(Neuf
heures trente et une minutes)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Bonjour, tout le monde. Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance
sur la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de
fin de vie ouverte.
Aujourd'hui, nous
procéderons aux consultations particulières et aux auditions publiques sur
l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire :
Non, Mme la Présidente.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci. Je demanderais également le
consentement pour permettre au député de Chomedey d'assister à la séance.
Consentement? Merci, tout le monde. Donc, bienvenue.
Auditions (suite)
Et, cet avant-midi,
nous entendrons par visioconférence les groupes et témoins suivants : la
Fédération des médecins spécialistes du
Québec, le Regroupement des organismes de base en santé mentale des régions de
la Mauricie et du Centre-du-Québec et Mme Kim L. Giard.
Donc, sans plus
attendre, je vous présente nos premiers invités de la journée, la Fédération
des médecins spécialistes du Québec, avec leurs représentants, le Dr Vincent
Oliva, président, et la Dre Karine Igartua, conseillère.
Donc,
bienvenue. Merci d'être avec nous ce matin. La procédure, c'est que vous
disposez de 10 minutes, comme on vous l'a expliqué sûrement, pour
faire votre exposé, et, par la suite, il y aura un échange avec les membres de
la commission pour une période de 35 minutes. Donc, je vous cède
maintenant la parole.
Fédération des médecins
spécialistes du Québec (FMSQ)
M. Oliva (Vincent) : Bonjour, Mme la Présidente. Mmes et MM. les
parlementaires, bonjour à tous et à toutes. On veut d'abord remercier la
commission pour l'invitation qui a été faite à la fédération. Moi, je suis le
Dr Vincent Oliva. Je suis
radiologiste d'intervention et aussi
président de la Fédération des
médecins spécialistes, accompagné du Dre Igartua, qui est médecin
psychiatre et secrétaire du conseil d'administration de la fédération, qui
représente 10 000 médecins spécialistes dans 59 spécialités
médicales, chirurgicales et de laboratoire.
Donc, le mémoire de
la fédération est basé sur deux critères, le droit à l'autodétermination et le
respect des volontés du patient. Donc, moi,
je vais aborder les demandes anticipées et de l'aptitude, et laisserai le soin
à Dre Igartua d'aborder la question de l'aide médicale à mourir pour les
troubles mentaux.
Si
l'action de prodiguer des soins de fin de vie est majoritairement confiée aux
médecins de première ligne, il n'en demeure
pas moins que les médecins spécialistes sont au coeur du continuum de soins de
ces patients-là. Il y a différentes spécialités,
neurologues, gériatres, psychiatres, oncologues, pour ne nommer que celles-là,
qui accompagnent tous les jours les patients dans différents
cheminements de soins qui mènent, bien souvent, à la fin de vie. Donc, les
médecins spécialistes sont formés, évidemment, pour prodiguer des soins de
confort, des soins palliatifs, la gestion de la douleur, ils sont présents pour accompagner et renseigner les patients
sur l'évolution de leur maladie et leurs impacts sur leur santé autant
physique que mentale. Donc, les médecins spécialistes sont vraiment au coeur
des problèmes qui touchent l'aide médicale à mourir.
Dans un sondage mené
par la fédération auprès de ses membres l'année dernière, il est sorti que les
médecins croient, dans une grande, grande
majorité presque absolue, que l'équipe soignante doit respecter l'autonomie
décisionnelle du patient, même si
cette volonté est en contradiction avec celle de la famille. Il s'agit d'un
plaidoyer très fort parce que les patients ont droit à
l'autodétermination. Ils sont les spécialistes de leur corps et de leur esprit.
J'en profite pour
mentionner que ces volontés sont trop souvent ignorées par manque
d'accessibilité dans le Carnet santé Québec
ou encore dans le Dossier santé Québec, dans le DSQ. Donc, ces informations ne
sont pas toujours présentes.
Donc, les médecins spécialistes réaniment ou prodiguent des soins qui ne sont
parfois pas désirés et qui n'auraient pas dû l'être faute d'avoir obtenu
l'information au bon moment. Puis, ça, on note que c'est une situation qui ne
devrait pas se produire en 2021.
Pour
en revenir au coeur de notre discussion, on se permet d'inviter les membres de
la commission à considérer trois cas
d'espèce qu'on rencontre comme médecins spécialistes, dans le cadre de notre
pratique médicale, qui nécessitent une réflexion différente relativement
à des demandes anticipées d'aide médicale à mourir.
Premièrement,
il y a le cas d'une personne qui perd l'aptitude entre le moment de la demande
et son administration. Donc, c'est une situation qui est actuellement
prévue par la loi dans un contexte donné.
Deuxièmement,
il y a celle d'une personne qui reçoit un diagnostic de maladie grave ou
incurable et, en prévision de son inaptitude, doit donc statuer.
Autrement dit, un patient, des fois, reçoit un diagnostic de cancer ou de
maladie dégénérative, mais les symptômes de la maladie ne
sont pas encore apparus, donc on doit anticiper cette situation-là, puis c'est
une situation qui est un petit peu particulière.
Puis un troisième cas de figure, qui est encore
plus hypothétique, mais c'est le cas, par exemple, d'un patient qui est comme
vous et moi, j'espère, qui est en parfaite santé, et qui n'a pas de maladie
dans l'horizon, et qui est, par exemple, dans un accident de la route, ou un
accident vasculaire cérébral, et donc qui se retrouverait éventuellement dans une situation de souffrance qu'il n'avait pas anticipée, mais
il pourrait être dans une situation où il n'est pas apte à demander l'AMM mais
pourrait prévoir que, dans cette situation-là, il aurait voulu recevoir l'AMM.
Donc, encore une fois, c'est une situation plutôt hypothétique, mais qu'on retrouve
de temps en temps. Et ces patients-là, on croit, doivent pouvoir avoir un
recours.
Donc, dans ces trois cas d'espèce, la question
de la souffrance et donc de son anticipation est différente. La notion de consentement, la possibilité de le renouveler l'est aussi, et, entre un diagnostic et l'administration de l'AMM, il y a plusieurs étapes, dont l'évolution, la
manifestation des symptômes, les différents traitements, etc. Donc, dans le
cadre de ce processus, le patient obtient l'ensemble des informations médicales
qui lui permettent de prendre une décision
libre et éclairée. On croit, donc, que les parlementaires pourraient
envisager de prévoir un encadrement législatif qui est propre à chacune de ces
conditions médicales et, le cas échéant, faire appel à des experts dans chacun
des domaines de soins concernés pour pouvoir prévoir, justement, les situations
qui sont spécifiques à ces cas de figure. Donc, certains éléments nous
apparaissent importants en matière de demande anticipée d'aide médicale à mourir.
En particulier, au moment de rédiger la demande anticipée, le
patient est-il en mesure de prendre une décision libre et éclairée?
Dans un tout autre ordre d'idées, nous jugeons
important d'aborder la question des délais entre le cadre de la dispensation de
l'aide médicale à mourir de façon générale. La loi fédérale vient créer deux
catégories de patients, ceux dont la mort est raisonnablement prévisible et
ceux dont la mort ne l'est pas, et cette façon de faire vient heurter l'idée fondamentale du respect de la volonté de la
personne. Lorsqu'une personne, en toute liberté, en toute conscience,
en toute connaissance de cause, prend
la décision de demander l'aide
médicale à mourir, lui imposer un
délai de trois mois, par exemple, de souffrance supplémentaire pourrait, dans
certains cas, s'apparenter à un discrédit de sa démarche, voire à une
négation de sa douleur. Donc, un tel critère semble contraire aux valeurs de
compassion et d'humanisme qui devraient imprégner la loi.
Donc, je cède maintenant la parole à ma
collègue, Dre Igartua, qui va nous parler de santé mentale.
• (9 h 40) •
Mme Igartua (Karine) : Merci,
Dr Oliva. Mmes et MM. les membres de la commission, les discussions sur l'aide médicale à mourir répondent à un certain consensus social aujourd'hui, mais il semble que, ce consensus, il y en a qui questionnent s'il tient aussi pour la maladie mentale.
Je veux vous dire qu'il le devrait. Depuis longtemps, pour les médecins, la santé mentale n'est pas
dissociable de la santé physique. Les troubles mentaux affectent le fonctionnement physique du corps, et l'état
mental influence aussi la douleur physique. Les maladies physiques ont un
impact sur l'état mental d'une personne. Donc, lorsqu'on évalue la condition
clinique et la souffrance, on doit tenir compte autant des aspects physiques
que psychiques, et j'ajouterais même les aspects culturels et spirituels.
Il est donc illogique, dans le cadre de
l'admissibilité à demander l'AMM, de distinguer la maladie mentale de la
maladie physique. Effectivement, l'admissibilité d'une demande d'AMM doit se
baser sur les critères de souffrance insupportable suite à une maladie grave et
incurable, et ce, quel que soit le diagnostic. La maladie mentale ne peut donc
pas être exclue d'emblée. Ce serait discriminatoire et ne contribuerait qu'à
une stigmatisation systématique des maladies mentales.
Nous voulons être clairs, la fédération ne
souhaite pas promouvoir l'aide médicale à mourir, mais plutôt reconnaître que
la souffrance liée aux maladies mentales est tout aussi légitime que d'autres
types de souffrance, et que tous les patients ont droit à cette même autodétermination,
quelle que soit la nature de leur maladie.
Certains diront qu'on ne peut se prononcer sur
l'aspect incurable des maladies mentales. Il est vrai que, comme pour d'autres
maladies chroniques, le pronostic des maladies mentales est variable et n'est
pas simplement déterminé par le diagnostic. Certains troubles dépressifs
répondront au premier essai d'un antidépresseur, d'autres nécessiteront plusieurs modalités de traitement
pour contrôler les symptômes, tandis que d'autres resteront réfractaires
à tous les traitements connus à ce jour. Mais ceci est vrai des troubles
anxieux et des troubles psychotiques, mais aussi du cancer, des maladies
inflammatoires, de l'épilepsie, etc.
Donc, les médecins spécialistes croient qu'il
est possible de prodiguer des soins exceptionnels pour guérir et soulager de
nombreuses pathologies, et on milite en ce sens pour que ça soit accessible à
tous les Québécois, mais on est conscients des limites de la médecine moderne
dans le soulagement de certaines souffrances.
Quand un patient a des symptômes chroniques et
sévères avec une atteinte à sa capacité fonctionnelle qui dépasse ses
mécanismes d'adaptation, on doit considérer que la maladie est grave. Et,
lorsqu'il aura tenté tous les traitements qui lui sont tolérables et qu'il n'a
pas soulagement à ses souffrances, on pourra conclure que sa maladie est
incurable.
Je veux adresser rapidement deux mythes. Il
n'est pas vrai que le trouble mental rend automatiquement inapte et il n'est pas plus vrai que le trouble
mental rend toujours suicidaire. Donc, d'exclure tous les troubles mentaux
parce que certains seront inaptes ou
suicidaires serait un raccourci discriminatoire et contraire à l'humanisme du
législateur.
Les médecins spécialistes savent évaluer
l'aptitude décisionnelle du patient, on sait apprécier la souffrance en
considérant les symptômes, les limitations fonctionnelles, les facteurs
personnels, et on peut distinguer une intention suicidaire d'une demande
rationnelle de cesser de souffrir.
L'Association des médecins psychiatres a proposé
une trajectoire d'évaluation de soins qui protège, et qui est prudente, et qui
reconnaît la légitimité des troubles mentaux, et qui prend en compte la
sensibilité des familles et des soignants, et le respect
de l'autonomie des patients. Certains diront que c'est complexe, que c'est
difficile, mais ce n'est pas parce que c'est difficile qu'on doit éviter de
faire ce qui est juste et humain.
Merci de votre
écoute. Nous sommes honorés d'avoir été invités à partager nos analyses avec vous.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup à vous deux. Donc, nous passons
maintenant à la période d'échange avec les parlementaires en débutant
avec le député de Mégantic.
M. Jacques :
Bien, merci, Mme la Présidente. Bonjour, Dr Olivia et
Dre Igartua. C'est bien comme ça?
Mme Igartua
(Karine) : Bonjour. Oui, vous l'avez eu.
M. Oliva
(Vincent) : Moi, c'est Oliva.
M. Jacques :
Ah! j'ai mis... j'ai écrit Olivia. C'est Oliva. Bien, désolé.
M. Oliva
(Vincent) : Ça arrive souvent.
M. Jacques :
Bon, moi, je veux aller directement, là... vous avez fait trois cas de
figure, et j'aimerais ça aller directement au troisième cas de figure, une
personne qui fait une demande anticipée, en fait, et que, lorsque les... c'est
une personne qui n'a pas de diagnostic de maladie dégénérative, ou quel que
soit le cas. Donc, présentement, bon, on sait que ce n'est pas possible. Je
prends... On va prendre une personne qui fait un ACV massif, qui entre à l'hôpital, il est sur respirateur. Il n'y a pas de
mort cérébrale, donc la famille pense qu'il est peut-être... et les médecins
peuvent penser qu'il peut y avoir une
réhabilitation, il y a peut-être 10 % des chances que la personne revienne, mais,
suite à tous les traitements possibles et inimaginables, il n'y a aucune...
la personne reste là, en n'étant plus capable de fonctionner complètement.
Donc, dans cette
optique-là, de quelle façon vous suggéreriez que les... que la famille, les
médecins, suite à une demande qui aurait été faite préalablement, au cas où ça
arrive, de un, de quelle façon la décision va être prise? Un. Deux, dans quel
genre de formulaire ces gens-là pourraient demander cette aide médicale à
mourir là en cas d'accident soudain?
J'aimerais ça, énormément, vous entendre là-dessus. C'est une question, là, qui
me chicote beaucoup.
M. Oliva
(Vincent) : C'est une très, très bonne question. C'est...
Mme Igartua
(Karine) : ...
M. Oliva
(Vincent) : Je vais commencer, Karine, puis, si tu as des choses à
ajouter, évidemment, tu pourras compléter.
Mais c'est une question...
c'est une bonne question. C'est une question difficile, puis je ne prétends pas
avoir toutes les réponses, cependant, on rencontre des patients dans ces situations-là
de temps en temps. Par exemple, un patient, comme vous dites, qui a subi un AVC
massif et puis qui n'est plus apte à demander l'aide médicale à mourir, mais on
voit, de toute évidence, là, qu'il soit sur respirateur ou pas, là... Parce
qu'ils ne le sont pas toujours, là, puis ils ont des soins de confort minimums,
un tube pour les alimenter, puis on change ces tubes-là périodiquement, puis ça
leur fait mal, et puis ils ne peuvent pas le dire, ils ne peuvent pas l'exprimer,
mais tout le monde qui est dans la salle et qui donnent des soins à ce
patient-là sont un peu mal à l'aise. Puis le personnel soignant dit souvent,
puis ça me frappe : Moi, si j'étais
dans cette situation-là, là, je ne voudrais pas vivre, tu sais. Parce que c'est
pénible de voir ça.
Puis vous dites
10 %. O.K., ça, c'est... je veux dire, on rentre dans des chiffres, et
puis c'est un peu difficile de statuer, mais, bien souvent, là, il y a des
patients, on sait qu'ils... pas, là. Tu sais, leur scan cérébral montre qu'il
n'y a plus de cortex cérébral.
M. Jacques :
S'il y a une mort cérébrale, c'est un autre cas, là.
M. Oliva
(Vincent) : Bien, ils ne sont pas en mort cérébrale, mais on voit que,
tu sais, c'est un cerveau qui ne fonctionnera jamais normalement, là. Tu sais,
ils ne se réveilleront pas miraculeusement d'un coma, là.
Donc, on voit ces
situations-là de temps en temps. Donc, c'est ce qui nous pousse un petit peu à
dire : Il y a des situations comme
celle-là, là, qui justifieraient que le patient puisse en bénéficier, O.K.
Donc, comment, sur quel genre de formulaire, tout ça, c'est des bonnes
questions, puis le diable est dans les détails, mais certainement qu'il
faudrait que ce soit avant que l'événement
arrive, que le patient ou le citoyen puisse dire : Bien, moi, si j'arrive
dans cette situation assez spécifique, là, avec des balises, bien, je
voudrais pouvoir en bénéficier, de l'aide médicale à mourir, tu sais.
Donc, il faudrait
que, préalablement, tu sais, il y ait un certain nombre de critères avec des
balises assez claires. Parce que ce qu'on ne
veut pas non plus, c'est que le médecin soit le juge de la situation puis
dise : Oui, lui, oui, lui, non. Il faudrait vraiment que ce soit le
patient qui dise : Moi, dans telle situation, si j'arrive dans une
situation clinique comme celle-là, où il y a de la souffrance, bien, je ne veux
plus vivre puis j'aimerais que l'aide médicale à mourir soit mise en
application.
Donc, je ne sais pas...
Mme Igartua (Karine) :
Monsieur...
M. Oliva (Vincent) :
Oui, Karine?
Mme Igartua (Karine) : Je
rajouterais peut-être... M. Jacques, vous avez pris la situation la plus
complexe, parce que, quand on regarde quelqu'un qui a une maladie dégénérative
et qui veut faire des demandes anticipées, bien, il y a un diagnostic puis il y
a un docteur. Donc, quand... Donc, il y a moyen de discuter du pronostic, et de
ce qu'on peut s'attendre qui va arriver plus tard, et, dans ces situations-là,
dire : Bon, bien, moi, si j'ai telle, telle, telle constellation de symptômes,
dans ce... à ce moment-là, je ne veux plus vivre. Ce qui est difficile dans le
cas que vous évoquez, c'est qu'il n'y a pas de médecin, parce que le patient,
il n'est pas patient, là, c'est un citoyen en santé qui fait une demande un peu seul, parce
qu'on ne peut pas prévoir toutes les
éventualités d'accident possibles qui pourraient nous arriver. Donc, c'est
ça qui est difficile, parce que, quand on parle de l'aide médicale à mourir,
c'est un soin. Pour avoir un consentement
aux soins, il faut être libre et éclairé. Puis, pour être éclairé, il faut
savoir à quoi on consent.
Donc, si on voulait ouvrir... si le législateur
voulait ouvrir cette porte-là, il faudrait que le... il y ait un formulaire qui soit très, très, très détaillé sur
quelles sont les circonstances cliniques, puis ce ne serait pas nécessairement relié à un diagnostic, mais
plutôt à une condition clinique. Donc, est-ce que j'ai une mort cérébrale? Est-ce
que j'ai peu de réactivité? Est-ce que j'ai l'incapacité de communiquer? Est-ce
que j'ai l'incapacité de me nourrir? Il faudrait qu'il y ait une série de
critères et il faudrait que ça soit très clair dans le formulaire. Est-ce que
tous ces critères doivent être remplis pour que la demande d'AMM soit mise en
application? Mais c'est hypercomplexe, ce que vous amenez comme question.
M. Jacques : Je le sais, puis
c'est pour ça qu'on vous a aujourd'hui. Puis je veux approfondir quand même,
là. Donc, si je comprends bien, pas dans un mandat d'inaptitude, donc, un
formulaire authentique pour des gens qui voudraient se prévaloir d'un droit
plus tard, c'est ça que vous dites?
• (9 h 50) •
M. Oliva (Vincent) : Oui.
Mme Igartua (Karine) : Oui.
Puis moi, je vous suggérerais que ça soit quelque chose qui soit... qui se...
qui devienne périmé, c'est-à-dire qui doit être renouvelé souvent. Parce que le
cas de figure que je peux penser, c'est quelqu'un qui a 25 ans, qui a
30 ans, qui est en pleine forme, qui est quelqu'un de très physique puis
qui dit : Moi, si je perds mes capacités physiques, je veux mourir.
Peut-être que cette personne-là, à 40 ans, ou à 50 ans, ou à
60 ans, n'aura pas la même vision de la vie et des capacités, de ce que ça
veut dire. Donc, de mettre en application quelque chose qui aurait été décidé à
25 ans quand il y a un accident de moto à 50 ans ou un accident
cérébral à 70 ans, je trouverais ça, pour la famille et pour le personnel
soignant, délicat de savoir : C'étaient-tu encore les volontés de la
personne? Donc, un formulaire qui aurait besoin d'être remis à jour à une
fréquence périodique, là. On pourrait penser cinq ans, trois ans, je ne sais
pas, là, ce que...
M. Jacques : Bien, quand c'est
vite, là... O.K., je comprends.
Dernière question, rapidement, là, parce que mes
collègues, ils veulent prendre la parole aussi, là, quand on parlait, là, des
décisions, quand la décision va être à prendre, si jamais il y a un formulaire,
dans le doute, là, mais, si jamais il y a un
formulaire, la décision va être prise par les médecins soignants, au moment...
et la famille? La décision va être
prise par les médecins? La décision va être prise par qui? Par une communauté
d'intervenants? Mais rapidement, s'il vous plaît, parce que je veux
laisser les collègues poser leurs questions.
Mme Igartua
(Karine) : Idéalement, par
consensus, hein? Idéalement, tout le monde est d'accord. Maintenant, la
question se pose, si les gens ne sont pas d'accord là, où est-ce que ça se
passe. Et je ne prétends pas avoir la réponse absolue. Je sais que les médecins
ne veulent pas que ce fardeau-là repose sur leurs épaules.
M. Oliva (Vincent) : Ou sur une
seule épaule, sur une seule paire.
Mme Igartua (Karine) : C'est
ça.
M. Jacques : Donc, un comité
mixte, là, travailleurs sociaux, médecins, famille, et autres.
M. Oliva (Vincent) : Oui.
Mme Igartua (Karine) : Oui.
M. Jacques : Parfait. Merci
beaucoup.
La Présidente
(Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Donc, je céderais la parole à la députée de Saint-François.
Mme Hébert :
Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Oliva et Mme Igartua... plutôt,
docteurs, je m'excuse. Moi, j'aimerais
savoir... je vais continuer sur la lignée de pensée de mon collègue le député
de Mégantic. Moi, j'aimerais savoir : Est-ce que la question a été posée... Parce que je vois
que, dans le mémoire, il y a plusieurs... vous avez sondé vos membres, et on voit certains pourcentages. Mais est-ce
que vous avez sondé vos membres, s'ils étaient d'accord avec un diagnostic ou pas pour faire une demande anticipée? Est-ce que
ça prend un diagnostic d'une maladie ou, comme mon collègue l'a dit, quelqu'un... ils étaient ouverts aussi, il y avait
un certain pourcentage de médecins ou la majorité était ouverte à ce qu'on
puisse l'ouvrir à toute la population, éventuellement, s'il y avait un
accident, ou quoi que ce soit?
M. Oliva (Vincent) : Non, on
n'a pas... En fait, le sondage n'a pas couvert cette question-là. À ce que je sache, là, le... puis ça a été fait l'an passé,
là, mais le sondage n'a pas couvert la question : Est-ce qu'il doit y
avoir un diagnostic ou pas, là?
Mme Hébert : O.K.
Parfait. Parce qu'il y a...
M. Oliva (Vincent) : C'est nous
qui soulevons cette question-là parce qu'on le voit dans notre pratique, on
voit qu'il y a ce genre de situations là où le patient se retrouve dans une
situation clinique dans laquelle personne n'aurait pu l'anticiper. Donc, c'est
nous qui soulevons cette question-là.
Mme Hébert : Parfait. Alors... Puis il existe déjà un document
qui s'appelle les Directives médicales anticipées. Croyez-vous que
ce document-là, quand même, fait le... comme on dit, est capable de bien
aiguiller, pour les gens qui l'ont
rempli, si jamais il arrive une situation dans ce contexte-là? Trouvez-vous que
les questions qui sont posées, c'est suffisant, ou il faudrait vraiment
ajouter l'aide médicale à mourir?
Mme Igartua (Karine) : Le
document des directives médicales anticipées ne couvre pas l'AMM en ce moment.
Donc, ce n'est pas... ça pourrait être rajouté à ce document-là, mais ça ne
fait pas partie des questions en ce moment.
Je pense que le document est bien fait. Malheureusement, il n'est pas assez
facilement accessible et il n'est pas assez publicisé. Et, même quand il
est rempli, on n'a pas accès à ça. Donc, c'est... le problème... le document
est bien, mais le système ClicSEQUR et tout
ce qu'il faut faire pour rentrer pour remplir ça, c'est beaucoup
trop compliqué pour le commun des mortels. Donc, ça a une utilité limitée parce
que ce n'est pas «user-friendly», comme on dit.
Mme Hébert :
Merci. Merci du commentaire, parce que c'est, justement, ce qui a été soulevé,
qu'il n'avait pas été assez publicisé. C'est une recommandation qui pourrait
être faite. Mais de savoir que c'est aussi compliqué d'y avoir accès, donc
merci, ça alimente nos... les... comme on dit, nos points.
Moi, j'aimerais savoir... Parce que, là, vous
savez, on discute, le critère de fin de vie a été enlevé, la loi, elle a perdu
une grande balise que... au départ, qui avait été mise. Dr Morisette nous a dit
de faire très, très... Il était intervenu puis il a dit de faire attention,
parce qu'étant donné qu'on avait enlevé le critère de fin de vie ça ouvrait la porte assez large, ce que... contrairement à d'autres
pays, comme les Pays-Bas et la Belgique avaient déjà d'autres balises.
Moi, ce que j'aimerais savoir, c'est qu'on voit,
là, avec... dans le temps, là, qu'on parle de 2017, 2018, 2019, 2020, comment
que le nombre a quand même augmenté considérablement ici, au Québec, pour faire
des demandes d'aide médicale à mourir puis qui ont été administrées. Alors,
n'avez-vous pas certaines craintes qu'en élargissant la loi on envoie un
message à la population comme c'est un soin de fin de vie qui, comment je pourrais
dire, qui est banal, ou ne pensez-vous pas qu'on pourrait encore voir augmenter
le nombre?
Mme Igartua (Karine) : Moi,
j'aurais tendance à dire que ce n'est pas le message qu'on envoie à la
population, mais c'est plutôt le reflet d'une évolution de la pensée de la
population par rapport à la mort, par rapport... Et je pense que ce n'est pas
juste les médecins, là, je pense qu'on parle au niveau sociétaire. La vie à
tout prix, ce n'est plus une valeur aussi prisée que ce l'était. Donc, on est
beaucoup plus sensibles à la qualité de la vie que de prolonger la vie à tout
prix. Donc, je n'ai pas cette inquiétude-là, qu'on est en train de créer une
valeur, je pense qu'on est plutôt en train de refléter des valeurs de la
société québécoise.
M. Oliva (Vincent) : Je suis...
si vous permettez, là, je suis d'accord avec ce que dit Dre Igartua, puis
ce que je pense, c'est qu'on se rapproche, dans le fond, des volontés puis des
valeurs du patient. C'est ça qu'on fait. Alors, oui, c'est sûr que ça amène un
courant un petit peu différent, mais c'est un courant qui est déjà présent chez
les patients qui sont très malades. Donc, c'est ça qu'on reflète. Puis, comme
disait Dre Igartua, on n'en fait pas la promotion, de ça. Nous, on vous
dit les choses un petit peu comme on les voit, au mieux de notre connaissance
puis au mieux de notre perception.
Mme Hébert : O.K.
Quand vous dites que la population est arrivée à une certaine... ça fait partie
de nos valeurs, on voit, dans certains...
parce qu'il y a une consultation présentement en ligne, et on voit qu'il y a
une certaine division au côté de la santé mentale, on voit que ce n'est
pas tout le monde qui est arrivé au même niveau. Puis c'est très, très divisé,
là, dans les commentaires, autant dans les experts que dans la population.
Donc, d'ouvrir jusqu'aux personnes qui ont des troubles de santé mentale, qui
incluent aussi la dépression, est-ce que vous ne pensez pas que c'est risqué de voir certaines dérives? Parce
qu'on ne peut plus reculer, là, c'est un soin qui donne la mort. Donc, si
jamais on ouvre, ça va être difficile
de reculer après. Donc, pensez-vous qu'on est prêts, actuellement, pour élargir
aussi grand?
• (10 heures) •
Mme Igartua
(Karine) : Vous savez,
l'Association des médecins psychiatres s'est penchée là-dessus pendant
plus d'un an, justement, à la demande de la Commission des soins de fin de vie,
et ils ont pondu un document quand même assez volumineux, qui décrit toute une
trajectoire de conditions d'évaluation pour une pratique sécuritaire de l'aide médicale à mourir.
D'ailleurs, ce document-là a été repris par le
Sénat canadien et a fait partie des discussions sur la clause crépusculaire qui a été mise en place au niveau
fédéral. Donc, au niveau fédéral, l'argument a été : C'est discriminatoire,
on ne veut pas discriminer, on ne veut pas traiter les patients avec des
troubles mentaux comme étant des citoyens de seconde
zone qui auraient des droits moindres que les autres. Par contre, on veut
s'assurer de protéger une population qui est potentiellement vulnérable.
Donc, il y a tout un processus qui a été suggéré
par l'Association des médecins psychiatres pour vraiment venir baliser ça, et je pense que c'est un processus qui est très rigoureux, et qui va venir pallier,
là, à des dérives potentielles.
Si vous me permettez, je vais revenir à l'idée
du patient déprimé et suicidaire. On a comme l'impression qu'une maladie mentale, ça amène nécessairement quelqu'un à être suicidaire. Or, le symptôme d'idée
suicidaire, c'est quelque chose qui vient avec la dépression puis c'est quelque
chose qui vient avec les troubles de personnalité limite, autrement, ce n'est pas un critère des troubles
mentaux. Donc, la plupart des patients avec des troubles mentaux ne sont
pas suicidaires.
Je pense que de faire... de dire : Parce
qu'il y en a qui vont être
suicidaires, on ne peut pas considérer la demande de personne
qui a un trouble mental, c'est trop facile et c'est discriminatoire. Le
psychiatre est bien placé pour faire la distinction entre un symptôme
suicidaire d'une personne déprimée et un désir rationnel de cesser de souffrir parce
qu'il y a une souffrance psychique qui est intolérable et qui est soutenue.
Là, on ne
parle pas d'offrir l'aide médicale à
mourir à une jeune de 21 ans parce que
son chum l'a laissé puis là elle ne voit plus la fin de la vie parce
qu'elle est en peine d'amour, là. On ne parle pas de ça. On parle de gens qui
ont eu des années de souffrances, qui ont eu plusieurs essais pharmacologiques,
qui ont eu toutes les psychothérapies qui existent, qui ont eu même les
électrochocs, qui ont eu la stimulation magnétique transcrânienne, qu'il n'y a
rien qui a marché, puis ils souffrent.
Je pense que c'est inhumain de dire : Toi, ta souffrance, parce qu'elle est ici, elle n'est pas aussi valable qu'une souffrance qui est
en bas du cou. Je pense que c'est inhumain d'y aller comme ça.
Mme Hébert : Merci. Merci, Dr Oliva et Dre Igartua.
Et je vais laisser la parole à ma collègue s'il reste du temps.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Mais, malheureusement, il ne nous reste plus de temps, mais nous allons
quand même pouvoir poursuivre les échanges avec le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci,
Mme la Présidente. Et merci beaucoup les Drs Oliva et Igartua. Vous êtes évidemment au coeur des soins
de vie et dans son continuum, dans l'accompagnement et l'évaluation
des demandes de l'aide médicale
à mourir. Compte tenu de ce rôle primordial, je vais me permettre une question
que je trouve à la fois existentielle, mais
très, très concrète. Une des questions très larges devant nous, c'est de trouver, justement,
cet équilibre entre le respect de
l'autonomie, de l'autodétermination et de nous assurer contre les dérapages
possibles, ce qui est une préoccupation,
même, plus présente quand on parle des troubles de santé mentale.
Bon, donc, ma question : Comment est-ce que,
dans votre rôle... C'est quoi, la vision de base pour s'occuper de vos responsabilités puis dans ces deux pôles du
débat? C'est-à-dire, l'autodétermination de la patiente et l'évaluation de ses voeux, et aussi l'assurance que vous n'êtes
pas impliqués dans une demande qui ne rejoint pas les critères actuels sur l'article 26 ou d'autres
critères qu'on ajouterait, vous avez un rôle solennel d'arbitres, à quelque part. Comment... C'est quoi, votre
philosophie de base envers ces deux responsabilités, une aussi lourde que
l'autre que l'autre?
Mme Igartua (Karine) : Vincent,
veux-tu que j'y aille?
M. Oliva (Vincent) : Oui,
vas-y.
Mme Igartua (Karine) : O.K.
D'abord, la prudence. Je pense que c'est le mot le plus facile pour répondre à
votre question. Dans le doute, on s'abstient. Donc, ça ne veut pas dire qu'on
n'évalue pas une demande. Ça ne veut pas dire qu'on ne fait pas tout le
processus d'évaluation et de proposition des traitements alternatifs. Mais, si
on a un doute sur les conditions cliniques, sur l'attitude du patient, sur le
caractère irréversible ou incurable, sur le caractère intolérable de la
souffrance, bien, on demande un deuxième avis. On demande un avis, peut-être,
de nos équipes multidisciplinaires ou d'un
collègue. Je pense que les médecins ne sont pas des gens, en général, impulsifs
ou intempestifs, là. Je pense que, dans le doute, on va s'abstenir.
Donc, il y a une différence entre dire : On
ne permet pas qu'une demande soit admissible parce qu'on a peur d'une dérive,
et de dire : On permet une demande, mais on n'accepte pas la demande parce
qu'on a peur qu'elle soit dans une dérive.
Je ne sais pas si vous comprenez la nuance que
j'essaie de faire?
M. Oliva (Vincent) : Si vous
permettez, j'ajouterais peut-être un petit quelque chose, parce que vous avez
utilisé un mot, un terme, puis... Vous avez parlé d'arbitrage, mais je pense
qu'il faut s'éloigner de ça. Je pense que le médecin, là-dedans, ne doit pas
être un arbitre. Le médecin est là pour accompagner, pour conseiller, pour
informer, pour s'assurer que c'est vraiment ce que le patient veut, évidemment,
dans un contexte où il faut bien que tout le monde comprenne qu'il n'y a pas d'autre
solution à la souffrance, O.K., que la souffrance n'a pas d'autre solution médicale, ou autre. Donc, à partir du moment où c'est une
souffrance qu'on ne peut pas soulager, bien, il faut qu'on s'assure que le
patient comprenne bien ça et qu'on s'assure, dans le fond, que c'est vraiment
ce que le patient veut. Donc, c'est vraiment au niveau de l'information, et
plus que dans l'arbitrage, parce qu'on ne veut pas être dans une position où on
prend la décision à la place du patient. Comprenez-vous? Ça fait que c'est une
nuance quand même qui est importante, parce que je pense que la notion
d'arbitrage, il faut qu'on l'évacue un petit peu de ce débat-là.
