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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mercredi 18 août 2021 - Vol. 45 N° 12

Consultations particulières et auditions publiques sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie


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Table des matières

Auditions (suite)

Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux
du Québec (OTSTCFQ)

M. Yoland Bergeron

Mme Daphnée Ayotte

Mme Donna Farmer

Mme Guylaine Ricard

M. Jonathan Marchand

Mme Catherine Leclerc

Autres intervenants

Mme Nancy Guillemette, présidente

Mme Véronique Hivon

Mme Marilyne Picard

M. Éric Girard

Mme Geneviève Hébert

M. David Birnbaum

M. Vincent Marissal

Mme Jennifer Maccarone

Mme Suzanne Blais

M. François Jacques

Mme Francine Charbonneau

*          M. Pierre-Paul Malenfant, OTSTCFQ

*          M. Alain Hébert, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-deux minutes)

La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, bonjour, tout le monde. Bienvenue à la séance de la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie. Donc, ce matin, nous allons débuter la télédiffusion, et je vous invite à garder le silence jusqu'à ce que je vous cède la parole.

Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la commission sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie ouverte.

La commission est réunie virtuellement afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire : Non, Mme la Présidente.

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Donc, cet avant-midi, nous entendrons par visioconférence les groupes suivants : L'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, M. Yoland Bergeron et Mme Daphnée Ayotte.

Donc, sans plus tarder, j'accueille nos invités, les représentants de l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, M. Pierre-Paul Malenfant, président, et M. Alain Hébert, conseiller principal aux affaires professionnelles. Bienvenue à vous deux, et merci d'être avec nous ce matin. Donc, la procédure, vous avez 10 minutes pour nous présenter votre exposé, et, par la suite, il y aura un échange avec les membres de la commission d'une période de 35 minutes. Donc, sans plus tarder, je vous cède la parole.

Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux
et familiaux du Québec (OTSTCFQ)

M. Malenfant (Pierre-Paul) : Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, Mmes et MM. les députés, d'entrée de jeu, je souhaite remercier les membres de la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie qui ont souhaité entendre l'opinion de l'ordre dans le cadre de ses travaux.

Notre mémoire s'inscrit en continuité avec nos prises de position publiques antérieurement, relativement à l'aide médicale à mourir. Les réflexions et recommandations qui vous seront présentées aujourd'hui reposent sur des valeurs et des principes fondamentaux chers à l'ordre et aux travailleurs sociaux : ainsi, l'autodétermination des personnes, le respect de leurs droits, la protection des personnes vulnérables, l'adoption de politiques publiques en phase avec l'évolution sociale ainsi que la personnalisation et l'équité en matière de services sociaux et de santé.

Notre réflexion reflète l'expérience terrain de nos membres qui, depuis l'entrée en vigueur de la loi, jouent un rôle important au sein des équipes interdisciplinaires. Les travailleurs sociaux accompagnent la personne qui fait une demande d'aide médicale à mourir en l'informant des différents soins et services de fin de vie possibles, ils discutent des enjeux qui y sont reliés tout en la soutenant, au besoin, dans sa prise de décision. Ils peuvent aussi apporter un soutien émotionnel à la personne et à ses proches, que ce soit en amont, avant le soin d'aide médicale à mourir, ou après, pour accompagner les proches dans le deuil.

Lors des premiers débats sur la question de mourir dans la dignité, plusieurs groupes disaient craindre des dérives qui n'ont, heureusement, pas eu lieu. L'ordre constate que l'aide médicale à mourir fait plus en plus consensus au sein de la société. Ce rapport plus favorable à l'aide médicale à mourir ouvre désormais la porte à des questionnements plus poussés, soit ceux sur lesquels se concentre la commission aujourd'hui.

Il est important de préciser d'emblée que dès 2010, l'ordre s'est positionné publiquement en faveur de l'accès à l'aide médicale à mourir pour une personne devenue inapte si elle en fait la demande de façon anticipée alors qu'elle était en mesure de donner un consentement libre et éclairé. Être en mesure de consentir au soin lors de la demande demeure, pour l'ordre, un critère essentiel pour pouvoir le recevoir. Pour cette raison, le consentement substitué ne doit pas permettre de recourir à l'aide médicale à mourir pour une personne qui n'en avait pas fait la demande de façon anticipée. Nous estimons que, dans le cas d'une demande anticipée et autres critères prévus par la loi... doivent toutefois continuer à s'appliquer. En ce sens, la personne devenue inapte doit manifestement être en situation de souffrance physique ou psychique constante et insupportable et être dans une situation médicale caractérisée par un déclin avancé et irréversible de ses capacités. Autrement dit, la souffrance, au moment de recevoir le soin, doit être contemporaine.

Il est également primordial que les directives anticipées soient non exécutoires, mais validées par des évaluations médicales et interdisciplinaires. Pour éclairer la décision d'autoriser l'aide médicale à mourir, l'évaluation interdisciplinaire peut s'avérer nécessaire en complément des évaluations médicales. C'est notamment là, l'expertise du travail social, qui peut être mise à profit. Elle contribue à procurer au médecin évaluateur des considérations pertinentes pour déterminer dans quelle mesure la décision qu'il s'apprête à prendre va bel et bien dans l'intérêt de la personne concernée, et ce, en cohérence avec les volontés qu'elle a préalablement exprimées.

Enfin, sur la question des demandes anticipée, l'ordre désire attirer l'attention des membres de la commission sur l'une de ses recommandations. L'ordre croit effectivement que les personnes majeures aptes qui le souhaitent devraient pouvoir faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir en prévision de toute situation médicale s'inscrivant dans les critères actuels de la loi. En se basant sur le principe d'autodétermination de la personne, on ne devrait pas discriminer l'accès à la demande anticipée sur la base d'une maladie ou d'une autre. Nous croyons que la très grande majorité des personnes majeures et aptes est en capacité de formuler de façon éclairée une demande anticipée d'aide médicale à mourir dans l'éventualité où une maladie, un accident ou une situation imprévue l'amenait à être inapte.

Je céderais maintenant la parole à M. Alain Hébert, travailleur social et conseiller principal aux affaires professionnelles, afin qu'il aborde la deuxième question faisant l'objet des travaux de la commission.

M. Hébert (Alain) : Merci, M. Malenfant. Malgré l'absence de consensus scientifique sur le caractère incurable des troubles mentaux, l'ordre reconnaît que certaines personnes vivent plusieurs années un trouble mental dit réfractaire, c'est-à-dire sans qu'un ou des traitements ne parviennent à soulager leurs souffrances. C'est pourquoi l'ordre a une réelle ouverture à ce que l'aide médicale à mourir soit accessible à ces personnes.

Par contre, avant d'en arriver à ce point, il faut s'assurer que la personne concernée ait eu un accès à des soins et services pertinents en fonction de sa situation, qui lui permettent de conclure que, de son point de vue, aucun traitement raisonnable ne parvient à la soulager adéquatement. Il nous semble ici que c'est la notion de soins et de services raisonnables pour la personne qui doit prévaloir plutôt que tout soin ou service possible.

D'autre part, bien que nous croyions que les critères prévus dans la loi doivent s'appliquer à ces personnes, il nous apparaît nécessaire qu'un processus d'évaluation différent de celui qui est généralement prévu soit mis en oeuvre afin de tenir compte des particularités de la situation et des enjeux soulevés notamment par rapport au suicide. L'Ordre, à cet égard, est en accord avec la position exprimée certains groupes à l'effet que deux médecins psychiatres se prononcent sur la situation d'une personne atteinte d'un trouble mental qui formule une demande d'aide médicale à mourir.

Nous estimons par ailleurs que l'évaluation du travailleur social contribuerait substantiellement à documenter l'histoire de vie de la personne, sa souffrance et son caractère réfractaire. Cette évaluation permettrait aussi de contribuer à s'assurer que la personne a eu toutes les opportunités raisonnables d'accès aux soins et services requis par sa situation, souhaités par elle, et ce, dans une perspective d'équité.

Bien que nous soyons en faveur de cet élargissement, l'ordre se doit tout de même de faire une mise en garde. En effet, il est de notoriété publique que les soins et services en santé mentale sont insuffisamment développés à l'heure actuelle au Québec, notamment dans les régions éloignées. Il faut à tout prix éviter qu'une personne souffrant d'un trouble mental en vienne à demander l'aide médicale à mourir par manque d'options, en raison d'une déficience de l'accès aux services, sans quoi, il serait impossible de parler de véritable consentement libre et éclairé.

L'État et les professionnels portent donc une responsabilité de déployer les services nécessaires sur l'ensemble du territoire québécois pour toute personne dont la situation le requiert. Et on ne parle pas ici uniquement, de notre côté, des services de consultation, mais également de soutien et d'accompagnement, qui améliorent la qualité de vie. Nous faisons référence, par exemple, à l'accès à un logement adapté, à un suivi de proximité, un revenu décent et des possibilités de participation à la vie sociale et communautaire.

L'ordre tient également à rappeler l'influence majeure des déterminants sociaux sur la santé mentale et souhaite sensibiliser les membres de la commission à l'importance que soient posés des gestes concrets qui visent à réduire, voire à mettre fin aux inégalités sociales.

• (9 h 40) •

M. Malenfant (Pierre-Paul) : Merci, Alain. Je me permets une petite parenthèse sur la réalité des travailleurs sociaux, bien que ce ne soit pas ici l'enjeu central. En effet, en contexte de santé mentale, les interventions des TS se fondent sur une philosophie du rétablissement de la personne. Cela veut dire qu'il y a un espoir de changement, à partir d'une approche axée sur les forces personnelles et environnementales de la personne. Envisager la possibilité d'un échec n'est pas chose facile pour la majorité des TS, du moins, au départ. La perception qui pourrait également découler de cet échec, en termes de message social, ainsi que le débat actuel sur les troubles mentaux et leur caractère chronique ou non, doivent également être considérés dans la réflexion.

En guise de conclusion, nous désirons rappeler que les recommandations présentées aujourd'hui s'inscrivent dans une perspective d'autodétermination de la personne. La personne doit être au centre de toute la démarche. L'aide médicale à mourir ne doit pas être uniquement une affaire de professionnels et d'experts. L'objectif demeure, au bout du compte, d'offrir une option supplémentaire de soins de fin de vie aux Québécoises et aux Québécois.

Selon notre analyse du débat actuel, le consensus social qui prévaut actuellement ne va pas jusqu'à appuyer une aide médicale à mourir en l'absence de souffrance pour des raisons de dignité seulement. Toutefois, il y a fort à parier que nous nous retrouverons ici, dans quelques années, pour pousser la réflexion encore plus loin. L'accès à l'aide médicale à mourir pour de nouvelles catégories de personnes, et selon de nouveaux critères, fera certainement partie du débat social. Selon nous, l'accès à l'aide médicale à mourir pour les mineurs, le recours à l'aide médicale à mourir fondé sur la perte de dignité feront partie de cette réflexion.

En terminant, l'ordre souhaite réitérer sa volonté de collaborer à la suite des travaux de la commission, parce que nous sommes convaincus de l'apport important du travail social dans ce débat social. Et je vous remercie de votre attention.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup à vous deux. Donc, nous passons maintenant à la période d'échanges avec les membres de la commission, en débutant par la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui. Bonjour à vous deux, merci beaucoup de votre présentation, de votre mémoire qui est très clair, dès la première page, avec les points saillants, donc on sait vraiment où vous logez. Merci beaucoup, puis vous faites vraiment le tour de tous les enjeux.

Je voudrais explorer la question des demandes anticipées pour les personnes qui deviennent inaptes avec vous. Vous jugez qu'il faut qu'il y ait souffrance contemporaine, et, par ailleurs, vous nous dites que la demande ne serait pas exécutoire. Vous allez, là, dans la même foulée que le comité d'experts sur la question. Vu votre expertise en travail social, vous êtes appelés à travailler beaucoup avec les familles, avec l'entourage. Est-ce que le fait d'avoir une demande non exécutoire pourrait amener, je dirais, plus de débats, de considérations, d'allers-retours entre l'entourage, à savoir est-ce qu'on est rendus au moment qui avait été prévu et que là, il y a une personne, par exemple, vous ne le mentionnez pas, mais, j'imagine, vous êtes un peu dans la même foulée que le rapport d'experts, où il y a une personne désignée qui doit lever le drapeau, et là, on entre dans une discussion avec l'équipe médicale pour savoir si les critères sont remplis? Certains nous ont soulevé, là, évidemment, qu'on n'est pas à l'abri de chicanes de famille, de gens qui estiment qu'on n'est pas rendus au même endroit. Qu'est-ce que vous auriez à nous dire sur, peut-être, les risques et les avantages d'avoir une demande non exécutoire, par rapport, je dirais, à la famille, puis pourquoi vous en arrivez, vous, à cette recommandation-là?

M. Malenfant (Pierre-Paul) : Bien entendu, Mme la députée, que cette situation-là risque probablement, effectivement, d'amener certains dilemmes au moment d'arriver au moment de l'exécuter. Alors, on sait que, dans les familles, ce n'est pas toujours la grande harmonie, enfin, puis, et bon, il peut y avoir beaucoup, je dirais, d'unité au moment où un événement semblable, là, se présente. Enfin... Maintenant, il peut effectivement y avoir des dissensions au sein de la famille, ce qui est un peu normal. Maintenant, ça, ça n'empêche pas qu'il faut maintenir cette perspective-là, parce qu'autrement, enfin, ça serait comme de laisser les proches, enfin, sans aucun levier, enfin, par rapport à cette dynamique-là. C'est comme si la personne fait une demande anticipée, enfin, et là, ça devient un automatisme, alors qu'il est important, que ça soit chez les professionnels ou que ça soit chez les familles, chez les proches, à un moment donné, qu'il y ait des discussions autour de cette situation-là pour établir le consensus le plus large possible, ce qui va permettre d'aider à faire le deuil, enfin, par la suite.

Mme Hivon : Donc, je comprends que vous discutez beaucoup, et vous vous vous réclamez du principe de l'autodétermination, mais, pour vous, il y a quand même certaines limites dans l'application, vu que vous arrivez avec cette recommandation-là de non exécutoire pour, donc, la recherche de consensus, si je comprends bien. Mais là, je vais faire juste l'avocate du diable. On a eu les deux points de vue qui nous ont été soumis, donc c'est facile, rendu à ce stade-ci, de faire l'avocate du diable. Mais, si justement il y a de grosses discussions puis que, là, la famille ne s'entend pas, est-ce que, même s'il y a souffrance puis même s'il y a les critères qui sont bien rencontrés, est-ce qu'il n'y a pas un risque que finalement l'équipe médicale, je dirais, interdisciplinaire soit plus frileuse d'accorder l'aide médicale à mourir, malgré que la demande de la personne puisse avoir été très claire, et qu'il y a vraiment souffrance, puis que les critères sont rencontrés? Je veux dire, les équipes soignantes sont aussi des humains. Est-ce qu'ils ne vont pas plutôt tasser la demande pour essayer d'avoir la paix avec la famille au détriment de la volonté de la personne?

M. Malenfant (Pierre-Paul) : Je laisserais peut-être Alain Hébert, qui est davantage expert, là, du domaine.

Mme Hivon : Parfait.

M. Hébert (Alain) : Oui. Bonjour, Mme la députée. Bien, écoutez, c'est que dans le fond, l'idée du caractère non exécutoire, pour nous, c'est qu'on constate que dans ce type de situation là, surtout lorsqu'il y a eu l'expression d'un consentement préalable et qu'on arrive au moment de réaliser le soin, on entre vraiment dans le domaine de la complexité, parce que la question de valider la correspondance aux critères de la loi demande, dans le fond, un jugement professionnel, un jugement clinique de la part du médecin évaluateur, dans un premier temps, qui a la responsabilité de donner le soin. Nous, comme travailleurs sociaux, on n'a pas cette responsabilité-là de donner le soin, mais, par notre évaluation, on pense qu'on peut mettre en valeur quand même les valeurs de la... l'expression des volontés de la personne qui ont été manifestées. Et, dans une évaluation... dans son évaluation, pour ce qui est du travailleur social, si je me concentre sur lui, tout en prenant en compte les perspectives de la famille, des proches, tout en les incluant dans son évaluation, le travailleur social demeure quand même indépendant ou impartial et centré sur la personne qui est en besoin de soins, et, pour le travailleur social, c'est ce qui prévaut.

Mme Hivon : Puis est-ce que je comprends...

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci.

Mme Hivon : Ah! j'ai déjà...

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée.

Mme Hivon : Bon. Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Je céderais maintenant la parole à la députée de Soulanges.

Mme Picard : Bonjour, messieurs. Merci beaucoup pour votre contribution à nos travaux. Vous suggérez un processus d'évaluation interdisciplinaire. On sait que les travailleurs sociaux sont déjà... en ont déjà plein les bras avec la paperasse, la bureaucratie. Vous n'avez pas peur que le processus d'évaluation alourdisse plus les procédures de l'aide médicale à mourir et la tâche de vos professionnels?

M. Malenfant (Pierre-Paul) : Très bonne question, Mme la députée. Écoutez, je pense qu'on doit faire attention, parce qu'on le sait très bien, par exemple, que, dans le domaine de la santé mentale, il y a des listes d'attente, il manque de ressources, enfin, depuis de nombreuses années, enfin, on n'a pas... on parle de la désinstitutionnalisation dans les années 70, 80, enfin, a fait en sorte, à un moment donné, qu'il n'y a pas les services suffisamment, enfin, dans les communautés, pour répondre à tous les besoins en santé mentale.

Donc... mais on pense qu'il faut éviter de se retrouver dans une perspective à l'effet que, bon, parce qu'il n'y a pas assez de ressources, parce qu'il n'y pas assez de travailleurs sociaux, bien, faisons donc... allons... faisons un peu les coins ronds, hein, si on peut... vous me permettez l'expression. On pense qu'il faut faire en sorte, à un moment donné, que cette évaluation-là multi, interdisciplinaire, enfin, soit vraiment faite, parce qu'il y a un paquet de considérants sociaux, enfin, l'histoire de la personne, enfin. Si vous prenez comme exemple une personne sans abri, itinérante, enfin, ça peut être difficile, à un moment donné, de faire l'histoire de la personne, juste le fait que la personne se retrouve, par exemple, en soins de fin de vie, enfin, puis on ne la connaît pas, on ne sait pas un peu son histoire, son profil, et tout ça. Alors, avec le travail que notre profession peut faire, à un moment donné, c'est de pouvoir documenter auprès des proches de la famille, auprès des voisins, auprès des gens qui l'ont côtoyé, des ressources communautaires, enfin, pour vraiment avoir un portrait global de la situation. Tu sais, il faut bien comprendre, là, puis écoutez, je lève mon chapeau, là, à tous les membres de la commission, là, c'est vraiment un travail très, très délicat, enfin, sur lequel on discute présentement, enfin, et on pense que l'apport du travail social, comme dans bien d'autres secteurs puis d'autres problématiques, là, qu'on a, est nécessaire, à un moment donné, pour s'assurer que tout est fait correctement et qu'on puisse fermer la... hein, de faire le deuil, à un moment donné, en ayant la conscience tranquille, de dire que tout a été fait, enfin, là, donc en tenant compte, entre autres, des déterminants sociaux, l'histoire sociale de la personne.

• (9 h 50) •

Mme Picard : J'ajouterais peut-être, Mme la Présidente, si je peux me le permette, est-ce que vous voyez le processus d'évaluation un petit peu... interdisciplinaire comme un plan d'intervention qui se fait dans le réseau en ce moment, une équipe multi un petit peu comme un plan... un PSI?

M. Malenfant (Pierre-Paul) : Oui, je ne rentrerai peut-être pas de... jusqu'à aller jusqu'à ce point-là, mais je dirais, bien sûr, on comprend très bien que la décision finale, hein, appartient au médecin, mais le médecin, à un moment donné, doit documenter, enfin, la situation, enfin, à partir d'autres professionnels, à un moment donné, qui ont gravité. Si vous avez une personne, par exemple, qui a une déficience physique, cette personne-là a probablement eu des services, hein, dans le réseau public pour sa déficience. Alors, il y a toute une histoire qui est là... qui a été accompagnée par des travailleurs sociaux ou d'autres professionnels, donc de vraiment en tenir compte, sans aller jusqu'au plan de services, là, parce que ça peut devenir assez complexe, enfin, là. Mais il faut comprendre, là, que c'est de la fin de vie, donc, par après, là, il n'y a plus de plan de services, là.

Mme Picard : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée. Donc, je céderais la parole au député de Lac-Saint-Jean.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Moi, je veux revenir, un petit peu, sur votre début, là, concernant, là, les demandes, qu'elles soient non exécutoires puis qu'elles soient validées avec les évaluations médicales interdisciplinaires. Puis vous parliez beaucoup, dans le cas où est-ce que, des fois, les familles ne s'entendent pas. Mais je veux revenir, aussi, justement, sur le rôle des familles parce qu'il y a des familles qui sont très soudées et je pense que, parfois, elles ont une grande responsabilité, aussi, envers la personne, puis je vais vous donner un exemple.

On a quelqu'un, exemple, qui souffre d'une maladie neurodégénérative. Elle a fait les demandes d'aide médicale à mourir. Elle, exemple, quand je vais arriver à tel stade, quand je ne serai plus, exemple, en mesure de me nourrir et que je serai incontinent, mais, rendue là, la personne n'est plus, non plus... elle n'est plus là, elle n'est plus apte à prendre la décision. Puis, bien souvent, il y a le médecin traitant qui est très important, mais le rôle, aussi, de la famille. Exemple, elle a rempli son aide médicale à mourir en présence du médecin traitant et d'un proche, et c'était clair, et elle a écrit : Quand je serai rendue là, moi, je veux qu'on procède à l'aide médicale à mourir. Dans le cas que, exemple, le médecin... moi, je veux... je vais y aller sur le contraire. La famille est d'accord puis le médecin traitant, lui, n'est pas nécessairement d'accord. On sait que parfois, les évaluations cliniques objectives peuvent varier d'un médecin à l'autre, alors qu'est-ce que vous suggéreriez pour, justement, aller plus loin dans la décision, si c'est le cas contraire qui se présente?

M. Malenfant (Pierre-Paul) : Oui. Je laisserais peut-être Alain...

M. Hébert (Alain) : Oui. Bien, c'est vraiment une très bonne question parce qu'effectivement, c'est des situations qu'on peut rencontrer. C'est sûr que nous, on perçoit, comme travailleurs sociaux, la situation où on est contributifs au niveau de l'évaluation dans l'équipe interdisciplinaire dans laquelle, dans lesquelles on est déjà depuis quelques années, mais ce n'est pas nous qui procurons le soin. Alors, nous, on apporte un éclairage par notre évaluation du fonctionnement social au médecin et on documente les aspects de la vie de la personne, qui sont en lien aussi avec les critères de la loi.

Donc, si la personne, si la situation de la personne, après un éclairage de l'évaluation interdisciplinaire, amène le médecin à conclure que la personne est dans une situation qui correspond aux critères de la loi et que, conformément à sa volonté, on devrait procéder, bien, c'est sûr qu'il y... et... ou plutôt l'inverse, c'est-à-dire que le médecin arrive à la conclusion qu'on ne devrait pas procéder parce que tous les critères ne sont pas satisfaits, c'est quand même lui qui est responsable du soin à la fin.

Alors, nous, comme travailleurs sociaux, on va apporter un éclairage, mais ce n'est pas nécessairement, à ce moment-là, la famille qui déciderait pour nous de l'exécution du soin. D'ailleurs, dans notre mémoire, vous avez vu probablement que pour nous, la question du consentement substitué pour l'aide médicale à mourir est problématique pour nous. On ne va pas, nous, dans ce sens-là.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : M. Hébert, vous êtes d'accord avec moi qu'il y a des familles... il y a des personnes que les familles s'occupent beaucoup, qui sont très proches aussi, tu sais. On a tendance, des fois, à parler des gens qui sont seuls, mais il y a aussi des situations que les familles sont présentes, qui jouent un grand rôle, qui ont accompagné la personne, que ce soit un conjoint, conjointe, parent, enfant, frère et soeur, qui ont accompagné cette personne-là longtemps puis, dans ce cas-là, on ne viendrait pas à l'encontre de choisir des volontés de la personne qui avait demandé le soutien, qui avait demandé l'aide médicale à mourir, parce que, tu sais, on parle d'autodétermination, et je sais que c'est un bien grand mot et avec les lois actuelles, ça va très loin, mais toute la question de la volonté de la personne... Puis je parle bien dans les cas de maladies neurodégénératives, là, vraiment je m'arrête juste... c'est là, là, où est-ce qu'il n'y a pas de... puis, tu sais, le rôle de la famille qui est très important dans certaines situations.

Est-ce que ça peut devenir, des fois, problématique aussi? Il n'y aurait pas lieu d'avoir l'avis d'un autre expert ou d'un autre médecin?

M. Malenfant (Pierre-Paul) : Bien, écoutez, je pense qu'effectivement il pourrait y avoir l'avis, là, d'un autre médecin. Tu sais, vous savez, c'est des situations qui sont très, très complexes. Nous, on le mentionne, là, clairement dans notre mémoire, notre position est à l'effet qu'au moment d'accorder le soin, la souffrance doit être contemporaine. Donc, il doit y avoir souffrance. Maintenant, si la famille, elle, trouve que la souffrance, elle est à un point tel qu'il faut offrir le soin, bien, je pense qu'il doit y avoir des discussions avec le médecin, et nous, dans notre profession, on va apporter les éclairages nécessaires pour toutes les dimensions sociales, l'histoire de la personne, son environnement et éventuellement aussi, peut-être, au moment où la personne, à un moment donné, elle va avoir, je ne sais pas, je prends une personne, là, qui a une maladie dégénérative, mais peut-être que cette personne-là a déjà reçu des services, à un moment donné, dans le réseau de la santé et des services sociaux et que, déjà, elle avait exprimé très clairement aux intervenants, à un moment donné, sa décision, alors l'évaluation, la décision du médecin pourrait être éclairée, en fait, par notre expertise, là, dans tout ça. Mais c'est une décision, pas des situations faciles, enfin, sur laquelle vous devez vous pencher comme législateur, on comprend très bien ça.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. le député. Je cède la parole à la députée de Saint-François.

Mme Hébert : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Hébert et M. Malenfant. Avec votre mémoire, c'est sûr qu'avec vos recommandations, ça nous aiguille beaucoup. Moi, je reviendrais sur une recommandation que vous avez dite, puis j'aimerais juste que vous me spécifiiez un petit peu le... où on part pour faire notre demande. Donc, vous dites que «les personnes majeures aptes qui le souhaitent devraient pouvoir faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir en prévision de toute situation médicale se caractérisant par un déclin avancé et irréversible de leurs capacités, ainsi que le fait d'éprouver des souffrances constantes, insupportables, et incluant un accident». Donc, ça veut donc dire, si je comprends bien, puis vous pourrez élaborer, qu'on n'a pas besoin de diagnostic pour faire une demande d'aide médicale anticipée. Est-ce qu'on a besoin d'un diagnostic de maladie grave, irréversible, incurable, ou non? On peut le faire en toute connaissance de cause dans des directives, dans une demande d'aide médicale... d'aide à mourir?

M. Malenfant (Pierre-Paul) : Bon, écoutez, je ne suis pas médecin, mais je sais très bien que, lorsqu'on regarde à un moment donné le compendium international des maladies, où là, on a un paquet de critères, enfin, pour déterminer un diagnostic, bien, bien souvent, dans la façon que c'est décrit, c'est deux critères sur trois, enfin, puis pour telle autre catégorie, trois critères sur cinq, enfin, bien, imaginons-nous s'il nous manque un critère, enfin, à quelque part, enfin, bien, on ne peut pas avoir le diagnostic franc, mais, à partir de là, bien, à ce moment-là on dirait, bien, vu qu'on n'a pas le diagnostic franc, clair, enfin, bien, on ne peut pas l'appliquer. Alors, pour nous, on pense qu'au-delà du diagnostic, puis en santé mentale, c'est encore plus, je dirais, un peu élastique, là, les critères, enfin, donc, nous, on pense que, bon, que quelqu'un qui signe une demande anticipée, enfin, puis que la personne a un accident, enfin, puis qu'elle a une lésion au cerveau, bien, c'est un traumatisme crânien, le médecin n'aura pas trop de difficulté à émettre le diagnostic. Donc, on pense qu'il faut éviter d'avoir absolument, là, le diagnostic précis, enfin, parce que, comme je vous dis, je ne suis pas médecin, mais de travailler, d'avoir travaillé longtemps dans cet environnement médical de santé mentale et tout ça, des fois ça peut être délicat, à un moment donné de juste avoir un diagnostic.

• (10 heures) •

Mme Hébert : Donc, moi, demain matin, je peux remplir une demande d'aide médicale à mourir, je n'ai aucune maladie, je suis en pleine santé, au cas où un jour j'ai un accident cérébral ou un accident d'auto, ou que j'ai une maladie qu'on me déclare, qui est grave, puis là, on pourrait enclencher le processus d'aide médicale à mourir si je le demande et je vis des souffrances.

M. Malenfant (Pierre-Paul) : Exactement. Il faut aussi... Peut-être un élément d'information. Il faut comprendre que, si j'ai 30 ans, et que je signe une demande anticipée, enfin, et qu'à 75 ans il m'arrive telle situation, bien, écoutez, sur une période de 45 ans, il va apparaître des nouvelles maladies, il va apparaître des... La science évolue énormément, enfin. Donc, on va être... il va falloir en tenir compte, là, à ce moment-là.

Mme Hébert : Et l'évaluation de mes souffrances, est-ce qu'elle va être en fonction des souffrances que j'anticipe, que j'imagine qui vont être insupportables pour moi, ou ça va être vraiment la souffrance qui va être évaluée au sein d'une équipe, qu'eux ils vont évaluer la souffrance que je vis en temps réel par rapport à l'accident ou à la maladie que je vis présentement? Parce que, pour signer l'aide médicale à mourir, il faut que je donne un certain critère, si je deviens inapte, qu'on va devoir appliquer. Alors, est-ce que c'est une souffrance anticipée qu'on doit évaluer, que moi, j'avais, ou c'est une souffrance que je vis... je sais que vous parlez «contemporaine», là, mais une souffrance au moment où on pourrait mettre en application? Comment qu'on va déterminer quand on va mettre en application?

M. Malenfant (Pierre-Paul) : Je laisserais peut-être Alain compléter.

M. Hébert (Alain) : Oui, bien, c'est ça. Bien là, il y a des enjeux par rapport à ce qui serait inclus dans la demande qui est faite au préalable. Oui, il y a certainement une question de prise en compte de ce qui est anticipé comme souffrance par la personne, mais nos recommandations, pour le moment, dans le mémoire, et c'est ce qu'on voit comme consensus, pour le moment, au plan social, c'est qu'au moment d'administrer le soin, qu'il y ait... quand on dit les autres critères de la loi, l'article 26, c'est effectivement présence, au moment de donner le soin, de souffrances chez la personne.

Mme Hébert : Parfait. Puis... Est-ce qu'il me reste du temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Guillemette) : 30 secondes.

Mme Hébert : Auprès de vos... Parce que vous dites que vous représentez 15 000 membres. Est-ce que vos membres ont été sondés sur ces questions-là puis est-ce qu'il y avait consensus?

M. Malenfant (Pierre-Paul) : Je laisserais Alain, peut-être, parler d'une petite étude qui est en cours présentement, là.

M. Hébert (Alain) : Écoutez, oui. La Pre Gina Bravo, que vous avez reçue, d'ailleurs, à la commission, mène actuellement une recherche sur la perception des travailleurs sociaux, de façon générale, par rapport aux demandes anticipées pour des personnes inaptes. Ce qu'on peut vous dire... Là, écoutez, on est... Mme Bravo, Pre Bravo et son équipe sont en train actuellement d'analyser les résultats. On a simplement des données préliminaires. On a pu avoir un entretien avec elle, et ce qu'on pourrait vous dire, dans le fond, à ce stade-ci, là, c'est que la tendance, effectivement, chez les travailleurs sociaux, c'est d'être majoritairement en accord avec cette option-là.

Maintenant, c'est sûr que, là, pour des résultats, vraiment, de recherche, et tout, on va attendre la publication que Pre Bravo va faire de la recherche, mais, pour le moment, les résultats préliminaires qu'on a sont assez convergents avec les recommandations qu'on fait. Même si, nous, comme ordre, on n'est pas nécessairement liés comme tels à nos membres, là, on n'est pas une association qui représente des membres, on est un ordre professionnel, comme vous savez très bien, mais, ceci dit, bien sûr, on cherche quand même, comme ordre, à être en convergence, bien sûr, avec nos membres et un ordre de travailleurs sociaux et de thérapeutes conjugaux et familiaux. Bien sûr, là, c'est plus les travailleurs sociaux qui, dans ces situations-là, sont interpelés, là, actuellement. Mais donc, oui, il y a une certaine convergence. On aurait aimé que les résultats de recherche puissent paraître un petit peu plus tôt, mais, vous savez, il y a eu pandémie, etc. Et c'est une recherche menée par Pre Bravo en collaboration avec nous, comme ordre, donc on est extrêmement intéressés, aussi, au sujet.

Mme Hébert : Merci, M. Hébert, M. Malenfant. Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee.

M. Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup, M. Malenfant, M. Hébert, pour votre exposé. Votre perspective ainsi que vos recommandations en ce qui a trait à ce sujet sont d'une grande importance compte tenu de votre rôle. Je suis sensible à votre rôle, ma conjointe est membre de l'ordre depuis 30 ans, et, dans ce domaine ainsi que plusieurs, plusieurs autres, votre rôle d'accompagnement est d'une importance, évidemment, capitale et primordiale.

Je veux poursuivre nos discussions sur votre ouverture à l'accès à l'aide médicale à mourir pour les gens atteints d'un trouble de santé mentale. Vous prenez note du débat non concluant, si je peux, sur l'incurabilité de plusieurs des maladies mentales et, néanmoins, vous démontrez votre ouverture là-dessus. Évidemment, nous ainsi que plusieurs devant nous sont très préoccupés par la possibilité qu'une telle ouverture risque de comporter des dérives, des dérapages, des grandes difficultés.

Comment vous vous réconciliez avec ça? Et peut-être pouvez-vous faire référence à vos constats en ce qui a trait aux critères dans le 26, actuellement. Et sont-ils bonifiés? La souffrance, de mesurer la souffrance quand on est dans une perspective où la fin de la maladie n'est pas tout à fait claire, pouvez-vous élaborer sur ces questions-là, s'il vous plaît?

M. Malenfant (Pierre-Paul) : Oui. Alain.

M. Hébert (Alain) : Oui. On est dans un domaine de tension, là, hein, dans le sens où les connaissances théoriques, les accords chez les scientifiques ne sont pas pleins et entiers sur la question du caractère incurable des troubles mentaux.

Ce qui fait notre ouverture et ce qui nous fait nous réconcilier aussi, c'est notre connaissance des réalités empiriques. C'est-à-dire que, nous, ce qu'on observe, c'est qu'au-delà des débats plus théoriques, ou des conclusions unanimes de la recherche, ou des consensus d'experts, on constate, au plan professionnel, que certaines personnes aux prises avec des troubles mentaux vivent des trajectoires de vie au bout desquelles, ou après plusieurs années, elles se retrouvent dans une situation où les traitements proposés, reçus, réalisés, autant les soins médicaux, la pharmaco ou que les services plus sociaux axés sur les déterminants sociaux, en termes de logements, dans une perspective de rétablissement, même, ne parviennent pas à soulager de façon adéquate les souffrances intolérables vécues par la personne. Alors, pour nous, dans la réflexion qu'on a faite, c'était de se dire au nom de quoi on discriminerait la possibilité, pour des personnes qui vivent une maladie mentale, qui sont dans une trajectoire avancée, qui correspondent aux autres critères que vous avez évoqués, M. le député, de souffrances intolérables, caractère avancé de la maladie, et qu'on ne parvient pas à soulager des souffrances, d'envisager, à ce moment-là... mais on convient, vous avez vu dans notre mémoire, que c'est extrêmement délicat. Vous avez vu qu'on a fait des précisions, des mises en garde sur l'importance que tous les services puissent être offerts à une personne, que l'évaluation du travailleur social puisse contribuer à éclairer les médecins, par exemple, psychiatres qui feraient une évaluation, que ce n'est pas un soin qui devrait être donné par dépit par rapport aux autres services. Mais, en même temps, on ne va jusqu'à dire qu'il faudrait que la personne suive absolument tous, tous, tous les traitements. Là, il y a une... possibles et imaginables, mais plutôt ceux qui lui apparaissent raisonnables aussi sur la base de la discussion qui est faite avec les médecins évaluateurs et l'équipe traitante.

Alors, c'est vraiment par la réalité empirique qu'on réussit à réconcilier. On souhaite, on espère, on estime que ça serait des situations extrêmement exceptionnelles de cas très réfractaires. Et, évidemment, on met en garde aussi sur l'idée que ça ne doit pas être un soin donné pour répondre à un épisode, évidemment, là, de crise suicidaire, ou etc., là. Donc, oui, on est dans la nuance et dans la complexité ici.

M. Birnbaum : O.K. Merci. C'est très éclairant. Je veux poursuivre justement ce point-là, et vous en avez parlé, l'importance d'évaluer si la personne atteinte d'un trouble grave de santé mentale s'est prévalue... se serait prévalue des traitements disponibles.

Écoutez, nous sommes tous devant la réalité très triste que les services, sur le plan équité régionale, même ponctuels, partout, pour tout ce qui a trait à la santé mentale, ne sont pas à la taille et qu'il y a un travail constant à faire là-dessus qui ne peut pas être compromis par nos éventuels agissements sur l'élargissement de l'aide médicale à mourir. On en convient là-dessus, que c'est ainsi, et on sait tous que ça va être ainsi d'ici quatre ans, cinq ans, malheureusement, malgré l'importance qu'on fasse des améliorations.

Concrètement, donc, comment est-ce que l'équipe, au moment de considérer une demande, va évaluer si cette personne a eu des opportunités, dans un contexte très difficile, satisfaisantes, que cette personne aurait eu accès aux services nécessaires et réalistes pour traiter de façon exhaustive ses difficultés?

• (10 h 10) •

M. Malenfant (Pierre-Paul) : Alain.

M. Hébert (Alain) : Bien... Oui. Écoutez, c'est la question... Bien, d'abord, l'évaluation du travailleur social, je vous dirais, dans un premier temps, on estime qu'elle serait une contribution. D'ailleurs, c'est recommandé, là, par, vous savez, le comité de l'Association des médecins psychiatres du Québec, là, d'aller requérir l'opinion d'autres professionnels, notamment les travailleurs sociaux. Alors, un des objectifs de l'évaluation du fonctionnement social, donc, des travailleurs sociaux, c'est effectivement de valider, de voir quelles opportunités la personne a eues à des services qu'elle serait minimalement, raisonnablement, en droit de s'attendre, en droit de se voir offrir, et on va donc... soins et services, comme je le disais tantôt.

