(Neuf heures trente minutes)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Bonjour, tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission
spéciale sur l'évolution des soins de fin de vie ouverte.
Donc, la commission est réunie virtuellement
afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur
l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire : Non, Mme la
Présidente.
Auditions (suite)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, cet avant-midi, nous entendrons par visioconférence les groupes
suivants : Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec,
le Conseil pour la protection des malades et le Dr Laurent Boisvert.
Donc, nous accueillons sans tarder la
Confédération des organismes des personnes handicapées du Québec ainsi que leurs deux représentantes, Mme Véronique Vézina,
présidente, et Mme Nathalie Boëls, directrice des dossiers. Donc,
bienvenue, et merci d'être avec nous ce matin.
Donc, vous disposez de 10 minutes pour
faire votre exposé, et par la suite il y aura un échange avec les membres de la
commission pour une période de 35 minutes. Donc, sans plus tarder, je vous
cède la parole.
Confédération des organismes de personnes
handicapées du Québec (COPHAN)
Mme Vézina
(Véronique) : Merci, Mme la
Présidente. Merci aux députés d'être présents aujourd'hui et d'avoir accepté de nous entendre, là, sur l'accès ou
l'élargissement de l'accès à l'aide médicale à mourir pour les personnes
qui sont notamment en situation d'inaptitude ou ayant des problèmes... un
problème unique ou un trouble de santé mentale.
D'abord, vous présenter la COPHAN. LA COPHAN est
un organisme de défense des droits des personnes qui ont des limitations
fonctionnelles et de leurs proches qui a été incorporé en 1985 et qui
représente une trentaine d'organismes provinciaux et régionaux qui regroupent
des personnes handicapées qui ont tous types de limitations. Le fonctionnement
de la COPHAN... bien, on est un organisme pour et par, donc on appuie nos
positions sur les compétences et l'expertise des personnes elles-mêmes et des
groupes qui les représentent.
C'est avec plaisir qu'on est ici aujourd'hui
pour vous faire part de notre position sur le débat quant à l'élargissement de l'aide médicale à mourir, mais
on souhaite uniquement porter à votre attention tout l'élargissement
avec les modifications qui sont apportées à la loi de l'accès, aussi, à l'aide
médicale à mourir à l'ensemble des personnes handicapées qui auraient des
problèmes irréversibles dégénératifs qui apporteraient des souffrances soit
physiques et psychologiques.
Il est important de noter que, lorsqu'on va
parler d'inaptitude aujourd'hui, on va parler d'inaptitude à consentir aux
soins, puisqu'on sait que l'inaptitude, là, peut varier selon le champ de
compétence de la personne. Les principes sur lesquels... qui ont guidé, plutôt,
notre réflexion, sont les suivants : d'abord, l'autodétermination des
personnes, qui est un principe qui est très important pour nous, le respect de
leur dignité, leur aptitude à comprendre les
enjeux entourant l'aide médicale à mourir puis l'évaluation de leurs besoins,
qui n'est pas basée sur un diagnostic, mais vraiment sur la souffrance
qui est vécue par la personne.
Pour débuter, bien, avant de vous parler
spécifiquement de l'élargissement de la loi à l'aide médicale à mourir pour les
personnes inaptes ou ayant un trouble unique de santé mentale, il est important
de rappeler que, pour nous, avant de mourir
dans la dignité, comme on parlait en 2010, il est important que les personnes
puissent vivre dans la dignité au
quotidien. Et, pour vivre dans la dignité au quotidien, bien, il y a des
conditions, des services, des soins qui doivent être donnés pour
respecter... qui respectent leurs volontés, plutôt, tout au long de leur vie,
et éventuellement, bien, si elles veulent avoir accès à l'aide médicale à
mourir, bien, il faut leur donner accès à l'aide médicale à mourir.
Parmi les principes qu'on veut mettre de l'avant
qui doivent encadrer l'accès à l'aide médicale à mourir pour l'ensemble des personnes
handicapées, il y a toute la question du respect de la personne et de la
dignité humaine sans compromis. Il est important pour nous de rappeler qu'il y
a plusieurs facteurs sociaux qui ont un impact sur la santé des personnes. On
parle entre autres de l'accès à l'éducation, au revenu, au travail, à un milieu
de vie décent, au logement puis aussi à l'accès aux soins et aux services. Or,
on sait qu'actuellement plusieurs personnes handicapées vivent des inégalités
sociales à cet égard et n'ont pas accès soit aux services et aux soins qu'elles
ont réellement besoin, que ce soient des services de santé ou des services
sociaux, n'ont pas toujours accès non plus à un revenu décent et à des milieux
de vie qui correspondent à leur situation.
Quand les services sont
disponibles, souvent il y a des coûts qui y sont associés qui sont exorbitants
parce qu'elles ne sont pas assurées, il y a un manque de services qui sont
spécialisés, ou ils sont non accessibles à ces personnes-là. Donc, c'est un aspect qui est important à prendre en
compte, puisque l'accès aux services ou les coupures de services, parce
qu'il y a actuellement aussi beaucoup de coupures de services, peuvent amener
des personnes, par désespoir, à demander l'accès à l'aide médicale à mourir, et
on veut éviter qu'il y ait un dérapage qui amènerait des personnes à demander
l'accès à l'aide médicale à mourir parce qu'elles répondent à tous les
critères, mais pour des mauvais motifs.
Donc, pour nous, il est important que
l'élargissement de l'accès à l'aide médicale à mourir soit bien... pour les
personnes en situation de handicap soit bien encadré, qu'il y ait des balises
claires, qu'il y ait des outils qui soient développés pour faciliter leur
compréhension et que ces outils-là soient développés avant l'entrée en vigueur
de la loi, mais qu'ils soient aussi faits en collaboration avec les organismes
qui représentent les personnes.
Il faut aussi s'assurer, comme deuxième
principe, que les personnes vont avoir accès à des services de qualité tout au
long de leur vie. Je le disais tout à l'heure, l'accès aux services à domicile,
aux services de réadaptation, le soutien qui est apporté aux proches, un revenu
décent, l'accès à un logement adéquat, bien, ce sont des enjeux, actuellement,
qui font que les personnes n'ont pas une qualité de vie qui est satisfaisante.
On voit dans le rapport d'évaluation sur
l'efficacité de la politique À part entière concernant les activités permettant
de vivre à domicile que de nombreuses personnes n'ont pas accès à des services
qui répondent réellement à leurs besoins, ce qui pourrait les amener à demander
l'accès à l'aide médicale à mourir.
On voit aussi... on a entendu parler beaucoup,
notamment avec le... l'histoire de Jonathan Marchand l'année dernière, les
milieux de vie. Il y a de nombreuses personnes qui, actuellement, ne vivent pas
dans des milieux de vie qui correspondent à leurs besoins et à leur volonté
d'être autonomes, donc c'est important qu'on entende et qu'on trouve des
solutions pour ces personnes-là, parce que la solution, malheureusement, et on
l'entend de plus en plus fréquemment, est justement : si on m'envoie dans
ce type... dans un type d'établissement comme un CHSLD, je préfère demander l'accès
à l'aide médicale à mourir. Ça fait qu'il faut faire attention à ces
dérapages-là aussi.
Il faut s'assurer aussi de tout mettre en oeuvre
pour soulager la souffrance physique et psychologique. C'est démontré dans de
nombreux États et pays qui ont légalisé l'accès à l'aide médicale à mourir que
les personnes qui ont accès à des services pour soulager la souffrance ne
demandent pas l'accès à l'aide médicale à mourir. Donc, c'est important de bien
développer ces services-là, de s'assurer qu'ils sont accessibles aux personnes
en situation de handicap, mais de s'assurer aussi qu'ils soient mieux intégrés
à l'approche médicale sans toutefois s'y limiter.
Il y a
beaucoup d'approches thérapeutiques qui ont été développées par le milieu
communautaire, notamment, qui a des approches alternatives qui, souvent,
correspondent bien aux personnes handicapées. Donc, il ne faut pas non seulement développer l'offre de services pour
soulager la souffrance dans le réseau public, mais il faut aussi
s'assurer de soutenir le milieu communautaire.
Et le quatrième principe que moi, je vais vous
présenter, c'est toute la question de l'humanisation de la médecine et le
développement d'une meilleure formation pour les professionnels de la santé.
Malheureusement, encore aujourd'hui, il y a beaucoup de préjugés,
d'infantilisation aussi quant à la qualité de vie que peuvent avoir les
personnes en situation de handicap. Et ça, ce n'est pas uniquement dans la population
en général, c'est beaucoup, aussi, des professionnels qui portent un jugement à
l'égard de la qualité de vie de ces personnes-là. Donc, c'est important qu'on
s'assure d'améliorer et de développer une formation qui permet de bien répondre
et de ne plus avoir ce genre de préjugé là ou ce genre d'infantilisation auprès
des personnes en situation de handicap.
Notre cinquième principe, je vais laisser la
parole à ma collègue Nathalie Boëls, qui va vous présenter tout le principe du
consentement libre et éclairé et l'accès à l'information, qui va être un enjeu
principal si on parle d'accès à l'aide médicale à mourir pour des gens qui sont
en situation d'inaptitude.
• (9 h 40) •
Mme Boëls (Nathalie) : Bonjour. Merci, effectivement,
d'être présents ce matin pour écouter notre position et de nous avoir invitées
à la présenter. Donc, effectivement, je vais revenir un peu plus, bien,
longuement sur le consentement libre et éclairé et le droit à l'information.
Dans le fond, le consentement libre et éclairé aux soins est garanti par le Code civil du Québec, par l'article 10. Il
comprend beaucoup de choses : le diagnostic, la nature de la maladie ou de
la condition de santé de la personne, la nature
et l'objectif des traitements proposés, les risques associés à
ces traitements, à des risques prévisibles, évidemment, probables, les résultats escomptés, les chances de
réussite, mais aussi les risques associés aux traitements, puis
présenter aussi les autres choix possibles et pour chacun d'eux, évidemment,
les risques et les bénéfices aussi, et enfin les conséquences d'un refus du
traitement ou des alternatives proposées. Donc, ça, c'est capital pour une
demande d'aide médicale à mourir. C'est
considéré comme un soin dans la loi. Donc, le consentement libre et éclairé
doit s'y appliquer. Pour s'assurer
d'un consentement libre et éclairé, il faut s'assurer, un, que la personne
comprend cette information-là, d'où le droit à l'information, à
l'accès à l'information.
Pour ce qui nous préoccupe, à la COPHAN, c'est
de s'assurer que la formation est disponible selon la déficience de la personne.
Pour les personnes aveugles, ça va être le braille, par exemple. Pour les personnes
sourdes ou malentendantes, un accès à
l'interprétariat. Pour des personnes plus en déficience intellectuelle, d'avoir du
matériel de faible niveau de littératie,
voire avec des icônes ou autres, des images pour être certaines qu'ils
comprennent ce qu'on leur explique.
L'autre enjeu aussi par rapport au consentement
libre et éclairé, c'est d'avoir un accompagnement tout au long du processus de
la personne, autant dès sa demande que tout au long du processus, des étapes de
l'explication, des évaluations cliniques, etc.
Enfin, on demanderait,
advenant des changements apportés à la loi, qu'il y ait des outils, justement,
qui soient développés, mis en place avant que la loi entre en vigueur ainsi que
des balises pour encadrer tout le processus de la loi et spécifiquement le
consentement libre et éclairé des personnes.
Donc, pour rentrer dans le vif du sujet, les questions
qui étaient posées, les enjeux actuels de l'évolution de la loi pour l'accès à
l'aide médicale à mourir des personnes inaptes, comme disait Mme Vézina tantôt,
on parle des personnes inaptes à consentir à un soin, puis par souci
d'autodétermination des personnes et du respect de leur dignité, on est en
accord de leur donner accès à l'aide médicale à mourir si tel est leur voeu, si
tel est leur souhait. Donc, de là découle une chose primordiale, c'est qu'on ne
veut pas que quelqu'un puisse demander l'aide médicale à mourir pour autrui.
C'est vraiment la personne qui va recevoir l'aide médicale à mourir qui doit
faire cette demande en son nom.
L'autre chose, c'est qu'on demanderait aussi qu'il
y ait une évaluation psychosociale, pas juste une évaluation médicale, mais une
évaluation psychosociale, parce que, comme disait Mme Vézina, une des
raisons que l'on craint que les gens demandent l'aide médicale à mourir, c'est
par manque de services, par exemple, par désespoir, par profonde détresse.
Donc, on voudrait que ce soit évalué par un intervenant psychosocial, et à la
suite de la décision qui découlerait de l'évaluation psychosociale, laisser un
délai de 90 jours entre le moment où on dit que la personne est admissible et
le moment où l'aide médicale à mourir est administrée. Le délai de 90 jours,
dans ce cas-là, servirait éventuellement à trouver des solutions qui
conviendraient à la personne. Encore là, on ne veut pas imposer une solution, il
faut que ça corresponde aux besoins et aux souhaits de la personne.
En ce qui concerne les personnes qui anticipent
une perte d'aptitude parce qu'elles viennent d'avoir un diagnostic clair d'une
maladie, telle la maladie d'Alzheimer ou autre, qui aura un impact quasi
certain à long terme sur ses capacités cognitives, là encore, on est d'accord
pour que ces personnes puissent faire une demande anticipée d'aide médicale à
mourir dès l'instant où elles ont leur diagnostic clair et qu'il y ait un délai
de 90 jours entre la signature de la demande de la personne et
l'administration de l'aide médicale à mourir.
Pour ce qui est des personnes victimes d'un
accident inattendu, par souci d'autodétermination, comme pour toutes les autres
personnes, on est en accord qu'elles aient accès à l'aide médicale à mourir,
mais on ne veut pas que cette demande soit faite par anticipation ou dans des
directives médicales anticipées. La raison pour laquelle on prend cette
position-là, c'est parce que, par définition, un accident, on ne sait pas si ça
va arriver un jour dans notre vie. La plupart du temps, on ne le souhaite pas.
Donc, on n'est pas dans le cas des personnes qui anticipent une survenue
d'inaptitude, donc elles ne peuvent pas être dans le cas précédent des
personnes qui anticipent une perte d'aptitude. Donc, si ça survient à la suite
d'un accident, elles font face à deux situations possibles : soit après
leur accident elles sont encore aptes à consentir à un soin, mais elles ont des
séquelles permanentes, physiques et psychologiques permanentes, et
persistantes, et au-delà de leur capacité d'acceptabilité, là, elles vont être
dans la situation des personnes du jugement Gladu et Truchon, donc elles
pourront avoir accès à l'aide médicale à mourir; si l'accident les a rendues
inaptes, elles vont être dans le cas des personnes dites toujours... qui ont
toujours été inaptes, le premier cas qui a été soumis par la commission
d'aujourd'hui. Donc, si la loi est changée pour donner accès à ces personnes-là
dites avoir toujours été inaptes à consentir à un soin, elles auront, à ce
moment-là, accès à l'aide médicale à mourir. Donc, en gros, toutes les
situations ou presque sont déjà couvertes pour ces personnes-là.
Enfin, pour les personnes qui ont uniquement un
trouble mental, par manque d'expertise, à la COPHAN, on ne voulait pas se
préciser clairement, oui ou non, mais on est d'accord pour qu'il y ait un
comité et une réflexion avant de prendre une décision sur ces enjeux-là parce
que, comme on pouvait le lire, d'ailleurs, dans le document de consultation de
la commission, même les experts en santé mentale ne s'entendent pas sur une
position claire à prendre sur cet enjeu-là très important. Donc, on demande à
la commission de mettre en place un comité de réflexion avant de prendre ces
décisions-là.
Donc, c'est ça. Bien, c'est tout, j'ai fini les
trois points principaux. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup à vous deux.
Nous allons maintenant pouvoir passer à la
période d'échange avec les députés de la commission. Donc, nous débuterions
avec Mme la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Bonjour, mesdames. Merci pour votre présentation.
Alors, ma question, c'est... Lorsque vous parlez
de certains endroits, certains pays, qu'ils ont l'aide à mourir, vous dites
qu'il y a moins de demandes d'aide à mourir, j'aimerais que vous élaboriez sur
ce sujet. Et combien de demandes ont-ils, annuellement?
Mme Vézina (Véronique) : En
fait, ce qu'on dit, c'est qu'on n'a pas les statistiques sur combien il s'en
fait dans chacun des pays, mais ce que les études et les démarches qu'on a
faites démontrent, c'est qu'à partir du moment où on a mis en place des
services pour soulager la souffrance, qui peut être physique ou psychologique,
et qu'on a trouvé des solutions pour l'atténuer, bien, les gens ne considèrent
plus que leur seule option est l'aide médicale à mourir. Donc, ce n'est pas...
c'est le fait d'avoir instauré un service d'accompagnement et de soulagement de
la douleur ou de la souffrance qui fait que les gens demandent moins accès à l'aide
médicale à mourir, mais aussi le fait d'avoir... de leur avoir donné des
conditions de vie qui sont plus décentes.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Parfait. Merci beaucoup.
• (9 h 50) •
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci. Donc, nous passerions à la députée de Soulanges.
Mme Picard : Bonjour,
Mme Vézina, bonjour, Mme Boëls.
Vous parlez d'un comité. Moi, je serais
intéressée à vous entendre sur lorsque la personne qui souffre d'une certaine
maladie ou qui a un handicap veut l'aide médicale à mourir, c'est sûr qu'on ne
veut pas que ce soit à cause qu'il n'y a pas assez de services, là, donc quelle
équipe, quel comité pourrait être formé? Qui voyez-vous comme professionnels
autour de la personne qui l'aideraient à prendre la décision ou qui
veilleraient à s'assurer... pour que la situation soit bien évaluée, là, pour
ce patient-là?
Mme Vézina (Véronique) : Bien,
je pense que la nécessité d'avoir une équipe multidisciplinaire... bien sûr, il
faut avoir des professionnels plus du corps médical, mais il faut surtout avoir
des professionnels psychosociaux qui sont en mesure de voir et d'évaluer
l'ensemble des services qui ont été mis à la disposition des gens. La
composition du comité pourrait varier en fonction de la problématique de la
personne. Je pense que ce qui est important, c'est d'avoir des acteurs qui
connaissent bien la situation de la personne, qui sont en mesure de non pas
juste regarder l'aspect médical, mais aussi de réfléchir à des solutions qui
pourraient atténuer la douleur ou la souffrance qui est associée à leur
condition.
Donc, je ne pense pas qu'une composition très,
très précise d'un comité serait adéquate. Il faudrait que le comité, ce qui est
certain, contienne des gens qui sont près de la personne, qui connaissent bien
le dossier de la personne, qu'il y ait des professionnels médicaux, des professionnels
psychosociaux et des gens qui puissent bien accompagner cette personne-là dans
leurs démarches, dans leurs demandes, pour pouvoir s'assurer que ce qu'on
propose, les solutions qui ont été proposées ou les traitements qui ont été
proposés sont adéquats pour bien répondre aux douleurs ou aux souffrances de la
personne et que le choix de demander l'aide médicale à mourir est vraiment lié
à leur condition physique ou psychologique et non pas aux conditions de vie
inadéquates ou au milieu de vie où elles se retrouvent.
Mme Picard : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Je céderais maintenant la parole au député de Mégantic.
M. Jacques : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour,
Mme Vézina, bonjour, Mme Boëls. C'est un plaisir de vous
entendre aujourd'hui.
Moi, je veux revenir, là, sur les victimes
d'accidents inattendus. Vous dites, là, que, les décisions, il faut qu'elles
soient prises après l'accident, un coup que l'accident est survenu. Je
comprends que quelqu'un qui est apte à consentir, ce que vous dites, c'est que
la personne... Je fais un exemple, là, la personne serait quadriplégique,
décide de ne pas vouloir vivre dans un corps qu'elle ne peut plus contrôler,
puis, bien, on sait que les gens finissent par, à un moment donné, s'acclimater à
leur condition. La première journée, tu veux mourir, mais après ça tu réussis à
cheminer dans ton corps puis à avoir des activités, réussir à faire certaines
choses puis à faire... pouvoir profiter quand même de la vie, là. Est-ce que...
dans ces situations-là, avec une capacité intellectuelle pour pouvoir continuer
à fonctionner intellectuellement, est-ce que vous mettez un délai? Est-ce que
vous pensez que... De quelle façon les gens vont pouvoir bénéficier de l'aide
médicale à mourir?
Mme Boëls (Nathalie) : En fait... Bonjour,
M. François. Merci beaucoup de... merci beaucoup pour votre question, ça
nous permet de revenir sur cette question-là. En fait, on ne s'oppose pas, justement,
à l'aide médicale à mourir pour ces personnes-là, mais la situation que vous
venez de décrire, c'est celle vécue par... qu'on a vu dans le jugement Gladu et
Truchon, exactement. Donc, avec le changement à la loi, ils vont pouvoir avoir
accès à l'aide médicale à mourir. Donc, ça, c'est déjà fait pour ces personnes.
Donc, pour nous, dans le fond, on n'avait pas à se prononcer sur ce cas
particulier, parce que, là, il est déjà, entre guillemets, réglé.
Puis, l'autre chose aussi sur laquelle je
voulais revenir, c'est qu'on ne voulait pas que ce soit mis dans les directives
médicales anticipées, par exemple, dans ces cas d'accident, pour ne pas se
baser uniquement sur un diagnostic pour demander l'aide médicale à mourir, puis
ça, c'est valable pour toutes les personnes, qu'elles soient inaptes à
consentir aux soins ou non, parce qu'un diagnostic amène des séquelles très
différentes d'une personne à une autre, et toutes les personnes ne vivent pas
les mêmes séquelles de la même façon dans leur tête. Donc, si on veut vraiment
répondre aux besoins des personnes, il faut vraiment s'attacher à leur
souffrance psychologique et physique et non pas juste sur leur diagnostic.
Alors, si on met ça dans les directives médicales anticipées, c'est de se
dire : Bien, moi, si après mon accident je deviens tétraplégique, je ne
veux plus le vivre, mais on ne sait pas, finalement, comment on va réagir à ça.
M. Jacques : Puis, si je prends, de
l'autre côté, les personnes inaptes à prendre des décisions — donc
on revient à ce qui se fait présentement avec les familles si jamais il y a une
mort neurologique, là, une mort cérébrale — je ne pense pas que ce soit
dans ces cas-là que l'aide médicale à mourir va arriver, parce que juste avec
le débranchement, là, du respirateur, ou certaines choses, bon, bien, il va y
avoir une mort, là, précipitée ou rapide dans les heures ou les jours qui vont
suivre. Mais je ne comprends pas. Si une personne est inapte à prendre une
décision suite à un accident, on remet encore la décision à la famille, alors
que la personne pourrait avoir fait une directive
médicale anticipée pour dire : Bien, écoutez, moi, si jamais ça arrive, je
veux avoir... recevoir l'aide médicale à mourir. J'essaie de voir le jeu, là,
entre la directive médicale anticipée puis le recours au choix de la famille,
là, à la fin de tout ça.
Mme Boëls (Nathalie) : L'autre avenue aussi...
Oui, je m'excuse, Véronique.
Mme Vézina (Véronique) : Ah!
vas-y, Nathalie.
Mme Boëls (Nathalie) : L'autre chose qu'on
voulait aussi, c'est de suggérer aussi une réflexion sur les directives
médicales anticipées, à savoir est-ce qu'on ne pourrait pas allonger la liste
des traitements qui existent présentement. Parce que, présentement, il y en a
cinq; la plupart d'entre eux, si on les refuse, amènent la mort. Mais est-ce
qu'il n'y aurait pas moyen d'allonger cette liste-là? Par exemple, le coma
n'est pas dans la liste. Donc, ça pourrait être une avenue. Et puis de pousser
aussi... de faire une grande campagne de sensibilisation autour des directives
médicales anticipées auprès de la population québécoise pour les encourager à
remplir ce formulaire-là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, M. le député.
Donc, je céderais maintenant la parole à la
députée de Westmount—Saint-Louis.
• (10 heures) •
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, mesdames. Merci beaucoup pour votre présentation fort intéressante.
Moi, ce que j'entends de vous, c'est... vous cherchez vraiment à trouver un
équilibre entre le droit individuel et la nécessité de protéger des personnes
vulnérables.
Ce que j'aimerais entendre de vous, c'est quelque
chose qui me préoccupe, c'est : Que pouvons-nous faire pour assurer qu'il
n'y aura pas de la maltraitance en ce qui concerne les personnes handicapées?
Vous avez fait vraiment un exposé de ce qui nous préoccupe tous en ce qui
concerne... on ne veut pas que ce soit un recours parce qu'il y a un manque de
soins, mais aussi, autour de l'entourage, plus souvent, la culpabilité d'une personne
handicapée de sentir qu'ils amènent une lourdeur à leur famille. Alors, que
pouvons-nous faire pour s'assurer... Puis vous avez évoqué quelques balises,
mais devons-nous se préoccuper de ce genre de potentielle maltraitance et que
pouvons-nous faire, comme commission... des recommandations que vous pouvez
partager avec nous pour s'assurer qu'on protège bien ces personnes qui se
retrouvent souvent en situation de vulnérabilité face à une demande potentielle
d'aide médicale à mourir?
Mme Vézina (Véronique) : Tout à
l'heure, on mentionnait la nécessité qu'il y ait une évaluation psychosociale
qui soit faite auprès de la personne qui n'est pas en fin de vie et qui demande
l'accès à l'aide médicale à mourir, qu'elle soit apte ou inapte, notamment pour
évaluer si ce sont les conditions de vie dans lesquelles elle est qui font
qu'elle demande l'aide médicale à mourir, mais aussi pour s'assurer qu'il n'y a
pas une influence externe qui vient influencer sa demande ou influencer sa
décision de demander l'aide médicale à mourir.
Et, quand on parle de l'influence externe, vous
parlez beaucoup de maltraitance qui pourrait être faite par un proche ou de
pression qui pourrait être faite par un proche pour avoir accès à des soins,
mais il faut savoir qu'auprès de certaines personnes handicapées ce n'est pas
seulement les proches qui font de la maltraitance ou qui amènent cette
réflexion-là, parfois ce sont les prestataires de soins, parfois ce sont les
gestionnaires de services, par les décisions ou les solutions qu'ils proposent.
Donc, il ne faut pas traiter la maltraitance juste par la maltraitance des
proches, il faut regarder comme il faut la maltraitance au sens large et voir
comment on peut éviter que ce genre de situation là arrive et dénoncer,
lorsqu'il y aura l'évaluation psychosociale, ce type d'évaluation là pour
s'assurer que, si, la personne, finalement, après évaluation, on juge qu'elle
n'aura pas accès à l'aide médicale à mourir, mais qu'elle ne demeure pas dans
une situation où on lui met de la pression, où on lui parle... où elle est
perçue comme un fardeau, où on ne lui propose pas de solution pour avoir des
meilleures conditions puis avoir accès aux services et aux soins dont elle a
besoin.
Mais c'est vraiment par l'évaluation
psychosociale que ça doit passer, et c'est là qu'on va évaluer s'il y a
maltraitance, peu importe qui amène la maltraitance ou qui fait simplement de
la pression qui amène la personne, souvent, à se dévaloriser, à être perçue
comme un fardeau pour ses proches ou pour sa famille. Donc, c'est important que
tout cet aspect-là soit aussi encadré et évalué avant de donner accès à l'aide
médicale à mourir.
Mme Maccarone : Alors, ça
aligne bien avec la recommandation que vous avez faite, que nous avons besoin
d'avoir un comité. Quel serait le rôle du proche aidant au sein de ce comité en
ce qui concerne la personne handicapée qui voudrait
avoir accès à l'aide médicale à mourir? Et on veut, évidemment, respecter
l'autodétermination ou l'aptitude et le respect de la dignité de la personne.
Mme Vézina (Véronique) : Le
rôle du proche aidant dans la décision de la personne ne doit pas être un rôle
d'influence, je vais dire ça comme ça. Il peut être là pour accompagner. Il
doit aussi être accompagné parce que, quand une personne prend la décision de
demander l'aide médicale à mourir, ça peut être difficile pour elle, mais c'est
aussi... ses proches vont aussi avoir besoin de soutien, mais le proche ne doit
pas être... ne doit pas influencer la décision. Mais on doit prendre en
considération, par contre, les conditions dans lesquelles le proche vit avec la
personne, parce que, souvent, ce qui pouvait amener aussi la personne à
demander l'aide médicale à mourir, c'est la charge qu'elle ne peut amener
auprès de ses proches. Elle ne veut plus que ses proches soient obligés de
subir ou de donner les
soins dont elle a besoin, donc la solution qu'elle trouve dans cette
détresse-là, c'est de demander l'accès à l'aide médicale à mourir pour
soulager ses proches. Donc, il faut les entendre, mais il ne faut pas les
entendre pour qu'ils influencent la décision, mais pour comprendre les
conditions dans lesquelles la personne et eux vivent, actuellement.
Mme Maccarone : O.K. Et puis là
vous avez parlé aussi du délai de 90 jours. Ce délai, mettons, à la fin du
90 jours, ça serait renouvelé sur quelle base? Ça serait quoi, les
critères, selon vous, pour avoir un renouvellement si, mettons, l'équipe autour de la personne dit que : Nous ne sommes
pas certains, on veut continuer à faire une évaluation?
Mme Vézina (Véronique) : Bien,
en fait, l'évaluation est faite avant le 90 jours. Le 90 jours est plus
pour donner le temps à l'équipe de soins de peut-être envisager d'autres
solutions, les proposer à la personne, de voir aussi si la personne est toujours
confortable dans la décision qu'elle prend, malgré les solutions qu'on pourrait
lui proposer ou les conditions dans lesquelles elle se retrouverait. Donc,
c'est vraiment plus une période de réflexion, d'échange, de recherche de
solutions, et au bout de 90 jours, bien, la personne aura toujours la possibilité
de décider si, oui ou non, la demande qu'elle a faite est toujours légitime et
qu'elle veut toujours avoir accès à l'aide médicale à mourir.
Mme Maccarone : Devons-nous se
préoccuper aussi des critères, de la possibilité, aussi, souvent, en ce qui
concerne, évidemment, la cause des personnes handicapées, les gens, ils
trouvent que ça peut être plus complexe quand on parle d'aptitude, quand on
parle des critères? Est-ce qu'il devrait des critères d'admissibilité, comme
par exemple pour une personne handicapée qui n'est pas en fin de vie?
Mme Vézina (Véronique) : Bien,
les critères qui sont prévus à l'article 26 de la loi doivent assurément
tous être respectés. Pour nous, ce sont les critères principaux, et on doit
aussi s'assurer qu'à partir du moment où on répond à tous ces critères-là qu'il
n'y a pas d'autres motifs qu'on nommait tout à l'heure, l'influence de proches
ou les mauvaises... l'absence ou l'insuffisance de services ou les mauvaises
conditions de vie, qui viennent influencer cette décision-là. C'est le critère
qu'on ajouterait.
Mme Maccarone : O.K. Et je
comprends que tout le monde veut... On veut reconnaître les droits et libertés
de tous et de toutes en ce qui concerne... Vous avez parlé un peu des personnes
qui souffrent d'une déficience intellectuelle ou de l'autisme, mais vous avez
aussi évoqué la nécessité d'avoir une formation. C'est qui qui devrait
s'occuper de cette formation? Et quel genre de formation envisagez-vous en ce
qui concerne les personnes qui vont avoir un accompagnement qui est beaucoup
plus ardu et profond, avoir une compréhension de ce qu'ils demandent en ce qui
concerne l'aide médicale à mourir?
Mme Vézina (Véronique) : Bien,
il existe déjà, dans les... je dirais, dans les cursus professionnels, des
programmes d'enseignement. Nous, ce qu'on voudrait, c'est qu'on ajoute un volet
qui concerne toute la question de l'accompagnement sur les soins de fin de vie
avec des spécificités en ce qui concerne certains groupes sociaux comme les
personnes handicapées. Et c'est certain que ces ajouts-là dans les programmes
de formation, bien, devraient être faits en collaboration avec des personnes
qui vivent elles-mêmes la situation et des organismes qui les représentent,
comme la COPHAN.
Mme Maccarone : O.K. Merci
beaucoup, mesdames.
Je passerais la parole à la députée... le député
de D'Arcy-McGee, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. M. le député.
M. Birnbaum : Merci,
Mme la Présidente. Merci beaucoup à Mmes Vézina et Boëls pour votre
exposé assez lucide et pertinent. Vous nous
mettez devant beaucoup de mises en garde très bien entendues sur les services
actuels et souvent les lacunes en ce qui a trait à ces services, à la
formation des gens qui travaillent avec le monde handicapé.