M. Birnbaum :
Entendu et compris. J'ai deux autres questions, et ma collègue de Westmount—Saint-Louis
va poursuivre. Je comprends ces précisions en ce qui a trait à l'arbitrage. Une
autre fois, ça ajoute une couche de complexité à votre rôle. Est-ce que la
fédération, brièvement, a un rôle à faire pour assurer que vos membres
comprennent la complexité de leur rôle et leurs obligations d'en embarquer de
façon très, très sérieuse?
M. Oliva
(Vincent) : Oui, définitivement. La fédération a un rôle de leadership
et puis a aussi un rôle d'éducation, parce que, comme vous savez peut-être, la
fédération est plus qu'un syndicat, on a une direction qui s'occupe de la formation continue des médecins, et
donc on est déjà impliqués dans le, disons, le partage d'information
puis dans l'éducation des médecins dans ce contexte-là, puis on va continuer à
le faire.
M. Birnbaum :
Merci, très apprécié. Une question finale pour moi. Vous avez signalé, à juste
titre, qu'entre un diagnostic et
l'administration il y a des étapes évaluatives, et surtout en santé mentale, ça
serait très, très important de suivre ces étapes. Et vous nous auriez
invités, je crois, de faire des recommandations pour baliser ces étapes. C'est une grande question dont on n'a pas trop discuté
jusqu'à date. Est-ce que je peux vous inviter d'en élaborer un petit peu?
Mme Igartua
(Karine) : Oui. Il y a un document que, si vous ne l'avez pas sous la
main, on pourra certainement vous le faire parvenir. C'est un document qui
avait été écrit par l'Association des médecins psychiatres, qui propose une
évaluation qui, en fait, serait plus que 90 jours, là, elle aurait une
durée d'environ quatre mois, qui impliquerait minimalement deux psychiatres
pour faire ces évaluations-là, l'implication de la famille, de l'équipe
multidisciplinaire aussi.
On avait aussi
suggéré un bureau régional pour l'AMM qui aurait le but de faire une
coordination provinciale pour assurer qu'il n'y a...
aucun patient ni clinicien n'est laissé à lui-même dans l'évaluation et le travail. Ce bureau-là va
assurer l'accès aux évaluateurs... mais aussi au bon déroulement du processus,
et ce qu'on suggère, c'est une surveillance prospective plutôt qu'une
surveillance rétrospective.
Donc, c'est quand
même assez détaillé, les critères que les médecins psychiatres peuvent utiliser
pour déterminer l'aptitude, pour déterminer la souffrance et pour s'assurer,
là, qu'on n'est pas dans... face à un patient avec
une crise suicidaire, là. Donc, tout ça est assez détaillé. Si vous n'avez pas
eu accès au document, ça va nous faire plaisir, là, de vous faire
parvenir le document de l'association des psychiatres.
• (10 h 10) •
La Présidente
(Mme Guillemette) : Parfait. Merci. Oui, vous pouvez nous faire
parvenir le document, s'il vous plaît, à l'adresse de la commission.
Donc,
c'était tout pour vous, M. le député? Nous passons maintenant la parole à
Mme la députée des Mille-Îles ou le député de Westmount?
Mme Maccarone :
Ce serait moi, Mme la Présidente.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Allez-y, Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone :
Merci beaucoup. Bonjour, Dre Igartua, bonjour, Dr Oliva, c'est un plaisir de
vous revoir.
Mme Igartua
(Karine) : Oui, bonjour.
Mme Maccarone :
Les membres de la commission ont beaucoup entendu des témoignages, qu'ils
soient des personnes, des individus qui ont
souffert de troubles mentaux... puis ils nous disent souvent que la progression
imprévisible des troubles mentaux, ça nous préoccupe. Alors, pouvez-vous
nous aider en ce qui concerne ce point, si, mettons, nous disons qu'on devrait élargir l'aide médicale à mourir pour des
personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale, mais, étant donné
que les choses changent beaucoup, et comme on a entendu des témoignages de
personnes qui ont dit : Ça fait 10 ans dans le passé, je ne voulais
plus vivre, mais là je suis rendu à une place dans ma vie où je me sens
beaucoup mieux et on peut le souhaiter... Alors, pouvez-vous nous aider à avoir
une réflexion là-dessus? Parce que je pense que c'est un enjeu très important.
Mme Igartua
(Karine) : C'est sûr que la science progresse, hein, et qu'on a des
traitements aujourd'hui qu'on n'avait pas il y a cinq ans, qu'on n'avait pas il
y a 20 ans, je le vois dans ma pratique, la façon dont on gère les psychotropes est différente, ce qu'on connaît sur
les psychothérapies. Mais ça, c'est vrai aussi en cancer, c'est vrai aussi
dans toutes les... la médecine avance. Donc,
on ne peut pas dire que parce qu'on va peut-être découvrir quelque chose
dans cinq ans qui va régler nos cas,
qu'on doit ignorer la souffrance actuelle ou qu'on doit dire que, bien, ce
n'est pas incurable, parce que peut-être que, plus tard, on va trouver
quelque chose.
Je vais vous
donner un cas de figure, là, d'un patient qui a évoqué l'aide médicale à mourir, donc, un patient qui a 62 ans, qui a
un trouble obsessif compulsif réfractaire depuis 30 ans. C'est un patient
qui présentait des troubles d'apprentissage quand il était jeune, il a une scolarité de
secondaire II, mais il a quand même réussi à travailler pendant une
quinzaine d'années sur le marché du travail, il s'est marié, il a une femme, il
a des enfants.
Il a eu plusieurs, plusieurs essais
pharmacologiques, il a été hospitalisé à plusieurs reprises, il a eu des ECT, il a eu de la kétamine intraveineuse, il y a eu
quatre protocoles différents de rTMS, tout ça a été un échec complet. À la
dernière hospitalisation, on a évoqué un placement en famille d'accueil parce
que la situation devenait trop lourde à la maison pour sa femme.
Donc, on a pu soulager, partiellement, sa
souffrance avec une pharmacologie très créative. Mais, au cours du suivi, le patient dit : Un moment donné, peut-être
qu'assez, c'est assez, puis, un moment donné, peut-être que j'en ai trop,
de souffrance.
Donc, c'est ce genre de cas là, qu'on parle. Et
je pense que les histoires de peur, là, de : on va se mettre à tuer tout le monde qui est déprimé, là, je pense qu'il
faut faire confiance que les psychiatres ont un peu plus de jugement clinique
que ça.
Et je vous dirais, la... le clivage qu'on voit,
dans le groupe de psychiatres, c'est parce que ça fait tellement partie de notre formation, que d'être les porteurs
d'espoir pour nos patients, on a tellement été formés que, même quand nos
patients perdent espoir, que nous, on garde espoir pour eux, que c'est
difficile pour une partie des psychiatres de dire, un moment...
d'arriver à un constat, à un moment donné, de dire : J'ai fait tout ce que
je pouvais puis là je n'ai plus rien à
offrir. Donc, je pense qu'il faut comprendre le clivage qui existe, même, que
ça soit parmi les patients ou parmi les psychiatres, dans ce
contexte-là, que nous, on a été formés pour vraiment donner tout puis vraiment
donner tout l'espoir possible. Et je pense
qu'il y a certains de mes collègues qui ont plus de difficulté à dire, un
moment donné : Je n'ai plus rien à offrir.
Je ne sais pas si ça vous aide, là, si ça répond
un peu.
Mme Maccarone : Oui, oui. Merci. S'il me reste du temps... je
n'aurai pas de temps pour une dernière question.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Malheureusement, non, mais on peut continuer nos échanges avec
la députée de Joliette.
Mme Hivon : Oui.
Bonjour, merci beaucoup de votre présentation. Je vais aller dans le vif du
sujet parce que vous êtes enfin ceux à qui je peux poser la question. J'ai vu
les statistiques en lien avec votre sondage d'opinion, et vous allez trouver que je cherche la petite bête,
mais j'aurais aimé lire combien de médecins, au-delà d'être favorables à
l'idée, spécialistes, étaient prêts à pratiquer l'aide médicale à mourir avec
une personne devenue inapte. Parce qu'on peut s'imaginer que c'est beaucoup
plus complexe quand la personne n'est pas là en temps réel pour nous donner sa
volonté, son opinion, et je voulais juste savoir si vous aviez des chiffres
là-dessus, autant, je vous dirais, on peut s'imaginer, chez les maladies
neurocognitives des neurologues, des gériatres et, par ailleurs, les
psychiatres, pour ce qui est des troubles mentaux, si vous avez sondé ça,
combien seraient prêts à exercer l'aide médicale à mourir.
M. Oliva (Vincent) : Je ne suis
pas sûr qu'on ait sondé spécifiquement avec cette question-là, puis on se disait, justement, récemment qu'on était dus pour un autre sondage.
Alors, ça fera peut-être l'objet d'un autre sondage. Mais le...
disons que le... peut-être que la réponse qui est la plus proche de votre
question, c'est peut-être que les médecins,
disons, très majoritairement, veulent que les souhaits du patient soient
respectés. Donc, même s'il n'est plus apte, s'il l'a été, apte, et puis que
c'était clair pour lui que c'est ce qu'il voulait, bien, s'il est devenu
inapte, son aptitude préalable, tu sais, compte quand même, là, tu sais.
Alors, je ne sais pas si...
Mme Hivon : Oui.
Et...
Mme Igartua (Karine) : En
fait...
Mme Hivon : Oui,
allez-y.
Mme Igartua (Karine) : Vous
amenez, en fait, quelque chose... Dans mes discussions avec les neurologues puis les gériatres, là, vous amenez le facteur
humain, qui est difficile. C'est-à-dire, quand... Pour quelqu'un qui pratique l'AMM, d'avoir un patient qui te dit : Oui,
docteur, c'est ce que je veux, merci de soulager mes souffrances, au niveau
moral, pour le docteur qui le fait, c'est comme un... il y a
comme une espèce de protection là humaine, là, de dire : Je fais ce
que le patient devant moi veut. Quand on a un patient inapte devant nous, là, il
y a un... il faut être vraiment certain que
c'est vraiment ça que le patient veut, parce que,
sinon, on a trop l'impression de faire mal, on a trop l'impression de ne pas
survivre à notre serment d'Hippocrate, là, c'est... et c'est là qu'est la difficulté,
et c'est pour ça que les médecins ne veulent
pas que ça soit entre nos mains de prendre cette décision-là de dire oui. Il
faut que la situation soit suffisamment
claire pour qu'on n'ait pas l'impression... pour qu'on n'ait pas de doute qu'on
est en train de faire vraiment ce que le patient
veut, parce que c'est
ça qui est difficile, là, c'est vraiment,
là... c'est là que ça va être... Le fardeau humain, vous avez mis
le doigt dessus, là, pour ceux qui la pratiquent, là, c'est ça qui est
difficile.
Mme Hivon : Puis
c'est une question qui m'habite beaucoup, parce que vous vous rappellerez qu'au
début de l'implantation de l'aide médicale à mourir, il y a quand
même eu des bonnes poches de
résistance. Heureusement, on avait
prévu plein d'encadrements qui faisaient qu'on ne pouvait pas laisser normalement un patient entre deux chaises. Il y a quand même
eu des situations très difficiles où on a fait traîner des
demandes, faute de médecins prêts à les faire. Donc, nous, on ne peut pas créer une espèce de possibilité qui va être illusoire, parce
qu'il n'y aura personne, à l'autre
bout du spectre, qui va être prêt à le faire.
Donc, moi, je vous invite... Si vous faites un
autre sondage, on va être très, très, très intéressés, autant pour la demande anticipée qu'en psychiatrie. Parce que
l'autre chose qu'on nous a amenée, c'est que, dans les faits, il y a
très peu de spécialistes, en ce moment, qui font de l'aide médicale à
mourir. On se rabat beaucoup
sur les médecins de famille, sur les généralistes. Et moi, je pense
que ça tend à changer si on ouvrait aux nouvelles possibilités de demandes
anticipées.
Et donc je me demande quel rôle les spécialistes
vont être prêts à jouer là-dedans, ou est-ce qu'encore ils vont dire :
Bien, c'est plus... Je ne dis pas qu'en ce moment ils s'en déchargent, mais la
réalité de la pratique fait que ce sont souvent généralement des médecins
généralistes. Est-ce que vous avez le sentiment que ça va encore être la vision
dominante des spécialistes de s'en remettre davantage aux généralistes?
M. Oliva (Vincent) : Ça
augmente, hein? Si on regarde le nombre de médecins spécialistes qui sont
impliqués dans, disons, la dispensation, là, de l'aide médicale à mourir, ça
augmente à chaque année de façon importante. Alors, j'ai l'impression qu'il y a
un équilibre qui va se créer. Puis, de fait, là, ce que je peux vous dire,
c'est que les spécialistes sont de plus en plus impliqués. Donc, je pense que
c'est une tendance qui va se maintenir.
• (10 h 20) •
Mme Hivon : Et
puis deux choses plus en lien avec les troubles mentaux. Donc, nous, on est frappés
ici, c'est certain, parce qu'on a les... vos témoignages à vous, puis l'association
des psychiatres, mais il y a beaucoup de psychiatres et de sous-groupes qui
viennent... Puis que je pense que, Dre Igartua, vous avez fait part aussi de ce
qui peut expliquer cette division-là, mais on n'a pas le choix de la constater.
Donc, ça nous fait nous demander aussi : Sur le terrain, est-ce qu'il y a beaucoup
de psychiatres qui seraient à l'aise de donner l'aide médicale à mourir?
Et mon autre question, c'est que certains
groupes, l'Association de prévention du suicide, mais des groupes
communautaires aussi qui accompagnent les personnes qui ont des troubles
mentaux, nous ont amené l'enjeu de dire : Ça va... des psychiatres
aussi... ça va changer la relation, le seul fait que la possibilité de demander
l'aide médicale à mourir existe, parce que ça va faire en sorte que, rapidement,
les gens que l'on traite, qu'on accompagne, risquent de nous le demander, et ça
va complexifier énormément le plan de traitement, l'espoir qu'on doit garder en
place. J'aimerais entendre votre réaction par rapport à cet argument-là.
Mme Igartua (Karine) : Je vais
répéter un petit peu ce que j'ai dit plus tôt. Ce n'est pas parce que c'est
difficile ou que c'est complexe qu'on ne doit pas faire ce qui est juste et
équitable. C'est vrai, c'est absolument vrai que
ça va complexifier les choses. Les psychiatres en parlent sur le terrain. Mais,
encore là, on ne parle pas d'accorder l'aide médicale à mourir à quelqu'un
qui en est à sa première dépression ou à un trouble de personnalité qui est en
crise suicidaire, ou un trouble de... ou à quelqu'un qui a un trouble d'usage
d'alcool ou de gambling, qui là vient de se mettre vraiment dans le pétrin puis
qu'il est en crise.
Donc, c'est de distinguer la crise de la
souffrance chronique et intraitable. Est-ce que c'est complexe? C'est sûr que
c'est complexe. Est-ce que c'est faisable? Oui, c'est faisable. Je pense que,
quand on a sondé les psychiatres et avant de... parce que c'est moi qui ai mis
en place le comité qui a été... qui a piloté ce dossier-là pour l'association
des psychiatres. J'ai interviewé beaucoup de monde avant de choisir le comité
d'experts.
Et les psychiatres d'expérience me disent
tous : Écoute, dans ma pratique, j'ai peut-être un ou deux patients à qui
je pense pour qui ça aurait du bon sens. Donc, on parle quand même de quelque
chose de minoritaire, on ne parle pas que ça va être 10 % de nos patients
qui vont vouloir ça et qui... et pour qui, au bout d'une évaluation, on va
dire : Oui, c'est ça que ça te prend. Entre faire une demande puis que la
demande soit acceptée et acceptable, il y a une grosse marge, et je pense que,
oui, ça va complexifier notre travail, mais, de ne pas le faire, ça serait de
bafouer les droits à tout un segment de la population.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. C'est tout le temps que nous avions.
Mme Hivon :
Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dr Oliva et Dre Igartua, d'avoir été avec nous et d'avoir
partagé, répondu à nos questions. C'est des propos qui sont très, très
éclairants pour la suite de nos travaux.
Donc, sur ce, je suspends les travaux quelques
instants le temps d'accueillir nos nouveaux invités.
(Suspension de la séance à 10 h 23)
(Reprise à 10 h 27)
La
Présidente (Mme Guillemette) : ...la commission reprend ses travaux. Donc, nous accueillons maintenant
le Regroupement des organismes de base en santé mentale des régions de la
Mauricie et du Centre-du-Québec et
leurs deux représentants,
Mme Marjolaine Trottier, infirmière clinicienne, experte en éthique de la
santé, et M. Jonathan Lacasse, codirecteur général. Merci,
bienvenue parmi les membres de la commission.
Donc,
vous disposez de 10 minutes pour nous présenter votre exposé, et il y aura
un échange avec les membres de la commission par la suite pour une
période de 35 minutes. Donc, je vous cède maintenant la parole.
Regroupement des organismes de base en santé mentale
des régions de la Mauricie et du Centre-du-Québec
(ROBSM Mauricie—Centre-du-Québec)
M. Lacasse
(Jonathan) : Bonjour. Merci beaucoup,
Mme la Présidente, et bonjour à MM. et Mmes les députés. Alors, merci, dans un premier temps, de nous
accueillir à cette commission spéciale, à laquelle on s'est inscrits
tardivement.
Alors, le Regroupement des organismes de base en
santé mentale, on regroupe les organismes qui oeuvrent, là, sur le territoire de la Mauricie-Centre-du-Québec, et on regroupe
près d'une trentaine d'organismes. Et évidemment, comme bien d'autres
associations, depuis que le sujet sur l'aide médicale à mourir et la santé
mentale est sorti, ça nous préoccupe beaucoup. Donc, on a amorcé tout un
travail de consultation qui avait débuté en février 2020, et qui nous a amenés,
là, à être là ici aujourd'hui après des consultations de nos membres et
également auprès de personnes concernées par la maladie mentale et les membres
de l'entourage.
Donc, ce
matin, on vient vous rencontrer pour vous faire part de notre inquiétude par
rapport à l'élargissement de cette loi-là pour les personnes dont le
seul motif est les troubles de santé mentale, donc nos argumentaires vont
beaucoup être orientés en ce sens. Donc, parce que, finalement, à la lumière de
tout le travail, puis c'est ce que Mme Marjolaine Trottier va vous
présenter, hein, on arrive comme à trois éléments importants qu'on va élaborer,
donc que les maladies mentales ne sont ni incurables ni irrémédiables, que
l'élargissement de la loi, lui, représente un potentiel accru de stigmatisation
puis de discrimination, hein, à l'égard, là, des gens ayant des troubles de
santé mentale, et, finalement, les symptômes de la maladie mentale, puis le
rétablissement des personnes, hein, fluctue dans
le temps, sur une longue période, en termes d'années, selon chaque personne.
Alors, sans plus tarder, je céderais la parole à Mme Trottier.
• (10 h 30) •
Mme Trottier (Marjolaine) :
Oui. Bonjour, Mme la Présidente, merci, MM., Mmes les députés. Merci de nous
recevoir à la commission. Alors, nous avons travaillé sur un mémoire, alors
c'est à moi de vous présenter les trois principaux arguments et les
recommandations, là, de notre mémoire.
Alors, pour commencer, l'argument que les
maladies ne sont ni incurables ni irrémédiables, en fait, il n'y a aucune
preuve scientifique que les maladies mentales sont irrémédiables et incurables.
Il n'y a aucun consensus d'experts à ce sujet-là, et même l'association des
psychiatres du Québec, qui ont écrit un document, le disent dans le document
qu'il n'y a aucune preuve que les maladies sont incurables et irrémédiables. Le
groupe de conseil expert aussi, le Haut-Commissariat des Nations unies s'est
aussi positionné, là, pour affirmer ce fait. Alors, à notre avis, considérant
cela, les troubles de santé mentale ne répondent pas aux critères que propose
la loi. Ça, c'est le premier argument que nous avançons.
Et, plus encore, nous, ce qu'on pense, c'est que
d'affirmer cela, de dire que les maladies mentales sont incurables et
irrémédiables, c'est le summum de la stigmatisation et de la discrimination. Et
ça m'amène sur le second argument de... Nous, on pense que la loi, ça augmente
le potentiel de stigmatisation et de discrimination à l'égard des personnes
ayant des troubles de santé mentale. Et ça nous questionne beaucoup sur quel message
qu'on veut envoyer aux personnes qui sont déjà vulnérables. Est-ce que ça veut
dire que c'est mieux d'être mort que de vivre avec certaines vulnérabilités?
C'est prouvé, il y a des études qui prouvent que
c'est surtout des femmes, des femmes qui sont isolées, qui sont appauvries et
qui souffrent de dépression qui demandent l'aide médicale à mourir, dans
d'autres pays, comme les Pays-Bas et en Belgique. Alors, ça, ça nous dit que
c'est des femmes qui vivent déjà de la stigmatisation et de la discrimination.
Et on sait, d'ailleurs, grâce à certaines études, que la discrimination et la
stigmatisation, c'est encore plus difficile à vivre que les symptômes de la
santé mentale.
Alors, à
cause de cela, nous, on pense qu'il faut vraiment agir au niveau de la santé...
au niveau de la stigmatisation et de la discrimination et que d'offrir
l'aide médicale à mourir pour les personnes qui souffrent de santé mentale, ça
va augmenter cette stigmatisation-là. Et nous sommes d'avis, parce que ça a été
beaucoup discuté comme argument, que de ne pas offrir à des personnes qui
souffrent de santé mentale, l'aide médicale à mourir, c'était une forme de
discrimination, bien, nous, on n'est pas d'accord. Nous, ce qu'on dit, c'est
que la santé mentale ne répond pas aux critères qui sont énoncés par la loi, et
que de ne pas répondre à certains critères, ce n'est pas de la discrimination.
Si vous allez voir votre médecin parce que vous souffrez d'un cancer et que
vous ne répondez pas à certains critères pour recevoir un certain soin, ce
n'est pas de la discrimination, c'est simplement parce que vous ne répondez pas
à certains critères. Bien, c'est la même chose. Présentement, on fait face à
une maladie mentale, vous ne répondez pas à certains critères pour recevoir
l'aide médicale à mourir parce que votre maladie n'est ni incurable ni
irrémédiable. Il y a encore de l'espoir, c'est ce que nous, on soutient.
Et ça m'amène
au troisième argument, c'est que les symptômes de la maladie mentale fluctuent
dans le temps sur une longue période, et on parle d'années. Et ce que la loi
propose, c'est une évaluation en termes de mois, ce qui est complètement
ridicule, parce qu'on sait très bien, selon les études, que la maladie mentale
va varier en termes d'années. Et il y a une
incertitude pronostique au niveau de la santé mentale, les psychiatres le
disent dans leur document de
l'association des psychiatres du Québec, il y a une incertitude pronostique, et
le rétablissement est non linéaire, ça fluctue dans le temps. Et il y a beaucoup de symptômes qui sont négatifs, comme
par exemple avec la dépression, qui va teinter le jugement, il va y avoir des idées suicidaires. Et les psychiatres le
disent, c'est extrêmement complexe, de départager de... qu'est-ce
qui est une idée suicidaire de qu'est-ce qui est vraiment un désir de mourir
par rapport à une demande d'aide médicale à mourir. C'est extrêmement complexe,
même les experts ne savent pas comment ils vont faire pour départager cela, et
ils disent même que ça va se faire sur une évaluation en termes d'années. Et ce
que la loi propose, à notre avis, ne permettra pas de protéger les gens qui
cheminent dans ce discernement-là.
En dernier lieu, il y
a le phénomène de l'ambivalence qui est présent jusqu'au bout de la vie, autant
chez les personnes qui souffrent d'idées suicidaires que chez les personnes qui
demandent une... qui font une demande d'aide médicale à mourir, c'est
répertorié dans les études. même qu'il y a des gens qui vont changer d'idée,
autant dans le phénomène suicidaire que dans le phénomène de l'aide médicale à
mourir, et ces gens-là se disent contents d'avoir changé d'idée, ce qui, à
notre avis, prouve qu'il y a toujours de l'espoir.
Et, pour terminer,
j'aimerais souligner le fait que même l'administratrice en chef de la santé
publique a été claire, le secteur de la
santé mentale est sous-financé au Canada, au Québec. L'accès à des soins en
psychiatrie est très difficile, ça
varie d'une région à l'autre, c'est très difficile d'avoir accès à des
psychothérapies, il y a des listes d'attente épouvantables. Alors, à
notre avis, si c'est difficile d'avoir des soins en psychiatrie, ça veut dire
que les patients sont mal soignés. Et on sait que plus il y a... moins il y a
de services en santé mentale, plus il y a de demandes d'aide médicale à mourir,
parce les patients ne sont pas soulagés.
Alors, nous, on pense
qu'il faut investir en santé mentale pour soulager les patients, et que ça,
c'est une priorité, et plus... c'est une priorité plus que d'offrir l'aide
médicale à mourir. Alors, s'il vous plaît, je vous demande d'insister sur
l'espoir, de travailler sur l'espoir et non sur la mort. Merci.
M. Lacasse
(Jonathan) : Je me permettrais de rajouter, en complément à ce que
Mme Trottier a nommé, hein, comme vous
le constatez, nos arguments sont résolument contre. Ceci étant, nous
reconnaissons la liberté de choisir des
personnes, mais, maintenant, et surtout, ce que nous voulons reconnaître, et
c'est ce que permet aussi la commission
et toutes les discussions que suscite une
telle thématique, c'est la grande reconnaissance des souffrances
psychologiques, qui a été longtemps un grand oublié. On a souvent mis
l'emphase sur la souffrance physique, mais la...
Donc, nous, pour
nous, c'est très important de reconnaître cet élément-là. Maintenant, nous, ce
qu'on dit puis ce que nous démontre la pratique terrain communautaire, c'est
que l'espoir, il est présent, que le rétablissement de chaque individu... Il
n'existe pas de trajectoire, hein, de trajectoire unique, de dire : On
va... Comme, par exemple, pour un cancer, on fait une chimiothérapie, on fait
les traitements, puis il y a un résultat attendu. Malheureusement, dans le contexte de santé mentale, c'est non
linéaire, le rétablissement, donc c'est ce qui fait qu'on ne peut pas se dire
que, si la... telle personne fait telle chose, ça va lui amener tel résultat.
Donc...
J'aurais envie de
vous partager aussi une citation. Nous, on a le privilège de travailler au sein
d'une équipe avec un pair aidant communautaire, qui est une personne concernée
par la maladie mentale puis qui avait envie de vous dire ceci aujourd'hui, il dit : «Moi, en ce qui me concerne, hein, côté santé mentale...» Puis, lui, il
entend des voix puis il dit :
«Bien que rétabli à 90 % depuis
quelques années, il reste un 10 % pendant lequel, presque quotidiennement,
les voix me disent de se suicider.» Il dit qu'il les ignore tout simplement et
dédramatise la situation. Il croit, donc, à une vie épanouie où le suicide
n'est pas une solution, tout comme l'aide médicale à mourir, qui est, pour lui,
une sorte de suicide déguisé et institutionnalisé. Donc... Puis, ça, c'est le
genre de témoignages qu'on a entendus dans le cadre de nos consultations à
plusieurs moments, les gens sont...
C'est pour ça qu'on
est inquiets, tu sais, c'est pour ça qu'on vient vous dire, ce matin :
Écoutez, il y a plein de choses qui démontrent... qui nous allument des
lumières rouges dans les questions que vous avez à... dont vous aurez à trancher, et on se sentait vraiment le
devoir de venir vous partager notre inquiétude puis vous... mettre l'emphase
sur l'espoir, les histoires de gens qui... qu'on pensait qu'ils n'allaient pas
remonter une pente, mais... Des fois, c'est par une rencontre, tu sais, des
fois, c'est... On ne sait pas, malheureusement, qu'est-ce qui peut susciter
l'espoir, d'où l'importance de lui accorder tout le nécessaire au niveau, là,
de ce qui peut être fait en santé mentale, autant pour le réseau public que
pour le réseau communautaire.
Donc,
pour nous, c'est un peu un appel, là, un appel à l'espoir puis à dire... Tu
sais, là, lors de notre document de réflexion qu'on avait fait, là, en
février 2020, c'était : «Si les fleurs poussent sur le trottoir, c'est
qu'il y a toujours de l'espoir.» Je pense que vous avez tous déjà remarqué des
fois comment la nature peut nous épater à des endroits où on s'y en attendait le moins. Bien, c'est le même principe, là, au
niveau de la... de tout le travail, là, qui peut être fait, là, au
niveau de la santé mentale.
Moi, je pense que...
Il y avait-tu quelque chose que tu voulais rajouter, Marjolaine?
La Présidente
(Mme Guillemette) : On peut passer à la période d'échange...
M. Lacasse
(Jonathan) : Ou les questions.
La Présidente (Mme Guillemette) : On peut passer à la période d'échange avec les
députés, puis, à la fin, bien, on verra s'il y a des choses qui nous
ont échappé. Bien, vous pourrez préciser. Donc, je céderais maintenant
la parole au député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum :
Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Trottier, M. Lacasse, pour vos
propos assez clairs et sérieux. Dans un premier temps, pour contextualiser vos
recommandations, pouvez-vous nous parler un petit peu de la façon que vous êtes
arrivés à ce point-là? Y avait-il une consultation, des discussions formelles,
ou autres, avec vos membres, associations, avec des individus? Comment vous
êtes arrivés à vous exprimer ainsi aujourd'hui?
• (10 h 40) •
M. Lacasse
(Jonathan) : Donc, dans un premier temps, nous, nous avions mandaté,
justement, notre regroupement, là, Mme Marjolaine Trottier, pour faire un
peu, là, une recension, là, de tous les écrits et mémoires, là, qui étaient faits, là. On remonte, à ce temps-là,
là, aux alentours de mars ou février 2020, là. Il y avait eu la Commission
sur les soins de fin de vie, là, qui avait
fait une consultation nationale à ce moment-là, donc, nous, ça nous avait
interpelés. Suite à ça, on a pondu, justement, ce document-là, qui a été
envoyé à nos membres.
Et,
quand la commission spéciale s'est mise en place, on a relancé le dossier.
Donc, on a mis à jour le document en question, qui a été travaillé notamment,
là, avec... Nous, notre conseil d'administration, là, provient de... est
formé de nos membres, issus de plusieurs
milieux. Donc, il y a eu, à des moments, des discussions et échanges avec ces
gens-là.
Et
également, nous, on a en place, au niveau régional, ce qu'on appelle la
locomotive, donc, qui est un endroit où les personnes concernées par la
maladie mentale et les membres de leur entourage travaillent ensemble dans une perspective de participation citoyenne. Donc, ils
ont été en mesure aussi de prendre acte de ce qu'on avait été produit puis
nous faire part de quelques recommandations.
Et
également, sur notre territoire, on a aussi des centres de prévention du
suicide. On a trois centres de prévention suicide, avec lesquels on a eu aussi
des rencontres de travail, qui s'associent à notre démarche, mais qui, eux, font
aussi dans les regroupements nationaux, donc ont travaillé de pair, là, avec
leurs regroupements, là, nationaux.
M. Birnbaum :
D'accord, merci, merci beaucoup. Le temps est limité...
M. Lacasse
(Jonathan) : Oui, effectivement.
M. Birnbaum :
...alors je vais passer à une autre question. Vous avez noté, à juste titre, la
réalité très malheureuse que la disponibilité et... l'accès aux services en
santé mentale n'est pas au rendez-vous. Nous sommes très conscients... et ça
risque d'être une observation qu'on va faire, et il ne faut jamais nier ça. Par
contre, vous allez comprendre que ça ne nous
permettrait pas d'évacuer de notre responsabilité d'adresser aux questions de
l'élargissement possible de l'aide médicale à mourir. Donc, votre
réponse est assez claire.
J'aimerais vous
mettre devant un scénario que j'invente et d'avoir votre réaction sur trois
choses, sur comment, ce cas que je vais inventer, répond aux critères actuels
dans l'article 26, sur la possibilité qu'il y ait des bonifications d'un
tel article qui s'adresserait de façon satisfaisante à cette demande, et, troisièmement,
si vous écartez, dans le scénario que je vous offre, toujours la possibilité
d'accès à l'aide médicale à mourir. Je veux vous parler de quelqu'un avec un diagnostic
d'une schizophrénie sévère, qui, depuis son enfance, n'a jamais réussi à faire
des connexions affectives avec sa propre famille, avec ses amis, n'a jamais
complété, même, l'école secondaire, n'a jamais réussi à travailler pour plus
que quelques semaines, a été suivi à plusieurs reprises presque de façon
continue par des soignants de santé mentale, qui est à la fois jugé apte, qui
déclare son intention selon les critères, comme il les voit, de se prévaloir de
l'aide médicale à mourir. Est-ce que vous jugerez cette personne, quand même,
de votre recommandation, inéligible? Est-ce que vous diriez que c'est l'espoir
qui manque ou vous... Comment vous jugerez ses voeux exprimés dans de telles circonstances?
M. Lacasse
(Jonathan) : Est-ce que...
Mme Trottier (Marjolaine) :
Est-ce que...
M. Lacasse
(Jonathan) : Bien, vas-y, Marjolaine, là, tu peux...
Mme Trottier
(Marjolaine) : Oui. Merci, M. le député, pour votre question. Bien, premièrement,
ce qui me vient, c'est énormément de compassion, là, pour cette personne-là,
là, c'est évident. En fait, c'est sûr qu'il n'y a pas de réponse facile à une situation
complexe comme celle-là. Ma réponse spontanée, c'est vraiment au niveau de la
prévention. Tu sais, dans le sens que, je l'ai dit tantôt, c'est : la santé
mentale est un secteur sous-financé autant au niveau des soins, des services,
mais au niveau des études, au niveau de la recherche.
