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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mardi 10 août 2021 - Vol. 45 N° 9

Consultations particulières et auditions publiques sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec (COPHAN)

Conseil pour la protection des malades (CPM)

M. Laurent Boisvert

Fédération des mouvements Personne d'abord du Québec (FMPDAQ)

Fédération québécoise des sociétés Alzheimer (FQSA)

Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ)

Autres intervenants

Mme Nancy Guillemette, présidente

Mme Suzanne Blais

Mme Marilyne Picard

M. François Jacques

Mme Jennifer Maccarone

M. David Birnbaum

M. Vincent Marissal

Mme Véronique Hivon

Mme Geneviève Hébert

Mme Francine Charbonneau

M. Éric Girard

*          Mme Véronique Vézina, COPHAN

*          Mme Nathalie Boëls, idem

*          M. Pierre Hurteau, CPM

*          Mme Louise Bourgeois, FMPDAQ

*          Mme Danielle Gratton, idem

*          Mme Sylvie Grenier, FQSA

*          Mme Nouha Ben Gaied, idem

*          M. Daniel Jean, OPHQ

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente minutes)

La Présidente (Mme Guillemette) : Bonjour, tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission spéciale sur l'évolution des soins de fin de vie ouverte.

Donc, la commission est réunie virtuellement afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire : Non, Mme la Présidente.

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Donc, cet avant-midi, nous entendrons par visioconférence les groupes suivants : Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, le Conseil pour la protection des malades et le Dr Laurent Boisvert.

Donc, nous accueillons sans tarder la Confédération des organismes des personnes handicapées du Québec ainsi que leurs deux représentantes, Mme Véronique Vézina, présidente, et Mme Nathalie Boëls, directrice des dossiers. Donc, bienvenue, et merci d'être avec nous ce matin.

Donc, vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé, et par la suite il y aura un échange avec les membres de la commission pour une période de 35 minutes. Donc, sans plus tarder, je vous cède la parole.

Confédération des organismes de personnes
handicapées du Québec (COPHAN)

Mme Vézina (Véronique) : Merci, Mme la Présidente. Merci aux députés d'être présents aujourd'hui et d'avoir accepté de nous entendre, là, sur l'accès ou l'élargissement de l'accès à l'aide médicale à mourir pour les personnes qui sont notamment en situation d'inaptitude ou ayant des problèmes... un problème unique ou un trouble de santé mentale.

D'abord, vous présenter la COPHAN. LA COPHAN est un organisme de défense des droits des personnes qui ont des limitations fonctionnelles et de leurs proches qui a été incorporé en 1985 et qui représente une trentaine d'organismes provinciaux et régionaux qui regroupent des personnes handicapées qui ont tous types de limitations. Le fonctionnement de la COPHAN... bien, on est un organisme pour et par, donc on appuie nos positions sur les compétences et l'expertise des personnes elles-mêmes et des groupes qui les représentent.

C'est avec plaisir qu'on est ici aujourd'hui pour vous faire part de notre position sur le débat quant à l'élargissement de l'aide médicale à mourir, mais on souhaite uniquement porter à votre attention tout l'élargissement avec les modifications qui sont apportées à la loi de l'accès, aussi, à l'aide médicale à mourir à l'ensemble des personnes handicapées qui auraient des problèmes irréversibles dégénératifs qui apporteraient des souffrances soit physiques et psychologiques.

Il est important de noter que, lorsqu'on va parler d'inaptitude aujourd'hui, on va parler d'inaptitude à consentir aux soins, puisqu'on sait que l'inaptitude, là, peut varier selon le champ de compétence de la personne. Les principes sur lesquels... qui ont guidé, plutôt, notre réflexion, sont les suivants : d'abord, l'autodétermination des personnes, qui est un principe qui est très important pour nous, le respect de leur dignité, leur aptitude à comprendre les enjeux entourant l'aide médicale à mourir puis l'évaluation de leurs besoins, qui n'est pas basée sur un diagnostic, mais vraiment sur la souffrance qui est vécue par la personne.

Pour débuter, bien, avant de vous parler spécifiquement de l'élargissement de la loi à l'aide médicale à mourir pour les personnes inaptes ou ayant un trouble unique de santé mentale, il est important de rappeler que, pour nous, avant de mourir dans la dignité, comme on parlait en 2010, il est important que les personnes puissent vivre dans la dignité au quotidien. Et, pour vivre dans la dignité au quotidien, bien, il y a des conditions, des services, des soins qui doivent être donnés pour respecter... qui respectent leurs volontés, plutôt, tout au long de leur vie, et éventuellement, bien, si elles veulent avoir accès à l'aide médicale à mourir, bien, il faut leur donner accès à l'aide médicale à mourir.

Parmi les principes qu'on veut mettre de l'avant qui doivent encadrer l'accès à l'aide médicale à mourir pour l'ensemble des personnes handicapées, il y a toute la question du respect de la personne et de la dignité humaine sans compromis. Il est important pour nous de rappeler qu'il y a plusieurs facteurs sociaux qui ont un impact sur la santé des personnes. On parle entre autres de l'accès à l'éducation, au revenu, au travail, à un milieu de vie décent, au logement puis aussi à l'accès aux soins et aux services. Or, on sait qu'actuellement plusieurs personnes handicapées vivent des inégalités sociales à cet égard et n'ont pas accès soit aux services et aux soins qu'elles ont réellement besoin, que ce soient des services de santé ou des services sociaux, n'ont pas toujours accès non plus à un revenu décent et à des milieux de vie qui correspondent à leur situation.

Quand les services sont disponibles, souvent il y a des coûts qui y sont associés qui sont exorbitants parce qu'elles ne sont pas assurées, il y a un manque de services qui sont spécialisés, ou ils sont non accessibles à ces personnes-là. Donc, c'est un aspect qui est important à prendre en compte, puisque l'accès aux services ou les coupures de services, parce qu'il y a actuellement aussi beaucoup de coupures de services, peuvent amener des personnes, par désespoir, à demander l'accès à l'aide médicale à mourir, et on veut éviter qu'il y ait un dérapage qui amènerait des personnes à demander l'accès à l'aide médicale à mourir parce qu'elles répondent à tous les critères, mais pour des mauvais motifs.

Donc, pour nous, il est important que l'élargissement de l'accès à l'aide médicale à mourir soit bien... pour les personnes en situation de handicap soit bien encadré, qu'il y ait des balises claires, qu'il y ait des outils qui soient développés pour faciliter leur compréhension et que ces outils-là soient développés avant l'entrée en vigueur de la loi, mais qu'ils soient aussi faits en collaboration avec les organismes qui représentent les personnes.

Il faut aussi s'assurer, comme deuxième principe, que les personnes vont avoir accès à des services de qualité tout au long de leur vie. Je le disais tout à l'heure, l'accès aux services à domicile, aux services de réadaptation, le soutien qui est apporté aux proches, un revenu décent, l'accès à un logement adéquat, bien, ce sont des enjeux, actuellement, qui font que les personnes n'ont pas une qualité de vie qui est satisfaisante.

On voit dans le rapport d'évaluation sur l'efficacité de la politique À part entière concernant les activités permettant de vivre à domicile que de nombreuses personnes n'ont pas accès à des services qui répondent réellement à leurs besoins, ce qui pourrait les amener à demander l'accès à l'aide médicale à mourir.

On voit aussi... on a entendu parler beaucoup, notamment avec le... l'histoire de Jonathan Marchand l'année dernière, les milieux de vie. Il y a de nombreuses personnes qui, actuellement, ne vivent pas dans des milieux de vie qui correspondent à leurs besoins et à leur volonté d'être autonomes, donc c'est important qu'on entende et qu'on trouve des solutions pour ces personnes-là, parce que la solution, malheureusement, et on l'entend de plus en plus fréquemment, est justement : si on m'envoie dans ce type... dans un type d'établissement comme un CHSLD, je préfère demander l'accès à l'aide médicale à mourir. Ça fait qu'il faut faire attention à ces dérapages-là aussi.

Il faut s'assurer aussi de tout mettre en oeuvre pour soulager la souffrance physique et psychologique. C'est démontré dans de nombreux États et pays qui ont légalisé l'accès à l'aide médicale à mourir que les personnes qui ont accès à des services pour soulager la souffrance ne demandent pas l'accès à l'aide médicale à mourir. Donc, c'est important de bien développer ces services-là, de s'assurer qu'ils sont accessibles aux personnes en situation de handicap, mais de s'assurer aussi qu'ils soient mieux intégrés à l'approche médicale sans toutefois s'y limiter.

Il y a beaucoup d'approches thérapeutiques qui ont été développées par le milieu communautaire, notamment, qui a des approches alternatives qui, souvent, correspondent bien aux personnes handicapées. Donc, il ne faut pas non seulement développer l'offre de services pour soulager la souffrance dans le réseau public, mais il faut aussi s'assurer de soutenir le milieu communautaire.

Et le quatrième principe que moi, je vais vous présenter, c'est toute la question de l'humanisation de la médecine et le développement d'une meilleure formation pour les professionnels de la santé. Malheureusement, encore aujourd'hui, il y a beaucoup de préjugés, d'infantilisation aussi quant à la qualité de vie que peuvent avoir les personnes en situation de handicap. Et ça, ce n'est pas uniquement dans la population en général, c'est beaucoup, aussi, des professionnels qui portent un jugement à l'égard de la qualité de vie de ces personnes-là. Donc, c'est important qu'on s'assure d'améliorer et de développer une formation qui permet de bien répondre et de ne plus avoir ce genre de préjugé là ou ce genre d'infantilisation auprès des personnes en situation de handicap.

Notre cinquième principe, je vais laisser la parole à ma collègue Nathalie Boëls, qui va vous présenter tout le principe du consentement libre et éclairé et l'accès à l'information, qui va être un enjeu principal si on parle d'accès à l'aide médicale à mourir pour des gens qui sont en situation d'inaptitude.

• (9 h 40) •

Mme Boëls (Nathalie) : Bonjour. Merci, effectivement, d'être présents ce matin pour écouter notre position et de nous avoir invitées à la présenter. Donc, effectivement, je vais revenir un peu plus, bien, longuement sur le consentement libre et éclairé et le droit à l'information.

Dans le fond, le consentement libre et éclairé aux soins est garanti par le Code civil du Québec, par l'article 10. Il comprend beaucoup de choses : le diagnostic, la nature de la maladie ou de la condition de santé de la personne, la nature et l'objectif des traitements proposés, les risques associés à ces traitements, à des risques prévisibles, évidemment, probables, les résultats escomptés, les chances de réussite, mais aussi les risques associés aux traitements, puis présenter aussi les autres choix possibles et pour chacun d'eux, évidemment, les risques et les bénéfices aussi, et enfin les conséquences d'un refus du traitement ou des alternatives proposées. Donc, ça, c'est capital pour une demande d'aide médicale à mourir. C'est considéré comme un soin dans la loi. Donc, le consentement libre et éclairé doit s'y appliquer. Pour s'assurer d'un consentement libre et éclairé, il faut s'assurer, un, que la personne comprend cette information-là, d'où le droit à l'information, à l'accès à l'information.

Pour ce qui nous préoccupe, à la COPHAN, c'est de s'assurer que la formation est disponible selon la déficience de la personne. Pour les personnes aveugles, ça va être le braille, par exemple. Pour les personnes sourdes ou malentendantes, un accès à l'interprétariat. Pour des personnes plus en déficience intellectuelle, d'avoir du matériel de faible niveau de littératie, voire avec des icônes ou autres, des images pour être certaines qu'ils comprennent ce qu'on leur explique.

L'autre enjeu aussi par rapport au consentement libre et éclairé, c'est d'avoir un accompagnement tout au long du processus de la personne, autant dès sa demande que tout au long du processus, des étapes de l'explication, des évaluations cliniques, etc.

Enfin, on demanderait, advenant des changements apportés à la loi, qu'il y ait des outils, justement, qui soient développés, mis en place avant que la loi entre en vigueur ainsi que des balises pour encadrer tout le processus de la loi et spécifiquement le consentement libre et éclairé des personnes.

Donc, pour rentrer dans le vif du sujet, les questions qui étaient posées, les enjeux actuels de l'évolution de la loi pour l'accès à l'aide médicale à mourir des personnes inaptes, comme disait Mme Vézina tantôt, on parle des personnes inaptes à consentir à un soin, puis par souci d'autodétermination des personnes et du respect de leur dignité, on est en accord de leur donner accès à l'aide médicale à mourir si tel est leur voeu, si tel est leur souhait. Donc, de là découle une chose primordiale, c'est qu'on ne veut pas que quelqu'un puisse demander l'aide médicale à mourir pour autrui. C'est vraiment la personne qui va recevoir l'aide médicale à mourir qui doit faire cette demande en son nom.

L'autre chose, c'est qu'on demanderait aussi qu'il y ait une évaluation psychosociale, pas juste une évaluation médicale, mais une évaluation psychosociale, parce que, comme disait Mme Vézina, une des raisons que l'on craint que les gens demandent l'aide médicale à mourir, c'est par manque de services, par exemple, par désespoir, par profonde détresse. Donc, on voudrait que ce soit évalué par un intervenant psychosocial, et à la suite de la décision qui découlerait de l'évaluation psychosociale, laisser un délai de 90 jours entre le moment où on dit que la personne est admissible et le moment où l'aide médicale à mourir est administrée. Le délai de 90 jours, dans ce cas-là, servirait éventuellement à trouver des solutions qui conviendraient à la personne. Encore là, on ne veut pas imposer une solution, il faut que ça corresponde aux besoins et aux souhaits de la personne.

En ce qui concerne les personnes qui anticipent une perte d'aptitude parce qu'elles viennent d'avoir un diagnostic clair d'une maladie, telle la maladie d'Alzheimer ou autre, qui aura un impact quasi certain à long terme sur ses capacités cognitives, là encore, on est d'accord pour que ces personnes puissent faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir dès l'instant où elles ont leur diagnostic clair et qu'il y ait un délai de 90 jours entre la signature de la demande de la personne et l'administration de l'aide médicale à mourir.

Pour ce qui est des personnes victimes d'un accident inattendu, par souci d'autodétermination, comme pour toutes les autres personnes, on est en accord qu'elles aient accès à l'aide médicale à mourir, mais on ne veut pas que cette demande soit faite par anticipation ou dans des directives médicales anticipées. La raison pour laquelle on prend cette position-là, c'est parce que, par définition, un accident, on ne sait pas si ça va arriver un jour dans notre vie. La plupart du temps, on ne le souhaite pas. Donc, on n'est pas dans le cas des personnes qui anticipent une survenue d'inaptitude, donc elles ne peuvent pas être dans le cas précédent des personnes qui anticipent une perte d'aptitude. Donc, si ça survient à la suite d'un accident, elles font face à deux situations possibles : soit après leur accident elles sont encore aptes à consentir à un soin, mais elles ont des séquelles permanentes, physiques et psychologiques permanentes, et persistantes, et au-delà de leur capacité d'acceptabilité, là, elles vont être dans la situation des personnes du jugement Gladu et Truchon, donc elles pourront avoir accès à l'aide médicale à mourir; si l'accident les a rendues inaptes, elles vont être dans le cas des personnes dites toujours... qui ont toujours été inaptes, le premier cas qui a été soumis par la commission d'aujourd'hui. Donc, si la loi est changée pour donner accès à ces personnes-là dites avoir toujours été inaptes à consentir à un soin, elles auront, à ce moment-là, accès à l'aide médicale à mourir. Donc, en gros, toutes les situations ou presque sont déjà couvertes pour ces personnes-là.

Enfin, pour les personnes qui ont uniquement un trouble mental, par manque d'expertise, à la COPHAN, on ne voulait pas se préciser clairement, oui ou non, mais on est d'accord pour qu'il y ait un comité et une réflexion avant de prendre une décision sur ces enjeux-là parce que, comme on pouvait le lire, d'ailleurs, dans le document de consultation de la commission, même les experts en santé mentale ne s'entendent pas sur une position claire à prendre sur cet enjeu-là très important. Donc, on demande à la commission de mettre en place un comité de réflexion avant de prendre ces décisions-là.

Donc, c'est ça. Bien, c'est tout, j'ai fini les trois points principaux. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup à vous deux.

Nous allons maintenant pouvoir passer à la période d'échange avec les députés de la commission. Donc, nous débuterions avec Mme la députée d'Abitibi-Ouest.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Bonjour, mesdames. Merci pour votre présentation.

Alors, ma question, c'est... Lorsque vous parlez de certains endroits, certains pays, qu'ils ont l'aide à mourir, vous dites qu'il y a moins de demandes d'aide à mourir, j'aimerais que vous élaboriez sur ce sujet. Et combien de demandes ont-ils, annuellement?

Mme Vézina (Véronique) : En fait, ce qu'on dit, c'est qu'on n'a pas les statistiques sur combien il s'en fait dans chacun des pays, mais ce que les études et les démarches qu'on a faites démontrent, c'est qu'à partir du moment où on a mis en place des services pour soulager la souffrance, qui peut être physique ou psychologique, et qu'on a trouvé des solutions pour l'atténuer, bien, les gens ne considèrent plus que leur seule option est l'aide médicale à mourir. Donc, ce n'est pas... c'est le fait d'avoir instauré un service d'accompagnement et de soulagement de la douleur ou de la souffrance qui fait que les gens demandent moins accès à l'aide médicale à mourir, mais aussi le fait d'avoir... de leur avoir donné des conditions de vie qui sont plus décentes.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Parfait. Merci beaucoup.

• (9 h 50) •

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Donc, nous passerions à la députée de Soulanges.

Mme Picard : Bonjour, Mme Vézina, bonjour, Mme Boëls.

Vous parlez d'un comité. Moi, je serais intéressée à vous entendre sur lorsque la personne qui souffre d'une certaine maladie ou qui a un handicap veut l'aide médicale à mourir, c'est sûr qu'on ne veut pas que ce soit à cause qu'il n'y a pas assez de services, là, donc quelle équipe, quel comité pourrait être formé? Qui voyez-vous comme professionnels autour de la personne qui l'aideraient à prendre la décision ou qui veilleraient à s'assurer... pour que la situation soit bien évaluée, là, pour ce patient-là?

Mme Vézina (Véronique) : Bien, je pense que la nécessité d'avoir une équipe multidisciplinaire... bien sûr, il faut avoir des professionnels plus du corps médical, mais il faut surtout avoir des professionnels psychosociaux qui sont en mesure de voir et d'évaluer l'ensemble des services qui ont été mis à la disposition des gens. La composition du comité pourrait varier en fonction de la problématique de la personne. Je pense que ce qui est important, c'est d'avoir des acteurs qui connaissent bien la situation de la personne, qui sont en mesure de non pas juste regarder l'aspect médical, mais aussi de réfléchir à des solutions qui pourraient atténuer la douleur ou la souffrance qui est associée à leur condition.

Donc, je ne pense pas qu'une composition très, très précise d'un comité serait adéquate. Il faudrait que le comité, ce qui est certain, contienne des gens qui sont près de la personne, qui connaissent bien le dossier de la personne, qu'il y ait des professionnels médicaux, des professionnels psychosociaux et des gens qui puissent bien accompagner cette personne-là dans leurs démarches, dans leurs demandes, pour pouvoir s'assurer que ce qu'on propose, les solutions qui ont été proposées ou les traitements qui ont été proposés sont adéquats pour bien répondre aux douleurs ou aux souffrances de la personne et que le choix de demander l'aide médicale à mourir est vraiment lié à leur condition physique ou psychologique et non pas aux conditions de vie inadéquates ou au milieu de vie où elles se retrouvent.

Mme Picard : Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée. Je céderais maintenant la parole au député de Mégantic.

M. Jacques : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Vézina, bonjour, Mme Boëls. C'est un plaisir de vous entendre aujourd'hui.

Moi, je veux revenir, là, sur les victimes d'accidents inattendus. Vous dites, là, que, les décisions, il faut qu'elles soient prises après l'accident, un coup que l'accident est survenu. Je comprends que quelqu'un qui est apte à consentir, ce que vous dites, c'est que la personne... Je fais un exemple, là, la personne serait quadriplégique, décide de ne pas vouloir vivre dans un corps qu'elle ne peut plus contrôler, puis, bien, on sait que les gens finissent par, à un moment donné, s'acclimater à leur condition. La première journée, tu veux mourir, mais après ça tu réussis à cheminer dans ton corps puis à avoir des activités, réussir à faire certaines choses puis à faire... pouvoir profiter quand même de la vie, là. Est-ce que... dans ces situations-là, avec une capacité intellectuelle pour pouvoir continuer à fonctionner intellectuellement, est-ce que vous mettez un délai? Est-ce que vous pensez que... De quelle façon les gens vont pouvoir bénéficier de l'aide médicale à mourir?

Mme Boëls (Nathalie) : En fait... Bonjour, M. François. Merci beaucoup de... merci beaucoup pour votre question, ça nous permet de revenir sur cette question-là. En fait, on ne s'oppose pas, justement, à l'aide médicale à mourir pour ces personnes-là, mais la situation que vous venez de décrire, c'est celle vécue par... qu'on a vu dans le jugement Gladu et Truchon, exactement. Donc, avec le changement à la loi, ils vont pouvoir avoir accès à l'aide médicale à mourir. Donc, ça, c'est déjà fait pour ces personnes. Donc, pour nous, dans le fond, on n'avait pas à se prononcer sur ce cas particulier, parce que, là, il est déjà, entre guillemets, réglé.

Puis, l'autre chose aussi sur laquelle je voulais revenir, c'est qu'on ne voulait pas que ce soit mis dans les directives médicales anticipées, par exemple, dans ces cas d'accident, pour ne pas se baser uniquement sur un diagnostic pour demander l'aide médicale à mourir, puis ça, c'est valable pour toutes les personnes, qu'elles soient inaptes à consentir aux soins ou non, parce qu'un diagnostic amène des séquelles très différentes d'une personne à une autre, et toutes les personnes ne vivent pas les mêmes séquelles de la même façon dans leur tête. Donc, si on veut vraiment répondre aux besoins des personnes, il faut vraiment s'attacher à leur souffrance psychologique et physique et non pas juste sur leur diagnostic. Alors, si on met ça dans les directives médicales anticipées, c'est de se dire : Bien, moi, si après mon accident je deviens tétraplégique, je ne veux plus le vivre, mais on ne sait pas, finalement, comment on va réagir à ça.

M. Jacques : Puis, si je prends, de l'autre côté, les personnes inaptes à prendre des décisions — donc on revient à ce qui se fait présentement avec les familles si jamais il y a une mort neurologique, là, une mort cérébrale — je ne pense pas que ce soit dans ces cas-là que l'aide médicale à mourir va arriver, parce que juste avec le débranchement, là, du respirateur, ou certaines choses, bon, bien, il va y avoir une mort, là, précipitée ou rapide dans les heures ou les jours qui vont suivre. Mais je ne comprends pas. Si une personne est inapte à prendre une décision suite à un accident, on remet encore la décision à la famille, alors que la personne pourrait avoir fait une directive médicale anticipée pour dire : Bien, écoutez, moi, si jamais ça arrive, je veux avoir... recevoir l'aide médicale à mourir. J'essaie de voir le jeu, là, entre la directive médicale anticipée puis le recours au choix de la famille, là, à la fin de tout ça.

Mme Boëls (Nathalie) : L'autre avenue aussi... Oui, je m'excuse, Véronique.

Mme Vézina (Véronique) : Ah! vas-y, Nathalie.

Mme Boëls (Nathalie) : L'autre chose qu'on voulait aussi, c'est de suggérer aussi une réflexion sur les directives médicales anticipées, à savoir est-ce qu'on ne pourrait pas allonger la liste des traitements qui existent présentement. Parce que, présentement, il y en a cinq; la plupart d'entre eux, si on les refuse, amènent la mort. Mais est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'allonger cette liste-là? Par exemple, le coma n'est pas dans la liste. Donc, ça pourrait être une avenue. Et puis de pousser aussi... de faire une grande campagne de sensibilisation autour des directives médicales anticipées auprès de la population québécoise pour les encourager à remplir ce formulaire-là.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci beaucoup, M. le député.

Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis.

• (10 heures) •

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. Merci beaucoup pour votre présentation fort intéressante. Moi, ce que j'entends de vous, c'est... vous cherchez vraiment à trouver un équilibre entre le droit individuel et la nécessité de protéger des personnes vulnérables.

Ce que j'aimerais entendre de vous, c'est quelque chose qui me préoccupe, c'est : Que pouvons-nous faire pour assurer qu'il n'y aura pas de la maltraitance en ce qui concerne les personnes handicapées? Vous avez fait vraiment un exposé de ce qui nous préoccupe tous en ce qui concerne... on ne veut pas que ce soit un recours parce qu'il y a un manque de soins, mais aussi, autour de l'entourage, plus souvent, la culpabilité d'une personne handicapée de sentir qu'ils amènent une lourdeur à leur famille. Alors, que pouvons-nous faire pour s'assurer... Puis vous avez évoqué quelques balises, mais devons-nous se préoccuper de ce genre de potentielle maltraitance et que pouvons-nous faire, comme commission... des recommandations que vous pouvez partager avec nous pour s'assurer qu'on protège bien ces personnes qui se retrouvent souvent en situation de vulnérabilité face à une demande potentielle d'aide médicale à mourir?

Mme Vézina (Véronique) : Tout à l'heure, on mentionnait la nécessité qu'il y ait une évaluation psychosociale qui soit faite auprès de la personne qui n'est pas en fin de vie et qui demande l'accès à l'aide médicale à mourir, qu'elle soit apte ou inapte, notamment pour évaluer si ce sont les conditions de vie dans lesquelles elle est qui font qu'elle demande l'aide médicale à mourir, mais aussi pour s'assurer qu'il n'y a pas une influence externe qui vient influencer sa demande ou influencer sa décision de demander l'aide médicale à mourir.

Et, quand on parle de l'influence externe, vous parlez beaucoup de maltraitance qui pourrait être faite par un proche ou de pression qui pourrait être faite par un proche pour avoir accès à des soins, mais il faut savoir qu'auprès de certaines personnes handicapées ce n'est pas seulement les proches qui font de la maltraitance ou qui amènent cette réflexion-là, parfois ce sont les prestataires de soins, parfois ce sont les gestionnaires de services, par les décisions ou les solutions qu'ils proposent. Donc, il ne faut pas traiter la maltraitance juste par la maltraitance des proches, il faut regarder comme il faut la maltraitance au sens large et voir comment on peut éviter que ce genre de situation là arrive et dénoncer, lorsqu'il y aura l'évaluation psychosociale, ce type d'évaluation là pour s'assurer que, si, la personne, finalement, après évaluation, on juge qu'elle n'aura pas accès à l'aide médicale à mourir, mais qu'elle ne demeure pas dans une situation où on lui met de la pression, où on lui parle... où elle est perçue comme un fardeau, où on ne lui propose pas de solution pour avoir des meilleures conditions puis avoir accès aux services et aux soins dont elle a besoin.

Mais c'est vraiment par l'évaluation psychosociale que ça doit passer, et c'est là qu'on va évaluer s'il y a maltraitance, peu importe qui amène la maltraitance ou qui fait simplement de la pression qui amène la personne, souvent, à se dévaloriser, à être perçue comme un fardeau pour ses proches ou pour sa famille. Donc, c'est important que tout cet aspect-là soit aussi encadré et évalué avant de donner accès à l'aide médicale à mourir.

Mme Maccarone : Alors, ça aligne bien avec la recommandation que vous avez faite, que nous avons besoin d'avoir un comité. Quel serait le rôle du proche aidant au sein de ce comité en ce qui concerne la personne handicapée qui voudrait avoir accès à l'aide médicale à mourir? Et on veut, évidemment, respecter l'autodétermination ou l'aptitude et le respect de la dignité de la personne.

Mme Vézina (Véronique) : Le rôle du proche aidant dans la décision de la personne ne doit pas être un rôle d'influence, je vais dire ça comme ça. Il peut être là pour accompagner. Il doit aussi être accompagné parce que, quand une personne prend la décision de demander l'aide médicale à mourir, ça peut être difficile pour elle, mais c'est aussi... ses proches vont aussi avoir besoin de soutien, mais le proche ne doit pas être... ne doit pas influencer la décision. Mais on doit prendre en considération, par contre, les conditions dans lesquelles le proche vit avec la personne, parce que, souvent, ce qui pouvait amener aussi la personne à demander l'aide médicale à mourir, c'est la charge qu'elle ne peut amener auprès de ses proches. Elle ne veut plus que ses proches soient obligés de subir ou de donner les soins dont elle a besoin, donc la solution qu'elle trouve dans cette détresse-là, c'est de demander l'accès à l'aide médicale à mourir pour soulager ses proches. Donc, il faut les entendre, mais il ne faut pas les entendre pour qu'ils influencent la décision, mais pour comprendre les conditions dans lesquelles la personne et eux vivent, actuellement.

Mme Maccarone : O.K. Et puis là vous avez parlé aussi du délai de 90 jours. Ce délai, mettons, à la fin du 90 jours, ça serait renouvelé sur quelle base? Ça serait quoi, les critères, selon vous, pour avoir un renouvellement si, mettons, l'équipe autour de la personne dit que : Nous ne sommes pas certains, on veut continuer à faire une évaluation?

Mme Vézina (Véronique) : Bien, en fait, l'évaluation est faite avant le 90 jours. Le 90 jours est plus pour donner le temps à l'équipe de soins de peut-être envisager d'autres solutions, les proposer à la personne, de voir aussi si la personne est toujours confortable dans la décision qu'elle prend, malgré les solutions qu'on pourrait lui proposer ou les conditions dans lesquelles elle se retrouverait. Donc, c'est vraiment plus une période de réflexion, d'échange, de recherche de solutions, et au bout de 90 jours, bien, la personne aura toujours la possibilité de décider si, oui ou non, la demande qu'elle a faite est toujours légitime et qu'elle veut toujours avoir accès à l'aide médicale à mourir.

Mme Maccarone : Devons-nous se préoccuper aussi des critères, de la possibilité, aussi, souvent, en ce qui concerne, évidemment, la cause des personnes handicapées, les gens, ils trouvent que ça peut être plus complexe quand on parle d'aptitude, quand on parle des critères? Est-ce qu'il devrait des critères d'admissibilité, comme par exemple pour une personne handicapée qui n'est pas en fin de vie?

Mme Vézina (Véronique) : Bien, les critères qui sont prévus à l'article 26 de la loi doivent assurément tous être respectés. Pour nous, ce sont les critères principaux, et on doit aussi s'assurer qu'à partir du moment où on répond à tous ces critères-là qu'il n'y a pas d'autres motifs qu'on nommait tout à l'heure, l'influence de proches ou les mauvaises... l'absence ou l'insuffisance de services ou les mauvaises conditions de vie, qui viennent influencer cette décision-là. C'est le critère qu'on ajouterait.

Mme Maccarone : O.K. Et je comprends que tout le monde veut... On veut reconnaître les droits et libertés de tous et de toutes en ce qui concerne... Vous avez parlé un peu des personnes qui souffrent d'une déficience intellectuelle ou de l'autisme, mais vous avez aussi évoqué la nécessité d'avoir une formation. C'est qui qui devrait s'occuper de cette formation? Et quel genre de formation envisagez-vous en ce qui concerne les personnes qui vont avoir un accompagnement qui est beaucoup plus ardu et profond, avoir une compréhension de ce qu'ils demandent en ce qui concerne l'aide médicale à mourir?

Mme Vézina (Véronique) : Bien, il existe déjà, dans les... je dirais, dans les cursus professionnels, des programmes d'enseignement. Nous, ce qu'on voudrait, c'est qu'on ajoute un volet qui concerne toute la question de l'accompagnement sur les soins de fin de vie avec des spécificités en ce qui concerne certains groupes sociaux comme les personnes handicapées. Et c'est certain que ces ajouts-là dans les programmes de formation, bien, devraient être faits en collaboration avec des personnes qui vivent elles-mêmes la situation et des organismes qui les représentent, comme la COPHAN.

