à l'aide médicale à
mourir et les obligations plus contraignantes qui leur sont associées.
Cependant, cette mesure nous semble difficile à
appliquer dans des cas d'un médecin exerçant exclusivement en cabinet et sur
lequel les CMDP de l'établissement n'ont aucune juridiction. Il nous
apparaît que, malgré son rattachement à un établissement en ce qui concerne les
soins de fin de vie, l'encadrement de l'exercice de ce médecin relève toujours
de la responsabilité du Collège des médecins;
L'obligation
par les agences régionales de santé et de services sociaux d'assurer l'accessibilité
des soins sur leurs territoires;
Et, enfin, le
projet de loi prévoit des devoirs et des pouvoirs au ministre pour donner des
orientations, assurer l'implantation des services, effectuer la surveillance
des pratiques et intervenir pour vérifier la qualité et la sécurité des
services.
On me dit qu'il
me reste quelques minutes. Alors, je vais probablement aller directement aux
fonctions particulières.
Bon. Un
article que je veux absolument donner des commentaires, c'est sur la Commission
des soins de fin de vie. Alors, je saute plusieurs étapes de mon rapport — vous
l'avez, et j'espère que vous l'avez lu, ou vous le lirez — pour
vous dire, concernant les articles 35 à 42, Commission sur les soins de
fin de vie… Comme nous l'avons mentionné précédemment, la création de la
Commission sur les soins de fin de vie est un outil essentiel et une innovation particulièrement heureuse non seulement pour assurer la conformité à la loi, mais aussi et surtout pour
offrir un cadre permettant de poursuivre la réflexion. À cet égard, le volet de
recherche prévu à l'article 40 sera crucial et devra être pris en compte par les décideurs. La création de cette commission
s'inscrit dans la nécessité de responsabilité... une instance de vigie essentielle à la surveillance de l'application de la loi et apte à favoriser l'évolution des pratiques.
À
nos yeux, la principale vertu de cette commission
est de permettre le recueil de
données cruellement manquantes actuellement concernant les soins de fin
de vie. Aussi, nous pensons que toutes les informations sur les soins de fin de vie recueillies, conformément à l'article
10 du projet de loi, devraient être transmises à cette commission.
L'analyse de telles données est une condition essentielle pour pouvoir éliminer
la clandestinité, identifier les problèmes qui persistent, déceler les dérives
et intervenir, le cas échéant.
Nous saluons
également la proposition du législateur quant à la composition de cette
commission, notamment en y incluant un usager. Et nous vous assurons qu'à titre
d'ordre professionnel concerné de premier chef nous allons collaborer
étroitement aux travaux de cette commission.
Alors, je vais aller
directement à la conclusion, M. le Président, puisque vous le souhaitez
ardemment. Alors, j'aurais bien aimé vous
parler… mais on va y aller directement. La conclusion, la conclusion, attendez
un petit peu, parce que, là, vous me faites sauter des étapes, là.
Conclusion. En vous
remettant aujourd'hui ce mémoire et le rapport du groupe de travail élargi sur
l'aide médicale à mourir chez les personnes
atteintes de démence, le Collège des médecins est heureux d'exposer
publiquement les nombreuses raisons pour lesquelles il appuie l'adoption du
projet de loi n° 52. Vous allez retrouver aussi dans ce mémoire certaines
propositions visant à bonifier le projet de loi.
Et, si je fais
un court résumé, et je me dépêche, M. le Président, le Collège des médecins du
Québec partage l'objectif principal de ce
projet de loi, qui est d'assurer aux personnes en fin de vie les soins les plus
appropriés possible. C'est dans cette perspective qu'il appuie aussi le
développement des soins palliatifs, une certaine ouverture à de nouvelles
options comme l'aide médicale à mourir.
Toutefois, la
position du collège a toujours été claire. L'aide médicale à mourir n'est pas
nécessairement contraire à l'éthique médicale, mais elle doit demeurer une
option de dernier recours pour des situations de fin de vie exceptionnellement difficiles. Parmi les éléments
pouvant justifier qu'on y recoure, on devrait, selon nous, retrouver le
fait que la personne est non seulement en
fin de vie, mais dans la phase terminale d'une maladie grave et incurable lui
infligeant des souffrances réfractaires.
Dans une
logique de soins, le fait que le patient soit apte ou non à consentir aux soins
est beaucoup moins déterminant. Les patients
inaptes devraient bénéficier non seulement de notre protection, mais également
des meilleurs traitements possible.
Malheureusement, la
moindre ouverture à ce que des patients inaptes puissent bénéficier de l'aide
médicale à mourir fait craindre les dérives.
Tout en comprenant que le législateur se doit d'être prudent, on peut, selon
nous, imaginer d'autres solutions que de fermer complètement la porte
aux patients inaptes, mais ceux qui auraient rédigé des directives anticipées
alors qu'ils étaient encore aptes...
Enfin, le collège souscrit également au deuxième
objectif du projet, soit celui d'assurer la primauté aux volontés exprimées par les personnes à l'égard des soins. L'idée
voulant que les soins soient plus appropriés lorsqu'ils sont le fruit d'un
dialogue entre le patient et les intervenants fait consensus actuellement, et
nous y adhérons.
Toutefois, il faut éviter de
laisser croire que toutes les volontés exprimées seront nécessairement
respectées. Même quand on veut bien reconnaître
la primauté de ces volontés, il reste que d'autres éléments sont essentiels
dans la prise de décision en
situation clinique : d'abord, le jugement médical, celui des autres
intervenants de l'équipe de soins et, parfois, celui des proches. Ceci
est d'autant plus vrai qu'il s'agit de soins extrêmes et exceptionnels, comme j'ai
dit plus tôt, comme l'aide médicale à
mourir, où s'ajoute alors une autre contrainte déterminante : les limites
que la société a décidé d'imposer à tous ces acteurs et qui font
justement l'objet de ce débat.
Tout en étant
favorables à la création d'un régime axé sur les directives anticipées, nous
croyons qu'il demeure pertinent de désigner un mandataire et qu'il faut
garder une place au consentement substitué.
Il me reste deux petits
paragraphes, M. le Président, et je m'en excuse. Merci de votre grandeur d'âme.
Puisque plusieurs questions
demeurent, le collège estime que la principale vertu du projet de loi est
encore d'assurer la poursuite de la réflexion par le biais de la Commission sur
les soins de fin de vie. Créée pour assurer le respect de la loi, cette commission devrait également permettre le
recueil d'informations essentielles pour la suite du débat. En
espérant que les résultats de notre réflexion contribueront à alimenter
significativement la vôtre, MM., Mmes les parlementaires,
nous vous remercions de nous avoir permis de nous exprimer sur ce sujet. Alors,
nous allons accueillir vos questions.
• (10 h 40) •
Le
Président (M. Bergman) : Merci, Dr Bernard, pour votre présentation. Et maintenant
pour l'échange avec les députés de la
commission : pour le gouvernement, une période de 21 minutes, pour l'opposition officielle, 19 minutes, et, pour le deuxième groupe d'opposition,
cinq minutes. Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui. D'entrée de jeu, M. le Président, je me demandais si ce serait possible de scinder les blocs pour
que ce soit plus dynamique. Donc, de faire un 10-10, d'alterner.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Pas d'objection,
M. le Président.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Groulx.
Mme
Daneault : ...
Le Président (M. Bergman) :
Alors, on va accorder votre demande.
Mme
Hivon : Merci
beaucoup. D'entrée de jeu, avant d'entamer notre échange, je veux simplement
souligner… On me dit que j'ai omis de mentionner — et c'est quand même
pertinent pour les gens du Collège des médecins — la
présence parmi nous d'une autre équipe du ministère, donc, de la
Direction générale des services de santé et de médecine universitaire,
avec notre nouveau sous-ministre à cette direction, Dr Louis Couture, et aussi
le directeur, donc, des Services hospitaliers universitaires, Dr Dufresne,
et l'équipe. Donc, merci beaucoup aussi d'être ici.
Merci au
Collège des médecins pour un mémoire de très bonne qualité, évidemment, et aussi d'avoir produit ce rapport
qui, donc, avait été un devoir qui vous avait été demandé bien gentiment, mais
par la Commission spéciale sur la question de mourir dans la
dignité, et auquel vous vous êtes astreints quand même très rapidement, et donc
je vous remercie sincèrement de tout le
travail et l'éclairage, autant… que votre mémoire et ce rapport peuvent
nous permettre d'obtenir.
Je veux vous remercier aussi, le
Collège des médecins, parce que vous avez vraiment été une instance très, très importante
dans tout ce débat, dans toute l'amorce de ce débat au Québec quand vous avez
déposé, donc, ce rapport, à l'automne 2009,
qui a conduit d'ailleurs à la création… qui a été un des éléments qui a
conduit à la création de la commission
spéciale, où, vraiment, vous êtes arrivés avec cette notion de soins
appropriés de fin de vie, de continuum de soins, et qui est une notion
qui, je pense, nous a vraiment amenés sur le bon terrain, sur la bonne logique,
qui est vraiment la logique de considérer la personne en fin de vie dans toute
sa complexité, et de voir un peu les limites qui pouvaient être celles
auxquelles autant les patients que les soignants faisaient face dans le cadre
actuel, et cette idée a vraiment été porteuse, en tout cas, pour les travaux de
la commission et pour ce projet de loi. Donc, je veux vous remercier et vous
remercier encore du rôle que vous acceptez de jouer aujourd'hui.
J'ai beaucoup de questions, évidemment. Peut-être
, d'entrée de jeu, deux petits éléments. Quand vous parlez de la définition… C'est quand même important, la définition qu'on donne de «soins de fin de vie». Je veux simplement dire que
l'aide médicale à mourir ne fait pas partie des soins palliatifs lorsque l'on
expose la définition. Donc, les soins de fin de vie, ce sont les soins
palliatifs, y compris la sédation palliative terminale, qui est reconnue par
les gens du domaine des soins palliatifs
comme un soin palliatif, et l'aide médicale à mourir, qui est considérée comme
un soin de fin de vie, mais qu'on
ne met pas dans l'ensemble des soins palliatifs, et donc cette distinction-là
nous apparaissait importante.
Quand vous
dites : On devrait peut-être simplement parler de soins de fin de vie, l'idée
derrière la définition qui est là, c'est vraiment
de faire ressortir la notion de soins palliatifs. C'est la première fois que
cette notion-là apparaît spécifiquement
dans une loi, dans un projet de loi, elle est consacrée. Il y a
des droits aussi qui sont liés à la reconnaissance, donc,
de la notion de soins palliatifs. Donc, de notre côté, ça nous apparaissait
très important que la notion de soins palliatifs soit explicite, et, par
ailleurs, les soins… Il y a évidemment... Ce n'est pas parce que vous êtes en
fin de vie que vous n'avez pas accès à tout
autre type de soins auxquels vous pourriez avoir droit et qui sont prévus,
donc, dans lereste du corpus
législatif. Mais l'idée de ce projet de loi là, évidemment c'est de prévoir les
droits, les soins des personnes en fin de vie.
Donc,
je voulais peut-être vous préciser ça puis je serais intéressée de vous
entendre à savoir si votre position prend quand même en compte le fait qu'évidemment ça n'exclut pas les soins,
les autres soins en tout genre qu'une personne peut obtenir. Premier…
Une voix :…
Mme
Hivon :
Oui.
M. Bernard
(Charles) : Dans une des sections que j'ai sautées, là, que vous allez
lire, on avait quand même des commentaires sur les soins palliatifs. Mais, si vous me
permettez, je vais peut-être inviter le Dr Robert à préciser notre pensée du collège sur la
distinction qu'on voulait faire ou apporter entre soins palliatifs et soins de fin de vie, et pourquoi on veut faire cette
distinction-là.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Robert.
M. Robert
(Yves) : En fait, la chose importante, c'est de distinguer la notion
de soins palliatifs d'une notion d'une
structure. On entend souvent parler des unités de soins palliatifs. Les soins
palliatifs peuvent être offerts par n'importe quel médecin dans n'importe quelle structure. Ça, c'est une chose qui m'apparaît extrêmement importante. Cela neveut pas dire que des structures ne seraient pas utiles dans certains milieux,
mais on peut offrir des soins à
domicile, par exemple, avec un
médecin. Il s'en fait déjà présentement, des soins palliatifs de cette
nature-là, qu'il faut reconnaître.
Donc, notre souci, c'est
d'éviter une confusion dans les termes entre la notion de soins de fin de vie,
et je suis heureux de vous entendre établir cette distinction entre les soins
palliatifs, la sédation terminale palliative et l'aide médicale à mourir, que
je comprends que vous mettez un petit peu à l'extérieur de la notion de soins
palliatifs.
M. Bernard
(Charles) : Tout à fait.
Mme
Hivon :
Et je partage…
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui. Et évidemment
ce qui est prévu dans le projet de
loi, c'est vraiment
les soins palliatifs et non pas la
structure, donc on partage la même vision sur ça. Ce n'est pas parce que
vous n'êtes pas dans un lit dédié de soins palliatifs que ça veut dire
que vous ne recevez pas de bons soins palliatifs.
Une voix :
Exact.
Mme
Hivon :
Parce que vous pouvez être à domicile, vous pouvez être dans un autre lit. O.K.
M. Bernard
(Charles) : …demander la permission?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Bernard.
M. Bernard
(Charles) : La Dre Marchand aimerait ajouter une petite
précision.
Mme Marchand
(Michèle) : J'aimerais ajouter une petite précision.
Le Président (M.
Bergman) : Dre Marchand.
Mme Marchand (Michèle) : C'est parce
qu'une grande partie du débat s'est concentrée… a ciblé le fait qu'il était difficile d'introduire dans les soins
palliatifs, tels qu'ils sont conçus présentement, l'aide médicale à mourir, qui
serait contraire à l'esprit des soins palliatifs, et on pense que ce n'est pas
ça, l'enjeu du débat. Ce qu'on veut, c'est que l'aide médicale à mourir fasse
partie de l'ensemble des soins de fin de vie et pas nécessairement de ce qu'on
a défini jusqu'ici comme les soins
palliatifs. Et l'autre différence aussi, c'est qu'il y a, dans les soins de fin
de vie, il y a des soins qui sont à
but curatif, là, dans les soins de fin de vie et qui ne sont pas des soins
palliatifs. Donc, je pense que la définition, telle qu'elle est là, est
douteuse par rapport à ces deux éléments-là.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Alors,
simplement vous dire que c'est la définition pour les fins de ce projet de loi
là parce qu'on est en fin de vie, et on sait
que des soins palliatifs peuvent exister pas dans un contexte de fin de vie
aussi, qui peuvent cohabiter avec le curatif,
mais, je rappelle, le projet de loi est vraiment pour cette étape de la vie qu'est
la fin de vie. Donc, il faut toujours partir
de cet angle d'analyse là. Et, vous faites bien de le dire, l'aide médicale à
mourir, c'était tout à fait notre volonté de la considérer comme un soin
de fin de vie, mais non pas comme un soin palliatif.
Mme Marchand (Michèle) : L'information
laisse à désirer à cet égard.
Une voix : Mme Hivon.
Mme
Hivon : On pourra…
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Enfin,
parfait. Donc, je prends note du commentaire. Mais, la notion, on dit «de même
que l'aide médicale à mourir», donc c'est comme un «et», et non pas dans les
soins palliatifs, mais on pourra le revoir.
Pour ce qui est
de la question de notion de terminal que vous voulez, que vous souhaitiez
ajouter, je dois vous dire que c'est
des questions qu'on s'est déjà posées, et j'ai fait des recherches, on a fait
des recherches, et il n'y a pas du tout de… il n'y a pas de consensus
quant à savoir ce qu'est une phase terminale. De ce que je comprends, ça varie
selon les maladies, ça varie selon les
contextes. J'ai lu des choses où on parlait de deux mois, de six mois, de deux
ans dans d'autres éléments de
littérature. Donc, je me dis : Est-ce que c'est vraiment une notion fixe,
qu'importent les maladies, où tout le monde va s'entendre, et qui est…
qui va vraiment ajouter à la notion de fin de vie qui, en soi, est déjà quand
même assez explicite?
M. Bernard (Charles) : …où tout le
monde s'entend, je n'en connais pas.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Bernard.
M. Bernard (Charles) : Mais ce que
je peux vous dire, c'est que cette notion-là, c'était une notion qu'on voulait introduire de «très imminente». C'était
dans ce sens-là. Je ne sais pas si tu avais quelque chose à ajouter là-dessus?
Le Président (M. Bergman) :
Dr Robert.
• (10 h 50) •
M. Robert (Yves) : Il y a une chose
importante, c'est que, dans notre esprit, en tout cas, dès le départ, on avait
la notion et on voulait transmettre cette notion-là, qu'on pouvait l'envisager
sur le plan médical quand la mort était imminente. On nous a souvent posé la
question : Dans quel délai? Il y a des États qui ont décidé de mettre des échéances comme six mois, trois mois, deux mois.
On ne veut pas entrer dans une période fixe, mais on a le sentiment, en général, qu'un soignant qui voit une personne qui
est dans la fin de sa vie et où la mort est relativement imminente… on
voulait cerner ça à ce niveau-là.
On a eu des commentaires de nos collègues
psychiatres où il y a certaines maladies mentales qui pourraient correspondre à la définition qui est actuellement
dans le projet de loi et pour lesquelles la mort n'est pas nécessairement imminente. Et c'est là où on
voulait éviter toute ambiguïté, que c'était véritablement quand la mort
est imminente, donc, en phase terminale — je n'ai pas de meilleur
terme — qu'on
voulait centrer la question de l'aide médicale à mourir pour exclure d'autres
pathologies dont l'évolution est beaucoup plus longue, mais qui pourrait amener
une certaine déchéance et une certaine souffrance, qu'elle soit physique ou
psychologique.
Et je pense que… Dre Marchand a peut-être
quelque chose à ajouter là-dessus.
Une voix : M. le Président.
Le Président (M. Bergman) :
Dre Marchand.
Mme Marchand (Michèle) : Oui, je
pense qu'on n'a pas trouvé de meilleure expression ou de meilleur concept que la phase terminale… (panne de son) …dans
la phase terminale, c'est «plus ou moins imminente», mais ce qu'on dit, c'est qu'il ne faut pas pour autant
mettre un pronostic vital précis — 0-6 mois, 0-3 mois — et la mort est inéluctable. Ce que
les psychiatres nous ont fait remarquer, c'est qu'il y a des gens pour qui la
mort est inéluctable et imminente parce qu'ils
ont décidé qu'ils voulaient mourir, parce qu'ils jugent que leur vie ne vaut
plus la peine d'être vécue. Mais ce ne sont pas ces situations-là où les
médecins se sentent tenus d'aider un patient à terminer sa vie, comprenez-vous?
Et il y a des gens aussi, des neurologues qui
traitent des maladies neurologiques d'évolution très lente qui ne seraient pas
prêts à collaborer, à répondre positivement à la demande d'un patient à qui il reste
deux ans à vivre. Comprenez-vous, ce n'est pas le genre de situation où les
médecins sont prêts à dire : Oui, je pense que la mort est inéluctable, elle est plus ou moins imminente.
Vous souffrez, et, de toute façon, la mort va s'installer, donc on est
prêts à ce moment-là à vous aider.
Mais ça limite… Moi,
je ne veux pas qu'on cache le fait que, par rapport aux soins de fin de vie, qu'on
peut imaginer comme une période assez
longue, ça limite l'ouverture à une période où la mort, sans être dans les
semaines qui suivent, est quand même inéluctable et imminente, ce qui est
contenu dans la notion de phase terminale et non pas de maladie terminale. On n'exige
pas que ce soit une maladie nécessairement mortelle, mais on exige que l'évolution
de la maladie soit assez avancée, pas parce que c'est
dégradé, mais parce que la mort est inéluctable. Et on pense que c'est à ces conditions-là que les médecins sont
prêts à se justifier à eux-mêmes une intervention, une collaboration à l'acte.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Merci. Il me reste du temps dans le bloc?
Le
Président (M. Bergman) : Oui, on peut aller au bloc de l'opposition
officielle. Mme la députée de Gatineau, si vous voulez.
Mme
Hivon :
On peut alterner, là, ça ne me dérange pas.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Merci. Alors, dans un premier temps, je tiens à vous
remercier. Votre mémoire était extrêmement intéressant, et puis pour ceux qui, comme moi, n'ont pas participé à
toute la réflexion qui entourait le dépôt du rapport de la commission
spéciale Mourir dans la dignité, vous avez fait un travail extrêmement
important. Et, je vous dirais, j'aimerais continuer un petit peu parce que moi aussi,
j'ai beaucoup de questions.
Alors,
je voudrais continuer un petit peu sur la réflexion qui entoure la question de
la définition parce que, pour moi, d'utiliser les bons termes, et les
termes précis, c'est d'abord la clé de l'acceptabilité sociale du projet de
loi, de ce qu'on peut… Souvent, les gens ne comprennent pas, comprennent mal ce
qu'on tente d'expliquer dans le projet de
loi. Alors, si les termes, si les définitions sont claires, à mon avis, on sera
capables d'expliquer là où on souhaite aller. Et le débat qui entoure
toute la question d'inclure la phase terminale dans les conditions, aussi, de l'aide
médicale à mourir, des conditions qui permettront d'aller de l'avant avec l'aide
médicale à mourir est également un élément très, très important.
Lors de vos échanges
avec le ministre, Dr Marchand, vous avez mentionné que la définition de l'article
3, du troisième alinéa de l'article 3 était quelque peu… laissait à désirer, et
je me demandais si vous aviez une formulation, une suggestion de formulation
qui correspondrait davantage à l'esprit de la loi que vous aviez lorsque vous
avez pris connaissance du projet de loi.
Le Président (M.
Bergman) : Dre Marchand.
Mme Marchand (Michèle) : Je pense qu'on est mieux de ne pas trop s'attarder.
Je n'ai pas de formulation. Mais je trouve que le… on pense que le «de
même» va avec le «y compris» et je pense qu'il y a une… en tout cas, pour moi,
à ma lecture… Bon, mais je pense qu'on ne doit pas… En tout cas, je n'ai pas de
formulation dont on pourrait discuter rapidement, là.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Robert.
M. Robert
(Yves) : …oui, insister sur le fait que, dans les juridictions où on a
légiféré sur ces questions-là, notamment en Belgique, l'absence de précision
que c'est en phase terminale et lorsque la mort est imminente a pu être à l'origine de certaines dérives. Et donc d'avoir...
En tout cas, c'est clair dans notre esprit. Depuis 2009,
quand on est sortis la première fois
sur ce sujet-là, dans notre esprit, c'est véritablement limité à ça. Ça
excluait d'emblée le suicide assisté — on l'a toujours dit, on le
redit encore aujourd'hui — et
ça exclut aussi des situations où un patient formulerait une demande de façon
précoce lorsqu'un diagnostic d'une maladie éventuellement inéluctable amenant
la mort pourrait... formuler une telle demande.
Donc,
pour nous, ça ne peut pas être précoce, ça ne peut pas être préventif, ça ne
peut pas être quelqu'un qui vient d'avoir un diagnostic d'Alzheimer,
pour dire quelque chose. Il faut que ce soit véritablement dans la dernière
tranche de vie, dans la phase ultime de la
vie de cette personne, où l'aide médicale à mourir, ayant pu être formulée,
directement ou indirectement — et vous y verrez avec les directives
anticipées — peut
être envisagée. C'est uniquement dans cette limite-là qu'on pourrait envisager,
du point de vue médical, une aide à mourir, considérant que la souffrance du
patient, la mort inéluctable contrebalancent le poids que représente d'intervenir
activement.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Et je comprends que ce serait pour permettre d'éviter, par exemple, qu'un
individu qui est quadraplégique, qui... par exemple, là, qui a des souffrances
intérieures terribles, puisse se prévaloir des dispositions du projet de loi,
par exemple.
M. Robert (Yves) : Parce que c'est un état, ce n'est pas une maladie qui amène à une mort.
C'est exactement ça.
Le Président (M.
Bergman) : Madame... Dre Marchand.
Mme Marchand (Michèle) : On pense qu'il
faut commencer quelque part, et, pour nous, la phase terminale est une façon de
commencer quelque part dans un espace restreint. Pour nous, c'est une façon de
commencer. Les études
montrent, dans les pays où ça a été libéralisé, que la plupart des demandes
acceptées sont des patients vraiment en phase... dont la mort est
vraiment inéluctable et imminente.
Moi, je ne dirais pas qu'il n'y aura pas d'autres
cas où ça pourrait être discutable, voir si c'est un soin approprié. C'est clair qu'il y a d'autres cas,
comme un quadraplégique ou une maladie qui, sans être... la mort, sans
être imminente apporte des souffrances très importantes. Je pense que c'est
vrai qu'on pourrait penser à des cas où ça serait
quand même... on pourrait discuter que c'est un soin approprié. Mais on pense
que, s'il faut commencer quelque part,
il faut commencer par ces cas-là. En tout cas, c'est les cas que les médecins
nous ont demandé de cibler, parce que c'est ceux-là, qui posaient
problème dans la réalité clinique.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée...
Mme Marchand (Michèle) : Que le
patient soit... d'ailleurs.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Dans vos
commentaires portant sur toute la question de l'accessibilité des soins
palliatifs… parce qu'il y a aussi cet
élément-là, dans le projet de loi, qui est très important, c'est de permettre à
tous ceux qui ont besoin ou qui
souhaitent se prévaloir de ces soins-là d'y avoir accès. À titre d'organisation,
comment pouvez-vous... comment voyez-vous l'accessibilité, justement,
aux soins palliatifs sur l'ensemble du territoire? Parce que c'est un défi. On
peut le souhaiter, mais est-ce que c'est quelque chose qui est réel? Est-ce qu'on
a actuellement, sur le territoire du Québec, accès aux soins palliatifs? Et, si
on n'est pas rendus là, qu'est-ce qu'on devra faire afin de donner accès aux
citoyens du Québec à ce service-là?
Le Président (M. Bergman) :
Dr Robert.
• (11 heures) •
M. Robert
(Yves) : En fait, la
première chose, c'est qu'il va falloir qu'il y ait beaucoup de formation, j'ai
l'impression, à tous les niveaux, de tous les intervenants. Il va falloir
que... Et je pense que le projet de loi est une belle occasion de lancer un message dans l'ensemble du réseau de la
santé pour qu'il y ait un genre de — vous m'excuserez l'image, là — cristallisation
des efforts autour d'un projet commun. Et l'obligation qui est créée aux
établissements d'avoir un plan forcerait,
jusqu'à un certain point, la mise en place de tels services. Le défi majeur
pour moi, ça va être les soins à domicile, parce qu'en fait on entend, à
travers les sondages qui sont faits dans la population, qu'il y a une grande
proportion de nos concitoyens, concitoyennes qui souhaiteraient mourir à
domicile, alors que, dans les faits, cette même proportion là meurt
actuellement dans les établissements de santé.
Je pense qu'au bout de la ligne il pourrait y
avoir un compromis entre le fait de mourir à domicile ou en établissement. L'objectif, surtout, c'est d'avoir les meilleurs soins possible. Je
pense qu'au bout de la ligne c'est ça qui est le message que je comprends et qu'il pourrait y avoir, selon les régions
ou selon les ressources, un modèle, en fait, qui va être approprié aux gens localement. Je pense que c'est un message d'écoute
des besoins de la population qui est lancé.
Sur le plan opérationnel, c'est sûr qu'il va y
avoir besoin de ressources de ce côté-là, un rétablissement ou une priorisation
de ces services-là de façon particulière dans certains établissements. Je pense
que c'est réaliste à très court terme,
relativement, d'organiser ça. La volonté est là. Je pense que la population est
prête à avoir ces services-là et je pense que le réseau est prêt à s'organiser
jusqu'à un certain point pour les offrir.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau, il vous reste 1 min 30 s dans ce
bloc.
Mme Vallée : J'aurais aimé vous entendre — et
peut-être qu'on pourra y revenir — vraiment
sur la définition de l'aide médicale à
mourir en tant que telle. Parce que, dans les échanges que j'ai pu avoir,
certaines personnes se questionnent à savoir pourquoi ne pas appeler un
chat, un chat, pourquoi ne pas utiliser le terme «euthanasie»? Alors, j'aimerais
pouvoir vous entendre sur la question, parce que, contrairement à mes collègues
qui sont ici, je n'ai pas participé aux travaux de la commission.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Bernard.
M. Bernard (Charles) : Je me sens un
peu visé par votre citation, parce qu'en fait on m'a cité parce que je l'avais dit à un journaliste, à un moment donné, à
L'Actualité médicale. En fait, il s'agit bien d'euthanasie, mais il
faut bien comprendre que la notion d'aide médicale à mourir va un peu plus
loin.
L'euthanasie, ça pourrait être un tiers qui
décide au nom du patient quelle est sa volonté. On n'est pas du tout, ici, dans un contexte d'euthanasie sur
demande. Une demande doit être formulée. C'est une condition nécessaire,
mais non suffisante pour l'aide médicale à
mourir; ça prend autre chose. Ça prend un jugement médical, ça prend des
conditions médicales et ça doit s'inscrire dans un continuum de soins,
notamment dans ces conditions, et c'est ce qu'on ajoute : qu'on soit en
phase terminale d'une maladie incurable, mortelle et avec des souffrances
réfractaires. C'est ça, les conditions
médicales. Et il faut que le patient fasse sa demande, éventuellement. Et donc
c'est quelque chose d'extrêmement restreint comme ouverture et ce n'est
pas l'hécatombe qui est annoncée par plusieurs.
Le Président (M. Bergman) :
Dre Marchand.
Mme
Marchand (Michèle) : Je veux dire, ce n'est pas un euphémisme, hein?
On veut dire que c'est un acte actif qui veut provoquer la mort. Mais ce que ça
dit, «aide médicale», puis qu'«euthanasie» ne dit pas, là, c'est que c'est un
acte médical. Donc, c'est nécessairement fait par un médecin, contrairement à l'euthanasie
qui peut être faite par une autre personne. Ça peut être un acte qui… un autre
qui est responsable de le faire. On pense que les médecins doivent assumer
cette responsabilité-là et qu'ils doivent le faire complètement. Et c'est pour
ça que ça exclut l'aide médicale au suicide.
Parce qu'on pense que les médecins, s'ils assument quelque chose, ils ne vont
pas donner un médicament mortel que
le gars va mettre dans son tiroir. On ne fait pas ça, habituellement, ce n'est
pas comme ça qu'on agit. Si on décide
qu'on participe à cet acte-là, on va y participer correctement non pas en
donnant un médicament létal, mais en
assumant le poids moral de poser l'acte. Et c'est sûr que, pour nous, l'aide
médicale à mourir — on
ne l'avait pas envisagée au début — ce n'était pas pour créer un
euphémisme, on trouvait que c'était plus collé à ce qu'on veut établir comme
pratique.
Le Président (M. Bergman) :
Alors, maintenant, pour compléter le bloc du gouvernement, Mme la ministre,
vous avez 9 min 30 s.
Mme
Hivon : Merci. Alors, je n'aurais pas pu mieux expliquer l'aide
médicale à mourir. En fait, la différence, ça repose sur deux éléments : c'est que la demande doit impérativement
venir de la personne elle-même et impérativement dans un contexte
médical avec la présence du médecin. Donc, c'est exactement ce qui explique la
différence.
Et simplement,
peut-être, pour revenir à la question, parce que c'est important quand même de
définir dans quel cadre on travaille, pour
nous, la notion qui était la plus porteuse, autant lors des travaux de la
commission que dans le projet de loi,
c'était la notion de fin de vie. Et, pour nous, c'est assez éloquent pour un
médecin de porter un jugement : Est-ce
qu'on est dans une situation où ça pourrait s'appliquer, oui ou non? Oui parce
qu'on est en fin de vie, non parce qu'on n'est pas en fin de vie.
Puis là, je tiens à
le dire, quand on évoque la possibilité d'une personne quadraplégique, c'est
déjà exclu, là, dans le projet de loi, parce
qu'il faut être face à une maladie grave et incurable. Une personne qui est
quadraplégique, elle est dans un état, ce n'est pas une maladie.
Donc, déjà, tout ça
est exclu, et tout le projet de loi est sur la base de la fin de vie. Donc,
déjà, on exclut ces situations-là où la mort n'est pas inéluctable, parce qu'on
parle d'une maladie grave et incurable, et donc ça va de soi que la mort va s'ensuivre et on est dans cette période
de la vie où on est en fin de vie. Et
je pense qu'on a le même souci, mais c'est de le traduire correctement.
Donc, c'est ça, le
défi, c'est de dire : On n'est pas face à une personne qui en a pour 10
ans à vivre, non, c'est évident, si elle en a pour 10 ans à vivre, elle n'est
pas en fin de vie au sens de la loi. On n'est pas face à une personne qui a un handicap, non, c'est sûr, ce n'est pas
une maladie grave et incurable. Donc, c'est comment le définir le mieux possible sans mettre de période de temps, parce
que tout le monde nous a dit qu'il ne fallait pas mettre de période de
temps, et nous aussi, on pense qu'on ne peut
pas trancher ça au couteau. Mais la notion de «terminal» me laisse quand
même perplexe quant à savoir si «terminal» pour une personne qui a un cancer
versus «terminal» pour quelqu'un qui a une maladie
dégénérative on est face à la même réalité. Donc, je pense qu'on a le même
objectif, et puis l'idée, c'est d'y arriver pour que ce soit le plus
clair possible pour le médecin.
Donc,
vous pourrez commenter, mais j'ai une autre question très importante que je ne
veux pas qu'on passe sous silence, c'est
la question des personnes inaptes. Donc, vous venez demander, en fait, que l'ouverture
soit plus grande, donc, notamment dans le rapport que vous déposez
aujourd'hui, pour que les personnes, donc, qui pourraient être atteintes d'une
démence puissent demander de manière anticipée à ce qu'elles puissent recevoir
une aide médicale à mourir. Et je reçois ça
avec beaucoup d'ouverture, mais je veux que vous m'expliquiez comment on va
faire pour prévoir de manière bien précise dans les directives
anticipées le moment où on devrait donner ouverture à l'aide médicale à mourir et aussi comment on va s'assurer que l'ensemble
des conditions qui sont prévues aux articles 26 et suivants, en l'occurrence
une souffrance intolérable et inapaisable... Comment on va faire pour s'assurer
de ça si la personne est atteinte, donc, d'une
démence? On pense, par exemple, à la maladie d'Alzheimer. Comment on va faire
pour réconcilier les critères et l'état d'inaptitude de la personne?
Le Président (M.
Bergman) : Dre Marchand.
Mme Marchand
(Michèle) : Je vais commencer à répondre à l'envers, là, avec les
démences, O.K., avec les démences. La
conclusion de notre rapport, là, c'est que la démence présente une difficulté
particulière, mais qui existe pour tous les patients inaptes. La démence
présente une difficulté particulière parce que la période est très longue entre
le fait que le patient soit apte puis qu'il
devienne complètement inapte. Donc, c'est ça qui rend l'application des
directives anticipées difficile. Et c'est prouvé, dans les études où c'est
permis par directive anticipée, l'euthanasie, là, dans… c'est permis que, sur la foi de la démence, ça n'arrive pas, parce qu'on
ne peut pas dire que la personne a anticipé, c'est trop loin, l'évolution
est trop lente pour qu'on puisse mettre à exécution des directives anticipées.
Donc, ça pose un problème pour les directives anticipées, mais ça ne pose pas
un problème insoluble au niveau de prise de décision quand un patient est
inapte, parce que là on peut faire appel au consentement substitué. C'est ça,
notre logique, là.
Donc,
on peut penser que des patients inaptes pourraient avoir les mêmes conditions
qui donnent accès à l'aide médicale à mourir et qu'on pourrait prendre
la décision sur la foi soit d'une directive anticipée ou d'un consentement substitué. Ce qui est particulièrement difficile
pour les directives anticipées, c'est dans les démences, mais qui n'est
pas impossible pour le consentement substitué dans une démence ou dans une
autre forme d'inaptitude. Vous comprenez un peu l'idée, là?
Donc,
ce n'est pas vrai que c'est impossible de s'en sortir pour l'ensemble des
patients inaptes. Ce qui nous fait craindre,
c'est une euthanasie involontaire. C'est ça qu'on craint, là. Mais on pense
que, quand les conditions médicales sont assez restrictives, même pour
un patient inapte, ça pourrait être envisageable parce que les conditions sont
justement restrictives.
Donc, le
patient qui est dément, s'il est rendu dans une phase où la mort est
inéluctable, même s'il est dément puis s'il
a des souffrances, pourquoi pas, pourquoi pas? Et c'est ça, la base de notre
jugement. Mais là il faut qu'on soit sûrs qu'on n'est pas dans une période précoce de la démence, il faut qu'on
soit sûrs que la mort est inéluctable. Et c'est pour ça que la fin de vie, c'est une notion un peu
large pour rendre compte du moment où on pense que, là, là, on va
intervenir parce que c'est une fin de vie extrêmement difficile. Et, que le
patient soit apte ou inapte, tout le monde y pense. Comprenez-vous un peu l'idée, là? Et c'est pour ça qu'on a essayé de
restreindre un peu au niveau des critères médicaux, pour pouvoir justement, dans un deuxième… Je ne
pense pas qu'il faut ouvrir aux patients
inaptes, là, tout de suite, là, mais
c'est… Il y a des gens qui sont dans les mêmes situations
difficiles et qui sont inaptes. Qu'est-ce
qu'on fait? Surtout si on ferme aux directives anticipées, on ferme au
consentement substitué, ça veut dire que les gens qui vont être dans des
conditions de fin de vie extrêmes où là mort est inéluctable et qui vont être
souffrants, on ne pourra rien faire, là.
• (11 h 10) •
Le Président (M. Bergman) :
Dr Robert.
M. Robert
(Yves) : Pour répondre à
votre deuxième... quand est-ce qu'on va décider chez le cas d'une personne
inapte. Ce qu'on propose dans le rapport, vous allez le voir, c'est
essentiellement deux mécanismes. Le premier, c'est
celui du mandataire et du consentement substitué, mais pas seul parce qu'on
peut comprendre très bien que, comme c'est une décision ultime, le
fardeau de cette décision-là va être énorme pour le mandataire. Donc, on ajoute
un deuxième élément qu'on appelle l'autorisation
préalable, c'est-à-dire qu'il y
a une instance judiciaire ou quasi
judiciaire — ça
pourrait être un juge de la commission sur les soins de fin de vie ou quelque
chose d'autre — qui
pourrait porter, a priori et non pas a
posteriori, une aide et un partage de ce fardeau-là avec le mandataire dans des
situations très particulières et qui permettrait de vérifier, dans la
directive anticipée, si les conditions sont présentes pour pouvoir envisager
cette décision ultime.
Mais on
comprend bien qu'on ne demande pas de faire ça tout de suite nécessairement, là, mais ce serait un objet à explorer éventuellement par la commission
sur les fins de vie pour une adaptation future.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre, il vous reste 1 min 30 s.
Mme
Hivon : ...ma
collègue qui veut poser une question. Je vais lui laisser...
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : Merci, M.
le Président. Bonjour,
Dr Bernard. J'aurais une petite question, là, en terminant. On entend souvent certains médecins qui s'opposent et
qui se prétendent du serment d'Hippocrate. J'aimerais avoir votre regard
là-dessus. Comment vous interprétez ou comment vous vous positionnez face à ça?
M. Bernard (Charles) : …c'est sûr qu'il
y a des…
Le Président (M. Bergman) :
Dr Bernard, il reste une minute dans ce bloc.
M. Bernard
(Charles) : Oui. On a l'objection
de conscience, hein? Alors donc, dans le projet de loi actuellement, le
médecin peut se retirer si, pour des croyances religieuses, des croyances de… Écoutez,
dans la profession médicale, il y a toute sorte de monde, comme dans la société,
alors on ne peut pas faire l'unanimité. Alors, c'est sûr qu'il va y
avoir un certain nombre de gens qui ne voudront pas.
Je ne sais
pas si vous vous souvenez, sur le débat sur les interruptions de grossesse ou
les avortements, alors ce n'est pas
tous les médecins qui étaient d'accord sur cette question-là. Mais je ne pense
pas que le... le Québec n'aurait
pas eu des avantages s'il avait reculé parce qu'il y avait quelques médecins
qui se retiraient de ce débat-là.
Alors, je pense
que, sans être le même débat, là, on pourrait faire le même parallèle. S'il y a
quelques médecins qui ont des
objections de conscience, ils vont pouvoir le vivre ou le réaliser sans
problème. Alors donc, non, je ne pense pas qu'il y ait de problème avec
notre code de déontologie, au contraire, parce que ça va être inclus dans les
soins de santé, dans les soins au patient.
Le Président (M. Bergman) : Malheureusement,
le temps s'est écoulé. Mme la députée de Gatineau, pour un bloc de
huit minutes.
Mme Vallée : Merci. Je
voudrais tout simplement revenir sur la question de la définition de l'aide
médicale à mourir. Est-ce qu'il ne serait pas opportun,
compte tenu, justement, de la distinction que vous avez faite si
clairement entre l'euthanasie et le concept d'aide médical à mourir, de la
définir à l'intérieur du projet de loi ou de trouver une définition de sorte qu'on puisse vraiment... comme
je vous disais, là, que le citoyen puisse avoir un point de repère,
lorsqu'il va être question d'aide médicale à
mourir, puis pour éviter aussi toutes les discussions qui… et vraiment faire
comprendre ce qu'est l'aide médicale à mourir?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Bernard... Dr Robert.
M. Robert
(Yves) : Écoutez, sur le
plan pédagogique, il y a peut-être lieu de l'inclure dans la loi pour
enlever toute ambiguïté. Il y aura
certainement une grosse période, après une éventuelle adoption du projet de
loi, de sensibilisation ou du moins un plan de communication qu'il va
falloir transmettre à la population pour expliquer exactement de quoi on parle.
Il y a beaucoup de confusion dans l'esprit des gens entre le refus de
traitement, l'aide médicale à mourir, la sédation palliative. C'est tous des
termes qu'on entend dans l'espace public et pour lesquels les gens leur donnent
des définitions parfois divergentes. Je
pense qu'il va y avoir lieu de créer, si on veut, un genre de plan de
communication qui va permettre de rétablir exactement ce qu'il en est.
De notre côté, nous avons un devoir d'explication
auprès de nos propres membres, ce que l'on fait de façon intensive, autant que possible. Mais il va y avoir
certainement des informations publiques à donner, et ceci devrait être
un des éléments inclus dans chacun des plans
de soins palliatifs de chaque établissement. Quand un patient va amener
son parent ou soi-même dans… avec des soins
palliatifs, il va falloir qu'il y ait une forme de pédagogie pour aller
expliquer ces termes-là et les options qui
sont possibles, parce qu'on comprend d'ailleurs que ce projet de loi là est une
ouverture d'options. Et je comprends que ce que la commission spéciale avait
entendu, c'était un désir d'ouvrir des options. Et je pense que c'est là-dessus, je crois, qu'il va falloir tabler, sur les
convictions, mais aussi le respect des concitoyens pour qu'ils puissent
au moins exprimer ces options-là.