Alors, moi, je pense
que l'espoir se situe au niveau aussi de la recherche. Ça fait que c'est sûr
que, tant que le secteur de la santé mentale
n'aura pas eu tout l'investissement nécessaire au niveau de la recherche, et de
la prévention des maladies de la santé mentale, et du soutien et... J'en
ai parlé dans mon exposé tantôt comment que la santé mentale, c'était un
problème de société par rapport au revenu, de la précarité d'emploi, des liens
sociaux autant de la famille... Moi, en fait, je pense que c'est un problème de
société sur lequel on peut agir. Ça fait que c'est sûr qu'il y a des cas qui
sont vraiment plus complexes, mais, en agissant en amont, je pense que, oui, il
y a de l'espoir. Mais c'est sûr que c'est en termes de temps, aussi, que les
solutions vont arriver.
M. Lacasse (Jonathan) : Puis, si je pouvais me permettre de rajouter,
M. le député, eut égard aux recommandations qu'on met en place, il
est... il nous apparaît évident qu'il est important de s'assurer, avec la
personne, qu'est-ce que la personne a fait, aussi, en termes de son
rétablissement, qu'est-ce qui lui a été proposé, qu'est-ce qu'elle a exploré.
Ça fait que c'est important que soit mis en place, hein, tout un processus
d'évaluation complet, psychosocial, là, tu sais, pour bien... Parce qu'au
final, je veux dire, la souffrance, elle est réelle et elle est légitime, tu
sais, on ne peut pas porter de jugement sur
la souffrance, mais, par contre, est-ce qu'on peut s'assurer... parce qu'on
partage le même point de vue, comment
donner accès à quelque chose alors qu'actuellement... puis, en plus, il y a des
disparités régionales, parce que, dans votre exemple, on ne sait pas où
demeure votre personne, mais, si elle est sur la Côte-Nord versus si elle est à
Montréal, dans un centre urbain, les services ne seront pas tout à fait les
mêmes, il y aura une plus grande...
Donc, tu sais, il y a tout
un travail d'investissement à faire, vraiment, au niveau de la santé mentale.
Au final, puis comme on l'a mentionné dans notre document, je veux dire, on
reconnaît la liberté de choisir de la personne, mais il faut vraiment s'assurer... parce qu'on ne voudrait pas que ça
devienne un outil d'intervention, on va le nommer comme ça aussi, là, l'aide médicale à mourir ne
doit pas être vue comme un outil d'intervention, parce que ça vient miner
tout le travail qui est fait en prévention et en amont sur le terrain.
Une voix : ...
Mme Trottier (Marjolaine) :
Oups! Votre micro est fermé.
M. Lacasse (Jonathan) : Votre
micro, M. le député.
M. Birnbaum : Merci. C'est,
justement, où je veux m'en aller, avec une dernière question. Nous sommes tous saisis de deux choses, l'importance
primordiale de bonifier les efforts en tout ce qui a trait à la prévention du
suicide dans le financement des organismes qui font un travail
formidable en ce domaine, comme vous et autres, et d'assurer que quelque
changement que ce soit qu'on aurait proposé n'ait pas l'effet de privilégier
cette option, ça va sans dire.
Mais, dans ce domaine très, très sensible, je
vous invite à être très, très clairs. Est-ce... Parce que c'est très sérieux.
Est-ce que vous êtes en train de suggérer qu'un élargissement de l'aide
médicale à mourir, balisée peut-être davantage
et de façon très sérieuse avant l'implantation, suivie d'un examen d'un comité
médical, des proches aidants, et tout, très, très vigoureuse... est-ce
que c'est votre contention qu'il y a un lien direct que l'élargissement de
l'aide médicale à mourir risque de pas seulement banaliser, en quelque part, la
fin de vie, mais risque de faciliter les efforts des gens susceptibles à la...
suicide, d'en embarquer, d'aller à ce geste ultime?
• (10 h 50) •
M. Lacasse (Jonathan) : Je ne
pourrais pas aller, hors de tout doute, jusque-là, mais ce qu'on constate déjà
sur le terrain, la difficulté qu'ont certains de mes membres à intervenir avec
des personnes qui n'attendent que ça, là, O.K., de pouvoir le faire. Donc, ce
que ça nous ouvre comme questionnement, c'est qu'à quelque part il y a un
espoir qui est complètement disparu... qui peut disparaître chez certaines
personnes, sachant que... tu sais, pendant des années, on dit que le suicide
n'est pas une option, puis... et là on va permettre, même si c'est dans
certains critères précis, patati, patata, de
dire : Bien, écoute, à quelque part, tu vas pouvoir mettre fin à tes jours
si tu réponds à x, y critères. Donc, j'ai déjà, c'est ça, comme je
disais, des membres qui ont à travailler, puis c'est tout un défi, là, c'est
tout un défi, parce que l'espoir est éteint ou le seul espoir qui leur reste,
c'est de dire qu'un jour ils vont y avoir accès puis qu'ils vont pouvoir
maintenant passer à l'acte.
L'autre élément aussi, ce n'est pas tant aussi
le passage... l'augmentation, peut-être, du passage à l'acte, ou autres, que
toute la question de la discrimination puis de la stigmatisation que cela peut
engendrer aussi, qui peut juste encore plus nourrir le fait que, bon, écoute,
là, si ça ne marche pas, va demander l'aide médicale à mourir, puis on
n'entendra plus parler. Je veux dire, tu sais, ça peut amener... Bien, et c'est
le genre de questionnement, parce que les familles, des fois, elles sont aussi
en détresse quand elles accompagnent les personnes concernées qui vivent des
moments plus difficiles.
Donc, tu sais, c'est pour que nous, on vient
avec des inquiétudes, avec des lumières rouges, tu sais, pour vous dire...
justement, vous l'avez dit, M. le député, c'est un sujet très important, là, tu
sais, c'est... puis qui a une incidence. Déjà, ce n'est pas encore en cours,
puis on constate déjà une incidence, là. Il y a même une table de prévention suicide qui nous mentionnait qu'elle
accompagnait une membre de la famille, puis qu'elle en voulait, justement,
à une... à quelqu'un du réseau de la santé qui avait dit à la... à son membre
concerné qu'il a juste à attendre que l'aide médicale à mourir soit permise, tu
sais, mais finalement la personne est passée à l'acte, tu sais, mais quand il y
a des professionnels de la santé qui vont jusqu'à dire ça, écoutez, là, je veux
dire, on est dans la stigmatisation ou de la discrimination, là. Ça fait que
vous avez un devoir, là, de vous assurer... Donc, il y aura tout un travail à
faire aussi au niveau de la lutte à la stigmatisation, à la discrimination, là,
au niveau de la santé mentale, là.
Mme Trottier
(Marjolaine) : Et, si je
peux me permettre, M. le député, si ça devient une option de traitement ou de
soins, ça devient, d'une certaine façon, accessible, donc banal. Ça, à mon avis, c'est comme une certaine façon
de banaliser l'accès.
M. Birnbaum : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Bien, j'irais un peu dans la suite. On parle de
discrimination, de stigmatisation. Ce qui nous a été rapporté, ce qu'on a
entendu dans les derniers jours, les dernières semaines, c'est que les gens en santé mentale pourraient se sentir,
justement, ceux qui ont un trouble de santé mentale, pourraient se
sentir discriminés face à l'aide médicale à mourir s'ils n'y ont pas accès, en
lien avec la différence entre la santé mentale et la santé physique, qu'on
traiterait différemment la santé mentale de la santé physique. Donc, j'aimerais vous entendre au niveau de la
discrimination. Parce qu'il y a deux pans, puis là je me ferais l'avocate du
diable... J'entends bien ce que vous
me dites, mais on a besoin d'avoir des réponses puis on a la chance de vous
avoir avec nous, donc on va profiter de ces moments-là.
Donc,
j'aimerais vous entendre sur cet aspect-là de la discrimination, aussi, des
gens qui pourraient effectivement se
sentir discriminés parce qu'ils ont un trouble de santé mentale et parce qu'ils
n'auraient pas accès à l'aide médicale à mourir.
M. Lacasse
(Jonathan) : Si je peux commencer, juste, dans un premier temps, bien
clarifier la nuance, qui est importante. Pour moi, il y aura discrimination si
la personne qui a une problématique de santé mentale, et qui a un cancer, et
qui se fait refuser par son cancer, il y a une fin terminale à venir, puis
qu'il se ferait refuser son accès par rapport au fait qu'elle a un trouble de
santé mentale, là, pour moi, on est dans la discrimination. Ça, ça, c'est sans
aucun doute.
Maintenant, par
rapport au seul motif de demander l'aide médicale à mourir, je reprends les
arguments que Mme Trottier a mentionnés
tout à l'heure, hein, c'est-à-dire qu'on est dans l'ordre du traitement, je
veux dire, ou dans l'ordre du... Donc, de dire : Si je vais
rencontrer mon médecin pour un diabète, s'il va me proposer une trajectoire x,
bien, il ne faut pas que je me sente discriminé... tu sais, je ne me sentirai
pas discriminé si ce n'est pas ce que j'avais nécessairement en tête comme
traitement. Donc, il y a cet enjeu-là à tenir en compte. Je ne sais pas si
Mme Trottier veut compléter.
Mme Trottier
(Marjolaine) : Bien, en fait, Mme la Présidente, c'est ce que je
disais tantôt, pour moi, c'est une question de critères à établir. Et, pour
nous, les problèmes de santé mentale ne répondent pas aux critères établis par
la loi dans le sens que les maladies mentales ne sont ni incurables ni
irrémédiables, pour nous, c'est une fausseté, c'est... il n'y a aucun consensus
scientifique à ce sujet-là. Donc, en ne répondant pas à ces critères-là, les
problèmes de santé mentale ne sont pas éligibles. Ce n'est pas de la
discrimination, c'est simplement qu'ils ne répondent pas à certains critères.
Les maladies mentales
sont différentes des maladies physiques. Ce n'est pas parce qu'elles sont
différentes qu'elles sont moindres, c'est
qu'on les traite différemment. Comme M. Lacasse l'a dit, si vous avez le
diabète, que vous allez voir votre
médecin, que vous demandez l'aide
médicale à mourir, probablement que
votre médecin ne vous donnera pas l'aide
médicale à mourir. Et, nous, ce qu'on
demande, c'est que, si vous avez un problème de santé mentale, que vous allez voir votre médecin, que vous demandez l'aide médicale à mourir, ce qu'on demande, c'est que le médecin refuse de
vous donner l'aide médicale à mourir parce que vous ne répondez pas à certains
critères, c'est ce qu'on demande. Pour
nous, ce n'est pas de la discrimination, c'est que vous ne répondez pas aux
critères. Ce n'est pas parce que votre souffrance, elle est moindre,
c'est qu'elle est traitée différemment.
M. Lacasse (Jonathan) : Et c'est vraiment le défi du rétablissement,
Mme la Présidente, aussi, si vous permettez, et de dire... c'est que le
rétablissement est tellement unique et individuel à chacun, hein? Comme je vous
dis, si on avait les recettes
magiques qui permettraient de savoir une trajectoire linéaire, on aurait
probablement peut-être un discours différent, mais... Puis, en plus,
d'autant que ce qu'on entend des personnes qui ont eu quelques tentatives de
suicide... nous dire, aujourd'hui, à quel point qu'elles étaient heureuses maintenant, tu sais. Mais
c'est sûr, c'est qu'on ne peut pas, malheureusement, prévoir les
trajectoires de rétablissement.
La Présidente
(Mme Guillemette) : On parle beaucoup d'autodétermination de la
personne. Vous voyez ça comment, face aux
gens qui ont une problématique, un trouble de santé mentale? Ils disent :
Bien, nous aussi, on a le droit de
choisir, on a la possibilité et on ne doit pas nous enlever ce droit-là. Vous
vous situez où, dans cette affirmation-là?
Mme Trottier (Marjolaine) : Bien, merci, Mme la Présidente, pour la
question, on a réfléchi beaucoup à cette question-là. Encore une fois, oui,
c'est une question de droit, c'est une question de critères, aussi. Si vous
avez le cancer, que vous allez voir
votre médecin, que vous lui dites : Monsieur, j'ai le cancer, j'ai le
droit d'avoir tous les traitements possibles, donc je veux telle
chimiothérapie et je l'exige, c'est mon droit, c'est possible que votre médecin
vous dise : Non, madame, ce n'est pas le traitement adéquat pour vous.
C'est pareil pour les troubles de santé mentale, ça se peut que le traitement
de l'aide médicale à mourir ne soit pas adéquat pour vous.
La Présidente
(Mme Guillemette) : O.K. Dans votre sondage, est-ce que vous
savez combien de médecins seraient ouverts à administrer l'aide médicale à
mourir aux personnes inaptes? Est-ce que ça a été mentionné, ça, dans votre
sondage?
M. Lacasse
(Jonathan) : On n'a pas fait de sondage de cette nature-là, Mme la
Présidente. On essaie plutôt, à la lumière des lectures, là, de certains
mémoires, là... on est allés puiser nos informations.
La Présidente
(Mme Guillemette) : O.K., parfait, il n'y a pas eu de sondage.
M. Lacasse
(Jonathan) : À moins que madame... Non, il n'y a pas eu de... Nous, de
nous-mêmes, de notre propre chef, on n'a pas fait de sondage, là.
Puis l'autre élément
que je voudrais peut-être rajouter, sur l'importance aussi... Là, je sais qu'actuellement,
le gouvernement actuel, hein, a travaillé au nouveau plan interministériel en
santé mentale, hein? L'importance des ponts entre le réseau public et le réseau
communautaire, elle est primordiale. Et on est souvent vus comme une extension,
si on veut, du réseau de la santé, on a envie d'être vus comme des partenaires
à parts égales et que ça soit tenu compte aussi dans la... au niveau, là, des recommandations,
puis au niveau des actions qui sont à faire aussi, parce que combien de fois
qu'on entend des... combien de fois j'entends mes membres, qui disent : On
veut... Parce que les portes d'entrée sont difficiles au niveau de... il y a
des problèmes d'accès, d'accessibilité.
Ça fait que c'est pour ça qu'on dit
souvent : Le facteur de désespérance, à quoi il... il faut se poser la
question : À quoi il est lié, ce facteur-là de désespérance? Puis... toute
la question de l'autodétermination, l'approche du
rétablissement en santé mentale repose sur la notion de la reprise du pouvoir
sur la vie de la personne. Puis, comme Mme Trottier l'a amené, pour nous,
là, l'aide médicale à mourir, ce n'est pas une voie de traitement possible,
mais que, ceci étant, si on est pour le permettre, il faut s'assurer autant que
faire se peut d'y restreindre l'accès, puis non pas dans un esprit d'empêcher,
dans un esprit de s'assurer qu'on n'échappe pas des potentiels avenirs, parce
que c'est le risque, et vous l'avez abordé... Oui.
• (11 heures) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Dans cet ordre d'idées là, M. Lacasse, on a entendu, tout à l'heure, la
Fédération des médecins spécialistes, qui tenait, je vais le dire comme ça, là,
à nous rassurer en disant qu'au niveau des troubles de santé mentale, il n'y a
pas tant de gens que ça qui seraient admissibles, selon les critères et selon
ce que tous les confrères, là, leur ont dit. Ils disent peut-être un dans tout
un cas clinique, là, dans toute la clinique d'un médecin. Puis là vous
dites : Si jamais... Tu sais, vous ouvrez quand même une petite miniporte,
là, puis je vais mettre le pied dedans, vous
dites : Si jamais on décidait d'ouvrir, il faudrait mettre des critères
très, très stricts. Est-ce que
vous avez des critères pour nous? Et de un. Et de deux, est-ce qu'il y aurait
un laps de temps, comme cinq ans, 10 ans, une longitudinale... sur une
ligne de temps, là, comment... dans combien de temps, là, ce serait...
M. Lacasse (Jonathan) : En
fait, comme on mentionne, au niveau de nos recommandations, comme bien
d'autres, d'ailleurs, on n'a pas mis de notion du temps. Puis ceci m'amène
aussi à partager avec la commission le fait que... Je comprends qu'il y a un
délai qui a été imposé par le fédéral, là, de... là, on n'est plus rendu à
18 mois, mais, au moment où ça a sorti, là, ils parlaient de 18 mois
pour permettre l'élaboration. Moi, je pense qu'il y aura... C'est des notions importantes. Est-ce que trois mois, ou
six mois, ou cinq ans... C'est un grand défi. Est-ce que, juste le temps
d'une commission comme la vôtre, c'est
suffisant pour déterminer où il faudra des... Tu sais, malheureusement, on n'a
pas... Considérant que les symptômes fluctuent dans le temps, puis que le
rétablissement aussi fluctue dans le temps, c'est très embêtant.
Je me
permettrais de revenir sur, effectivement, ce qu'on a vu au niveau des
chiffres, c'est peut-être un minime pourcentage, O.K., mais pensons-y,
je crois que c'est en Belgique ou aux Pays-Bas, c'est quand même l'équivalent
d'un autobus de 50 passagers, donc...
Une voix : Par année.
M. Lacasse
(Jonathan) : ...50 par
année, O.K., ça fait que c'est Les Éboulements à chaque année, si je
reprends une image forte, là. Donc, c'est des familles aussi qui sont touchées
à travers ça, là. On peut penser que ce n'est pas gros sur un nombre total, effectivement, je ne me souviens
plus des derniers chiffres, là, au niveau de l'aide médicale à mourir
actuellement, mais effectivement, ce n'est pas... on comprend que ce n'est pas
un gros pourcentage, mais ça reste quand même peut-être des potentiels,
s'il y avait eu, tu sais... quelle est l'analyse. Donc, c'est toute la
question : Qu'est-ce qui a été fait? C'est important de voir...
Puis là on n'a pas parlé du refus de traitement.
Si la personne, au cours de son rétablissement, elle a fait beaucoup de refus de traitement, bien, qu'est-ce
qu'on fait à partir de là? Qu'est-ce qu'on... Parce que c'est un droit, là,
aussi, le refus de traitement. Donc, comment on en tient compte? Comment vous
allez l'articuler, là, au niveau de l'application, la question du refus de
traitement? Puis, si la personne, dans ce qu'on lui propose, un coup qu'elle
fait sa demande d'aide médicale à mourir... Parce que je sais que, si on
constate qu'elle n'a pas essayé, on peut être en mesure de lui proposer de
pister certaines choses, mais si, encore là, il y a du refus de traitement...
Donc, il y a des zones qui nous disent qu'il y
aurait peut-être un travail... À partir du moment où on s'entend, O.K., on
ouvre, mais on peut-tu vraiment s'entendre, après ça, puis mettre en place ce
qu'il faut pour étudier ce serait quoi, les meilleures, là, les meilleures
balises mises en place? Donc, c'est un appel aussi à la commission, de
dire : Bien, O.K., oui, on va peut-être
élargir, mais il y aura peut-être un travail encore à faire pour qu'on puisse
déterminer. Puis on comprend
l'élément que c'est important aussi au niveau du médical, mais il faut avoir
aussi une approche, aussi, psychosociale, hein, du soin, du service en
santé mentale.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. J'ai pris beaucoup de notes, ça m'éclaire beaucoup pour la
suite de nos travaux. Je vais céder la parole à la députée de Soulanges.
Mme Picard : Bonjour. Merci
beaucoup pour votre présence. Vous avez mentionné, tantôt, à mon collègue que
les proches ont vraiment une importance à travers tout le processus, qu'ils ont
beaucoup de pression aussi, là, quelquefois, là. Vous avez mentionné que les
proches ont quand même une part importante. Est-ce que, selon vous, le rôle des
proches, est-ce que ce rôle devrait être consultatif ou exécutoire?
M. Lacasse (Jonathan) : Bien,
d'entrée de jeu, pour moi, c'est d'abord et avant tout consultatif, dans le
sens où, un peu... je veux dire, dans le sens où il faut y aller aussi en
fonction du rétablissement de la personne. Il y a des gens pour qui la famille
est impliquée, puis il y a d'autres pour qui... On parlait d'autonomie,
justement, là, tout à l'heure, ça fait qu'il faut passer par la lunette d'où
est la personne dans son rétablissement. Autant que faire se peut, il est
souhaitable que la famille soit aussi impliquée. Mais, si la personne en soi ne
veut pas impliquer la famille, je vois mal, là, qu'on l'oblige à, tu sais,
forcer la note, là, tu sais, dans le respect du rétablissement de la personne.
Mme Picard : Merci beaucoup.
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Donc, j'ai la députée de Saint-François
également, je crois, qui aurait une question.
Mme Hébert : Oui.
Merci, Mme la Présidente. M. Lacasse, Mme Trottier, merci de vos interventions.
C'est sûr et certain, j'ai pris la note, là, que vous aviez dit, par rapport à
la discrimination puis la stigmatisation envers les personnes qui souffraient
de troubles mentaux. C'est une autre avenue que... c'est un autre côté qu'on ne
nous avait pas apporté puis... ou peu, et je trouve ça intéressant.
Moi, je vous apporte... je vous mets une situation
qu'on nous a énoncée, qu'un médecin qui donne l'aide médicale à mourir, qui a
eu à faire face... une dame qui a vécu plusieurs épisodes de dépression, donc
elle a un problème de santé mentale, sur une quinzaine d'années, peut-être même
20 ans. Cette dame-là a quand même eu des épisodes de bonheur, de bonheur
ou de joie où ses souffrances ont été quand même atténuées et avoir une
certaine joie de vivre. Mais là elle rechute, puis après plus de 18 mois
de toutes sortes... on a essayé les traitements, elle est tannée, elle est au
bout du rouleau, elle refuse tout traitement, puis elle veut juste mourir, mais
elle n'a pas le droit à l'aide médicale à mourir, elle n'est pas éligible. Puis
elle fait sa demande, c'est refusé. Puis ils vont même jusqu'au niveau
juridique pour valider cette décision-là, puis l'avocat lui dit que non, elle
n'a pas le droit.
Donc, la seule avenue qu'elle a eue, que le
médecin a dit, bien, c'est que vous pouvez arrêter de vous nourrir puis vous
allez mourir. Puis c'est ce que la femme a fait, elle a pris... elle est allée
en sédation palliative, donc elle a arrêté de s'alimenter, puis elle est
décédée au bout d'à peu près quelques jours.
Donc, est-ce que vous craignez que, si on ne
permet pas... sachez, là, que ce n'est pas une opinion, c'est vraiment une
question, mais est-ce que vous pensez que si on ne... dans certains cas, que
toutes les avenues, selon elle, là, parce que j'avoue qu'il y a un certain
refus de traitement, est-ce que vous pensez qu'on risque d'en arriver là, mais
que ça serait seulement quelques cas, donc que c'est... ce serait mieux de ne
pas élargir, même si on arrive à des situations comme ça?
M. Lacasse (Jonathan) : Bien,
je référerais à nos recommandations, où on le mentionne, je veux dire, parce
que, même si nos argumentaires sont dans le contre, on est conscient, quand
même, du fait que c'est quelque chose qui est sur la table et qui ira de
l'avant. C'est pour ça qu'on dit : Écoutez, qu'est-ce qui a été fait,
O.K.? Puis là on repose sur le médecin, on a la vision des traitements médicaux
qu'elle a eus, mais ça, c'est souvent l'approche très médicale, O.K.? Comme je
disais tantôt, il faut avoir une vision psychosociale : Est-ce que la
personne est allée chercher de l'aide dans la communauté, auprès d'organismes
communautaires, auprès de centres de jour, auprès de... Donc, l'importance de
développer vraiment l'évaluation psychosociale puis de prendre en compte
c'était quoi, le chemin de rétablissement des dernières années, pour
qu'elle puisse explorer, tu sais?
Au final, on le reconnaît, la liberté de la
personne, elle est quand même, là, au-dessus, et on est dans une société de
droit, donc on le reconnaît, et elle souffre, et on reconnaît cette
souffrance-là. Donc, nous, ce qu'on dit, c'est ça, c'est, quand on parlait de
limiter, tantôt, mais c'est quoi qu'on peut mettre en place? Justement, est-ce
qu'on va faire... on va regarder c'est quoi,
les... on va aller chercher d'autres avis, parce que lui, on dit que, dans...
là, peut-être c'est le médecin de famille, mais est-ce qu'il y a un avis
d'un psychiatre qu'il est allé chercher dans le dossier pour pousser plus loin?
Est-ce qu'aussi, là, au niveau, là, de... est-ce que sa demande se maintient
dans le temps? Est-ce qu'il y a eu des
discussions, justement, là, aussi, là, avec la famille, comment ça se passe à
ce niveau-là? Donc, il y a...
Mme Trottier
(Marjolaine) : Puis, si je
peux me permettre, cette demande-là, nous, dans les recommandations qu'on fait, c'est qu'on ne voudrait pas que ça soit fait dans
un épisode suicidaire, tandis que, là, c'est... elle passe à l'acte en plein
dans un épisode suicidaire, ce qui est contre-indiqué dans nos recommandations.
À mon avis, c'est un cas pur et dur de prévention du suicide, là.
Mme Hébert : O.K.
Alors...
La
Présidente (Mme Guillemette) : C'est tout le temps que nous avions, malheureusement, Mme la députée. Je m'excuse, je pense que j'ai pris beaucoup de temps, mais,
bon, c'est tout le temps que nous avions. Et je souhaite sincèrement remercier
nos deux invités de ce matin, M. Lacasse et Mme Trottier. Vos propos
ont été très éclairants pour la suite des travaux de la commission, et merci
pour votre contribution.
M. Lacasse (Jonathan) : Merci.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Sur ce, nous suspendons les travaux quelques instants, le temps
d'accueillir nos nouveaux invités.
(Suspension de la séance à 11 h 10)
(Reprise à 11 h 46)
La Présidente (Mme Guillemette) :
La commission reprend ses travaux. Donc, nous accueillons maintenant
Mme Kim L. Giard.
Merci,
Mme Giard, d'être avec nous via le téléphone. Donc, vous disposez, à partir de maintenant, de 10 minutes pour nous présenter votre exposé, et il y aura un
court échange avec les membres de la commission par la suite. Donc, je
vous cède maintenant la parole.
Mme Kim L. Giard
Mme Giard
(Kim L.) : Mme la Présidente
Nancy Guillemette, Mmes les députées Véronique Hivon, Marie Montpetit, M. le député Gabriel
Nadeau-Dubois, bonjour. Je me présente, Kim L. Giard. Dans un premier temps,
Mme la Présidente, je veux remercier le
comité d'avoir accepté ma demande de participation aux audiences publiques
de la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin
de vie. Je suis honorée de participer à cette deuxième étape à titre de témoin.
Cette implication représente, pour moi, une opportunité unique et une grande
responsabilité.
Après avoir été psychoéducatrice pendant 20 ans,
agente de relations humaines et intervenante psychosociale dans le réseau public du Québec et dans différents
organismes communautaires, j'exerce maintenant le travail d'intervenante
en soins spirituels au sein de deux centres
hospitaliers du centre intégré universitaire des soins de santé et des services
sociaux de l'Estrie. Quotidiennement, j'accompagne des femmes et des hommes
traités notamment dans les services des soins palliatifs et des soins de fin de
vie. Dans ces lieux, j'ai rencontré plus d'une fois des personnes, entourées de
leur famille, à qui on administrait l'aide médicale à mourir.
Tel qu'inscrit dans les orientations
ministérielles de 2010, la spiritualité se définit de la façon suivante :
c'est le sens que la personne cherche à donner à sa vie, à ses souffrances et à
sa mort. Elle désigne également les valeurs de la personne, sa satisfaction
intérieure et sa soif d'accomplissement sur le plan de l'être. En résumé,
depuis 2011, dans le réseau de la santé et des services sociaux, la mission de
notre travail en tant qu'intervenantes et intervenants en soins spirituels est
d'offrir un soutien moral qui a un accompagnement spirituel ou existentiel
auprès des patients et de leurs proches dans
les périodes où ils doivent affronter la maladie, la souffrance, la perte
d'autonomie ou la mort, bref, dans
les moments où ils doivent vivre la vie sous toutes ses formes d'étonnement, de
bouleversement, et ce, dans un contexte de déséquilibre, de changement,
de crise et parfois de désespoir.
Cette approche éthique, qui vise à apaiser la
souffrance psychique et à sauvegarder la dignité de la personne malade, contribue à soutenir aussi les proches
aimants. En premier lieu, dans l'exercice de leur travail, les intervenants
en soins spirituels s'attardent au sens, le
sens qui se dégage de toute vie comme possibilité, ouverture, désir et finalement
orientation de celle-ci.
• (11 h 50) •
L'intervenant, l'intervenante en soins
spirituels assure également une présence bienveillante, une écoute empathique
et un suivi compatissant au chevet du malade qui a exprimé, à titre d'exemple,
son refus de traitement ou sa volonté de cesser de poursuivre le plan des
traitements prévus. Sa présence se situe aussi dans le contexte où une demande
éclairée et volontaire d'aide médicale à mourir fut exprimée et que, suivant le
processus d'évaluation, elle fut refusée ou autorisée.
Les préférences et le besoin spirituel de
l'usager sont considérés comme faisant partie intégrante des soins et du
processus de confort et du mieux-être. Ils font partie aussi des discussions au
moment de prendre les décisions relatives aux soins qui peuvent présenter un
aspect éthique ou spirituel.
Dans les services publics de la santé et des services
sociaux, la collaboration interprofessionnelle représente une grande force pour assurer une qualité de
soins. La réponse aux besoins biopsychosociaux et spirituels des usagers exige de maintenir des communications suivies et
soutenues avec le patient et sa famille. Les réflexions reliées à
l'élargissement de l'aide médicale à mourir pour les personnes en situation
d'inaptitude et les personnes souffrant de problèmes de santé
mentale ont su soulever l'importance de l'évaluation de l'état global de la personne en portant un regard sur toutes
ses dimensions.
À ce point,
il me semble aussi nécessaire de considérer l'ensemble des circonstances cliniques. Jusqu'à présent, mon expérience clinique m'a permis
de croiser de nombreux visages : les visages souriants, reconnaissants,
mais surtout les visages souffrants,
inquiets, désespérés ou endeuillés; sur les visages, la nouvelle information reçue d'un problème de santé
mentale récurrent ou d'un pronostic
de vie réservé. Peu importe l'âge de l'adulte, sa culture, son état
d'abondance ou de disette matérielle ou relationnelle, nous pouvons toujours
lire la souffrance et l'inquiétude dans le regard de ses corps passifs.
Rencontrer un visage, c'est immédiatement rencontrer un appel impératif à la
responsabilité. «Le visage est la partie dénudée de l'homme et de la femme,
exposée, sans défense, et qui, du même coup, convoque chacun à la
responsabilité», disait Lévinas.
Les délicates questions de consentement anticipé
et de l'admissibilité des personnes souffrant de maladies mentales graves nous
appellent à réfléchir sur l'accompagnement à bien vivre présentement, avec ou
sans limitations au plan de l'autonomie physique, cognitive ou psychologique.
La liberté est au coeur de l'humanisme. La liberté signifie que nous
déterminons, en toute indépendance, ce que nous voulons, ce que nous apprécions
ou, finalement, ce que nous décidons de choisir.
La réflexion sur l'accompagnement à bien mourir
appelle à nous questionner sur le comment accompagner à bien vivre. En somme, Mme la Présidente, il est impératif de ne pas
penser étroitement à rendre durable la satisfaction de tous nos désirs,
mais, plus largement, à rendre durable ou à perpétuer notre liberté, notamment
par le principe d'autonomie, préalable ou actuel, avec l'assurance d'une juste
évaluation et d'une pertinente mesure de protection.
En 2018, la
Loi des services de santé et des services sociaux stipulait que les
établissements ont pour fonction d'assurer la prestation des services de
santé et des services sociaux de qualité, qu'ils soient continus, accessibles, sécuritaires et respectueux des droits de la personne et de
leurs besoins spirituels. Le respect de la dignité de la personne et de ses
droits fondamentaux nous rappelle la question fondamentale de la finalité du
geste thérapeutique, qui, dans son essence, devrait toujours être orientée vers
et pour le bien de la personne souffrante.
Des expériences cliniques partagées entre
intervenants et intervenantes en soins spirituels exposent parfois certaines
tensions présentes entre la vision biomédicale des soins et la décision jugée
convenable par le patient pour sa fin de vie. Ces interrogations ouvrent la
porte à la thématique de la qualité de vie souhaitable pour une personne dont
la vie est en train de lui échapper, car la vie ne se réduit pas à la seule
dimension biologique qu'il faudrait entretenir par tous les moyens. Le respect
des droits et des libertés individuelles conduit à respecter la personne
humaine dans toute la complexité de son être et de son autonomie, qu'elle soit
nommée préalable ou actuelle.
Les législations donnent une importance première
à la décision de la personne concernée. La primauté ou volonté relative aux
soins exprimée par une personne est, jusqu'ici, reconnue par la loi, mais la
loi ne résout pas tout, le droit ne gère pas tout. À mon sens, nous devons désormais
reconquérir l'espace humain déshabité d'un monde technique et scientifique qui
a perdu son essence. Cette reconquête concerne le regard que chacun d'entre
nous porte sur le souffrant qui doit être considéré comme un sujet à part
entière et non comme un objet d'investigation, de recherche ou comme un numéro
de dossier. L'adolescente traitée pour un cancer, le jeune adulte ayant un problème
de santé mentale, le vieillard, mais aussi les mendiants et les mourants font
partie de notre humanité. Toute personne a droit à un accès adéquat aux soins.
Cela relève tant de l'éthique que d'une politique. Chacun, chacune compose
notre collectivité, notre commune humanité, notre commune réalité, quels que
soit sa souffrance, son diagnostic, sa proximité avec la mort.