Mme Maccarone : O.K. Merci beaucoup, mesdames.

Je passerais la parole à la députée... le député de D'Arcy-McGee, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. M. le député.

M. Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup à Mmes Vézina et Boëls pour votre exposé assez lucide et pertinent. Vous nous mettez devant beaucoup de mises en garde très bien entendues sur les services actuels et souvent les lacunes en ce qui a trait à ces services, à la formation des gens qui travaillent avec le monde handicapé.

Je veux m'assurer que... si, oui ou non, vous êtes en train, en quelque part, d'exprimer une inquiétude d'un lien entre un élargissement de l'aide médicale à mourir et un possible délestement ou diminution même plus approfondie des services actuels. Est-ce que vous faites un lien qu'il y a un danger qu'on va mettre une moins grande emphase sur l'importance essentielle de bonifier les services dont vous avez parlé advenant un accès élargi à l'aide médicale à mourir?

Mme Vézina (Véronique) : Bien, je vous redirais, on ne fait pas juste un lien, c'est un... pour nous, actuellement, ce sont des faits. On peut mettre des noms et des situations qui se sont passées récemment.

M. Truchon, qui a demandé l'aide médicale à mourir en mars... au printemps 2020, a clairement dit, dans une étude, juste avant d'avoir... de se voir administrer l'aide médicale à mourir, que, s'il avait eu les services et les soins nécessaires, il n'aurait pas demandé l'aide médicale à mourir.

Il y a eu M. Tremblay, il y a quelques années, qui, suite à une obligation de se voir logé en CHSLD, a préféré demander à un proche le suicide assisté.

On a l'histoire de Jonathan Marchand, il y a à peine un an, qui, pour pouvoir sortir de son CHSLD, a mis sa vie en danger en allant faire un siège devant l'Assemblée nationale, et qui, aujourd'hui, est rentré ou va rentrer dans son appartement, mais avec des conditions, je dirais, inhumaines où on lui dit : O.K., on te donne les services, tu vas chez toi, mais, si ça ne fonctionne pas, tu reviens dans l'établissement et tu n'en sors plus jamais.

Ce sont des faits. Actuellement, les services diminuent. On tente de développer des situations, mais sans nécessairement impliquer et écouter les personnes directement concernées et, parallèlement à ça, on élargit l'accès à l'aide médicale à mourir pour ces personnes-là. Donc, ce n'est pas juste des liens ou un dérapage qu'on voit, ce sont des faits qui sont déjà existants, des situations qui se sont passées, des gens sur lesquels on peut mettre des noms, des événements. Donc, ce n'est pas quelque chose qui s'en vient et qui risque d'arriver, c'est quelque chose qui est déjà présent et qui risque d'être encore plus présent si on leur donne accès à l'aide médicale à mourir ou si l'aide médicale à mourir... pas juste leur donner accès ou si l'aide médicale à mourir devient une option pour eux.

• (10 h 10) •

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci beaucoup, M. le député.

Donc, je céderais maintenant la parole au député de Rosemont.

M. Marissal : Ah! merci beaucoup de votre... Merci, Mme la Présidente. Puis merci beaucoup de votre témoignage puis votre apport à nos travaux, mesdames, c'est particulièrement courageux. Puis je vous remercie de rappeler d'emblée qu'avant de mourir dans la dignité il faudrait toujours qu'on garde en tête qu'il faudrait vivre dans la dignité. On ne le dira jamais trop, parce que, même si l'aide médicale à mourir est devenue un soin, légalement, il reste que c'est pas mal la solution définitive, puis que, si on pouvait ne pas avoir à se rendre là, ça serait probablement mieux.

J'ai entendu votre réponse à mon collègue de D'Arcy-McGee, j'avais la même question et je vais aller plus loin. Vous dites que le désespoir... la solution par désespoir existe déjà puis, effectivement, il y a eu des cas, hein? On ne peut probablement pas mettre un pourcentage là-dessus, mais, considérant l'état de certains soins au Québec, on ne se rentrera pas la tête dans le sable, on sait qu'il y a des cas, et vous en avez nommé quelques-uns.

Dans ce cas, et considérant ce que vous venez de dire, Mme Vézina, avec beaucoup d'émotion, comment vous faites le passage de ce constat à votre acceptation de voir la loi élargie? Autrement dit, sachant que des gens sont poussés vers l'aide médicale à mourir par désespoir parce qu'on a échoué à leur donner les services — et là je ne fais pas de jugement de valeur, là, entendez-moi bien — qu'est-ce qui vous permet de faire le pas pour dire : Nous devrions élargir la loi?

Mme Vézina (Véronique) : Si on prend cette décision-là, c'est notamment parce que ça devient un choix individuel ou personnel de demander ou non l'accès à ce soin. Par contre, c'est pourquoi on met énormément de mises en garde, parce qu'on ne veut pas que ça devienne une option à l'absence d'autres solutions. C'est un soin de dernier recours, c'est un soin qui doit être donné dans le cas où la personne a une souffrance physique et/ou psychologique extrême, que la situation est irréversible, que c'est dégénératif et que sa seule... malgré tous les services, tous les soins, tout ce qu'on met autour d'elle, on n'est pas capable de soulager cette douleur ou cette souffrance-là. Donc, c'est dans ces situations-là qu'on veut donner accès à l'aide médicale à mourir, puis il y a des gens qui sont pour, il y a des gens qui sont contre, mais, pour nous, c'est difficile de dire oui pour certains, non pour d'autres. On veut que ça demeure un choix individuel. Et, si on ne donne pas accès à l'aide médicale à mourir aux gens dont c'est le souhait et qui répondent à l'ensemble des conditions, et pour qui ce n'est pas fait pour cause de désespoir, bien, je pense que c'est le principal motif pourquoi on est d'accord à élargir l'aide médicale à mourir, mais pas à n'importe quel prix et pas à n'importe quelle condition.

M. Marissal : Je vous entends bien, merci pour la réponse claire.

Quelle est la portée de l'évaluation psychosociale que vous nous suggérez? C'est-à-dire, aurait-elle pour but simplement de compiler, par exemple, des statistiques qui nous donneraient un portrait, après quelques années, de qui demande l'aide médicale à mourir, ou est-ce que cette évaluation psychosociale pourrait, à la limite, renverser une décision?

Mme Vézina (Véronique) : L'évaluation psychosociale doit être faite avant qu'une décision quant à donner accès à l'aide médicale à mourir soit rendue. Donc, elle peut... elle va servir à évaluer les motifs ou les influences qui font que la personne demande d'aller à l'aide médicale à mourir. L'évaluation psychosociale va servir parce que le médecin va établir qu'elle répond, au niveau physique ou psychologique, aux différents critères qui sont demandés, mais l'évaluation psychosociale va venir évaluer, justement, si ce n'est pas une solution par dépit ou par défaut d'avoir accès à autre chose ou d'être influencée par autrui. Et l'évaluation psychosociale, bien, pourrait... en bout de ligne, devra dire si les motifs ou les raisons pour lesquelles la personne demande à avoir accès à l'aide médicale à mourir sont justifiés et que ce n'est pas... il n'y aurait pas d'autres solutions qui pourraient répondre aux besoins de la personne et qui pourraient soulager la situation dans laquelle elle est.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci.

M. Marissal : Mais je pense que je n'ai plus de temps, Mme la Présidente, hein?

La Présidente (Mme Guillemette) : Non. Merci, M. le député.

M. Marissal : Je vous remercie.

La Présidente (Mme Guillemette) : Nous allons quand même pouvoir poursuivre les échanges avec la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui. Bonjour à vous deux. Merci beaucoup de votre présentation.

Tantôt, vous avez dit : Pour les personnes qui sont inaptes, donc qui sont, j'imagine, par exemple, inaptes de naissance ou inaptes de manière permanente, on est d'accord pour qu'ils puissent avoir accès à l'aide médicale à mourir, mais on n'est pas d'accord au consentement pour autrui. Alors, je ne comprends pas comment on pourrait obtenir un consentement dans un tel cas. Je ne sais pas si quelque chose m'a échappé, mais est-ce que vous pouvez préciser sur ce point-là?

Mme Vézina (Véronique) : Je vais y aller. En fait, ce qu'on ne veut pas... Il y a des personnes inaptes qui, en raison de leur condition, ne seront jamais en mesure de consentir aux soins, et ce qu'on ne veut pas, c'est qu'autrui ou un proche, un membre de la famille puisse décider à sa place de lui donner accès ou de demander l'aide médicale à mourir et même d'entreprendre une démarche pour qu'elle ait éventuellement accès à l'aide médicale à mourir.

Par contre, parmi les personnes qui sont souvent inaptes à consentir à un soin ou considérées inaptes à consentir à un soin, il y en a qui, avec un accompagnement, des outils, pourraient elles-mêmes prendre une décision. Et c'est pour ces gens-là qu'on veut s'assurer qu'elles auront la possibilité de consentir à avoir accès à l'aide médicale à mourir, parce que souvent la compréhension n'est pas basée sur la capacité de la personne à... bien, est basée beaucoup sur la façon dont on présente les choses, dont on explique les choses. Souvent, on porte un... on va dire : Elle est inapte à consentir parce qu'elle n'a pas compris ce que je lui ai expliqué, mais on se pose rarement la question sur : Est-ce que je me suis ajustée pour bien lui expliquer?

Donc, avec des outils, un accompagnement nécessaire, bien, on pourrait favoriser des personnes qui seraient considérées inaptes à consentir, à consentir au soin, mais on est parfaitement conscients qu'il y en a pour qui, peu importe comment on va leur expliquer, peu importe comment on va leur présenter, ce sera toujours impossible, là, d'obtenir un consentement. Bien, dans ces situations-là, on ne voudrait pas que ce soit quelqu'un d'autre qui demande l'accès à l'aide médicale à mourir à sa place.

Mme Hivon : Parfait. Donc, je veux juste bien résumer si j'ai bien compris. Donc, ces personnes qui sont inaptes de manière permanente, irréversible depuis la naissance, il n'y a pas d'aptitude qui fluctue ou de possibilité d'obtenir, donc, une évaluation qui conclurait à l'aptitude, vous dites : On oublie ça, il ne peut pas y avoir d'aide médicale à mourir parce qu'on refuse le consentement substitué. Pour les autres qui peuvent avoir différents degrés de fluctuation dans leur aptitude, il faut faire le maximum pour les accompagner pour voir si on est capable de déceler une aptitude à consentir et si cette aptitude-là existe, là, il faut obtenir le consentement libre et éclairé, avec tout l'accompagnement possible, comme vous avez bien expliqué tout à l'heure. Je résume correctement?

Mme Vézina (Véronique) : Oui.

Mme Hivon : Oui. O.K. Dans la situation actuelle, là, déjà, depuis que la loi existe, évidemment, les personnes qui sont dans ces situations-là, d'inaptitude qu'on pourrait dire fluctuante, qui peuvent avoir des déficiences mais qui ne sont pas profondes, est-ce que vous avez des exemples où des personnes ont été accompagnées pour obtenir l'aide médicale à mourir? Est-ce que vous avez répertorié des cas? Parce que c'est comme pour tout autre soin, là, normalement, l'équipe doit bien accompagner pour évaluer d'abord l'aptitude et ensuite obtenir le consentement. Est-ce qu'il y en a, des cas répertoriés?

Mme Vézina (Véronique) : Bien, je vous dirais, on n'a pas fait un inventaire des cas répertoriés, mais on a au moins un exemple d'une jeune femme qui est décédée d'un cancer, il y a quelques années, qui avait une déficience intellectuelle, à qui on a refusé les soins de fin de vie parce qu'on considérait qu'elle n'était pas apte à consentir aux soins. Donc, elle a dû tolérer, je dirais, toute la souffrance associée à sa maladie jusqu'au dernier moment parce qu'on n'a pas considéré qu'elle était apte à avoir... à consentir à l'accès à l'aide médicale à mourir. Mais je n'ai pas un répertoire, c'est un exemple connu.

• (10 h 20) •

Mme Hivon : Non, non, je comprends, parce que c'était un défi. Puis on avait discuté, d'ailleurs, avec la COPHAN, lors de la première mouture de ça. Et c'était juste que je voulais savoir si les professionnels de la santé étaient plus exigeants dans l'évaluation de l'aptitude pour l'aide médicale à mourir versus d'autres soins, des traitements. Comme par exemple, si elle avait un cancer, j'imagine qu'elle devait consentir à des traitements. Est-ce que c'était elle? Est-ce que c'était un consentement pour autrui? Donc, c'est ce genre de cas là qui m'intéresse.

Mme Vézina (Véronique) : Bien, en fait, la personne a pu consentir à ses... à certains traitements, à certains soins. Mais lorsqu'elle est arrivée en phase terminale et qu'elle a demandé à avoir accès à l'aide médicale à mourir, malheureusement, malgré que ses facultés cognitives n'étaient pas diminuées par rapport aux consentements précédents qu'elle avait donnés, on ne lui a pas donné accès à l'aide médicale à mourir.

Mme Hivon : O.K. Merci beaucoup, c'est très intéressant.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci beaucoup à vous deux, Mme Vézina et Mme Boëls, pour votre exposé aujourd'hui, votre échange avec les membres de la commission.

Donc, ça met fin à cette partie, et je demanderais aux membres de la commission de rester avec nous pour accueillir le prochain groupe. Merci encore, mesdames.

(Suspension de la séance à 10 h 22)

(Reprise à 10 h 25)

La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, nous reprenons les travaux. Merci d'être présents.

Nous accueillons maintenant le Conseil de la protection des malades, avec M. Pierre Hurteau, vice-président du conseil d'administration. Donc, bienvenue, M. Hurteau, et vous avez 10 minutes pour votre exposé, et par la suite il y aura un échange avec les membres de la commission pour une période de 35 minutes. Donc, je vous cède dès maintenant la parole.

Conseil pour la protection des malades (CPM)

M. Hurteau (Pierre) : Très bien. Alors, je salue tous les membres de la commission, et je vais d'abord lire le court mémoire.

Le CPM tient à remercier la commission de l'avoir invité à soumettre son opinion sur la délicate question de l'élargissement de la Loi concernant les soins de fin de vie. L'organisme fêtera bientôt 50 ans d'existence vouée à la lutte et à la protection des droits des usagers de la santé du Québec. Parmi ces droits, le respect de la dignité de l'usager, de son autonomie, de ses besoins et de sa sécurité ont fait en sorte que le CPM a toujours donné son accord de principe à l'aide médicale à mourir, soit durant la commission parlementaire Mourir dans la dignité, où nous étions présents le 28 septembre 2010, soit en commission parlementaire sur le projet de loi n° 52 sur les soins de fin de vie le jeudi 26 septembre 2013, ou encore au sein du groupe d'experts sur la commission... sur la question de l'inaptitude et de l'aide médicale à mourir, qui a déposé son rapport en 2019. J'étais moi-même représentant du CPM sur ce groupe de travail. Cette prise de position n'a pas empêché le CPM de militer quotidiennement pour l'amélioration du vivre dans la dignité pour les usagers et les résidents en soins de longue durée.

Le jugement rendu dans la cause Truchon et Gladu a changé la donne en matière d'aide médicale à mourir en rendant inopérant le critère de fin de vie de la loi québécoise ou celui de mort raisonnablement prévisible de la loi fédérale. Ce critère désormais absent ouvre de nouvelles avenues, notamment pour les personnes souffrant de troubles mentaux, puisque ces derniers ne sont pas létaux, de même que pour les personnes souffrant de maladie physique sans être en fin de vie.

Le président-directeur général du CPM exprimait déjà le souhait de voir ce critère aboli en 2013, je cite : «...une personne qui rencontre les [...] exigences du projet de loi pour décider pour elle d'en finir, que cette personne-là... ou que sa mort soit imminente ou pas, une fois que la personne lourdement handicapée, adulte, apte[...], que cette personne-là devrait pouvoir en finir, que sa mort soit [immédiate] ou non.» C'est un point de vue qui avait déjà été exprimé, d'ailleurs, par le président du CPM en 2010.

Aujourd'hui, le CPM est appelé à se prononcer sur deux questions, essentiellement. D'abord, doit-on rendre accessible l'aide médicale à mourir aux personnes en situation d'inaptitude? Deux, l'aide médicale à mourir peut-elle être offerte aux personnes dont le seul diagnostic est un trouble mental?

À la première question, le CPM répond oui, sans aucune hésitation, mais à certaines conditions. Une personne majeure rencontrant les conditions suivantes devrait être autorisée à émettre des directives anticipées requérant l'aide médicale à mourir :

a) être apte au moment d'émettre les directives;

b) être informée d'un diagnostic ou d'un pronostic de maladie grave et incurable, soit une maladie qui conduira éventuellement à un déclin avancé et irréversible des capacités de la personne, soit une maladie qui infligera éventuellement... affligera, pardon, éventuellement la personne de souffrances physiques ou psychiques qu'elle juge intolérables.

• (10 h 30) •

Donc, l'obligation d'être apte à consentir à l'aide médicale à mourir au moment où la demande est formulée, par anticipation ou non, demeure une condition sine qua non. Le consentement par substitution est donc exclu, de même que les victimes d'accident vasculaire cérébral, tout comme les victimes d'un traumatisme crânien grave entraînant des séquelles graves, et irréversibles, et plongeant dans un état empêchant l'expression d'un consentement libre et éclairé, de même que les personnes qui n'ont jamais été considérées aptes à consentir à leurs soins.

Le CPM souscrit aux recommandations du groupe d'experts sur : un, le caractère non contraignant des demandes d'aide médicale à mourir, ce qui permet au demandeur, à la personne de confiance qu'elle aura désignée et à l'équipe soignante de suivre l'évolution du pronostic et des traitements disponibles dans le temps; deux, la nécessité d'un formulaire spécifique à l'AMM, dont la durée de validité est indéterminée; troisièmement, la tenue d'un registre des demandes, avec l'obligation de le consulter; quatrièmement, la désignation dans le formulaire de demande d'un tiers chargé de faire connaître sa demande anticipée et de demander en son nom le traitement de sa demande en temps jugé opportun.

Le CPM répond également de manière affirmative à la deuxième question. Toutefois, une attention particulière doit être portée à l'aptitude décisionnelle de la personne qui demande l'AMM, compte tenu de la nature de la maladie, qui pourrait l'affecter sérieusement. En effet, l'aptitude au consentement demeure toujours, que la maladie soit mentale ou physique, puisque c'est l'autodétermination et le respect de la volonté de la personne qui doivent toujours primer. Comme la maladie mentale est reconnue comme étant un problème médical nécessitant un traitement, de la même manière, il est difficile de discriminer sur la simple base d'un diagnostic et d'exclure de l'AMM les personnes qui en sont affectées gravement, qui ressentent des douleurs et souffrances, à leurs yeux, intolérables après avoir essayé différents traitements.

Tout en reconnaissant le droit à l'autodétermination des personnes atteintes d'un trouble mental, le CPM est d'avis que des mesures de protection additionnelles peuvent être prises en raison de la vulnérabilité de ces personnes, souvent aux prises avec le désir d'en finir avec leur vie. C'est pourquoi nous croyons qu'un délai de quelques mois doit être appliqué à partir de la date de la demande pour voir son exécution. De même, il faut exiger l'avis de deux médecins, dont l'un est obligatoirement psychiatre.

En terminant, le CPM adhère pleinement à la philosophie des soins de fin de vie s'inscrivant dans un continuum. À cet égard, il ne peut que rappeler la nécessité d'améliorer l'accès à des soins palliatifs de qualité et de consacrer des efforts importants pour faciliter l'accès à des soins et services en santé mentale, de même qu'un meilleur suivi de cette clientèle. Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, M. Hurteau. Nous commençons donc nos échanges avec le député de D'Arcy-McGee.

M. Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Et merci, M. Hurteau, pour votre exposé aujourd'hui ainsi que l'implication très aidante de votre organisme tout au long de ce débat au Québec, qui est dans sa deuxième décennie au moins.

Vous parlez de la demande anticipée et, de façon claire et nette, que les voeux, exprimés et balisés comme il faut, de la personne doivent être respectés. En ce qui concernerait le déclenchement de ces voeux exprimés par une personne identifiée, pouvez-vous élaborer un petit peu? Comment est-ce que les balises devraient être respectées et comprises de façon très claire, de façon temporelle sur les critères? Comment on s'assure à la fois le respect des balises de l'éventuelle loi ainsi que les voeux de la personne concernée en tout ce qui a trait au déclenchement du traitement?

M. Hurteau (Pierre) : Bien, pour répondre à votre question, je pense que le CPM... D'ailleurs, je l'ai dit assez clairement, là, le CPM suit, en quelque sorte, les recommandations qui ont été faites par le groupe d'experts. Et je ne parlerai pas au nom du groupe d'experts, là, mais, comme j'ai été membre de ce groupe-là qui a travaillé pendant presque deux ans, il est clair qu'à partir du moment où il y a possibilité de faire une demande anticipée, lorsqu'il y a un diagnostic qui est posé, c'est sûr que la personne est comme sur une trajectoire. Et c'est pour ça qu'on pense que, tout au long de l'évolution de la maladie, cette personne-là, elle est accompagnée par une équipe soignante et elle a aussi désigné une personne de confiance, une tierce personne qui la connaît et qui... c'est soit l'équipe médicale, soit l'équipe soignante, soit... et puis souvent multidisciplinaire, soit cette personne-là, qui est la personne de confiance, va se rendre compte de l'évolution de la maladie et du moment où le temps est venu à partir de balises qui auront été définies par la personne elle-même lorsqu'elle fera sa demande anticipée.

Alors, c'est à peu près ce que je peux vous dire sur cette question-là. Mais, grosso modo, je répète, notre position, c'est celle qui a été adoptée et balisée dans le rapport sur le groupe... le rapport du groupe d'experts sur ce point de vue précis là, sur cette question précise là.

M. Birnbaum : Nous venons d'entendre, de la Confédération des organismes de personnes handicapées, des mises en garde assez importantes. Ils partagent avec prudence votre voeu qu'on respecte l'autonomie, l'autodétermination de chaque individu, mais ils s'inquiètent beaucoup, surtout pour cette population, qu'un accès élargi à l'aide médicale à mourir peut... pourrait entraîner une diminution, en quelque part, de services disponibles et accrus pour les gens en besoin. Est-ce que vous partagez, en quelque part, cette inquiétude?

M. Hurteau (Pierre) : Bien, c'est-à-dire, je vous dirais que, comme j'ai dit à la fin de ma présentation, lorsque... et ça a toujours été la position, c'est que ce n'est pas parce qu'on accorde ou qu'on défend ce droit à l'autodétermination qu'on ne doit pas, en même temps, s'assurer... et c'était aussi le voeu qui était exprimé par le groupe d'experts, et c'était le sens... puis je vois Mme Hivon, là, mais c'était le sens de la loi sur les soins de fin de vie, c'est que toute la question des soins palliatifs... qu'on doit continuer d'en améliorer l'accessibilité, et la même chose en santé mentale, là. On connaît tous les problèmes de rupture de services, d'accessibilité qu'il y a dans les questions de suivi des personnes qui ont des troubles mentaux. Alors, il faut s'assurer de maintenir un très bon... un niveau adéquat d'accessibilité à ces services-là, de sorte que l'aide médicale à mourir ne devienne pas une option parce qu'on n'est pas capable d'avoir des services, là. Alors, c'est une question d'équilibre, là. Ce n'est pas parce qu'on permet, comme on a permis à Truchon et Gladu, l'aide médicale à mourir qu'on n'a pas des obligations d'améliorer l'accessibilité aux soins, là.

• (10 h 40) •

M. Birnbaum : Merci. Vous avez parlé de l'importance d'assurer qu'il y a des balises accrues en tout ce qui a trait aux troubles mentaux et l'accès à l'aide médicale à mourir. Êtes-vous satisfait qu'il y a une façon non discriminatoire, efficace et compatissante d'élargir cet accès sans risque de dérive? On pense aux intervenants, devant nous, qui parlaient des cas très sérieux, des tentatives de suicide, des gens avec une histoire de dépression majeure pour une période prolongée, par contre, et qui auraient retrouvé la vie heureuse, et qui auraient subi des traitements plus tard qui les rendaient en mesure de vivre de façon très satisfaisante. Comment on assure des balises qui vont protéger ces gens-là?

M. Hurteau (Pierre) : Bien, je pense qu'on avait ce souci-là, c'est pourquoi on a énoncé deux conditions qui nous apparaissent essentielles. C'est qu'on doit accorder un délai de quelques mois... on n'a pas défini, on n'est pas des experts, là, sur le plan médical, mais on doit accorder au moins, il nous semble, quelques mois, là, on n'a pas mis de chiffre, deux, trois ou quatre, mais entre le moment où elle est demandée et où là il y a l'exécution de la demande, ça nous apparaît nécessaire. On a aussi demandé qu'il y ait deux évaluations, dont une soit nécessairement faite par un psychiatre. Est-ce qu'il y a nécessité de voir deux psychiatres? Ça, je laisse le soin aux experts... mais au moins un, ça, ça nous apparaît nécessaire.

Maintenant, l'argument... Je dirais, on peut arguer longtemps sur la question de... Ce n'est pas seulement dans le domaine des troubles mentaux, mais il y a toujours possibilité de l'évolution de la médecine, des innovations qui feront en sorte qu'un diagnostic, un pronostic qui est valable aujourd'hui, peut-être que, dans un an, il pourrait être modifié. Ce n'est pas quelque chose, à nos yeux, qui est absolument particulier à la santé mentale.

M. Birnbaum : Oui, là, je vous suis en ce qui a trait à l'horizon de traitement qui change. Par contre, ce qui est unique dans le cas de la santé mentale, c'est cet aspect épisodique et, comme je dis, des exemples nombreux de gens qui ont retrouvé une qualité de vie malgré une souffrance épouvantable pour des périodes de leur vie. Y a-t-il une façon, de votre avis, de protéger contre un dérapage dans des cas de même?

M. Hurteau (Pierre) : Bien, nous, la seule façon qu'on voit, là, c'est les deux balises qu'on vous a énoncées. Mais je vous rappellerais aussi... Je me souviens très bien d'un cas, il y a plusieurs années, d'une personne qui n'était pas en situation de santé mentale, mais qui était lourdement handicapée physiquement, dans un CHSLD, qui avait même demandé à la cour... je crois que c'était le Manoir des Pins, ou quelque chose comme ça, dans les Laurentides... parce qu'il avait refusé de s'alimenter, de s'hydrater, et tout ça, et finalement, même s'il avait obtenu gain de cause, cette personne-là a décidé de vivre quand même, et ce n'était pas une question de santé mentale.

Donc, il y a toujours... Ce questionnement-là est là. Je pense qu'on ne pourra jamais complètement éliminer... mais je suis d'accord avec vous qu'il faut certaines balises. Mais on reste quand même dans le... On a bien énoncé que, pour nous, la santé mentale, elle a des traitements médicaux, donc elle doit être traitée comme toute autre maladie et ne pas être discriminée, et les personnes ont aussi droit à l'autodétermination.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci beaucoup, M. le député.

Je cède maintenant la parole au député de Rosemont.

M. Marissal : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Hurteau, pour votre témoignage. Je n'ai pas vu, dans la liste de la commission, votre mémoire. Je présume que vous ne l'avez pas déposé...

M. Hurteau (Pierre) : Non.

M. Marissal : ...que c'est plus un aide-mémoire, justement, pour vous?

M. Hurteau (Pierre) : Oui, c'est ça, on n'a pas déposé rien par écrit, là. Ça ne me fait rien de l'envoyer, là, si c'est...

M. Marissal : Je crois que ce serait apprécié, oui. Il y aura toujours le transcript, mais je pense qu'on a les documents qui pourront nous servir de référence. En tout cas, moi, j'aimerais bien avoir copie de votre...

M. Hurteau (Pierre) : O.K. Oui, je vous comprends, parce qu'il y a beaucoup de stock, là, puis...

M. Marissal : Oui, c'est le moins qu'on puisse dire.

La Présidente (Mme Guillemette) : Vous pourrez le faire parvenir au secrétariat de la commission.

M. Hurteau (Pierre) : O.K.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci.

M. Marissal : Merci, Mme la Présidente.

Je veux juste être sûr de bien vous comprendre, là, M. Hurteau. Quand vous avez dit, à un moment donné, «le consentement par substitution ne peut être considéré», est-ce qu'on parle, ici, seulement dans les cas de troubles mentaux ou c'est... généralement, vous êtes...

M. Hurteau (Pierre) : Non, non, en général.

M. Marissal : ...du consentement.

M. Hurteau (Pierre) : Oui, oui, c'est qu'on — tout comme le groupe d'experts, là, qui a exprimé cette position-là aussi — n'admet pas un consentement par substitution.

M. Marissal : Dans aucun cas?

M. Hurteau (Pierre) : Comme par exemple, un handicapé intellectuel de naissance, je veux dire, on ne pourrait pas admettre, même s'il a atteint 18 ans, que ses parents, ou son tuteur, ou «whatever», là, quelle que soit la personne, se substitue à cette personne-là pour demander l'aide médicale à mourir.

M. Marissal : Hier, on a entendu quelques groupes, dont la Commission des droits de la personne, protection des droits de la jeunesse aussi, qui ont une position totalement inverse à la vôtre, prétextant que... puis ça se défend, là, que la Charte des droits et libertés s'applique à tout le monde, les enfants sont des personnes aussi, et que, même dans le cas d'enfants de moins de 14 ans, on pourrait éventuellement considérer le consentement par substitution, le consentement substitué dans des cas, évidemment, vous l'aurez compris... les cas les plus lourds, évidemment.

M. Hurteau (Pierre) : Pardon?

M. Marissal : On comprend bien la dernière extrémité à laquelle on en arrive. Vous êtes donc contre cette position qui est prise par la commission...

M. Hurteau (Pierre) : Oui, oui, je pense que...

M. Marissal : ...par la commission et peut-être par d'autres. Je ne veux pas vous mettre spécifiquement en opposition avec la commission.

M. Hurteau (Pierre) : Oui. Non, non, mais, non, je réponds, là. Ce qu'on a dit... bien, ce que j'ai lu tantôt, c'est que nous sommes contre le consentement par substitution, quelle que soit la situation. On n'a pas examiné davantage... Comme je vous dis, aujourd'hui, on est là en train de se poser des questions sur l'évolution possible, mais, au moment où on se parle, c'est là où on en est. Est-ce qu'un jour on en viendra à cela après réflexion, tout ça? Je ne peux pas vous dire, mais aujourd'hui c'est ça, notre position.

M. Marissal : Très bien, je comprends.

Ensuite, rapidement, le délai de quelques mois, que vous n'avez pas quantifié, là, est-ce que ça s'applique, encore une fois, seulement dans les cas de troubles mentaux ou c'est généralement... seulement...

M. Hurteau (Pierre) : Oui, ça, c'est pour les troubles mentaux, oui.

• (10 h 50) •

M. Marissal : D'accord, c'est ce que j'avais bien compris, mais je voulais juste être sûr. Vous ne pensez pas, M. Hurteau, que les gens qui arrivent, surtout dans les cas de troubles mentaux, là, après des années, et des années, et des années, là, de souffrance, de diagnostics, de contre-diagnostics, d'essais-erreurs de médicamentation... médication, vous ne pensez pas que ces gens-là, quand ils arrivent à la décision de demander, ils sont rendus pas mal au terminus, puis c'est un peu injuste de leur dire : Tu es tributaire de la décision de quelqu'un qui va dire : Il faut que tu attendes encore quatre, cinq mois?