Et d'ailleurs,
dans les pays où ils ont légiféré, non seulement les soins palliatifs n'ont pas
diminué, mais ils ont été de
meilleure qualité et plus élargis dans toutes les juridictions où il y a eu des
législations dans ce sens-là. Voilà pourquoi, à notre avis, ce serait un
plus, ne serait-ce que pour pouvoir ouvrir le débat et pouvoir discuter
ouvertement de ces questions.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'abord,
félicitations pour la qualité de votre mémoire puis, entre autres, la deuxième partie, comme vous
disiez, qui traite des gens qui sont atteints de troubles cognitifs. Ça va
être des discussions qu'on va devoir avoir.
Moi, également, j'avais un malaise lorsque j'ai
lu le projet de loi sur la question qu'à tout moment et le professionnel et le patient ou la personne qui
pourra avoir l'aide médicale à mourir pourraient le demander sans notion
de temps. Je ne pense pas qu'il faut enchâsser un temps précis, mais, moi, à ma
connaissance, depuis le début de cette discussion,
c'est qu'on devait absolument... et que ce soit pour les gens en phase
terminale — on
redéfinira peut-être le terme si ce n'est
pas correct — mais on
ne voulait pas, exemple, quelqu'un qui souffre d'une maladie mentale — on va donner un exemple, la schizophrénie — qui a la souffrance intérieure et puis qu'à
la fin il dit : Moi, je souffre tellement, j'ai une maladie qu'un
jour je vais mourir, mais pas de celle-là; pourquoi est-ce que je ne pourrais
pas avoir accès au service aide médicale à
mourir? L'exemple également du quadraplégique ou paraplégique qui n'accepte pas
sa situation, qui est en dépression et qui, à un moment donné, le
demande également, moi, je ne vois pas, dans la loi, comment on va s'empêcher
de le lui offrir.
Donc, il y a
cette discussion-là qu'on va devoir avoir de façon correcte. Puis je suis d'accord
avec la ministre, on a probablement les mêmes objectifs, il faut juste
trouver les bons termes, parce qu'après ça c'est ça qui va rester. Puis il ne faut pas oublier également qu'il y en a
qui peuvent se servir de cette loi-là pour défendre des causes que ce n'est
peut-être pas celles-là qu'on voulait qui
soient défendues. Donc, c'est la discussion que je pense qu'on va devoir
apporter.
Je voudrais
vous amener sur la question de l'objection de conscience. On a un concept
théorique, mais, quand on va arriver
dans la pratique, là, c'est peut-être un peu plus difficile à appliquer. Si je
comprends bien, vous êtes d'accord que des médecins peuvent refuser tout
simplement de participer à l'aide médicale à mourir, toute la question
également d'offrir des soins en phase terminale.
Le Président (M. Bergman) :
Dre Marchand... Dr Bernard
M. Bernard
(Charles) : …conclure après
moi. Ce que je dois dire sur l'objection de conscience, c'est que ce qui
est intéressant dans ce projet de loi là, puis je félicite ceux qui en ont fait
la rédaction, c'est que la responsabilité, c'est
sûr que c'est le médecin qui l'a, mais, s'il s'objecte, il peut référer à l'établissement
qui va avoir la responsabilité de trouver... Parce que, si on a une
objection de conscience, puis c'est nous qui devons faire la démarche pour
trouver la personne qui va le faire, à ce
moment-là, notre objection de conscience ne s'applique plus. C'est comme si on
le faisait quand même. Je ne sais pas
si vous voyez ce que je veux dire. Donc, le fait d'aller à l'établissement où
il va y avoir un comité, ou un comité
du CMDP ,ou une responsabilité à cet endroit-là qui va trouver la ressource
pour faire l'évaluation et l'accueil de cette demande, pour nous, ça
nous plaît énormément. Alors, Dre Marchand.
Le Président (M. Bergman) :
Dre Marchand.
Mme
Marchand (Michèle) : C'est
parce que, déjà, dans le code de déontologie, il y a une obligation de
transfert, hein? On peut refuser pour une
raison morale ou religieuse, mais il y a l'obligation de transférer. Mais on
peut concevoir que, quand on est au
début d'implantation d'une pratique comme ça, le transfert va être difficile.
Donc, je pense que c'est une bonne
idée d'en faire une responsabilité collective des médecins et des
établissements pour rendre la chose possible, pour que le patient,
finalement, ne soit pas privé d'un service devant être accessible.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Rapidement, parce que je voudrais que ma collègue pose une question. Il va
falloir en discuter parce que, quand on arrive en pratique dans des endroits où
est-ce qu'il y a des plus petites populations, bien, c'est facile de
dire : Si ce n'est pas le médecin, ça va être un autre. Mais l'autre, là,
il va avoir le même problème. On parlait du
DSP, on parlait du CMDP, on parlait de l'établissement, mais, à la fin — puis ça, c'est un point de
discussion, je n'ai pas de réponse aujourd'hui — si on se retrouve dans
un endroit où est-ce que la mort est relativement imminente puis on n'a
personne dans l'équipe médicale qui puisse assumer ces tâches-là, est-ce qu'on brime le droit du patient ou on empêche la
personne qui a une objection de conscience de, lui, réaliser son objection
de conscience? C'est une question qu'on va devoir…
Puis ça, je tiens à vous le dire, dans l'étude
article par article, il faut répondre à ça, parce que c'est facile de pelleter ça dans le réseau de la santé, mais, à un
moment donné, les cas pratiques, là, c'est ça qui fait qu'une loi est
mal faite ou elle est bien faite. Merci, M. le Président. Je vais laisser ma
collègue poser la question.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne,
il vous reste une minute, s'il vous plaît.
• (11 h 20) •
Mme
Blais : Une minute. Écoutez, j'ai
senti, dans votre mémoire, qu'il y avait quelque chose d'important, soit
la création de la Commission sur les soins
de fin de vie. J'ai comme l'impression que c'est un garde-fou, et ça
permettrait peut-être d'avoir des balises. Et aussi, quand les questions vont
arriver, là on pourrait s'y pencher.
Et je pose plus particulièrement la question à
Dre Marchand, qui s'occupe d'éthique et qui a soulevé tout à l'heure...
Moi, j'ai senti cette importance-là, quand il y aurait des cas, entre autres
des cas de conscience ou des cas de patients qui voudraient se prévaloir de la
loi.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Bernard.
Mme Marchand (Michèle) : Je pense
que ça, c'est quelque chose de très…
Le Président (M. Bergman) :
Dre Marchand.
Mme Marchand (Michèle) : Je
peux-tu...
M. Bernard (Charles) : Oui, oui.
Elle a adressé la question à…
Le Président (M. Bergman) :
Dre Marchand.
Mme
Marchand (Michèle) : Bon. Je pense,
ça, c'est très innovateur par rapport aux commissions de contrôle qui existent dans les pays où il y a
eu… où ça a été libéralisé, là. Les commissions de contrôle ont été conçues pour vérifier
que ça s'est fait dans les bonnes
conditions. Mais c'est sûr que les gens rapportent principalement les cas où ils ont suivi les conditions, hein? Ça fait que là
tous les autres cas, des patients inaptes, par exemple, les patients mineurs,
des demandes qui n'auraient pas été entendues, bien, on les perd, et c'est ça
qui est calculé comme des dérives. Ça fait que les gens continuent à forcer des
doses d'opiacé parce que, sinon, ils vont être obligés de le déclarer comme une
euthanasie. Ça fait que là…
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
Mme
Marchand (Michèle) : C'est
pour ça que c'est intéressant de recueillir toutes ces données-là, pour
voir, bien, est-ce qu'il y a des patients inaptes qui sont desservis par la loi
ou est-ce qu'il y a des patients qui n'étaient pas vraiment en phase terminale
puis qui auraient dû y avoir accès, ça aurait été un soin approprié. Là, on va
pouvoir réajuster le tir à partir d'une ouverture plus limitée. On va
pouvoir peut-être voir plus clair, parce qu'on n'a aucune donnée pour le
moment.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc de l'opposition
officielle. Maintenant, pour le deuxième groupe d'opposition, un bloc de
cinq minutes, Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault :
Merci, M. le Président. Merci de votre présence et, effectivement, excellent,
votre mémoire.
Je voudrais
revenir sur la notion de patients inaptes parce que, là-dessus, je suis tout à
fait d'accord avec vous, dans le sens où pourquoi quelqu'un qui est atteint
de démence, mais qu'on sait que la maladie peut durer jusqu'à une dizaine d'années... Pourquoi ne pas lui permettre,
lorsqu'on sait qu'il va atteindre une phase terminale et en
souffrance... Pourquoi lui n'aurait pas accès à ces soins-là?
Et la question que j'aimerais vous poser, parce
qu'on sait que, dans le testament biologique, un patient peut décider de refuser une réanimation
cardiorespiratoire : Est-ce qu'on ne pourrait pas inclure dans la loi un
petit peu le même principe de testament biologique avant même… Parce que
moi, je peux vous dire qu'aujourd'hui si, un jour, je suis atteinte de démence,
je voudrais pouvoir bénéficier des soins de fin de vie aussi. Alors, est-ce qu'on
ne pourrait pas penser
qu'un testament biologique pourrait inclure le fait de bénéficier des soins de
fin de vie, même si, à ce moment-là, la personne, le patient n'est plus
inapte?
Le Président (M. Bergman) :
Dr Robert.
M. Robert (Yves) : Je pense que c'est
précisément la question qu'on pose sur la section plus particulière des directives médicales anticipées. En fait, notre
compréhension actuelle, c'est que, dans le projet de loi, on exclut
l'aide… Peut-être qu'on a une erreur, mais on semble vouloir exclure l'aide
médicale à mourir puis les directives médicales anticipées.
Et donc la question,
ce n'est pas tellement de savoir : Est-ce qu'il pourrait l'exprimer dans un testament biologique ou
une directive médicale anticipée? À notre avis, oui, il pourrait pouvoir l'exprimer
là-dedans. La difficulté, c'est de l'appliquer,
c'est-à-dire à quel moment va-t-on décider et quel mécanisme on se donne pour
décider que ces directives vont s'appliquer. C'est ça qui est un peu la
difficulté.
C'est ce que je disais à Mme Hivon tantôt, c'est-à-dire
qu'on prévoit idéalement d'avoir un mandataire et, éventuellement, une autre étape avec une autorisation préalable. Et c'est
ça qui nous permettrait éventuellement d'assurer des garde-fous pour
éviter des dérives. Parce qu'on peut comprendre très facilement que les opposants
au projet de loi pourraient invoquer cette disposition-là sur les personnes
inaptes pour y voir une menace potentielle à des clientèles vulnérables.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Groulx.
Mme
Daneault : Merci. On sait, par contre, là, entre autres dans les cas de démence, il y
a des stades, bon. Et on
arrive à un stade terminal, rendu au stade 7, alors est-ce qu'on ne pourrait
pas penser de le signifier carrément dans le projet de loi, qu'il pourrait être
inclus, dans le fond, dans une phase terminale ou une phase de soins de fin de
vie, d'inclure le stade 6-7 dans la démence?
Le Président (M. Bergman) :
Dre Marchand.
Mme
Marchand (Michèle) : Ce qu'on
propose, plutôt que faire des prévisions particulières maladie par maladie,
justement, là, c'est que les mêmes conditions prévues pour donner accès, les
conditions médicales qui y donneraient accès, la souffrance réfractaire, la
maladie grave et la phase terminale ou la déchéance avancée, soient les mêmes
qui y donnent accès pour les patients, même s'ils sont déments, aux patients
déments, comme un autre patient inapte. Mais
là c'est clair que les directives anticipées, c'est plus difficile parce qu'il
les a faites à peu près sept, huit ans avant. Ça fait que là c'est ça
qui pose le problème particulier. Mais on pense que ce n'est pas un problème
insoluble parce qu'il y a... s'il y a un
mandataire, là, on pourrait utiliser le consentement substitué, à ce moment-là,
et non seulement la directive anticipée seule. Vous comprenez un peu,
là?
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Groulx, il vous reste 1 min 30 s.
Mme
Daneault : Je vais
revenir, évidemment, sur la notion de phase terminale. Effectivement, bon,
étant médecin... Puis je pense que, dans le
corps médical, on est plus à l'aise, effectivement, avec «phase terminale»
versus «soins de fin de vie». À mon avis,
moi aussi, je pense que ça serait plus clair pour l'ensemble, mais j'aimerais
vous entendre préciser quelle distinction vous voyez entre la phase
terminale et la fin de vie, parce que c'est ça, la vraie question.
Le Président (M. Bergman) :
Dre Marchand.
Mme Marchand (Michèle) : La phase
terminale, c'est quand la mort est plus ou moins imminente et inéluctable. C'est
ça, l'affaire, la différence, là, je pense, c'est l'inéluctabilité. C'est sûr
que la mort est inéluctable pour tout le
monde, hein? Tout le monde va nous dire : Bien non, ça n'a pas de bons
sens d'amener ce concept-là parce que la mort est inéluctable pour tout
le monde. Mais on sait, par exemple, qu'une maladie lentement progressive, une maladie dégénérative lentement progressive, la
mort n'est pas inéluctable, elle devient inéluctable. Même chose pour un
patient... S'il y a des patients
psychiatriques, là... C'est les psychiatres qui nous ont surtout signalé le
problème, parce que...
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
Mme Marchand (Michèle) : ... c'est
une maladie grave et terminale. Ils peuvent être en état de déchéance avancée, mais la mort n'est pas pour... ils
voudraient bien mourir, parce que leur qualité de vie... puis ils sont
souffrants, là, on ne peut pas nier qu'ils sont souffrants, mais la mort n'est
pas ni inéluctable ni imminente, si on ne les aide pas à se suicider, jusqu'à
un certain point.
Le Président (M. Bergman) :
Alors, Dr Bernard, malheureusement, le temps s'est écoulé.
Dr Bernard, Dr Robert,
Dre Marchand, merci d'être ici aujourd'hui avec nous. Merci pour votre
présentation, on apprécie beaucoup.
Maintenant, Mme la députée de Groulx, si vous
voulez faire vos remarques préliminaires, pour un temps de trois minutes, je
vous invite à faire vos remarques préliminaires.
Remarques préliminaires (suite)
Mme Hélène Daneault
Mme
Daneault : Oui.
Merci, M. le Président. Excusez mon retard.
Bon, évidemment, je veux saluer les membres du
gouvernement, les membres de l'opposition et je suis très heureuse d'être avec
vous sur cette commission.
Évidemment, c'est
quand même très sensible comme sujet pour l'ensemble des Québécois. Je peux
vous dire que, dans mon comté, depuis quelques mois, c'était l'objet de
questionnement vis-à-vis la position qu'on va prendre. Et je pense que la commission est là pour entendre les
gens, rassurer aussi la population, parce qu'il y a une certaine crainte
évidemment de méconnaissance du sujet. Et je pense que le travail que la
commission a à faire aujourd'hui, c'est aussi
d'entendre tous les mémoires de tous et chacun — je pense qu'ils sont tous importants — afin de mieux légiférer.
Par contre,
évidemment, c'est... et je continue à le dire, je suis heureuse de faire partie
de cet enjeu-là, qui est un enjeu
très sensible, mais je pense qu'on se doit, en 2013, de l'adresser à la
population, et dans tout le respect et évidemment dans l'absence de
partisanerie politique. Je pense que c'est pour le bien-être de l'ensemble des
Québécois et des Québécoises. Alors, je serai très heureuse d'accueillir tous
les membres lors de cette commission et je les remercie d'avance de leur
participation.
Le Président (M. Bergman) :
Merci, Mme la députée.
Collègues, je suspends pour quelques instants et
je demande aux représentants de la Fédération des médecins omnipraticiens du
Québec de prendre place à la table. Et je suspends pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 29)
(Reprise à 11 h 30)
Le Président (M. Bergman) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue à la Fédération des
médecins omnipraticiens du Québec. Dr Godin, bienvenue. Je vous demande de
vous présenter et présenter les membres… vos
collègues, et vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un
échange avec les membres de la commission.
Auditions (suite)
Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ)
M. Godin (Louis) : D'accord.
Le Président (M. Bergman) :
Alors, le micro, c'est à vous.
M. Godin
(Louis) : Merci,
M. le Président. D'abord,
je vous remercie de nous donner l'opportunité
de s'adresser à vous. Je voudrais saluer Mme la ministre ainsi que les
représentants de la première et deuxième opposition. Je suis le Dr Louis Godin, président de la Fédération des
médecins omnipraticiens du Québec. Je suis accompagné, à ma droite, du Dr Marc-André Asselin, premier vice-président de
la fédération et président de l'Association des médecins omnipraticiens
de Montréal, ainsi que de Me Pierre Belzile, qui est le chef des services
juridiques à la fédération.
Je dois vous
dire d'entrée de jeu que ce projet de loi là revêt un caractère particulier et
essentiel pour la fédération et les médecins de famille qu'elle représente
parce que, comme vous le savez sans doute, les médecins de famille sont probablement
les médecins, au Québec, qui sont les plus interpellés par les soins en fin de
vie, que ce soient les soins palliatifs ou tout autre service qui peut être
donné à nos patients. Donc, les médecins de famille sont vraiment au coeur de
ce projet de loi là et de cette situation-là.
Je dois vous
dire aussi que nous devons souligner, pour nous, la grande qualité de ce projet
de loi là. Il répond à beaucoup,
beaucoup des préoccupations que l'on avait ou des grands principes que l'on
voulait voir... que l'on voulait retrouver dans ce projet de loi là, et,
en ce sens-là, on doit saluer la qualité du travail des parlementaires et de la
commission qui a précédé l'élaboration de ce projet de loi là.
Pourquoi?
Parce que, d'abord, un, le projet de loi n'englobe pas que la seule question de
l'aide médicale à mourir, mais englobe vraiment l'ensemble des soins de
vie, que ce soit l'aide médicale à mourir, la sédation palliative, les soins palliatifs et tous les autres services qui
peuvent être associés aux soins en fin de vie. Pour nous, la loi respecte,
dans son cadre actuel, le respect de la
personne et de son autonomie, mais elle respecte également la liberté de
conscience des médecins qui, pour
nous, était un élément essentiel et incontournable que le projet de loi
respecte ça. Et, finalement, le fait que le projet de loi s'adresse
spécifiquement pour l'aide... en ce qui concerne l'aide médicale à mourir aux
personnes majeures et aptes, pour nous, c'est quelque chose d'essentiel à ce
moment-ci.
Naturellement,
vous comprendrez que j'aurai... on aura quelques commentaires ou quelques
préoccupations par rapport au projet de loi. Il nous apparaîtrait
opportun, dans un premier temps, que l'on insiste sur la notion de mort
imminente. Bien qu'il est fort difficile à définir qu'est-ce qu'une phase
terminale, qu'est-ce qu'une mort imminente, il nous apparaît que de ne pas l'inclure peut
amener aussi des difficultés qui iront dans un sens complètement
inverse. Bien que vous pourrez probablement nous poser la question : Que
veut dire «mort imminente» en termes de temps, est-ce que c'est une journée,
trois jours ou 10 jours?, de ne pas rien inclure, ça pourrait ouvrir la porte à
ce que ce soit des mois précédant une mort imminente. Donc, pour nous, cette
notion-là, elle est importante parce que, dans tout ce débat-là, dans la compréhension des médecins, il y avait quelque chose
qui est inévitable, inéluctable : on est vraiment rendus au bout de
ce que l'on peut offrir à nos patients, et finalement tout ça revêt un
caractère exceptionnel.
On insiste beaucoup sur le fait que le patient
soit apte. Naturellement, il y a toujours ce débat-là, des directives médicales anticipées, testaments
biologiques, consentements préalables, de dire : Lorsque moi, je
serai inapte, je voudrai avoir accès à l'aide médicale à mourir. Ça nous
apparaît à ce moment-ci prématuré, compte tenu qu'il y a beaucoup de zones
grises sur le moment de l'application de ça. Mais on ne sait pas, chez toutes les
personnes qu'on peut considérer comme
inaptes, comment ils vivent cette situation-là? Est-ce qu'elles sont vraiment
dans un état de souffrance psychologique qui
peut faire qu'elles désireraient recourir
à l'aide médicale à mourir? On sait qu'on… Il peut apparaître des situations qui semblent évidentes, comme les gens qui
souffrent d'une démence profonde,
mais, d'un autre côté, vous avez beaucoup de gens souffrant de
maladies mentales qui sont inaptes, mais chez qui on peut difficilement
déterminer quel est le niveau de souffrance physique et psychologique. Et c'est
pour ça qu'à ce stade-ci nous, on considère qu'on doit vraiment s'en limiter
aux personnes aptes et majeures.
Naturellement, dans le projet de loi, il y a certaines notions d'obligation de fournir
certains renseignements aux patients.
Je vous le mentionnais, les médecins de famille sont vraiment
au coeur de ça. On dit que les médecins devront fournir à leurs patients
toute l'information concernant leurs soins de vie pour leur permettre d'apprécier
ce qu'ils doivent décider. Naturellement, cette information-là déborde souvent largement la sphère purement
médicale. Donc, nous, on veut porter à votre attention qu'il faudra s'assurer
que les médecins auront toutes les ressources nécessaires pour fournir cette information-là parce que
souvent, en soins de vie, ce n'est pas que de l'information médicale que l'on
doit transmettre, mais il y a aussi toute une information sur le support que
les gens peuvent recevoir de leur communauté. Donc, pour nous, c'est un élément
qui est important.
De la même façon, on va prévoir que le médecin devra — qui fera soit de la sédation palliative, particulièrement
en cabinet, ou que ce soit l'aide médicale à mourir — convenir
d'une entente avec l'établissement où il pratique pour s'assurer qu'il y ait là
des soins de qualité.
Encore là, on
met un poids sur les médecins, poids que nous sommes sans... on n'a aucun problème
à accepter cette tâche-là, ce n'est pas le but de ce que je veux vous
exprimer, mais on veut aussi s'assurer, cependant, que les médecins auront les ressources nécessaires pour s'acquitter de ça. Parce
qu'offrir des services en soins de vie, que ce soient des soins
palliatifs, de la sédation palliative, que ce soit de l'aide médicale à mourir,
ça ne peut pas se faire seul. Le médecin ne
peut pas se retrouver seul à faire ça. C'est un acte médical, mais le médecin
doit pouvoir être entouré, et on doit pouvoir le supporter.
Autre commentaire. Dans le projet de loi, on
demande aux agences de prévoir les modalités d'accès dans un territoire aux
services de soins de fin de vie. Compte tenu qu'il y a là un élément important
qui touche l'organisation médicale, il nous apparaîtrait judicieux que l'avis
du département régional de médecine générale soit demandé dans ces circonstances-là parce que le département
régional de médecine générale regroupe tous les médecins du territoire,
incluant les médecins de cabinets privés, et il ne faut pas perdre de vue que
les médecins de cabinets privés sont des joueurs
très importants lorsque l'on parle de soins de fin de vie, particulièrement
dans l'objectif que l'on a de garder nos gens le plus souvent et le plus
longtemps à la maison.
Je ne pourrai
pas... Je ne peux pas m'empêcher de vous faire un commentaire. Le projet de loi
marque encore des amendes en cas de
non-transmission d'information pour les médecins, particulièrement à la
commission sur des soins de vie. Je
comprends que le législateur veuille se donner des outils pour forcer ou s'assurer
qu'ils auront toute l'information nécessaire.
Je ne vous cacherai pas que, dans l'esprit du projet de loi actuel, on aimerait
voir retirée cette notion d'amende là, particulièrement qui touchera
principalement les médecins qui seront au coeur de cette démarche-là. Ça lui
donne un caractère, je vous dirais, d'obligation de pénalité qui, dans l'esprit
recherché, ne nous apparaît pas à propos.
Un élément que l'on veut mentionner qui n'est
pas dans le projet de loi, nous présumons, dans ce projet de loi là, que l'adoption de ce projet de loi là
serait accompagnée d'une directive très claire du ministre de la Justice au
fait qu'il n'y aurait pas de poursuites pénales. Cet élément-là, vous
comprendrez, est un élément capital si on veut que les médecins,
particulièrement les médecins de famille, posent ce geste médical là.
• (11 h 40) •
Mes derniers commentaires portent sur le
registre des directives médicales anticipées. Nous sommes en faveur de la mise sur pied de ce registre-là.
Cependant, à ce stade-ci, il nous apparaît certains éléments qui ne sont
pas clairs, et on parle d'ailleurs d'une réglementation à convenir ou à prévoir
pour s'assurer du bon fonctionnement de ce registre-là. Pour nous, avant de
pouvoir apprécier à sa juste valeur ce registre-là, il nous apparaîtrait
opportun que la fédération puisse être
consultée lors de la détermination de ces règlements-là pour s'assurer que ce
registre-là soit vraiment pratique et utile et qu'on ne se retrouve pas,
avant tout, face à une grosse bête administrative, beaucoup plus qu'autre chose, où on devra aller consulter sans savoir
nécessairement qui a déposé au registre, est-ce que le dossier du patient
est toujours bien mis à jour, etc. Oui, on
trouve cette approche-là très intéressante, mais, en même temps, on se
réserverait certains commentaires lorsque la réglementation sera connue et qu'on
saura bien quelles sont les modalités d'application.
Donc, voilà, M. le Président, rapidement, les
commentaires que la Fédération des médecins omnipraticiens voulait vous faire,
en vous rappelant que — en
terminant — nous
accueillons quand même et soulignons la qualité du projet de loi qui a été
déposé. Merci.
Le
Président (M. Bergman) : Merci, M. le président, Dr Godin. Et
maintenant le gouvernement, pour leur premier bloc de
10 min 30 s. Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui, alors, bien, merci beaucoup. Merci, Dr Godin, merci à l'ensemble des
représentants de la FMOQ. Je vous ai lu avec
beaucoup d'intérêt et je pense qu'il y a beaucoup de choses très intéressantes
qui, évidemment, reflètent toute la complexité de la pratique, aussi,
des omnipraticiens. Et c'est notre souci d'être le plus collés et le plus concrets possible aussi dans le projet de
loi, donc c'est très éclairant, ce que vous nous avez fourni. Je vous
remercie aussi, de manière plus générale,
comme je l'ai fait avec le Collège des médecins, du fait que la fédération n'a
pas eu peur, donc, d'embarquer dans le débat. Vous êtes les premiers,
vous êtes… Évidemment, les personnes sont les premières concernées, mais vous
êtes les premiers concernés dans l'accompagnement de ces personnes-là en fin de
vie. Et je pense que, pour l'ensemble de la qualité du débat, c'est très
important et intéressant de pouvoir vous entendre.
Peut-être
certains éléments pour vous dire… pour le registre, point très concret. C'est
tout à fait mon souci aussi que ce
soit le registre le plus convivial, le plus simple, le plus facile d'accès
possible parce que l'objectif de ce registre-là, c'est justement que les
directives anticipées, les volontés que quelqu'un a pu exprimer en prévision d'une
inaptitude, dans la situation où il arriverait inconscient à l'urgence, qu'on
puisse y avoir accès facilement, sans se demander : Est-ce qu'il en a, est-ce qu'il faut demander au
conjoint, où ils sont? Donc, c'est vraiment de s'assurer qu'autant pour
la personne, pour ses proches, mais qu'évidemment
pour l'équipe soignante, on soit capables d'y avoir accès. Donc, on
partage exactement le même objectif. Et vous pouvez être certains que, pour ça
et pour d'autres éléments, toute la discussion avec les représentants des
médecins va évidemment pouvoir se faire de manière continue.
D'ailleurs, quand
vous notez d'entrée de jeu qu'il y a quand même certaines obligations qui vous
incombent, et vous émettez peut-être une
certaine crainte quant à la nature de l'information que vous devriez divulguer
à quelqu'un avant qu'il ne puisse
consentir, dans notre esprit, je peux vous rassurer, d'entrée de jeu, c'était l'information,
bien sûr, qui peut incomber à un médecin, donc l'information de nature
médicale. Donc, on se rejoint là-dessus. S'il y a lieu de le préciser, on
pourra le faire, mais c'était évidemment ce qui était l'objectif.
Pour
ce qui est de la question de la directive qui pourrait être émise, donc, par le
ministre de la Justice, évidemment c'est quelque chose qui se fait en
parallèle du projet de loi, parce que ce projet de loi là est vraiment un
projet de loi en matière de santé sur les soins de fin de vie, et, s'il y a
lieu, le ministre de la Justice va émettre, si c'est de nature à rassurer… Mais
évidemment c'est lui, donc c'est le ministre de la Justice qui travaille cet
aspect-là des choses.
Donc, j'aimerais qu'on
revienne sur la question qui, pour vous, est très importante, que le projet de
loi ne donne ouverture que pour les
personnes majeures et aptes. Vous avez sans doute entendu le Collège des
médecins juste avant vous, et je pense
que c'est un élément de discussion qui est quand même très important. Il y a eu
un choix de fait de ne pas l'inclure
dans le projet de loi précisément parce qu'on voulait pouvoir bénéficier, donc,
de l'éclairage de ce fameux rapport du Collège des médecins et des
ordres professionnels qui ont collaboré. Vous avez sans doute entendu, tout à l'heure,
notamment Dre Marchand expliquer que ça pourrait être une possibilité,
dans la mesure où on viendrait, par exemple, prévoir, dans les directives
anticipées, donc, sa volonté. Il pourrait y avoir différents niveaux, je
dirais, de précaution : la volonté de la personne, si elle est dans la
situation x, de pouvoir avoir accès aux soins x demandés de manière anticipée, mais, en plus, en désignant
quelqu'un, donc une personne de confiance, une personne désignée qui serait la personne qui serait, en quelque sorte,
mandatée pour venir dire : Oui, selon ce qui est exprimé, elle est
rendue au stade où elle souhaiterait obtenir tel soin.
Et
je veux savoir si, à la lumière de… Vous avez probablement… Je ne sais pas si
vous avez pris connaissance du rapport qui nous est formellement déposé
ce matin, mais est-ce qu'à la lumière de ça, pour vous, il y a une piste de
réflexion ou si votre position demeure la même?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Godin.
M. Godin (Louis) :
La question de reconnaître ou de donner ce droit-là pour les personnes inaptes
à l'intérieur de directives anticipées, on croit qu'il devra y avoir une
réflexion là-dessus. Cependant, c'est qu'on pense qu'elle devra se faire peut-être dans un deuxième temps. Tous les
médecins de famille qui suivent des patients se sont retrouvés avec un patient profondément dément à un
moment donné et se dire : Il me semble que ça n'a pas de bon sens, puis cette personne-là, si elle avait dit qu'elle
voulait l'aide médicale à mourir, on aurait peut-être… on devrait peut-être
procéder. Mais, en même temps, je vous
dirais, il y a des médecins qui nous disent : Chez ce même patient-là,
est-ce que vous êtes vraiment certains qu'il y a des éléments de
souffrance psychologique qui sont vraiment là et qui font que cette
personne-là, si elle savait qu'elle serait dans cette situation-là lorsqu'elle
a manifesté son intérêt ou sa directive anticipée... Est-ce qu'elle était vraiment
consciente d'où elle se rendait, là? Il y a là, je vous dirais, une zone où on
n'a pas de réponse absolue.
Nous, on pense qu'on
fait déjà une avancée très importante dans ce qu'on fait en termes de soins de
vie, de soins de fin de vie au Québec avec l'introduction de l'aide médicale à
mourir. Je pense qu'il y a pour nous, dans la communauté médicale, un certain
consensus, là, majeur… un consensus majoritaire sur la notion de… ou à qui ça doit s'appliquer. Ce que l'on dit, c'est que, dans
un premier temps, allons-y avec ça. C'est sûr que le débat ne s'arrêtera
pas là et que ça va continuer à évoluer. On pourra aussi le juger avec l'expérience
que l'on aura vécue sur le terrain, comment
ça se sera passé, comment ça sera vécu par les patients, par la communauté
médicale, et, après ça, on pourra regarder.
Beaucoup de gens vont décrire des situations
très précises, vont dire : Oui, on devrait dans ces
circonstances-là. Mais il reste encore, pour nous, trop de zones floues pour
aller de l'avant.
Les commentaires qui ont été exprimés ce matin
nous sont apparus fort intéressants. Mais, au cours des prochaines semaines, et
si on faisait le débat spécifiquement là-dessus, on entendrait encore beaucoup
d'autres débats. Donc,
pour bien s'assurer que la mise en oeuvre de ce projet
de loi là se fasse bien dans le
respect des individus, on considère que, dans un premier temps, on doit
se limiter à ça.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui. Maintenant, je vais y aller avec des questions plus ciblées. À la page 12
de votre mémoire, vous recommandez qu'on ajoute, au quatrième
paragraphe, dans les conditions de l'article 26, que la personne est en fin de vie. Ça va de soi. Donc, je veux juste vous
dire, s'il faut le répéter... Mais d'entrée de jeu, dans le projet de loi,
on dit que c'est un projet de loi qui s'intéresse
et s'applique aux personnes en fin de vie, donc on ne le répète pas à
chaque article. Mais ça va de soi, juste
pour vous le préciser, à l'article 26. Et c'est tantôt ce que j'expliquais
aussi, c'est ce qui fait en sorte qu'une
personne qui aurait un lourd handicap, ou une personne qui serait
quadriplégique, ou une personne qui aurait une maladie mentale, mais qui
n'est pas en fin de vie... ça peut être une maladie très grave ou un état de handicap très grave, très lourd, mais ça ne s'applique
pas. Donc, l'aide médicale à mourir, je veux que ça soit très clair, ce
n'est pas prévu pour des cas comme ceux-là parce que la personne doit être en
fin de vie, en plus de tous les critères qui sont énumérés à l'article 26.
Donc, c'est important de le redire.
Vous nous
mentionnez que… À la page 9 de votre
mémoire, vous recommandez que les programmes cliniques de soins de fin
de vie, de même que les politiques portant sur ces mêmes services, devraient
être uniformes d'un établissement à l'autre à l'échelle du Québec. Il y a
aussi… Dans le projet de loi, on parle des protocoles, notamment pour la sédation palliative terminale et pour l'aide
médicale à mourir, c'est-à-dire que chaque établissement va devoir
se doter de protocoles qui vont être, je
dirais, conformes aux orientations qui vont pouvoir être données — aux
orientations cliniques, on s'imagine — par le Collège des médecins.
Donc, je veux juste vous entendre sur la nécessité, pour vous, que ces protocoles-là ou que ces manières de
faire là soient uniformes d'un établissement à l'autre versus de donner une certaine marge
de manoeuvre aux établissements pour ces pratiques-là.
• (11 h 50) •
Le Président (M. Bergman) :
Dr Godin.
M. Godin (Louis) : Bien, ça n'exclurait
pas qu'il ne pourrait pas y avoir une certaine marge de manoeuvre, mais
vous comprendrez qu'on ne voudrait pas se retrouver avec 95 façons de faire
différentes non plus. Que ce soit pour la
sédation palliative, l'aide médicale à mourir, ce sont des actes médicaux.
Donc, il y a, pour nous, certaines uniformités, je vous
dirais, dans la façon de procéder, dans la façon dont ces protocoles devraient
être faits là. Donc, ce que l'on veut faire
ressortir là-dessus, c'est qu'on comprendra que, dans certaines
circonstances, un établissement puisse avoir une façon un peu différente
de le faire, mais on ne pourrait pas voir qu'il y a 95 façons de faire
différentes au Québec à l'intérieur de ça. Et on s'en remet, pour nous, beaucoup
aux directives qui pourraient être émises par le Collège des médecins, qui est responsable de la qualité des
actes médicaux, et aux conseils des médecins, dentistes pour s'assurer quand
même qu'il y ait une certaine uniformité à l'intérieur de ça parce qu'on ne
voudrait pas que ça devienne non plus une quasi-tour de Babel dans la façon
dont on procède. Donc, c'est pour ça qu'on disait : On comprendrait qu'il
pourrait y avoir quelques exceptions, mais on ne voudrait pas se retrouver… que
ce soit une multitude d'exceptions non plus. J'espère que vous comprendrez. Peut-être,
Dr Asselin…
Le Président (M. Bergman) :
Dr Asselin.
M. Asselin (Marc-André) : Pour
rajouter, on revient à la notion de meilleures pratiques en fin de compte. S'il y a une pratique qui est bonne, elle devrait être
généralisée, un peu comme dans les ordonnances collectives où on essaie de les limiter le plus possible parce que,
si c'est la bonne pratique, il ne devrait pas y avoir 12 façons de le
faire, on devrait en avoir une, ou deux, ou
trois. Je pense que ça pourrait varier légèrement, mais dans le
cadre des bonnes pratiques.
Le Président (M. Bergman) :
Alors, maintenant, pour le premier bloc de l'opposition officielle, Mme la
députée de Gatineau.
Mme Vallée : Merci. Alors, merci
beaucoup pour votre présentation et votre mémoire. On a énormément de questions,
on va tenter de se partager le temps entre nous.
Première question,
que j'ai d'ailleurs posée à vos collègues du Collège des
médecins : Est-ce que vous croyez qu'il serait opportun, à l'intérieur du projet de loi, de définir certains concepts de façon
plus claire, question de compréhension à l'intérieur de la
société ou au sein de… auprès des citoyens, question aussi de définir clairement
ce qu'est l'aide médicale à mourir et, surtout, ce que n'est pas l'aide
médicale à mourir? J'aimerais vous entendre sur cette question-là.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Godin.
M. Godin (Louis) : Je vous
dirais, je pense que le défi sera beaucoup plus après, dans la façon dont on
communiquera avec les patients, avec les professionnels de la santé, avec la
population en général pour bien décrire c'est
quoi, cette chose-là. On peut toujours essayer d'être le plus perfectible possible dans
la description d'un projet de loi, mais,
en même temps, si on essaie d'aller trop loin, on va peut-être
des fois dépasser notre objectif, en ce sens que ça va devenir beaucoup plus
restrictif, si on veut.
Honnêtement,
nous, à la lecture du projet de loi, on le trouve quand même assez clair. Est-ce
qu'il y aura de l'éducation à faire? Est-ce
qu'il y aura de l'information à donner? Est-ce qu'il y aura
des outils à bâtir pour aider les gens à bien comprendre ce que veulent dire ces choses-là? Ça, ça nous apparaît
évident. Mais est-ce qu'on doit nécessairement aller beaucoup plus loin dans le projet de loi? Je vous dirais,
certainement pas au prix de mettre de côté la communication qui devra être faite parce que ça demeurera
toujours ambigu, là. Même pour la communauté médicale, c'est parfois ambigu
d'essayer de démêler la sédation palliative,
le suicide assisté, l'aide médicale à mourir. Ça ne devient pas
nécessairement toujours évident. Moi, pour le moment, on est relativement à l'aise
avec ce qui est écrit là.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Vous soulevez
quelque chose qui est important lorsque vous dites que, même à l'intérieur de
la communauté médicale, certains concepts ne sont pas nécessairement clairs.
Et, avec les oppositions… certaines oppositions qui se sont manifestées au cours des derniers
mois, moi, j'ai pour mon dire que, lorsque c'est clair, lorsque ça a le mérite d'être clair, on va probablement, justement, permettre une meilleure acceptabilité sociale de ce qui est
prévu dans le projet de loi, de ce qu'on souhaite mettre en oeuvre en l'expliquant
clairement, et même au sein de la communauté médicale. Et c'est ce que je
croyais, et donc d'où la question.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Godin.
M. Godin
(Louis) :...tout
à l'heure les débats que vous aviez
lors de la période de questions. C'est parce qu'à un moment donné ça va
devenir difficile aussi d'être plus précis, là, de déterminer c'est quoi, le
moment d'une phase terminale, de déterminer c'est quoi, le moment d'une mort
imminente. C'est très difficile de préciser, à notre sens, beaucoup
plus que ça lorsqu'on parle que ce soit en notion de temps ou que ce
soit plus... d'autres éléments qui peuvent être en lien avec ça.
Donc, nous, on pense que, peu importe ce qu'on
écrira, il y aura nécessairement, à un moment donné, de la communication, de la
formation qui devra être faite pour qu'on puise expliquer beaucoup plus
longuement quelle peut être l'interprétation d'un mot ou d'une phrase que l'on
pourrait retrouver dans un projet de loi.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de...
M. Godin (Louis) : Il y a le
Dr Asselin…
Le Président (M. Bergman) :
Dr Asselin.
M. Asselin
(Marc-André) : Est-ce que
je peux rajouter juste un petit mot? Je pense qu'il y a une différence
entre la compréhension puis l'acceptabilité.
C'est-à-dire que tous les patients, tous les citoyens
du Québec vont probablement aller consulter leur
docteur à un moment donné, là, pour dire : À quoi… Nos droits, c'est quoi,
qu'est-ce que ça veut dire? Moi, je pense,
comme l'a dit le Dr Godin, qu'il va falloir faire de la formation auprès des
docteurs aussi pour que tout le monde ait les mêmes définitions parce
que, qu'on accepte ou pas de poser le geste, il faut être capable de donner l'information
qu'il faut donner puis informer adéquatement la population.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Ça, je suis bien d'accord avec vous qu'une grande
campagne de sensibilisation et de formation va être nécessaire suite à l'adoption
du projet de loi parce qu'il y a encore beaucoup de questionnements dans l'air.
Vous avez
vous-même insisté sur l'importance de la notion de mort imminente à ajouter aux
critères qui seraient les critères essentiels pour obtenir l'aide
médicale à mourir. Je comprends que l'intention est que ce soin-là, ce
service-là soit accessible uniquement lorsque quelqu'un est en fin de vie. Mais
je comprends aussi, de votre intervention, et corrigez-moi si je me trompe, qu'il
y a une distinction entre la période de fin de vie et la période terminale.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Godin.
• (12 heures) •
M. Godin
(Louis) : Vous savez,
ça nous apparaît difficile. On aimerait ça, probablement, tous être capables
de statuer avec un critère très objectif : c'est quand commence la fin de
vie, puis quand arrive la phase terminale puis quand est-ce que c'est imminent. Je pense que ce qu'on doit retenir de
tout ça, c'est qu'on convient tous que ça ne peut pas se passer lorsqu'il y a une longue période entre
le moment où on peut prendre cette décision-là et où le patient peut
mourir. Dans notre tête, nous, de praticiens, là, il y a un moment donné où un
patient, il est face à une mort inévitable :
souffrances physique et psychologique importantes, tu n'es plus capable de le
soulager, tu sais qu'il va mourir, tu sais qu'il n'en peut plus puis il va se passer quelque chose. Et malheureusement,
là, probablement qu'on serait tous très heureux d'être capables de
trouver à quelque part la réponse puis dire : Ça se passe exactement la
septième journée avant de mourir, mais on ne sait pas quand est-ce va arriver
la septième journée, de toute façon.
Donc,
ce qu'on veut dire, c'est de transmettre l'élément que ça ne peut pas être
quelque chose qui pourrait être provoqué par une autre situation. Je
souffre d'une maladie neurologique sévère. Je sais que je vais... qu'elle va m'emporter. J'ai déjà des souffrances physiques
que je calcule très importantes et j'ai des souffrances psychologiques.