Maintenant, la question qui se pose, c'est : Est-ce qu'au Québec on devrait attendre, avant cette possibilité d'accès de l'aide médicale à mourir pour des personnes souffrant de troubles mentaux, qu'on ait bien établi toute une base de services avec une équité interrégionale? Pour nous, c'est sûr que ce que ça nous rappelle puis ce qu'on veut mettre un petit peu en évidence, c'est l'urgence qui est manifestée — et on le dit, là, nous, comme ordre, depuis plusieurs années — de déployer de façon majeure, fondamentale, intensive des services de première ligne, des services axés sur les déterminants sociaux, en lien avec les groupes communautaires aussi qui travaillent avec les personnes, en collaboration avec les établissements, les équipes de professionnels, et le faire en santé mentale de façon particulière pour les jeunes. Il y a des projets, il y a des initiatives pour les jeunes au début de la vingtaine qui commencent à avoir... Bon, il y a toutes sortes de projets qui sont en développement, mais il manque... ce qui... On appelle à une volonté politique, et à un financement majeur, puis à un réinvestissement important en santé mentale. Puis la pandémie qu'on vit actuellement nous le rappelle, là, peut-être de façon encore plus cruciale. Donc, on... Et c'est pour ça qu'on dit, dans notre mémoire, que l'État et les professionnels, parce que, comme professionnels, on a aussi une responsabilité dans le fait d'être déployés, dans le fait d'être impliqués, mais on interpelle l'État, en fait, depuis déjà plusieurs années, à ce sujet-là.

M. Birnbaum : Justement. Message reçu. Comme je dis...

M. Malenfant (Pierre-Paul) : ...

M. Birnbaum : Oh! je m'excuse. Vous voulez ajouter quelque chose?

M. Malenfant (Pierre-Paul) : Oui, simplement un élément un peu complémentaire. Tu sais, il faut bien comprendre que les services de santé mentale, là, sont très différents d'une région à l'autre. Quand on arrive dans les régions très éloignées, et je suis présentement en vacances dans la région de la Côte-Nord, enfin, mais vous allez plus bas, c'est très difficile d'avoir accès à des services d'un psychiatre, et tout ça, là. Donc, je pense que c'est important de s'assurer que la personne puisse avoir accès à tous les services disponibles, enfin.

Puis l'autre élément que je veux soulever comme enjeu, enfin, c'est, bon, un traitement réfractaire, enfin, mais il y a aussi, des fois, des gens qui sont réfractaires au traitement, hein? Il y a des gens qui ne veulent pas de traitement, hein? Ils vivent des psychoses, enfin, et que c'est un choix de dire : Bien, je préfère être comme ça, je préfère être agité, enfin, que de me retrouver sur médication puis être complètement déprimé, enfin, et tout ça. Donc, il y a aussi cet élément-là, hein, comment on aborde le sujet avec ces personnes-là, qui sont réfractaires au traitement, qui ne veulent pas de traitement puis qui demandent l'aide médicale à mourir.

M. Birnbaum : Justement, et c'est souvent un de leurs symptômes de leur maladie.

Très, très vite, comme je dis, on est préoccupés par la possibilité des dérives. Je vous mets devant un petit scénario, bon, le mieux que je peux. Quelqu'un atteint d'une dépression majeure, et ce n'est pas le premier épisode, qui a une histoire de dépression majeure, il y a une tentative de suicide antérieure dans son passé, il remplit une demande d'aide médicale à mourir au milieu d'une autre crise qui perdure depuis 18 mois. Cette personne, par contre, a eu des périodes, dans la vie, où... une vie très réussie, professionnelle, un lien comme parent, réussite, des enfants qui l'aiment. Il fait sa demande en dedans d'une noirceur épouvantable, il est non fonctionnel, il aurait subi des traitements, il est non fonctionnel.

Quand je parle de dérive, je me permets de croire qu'il y a un consensus assez large qu'une telle personne ne devrait pas être éligible pour l'aide médicale à mourir. Êtes-vous satisfaits que les critères du 26 nous protégeraient contre une telle dérive, je me permets de l'exprimer ainsi, ou y a-t-il des balises à renforcer de façon beaucoup plus étoffée?

M. Malenfant (Pierre-Paul) : On pense qu'effectivement il faut absolument éviter que cette décision-là soit prise dans un contexte de crise. Oui, il y a des personnes qui vivent des dépressions majeures, des troubles psychotiques, des situations qu'on appelait un peu, dans le jargon, des troubles sévères et persistants. Maintenant, on sait qu'il y a des gens qui, avec le temps, à un moment donné, les symptômes s'amoindrissent, hein, ça devient plus atténué. Maintenant, il faut, je pense, éviter qu'on prenne une telle décision en contexte d'une personne qui est en crise, là. Je pense qu'on n'est pas rendus là, pour le moment, là, du côté de notre ordre.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci, M. le député. Donc, je céderais maintenant la parole au député de Rosemont.

M. Marissal : Merci, Mme la Présidente. MM. Hébert et Malenfant, merci d'être là. Vous passerez les remerciements et la gratitude aussi à vos membres, qui font un travail extraordinaire avec bien peu de moyens sur le terrain.

Maintenant, revenons sur la question de la santé mentale qui vient d'être abordée par mon collègue de D'Arcy-McGee. M. Hébert, vous avez posé, en quelque sorte, et sans vilain jeu de mots, la question qui tue, mais vous n'y avez pas répondu : Est-ce qu'on devrait attendre, au Québec, que nous atteignons les critères, notamment, d'équité interrégionale et d'accessibilité des services avant d'ouvrir? Je vous pose la question, là, c'est un peu cruel de ma part, là, vous pouvez répondre oui ou non, mais c'est parce que nous, on est dans un contexte de oui, non. On ne peut pas ouvrir à moitié l'aide médicale à mourir. Quand on demande l'aide médicale à mourir, peu importe la raison, on ne peut pas n'en recevoir que la moitié. Donc, les nuances, je les comprends, là. Mais je suis totalement avec vous, là, sur le constat que vous faites et qui est largement partagé, là. Il n'y a personne, ici, là, qui est venu nous dire, là, que tout va bien, Mme la Marquise, dans le domaine des soins de santé mentale au Québec, là, ça serait une énormité que de dire une chose comme ça. Sauf qu'au pied de la lettre, là, si je prends votre témoignage, le témoignage de tellement d'autres gens qui sont venus nous dire : Oui, en théorie, mais, en pratique, il y a quelque chose qui cloche parce que les services ne sont pas là. Alors est-ce qu'on devrait attendre le temps qu'il faudra d'avoir, je dirais, là, un niveau même pas minimum, mais acceptable de services en santé mentale avant d'ouvrir la porte vers l'AMM?

M. Malenfant (Pierre-Paul) : ...

M. Hébert (Alain) : Bien, écoutez, comme... oui, c'est une question vraiment majeure, puis, écoutez, M. le député, nous, on n'est pas allés, comme ordre, à faire une recommandation sur l'antériorité d'une mesure de développement de services avant, nécessairement, de rendre accessible la possibilité d'aide médicale à mourir pour les personnes vivant des troubles mentaux graves correspondant aux critères de l'article 26. Maintenant, c'est sûr que ce qu'on fait, c'est attirer l'attention sur l'importance de développer rapidement, massivement.

Maintenant, il faut quand même aussi voir qu'il existe aussi des services actuellement. Et c'est sûr que, pour nous, l'important serait qu'une personne... parce qu'on parle d'une personne, là, l'admissibilité, on a parlé, dans notre mémoire, de trajectoire de vie, donc de trajectoire dans laquelle il y a un historique de services raisonnables. Donc, en principe, le processus d'évaluation pour l'admissibilité d'une personne ayant pour seul problème médical un trouble mental devrait attester qu'il y a eu cette histoire de services, la proposer à défaut de... et, dans l'évaluation d'un travailleur social, c'est ce qui serait recommandé, et de ne pas accepter de donner le soin par dépit, même dans la période actuelle, si c'était le cas. Mais nous, on n'a pas fait de recommandation, à ce stade-ci, sur le fait de... par exemple, d'antériorité, là, des services disponibles ou une offre qu'on mesurait avant d'aller vers l'acceptation d'évaluer des demandes d'aide médicale à mourir pour les personnes dont le seul problème médical est le trouble mental.

• (10 h 20) •

M. Marissal : Dans votre pratique, là, sur le terrain, là, les gens qui arrivent au bout du rouleau, par troubles mentaux, j'entends, là, et qui demanderaient l'aide médicale à mourir, là, quel est le pourcentage de ces gens-là de qui on pourrait dire : Ils ont vraiment reçu pas mal tous les services nécessaires, on doit accepter parce qu'ils ont eu un continuum de services acceptables? C'est quoi, le pourcentage, si une telle chose est possible, là?

M. Hébert (Alain) : Oui, bien, c'est ça. Bien, en fait, on n'a pas de données de recherche ou d'estimations colligées pour pouvoir mesurer ça, là. On serait sur... On n'a pas de données pour se prononcer là-dessus.

M. Marissal : Parce que vous comprenez que l'équité interrégionale, là... moi, ça me cause un problème, là, que quelqu'un dans une région au Québec, là, peu importe laquelle, en dehors des grands centres, parce que manque de services, se ferait... se verrait, pardon, refuser un soin, qui est l'AMM, alors que, dans une autre région qui est mieux nantie, même si on reste chez les pauvres, là, de la Santé publique, là ça irait parce qu'on considérerait qu'ils ont reçu les services.

Alors, je veux aller sur un autre sujet, très rapidement, parce que je n'ai presque plus de temps. Mais j'apprécie vos nuances sur la question, parce qu'évidemment ça ne peut pas être tranché comme ça, là. Mais je prends bonne note de vos commentaires.

Sur la question des traumatismes, par exemple...

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. le député. C'est tout le temps que nous avions pour notre échange avec l'ordre.

Donc, merci à M. Malenfant et à M. Hébert pour ces échanges constructifs, qui seront sûrement utiles et très utiles pour la suite de nos travaux.

Et je suspends les travaux quelques instants, le temps d'accueillir nos nouveaux intervenants. Merci encore, messieurs.

(Suspension de la séance à 10 h 22)

(Reprise à 10 h 26)

La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, nous reprenons les travaux de la commission sur l'évolution des soins de fin de vie et nous accueillons maintenant notre prochain invité, M. Yoland Bergeron. M. Bergeron, la procédure, vous avez 10 minutes pour nous présenter votre exposé, et, par la suite, il y aura un échange avec les membres de la commission pour une période de 35 minutes. Je vous cède maintenant la parole, M. Bergeron.

M. Yoland Bergeron

M. Bergeron (Yoland) : O.K.?

La Présidente (Mme Guillemette) : Oui, vous pouvez y aller.

M. Bergeron (Yoland) : Bonjour à tous. Je vous remercie, les gens de la commission, d'avoir accepté de me recevoir pour que je puisse dire mon opinion. Je répète, je me nomme Yoland Bergeron. Je suis un ingénieur à la retraite depuis 2014. J'ai travaillé dans le milieu de l'aérospatiale pour la même compagnie pendant plus de 33 ans. J'ai maintenant 64 ans. Je partage ma vie avec ma conjointe depuis plus de 20 ans et j'ai trois enfants. Donc, ça vous situe un peu ma situation personnelle.

Je comprends très bien que lorsque les souffrances sont prédictibles, intolérables et surtout, je dirais, justifiables biologiquement, que le choix de la manière de mourir devient une option honorable. Du moins, c'est mon opinion. Je pense que les personnes en souffrance peuvent refuser, à mon avis, de subir du harcèlement thérapeutique dont le seul but est de maintenir la vie.

Par contre, dans mon mémoire, je vous ai expliqué que la maladie mentale sans cause biologique observable, du moins comme je le comprends, ne devrait pas être incluse dans cette loi parce que certains médicaments ou certaines drogues créent les symptômes d'une maladie mentale. Pour prouver mon point, je vous présente mon expérience personnelle, ce que j'ai vécu.

Les symptômes d'une maladie mentale sont apparus chez moi soudainement à l'âge de 42 ans et ils sont disparus à l'âge de 52 ans. Si l'aide à mourir avait été permise, j'aurais demandé à cause de ces souffrances psychiques que j'endurais et parce qu'on m'a fait croire que j'avais une maladie mentale génétique, ce qui était faux. Selon les règles proposées que j'ai lues dans votre document, elle m'aurait été accordée, et ma famille maternelle aurait sûrement... mais aidé dans cette démarche. Alors, je vais vous expliquer rapidement mon historique, qui m'amène à conclure que les symptômes de la maladie mentale peuvent être créés par des médicaments.

• (10 h 30) •

En avril 2000, j'ai ressenti le premier symptôme de façon soudaine et inattendue. Je parle de la schizophrénie et de la paranoïa. J'espère que... Vous en avez sûrement discuté puis vous savez ce que c'est. En mai 2000, après deux semaines de ces souffrances, je ne comprenais pas ce que je vivais, alors j'ai demandé de l'aide. J'ai rencontré un psychiatre, qui m'a donné une première prescription. Il m'a dit que je souffrais d'une psychose paranoïde. Surprenant.

En mai 2001, ce qui s'est fait, ma situation se stabilisait, et tout semblait bien aller. J'ai arrêté la médication et les symptômes sont réapparus quelques jours après. J'ai enduré les effets quelques semaines et j'ai averti une spécialiste pour essayer de comprendre ce qui se passait. J'ai expliqué qu'on m'avait possiblement empoisonné, parce que c'était la seule façon que je pouvais expliquer ce que je vivais. La spécialiste ne m'a pas cru. Elle m'a envoyé à l'hôpital psychiatrique. Je fus placé en observation à l'hôpital pendant trois jours. Après, les psychiatres m'ont donné une série de médicaments à prendre. J'ai maintenu cette médication jusqu'en 2005, autrement dit, de 2001 à 2005.

Ensuite, entre 2005 et 2007, j'ai eu des doutes à propos de ma thérapie et de l'attitude du psychiatre que j'avais. J'ai vérifié les effets des médicaments qu'il m'avait donnés, un par un. J'ai isolé le médicament qui générait les symptômes de la maladie mentale. Celui-ci créait les effets de schizophrénie et de paranoïa quand on l'arrêtait. C'était le médicament qui devait être le plus facile à arrêter selon les spécialistes.

En juillet 2007, j'avais isolé le médicament, j'avais planifié d'arrêter ce médicament au début de mes vacances. J'ai cessé de prendre le médicament soudainement et complètement. Je savais que les symptômes apparaîtraient deux à trois jours après. Il y a toujours un effet de retard. La schizophrénie et la paranoïa sont apparues de façon intense et incontrôlable. Je me serais suicidé non pas parce que je suis dépressif, mais parce que je voulais que ça arrête. J'aurais avalé tous les médicaments que j'avais dans la maison pour arrêter la souffrance. Je ne savais plus comment redevenir stable après trois semaines parce que je faisais des essais avec mes médicaments, puis, quand je les arrêtais, je les reprenais les trois, puis tout redevenait normal, tout se restabilisait. Mais, dans ce cas-là, je n'ai pas été capable de revenir.

En août 2007, le 5 août, j'ai demandé de l'aide en me rendant dans un institut psychiatrique spécialisé de Montréal. Ces spécialistes, ce qu'ils ont fait, ils ont augmenté le dosage. Ils me conseillèrent de retourner me faire soigner par mon psychiatre. Le 13 août 2007, je suis retourné voir mon psychiatre selon les conseils du spécialiste. Je ne voulais pas que l'on me force à retourner encore à l'hôpital psychiatrique et être en suivi encore. Ce qu'elle a fait, encore, elle a encore augmenté le dosage.

Entre 2007 et 2009, j'ai refusé de suivre le traitement des psychiatres, sans le dire au psychiatre. C'est-à-dire que, pour ne pas allumer de cloche nulle part, je continuais d'aller à la pharmacie, d'acheter les médicaments. Au début d'août 2007, je réduisais graduellement la dose. À la fin de 2007, j'en étais arrivé à un arrêt complet. Pendant ce temps-là, j'ai enduré les effets du sevrage, c'est-à-dire la schizophrénie et la paranoïa. Ça a duré environ deux ans, mais j'apprenais à reconnaître les symptômes et je pouvais constater que les symptômes diminuaient. En 2009, les souffrances psychiatriques avaient disparu. Ça, c'était mon historique. Maintenant, on va faire une réflexion un peu sur l'expérience que j'ai eue.

Les psychiatres ont augmenté le dosage des prescriptions chacun leur tour, comme si ces gens pensaient que c'était la recette pour guérir les symptômes de la maladie. Ils n'avaient pas besoin d'écouter réellement ce que j'avais à dire, ils semblaient appliquer une procédure. Je me questionne sur les conclusions possibles de l'augmentation de la posologie. C'est important. Est-ce que ces psychiatres auraient prétendu que la maladie était dégénérative et incurable si je m'étais suicidé? Parce qu'en dernier, c'était rendu haut, c'était rendu que j'avais 400 milligrammes qu'il m'avait donnés. Ensuite, est-ce qu'ils prétendaient que la maladie était irréversible en se justifiant avec une preuve, en montrant que le dosage augmentait? Ça ne se tient pas.

Ensuite, l'aide que j'avais demandée à l'institut psychiatrique a été nuisible, dans le sens que les psychiatres de l'institut psychiatrique m'ont fait vivre une crise paranoïde intense et instantanément à cause de leur attitude et de leur façon de faire. J'étais tellement surpris par leur procédure qu'ils m'ont fait revivre en une demi-heure le traumatisme que j'avais vécu à l'hôpital psychiatrique, que je ne méritais pas. Ensuite, ils m'ont conseillé de retourner mon... voir mon ancienne psychiatre. J'ai refusé de suivre leur traitement. À cause de cette expérience déplorable, si je n'avais pas réussi mon sevrage, c'est-à-dire si je me serais suicidé, je n'aurais pas voulu de cette vie et j'aurais possiblement demandé l'aide à mourir tellement la situation était inconcevable, contre ma façon de voir les choses. Ce fut très difficile, ce que j'ai fait, mais je suis sorti complètement des soins psychiatriques.

Maintenant, qu'est-ce que j'ai fait? J'ai recherché d'autres témoignages, j'ai voulu voir s'il y avait d'autres personnes comme moi. Est-ce que ça existe? Pour comprendre ce que j'ai vécu, j'ai contacté un club d'entraide aux schizophrènes pour savoir s'il y avait d'autres personnes. Je fus extrêmement surpris de la mentalité de ces gens. Un bénévole m'a dit que la maladie mentale augmentait dans la société à cause du manque de piété et de religiosité. Il m'a expliqué qu'il faut laisser entrer l'amour de Dieu en soi pour aider les gens dans leur processus de guérison. Voyons donc! Je suis un athée. J'avais compris que certains bénévoles refusaient de croire que les médicaments créaient la maladie mentale pour des raisons religieuses et qu'ils souhaitaient une guérison en soignant une âme qui n'existe pas. Je ne voulais pas participer à ce genre de discussion et j'ai quitté cette association au début de la deuxième séance.

Les autres professionnels. Je comprends que les autres professionnels retiennent leur jugement, ils ne peuvent pas s'opposer au diagnostic des psychiatres, ce n'est pas leur spécialité. J'ai expliqué mon expérience à des avocats, à des policiers, mais le système médical entretient la croyance que la schizophrénie et la paranoïa sont des maladies mentales génétiques, ce qui est faux. Alors, les autres professionnels me disent automatiquement que je ne frappe pas à la bonne porte. Les autres professionnels, aussi, de la santé ne peuvent pas me croire. Habituellement, la porte est fermée, ça ne correspond pas à l'enseignement universitaire qu'ils ont reçu.

Je pense qu'il y a une faille énorme dans le système psychiatrique actuellement. J'ai réussi à sortir du cercle de soins psychiatriques et j'en suis fier. Des spécialistes m'avaient faussement laissé croire que la maladie mentale était génétique et irréversible. Pour cette raison, je considère que c'est une erreur d'inclure dans la loi de l'aide à mourir une maladie mentale qui ne représente aucune détérioration biologique observable.

C'était mon résumé du mémoire que je vous ai envoyé. Merci de m'avoir écouté, puis là, bien, j'attends vos questions. Je lisais un texte, comme vous voyez, c'était assez...

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci de votre partage, M. Bergeron. Nous passerons maintenant à la période d'échange avec les députés en débutant avec la députée de Saint-François.

Mme Hébert : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Bergeron. C'est toujours intéressant d'entendre le vécu des gens, ça teinte beaucoup votre intervention, ce que vous avez vécu, et, bien, je vous remercie parce que ça prend beaucoup de courage pour le partager et je veux vous remercier pour ça.

Là, je comprends que vous êtes contre l'élargissement de l'aide médicale à mourir pour les personnes qui vivent un trouble mental comme seul diagnostic, mais advenant le cas, avez-vous réfléchi, advenant le cas qu'on évaluerait qu'on serait... qu'on l'élargirait aux personnes qui vivent un trouble de santé mentale, est-ce que vous avez des mesures de sauvegarde, là, qui seraient vraiment nécessaires afin de s'assurer qu'il n'y ait pas de dérive? Est-ce que vous avez réfléchi à nous mettre des balises claires, là?

• (10 h 40) •

M. Bergeron (Yoland) : Oui... Pardon? Oui, oui. Ce que j'ai vu... ce que j'ai lu, là, dans votre livre, là, dans votre document, c'est que vous parlez, dans votre document, qu'il ne faut pas qu'il y ait de persuasion indue, il ne faut pas qu'il y ait de manipulation non plus, mais cette manipulation, vous le concevez qu'elle vienne tout le temps de l'extérieur, mais est-ce qu'elle peut venir de votre système médical? Dans le sens que moi, ce que j'ai vécu, c'est de la persuasion indue et de la manipulation. La personne qui m'a envoyé à l'hôpital psychiatrique, en s'imaginant que j'étais malade, elle n'était pas là. Qui était... qui, réellement... d'où est la source de son erreur?

Ensuite de ça, comment on fait pour juger si une personne est réellement malade mentalement quand elle n'a pas de preuve? C'est comme si vous disiez... comme si vous permettiez le... comment ce qu'on l'appelle en ce moment, le... de permettre de tuer les gens sans savoir la raison. Puis si vous lisez vos documents, et les associations des médecins psychiatres, et le collège, et... pour les droits et compassion, chacun dit qu'on ne connaît pas la cause des maladies mentales. Et là vous ne connaissez pas la cause des maladies mentales, et vous voulez offrir à ces gens-là...

À mon avis, rien que le fait que vous puissiez effacer des erreurs médicales en donnant l'aide à mourir devrait empêcher qu'on donne l'aide à mourir à des gens qui n'ont aucune cause biologique ou observable et mesurable. C'est pour ça que j'ai passé... C'est comme la peine de mort. On ne donne pas la peine de mort à quelqu'un sans être vraiment certain. Il y a peut-être une cause en arrière. Au Canada, pour ça, on a cette mentalité-là qu'on ne donne pas la peine de mort à cause de ça. Bien, donner l'aide à mourir à quelqu'un en ne connaissant pas la cause, en sachant que les médicaments et que les drogues peuvent créer la schizophrénie, peuvent créer la paranoïa, c'est une erreur, qu'on ne devrait pas aller dans cette direction-là, O.K.?

Mme Hébert : Merci.

M. Bergeron (Yoland) : Je suis assez intense. Je m'excuse un peu.

Mme Hébert : C'est correct, c'est correct. C'est très pertinent, ce que vous dites.

J'aimerais savoir... Vous nous dites que la souffrance biologique, c'est un... que quelqu'un avec une souffrance biologique, c'est un choix... le choix de mourir, c'est honorable.

M. Bergeron (Yoland) : Oui, oui, oui, si c'est irréversible.

Mme Hébert : Oui, c'est ça. Là, on parle d'une personne qui a diagnostic de cancer, qui est en phase terminale. Elle a un trouble de santé mentale, puis on met en doute son aptitude. Alors là, de manière... croyez-vous que cette personne-là pourrait être éligible à l'aide médicale à mourir? Parce que, là, c'est son aptitude... qu'on le met en doute, si elle a une aptitude à consentir, à faire... de manière libre et éclairée, à faire sa demande. Donc, pensez-vous qu'elle serait éligible à l'aide médicale à mourir? Parce qu'elle vit une souffrance puis elle a un cancer, là.

M. Bergeron (Yoland) : C'est drôle, hein, en 2013, j'ai découvert que j'avais un cancer, j'avais un cancer qui était réellement très agressif. Quand ils l'ont découvert, après deux semaines, ils m'ont... je suis rentré à l'hôpital et j'ai été opéré instantanément. Autrement dit, ils l'ont fait soudainement. Donc, moi, ma version, quand ils m'ont dit, le cancer, qu'ils ne savaient pas c'était quoi... parce qu'étant donné qu'ils avaient seulement à faire un test extérieur, c'était un cancer du côlon agressif, ils ne savaient pas si mon cancer... si je vivrais durant six mois ou si j'en avais pour deux ans, il fallait qu'ils m'ouvrent. Donc, moi, ma décision, elle était facile, pour moi, quand tu es mort, tu es mort, c'est fini, ça arrête là. Ça fait que ma décision, c'était ça, c'était : O.K. Il arrivera ce qui t'arrivera.

Maintenant, si vous mettez la maladie mentale là-dedans... le cancer, c'est mesurable, on peut le voir, on peut le vérifier, on peut le tester. Maintenant, si la personne a une maladie mentale qui dit : Non, je ne veux pas, c'est les médecins qui me donnent le cancer, en tout cas, parce qu'ils sont en paranoïa, j'imagine que c'est comme ça que vous l'interprétez. Parce que le cancer, c'est vérifiable, on prend les cellules et on opère si nécessaire, c'est correct, mais, si la personne a une maladie mentale, puis elle dit : Oui, je suis prête à mourir, c'est correct si son cancer est prévu, qu'elle va mourir, s'ils le savent. Comme dans mon cas, ils ne pouvaient pas le savoir si je serais mort six mois après ou si j'en aurais pour longtemps. Comme c'était en 2014, j'en ai eu pour longtemps, j'ai été chanceux, vous me voyez, O.K.? Mais c'est le principe qu'il y a, c'est observable et mesurable. Maintenant, c'est une maladie... la personne a une maladie mentale, puis qu'elle dit : Non, je n'ai pas le cancer, c'est les médecins qui l'ont fait. Alors là, ce qu'elle va faire, c'est qu'elle va vivre des souffrances énormes, des vraies souffrances biologiques, il y a des vraies souffrances psychologiques, elle va avoir les deux. Mais, pour qu'est-ce qui est du cancer, la réponse c'est : C'est mesurable le cancer, c'est observable.

Mme Hébert : Merci, M. Bergeron. C'est... Vous parlez avec passion et vous donnez de bons exemples, alors je veux vous remercier pour votre intervention aujourd'hui. Je laisse la parole à mes collègues, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée. Donc, je cède la parole à la députée de Soulanges.

Mme Picard : Bonjour, M. Bergeron.

M. Bergeron (Yoland) : Bonjour.

Mme Picard : Merci beaucoup pour votre présence aujourd'hui. Vous avez dit, au début de votre intervention, quelque chose qui m'a surprise, et puis j'aimerais que vous en dites davantage si possible. Vous avez dit que, si vous aviez choisi l'aide médicale à mourir à ce moment-là, que votre famille serait probablement derrière vous. Vous avez dit que... et aurait accepté votre décision qui vous a... qu'ils auraient compris la décision. Pouvez-vous m'en dire un peu plus sur la relation entre la famille et la personne qui est en détresse? Pourquoi vous disez que, selon vous, ils auraient accepté ou qu'ils auraient...

M. Bergeron (Yoland) : Ah! oui, je suis prêt à embarquer là-dedans. Je ne vois plus ma famille depuis 2010, justement, à cause de ça. Ces gens-là, quand je suis tombé... quand les psychiatres m'ont fait croire que j'avais une maladie mentale, moi, ce que j'ai fait, comme vous voyez, je parle beaucoup, je m'exprime, je dis les choses, O.K., mais là j'ai dit ça à ma famille. J'ai dit à ma famille : Ah! ça à l'air que j'ai une maladie mentale, que c'est génétique, que ça va être comme ça toute ma vie, que c'est irréversible. Je leur ai raconté ce que les psychiatres m'ont raconté.

Quand j'ai réussi mon sevrage en 2009, j'ai réalisé que ces gens-là voulaient me voir comme une personne malade génétiquement. J'avais des problèmes avec ces gens-là, ce n'était plus agréable la relation, c'était vraiment désagréable. Même si je disais que je n'avais plus la maladie, ils insistaient encore.

Je vais vous donner l'exemple de ma soeur que je ne veux plus voir, O.K.? Il y a eu le film qui avait... le film, c'est A Beautiful Mind. C'est une oeuvre artistique d'un gars qui a une maladie mentale génétique, O.K., puis qu'on le voit, ta, ta, ta, mais, à chaque fois qu'il sortait un film dans ce style-là, qui ressemblait à ça, ce qu'elle faisait, elle disait : Ah! j'ai écouté le film, sans arrêt, j'ai pensé à toi, sans arrêt, j'ai pensé que c'était comme ça. Puis, à chaque fois, elle me ramenait des exemples, puis ça fait des pressions, puis ça, c'était pareil pour ma mère, que je ne vois plus depuis 2014, parce qu'en 2009, je lui ai expliqué à plusieurs reprises : Je n'ai pas de maladie mentale, c'est les médicaments qui font ça, qui ont fait ça. Ma mère, elle n'est pas capable. Elle, elle aurait sûrement accepté, pour mon bien-être, pour jouer la femme de bienveillance, pour montrer comment elle est bonne, pour m'aider dans ma démarche si je n'aurais pas réussi mon sevrage. Puis c'est pareil pour mon frère. Ma belle-soeur, c'est une infirmière. C'est une infirmière qui vend des médicaments aux médecins. Ça fait que là, on était en famille. Là, j'ai expliqué à la famille qu'il y a une erreur, c'est les médicaments qui créent la maladie mentale, parce que mes symptômes sont tous disparus. Je n'ai plus ce problème-là de schizophrénie, de paranoïa, si je l'aurais aujourd'hui, je ne pourrais pas vous parler de toute façon, ça paraîtrait.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. Bergeron. Nous allons passer... on va quand même continuer la discussion, mais c'est tout le temps que la députée de Soulanges avait. Donc, on va continuer nos discussions avec le député de D'Arcy-McGee.

• (10 h 50) •

M. Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Bergeron pour votre courage et votre franchise, ça ajoute à nos réflexions.

Écoutez, je veux comprendre votre recommandation et je veux vous inviter à nous expliquer comment vous proposez que ça soit implantable, c'est-à-dire vous reconnaissez que l'aide médicale à mourir, dans certaines circonstances, c'est une option légitime, réelle et morale, même pour certaines maladies, troubles de santé mentale, vous faites la distinction avec les maladies, comme vous le dites, d'origine biologique observable.

M. Bergeron (Yoland) : C'est ça, oui.

M. Birnbaum : Je vous invite de nous expliquer comment faire une telle évaluation. Je vous offre juste un seul exemple, la dépression majeure et constante. Il y a un débat, au fil des années, qui commence à tomber, mais qui est toujours présent sur les origines de cette maladie-là, et il y aurait plusieurs autres exemples. Comment est-ce que vous proposez qu'une telle recommandation, comme la vôtre, soit réalisée, comment on assure qu'il y a des maladies qui ne soient pas automatiquement écartées de la possibilité du recours à l'aide médicale à mourir, et d'autres, comme ce que vous aurez vécu, qui devraient être à l'écart complètement, de votre point de vue. Comment on tranche?

M. Bergeron (Yoland) : O.K. Je vais travailler avec votre question, avec un exemple. Bien, moi, j'ai... je ne suis pas dans le domaine, mais j'ai quand même une expérience pareil. Ça fait très longtemps. Quand j'étais jeune, je sortais avec une jeune fille qui était très, très religieuse, et puis, étant donné que je suis un athée, que je ne crois pas à ces choses-là, bien, elle m'avait présenté un psychiatre. Ça fait longtemps. Puis le psychiatre m'a dit que je me trompais, puis la raison qu'il m'a amenée, il m'a amené l'exemple des prisonniers. Il m'a dit, ça fait longtemps, ça, il m'a dit, dans les années 70, il m'a dit : Les prisonniers, en prison, des fois, Dieu va les chercher, Dieu éclaire leur âme. Quand il m'a dit ça, dans les années 70, je ne comprenais pas c'était quoi, je ne savais pas c'était quoi. Mais là aujourd'hui, j'ai vu ce qui se produit quand on vit un sevrage du médicament que j'ai pris. Tu te mets à entendre des voix. Tu te mets à devenir paranoïaque. Puis, dépendamment... Moi, je ne suis pas... je n'ai jamais été violent, je ne serai jamais violent, mais j'imagine facilement qu'une personne qui tombe en sevrage devient violente.

Maintenant, pour savoir si la maladie mentale est constante ou occasionnée par un médicament que la personne peut avoir pris, volontairement ou à son insu, quand la personne va délirer comme moi, j'ai déliré, ou va se sentir paranoïaque et pourchassée par tout le monde, alors, idéalement, je suggérerais qu'on l'isole. Qu'on ne l'isole pas seulement 10 jours, pas seulement trois mois. Ça m'a pris deux ans avant de réussir à me débarrasser de tous les symptômes et, surtout, de la paranoïa. Ça, c'était extrêmement difficile. Mais la chance que j'ai eue, parce que j'étais tout seul, beaucoup de personnes ne me croyaient pas, c'est que j'étais bien entouré. Au travail, j'étais entouré avec des personnes qui, malgré ma confusion que je vivais, malgré ma persécution que je sentais, étaient prêtes à m'aider. À la maison, j'avais ma conjointe qui était là tout le temps, sans arrêt, et qui n'avait jamais cru au diagnostic des psychiatres.

Donc, ma solution, c'est une chose. Si on ne sait pas si la personne a été induite avec des drogues, c'est une inconnue. Peut-être que sa maladie, elle ne le sait pas que ça vient d'une drogue. L'autre opportunité, c'est peut-être que c'est les psychiatres qui lui ont donné des médicaments, comme, moi, ils ont fait avec moi, qui induisent la maladie. Pour savoir... Au Québec, on a l'assurance maladie qui nous permet de savoir quels sont les médicaments qui ont été donnés. Il faut vérifier quels sont les gens qui se sont suicidés et qu'est-ce qu'ils avaient avant, qu'est-ce qu'ils ont pris avant, parce que, si on donne des médicaments qui créent une dépendance à des gens — dans ce cas, ce que j'ai eu — et que la personne oublie de prendre ses médicaments, elle devient confuse. Est-ce que c'est réellement qu'elle est confuse ou c'est les médicaments qui ont créé cette confusion-là?

C'est pour ça que, dans un premier temps, moi, je suggérerais de faire un peu... Il faut que la personne soit bien entourée, premièrement, il faut que ce soit ça. Il faut que les gens, là, les médecins puis les psychiatres comprennent que les médicaments peuvent créer la maladie. Ça aussi, il faut que ce soit accepté, mais, si, en partant, les médecins, les psychiatres disent que c'est faux, ce que je prétends, on ne peut rien faire, on est dans un cul-de-sac, on est face à un mur. Il faut ouvrir la porte.

M. Birnbaum : On comprend que de... que votre lecture et de... que tout au long de votre parcours, vous n'étiez pas bien servi par les experts en santé mentale, et vous avez, en quelque part, si on vous entend, pris le contrôle, et vous direz que vous avez sauvé votre propre vie. En même temps, évidemment, on doit faire confiance, avec toutes ses lacunes, à notre système médical. Mais là où je veux vous entendre... Il y aurait toujours, toujours des lacunes en tout ce qui a trait à la disponibilité équitable et efficace aux services médicaux, soit en santé mentale ou en santé physique. Vous avez dit que vous reconnaissez le droit, dans certaines circonstances, de... à l'aide médicale à mourir. Comment est-ce qu'on peut évaluer si quelqu'un aurait fait cette demande de façon libre et éclairée ou est-ce que c'est en quelque part parce que, devant leurs symptômes très graves, ils n'ont pas eu accès exhaustif à tout ce qui est possible en ce qui a trait aux traitements possibles? Comment est-ce qu'on peut permettre l'accès à l'aide médicale à mourir en même temps que nous avons besoin de savoir que la personne a eu chaque opportunité de se faire guérir?

M. Bergeron (Yoland) : O.K., il y a beaucoup de choses dans ce que vous dites en ce moment, je trouve, en tout cas, il y a beaucoup de choses.

La première chose, c'est : évidemment, on ne le sait pas. Moi, je prends pour acquis qu'il y a des personnes... Comme, quand j'ai parlé... quand... Je ne sais pas si vous connaissez la paranoïa, mais la paranoïa... les gens qui vivent continuellement avec la paranoïa, j'imagine qu'ils ont besoin de croire en Dieu pour survivre. Ils ont besoin de demander l'aide de quelque chose, quelque part, c'est certain. C'est beau, c'est leur affaire, O.K.? Maintenant, la société, la société, il faut qu'elle comprenne qu'il y a des médicaments qui créent la schizophrénie et la maladie mentale. Ça, c'est un gros problème.

Ce qui s'est produit, c'est aussi que moi, je me suis rendu au complexe Desjardins. Il y avait le Barreau du Québec qui donnait des conférences aux citoyens, qu'ils permettaient aux gens. J'ai donné mon nom puis j'ai expliqué, de A à Z, d'où ça venait, je leur ai dit : J'ai vécu la schizophrénie. Il y a eu ça. Il y a un problème. L'avocate, au lieu de dire : Ah! monsieur, on va lever... on va essayer de comprendre qu'est-ce qui se passe, non, elle a sorti de son cubicule, après que j'aie raconté mon histoire de A à Z, et elle a dit : Monsieur, vous ne vous adressez pas aux bonnes personnes, vous ne frappez pas à la bonne porte. On ne peut rien faire, les avocats du Barreau du Québec ne peuvent rien faire pour vous.

Autrement dit, dans notre culture, en ce moment, il y a cette mentalité-là, que je ne sais pas pourquoi elle est là, qui dit que la schizophrénie et la paranoïa ne peuvent pas être créées par des médicaments. À partir du moment où le doute... où les gens vont comprendre que c'est possible, alors là, ça va ouvrir des portes. Alors là, si j'aurais été voir des avocats pour dire : Aïe! il y a un problème, là, peut-être qu'on m'a empoisonné, là, ils vont dire : Ah! attendez, on va vérifier, ou encore, si j'avais été voir la spécialiste du système médical puis je lui aurais dit : Écoutez, je pense qu'on m'a empoisonné, au lieu de m'envoyer à l'hôpital psychiatrique, peut-être qu'elle aurait dit : Ah, ah! on va vérifier qu'est-ce qui se passe.

En partant, il faut que les médecins puis les psychiatres, peu importe, comprennent qu'on peut créer la maladie. Ça, c'est superimportant à comprendre. C'est la base de mon discours.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci.