M. Hurteau (Pierre) : Bien, je ne sais pas si on peut parler d'injustice, parce que je pense que... comme l'a exprimé un peu le député, là, M. Birnbaum, je pense, là, c'est qu'au fond, comme société, on doit quand même... comme cette maladie-là ne conduit pas... n'est pas létale, disons, il faut quand même avoir certaines balises additionnelles pour s'assurer que la décision, c'est la bonne, et je pense que... Je comprends, là, ce que vous dites, je suis entièrement d'accord avec vous, et que probablement que la personne ne changera pas d'idée, sauf que je pense que, si elle a attendu tout ce temps-là, et comme elle n'en mourra pas, là, je pense que deux, trois mois, là, de plus, ça ne sera pas nécessairement fatal pour elle, mais je pense que c'est... Comme société, on doit se donner des, comment je dirais, mesures additionnelles qui font en sorte qu'on soit assurés que ce n'est pas quelque chose qui est pris à la légère.

M. Marissal : Très bien. Je vous remercie. Je n'ai probablement plus de temps, Mme la Présidente, je présume?

La Présidente (Mme Guillemette) : ...peut-être à la fin, M. le député.

M. Marissal : Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui, bonjour. Merci beaucoup de votre présentation.

Je veux vous amener sur une question qui m'interpelle beaucoup, là, que je trouve très complexe à résoudre. On a échangé avec les gens du comité d'experts par rapport à ça, c'est un peu l'adéquation entre ce qu'une personne qui est encore apte et qui se projette dans une maladie peut déterminer comme conditions ou comme circonstances dans lesquelles elle voudrait obtenir l'aide médicale à mourir, mais ensuite, le moment venu, l'évaluation de la souffrance, de la présence de la souffrance serait présente ou non.

Et hier on a eu Mme Nicole Poirier, de l'organisme Carpe Diem, là, qui travaille beaucoup, beaucoup avec les personnes atteintes d'alzheimer, qui a des approches très novatrices, notamment avec de l'hébergement dans la Mauricie, et, pour elle, le critère central doit demeurer la souffrance. On peut projeter que, si je ne reconnais plus mes proches, pour moi, je veux avoir l'aide médicale à mourir, on peut projeter que, si je ne peux plus manger par moi-même, je veux l'aide médicale à mourir, mais, au moment où ça se concrétise, ça ne veut pas dire que ces circonstances-là vont être porteuses de souffrances intolérables et constantes pour la personne.

Donc, évidemment, là, il en est question abondamment dans le rapport du groupe d'experts, mais je voulais avoir votre lecture, là-dessus, à vous, là, au nom de votre organisme, le conseil. Est-ce que ces seules circonstances là, qui seraient définies à l'avance, devraient donner ouverture ou on doit toujours s'assurer... ça a l'air drôle à dire, là, mais de la présence du critère de la souffrance en temps contemporain, quand la personne a perdu toute son aptitude?

M. Hurteau (Pierre) : Bien, comme j'ai dit dans la présentation, au fond, là, les critères qui sont dans la loi demeurent toujours. Il faut toujours avoir 18 ans, il faut toujours être apte à consentir et il faut toujours être affligé de souffrances intolérables. On ne peut pas juste se baser sur le fait que je ne reconnais plus mes enfants, là. C'est un ensemble de choses, mais, sur le critère, ça, c'est une longue discussion, au niveau du groupe d'experts, sur la question des souffrances, là, parce que la loi dit bien... la loi québécoise et la loi fédérale aussi, il y a un aspect subjectif dans l'évaluation de ces souffrances-là, ce n'est pas simplement une évaluation objective par une équipe médicale.

Donc, ça fait partie de l'évaluation de la souffrance... c'est que c'est possible que ce que vous décrivez, comme le fait que je ne reconnais plus mes proches, ajoutez d'autres choses, je ne sais pas trop quoi, ça devienne un élément de souffrance parce qu'on parle de souffrance psychique aussi. La souffrance psychique, là, ce n'est pas évident à évaluer, mais il y a certainement des composantes subjectives qui peuvent varier d'une personne à l'autre. C'est pour ça que c'est important d'avoir une tierce personne, aussi, qui connaît bien la personne, qui a un historique de vie, qui sait quelles sont les valeurs que cette personne-là... à quelles valeurs cette personne-là s'est rattachée tout au long de sa vie.

Mme Hivon : Je vous suis, mais une personne qui est devenue inapte, donc, qui est rendue dans les stades avancés de la maladie d'Alzheimer va avoir beaucoup de difficulté à exprimer, évidemment, ou verbaliser de la souffrance. Donc, souvent, ça va être par des signes externes que les experts nous apportent qu'on va être capables...

M. Hurteau (Pierre) : Absolument.

Mme Hivon : C'est ça. Et donc ça m'amène juste à poser une question, là, très de base. Plus j'évolue là-dedans, plus je me dis : Est-ce que, dans le fond, dans les demandes anticipées, la personne devrait tout simplement dire : Si je souffre de manière constante et inapaisable et que je remplis le critère de l'article 26, je souhaiterais avoir l'aide médicale à mourir? Je lance ça, là, juste parce qu'hier c'est ce que Mme Poirier a un peu amené comme réflexion, c'est-à-dire qu'on peut imaginer 56 circonstances, comme nous, personnes relativement bien portantes, en début de maladie, mais qui n'entraîneront pas nécessairement, lorsqu'on va être rendus à cette étape-là, la souffrance qu'on avait anticipée. Donc, est-ce que le critère devrait être tout simplement la présence ou non de souffrance plutôt qu'une description exhaustive d'éléments qu'on pense qui pourraient nous causer de la souffrance?

M. Hurteau (Pierre) : Bon, c'est une bonne question. Je ne sais pas, là... et vous dites que vous avez discuté avec le groupe d'experts là-dessus, je ne sais pas qu'est-ce que le groupe d'experts vous a dit là-dessus.

Mme Hivon : Non, non, inquiétez-vous pas, vous ne serez pas en porte-à-faux. Je n'ai pas posé précisément cette question-là. Ça m'est venu hier avec l'échange avec Mme Poirier.

M. Hurteau (Pierre) : O.K., non, mais c'est parce que... comment je dirais, oui, ça peut être ça, mais il y a une sorte de redondance dans ça parce que ce critère-là est déjà dans la loi. Alors, on ne peut pas l'éviter. C'est comme si... Par exemple, si on pense qu'il faut... s'il y a une déclaration de confidentialité quand on travaille au gouvernement, sinon on n'est pas soumis à la Loi d'accès et des... Non, ça ne marche pas comme ça, la loi est là et elle s'applique.

Mme Hivon : Je pense que je n'ai plus de temps, hein, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Guillemette) : Encore une petite minute, là. On va être généreuse.

Mme Hivon : O.K., merci. En fait, je suis tout à fait d'accord avec vous, que c'est un peu redondant ou ça devient un peu... ça devient très, très simple. C'est-à-dire que ça veut dire que, quand tu fais ta demande anticipée, c'est que toi, tu veux envoyer le message que, si tu es dans une situation de complète inaptitude dans l'évolution de ta maladie et que tu en viens, avec une équipe médicale qui va juger qu'il y a des souffrances constantes et inapaisables... tu veux obtenir l'aide médicale à mourir, donc, sans définir quel type de souffrance. Je ne vous dis pas que c'est ça, la solution, mais c'est que, vu qu'on nous le fait ressortir comme un noeud gordien de nos travaux, à quel point il faut essayer de trouver la concomitance entre ce que j'aurais demandé à l'avance puis... les gens vont me dire : Si je ne reconnais plus mes proches, si je ne peux plus m'alimenter, si je deviens complètement incontinent, dépendant, avec le moment contemporain où la personne est dans cette situation-là et qu'on doit évaluer s'il y a de la souffrance, je soumets ça comme hypothèse de travail, de réflexion.

M. Hurteau (Pierre) : Bien, c'est possible. Je ne sais pas trop quoi répondre à votre question, sinon que de dire aussi... Si c'est trop vague et imprécis, si la personne ne définit pas certains éléments, peut-être qu'il y a des gens qui vont appliquer ça d'une façon très large et d'autres, d'une façon très restrictive. Alors, je ne suis pas sûr qu'on est plus avancés, là.

Mme Hivon : Effectivement. Bien, merci de l'échange.

M. Hurteau (Pierre) : D'accord.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de Saint-François.

• (11 heures) •

Mme Hébert : Merci, Mme la Présidente. M. Hurteau, j'aimerais... je vais aller dans le même sens que mes collègues M. Birnbaum et M. Marissal. J'aimerais savoir, par rapport aux deux balises... parce que vous nous avez dit deux balises pour la santé mentale...

M. Hurteau (Pierre) : Oui, oui.

Mme Hébert : ...on va revenir au sujet de la santé mentale. Donc, vous avez dit deux balises, dont une qui... entre la demande et l'administration, il doit se passer quelques mois. On a, par le passé... et hier aussi, on a eu Mme Vrakas, Mme Sénécal, on a plusieurs experts qui ont parlé que, la santé mentale, il y a un continuum de soins, il y a comme... c'est comme s'il n'y a pas vraiment de maladie qui est irréversible et incurable, en tout cas, pour certains experts puis certains psychiatres.

Moi, j'aimerais savoir, quand il y a des gens qui ont eu des résultats... on a réussi, peut-être pas à soulager entièrement la souffrance, mais qu'il y a eu un apaisement puis qu'ils ont trouvé une certaine joie de vivre, mais des fois après 20 ans, puis il y a eu plusieurs diagnostics, puis que, là, maintenant ils sont à l'aise, si on a permis trop tôt, vous ne croyez pas qu'il va y avoir des dérives? Je reviens aux mêmes questions que mes collègues, mais j'aimerais que vous me rappeliez vos deux balises, dont une que je vous ai énoncée, mais il y aurait-tu des mesures additionnelles qu'on devrait faire?

M. Hurteau (Pierre) : Bien, nous, on s'en tient aux deux qu'on a énoncées. Je ne sais pas qu'est-ce que vous voulez exactement dire par «trop tôt». Si ça fait 10 ans ou 15 ans que la personne, comme a expliqué M. Marissal, là, que la personne est traitée, qu'elle est réfractaire à plusieurs traitements, ça fait 15 ans qu'elle souffre, qu'elle a peut-être fait trois tentatives de suicide, je ne sais pas qu'est-ce que ça prend de plus, là.

Mme Hébert : Bien, je vous dirais que vous énoncez la situation, disons, de Mme Vrakas, que ça a pris au-delà de 20 ans, plusieurs tentatives de suicide, et elle n'avait pas eu le bon diagnostic, donc elle n'avait pas eu la bonne molécule pour l'aider dans son problème de santé mentale. Mais, moi, ce que j'aimerais savoir, c'est que... Là, vous me dites : Si ça prend 10 ans, 15 ans. Est-ce qu'il y a un nombre d'années, d'abord, pour être admissible? Avez-vous déterminé un nombre d'années? Parce que, là, vous avez dit : Il y a deux balises entre la demande et l'administration.

M. Hurteau (Pierre) : Non, parce que... non, pas vraiment parce que nous, on ne fait pas... outre les deux balises qu'on vous donne, on ne fait pas de distinction vraiment particulière entre la santé physique et la santé mentale.

Je vous rappellerai que, dans les cas de Truchon et Gladu, là, ces personnes-là, quand elles sont allées devant le tribunal, là, ça faisait des années qu'elles endurent des souffrances, là, ça faisait des années qu'elles endurent des souffrances. Est-ce qu'il y avait le bon traitement? Je ne le sais pas, moi, je ne suis pas médecin. Est-ce que... Bon, on peut toujours se poser des questions comme ça, mais je ne pense pas qu'il y a une solution simple à toutes ces questions-là. C'est... à un moment donné, on s'en remet au choix de la personne.

Mme Hébert : Parfait. Merci, Mme la Présidente.

M. Hurteau (Pierre) : Parce qu'on a quand même... je veux dire, il y a quand même l'évolution d'une maladie, là. La maladie doit être quand même sévère. Il y a quand même des critères qui sont là, là.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci, Mme la députée.

Je passerai maintenant la parole à la députée d'Abitibi-Ouest.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci, M. Hurteau.

Comment évaluer la demande anticipée de la personne si, au moment de l'administration, elle ne montre aucun signe de souffrance apparent ou semble dans un état de bien-être? Et mon autre question sera : Pouvons-nous anticiper une souffrance sans l'avoir encore vécue tout en étant certains qu'elle nous sera intolérable?

M. Hurteau (Pierre) : Je ne suis pas sûr d'avoir bien saisi, là, mais pouvez-vous répéter la première question?

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : O.K. Évaluer la demande anticipée de la personne, O.K.? Mettons, on l'évalue. Au moment de l'administration de l'injection, elle ne montre aucun signe de souffrance et semble dans un état de bien-être. Comment peut-on évaluer de donner l'injection?

M. Hurteau (Pierre) : Oui, mais le critère de souffrance est toujours... doit toujours être présent, madame. S'il n'y a pas de souffrance intolérable, il ne peut pas y avoir d'aide médicale à mourir.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Ce qui est difficile à évaluer, c'est une souffrance psychologique.

M. Hurteau (Pierre) : Bien là, on revient à la question qu'on a discutée avec Mme Hivon, c'est comment évaluer le moment. Il faut s'en remettre à certaines...

Vous savez, les personnes, des fois, ne peuvent pas exprimer, même, comme a dit Mme Hivon, leur souffrance, sinon qu'il y a quand même une équipe soignante. En plus, comme la commission... le groupe d'experts l'a suggéré, ça prend une tierce personne de confiance qui connaît la personne. Donc, c'est tous ces gens-là qui sont habilités à déterminer, un peu, le moment, si la personne répond à ces critères-là, puis dire : Bien, oui, le moment est venu.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : O.K., mais ça veut dire que, si quelqu'un est diagnostiqué cancer généralisé, il n'est pas souffrant, alors il ne peut pas avoir de l'aide... ne peut pas avoir l'aide immédiate à mourir. Il faut qu'il attende d'être souffrant, c'est ce que je comprends bien.

M. Hurteau (Pierre) : Bien, moi, ce que je comprends de la loi, là, vous me corrigerez si je suis dans l'erreur, mais le critère de souffrance physique et psychique intolérable est toujours dans la loi, là, il n'a pas été enlevé, que ce soit la loi fédérale ou la loi provinciale.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Parfait. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée.

Si je peux me permettre, M. Hurteau, l'aspect de la santé mentale me touche particulièrement, et, bon, on voit que vous êtes en accord au niveau de l'autodétermination de la personne, mais est-ce qu'on se doit... plus tôt, vous parlez de deux balises, mais est-ce qu'on se devrait de baliser aussi les refus de traitement?

Il y a sûrement des gens, bon, qui, après une, ou deux tentatives, ou trois tentatives, vont dire à leur psychiatre : Regarde, moi, je n'essaie plus rien, alors que le psychiatre, lui, il dit : Bien, il y a encore des solutions, il y a encore des options. Qui va décider que les options sont.... on s'est rendus au bout des options, là? Est-ce que le refus de traitement doit être balisé, selon vous?

M. Hurteau (Pierre) : Bien, moi, je pense, là, que c'est un peu un autre débat, si vous me permettez, dans le sens où il existe déjà des balises. Moi, j'ai vu des cas, là, où des psychiatres se sont présentés en cour à cause de refus de traitement puis dire : Bon, bien, demandez à la cour l'autorisation de traiter une personne. Ça se fait, ces choses-là, là. J'ai même assisté à un procès là-dedans, là.

La Présidente (Mme Guillemette) : O.K., la personne refusait un traitement, puis le psychiatre est allé en cour pour dire qu'il y avait encore...

M. Hurteau (Pierre) : Absolument.

La Présidente (Mme Guillemette) : O.K. Et le résultat de ça... est-ce qu'on l'a, le résultat de ce jugement-là? Est-ce que le juge a...

M. Hurteau (Pierre) : Bien, tout ce que je peux vous dire dans ce cas-là, c'est que cette personne-là, elle est toujours vivante, et elle va bien, et elle n'est plus sous traitement, mais, à l'époque, elle l'a été.

La Présidente (Mme Guillemette) : O.K., parfait. Ma préoccupation dans cet aspect-là, c'est que ça ne devienne pas une option au suicide que de demander l'aide médicale à mourir pour les gens qui souffrent d'un trouble de santé mentale. Donc, c'était un peu, là...

M. Hurteau (Pierre) : Oui, oui, je vous comprends.

La Présidente (Mme Guillemette) : C'est un peu à ce niveau-là que, bon, je ne voudrais pas qu'on ait des dérives ou des abus.

Je crois qu'on avait le député de Rosemont qui avait peut-être une dernière question. Il nous resterait...

M. Marissal : Non, elle a été, depuis, répondue, Mme la Présidente. Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Parfait. Parce qu'il nous resterait 30 secondes, donc, si j'ai quelqu'un qui a une autre question...

Donc, merci beaucoup, M. Hurteau, pour votre présence avec nous aujourd'hui. Ça a grandement éclairé et ça va grandement aider et faciliter nos discussions pour la suite des choses.

Et, bien, je demanderais aux membres de la commission de demeurer avec nous pour accueillir le prochain invité. Merci encore beaucoup, M. Hurteau.

(Suspension de la séance à 11 h 10)

(Reprise à 11 h 19)

La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, nous reprenons nos travaux, merci à tous, et je souhaiterais la bienvenue au Dr Laurent Boisvert. Donc, bienvenue parmi nous. Merci d'être avec nous ce matin. Donc, vous disposez de 10 minutes pour présenter votre exposé, et par la suite il y aura un échange avec les membres de la commission pour une période de 35 minutes. Donc, je vous cède la parole, Dr Boisvert.

M. Laurent Boisvert

M. Boisvert (Laurent) : Merci, Mme la Présidente. Merci à la commission d'avoir accepté ma demande de vous rencontrer. Je vais me présenter rapidement. Donc, Laurent Boisvert, je suis médecin spécialiste en médecine familiale et, depuis peu, ex-urgentologue après 35 ans de pratique. Je pratique l'euthanasie depuis décembre 2015, dès l'entrée en vigueur de la loi québécoise, et, depuis ce temps, j'ai soulagé quelques centaines de malades, et ce, de façon continue.

Je vous présenterais trois malades que j'ai accompagnés dans leur demande d'aide médicale à mourir. Deux des cas vont aborder la question de l'aptitude/inaptitude, et le dernier cas aborderait la question de la maladie mentale.

Alors, le premier cas, et je vais me permettre de le nommer parce que les membres de la commission ont peut-être connu le cas, qui a été largement public, le cas de M. Yves Monette, donc, qui était un malade de 62 ans, qui était atteint d'une démence frontotemporale, une démence somme toute atypique avec des symptômes qui progressaient depuis déjà un bon bout de temps et qui allaient continuer à progresser, évidemment, puisqu'il s'agit d'une maladie neurodégénérative. Les symptômes, donc, étaient maintenant à un niveau où le... avaient atteint un déclin qui était maintenant inacceptable pour le malade et qui lui provoquait des souffrances intolérables. Au moment de l'évaluation et dans les mois qui ont suivi, M. Monette a toujours conservé son aptitude malgré son diagnostic de démence et les symptômes et physiques et mentaux que ça pouvait apporter, et donc il répondait toujours aux critères d'admissibilité et il pouvait donc être soulagé sans problème. Et ça a été comme ça jusqu'à la fin, et il est décédé au mois de juillet, tel qu'il l'avait demandé, accompagné de très nombreuses personnes qui l'avaient supporté tout au long de sa maladie et de sa demande.

• (11 h 20) •

Maintenant, on va passer à un deuxième cas, encore une fois, un cas de démence, mais qui, dans le contexte, présente un problème. Il s'agit d'une malade de 85 ans qui a un diagnostic récent de démence d'alzheimer. Les symptômes sont frustes, c'est léger. Pour l'instant, c'est un problème de légère désinhibition — les enfants ne reconnaissent pas toujours leur mère dans son comportement — et de perte de mémoire. Au moment où elle fait sa demande, elle est tout à fait apte, elle est confortable, n'a pas de souffrance physique, psychologique ou existentielle et elle voudrait pouvoir continuer à profiter de la vie, ce qui est tout à fait compréhensible puis qui est tout à fait correct. Cependant, la malade veut être soulagée lorsque le déclin va atteindre un certain niveau qui reste à définir, mais elle sait que la maladie va entraîner un déclin et une dégénérescence progressive et qui peut... qui va — qui va, pas «peut», mais qui va — atteindre un niveau qu'elle considère comme étant inacceptable. La famille supporte la décision de la malade et comprend très bien que, dans le contexte actuel, on ne peut pas faire une demande anticipée d'AMM. Alors, en conséquence, tant la malade de la famille que le médecin traitant, avec qui je suis en contact, demeurent à l'affût d'une détérioration éventuelle de son aptitude, et, à ce moment-là, la malade devra faire un choix qui sera de recevoir l'AMM à ce moment-là ou de ne jamais le recevoir. Évidemment, il s'agit d'un choix qui est cornélien, difficile, déchirant, qui vole des mois de... vole des mois, voire peut-être même des années de bon temps et à la malade et à ses proches, justement parce qu'on ne peut pas faire de demande anticipée.

Alors, pour ma part, on n'a pas raison de faire de discrimination entre un malade atteint d'un problème de démence qui est prêt à décéder parce qu'il a atteint son niveau de déclin et de souffrance et quelqu'un qui ne l'a pas nécessairement atteint mais qui l'atteindra de façon inexorable. En conséquence, je pense qu'on a besoin de permettre la demande d'aide médicale à mourir sur une base de directive anticipée, ce qui laisse au malade — puis là je pense qu'il y a des gens qui vous ont rencontrés et qui vous l'ont dit — le temps qu'il veut bien continuer à vivre avec ses proches, dans la mesure où ça demeure acceptable dans sa... dans ses valeurs puis dans la façon de voir la vie.

Cependant, évidemment, ça nous prend un mécanisme qui ne repose pas sur la décision du médecin quant à savoir quand est-ce qu'on applique l'aide médicale à mourir. Ça doit nécessairement faire intervenir des tiers partis qui sont proches du malade, qui connaissent sa décision, qui connaissent les critères d'application et qui, avec le médecin, prendront la décision au moment où le malade l'aura décidé.

Malheureusement, il y a probablement des malades qui n'ont pas vraiment de proches. Moi, j'en ai eu, des gens qui sont décédés en ma seule compagnie parce qu'il n'y avait personne autour d'eux. Il va y en avoir d'autres. Alors, il y a un mécanisme... il faut prévoir, dans le mécanisme, que quelqu'un puisse prendre la relève. Et puis, à titre d'exemple, j'ai mis, par exemple, la curatelle publique, qui est, de toute façon, déjà impliquée dans des questions de soins et même de soins de fin de vie.

Maintenant, la maladie mentale. Il s'agit d'une malade de 57 ans qui est atteinte d'une dépression chronique sévère et qui fait de multiples rechutes. Elle est suivie en psychiatrie depuis plus de 20 ans. Malgré son problème d'évolution, elle a connu des rémissions intéressantes depuis ce temps-là avec l'aide de la psychothérapie, la médication, voire même les électrochocs durant plusieurs années, mais cette fois-ci la maladie est envahissante, et ça dure depuis maintenant plus que 18 mois, et ça lui rend la vie carrément impossible. Elle est hospitalisée depuis neuf mois. Elle a reçu de la médication de dernière intention, des trucs qu'on ne fait pas souvent, mais qui se sont montrés efficaces justement dans ce genre de problème là, mais ça n'a pas donné de résultat. Elle a resubi des électrochocs à quelques reprises sans résultat, et on s'est même rendus à de la... je vais vous le nommer, mais ça ne se fait pas fréquemment, de la stimulation magnétique transcrânienne répétitive — c'est le CHUM qui fait ça — et elle a été hospitalisée pendant un mois pour recevoir ce traitement-là, malheureusement sans résultat.

À ce moment-là, la madame se voit... puis c'est une madame qui a déjà travaillé dans le domaine de la santé mentale dans le passé, elle se voit désormais vivre en ressource institutionnelle probablement pour le restant de ses jours, incapable de fonctionner de façon autonome. Elle aborde la question de l'aide médicale à mourir à quelques reprises dans les derniers mois pour finalement faire une demande formelle en avril 2021.

Vous le savez tout aussi bien que moi, que les amendements à la loi fédérale adoptée en mars 2021 excluent la maladie mentale comme seul diagnostic, et la position du gouvernement québécois au regard de la maladie mentale demande aux praticiens de ne pas pratiquer l'aide médicale à mourir dans des cas comme ça. C'est malheureusement ce que j'ai à annoncer à la malade lors de l'évaluation initiale de sa demande. La malade est complètement décontenancée, et, devant les souffrances intolérables de la malade, il y a une avenue qui semble carrément sans issue, pour en avoir discuté avec les psychiatres, même si ces derniers ne sont pas d'accord avec le fait qu'elle fasse une demande d'aide médicale à mourir, mais ils connaissaient la réponse. Donc, une avenue sans issue, et, compte tenu de son aptitude, parce que la madame est toujours et demeure toujours apte à prendre sa décision, je lui offre de rencontrer un avocat pour qu'elle soit bien au fait de ses droits. La rencontre a lieu en mai 2021, et, suite à la rencontre, la madame décide d'arrêter de s'alimenter et de s'hydrater jusqu'à ce que mort s'ensuive. Mon rôle, ça permet de la supporter dans sa démarche et d'organiser le support des professionnels qui vont l'entourer. Elle sait, par ailleurs, qu'elle peut mettre fin à sa démarche quand elle veut, et ça n'a absolument aucune conséquence par rapport à sa prise en charge et la continuation de ses traitements autrement. Donc, finalement, elle entreprend sa démarche de cessation d'alimentation le 7 juin, elle va cesser de s'hydrater le 30 juin et elle va décéder le 5 juillet sous sédation palliative.

• (11 h 30) •

Je pense que ce cas-là illustre que, devant l'impossibilité d'avoir accès à l'AMM pour un problème de maladie mentale, les malades sont obligés de faire appel à des alternatives plus ou moins dignes pour se soulager. Et, pour certains d'entre eux, il y a un réel danger, et probablement que ça s'est déjà produit, d'utiliser des moyens beaucoup plus violents et délétères, autant pour le malade que pour les proches. En refusant que les malades mentaux aient accès à l'aide médicale à mourir, on discrimine ces gens-là par rapport à ceux qui ont des maladies physiques et on stigmatise encore et toujours le problème de maladie mentale. Pourtant, vous le savez aussi bien que moi, la Cour suprême ne fait pas de distinctions entre la maladie physique et la maladie mentale dans son arrêt Carter.

Il faut faire attention, pour ma part, de ne pas mettre en place des mécanismes qui deviennent lourds autant pour le malade, le professionnel que pour le réseau de la santé. Et là je fais référence au mécanisme qui est proposé, entre autres, par l'association des psychiatres, qui est, à mon sens, carrément inapplicable, et, encore là, c'est sous le prétexte que ces malades doivent être protégés contre eux-mêmes, alors que la juge Baudouin l'a bien écrit dans son jugement, qu'il ne faut pas que ça devienne un argument fallacieux. Les malades mentaux ont le droit d'être soulagés lorsque leurs maladies — moi, c'est ce que j'appelle les cancers de l'âme — deviennent... l'AMM devient la seule option disponible et que le malade qui est apte en fait la demande.

Alors, voilà, Mme la Présidente. Ça m'a fait plaisir.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Dr Boisvert.

Je céderais maintenant la parole au député de Rosemont.

M. Marissal : Merci, Mme la Présidente. Merci, Dr Boisvert, de votre témoignage, qui est assez frappant avec des cas, en plus, précis. Puis on sent aussi l'engagement puis même l'émotion, là, chez vous. Je vous remercie, d'ailleurs, de votre grande humanité. Ce n'est pas des cas qui sont faciles.

La dame de 85 ans qui... un diagnostic de démence, si j'ai bien suivi la séquence, en ce moment, elle ne peut pas parce que ce n'est pas permis, d'avoir un consentement anticipé. Donc, elle est, tous les jours, puis peut-être même chaque heure de chaque jour, à attendre si elle va passer de l'autre bord, puis il faut qu'elle tire la sonnette d'alarme avant, c'est ça que vous dites, parce que... ou bien donc il faut qu'elle décide de la demander pendant qu'elle est encore jugée apte, ou bien donc elle bascule de l'autre côté de la grande noirceur, puis là c'est foutu, elle ne l'aura jamais. C'est ce que vous décrivez?

M. Boisvert (Laurent) : Oui, exactement. La malade, bien, écoutez...

M. Marissal : Moi, je vous entends mal. Je ne sais pas si je suis le seul à avoir des problèmes de connexion, mais ce n'est pas...

La Présidente (Mme Guillemette) : Non.

M. Boisvert (Laurent) : Là, est-ce que c'est mieux?

La Présidente (Mme Guillemette) : Oui, on vous entend bien, Dr Boisvert. Je crois que le problème est du côté du député de Rosemont.

M. Boisvert (Laurent) : Est-ce que vous m'entendez, M. Marissal?

M. Marissal : Oui, je vous entends bien.

La Présidente (Mme Guillemette) : Parfait. Merci.

M. Marissal : Ça a gelé, je ne sais pas si c'est de mon côté ou du vôtre, là, mais allez-y.

M. Boisvert (Laurent) : Oui, ce que je disais, c'est qu'elle n'est probablement pas, elle, personnellement... aux heures, mais, vous avez tout à fait raison, effectivement, c'est ce qui se passe, c'est qu'autant la malade, et surtout sa famille, et le médecin traitant est dans le dossier pour aussi suivre la malade pour... effectivement, le jour où ils vont voir qu'il y a des symptômes qui mettent son aptitude à risque, entre guillemets, elle va être confrontée à faire un choix.

M. Marissal : Vous, vous me dites, en quelque sorte, que, si elle pouvait faire sa demande, sachant qu'elle veut, puis qu'elle est consciente, puis que son entourage est d'accord, ses enfants, sa famille, elle s'offrirait, en quelque sorte, une certaine quiétude quant à ce qui lui reste à vivre plutôt que d'être sur le qui-vive.

M. Boisvert (Laurent) : Tout à fait.

M. Marissal : O.K. Je comprends.

M. Boisvert (Laurent) : Tout à fait, tout à fait.

M. Marissal : C'est éclairant, comme témoignage.

Dites-moi donc, rapidement, parce que je n'ai pas tellement de temps, en quoi la solution avancée par l'association des psychiatres vous paraît inacceptable? Et y a-t-il des... je présume que oui, là, mais je vais poser la question pareil, là, en toute naïveté, là, y a-t-il beaucoup de tensions dans la profession médicale entre les spécialités?

M. Boisvert (Laurent) : Bien, pour répondre à la question concernant l'applicabilité, là, c'est un mécanisme qui est lourd de plusieurs côtés. De un, il y a le temps, il est question de quasiment six mois de déroulement, et ensuite de ça on fait impliquer de très nombreux médecins, y compris de très nombreux psychiatres. Alors, vous le savez comme moi, que s'en aller dans une solution comme celle-là avec le réseau, actuellement, ça serait compliqué à plusieurs égards, de un.

De deux, ce n'est pas, puis pour reprendre l'exemple que je vous ai présenté, ce n'est pas absolument nécessaire dans tous les cas. Je ne vous dis pas qu'il n'y aura pas des cas plus compliqués, plus complexes qui nécessiteront l'intervention de plusieurs personnes, et non seulement des psychiatres, mais il y a d'autres cas où ça sera somme toute relativement facile à trancher. Donc, ça, c'est pour l'applicabilité.

La deuxième partie, par exemple, la tension, je n'ai pas très bien compris la question.

M. Marissal : Bien, je me demande s'il y a des débats... Oui, il y a certainement des débats, mais est-ce qu'ils sont délétères dans la pratique, par exemple, de votre pratique, les débats très lourds entre spécialistes, par exemple, des psychiatres qui diraient... qui seraient totalement en désaccord avec votre position et vous êtes en désaccord avec leur proposition? Alors, je présume que ça doit faire des beaux débats, là, quand même, à la machine à café, là.