Et je pense que, pour
moi, ma seule solution, c'est ça, mais ma mort prévisible, elle est peut-être dans trois mois ou dans quatre mois. Est-ce qu'à ce moment-là ce n'est pas
plus… je n'ai peut-être pas plus besoin d'une intervention
psychologique, d'un support psychologique et qui ferait que j'aurais vu les
choses différemment par la suite? On sera tous
tentés de vouloir essayer de qualifier cette notion de mort imminente de façon
quantitative. Malheureusement, je ne pense
pas qu'on va pouvoir y arriver. Il y
aura toujours des objections qui
diront : Non, c'est trop tôt, non, c'est trop tard. Je pense
qu'on essaie tous, de la meilleure façon, de qualifier ce que l'on veut dire en
disant : À un moment donné, oui, ce patient-là, il est vraiment… il ne reste que ça, je veux dire, à lui offrir,
et on doit l'offrir parce qu'on a
décidé collectivement de faire que ça
deviendra un acte médical. C'est l'esprit de ce qu'on mentionne, et,
malheureusement, je ne peux pas vous donner
plus d'indications qui seraient plus solides. Vous pourriez avoir toutes les
argumentations pour me dire : Dr Godin, c'est trop tôt, c'est trop
tard.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Il y a une question qui m'est venue en tête. Enfin,
avant d'administrer l'aide médicale à mourir, il doit y avoir l'avis de deux médecins. Est-ce qu'il ne serait pas
opportun de prévoir un mécanisme de soutien au patient à qui on verrait refusée l'aide médicale à mourir?
Parce qu'il pourrait arriver des situations où l'aide médicale à mourir…
les médecins, l'équipe médicale en
arriverait à la conclusion qu'on n'en est pas rendus là, c'est trop tôt, pour
toutes sortes de raisons, parce qu'il y aura, j'imagine, des situations
où le patient va le demander et il ne correspondra pas aux critères. Croyez-vous qu'on devrait prévoir, à l'intérieur
du projet de loi, un soutien pour ces patients-là qui se verraient
refuser cette aide-là?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Godin.
M. Godin (Louis) :
Honnêtement, pour moi, je vous dirais, ça m'apparaît implicite parce que ce que
je retiens, au-delà de ça, du projet de loi,
c'est qu'on consacre là-dedans l'accessibilité à un ensemble de soins de vie.
Fait partie de ça l'aide médicale à mourir.
Si un patient s'adresse à moi et que je juge, comme médecin, et le deuxième
médecin est d'avis aussi, je veux dire qu'on ne peut pas procéder, je pense qu'il
est dans nos obligations déontologiques de
voir qu'est-ce que je peux offrir à ce patient, d'autre, parce qu'en arrière de
cette demande-là il y a certainement, je vous dirais, des éléments qui
justifiaient le patient de le faire, que je dois chercher à répondre à ce besoin-là, si je n'ai pas trouvé que l'aide
médicale à mourir était le traitement, si on veut, ou le geste médical à poser.
Ça veut dire que j'ai autre chose
probablement à faire, et, pour moi, ça m'apparaît implicite. L'inscrire dans le
projet de loi renforcirait, si on veut, cette obligation-là, mais, pour moi, avec ma vision médicale, si j'en concluais
que ce geste-là n'est pas le geste opportun parce que ça ne répond pas aux critères, j'ai quand même devant moi un
patient qui a des souffrances, qui les exprime, et j'ai un devoir d'essayer
de répondre aux besoins de ce patient-là.
Le Président (M.
Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition
officielle. Maintenant, le bloc du gouvernement pour un bloc de
10 minutes.
Mme
Hivon :
Oui. Comme on dit, vous pouvez poursuivre sur mon temps.
Le Président (M.
Bergman) : Pas de presse, là. Je m'excuse.
M. Asselin (Marc-André) : Ça va être très court, mais ça revient vraiment à
l'insistance qu'on met sur les soins palliatifs, les soins de fin de
vie. C'est-à-dire qu'il y a une façon qui est l'aide médicale à mourir, mais il
y a plein d'autres façons où on peut aider
les patients et on peut apporter une aide qui est sensiblement celle qu'ils ont
demandée, mais qu'on peut apporter d'autres façons dans les soins de fin de
vie. C'est pour ça qu'on insiste pour les généraliser à travers tout le Québec, qu'il y en ait partout. Parce que, je veux
dire, actuellement, il n'y en a pas partout, ce n'est pas tout le monde,
pas tous les citoyens qui sont égaux devant la fin qui les attend, et je pense
que ça, c'est fondamental avant toute chose : c'est qu'on puisse, dans
chaque région et chaque partie du Québec, avoir accès à ça.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui. Alors, peut-être, sur ce sujet-là, je peux vous réconforter en vous disant
que c'est notre — vraiment — objectif, donc, bien sûr d'améliorer l'accès
aux soins palliatifs, mais, parce qu'il y a toutes sortes de chiffres
qui circulent et qui… Peut-être, je prends juste 30 secondes pour dire qu'on
entend toutes sortes de chiffres comme quoi on aurait seulement accès à…
15 % ou 20 % des gens seulement auraient accès aux soins palliatifs.
Il n'y a aucune étude qui vient donner des
chiffes comme ça. Au contraire, en fait, les taux d'accès sont quand même
très élevés quand on combine les soins
palliatifs à domicile, les soins en établissement, les soins en CHSLD et les
soins en maison de soins palliatifs,
là. Donc, simplement vous dire que la seule étude qui existe au Québec, elle a
été faite sur des données qui datent de 2001 et elle révélait un taux d'accès
de 34 %, seulement en établissement hospitalier. Donc, ça excluait les
autres formes d'accès, et c'était avant la politique de soins. Et maintenant,
ce qu'on a chez nous comme données, c'est que, pour ce qui est des soins à
domicile, il y a 51 % des gens qui sont de potentiels bénéficiaires de soins palliatifs qui ont accès aux soins
palliatifs et à domicile. Donc, il faut quand même remettre ça dans sa
perspective. Il y a de l'amélioration, on y travaille aussi très activement,
mais il y a des chiffres qui circulent qui ne semblent pas fondés non plus sur
la réalité. J'imagine que le député de Jean-Talon va être d'accord avec moi.
Par
ailleurs, je veux vous dire que, pour ce qui est de la formation, de l'information
aussi, c'est, c'était une recommandation de la commission, et c'est notre
volonté aussi qu'il y ait, donc, cette formation et qu'il y ait cette campagne
d'information qui va aller de pair avec une éventuelle adoption du projet de
loi.
Maintenant,
j'ai des questions encore une fois assez précises. À la page 9 de votre
mémoire, vous soulevez un élément
intéressant. On vient prévoir dans le projet de loi que, pour le médecin qui
travaille, donc, seul en cabinet, en fait, privé, pour pouvoir offrir, donc, les services de sédation terminale ou
d'aide médicale à mourir, il faudrait, donc, qu'il soit en association, donc qu'il y ait une entente avec
un CSSS, donc un établissement, l'instance locale comme définie dans la loi, et ça, c'est important, donc, pour qu'il soit
assujetti aux normes, bon, bien sûr, qui sont établies. Je comprends
que, dans la réalité, il y en a quand même peu qui n'ont aucun lien, parce qu'il
y en a quand même plusieurs qui font quand même
de l'urgence ou de la consultation, mais il en reste quand même un certain
nombre. Et là vous venez dire qu'il ne faudrait pas qu'il soit en lien
avec l'endroit où est situé son cabinet mais plutôt en lien avec le CSSS où se
trouve son patient. Je trouve ça
intéressant, mais, en même temps, je trouve ça très complexe parce qu'évidemment
quelqu'un peut être en relation avec des patients de différents
territoires. Donc, comment on serait capables d'opérationnaliser ça?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Godin.
M. Godin (Louis) :
On l'a soulevé parce que, particulièrement dans les milieux très urbains, les
médecins ne demeurent pas nécessairement sur le même territoire… ne pratiquent
pas nécessairement sur le même territoire de CSS que leurs patients. On parle,
dans la loi, d'une entente qui doit être convenue pour prévoir certaines
modalités d'application et on sait, même si
on espère que ce soit uniforme partout, qu'il peut y avoir certaines variantes.
Et le CSS, lui, a une responsabilité populationnelle face aux patients.
C'est-à-dire que, quand je demeure sur un territoire de CSS, comme patient, c'est le CSS de mon territoire où je demeure qui est
responsable de me fournir les soins, et des soins qui ne sont pas seulement que médicaux. Le médecin
qui, lui, ne serait pas sur ce territoire-là se verrait à faire une
entente avec un autre CSS, mais qui n'a pas
de responsabilité populationnelle. Et on sait que, dans l'application, il est
fort à prévoir que l'on devra avoir
des modalités qui sont autres que purement médicales ou que le support que tu
dois fournir au médecin pour l'application de ça, que ce soit du support
infirmier ou autre professionnel.
Donc, on dit, il peut y avoir là une difficulté
parce que le médecin peut être, lui, en lien avec un CSS, mais ce CSS là n'est pas nécessairement, si vous voulez, en lien
avec le patient parce que ce n'est pas un patient qui est sous sa
responsabilité, et lui peut déjà être
couvert par un autre programme de maintien à domicile ou de soins à domicile,
alors que le médecin, lui, serait couvert
par un CMDP ou en lien avec un CMDP qui ne serait pas dans le même
établissement. Donc, c'est pour ça qu'on se disait : Est-ce que ce
n'est pas plus simple de diriger le médecin plutôt que de diriger les équipes
de soins?
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
M. Godin (Louis) :
C'est pour ça qu'on soulevait ça.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Mais, sur le principe, vous pensez qu'il doit y avoir ce type d'association là
ou d'entente avec un établissement.
M. Godin (Louis) :
Oui, tout à fait.
Mme
Hivon :
Vous ne mettez pas ça…
Le Président (M.
Bergman) : Dr Asselin.
• (12 h 10) •
M. Asselin (Marc-André) : Je ne sais pas si je peux rajouter… Je pratique
encore, je pratique à Montréal.
Alors, j'ai 12 CSS autour de moi et j'ai évidemment au moins un patient dans
chaque CSS de la région de Montréal, et c'est clair que l'entente, il me
semble, que j'aurais avec mon CSS pourrait facilement, via l'agence ou via le
DRMG, être généralisée aux autres CSS, et on pourrait, à ce moment-là, s'occuper
du CSS du patient, purement et simplement.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Parfait. Vous insistez, à la page 16 de votre
mémoire, sur l'importance, donc, que l'aide médicale à mourir soit un
acte réservé aux médecins. Donc, c'est ce qui est prévu, effectivement, d'en
faire un acte réservé. Certains, par
exemple, ont pu nous dire : Bien, pourquoi ne pas prévoir que des
infirmières puissent le faire, par exemple? Parce que des infirmières sont capables d'installer un soluté, quelque
chose... une intraveineuse, tout ça. Donc, j'aimerais comprendre
pourquoi, selon vous, ça doit être un acte réservé aux médecins.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Godin.
M. Godin (Louis) :
Pour nous, c'est un geste qui demeure quand même très, très important, qui
demande une grande capacité d'évaluation, qui implique beaucoup sur un plan
professionnel. Donc, pour nous, c'est clair que ça doit être un acte médical.
Le
Président (M. Bergman) : Mme la ministre, il vous reste
2 min 30 s.
Mme
Hivon : O.K. Peut-être, en terminant, sur la question des
amendes. Alors, c'est très technique, mais la raison pour laquelle c'est
là, c'est que, généralement, quand il y a une obligation sur quelque chose qui
est quand même très important et qui est de nature à rassurer... Parce que, là,
quand vous parlez de la notion d'amende, c'est en lien avec l'obligation qui
est faite de transmettre l'information liée à une sédation terminale ou une
aide médicale à mourir à la commission,
donc, sur les soins de fin de vie qui serait créée. Et, en fait, il y a d'autres
exemples, vous ne les ignorez pas, notamment en matière de santé
publique, en termes de divulgation, notamment en matière de procréation
assistée, et ce type de disposition là est
là d'abord pour rassurer et donner confiance dans le processus, pour qu'il y
ait en quelque sorte, je vous dirais,
une sanction s'il n'y a pas une conformité avec une obligation. Et donc, compte
tenu du fait que ça existe déjà dans d'autres lois, dans le même
objectif, j'aimerais comprendre... Je peux comprendre la réticence de manière
générale, mais est-ce que vous avez une autre manière à nous suggérer pour qu'on
puisse montrer toute l'importance qui est accordée à cette obligation-là de
divulgation du médecin?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Godin.
M. Godin (Louis) :
Je vous dirais, au-delà du plan juridique... puis je laisserai peut-être Me
Belzile commenter sur un plan plus
légal, mais, pour nous, de la même façon que vous y voyez là un message sur l'importance
de tout ça, pour nous, le fait que ça
ne soit pas indiqué, c'est aussi un message très important qu'on lance sur cette
relation primordiale et fondamentale que l'on juge exister entre le
patient et son médecin, particulièrement son médecin de famille. Donc, de la même façon qu'on dit : Si on met une
amende, c'est qu'on dit : C'est très, très sérieux, cette information-là
doit être rentrée là-dedans, pour nous, c'est clair que tout médecin qui
va se retrouver dans cette situation-là avec son patient, c'est qu'il y a vraiment une relation très
importante entre le patient et son médecin sur un plan professionnel, et je ne
suis pas sûr qu'on a besoin d'aller là. C'est peut-être un peu plus
philosophique, mais on ne pouvait pas s'empêcher de vous le mentionner.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement.
Maintenant, pour l'opposition officielle, le dernier bloc de huit
minutes, Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Très brièvement, car j'ai des collègues qui sont aussi
intéressés à poser des questions, j'imagine que ce dont vous venez de parler est également à l'origine des
commentaires que vous avez faits. Vous aviez des préoccupations quant
aux poursuites qui pourraient être intentées si un médecin ne respectait pas
les critères élaborés par le projet de loi. Dans votre mémoire, vous aviez
certaines appréhensions quant à la possibilité, entre autres pour le DPCP, le Directeur des poursuites criminelles
et pénales, de poursuivre un médecin ou d'entreprendre une poursuite
pour un médecin qui n'aurait pas respecté des critères ou qui aurait peut-être
mal interprété certains critères.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Godin.
M. Godin (Louis) :
Pour nous, les autorités compétentes dans ce cas-là demeurent le Collège des
médecins. C'est un acte médical. Si je ne le
pose pas correctement, selon les règles déontologiques, les règles de l'art, je
veux dire, le Collège des médecins est là. Pour nous, c'est lui, l'autorité
compétente, et ça ne devrait pas être transmis à d'autres autorités que
celle-là.
Mme Vallée :
C'est vraiment le but du paragraphe qui est inclus à votre mémoire. Je vais
céder la parole à mon collègue de Jean-Talon.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci. J'aimerais discuter avec vous d'un problème
qu'on va avoir l'occasion de rediscuter à l'étude
détaillée. On arrive dans un endroit, on ne trouve aucun médecin qui veut
participer, par objection de conscience. Il y a une obligation d'offrir
le service. Ce sont quand même des cas. Quand ça arrive, on ne prendra pas le
patient puis on va le transférer à Montréal. Qu'est-ce qui va avoir la priorité
ou la primauté? Est-ce que c'est le droit du
patient — on
est dans une situation où est-ce
que les professionnels
ne veulent pas offrir les services — ou
encore il va y avoir une façon d'obliger les
professionnels à offrir le service? C'est ça, les dilemmes
dans ce type de cas là. C'est qu'en
théorie c'est beau, tout le monde devrait… Puis, en passant, là, on dit, c'est qu'il y a quelqu'un qui va être responsable dans l'établissement
pour être capable d'offrir le service, mais, en réalité, le conseil d'administration
ne pourra pas obliger personne. Le ministre
non plus, je pense, va avoir de la difficulté à obliger ça. On va avoir également
le CMDP. Si les gens s'entendent qu'ils respectent l'objection de
conscience, c'est possible qu'il n'y ait personne qui veuille le faire. Ce dilemme-là, avez-vous une solution?
Comment vous l'abordez? Est-ce qu'on accepte qu'il
n'y aura pas de service qui va être donné ou encore on va mettre une
équipe volante qui va aller donner le service sur place?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Godin.
M. Godin
(Louis) : On va
espérer que, dans chacun des endroits, on trouve des gens pour donner les
services à la population. Ce que vous soulevez, là, va faire partie des défis
de l'application de cette loi-là, particulièrement dans les premières phases, là. C'est un changement
très, très important. Je pense qu'on pourra trouver des façons
imaginatives, parce qu'il y a effectivement
des endroits où ça peut être difficile. Vous parlez d'une équipe volante; je ne
lancerai pas cette idée-là nécessairement comme étant là aujourd'hui,
mais je pense qu'on est capables de trouver des solutions pour amener des services
de proximité. Mais il faut être conscients qu'une fois ce projet de loi là
appliqué, la mise en oeuvre de ce projet de loi là ne sera pas non plus une
affaire qui sera simple, là. Ça va demander encore beaucoup de travail pour
installer ça dans chacune des régions du Québec. Mais, comme le mentionnait le
Collège des médecins qui est passé avant
nous, on l'a vécu, je vous dirais, avec les interruptions volontaires de
grossesse où, au départ, on n'en avait
pas partout. Aujourd'hui, l'accès est beaucoup plus facile. Ce n'est pas… Et on
pourrait trouver beaucoup d'exemples. C'est sûr que, dans celui-là, c'est
un changement important, je vais dire, dans la loi médicale, c'est l'introduction
d'un nouvel acte médical qui est fort
nouveau. On peut s'attendre d'être imaginatifs à certains endroits, mais je
pense que ça fait partie des défis que l'on aura et on s'assurera de les
relever.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Merci. Juste une affaire. Je pense qu'il va falloir discuter la question du… à
qui est relié le médecin qui n'a pas d'affiliation à un hôpital, parce que ce
que vous proposez est intéressant — puis, en passant, c'est plus logique… mais ça va amener qu'à
toutes les fois qu'un patient… Dans le coin de Montréal entre autres, il
va falloir avoir des ententes avec les 12
CSSS. Je pense qu'il va falloir se donner une structure mieux organisée. Et
de penser également que ça va être relié avec l'endroit où est-ce qu'il a son
cabinet, si des patients sont dans d'autres CSSS,
je ne vois pas la relation entre les deux. Donc, ça, on va collaborer là-dessus,
on va essayer de trouver une façon de faire pour que ce soit plus facile
et plus convivial là-dessus, là.
M. Godin (Louis) : Ce qu'on
voulait vraiment faire ressortir là-dessus, c'est que le patient qui se
retrouve dans cette situation-là peut avoir
besoin de beaucoup d'autres ressources que des ressources purement médicales,
qui sont souvent fournies par l'autre CSSS. Il faut trouver une façon d'articuler
ça. Il peut y avoir certainement une notion d'équivalence dans les ententes de
service, parce qu'en même temps, je veux dire, ce seront des CSSS qui, la
plupart du temps, seront relativement
contigus, là. Tu sais, tu ne seras pas avec un patient qui va être à 100
kilomètres de chez vous, là. Ça va être relativement contigu, mais il
faut trouver une façon de l'articuler, là.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne,
il vous reste 2 min 30 s.
Mme
Blais : …M. le Président. J'ai
pris quelques notes pendant votre allocution, monsieur… Dr Godin. Et,
entre autres, vous avez parlé des médecins
de famille au coeur et vous avez parlé aussi que ça va déborder la sphère
médicale et qu'il y aurait du… il faudrait
qu'il y ait du soutien. Vous avez parlé de support, mais de soutien pour que
les gens puissent recevoir justement, je ne sais pas, là, un soutien
dans la communauté. Je suis très près et très préoccupée des proches aidants. Est-ce que vous parliez entre autres des
proches aidants? Est-ce que vous parliez de la communauté élargie? Je
veux vous entendre là-dessus. Je trouve que c'est extrêmement important, ce que
vous avez dit.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Godin.
• (12 h 20) •
M. Godin
(Louis) : Les soins
en fin de vie, oui, le médecin a un rôle important, mais il n'est pas seul là-dedans,
là. Tu sais, lorsque j'ai quelqu'un qui est en soin de vie que je garde à la
maison, c'est les aidants naturels, c'est les proches aidants, c'est d'autres
professionnels, ce sont du support de base à la maison pour garder ces gens-là
qui sont souvent en perte d'autonomie. Donc, lorsqu'on aborde la question des
soins de vie et de l'obligation d'information, c'est de tous ces services-là qu'on
mentionnait, là, parce que ce n'est pas, les soins de fin de vie,
particulièrement à domicile, que l'affaire médicale, là : c'est
24 heures par jour, c'est sept jours par semaine, souvent pendant quelques
semaines. Il y a beaucoup de monde que tu dois avoir autour de ça, donc c'est d'une
importance, là, capitale, cet élément-là. Et c'est pour ça qu'on soulignait ça,
parce que le médecin, le bout médical, même ce bout médical là, il va souvent avoir besoin d'aide pour être capable
de bien l'exécuter, l'aide d'autres professionnels. Il y a
là un enjeu… Et, si on veut vraiment
réussir à garder de plus en plus longtemps nos gens à la maison, ce qu'on doit
à notre sens se fixer comme objectif, comme société, bien, je veux dire,
il faut être conscients de ces situations-là, et je suis convaincu que vous en
êtes très consciente.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc de l'opposition
officielle. Le deuxième groupe d'opposition, Mme la
députée de Groulx, pour un bloc de cinq minutes.
Mme
Daneault :
Merci, M. le Président. Merci, M. Belzile, de votre présence. Je voudrais
revenir sur la notion d'inapte, ce
que vous m'avez entendue parler tout à l'heure avec les représentants du
Collège des médecins. Vous le savez, dans
la pratique quotidienne des médecins omnipraticiens, on a de plus en plus, avec
le vieillissement de la population, à faire face à des cas de démence
qui sont de plus en plus nombreux, qui occupent de plus en plus nos lits en
soins prolongés, là, en CHSLD. Mais combien
de fois quelqu'un à qui on annonce une démence, au début, là, alors qu'il
est tout à fait conscient, mais il est
conscient qu'il a des pertes de mémoire, mais il est tout à fait habile et, en
connaissance de cause, quand on lui annonce que, oui, c'est une maladie d'Alzheimer,
oui, il y a la démence qui s'en vient, et, oui, les années à venir vont être difficiles pour lui et pour sa famille
immédiate… Alors, moi, j'ai de la difficulté à comprendre, mais je voudrais vous
entendre par rapport à ça, la notion de… On sait qu'à ce moment-là le patient
est en connaissance de cause.
Pourquoi on ne pourrait pas lui permettre? Parce que combien de fois on les
entend nous dire : S'il vous plaît, acharnez-vous pas, si vous me
trouvez d'autres choses, oubliez ça. Je ne veux plus de soins et je ne veux
surtout pas qu'on prolonge ma souffrance. Alors, comment on va faire pour
expliquer à ces gens-là qu'eux n'auront pas la possibilité de… l'accessibilité
à ces soins de fin de vie là, puis en quoi vous êtes inquiets par rapport à ça?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Godin.
M. Godin (Louis) :
En fait, la source principale de notre inquiétude est venue de certains
commentaires que l'on a eus de nos médecins
qui oeuvrent particulièrement dans le domaine de la santé mentale où ils nous
disaient : Vous savez, vous ne
pouvez pas présumer des souffrances de ces individus-là ou de est-ce qu'ils
ressentent encore un certain bien-être de se retrouver comme ça.
J'aurais probablement
la même réaction que vous sur un plan personnel. Maladie d'Alzheimer, au
dernier stade de la maladie, pas sûr, je veux dire, s'il y a des choses… C'est
des choses vraiment difficiles. Mais, en même temps,
je n'ai pas vraiment de données probantes sur quelles sont leurs conditions, et
là, après ça, c'est : Où passe la ligne? C'est à quel stade de la
maladie? C'est-u 10? C'est-u neuf? C'est-u huit? C'est où, j'interviens?
La position que l'on
a aujourd'hui, ce n'est pas de clore le débat sur les personnes inaptes, mais
je pense qu'il doit se poursuivre encore
avant de statuer. C'est simplement ça que l'on dit. Puis, peut-être, le
Dr Asselin aurait…
Le Président (M.
Bergman) : Dr Asselin.
M. Asselin (Marc-André) : Bien, je voudrais peut-être regarder ça de l'autre
côté. J'ai plein de patients, puis, quand on pratique, on a des patients
qui sont déments, et, je veux dire, moi, je me place du côté de la famille,
puis je vois venir la fille qui vient avec
la mère qui est démente, et je suis loin d'être convaincu que, si la mère avait
décidé qu'elle voulait, dans ces conditions-là, mettre fin à ses
jours... je ne suis pas sûr que la fille voudrait toujours que ça soit fait, et
pourtant ça serait écrit sur le papier. Je pense que c'est difficile de… On ne
sait pas exactement ce que la personne pense
à ce moment-là. Est-ce que c'est les gens autour qui vont décider que, bon, là,
c'est le moment ou ce n'est pas le moment?
Je pense que… En tout cas, moi, comme médecin, j'ai beaucoup de difficulté avec ça. J'aime mieux me mettre dans la
position de dire : Bon, tout le monde ensemble, on va essayer de la rendre
le plus confortable possible, faire ce qu'il
faut. Puis, je veux dire, c'est sûr qu'à
un moment donné, dans les derniers
stades de la maladie, bien là, je pense qu'il faudra intervenir, mais il
y a des façons d'intervenir sans qu'on
y aille par un testament biologique ou des choses comme ça. Je pense qu'on
peut y aller parce qu'on est dans le dernier stade de la maladie.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Groulx, il vous reste une minute.
Mme
Daneault : Merci.
Alors, à ce moment-là, si on introduisait la notion de phase terminale,
parce qu'il y a une phase terminale à la démence
aussi, dans le fond, on le sait tous, là : quand le patient est incapable
de s'alimenter, de s'hydrater, on considère,
dans le corps médical, vous le savez comme moi, qu'il
est en phase terminale de sa démence. Si on introduisait cette
notion-là, est-ce que c'est un concept avec lequel vous seriez favorables ou
non?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Godin…
M. Godin (Louis) :
Je vous dirais, je vais répondre avec…
Le Président (M.
Bergman) : … une courte réponse.
M.
Godin (Louis) : …réponse : Peut-être. Mais c'est... Il y a
encore des hypothèses, là, en fait. Il
y a différents éléments de la façon de voir les choses où on pourrait
dire : Oui, ça, c'est possible. Et je reviens à ce que je vous
mentionnais : je pense qu'il y a encore des discussions à avoir là-dessus.
Et l'objectif, ce n'est pas de dire : Nous, comme médecins, on vous dit :
Il ne faut pas avoir cette discussion-là. Non, je pense qu'on a fait un très
grand pas, là, on a déjà...
Le Président (M.
Bergman) : Conclusion, s'il vous plaît.
M. Godin (Louis) :
...regardé quelque chose pour les personnes aptes et majeures, la suite peut
laisser encore place à la discussion puis on se reparlera peut-être là-dessus
dans un an, deux ans ou un peu plus tard.
Le Président (M.
Bergman) : Ceci met fin au bloc du deuxième groupe d'opposition.
Dr Godin, Dr Asselin, Me Belzile, merci pour votre présentation, merci d'être
ici aujourd'hui avec nous.
Et collègues, la
commission suspend ses travaux jusqu'aux affaires courantes... après les
affaires courantes, vers 16 heures cet après-midi. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
12 h 27)
(Reprise à 16 h 7)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Nous allons poursuivre sans plus tarder les
consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi
n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie.
Alors, je souhaite la bienvenue à la Fédération
des médecins spécialistes du Québec. Bienvenue, Dr Barrette. Je vous
demanderais, tout d'abord, de vous présenter et de présenter les personnes qui
vous accompagnent. Vous avez 15 minutes pour votre présentation, suivie d'un
échange avec les membres de la commission. Alors, le micro est à vous, Dr
Barrette.
Fédération
des médecins spécialistes du Québec (FMSQ)
M. Barrette (Gaétan) : Merci, M. le
Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs les membres de la commission
parlementaire, je suis accompagné aujourd'hui du Dre Diane Francoeur, qui est
gynécologue à l'Hôpital Sainte-Justine de Montréal, et de Mme Nicole Pelletier,
qui est directrice des Affaires publiques et communications à la fédération.
Alors, d'abord, je tiens à vous remercier
évidemment pour nous donner l'opportunité de pouvoir venir faire quelques
commentaires sur le projet de loi n° 52 qui est clairement l'aboutissement
d'un très long travail et qui est un
document qui est extrêmement bien fait, à notre lecture. Et, si vous me
permettez, avant de passer à mes commentaires, je vous raconterai ceci.
• (16 h 10) •
Il y a un mois, et je pense que c'est important
de mettre les choses en perspective pour le Québec, j'étais dans une réunion canadienne avec mes collègues, d'ailleurs,
de l'Association médicale du Québec. Nous étions dans une réunion
canadienne où le sujet… soit de l'euthanasie, soit de l'aide médicale à mourir,
soit tous les autres noms qui peuvent être donnés à ce type de situation,
dépendamment de certaines opinions qu'on peut avoir, personnelles ou
politiques. Et à ce moment-là j'ai pu constater à quel point, au Québec, la
classe politique était à des années-lumière , au Québec, sur le Canada. Alors,
je peux vous dire une chose : Pour ce qui est de la pensée politique et de
l'harmonie politique qu'il peut y avoir dans
un dossier comme celui-là, c'était palpable, c'était extraordinaire, et je ne
peux que vous féliciter du travail que vous avez fait, particulièrement
quand on regarde le texte de loi qui est proposé aujourd'hui, qui est un texte qui est… Et je l'ai dit à Mme la
ministre en d'autres circonstances : C'est un texte parmi les mieux
écrits que j'ai vus dans ma courte carrière
relativement publique, je vais l'appeler comme ça, et j'ai pu constater que
tous les mots étaient choisis, les
ponctuations étaient choisies, le sens des mots était très clair et, surtout, et par-dessus tout, et parce
que, là, ça vient toucher la population,
c'est un projet de loi qui est définitivement dans un synchronisme
presque parfait avec la pensée de la population québécoise, à notre
avis.
Pourquoi je
dis ça? Pour une raison qui est très simple. Quand on regarde l'histoire
récente qui nous a menés à ce projet
de loi, bien, il faut remonter évidemment en 2006, lorsque le collège a été
mandaté… le Collège des médecins du Québec
a été mandaté pour faire une étude
sur l'acharnement thérapeutique et l'euthanasie. On se rappellera qu'à la suite de ces travaux-là il y avait eu
quand même une période quelque peu silencieuse, silence qui avait été brisé en
2009 par la Fédération des médecins spécialistes qui avait le sentiment que,
sur le terrain, ce sujet-là était un sujet qui était non seulement d'actualité,
mais d'une espèce d'actualité silencieuse, comme la majorité l'est souvent, et
qui, par contre, dans notre perception de l'état de la situation, était quelque
chose qui était largement discuté et débattu dans les officines médicales.
Et c'était pour cette raison-là qu'on a fait un
sondage qui a été un peu, en quelque sorte, le déclencheur de tout ce qui a suivi après. Le sondage avait donné
des résultats relativement spectaculaires, en ce sens que, oui, c'était
un sujet qui se discutait beaucoup,
beaucoup, beaucoup dans les officines gouvernementales… pas gouvernementales,
mais médicales, et que, oui, la population était prête à en discuter, et que,
oui, il y a des choses qui se faisaient au Québec, mais, non, il n'y avait pas
de balises et la situation légale n'était pas parfaitement claire quant à ce
que l'on appelle aujourd'hui, et il est convenu d'appeler, l'aide médicale à
mourir.
Ensuite,
évidemment, vous avez eu… vous avez fait tous vos travaux qui ont abouti dans
ce projet de loi qui est un projet de loi vraiment de grande qualité
parce qu'à la base il met le patient au centre de toute décision et de toutes
les intentions. Nous reconnaissons le fait
que la force de ce projet de loi là est de mettre le patient au centre de tout
l'exercice. Et la force corollaire, si vous
me permettez, de ce projet de loi là est de faire en sorte que vous abordez les
soins ou l'éventail des soins qui peuvent être offerts à la population
dans une situation de vie... inclut tout le spectre possible, allant évidemment des soins palliatifs — et, pour nous, il n'y a pas de distinction…
il n'y a pas de problématique sémantique quant à la… de ce qu'est un soin palliatif versus les autres soins — jusqu'à évidemment les autres approches que
sont la sédation terminale palliative ainsi que l'aide médicale à mourir; et
vous avez eu la sagesse de faire référence aussi évidemment au refus de traitement. Ce qui fait qu'aujourd'hui vous
faites quelque chose qui n'a jamais été fait ailleurs au Canada, à
savoir que vous présentez un projet de loi, à mon avis, extraordinaire dans son
courage et qui s'adresse à l'entièreté de ce à quoi un patient doit faire face
dans cette difficile situation là.
Ceci étant
dit, il y a peut-être quelques éléments particuliers auxquels on peut s'adresser,
et c'est la raison pour laquelle on a
évidemment déposé ce mémoire. Oui? Cinq minutes? Là, on est rendus à 10?
Parfait. Ça va aller vite. Alors, nous, on pense que, comme vous le
voyez dans notre document, la sédation, compte tenu du fait que, dans tous les
débats qu'il y a eu et même dans notre sondage initial, il y avait une certaine
confusion sur ce qu'était et comment devait se faire la sédation palliative terminale,
nous, on pense que, dans votre projet de loi, il y aurait probablement
lieu de préciser quelle est la nature de la procédure et ses balises.
Pour ce qui
est de l'aide médicale à mourir, nous vous faisons remarquer que le texte est
tout à fait adéquat pour nous, mais
qu'il pourrait y avoir des circonstances où il y ait lieu de consulter un
collègue psychiatre pour évaluer l'état psychique d'un patient dans le cas où le patient se… pas le patient,
mais le médecin ne se considérerait pas suffisamment confortable avec cet élément-là. Nous avons été
très heureux de constater que vous avez pris en considération et inclus dans votre projet de loi la situation de l'inaptitude
en proposant des directives médicales anticipées et nous sommes très
satisfaits de cet élément-là, comme nous le sommes pour ce qui est de la
liberté de choix du médecin.
La
responsabilité des établissements, ça, c'est un point qui est très particulier,
qui n'a pas été relevé par grand monde, je pense, et c'est une
précision, une clarification, peut-être, que vous allez pouvoir nous donner
aujourd'hui. Nous vous posons la question
suivante : Est-ce que les articles 8 et 65 s'opposent?, en ce sens que
vous avez eu la sagesse de faire en
sorte que, selon l'article 8, tous les établissements ont l'obligation d'offrir
tout l'éventail des soins possibles aux patients en fin de vie, donc
allant du refus de traitement à l'extrême… dans un extrême et, à l'autre
extrême, l'aide médicale à mourir. Tout le
monde doit l'offrir, c'est notre compréhension de l'article 8. Mais l'article 65,
on s'interroge s'il y a une opposition avec l'article 8 en ce
sens : S'agit-il d'une potentielle dérogation obtenable par un
établissement ou s'agit-il simplement d'un
cas particulier que nous n'avons pas bien compris? Sinon, si c'est juste un cas
particulier qu'on n'a pas compris, bien nous n'avons pas de problème avec,
évidemment, le reste.
Alors, globalement, pour terminer
là-dessus — parce
que je sais que mon temps arrive à sa fin — nous sommes très, très, très satisfaits du projet de loi. Nous n'avons pas vu
de problèmes sémantiques, d'aucune manière, dans ce projet de loi là;
les termes sont clairs. Des soins palliatifs, pour nous, ce n'est pas la
sédation palliative, ce n'est pas de l'aide
médicale à mourir; toutes ces choses-là sont, pour nous, claires, et les
balises que vous proposez le sont aussi. Et nous espérons que vous allez
pouvoir continuer à aller de l'avant avec ce projet de loi, tel qu'il est
écrit, à moins qu'il y ait évidemment quelques amendements proposables que l'on
n'ait pas vus.
Le Président (M. Bergman) :
Alors, merci, Dr Barrette, pour votre présentation. Mme la ministre, pour le
bloc du gouvernement.
Mme
Hivon : Oui. Alors, Dr Barrette, Dr Francoeur, Mme
Pelletier, bienvenue. Merci beaucoup d'avoir pris le temps de nous faire part de vos commentaires, en fait, sur ce qui est maintenant
un projet de loi. Donc, nous vous avons entendus, bien sûr,
dès le début des travaux de la Commission spéciale sur la question de mourir
dans la dignité, comme vous l'avez souligné. Et je tiens à le souligner aussi,
vous avez été aussi une organisation précurseure et qui a conduit… qui a été un élément déterminant, de par
ses prises de position, pour la suite des choses. Donc, je vous en
remercie parce qu'en fait je pense que, si on est capables aujourd'hui de
présenter ce projet de loi là, c'est qu'il y a eu une rencontre de volonté et de forte volonté, autant de la part du
politique, des parlementaires, toutes allégeances confondues, que des acteurs des réseaux de la santé, des
organisations médicales représentant des médecins, des associations
juridiques aussi et de la population. Et c'est
ce qui fait, je crois, qu'on peut aujourd'hui déposer et être confiants quant à
l'avenir de ce projet de loi là. Donc, je veux vous en remercier.
Vous avez dit, puis je pense que ça va être de
la musique aux oreilles de nos légistes et de notre équipe, que c'était un projet de loi très bien rédigé. Ils ont
travaillé très fort, on a travaillé très fort, et effectivement je veux
simplement dire que c'est vrai que, jusque dans les virgules, ce projet de loi
là a été regardé, quand on parle notamment de la définition des soins
palliatifs, pour faire en sorte que l'aide médicale à mourir est vue comme un
soin de fin de vie, mais non comme un soin
palliatif. Donc, il y a
eu un grand soin d'apporté, et, vraiment, on a essayé de retourner chaque pierre. Il en reste sûrement à retourner parce qu'on est plusieurs, et donc il va y avoir
encore plusieurs idées auxquelles peut-être nous n'avons pas pensé, mais
c'était vraiment notre souci. Donc, c'est sûr que je pense que c'est
intéressant de voir que ça a été remarqué.
J'aimerais vous parler, dans cet
esprit-là, de la question de la sédation palliative terminale, et vous dites
que peut-être qu'on devrait préciser davantage les balises. Donc, le choix qui
a été fait, évidemment, c'est d'en faire un soin
qui avait donc, dans le projet de loi, des exigences particulières, notamment
en matière de consentement,d'information,
de divulgation aussi. C'est un soin dont on va devoir divulguer... donc, l'administration
au même titre que l'aide médicale à mourir. Par ailleurs, on n'a pas
voulu aller trop loin, je dirais, en termes techniques, médicaux, en prévoyant
par ailleurs qu'il va devoir y avoir des protocoles d'élaborés et suivis, donc,
conformément aux normes de pratique dans l'ensemble des établissements.
Donc, quand vous nous dites que
peut-être qu'il faudrait aller plus loin, est-ce que vous pouvez spécifier ce
qui devrait peut-être être ajouté?
M. Barrette (Gaétan) : La raison
pour…
Le Président (M. Bergman) :
Dr Barrette
• (16 h 20) •
M. Barrette (Gaétan) : Je peux y
aller? Merci. La raison pour laquelle je vous fais cette remarque-là, ce n'est pas une requête, là, fondamentale par rapport au projet
de loi, ça n'enlève rien évidemment
à la valeur du projet de loi,
ça vient simplement du fait que, quand on a fait notre sondage, si vous vous
rappelez, même dans la communauté médicale, il y avait
une certaine confusion entre ce qui était la sédation palliative terminale…
Puis je vous dirais même qu'à bien des égards il y a bien du monde… dans
la communauté médicale toute confondue, là, qu'il y a bien du monde qui ne savait pas la
différence entre ça — parce que ce n'est pas quelque chose qui était publicisé, là, dans la communauté
médicale — versus
ce que j'avais appelé, lorsque j'étais venu ici devant vous, la proverbiale
injection de morphine dans les deux derniers
jours de vie d'un patient, qui, on avait vu dans notre sondage, était quelque
chose de courant. Alors, la sédation
palliative, je pense que… pas «je pense», on vous fait cette remarque-là pas
parce qu'on veut que vous alliez nécessairement plus loin dans la technique médicale, mais que
les gens comprennent bien que ça s'oppose un peu à ce qui s'est passé
dans le passé, si vous le jugez nécessaire.
Je pense qu'aujourd'hui aussi, dans une certaine
mesure, vous pourriez me dire que ça a été tellement discuté sur la place
publique que maintenant tout le monde comprend. Et je peux vous dire que, du
côté médical, il n'y a plus personne qui a de doutes là-dessus, mais, peut-être
pour le grand public, il y aurait lieu de faire cette précision-là mais c'est à
vous évidemment de juger. Chez nous, dans la communauté médicale, pour ce qui
est de la FMSQ, cette terminologie-là, elle est comprise, connue et acceptée,
et il n'y a pas de problème et il n'y a pas d'ambiguïté pour la profession
médicale.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Oui, merci,
M. le Président. Par ailleurs, je comprends que, pour ce qui est de l'obligation
pour les établissements, en quelque
sorte, de fournir, donc, les soins de fin de vie, vous endossez cette
orientation-là, donc, de faire en sorte que ce soit uniforme et
uniformément disponible, donc qu'il n'y ait pas de géométrie variable dans l'offre
des soins de fin de vie.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Barrette.
M. Barrette (Gaétan) : Merci. Oui, absolument.
Et j'irais même jusqu'à dire que, si vous ne faites pas ça, vous n'atteindrez pas l'objectif.
Alors, il est clair, et je l'ai dit,
hein, j'ai choisi ces mots-là : Vous êtes en synchronisme avec la population. Et là c'est une lapalissade que de
dire que vous représentez la population à un niveau, évidemment, qui est
ultime dans une société, vous êtes l'État. Comme vous allez l'entendre très
certainement dans le marathon que vous connaissez…
commencez, de consultations, vous allez voir des gens qui vont se présenter
devant vous, évidemment, pour émettre
certaines réserves. Alors, dans cette optique-là, il m'apparaît essentiel que
la règle, au départ, soit claire, et la règle est claire et universelle.
Sinon, évidemment, vous ouvrez la porte et, dès que vous allez ouvrir la porte
à telle ou telle dérogation, ce qui était le
sens de ma question pour ce qui est de 8 versus 65, dès que vous ouvrez la
porte, tout le monde va entrer dans
la porte. Parce qu'à partir du moment où ce n'est pas le principe qui mène,
mais bien l'opinion ou l'émotion d'un
dirigeant, et j'inclus les médecins là-dedans, bien là on va se retrouver en
asynchronisme avec la population. Vous allez
voir des gens qui vont arriver, puis qui vont vouloir l'avoir, puis qui vont
frapper une porte fermée, et ça, c'est la chose que normalement on ne
veut pas.