Enfin, cette commission permettra une fois de
plus de sensibiliser le public à des personnes malades dont l'espérance de vie,
dans des conditions convenables, peut se compter en année et qui méritent les
efforts de la collectivité aussi bien pour la recherche que pour
l'accompagnement médical et humain. Merci pour votre écoute.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme Giard. Donc, je céderais maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Mme Girard, pour vos observations. On vous entend parler de l'importance
dans le soin de vie et, sur ce continuum dans le soin vers la fin, d'une
présence spirituelle, et que votre constat,
si je vous ai bien comprise... que l'accès à ce genre d'accompagnement, on en
convient, très nécessaire, est assez insatisfaisant et assez inégal
partout au Québec. J'ai tendance à comprendre ce message-là. Et on n'a qu'à
penser à nos CHSLD et on est très conscients du fait que ce besoin spirituel
présent, peu importe notre condition physique ou mentale, est un besoin
primordial qui n'est souvent pas rejoint dans notre système actuel. On comprend
tout ça. Nous avons devant nous, quand même, le fardeau de trancher sur quelques questions de l'ordre... très
sérieuses en ce qui a trait à l'élargissement de l'aide médicale à
mourir.
Est-ce que je peux comprendre, si vous avez une recommandation
très claire sur l'importance d'une présence lors des délibérations personnelles
en tout ce qui a trait à une demande anticipée, de quelqu'un avec une capacité
d'accompagnement spirituel à chaque cas... est-ce que c'est, en quelque part,
ça, une recommandation que vous feriez? Comment est-ce qu'on peut concrétiser
vos préoccupations?
• (12 heures) •
Mme Giard (Kim L.) : Bien, en
fait, le point que j'aimerais qu'il soit retenu dans ce court exposé, c'est tout
simplement que chaque professionnel ne travaille pas en silo puis qu'un
professionnel ne détient pas un pouvoir sur toute
l'équipe. C'est, on peut dire, des informations, des vases communicants. Et puis, peu importe — je me répète — peu importe
le professionnel de la santé... puis nous aussi, on fait partie du service de
santé, les intervenants psychospirituels, les intervenants en soins
spirituels, alors qu'on soit là ou pas... mais, si on est là, on ne travaille
pas en silo, puis il faut travailler avec les autres membres de l'équipe pour
avoir une vision juste de l'ensemble de la personne. Et la personne, évidemment, elle ne se résume pas à son
diagnostic physique, de maladie physique ou mentale, mais, tu sais, vraiment avoir un portrait d'ensemble et que ce
soit entendu par l'ensemble de l'équipe, de l'équipe des professionnels.
Donc, c'est ça, pour moi, puis c'est documenté,
pas juste moi, mais c'est documenté qu'il y a vraiment une force à travailler non seulement sur le corps mais
sur l'âme, hein, «body and soul». Mais voilà, c'est ce que je voulais
seulement signifier, mettre en lumière, l'interdisciplinarité, pour le bien du
patient.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Très rapidement, M. le député, si vous avez une dernière question.
M. Birnbaum : Bon, si vous avez des
observations à nous faire en ce qui a trait à la souffrance, est-ce que, de votre lecture, une personne devant un
diagnostic peut bien, et clairement, et librement évaluer le niveau de
souffrance qui serait intolérable pour elle ou est-ce que c'est la
souffrance contemporaine qui doit être jugée, la souffrance au moment que cette
personne aurait souhaité la fin de vie?
Mme Giard (Kim L.) : O.K. Pour moi,
ce n'est pas de séparer l'un et l'autre en clivage ou en dichotomie, mais c'est
bon en continu, hein, de faire des mises à jour de l'état, justement, de la
position de la personne face à la mort, face
à son... sa situation de souffrance. Il y a des douleurs physiques, parfois,
évidemment. Les douleurs physiques qui ne sont pas soulagées entraînent,
il va de soi, des douleurs... des souffrances psychiques, des souffrances
mentales. Donc là, c'est encore la... hein, prendre soin, protéger, assurer que
le patient, on lui a offert toutes les ressources et les outils ou, en fait,
tout ce qu'il faut pour soulager sa douleur physique, puis ensuite qu'on a
aussi contribué, hein, par le système de la santé et
services sociaux, toutes les équipes interdisciplinaires, qu'ils soient là pour
aussi disposer d'outils pour répondre et soulager la souffrance psychique qui
est là.
Puis, en même temps,
bien sûr, il y a le respect de la volonté du patient. Puis je vous dirais que,
pour l'avoir vécu, ça évolue. Je connais présentement... La pensée n'est pas
cristallisée à un moment puis elle ne change plus, hein, vous le savez. Puis,
c'est ça, j'ai l'expérience présentement, à l'hôpital, d'une personne qui a
demandé, au mois de juin, l'aide médicale à mourir, puis on décrivait cette personne-là
comme un ermite, vivait tout seul, qui n'avait aucun contact, puis, bon, qui ne
parlait pas, puis il était vraiment seul. Mais, un mois et demi plus tard, il a
renoué avec des membres de sa famille avec qui il n'avait pas discuté, échangé
depuis huit ans, il y a eu une réconciliation. Puis, à travers ça, pour
faire un bref survol de la situation, bien, il a goûté, ce patient en soins
palliatifs, il a goûté à la beauté des relations humaines, qu'il ne connaissait
pas. Et il repousse, il repousse, il ne fixe pas de date pour l'aide médicale à
mourir. Puis là il commence, évidemment, à dépérir, là, il n'est pas à
l'agonie, mais bientôt... il sera bientôt évalué... des soins de fin de vie,
là. Il y a de plus en plus, comme les spécialistes le savent, là, de doses de...
puis de plus en plus de médications, finalement, pour soulager sa douleur
physique, mais il ne demande plus l'aide médicale à mourir. C'est autorisé. Il
y a ses amis, ses parents qui viennent le visiter, et puis son père qu'il
n'avait pas vu depuis huit ans, et tout.
Donc, c'est juste
pour refléter qu'une position qui peut être prise à un moment donné de demander
l'aide médicale à mourir au préalable, hein, parce que, là, c'est la question,
une demande anticipée, bien, j'ai lu, hein, on parcourt les documents, et tout ça, c'est discuté que, bien,
trois mois, six mois, cinq ans, huit ans plus tard, la
personne... On est en devenir, on n'est pas des personnes fixes,
cristallisées, on n'est pas des objets, on est des êtres vivants, en mouvance
constamment, puis notre pensée, elle peut évoluer, puis c'est bon de...
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci.
Mme Giard (Kim
L.) : ...justement, faire une mise à jour de la position de la
personne.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme Giard. Vos propos sont
très éclairants pour nous. Merci, M. le député. Donc, c'est
malheureusement tout le temps que nous avions.
Et, compte tenu de l'heure,
la commission suspend ses travaux jusqu'à 13 h 15 cet après-midi.
Merci encore, Mme Giard, de votre participation à la commission.
Mme Giard (Kim
L.) : C'est un plaisir. Au revoir.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Au revoir.
(Suspension de la séance à
12 h 06)
(Reprise à 13 h 16)
La Présidente
(Mme Guillemette) : Bon après-midi. Donc, la Commission spéciale
sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie reprend ses
travaux.
Et, cet après-midi,
nous poursuivons les consultations particulières et les auditions publiques sur
l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie. Nous entendrons donc
Mme Catherine Joly, M. Gordon Friesen, la Fédération québécoise de
l'autisme ainsi que le Dr
Paul Saba.
Donc, sans plus
tarder, merci, Mme Joly, d'être avec nous cet après-midi, et de nous
présenter votre exposé, et de bien vouloir
répondre aux questions, auprès des collègues. Donc, sur ça, vous avez
10 minutes pour votre exposé. Je vous cède maintenant la parole.
Mme Catherine Joly
Mme Joly
(Catherine) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour à tous et à
toutes. C'est une lettre ouverte que je vous
présenterai. Je suis très heureuse de participer à cette audience publique, et
c'est une première pour moi, d'ailleurs. J'espère grandement pouvoir
toucher ses auditeurs par mes propos.
Tout d'abord, je
prends quelques instants pour me présenter. Je m'appelle Catherine Joly, j'ai
31 ans, je suis assistante-infirmière-cheffe, ma spécialité, les soins
d'urgence. Je suis aussi la fille d'une excellente mère, une mère aussi
infirmière clinicienne, mais qui a dû abandonner sa carrière lorsqu'elle a eu
un diagnostic d'alzheimer à l'âge de
56 ans, il y a de cela bientôt trois ans. Tous ces éléments sont
importants à savoir, parce qu'ils vous aideront à comprendre davantage mon raisonnement et mon expérience
vis-à-vis de la maladie... particulièrement, pardon, à mieux comprendre
ma position... (panne de son) ...à cette commission spéciale sur l'aide
médicale à mourir en situation d'inaptitude.
À
mon avis, l'intention d'adapter la loi pour... (panne de son) ...en situation
d'inaptitude est la meilleure décision... (panne de son) ...assurer le
respect des volontés de plusieurs milliers de Canadiens atteints de maladies
graves dans les prochaines années.
Plusieurs
enjeux seront abordés dans ma présentation. D'abord, mon histoire, ma famille, mes raisons personnelles relatives à la question et ensuite, je vous
partagerai mon opinion d'un point de vue davantage professionnel. Allons-y.
• (13 h 20) •
Le
jour où ma mère m'a annoncé qu'elle avait l'alzheimer... ouf! Nous avons éclaté
en sanglots, sans vraiment dire un
mot, sachant toutes les deux très précisément ce que cela impliquait. Une
maladie sans traitement possible, sans issue, un long chemin parsemé de
défis, premièrement plus difficiles pour ma mère, et... beaucoup plus
difficiles pour moi. Elle se verrait perdre
peu à peu le fil de ses idées, ses souvenirs, ses connaissances, sa personnalité,
et moi, je serais là, témoin et impuissante face à sa déchéance. La
seconde phrase que ma mère m'a dite après l'annonce du diagnostic était :
Tu ne me laisseras pas mourir en CHSLD, je veux mourir lorsque je ne te
reconnaîtrai plus, lorsque je ne serai plus
capable de prendre soin de moi. Ce n'étaient pas des paroles impulsives, vous
savez, ce genre de paroles lancées un peu sur le coup de l'émotion. Eh
bien, non, ma mère m'a demandé de lui promettre que je l'aiderais à partir comme elle le veut, avec sa dignité. Depuis
trois ans, lorsqu'elle me visite, elle me le rappelle lorsqu'elle le peut.
Malheureusement, je dois lui mentir. Je dois lui mentir en disant que je ferai
tout mon possible pour exaucer ses voeux,
mais en sachant très bien que, présentement, la loi ne permet pas l'AMM aux
gens inaptes et que le temps presse pour ... (panne de son) ... ce temps
qui lui glisse entre les doigts, à chaque instant où elle perd un souvenir de
plus.
Mon coeur se déchire à chaque fois. Si j'ai le
malheur de lui dire la vérité concernant la loi actuelle, je dois gérer une
crise d'angoisse ou de colère : Pourquoi ne pourrais-je pas décider du
moment de ma fin, qui d'autre que moi peut détenir ce pouvoir de choisir pour
ma vie ou ma mort? Son plus grand souci, actuellement, est de savoir qu'elle ne
pourra pas mourir avec dignité.
Imaginez-vous, elle tente de profiter au maximum
du reste de sa vie, sans avoir cette certitude, sans savoir où et comment elle
finira sa vie. Un mois après l'annonce du diagnostic, nous étions chez le
notaire pour remettre à jour le nécessaire, vous savez. Nous avons même demandé
à la notaire d'inscrire les volontés de ma mère concernant l'AMM lorsqu'elle
serait, par exemple, à un stade plus avancé de la maladie. Disons que, si la
loi change, nous ne voulions pas passer à côté. J'ai contacté des agences en
Suisse, j'ai parlé à des députés, à des journalistes aussi, du sujet, mais la
maladie de ma mère progresse plus rapidement que le reste.
Tout cela m'amène à une réflexion :
Pourquoi devons-nous nous battre pour faire respecter les volontés de ma mère?
Comment les intérêts de la personne malade peuvent être aussi bien protégés par
un mandat d'inaptitude, un testament ou encore des directives médicales
anticipées, mais, lorsque cela concerne directement le concept de la mort, l'aptitude à consentir est remise en
question? Je m'explique. Si la personne qui rédige ses papiers est considérée
apte à le faire, par exemple, suite à une évaluation médicale, et que le
mandaté accepte son rôle, je ne vois pas où est le problème. Pourquoi la
validité de la décision anticipée du moment de sa mort serait-elle remise en
question et non le reste? Toute sa vie sera entre les mains du mandaté, basé
sur les demandes préalablement établies par la personne, par exemple, la
gestion de ses finances, de ses biens matériels et même des décisions médicales
relatives. La raison ressortie par les avocats et les éthiciens est que le
caractère définitif relié à la mort rend le sujet chaud et à risque d'abus,
encore une fois, tout le reste, non.
Qui sommes-nous pour juger du niveau
d'importance de tous ces éléments énumérés ci-haut? Certaines personnes
accordent davantage d'importance à l'un ou à l'autre de ces éléments, certains
seront plus matérialistes, d'autres craignent de souffrir, d'autres craignent
la mort. Pour moi, l'autodétermination et le respect du droit à l'autonomie par le choix libre et éclairé de la
personne suffit amplement pour justifier d'offrir l'option de soins d'aide
médicale à mourir en situation d'inaptitude aux gens atteints ou qui seront
atteints de maladie dégénérative incurable.
Depuis les dernières modifications de la
loi — pardon — nous
avons accepté de voir partir des gens atteints de troubles cognitifs encore aptes à consentir, c'est un gain.
D'ailleurs, les chiffres semblent parler d'eux-mêmes dans vos documents.
Ma mère, elle, elle ne veut pas partir avant le
temps, elle est encore apte à consentir, mais n'est pas prête à risquer de perdre encore quelques
bonnes années. À ce jour, cela fait d'elle une...(panne de son) ...exemple de situation, l'aide médicale à mourir en situation
d'inaptitude est nécessaire. Et maintenant imaginez-vous toutes les autres personnes atteintes de problème de santé incurable au
Canada, qui pourraient bénéficier de ce type de soins dans les prochaines
années.
Maintenant,
d'un point de vue davantage professionnel, j'aimerais... j'aurais aimé partager quelques
réflexions et constats avec la commission. D'abord, j'aimerais faire un
parallèle intéressant avec le critère n° 6 de la loi sur l'aide médicale à mourir et ma pratique. Selon
moi, je vais réitérer le critère n° 6, que vous connaissez tous
probablement très bien, la personne doit éprouver des souffrances
physiques ou psychiques constantes, insupportables et qui ne peuvent être
apaisées dans des conditions qu'elle juge tolérables.
Selon moi, il y a deux éléments de
cet énoncé difficiles à évaluer et à quantifier, la souffrance, mais aussi les
conditions que la personne juge tolérables.
En tant qu'infirmière, il est de notre devoir
d'inscrire nos évaluations de la douleur et de santé mentale et de respecter le
dire de notre patient. En d'autres mots, si un patient se présente au triage en
souriant et me dit qu'il a mal à 10/10 sur
l'échelle de douleur, je devrai inscrire et respecter son autoévaluation,
évidemment, s'il a les connaissances pour le faire. Notre évaluation
devra alors davantage s'expliquer par la présentation de la personne,
c'est-à-dire une position antalgique, un état général global qui est très
affecté, une incapacité à fonctionner normalement.
Ayant côtoyé quelque chose de triste... Ayant
côtoyé, pardon, quotidiennement, des gens qui vivent de la souffrance, je peux
vous assurer que la douleur est quelque chose de très subjectif et personnel,
tant psychologique que physique. Vous
comprendrez donc que le soulagement de la douleur par des conditions jugées
tolérables, est donc tout aussi très
relatif et dépendant de la capacité de résilience du patient et de sa réponse
physiologique à la médication ou tout autre traitement.
En ce sens, je pense que la personne encore apte
à le faire peut juger elle-même du niveau de souffrance et de tolérance qu'elle
sera prête à assumer ou à accepter dans le cas d'une inaptitude incurable ou
dégénérative, qu'il s'agisse de souffrance physique ou morale.
Ensuite,
j'aimerais aborder... j'aimerais prendre quelques instants pour aborder la
question des soins palliatifs, plus précisément la sédation palliative
continue.
Même si, dans la définition des soins
palliatifs, le but est de soulager leur souffrance sans hâter ni retarder la mort, je pourrais vous énumérer plusieurs
situations où la mort aurait dû survenir bien avant ou sans vraiment que cela
soit prescrit ainsi. Il s'agit de sédation palliative. Parfois, nous savons que
la prochaine dose qui sera administrée causera la mort, pourquoi? Parce que les
patients se retrouvent souvent dans un état extrêmement léthargique, parfois en douleur, parfois encombrés. Il s'agit de
moments difficiles pour le patient, pour la famille... qui voit leur proche
ainsi, et pour le personnel soignant.
Je pense que l'AMM, en cas d'inaptitude, ne
remplacera pas à 100 % toutes ces situations mais cette loi pourra
possiblement aider d'innombrables familles à vivre une expérience différente
face à la mortalité. Être un malade et dépendant de votre famille, dans la
société dans laquelle nous vivons présentement, est assez complexe, je vous
épargne toutes les raisons. En somme, énormément de familles viennent aux
urgences avec une personne atteinte de troubles cognitifs ou de... ou même de
santé mentale. Les ressources externes sont de plus en plus réduites par les
coupures budgétaires, sans compter le personnel soignant qui quitte le réseau.
Avoir une place en CHSLD peut prendre des années, et d'autres se questionnent à
savoir s'il s'agit là d'une bonne idée, après l'hécatombe de la dernière année.
Remarquez ici que d'offrir comme soin l'AMM en cas d'inaptitude pourrait
réduire cette pression sur le réseau, ce qui m'amène à aborder le sujet des
familles et proches aidants.
Les proches aidants jouent un rôle majeur dans
le maintien des patients à domicile. Ils jouent aussi un rôle très important de
liaison avec les professionnels de la santé. Je suis donc pour une
collaboration entre la famille et les professionnels de la santé pour évaluer
le bon moment, le bon moment, disons, que le malade voulait, disons, la demande
anticipée d'aide médicale à mourir. La seule inquiétude que j'ai à ce propos
est que, malheureusement, beaucoup de familles que j'ai côtoyées durant ma
pratique ne connaissent pas les volontés de leur être cher.
Une sensibilisation à cet effet devrait,
d'ailleurs, être accompagnée. Les directives médicales anticipées et la demande
médicale anticipée, si tel est le cas, devraient être mises à jour beaucoup
plus régulièrement dans les dossiers de nos patients.
En conclusion, il est important de ne pas
oublier que l'aide médicale à mourir en cas d'inaptitude ne serait pas
obligatoire, plutôt une option de soin, comme...(panne de son) ...ou encore la
sédation palliative continue. Le choix reviendrait au patient, le moment, par
l'évaluation de la famille et les professionnels de la santé. Pour moi, ne pas
adapter la loi sur l'AMM est 100 % contre-productif, tant au point de
vue...(panne de son) ...que collectif.
Cette loi aura des impacts majeurs à plusieurs
niveaux dans notre société, d'abord sur chaque citoyen qui sera concerné un
jour ou l'autre par une situation de ce genre, et, par ricochet, cela aidera
des milliers de familles à leur offrir un sentiment de quiétude en ayant
réalisé leur souhait de mourir avec dignité. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme Joly. Donc, nous allons procéder aux échanges avec les
membres de la commission, en débutant avec le député de Rosemont.
Mme Joly (Catherine) : Oui.
• (13 h 30) •
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Mme Joly, pour votre prise de position claire et nette,
pour votre témoignage aussi, puisque ce n'est pas la première fois qu'on a des
témoins qui sont directement touchés, mais on n'est plus dans la théorie, là,
dans votre cas et dans d'autres cas, on est vraiment dans la pratique, une
pratique qui n'est certainement pas des plus faciles à vivre, puis vous avez
toute mon empathie pour la suite des choses avec votre mère, d'autant que vous
êtes infirmière, dites-vous, donc vous êtes habituée au réseau de santé.
Je veux revenir sur un des éléments que vous
avez nommés, parce que votre position, je l'ai dit, elle a le mérite d'être
claire, là, alors je n'en débattrai pas. Vous dites, votre mère vous a
dit : Tu ne me laisseras pas mourir dans un CHSLD, à partir du moment où
je ne te reconnais plus, prends les mesures pour que je meure, finalement.
Ça, c'est un critère qui revient souvent, hein,
ce n'est même pas un critère, là, c'est une volonté qui revient souvent :
soit je ne te reconnais plus, je ne reconnais plus mes proches, soit je suis
incontinent, incontinente, soit je ne peux plus m'alimenter seul. Mais comment,
nous, à supposer, là, qu'on recommande d'amender la loi puis de permettre, là,
les consentements anticipés même en cas d'inaptitude, comment on écrit ça dans
une loi? Puis je sais que vous n'êtes pas juriste, là, je ne veux pas vous
mettre en boîte, là, mais ma question, c'est : Est-ce que ce n'est pas un peu vague comme critère ou comme balise de
dire : Bon, bien, quand une personne ne reconnaît plus ses proches, on peut donc déclencher l'aide médicale à mourir? Est-ce
qu'on n'aurait pas besoin de... et
vous êtes dans le domaine de la santé, là, est-ce qu'on n'aurait pas
besoin d'avoir des indicateurs médicaux plus clairs que ça, par exemple, le
fameux stade 6, qui semble faire consensus, ça semble être assez
consensuel que c'est le moment où il n'y a plus de... de toute façon, il n'y a jamais de retour avec l'alzheimer,
mais c'est le dernier stade avant la déchéance inévitable? Excusez, la question
est longue, là, ce n'est pas des sujets très faciles qu'on peut résumer sur son
fil Twitter, mettons.
Mme Joly (Catherine) : Je
comprends, et c'est correct, là, je me sens à l'aise, très à l'aise de répondre
avec ça. En fait, je pense qu'effectivement il devrait y avoir des critères
mieux définis lorsque la personne demande préalablement l'aide médicale à
mourir dans une éventualité où elle sera inapte. Je pense que ces critères-là,
comme vous venez de le mentionner, en fait, c'est déjà écrit, évalué, c'est-à-dire,
les médecins ont déjà établi des chartes pour ce qui est des stades de la
maladie. Donc, je pense que, si déjà on se base sur ça pour l'aide médicale à
mourir, on part déjà d'un bon endroit pour aller de l'avant.
Je
pense aussi que c'est de prendre en considération que, quand la personne va
être assise dans le bureau avec le médecin
pour parler, par exemple, d'une demande anticipée d'aide médicale à mourir, la personne, évidemment,
va vulgariser un peu, comme ma mère a fait : Quand je ne te reconnaîtrai
plus, je veux mourir, je ne veux pas faire la balle de ping-pong, c'est-à-dire,
elle ne veut pas faire de l'errance dans un CHSLD ou dans tout autre endroit. Il
y a des choses que, oui, les patients vont vulgariser, mais c'est le devoir des
professionnels de la santé d'expliquer correctement au patient et à la
famille : O.K., ça représente quel stade pour vous? Quel stade qui, pour
vous... vous n'accepteriez pas, finalement, de vous voir vivre? Où est-ce que
serait la fin? Mais ce sont des choses qui peuvent être très bien définies, encadrées par des formulaires, puis je
pense qu'à partir de là on peut facilement aller de l'avant avec ces éléments-là, là.
Puis même que, pour
aller plus loin dans cette ligne de pensée là, ce formulaire-là pourrait être
détaillé, en fait, autant pour les troubles
cognitifs que pour les problèmes de santé mentale et pour, par exemple, les accidents graves, comme
les AVC ou ces choses-là. Donc, le patient pourrait aisément répondre à tous
ces éléments-là dans un formulaire, et
il n'y aurait pas d'ambiguïté, là, si, par exemple, la personne contracte une autre maladie, un cancer, en cours de
maladie ou quelque chose comme ça, on saurait sur quel pied danser,
disons.
M. Marissal :
O.K. Est-ce qu'il me reste du temps, Mme la Présidente?
La Présidente
(Mme Guillemette) : On pourra peut-être revenir. Je vais faire
une petite tournée avec les autres collègues...
M. Marissal :
Non, allez-y, je vous en prie.
La Présidente (Mme Guillemette) : ...puis on reviendra à la fin, s'il nous reste du
temps. Alors, Mme la députée
de Joliette.
Mme Hivon :
Oui, bonjour. Merci beaucoup pour votre présentation, Mme Joly, très
claire, et je comprends parfaitement votre point de vue.
Vous allez me
permettre, comme je l'ai fait hier avec une autre témoin qui était très claire,
vu que je n'ai pas beaucoup de questions sur votre position, de me faire un peu
l'avocat du diable, surtout que vous êtes dans le milieu de la santé, c'est de vous amener sur les dilemmes
qui sont les nôtres. Donc, la loi, elle est vraiment fondée sur la notion
de souffrance. Et donc, pour qu'une personne
puisse avoir l'aide médicale à mourir, la personne doit avoir des souffrances
constantes et inapaisables. Vous avez bien fait ressortir que l'évaluation
subjective de la personne entrait en jeu, évidemment, ça va de soi.
Si on ouvre à la
demande anticipée, il y a comme un... certains qui nous amènent à dire qu'il
faudrait revoir, en quelque sorte, le critère de la souffrance. Pour nous,
c'est un premier défi, parce que toute la philosophie de la loi est basée là-dessus.
Ce n'est pas l'aide médicale à mourir sur demande comme ça, pour toute raison,
c'est avec des critères stricts, dont celui de la souffrance, parce que c'est
vu comme un soin, dans un continuum de soins. Donc, je voulais savoir un peu si
vous aviez réfléchi à ça.
Puis mon autre question,
pour vous partager les tourments qui nous habitent, c'est la question de
jusqu'où va le rôle de l'État. Et, à partir du moment où on accepterait, par
exemple, qu'une personne peut donner tout type de volontés à l'avance et qu'on
devrait les respecter : je ne reconnais plus les miens, je suis
incontinent, je ne veux pas aller en CHSLD, est-ce que c'est le rôle de l'État
d'offrir l'aide médicale à mourir pour toutes ces circonstances-là, compte tenu du fait qu'il y a des personnes qui
n'ont pas une maladie neurodégénérative qui vont vivre ces situations-là?
Je peux penser, par exemple, à une personne qui va être incontinente dans sa
vie. Je peux penser, par exemple, à une personne lourdement handicapée qui n'a
plus d'autre choix que d'aller en CHSLD. Est-ce que l'État devrait dire à ces
personnes-là aussi... Si vous, vous dites : Moi, c'est la limite, je ne
veux pas aller en CHSLD parce que je suis handicapée,
et là on ne peut plus m'offrir assez de soins à domicile, est-ce que l'État
devrait aller jusqu'à donner l'aide médicale à mourir à ces cas-là? Et,
sinon, pourquoi on ferait une distinction?
Mme Joly (Catherine) : O.K., c'est des très bonnes questions, merci
beaucoup. La première, c'est concernant la souffrance, c'est le concept
de la souffrance en soi. Comme j'ai essayé de l'expliquer, là, du mieux que je
pouvais dans ma présentation, je considère
que la souffrance, c'est quelque chose de très personnel. On est capable de
l'évaluer, évidemment, en écrivant des chiffres, en essayant de... je
veux dire, mettre de la chair autour de l'os, là. Quand je parlais de position antalgique, c'est la
présentation du patient, en fait, quand, par exemple, il se présente au triage,
des choses comme ça, on arrive à juger de l'état du patient, de sa
souffrance grâce à un tout, grâce à tous ces éléments-là.
Je
pense que la souffrance peut être évaluée, oui, directement, lorsqu'on questionne
le patient, à dire où est-ce que la limite serait. Oui, je comprends l'idée que
c'est difficile, et, d'ailleurs, c'est un sujet qui ressort, là, du fait que
comment on peut prévoir que la souffrance, dans un avenir qu'on n'a pas
connu, va nous affecter personnellement. Je comprends que c'est... en fait,
c'est loin d'être tangible, là, c'est difficile d'évaluer ça. Mais moi, je
considère que ces personnes-là qui savent très bien que la finalité de la
maladie, la dégénérescence et le fait que la maladie soit incurable les amènent dans un état où ils vont
mourir, ils vont être inconscients, pour la plupart, ils sont très inconscients
de leur environnement vers la fin, c'est tous ces éléments-là puis les
discussions qu'ils vont avoir eues à répétition avec les professionnels en soins, disant : Moi, je veux l'AMM, moi,
je veux l'AMM. Ce sont... c'est tous ces éléments-là, je pense, qui
justifient cette espèce d'interprétation future là de la souffrance puis de la
tolérance qu'ils ne seront pas capables de passer au travers.
Après
ça, j'entends aussi dire : Oui, mais, si la personne a l'air bien le jour
de l'AMM, qu'est-ce qu'on va faire, tu sais, elle a l'air heureuse, pourquoi on...
Oui, ce ne sera pas une décision facile pour les proches et, oui, ce ne sera
pas une décision facile pour les proches aidants, mais il reste que c'est la
volonté première du patient. Je prime la volonté du patient même avant la
famille, soit dit en passant. Mais, oui, je sais que c'est un dilemme assez
chaud, assez chaud, mais je pense que oui, je pense que les gens peuvent
prévoir d'avance leur niveau de tolérance face à... (panne de son).
Pour ce qui est de...
(panne de son) ...de bien des choses, donc, je ne vois pas pourquoi il y aurait
une limitation à s'occuper de ces gens-là qui, finalement, se dirigent vers la
mort. Mais on s'entend, là, c'est... surtout dans le cas de ma mère, ça peut
être... ça peut prendre des dizaines et des quinzaines d'années, là, avant que
la personne décède. Moi, je pense que l'État a un mot à dire, je pense que
l'État peut trancher. Là, après ça, vous avez mis en contexte le trouble
cognitif de ma mère, par exemple, puis l'incontinence d'une personne que c'est
son seul problème de santé, par exemple. La grosse différence entre les deux,
c'est l'autre critère dans la loi, dans le fond, qui explique que ça doit être
une maladie incurable et dégénérative. C'est ces deux éléments-là qui font la
nuance pour l'État de scinder, finalement, qui aura accès à l'aide médicale à
mourir et versus qui ne l'aura pas, à mon avis à moi.
• (13 h 40) •
Mme Hivon :
Oui, je vous entends, je vous entends très bien. Vous faites des bonnes
nuances. Je vous amenais plus d'un point de vue philosophique dans le sens que
le rôle de l'État, à partir du moment où on a des critères, normalement, il
faut les respecter, y compris la souffrance, d'où tout notre gros noeud
gordien, mais ça, on va s'y arrêter. Mais c'était aussi de dire : Si c'est
le rôle de l'État quand il n'y a pas nécessairement de souffrance contemporaine
qu'on peut évaluer, est-ce que ça devrait être le rôle de l'État aussi dans
d'autres circonstances? Une personne handicapée dit : Moi, c'est la
limite, je ne veux pas aller en CHSLD, au même titre où une personne qui a une maladie neurodégénérative le demanderait,
c'est un peu le genre de question qui, plus philosophiquement, dans notre rôle de parlementaire, nous habite aussi. Puis
moi, je suis juste curieuse... Est-ce qu'il me reste du temps, Mme la
Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) : On va continuer l'échange avec les collègues, peut-être
que ça va répondre à vos questions, sinon, si on a du temps, on
reviendra.
Mme Hivon :
O.K. Merci beaucoup de l'échange, un gros quatre minutes, merci.
La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, nous allons continuer les échanges avec la
députée de Saint-François.
Mme Hébert :
Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Joly. Toujours intéressant d'avoir le
témoignage de personnes qui le vivent au quotidien, et en plus de votre travail
dans le milieu de la santé, ça vient teinter encore plus votre opinion. J'ai
une question, puis je ne sais pas si j'étais la seule dans mes collègues qui
avait cette situation, mais, quand vous êtes intervenue tantôt, ça n'arrêtait
pas d'être saccadé, donc je n'ai peut-être pas bien compris, puis peut-être
que vous avez répondu, donc on va aller dans le même sens de ma collègue la députée
de Joliette. Êtes-vous en faveur, parce que, là, je
vois que vous êtes préoccupée aussi puis, probablement à cause de la maladie de
votre mère, vous aussi, ça peut vous impacter éventuellement, parce que c'est
une maladie qui pourrait être héréditaire, l'alzheimer, est-ce que vous êtes
pour un... Pour faire la demande anticipée, est-ce qu'il faut avoir un
diagnostic ou non d'une maladie neurodégénérative ou d'une maladie qui est
incurable, irréversible?
Mme Joly
(Catherine) : Moi, je pense que les gens devraient, comme les directives
médicales anticipées, pouvoir remplir un document qui peut être à part de la directive
médicale anticipée, mais qui explique les volontés de la personne dans le cas
de troubles cognitifs dégénératifs, de... Problèmes de santé mentale, je pense
qu'on pourrait aussi, mais ça rentre dans
une... je pense, c'est quand
même une autre branche, parce qu'en
plus c'est de la chronicité, puis on parle de chronicité, là, quasiment
l'entièreté d'une vie, là, pour que ces gens-là aient accès à ça, à mon avis, de ce que j'ai compris de la commission. Mais je pense, par
contre, que ça pourrait être vraiment
rempli dans un formulaire avant même d'avoir un diagnostic.
J'ai vu des patients,
à maintes et maintes reprises, se présenter dans les urgences pour des AVC
massifs, embolies pulmonaires massives, des gens qui ne reviendront jamais à
eux-mêmes, à même 80 % de leurs capacités. Et malheureusement, même si
j'ai la famille autour, au chevet du patient, qui me dit : Jamais il
n'acceptera, cette personne-là, de vivre comme ça, nous devons le maintenir en
vie parce que la loi ne permet pas l'aide médicale à mourir dans un cas
d'inaptitude. Alors, je suis pour remplir un formulaire d'avance.
Mme Hébert :
Quand on parle de remplir un formulaire d'avance puis qu'on n'a pas eu
l'expérience d'une personne qui a vécu l'alzheimer dans notre entourage, qu'on
n'a pas nécessairement eu l'expérience d'une personne qui a vécu un ACV, un
grave accident d'automobile, on n'a pas été confronté à ce qu'une personne peut
vivre puis imaginer... Parce que, par le passé ou dans les dernières
interventions, il y a beaucoup qui se sont... qui s'expriment par rapport à ce
qu'ils ont vécu, donc, là, ils sont capables de se projeter dans le temps parce
que ce n'est pas ça qu'ils aimeraient vivre ou faire vivre à leurs proches.