M. Boisvert (Laurent) : Vous avez tout à fait raison. Et le cas que je vous ai présenté a fait effectivement l'objet du débat que vous avez décrit. Et, compte tenu du fait que... Puis il y a des mécanismes. Compte du fait... compte tenu, pardon, compte tenu du fait que la malade est apte, les psychiatres ne peuvent pas s'opposer à sa décision, et, s'ils pensent qu'elle n'est pas apte, bien, il y a des mécanismes qu'ils doivent mettre en place et utiliser, ce qu'ils n'ont pas fait dans le cas présent. Mais, vous avez raison, il y a des cas où ça va faire effectivement l'objet de débats très intéressants et, on espère, pas trop acerbes.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci.

M. Marissal : Je pense que j'ai écoulé mon temps. Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, M. le député.

Je céderais maintenant la parole à la députée de Soulanges.

Mme Picard : Bonjour, Dr Boisvert. Merci beaucoup pour vos témoignages. Je pense que c'est vraiment important qu'on ait cette vision-là aussi, là, de votre part. Souvent, moi, je me pose la question, parce que je me dis, avant tout, là, je crois que c'est une décision qui repose beaucoup sur l'équipe médicale, et puis on se doit de faire confiance à l'équipe médicale autour du patient qui fait la demande.

Comment ça se passe quand un patient vous demande l'aide médicale à mourir? C'est quoi, les processus qui s'enclenchent? Comment on peut arriver à faire plus confiance, peut-être, aux médecins qui prennent ces décisions-là? Pourquoi ce n'est pas connu, là, ce qui se passe en ce moment au niveau de la prise de décision des médecins et de l'aide qu'ils apportent?

M. Boisvert (Laurent) : Je ne suis pas certain d'avoir compris votre question. Vous voulez voir... vous voulez que j'illustre un peu le mécanisme, comment ça se déroule?

Mme Picard : Oui, parce qu'on a... Tu sais, souvent, je me dis : Mais il faut faire confiance à l'équipe médicale qui aide le patient dans cette décision-là. Donc, comment ça se passe lors de vos discussions avec les patients?

M. Boisvert (Laurent) : O.K. Bien, écoutez, je vais vous faire ça rapidement, mais ce n'est pas très compliqué. Moi, j'interviens dans le dossier lorsque le malade a fait une demande formelle, hein? Vous savez que la demande, bon, ça peut être une demande d'information. Ça, c'est une autre paire de manches, mais là allons-y avec la demande formelle. Donc, le malade fait une demande formelle d'aide médicale à mourir, et, comme vous le savez, la demande doit être traitée. Même si le médecin qui reçoit la demande n'est pas d'accord, il doit s'assurer que la demande est traitée. Alors, moi, j'arrive à ce moment-là. Et là, bien, je rencontre le malade et, bien, je lui pose une question bien facile, je lui demande pourquoi il veut mourir, et puis là, bien, il me raconte, puis il me dit pourquoi : Je suis malade, le déclin, les souffrances, etc. Et je dois vous avouer que ce n'est jamais trop, trop compliqué. Il y en a, là... sur les quelques centaines, il y en a, quelques cas, où, là, c'est : Bon, bien, écoutez, je vais parler à votre médecin traitant, je vais voir votre dossier médical, je vais parler à certains intervenants puis je vais vous revenir. Mais, dans la majorité des cas, la décision se prend lors de la première rencontre avec le malade, et je lui explique qu'un deuxième médecin devra être d'accord avec moi pour qu'on procède. Et ensuite de ça, bien, ce n'est pas trop compliqué, je leur dis à peu près toujours la même chose : J'ai trois questions pour vous : Vous voulez ça quand? Vous voulez ça où? Puis vous voulez ça avec qui? Puis moi, j'accommode le malade dans la très grande majorité des cas.

Mme Picard : Quand vous voyez que la souffrance n'est peut-être pas justifiée, je ne sais pas si c'est déjà arrivé dans un des cas, mais est-ce que vous aiguillez bien la personne aux ressources qu'elles ont droit pour peut-être les aider à cheminer pour avoir accès à certains des services? Est-ce que...

• (11 h 40) •

M. Boisvert (Laurent) : Les seuls malades que je réoriente, que j'ai réorientés, c'est des malades pour qui la demande était inadmissible, et elle était inadmissible... elle n'a jamais, jamais, jamais été inadmissible sur la base des souffrances ou du déclin. Le déclin et les souffrances, ça appartient au malade. Je n'ai aucun moyen de juger si le malade est souffrant ou est en déclin face à lui-même. Mais j'ai des malades à qui j'ai refusé en disant que la demande était inadmissible, et, la plupart du temps, c'est parce qu'ils ne sont pas atteints d'une maladie grave et irréversible, dans la très grande majorité des cas. Il y a eu certaines demandes que j'ai refusées parce que le malade était éminemment inapte, mais ce n'est pas arrivé souvent.

Mme Picard : Concernant, justement, un patient qui serait inapte, en ce moment un patient qui aurait une déficience intellectuelle moyenne, son... corrigez-moi si je me trompe, mais son tuteur ou la personne... le curateur ou la personne qui est en charge peut décider de ne pas l'alimenter. Donc, ça reviendrait, j'imagine, au même que la personne que vous décrivez, qui avait des troubles mentaux, qui a décidé de ne plus s'alimenter?

M. Boisvert (Laurent) : Ouf! Là, on est face à un méchant problème, parce que je pense que, de façon générale, on parle d'inaptitude mais pas au moment de la demande, on parle d'inaptitude qui apparaît après qu'une demande ait été faite par un malade apte, et c'est une différence fondamentale avec un patient qui d'emblée est inapte et ne se rend probablement même pas compte de ce qui se passe. Alors là, là, je n'ai pas de réponse à ça, mais là pas du tout.

Mme Picard : Merci. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme la députée.

Donc, nous passons maintenant à la députée de Joliette.

(Panne de son)

La Présidente (Mme Guillemette) : Oui, Mme la députée, est-ce que vous nous entendez bien?

Mme Hivon : Oui. Il y a eu une petite coupure de son au moment même où je devais entrer en scène. Désolée.

La Présidente (Mme Guillemette) : Parfait. Je vous cède la parole.

Mme Hivon : Oui. Bonjour, Dr Boisvert. Merci beaucoup. C'est exactement de ce type d'éclairage là très concret dont on a besoin pour alimenter nos travaux. Puis, je vous remercie, j'ai eu la chance, parce que c'était vraiment une chance, d'avoir un appel de M. Monette, une des personnes dont vous nous avez parlé, et votre humanité, je pense, a fait toute la différence dans sa vie. Donc, je suis heureuse de vous entendre à ce sujet-là aujourd'hui.

J'ai un gros quatre minutes. J'aurais des tonnes de choses que je voudrais approfondir avec vous, mais je vais me concentrer sur deux.

Un, la question de l'évaluation de la souffrance d'une personne qui est devenue inapte à la suite, donc, et qui aurait fait une demande anticipée, donc le cas numéro deux que vous nous avez soumis, comment... C'est votre patiente, là, elle vous exprime ce qu'elle ne voudrait pas vivre, elle le noterait dans une demande anticipée, mais vous-même, évidemment, vous venez de dire à quel point l'évaluation de la souffrance est quelque chose de subjectif.

M. Boisvert (Laurent) : Exact.

Mme Hivon : Donc, quand on est rendu que la personne, elle est complètement inapte et qu'évidemment le critère de la souffrance doit s'appliquer, comment fait-on pour évaluer cette souffrance-là de manière contemporaine à l'administration de l'aide médicale à mourir?

M. Boisvert (Laurent) : Je pense que... quand je disais que les critères sont à définir, c'est ça que le malade va définir comme critère de souffrance au moment où ça va apparaître et c'est sur cette base-là que ça devra être évalué. C'est-à-dire qu'il n'est peut-être pas éminemment souffrant au moment où on appliquerait l'aide médicale à mourir sur la base de sa demande anticipée, mais il a bien décrit sa souffrance au moment où il a pris sa décision, et c'est sur cette base-là qu'on établit que le malade est souffrant, même si, au moment où ça se passe, il ne l'est peut-être pas, mais c'est parce que ce n'est plus la même personne.

Mme Hivon : Donc, vous feriez entrer un peu en compte l'idée d'une souffrance anticipée plutôt qu'une souffrance nécessairement contemporaine à l'administration de l'aide médicale à mourir — je veux bien comprendre — la projection de la souffrance qui pourrait être vécue, même si la personne n'est plus exactement la même personne, comme vous le dites très bien, au moment où les circonstances sont réunies et qu'on n'est pas capable de dire qu'elle est souffrante et qu'elle n'a pas l'air, mettons, souffrante.

M. Boisvert (Laurent) : Exact.

Mme Hivon : Selon vous, ce serait la souffrance anticipée qui devrait primer.

M. Boisvert (Laurent) : C'est effectivement la souffrance définie par le malade au moment de sa... au moment de la prise de décision de sa demande anticipée, exact.

Mme Hivon : O.K. Deuxième élément, c'est le degré d'ouverture de la profession médicale, selon votre expérience. J'ai posé la même question au Collège des médecins, ils n'avaient pas vraiment de réponse précise là-dessus. On sait à quel point, quand l'aide médicale à mourir a été introduite, il y avait quand même, dans certains milieux, encore beaucoup de résistance et donc un nombre relativement peu élevé de médecins qui acceptaient de pratiquer l'aide médicale à mourir avec des personnes totalement aptes qui le demandaient avec insistance. Donc, je me demandais si, selon votre expérience de la pratique, les médecins vont être ouverts à offrir l'aide médicale à mourir à des personnes devenues complètement inaptes qui ne seront pas capables de le demander elles-mêmes en temps réel, donc leur niveau de confort par rapport à ça. Est-ce qu'on peut... Ma crainte par rapport à ça, c'est qu'on crée un droit ou une possibilité, mais qui demeure très théorique faute de gens pour l'appliquer sur le terrain.

M. Boisvert (Laurent) : Très rapidement, vous avez bien décrit la situation au début de l'aide médicale à mourir. Mais, cela dit, la situation a notamment... notablement, plutôt, évolué dans le bon sens. Il restera toujours qu'il y a ce que j'appelle des aides médicales ou des euthanasies faciles puis des euthanasies moins faciles, et, comme dans tout domaine en médecine, il y aura toujours un certain nombre de cas qui devront faire appel à des gens qui ont beaucoup d'expérience et qui sont prêts à faire des aides médicales à mourir plus complexes, et ça, ça sera toujours le propre d'un nombre relativement restreint de médecins, puis ça, je pense que c'est juste normal. Mais je pense que, si on donne ce droit... cela dit, je pense que, si on donne ce droit-là, il pourra être exercé et il y aura des médecins pour y répondre.

Mme Hivon : O.K. Sans trop... parce qu'on peut s'imaginer qu'il pourrait notamment y avoir beaucoup de personnes qui soient dans un contexte de CHSLD qui auraient fait ce type de demande là dans différents contextes, là, et qui seraient très avancées dans leur trouble cognitif. Et, pour vous, on va effectivement... et heureusement les choses ont beaucoup évolué depuis le début. Mais, pour vous, ça va être à peu près le même phénomène auprès des personnes inaptes, la pratique va s'installer. Ce n'est pas une crainte énorme que vous avez, compte tenu de votre connaissance de vos collègues.

M. Boisvert (Laurent) : Bien, à moins qu'il y ait un tsunami de demandes quand on donne ce droit-là, puis je ne pense pas que ça soit le cas, mais effectivement j'abonde dans le même sens que vous, je pense que, oui, c'est une pratique qui va s'installer progressivement et qu'il y aura des médecins, et ça sera, je pense, plus facile pour les médecins de soulager ces malades-là que des problèmes de maladie mentale.

Mme Hivon : Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci beaucoup, Mme la députée.

Donc, je cède la parole à la députée de Saint-François.

Mme Hébert : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Dr Boisvert.

J'ai une préoccupation par rapport à des auditions qu'on a faites au printemps avec des spécialistes. On en a eu qui étaient de l'Angleterre, de la Belgique, et on nous a mentionné et on nous a souligné que, depuis nombreuses années qu'eux pratiquent, dans divers pays en Europe... on va appeler ça l'euthanasie parce que c'est le terme qu'ils utilisent dans leurs pays, qu'ils ont des niveaux de pourcentage par rapport à la population qui fait la demande pour cette euthanasie-là. Nous, ici, au Québec, en temps de... je crois que ça fait sept, huit années qu'on le pratique, on a atteint les mêmes niveaux, puis, eux, ça fait plus de 20 ans, 30 ans.

Alors, savez-vous pourquoi ici, au Québec, les gens ont recours plus rapidement, ou ont plus accès, ou pourquoi nos taux à nous ont atteint ce même taux au niveau... dans la population que ceux que c'est des pays que ça fait 20 ans et 30 ans? Est-ce qu'il y a... Est-ce que vous êtes capable d'expliquer ça? Puis je profite de votre expérience, justement, parce que vous êtes... vous avez travaillé de nombreuses années là-dedans.

• (11 h 50) •

M. Boisvert (Laurent) : Bien, la seule chose que je peux voir, c'est qu'évidemment, quand... si on retourne 20 ans en arrière puis on... mettons qu'on retourne 20 ans en arrière au Québec puis que l'aide médicale à mourir est disponible, je ne suis pas certain qu'on aurait une foule de demandes à ce moment-là. Et donc la progression s'est faite de façon très progressive dans ces pays-là pour atteindre des niveaux qui, au Québec, si on atteint à peu près le même niveau... puis ça, je ne pourrais pas vous le dire, mais, si on atteint le même niveau, c'est que c'est tout simplement que la population est plus ouverte à cette option-là, cette option de fin de vie là qu'elle ne l'aurait été il y a 20 ans. Donc, moi, ça ne me surprend pas — la loi est en vigueur depuis un peu plus que cinq ans — qu'il y ait eu une progression continue et qui augmente toujours. Et puis ça sera... ça va être comme ça, ça va continuer à augmenter, c'est sûr.

Et il y a... Je parlais du tsunami de demandes pour les questions de demandes anticipées, mais, pour avoir... Les familles des gens qui... la famille des malades reviennent souvent sur l'exemple de la démence, pour avoir accompagné des gens, des parents, souvent, qui sont décédés dans des conditions pitoyables, de dire : Aïe! Il faut qu'on puisse avoir accès aux directives médicales anticipées, ce n'est pas vrai qu'il faut continuer à laisser les gens vivre une déchéance de ce type-là.

Donc, moi, c'est la seule explication que je vois, c'est l'ouverture des gens. Puis les gens se rendent compte qu'il y a moyen de finir sa vie de façon digne et quand on décide de le faire.

Mme Hébert : Alors, ce que j'entends, c'est que c'est par rapport à notre expérience de vie. Il y a beaucoup de familles, par rapport à l'expérience, qui ont accompagné quelqu'un, qui sont plus propices à faire des demandes d'aide médicale à mourir ou de vouloir cette aide anticipée là parce qu'ils ont eu une expérience négative face à la maladie.

M. Boisvert (Laurent) : Tout à fait.

Mme Hébert : Parfait. Alors, dans cette optique-là, quand on parle de maladie mentale, on voit que... vous l'avez dit, dans votre patiente qui est... elle avait 55 ans, si je me souviens bien?

M. Boisvert (Laurent) : Oui, 55 ans.

Mme Hébert : Voilà. Alors, cette dame-là, vous avez dit que, pendant plus de 20 ans, elle a vécu avec une santé mentale qui était avec des épisodes... qu'il y a eu certains épisodes de joie ou d'apaisement dans sa souffrance, mais que, là, après 18 mois de souffrance, là elle ne voyait plus d'autre avenue, qu'il y a eu différents traitements. Avez-vous des balises concrètes, là, pour bien... Parce qu'on sent qu'au sein des psychiatres ce n'est pas... Ce n'est ni noir ni blanc, là, c'est... il y a... puis la zone grise est... Bien, c'est plutôt : c'est blanc ou c'est noir, il n'y a pas de zone grise. Alors, est-ce que vous avez des balises concrètes que... pour... qui pourraient aiguiller, là, si jamais il y avait un élargissement pour ces personnes-là?

M. Boisvert (Laurent) : Bien, les balises restent les mêmes que pour la maladie physique, c'est-à-dire qu'on fait face à une maladie grave et irréversible. Et, dans le cas de la maladie mentale, on va parler de maladie réfractaire à toute forme de traitement. Comme pour ma malade, quand elle demandait... après l'ensemble des traitements qu'elle a eus, elle demandait à son équipe de psychiatrie : Bien, qu'est-ce que vous avez à m'offrir? La réponse qu'elle recevait, c'est : Vous savez, madame, la maladie peut rentrer dans l'ordre spontanément. Ça fait 18 mois qu'il n'y a rien qui fonctionne, ça fait neuf mois qu'elle est hospitalisée, elle s'en va en ressource institutionnelle, et la réponse thérapeutique qu'on lui offre, c'est : Vous savez, madame, votre maladie peut rentrer dans l'ordre spontanément. Ça, c'est la même chose que si vous avez un cancer du pancréas et que je vous donne la même réponse : J'ai tout essayé, je ne suis pas capable de traiter votre maladie, mais, vous savez, parfois, des miracles, ça arrive. Alors, c'est de la foutaise, ça.

Donc, je veux dire, je n'ai pas de balises précises, mais quelqu'un qui est atteint d'une maladie mentale réfractaire qui ne répond plus aux traitements, bien, c'est comme un cancer que je ne suis plus capable de traiter.

Mme Hébert : Alors, est-ce que, dans ce cas-là, il n'y aurait pas eu moyen de peut-être offrir d'autres soins, de regarder d'autres avenues avec peut-être d'autres psychiatres, si c'est... si eux ne répondent pas? Parce que, selon plusieurs psychiatres, il n'y en a pas, de situations qui sont incurables, irréversibles, puis il y a toujours une évolution, dans la santé mentale, avec les soins. Je prends les paroles, là, je ne suis pas médecin, mais c'est ce qu'on a entendu par d'autres intervenants. Donc, est-ce qu'on n'a pas tué l'espoir avec ce diagnostic-là?

M. Boisvert (Laurent) : Je pense qu'en maladie mentale comme en maladie physique, il arrive un temps où il y a des maladies qui ne répondent plus à aucune sorte de traitement. Et il y a des psychiatres qui vous disent que ce n'est pas vrai, mais l'association des psychiatres vous dit que, oui, c'est vrai. Donc, à un moment donné, il reste tout simplement à fixer la décision.

Mme Hébert : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Boisvert.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme la députée.

Donc, je cède la parole au député de Mégantic.

M. Jacques : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Dr Boisvert.

M. Boisvert (Laurent) : Bonjour.

M. Jacques : Je voulais revenir sur la demande médicale anticipée, entre autres sur votre dame de 85 ans, mais aussi sur... ça pourrait être des membres de la famille qui ont vu souffrir leur mère ou leur père et qui, au cas où ça arriverait dans leur vie, voudraient faire une demande anticipée avant même de recevoir la maladie ou, aussi, si jamais une personne avait un ACV... un AVC massif et qu'elle serait rendue inapte suite à ces problèmes de santé, ou autre chose, là. Vous vous positionnez de quelle façon dans ces cas-là? Est-ce qu'une demande médicale anticipée par papier avant la maladie... est-ce que vous seriez pour ça? Et pourquoi?

M. Boisvert (Laurent) : Pour ma part, il y a un point qui est tout à fait incontournable, c'est qu'on ne peut pas faire une demande d'aide médicale à mourir si on n'est pas atteint d'une maladie grave et irréversible ou réfractaire, de un. Et, de deux, au moment de faire la demande, le malade doit être apte, et ça doit être cette personne-là qui fait la demande de façon absolue. Alors, dans un cas où vous voudriez faire une demande d'aide médicale à mourir en anticipant une maladie dégénérative, moi, je... ça ne se fait pas, de un. Puis, de deux, si malheureusement vous êtes rendu inapte par un accident aigu, aussi malheureux que cela puisse-t-il être, moi, après ça, je vais essayer de vous assurer le confort nécessaire et puis je vais travailler avec vos proches. Maintenant que vous êtes inapte et que vous n'êtes plus en mesure de prendre des décisions, bien, on peut tout à fait s'entendre pour dire que, si jamais il arrive un épisode aigu quelconque, on vous soulage, point à la ligne, puis on n'essaie pas de vous faire vivre plus longtemps.

M. Jacques : Donc, on fait une euthanasie, là, passive, là, avec la médication en place, là, puis...

M. Boisvert (Laurent) : Bien, je n'appellerais pas ça comme ça. Je dirais tout simplement que j'assure votre confort pour vous permettre de terminer votre vie de la façon la plus acceptable possible, et surtout de ne pas l'étirer si tout le monde qui sont autour disent : Écoute, il n'aurait jamais voulu continuer à vivre de cette façon-là.

M. Jacques : Parfait. Donc, de dire à nos proches ce qu'on pense, c'est important.

M. Boisvert (Laurent) : C'est fondamental.

M. Jacques : Exactement. Bien, merci, Dr Boisvert.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, M. le député.

Avant de passer la parole au député de D'Arcy-McGee, j'aurais besoin du consentement de tous parce qu'on va dépasser un peu notre temps. Donc, est-ce qu'il y a consentement? D'accord.

Donc, nous pouvons maintenant continuer avec le député de D'Arcy-McGee.

• (12 heures) •

M. Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Et merci, Dr Boisvert. Vos témoignages ajoutent beaucoup à nos réflexions. Et votre franchise, et votre expérience, et compassion nous aident à réfléchir sur les questions fondamentales devant nous.

Écoutez, je vais poursuivre un petit peu sur votre troisième exemple, assez déchirant, et la question tellement difficile de l'accès à l'aide médicale à mourir pour les gens atteints des troubles de santé mentale. C'est... Je crois que ça devient évident qu'il faudrait... dans le cas que vous avez décrit, il aurait fallu une solution beaucoup plus humaine que la fin qu'elle aurait dû vivre.

En même temps, et vous en avez parlé, mais je veux poursuivre, en même temps, nous sommes devant un phénomène tellement inexact, et je veux que vous nous aidiez à comprendre comment on peut assurer le respect de l'autonomie, des voeux d'un individu apte, dans ce cas-là, et la protection du bien-être de cette même personne. Comment est-ce qu'on peut s'assurer que quelqu'un, devant une souffrance terrible qui est présente, là, lorsqu'on est atteint de la dépression majeure et clinique... et ça peut perdurer, oui, même pour 18 mois, et ça peut être étanche aux traitements. En même temps, je suis sûr, dans votre pratique, vous... comme dans mon expérience, on connaît du monde qui auraient vécu de tels épisodes durant une longue période de temps, et peut-être plusieurs épisodes dans leur vie, qui auraient eu avant et qui auraient après la capacité de se réjouir, d'être là pour leurs enfants, leurs petits-enfants, leurs parents. Comment est-ce qu'on assure qu'il n'y ait pas de dérive en ce qui a trait à notre responsabilité de ne pas discriminer devant les gens atteints de problèmes de santé mentale graves, qui ont besoin, on en convient, d'avoir l'accès à cette procédure-là? Mais comment on protège aussi leur droit de vivre et de récupérer?

M. Boisvert (Laurent) : C'est effectivement une question grave et fondamentale qui se résume à une chose : il faut s'assurer que, quelqu'un qui présente un épisode, même qui peut être prolongé, effectivement, de maladie mentale, d'avoir tout essayé pour pouvoir continuer, s'en sortir, d'une part, de reprendre le goût à la vie et de pouvoir continuer à vivre. C'est sûr, on s'entend.

Maintenant, il y a des... Je pense que le mécanisme, c'est qu'il faudra, face à une demande d'aide médicale à mourir dans un tel contexte, s'assurer que le tour de la question a été fait avec les gens qui ont l'expertise nécessaire pour arriver à une décision, de dire : Écoutez, je pense que, comme dans le cas de ma madame, tout a été essayé, on n'obtient pas de résultat. Elle ne reprend pas le goût à la vie, et au contraire elle voit très bien qu'elle est devant un... le dernier épisode de sa maladie, qui l'amène dans une issue... en fait, qui l'amène là où il n'y a pas d'issue. Et là ce qui reste, c'est des mesures... dans son cas à elle, des mesures de survie en ressources institutionnelles et probablement de... et peut-être... et peut-être de devenir une des nombreuses itinérantes du centre-ville de la ville de Montréal. Alors, devant une telle situation, la malade a pris la... a fait le choix d'être soulagée par l'aide médicale à mourir. Il ne faut pas s'imaginer que, des cas comme ça, il va y en avoir des foules, là. Je pense que l'association des psychiatres y a fait allusion. Ces cas-là existent, ce n'est pas la majorité des cas. Et je pense qu'on a l'expérience et l'expertise nécessaires pour pouvoir arriver à une décision qui pourra prendre un certain temps, avec les équipes nécessaires, pour savoir si on s'en va dans une direction ou dans une autre.

M. Birnbaum : Et vous êtes satisfait, en quelque part, que les balises, bon, actuelles, en tout ce qui a trait à l'article 26, et tout ça... que les balises sont assez étoffées, actuelles, pour donner les protections nécessaires?

M. Boisvert (Laurent) : Je pense qu'on pourrait peut-être éventuellement, et... mais je ne suis même pas sûr, parce qu'écoutez on me confronte à nouveau à une demande d'aide médicale à mourir pour quelqu'un qui est atteint de maladie mentale. Moi, je n'ai pas besoin de plus de balises que celles qui existent pour prendre la décision, mais peut-être que je vais faire intervenir, comme dans le cas de la malade... il est fort probable que je vais faire intervenir plusieurs intervenants avant de prendre une décision.

Et ça m'est arrivé, en passant, de le faire dans des cas de maladies physiques relativement atypiques, et je vous dirais même, à la limite, plus ou moins reconnues par la profession médicale. Je n'ai pas arrêté ma décision après avoir rencontré le malade, puis dire : Oui, c'est bon, go, on y va. J'ai parlé à plein de monde, j'ai vu des... j'ai relu des dossiers médicaux et j'ai même demandé à ce que les malades soient rencontrés par d'autres médecins. Et je pense que ça va être le propre des demandes dans le domaine de la maladie mentale. Ça va être des demandes qui vont faire intervenir plusieurs expertises avant de prendre une décision finale.

M. Birnbaum : Merci beaucoup. Ma collègue de Westmount—Saint-Louis, Mme la Présidente, aurait d'autres questions. Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Mme la députée.

Mme Maccarone : Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Dr Boisvert. J'aimerais creuser un petit peu plus en ce qui concerne ce que vous avez... vous disiez au début : On ne veut pas de mécanismes lourds. Alors, je continue, dans le fond, le même questionnement que mon collègue de D'Arcy-McGee.

Encadrer comment, d'abord, qu'est-ce que vous prévoyez? Parce que, là, vous parlez de faire des consultations. Alors, est-ce qu'on devrait prévoir un comité d'experts? Combien de personnes? Combien de proches aidants? Est-ce que les proches aidants, ils en feront partie? Est-ce qu'il y a des disciplines spécifiées? Quoi faire avec, mettons, le Curateur public? Est-ce que c'est une personne qui devrait y assister? Alors, à l'intérieur de ça, ça a l'air de quoi, comme encadrement, comme recommandations pour accompagner la personne qui fait la demande?

Et deuxième question... bien, je vous laisse répondre à celle-ci, puis j'aurai une deuxième question s'il reste... si on a du temps.

M. Boisvert (Laurent) : Pour ma part, je pense que les demandes d'aide médicale à mourir en maladie mentale vont presque essentiellement provenir d'équipes en psychiatrie, équipes multidisciplinaires ou des équipes, donc, bref, traitantes en psychiatrie qui sont confrontées à des maladies très importantes et, encore une fois, réfractaires à toute forme de traitement. Je pense que c'est de là que vont venir les demandes, et moi, en ce sens-là, en ce sens-là, je pense que ce ne sera pas vraiment très compliqué.

Donc, il risque d'y avoir quelques demandes, effectivement, faites par des malades de façon spontanée, comme le... bien, spontanée... comme la malade que je vous ai présentée, qui n'est pas parvenue de l'équipe de psychiatrie, et qui a nécessité, donc, l'évaluation. Bon, pour ma part, il y aura toujours des équipes de psychiatrie, il y aura toujours... non, il y aura toujours des psychiatres impliqués, un ou des, et il risque d'y avoir aussi des équipes de psychiatrie qui vont être impliquées dans... au départ, par rapport à des demandes. En tout cas, je vois mal un malade mental demander l'aide médicale à mourir s'il ne fait pas déjà l'objet d'évaluations, un suivi en psychiatrie. Donc, on a déjà, là, des équipes spécialisées qui sont en place. Et, si ce n'est pas le cas, parce que ça peut arriver, si ce n'est pas le cas, il faut... puis ça, ça peut être, effectivement, une balise... il faut qu'il y ait... il faut que la psychiatrie et les équipes psychiatriques soient impliquées dans une telle décision, à un moment donné ou à un autre, dans le décours de l'évaluation de la demande. Ça, ça m'apparaît tout à fait clair. Ça, c'est un minimum.

Maintenant, est-ce qu'on a besoin de comités, puis tout ça? Je ne pense pas. Mais on aura besoin des expertises nécessaires pour arriver à une décision tout à fait éclairée et solide. Puis je ne vois pas, de toute façon, de médecins, autant des psychiatres que des médecins comme moi qui font de l'euthanasie, prendre une décision à la légère.

Mme Maccarone : Vous avez évoqué, au début, aussi que vous avez accompagné un de vos patients à consulter légalement c'est quoi, ses droits. Alors, est-ce que nous devons prendre aussi en considération aussi un accompagnement légal, notaire en ce qui concerne la demande?

Et, deuxième question pour vous en ce qui concerne aussi le processus, devons-nous considérer aussi, en vue de positif ou négatif, une demande faite par autrui?

M. Boisvert (Laurent) : Bien, je vais prendre la dernière partie. Vous dites : Est-ce qu'on peut considérer que quelqu'un d'autre que le malade puisse faire une demande? C'est ça que...

Mme Maccarone : Exactement.

M. Boisvert (Laurent) : Non, non, d'aucune façon. La demande doit toujours provenir de l'individu. Ça ne peut pas être autrement, un.

Deux, dans le cas présent, il y a eu consultation légale parce que l'aide médicale à mourir n'était pas admissible, parce que, si ça l'avait été, on aurait... ça se serait arrêté là. Elle aurait eu son aide médicale à mourir au moment où elle l'aurait voulu, ça n'aurait pas été plus compliqué que ça. Elle remplissait absolument tous les critères, c'est-à-dire qu'elle était souffrante, il y avait un déclin, elle avait une maladie grave et irréversible puis elle était apte. Donc, on remplit les critères de l'admissibilité.

Il y a eu consultation légale parce que je faisais face à une malade qui était éminemment souffrante puis qui se retrouvait... se retrouvait dans un cul-de-sac. Donc, il fallait qu'elle puisse connaître l'étendue des possibilités, puis, évidemment, dans une de ces possibilités-là, c'est la possibilité de se laisser mourir, et c'est ce que l'avocat lui a dit. C'est un avocat spécialisé qui a dit : Écoutez, vous n'avez peut-être pas droit, vous... vous n'avez définitivement pas droit à l'aide médicale à mourir — il lui a répété des décisions qu'on lui avait données — mais vous avez le droit de vous laisser mourir.

• (12 h 10) •

Mme Maccarone : D'accord. Alors, j'ose croire que, probablement, le rôle du... la CDPDJ serait important pour vous en ce qui concerne aussi la protection des droits et libertés des personnes qui feront peut-être une demande à l'aide médicale à mourir.