• (11 heures) •

M. Bergeron (Yoland) : Puis maintenant, pour la soigner exactement... moi, j'ai été... je me trouve extrêmement chanceux, extrêmement chanceux, mais c'est le temps, c'est vraiment le temps. Tu n'as pas le choix d'attendre. Ah! ce que j'ai fait... Pour vous faire rire, je pensais que, parce que ça continuait pareil, je pensais que c'était dans les graisses. Je me disais : Ah! le médicament doit être isolé dans mes graisses. Parfait. En 2008, parce que la maladie persistait, c'était la paranoïa qui persistait, je me suis mis à faire beaucoup d'exercice, énormément d'exercice, au point où en 2008 j'ai été capable de courir le Marathon de Montréal, j'avais perdu 40 livres. J'étais content. O.K. Yes! Mais excepté qu'après que j'aie fait ça, la paranoïa continuait, mais excepté que je m'étais trouvé des trucs pour voir comment le niveau de maladie diminuait. Ça fait que ce que je faisais... J'avais plusieurs choses. Quand tu travailles à ton ordinateur puis tu as l'impression que ton ordinateur t'envoie des messages, ça y est, tu as un problème. Quand j'avais... Chez nous, j'ai des tuiles dans ma chambre de bain. Quand je regardais les tuiles sur le plancher puis que je voyais plein, plein de visages agressifs, je savais. Donc... Puis il y avait aussi... je pouvais faire... C'est dans les journaux. Quand je regardais les journaux puis que j'avais l'impression de voir des messages, ou, quand je regardais la TV et j'avais l'impression que l'animateur me parlait, je le savais. Mais ce que je voyais, c'est que ces symptômes-là diminuaient sans arrêt avec le temps, et c'est long. C'est le temps.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci, M. Bergeron. Nous allons continuer les discussions avec le député de Rosemont.

M. Marissal : Merci, Mme la Présidente, là. Merci, M. Bergeron, pour votre témoignage, qui demande une certaine dose de courage. J'espère que ce n'étaient pas mes chroniques qui vous ont créé des moments d'angoisse à l'époque où je travaillais à La Presse puis que les journaux vous envoyaient des messages, et bravo pour la course à pied...

M. Bergeron (Yoland) : Bien là, c'était en quelle année? C'est entre 2007 et 2009.

M. Marissal : Oui? Bien, j'étais là, j'étais là. Et bravo pour la course à pied. Moi, je soigne beaucoup de mes bobos avec la course à pied depuis des années et des années, l'exercice est, bon, un baume pour l'âme, c'est bien connu.

Vous avez dit, de 42 à 52 ans, vous avez eu des problèmes d'ordre psychiatrique, ou en tout cas, établis comme étant des troubles psychiatriques. Vous avez 64 ans, donc ça fait 12 ans que vous n'en avez plus. C'est... Je comprends bien?

M. Bergeron (Yoland) : Oui, puis je ne prends plus aucune médication.

M. Marissal : Pardon?

M. Bergeron (Yoland) : Je ne prends plus aucune médication, rien.

M. Marissal : D'accord. Donc, depuis 12 ans, vous n'avez eu aucun accès de troubles mentaux ou quelque chose qui aurait été perçu comme tel?

M. Bergeron (Yoland) : Non. Non. C'est disparu.

M. Marissal : C'est... Êtes-vous suivi, néanmoins?

M. Bergeron (Yoland) : Non.

M. Marissal : O.K., d'accord. Ça fait 12 ans. Très bien. Il y a quelque chose que je veux comprendre, là, dans votre... dans la ligne du temps, là, de la chronologie que vous venez de nous faire. Vous dites : Lorsque les psychiatres m'ont fait croire que j'avais une maladie mentale et vous nous dites aussi : Ce sont les médicaments qui ont créé les psychoses ou les problèmes d'équilibre mental.

M. Bergeron (Yoland) : Oui. Oui.

M. Marissal : Pourtant, là, ce jour de 2001 ou 2002, là, où... la première fois vous ressentez des symptômes, là, vous dites : C'est apparu, là, de façon subite et violente, vous n'aviez jamais été médicamenté à l'époque.

M. Bergeron (Yoland) : O.K. Là, en ce moment, si on va là-dedans, on parle de criminalité. Je vous ai expliqué, tantôt, que j'ai été voir des avocats pour dire qu'on m'avait empoisonné, mais à partir du moment où les avocats ne sont pas capables de croire que les médicaments créent la schizophrénie et créent la paranoïa, on ne peut rien faire.

Donc, la question que vous posez, elle est très bonne, très valable, mais avant tout, avant de répondre à cette question, il faut que les médecins acceptent et les psychiatres acceptent et disent à toute la communauté que les médicaments peuvent créer la paranoïa et la schizophrénie.

Tant et aussi longtemps que ça, ça ne sera pas accepté, je ne pourrai pas répondre à votre question parce que ce que j'ai vécu, c'est de la criminalité. Je ne sais pas si vous le voyez, mais c'est ce que je pense et ce que je ne suis pas capable de défendre tant et aussi longtemps que ce message-là, dans la communauté, ne sera pas passé. Il faut tout arrêter. J'attends.

M. Marissal : Mais vous êtes conscient, aussi, qu'il est possible, à l'occasion, dans tout traitement médical ou dans tout trouble physique ou mental, qu'il peut y avoir des erreurs de diagnostic, il peut y avoir des erreurs de traitement, malheureusement, ça arrive, et c'est malheureux, là, j'en conviens, là, puis ça ruine des vies, je le sais, puis il y a même des gens qui meurent, là, de mauvais diagnostic. Mais est-ce qu'on devrait, nous, comme législateurs, là, se baser sur des cas précis, individuels d'erreur de diagnostic ou de médication sachant que, dans l'immense majorité des cas, ça se passe selon des protocoles très bien établis?

M. Bergeron (Yoland) : Quand les gens connaissent les protocoles très bien établis, quand les spécialistes le savent, ils peuvent en abuser. Et si vous donnez l'aide à mourir... d'une personne qui réalise qu'elle a été abusée, vous éteignez la possibilité de faire des enquêtes.

M. Marissal : À supposer que cette personne, effectivement, demande l'aide médicale à mourir.

M. Bergeron (Yoland) : C'est ça. C'est comme la question de... c'est ça, à supposer. Bien, c'est tellement souffrant que je ne serais pas surpris que des personnes le demandent, surtout quand elles réalisent qu'elles ont été abusées puis que le système ferme les yeux sur les abus.

M. Marissal : O.K. Je crois que je n'ai plus de temps, alors je vous remercie pour votre témoignage.

M. Bergeron (Yoland) : O.K. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci, M. le député. Je cède maintenant la parole à la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui. Bonjour, M. Bergeron.

M. Bergeron (Yoland) : ...

Mme Hivon : Bonjour. À mon tour de vous remercier sincèrement de partager votre expérience avec nous qui, oui, nous fait réfléchir.

Moi, je veux vous amener sur votre libellé de l'ouverture à l'aide médicale à mourir s'il y a une détérioration biologique observable. Ça a été effleuré tantôt. Donc, quand vous parlez d'une détérioration biologique observable, vous vous situez quand même dans le cadre d'une maladie mentale, mais où on serait capable de mesurer la détérioration de manière biologique et très objective. Est-ce que je vous comprends bien où vous parlez d'autre chose?

M. Bergeron (Yoland) : Je fais référence à Alzheimer.

Mme Hivon : O.K. Donc, plus une maladie dégénérative dans ce cas-là?

M. Bergeron (Yoland) : C'est ça, quelque chose qui est...

Mme Hivon : Une maladie physique qui a des impacts sur la cognition, par exemple.

M. Bergeron (Yoland) : C'est ça. Oui, oui, c'est ça, quelque chose qu'on peut mesurer, connaître, comme Alzheimer.

Mme Hivon : O.K. Donc, en fait, quand vous nous dites ça, c'est que là vous nous amenez à l'extérieur de votre expérience à vous et...

M. Bergeron (Yoland) : Exact.

Mme Hivon : ...et pour nous dire sur l'autre volet de votre mandat, vous, vous estimez qu'il pourrait y avoir une ouverture pour ce type de maladie là, en fait. Donc, on est en dehors du cadre de la maladie mentale et, dans ces cas-là, de maladie neurodégénérative. C'est bien ça?

M. Bergeron (Yoland) : Oui.

Mme Hivon : Je suis votre raisonnement, parfait. Mais, vraiment, dans le cas des troubles mentaux, vous, vous fermez la porte à absolument toute possibilité, compte tenu, là, de tout ce que vous nous avez dit, vous ne voyez pas aucune possibilité de le permettre, vous jugez que les risques sont trop grands. C'est bien ça?

M. Bergeron (Yoland) : Pour moi, ce n'est peut-être pas que les risques sont trop grands, parce que, comme je vous ai dit tantôt, il y a des personnes qui ont des problèmes mentaux, ils ont des personnes qui sont schizophrènes tout le temps, il y a des personnes qui sont paranoïaques tout le temps. Je suis d'accord que ces personnes, ils aillent prier leur Dieu s'ils veulent. Moi, je n'ai aucun problème avec ça.

Le problème, c'est que, si on applique ça à des personnes qui ne le sont pas ou qui ont été mal informées, comme... quand j'ai vérifié les notes pharmaceutiques, les médicaments que je prenais, c'est indiqué que l'effet de sevrage dure seulement 12 heures à une semaine. Bien, ce n'est pas ce que j'ai expérimenté. Pour ne plus sentir d'effets, ça m'a pris deux ans. C'est incroyable. Ça ne marche pas. Ça fait que, là, il faut ouvrir... il faut se poser des questions sur, premièrement, la médication, parce que le médecin qui va nous écouter, qui va m'écouter... moi, je suis un cas particulier, O.K., c'est correct. J'ai été extrêmement chanceux, c'est correct, mais si le médecin regarde les notes pharmaceutiques, les notes pharmaceutiques vont dire que la maladie ne dure pas longtemps, va durer... que l'effet de sevrage dure 12 heures. Ça fait que mon discours, à ses yeux, ne tient pas la route. À partir de là... Pardon?

• (11 h 10) •

Mme Hivon : Non, continuez, continuez.

M. Bergeron (Yoland) : C'est ça. À partir de là, si les notes pharmaceutiques ne sont pas bonnes, je ne peux pas blâmer les médecins. Comment ils peuvent savoir? Les médecins, il faut qu'ils opèrent avec rigueur. Leur rigueur, c'est selon les informations qu'ils reçoivent.

Mme Hivon : Je comprends bien votre point de vue. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous, M. Bergeron.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme la députée.

M. Bergeron (Yoland) : Ça fait plaisir. Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Donc, ça met fin à nos échanges avec M. Bergeron. Merci, encore une fois, M. Bergeron, de votre présence avec nous aujourd'hui. C'est très, très apprécié, et ça prend beaucoup de courage pour faire un témoignage tel que le vôtre.

Donc, la commission suspend ses travaux quelques instants, le temps d'accueillir ses nouveaux invités.

(Suspension de la séance à 11 h 11)

(Reprise à 11 h 19)

La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, la commission reprend ses travaux, et nous accueillons maintenant Mme Daphnée Ayotte. Merci d'être avec nous, Mme Ayotte, ce matin. Donc, vous disposez de 10 minutes pour nous présenter votre exposé. Il y aura, par la suite, un échange avec les membres de la commission d'une période de 35 minutes. Donc, je vous cède maintenant la parole, Mme Ayotte, pour votre exposé.

Mme Daphnée Ayotte

Mme Ayotte (Daphnée) : Parfait, merci beaucoup. Je vais commencer tout de suite. Bonjour à tous. Premièrement je tiens à préciser qu'il s'agit pour moi d'un grand honneur de pouvoir échanger avec vous aujourd'hui. Je me présente brièvement : Je m'appelle Daphnée Ayotte, j'ai 23 ans, et je suis la fille de Mme Sandra Demontigny, que vous avez entendue il y a quelques mois déjà à titre d'experte.

• (11 h 20) •

Pour faire un rappel rapide de la condition de ma mère, elle est atteinte d'une forme génétique précoce de la maladie d'Alzheimer et elle est actuellement au stade modéré de la maladie, à 42 ans. Le gène de la maladie est génétique, avec un risque de transmission de 50 %, ce qui veut dire qu'au moment de ma conception, j'ai eu un risque sur deux d'avoir le gène malade et donc de développer la maladie à mon tour en vieillissant.

D'entrée de jeu, je souhaite souligner l'incroyable combat que mène ma mère depuis plusieurs années pour la possibilité d'avoir accès à l'aide médicale à mourir anticipée. Je trouve qu'il faut une force de caractère surhumaine pour réussir à se pencher jour après jour sur un sujet aussi lourd et sérieux, alors qu'on se sait soi-même atteinte d'une maladie incurable. Je dis souvent à maman : Je ne sais pas comment tu fais pour t'impliquer autant, juste aborder le sujet sans cesse qu'est la fin imminente, et je te trouve résiliente d'y puiser de l'espoir au quotidien. Ce combat, c'est celui de ma mère, beaucoup plus que ce n'est le mien. Je vous l'avoue en toute humilité, car je n'ai pas la force qu'a ma mère d'écouter chaque expert qui témoigne ici ou de lire chaque article sur les avancées.

Je suis aujourd'hui ici par devoir, par amour pour ma mère qui mérite que je fasse absolument tout ce qui est en mon devoir pour lui offrir la fin digne qu'elle mérite. Ma mère a passé des années à accueillir la vie entre ses mains en tant que sage-femme, et elle mérite que la mort l'accueille avec autant de douceur et de compassion à son tour. Ma mère connaît tous les articles de loi par coeur, les moindres personnes impliquées de près ou de loin dans le dossier de l'aide médicale à mourir. Il s'agit pour elle d'un devoir, pas seulement pour elle, mais aussi pour nous, ses enfants.

Je vous avouerais que je ne suis pas encore rendue à penser à ma propre fin de vie et si je suis atteinte ou non de la maladie. Je n'ai pas l'audace de regarder si loin. Par contre, je peux vous assurer que je ne deviendrai jamais dépendante des autres, peu importe le moyen nécessaire pour m'en assurer. L'urgence, en ce moment, elle est pour les gens atteints présentement qui ont peur de passer à côté de leur période d'aptitude où il leur est permis de faire la demande. Il est impératif, à mon avis, que nous nous dotions, en tant que société, de balises claires permettant aux gens de faire des demandes anticipées en prévention d'une inaptitude éventuelle à consentir.

Je ne suis pas experte en la matière, bien évidemment, mais je sais qu'en tant que proche des critères clairs, tels que le moment où la personne devient incontinente ou est incapable de s'alimenter seule, aident à décider avec précision le moment opportun pour l'obtention de l'aide médicale à mourir. Dans ma famille, la mort n'est pas taboue. On s'en parle sans honte, sans filtre. Maman nous l'a dit souvent, son souhait premier n'est pas de mettre fin elle-même à ses jours, puisqu'il s'agit souvent d'une mort assez violente, mais elle ne se laissera pas dépérir dans la maladie. Elle est devenue en paix avec elle-même quand elle a appris que la maladie était génétique, au moment où elle a réalisé qu'elle aura toujours ce choix en dernier recours, cette possibilité ultime.

Je crois que le choix de mourir, c'est philosophiquement une liberté que nous possédons tous. Le choix de préférer mourir dans la dignité devrait donc être un choix auquel nous avons accès. J'ose poser la question : Qui sommes-nous, ultimement, pour juger si la souffrance d'autrui est suffisante pour avoir accès à l'aide médicale à mourir, anticipée ou non? Cette souffrance n'appartient qu'à la personne qui en fait la demande, et elle est la seule personne apte à énumérer certains critères qui, pour elle, vont rendre éventuellement sa vie indigne.

Ma demande aujourd'hui, c'est de nous offrir le choix d'avoir une mort digne. Il n'est pas question de l'imposer. Nous demandons seulement d'avoir accès au choix. Le nombre de gens qui nous disent au quotidien, surtout des gens se sachant vieillir : Ah! moi, je ne voudrais surtout pas me rendre dépendant des autres, perdre ma dignité, aussi bien mourir, est assez impressionnant. Je crois que la population est prête à ce que ce choix nous soit offert.

Je souhaite ajouter qu'il est toujours particulier pour moi d'entendre parler un professionnel de la possibilité de vivre une démence heureuse comme argument contre l'aide médicale à mourir. Je trouve ces termes plus qu'étranges et je ne comprends absolument pas en quoi le fait de vivre une démence qualifiée d'heureuse pourrait interférer avec une demande faite de façon anticipée.

Je réitère que, selon moi, seule la personne atteinte peut choisir ce qui est acceptable ou non comme future condition de vie. Le fait de sembler heureux, même si ces conditions sont dépassées, ne permet pas, à mon... avis, excusez-moi, de mettre un frein à la démarche d'aide médicale à mourir. Je ne voudrais pas qu'on me laisse en vie car j'ai l'air bien dans ma berceuse alors que je ne reconnais plus mes enfants et que je dépends des autres pour mon hygiène, par exemple.

Je souhaite dire à ces professionnels que quand nous côtoyons, comme nous, dans ma famille, la maladie depuis des générations, nous savons exactement où est notre limite de tolérance envers notre propre futur. Dans ma tête, à moi, et celle de ma mère, c'est clair, net et précis.

Je vous transporterai maintenant dans mon quotidien, à moi. Celle de proche aidante et de future maman. Je suis présentement enceinte de 30 semaines. Je ne sais pas si je suis porteuse du gène malade, je n'en sais donc rien pour l'instant pour le fils que je porte. La décision de vivre les tests de dépistage lui appartiendra, à lui, dans le futur et je n'ai pas mon mot à dire.

Ma grossesse, cet événement qui devrait être le plus positif de ma vie, est teintée d'une grande angoisse : Et si maman n'a pas accès à l'aide médicale à mourir par demande anticipée? Et si le temps nous file si vite entre les doigts que son projet d'avoir l'aide médicale à mourir en Suisse ne peut pas aboutir? Je refuse de m'imaginer placer ma mère en institution ou en CHSLD.

Par contre, comment vais-je humainement réussir à jongler avec le deuil de ma mère, telle que je la connais, sachant qu'elle ne voulait absolument pas se rendre si loin dans la maladie, en même temps, gérer une vie de famille, sans parler de mon couple ou d'une carrière? Il faut aussi inclure la gestion de mes propres risques d'avoir la maladie à mon tour ou de voir un de mes deux frères atteint.

On parle d'une accumulation de stress épouvantable sur mes épaules depuis l'annonce de la maladie, en 2018. C'est encore plus difficile car je sais que même si mon réseau d'amis et de famille est bien intentionné, personne ne peut comprendre réellement l'angoisse que je vis. Je n'ai que 23 ans et je pense à la mort lente et souffrante de ma mère chaque jour alors que j'ai aussi à penser à la naissance de mon enfant. J'ai peur qu'elle n'ait pas accès à cette mort digne qu'elle mérite et exige. J'ai incroyablement peur que l'histoire de mon grand-père, qui était atteint, se répète.

L'accès à l'aide médicale à mourir en Suisse est l'option choisie par ma mère si les choses ne débloquent pas ici, et je sais que c'est apaisant pour elle d'avoir cette option. Par contre, la logistique d'un tel voyage me tétanise : L'aéroport, les douanes, les au revoir en sol québécois, puisque vous savez qu'à votre retour cet être cher ne sera plus de ce monde, la barrière de la langue, sortir la personne atteinte de sa routine pour lui faire vivre un dernier stress immense et devoir ultimement gérer le rapatriement d'un corps, faire le deuil de sa mère presque seule, dans un hôtel impersonnel à l'autre bout du monde, dans la froideur des aéroports, alors que nous aurions pu vivre ces derniers moments entourés de nos êtres chers si la loi permettait actuellement. Je sais que c'est cru, un peu morbide, mais c'est la réalité, notre réalité. Dites-vous bien toutefois que nous ferions ce voyage 100 fois, mes frères et moi, si c'est pour permettre à notre mère de partir l'âme en paix, sachant ses choix respectés.

Je désire terminer ma présentation sur cette réflexion : Lors de mon audition... de son audition à elle, excusez-moi, ma mère raconta l'histoire de mon grand-père avec la maladie, à quel point la maladie avait emporté sa dignité. Vous m'entendez aujourd'hui vous raconter l'histoire de ma mère, celle d'une battante désirant conserver sa dignité, déjà fragilisée. Allons-nous continuer à évoluer à un rythme si lent que mon propre fils devra témoigner à son tour dans 20 ans, de mon vécu, avec cette maladie et cette fin atroce. Je crois que la réponse est entre nos mains, collectivement.

Je vous remercie de tout coeur et j'espère pouvoir répondre à vos questions au meilleur de mes connaissances. Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme Ayotte. C'est très touchant. C'est un récit de vie... C'est la vraie vie. Merci de venir partager ce pan de votre vie là avec nous.

Je débuterais maintenant les échanges avec le député de Rosemont. M. le député.

• (11 h 30) •

M. Marissal : Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Ayotte, pour votre incroyable témoignage, votre force, votre détermination, c'est touchant, puis félicitations pour le bébé à venir, pour votre fils qui va vous apporter beaucoup de bonheur, je vous le souhaite. Ça fait ça, les enfants, aussi, ça apporte du bonheur.

Je pense que votre témoignage est d'une limpidité limpide, parfaite, je n'ai pas grand-chose à ajouter, si ce n'est que vous avez parlé de balises. Et, évoquant les balises, vous avez dit, par exemple, l'incontinence ou l'incapacité de se nourrir seul. En tout respect, et le respect, ici, est immense, là, pour ce que votre mère vit, puis ça a été documenté puis ça a été publicisé, là, et les angoisses qui vous assaillent aussi et que je ne peux pas comprendre, vous avez raison, on ne peut pas les comprendre, je dois les respecter mais je ne peux pas les comprendre, nonobstant cela, nous, on a des questions à se poser sur la portée d'une éventuelle loi ou d'un éventuel changement à des lois. Est-ce qu'il est bien... J'essaie de trouver la bonne formulation, là. On a l'impression, des fois, un peu, qu'on veut aller plus vite. Justement, vous, vous avez l'impression qu'on va très lentement, que la société va très lentement. Certains nous disent, au contraire : Vous allez trop vite. Et, nous, il faut qu'on fasse la balance, l'équilibre de tout ça.

Et est-ce que, par exemple, un critère d'incontinence ou... et de ne plus pouvoir se nourrir seul, est-ce que c'est suffisant pour aller de l'avant avec une demande d'AMM? Moi, je comprends que vous nous dites : C'est à la personne de décider. Et là je veux être très, très clair, parce que je m'exprime mal, vous m'avez ébranlé, de toute évidence, il n'y a aucun jugement de valeur dans ma question. Prenez-la de façon objective. Certains nous disent, et parfois on a ces réflexions-là aussi entre nous : Est-ce que c'est suffisant? Est-ce que les gens qui se projettent dans des souffrances comme ça, bref, on parle de vie ou de mort ici, là, est-ce que c'est suffisant?

Mme Ayotte (Daphnée) : En fait, pour commencer, c'est sûr que, moi, je trouve, personnellement, que ça ne va pas vite parce que je ressens l'urgence de la situation de ma mère. Je trouve que c'est déjà une chance incroyable qu'on ait accès à l'aide médicale à mourir ici, au Québec. C'est sûr que, moi, quand je m'exprime sur le fait qu'on ne va pas assez vite, c'est très teinté de mon expérience personnelle, on va s'entendre là-dessus, là.

Concernant les balises, en fait, moi, mon avis, c'est que, non, le fait d'être incontinent ne mériterait pas nécessairement de recevoir l'aide médicale à mourir... tu sais, seulement ça, à part, sauf que ça fait partie des critères qui font en sorte que, pour les proches, c'est plus facile de prendre... de se dire : O.K., c'est le bon moment. Parce qu'ultimement, avec une demande anticipée, c'est à nous, les... bien, les proches et l'équipe médicale de dire : On est rendus là, c'est ce que la personne voulait. Quelqu'un qui va juste mettre un critère : quand je ne vais pas reconnaître mes enfants, O.K., mais tu peux les reconnaître une fois sur deux, tu peux les reconnaître une fois sur cinq. C'est que, ça, c'est un critère qui est difficile à encadrer parce que ça peut être malléable.

Tout ce qui est critère plus physique, par exemple, dès qu'on ne peut plus s'alimenter seul, mais ça, ça ne revient pas. Dans notre cas, dans ma famille, une fois qu'on perd cette faculté-là, c'est perdu, parce que c'est quelque chose de physique que le corps fait mécaniquement. Ça fait que c'est sûr qu'à ce niveau-là, moi, je trouve qu'il y a des balises qui sont plus liées sur... L'aspect physique peut-être de la maladie rend les choses plus faciles pour les proches de savoir : O.K., c'est le bon moment, on est en paix, on respecte la décision de la personne par avant. Mais c'est sûr qu'en contexte seul, non, le fait d'être incontinent, ce n'est pas un critère nécessairement valide. C'est juste plus le fait que, si on se fie juste aux capacités cognitives qui déclinent, ça peut faire un peu du va-et-vient. Tandis que quand, physiquement, dans notre cas, pour l'alzheimer génétique précoce, quand on perd quelque chose, physiquement, c'est très rare qu'on a un retour en arrière, là.

M. Marissal : Je ne sais pas, est-ce qu'il me reste du temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Guillemette) : Oui, une minute.

M. Marissal : O.K. Bien, rapidement, on sort un peu du cas, là, qui est le vôtre et de votre famille, mais on discute aussi beaucoup de consentement anticipé pour des gens qui pourraient, par exemple, subir un AVC ou un accident avec traumatisme crânien. J'aimerais ça, vous entendre rapidement là-dessus. Est-ce qu'on devrait, éventuellement, aller dans cette direction?

Mme Ayotte (Daphnée) : Bien, en fait, pour moi, c'est sûr que, si j'y vais seulement d'un point de vue personnel, le choix de mourir, puis j'essaie de peser mes mots, ici, mais c'est une liberté qui, ultimement, on a tous, en bout de ligne. Je veux dire, le suicide, même si on n'aime pas en parler, c'est quelque chose qui, ultimement, nous appartient toujours. Puis je me dis que l'option d'y avoir accès d'une façon digne est tellement plus valable que toutes les autres options qu'on peut trouver soi-même.

J'écoutais la dame qui était atteinte de troubles mentaux, qui a dû arrêter de s'alimenter puis de boire. C'est... Pour moi, je trouve ça inconcevable qu'elle doive vivre ça, mais je sais qu'au niveau sociétal c'est difficile de dire : Oui, on légalise ça, puis c'est... Je comprends tout le travail de structure autour qui doit être fait, mais, selon moi, peu importe la raison, peu importe la cause, ultimement, dans notre propre intérieur, c'est un droit qui nous appartient de choisir de vivre ou non. Puis le fait que ça serait possible dans des conditions qui sont dignes, qui sont entourées... peu importe la raison, je pense que c'est tellement personnel au niveau des souffrances, dans mes valeurs personnelles, c'est quelque chose qui devrait être permis parce que, justement, qui suis-je pour juger que quelqu'un souffre assez pour mériter une mort digne?

M. Marissal : Je vous remercie.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. le député. Donc, je céderais maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee.

M. Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup, Mme Ayotte. Je me permets de dire que vous avez le courage, l'intelligence et la force de votre mère et je vous en félicite. Et votre témoignage est tellement important pour nous, je crois que c'est normal qu'on ait le cas de votre famille en tête quand on délibère sur ces questions d'une énorme complexité.

Je me permets de vous poser la question. Justement, cette lucidité, ces ressources que vous avez, ainsi que votre mère, ne sont pas toujours au rendez-vous, avec le plus grand respect, pour plusieurs qui vont se trouver devant un diagnostic de maladie grave de l'ordre neurocognitif. Comment... Est-ce que vous êtes satisfaite que les protections actuelles dans l'article 26 sont adéquates pour protéger des individus contre des dérives? Vous le savez, il y a des familles qui ne sont pas équipées, des familles, des membres des familles de mauvaise foi qui mettraient une pression indue, peut-être, sur une mère, une tante, un père que la lourdeur est énorme et qu'il faut se prévaloir de cette option contre peut-être les souhaits plus informés et libres de la personne. Je ne vous donne qu'un exemple. Évidemment, il y a plein d'autres possibilités où ce n'est pas si facile de décortiquer les vrais souhaits d'une personne et d'une famille, pour ne pas mentionner la difficulté de comprendre à 100 % l'horizon devant eux et les conditions selon lesquelles ils souhaiteraient que l'aide médicale à mourir soit déclenchée.

Qu'est-ce que vous avez à nous dire pour nous aider à comprendre, nous, comprendre que ça serait possible d'élargir l'accès en protégeant contre des dérives, en protégeant les vrais souhaits de chaque personne atteinte d'un tel diagnostic?

Mme Ayotte (Daphnée) : Pour moi, en fait, je vous dirais que c'est sûr que je ne suis pas une experte, là, je trouve ça toujours drôle de donner mon opinion personnelle à moi, là, mais je crois que c'est très, très, très important d'avoir un suivi médical serré, d'être entouré d'une équipe pour s'assurer que, justement, la décision est libre et est éclairée, que ça soit une équipe composée de travailleurs sociaux, de psychiatres, de médecins qui en viennent à un consensus général comme quoi la décision provient réellement de la personne.

Nous, ce qui a trait aux demandes anticipées, comme par exemple dans ma situation avec ma famille, c'est sûr qu'au moment du diagnostic, nous, on a la chance d'être considérés encore comme aptes, c'est ce que... moi, c'est quelque chose que je trouve important au moment où on reçoit... où on pourrait faire la demande anticipée, nous sommes considérés comme aptes à réfléchir à ces choses-là, à prendre la décision. Pour moi, c'est la beauté du fait que l'anticipation soit possible, c'est qu'on s'assure que la personne, au moment d'écrire les lignes, entourée de son équipe médicale et de sa famille, a pleinement conscience du choix qu'elle fait pour le futur. C'est pour ça que de choisir de l'avoir une fois que les capacités sont trop atteintes, c'est vrai que ça peut être peut-être dangereux, faire un engrenage qui n'est peut-être pas sain, si la famille peut avoir, peut-être, de mauvaises intentions, mais moi, je crois que ça passe beaucoup par l'encadrement médical puis psychosocial des gens qui désireraient vivre l'aide médicale à mourir, pas pour décider si la personne souffre assez ou non, mais pour s'assurer que les raisons sont valables et justes.

Comme moi, par exemple, quand j'ai choisi de passer les tests de dépistage pour la maladie — j'ai mis ça sur pause vu que je suis enceinte, là — bien j'ai eu des généticiens, j'ai une équipe autour de moi qui évaluait mes raisons, qui évaluait pourquoi je désirais savoir si j'étais porteuse du gène ou non, pour être certaine que je le faisais pour des bonnes raisons et que je n'allais pas ultimement regretter mon diagnostic, parce qu'une fois que ça revient positif, c'est positif, là. Donc, le secret, vraiment, dans l'entourage stable d'une bonne équipe médicale qui est capable d'offrir ce suivi-là. Puis on est très chanceux, dans ma famille, d'être entourés à merveille par plusieurs professionnels.

• (11 h 40) •

M. Birnbaum : Oui. Et vous allez convenir, et voilà une de nos préoccupations, ce n'est pas tout le monde qui est entouré d'une telle façon. Est-ce que vous avez de quoi nous proposer pour que l'analyse d'une demande d'une personne apte devant un diagnostic... que l'analyse soit peaufinée ou encadrée? On a parlé d'incontinence, mais, à titre d'exemple, quelqu'un qui est médecin, qui a une vie complète, et très arrondie, et enrichissante, qui identifierait ses souhaits pour l'aide médicale à mourir à un seuil qui est peut-être, aux yeux de plusieurs, assez bas, c'est-à-dire il ne parle pas de l'incontinence, il parle de la souffrance qui accompagnerait la moindre perte... bien, pas la moindre, mais une grande perte d'aptitude, mais, selon les critères de plusieurs, ça ne serait pas un niveau de souffrance suffisant pour la demande, je vous invite de parler d'une telle possibilité.

Mme Ayotte (Daphnée) : Oui. En fait, pour moi... Merci. De mon point de vue encore, qui est très, très personnel, comme je disais, la souffrance de chacun est excessivement subjective. Moi, je crois que, l'important, c'est de s'assurer que les motivations derrière sont vraiment celles de la personne, qu'elle désire... Si, pour quelqu'un, la limite est, je ne sais pas, de ne pas conduire, puis, pour elle, c'est impensable, un jour, de vivre sans être capable de conduire, puis, pour elle, c'est tellement important de garder son autonomie avec son véhicule, c'est quelque chose qui lui appartient. C'est sûr que c'est des choses qu'on discute d'avance avec la famille, bien, en tout cas, idéalement, là, comme dans notre cas, nous, on sait les balises, mais je trouve vraiment qu'ultimement c'est une liberté individuelle de choisir où notre limite est, tant que c'est fait avec l'équipe médicale, qui s'assure que les raisons sont valables. Moi, je trouve que, personnellement, je serais excessivement mal placée pour dire à ma mère : Bien, maman, toi, tu trouves que, quand tu ne conduiras plus, c'est rendu vraiment grave, mais moi, je considère que, conduire, c'est vraiment... C'est subjectif à... comment je... à la vie de chacun, à la façon dont ils perçoivent leur autonomie, la façon dont ils voient les choses. L'important, pour moi, c'est que les motivations derrière soient réelles, que ce soit pris pour les bonnes décisions.

Mais, encore là, moi, j'ai une vision très... J'ai grandi là-dedans. Ça fait que c'est sûr que, si vous posez la question à M. et Mme Tout-le-monde, la réponse sera peut-être différente, mais, pour moi, c'est... le terme de souffrance, autant physique que psychologique, est excessivement personnel à chacun. Puis les volontés mêmes de chaque personne devraient être respectées, parce qu'ultimement, si on ne leur donne pas accès à l'aide médicale à mourir, de quelle façon est-ce qu'ils vont partir? Le choix leur revient quand même si... de porter atteinte à leur propre vie ou de vivre une maladie qui est plus longue, là. Tu sais, ultimement, ces gens-là auront toujours le choix de choisir pour eux-mêmes, en fait, là.

M. Birnbaum : Merci. Mme la Présidente, ma collègue de Westmount—Saint-Louis poursuivra. Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Mme la députée, vous pouvez y aller.

Mme Maccarone : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Ayotte. Merci beaucoup pour votre témoignage et votre courage, ainsi que celle de votre mère. Son témoignage, ici, en commission, nous a grandement touchés. Et félicitations pour votre grossesse. Je suis persuadée que vous allez enseigner et élever un enfant dans un monde avec beaucoup de courage et avec beaucoup de sagesse. Alors, nous avons de la chance de vous avoir en commission aujourd'hui.

J'aurais une question pour vous en ce qui concerne les proches aidants, parce que c'est un rôle que vous occupez puis c'est un rôle que, potentiellement, vous aurez besoin d'avoir quelqu'un à s'occuper de vous dans un futur inconnu. Dans une éventualité où nous sommes face à une personne qui fait une demande anticipée pour l'aide médicale à mourir puis les proches aidants ne sont pas d'accord, puis ils font partie peut-être d'un comité d'experts, que pensez-vous que nous devons mettre, peut-être, à l'intérieur des recommandations... ou quel serait votre avis qu'on pourrait donner à ces familles comme personne qui vit actuellement la situation?

Mme Ayotte (Daphnée) : Bien, encore une fois, on en revient beaucoup à la façon dont moi, je vois les choses. Merci beaucoup, concernant ma grossesse, en passant. Pour moi, c'est l'ultime geste d'amour et de compassion de prendre la décision de respecter les choix d'une personne de qui on est proches. C'est... Je n'ai jamais eu à le vivre, à dire : D'accord, on donne l'aide médicale à mourir à ma mère. Je sais que ça serait excessivement difficile. Sauf que d'aller contre les demandes mêmes de la personne, pour moi, est inconcevable. C'est un grand don de soi. C'est très difficile à faire, juste de m'imaginer de devoir être celle qui dit : On est rendus là, maman décide de mourir. Je pense que les proches aidants ont leur mot à dire. Les proches aidants ont le droit de dire : Moi, je ne veux pas faire partie de ces gens qui vont prendre la décision, ultimement. Puis ça, c'est très important d'en discuter avant avec les gens dès l'annonce d'un diagnostic ou d'une maladie dans la famille, comme c'est notre cas.

Moi, ma mère, elle a pris le temps de s'asseoir avec tous nous autres, tout son monde, puis de dire : Seriez-vous à l'aise de prendre cette décision-là, de m'administrer l'aide médicale à mourir, oui ou non? Parce que c'est vrai qu'il y a des gens pour qui ça peut être un traumatisme, il y a des médecins, aussi, qui refusent de le pratiquer, et c'est leur droit si eux ne se sentent pas à l'aise avec la procédure. Je pense que c'est important d'en discuter avant, réellement, avec l'entourage et de s'assurer que les gens qui sont mandatés pour prendre ces décisions-là sont à l'aise de le faire. Au même niveau que la personne est suivie par une équipe médicale, psychosociale pour s'assurer qu'elle fait le choix de façon éclairée, les proches aidants devraient aussi avoir accès à des rencontres pour s'assurer... — êtes-vous à l'aise d'avoir ce poids-là sur les épaules, d'avoir cette responsabilité-là, gigantesque? Puis les gens ont absolument le droit de dire que c'est contre leurs valeurs internes, où je n'empêcherai pas... Moi, j'ai des gens, là, autour de moi, qui me disent : Je ne t'empêcherai jamais de demander l'aide médicale à mourir, Daphnée, mais je ne serai pas la personne qui va te dire : Oui, d'accord. J'ai l'impression que je t'amènerais à ta mort. Tu sais, il y a des gens qui ne sont pas à l'aise avec ça, puis je crois que c'est important de le respecter aussi, là.

Mme Maccarone : Et pour ceux qui n'ont pas de proche aidant?

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci, Mme la députée.

Donc, nous allons continuer nos échanges avec la députée de Joliette, et probablement que la question reviendra plus tard. Donc, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui. Bonjour, Mme Ayotte. Je dois dire, comme mon collègue l'a dit, vous êtes la digne descendante de votre mère. On voit toute une force de caractère, et vous êtes très, très solide et articulée. C'est très précieux pour nous de vous entendre, et je pense que votre point de vue est vraiment très clair, donc très bien exprimé.