Je veux m'assurer que... si, oui ou non, vous
êtes en train, en quelque part, d'exprimer une inquiétude d'un lien entre un élargissement de l'aide médicale à
mourir et un possible délestement ou diminution même plus approfondie des services actuels. Est-ce que vous faites un
lien qu'il y a un danger qu'on va mettre une moins grande emphase sur l'importance essentielle de bonifier les services
dont vous avez parlé advenant un accès élargi à l'aide médicale à
mourir?
Mme Vézina
(Véronique) : Bien, je vous
redirais, on ne fait pas juste un lien, c'est un... pour nous,
actuellement, ce sont des faits. On peut mettre des noms et des situations qui
se sont passées récemment.
M. Truchon, qui a demandé l'aide médicale à
mourir en mars... au printemps 2020, a clairement dit, dans une étude,
juste avant d'avoir... de se voir administrer l'aide médicale à mourir, que,
s'il avait eu les services et les soins nécessaires, il n'aurait pas demandé l'aide
médicale à mourir.
Il y a eu M. Tremblay, il y a quelques
années, qui, suite à une obligation de se voir logé en CHSLD, a préféré
demander à un proche le suicide assisté.
On a l'histoire de Jonathan Marchand, il y
a à peine un an, qui, pour pouvoir sortir de son CHSLD, a mis sa vie en danger en
allant faire un siège devant l'Assemblée nationale, et qui, aujourd'hui, est
rentré ou va rentrer dans son appartement, mais avec des conditions, je dirais,
inhumaines où on lui dit : O.K., on te donne les services, tu vas chez
toi, mais, si ça ne fonctionne pas, tu reviens dans l'établissement et tu n'en
sors plus jamais.
Ce
sont des faits. Actuellement, les services diminuent. On tente de développer
des situations, mais sans nécessairement impliquer et écouter les personnes
directement concernées et, parallèlement à ça, on élargit l'accès à l'aide
médicale à mourir pour ces personnes-là. Donc, ce n'est pas juste des liens ou
un dérapage qu'on voit, ce sont des faits qui sont déjà existants, des
situations qui se sont passées, des gens sur lesquels on peut mettre des noms,
des événements. Donc, ce n'est pas quelque chose qui s'en vient et qui risque
d'arriver, c'est quelque chose qui est déjà présent et qui risque d'être encore
plus présent si on leur donne accès à l'aide médicale à mourir ou si l'aide médicale
à mourir... pas juste leur donner accès ou si l'aide médicale à mourir devient
une option pour eux.
• (10 h 10) •
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci. Merci beaucoup, M. le député.
Donc, je céderais
maintenant la parole au député de Rosemont.
M. Marissal :
Ah! merci beaucoup de votre... Merci, Mme la Présidente. Puis merci beaucoup de
votre témoignage puis votre apport à nos travaux, mesdames, c'est particulièrement
courageux. Puis je vous remercie de rappeler d'emblée qu'avant de mourir dans
la dignité il faudrait toujours qu'on garde en tête qu'il faudrait vivre dans
la dignité. On ne le dira jamais trop, parce que, même si l'aide médicale à
mourir est devenue un soin, légalement, il reste
que c'est pas mal la solution définitive, puis que, si on pouvait ne pas avoir
à se rendre là, ça serait probablement mieux.
J'ai entendu votre
réponse à mon collègue de D'Arcy-McGee, j'avais la même question et je vais
aller plus loin. Vous dites que le désespoir...
la solution par désespoir existe déjà puis, effectivement, il y a eu des cas,
hein? On ne peut probablement pas mettre un pourcentage là-dessus, mais,
considérant l'état de certains soins au Québec, on ne se rentrera pas la tête
dans le sable, on sait qu'il y a des cas, et vous en avez nommé quelques-uns.
Dans ce cas, et
considérant ce que vous venez de dire, Mme Vézina, avec beaucoup d'émotion,
comment vous faites le passage de ce constat à votre acceptation de voir la loi
élargie? Autrement dit, sachant que des gens sont poussés vers l'aide médicale
à mourir par désespoir parce qu'on a échoué à leur donner les services — et là
je ne fais pas de jugement de valeur, là, entendez-moi bien — qu'est-ce
qui vous permet de faire le pas pour dire : Nous devrions élargir la loi?
Mme Vézina
(Véronique) : Si on prend cette décision-là, c'est notamment parce que
ça devient un choix individuel ou personnel de demander ou non l'accès à ce
soin. Par contre, c'est pourquoi on met énormément de mises en garde, parce
qu'on ne veut pas que ça devienne une option à l'absence d'autres solutions.
C'est un soin de dernier recours, c'est un soin qui doit être donné dans le cas
où la personne a une souffrance physique et/ou psychologique extrême, que la situation
est irréversible, que c'est dégénératif et que sa seule... malgré tous les
services, tous les soins, tout ce qu'on met autour d'elle, on n'est pas capable
de soulager cette douleur ou cette souffrance-là. Donc, c'est dans ces situations-là
qu'on veut donner accès à l'aide médicale à mourir, puis il y a des gens qui
sont pour, il y a des gens qui sont contre, mais, pour nous, c'est difficile de
dire oui pour certains, non pour d'autres. On veut que ça demeure un choix
individuel. Et, si on ne donne pas accès à l'aide médicale à mourir aux gens
dont c'est le souhait et qui répondent à l'ensemble des conditions, et pour qui
ce n'est pas fait pour cause de désespoir, bien, je pense que c'est le
principal motif pourquoi on est d'accord à élargir l'aide médicale à mourir, mais
pas à n'importe quel prix et pas à n'importe quelle condition.
M. Marissal :
Je vous entends bien, merci pour la réponse claire.
Quelle est la portée
de l'évaluation psychosociale que vous nous suggérez? C'est-à-dire, aurait-elle
pour but simplement de compiler, par exemple, des statistiques qui nous donneraient un portrait, après quelques
années, de qui demande l'aide médicale à mourir, ou est-ce
que cette évaluation
psychosociale pourrait, à la limite, renverser une décision?
Mme Vézina
(Véronique) : L'évaluation psychosociale doit être faite avant qu'une
décision quant à donner accès à l'aide médicale à mourir soit rendue. Donc,
elle peut... elle va servir à évaluer les motifs ou les influences qui font que
la personne demande d'aller à l'aide médicale à mourir. L'évaluation
psychosociale va servir parce que le médecin va établir qu'elle répond, au
niveau physique ou psychologique, aux différents critères qui sont demandés,
mais l'évaluation psychosociale va venir évaluer, justement, si ce n'est pas
une solution par dépit ou par défaut d'avoir accès à autre chose ou d'être
influencée par autrui. Et l'évaluation psychosociale, bien, pourrait... en bout
de ligne, devra dire si les motifs ou les raisons pour lesquelles la personne
demande à avoir accès à l'aide médicale à mourir sont justifiés et que ce n'est
pas... il n'y aurait pas d'autres solutions qui pourraient répondre aux besoins
de la personne et qui pourraient soulager la situation dans laquelle elle est.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci.
M. Marissal :
Mais je pense que je n'ai plus de temps, Mme la Présidente, hein?
La Présidente
(Mme Guillemette) : Non. Merci, M. le député.
M. Marissal :
Je vous remercie.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Nous allons quand même pouvoir poursuivre les échanges avec la députée de
Joliette.
Mme Hivon :
Oui. Bonjour à vous deux. Merci beaucoup de votre présentation.
Tantôt, vous avez
dit : Pour les personnes qui sont inaptes, donc qui sont, j'imagine, par
exemple, inaptes de naissance ou inaptes de manière permanente, on est d'accord
pour qu'ils puissent avoir accès à l'aide médicale à mourir, mais on n'est pas
d'accord au consentement pour autrui. Alors, je ne comprends pas comment on
pourrait obtenir un consentement dans un tel cas. Je ne sais pas si quelque
chose m'a échappé, mais est-ce que vous pouvez préciser sur ce point-là?
Mme Vézina
(Véronique) : Je vais y aller. En fait, ce qu'on ne veut pas... Il y a
des personnes inaptes qui, en raison de leur condition, ne seront jamais en
mesure de consentir aux soins, et ce qu'on ne veut pas, c'est qu'autrui ou un
proche, un membre de la famille puisse décider à sa place de lui donner accès
ou de demander l'aide médicale à mourir et
même d'entreprendre une démarche pour qu'elle ait éventuellement accès à l'aide
médicale à mourir.
Par contre, parmi les
personnes qui sont souvent inaptes à consentir à un soin ou considérées inaptes
à consentir à un soin, il y en a qui, avec un accompagnement, des outils, pourraient
elles-mêmes prendre une décision. Et c'est pour ces gens-là qu'on veut
s'assurer qu'elles auront la possibilité de consentir à avoir accès à l'aide
médicale à mourir, parce que souvent la compréhension n'est pas basée sur la
capacité de la personne à... bien, est basée beaucoup sur la façon dont on
présente les choses, dont on explique les choses. Souvent, on porte un... on va
dire : Elle est inapte à consentir parce qu'elle n'a pas compris ce que je
lui ai expliqué, mais on se pose rarement la question sur : Est-ce que je
me suis ajustée pour bien lui expliquer?
Donc, avec des
outils, un accompagnement nécessaire, bien, on pourrait favoriser des personnes
qui seraient considérées inaptes à consentir, à consentir au soin, mais on est
parfaitement conscients qu'il y en a pour qui, peu importe comment on va leur
expliquer, peu importe comment on va leur présenter, ce sera toujours
impossible, là, d'obtenir un consentement. Bien, dans ces situations-là, on
ne voudrait pas que ce soit quelqu'un d'autre qui demande l'accès à l'aide
médicale à mourir à sa place.
Mme Hivon :
Parfait. Donc, je veux juste bien résumer si j'ai bien compris. Donc, ces
personnes qui sont inaptes de manière permanente, irréversible depuis la
naissance, il n'y a pas d'aptitude qui fluctue ou de possibilité d'obtenir,
donc, une évaluation qui conclurait à l'aptitude, vous dites : On oublie
ça, il ne peut pas y avoir d'aide médicale à mourir parce qu'on refuse le
consentement substitué. Pour les autres qui peuvent avoir différents degrés de
fluctuation dans leur aptitude, il faut faire le maximum pour les accompagner
pour voir si on est capable de déceler une aptitude à consentir et si cette
aptitude-là existe, là, il faut obtenir le consentement libre et éclairé, avec
tout l'accompagnement possible, comme vous avez bien expliqué tout à l'heure.
Je résume correctement?
Mme Vézina
(Véronique) : Oui.
Mme Hivon : Oui. O.K. Dans la situation actuelle, là, déjà,
depuis que la loi existe, évidemment, les personnes qui sont dans ces situations-là, d'inaptitude qu'on pourrait
dire fluctuante, qui peuvent avoir des déficiences mais qui ne sont pas
profondes, est-ce que vous avez des exemples où des personnes ont été
accompagnées pour obtenir l'aide médicale à mourir? Est-ce que vous avez
répertorié des cas? Parce que c'est comme pour tout autre soin, là, normalement,
l'équipe doit bien accompagner pour évaluer d'abord l'aptitude et ensuite
obtenir le consentement. Est-ce qu'il y en a, des cas répertoriés?
Mme Vézina
(Véronique) : Bien, je vous dirais, on n'a pas fait un inventaire des
cas répertoriés, mais on a au moins un
exemple d'une jeune femme qui est décédée d'un cancer, il y a quelques années,
qui avait une déficience intellectuelle, à qui on a refusé les soins de
fin de vie parce qu'on considérait qu'elle n'était pas apte à consentir aux
soins. Donc, elle a dû tolérer, je dirais, toute la souffrance associée à sa
maladie jusqu'au dernier moment parce qu'on n'a pas considéré qu'elle était
apte à avoir... à consentir à l'accès à l'aide médicale à mourir. Mais je n'ai
pas un répertoire, c'est un exemple connu.
• (10 h 20) •
Mme Hivon :
Non, non, je comprends, parce que c'était un défi. Puis on avait discuté,
d'ailleurs, avec la COPHAN, lors de la première mouture de ça. Et c'était juste
que je voulais savoir si les professionnels de la santé étaient plus exigeants dans l'évaluation de l'aptitude pour l'aide médicale à mourir versus d'autres soins, des traitements.
Comme par exemple, si elle avait un cancer, j'imagine qu'elle devait consentir
à des traitements. Est-ce que c'était elle? Est-ce que c'était un consentement
pour autrui? Donc, c'est ce genre de cas là qui m'intéresse.
Mme Vézina
(Véronique) : Bien, en fait, la personne a pu consentir à ses... à
certains traitements, à certains soins. Mais lorsqu'elle est arrivée en phase
terminale et qu'elle a demandé à avoir accès à l'aide médicale à mourir, malheureusement, malgré que ses facultés
cognitives n'étaient pas diminuées par rapport aux consentements
précédents qu'elle avait donnés, on ne lui a pas donné accès à l'aide médicale
à mourir.
Mme Hivon :
O.K. Merci beaucoup, c'est très intéressant.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci. Merci beaucoup à vous deux,
Mme Vézina et Mme Boëls, pour votre exposé aujourd'hui, votre échange
avec les membres de la commission.
Donc, ça met fin à cette
partie, et je demanderais aux membres de la commission de rester avec nous pour
accueillir le prochain groupe. Merci encore, mesdames.
(Suspension de la séance à 10 h 22)
(Reprise à 10 h 25)
La Présidente (Mme Guillemette) : Donc,
nous reprenons les travaux. Merci d'être présents.
Nous accueillons maintenant le Conseil de la
protection des malades, avec M. Pierre Hurteau, vice-président du conseil
d'administration. Donc, bienvenue, M. Hurteau, et vous avez
10 minutes pour votre exposé, et par la suite il y aura un échange avec
les membres de la commission pour une période de 35 minutes. Donc, je vous
cède dès maintenant la parole.
Conseil pour la protection des malades (CPM)
M. Hurteau (Pierre) : Très bien.
Alors, je salue tous les membres de la commission, et je vais d'abord lire le
court mémoire.
Le CPM tient à remercier la commission de
l'avoir invité à soumettre son opinion sur la délicate question de
l'élargissement de la Loi concernant les soins de fin de vie. L'organisme
fêtera bientôt 50 ans d'existence vouée à la lutte et à la protection des
droits des usagers de la santé du Québec. Parmi ces droits, le respect de la
dignité de l'usager, de son autonomie, de ses besoins et de sa sécurité ont
fait en sorte que le CPM a toujours donné son accord de principe à l'aide
médicale à mourir, soit durant la commission parlementaire Mourir dans la
dignité, où nous étions présents le 28 septembre 2010, soit en commission
parlementaire sur le projet de loi n° 52 sur les soins de
fin de vie le jeudi 26 septembre 2013, ou encore au sein du
groupe d'experts sur la commission... sur la question de l'inaptitude et de
l'aide médicale à mourir, qui a déposé son rapport en 2019. J'étais
moi-même représentant du CPM sur ce groupe de travail. Cette prise de position
n'a pas empêché le CPM de militer quotidiennement pour l'amélioration du vivre
dans la dignité pour les usagers et les résidents en soins de longue durée.
Le jugement rendu dans la cause Truchon et Gladu
a changé la donne en matière d'aide médicale à mourir en rendant inopérant le
critère de fin de vie de la loi québécoise ou celui de mort raisonnablement
prévisible de la loi fédérale. Ce critère désormais absent ouvre de nouvelles
avenues, notamment pour les personnes souffrant de troubles mentaux, puisque
ces derniers ne sont pas létaux, de même que pour les personnes souffrant de
maladie physique sans être en fin de vie.
Le président-directeur général du CPM exprimait
déjà le souhait de voir ce critère aboli en 2013, je cite : «...une
personne qui rencontre les [...] exigences du projet de loi pour décider pour
elle d'en finir, que cette personne-là... ou que sa mort soit imminente ou pas,
une fois que la personne lourdement handicapée, adulte, apte[...], que cette
personne-là devrait pouvoir en finir, que sa mort soit [immédiate] ou non.»
C'est un point de vue qui avait déjà été exprimé, d'ailleurs, par le président
du CPM en 2010.
Aujourd'hui, le CPM est appelé à se prononcer
sur deux questions, essentiellement. D'abord, doit-on rendre accessible
l'aide médicale à mourir aux personnes en situation d'inaptitude? Deux, l'aide
médicale à mourir peut-elle être offerte aux personnes dont le seul diagnostic
est un trouble mental?
À la première
question, le CPM répond oui, sans aucune hésitation, mais à certaines
conditions. Une personne majeure rencontrant les conditions suivantes
devrait être autorisée à émettre des directives anticipées requérant l'aide
médicale à mourir :
a) être apte au moment d'émettre les directives;
b) être informée d'un diagnostic ou d'un
pronostic de maladie grave et incurable, soit une maladie qui conduira
éventuellement à un déclin avancé et irréversible des capacités de la personne,
soit une maladie qui infligera éventuellement... affligera, pardon,
éventuellement la personne de souffrances physiques ou psychiques qu'elle juge
intolérables.
• (10 h 30) •
Donc,
l'obligation d'être apte à consentir à l'aide médicale à mourir au moment où la
demande est formulée, par anticipation ou non, demeure une condition sine qua
non. Le consentement par substitution est donc exclu, de même que les victimes
d'accident vasculaire cérébral, tout comme les victimes d'un traumatisme
crânien grave entraînant des séquelles graves, et irréversibles, et plongeant
dans un état empêchant l'expression d'un consentement libre et éclairé, de même
que les personnes qui n'ont jamais été considérées aptes à consentir à leurs
soins.
Le CPM souscrit aux recommandations du groupe
d'experts sur : un, le caractère non contraignant des demandes d'aide
médicale à mourir, ce qui permet au demandeur, à la personne de confiance
qu'elle aura désignée et à l'équipe soignante de suivre l'évolution du
pronostic et des traitements disponibles dans le temps; deux, la nécessité d'un
formulaire spécifique à l'AMM, dont la durée de validité est indéterminée;
troisièmement, la tenue d'un registre des demandes, avec l'obligation de le
consulter; quatrièmement, la désignation dans le formulaire de demande d'un
tiers chargé de faire connaître sa demande anticipée et de demander en son nom
le traitement de sa demande en temps jugé opportun.
Le CPM répond
également de manière affirmative à la deuxième question. Toutefois, une
attention particulière doit être portée à l'aptitude décisionnelle de la
personne qui demande l'AMM, compte tenu de la nature de la maladie,
qui pourrait l'affecter sérieusement. En effet, l'aptitude au consentement
demeure toujours, que la maladie soit mentale ou physique, puisque c'est
l'autodétermination et le respect de la volonté de la personne qui doivent toujours primer. Comme la maladie mentale est
reconnue comme étant un problème médical nécessitant un traitement, de la même manière, il est difficile de discriminer
sur la simple base d'un diagnostic et d'exclure de l'AMM les personnes qui en sont affectées gravement, qui ressentent
des douleurs et souffrances, à leurs yeux, intolérables après avoir
essayé différents traitements.
Tout en reconnaissant le droit à
l'autodétermination des personnes atteintes d'un trouble mental, le CPM est
d'avis que des mesures de protection additionnelles peuvent être prises en
raison de la vulnérabilité de ces personnes, souvent
aux prises avec le désir d'en finir avec leur vie. C'est pourquoi nous croyons
qu'un délai de quelques mois doit être
appliqué à partir de la date de la demande pour voir son exécution. De même, il faut exiger l'avis de
deux médecins, dont l'un est obligatoirement psychiatre.
En terminant, le CPM adhère pleinement à la
philosophie des soins de fin de vie s'inscrivant dans un continuum. À cet
égard, il ne peut que rappeler la nécessité d'améliorer l'accès à des soins
palliatifs de qualité et de consacrer des efforts importants pour faciliter
l'accès à des soins et services en santé mentale, de même qu'un meilleur suivi
de cette clientèle. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. Hurteau. Nous commençons donc nos échanges avec le
député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Et merci, M. Hurteau, pour votre exposé aujourd'hui ainsi que l'implication
très aidante de votre organisme tout au long de ce débat au Québec, qui est
dans sa deuxième décennie au moins.
Vous parlez de la demande anticipée et, de façon
claire et nette, que les voeux, exprimés et balisés comme il faut, de la personne doivent être respectés. En ce
qui concernerait le déclenchement de ces voeux exprimés par une personne
identifiée, pouvez-vous élaborer un petit peu? Comment est-ce que les balises
devraient être respectées et comprises de façon très claire, de façon temporelle
sur les critères? Comment on s'assure à la fois le respect des balises de
l'éventuelle loi ainsi que les voeux de la personne concernée en tout ce qui a
trait au déclenchement du traitement?
M. Hurteau (Pierre) : Bien, pour
répondre à votre question, je pense que le CPM... D'ailleurs, je l'ai dit assez
clairement, là, le CPM suit, en quelque sorte, les recommandations qui ont été
faites par le groupe d'experts. Et je ne parlerai pas au nom du groupe
d'experts, là, mais, comme j'ai été membre de ce groupe-là qui a travaillé
pendant presque deux ans, il est clair qu'à partir du moment où il y a
possibilité de faire une demande anticipée, lorsqu'il y a un diagnostic qui est
posé, c'est sûr que la personne est comme sur une trajectoire. Et c'est pour ça
qu'on pense que, tout au long de l'évolution de la maladie, cette personne-là,
elle est accompagnée par une équipe soignante et elle a aussi désigné une
personne de confiance, une tierce personne qui la connaît et qui... c'est soit
l'équipe médicale, soit l'équipe soignante, soit... et puis souvent
multidisciplinaire, soit cette personne-là, qui est la personne de confiance,
va se rendre compte de l'évolution de la maladie et du moment où le temps est
venu à partir de balises qui auront été définies par la personne elle-même
lorsqu'elle fera sa demande anticipée.
Alors, c'est à peu près ce que je peux vous dire
sur cette question-là. Mais, grosso modo, je répète, notre position, c'est
celle qui a été adoptée et balisée dans le rapport sur le groupe... le rapport
du groupe d'experts sur ce point de vue précis là, sur cette question précise
là.
M. Birnbaum : Nous venons
d'entendre, de la Confédération des organismes de personnes handicapées, des mises en garde assez importantes. Ils partagent
avec prudence votre voeu qu'on respecte l'autonomie, l'autodétermination
de chaque individu, mais ils s'inquiètent
beaucoup, surtout pour cette population, qu'un accès élargi à l'aide
médicale à mourir peut... pourrait entraîner une diminution, en quelque part, de
services disponibles et accrus pour les gens en besoin. Est-ce que vous
partagez, en quelque part, cette inquiétude?
M. Hurteau (Pierre) : Bien,
c'est-à-dire, je vous dirais que, comme j'ai dit à la fin de ma présentation,
lorsque... et ça a toujours été la position, c'est que ce n'est pas parce qu'on
accorde ou qu'on défend ce droit à l'autodétermination qu'on ne doit pas, en
même temps, s'assurer... et c'était aussi le voeu qui était exprimé par le
groupe d'experts, et c'était le sens... puis je vois Mme Hivon, là, mais
c'était le sens de la loi sur les soins de fin de vie, c'est que toute la
question des soins palliatifs... qu'on doit continuer d'en améliorer
l'accessibilité, et la même chose en santé mentale, là. On connaît tous les
problèmes de rupture de services, d'accessibilité qu'il y a dans les questions
de suivi des personnes qui ont des troubles mentaux. Alors, il faut s'assurer
de maintenir un très bon... un niveau adéquat d'accessibilité à ces
services-là, de sorte que l'aide médicale à mourir ne devienne pas une option
parce qu'on n'est pas capable d'avoir des services, là. Alors, c'est une
question d'équilibre, là. Ce n'est pas parce qu'on permet, comme on a permis à
Truchon et Gladu, l'aide médicale à mourir qu'on n'a pas des obligations d'améliorer
l'accessibilité aux soins, là.
• (10 h 40) •
M. Birnbaum : Merci. Vous avez
parlé de l'importance d'assurer qu'il y a des balises accrues en tout ce qui a
trait aux troubles mentaux et l'accès à l'aide médicale à mourir. Êtes-vous
satisfait qu'il y a une façon non discriminatoire, efficace et compatissante
d'élargir cet accès sans risque de dérive? On pense aux intervenants, devant
nous, qui parlaient des cas très sérieux, des tentatives de suicide, des gens
avec une histoire de dépression majeure pour une période
prolongée, par contre, et qui auraient retrouvé la vie heureuse, et qui
auraient subi des traitements plus tard qui les rendaient en mesure de vivre de
façon très satisfaisante. Comment on assure des balises qui vont protéger ces
gens-là?
M. Hurteau (Pierre) : Bien, je
pense qu'on avait ce souci-là, c'est pourquoi on a énoncé deux conditions
qui nous apparaissent essentielles. C'est qu'on doit accorder un délai de
quelques mois... on n'a pas défini, on n'est pas des experts, là, sur le plan
médical, mais on doit accorder au moins, il nous semble, quelques mois, là, on
n'a pas mis de chiffre, deux, trois ou quatre, mais entre le moment où elle est
demandée et où là il y a l'exécution de la demande, ça nous apparaît
nécessaire. On a aussi demandé qu'il y ait deux évaluations, dont une soit
nécessairement faite par un psychiatre. Est-ce qu'il y a nécessité de voir deux
psychiatres? Ça, je laisse le soin aux experts... mais au moins un, ça, ça nous
apparaît nécessaire.
Maintenant, l'argument... Je dirais, on peut
arguer longtemps sur la question de... Ce n'est pas seulement dans le domaine
des troubles mentaux, mais il y a toujours possibilité de l'évolution de la
médecine, des innovations qui feront en sorte qu'un diagnostic, un pronostic
qui est valable aujourd'hui, peut-être que, dans un an, il pourrait être
modifié. Ce n'est pas quelque chose, à nos yeux, qui est absolument particulier
à la santé mentale.
M. Birnbaum : Oui, là, je vous
suis en ce qui a trait à l'horizon de traitement qui change. Par contre, ce qui
est unique dans le cas de la santé mentale, c'est cet aspect épisodique et,
comme je dis, des exemples nombreux de gens qui ont retrouvé une qualité de vie
malgré une souffrance épouvantable pour des périodes de leur vie. Y a-t-il une
façon, de votre avis, de protéger contre un dérapage dans des cas de même?
M. Hurteau (Pierre) : Bien,
nous, la seule façon qu'on voit, là, c'est les deux balises qu'on vous a
énoncées. Mais je vous rappellerais aussi... Je me souviens très bien d'un cas,
il y a plusieurs années, d'une personne qui n'était pas en situation de santé
mentale, mais qui était lourdement handicapée physiquement, dans un CHSLD, qui
avait même demandé à la cour... je crois que c'était le Manoir des Pins, ou
quelque chose comme ça, dans les Laurentides... parce qu'il avait refusé de s'alimenter,
de s'hydrater, et tout ça, et finalement, même s'il avait obtenu gain de cause,
cette personne-là a décidé de vivre quand même, et ce n'était pas une question
de santé mentale.
Donc, il y a toujours... Ce questionnement-là
est là. Je pense qu'on ne pourra jamais complètement éliminer... mais je suis
d'accord avec vous qu'il faut certaines balises. Mais on reste quand même dans
le... On a bien énoncé que, pour nous, la santé mentale, elle a des traitements
médicaux, donc elle doit être traitée comme toute autre maladie et ne pas être
discriminée, et les personnes ont aussi droit à l'autodétermination.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, M. le député.
Je cède maintenant la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Merci, M. Hurteau, pour votre témoignage. Je n'ai pas vu, dans
la liste de la commission, votre mémoire. Je présume que vous ne l'avez pas
déposé...
M. Hurteau (Pierre) : Non.
M. Marissal : ...que c'est plus
un aide-mémoire, justement, pour vous?
M. Hurteau (Pierre) : Oui,
c'est ça, on n'a pas déposé rien par écrit, là. Ça ne me fait rien de
l'envoyer, là, si c'est...
M. Marissal : Je crois que ce
serait apprécié, oui. Il y aura toujours le transcript, mais je pense qu'on a
les documents qui pourront nous servir de référence. En tout cas, moi,
j'aimerais bien avoir copie de votre...
M. Hurteau (Pierre) : O.K. Oui,
je vous comprends, parce qu'il y a beaucoup de stock, là, puis...
M. Marissal : Oui, c'est le
moins qu'on puisse dire.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Vous pourrez le faire parvenir au secrétariat de la commission.
M. Hurteau (Pierre) : O.K.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente.
Je veux juste être sûr de bien vous comprendre,
là, M. Hurteau. Quand vous avez dit, à un moment donné, «le consentement
par substitution ne peut être considéré», est-ce qu'on parle, ici, seulement
dans les cas de troubles mentaux ou c'est... généralement, vous êtes...
M. Hurteau (Pierre) : Non, non,
en général.
M. Marissal :
...du consentement.
M. Hurteau (Pierre) : Oui, oui,
c'est qu'on — tout
comme le groupe d'experts, là, qui a exprimé cette position-là aussi — n'admet
pas un consentement par substitution.
M. Marissal : Dans aucun cas?
M. Hurteau (Pierre) : Comme par
exemple, un handicapé intellectuel de naissance, je veux dire, on ne pourrait
pas admettre, même s'il a atteint 18 ans, que ses parents, ou son tuteur,
ou «whatever», là, quelle que soit la personne, se substitue à cette
personne-là pour demander l'aide médicale à mourir.
M. Marissal : Hier, on a
entendu quelques groupes, dont la Commission des droits de la personne,
protection des droits de la jeunesse aussi, qui ont une position totalement
inverse à la vôtre, prétextant que... puis ça se
défend, là, que la Charte des droits et libertés s'applique à tout le monde,
les enfants sont des personnes aussi, et que, même dans le cas d'enfants de moins de 14 ans, on pourrait
éventuellement considérer le consentement par substitution, le
consentement substitué dans des cas, évidemment, vous l'aurez compris... les
cas les plus lourds, évidemment.
M. Hurteau (Pierre) : Pardon?
M. Marissal : On comprend bien
la dernière extrémité à laquelle on en arrive. Vous êtes donc contre cette
position qui est prise par la commission...
M. Hurteau (Pierre) : Oui, oui,
je pense que...
M. Marissal : ...par la
commission et peut-être par d'autres. Je ne veux pas vous mettre spécifiquement
en opposition avec la commission.
M. Hurteau (Pierre) : Oui. Non,
non, mais, non, je réponds, là. Ce qu'on a dit... bien, ce que j'ai lu tantôt,
c'est que nous sommes contre le consentement par substitution, quelle que soit
la situation. On n'a pas examiné davantage... Comme je vous dis, aujourd'hui,
on est là en train de se poser des questions sur l'évolution possible, mais, au
moment où on se parle, c'est là où on en est. Est-ce qu'un jour on en viendra à
cela après réflexion, tout ça? Je ne peux pas vous dire, mais aujourd'hui c'est
ça, notre position.
M. Marissal : Très bien, je
comprends.
Ensuite, rapidement, le délai de quelques mois,
que vous n'avez pas quantifié, là, est-ce que ça s'applique, encore une fois,
seulement dans les cas de troubles mentaux ou c'est généralement... seulement...
M. Hurteau (Pierre) : Oui, ça,
c'est pour les troubles mentaux, oui.
• (10 h 50) •
M. Marissal : D'accord, c'est
ce que j'avais bien compris, mais je voulais juste être sûr. Vous ne pensez
pas, M. Hurteau, que les gens qui arrivent, surtout dans les cas de
troubles mentaux, là, après des années, et des années, et des années, là, de souffrance, de diagnostics, de
contre-diagnostics, d'essais-erreurs de médicamentation... médication,
vous ne pensez pas que ces gens-là, quand ils arrivent à la décision de
demander, ils sont rendus pas mal au terminus, puis c'est un peu injuste de
leur dire : Tu es tributaire de la décision de quelqu'un qui va
dire : Il faut que tu attendes encore quatre, cinq mois?
M. Hurteau (Pierre) : Bien, je
ne sais pas si on peut parler d'injustice, parce que je pense que... comme l'a
exprimé un peu le député, là, M. Birnbaum, je pense, là, c'est qu'au fond,
comme société, on doit quand même... comme
cette maladie-là ne conduit pas... n'est pas létale, disons, il faut quand même
avoir certaines balises additionnelles pour s'assurer que la décision,
c'est la bonne, et je pense que... Je comprends, là, ce que vous dites, je suis
entièrement d'accord avec vous, et que probablement que la personne ne changera
pas d'idée, sauf que je pense que, si elle a
attendu tout ce temps-là, et comme elle n'en mourra pas, là, je pense que deux,
trois mois, là, de plus, ça ne sera pas
nécessairement fatal pour elle, mais je pense que c'est... Comme société, on
doit se donner des, comment je dirais, mesures additionnelles qui font
en sorte qu'on soit assurés que ce n'est pas quelque chose qui est pris à la légère.