M. Boisvert (Laurent) : Ah! je pense qu'effectivement il y a peut-être, effectivement, des cas où, comme y faisait référence, là, M. Marissal, où il y aura des débats qui ne seront pas tranchés et qui nécessiteront peut-être, effectivement, l'intervention du tribunal pour faire valoir les droits de ces personnes-là. Je pense qu'on va être confrontés, à un moment donné, à, effectivement, une affaire comme ça. Et heureusement on a de l'expérience là-dedans, et les juges en ont, puis ils sont tout à fait en mesure de décider si une personne a le droit de prendre sa décision.

Mme Maccarone : Parfait. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme la députée. Merci, infiniment, Dr Boisvert, pour la rencontre de ce matin. C'est très enrichissant pour les membres de la commission et pour la suite de nos travaux.

Donc, compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 13 h 15 cet après-midi. Donc, ceci met fin à la rencontre Teams. Merci encore, Dr Boisvert.

(Suspension de la séance à 12 h 11)

(Reprise à 13 h 17)

La Présidente (Mme Guillemette) : Bon après-midi, tout le monde. La commission sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie reprend ses travaux.

Donc, la commission est réunie virtuellement cet après-midi afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, et nous entendrons la Fédération des mouvements Personne d'abord du Québec, Dr Pierre Viens, la Fédération québécoise des sociétés d'Alzheimer et l'Office des personnes handicapées du Québec.

Donc, pour notre première audition de cet après-midi, nous accueillons Mme Louise Bourgeois, présidente, et Mme Danielle Gratton, coordonnatrice de la Fédération des mouvements Personne d'abord du Québec. Bienvenue, mesdames. Merci d'être avec nous cet après-midi. Donc, vous disposez de 10 minutes pour nous présenter votre exposé, et il y aura par la suite un échange avec les membres de la commission d'une période de 35 minutes. Donc, je vous cède dès maintenant la parole.

Fédération des mouvements Personne
d'abord du Québec (FMPDAQ)

Mme Bourgeois (Louise) : Merci. Bonjour, membres de la commission. Je me présente, Louise Bourgeois, présidente de la Fédération des mouvements Personne d'abord du Québec. Je suis accompagnée de Mme Danielle Gratton, notre coordonnatrice.

La Fédération des mouvements Personne d'abord du Québec est un organisme de défense collective des droits par et pour les personnes vivant avec une déficience intellectuelle. Plus de 750 personnes vivant avec une déficience intellectuelle légère à moyenne sont membres des mouvements et de notre fédération. Tous les jours, elles s'impliquent pour défendre leurs intérêts et travaillent à faire reconnaître leur droit à l'autodétermination. Elles informent, échangent leurs points de vue, prennent la parole, siègent à des conseils d'administration et prennent des décisions pour la gestion de leur organisme.

Nos membres suivent les dossiers de l'aide médicale à mourir depuis longtemps. En août 2010, accompagnée de mon vice-président... Juste un instant... En août 2010, accompagnée de mon vice-président, j'ai moi-même présenté notre premier mémoire devant la Commission de la santé et des services sociaux. En octobre 2013, nous avons un deuxième mémoire... nous avons fait un deuxième mémoire, qui avait pour titre Dans le respect des droits, de l'égalité, du libre choix jusqu'à la fin. L'aide médicale à mourir est un choix personnel, et cela doit rester ainsi. Personne d'autre que moi-même, que moi, et sous aucun prétexte, ne peut prendre cette décision à ma place. Il est essentiel que l'élargissement de la loi ne permette à jamais à une autre personne de prendre cette décision pour une personne qui n'est pas capable de le faire.

Nous demandons aux décideurs de prendre tout le temps nécessaire pour s'assurer d'un élargissement de la loi sur les soins de vie qui ne laissera aucune place aux possibilités d'abus et de dérapage. C'est probablement la décision la plus importante qu'une personne devra prendre. Alors, par respect... et tous ceux qui pouvaient avoir à prendre cette décision un jour, assurez-vous que cette loi ne finisse jamais en histoire d'horreur parce que l'on n'aura pas pris le temps de bien faire les choses.

Je cède maintenant la parole à la coordonnatrice de la fédération pour la suite de la présentation.

• (13 h 20) •

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci.

Mme Gratton (Danielle) : Merci, Louise. Je veux d'abord vous dire que la période estivale, avec les vacances, c'était loin d'être idéal pour mener une consultation sur un sujet aussi important. Nous prévoyons terminer notre consultation dans les prochains jours, parce qu'il y a juste une partie des membres qui ont pu y répondre avant le départ pour les vacances d'été, et présenter un mémoire un peu plus substantiel d'ici le 24 août prochain.

Mais nous aimerions, devant la commission, vous parler quand même d'un sujet sur lequel nos membres se sont prononcés, c'est, entre autres, sur le consentement libre et éclairé pour des personnes vivant avec une déficience intellectuelle. Je n'utilise pas le mot «inapte» volontairement parce que ce n'est pas toujours évident d'évaluer l'aptitude ou l'inaptitude.

Les personnes vivant avec une déficience intellectuelle, comme d'autres groupes de personnes qu'on dit vulnérables, ont besoin de conditions particulières pour exercer leur droit à l'autodétermination et au consentement libre et éclairé. La déficience intellectuelle n'est pas une maladie, mais un état. Ce diagnostic ne doit donc pas... ne doit servir qu'à redoubler d'efforts dans le processus d'assurer une demande d'aide médicale à mourir libre et éclairée et non à refuser systématiquement une demande d'aide médicale à mourir pour ces personnes. En présence d'une demande d'une personne qui semble vulnérable, les médecins ou le personnel qui gravite autour d'elle devraient prévoir un filet de sécurité supplémentaire qui pourrait ressembler à rencontrer différentes personnes qui connaissent bien cette personne, avec son autorisation, évidemment. Ça pourrait être un travailleur social qui la suit depuis longtemps ou un éducateur spécialisé, parce qu'en général ils sont avec un intervenant au niveau des CIUSSS ou des CISSS. Le médecin devrait aussi vérifier que la demande vient de la personne en s'assurant que les mots qu'elle utilise sont bien les siens et qu'elle ne subit pas de pressions de l'extérieur. Au besoin, il pourrait demander à un conseiller en éthique d'intervenir auprès de cette personne durant le processus.

Pour permettre un consentement libre et éclairé ou une demande d'aide médicale libre et éclairée, il faut réunir plusieurs conditions, et nos membres croient fermement que c'est possible de le faire. J'ai reçu quand même quelques commentaires des membres puis je ne vous les donne pas tous parce qu'il y en avait vraiment beaucoup, on les mettra dans notre mémoire. Il y avait quelqu'un qui me disait : Il est important d'avoir des informations claires. Si tu es assez apte pour prendre une décision comme celle-là, une décision éclairée, ce doit être avec des informations claires et précises parce que tu ne peux pas revenir en arrière. Il faut se poser des questions et réfléchir. Les membres nous ont suggéré une boîte à outils avec plein de trucs à l'intérieur, dont des formulaires en langage simple, avec des pictogrammes, le besoin... répondre au besoin d'être accompagné par une personne de confiance qui les connaît bien, d'autres outils et d'autres conditions que nous développerons davantage dans notre mémoire.

L'aide médicale à mourir ne doit... et ça, c'est très clair pour tout le monde, et ça l'était depuis le début, ne doit en aucun cas devenir une solution que pourrait envisager une personne qui souffre à cause d'un manque de services de santé, de soins palliatifs, de soutien ou d'accompagnement. L'État doit assurer une réponse adéquate aux besoins des personnes, qu'elles soient aptes, inaptes, qui vivent des situations de grande souffrance, qu'elles soient physiques ou psychologiques.

Pour ce qui est des personnes touchées par des problèmes graves de santé mentale et qui vivent de grandes souffrances, nos membres ne se prononceront pas parce qu'ils jugent qu'ils n'ont pas la connaissance et l'expertise suffisantes pour le faire.

Donc, je laisse le mot de la fin à ma présidente.

Mme Bourgeois (Louise) : L'aide médicale à mourir doit être accessible à tous, à condition que la demande respecte les conditions déjà prévues dans la loi, mais elle doit aussi absolument être encadrée pour éviter des dérives malheureuses. Merci à chacun de vous de nous avoir écoutées.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, mesdames.

Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de Joliette.

• (13 h 30) •

Mme Hivon : Oui. Bonjour à vous deux. Merci beaucoup de votre présentation. En fait, je voudrais vous amener un peu sur ce qui se passe présentement, actuellement, parce que la situation des personnes que vous représentez, donc, qui ont une déficience... et vous faites bien la distinction pour ne pas vous embarquer dans toute la question de l'aptitude et de l'inaptitude pour définir les personnes que vous représentez. Mais, dans les faits, cette question-là, elle est centrale quand vient le moment d'évaluer une demande d'aide médicale à mourir.

Et donc, dans l'état actuel des choses, comme vous vous rappellerez probablement quand on avait échangé avec votre mouvement lors de l'adoption de la loi et de la commission, aussi, Mourir dans la dignité, dans le fond, chaque évaluation doit se faire selon les circonstances, les capacités et l'aptitude de la personne qui ferait une demande d'aide médicale à mourir, c'est le cas présentement, parce que ce n'est pas parce qu'on a une déficience, évidemment, qu'on est inaptes, même si notre aptitude peut fluctuer.

Donc, ce que je veux savoir, c'est que... depuis l'adoption de la loi, est-ce que vous avez des exemples de personnes qui ont reçu l'aide médicale à mourir, donc, des gens dans vos rangs, que vous connaissez, des membres de familles, aussi, que vous représentez, et comment ça s'est passé?

Mme Gratton (Danielle) : Moi, on a fait pas mal le tour. On avait ça dans notre questionnaire qu'on a envoyé à tous nos organismes : Est-ce que vous connaissez quelqu'un qui a vécu cette situation-là? De ma connaissance et de la connaissance des personnes-ressources qui travaillent avec nos membres, personne dans nos membres n'ont fait de demande ou n'ont eu une demande.

Par contre, en feuilletant les retours, puis c'est pour ça qu'on va continuer notre mémoire après, parce que je n'ai pas reçu les réponses de tout le monde encore, mais, dans les réponses que j'ai déjà reçues, il y avait des cas où c'est un parent, une tante ou un parent proche qui a vécu cette situation-là, et le commentaire était : Oui, ma tante... c'est arrivé à ma tante, elle était... elle avait... Je ne me rappelle plus de l'exemple. Entre autres, là, je pense qu'on parlait de cancer très avancé, là, et ça s'est bien passé. Mais on n'en a pas eu des tonnes, là. Je pense qu'il y avait... Sur cinq groupes, j'avais deux ou trois personnes qui connaissaient quelqu'un de loin à qui ça s'était... c'était arrivé.

Mme Hivon : O.K., mais directement des personnes que vous représentez et que...

Mme Gratton (Danielle) : Non.

Mme Hivon : Puis, par exemple, qui auraient eu un cancer ou une maladie grave...

Mme Gratton (Danielle) : Non, ce n'est pas arrivé.

Mme Hivon : Bon. O.K.

Mme Gratton (Danielle) : Bien, pas dans nos rangs. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas une personne qui a une DI dans la province à qui ce n'est pas arrivé.

Mme Hivon : C'est ça. Parfait. Parce que c'est possible, en ce moment, avec l'encadrement actuel...

Mme Gratton (Danielle) : Oui, oui, absolument.

Mme Hivon : ...puis c'est à ça que je veux vous amener, parce que vous insistez, je pense, beaucoup, et avec raison, sur l'importance, donc, de ne pas vivre de pression indue, d'être certaine que tout ça vienne de la personne, de ses mots à elle, qu'il n'y a pas d'influence extérieure, qu'un accompagnement peut être vraiment adéquat. Puis, dans l'article 29 de la loi, là, je ne vous tiendrai pas rigueur si vous n'avez pas ça sous les yeux, mais il y a toute la liste des éléments qu'on doit appliquer avant de s'assurer que la personne peut recevoir l'aide médicale à mourir.

Donc, on doit s'assurer du caractère libre et éclairé de sa demande en s'assurant qu'elle ne résulta pas de pressions extérieures. On doit s'assurer du caractère éclairé en l'informant du pronostic de sa maladie, des possibilités thérapeutiques, des conséquences. On peut aussi, évidemment, offrir à la personne qu'elle s'entretienne avec ses proches, si elle le souhaite — elle n'est pas obligée, mais si elle le souhaite — ou avec tout professionnel ou personne significative pour elle.

Donc, je voulais savoir si, pour vous, ça, a priori, c'est suffisant ou si vous dites : Bien, dans le fond, après tant d'années de la loi, on se dit qu'il y a peut-être des risques plus importants, puis c'est pour ça que je vous posais la question sur la pratique. Quand vous nous ramenez ces informations-là, aujourd'hui, puis ces préoccupations-là, en quoi, dans la loi actuelle, vous jugez que ça ne va peut-être pas assez loin pour s'assurer de ça? Parce qu'à l'époque, on pensait, justement, qu'on encadrait bien ça.

Mme Gratton (Danielle) : Ce n'est pas dans le sujet de l'encadrement que ça se passe, c'est dans la manière, puis on le sait... ou on l'a vécu avec le curateur. Le curateur, avec le changement de loi, doit maintenant tenir compte des intérêts et des préférences de la personne. Il y a un très grand mouvement vers l'autodétermination. Et on s'est rendu compte, avec lui, que, oui, les intentions étaient bien écrites, mais qu'il n'y avait pas les outils pour permettre à une personne de s'exprimer clairement, et c'est là que ça se passe. C'est-à-dire que j'ai une personne devant moi qui a une déficience intellectuelle, qui peut avoir de la difficulté à émettre une opinion, mais il existe des moyens pour qu'elle comprenne.

Nous, on le vit tous les jours, ça. On utilise... On parle de projets de loi avec nos 750 membres. La majorité de la population ne sait pas c'est quoi, la loi n° 52; Louise, elle le sait. Le projet de loi C-7, Louise, elle le sait, c'est quoi, parce qu'on a pris le temps de la vulgariser, de la mettre en langage simple, d'ajouter des pictogrammes, de mettre tout ce qui était nécessaire pour eux pour comprendre des sujets complexes. Et c'est là qu'on veut insister. Oui, c'est écrit : «Vous devez vous assurer que vous avez lu toutes...» Moi, je l'avais lu aussi, puis c'est parfait.

Mme Hivon : C'est dans l'application...

Mme Gratton (Danielle) : C'est parfait, mais c'est dans l'application que ça ne se passe pas comme ça, puis on le sait. On le sait parce qu'on le vit, que ce soit dans un CIUSSS, quand on arrive pour... que ce soit dans une visite médicale, où le médecin, quelquefois, s'adresse toujours à l'accompagnateur et non à la personne, tu sais, qu'il n'utilise pas des moyens et des outils adéquats pour que la personne puisse elle-même exprimer, comme dit le curateur, ses intérêts et ses préférences. Présentement, le curateur est en train de regarder, justement, quel genre d'outils il va pouvoir fournir à ses équipes pour permettre à la personne de prendre la parole puis de vraiment exercer son droit de dire oui, de dire non, de dire pourquoi. Puis ça se fait, et c'est là-dessus qu'on va insister, de notre côté, parce qu'on aurait peut-être tendance — puis Dieu sait que Louise pourrait témoigner de ça — de dire que la moitié, minimalement, des 750 personnes qui sont membres de nos organisations pourraient être considérées comme inaptes, alors que, dans la présentation que Louise vous a faite, puis ce n'est pas pour rien qu'elle l'a faite, elle vous dit que ces gens-là prennent la parole, prennent des décisions pour des organismes. Ce n'est pas rien. Ils sont accompagnés, ils sont soutenus, ils ont du matériel et des outils pour les aider. Bien, c'est ça qu'on demande. Elles peuvent consentir, elles peuvent donner leur opinion, puis une opinion peut être la leur, à condition qu'on mette en place les conditions pour le faire et non juste d'écrire : Le médecin vérifiera que tatati... Oui, je sais qu'il va le faire, mais ce n'est pas ça que je veux dire. Comment il va le faire, c'est beaucoup plus ça, puis je pense que c'est important que le comment soit mis en place avant et non après l'élargissement de la loi.

C'est pour ça qu'on demandait... Louise, elle disait : Prenez votre temps, c'est un sujet beaucoup trop... Bien, ce n'est pas rien, décider de mourir, là, on s'entend, là. Et, nos membres, ce qu'ils nous disent, c'est : J'espère que le gouvernement va prendre le temps de bien faire les affaires parce que c'est une grosse décision, ça. Ça va faire de la peine aux gens autour de moi si je me prononce, parce que je voudrais cesser de souffrir. Si on ne peut pas me soulager, et que je le demanderais, je le sais, que je vais faire de la peine autour de moi. Ça fait que prenez votre temps pour bien faire les choses. Voilà, peut-être que ça répond.

Mme Hivon : Oui, oui, oui, merci. C'est une très bonne introduction, là.

Je pense que mon temps est clairement écoulé, ça fait que je vais laisser mes collègues poursuivre.

Mme Gratton (Danielle) : Ah! excusez, j'aurais peut-être dû...

Mme Hivon : Non, non, merci, vous m'avez aidée, vous m'avez donné plus de temps.

• (13 h 40) •

La Présidente (Mme Guillemette) : Non, mais c'était très intéressant. Dans ce temps-là, on se partage le temps, c'était l'entente. Donc, merci beaucoup pour la réponse.

Vous parliez, bon, de s'assurer que les mots soient bien les siens pour que la personne ait une information claire, précise, que ce soit vraiment un consentement éclairé, puis là vous avez parlé d'un conseiller en éthique. Est-ce que vous pouvez m'en dire plus au niveau... Qu'est-ce que le conseiller en éthique pourrait... Comment il pourrait venir nous aider dans ce processus-là?

Mme Gratton (Danielle) : L'éthique, chez nous... tu sais, c'est chaque personne qui est en soutien, parce que nos décideurs... Louise, c'est mon patron, O.K., c'est la présidente de mon conseil d'administration, moi, je travaille pour eux, et ils me disent : Danielle, voici les dossiers sur lesquels on veut que tu travailles, puis je rends des comptes, je dois rendre des comptes. Mais... puis dans chacune de nos organisations, on a des gens qui aident.

Ce groupe de personnes là est toujours, toujours soumis à un code d'éthique, parce que, on ne se le cachera pas... puis j'ai une de mes personnes-ressources dans un des mes mouvements, là, qui a fait un beau paragraphe là-dessus, les personnes qui vivent avec une déficience intellectuelle veulent, et ça fait partie de leur personnalité, d'une certaine façon... veulent plaire à leur entourage, à leur famille et même à moi, tu sais, c'est sûr.

Donc, quand je soumets des choses, à chaque fois je dois faire attention de ne pas mettre de réponse dans leur bouche, de ne pas influencer leur jugement, de présenter des enjeux différents, tu sais, de... je dois toujours... Ça fait que, là, je suis dans l'éthique quand je fais ça. C'est pour ça que je... on se disait : Bien, peut-être qu'un conseiller à l'éthique, qui sait que cette chose-là, là, ça fait partie de l'éthique, ce n'est pas... c'est vraiment un comportement qu'on doit avoir, c'est vraiment une façon... Puis, oui, on l'a développée, cette façon de comprendre que la personne, quand elle me parle, je l'entends, c'est ses mots à elle, parce que je la connais, mais le médecin ou l'autre intervenant qui va être... peut-être ne le connaîtrait pas, mais le conseiller en éthique, lui, il va avoir un jugement ou un regard par rapport à tout ce qui est influence, et c'est là qu'on pense que ça... ce pourrait être quelqu'un d'intéressant à avoir dans les équipes, là.

La Présidente (Mme Guillemette) : Parfait. Donc, ce que je comprends, si on y allait vers l'équipe multisoins, infirmières, psychologues, médecins, travailleurs sociaux, ce serait bien pour les gens en déficience intellectuelle, d'ajouter un conseiller à l'éthique à cette équipe-là. Bien, merci.

Mme Gratton (Danielle) : Oui, parce qu'il y a tout un cadre éthique, oui.

La Présidente (Mme Guillemette) : Parfait. Merci.

Donc, je céderais la parole au député de Mégantic.

M. Jacques : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Gratton. Bonjour, Mme Bourgeois. Je veux revenir, là, sur... de prendre le temps. Vous avez dit «de prendre le temps». Je veux... Vous savez, j'ai compris que, pour les personnes en déficience intellectuelle ou autres, il fallait qu'il y ait une maladie, là, vraiment... un cancer, entre autres — on va prendre un cancer. Vous savez que chaque personne qui reçoit un diagnostic de cancer qui est irréversible, un stade 4, ces gens-là deviennent très, très, très vulnérables, et, quand on n'est peut-être pas capable de comprendre l'entièreté des choses qui se passent dans notre corps ou qui se passent, là, dans notre vie, parce qu'on a un diagnostic, là, qui va arriver à la fatalité, je crois que, oui, c'est important de prendre le temps pour prendre les bonnes décisions. Et il ne faut pas... Il ne faut pas avoir... comment je dirais ça, il faut être capable de prendre les décisions en sachant qu'on veut... on veut minimiser, peut-être, nos souffrances ou, à un moment donné, on ne veut pas vivre une certaine partie de cette souffrance-là.

Donc, quand vous dites : On prend le temps, on prend le temps... Nous, on va prendre le temps, je pense, de bien faire les choses. On est déjà là depuis quelques mois. On a fait beaucoup de consultations avec les experts, avec les médecins, avec la population, avec les organismes, puis je pense que c'est un... c'est bon pour tout le monde, parce qu'on entend plein de gens qui ont des opinions divergentes et différentes, mais qui ont quelque chose à dire pour l'entièreté des gens qui viennent nous voir. Donc, dans prendre le temps, là, vous avez parlé des conseillers en éthique. Mis à part ça, quels éléments on a... ces gens-là, ou les personnes en déficience, ou... des problèmes de santé mentale, ou autres... Quel genre d'intervenants, mis à part les conseillers en éthique, pourraient les aider à prendre le temps pour bien comprendre les choses? Vous avez parlé de pictogrammes, vous avez parlé de la façon de parler aux gens, mais est-ce qu'il y a d'autres choses, là, qui pourraient être mises de l'avant, là, pour que ça puisse avancer?

Mme Gratton (Danielle) : Bien, tout à l'heure, j'ai entendu qu'on parlait d'équipes multidisciplinaires puis je pense que ça doit être ça dans certaines situations. Je sais que, dans les groupes qui ont répondu à notre consultation, on parlait aussi de travailleurs sociaux, parce qu'il y a aussi tout le contexte... puis ça, c'est une chose dont on ne vous a pas parlé maintenant, mais on vous en parlera dans le mémoire un peu, il y a tout l'aspect de la vie... des situations socioéconomiques, qui rendent... qui peuvent amener une personne dans une situation de vulnérabilité.

Je ne vous cacherai pas que nous, on a, depuis un bon moment... Les mouvements des personnes d'abord, ce n'est pas juste ici, au Québec, on a nos partenaires à travers le Canada. Il y en a dans toutes les provinces canadiennes, dans deux territoires. Il y en a dans 42 pays. On a des discussions avec nos homologues anglophones, et ça se passe un peu différemment chez eux. Je peux vous dire que, des fois, on a le choc des cultures. Et ils ont amené souvent des exemples de personnes qui, dans le fond, même s'ils amènent... Puis, même dans votre document de consultation, à un moment donné, j'ai lu un exemple... c'est plate, je ne l'ai pas ouvert... j'ai lu un exemple puis j'ai fait : Bien, voyons donc, c'est impossible, cette personne-là ne peut pas se prévaloir de l'aide médicale à mourir. On parle d'une situation socioéconomique difficile, d'un manque de services, etc., et ça, ça ne peut pas être.

Et c'est dans ce sens-là que l'intervenant, le travailleur social ou la personne, cette personne-là pourrait être fort utile pour déceler, justement, si, par hasard, il n'y aurait pas plutôt des améliorations à faire, non pas juste du côté de la pure santé, là, tu sais, médicaments, soins palliatifs, etc., là, mais aussi des facteurs socioéconomiques, c'est-à-dire que ça peut être des facteurs familial... familiaux, excusez-moi... la langue et... ça pourrait être ça aussi qui met la personne dans une situation de détresse, donc qui l'amène peut-être à faire une demande, alors qu'on pourrait régler quelque chose en amont dans une situation qui est beaucoup plus sociale, je vais dire ça comme ça. Ça fait que, oui, non seulement un conseiller à l'éthique, mais quelqu'un d'un environnement aussi... travailleur social ou... qui peut faire une analyse de ce côté-là aussi.

M. Jacques : Analyse juste de la personne qui va faire la demande ou de la famille aussi, qui pourrait faire de la pression?

Mme Gratton (Danielle) : Oui, bien, de la personne d'abord, mais évidemment de l'environnement de cette personne-là. Puis l'environnement de cette personne-là, bien, oui, ça peut être la famille, oui, ça peut être un milieu de vie, oui. Tu sais, présentement, il y a des personnes... puis vous le savez, là, il y a eu quand même des cas, là, de personnes qui avaient d'autres problématiques qu'on voulait transférer dans des CHSLD, où ce n'est pas un milieu de vie pour eux... puis qui, finalement, a mis fin à ses jours. Bon, ça fait que le problème, il n'était pas médical, il était social, c'est son environnement qui faisait une pression sur cette personne-là. C'est à considérer grandement.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci beaucoup, M. le député.

M. Jacques : Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de Mille-Îles.

Mme Charbonneau : Bonjour.

Mme Gratton (Danielle) : Ah! je ne t'avais pas...

Mme Charbonneau : Ha, ha, ha!

Mme Gratton (Danielle) : Excusez.

Mme Charbonneau : Mme la Présidente...

• (13 h 50) •

Mme Gratton (Danielle) : Excusez...

Mme Charbonneau : Je connais, Mme la Présidente, Mme Bourgeois. Bonjour, Louise, ça va bien? Et je connais Mme Gratton.

Mme Gratton (Danielle) : ...Francine Charbonneau, Mme la députée Francine Charbonneau... du cadre de...

Mme Charbonneau : Il n'y a pas de souci, Danielle. Je connais l'organisme depuis très, très longtemps et j'ai toujours admiré la persévérance qu'ils ont eue pour défendre, mais surtout pour parler pour et avec les gens qui ont une difficulté ou des défis supplémentaires.

Mme Gratton (Danielle) : Oui.

Mme Charbonneau : Moi, j'aimerais ça vous entendre, parce qu'avec le député de Mégantic vous l'avez approché un peu, mais j'aimerais ça vous entendre sur les gens qui habitent avec vos membres, parce que vous avez des gens qui habitent seuls, vous avez des gens qui habitent en coop, on va se le dire, mais il y a aussi encore des gens qui habitent avec la famille. Je peux... je le sais que, des fois, ça peut être un parent, mais des fois ça peut être aussi un oncle, une tante, ça peut être quelqu'un qui est proche de la famille, mais je sais que vous avez des gens qui ont ce que nous, on appelle, dans notre langage, des proches aidants dans le quotidien. Quelquefois c'est pour le transport, quelquefois c'est pour s'assurer que la médication est bien prise, que les soins sont donnés. Mais, sur vos 750 membres, il reste qu'il y a des gens qui les accompagnent, puis on se demandait : Quelle est la place de ces gens sur une référence ou sur un questionnement qui peut se faire sur l'aide médicale à mourir? Vous l'avez approché un peu en disant : Bien, on pourrait peut-être questionner d'où vient la question. Est-ce que ça vient de son environnement? Est-ce que ça vient de sa famille?

Mais en même temps, prenons l'exemple contraire, prenons des gens qui sont bienveillants, qui sont là pour les accompagner dans les bonnes raisons puis qui veulent les faire cheminer de la bonne façon. Quelle serait la place de ces gens qui ne sont pas des professionnels de la santé reconnus avec un diplôme, mais qui sont des professionnels de la santé de la personne parce qu'ils vivent avec elle au quotidien? Alors, je voulais savoir si vous vous êtes penchées un peu sur ces personnes — quelquefois c'est une, quelquefois c'est plusieurs — leur place dans l'environnement de la personne qui demanderait l'aide médicale.

Mme Gratton (Danielle) : Oui. On a tous les cas d'espèce dans nos membres, là, tu sais, que ce soient des personnes qui vivent seules, qui vivent en couple, avec tous les deux une DI, on a des parents, même, on en a qui vivent avec des personnes qui n'ont pas de DI, qui sont en couple avec des gens qui n'ont pas de DI. Donc, il y a, là aussi, un aidant, là, quelconque. Il y en a qui sont encore dans leur famille, bon, si on arrive à la famille, là... Parce qu'il y en a qui habitent en ressources résidentielles de toutes sortes, là, quatre personnes, six, huit, en tout cas, bref.

Pour ce qui est de la famille, quelle est la place? La place est la place que la personne va leur donner. Je suis plate, comme réponse, là, mais c'est un peu ça. Je suis obligée d'aller... de dire ça comme ça. Louise a une excellente relation avec ses parents, hein? Tu as une bonne relation avec ta mère, qui te soutient, mais tu habites seule en appart. Oui, mais, pour ceux qui habitent avec les parents, bien là, je vais vous dire... ou les parents, ou la famille, on a de tout : on en a des bienveillants, on en a qui... La première fois que j'ai assisté à un colloque avec ces personnes-là, c'était sur le logement, et, une certaine Catherine, qui était présidente de People First du Canada, qui était membre chez nous, on lui a posé la question, quel était le plus gros handicap pour partir en appart, et c'était un colloque de parents d'enfants ayant une DI, elle a répondu : Les parents. Alors, tous les parents ont cessé de respirer pendant deux secondes et quart. Et il y a une mère qui a fait... qui a pris son courage puis qui a dit à Catherine : Tu as raison. Mon fils, ça fait des années qu'il me demande pour partir en appart, puis moi, je ne veux pas.

Ça fait que c'est pour ça qu'on disait, puis on va probablement peut-être... Tu me fais penser qu'on devrait l'illustrer davantage. On va toujours partir de la personne. Et, si elle, elle dit : Moi, dans ce processus-là, j'ai besoin d'un accompagnement, et cet accompagnement-là, et cette personne de confiance là, c'est ma mère, c'est ma soeur, c'est ma tante puis c'est mon oncle, bien, ça sera ma tante, ma soeur, mon oncle. Jamais on ne partira à l'inverse parce que...

Mme Charbonneau : Donc, le principe de l'autodétermination, Danielle, c'est là que tu loges puis que l'ensemble de vos membres se logent, parce que c'est la première... Puis je voulais... Je voulais vous entendre, mais quelquefois j'aime que tout le monde entende cette réponse-là parce que ce n'est pas parce que j'ai une déficience que je ne peux pas prendre de décisions.

Mme Gratton (Danielle) : Exactement. Puis il y a d'autres organismes en déficience intellectuelle. On s'entend, il y en a beaucoup. Mais des fois on doit discuter longtemps, même avec nos partenaires, parce que ce n'est pas toujours facile de réconcilier le point de vue des personnes qui veulent le bien de cette personne-là et, la personne, ce qu'elle, elle décide qui est bon pour elle. Ça fait que, donc, oui, c'est... Mais, nous, c'est toujours la personne en premier et ses choix.

Mme Charbonneau : Je me permets une dernière pour laisser de la place à ma collègue de Westmount—Saint-Louis, puis Danielle, fais plus court, parce qu'on veut te poser plein de questions.

Mme Gratton (Danielle) : Oups! Excuse.

Mme Charbonneau : Moi, je me permets de te le dire parce que je ne suis pas la présidente puis je te connais personnellement.

Mme Gratton (Danielle) : Oui, puis tu sais que je parle longtemps.