Vous avez…
Encore une fois, le projet de loi, il est centré sur le patient. Donc, c'est au
système de s'organiser pour satisfaire le patient, non pas de lui
imposer des choses, mais de satisfaire le patient dans ses aspirations, dans
ses choix. Alors, dans ses choix, il doit
avoir tous les choix, et c'est à l'organisation elle-même, dans sa structure,
d'offrir toutes les possibilités et de ne pas permettre à la structure
elle-même de pouvoir dire non. L'individu peut dire non, je l'ai dit tantôt, c'est parfait, mais l'ensemble
de l'oeuvre qui est l'administration publique, avec ses représentants
locaux dans les institutions, doit toujours pouvoir dire oui.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Peut-être simplement pour clarifier votre questionnement entre les articles 8
et 65. Vous avez une interprétation tout à fait correcte, c'est-à-dire
que les établissements sont assujettis uniformément. L'article 65, il est pour un cas d'espèce. En fait, le projet de loi
vient prévoir que, pour ce qui est des maisons de soins palliatifs, elles
ont donc le loisir d'offrir l'ensemble ou une partie des soins de fin de vie,
ce qui, pour se parler clairement, pourrait faire en sorte qu'une maison de
soins palliatifs x déciderait de ne pas offrir l'aide médicale à mourir.
Dans
l'état actuel des choses, il y a une seule maison de soins palliatifs qui est
reconnue comme un établissement, c'est La Maison Michel Sarrazin, qui a
été la première et qui a un statut un peu hybride, et, en fait, l'article 65, c'est
la clause, en quelque sorte, Michel
Sarrazin. Puisque cette maison-là est reconnue comme un établissement au sens
de la loi, mais qu'elle n'offre que des soins palliatifs, on souhaitait la mettre
sur un pied d'égalité avec les autres maisons de soins palliatifs puisque c'est sa mission. Son fonctionnement est
similaire aux autres maisons de soins palliatifs, mais, puisqu'elle a une mission universitaire, elle est
reconnue comme établissement. Donc, l'article
65 ne s'adresse qu'à un seul établissement, et le choix a été fait de ne pas écrire «La Maison Michel
Sarrazin» parce qu'on ne peut pas présumer de l'avenir. Est-ce
que ça va encore être «La Maison Michel Sarrazin», le nom, dans deux ans, dans
trois ans? Donc, on voulait y aller de
manière plus générique et c'est ce qui explique… et non pas une géométrie
variable ou des décisions, je dirais, différentes d'un établissement à l'autre.
Est-ce que ça clarifie…
Le Président (M. Bergman) :
Dr Barrette.
M. Barrette (Gaétan) : Merci. Oui,
ça clarifie. Mais, si vous me le permettez, je ne veux pas prendre tout le
temps pour faire mes débats de mots, mais, quand vous mettez, dans 65, «centre
hospitalier [de soins] généraux et spécialisés»,
vous ne trouvez pas que ça ouvre la porte, pour un observateur extérieur, à n'importe
qui de dire : Bien, je suis un… tous les hôpitaux, en général,
sont des centres généraux spécialisés… ou généraux ou spécialisés? Vous ne
trouvez pas que la… Et je comprends très bien ce que vous dites puis ça me
satisfait pleinement, mais, quand je regarde ce texte-là, quand on le regarde, et comme je sais que vous êtes, je crois,
avocate de formation, ce mot-là ne peut-il pas être utilisé par d'autres
personnes en disant : Je suis, et donc je peux?
Mme
Hivon : Ils le pourraient, M. le Président, s'il n'y avait pas à la fin : «n'offre que des soins palliatifs peut
continuer à n'offrir que de tels soins». En fait, il y a un seul établissement
qui se qualifie dans cette définition-là, dans
ce type de permis là, qui n'offre, à ce jour, que des soins palliatifs parce que
tous les autres établissements offrent des soins généraux.
M. Barrette (Gaétan) : Je comprends.
Mme
Hivon : Voilà
comment on…
M. Barrette (Gaétan) : Je m'excuse
de prendre la parole à ce moment-ci. Je comprends ce que vous me dites. Parce
que, moi, quand je l'ai lu, je l'ai
lu en disant «que des soins palliatifs», dans le cadre de l'esprit de la
loi où on a les trois. O.K.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Alors, pour l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Merci. Alors,
bonjour. Merci de prendre le temps de venir nous faire part de vos observations
sur le projet de loi.
J'aimerais
vous entendre sur la question des termes utilisés dans le projet de loi puisqu'on a eu quelques échanges ce matin sur l'importance,
peut-être, de définir la notion d'aide médicale à mourir. Vous avez effleuré un
peu la question tout à l'heure, lorsque vous avez parlé à un moment
donné de l'importance de clarifier le terme «sédation palliative terminale». Et
nous, ce matin, avec vos prédécesseurs, on a abordé la question, à
savoir : Est-ce qu'il ne serait pas important
d'intégrer, à l'intérieur du projet de loi, des définitions plus précises, des
termes qui sont utilisés dans le projet de loi afin de bien... pour une
question de pédagogie, d'une part, puis aussi afin de s'assurer que les choses
soient claires, parce qu'il y a une
distinction entre l'aide médicale à mourir et l'euthanasie? Et vous aviez
également parlé de certains arguments qui seraient apportés par certains
groupes plus ou moins en accord. Donc, dans ce contexte-là, est-ce qu'il ne serait pas opportun d'avoir des
définitions pour ces termes-là qui ne sont peut-être pas… qui font
peut-être partie du jargon des membres et de ceux et celles qui ont participé,
depuis quelques années, aux grands débats, mais qui ne font peut-être pas
partie du jargon habituel de M. et Mme Tout-le-monde?
Le Président (M. Bergman) :
Dr Barrette.
• (16 h 30) •
M.
Barrette (Gaétan) : Merci.
Bon, je vais parler pour la fédération et aussi de ma perception de la
population en général.
Pour ce qui
est de la… À la Fédération des médecins spécialistes, là, il n'y a pas de
confusion possible, il n'y a pas de
quiproquo, là, c'est très clair : des soins palliatifs, ce n'est pas de l'aide
médicale à mourir, ce n'est pas ça, là, et ce n'est pas la sédation médicale terminale. Ce sont trois éléments qui
sont indépendants les uns des autres. Quandj'écoute à la fois les débats que… même de mes propres collègues, là,
qui prennent parfois position sur la place publique, je ne vois pas de
confusion là-dedans.
Par contre,
il y a un certain nombre de personnes qui, dans… pour qui… Tout le monde a ses
opinions, mais tout le monde a des
intentions parfois politiques. Même si on n'est pas en politique, il y a des
gens qui jouent effectivement sur la corde
sensible de l'euthanasie versus l'aide médicale à mourir. Mais moi, je vous
répondrai ceci — et, pour
moi, j'en suis profondément convaincu
personnellement, puis, à la fédération, pour nous, c'est très clair — l'aide médicale à mourir, c'est une
aide à quelqu'un qui le demande. Le mot le dit, c'est une aide. «Euthanasie», c'est
désincarné au sens où c'est extérieur au
patient. L'euthanasie, au sens propre du terme, c'est détaché de la personne concernée.
Et là évidemment que je dis quelque chose qui va vous apparaître un peu
gros, là, au sens où détaché... parce que l'euthanasie, évidemment, ça concerne la personne qui va mourir après avoir
appliqué un geste médical, mais l'euthanasie, dans l'optique de la loi, pour moi, ne s'applique pas parce que ce n'est pas
une décision qui est nécessairement prise par le patient. Ici, dans le
contexte de ce projet de loi là, le mot était très bien choisi, à mon sens,
parce que c'est une aide médicale à générer la finalité qui est choisie,
décidée pleinement, en pleine connaissance, par un patient, ce qui est une
dynamique qui est complètement différente, à
mon avis, de celle de l'euthanasie, où l'euthanasie peut, à l'autre extrême,
être une mesure, à la limite, dictatoriale dans une société primitive.
On n'est pas là. Ici, on est dans un exercice centré sur le patient, décidé par le patient. Et, dans ces termes-là, je
ne vois pas de confusion possible. Mais, par contre, je vois le plaisir
que certaines gens vont pouvoir avoir à venir débattre de l'un ou de l'autre.
Et, juste pour vous amuser, je vais aller un pas
plus loin, puis ça, vous allez voir, c'est assez amusant. On peut s'interroger si la sédation terminale n'est
pas une aide médicale à mourir, parce que je ne pense pas que vous allez
pouvoir trouver bien, bien, bien de médecins qui vont vous convaincre que vous
pouvez rester vivant éternellement sédationné, là. La sédation terminale, il
est vrai, résout tous les problèmes de douleur, là, vous êtes endormi. Mais ce n'est certainement pas pour vous faire réveiller
puis vivre après, là. Alors, quand on arrive dans la sémantique, on sort
de l'esprit de la loi. Et là je renchéris là-dessus, c'est
important pour nous autres. Quand on a fait notre sondage, là, une des questions qu'on a posées : Est-ce que vos
patients vous en parlent? Et la réponse a été oui, presque… ce n'était
pas unanime, mais pas loin. Alors, il y avait là-dedans clairement la
révélation — au
sens où on révèle une chose qui était cachée — d'un fait qui n'était pas
nécessairement très documenté : oui, la population québécoise en parle et
émet le désir d'avoir cette option-là. Et le projet de loi qui arrive aujourd'hui
remplit ça.
Alors, quand on
regarde ça, là, on est très loin de l'euthanasie, au contraire, et on est, au
contraire, dans une dynamique de soins de
fin de vie, ce qui est l'essence du projet de loi, c'est sa force. Sa force, c'est
justement d'éviter de s'en aller dans
la dynamique de l'euthanasie, dans laquelle, là, tout le monde aurait des
raisons d'avoir des craintes, alors que, là, les balises m'apparaissent
très claires.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Le Collège des médecins suggérait ce matin qu'il y ait une distinction entre
les soins palliatifs et les soins de fin de
vie… la sédation palliative et l'aide médicale à mourir, parce que, selon
certains, ces concepts-là allaient en contradiction les uns avec les
autres, et donc proposait de revoir la terminologie, entre autres, utilisée à l'article
3. Quelle est votre opinion sur cet aspect-là?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Barrette.
M. Barrette (Gaétan) : Si vous me permettez, juste un petit instant, là,
pour ce qui est de l'article 3, que je parle de la bonne chose. O.K., parce que… On n'a pas cette opinion-là. Pour nous,
là, à la FMSQ, là — et c'est
une chose qui a été débattue à l'interne, là — elle
n'existe pas, cette confusion-là. Alors, je peux comprendre les réserves que d'autres
organisations peuvent avoir. Chez nous, on
est plus direct, peut-être, mais cette confusion-là, à notre avis, n'existe…
pas à notre avis, là. Ça, je suis certain
que ça n'existe pas chez les médecins et, à notre avis, n'existe pas dans la
population.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : J'aimerais vous entendre sur la question de la
commission qui sera mise sur pied. Est-ce que sa composition vous
satisfait? Est-ce que le mandat qui sera confié à la commission est suffisant?
Est-ce qu'on devrait ajouter au mandat qui est prévu au projet de loi?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Barrette.
M. Barrette (Gaétan) : Ça m'apparaît essentiel. Ça m'apparaît essentiel
pour des raisons d'abord et avant tout de
réassurance du public. La commission aura entre autres un effet de réassurance
et de chien de garde face aux potentiels abus que certaines personnes
peuvent percevoir ou constater s'il y en avait. Je ne pense pas que ça va
arriver pour ce qui est des abus. Mais il
est extrêmement important que, pour ce qui est de la population en général et
même pour nous, le corps médical… il est important que la population ait
confiance.
Et, là-dessus, je
ferai une petite parenthèse, si vous me le permettez. La fin de vie, là, c'est
un épisode, évidemment… et là c'est une
lapalissade, c'est un moment grave, intense, et c'est un moment qui se vit
entre le médecin et le patient. Bien sûr, il y a des équipes autour, on
se comprend et on est d'accord avec ça, mais à la fin, ultimement, c'est une décision, c'est une consultation, c'est
une discussion, c'est un épisode qui se passe entre un patient d'abord
et un médecin, et il faut absolument que la confiance soit totale. Alors, le
fait d'avoir une commission qui va s'adresser à tous les éléments, qui va faire
des registres, qui va faire ceci, qui va faire cela, ça ne fait que venir
appuyer l'exercice éventuel de ces gestes-là
dans le cadre de la loi éventuelle. Et le fait d'avoir ça vient de façon
continue assurer la confiance du public face au processus. Pour nous, c'est
essentiel.
Pour ce qui est de la
composition des mandats, honnêtement, je n'ai pas de commentaire négatif à
faire, ça m'apparaît tout à fait approprié.
Le Président (M.
Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition
officielle. Maintenant, pour le deuxième bloc du gouvernement, Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Oui. Alors, j'ai plusieurs questions. Dans le sondage que vous aviez fait en
2009, il y avait environ, il me semble,
75 % des répondants, donc, qui disaient qu'ils seraient plutôt favorables,
donc, avec l'aide médicale à mourir. Est-ce que vous avez le sentiment
qu'on est toujours à peu près dans les mêmes eaux?
Et
mon autre question, c'est : Comment expliquez-vous... Vous nous dites que
vos répondants vous ont dit qu'on leur
en parlait souvent, de l'aide médicale à mourir, que leurs patients leur en
parlaient, qu'il y avait donc une nécessité d'aller dans ce sens-là. Par ailleurs, on reçoit des gens, notamment des
médecins de soins palliatifs, qui nous disent que c'est rarissime, qu'ils
n'ont jamais de demandes de patients en ce sens-là et, vous, vous nous dites qu'au
contraire c'est très fréquent. Donc, vous
comprenez que, pour nous, des fois, ici, on est un peu perplexes. Donc, je ne
sais pas si vous pouvez nous apporter votre éclairage.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Barrette.
M. Barrette
(Gaétan) : La réponse est très simple, Mme la ministre : la
majorité des patients au Québec ne meurent pas dans les soins palliatifs. Ils
meurent à la maison, ils meurent dans les salles d'urgence, ils meurent à l'hôpital dans un lit, entre guillemets,
régulier — je le
mets entre guillemets — mais la majorité des gens ne meurent pas dans les soins
palliatifs.
Alors, il est raisonnable de penser que les gens
qui sont dans les soins palliatifs, ce ne soit pas leur première conversation. Il est raisonnable de penser que ce
ne soit pas le genre de discussion que les médecins qui y pratiquent... soit le genre de sujet que ces médecins-là
abordent. En général, les gens qui sont dans les soins palliatifs, ça m'apparaît
tout à fait correct, là, que ce ne soit pas leur orientation première. Moi, je
comprends la position des médecins qui travaillent
en soins palliatifs. Ceci étant dit, et j'insiste là-dessus, la majorité des
gens ne meurent pas en soins palliatifs.
Alors, ce dont je vous parle, c'est le
quotidien, le quotidien que l'on connaît tous : la mort qui arrive dans
des circonstances subites ou plus ou moins
chroniques, et ces patients-là, bien, ils voient d'autres médecins et dans...
ce sont eux qui sont sondés, dans une certaine mesure.
Alors, quand
vous dites, et avec justesse, que 75 % des gens sont pour, ou sont pour
des balises, ou... comme vous l'avez
dit, l'a bien rapporté le sondage, bien, il y a un 25 % qui est contre,
évidemment, et ça, dans une certaine mesure, ça reflète aussi le fait de
ce que je viens de vous dire : les gens ne meurent pas tous en soins
palliatifs.
Alors, l'opinion de mes collègues de soins
palliatifs, que je respecte parce que je respecte leur position... et ce sont leur position, mais ce n'est pas
nécessairement la position de la majorité. Et ça, il faut faire la distinction
entre ça. Il y a les commentaires et les interventions qui sont faits et qui
reflètent des opinions personnelles, et il y a, encore une fois, les opinions
véhiculées par la population. Et ça, la population, elle dit ce que le sondage
nous a dit.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
• (16 h 40) •
Mme
Hivon : Oui. Je vais vous poser deux questions
ensemble. C'est ma technique quand je n'ai pas beaucoup de temps, parce
que je sais qu'en plus j'ai une collègue qui veut poser une question. Le
mécanisme de référence, lorsqu'un... Vous en parlez à l'article
7, je crois. Vous êtes satisfaits du fait que, lorsqu'un médecin veut exercer, donc, sa
liberté de conscience, il y a la mise en place d'un mécanisme de référence. Ce
qu'on prévoit dans le projet de loi, c'est
que c'est le DSP, sauf... bien, ou l'établissement va prévoir un autre
mécanisme. J'aimerais vous entendre sur le fait que ça puisse être le DSP ou, en fait, un mécanisme prévu par l'établissement,
si vous pensez que ça va être suffisant.
Et le deuxième élément, puisque justement
vous représentez les médecins spécialistes. On sait qu'il y a
un grand pourcentage de gens dans les endroits où une aide médicale à
mourir existe... À environ 80 %, 85 %, ce sont des gens atteints de
cancer qui s'en prévalent, mais il y a quand même un bon nombre de gens qui
sont l'objet de maladies neurodégénératives, de maladies dégénératives, de
sclérose latérale amyotrophique, et tout ça. Et, ce matin, on parlait de la notion… est-ce qu'on devait ajouter la
notion de «terminal» ou non. Moi, ma position, c'est que «fin de vie»,
avec l'ensemble des dispositions et des
conditions de l'article 26, c'est assez encadrant, parce que je ne pense pas
que «terminal» ajoute… parce que,
selon un contexte ou un autre, c'est quoi, «terminal»? Puis tout le monde s'entend
qu'il ne faut pas mettre de durée.
Mais, ce matin, c'est un grand élément de… le collège nous suggérait d'ajouter
«terminal». J'aimerais vous entendre sur l'à-propos, selon vous, de cet
ajout-là et sur la question de la référence.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Barrette.
M. Barrette (Gaétan) : Excusez-moi,
je vais y aller. Le Dr Francoeur voulait vous répondre pour la partie DSP, puis
je vais vous répondre pour le «terminal», c'est un sujet qui est très important.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Francoeur.
Mme Francoeur (Diane) : Alors, en ce
qui concerne la référence, pour nous, c'est très clair que ces services doivent
être offerts partout dans la province. Moi, je suis née en Gaspésie, alors la
médecine en région éloignée, je connais très bien. Et, lorsqu'on parle de soins
de fin de vie, on n'a pas besoin d'une expertise technique pointue, on a besoin de l'aide pour supporter les équipes sur
place face à la prise de décision. Vous savez, pour une famille, ça
prend énormément de courage, et pour un patient ou une patiente, de demander
ces services. Et la seule façon pour eux d'avoir
ce courage-là, c'est en étant entourés par leurs pairs — ça
veut dire leur famille, leurs proches, leurs amis — qui vont être avec eux.
On parle des gens qui sont souvent en très
mauvais état, et ces services-là doivent être offerts partout. Est-ce que ça
devrait être sous la gouverne du DSP? Est-ce qu'on doit imposer des corridors
de service? Je pense que c'est des choses
qui peuvent être facilement mises sur pied lorsqu'on se sera entendus sur
le modèle final. Mais, dans notre tête à
nous, c'est clair qu'on ne peut pas offrir ces services-là à la pièce, quoiqu'on
comprend que certains médecins, comme nos collègues que vous avez
mentionnés tout à l'heure, vont préférer ne pas offrir ces services-là. On le
respecte, c'est comme l'avortement, il y a
des gynécologues qui n'en font pas. Mais on a l'obligation de s'assurer que
les patients pourront avoir ces services-là dans leur milieu.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Barrette.
M.
Barrette (Gaétan) : Je
continue sur la même lancée. Permettez-moi ce parallèle-là. Vous ne l'avez
peut-être pas vécu vous-mêmes, ce débat-là, mais d'autres
l'ont peut-être vécu ici, dans cette salle. Il y a
trois, quatre ans, cinq ans peut-être,
il y a eu, à un moment donné, une nouvelle direction quant à la gestion des
listes d'attente en chirurgie au Québec. Et, à un moment donné, le gouvernement a contemplé la possibilité de mettre la responsabilité sur le médecin traitant
de s'organiser pour trouver quelqu'un d'autre
lui-même si sa liste d'attente était au-dessus de six mois. C'est
impraticable. Alors, c'est très important,
dans votre structure, de faire en sorte, s'il y a une objection de conscience,
que ce soit quelqu'un dans la structure — et ça va de soi que ce
soit le DSP — qui
s'organise pour mettre en place le corridor de service, appelez-le comme… on l'appellera
comme on l'appellera éventuellement, mais ça doit revenir à quelqu'un dans la structure, sinon, si ça tombe sous la
responsabilité de l'objecteur de conscience, là, on n'en finira plus, là, et il
va y avoir beaucoup trop d'opposition. Alors, ça, je pense qu'il ne faut
pas le faire.
Pour ce qui
est de la question que vous avez abordée, qui est une question qui est très
importante, à savoir ce qui est terminal ou pas terminal, je comprends
que vous avez choisi de ne pas mettre ça dans le projet de loi, et ça, vous avez raison. Dans le milieu médical, quand on veut
être défensifs, bien, on met ce genre de balise là; je comprends cette
position défensive là. Vous me dites que c'est le Collège des médecins, ce
matin, qui aurait fait cette proposition-là. Je peux comprendre que, dans leur situation d'organisme qui défend le public,
ils veulent être le plus défensifs possible, ce qui n'empêche pas qu'ils
sont quand même dans la… en faveur du projet de loi. Je pense que c'est ce qu'ils
vous ont dit, là, je n'étais pas là. À ma connaissance, ils sont en faveur
du projet de loi.
Ceci étant
dit — et ça, j'insiste
là-dessus, et c'est important — en médecine, Mme la ministre, le moment où
les choses sont irréversibles, on le sait
toujours. On n'est jamais capables de dire le temps. Mais, quand arrive un
moment dans l'évolution d'une maladie, que ce soit un cancer ou une maladie
dégénérative… il y a un moment où on le sait, mais
on ne peut jamais prédire le temps. Et on va dire à des patients : «Il
vous reste six mois», puis ça va durer un an, «Il vous reste six mois», puis ça va durer trois semaines. Et ça, on n'est pas là, là.
On n'a pas de… la science médicale ne permet
pas ça. Mais la science médicale est capable de dire, à tous les coups, dans
les maladies… Puis là je vais opposer le dégénératif aux autres maladies
comme les cancers. Dans la catégorie cancer, on est capables d'identifier à 100 %
le moment qui est… à partir du moment… à partir duquel c'est irréversible.
Alors, pour
nous, ce qui est important dans le projet de loi, c'est de… et c'est comme ça
qu'on le comprend… c'est la fin de la
vie. La fin de la vie, comme vous l'avez dit dans les critères, où c'est
inéluctable, où c'est irréversible, où il y a des souffrances. Les
souffrances, là, on est capables de le voir. La famille le voit, tout le monde
le voit, et évidemment le patient le voit. L'inéluctabilité,
médicalement, ce n'est pas un problème. Le temps, vous avez raison de ne
pas le mettre. Alors, si, à l'extrême, on dit que ça doit être terminal,
terminal, terminal…
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion, s'il vous plaît.
M. Barrette
(Gaétan) : O.K., à ce
moment, bien, là, on tombe dans l'injection de morphine puis on n'a plus
besoin de projet de loi, là.
Un dernier
commentaire là-dessus. Pour ce qui est du dégénératif, là aussi, c'est
faisable. Le projet de loi s'oppose au suicide assisté. Je vais prendre
une image que tout le monde connaît. Sue Rodriguez , là, il y a eu un moment où
c'était du suicide assisté. Il y a eu un
moment où, médicalement, là… c'est le problème des maladies dégénératives,
il y a un moment où, médicalement, on peut le voir, là, que c'est inéluctable.
Et à la fin, dans ses dernières interventions, là, elle était rendue là, et,
médicalement, on n'était plus dans le dégénératif, là, on était dans le dernier
droit, et ça, médicalement, c'est très
clair. Et ça, c'est pour ça que je vous dis que — et je vous invite à être très prudents — c'est une affaire qui se fait entre le patient puis le médecin, c'est une affaire
médicale. Et tout un chacun dans les autres professionnels de la santé,
là, qui vont venir ici puis vous dire : Moi aussi, je veux participer à la
décision… C'est parce que c'est médical, et
c'est de même, et il n'y a pas d'autre manière de le dire. À un moment donné,
là, c'est comme ça que ça se passe et c'est l'essence du projet de loi à
mon avis, il faut respecter ça.
Le Président (M. Bergman) :
Ceci met fin au temps pour le bloc du gouvernement. Maintenant, pour le dernier
bloc de l'opposition officielle. M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'ailleurs,
bienvenue. Je pense que vos commentaires sont très intéressants. Je
crois, sur ce sujet, on veut atteindre, tous, les mêmes objectifs. La question,
c'est : de la façon dont c'est rédigé, ça pourrait ouvrir une porte… Puis
ça, je pense que le collège l'a dit ce matin, il y a des psychiatres qui l'ont
fait remarquer : la personne qui est schizophrène, qui a le mal de vivre,
mais qu'on sait que ce n'est pas imminent qu'elle va décéder au cours des
prochaines années, si on regarde les critères, à la limite, cette personne-là
pourrait demander l'aide médicale à mourir.
Vous savez, Dr Barrette, que, dans une société,
ça prend une personne qui fait un recours en se servant de la loi pour qu'après ça on soit pris avec un cas qui
va être difficile à gérer. Donc, c'est la façon de le rédiger puis c'est
pour ça qu'on apportait la question d'imminent.
On est d'accord que, si quelqu'un, il lui reste quatre ou cinq ans de vie et
qu'il répond à ces critères-là, il ne
devrait pas avoir accès à l'aide médicale à mourir. Et, si on laisse ça entre
le médecin et le patient, sans mieux
définir cette partie-là d'imminence, à ce moment-là, on va peut-être se
retrouver avec des cas d'espèce que
la loi ne vise pas à avoir. C'est dans ce sens-là qu'on va devoir le retravailler
puis voir les possibilités, puis, si c'est ça, à la fin, qu'on nous explique que ça répond aux exigences, bien, on
l'adoptera, mais le collège, ce matin, l'a fait remarquer par rapport à
ces cas-là. Puis l'autre cas qu'il y a eu comme exemple, c'est la personne qui
est paraplégique ou quadriplégique, qui
souffre, qui veut vraiment mourir, mais on sait que son corps peut vivre encore
plusieurs années; si on se fie aux
considérations strictes du projet de loi, elle pourrait demander l'aide
médicale à mourir. Je pense qu'on recherche tous les mêmes objectifs,
mais c'est peut-être dans la façon dont c'est défini...
Le Président (M.
Bergman) : Dr Barrette.
M.
Barrette (Gaétan) : Nous
sommes, à ma connaissance, quatre médecins dans la salle, et les quatre
médecins savent que la schizophrénie n'est
pas une maladie mortelle. L'exemple que vous donnez lorsque vous prenez
l'exemple d'une maladie psychiatrique, par définition… Vous parlez de suicide
assisté : par définition, c'est exclu. Alors, le mythe, c'est… Le patient schizophrène qui est en mal de vivre à cause de
sa schizophrénie, qui répond plus ou moins bien au traitement puis qui
est déprimé par-dessus ça, et ainsi de suite, ce n'est pas une maladie qui
amène la mort. Par définition, c'est exclu. Ça ne peut pas s'appliquer, ce n'est
pas possible.
Pour ce qui
est du paraplégique. Un paraplégique, c'est une maladie… c'est-à-dire que la
moelle est sectionnée, qui entraîne
la maladie qui s'appelle la paraplégie, qui devient à ce moment-là un état. On
ne meurt pas de paralysie, on meurt
de complications de paralysie. Il peut arriver que les complications qui s'ajoutent
à l'état de paralytique puissent entraîner la mort, mais le paralytique,
au même sens que le patient psychiatrique, n'est pas dans la situation dans laquelle on peut appliquer la loi. Par définition,
c'est un suicide assisté. J'ai pris l'exemple de Sue Rodriguez à
escient. Sue Rodriguez, 10 ans avant son
décès, était dans un mode de suicide assisté. Six mois avant, quand elle est
réapparue dans les médias, elle était dans un mode terminal. Et nous, les
médecins, ici, là, c'était dans la catégorie… rien qu'à voir, on voit bien à la TV, là : elle était rendue
à la fin de sa dégénérescence physique. Pas simplement mentale, physique.
Alors, les exemples que vous donnez sont des exemples qui ne s'appliquent pas
dans la loi. Au contraire, la loi dit : Ce n'est pas là, on ne peut pas
faire ça là. Alors, je ne vois pas le problème.
• (16 h 50) •
Le Président (M. Bergman) : M.
le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Pour terminer. Vous êtes d'accord, par
contre, que c'est vraiment dans les
dernières périodes de la vie dans lesquelles
l'aide médicale à mourir… De la façon dont vous l'expliquez, c'est assez clair
que ce n'est pas que… ce n'est pas sur une période de quatre, cinq ou
six ans, sans fixer de temps, parce qu'on est tous d'accord — vous
l'avez bien expliqué — qu'on
ne peut pas prédire le temps que quelqu'un va vivre, qu'il nous reste à vivre.
Mais on est d'accord que c'est vers la fin de la vie que l'aide médicale à
mourir va s'appliquer.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Barrette.
M.
Barrette (Gaétan) : Comme
vous êtes d'accord, Dr Bolduc, que, médicalement, vous êtes capable
de dire, dans les maladies non dégénératives, donc cancer et compagnie, qu'il
y a un point d'irréversibilité. L'irréversibilité, scientifiquement, vient du fait qu'il n'y a
pas de chance, même improbable, qu'un traitement survienne dans les six
prochains mois. Comme je suis sûr que vous êtes d'accord qu'on ne peut pas
prédire. Ce n'est pas le temps qui est important, c'est l'irréversibilité, et l'irréversibilité,
bien ça, ça peut être dans six mois, ça peut être dans sept mois. On s'entend que, dans ce type de maladie là, ce n'est
jamais dans cinq ans. On n'est pas là, là. La fin, là, ce n'est pas...
Parce que, quand on parle de «terminal» et qu'on veut mettre «terminal» dans le
texte, bien c'est parce qu'on veut se rapprocher le plus possible du dernier moment. Mais ce que le public veut, c'est d'avoir
le choix un petit peu avant. Pas 10 ans avant, pas cinq ans avant : un petit peu avant. C'est ça que les gens veulent. Je comprends qu'on ne puisse pas mettre de date, ça, c'est clair, mais de
déterminer l'irréversibilité en médecine, là, ce n'est pas un problème. Et
encore une fois, j'insiste là-dessus, les cas psychiatriques et les paraplégiques, et
ce genre de choses là, et même les maladies dégénératives… Les maladies
dégénératives, médicalement, là… C'est médical. C'est un peu froid, peut-être,
ce que je vous dis, mais, médicalement
là, on est capables sans grand problème de dire : Non, on n'est pas rendus
à l'irréversibilité de la mort, non, on
ne la voit pas dans sept mois, dans un mois, dans un an. Non, on n'est pas là,
si c'est un suicide assisté. Ça, c'est faisable. Ce n'est pas un grand
problème médical. C'est un grand problème pour le patient, ça, c'est clair,
mais ce n'est pas un grand problème médical.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Je suis privilégiée de
pouvoir faire partie de cette commission. Merci beaucoup pour votre
présence. Je veux vous parler d'une histoire
singulière et de la difficulté… parce que vous — quand je dis «vous», c'est un vmajuscule — les spécialistes, vous comprenez toute cette
terminologie. Il y a une accessibilité, il y a une compréhension de la
chose.
Mais, dans ma famille, il y a eu
une hémorragie cérébrale. Techniquement, elle était décédée. On a rebranché la personne, le temps que de le dire à la famille,
qui était nombreuse, et là ça a duré quatre jours. Et là la famille s'est
dit : Mais probablement qu'on a pris une très mauvaise décision, elle
aurait pu vivre. Et là ça a été le déchirement dans la famille parce que la famille ne comprend pas c'est quoi, une sédation
palliative, des soins de fin de vie. Il y a tellement d'émotion. Et je crois sincèrement qu'il va y
avoir un très, très grand travail à faire sur le terrain pour accompagner
les familles dans ces compréhensions. Ça ne
va pas se faire du jour au lendemain, parce que, pour les familles, la
personne proche, on la voit partir, on vit
ce départ-là avec la personne et on ne veut pas qu'elle parte. Ça, c'est une
chose. Et on fait des pressions sur le médecin parce qu'on se dit… on
souffre de voir la personne souffrir. Et là imaginez-vous la pression qu'il y a
aussi autour du corps médical. Il y a une très grande pression aussi pour les
médecins, le médecin, qui ne peut pas agir plus vite, qui ne peut pas agir à l'extérieur
de la loi.
Donc,
je pense que ça prend de l'information, mais aussi un très grand soutien aux
familles. Et là on veut tous plus de soins à domicile pour nos aînés,
plus de soins à domicile, plus de soins à domicile pour les soins palliatifs. Ça veut dire plus de
services, plus d'argent. La pression, là… Il y a un changement de paradigme,
là, mais la pression est là aussi,
là. Et plus de soutien aussi pour les médecins, en quelque sorte. Vous
dites : C'est un acte médical, mais il y a de l'émotion dans cet
acte médical.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Barrette.
M. Barrette (Gaétan) : Je ne peux
pas être plus d'accord avec vous que ça, là. C'est ce que j'ai dit tout à l'heure. Ce que j'ai voulu dire… peut-être que je
l'ai mal dit. L'intensité de ce moment-là… comme vous le décrivez avec justesse, la dernière chose que ça a de besoin, c'est
qu'on complexifie les affaires. Et à l'inverse, oui, le public a besoin d'être informé plus pour que, malheureusement,
lorsqu'ils sont face à cette situation-là, ils puissent prendre une
décision la plus éclairée possible, malgré que ce soit impossible que la
décision soit non émotive. Je suis d'accord avec vous.
Le
Président (M. Bergman) : Excusez-moi, le bloc est terminé.
Alors, le deuxième groupe d'opposition, pour un bloc de cinq minutes.
Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault :
Merci, M. le Président. Merci beaucoup de votre présence, merci beaucoup de
votre franc-parler, Dr Barrette, on apprécie toujours.
Ce matin, on a reçu le Collège des médecins, qui
nous ont signifié le fait que les inaptes n'étaient pas inclus dans le projet de loi. Vous savez comme moi qu'avec
le vieillissement de la population il y a de plus en plus de cas de démence. Et ce qu'on a soulevé ce matin, c'est que
ces personnes-là, étant inaptes, n'auront pas accès à des soins de fin
de vie. Alors, j'aimerais vous entendre, entendre votre positionnement.
Parce que
vous savez comme nous, quand on fait un projet de loi, avant de revenir et de
le modifier, évidemment, ça peut prendre plusieurs années. Alors, je
pense qu'on est rendus à une étape d'un débat de société et je pense que le
fait qu'on soit… Avec le vieillissement de la population, on est conscients qu'il
y a une certaine proportion de la population
atteinte de maladie d'Alzheimer, de démence, qui, en début de maladie, sont
aptes à prendre une décision et nous dire qu'en fin de vie voudraient
bénéficier de ces soins-là, mais, dans l'actuel projet de loi, ne peuvent pas,
ne sont pas inclus. Alors, est-ce que vous avez une position à cet effet?
Le Président (M. Bergman) :
Dr Barrette.
M. Barrette (Gaétan) : Oui, mais je
ne suis pas sûr… peut-être que je vais répondre à votre satisfaction. Moi, je comprends, là, la loi que… la partie des
directives médicales anticipées s'adressait à cette problématique-là.
Parce que, quand on parle d'inaptitude, évidemment, il y a deux circonstances
dans le futur, à partir du moment où la loi existe.
Il y a la situation où la personne a donné ses directives, et normalement ça
règle, entre guillemets, la problématique de l'inaptitude lorsqu'il y a
eu des directives médicales anticipées.
Maintenant, il reste la situation où l'inaptitude
est soudaine, et là, bien là, c'est une autre paire de manches. Mais pour ce qui est de l'inaptitude qui arrive au
long cours ou de façon progressive, pour laquelle il y a eu des
directives… la possibilité, ou la mise en place de directives médicales
anticipées, nous, on était satisfaits de ce volet-là de la loi et on considère que ça règle cette situation-là.
Maintenant, je ne sais pas si je réponds exactement à la question à
laquelle vous voulez que je réponde, là.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault :
Merci. Mais, en fait, le projet de loi actuel ne permet pas aux gens… aux
inaptes de recourir aux soins de fin de vie… à l'aide médicale à mourir,
c'est-à-dire, si on se comprend.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Barrette.
• (17 heures) •
M.
Barrette (Gaétan) : Encore
une fois, c'est ce à quoi je pensais que vous vouliez que je réponde. Il est
sûr qu'au jour un de l'application de
la loi il y a une période de transition. Il y a ceux qui n'ont pas encore revu
nécessairement… de gens colliger de façon
notariée leur décision. Il y aura cette période-là. Je ne crois pas qu'il soit
possible, au jour un, de proposer l'aide médicale à mourir sur l'autorisation
du voisin, là. Alors, il y a une période de transition. Mais, encore une fois,
est-ce que vous faites référence à la situation particulière où, au jour un, il
y a des gens qui sont inaptes, et ils n'ont
pas eu d'acte notarié de décision médicale… de directives médicales anticipées?
Parce que c'est sûr que, le jour un, manifestement pour des raisons
juridiques, c'est une chose qui ne pourra pas se faire, là. Ça, ça va.
Le Président (M. Bergman) :
En conclusion. Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault : Ce qu'on
comprend finalement, c'est que, votre position, vous seriez en faveur, en fait,
que les gens qui sont inaptes et qui ont
déjà fait soit un testament biologique et inclus, dans leur testament
biologique, le désir d'obtenir des soins de fin de vie, vous seriez d'accord
avec cette position-là d'inclure ces gens-là à l'intérieur du projet de loi
actuel.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Barrette.
M. Barrette
(Gaétan) : Absolument, et non seulement on est en faveur de ça, mais c'est
une des choses qui est les plus discutées
par les gens concernés, tant dans les familles que dans les cabinets de
médecin. Ça, ce bout-là, là, les gens,
c'est sûr qu'il n'y a personne qui va aller dans les rues avec des pancartes
réclamer ça, mais, dans leurs discussions plus intimes avec un médecin,
c'est du pain quotidien. Les gens attendent ça. Ça, ça doit être là. Alors, il
n'y a pas de doute dans mon esprit. D'ailleurs, notre sondage montrait ça. On
avait cette question-là, et la réponse a été très claire aussi à cet effet-là.
Le Président (M. Bergman) :
Malheureusement, le temps s'est écoulé. Alors, Dr Barrette, Dre Francoeur, Mme
Pelletier, merci pour votre présentation, merci d'être ici avec nous aujourd'hui,
on apprécie beaucoup. On demande les gens de l'Association médicale du Québec
pour prendre place à la table, et je suspends pour quelques instants seulement.
(Suspension de la séance à 17 h 1)
(Reprise à 17 h 4)
Le Président
(M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue à l'Association médicale du Québec. Dr Marcoux, bienvenue. Vous avez 15 minutes pour
faire votre présentation, suivie d'un
échange avec les membres de la
commission. Pour les fins de l'enregistrement, votre nom, votre titre, ainsi
que ceux qui vous accompagnent.
Association médicale du
Québec (AMQ)
M. Marcoux
(Laurent) : M. le Président,
Mme la ministre, membres de la commission, au nom de l'Association
médicale du Québec, je veux vous remercier de nous permettre d'exprimer,
aujourd'hui, le point de vue de notre organisation sur ce projet de loi
n° 52.
L'Association
médicale du Québec est la seule association québécoise qui regroupe l'ensemble
de la profession médicale du Québec,
soit les omnipraticiens, les spécialistes, les résidents et les étudiants en médecine. Cette association compte sur un vaste réseau de membres pour
réfléchir aux enjeux auxquels est confrontée la profession médicale,
pour proposer des solutions et pour innover afin de repenser le rôle du médecin
dans la société et d'améliorer la pratique médicale.
Notre intervention se veut lucide et constructive. Elle est guidée
essentiellement par notre souci de contribuer efficacement et
positivement à l'amélioration des services à la population.
Je vous présente, à mes côtés, le Dr Claude
Roy, gastroentérologue pédiatrique et professeur émérite à l'Université de Montréal. Le Dr Roy est président du Comité des
affaires professionnelles de l'Association médicale du Québec. Je vous
présente ici, à ma gauche, M. Normand Laberge, notre directeur général.
Mon collègue, Dr Roy, qui est à mes côtés,
a écrit une phrase fort pertinente dans un document de réflexion qu'il nous a fait parvenir en vue de la préparation
de notre mémoire et de la présente comparution. Je me permets de la partager avec vous. Je cite : Une société qui
refuse d'aborder une question aussi dérangeante que les soins de fin de
vie est une société en mauvaise santé. Fin de la citation. La famille
parlementaire du Québec a fait preuve de beaucoup de courage politique en
abordant un sujet d'une telle sensibilité. De toute évidence, la question de l'aide
médicale à mourir ne fera jamais l'unanimité ni au sein de la société ni au
sein de la communauté médicale. Le fait d'avoir lancé un débat public très large sur cette question est une initiative qui
mérite d'être saluée. En ces temps de cynisme grandissant de la part de la population à l'égard des
institutions démocratiques et de leurs principaux acteurs, il convient de
saluer l'esprit de collaboration qui a prévalu tout au long des travaux
parlementaires sur le droit de mourir dans la dignité. Nous sommes à même de
constater que cet esprit de collaboration imprègne les travaux de la présente
commission.
Vous avez
pris connaissance de notre mémoire. Plusieurs des recommandations qui y sont
contenues pourraient être qualifiées de techniques. Elles sont plutôt
reliées à des modalités qui permettront, selon nous, d'assurer une application plus facile de la loi concernant les
soins de fin de vie. D'autres recommandations sont cependant beaucoup
plus fondamentales. Mais, avant d'aborder ces modifications au projet de loi
que nous jugeons nécessaires, je veux parler brièvement du sondage que nous
avons réalisé en mai dernier auprès des médecins québécois et dont les
résultats sont invoqués dans ce mémoire.
Notre sondage
a été réalisé en mai dernier, je dis, avant le dépôt du projet de loi
n° 52, donc. L'objectif de notre sondage
était de mesurer la perception des médecins québécois à l'égard des principales
recommandations de la Commission spéciale sur la question de mourir dans
la dignité.
D'entrée de
jeu, les résultats du sondage démontrent le désir profond des médecins de voir
une amélioration de la qualité et de l'accessibilité aux soins
palliatifs. En effet, 94 % des médecins répondants sont en accord avec le
fait de modifier la Loi sur les services de
santé et les services sociaux pour que soit reconnu le droit de recevoir des
soins palliatifs. Également, la
grande majorité des médecins sondés, soit 73 %, sont en accord avec des
modifications législatives visant à rendre contraignantes les directives
médicales anticipées. Sur le sujet de l'aide médicale à mourir, le sondage
révèle que 66 % des médecins répondants sont en accord avec la
reconnaissance de l'aide médicale à mourir comme un soin approprié de fin de
vie.
Nous avons
voulu aller plus loin pour savoir dans quelle mesure les médecins pensent qu'ils
pourraient recevoir une demande d'aide à mourir, et, le cas échéant,
quelle serait leur réponse à un patient qui répondrait aux conditions d'admissibilité.