M. Marissal :
Très bien. Je vous remercie. Je n'ai probablement plus de temps, Mme la
Présidente, je présume?
La Présidente (Mme Guillemette) :
...peut-être à la fin, M. le député.
M. Marissal : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de Joliette.
Mme Hivon : Oui,
bonjour. Merci beaucoup de votre présentation.
Je veux vous amener sur
une question qui m'interpelle beaucoup, là, que je trouve très complexe à
résoudre. On a échangé avec les gens du comité d'experts par rapport à ça,
c'est un peu l'adéquation entre ce qu'une personne qui est encore apte et qui
se projette dans une maladie peut déterminer comme conditions ou comme
circonstances dans lesquelles elle voudrait obtenir l'aide médicale à mourir,
mais ensuite, le moment venu, l'évaluation de la souffrance, de la présence de
la souffrance serait présente ou non.
Et hier on a eu Mme Nicole Poirier, de
l'organisme Carpe Diem, là, qui travaille beaucoup, beaucoup avec les personnes
atteintes d'alzheimer, qui a des approches très novatrices, notamment avec de
l'hébergement dans la Mauricie, et, pour elle, le critère central doit demeurer
la souffrance. On peut projeter que, si je ne reconnais plus mes proches, pour
moi, je veux avoir l'aide médicale à mourir, on peut projeter que, si je ne
peux plus manger par moi-même, je veux l'aide médicale à mourir, mais, au
moment où ça se concrétise, ça ne veut pas dire que ces circonstances-là vont
être porteuses de souffrances intolérables et constantes pour la personne.
Donc, évidemment, là, il en est question
abondamment dans le rapport du groupe d'experts, mais je voulais avoir votre
lecture, là-dessus, à vous, là, au nom de votre organisme, le conseil. Est-ce
que ces seules circonstances là, qui
seraient définies à l'avance, devraient donner ouverture ou on doit toujours
s'assurer... ça a l'air drôle à dire, là, mais de la présence du critère
de la souffrance en temps contemporain, quand la personne a perdu toute son
aptitude?
M. Hurteau (Pierre) : Bien,
comme j'ai dit dans la présentation, au fond, là, les critères qui sont dans la
loi demeurent toujours. Il faut toujours avoir 18 ans, il faut toujours
être apte à consentir et il faut toujours être affligé de souffrances
intolérables. On ne peut pas juste se baser sur le fait que je ne reconnais
plus mes enfants, là. C'est un ensemble de choses, mais, sur le critère, ça,
c'est une longue discussion, au niveau du groupe d'experts, sur la question des souffrances, là, parce que la loi dit bien... la loi québécoise et la
loi fédérale aussi, il y a un aspect subjectif dans l'évaluation de ces
souffrances-là, ce n'est pas simplement une évaluation objective par une équipe
médicale.
Donc, ça fait partie de l'évaluation de la
souffrance... c'est que c'est possible que ce que vous décrivez, comme le fait
que je ne reconnais plus mes proches, ajoutez d'autres choses, je ne sais pas
trop quoi, ça devienne un élément de souffrance parce qu'on parle de souffrance
psychique aussi. La souffrance psychique, là, ce n'est pas évident à évaluer,
mais il y a certainement des composantes subjectives qui peuvent varier d'une
personne à l'autre. C'est pour ça que c'est important d'avoir une tierce
personne, aussi, qui connaît bien la personne, qui a un historique de vie, qui
sait quelles sont les valeurs que cette personne-là... à quelles valeurs cette
personne-là s'est rattachée tout au long de sa vie.
Mme Hivon : Je
vous suis, mais une personne qui est devenue inapte, donc, qui est rendue dans
les stades avancés de la maladie d'Alzheimer va avoir beaucoup de difficulté à
exprimer, évidemment, ou verbaliser de la souffrance. Donc, souvent, ça va être
par des signes externes que les experts nous apportent qu'on va être capables...
M. Hurteau (Pierre) :
Absolument.
Mme Hivon : C'est
ça. Et donc ça m'amène juste à poser une question, là, très de base. Plus
j'évolue là-dedans, plus je me dis : Est-ce que, dans le fond, dans les
demandes anticipées, la personne devrait tout simplement dire : Si je
souffre de manière constante et inapaisable et que je remplis le critère de
l'article 26, je souhaiterais avoir l'aide médicale à mourir? Je lance ça,
là, juste parce qu'hier c'est ce que Mme Poirier a un peu amené comme réflexion,
c'est-à-dire qu'on peut imaginer 56 circonstances, comme nous, personnes
relativement bien portantes, en début de maladie, mais qui n'entraîneront pas
nécessairement, lorsqu'on va être rendus à cette étape-là, la souffrance qu'on
avait anticipée. Donc, est-ce que le critère devrait être tout simplement la
présence ou non de souffrance plutôt qu'une description exhaustive d'éléments
qu'on pense qui pourraient nous causer de la souffrance?
M. Hurteau (Pierre) : Bon,
c'est une bonne question. Je ne sais pas, là... et vous dites que vous avez
discuté avec le groupe d'experts là-dessus, je ne sais pas qu'est-ce que le
groupe d'experts vous a dit là-dessus.
Mme Hivon : Non,
non, inquiétez-vous pas, vous ne serez pas en porte-à-faux. Je n'ai pas posé
précisément cette question-là. Ça m'est venu hier avec l'échange avec
Mme Poirier.
M. Hurteau (Pierre) : O.K.,
non, mais c'est parce que... comment je dirais, oui, ça peut être ça, mais il y
a une sorte de redondance dans ça parce que ce critère-là est déjà dans la loi.
Alors, on ne peut pas l'éviter. C'est comme si... Par exemple, si on pense qu'il
faut... s'il y a une déclaration de confidentialité quand on travaille au gouvernement,
sinon on n'est pas soumis à la Loi d'accès et des... Non, ça ne marche pas
comme ça, la loi est là et elle s'applique.
Mme Hivon : Je
pense que je n'ai plus de temps, hein, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Encore une petite minute, là. On va être généreuse.
Mme Hivon : O.K.,
merci. En fait, je suis tout à fait d'accord avec vous, que c'est un peu
redondant ou ça devient un peu... ça devient très, très simple. C'est-à-dire
que ça veut dire que, quand tu fais ta demande anticipée, c'est que toi, tu
veux envoyer le message que, si tu es dans une situation de complète inaptitude
dans l'évolution de ta
maladie et que tu en viens, avec une équipe médicale qui va juger qu'il y a
des souffrances constantes et inapaisables... tu veux obtenir l'aide
médicale à mourir, donc, sans définir quel type de souffrance. Je ne vous dis
pas que c'est ça, la solution, mais c'est que, vu qu'on nous le fait ressortir
comme un noeud gordien de nos travaux, à quel point il faut essayer de trouver
la concomitance entre ce que j'aurais demandé à l'avance puis... les gens vont
me dire : Si je ne reconnais plus mes proches, si je ne peux plus
m'alimenter, si je deviens complètement incontinent, dépendant, avec le moment
contemporain où la personne est dans cette situation-là et qu'on doit évaluer s'il
y a de la souffrance, je soumets ça comme hypothèse de travail, de réflexion.
M. Hurteau (Pierre) : Bien,
c'est possible. Je ne sais pas trop quoi répondre à votre question, sinon que
de dire aussi... Si c'est trop vague et
imprécis, si la personne ne définit pas certains éléments, peut-être
qu'il y a des gens qui vont appliquer ça d'une façon
très large et d'autres, d'une façon très restrictive. Alors, je ne suis pas sûr
qu'on est plus avancés, là.
Mme Hivon : Effectivement.
Bien, merci de l'échange.
M. Hurteau (Pierre) : D'accord.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de Saint-François.
• (11 heures) •
Mme Hébert : Merci,
Mme la Présidente. M. Hurteau, j'aimerais... je vais aller dans le même
sens que mes collègues M. Birnbaum et M. Marissal. J'aimerais savoir,
par rapport aux deux balises... parce que vous nous avez dit deux balises pour
la santé mentale...
M. Hurteau (Pierre) : Oui, oui.
Mme Hébert :
...on va revenir au sujet de la santé mentale. Donc, vous avez dit deux
balises, dont une qui... entre la demande et l'administration, il doit se
passer quelques mois. On a, par le passé... et hier aussi, on a eu
Mme Vrakas, Mme Sénécal, on a plusieurs experts qui ont parlé que, la
santé mentale, il y a un continuum de soins, il y a comme... c'est comme s'il
n'y a pas vraiment de maladie qui est irréversible et incurable, en tout cas,
pour certains experts puis certains psychiatres.
Moi, j'aimerais savoir, quand il y a des gens
qui ont eu des résultats... on a réussi, peut-être pas à soulager entièrement
la souffrance, mais qu'il y a eu un apaisement puis qu'ils ont trouvé une
certaine joie de vivre, mais des fois après 20 ans, puis il y a eu
plusieurs diagnostics, puis que, là, maintenant ils sont à l'aise, si on a
permis trop tôt, vous ne croyez pas qu'il va y avoir des dérives? Je reviens
aux mêmes questions que mes collègues, mais j'aimerais que vous me rappeliez
vos deux balises, dont une que je vous ai énoncée, mais il y aurait-tu des
mesures additionnelles qu'on devrait faire?
M. Hurteau (Pierre) : Bien,
nous, on s'en tient aux deux qu'on a énoncées. Je ne sais pas qu'est-ce que
vous voulez exactement dire par «trop tôt». Si ça fait 10 ans ou
15 ans que la personne, comme a expliqué M. Marissal, là, que la personne
est traitée, qu'elle est réfractaire à plusieurs traitements, ça fait
15 ans qu'elle souffre, qu'elle a peut-être fait trois tentatives de
suicide, je ne sais pas qu'est-ce que ça prend de plus, là.
Mme Hébert :
Bien, je vous dirais que vous énoncez la situation, disons, de Mme Vrakas,
que ça a pris au-delà de 20 ans, plusieurs tentatives de suicide,
et elle n'avait pas eu le bon diagnostic, donc elle n'avait pas eu la bonne
molécule pour l'aider dans son problème de santé mentale. Mais, moi, ce que
j'aimerais savoir, c'est que... Là, vous me dites : Si ça prend
10 ans, 15 ans. Est-ce qu'il y a un nombre d'années, d'abord, pour
être admissible? Avez-vous déterminé un nombre d'années? Parce que, là, vous
avez dit : Il y a deux balises entre la demande et l'administration.
M. Hurteau (Pierre) : Non,
parce que... non, pas vraiment parce que nous, on ne fait pas... outre les deux
balises qu'on vous donne, on ne fait pas de
distinction vraiment particulière entre la santé physique et la santé
mentale.
Je vous rappellerai que, dans les cas de Truchon
et Gladu, là, ces personnes-là, quand elles sont allées devant le tribunal, là,
ça faisait des années qu'elles endurent des souffrances, là, ça faisait des
années qu'elles endurent des souffrances. Est-ce qu'il y avait le bon
traitement? Je ne le sais pas, moi, je ne suis pas médecin. Est-ce que... Bon,
on peut toujours se poser des questions comme ça, mais je ne pense pas qu'il y
a une solution simple à toutes ces questions-là. C'est... à un moment donné, on
s'en remet au choix de la personne.
Mme Hébert :
Parfait. Merci, Mme la Présidente.
M. Hurteau (Pierre) : Parce
qu'on a quand même... je veux dire, il y a quand même l'évolution d'une
maladie, là. La maladie doit être quand même sévère. Il y a quand même des
critères qui sont là, là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, Mme la députée.
Je passerai maintenant la parole à la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci, M. Hurteau.
Comment évaluer la
demande anticipée de la personne si, au moment de l'administration, elle ne
montre aucun signe de souffrance apparent ou semble dans un état de bien-être?
Et mon autre question sera : Pouvons-nous anticiper une souffrance sans
l'avoir encore vécue tout en étant certains qu'elle nous sera intolérable?
M. Hurteau
(Pierre) : Je ne suis pas
sûr d'avoir bien saisi, là, mais pouvez-vous répéter la première
question?
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : O.K. Évaluer la demande anticipée de la personne,
O.K.? Mettons, on l'évalue. Au moment de l'administration de l'injection, elle
ne montre aucun signe de souffrance et semble dans un état de bien-être.
Comment peut-on évaluer de donner l'injection?
M. Hurteau
(Pierre) : Oui, mais le critère de souffrance est toujours... doit
toujours être présent, madame. S'il n'y a pas de souffrance intolérable, il ne
peut pas y avoir d'aide médicale à mourir.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Ce qui est difficile à évaluer, c'est une souffrance psychologique.
M. Hurteau
(Pierre) : Bien là, on revient à la question qu'on a discutée avec
Mme Hivon, c'est comment évaluer le moment. Il faut s'en remettre à
certaines...
Vous savez, les
personnes, des fois, ne peuvent pas exprimer, même, comme a dit Mme Hivon,
leur souffrance, sinon qu'il y a quand même
une équipe soignante. En plus, comme la commission... le groupe
d'experts l'a suggéré, ça prend une
tierce personne de confiance qui connaît la personne. Donc, c'est tous ces
gens-là qui sont habilités à déterminer, un peu, le moment, si la
personne répond à ces critères-là, puis dire : Bien, oui, le moment est
venu.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : O.K., mais ça veut dire que, si quelqu'un est
diagnostiqué cancer généralisé, il n'est pas souffrant, alors il ne peut pas
avoir de l'aide... ne peut pas avoir l'aide immédiate à mourir. Il faut qu'il
attende d'être souffrant, c'est ce que je comprends bien.
M. Hurteau
(Pierre) : Bien, moi, ce que je comprends de la loi, là, vous me
corrigerez si je suis dans l'erreur, mais le critère de souffrance physique et
psychique intolérable est toujours dans la loi, là, il n'a pas été enlevé, que
ce soit la loi fédérale ou la loi provinciale.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Parfait. Merci beaucoup.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée.
Si je peux me
permettre, M. Hurteau, l'aspect de la santé mentale me touche particulièrement,
et, bon, on voit que vous êtes en accord au niveau de l'autodétermination de la
personne, mais est-ce qu'on se doit... plus tôt, vous parlez de deux balises,
mais est-ce qu'on se devrait de baliser aussi les refus de traitement?
Il y a sûrement des
gens, bon, qui, après une, ou deux tentatives, ou trois tentatives, vont dire à
leur psychiatre : Regarde, moi, je
n'essaie plus rien, alors que le psychiatre, lui, il dit : Bien, il y a
encore des solutions, il y a encore des options. Qui va décider que les
options sont.... on s'est rendus au bout des options, là? Est-ce que le refus
de traitement doit être balisé, selon vous?
M. Hurteau
(Pierre) : Bien, moi, je pense, là, que c'est un peu un autre débat,
si vous me permettez, dans le sens où il existe déjà des balises. Moi, j'ai vu
des cas, là, où des psychiatres se sont présentés en cour à cause de refus de
traitement puis dire : Bon, bien, demandez à la cour l'autorisation de
traiter une personne. Ça se fait, ces choses-là, là. J'ai même assisté à un
procès là-dedans, là.
La Présidente
(Mme Guillemette) : O.K., la personne refusait un traitement,
puis le psychiatre est allé en cour pour dire qu'il y avait encore...
M. Hurteau
(Pierre) : Absolument.
La Présidente (Mme Guillemette) : O.K. Et le résultat de ça... est-ce qu'on l'a, le
résultat de ce jugement-là? Est-ce que le juge a...
M. Hurteau
(Pierre) : Bien, tout ce que je peux vous dire dans ce cas-là, c'est
que cette personne-là, elle est toujours vivante, et elle va bien, et elle n'est
plus sous traitement, mais, à l'époque, elle l'a été.
La Présidente
(Mme Guillemette) : O.K., parfait. Ma préoccupation dans cet
aspect-là, c'est que ça ne devienne pas une option au suicide que de demander l'aide
médicale à mourir pour les gens qui souffrent d'un trouble de santé mentale.
Donc, c'était un peu, là...
M. Hurteau
(Pierre) : Oui, oui, je vous comprends.
La Présidente
(Mme Guillemette) : C'est un peu à ce niveau-là que, bon, je ne
voudrais pas qu'on ait des dérives ou des abus.
Je crois qu'on avait le député de Rosemont qui
avait peut-être une dernière question. Il nous resterait...
M. Marissal : Non, elle a été,
depuis, répondue, Mme la Présidente. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Parce qu'il nous resterait 30 secondes, donc, si j'ai quelqu'un
qui a une autre question...
Donc, merci beaucoup, M. Hurteau, pour
votre présence avec nous aujourd'hui. Ça a grandement éclairé et ça va
grandement aider et faciliter nos discussions pour la suite des choses.
Et, bien, je demanderais aux membres de la commission
de demeurer avec nous pour accueillir le prochain invité. Merci encore
beaucoup, M. Hurteau.
(Suspension de la séance à 11 h 10)
(Reprise à 11 h 19)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous reprenons nos travaux, merci à tous, et je souhaiterais la bienvenue
au Dr Laurent Boisvert. Donc, bienvenue parmi nous. Merci d'être avec nous
ce matin. Donc, vous disposez de 10 minutes pour présenter votre exposé,
et par la suite il y aura un échange avec les membres de la commission pour une
période de 35 minutes. Donc, je vous cède la parole, Dr Boisvert.
M. Laurent Boisvert
M. Boisvert (Laurent) : Merci,
Mme la Présidente. Merci à la commission d'avoir accepté ma demande de vous
rencontrer. Je vais me présenter rapidement. Donc, Laurent Boisvert, je suis médecin
spécialiste en médecine familiale et, depuis peu, ex-urgentologue après
35 ans de pratique. Je pratique l'euthanasie depuis décembre 2015, dès l'entrée
en vigueur de la loi québécoise, et, depuis ce temps, j'ai soulagé quelques
centaines de malades, et ce, de façon continue.
Je vous
présenterais trois malades que j'ai accompagnés dans leur demande d'aide médicale à mourir. Deux des
cas vont aborder la question de l'aptitude/inaptitude, et le dernier cas
aborderait la question de la maladie mentale.
Alors, le premier cas, et je vais me permettre
de le nommer parce que les membres de la commission ont peut-être connu le cas, qui a
été largement public, le cas de M. Yves Monette, donc, qui était un malade
de 62 ans, qui était atteint
d'une démence frontotemporale, une démence somme toute atypique avec des
symptômes qui progressaient depuis déjà un bon bout de temps et qui allaient continuer à
progresser, évidemment, puisqu'il s'agit d'une maladie neurodégénérative. Les symptômes, donc, étaient maintenant
à un niveau où le... avaient atteint un déclin qui était maintenant
inacceptable pour le malade et qui lui provoquait des souffrances intolérables.
Au moment de l'évaluation et dans les mois qui ont suivi, M. Monette a
toujours conservé son aptitude malgré son diagnostic de démence et les
symptômes et physiques et mentaux que
ça pouvait apporter, et donc il répondait toujours aux critères d'admissibilité
et il pouvait donc être soulagé sans problème. Et ça a été comme ça
jusqu'à la fin, et il est décédé au mois de juillet, tel qu'il l'avait demandé,
accompagné de très nombreuses personnes qui l'avaient supporté tout au long de
sa maladie et de sa demande.
• (11 h 20) •
Maintenant, on va passer à un deuxième cas,
encore une fois, un cas de démence, mais qui, dans le contexte, présente un
problème. Il s'agit d'une malade de 85 ans qui a un diagnostic récent de
démence d'alzheimer. Les symptômes sont frustes, c'est léger. Pour l'instant,
c'est un problème de légère désinhibition — les enfants ne reconnaissent
pas toujours leur mère dans son comportement — et de perte de mémoire. Au
moment où elle fait sa demande, elle est tout à fait apte, elle est
confortable, n'a pas de souffrance physique, psychologique ou existentielle et elle voudrait pouvoir continuer à profiter de
la vie, ce qui est tout à fait compréhensible puis qui est tout à fait
correct. Cependant, la malade veut être soulagée lorsque le déclin va atteindre
un certain niveau qui reste à définir, mais elle sait que la maladie va entraîner un déclin et une dégénérescence
progressive et qui peut... qui va — qui va, pas «peut», mais qui va — atteindre
un niveau qu'elle considère comme étant inacceptable. La famille supporte la
décision de la malade et comprend très bien que, dans le contexte actuel, on ne
peut pas faire une demande anticipée d'AMM. Alors, en conséquence, tant la
malade de la famille que le médecin traitant, avec qui je suis en contact,
demeurent à l'affût d'une détérioration éventuelle de son aptitude, et, à ce
moment-là, la malade devra faire un choix qui sera de recevoir l'AMM à ce
moment-là ou de ne jamais le recevoir. Évidemment, il s'agit d'un choix qui est
cornélien, difficile, déchirant, qui vole des mois de... vole des mois, voire
peut-être même des années de bon temps et à la malade et à ses proches,
justement parce qu'on ne peut pas faire de demande anticipée.
Alors, pour ma part, on n'a pas raison de faire
de discrimination entre un malade atteint d'un problème de démence qui est prêt
à décéder parce qu'il a atteint son niveau de déclin et de souffrance et
quelqu'un qui ne l'a pas nécessairement atteint mais qui l'atteindra de façon
inexorable. En conséquence, je pense qu'on a besoin de permettre la demande d'aide
médicale à mourir sur une base de directive anticipée, ce qui laisse au malade — puis
là je pense qu'il y a des gens qui vous ont rencontrés et qui vous l'ont dit — le
temps qu'il veut bien continuer à vivre avec
ses proches, dans la mesure où ça demeure acceptable dans sa... dans ses
valeurs puis dans la façon de voir la vie.
Cependant, évidemment, ça
nous prend un mécanisme qui ne repose pas sur la décision du médecin quant à
savoir quand est-ce qu'on applique l'aide médicale à mourir. Ça doit
nécessairement faire intervenir des tiers partis qui sont proches du malade,
qui connaissent sa décision, qui connaissent les critères d'application et qui,
avec le médecin, prendront la décision au moment où le malade l'aura décidé.
Malheureusement, il y a probablement des malades
qui n'ont pas vraiment de proches. Moi, j'en ai eu, des gens qui sont décédés
en ma seule compagnie parce qu'il n'y avait personne autour d'eux. Il va y en
avoir d'autres. Alors, il y a un
mécanisme... il faut prévoir, dans le mécanisme, que quelqu'un puisse prendre
la relève. Et puis, à titre d'exemple, j'ai mis, par exemple, la
curatelle publique, qui est, de toute façon, déjà impliquée dans des questions
de soins et même de soins de fin de vie.
Maintenant, la maladie mentale. Il s'agit d'une
malade de 57 ans qui est atteinte d'une dépression chronique sévère et qui
fait de multiples rechutes. Elle est suivie en psychiatrie depuis plus de
20 ans. Malgré son problème d'évolution, elle a connu des rémissions
intéressantes depuis ce temps-là avec l'aide de la psychothérapie, la
médication, voire même les électrochocs durant plusieurs années, mais cette
fois-ci la maladie est envahissante, et ça dure depuis maintenant plus que
18 mois, et ça lui rend la vie carrément impossible. Elle est hospitalisée
depuis neuf mois. Elle a reçu de la médication de dernière intention, des
trucs qu'on ne fait pas souvent, mais qui se sont montrés efficaces justement
dans ce genre de problème là, mais ça n'a pas donné de résultat. Elle a resubi
des électrochocs à quelques reprises sans résultat, et on s'est même rendus à
de la... je vais vous le nommer, mais ça ne se fait pas fréquemment, de la
stimulation magnétique transcrânienne répétitive — c'est le CHUM qui fait
ça — et
elle a été hospitalisée pendant un mois pour recevoir ce traitement-là,
malheureusement sans résultat.
À ce moment-là, la madame se voit... puis c'est
une madame qui a déjà travaillé dans le domaine de la santé mentale dans le
passé, elle se voit désormais vivre en ressource institutionnelle probablement
pour le restant de ses jours, incapable de fonctionner de façon autonome. Elle
aborde la question de l'aide médicale à mourir à quelques reprises dans les
derniers mois pour finalement faire une demande formelle en avril 2021.
Vous le savez tout aussi bien que moi, que les
amendements à la loi fédérale adoptée en mars 2021 excluent la maladie mentale
comme seul diagnostic, et la position du gouvernement québécois au regard de la
maladie mentale demande aux praticiens de ne pas pratiquer l'aide médicale à
mourir dans des cas comme ça. C'est malheureusement ce que j'ai à annoncer à la
malade lors de l'évaluation initiale de sa demande. La malade est complètement
décontenancée, et, devant les souffrances intolérables de la malade, il y a une
avenue qui semble carrément sans issue, pour en avoir discuté avec les
psychiatres, même si ces derniers ne sont pas d'accord avec le fait qu'elle
fasse une demande d'aide médicale à mourir, mais ils connaissaient la réponse.
Donc, une avenue sans issue, et, compte tenu de son aptitude, parce que la
madame est toujours et demeure toujours apte à prendre sa décision, je lui
offre de rencontrer un avocat pour qu'elle soit bien au fait de ses droits. La
rencontre a lieu en mai 2021, et, suite à la rencontre, la madame décide
d'arrêter de s'alimenter et de s'hydrater jusqu'à ce que mort s'ensuive. Mon
rôle, ça permet de la supporter dans sa démarche et d'organiser le support des
professionnels qui vont l'entourer. Elle sait, par ailleurs, qu'elle peut
mettre fin à sa démarche quand elle veut, et ça n'a absolument aucune
conséquence par rapport à sa prise en charge et la continuation de ses
traitements autrement. Donc, finalement, elle entreprend sa démarche de
cessation d'alimentation le 7 juin, elle va cesser de s'hydrater le 30 juin et
elle va décéder le 5 juillet sous sédation palliative.
• (11 h 30) •
Je pense que ce cas-là illustre que, devant
l'impossibilité d'avoir accès à l'AMM pour un problème de maladie mentale, les
malades sont obligés de faire appel à des alternatives plus ou moins dignes
pour se soulager. Et, pour certains d'entre eux, il y a un réel danger, et probablement
que ça s'est déjà produit, d'utiliser des moyens beaucoup plus violents et
délétères, autant pour le malade que pour les proches. En refusant que les
malades mentaux aient accès à l'aide médicale à mourir, on discrimine ces
gens-là par rapport à ceux qui ont des maladies physiques et on stigmatise
encore et toujours le problème de maladie mentale. Pourtant, vous le savez
aussi bien que moi, la Cour suprême ne fait pas de distinctions entre la
maladie physique et la maladie mentale dans son arrêt Carter.
Il faut faire attention, pour ma part, de ne pas
mettre en place des mécanismes qui deviennent lourds autant pour le malade, le
professionnel que pour le réseau de la santé. Et là je fais référence au
mécanisme qui est proposé, entre autres, par l'association des psychiatres, qui
est, à mon sens, carrément inapplicable, et, encore là, c'est sous le prétexte
que ces malades doivent être protégés contre eux-mêmes, alors que la
juge Baudouin l'a bien écrit dans son jugement, qu'il ne faut pas que ça
devienne un argument fallacieux. Les malades mentaux ont le droit d'être
soulagés lorsque leurs maladies — moi, c'est ce que j'appelle les cancers
de l'âme — deviennent...
l'AMM devient la seule option disponible et que le malade qui est apte en fait
la demande.
Alors, voilà, Mme la Présidente. Ça m'a fait
plaisir.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dr Boisvert.
Je céderais maintenant la parole au député de
Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Dr Boisvert, de votre témoignage, qui est assez
frappant avec des cas, en plus, précis. Puis on sent aussi l'engagement puis
même l'émotion, là, chez vous. Je vous remercie, d'ailleurs, de votre grande
humanité. Ce n'est pas des cas qui sont faciles.
La dame de 85 ans qui... un diagnostic de
démence, si j'ai bien suivi la séquence, en ce moment, elle ne peut pas parce
que ce n'est pas permis, d'avoir un consentement anticipé. Donc, elle est, tous
les jours, puis peut-être même chaque heure de chaque jour, à attendre si elle
va passer de l'autre bord, puis il faut qu'elle tire la sonnette d'alarme avant, c'est ça que vous dites, parce que... ou
bien donc il faut qu'elle décide de la demander pendant qu'elle est encore
jugée apte, ou bien donc elle bascule de l'autre côté de la grande noirceur,
puis là c'est foutu, elle ne l'aura jamais. C'est ce que vous décrivez?
M. Boisvert (Laurent) : Oui,
exactement. La malade, bien, écoutez...
M. Marissal : Moi, je vous
entends mal. Je ne sais pas si je suis le seul à avoir des problèmes de
connexion, mais ce n'est pas...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Non.
M. Boisvert (Laurent) : Là,
est-ce que c'est mieux?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, on vous entend bien, Dr Boisvert. Je crois que le problème est du
côté du député de Rosemont.
M. Boisvert (Laurent) : Est-ce
que vous m'entendez, M. Marissal?
M. Marissal : Oui, je vous
entends bien.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci.
M. Marissal : Ça a gelé, je ne
sais pas si c'est de mon côté ou du vôtre, là, mais allez-y.
M. Boisvert (Laurent) : Oui, ce que
je disais, c'est qu'elle n'est probablement pas, elle, personnellement... aux heures, mais, vous avez tout à fait raison,
effectivement, c'est ce qui se passe, c'est qu'autant la malade, et
surtout sa famille, et le médecin traitant est dans le dossier pour aussi
suivre la malade pour... effectivement, le jour où ils vont voir qu'il y a des symptômes qui mettent son
aptitude à risque, entre guillemets, elle va être confrontée à faire un
choix.
M. Marissal : Vous, vous me
dites, en quelque sorte, que, si elle pouvait faire sa demande, sachant qu'elle
veut, puis qu'elle est consciente, puis que son entourage est d'accord, ses
enfants, sa famille, elle s'offrirait, en quelque sorte, une certaine quiétude
quant à ce qui lui reste à vivre plutôt que d'être sur le qui-vive.
M. Boisvert (Laurent) : Tout à
fait.
M. Marissal : O.K. Je
comprends.
M. Boisvert (Laurent) : Tout à
fait, tout à fait.
M. Marissal : C'est éclairant,
comme témoignage.
Dites-moi donc, rapidement, parce que je n'ai
pas tellement de temps, en quoi la solution avancée par l'association des
psychiatres vous paraît inacceptable? Et y a-t-il des... je présume que oui,
là, mais je vais poser la question pareil,
là, en toute naïveté, là, y a-t-il beaucoup de tensions dans la profession
médicale entre les spécialités?
M. Boisvert (Laurent) : Bien,
pour répondre à la question concernant l'applicabilité, là, c'est un mécanisme qui est lourd de plusieurs côtés. De un, il y a le
temps, il est question de quasiment six mois de déroulement, et ensuite
de ça on fait impliquer de très nombreux
médecins, y compris de très nombreux psychiatres. Alors, vous le savez
comme moi, que s'en aller dans une solution comme celle-là avec le réseau, actuellement,
ça serait compliqué à plusieurs égards, de un.
De deux, ce
n'est pas, puis pour reprendre l'exemple que je vous ai présenté, ce n'est pas
absolument nécessaire dans tous les cas. Je ne vous dis pas qu'il n'y
aura pas des cas plus compliqués, plus complexes qui nécessiteront
l'intervention de plusieurs personnes, et non seulement des psychiatres, mais
il y a d'autres cas où ça sera somme toute relativement facile à trancher.
Donc, ça, c'est pour l'applicabilité.
La deuxième partie, par exemple, la tension, je
n'ai pas très bien compris la question.
M. Marissal : Bien, je me
demande s'il y a des débats... Oui, il y a certainement des débats, mais est-ce
qu'ils sont délétères dans la pratique, par
exemple, de votre pratique, les débats très lourds entre spécialistes, par
exemple, des psychiatres qui diraient... qui seraient totalement en désaccord
avec votre position et vous êtes en désaccord avec leur proposition? Alors, je
présume que ça doit faire des beaux débats, là, quand même, à la machine à
café, là.