Mais là, quand une personne, elle n'a pas été confrontée, comment réussir à la mettre dans le contexte pour
qu'elle puisse bien s'imaginer... puis on peut penser que la personne, elle a
25 ans, elle n'a pas d'expérience de vie, puis qui ferait ça, ça peut être
difficile d'évaluer, là, que : Oui, là, moi, dans cette situation-là,
je mettrais fin... je voudrais avoir l'aide médicale à mourir.
Mme Joly
(Catherine) : Bien, en fait, je continuerais la question en
disant : Alors, comment on fait pour décider
pour les directives médicales anticipées? Parce qu'il s'agit aussi de mesures qui sont prises qui sont assez
drastiques. De décider de ne pas intuber, de décider de ne pas faire de
dialyse, de tout faire ces choses-là amènera la mort. Donc, comprenez-vous mon
raisonnement?
Mme Hébert :
Donc, moi, mon raisonnement, c'est : Est-ce que c'est suffisant d'avoir
les directives médicales anticipées pour les personnes qui vivraient un
grave accident si, en refusant ces soins-là, ça va provoquer la mort?
Mme Joly (Catherine) : Je pense
que c'est un gros, gros devoir des professionnels de la santé d'expliquer et de faire l'enseignement à ce propos à la famille
et au patient lors, finalement, de l'entente puis de la... tu sais, de...
comment... la complétion des
formulaires, finalement. Mais je pense qu'une bonne majorité de la population,
sinon quasi la totalité, je ne veux pas m'avancer sur ça, on est en mesure de
comprendre ce que la mort signifie, on sait que c'est une finalité, on
comprend... Ça fait que ça, pour moi, je pense que c'est des choses qui sont...
qui s'expliquent.
D'ailleurs, plus les médecins... je vous dirais
que, dans la nouvelle génération des médecins avec lesquels on travaille, ce
concept-là de se sentir beaucoup plus à l'aise de parler de la mort avec la
famille, des soins reliés à ça, est-ce qu'on
va plus loin dans les soins pour maintenir la personne en vie ou pas, il y a
une école de pensée qui, dans le corps
médical, est tellement meilleure, je trouve, parce qu'ils sont beaucoup plus
ouverts à discuter de ces éléments-là avec
la famille. C'est des sujets très chauds, très difficiles à aborder, et j'en ai
fait partie plus qu'une fois, mais c'est des sujets nécessaires à
aborder, et je pense que ça peut être fait, même si la personne, c'est
difficile de se projeter dans l'avenir, même si elle n'a pas vécu
personnellement une situation de ce genre.
Évidemment,
moi, je suis infirmière, je côtoie la mort à l'urgence, j'en vois, j'ai
peut-être ce concept-là qui est beaucoup plus facile que chez M. et
Mme Tout-le-monde, mais je pense que c'est un effort de sensibilisation et
d'enseignement du corps médical pour aller de l'avant de ce côté-là.
Mme Hébert :
Parfait. Et une dernière question : Justement, quelqu'un qui, comme vous,
avez un proche, vit avec un proche qui a l'alzheimer,
vous, ça devient accessible, alors, pour faire ces demandes anticipées d'aide
médicale à mourir, même s'il n'y a pas de diagnostic, alors sur combien
de temps qu'on devrait le revoir? Donc, est-ce que c'est après cinq ans, 10 ans? Parce que la condition et la
situation de la personne peuvent changer. Elle peut être célibataire puis, après ça, rencontrer quelqu'un, tu sais, il y a plein de choses qui peuvent
arriver qui pourraient faire en contexte que peut-être qu'elle ne voudra
plus avoir l'aide médicale à mourir. Donc, je veux juste savoir, avez-vous
réfléchi à cette situation?
Mme Joly (Catherine) : C'est
une bonne question. Je suis peut-être un peu drastique sur le sujet, mais je
pense qu'une personne qui a fait son testament, qui se marie entre-temps, qui
n'aura pas mis à jour à nouveau son testament, eh bien, c'est bien de valeur,
mais, s'il décède entre-temps, ça va être ce qui est écrit sur le testament qui
va être valide, n'est-ce pas? Alors, j'aurais tendance à penser que, si le
document a été rempli une fois, il est valide jusqu'à tant qu'il ait été comme
remis à jour.
Est-ce que, mandatoirement, le médecin devrait
remettre à jour les documents à un délai prescrit? Je pense que cinq ans
serait réaliste, parce que, si on exigerait ça aux années, ça ajoute une tâche,
peut-être, administrative, là, un peu
superflue, là, tu sais, à un moment donné. Mais un chiffre qui va être
difficile à placer, je pense, là, ça va être un chiffre qui va être difficile à placer, mais moi, je considère que,
lorsqu'une fois ça a été approuvé par le patient, c'est toujours valide
jusqu'à preuve du contraire.
Mme Hébert :
Parfait. Merci, Mme la Présidente. Je vais laisser la parole, s'il en reste, à
mes collègues.
• (13 h 50) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, merci. Donc, je céderais la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour à Mme Joly. Le but de mon intervention n'est pas là, mais, vu que vous en avez parlé, je
ne sais pas si j'ai bien compris, mais seriez-vous en faveur que tout acte
médical à mourir soit fait de façon testamentaire ou proposeriez-vous qu'il
soit plus intégré aux DMA?
Mme Joly (Catherine) : C'est
une aussi très bonne question. Je pense que le sujet étant très sérieux et très...
je pense que... (panne de son) ...devant un notaire, ça amène une validité supplémentaire, ça amène
son interprétation aussi par les professionnels de la santé avec
beaucoup plus de... c'est ça, beaucoup plus de sérieux. Est-ce que ça pourrait être dans les directives médicales anticipées?
Oui, ça pourrait l'être aussi, mais, encore là, il faudrait que ça soit bien
encadré, bien expliqué, il faudrait qu'il y ait des lignes très claires
de tous ces éléments-là. Parce que moi, je considère que les directives, comme
j'expliquais un peu à Mme la députée avant, je considère que les directives
médicales anticipées sont... ce sont des...
ne pas poser ces interventions-là, ce sont des... ça pourrait entraîner des
conséquences graves, dont la mort. Donc, pour moi, l'un ou l'autre, si on les
regroupe ensemble, ça serait O.K., mais je pense que, comme l'aide
médicale à mourir, c'est beaucoup plus complexe, selon moi, ça nécessiterait
vraiment d'être mis à part et d'être mieux détaillé.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
O.K., parce qu'on convient qu'il y a des gens qui n'ont pas nécessairement tout
le temps les moyens d'aller chez les notaires, puis aussi il faut penser à eux,
puis on convient aussi que, parfois, les notaires, là, il
y a quand même des... tout le temps une question de délai, là, quand on arrive
chez le notaire. Il faudrait aussi que les notaires soient consultés parce que,
quand vient le temps de prendre cette décision-là, des fois, ça se fait aussi
quand les gens sont rendus presque... il y a bien souvent que ça arrive à...
des fois, c'est rendu à la fin, là, on parle, des fois, peut-être d'une
question de jours. Alors, peut-être aussi que les DMA pourraient aussi avoir
une certaine force de loi, mais il ne faut pas non plus qu'un vienne contrarier
l'autre, là, aussi, non plus, que ça soit contestable. Bon, mais je m'arrête
là.
Je veux quand même continuer. Vous avez parlé
beaucoup du rôle des proches aidants et de la famille tout à l'heure dans votre
exposé. Et moi, je... on a entendu beaucoup d'intervenants, mais on a entendu
des intervenants qui sont aux prises avec des maladies neurodégénératives. On a
entendu des gens beaucoup parler au niveau de l'alzheimer, hein,
Mme Demontigny, toute la question de la volonté aussi du patient. Mais, à
part ces gens-là, je n'ai pas vu ou, en tout cas, c'est mon point de vue, le
rôle des proches aidants, on sait qu'il y a des familles qui sont très unies,
il y a des familles qui sont très responsables aussi pour prendre des
décisions, et parfois j'ai senti que le rôle des proches aidants ou de la
famille n'était peut-être pas si... c'est ce que je sentais de certains
groupes, pas si important que ça. Mais je comprends qu'il y en a qui n'ont pas
de proche aidant, ils n'ont pas de famille, ça, c'est un autre problème. Mais
pour ceux qui ont des familles, qui en ont parlé... Parce que vous avez vécu
aussi, vous êtes infirmière, vous avez toute une expérience de vie, vous dites
que vous avez côtoyé la mort, donc vous avez une... vous y allez de façon
rationnelle. J'aimerais que vous approfondissiez un peu plus au niveau du rôle
des proches aidants. Doivent-ils avoir un rôle important, lorsque vient le
temps de la décision, autant que le médecin traitant?
Mme Joly (Catherine) : Ils ont...
C'est une très bonne question. Je suis contente d'en parler, en fait, d'avoir
cette question. Les proches aidants ont un rôle très important de liaison avec
les professionnels en soins. Donc, ce sera probablement les premiers à
constater que nous sommes rendus au stade de l'aide médicale à mourir et qu'ils
communiqueront, par exemple, avec les professionnels en soins. Ça fait que,
oui, les proches aidants, selon moi, doivent,
avec les professionnels en soins, aider à déterminer le moment opportun pour
offrir le soin de l'aide médicale à mourir. Je pense qu'ils ont leur
place.
Cependant, les proches aidants, dans beaucoup de
situations, ne connaissent malheureusement pas bien les volontés des personnes.
Je vous donne un exemple parmi tant d'autres. Lorsqu'une personne décède, par
exemple, on a une personne qui est décédée à l'urgence ou même à l'extérieur,
il faut proposer à la famille de faire le don de tissus. Même si le patient,
qui est le défunt, a signé sa carte d'assurance maladie pour les dons de tissus,
a même enregistré, dans son testament, comme quoi qu'il voulait faire ça, et
que la famille refuse, on ne pourra pas procéder au prélèvement des tissus, et
de donner les tissus, bon.
Donc, vous comprendrez que les volontés de la
personne, même si elles ont été bien exprimées à la famille, et que c'était
très clair, et que ça semblait être O.K., mais que la famille décide, dernière
minute, que : Ah! non, ça, ça ne marche plus, moi, ça ne convient pas à
mes valeurs, alors, malheureusement, on ne pourra pas respecter les volontés de la personne. Et, dans ce cas-là, c'est pour ça que je pense qu'une évaluation
multiprofessionnelle, c'est-à-dire
avec un travailleur social, un médecin, peut-être un psychologue même, qui a
été dans le dossier préalablement, on s'entend, là, ce n'est pas quelqu'un qui
est garroché dans le dossier le jour même qu'il faut appliquer l'aide médicale
à mourir, là, mais c'est des gens qui connaissent bien le patient, puis tout
ça, dans ce cas-là, c'est nécessaire qu'on ait des professionnels en soins qui
peuvent trancher, finalement, parce que, sinon, on ne respectera pas plus les
volontés de notre patient qui veut l'aide médicale à mourir. Donc, c'est...
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Dernière question. Excusez, je vous interromps,
parce que je sais que le temps... Dans le comité multidisciplinaire,
vous avez parlé...
La Présidente (Mme Guillemette) :
30 secondes, M. le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : La
préposée, le préposé, ou l'infirmière, ou l'infirmier, est-ce qu'ils doivent
faire partie de ce comité-là?
Mme Joly (Catherine) : Oui. Je
pense qu'une infirmière, c'est adéquat, oui.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci beaucoup.
Mme Joly (Catherine) : Fait
plaisir.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Donc, je cède maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup, Mme Joly. Votre témoignage, comme vous l'avez dit, est à la fois issu d'une expérience
professionnelle ainsi que personnelle, alors voilà toute sa pertinence. Merci
pour votre témoignage et vos recommandations.
Je vais aborder, un petit peu dans le même sens
de mon collègue de Lac-Saint-Jean, dans votre cas, si je peux me permettre, on dirait que les voeux libres et
éclairés de votre mère sont évidents. Elle est entourée, et c'est clair. Ça
risque d'être moins évident pour plusieurs
en situation de services éloignés, issus d'un milieu difficile, avec des
capacités aptes à trancher, mais peut-être une capacité intellectuelle
limitée, et tout ça. Est-ce que vous avez d'autres balises à nous
proposer en tout ce qui a trait aux maladies neurodégénératives pour assurer
que le choix libre et éclairé est évident? Je vous donne juste un petit... un
exemple possible pour revenir à la famille. La plupart des familles, des proches aidants, sont bienveillantes. Il y a
des cas où cette bienveillance n'est pas présente. Comment est-ce qu'on peut protéger la personne contre une famille qui veut imposer
ses voeux, qui ne sont pas nécessairement ou facilement démontrablement, si je
peux... les voeux de la personne et ceux du diagnostic?
Mme Joly (Catherine) : C'est
aussi une bonne question, vous en avez beaucoup, des intéressantes. Je pense que, pour éviter l'abus, de un, le fait que le
mandat... le fait qu'on pourrait avoir, par exemple, soit dans un
mandat ou dans un testament, au moins dans une demande anticipée pour l'aide médicale à mourir, avant qu'on puisse compléter tous ces
documents-là, là, qu'on ait un diagnostic de troubles cognitifs ou pas, il doit
y avoir une évaluation médicale qui confirme que vous êtes encore apte et que
vous remplissez et signez les formulaires de manière libre et éclairée. Est-ce
que la famille se doit d'être présente? Est-ce que la famille devrait être
retirée lors des discussions? Est-ce que c'est... Ça, je pense que c'est
vraiment du cas par cas. Et je pense que c'est au bon jugement de l'équipe de
soins qui ressent un quelconque préjudice, en fait, que... à ce moment-là, ce
sera à réévaluer. Et je pense que, dans la majorité des cas, il y a... dans la
majorité des cas, ce sont des gens bienveillants qui veulent l'aide médicale à
mourir pour leurs proches. Et l'aide médicale à mourir, c'est quelque chose
que, même si la famille aurait des idées malveillantes, c'est quelque chose qui va être, qui va être souvent, surtout dans le
cas d'une inaptitude, dans ce cas même de la commission, ça va être appliqué, souvent, des années plus
tard. Ça fait que même la famille ne peut même pas dire : Ah! c'est parce
que j'attends l'argent du testament l'année
prochaine, parce que ça peut être dans six ans qu'on va être rendus au
stade 6 de la maladie. Comprenez-vous?
Ça fait que cette notion-là d'abus, oui...
(panne de son) ...il y a un risque. En même temps, je serais vraiment curieuse
de voir les chiffres aux Pays-Bas puis en Belgique, disons, d'abus ou de... tu
sais, d'évaluation qui a été faite de tous les cas de patients qui ont eu
l'aide médicale à mourir. Est-ce que, réellement, c'est un gros facteur de
risque pour refuser d'aller de l'avant ou c'est... Comprenez-vous ce que
j'essaie d'expliquer? Tu sais, effectivement, les
risques d'abus, il y en a, comme dans n'importe quel type de soin, n'importe quelle situation, mais je
pense qu'avec la collaboration des
professionnels de la santé et la famille on peut très bien déceler, en fait,
les raisons pour lesquelles le patient veut l'aide médicale à mourir.
• (14 heures) •
M. Birnbaum : Vous allez
comprendre, évidemment, que nous sommes très préoccupés par l'obligation de
minimiser...
Mme Joly (Catherine) : Tout à
fait.
M. Birnbaum : ...le plus que
possible les dérives, alors c'est une chose qui nous préoccupe.
Y a-t-il une
façon de circonscrire, dans les demandes des individus, leur expression, ce
qu'on risque d'entendre souvent, d'inquiétude d'être un fardeau sur leur
famille? Dans un premier temps, est-ce que vous acceptez que ça soit une... de
plusieurs... mais un critère recevable? Si oui, y a-t-il une façon d'assurer
que ça ne prend pas une place prépondérante dans les voeux exprimés par un
individu?
Et une complémentaire, si je peux : Est-ce
que, si... Est-ce que vous trouvez que l'État — et, bon, nous, dans notre
étape — nous
avons une obligation de prendre en considération la possibilité que
l'élargissement ferait en sorte qu'en réalité le nombre de demandes des gens
devant des diagnostics de maladies neurocognitives explose? Est-ce qu'on a une
responsabilité de considérer ce potentiel phénomène?
Mme Joly (Catherine) : Pour ce
qui est de la dernière question, je ne pense pas que vous avez à vous
responsabiliser du nombre futur de cas potentiels de gens qui aura accès à l'aide
médicale à mourir. En fait, moi, je le vois positivement. Je le vois réellement
comme : Est-ce qu'il y aura une augmentation des cas? Si oui, «yes!», on a
fait notre travail, en fait, puisque, s'il y a une augmentation des cas, c'est
qu'il y a beaucoup de gens qui souhaitaient avoir l'aide médicale à mourir et
vivre une mort dignement. Et moi, je le vois vraiment comme ça, je ne le vois
pas comme un dilemme, là, pas du tout.
Puis, en fait, même, comme je disais rapidement
dans ma présentation, parce que je le sais, que c'est un sujet très délicat,
là, le côté financier de la chose, là, mais je... tant mieux si des gens ne
sont plus, malheureusement, de ce monde, si c'était leur volonté, évidemment,
on s'entend. Ils ne seront plus un fardeau pour leur famille, ils ne seront
plus un fardeau pour la société d'État. Moi, je le vois comme ça. C'est triste,
et vous me direz que je suis peut-être sans
coeur, mais je suis infirmière, j'ai vu d'innombrables patients vivre comme ça,
des familles épuisées, des familles qui ne voulaient pas voir leur
proche comme ça pendant 10 ans, et des proches qui me répétaient que leur...
que même le patient ne voulait pas cette situation-là. Alors, je vous dirais
que, dans ma pratique, j'ai plus souvent côtoyé ce genre de situation là que
l'inverse.
Et, pour la première question, si vous voulez
juste répéter rapidement? Je suis désolée.
M. Birnbaum : Sur le phénomène
du fardeau, comment est-ce que ça devrait, si oui, être circonscrit, la
préoccupation potentielle d'un individu de ne plus être un fardeau sur sa
famille?
Mme Joly (Catherine) : Je pense
que ce n'est pas tant le concept de fardeau pour la famille plutôt que la
définition, en fait, puis l'explication du patient, lorsqu'il discutera avec le
médecin de l'aide médicale à mourir, des étapes dans
lesquelles... lorsqu'il atteindra une certaine étape de la maladie, c'est cette
étape-là, par exemple, qui... il ne tolérera pas plus que ça, comme souffrance
morale ou physique. Donc, ça ne serait pas tant le fardeau par la famille que
la décision du patient de... lorsqu'il voudra avoir la mort. Je ne considère
pas que la famille devrait avoir préséance sur les volontés... de ce que le
patient voudrait.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M. Birnbaum : Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. le député. Merci beaucoup, Mme Joly, d'avoir
accepté de répondre à nos questions
cet après-midi. Et votre témoignage, aussi, ça éclairera beaucoup et ça nous
apportera à nous questionner à la suite de nos travaux.
Donc, sur ce, nous suspendons les travaux
quelques instants. Merci pour votre contribution.
(Suspension de la séance à 14 h 05)
(Reprise à 14 h 11)
La Présidente (Mme Guillemette) :
La commission reprend ses travaux, et nous accueillons maintenant
M. Gordon Friesen.
Bienvenue parmi nous aujourd'hui. Merci d'être
là. Donc, vous allez disposer de 10 minutes pour nous présenter votre exposé, et, par la suite, il y
aura un échange avec les membres de
la commission. Donc, sans plus
tarder, je vous cède la parole.
M. Gordon Friesen
M. Friesen (Gordon) : Bonjour,
mesdames et messieurs. Merci de bien vouloir m'entendre aujourd'hui. Mon nom est Gordon Friesen. Je suis simple citoyen.
Cette commission a été constituée pour regarder les applications
spécifiques de l'aide médicale à mourir, comme les patients incapables, les troubles
mentaux et les directives anticipées, mais, pour bien accomplir cette
tâche, je suggère qu'il faut regarder d'abord non le contenu, mais le
contenant, car ce contenant, l'aide médicale à mourir, est un hybride instable, dont la justification de
l'acte de l'euthanasie est double : la volonté subjective du
patient et l'évaluation objective, médicale et clinique.
Malheureusement, ces deux justifications
arrivent de souches éthiques différentes et se contredisent très souvent avec un effet néfaste. Le pouvoir fédéral
et le Québec définissent chacun l'aide médicale à mourir, et
chacun, d'après leurs compétences, penche vers un côté différent de cette
dualité : le fédéral décriminalise et définit une sorte de droit ou de permission; le Québec,
tout seul au monde, d'ailleurs, définit l'aide médicale à mourir
positivement comme soin médical.
Encore une fois, la nature d'un droit sur la
liberté est subjective, la nature d'un soin sur la rigueur objective est
clinique, et les deux ne se concordent pas nécessairement. Pourtant, il y a une
présomption que nous nous devons de
réconcilier ces deux visions de l'aide
médicale à mourir. Et, puisque le
pouvoir fédéral a inclus les patients viables avec la loi C-7, que le Québec soit obligé de maintenir et d'ajuster sa
définition à son tour, mais non, j'objecte avec la plus grande énergie à
cette proposition.
Quand la notion de fin de vie est centrale à la
définition médicale, et le Québec possède les compétences en santé, il
n'y a, donc, aucune raison que le Québec
change sa définition. Il faut, au contraire, défendre le modèle québécois et l'intention québécoise. Alors,
au lieu de réconcilier ce qui est irréconciliable, je suggère de prendre cette
occasion pour séparer définitivement les deux. Cela ne veut pas dire que les
patients viables ne peuvent pas chercher la mort assistée ni que les médecins
consentants ne peuvent pas les accommoder. Ils le peuvent, le gouvernement
fédéral leur donne le droit, mais, dans ce
cas, il n'y a ni validation éthique de l'État québécois
ni obligation professionnelle collective.
Regardons maintenant pourquoi le soin médical et
le droit de mourir sont irréconciliables. Nous connaissons très bien
la justification de l'autonomie. Selon cette vision, c'est le
patient qui décide. Le modèle médical, cependant,
est moins bien compris. Le Dr Michèle Marchand nous apprend que la plupart des
décès sont le résultat de décisions cliniques. Nous savons que les situations
cliniques fin de vie concernent la mort inévitable, que les patients puissent
exhiber une capacité réduite ou inexistante, que la famille et le patient si
fient le plus souvent aux médecins. Selon cette
vision, l'euthanasie est conçue comme tout soin objectivement indiqué et
proposé par le médecin, auquel consent ou non le patient.
Même en fin
de vie, cependant, la juxtaposition des deux modèles crée des problèmes. En
2017, le Dr Yves Robert, alors secrétaire du Collège des médecins du
Québec, décriait l'instrumentalisation du médecin aux volontés du patient. Son
objection n'avait rien à voir avec le stéréotype du médecin moraliste et
autoritaire. Dr Robert défendait l'indépendance du jugement professionnel essentielle
au soin médical.
En même temps, certains voulaient que les
discussions euthanasie ne pourraient être ouvertes que par le patient, mais
telles demandes nieraient le devoir de prescription des soins également
nécessaires. Nous voyons ainsi le jugement objectif du médecin réticent
possiblement annulé par la volonté du patient, et la volonté du patient non suicidaire possiblement bousculée par l'autorité
d'une prescription d'euthanasie non sollicitée. Ce sont des conséquences
d'une cohabitation des
justifications subjectives et objectives. Dans les deux cas, les présomptions
favorisent l'euthanasie, un peu comme une automobile avec deux
accélérateurs, mais aucun frein.
Pourtant, en
fin de vie, les dégâts sont limités par la mort imminente. Suite à la loi C-7,
par contre, ces circonstances, surtout, n'existent plus. Le Dr Marchand,
encore, a clairement averti cette même commission que les ramifications
éthiques, médicales de l'euthanasie auprès des patients en fin de vie sont
totalement différentes de l'euthanasie auprès de ceux qui ne le sont pas. Par
exemple, si une personne viable exige que son médecin l'euthanasie, il exige la
mise à mort d'une personne qui n'est pas mourante. Si un médecin propose
l'euthanasie d'un patient viable sans demande préalable, il utilise l'autorité
médicale pour faire de la suggestion suicidaire auprès d'une personne non
mourante mais capable de survivre. Le premier exemple est possiblement
justifiable selon une éthique purement autonomiste : le patient décide. Tous
les deux, pourtant, sont non... inadmissibles, utilisant une éthique purement
médicale. Alors, selon moi, le Québec ne peut pas maintenir son régime de soins
médicaux tout en abandonnant les limites originales de la situation clinique de
fin de vie.
Une opportunité d'action, unique et ponctuelle.
D'après la thèse présente, nous nous devons absolument de disjoindre les deux
éléments disparates — subjectifs
et volontaires versus objectif et médical — qui fournissent les
justifications doubles pour cet hybride qu'est l'aide médicale à mourir. De
plus, il serait de notre intérêt d'agir au plus vite, suite à l'événement de la
loi fédérale C-7, pour empêcher l'introduction de cette confusion conceptuelle
dans un espace clinique vastement plus élargi.
Et pourtant, en disant «agir», il s'agirait plus
justement de s'abstenir, tout simplement, car deux régimes, deux intentions,
deux lois et deux compétences existent déjà. Le plus important, l'essentiel,
est déjà accompli par la déclaration, unique au Québec, de l'euthanasie en soin
médical, et plus particulièrement en soin de fin de vie. La première étape dans
l'établissement de toute distinction entre deux phénomènes consiste précisément
dans notre définition formelle de l'une des deux, et, chez nous, cette étape
est déjà franchie.
Face à l'élargissement des critères
d'éligibilité aux personnes viables, il ne faut que refuser leur redéfinition
qui y soit implicite : Non, ce n'est pas comme ça que le Québec a défini
l'aide médicale à mourir. Et c'est le Québec qui possède les compétences dans
cette matière. Le pouvoir fédéral peut évidemment décriminaliser d'autres
formes de mort assistée, il peut même autoriser, au sein du ministère, la
possibilité de les accomplir, mais rien n'engage les compétences Santé du
Québec face à ces morts hypothétiques, ni dans les garanties d'État ni dans les
obligations professionnelles. Et, pour plus
de certitude, rien n'oblige l'extension des garanties et des obligations créées
par la loi n° 52 pour encadrer d'autres pratiques non stipulées à
cette occasion.
Manifestement, alors, le Québec se trouve devant
une opportunité extraordinaire pour préciser et renforcer son intention de
départ, mais pas une opportunité seulement, car les agissements audacieux de
nos législateurs, qui nous avaient projetés littéralement à l'avant-garde
mondiale dans cette matière, nous imposent aussi un devoir certain. Décidément,
donc, notre intérêt propre et notre devoir de clarté intellectuelle, dans un
débat qui implique tant d'autres personnes, combinent dans ce sens pour nous
amener directement vers la conclusion finale de ce mémoire, soit la suggestion
de maintenir deux régimes de loi distincts pour accommoder deux phénomènes tant
différents.
Heureusement aussi, un concours positif de
facteurs ponctuels nous invite tout spécialement à l'adoption d'une telle
politique : la séparation des pouvoirs à l'avantage du Québec en matière
de soins de santé; la conséquence logique voulant que toute forme fédérale de
décriminalisation ne pousse aucunement à invalider les choix québécois de
politique médicale; une frontière naturelle, intuitivement compréhensible, qui
est sur la mort rapprochée, pour fixer les
limites de l'interprétation médicale; la circonstance historique que la
législation québécoise ait précédé celle du gouvernement fédéral dans
cette matière; et le fait très évident que la réflexion en français, et au
Québec, se soit avancée plus rapidement qu'ailleurs au pays, et ce, en
particulier, sous l'influence des liens entretenus avec les pays étrangers.
Voilà alors
le défi qui se présente à nous et les avantages qui nous promet une réussite
probable. Je vous remercie de votre attention.
• (14 h 20) •
La
Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup. Donc, nous débutons la période d'échange en commençant
par la députée de Joliette.
Mme Hivon : Oui.
Merci beaucoup, M. Friesen. Vous savez, on a eu plusieurs journées
d'auditions et encore on découvre des nouveaux aspects, des nouveaux éléments.
Et puis vous amenez vraiment une perspective nouvelle sur... vous jetez un
éclairage nouveau sur nos travaux, ça fait que je vous en remercie. Je vous
remercie du soin que vous avez pris aussi à vraiment faire le tour de la
question et toutes les nuances très intéressantes que vous apportez par rapport aux deux approches, aux deux lois, aux
deux philosophies. Et c'est assez simple, je pense, de base, à expliquer, hein? Il y en a une qui se penche sur
la réalité médicale et un continuum de soins pour atténuer les souffrances
et l'autre est ancrée dans le Code criminel,
dans le droit criminel, donc c'est deux approches complètement différentes,
à la base, de par les compétences.
Je vous dirais, un peu en boutade, que c'est sûr
que, si on avait toutes nos compétences et qu'on pouvait tout gérer, je pense
que, sur ce dossier-là, c'est un bon exemple où les choses pourraient être
beaucoup plus simples et complètes. Mais le fait est qu'on vit dans ce système
qui est le nôtre jusqu'à... du moins pour l'instant.
Donc, écoutez, je voulais juste... je voulais
juste... C'est sûr que ce n'est pas le coeur. On essaie de ne pas trop se mêler de droit constitutionnel dans notre
commission parce qu'on en a déjà beaucoup, beaucoup sur la planche. Donc, on travaille dans les balises qui sont les
nôtres, dans la réalité qui est la nôtre. Et, dans ce contexte-là, je comprends
que vous, vous êtes très attaché à la notion de fin de vie. Vous me corrigerez,
là, si je suis dans le tort. Puis je voulais vous amener
sur une des questions très précises qui nous occupe, c'est-à-dire la demande
anticipée, qui, selon moi, est totalement ancrée dans notre droit civil, donc
dans notre compétence. C'est en lien avec le consentement aux soins, l'aptitude, et tout. Est-ce que, pour vous,
cette demande-là, elle serait acceptable en lien avec la loi québécoise?
Et, si oui, est-ce que, pour vous, elle devrait conserver le critère de fin de
vie?
M. Friesen (Gordon) : Merci
beaucoup de cette question. Pour moi, la thèse... ma thèse de départ, c'est que
les définitions québécoises ne sont pas touchées par la décriminalisation
fédérale.
Moi, je pense que les directives anticipées sont
à peu près inévitables parce qu'il y a une pression politique pour les
produire, donc il va y avoir des directives anticipées. Pourtant, ça ne peut
pas se justifier, d'après moi, par une logique médicale. Ça peut se justifier
par une logique autonome, une logique de droit de mourir, mais pas une logique de soin médical, et je vais vous expliquer
pourquoi. Même que le cas des directives anticipées est un exemple qui, vraiment, démontre l'incohérence de la
combinaison des deux, puisque le médecin, lui, pour agir comme médecin,
objectivement, il doit croire que la barre
de souffrance intolérable est atteinte, non subjectivement, parce que la
personne est maintenant incapable, mais objectivement. Et donc il n'y
aurait pas de problème avec une personne incapable qui atteint cette barre-là
et qui subit l'euthanasie dans le contexte fin de vie.
Mais, quand on a une situation où les
personnes... Les personnes qui veulent les directives anticipées, elles ne
pensent pas en termes de souffrances intolérables, elles pensent en termes de
ne pas reconnaître leurs êtres chers, ne pas
être capables de fonctionner personnellement. Et c'est impossible qu'on puisse
établir, comme indice objectif médical, le fait de ne pas être capable
d'aller à la toilette tout seul comme étant une justification médicalement
indiquée, objectivement, de l'euthanasie, parce qu'il faudrait euthanasier tout
le monde.
Alors, à mon sens, on ne peut pas rentrer les
directives anticipées à l'intérieur de la loi québécoise. On peut les ignorer,
tout simplement. Et le gouvernement fédéral, s'il veut les permettre, il les
permettrait, et il y aurait une sorte d'évolution organique dans la manière que
ça se produit, mais ça ne polluerait pas la logique pure du soin médical telle
que nous l'avons définie au Québec.
Mme Hivon : Vous
mettez le doigt sur quelque chose qui, moi aussi, me préoccupe beaucoup, là,
c'est la logique québécoise et la présence
de la souffrance. Elle est aussi dans la loi fédérale, ceci dit, mais la
logique de la loi est différente. Mais, s'il y avait souffrance réelle,
concomitante au moment de l'administration, donc qu'on passait d'un concept, qu'on entend beaucoup, de prévoir le
moment... ne plus reconnaître mes proches, l'incontinence, tout ça, à une
logique vraiment de souffrance, objectivable, que l'équipe soignante peut voir,
peut déterminer par des crispations des patients, de l'errance, de
l'anxiété, des hallucinations, bon, tout ça, est-ce que, pour vous, ce serait
alors acceptable?
M. Friesen (Gordon) : Moi, non.
Ce que je vois, ce que je vois, c'est deux logiques différentes. La logique médicale, c'est une logique rigoureuse, dans
laquelle on veut bien définir les choses. Et, quand on parle... quand on
utilise un mot, on veut que ça ait le
sens qu'on lui donne. Tandis que, de l'autre côté, le monde qui veulent avoir
les directives anticipées, dans la logique d'autonomie, leur
intérêt — et
c'est parfaitement compréhensible qu'on voie ça comme un droit — leur
logique, c'est d'englober le plus possible le décor pour entrer dans ce
contenant-là, donc de jouer sur les mots, d'introduire des définitions,
dans les lois, qui sont ambiguës et, de cette façon-là, de continuellement
descendre la barre à leur sens.
Mais la logique médicale, c'est de tenir une
objectivité, une définition précise. Quand on utilise un mot, ce mot-là veut
dire quelque chose. La souffrance a une réelle signification, quand on parle de
souffrance incoercible... que ça veut dire quelque chose.