Les résultats démontrent que 70 % des médecins répondants pensent que,
dans leur type de pratique, un patient pourrait, un jour
ou l'autre, leur présenter une demande d'aide médicale à mourir. 30 %
pensent qu'ils ne recevront jamais une telle demande. Parmi les 70 % des
médecins qui croient qu'ils pourraient recevoir une demande d'aide médicale à
mourir, 41 % d'entre eux accepteraient d'y répondre, sachant que celle-ci
respecte les critères de recevabilité. Les
autres médecins sont partagés : 30 % disent qu'ils ne l'accepteraient
pas et 30 % sont toujours indécis au mois de mai dernier.
• (17 h 10) •
Une analyse
encore plus poussée des données nous indique que les médecins qui ont une
pratique professionnelle plus associée aux soins de fin de vie seraient
moins enclins à répondre positivement à une demande d'aide médicale à mourir.
Il est donc possible que les médecins et les patients rencontrent des
difficultés ponctuelles d'application de la loi. Bien que la situation ait
évolué au cours des dernières années, il reste que l'écart entre l'acceptation
sociale et l'acceptation médicale est significatif, et il faut s'en préoccuper.
Revenons à nos recommandations. Je veux mettre l'accent
sur trois d'entre elles, qui nous apparaissent particulièrement
importantes : celle sur le développement de l'offre de service en soins
palliatifs dont j'ai parlé, mais j'y
reviendrai; celle sur le caractère limitatif des critères énoncés à l'article 26
du projet de loi — j'ai vu qu'il y avait une grande
préoccupation là-dessus — et
celle sur l'obligation de rendre compte à la commission des soins de fin de
vie.
D'abord, l'offre de services en soins palliatifs.
Nous sommes très clairs dans notre mémoire : s'il est un point qui fait l'unanimité
au sein de la profession médicale, c'est l'absolue nécessité d'améliorer l'accessibilité
des soins palliatifs de qualité partout au
Québec. L'AMQ reçoit donc de façon très positive la disposition du projet de
loi n° 52 qui consacre, pour
toute personne dont l'état le requiert, le droit de recevoir des soins de fin
de vie, incluant des soins palliatifs. Entre la consécration de ce droit
et son actualisation, il y a cependant un fossé qui doit être comblé par des
gestes concrets. Il faudra donner aux
établissements les moyens d'organiser adéquatement les soins de fin de vie,
incluant les soins palliatifs. Qu'on pense seulement au programme de
formation à l'intention du personnel qui va être appelé à dispenser de tels
soins, et ces soins doivent être de la plus haute qualité, et c'est... ce
personnel va le faire dans les prochaines années, parfois pour la première
fois.
L'autre
recommandation que nous voulons porter à votre attention concerne les
conditions que doit satisfaire une personne pour obtenir l'aide médicale
à mourir. Tel qu'énoncé à l'article 26 de ce projet de loi, il faut faire
en sorte que soit renforcé le caractère
limitatif de ces conditions afin d'éviter toute dérive et qu'une personne dont
la mort n'est pas imminente ne puisse
obtenir de l'aide à mourir. «Imminente» ne veut pas dire «demain matin», on en
rediscutera tantôt.
Enfin, l'autre
recommandation que nous jugeons fondamentale concerne la reddition de comptes
de la commission des soins de fin de
vie. Nous proposons que cette commission relève de l'Assemblée nationale et non
pas du gouvernement. Les soins appropriés de soins de vie sont un enjeu
de société et non pas un enjeu de gouvernement. Des consultations effectuées
auprès de quelques-uns de nos partenaires nous indiquent que notre association
ne sera pas la seule organisation à énoncer une telle recommandation.
Soulignons
enfin la position des directives médicales anticipées. Notre expérience sur le
terrain nous démontre que bien peu de
patients s'en prévalent. Or, l'absence de directives médicales anticipées peut
être perçue comme l'une des principales causes de l'acharnement
thérapeutique. Il nous faudra donc, comme professionnels, travailler de concert
avec les patients et les familles à encourager le recours aux directives
médicales anticipées.
En guise de
conclusion, je vous dirais qu'il y a près de quatre ans l'Association médicale
du Québec faisait parvenir au Collège des médecins du Québec une lettre
en réponse à sa consultation relative au projet d'énoncé de proposition intitulée Le médecin, les soins appropriés et le
débat sur l'euthanasie. Dans cette lettre de notre association, on
pouvait lire le passage suivant, et je cite : «Nous croyons que le rôle de
la communauté médicale n'est pas d'agir comme un instigateur d'éventuels
changements législatifs, mais bien de faire avancer la réflexion en contribuant
à une meilleure connaissance des différents
concepts associés aux diverses pratiques médicales exercées en fin de vie. En
bout de piste, c'est la société civile, par le biais de ses
représentants dûment élus, qui dictera la ligne de conduite acceptable pour l'ensemble
de la société.» Fin de la citation.
Nous
réitérons aujourd'hui cette même position. Les médecins sont au service
de la société; à nous de bien la servir en tenant compte des principes de justice sociale
et des considérations déontologiques propres à l'exercice de notre profession.
Avec votre
permission, M. le Président, je veux demander à mon collègue,
Dr Roy, de vous dire quelques mots.
M. Roy (Claude) : Cinq minutes. M.
le Président, Mme la ministre, membres de la commission, vous avez entendu
trois présentations aujourd'hui qui saluent le courage du gouvernement du
Québec qui vient… veut répondre aux
pressions de la population pour les soins
de fin de vie en proposant un projet de loi qui effectivement vient enjoindre tous les établissements du
Québec à inclure, dans leur programme de soins, les soins de fin de vie,
priorise de façon très claire l'organisation de soins exemplaires en soins
palliatifs, et, troisièmement, autorise l'aide médicale à mourir. C'est une pièce législative qui est extrêmement importante, qui est attendue par la
population ainsi que par la communauté médicale — vous
l'avez entendu aujourd'hui au cours de ce marathon. Et, par ailleurs, il est
clair que cette loi doit faire l'objet d'analyse
et de réflexion appropriées, et je pense que les représentations que vous avez
entendues aujourd'hui sont claires aussi là-dessus.
Je me permets d'insister sur le fait que
peut-être une des causes principales expliquant le fait que... l'appui
grandissant d'une partie importante de la population pour l'aide à mourir, oui,
et pour les soins de fin de vie, vient particulièrement
du fait que la population en général n'est pas satisfaite des conditions de fin
de vie actuelles au Québec. Et ça peut expliquer en grande partie la
problématique actuelle qui touche toutes nos sociétés, finalement. Chose
certaine, la société ne veut pas de l'acharnement thérapeutique, et ça, c'est
clair. Si vous regardez les directives médicales anticipées, la majorité s'oppose
à l'acharnement thérapeutique. Or, les directives médicales anticipées sont souvent non respectées.
Ça conduit à des conflits très importants, et je pense que la promotion des
directives médicales anticipées,
comme l'a dit très bien mon collègue Laurent tout à l'heure, est très
importante, et je pense que la clause du projet de loi qui rend
exécutoires et contraignantes les directives médicales anticipées, c'est une
recette merveilleuse pour améliorer, augmenter, renforcer les droits de patients
et aussi, je pense, éviter les conflits qu'on voit.
L'acharnement
thérapeutique, c'est une pratique courante. Récemment, dans le Journal of
Critical Care, on note que 87 % des intensivistes avouent avoir fait
de l'acharnement thérapeutique. Et, à ce sujet, il est intéressant de jeter un
coup d'oeil sur la loi française Léonetti de 2005 qui montre qu'effectivement,
en France et dans les autres pays qui ont
accepté la même législation, les demandes d'aide médicale à mourir ont
considérablement diminué.
Mais toutefois il
faut reconnaître que les soins palliatifs, ce n'est pas la réponse à tout. Et
je pense que le gouvernement du Québec
justement reconnaît que les soins palliatifs, quelle que soit leur qualité, ont
leur limite. Il y a nombre de situations où… Pardon.
Le Président (M.
Bergman) : Une minute. Vous avez une minute.
M. Roy (Claude) : J'ai une minute? Alors, à preuve, il y a un sondage canadien qui montre
que plus de 60 % des patients en soins palliatifs effectivement
réclament l'aide à mourir. Alors, je pense que ceci est important. Écoutez, je vais conclure. Mon
collègue, le Dr Marcoux, m'a cité tout à l'heure. C'est tout à fait flatteur.
Mais moi, j'aimerais conclure en citant une collègue avec qui j'ai fait une
année de formation à l'Université McGill il y a plusieurs années. Il s'agit de
Thérèse Vanier, qui est la soeur de Jean Vanier, et qui est une grande
spécialiste des soins palliatifs, et qui
travaille à Londres, au St. Christopher's Hospice. Et elle a écrit : «Tout
ce qu'il reste à faire quand il n'y a plus rien à faire». Merci de
votre…
• (17 h 20) •
Le Président (M.
Bergman) : Merci, Dr Roy. Alors, maintenant, pour le bloc du
gouvernement, le premier bloc, Mme la ministre.
Mme
Hivon : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue.
Bienvenue à vous trois, donc, Dr Marcoux, M. Laberge, Dr Roy. Très heureuse que vous participiez à nos travaux, d'autant
plus que vous nous déposez un sondage qui
est, je pense, digne d'intérêt évidemment parce qu'il est très contemporain,
quoiqu'il a été fait, de ce je comprends, quelques semaines avant la
présentation du projet de loi. Donc, ça, j'aimerais vous entendre peut-être
clarifier sur quelles bases, en fait… est-ce
que c'étaient les bases des recommandations, donc, du rapport de la commission
spéciale? Évidemment, le projet de loi s'en inspire grandement, mais il y a
quand même un niveau de détail plus important. Donc, c'est sûr que c'est très intéressant pour nous de voir l'appui qui est récolté au
sein, donc, du corps médical. Je
pense que l'appui est fort. Donc, il y a peut-être effectivement une différence avec la population, l'appui est encore plus fort, mais
je pense qu'on voit, à la lumière de ce que vous nous
présentez, qu'il y a une forte majorité de médecins en accord avec cette idée d'une aide médicale à mourir comme
soin approprié de fin de vie. Donc, merci pour cette contribution.
Pour ce qui est de soins palliatifs, bien, je
pense que vous faites ressortir avec
justesse à quel point c'est un élément important et central du projet de loi. Je vous dirais qu'au-delà de l'aide médicale à mourir, quand on regarde les endroits où il y a
une telle ouverture, c'est effectivement un très petit nombre de gens qui y ont recours et
c'est beaucoup plus de gens qui ont recours aux soins palliatifs, d'où l'importance que leur accès soit amélioré, et que tous les établissements doivent se doter d'une politique, et qu'on encourage leur développement.
Je dois vous dire qu'on en fait une priorité et on fait aussi une priorité de
toute la question de la formation dans les différents lieux de dispensation; on
pense notamment aux CHSLD parce qu'il y a beaucoup de gens qui meurent dans les
CHSLD. Et c'est important que l'accès aux soins palliatifs, de par une formation des gens qui y travaillent, soit
généralisé. Donc, de par les investissements qu'on a annoncés, c'est une
préoccupation importante à laquelle on veut donner suite, notamment à la
question de la formation et de l'accès dans les CHSLD, entre autres choses.
J'aimerais
par ailleurs vous entendre sur le sondage. Est-ce que vous estimez que ces
chiffres-là seraient à peu près les mêmes, à la lumière, donc, du projet
de loi qui a été déposé? Et, sinon, est-ce que vous pensez qu'il y aurait des
éléments qui auraient, donc, été clarifiés, qui auraient peut-être pu
simplifier les réponses au sondage ou, enfin, un peu votre lecture à la lumière
du détail du projet de loi par rapport à ce qui a été sondé?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Marcoux.
M. Marcoux
(Laurent) : Oui. Le sondage a été fait à partir de la commission
spéciale, effectivement. Et où on en était rendu en mai dernier, à la
commission spéciale à laquelle nous avions participé, on retrouve la plupart
des éléments dans le projet de loi. Donc, la seule chose qui pourrait être
avantageuse pour voir si ça a changé un peu, c'est
si les médecins se l'ont plus approprié depuis ce temps-là, s'ils le
connaissent mieux. Les débats n'ont pas été larges, il y a eu beaucoup d'autres
préoccupations sur la scène publique récemment, mais, dans le milieu médical,
dans notre gouvernance, à mon conseil d'administration, ces choses-là, on a vu
les gens évoluer. Et il y a eu le Conseil général, à Calgary, récemment, de l'Association médicale du Québec, où on a vu
que les soins palliatifs devaient être renforcés partout au Québec. Ça
nous a confortés de dire que, chez nous aussi, c'était un besoin qui était
justifiable.
Donc, je crois, je
suis certain que ce sondage-là a une très grande crédibilité parce que les
éléments sondés se retrouvent dans le projet de loi. Et, comme dans tout débat
de société, le temps amène une évolution des pensées, et les mesures… les
critères d'admissibilité qui y sont, qu'on y retrouve réconfortent les gens. Et
aussi le fait qu'il y ait une commission, cette commission-là
aussi rassure les médecins, et nous devrons en faire une évaluation serrée pour
éviter toute dérive qui pourrait se produire.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Oui.
Merci. À la page 10 de votre mémoire, vous notez qu'on demande, donc, pour
mieux pouvoir connaître le portrait des
demandes en soins palliatifs des gens qui reçoivent les soins palliatifs et
aussi pour les sédations terminales et l'aide médicale à mourir, on
vient prévoir, donc, que, dans le rapport des établissements, il va y avoir un
certain nombre de données qui vont devoir être colligées.
Je veux vous dire aussi que l'équipe
du ministère travaille très fort pour que le réseau se dote d'indicateurs beaucoup
plus précis pour être capable de voir, quand une personne est transférée, par exemple d'un lit général à lit dédié ou
si elle est dans un lit plus de soins généraux, mais qu'elle reçoit des soins
palliatifs... qu'on soit capables de le noter et de suivre ça. Donc, on s'en va dans ce sens-là. C'est beaucoup
plus facile de le documenter pour les soins à domicile parce qu'il y a
vraiment une entrée dans notre système, notre jargon, que le député de
Jean-Talon connaît aussi. Donc, on est
capables de bien faire le suivi, mais c'est beaucoup plus complexe en
établissement, et donc c'est quelque chose qu'on veut documenter
davantage.
Je vous
dirais que l'enlignement qui est pris dans le projet de loi, plutôt que chaque
établissement évidemment va faire une collection de données dans l'avenir…
Mais je dirais que le regard général sur l'évolution, donc, des soins palliatifs et de l'accès, c'est une mission, un
mandat que l'on donne à la commission, donc la Commission sur les soins
de fin de vie qui est mise sur pied, parce qu'on pense que, justement, elle va
avoir une approche beaucoup plus globale que
si on y va établissement par établissement et qu'on donne cette obligation-là
en quelque sorte de monitorer, comme vous le dites, à chaque
établissement. Donc, ça, j'aimerais vous entendre si, pour vous, c'est
satisfaisant.
Et, pour l'autre
élément, l'idée que la commission puisse relever de l'Assemblée nationale, je
ne pense pas que c'est une
proposition qui est dépourvue d'intérêt, mais c'est important de noter qu'à ce
jour je vous dirais que ça serait une
réforme quand même importante de nos institutions et des organismes qui
relèvent des ministres. Ce n'est pas parce qu'un organisme ou une
commission relève d'un ministre ou d'un ministère qu'elle n'est pas
indépendante. Dieu sait qu'on reçoit beaucoup de rapports qui sont faits avec
beaucoup d'indépendance et qui demandent des comptes aux ministres et aux ministères. Et, quand vous avez
vu la composition de la commission, c'est vraiment sur recommandation, donc, des ordres professionnels ou de différents
milieux. Donc, ce n'est pas le ministre ou le ministère qui vient
choisir en dictant : Voici, je vais
mettre telle personne. Il y a une volonté, vraiment, d'aller loin dans la
représentativité des membres. Mais je
vous dirais qu'à ce jour les seules instances qui relèvent de l'Assemblée
nationale, c'est le Vérificateur général, le Directeur général des
élections, le Protecteur du citoyen puis le Commissaire au lobbyisme. Donc, c'est
quand même un changement important qui serait requis. Par ailleurs, ça n'empêche
pas que le rapport soit déposé à l'Assemblée nationale.
Ça, évidemment, ça va de soi. Mais j'aimerais comprendre ce qui vous pousse à
demander ça plus spécifiquement dans ce cas-là versus plein d'autres
organismes qui ont des missions quand même très importantes dans l'État.
M. Marcoux
(Laurent) : Avec votre
permission, M. le Président. D'abord, pour ce qui est de la
comptabilisation des soins palliatifs et
tout le monitorage, dans le projet de loi, on veut comptabiliser ce qui est
fait. Et je pense que, dans les nombreuses personnes qui vont décéder à
chaque année, on veut savoir combien n'ont pas eu accès, parce qu'on peut dire : Il y en a eu, mettons un chiffre,
30 000 qui ont eu accès. C'est beaucoup, on est contents, mais est-ce qu'il
y en a eu 20 000 qui ont dû
souffrir de ne pas avoir accès? Je dis ça comme exemple, là. Mais je pense qu'à
chaque personne qui décède on devrait
avoir : Est-ce que cette personne-là a eu accès à des soins de… à un accompagnement
de fin de vie? Toute personne… On pense que les soins de fin de vie
doivent s'adresser à des décès compliqués qui ont duré des semaines, des mois
dans des douleurs, mais, tout décès, toute personne qui décède, c'est le
deuxième moment le plus important de sa vie après sa naissance, et je pense que
toute personne est en droit, quelle que soit sa condition, d'être accompagnée
dans son décès.
De plus en
plus, la société change, et on a moins l'accompagnement de familles. Les
familles sont plus disloquées, et on
est chanceux quand on a des familles qui permettent d'accompagner les gens, et
c'est un soulagement pour l'équipe médicale
de voir les familles qui soutiennent les gens qui vont partir. Mais combien de
gens n'ont pas cette facilité-là? Et on
se doit, comme société, de suppléer à ce manque-là et de les accompagner dans
la… Et on devrait, à chaque fois… parce qu'on parle de soins palliatifs,
mais il faut parler aussi de soins de fin de vie. Les soins de fin de vie font
partie des soins palliatifs, comme les
soins… mais ce n'est pas la même chose. On doit accompagner les gens qui vont
mourir, quelle que soit la condition, même
si c'est des morts qui nous semblent normales : c'est toujours un
événement majeur pour la… et sa famille, pour la personne qui meurt de
façon même normale.
Donc, j'aimerais
qu'on y ajoute un recensement, peut-être même changer les actes de décès en
notant : Est-ce que cette
personne a été accompagnée?, et comptabiliser ça pour que finalement on soit
sûrs que les gens meurent dignement au Québec, et que tous meurent avec
cette dignité que l'on voudrait avoir pour soi-même.
• (17 h 30) •
L'autre question : Est-ce que la commission
doit relever du Parlement ou qu'elle doit relever de l'Assemblée nationale? Ça
rejoint un petit peu cette idée-là. Le Protecteur du citoyen, on comprend qu'il
relève de l'Assemblée nationale parce qu'on
ne veut pas qu'avec les années — et les autres que vous avez nommés qui
relèvent de l'Assemblée nationale — il y ait des partis politiques qui pourraient
survenir, qu'on ne connaît pas encore, qui accorderaient moins d'importance à cette chose-là et que ça perde de
son importance et de l'attention que, comme société, on veut accorder à
ce point-là et que… ou qu'arriveraient des gouvernements qui seraient plus
libéraux vis-à-vis… et qui laisseraient aller à certaines dérives, parce qu'en
interprétant la loi, en la… alors que, si c'est attaché directement à l'Assemblée
nationale, ça appartient au peuple à ce moment-là, c'est le peuple qui décide d'en
être le gardien et d'assurer la pérennité des conditions d'admissibilité et des
conditions dans lesquelles on veut que ça s'exerce. C'est tout simplement ça.
C'est parce
que c'est un point… ça vient signifier que c'est un point de la plus haute
importance. Vous avez touché, Mme la ministre, avec ce projet de loi là,
ce qui était le plus important au coeur des Québécois, parce que tous, nous allons mourir, on le sait, et tous, on veut que ce
moment-là… C'est un moment grave, ce n'est pas un… Ça fait partie de la vie aussi, la mort, mais on veut que ça fasse
partie d'une vie digne comme on l'a exercée et, quand ça arrive, le
temps de mourir, qu'on soit assurés que la
société nous soutienne là-dedans et non pas un gouvernement qui pourrait
changer avec le temps. Je comprends que ça serait une grosse marche à
faire, mais c'est une demande qu'on fait. Il faut demander pour recevoir
La
Présidente (Mme Proulx) : Merci beaucoup, Dr Marcoux. Alors, le
bloc, le premier bloc, avec le gouvernement, est maintenant terminé. On
va passer au deuxième bloc d'échange avec l'opposition. La parole est à la
députée de Gatineau.
Mme Vallée : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup, messieurs, pour votre présentation.
J'aimerais
entrer dans le coeur du sujet puisqu'on n'a pas assez de temps, je pense, pour
échanger sur ces enjeux-là et sur
votre perception du projet de loi. Lorsque vous parlez de l'importance d'améliorer
l'offre de services en matière de soins
palliatifs… Bon, on a bien compris, la ministre indique qu'il y a une volonté
réelle d'investir, on a fait des annonces récemment, des investissements
importants, on est à établir des indicateurs. Moi, j'aimerais avoir votre opinion, à savoir ça passe par quoi? En date d'aujourd'hui,
en date du 17 septembre 2013, qu'est-ce qu'on peut faire afin d'assurer que, dans l'éventualité où le projet de
loi est adopté, on sera en mesure de répondre aux exigences ou aux
attentes que nous créons envers les citoyens
du Québec? Parce qu'il y a de ça. Il y a un projet de loi qui consacre un droit
et qui consacre l'accessibilité aux
soins palliatifs, et donc on crée des attentes au sein de la population, et
comment on peut y répondre? Et puis comment, concrètement, on peut
bonifier cette offre-là? Parce qu'on sait très bien, on peut injecter bien des
sommes d'argent, mais on les dirige vers quels types de mesures? Qu'est-ce qu'on
peut faire pour s'assurer qu'un citoyen qui réside au centre-ville de Montréal
aura le même accès aux soins palliatifs qu'un citoyen de Maniwaki, par exemple?
Je dis ça ou je prends ça par pur hasard, là
La Présidente (Mme Proulx) :
Dr Marcoux
M. Marcoux
(Laurent) : J'ai répondu un
petit peu tantôt : En monitorisant bien et en sachant... en se
mettant comme objectif que c'est un droit.
Ce mot-là est vraiment nouveau dans la dispensation des soins, on dit que les
soins palliatifs deviennent un droit. Ce n'est pas un privilège, ce n'est pas s'il
y en a, c'est un droit. Quand on a un droit, on peut exiger qu'il soit exercé.
C'est quelque chose de très puissant, le droit.
Et
on doit s'assurer, pour qu'il soit… qu'il soit aussi très sécuritaire. Il faut
que tous les citoyens sachent que cette nouvelle loi là ne vient pas les
menacer en leur volant des jours, ou des années, ou des heures, ou des minutes
à leur vie. Il faut que ce soit très
sécuritaire. Et, pour que ce soit sécuritaire, il faut que ce soit… que les
conditions d'admissibilité soient toujours révisées, et que la
commission s'assure qu'il n'y a pas de dérive, et que cette commission-là
réponde aux plus hautes instances de notre société.
Il faut aussi qu'elle soit de qualité, cette
intervention. Ce n'est pas tout de la donner à tout le monde, il faut la donner
à tout le monde avec la plus haute qualité. Et, pour ça, la première condition,
je pense, c'est la formation, la formation
des médecins. Nous, c'est écrit, je pense, dans notre mémoire — mais j'ai vu tellement de textes — mais c'est dans notre intention, en
tout cas, que tous les médecins qui sont formés, qui s'orientent vers des
spécialités qui n'ont jamais à être
confrontées avec des soins de fin de vie, soient formés, du moins, de façon… de
base pour qu'on ait… et pour que
cette… et les écoles d'infirmières, tous les gens qui travaillent auprès des
patients, pour s'assurer que c'est dans la mentalité de ceux qui offrent les soins que les soins de fin de vie, c'est
un soin important, prioritaire, majeur qui doit être de qualité. Si on n'est pas capable de le faire,
on doit comprendre celui qui le fait. Quand on a des notions sur quelque
chose, même si on n'en est pas un spécialiste, on comprend celui qui le fait,
que c'est important qu'il le fasse, et on le soutient, et on arrange les choses
pour que ça se produise.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
M. Marcoux
(Laurent) : Donc, la
sécurité pour tous les patients, une accessibilité de qualité et bien
monitoriser… Moi, je le mettrais sur le certificat de décès : Est-ce que
le patient a eu des soins palliatifs?
Est-ce qu'on lui a offert des
soins d'accompagnement en fin de vie? C'est tellement important. On le fait sur
les certificats de naissance : on marque
l'heure qu'il est né, les circonstances, l'endroit. On marque l'endroit pour
savoir, bien, s'il est né à l'hôpital, et tout ça, c'est noté. Je pense qu'on devrait savoir si tout patient a bien été
en mesure de bénéficier de ce droit qu'on a donné.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Quand on parle de droit, je comprends que vous parlez d'éducation, de
sensibilisation auprès du corps médical dans
son ensemble, mais il y a aussi une question des ressources
physiques. Est-ce que nous sommes suffisamment… Est-ce que le Québec
est équipé adéquatement pour recevoir ce projet de loi là? C'est-à-dire, est-ce
qu'au moment d'une
éventuelle adoption on sera en mesure, physiquement, en fonction des
établissements qu'on a, en fonction
des chambres que nous aurons à la disponibilité des citoyens… Est-ce qu'on est
capables de répondre à la demande et
est-ce qu'on est capables de répondre aux exigences que nous allons créer, pas
dans cinq ans, pas dans 10 ans? Parce que
je comprends que la question du monitoring va nous permettre de prévoir pour l'avenir,
mais, à partir de l'adoption d'un
projet de loi, on a une responsabilité de s'assurer que les soins et que les
services sont offerts le lendemain matin, sinon il va falloir le prévoir, prévoir des dispositions à cet effet-là.
Donc, croyez-vous qu'au lendemain d'une éventuelle adoption le Québec
est en mesure, physiquement, de répondre aux attentes que nous créons? Moi, je
vous pose la question parce que, comme je
disais ce matin, là, je ne suis pas du milieu médical, et donc pour moi c'est
très important d'avoir des réponses à ces questions-là.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Marcoux.
M. Marcoux
(Laurent) : C'est certain qu'on n'ajoute rien sans que ça ne coûte
rien. Mais les soins palliatifs, c'est plus
une philosophie de traitement vis-à-vis les gens, c'est un soin complémentaire.
Je ne pense pas qu'on va avoir à former des cohortes d'infirmières, pour
donner des soins palliatifs, de nouveau ou former plus de médecins. Il y a déjà une avancée très intéressante qui soutient
ce… qu'il y aurait plus de médecins de famille parce qu'ils sont au coeur
de l'accompagnement des patients en fin de
vie. Et je pense que, si on les sensibilise dans leur curriculum, dans leur
cursus universitaire, dans leur cursus de formation, on va arriver à ce que ces
personnes-là, sans ajouter nécessairement des heures
à leur travail et du temps… davantage, c'est la philosophie, l'intention, la
nouvelle approche vis-à-vis le patient. Et cette nouvelle approche là, elle va prévaloir dans tous les soins de
santé prochainement : c'est le patient, le patient est le maître de
sa santé, il doit s'exprimer. S'il doit s'exprimer pour les choix de traitement
en cours de sa vie, lorsque… il doit aussi s'exprimer
sur les choix de traitement… parce que les soins de fin de vie, l'aide médicale
à mourir, c'est un soin médical lorsqu'il est fait dans ce continuum de
services, de soins qui lui est offert. Je pense qu'on a la capacité, comme services… pas accessoires comme secondaires,
mais complémentaires à ce qu'on donne tous les jours, d'avoir ça en
tête, de s'y préoccuper. Ça ne coûte pas cher, ça ne coûte pas plus cher que de
négliger ce service-là qu'on a, à nos patients.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Merci. Dans vos conditions aussi d'améliorer l'offre,
vous avez… vous mentionnez l'importance de bien faire les choses, de
rassurer la population. Et donc, dans cette optique-là, est-ce qu'il serait
opportun, à votre avis, de venir bien définir les termes qui sont utilisés à l'intérieur
du projet de loi? Je parle ici de l'aide médicale à mourir — qui
est un concept qui, pour certains, est clair, mais, pour d'autres, peut
comporter encore certains points d'interrogation — et également la
question de la sédation palliative terminale. Parce qu'au sein de la communauté
médicale, il semble y avoir… certains
disent : Ce n'est pas nécessaire de le définir, et d'autres disent :
Bien, peut-être que ça ne serait pas mauvais qu'on le définisse et qu'on
précise ce qu'on entend afin d'éviter des interprétations erronées.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Marcoux.
• (17 h 40) •
M. Marcoux (Laurent) : Oui. C'est tout à fait à propos, je crois, de
définir les choses, mais est-ce qu'on doit les définir de façon globale à la société actuellement? Parce que, quand on
n'est pas confrontés à ce problème-là, comme on dit, ça nous prend par une oreille, puis ça sort par l'autre, puis… On
va bien le définir dans la formation qu'on donnera aux intervenants de la santé, au personnel médical
et tous les gens qui travaillent près des patients, qui connaissent bien
c'est quoi, ces définitions-là. Et je pense
que, dans l'accompagnement de soins de
fin de vie, quand on va parler pour un patient en particulier, est-ce que, pour lui, ça va être la sédation terminale ou de l'aide médicale à mourir plus concrète, d'une autre façon? Est-ce que, pour lui, ça va
être de lui donner des ressources qui vont lui permettre de s'adapter à sa
condition qui nous semble inacceptable? Mais si… L'être humain, c'est un être
qui a immensément de capacité d'adaptation. Des
fois, on se dit : Moi, si j'étais dans sa condition, je n'accepterais pas
de vivre. Et pourtant, si on va profondément avec ces gens-là, ils
trouvent un certain plaisir, il y a une certaine satisfaction d'être en vie. Ça
ne nous appartient pas de le juger. Mais parfois les gens qui ont une mauvaise
nouvelle…
C'est
pour ça que, dans notre projet de
loi — je m'excuse
si je fais un petit peu d'inversion, mais vous parliez tantôt de
sécurité — on
va… que la mort doit être immédiate, doit être prochaine. Parce que, si c'est
trop loin, même si la situation, elle semble
objectivement inacceptable, j'ai eu, comme médecin, souvent des gens qui ont eu
des nouvelles et ils voulaient vraiment mourir puis leur mort n'était
vraiment pas très loin, mais ils ont été accompagnés, ils ont été soutenus, ils
ont passé cette période-là, d'adaptation. Ils ont fait un deuil, pas une
acceptation, mais un deuil qui a fait que les quelques semaines qu'ils ont vécu
ont été pour eux satisfaisantes, leur a permis de réaliser qui ils étaient.
C'est
important parfois, avant la fin de sa vie, d'avoir le temps de réaliser qui on
est et qui sont ceux qui nous ont accompagnés
dans la vie. Et c'est un petit peu ça que je pense qu'on… il faut mettre que la
mort soit immédiate. Si elle est trop
loin… Il faut laisser la chance au malade de s'adapter, ne pas attendre la
veille. Ça, je pense qu'on ne gagne pas grand-chose, Mais, si on est un petit peu… on laisse un petit peu les
gens puis on est vraiment présent à eux dans cette difficulté-là… On
sait qu'il leur reste un an, on sait que ça va être irréversible, on sait que c'est
catastrophique. Avec la médication, si on
peut soulager les douleurs, déjà, c'est bien. Et, avec l'accompagnement et d'autres…
si on peut soulager leur angoisse et leur permettre de se retourner sur
eux-mêmes, je pense qu'on doit laisser, ça aussi… en même temps qu'on aide les
gens à mourir, on doit leur laisser cette capacité-là de réaliser la fin de
leur vie, ne pas leur couper ça nécessairement.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition
officielle. Maintenant, pour le gouvernement, un bloc de
6 min 30 s. Mme la ministre.
Mme
Hivon :
6 min 30 s?
Le Président (M.
Bergman) : Oui.
Mme
Hivon : Bon. Alors, ça va aller vite. Juste pour la question
des soins palliatifs, en fait, simplement vous dire que je partage
vraiment votre philosophie, dans le sens que je pense qu'il y a deux réalités.
Puis, des fois, quand on voit «soins palliatifs», on pense tout de suite :
lits dédiés, maisons de soins palliatifs ou centres hospitaliers avec une aile dédiée. C'est une chose, mais ce n'est pas
que ça, les soins palliatifs. C'est surtout, et c'est conforme à ce que la
majorité des gens veulent aussi, être
soignés à la maison le plus longtemps possible pour éviter de devoir être
transférés à l'urgence. Donc, si vous êtes bien accompagnés avec des
gens bien formés en soins palliatifs, qui peuvent faire d'autres soins, mais qui ont la formation de l'approche, et qu'il
y a les équipes interdisciplinaires pour pouvoir soutenir à domicile… En
soi, dans les expériences qui sont faites où il y a une bonne collaboration, je
dirais, domicile et centre hospitalier ou CHSLD, bien, on voit que souvent les
gens vont rester plus longtemps puis vont devoir ne pas être hospitalisés ou
être hospitalisés uniquement trois ou quatre jours plutôt que trois semaines,
et donc vivre plus longtemps.
Donc,
je pense que vous avez raison de dire qu'il y a un aspect… C'est certain, il va
toujours falloir des lits dédiés. Les
maisons de soins palliatifs, c'est un plus pour une communauté, c'est certain.
Mais je pense que l'importance de les développer à domicile aussi pour
rejoindre le plus grand nombre dans l'ensemble des communautés est vraiment là.
Quelques questions,
parce que vous soulevez des éléments assez précis. À la page 15 de votre
mémoire, vous soulignez l'importance que les
protocoles cliniques auxquels on fait référence à l'article 32… J'imagine, c'est
à ça que vous faites référence, là, l'article 32 du projet de loi où on
dit que les CMDP vont devoir, donc, être… se conformer, donc, aux standards cliniques élaborés par les ordres
professionnels concernés. Là, vous, vous semblez trouver que ça ne va
pas assez loin, vous nous dites : Il
faut absolument que les standards… Là, on parle pour le protocole pour la
sédation palliative terminale et l'aide médicale à mourir; vous nous
dites : Il faut absolument que ça soit uniforme d'un endroit à l'autre. Est-ce que c'est parce que la manière dont c'est
libellé là vous laisse perplexe quant au fait que ce le serait? Parce
que ce qu'on voulait énoncer par cet
article-là, c'est qu'évidemment le Collège des médecins est déjà, de ce que je
comprends, en train de travailler sur des protocoles, lesquels, par la suite,
vont représenter les meilleures pratiques et vont devoir être suivis.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Marcoux.
M. Marcoux
(Laurent) : Mme la ministre, je n'ai rien à ajouter. Mais ce que nous
ne voulions pas, c'est que chaque CMDP de
chacun des CSSS au Québec — il y en a 95, je crois, là — ait un peu une recette. On peut avoir
une petite couleur locale, mais, dans ces gestes médicaux très sensibles, on ne
peut pas… On ne fait plus, pour le cancer, des traitements maison parce qu'il y
a les meilleures pratiques. On doit se guider, pour ça, des meilleures
pratiques aussi.
Et
je voulais ajouter… Tantôt, vous disiez : Moins de lits dédiés… pas autant
de lits dédiés. Je dirais : Moins de lits dédiés aux soins palliatifs. Parce que les groupes communautaires…
Et, si chaque patient avait la chance… Parce qu'on n'est plus dans le
curatif, on n'a plus besoin d'un arsenal thérapeutique important, ça pourrait
être donné à la maison, mais je comprends
que le milieu social n'est pas toujours en mesure de soutenir les gens et que
ça va toujours en prendre. Mais, si on avait un voeu… si j'avais un voeu
à émettre, je dirais : Moins de lits dédiés aux soins palliatifs, plus de soins palliatifs de qualité, plus d'interventions
des proches, plus d'interventions des organismes communautaires. Il y a des organismes communautaires qui font un travail
incroyable — je
regarde Mme Blais, elle sait de quoi on parle — auprès
des gens qui sont en phase terminale, et ça devient des membres de leur famille
et ça les aide beaucoup dans cette période difficile.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre, il vous reste
2 min 30 s.
Mme
Hivon :
Oui. Alors, je vous suis parfaitement. D'ailleurs, dans le 15 millions qu'on
a annoncé, il y a 11 millions qui va
soit pour les soins à domicile ou le soutien aux groupes communautaires qui
soutiennent, donc, par du répit, qui
aident les proches à pouvoir aider. Donc, c'est vraiment l'enlignement qui est
pris. Mais je pense quand même qu'on
n'a pas le choix de maintenir, quand même, un nombre adéquat de lits dédiés et
que c'est un gros plus aussi pour les gens qui sont dans une situation
où c'est tellement difficile qu'ils doivent être soit hospitalisés ou soit
aller dans une maison de soins palliatifs de pouvoir être dans un contexte
sécuritaire comme celui-là aussi.
Une autre question.
Vous parlez donc… le fait du médecin qui — parce que je pense que c'est
un élément important — s'objecterait
pour des raisons de conscience. Vous, vous semblez bien accueillir le fait que
ce soit le DSP, en l'occurrence, qui ait
donc le rôle de référer. Je pense que ça, c'est un principe qui fait consensus,
à savoir que ce n'est pas le médecin
lui-même qui doit référer. Est-ce que l'instance du DSP… C'est parce qu'il y en
a qui vont me suggérer autre chose, donc je prends les devants. Est-ce
que, pour vous, l'instance DSP est un bon chemin pour pouvoir arriver à avoir
le service?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Marcoux, il reste du temps pour une courte
réponse d'une minute.
M. Marcoux (Laurent) : Oui. Étant, en fin de carrière, DSP moi-même, je
sais que je ne voudrais pas avoir ce travail-là, mais je pense que c'est
un geste administratif qu'un DSP se doit d'offrir à la communauté médicale pour
laquelle il travaille. C'est lui qui s'occupe des corridors de services dans
différents domaines. Je pense que, là, cette notion-là
a un peu de facilitation. Je pense que ce n'est pas au directeur général,
certainement pas, ce n'est pas à la directrice du… Je pense que c'est au DSP d'aider son collègue qui, en tout respect…
de ce qu'il s'objecte — et ça, on ne le met pas en
doute, vous l'avez dit — de l'aider à faire cette démarche administrative là et le dégager
complètement de ce qui, pour lui, n'est pas une valeur qu'il partage.
Le
Président (M. Bergman) :Ceci met fin au bloc du gouvernement. Le bloc de l'opposition pour une
période de six minutes. M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Oui, merci, M. le Président. Je
reviendrais sur le commentaire que vous avez fait sur l'imminence du décès. De ce que j'ai compris de
votre commentaire, c'est quelqu'un que… mettons, il aurait une espérance
de vie de trois ans, mais il ne répondrait pas aux critères, il ne rentrerait
pas dans l'aide médicale à mourir. C'est vraiment…
L'aide médicale à mourir, c'est imminent, c'est-à-dire, comme le collège le
disait ce matin, là, c'est dans les semaines ou les mois qui vont
survenir, tout en ne définissant pas la durée de temps.
M. Marcoux
(Laurent) : C'est ça.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Marcoux.
M. Marcoux
(Laurent) : On ne définira pas le temps de vie qui reste à vivre chez
cette personne-là parce que c'est variable à
sa capacité d'adaptation, parce qu'il faut tenir compte de chaque personne qui
est devant nous. J'ai dit que l'être
humain est une personne qui est capable de s'adapter et je pense que, quand
elle s'adapte à une situation, elle devient
plus forte. C'est ce qui enrichit nos expériences de vie. On dit qu'on vit… qu'on
s'enrichit avec nos épreuves, je pense qu'on s'enrichit aussi avec nos
bons coups, là, avec nos joies puis nos plaisirs, mais les épreuves sont
quelque chose qui nous forme. Et, pour la personne qui est en fin de vie, qui
le sait qu'elle n'en a pas — mettons,
un cas hypothétique — pour un an à vivre, elle pourrait
dire : Je ne veux pas vivre cette année-là, ça va être une année d'enfer, je le sais, pour moi, pour ma famille,
et tout ça. Mais je pense qu'on devrait à ce moment-là…
Parce
que c'est un traitement qu'on offre, les soins de fin de vie et l'aide médicale
à mourir. Considérons ça comme un traitement. Quand qu'on propose un
traitement à nos patients, le patient peut choisir un traitement ou on peut
influencer et lui faire comprendre qu'il y a un autre traitement qui va être
meilleur pour son bien-être, et on ferait la même
chose dans ce cas-ci. Et je pense qu'on doit laisser au patient la chance d'adaptation
pour la chance — ce
que j'ai dit tantôt, je ne me répéterai pas — de pouvoir accomplir des choses qui sont
importantes pour un être humain dans sa vie.
• (17 h 50) •
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Sauf que, nous, il
faut prévoir, là, que c'est la personne qui
décide. Il y a un principe d'autonomie puis il faut être capable de mettre dans
le projet de loi c'est quoi, nos intentions. Puis je pense, si on recherche tous les mêmes objectifs… Ce que j'ai
compris, au début, c'est : si quelqu'un répond à ces critères-là,
mais il resterait deux ou trois ans de vie et qu'il n'y a pas de mort
imminente, l'aide médicale à mourir ne devrait
pas être offerte, sauf lorsqu'on arrive avec un délai de trois mois, six mois,
peut-être une année. Là, je pense qu'il faut laisser ça aussi, une partie de décider entre le médecin et le
patient. Je pense qu'il faut vraiment que ce soit imminent dans le sens que la mort va arriver dans un temps
qui est assez bien défini, puis qui est inévitable, et qui est
irréversible.
Nous autres,
ce qu'on voit là-dedans… Puis moi, je relisais tantôt la définition. La
définition actuellement permettrait à quelqu'un
que sa… il est en déclin, tu sais, son état est détérioré, c'est irréversible,
mais la mort n'est pas nécessairement imminente, pourrait survenir dans
trois à quatre ans, et cette personne-là pourrait demander d'avoir l'aide
médicale à mourir. C'est peut-être juste les termes qu'il va falloir qu'on
définisse comme il faut.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Marcoux.