Mme Charbonneau : Est-ce que, dans votre volonté d'avoir du temps, il y a, là aussi, une volonté de faire peut-être un processus quelque peu différent pour quelqu'un qui aurait une déficience ou un défi supplémentaire pour pouvoir prendre des décisions, donc un projet qui pourrait s'amener en disant... bien, quelqu'un qui est reconnu avec une difficulté, puis on ne va pas dans la santé mentale, là, je reste avec votre clientèle, aurait besoin peut-être de plus de temps, une boîte à outils, ça, je l'ai compris, peut-être un comité qui accompagne, mais est-ce qu'il y a, là, peut-être une proposition qui pourrait être intéressante pour vous? Puis je ne t'en reparlerai pas après, donc, j'attends, Mme la Présidente, votre mémoire avec impatience à la fin août. Bonne journée.

Mme Gratton (Danielle) : Oui, on travaille là-dessus dès demain.

Je ne le sais pas, en fait. J'avoue que, dans les réponses qu'on a eues, on n'a pas beaucoup abordé ça puis on va devoir le faire. Ça fait que je n'ose pas me prononcer, compte tenu que je n'ai pas eu de feed-back de mes membres. Est-ce que, oui, dans cet élargissement de la loi, les personnes concernées par l'élargissement, entre autres... donc, on parle de nos clientèles... est-ce qu'elles devraient, oui, avoir un temps plus grand pour pouvoir mieux prendre le temps de décider et permettre aux équipes de travailler avec elles? J'aurais tendance à dire oui, mais je vais me garder une petite gêne, hein, Louise? On va attendre que nos autres membres répondent d'ici quelques jours à notre consultation.

Mme Bourgeois (Louise) : ...

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme la députée de Mille-Îles.

Je cède la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis.

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames, Mme Gratton, Mme Bourgeois. Je vais  intellectuelle, souvent, font face à des stéréotypes, des préjudices. Alors, face à une demande de l'aide médicale à mourir, c'est clair, les professionnels ou surtout, peut-être, un médecin auront... question de comment déterminer si la personne ayant une déficience intellectuelle a vraiment compris.

Et étant donné que nous n'avons pas des mesures nécessairement claires, standardisées — on attend tous avec impatience vos suggestions pour la boîte à outils — que devons-nous faire comme recommandations en ce qui concerne, peut-être, la formation de nos médecins ou de nos professionnels pour avoir cette détermination puis compréhension qui est vraiment claire et bien comprise?

• (14 heures) •

Mme Gratton (Danielle) : Oh mon Dieu! On m'a dit de faire court, hein? Bien, vous êtes au coeur de tout. Je pourrais vous entretenir de ça pendant deux heures, tu sais, parce que tout se passe là. Depuis que je suis à la fédération, puis ça va faire 15, 16 ans, là, que j'y suis, puis... Vous disiez d'emblée : Ces gens-là vivent des préjugés. Écoutez, je suis rentrée... Il y a 15 ans, on parlait de préjugés, puis, quand je parle avec mes membres, on parle encore de préjugés après 15 ans. Est-ce qu'on a avancé? Oui, mais j'ai encore des situations que moi, j'ai vécues avec ma présidente, mon V.P., un membre, où la personne me parle, puis je lui dis : Non, non, c'est parce que c'est Louise, la présidente, puis elle s'en va, elle ne veut pas lui parler. Alors... Et j'en ai vu dans le système de santé, dans les services sociaux, j'en vois encore. Puis, oui, on le fait, présentement, dans...

Je vais vous dire que la... Je vais essayer de faire ça court, là, pour vous dire la meilleure façon de monter et de démontrer une boîte à outils ou de faire changer les choses, je dis que la fédération, ses mouvements mais surtout ses membres contaminent, et c'est ce qu'on veut. À partir du moment où les gens rencontrent une des 750 personnes, ils comprennent qu'on est rendus ailleurs, qu'on est rendus ailleurs. Puis ce n'est pas juste ici, au Québec, c'est un mouvement qui se passe partout, depuis l'adoption de la convention relative aux personnes handicapées de l'ONU, la ratification par le Canada, l'inclusion, c'est là qu'on s'en va. On va reconnaître, finalement, que ces gens-là... Louise est une citoyenne comme moi, au même titre que moi, avec les mêmes droits que moi. C'est tout. Et qu'est-ce que ça prend? Ça prend juste des bons outils puis un peu d'équipement, là, puis il y a des façons. Si nous, on y arrive, là, avec notre gang, à parler du projet de loi de l'aide médicale à mourir, d'un projet de loi sur la fiscalité, bien, c'est parce qu'on est capables de parler de beaucoup de choses.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci.

Mme Gratton (Danielle) : ...vous êtes plus au courant de l'actualité que la moyenne de la population.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup. Merci, Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.

Je céderais maintenant la parole au député de Rosemont.

M. Marissal : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à Mme Gratton et Mme Bourgeois. C'est enrichissant de vous entendre. On entend trop peu souvent ce genre de discours. Puis je vous suggérerais de continuer à nous sensibiliser puis à sensibiliser la population. On va essayer de faire le meilleur relais possible, de notre côté, pour le travail qu'on a à faire ici.

J'ai une question un peu technique, là, puis je veux juste être sûr de comprendre votre point. Vous disiez, tout à l'heure, que vous ne retenez pas, vous rejetez, dans votre appréciation, la notion d'aptitude ou d'inaptitude. Ce n'est pas sous cette base-là que vous prenez vos décisions ou votre évaluation. Je comprends le pourquoi du comment. Maintenant, comment on réconcilie ça avec la loi qui est devant nous ou même, éventuellement, celle qui sera devant nous, qui s'appuie sur un des piliers d'aptitude et d'inaptitude? Où est-ce qu'on se rejoint là-dedans, là?

Mme Gratton (Danielle) : Vous comprendrez que moi, je ne peux pas aller du côté... quand je parle avec mes membres et même avec d'autres personnes qui ont soit une DI, ou d'autres problématiques, ou d'autres grands défis, je ne peux pas partir d'emblée avec un jugement par rapport à l'aptitude ou l'inaptitude, pas plus que j'utilise... et j'essaie le moins souvent possible, comme beaucoup de gens, d'utiliser le mot «vulnérable», et etc.

Et je vais vous donner un exemple. J'ai une membre qui avait parlé avec le Protecteur du citoyen, à un moment donné, par rapport à un autre dossier puis qui parlait, justement, d'«apte» et «inapte», là, et puis... et c'était Maude Richard, Louise, qui parlait avec le commissaire — c'est parce que Louise connaît bien Maude, Maude Richard. Alors, Maude a fait... À un moment donné, le commissaire était là, «apte, inapte». Là, elle fait : Écoutez-moi bien, moi, quand je fais mes toasts le matin, là, je suis tout à fait apte, elles ne sont pas plus brûlées que les vôtres. Mais, oui, quand je fais mon budget, oups! j'ai des défis particuliers. Oui, à ce moment-là, je suis en situation d'inaptitude. Mais elle dit : Écoutez-moi bien, là, je ne suis pas inapte de... comment qu'elle lui avait dit ça, je ne suis pas inapte mur à mur, O.K.? Et voilà pourquoi je n'utilise pas ça.

Est-ce que la mentalité ou les... Est-ce qu'il y aura... Selon moi, il y aura des changements de paradigme dans le futur par rapport à cette notion-là. Je le regarde avec le curateur, qui, maintenant, même avec... Puis Dieu sait que les personnes qui sont sous curatelle publique... en tutelle — maintenant, il n'y a plus de curatelle — ont des situations d'inaptitude, et il va devoir, maintenant, tenir compte de leurs intérêts et de leurs préférences.

Donc, on a fait reculer cette notion-là en disant : Ce n'est pas parce qu'on est inaptes au point même d'être pris en charge par la curatelle publique qu'on ne peut pas dire ce qu'on a à dire. Je sais que ce n'est pas évident de le réconcilier avec la loi, là, parce que...

M. Marissal : Non, mais c'est beaucoup plus simple après vous avoir entendue, en tout cas, Mme Gratton. Ça vient d'allumer deux, trois lumières entre mes deux oreilles, là, parce que...

Mme Gratton (Danielle) : Merci, monsieur, mon député.

M. Marissal : Ah! bien, je vous en prie...

Mme Gratton (Danielle) : La fédération et moi habitons votre quartier.

M. Marissal : Oui, je sais, je sais. Je crois qu'on a quelques liens à l'occasion aussi...

Mme Gratton (Danielle) : C'est ça.

M. Marissal : ...en tout cas, avec mes attachés davantage que moi. Je suis honoré, d'ailleurs, de vous représenter et je vais tenter de le faire correctement ici, en prenant notre temps. Je considère, comme vous, que ça ne s'écrit pas sur le coin d'une table, une pareille pièce législative.

Mme Gratton (Danielle) : Non.

M. Marissal : Je vous remercie, Mme Bourgeois puis Mme Gratton, de vos réponses et de votre temps.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, M. le député de Rosemont.

Donc, c'est tout le temps que nous avions. Merci beaucoup à Mme Bourgeois et Mme Gratton pour votre partage et vos commentaires pertinents pour cet après-midi.

Une voix : Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, nous allons accueillir nos prochains invités. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 14 h 07)

(Reprise à 15 h 05)

La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, nous reprenons les travaux de la commission sur l'évolution des soins de fin de vie, et nous accueillons, pour ce bloc, la Fédération québécoise des sociétés d'Alzheimer, avec Mme Sylvie Grenier comme directrice générale et Mme Nouha Ben Gaied, directrice, Recherche et développement, qualité des services. Bienvenue, mesdames. Merci d'être avec nous cet après-midi. Donc, vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et par la suite il y aura un échange avec les membres de la commission pour une période de 35 minutes. Donc, je vous cède la parole.

Fédération québécoise des sociétés Alzheimer (FQSA)

Mme Grenier (Sylvie) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mmes, MM. les députés, merci de nous avoir conviées à participer aujourd'hui aux travaux de la commission spéciale sur les soins de fin de vie, et on espère ainsi alimenter vos réflexions sur l'élargissement de l'aide médicale à mourir.

Mme la Présidente, vous nous avez présentées, moi et ma collègue. Maintenant, je vous présente un petit peu la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer. Nous sommes un organisme à but non lucratif, et on est le porte-parole de 20 sociétés Alzheimer, qui, elles, agissent partout à travers le Québec, et elles offrent des programmes et des services aux personnes atteintes de troubles neurocognitifs de type de maladie d'Alzheimer ainsi qu'à leurs proches aidants.

Notre fédération oeuvre depuis maintenant plus de 35 ans à sensibiliser les différents publics au défi de vivre avec une maladie cognitive, à la stigmatisation encore très présente autour de ces maladies et au soutien nécessaire, bien sûr, pour les personnes impactées. On travaille aussi à la promotion, bien sûr, de la recherche biomédicale et psychosociale. Notre fédération soutient ainsi les personnes atteintes et leurs proches aidants en offrant de l'information, des consultations avec suivi, des groupes de soutien, des répits-stimulation et, entre autres, aussi de la formation.

Grâce à des partenariats que... et un travail de collaboration avec les professionnels du réseau de la santé, nos sociétés sont en mesure d'accompagner, partout à travers le Québec, dès le diagnostic, les personnes atteintes et leurs proches aidants tout au long du parcours... de leur parcours à travers cette maladie. Selon... Notre approche, elle est centrée sur la personne, donc c'est la personne qu'on met au centre de nos interventions, parce qu'on reconnaît que la personne atteinte demeure une personne à part entière en dépit de la maladie, et qu'à ce titre elle a droit à la dignité et au respect de ses valeurs et de ses choix. Donc, c'est tout à fait dans le ton, si on veut, de l'aide médicale à mourir. Pour nous, c'est important de toujours se souvenir de ça.

Suite à l'adoption de la loi n° 52, on a suivi de très près l'ensemble de l'évolution des dossiers. Et en 2016, suite à un fonds qui a été octroyé à la Dre Gina Bravo de l'Université de Sherbrooke, les sociétés... à travers le programme canadien de recherche pour les sociétés Alzheimer, la fédération et 12 de nos sociétés, on a accompagné Dre Bravo et on a participé activement au recrutement pour des personnes atteintes et des proches aidants dans le but de connaître leur opinion par rapport à l'élargissement de l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes de troubles neurocognitifs et aussi des critères pour cette implantation. Les résultats de la première étape de l'étude avaient d'ailleurs été présentés lors d'une conférence de presse, en 2016 toujours, en compagnie de la chercheure principale et de Me Pierre Ménard, du cabinet d'avocats Ménard, Martin. Donc, c'était déjà il y a cinq ans.

Notre position a toujours été claire, au niveau de la fédération et de nos membres, qu'on estime que les personnes atteintes d'un trouble neurocognitif disposent des mêmes droits que toutes les autres... tous les autres Québécois, y compris de se forger leur propre opinion et de participer aux décisions concernant leur vie et précisément leurs soins de fin de vie. On les encourage, ces personnes, à planifier leur avenir dès l'annonce d'un diagnostic, de discuter avec leur médecin des différentes options thérapeutiques et de prendre activement part à toutes les décisions qui les concernent tant et aussi longtemps qu'elles le peuvent et qu'elles le souhaitent.

Nous avons eu aussi l'occasion de participer au Forum national sur l'évolution de la Loi concernant les soins en fin de vie et de faire valoir les points de vue des personnes atteintes, la réalité de vivre avec la maladie d'Alzheimer et de mettre en garde contre certaines dérives qui pourraient avoir lieu de par la grande... je vais finir par le dire... vulnérabilité de la clientèle qui est visée, et vous le comprendrez. Il y a certes un large consensus autour de l'élargissement de l'aide médicale à mourir, mais, pour ce qui est des personnes inaptes, ça devient aussi très complexe, tant pour la personne que pour les proches aussi. On a nous-mêmes eu l'occasion de le constater à travers nos réseaux sociaux à plusieurs reprises, des craintes qui subsistent par rapport au coma, et c'est pour ça qu'il nous apparaît important de prendre part aujourd'hui, encore une fois, au débat sur la... et de les représenter à travers la commission.

La Fédération québécoise des sociétés Alzheimer défend totalement le droit à l'autodétermination des personnes de même que la nécessité pour ces personnes atteintes de troubles neurocognitifs majeurs de pouvoir bénéficier des mêmes droits civiques et juridiques que tous les Canadiens. Cette volonté a clairement été exprimée par les personnes atteintes elles-mêmes dans le cadre de la Charte canadienne des droits des personnes atteintes de maladies neurodégénératives.

C'est dans ce contexte que nous accueillons favorablement l'ouverture du débat de l'aide médicale à mourir aux personnes inaptes, mais nous prenons... nous pensons que l'aide médicale à mourir pour les personnes inaptes doit être encadrée et respecter plusieurs balises claires. Il ne faudrait surtout pas que l'aide médicale à mourir anticipée soit la réponse facile à notre manquement en tant que société à prendre soin de nos aînés atteints de troubles neurocognitifs. Il ne faudrait pas que, face à la détresse de ces personnes proches aidantes et aux prises avec la maladie ou encore le manque de ressources en maintien à domicile et en l'absence de soins palliatifs adaptés, une personne décide de manière précoce d'avoir recours à l'aide médicale à mourir.

C'est l'essence, je vous dirais... je vous en ai fait une lecture, c'est ma première participation à une commission, donc, mais... Et, pour nous, les balises doivent être claires. On est prêts à en discuter, on entend nos gens, on entend nos familles, on sent qu'il y a une volonté à aller vers ça, mais les étapes restent grandes à discuter avant d'y arriver, pour nous.

Si vous me permettez, je passerais maintenant la parole à ma collègue Nouha pour la suite de la présentation.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci.

• (15 h 10) •

Mme Ben Gaied (Nouha) : Merci, Mme Grenier. Merci, Mme la Présidente, MM. les députés.

Dépendamment du temps qui me serait accordé, on voudrait également revenir sur plusieurs recommandations qui avaient été exprimées, justement, par le rapport d'experts. Et il y a plusieurs recommandations sur lesquelles, en fait, on aimerait apporter un éclaircissement ou du moins apporter plusieurs de nos préoccupations ici, devant la commission, notamment par rapport à la recommandation 1. Il nous paraît important que le diagnostic de la maladie d'Alzheimer soit posé, que le diagnostic soit d'une maladie incurable et irréversible, qu'elle ait été discutée avec la famille, parce que, malheureusement, encore 50 % des personnes qui reçoivent un diagnostic le reçoivent à un stade modéré à avancé de la maladie, ce qui porte notamment préjudice à la personne elle-même, puisqu'elle ne peut plus prendre part aux décisions qui lui incombent de manière pleine.

Notamment, également, par rapport à la recommandation 2, est-ce qu'on va vers une demande d'aide médicale à mourir anticipée ou vers une directive? Là, il nous paraît également important, justement, dans le respect de l'autodétermination de la personne, que ce soit une directive et non pas une demande. Celle-ci pourrait notamment être incluse dans les directives médicales anticipées comme une proposition complémentaire ou supplémentaire que la personne aurait à demander, au-delà des cinq choix qui lui sont proposés dans les directives médicales anticipées.

Également toute la discussion par rapport à la personne tierce qui viendrait, finalement, enclencher le processus de l'aide médicale à mourir, là encore, des balises et une définition claire et précise de la personne tierce serait importante, le rôle de cette autorité externe impartiale. Souvent, c'est justement le Curateur public qui a été désigné comme cette autorité. Mais il nous paraît important que le Curateur public garde son rôle administrateur et médiateur et non pas de, finalement, s'immiscer dans des décisions personnelles.

L'évaluation, également, des souffrances des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer peut être évaluée et également peut être définie avec des échelles validées par le corps médical, et, je pense, c'est important également de se référer à ces échelles-là.

Et enfin, bien, on parle notamment du rôle d'un deuxième médecin, le rôle de l'équipe, de l'équipe soignante multidisciplinaire. Il nous apparaît également important que l'équipe multidisciplinaire soit composée minimalement d'un médecin, d'un pharmacien, d'une infirmière, d'un travailleur social et d'un proche.

Et enfin, encore une fois, comme l'a très bien dit Mme Grenier, c'est le qui, et le comment, et le quand qui sont très importants dans les balises qui vont être déterminées pour l'élargissement de l'aide médicale à mourir pour les personnes inaptes, particulièrement celles qui sont... qui vivent avec la maladie d'Alzheimer. Merci à vous.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, mesdames.

Donc, nous commençons maintenant la période d'échange avec le député de Lac-Saint-Jean.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux, mesdames. Toujours intéressant, là, de vous entendre, surtout quand on parle aussi, quand même, des maladies cognitives. Je pense qu'il y a quand même... je pense que le mandat de la commission, tout ça, porte aussi beaucoup à ce niveau-là. Est-ce que vous avez entendu le témoignage, quand Mme Sandra Demontigny a paru à la commission, puis ce qu'elle mentionnait? Parce que vous dites : La personne... Vous êtes centrées beaucoup sur la personne. Il y a toute la question du qui, du quoi et du comment. Vous parlez de balises aussi. J'aimerais ça savoir un peu qu'est-ce que vous proposez, aussi, comme balises, mais savoir aussi ce que vous pensez parce qu'elle, elle a mentionné... puis on parle de la personne, donc, ça a l'air à être... c'est très important, partir quand ça va être encore beau. Donc, j'aimerais ça savoir un peu... que vous élaboriez un petit peu plus là-dessus puis qu'est-ce que seraient les balises pour la personne. J'aimerais ça vous entendre là-dessus un petit peu plus.

Mme Grenier (Sylvie) : Nouha, je te vois faire signe de la tête, oui.

Mme Ben Gaied (Nouha) : Merci, M. Girard. Effectivement, oui, on a suivi plusieurs des échanges que vous avez eus lors de la commission et notamment, bien, le témoignage de Mme Demontigny. Il faut juste se rappeler pourquoi est-ce que les personnes voudraient avoir accès à l'aide médicale à mourir. C'est soit parce que, justement, il y a un historique familial, c'est un père, une mère qui en était atteint. C'est aussi la peur de la perte de dignité et d'autonomie. C'est aussi de ne pas être un fardeau pour ses proches. C'est de vouloir vivre une vie significative et digne jusqu'au bout et que la personne elle-même... ou encore que la personne elle-même a été proche aidante d'une personne atteinte.

Et donc on se projette face, finalement, à un inconnu. La maladie d'Alzheimer est une maladie, oui, universelle, mais elle se vit de manière très personnelle, et chaque personne va évoluer de manière très significative face à la maladie. Effectivement, Mme Demontigny a également été porte-parole d'une de nos campagnes de sensibilisation à la fédération, et donc on est très sensibilisées à son témoignage. Mais, encore une fois, il ne faudrait pas se projeter dans un avenir inconnu parce que, encore une fois, ce que l'on voudrait maintenant dépend beaucoup, en fait, de notre conception ou de notre connaissance de la maladie en fonction, bien, finalement, de différents facteurs qui influencent notre vie, nos choix, mais qui, dans le futur, pourraient ne pas se réaliser. Et donc, effectivement, que l'aide médicale à mourir soit formulée de manière anticipée pendant que la personne est encore apte et qu'elle puisse être ou non mise en application lorsque le moment est venu nous paraît important pour, justement, respecter les choix de la personne lorsqu'elle pouvait les exprimer.

Vous avez parlé, justement, des balises claires. Il y a notamment les... La maladie d'Alzheimer ou les troubles neurocognitifs évoluent selon sept stades. Les échelles... l'échelle de Reisberg définit clairement les pertes à chaque stade, et c'est à ce moment-là, en fait, qu'il nous apparaît, par exemple, que l'aide médicale à mourir anticipée ne devrait pas être demandée, notamment, avant le stade 6. C'est à ce moment-là qu'il y a notamment des pertes de mémoire qui sont présentes dans la durée. C'est également des difficultés de langage, donc des problèmes de communication, de plus en plus des problèmes de comportement, des difficultés à s'alimenter, des difficultés à prendre soin de soi, des difficultés également à s'hydrater. Il y a des infections, également, qui apparaissent, des problèmes d'incontinence. Et donc c'est vraiment à des stades où l'autonomie et la dignité de la personne sont affectées qui, là, nous paraissent important de respecter.

Il y a également une autre échelle, les profils ISO-SMAF où, là encore, on évalue l'autonomie de la personne par rapport aux tâches de la vie quotidienne. Et, encore une fois, c'est des outils qui sont à la disposition du corps soignant et qu'il faut utiliser. Il y a également des échelles pour évaluer la souffrance, même si la personne n'est pas en mesure d'exprimer verbalement ce qu'elle ressent en termes de souffrance physique ou émotionnelle, mais elle peut quand même s'exprimer par des cris, par des pleurs, par plus d'agressivité, plus de colère, et surtout lorsque c'est sur la durée, où là, effectivement, il y a une souffrance psychologique de la personne.

Donc, vous voyez, il y a quand même des échelles ou des données qui nous permettent de dire quand est-ce que la personne est souffrante, quand est-ce qu'il est... quand est-ce que le moment est approprié pour, justement... l'aide médicale à mourir soit donnée. Parce qu'on ne voudrait pas non plus que des personnes partent trop tard... trop tôt, pardon, alors qu'elles auraient encore eu de belles années à vivre. On peut quand même vivre avec la maladie d'Alzheimer.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Je vous interromps un petit peu parce que je sais que mes collègues aussi veulent intervenir. Donc, vous, là, vous dites : Pas avant le stade 6. Donc, là, vous mettez déjà une balise, vous dites : Pas avant le stade 6. O.K. Et est-ce qu'une directive ou une décision pourrait être renversée aussi? Exemple, là, ça va plus vite qu'on pense puis on n'est pas en mesure de vraiment établir, là, le critère de la souffrance. Est-ce qu'il pourrait y avoir aussi des possibilités de renverser certaines décisions, que ça soit pour devancer ou retarder? Puis quel serait le rôle, aussi, des proches aidants dans... Parce qu'ils jouent un grand rôle. Et ça va être tout, Mme la Présidente, pour mes questions.

• (15 h 20) •

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci.

Mme Ben Gaied (Nouha) : Alors, oui, effectivement, on ne voudrait pas, encore une fois, que des personnes partent plus tôt que prévu, parce que tout dépend vraiment de l'encadrement, des soins, du soutien qu'elles vont recevoir durant leur parcours avec la maladie d'Alzheimer.

Dans le cadre du stade 6, je veux dire, le déclin est prononcé, le déclin est également sur la durée, les pertes de mémoire sont soutenues. Il y a un besoin d'aide pour accomplir les activités de la vie quotidienne, comme s'habiller, se laver. Il y a des difficultés avec les notions abstraites, donc tout ce qui est le calcul, la tenue d'un budget. Il y a une modification, également, de la personnalité, des émotions, à savoir également de la confusion, de l'anxiété. Il y a également des problèmes obsessionnels ou encore la personne va avoir à répéter une activité toute simple pendant un certain nombre de... sur une période de temps. Il y a une perturbation du sommeil. Donc, vous voyez, à partir du stade 6, l'autonomie et la dignité de la personne sont affectées dans les troubles neurocognitifs, alors qu'avant, bien, la personne peut encore demeurer fonctionnelle.

Pour ce qui est, par contre, du rôle des proches aidants, et puis ça, ça rejoint un petit peu la question par rapport à la tierce personne, bien, personne ne veut, finalement, prendre cette décision. On le voit déjà dans les soins palliatifs, où c'est une décision qui est quand même très lourde de conséquences pour la famille. Il y a un côté émotif qui est très important. Certaines familles vont vouloir se reposer sur l'expertise de l'équipe soignante, justement, pour prendre les bonnes décisions. Et donc, si la tierce personne fait partie d'un membre de la famille, à ce moment-là, il faudra également considérer un soutien psychologique pour accompagner cette personne dans son deuil. Mais ce qui est clair, c'est qu'une définition, justement, de cette tierce personne, de qui enclenche le processus et quand, bien, nous paraît vraiment très importante dans le processus.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci, M. le député.

Donc, je céderais la parole, maintenant, à la députée de Soulanges.

Mme Picard : Bonjour, mesdames. Je vais rebondir sur ce qu'a dit mon collègue. En fait, j'aimerais savoir : Que feriez-vous dans le cas où une personne n'aurait pas de proches autour d'elle?

Mme Grenier (Sylvie) : Je vais y aller. Si une personne n'a pas de proches, bien, encore là, ça soulève beaucoup de questions. D'abord, est-ce qu'elle aura fait des directives médicales... des directives médicales anticipées? C'est une chose. Et est-ce qu'elle pourrait avoir... Bon, si elle n'a pas de proches, probablement qu'il y aura un curateur public qui sera aussi en charge de la personne. Donc, comment... Et là, encore là, qui prendra la décision aussi? C'est certain que, quand on est en début de la maladie, vous avez un diagnostic, on ne devient pas inapte du jour au lendemain, hein, ça ne se passe pas dans la nuit, là, le diagnostic ne fait pas en sorte qu'on n'existe plus ou qu'on n'est plus là, comme on entend souvent quand on parle de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Donc, qui prendra en charge et, à ce moment-là, qui prendra les décisions, ça va appartenir, finalement, à un curateur, probablement, et quand aussi. Une personne apte... Même si on a eu un diagnostic et qu'on est encore apte, on peut toujours faire notre demande d'aide médicale à mourir à travers... si on préfère, à travers les directives médicales anticipées, faire aussi une demande d'aide médicale à mourir anticipée. Mais tant qu'on est apte, on peut faire cette demande-là. Qui voudra l'administrer, ça, c'est une autre question aussi. Donc, ça fait aussi partie... Pour le reste, il faudra que ça soit bien indiqué dans la loi qui entoure l'aide médicale à mourir pour les personnes inaptes.

Mme Picard : Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Je cède la parole à Mme la députée d'Abitibi-Ouest.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci, mesdames. Lorsqu'on parle de démence heureuse, ayant une cliente souffrant de démence heureuse, est-ce qu'elle peut être brimée pour sa demande d'aide médicale à mourir? Parce qu'elle est... tout va bien pour elle, là, est-ce qu'elle peut être brimée?

Mme Grenier (Sylvie) : Est-ce qu'elle peut être brimée? Bien, j'ose croire que non. Qu'est-ce que c'est qu'une démence heureuse aussi? Quelle définition ça a? Est-ce que c'est pour la personne ou si c'est pour les proches autour? De qui on parle, à ce moment-là? C'est difficile d'y répondre. Et il n'y a pas deux maladies d'Alzheimer pareilles, hein, chaque personne atteinte de la maladie d'Alzheimer va avoir un parcours différent à travers la maladie, et c'est aussi l'entourage qui peut faire une différence dans ça. Donc, mieux on est entouré, plus les gens sont formés et/ou encore soutenus pour nous accompagner, ça va faire en sorte que la maladie aura toujours un impact certain, mais qu'elle sera peut-être moins difficile dans l'accompagnement.

J'aime mieux parler d'accompagnement que de parler de maladie d'Alzheimer heureuse. Bon, ça dépend pour qui on parle à travers de ça, mais il ne devrait surtout pas y avoir d'impact négatif à cet égard-là. Donc... Et, encore là, c'est dans le qui pourra faire la demande. Si cette personne-là est heureuse, bon, on n'a pas de problème, on est... Est-ce qu'elle est à la maison? Est-ce qu'elle est en hébergement privé, public? Ça fait aussi une différence. Qui s'en occupe, de cette personne-là, aussi?

Donc, vous savez, je pense que la maladie d'Alzheimer peut être certainement extrêmement difficile. Je me suis employée depuis 20 ans à accompagner des gens à travers cette maladie-là, mais on a la preuve aussi qu'une maladie d'Alzheimer heureuse, c'est parce qu'il y a des gens, aussi, autour qui sont en mesure d'accompagner et de prendre des décisions que j'ai envie de qualifier d'heureuses aussi ou de pertinentes pour cette personne-là, donc, et qu'on ne doit arriver à l'aide médicale à mourir qu'en dernier recours, comme on le ferait pour toute autre maladie, en fait. Et c'est ça qui nous inquiète, nous.

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci, madame.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup.

Moi, je... On parle de troubles cognitifs. On parle beaucoup, là, dans cette section-là, de maladie d'Alzheimer. C'est facile... c'est plus facile avec les stades 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, mais, lorsqu'on arrive dans un trouble cognitif autre que l'alzheimer, quels seraient les signes qui pourraient nous guider? Parce que ce n'est pas si coupé au couteau que ça, là, pour les autres types de troubles cognitifs.

Mme Grenier (Sylvie) : Nouha.

• (15 h 30) •

Mme Ben Gaied (Nouha) : Oui. Merci, Mme la Présidente, pour cette question. Effectivement, les troubles neurocognitifs, on parle beaucoup de maladie d'Alzheimer parce que ça représente plus de 60 % à 80 % des cas diagnostiqués. Les symptômes des troubles neurocognitifs majeurs sont très similaires d'un trouble à l'autre. Donc, si on parle de dégénérescence frontotemporale, par exemple, ça va plus toucher le langage, le comportement. Si on parle de la maladie à corps de Lewy, ça va être, en fait, un mélange entre la maladie d'Alzheimer et la maladie de Parkinson, avec notamment aussi, en plus, donc, des hallucinations, des idées délirantes. Si on parle de maladies vasculaires, la même chose, on va avoir des symptômes qui sont bien spécifiques.

Donc, même si, en fait, les symptômes sont très similaires d'une maladie à l'autre, beaucoup se rejoignent. Et malheureusement, dans les stades avancés de la maladie, et ça, quel que soit le trouble neurocognitif, il va y avoir une perte d'autonomie, il va y avoir une perte des capacités de la personne à exécuter des tâches de la vie courante, et c'est juste, finalement, quand est-ce que le symptôme va apparaître. Dans le cas de la maladie, par exemple, frontotemporale, bien, ça va plus être une maladie qui va affecter le langage. Dans la maladie d'Alzheimer, ce problème-là va arriver plus tard. Dans le cas, par exemple, de la maladie à corps de Lewy, les hallucinations vont apparaître dès les premiers symptômes. On va plus les voir, dans la maladie d'Alzheimer, dans les stades avancés. Donc, il faut vraiment y aller par, comment dire, une panoplie de symptômes, et surtout comment est-ce que ça impacte la personne dans sa dignité, dans sa capacité à faire des choses.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup.