Alors, moi, je vais faire ce que je fais avec les témoins qui ont cette chance d'avoir un propos tellement clair, c'est que je les amène en faisant l'avocate du diable. Alors, vous avez été trop bonne, votre propos est trop clair, je n'ai pas besoin de précisions, ça fait que je vous amène sur les contre-arguments. Vous l'avez entendu ou, en tout cas, votre mère, si elle suit les travaux assidûment, et je n'en doute pas, ce que certains nous disent, c'est : Jusqu'où on va dans l'autonomie, jusqu'où on va dans l'autodétermination? C'est une... évidemment, c'est une valeur fondamentale dans notre société, mais est-ce que c'est le rôle de l'État d'accompagner chaque personne, je dirais, je qualifierais ça, dans ses moindres volontés, dans toutes ses volontés ou est-ce qu'il ne devrait pas y avoir une limite parce qu'il y a quand même des intérêts divergents, il y a quand même un aspect de protection des personnes vulnérables, de signal qu'on envoie à la société pour des personnes qui n'ont pas de maladie neurocognitive, mais qui peuvent vivre des diminutions de capacité et qui n'auront pas l'aide médicale à mourir parce que, par exemple, ils ne peuvent plus conduire, parce que, par exemple, ils deviennent incontinents dans le cadre de leur vie, sans la réalité de la maladie d'Alzheimer, par exemple? Donc, est-ce que, vraiment, c'est le rôle de l'État de s'éloigner un peu des critères actuels et, je dirais, d'enlever, par exemple, le critère de la souffrance contemporaine pour dire : Bien, la perte de dignité ou les volontés exprimées par quelqu'un à l'avance doivent faire foi de tout?

Mme Ayotte (Daphnée) : Oui. Merci beaucoup. C'est une excellente question. Puis je vous dirais qu'autant que ma mère peut être très, très campée dans... bien, c'est sûr qu'elle elle le vit dans... Oui, c'est important, oui, et tout, et, moi aussi, j'ai l'air assez... tu sais, parce que je sais que, dans ma situation, c'est quelque chose de nécessaire, mais je reflète beaucoup aussi avec les gens que j'ai entendus qui pouvaient avoir des contre-arguments aussi, justement, au niveau de l'État.

Pour moi, c'est important de rappeler que le critère de mort... bien, pas nécessairement imminente, mais avec un critère, justement, de maladie neurodégénérative ou, par exemple, quelqu'un qui fait un AVC qui se ramasse complètement paralysé, peu importe, il n'y a pas la notion de revenir en arrière. Donc, on s'entend qu'on est rendus à un stade où ça va dégénérer coûte que coûte. On ne peut pas s'en sortir, là, nécessairement.

• (11 h 50) •

Mais la question se pose, parce qu'effectivement, au niveau de l'État, on en demande beaucoup. Puis, moi aussi, je sais qu'on en demande beaucoup avec nos demandes. Puis c'est sûr que ça demande un travail colossal, au niveau politique, au niveau légal, d'encadrer tout ça de lois et de... Non, puis la question est très valide aussi concernant les troubles de santé mentale, parce que, tu sais, moi, j'y pense souvent aussi... Moi, je ne suis pas experte du tout, là, à ce niveau-là, mais quel message ça envoie, les soins, les gens pour avoir des soins, jusqu'où une maladie est considérée réversible, tu sais? J'ai une position très campée sur notre situation parce que c'est ce que je connais, puis... mais, pour le reste, ces questions sont vraiment valides. Mais je pense qu'ultimement chaque personne... si la personne... Comme je n'arrête pas de dire, si la personne décide qu'elle, elle en a assez, elle va mourir, elle va le faire, peu importe de quelle façon. Mais c'est sûr qu'il y a des contre-arguments qui sont vraiment très solides à ce niveau-là, au niveau qu'effectivement l'État fait une gestion vraiment intense, là, du futur de la vie de quelqu'un, là.

Mme Hivon : C'est ça. En fait, c'est juste pour vous amener un peu la question que certains nous soumettent. C'est qu'il y a une évolution de la loi, et donc, nous, il faut mettre le curseur au bon endroit, hein? Si on accepte la demande anticipée, on serait le premier État au monde à vraiment reconnaître cette possibilité-là de manière législative. Donc, je pense que vous pouvez vous imaginer le sens des responsabilités qu'on ressent en ce moment sur nos épaules. Donc, ce n'est pas à vous à le vivre, vous avez en masse de choses à vivre, mais, puisqu'on partage nos expériences, je veux juste... c'est ce qui motive un peu ces questionnements-là, que certains nous soumettent aussi.

Et il y a quelqu'un qui est venu, qui travaille chez Carpe Diem, Mme Poirier, qui a amené la réalité, quand on parle de l'évolution de la loi, justement, vu que le critère de fin de vie a tombé, et qui a dit : Bien, vous savez, je me demande si on ne devrait pas se demander, vu toute la complexité de penser aux demandes anticipées, si on ne devrait pas plutôt dire : Bien, vu que, maintenant, une personne qui a la maladie d'Alzheimer, et qui va traverser des stades où elle a encore des moments d'aptitude, pourrait l'obtenir — on a eu le témoignage d'un médecin qui l'a donnée dans des circonstances similaires avec une personne qui a une maladie neurodégénérative — est-ce que... Quand elle était encore apte, là, on se comprend. Évidemment, ça fait en sorte qu'on l'aurait plus tôt, et je pense qu'il y a beaucoup de gens qui veulent éviter ça. Mais est-ce que, pour vous, c'est une réflexion que vous avez eue, de dire : Bien là, vu que le critère de fin de vie n'existe plus, dans le fond, on a aussi cette option-là, peut-être, de pouvoir l'avoir avant que notre mère perde toutes ses aptitudes?

Mme Ayotte (Daphnée) : Je pense que... oui, j'y réfléchis assez souvent puis je crois que ma mère aussi, c'est quelque chose sur lequel on s'est portées. Par contre — encore une fois, je parle en notre nom, là — ce qui peut mettre un frein à ça, de notre côté à nous, c'est qu'ultimement... ma mère est une maman, puis c'est très difficile, je crois, pour une maman de se dire : Je pourrais le demander maintenant, mais à quel prix?

Tu sais, si maman avait demandé l'aide médicale à mourir il y a six mois, bien, elle n'aurait jamais pu devenir grand-mère. C'est des choses comme ça qui, pour nous, quand on est entourés d'une grande famille, posent cet enjeu-là. Puis j'y réfléchis, même pour moi, souvent, à me dire : Est-ce que je ferais ça? Est-ce que je... Mais, sachant que mes enfants sont encore jeunes...

Moi, j'ai 23 ans, mais j'ai un frère qui en a 15. Ma mère... À 15 ans, partir... que sa mère parte, elle ne sait pas nécessairement encore comment son enfant va être établi dans la vie, et tout. Tu sais, par exemple, ma mère sait que moi, je suis établie, ça va bien, mais elle se prive de ces années-là où elle pourrait s'assurer... voir son enfant grandir encore un peu.

Mais c'est une option que je sais qui est relativement possible ou envisageable puis qui mérite la peine d'être entendue puis d'être écoutée, sauf que, dans le meilleur des mondes, là, c'est sûr qu'avec la demande anticipée, au moins, on sait qu'on ne perdrait pas, quoi, deux, trois ans? On ne sait pas... On sait environ à quelle vitesse ça évolue, sauf que les...

Mon grand-père... Parfois, j'ai l'impression que, ma mère, ça va plus vite que mon grand-père, qui était aussi atteint, sauf qu'on parle d'un niveau de stress qui est complètement différent. Ma mère se savait atteinte dès les tout débuts, mon grand-père, ça a été très long. Donc, c'est tellement variable comme mesure.

Mais, oui, le fait de le demander, comme vous dites... O.K. Maintenant, je pourrais le demander, il n'y a plus la mort prévisible, je suis rendue apte, je peux le demander. C'est une option qui peut être réaliste pour certaines personnes. Seulement, dans notre famille à nous, c'est peut-être encore un peu trop... trop demander, peut-être, d'oser faire ce geste-là, là, sachant qu'on est une famille assez tissée serrée puis qu'on a déjà tellement peu de temps avec les gens qu'on aime à cause de cette maladie-là qu'on aimerait, dans le monde idéal, en profiter aussi longtemps qu'on est capables.

Mme Hivon : Merci beaucoup de l'échange.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci, Mme la députée.

Donc, avant de céder la parole au prochain intervenant, j'aurais besoin du consentement de tous pour déroger un peu de notre horaire de quelques minutes. Donc, il y a consentement.

Donc, nous pouvons continuer nos échanges avec le député de Lac-Saint-Jean.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Ayotte. Vous faites preuve d'une grande maturité et un grand sens des responsabilités aussi du rôle de la famille et des proches. Puis on a écouté le témoignage de votre mère, qui était très intéressant et qui était basé aussi sur des faits et un diagnostic aussi médical de maladie neurodégénérative. Puis vous avez soulevé, tout à l'heure, aussi, à la fin, que... vous avez soulevé un enjeu qui est crucial aussi et qu'on doit se poser comme question : Est-ce que c'est mieux que les gens partent à l'extérieur aussi du pays? Donc, on parle de responsabilité aussi sociale et de responsabilité de l'État, donc je pense que c'est un enjeu aussi qui est... qu'il est important de se questionner.

Bon, moi, je vais quand même vous emmener plus dans, peut-être, des exemples concrets pour avoir votre point de vue. On parle, bien entendu, d'un diagnostic médical et vraiment de maladie neurodégénérative, et je vais vous donner vraiment l'exemple : lorsque la personne qui est atteinte d'une maladie, qui a toutes ses aptitudes, entre autres, vous avez l'exemple, là, de votre mère qui fait la demande d'aide médicale à mourir, qui dit : Bon, bien, moi, rendue à telle et telle étape, je considère que je veux avoir l'aide médicale à mourir, parfait. On a un proche aidant ou la famille — parce que, vous savez, ça se discute beaucoup avec la famille, et le rôle de la famille, vous le dites, qui est important — et on a le médecin. Quand vient le moment de la décision finale, exemple, vous dites : Bien regarde, elle, elle est rendue là, donc il faut procéder, le médecin traitant, moi, je veux juste savoir qui... la décision se prend, est-ce que c'est juste les proches, et le médecin traitant arrive et fait l'acte, ou la décision doit se prendre avec les deux, ou la décision doit se prendre seulement avec le médecin traitant, ou c'est seul le médecin traitant qui prend la décision finale?

Mme Ayotte (Daphnée) : Pour ma part, je crois qu'il y a l'aspect non négligeable aussi de l'attachement émotionnel de la famille et des proches aidants dû au fait qu'avec une demande claire et anticipée, les critères sont assez prédéfinis et assez... je veux dire, c'est ça, c'est clair.

C'est sûr qu'au moment de le faire la famille peut avoir une espèce de voile émotif qui rend la prise de décision peut-être plus difficile. Même si, au début, ils disaient : Oui, oui, maman, ou peu importe, je vais respecter tes décisions qui sont écrites, je ne sais pas quel pourcentage accorder à chacun des deux pour dire que c'est le bon moment. Mais je pense qu'un médecin qui est à l'aise avec la procédure d'aide médicale à mourir, qui connaît bien le dossier peut même... qui connaît aussi le patient, la personne et ses volontés qui sont noir sur blanc, a un détachement émotionnel et un certain professionnalisme pour être en mesure de prendre la décision, pas nécessairement à 100 %, je ne pourrais pas vous dire le pourcentage, mais je pense qu'il est très important que le médecin, que l'équipe entourant la personne prenne la décision avec la famille à un certain niveau parce qu'ils ont un détachement émotionnel face à la personne aussi puisque ce n'est pas leur mère ou leur père, puis ils ont ce devoir professionnel de respecter les dignités... les choix, en fait, de la personne en fin de vie, là.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Je comprends très bien. C'est intéressant. Et, si le contraire se produit, exemple, que, oui, la famille, il n'y a pas de... ce n'est pas émotionnel, et là c'est le médecin traitant, parce que, parfois, la souffrance, c'est objectif, et que le médecin dit : Non, on n'est pas rendus là, là il y a un litige. Est-ce que ça prendrait un genre de petit comité pas trop lourd pour venir trancher? Tu sais, je dis ça, «trancher», ce n'est pas évident, là. On sait que c'est tout des cas, hein, c'est tout des cas d'exception. Mais c'est pour nous éclairer, là, dans la suite de nos démarches parce que ça peut être le contraire aussi qui peut se produire. Comment voyez-vous ça?

• (12 heures) •

Mme Ayotte (Daphnée) : À mon avis, en fait, comme je disais, ultimement, il y a des médecins qui ont le droit de ne pas être à l'aise avec ces procédures-là, comme les proches aidants ou la famille peut aussi ne pas être à l'aise avec tout ce qui a trait avec l'aide médicale à mourir par demande anticipée. Moi, je pense qu'une contre-expertise ou, par exemple, l'avis d'un collègue, d'un deuxième médecin, un médecin qui dit : Ah oui! Les balises, mais je ne sais pas, ce critère-là, on dirait qu'il me fait douter, je n'arrive pas à bien concevoir si on en est réellement rendu là, le fait d'avoir une expertise d'un autre médecin ou d'un autre professionnel de la santé aussi... Si, par exemple, la famille dit : Ça fait 20 ans qu'elle est suivie par, je ne sais pas, le même travailleur social, le même psychologue, avoir son avis aussi sur la question peut être intéressant.

Puis c'est pour ça que je pense qu'il est important que les critères pour lesquels on désire recevoir l'aide médicale à mourir soient le plus clair, précis dans le temps possible, même si on le sait qu'on jongle avec du flou, là, rendu là, sauf que plus qu'on va être capable de mettre des... comment je vous dirais ça, une balise claire, un critère clair de ce que, nous, est notre limite, plus ça va être, peut-être... pas facile, mais se faire plus délicatement de choisir le bon moment, là. Mais, sinon, une contre-expertise médicale, un deuxième médecin, un autre professionnel qui vient donner ou qui vient solidifier l'appui du premier médecin, pour moi, peut être plus que pertinent, là, si jamais il y a justement peut-être dilemme entre les deux parties, là.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Bien, merci beaucoup. J'aurais d'autres questions, mais je sais que j'ai d'autres collègues aussi qui sont très... qui ont très hâte de s'entretenir avec vous. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. le député. Effectivement, je passe la parole à la collègue de Saint-François.

Mme Hébert : Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Ayotte, c'est toujours... c'est très riche, humainement, ce que vous faites aujourd'hui. Votre maman peut être très fière de vous. Je dirais qu'on n'entend pas souvent les familles intervenir, et on sait que ça cause un traumatisme, puis je comprends doublement la difficulté de parler de la mort quand on porte la vie, parce que, quand on porte la vie, on se projette dans l'avenir, donc c'est difficile, vous avez cette confrontation-là au quotidien. Donc, merci, merci pour votre partage, c'est très touchant.

Moi, j'aimerais savoir, vous l'avez sûrement élaboré, vous l'avez sûrement discuté, mais j'aimerais vous entendre encore, donc je vais probablement vous faire vous répéter, mais advenant, là, que votre... On va parler d'un cas concret parce que vous le vivez avec votre mère. Votre mère détermine avec une équipe ses critères, donc, maintenant, elle est lucide, elle est apte, elle prend les décisions avec sa famille, et tout, sur les critères de fin de vie. Mais on ne peut pas lire dans l'avenir, puis disons que votre mère, elle est... elle a choisi que c'est qu'elle ne peut plus vous reconnaître ou qu'elle ne peut plus s'alimenter, disons qu'elle ne peut plus s'alimenter puis qu'elle est incontinente. Pour elle, c'est inconcevable de vivre ça, mais, quand vous allez la visiter puis que vous vous apercevez qu'elle est rendue là, puis qu'elle n'est pas malheureuse, elle n'est pas... dans le sens qu'elle ne semble pas démontrer une souffrance, même qu'elle a une certaine joie de vous voir à toutes les fois que vous arrivez, puis probablement que vous aurez vos... votre petit bout de chou avec vous. Je le sais que je suis cruelle, peut-être, dans la mise en situation, mais je veux vraiment vous entendre, parce que vous êtes au coeur d'une situation qu'on discute depuis plusieurs mois ensemble, puis je pense que vous êtes la meilleure pour nous parler du sentiment puis de qu'est-ce qui pourrait peut-être vous animer. Donc...

Mme Ayotte (Daphnée) : Merci beaucoup. Pour commencer, en fait, je vous dirais que, c'est ça, ça revient un peu au terme de «démence heureuse», là, qu'on entend parler parfois, là, comme quoi la personne n'a peut-être pas nécessairement conscience de ce qu'elle vit, et tout. Pour moi, une fois que la maladie est enclenchée de façon plus sérieuse, c'est difficile de parler de la même personne qu'on a devant nous. Moi, je reconnais ma mère pour sa vivacité d'esprit, sa grande intelligence, sa résilience, ça fait partie d'elle. Je sais que ça serait quand même ma mère qui se bercerait, contente de me voir, dans un CHSLD, mais elle aurait, quoi, 48, 49, 50 ans, entourée de personnes peut-être plus âgées. Oui, elle n'aurait peut-être pas conscience de ce qu'elle vit, mais je sais que ma mère, en tant que femme, actuellement, même si elle se voit bien contente, de loin, là, ne voudrait jamais vivre ça. Parce qu'en plus, une partie qui est très importante à mentionner concernant notre famille, bien, la maladie dans ma famille, c'est qu'on la développe, la maladie, tellement tôt que le corps continue à être en forme. Les personnes en... Moi, j'ai travaillé en résidence pour aînés, en centre hospitalier aussi durant la crise de la COVID, les personnes âgées, souvent, le corps est aussi un petit peu plus... bien, moins en forme, tu sais, ils sont déjà un petit peu plus posés dans leur façon. Mais nous, entre autres, c'était le cas pour mon grand-père, physiquement, ça devient une lourdeur très, très difficile à vivre, même si le cerveau peut ralentir ou peu importe, les capacités cognitives se perdent, la forme physique reste beaucoup. Mon grand-père faisait de l'errance, jour, soir, nuit, marchait dans les murs, rentrait carré comme ça sans arrêt, au point que ma grand-mère se couchait par terre sur le bord du mur pour éviter qu'il rentre dans le mur, parce que physiquement on ne perd pas cette capacité-là, physique, d'être actif. Donc, c'est sûr que, dans notre cas, jamais je ne verrai ma mère assise, contente, c'est... pour nous, je sais que ce n'est pas une option. Puis c'est vraiment de se référer à la personne entière, quelles étaient ses décisions à elle. Même si elle est contente de me voir arriver, je sais que ce n'est pas ce qu'elle désirait. Et puis, si elle n'a pas accès à l'aide médicale à mourir anticipée, pour moi, chaque année qu'elle va vivre plus loin que ce qu'elle désirait, en étant consciente dans sa tête, va être un fardeau énorme sur mes épaules de savoir que ma mère vit ça, tandis qu'elle a toujours eu la phobie de vivre ces moments-là. Puis je pense qu'ultimement, c'est ça, c'est à elle, c'est à la personne tout entière, la personne qui a toute sa lucidité, c'est à elle que je dois de respecter sa décision, même si, visiblement, elle semble peut-être contente, là.

Mme Hébert : O.K. Puis à l'inverse, advenant que votre maman, ses critères qu'elle a déterminés, qui étaient l'incontinence, qu'elle n'était pas capable de s'alimenter, mais que, là, elle vit une souffrance extrême, on le voit, là, elle délire, elle est en... a une anxiété extrême, mais qu'elle n'a pas rempli les critères, alors, c'est qui qui va déterminer que, là, c'est cette souffrance-là qu'elle vit présentement qui prévaut sur ses critères qu'elle s'était fixés à elle?

Mme Ayotte (Daphnée) : C'est vraiment une excellente question que vous posez, parce qu'effectivement ça laisse place à un dilemme qui est vraiment entier, je vous dirais, à savoir, oui, là, ce n'était pas ça, ce n'était pas ça, clairement, ses demandes, là, qu'elle en était rendue. Selon moi, malheureusement, il est encore question de respecter les critères qui ont été établis par la personne. Tu sais, si je vois ma mère souffrir, si je vois ma mère anxieuse puis que, malheureusement... Parce que c'est sûr qu'en ce moment, par exemple, ma mère, je ne vous cacherai pas qu'il y a des journées que c'est très, très, très difficile parce qu'elle a conscience qu'elle perd des facultés, ça fait que c'est ce qui est le plus difficile, c'est d'avoir conscience du fait que la maladie continue, mais elle est encore lucide. Donc, ça veut dire que si je l'amène chez son médecin, qu'elle dit : Là, moi, aujourd'hui, j'en ai ma claque, c'est terminé, c'est son choix, puis, moi, je vais toujours respecter ça.

Par contre, si elle semble au bout du rouleau, qu'elle va voir son médecin puis que son médecin me dit : Écoutez, Daphnée, la partie lucide, la partie capable de prendre cette décision-là, malheureusement, elle est partie, moi, je vais me fier à ce qu'elle m'a laissé comme écrit, parce que c'est ce qu'elle désirait, puis moi, je ne veux pas dire, bon, je vais... «overstep» ça, je vais dépasser ça. Je sais que pour l'instant, elle souffre, mais ultimement, si elle est dans des souffrances si grandes, il n'en tardera pas avant que ses points soient prêts. Mais, moi, je pense vraiment que ce qui est primordial, c'est de respecter ce qui a été notarié, si c'est possible, ce qui a été écrit comme critères ou de vérifier avec le médecin si le concept de lucidité est encore présent, là, tu sais. Si, moi, ma mère prend la décision demain matin, alors qu'elle est encore 100 % lucide, même s'il lui reste des belles années, c'est son choix à elle, jamais, jamais je ne vais interférer avec une décision sur sa propre vie à elle. Si elle décide de le vivre demain, ça sera son choix, puis moi, à mon avis, je n'ai absolument aucun mot à dire là-dessus, là.

Mme Hébert : Parfait. Merci beaucoup, Mme Ayotte. Merci de ce courage-là. Puis je vais laisser la parole à une autre de mes collègues, mais je vous remercie.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée. Donc, je céderais la parole à la députée de Soulanges pour une minute.

Mme Picard : Je vais me dépêcher. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Ayotte. Ma question tourne un petit peu autour de ce que ma collègue vient de mentionner. En fait, j'ai une préoccupation, si le diagnostic changeait, admettons que votre mère dit : Au stade 4, vous pouvez prendre les mesures dans sa demande, et que, là, au stade 3, elle a un diagnostic de cancer qui... elle est souffrante. Comme la directive n'avait pas été dirigée pour le cancer mais bien pour l'aide médicale à mourir de l'alzheimer, qu'est-ce qu'on pourrait faire pour éviter... Parce que, là, il faudrait attendre au stade 4, là, pour enclencher la demande.

• (12 h 10) •

Mme Ayotte (Daphnée) : C'est sûr que, là, je comprends très bien la question, ce serait quelqu'un qui serait vraiment malchanceux. Je sais que c'est poche, dit comme ça, mais ça serait quelqu'un qui ne serait quand même vraiment pas chanceux. Je pense que c'est des choses... Nous, on a la chance, dans ma famille, de pouvoir préparer vraiment d'avance nos dernières volontés. Puis ça rentre un peu dans le... pour ce qui est des cancers, des soins comme ça, ça rentre un peu dans les soins de... je n'arrive pas à bien l'exprimer, mais les gens peuvent choisir d'avoir de l'acharnement thérapeutique ou non. Ça rentre un peu dans ce volet-là, qu'on a déjà l'habitude, je crois, de remplir ou de réfléchir avec la famille.

Donc, c'est sûr que, s'il arrive un double diagnostic où la personne avait dit : Moi, en cas de cancer, en cas... peu importe, je ne désire pas l'acharnement thérapeutique, bien, à ce niveau-là, la réponse a été claire. Pour moi, ça passe vraiment avec un counseling qui est efficace au niveau de la personne qui est atteinte, au niveau de la famille, de respecter les droits. Mais c'est sûr que, s'il y a une maladie incurable, comme un cancer, quelque chose qui nécessiterait des soins plus poussés ou un acharnement, si la personne a dit noir sur blanc : Moi, je ne désire pas ça, moi, je ne veux pas qu'on me réanime, un peu comme c'est déjà le cas présentement, là, ça peut prévaloir sur les critères d'aide médicale à mourir anticipés, puisque c'est l'option qui... on n'en veut pas, d'acharnement thérapeutique, donc ça règle un peu le dossier. Mais c'est, encore une fois, excessivement important pour les gens, je crois, de prendre le temps de discuter rapidement avec la famille, avec l'entourage. Ma mère a tout noté, même si ce n'est peut-être pas encore légal, au moins, pour laisser à l'entourage des pistes claires de, si jamais il se passe ça, si jamais il y a quoi que ce soit, c'est ce que je désirais. Puis comme ça, on est sûrs d'aller dans le même sens que la volonté des gens qui pourraient nous quitter, là, ou avoir des cas de comorbidité comme ça, là.

Mme Picard : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci beaucoup, Mme la députée. Merci beaucoup, Mme Ayotte, et, malgré la situation, nous vous souhaitons le meilleur pour la suite et de vivre pleinement les beaux moments qui s'en viennent avec votre petit garçon et votre famille. Votre témoignage est très éclairant pour nous. On aura beaucoup de discussions, c'est certain, autour de votre témoignage. Je vous remercie encore d'être ici avec nous et d'avoir accepté l'invitation.

Donc, sur ce, la commission suspend ses travaux jusqu'à 13 h 15, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 12)

(Reprise à 13 h 15)

La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, bon après-midi, tout le monde. Merci d'être de retour avec nous. La Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie reprend ses travaux, donc, afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie.

Cet après-midi, nous entendrons, Mme Donna Farmer, Mme Guylaine Ricard, M. Jonathan Marchand et Mme Catherine Leclerc.

Donc, sans plus tarder, je vous présente Mme Donna Farmer. Mme Farmer, bienvenue. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Donc, vous disposez de 10 minutes pour nous faire votre exposé, et, par la suite, il y aura un échange avec les membres de la commission pour une période de 35 minutes. La parole est à vous, Mme Farmer.

Mme Donna Farmer

Mme Farmer (Donna) : Thank you, Madam President, Vice-President, deputies, good afternoon.

My name is Donna Farmer, and I would be most grateful if someone would convey, in my behalf, to Mr. Christian Dubé my strong appreciation for his superb handling of the vaccination effort. It cannot go without saying how appreciative I am of all our healthcare workers, what they've done and what they continue to do for us.

I have 30 years experience with caregiving, senior homes, advocacy of the healthcare system in Québec. My Lucie case is currently unfolding elsewhere in Canada.

So, I thank you for the opportunity to express my concerns about these processes and I also thank you for the simultaneous translation as I do not want the rest being misunderstood for so important a commission.

There is absolutely no more important decisions that one will ever make : To decide to end one's own life, or that of another.

If it is an incorrect decision it is irrevocable.

I focus on Lucie, and a neurodegenerative disease of Alzheimer when death is not foreseeable with a comorbidity of depression. Some of these issues apply to all types of clientele targeted by this commission as well as others from previous consultations.

I believe our standards are not set high enough to proceed humanely to so critical and irrevocable an action, and therefore many MAID assessments will fail to protect our most vulnerable. I also believe that the precarious state of our health care system will prevent the prudent investigative analysis these assessments will need.

They have the wrong people performing the assessments. They failed because of the assessors' field of experience or expertise is not up to the task. They need the following types to specialize assessors : One psychiatrist, one psychologist in addition to the one specialist in the disease that precipitates the request. This is critical in my mind for every single MAID request in order to deal with depression and psychological suffering, no matter the source : clinical antecedents, iatrogenically induced or the unrelievable psychological suffering criteria. They are best suited to detect, evaluate and best suited to know how to treat it.

When one receives the diagnosis of Alzheimer's disease or any incurable disease, for that matter, depression, an ICD-11-classified mental illness, it's commonly experienced, the depression may be quite severe. For some, panic, anxiety, suicide ideation enter into the mindset, propelling them to hasten death. Competency, capacity to decide MAID while in crisis is at issue. Diagnosing and treating depression properly factor into the MAID assessment if not having been addressed in a more timely and suitable moment. The Canadian Psychological Association brief confirms that this psychological suffering is treatable.

• (13 h 20) •

These assessments fail because criteria definitions are inadequate, with neither transparency or accountability afforded. The European system does not allow psychological suffering to be self-assessed. In Canada, some self-assessments are rejected. However, self-determination and the large caveat that suffering that cannot be relieved in ways that are acceptable to me provide more than an incentive to not conduct a prudent investigative inquiry to not seek out information, to not suggest treatment and simply rubber-stamping the MAID request, especially as there are so little transparency, accountability and controls.

Overly simplistic and vague criteria found on MAID form questions, MAID provider handbooks and federal frameworks or a total lack of definitions altogether compromise the assessment task. Some examples detailed in my memoir are : ruling out untreated depression as a primary cause of the request; the expertise of the assessor; the advanced state of decline; determining if mentally incompetent can understand a certain medical act; showing, in quotations, great care if a delay in delivering services, i.e. counseling, affects voluntary consent. All these need measurability, precision, timely accountability. Some items may not even find their way into the assessor's report and to StatsCan, and there are no controls whatsoever. Comorbidities require a consult with some expertise. Who is it? What is it? When is it? What is concluded? Without a copy for family or a recorded assessment interview, no one will ever know if and how it's conducted. Even a complaint process is nonexistent, or hard to find, strong reasons for recording all assessors interviews for preventing misinterpretation and poor conduct.

They fail also due to renumeration, salary caps and time constraint on assessors time will serve as a deterrent to good analysis. Better renumeration such as an incentive like in Europe, they fail from lack of prudent investigative analysis, the frequency of visits post diagnosis and during assessment is so important to get the complete picture of a patient's situation. It can reveal the true psychological profile and emotional states that are frequently hidden behind a functional facade presented in an interview.

The Netherlands understand this. One case took 20 GP discussions, three psychiatric sessions and another psychiatric assessment. Mental illness is erratic, repeated visits are critical to better understand refusal or the perception of refusal, particularly for this clientele and those with communication problems.

I can tell you incidents with almost dire consequences had by my mom in the health care system. She was aphasic, like Alice in Wonderland. Not only are the moods and identities different for the patient over time, treatments change and different people, including doctors had better skills at different times, are more effective and this spells all the difference in the world. Assessors consult with families' members to help ascertain voluntary consent only 60% of the time, this should increase. And typical science of abuse and subtle manipulation should be understood, evaluating care givers influence is important. They permit capacity assessment by video enabled telemedicine, which risks third-party influence and possibly misses vital body language cues.

Someone should reeducate patients, incorrect stereotypes of alternatives to MAID to properly confirm an understanding of consequences. And finally, bias can always affect prudent analysis, though evaluation teams for the incompetent should hire a psychiatrist and others outside of the hospital network and rotate. This way, relationships, finances factors in as little as possible to minimize bias. We must always look at this systemically, there is failure in the system before the assessments, at diagnosis.

If the circle of care health professionals manage a continuum of care with an integrated approach based on best practices, including prevention, then stress, anxiety and suicide ideation may be reduced, either avoiding the need for MAID altogether, or facilitating it, because crisis has not escalated to affect capacity. Counselling and follow-up should first be encouraged and initiated at this stage, when diagnosed with a grievous, incurable disease. This can attenuate suicide ideation early on and is far more ethical and humane. An occupational therapist should also be dispatched early on, a SIPA-like circle of care team should include a nutritionist, someone to monitor aerobic activity and train neuroplasticity, all elements highly recommended for Alzheimer. We spend money developing all this, we must make it available, recommend and use it.

In the interest of time, the moratorium of MAID during COVID and its negative influence on MAID requests and ensuring the painlessness of MAID verified by autopsies are self-evident sections you can read for yourselves.

Some ethical and puzzling contradictions that need to be resolved in MAID policy in order to proceed. If there is no evaluating by the same case by case basis for voter competence as they do for financial competence and health care decision competence or someone under curatorship, for example, then there exist a potential political conflict of interest. By allowing MAID to proceed without according a right to vote results in lower health care costs, may eliminate criticism and dissension, both affecting political gain.

Next, if the state of disability is the value by which the patient determines the request for MAID, then the Government, by acquiescing to such a request by actively participating in MAID, is tacitly supporting that value and also discriminating against persons with disabilities. Guilbault and Charette are currently dealing with the consequences of discrimination in hiring white PABs only for dealing with some patients' prejudices.

Unbearable suffering at a future date is an unknown entity and is inconsistent with self-determination. Although self-determination is a right in the end-of-life care health act, health care is not a right, either in the charter, Québec charter or Canadian charter. I cannot imagine this does not violate one of the seven principles of fundamental justice. Someone should take a harder look. Self-determination is not so sacrosanct as we make it out to be. Vaccine passports, restraints of all kinds : physical, chemical or environmental, influences of all sorts. Many Canadians may soon be forced to be vaccinated. Recommending or using counselling like a vaccine passport — no counselling, no MAID — could even be construed to be a protection, like a restraint, for the psychologically ill who are in danger or harming themselves.

Finally, there is no obligation to perform these medical acts or any other when resources are not permitting. With all these deficits and shortages in personnel and the additional costs to truly have teams who assess prudently, are resources truly permitting counselling that does not even proceed in a timely fashion, as Julie Sénécal sadly experienced?

All these questions and more, a veritable Pandora's box, too full of contradictions, too subject to error and bias, too costly to assess properly, too costly to manage to minimize bias. A prudent thorough investigative analysis that would be required to assess these requests on a case by case basis, in our current fragile resource-stretched system, I fear, thus, will not get the job done properly and believe the vulnerable not adequately protected.

I will not repeat the litany of statistics that attest to our resource stretched healthcare system due to time constraint, but do take the time to read them in the conclusion of my memoir. In fact, a copy of those statistics should be appearing in people's mailboxes rather than the antivaccine rhetoric.

We save so few because of inadequate supports, and it will remain challenging to finance, but that is what we must first put our attention to. These sufferings are hard to witness, harder to judge if we are not doing the right thing and ever so irrevocable and tragic if we do not. Thank you, mesdames... and thank you, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme Farmer. Donc, je céderais maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee.

M. Birnbaum : Merci beaucoup, Mme la Présidente, merci, Mme Farmer. In the interest of making sure that we have as clear an exchange as we can, and...

...compte tenu qu'on a des services de traduction, je vais me permettre de poser mes questions en anglais.

Thank you very much for your lucid and sophisticated presentation, and you've made some very useful observations on an area that we... that is so essential, that we, perhaps, haven't discussed enough, and it's the qualitative issues regarding the credibility of assessing demands for medical aid in dying, in understanding that the conditions be in place to clearly assess the wishes of the person involved, and so on and so forth. Those are very important warnings, and you've, of course, added the issue that's come up so often, which is the uneven and inadequate availability of medical services, particularly with respect to mental health, and so on.

I want to help us in situating your observations, however. Can you clarify for us whether you imagined certain circumstances, even those permitted by the law as it stands right now, under which medical aid in dying is not only advisable, but desirable?

• (13 h 30) •

Mme Farmer (Donna) : Well, if... There was a doctor who presented a brief, particularly on Alzheimer's, and he was, even for the hardest category of Alzheimer's, he still wasn't recommending medical suicide, MAID, because there was... they played with, you know, palliative drugs, antipsychotic drugs, and they would always alternate them. But he said : If you don't... If you have MAID, you don't... don't alternate it. There is... You can even stretch it and say that, if everybody doesn't... well, OK. But what he did say was that you might not encourage to prolong life in cases like that.

Do I see cases where you should? I just feel that it's so difficult to assess. I will give you a little example of confusion that can happen with people who have communication problems. When my mother had a hip replaced... and she was very aphasic, and she was in the hospital, and on two occasions, in two provinces, with physiotherapists, they thought that my mother didn't want physiotherapy, and they were going to send her home without it... broken her hip, and she was 91 at the time. I had a talk from the director of the hospital, you know, this was going to happen, and I went home crying. But then, the next day, both physiotherapists, in each... had tried something else. They found that the physiotherapy worked when she was in private, because she was too proud to stumble in public. And, bada bing, bada boom, she went on to walk and live for two years.

But when people are... Things like this, it's so easy to make a mistake. So, that's why, with the mentally inapt under curatorship, communication problems or mentally ill, I think it's so risky. There's bias. I think it's so risky that I... To gave the example, in the memoir, when somebody who was mentally challenged had cancer, that must be a terrifying thing for somebody to go through, but I think, still, I think we err on the side of caution by not going ahead with it with the mentally ill.

M. Birnbaum : OK. I do want to further pursue this. What... So, would you say that medical aid in dying should not be an option requested... a receivable request should not be possible from someone who is judged apt, whose wishes had been made clearly and lucidly identifiable, who is in front of a clear, measurable diagnosis of early-onset Alzheimer's, and whose noted... like I say, who was being judged apt and who is indicated that their wishes according to serious guidelines are to proceed with this treatment rendered stage 7 Alzheimer's?

Mme Farmer (Donna) : Well, I think, first of all, it's, as I said in my talk, that if we agree to do that, we are discriminating against people with disabilities. But that's one reason.

Secondly, if you look at the Canadian psychological report that we submitted in the Canadian MAID consultations, they talk about how medical professionals, people who are... there is a lot of stigma and discrimination against people's dementia by health professional, by people who don't have familiarity with dementia. The more familiar with dementia, the less there is this prejudice and discrimination. So, that would be something else to consider.

I have worked for many years in health... in seniors' homes and I've been on... I worked with all three populations, including Alzheimer's, and, yes, there is some sadder cases, but I think... I don't think, I don't think it should... I would, because I think we're admitting to a discrimination of disabilities, and they can't know the suffering ahead of time. And there are medications. And things can change overtime. Cures can happen too.

M. Birnbaum : Merci. Mme la Présidente, ma collègue de Westmount—Saint-Louis aurait d'autres questions. Merci. Thank you.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. le député. Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Good afternoon, Mrs. Farmer. Thank you for joining us today. I am going to continue the conversation with the questions along the same line that my colleague from D'Arcy-McGee. And what I am having trouble understanding is that this under position that you are carrying with us, how are we able to ensure that the dignity of people who've become incapacitated due to the progression of their disease is respected? You've mentioned self-determination was something important, but dignity is also something very, very important when we are talking, for example, about advanced requests. So, what would your perspective be with regards to respecting that dignity from the people that have made a potential request?

Mme Farmer (Donna) : Excuse me, but what dignity are we protecting that you're talking about?

Mme Maccarone : Dignity, the people becoming incapacitated. So, somebody, for example, who has Alzheimer's, and the progression of their disease has brought them to a place where they've identified as... For me, it's not living. This, for me, it's not how I would perceive my life to be worthwhile. And, for me, this is pain. Therefore, I would like to continue to live my life with some dignity, and part of that dignity means that I want to be able to self-determine and make the decisions that are right for me, including the time of my death, because of the progression of my disease.

Mme Farmer (Donna) : Well, I think that dignity is in how we treat the living. I don't think it's... dignity is how... the self-determination part. I think dignity in life is how we are in life and how we treat those who are in our care. That's where I think the dignity is.

Mme Maccarone : But doesn't that also mean that we need to respect the choices that these people have made, when they know in advance that the progression of the disease will mean a certain amount of incapacitation, will mean that they will become inapt? So then, we pay attention for the dignity?