M. Marcoux (Laurent) : Moi, je serais porté à dire qu'il faut être très
prudent si la mort n'est pas imminente, pour les raisons que je disais
tantôt. Parce qu'il y a des conditions… Laisser la chance à l'adaptation de se
faire, même dans les… Il pourrait arriver
une condition absolument exceptionnelle, inhabituelle, d'une souffrance que la
médecine moderne ne peut pas soulager, les
douleurs qui sont intolérables. Bien, je veux dire, laissons ça, comme on le
fait dans tout traitement, avec la relation médecin-patient puis qu'ils
prendront la meilleure décision, et la commission en sera… S'il arrive un cas
par... quelques années que c'est arrivé comme ça puis que c'est décrit pour
quelles raisons les gens ont fait l'exception,
que la mort imminente a été plutôt placée à deux ans qu'à trois mois, bien, ça
sera l'exception, tu sais.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M. Marcoux
(Laurent) : Dans la vie, il y a toujours des exceptions.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Sur la question, là, est-ce que la commission devrait relever de l'Assemblée
nationale ou encore au niveau du ministre, on va en discuter, mais moi
personnellement, je suis encore partisan de… Tu sais, tout le monde voudrait avoir son dossier
à l'Assemblée nationale. Mais, de façon pratique, pour une meilleure gestion… Puis je dois vous avouer, je protégerais
peut-être la commission, justement, des influences politiques jusqu'à un
certain point, puis, je pense, ça serait mieux d'être géré au niveau du
ministre. Mais ça, on va en faire la discussion. Puis peut-être que je peux
changer d'idée, mais, jusqu'à présent, je crois que le projet de loi,
là-dessus, répond bien à mon questionnement à moi.
M. Marcoux (Laurent) : Avec votre…
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Mais on va en…
Le Président (M. Bergman) :
Dr Marcoux.
M. Marcoux (Laurent) : …avis, M. le
député.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
La question du DSP aussi, parce que vous étiez au coeur de ça, ça aussi, on va
en discuter. Parce que ce que je vois dans
le projet de loi, là, c'est qu'il faut envoyer la balle à quelqu'un, mais on n'est
pas toujours sûrs que cette personne-là va avoir les outils pour répondre aux
besoins, et chacun a l'air de se décharger en disant :
Il va y avoir quelqu'un en quelque part qui va avoir le problème. Dr Marcoux,
vous avez été DSP, moi aussi, je l'ai
été. À un moment donné, il va falloir donner du support à cette personne-là.
Puis on verra, au niveau de l'instance, si ça ne devrait pas relever
soit du conseil d'administration, mais peut-être même aussi du directeur
général ou du DSP. Mais je trouve qu'on
envoie souvent la balle du côté du DSP, et souvent c'est ce qui fait qu'on a de
la difficulté à recruter aussi. Les gens sont pris avec des
responsabilités qu'ils n'ont pas toujours le contrôle. Parce qu'il faut voir
également de donner une responsabilité, on ne donne pas nécessairement l'autorité
à cette personne-là. Mais ça, encore là, on va en discuter en cours de route.
Ce qu'on veut, c'est que ce soit facile à l'usage.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Marcoux.
M. Marcoux (Laurent) : Je sais que
le panier de responsabilités du DSP est très plein, mais je pense que ça fait
partie de ses tâches.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne,
il vous reste une minute.
Mme
Blais : Bien, c'est juste une
remarque que le Dr Roy a faite tout à l'heure, quand il parlait de Thérèse
Vanier, et je trouve que c'était merveilleux : Tout ce qui reste à faire
quand il n'y a plus. Au fond, c'est tout ce qui reste à faire en fin de vie, et je trouve que c'est éclairant. Puis je veux vous
remercier d'avoir cité Mme Vanier parce que je l'ai noté, je l'ai écrit, hein? Ça nous fait réfléchir,
hein, cette commission, et vous nous permettez de grandir. Puis c'est
vrai que c'est un projet de loi qui demande beaucoup de doigté. Alors, merci.
Je voulais juste le dire.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps pour ce bloc
s'est écoulé. Merci pour le commentaire.
Pour le groupe de la deuxième
opposition, un bloc de cinq minutes. Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault : Merci,
M. le Président. Merci beaucoup de votre présence ici.
Je voudrais revenir… Tout à l'heure, en début de
votre allocution, vous avez mentionné que le fait que les demandes médicales anticipées ne sont souvent pas
remplies, ou à peu près pas, nous mène souvent à de l'acharnement thérapeutique. Est-ce que vous avez des chiffres concernant cette affirmation-là
ou est-ce qu'il y a du vécu à
l'extérieur du Québec? Est-ce qu'il y a des endroits où on exige de remplir ça,
où on sensibilise davantage la population à faire ces demandes-là?
M. Marcoux (Laurent) : Avec votre
permission, M. le Président, je laisserais la parole au Dr Roy, qui s'est beaucoup
intéressé à cette question-là, et je suis certain qu'il va vous apporter une
bonne réponse.
Le Président (M. Bergman) :
Dr Roy.
M. Roy (Claude) : Merci, M. le
Président. Merci, madame, de votre question.
Non, l'acharnement
thérapeutique, finalement, c'est le prolongement de la mort et non pas de la
vie. Alors, c'est sûr qu'il faut lutter contre ça parce que c'est très
contagieux. Et, comme je vous l'ai dit tantôt, là, l'enquête révélant que 87 % des intensivistes avouent avoir fait de
l'acharnement thérapeutique… Il est donc très important d'essayer de
dénoncer et d'interdire, jusqu'à un certain
point, l'acharnement thérapeutique tel qu'il se pratique actuellement. Il n'y a
pas de doute que l'interdiction est prévue dans la loi française
actuellement, de 2005, là, la loi Léonetti. Elle a été adoptée aussi par d'autres
nations qui font partie de l'Union européenne, mais on n'a pas de statistiques
de leur part, on ne sait pas effectivement quelles sont les mesures qui sont
prises pour dénoncer et interdire : ça vient d'où, qui est-ce qui prend
les décisions, ceci est de l'acharnement, ceci n'est pas de l'acharnement.
Ce
qu'il faut reconnaître quand même, et sur lequel on n'a pas insisté encore, c'est
que les soins palliatifs, tels qu'on les définit actuellement, sont en
train de changer. Comme vous le savez, les établissements qui sont séparés des hôpitaux généraux ont tendance à… ne sont pas à la mode.
On intègre maintenant davantage les soins palliatifs à l'intérieur des
établissements généraux. On ne priorise pas des lits séparés d'autres unités d'hospitalisation,
on les intègre. Et ce que j'observe dans mon
institution, qui est l'Hôpital Sainte-Justine, c'est que les soins palliatifs
sont appelés très tôt, au cours de la
maladie fatale ou létale du patient, ils agissent en tant que consultants, et
le médecin traitant reste toujours le maître d'oeuvre, et le consultant
en soins palliatifs interagit constamment avec la famille et avec le patient
pour décider des traitements qui sont appropriés. Et c'est un changement très
net dans la perception des gens pour les soins palliatifs actuels. Et cette
intégration a beaucoup plus de sens, à mon avis, que ce qui se faisait, il y a
encore quelques années, et qui se fait encore, à savoir qu'il y a une
interruption totale de la nutrition, l'hydratation, les soins ordinaires et les
soins qui relèvent des soins de base.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault :
Merci, M. le Président. Dans ma question, il y avait une sous-question qui
demandait : Est-ce que vous avez
des chiffres à l'effet, bon, de savoir combien, au Québec, il y a de demandes
médicales anticipées par rapport à la population ou vous n'avez pas de
chiffre disponible?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Marcoux.
Mme
Daneault :
C'est intéressant.
M. Marcoux
(Laurent) : Oui. Personnellement, je n'ai pas de réponse sur ces
statistiques-là. Je ne sais pas s'il y en a eu de faites, ça fait que je serais
bien malvenu de vous répondre, ma chère dame. Peut-être, Dr Roy veut…
M. Roy
(Claude) : Oui. Les directives médicales…
Le Président (M.
Bergman) : …
M. Roy (Claude) : Pardon, M. le Président. Ce que je sais, c'est que c'est entre
20 % et 30 % des gens qui font effectivement des directives
médicales anticipées — c'est
à peu près ça — ce
qui est très peu et c'est pour ça que l'Association médicale du Québec vous a
sensibilisés à l'importance de faire la promotion des directives médicales anticipées auprès de la population et auprès aussi
des équipes médicales. Et je pense que les directives médicales
anticipées doivent faire partie du dossier et puis que, si les directives
médicales anticipées deviennent exécutoires, c'est sûr que ça va renforcer, comme je l'ai dit tout à l'heure,
les droits des patients et ça va éviter les conflits, qui sont quotidiens,
à l'intérieur de nos établissements hospitaliers.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de... Dr Marcoux.
• (18 heures) •
M. Marcoux
(Laurent) : Un petit élément de précision. On me souffle à l'oreille,
et c'est vrai : au Conseil général de l'Association médicale canadienne à
Calgary, cet été, on a fait état qu'il y avait à peine 15 % des gens qui avaient des… qui faisaient des directives
médicales anticipées, et c'est pour ça qu'il y a eu une motion à ce sujet-là,
dans le but de faire la promotion ou de sensibiliser les gens à intervenir
là-dessus. Mais ce n'est pas une statistique forte.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est
écoulé. Alors, Dr Marcoux, M. Laberge, Dr Roy, merci pour votre
présentation, merci d'être avec nous ici ce soir... aujourd'hui.
Alors, la commission
suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30 ce soir. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
18 h 1)
(Reprise à 19 h 33)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes
les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs
téléphones cellulaires.
Nous
allons poursuivre sans plus tarder les consultations particulières et les
auditions publiques sur le projet
de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie.
Je souhaite la
bienvenue à l'Ordre des pharmaciens du Québec. Alors, on reçoit ce soir l'ordre
représenté par Mme Diane Lamarre,
présidente, et Mme Manon Lambert, directrice générale et secrétaire. Vous
avez 15 minutes pour faire votre
présentation et nous donner vos noms, votre titre et votre présentation, suivi
d'un échange avec les membres de la commission. Alors, bienvenue.
Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ)
Mme Lamarre
(Diane) : Merci. M. le Président, Mme la ministre, distingués
parlementaires, l'Ordre des pharmaciens du Québec vous remercie de l'occasion
qui lui est offerte de partager ses commentaires sur le projet de loi
n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie.
L'Ordre
des pharmaciens du Québec estime que la mise en oeuvre de ce projet de loi, qui
confère aux personnes un droit d'accès
à des soins de fin de vie, est souhaitable. Toutefois, nous désirons attirer l'attention
des parlementaires sur trois
points : le premier, le délicat équilibre devant être respecté entre les
droits individuels et collectifs, c'est-à-dire le respect de la volonté du malade apte à prendre des
décisions pour lui-même, par rapport à la protection des malades, des personnes vulnérables face à des pressions
externes de toute nature; deuxième élément, l'importance de la
responsabilité professionnelle des pharmaciens qui seront impliqués dans les
soins de fins de vie ainsi que les dimensions éthique et déontologique de leurs pratiques, telles que l'accès
au consentement écrit et l'objection de conscience; troisièmement, nous
exprimons le souhait que la Commission sur les soins de fin de vie relève de l'Assemblée
nationale.
Le médicament
est au coeur des soins palliatifs et de l'aide médicale à mourir. À ce sujet,
nous souhaitons souligner deux aspects. La thérapie médicamenteuse de
fin de vie, qui a longtemps consisté principalement à soulager la douleur, se complexifie pour mieux répondre aux
besoins des patients. Nous avons déposé le guide des soins palliatifs,
rédigé par les pharmaciens d'établissement de santé du Québec, qu'ils
présenteront après nous, et qui illustre les diverses
conditions susceptibles d'affecter la fin de vie et, comme vous pouvez le
constater, les nombreux médicaments qui peuvent aider les malades.
Quand un patient est trop somnolent, quand il a
des nausées, il existe des options. Au-delà de la morphine, de nombreux
coanalgésiques viennent contrer des douleurs réfractaires. Les pharmaciens ont
une connaissance précise des
caractéristiques de chaque molécule. En
ce sens, la gestion des interactions,
un ajustement précis des doses, le choix de la bonne
voie d'administration font souvent une grande différence pour les patients,
tout comme l'ajustement individualisé de la thérapie médicamenteuse par des
équipes expérimentées et le soutien psychologique et social pour le malade et
pour ses proches.
Deuxièmement, toujours en lien avec l'usage du médicament, le pharmacien
engage constamment sa responsabilité professionnelle, parce qu'il est
celui qui prépare et remet les médicaments qui sont utilisés en soins
palliatifs, et ce sera également
celui qui préparera et remettra les médicaments qui seront administrés par le
médecin dans le cadre de l'aide médicale à mourir.
Une question
de respect. La mort fait partie de la vie, et ce que tous souhaitent, c'est que
la mort se fasse dans le respect profond de la personne qui la vit. Le projet
de loi n° 52, en faisant primer la volonté de la personne malade, n'en comporte pas moins des enjeux de protection
du public et des enjeux sociétaux à plus large spectre, considérant que
la vie humaine comporte des dimensions à la fois
physiques, psychiques et spirituelles. Ce projet de loi renvoie à la
conception même de la société
et à la place de l'humain au sein de celle-ci. Pour l'Ordre des pharmaciens, il
est primordial de mettre en place un mécanisme qui permettra de
maintenir l'équilibre — un
équilibre délicat, nous en convenons — entre les droits individuels
et l'intérêt collectif afin de protéger les plus vulnérables. Le consentement
libre et éclairé est au coeur de cet
équilibre. Voici donc cinq éléments qui nous semblent devoir être considérés en
lien avec le consentement libre et éclairé.
Dans le
respect de sa mission de protection du public, l'ordre considère, dans certains
cas, que le projet de loi n° 52
est un peu trop contraignant, et, dans d'autres, qu'il pourrait l'être
davantage. Premièrement, voici un exemple où le projet de loi nous semble un
peu trop contraignant. L'ordre croit que l'article 25 pourrait être
inopérant dans certaines circonstances. Voici pourquoi. Le projet de loi
n° 52 prévoit que le consentement écrit à la sédation palliative devrait toujours
être obtenu. Toutefois, la sédation palliative revêt parfois un caractère urgent
et imprévisible, et, sur le plan pratique, l'impossibilité d'obtenir le
consentement écrit risque fort de se traduire par une incapacité, dans
certaines occasions, à soulager adéquatement la personne, faute de consentement
écrit préalable au dossier.
Deuxième de
nos cinq éléments, en ce qui concerne cette fois le consentement à l'aide médicale à
mourir, donc pas les soins palliatifs, mais bien le consentement à l'aide
médicale à mourir, l'Ordre des pharmaciens du Québec, à l'instar de l'Office des personnes
handicapées, part du principe qu'il est beaucoup plus difficile de s'assurer de
l'existence et de la validité d'un consentement anticipé à ce que la mort nous
soit donnée éventuellement. Nous appelons cet élément,
cette option l'«euthanasie volontaire». Même si nous savons que les mots
«euthanasie» et «suicide» ont été retirés du projet de loi, il reste qu'il est plus difficile de s'assurer de l'existence
et de la validité d'un consentement anticipé à ce que la mort nous soit
donnée éventuellement, par rapport au cas du suicide assisté, où le malade est
clairement l'acteur et l'agent causal de sa
propre mort. Donc, il n'y a pas de commune mesure entre le degré d'autonomie ou
d'autodétermination que requiert un suicide
et celui que requiert une euthanasie volontaire, qui peut avoir été déterminée
de façon préliminaire antérieurement. D'où l'importance que la société,
par le biais de ses institutions démocratiques, veille à ce que les balises
mises en place pour recueillir le consentement libre et éclairé soient
efficaces, réellement mises en vigueur et respectées par tous.
Le troisième
élément. Voici un exemple où l'Ordre des pharmaciens considère que le projet de
loi n° 52 pourrait être plus
contraignant. L'obligation morale de notre société de protéger les plus démunis
conduit l'Ordre des pharmaciens à suggérer, dans le contexte strictement
de l'aide médicale à mourir... donc, suggère que le médecin traitant obtienne un second avis d'une équipe interdisciplinaire,
composée minimalement d'un second médecin expert, d'une infirmière ou d'un
travailleur social qui est en relation avec le patient, d'un psychologue et d'un
pharmacien reconnus pour leur expertise en soins de fin de vie.
• (19 h 40) •
Quatrièmement,
l'ordre souhaite que soit incluse dans le projet de loi l'obligation de la
transmission du consentement au pharmacien, car ce dernier engage sa
responsabilité professionnelle chaque fois qu'il remet des médicaments. Les temps changent, la jurisprudence fait maintenant état de pharmaciens
ayant été sanctionnés pour avoir remis des médicaments ayant causé des
préjudices, même lorsque la teneur intégrale de l'ordonnance du médecin avait été scrupuleusement respectée. Considérant
que ce sera le pharmacien qui préparera et remettra les médicaments administrés pour l'aide médicale à mourir, l'ordre
recommande qu'avant de servir les médicaments le pharmacien obtienne une copie
du consentement et une ordonnance signée par les deux médecins impliqués au
dossier.
Cinquièmement, finalement, une modification à la
Loi sur la pharmacie s'imposera. En effet, la finalité de l'article 17, qui définit l'exercice de la
pharmacie, précise que le pharmacien agit dans le but de maintenir ou de
rétablir la santé. À ce sujet, j'aimerais
attirer votre attention sur une coquille qui s'est insérée dans notre mémoire,
à la page 15, la recommandation pour la modification à l'article
17. Alors, la sixième ligne du carré qui prévoit la recommandation, donc : «L'exercice de la pharmacie consiste à
évaluer, assurer l'usage approprié des médicaments et notamment de
détecter et de prévenir les problèmes pharmacothépeutiques, à préparer,
conserver et remettre des médicaments dans le but de maintenir ou de rétablir la santé.» C'est ce que nous avons
actuellement, et il faudrait ajouter «ou dans le cadre des soins visés
par le troisième paragraphe de l'article 3 de la Loi concernant les soins de
fin de vie». Donc, il manque «ou…», à ajouter.
Le droit à l'objection
de conscience du pharmacien. L'Ordre des pharmaciens, à l'instar du Collège des
médecins du Québec, considère qu'il ne peut
contraindre, sur le plan déontologique, l'un de ses membres à préparer et à
remettre des médicaments dans un contexte d'aide médicale à mourir sans
restreindre indûment sa liberté de conscience. Donc, l'ordre recommande que l'article 44 du projet de loi n° 52 soit
modifié en éliminant les mots «conformément à son code de déontologie»,
et, à ce moment-là, ce serait conforme pour le pharmacien.
L'indépendance de la Commission sur les soins de
fin de vie. Afin d'assurer leur indépendance, l'Ordre des pharmaciens suggère que l'Assemblée nationale
nomme les membres de la Commission sur les soins de fin de vie et que le
rapport de cette dernière soit également soumis à l'Assemblée nationale. L'ordre
propose également que les rapports soient remis annuellement, au moins pendant
les premières années, plutôt que cinq ans comme c'est prévu.
Finalement, l'Ordre
des pharmaciens du Québec recommande qu'un pharmacien soit présent de façon
statutaire au sein de la Commission sur les soins de fin de vie, considérant l'importance
de l'utilisation optimale de la thérapie médicamenteuse
dans les soins, son évolution constante — effectivement, on peut avoir des traitements
qui sont moins connus et qui sont tout à fait envisageables dans une
brève échéance — et
incluant également le recours régulier à de nouvelles molécules, et l'expertise
des pharmaciens.
Organisation des soins de fin de vie. Nous
faisons également quelques… plusieurs autres recommandations, nous en avons extrait trois. L'ordre recommande
que le projet de loi n° 52 étende le devoir de l'établissement de
mettre en place des mesures favorisant l'interdisciplinarité
à tout le réseau local de services en incluant le pharmacien de pratique
privée, qui collabore étroitement aux soins à domicile. L'ordre suggère aussi
que le projet de loi n° 52 prévoie de façon
plus explicite que le rapport annuel du directeur général sur l'application de
la politique portant sur les soins de vie comprenne également des
données qualitatives afin de documenter d'éventuels écarts entre l'énoncé de la
politique et la situation réelle observée. L'ordre
souhaite de plus que l'INESSS ait le mandat de soutenir les conseils des
médecins, dentistes et pharmaciens et les ordres professionnels dans l'élaboration
et la mise à jour régulière des standards cliniques des soins de fin de vie.
En
conclusion, l'ordre salue la volonté du gouvernement d'offrir aux personnes en
fin de vie un accès légitime et légal à l'aide médicale à mourir. Il
remercie la commission de lui avoir permis d'apporter l'éclairage particulier
du pharmacien, tant en établissement de
santé qu'en pratique privée, comme témoin actif de la fin de vie. Le
pharmacien a un lien professionnel privilégié avec le patient et ses proches.
Il connaît à la fois toutes les possibilités, mais aussi toutes les limites des médicaments, ce qui est un facteur
déterminant dans l'expression de la volonté réelle de chaque personne à
demander l'aide médicale à mourir. Merci de votre attention.
Le Président (M. Bergman) :
Merci, Mme Lamarre, pour votre présentation. Maintenant, le premier bloc du
gouvernement. Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Merci, M. le Président. Alors, bonsoir, Mme Lamarre et Mme Lambert. Merci d'avoir
accepté notre invitation. Donc, nous avions hâte de vous entendre parce
que les pharmaciens… En fait, dans la première vague, je dirais, de travaux de la commission spéciale, on
était plus dans des questions de principe et là on est plus dans le
détail. Donc, on n'avait pas eu votre éclairage, mais je pense que là il est
vraiment essentiel pour la suite des choses. Donc, merci beaucoup de la qualité
de votre présentation.
D'entrée de
jeu, j'aimerais ça vous entendre un petit peu sur le rôle des pharmaciens dans
le domaine des soins palliatifs,
autant en établissement que, je dirais, les pharmaciens plus dans la communauté, parce que je pense
que votre rôle est un peu méconnu. Donc, à quel point vous êtes
impliqués dans les équipes de soins palliatifs? À quel point ce rôle-là, chez
les pharmaciens, a pu se développer, là, au cours des dernières années?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Lamarre.
Mme Lamarre (Diane) : …Mme la
ministre. Excusez-moi. Je vous remercie, Mme la ministre, de cette opportunité
que vous nous offrez de présenter les contributions des pharmaciens. Depuis que
les soins palliatifs sont reconnus, depuis, donc, 20, 25 ans, les pharmaciens d'établissements
de santé ont immédiatement été impliqués dans les équipes interdisciplinaires parce
qu'il est apparu très rapidement que la thérapie médicamenteuse jouait un rôle déterminant dans le contrôle de la douleur, mais
également dans différents autres paramètres : le contrôle des
convulsions, le contrôle des nausées, le contrôle des détresses respiratoires.
Et il y a eu une évolution fulgurante de la thérapie médicamenteuse, et on s'est penchés vraiment sur l'utilisation de molécules nouvelles ou de molécules qu'on utilisait pour d'autres
indications et qui se sont avérées vraiment des valeurs ajoutées; je pense à l'Halopéridol,
par exemple, pour le
soulagement des nausées, donc, qui est normalement un médicament utilisé comme antipsychotique
et qui est très efficace dans les nausées en soins palliatifs.
Donc, il est
certain que, dans les équipes en établissement de santé, toutes les équipes d'oncologie aspirent
à avoir des pharmaciens et, lorsque ces pharmaciens participent, ils
correspondent, ils contribuent vraiment d'une façon très importante. Mes
collègues de l'Association des pharmaciens d'établissements de santé qui nous
suivent pourront référer, mais juste le livre que vous avez actuellement entre
les mains a même été traduit en anglais et distribué aux États-Unis. C'est une référence, vraiment, pour tous les professionnels de la
santé, et les médecins s'y réfèrent vraiment comme une référence importante.
Du côté des pharmaciens de
pratique privée, la plupart des maisons de soins palliatifs font… finalement,
ont développé des liens de collaboration avec des pharmaciens de pratique privée. Plusieurs pharmaciens de
pratique privée, maintenant, ont des hottes… des chambres propres et des
hottes pour préparer des médicaments qui doivent être administrés en
perfusion sous-cutanée, par exemple, pour obtenir un meilleur contrôle de la
douleur. Donc, il y a beaucoup de mises en seringue.
Le soutien à domicile aussi, là
aussi, pour que les familles puissent accompagner correctement les patients qui, à un certain moment donné, sont incapables de
continuer à prendre la voie orale. On sait que beaucoup de patients maintenant
demandent à mourir à domicile. Alors, les pharmaciens font en sorte qu'il y ait
des transferts de doses, de formes
pharmaceutiques. Quand le patient ne peut plus avaler les comprimés, on doit
penser à faire des équivalences en timbres transdermiques ou en doses
sous-cutanées. Alors, il y a beaucoup, beaucoup de thérapies médicamenteuses qui sont évaluées et vraiment adaptées pour les
patients. Et les pharmaciens communautaires ont tous maintenant, dans leur pratique, des
patients en soins palliatifs qui désirent mourir à domicile.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Merci. C'est
très éclairant. Et là j'aimerais que vous nous éclairiez sur le sujet de la
sédation palliative terminale. Donc, je dois vous dire que, pendant les travaux
de la commission sur la question de mourir dans
la dignité, ça a été un peu une révélation pour les membres de la commission
que cette réalité de la sédation palliative terminale, qui est vraiment une pratique, là, qui est différente de ce
que beaucoup peuvent penser que c'est, au premier abord, là, la sédation, en pensant que c'est des
doses de morphine et qu'on augmente les doses. Donc, on a compris, au
fur et à mesure, que c'était vraiment, donc,
une sédation profonde, qu'on induisait un état d'inconscience chez la
personne qui a des symptômes réfractaires,
un peu comme un grand brûlé qui aurait besoin d'être placé dans un état d'inconscience pour qu'on puisse le
soigner, tellement il est souffrant.
Et là on nous
a bien expliqué qu'il y avait deux types de sédation palliative : la
sédation palliative intermittente et la sédation palliative terminale ou
continue, l'intermittente étant qu'on peut vous placer dans le sommeil pendant peut-être
24 heures, on revoit après où vous en êtes. Si ça va mieux, on peut vous garder
en état de conscience et d'éveil; si vous continuez de souffrir beaucoup, on vous
remet dans l'état d'inconscience. Alors que la sédation terminale, c'est vraiment un consentement, une décision de
dire : J'ai des souffrances réfractaires, c'est impossible de les
contrôler, et, dans ce cas-là, on endort la personne, en fait, jusqu'à ce qu'elle
décède, si j'ai bien compris. D'accord.
J'aimerais savoir la fréquence de l'utilisation.
Je pense que vous êtes les meilleures personnes pour nous le dire, la fréquence
de l'utilisation, je dirais, autant en établissement, qu'en maison de soins
palliatifs, qu'à domicile aussi, de ces
techniques-là de sédation, en fait, profonde, donc, continue ou intermittente. Est-ce que
c'est quelque chose qui est quand
même fréquent? Parce que certains nous évoquaient un pourcentage, peut-être, de
cas où on n'arrive pas à gérer la douleur. Est-ce que, dans votre pratique, c'est
quelque chose d'assez fréquent?
• (19 h 50) •
Le Président (M. Bergman) :
Mme Lamarre.
Mme Lamarre (Diane) : Merci. Je peux
difficilement généraliser, là, pour l'ensemble des soins qui sont prodigués
dans les établissements de santé. Je sais que, dans les maisons de soins
palliatifs — parce
que, dans ma pratique personnelle, j'ai la
possibilité de travailler en interdisciplinarité dans deux maisons de soins
palliatifs — c'est une
pratique qui s'avère utile, mais qui… Ce que je voudrais vous dire, c'est qu'étonnamment
le constat qu'on fait, c'est que, quand
les patients arrivent en soins palliatifs dans une maison de soins palliatifs,
souvent, c'est parce que leur situation est très critique. Et, par une
bonne gestion de la thérapie médicamenteuse, on ne permettra pas la survie de
ces gens-là, mais on récupère une qualité de
vie à laquelle les gens ne croyaient plus pouvoir avoir accès en termes de
contrôle de la douleur, d'appétit, parce qu'on contrôle les nausées.
Alors, notre
constat, c'est qu'il y a une thérapie médicamenteuse qui n'est pas toujours
optimale en ambulatoire actuellement et qui peut amener des gens dans
une situation de détresse à rechercher l'aide médicale à mourir parce qu'ils n'ont
pas obtenu la thérapie médicamenteuse adéquate. Et ça, ça a un impact et sur la
personne qui va mourir, mais également sur ses proches, sur ses proches
aidants, qui se sentent complètement démunis et qui traversent ces journées-là comme des aidants désemparés, plutôt
que comme des fils, des filles ou des conjoints qui accompagneraient,
dans un certain état de contrôle, les symptômes que le patient ressent.
Ce n'est pas possible pour tous les cas. Il y a
des cas où, vraiment, les douleurs sont incontrôlables. Mais je dois vraiment témoigner du fait qu'il y a beaucoup
de patients actuellement qui n'obtiennent pas le contrôle optimal de leurs symptômes. Et c'est dans ce sens-là que l'ordre
désire exprimer aussi une préoccupation par rapport à l'importance d'avoir des formations, d'avoir l'INESSS qui
établisse des guides de pratiques, d'avoir des équipes expertes pour
vraiment que quelqu'un ne soit pas exposé à
prendre cette décision-là en n'ayant pas eu accès à toutes les thérapies
appropriées.
Pour
la thérapie palliative… la thérapie sédative terminale, en général, elle peut
être discutée avec le patient ou la famille,
mais pas toujours, et c'est une de nos préoccupations. Il arrive certaines
situations où des patients, à cause d'une
détresse respiratoire, à cause d'un processus hémorragique, se retrouvent en
besoin d'avoir cette sédation palliative, sans qu'ils aient eu la
possibilité d'anticiper que la situation évoluerait aussi rapidement que ça.
Alors, je pense que c'est dans ce sens-là
que, pour la sédation palliative, on peut aussi la considérer plus comme un
soin en soi que comme une aide médicale à mourir.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Ça m'amène deux questions. Quand vous dites que ce n'est pas toujours optimal,
les… On a entendu beaucoup de regroupements de médecins aujourd'hui. Beaucoup
nous ont dit que la formation des médecins devait
être améliorée en matière de soins palliatifs. Est-ce que vous diriez que c'est
la même chose pour les pharmaciens et
qu'en fait il y a un manque, peut-être, de connaissances pour les pharmaciens
plus, je dirais, de communautés, qui ne font pas des soins palliatifs à
tous les jours? Et est-ce que c'est quelque chose sur quoi vous vous penchez
avec les facultés, à savoir comment on pourrait bonifier la formation des
pharmaciens?
Mme Lamarre
(Diane) : En fait, il y a eu des cours qui ont été ajoutés dans la
formation de base des étudiants en pharmacie, également dans les programmes de
développement professionnel. Et l'ordre en a fait une priorité il y a cinq ans, a monté une formation d'une journée — je pense, c'était huit heures, la
formation — spécifiquement sur le soulagement de la douleur, mais pas seulement la douleur, des
différents symptômes qui accompagnent les soins de fin de vie. Donc, il
y a définitivement un besoin.
Maintenant,
ce que je vous dis aussi, c'est que ça évolue très rapidement, donc il faut
vraiment qu'on garde cette intensité-là.
Et je vous dirais que, malgré la formation, il reste que c'est l'exposition
fréquente à un nombre important de situations,
parce que chaque patient devient unique, devient très
individuel. Donc, il y a des choses qu'on peut déterminer, mais
souvent, dans les soins palliatifs, on va aller dans des médicaments qui sont
très peu utilisés pour les autres patients.
On pense, par exemple, pour le soulagement des douleurs dans des plaies
métastatiques, à utiliser des vaporisateurs de morphine, qu'on n'utilise
pas pour d'autres types de plaies en général. Donc, il y a plusieurs molécules
qu'on va réserver pour les soins palliatifs
et qui donnent de très bons soulagements. Et, dans ces cas-là, très souvent, en
soulageant une douleur très localisée, on peut diminuer la dose de morphine
systémique qu'on donne au patient, donc, du coup, améliorer son éveil, améliorer sa capacité d'interagir avec ses proches.
Donc, il y a énormément, effectivement, à faire.
On encourage également
les pharmaciens à tenir un certain nombre de médicaments qui sont susceptibles
d'être requis de façon urgente. Alors, il y a une douzaine de médicaments qui
ne sont pas des médicaments qu'on passe pour
d'autres patients, qui sont demandés pour d'autres patients, mais… Par exemple,
le Midazolam injectable est un médicament qui peut être requis en soins
de fin de vie. Et on a une liste de ces médicaments qu'on encourage les pharmaciens à garder, même s'ils risquent de ne
pas nécessairement en avoir besoin. Mais je pense qu'avec le virage
qui se fait vers un meilleur accompagnement
à domicile et la volonté clairement exprimée de beaucoup de familles, maintenant,
d'aider les gens à vivre les derniers jours de leur vie à domicile, je crois
que les pharmaciens communautaires vont être
également très impliqués. Mais vous avez raison : ce besoin de formation,
il est essentiel et il doit être continuellement actualisé.
Le Président (M.
Bergman) : Ceci met fin au premier bloc du gouvernement. Pour l'opposition
officielle, le premier bloc, Mme la députée de Gatineau.
Mme
Vallée : Merci, M. le Président. Alors, bonsoir, Mme Lamarre et
Mme Lambert, bienvenue parmi nous. Merci de nous apporter un éclairage
qui est vraiment différent de ce que nous avons entendu à ce jour, à date.
Vous avez abordé la
liberté de conscience de vos membres, et c'est un élément très important.
Honnêtement, lorsqu'on lit le projet de loi, on comprend très bien la liberté
de conscience du médecin, mais je vous avoue bien honnêtement que je n'avais pas fait, je n'avais pas poussé la réflexion
jusqu'à la liberté de conscience des pharmaciens. Et, effectivement, c'est
préoccupant.
Si nous devons
apporter des amendements au projet de loi afin de respecter cette
préoccupation-là de votre ordre
professionnel, est-ce qu'on devrait reproduire le libellé de l'article 30 afin
d'avoir quelque chose de similaire, avoir un libellé similaire pour les
pharmaciens, c'est-à-dire, la référence… essayer de référer le dossier, essayer
d'alors prévoir le même procédé pour les
pharmaciens que pour les médecins? Et est-ce qu'il y aurait des éléments qui
seraient différents dans le contexte de la pharmacie?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Lambert.
Mme Lambert
(Manon) : Bien, en fait, effectivement, le pharmacien, notamment dans
des établissements de santé, bien, il est
sous le DSP, il est sous le CMDP. Donc, je vous dirais que le pharmacien d'établissement
a vraiment une grande similarité de fonctionnement avec les médecins
dans un établissement de santé. Donc, effectivement, ça pourrait être une solution. Il ne faut pas penser que ça va être une
solution magique et que ça va être facile à opérationnaliser, mais,
effectivement, je pense que ça pourrait être le chemin choisi. Et ça ne serait
pas désorientant parce que le DSP est déjà souvent le directeur, là, qui s'occupe
de la pharmacie.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée : J'imagine
que ça pourrait également s'appliquer à... on parlait des pharmaciens
communautaires tout à l'heure. Et donc pour le pharmacien communautaire,
comment on pourrait adapter aussi le libellé?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Lamarre.
• (20 heures) •
Mme Lamarre (Diane) : Il y a déjà un précédent, qui est la contraception orale d'urgence, où
il y a eu le même enjeu d'objection
de conscience pour certains pharmaciens, et, à ce moment-là, l'obligation, c'était
de référer la patiente, dans ce cas-là, à un collègue. Donc, de diriger,
de ne pas laisser le patient en difficulté.
Maintenant, on pense
que, dans les soins palliatifs, il pourrait y avoir des situations où la vie du
patient... Par exemple, un pharmacien qui
est en région éloignée et où il serait le seul à avoir le médicament ou à être
disponible à ce moment-là, et qu'il y
aurait une urgence d'accès, alors, il pourrait y avoir, dans certains cas, une
certaine obligation, par rapport à son code de déontologie, de servir le
médicament dans un contexte. Mais il nous semble que, si c'est pour la sédation palliative, les pharmaciens sont déjà habitués de servir ces
médicaments. C'est dans le cas de l'aide médicale à mourir que là ça
devient beaucoup plus déterminant. Et, dans l'aide médicale à mourir, il nous
semble qu'il n'y a pas la même urgence, c'est-à-dire qu'il y a une possibilité d'anticiper la décision, et, à ce moment-là, si
le pharmacien, pour des objections de
conscience, ne veut pas servir, il est encore temps de le dire. Mais tout ça à
condition que le pharmacien soit informé du consentement du patient et
obtienne bien les signatures des deux médecins prévus.
Mme Lambert
(Manon) : Et, quant à savoir : Est-ce qu'on pourrait utiliser... Écoutez,
on n'a pas réfléchi à la question quant à savoir : Est-ce que c'est le
DSP, de la même façon, qui devrait... Chose certaine, le pharmacien de pratique
privée fait partie du réseau local de services, et donc on devrait viser — puis d'ailleurs
c'est une de nos recommandations — ...
le CSSS, l'instance locale, devrait viser à faire en sorte qu'on favorise également
l'interdisciplinarité à ce niveau-là, ce qui fait que, si, ça, c'est
bien réalisé, un DSP, sur son territoire, devrait connaître un petit peu les
pharmaciens qui sont effectivement... qui n'émettront pas d'objection de
conscience, donc pourraient probablement avoir un rôle à jouer avec le chef du
Département de pharmacie aussi probablement à ce niveau-là.
Mme Vallée :
Vous mentionnez...
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Ça m'amène à une question parce que vous parliez des pharmaciens qui pratiquent
en région éloignée. Un pharmacien, par exemple, qui, par objection de conscience,
n'a pas en stock les médicaments requis, alors… Ça se
pourrait, le seul pharmacien d'une communauté
qui, pour une raison très, très personnelle, dit : Moi, je n'ai pas l'intention d'offrir ce service-là, donc je ne
commanderai pas de la médication. On fait quoi? Comment on pourrait pallier... parce qu'en même... je comprends très bien que vous voulez respecter
cette liberté-là, mais, en même temps, on a un projet de loi qui rend...
qui donne un droit, une accessibilité sur l'ensemble du territoire à certains
services, dont l'aide médicale à mourir.
Alors, comment on peut concilier la liberté de conscience, dans ce contexte-là,
et le droit qui est prévu au projet de loi?
Mme Lambert
(Manon) : En fait, quand...
Le Président (M.
Bergman) : Mme Lambert.
Mme Lambert
(Manon) : Oui. Quand vous dites : L'ordre veut respecter la
liberté de conscience, en fait, la liberté
de conscience, c'est un droit qui est prévu à la charte des droits et libertés,
hein, ce n'est pas que l'ordre, là, c'est...
Une voix :
...
Mme Lambert (Manon) : Oui, tout à fait. Mais donc, effectivement, c'est un droit qu'on doit,
dans la mesure du possible, respecter, à moins qu'il n'y ait pas d'autre
solution. Donc, dans un cas où on aurait un pharmacien... et ce serait vraiment la seule solution, bien,
effectivement, déontologiquement, il pourrait y avoir une contrainte, à ce
moment-là, qu'il doive emprunter le médicament ou le faire venir. Comme on
disait tantôt, l'aide médicale à mourir ne sera pas généralement une situation d'urgence. Au Québec, on peut maintenant
avoir accès à des médicaments dans les 24 heures... 24 à 48 heures, et donc ça donne le temps de
s'organiser comme ça donne le temps aussi peut-être de trouver un autre
pharmacien qui va pouvoir faire... qui va pouvoir poser le geste sans, lui, s'objecter
sur le plan de la conscience.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Je crois que Mme Lamarre avait...
Mme Lamarre
(Diane) : Est-ce que je peux ajouter simplement… Déjà, actuellement...
Le Président (M.
Bergman) : Mais certainement. Mme Lamarre.
Mme Lamarre
(Diane) : Merci. Déjà, au niveau des CSSS, il y a une excellente
initiative qui s'est déployée depuis quelques années, et le CSSS envoie aux
pharmaciens communautaires une demande pour préciser différents services qu'ils
offrent : l'anticoagulothérapie, l'ACO, le programme de méthadone, la
récupération des seringues... Il y a
plusieurs services. Alors, l'aide médicale à mourir pourrait être également un
des services pour lequel on demanderait
aux pharmaciens d'indiquer s'il est disponible pour l'offrir, et, à ce
moment-là, ça permettrait tout de suite de prévenir ces problèmes et d'anticiper
une alternative.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
D'accord. À l'article 32 du projet de loi, on prévoit la mise en place des
protocoles cliniques et on a certains groupes qui nous ont dit : Il
devrait y avoir des protocoles standardisés et non du cas par cas. J'aimerais avoir votre opinion sur cette question-là :
Est-ce qu'il devrait... Est-ce qu'on devrait... Est-ce qu'on doit vraiment
laisser à chaque établissement le soin de
mettre en place un protocole ou est-ce qu'il ne devrait pas y avoir un
protocole standardisé pour l'ensemble des établissements au Québec?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Lamarre.
Mme
Lamarre (Diane) : Merci.
Alors, je crois qu'il serait important d'avoir des protocoles, mais ces
protocoles-là vont devoir prévoir des options, des alternatives. Dans certains
cas, il y a des allergies que les patients présentent à certaines molécules et
qui nous obligent de toute façon à envisager des options ou il y a des réponses
variables de certains patients. Mais je pense
qu'on a avantage à standardiser le
plus possible, et c'est pour ça que
notre recommandation visait à ce que
l'INESSS soit mise à contribution pour que ces protocoles soient également
mis à jour de façon régulière
pour améliorer… Je vous dirais même que, dans certains cas, certaines molécules
qu'on a utilisées ont été en rupture d'approvisionnement. Alors, je pense qu'il
y a un enjeu également de protection et de veille, de vigilance pour s'assurer
de la disponibilité de ces produits-là.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme Vallée : Je vais en rafale, mais j'aimerais vous entendre un petit peu sur la question des réserves que vous avez abordée dans
votre mémoire. Je comprends que c'est quand même délicat, mais vous soulevez
des éléments qui sont, à mon avis, d'intérêt public et qui méritent qu'on s'y
attarde.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Lamarre.
Mme
Lamarre (Diane) : Effectivement, les changements de thérapie médicamenteuse, en ambulatoire et
dans les maisons de soins palliatifs surtout, amènent la nécessité d'avoir certaines trousses de réserve.
Notre préoccupation, c'est quand même que ces trousses-là soient bien
gardées, qu'elles fassent l'objet d'un protocole et d'un contrôle d'un pharmacien parce que ça fait partie de
nos responsabilités — on
est très imputables par rapport à ça — et
donc que ce soit vraiment très réservé dans des situations
d'urgence, un peu comme ce qu'on a actuellement dans les situations
d'approvisionnement durant la nuit dans un établissement de santé, parce qu'on
pense que le pharmacien doit pouvoir faire l'analyse de la thérapie
médicamenteuse, et même l'arrêt d'un médicament, là. On parle de méthadone
souvent maintenant, en soins palliatifs, comme coanalgésique. La méthadone est
un médicament qui a énormément d'interactions médicamenteuses. Son arrêt, son
retrait va changer les interactions des autres médicaments qui font partie de la thérapie médicamenteuse. Donc, il
faut vraiment qu'il y ait une
surveillance du pharmacien, constante, mais il reste qu'une trousse
minimale de réserve permet de ne pas priver le patient d'un médicament
essentiel à un moment où il en a vraiment besoin. Mais ça devrait être minimum.