Donc, je céderais maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee.

M. Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup, Mme Grenier, Mme Ben Gaied, pour votre présentation aujourd'hui et ainsi que pour le travail à travers le Québec en accompagnant les gens atteints, les familles et en revendiquant pour eux aussi.

Quand on parle de la demande anticipée... et je comprends que vous êtes parmi plusieurs qui comprennent et constatent qu'il faut qu'un diagnostic soit présent, alors je prends ça pour acquis. Une fois que ce diagnostic est présent, si je vous ai entendues, l'écart entre l'aptitude et l'inaptitude peut être assez court. Est-ce que vous avez des données pour nous aider à comprendre l'étendue de cette problématique-là? C'est-à-dire, est-ce qu'on parle d'une fenêtre qui est assez restreinte pour un bon pourcentage des gens atteints d'un diagnostic qui n'auraient pas beaucoup de temps pour évaluer leurs propres voeux, leur propre situation? Est-ce que c'est un bon pourcentage des gens qui se procurent un diagnostic qui n'ont pas grand temps avant que les stages commencent à se manifester, et de façon assez vite?

Mme Grenier (Sylvie) : Je vais commencer par un début de réponse. Ce n'est pas moi, la scientifique de l'équipe, c'est Nouha, mais je vous dirais que, nous, ce qui est clair, c'est... et vous avez tout à fait raison que ça dépend des individus, qu'après un diagnostic ça aille plus vite pour une personne que pour une autre, mais c'est souvent quand est-ce que le diagnostic est posé. Et tout est là pour nous. À partir du moment où on a un diagnostic précoce, où, dès les premiers symptômes, les signes précurseurs, on consulte et qu'on... parce que ça se peut qu'on ne soit pas capable de déterminer que c'est la maladie d'Alzheimer, ça prend plusieurs tests, et même, en fait, le test ultime, qui, lui, détermine si c'est ça ou pas, n'est pas accessible à tous non plus, mais ça va faire toute la différence aussi dans la qualité d'accompagnement et la qualité de vie avec la maladie d'Alzheimer à ce niveau-là.

Un diagnostic précoce permet, parce qu'on le sait maintenant, de faire de la prévention, de travailler à faire en sorte de... de faire de la stimulation pour faire en sorte que les individus puissent préserver le plus longtemps possible leur qualité... leurs capacités et leur qualité de vie. Donc, déjà, ça, c'est une chose.

C'est certain que, si après trois ans... qu'on a vu des symptômes et que ça s'est aggravé, puis que, là, on demande au médecin de poser un diagnostic, il va peut-être y avoir un diagnostic, mais vous comprendrez que les chances de pouvoir travailler sur la stimulation et de voir apparaître les autres signes plus tard sont plus minces. Donc, à ce moment-là, le parcours entre le moment du diagnostic et les signes qui font en sorte que la maladie prend de plus en plus de place chez l'individu vont être plus rapides. Donc, ça, c'est d'abord une première étape, donc un diagnostic précoce prévient en fait tout ce bout de parcours là.

Pour ce qui... Là-dessus, je vais te laisser, Nouha, aller avec le comment on peut le... qu'est-ce qu'on peut faire, à ce moment-là.

Mme Ben Gaied (Nouha) : Merci, Sylvie. Merci, M. Birnbaum.

Malheureusement, actuellement, 50 % des personnes qui reçoivent un diagnostic de maladie d'Alzheimer sont à un stade modéré à avancé, et donc, bien, forcément, la fenêtre d'aptitude est très restreinte. C'est pour ça qu'effectivement un diagnostic précoce, notamment avec le Plan Alzheimer Québec, doit être mis de l'avant. Il ne faudrait pas, effectivement, que les gens, parce qu'ils ont reçu un diagnostic tardif, ne puissent pas faire ce choix-là de manière éclairée. Et donc, bien, encore une fois, là, on vient réduire leurs capacités et leur capacité d'autodétermination. Là, on vient les discriminer, encore une fois, par rapport aux autres Québécois qui pourraient avoir accès à l'aide médicale à mourir.

Actuellement, il y a eu — et je pense que vous l'avez certainement vu dans les médias — déjà une personne ici, au Québec, qui a eu recours à l'aide médicale à mourir alors qu'elle était atteinte de dégénérescence frontotemporale. Donc, l'aide médicale à mourir, actuellement, permet aux personnes d'avoir recours à l'aide médicale à mourir, mais on parle, là, vraiment, des personnes qui deviendraient inaptes. Et effectivement les délais peuvent être très réduits si le diagnostic est donné de manière tardive, puisque l'inaptitude va être déclarée très rapidement, à ce moment-là.

M. Birnbaum : Oui. Je vous écoute et je trouve ça très significatif, parce que, comme dans plusieurs des situations, des enjeux devant nous, sur le plan réel, on va essayer de recommander les balises les plus responsables et compatissantes que possible, mais vous êtes en train de nous dire qu'il risque d'y avoir un grand pourcentage ou un pourcentage important, si j'ai bien compris, du monde qui va être atteint des symptômes, qui va peut-être être en attente diagnostic, donc peut-être, et je pense aux régions, la disponibilité dans les petits villages, des familles avec moins de ressources autour d'eux, l'opportunité de se prévaloir, dans une période d'aptitude, de ce choix-là risque de ne pas être disponible pour plusieurs. Est-ce que je comprends bien?

Mme Ben Gaied (Nouha) : En fait, vous avez tout à fait raison, dans le sens qu'il n'y a pas juste, en fait, la disponibilité des ressources pour avoir recours à un diagnostic, il y a aussi tous les stigmas, tous les préjugés qui entourent la maladie et qui empêchent les gens d'aller chercher un diagnostic. Donc, une campagne de sensibilisation pour faire valoir l'importance du diagnostic précoce et aussi de faire valoir la possibilité de vivre encore avec la maladie d'Alzheimer et d'avoir une certaine qualité de vie pour pouvoir, justement, faire des choix aussi importants que d'avoir recours à l'aide médicale à mourir de manière anticipée ou actuellement, voire même de rédiger les directives médicales anticipées...

Donc, il y a quand même un certain bénéfice à aller chercher un diagnostic, sauf que, malheureusement, on en a peur, on a peur de la maladie elle-même, on est parfois aussi dans le déni, on ne veut pas voir qu'effectivement on est dans des pertes cognitives, qu'on n'est plus en mesure de faire certaines choses de la vie courante, que ça nous affecte. Les gens, au début, sont bien conscients de leurs pertes et de leur perte d'autonomie, mais c'est cette peur qui, malheureusement, les empêche d'aller vers un diagnostic. On ne va pas parler des problèmes structurels, là, mais déjà la stigmatisation qui entoure la maladie empêche les gens d'aller chercher un diagnostic.

Et puis après, bien, se rajoutent à cela aussi les délais pour recevoir un diagnostic. Généralement, un diagnostic se pose en 18 mois. Donc, malheureusement, entre-temps, la personne a continué à décliner. Donc, le moment où finalement la personne prend cette décision d'aller voir son médecin, d'en discuter et le moment où elle va recevoir le diagnostic, on a déjà passé, probablement, une bonne année, et donc, bien, finalement, là, on réduit de plus en plus la fenêtre dans laquelle elle va pouvoir actuellement prendre certaines décisions comme l'aide médicale à mourir anticipée.

M. Birnbaum : Oui, compris. Donc, toute l'importance de vos campagnes de sensibilisation, la formation des intervenants et intervenantes, et tout, qui va au-delà de notre mandat, mais ça touche primordialement aux questions devant nous, aussi.

Une fois qu'une demande soit déposée en bonne et due forme, il y a, comme vous avez noté, le suivi et le déclenchement au moment voulu et approprié de cette demande-là. Vous avez parlé, si j'ai bien compris, de votre constat que les personnes tierces ont le rôle essentiel à jouer, et vous ne jugez pas à propos que la personne clé soit le curateur. Est-ce que j'ai bien compris? Et, si oui, dans les cas, et il y aurait plusieurs, où il n'y a pas, de toute évidence, un proche présent, comment faire?

• (15 h 40) •

Mme Grenier (Sylvie) : Bien, je croirais que, dans le cas où c'est le Curateur public, c'est pour ça que Nouha y a fait allusion tout à l'heure, elle l'a nommé, ça doit aussi... une décision qui doit se prendre avec l'équipe soignante. Ce n'est pas une personne qui décide que c'est maintenant que ça devrait se terminer, pour toutes les raisons qu'on peut imaginer, mais qu'il y a une équipe soignante autour qui, elle, va aussi faire l'évaluation aussi de la qualité de vie de la personne et de tout ce qui a trait au fait de pouvoir appliquer l'aide médicale à mourir à ces personnes-là.

Donc, le Curateur public, comme n'importe quel individu, peut poser n'importe quel diagnostic, peut poser n'importe quel constat, mais, pour nous, l'équipe soignante a un rôle important à cet égard-là.

Mme Ben Gaied (Nouha) : Et, si je peux également rajouter un point par rapport, justement, à la personne tierce, effectivement, ça a été pour nous un sujet de réflexion très important à savoir, bien, qu'est-ce qu'on fait lorsque les personnes sont seules, qu'elles sont isolées. Puis c'est malheureusement aussi une réalité dans notre société, où, de moins en moins, les... je veux dire, les bulles familiales sont beaucoup plus éclatées. Mais ce qui nous apparaît important, c'est que la personne doit avoir un lien significatif, comme ça a été le cas, notamment, pour les proches aidants durant la pandémie, c'est vraiment que le lien soit significatif avec la personne puis qu'elle ait à coeur, également, l'intérêt physique et psychologique de la personne atteinte pour que, justement, elle puisse poser ce geste-là en toute quiétude.

Et par rapport au mandat du Curateur public, ce qu'on privilégie, c'est vraiment cet intérêt significatif, donc le lien humain, la connaissance des valeurs, des croyances, des préférences de la personne. Avec une autorité externe administrative ou de médiateur tel que le Curateur public, on risque de perdre ce lien humain là. C'est pour cela qu'on aurait des réticences par rapport au rôle du Curateur public dans ce rôle, précisément, pour enclencher ou pour faire connaître la présence d'une aide médicale à mourir anticipée.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci, M. le député. Je céderais maintenant la parole au député de Rosemont.

M. Marissal : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. Merci d'être là. Merci pour vos lumières.

Je veux juste être sûr de comprendre, là. La grande, grande, grande majorité des gens, des témoins, des intervenants et des intervenantes — surtout les intervenantes, d'ailleurs, je le note — nous disent : Il faut toujours que... ce n'est pas unanime, là, mais c'est assez généralisé, que... la demande, le consentement anticipé et, à plus forte raison, la demande en situation d'aptitude doit toujours venir de la personne qui veut bénéficier des soins de fin de vie. C'est ce que vous dites aussi, ou rajoutez-vous un intertitre qui dirait : Des fois, ça va tellement vite, avec la maladie d'Alzheimer, puis c'est diagnostiqué, malheureusement, trop tard que ça pourrait être dans les mains d'une tierce personne que d'enclencher, sachant que c'était la volonté de la personne?

Mme Grenier (Sylvie) : Nous, ce qu'on dit, c'est que sans directives anticipées d'aide médicale à mourir, il n'y a pas de tierce personne qui prend la décision.

M. Marissal : O.K., très bien. C'est bon, c'est ce que j'avais compris, je voulais juste être sûr.

Vous avez parlé des stigmates autour de la maladie d'Alzheimer. C'est lourd et il y a beaucoup de tabous encore autour de la maladie. Je ne sais pas comment formuler ma question, mais qu'est-ce que vous sentez, ressentez, comment vous qualifiez la très lourde impression que quelqu'un qui a la maladie d'Alzheimer est condamné? Et est-ce que c'est, en quelque sorte, un immense poids pour sa famille et pour le réseau de santé? Et je vais faire une sous-question tout à l'heure, vous allez comprendre pourquoi je vous pose cette question-là, elle est un peu crue, là, mais est-ce que vous sentez effectivement qu'on identifie assez souvent les gens atteints d'alzheimer, là, comme un poids très, très lourd pour la société et le réseau?

Mme Grenier (Sylvie) : Vous avez tout à fait raison. C'est pour ça que les gens ne veulent pas de diagnostic, c'est pour ça qu'il y a des gens qui ont le sentiment de perdre la mémoire, ou pas des pertes, ils vont trouver toutes sortes de prétextes, et avec raison.

Première raison, c'est que c'est une maladie qui est incurable. On peut... on peut soulager, on peut... on a... on trouve... on travaille à faire en sorte que le parcours soit le moins difficile possible, mais en même temps ce sont tous les stigmas qui viennent autour. Les gens ont peur d'avoir un diagnostic parce qu'on a l'impression que, quand on le dit, les gens pensent que, dans la nuit, on devient plus inapte. Et tout ce qu'on entend, c'est : Ah! mais, tu sais... Aussi, une expression qui me fait sauter à chaque fois, c'est : Bien, tu sais, mon oncle Roger, il est alzheimer maintenant. On ne devient pas alzheimer, on est atteint d'une maladie. On ne dit pas à une personne qui a le cancer : Mon oncle Roger, sais-tu quoi, ils ont diagnostiqué un cancer. Donc, on devient la maladie, les gens deviennent la maladie, et à partir de là, on prend pour acquis qu'ils ne comprennent pas, qu'ils ne sont plus là, hein? Combien de fois on entend dire : Bien, ça ne sert à rien d'aller le voir, il n'est plus là, il ne me reconnaît plus. Donc, ce sont des stigmas.

Les gens, c'est vrai que plusieurs vont perdre... une bonne partie perdent aussi le sens de la parole, la locution, mais ce n'est pas parce que tu ne parles plus que tu ne comprends pas non plus, et on prend pour acquis les gens. Ce n'est pas parce que je ne me souviens pas de ton nom que je ne sais pas que tu es mon fils. Mais les gens prennent pour acquis, encore une fois, ce sont des stigmas, et tout ce que vous pouvez voir... c'est comme si... l'image va être crue, moi aussi, là, c'est comme si, du jour au lendemain, on devenait une loque et que, comme on ne sait pas trop comment prendre soin des gens, comme on ne sait pas non plus comment les approcher, bien, on se distancie aussi, et ça isole énormément les gens, ça va isoler énormément les proches aidants, et qu'à partir du moment...

Et pourquoi aussi c'est lourd, dans le réseau de la santé? Parce que, comme certaines causes de la maladie vont faire en sorte que les gens peuvent devenir plus tannants ou agressifs ou, en tout cas, du moins... on va les médicamenter et, à ce moment-là, on les envoie en résidence. Puis ce qu'on voit aussi, parce qu'on en a la preuve et on... c'est... 85 % de nos CHSLD, ce sont des personnes qui sont atteintes de la maladie d'Alzheimer ou d'un autre trouble neurocognitif majeur. Et ces gens-là entrent là, et pour toutes sortes de raisons, puis je ne suis pas là pour... bien, on les médicamente, et à partir de là, ils perdent encore plus de leur autonomie, et tout.

On a eu des projets... il y a le projet OPUS-AP qui est là, qui a fait ses preuves là-dedans, mais c'est un peu plus compliqué. Mais, de toute façon, vous avez raison, ce sont les stigmas qui sont autour et c'est pour ça qu'on ne veut pas de diagnostic non plus.

M. Marissal : Je pense que j'ai largement dépassé mon temps. Merci de votre réponse, Mme Grenier. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, M. le député.

Donc, nous terminons nos échanges avec la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui. Merci beaucoup à vous deux. J'apprécie énormément les échanges. J'aurais plein de questions à approfondir avec vous. J'ai quatre minutes, donc je vous les lance, O.K., parce que, comme ça, vous allez juger du temps que vous voulez accorder à chacune.

Je continue sur la même voie que mon collègue, tous les stigmates qui entourent la maladie, tout ce sentiment qu'on devient un fardeau si on a un diagnostic. Tantôt, Mme Ben Gaied, vous disiez que, quand on a le diagnostic, là, tout de suite, il y a une foule de peurs qui arrivent, on se projette, la peur de perdre notre dignité, notre autonomie. Et donc comment fait-on pour un peu accompagner des gens qui vont vouloir faire une demande anticipée, pour certains, en disant : Wow! Moi, je ne peux pas me projeter là, moi, c'est intenable pour moi — parce qu'ils viennent de recevoir ça comme un choc puis une tonne de briques — et s'assurer que ça va être donné dans les bonnes circonstances? Donc, est-ce que, selon vous, on doit se fier, je dirais, uniquement et d'abord à ce que la personne va avoir prévu? Parce que plusieurs nous disent : Moi, quand je suis à tel stade, je ne veux plus... quand je ne peux plus reconnaître mes proches, je ne voudrais plus vivre, quand je ne mangerai plus, je ne serai plus autonome. Bon, on connaît les exemples qui sont dits. Est-ce que ça, c'est suffisant ou est-ce qu'il faut... parce que vous parliez très adéquatement des échelles pour évaluer la souffrance. Est-ce qu'il faut aussi s'assurer que le critère de la souffrance est rempli de manière contemporaine? Donc, mes collègues sont habitués de m'entendre, c'est une question qui m'habite beaucoup, mais, avec vous qui voyez tellement de cas, est-ce que vous pensez qu'on doit avoir adéquation entre les deux?

Et l'autre élément dont je trouve qu'on parle très peu, c'est qu'une personne peut avoir la maladie d'Alzheimer, se projeter en lien avec sa maladie, dire : Je ne voudrais pas vivre x, y, z qui est lié à la maladie, mais elle peut aussi, dans... parce qu'elle a la maladie d'Alzheimer, mais elle demeure une personne avec toute sa complexité et sa santé, avoir un cancer et souffrir de son cancer, mais être devenue inapte dans l'évolution de sa maladie d'Alzheimer. Et donc, est-ce que des cas comme ceux-là doivent aussi être prévus par demande anticipée? Parce que sinon, cette personne-là, on ne peut pas lui donner l'aide médicale à mourir si elle a un cancer du pancréas très souffrant, alors qu'une personne apte, on pourrait lui donner. Est-ce que, ça, vous avez réfléchi à ça aussi?

• (15 h 50) •

Mme Grenier (Sylvie) : Je te laisse y aller, Nouha, cette fois-ci.

Mme Ben Gaied (Nouha) : Excusez. Merci, Mme Hivon, pour votre question. C'est des... Vous voyez toute la complexité autour de l'aide médicale à mourir pour les personnes ayant un trouble neurocognitif. Vous avez parlé, justement, de, bien, comment accompagner la personne, justement, dans ce processus-là pour avoir recours à l'aide médicale à mourir anticipée. Je pense que la discussion doit vraiment se faire avec le médecin. On a beau, oui, se projeter dans l'avenir, mais il y a des faits, il y a des échelles, il y a des pertes cognitives qui vont arriver, et on doit effectivement avoir cette discussion avec le médecin pour vraiment prendre une décision éclairée et surtout qui correspond à nos valeurs.

Après, bien, comment est-ce qu'on les accompagne aussi dans ce cheminement? Bien, c'est aussi d'avoir le soutien à domicile qui est aussi présent, d'avoir du personnel, des intervenants à domicile qui sont formés aussi à la maladie d'Alzheimer et qui vont accompagner adéquatement les personnes atteintes avec une approche centrée sur la personne et non pas sur la maladie, en misant sur les capacités de la personne et non pas sur leurs pertes et vraiment en les accompagnant dans leur processus.

Maintenant, vous avez très bien fait la distinction, justement, entre, bien oui, on a la maladie d'Alzheimer, mais 87 % des personnes qui vont décéder de la maladie d'Alzheimer vont, en fait, décéder d'autres raisons qui vont être d'une pneumonie, qui vont être, notamment, d'une infection urinaire, des difficultés d'alimentation, et donc, bien, la maladie d'Alzheimer, en fait, passe en second par rapport à l'infection qu'ils auront, qu'ils ont eue et qui va certainement accélérer leur déclin cognitif.

Est-ce qu'une personne ayant un cancer à un stade terminal devrait avoir accès à l'aide médicale à mourir alors qu'elle est également atteinte d'un trouble neurocognitif majeur? Bien, tout va dépendre, finalement, des critères qu'elle aura définis dans sa demande anticipée et du niveau de souffrance qu'elle aura défini dans sa demande anticipée. C'est pour cela que les balises, à ce moment-là, vont être très claires, devraient être très claires pour définir, effectivement, bien, quelle souffrance va être tolérée ou non par la personne pour, justement, lui accorder ou pas l'aide médicale à mourir, même si elle est atteinte d'une autre maladie et qu'elle est inapte.

Mme Hivon : Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci beaucoup, donc, pour votre intervention de cet après-midi, Mme Ben Gaied et Mme Grenier.

Donc, nous accueillerons, dans quelques instants, nos nouveaux intervenants.

(Suspension de la séance à 15 h 53)

(Reprise à 15 h 59)

La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, bon après-midi. La commission reprend ses travaux.

Et nous accueillons, pour ce dernier bloc de la journée, l'Office des personnes handicapées du Québec et leurs représentants, M. Daniel Jean, directeur général, ainsi que M. Maxime Bélanger, directeur, Secrétariat général, communications et affaires juridiques. Bienvenue, messieurs.

Donc, vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé, et par la suite il y aura un échange avec les membres de la commission pour une période de 35 minutes. Je vous cède la parole.

Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ)

M. Jean (Daniel) : Merci, Mme la Présidente. Mmes, MM. les députés, bonjour. Je suis Daniel Jean, directeur général de l'Office des personnes handicapées du Québec, et je suis accompagné de Maxime Bélanger, qui est directeur du Secrétariat général, communications et affaires juridiques.

(16 heures) • 

Avant toute chose, je tiens à souligner la motion unanime de l'Assemblée nationale à l'origine de la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie. L'aide médicale à mourir est un sujet sensible qui soulève des questions délicates, qu'il faut aborder avec beaucoup de prudence. En tant que société inclusive, il est essentiel d'ouvrir la discussion sur ce sujet, et nous espérons que cette deuxième étape de consultations apporte plus d'éclairage. Nous vous remercions d'accorder à l'office le privilège de se faire entendre dans ce dossier.

Vu la mission de notre organisme, nous sommes particulièrement interpelés par le sujet d'aide médicale à mourir, qui soulève des enjeux importants pour les personnes handicapées. Je vous rappelle que l'office est un organisme gouvernemental qui contribue à accroître la participation sociale des personnes handicapées. Il soutient et conseille le gouvernement pour toute initiative pouvant avoir un impact sur ces personnes.

L'office a une expertise unique, appuyée par un conseil d'administration qui est composé majoritairement de personnes handicapées provenant de divers horizons de la société civile. Les actions de l'office s'appuient principalement sur la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées et la politique gouvernementale À part entière. De ce fait, l'office agit sur les obstacles pouvant nuire à la participation sociale des personnes handicapées. C'est le coeur de notre action. En réduisant les obstacles, on améliore la qualité de vie et on augmente les opportunités de participation sociale.

Cela m'amène à vous faire part d'une première considération, qui va teinter, en quelque sorte, l'ensemble de nos recommandations. Une demande d'aide médicale à mourir par une personne handicapée apte à consentir aux soins et atteinte d'une maladie grave et incurable de santé physique n'est pas un enjeu pour l'office. Nous reconnaissons qu'elle a les mêmes droits que le reste de la population.

Cependant, nous sommes d'avis qu'avant toute chose il faut accorder notre attention à s'assurer que les personnes handicapées qui envisagent de se prévaloir de l'aide médicale à mourir ne le feront pas en raison d'une souffrance ou d'un désespoir causé par un manque d'accès à des services qui auraient pu ultimement améliorer les conditions d'existence et leur participation sociale. Il faudrait éviter également qu'elles soient motivées par l'impression d'être un fardeau pour leur famille et leurs proches. Il faut comprendre qu'en travaillant en priorité à réduire les obstacles empêchant l'accès aux services, il est possible d'améliorer la qualité de vie de ces personnes, de répondre davantage à leurs aspirations. Le recours à l'aide médicale à mourir doit donc être une option à considérer seulement si la personne a pu bénéficier d'une telle approche. Cette mise en garde s'applique à chacune de nos recommandations.

Aussi, soulignons que beaucoup de personnes handicapées ont des profils similaires à ceux de l'affaire Truchon et Gladu. Elles ont des incapacités significatives et permanentes sans pronostic de fin de vie imminente et n'ont pas un trouble grave de santé mentale. C'est pourquoi nous recommandons d'ajuster en conséquence les critères de l'article 26 de la Loi sur les soins de fin de vie. Il s'agit de la première et de la plus importante recommandation de notre mémoire, qui vise à assurer que les personnes qui pourraient être admissibles à l'aide médicale à mourir aient eu d'abord accès à tous les soins et services possibles, que ceux-ci ne sont plus en mesure de répondre à leurs besoins ou d'atténuer leurs souffrances et qu'elles y ont renoncé en pleine connaissance de cause. L'affaire Truchon et Gladu, à l'origine du retrait du critère de fin de vie, rend encore plus crucial l'ajout de ce nouveau critère à l'article 26 en fonction des préoccupations que nous venons d'énoncer.

J'aimerais maintenant aborder la question des personnes en situation d'inaptitude, qui est une de nos principales préoccupations. D'une part, le droit à l'autodétermination est capital, selon les orientations de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, et, d'autre part, la protection des personnes handicapées et vulnérables est aussi clairement abordée dans cette loi et dans la politique À part entière.

À ce sujet, nous trouvons important de clarifier la situation des personnes qui n'ont jamais été considérées comme aptes à consentir à leurs soins et qui ne seraient pas jugées aptes à consentir à l'aide médicale à mourir, par exemple les personnes ayant une déficience intellectuelle profonde.

D'abord, il importe de bien distinguer la notion d'inaptitude, sur le plan légal, de celle de l'aptitude à consentir aux soins. Malheureusement, il est courant de penser qu'une personne considérée inapte selon la loi le serait aussi pour consentir aux soins, mais ce n'est pas le cas. Un patient est considéré comme apte à consentir aux soins si, par exemple, il est capable de comprendre la nature de sa maladie, le but des soins et les risques associés à ceux-ci. La présomption d'aptitude à consentir aux soins, incluant l'aide médicale à mourir, devrait être appliquée d'emblée à toutes les personnes handicapées. Ce principe d'autodétermination doit ainsi s'appliquer lorsqu'il est question d'une personne sous curatelle ou sous tutelle.

L'aide médicale à mourir n'est cependant pas un soin comme les autres. C'est pourquoi, selon nous, l'aptitude de la personne à y consentir doit être vérifiée attentivement par le groupe soignant. Dans tous les cas, la personne doit formuler par et pour elle-même sa demande. Aucune forme de prise de décision substitutive ne devrait être envisagée dans aucun cas.

Concernant la question d'une demande anticipée d'aide médicale à mourir, cela amène des enjeux plus spécifiques. Nous sommes d'avis que le respect du principe d'autodétermination — excusez — des personnes atteintes de maladies graves et incurables de santé physique devrait se traduire par la possibilité qu'elles puissent formuler une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Cependant, les experts entendus à la commission soulignent la difficulté d'évaluer avec précision la souffrance d'une personne qui n'est plus en mesure de l'exprimer clairement. Cela pourrait laisser planer un doute sur les réelles volontés de la personne au moment d'administrer l'aide médicale à mourir.

Des spécialistes estiment aussi que les personnes atteintes de maladies... de ces maladies ont le droit de recevoir les meilleurs soins possible pour lesquels il faut investir davantage. Pour éviter des dérives potentielles concernant les demandes anticipées, nous jugeons essentiel de renforcer les pratiques en vigueur pour assurer que les droits et intérêts des personnes sont bien protégés. Nous recommandons ainsi la participation d'un professionnel du réseau de la santé ou de la société civile autre qu'un médecin au groupe soignant associé à la démarche d'aide médicale à mourir. Ce professionnel devrait bien connaître la personne, ses besoins et les services pouvant potentiellement améliorer sa qualité de vie.

Un autre sujet pointu abordé par la commission concerne les personnes ayant des troubles graves de santé mentale dont la seule condition particulière est ce trouble. Les points de vue à ce sujet sont très divergents. Je n'entrerai pas dans les détails, vous les avez déjà entendus, mais il en ressort qu'il n'y a pas de consensus sur le sujet pour le moment. De plus, il est difficile de présumer de l'offre de services et des développements à venir dans le monde médical... excusez. En conséquence, nous recommandons de ne pas aller de l'avant avec la proposition d'élargir l'accès à l'aide médicale à mourir aux personnes ayant des troubles graves de santé mentale sont la seule condition particulière est ce trouble, et ce, tant qu'il n'y aura pas une évidence scientifique reconnue appuyant celle-ci.

J'aimerais maintenant terminer avec une réflexion concernant le phénomène du suicide de manière plus globale. Nous croyons que le débat sur l'ouverture potentielle de l'aide médicale à mourir nous amène à soulever des préoccupations plus larges concernant les personnes handicapées et la population en général. L'élargissement de l'aide médicale à mourir entraîne des risques de dérive par rapport à la valeur de la vie des personnes plus vulnérables. Le message envoyé pourrait être que l'interruption de vie est la solution à la détresse que vivent les personnes handicapées ou d'autres personnes plus vulnérables. Cela pourrait amener certains à vouloir élargir l'accès à l'aide médicale à mourir dans d'autres conditions et pour d'autres groupes vulnérables.

Vous comprendrez qu'il s'agit d'une pente glissante. À cet effet, j'aimerais vous rappeler la mise en garde que je vous ai partagée au début de ma présentation. Il faut, avant toute chose, intensifier les services pour contrer les obstacles qui empêchent les personnes handicapées de participer pleinement à la société. Nous avons collectivement le devoir de proposer les options de service et de soutien adéquats pour les personnes handicapées et tous ceux et celles qui ont des besoins spécifiques. Vivre dans la dignité implique de travailler à offrir les meilleures conditions de vie à ces personnes. C'est pourquoi l'office suggère à la commission spéciale d'entreprendre des travaux sur la question d'aide médicale à mourir pour mettre fin volontairement à sa vie dans une perspective visant l'ensemble de la population. Un tel débat social concerne la société en général, car il touche les gens de tout âge et de toute condition. Je vous remercie de votre attention.

• (16 h 10) •

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis.

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs, merci de votre présence et de votre témoignage lors de cette commission spéciale. J'aurais quelques questions pour vous, vous entendre... Merci pour votre présentation.

Ce que j'entends, c'est... ce que vous cherchez, c'est vraiment un équilibre, vraiment, entre le droit individuel et la nécessité de, aussi, protéger les personnes vulnérables. Alors, vous proposez quand même des recommandations qui sont prudentes, mais à l'intérieur de ceci, on veut aussi reconnaître et respecter les droits et les libertés des personnes handicapées. On a entendu plusieurs groupes, aujourd'hui, qui ont manifesté ce point, car c'est très important de s'assurer que chaque personne peut avoir un accès ou de respecter leur droit de faire un choix qui est clair, qui est libre.

Alors, je veux mieux comprendre le rôle que vous occupez, parce que l'Office des personnes handicapées du Québec a quand même un rôle très crucial, fondamental. Vous accompagnez plusieurs personnes dans leurs démarches, soit en manque de services ou de mieux comprendre c'est quoi, leurs droits, etc., c'est vraiment fondamental. Parce que vous êtes en train de dire qu'il y aurait peut-être des limitations en ce qui concerne l'élargissement de la loi, exemple on ne veut pas que ça soit appliqué pour des personnes qui souffrent peut-être des difficultés de santé mentale.