M. Boisvert (Laurent) : Vous
avez tout à fait raison. Et le cas que je vous ai présenté a fait effectivement
l'objet du débat que vous avez décrit. Et, compte tenu du fait que... Puis il y
a des mécanismes. Compte du fait... compte tenu, pardon, compte tenu du fait
que la malade est apte, les psychiatres ne peuvent pas s'opposer à sa décision,
et, s'ils pensent qu'elle n'est pas apte, bien, il y a des mécanismes qu'ils
doivent mettre en place et utiliser, ce qu'ils n'ont pas
fait dans le cas présent. Mais, vous avez raison, il y a des cas où ça va faire
effectivement l'objet de débats très intéressants et, on espère, pas trop
acerbes.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M. Marissal : Je pense que j'ai
écoulé mon temps. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député.
Je céderais maintenant la parole à la députée de
Soulanges.
Mme Picard : Bonjour,
Dr Boisvert. Merci beaucoup pour vos témoignages. Je pense que c'est
vraiment important qu'on ait cette vision-là aussi, là, de votre part. Souvent,
moi, je me pose la question, parce que je me dis, avant tout, là, je crois que
c'est une décision qui repose beaucoup sur l'équipe médicale, et puis on se
doit de faire confiance à l'équipe médicale autour du patient qui fait la
demande.
Comment ça se passe quand un patient vous
demande l'aide médicale à mourir? C'est quoi, les processus qui s'enclenchent? Comment on peut arriver à faire
plus confiance, peut-être, aux médecins qui prennent ces décisions-là?
Pourquoi ce n'est pas connu, là, ce qui se passe en ce moment au niveau de la
prise de décision des médecins et de l'aide qu'ils apportent?
M. Boisvert
(Laurent) : Je ne suis pas
certain d'avoir compris votre question. Vous voulez voir... vous voulez
que j'illustre un peu le mécanisme, comment ça se déroule?
Mme Picard : Oui, parce qu'on a... Tu sais, souvent, je me
dis : Mais il faut faire confiance à l'équipe médicale qui aide le
patient dans cette décision-là. Donc, comment ça se passe lors de vos
discussions avec les patients?
M. Boisvert (Laurent) : O.K.
Bien, écoutez, je vais vous faire ça rapidement, mais ce n'est pas très
compliqué. Moi, j'interviens dans le dossier lorsque le malade a fait une
demande formelle, hein? Vous savez que la demande, bon, ça peut être une
demande d'information. Ça, c'est une autre paire de manches, mais là allons-y
avec la demande formelle. Donc, le malade fait une demande formelle d'aide
médicale à mourir, et, comme vous le savez, la demande doit être traitée. Même
si le médecin qui reçoit la demande n'est pas d'accord, il doit s'assurer que
la demande est traitée. Alors, moi, j'arrive à ce moment-là. Et là, bien, je
rencontre le malade et, bien, je lui pose une question bien facile, je lui demande
pourquoi il veut mourir, et puis là, bien, il me raconte, puis il me dit
pourquoi : Je suis malade, le déclin,
les souffrances, etc. Et je dois vous avouer que ce n'est jamais trop, trop
compliqué. Il y en a, là... sur les
quelques centaines, il y en a, quelques cas, où, là, c'est : Bon, bien,
écoutez, je vais parler à votre médecin traitant, je vais voir votre
dossier médical, je vais parler à certains intervenants puis je vais vous
revenir. Mais, dans la majorité des cas, la décision se prend lors de la
première rencontre avec le malade, et je lui explique qu'un deuxième médecin
devra être d'accord avec moi pour qu'on procède. Et ensuite de ça, bien, ce
n'est pas trop compliqué, je leur dis à peu près toujours la même chose :
J'ai trois questions pour vous : Vous voulez ça quand? Vous voulez ça où? Puis vous voulez ça avec qui?
Puis moi, j'accommode le malade dans la très grande majorité des cas.
Mme Picard : Quand vous voyez
que la souffrance n'est peut-être pas justifiée, je ne sais pas si c'est déjà arrivé dans un des cas, mais est-ce que vous
aiguillez bien la personne aux ressources qu'elles ont droit pour peut-être
les aider à cheminer pour avoir accès à certains des services? Est-ce que...
• (11 h 40) •
M. Boisvert (Laurent) : Les
seuls malades que je réoriente, que j'ai réorientés, c'est des malades pour qui
la demande était inadmissible, et elle était inadmissible... elle n'a jamais,
jamais, jamais été inadmissible sur la base des souffrances ou du déclin. Le
déclin et les souffrances, ça appartient au malade. Je n'ai aucun moyen de
juger si le malade est souffrant ou est en
déclin face à lui-même. Mais j'ai des malades à qui j'ai refusé en disant que
la demande était inadmissible, et, la plupart du temps, c'est parce
qu'ils ne sont pas atteints d'une maladie grave et irréversible, dans la très grande majorité des cas. Il y a eu
certaines demandes que j'ai refusées parce que le malade était
éminemment inapte, mais ce n'est pas arrivé souvent.
Mme Picard : Concernant,
justement, un patient qui serait inapte, en ce moment un patient qui aurait une
déficience intellectuelle moyenne, son... corrigez-moi si je me trompe, mais
son tuteur ou la personne... le curateur ou la personne qui est en charge peut
décider de ne pas l'alimenter. Donc, ça reviendrait, j'imagine, au même que la
personne que vous décrivez, qui avait des troubles mentaux, qui a décidé de ne
plus s'alimenter?
M. Boisvert (Laurent) : Ouf!
Là, on est face à un méchant problème, parce que je pense que, de façon
générale, on parle d'inaptitude mais pas au moment de la demande, on parle
d'inaptitude qui apparaît après qu'une demande ait été faite par un malade
apte, et c'est une différence fondamentale avec un patient qui d'emblée est
inapte et ne se rend probablement même pas compte de ce qui se passe. Alors là,
là, je n'ai pas de réponse à ça, mais là pas du tout.
Mme Picard : Merci. Merci, Mme
la Présidente.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme la députée.
Donc, nous passons maintenant à la députée de
Joliette.
(Panne de son)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, Mme la députée, est-ce que vous nous entendez bien?
Mme Hivon : Oui. Il
y a eu une petite coupure de son au
moment même où je devais entrer en scène. Désolée.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Je vous cède la parole.
Mme Hivon : Oui.
Bonjour, Dr Boisvert. Merci beaucoup. C'est exactement de ce type d'éclairage là
très concret dont on a besoin pour alimenter nos travaux. Puis, je vous
remercie, j'ai eu la chance, parce que c'était vraiment une chance, d'avoir un
appel de M. Monette, une des personnes dont vous nous avez parlé, et votre
humanité, je pense, a fait toute la
différence dans sa vie. Donc, je suis heureuse de vous entendre à ce sujet-là
aujourd'hui.
J'ai un gros quatre minutes. J'aurais des tonnes
de choses que je voudrais approfondir avec vous, mais je vais me concentrer sur
deux.
Un, la question de l'évaluation de la souffrance
d'une personne qui est devenue inapte à la suite, donc, et qui aurait fait une demande anticipée, donc le cas
numéro deux que vous nous avez soumis, comment... C'est votre patiente,
là, elle vous exprime ce qu'elle ne voudrait pas vivre, elle le noterait dans
une demande anticipée, mais vous-même, évidemment, vous venez de dire à quel
point l'évaluation de la souffrance est quelque chose de subjectif.
M. Boisvert (Laurent) : Exact.
Mme Hivon : Donc,
quand on est rendu que la personne, elle est complètement inapte et
qu'évidemment le critère de la souffrance doit s'appliquer, comment fait-on
pour évaluer cette souffrance-là de manière contemporaine à l'administration de
l'aide médicale à mourir?
M. Boisvert (Laurent) : Je
pense que... quand je disais que les critères sont à définir, c'est ça que le
malade va définir comme critère de souffrance au moment où ça va apparaître et
c'est sur cette base-là que ça devra être évalué. C'est-à-dire qu'il n'est peut-être
pas éminemment souffrant au moment où on appliquerait l'aide médicale à mourir
sur la base de sa demande anticipée, mais il a bien décrit sa souffrance au
moment où il a pris sa décision, et c'est
sur cette base-là qu'on établit que le malade est souffrant, même si, au moment où ça se passe, il ne l'est peut-être
pas, mais c'est parce que ce n'est plus la même personne.
Mme Hivon : Donc, vous feriez entrer un peu en compte l'idée
d'une souffrance anticipée plutôt qu'une souffrance nécessairement
contemporaine à l'administration de l'aide médicale à mourir — je
veux bien comprendre — la
projection de la souffrance qui pourrait être vécue, même si la personne n'est
plus exactement la même personne, comme vous le dites très bien, au moment où
les circonstances sont réunies et qu'on n'est pas capable de dire qu'elle est
souffrante et qu'elle n'a pas l'air, mettons, souffrante.
M. Boisvert (Laurent) : Exact.
Mme Hivon : Selon
vous, ce serait la souffrance anticipée qui devrait primer.
M. Boisvert (Laurent) : C'est effectivement
la souffrance définie par le malade au moment de sa... au moment de la prise de
décision de sa demande anticipée, exact.
Mme Hivon : O.K.
Deuxième élément, c'est le degré d'ouverture de la profession médicale, selon
votre expérience. J'ai posé la même question
au Collège des médecins, ils
n'avaient pas vraiment de réponse précise là-dessus. On sait à quel
point, quand l'aide médicale à mourir a été introduite, il y avait quand même,
dans certains milieux, encore beaucoup de résistance et donc un nombre
relativement peu élevé de médecins qui acceptaient de pratiquer l'aide médicale
à mourir avec des personnes totalement aptes qui le demandaient avec
insistance. Donc, je me demandais si, selon votre expérience de la pratique,
les médecins vont être ouverts à offrir l'aide médicale à mourir à des
personnes devenues complètement inaptes qui ne seront pas capables de le
demander elles-mêmes en temps réel, donc leur niveau de confort par rapport à
ça. Est-ce qu'on peut... Ma crainte par rapport à ça, c'est qu'on crée un droit
ou une possibilité, mais qui demeure très théorique faute de gens pour
l'appliquer sur le terrain.
M. Boisvert (Laurent) : Très
rapidement, vous avez bien décrit la situation au début de l'aide médicale à
mourir. Mais, cela dit, la situation a notamment... notablement, plutôt, évolué
dans le bon sens. Il restera toujours qu'il y a ce que j'appelle des aides
médicales ou des euthanasies faciles puis des euthanasies moins faciles, et,
comme dans tout domaine en médecine, il y aura toujours un certain nombre de
cas qui devront faire appel à des gens qui ont beaucoup d'expérience et qui
sont prêts à faire des aides médicales à mourir plus complexes, et ça, ça sera
toujours le propre d'un nombre relativement restreint de médecins, puis ça, je
pense que c'est juste normal. Mais je pense que, si on
donne ce droit... cela dit, je pense que, si on donne ce droit-là, il pourra
être exercé et il y aura des médecins pour y répondre.
Mme Hivon : O.K.
Sans trop... parce qu'on peut s'imaginer qu'il pourrait notamment y avoir
beaucoup de personnes qui soient dans un contexte de CHSLD qui auraient fait ce
type de demande là dans différents contextes, là, et qui seraient très avancées
dans leur trouble cognitif. Et, pour vous, on va effectivement... et
heureusement les choses ont beaucoup évolué depuis le début. Mais, pour vous,
ça va être à peu près le même phénomène auprès des personnes inaptes, la
pratique va s'installer. Ce n'est pas une crainte énorme que vous avez, compte
tenu de votre connaissance de vos collègues.
M. Boisvert (Laurent) : Bien, à
moins qu'il y ait un tsunami de demandes quand on donne ce droit-là, puis je ne
pense pas que ça soit le cas, mais effectivement j'abonde dans le même sens que
vous, je pense que, oui, c'est une pratique qui va s'installer progressivement
et qu'il y aura des médecins, et ça sera, je pense, plus facile pour les
médecins de soulager ces malades-là que des problèmes de maladie mentale.
Mme Hivon :
Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, Mme la députée.
Donc, je cède la parole à la députée de Saint-François.
Mme Hébert :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Dr Boisvert.
J'ai une préoccupation par rapport à des
auditions qu'on a faites au printemps avec des spécialistes. On en a eu qui
étaient de l'Angleterre, de la Belgique, et on nous a mentionné et on nous a
souligné que, depuis nombreuses années qu'eux pratiquent, dans divers pays en
Europe... on va appeler ça l'euthanasie parce que c'est le terme qu'ils
utilisent dans leurs pays, qu'ils ont des niveaux de pourcentage par rapport à
la population qui fait la demande pour cette euthanasie-là. Nous, ici, au
Québec, en temps de... je crois que ça fait sept, huit années qu'on le
pratique, on a atteint les mêmes niveaux, puis, eux, ça fait plus de
20 ans, 30 ans.
Alors, savez-vous pourquoi ici, au Québec, les
gens ont recours plus rapidement, ou ont plus accès, ou pourquoi nos taux à
nous ont atteint ce même taux au niveau... dans la population que ceux que
c'est des pays que ça fait 20 ans et
30 ans? Est-ce qu'il y a... Est-ce que vous êtes capable d'expliquer ça?
Puis je profite de votre expérience, justement, parce que vous êtes...
vous avez travaillé de nombreuses années là-dedans.
• (11 h 50) •
M. Boisvert (Laurent) : Bien,
la seule chose que je peux voir, c'est qu'évidemment, quand... si on retourne
20 ans en arrière puis on... mettons qu'on retourne 20 ans en arrière
au Québec puis que l'aide médicale à mourir est disponible, je ne suis pas
certain qu'on aurait une foule de demandes à ce moment-là. Et donc la
progression s'est faite de façon très progressive dans ces pays-là pour
atteindre des niveaux qui, au Québec, si on atteint à peu près le même
niveau... puis ça, je ne pourrais pas vous le dire, mais, si on atteint le même
niveau, c'est que c'est tout simplement que
la population est plus ouverte à cette option-là, cette option de fin de vie là
qu'elle ne l'aurait été il y a 20 ans.
Donc, moi, ça ne me surprend pas — la
loi est en vigueur depuis un peu plus que cinq ans — qu'il
y ait eu une progression continue et qui augmente toujours. Et puis ça
sera... ça va être comme ça, ça va continuer à augmenter, c'est sûr.
Et il y a... Je parlais du tsunami de demandes pour
les questions de demandes anticipées, mais, pour avoir... Les familles des gens
qui... la famille des malades reviennent souvent sur l'exemple de la démence,
pour avoir accompagné des gens, des parents, souvent, qui sont décédés dans des
conditions pitoyables, de dire : Aïe! Il faut qu'on puisse avoir accès aux
directives médicales anticipées, ce n'est pas vrai qu'il faut continuer à
laisser les gens vivre une déchéance de ce type-là.
Donc, moi, c'est la seule explication que je
vois, c'est l'ouverture des gens. Puis les gens se rendent compte qu'il y a
moyen de finir sa vie de façon digne et quand on décide de le faire.
Mme Hébert :
Alors, ce que j'entends, c'est que c'est par rapport à notre expérience de vie.
Il y a beaucoup de familles, par rapport à l'expérience, qui ont accompagné quelqu'un,
qui sont plus propices à faire des demandes d'aide
médicale à mourir ou de vouloir cette
aide anticipée là parce qu'ils ont eu une expérience négative face à la
maladie.
M. Boisvert (Laurent) : Tout à
fait.
Mme Hébert : Parfait. Alors, dans cette optique-là, quand on
parle de maladie mentale, on voit que... vous l'avez dit, dans votre
patiente qui est... elle avait 55 ans, si je me souviens bien?
M. Boisvert (Laurent) : Oui,
55 ans.
Mme Hébert :
Voilà. Alors, cette dame-là, vous avez dit que, pendant plus de 20 ans,
elle a vécu avec une santé mentale qui était avec des épisodes... qu'il y a eu
certains épisodes de joie ou d'apaisement dans sa souffrance, mais que, là,
après 18 mois de souffrance, là elle ne voyait plus d'autre avenue, qu'il
y a eu différents traitements. Avez-vous des balises concrètes, là, pour
bien... Parce qu'on sent qu'au sein des psychiatres ce n'est pas... Ce n'est ni noir ni blanc, là,
c'est... il y a... puis la zone grise est... Bien, c'est
plutôt : c'est blanc ou c'est noir, il n'y a pas de zone
grise. Alors, est-ce que vous avez des balises concrètes que... pour... qui
pourraient aiguiller, là, si jamais il y avait un élargissement pour ces
personnes-là?
M. Boisvert (Laurent) : Bien,
les balises restent les mêmes que pour la maladie physique, c'est-à-dire qu'on
fait face à une maladie grave et irréversible. Et, dans le cas de la maladie
mentale, on va parler de maladie réfractaire à toute forme de traitement. Comme
pour ma malade, quand elle demandait... après l'ensemble des traitements
qu'elle a eus, elle demandait à son équipe de psychiatrie : Bien, qu'est-ce
que vous avez à m'offrir? La réponse qu'elle recevait, c'est : Vous savez,
madame, la maladie peut rentrer dans l'ordre spontanément. Ça fait 18 mois
qu'il n'y a rien qui fonctionne, ça fait neuf mois qu'elle est hospitalisée,
elle s'en va en ressource institutionnelle, et la réponse thérapeutique qu'on
lui offre, c'est : Vous savez, madame, votre maladie peut rentrer dans
l'ordre spontanément. Ça, c'est la même chose que si vous avez un cancer du
pancréas et que je vous donne la même réponse : J'ai tout essayé, je ne
suis pas capable de traiter votre maladie, mais, vous savez, parfois, des
miracles, ça arrive. Alors, c'est de la foutaise, ça.
Donc, je veux dire, je n'ai pas de balises
précises, mais quelqu'un qui est atteint d'une maladie mentale réfractaire qui
ne répond plus aux traitements, bien, c'est comme un cancer que je ne suis plus
capable de traiter.
Mme Hébert :
Alors, est-ce que, dans ce cas-là, il n'y aurait pas eu moyen de peut-être
offrir d'autres soins, de regarder d'autres avenues avec peut-être d'autres
psychiatres, si c'est... si eux ne répondent pas? Parce que, selon plusieurs
psychiatres, il n'y en a pas, de situations qui sont incurables, irréversibles,
puis il y a toujours une évolution, dans la santé mentale, avec les soins. Je prends
les paroles, là, je ne suis pas médecin, mais c'est ce qu'on a entendu
par d'autres intervenants. Donc, est-ce qu'on n'a pas tué l'espoir avec ce
diagnostic-là?
M. Boisvert (Laurent) : Je
pense qu'en maladie mentale comme en maladie physique, il arrive un temps où il
y a des maladies qui ne répondent plus à aucune sorte de traitement. Et il y a
des psychiatres qui vous disent que ce n'est pas vrai, mais l'association des
psychiatres vous dit que, oui, c'est vrai. Donc, à un moment donné, il reste tout
simplement à fixer la décision.
Mme Hébert : Merci,
Mme la Présidente. Merci, M. Boisvert.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée.
Donc, je cède la parole au député de Mégantic.
M. Jacques : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Dr Boisvert.
M. Boisvert (Laurent) :
Bonjour.
M. Jacques : Je voulais revenir sur
la demande médicale anticipée, entre autres sur votre dame de 85 ans, mais
aussi sur... ça pourrait être des membres de la famille qui ont vu souffrir
leur mère ou leur père et qui, au cas où ça arriverait dans leur vie, voudraient
faire une demande anticipée avant même de recevoir la maladie ou, aussi, si jamais
une personne avait un ACV... un AVC massif et qu'elle serait rendue inapte
suite à ces problèmes de santé, ou autre chose, là. Vous vous positionnez de
quelle façon dans ces cas-là? Est-ce qu'une demande médicale anticipée par
papier avant la maladie... est-ce que vous seriez pour ça? Et pourquoi?
M. Boisvert (Laurent) : Pour ma
part, il y a un point qui est tout à fait incontournable, c'est qu'on ne peut
pas faire une demande d'aide médicale à mourir si on n'est pas atteint d'une
maladie grave et irréversible ou réfractaire, de un. Et, de deux, au moment de
faire la demande, le malade doit être apte, et ça doit être cette personne-là
qui fait la demande de façon absolue. Alors, dans un cas où vous voudriez faire
une demande d'aide médicale à mourir en anticipant une maladie dégénérative,
moi, je... ça ne se fait pas, de un. Puis, de deux, si malheureusement vous
êtes rendu inapte par un accident aigu, aussi malheureux que cela puisse-t-il
être, moi, après ça, je vais essayer de vous assurer le confort nécessaire et
puis je vais travailler avec vos proches. Maintenant que vous êtes inapte et
que vous n'êtes plus en mesure de prendre des décisions, bien, on peut tout à
fait s'entendre pour dire que, si jamais il arrive un épisode aigu quelconque,
on vous soulage, point à la ligne, puis on n'essaie pas de vous faire vivre
plus longtemps.
M. Jacques : Donc, on fait une
euthanasie, là, passive, là, avec la médication en place, là, puis...
M. Boisvert (Laurent) : Bien,
je n'appellerais pas ça comme ça. Je dirais tout simplement que j'assure votre
confort pour vous permettre de terminer votre vie de la façon la plus
acceptable possible, et surtout de ne pas l'étirer si tout le monde qui sont
autour disent : Écoute, il n'aurait jamais voulu continuer à vivre de
cette façon-là.
M. Jacques : Parfait. Donc, de
dire à nos proches ce qu'on pense, c'est important.
M. Boisvert (Laurent) : C'est
fondamental.
M. Jacques :
Exactement. Bien, merci, Dr Boisvert.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci beaucoup, M. le député.
Avant de passer la
parole au député de D'Arcy-McGee, j'aurais besoin du consentement de tous parce
qu'on va dépasser un peu notre temps. Donc, est-ce qu'il y a consentement?
D'accord.
Donc, nous pouvons
maintenant continuer avec le député de D'Arcy-McGee.
• (12 heures) •
M. Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Et merci, Dr Boisvert.
Vos témoignages ajoutent beaucoup à nos réflexions. Et votre franchise, et votre expérience, et compassion nous aident à
réfléchir sur les questions fondamentales devant nous.
Écoutez, je vais
poursuivre un petit peu sur votre troisième exemple, assez déchirant, et la
question tellement difficile de l'accès à l'aide médicale à mourir pour les
gens atteints des troubles de santé mentale. C'est... Je crois que ça devient évident qu'il faudrait... dans le
cas que vous avez décrit, il aurait fallu une solution beaucoup plus
humaine que la fin qu'elle aurait dû vivre.
En même temps, et
vous en avez parlé, mais je veux poursuivre, en même temps, nous sommes devant
un phénomène tellement inexact, et je veux que vous nous aidiez à comprendre
comment on peut assurer le respect de l'autonomie, des voeux d'un individu
apte, dans ce cas-là, et la protection du bien-être de cette même personne.
Comment est-ce qu'on peut s'assurer que quelqu'un, devant une souffrance
terrible qui est présente, là, lorsqu'on est atteint de la dépression majeure
et clinique... et ça peut perdurer, oui, même pour 18 mois, et ça peut être
étanche aux traitements. En même temps, je suis sûr, dans votre pratique, vous... comme dans mon expérience,
on connaît du monde qui auraient vécu de tels épisodes durant une longue
période de temps, et peut-être plusieurs épisodes dans leur vie, qui auraient eu avant et qui auraient après la capacité de se
réjouir, d'être là pour leurs enfants, leurs petits-enfants, leurs
parents. Comment est-ce qu'on assure qu'il n'y ait pas de dérive en ce qui a
trait à notre responsabilité de ne pas discriminer devant les gens atteints de problèmes
de santé mentale graves, qui ont besoin, on en convient, d'avoir l'accès à
cette procédure-là? Mais comment on protège aussi leur droit de vivre et de
récupérer?
M. Boisvert
(Laurent) : C'est effectivement une question grave et fondamentale qui
se résume à une chose : il faut s'assurer que, quelqu'un qui présente un
épisode, même qui peut être prolongé, effectivement, de maladie mentale, d'avoir tout essayé pour pouvoir
continuer, s'en sortir, d'une part, de reprendre le goût à la vie et de
pouvoir continuer à vivre. C'est sûr, on s'entend.
Maintenant, il y a
des... Je pense que le mécanisme, c'est qu'il faudra, face à une demande d'aide
médicale à mourir dans un tel contexte, s'assurer que le tour de la question a
été fait avec les gens qui ont l'expertise nécessaire pour arriver à une
décision, de dire : Écoutez, je pense que, comme dans le cas de ma madame,
tout a été essayé, on n'obtient pas de résultat. Elle ne reprend pas le goût à
la vie, et au contraire elle voit très bien qu'elle est devant un... le dernier
épisode de sa maladie, qui l'amène dans une issue... en fait, qui l'amène là où
il n'y a pas d'issue. Et là ce qui reste,
c'est des mesures... dans son cas à elle, des mesures de survie en ressources
institutionnelles et probablement de... et peut-être...
et peut-être de devenir une des nombreuses itinérantes du centre-ville de la
ville de Montréal. Alors, devant une telle situation, la malade a pris la... a
fait le choix d'être soulagée par l'aide médicale à mourir. Il ne faut pas
s'imaginer que, des cas comme ça, il va y en avoir des foules, là. Je pense que
l'association des psychiatres y a fait allusion. Ces cas-là existent, ce n'est
pas la majorité des cas. Et je pense qu'on a l'expérience et l'expertise
nécessaires pour pouvoir arriver à une décision qui pourra prendre un certain
temps, avec les équipes nécessaires, pour savoir si on s'en va dans une
direction ou dans une autre.
M. Birnbaum :
Et vous êtes satisfait, en quelque part, que les balises, bon, actuelles, en
tout ce qui a trait à l'article 26, et tout ça... que les balises sont
assez étoffées, actuelles, pour donner les protections nécessaires?
M. Boisvert
(Laurent) : Je pense qu'on pourrait peut-être éventuellement, et...
mais je ne suis même pas sûr, parce qu'écoutez on me confronte à nouveau à une
demande d'aide médicale à mourir pour quelqu'un qui est atteint de maladie
mentale. Moi, je n'ai pas besoin de plus de balises que celles qui existent
pour prendre la décision, mais peut-être que je vais faire intervenir, comme
dans le cas de la malade... il est fort probable que je vais faire intervenir
plusieurs intervenants avant de prendre une décision.
Et ça m'est arrivé,
en passant, de le faire dans des cas de maladies physiques relativement
atypiques, et je vous dirais même, à la limite, plus ou moins reconnues par la
profession médicale. Je n'ai pas arrêté ma décision après avoir rencontré le
malade, puis dire : Oui, c'est bon, go, on y va. J'ai parlé à plein de
monde, j'ai vu des... j'ai relu des dossiers médicaux et j'ai même demandé à ce
que les malades soient rencontrés par d'autres médecins. Et je pense que ça va
être le propre des demandes dans le domaine de la maladie mentale. Ça va être
des demandes qui vont faire intervenir plusieurs expertises avant de prendre
une décision finale.
M. Birnbaum : Merci beaucoup. Ma collègue de Westmount—Saint-Louis, Mme la Présidente, aurait d'autres questions. Merci.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci. Mme la députée.
Mme Maccarone :
Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Dr Boisvert. J'aimerais
creuser un petit peu plus en ce qui concerne ce que vous avez... vous disiez au
début : On ne veut pas de mécanismes lourds. Alors, je continue, dans le
fond, le même questionnement que mon collègue de D'Arcy-McGee.
Encadrer comment, d'abord, qu'est-ce
que vous prévoyez? Parce que, là, vous parlez de faire des
consultations. Alors, est-ce qu'on devrait prévoir un comité d'experts? Combien
de personnes? Combien de proches aidants? Est-ce que les proches aidants, ils
en feront partie? Est-ce qu'il y a des disciplines spécifiées? Quoi faire avec,
mettons, le Curateur public? Est-ce que c'est une personne qui devrait y
assister? Alors, à l'intérieur de ça, ça a l'air de quoi, comme encadrement,
comme recommandations pour accompagner la personne qui fait la demande?
Et deuxième
question... bien, je vous laisse répondre à celle-ci, puis j'aurai une deuxième
question s'il reste... si on a du temps.
M. Boisvert
(Laurent) : Pour ma part, je pense que les demandes d'aide médicale à
mourir en maladie mentale vont presque essentiellement provenir d'équipes en
psychiatrie, équipes multidisciplinaires ou des équipes, donc, bref, traitantes
en psychiatrie qui sont confrontées à des maladies très importantes et, encore
une fois, réfractaires à toute forme de traitement. Je pense que c'est de là
que vont venir les demandes, et moi, en ce sens-là, en ce sens-là, je pense que
ce ne sera pas vraiment très compliqué.
Donc, il risque d'y
avoir quelques demandes, effectivement, faites par des malades de façon
spontanée, comme le... bien, spontanée...
comme la malade que je vous ai présentée, qui n'est pas parvenue de l'équipe de
psychiatrie, et qui a nécessité, donc, l'évaluation. Bon, pour ma part, il y
aura toujours des équipes de psychiatrie, il y aura toujours... non, il y aura
toujours des psychiatres impliqués, un ou des, et il risque d'y avoir aussi des
équipes de psychiatrie qui vont être impliquées dans... au départ, par rapport
à des demandes. En tout cas, je vois mal un malade mental demander l'aide médicale à mourir s'il ne fait pas déjà l'objet
d'évaluations, un suivi en psychiatrie. Donc, on a déjà, là, des équipes
spécialisées qui sont en place. Et, si ce n'est pas le cas, parce que ça peut
arriver, si ce n'est pas le cas, il faut... puis ça, ça peut être,
effectivement, une balise... il faut qu'il y ait... il faut que la psychiatrie
et les équipes psychiatriques soient impliquées dans une telle décision, à un
moment donné ou à un autre, dans le décours de l'évaluation de la demande. Ça,
ça m'apparaît tout à fait clair. Ça, c'est un minimum.
Maintenant, est-ce
qu'on a besoin de comités, puis tout ça? Je ne pense pas. Mais on aura besoin
des expertises nécessaires pour arriver à une décision tout à fait éclairée et
solide. Puis je ne vois pas, de toute façon, de médecins, autant des psychiatres que des médecins comme moi qui font de
l'euthanasie, prendre une décision à la légère.
Mme Maccarone :
Vous avez évoqué, au début, aussi que vous avez accompagné un de vos patients à
consulter légalement c'est quoi, ses droits. Alors, est-ce que nous devons
prendre aussi en considération aussi un accompagnement légal, notaire en ce qui
concerne la demande?
Et, deuxième question
pour vous en ce qui concerne aussi le processus, devons-nous considérer aussi,
en vue de positif ou négatif, une demande faite par autrui?
M. Boisvert
(Laurent) : Bien, je vais prendre la dernière partie. Vous
dites : Est-ce qu'on peut considérer que quelqu'un d'autre que le malade
puisse faire une demande? C'est ça que...
Mme Maccarone :
Exactement.
M. Boisvert
(Laurent) : Non, non, d'aucune façon. La demande doit toujours
provenir de l'individu. Ça ne peut pas être autrement, un.
Deux, dans le cas
présent, il y a eu consultation légale parce que l'aide médicale à mourir
n'était pas admissible, parce que, si ça l'avait été, on aurait... ça se serait
arrêté là. Elle aurait eu son aide médicale à mourir au moment où elle l'aurait
voulu, ça n'aurait pas été plus compliqué que ça. Elle remplissait absolument
tous les critères, c'est-à-dire qu'elle était souffrante, il y avait un déclin,
elle avait une maladie grave et irréversible puis elle était apte. Donc, on
remplit les critères de l'admissibilité.
Il y a eu consultation
légale parce que je faisais face à une malade qui était éminemment souffrante
puis qui se retrouvait... se retrouvait dans un cul-de-sac. Donc, il fallait
qu'elle puisse connaître l'étendue des possibilités, puis, évidemment, dans une de ces possibilités-là, c'est la possibilité de se laisser mourir, et c'est ce que l'avocat lui a dit. C'est
un avocat spécialisé qui a dit : Écoutez, vous n'avez peut-être pas droit,
vous... vous n'avez définitivement pas droit à l'aide médicale à mourir — il
lui a répété des décisions qu'on lui avait données — mais vous avez le
droit de vous laisser mourir.
• (12 h 10) •
Mme Maccarone :
D'accord. Alors, j'ose croire que, probablement, le rôle du... la CDPDJ serait
important pour vous en ce qui concerne aussi la protection des droits et
libertés des personnes qui feront peut-être une demande à l'aide médicale à
mourir.
M. Boisvert
(Laurent) : Ah! je pense qu'effectivement il y a peut-être,
effectivement, des cas où, comme y faisait référence, là, M. Marissal, où il y aura des débats qui ne seront
pas tranchés et qui nécessiteront peut-être, effectivement,
l'intervention du tribunal pour faire valoir les droits de ces personnes-là. Je
pense qu'on va être confrontés, à un moment donné, à, effectivement, une
affaire comme ça. Et heureusement on a de l'expérience là-dedans, et les juges
en ont, puis ils sont tout à fait en mesure de décider si une personne a le
droit de prendre sa décision.