On est également préoccupés par les enjeux de
détournement de médicaments. On le voit dans les médias, l'OxyContin, l'oxycodone, qui fait l'objet d'utilisation
frauduleuse. Alors, il faut vraiment être très rigoureux. Mais il reste que, de nier la pertinence d'avoir quelques
molécules dont on a vraiment besoin rapidement dans des maisons de soins
palliatifs, je pense que ce n'est pas réaliste en 2013; il faut penser qu'il y
ait une petite réserve de médicaments, mais qu'elle soit bien balisée plutôt qu'elle
soit improvisée comme c'est le cas dans bien des cas actuellement.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au premier bloc de l'opposition
officielle. Pour le gouvernement, le dernier bloc de 8 min 30 s,
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, ma collègue de Gatineau a soulevé une
question que je trouve très pertinente sur : Est-ce qu'on devrait avoir
une disposition miroir pour… en lien avec l'objection de conscience du
pharmacien, avec celle qu'on prévoit pour les médecins, de référer au DSP ou à
une autre instance prévue par l'établissement? Donc là, j'ai cherché. Dans
votre code de déontologie, donc, l'objection de conscience est prévue. Puis je
comprends qu'on dit... un peu comme le médecin dans le code de
déontologie, on dit qu'il doit référer. Et,
vous, on dit : «[Le pharmacien] doit alors offrir au patient de l'aider
dans la recherche d'un autre pharmacien.» Donc, en fait, c'est un peu similaire à ce qui existe pour le médecin à
l'heure actuelle. Vous avez une obligation, je dirais, de moyens, mais
évidemment pas de résultat. Et est-ce que, de vos réponses que vous avez
données à ma collègue, je décode que vous pensez que, dans le cas de l'aide
médicale à mourir, cela ne serait pas suffisant, qu'il y aurait des objections de conscience telles que le pharmacien n'accepterait
pas, donc, d'essayer de trouver un autre pharmacien pour le patient?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Lamarre.
• (20 h 10) •
Mme Lamarre (Diane) : Je ne crois
pas que ça irait dans ce contexte-là. La différence entre l'exercice de la médecine et de la pharmacie, c'est qu'à partir du
moment où l'ordonnance existe le médicament doit devenir disponible dans
les minutes qui suivent, et là il y a comme une urgence par rapport à ça,
alors… tandis que la décision médicale peut, dans certains cas, surtout dans l'aide
médicale à mourir, prendre quelques jours, quelques semaines même à être prise… on espère, pas des semaines, mais
quelques… alors que, quand le médicament… on va décider qu'on donne ce
médicament et que le patient doit le recevoir, là, parfois, il y a une urgence
particulière qui fait que, si le délai est de
12 ou 24 heures, ça peut être trop long par rapport à ce qu'on demande. Et c'est
pour ça que, dans le cas du pharmacien, il y aura peut-être lieu de prévoir que, lorsqu'il y a un préjudice
majeur qui serait causé à un patient par la non-administration de ce
médicament-là il y aurait lieu d'anticiper à l'avance une alternative.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Si je vous comprends bien, vous semblez dire, là — vous me direz si je vous ai bien
décodée — que,
pour l'aide médicale à mourir, c'est peut-être moins problématique parce que le
délai est moins urgent, mais que, dans des
cas plus urgents, ça pourrait être plus problématique. Mais ces cas plus
urgents là, ils existent déjà. La sédation palliative terminale, ça
existe déjà, tout l'arsenal qu'on peut déployer en soins palliatifs, ça existe
déjà. Il n'y avait pas de telles dispositions
qui venaient prévoyer... — qui venaient prévoyer, c'est magnifique — qui venaient prévoir une obligation de référer. Donc, est-ce qu'en fait c'est
quelque chose qu'on devrait venir prévoir en lien avec l'aide médicale à
mourir ou en lien avec une situation qui existe déjà et qui est peut-être déjà
difficile dans l'application?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Lamarre.
Mme
Lambert (Manon) : On pense
que l'objection de conscience risque plus de se manifester évidemment
dans l'aide médicale à mourir. Et évidemment, si le pharmacien a l'obligation
de référer, qu'il y contrevient, bien, c'est une contravention au code de
déontologie. Ça, c'est sur le plan théorique.
Sur le plan
humain maintenant, effectivement, on risque de se retrouver avec des situations
plus problématiques. Et l'idée d'avoir une structure pour faciliter, je
dirais, l'inventaire des pharmaciens qui sont en mesure d'offrir l'aide
médicale à mourir, sans placer le pharmacien dans une situation qu'il aura à
courir après d'autres pharmaciens, on pense que ça peut être le bienvenu dans
un dossier comme celui-là.
Mais c'est
clair qu'on ne veut pas enlever cette obligation-là, l'obligation de référer
pour le pharmacien, mais, s'il survenait que ça soit difficile pour lui
de le faire, bien, le coup de main, un peu à l'instar de ce qui sera fait pour
les médecins, pourrait être le bienvenu, surtout dans une optique où on veut
une meilleure qualité de soins possible pour ces patients-là.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Lamarre.
Mme
Lamarre (Diane) : Je crois
également que les pharmaciens qui seraient dans une zone un peu ambiguë
vont se sentir beaucoup plus confortables s'ils ont clairement accès au
consentement éclairé. C'est un autre… Donc, le consentement du patient devrait
être transmis au pharmacien. Si ce consentement-là est disponible, je pense
que, déjà, le pharmacien va être beaucoup plus dans une zone où il va se sentir
confortable aussi pour l'administrer.
Le Président (M. Bergman) :
Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui.
Maintenant, j'aimerais revenir sur la question de la sédation palliative parce
que… terminale... Dans votre mémoire, vous invoquez le fait que de demander un
consentement écrit, ça pourrait être trop lourd, compte tenu qu'il y a des
situations d'urgence. Je dois vous dire que ça m'a surprise parce que je ne
pensais pas qu'en général la sédation
terminale se pratiquait dans une situation d'urgence. J'étais sous l'impression
que, si on était face à une urgence,
on pourrait faire une sédation palliative intermittente par exemple, pour
dire : O.K., là, la personne, c'est
vraiment dramatique, les souffrances qu'elle est en train de vivre. On va la
plonger, donc, dans un état d'inconscience pour peut-être 24 heures puis
on va réévaluer peut-être dans 24 heures, et, dans ce cas-là, peut-être qu'on
va être capables d'obtenir un consentement ou de voir avec elle si on fait une
sédation terminale.
Là, vous nous dites : Non, il y a vraiment
des situations où on irait directement à la sédation terminale. Donc, j'aimerais ça que vous donniez, je ne le sais pas,
des exemples concrets — tantôt, vous parliez de détresse respiratoire, là — des
exemples… d'hémorragie.
Mme Lamarre (Diane) : …où, là,
peut-être qu'on n'a pas eu le temps de prévoir que ça serait une situation qui… je m'excuse, j'ai… mais donc une situation où
le patient se met à avoir un saignement important. On ne veut pas aller
plus loin dans la nature des interventions, mais, tout à coup, on dit : Ça
prend une sédation palliative. Cette hémorragie peut durer quand même plusieurs
heures, et on veut avoir vraiment une sédation palliative terminale. On sait que, si c'est
irréversible, on ne voudra pas la rendre intermittente, cette sédation-là, et
le patient pourrait ne pas avoir consenti antérieurement.
Pour nous, la différence, c'est que, vraiment,
la sédation palliative, elle appartient à un plan de soins qui est beaucoup plus… c'est une continuité, mais c'est
également quelque chose qui, dans certains cas, peut apparaître, peut arriver avec une situation plus spéciale. On peut
avoir des patients qui ont eu plusieurs épisodes de détresse respiratoire
et puis tout à coup en ont un qui est vraiment plus intense et qu'ils ne
récupèrent pas. On n'est pas encore sûrs, mais la sédation, à ce moment-là, peut devenir une situation qui va être discutée
et qui aurait dû être discutée, mais qui n'avait pas été prévue dans ce
contexte-là.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme Lamarre (Diane) : Mais les
principaux cas auxquels je pense, c'est plus les situations d'hémorragie.
Une voix : Et est-ce que…
Le Président (M. Bergman) : Mme
la ministre.
Mme
Hivon : Oui. Vous répondrez. Je veux juste… Si je vous
soumettais qu'en fait ce à quoi vous faites référence, c'est une situation
vraiment d'urgence, O.K.?
L'idée pour laquelle cette notion-là de consentement
écrit est venue, c'est qu'on nous a beaucoup dit que la sédation, quand même, terminale, c'est quelque chose de très sérieux
et que, dans l'état actuel des choses, autant le Collège des
médecins a demandé ça quand ils sont venus… beaucoup sont venus nous parler qu'il
y avait comme un monde entre ce qui était
prévu pour la sédation palliative terminale — qui est quand
même très sérieuse et où il n'y avait aucune obligation de consentement, d'écrit et, je
veux dire, spécifique, là, plus contraignante — et là l'aide médicale à mourir où il y a toute une série de conditions, de balises, de processus. Et l'idée du consentement écrit puis d'avoir un protocole vraiment bien élaboré, bien
clair sont ressortis comme des éléments vraiment importants. Et, si je vous
soumettais en fait que, dans le Code civil,
on prévoit que, quand on est en situation d'urgence et que le consentement ne peut pas être obtenu, c'est une situation d'exception où on
peut procéder sans le consentement de quelqu'un, et là je ferais le parallèle
et je vous soumettrais : Est-ce qu'on ne peut pas justement dire que, dans
une situation rare comme celle que vous décrivez, on pourrait le faire, mais
que, pour les autres cas…
Le Président (M. Bergman) : S'il
vous plaît.
Mme
Hivon : …de sédation terminale, ce serait quand même
un plus de pouvoir avoir un consentement
écrit?
Le Président (M. Bergman) :
Il reste du temps pour une petite réponse, courte réponse.
Mme Lamarre (Diane) : C'est sûr que
le consentement est toujours souhaitable, mais je pense que, dans certaines situations, il peut être difficile d'aller le chercher de façon
aussi explicite, de façon écrite. Je
pense qu'il y a des situations où ça peut être plus difficile pour un
patient. Je pense à des jeunes parents, des mères de famille qui ont deux jeunes enfants et qui ne voudront peut-être
pas signer le consentement à la sédation palliative terminale, mais
qui savent très bien que c'est ça qui doit être… arriver. Alors, ça, c'est très
délicat. Vous comprenez que ça représente exactement
les situations qui nous préoccupent, qui nous inquiètent. Mais, quand on
demande cette sédation palliative signée,
elle représente quelque chose de particulier, alors que le consentement
implicite entre le médecin et sa patiente peut aider la situation. Mais je sais qu'on est dans une… mais vous me
demandez des situations, et je vous donne un peu ce qui peut se produire
dans des situations très concrètes.
Le
Président (M. Bergman) : Ceci met fin au bloc du gouvernement.
Le bloc de l'opposition officielle, pour un temps de huit minutes, Mme
la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Merci beaucoup, M. le
Président. Merci, Mmes Lamarre et Lambert. Je trouve ça éclairant parce qu'on a vu le point de vue de médecins, et, entre
autres, je veux partir du fait que le Dr Gaétan Barrette, de la
fédération des spécialistes, mentionnait que c'était un acte médical entre le
médecin et le patient, et, à vous écouter, c'est un acte médical où le
pharmacien est également inclus, et ça ne peut pas être un acte médical
exclusivement entre le médecin et le patient. J'aimerais que vous alliez un peu
plus loin. C'est peut-être quelque chose que j'ai mal compris, mais j'ai comme
saisi que vous aviez un rôle fondamental à l'intérieur de ça.
Mme Lamarre (Diane) : Alors, oui, si
vous me permettez.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Lamarre.
Mme Lamarre (Diane) : Tout à fait. Écoutez,
la loi n° 90 a donné une responsabilité, dans une des activités réservées des pharmaciens, qui s'écrit en quelques
mots et qui s'appelle «la surveillance de la thérapie médicamenteuse». Et, quand c'est arrivé dans le projet de loi, dans la loi n° 90, on a tous applaudi ça parce qu'on pense que c'est vraiment une responsabilité du pharmacien et on se rend compte, à l'usage,
que ça comporte énormément de responsabilités. Alors, cette responsabilité de
surveiller la thérapie, ça implique que les pharmaciens doivent évaluer si la
dose est appropriée, si elle est trop élevée ou si elle est trop basse.
Et on a des poursuites actuellement contre des
pharmaciens qui ont laissé passer des doses qui étaient trop élevées pour des patients ou qui étaient même
sous-thérapeutiques dans certains cas. On a même des poursuites pour
des défauts simplement d'avoir fait une analyse adéquate du dossier patient et
de ne pas avoir prévu un médicament qui aurait
dû être donné. Alors, c'est une nouvelle réalité, c'est une réalité beaucoup
nord-américaine, en particulier
canadienne, je vous dirais, de confier cette
responsabilité-là aux pharmaciens. Mais définitivement, actuellement, on a une
jurisprudence qui nous permet... Et je vous
dirais qu'il y a des opinions pharmaceutiques qui sont facturées à la régie à
chaque année pour des refus d'exécuter des ordonnances. Il y a plus de
20 000 opinions qui ont été facturées : refus d'exécuter une
ordonnance pour dose trop élevée. Alors, ça fait partie de la responsabilité du
pharmacien, et, dans certains cas, ça sauve des situations où les patients ne
souhaitent pas mourir d'une surdose, là.
Alors, il y a
beaucoup de... une complémentarité. Ce n'est pas une question de chercher des
erreurs, c'est vraiment une complémentarité. Le pharmacien est le
dernier filet de sécurité, je vous dirais, entre le patient et la prise de sa médication, en milieu ambulatoire en tout cas.
Dans les établissements de santé, l'infirmière joue également ce rôle-là,
mais c'est un rôle qui est maintenant
très... Et surtout, avec le fait que plusieurs médecins souvent, maintenant,
prescrivent, alors, je pense qu'il faut que le pharmacien réalise bien ces
activités-là. Il a la formation pour le faire, et ça fait partie de ses
responsabilités.
• (20 h 20) •
Le Président (M. Bergman) :
Mme Lambert.
Mme
Lambert (Manon) : Et, dans
le cadre des soins palliatifs, comme Mme la présidente le disait tantôt,
dans certains cas, l'aide médicale à mourir est demandée parce qu'on n'arrive
pas à soulager adéquatement le patient. Et, avec la thérapeutique moderne, avec
l'apport des pharmaciens, bien souvent, nos membres nous racontent que, dans certains cas, effectivement, les gens voulaient
mourir, mais, parce qu'on a revu la thérapie médicamenteuse, parce qu'on
a réajusté les doses, parce qu'on a changé les médicaments, parce qu'on a
changé la voie d'administration, on a donné quelques semaines de plus au
patient avec sa famille. Il pouvait régler des choses avec son conjoint, avec
ses enfants. Donc, c'est fondamental, le travail d'équipe.
Puis on parle
des pharmaciens, mais on parlait d'une équipe interdisciplinaire dans le cadre
du consentement : travailleur social, psychologue… Donc, on pense
que le plus on aura de perspectives différentes, de vues différentes sur le patient, dans un dossier où le respect de
la vie humaine est en jeu, le mieux on aura... ou meilleure sera la
qualité des soins qu'on aura offerts.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon, il vous reste 3 min 30 s.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Je voudrais faire un
point parce que j'ai vu que Mme la ministre a réagi lorsque vous avez
dit que ça se peut qu'on ait des problèmes dans telle situation. Il va
falloir qu'on en discute ensemble.
Peut-être, vos équipes devraient prendre note de ces situations-là parce qu'il
y a façon de rédiger ça justement pour qu'on prévoie ça. Le danger d'un
projet de loi comme le projet de loi n° 52, c'est que les gens arrivent
avec des positions assez radicales en
disant : C'est comme ça. Mais, lorsqu'on est sur le terrain puis qu'on
travaille avec ces gens-là, ce n'est pas comme ça que ça fonctionne.
Sans dire qu'on peut tout prévoir, on peut peut-être en prévoir plus en mettant
une règle générale et, oui, prévoir quelques cas dans lesquels, justement... L'exemple,
c'est le consentement implicite. Quand on
demande aux gens de signer, dans certains cas, ça peut amener des problèmes.
Donc, il faut y aller, puis le mot qu'on utilise souvent, c'est «de
façon exceptionnelle». Oui, on pourra utiliser ça. Donc, ça, c'est une discussion qu'on va avoir. Puis ce n'est pas un
projet de loi dans lequel on va combattre, hein, c'est un projet de loi
qu'on veut vraiment bonifier, améliorer pour qu'à la fin on évite des
problèmes.
L'objectif de
la commission, également, ça va être de déceler ces problèmes-là qui vont
arriver après l'adoption du projet de
loi pour revenir, dans un deuxième tour, pour corriger ces situations-là parce
qu'à la fin il y a des gens qui paient le prix de décisions, à un moment
donné, qui pourraient être politiques ou dans un projet de loi parce que ce n'est
pas applicable. Et là-dessus les professionnels — puis je les
comprends — c'est
que, s'ils vont à l'encontre de la loi, ils peuvent
être tenus responsables par la suite. Donc, moi, je vous propose, comme
commission, qu'au cours des prochains jours, des prochaines semaines...
prendre en note ces objections-là ou les problématiques qu'on pourrait voir qui
sont exceptionnelles. Ça arrive peut-être
une fois sur 500, mais quand tu l'as, le cas, il faut que tu sois capable de le
régler, donc, entre autres, cette question de consentement implicite et
explicite, et, oui, on va trouver des réponses à ça puis on va collaborer même
à trouver les mots ensemble, comment le faire.
Moi, ma question, parce que je n'avais pas
beaucoup de temps, c'est par rapport à l'INESSS. Souvent, on a tendance à dire : Les protocoles de sédation
devraient être faits, mettons, par le Collège des médecins. Si je
comprends votre intervention, vous croyez
que ça devrait relever de l'INESSS — qui a été créé pour ça, en passant — dans lequel les ordres
professionnels, l'Ordre des pharmaciens, l'Ordre des infirmières, l'ordre des
inhalothérapeutes, Collège des médecins, vont collaborer. Est-ce que je
comprends bien le sens de vote proposition?
Mme Lamarre (Diane) : Tout à fait.
Je pense que c'est...
Le Président (M. Bergman) :
Mme Lamarre.
Mme
Lamarre (Diane) : Merci. C'est
la mission de l'INESSS, d'aider à standardiser. Il faut bien comprendre
aussi qu'il y a besoin d'avoir des mises à jour très rapides parce que ça
évolue rapidement, ces connaissances, et donc l'INESSS se doit de garder une
veille constante. Ce n'est pas la mission des ordres de s'intéresser à des
enjeux scientifiques et à la mise à jour scientifique des données, des
dernières données probantes; c'est vraiment l'objet et l'expertise de l'INESSS
avec la collaboration, bien sûr, de cliniciens que l'ordre, que les deux
ordres, le Collège des médecins et d'autres
ordres, pourront certainement mettre à contribution, et des experts aussi, des
gens qui ont vraiment du terrain.
Maintenant,
si je peux me permettre, au niveau de l'INESSS, quand on fait appel à des
experts, je pense qu'on doit aussi
garder des experts de première ligne parce que, quand on va parler de choisir
des thérapies médicamenteuses pour des
médecins de famille qui vont maintenant être impliqués dans les soins
palliatifs à domicile, je pense qu'il faut aussi garder à l'esprit la
réalité de ces médecins et surtout des patients qui vont et qui souhaitent
mourir à domicile.
Le Président (M. Bergman) :
Alors, le temps pour ce bloc s'est écoulé. Mme la députée de Groulx pour le
deuxième groupe d'opposition, pour un bloc de cinq minutes.
Mme
Daneault :
Merci, M. le Président. Merci de votre présence. Et je voulais vous féliciter pour
la qualité du guide que j'ai
feuilleté rapidement, mais qui est vraiment très bien fait. Puis effectivement,
quand je regarde le guide... Bon, c'est
sûr qu'il y a une réalité et il y a une demande de plus en plus grandissante
pour les patients de vouloir mourir à domicile. On sait que les
pharmaciens d'hôpitaux sont habilités et font partie souvent des équipes
interdisciplinaires, bon, entre autres dans
les groupes de soins palliatifs. Par contre, quand on va vers le communautaire,
de plus en plus, les équipes viennent… entre autres sont dirigées par
les CLSC où il y a une équipe de médecins qui sont surspécialisés dans les
soins de fin de vie, les soins palliatifs, et ce n'est pas tous les
omnipraticiens qui sont habilités à donner ces soins-là. Il y a des soins de grande qualité avec une médication à jour.
Je me posais la même question pour ce qui est des pharmaciens
communautaires parce que j'ai eu, à un moment donné, bon, à prodiguer des soins
à domicile en fin de vie et j'ai réalisé
que, dans la communauté, chez nous, ce n'étaient pas tous les pharmaciens qui
étaient habilités à le faire et qui avaient les connaissances. Et même,
à un moment donné, on a eu besoin de médication durant la nuit et on s'est
retrouvés avec les pharmacies fermées et plus aucune médication disponible.
Alors, on s'est retrouvés à l'hôpital. En tout cas, on a été capables de se
débrouiller par l'hôpital et par le biais de l'hôpital.
Ce que je me demandais :
Est-ce qu'on ne devrait pas, dans certaines… par régions, avoir, désigner
certains pharmaciens sur des comités multidisciplinaires qui partent du CLSC
avec les médecins qui sont surspécialisés en soins palliatifs? Est-ce qu'on ne
devrait pas faire la même chose avec des pharmaciens communautaires et désigner
certaines pharmacies communautaires comme étant des ressources en soins de fin
de vie, en soins palliatifs dans certaines régions? Est-ce que c'est réaliste
de penser qu'on peut réaliser ça ou ce n'est pas évident pour vous, là?
Le Président (M. Bergman) :
Mme Lamarre.
Mme
Lamarre (Diane) : Je vois
deux angles sous lesquels on peut le prendre. Effectivement, sur un
territoire donné comme un CSSS, on peut faire un appel à tous les pharmaciens
qui sont intéressés à offrir des soins palliatifs ou de la médication de soins palliatifs, mais également des
interventions cliniques pour ça. Mais, un peu comme on a avec les
médecins de famille où ce ne sont pas tous les médecins de famille qui ont
développé une expertise, mais tous les médecins
de famille sont susceptibles d'avoir des patients qui vont avoir besoin de ces
soins-là, je pense qu'il faut aussi, au niveau des CLSC ou des CSSS,
avoir des personnes-ressources, avoir des pharmaciens qui sont des soutiens à d'autres
collègues, parce qu'il y a une chose qu'on ne pourra pas changer, c'est le
patient. Lui, il va tenir à avoir sa médication
avec… auprès du pharmacien qu'il connaît depuis 20 ans, qui l'accompagne depuis
longtemps et avec lequel il a un lien de confiance. Et souvent ce
pharmacien-là ne traite pas que le patient en soins palliatifs, mais traite
aussi les autres membres de la famille, et donc il y a un lien important. Ce
que je pense qu'on préconise beaucoup, l'ordre, et on le dit, et j'espère que ça va être entendu : autant du côté des
GMF que des CLSC qui s'impliqueront, c'est la transmission du plan de
soin.
Il y a des plans de soin qui sont faits, et les
pharmaciens communautaires sont souvent tenus à l'écart de ce plan de soin.
Alors, quand le patient est admis à l'hôpital, rapidement on demande au
pharmacien communautaire d'envoyer la liste des médicaments et le pharmacien
arrête tout ce qu'il fait, imprime la liste, fait une sélection, ajoute des
commentaires. On n'a jamais l'inverse, c'est-à-dire on n'a jamais le retour de
dire, sur un territoire donné, ce
patient-là, qui est pris en charge par le CLSC en soins palliatifs, on a un
plan de soin pour lui. Qui est son pharmacien communautaire? Est-ce qu'on
peut lui faire suivre le plan de soin? Et le pharmacien, à ce moment-là, sera
en mesure de mieux prévoir les choses, de mieux s'informer. Et on aura
également des pharmaciens-ressources, qui pourront être des consultants pour
ces pharmaciens-là.
• (20 h 30) •
Le Président (M. Bergman) :
Malheureusement, le temps de ce bloc s'est écoulé. Alors, Mme Lamarre, Mme Lambert,
merci pour votre présentation, merci d'être avec nous ici ce soir, et on vous
remercie beaucoup.
Et je demande à l'Association des pharmaciens
des établissements de santé du Québec de prendre leur place à la table.
Et je suspends pour quelques instants seulement.
Merci.
(Suspension de la séance à 20 h 31)
(Reprise à 20 h 33)
Le Président (M. Bergman) : À
l'ordre, s'il vous plaît!
Alors, je souhaite la bienvenue à l'Association
des pharmaciens des établissements de santé du Québec. M. Paradis,
Mme Vaillant, bienvenue. Vous avez 15 minutes pour faire votre
présentation. Donnez-nous vos noms, vos titres et une présentation de
15 minutes.
Association des
pharmaciens des
établissements de santé du Québec (APES)
M. Paradis
(François) : Merci. M. le
Président, Mme la ministre, M. le porte-parole de l'opposition, Mmeset MM. les députés, l'Association des
pharmaciens des établissements de santé du Québec remercie la Commission
de la santé et des services sociaux de lui permettre d'exposer son avis sur le
projet de loi sur les soins de fin de vie. Je suis accompagné, ce soir, de
Mme Linda Vaillant, qui est directrice générale de notre association.
L'Association
des pharmaciens des établissements de santé, l'APES, est une association dont
la mission est de promouvoir l'avancement et l'évolution des pratiques
pharmaceutiques et de défendre les intérêts de ses membres. Nous représentons les quelque 1 500
pharmaciens qui oeuvrent dans le réseau public de santé donc essentiellement
dans les établissements de santé, et, pour la plupart, dans des établissements
de soins aigus. Ces pharmaciens oeuvrent dans
des secteurs cliniques auprès des patients sur les unités de soins, dans
différents secteurs cliniques, donc, et notamment en soins palliatifs,
dans des équipes interdisciplinaires.
D'ailleurs, à
cet égard, afin de favoriser la diffusion des connaissances, notre association
a formé un certain nombre de
regroupements de pharmaciens experts, dont un en soins palliatifs, et qui sont
notamment les auteurs du document qu'on vous a remis tout à l'heure. D'ailleurs, au passage, j'aimerais remercier
les membres de notre Regroupement de pharmaciens experts en soins
palliatifs pour leur contribution à l'élaboration de notre mémoire.
D'entrée de jeu, l'APES accueille favorablement le projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie, mais avec certaines réserves, principalement
concernant la clarté des balises qui doivent faire partie du projet de loi et aussi, notamment, sur l'impact de ce projet de loi
sur la pratique des pharmaciens d'établissements de santé. D'ailleurs,
on en a parlé, les soins de fin de vie s'articulent en grande partie autour du
médicament. Et force est de constater que, dans le libellé actuel du projet de
loi, il n'est pas mention ni du médicament, ni des soins et services
pharmaceutiques qui sont requis, ni de l'utilisation judicieuse des médicaments
qui est requise dans les soins de fin de vie et non plus, évidemment, on ne
fait pas mention de l'expert en pharmacothérapie qu'est le pharmacien.
J'aimerais d'abord exposer certaines inquiétudes
des membres de notre association, particulièrement les pharmaciens qui travaillent en équipe de soins palliatifs. Et puis là on
va être obligés de se parler un petit
peu de sémantique, il en a été
question aujourd'hui, mais il y a des éléments à considérer qui ne sont pas
négligeables.
Dans le cadre du projet de loi actuellement on
parle de soins de fin de vie, on inclut les soins palliatifs, la sédation palliative terminale et l'aide médicale à
mourir. Or, nos membres qui travaillent dans les équipes nous disent
que, pour des gens qui travaillent en soins palliatifs, offrir des soins
palliatifs, c'est de soulager le patient, c'est de soulager les inconforts des
patients, mais il n'est nullement question, à ce moment-là, de prendre des
moyens actifs pour amener le patient vers la
mort. Donc, il nous apparaît très important de bien définir les termes. Par
exemple, quand on parle de sédation palliative terminale, certains de
nos membres nous disent : Oui, mais, moi, une sédation palliative... on
plonge le patient dans un coma, mais on ne veut pas amener, entraîner une mort
plus rapide. Alors que le terme «terminal»,
bien que ce qu'on comprend, nous, au sens de la loi, dans l'esprit de la loi,
il signifie plus «en phase terminale», dans
l'esprit de certains professionnels, ça peut être une sédation palliative
terminale, donc qui s'apparente davantage à une aide médicale à mourir.
Donc, vous
voyez quand même, au sein des professionnels, il peut y avoir une certaine
confusion. Alors, au sein de la
population aussi, il peut y avoir une certaine confusion, et à cet égard-là on
pense que c'est extrêmement important que les termes soient bien
clarifiés pour que tant les professionnels que les patients puissent avoir une
idée claire de ce que chacun des enjeux représente.
On considère — puis d'autres l'ont dit — que
ce projet de loi est une opportunité extrêmement intéressante d'accroître l'offre de soins palliatifs. Et, en
fait, la sédation palliative, appelons-la terminale, ou l'aide médicale à
mourir, comme on l'a dit tout à l'heure, ne doivent pas devenir des panacées ou
être utilisées parce que les soins palliatifs n'ont pas été offerts de la façon
optimale qu'ils devraient être offerts. Nous pensons aussi qu'il sera très
important de diffuser les modalités de la
loi pour que la population — compte tenu des enjeux très importants — comprenne bien la portée du projet de
loi, donc élaborer un plan de communication qui indiquera les modalités d'accès
aux soins de fin de vie et qui fera connaître à la population les balises
fixées par la loi.
Vous ne serez
pas surpris d'entendre que nous croyons à l'interdisciplinarité — pour nous, c'est duquotidien — c'est-à-dire que les pharmaciens d'établissement
travaillent sur les unités de soins avec les équipes soignantes,
incluant notamment les médecins, incluant notamment les infirmières. Alors, on
est convaincus qu'il faut travailler pour mettre des mesures en place, en fait,
pour accroître l'interdisciplinarité au sein des équipes déjà existantes et aussi s'assurer que, là où il n'y a pas d'équipe — parce qu'à certains endroits il n'y en a
pas — il
faudra voir, trouver des moyens pour essayer de mettre en place des
équipes interdisciplinaires. Ça nous apparaît un élément central qui,
malheureusement, n'est pas assez discuté dans le projet de loi.
Donc, ces
équipes-là interdisciplinaires, il faut les prévoir pour les établissements de
santé, les maisons de soins palliatifs et pour les médecins qui
pratiquent en cabinet privé. Dans l'éventualité où de telles ressources ne
seraient pas
disponibles, il faudra penser alors soit à donner accès aux patients via l'instance
locale ou, à la rigueur, via un RUIS. Donc,
il est important de bien camper que l'interdisciplinarité doit être étendue le
plus largement possible. On doit veiller ou tenter d'augmenter le nombre
des équipes et intégrer les pharmaciens d'établissement de santé, puisqu'ils
sont les experts de la pharmacothérapie.
D'ailleurs,
peut-être une note à ce moment-ci, on en a parlé un petit peu cet après-midi,
mais les soins palliatifs sont
beaucoup orientés, beaucoup associés avec l'oncologie. Or, il existe d'autres
pathologies qui vont éventuellement mener
au décès, mais qui ne sont pas des maladies... qui ne sont pas des cancers, et,
encore là, s'assurer que ces clientèles-là pourront être couvertes, que
ces clientèles-là se verront offrir des soins palliatifs.
• (20 h 40) •
Nous sommes d'accord avec la proposition qu'un
second médecin doive être consulté avant d'offrir l'aide médicale à mourir, mais nous considérons qu'il est
souhaitable, encore une fois, que ce second médecin soit soutenu par une
équipe interdisciplinaire, encore une fois, parce que, qui va être le gagnant là-dedans?
C'est le patient. Le patient a tout intérêt à ce que l'expertise de chacun soit
mise à profit, mise à contribution pour qu'en bout de ligne il y ait un
consensus et qu'on soit arrivés au meilleur traitement possible.
On devra aussi prévoir, à notre avis, un délai
minimal entre le moment où le patient signe les documents pour l'aide médicale à mourir et le moment où le
protocole est appliqué. Deux raisons pour ça : ça permettrait, d'une part,
avec ce délai, de s'assurer, encore une fois, que tout a été fait pour soulager le patient et qu'on n'a pas de mesure
thérapeutique additionnelle qu'on peut mettre en place; et, dans certains cas
aussi, bien, il pourrait arriver que le patient change d'idée, et, à ce
moment-là, bien, ce délai permettrait d'élargir la réflexion, d'étendre la
réflexion pour le patient.
Deux éléments
qui touchent... ils sont peut-être un
petit peu plus terre à terre, mais
qui touchent la pratique même des pharmaciens d'établissement de santé.
Dans la très grande majorité des cas, c'est un pharmacien d'établissement de santé qui va recevoir l'ordonnance, qui va
recevoir le protocole pour les soins de fin de vie. Alors, un pharmacien
reçoit une ordonnance... Une ordonnance, souvenons-nous que c'est une
autorisation de fournir un médicament, donc le pharmacien doit valider un certain nombre d'éléments avant de signer et
de consentir à ce que le médicament soit délivré, et, pour ce faire, il doit s'assurer que le patient
aura bel et bien consenti aux soins qu'on veut lui offrir. Donc, à cet
égard, on pense qu'effectivement le consentement écrit du patient devrait être
acheminé au pharmacien.
De la même façon, on devrait s'assurer que l'ordonnance,
que les protocoles pour un patient donné auront été validés par le pharmacien d'établissement
avant que le protocole soit appliqué. C'est un peu technique, mais, sur les unités de soins en établissement de santé, il y a
des réserves de médicaments — les
opiacés, entre autres — qui peuvent servir dans les protocoles, et ces médicaments-là sont disponibles sur
les unités de soins avec des méthodes de contrôle, bien sûr, mais ils
sont disponibles sur les unités pour favoriser l'accès à ces médicaments-là en
situation urgente. Donc, dans certains cas,
il peut arriver que les médicaments concernés soient administrés avant que le
pharmacien ait pu valider l'ordonnance. Nous, ce qu'on demande, c'est
que, dans les circonstances d'aide médicale à mourir où il n'y a pas d'urgence médicale, on oblige la validation de ces
ordonnances-là, encore une fois, pour éviter les dérapages et s'assurer
que la volonté du patient est respectée.
Quant aux
protocoles cliniques, il est évident qu'on devrait viser à standardiser les
pratiques. En fait, dans tout domaine, actuellement, au niveau des
soins, on essaie de standardiser les pratiques parce qu'on essaie de travailler
avec des données probantes. On sait aussi
que, quand on standardise des pratiques, on réduit les risques pour le
patient. Donc, pour standardiser les pratiques, éviter la duplication, c'est-à-dire
des CMDP qui construisent des protocoles de part
et d'autre dans différents établissements, et pour s'assurer aussi des
meilleures pratiques, nous pensons que l'INESSS devrait être mis à
contribution et que l'INESSS devrait se voir confier le mandat d'élaborer ces
protocoles.
Concernant les médecins en cabinet privé, le
projet de loi prévoit que les médecins doivent transmettre un avis au CMDP de l'instance locale lorsqu'ils
appliquent un protocole d'aide à mourir. Nous proposons que le médecin
en question doive plutôt être membre du
CMDP. Et c'est quoi, la nuance? C'est que, pour être membre d'un CMDP, il
faut qu'on passe au comité d'examen des
titres. Aussi, on relève du comité d'évaluation médicale, dentaire et
pharmaceutique, donc on est susceptibles, et
c'est normal, de faire l'objet d'évaluations, dans ce cas-ci médicales. Donc,
pour ces raisons-là, on pense que les médecins en cabinet privé qui
veulent ou qui désirent offrir ce soin-là, ils doivent être membres d'un CMDP.
Quant à l'évaluation
de l'acte, justement, encore une fois, compte tenu de la complexité du
caractère distinct de la pratique de
l'aide médicale à mourir, nous pensons que l'ACMDP, l'Association des conseils
des médecins, dentistes et pharmaciens, devrait être mandatée pour
développer des critères d'évaluation, et probablement que de cette façon on s'assurerait…
ça nous garantirait l'application d'une méthode d'évaluation, encore une fois,
standardisée.
Deux éléments concernant la composition de la
commission sur les… Bien, en fait, deux éléments sur la Commission sur les
soins de fin de vie. D'abord, nous appuyons tout à fait la création de cette
commission-là, et il est évident que ça risque de prévenir les dérapages, donc
c'est une idée à retenir. Quant à la composition, on prévoit actuellement sept
membres, dont quatre professionnels de la santé et, parmi ceux-ci, deux
médecins. Nous suggérons d'inclure, en fait,
au sein de la Commission sur les soins de fin de vie, un pharmacien d'établissement de santé expert en soins palliatifs parce qu'il fait partie
intégrante de l'équipe traitante, et, de la même façon, parce qu'il y a un trio
sur les unités de soins, il y a
un trio en clinique qui va travailler
principalement au niveau des soins palliatifs, c'est le médecin, c'est
le pharmacien et c'est l'infirmière, donc nous proposons aussi que le quatrième
membre professionnel de la santé soit une infirmière, de façon statutaire.
Nous suggérons aussi que les rapports que la
commission devra produire soient publiés une fois par année. Actuellement, on parle de cinq ans, ça nous semble
très long, compte tenu des enjeux qui sont en cause. Donc, on propose
que ce soient des rapports annuels et que ces rapports soient rendus publics
pour réduire les craintes de la population. Parce que c'est très important, ça va être très
important de rassurer la population dans ce contexte-ci, et nous pensons
que de rendre le rapport public va contribuer à atténuer ces craintes-là.
On a parlé un petit peu de l'objection de
conscience. Effectivement, ça nous préoccupe, particulièrement, bon, dans les régions éloignées où les équipes de
soins sont plus restreintes. Le modèle dont il a été question avec DSP
ou une autre instance, on verra. Mais effectivement, en ce qui concerne les
pharmaciens d'établissement de santé, je pense
que le modèle médical pourrait être adopté aussi pour les pharmaciens parce que
finalement ce sont à peu près les mêmes enjeux qui sont en cause. Et on
ne devrait pas laisser aux pharmaciens qui ne souhaitent pas participer à la fourniture de médicaments pour de tels protocoles…
on ne devrait pas les obliger à chercher un collègue. Je pense que ça
complexifie encore davantage la démarche.
Donc, en
conclusion, l'APES appuie le projet de loi n° 55, mais avec quelques
réserves. Les impacts du projet de loi sur les pharmaciens d'établissement
de santé devront être considérés. On devra saisir l'occasion pour développer encore... même si ça existe, mais pour développer
encore davantage les soins palliatifs afin d'en garantir partout l'accès
au Québec. Et notons que les équipes de
soins auront besoin de support, donc il faudra penser que le ministère de la
Santé et des Services sociaux, les agences
aussi contribuent à soutenir les équipes dans la démarche. Et souvenons-nous
qu'on devra s'assurer que tout Québécois ait accès à des soins palliatifs de
qualité pour éviter que l'aide médicale à mourir devienne une mesure simplement parce que ces soins-là, ces soins
palliatifs de qualité là ne sont pas offerts. Je vous remercie.
Le Président (M. Bergman) :
Merci, M. Paradis. Alors, le premier bloc du gouvernement, Mme la ministre.
• (20 h 50) •
Mme
Hivon :
Oui. Bonjour. Alors, merci beaucoup, merci de votre présence. Vous avez demandé
à être entendus, puis je pense que c'est
très pertinent d'entendre ce que vous avez à nous dire. Vous avez une expertise
particulière. Vous êtes sans doute
très sollicités, dans les établissements notamment, et de plus en plus dans les
équipes interdisciplinaires qui se forment. Donc, c'est un éclairage
précieux.
D'entrée de
jeu, je veux vous dire, je veux vous rassurer sur l'importance que nous
accordons aussi à l'interdisciplinarité. Je pense que c'est à l'article 8,
mais on dit, au deuxième paragraphe, donc, que l'établissement «doit notamment
mettre en place des mesures pour favoriser l'interdisciplinarité [...] qui y
exercent leur profession». Donc, on a choisi
de vraiment l'écrire noir sur blanc justement pour consacrer l'importance, dans
le domaine des soins de fin de vie,
de toute la notion d'interdisciplinarité. Et, en outre, l'équipe soignante est
mise à contribution, si vous avez vu à l'article 28 aussi, dans le
processus pour évaluer la demande. Donc, c'était un souci que nous avions.
Donc, je voulais juste vous dire ça, que c'est... l'interdisciplinarité est
présente dans le projet de loi.
La première
question que j'aurais... Ça m'a un petit peu surprise. Vous dites dans votre
mémoire qu'on devrait changer le
titre de la loi — là, vous
ne l'avez pas dit aussi explicitement dans votre présentation, mais... — pour parler d'une loi sur la sédation terminale et l'aide médicale à mourir. Vous,
en fait, vous suggérez que l'on scinde un peu la notion de soins
palliatifs du reste. Évidemment, l'aide médicale à mourir, on s'entend tous que
ce n'est pas un soin palliatif, donc ça, c'est
clair. Mais vous dites donc que le titre devrait refléter la question de la
sédation et l'aide médicale à mourir, pas les soins palliatifs. Mais,
par ailleurs, vous dites que c'est très important puis vous saluez la place des
soins palliatifs. Alors je me questionnais à
savoir pourquoi vous faites cette proposition-là, parce que,
justement, toute l'idée derrière le projet de loi, c'est de consacrer l'importance
des soins palliatifs, mais l'importance, je vous dirais, de les considérer avec
la sédation palliative terminale. Et le palliatif, dans le terminal, a un lien
avec les soins palliatifs. Les experts de soins palliatifs sont venus nous dire
que c'était bel et bien un soin palliatif. Donc, c'est pour ça qu'on le
considère comme un soin palliatif. Et l'aide médicale à mourir, qui fait partie
des soins de fin de vie.
Donc, si on excluait du titre les soins
palliatifs, je me dis qu'on défait l'objectif, qui est justement de les
consacrer et de faire en sorte qu'on les considère comme un tout. Et comment on
viendrait ensuite refléter ce qu'on veut faire avec la loi?
Le Président (M. Bergman) :
M. Paradis.
M. Paradis
(François) : Je pense que l'essentiel,
là-dedans, ce qu'il faut retenir, c'est qu'il y a
des inquiétudes, actuellement, en termes de ce que représentent les termes,
puis c'est ce que je vous disais tantôt. Il faut s'assurer qu'il n'y aura pas de confusion au sein des équipes traitantes ni au sein de la population.
Est-ce qu'on doit changer le titre, ultimement? Ça dépendra à quoi on réfère, mais, si
on inclut les soins de fin de vie selon un continuum : soins
palliatifs, sédation palliative terminale et aide médicale à mourir, il faudra
bien définir ces termes-là pour qu'il n'y ait pas de confusion, alors que de dire : Bien, O.K., là, je suis en soins
palliatifs, mon médecin m'a dit que j'étais en soins palliatifs, ça veut dire quoi, là? Ça veut-u dire que, bien,
il va me mener à la mort ou... Il faut que ce soit clair dans l'esprit de
tout le monde. Si on ne change pas le titre... Regardez, l'important c'est qu'on
définisse clairement ce dont il est question. C'est ce qu'on voulait refléter.