Que ferez-vous, d'abord, face à ces personnes qui vont probablement venir vous voir si, mettons, on dit, comme commission : Nous recommandons... ce serait que, oui, ça ne devrait pas s'appliquer envers ces personnes, puis ils viennent voir l'Office des personnes handicapées du Québec parce qu'ils disent : Je souffre et je souffre profondément? Vous l'avez évoqué, M. Jean, que c'est très difficile d'évaluer la souffrance d'une personne, plusieurs experts nous ont témoigné de ceci. Alors, qu'allez-vous faire face à ces personnes qui vont venir vous voir pour dire : Au secours, aidez-moi, j'aimerais avoir un accès à l'aide médicale à mourir, mais vous, vous pensez que peut-être je ne devrais pas être éligible?

M. Jean (Daniel) : Mme la Présidente, l'enjeu n'est pas simple. Effectivement, l'office a un rôle d'accompagnement des familles puis des personnes handicapées pour avoir accès à des services dans l'appareil gouvernemental et aussi auprès des municipalités. On ne donne pas nécessairement des services directs. C'est au ministère de la Santé, c'est les ministères de services qui donnent les services directs. Mais nous, on accompagne les personnes, et ce qu'on constate, c'est que, dans le fond, les difficultés que vivent les personnes handicapées sont reliées à différentes conditions, c'est-à-dire la condition de la personne, ce qui se passe dans son environnement puis, dans le fond, comment elle peut exercer sa participation sociale ou ses rôles sociaux. On ne peut pas dissocier ces éléments-là. Donc, nous, souvent, ce qu'on constate, c'est que notre intervention avec les ministères amène souvent à trouver des solutions où les difficultés qui étaient vécues avant la prise en charge et après changent complètement le contexte de vie. Donc, ce qu'on dit, nous... on ne dit pas qu'on est contre toute forme d'aide médicale à mourir, ce qu'on dit, c'est que... dans une de nos recommandations, c'est qu'on dit qu'on doit s'assurer que l'ensemble des services ont été donnés.

Comme deuxième considération que j'aimerais apporter à votre attention, c'est que la question de la souffrance n'est pas spécifique aux personnes qui ont une problématique de santé mentale. On la retrouve dans la population en général, on la retrouve chez les personnes qui ont des problématiques de santé physique, on la retrouve dans différents... Et notre propos, à la fin, va dans ce sens-là, c'est-à-dire que nous, on ne dit pas que les personnes handicapées ne devraient pas avoir droit à l'aide médicale à mourir pour des questions de souffrances extrêmes, ce qu'on dit, c'est qu'on ne doit pas viser ce groupe-là uniquement si on fait ce débat-là, faisons le débat pour l'ensemble de la société, parce qu'il y a des jeunes qui ne vivent pas avec une problématique, un trouble grave de santé mentale qui vivent des souffrances extrêmes au même titre que des adultes aînés, et, dans le fond, on n'a pas d'étude probante, actuellement, pour dire qu'un groupe qui se démarque d'un autre.

Mme Maccarone : O.K. Je sais que le temps file, j'aimerais... Parce que, là, on parle aussi beaucoup en ce qui concerne les personnes qui souffrent d'une déficience intellectuelle ou de l'autisme, hein, on a aussi eu des témoignages, aujourd'hui, qui ont été fort intéressants puis qui vont vraiment pousser la réflexion pour nous ainsi que, je pense, toute la population, tous les gens qui nous écoutent aujourd'hui. Puis on avait discuté aussi qu'il y a des préjugés, il y a des stéréotypes. C'est des difficultés dont ils font face, les personnes handicapées. Que pensez-vous... parce que, là, vous nous avez parlé de quelques balises en ce qui concerne peut-être le groupe d'experts qui devrait accompagner, mais avez-vous autres recommandations qui ne sont peut-être pas à l'intérieur de votre mémoire en ce qui concerne d'autres balises, d'autres recommandations, formation, peut-être? J'avais évoqué cette question avec le groupe précédent, comment déterminer si la personne ayant une déficience intellectuelle, pas lourde... Je comprends votre point en ce qui concerne quelqu'un qui a déjà une déficience intellectuelle, considéré inapte même avant ceci, avoir la conversation ou la discussion en ce qui concerne l'aide médicale à mourir, mais comment déterminer si cette personne a vraiment compris et éviter qu'il y ait des préjugés, éviter qu'il y ait des stéréotypes et donner un bon accompagnement à des personnes qui devraient s'autodéterminer et avoir le choix de mettre en vigueur la loi qui devrait s'appliquer pour eux aussi?

M. Jean (Daniel) : Oui, c'est... vous aimeriez que j'aborde la question des moyens concrets. Ce que je vous dirais, c'est... une partie de ma vie, les 15 premières années, je travaillais auprès des automutilateurs sévères. Donc, j'ai travaillé comme intervenant, comme gestionnaire auprès de personnes qui voulaient s'autodétruire, d'une certaine façon, c'est-à-dire qu'ils étaient... J'arrivais dans des endroits où ils étaient attachés, avec une forte médication, un casque, dans certains cas, de hockey ou de football sur la tête ou... genre de scènes qu'on a déjà vues, et ce que les gens disaient, c'est que leur vie, c'était... dans cet environnement-là contrôlé, c'était ça, l'avenir de ces personnes-là. Moi, j'avais été formé selon une approche qui est interdisciplinaire, qui vise à dire : On ne part pas juste de la condition de la personne, on part de l'exercice de la condition de la personne dans un environnement, donc les moyens qu'on peut lui offrir et les habitudes de vie qu'on est capables de l'amener à développer.

Ce que j'ai constaté avec le temps, c'est que des personnes qu'on disait qui n'avaient pas d'avenir ont eu un avenir, ont réussi à sortir. Le problème, dans le cadre de la commission... Nous, notre propos, il est à deux niveaux. Il y a des personnes qui souffrent, actuellement, puis qu'on n'a pas pris l'approche peut-être plus large, avec une approche... pas juste une médication, tu sais, une médication... sociale qui permettrait d'élargir le débat puis d'apporter... Nous, on pense qu'il faut continuer à travailler dans ce sens-là.

Par ailleurs, dans ma pratique privée... privée professionnelle, mais qui remonte à quelques années, j'ai constaté qu'il y a des situations où on n'est pas capable d'atteindre des résultats, et c'est là qu'on dit... donc, une des recommandations qu'on dit : Il faut élargir, il ne faut pas juste avoir l'approche médicale, il faut avoir une approche qui va aller chercher des éléments dans la communauté, mais par ailleurs il faut admettre qu'il y a des limites, O.K.? Et les personnes handicapées, comme les autres personnes de la société, peuvent souffrir, et on n'a pas de solution, et pour ça il faut faire le débat pas spécifiquement sur les personnes handicapées, mais sur les personnes qui souffrent et qu'on n'a pas réussi à trouver de solution. Mais on pense que la meilleure approche, c'est de travailler sur les obstacles, dans un premier temps.

Mme Maccarone : Et quel serait le rôle, d'abord, des proches aidants auprès de ces personnes? Parce que c'est quand même particulier, quand on parle d'une personne, peut-être, qui souffre d'une déficience intellectuelle, on sait que, souvent, elle veut plaire, ou une personne qui a de telles difficultés. Est-ce que le rôle du proche aidant devrait être différent, changé, modulé? Vous avez parlé de votre équipe, est-ce que le proche aidant devrait y participer? Puis comment assurer que la personne peut être indépendante, autodéterminer son destin et aussi être entourée, accompagnée des proches aidants?

M. Jean (Daniel) : Le proche aidant ou les proches autour de la personne vont nous aider à comprendre. Les troubles du comportement, moi, j'ai toujours dit que c'est les moyens de communication. La souffrance nous permet de comprendre, O.K., avec les proches, les proches aidants, ça nous permet de décoder ce qui se passe. Il y a des personnes qui souffrent beaucoup parce qu'ils se sont fait une représentation de leur condition, et, par préjugé ou par méconnaissance, ils ont... ils ne voient pas d'issue, et souvent les proches vont pouvoir nous donner des indications. Moi, dans ma pratique, dans le passé, c'était effectivement... pour comprendre un... si on veut vraiment aider quelqu'un, il faut le comprendre, puis, si on veut le comprendre, bien, il faut aller chercher l'information là où est-ce qu'elle est, dans les... là où sont les proches, et dans ses comportements, et dans ses manifestations. Plus on va être proche des besoins de la personne, plus on va être en mesure d'atténuer les souffrances, mais il y aura toujours des situations extrêmes.

• (16 h 20) •

Mme Maccarone : Dernière question pour moi, ce serait en ce qui concerne la maltraitance, c'est de s'assurer que nous protégions aussi les personnes handicapées. Et on a aussi parlé beaucoup de... souvent, ces personnes peuvent se sentir comme elles sont un fardeau. On ne veut pas qu'ils prennent les mauvaises décisions à cause de peut-être des sentiments, ou une situation indue, ou, comme vous avez dit, un manque de services ou de soins, par exemple. Avez-vous des recommandations ou autres balises que nous devons prendre en considération en ce qui concerne des mesures pour protéger ces personnes de la maltraitance ou de... en général, en ce qui concerne l'aide médicale à mourir?

M. Jean (Daniel) : Bien, dans le fond, la... l'idée, c'est de... d'une part, de... Ce qu'on dit, nous, c'est qu'il faut... La personne peut exprimer... Quand elle peut exprimer d'avance ce qu'elle aimerait, pouvoir se prévaloir de cet acte-là, O.K., si elle arrive au terme d'une souffrance, O.K., et qu'on dit : Il doit y avoir un test avec l'équipe de soignants, puis les proches devraient être là. On parle de société civile, on parle aussi de l'environnement, des personnes qui connaissent bien la personne pour être capables de décoder.

Toute la question de la maltraitance, bien, c'est la question de l'accompagnement. Ça, c'est un défi. On l'a vu, tant qu'on est en mesure de bien soutenir la famille, de bien soutenir la personne, on est capable de prévenir. Mais c'est... la réalité est souvent un effet de dominos : si on ne soutient pas la famille, si on ne soutient pas la personne, la souffrance va être vécue à différents niveaux et peut se traduire par des comportements inappropriés.

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. S'il reste du temps, j'aimerais céder la parole à ma collègue.

La Présidente (Mme Guillemette) : Il ne nous reste plus de temps. On va peut-être revenir à la fin, Mme la députée.

Donc, je céderais maintenant la parole au député de Rosemont.

M. Marissal : Merci, Mme la Présidente. Messieurs, bonjour. J'ai très peu de temps... bien, c'est-à-dire autour de quatre minutes. J'ai deux questions, je pense, quand même assez lourdes.

La première, concernant votre première recommandation, que je ne lirai pas au complet parce que, juste en la lisant, je vais perdre 30 secondes, mais vous la connaissez par coeur, j'en suis sûr, moi, je vois tous les mérites de la vertu là-dedans, mais je vois aussi un élément contre-productif, parce que, si on prend ça au pied de la lettre, on n'y arrivera pas dans l'immense majorité des cas, parce qu'on ne sera pas capables de rencontrer ces exigences que vous amenez. On se retrouverait donc — c'est un débat qu'on a, là, depuis quelques jours, là — à pénaliser doublement ces gens qui n'ont pas reçu les bons services ou qui n'ont pas eu accès à tous les services — puis ça, on l'entend tout le temps, puis ce n'est pas nouveau — et en plus on leur couperait l'avenue vers l'aide médicale à mourir. C'est ainsi que je le vois, en tout cas, parce que, si nous devions effectivement respecter à la lettre ce que vous nous proposez là, je pense qu'on aura un taux de succès malheureusement très faible, malheureusement, et je le dis, vraiment malheureusement.

Puis je vous lance la deuxième question, si vous voulez disposer du temps : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce que vous nous suggérez comme réflexions sur le suicide? Je ne suis pas trop sûr d'avoir bien compris ce que vous nous proposiez. Merci.

M. Jean (Daniel) : O.K. La première question, si je veux faire court, c'est... À l'époque, quand je travaillais dans les centres de réadaptation, on a adopté une règle, on s'est dit : Les contentions physiques, les restrictions physiques, les contentions chimiques, on fait tout pour que ça disparaisse. On va travailler, on va se donner cette contrainte-là. Et aujourd'hui, si on regarde objectivement, là, O.K., la réalité dans les centres de réadaptation, on voit qu'il y a des grands pas qui ont été faits.

Donc, ce qu'on dit, nous, à l'office, c'est que, si on travaille sur les obstacles, on risque d'avoir des résultats. La personne qui est en fauteuil roulant au deuxième étage, puis il n'y a pas d'ascenseur, il y a un obstacle, là, elle n'est pas capable de sortir dehors. Donc, la souffrance, c'est la même chose. Si on n'est pas capable de bien identifier l'obstacle que représente la souffrance dans la vie d'une personne et de travailler avec, on a une difficulté. Donc, oui, ça peut paraître vertueux, mais je suis convaincu qu'on est capables de faire des grands pas de ce côté-là.

La dernière recommandation, c'est qu'on inverse la logique, d'une certaine façon. C'est comme si on disait : Écoutez, si vous voulez élargir l'aide médicale à mourir aux personnes qui souffrent et que, scientifiquement parlant, on n'est pas capables de trouver un groupe qui souffre plus qu'un autre, ce n'est pas prouvé, ça. Nous, ce qu'on dit : Inversez la logique, faites le débat pour l'ensemble de la population, quels sont les critères d'élargissement qu'on devrait faire, et ça devrait s'appliquer aux personnes handicapées. Dans le fond, vous voyez, c'est un renversement de paradigme, d'une certaine façon. Par contre, notre recommandation qui va dans ce sens-là souligne tout simplement qu'on devrait réfléchir là-dessus, mais on n'apporte pas de solution, ça fait que je comprends que vous restez sur votre faim là-dessus, effectivement. Mais, quand je parlais de suicide, c'est la volonté... En fait, le mot est un peu lourd, là, mais c'est la volonté de mettre fin à sa vie par un acte médical. C'est à ça qu'on fait référence.

M. Marissal : Je préférerais dire, ici, que je poursuis la réflexion plutôt que je reste sur ma faim. Puis je pense que ça va être comme ça pour encore un petit bout de temps, on ne fait que commencer les travaux. Je vous remercie pour les précisions. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Guillemette) : Vous auriez... Vous auriez encore du temps, M. le député. Peut-être...

M. Marissal : Oui. Bien, oui, effectivement, la recommandation 4, vous suggérez d'autres personnes. Ce serait élargi vers qui, vers quoi? Et qui en serait exclu d'office?

M. Jean (Daniel) : Bien, l'idée, c'est que ce qu'on dit, le modèle sur lequel travaille l'office depuis 2009 avec la politique À part entière, c'est un modèle qui repose sur une logique : il y a les conditions de la personne, O.K., avec ses capacités puis ses incapacités. On parle souvent des incapacités, mais elle a des capacités. Il y a les facteurs environnementaux. Je vous donnais l'exemple de l'ascenseur, si je n'ai pas d'ascenseur, j'ai des incapacités motrices, si je ne suis pas capable de bouger. Puis il y a toute la question, O.K. des habitudes de vie. Ça veut dire que, si je travaille sur les obstacles pour sortir la personne de l'étage, l'amener sur la rue, il faut après ça que je l'amène dans des habitudes de vie où elle va pouvoir s'épanouir. Et c'est là, le défi, de travailler sur des obstacles, c'est qu'on identifie où sont les bloquants et on s'assure de pouvoir les enlever.

Une logique que j'aime beaucoup souligner, c'est que, quand j'étais du côté des centres de réadaptation, je regardais quelqu'un qui avait des troubles sévères du comportement puis j'essaie de l'amener vers une intégration d'activités de jour, ou socioprofessionnelles, ou professionnelles parce que je lui donnais du sens, à sa vie, les comportements déviants diminuaient, etc. C'est sûr qu'on n'en faisait pas des professions au même titre, mais l'occupation, exemple, auprès des personnes autistes était très intéressante comme résultat.

J'ai travaillé au ministère du Travail, Emploi et Solidarité sociale et, quand je suis arrivé, bon, quand j'étais au niveau de l'assistance sociale, on soulignait que, quand il y a des personnes qui sont «contraintes sévères à l'emploi», bien, on va les amener dans des programmes d'aide non active. Aujourd'hui, la pensée évolue, mais ce qu'on se rend compte, autrement dit, c'est tout simplement de... la façon dont on va voir la personne, ses capacités et ses incapacités... cet équilibre-là qui va nous permettre de bouger ou pas.

Ça fait que la personne qu'on veut voir ajouter, ce n'est pas une personne du monde médical. On veut voir ajouter une personne qui connaît... Ça peut être un proche aidant, effectivement. Ça peut être quelqu'un d'un organisme communautaire ou un travailleur social, un sociologue, etc., quelqu'un qui connaît l'environnement de la personne ou les actions qu'on peut poser dans l'environnement pour changer le paradigme.

M. Marissal : Merci.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui, bonjour. Merci beaucoup, c'est vraiment une très bonne présentation. Vous cernez vraiment bien les enjeux.

Je veux poursuivre exactement là-dessus, sur la recommandation 4. Donc là, on est dans le cadre de la demande anticipée, la personne a un diagnostic, et là ce que vous nous dites, c'est qu'il faudrait prévoir la participation d'un professionnel du réseau et des services sociaux autre que le médecin ou de la société civile. En ce moment, dans la loi actuelle, ça parle déjà de l'importance d'avoir recours à l'équipe multidisciplinaire. Donc, ce principe-là est dans la loi. Est-ce qu'il est toujours appliqué? Je ne le sais pas, mais, en théorie, ça devrait. Donc, en théorie, on va plus large que le seul médecin quand on traite, donc, et qu'on accompagne la personne.

Vous, si je comprends bien de ce que vous avez dit à mon collègue, ce que vous souhaitez davantage, c'est peut-être ce que certains nous disent, un intervenant psychosocial ou une personne significative à l'extérieur. Mais là, si on est dans le cas d'une personne qui a un diagnostic de maladie d'Alzheimer, par exemple, et qui fait une demande anticipée, on n'est pas dans le même contexte qu'une personne, par exemple, qui a une déficience depuis longtemps, qui est accompagnée par certains organismes, puis tout ça, là, on est quelqu'un qui est pas mal entouré de son médecin de famille puis de ses proches. Ce serait quel type de personnes, dans ce cas-ci, qu'on verrait?

• (16 h 30) •

M. Jean (Daniel) : Bien, l'idée, c'est d'aller chercher... c'est d'aller dans la logique de la loi, effectivement, une approche interdisciplinaire ou transdisciplinaire, et ce qu'on veut voir ajouté, c'est quelqu'un qui connaît bien les besoins de la personne. Donc, ça peut passer par le réseau de la santé, effectivement, par quelqu'un de la société civile qui va aller capter un proche, parce qu'on voit que c'est souvent par là que ça va passer, un organisme qui accompagne la famille, mais l'enjeu, c'est : si on veut agir puis essayer de pouvoir aller le plus loin possible dans la façon d'atténuer les souffrances, il faut coller le plus possible les besoins de la personne, il faut la comprendre. C'est ça, notre enjeu. Mais cette recommandation-là, ce n'est pas une grande révolution par rapport à, effectivement, la loi, c'est juste un trait qu'on souligne de façon plus intensive.

Mme Hivon : O.K. Puis, quand vous amenez ensuite... à la recommandation 5 puis par la suite, les deux autres paragraphes de votre page 12, vous parlez de l'importance de vraiment informer la personne, de voir avec elle les autres alternatives, tout ça, pour peut-être soulager sa souffrance ou tout ça, là on est encore dans le cadre d'une demande anticipée, donc tout ça se ferait dans le contexte de sa discussion avec le médecin pour s'assurer du consentement éclairé quand elle fait sa demande anticipée. Est-ce que, encore une fois, vous trouvez... Parce que, dans la loi actuelle, on prévoit ces mécanismes-là pour avoir le... ce qui doit être discuté avec la personne. Est-ce que vous pensez que, vu qu'on est dans le contexte d'une demande anticipée, on doit aller plus loin et être plus précis sur ce qui doit être discuté pour obtenir le consentement?

M. Jean (Daniel) : Bien, ce qui m'embête un peu... oui, il faudrait essayer de... ce qui m'embête un peu, c'est le profil des personnes handicapées. Quand on regarde les statistiques, 60 %... O.K., en fait, c'est 64 %, là, la donnée exacte, 64 % des personnes handicapées ont des douleurs — c'est variable, des fois c'est plus intensif, des fois, c'est cyclique — ont des douleurs, donc des douleurs amènent la souffrance. Et là on parle de, quand même, près de 1 million dans la population du Québec.

Moi, ce que je dis, c'est que la souffrance... j'entends bien, puis c'est le débat que vous avez à faire au sein de la commission, hein, c'est comment mesurer cette souffrance-là, ces concepts de douleur, de souffrance, et comment apprécier. Ce qu'on dit, nous, du côté de l'office, c'est que, souvent, dans nos accompagnements des personnes handicapées et des familles, entre ce qui est vécu quand on commence l'accompagnement et la fin, c'est deux mondes, O.K.? Ce qui était vécu au début était vécu comme étant quelque chose de très anxiogène, il y avait une interruption de service, souvent un des deux parents devait rester à la maison, il y avait comme une lourde difficulté, et à la fin on avait trouvé des voies de passage qui permettaient d'aller de l'avant.

Donc, ce qu'on dit, juste, dans le débat, c'est qu'il y a deux axes sur lesquels il faut travailler : il faut travailler sur l'espoir d'atténuer la souffrance et il faut travailler, si on n'est pas capable d'atténuer la souffrance, comment on est capable de s'assurer qu'on répond bien aux besoins de la personne, et, pour ça, ça prend quelqu'un qui connaît bien la personne.

      Et les membres de notre conseil d'administration, c'est des personnes handicapées, majoritairement, et, pour eux, les questions, dans le fond, de l'accompagnement, de ne pas faire prendre une décision par quelqu'un d'autre, c'étaient des éléments fondamentaux dans tout le débat qu'on a eu avec eux.

Mme Hivon : Merci. C'est très clair.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée.

On parle d'accompagnement. Pour quelqu'un qui n'aurait pas de proches, il y a, comme vous le dites, peut-être une équipe soignante, mais est-ce qu'on pourrait parler d'un conseiller en éthique, peut-être, ou du Curateur public? Puis j'aimerais peut-être vous entendre à ce niveau-là.

M. Jean (Daniel) : Bien, effectivement, moi, dans ce que j'ai vécu dans le passé, quand on avait des personnes qui n'avaient pas de cellule familiale autour d'elles, de proches, des personnes qui connaissaient bien leur condition, on essayait d'évaluer les capacités. Il y a des outils qui existent aujourd'hui pour évaluer les conditions de vie des personnes handicapées à partir du modèle que je vous parlais, là, l'interaction entre les facteurs individuels, l'environnement puis les habitudes de vie, et ces outils-là permettent effectivement d'apprécier ce sur quoi on peut agir. Ça fait qu'effectivement, là, il faudrait... Il y a un outil, MHAVIE, là, entre autres, qui est un peu connu, qui permet d'aller chercher ce type d'information là. Mais je pense que, si on n'a pas de proches qui nous permettent de nous renseigner, là, il faut aller du côté des approches documentées, scientifiques ou, effectivement... je n'avais pas pensé à la question d'un spécialiste en éthique, mais ça pourrait être effectivement aussi des bonnes voies de passage.

La Présidente (Mme Guillemette) : C'est un autre groupe qui est venu en auditions aujourd'hui qui nous ont apporté cette voie-là, puis je voulais voir ce que vous en pensiez.

Vous recommandez que le critère... à l'article 26, le critère de la loi, vous dites : «Elle a eu accès à des soins, des services, du soutien et des opportunités de milieu de vie et de participation sociale pouvant améliorer ses conditions de vie avec l'accompagnement requis pour s'en prévaloir, et ce, sans succès et sans autre alternative.» À quel niveau d'accès et d'accompagnement il est possible de statuer, là, qu'on en a assez fait, là, que le «sans succès» et le «sans alternative», on l'a atteint? Et qui devrait être en mesure de statuer une telle question?

M. Jean (Daniel) : Au niveau... Je parlais avec le directeur national de la santé mentale, au ministère de la Santé et des Services sociaux, de la problématique de la santé mentale puis les périodes de crise, puis il me disait que ça pouvait... une période de souffrance extrême pouvait durer de quelques mois à autour de 18 mois, hein, il y a comme des épisodes. Et le signal d'alarme, c'est quand que tu as franchi le 18 mois, là, puis que tu as essayé un paquet d'interventions, médicaments, des interventions de plus... de type dans la communauté aussi et que rien n'a fonctionné. Là, effectivement, l'équipe peut se poser des questions.

Le lien que je ferais peut-être pour illustrer comment que le modèle répond bien, d'une certaine façon, c'est la pandémie, ce qu'on vient de vivre, d'une certaine façon. La pandémie nous a fait vivre... tous les citoyens, on a tous vécu... de façon différente, mais on a vécu une plus grande détresse et des plus grandes difficultés. On se rend compte que, quand on n'a pas accès à tous les services auxquels on voudrait avoir... ou qu'on n'a pas toute l'intervention qu'il nous faudrait, il y a une détérioration de la qualité de vie puis une augmentation de la souffrance ou de la détresse.

Ça nous a aussi appris qu'on avait un bon niveau de services avant, puisqu'on veut le retrouver, hein? Il faut voir aussi la perspective dans... Nous, ce qu'on dit, à l'office, là, c'est que c'est... ce que la pandémie nous enseigne, c'est que, si on agit sur les conditions, les obstacles des personnes, on peut atteindre des résultats. Mais ne soyons pas dogmatiques, reconnaissons qu'actuellement la science a des limites par rapport à certaines problématiques, autant au niveau des maladies neurologiques dégénératives, au niveau de la santé mentale que des automutilateurs sévères avec une déficience profonde ou autisme, là. Il y a des enjeux là, là, des drames qui se vivent, là, puis qu'on n'a pas trouvé de solution, puis il faut être assez honnête pour dire : Actuellement, on ne sait pas. Puis là il faut poser la question à la personne : Qu'est-ce que tu veux faire de ta vie? Parce que, là, actuellement, on n'a pas la réponse.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Je céderais maintenant la parole à la députée de Saint-François.

Mme Hébert : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Jean.

Je voudrais vous amener par rapport à quand on pense, là... disons qu'on y va pour quelqu'un qui a un diagnostic d'une maladie incurable, qui a un diagnostic irréversible puis qu'éventuellement il risque de devenir inapte. Donc, si on parle, là, d'inaptitude... alors, si la personne veut faire une demande anticipée, avez-vous réfléchi à comment ça... quelle forme ça pourrait être? Est-ce que ça doit être notarié? Est-ce que ça doit être une demande simple faite avec le médecin, comme les... Donc, est-ce que vous avez pensé à la procédure qui pourrait être faite?

M. Jean (Daniel) : Sur cet élément-là, non, de façon très claire, mais est-ce que vous faites référence à une problématique reliée à la déficience, ou à la personne handicapée, ou une problématique de santé physique?

Mme Hébert : Santé physique.

M. Jean (Daniel) : Santé physique. Donc, pour nous, ce qu'on dit, tout simplement, dans le mémoire, c'est qu'on colle les processus actuels. Ce qu'on a entendu, du côté du curateur — vous l'avez entendu en mai dernier, je crois — nous apportait des éclairages. On n'a pas l'expertise pour aller plus loin là-dessus. Nous, le bout qui nous intéressait, c'est l'autodétermination, c'est de dire: Bien, les personnes handicapées ont des droits, et il faut reconnaître qu'elle a aussi le droit de demander une aide médicale à mourir lorsqu'elle a une maladie physique incurable.

• (16 h 40) •

Mme Hébert : Parfait. Si on va du côté de ma collègue, donc, Mme la Présidente, qui a amené une question, puis... Je vous ai entendu parler de l'outil MHAVIE. C'est la première fois que j'entends ça. Est-ce que vous êtes capable de m'expliquer un petit peu plus c'est quoi, cet outil-là?

M. Jean (Daniel) : Bien, c'est un outil qui vise à identifier, dans les différentes sphères de la vie de la personne, dans le fond, c'est quoi, ses capacités, qu'est-ce qu'elle est capable de faire puis ce qu'elle n'est pas capable de faire. Ça nous amène à nous questionner où est l'obstacle et sur quoi on doit agir. Je vous donne comme exemple, toujours, la personne au deuxième étage, si on met un ascenseur... qui est en une incapacité motrice, qui est en fauteuil roulant, donc, on comprend qu'avec l'ascenseur elle est capable de descendre, mais, un coup qu'elle est rendue dehors, elle n'est pas capable d'aller plus loin que la rue parce qu'il n'y a pas de transport adapté, il n'y a pas d'élément. Donc là, on travaille sur les obstacles dans l'environnement, mais, un coup que la personne est dehors, est en train de marcher, est en train de prendre un transport, là, elle a soit des rôles sociaux ou des activités de vie qu'elle doit réaliser pour prendre sa place dans la société. Donc, cet outil-là nous amène à prendre en considération chacun des éléments.

Moi, quand j'ai travaillé avec des automutilateurs sévères, paradoxalement, le taux de réussite était aux alentours de 70 %, je vous dirais, là, O.K., 30 % des résultats étaient mitigés, là, O.K., on avait peut-être un 30 % qui était... vraiment, c'était... on avait réglé une partie du problème. Puis le groupe, au centre, on avait réussi à maintenir un équilibre, il y avait moins de souffrance, la personne réussissait à se réaliser, et souvent c'était en travaillant en équipe interdisciplinaire, et en réduisant un petit peu la médication, puis en augmentant, O.K., les autres façons d'aller chercher un sens à la vie.

Ça fait que ce qu'on se rend compte c'est que la souffrance est alimentée par des facteurs internes, mais est alimentée aussi par la représentation qu'on se fait de notre rôle dans la société, ou de notre place, etc., ou de la place que la famille ou les proches...

Mme Hébert : Parfait. Puis, quand... J'aime ce que vous dites, là, qu'on peut atténuer une portion de la souffrance, mais, si une personne, pour elle, la vie est inconcevable si on n'a pas 100 % des souffrances qui sont atténuées, est-ce qu'elle est quand même éligible à l'aide médicale à mourir ou, parce qu'on a réussi à rendre sa vie... un semblant, là, de qualité, bien, on ne juge pas qu'il y a une si grande souffrance? Donc, est-ce que c'est possible encore?

M. Jean (Daniel) : Là, il y a un enjeu d'autodétermination, c'est-à-dire que, la personne, je pense que c'est elle qui doit choisir. Ma réponse serait de deux niveaux : l'autodétermination de la personne handicapée, puis il ne faudrait pas que ça ne soit que les personnes handicapées qui peuvent avoir droit à ça, O.K., au détriment des autres groupes dans la population qui peuvent vivre des souffrances similaires, sinon pires, mais qui n'auraient pas accès, tu sais.

Ça paraît un peu paradoxal, ce que je vous dis, mais l'office, son rôle, c'est d'assurer une pleine participation des personnes handicapées. Donc, on n'est pas des spécialistes de l'approche médicale, mais ce qu'on dit, nous, c'est que les personnes handicapées ont le droit d'avoir une place au soleil, puis, si elles souffrent, elles devraient avoir les mêmes droits que tous les autres citoyens.

Mme Hébert : Parfait. J'ai terminé, Mme la Présidente. Merci, M. Jean.

M. Jean (Daniel) : Plaisir.

La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci beaucoup. Ça met fin à notre présentation pour cet après-midi.

Merci beaucoup, messieurs, à vous deux, d'avoir été présents aujourd'hui. C'est très formateur pour la suite de nos travaux et ça va nous éclairer grandement, j'en suis certaine. Donc, sur ce, je vous remercie de votre collaboration.

Et, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, mercredi 11 août, où nous reprendrons notre mandat, à 9 h 30. Merci. Bonne fin de journée, tout le monde.

(Fin de la séance à 16 h 44)

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