Mme Farmer (Donna) : But just because that isn't what it was doesn't mean that there's something wrong or undignified with it either. And... yes, and there's another thing I was going to say...

Mme Maccarone : But isn't that a personal perspective? I guess that's what I'm trying to understand. If it's a personal perspective, don't we have an obligation, then, to respect the personal perspective of the individual who is making a request about their own life?

Mme Farmer (Donna) : When somebody is in a psychiatric crisis in the hospital, and that we apply physical restraint to them, there's no self-determination there. There's... Even what we're going through right now, with the vaccine passports, and all that, there's no self-determination there. And I think that there's a lot of prejudices, as the psychological report says. The more familiar you are with dementia, the less threatening it is. And I think where we need to put our energy is more on making the long-term care options and the life in dignity in the long-term care settings or with home care, etc.

Mme Maccarone : I don't think that there's anybody that would disagree with you, in terms of wanting to ensure that we are providing care and taking care of those that are in need, and a... health care system, etc. But that being said, they will still be people...

For example, there was a young woman who testified just prior to you, whose mother has been diagnosed early on with dementia. And her father regretfully lost his life at the age of 53. She's currently 43, if I'm not mistaken. Her daughter is 23 now. And while she is apt, she wants to be able to self-determine what her future will be. And her daughter, who has one chance out of two of also receiving the same regretful diagnosis would like to have the ability to also self-advocate for herself in advance of being in a position which could be the equivalent of the patient that you're talking about, which is no longer apt, no longer in a position to care for themselves to make a decision. In your perspective giving... And again, I'm not in disagreement with any of the... I read your brief, in any of the recommendations that you've made that we could potentially do to improve the system to make sure that we are putting in measures to protect individuals that are vulnerable. But don't we have a certain responsibility to also respect the rights of those who wish to put in anticipated request?

• (13 h 40) •

Mme Farmer (Donna) : Don't you think that is discriminating against the people with disability, though?

Mme Maccarone : I'm talking about somebody who has Alzheimer's, early-onset Alzheimer's. It... I'm not saying that it's my position, I am asking you what yours is. And so, wouldn't it also be potentially a discrimination against the individual who said : You know what? This is what I want, and this is what I am choosing for my life. I am currently at, and I know that, when I receive... when I am at this stage 7, stage 6, that, for me, is not how I wish to live my life. And so, I have an expectation as my family members, as my caregivers, as my medical team that you respect my wishes.

Mme Farmer (Donna) : Well, I think that it's an expectation, but I still think that is a discrimination against disability, if the Government goes ahead with it, because they're saying that you proceed this disability as not worth... as not possible to live with. And the Government says : OK, I agree with you, I am going to end your life.

Just look at, you know, Mme Guilbault. Remembered when they hired all those white PABs because some vulnerable seniors have difficulty with either race or sex, sometimes, if having care. Right? Remember? So, there are some agencies that hire just white PABs. This is the prejudice of the senior from the time she was brought up with and her period of time of life. It's her prejudice. But we initially catered to that by hiring PABs, but Guilbault and Charest are correcting that because it's not right to... To attest to that disability, that prejudice is not right either.

So, it's the same thing, by attesting to me and how I see it. If you think that that's a disability, that you will be on drugs and you won't remember who your family is, and you don't... that's a disability to you, then, by doing it, the Government is just also admitting to that. That's how I see it.

Mme Maccarone : OK Thank you. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci, Mme la députée. Je céderais maintenant la parole à la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui. Bonjour, Mme Farmer. Merci beaucoup de votre présentation. Votre mémoire est très étoffé, et je vous en remercie. Il y a matière à réflexion dans votre texte.

Je veux poursuivre exactement sur l'idée que vous avez apportée, qui est celle de la discrimination potentielle, si on permet... Je veux bien suivre votre raisonnement. Je pense que je l'ai évoqué avec la dernière intervenante ce matin, avant notre pause pour le dîner. Ce que vous nous dites, vous me direz si je comprends bien, c'est que, si on permet à quelqu'un qui le demande à l'avance, en prévision de son inaptitude, de dire : Si moi, je deviens incontinent, si moi, je ne peux plus m'alimenter, si moi, je ne peux plus me déplacer ou conduire, si on admet ça, c'est comme si on discriminait par rapport aux autres personnes qui vivent ces situations-là dans leur vie sans avoir une maladie neurocognitive dégénérative qui leur donnerait ce droit à l'aide médicale à mourir. Est-ce que je comprends bien votre argument?

Mme Farmer (Donna) : I believe that's... yes, that's what I saw.

Mme Hivon : O.K., alors, vous, vous nous dites, dans le fond, on ne peut pas le permettre sur la base seule de dire : Si je suis dans telle circonstance, je voudrais l'aide médicale à mourir parce qu'il y a plein de gens qui vivent leur vie avec ces réalités-là qui ne donnent pas accès, en soi, à l'aide médicale à mourir. Donc, je vous comprends, je vous suis, mais, si on amène le critère de la souffrance, donc on a prévu des circonstances, mais il faut que la personne ait des souffrances de manière contemporaine, donc qu'elle soit dans un état de souffrance, et elle remplit tous les critères de l'article 26 de la loi, maladie grave et incurable, souffrance constante, déclin irréversible, est-ce qu'on n'est pas, alors, ailleurs?

Mme Farmer (Donna) : The psychological you're suffering that you're addressing, is it for the loss of ability that you're talking about? Are you talking about a depression kind of psychological suffering? Could you clarify that?

Mme Hivon : Bien, ça peut être différents types de souffrance au même titre où, en ce moment, quelqu'un qui a un cancer va pouvoir avoir accès à l'aide médicale à mourir s'il a une souffrance constante et inapaisable, qu'elle soit physique ou psychologique, parce que l'anxiété, par exemple, de sa situation lui crée énormément de détresse qui est insupportable, ou physique, parce qu'on n'est pas capables de calmer sa douleur physique. Donc, de ce que je comprends, évidemment, des gens qui ont une maladie neurocognitive peuvent avoir une évolution qui va faire en sorte qu'ils vont souffrir. C'est ce que beaucoup de spécialistes nous ont dit.

Mme Farmer (Donna) : Well, if we're talking about physical suffering, I have an easier time with that than psychological suffering, because it's more clearly observable, and measurable, and less subject to bias, less subject to misinterpretation, error and everything else. So, if it's something more... that's dealing more with the physical...

Mme Hivon : Physical, O.K. Est-ce que vous feriez la distinction ou est-ce que, vous, les difficultés générales que vous présentez comme des biais potentiels ou les difficultés d'évaluation vous amènent à dire qu'on ne devrait pas considérer du tout la demande anticipée, ou vous dites oui, mais avec certaines balises qui viendraient être très, très, très bien précisées?

Mme Farmer (Donna) : Are you talking about for mental...

Mme Hivon : Non, je... Non, là je suis pour les maladies comme l'alzheimer, les maladies dégénératives cognitives.

Mme Farmer (Donna) : That is correct, yes. I would say, again, it's... again, it's not known in advance. Secondly, it's the loss that's perceived, it's the disability that's perceived. So, for those neurodegenerative as well as dementially incompetent, inapt, mentally challenged, under curatorship, I feel this extension is not right. I don't think the MAID, Canadian MAID that just extended it to the neurodegenerative is advisable, in my opinion.

Mme Hivon : OK Puis...

Mme Farmer (Donna) : There's also political things too that you can get in trouble for. Canadians can vote if they're under curatorship, Quebeckers cannot. So, if you give... They always measure competency on a case-by-case basis, right? You might be declared under curatorship, but you can make a health care act decision, they say. Although, how they're going to determine that for the mentally incompetent — and that's going to be though difficult? It really needs a lot of payment of... in the health care system, of professionals, and all this. But let's just say you allow for a mentally... a health care decision by the incompetent, he can't do a financial one, but he does have the right to vote.

Mme Hivon : Oui. Si vous pouvez... si je peux me permettre...

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci.

Mme Hivon : ...la loi a été changée récemment pour permettre, dans des circonstances, le vote. Mais enfin, je n'ai plus de temps, mais on pourra en rediscuter.

La Présidente (Mme Guillemette) : Malheureusement non, Mme la députée. Merci pour votre intervention. Donc, je céderais la parole à la députée d'Abitibi-Ouest.

• (13 h 50) •

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci, Mme Farmer, pour votre présentation. Vous dites de faire... que nous devons faire preuve de vigilance face à la santé mentale. J'aimerais vous entendre sur les balises prioritaires que vous vous basez pour une demande d'aide à mourir.

Mme Farmer (Donna) : Well, I mean, if you go ahead with the neurodegenerative case, if that's what you mean, let's say... I do have recommendations if you do go ahead with it if that's what you want to hear. I think we shouldn't, but, if you do, you certainly want to make sure that it's not like planning a vacation. You're not just stamping it with one-hour assessor capped at 50, you know, minutes, the second assessor capped at an hour, and three social work conversations. So, for five hours, you have a journey to your... you'll never return from. But, if you're planning a vacation, it will take far longer than those five hours.

So, they've got to really be like the Europeans, who have a frequency of visits, who deal with psychological, iatrogenic suffering, depression, you've got to have accountability.

Look, the federal Government admits that the lack of services could deter people from getting counselling that they need for their MAID process. And so, what do they say? They say : Great care must be taken by these assessors. What does that mean? How is that measurable? If you read on... in my memoir, some of the ambiguity... Just on the depression question, they say : Is the... your depression... Could depression be a reason for the suicide... the treated depression be a reason for the suicide, yes or no? It shouldn't be such a simple question like that, it should be : Treated or untreated, is it contributing to the suicide, the request for MAID? How is it treated? You know, all these kinds of analysis, I'm afraid, for many people, will not be done, it will be rubber-stamped.

If you look at the cost involved, I mean, I looked at some of the pay scales, you know, a psychiatrist, I think, $400 an hour for a consultation. That's why, probably for Canadian MAID, you have nurse practitioners and some of these things being capped. It's very expensive to really assess properly, and that's where I think we will fail in... especially for the... where there's a psychological component. That's my biggest worry, that it's rushed, rubber-stamped, and not done properly.

And we don't have resources. Read my memoir, I mean... well, you should know more than other people, we're in a very... our health care system is just very fragile right now, very fragile. I mean, we can't even get a doctor's appointment... say, you get 10 minutes max, I mean, if you're lucky. So, for what's required, I think we're not up to it, I don't think.

And so much could be done. Look at Julie Senécal, I think you heard from her recently, she would have opted for MAID, but she's in counseling now, you know. That's significant. She's still alive because she got the resources. That's our biggest, biggest problem, I think.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Donc, je céderais maintenant la parole au député de Mégantic.

M. Jacques : ...Mme la Présidente...

(Panne de son)

La Présidente (Mme Guillemette) : Oh! M. le député, votre micro.

M. Jacques : ...mon micro?

La Présidente (Mme Guillemette) : Oui, ça va. Merci.

M. Jacques : Est-ce que c'est mieux?

La Présidente (Mme Guillemette) : Oui, c'est mieux comme ça.

M. Jacques : Bon. Bonjour, Mme la Présidente. Welcome, Mrs. Farmer. I would like to know something...

Donc, dans le fond, là, je ne veux pas parler, là, des problèmes de santé mentale. Je pense que vous en avez parlé, là, auparavant, avec ma collègue, beaucoup, en faisant allusion au dossier de Mme Senécal, là, qui a réussi à s'en sortir, là, suite à un suivi médical adéquat, là, plus tard, bon.

Je veux revenir, là, sur les cas de maladies dégénératives. Au niveau des maladies dégénératives. Au niveau des maladies dégénératives, vous semblez peu ou pas favorable à tout ça, sauf qu'on sait pertinemment que C-7 est arrivé et que la notion de fin de vie n'est plus requise, là, pour bénéficier de l'aide médicale à mourir. On est confrontés à tout ça, puis il faut trouver la façon d'avancer en sachant... en pouvant s'adapter à C-7 mais aussi en donnant la possibilité à des gens qui souffrent énormément et qui s'attendent à souffrir énormément dans un avenir rapproché ou un peu plus lointain, mais qui voient leur condition se dégrader. Et j'aimerais comprendre, là, et vous entendre, là, par rapport à votre position, là, et de quelle façon on pourrait s'adapter et avancer.

Mme Farmer (Donna) : Well, you are aware that many people... in fact, there was a survey done where 74% of people do not want to go into long term care homes because of the horrible publicity and the terrible state of all the deaths that have... was documented with COVID, right? So, you've got people who are choosing not to have their suffering in long term because of that, and significantly so, and you're also having them choose that, again... Yes, so, they're choosing it, and also for their perception of disability. Whether it's done before or not, I understand that, of course, it has to be done before, because of the waning capacity, but my point remains the same, that it's... all kinds of disabilities, neurodegenerative or not, that... where you are dependent on other people for care, they're... they look sad, but not everybody is sad.

Though I return once again to the discussion I had with... earlier, that it's a disability. Whether we should allow that, I don't know. I'm not particularly of that opinion. And again, the more familiar you already are with dementia, a lot of people are less frightened of that. I mean, a lot of people who worked in long-term care homes don't look at it quite the same way. Others might, however. I don't think that answers your question, or does it? Well...

M. Jacques : O.K. I think I lost a little bit of your...

Juste une dernière petite question, là. Vous disiez que... Vous avez dit qu'il y avait 75 % des gens, là... que la population était en faveur de ça. Votre...

Bien, je vais laisser la parole à un autre collègue, là, parce qu'il ne reste plus de temps, puis ça a l'air que... Excusez.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. le député. Donc, trois minutes, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : I thank you for your presentation. I will ask my question in French because I'm not very good in English, OK?

Mme Farmer (Donna) : I understand.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Bon, vous avez évoqué, tout à l'heure, dans le cas où on décide, exemple, d'aller de l'avant avec, entre autres, des maladies cognitives... et mon exemple, là, le plus flagrant est, entre autres, la maladie d'Alzheimer, advenant le cas où la personne a décidé de signer l'aide médicale à mourir et a décidé du moment où elle veut passer, là... où elle veut avoir l'acte médical à mourir, qui devrait, selon vous, trancher ou décider, là, maintenant... le temps est venu? Est-ce que... les proches aidants, un médecin? Donc, j'aimerais vous entendre à ce niveau-là.

• (14 heures) •

Mme Farmer (Donna) : Well, in the Canadian MAID, they pick your date, and the problem with that is this pressure to pick a date, sometimes excessively early. Some people say : Oh! I know that I don't want to be at the state where I don't recognize my family. And if I had to pick an option, I would prefer that option. I think it places less pressure on the client to hurry, because they don't know when their incapacity will arrive.

I think a descriptive kind of advance request should be allowed and I don't know too much about the different kinds of things, but I did see some tiny differences that, if somebody is mentally handicapped, under curatorship, and they put up their hand and they want to signal that they don't want to die, it's not accepted. Alike, I don't know if I misread, but I think for anybody, for any kind of MAID thing, if there is some gesture of some kind, that should be in the professional's hands. I still would like to see it in the professional's hands rather than in the client's, because cures change, there might be an extremely happy Alzheimer patient, so happy. At that point, do you really want to end their life? I know they thought they should, but that's where the disability and the self-determination are at odds, I think, and that's why...

I know there was... case, you know, the doctor was sued, you know, because they didn't respect the religion when they... So, that caused a whole bit... bunch of problems that you have to always do the request. But I think in other provinces in Canada, it is the health care team that ultimately decides.

That being said, a health care team has to have real unbias and that's why I think you should even go outside of the same hospital network, because networks have their own objectives, they get money, I imagine, for... depending on your performance, I don't know, but I would assume. So, when you go out of the hospital network, you're going to be less biased to have less things... less competing interests or, you know, so, I think that you've got to, for any kind of bias, any of these decisions or for death decisions, you really have to spend money and be unbiased by going outside of the network and rotating, even. Don't just hire the same psychiatrist all the time, cause all these relationships over time can become corrupt. So, that takes money...

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci.

Mme Farmer (Donna) : ...and that takes time in professionals.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. Je céderais la parole au député de Rosemont, qui terminera notre échange. M. le député.

M. Marissal : Merci, Mme la Présidente. Mrs. Farmer, I'll do it in English in order to save some time, I have only four minutes in front of me. You said repeatedly that the more you work with dementia, the less you are afraid by it. Maybe. That's probably true. But the decision to ask for end-of-life care at a certain stage of a disease like dementia or Alzheimer is taken for and by the patient, not by or for the family, or the people surrounding this patient. Right?

So, I am not sure that your statement that we have to get used to it, you have to get family, or with dementia, has anything to do with the will to... someone to ask for end-of-life care because this person doesn't want to live the rest of his, or her life with dementia. So, who are we to decide at some point that, no, you're not going to get it because you'll get used to it?

Mme Farmer (Donna) : Where we draw the line? For example, let's say you have a stroke for patient. The risk of a stroke is high once you had strokes. So, if... Let's say you put now an advanced request : Well, if I have a stroke, that's it, end it. You know, is that... should that be? I mean, where could these things can maybe have no end too? I mean, where will we... We are deciding on dates of life we don't really know about within the inner state. Physical pain is one thing, but internal pain is another.

These are perceptions, these are stereotypes too. Don't forget, these are stereotypes, these are values. They are not... Yes, so answer... So, it comes down, again, to discrimination and self-determination issues too, and they are values. And I am not saying that people have to accept dementia, but I'm just saying some of the statistics of psychologists' associations say that help professionals are biased and so are people, I'm saying.

M. Marissal : Yes, because, in the answer you just gave me, you went from dementia and Alzheimer to strokes, which are two very different things in my mind. With all due respect, we can put some stops. There are some stops possible and that's what we're looking for to find by this consultation, and eventually with a new draft bill, that's what we are trying to define, so there are some stops. It is not open bar, as I said frequently about end of life cares.

You said also, Mrs. Farmer, cures could happen. That's true, I agree with you on that but, at some point, when does care shifts to therapeutic relentlessness on the basis that a cure could happen, maybe in one week, maybe in one month, maybe in one year, or two years, or 10 years, we don't know. So, again, if someone decides in its right mind at some point that I want to finish my life if I get to this condition, is it fair to say : No, you're not getting it because we have to wait just in case a new drug could happen?

Mme Farmer (Donna) : No, I'm not... It wasn't for that reason that I said that they... a cure could happen. It's more that if I say in advance requests happen and you are at the moment of death, do you go ahead with it, the request or not? If there is a cure, then hopefully you wouldn't, one wouldn't but not as a reason for preventing the request.

But it returns again to the fact that this self-determination... Psychological suffering is.... Just because you cannot... you can't recognize somebody, why should you not live? Like...

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme Farmer. Merci, M. le député.

M. Marissal : I get it. Thank you, Mrs. Farmer.

La Présidente (Mme Guillemette) : C'est tout le temps que nous avions.

La commission suspend ses travaux, le temps d'accueillir son nouvel invité. Merci encore d'avoir été présente pour nous cet après-midi, Mme Farmer.

Mme Farmer (Donna) : J'aimerais vous remercier, Mme la Présidente, et tous les députés. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 14 h 09)

(Reprise à 14 h 27)

La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, bonjour. La commission reprend ses travaux et nous accueillons maintenant Mme Guylaine Ricard. Bonjour, Mme Ricard. Donc, on a un problème technique qui nous empêche de vous voir, mais, quand même, on entendra et on pourra faire l'échange avec les membres de la commission. Donc, je vous indique que vous avez 10 minutes pour faire votre exposé, et, par la suite, il y aura un échange avec les membres de la commission. Étant donné le problème technique que nous avons eu au départ, il n'y aura pas un 35 minutes mais on va ajuster le temps en conséquence.

Donc, sur ce, je vous cède la parole, Mme Ricard, pour votre exposé.

Mme Guylaine Ricard

Mme Ricard (Guylaine) : Merci beaucoup. Je veux d'abord vous remercier pour ce privilège d'échanger avec vous aujourd'hui. J'ai simplement envie de vous parler de deux choses, de souffrance et de dignité, rien de bien nouveau en soi puisque ce sont des concepts fondamentaux de la loi sur l'aide médicale à mourir.

J'ai littéralement sauté de joie en juin 2016, au moment où notre société a statué sur le principe du droit de mourir dans la dignité. C'est un principe qui me tient énormément à coeur et j'en ai même fait mon cheval de bataille, ma mission quotidienne.

Depuis plus de 20 ans, comme inhalothérapeute, je côtoie chaque jour de très près la vie, la souffrance et la mort sous toutes leurs formes. J'ai aidé à soulager la douleur de nombreux patients en soin... en fin de vie, pardon. Je ne parle pas, ici, uniquement de soulager leur souffrance physique par des soins de confort, je parle aussi de soulager leur souffrance psychologique en étant à leur écoute, en leur apportant une présence pleine et entière. Je crée, pour ces patients, un environnement calme, réconfortant et apaisant. Je suis là pour eux et je le fais avec toute mon humanité et ma compassion.

Le droit de mourir dans la dignité a pris récemment un tour très personnel pour moi. Voyez-vous, ma maman est atteinte de la maladie d'Alzheimer. Elle sait très bien ce qui l'attend. Elle est consciente... elle est... Excusez-moi. Elle est consciente de tout ce qui l'attend, de tout ce qu'elle est en train d'oublier et de tout ce qu'elle ne sera plus. Elle est consciente de toute la souffrance que cette maladie lui affligera, à elle et à ses proches. Excusez-moi.

La Présidente (Mme Guillemette) : Allez-y. Prenez votre temps.

• (14 h 30) •

Mme Ricard (Guylaine) : Dès le lendemain de l'annonce de son diagnostic, ma mère a exprimé clairement le désir de recevoir l'aide médicale à mourir lorsque sa maladie sera trop avancée. Elle le fait encore, d'ailleurs, très régulièrement, clairement et sereinement. Malheureusement, nous devons chaque fois lui expliquer qu'elle n'y a pas droit, que la loi ne le lui permet pas. On doit lui répéter parce qu'elle oublie, donc, à chaque fois, elle subit une souffrance intérieure de plus. Nous devons, en quelque sorte, lui expliquer qu'elle est condamnée à souffrir et ça nous brise le coeur chaque fois. Spontanément, ma maman nous répond que ça n'a pas de bon sens, que ce n'est pas humain de faire ça, qu'on ne laisserait même pas un animal souffrir de la sorte. Alors, dans ces moments de détresse de plus en plus fréquents, maman demande à mon père de la placer en institution pour ne pas lui infliger tout ça, elle ne veut pas devenir un fardeau pour lui.

La démence est une maladie terrifiante parce qu'on ne fait pas que perdre la mémoire, on perd aussi notre capacité de comprendre ce qui nous arrive, de décider et même d'aimer. On ne sait même plus comment dire qu'on a faim ou qu'on a mal à la tête. La démence condamne à une souffrance qui s'accentuera avec le temps et pour laquelle on n'a rien pour la soulager, pas de traitement, de thérapie, d'infiltration, de médication ou d'antidouleur, rien, même pas de soutien psychologique. Ces êtres humains sont totalement laissés à eux-mêmes avec leur souffrance, tant de souffrances qu'on ne peut pas soulager.

Saviez-vous qu'avec le vieillissement de la population on prévoit qu'en 2031 entre 23 % et 25 % des personnes âgées de plus de 65 ans seront atteintes d'une forme de démence? Saviez-vous qu'actuellement 29 % des Québécois ont un membre de leur famille atteint de la maladie d'Alzheimer? Ces chiffres sont troublants.

Pendant que nous refusons l'AMM aux personnes atteintes de démence, nous excluons chaque jour, depuis des décennies, des personnes dont la condition est irréversible et incurable, et nous leur offrons des soins de confort. Nous devons le faire encore plus souvent depuis l'arrivée de la COVID. Dans bien des cas, le patient est complètement inconscient, et nous procédons avec le consentement éclairé de la famille par le personnel soignant. La famille parle alors au nom de l'être cher, convaincue que c'est ce que ce dernier aurait voulu. Notre société considère que c'est une question de dignité. De plus, nous acceptons depuis juin 2021 d'aller de l'avant avec l'aide médicale à mourir lorsque le patient est inconscient ou confus, si celui-ci en avait préalablement fait la demande. Cela aussi est maintenant considéré comme une question de dignité. Si on accepte de le faire dans ces cas-là, pourquoi ne pas accepter de le faire pour des personnes atteintes de démence qui ont consenti à l'AMM, en toute connaissance de cause, avant d'être trop confuses? N'est-ce pas là, dans le fond, la même chose, et n'est-ce pas là aussi une question de dignité?

À ceux et celles qui ont peur des dérapages, je réponds qu'on ne fait que respecter la décision de la personne. Ça aussi, c'est une question de dignité. Refuser l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes de démence, c'est de les condamner à vivre constamment dans la peur de devenir une coquille vide. Être libérées de cette peur leur apporterait un immense soulagement. Être libérées de cette peur leur permettrait de vivre plus sereinement leur quotidien. N'est-ce pas cela aussi la dignité?

Et je peux vous dire, parce que j'en ai été témoin, à partir du moment où la personne reçoit l'approbation de sa demande d'aide médicale à mourir, un sentiment profond de libération s'installe en elle. J'ai eu aussi le privilège d'être témoin des dernières minutes avant l'administration de l'aide médicale à mourir. Je vous jure, je n'ai jamais vu de ma vie une telle sérénité, une paix si profonde. C'est presque troublant.

Je me souviendrai toujours d'une patiente que j'avais amenée dehors, par une magnifique journée ensoleillée, sa dernière sortie juste avant le grand départ. À un certain moment, je lui ai demandé si elle avait peur. Elle m'a regardé avec stupéfaction et elle m'a répondu tout doucement, avec un sourire radieux : Mais de quoi veux-tu que j'aie peur, Guylaine? C'est la fin de mes souffrances.

Je n'impose aucunement ma vision des choses. À chacun sa vérité. Je vous demande simplement, du plus profond de mon coeur, d'offrir la possibilité de choisir, c'est tout.

Je respecte les médecins qui ne sont pas à l'aise avec l'administration de l'aide médicale à mourir. Ils ont parfaitement le droit de ne pas le faire si cela va à l'encontre de leurs valeurs. Je les invite simplement à faire appel à des collègues qui sont disposés à le faire. Une liste existe déjà pour cela.

Je comprends aussi les médecins qui sont désemparés, parfois, devant un malade souriant qui ne semble pas souffrir le jour où il doit recevoir l'aide médicale à mourir. Toutefois, si la souffrance était un critère retenu, je peux vous dire... qu'elle n'aurait simplement pas lieu, parce que le sourire radieux est toujours au rendez-vous. Combien de fois entendons-nous des personnes endeuillées se consoler en disant qu'au moins l'être cher n'a pas souffert?

La mort est un passage obligé pour chacun de nous. De l'avoir côtoyée m'a offert une très grande leçon de vie, la profonde conviction que la fin de la souffrance et la mort, autant pour le patient que pour ses proches, peuvent devenir vraiment... si on lui permet de briller. En fait, qui de mieux placé que la personne concernée pour choisir le déroulement de ce passage si important?

Pour moi, étendre l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes de démence est un grand geste d'humanité, de compassion, de respect et d'amour. Pour moi, leur redonner le droit de choisir... cesser de souffrir, c'est leur redonner une partie de la dignité que la maladie leur a volée.

Je vous demande de modifier la loi parce que ma maman me le demande, parce que je souhaite joindre ma voix à celle de Sandra Demontigny qui lance un cri du coeur depuis plusieurs mois, voire des années, et joindre aussi ma voix à tous ceux et celles qui désirent recevoir l'aide médicale à mourir en cas d'inaptitude.

Je vous demande d'accorder aux personnes atteintes de démence le droit de mourir dans la dignité. Vous savez, de la souffrance irréversible et incurable, c'est de la souffrance. Qu'elle soit physique, psychologique, cognitive ou mentale, c'est de la souffrance. Et je crois profondément au fond de mon coeur que chaque être humain mérite de recevoir ce droit fondamental que de mourir dans la dignité.

En terminant, permettez-moi de suggérer d'inclure la demande d'aide médicale à mourir dans le mandat d'inaptitude. On simplifierait beaucoup de choses pour les médecins, la famille ou toute autre personne concernée. Le fait de savoir que son choix sera respecté en cas d'inaptitude rassurerait aussi beaucoup les personnes malades. La société québécoise a embrassé la loi sur l'aide médicale à mourir, elle est prête à faire un pas de plus, j'en suis persuadée. La décision est maintenant entre vos mains.

Je vous remercie infiniment de votre attention.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme Ricard. Je céderais maintenant la parole à la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui. Bonjour. Merci beaucoup, Mme Ricard, pour un exposé très clair et très incarné. Merci d'avoir partagé aussi votre propre expérience personnelle. Vous insistez beaucoup sur la notion de souffrance. Ça vient me rejoindre parce que c'est vraiment au coeur de mes réflexions aussi.

Donc, je veux juste savoir, par exemple, dans le cas de votre mère, est-ce que, dans votre optique, dans ses directives anticipées, elle inscrirait tout simplement : Si je suis en état de souffrance, je veux recevoir l'aide médicale à mourir ou si elle décrirait des situations?

Mme Ricard (Guylaine) : Elle souhaiterait décrire des situations.

Mme Hivon : O.K. Vous avez probablement assisté à une partie de nos échanges, je ne le sais pas, mais il y a un grand débat à savoir si le seul fait de décrire des situations devrait donner ouverture. Parce qu'évidemment on comprend toutes les assises en lien avec le principe d'autodétermination de la personne, mais cela voudrait dire que l'on met de côté l'évaluation de la souffrance contemporaine. Vous, vous semblez partir du point de vue où il y aura nécessairement une souffrance lors des stades avancés de la maladie. Il n'y a pas de consensus là-dessus. Puis là on nous a... je vous amène ça, vous avez l'air de quelqu'un qui a beaucoup réfléchi à la question, on nous a aujourd'hui amené cette idée que, dans le fond, pourquoi une personne, parce qu'elle a une maladie neurocognitive dégénérative, pourrait avoir accès automatiquement à l'aide médicale à mourir si elle l'a prévu à l'avance, alors qu'une personne qui est toujours apte, qui n'a pas une maladie neurodégénérative mais qui, par exemple, vit la difficulté de l'incontinence, de ne plus se nourrir par elle-même, ne pourrait pas l'avoir parce qu'elle n'est pas sous-jacente à une maladie grave et incurable. Donc, je vous soumets ça, parce que c'est une nouvelle question qui a été amenée devant nous aujourd'hui.

• (14 h 40) •

Mme Ricard (Guylaine) : Parfait. Moi, je vous dirais qu'actuellement ma maman souffre déjà beaucoup. Ayant côtoyé cette maladie-là dans ma vie personnelle mais aussi à l'hôpital, de se perdre complètement amène nécessairement une souffrance qui devient de plus en plus intolérable. Donc, pour moi, la présence de souffrance à l'intérieur de cette maladie ne fait aucun doute, et plus cette maladie-là augmente dans le temps, plus elle devient atroce. Moi, j'ai rencontré des patients à l'hôpital où est-ce que... c'est très troublant, c'est très troublant. Je ne sais pas si vous avez déjà visité un département de personnes atteintes de troubles cognitifs, mais ça ne fait aucun doute que la souffrance est présente.

Mme Hivon : Oui, en fait, je le fais à toutes les semaines, moi aussi, donc je suis très confrontée aussi à cette réalité-là, et je connais quelqu'un proche de moi qui, en fait, je pourrais dire, était probablement dans la même position que votre mère, dans le sens que c'était quasiment une obsession de demander l'aide médicale à mourir dans les premiers stades de la maladie, et l'évolution des choses a été très surprenante parce qu'une fois face à toutes sortes de pertes, c'est comme si la personnalité de cette personne-là avait changé. Et puis, tu sais, on m'a rapporté, compte tenu que j'ai cette connaissance-là, des cas similaires, et c'est très confrontant, donc autant d'un point de vue de législateur que personnel, ça fait que c'est pour ça que je vous pose la question. Puis je comprends très bien la position de laquelle vous partez puis dans laquelle vous êtes. Nous, c'est juste, tu sais, on doit se poser la question jusqu'où va le rôle de l'État d'accompagner chaque personne dans ses volontés, où on met le curseur, parce que des volontés de gens, pendant leur vie, il y en a des tonnes, et où c'est le rôle de l'État, jusqu'où va le rôle de l'État, vous comprenez?

Mme Ricard (Guylaine) : Mais est-ce qu'à ce moment-là on ne pourrait pas simplement faire une évaluation comme il se fait actuellement pour l'aide médicale à mourir par des médecins, à savoir est-ce que la personne comprend très bien l'enjeu qui se présente devant elle, soit l'aide médicale à mourir? Parce que, moi, j'ai accompagné des gens au travers du processus de l'aide médicale à mourir de très près, et certaines de ces personnes-là avaient des maladies incurables, n'étaient pas nécessairement en fin de vie, parce que le mot «fin de vie» a été retiré, et qui ont quand même eu accès à l'aide médicale à mourir à un moment où ils ont dit : C'est assez, je considère que ma souffrance est insupportable.

Donc, la question que je demande, c'est : Pourquoi une personne qui est en perte cognitive ne pourrait pas décider qu'à partir, par exemple, je ne sais pas, moi, d'un moment à partir... que je dois être placée dans une institution à partir du moment où je ne reconnais plus les gens que j'aime ou à partir du moment où je n'aurai plus de qualité de vie? Je crois que ça peut être très ressemblant à ce qu'on vit actuellement en 2021 avec l'aide médicale à mourir.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci, Mme Ricard.

Mme Hivon : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, merci, Mme la députée de Joliette. Je passerais la parole à la députée de Soulanges.

Mme Picard : Bonjour, Mme Ricard. J'aimerais m'entretenir avec vous au sujet... vous avez mentionné le mandat d'initiative, vous avez mentionné que vous, vous incluriez la demande d'aide médicale à mourir dans le mandat d'initiative. Bon, en ce moment, il y a vraiment beaucoup de formulaires et de choses qu'on peut remplir en fin de vie, on a l'aide médicale à mourir, on a les DMA, on a le testament, on a le mandat d'initiative, on a les niveaux de soins. Par contre, dans votre suggestion de l'inclure dans le mandat d'initiative, ma question est plutôt par rapport à... que c'est coûteux pour les familles. Je trouve que c'est un processus où nécessairement les gens doivent débourser pour avoir un mandat. Donc, comment vous voyez ça pour que ce soit plus accessible pour les familles qui ont moins d'argent?

Mme Ricard (Guylaine) : Bien, c'est une bonne question que vous me posez. Bien, moi, je crois, de toute façon, quand on fait face à une maladie comme la maladie d'Alzheimer, le mandat d'inaptitude est presque nécessaire, dans le sens qu'on sait très bien que la personne, un jour ou l'autre, ne pourra plus être en mesure de gérer sa propre vie, donc quelqu'un doit être mandaté absolument pour que tout ça puisse se faire selon les règles de l'art. Donc, je crois que la plupart des gens qui ont cette situation-là dans leur vie se retrouvent devant un peu cette obligation-là d'avoir un mandat d'inaptitude au départ.

Mme Picard : D'accord. Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée. Donc, je céderais la parole à la députée de Saint-François.

Mme Hébert : Merci, Mme la Présidente. Je vais vous permettre... Bonjour, Mme Ricard. Je vais vous permettre de continuer dans la lignée de ma collègue la députée de Joliette. Je vais aller dans le même sens et j'aimerais que vous élaboriez un petit peu plus sur... Vous avez dit que la situation que la personne aurait établie en début, pendant qu'elle est apte puis qu'elle a le diagnostic de sa maladie, la situation qu'elle a énoncée, qui serait pour elle une souffrance, on parle d'une souffrance anticipée, vous dites que ça primerait sur la souffrance qui serait contemporaine, comme on utilise, là, qui serait actuelle au moment, tu sais. C'est ce que vous dites?

Mme Ricard (Guylaine) : Excusez-moi, je ne suis pas sûre de bien comprendre votre question.

Mme Hébert : Parfait. Alors, disons qu'on parle de votre maman, du temps qu'elle était apte, parce que, là, à ce que j'en comprends, votre maman est rendue... est considérée comme inapte, à ce stade-ci. Est-ce que c'est ça?

Mme Ricard (Guylaine) : En fait, elle n'est pas considérée inapte actuellement parce que mon papa s'en occupe au complet. Mais, si mon père, par exemple, décéderait demain matin, elle deviendrait officiellement inapte, là, je devrais prendre en charge toute la... tout ce qui se passe pour elle.

Mme Hébert : O.K. Donc, dans le cas d'une personne qui est inapte... qui est apte, puis qu'elle prend la décision, avec un comité d'experts, là, son médecin, travailleur social, la famille, elle détermine... Vous, ce que vous dites, c'est qu'elle doit déterminer la situation qui va faire le déclenchement de son aide médicale à mourir qu'elle a demandée, là, donc le déclenchement du processus pour enclencher ce processus-là, là, de faire l'administration, c'est une situation au lieu de la souffrance, parce que c'est une situation qui va lui créer une souffrance qu'elle anticipe qui va être à ce moment-là, versus une souffrance qu'elle vivrait dans une... peut-être pas rendue à cette étape-là, mais qu'elle pourrait vivre une grande souffrance, une grande anxiété, puis, là, elle n'aurait pas le droit, parce que ce n'est pas la situation qu'elle a demandée. C'est ça, le but de ma question.

Mme Ricard (Guylaine) : O.K. C'est un point très intéressant, j'avoue. Je crois que les deux possibilités, en fait, pourraient être bonnes, dans le sens que je pense que quand on se connaît bien, qu'on a pris des décisions toute notre vie, je crois qu'on est capable de savoir quelle situation serait pour nous inacceptable.

Par contre, si cela poserait un problème, évidemment, ça pourrait être aussi validé selon la souffrance actuelle, s'il y a une situation qui se produit, comme vous dites, puis que la personne souffre de façon que c'est une évidence, ça pourrait aussi être décidé, à ce moment-là, par la personne qui est mandatée, de dire... Parce que, tu sais, dans la vie de tous les jours, là, souvent, c'est la famille ou le mandataire qui va prendre la décision, là, comme je vous dis, là, ce n'est pas toujours fait par le patient. Même dans les soins de confort, qu'on connaît depuis des années, c'est souvent la famille qui va intervenir puis qui va dire : O.K., on arrête parce que ça ne fait plus de sens, là, tu sais.

Ça fait que je pense que ça pourrait être des choses qui se ressemblent, autant pour les soins de confort actuels que de l'aide médicale à mourir, que le patient dit : O.K., c'est assez, j'arrête, parce que ça, je ne conçois plus ça, là, tu sais, c'est trop pour moi, là.

• (14 h 50) •

Mme Hébert : Parfait. Alors, ce que vous dites, c'est que c'est la famille qui va avertir l'équipe médicale pour dire : Là, même si on n'est pas rendus à la situation que ma mère a choisie puis que, pour elle, ce serait une souffrance, puis c'est là qu'elle voulait se rendre, là, on voit qu'elle souffre trop puis on aimerait qu'elle soit évaluée pour qu'on puisse administrer l'aide médicale à mourir. C'est ce que vous dites?