Mme Maccarone :
Parfait. Merci beaucoup.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme la députée. Merci,
infiniment, Dr Boisvert, pour la rencontre de ce matin. C'est très
enrichissant pour les membres de la commission et pour la suite de nos travaux.
Donc, compte tenu de l'heure, la commission
suspend ses travaux jusqu'à 13 h 15 cet après-midi. Donc, ceci met
fin à la rencontre Teams. Merci encore, Dr Boisvert.
(Suspension de la séance à 12 h 11)
(Reprise à 13 h 17)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Bon après-midi, tout le monde. La commission sur l'évolution de la Loi
concernant les soins de fin de vie reprend ses travaux.
Donc, la commission est réunie virtuellement cet
après-midi afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur l'évolution de la
Loi concernant les soins de fin de vie, et nous entendrons la Fédération
des mouvements Personne d'abord du Québec, Dr Pierre Viens, la Fédération
québécoise des sociétés d'Alzheimer et l'Office des personnes handicapées du
Québec.
Donc, pour notre première audition de cet
après-midi, nous accueillons Mme Louise Bourgeois, présidente, et Mme Danielle Gratton, coordonnatrice de la
Fédération des mouvements Personne
d'abord du Québec. Bienvenue, mesdames. Merci d'être avec nous cet
après-midi. Donc, vous disposez de 10 minutes pour nous présenter votre
exposé, et il y aura par la suite un échange avec les membres de la commission
d'une période de 35 minutes. Donc, je vous cède dès maintenant la parole.
Fédération des mouvements Personne
d'abord du Québec (FMPDAQ)
Mme Bourgeois (Louise) : Merci.
Bonjour, membres de la commission. Je me présente, Louise Bourgeois, présidente
de la Fédération des mouvements Personne d'abord du Québec. Je suis accompagnée
de Mme Danielle Gratton, notre coordonnatrice.
La Fédération des mouvements Personne d'abord du
Québec est un organisme de défense collective des droits par et pour les
personnes vivant avec une déficience intellectuelle. Plus de 750 personnes
vivant avec une déficience intellectuelle légère à moyenne sont membres des
mouvements et de notre fédération. Tous les jours, elles s'impliquent pour
défendre leurs intérêts et travaillent à faire reconnaître leur droit à
l'autodétermination. Elles informent, échangent leurs points de vue, prennent
la parole, siègent à des conseils d'administration et prennent des décisions
pour la gestion de leur organisme.
Nos membres suivent les dossiers de l'aide
médicale à mourir depuis longtemps. En août 2010, accompagnée de mon vice-président... Juste un instant... En
août 2010, accompagnée de mon vice-président, j'ai moi-même
présenté notre premier mémoire devant la Commission de la santé et des services
sociaux. En octobre 2013, nous avons un deuxième
mémoire... nous avons fait un deuxième mémoire, qui avait pour titre Dans le
respect des droits, de l'égalité, du libre choix jusqu'à la fin.
L'aide médicale à mourir est un choix personnel, et cela doit rester ainsi.
Personne d'autre que moi-même, que moi, et sous aucun prétexte, ne peut prendre
cette décision à ma place. Il est essentiel que l'élargissement de la loi ne
permette à jamais à une autre personne de prendre cette décision pour une
personne qui n'est pas capable de le faire.
Nous demandons aux décideurs de prendre tout le
temps nécessaire pour s'assurer d'un élargissement de la loi sur les soins de
vie qui ne laissera aucune place aux possibilités d'abus et de dérapage. C'est
probablement la décision la plus importante qu'une personne devra prendre.
Alors, par respect... et tous ceux qui pouvaient avoir à prendre cette décision
un jour, assurez-vous que cette loi ne finisse jamais en histoire d'horreur
parce que l'on n'aura pas pris le temps de bien faire les choses.
Je cède maintenant la parole à la coordonnatrice
de la fédération pour la suite de la présentation.
• (13 h 20) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme Gratton
(Danielle) : Merci, Louise. Je veux d'abord vous dire que la période
estivale, avec les vacances, c'était loin d'être idéal pour mener une
consultation sur un sujet aussi important. Nous prévoyons terminer notre consultation
dans les prochains jours, parce qu'il y a juste une partie des membres qui ont
pu y répondre avant le départ pour les vacances d'été, et présenter un mémoire
un peu plus substantiel d'ici le 24 août prochain.
Mais nous aimerions, devant la commission, vous
parler quand même d'un sujet sur lequel nos membres se sont prononcés, c'est,
entre autres, sur le consentement libre et éclairé pour des personnes vivant
avec une déficience intellectuelle. Je
n'utilise pas le mot «inapte» volontairement parce que ce n'est pas toujours
évident d'évaluer l'aptitude ou l'inaptitude.
Les personnes vivant
avec une déficience intellectuelle, comme d'autres groupes de personnes qu'on
dit vulnérables, ont besoin de conditions particulières pour exercer leur droit
à l'autodétermination et au consentement libre et éclairé. La déficience
intellectuelle n'est pas une maladie, mais un état. Ce diagnostic ne doit donc
pas... ne doit servir qu'à redoubler d'efforts dans le processus d'assurer une
demande d'aide médicale à mourir libre et éclairée et non à refuser
systématiquement une demande d'aide médicale à mourir pour ces personnes. En
présence d'une demande d'une personne qui semble
vulnérable, les médecins ou le personnel qui gravite autour d'elle devraient
prévoir un filet de sécurité supplémentaire qui pourrait ressembler à
rencontrer différentes personnes qui connaissent bien cette personne, avec son
autorisation, évidemment. Ça pourrait être un travailleur social qui la suit
depuis longtemps ou un éducateur spécialisé, parce qu'en général ils sont avec
un intervenant au niveau des CIUSSS ou des CISSS. Le médecin devrait aussi
vérifier que la demande vient de la personne en s'assurant que les mots qu'elle
utilise sont bien les siens et qu'elle ne subit pas de pressions de l'extérieur.
Au besoin, il pourrait demander à un conseiller en éthique d'intervenir auprès
de cette personne durant le processus.
Pour permettre un
consentement libre et éclairé ou une demande d'aide médicale libre et éclairée,
il faut réunir plusieurs conditions, et nos membres croient fermement que c'est
possible de le faire. J'ai reçu quand même quelques commentaires des membres
puis je ne vous les donne pas tous parce qu'il y en avait vraiment beaucoup, on
les mettra dans notre mémoire. Il y avait quelqu'un qui me disait : Il est
important d'avoir des informations claires. Si
tu es assez apte pour prendre une décision comme celle-là, une décision
éclairée, ce doit être avec des informations claires et précises parce
que tu ne peux pas revenir en arrière. Il faut se poser des questions et
réfléchir. Les membres nous ont suggéré une boîte à outils avec plein de trucs
à l'intérieur, dont des formulaires en langage simple, avec des pictogrammes,
le besoin... répondre au besoin d'être accompagné par une personne de confiance
qui les connaît bien, d'autres outils et d'autres conditions que nous
développerons davantage dans notre mémoire.
L'aide médicale à
mourir ne doit... et ça, c'est très clair pour tout le monde, et ça l'était
depuis le début, ne doit en aucun cas devenir une solution que pourrait
envisager une personne qui souffre à cause d'un manque de services de santé, de
soins palliatifs, de soutien ou d'accompagnement. L'État doit assurer une
réponse adéquate aux besoins des personnes, qu'elles soient aptes, inaptes, qui
vivent des situations de grande souffrance, qu'elles soient physiques ou
psychologiques.
Pour ce qui est des
personnes touchées par des problèmes graves de santé mentale et qui vivent de
grandes souffrances, nos membres ne se prononceront pas parce qu'ils jugent
qu'ils n'ont pas la connaissance et l'expertise suffisantes pour le faire.
Donc, je laisse le
mot de la fin à ma présidente.
Mme Bourgeois
(Louise) : L'aide médicale à mourir doit être accessible à tous, à
condition que la demande respecte les conditions déjà prévues dans la loi, mais
elle doit aussi absolument être encadrée pour éviter des dérives malheureuses.
Merci à chacun de vous de nous avoir écoutées.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci beaucoup, mesdames.
Donc, je céderais
maintenant la parole à la députée de Joliette.
• (13 h 30) •
Mme Hivon :
Oui. Bonjour à vous deux. Merci beaucoup de votre présentation. En fait, je
voudrais vous amener un peu sur ce qui se passe présentement, actuellement,
parce que la situation des personnes que vous représentez, donc, qui ont une
déficience... et vous faites bien la distinction pour ne pas vous embarquer
dans toute la question de l'aptitude et de l'inaptitude pour définir les
personnes que vous représentez. Mais, dans les faits, cette question-là, elle
est centrale quand vient le moment d'évaluer une demande d'aide médicale à
mourir.
Et donc, dans l'état
actuel des choses, comme vous vous rappellerez probablement quand on avait
échangé avec votre mouvement lors de l'adoption de la loi et de la commission,
aussi, Mourir dans la dignité, dans le fond, chaque évaluation doit se faire
selon les circonstances, les capacités et l'aptitude de la personne qui ferait
une demande d'aide médicale à mourir, c'est le cas présentement, parce que ce
n'est pas parce qu'on a une déficience, évidemment, qu'on est inaptes, même si
notre aptitude peut fluctuer.
Donc, ce que je veux
savoir, c'est que... depuis l'adoption de la loi, est-ce que vous avez des
exemples de personnes qui ont reçu l'aide médicale à mourir, donc, des gens
dans vos rangs, que vous connaissez, des membres de familles, aussi, que vous représentez,
et comment ça s'est passé?
Mme Gratton
(Danielle) : Moi, on a fait pas mal le tour. On avait ça dans notre
questionnaire qu'on a envoyé à tous nos organismes : Est-ce que vous
connaissez quelqu'un qui a vécu cette situation-là? De ma connaissance et de la
connaissance des personnes-ressources qui travaillent avec nos membres,
personne dans nos membres n'ont fait de demande ou n'ont eu une demande.
Par contre, en
feuilletant les retours, puis c'est pour ça qu'on va continuer notre mémoire
après, parce que je n'ai pas reçu les réponses de tout le monde encore, mais,
dans les réponses que j'ai déjà reçues, il y avait des cas où c'est un parent,
une tante ou un parent proche qui a vécu cette situation-là, et le commentaire
était : Oui, ma tante... c'est arrivé à ma tante, elle était... elle
avait... Je ne me rappelle plus de l'exemple. Entre autres, là, je pense qu'on
parlait de cancer très avancé, là, et ça s'est bien passé. Mais on n'en a pas
eu des tonnes, là. Je pense qu'il y avait... Sur cinq groupes, j'avais deux ou
trois personnes qui connaissaient quelqu'un de loin à qui ça s'était... c'était
arrivé.
Mme Hivon :
O.K., mais directement des personnes que vous représentez et que...
Mme Gratton
(Danielle) : Non.
Mme Hivon :
Puis, par exemple, qui auraient eu un cancer ou une maladie grave...
Mme Gratton (Danielle) : Non,
ce n'est pas arrivé.
Mme Hivon :
Bon. O.K.
Mme Gratton (Danielle) : Bien,
pas dans nos rangs. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas une personne qui a une
DI dans la province à qui ce n'est pas arrivé.
Mme Hivon : C'est
ça. Parfait. Parce que c'est possible, en ce moment, avec l'encadrement
actuel...
Mme Gratton (Danielle) : Oui,
oui, absolument.
Mme Hivon :
...puis c'est à ça que je veux vous amener, parce que vous insistez, je pense, beaucoup,
et avec raison, sur l'importance, donc, de ne pas vivre de pression indue,
d'être certaine que tout ça vienne de la personne, de ses mots à elle, qu'il
n'y a pas d'influence extérieure, qu'un accompagnement peut être vraiment
adéquat. Puis, dans l'article 29 de la loi, là, je ne vous tiendrai pas
rigueur si vous n'avez pas ça sous les yeux, mais il y a toute la liste des
éléments qu'on doit appliquer avant de s'assurer que la personne peut recevoir l'aide
médicale à mourir.
Donc, on doit s'assurer du caractère libre et
éclairé de sa demande en s'assurant qu'elle ne résulta pas de pressions
extérieures. On doit s'assurer du caractère éclairé en l'informant du pronostic
de sa maladie, des possibilités thérapeutiques, des conséquences. On peut
aussi, évidemment, offrir à la personne qu'elle s'entretienne avec ses proches,
si elle le souhaite — elle
n'est pas obligée, mais si elle le souhaite — ou avec tout professionnel ou
personne significative pour elle.
Donc, je voulais savoir si, pour vous, ça, a
priori, c'est suffisant ou si vous dites : Bien, dans le fond, après tant
d'années de la loi, on se dit qu'il y a peut-être des risques plus importants,
puis c'est pour ça que je vous posais la question sur la pratique. Quand vous
nous ramenez ces informations-là, aujourd'hui, puis ces préoccupations-là, en
quoi, dans la loi actuelle, vous jugez que ça ne va peut-être pas assez loin
pour s'assurer de ça? Parce qu'à l'époque, on pensait, justement, qu'on
encadrait bien ça.
Mme Gratton (Danielle) : Ce
n'est pas dans le sujet de l'encadrement que ça se passe, c'est dans la
manière, puis on le sait... ou on l'a vécu avec le curateur. Le curateur, avec
le changement de loi, doit maintenant tenir compte des intérêts et des
préférences de la personne. Il y a un très grand mouvement vers
l'autodétermination. Et on s'est rendu compte, avec lui, que, oui, les
intentions étaient bien écrites, mais qu'il n'y avait pas les outils pour
permettre à une personne de s'exprimer clairement, et c'est là que ça se passe.
C'est-à-dire que j'ai une personne devant moi qui a une déficience
intellectuelle, qui peut avoir de la difficulté à émettre une opinion, mais il
existe des moyens pour qu'elle comprenne.
Nous, on le vit tous les jours, ça. On
utilise... On parle de projets de loi avec nos 750 membres. La majorité de la
population ne sait pas c'est quoi, la loi n° 52; Louise, elle le sait. Le
projet de loi C-7, Louise, elle le sait, c'est quoi, parce qu'on a pris le
temps de la vulgariser, de la mettre en langage simple, d'ajouter des pictogrammes,
de mettre tout ce qui était nécessaire pour eux pour comprendre des sujets
complexes. Et c'est là qu'on veut insister. Oui, c'est écrit : «Vous devez
vous assurer que vous avez lu toutes...» Moi, je l'avais lu aussi, puis c'est
parfait.
Mme Hivon : C'est
dans l'application...
Mme Gratton (Danielle) : C'est
parfait, mais c'est dans l'application que ça ne se passe pas comme ça, puis on
le sait. On le sait parce qu'on le vit, que ce soit dans un CIUSSS, quand on
arrive pour... que ce soit dans une visite médicale, où le médecin,
quelquefois, s'adresse toujours à l'accompagnateur et non à la personne, tu
sais, qu'il n'utilise pas des moyens et des outils adéquats pour que la
personne puisse elle-même exprimer, comme dit le curateur, ses intérêts et ses préférences.
Présentement, le curateur est en train de regarder, justement, quel genre
d'outils il va pouvoir fournir à ses équipes pour permettre à la personne de
prendre la parole puis de vraiment exercer son droit de dire oui, de dire non,
de dire pourquoi. Puis ça se fait, et c'est là-dessus qu'on va insister, de
notre côté, parce qu'on aurait peut-être tendance — puis Dieu sait que
Louise pourrait témoigner de ça — de dire que la moitié, minimalement, des
750 personnes qui sont membres de nos organisations pourraient être considérées
comme inaptes, alors que, dans la présentation que Louise vous a faite, puis ce
n'est pas pour rien qu'elle l'a faite, elle vous dit que ces gens-là prennent
la parole, prennent des décisions pour des organismes. Ce n'est pas rien. Ils
sont accompagnés, ils sont soutenus, ils ont du matériel et des outils pour les
aider. Bien, c'est ça qu'on demande. Elles peuvent consentir, elles peuvent
donner leur opinion, puis une opinion peut être la leur, à condition qu'on
mette en place les conditions pour le faire et non juste d'écrire : Le
médecin vérifiera que tatati... Oui, je sais qu'il va le faire, mais ce n'est
pas ça que je veux dire. Comment il va le faire, c'est beaucoup plus ça, puis
je pense que c'est important que le comment soit mis en place avant et non
après l'élargissement de la loi.
C'est pour ça qu'on demandait... Louise, elle
disait : Prenez votre temps, c'est un sujet beaucoup trop... Bien, ce
n'est pas rien, décider de mourir, là, on s'entend, là. Et, nos membres, ce
qu'ils nous disent, c'est : J'espère que le gouvernement va prendre le
temps de bien faire les affaires parce que c'est une grosse décision, ça. Ça va
faire de la peine aux gens autour de moi si je me prononce, parce que je
voudrais cesser de souffrir. Si on ne peut pas me soulager, et que je le
demanderais, je le sais, que je vais faire de la peine autour de moi. Ça fait
que prenez votre temps pour bien faire les choses. Voilà, peut-être que ça répond.
Mme Hivon : Oui,
oui, oui, merci. C'est une très bonne introduction, là.
Je pense que mon temps est
clairement écoulé, ça fait que je vais laisser mes collègues poursuivre.
Mme Gratton (Danielle) : Ah!
excusez, j'aurais peut-être dû...
Mme Hivon : Non,
non, merci, vous m'avez aidée, vous m'avez donné plus de temps.
• (13 h 40) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Non, mais c'était très intéressant. Dans ce temps-là, on se partage le temps,
c'était l'entente. Donc, merci beaucoup pour la réponse.
Vous parliez, bon, de s'assurer que les mots
soient bien les siens pour que la personne ait une information claire, précise, que ce soit vraiment un
consentement éclairé, puis là vous avez parlé d'un conseiller en éthique. Est-ce
que vous pouvez m'en dire plus au niveau... Qu'est-ce que le conseiller en
éthique pourrait... Comment il pourrait venir nous aider dans ce processus-là?
Mme Gratton
(Danielle) : L'éthique, chez
nous... tu sais, c'est chaque personne qui est en soutien, parce que nos décideurs... Louise, c'est mon patron, O.K.,
c'est la présidente de mon conseil d'administration, moi, je travaille
pour eux, et ils me disent : Danielle, voici les dossiers sur lesquels on
veut que tu travailles, puis je rends des comptes, je dois rendre des comptes.
Mais... puis dans chacune de nos organisations, on a des gens qui aident.
Ce groupe de personnes là est toujours, toujours
soumis à un code d'éthique, parce que, on ne se le cachera pas... puis j'ai une de mes personnes-ressources
dans un des mes mouvements, là, qui a fait un beau paragraphe là-dessus,
les personnes qui vivent avec une déficience intellectuelle veulent, et ça fait
partie de leur personnalité, d'une certaine façon... veulent plaire à leur
entourage, à leur famille et même à moi, tu sais, c'est sûr.
Donc, quand je soumets des choses, à chaque fois
je dois faire attention de ne pas mettre de réponse dans leur bouche, de ne pas
influencer leur jugement, de présenter des enjeux différents, tu sais, de... je
dois toujours... Ça fait que, là, je suis dans l'éthique quand je fais ça.
C'est pour ça que je... on se disait : Bien, peut-être qu'un conseiller à l'éthique, qui sait que cette chose-là, là, ça
fait partie de l'éthique, ce n'est pas... c'est vraiment un comportement
qu'on doit avoir, c'est vraiment
une façon... Puis, oui, on l'a développée, cette façon de comprendre que la
personne, quand elle me parle, je l'entends, c'est ses mots à elle, parce
que je la connais, mais le médecin ou l'autre intervenant qui va être... peut-être
ne le connaîtrait pas, mais le conseiller en éthique, lui, il va avoir un
jugement ou un regard par rapport à tout ce qui est influence, et c'est là
qu'on pense que ça... ce pourrait être quelqu'un d'intéressant à avoir dans les
équipes, là.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Parfait. Donc, ce que je comprends, si on y allait vers l'équipe
multisoins, infirmières, psychologues, médecins, travailleurs sociaux, ce
serait bien pour les gens en déficience intellectuelle, d'ajouter un conseiller
à l'éthique à cette équipe-là. Bien, merci.
Mme Gratton (Danielle) : Oui, parce
qu'il y a tout un cadre éthique, oui.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci.
Donc, je céderais la parole au député de Mégantic.
M. Jacques : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Mme Gratton. Bonjour, Mme Bourgeois. Je veux
revenir, là, sur... de prendre le temps. Vous avez dit «de prendre le temps».
Je veux... Vous savez, j'ai compris que, pour les personnes en déficience
intellectuelle ou autres, il fallait qu'il y ait une maladie, là, vraiment...
un cancer, entre autres — on
va prendre un cancer. Vous savez que chaque personne qui reçoit un diagnostic
de cancer qui est irréversible, un stade 4, ces gens-là deviennent très,
très, très vulnérables, et, quand on n'est peut-être pas capable de comprendre
l'entièreté des choses qui se passent dans notre corps ou qui se passent, là,
dans notre vie, parce qu'on a un diagnostic, là, qui va arriver à la fatalité,
je crois que, oui, c'est important de prendre le temps pour prendre les bonnes
décisions. Et il ne faut pas... Il ne faut pas avoir... comment je dirais ça,
il faut être capable de prendre les décisions en sachant qu'on veut... on veut
minimiser, peut-être, nos souffrances ou, à un moment donné, on ne veut pas
vivre une certaine partie de cette souffrance-là.
Donc, quand vous dites : On prend le temps,
on prend le temps... Nous, on va prendre le temps, je pense, de bien faire les
choses. On est déjà là depuis quelques mois. On a fait beaucoup de consultations
avec les experts, avec les médecins, avec la population, avec les organismes,
puis je pense que c'est un... c'est bon pour tout le monde, parce qu'on entend
plein de gens qui ont des opinions divergentes et différentes, mais qui ont quelque
chose à dire pour l'entièreté des gens qui viennent nous voir. Donc, dans
prendre le temps, là, vous avez parlé des conseillers en éthique. Mis à part
ça, quels éléments on a... ces gens-là, ou les personnes en déficience, ou...
des problèmes de santé mentale, ou autres... Quel genre d'intervenants, mis à
part les conseillers en éthique, pourraient les aider à prendre le temps pour
bien comprendre les choses? Vous avez parlé de pictogrammes, vous avez parlé de
la façon de parler aux gens, mais est-ce qu'il y a d'autres choses, là, qui
pourraient être mises de l'avant, là, pour que ça puisse avancer?
Mme Gratton (Danielle) : Bien,
tout à l'heure, j'ai entendu qu'on parlait d'équipes multidisciplinaires puis
je pense que ça doit être ça dans certaines situations. Je sais que, dans les
groupes qui ont répondu à notre consultation, on parlait aussi de travailleurs
sociaux, parce qu'il y a aussi tout le contexte... puis ça, c'est une chose
dont on ne vous a pas parlé maintenant, mais on vous en parlera dans le mémoire
un peu, il y a tout l'aspect de la vie...
des situations socioéconomiques, qui rendent... qui peuvent amener une personne
dans une situation de vulnérabilité.
Je ne vous cacherai pas
que nous, on a, depuis un bon moment... Les mouvements des personnes d'abord,
ce n'est pas juste ici, au Québec, on a nos partenaires à travers le Canada. Il
y en a dans toutes les provinces canadiennes, dans deux territoires. Il y en a
dans 42 pays. On a des discussions avec nos homologues anglophones, et ça se
passe un peu différemment chez eux. Je peux vous dire que, des fois, on a le
choc des cultures. Et ils ont amené souvent des exemples de personnes qui, dans
le fond, même s'ils amènent... Puis, même dans votre document de consultation,
à un moment donné, j'ai lu un exemple... c'est plate, je ne l'ai pas ouvert...
j'ai lu un exemple puis j'ai fait : Bien, voyons donc, c'est impossible,
cette personne-là ne peut pas se prévaloir de l'aide médicale à mourir. On
parle d'une situation socioéconomique difficile, d'un manque de services, etc.,
et ça, ça ne peut pas être.
Et c'est dans ce sens-là que l'intervenant, le
travailleur social ou la personne, cette personne-là pourrait être fort utile
pour déceler, justement, si, par hasard, il n'y aurait pas plutôt des
améliorations à faire, non pas juste du côté de la pure santé, là, tu sais,
médicaments, soins palliatifs, etc., là, mais aussi des facteurs
socioéconomiques, c'est-à-dire que ça peut être des facteurs familial...
familiaux, excusez-moi... la langue et... ça pourrait être ça aussi qui met la
personne dans une situation de détresse, donc qui l'amène peut-être à faire une
demande, alors qu'on pourrait régler quelque chose en amont dans une situation
qui est beaucoup plus sociale, je vais dire ça comme ça. Ça fait que, oui, non
seulement un conseiller à l'éthique, mais quelqu'un d'un environnement aussi...
travailleur social ou... qui peut faire une analyse de ce côté-là aussi.
M. Jacques : Analyse juste de
la personne qui va faire la demande ou de la famille aussi, qui pourrait faire
de la pression?
Mme Gratton (Danielle) : Oui,
bien, de la personne d'abord, mais évidemment de l'environnement de cette
personne-là. Puis l'environnement de cette personne-là, bien, oui, ça peut être
la famille, oui, ça peut être un milieu de vie, oui. Tu sais, présentement, il
y a des personnes... puis vous le savez, là, il y a eu quand même des cas, là,
de personnes qui avaient d'autres problématiques qu'on voulait transférer dans
des CHSLD, où ce n'est pas un milieu de vie pour eux... puis qui, finalement, a
mis fin à ses jours. Bon, ça fait que le problème, il n'était pas médical, il
était social, c'est son environnement qui faisait une pression sur cette
personne-là. C'est à considérer grandement.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, M. le député.
M. Jacques : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de Mille-Îles.
Mme Charbonneau :
Bonjour.
Mme Gratton (Danielle) : Ah! je
ne t'avais pas...
Mme Charbonneau :
Ha, ha, ha!
Mme Gratton (Danielle) :
Excusez.
Mme Charbonneau :
Mme la Présidente...
• (13 h 50) •
Mme Gratton (Danielle) :
Excusez...
Mme Charbonneau :
Je connais, Mme la Présidente, Mme Bourgeois. Bonjour, Louise, ça va bien?
Et je connais Mme Gratton.
Mme Gratton (Danielle) :
...Francine Charbonneau, Mme la députée Francine Charbonneau... du
cadre de...
Mme Charbonneau :
Il n'y a pas de souci, Danielle. Je connais l'organisme depuis très, très
longtemps et j'ai toujours admiré la persévérance qu'ils ont eue pour défendre,
mais surtout pour parler pour et avec les gens qui ont une difficulté ou des
défis supplémentaires.
Mme Gratton (Danielle) : Oui.
Mme Charbonneau :
Moi, j'aimerais ça vous entendre, parce qu'avec le député de Mégantic vous
l'avez approché un peu, mais j'aimerais ça vous entendre sur les gens qui
habitent avec vos membres, parce que vous avez des gens qui habitent seuls,
vous avez des gens qui habitent en coop, on va se le dire, mais il y a aussi
encore des gens qui habitent avec la famille. Je peux... je le sais que, des
fois, ça peut être un parent, mais des fois ça peut être aussi un oncle, une
tante, ça peut être quelqu'un qui est proche de la famille, mais je sais que
vous avez des gens qui ont ce que nous, on appelle, dans notre langage, des
proches aidants dans le quotidien. Quelquefois c'est pour le transport, quelquefois
c'est pour s'assurer que la médication est bien prise, que les soins sont
donnés. Mais, sur vos 750 membres, il reste qu'il y a des gens qui les
accompagnent, puis on se demandait : Quelle est la place de ces gens sur une référence ou sur un questionnement qui peut se faire
sur l'aide médicale à mourir? Vous l'avez approché un peu en disant : Bien, on pourrait peut-être questionner d'où
vient la question. Est-ce que ça vient de son environnement? Est-ce que
ça vient de sa famille?
Mais en même temps, prenons l'exemple contraire,
prenons des gens qui sont bienveillants, qui sont là pour les accompagner dans
les bonnes raisons puis qui veulent les faire cheminer de la bonne façon.
Quelle serait la place de ces gens qui ne
sont pas des professionnels de la santé reconnus avec un diplôme, mais qui sont
des professionnels de la santé de la personne parce qu'ils vivent avec
elle au quotidien? Alors, je voulais savoir si vous vous êtes penchées un peu
sur ces personnes — quelquefois
c'est une, quelquefois c'est plusieurs — leur place dans
l'environnement de la personne qui demanderait l'aide médicale.
Mme Gratton (Danielle) : Oui.
On a tous les cas d'espèce dans nos membres, là, tu sais, que ce soient des
personnes qui vivent seules, qui vivent en couple, avec tous les deux une DI,
on a des parents, même, on en a qui vivent avec des personnes qui n'ont pas de
DI, qui sont en couple avec des gens qui n'ont pas de DI. Donc, il y a, là
aussi, un aidant, là, quelconque. Il y en a qui sont encore dans leur famille,
bon, si on arrive à la famille, là... Parce qu'il y en a qui habitent en
ressources résidentielles de toutes sortes, là, quatre personnes, six, huit, en
tout cas, bref.
Pour ce qui est de la famille, quelle est la
place? La place est la place que la personne va leur donner. Je suis plate,
comme réponse, là, mais c'est un peu ça. Je suis obligée d'aller... de dire ça
comme ça. Louise a une excellente relation avec ses parents, hein? Tu as une
bonne relation avec ta mère, qui te soutient, mais tu habites seule en appart.
Oui, mais, pour ceux qui habitent avec les parents, bien là, je vais vous
dire... ou les parents, ou la famille, on a
de tout : on en a des bienveillants, on en a qui... La première fois que j'ai assisté à un colloque avec ces personnes-là, c'était
sur le logement, et, une certaine Catherine, qui était présidente de People
First du Canada, qui était membre chez nous, on lui a posé la question, quel
était le plus gros handicap pour partir en appart, et c'était un colloque de
parents d'enfants ayant une DI, elle a répondu : Les parents. Alors, tous
les parents ont cessé de respirer pendant deux secondes et quart. Et il y a une
mère qui a fait... qui a pris son courage puis qui a dit à Catherine : Tu
as raison. Mon fils, ça fait des années qu'il me demande pour partir en appart,
puis moi, je ne veux pas.
Ça fait que c'est pour ça qu'on disait, puis on
va probablement peut-être... Tu me fais penser qu'on devrait l'illustrer davantage.
On va toujours partir de la personne. Et, si elle, elle dit : Moi, dans ce
processus-là, j'ai besoin d'un accompagnement, et cet accompagnement-là, et cette personne de confiance là, c'est ma
mère, c'est ma soeur, c'est ma tante puis c'est mon oncle, bien, ça sera
ma tante, ma soeur, mon oncle. Jamais on ne partira à l'inverse parce que...
Mme Charbonneau : Donc, le principe de l'autodétermination, Danielle, c'est là que tu loges puis que l'ensemble de vos
membres se logent, parce que c'est la première... Puis je voulais... Je voulais
vous entendre, mais quelquefois j'aime que tout le monde entende cette
réponse-là parce que ce n'est pas parce que j'ai une déficience que je ne peux
pas prendre de décisions.
Mme Gratton (Danielle) : Exactement.
Puis il y a d'autres organismes en déficience intellectuelle. On s'entend, il y
en a beaucoup. Mais des fois on doit discuter longtemps, même avec nos
partenaires, parce que ce n'est pas toujours
facile de réconcilier le point de vue des personnes qui veulent le bien de
cette personne-là et, la personne, ce qu'elle, elle décide qui est bon
pour elle. Ça fait que, donc, oui, c'est... Mais, nous, c'est toujours la
personne en premier et ses choix.
Mme Charbonneau : Je me
permets une dernière pour laisser de la place à ma collègue de Westmount—Saint-Louis, puis Danielle, fais plus
court, parce qu'on veut te poser plein de questions.
Mme Gratton (Danielle) : Oups!
Excuse.
Mme Charbonneau :
Moi, je me permets de te le dire parce que je ne suis pas la présidente puis je
te connais personnellement.
Mme Gratton (Danielle) : Oui,
puis tu sais que je parle longtemps.