Le Président (M. Bergman) :
Mme Vaillant.
Mme Vaillant (Linda) : Si je peux me
permettre d'ajouter. En fait, ce qu'on a voulu refléter ici, c'est beaucoup l'inconfort
de nos membres qui nous ont indiqué qu'ils avaient une impression, à la lecture
du projet de loi, qu'on associait
directement les soins palliatifs à l'aide à mourir. Alors, je comprends tout à
fait que ce n'est pas la volonté du législateur, mais, par ailleurs, il
y avait une crainte réelle, et c'est une crainte qui semble répandue au-delà de
nos membres, là, qui sont les pharmaciens, au sein des équipes avec lesquelles
ils travaillent. Les gens nous ont vraiment indiqué clairement qu'ils ne veulent pas, eux,
être perçus comme des gens qui aident les autres à mourir. Le but, c'est
vraiment de faire du soin palliatif. Il y a
une portion des soins palliatifs qui sont des soins de fin de vie,
éventuellement, on se rend à une fin de vie, mais c'est comme si les gens le
voyaient à l'envers. Et, dans la définition qu'on retrouve à l'article 3, je crois, c'était là qu'il y avait
une zone d'inconfort, quand on parle de soins de fin de vie qui incluent les
soins palliatifs, y compris la sédation palliative terminale et l'aide à
mourir. C'est à ce niveau-là qu'il y avait véritablement un inconfort, et c'est
ce qu'on a voulu exprimer ici.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Je vais vraiment vous expliquer l'article 3. L'idée,
c'est : on a les soins de fin de vie. Ça, c'est le grand ensemble. Dans les soins de fin de vie, il y
a les soins palliatifs. Les soins palliatifs comprennent la sédation
palliative terminale. Parce que là, vous, vous suggérez d'enlever «palliative»,
mais, à ce jour, les médecins, les gens de soins palliatifs nous ont toujours dit qu'il s'agissait bel et bien de
sédation palliative. D'ailleurs, les gens de Michel Sarrazin nous disent
qu'ils ont des protocoles, ils ne donnent que des soins palliatifs pour ce qui
est de la sédation palliative terminale.
Donc, on a ce premier groupe là, les soins palliatifs, et on dit «de même
que l'aide médicale à mourir», qui n'est
pas des soins palliatifs, mais qui est dans les soins de fin de vie, donc sur
le continuum qui est en quelque sorte le soin ultime exceptionnel pour les cas de souffrances exceptionnelles.
Donc, moi, je vais vous l'expliquer comme on a voulu que ça se reflète
dans le projet de loi pour que ce soit bien clair.
S'il
y en a qui ont un inconfort, comme, effectivement, je pense qu'il y a des gens
qui oeuvrent en soins palliatifs et
qui, eux, pour des raisons x, y, z, personnelles, de convictions, ne sont pas à
l'aise avec la notion d'aide médicale à mourir, ça ne fait pas en
sorte... je crois qu'il faut revoir l'idée que c'est quelque chose qui est dans
un continuum de soins. On ne le comprend pas
dans la réalité des soins palliatifs, mais c'est quand même un soin qui peut
être obtenu en fin de vie. Donc, je ne sais pas si vous me suivez ou si
c'est plus clair, là.
Le Président (M.
Bergman) : M. Paradis.
M. Paradis (François) : Bien, en fait, on sait très bien, en fait, puis
ça fait partie de la réflexion qu'on a faite, nous, mais il reste une
chose : au sein des équipes, ce n'est pas clair, ça. Puis au sein de la
population, est-ce que ça l'est? Il faudra aller voir. Mais, nous, ce qu'on
dit, c'est que, pour cette raison-là, puis on vous suit tout à fait dans l'énoncé
que vous venez de nous faire, mais il faudra s'assurer de bien diffuser ces définitions-là,
de bien clarifier ces définitions-là pour
que tous les gens impliqués, que ce soit du côté des professionnels que
du côté des patients, tout le monde sache bien de quoi il s'agit.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Parfait. Alors, notre volonté, c'est que ça soit le plus clair possible, et
notre volonté aussi, c'est qu'il y ait le plus d'informations possible, à la suite d'une éventuelle adoption
du projet de loi, autant auprès de la population, dans une campagne d'information — c'était
d'ailleurs une recommandation de la commission
spéciale — et
aussi avec un guide qui serait remis aux gens qui sont en fait en fin de vie ou
même avant qu'ils soient en fin de vie dans les établissements.
Donc, on souhaiterait — et c'est
dans les objectifs que l'on poursuit — qu'il y ait un guide sur les
soins de fin de vie qui puisse être remis
pour que les gens aient toute l'information la mieux vulgarisée possible, quand ils ont
un diagnostic de maladie grave et incurable,
de quelles sont les options, soins palliatifs, sédation, c'est quoi, aide
médicale à mourir, c'est quoi, pour bien
expliquer tout ça. Et même chose avec les professionnels de la santé, mais ça
évidemment on comprend que les ordres vont s'impliquer aussi pour s'assurer que
leurs membres sont au diapason.
Quand vous nous
parlez, par ailleurs, que les protocoles, donc, devraient ultimement être
déterminés par l'INESSS, moi, je vous écoute très bien, je reçois ça avec beaucoup
d'ouverture. C'est certain que je pense qu'autant l'ordre… évidemment le Collège des médecins que l'Ordre des
pharmaciens vont devoir être impliqués au premier plan pour déterminer
quelles sont les meilleures pratiques, les meilleurs protocoles.
Le rôle de l'INESSS,
évidemment, peut être là aussi, quand vous dites, vous suggérez qu'il soit mis
à contribution, mais je comprends que vous
ne suggérez pas que, dans la loi, on aille jusque dans le détail de venir
expliquer qui va élaborer quels sont les
standards cliniques. Parce que de la manière qu'on le libelle en ce moment, c'est
vraiment de se référer aux standards cliniques et qu'il y ait une conformité,
donc, de pratique en lien avec les protocoles plutôt que d'entrer dans le
détail de comment on va arriver à ces standards cliniques là pour s'assurer que
le milieu le fasse.
Le Président (M.
Bergman) : M. Paradis.
M. Paradis
(François) : C'est simplement de déterminer qui va élaborer ces
protocoles-là, et puis c'est exactement le rôle que s'est vu confier l'INESSS
lors de sa création. L'INESSS regroupe déjà des experts de toutes les disciplines : des médecins, des
pharmaciens. En fait, c'est son «core business» — excusez l'expression — de développer des guides de pratique. Donc, ça n'empêche pas de faire des
consultations, mais on pense que l'organisme tout désigné pour élaborer
ces protocoles-là, ce serait effectivement l'INESSS, sans rentrer dans les
détails, mais qu'on mandate l'INESSS pour y arriver.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au premier bloc du
gouvernement. Le bloc de l'opposition officielle, Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Merci, M. le Président. Bonsoir, merci pour votre présentation.
• (21 heures) •
Vos
prédécesseurs ont abordé une question qui était fort importante, qui est celle de
la modification de votre loi, la loi des pharmaciens. Et j'aimerais avoir votre avis sur le libellé
qui est proposé parce que, lorsque, dans le mémoire de l'Ordre des
pharmaciens, on mentionne clairement qu'actuellement adopter… une adoption
éventuelle du projet de loi pourrait être interprétée... Advenant qu'un
pharmacien se conforme au projet de
loi et pose des gestes qui vont
aller dans le sens d'aider et... de donner,
pardon, une collaboration à une aide médicale à mourir, ces gestes-là posés
pourraient être considérés comme étant contrevenants à l'article 17 de la Loi
sur la pharmacie. Parce que l'article 17 de la Loi sur la pharmacie prévoit que «l'exercice de la pharmacie consiste à
évaluer et à assurer l'usage approprié des médicaments afin notamment de détecter et de prévenir les
problèmes pharmacothérapeutiques, à préparer, à conserver et à remettre des médicaments dans le but de maintenir ou de
rétablir la santé». Et, dans ce contexte-là, compte tenu de l'introduction
d'un nouveau concept... bien «nouveau
concept», mais du concept de l'aide médicale à mourir, il pourrait y avoir desproblématiques d'ordre de responsabilité professionnelle et de poursuites en… et tout ce qui s'ensuit. Et donc
on propose… l'ordre suggère de modifier l'article 17 et d'y inclure… que
ce soit, bon, dans le but de maintenir ou de rétablir la santé : «ou dans
le cadre des soins visés par le 3e paragraphe de l'article 3 de la
Loi concernant les soins de fin de vie», ou
ce qui pourrait être tout simplement : «dans le cadre de la Loi des soins
de fin de vie», sans préciser de façon très, très pointue un article,
qui pourrait éventuellement être modifié, et tout ça. Et donc j'aimerais vous
entendre sur cet aspect-là, puisque vous êtes directement touchés également par
la question.
Le Président (M.
Bergman) : M. Paradis.
M. Paradis
(François) : Bien, je pense que c'est incontournable. En fait, vous
avez lu le… vous nous avez fait part du libellé de l'article 17. C'est clair que,
pour un pharmacien, actuellement, de valider une ordonnance ou un protocole d'aide
médicale à mourir va complètement à l'encontre de l'article 17, un petit peu
comme c'est le cas avec la Loi médicale, d'ailleurs.
Il va falloir prévoir des modalités, des ajustements au niveau de la Loi
médicale. Quand on a lu le… quand on
a pris connaissance du projet de loi, on est allé valider aussi ces
éléments-là, et puis il nous apparaît clair
qu'effectivement il y aura des ajustements à faire dans la Loi sur la pharmacie
pour permettre que le pharmacien, en conformité
avec la loi et son code de déontologie, puisse poser les gestes reliés à l'aide
médicale à mourir. Ça, c'est clair.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Outre l'article 17, est-ce que vous avez, dans votre analyse de la question,
soulevé d'autres éléments qui méritent qu'on s'y attarde? Parce que, bien
honnêtement ce soir, vous nous apportez un éclairage… Les deux présentations de
ce soir nous apportent un éclairage qui est, à mon avis, essentiel, et donc il
faut profiter de votre présence afin d'aller plus en profondeur aussi sur la
question.
Le Président (M.
Bergman) : M. Paradis.
M. Paradis (François) : Bien, écoutez, c'est clair que, quand… Puis là on
va parler particulièrement de l'aide médicale à mourir : on
introduit une nouvelle pratique, puis je pense que, comme il a été dit, c'est
en lien avec l'évolution sociétale actuelle. Sauf qu'au plan pratique… Puis il
faut voir que, quand on est… particulièrement, en établissement de santé, on sert un médicament, puis il y a une
ordonnance qui vient de la pharmacie ou un protocole… parce qu'il existe déjà des protocoles : un
protocole pour les diabétiques… Il en existe déjà. Le pharmacien doit
valider tout ça en fonction de différents critères.
L'aide médicale à
mourir introduit une nouvelle notion : c'est que, là, on pose un geste qui
va ultimement entraîner le décès du patient. Donc, dans ces conditions-là, il y
a effectivement l'article 17 qui devra être modifié. Comme on a dit tout à l'heure,
on pense qu'il faudrait que le consentement du patient soit acheminé au
pharmacien pour qu'il ait tous les éléments
donnés pour s'assurer que ce qu'il reçoit, eh bien, il y a eu un consentement,
que ça relève bien de la procédure d'aide
médicale à mourir. Et, dans ces conditions-là, bien, je pense qu'on pourra
encadrer adéquatement le travail des pharmaciens. Mais c'est essentiel
que l'article 17 soit touché, ça, c'est clair.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée :
Lorsque vous avez échangé avec la ministre concernant l'importance de bien
communiquer et de parler des bons termes, d'utiliser les bons termes, de
définir les bons termes, ça m'interpelle parce que, depuis le début des
auditions de ce matin, j'interpelle les groupes et je me demande : Est-ce
qu'on ne devrait pas, en tant que législateur, définir, à l'intérieur du projet
de loi, les termes «sédation palliative terminale»? Donc, voici ce qu'on entend lorsqu'on parle de sédation palliative
terminale dans ce projet de loi là, voici ce qu'on entend lorsqu'on utilise
le terme «aide médicale à mourir». Pourquoi? Parce que ce qui se conçoit bien s'exprime
clairement. Et donc il semble y avoir
tellement d'interprétations qui soient accordées à ces termes-là, selon les
différents groupes à qui on s'adresse.
Et on sait que l'aide médicale à mourir, c'est
un acte vraiment spécifique, qui est accompli dans un contexte particulier, et
sujet à des conditions précises, et ce n'est pas simplement de l'euthanasie,
comme certains voudraient que ce soit perçu. Et donc, afin d'éviter les dérives, je me
questionne : Est-ce qu'on ne devrait pas, comme on l'a fait pour d'autres termes, à l'article 3, définir ces
termes-là? Certains nous disent : Non parce que, dans le milieu, tout le
monde sait de quoi on parle, et d'autres
nous ont dit… comme le Collège des médecins, ils nous ont dit : Bien,
peut-être qu'on devrait prendre le temps de bien définir.
Le Président (M. Bergman) : M.
Paradis.
M. Paradis (François) : Je
répondrais à ça : Si on a défini ce qu'est un établissement, pourquoi on
ne définirait pas ce qu'est l'aide médicale
à mourir? Je pense que oui, il faut définir les termes. On pourra discuter de
qu'est-ce que ça représente puis en arriver à un consensus ultime, mais il
faut, à la fin, que ce soit bien défini pour que chacun comprenne la même
chose. Puis, quand je dis «chacun», je parle des professionnels, parce que ça
peut paraître clair aux yeux de certains,
mais il y a des nuances, et que ce soit clair aux yeux de la population
aussi, parce que ce qu'on vise, c'est que la population comprenne bien de quoi il s'agit.
Alors, oui, nous, on pense qu'il faudra que les termes soient... qu'on
ait d'abord un consensus, mais je pense que ça, c'est assez facile à obtenir,
mais qu'ils soient définis dans le projet de loi.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Gatineau.
Mme Vaillant (Linda) : En fait...
Mme Vallée : Merci. Oui?
Mme Vaillant (Linda) : Si je peux me
permettre de compléter, la...
Le Président (M. Bergman) :
Mme Vaillant.
Mme
Vaillant (Linda) : Cette
discussion-là qu'on a eue avec nos experts en soins palliatifs — on
avait 25 ou 26 pharmaciens qui sont dans les équipes un peu partout au Québec — nous
a amenés à conclure que la définition des
termes est nécessaire. Et là on n'en est même pas à parler de la population, on
en est à parler des experts qui, eux, ont à appliquer les protocoles.
Quand on a lu «sédation palliative terminale», les gens entre eux se sont mis à
se dire : On parle de l'utilisation de quelle molécule, là? Quand on dit
«terminale», on veut dire qu'on ajoute un barbiturique? Qu'est-ce qu'on veut dire? C'est une sédation régulière comme on la fait
d'habitude, avec telle ou telle molécule? Ce n'était pas clair, et c'est ces gens-là qui voient à tous
les jours de la sédation palliative. Alors, d'ajouter le «terminale», oui,
je comprends que c'est peut-être clair du point de vue du législateur, mais
dans les faits, ce ne l'était pas pour le groupe d'experts à qui on s'est
adressés.
Maintenant, si on se met dans la perspective du
patient, il faut aussi définir les choses. Moi, je me souviens d'une époque où j'ai pratiqué en oncologie une
dizaine d'années, et les patients, le jour où on commence à vouloir leur
dire qu'ils vont devoir utiliser de la
morphine pour contrôler la douleur, ne voulaient pas la prendre, refusent de
prendre ça, parce qu'ils ont l'impression que ça les mène vers la mort. Alors,
il y a tout un enseignement à faire. Et ce n'est pas du tout le cas, il y a des
patients qui vivent pendant des années sous morphine.
Alors là,
nous, ça nous apparaît vraiment une préoccupation centrale que, dans le projet
de loi, on définisse bien les termes
et que tant les professionnels que les gens dans la population en général
comprennent bien de quoi il s'agit. On parle d'aide à mourir, on parle d'aide
à mourir. On parle de sédation terminale. Qu'est-ce que c'est? Ça utilise quel
type de molécule? Je comprends qu'on est dans du détail et que ce ne sera pas
rédigé textuellement dans le projet de loi, mais il faut au moins que les gens
qui vont avoir à appliquer ça sur le terrain comprennent bien de quoi il s'agit.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, ceci met fin au premier bloc de
l'opposition officielle. Le deuxième bloc, le gouvernement. Mme la
ministre.
Mme
Hivon : Oui. Merci
beaucoup. Quand vous demandez peut-être de revoir, donc, la loi pour
justement... d'élargir et de ne plus parler uniquement «dans le but de
[rétablir ou maintenir] la santé», en fait, je me questionne déjà à savoir si, dans l'état actuel des choses,
ça couvrait assez large, compte tenu justement des sédations palliatives
qui se font, et tout ça. Mais, enfin, pour le futur, je vous suggérerais qu'à l'article
63 du projet de loi on vient proposer la modification pour ce qui concerne la
Loi médicale. Donc, en fait, ça pourrait être une modification similaire où on parle du soulagement des symptômes aussi, et, pour
élargir le spectre, un peu, de votre champ, donc, il faudrait voir avec
les adaptations nécessaires. Mais je reçois ça avec beaucoup d'ouverture, ce
que vous nous dites.
Pour s'assurer qu'il y a une conformité, je
pense que ce serait peut-être mieux de le rédiger plus largement que juste en faisant référence, par exemple, à une
disposition, ou pour s'assurer aussi qu'on couvre peut-être la pratique
évolutive des soins palliatifs qui sont plus... Peut-être que certains diraient
que ça maintient la santé, mais, en même temps, c'est plus là, je pense, pour
soulager les symptômes accompagnés. Donc, on serait peut-être plus conformes
aussi avec la pratique générale des soins palliatifs. Vous hochez de la tête,
vous êtes d'accord? Parfait.
Pour
ce qui est de la composition de la commission, je vous dirais que c'est certain
que tout le monde va vouloir s'assurer d'être sur la commission. Donc, l'idée,
c'est de se donner peut-être une certaine flexibilité pour voir aussi, à l'usage, quels types, je dirais, d'expertises
risquent d'être nécessaires, parce que vous recommandez, en fait,
médecins, pharmaciens et infirmières. Mais les
psychologues et les travailleurs sociaux, qui représentent plus l'aspect
social, vont peut-être venir nous dire qu'eux
aussi, on devrait les prévoir expressément. Donc, j'aimerais ça que vous me
disiez que vous pensez que garder quand même une certaine flexibilité pour la
composition, je dirais, de l'équipe plus médicale
pourrait peut-être être une bonne chose, parce qu'en fait vous venez dire
«nous, mais aussi les infirmières», mais je comprends, en quelque sorte, que le social est exclu de la
proposition que vous faites. Donc, comment on s'assurerait d'une juste représentativité? Ils s'en viennent
nous voir, eux autres aussi, les travailleurs sociaux puis les
psychologues.
M. Paradis
(François) : Oui, je comprends.
Le Président (M.
Bergman) : M. Paradis.
• (21 h 10) •
M. Paradis
(François) : Oui, je comprends. Mais, écoutez, sur, bon, deux
médecins, un médecin, je pense que… Le sens de ce qu'on vous dit, c'est que… Parce
que, je veux dire, on s'entend, là, que, sur les équipes de soins palliatifs,
les travailleurs sociaux… Bon, il y a d'autres gens qui ont un apport qui est
très significatif. Par contre, au quotidien, ce qu'on observe la plupart du
temps, c'est le trio, et c'est ce trio-là pour lequel nous croyons qu'il doit être représenté, au sein de la commission, de façon statutaire. Est-ce
que ça sera à géométrie variable? Écoutez,
ça serait à voir. Mais ce sont ces trois professionnels-là qui, au
quotidien, ont le plus d'interactions avec les patients en soins palliatifs,
sans enlever quoi que ce soit aux autres professionnels.
Donc, à cet égard, on
pense qu'il devrait y avoir, à tout le moins, un pharmacien et une infirmière
sur la commission. Est-ce qu'on peut jouer avec le nombre de médecins? Écoutez,
on ne se prononcera pas là-dessus, mais c'est clair que ça prend au moins un
médecin, puis on pense que ça prend minimalement aussi un pharmacien, une
infirmière parce que c'est le noyau dur, je dirais, des équipes de soins
palliatifs.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon : Oui.
Alors, c'est ça, je vous entends très
bien, on va prendre la meilleure
décision dans tout ça. Mais je pense qu'il faut être conscients aussi
que le rôle de la commission, c'est peut-être un petit peu différent aussi du rôle au quotidien d'une équipe de soins palliatifs, donc il y a un rôle, évidemment, de vigie, de contrôle, puis il y a un rôle aussi d'évaluation. Donc,
nous, notre défi, ça va être de s'assurer d'avoir la meilleure mosaïque, je
dirais, pour remplir le mandat de la commission.
Et,
à cet égard-là, je voulais simplement vous dire que… parce qu'on l'a entendu aussi ce matin, je crois, qu'il y a deux… parce que
vous dites qu'il devrait y avoir un rapport annuel, qu'un rapport aux cinq ans
c'est trop long. En fait, il y a les deux modalités. Donc, il y a un rapport
annuel pour les activités de la commission, donc c'est prévu un petit peu plus loin dans l'article, et il y
a... Pour ce qui est, je vous dirais, de l'évaluation de l'organisation des
soins, de la disponibilité, de l'évolution,
un peu, des soins palliatifs et des pratiques de fin de vie, là, c'est un
rapport aux cinq ans. Mais il y a aussi un rapport annuel, si vous
voulez, d'activité de la commission. Puis pourquoi mettre un rapport aux cinq
ans pour l'évaluation plus de l'évolution des choses? Bien, c'est justement
pour se donner quand même une période sur
laquelle on peut évaluer les tendances : Est-ce que l'accès aux soins
est amélioré? Est-ce que les pratiques sont conformes à ce qu'on
avait prévu? Donc, c'est un peu ça, l'idée d'avoir les deux volets. Donc, je
voulais juste le porter à votre attention.
Et,
dernier point que j'aimerais aborder, c'est peut-être la pratique
spécifique, en soins palliatifs, des pharmaciens en établissement. Un peu
comme la première question que j'ai posée à vos prédécesseurs : Est-ce que
c'est courant, est-ce que
c'est quand même bien répandu d'avoir, en quelque sorte, des pharmaciens experts en soins
palliatifs ou, sans être experts, je dirais, bien connaissants en soins palliatifs dans les établissements? Et est-ce
que ça diverge beaucoup, est-ce que c'est très différent d'un
endroit à l'autre au Québec?
Le Président (M.
Bergman) : M. Paradis.
M. Paradis
(François) : C'est à géométrie variable, effectivement. Il y a des
endroits où les soins sont plus développés, où il y a des pharmaciens sur les
équipes de soins. Il y a d'autres établissements où le pharmacien va être mis à
contribution, mais de façon moins systématique. Il y a des endroits, bien, où
ils ont très peu d'effectifs, où ils n'ont
pas mis en place… soit l'équipe n'est pas en place ou soit le pharmacien ne
peut pas en faire partie parce qu'il y a un manque d'effectifs. Donc, c'est
vraiment à géométrie très variable. On ne pourrait pas vous dire un pourcentage,
là, mais, effectivement, il y a des disparités à travers le Québec.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la ministre.
Mme
Hivon :
Merci. Pour ce qui est des médecins en soins palliatifs, je sais qu'il y a
comme certains pôles. On pense notamment à la Maison Michel Sarrazin, qui, en
fait, fait office un peu de référence pour des médecins qui n'auraient pas
toujours toutes les connaissances ou qui feraient face à un cas qu'ils n'ont
jamais vu. Est-ce que, dans le cadre du
travail des pharmaciens en établissements, qui sont dans des plus petits
établissements, où ils ont peut-être moins de cas, périodiquement, de
soins palliatifs ou de situations difficiles, ce même genre d'organe de
référence ou d'expertise existe pour les pharmaciens?
Le Président (M. Bergman) :
M. Paradis… Mme Vaillant.
Mme
Vaillant (Linda) : Oui. En fait, les équipes… les vrais experts, là,
ceux qui sont vraiment couramment exposés aux équipes de soins, je vous dirais,
ils ne sont pas très nombreux. On parle de moins d'une cinquantaine de personnes.
Maintenant, d'autres pharmaciens font partie de l'équipe; ils font quand même
des soins palliatifs, mais peut-être pas 100 %
de leur temps, là. C'est pour ça qu'on trouvait essentiel, dans le projet de
loi, de prévoir que l'expertise soit disponible, même si elle ne l'est
pas localement, physiquement partout, qu'on tire profit de ce qu'on a fait avec
le réseau de la santé, c'est-à-dire la
création des réseaux locaux, que l'instance locale soit utilisée. Et, si ça, ce
n'est pas possible, qu'on se rende
régionalement au niveau du RUIS, de manière à ce que l'expertise puisse, elle,
à distance, être disponible pour les intervenants localement. Parce que
ça ne sera jamais possible, à notre avis, d'avoir des équipes interdisciplinaires partout, formées, bon,
hautement qualifiées, sauf que ça devrait être possible aujourd'hui de
rendre ces équipes-là... de les amener, à distance, à appuyer, je dirais, les
intervenants localement.
Le Président (M.
Bergman) : Madame... Alors, pour l'opposition officielle, le
deuxième bloc, M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Merci
de votre présentation. Moi, je vais revenir sur trois points. Le premier
point, c'est la question des membres de la commission. Moi, j'adhère bien à
votre suggestion d'avoir au moins une infirmière et puis un pharmacien, parce
que, comme de fait, c'est le trio qui est dans les soins directs.
Par contre, j'ai un
grand malaise à ce qu'on n'ait pas le côté social, dont, entre autres,
travailleur social et psychologue. En tout
cas, une des suggestions qu'on pourra regarder, parce qu'on va en discuter, ça
serait peut-être : au lieu d'être
sept, ils devraient être neuf. La problématique qu'on a... La problématique que
je vois là-dedans, c'est que, quand
tu exclus des gens, tu perds une expertise. Mais, si c'est un dossier si
important que ça, que les gens sont prêts à l'amener à l'Assemblée
nationale, ça doit être assez important pour que toute l'expertise soit autour
de la table. Et probablement qu'on va s'éviter des problèmes par la suite.
Ça
fait qu'on va travailler le projet de loi, on va dire qu'on était là pour le
bonifier. Mais moi, je vois très mal qu'on n'ait pas une infirmière puis
un pharmacien sur ce comité-là. Je vois très mal aussi qu'on n'ait pas un
psychologue puis un travailleur social, parce qu'on prêche l'interdisciplinarité.
Je ne sais pas ce que vous en pensez, là.
Mme Vaillant (Linda) : Honnêtement, je... C'est sûr qu'on ne peut pas ne
pas être d'accord avec ça. Moi, j'ai été un peu surprise de la réponse
de certains groupes de médecins quand on leur pose la question sur la
composition de la commission, où ça leur
semble complet. Alors, je me dis : Il y a peut-être encore un problème
dans la réalité, là, à avoir de l'interdisciplinarité partout. On ne
peut pas avoir que des médecins sur cette commission-là. Alors, je trouve
curieux, quand même, que, quand on demande à des groupes de médecins qui ils
verraient avec eux pour travailler là-dessus, il ne semble pas y avoir de
réponse qui convienne.
Je suis d'accord par
rapport à l'expertise des services sociaux. On a parlé de l'INESSS un peu plus
tôt. On le vit beaucoup avec l'INESSS, cet
arrimage entre les services sociaux et les services de santé. Donc, il y a une
pertinence. Est-ce que c'est nécessaire, un peu comme Mme la ministre le disait
tantôt, que tout le monde soit là tout le temps? Bon, peut-être pas. Il y a sûrement des questions à se poser là-dessus,
mais il faut nécessairement recourir à l'expertise de tous ceux qui sont
requis au moment où c'est pertinent. Et la commission est perçue comme le chien
de garde de cette loi-là dans la population,
donc c'est essentiel que sa composition soit faite d'experts à tous niveaux, à
tous points de vue. Alors, nous, on est là… Parce qu'on est des
pharmaciens, on pense qu'on devrait y être, mais évidemment on comprend aussi
que, dans l'équipe de soins, il y a d'autres professionnels qui pourraient être
pertinents.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
• (21 h 20) •
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le Président. À première vue, je
pense que tous les membres devraient être là avec la représentation, parce qu'il
y a un développement de la pensée, et, quand on en exclut un ou qu'il vient seulement qu'à l'occasion, ça n'a pas le même
effet sur le groupe. Donc, je pense qu'on va y aller dans cette
perspective-là. C'est peut-être une suggestion que nous allons apporter.
Ça m'amène à l'INESSS.
Quand on a fait la discussion tantôt... Dans la loi, c'est marqué «les
pratiques standard». Moi, je verrais bien
que, dans la loi, on donne le mandat à l'INESSS, tout simplement. Ça va éviter
les chicanes après, ça clarifie les
mandats. Puis, quand vous regardez la Loi sur l'INESSS, il va travailler en
collaboration avec chacun des ordres professionnels. Et l'INESSS a été
mis en place justement pour éliminer le pouvoir d'une organisation par rapport
à une autre, que ce soit l'Ordre des pharmaciens, le Collège des médecins, l'ordre
des infirmières... Ça fait que l'INESSS est capable de faire cet arbitrage-là
et de faire la coordination.
Et,
à la fin, je vous dirais, c'est moins compliqué, ça, que de donner la
responsabilité à un ordre qui, à ce moment-là... les autres ordres sont
pratiquement assujettis, alors qu'au niveau de notre droit professionnel ce que
je trouve qui est intéressant… Théoriquement, chacun a sa responsabilité, mais
il y a quand même une répartition, puis on veut que les ordres, à un moment
donné, collaborent de façon équitable, qu'ils soient également reconnus comme
étant équitables. Donc, je pense qu'on va en discuter également. Mais ça, ça
serait un élément que je verrais.
Puis
de dire : Bien, on va régler ça après, ou les standards seront réglés
après... C'est dans la loi, on a ça ici. Puis, actuellement, c'est la
coutume, même quand un autre professionnel veut valider un... ou donner de la
crédibilité à un de ses protocoles, ils vont le référer à l'INESSS, qui va le
diffuser à l'ensemble de la population.
Ça fait que je ne sais
pas si vous avez un commentaire là-dessus, là?
Le Président (M. Bergman) :
M. Paradis.
M. Paradis
(François) : Vous allez dans le même sens de ce qu'on a exposé, tout à
fait.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
…de parler?
Une voix : Oui…
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) :
Bon. Je ne peux pas toujours être d'accord. D'habitude, je me garde toujours un
point de désaccord. J'en ai trouvé un.
Pour ce qu'il s'agit de la
question d'avoir des médecins, dans la communauté, membres du CMDP, là… Le CMDP, c'est… L'autre affaire, c'est que les
médecins du CMDP vont demander à ce qu'ils aient des obligations, et, à
ce moment-là, ça a des implications. Je
pense qu'on peut tout revoir la façon de fonctionner dans un CSSS, mais,
encore là, on va devoir avoir des
discussions. C'est certain que le médecin qui pratique en bureau privé, qui
fait des soins palliatifs, qui n'est pas relié à un établissement de
santé, il faut qu'on trouve un lien à quelque part. De faire partie du CMDP, c'est peut-être une solution, mais il va falloir s'entendre
qu'ils n'auront pas toutes les autres obligations. Et là vous allez voir
les autres médecins — pour
bien les connaître — qui
vont crier à l'injustice. Ça fait qu'on va en discuter, on va trouver un
modèle, le DRMG également.
Je pense qu'au Québec, à un moment donné, on
reste à l'intérieur d'un modèle fixe, ce qui fait qu'on a de la difficulté à
développer puis à améliorer. Il y a peut-être une nouvelle façon de penser qu'on
va essayer de trouver. Sinon, bien, le CMDP,
je pense, ça peut être un élément intéressant. Également que l'évaluation
médicale soit… qu'il y ait des normes
qui soient faites par l'Association des conseils des médecins, dentistes et
pharmaciens. Ça, je serais relativement favorable parce que, dans la
loi, la responsabilité de l'évaluation médicale, au niveau des établissements,
relève d'abord du CMDP.
Par contre, il faut que ce soit
fait en collaboration avec le collège, qui… Théoriquement, le médecin qui est dans un cabinet privé, qui n'a pas de lien avec un
CMDP, c'est le Collège des médecins qui, ultimement, va devoir s'en occuper. Mais il faut dire que le collège, on leur
en demande beaucoup, là, ça fait qu'il va falloir juste valider, en
termes de charge de travail, si ça peut être
raisonnable ou pas. Mais, encore là, on va trouver une solution. Mais on va
prendre le temps de le regarder parce que…
C'est ça qui est difficile dans la loi, ce n'est pas le grand principe,
c'est l'aménagement des petits détails, et, quand on est sur le terrain, bien, le petit détail fait
que, par la suite, quand on a une évaluation, on dit : Ça n'a pas
fonctionné, pourquoi? Parce qu'on n'avait pas prévu ça. Sans dire qu'on peut
tout prévoir, au moins, on va essayer de mettre une structure en place qui va
répondre à la demande. Ça fait que là-dessus je serais peut-être un petit peu
en discordance avec vous, mais je suis prêt à être convaincu, par contre.
Le Président (M. Bergman) :
M. Paradis, commentaire?
M. Paradis (François) : Oui, bien,
peut-être, là-dessus, vous l'avez dit, l'important pour nous, c'est qu'on
trouve une façon que ce médecin-là ne soit pas comme un genre d'électron libre,
puis qu'il y ait des processus pour… entre
autres, des processus d'évaluation de l'acte médical qui s'appliquent aussi à
ces médecins-là pour s'assurer que tout va se faire dans l'ordre. Mais
les modalités, regardez, ça peut être autre chose, là.
Mme Vaillant (Linda) : En fait, on
mandate le CMDP de procéder à une certaine évaluation; il va recevoir les avis.
Donc, on se disait, par rapport à la CMDP… C'est un moyen, là, ce n'est
peut-être pas quelque chose qui va directement
dans la loi, mais il faut quand même penser que les CMDP, à l'heure actuelle,
ont, dans leurs responsabilités, cette notion d'évaluer l'acte, et j'aimerais
ça qu'on en fasse un inventaire, là, mais je ne suis pas convaincue qu'il y a
énormément d'évaluations de l'acte qui se fait au quotidien parce que c'est
lourd, c'est un processus qui est extrêmement lourd.
Donc, on ajoute cet acte-ci, où on dit : Maintenant, transmettons
ça au CMDP, et on lui demande de l'évaluer. Nous, on est persuadés qu'il
faut que ça se fasse, cette évaluation-là. Mais, pour aider les CMDP à le
faire, parce que… On sait ce que c'est, on
siège là, au CMDP, là : c'est énorme, toute la logistique autour des
responsabilités du CMDP, et arriver à
faire ça, ce n'est pas évident. On se disait : Il faudrait qu'il y ait
peut-être une organisation — et le CMDP, ça tombe sous le sens — qui soit mandatée pour aider les CMDP, ne
serait-ce que définir le programme d'évaluation, mettre les critères en
place puis permettre que ça s'organise.
Ensuite, l'idée que le
pharmacien… que le médecin soit membre ou non du CMDP, c'est juste une question
de procéder à l'évaluation de l'acte. Mais, vous avez raison, le Collège des
médecins aussi a nécessairement cette responsabilité-là
sur le médecin. Mais on demande au médecin qui a administré l'aide à mourir de
transmettre son avis au CMDP de l'instance locale. Donc, on trouve ça un
peu incohérent.
Le Président (M. Bergman) :
M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Juste pour rajouter à la réflexion, puis je
ne l'ai vu dans aucun mémoire, le CMDP, c'est
le Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, dont font partie des
pharmaciens, lorsque nous arrivons au niveau
des pharmacies communautaires, il va falloir se poser la question : Est-ce
qu'on va faire deux règles, on va faire une seule
règle? Est-ce que ça relève des deux ordres professionnels ou encore on
pourrait dire qu'au même titre que… même si
on n'est pas habitués, si la pharmacie communautaire pourrait avoir l'évaluation
parce qu'il faut évaluer l'épisode de soins et, si chacun est évalué
indépendamment, je pense, ça ne donne pas un aussi bon résultat.
Donc, encore là, je
suis content que la ministre a plusieurs journées, j'espère, de libres pour
faire cette réflexion-là, mais ça va être
des choses qu'on va devoir regarder parce qu'à la fin le modèle qu'on va mettre
en place, c'est le modèle qui va être fixe pour un certain nombre d'années.
Mais c'est des nouvelles affaires, on n'avait pas ça auparavant — avant
ça, c'était communautaire-établissement, mais je pense qu'on se sort de ce
modèle-là — qui,
pour moi, est très bon, parce que maintenant
les soins doivent être intégrés par CSSS. Et les professionnels, quel que soit
l'endroit que vous pratiquez, vous devez avoir des liens avec les autres, et
vous n'êtes pas déconnectés de la réalité du patient. Ça fait que je pense que
ça va être des réflexions à avoir.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Gatineau, il vous reste une
minute.
Mme Vallée :
Bien, une minute, ouf! Bien honnêtement, là, je…
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Je l'ai prise par surprise, M. le Président.
Mme Vallée :
Oui, effectivement, c'est rare qu'il me laisse du temps.
M.
Bolduc
(Jean-Talon) : Je l'ai comme prise par surprise, je n'avais pas calculé le temps, M. le Président. On va tous faire une réflexion.
Le Président (M.
Bergman) : Alors, ceci met fin au bloc de l'opposition
officielle. Pour le deuxième groupe d'opposition, Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault :
Merci, M. le Président. Alors, merci d'être présents avec nous. Ce que j'ai
compris, ce que j'ai retenu… Je pense
que, pour vous, il y a une importance d'avoir une uniformité de
protocole à l'ensemble du Québec, si je ne me trompe pas, et… ce qu'on ne retrouve pas nécessairement
dans le projet de loi actuel. Par
contre, tout à l'heure, vous m'avez surpris en
disant, bon, qu'effectivement il n'y a peut-être pas une uniformité de connaissances
au sein des pharmaciens qui oeuvrent dans
les centres hospitaliers dans l'ensemble du Québec. Et probablement que vous n'avez
pas regardé jusqu'ici, mais je pense que peut-être…
Je vais vous poser la
question : Est-ce qu'il y a une façon de s'assurer qu'il y ait une
uniformité aussi dans la transmission du savoir, dans la formation des équipes
à l'ensemble du Québec? Parce que, dans le fond, pour moi, c'est aussi important qu'il y ait la même qualité
de services de soins en fin de vie, peu importe la région du Québec où
on se trouve. Alors, est-ce que vous avez pensé à une façon de s'assurer du
suivi de ça et d'une qualité uniforme aussi?
Le Président (M.
Bergman) : M. Paradis.
M. Paradis
(François) : Quand on parle de qualité uniforme ou d'expertise
uniforme, on parlait tantôt de La Maison Michel Sarrazin, les pharmaciens qui
pratiquent là, forcément, ont développé une expertise pointue en soins palliatifs. Et ça, c'est vrai pour d'autres
secteurs comme, par exemple, l'Institut de cardio à Montréal,
où les pharmaciens qui sont là ont
développé une expertise pointue en cardiologie, que leurs collègues, ailleurs… en tout cas, aux endroits où ils ne font pas de cardio, de «soins pals», n'auront
pas développé cette expertise-là.
C'est
sûr qu'il faut viser un niveau de connaissances qui soit adéquat
pour faire… offrir la gamme de soins qui est requise, mais on n'échappera pas au fait qu'on aura toujours
des experts, et le défi, c'est de trouver des façons pour que ces
experts-là communiquent leur savoir. Le guide que vous avez en main, c'en est
un exemple et c'est vraiment ça, l'objet de nos regroupements de pharmaciens
experts, c'est que ces gens-là qui ont développé vraiment un savoir particulier, pointu, sont capables de créer des
outils, sont capables de… ça peut être des forums de discussion, il y a toutes sortes de moyens qu'on peut prendre, mais pour communiquer cette
expertise-là. Parce qu'on ne fera
jamais de tous les pharmaciens du Québec des experts en oncologie, en
soins palliatifs, en néphrologie, nommez-les, c'est impensable.
Donc, le
niveau de connaissances doit être adéquat, c'est clair, mais il faut aussi s'assurer
qu'on va maintenir cette expertise-là au
niveau des pharmaciens pour qui c'est une pratique quotidienne et s'assurer que
cette expertise-là sera partagée.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Groulx.
Mme
Daneault : Merci. Est-ce que vous le voyez plutôt dans une
formation continue, ou dans un travail en ligne, ou avec
personne-ressource?
M. Paradis
(François) : Écoutez, ça peut prendre différentes formes. C'est sûr qu'au
niveau de la formation, dans le curriculum de base, il y a déjà des choses qui
sont prévues. C'est clair qu'en formation continue on n'en a jamais assez, je pense que ça peut être un vecteur. Écoutez, il y a toutes sortes de possibilités, s'assurer aussi
que cette formation continue là, ce ne sera pas ponctuel à un moment
donné parce que, par exemple, la loi entre en vigueur, mais que, par la suite, de
façon récurrente, ces formations
continues là seront présentes. Ça fait qu'il
y a différents modèles, ça
peut être en ligne, ça peut être…
Mme
Daneault :
Mais le…
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Groulx... Mme Vaillant.
Mme
Vaillant (Linda) : Je
voulais juste dire que le réseautage est absolument essentiel. On vit beaucoup la même chose en
oncologie, où il y a des gens qui font de l'oncologie dans des régions
où il y a quelques traitements par semaine, mais qui ont besoin de recourir à des experts qui,
eux, en font à la semaine longue avec un plus haut volume. Donc, ce qu'il
faut, c'est mettre les gens en réseau. Nous, on essaie de le faire entre nous,
mais ici ce seraient les équipes qui pourraient peut-être être mises en réseau.
Le Président (M. Bergman) : Mme
la députée de Groulx, il vous reste une minute.
• (21 h 30) •
Mme
Daneault : Bien,
en fait, je pense que la notion de groupe puis de multidisciplinaire, de
groupes multidisciplinaires est très importante,
autant du point de vue du corps médical que du pharmacien, que de
l'infirmière. Alors, je pense
que ce projet de loi va permettre aussi de sensibiliser, mais de
regrouper tous ces experts-là afin d'avoir un meilleur traitement, un
traitement optimal, effectivement, et avoir des traitements adéquats aussi, et
l'aide médicale à mourir aussi, mais dans un contexte où on a uniformisé les
protocoles et la qualité des soins à l'ensemble du Québec.
Le
Président (M. Bergman) : Malheureusement, le temps s'est écoulé. Alors, M. Paradis,
Mme Vaillant, on vous remercie pour votre présentation, d'être ici
avec nous ce soir.
Collègues, la commission ajourne ses travaux jusqu'à
demain, mercredi le 18 septembre 2013, après les affaires courantes afin de poursuivre les consultations particulières et
les auditions publiques sur le projet
de loi n° 52. Merci, collègues.
(Fin de la séance à 21 h 31)