Mme Ricard (Guylaine) : Oui, ça pourrait être une possibilité aussi.

Mme Hébert : Parfait. Éventuellement...

Mme Ricard (Guylaine) : ...

Mme Hébert : Oui, allez-y.

Mme Ricard (Guylaine) : Excusez-moi. Souvent, ces décisions-là, c'est pris en concert avec le personnel soignant, la famille, puis ce qu'on connaissait du patient, c'est... puis selon ce qu'on peut offrir, parce qu'à un moment donné, quand la médecine est arrivée au bout de ces possibilités-là, il y a même des comités d'éthique parfois qui embarquent dans des dossiers, parce qu'il y a de l'acharnement thérapeutique qui ne fait plus de sens. Donc, c'est souvent par différents moyens qu'un patient peut arriver soit à avoir un arrêt de traitement, des soins de confort, puis tout ça, tu sais.

Comme moi, par exemple, si, aujourd'hui, je décidais que je ne veux pas être réanimée, que, si je dois être dialysée, je refuse ça, je vais avoir le droit de le faire, même à mon âge. Donc, je ne vois pas pourquoi que, parce que tu es atteinte d'une maladie cognitive, tu perds tout le contrôle des décisions que tu peux prendre dans ta vie. Puis moi, j'ai déjà vu des malades très, très malades à l'hôpital, puis ils ne voulaient pas se faire soigner, puis on leur faisait signer des refus de traitement, puis on les laissait partir à la maison sachant très bien que ça ne marcherait pas.

Donc, tu sais, à différents niveaux, dans différentes situations, chaque être humain a le droit de décider qu'est-ce qui est acceptable ou pas pour lui puis d'aller de l'avant dans cette direction-là. Donc, c'est ça, moi, j'ai un très grand malaise, parce que c'est une maladie cognitive, puis, là, je ne parlerai pas des maladies mentales parce que ce n'est pas dans mon expertise, sauf que souvent, les maladies cognitives ou mentales, c'est un peu les délaissées de la médecine actuelle, là. C'est comme si c'est des souffrances qui sont comme permises de tolérer ça, d'une certaine façon, puis ça, je trouve ça absolument malheureux parce que si c'était une douleur physique, présentement, on ne serait pas en train de discuter de ça, parce que c'est déjà statué comme étant une chose acceptable pour notre société.

Donc, c'est très... je trouve ça très triste qu'il y ait comme des gens qui sont dans une espèce de catégorie que, là, on va considérer leur décision, leur choix ou leur perception d'une façon différente à celles qui ont une maladie physique reconnue par la médecine. C'est là mon interrogation, puis je ne comprends pas pourquoi que l'enjeu devient aussi important, parce qu'on parle de dignité, on parle de souffrance incurable, on parle de souffrances qui sont irréversibles, puis qu'on sait très bien, tout le monde, jusqu'où que ça peut mener. Je veux dire, je vais m'abstenir de détails, là, mais c'est affreux, là, c'est... puis je crois qu'il n'y a aucun être humain qui accepterait de se voir dans des situations comme ça.

Et je respecte ceux qui veulent aller jusqu'au bout. Je n'impose, comme je disais tantôt, aucunement ma vision des choses. Sauf que je ne comprends pas que quelqu'un qui dit : Moi, je décide que je ne veux pas vivre ça, tout comme quelqu'un qui apprend qu'il a un diagnostic de cancer et qui dit : Je refuse la chimiothérapie palliative, je refuse tout traitement, je vais retourner à la maison et je vais revenir quand ce sera le temps d'avoir soit un soin de confort ou de l'aide médicale à mourir... L'être humain a présentement le droit de faire un choix quant aux traitements qui vont lui être administrés, sauf dans des cas de maladie cognitive.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme Ricard. Merci, Mme la députée. Nous allons poursuivre notre discussion avec la députée de Mille-Îles.

Mme Charbonneau : Bonjour, Mme Ricard.

Mme Ricard (Guylaine) : Bonjour.

Mme Charbonneau : Merci de nous présenter votre mère, votre condition familiale et votre expérience, parce qu'on a entendu des spécialistes, on a entendu des regroupements, mais d'entendre quelqu'un qui au quotidien doit, je vous dirais, planifier sa journée dans le principe de ce qui va se passer, ça peut changer toute une façon de percevoir la problématique.

Je vous pose ma première question. On a entendu une personne nous dire que quelquefois, une personne qui souffre de l'alzheimer, puis ma collègue de... je pensais que ma collègue de Joliette était pour y toucher, elle y a touché un petit peu, là, mais la personne change de personnalité, hein, elle devient dans un... elle fait son parcours, puis la maladie prend la place, puis, là, tout à coup, la personne change un peu, et, de ce fait, on devrait peut-être, de notre côté, puis je vous donne la réflexion, là, je vous donne... ce n'est pas une position, mais on devrait, de notre côté, se dire : Bien, c'est à nous de s'ajuster à cette personne-là, cette nouvelle personne là qui se transforme, hein, qui devient quelqu'un d'autre parce que l'alzheimer la change, plutôt que d'acquiescer à ses demandes qui ont été faites quand elle était apte, quand elle a dit : Moi, si j'arrive à ne... si je n'arrive plus à reconnaître mes enfants, pour moi, c'est la fine ligne qui dit que j'aimerais ça qu'on m'aide à mettre fin à ma vie. De ce fait, rendue à ce moment-là, elle est heureuse, elle n'est pas malheureuse, c'est juste qu'elle ne reconnaît plus son monde, c'est à... ce serait à nous de s'approprier cette nouvelle personne là plutôt que de répondre à sa volonté.

Vous en pensez quoi? Parce que ce que je comprends d'où votre mère est rendue en ce moment, c'est qu'elle est encore apte à prendre des décisions, puis elle est toujours... merci à votre père d'être son proche aidant au quotidien, là, mais elle est encore capable de fonctionner dans la réalité que vous connaissez.

Mme Ricard (Guylaine) : Absolument.

Mme Charbonneau : À ce moment-là, est-ce que vous seriez d'accord à ce qu'on dise : C'est à nous de s'ajuster à elle plutôt que de répondre à une volonté qu'elle avait avant de basculer dans un monde obscur de l'alzheimer?

Mme Ricard (Guylaine) : Laissez-moi une seconde pour...

Mme Charbonneau : Oui, oui.

Mme Ricard (Guylaine) : Je vous dirais que lorsqu'on fait... lorsqu'on a une personne Alzheimer autour de nous, de s'ajuster à elle fait partie du quotidien. J'ai suivi une formation à la maison d'Alzheimer, et ce qu'ils... ils parlaient de deuil blanc. C'est qu'en fait, effectivement, on voit la personne disparaître devant nous alors qu'elle bouge encore, mais cette personne-là... J'ai beaucoup de difficultés à croire qu'on puisse être heureux alors qu'on ne sait même plus qu'on existe. Là, on rentre dans des définitions de qu'est-ce que le bonheur alors que tu n'as plus de plaisir, tu n'as plus de conscience, tu n'as plus... tu n'es plus maître de ta personne, de ta tête, de ton âme, tu ne fais qu'exister, respirer.

Moi, j'ai vu des gens couchés en petite boule dans un lit, qui ne sont plus capables de parler, qui ne veulent plus qu'on les approche, qui n'ont aucun... aucune retenue sur leurs besoins essentiels. Comme je vous disais, ils ne sont même plus capables de nous dire qu'ils ont mal à la tête. Donc, moi, de penser qu'une personne, dans de telles conditions, ne souffre pas, pour moi, c'est inconcevable.

Et présentement ma mère est loin d'être avancée, mais ma mère, présentement, elle est profondément malheureuse, je le sais. Elle a extrêmement peur et elle se voit partir. En tout cas, jusqu'à présent, dans mes 20 ans de profession dans le milieu de la santé, j'ai rarement vu des gens qui semblaient heureux dans de telles conditions.

Mme Charbonneau : Je comprends. Puis comme vous le...

Mme Ricard (Guylaine) : Je crois qu'à un moment donné la médecine a des limites, puis, en plus, on n'a rien à offrir à ces gens-là. Ils ne peuvent même plus communiquer avec nous, ils ne peuvent même pas nous dire leurs besoins essentiels, leurs maux. S'ils ont une infection urinaire, ils vont l'exprimer comment? Ils ne sont même plus capables de l'exprimer. Ils ont de la misère... Ma maman, présentement, elle a de la misère à nous décrire... quand elle a une douleur, elle commence à avoir de la misère à nous la décrire. Donc, comment soulager quelqu'un qui n'est même plus capable de dire : J'ai mal à telle place, ça fait telle sensation? On ne peut rien faire pour eux. Donc, de penser que la douleur est absente, pour moi, excusez-moi, mais ça ne fait pas de sens.

Mme Charbonneau : Je comprends. Je vous pose...

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée de Mille-Îles, c'était tout le temps que nous avions avec Mme Ricard. Je passerais la parole à notre dernier intervenant, le député de Rosemont.

• (15 heures) •

M. Marissal : Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Ricard. Même si on ne vous voit pas, on comprend l'émotion de votre témoignage, là, puis vous avez tout notre respect. Effectivement, c'est des moments extrêmement difficiles que de passer à travers ça.

Cela dit, vous avez soulevé des chiffres et des statistiques tout à l'heure. Mes collègues savent, là, depuis le temps qu'on fait les consultations, qui m'arrive aussi de citer des chiffres et des statistiques, parce que, parfois, ça parle. Ça ne dit pas tout, là, mais c'est un indicateur. Vous avez dit, et je ne les ai pas notés précisément, là, mais qu'autour de 25 % des gens de 70 ans, je crois, et plus, dans 10 ans, donc en 31, auront, éventuellement un diagnostic soit d'Alzheimer soit de démence. Ne me tenez pas rigueur, là, si c'est 65, 70 ou 75. De toute façon, à la fin, mon point là-dessus, c'est que ça fait des milliers et des dizaines de milliers de personnes. Moi, je cite souvent l'autre chiffre qui dit qu'en ce moment il y a 150 000 personnes, au Québec, qui ont un diagnostic d'Alzheimer et il y en aura 260 000 dans 15 ans, donc, peu importe, là. Tu sais, je ne veux pas faire une avalanche de chiffres, là. Tout ce que je veux dire, c'est qu'à la fin ça fait, dans ce cas-ci, des centaines de milliers de personnes qui sont touchées, et ça pourrait vouloir dire, avec un élargissement de la loi de l'AMM, des dizaines de milliers de personnes, donc, qui choisissent la mort chaque année.

Je ne porte pas de jugement de valeur là-dessus. Moi, j'ai ma petite idée là-dessus, mais en tant que société, là, pensez-vous qu'on est prêts — parce que 10 ans, ce n'est pas loin, là, c'est vraiment demain, là — pensez-vous qu'on est prêts à vivre, oui, le verbe est bien choisi, à vivre avec ça, des dizaines de milliers de personnes qui choisissent la mort chaque année?

Mme Ricard (Guylaine) : Bien, moi, je crois que oui, monsieur, parce que, présentement, nous provoquons la mort de, je n'ai pas de statistique par rapport au nombre de personnes que nous mettons en soins de confort, puis là, moi, je peux juste vous dire, quand, en tant qu'inhalothérapeute, j'extube un patient pour le mettre en soins de confort, c'est très, très près de l'aide médicale à mourir, parce que nous savons pertinemment bien, à ce moment-là... même parfois on le fait, puis la famille est juste en arrière de la porte, puis on se dépêche parce qu'on le sait que, si on ne fait pas rentrer la famille dans les secondes, voire minutes, là, qui suivent, la personne va être décédée avant qu'elle ne rentre.

Donc, on le fait présentement de façon très générale. Moi, ça fait 20 ans que je suis dans le milieu, ça fait 20 ans qu'on pose ces gestes-là sans avoir aucun... sans... en fait, en considérant que c'est quelque chose de digne et c'est que c'est éthique de faire ça. Parce que de faire souffrir une personne inutilement, c'est... excusez-moi, je ne trouve pas le mot, là, mais, pour nous, c'est comme inacceptable, puis pour bien des familles aussi. Parce que des familles qui voient leurs gens souffrir, que ce soit de souffrances physiques ou psychologiques, c'est déchirant, ça fait beaucoup plus mal que de laisser la personne partir puis d'admettre que la mort, c'est quelque chose de naturel puis de normal dans la vie, là. On n'est pas dans une société qui aime ça voir mourir les gens, là, mais ça fait partie de la vie.

Donc, non, moi, je pense que les gens seraient prêts à ça, puis, de toute façon, ça ne concerne pas le voisin. Si, nous, on décide, par exemple, que ma mère puisse avoir le recours, si un jour c'est accepté, le voisin, si ça ne lui convient pas, on n'oblige personne à adhérer à ça. C'est comme juste d'offrir un choix.

Puis je pourrais vous reposer la question : Mais qu'est-ce qu'on va faire avec tous ces gens-là, monsieur, si on n'aide pas les gens à avoir une fin digne, qu'est-ce qu'on va faire avec toutes ces centaines de milliers de personnes là qui ont une démence? Comment on va s'en occuper, en tant que société, de ces gens-là? Il y a deux questions à ce niveau-là? Puis les deux, on n'a pas... tu sais, présentement, on a de la misère, avec les CHSLD, à fournir pour avoir des soins adéquats, respectueux pour les gens qui ont perdu plusieurs aptitudes. Donc là, on va faire quoi en tant que société pour bien prendre soin de ces gens-là? Parce que ce n'est pas juste de les caser dans une chambre, puis de fermer la porte, puis de barrer le département pour ne pas qu'ils se sauvent. Ça va bien au-delà de ça, là. Puis on a un système de santé, là, qui est très malade présentement, là. Ça fait que dans 10 ans, là, ça va être une grosse... Tu sais, cette question-là est aussi grande que de se poser la question que si on ne fait l'aide médicale à mourir, là, il y a des conséquences concrètes à ça, là. Puis le fond de ça, c'est plutôt de permettre au monde de mourir dans la dignité. Ce n'est pas digne de... Je vous le dis, ils ne savent même plus qu'ils existent, ces gens-là, là. Donc, ceux qui...

M. Marissal : Je n'ai plus de temps, Mme Ricard. Je vous remercie énormément, puis vous avez contribué à notre réflexion. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, M. le député. Merci beaucoup, Mme Ricard, d'avoir été avec nous cet après-midi pour nous faire ce témoignage et pour répondre, bien sûr, à nos questions.

Donc, la commission suspend ses travaux le temps d'accueillir le nouvel intervenant. Merci, Mme Ricard, encore une fois.

Mme Ricard (Guylaine) : Je vous remercie infiniment.

(Suspension de la séance à 15 h 06)

(Reprise à 15 h 07)

La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, la commission reprend ses travaux. Nous accueillons maintenant M. Jonathan Marchand. Bienvenue cet après-midi avec nous, M. Marchand. Merci, d'abord, merci d'être présent. Vous disposez de 10 minutes pour nous présenter votre exposé et, par la suite, il y aura un échange avec les membres de la commission pour une période de 35 minutes. Donc, je vous cède maintenant la parole, M. Marchand.

M. Jonathan Marchand

M. Marchand (Jonathan) : Parfait. Bien, merci beaucoup. Je tiens à remercier la Présidente, Mme Guillemette, pour cette invitation à m'exprimer sur ce sujet important.

Je suis un ingénieur réseau senior en informatique, je suis un activiste, et un défenseur des droits des personnes handicapées. Je suis atteint d'une condition dégénérative, une forme de dystrophie musculaire, et j'ai un handicap depuis le tout début de ma vie. Je comparais devant vous depuis l'hôpital Sainte-Anne-de-Beaupré. Après un combat acharné mais inachevé, je m'apprête à quitter cet endroit et retourner vivre parmi vous, dans la communauté. Je m'oppose à l'élargissement de l'aide médicale à mourir parce que la mort dans la dignité n'existe pas sans la vie dans la dignité. J'ai 44 ans, et tout comme Jean Truchon, j'ai été contraint de vivre ici pendant près de 10 ans. Je me bats pour retrouver ma liberté et ouvrir un chemin dans la vie en communauté pour tous, parce que vivre dans la communauté, c'est un droit humain. Avant d'être prisonnier du système institutionnel, j'avais une vie bien remplie, j'avais du succès. En 2010, suite à une grave pneumonie, je me suis retrouvé aux soins intensifs. On m'a fait une trachéostomie d'urgence pour m'aider à respirer avec l'aide d'un respirateur artificiel. On m'a expliqué que, désormais, quelqu'un devait être avec moi 24 heures sur 24 au cas où j'aurais besoin d'aide. Incapable de parler, plusieurs médecins ont fait pression sur moi pour que j'accepte l'euthanasie, les soins de confort, comme ils appellent ça, pour mettre fin à mes jours, ce que je n'ai jamais demandé.

• (15 h 10) •

J'ai passé les prochaines semaines en réflexion, en pleurant toutes les larmes de mon corps, parce que ma vie est vraiment terminée. Pourquoi? Cette idée ne m'avait jamais traversé l'esprit. J'allais de mieux en mieux, mais perdre le contrôle sur ma vie, être complètement dépendant des autres et devenir un fardeau pour mes proches, ça, ça m'était insupportable.

Il n'existe pas de service de soutien adéquat pour vivre en dehors des centres hospitaliers. Je devais choisir entre la mort ou vivre dans un hôpital ou en CHSLD le restant de mes jours. J'ignorais ce qu'étaient les CHSLD. Jamais on ne m'a offert le choix de pouvoir continuer de vivre ma vie à domicile avec l'assistance requise. Je n'étais pas prêt à abandonner mes proches, j'ai signalé mon refus à être euthanasié, ce qui reviendra me hanter. Les professionnels ont ensuite tenté de me réadapter en me retirant le respirateur artificiel pour que je puisse retourner à la maison. Ce fut un échec car mes muscles étaient trop faibles.

Le message qu'on t'envoie, c'est que c'est toi et ton handicap, le problème. C'est très facile d'interniser que tu es une personne profondément malade, que c'est de ta faute, que ta vie ne vaut rien, que tu dois te contenter du peu qu'on t'accorde, que tu es un objet de charité et de pitié, qu'il vaut mieux mourir que d'être comme toi, un pauvre handicapé. J'ai commencé à m'en vouloir.

Comme Jean Truchon, on m'a refusé l'aide à domicile dont j'avais besoin. Je me suis plaint aux plus hautes instances, on m'a répondu que c'était une question politique car vivre dans la communauté avec le soutien nécessaire n'est pas un droit.

Après deux ans et demi à l'hôpital, je me suis retrouvé dans un CHSLD. Cet endroit est une prison médicale. Tu n'as plus le choix de l'endroit où tu vas vivre et avec qui. Ta vie de couple, c'est terminé, tu ne peux pas vivre avec ta conjointe. Ta vie privée, oublie ça. Un dossier est tenu sur tes moindres mouvements. Tu es maintenant la propriété du gouvernement, tu es institutionnalisé. Ce sont les gestionnaires, les fonctionnaires, les infirmières et autres qui vont désormais décider de comment tu vas vivre.

Tu es trop indépendant à leur goût? On va te casser. Il faut se soumettre aux règles, il faut être un bon petit handicapé, gentil, obéissant et surtout reconnaissant. Si tu es un récalcitrant, on va mettre en place des plans d'intervention pour te contentionner jusqu'à ce que tu te soumettes. Tu as le choix : te battre chaque minute ou accepter ta nouvelle réalité. Tu n'es plus en contrôle de ta vie, tu apprends vite à choisir tes combats.

À bout de ressources, je me suis soumis. J'ai sombré dans la dépression, j'avais honte de vivre dans ce ghetto, en marge de la société. Le CHSLD est un milieu carcéral, incompatible avec la vie humaine, où on enferme les indésirables. Tu n'as plus de contact humain authentique avec les gens. Tu en viens à remettre en question ta valeur humaine et, à force de te faire pousser par près de 1 000 intervenants, tu perds ton intégrité personnelle et tu te déconnectes de ton corps. Sans humanité ni liberté, la vie n'a plus de sens. Je regrettais d'avoir refusé l'euthanasie. J'étais Jean Truchon. je suis resté trois ans et demi sans sortir de ma chambre.

J'ai ensuite découvert qu'environ 70 % des personnes qui ont un handicap sévère au Québec vivent en institution. Les autres s'accrochent à la vie à la maison, mais se retrouvent aussi souvent aussi isolées. Beaucoup se sont suicidés ou ont accepté l'euthanasie pour éviter de subir mon sort. Ce qui nous est offert n'est que le strict minimum nécessaire à nos survies physiques et ne nous permet pas d'être inclus, de participer et de contribuer à la société. C'est... ce qui me fait souffrir et me rend vulnérable n'est pas mon handicap, mais bien le manque soutien adéquat, d'accessibilité et la discrimination que je subis à tous les jours.

On travaille depuis 2018 pour faire reconnaître la nécessité d'implanter des solutions pour aider les personnes handicapées à vivre incluses dans la société. Suite à des travaux intensifs avec le gouvernement, il a été déterminé qu'il fallait un projet de loi pour enlever les barrières à notre inclusion sociale.

M. Legault et son gouvernement ont refusé d'entamer ces travaux. Pourtant, sous ce même gouvernement, la loi est en train d'être modifiée pour nous aider à s'enlever la vie. On va même au-delà de ce qui a été prescrit par la cour. Et tout ça est fait au nom de notre autonomie, de notre dignité et de notre soi-disant droit de choisir.

Comment est-ce qu'on est supposés d'interpréter ça? On offre aux personnes sans handicap des services de préventions du suicide, mais je mérite une assistance au suicide. On me l'a déjà dit : Si tu n'es satisfait de ce qu'on t'offre, pourquoi tu n'acceptes pas l'euthanasie? Il ne peut y avoir de mort dans la dignité et de liberté de choix aussi longtemps que nous serons contraints de vivre dans des institutions, que nous allons devoir compter sur nos proches, et nous sentir comme des fardeaux, et que nous serons confrontés à de la discrimination.

Je suis pour la liberté individuelle, même beaucoup plus que la personne moyenne. Notre système actuel, souvent, on ne s'appartient plus dans la vie ou la mort. Les promoteurs de l'euthanasie veulent une injection létale de l'État pour s'enlever la vie quand l'État ne fournit même pas les services et le soutien nécessaire pour vivre dans la dignité.

Ma vie vaut la peine d'être vécue. Je peux être libre. Je n'ai aucunement confiance en le gouvernement, les politiciens, les fonctionnaires et les médecins pour me dire ce que je peux et ne peux pas faire dans ma vie ou comment ma mort doit se dérouler. Avec l'assistance personnelle, un soutien adéquat, des soins palliatifs de qualité et le refus de traitement, on est en mesure de prendre les meilleures décisions pour nous sans nous discriminer et dévaloriser nos vies. Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, M. Marchand. Donc, nous passons maintenant à la période d'échange avec les membres de la commission en débutant avec la collègue de Saint-François.

Mme Hébert : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Marchand, pour votre témoignage, pour vos constatations que vous voyez au quotidien. Je comprends que ce n'est pas facile ce que vous avez vécu. Je ne peux pas m'imaginer, je ne suis pas dans votre situation, mais je peux sentir l'émotion que vous vivez et que vous nous avez transmise même à travers l'écran. Donc, je suis très sensible à ce que vous nous avez partagé aujourd'hui.

Moi, je veux juste vous amener à voir si vous avez eu cette réflexion-là. Vous savez que le critère de fin de vie est tombé. On a une loi qui n'a plus... On a... Cette directive-là, elle est tombée. Donc, maintenant, l'aide médicale à mourir peut être accessible à une vaste étendue de personnes, puis c'est ça qu'on essaie de baliser, parce qu'il faut mettre des balises. On n'en a plus. La balise de fin de vie, elle est partie, donc on n'a plus de balise.

Vous comprenez que l'aide médicale à mourir est acceptée socialement au Québec. On ne peut pas reculer en arrière. Moi, ce que j'aimerais savoir, c'est qu'avec ce qui s'est fait avec C-7 au fédéral, comment... quelles balises que vous aimeriez qu'on mette pour l'aide médicale à mourir, pour mieux l'encadrer? Parce que là, on n'en a plus, de balise, vous comprenez? La balise de fin de vie, elle n'était plus là. Il reste encore des termes, là, comme quoi que la personne doit être majeure... à consentir. Mais j'aimerais savoir, là... Parce que là, ça ouvre la porte à d'autres possibilités. Avez-vous réfléchi à ça?

• (15 h 20) •

M. Marchand (Jonathan) : Oui, tout à fait. Puis, regardez, en 2006, là, quand on a commencé, là, à parler de ça, mettre ça en place puis... tu sais, ça a été nommé, là, par les groupes des personnes handicapées, que l'expérience, hein, puis ce n'est pas juste au Québec, quand tu ouvres la porte à l'euthanasie, au suicide assisté, habituellement, ça commence par des personnes qui sont en fin de vie. Mais avec la cour de justice ou dans les autres groupes qui vont demander l'accès... puis ils vont dire : Bien là, c'est de la discrimination, moi, je veux y avoir accès aussi. Puis il n'y a pas de fin à ça, là. Je veux dire, c'est... Là, on l'a vu qu'il y a des personnes handicapées qui l'ont réclamé.

Là, moi, je pense qu'il aurait dû y avoir un appel qui aurait été fait à la Cour suprême pour réentendre les arguments, parce que moi, je pense que le jugement qui a été rendu, il y a plein de choses qui n'ont pas été regardées suffisamment, notamment concernant le soutien pour les personnes handicapées puis les pressions qu'on a pour, justement, mettre fin à nos jours.

Donc là, ce qu'on voit, c'est que, bon, les personnes qui ont un handicap physique y ont accès ou, du moins, vont l'avoir. Et il y a, bon, les personnes avec des problèmes de santé mentale, aussi, les personnes inaptes. On parle d'anticipation aussi. Le prochain groupe, c'est quoi? Ça va être sûrement les enfants, hein? Je veux dire, il y a déjà des parents qui font pression, justement, pour que leur enfant ait accès à l'euthanasie, puis après ça, c'est à peu près tout le monde. Les gens qui sont... qui vont dire : Bien, là, moi, je suis tanné de vivre, hein, je suis juste tanné, puis je veux mourir, bien, ces gens-là, éventuellement, pourraient avoir accès à ça. Donc, il y a-tu moyen de contenir ça? Je ne le sais pas. C'est une question légale, il y a-tu une façon d'écrire une loi qui est vraiment balisée à un certain groupe? C'est ça, puis ça ouvre la boîte de Pandore, comme on dit, puis, je veux dire, comment qu'on fait, là, pour restreindre ça, c'est très difficile. Puis, tu sais, on a averti les autorités au début de ce processus-là, de ce qui allait arriver, puis on nous avait assurés, hein, que ce n'était pas pour les personnes handicapées, hein, qu'il n'était pas question de ça. Puis regardez, on est là aujourd'hui, puis moi, je trouve ça déplorable, parce que tout ce que ça fait, c'est de dévaloriser nos vies, inscrire dans la loi que vaut mieux être mort que d'être une personne handicapée, puis il y a un paquet de préjugés qui viennent être validés par cette approche-là.

Puis regardez, moi, je ne suis tout... pas en bonne conscience, pour ça, hein, je suis pour la liberté individuelle. Tout comme je l'ai dit, puis il faut vraiment faire attention, hein, je veux dire, on vit en société, il faut avoir des balises, mais, encore là, c'est-tu possible de le faire avec ça, avec la loi? C'est ça, c'est une question légale, puis je n'ai pas de réponse pour vous, là.

Mme Hébert : Vous... Bien, merci, merci pour la réponse, quand même. Je comprends que c'est difficile, puis vous voyez à quel point que, tous, on est là réunis, puis ça fait plusieurs mois qu'on auditionne les gens, qu'on écoute, qu'on fait des lectures, puis même nous, c'est difficile présentement.

M. Marchand (Jonathan) : Parce qu'une forme de balise, ce serait de revoir le régime, comment qu'il est fait, je veux dire, parce qu'actuellement on a comme institutionnalisé cette approche-là, hein, c'est vraiment le gouvernement, bon, qui met en place ce régime-là, qui le gère, puis les médecins sont comme des exécutants qui exécutent ces directives-là, ils ont été instrumentalisés. Mais, tu sais, il y a des régimes qui existent dans le monde où est-ce que les gens doivent poser le geste eux-mêmes, hein, ce n'est pas les médecins, là, qui vont injecter les gens avec un poison, là. C'est vraiment les gens qui vont porter le geste eux-mêmes, puis ceux-là qui n'ont pas la capacité physique de le faire, bien, ils peuvent avoir accès à une aide technique pour le faire, par exemple. Mais tout ça, c'est comme le gérer au privé, hein, ce n'est pas l'État, là, qui participe directement à ça, c'est une autre façon de le faire, puis, déjà là, moi, je pense, ça viendrait baliser un peu plus, là, que... qui peut avoir accès, comment, puis comment ça fonctionnerait. Mais là, c'est ça, ce n'est pas le système qu'on a ici, puis c'est très difficile, là, à gérer. Puis là qu'est-ce que ça va faire dans les années qui s'en viennent? Je veux dire, on risque d'avoir une explosion de gens, là, qui font appel à ce genre de solution là, si on peut dire.

Mme Hébert : Vous avez raison d'avoir des craintes de savoir qu'il y a plusieurs personnes qui pourraient faire appel à cette aide-là pour mettre fin à leurs jours. J'ai plusieurs collègues qui l'ont déjà posé à d'autres intervenants précédemment. Je vous entends, M. Marchand, et moi, j'aimerais savoir, par contre, quelqu'un qui vit des souffrances intolérables, qui a un diagnostic de maladie qui est incurable puis... Est-ce que vous croyez que la personne peut choisir de demander l'aide médicale à mourir? Est-ce que vous croyez que cette personne-là, avec un diagnostic, avec un encadrement, pour éviter qu'elle ait eu de la pression autour d'elle, qu'elle a fait un choix éclairé, avec toute l'option de soins qu'elle a, possibles, devant elle, est-ce que vous croyez qu'elle peut quand même décider d'elle-même que ses souffrances sont intolérables, qu'elle ne veut pas vivre dans cette condition puis qu'elle ne veut pas... elle anticipe de souffrir encore plus et que là elle fait une demande d'aide médicale à mourir?

M. Marchand (Jonathan) : Moi, je pense que, tu sais, la liberté individuelle, on l'a tous, hein? De s'enlever la vie aujourd'hui, ce n'est pas un crime, hein, le suicide, ce n'est pas un crime. Puis on est tous un peu égaux face à ça. Mais le problème qu'on a, c'est vraiment quand l'État, quand les médecins se mêlent de ça puis viennent carrément aider les citoyens à s'enlever la vie, là, hein? Au coeur de tout ça, c'est ça, c'est là que je vois un problème. Mais encore là, tu sais, il y a la sédation palliative qui existe.

Regardez mon histoire, moi, là, en 2010, il n'y avait pas d'aide médicale à mourir, hein? Tout ce qu'on me disait, c'est : Bien, regarde, on va te donner de la morphine, on va cesser tous les traitements, on va arrêter de t'alimenter, arrêter de te donner de l'eau, hein, de l'hydratation, puis on va te donner de la morphine, puis à un moment donné, au pire, on va débrancher ton respirateur artificiel, puis regarde, tu vas mourir, hein, ça va se faire en soit quelques heures ou quelques jours maximum. La sédation palliative, ça existe déjà, c'est prouvé que ça fonctionne, puis il y a les soins palliatifs qui prennent ça en charge, puis tout le monde y a accès, à ça, le refus de traitement, tout le monde peut le faire.

Là, on parle de gens qui veulent une solution très spécifique pour se tuer, hein, une injection de poison, comme on exécute des prisonniers, en fait, là. Puis moi, je pense qu'il n'y a pas assez d'attention qui est portée à ça, qu'est-ce que c'est, vraiment, là, l'aide médicale à mourir, comment ça fonctionne, hein?

Puis tu sais, pourquoi, justement, dans le monde, on a tendance, justement, à arrêter d'exécuter des gens, des prisonniers, par exemple, qui ont été condamnés à mort parce qu'il n'y a pas de moyens efficaces, réellement efficaces de tuer un autre être humain. Il y a tout le temps des dérives, il y a tout le temps des dérapages, il y a tout le temps des problèmes. Même avec l'aide médicale à mourir, hein, il y a une certaine proportion de gens qui reçoivent la drogue, qui reçoivent l'injection, qui ne meurent pas tout de suite, hein, puis qui peuvent agoniser, là, pendant des heures. Ça fait que... Puis ça peut prendre plusieurs injections. Ça fait que, même techniquement, il y a des problèmes avec ça, là.

Tu sais, ce n'est pas une piqûre magique, là, vraiment pas, là. C'est... ça fait que... Puis moi, je pense qu'il y a un manque d'éducation sur toutes ces questions-là, puis la question, aussi, de mêler les médecins à tout ça. Un médecin, c'est là, c'est, à la base, pour aider les gens à vivre, hein? Mais là, ce n'est pas ça, là. Ça vient comme teinter leur profession, il y a des médecins qui participent à ça, ce n'est pas la majorité. Mais moi, quand je vais voir un médecin, j'aimerais ça voir quel genre de médecin j'ai affaire, là. C'est-tu un médecin qui est prêt à m'injecter le poison pour me tuer ou c'est un médecin qui est là pour réellement m'aider puis m'aider jusqu'au bout?

Tu sais, moi, en tant que personne handicapée, c'est vraiment important, là, parce que moi, je me suis déjà retrouvé là, entouré de médecins qui ne considéraient même pas que je devais continuer de vivre. Tu sais, c'est... ils n'étaient pas d'accord, là. Puis il a fallu que je change toute mon équipe de médecins, m'entourer de personnes qui étaient là pour m'aider. Mais encore là, tu ne le sais pas, quand tu vas voir un médecin, puis je pense que les citoyens devraient le savoir, à quel genre de médecin tu fais affaire, quand tu vas voir ton généraliste, par exemple.

• (15 h 30) •

Mme Hébert : Bien, merci, M. Marchand, merci parce que, bien, vous donnez... vous éclairez la situation de votre vécu, de votre vision. Et j'en retiens qu'il faut encore donner de l'information par rapport à tous les soins de fin de vie. L'aide médicale à mourir, c'est une... ça fait partie du continuum de soins mais ce n'est pas le seul soin. Et j'entends aussi qu'il faut informer la population par rapport à nos directives médicales anticipées. Alors, merci de votre intervention. Puis, Mme la Présidente, je vais céder la parole à un de mes collègues s'il reste du temps.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Oui, il reste un petit peu de temps, et je me permets de le prendre, Mme la députée. Merci, M. Marchand, de votre témoignage. Mais je tiens à vous rassurer, on est ici pour entendre et écouter, là. La loi n'est pas élargie, et ça ne veut pas dire qu'elle sera élargie, là. Présentement, on est ici pour entendre, écouter et débattre, par la suite, ensemble, selon sur ce qu'on aura entendu ici, en commission. Et c'est ce qui avait été mentionné à la mise en service de la loi, en fait, que, s'il y avait élargissement, qu'il y aurait une discussion et qu'il y aurait une consultation, et c'est ce qu'on fait aujourd'hui.

J'entends beaucoup, dans votre discours, que vous prônez l'autodétermination, que chaque personne est apte, et on doit respecter ce choix-là. Et j'entends aussi qu'il peut y avoir des influences. Par contre, quelqu'un qui a une maladie dégénérative et en pleine conscience dit : Moi, je ne veux pas me rendre à tel stade, x stades, peu importe lequel, on ne devrait pas autoriser l'aide médicale à mourir pour les gens qui, en toute connaissance de cause, prennent une décision pour lorsqu'ils ne seront pas aptes. Je veux... J'aimerais vous entendre là-dessus, M. Marchand.

M. Marchand (Jonathan) : Bien, moi... Est-ce que vous pensez que c'est une bonne idée que le gouvernement aide ses citoyens à se suicider. En fait, c'est ça la question, puis moi, je n'embarque pas là-dedans. Moi, je pense que, collectivement, on devrait être là pour s'entraider, s'aider à vivre, puis, de toute façon, ce n'est pas un crime, comme j'ai dit tantôt, de s'enlever la vie, hein? Puis, si on veut une loi pour des personnes qui ont vraiment des grosses limitations physiques, qui ne peuvent pas le faire eux autres même, là, c'est une autre histoire. Mais là on parle vraiment d'un régime, là, qui a été mis en place pour les personnes handicapées, hein? Puis ça, c'est, à la base, c'est discriminatoire parce qu'on cible un groupe en particulier, les personnes handicapées, puis on dit : Bien, regardez vous autres, là, vous souffrez, hein, vous êtres des êtres de souffrance, on... c'est... Nous, on juge, tu sais, de notre oeil extérieur, que votre vie, bien, en fait, moi, je n'aimerais pas ça la vivre, hein, c'est... Ça doit être terrible d'être une personne handicapée, puis moi, je pense qu'on devrait aider ces gens-là à s'enlever la vie.

Regardez, moi, je n'embarque pas là-dedans. À la base, tous les citoyens ont le droit de s'enlever la vie, ce n'est pas un crime, et c'est ça, c'est... moi, je ne pense pas que l'État puis les médecins, qu'ils devraient avoir une main là-dedans. Et donc, tout ça... Moi, ce n'est pas dans mes valeurs ça. Puis, si on parle de personnes qui ont la... qui ont des problèmes physiques, qui ne peuvent pas le faire, commettre le geste eux-mêmes, bien là, on parle d'une autre chose, puis il pourrait y avoir un régime pour ça, c'est possible, mais, encore là, ça ne devrait pas être l'État puis les médecins, là, qui sont en charge de ça, hein, tu sais, il y a d'autres régimes, il y a d'autres modèles qui existent ailleurs dans le monde, puis c'est possible de faire quelque chose comme ça pour ces gens-là.

La Présidente (Mme Guillemette) : Parfait, merci. J'aurais beaucoup d'autres questions à vous poser, mais notre temps est écoulé. Donc, je céderais la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis.

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Marchand, c'est un plaisir de vous voir. D'emblée, je veux vous remercier pour ce que vous faites pour faire avancer la cause des personnes handicapées. Votre militantisme, la voix que vous portez pour sensibiliser la population, c'est très fort, c'est très apprécié puis c'est très important. Alors, je suis vraiment heureuse que vous êtes parmi nous aujourd'hui. Et merci aussi pour votre témoignage, qui a été très fort et très percutant. «You are true to yourself», et puis c'est apprécié.

M. Marchand (Jonathan) : Merci.

Mme Maccarone : J'aborde peut-être un peu dans le même sens que mes collègues, mais moi, ce que je veux entendre de vous, c'est : Si, mettons, il y avait une balise... Puis corrigez-moi si je n'ai pas compris. Si jamais il y avait une balise à apporter en ce qui concerne l'accès à l'aide médicale à mourir, selon vous, est-ce que ce serait que l'élargissement de l'aide médicale à mourir devrait être conditionnel à un meilleur accès aux soins? Est-ce que ce serait la balise, pour vous? Ou est-ce que, peu d'importance, on ne devrait juste pas élargir l'accès?