Alors, je me dis, non, la loi québécoise... il
n'y a pas de nécessité qu'on change la loi québécoise. Comme j'ai dit à...
peut-être un peu trop souvent déjà, insisté, c'est le fait que la
décriminalisation... On décriminalise le pot, on
décriminalise la prostitution peut-être, on décriminalise un paquet d'affaires,
mais ça ne veut pas dire qu'on est obligés de les rentrer dans les définitions
de comportements médicalement indiqués. Tu sais, je veux dire, le simple fait
que ce ne soit pas contre la loi ne
veut pas dire que nous devons trouver une place pour ça en dedans de notre
système de soins de vie.
Mme Hivon :
Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Je céderais maintenant la parole au député de Rosemont.
• (14 h 30) •
M. Marissal : Oui. Merci, Mme
la Présidente. Puis j'en profite pour vous remercier et remercier les collègues
de votre flexibilité pour accommoder, notamment, moi. Alors, j'y vais tout de
suite.
M. Friesen, merci de votre exposé. Vous
vous êtes présenté, d'entrée de jeu, comme un citoyen ordinaire, visiblement
vous avez une connaissance plus qu'ordinaire des lois et vous y avez mis,
vraisemblablement, beaucoup de réflexion et de jus de cerveau. Je vous
remercie, comme ma collègue de Joliette, c'est vrai que vous apportez quelque
chose qui... et c'est tout à votre honneur, après une trentaine de témoins, je
pense, n'avait pas été apporté, là, dans la deuxième phase. Alors, vous avez
quand même mis le doigt sur un point.
Je peux comprendre votre point, juridique,
légaliste, là, je ne sais pas exactement quel terme employer, mais vous savez, nous, on est devant la réflexion,
devant la tâche de peut-être revoir
la loi, peut-être de la changer, peut-être d'en élargir la portée, puis
il y a des gens qui sont venus, là, là témoin juste avant vous, la dame avant
vous, je ne sais pas si vous avez pu l'entendre, mais ce n'est pas la première.
On en a eu plusieurs, ils sont venus nous faire des vibrants
plaidoyers pour qu'on inclue, dans la loi, les directives anticipées, notamment
parce qu'ils ont des proches qui sont atteints d'alzheimer, de démence, puis
ils ne peuvent pas le faire de façon anticipée, puis ils ont peur, à un moment
donné, de basculer puis de ne plus être capables de demander l'aide médicale à
mourir.
Ces gens-là aussi, on
doit les entendre, puis... Est-ce qu'il n'y a pas un risque, là, en partant
dans des arguties juridiques, puis je ne le dis vraiment pas de façon
péjorative, là, dans des grands, grands débats juridiques de très, très haut niveau, qu'on manque l'essentiel,
c'est-à-dire que, si on décide d'aller dans le sens de permettre des directives
anticipées, nous devrions le faire, et le faire dans la loi qui est la
nôtre.
M. Friesen
(Gordon) : Encore une fois, là, je pense que c'est une... c'est
certain que ça va arriver, et je ne vois pas pourquoi ça doit se faire à
l'intérieur de la loi médicale du Québec. Je veux dire, il y a tellement de
choses qui se font à l'intérieur de la profession médicale, qui ne sont pas
proprement médicales, qui ne sont pas des soins médicaux. La chirurgie
esthétique, par exemple, c'est une grande industrie, ce n'est pas classifié
comme un soin médical. La circoncision, l'avortement, ce sont toutes des choses
qui sont faites par les médecins, parce qu'il faut que les médecins les fassent,
s'ils vont se faire, et ils sont légaux, mais ils ne sont pas définis, indiqués
comme des soins médicaux. Indiqué comme ça,
quelque chose comme un soin médical, c'est très précis. Vous avez un pansement
sur votre plaie, vous ne dites pas :
Oh! j'aimerais mieux avoir un pansement comme elle a, la voisine. Non, ce n'est
pas le pansement qui vous est indiqué, madame. Voyez-vous?
Ce n'est pas du tout la
même chose, comme... Quand on a deux choses tellement différentes, je veux dire
complètement irréconciliables, la justification éthique subjective et la
justification éthique objective, quand vous descendez,
vous allez continuellement descendre la barre de ce qui est permissible en
fonction de justifications subjectives. Mais, quand tu le fais, tu descends
aussi...
Si tu les lies
ensemble... Je veux dire, partout au monde ils sont liés ensemble. Ici au
Québec, on a une chance inouïe de les
séparer. Seulement en tenant notre terrain spécifique dans ces cas-là, on les
scinde, les deux, et on ouvre une conversation au monde qui est
extrêmement importante à avoir, parce que maintenant, la façon que c'est, c'est
que, si... Et c'est pour ça que le monde sont opposés au C-7. C'est que, quand
on permet à la personne qui veut mourir de mourir en disant : Je meurs
pour cette raison et cette raison... Et, si on regarde ça du côté médical, on
dit : O.K. Maintenant, c'est
médicalement indiqué que le monde qui ont ces conditions-là meure, mais, à ce
moment-là, vous ouvrez les portes à une pression de la part de la société
et des médecins.
Le médecin, par
exemple, il a droit de prescrire et prescrit un soin. Si vous avez quelqu'un,
comme moi, qui est passablement amoché, et le médecin dit : O.K., vous
vous plaignez, vous avez des douleurs, je ne peux rien faire, donc, «you know»,
c'est intolérable, na, na, na, vous avez ce risque qu'on peut vous euthanasier.
Ça peut être une agression épouvantable
psychique pour des gens qui ont un nouveau diagnostic, et tout ça. Personne n'a
nié ces faits-là, mais ils ont passé
la loi C-7 pareil. Pourquoi? Parce que c'était tellement important de
revendiquer le choix personnel.
Moi,
je suis en train de dire qu'il faut revendiquer la rigueur scientifique du
médecin et ne pas vandaliser toute la profession et l'industrie médicale pour
permettre aux volontés. Mais je ne dis pas qu'on doit arrêter le monde de le
faire.
M. Marissal :
Je comprends bien.
M. Friesen
(Gordon) : Ça, c'est la différence. Ça, c'est la différence que
j'amène dans le débat, c'est que ce n'est pas nécessaire de les empêcher pour
faire ça.
M. Marissal :
Très bien. Je vous entends bien puis je n'ai plus de temps, alors je vous
remercie beaucoup pour vos réponses et votre mémoire. Merci.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci, M. le député. Donc, je cède maintenant
la parole au député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum :
Merci, Mme la Présidente. Et merci, M. Friesen, pour votre témoignage
lucide, et original, et rigoureux.
Premièrement, je vous
ai entendu, si je ne m'abuse, en parlant du fait que l'aide médicale à mourir
n'est pas nécessairement un soin. On va se rappeler qu'au Québec aux yeux de la
loi, oui, c'est un... ça fait partie d'un continuum de soins médicaux. Je vous
ai entendu, et on prend note de vos arguments sur votre interprétation d'une marge de manoeuvre du Québec
sur le plan légal et la dichotomie, la dualité très importante
que vous mettez devant nous.
Quand même, je tiens
à vous rappeler que ce n'est pas seulement ces questions juridictionnelles ni
les décisions récentes devant les tribunaux qui font en sorte que nous sommes
ici. Il y a une volonté exprimée de façon diverse, au Québec, pour repencher
sur le débat, et spécifiquement, notre mandat, en quelque part, est conçu selon
ce constat qu'il y a un intérêt à ce que l'État examine, au Québec, l'idée
d'élargir accès à l'aide médicale à mourir.
J'aimerais bien
comprendre votre lecture, pas légale, mais de la question d'autodétermination. Parce
que vous avez parlé beaucoup d'assurer une objectivité et une implication
davantage de l'évaluation médicale. En toute franchise, il n'y a pas beaucoup
de fédérations de médecins ou de médecins qui ont donné écho à cette
préoccupation que vous avez offerte. Mais
tout cela est un pendule en quelque
part : Comment peser et évaluer
un souhait librement et clairement offert par un individu, en tout ce qui a trait à
son souhait de l'aide médicale à
mourir avec des balises claires
et nettes, ainsi que des critères, surtout médicaux, dans la loi actuelle, dans
l'article 26 au Québec? Alors, j'aimerais vous entendre sur la place de
l'autodétermination, de l'autonomie de l'individu vis-à-vis le rôle du médecin
traitant.
• (14 h 40) •
M. Friesen
(Gordon) : O.K., oui. J'ai commencé ma réflexion dans cette matière en 1993
avec l'épisode Rodriguez, et même avant ça, en 1991... 1981, il y avait un film
qui s'appelle Whose Life Is It Anyway?, puis il parlait exactement d'une
situation comme la mienne, une personne qui est blessée médullaire, qui voulait
absolument se suicider. Puis c'est tout le film, c'était l'idée de la...
comment c'était courageux. Bon, j'ai embarqué d'abord avant de prendre la
question plus largement, j'ai discuté avec d'autres handicapés en ligne, dans
les forums Internet, et la conversation était divisée. C'était divisé entre
ceux qui croyaient qu'on devrait avoir le droit et ceux qui voulaient vraiment
mourir, et ceux qui voulaient vraiment mourir, c'était un nombre très limité.
Ceux qui voulaient qu'on ait le droit, par contre, c'était beaucoup plus
substantiel. Et c'est là que j'ai compris que les différences entre le médical
et la volonté, mais, surtout, je me suis
dit, à ce moment-là, comme il y avait un courant représenté par les
prédécesseurs, le Conseil des Canadiens avec déficiences, qui s'appelait
la coalition des organismes provinciaux des handicapés, à ce moment-là, et ils
prenaient, dans le cas Rodriguez, la thèse suivante que, oui,
Mme Rodriguez devrait avoir le droit de
se tuer, mais seulement si tout le monde, et absolument tout le monde, avait le
droit de se tuer, parce qu'il n'y a pas de différence entre une personne malade
et une personne qui n'est pas malade. C'est juste une... la différence,
c'est la nature du malheur, et, par des raisons bizarres, on a pris ce malheur
médical, puis on dit, c'est différent, et on va permettre à ces
personnes-là de se tuer. Alors, «anyway», sur le devant de mon site web, la
première ligne, ça dit que je crois que, très possiblement, le droit de mourir
est une extension nécessaire de la liberté de l'être humain.
J'accepte cette thèse-là, je ne l'aime pas, mais
je l'accepte. Par contre, le monde n'ont pas eu le courage de prendre ça
franchement de cette façon-là. Ils voulaient trouver une façon pour justifier
ça en y mettant le manteau médical, et ça, ça marche très bien dans le contexte
très réduit de fin de vie, quand on est devant une mort évidente et les souffrances sont réelles, et tout ça. Ça,
c'est la thèse qui a fait en sorte que le monde, ils ont développé un consensus.
Ils ont dit : Oui, ça se peut. Mais, quand vous allez en dehors de ça,
vous arrivez dans une place où le médecin... je veux dire, le médecin, le
pauvre médecin, je veux dire, actuellement, il est accusé d'être insensible
s'il ne veut pas tuer son patient. C'est... O.K.,
prenons les patients incapables. Si on dit que cette personne-là devrait être
morte parce qu'elle a signé une
directive anticipée, pourquoi la personne dans le CHSLD, à côté de lui, avec
les mêmes symptômes... pourquoi on me permet de vivre? Quelle est la
différence?
Moi, je maintiens qu'il n'y a pas de différence
entre les deux, sauf le contrat actuel. Alors, si on veut accepter une relation
contractuelle, que je stipule certaines conditions et vous signez en bas de mon
nom, et ça vous engage à me tuer quand je
vais remplir ces conditions-là, et, si on décide qu'on veut légaliser ça de
cette manière-là, je ne peux rien dire contre ça. J'accepte ça en
fonction de la souveraineté de la personne.
Mais à penser
qu'on a une personne en CHSLD qui présente des symptômes et une autre à côté de
lui avec les mêmes symptômes, il y a
une des deux qu'on va tuer mais pas l'autre, moi, je... quelle attitude le
«staff» de ce CHSLD vont-ils avoir à l'égard de leurs patients
survivants? Je ne crois pas que ça se peut, éthiquement.
M. Birnbaum : Bon, j'aurais
plusieurs autres questions, mais j'aimerais céder la parole, si je peux,
Mme la Présidente, à ma collègue de Westmount—Saint-Louis. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait, merci. Mme la députée de Westmount—Saint-Louis, la parole est à vous.
Mme Maccarone : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, M. Friesen. Je veux continuer le
questionnement de mon collègue de D'Arcy-McGee. Pour reprendre votre exemple,
je ne sais pas si, peut-être, on peut regarder ça. Vous l'avez évoqué, au
début, que la souffrance est subjective, alors n'est-ce pas que la personne a
qui est hébergée en CHSLD, qui est peut-être apte, et personne b, qui habite
aussi en CHSLD, qui est aussi apte, pourront faire des choix différents suite à
la souffrance qu'ils sont en train de subir, parce que c'est subjectif, parce
qu'eux-mêmes, ils ont dit que : Pour
moi, je ne suis pas capable de vivre de cette façon, et, pour personne b qui
dit : Bien, pour moi, c'est tolérable? Alors, n'est-ce pas, un peu,
de la subjectivité en ce qui concerne aussi l'autodétermination puis le choix
pour sa personne?
M. Friesen (Gordon) : Oh! j'en
conviens parfaitement, que la subjectivité... je ne conteste pas la légitimité de la subjectivité; ce que je conteste, c'est de
la mettre dans le contexte médical. C'est tout... le problème, c'est qu'on
a présumé, depuis le début, qu'on parle
d'une chose, qu'on parle de l'aide
médicale à mourir et qu'on parle de
jusqu'où peut aller l'aide médicale à mourir. Ça... tu sais, je veux
dire, c'est comme un tir à la corde. C'est un compromis, on comprend le
compromis. On a partie a, partie b, ils tirent dans un sens, et on a un
compromis. Non, moi, je dis : On est en
train de parler de deux choses entièrement différentes. On est en train de parler d'un droit
de mourir, et on est en train de parler d'une raison objective pour
mettre du monde à mort. C'est deux choses différentes, à mon sens.
Mme Maccarone : Mais si on ne
parle pas d'un contexte médical ou un contexte légal, est-ce que nous n'avons
pas la responsabilité de le faire de cette façon pour s'assurer qu'on protège
aussi les personnes vulnérables, pour
s'assurer qu'il n'y aura pas de maltraitance, par exemple? Tu sais, est-ce que
c'est ça, le rôle de l'État? Est-ce que c'est ça, le rôle, peut-être,
des législateurs?
M. Friesen (Gordon) : Ce qui
est le plus époustouflant dans tout ça, c'est que toute cette façon de vouloir protéger les vulnérables finit par les jouer en
tort. Par exemple, j'ai lu, dans les mémoires des organismes d'handicapés...
ils parlent des conditions pour les incapables, euthanasie chez les incapables.
Ils parlent des conditions préalables, nécessaires pour
assurer une pratique éthique. Et là ils procèdent à toute une série de
conditions qui impliqueraient, en théorie, l'engagement de ressources qui
n'existent pas, de professionnels qui n'existent pas en nombres suffisants.
En fait, ils créent un nombre de conditions
absolument irréalisables. Ils... Avec une parfaite logique, ils nous font la
démonstration que nous ne pouvons pas avoir une pratique éthique sans ces
conditions, sans le remplissage de ces conditions. Mais on dit qu'on veut
procéder pareil, donc sciemment. On veut procéder sciemment à une pratique qui
est non éthique. C'est vraiment quelque chose.
Puis là ils parlent de... même, ils parlent
d'incapables puis ils disent : C'est correct en autant qu'ils ont une
décision éclairée. Mais comment peuvent-ils avoir une décision éclairée? Et là,
quand c'est médical, puis quand on dit que c'est indiqué dans certaines
circonstances, le docteur, il prescrit quelque chose, il propose quelque chose.
Le commun des mortels, il est très influençable face à son médecin.
Alors là, vous avez un médecin qui croit que
telle personne... De bonne foi, le médecin croit que telle personne serait
mieux d'accepter l'option euthanasie. C'est une autorité immense. Maintenant,
transférons ça dans le champ des incapables,
d'une personne avec une... avec des capacités
mentales, intellectuelles très limitées, qui est liée par un intense lien de confiance et affection avec
certains de ses soignants, et ses soignants, ils disent : Bien, Jean-Paul,
écoute votre médecin. Et lui, il dit :
Bien, est-ce que ça va être bon? Ils disent : Bien oui, c'est bon. C'est
épouvantable, c'est inadmissible.
Mme Maccarone : Alors, vous,
est-ce que vous seriez d'avis, d'abord, pour les patients qui refusent des
soins, d'abord, on devrait, oui ou non, là, leur offrir l'aide médicale à
mourir? Les personnes qui souffrent, on a dit que
c'était subjectif, on ne nie pas ça. Alors, je souffre, mais... je souffre d'un
cancer, je ne veux plus avoir accès aux soins, c'est fini, même chose pour une
personne qui souffre d'un problème de santé mentale qui dit que je ne veux plus
avoir accès aux soins. Alors, selon vous, on devrait poursuivre ou non
avec l'aide médicale à mourir pour ces personnes?
• (14 h 50) •
M. Friesen (Gordon) : À
l'intérieur du schéma du soin de fin de vie, le médecin peut avoir le droit de
suggérer ça à son patient. Suggérer la mort à un patient viable, je ne peux pas
voir comment ça pourrait être éthique pour
un médecin, et la raison, parce que vous avez... vous ne le savez pas, ce que
le futur va amener. Je vais vous dire, dans ma catégorie des blessés
médullaires, comme j'ai dit, il y a une montagne de livres et de films qui ont
été produits à l'éloge des courageux qui se sont tués dans ces circonstances-là,
mais, quand vous étudiez la littérature, le nombre
de personnes dans ces cas-là qui se sont tués, ça, c'est... le 1 %
seulement. Maintenant, ça, c'est 20 fois plus élevé que la
normale, mais c'est seulement 1 %.
Alors, est-ce
que vous allez, d'une façon éthique, suggérer à une personne comme ça l'aide
médicale à mourir, quand 99 fois
sur 100, vous pouvez, avec confiance, prévoir une adaptation positive? Et ce
n'est pas juste les blessés, là, je parlais des médullaires, c'est tous
les blessés catastrophiques, c'est pareil, la courbe est pareille. Puis là,
quand vous considérez les maladies dégénératives comme... encore une fois,
Mme Rodriguez, ce n'est pas pour rien que la société SLA n'a pas appuyé la
demande de Mme Rodriguez, c'est parce qu'ils savaient que la vaste
majorité de leur membership était contre ça. C'était... le monde...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. Friesen. Nous allons continuer les échanges. Désolée,
Mme la députée, c'est tout le temps que nous avions. On va continuer les
échanges avec le député de Mégantic.
M. Jacques : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Friesen. Je veux vous amener un peu, là, sur deux
cas.
Le premier cas, je vais prendre mon épouse qui
était en phase terminale, un cancer stade 4, qui, elle, n'aurait jamais
accepté d'avoir recours à l'aide médicale à mourir. Jamais, au grand jamais. Par
contre, il y a des cas, des gens à côté
qu'eux sont prêts à recevoir l'aide
médicale à mourir, donc, dans un
choix, l'autodétermination est très importante.
Puis je reviens là-dessus, mais je viens aussi
avec vos cas en CHSLD. Vous dites : Il y en a un patient qui n'irait pas en CHSLD parce qu'il aurait de l'alzheimer, il recevrait l'aide médicale à mourir, et
l'autre à côté qui ne recevrait pas l'aide
médicale à mourir parce que
ce n'était pas son choix, de un, bien, n'aurait pas les soins nécessaires
à sa condition.
Moi, j'ai beaucoup
de difficultés à entendre ça parce
que, dans la vie, je pense qu'on a des choix à faire. Il y en
a qui vont... n'accepteront pas la
souffrance, mais il y en a aussi qui n'accepteront pas de mourir, et qui ne
veulent pas mourir, et puis qu'ils
veulent vivre le plus vieux possible
même s'ils ne savent pas qu'est-ce qu'il va se passer puis comment...
qui sont là... même qui sont là.
Je vais prendre mon père, là, mon père, son but,
c'est de vivre le plus vieux, le plus longtemps possible, et ma grand-mère a
été 14 ans dans un CHSLD à ne plus savoir ce qu'il se passait, puis mon
père, malgré tout ça, va essayer de vivre le plus vieux possible, même en
considérant qu'il pourrait avoir l'alzheimer. Donc, j'ai un peu de difficulté à
comprendre votre position, puis aussi que la personne n'aura pas de soin si
elle choisit de rester. Alors, vous les mettez tous les deux sur le point égal,
puis moi, je ne les vois pas, vraiment pas sur le point égal, puis j'aimerais
ça que vous me... autour de ça, là.
M. Friesen (Gordon) : Mais je
pense que je me suis mal exprimé, d'abord, parce que, ce que je voulais,
c'était de créer une question de normalité clinique...
M. Jacques : Oui, ça, je l'ai
compris.
M. Friesen (Gordon) : Je veux dire, dans le sens que les infirmières et
les médecins ne sont pas des «automatons», ils ne sont pas robots. Et,
si on normalise l'aide médicale à mourir à l'endroit d'une certaine population
présentant certains symptômes, comment on peut demander de ces professionnels-là
de ne pas s'indigner, finalement, dans la présence des patients qui présentent
les mêmes symptômes, qui s'obstinent à vivre, tu sais? Justement, je m'en vais
dans votre sens de votre père. Personnellement, j'ai survécu en état handicapé
comme ça depuis 40 ans maintenant et je n'ai pas l'intention d'arrêter,
mais ce n'est pas «abnormal», là, ce n'est pas... c'est normal. Je veux dire,
moi, je dis que nous ne serions pas là si nos ancêtres n'avaient pas fait tout
ce qu'ils n'ont pas seulement pu... Je veux dire, c'est... pour que notre
espèce est arrivée, aujourd'hui... on n'aurait pas pu faire ça si le «default
position» n'était pas la survie. C'est la survie. Et c'est... quand on regarde,
comme j'ai dit, les blessés, les... je veux... même en cancer terminal, comme
vous dites, avec votre femme... et je vous offre mes condoléances vis-à-vis de
sa condition, et tout ça, vous êtes un homme, évidemment, qui connaît la vie.
En Belgique, aux
Pays-Bas, là où l'euthanasie est légale depuis tout ce temps-là, où c'est
proposé à tous les patients, parmi ceux qui sont le plus aptes à le faire, et
ils le font en plus grand nombre, c'est-à-dire précisément les terminaux, les
cancers terminaux, il y a exactement 10 % de ces patients-là qui
acceptent, 90 % qui refusent.
Alors, c'est la
situation de normalité, c'est la notion de normalité. Nous sommes en train de
se faire faire la définition de normalité par un certain nombre de personnes
atypiques, une Mme Rodriguez, une Mme Gladu, contrées par une foule
de personnes qui font le choix contraire.
Alors, moi, je vous
dis : Nous ne parlons pas d'une chose, l'aide médicale à mourir n'est pas
une chose, ça... Il y a deux choses totalement distinctes qui ont été
classées de force dans le même contenant, et on appelle ça aide médicale à
mourir. Ma suggestion, c'est que nous disions, ici, au Québec, on a défini
quelque chose, ça, ce quelque chose là, c'est la... les soins de fin de vie et
les fins de fin... soins de fin de vie incluent l'euthanasie. Mais ça, ça ne
veut pas dire que l'euthanasie est limitée à ce contexte-là, mais nous avons
défini ce contexte-là et vous... nous allons maintenir la priorité de ce contexte.
M. Jacques :
Rapidement, parce que je veux laisser la place à mes collègues, là, puis ça se
peut que je vous coupe, là. Dans le fond, vous, là, vous avez eu un écrasement
de la moelle épinière ou fracture de la colonne vertébrale, vous avez perdu
l'usage de, probablement, vos... certains membres. Et, si une personne... vous,
vous avez toute votre tête, entièrement, toute votre tête... puis il n'y aura
pas des... Je présume que l'état que vous avez depuis 40 ans n'a pas
changé, c'est toujours le même.
M. Friesen (Gordon) : Oh! non.
Je vieillis.
M. Jacques :
Bien là, on vieillit tous.
M. Friesen
(Gordon) : Non, mais je vieillis avec cette condition-là.
M. Jacques :
Exactement.
M. Friesen
(Gordon) : Je veux dire, ça devient de plus en plus compliqué, la
discipline devient de plus en plus compliquée, ça se multiplie.
La chose est, il n'y
a personne qui veut mourir. Tu sais, l'idée de vouloir mourir, c'est atypique.
Ce n'est pas normal, O.K.?
M. Jacques :
Exact.
M. Friesen
(Gordon) : Alors, ce qu'on est en train de dire, le député plus tôt...
M. Jacques :
O.K., M. Friesen, je vous coupe, parce que je veux laisser le temps à mon collègue,
qui avait d'autres questions, là, différentes...
M. Friesen
(Gordon) : Merci beaucoup.
M. Jacques :
Je m'excuse.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci, M. le député, mais malheureusement, on
n'a plus de temps avec M. Friesen. Ça termine ici nos échanges.
Donc, merci beaucoup
d'avoir été ici avec nous et d'avoir partagé votre vision. Ça va éclairer beaucoup
et ça va nous questionner beaucoup pour la suite des travaux.
Donc, la commission
suspend ses travaux quelques instants...
M. Friesen
(Gordon) : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
...et je vous remercie encore de votre présence.
(Suspension de la séance à 14 h 59)
(Reprise à 15 h 08)
La Présidente (Mme Guillemette) :
La commission reprend ses travaux. Nous accueillons maintenant la Fédération québécoise de l'autisme et leurs représentants, Mme Lili Plourde, directrice
générale, et M. Tommy Bédard,
président. Merci. Bienvenue d'être...
Bienvenue,
merci d'être avec nous cet après-midi. Vous disposez de 10 minutes pour votre
échange, et il y aura, par la suite, une période d'échange
avec les membres de la commission. Donc, je vous cède maintenant la parole.
Fédération québécoise de l'autisme (FQA)
M. Bédard (Tommy) : Donc, merci,
Mme la Présidente, et merci, Mmes et MM. les députés. Donc, oui, je suis Tommy
Bédard. Je suis le président de la Fédération québécoise de l'autisme et je
suis aussi le directeur général de la Société de l'autisme de l'Abitibi-Témiscamingue,
et père d'un enfant autiste de 11 ans.
Donc, présentation de la Fédération québécoise
de l'autisme, mais bien rapidement. Donc, la fédération est présente depuis 45 ans. C'est un regroupement
provincial de 75 organismes qui ont en commun les intérêts de la personne
autiste, et ceux de sa famille, et de ses proches. 16 de ces organismes sont
des associations en autisme présentes dans chacune des régions du Québec. Les
autres organismes sont des membres associés à la fédération et proviennent de
différents réseaux communautaires, scolaires, santé et services sociaux et
privés.
La mission de la fédération est de mobiliser
tous les acteurs concernés afin de promouvoir le bien-être des personnes,
sensibiliser et informer la population sur le trouble du spectre de l'autisme,
TSA, ainsi que sur la situation des
familles, et contribuer au développement des connaissances, et à leur
diffusion. Cette mission se traduit, entre autres, de la façon
suivante : la défense des droits, l'information et la formation, la
promotion et la vie associative.
• (15 h 10) •
Mme Plourde (Lili) : Bonjour.
Merci beaucoup de nous accueillir aujourd'hui. Nous sommes ici pour faire
entendre nos inquiétudes sur l'élargissement potentiel de l'aide médicale à
mourir pour les personnes dont le seul problème médical est un trouble mental.
Plusieurs personnes autistes ont un trouble mental associé. L'apparition de ces
troubles de santé mentale, liée au manque de services à l'âge adulte, sont des
facteurs déterminants dans le fait que deux fois plus de personnes autistes que
non autistes se suicident au Québec, selon un rapport de l'INSPQ datant de
2017.
Dans le final du rapport, on indique qu'il faut
explorer la surmortalité chez les personnes autistes et identifier les
déterminants sociaux de la santé pouvant contribuer à la dégradation de la
santé mentale et physique des personnes autistes. Plusieurs groupes ont déjà
fait les mêmes remarques. L'aide médicale à mourir ne peut pas être la solution
aux souffrances provoquées par manque de services. Il faut plutôt aider les
personnes à vivre.
La situation actuelle au Québec peut amener les
personnes vers la pauvreté, l'itinérance, l'isolement. Les difficultés à
trouver un travail, à fonder une famille, à créer des liens sont aussi des
facteurs qui mènent vers un mal de vivre généralisé. De plus, plusieurs
personnes sont suivies en santé mentale sans qu'on prenne en considération leur
diagnostic d'autisme, sans que le personnel ait les connaissances nécessaires,
amenant des solutions souvent partielles et non adaptées.
Plusieurs adultes ayant des traits autistiques
n'arrivent pas à obtenir de rendez-vous pour une évaluation dans le réseau
public. Les équipes ne prennent pas leurs besoins spécifiques en considération.
Vous comprendrez, donc, nos inquiétudes. Il est important de développer une
gamme de services adaptés aux personnes autistes, plutôt que de leur présenter
le suicide comme une alternative acceptable.
Nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour faire
des consultations, considérant la période des vacances, mais les personnes
autistes qui ont répondu trouvent décourageant de ne jamais avoir de réponse à
leurs besoins, sous prétexte que la société n'arrive pas à les comprendre.
Elles déplorent le fait que les professionnels qui les entourent ne sont pas
outillés pour les aider à comprendre le monde neuroatypique. Tout comme
d'autres groupes, nous recommandons de faire preuve de prudence. L'ensemble des
présentations faites lors de cette commission démontrent bien que la question
ne fait pas consensus et qu'il faut continuer d'y réfléchir. Il est nécessaire
d'obtenir une évidence scientifique reconnue avant d'élargir l'aide à mourir
aux personnes dont la seule condition particulière est un trouble de santé
mentale.
M. Bédard (Tommy) : En ce qui
concerne l'élargissement pour les personnes en situation d'inaptitude, nous
avons la même ligne de pensée que la majorité des groupes partenaires. En aucun
cas, il ne peut y avoir de décision substitutive pour les personnes autistes
qui sont jugées inaptes à consentir par elles-mêmes. Nous prônons
l'autodétermination des personnes. Si la personne, avec les outils appropriés,
est bien encadrée, désire bénéficier de l'aide
médicale à mourir pour une maladie amenant à une fin de vie, il serait
discriminatoire de lui refuser. Par
contre, il faut s'assurer d'un consentement libre et éclairé. De même, la discussion ne doit jamais être amorcée
par le médecin.
Si une personne jugée inapte désire mettre fin à
ses souffrances alors qu'elle n'est pas en fin de vie, doit-on lui permettre? Plusieurs groupes qui nous ont
précédés ont insisté beaucoup sur le fait que l'AMM ne doit pas devenir
la solution devant le manque d'options et de services. Il faut tout mettre en
oeuvre pour soulager sa souffrance, humaniser la médecine, s'assurer d'une
meilleure formation des équipes qui entourent la personne. Il faut surtout mettre sur pied une gamme de services complète
pour soutenir les personnes dans toutes les étapes de leur développement.
Il est important
de mettre des balises claires, de s'assurer que la composition du comité qui
prend des décisions est multidisciplinaire et prend en considération
tout le côté psychosocial, pas seulement médical. Il doit pouvoir analyser les services qui ont été offerts à la personne ou
le manque de services. Il faut s'assurer qu'il y aura des personnes autistes
impliquées dans le développement des balises et d'outils ainsi que sur le
comité multidisciplinaire, qui vont mieux comprendre la personne qui formule
une demande d'AMM.
Il faut s'assurer
qu'il n'y a pas de pression externe, tant de la famille que le personnel
médical. On entend beaucoup de choses en autisme, enfants non scolarisables,
troubles graves du développement amenant agression et automutilation, etc. Il
ne faudrait pas que les préjugés puissent amener à penser que l'AMM peut être
une solution.
Encore une fois, il
est important d'insister sur le droit à vivre dans la dignité avant de parler
d'AMM. Plusieurs personnes vous l'ont déjà exprimé. Si M. Truchon avait eu
les services dont il avait besoin, il n'aurait pas fait de demande d'AMM.
Encore une fois, il faut faire preuve de prudence.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci. Ça conclut votre exposé.
Mme Plourde
(Lili) : ...
La Présidente (Mme Guillemette) : Parfait. Merci. Donc, nous allons maintenant
passer à la période d'échange avec les membres de la commission, en
débutant avec la députée de Soulanges.
Mme Picard :
Bonjour. Merci beaucoup pour votre présence, ici, aujourd'hui. Vous avez parlé beaucoup
de consentement substitué, vous avez même dit qu'on ne devrait vraiment pas
aller de ce côté-là. Pourtant, on sait que beaucoup de personnes que, depuis
leur... de personnes autistes que, depuis leur jeune enfance, ont toujours eu...
n'ont jamais été capables de consentir par eux-mêmes. Ils ont toujours eu
d'autres personnes qui ont pris les décisions pour eux.
Souvent, c'est les
parents, mais, au cours du temps, ça pourrait être un tuteur, ou peu importe. Qu'est-ce
qui fait, selon vous, que cette décision-là
d'aide médicale à mourir est différente, est un soin différent des autres
auxquels les tuteurs ou les parents ont eu à prendre comme décision au
cours d'un cheminement d'une personne autiste?
Mme Plourde
(Lili) : Bien, l'aide médicale à mourir, c'est un soin de fin de vie,
donc ça appartient à la personne de prendre la décision ou non de prendre cette
décision-là. Par contre, on pense souvent que plusieurs personnes autistes sont
inaptes à prendre des décisions qui les touchent, mais on sait qu'avec certains
outils bien encadrés, avec des normes bien établies, une personne autiste qui
désire l'aide médicale à mourir pourrait, là, bien comprendre les enjeux. Puis,
ce qui est important là-dedans, c'est de s'assurer qu'elle comprenne les
enjeux, et en autisme, on sait que c'est ça,
le défi, c'est d'arriver à comprendre les enjeux. Puis, si la personne n'arrive
pas à comprendre les enjeux, à ce moment-là, il ne peut avoir de
décision substituée. Ça ne peut pas être quelqu'un d'autre qui prend la
décision pour elle.