Mme Charbonneau :
Est-ce que, dans votre volonté d'avoir du temps, il y a, là aussi, une volonté
de faire peut-être un processus quelque peu différent pour quelqu'un qui aurait
une déficience ou un défi supplémentaire pour pouvoir prendre des décisions,
donc un projet qui pourrait s'amener en disant... bien, quelqu'un qui est reconnu
avec une difficulté, puis on ne va pas dans la santé mentale, là, je reste avec
votre clientèle, aurait besoin peut-être de plus de temps, une boîte à outils,
ça, je l'ai compris, peut-être un comité qui accompagne, mais est-ce qu'il y a,
là, peut-être une proposition qui pourrait
être intéressante pour vous? Puis je ne t'en reparlerai pas après, donc,
j'attends, Mme la Présidente, votre mémoire avec impatience à la fin août. Bonne
journée.
Mme Gratton (Danielle) : Oui,
on travaille là-dessus dès demain.
Je ne le sais pas, en
fait. J'avoue que, dans les réponses qu'on a eues, on n'a pas beaucoup abordé
ça puis on va devoir le faire. Ça fait
que je n'ose pas me prononcer, compte
tenu que je n'ai pas eu de feed-back
de mes membres. Est-ce que, oui, dans cet élargissement de la loi, les
personnes concernées par l'élargissement, entre autres... donc, on parle de nos
clientèles... est-ce qu'elles devraient, oui, avoir un temps plus grand pour
pouvoir mieux prendre le temps de décider et permettre aux équipes de travailler avec elles?
J'aurais tendance à dire oui, mais je vais me garder une petite gêne, hein, Louise? On va attendre que nos
autres membres répondent d'ici quelques jours à notre consultation.
Mme Bourgeois
(Louise) : ...
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme la députée de Mille-Îles.
Je cède la parole à la
députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames, Mme Gratton,
Mme Bourgeois. Je vais intellectuelle,
souvent, font face à des stéréotypes, des préjudices. Alors, face à une demande
de l'aide médicale à mourir, c'est clair, les professionnels ou surtout, peut-être,
un médecin auront... question de comment déterminer si la personne ayant une
déficience intellectuelle a vraiment compris.
Et étant donné que
nous n'avons pas des mesures nécessairement claires, standardisées — on
attend tous avec impatience vos suggestions pour la boîte à outils — que
devons-nous faire comme recommandations en ce qui concerne, peut-être, la formation
de nos médecins ou de nos professionnels pour avoir cette détermination puis
compréhension qui est vraiment claire et bien comprise?
• (14 heures) •
Mme Gratton
(Danielle) : Oh mon Dieu! On m'a dit de faire court, hein? Bien, vous
êtes au coeur de tout. Je pourrais vous entretenir de ça pendant deux heures,
tu sais, parce que tout se passe là. Depuis que je suis à la fédération, puis ça
va faire 15, 16 ans, là, que j'y suis, puis... Vous disiez d'emblée : Ces
gens-là vivent des préjugés. Écoutez, je suis rentrée... Il y a 15 ans, on
parlait de préjugés, puis, quand je parle avec mes membres, on parle encore de
préjugés après 15 ans. Est-ce qu'on a avancé? Oui, mais j'ai encore des situations
que moi, j'ai vécues avec ma présidente, mon V.P., un membre, où la personne me
parle, puis je lui dis : Non, non, c'est parce que c'est Louise, la
présidente, puis elle s'en va, elle ne veut pas lui parler. Alors... Et j'en ai
vu dans le système de santé, dans les services sociaux, j'en vois encore. Puis,
oui, on le fait, présentement, dans...
Je vais vous dire que
la... Je vais essayer de faire ça court, là, pour vous dire la meilleure façon
de monter et de démontrer une boîte à outils ou de faire changer les choses, je
dis que la fédération, ses mouvements mais surtout ses membres contaminent, et
c'est ce qu'on veut. À partir du moment où les gens rencontrent une des
750 personnes, ils comprennent qu'on est rendus ailleurs, qu'on est rendus
ailleurs. Puis ce n'est pas juste ici, au Québec, c'est un mouvement qui se
passe partout, depuis l'adoption de la convention relative aux personnes
handicapées de l'ONU, la ratification par le Canada, l'inclusion, c'est là
qu'on s'en va. On va reconnaître, finalement, que ces gens-là... Louise est une
citoyenne comme moi, au même titre que moi, avec les mêmes droits que moi.
C'est tout. Et qu'est-ce que ça prend? Ça prend juste des bons outils puis un
peu d'équipement, là, puis il y a des façons. Si nous, on y arrive, là, avec
notre gang, à parler du projet de loi de l'aide médicale à mourir, d'un projet
de loi sur la fiscalité, bien, c'est parce qu'on est capables de parler de
beaucoup de choses.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci.
Mme Gratton
(Danielle) : ...vous êtes plus au courant de l'actualité que la
moyenne de la population.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci beaucoup. Merci,
Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.
Je céderais
maintenant la parole au député de Rosemont.
M. Marissal :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour à Mme Gratton et Mme Bourgeois.
C'est enrichissant de vous entendre. On entend trop peu souvent ce genre de
discours. Puis je vous suggérerais de continuer à nous sensibiliser puis à
sensibiliser la population. On va essayer de faire le meilleur relais possible,
de notre côté, pour le travail qu'on a à faire ici.
J'ai une question un
peu technique, là, puis je veux juste être sûr de comprendre votre point. Vous
disiez, tout à l'heure, que vous ne retenez pas, vous rejetez, dans votre
appréciation, la notion d'aptitude ou d'inaptitude. Ce n'est pas sous cette
base-là que vous prenez vos décisions ou votre évaluation. Je comprends le pourquoi
du comment. Maintenant, comment on réconcilie ça avec la loi qui est devant nous
ou même, éventuellement, celle qui sera devant nous, qui s'appuie sur un des
piliers d'aptitude et d'inaptitude? Où est-ce qu'on se rejoint là-dedans, là?
Mme Gratton
(Danielle) : Vous comprendrez que moi, je ne peux pas aller du côté...
quand je parle avec mes membres et même avec d'autres personnes qui ont soit
une DI, ou d'autres problématiques, ou d'autres grands défis, je ne peux pas
partir d'emblée avec un jugement par rapport à l'aptitude ou l'inaptitude, pas
plus que j'utilise... et j'essaie le moins souvent possible, comme beaucoup de
gens, d'utiliser le mot «vulnérable», et etc.
Et je vais vous
donner un exemple. J'ai une membre qui avait parlé avec le Protecteur du
citoyen, à un moment donné, par rapport à un autre dossier puis qui parlait, justement,
d'«apte» et «inapte», là, et puis... et c'était Maude Richard, Louise, qui
parlait avec le commissaire — c'est parce que Louise connaît bien
Maude, Maude Richard. Alors, Maude a fait...
À un moment donné, le commissaire était là, «apte, inapte». Là, elle
fait : Écoutez-moi bien, moi, quand je fais mes toasts le
matin, là, je suis tout à fait apte, elles ne sont pas plus brûlées que les
vôtres. Mais, oui, quand je fais mon budget, oups! j'ai des défis particuliers.
Oui, à ce moment-là, je suis en situation d'inaptitude. Mais elle dit : Écoutez-moi
bien, là, je ne suis pas inapte de... comment qu'elle lui avait dit ça, je ne
suis pas inapte mur à mur, O.K.? Et voilà pourquoi je n'utilise pas ça.
Est-ce que la mentalité ou
les... Est-ce qu'il y aura... Selon moi, il y aura des changements de paradigme
dans le futur par rapport à cette notion-là. Je le regarde avec le curateur,
qui, maintenant, même avec... Puis Dieu sait que les personnes qui sont sous curatelle publique... en tutelle — maintenant, il n'y a plus de curatelle — ont des situations d'inaptitude, et
il va devoir, maintenant, tenir compte de leurs intérêts et de leurs
préférences.
Donc, on a fait reculer cette notion-là en
disant : Ce n'est pas parce qu'on est inaptes au point même d'être pris en
charge par la curatelle publique qu'on ne peut pas dire ce qu'on a à dire. Je
sais que ce n'est pas évident de le réconcilier avec la loi, là, parce que...
M. Marissal : Non, mais c'est beaucoup
plus simple après vous avoir entendue, en tout cas, Mme Gratton. Ça vient
d'allumer deux, trois lumières entre mes deux oreilles, là, parce que...
Mme Gratton (Danielle) : Merci,
monsieur, mon député.
M. Marissal : Ah! bien, je vous
en prie...
Mme Gratton (Danielle) : La fédération
et moi habitons votre quartier.
M. Marissal : Oui, je sais, je
sais. Je crois qu'on a quelques liens à l'occasion aussi...
Mme Gratton (Danielle) : C'est
ça.
M. Marissal :
...en tout cas, avec mes attachés davantage que moi. Je suis honoré,
d'ailleurs, de vous représenter et je vais tenter de le faire
correctement ici, en prenant notre temps. Je considère, comme vous, que ça ne
s'écrit pas sur le coin d'une table, une pareille pièce législative.
Mme Gratton (Danielle) : Non.
M. Marissal : Je vous remercie,
Mme Bourgeois puis Mme Gratton, de vos réponses et de votre temps.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député de Rosemont.
Donc, c'est tout le temps que nous avions. Merci
beaucoup à Mme Bourgeois et Mme Gratton pour votre partage et vos
commentaires pertinents pour cet après-midi.
Une voix : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous allons accueillir nos prochains invités. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 14 h 07)
(Reprise à 15 h 05)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous reprenons les travaux de la commission sur l'évolution des soins de
fin de vie, et nous accueillons, pour ce bloc, la Fédération québécoise des
sociétés d'Alzheimer, avec Mme Sylvie Grenier comme directrice générale et
Mme Nouha Ben Gaied, directrice, Recherche et développement, qualité des
services. Bienvenue, mesdames. Merci d'être avec nous cet après-midi. Donc,
vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et par la suite il y aura
un échange avec les membres de la commission pour une période de
35 minutes. Donc, je vous cède la parole.
Fédération québécoise des sociétés Alzheimer (FQSA)
Mme Grenier (Sylvie) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Mmes, MM. les députés, merci de nous avoir
conviées à participer aujourd'hui aux travaux de la commission spéciale sur les
soins de fin de vie, et on espère ainsi alimenter vos réflexions sur
l'élargissement de l'aide médicale à mourir.
Mme la Présidente, vous nous avez présentées,
moi et ma collègue. Maintenant, je vous présente un petit peu la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer.
Nous sommes un organisme à but non lucratif, et on est le porte-parole
de 20 sociétés Alzheimer, qui, elles, agissent partout à travers le
Québec, et elles offrent des programmes et des services aux personnes atteintes
de troubles neurocognitifs de type de maladie d'Alzheimer ainsi qu'à leurs
proches aidants.
Notre fédération oeuvre depuis maintenant plus
de 35 ans à sensibiliser les différents publics au défi de vivre avec une
maladie cognitive, à la stigmatisation encore très présente autour de ces
maladies et au soutien nécessaire, bien sûr, pour les personnes impactées. On
travaille aussi à la promotion, bien sûr, de la recherche biomédicale et
psychosociale. Notre fédération soutient ainsi les personnes atteintes et leurs
proches aidants en offrant de l'information,
des consultations avec suivi, des groupes de soutien, des répits-stimulation
et, entre autres, aussi de la formation.
Grâce à des partenariats
que... et un travail de collaboration avec les professionnels du réseau de la
santé, nos sociétés sont en mesure d'accompagner, partout à travers le Québec,
dès le diagnostic, les personnes atteintes et leurs proches aidants tout au
long du parcours... de leur parcours à travers cette maladie. Selon... Notre
approche, elle est centrée sur la personne, donc c'est la personne qu'on met au
centre de nos interventions, parce qu'on reconnaît que la personne atteinte
demeure une personne à part entière en dépit de la maladie, et qu'à ce titre
elle a droit à la dignité et au respect de ses valeurs et de ses choix. Donc,
c'est tout à fait dans le ton, si on veut, de l'aide médicale à mourir. Pour
nous, c'est important de toujours se souvenir de ça.
Suite à l'adoption de la loi n° 52,
on a suivi de très près l'ensemble de l'évolution des dossiers. Et en 2016,
suite à un fonds qui a été octroyé à la Dre Gina Bravo de l'Université de
Sherbrooke, les sociétés... à travers le programme canadien de recherche pour
les sociétés Alzheimer, la fédération et 12 de nos sociétés, on a accompagné
Dre Bravo et on a participé activement au recrutement pour des personnes
atteintes et des proches aidants dans le but de connaître leur opinion par
rapport à l'élargissement de l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes
de troubles neurocognitifs et aussi des critères pour cette implantation. Les
résultats de la première étape de l'étude avaient d'ailleurs été présentés lors
d'une conférence de presse, en 2016 toujours, en compagnie de la chercheure
principale et de Me Pierre Ménard, du cabinet d'avocats Ménard, Martin.
Donc, c'était déjà il y a cinq ans.
Notre position a toujours été claire, au niveau
de la fédération et de nos membres, qu'on estime que les personnes atteintes
d'un trouble neurocognitif disposent des mêmes droits que toutes les autres...
tous les autres Québécois, y compris de se
forger leur propre opinion et de participer aux décisions concernant leur vie
et précisément leurs soins de fin de vie. On les encourage, ces
personnes, à planifier leur avenir dès l'annonce d'un diagnostic, de discuter
avec leur médecin des différentes options thérapeutiques et de prendre
activement part à toutes les décisions qui les concernent tant et aussi
longtemps qu'elles le peuvent et qu'elles le souhaitent.
Nous avons eu aussi l'occasion de participer au
Forum national sur l'évolution de la Loi concernant les soins en fin de vie et
de faire valoir les points de vue des personnes atteintes, la réalité de vivre
avec la maladie d'Alzheimer et de mettre en garde contre certaines dérives qui
pourraient avoir lieu de par la grande... je vais finir par le dire... vulnérabilité de la clientèle qui est visée, et vous le
comprendrez. Il y a certes un large consensus autour de l'élargissement de l'aide médicale à mourir, mais,
pour ce qui est des personnes inaptes, ça devient aussi très complexe,
tant pour la personne que pour les proches aussi. On a nous-mêmes eu l'occasion
de le constater à travers nos réseaux sociaux à plusieurs reprises, des
craintes qui subsistent par rapport au coma, et c'est pour ça qu'il nous
apparaît important de prendre part aujourd'hui, encore une fois, au débat sur
la... et de les représenter à travers la commission.
La Fédération québécoise des sociétés Alzheimer
défend totalement le droit à l'autodétermination des personnes de même que la
nécessité pour ces personnes atteintes de troubles neurocognitifs majeurs de
pouvoir bénéficier des mêmes droits civiques et juridiques que tous les
Canadiens. Cette volonté a clairement été exprimée par les personnes atteintes
elles-mêmes dans le cadre de la Charte canadienne des droits des personnes
atteintes de maladies neurodégénératives.
C'est dans ce contexte que nous accueillons
favorablement l'ouverture du débat de l'aide médicale à mourir aux personnes
inaptes, mais nous prenons... nous pensons que l'aide médicale à mourir pour
les personnes inaptes doit être encadrée et respecter plusieurs balises claires.
Il ne faudrait surtout pas que l'aide médicale à mourir anticipée soit la
réponse facile à notre manquement en tant que société à prendre soin de nos
aînés atteints de troubles neurocognitifs. Il ne faudrait pas que, face à la
détresse de ces personnes proches aidantes et aux prises avec la maladie ou
encore le manque de ressources en maintien à domicile et en l'absence de soins
palliatifs adaptés, une personne décide de manière précoce d'avoir recours à
l'aide médicale à mourir.
C'est
l'essence, je vous dirais... je vous en ai fait une lecture, c'est ma première
participation à une commission, donc,
mais... Et, pour nous, les balises doivent être claires. On est prêts à en
discuter, on entend nos gens, on entend nos familles, on sent qu'il y a une volonté à aller vers ça, mais les étapes
restent grandes à discuter avant d'y arriver, pour nous.
Si vous me permettez, je passerais maintenant la
parole à ma collègue Nouha pour la suite de la présentation.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
• (15 h 10) •
Mme Ben Gaied (Nouha) : Merci,
Mme Grenier. Merci, Mme la Présidente, MM. les députés.
Dépendamment du temps qui me serait accordé, on voudrait également
revenir sur plusieurs recommandations
qui avaient été exprimées, justement, par le rapport d'experts. Et il y a
plusieurs recommandations sur lesquelles, en fait, on aimerait apporter un
éclaircissement ou du moins apporter plusieurs de nos préoccupations ici,
devant la commission, notamment par rapport à la recommandation 1. Il nous
paraît important que le diagnostic de la maladie d'Alzheimer soit posé, que le
diagnostic soit d'une maladie incurable et irréversible, qu'elle ait été
discutée avec la famille, parce que, malheureusement, encore 50 % des
personnes qui reçoivent un diagnostic le reçoivent à un stade modéré à avancé
de la maladie, ce qui porte notamment préjudice à la personne elle-même,
puisqu'elle ne peut plus prendre part aux décisions qui lui incombent de
manière pleine.
Notamment, également, par rapport à la
recommandation 2, est-ce qu'on va vers une demande d'aide médicale à
mourir anticipée ou vers une directive? Là, il nous paraît également important,
justement, dans le respect de
l'autodétermination de la personne, que ce soit une directive et non pas une
demande. Celle-ci pourrait notamment être incluse dans les directives
médicales anticipées comme une proposition complémentaire ou supplémentaire que
la personne aurait à demander, au-delà des cinq choix qui lui sont proposés
dans les directives médicales anticipées.
Également
toute la discussion par rapport à la personne tierce qui viendrait, finalement,
enclencher le processus de l'aide
médicale à mourir, là encore, des balises et une définition claire et précise
de la personne tierce serait importante, le rôle
de cette autorité externe impartiale. Souvent, c'est justement le Curateur
public qui a été désigné comme cette autorité. Mais il nous paraît important
que le Curateur public garde son rôle administrateur et médiateur et non pas
de, finalement, s'immiscer dans des décisions personnelles.
L'évaluation,
également, des souffrances des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer
peut être évaluée et également peut être définie avec des échelles validées par
le corps médical, et, je pense, c'est important également
de se référer à ces échelles-là.
Et enfin, bien, on
parle notamment du rôle d'un deuxième médecin, le rôle de l'équipe, de l'équipe
soignante multidisciplinaire. Il nous apparaît également important que l'équipe
multidisciplinaire soit composée minimalement d'un médecin, d'un pharmacien,
d'une infirmière, d'un travailleur social et d'un proche.
Et enfin, encore une
fois, comme l'a très bien dit Mme Grenier, c'est le qui, et le comment, et
le quand qui sont très importants dans les balises qui vont être déterminées
pour l'élargissement de l'aide médicale à mourir pour les personnes inaptes, particulièrement
celles qui sont... qui vivent avec la maladie d'Alzheimer. Merci à vous.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci, mesdames.
Donc, nous commençons
maintenant la période d'échange avec le député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux,
mesdames. Toujours intéressant, là, de vous
entendre, surtout quand on parle aussi, quand même, des maladies
cognitives. Je pense qu'il y a
quand même... je pense que le mandat de la commission, tout ça, porte
aussi beaucoup à ce
niveau-là. Est-ce que vous avez entendu le témoignage,
quand Mme Sandra Demontigny a paru à la commission, puis ce qu'elle mentionnait?
Parce que vous dites : La personne... Vous êtes centrées beaucoup sur la
personne. Il y a toute la question du qui, du quoi
et du comment. Vous parlez de balises aussi. J'aimerais ça savoir un peu qu'est-ce que vous proposez, aussi, comme balises, mais savoir aussi ce que
vous pensez parce qu'elle, elle a mentionné... puis on parle de la personne,
donc, ça a l'air à être... c'est très important, partir quand ça va être encore
beau. Donc, j'aimerais ça savoir un peu... que vous élaboriez un petit peu plus
là-dessus puis qu'est-ce que seraient les balises pour la personne. J'aimerais
ça vous entendre là-dessus un petit peu plus.
Mme Grenier
(Sylvie) : Nouha, je te vois faire signe de la tête, oui.
Mme Ben Gaied
(Nouha) : Merci, M. Girard. Effectivement, oui, on a suivi
plusieurs des échanges que vous avez eus lors de la commission et notamment,
bien, le témoignage de Mme Demontigny. Il faut juste se rappeler pourquoi
est-ce que les personnes voudraient avoir accès à l'aide médicale à mourir.
C'est soit parce que, justement, il y a un historique familial, c'est un père,
une mère qui en était atteint. C'est aussi la peur de la perte de dignité et d'autonomie. C'est aussi de ne pas être
un fardeau pour ses proches. C'est de vouloir vivre une vie
significative et digne jusqu'au bout et que la personne elle-même... ou encore
que la personne elle-même a été proche aidante d'une personne atteinte.
Et
donc on se projette face, finalement, à un inconnu. La maladie d'Alzheimer est
une maladie, oui, universelle, mais elle se vit
de manière très personnelle, et chaque personne va évoluer de manière très
significative face à la maladie. Effectivement, Mme Demontigny a également
été porte-parole d'une de nos campagnes de sensibilisation à la fédération, et donc
on est très sensibilisées à son témoignage. Mais, encore une fois, il ne
faudrait pas se projeter dans un avenir inconnu parce que, encore une fois, ce
que l'on voudrait maintenant dépend beaucoup, en fait, de notre conception ou
de notre connaissance de la maladie en fonction, bien, finalement, de
différents facteurs qui influencent notre vie, nos choix, mais qui, dans le
futur, pourraient ne pas se réaliser. Et donc, effectivement, que l'aide
médicale à mourir soit formulée de manière anticipée pendant que la personne
est encore apte et qu'elle puisse être ou non mise en application lorsque le
moment est venu nous paraît important pour, justement, respecter les choix de
la personne lorsqu'elle pouvait les exprimer.
Vous
avez parlé, justement, des balises claires. Il y a notamment les... La maladie
d'Alzheimer ou les troubles neurocognitifs évoluent selon sept stades.
Les échelles... l'échelle de Reisberg définit clairement les pertes à chaque
stade, et c'est à ce moment-là, en fait, qu'il nous apparaît, par exemple, que
l'aide médicale à mourir anticipée ne devrait pas être demandée, notamment,
avant le stade 6. C'est à ce moment-là qu'il y a notamment des pertes de
mémoire qui sont présentes dans la durée. C'est également des difficultés de
langage, donc des problèmes de communication, de plus en plus des problèmes de
comportement, des difficultés à s'alimenter, des difficultés à prendre soin de
soi, des difficultés également à s'hydrater. Il y a des infections, également,
qui apparaissent, des problèmes d'incontinence. Et donc c'est vraiment à des
stades où l'autonomie et la dignité de la personne sont affectées qui, là, nous
paraissent important de respecter.
Il y a également une
autre échelle, les profils ISO-SMAF où, là encore, on évalue l'autonomie de la
personne par rapport aux tâches de la vie quotidienne. Et, encore une fois,
c'est des outils qui sont à la disposition du corps soignant et qu'il faut
utiliser. Il y a également des échelles pour évaluer la souffrance, même si la
personne n'est pas en mesure d'exprimer verbalement ce qu'elle ressent en
termes de souffrance physique ou émotionnelle, mais elle peut quand même
s'exprimer par des cris, par des pleurs, par plus d'agressivité, plus de
colère, et surtout lorsque c'est sur la durée, où là, effectivement, il y a une
souffrance psychologique de la personne.
Donc,
vous voyez, il y a quand même des échelles ou des données qui nous permettent
de dire quand est-ce que la personne est
souffrante, quand est-ce qu'il est... quand est-ce que le moment est approprié
pour, justement... l'aide médicale à
mourir soit donnée. Parce qu'on ne voudrait pas non plus que des personnes partent trop tard... trop tôt, pardon,
alors qu'elles auraient encore eu de belles années à vivre. On peut quand même
vivre avec la maladie d'Alzheimer.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Je vous interromps un petit peu parce que je sais
que mes collègues aussi veulent intervenir. Donc, vous, là, vous dites :
Pas avant le stade 6. Donc, là, vous mettez déjà une balise, vous
dites : Pas avant le stade 6. O.K. Et est-ce qu'une directive ou une
décision pourrait être renversée aussi? Exemple, là, ça va plus vite qu'on
pense puis on n'est pas en mesure de vraiment établir, là, le critère de la
souffrance. Est-ce qu'il pourrait y avoir aussi des possibilités de renverser
certaines décisions, que ça soit pour devancer ou retarder? Puis quel serait le
rôle, aussi, des proches aidants dans... Parce qu'ils jouent un grand rôle. Et
ça va être tout, Mme la Présidente, pour mes questions.
• (15 h 20) •
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci.
Mme Ben Gaied
(Nouha) : Alors, oui, effectivement, on ne voudrait pas, encore une
fois, que des personnes partent plus tôt que prévu, parce que tout dépend
vraiment de l'encadrement, des soins, du soutien qu'elles vont recevoir durant
leur parcours avec la maladie d'Alzheimer.
Dans le cadre du
stade 6, je veux dire, le déclin est prononcé, le déclin est également sur
la durée, les pertes de mémoire sont soutenues. Il y a un besoin d'aide pour
accomplir les activités de la vie quotidienne, comme s'habiller, se laver. Il y
a des difficultés avec les notions abstraites, donc tout ce qui est le calcul,
la tenue d'un budget. Il y a une modification, également, de la personnalité,
des émotions, à savoir également de la confusion, de l'anxiété. Il y a
également des problèmes obsessionnels ou encore la personne va avoir à répéter
une activité toute simple pendant un certain nombre de... sur une période de
temps. Il y a une perturbation du sommeil. Donc, vous voyez, à partir du
stade 6, l'autonomie et la dignité de la personne sont affectées dans les
troubles neurocognitifs, alors qu'avant, bien, la personne peut encore demeurer
fonctionnelle.
Pour ce qui est, par
contre, du rôle des proches aidants, et puis ça, ça rejoint un petit peu la
question par rapport à la tierce personne, bien, personne ne veut, finalement,
prendre cette décision. On le voit déjà dans les soins palliatifs, où c'est une
décision qui est quand même très lourde de conséquences pour la famille. Il y a
un côté émotif qui est très important. Certaines familles vont vouloir se
reposer sur l'expertise de l'équipe soignante, justement, pour prendre les bonnes décisions. Et donc, si la
tierce personne fait partie d'un membre de la famille, à ce moment-là, il
faudra également considérer un soutien psychologique pour accompagner cette
personne dans son deuil. Mais ce qui est clair, c'est qu'une définition,
justement, de cette tierce personne, de qui enclenche le processus et quand,
bien, nous paraît vraiment très importante dans le processus.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci. Merci, M. le député.
Donc, je céderais la
parole, maintenant, à la députée de Soulanges.
Mme Picard :
Bonjour, mesdames. Je vais rebondir sur ce qu'a dit mon collègue. En fait,
j'aimerais savoir : Que feriez-vous dans le cas où une personne n'aurait
pas de proches autour d'elle?
Mme Grenier
(Sylvie) : Je vais y aller. Si une personne n'a pas de proches, bien,
encore là, ça soulève beaucoup de questions. D'abord, est-ce qu'elle aura fait
des directives médicales... des directives médicales anticipées? C'est une chose. Et est-ce
qu'elle pourrait avoir... Bon, si
elle n'a pas de proches, probablement qu'il y aura un curateur public qui sera aussi
en charge de la personne. Donc, comment... Et là, encore là, qui prendra la
décision aussi? C'est certain que, quand on est en début de la maladie, vous
avez un diagnostic, on ne devient pas inapte du jour au lendemain, hein, ça ne
se passe pas dans la nuit, là, le diagnostic ne fait pas en sorte qu'on
n'existe plus ou qu'on n'est plus là, comme on entend souvent quand on
parle de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Donc, qui prendra en charge et, à ce moment-là, qui prendra les décisions, ça va appartenir, finalement, à un curateur,
probablement, et quand aussi. Une personne apte... Même si on a eu un
diagnostic et qu'on est encore apte, on peut toujours faire notre demande d'aide
médicale à mourir à travers... si on préfère, à travers les directives
médicales anticipées, faire aussi une demande d'aide médicale à mourir
anticipée. Mais tant qu'on est apte, on peut faire cette demande-là. Qui voudra
l'administrer, ça, c'est une autre question aussi. Donc, ça fait aussi partie...
Pour le reste, il faudra que ça soit bien indiqué dans la loi qui entoure l'aide
médicale à mourir pour les personnes inaptes.
Mme Picard :
Merci.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci. Je cède la parole à Mme la députée
d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci, mesdames. Lorsqu'on parle de démence
heureuse, ayant une cliente souffrant de démence heureuse, est-ce qu'elle peut
être brimée pour sa demande d'aide médicale à mourir? Parce qu'elle est... tout
va bien pour elle, là, est-ce qu'elle peut être brimée?
Mme Grenier
(Sylvie) : Est-ce qu'elle peut être brimée? Bien, j'ose croire que
non. Qu'est-ce que c'est qu'une démence
heureuse aussi? Quelle définition ça a? Est-ce que c'est pour la
personne ou si c'est pour les proches autour? De qui on parle, à ce
moment-là? C'est difficile d'y répondre. Et il n'y a pas deux maladies
d'Alzheimer pareilles, hein, chaque personne
atteinte de la maladie d'Alzheimer va avoir un parcours différent à travers la
maladie, et c'est aussi l'entourage qui peut faire une différence dans ça.
Donc, mieux on est entouré, plus les gens sont formés et/ou encore soutenus
pour nous accompagner, ça va faire en sorte que la maladie aura toujours un
impact certain, mais qu'elle sera peut-être moins difficile dans
l'accompagnement.
J'aime mieux parler
d'accompagnement que de parler de maladie d'Alzheimer heureuse. Bon, ça dépend
pour qui on parle à travers de ça, mais il ne devrait surtout pas y avoir
d'impact négatif à cet égard-là. Donc... Et, encore là, c'est dans le qui
pourra faire la demande. Si cette personne-là est heureuse, bon, on n'a pas de
problème, on est... Est-ce qu'elle est à la maison? Est-ce qu'elle est en
hébergement privé, public? Ça fait aussi une différence. Qui s'en occupe, de
cette personne-là, aussi?
Donc, vous savez, je pense que la maladie d'Alzheimer
peut être certainement extrêmement difficile. Je me suis employée depuis
20 ans à accompagner des gens à travers cette maladie-là, mais on a la
preuve aussi qu'une maladie d'Alzheimer heureuse, c'est parce qu'il y a des
gens, aussi, autour qui sont en mesure d'accompagner et de prendre des
décisions que j'ai envie de qualifier d'heureuses aussi ou de pertinentes pour
cette personne-là, donc, et qu'on ne doit arriver à l'aide médicale à mourir
qu'en dernier recours, comme on le ferait pour toute autre maladie, en fait. Et
c'est ça qui nous inquiète, nous.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci, madame.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup.
Moi, je... On
parle de troubles cognitifs. On parle beaucoup, là, dans cette section-là, de
maladie d'Alzheimer. C'est facile...
c'est plus facile avec les stades 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, mais, lorsqu'on
arrive dans un trouble cognitif autre que l'alzheimer, quels seraient
les signes qui pourraient nous guider? Parce que ce n'est pas si coupé au
couteau que ça, là, pour les autres types de troubles cognitifs.
Mme Grenier (Sylvie) : Nouha.
• (15 h 30) •
Mme Ben Gaied (Nouha) : Oui.
Merci, Mme la Présidente, pour cette question. Effectivement, les troubles
neurocognitifs, on parle beaucoup de maladie d'Alzheimer parce que ça
représente plus de 60 % à 80 % des cas diagnostiqués. Les symptômes
des troubles neurocognitifs majeurs sont très similaires d'un trouble à
l'autre. Donc, si on parle de dégénérescence frontotemporale, par exemple, ça
va plus toucher le langage, le comportement. Si on parle de la maladie à corps
de Lewy, ça va être, en fait, un mélange entre la maladie d'Alzheimer et la maladie
de Parkinson, avec notamment aussi, en plus, donc, des hallucinations, des
idées délirantes. Si on parle de maladies vasculaires, la même chose, on va
avoir des symptômes qui sont bien spécifiques.