M. Marchand (Jonathan) : Bien, je prends note, c'est que c'est difficile à contenir, hein, comme j'ai dit tantôt. Mais c'est sûr que, bon, tu sais, on imagine un monde où est-ce que, bon, tout le monde aurait le choix, hein, il n'y a pas de pression externe, là, pour que les gens vont commettre ce geste-là, bien, que tout le monde auront le soutien qu'ils ont besoin, il n'y a plus de discrimination. Regardez, on peut parler d'euthanasie, de suicide assisté, mais pas juste pour les personnes handicapées, pour tout le monde. Ça fait que pourquoi qu'il faut cibler juste les personnes handicapées? Pourquoi vous n'êtes pas prêts à l'ouvrir au reste de la population, à tout le monde, hein? Pourquoi on est discriminés là-dedans? Pourquoi? Je veux dire, si vous l'ouvrez à tout le monde, bien, regardez, on va tous être égaux, puis ça va bien aller, j'imagine, peut-être, mais c'est-tu dans le genre de société que vous voulez vivre? Vous voulez vraiment banaliser le suicide? Hein, puis on fait quoi des campagnes de prévention du suicide? Hein, je veux dire, moi, c'est ça, je mérite, puis moi, je m'inclus là-dedans, je suis visé personnellement, là, par tout ça, moi, je mérite une assistance au suicide puis il y en a d'autres que c'est la prévention du suicide. Pourquoi c'est toujours deux poids, deux mesures quand on parle des personnes handicapées, hein? Puis ce qu'on a... Puis regardez, c'est-tu même possible d'avoir des balises? Encore là, on ne serait pas rendus là aujourd'hui si les balises, qui ont été préétablies il y a très longtemps, n'auraient pas été remises en question par la cour. Donc, légalement, c'est-tu même possible de réellement baliser tout ça. Moi, je pense que c'est carrément impossible avec, justement, la Charte des droits et libertés puis, bon... Mais c'est des questions légales.

Ça fait que pour une personne qui est en fin de vie, tu sais, il y a là un argument. Regardez, là, la personne, elle risque de décéder dans quelques semaines, quelques mois, bon, on peut rendre ça accessible, hein, il y a un argument là, mais ça ne s'est pas arrêté là puis ça ne va pas s'arrêter là. Ça fait que, je veux dire, techniquement, légalement, comment vous allez faire ça pour réellement mettre des balises puis qui restent en place, quand ils vont être ramenés devant la cour par d'autres groupes? Moi, je ne le vois pas.

Mme Maccarone : Oui, en effet, c'est une question, évidemment, qui est très complexe, mais c'est sûr, je ne veux pas parler pour personne, mais ce n'est pas une question nécessairement de viser les personnes handicapées. Je pense que l'élargissement se base un peu dans la souffrance. Je pense que les collègues l'ont abordé un peu puis c'est très difficile de juger la souffrance d'une autre personne car nous ne sommes pas en train de le vivre nous-mêmes, mais je vous entends, alors, je veux mieux comprendre ce que vous dites, parce que je vous entends, aussi, vous dites que vivre en CHSLD, c'est comme vivre en prison puis que c'est vraiment la propriété du gouvernement. Alors, ça devrait être quoi, le rôle de l'État? On devrait aller jusqu'où pour protéger les personnes vulnérables et aussi pour accompagner les personnes qui souhaitent avoir un accompagnement en ce qui concerne l'aide médicale à mourir? Ça fait que les deux actes, protéger les personnes vulnérables parce que, comme... vous avez tout à fait raison, il faut promouvoir aussi, à quelque part, ce que nous allons faire, partager de l'information à c'est quoi, les soins de fin de vie, c'est quoi, l'aide médicale à mourir. À contrepart, nous devons faire exactement la même chose pour venir protéger les personnes puis les accompagner pour éviter le suicide. Ça fait que je pense que ça prend un équilibre entre les deux.

Mais nous, notre rôle devrait être quoi, d'abord? Parce qu'il y a des gens qui ont fait des témoignages qui ont été aussi percutants que le vôtre, en disant que, moi, je veux avoir le droit de choisir, moi, je ne veux pas... ou la personne, ma mère souffre, et je veux l'accompagner, je veux respecter son droit à s'autodéterminer, là, comment elle, elle va choisir sa mort, parce que c'est sûr que c'est un coup de poing de fin de vie. Alors, comment voyez-vous cet équilibre pour nous?

• (15 h 40) •

M. Marchand (Jonathan) : Bien, c'est sûr qu'à la base les gens devraient avoir l'assistance qu'ils ont besoin pour pouvoir vivre, hein, puis ils devraient avoir accès aussi aux soins de fin de vie, les soins palliatifs, hein, qui sont sous-financés au Québec. Donc, s'il y a une réelle volonté du gouvernement de mettre fin ou d'abréger les souffrances des gens, moi, je pense que ça devrait commencer par là.

Puis, regardez, moi, c'est... dans tous les travaux puis les actions que j'ai posées au cours des dernières années, tu sais, je teste la volonté du gouvernement de vraiment prendre des mesures concrètes pour aider les gens à vivre. Mais ce que je constate, malheureusement, c'est qu'il n'y en a pas, de volonté. Ce qu'on veut faire, c'est la même chose qu'on fait depuis des décennies au Québec, puis il y a... C'est un statu quo qui est extrêmement difficile à briser. Puis on va-tu réussir à le briser? Bonne question. Mais, bon, c'est... moi, je pense que ça commence par là.

Puis concernant la souffrance, je veux dire, vous ne pensez pas que c'est dangereux, justement, de dire que, bon, inhéremment, les personnes handicapées, bien, elles souffrent, hein? D'avoir un handicap, bien, tu souffres. C'est une vision très toxique, très négative des personnes handicapées. Puis toutes les personnes qui ont eu accès à l'aide médicale à mourir, c'est toutes des personnes handicapées, hein? Ils sont soit en fin de vie, ils ont une maladie chronique, ils perdent des capacités physiques, peu importe. C'est des personnes handicapées.

C'est très difficile, impossible de prendre ce sujet-là de l'aide médicale à mourir, de l'euthanasie, puis comment que c'est mis en oeuvre, puis ne pas constater ou ne pas considérer les droits des personnes handicapées, puis la vision des personnes handicapées, et la condition de vie des personnes en situation de handicap. Donc, c'est ça.

Maintenant, votre autre question... Est-ce qu'il y avait un autre volet?

Mme Maccarone : Bien, vous avez répondu.

M. Marchand (Jonathan) : O.K. C'est bon.

Mme Maccarone : Mais je vais prendre la balle au bond en ce que vous avez dit, côté des préjudices, là, parce que, tout à fait, souvent, les personnes handicapées, les personnes qui souffrent de déficience intellectuelle, vous me connaissez, les personnes qui souffrent de l'autisme, par exemple, mais souffrent des stigmatismes, des étiquettes. Alors, si on avait... On a entendu des experts qui nous ont dit que, tu sais, comme par exemple, ils ont fait des recommandations, peut-être qu'on devrait avoir un centre d'excellence, tu sais. Le comité d'experts pourrait évaluer pour avoir des balises, des contraintes, un accompagnement pour ces personnes. Auriez-vous des recommandations ou des suggestions, par exemple, à ce que nous pouvons faire, premièrement, pour les personnes handicapées? Et, deuxième volet, est-ce qu'à l'intérieur de... mettons, tu sais, s'il y avait un comité d'experts en ce qui concerne les personnes handicapées, est-ce qu'on devrait considérer de s'assurer qu'il y a une personne handicapée autour de la table qui pourrait militer et parler pour cette personne aussi, des deux bords, puis faire les arguments des deux bords?

M. Marchand (Jonathan) : Oui. Bien, c'est sûr que, pour les personnes handicapées, un mécanisme, là, qui est extrêmement importante pour vraiment aider les gens, c'est le soutien par les pairs, hein? C'est vraiment d'avoir accès à une autre personne handicapée qui fait face à une situation similaire, mais qui a appris à la gérer ou à être heureuse là-dedans puis à être épanouie. Moi, dans ma situation, c'est ça qui m'a aidé à vivre, c'est ça qui m'a sauvé, hein? Quand j'ai commencé à parler à d'autres personnes handicapées d'ailleurs dans le monde, puis je me suis rendu compte qu'il y a des gens dans... avec ma condition qui vivaient à domicile, qui avaient des familles, qui avaient des enfants, des vies sociales normales, qui avaient des... qui travaillaient, même, et, tu sais, je me suis dit : Regarde, c'est possible, hein? Tu sais, moi, je pourrais être à domicile, puis être épanoui aussi, puis continuer ma vie, hein? Puis ces gens-là m'ont expliqué comment qu'ils ont fait puis comment ça fonctionnait, hein, leur quotidien, puis je me suis reconnu là-dedans, puis ça m'a vraiment aidé, là. Tu sais, tout est parti de là. Ça fait que, ça, ce serait important, là.

Mme Maccarone : Puis, si on parlait d'une personne qui n'a pas eu la même chance que vous d'être aussi bien entourée, mettons Coop Assist, l'organisme que vous représentez puis que vous supportez — bravo, en passant, pour tous ces travaux-là — est-ce que ce serait quelque chose que vous pourriez faire, mettons, si on vous disait, comme... un peu comme un organisme qui pourrait accompagner des personnes qui veulent faire la demande, que vous êtes en accord ou en désaccord, mais que de dire : On va faire un accompagnement soit pour vous aider à trouver les soins qui sont nécessaires ou bien on va vous accompagner dans votre demande à l'aide médicale à mourir, parce qu'on peut rester neutres, mais on veut vous offrir cet accompagnement, qui est très précieux, puis je vous entends, important d'avoir et entendre la voix des personnes handicapées qui peuvent bien accompagner ces personnes qui peuvent se trouver dans une situation de vulnérabilité puis qui ne sont pas nécessairement vulnérables?

M. Marchand (Jonathan) : Oui, bien, c'est sûr que si, en tant qu'organisme on a les ressources, on a une entente avec le gouvernement, justement, pour aider d'autres personnes en situation de handicap, justement, à surmonter toutes ces embûches-là, puis avoir l'heure juste, justement, sur qu'est-ce qui est possible dans leur situation, nous, ça nous ferait plaisir, là, d'aider les gens. En fait, moi, c'est ça que je vise depuis le début, hein?

Puis ensuite de ça, la personne pourrait faire un choix vraiment plus éclairé sur qu'est-ce qu'elle veut faire, là, hein, puis ça... elle aurait une idée de ce qui est possible dans son futur aussi, hein, qu'elle pourrait réaliser qu'elle a un futur, hein, qu'elle n'est pas nécessairement condamnée à rester dans un cul-de-sac comme dans une institution ou rester à la maison, complètement dépendante de leur famille. Mais il faut offrir du soutien, il faut qu'il y ait un programme, il faut qu'il y ait quelque chose, là. Mais, bon, quand on parle, tu sais, d'aider les gens à remplir des formulaires pour l'aide médicale à mourir, regardez, ça, il y a plein d'autres organismes, là, qui peuvent se charger de ça, là. Ça, il n'en manque pas, là.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée. Je céderais maintenant la parole au député de Rosemont.

M. Marissal : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Marchand, pour votre témoignage puis pour votre combat, aussi, qui est admirable, là.

Vous avez dit tout à l'heure, puis moi, ça me bouleverse quand j'entends ça, puis je ne vous juge absolument pas, là, comprenez-moi bien, que vous n'avez pas confiance au gouvernement, vous n'avez pas confiance aux politiciens, puis j'aurais bien du mal à argumenter avec vous là-dessus parce que, visiblement, quelque part, ou à plusieurs «quelque part», on vous a laissés tomber, là. En tout cas, la société, le système vous a laissés tomber, puis je n'essaierai pas de vous convaincre qu'on va tout régler aujourd'hui, là, mais je refuse de croire que les gens qui sont devant vous, mes collègues les élus puis les gens qui travaillent pour nous dans nos circonscriptions, par exemple, ne peuvent pas faire quelque chose.

Puis, en tout cas, je vous prie de croire que nous sommes plus empathiques et que, en ce qui me concerne, je considère avoir un devoir d'élu envers des gens qui vivent des situations aussi pénibles que la vôtre, aussi discriminatoires que la vôtre. C'est juste bien dommage. Comme vous, je constate parfois qu'on arrive comme au bout de nos ressources.

Puis moi, ce qui me bouleverse le plus encore dans votre témoignage, M. Marchand, c'est que vous dites que, toute votre vie adulte, ou presque, des gens vont ont poussé vers la mort. Ça, ce n'est pas le but de la loi, là. Ce n'est pas ça du tout, le but de la loi. C'est de permettre à des gens, selon certains critères, qui en sont arrivés à cette extrémité que de choisir de partir dans la dignité par l'aide médicale à mourir.

Est-ce qu'on devrait... parce que je pense que c'est ma collègue, tout à l'heure, j'oublie son comté, j'en suis désolé, qui disait — il y en a 125, là, parfois j'en oublie, ça va me revenir, j'haïs ça quand je fais ça — qui disait : On ne reviendra pas en arrière. Je ne crois pas qu'on reviendra en arrière, moi non plus. Je dis souvent : La pâte à dents est sortie du tube, puis il y a un consensus social, mais est-ce qu'on doit, nous, urgemment, penser à revoir les mesures qui punissent et qui empêchent les gens, à plus forte raison les médecins puis du personnel soignant, de suggérer ou même de pousser très fortement des gens comme vous ou d'autres vers la mort? Parce que ça, c'est inadmissible en soi, là, puis, en ce qui me concerne, ça s'approche d'un homicide, là. Et, par ailleurs, vous n'avez pas trouvé d'oreille assez attentive dans la structure, que ce soit le Protecteur du citoyen ou autre. Est-ce qu'on peut revoir cela?

• (15 h 50) •

M. Marchand (Jonathan) : C'est sûr qu'il y a des choses qui peuvent être faites, mais c'est clair qu'il y a toute une culture, hein, dans le milieu médical, qui peut prôner, justement, de mettre fin aux jours des personnes, là, qui ont des handicaps sévères. Tu sais, nous, on fait face à énormément de préjudices, de discrimination, puis c'est encore pire dans les milieux de soins intensifs, hein, je veux dire, les médecins sont habitués de prendre des décisions de vie ou de mort, ils gèrent des ressources, puis quand ils voient une personne comme moi, par exemple, hein... Un médecin, c'est là pour guérir, à la base, hein, c'est ça leur formation. Il faut guérir les gens. Moi, je ne peux pas être guéri, ça fait que, pour certains, je peux représenter une perte de temps, une perte de... un gaspillage de ressources, hein, puis ils ne veulent pas aider une personne comme moi, hein? Puis moi, j'ai fait face à ça, j'ai des amis aussi, tu sais, quand ils vont à l'hôpital, il faut tout le temps qu'ils se watchent, hein, il faut vraiment que tu sois bien entouré quand tu rentres à l'hôpital, parce que là t'as affaire à un paquet de médecins, de professionnels qui ne te connaissent pas, puis, tu sais, ça peut aller, des histoires de, genre, je ne sais pas, une personne avec un handicap, sa mère rentre à l'hôpital, elle a une pneumonie, puis là le médecin vient la voir, bien, là, t'as une pneumonie, ça fait que là on traite-tu ou on ne traite pas? Hein! bien, pourquoi on ne traiterait pas, là? Je suis venu à l'hôpital pour me faire traiter, c'est quoi, cette histoire-là, hein? Puis c'est tout le temps des messages comme ça, là, qu'on t'envoie, ou moi, on m'a déjà dit, tu sais, j'avais besoin de physiothérapie, puis ils m'ont dit carrément : Aïe, on ne fait pas de flattage ici, hein, ça ne donne rien, là, de s'occuper de toi, tu ne guériras pas, hein? Ça fait que, tu sais, c'est... il y a vraiment une culture, tu sais, qui est difficile à briser, puis il y a un manque d'éducation chez les médecins. Puis ça, c'est... oui, ça serait important, là, justement d'avoir toutes les mesures pour pouvoir éduquer les médecins sur ces questions-là, mais aussi avoir des ressources, hein, parce qu'un médecin a bien beau me dire : Je vais soigner cette personne-là, je vais m'en occuper, mais elle va rester le restant de ses jours dans une unité de soins intensifs parce qu'il n'y a aucune façon qu'elle peut sortir de l'hôpital. Tu sais, il n'y a pas de système de soutien dans la communauté. Bien, regardez, il faut que ça suive, ça aussi.

Et c'est sûr que, dans le système actuel, là, l'euthanasie, c'est un soin, hein, c'est considéré comme un soin. Donc, si c'est un soin, les médecins n'ont pas le choix de l'offrir. Hein, c'est un soin comme un autre, tu sais, c'est comme ça actuellement. Puis, encore là, moi, je pense que c'est un problème majeur. Mais là c'est ça, c'est comme ça.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, monsieur... Merci...

M. Marissal : C'est la députée de Saint-François dont je cherchais la circonscription tout à l'heure.

La Présidente (Mme Guillemette) : Tout à fait, M. le député de Rosemont.

M. Marissal : Merci, monsieur.

La Présidente (Mme Guillemette) : Je céderais la parole à la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui. Bonjour, M. Marchand. Je veux vous remercier à mon tour. Ce n'est pas la première fois que je vous entends, et je dois dire qu'à chaque fois je suis vraiment frappée par votre lucidité, je dirais tout le sérieux et l'articulation autour de votre propos qui est très clair et limpide, votre révolte aussi, que je dirais qui est quand même saine, parce qu'il faut qu'il y ait des gens qui portent, donc, cette révolte-là par rapport à l'état des services et des personnes comme vous qui se retrouvent en CHSLD, faute d'autres alternatives. Je sais que ça va vous êtes de peu de réconfort parce que vous souhaiteriez sans doute une grande commission sur cette question-là, et je suis d'accord avec vous qu'on devrait s'y attarder beaucoup plus.

Et je suis d'accord avec vous sur plusieurs éléments, notamment sur les tribunaux. Je ne pense pas que ça devrait d'abord être le rôle des tribunaux de nous mettre dans des situations comme celles dans lesquelles on se retrouve, les élus. Je pense que ça devrait être les élus avec la population qui travaillent sur ces enjeux-là. Je pense aussi que les tribunaux, s'ils mettaient autant d'énergie sur les enjeux relatifs aux discriminations pour vivre dans la dignité, ça aurait forcé la main de beaucoup de gouvernements aussi.

Je vous entends aussi sur le rôle de l'État. C'est quelque chose, moi, qui m'habite beaucoup. Jusqu'où va le rôle de l'État dans ces questions-là? Ça fait que je veux juste que vous ayez... soyez certain que vous ne prêchez pas dans le désert, que ce sont des questions qu'on se pose nous autres aussi.

Mais, ceci dit, j'ai des questions pour vous. D'abord, quand vous dites : le handicap puis la société considère que, si on a un handicap, on est nécessairement souffrant et que toutes les personnes qui ont eu l'aide médicale à mourir jusqu'à maintenant avaient des handicaps, je me permettrais d'être en désaccord avec vous, d'abord pour une question très concrète, qui est le fait que la loi québécoise ne prévoit pas la possibilité d'avoir l'aide médicale à mourir sur la base seule d'un handicap, il faut une maladie grave et incurable. Et moi, je ne pense pas que toute personne qui a un handicap est souffrante intrinsèquement.

Ça fait que, là, je voulais juste vous entendre sur cette distinction-là, handicap versus maladie grave et incurable, si vous, vous faites cette différence-là, si vous trouvez qu'elle tient la route ou non. C'est d'autre chose, pour la loi fédérale, j'en conviens, mais moi, je vous parle de la loi québécoise.

Puis l'autre question que j'avais pour vous, c'est : Est-ce que vous êtes d'accord, jusqu'à tant qu'on ait eu le jugement Gladu-Truchon, étiez-vous d'accord que l'aide médicale à mourir puisse être offerte pour les personnes en fin de vie?

M. Marchand (Jonathan) : Oui. Bon, concernant, justement, le handicap, là, on tombe dans des enjeux de définition, mais c'est sûr qu'une personne qui a une maladie, hein, chronique, le cancer ou autre, puis qui amène des détériorations, puis, bon, elle perd des capacités, peu importe, c'est une personne en situation de handicap, hein?

Puis, je veux dire, la grande majorité des gens, hein, dans leur vie, vont avoir à faire face à une situation de handicap quelconque, soit dans leur vieil âge ou s'ils ont un accident ou, peut-être, ça peut être temporaire. Regardez, le handicap, ça fait partie de la condition humaine, il n'y a presque personne qui y échappe, puis on ne devrait pas avoir peur de ça. Je veux dire, c'est...

Puis moi, quand on me parle d'aide médicale à mourir, en fait, je vois ça presque comme une police d'assurance pour les personnes valides qui se disent : Bien, regarde, moi, là, si je deviens handicapé, j'aime mieux mourir, hein, si j'ai une atteinte, là, à un système vital comme la respiration, comme l'élimination, tu sais, je me retrouve avec une gastrostomie, par exemple, tu sais, un trou dans le ventre pour pouvoir m'alimenter, je perds ma dignité, automatiquement, puis j'aime mieux mourir.

Puis les gens ont peur, justement, des personnes en situation de handicap. Il y a vraiment une crainte, puis ça, ce n'est pas aider parce qu'on est invisible dans la société, hein? La grande majorité des personnes en situation de handicap sévère ne sont pas incluses puis on est relégué à des établissements, on est cachés. Puis, tu sais, les personnes comme moi, par exemple, est-ce que vous voyez ça souvent dans le public ou sur votre lieu de travail, hein? Souvent, on n'a même pas l'assistance pour pouvoir participer puis contribuer à la société comme tout le monde.

Donc, puis le handicap, c'est ça, c'est une question de définition. Mais si on regarde, tu sais, il y a certaines juridictions, par exemple, qui ont des polices d'assurance pour les personnes handicapées au niveau fédéral puis dont les personnes, par exemple, qui ont le diabète sont même incluses, d'ailleurs, ou qui ont des conditions de santé chroniques. Donc, ça peut être de l'arthrite, ça peut être un paquet de choses, là. Donc, moi, je pense qu'il n'y a pas vraiment de distinction à faire, puis c'est très large de personnes, le bassin, là, des personnes handicapées. On parle environ de, quoi, 20 % à 24 % de la population au Québec, là.

Donc, il y a ça, puis au niveau de la loi, c'est sûr que la vision ou, du moins, ce que ça sous-entend, c'est qu'une personne en situation de handicap, bien, ça peut souffrir ou c'est souffrant, puis ça vient que... la question de l'aide médicale à mourir, ça vient coder cette perception-là dans la loi, hein? Parce que la loi, elle est discriminante, elle cible les personnes en situation de handicap. Donc, ce n'est pas quelque chose qui est égalitaire, qui est accessible à tous, puis euthanasie, suicide assisté pour tous les citoyens, là. C'est vraiment un groupe en particulier, là, qui est visé, là. Donc, c'est ça.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci beaucoup, Mme la députée. Merci beaucoup, M. Marchand, d'avoir été avec nous cet après-midi et d'avoir répondu à nos questions, qui susciteront certainement de longues discussions entre nous dans les prochaines semaines.

Donc, sur ce, je suspends les travaux de la commission.

(Suspension de la séance à 15 h 59)

(Reprise à 16 h 04)

La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, la commission sur les soins de fin de vie reprend ses travaux, et nous accueillons maintenant Mme Catherine Leclerc. Merci d'être avec nous et bienvenue, Mme Leclerc. Donc, vous disposez de 10 minutes pour nous présenter votre exposé, et, par la suite, il y aura un échange avec les membres de la commission pour une période de 35 minutes. Donc, je vous cède dès maintenant la parole.

Mme Catherine Leclerc

Mme Leclerc (Catherine) : Merci beaucoup. Bien, d'ailleurs, je tenais à vous remercier de me donner l'opportunité de m'adresser à vous dans le cadre de cette consultation publique. Je me présente devant vous comme une simple citoyenne. Je ne suis ni médecin ni experte en droit. Toutefois, comme plusieurs citoyens, cet enjeu m'interpelle, car je suis directement touchée et concernée par l'évolution de la loi sur les soins de fin de vie. J'aimerais donc vous partager mon expérience personnelle puis vous soumettre des pistes de réflexion sur le consentement anticipé à l'aide médicale à mourir pour les personnes qui souffrent de maladies neurodégénératives cognitives.

Mon intérêt a d'abord été motivé par ma situation familiale. Plusieurs cas de maladie d'Alzheimer sont présents parmi mes proches, dont ma mère qui, à l'âge de 61 ans seulement, a présenté ses premiers symptômes de la maladie. Depuis maintenant 15 ans, ma famille et moi assistons aux ravages que fait cette maladie. Elle s'est installée sournoisement et elle nous arrache à la personne que nous aimons. Nous avons été témoins des pertes de fonctions cognitives, de sa faculté de jugement, nous avons traversé autant de deuils qu'il y a d'aspects de sa personnalité qui se sont envolés dans le temps, et on a dû accepter que les souvenirs qui relient nos existences tombent dans l'oubli. Bref, tout doucement, nous avons observé, impuissants, disparaître en elle l'essence même de ce qui constituait son humanité.

Cette femme arrivait autrefois à jongler entre sa carrière de gestionnaire en télécom, la gestion d'une entreprise de... d'une PME de construction, l'éducation de deux enfants, et puis, élégante et fière, elle n'allait toujours pas au dépanneur sans avoir d'abord retouché son rouge à lèvres.

Aujourd'hui, elle erre dans les couloirs d'un CHSLD. Elle n'arrive plus à faire une phrase complète. En fait, elle n'arrive plus à communiquer du tout. Elle ne peut pas s'occuper de son hygiène personnelle ni même s'alimenter seule. Puis pourtant on se considère chanceux. La maladie ne l'a pas rendue agressive. Elle est restée douce, elle sourit. Parfois, même, elle rit. C'est facile pour quelqu'un qui ne l'a pas connue ou un professionnel de la santé qui l'évalue une fois par année d'avoir la perception qu'elle est bien dans sa maladie.

Ma mère présente ce que certains appellent une «démence heureuse», un concept auquel je n'adhère, mais pas du tout. La démence heureuse, pour moi, c'est seulement une apparence. Ça n'enlève absolument rien à la souffrance psychique et existentielle, parce qu'en fait est-ce qu'il y a pire souffrance que d'être dépossédée de sa liberté, de sa conscience, de sa capacité de choisir, de son identité, de sa dignité et même de ses propres souvenirs? Est-ce que ce n'est pas ça, la définition même d'une souffrance existentielle?

La démence heureuse, est-ce que c'est vraiment d'être attachée à son siège en fixant le mur pendant des heures sans comprendre qui elle est? Est-ce c'est heureux de se fendre le front à répétition parce que ses muscles sont tellement affaiblis qu'elle n'arrive plus à marcher seule sans tomber? Est-ce que c'est heureux d'être incapable d'exprimer ses besoins ni qu'est-ce qu'elle ressent, si elle a faim, si elle froid, si elle a de la douleur? Une démence heureuse, pour moi, c'est sourire simplement parce que la maladie ne lui a pas encore arraché la faculté de le faire.

J'ai l'intime conviction que, si elle retrouvait sa lucidité l'espace de quelques heures, elle nous prendrait dans ses bras, elle nous embrasserait puis elle s'enlèverait la vie. Puis, croyez-moi, je l'aime, puis elle me manque à tous les jours, mais l'aide médicale à mourir serait certainement le plus beau geste de compassion qu'on pourrait lui offrir, car jamais, jamais elle n'aurait accepté de vivre dans un tel état de dépendance.

Puis ça ne finit pas... seulement puis uniquement en projetant ma propre conception de la souffrance sur elle. Je m'appuie sur les nombreuses discussions qu'on a eues ensemble alors qu'elle avait encore toute sa tête. Le sujet a toujours été abordé avec beaucoup d'ouverture ou même avec humour dans ma famille. Les directives anticipées en cas d'accident, on te débranche-tu ou on te débranche-tu pas?, qu'on se disait. Le refus des acharnements thérapeutiques, le don d'organes, même nos dernières volontés funéraires ont toujours été clairement communiqués. Et je trouve ça préoccupant de penser, en regardant les discussions qui sont en cours, que, si ma mère avait eu le droit de faire ses directives anticipées il y a quelques années pour l'aide médicale à mourir, peut-être qu'en ce moment on remettrait en cause de respecter ses directives parce qu'elle a encore la capacité de sourire, alors que tout le reste de ses autres capacités se sont envolées.

• (16 h 10) •

Ayant moi-même des prédispositions à souffrir un jour de cette maladie, j'ai dû amorcer la réflexion sur ma propre fin de vie, sur les options qui allaient s'offrir à moi. S'il y a un message que j'aimerais que vous considériez lors de vos réflexions comme parlementaires, c'est qu'à terme j'en viens à la conclusion que le consentement à l'aide médicale à mourir pour les maladies neurodégénératives cognitives doit être ajouté aux directives médicales anticipées et qu'il doit avoir un caractère exécutoire. Donc, qu'en toute liberté de conscience, les personnes qui ont reçu un diagnostic puissent dicter leurs directives alors qu'ils sont encore aptes à choisir et consentir aux soins qu'ils vont souhaiter obtenir tout au cours de leurs dernières années de vie.

Comme plusieurs avant moi, je m'appuie sur le principe d'autodétermination : le choix doit revenir à la personne elle-même. Et je crois que la prudence est de mise dans l'octroi de cette importante décision. Par souci de protection pour les plus vulnérables de notre société, la demande ne pourrait se faire que par et pour soi-même.

Alors, comment on balise? Comment on détermine le moment maintenant? Dans les cas de démence, vous avez entendu déjà parler que la progression de la maladie s'échelonne sur sept stades. Toutefois, la progression de la maladie n'est pas linéaire. Les stades, voire même certaines pertes d'autonomie à l'intérieur d'un même stade, diffèrent d'une personne à l'autre. C'est pourquoi on ne pourra pas nécessairement arriver à fixer des balises applicables uniformément pour toute une catégorie entière de personnes ou toute une catégorie de diagnostics. Il va falloir considérer l'unicité et la complexité de chaque individu. Et il y a plusieurs facteurs qui seront déterminants. D'abord, évidemment, son aptitude à comprendre et à consentir à ces soins, son diagnostic et le parcours thérapeutique qu'il a vécu, sa subjectivité face à la souffrance, les conditions de vie qu'il considère acceptables, sa conception de dignité et évidemment ce qui pour lui ou elle donne un sens à sa vie. Il faudra certes établir des critères clairs et observables, mais leur choix et leur application devra se faire sur une base individuelle. Par exemple, on ne pourrait pas dire pour tous les cas de démence, donc toute cette catégorie, la balise applicable serait l'atteinte du stade 5 ou du stade 6. Ça serait contraire à l'autodétermination, parce que le stade 6 peut s'avérer trop tôt pour l'un alors qu'il s'avère trop tard pour un autre.

Donc, suite au diagnostic, le médecin, normalement, informe la... bien, pas normalement, le médecin informe la personne atteinte des symptômes et de la progression typiques que va avoir sa maladie vers la mort. Donc, à ce moment-là, la personne va pouvoir réfléchir à ce qu'elle souhaite. Est-ce qu'elle décide de se laisser aller dans la maladie ou est-ce qu'elle désire qu'on la libère de ses souffrances à un moment spécifique du parcours? Si c'est le cas, bien, à ce moment-là, elle pourra choisir d'ajouter à ses directives anticipées qu'on lui administre l'aide médicale à mourir lorsqu'une association de différents critères qu'elle considère intolérables pour elle sera présente. C'est l'atteinte de l'ensemble de ces critères qui déterminera le moment venu. Et, si on nomme une personne comme mandataire, cette personne-là n'aura pas le rôle de choisir ou de décider du moment, mais elle aura bien un rôle d'observateur afin d'aviser l'équipe soignante lorsque, selon elle, la personne atteinte rencontre l'ensemble des critères qu'elle avait elle-même préétablis dans ses directives.

Si vous permettez, en terminant, j'aimerais vous parler de la vie. J'aimerais que vous gardiez à l'esprit que le consentement anticipé à l'aide médicale à mourir, ce n'est pas seulement de choisir le moment ou la façon qu'on va partir, c'est surtout de pouvoir choisir la qualité et les conditions dans lesquelles nous acceptons de vivre nos dernières années de vie. C'est de nous donner la permission de vivre dans la sérénité et avec légèreté le moment présent, parce qu'on sait que nos dernières volontés seront respectées même si on n'a plus les capacités de les exprimer. C'est de profiter de ses proches et de vivre des précieux moments encore pendant quelques années, au lieu de précipiter notre fin de peur de ne plus être capable d'y consentir plus tard. C'est d'avoir la possibilité de prévoir, de planifier les soins, les ressources humaines, matérielles et même monétaires dont nous aurons besoin, plutôt que de s'en remettre au système et à l'État.

J'ai voulu, aujourd'hui, vous laisser entrer chez moi, vous donner un aperçu de la réalité que vit ma famille. C'est évidemment unique, mais, en même temps, c'est tellement semblable à ce que vivent tant d'autres familles québécoises. Pour ma mère, il est trop tard, mais, pour nous, il est encore temps. Je porte donc ma voix à celle de plusieurs citoyens et citoyennes qui, comme moi, ont accompagné un proche et l'ont vu dépérir d'une maladie neurodégénérative cognitive. Nous affirmons souvent que nous ne voulons pas mourir de cette façon, mais, en fait, la vérité, c'est que nous ne voulons pas vivre les longues années de déclin qui vont nous mener vers l'inévitable agonie.

Nous vous demandons donc d'aller de l'avant avec la modification de la loi afin d'ajouter l'aide médicale à mourir aux directives médicales anticipées, et ainsi d'octroyer à chacun la liberté de choisir de leur vie en accord avec leurs propres convictions, et ce, jusqu'à la toute fin. Je vous remercie et je suis disposée à répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme Leclerc, pour votre témoignage. C'est très généreux de votre part de venir nous partager votre vécu avec nous.

Donc, nous débuterons la période d'échange avec le député de D'Arcy-McGee.

M. Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup, Mme Leclerc, pour la dignité, la lucidité et la pertinence de votre témoignage.

Vous êtes consciente, j'imagine, de la préoccupation complémentaire et réelle devant nous. C'est, dans un premier temps, de faire des recommandations qui vont faire en sorte que les intentions claires et librement exprimées soient balisées de façon responsable et démontrable afin d'éviter le genre de dérive qui nous préoccupe tous et, j'imagine, vous aussi. C'est de... Même si la décision soit prise d'élargir l'accès, voilà une préoccupation qui est va être présente, et vous en avez faite référence ici et là.

Je me permets de constater que la situation de votre famille n'est pas nécessairement typique. Très tristement, il n'y a rien que nous pouvons recommander qui changerait le sort de ta mère, mais, si on pense à vous et les gens autour de vous, de toute évidence, il y aurait toute liberté de faire des choix clairs et librement faits. Ce n'est pas automatiquement le cas pour des gens qui vivent tout seuls, pour les gens qui se trouvent sans proche aidant naturel, qui se trouvent devant, comme on entend souvent, des conditions médicales qui sont, pour en dire le moindre, beaucoup moins qu'idéales.

Donc, avec ces réalités, je vous invite à nous parler davantage comment on peut assurer un élargissement qui minimise... on est dans les zones grises, et il faut l'accepter, dans les zones grises sur la question la plus primordiale devant une société, un individu, mais comment est-ce qu'on limite le plus que possible des possibilités de dérapage dans ce dossier?

Mme Leclerc (Catherine) : Bien, en fait, mon point de vue, c'est que la personne doit, alors qu'elle est encore apte, donner ses directives. Comme je vous disais, pour ma mère, il est déjà trop tard. Je crois qu'on doit, justement pour éviter qu'il y ait des dérives... que ça soit une décision qui est pour soi-même, par soi-même.

La façon dont moi, j'entrevois les choses, c'est qu'au moment où on est encore aptes à décider, mais qu'on a un diagnostic devant nous... Puis je suis un exemple parfait pour vous, j'ai des probabilités, évidemment, de par mes antécédents familiaux, d'avoir la maladie et je n'ai pas de conjoint, pas d'enfant. Mes parents seront probablement disparus dans quelques années, donc il est possible que je sois seule. D'autant plus, pourquoi je désire, si, un jour, j'ai un diagnostic de maladie d'Alzheimer, sachant que je n'aurai probablement pas l'accompagnement que ma mère a pu avoir avec son mari... d'autant plus que je veux pouvoir choisir quels seront les critères de... les pertes d'autonomie ou les critères qui, selon moi, sont des critères qui ne correspondent pas à la dignité et qui sont des critères qui font en sorte que, pour moi, ça représenterait une souffrance existentielle qui serait intolérable, donc je veux pouvoir, à ce moment-là, dans mes directives médicales anticipées, pouvoir dire, bien : Il pourrait y avoir... bien... Puis là je ne suis pas une spécialiste puis, évidemment, je ne suis pas médecin, ni psychiatre ni professionnelle de la maladie d'Alzheimer, mais je crois qu'il y a une façon dont on pourrait baliser en trois catégories. Donc, la première catégorie de balises serait tous les critères par rapport à l'évolution de la maladie comme telle, donc soit les stades de progression de la maladie. Donc, je pourrais dire : Moi, bien, quand je serai rendue au stade 5 de la maladie d'Alzheimer, ou, par exemple, je pourrais dire : Lorsque j'aurai scoré, excusez l'anglicisme, lorsque j'aurai eu un résultat, par exemple, de 15 sur 30 à tel... le mini-mental test, par exemple, qui est un test qui permet d'évaluer la maladie d'Alzheimer, ça, ça pourrait être les balises qui concernent la progression de la maladie.

• (16 h 20) •

On pourrait avoir une deuxième catégorie de balises qui serait les pertes d'autonomie. Donc, lorsque j'aurai le stade 5, et s'ajoutent à ça lorsque je ne serai plus en mesure de parler ou lorsque je ne serai... je serai incontinente en permanence depuis au moins une période de six mois. Donc, ça, ça pourrait faire partie des critères de la catégorie pertes d'autonomie.

Et il pourrait y avoir, même, une troisième catégorie, qui seraient les critères de pertes cognitives, donc là entreraient les différents critères qui seraient lorsque je n'arriverai plus à reconnaître mes proches, lorsque je n'arriverai plus à m'orienter dans le spatiotemporel — on est quelle journée, on est dans quel mois, ou ce genre de trucs là.