Mme Picard :
J'aimerais aussi vous entendre sur le rôle des personnes proches aidantes
autour des personnes autistes. Est-ce que vous pensez que la personne
proche aidante qui accompagnerait une personne autiste aurait un rôle
exécutoire ou consultatif dans la demande d'aide médicale à mourir?
Mme Plourde
(Lili) : Consultatoire.
Mme Picard :
Consultatoire, définitivement. D'accord.
Ensuite, quels
spécialistes voyez-vous près des personnes autistes? Vous en avez mentionné
quelques-uns dans votre exposé, mais racontez-moi un peu comment vous voyez ce
comité multi qui serait là lors de la demande, et le comité peut-être qui serait là aussi lors de l'administration ou
juste un petit peu avant, là, et qui prendrait la décision.
Mme Plourde
(Lili) : Il ne faut pas que ça soit juste un cadre médical. Il faut
vraiment y aller avec tout le côté psychosocial, donc ça prend des gens qui
sont spécialisés dans leur domaine. Mais on va le répéter souvent, si une personne autiste fait une demande d'aide
médicale à mourir, il faut qu'on s'assure que les outils, que la façon dont
on voit... il faut qu'il y ait des gens autour de la table qui comprennent
l'autisme. Tommy, tout à l'heure, m'a donné un...
m'a fait une belle réflexion sur
comment ça pourrait se passer avec l'aide médicale... avec... comment ça
pourrait se passer si... Bon, j'ai... je ne sais pas si tu t'en
rappelles. Vas-y donc, dans ce que tu m'as dit tantôt, Tommy.
M. Bédard
(Tommy) : C'est qu'en fin de compte, c'est qu'une personne autiste,
toutes personnes autistes confondues, va se fier à ce qu'on va lui présenter
comme étant l'option la meilleure. Donc, si la première personne est un
médecin, ou peu importe la personne, et lui dit : Maintenant, tu es
terriblement malade, puis ta meilleure option,
c'est de mourir, ce que la personne autiste va... Bon, O.K., il n'y a
plus d'autre option, c'est seulement celle-ci. Il peut y avoir d'autres options. Donc,
ce qu'on a peur... Ou que ce soit complètement l'inverse, qu'on ait une personne qui viendrait... pas entacher — j'essaie
de trouver le mot exact — mais qui viendrait comme nuire au sain
consentement de la personne.
Mme Picard :
Merci beaucoup pour vos réponses. Mme la Présidente, je vais laisser place à
mes collègues.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je vais me permettre une question, avant de céder la parole, sur la
notion de l'autodétermination, justement. On dit : Bon, c'est peut-être
des personnes inaptes, mais ils ont quand même le plein
pouvoir sur leur vie. J'aimerais vous entendre plus là-dessus, comment on peut
faire en sorte de protéger nos personnes les plus vulnérables tout en
respectant l'autodétermination des individus.
• (15 h 20) •
Mme Plourde
(Lili) : Encore là, pour les protéger, il faut que les personnes qui
vont les soutenir dans la prise de décision
comprennent bien le fonctionnement interne d'une personne autiste, comment on doit
les interpeller, comment on doit leur expliquer, comment on leur
présente les choses pour qu'elles puissent prendre une décision en comprenant
toutes les conséquences, puis surtout qu'ils comprennent les options qui
existent. Tout est dans la façon dont on explique les choses.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci. Je céderais la parole à la députée
d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Bonjour, M. Bédard, bonjour, Mme Plourde,
merci pour votre présentation. Vous dites que le taux de suicide chez les
jeunes entre 1 et 24 ans est très élevé, et les statistiques que vous nous
avez données sont de 2017. Est-ce qu'il y a
eu augmentation depuis ce temps? Ma première question. Et ma deuxième question
sera : Quel... Puis vous... lors de votre discussion, vous dites souvent
qu'il manque de ressources, qu'il manque beaucoup de ressources dans le
système, manque de personnel, ces choses-là, et des ergothérapeutes. Quelle
serait la solution pour contrer tout suicide, selon vous?
Mme Plourde
(Lili) : En fait, les derniers chiffres qu'on a, c'est le rapport de
l'INSPQ de 2017, puis ce rapport-là ne touche que les personnes de 1 à
24 ans. Ça fait qu'on sait que, si le rapport touchait les autistes de
plus de 25 ans, on aurait des chiffres probablement les mêmes ou plus
élevés, mais on n'a pas de statistiques récentes, on sait que la COVID a été
extrêmement difficile pour les personnes, ça a amplifié beaucoup la détresse
qui était déjà existante, ça a amplifié
aussi l'apparition de trouble mental comme, par exemple, l'anxiété. Ça fait
que, présentement, la situation ne s'est pas améliorée, et probablement
qu'elle s'est dégradée. Le manque de services... là, on va parler des personnes
autistes qui sont plus... ce qu'on appelait le syndrome d'Asperger, autiste
léger, besoins légers, etc., selon les différentes versions de DSM. Ces
personnes-là ont très peu de services à l'âge adulte et sont beaucoup laissées
à elles-mêmes. Les dossiers sont fermés, on ne leur offre pas de soutien
résidentiel, on ne leur offre pas de soutien professionnel. Il y a des études
qui démontrent qu'il y a toute la même chose en déficience intellectuelle aussi, que ça augmente, il y a des personnes qui
sont itinérantes, parce qu'à partir du moment où leur réseau social n'existe
plus, bien, les personnes sont comme
laissées à elles-mêmes, et comme la résolution de problèmes est plus difficile,
elles ne savent vers où aller chercher du soutien.
Donc, le manque de
services à l'âge adulte a des conséquences assez graves et... Puis c'est ça,
présentement, rendus à 21 ans, souvent,
les services, même des fois avant, les services cessent, puis comme je disais
aussi, c'est extrêmement difficile d'aller chercher une évaluation au
public pour un adulte, pour une évaluation en vue d'un diagnostic. Puis on sait
que les femmes sont diagnostiquées très tard, donc le fait que c'est difficile
d'aller chercher un diagnostic amplifie les
troubles de santé mentale parce que moins t'as de services, moins tu comprends
ce qui passe, plus tu risques de développer d'autres problèmes. Ça fait que le
manque de services aux adultes a tout cet impact-là.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Pourquoi les femmes sont diagnostiquées plus tard?
Je suis curieuse.
Mme Plourde
(Lili) : Je ne ferai pas la même joke que je fais des fois. En fait,
c'est que l'autisme, c'est quatre garçons pour une fille. Que ce soit... peu
importe l'âge, c'est supposé être quatre garçons pour une fille. Diagnostiqué,
chez les femmes, plus profil asperger, on parle de 10 garçons pour une
fille, donc les femmes passent clairement à travers des mailles du filet.
Pourquoi? Parce qu'à l'école, elles ne sont pas tannantes. Ça fait que, dans la
vie, si tu veux avoir un suivi, sois tannant, ça fait que les petits garçons
sont souvent plus tannants, les petites filles moins, ça fait qu'elles passent complètement à travers les mailles du
filet. Il y a une excellente clinique à Montréal, Autisme et Asperger
Montréal, Isabelle Hénault, qui a développé un profil féminin du syndrome
d'Asperger, qui explique en gros pourquoi
les femmes sont si difficiles à diagnostiquer, elles vont l'être plus à l'âge
adulte, mais pourquoi? Première grossesse, première relation de couple, emploi
difficile à garder, donc, encore une fois, ce n'est pas l'autisme, c'est
vraiment les troubles d'anxiété, les difficultés sociales qui vont apparaître,
qui vont faire qu'elles vont se diriger vers un diagnostic au privé parce que
c'est extrêmement difficile d'avoir un diagnostic au public.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci beaucoup, madame. Je laisse la place à un de
mes collègues.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci. Nous allons continuer nos échanges
avec le député de Mégantic.
M. Jacques :
Je vais ouvrir mon micro...
La Présidente
(Mme Guillemette) : Votre micro, ça va aller plus... ça va aller
mieux, M. le député.
M. Jacques :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Plourde, bonjour,
M. Bédard. Je veux juste finir, là, rapidement, là, sur ce que vous avez
dit, là, pas diagnostiquées parce que les petites filles sont plus tranquilles
en classe. Mais, au niveau des problèmes
académiques, est-ce qu'ils sont aussi importants que les autres? Parce qu'on
sait qu'il y en a qui n'ont aucun problème académique, que ça va super
bien, là. Mais, au niveau académique, est-ce qu'elles ont plus de difficulté?
Mme Plourde
(Lili) : Pas nécessairement, pas nécessairement, c'est... oui, ça peut
aller super bien, là, difficulté parfois à finir le secondaire, aussi, mais, au
point de vue académique, ça peut se passer superbien.
M. Jacques :
Parfait.
M. Bédard
(Tommy) : Si je peux rajouter si vous me permettez.
M. Jacques :
Oui.
M. Bédard
(Tommy) : Ce qu'on voit habituellement, du point de vue académique, le
passage au primaire se fait quand même de façon simple, ça fonctionne. Dès
qu'on arrive au... vers le passage... du passage au secondaire, c'est là que
l'adolescence arrive, c'est là que, là, on va vraiment plus voir les filles
autistes apparaître.
Parce que, pour
ajouter, aussi, au diagnostic féminin, c'est que, oui, elles ne sont pas
tannantes en classe, mais ce sont... les
femmes, appelons-les les jeunes filles, appelons-les comme ça, vont tenter
d'imiter, donc elles vont se faire un idéal pour imiter, pour bien
fonctionner en société, fonctionner en groupe. Quand on arrive au secondaire,
il n'y a plus personne pareille, tout le monde prend son... sa propre identité,
donc là, ça devient des problématiques scolaires et tout le monde rentre dans
le même bateau.
M. Jacques :
Donc, le cadre, là, n'est plus là, il y a trop de disparités dans le cadre, là,
pour pouvoir... bon. Vous avez parlé, là... le suicide, de un, de deux, bon, la
condition de l'autisme, là, en parlant plus des Asperger, au niveau d'aide
médicale à mourir, parce ce que je pense que c'est là que vous êtes, là, par
rapport à tout ça.
Vous avez parlé qu'il
y avait des troubles qui étaient amenés, là, avec l'autisme, vous avez parlé
d'anxiété. Est-ce qu'il y a... c'est quoi, toutes les... tout ce qui est amené,
là, à l'adolescence ou entre... on parlait, dans... entre 12 et 24 ans, où... et plus tard, là. Mais c'est quoi,
les troubles qui s'ajoutent à ça? Juste... j'essaie de me faire une
tête, là, dans ce que vous nous dites, là.
Mme Plourde
(Lili) : Dans le rapport de l'INSPQ, il y a une longue liste, rapport
que je n'ai pas à côté de moi. Je ne sais pas, Tommy, si... Il y a une longue
liste de troubles qui peuvent se rajouter. On le dit souvent, ce n'est pas...
souvent, bien, c'est comme le handicap versus être en situation de handicap,
là. L'autisme, souvent, ce n'est pas tant problématique que tout ce qui vient
autour, là, c'est...
M. Jacques :
Donc, il n'y a aucune condition dans tout ça, là, dans tous les ajouts qu'il
peut y avoir, qui pourraient mener à une incapacité, je dirais, physique et
mentale totale.
Mme Plourde
(Lili) : Si je comprends
bien votre question, mettons, si on prendrait la situation d'une personne
autiste avec des grands besoins et une déficience intellectuelle profonde, là,
à ce moment-là, je ne pense pas qu'on pourrait parler d'une aptitude à
consentir.
M. Jacques :
Elle serait une personne inapte à ce moment-là, là. Mais des cas que vous me
parlez, là, si je comprends bien, là, on parle de personnes aptes.
Mme Plourde
(Lili) : Aptes.
M. Jacques :
O.K. Donc, est-ce que, dans ces personnes aptes là, qui ont des troubles autres
que l'asperger ou l'autisme, là, on va l'appeler comme ça, anxiété, troubles...
ça peut être de comportement, je ne le sais pas, là, ça peut être un amalgame
de plein de choses, ces gens-là, ils ont sûrement une souffrance, là, je
comprends qu'ils doivent avoir une souffrance intérieure puis émotive, mais
est-ce qu'il y a une condition particulière qui pourrait les amener à... je
vais dire à vouloir demander de l'aide médicale à mourir, mais qui serait
concevable par des médecins ou des psychiatres ou des gens du milieu de la
santé?
Mme Plourde
(Lili) : Si je comprends bien votre question, je pense que oui. Je
vais redonner l'exemple que la SQDI a donné quand ils ont fait leur
présentation, qui m'a marquée beaucoup, moi : Une personne avec une
déficience intellectuelle avec des acouphènes, aux Pays-Bas, qui a fait une
demande pour l'aide médicale à mourir et qui l'a obtenue, parce qu'elle avait
des acouphènes. Ça, pour moi, ce n'est comme pas une raison. Qui sommes-nous
pour juger de la souffrance ou non des autres, mais il y a d'autres solutions
que de proposer l'aide médicale à mourir quand un autre trouble... et là, comme
je disais, la difficulté, avec l'autisme, c'est de bien s'assurer que la
personne a compris qu'il y avait des options.
• (15 h 30) •
M. Jacques :
Oui. Ça, vous l'avez bien expliqué tantôt, mais, tu sais, je me dis, anxiété,
bien, il va y avoir des suivis, il va y
avoir des psychologues, il va y avoir des gens, là, qui vont intervenir dans le
milieu pour pouvoir donner des ressources à ces gens-là.
Écoutez,
j'ai un de mes amis que son fils de 12 ans a un autisme, là, sévère, là,
que je côtoie régulièrement, là, tu sais,
mais, si on parle... j'ai un autre copain, là, qui a... son fils, il
fonctionne, il est en secondaire III, il fonctionne très bien, là.
Donc, tu sais, lui, il va développer peut-être de l'anxiété à un moment donné.
Bon, il va falloir qu'il soit traité pour ça. Bien, vous comprenez, là...
Mme Plourde
(Lili) : Oui.
M. Jacques : ...que j'ai beaucoup de difficultés à concevoir
que quelqu'un, là, qui souffrirait d'autisme puisse accéder à l'aide médicale à
mourir. J'ai... Je ne suis pas là, là. C'est pour ça que j'essaie de
comprendre, là, vraiment, là.
Mme Plourde
(Lili) : Bien, c'est pour ça qu'on dit qu'il faut continuer... tu
sais, là, il y a plusieurs autres groupes qui l'ont dit : Il faut
continuer de se pencher sur la question. Si la personne est en fin de vie, elle
a un cancer, entièrement d'accord que, si elle est apte à consentir, oui,
entièrement d'accord avec vous.
M. Jacques : Une personne autiste, si elle a... Dans le fond,
là, c'est la seule condition de l'autisme, là. C'est là, là, que ça ne
fonctionne pas pour vous, là.
Mme Plourde
(Lili) : Bien, le fait... Tu sais, il faut s'assurer. On ne peut pas
demander l'aide médicale à mourir parce
qu'on est autiste. Mais, en même temps, il y a d'autres groupes qui l'ont dit,
qui sommes-nous pour juger des souffrances psychologiques de quelqu'un?
M. Jacques :
Je suis d'accord.
Mme Plourde
(Lili) : Je suis entièrement
d'accord avec vous, ce n'est pas à nous de juger. On ne peut pas juger
pour personne d'autre. Il faut juste s'assurer que tout est bien compris.
M. Jacques : O.K. Je pense qu'il ne me reste plus beaucoup de
temps, là, puis il y a peut-être un collègue, là, qui veut prendre la
parole.
La Présidente (Mme Guillemette) : Malheureusement, M. le député, il ne nous reste
plus de temps, sauf que nous allons pouvoir continuer les échanges avec
la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Plourde.
Mme Plourde
(Lili) : Bonjour.
Mme Maccarone :
Bonjour, M. Bédard. C'est un plaisir de vous voir avec nous aujourd'hui en
commission. Je veux revenir un peu... vous
me connaissez, le spectre de l'autisme, nous savons que c'est un spectre qui
est très large, très grand, qui englobe plusieurs comorbidités. Il y a
plusieurs difficultés.
Alors, je veux nous
ramener un peu à l'idée des stigmatismes et des préjugés en ce qui concerne les
personnes autistes. Entre autres... souvent, il peut y avoir des difficultés de
langage, de compréhension ou des problèmes sociaux. Il y a ceux qui sont non
verbaux aussi, mais ça ne veut pas nécessairement dire qu'ils souffrent
peut-être d'une déficience intellectuelle ou qu'ils ne sont pas aptes. Alors,
je veux savoir, selon vous, est-ce que c'est possible pour une équipe soignante
d'évaluer la souffrance d'une personne autiste?
Mme Plourde
(Lili) : Souffrance psychologique?
Mme Maccarone :
Souffrance psychologique, souffrance aussi, on peut dire, physique, parce que,
pour une personne autiste, des fois, on a des difficultés sensorielles, des
fois, nous avons des difficultés à s'exprimer. Alors, est-ce que ça serait
possible pour cette équipe d'identifier et d'évaluer la souffrance d'une personne
autiste?
Mme Plourde
(Lili) : Je ne suis pas spécialiste. Je ne sais pas jusqu'à quel point
on peut évaluer cette souffrance-là, parce que les personnes, souvent, ont
beaucoup de difficultés à exprimer elles-mêmes ce qu'elles vivent, ce qu'elles
sentent. Par contre, il y a de plus en plus d'adultes autistes qui prennent la
parole et qui demandent à être entendus pour elles-mêmes. Puis il y en a beaucoup
qui nous dise qu'elles ne sont absolument pas malheureuses
comme personnes autistes. Elles vont être malheureuses dans le moule dans
lequel on essaie de les rentrer.
Ça fait que je ne
sais pas jusqu'à quel point on est apte à évaluer la souffrance. Tommy, je ne
sais pas si...
M. Bédard
(Tommy) : Il existe déjà des outils, pour les plus jeunes, qui
permettent de mettre une image sur une souffrance ou un malaise. Est-ce qu'on a
tous ces outils-là présentement en main? On ne les a peut-être pas présentement. Je suis sûr qu'il y a déjà des personnes qui travaillent là-dessus. Peut-être
aller voir du côté universitaire en recherche. D'après moi, il y a
moyen. S'il n'y a pas quelque chose, ça serait vraiment quelque chose qui
serait à faire. Parce que souvent les personnes, comme Lili a dit, ne sont pas nécessairement
capables verbaliser la douleur ou l'inconfort, quoi que ce soit, puis... et,
pour eux, la seule douleur, c'est d'être dans notre monde qu'elles ne comprennent
pas. Mais, avec des personnes qui sont spécialisées des personnes autistes, on
serait en mesure d'idéalement bien conceptualiser l'environnement, ou la
douleur, ou l'inconfort dans lequel la personne vit.
Mme Maccarone : D'abord, ça
m'amène à une prochaine question. J'ai lu votre mémoire, puis, parmi les recommandations que vous partagez avec les membres, vous disiez que c'était très important
de s'assurer un consentement clair.
Je vous donne un exemple, parce
que la question, ça serait : Comment s'assurer que nous aurons un consentement
clair d'une personne autiste? Ma fille, qui est autiste, qui a des difficultés
à s'exprimer, quand elle est en colère, quand les choses ne vont pas bien,
hein, puis, écoute, elle ne maîtrise pas une langue en particulier, elle va dire : Je veux juste mourir... fâchée, ça ne
va pas bien. Mais elle ne veut pas avoir accès à l'aide médicale à mourir, elle
veut s'exprimer. C'est sa façon d'utiliser ce qu'elle a comme langage pour
dire : J'ai mal, je ne suis pas bien.
Alors,
comment s'assurer qu'on a un consentement clair d'une personne autiste qui
souffre, qui va peut-être dire : Moi, j'aimerais avoir accès à
l'aide médicale à mourir?
Mme Plourde (Lili) : C'est
tellement un bon exemple. C'est tellement... Ça arrive tellement souvent, ce
genre de... Vous savez qu'il y a beaucoup d'enfants qui se font expulser des
écoles parce que... Je vais te tuer. Il ne veut pas tuer personne. C'est sa
façon. Il a vu ça quelque part à la télé, sur son ordinateur, il a vu ça quelque
part. Ça fait que c'est des façons de s'exprimer qui peuvent porter à
confusion. Puis c'est pour ça que ça nous inquiète autant de... qu'on dit qu'on
a encore des travaux à faire avant de... avant de l'élargir comme ça parce que quelqu'un
qui comprend mal l'autisme peut très mal interpréter ce qu'une personne va lui
dire.
Mme Maccarone : C'est tout à
fait... Puis ça m'amène à savoir : Est-ce qu'il y a des balises que nous
pouvons... Parce que vous avez aussi évoqué, dans votre mémoire, la nécessité
d'avoir des balises. Avez-vous des recommandations de ce que nous pouvons mettre
en place pour s'assurer qu'on protège les personnes vulnérables ou les
personnes en situation de vulnérabilité, parce que ce n'est pas... ce n'est pas
la même chose, et aussi respecter l'autodétermination d'une personne autiste? Parce
que, d'emblée, comme j'ai mentionné, c'est un spectre, hein?
C'est grand. On peut avoir des personnes qui ont un diagnostic d'autisme qui
sont capables de s'exprimer, qui sont capables d'être autonomes et de
faire des choix dans leur vie, puis on a autres personnes qu'on va se
questionner : Est-ce que c'est vrai, oui, ils sont aptes?, mais ils ne
sont peut-être pas en mesure de s'exprimer d'une façon claire, mais on veut
respecter aussi leur dignité. Ça se peut qu'ils souffrent...
Mettons une personne autiste qui souffre, tu
sais, d'un cancer, malheureusement, tu sais, pauvre personne. Alors comment...
Quelles balises aurons-nous besoin de mettre en place, selon vous, pour
s'assurer qu'on protège ces personnes, mais aussi respecter l'autonomie de la
personne à faire un choix clair?
Mme Plourde (Lili) : Je ne suis
pas clinicienne, je n'ai pas d'exemple à vous donner, là, mais c'est clair que
ça prend un comité avec des gens qui viennent de différents horizons, avec des
personnes autistes sur le comité pour mettre des balises en place. Puis c'est
quand même un travail, tu sais, qui est quand même assez long parce qu'il faut
quand même valider tellement de choses. Ça serait ça que je répondrais, là, au
moment actuel.
Mme Maccarone :
Et le rôle des proches aidants, on a touché un peu... Auparavant, vous avez dit
catégoriquement que ce serait un rôle d'accompagnement, de consultation.
Mais, quand on parle d'une personne autiste qui a besoin, souvent, d'avoir un
proche aidant ou un parent, dans notre cas, qui peut aider à s'exprimer ou
d'être la voix de cette personne, voyez-vous peut-être le rôle un peu différent
quand on parle d'une personne autiste qui est en train de souffrir à cause,
peut-être, un autre diagnostic physique, maladie?
Mme Plourde (Lili) : Bien, je
vais faire un petit peu un lien aussi avec la loi de la curatelle publique,
qu'on est en train de modifier la loi, dans laquelle on prévoit justement qu'un
proche aidant peut accompagner la personne dans différentes actions. C'est
clair qu'on dit tout le temps : Le parent est le plus grand expert de son
enfant, ça fait que, oui, clairement que le parent peut être consulté, peut
aider à traduire l'information de son enfant vers les autres et des autres vers
son enfant, mais ça prend... Tu sais, il faut faire attention, parce qu'on le
sait, il y a souvent des pressions qui sont faites de la part de l'entourage
des personnes pour faire une demande d'aide médicale à mourir. Ça fait qu'il
faut quand même être prudent puis s'assurer que tout le monde est neutre, je
vais le dire de même, que tout le monde est neutre, là, dans le processus.
• (15 h 40) •
M. Bédard (Tommy) : En fait,
c'est qu'il y ait plus d'une voix, plus d'une seule personne qui apporte... pas
un diagnostic, mais son observation pour que
ce soit clair. Donc, en comité, si on a différents acteurs et, si les
différents acteurs connaissent
l'autisme, déjà là, on est en mesure de, sans doute, favoriser à
savoir si ce que la personne demande est vrai ou ce que le proche aidant
présente est validé.
Mme Maccarone : Et les
différents acteurs sont qui?
M. Bédard (Tommy) : Si on parle
du fameux comité qu'on mentionne depuis tantôt, ça pourrait être des spécialistes, ça pourrait être des psychologues,
des pédopsys... tu sais, on parlait des jeunes plus tôt, des psychologues.
Mme Maccarone : Oui, quand on dit «enfants», hein? Nous, on dit
«enfants» parce que, même s'ils sont adultes... ce n'est pas nos
bébés, là, mais, quand on dit «enfants», on dit «enfants majeurs», oui.
M. Bédard (Tommy) : Nos enfants
majeurs, dans ce cas, oui, tout à fait, mais vraiment toute personne qui serait en mesure d'évaluer cognitivement la
demande faite. Donc, on a plein de spécialistes que je ne saurais nommer ici présentement, mais on en a tout plein. Puis il
y a plein de gens qui sont outillés présentement en autisme qui pourraient transmettre l'information,
il y a des formations, sans doute, qui doivent exister. Donc, si chaque
personne du comité est outillée, connaît la base de l'autisme, je pense qu'on
est gagnant en observation et en jugement.
Mme Maccarone :
Et les personnes sur ce comité devront connaître la personne ou c'est suffisant
qu'il soit un spécialiste en autisme?
M. Bédard
(Tommy) : Très bonne question, très bonne question. N'étant pas ce
spécialiste, moi, je crois qu'une personne externe serait une très bonne
personne à ajouter parce que, justement, elle n'aura pas de sentiment associé.
Mais, encore là, ce n'est pas mon métier d'analyser ce genre de situation, mais
je crois que toute personne externe serait quand même assez intéressante. Il y
aurait, du moins, une observation plus claire et moins centrée sur les émotions
ou les sentiments.
Mme Maccarone :
Vous avez dit plusieurs fois, non seulement dans votre témoignage puis les
réponses aux questions aujourd'hui, souvent, que ça prend des gens qui
comprennent c'est quoi, être autiste, c'est quoi, un diagnostic d'autisme, puis
vous l'avez aussi évoqué dans votre mémoire. Alors, vous avez une occasion de
partager avec nous aujourd'hui parce que, c'est vrai, il y a un manque de compréhension,
il y a un manque de services, il y a un manque de soins. Quels sont les points
les plus saillants, les plus importants? Puis on peut faire le lien aussi, s'il
vous plaît, avec l'aide médicale à mourir, peut-être une personne autiste qui
est en train de souffrir. Quels sont les points les plus importants que vous
pensez seraient nécessaires que les membres de la commission comprennent en ce
qui concerne une personne autiste pour mieux comprendre peut-être une demande
ou la nécessité de protéger une personne autiste qui ferait une demande?
Mme Plourde
(Lili) : Ce qui nous inquiète beaucoup, quand on parle d'élargir
l'aide médicale à mourir aux personnes qui ont un trouble de santé mentale,
c'est... présentement, on a tendance à travailler beaucoup en silo. Tu sais, ça
vient avec le manque de services aux adultes où on a tendance à travailler
beaucoup en silo.
Je ne veux pas porter
de blâme à personne, mais je vais donner un exemple de ce qui est arrivé :
un institut en santé mentale, deux employés différents d'un institut en santé
mentale pour trois personnes différentes, personnes autistes avec un trouble de
santé mentale associé, qui ont appelé leur organisation régionale en demandant
de l'aide, leur association de parents régionale, en demande de l'aide parce
que ça faisait des mois qu'ils avaient demandé de l'aide de leur CRDI — on va
utiliser les vieilles appellations du système de santé — ça
faisait des mois qu'ils avaient demandé de l'aide de leur CRDI pour les aider à
mieux... à outiller le personnel pour mieux soutenir les personnes qui ont un
double diagnostic. Ça faisait des mois qu'ils l'avaient demandé, puis ils
n'avaient pas eu de soutien. L'organisme communautaire est allé, mais vous
comprendrez bien que ce n'est pas sa job, c'est la job... Tu sais, le réseau
doit... ne peut pas travailler en silo et doit se soutenir.
Ça fait que c'est
pour ça que, quand on voit des situations comme ça, que, quand on dit qu'il y a
un manque de connaissances, c'est à cause de ça, les... il faut créer des
liens. Est-ce qu'il faut créer des équipes à l'intérieur des institutions en
santé mentale, des équipes multis pour mieux soutenir les personnes autistes
qui ont des troubles associés? Mais ce qui est clair, c'est que... parler avec
une personne autiste, vous le savez, madame, vous le savez, ça ne se compare à rien. C'est différent. Ça fait
qu'il faut s'assurer que les personnes... Je ne sais pas si j'ai bien répondu
à la question, mais c'est ça, oui.
Mme Maccarone :
C'est parfait. J'aurais aussi voulu entendre, mettons... comme par exemple,
moi, je rajouterais que, souvent, les
personnes vont s'exprimer en noir et blanc. Souvent, il y a un manque de gris à
l'intérieur de la façon qu'ils vont parler ou de leur compréhension.
Alors, en ce qui concerne l'équipe autour de la personne ou l'équipe qui va entourer une personne autiste, qui va prendre
une décision, ce serait quelque chose que j'espère qu'ils vont prendre
en considération.
Alors, je voulais peut-être
vous entendre en ce qui concerne ces points qui sont les plus importants, parce
que les personnes autistes, oui, ils sont tous différents, mais il y a quand
même quelques similarités entre ces personnes, alors s'il y avait des choses
les plus importantes que vous pensez sont pertinentes à partager.
Mme Plourde
(Lili) : Vite de même, je n'ai pas de... je n'ai pas d'avis. Tu sais,
on parle beaucoup... Tu sais, c'est parce
qu'il existe, au Québec... On utilise principalement le ICI avec les personnes
autistes, mais, tu sais, il existe d'autres méthodes aussi, il y a d'autres
façons de fonctionner, la méthode SACCADE, qui est une façon de comprendre le
fonctionnement interne des personnes, qui peut être une base aussi de comment
on communique, qu'est-ce qu'on... comment on...
Tu sais, il y a l'âge chronologique, mais il y a l'âge de développement aussi,
comment on s'assure que la personne est bien au stade qu'on pense
qu'elle est rendue.
Tu sais, les
personnes autistes sont souvent bien fortes pour faire semblant, pas juste les
femmes autistes, les hommes autistes aussi.
Ils sont forts pour faire semblant. Ça fait que, tu sais, nous autres, on dit
tout le temps : Quand tu parles avec une personne autiste puis que
tu lui poses une question, tant et aussi longtemps que vous n'avez pas la même
compréhension, dit dans des mots différents, on recommence, parce qu'on n'est
pas à la même place, là.
Ça fait que comment
on s'assure que la personne est bien rendue où est-ce qu'on pense qu'elle est
rendue et que sa perception de ce qu'il se
passe autour d'elle, c'est la même, autant pour elle que pour nous? Ce n'est
pas clair, ma réponse, mais...
Mme Maccarone :
Bien, c'est l'évaluation de l'aptitude. Puis, nous le savons tous, ce n'est pas
seulement pour les personnes autistes que c'est complexe, mais c'est
l'évaluation de l'aptitude, ça prend des normes. Alors, ça serait évalué par
qui? Et le comment, je pense que ça serait important à identifier.
Mme Plourde (Lili) : Oui, puis
évalué par plusieurs personnes. Tu sais, ça ne peut pas être juste un médecin,
on l'a dit, il faut que ça soit une composition multidisciplinaire. Ça prend...
Tommy les a nommés tantôt, ça prend des psychiatres, ça prend des intervenants,
tu sais, les intervenants terrain qui travaillent avec les jeunes, qui souvent ont une bonne compréhension de ce qu'il se passe.
Ça prend plusieurs spécialistes autour de la table pour faire une bonne
analyse. La même chose que pour une évaluation pour un diagnostic... à un
enfant : ce n'est pas juste une personne qui
fait une évaluation. Ça fait que c'est un peu la même chose, pour être sûr
qu'on voit tout puis qu'on touche à tout.
Mme Maccarone : ...merci beaucoup.
Mme Plourde (Lili) : Merci.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée. Merci beaucoup, M. Bédard et Mme Plourde, d'avoir été présents avec nous et d'avoir répondu à nos
questions cet après-midi. Merci pour votre contribution à la commission.
Et, sur ce, nous suspendons les travaux quelques
instants.
Une voix : Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 48)
(Reprise à 16 h 03)
La Présidente (Mme Guillemette) :
La commission reprend ses travaux. Donc, nous accueillons maintenant le Dr Paul
Saba, médecin de famille, accompagné de Me Natalia Manole, avocate. Merci.
Merci, merci d'être avec nous cet après-midi.
Donc, vous disposez de 10 minutes pour nous
présenter votre exposé et, par la suite il y a aura une période d'échange avec
les membres de la commission. Donc, sur ce, je vous cède dès maintenant la
parole.
M. Paul Saba et Mme Anamaria Natalia Manole
M. Saba (Paul) : Merci, membres
de la commission, et je vais partager ma présentation avec Me Manole.
D'abord, mon nom est Dr Paul Saba, je suis médecin de famille à Lachine,
je suis aussi président du conseil des médecins de l'Hôpital de Lachine.
La maladie mentale est l'une des principales
causes d'invalidité au Québec. Environ 20 % de la population québécoise
vivra une maladie mentale au cours de sa vie. Pourtant, moins de la moitié de
ceux qui souffrent de la maladie mentale cherchent une aide professionnelle.
Environ 1 100 Québécois vont se suicider chaque année. Il est bien
connu que même Elon Musk, le fondateur de Tesla et de SpaceX, a le syndrome
d'Asperger. Si la Loi visant l'aide médicale
à mourir est élargie et si
M. Musk décide de déménager et devenir un citoyen du Québec, du Canada...
des gens comme ce dernier pourraient être euthanasiés.
La récente pandémie de COVID a augmenté la
dépression parmi les Canadiens, avec le plus grand impact sur les groupes
marginalisés, y compris les jeunes adultes, les personnes handicapées, les
pauvres, ceux qui ont des troubles de santé mentale préexistants, les
autochtones, les femmes et ceux qui s'identifient comme LGBTQ2+.