Donc, même si, en fait, les symptômes sont très
similaires d'une maladie à l'autre, beaucoup se rejoignent. Et malheureusement,
dans les stades avancés de la maladie, et ça, quel que soit le trouble
neurocognitif, il va y avoir une perte d'autonomie, il va y avoir une perte des
capacités de la personne à exécuter des tâches de la vie courante, et c'est
juste, finalement, quand est-ce que le symptôme va apparaître. Dans le cas de
la maladie, par exemple, frontotemporale, bien, ça va plus être une maladie qui
va affecter le langage. Dans la maladie d'Alzheimer, ce problème-là va arriver
plus tard. Dans le cas, par exemple, de la maladie à corps de Lewy, les
hallucinations vont apparaître dès les premiers symptômes. On va plus les voir,
dans la maladie d'Alzheimer, dans les stades avancés. Donc, il faut vraiment y aller par, comment dire, une panoplie de
symptômes, et surtout comment est-ce
que ça impacte la personne
dans sa dignité, dans sa capacité à faire des choses.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup.
Donc, je céderais maintenant la parole au député
de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup, Mme Grenier, Mme Ben Gaied, pour votre présentation aujourd'hui et ainsi que pour le travail à travers le Québec
en accompagnant les gens atteints, les familles et en revendiquant pour
eux aussi.
Quand on parle de la demande anticipée... et je
comprends que vous êtes parmi plusieurs qui comprennent et constatent qu'il
faut qu'un diagnostic soit présent, alors je prends ça pour acquis. Une fois
que ce diagnostic est présent, si je vous ai entendues, l'écart entre
l'aptitude et l'inaptitude peut être assez court. Est-ce que vous avez des
données pour nous aider à comprendre l'étendue de cette problématique-là? C'est-à-dire,
est-ce qu'on parle d'une fenêtre qui est assez
restreinte pour un bon pourcentage des gens atteints d'un diagnostic
qui n'auraient pas beaucoup de
temps pour évaluer leurs propres voeux, leur
propre situation? Est-ce
que c'est un bon pourcentage des gens qui se procurent un diagnostic qui n'ont pas grand
temps avant que les stages commencent à se manifester, et de façon assez vite?
Mme Grenier (Sylvie) : Je vais
commencer par un début de réponse. Ce n'est pas moi, la scientifique de
l'équipe, c'est Nouha, mais je vous dirais que, nous, ce qui est clair,
c'est... et vous avez tout à fait raison que ça dépend des individus, qu'après
un diagnostic ça aille plus vite pour une personne que pour une autre, mais
c'est souvent quand est-ce que le diagnostic est posé. Et tout est là pour
nous. À partir du moment où on a un diagnostic précoce, où, dès les premiers
symptômes, les signes précurseurs, on consulte et qu'on... parce que ça se peut
qu'on ne soit pas capable de déterminer que c'est la maladie d'Alzheimer, ça
prend plusieurs tests, et même, en fait, le test ultime, qui, lui, détermine si
c'est ça ou pas, n'est pas accessible à tous non plus, mais ça va faire toute
la différence aussi dans la qualité d'accompagnement et la qualité de vie avec
la maladie d'Alzheimer à ce niveau-là.
Un diagnostic précoce permet, parce qu'on le
sait maintenant, de faire de la prévention, de travailler à faire en sorte
de... de faire de la stimulation pour faire en sorte que les individus puissent
préserver le plus longtemps possible leur qualité... leurs capacités et leur
qualité de vie. Donc, déjà, ça, c'est une chose.
C'est certain que, si
après trois ans... qu'on a vu des symptômes et que ça s'est aggravé, puis
que, là, on demande au médecin de poser un diagnostic, il va peut-être y avoir
un diagnostic, mais vous comprendrez que les chances de pouvoir travailler sur
la stimulation et de voir apparaître les autres signes plus tard sont plus
minces. Donc, à ce moment-là, le parcours entre le moment du diagnostic et les
signes qui font en sorte que la maladie prend de plus en plus de place chez
l'individu vont être plus rapides. Donc, ça, c'est d'abord une première étape,
donc un diagnostic précoce prévient en fait tout ce bout de parcours là.
Pour ce qui... Là-dessus, je vais te laisser,
Nouha, aller avec le comment on peut le... qu'est-ce qu'on peut faire, à ce
moment-là.
Mme Ben Gaied (Nouha) : Merci,
Sylvie. Merci, M. Birnbaum.
Malheureusement, actuellement, 50 % des
personnes qui reçoivent un diagnostic de maladie d'Alzheimer sont à un stade
modéré à avancé, et donc, bien, forcément, la fenêtre d'aptitude est très
restreinte. C'est pour ça qu'effectivement un diagnostic précoce, notamment
avec le Plan Alzheimer Québec, doit être mis de l'avant. Il ne faudrait pas,
effectivement, que les gens, parce qu'ils ont reçu un diagnostic tardif, ne
puissent pas faire ce choix-là de manière
éclairée. Et donc, bien, encore une fois, là, on vient réduire leurs capacités
et leur capacité d'autodétermination. Là, on vient les discriminer,
encore une fois, par rapport aux autres Québécois qui pourraient avoir accès à
l'aide médicale à mourir.
Actuellement,
il y a eu — et je pense que vous l'avez certainement vu
dans les médias — déjà une
personne ici, au Québec, qui a eu recours à l'aide médicale à mourir
alors qu'elle était atteinte de dégénérescence frontotemporale. Donc, l'aide
médicale à mourir, actuellement, permet aux personnes d'avoir recours à l'aide
médicale à mourir, mais on parle, là, vraiment, des personnes qui deviendraient
inaptes. Et effectivement les délais peuvent être très réduits si le diagnostic
est donné de manière tardive, puisque l'inaptitude va être déclarée très
rapidement, à ce moment-là.
M. Birnbaum : Oui. Je vous
écoute et je trouve ça très significatif, parce que, comme dans plusieurs des
situations, des enjeux devant nous, sur le plan réel, on va essayer de recommander
les balises les plus responsables et compatissantes que possible, mais vous
êtes en train de nous dire qu'il risque d'y avoir un grand pourcentage ou un
pourcentage important, si j'ai bien compris, du monde qui va être atteint des
symptômes, qui va peut-être être en attente diagnostic, donc peut-être, et je
pense aux régions, la disponibilité dans les petits villages, des familles avec
moins de ressources autour d'eux, l'opportunité de se prévaloir, dans une
période d'aptitude, de ce choix-là risque de ne pas être disponible pour
plusieurs. Est-ce que je comprends bien?
Mme Ben Gaied (Nouha) : En
fait, vous avez tout à fait raison, dans le sens qu'il n'y a pas juste, en
fait, la disponibilité des ressources pour avoir recours à un diagnostic, il y
a aussi tous les stigmas, tous les préjugés qui entourent la maladie et qui
empêchent les gens d'aller chercher un diagnostic. Donc, une campagne de
sensibilisation pour faire valoir l'importance du diagnostic précoce et aussi
de faire valoir la possibilité de vivre encore avec la maladie d'Alzheimer et
d'avoir une certaine qualité de vie pour pouvoir, justement, faire des choix
aussi importants que d'avoir recours à l'aide médicale à mourir de manière
anticipée ou actuellement, voire même de rédiger les directives médicales
anticipées...
Donc, il y a quand même un certain bénéfice à
aller chercher un diagnostic, sauf que, malheureusement, on en a peur, on a
peur de la maladie elle-même, on est parfois aussi dans le déni, on ne veut pas
voir qu'effectivement on est dans des pertes cognitives, qu'on n'est plus en
mesure de faire certaines choses de la vie courante, que ça nous affecte. Les
gens, au début, sont bien conscients de leurs pertes et de leur perte
d'autonomie, mais c'est cette peur qui, malheureusement, les empêche d'aller
vers un diagnostic. On ne va pas parler des problèmes structurels, là, mais
déjà la stigmatisation qui entoure la maladie empêche les gens d'aller chercher
un diagnostic.
Et puis après, bien, se rajoutent à cela aussi
les délais pour recevoir un diagnostic. Généralement, un diagnostic se pose en
18 mois. Donc, malheureusement, entre-temps, la personne a continué à
décliner. Donc, le moment où finalement la personne prend cette décision
d'aller voir son médecin, d'en discuter et le moment où elle va recevoir le
diagnostic, on a déjà passé, probablement, une bonne année, et donc, bien,
finalement, là, on réduit de plus en plus la fenêtre dans laquelle elle va
pouvoir actuellement prendre certaines décisions comme l'aide médicale à mourir
anticipée.
M. Birnbaum : Oui, compris.
Donc, toute l'importance de vos campagnes de sensibilisation, la formation des intervenants
et intervenantes, et tout, qui va au-delà
de notre mandat, mais ça touche
primordialement aux questions devant nous, aussi.
Une fois qu'une demande soit déposée en bonne et
due forme, il y a, comme vous avez noté, le suivi et le déclenchement au moment
voulu et approprié de cette demande-là. Vous avez parlé, si j'ai bien compris,
de votre constat que les personnes tierces ont le rôle essentiel à jouer, et
vous ne jugez pas à propos que la personne clé soit le curateur. Est-ce que
j'ai bien compris? Et, si oui, dans les cas, et il y aurait plusieurs, où il
n'y a pas, de toute évidence, un proche présent, comment faire?
• (15 h 40) •
Mme Grenier (Sylvie) : Bien, je
croirais que, dans le cas où c'est le Curateur public, c'est pour ça que Nouha
y a fait allusion tout à l'heure, elle l'a nommé, ça doit aussi... une décision
qui doit se prendre avec l'équipe soignante. Ce n'est pas une personne qui
décide que c'est maintenant que ça devrait se terminer, pour toutes les raisons
qu'on peut imaginer, mais qu'il y a une équipe soignante autour qui, elle, va
aussi faire l'évaluation aussi de la qualité de vie de la
personne et de tout ce qui a trait au fait de pouvoir appliquer l'aide médicale
à mourir à ces personnes-là.
Donc, le Curateur public, comme n'importe quel
individu, peut poser n'importe quel diagnostic, peut poser n'importe quel
constat, mais, pour nous, l'équipe soignante a un rôle important à cet égard-là.
Mme Ben Gaied (Nouha) : Et, si
je peux également rajouter un point par rapport, justement, à la personne tierce, effectivement, ça a été pour nous un sujet de réflexion très
important à savoir, bien, qu'est-ce
qu'on fait lorsque les
personnes sont seules, qu'elles sont isolées. Puis c'est malheureusement aussi
une réalité dans notre société, où, de moins en moins, les... je veux dire, les
bulles familiales sont beaucoup plus éclatées. Mais ce qui nous apparaît important, c'est que la personne doit avoir un
lien significatif, comme ça a été le cas, notamment, pour les proches aidants durant la pandémie, c'est vraiment que le lien soit significatif avec la personne
puis qu'elle ait à coeur, également, l'intérêt physique et psychologique de la personne atteinte pour que, justement,
elle puisse poser ce geste-là en toute quiétude.
Et par rapport au mandat du Curateur public, ce
qu'on privilégie, c'est vraiment cet intérêt significatif, donc le lien humain,
la connaissance des valeurs, des croyances, des préférences de la personne.
Avec une autorité externe administrative ou de médiateur tel que le Curateur
public, on risque de perdre ce lien humain là. C'est pour cela qu'on aurait des
réticences par rapport au rôle du Curateur public dans ce rôle, précisément,
pour enclencher ou pour faire connaître la présence d'une aide médicale à
mourir anticipée.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, M. le député. Je céderais maintenant la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, mesdames. Merci d'être là. Merci pour vos lumières.
Je veux juste être sûr de comprendre, là. La
grande, grande, grande majorité des gens, des témoins, des intervenants et des intervenantes — surtout
les intervenantes, d'ailleurs, je le note — nous disent : Il faut
toujours que... ce n'est pas unanime, là, mais c'est assez généralisé, que...
la demande, le consentement anticipé et, à plus forte raison, la demande en
situation d'aptitude doit toujours venir de la personne qui veut bénéficier des
soins de fin de vie. C'est ce que vous dites aussi, ou rajoutez-vous un
intertitre qui dirait : Des fois, ça va tellement vite, avec la maladie
d'Alzheimer, puis c'est diagnostiqué, malheureusement, trop tard que ça
pourrait être dans les mains d'une tierce personne que d'enclencher, sachant
que c'était la volonté de la personne?
Mme Grenier (Sylvie) : Nous, ce
qu'on dit, c'est que sans directives anticipées d'aide médicale à mourir, il
n'y a pas de tierce personne qui prend la décision.
M. Marissal : O.K., très bien.
C'est bon, c'est ce que j'avais compris, je voulais juste être sûr.
Vous avez parlé des stigmates autour de la
maladie d'Alzheimer. C'est lourd et il y a beaucoup de tabous encore autour de
la maladie. Je ne sais pas comment formuler ma question, mais qu'est-ce que
vous sentez, ressentez, comment vous qualifiez la très lourde impression que
quelqu'un qui a la maladie d'Alzheimer est condamné? Et est-ce que c'est, en
quelque sorte, un immense poids pour sa famille et pour le réseau de santé? Et
je vais faire une sous-question tout à l'heure, vous allez comprendre pourquoi
je vous pose cette question-là, elle est un peu crue, là, mais est-ce que vous
sentez effectivement qu'on identifie assez souvent les gens atteints
d'alzheimer, là, comme un poids très, très lourd pour la société et le réseau?
Mme Grenier
(Sylvie) : Vous avez tout à fait raison. C'est pour ça que les gens ne
veulent pas de diagnostic, c'est pour ça qu'il y a des gens qui ont le
sentiment de perdre la mémoire, ou pas des pertes, ils vont trouver toutes
sortes de prétextes, et avec raison.
Première raison, c'est que c'est une maladie qui
est incurable. On peut... on peut soulager, on peut... on a... on trouve... on
travaille à faire en sorte que le parcours soit le moins difficile possible,
mais en même temps ce sont tous les stigmas qui viennent autour. Les gens ont
peur d'avoir un diagnostic parce qu'on a l'impression que, quand on le dit, les
gens pensent que, dans la nuit, on devient plus inapte. Et tout ce qu'on entend,
c'est : Ah! mais, tu sais... Aussi, une expression qui me fait sauter à
chaque fois, c'est : Bien, tu sais, mon oncle Roger, il est alzheimer maintenant.
On ne devient pas alzheimer, on est atteint d'une maladie. On ne dit pas à une
personne qui a le cancer : Mon oncle Roger, sais-tu quoi, ils ont
diagnostiqué un cancer. Donc, on devient la maladie, les gens deviennent la maladie, et à partir de là, on prend pour acquis
qu'ils ne comprennent pas, qu'ils ne sont plus là, hein? Combien de fois
on entend dire : Bien, ça ne sert à rien d'aller le voir, il n'est plus
là, il ne me reconnaît plus. Donc, ce sont des stigmas.
Les gens,
c'est vrai que plusieurs vont perdre... une bonne partie perdent aussi le
sens de la parole, la locution, mais ce n'est pas parce que tu ne parles
plus que tu ne comprends pas non plus, et on prend pour acquis les gens. Ce
n'est pas parce que je ne me souviens pas de ton nom que je ne sais pas que tu
es mon fils. Mais les gens prennent pour acquis, encore une fois, ce sont des stigmas,
et tout ce que vous pouvez voir... c'est comme si... l'image va être crue, moi
aussi, là, c'est comme si, du jour au lendemain, on devenait une loque et que,
comme on ne sait pas trop comment prendre soin des gens, comme on ne sait pas
non plus comment les approcher, bien, on se distancie aussi, et ça isole énormément
les gens, ça va isoler énormément les proches aidants, et qu'à partir du
moment...
Et pourquoi aussi c'est lourd, dans le réseau de
la santé? Parce que, comme certaines causes de la maladie vont faire en sorte
que les gens peuvent devenir plus tannants ou agressifs ou, en tout cas, du
moins... on va les médicamenter et, à ce moment-là, on les envoie en résidence.
Puis ce qu'on voit aussi, parce qu'on en a la preuve et on...
c'est... 85 % de nos CHSLD, ce sont des personnes qui sont atteintes de la
maladie d'Alzheimer ou d'un autre trouble neurocognitif majeur. Et ces gens-là
entrent là, et pour toutes sortes de raisons, puis je ne suis pas là pour...
bien, on les médicamente, et à partir de là, ils perdent encore plus de leur
autonomie, et tout.
On a eu des projets... il y a le projet OPUS-AP
qui est là, qui a fait ses preuves là-dedans, mais c'est un peu plus compliqué.
Mais, de toute façon, vous avez raison, ce sont les stigmas qui sont autour et
c'est pour ça qu'on ne veut pas de diagnostic non plus.
M. Marissal : Je pense que j'ai
largement dépassé mon temps. Merci de votre réponse, Mme Grenier. Merci,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député.
Donc, nous terminons nos échanges avec la
députée de Joliette.
Mme Hivon : Oui.
Merci beaucoup à vous deux. J'apprécie énormément les échanges. J'aurais plein
de questions à approfondir avec vous. J'ai quatre minutes, donc je vous les
lance, O.K., parce que, comme ça, vous allez juger du temps que vous voulez
accorder à chacune.
Je continue sur la même voie que mon collègue,
tous les stigmates qui entourent la maladie, tout ce sentiment qu'on devient un
fardeau si on a un diagnostic. Tantôt, Mme Ben Gaied, vous disiez que,
quand on a le diagnostic, là, tout de suite, il y a une foule de peurs qui
arrivent, on se projette, la peur de perdre notre dignité, notre autonomie. Et
donc comment fait-on pour un peu accompagner des gens qui vont vouloir faire
une demande anticipée, pour certains, en
disant : Wow! Moi, je ne peux pas me projeter là, moi, c'est intenable
pour moi — parce qu'ils viennent de recevoir ça
comme un choc puis une tonne de briques — et
s'assurer que ça va être donné dans les bonnes circonstances?
Donc, est-ce que, selon vous, on doit se fier, je dirais, uniquement et d'abord
à ce que la personne va avoir prévu? Parce que plusieurs nous disent :
Moi, quand je suis à tel stade, je ne veux plus... quand je ne peux plus
reconnaître mes proches, je ne voudrais plus vivre, quand je ne mangerai plus,
je ne serai plus autonome. Bon, on connaît les exemples qui sont dits. Est-ce
que ça, c'est suffisant ou est-ce qu'il faut... parce que vous parliez très adéquatement
des échelles pour évaluer la souffrance. Est-ce qu'il faut aussi s'assurer que
le critère de la souffrance est rempli de manière contemporaine? Donc, mes
collègues sont habitués de m'entendre, c'est une question qui m'habite beaucoup, mais, avec vous qui voyez tellement de
cas, est-ce que vous pensez qu'on doit avoir adéquation entre les deux?
Et l'autre élément dont je trouve qu'on parle
très peu, c'est qu'une personne peut avoir la maladie d'Alzheimer, se projeter en lien avec sa maladie, dire : Je ne
voudrais pas vivre x, y, z qui est lié à la maladie, mais elle peut
aussi, dans... parce qu'elle a la maladie d'Alzheimer, mais elle demeure une
personne avec toute sa complexité et sa santé, avoir un cancer et souffrir de
son cancer, mais être devenue inapte dans l'évolution de sa maladie
d'Alzheimer. Et donc, est-ce que des cas comme ceux-là doivent aussi être prévus
par demande anticipée? Parce que sinon, cette personne-là, on ne peut pas lui
donner l'aide médicale à mourir si elle a un cancer du pancréas très souffrant,
alors qu'une personne apte, on pourrait lui donner. Est-ce que, ça, vous avez
réfléchi à ça aussi?
• (15 h 50) •
Mme Grenier (Sylvie) : Je te
laisse y aller, Nouha, cette fois-ci.
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Excusez. Merci, Mme Hivon, pour votre question. C'est des... Vous voyez
toute la complexité autour de l'aide médicale à mourir pour les personnes ayant
un trouble neurocognitif. Vous avez parlé, justement, de, bien, comment
accompagner la personne, justement, dans ce processus-là pour avoir recours à l'aide
médicale à mourir anticipée. Je pense que la discussion doit vraiment se faire
avec le médecin. On a beau, oui, se projeter dans l'avenir, mais il y a des
faits, il y a des échelles, il y a des pertes cognitives qui vont arriver, et
on doit effectivement avoir cette discussion avec le médecin pour vraiment
prendre une décision éclairée et surtout qui correspond à nos valeurs.
Après, bien, comment est-ce qu'on les accompagne
aussi dans ce cheminement? Bien, c'est aussi d'avoir le soutien à domicile qui
est aussi présent, d'avoir du personnel, des intervenants à domicile qui sont
formés aussi à la maladie d'Alzheimer et qui vont accompagner adéquatement les
personnes atteintes avec une approche centrée sur la personne et non pas sur la
maladie, en misant sur les capacités de la personne et non pas sur leurs pertes
et vraiment en les accompagnant dans leur processus.
Maintenant, vous avez très bien fait la distinction,
justement, entre, bien oui, on a la maladie d'Alzheimer, mais 87 % des
personnes qui vont décéder de la maladie d'Alzheimer vont, en fait, décéder
d'autres raisons qui vont être d'une pneumonie, qui vont être, notamment, d'une
infection urinaire, des difficultés d'alimentation, et donc, bien, la maladie
d'Alzheimer, en fait, passe en second par rapport à l'infection qu'ils auront,
qu'ils ont eue et qui va certainement accélérer leur déclin cognitif.
Est-ce qu'une personne ayant un cancer à un
stade terminal devrait avoir accès à l'aide médicale à mourir alors qu'elle est également atteinte d'un trouble
neurocognitif majeur? Bien, tout va dépendre, finalement, des critères
qu'elle aura définis dans sa demande anticipée et du niveau de souffrance qu'elle
aura défini dans sa demande anticipée. C'est pour cela que les balises, à ce
moment-là, vont être très claires, devraient être très claires pour définir,
effectivement, bien, quelle souffrance va être tolérée ou non par la personne
pour, justement, lui accorder ou pas l'aide médicale à mourir, même si elle est
atteinte d'une autre maladie et qu'elle est inapte.
Mme Hivon :
Merci.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Merci beaucoup, donc, pour votre intervention de cet après-midi,
Mme Ben Gaied et Mme Grenier.
Donc, nous accueillerons, dans quelques
instants, nos nouveaux intervenants.
(Suspension de la séance à 15 h 53)
(Reprise à 15 h 59)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, bon après-midi. La commission reprend ses travaux.
Et nous accueillons, pour ce dernier bloc de la
journée, l'Office des personnes handicapées du Québec et leurs représentants,
M. Daniel Jean, directeur général, ainsi que M. Maxime Bélanger,
directeur, Secrétariat général, communications et affaires juridiques.
Bienvenue, messieurs.
Donc, vous disposez de 10 minutes pour
faire votre exposé, et par la suite il y aura un échange avec les membres de la
commission pour une période de 35 minutes. Je vous cède la parole.
Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ)
M. Jean
(Daniel) : Merci,
Mme la Présidente. Mmes, MM. les députés, bonjour. Je suis Daniel Jean, directeur général de l'Office
des personnes handicapées du Québec, et je suis accompagné de Maxime Bélanger,
qui est directeur du Secrétariat général, communications et affaires
juridiques.
• (16 heures) •
Avant toute chose, je tiens à souligner la
motion unanime de l'Assemblée nationale à l'origine de la Commission spéciale
sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie. L'aide médicale à
mourir est un sujet sensible qui soulève des questions délicates, qu'il faut
aborder avec beaucoup de prudence. En tant que société inclusive, il est essentiel d'ouvrir la discussion sur ce sujet, et nous
espérons que cette deuxième étape de
consultations apporte plus d'éclairage. Nous vous remercions d'accorder à
l'office le privilège de se faire entendre dans ce dossier.
Vu la mission de notre organisme, nous sommes
particulièrement interpelés par le sujet d'aide médicale à mourir, qui soulève des enjeux importants pour les
personnes handicapées. Je vous rappelle que l'office est un organisme
gouvernemental qui contribue à accroître la participation sociale des personnes
handicapées. Il soutient et conseille le gouvernement pour toute initiative
pouvant avoir un impact sur ces personnes.
L'office a une expertise unique, appuyée par un
conseil d'administration qui est composé majoritairement de personnes handicapées provenant de divers horizons
de la société civile. Les actions de l'office s'appuient principalement sur la Loi assurant l'exercice des droits des
personnes handicapées et la politique gouvernementale À part entière. De ce
fait, l'office agit sur les obstacles pouvant nuire à la participation sociale
des personnes handicapées. C'est le
coeur de notre action. En réduisant les obstacles, on améliore la qualité de
vie et on augmente les opportunités de participation sociale.
Cela m'amène à vous faire part d'une première
considération, qui va teinter, en quelque sorte, l'ensemble de nos recommandations.
Une demande d'aide médicale à mourir par une personne handicapée apte à
consentir aux soins et atteinte d'une
maladie grave et incurable de santé physique n'est pas un enjeu pour l'office.
Nous reconnaissons qu'elle a les mêmes droits que le reste de la
population.
Cependant, nous sommes d'avis qu'avant toute
chose il faut accorder notre attention à s'assurer que les personnes
handicapées qui envisagent de se prévaloir de l'aide médicale à mourir ne le
feront pas en raison d'une souffrance ou d'un désespoir causé par un manque
d'accès à des services qui auraient pu ultimement améliorer les conditions d'existence et leur participation
sociale. Il faudrait éviter également qu'elles soient motivées par
l'impression d'être un fardeau pour leur famille et leurs proches. Il faut
comprendre qu'en travaillant en priorité à réduire les obstacles empêchant
l'accès aux services, il est possible d'améliorer la qualité de vie de ces
personnes, de répondre davantage à leurs aspirations. Le recours à l'aide
médicale à mourir doit donc être une option à considérer seulement si la personne a pu bénéficier d'une telle
approche. Cette mise en garde s'applique à chacune de nos recommandations.
Aussi, soulignons que beaucoup de personnes
handicapées ont des profils similaires à ceux de l'affaire Truchon et Gladu. Elles ont des incapacités
significatives et permanentes sans pronostic de fin de vie imminente et
n'ont pas un trouble grave de santé mentale. C'est pourquoi nous recommandons
d'ajuster en conséquence les critères de l'article 26 de la Loi sur les soins
de fin de vie. Il s'agit de la première et de la plus importante recommandation
de notre mémoire, qui vise à assurer que les personnes qui pourraient être
admissibles à l'aide médicale à mourir aient eu d'abord accès à tous les soins
et services possibles, que ceux-ci ne sont plus en mesure de répondre à leurs
besoins ou d'atténuer leurs souffrances et qu'elles y ont renoncé en pleine
connaissance de cause. L'affaire Truchon et Gladu, à l'origine du retrait du
critère de fin de vie, rend encore plus crucial l'ajout de ce nouveau critère à
l'article 26 en fonction des préoccupations que nous venons d'énoncer.
J'aimerais
maintenant aborder la question des personnes en situation d'inaptitude, qui est
une de nos principales préoccupations.
D'une part, le droit à l'autodétermination est capital, selon les orientations
de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, et,
d'autre part, la protection des personnes handicapées et vulnérables est aussi
clairement abordée dans cette loi et dans la politique À part entière.
À ce sujet, nous trouvons important de clarifier
la situation des personnes qui n'ont jamais été considérées comme aptes à
consentir à leurs soins et qui ne seraient pas jugées aptes à consentir à
l'aide médicale à mourir, par exemple les personnes ayant une déficience
intellectuelle profonde.
D'abord, il importe de
bien distinguer la notion d'inaptitude, sur le plan légal, de celle de
l'aptitude à consentir aux soins. Malheureusement, il est courant de penser
qu'une personne considérée inapte selon la loi le serait aussi pour consentir
aux soins, mais ce n'est pas le cas. Un patient est considéré comme apte à
consentir aux soins si, par exemple, il est
capable de comprendre la nature de sa maladie, le but des soins et les risques
associés à ceux-ci. La présomption d'aptitude à consentir aux soins,
incluant l'aide médicale à mourir, devrait être appliquée d'emblée à toutes les
personnes handicapées. Ce principe d'autodétermination doit ainsi s'appliquer
lorsqu'il est question d'une personne sous curatelle ou sous tutelle.
L'aide médicale à mourir n'est cependant pas un
soin comme les autres. C'est pourquoi, selon nous, l'aptitude de la personne à
y consentir doit être vérifiée attentivement par le groupe soignant. Dans tous
les cas, la personne doit formuler par et pour elle-même sa demande. Aucune
forme de prise de décision substitutive ne devrait être envisagée dans aucun
cas.
Concernant la
question d'une demande anticipée d'aide médicale à mourir, cela amène des
enjeux plus spécifiques. Nous sommes d'avis que le respect du principe d'autodétermination — excusez — des
personnes atteintes de maladies graves et incurables de santé physique
devrait se traduire par la possibilité qu'elles puissent formuler une demande
anticipée d'aide médicale à mourir. Cependant, les experts entendus à la commission
soulignent la difficulté d'évaluer avec
précision la souffrance d'une personne qui n'est plus en mesure de l'exprimer
clairement. Cela pourrait laisser planer un doute sur les réelles
volontés de la personne au moment d'administrer l'aide médicale à mourir.
Des spécialistes estiment aussi que les
personnes atteintes de maladies... de ces maladies ont le droit de recevoir les meilleurs soins possible pour
lesquels il faut investir davantage. Pour éviter des dérives potentielles
concernant les demandes anticipées, nous jugeons essentiel de renforcer les
pratiques en vigueur pour assurer que les droits et intérêts des personnes sont bien protégés. Nous recommandons ainsi la
participation d'un professionnel du réseau de la santé ou de la société civile autre qu'un médecin au
groupe soignant associé à la démarche d'aide médicale à mourir. Ce
professionnel devrait bien connaître la personne, ses besoins et les
services pouvant potentiellement améliorer sa qualité de vie.
Un autre sujet pointu abordé par la commission
concerne les personnes ayant des troubles graves de santé mentale dont la seule
condition particulière est ce trouble. Les points de vue à ce sujet sont très
divergents. Je n'entrerai pas dans les détails, vous les avez déjà entendus,
mais il en ressort qu'il n'y a pas de consensus sur le sujet pour le moment. De plus, il est difficile de
présumer de l'offre de services et des développements à venir dans le
monde médical... excusez. En conséquence, nous recommandons de ne pas aller de
l'avant avec la proposition d'élargir l'accès à l'aide médicale à mourir aux
personnes ayant des troubles graves de santé mentale sont la seule condition
particulière est ce trouble, et ce, tant qu'il n'y aura pas une évidence
scientifique reconnue appuyant celle-ci.
J'aimerais maintenant terminer avec une
réflexion concernant le phénomène du suicide de manière plus globale. Nous
croyons que le débat sur l'ouverture potentielle de l'aide médicale à mourir
nous amène à soulever des préoccupations
plus larges concernant les personnes handicapées et la population en général.
L'élargissement de l'aide médicale à mourir entraîne des risques de
dérive par rapport à la valeur de la vie des personnes plus vulnérables. Le
message envoyé pourrait être que l'interruption de vie est la solution à la
détresse que vivent les personnes handicapées ou d'autres personnes plus
vulnérables. Cela pourrait amener certains à vouloir élargir l'accès à l'aide
médicale à mourir dans d'autres conditions et pour d'autres groupes
vulnérables.
Vous comprendrez qu'il s'agit d'une pente
glissante. À cet effet, j'aimerais vous rappeler la mise en garde que je vous
ai partagée au début de ma présentation. Il faut, avant toute chose,
intensifier les services pour contrer les obstacles qui empêchent les personnes
handicapées de participer pleinement à la société. Nous avons collectivement le
devoir de proposer les options de service et de soutien adéquats pour les
personnes handicapées et tous ceux et celles qui ont des besoins spécifiques.
Vivre dans la dignité implique de travailler à offrir les meilleures conditions
de vie à ces personnes. C'est pourquoi l'office suggère à la commission
spéciale d'entreprendre des travaux sur la question d'aide médicale à mourir
pour mettre fin volontairement à sa vie dans une perspective visant l'ensemble
de la population. Un tel débat social concerne la société en général, car il
touche les gens de tout âge et de toute condition. Je vous remercie de votre
attention.
• (16 h 10) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Bonjour,
messieurs, merci de votre présence et de votre témoignage lors de cette commission spéciale. J'aurais
quelques questions pour vous, vous entendre... Merci pour votre présentation.
Ce que
j'entends, c'est... ce que vous cherchez, c'est vraiment un équilibre,
vraiment, entre le droit individuel et la nécessité de, aussi, protéger
les personnes vulnérables. Alors, vous proposez quand même des recommandations qui sont prudentes, mais à l'intérieur de ceci, on
veut aussi reconnaître et respecter les droits et les libertés des
personnes handicapées. On a entendu
plusieurs groupes, aujourd'hui, qui ont manifesté ce point, car c'est très
important de s'assurer que chaque personne peut avoir un accès ou de
respecter leur droit de faire un choix qui est clair, qui est libre.