Donc, c'est sûr qu'il y a des experts qui seraient beaucoup mieux placés que moi pour déterminer quels critères entreraient dans quelle catégorie. Mais, si j'ai un diagnostic d'alzheimer, je m'assois avec mon médecin, il m'explique : Voici les stades, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, qui s'en vient, à peu près qu'est-ce qui peut arriver dans chacun des stades, et voici vers où vous vous en allez dans vos pertes de... cognitive et d'autonomie. Qu'est-ce qui est, pour vous, intolérable?, et là, à ce moment-là, je coche, et, quand j'aurai atteint l'ensemble, l'association de l'ensemble de ces critères-là, bien, mon mandataire, qui sera un ami ou quelqu'un, pourra dire à l'équipe soignante : Je pense que Mme Leclerc, elle a atteint l'ensemble des critères qu'elle avait établis elle-même. Donc, le mandataire n'a pas sur lui l'odieux ou la culpabilité de se dire : Hum, est-ce que j'ai... Est-ce que c'était vraiment là qu'elle voulait? Est-ce que j'ai choisi le bon moment? Parce que, dans le fond, elle ne fait qu'observer les critères que moi-même j'aurai établis. Donc, je pense que c'est important aussi pour la personne qui sonne la cloche de ne pas avoir à vivre avec des sentiments qui pourraient être difficiles pour elle après, d'avoir eu l'impression d'avoir fait le choix pour la personne inapte. Donc, elle ne fait pas le choix, elle ne fait que constater.

M. Birnbaum : Merci. Je crois que, peu importe nos perspectives, on partage le voeu de limiter le plus que possible le rôle du mandataire pour que ça soit le moins discrétionnaire que possible, et que ce soit le rôle...

Mme Leclerc (Catherine) : Voilà.

M. Birnbaum : Là, on vous suit. Comment vous répliquerez aux experts médicaux et autres qui sont... qui ont témoigné devant nous, je ne sais pas si je partage leur point de vue, mais qui suggèrent que le consentement anticipé est un phénomène abstrait? On ne peut pas anticiper et, de façon claire et libre, juger une souffrance qu'on... mais plus tard, et que de juger, et de façon pointilleuse comme vous avez suggéré, quand même, ils écartent cette possibilité. Comment vous réagissez à ces experts-là?

Mme Leclerc (Catherine) : Bien, j'ai entendu, parce que je sais que ces discussions-là avaient beaucoup... étaient beaucoup en lien, justement, avec le concept de démence heureuse, puis je pense que je suis bien placée pour en parler, étant donné que je le vois depuis 15 ans. Évidemment, bien, je... Encore une fois, là, je ne suis pas une experte, je n'ai pas fait de recherches en alzheimer ni rien. Par contre j'ai écouté les témoignages du Dr Poirier, et j'ai écouté également le témoignage du Dr L'Espérance, et je dois vous avouer que leurs explications m'ont assez convaincue et correspondent beaucoup à ce que je vois. Le Dr Poirier parlait que c'était probablement plus un dérèglement chimique au niveau du cerveau qui faisait que la... ou une compensation qui faisait que la personne continuait de sourire. En même temps, est-ce que ça ne peut pas... Quelqu'un qui est assis, là, dans sa couche pendant des heures, attaché sur sa chaise, qui est là en souriant, est-ce que ce n'est pas là, même, le symptôme d'une maladie? Parce que personne ne pourrait sourire dans des telles conditions. Donc, pour moi, c'est seulement une preuve de plus d'un symptôme de la maladie.

Et, lorsque le Dr L'Espérance parlait de la différence entre la douleur et la souffrance, j'ai bien aimé lorsqu'il a parlé que, pour apprécier la souffrance, on devait avoir encore une conscience. Donc, il est impossible, évidemment, pour une personne qui a perdu sa conscience de pouvoir dire : Je souffre. Mais, en même temps, si on fait l'inverse du raisonnement, une personne qui a perdu sa conscience ne peut pas en même temps dire : Je vis un sentiment de bien-être, ou : Je suis heureuse. Donc, comment peut-on affirmer qu'une personne qui sourit, mais qui souffre de la maladie d'Alzheimer, puis je vais le redire, qui souffre de la maladie d'Alzheimer, parce qu'elle a encore la faculté de sourire veut dire qu'elle est dans un état de bien-être? Parce que ça voudrait dire que, pour ça aussi, ça prend un état de conscience pour pouvoir apprécier le fait d'être heureux ou d'être dans un état de bien-être.

Donc, c'est ce qui m'amène, comme réflexion suite à ces deux témoignages... Évidemment, je m'en remets beaucoup plus à leur avis d'experts qu'au mien par rapport à ça, mais je vais vous dire une chose : personnellement, je suis d'accord avec le fait que tant qu'on n'a pas eu un diagnostic, c'est vrai que c'est difficile de dire comment on va réagir à l'annonce de ce diagnostic-là de cette maladie-là. Et c'est pour ça que je pense que, pour commencer, ça serait préférable qu'il y ait un diagnostic puis que la personne ait le temps de regarder c'est quoi, les options qui s'en viennent pour moi, c'est quoi que la maladie va amener comme conséquences, comme symptômes, et qu'elle puisse en faire une analyse et choisir.

Par contre, personnellement, je sais très bien, pour l'avoir vu pendant 15 ans, qu'il n'est absolument pas question que je vive 15 ans de déclin comme ma mère l'a vécu dans une indignité totale. Et, honnêtement, si je n'ai pas la possibilité de demander l'aide médicale à mourir à ce moment-là, je vais me suicider. Ce n'est pas compliqué. Ou je vais demander l'aide médicale à mourir parce que présentement on le peut, mais je vais perdre probablement quelques années de beaux moments que j'aurais pu quand même vivre avec ma famille, même s'il y a des «up and down», même si je ne suis pas totalement encore là, mais je vais préférer perdre deux, trois ans de vie et de beaux moments pour être sûre et certaine de ne pas manquer mon coup.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. le député. Je céderais maintenant la parole au député de Rosemont.

M. Marissal : Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Leclerc, pour votre témoignage, qui est senti, qui est clair, puis ça a le mérite, effectivement, d'être très clair, là, votre position.

Mme Leclerc (Catherine) : Merci.

M. Marissal : Je pourrais, là, mais vous la septième aujourd'hui, ça fait que je ne le ferai pas, là, mais je pourrais... septième témoin aujourd'hui, je pourrais vous ramener tous les arguments inverses aux vôtres qui ont été apportés. Je ne suis pas sûr que ça serait très utile. Mais, parlant d'utilité, je ne suis pas persuadé que le débat sur la démence heureuse est si utile que ça dans l'avancement de nos travaux — puis je le dis en tout respect, là, je n'ai pas votre expérience, je n'ai pas... je ne vis pas ça — parce qu'il y a des gens qui sont convaincus ou moyennement convaincus que ça existe, mais qu'ils n'en ont pas réellement la preuve puisqu'on ne le sait pas, puis il y en a qu'ils sont convaincus que ça n'existe pas. C'est comme la fable de l'arbre qui tombe dans la forêt, là : À mille milles de toute région habitée, fait-il du bruit en tombant? On ne le saura jamais. Ça fait que je ne pense pas que ça nous aide beaucoup. Mais vous avez abordé assez rapidement la question des stades de la maladie... les maladies neurodégénératives, cognitives, démences et Alzheimer, qui sont les plus connus, les plus étudiés, il y a des stades. Ça, ça nous aide. Parce que, sinon, on y va avec votre proposition, qui est d'y aller par cas individuels. Et, sachant qu'il y a déjà des centaines de milliers de cas au Québec, qu'il y en aura encore plus dans les années à venir, comment est-ce qu'on va faire ça par cheminement et cas individuels, considérant en plus les ressources limitées, pour ne pas dire parfois manquantes, dans le réseau de la santé? Est-ce qu'on ne serait pas mieux, au moins, dans un premier temps, de... j'allais dire de nous faciliter la vie, non, parce qu'il n'y a rien de facile là-dedans, mais de nous donner une petite chance avec un stade, mettons?

• (16 h 30) •

Mme Leclerc (Catherine) : Oui. Oui, je comprends qu'est-ce que vous voulez dire. C'est pour ça que je parlais, par exemple, tout à l'heure, de différentes grandes balises. Donc, on pourrait dire, bon...

Tu sais, vous savez, présentement, au Québec, il y a eu, je pense, l'année dernière, c'était 2 700 demandes d'aide médicale à mourir. Donc, c'est sûr que, si on ouvre l'aide médicale à mourir pour les personnes qui ont un diagnostic de maladie neurodégénérative, on ne tombera pas, du jour au lendemain, à 100 000 demandes, là, ça, c'est certain. Puis, si on se fie aussi, là, aux statistiques, je crois que... je pense que c'est le Dr Poirier, là, qui nommait ces statistiques-là, aux Pays-Bas, où qu'il y avait eu à peu près 3 % des cas de demande d'aide médicale à mourir qui étaient, finalement, des personnes qui faisaient des demandes anticipées.

Présentement, il y a déjà une appréciation individuelle. Lorsqu'une personne demande l'aide médicale à mourir, elle doit avoir une appréciation individuelle, avec son médecin, où elle en est rendue, est-ce que, vraiment, elle remplit les différents critères de l'article 26, est-ce qu'elle est apte, est-ce que... bon, etc. Donc, à ce moment-là, pour moi, ce n'est pas plus compliqué, lorsqu'on fait nos demandes anticipées... Présentement, les directives médicales anticipées, c'est un peu ça, hein? On coche qu'est-ce qu'on veut, qu'est-ce qu'on ne veut pas, dans le cas de certaines circonstances.

Donc, si on y va à peu près, comme je vous disais, avec, oui, des grandes balises puis des balises qui sont les mêmes pour tout le monde... mais c'est à chacune des personnes de choisir, à l'intérieur de ces balises-là, pour eux, quand est le moment. Parce qu'on ne peut pas, quand on se fie au principe d'autodétermination, on ne peut pas dire pour tout le monde : Ça va être le stade 6, et, si, toi, tu le voulais avant, bien, tant pis, attends. Donc, enfin, c'est ma compréhension des choses.

Donc, je pense que, pour quelqu'un qui est en face d'une démence, de voir qu'est-ce que ça veut dire, chacun des stades, de choisir où il est confortable de se rendre, en termes de dignité et de souffrance, et ensuite de dire : Bon, bien... Je vous donne... Bien, comme je vous disais, là, mettons, moi, je dirais : Lorsque j'aurai atteint le stade 5, et si je suis incontinente depuis au moins six mois, si je ne reconnais plus mes proches, si je n'arrive plus à parler, à ce moment-là, il sera temps de réunir ma famille et puis procéder à l'administration du soin de fin de vie. Donc, je pense que ça, ça peut se faire sur une base individuelle. Les grandes catégories, eux, évidemment, pourront être les mêmes pour tout le monde, mais c'est de choisir lesquelles, à l'intérieur de ces catégories-là, s'appliqueront à moi personnellement. Ça, pour moi, ça doit se faire sur une base individuelle.

Puis vous me parliez, tout à l'heure, de... tu sais, on pourrait avoir tous les arguments inverses, mais il y a une chose qui est importante aussi par rapport aux gens qui ne sont pas d'accord avec la pertinence d'avoir l'aide médicale anticipée pour les maladies neurodégénératives ou l'aide médicale tout court, ces gens-là qui, pour eux, la dignité, tant et aussi longtemps que tu es vivant, tu es digne, puis que c'est la vie à tout prix jusqu'au dernier souffle, que Dieu aura décidé, c'est correct, puis, si c'est ce qu'ils veulent, mais qu'ils aillent vers ce choix-là, mais... puis je ne les empêcherai pas, puis je ne leur imposerai pas, moi, mes convictions puis ma définition à moi de la dignité. Alors, j'aimerais qu'on ne m'impose pas non plus leur définition de dignité, leur définition de ce qui est souffrant ou ce qui ne l'est pas. Je pense que j'ai droit à ma propre conception de ça.

Et je pense qu'il n'y a personne de mieux placé que moi-même pour savoir jusqu'où je suis capable de me rendre, selon mon appréciation, mes valeurs, mes convictions, ma religion, si j'en ai une. Mais, pour moi, ça revient à chacun de décider de ça. Et je ne pense pas que ni un groupe ni l'autre, qu'il soit en faveur ou contre, ait à imposer son choix à l'autre.

M. Marissal : La présidente est trop polie pour nous couper, mais j'ai largement dépassé mon temps. Je vous remercie pour les réponses.

La Présidente (Mme Guillemette) : Quand... C'est intéressant, les questions, souvent, les réponses servent à tout le monde, donc on laisse rouler le temps. Je céderais maintenant la parole à la députée de Joliette.

Mme Hivon : Merci beaucoup, Mme Leclerc, vous êtes vraiment très pertinente. Et je pense que votre propos rejoint assurément celui de beaucoup de personnes et de proches au Québec. Moi, je vais essayer, comme j'essaie de le faire souvent, de prendre la contrepartie ou d'amener certains de mes éléments de nuances, je dirais.

Quand vous nous dites : Ce n'est pas, dans le fond, tellement différent que ce qu'on vit en ce moment pour les personnes qui ont une maladie physique, puis qui étaient en fin de vie, puis qui vont discuter avec le médecin, puis on va voir si les critères sont remplis, je vous soumettrais qu'il y a quand même une différence, selon moi, assez importante, qui est le fait qu'il n'y a plus d'échange possible avec la personne, elle est inapte, elle ne sera plus capable de s'exprimer. Je veux juste qu'on cadre ça parce que c'est ce qui nous cause tant de problèmes ici et de tourments, à différents points de vue, comme législateurs ou comme parlementaires.

Et donc quelqu'un est venu nous dire : Vous savez, vous connaissez probablement tous un cas de quelqu'un qui a dit : Hé! moi, si un jour j'ai un cancer, je te dis que je n'en prendrai pas, de chimiothérapie, puis ce n'est pas vrai que je vais m'affaiblir, puis, si on me dit que j'ai un cancer stade 3 ou 4, je vais vivre ce que je peux du reste de ma vie sans m'acharner dans des traitements pour garder ma qualité de vie. Et oups! le moment arrivé, face à la situation, le jugement change.

La difficulté qu'on a, évidemment, c'est que, quand la personne l'a demandé à l'avance, elle n'est plus là pour s'engager dans un dialogue avec l'équipe soignante. Donc, ça, je voulais juste amener ça, juste pour vous rappeler comme... pourquoi, pour nous, c'est si complexe.

Puis l'autre chose, moi, d'un point de vue d'évolution de la société que je voulais mettre en perspective, c'est le fait que c'est en 2014 qu'on a adopté la loi, là, ça ne fait pas 30 ans, ça fait sept ans. Elle est entrée en vigueur en 2016. Donc, jusqu'à il y a cinq ans, l'aide médicale à mourir, ça ne se pratiquait pas. Et là beaucoup d'arguments, c'est : Mais pourquoi on ne donnerait pas ce droit-là? Pourquoi on ne peut pas avoir la demande anticipée? Pourquoi pas pour les personnes qui ont un trouble mental? Et je suis très sensible à ces arguments-là, ne me comprenez pas mal, O.K., on ne serait pas là si on n'avait pas de sensibilité par rapport à ces débats-là.

Mme Leclerc (Catherine) : Tout à fait.

Mme Hivon : Mais il faut juste être conscient que, quand on regarde le tableau global de l'évolution d'une société, ce n'est pas banal dans le temps. Et là, je fais une longue introduction, mais je vais arriver à des questions, là, et l'autre chose sur laquelle je voulais revenir, c'est la fameuse question de la démence heureuse. Moi, j'ai commencé à l'appeler «la démence non malheureuse», là, parce que je ne suis pas sûre qu'on peut être heureux quand on est dans des stades avancés de la maladie d'Alzheimer, mais peut-être qu'on n'est pas complètement malheureux. C'est une question que j'ai, je ne le sais pas. Puis souvent les exemples qu'on va nous donner, comme celui que vous nous avez donné, c'est, bien, une personne qui est grabataire, couchée en chien de fusil dans son lit, c'est évident qu'elle souffre. Une personne qui est attachée à une chaise ou qui doit être contentionnée, qui regarde en l'air en ne sachant plus où elle est trop, c'est sûr qu'elle souffre. J'aurais tendance, vu que je ne suis pas une experte, à être d'accord avec vous. La difficulté, c'est les autres cas, c'est les cas moins clairs, où une personne s'alimente encore, va manger à la salle à dîner — je sais que j'entends toujours le même exemple, là, mais c'est parce que j'en ai en tête — se répète, est devenu incontinente. Cette personne-là aurait dit : Moi, l'incontinence, c'est ma limite, mais la souffrance n'est pas perceptible comme ce que vous nous décrivez dans vos exemples. Ça fait que c'est ça qui nous amène, je dirais, à un gros dilemme. Et ce n'est pas juste de dire qu'ils sont heureux, mais c'est qu'on n'est pas capable de la percevoir.

Et l'autre chose, c'est quand vous avez dit : Il n'y a plus de conscience. Bien, moi, je dirais qu'il n'y a plus de conscience dans les derniers, derniers stades, mais je pense qu'il y a des personnes dans les stades 5, 6 qui ont encore de la conscience, qui vont se réjouir de voir quelqu'un arriver dans leur chambre, ils vont être contents de manger un morceau de gâteau au chocolat, de faire de la zoothérapie. Donc, il y a quand même une conscience, comme des personnes inaptes vont avoir une conscience.

Ça fait que je voulais juste voir avec vous, parce que là, c'est très intéressant, franchement, ce que vous nous donnez, comme types de critères qu'on pourrait prévoir, mais est-ce que nous, on devrait même en prévoir d'office? C'est-à-dire de ne pas laisser libre cours à dire : Ah! bien, tout est possible, de «dès que je suis incontinent» à «prévoir le moindre détail». Est-ce que nous, on devrait fixer d'emblée certaines balises, pour dire : Pas avant tel stade? Pas à moins de percevoir de la souffrance? Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Leclerc (Catherine) : O.K., bien, il y a plusieurs points. Premièrement, je me suis probablement mal exprimée tout à l'heure. Quand je disais qu'il n'y a pas beaucoup de différences, c'est au moment de choisir les critères, lorsqu'on vient tout juste d'avoir le diagnostic et qu'habituellement on est dans les premiers stades de la maladie où on est encore capable de choisir. Donc, c'est ce bout-là où...

C'est sûr qu'au moment de l'administration, là où la personne, le plus souvent du temps, est rendue inapte, là, je comprends que le défi n'est pas le même puis que la personne n'a pas la capacité de réapprouver son choix. Donc, ça, c'est le premier point.

Par rapport à est-ce qu'on doit, par exemple... Bon, mettons, on revient au fameux stade 6, donc toute personne qui aurait une démence ne devrait pas recevoir l'aide médicale à mourir avant le stade 6 parce que, peut-être qu'aux stades 3, 4, 5, il y a certaines parties de son cerveau qui sont affectées, mais qu'elle a encore, justement, une conscience et des moments de bonheur, bien, à ce moment-là, si la personne a quand même encore, au stade 3 ou 4, la capacité de choisir, est-ce que ça veut dire que cette personne-là ne pourrait plus demander, de façon consciente et... parce qu'elle a l'aptitude... l'aide médicale à mourir... parce qu'elle n'est pas encore arrivée au stade 6 de la maladie?

• (16 h 40) •

Mme Hivon : Non. C'est juste que, moi, je pense qu'on peut être inapte, et encore conscient de certaines choses, et vivre des choses qui sont des moments de bonheur même si, côté consentement aux soins, on ne serait pas jugé apte, on ne serait pas jugé apte à administrer ses biens, on ne serait... Vous me suivez. Même, on peut commencer à ne plus reconnaître ses proches, mais, comme nous a dit quelqu'un, sentir que cette personne-là est quand même importante ou qu'elle nous apporte du réconfort et apprécier ça.

C'est de cette part-là du mythe où je trouve que c'est beaucoup moins clair de trancher s'il y a souffrance ou non. Et là, ça pose la question du rôle de l'État, jusqu'où on est au service de la demande de chaque personne par rapport à une personne dans la société qui pourrait avoir ces mêmes conditions là mais qui n'a pas une maladie comme l'Alzheimer et à qui on n'offrira jamais l'aide médicale à mourir, je parle d'incontinence ou de ne plus s'alimenter seul. Vous me suivez?

Mme Leclerc (Catherine) : Oui. Sauf que, l'incontinence ou ne plus s'alimenter seul, c'est des symptômes, et des conséquences de la maladie, mais il y a tout un fond autre de maladie qui progresse, et qui affecte le cerveau, et qui affecte le jugement, et les capacités, et les muscles s'affaiblissent, et...

Tu sais, on voit souvent la maladie d'Alzheimer... même, à la limite, les gens trouvent un petit peu drôle : Oups! Elle a mis ses clés dans le frigidaire, mais on s'entend que... probablement que certains d'entre vous l'ont vécu dans leur famille, c'est beaucoup plus difficile que ça, de voir quelqu'un se dégrader, là.

Ceci dit, c'est un peu pour ça que je pense que ça doit être sur une base individuelle, le choix des critères, puis que ça doit être une association de plusieurs critères pour ne pas que ça soit seulement, justement, comme vous le dites : Ah! bien moi, si, un jour, je suis incontinente, ça y est, je veux l'aide médicale à mourir. C'est bien sûr qu'encore une fois, je ne suis pas une experte puis j'imagine qu'il pourra y avoir des psychologues ou des gens qui ont beaucoup plus de compétence que moi pour vous aider à ficeler les différentes catégories ou la façon de choisir qui pourra, justement, faire ces choix, de quelle façon. Si, pour en venir absolument à avoir l'aide médicale à mourir de façon anticipée pour la maladie d'Alzheimer, il faut absolument se rendre au stade 6, bien, je préfère ça que rien du tout, rendu là.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci.

Mme Hivon : Est-ce qu'il me reste une minute, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Guillemette) : Une petite minute rapide, mais, avant de vous donner votre minute, je vais demander consentement pour qu'on puisse étirer un petit peu dans le temps. Donc, il y a consentement pour tout le monde. Allez-y avec votre minute, Mme la députée Joliette.

Mme Hivon : Merci. Je ne sais pas si vous étiez... en fait, c'est plus pour vous amener sur le message sociétal. Vous avez l'air de quelqu'un qui a énormément réfléchi, et très articulée. Juste avant vous, on avait M. Marchand, donc une personne lourdement handicapée qui nous disait à quel point, pour lui, c'était choquant, parce que c'est comme si, quand on est apte et qu'on se projette, on prévoit des circonstances qui seraient, selon nous, selon des gens aptes complètement inacceptables en termes de dignité, alors que c'est son lot quotidien de vivre avec ça. Et donc nous, comme parlementaire, on doit se poser ces questions-là, des messages qu'on envoie avec l'ouverture qu'on pourrait offrir. Est-ce que vous avez quelque chose à dire par rapport à ça quand on entend quelqu'un dire : Moi, si je ne peux plus m'alimenter, moi, si je ne peux plus prendre soin de mon hygiène personnelle, alors qu'il y a des gens qui vivent 40 ans de leur vie comme ça? Est-ce que vous avez une réflexion là-dessus?

Mme Leclerc (Catherine) : Bien oui. Effectivement, c'est sûr que, bien, encore une, là, encore une fois, tout dépend de nos convictions personnelles puis de ce que, nous, notre limite de tolérance va par rapport à ce qu'on est capables ou pas d'accepter dans la vie. C'est sûr qu'il y a des situations où, comme vous disiez tout à l'heure : Ah! moi, ce n'est pas vrai, jamais je ne ferais la chimio, puis le jour qu'on a le cancer, bien, finalement, on accepte de faire de la chimio. C'est clair. Et c'est pour ça que je pense que c'est important que le diagnostic ait été posé, que la personne puisse vraiment s'asseoir, regarder : O.K., c'est où je m'en vais? Je suis rendue où dans ma vie? Quel âge que j'ai? Est-ce que j'ai du support? Est-ce que... Que la personne soit en mesure d'apprécier autour d'elle aussi, comment elle va pouvoir les vivre, ces dernières années là? Et jusqu'où elle sera en mesure de choisir qu'est-ce qui sera tolérable et acceptable?

Tout à l'heure, dans mon exposé, quand je vous disais de pouvoir prévoir les ressources matérielles, financières, humaines qu'on aura de besoin, bien, ça, ça veut dire que, si, par exemple, j'ai un diagnostic d'Alzheimer, puis que je me dis : O.K., moi, là, selon ma conviction, là, de ce que je suis capable d'endurer, là, je peux aller... ça ne me dérange pas que quelqu'un me fasse manger, ça ne me dérange pas que je ne sois plus capable de m'habiller ou de me laver seule, mais, par exemple, quand j'arriverai à tel, tel, tel stade, bon, mais, à ce moment-là, ça veut dire que je vais devoir peut-être adapter ma maison, je vais devoir peut-être engager quelqu'un pour prendre soin de moi, je vais devoir peut-être... Donc, c'est de pouvoir, en fonction de ça, dire : O.K., bien, moi, je vais m'organiser pour avoir tel, tel, tel soin à domicile, planifier tout ça en sachant que, bien, ma vie, elle va avoir une durée de vie de... la maladie va avoir une durée beaucoup moins prolongée que, probablement, si je laisse aller les choses toutes seules, et va être moins lourde à la fin aussi, va demander moins de soins à la fin si j'ai demandé : Bon, bien, à tel stade, on arrête tout ça.

Bien, je comprends qu'est-ce que vous voulez dire par rapport à envoyer un message. Par contre, encore une fois, tout est une question de convictions et de valeurs personnelles. Pour moi, quelqu'un qui se fait alimenter, pour moi, ce n'est pas quelque chose qui a un message d'indignité, mais pour quelqu'un d'autre, ça le sera. Je comprends, pour le monsieur avant, que malheureusement je n'ai pas écouté, mais je comprends que sa situation fait en sorte que pour lui, peut-être que ça puisse le heurter que certaines personnes trouvent que sa condition de vie, dans leur cas, ne serait pas acceptable. Par contre, que les gens qui en souhaitent ou qui en aient le désir aient l'aide médicale à mourir, rendus à telle, telle, telle condition que ce monsieur-là vit que lui est capable et puis là, il a acceptée n'enlèvera pas le jugement des autres, ou les valeurs des autres, ou... Ça ne changera pas le fait, là, que ce monsieur-là, il...

Tu sais, que j'aie le droit ou que je n'aie pas le droit de demander l'aide médicale à mourir, ça ne changera pas le fait que, pour moi, dans mes valeurs à moi, quand j'aurai atteint tel, tel, tel critère ou que j'aurai perdu tel, tel stade d'autonomie, pour moi, la vie ne sera plus digne, puis ça ne rendra pas la vie de monsieur plus digne non plus.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci...

Mme Hivon : Merci. Merci de votre indulgence, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée de Joliette. Je céderais la parole au député de Lac-Saint-Jean.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Leclerc. C'est toujours intéressant, là, d'entendre différents points de vue. C'est sûr et certain qu'on a un petit peu tous, je pense, en tout cas les... on s'entend tous qu'on a tous les mêmes questions, les parlementaires. On a entendu, hein, on a entendu le témoignage de Mme Demontigny, on a entendu aussi sa fille, on a entendu tout à l'heure Mme Ricard, qui a apporté aussi quand même des éléments intéressants.

Et vous avez parlé tout à l'heure des DMA. Tu sais, on a quand même des documents, tout ça, puis il faut se pencher là-dessus aussi, c'est important, je crois. Et vous êtes vraiment dans le mandat de la commission, vous parlez d'aptitude, d'inaptitude. Donc, vous, vous dites que, dans les DMA, vous suggérez qu'ils soit... qu'on pourrait retrouver, exemple, là, le document, là, ou quelque chose au bout, là, de l'aide médicale à mourir, entre autres, là, lorsqu'on est encore apte. Si, exemple, je me retrouve dans telle et telle situation, et que je ne suis plus inapte, donc, je... tu sais, je consentirais, exemple, là, à ce qu'on utilise, là, l'aide médicale à mourir comme traitement de soins de fin de vie.

Mme Leclerc (Catherine) : Oui.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : C'est sûr et certain que là, c'est quand même complexe, parce que là, il y a toute la question des critères, puis il ne faut pas non plus que ce soit un document qui devienne extrêmement lourd, administratif. Et est-ce que vous iriez même à dire qu'il doit être notarié, est-ce que vous exigeriez qu'il soit notarié, entre autres?

Mme Leclerc (Catherine) : Bien, pas nécessairement. Bien, présentement, le document, pardon, mon ignorance, mais le document de directives médicales, est-ce qu'il est notarié? Est-ce que c'est une obligation? Non, hein? C'est ce que je croyais. Donc, non, d'après moi, remplir ce document-là suffirait, au même titre, là, que les autres demandes.

• (16 h 50) •

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : O.K. Puis vous parliez beaucoup, tout à l'heure, de la volonté aussi de l'individu, puis que ce soit exutoire. Donc, c'est sûr et certain qu'il y a quand même... tu sais, c'est important, là, qu'il y ait des bonnes balises, mais, si, dans le cas, exemple, qu'on a une personne qui avait dit : Moi, quand j'arriverai à tel et tel stade, bien, je veux recevoir le soin de l'aide médicale à mourir...

Exemple, on a une situation... on a le médecin qui va dire... Comment vous voyez ça? Est-ce que c'est le médecin qui dit : O.K., je l'évalue, la personne est rendue là, et, bien entendu, il faut que le médecin soit libre de sa décision, mais est-ce que c'est le médecin qui prend la décision ou est-ce que ça doit se prendre aussi avec soit le proche aidant, la personne qui a été mandatée ou la famille? Comment vous voyez ça?

Mme Leclerc (Catherine) : Bien, pour moi, ça doit être exécutoire, oui, et contraignant, dans le sens où, lorsque j'ai atteint les différents critères que je vais avoir mis dans mes directives médicales anticipées, lorsque j'ai atteint l'ensemble de ces critères-là, le mandataire, comme je disais tout à l'heure, lui, il va être un observateur qui va dire : O.K., selon moi, les critères que Mme Leclerc avait choisis semblent être tous atteints. Et là il pourrait... la personne mandataire pourrait aviser l'équipe soignante, qui, elle, évidemment, va revérifier si c'est le cas. Parce que c'est important qu'il y ait une double vérification. Ça ne peut pas être uniquement sur la parole d'une seule personne. Mais l'équipe médicale et le mandataire n'ont pas le pouvoir de choisir et de décider. Ils ne font qu'apprécier et mettre en oeuvre les directives que la personne elle-même a décidées et a mises dans ses directives médicales, donc, à ce moment-là, lorsque l'ensemble des critères est atteint, de la même façon que les autres directives médicales anticipées. Lorsqu'on fait une demande alors qu'on est encore apte de dire : Bien, dans telle, telle situation je ne veux pas avoir de dialyse, dans telle ou telle situation je ne veux pas avoir de réanimation cardiorespiratoire, bien, on se projette dans le futur, et, la seule différence, c'est que là, on fait un refus de soin qui va nous amener à la mort, tandis que là, bien, on fait une demande de soin qui va nous amener à la mort. Mais la seule différence, dans le consentement, c'est on pose ou on ne pose pas l'acte, mais la résultante est la même au bout. Et il demeure qu'on a choisi d'avance, on s'est projeté et on a apprécié une souffrance qui était dans le futur.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Et vous conviendrez avec moi que c'est sûr que dans le cas d'une personne qui est apte jusqu'à la fin, c'est une chose, puis on sait que c'est vraiment... moi, je considère que c'est tout le temps des cas d'exception, là, bien, quand on en arrive là, mais la personne qui avait consenti, tout ça, qui avait fait son acte médical mais qui n'est plus apte, hein, on parle beaucoup de la maladie de l'Alzheimer, mais il y a d'autres maladies neurodégénératives qui peuvent en arriver là, si, advenant le cas qu'il y a un désaccord, soit avec le personnel, les spécialistes qui évaluent, puis le spécialiste dit : Non, la personne n'est pas rendue là, puis que là, le proche aidant ou la famille, parce que c'est sûr que la famille joue un grand rôle, plusieurs nous l'ont dit, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'avoir un genre d'autre... une autre évaluation, qui n'est pas non plus complexe, parce qu'il ne faut pas non plus alourdir les choses, mais est-ce qu'il faut revenir contrebalancer la décision?

Mme Leclerc (Catherine) : Bien, oui, oui. Puis c'est sûr que lorsque le mandataire... ou ça peut être l'équipe soignante qui se rend compte, là, que la personne a atteint l'ensemble des critères qu'elle a mis dans ses directives. Mais, à ce moment-là, ça, c'est l'équipe soignante qui s'en rend compte, ou, parfois, dans les CHSLD, il y a des préposés qui sont là pendant des années, qui connaissent très bien les pensionnaires, donc ça pourrait être une préposée qui le dit à l'équipe soignante : Ah! bien, écoutez, je pense que Mme Leclerc, selon les directives qu'elle nous avait données, elle semble être rendue là dans l'appréciation, là, des différents symptômes qu'elle présente. Et c'est sûr qu'il doit y avoir une contre-vérification de l'équipe soignante pour s'assurer que oui, effectivement, la personne est rendue là dans les différentes pertes d'autonomie et dans les différents stades de progression de la maladie. Mais ça, c'est objectivable, dans le sens où que c'est mesurable, à quel stade que t'es rendu dans la maladie, c'est mesurable, ton degré d'autonomie sur certains points. La cognition aussi, c'est mesurable, il y a différents tests qui existent. Donc, c'est... il y a une façon, là, de le réévaluer qui, évidemment, c'est sûr que si, par exemple, un mandataire, pour une raison x, sonne la cloche beaucoup trop tôt, bien, oui, il faut qu'il y ait une réévaluation de l'équipe médicale pour s'assurer qu'on est bien rendus là. Tout à fait.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Bien, merci. C'est tout pour moi, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. le député. Donc, je procéderais à une dernière intervention avec la députée de Saint-François.

Mme Hébert : Merci, Mme la Présidente. Il me reste combien de temps?

La Présidente (Mme Guillemette) : Allez-y, là, on va... On a consentement pour déborder et on a le temps généreux que Mme Leclerc nous accorde.

Mme Hébert : Bien, merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Leclerc, c'est très percutant ce que vous nous dites. Puis je trouve ça toujours, je n'aime pas le mot intéressant, mais plutôt humain, des témoignages comme vous faites aujourd'hui, d'avoir le point de vue de la famille, des personnes qui sont confrontées à la maladie. On a eu plusieurs, aujourd'hui, des témoignages plus personnels, et ça vient beaucoup alimenter et mettre des visages sur des situations qu'on peut analyser ensemble, tous et chacun. Puis je tiens à féliciter tous mes collègues qui ont intervenu parce que ce n'est pas évident de passer la dernière, tout le monde a donné d'excellentes questions qui ont été répondues.

Mais moi, je veux vous amener... Je vous ai bien entendu, vous avez dit que ça prenait un diagnostic pour faire une demande médicale anticipée pour une demande médicale à mourir, par rapport, puis ce qui teinte aussi vos décisions, c'est par rapport qu'on a été soit confronté à la maladie ou qu'on a le diagnostic. Donc, ça, c'est clair de votre côté. Dans le cas de votre maman, puis je vais utiliser votre exemple, puis je ne vous juge pas ou rien, là, mais je veux juste comprendre, vous me dites que ça fait 15 ans que votre maman a la maladie d'Alzheimer.

Mme Leclerc (Catherine) : Oui.

Mme Hébert : Disons, advenant, on parle, on parle comme ça, advenant que votre mère aurait donné... aurait demandé l'aide médicale à mourir dans les premières années, là, du diagnostic, parce que ça aurait été accessible, elle aurait fait toute la démarche avec sa famille, avec les intervenants, elle aurait mis des balises claires. Tout est, tout est... semble tout bien réaliste. Et arrive un stade où elle a mandaté quelqu'un de la famille pour vraiment lever le drapeau puis dire à l'équipe médicale : Bien, on est rendu là, mais que cette personne-là, parce qu'on parle de 15 ans, là, donc il y a 10 ans, 12 ans, cette personne-là a changé ses valeurs puis elle veut... elle, elle n'est pas d'accord. Puis là je comprends, là, là, il peut y avoir une divergence dans la famille parce que, peut-être qu'elle ne lèvera pas le drapeau aussi rapidement. Puis il y a quelqu'un de la famille qui va dire : Bien là, maman, elle est rendue là, puis c'est ça qu'elle demandait. Donc, quand il n'y a pas un accord dans la famille, est-ce que c'est le médecin qui va prévaloir sur la décision?

Mme Leclerc (Catherine) : Bien, de là la question de votre collègue du Lac-Saint-Jean, je crois, avant qui disait : Est-ce qu'il devrait y avoir une double vérification? Effectivement, je pense que ça devient d'autant plus pertinent dans les cas où il pourrait y avoir conflit, parce qu'on ne se le cachera pas, il y en a des conflits dans les familles, c'est vrai.

Donc, à ce moment-là, je crois aussi, par exemple que... puis vous l'avez dit, là, dans votre exemple, la personne change d'idée. Mais, normalement, on va nommer un mandataire qui va être aligné avec nos valeurs. Et puis changer d'idée sur l'aide médicale à mourir, je ne vous dis pas que c'est impossible que ça arrive, mais on parle de valeurs fondamentales. C'est comme changer d'idée sur l'avortement, ou le mariage gai, ou... tu sais, c'est des sujets qui sont... des valeurs vraiment, habituellement, qui sont senties, qui sont intégrées, qui sont ancrées en nous. Donc, ce n'est pas quelque chose qui va changer à toutes les semaines. Il n'y a pas une semaine où je vais me dire : Ah oui! c'est vrai, rendu au stade 5, mais rendu, finalement, à une semaine plus tard, ce n'est plus ça. Donc, je pense qu'habituellement on va aller naturellement demander à un mandataire, un, qu'on va avoir informé, évidemment, je pense que ça va être prérogative importante que le mandataire soit bien au courant qu'il y ait une copie de vos directives, etc. Donc là, ça, on parle plus d'un côté administratif qu'encore une fois les gens mieux habilités que moi pourront vous aider à déterminer. Mais oui, je pense que oui, c'est vrai, il y a des conflits, puis c'est un point qu'on devra effectivement s'assurer, qu'il y a une double vérification, si jamais quelqu'un vient contester cette décision du mandataire, que l'équipe médicale puisse... Parce que, comme je disais tout à l'heure, ils sont mesurables ces critères-là. Donc, le mandataire soit dit oui ou dit non, il reste que c'est le demandeur, dans ses directives, qui choisit en dernier lieu, là. Le dernier mot revient à lui. Donc, à partir du moment où tout est rencontré, je pense que ça doit être exécutoire rendu-là.

Mme Hébert : Parfait, merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci beaucoup, Mme la députée. C'est tout le temps dont nous disposions. Merci beaucoup, Mme Leclerc d'avoir généreusement accepté de venir témoigner de votre vécu et de celui de votre famille.

Donc, sur ce, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, jeudi le 19 août, à 9 h 30, où nous poursuivrons notre mandat. Bonne soirée, tout le monde, et merci encore infiniment, Mme Leclerc.

Mme Leclerc (Catherine) : Merci à vous. Bonne journée.

(Fin de la séance à 17 heures)

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