Le médecin de famille est souvent le premier
point de contact pour une personne ayant un problème de santé mentale. Plus de
50 % des personnes atteintes de troubles mentaux reçoivent des soins de
santé mentale de leur médecin de famille, souvent sans la participation
d'autres fournisseurs de soins. Cependant, pour être en mesure de prodiguer des
soins de santé mentale optimaux, le médecin de famille a besoin d'être soutenu
par des psychiatres et des psychologues, des spécialistes auxquels les patients
n'ont pas toujours un accès rapide.
En fait, notre système social de santé est
déficient pour les personnes atteintes des troubles mentaux. Il n'offre pas
toutes les options thérapeutiques requises permettant d'espérer que le
consentement est véritablement éclairé, c'est-à-dire fait en toute connaissance
de cause.
La population ayant des problèmes de santé
mentale est également susceptible de se suicider et de chercher l'aide à
l'euthanasie. J'ai récemment parlé à un thérapeute travaillant dans le domaine
de la prévention du suicide. Elle avait comme patiente une femme de 26 ans
qui voulait désespérément mourir à cause d'une dépression. La thérapeute a réussi
à la convaincre de vivre pour s'occuper de son chien. Il y a toujours une
raison de vivre, mais en tant que soignants nous devons trouver cette raison
pour que la personne veuille vivre.
Personne ne veut vraiment se suicider, les gens
veulent simplement mettre fin à la souffrance. Nous devons les aider à soulager
leur souffrance. Dans ce mémoire, je veux vous montrer qu'il n'est pas dans
l'intérêt des Québécois d'élargir les critères de tuer nos concitoyens et tous
ceux qui souffrent de problèmes de santé mentale et de déclin cognitif. Au
Québec, nous avons la responsabilité d'améliorer notre système de santé pour
les personnes atteintes de problèmes de
santé mentale, incluant un accès rapide aux psychiatres, psychologues et
travailleurs sociaux. Nous devons aussi assurer
des logements abordables, des revenus adéquats pour manger, les traitements
adéquats pour soulager les douleurs physiques, tels la physiothérapie. Pour les
personnes atteintes de déclin cognitif, nous devons investir davantage dans la
recherche et le développement de traitements prometteurs pouvant non seulement
ralentir la progression de maladies, mais inverser la déficience cognitive.
Nous devons offrir plus de support pour les aidants naturels. Le Québec va
devenir une société qui donnerait un jour les meilleurs soins aux personnes
souffrant d'un problème de santé mentale ou
d'un déficit cognitif plutôt que de les tuer, et peut-être même un jour de les
guérir.
Merci, et je cède la parole à Me Manole.
• (16 h 10) •
Mme Manole (Anamaria Natalia) :
Alors, bonjour, membres de la commission. Je suis avocate en droit civil, en litiges civils, et en fait je dois vous
faire part de mes observations à la cour. Donc, récemment, j'ai des dossiers
où les personnes qui sont atteintes de
maladie mentale contestent en fait le fait d'avoir signé un document, et la
raison étant le consentement vicié. Donc, très souvent, en fait, pour l'achat
d'un immeuble, pour l'achat d'une voiture, peu importe, en fait, la
personne considère qu'elle n'était pas apte, en fait, à donner son consentement.
Et c'est le même consentement dont on a besoin pour signer une voiture ou un
immeuble. C'est le même consentement pour l'aide médicale à mourir.
Et je dois vous avouer que, dans tous les
dossiers judiciaires où j'agis en tant qu'avocate à la cour, et où on se pose le problème du consentement de la personne, il y a au moins deux experts qui ont des opinions
contradictoires, toujours sur
la capacité de la personne à donner son consentement. Donc, à la lumière du
mémoire qui vous a été présenté par Dr Saba, et suite aux débats, en fait,
parlementaires, je vous soumets qu'il est évidemment très difficile de se prononcer sur l'aptitude d'une personne
atteinte d'une maladie mentale de donner un consentement libre et éclairé
lorsque, même pour l'achat d'une voiture, un immeuble, on se dispute à la cour,
pendant des jours et des jours, avec des experts psychiatres, qui donnent des
avis contradictoires.
Selon l'article 4 du Code civil du Québec,
toute personne est apte à exercer pleinement ses droits civils. C'est une présomption, mais cette présomption est
très... est renversée très facilement lorsqu'il y a un diagnostic de maladie
mentale. Donc, c'est à ce moment-là, en
fait, que le juge doit se prononcer sur... après avoir écouté les experts
psychiatriques, par exemple, quelle
est la position qu'il va retenir pour décider, voilà, si la personne a été apte
ou non de... apte, en fait, à consentir aux soins, par exemple, ou à
signer un contrat.
Donc, le tribunal est également souvent appelé à
se prononcer en matière de refus de soins médicaux. Les personnes souffrant de
maladie mentale refusent un traitement, et la cour, après avoir écouté les
experts, décidera si elle va ordonner des
soins malgré l'absence de consentement de la personne. Une analyse de
jurisprudence nous permet de
constater que, dans la majorité des cas, c'est la protection de la personne qui
prime, au détriment des droits de la personne ou de la personnalité. Autrement
dit, très souvent, c'est... le droit de la personne de refuser des soins est écarté par le tribunal au profit de la
protection de la personne.
Le juge met en balance les risques et les
bénéfices attendus. Très souvent, c'est le meilleur intérêt de la personne qui
prime et non pas ses droits de la personne ou de la personnalité. Dans cette
perspective, le juge favorise l'intervention la moins invasive possible mais
qui aura des effets bénéfiques sur la santé de la personne.
Force est de conclure qu'on favorise la
protection de la personne au détriment de la protection de son droit à
l'autodétermination, et ce, même quand cela n'a pas pour effet le décès de la
personne.
On est
d'accord sur le fait que, si le désir de mourir était un symptôme de la maladie
mentale, le consentement de la personne serait vicié. Or, dans la plupart des
cas, le désir de mourir est effectivement un symptôme de maladie
mentale. J'ai inclus, dans le mémoire, les sources, en fait, de ces études.
Selon une étude menée par l'École de santé
publique de l'Université Harvard, neuf personnes sur 10 qui ont tenté de se suicider ne se sont pas suicidées
suivant un traitement. Donc, ils ont tenté de se suicider et, suite à un
traitement, ils sont, finalement, ils sont décédés d'une cause naturelle. Donc,
l'étude constate qu'avec le bon traitement, les crises suicidaires
disparaissent.
Les études démontrent qu'au moins 90 % des
gens qui ont mis fin à leurs jours étaient affectés par une maladie ou trouble
mental, diagnostiqué ou pas, au moment de leur suicide.
Ce sont donc
les mêmes personnes, celles souffrant de maladies mentales, neuf sur 10, qui
ont eu des tentatives de suicide, qui finalement ne veulent plus mourir
grâce aux traitements médicaux.
Maintenant,
quelques mots sur l'opinion des psychiatres. J'ai pris connaissance de la position
de l'Association des psychiatres au Québec qui est favorable, en fait, à
la légalisation de l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladies mentales, mais je dois vous dire que
les conclusions des études que j'ai citées dans mon mémoire sont en
ligne avec l'expérience des psychiatres. Je dois vous dire que les membres de
l'association ne sont pas d'accord nécessairement avec la position de
l'association.
Et, dans une
étude de l'année 2017, on mentionne qu'une grande partie des psychiatres
ont eu des patients dans le passé qui
se sont rétablis d'une maladie mentale mais qui auraient probablement demandé
de recevoir l'aide médicale à
mourir si elle avait été disponible.
La même étude indique que seulement 29,4 %
des psychiatres canadiens, qui incluent les psychiatres québécois, étaient en
faveur de la légalisation de l'aide médicale à mourir pour les maladies
mentales.
Donc, l'Association des psychiatres du Québec ne
reflète pas la position de ses membres. Selon le sondage aux Pays-Bas, les
résultats ne sont pas différents des nôtres. Sur les 1 456 médecins
qui ont répondu, dont la majorité avait même pratiqué l'aide médicale à mourir,
66 % ont trouvé inconcevable qu'ils administrent l'aide médicale à mourir pour une maladie psychiatrique. Donc, il
faut regarder cette étude-là, elle est très importante dans un pays qui a une
tradition, en fait, de la légalisation de l'aide médicale à mourir. Je vous
remercie beaucoup pour votre attention.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci beaucoup. Donc, nous allons maintenant
passer à la période d'échange avec les membres de la commission, en débutant
par le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Merci, Me Manole et le
Dr Saba, pour la clarté de vos interventions. Pour bien situer vos
propos, est-ce que je peux comprendre que votre évaluation de la loi actuelle
sur l'aide médicale à mourir au Québec, c'est que c'est non fondé et ça ne va
pas dans la direction que vous auriez souhaitée?
Et, une deuxième question, est-ce que, pour
situer vos interventions, vous rejetez la loi qui est basée sur la vision que
l'aide médicale à mourir dans les conditions très strictement balisées est un
continuum de soins de santé? Est-ce que je vise précisément?
M. Saba (Paul) : ...je pense
que je vais essayer de répondre à vos questions. Comme vous savez, ma position était toujours que l'ouverture à l'aide médicale à
mourir va élargir. Même au départ, quand la loi est passée pour les gens en
phase terminale avec une souffrance intolérable, la position était : Il ne
faut pas ouvrir la porte. Même Dr Barrette a dit qu'on va avoir juste
quelques-uns qui vont demander, puis, l'année dernière, il y a plus que
2 000 qui étaient euthanasiées... qui a commencé pour les gens en phase
terminale, maintenant, élargie pour des gens avec des handicaps et la loi
fédérale... mais maintenant est passée, je pense, pour l'année prochaine,
prévue pour créer des conditions pour élargir pour les gens avec des problèmes
de santé mentale.
Et ma position, il faut utiliser une loi
«notwithstanding», en français, je pense que notre demande était... pas exactement
dérogation, nonobstant, une clause nonobstant, on l'a déjà utilisée, pour dire
c'est un trop grand danger pour la population du Québec, parce que le gouvernement
a une responsabilité de protéger nos personnes qui sont marginalisées, des gens avec de la santé mentale comme j'ai
décrit. Me Manole a levé la situation que neuf sur 10 des gens qui ont survécu à
une tentative de suicide, après avoir survécu, selon Harvard, l'étude de
Harvard, ils ont décidé de vivre.
C'est différent des gens qui demandent l'aide
médicale à mourir, c'est 100 % qui ne va pas survivre, pas 90 % qui
va survivre, 100 % qui ne va pas survivre.
• (16 h 20) •
Donc, c'est clair et net, et, dans la position
que j'ai et dans toutes les raisons pour les gens qui ne doivent pas être
euthanasiés, toute la complexité, les changements de condition de vie, la
situation sociale, psychosociale des choses qui changent. Et nous avons une
responsabilité comme société, et je peux vous appeler, M. le député, même si
vous n'êtes pas député présentement, mais vous savez que le gouvernement doit
agir pour aider, pour ajuster, pour élargir le filet social, pas le filet du
suicide, élargir les soins. Et je sais que le gouvernement du Québec est mal
pris, parce que le gouvernement fédéral ne donne pas les moyens adéquats. Et
nous devons combattre pour avoir plus de support du gouvernement fédéral, pas
plus de lois d'élargir le suicide assisté, parce que, malheureusement, je pense
que le gouvernement fédéral voit ça comme une économie, même s'ils ne disent
pas ça, parce que même j'ai cité des médecins cités dans la littérature qu'ils
ont dit que ça va faire une économie. Les médecins ont constaté ça dans un des
articles, dans Journal of Family Medicine.
M. Birnbaum : Si je peux, parce que le temps... merci, mais le
temps est limité. Est-ce que je peux comprendre, donc, qu'une de vos
inquiétudes ou un de vos constats, c'est que cette commission, le gouvernement
du Québec, le gouvernement du Canada, par souci d'efficacité, de la possibilité
d'épargner des ressources en santé, soit mentale ou santé médicale, cherchent à
élargir l'accès médical à mourir? Est-ce que c'est ça, votre constat?
M. Saba (Paul) : Oui. Moi, je
ne pense pas que, vous, comme commission, vous êtes à part, même si vous représentez
des partis politiques différents...
M. Birnbaum : Pas ici. Pas ici.
Juste pour clarifier, voilà une commission transpartisane où nous sommes, parmi
les 125 élus du Québec, sans couleur, qui délibèrent. Ça, c'est une
question très importante.
M. Saba (Paul) : Voilà. Oui. Et
j'espère que vous allez... Et je vous respecte, et je pense que vous agissez en
bonne foi. Le danger pour élargir, c'est que, dans nos hôpitaux... et je siège
souvent aux réunions qui disent : Il faut faire des économies. Il faut
faire des économies. On ne doit pas penser. Si un article apparaît dans nos
journaux qui dit qu'il y a un avantage financier, je pense que, dans les
pensées, les administrateurs, ils ne vont pas pousser trop fort pour les gens
de ne pas demander l'aide médicale à mourir.
Et on voit beaucoup de publicités sur la
télévision pour encourager, de publicités du gouvernement, pour... Vous avez le
droit. Et plutôt que demander vous avez le droit, il faut plutôt insister que
vous avez... nous avons une responsabilité comme société d'élargir la gamme des
services. Il ne faut pas... Et il faut fermer la porte. Il ne faut pas élargir
l'aide médicale à mourir. C'est déjà... Ça existe déjà. J'insiste qu'on ne doit
pas élargir, surtout pour ces gens pour qui on voit beaucoup d'aide
socioéconomique, familiale, des choses... Les situations changent. C'est très
variable. Et comme l'étude de Harvard l'a démontré, si des gens appellent une
première tentative, c'est de vivre à 90 %. Ils n'ont pas une deuxième
chance quand on donne une injection.
Mme Manole (Anamaria Natalia) :
Si vous me permettez, en fait, d'ajouter quelque chose, en fait, donc, la
différence entre les personnes qui souffrent d'une maladie physique et celles
qui souffrent d'une maladie mentale, évidemment, il y a un... il y a un élément
de plus, en fait, qui s'ajoute au problème du consentement. Donc, dans le problème de la souffrance physique, justement, la position
du Dr Saba était à l'effet qu'il n'y a pas... il n'y a pas de soin
palliatif, un accès aux soins médicaux en général pour que le consentement soit
libre et éclairé.
Et, dans la situation, maintenant, qui se pose
avec les maladies mentales, il y a un facteur de plus. C'est la capacité
physique, tout simplement, de la personne de donner un consentement libre et
éclairé. Et, comme je disais, justement, dans ma présentation, les psychiatres,
ils ne s'entendent pas sur la capacité de la personne de donner un consentement
pour acheter une voiture. Donc, comment est-ce qu'on va faire une commission de
100 psychiatres, et ils vont voter, pour voir si la personne est apte ou
pas à donner son consentement pour l'injection léthale? Donc, c'est ça, la
différence entre la situation antérieure avec les souffrances physiques et la situation
de la personne atteinte d'une maladie mentale. Il y a un élément de plus qui
s'ajoute au consentement. Et, dans la plupart des cas, comme nous l'avons
indiqué, en fait, dans les études, le désir de mourir est un symptôme, dans la
plupart des cas, de la maladie, c'est un symptôme de la maladie mentale. Dans
les autres maladies, en fait, c'est le désir de la personne de mourir, mais
c'est un symptôme, en fait.
M. Birnbaum :
Y a-t-il un danger de créer deux dichotomies qui n'existent pas vraiment? Vos
préoccupations, Dr Saba, sur la disponibilité des services, le
manque d'accès aux services est criant. On l'a entendu de plusieurs, et nous
sommes très sensibles. Est-ce que vous êtes en train, par contre, de suggérer
que le moindre élargissement à l'aide médicale à mourir va faire en sorte que
ce manque de services va s'accroître parce qu'on va moins concentrer sur la nécessité
d'offrir des services? Voilà une des dichotomies qui me préoccupe. Est-ce que
vous êtes aussi en train de dire que,
baliser de façon claire et nette, de considérer des demandes d'accès médical à
mourir risque, en quelque part, de
promouvoir l'option de la suicide? Deuxième dichotomie, c'est ça que j'entends
de vous. Est-ce que c'est ça?
M. Saba (Paul) : Absolument,
oui. Je ne peux pas prévoir si le gouvernement va dépenser plus ou moins, dans
l'avenir, pour les services sociaux. Je ne peux pas me prononcer, mais c'est
sûr, ils sont manquants.
Deuxièmement, quand vous faites la promotion,
si... quand le médecin dit : Voici vos options... Et les options, y
compris le suicide assisté, l'euthanasie, c'est comme le médecin donne une
approbation. Moi, je n'avais jamais suggéré
un consultant que je sais qu'il n'est pas le meilleur pour mes patients et peut
nuire à sa sécurité et sa vie. Mais, avec le suicide assisté, c'est 100 %,
ça va nuire à sa vie.
Et j'ai cité, dans mon livre Fait pour vivre,
un médecin dans le pays belge... Pays-Bas, avant, et toujours il dit : Vous avez une option pour l'euthanasie.
Il a dit, quand il a suggéré l'euthanasie, neuf sur 10 de ses patients ont
accepté l'euthanasie. Il a dit :
Je ne vais plus utiliser ce mot euthanasie — ici, au Québec, on dit aide médicale à mourir — et,
comme il ne suggère plus ça, neuf
sur 10 ne cherchent pas l'euthanasie ou l'aide médicale à mourir.
Donc, le fait que le médecin fait une suggestion, c'est comme une
promotion.
M. Birnbaum : Justement, est-ce
que c'est votre constat que plusieurs de vos collègues médecins au Québec,
lorsqu'ils vont faire le bilan des traitements possibles... un de leurs
patients, admettons, atteint d'une maladie très grave, soit mentale ou
physique, est-ce que c'est votre constat que plusieurs de vos collègues, en
respectant leurs obligations d'Hippocrate et professionnelles, vont, en dedans
d'une liste de traitements possibles, vont dire : Bon, on peut intervenir
avec un traitement x, on peut faire de la chimiothérapie ou on peut se...
recourir à l'aide médicale à mourir. C'est votre perception, c'est que... comme ça
que vos collègues vont agir advenant l'élargissement?
M. Saba (Paul) : Oui. Et je
siège sur un comité et j'ai constaté ça, même dans mes expériences personnelles
où même un de mes collègues médecins a insisté, malgré que la direction a dit
que le patient n'a... ne... n'a pas... n'admettait pas aux critères...
insistait sur les critères. J'ai été obligé de faire venir un troisième médecin
pour, un peu, calmer le feu. Parce que les gens deviennent tellement pro-aide
médicale à mourir que c'est difficile, des fois, de calmer le feu, pas tous,
mais certains.
Et c'est ça qui est apparent, parce que c'est
une grande minorité. Même, vous voyez, dans les recherches pour l'association
psychiatrique du Canada, la majorité des psychiatres, même des... 70 % des
psychiatres, et aussi au Québec, dans leurs
études, étaient contre l'extension de l'aide
médicale à mourir pour les gens avec
des problèmes psychiatriques.
M. Birnbaum : Écoutez, j'ose
croire que le médecin que vous venez de citer sera susceptible, et, je
l'espère, à être rayé par son ordre. Merci, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. le député. Donc, nous poursuivons nos échanges avec la
députée de Joliette.
• (16 h 30) •
Mme Hivon : Oui.
Bonjour à vous deux. Merci de votre présentation. Pour poursuivre dans la même
veine que mon collègue de D'Arcy-McGee, moi aussi, j'espère que, si des
collègues voient des collègues ne pas respecter la loi, faire des gestes
illégaux, que les autorités seront saisies, notamment, évidemment, le Collège
des médecins, et plus, s'il le faut.
L'autre remarque que je voulais faire, c'est
qu'il est très clair dans la loi que la demande, en tout temps, doit provenir
de la personne. Ce n'est pas une offre, ce n'est pas un médecin qui suggère,
c'est une demande qui doit venir du patient. Alors, ça aussi, je voulais juste
le rappeler, que c'est quelque chose qui, à travers tous les débats, a toujours
été souligné à grands traits.
Puis,
Dr Saba, vous ne serez pas surpris que je revienne sur la question des coûts,
quand vous laissez entendre que cela serait mis de l'avant pour faire des
économies. Je ne pense pas du tout que c'est le cas. Ça n'a jamais été une
motivation, bien évidemment, et c'est important pour nous de s'inscrire en faux
contre cette idée. Et je vous dirais même qu'il y a beaucoup de médecins qui
nous disent que c'est une charge de travail très, très considérable, et que ces
évaluations-là, les documents à remplir, le travail de la commission des soins
de fin de vie, ce sont en soi aussi des coûts. Donc, je ne veux pas m'embarquer
là-dedans parce que je ne pense pas que c'est une analyse économique qu'on doit
faire, mais je trouvais ça quand même important de remettre les pendules à
l'heure sur ce sujet-là.
Par ailleurs, je
comprends très bien votre point de vue sur la question des troubles mentaux.
Vous savez qu'une partie des raisons pour lesquelles on débat de la question
des troubles mentaux, c'est parce que le critère de fin de vie a été invalidé
par les tribunaux. Donc, ce n'est pas le législateur seul qui a décidé de faire
ce débat-là, il est forcé aussi par cette décision-là.
Et peut-être que ma
question s'adresse davantage à Me Manole, mais vous savez qu'à la base de ce
questionnement-là, c'est beaucoup une question de discrimination potentielle
qui pourrait être invoquée si les troubles
mentaux étaient exclus. Donc, je sais que vous êtes d'abord une spécialiste en
litige civil, mais j'aimerais avoir votre point de vue sur cette
question-là. Est-ce que c'est inévitable, selon vous, que l'argument de la
discrimination va faire son chemin?
Mme Manole
(Anamaria Natalia) : Bien, en fait, Mme la députée, justement, je
travaillais avec Dr Saba dans le dossier sur l'aide médicale à mourir pendant
quelques années, et c'était justement suite à l'arrêt Carter, qui a été rendu
par la Cour suprême, et, pour l'instant, en fait, c'est l'arrêt de la Cour
suprême, c'est le dernier arrêt de la Cour suprême qui a été rendu en la
matière, et, dans cet arrêt-là, on parlait justement de souffrance physique.
Donc, je crois que vous faites référence à l'affaire Truchon, évidemment, ici,
au Québec, mais, en fait, la Cour suprême s'est déjà prononcée dans l'arrêt
Carter, Lee Carter, sur la souffrance physique. Les personnes, en fait, qui
avaient fait appel, en fait, qui avaient demandé à la cour, en Colombie-Britannique,
la permission d'avoir accès à l'aide médicale à mourir, elles souffraient de
maladies physiques, et donc, la Cour suprême s'est prononcée sur ce sujet-là.
À cette époque-là, ce
n'était pas une question de maladie mentale seulement. Donc, c'est maintenant
qu'on se pose cette question-là. Mais la Cour suprême elle-même, elle n'a pas
considéré que c'était discriminatoire envers les personnes atteintes de
maladies mentales, de parler des personnes qui souffraient de... qui avaient
des souffrances physiques. La Cour suprême
n'a jamais dit que cette règle-là ou que sa position s'appliquait également aux
personnes qui étaient atteintes d'une maladie mentale uniquement,
jamais.
Donc, je ne sais pas,
si on allait devant la Cour suprême en ce moment, si la Cour suprême serait
prête à déclarer que, oui, l'aide médicale à mourir, ce serait discriminatoire
de ne pas appliquer cette loi aux personnes atteintes de maladies
mentales.
Mme Hivon :
Tout à fait. Je vous suis parfaitement. La question n'était pas à l'attention
des tribunaux. En fait, la raison pour laquelle je vous pose la question, c'est
que... et on l'a vu dans la loi fédérale du fait du retrait du critère de fin
de vie ou de mort raisonnablement prévisible, compte tenu que le critère est
une maladie grave et incurable qui, à l'origine, évidemment, vu qu'il fallait
être en fin de vie, n'incluait pas la maladie mentale, parce que la seule
maladie mentale ne vous amène pas en fin de vie, c'est comme si ça prend une
exclusion express, puisque les critères
actuels pourraient inclure la maladie mentale, d'où ma question,
à savoir si la prochaine étape, ce serait de dire qu'il y a une discrimination.
Mais j'entends très bien votre point de vue.
Et puis moi, j'ai
très peu de temps, donc peut-être que mon temps tire à ma fin... à sa fin...
La Présidente
(Mme Guillemette) : Allez-y. Allez-y, on a un petit peu de temps.
Mme Hivon :
Autre petite question. Vous ne l'avez pas abordée, mais j'imagine que votre
position est la même pour une éventuelle
demande anticipée, c'est-à-dire que vous vous opposez, je présume. Mais vous me
donnerez votre point de vue sur la question des demandes anticipées en
prévision d'une inaptitude.
Mme Manole
(Anamaria Natalia) : Premièrement, je veux juste retourner, en fait, à
votre point précédent, en ce qui concerne la
discrimination. Non
seulement la Cour suprême ne s'est pas encore prononcée sur seule la maladie mentale pour l'aide
médicale à mourir, mais, si on parle, en fait, de la discrimination, c'est sûr
qu'on va parler, par la suite, des enfants... Donc, c'est sûr qu'on ouvre la
porte, en fait, à toutes sortes de discriminations. C'est ce que le Dr Saba disait, en fait,
dès le début de sa lutte contre l'aide médicale à mourir. C'était que,
lorsqu'on ouvre cette porte, en fait,
après... c'est sûr qu'on va dire, c'est discriminatoire, quand les enfants, les
personnes malades mentales et... aussi à la cour.
Je dois vous avouer
que le gouvernement, le Procureur général du Québec et celui du Canada, justement,
ils avaient pris la position que pas du tout. Ça s'applique uniquement aux
personnes en fin de vie qui souffrent, qui ont des maladies physiques. Et ils
ont même convaincu la cour du fait que ça ne s'élargit pas, ça ne s'applique
pas aux personnes qui souffrent de maladie mentale, ça ne s'applique pas aux
enfants. Donc... Et après on a ouvert la porte, en fait, à ces personnes, on
ouvre la porte, en fait, à ces personnes-là également. Donc, on peut continuer
le débat sur la discrimination.
Bon, maintenant, pour retourner à votre deuxième
question, l'argument, ce n'est pas le même, en fait. Donc, pour la demande par
anticipation, hein, c'est sûr, ce n'est pas la même situation que la personne
qui est déjà atteinte d'une maladie mentale, là où on se
pose la question si elle est apte à donner son consentement lors de la demande.
C'est sûr qu'ici c'est difficile de se
prononcer parce qu'on n'a pas... De toute façon, moi, je crois que le
consentement, c'est sûr... Il y a une absence de consentement, en
fait... une personne qui souffre d'une maladie neurodégénérative, un déclin
cognitif, il y a déjà une absence de consentement lors de l'administration de
l'aide médicale à mourir.
Donc, à mon avis, le problème, c'est... dans le
cas de la personne atteinte d'une maladie mentale, elle est inapte à donner son
consentement lors de la demande et lors de l'administration de l'injection
létale. Et, dans le cas de la personne qui fait la demande par anticipation,
bien, c'est lors de l'administration. Donc, c'est sûr qu'à mon avis les deux...
dans les deux situations, aux deux moments, en fait, il devrait y avoir, je
veux dire... bien, ce n'est pas possible
d'avoir un consentement... mais, à mon avis, ce n'est pas possible de l'avoir,
donc, en théorie, mais, en pratique, c'est impossible.
Mais, oui, il
faut avoir un consentement lors de la demande et lors de l'administration. Sauf
que, comme Dr Saba le disait, c'est
que, dans une société, bon, disons, qui offre plus de soins, en fait, où le
délai d'attente n'est pas de six mois pour
consulter un psychiatre, peut-être que cette personne-là ne demanderait jamais,
en fait, l'aide médicale à mourir.
Mme Hivon : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Donc, je passerais la parole à la députée de
Saint-François.
Mme Hébert :
...Mme la Présidente. Merci, Dr Saba et Me Manole.
Mme Manole (Anamaria Natalia) :
Excusez-moi, on ne vous entend pas.
Mme Hébert : Vous
ne m'entendez pas?
Mme Manole (Anamaria Natalia) :
Bien, très, très peu. Très mal, en fait.
• (16 h 40) •
La
Présidente (Mme Guillemette) : On ne vous entend pas tellement fort, Mme
la députée. Peut-être
monter votre volume.
Mme Hébert :
Attendez.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Non, ça va mieux. Oui.
Mme Hébert : Est-ce
que c'est mieux?
M. Saba (Paul) : Oui, un peu
mieux.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Est-ce que vous entendez mieux?
M. Saba (Paul) : Oui, oui.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui.
M. Saba (Paul) : Oui,
j'entends. Oui, merci.
Mme Hébert : Vous
entendez ma délicate voix?
M. Saba (Paul) : ...
Mme Hébert :
Donc, bien, je vous remercie pour votre intervention. Je comprends que... Je
vais aller dans le même sens un petit peu,
là, je vais continuer sur le discours de ma collègue la députée de
Joliette, dans le sens qu'on a un critère de fin de vie qui a été invalidé
par les tribunaux, on a la loi fédérale, qui est C-7, qui est plutôt du côté...
qui a... qui vient faire une ouverture. On sait qu'en enlevant notre
critère de fin de vie, qui était une balise dans notre loi, là, présentement,
on ouvre la porte à beaucoup de possibilités. C'est sûr qu'il y a toujours le
critère de souffrance qui est encore là, de maladie grave, incurable, mais ça
ouvre quand même la porte à avoir accès à l'aide médicale à mourir. Puis il y
en a beaucoup que, quand que ça ne fonctionne pas nécessairement, ce que j'ai
entendu... puis vous saurez, Me Manole, de m'aiguiller, je ne suis pas du
tout qualifiée en droit, mais il y a des gens, souvent, si ça ne fonctionne pas au
Québec, bien, ils vont aller du côté du Canada pour revendiquer ou pour
poursuivre leur demande, là, pour y avoir accès.
Le but de ma
question, c'est de savoir : Avez-vous pensé? Parce qu'il faut mettre... il
faut remettre une balise, il faut en mettre, des balises, pour être
capable de bien encadrer la loi qu'on a décidée. Et, au Québec... je sais que
vous utilisez l'euthanasie, mais, au Québec,
on a rendu cette euthanasie un soin de fin de vie dans un continuum de soins.
Ce n'est pas la seule offre, il y a plein d'autres soins de fin de vie,
mais ça fait partie de l'offre que la personne peut demander
pour terminer sa vie. Donc, est-ce que vous avez réfléchi à avoir certaines
balises qui devraient être mises pour nous aiguiller? Parce que c'est ça qui
est l'enjeu, là.
M. Saba (Paul) : Oui. Bien, je
vais répondre à ça. C'est une bonne question. L'Organisation mondiale de la
santé ne reconnaît pas l'euthanasie comme continuum de soins, ils mettent les
soins palliatifs à part. C'est au Québec et quelques pays qui disent que l'aide
médicale à mourir... Et, en Belgique, ils disent l'euthanasie; aux Pays-Bas,
l'euthanasie. Au moins, c'est un peu plus franc avec ce qu'ils font, c'est à
part, ce n'est pas un continuum. C'est ici, au Québec, qu'on le reconnaît comme
un continuum.
Moi, je préfère qu'au lieu de... de mettre ça à
part, O.K., et, disons, regardons le besoin des vrais soins. Pour moi, ce n'est
pas un soin, ça, c'est afin d'éliminer des gens, comme... même de dire scrapper
quelqu'un. Ce n'est pas, peut-être, l'idée de tout le monde de scrapper quelqu'un,
mais c'est vraiment... ils finissent leur vie rapidement.
Des balises. Je dis : Il n'y a pas de
balises pour mettre fin à quelqu'un. Tu peux mettre n'importe quelles balises, mais c'est en fin de compte : la
personne ne va pas survivre, O.K.? Et toujours on était en train de changer les
balises, ce qu'on fait maintenant. C'est pourquoi j'ai insisté... on ne devrait
pas, jamais, ouvrir la porte, n'empêche ce
que le fédéral dit. On n'est pas obligés de suivre le premier ministre du
Canada. N'importe ce que son gouvernement est en train de mettre en
place, nous avons les... la clause... Oui, «notwithstanding», je pense que
c'est...
Mme Hébert :
Nonobstant.
M. Saba (Paul) : ...nonobstant,
oui, nonobstant, et nous pouvons faire de mieux que le reste du Canada.
Il y a des gens qui veulent, par exemple,
chercher des traitements au Mexique. Est-ce qu'on doit avoir tout le panier de
services qu'ils font, des charlatans qui font toutes sortes de traitements?
Moi, pour moi, l'aide médicale à mourir, c'est
un traitement de charlatans. C'est-à-dire qu'on n'a plus de... on a
décidé : Il n'y a plus rien à faire, on va donner l'accès. On a des soins
palliatifs qui soulagent les souffrances. Ça, c'est les mêmes...
L'Association médicale mondiale, 110 pays, plus
de 10 millions de personnes disent que ce n'est pas un soin, on ne doit
pas suivre cette ligne de traitement. Ce n'est pas un traitement.
On est ici, au Québec, et malheureusement... Je
suis né au Québec, mon père est né au Québec. Je me considère une personne
souche du Québec parce qu'on peut s'identifier. Moi, peut-être, je peux dire
que je suis un Québécois de souche, malgré que mes parents, grands-parents
venaient du Liban, mais, tu vois, aujourd'hui, on peut s'identifier comme on
veut.
Mais, en vérité, on peut faire du mieux que le
restant du Canada, le restant du monde. Nous avons des gens très scolarisés. On
a des champs de recherche les meilleurs du monde, et nous devons faire du
mieux. On doit faire plus de traitements, donner un plus grand support pour nos
gens marginalisés. C'est ça que je souhaite.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, Mme la députée. C'est tout le temps que nous
avions. Merci, Dr Saba et Me Manole, d'avoir été avec nous aujourd'hui et
d'avoir répondu à nos questions.
Donc, sur ce, je suspends les travaux de... nous
ajournons les travaux jusqu'à lundi le 23 août, à 9 h 30, où la
commission reprendra son mandat.
Merci encore à vous deux pour votre
collaboration.
(Fin de la séance à 16 h 46)