Alors, je veux mieux comprendre le rôle que vous
occupez, parce que l'Office des personnes handicapées du Québec a quand même un
rôle très crucial, fondamental. Vous accompagnez plusieurs personnes dans leurs
démarches, soit en manque de services ou de
mieux comprendre c'est quoi, leurs droits, etc., c'est vraiment
fondamental. Parce que vous êtes en train de
dire qu'il y aurait peut-être des limitations en ce qui concerne
l'élargissement de la loi, exemple on
ne veut pas que ça soit appliqué pour des personnes qui souffrent peut-être des
difficultés de santé mentale.
Que ferez-vous, d'abord, face à ces personnes
qui vont probablement venir vous voir si, mettons, on dit, comme
commission : Nous recommandons... ce serait que, oui, ça ne devrait pas
s'appliquer envers ces personnes, puis ils viennent voir
l'Office des personnes handicapées du Québec parce qu'ils disent : Je
souffre et je souffre profondément? Vous
l'avez évoqué, M. Jean, que c'est très difficile d'évaluer la souffrance
d'une personne, plusieurs experts nous ont témoigné de ceci. Alors,
qu'allez-vous faire face à ces personnes qui vont venir vous voir pour dire : Au secours, aidez-moi, j'aimerais
avoir un accès à l'aide médicale à mourir, mais vous, vous pensez que peut-être
je ne devrais pas être éligible?
M. Jean
(Daniel) : Mme la
Présidente, l'enjeu n'est pas simple. Effectivement, l'office a un rôle
d'accompagnement des familles puis des personnes handicapées pour avoir
accès à des services dans l'appareil gouvernemental et aussi auprès des
municipalités. On ne donne pas nécessairement des services directs. C'est au
ministère de la Santé, c'est les ministères de services qui donnent les
services directs. Mais nous, on accompagne les personnes, et ce qu'on constate, c'est que, dans le fond, les difficultés
que vivent les personnes handicapées sont reliées à différentes
conditions, c'est-à-dire la condition de la personne, ce qui se passe dans son
environnement puis, dans le fond, comment elle peut exercer sa participation
sociale ou ses rôles sociaux. On ne peut pas dissocier ces éléments-là. Donc,
nous, souvent, ce qu'on constate, c'est que notre intervention avec les ministères
amène souvent à trouver des solutions où les difficultés qui étaient vécues
avant la prise en charge et après changent complètement le contexte de vie.
Donc, ce qu'on dit, nous... on ne dit pas qu'on est contre toute forme d'aide
médicale à mourir, ce qu'on dit, c'est que... dans une de nos recommandations,
c'est qu'on dit qu'on doit s'assurer que l'ensemble des services ont été
donnés.
Comme deuxième considération que j'aimerais
apporter à votre attention, c'est que la question de la souffrance n'est pas
spécifique aux personnes qui ont une problématique de santé mentale. On la
retrouve dans la population en général, on la retrouve chez les personnes qui
ont des problématiques de santé physique, on la retrouve dans différents... Et
notre propos, à la fin, va dans ce sens-là, c'est-à-dire que nous, on ne dit
pas que les personnes handicapées ne devraient pas avoir droit à l'aide
médicale à mourir pour des questions de souffrances extrêmes, ce qu'on dit,
c'est qu'on ne doit pas viser ce groupe-là uniquement si on fait ce débat-là,
faisons le débat pour l'ensemble de la société, parce qu'il y a des jeunes qui
ne vivent pas avec une problématique, un trouble grave de santé mentale qui
vivent des souffrances extrêmes au même titre que des adultes aînés, et, dans
le fond, on n'a pas d'étude probante, actuellement, pour dire qu'un groupe qui
se démarque d'un autre.
Mme Maccarone : O.K. Je sais
que le temps file, j'aimerais... Parce que, là, on parle aussi beaucoup en ce
qui concerne les personnes qui souffrent d'une déficience intellectuelle ou de
l'autisme, hein, on a aussi eu des témoignages, aujourd'hui, qui ont été fort
intéressants puis qui vont vraiment pousser la réflexion pour nous ainsi que,
je pense, toute la population, tous les gens qui nous écoutent aujourd'hui.
Puis on avait discuté aussi qu'il y a des
préjugés, il y a des stéréotypes. C'est des difficultés dont ils font face, les
personnes handicapées. Que pensez-vous... parce que, là, vous nous avez
parlé de quelques balises en ce qui concerne peut-être le groupe d'experts qui
devrait accompagner, mais avez-vous autres recommandations qui ne sont
peut-être pas à l'intérieur de votre mémoire en ce qui concerne d'autres
balises, d'autres recommandations, formation, peut-être? J'avais évoqué cette question
avec le groupe précédent, comment déterminer si la personne ayant une
déficience intellectuelle, pas lourde... Je comprends votre point en ce qui
concerne quelqu'un qui a déjà une déficience intellectuelle, considéré inapte même
avant ceci, avoir la conversation ou la discussion en ce qui concerne l'aide
médicale à mourir, mais comment déterminer si cette personne a vraiment compris
et éviter qu'il y ait des préjugés, éviter qu'il y ait des stéréotypes et
donner un bon accompagnement à des personnes qui devraient s'autodéterminer et
avoir le choix de mettre en vigueur la loi qui devrait s'appliquer pour eux
aussi?
M. Jean (Daniel) : Oui,
c'est... vous aimeriez que j'aborde la question des moyens concrets. Ce que je
vous dirais, c'est... une partie de ma vie, les 15 premières années, je
travaillais auprès des automutilateurs sévères. Donc, j'ai travaillé comme
intervenant, comme gestionnaire auprès de personnes qui voulaient
s'autodétruire, d'une certaine façon, c'est-à-dire qu'ils étaient... J'arrivais
dans des endroits où ils étaient attachés, avec une forte médication, un
casque, dans certains cas, de hockey ou de football sur la tête ou... genre de
scènes qu'on a déjà vues, et ce que les gens disaient, c'est que leur vie,
c'était... dans cet environnement-là contrôlé, c'était ça, l'avenir de ces
personnes-là. Moi, j'avais été formé selon une approche qui est
interdisciplinaire, qui vise à dire : On ne part pas juste de la condition
de la personne, on part de l'exercice de la condition de la personne dans un
environnement, donc les moyens qu'on peut lui offrir et les habitudes de vie
qu'on est capables de l'amener à développer.
Ce que j'ai constaté avec le temps, c'est que
des personnes qu'on disait qui n'avaient pas d'avenir ont eu un avenir, ont réussi à sortir. Le problème, dans le
cadre de la commission... Nous, notre propos, il est à deux niveaux. Il
y a des personnes qui souffrent, actuellement, puis qu'on n'a pas pris
l'approche peut-être plus large, avec une approche... pas juste une médication,
tu sais, une médication... sociale qui permettrait d'élargir le débat puis
d'apporter... Nous, on pense qu'il faut continuer à travailler dans ce sens-là.
Par ailleurs, dans ma pratique privée... privée
professionnelle, mais qui remonte à quelques années, j'ai constaté qu'il y a
des situations où on n'est pas capable d'atteindre des résultats, et c'est là
qu'on dit... donc, une des recommandations qu'on dit : Il faut élargir, il
ne faut pas juste avoir l'approche médicale, il faut avoir une approche qui va
aller chercher des éléments dans la communauté, mais par ailleurs il faut
admettre qu'il y a des limites, O.K.? Et les personnes handicapées, comme les
autres personnes de la société, peuvent souffrir, et on n'a pas de solution, et
pour ça il faut faire le débat pas spécifiquement sur les personnes handicapées,
mais sur les personnes qui souffrent et qu'on n'a pas réussi à trouver de
solution. Mais on pense que la meilleure approche, c'est de travailler sur les
obstacles, dans un premier temps.
Mme Maccarone :
Et quel serait le rôle, d'abord, des proches aidants auprès de ces personnes? Parce
que c'est quand même particulier, quand on parle d'une personne, peut-être, qui
souffre d'une déficience intellectuelle, on sait que, souvent, elle veut
plaire, ou une personne qui a de telles difficultés. Est-ce que le rôle du
proche aidant devrait être différent,
changé, modulé? Vous avez parlé de votre équipe, est-ce que
le proche aidant devrait y participer? Puis comment assurer que la
personne peut être indépendante, autodéterminer son destin et aussi être
entourée, accompagnée des proches aidants?
M. Jean (Daniel) : Le proche
aidant ou les proches autour de la personne vont nous aider à comprendre. Les
troubles du comportement, moi, j'ai toujours dit que c'est les moyens de
communication. La souffrance nous permet de comprendre, O.K., avec les proches,
les proches aidants, ça nous permet de décoder ce qui se passe. Il y a des
personnes qui souffrent beaucoup parce qu'ils se sont fait une représentation
de leur condition, et, par préjugé ou par méconnaissance, ils ont... ils ne
voient pas d'issue, et souvent les proches vont pouvoir nous donner des
indications. Moi, dans ma pratique, dans le
passé, c'était effectivement... pour comprendre un... si on veut vraiment
aider quelqu'un, il faut le
comprendre, puis, si on veut le comprendre, bien, il faut aller chercher l'information là où est-ce qu'elle est, dans les...
là où sont les proches, et dans ses comportements, et dans ses manifestations.
Plus on va être proche des besoins de la personne, plus on va être en
mesure d'atténuer les souffrances, mais il y aura toujours des situations
extrêmes.
• (16 h 20) •
Mme Maccarone : Dernière
question pour moi, ce serait en ce qui concerne la maltraitance, c'est de
s'assurer que nous protégions aussi les personnes handicapées. Et on a aussi
parlé beaucoup de... souvent, ces personnes peuvent se sentir comme elles sont
un fardeau. On ne veut pas qu'ils prennent les mauvaises décisions à cause de
peut-être des sentiments, ou une situation indue, ou, comme vous avez dit, un
manque de services ou de soins, par exemple. Avez-vous des recommandations ou
autres balises que nous devons prendre en considération en ce qui concerne des
mesures pour protéger ces personnes de la maltraitance ou de... en général, en
ce qui concerne l'aide médicale à mourir?
M. Jean (Daniel) : Bien, dans
le fond, la... l'idée, c'est de... d'une part, de... Ce qu'on dit, nous, c'est
qu'il faut... La personne peut exprimer... Quand elle peut exprimer d'avance ce
qu'elle aimerait, pouvoir se prévaloir de cet acte-là, O.K., si elle arrive au
terme d'une souffrance, O.K., et qu'on dit : Il doit y avoir un test avec
l'équipe de soignants, puis les proches devraient être là. On parle de société
civile, on parle aussi de l'environnement, des personnes qui connaissent bien
la personne pour être capables de décoder.
Toute la question de la maltraitance, bien, c'est
la question de l'accompagnement. Ça, c'est un défi. On l'a vu, tant qu'on est
en mesure de bien soutenir la famille, de bien soutenir la personne, on est
capable de prévenir. Mais c'est... la réalité est souvent un effet de
dominos : si on ne soutient pas la famille, si on ne soutient pas la personne,
la souffrance va être vécue à différents niveaux et peut se traduire par des
comportements inappropriés.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. S'il reste du temps, j'aimerais céder la parole à ma collègue.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Il ne nous reste plus de temps. On va peut-être revenir à la fin, Mme la
députée.
Donc, je céderais maintenant la parole au député
de Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme
la Présidente. Messieurs, bonjour.
J'ai très peu de temps... bien, c'est-à-dire
autour de quatre minutes. J'ai deux questions, je pense, quand même assez
lourdes.
La première, concernant votre première recommandation,
que je ne lirai pas au complet parce que, juste en la lisant, je vais perdre 30
secondes, mais vous la connaissez par coeur, j'en suis sûr, moi, je vois tous
les mérites de la vertu là-dedans, mais je
vois aussi un élément contre-productif, parce que, si on prend ça au pied de la
lettre, on n'y arrivera pas dans l'immense majorité des cas, parce qu'on
ne sera pas capables de rencontrer ces exigences que vous amenez. On se
retrouverait donc — c'est
un débat qu'on a, là, depuis quelques jours, là — à pénaliser doublement
ces gens qui n'ont pas reçu les bons services
ou qui n'ont pas eu accès à tous les services — puis ça, on l'entend tout le temps,
puis ce n'est pas nouveau — et
en plus on leur couperait l'avenue vers l'aide médicale à mourir. C'est ainsi
que je le vois, en tout cas, parce que, si nous devions effectivement respecter
à la lettre ce que vous nous proposez là, je pense qu'on aura un taux de succès
malheureusement très faible, malheureusement, et je le dis, vraiment
malheureusement.
Puis je vous lance la deuxième question, si vous
voulez disposer du temps : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce que
vous nous suggérez comme réflexions sur le suicide? Je ne suis pas trop sûr
d'avoir bien compris ce que vous nous proposiez. Merci.
M. Jean (Daniel) : O.K. La
première question, si je veux faire court, c'est... À l'époque, quand je
travaillais dans les centres de réadaptation, on a adopté une règle, on s'est
dit : Les contentions physiques, les restrictions physiques, les
contentions chimiques, on fait tout pour que ça disparaisse. On va travailler,
on va se donner cette contrainte-là. Et aujourd'hui, si on regarde
objectivement, là, O.K., la réalité dans les centres de réadaptation, on voit
qu'il y a des grands pas qui ont été faits.
Donc, ce qu'on dit,
nous, à l'office, c'est que, si on travaille sur les obstacles, on risque
d'avoir des résultats. La personne qui est en fauteuil roulant au deuxième
étage, puis il n'y a pas d'ascenseur, il y a un obstacle, là, elle n'est pas capable de sortir dehors. Donc, la
souffrance, c'est la même chose. Si on n'est pas capable de bien
identifier l'obstacle que représente la souffrance dans
la vie d'une personne et de travailler avec, on a une difficulté. Donc, oui, ça
peut paraître vertueux, mais je suis convaincu qu'on est capables de faire des
grands pas de ce côté-là.
La dernière
recommandation, c'est qu'on inverse la logique, d'une certaine façon. C'est
comme si on disait : Écoutez, si vous voulez élargir l'aide médicale à
mourir aux personnes qui souffrent et que, scientifiquement parlant, on n'est
pas capables de trouver un groupe qui souffre plus qu'un autre, ce n'est pas
prouvé, ça. Nous, ce qu'on dit : Inversez la logique, faites le débat pour
l'ensemble de la population, quels sont les critères d'élargissement qu'on
devrait faire, et ça devrait s'appliquer aux personnes handicapées. Dans le
fond, vous voyez, c'est un renversement de paradigme, d'une certaine façon. Par
contre, notre recommandation qui va dans ce sens-là souligne tout simplement
qu'on devrait réfléchir là-dessus, mais on n'apporte pas de solution, ça fait
que je comprends que vous restez sur votre faim là-dessus, effectivement. Mais,
quand je parlais de suicide, c'est la volonté... En fait, le mot est un peu
lourd, là, mais c'est la volonté de mettre fin à sa vie par un acte médical.
C'est à ça qu'on fait référence.
M. Marissal :
Je préférerais dire, ici, que je poursuis la réflexion plutôt que je reste sur
ma faim. Puis je pense que ça va être comme ça pour encore un petit bout de
temps, on ne fait que commencer les travaux. Je vous remercie pour les
précisions. Merci beaucoup.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Vous auriez... Vous auriez encore du temps,
M. le député. Peut-être...
M. Marissal :
Oui. Bien, oui, effectivement, la recommandation 4, vous suggérez d'autres
personnes. Ce serait élargi vers qui, vers quoi? Et qui en serait exclu
d'office?
M. Jean
(Daniel) : Bien, l'idée, c'est que ce qu'on dit, le modèle sur lequel
travaille l'office depuis 2009 avec la politique À part entière, c'est un
modèle qui repose sur une logique : il y a les conditions de la personne,
O.K., avec ses capacités puis ses incapacités. On parle souvent des
incapacités, mais elle a des capacités. Il y a les facteurs environnementaux.
Je vous donnais l'exemple de l'ascenseur, si je n'ai pas d'ascenseur, j'ai des
incapacités motrices, si je ne suis pas capable de bouger. Puis il y a toute la
question, O.K. des habitudes de vie. Ça veut dire que, si je travaille sur les
obstacles pour sortir la personne de l'étage, l'amener sur la rue, il faut
après ça que je l'amène dans des habitudes de vie où elle va pouvoir
s'épanouir. Et c'est là, le défi, de travailler sur des obstacles, c'est qu'on
identifie où sont les bloquants et on s'assure de pouvoir les enlever.
Une logique que
j'aime beaucoup souligner, c'est que, quand j'étais du côté des centres de
réadaptation, je regardais quelqu'un qui avait des troubles sévères du comportement
puis j'essaie de l'amener vers une intégration d'activités de jour, ou
socioprofessionnelles, ou professionnelles parce que je lui donnais du sens, à
sa vie, les comportements déviants diminuaient, etc. C'est sûr qu'on n'en
faisait pas des professions au même titre, mais l'occupation, exemple, auprès
des personnes autistes était très intéressante comme résultat.
J'ai travaillé au
ministère du Travail, Emploi et Solidarité sociale et, quand je suis arrivé,
bon, quand j'étais au niveau de l'assistance sociale, on soulignait que, quand
il y a des personnes qui sont «contraintes sévères à l'emploi», bien, on va les
amener dans des programmes d'aide non active. Aujourd'hui, la pensée évolue,
mais ce qu'on se rend compte, autrement dit, c'est tout simplement de... la
façon dont on va voir la personne, ses capacités et ses incapacités... cet
équilibre-là qui va nous permettre de bouger ou pas.
Ça fait que la
personne qu'on veut voir ajouter, ce n'est pas une personne du monde médical.
On veut voir ajouter une personne qui connaît... Ça peut être un proche aidant,
effectivement. Ça peut être quelqu'un d'un organisme communautaire ou un travailleur
social, un sociologue, etc., quelqu'un qui connaît l'environnement de la
personne ou les actions qu'on peut poser dans l'environnement pour changer le
paradigme.
M. Marissal :
Merci.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci. Donc, je céderais maintenant la parole
à la députée de Joliette.
Mme Hivon :
Oui, bonjour. Merci beaucoup, c'est vraiment une très bonne présentation. Vous
cernez vraiment bien les enjeux.
Je veux poursuivre
exactement là-dessus, sur la recommandation 4. Donc là, on est dans le cadre de
la demande anticipée, la personne a un diagnostic, et là ce que vous nous
dites, c'est qu'il faudrait prévoir la participation d'un professionnel du
réseau et des services sociaux autre que le médecin ou de la société civile. En
ce moment, dans la loi actuelle, ça parle déjà de l'importance d'avoir recours
à l'équipe multidisciplinaire. Donc, ce principe-là est dans la loi. Est-ce
qu'il est toujours appliqué? Je ne le sais pas, mais, en théorie, ça devrait.
Donc, en théorie, on va plus large que le seul médecin quand on traite, donc,
et qu'on accompagne la personne.
Vous, si je comprends
bien de ce que vous avez dit à mon collègue, ce que vous souhaitez davantage,
c'est peut-être ce que certains nous disent, un intervenant psychosocial ou une
personne significative à l'extérieur. Mais là, si on est dans le cas d'une
personne qui a un diagnostic de maladie d'Alzheimer, par exemple, et qui fait
une demande anticipée, on n'est pas dans le même contexte qu'une personne, par
exemple, qui a une déficience depuis longtemps, qui est accompagnée par
certains organismes, puis tout ça, là, on est quelqu'un qui est pas mal entouré
de son médecin de famille puis de ses proches. Ce serait quel type de
personnes, dans ce cas-ci, qu'on verrait?
• (16 h 30) •
M. Jean (Daniel) : Bien, l'idée,
c'est d'aller chercher... c'est d'aller dans la logique de la loi,
effectivement, une approche interdisciplinaire ou transdisciplinaire, et ce
qu'on veut voir ajouté, c'est quelqu'un qui connaît bien les
besoins de la personne. Donc, ça peut passer par le réseau de la santé,
effectivement, par quelqu'un de la société civile qui va aller capter un
proche, parce qu'on voit que c'est souvent par là que ça va passer, un
organisme qui accompagne la famille, mais l'enjeu, c'est : si on veut agir
puis essayer de pouvoir aller le plus loin possible dans la façon d'atténuer
les souffrances, il faut coller le plus possible les besoins de la personne, il
faut la comprendre. C'est ça, notre enjeu. Mais cette recommandation-là, ce
n'est pas une grande révolution par rapport à, effectivement, la loi, c'est
juste un trait qu'on souligne de façon plus intensive.
Mme Hivon : O.K. Puis, quand vous amenez ensuite... à la
recommandation 5 puis par la suite, les deux autres paragraphes de
votre page 12, vous parlez de l'importance de vraiment informer la
personne, de voir avec elle les autres alternatives, tout ça, pour peut-être
soulager sa souffrance ou tout ça, là on est encore dans le cadre d'une demande
anticipée, donc tout ça se ferait dans le contexte de sa discussion avec le
médecin pour s'assurer du consentement éclairé quand elle fait sa demande
anticipée. Est-ce que, encore une fois, vous trouvez... Parce que, dans la loi
actuelle, on prévoit ces mécanismes-là pour avoir le... ce qui doit être
discuté avec la personne. Est-ce que vous pensez que, vu qu'on est dans le
contexte d'une demande anticipée, on doit aller plus loin et être plus précis
sur ce qui doit être discuté pour obtenir le consentement?
M. Jean (Daniel) : Bien, ce qui
m'embête un peu... oui, il faudrait essayer de... ce qui m'embête un peu, c'est
le profil des personnes handicapées. Quand on regarde les statistiques,
60 %... O.K., en fait, c'est 64 %, là, la donnée exacte, 64 %
des personnes handicapées ont des douleurs — c'est variable, des fois
c'est plus intensif, des fois, c'est cyclique — ont des douleurs, donc des
douleurs amènent la souffrance. Et là on parle de, quand même, près de 1
million dans la population du Québec.
Moi, ce que je dis, c'est que la souffrance...
j'entends bien, puis c'est le débat que vous avez à faire au sein de la commission,
hein, c'est comment mesurer cette souffrance-là, ces concepts de douleur, de
souffrance, et comment apprécier. Ce qu'on dit, nous, du côté de l'office,
c'est que, souvent, dans nos accompagnements des personnes handicapées et des
familles, entre ce qui est vécu quand on commence l'accompagnement et la fin,
c'est deux mondes, O.K.? Ce qui était vécu au début était vécu comme étant
quelque chose de très anxiogène, il y avait une interruption de service,
souvent un des deux parents devait rester à la maison, il y avait comme une
lourde difficulté, et à la fin on avait trouvé des voies de passage qui
permettaient d'aller de l'avant.
Donc, ce qu'on dit, juste, dans le débat, c'est
qu'il y a deux axes sur lesquels il faut travailler : il faut travailler
sur l'espoir d'atténuer la souffrance et il faut travailler, si on n'est pas
capable d'atténuer la souffrance, comment on est capable de s'assurer qu'on
répond bien aux besoins de la personne, et, pour ça, ça prend quelqu'un qui
connaît bien la personne.
Et les membres de notre conseil
d'administration, c'est des personnes handicapées, majoritairement, et, pour
eux, les questions, dans le fond, de l'accompagnement, de ne pas faire prendre
une décision par quelqu'un d'autre, c'étaient des éléments fondamentaux dans
tout le débat qu'on a eu avec eux.
Mme Hivon :
Merci. C'est très clair.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée.
On parle d'accompagnement. Pour quelqu'un qui n'aurait pas de proches, il y a,
comme vous le dites, peut-être
une équipe soignante, mais est-ce qu'on pourrait parler d'un conseiller en
éthique, peut-être, ou du Curateur public? Puis j'aimerais peut-être vous
entendre à ce niveau-là.
M. Jean (Daniel) : Bien, effectivement,
moi, dans ce que j'ai vécu dans le passé, quand on avait des personnes qui
n'avaient pas de cellule familiale autour d'elles, de proches, des personnes
qui connaissaient bien leur condition, on essayait d'évaluer les capacités. Il
y a des outils qui existent aujourd'hui pour évaluer les conditions de vie des personnes
handicapées à partir du modèle que je vous parlais, là, l'interaction entre les
facteurs individuels, l'environnement puis les habitudes de vie, et ces
outils-là permettent effectivement d'apprécier ce sur quoi on peut agir. Ça
fait qu'effectivement, là, il faudrait... Il y a un outil, MHAVIE, là, entre
autres, qui est un peu connu, qui permet d'aller chercher ce type d'information
là. Mais je pense que, si on n'a pas de proches qui nous permettent de nous renseigner, là, il faut aller du côté des
approches documentées, scientifiques ou, effectivement... je n'avais
pas pensé à la question d'un spécialiste en éthique, mais ça pourrait
être effectivement aussi des bonnes voies de passage.
La
Présidente (Mme Guillemette) : C'est un autre groupe qui est venu
en auditions aujourd'hui qui nous ont apporté cette voie-là, puis je voulais voir
ce que vous en pensiez.
Vous
recommandez que le critère... à l'article 26, le critère de la loi, vous
dites : «Elle a eu accès à des soins, des services, du soutien et des opportunités
de milieu de vie et de participation sociale pouvant améliorer ses conditions
de vie avec l'accompagnement requis pour s'en prévaloir, et ce, sans succès et
sans autre alternative.» À quel niveau d'accès et d'accompagnement il est
possible de statuer, là, qu'on en a assez fait, là, que le «sans succès» et le
«sans alternative», on l'a atteint? Et qui devrait être en mesure de statuer
une telle question?
M. Jean
(Daniel) : Au niveau... Je parlais avec le directeur national de la
santé mentale, au ministère de la Santé et des Services sociaux, de la
problématique de la santé mentale puis les périodes de crise, puis il me disait
que ça pouvait... une période de souffrance extrême pouvait durer de quelques
mois à autour de 18 mois, hein, il y a comme des
épisodes. Et le signal d'alarme, c'est quand que tu as franchi le 18 mois,
là, puis que tu as essayé un paquet d'interventions, médicaments, des
interventions de plus... de type dans la communauté aussi et que rien n'a
fonctionné. Là, effectivement, l'équipe peut se poser des questions.
Le lien que je ferais peut-être pour illustrer
comment que le modèle répond bien, d'une certaine façon, c'est la pandémie, ce
qu'on vient de vivre, d'une certaine façon. La pandémie nous a fait vivre...
tous les citoyens, on a tous vécu... de façon différente, mais on a vécu une
plus grande détresse et des plus grandes difficultés. On se rend compte que,
quand on n'a pas accès à tous les services auxquels on voudrait avoir... ou
qu'on n'a pas toute l'intervention qu'il nous faudrait, il y a une
détérioration de la qualité de vie puis une augmentation de la souffrance ou de
la détresse.
Ça nous a aussi appris qu'on avait un bon niveau
de services avant, puisqu'on veut le retrouver, hein? Il faut voir aussi la
perspective dans... Nous, ce qu'on dit, à l'office, là, c'est que c'est... ce
que la pandémie nous enseigne, c'est que, si on agit sur les conditions, les
obstacles des personnes, on peut atteindre des résultats. Mais ne soyons pas
dogmatiques, reconnaissons qu'actuellement la science a des limites par rapport
à certaines problématiques, autant au niveau des maladies neurologiques
dégénératives, au niveau de la santé mentale que des automutilateurs sévères
avec une déficience profonde ou autisme, là. Il y a des enjeux là, là, des
drames qui se vivent, là, puis qu'on n'a pas trouvé de solution, puis il faut
être assez honnête pour dire : Actuellement, on ne sait pas. Puis là il
faut poser la question à la personne : Qu'est-ce que tu veux faire de ta
vie? Parce que, là, actuellement, on n'a pas la réponse.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je céderais maintenant la parole à la députée de Saint-François.
Mme Hébert : Merci,
Mme la Présidente. Merci, M. Jean.
Je voudrais vous amener par rapport à quand on
pense, là... disons qu'on y va pour quelqu'un qui a un diagnostic d'une maladie
incurable, qui a un diagnostic irréversible puis qu'éventuellement il risque de
devenir inapte. Donc, si on parle, là, d'inaptitude... alors, si la personne
veut faire une demande anticipée, avez-vous réfléchi à comment ça... quelle
forme ça pourrait être? Est-ce que ça doit être notarié? Est-ce que ça doit
être une demande simple faite avec le médecin, comme les... Donc, est-ce que
vous avez pensé à la procédure qui pourrait être faite?
M. Jean (Daniel) : Sur cet
élément-là, non, de façon très claire, mais est-ce que vous faites référence à
une problématique reliée à la déficience, ou à la personne handicapée, ou une problématique
de santé physique?
Mme Hébert :
Santé physique.
M. Jean
(Daniel) : Santé physique. Donc, pour nous, ce qu'on dit, tout
simplement, dans le mémoire, c'est qu'on colle les processus actuels. Ce qu'on
a entendu, du côté du curateur — vous l'avez entendu en mai dernier, je
crois — nous
apportait des éclairages. On n'a pas l'expertise pour aller plus loin
là-dessus. Nous, le bout qui nous intéressait,
c'est l'autodétermination, c'est de dire: Bien, les personnes handicapées ont
des droits, et il faut reconnaître qu'elle a aussi le droit de demander
une aide médicale à mourir lorsqu'elle a une maladie physique incurable.
• (16 h
40) •
Mme Hébert :
Parfait. Si on va du côté de ma collègue, donc, Mme la Présidente, qui a amené
une question, puis... Je vous ai entendu parler de l'outil MHAVIE. C'est la
première fois que j'entends ça. Est-ce que vous êtes capable de m'expliquer un
petit peu plus c'est quoi, cet outil-là?
M. Jean
(Daniel) : Bien, c'est un outil qui vise à identifier, dans les
différentes sphères de la vie de la personne, dans le fond, c'est quoi, ses
capacités, qu'est-ce qu'elle est capable de faire puis ce qu'elle n'est pas
capable de faire. Ça nous amène à nous questionner où est l'obstacle et sur
quoi on doit agir. Je vous donne comme exemple, toujours, la personne au
deuxième étage, si on met un ascenseur... qui est en une incapacité motrice,
qui est en fauteuil roulant, donc, on comprend qu'avec l'ascenseur elle est
capable de descendre, mais, un coup qu'elle est rendue dehors, elle n'est pas
capable d'aller plus loin que la rue parce qu'il n'y a pas de transport adapté,
il n'y a pas d'élément. Donc là, on
travaille sur les obstacles dans l'environnement, mais, un coup que la personne
est dehors, est en train de marcher,
est en train de prendre un transport, là, elle a soit des rôles sociaux ou des
activités de vie qu'elle doit réaliser pour prendre sa place dans la
société. Donc, cet outil-là nous amène à prendre en considération chacun des
éléments.
Moi,
quand j'ai travaillé avec des automutilateurs sévères, paradoxalement, le taux
de réussite était aux alentours de 70 %, je vous dirais, là, O.K.,
30 % des résultats étaient mitigés, là, O.K., on avait peut-être un
30 % qui était... vraiment, c'était... on avait réglé une partie du
problème. Puis le groupe, au centre, on avait réussi à maintenir un équilibre,
il y avait moins de souffrance, la personne réussissait à se réaliser, et souvent
c'était en travaillant en équipe interdisciplinaire, et en réduisant un petit
peu la médication, puis en augmentant, O.K., les autres façons d'aller chercher
un sens à la vie.
Ça
fait que ce qu'on se rend compte c'est que la souffrance est alimentée par des
facteurs internes, mais est alimentée aussi par la représentation qu'on se fait
de notre rôle dans la société, ou de notre place, etc., ou de la place que la
famille ou les proches...
Mme Hébert :
Parfait. Puis, quand... J'aime ce que vous dites, là, qu'on peut atténuer une
portion de la souffrance, mais, si une personne, pour elle, la vie est
inconcevable si on n'a pas 100 % des souffrances qui sont atténuées,
est-ce qu'elle est quand même éligible à l'aide médicale à mourir ou, parce qu'on
a réussi à rendre sa vie... un semblant, là, de qualité,
bien, on ne juge pas qu'il y a une si grande souffrance? Donc, est-ce que c'est
possible encore?
M. Jean
(Daniel) : Là, il y a un enjeu d'autodétermination, c'est-à-dire que,
la personne, je pense que c'est elle qui doit choisir. Ma réponse serait de
deux niveaux : l'autodétermination de la personne handicapée, puis il ne
faudrait pas que ça ne soit que les personnes handicapées qui peuvent avoir
droit à ça, O.K., au détriment des autres groupes
dans la population qui peuvent vivre des souffrances similaires, sinon pires,
mais qui n'auraient pas accès, tu sais.
Ça paraît
un peu paradoxal, ce que je vous dis, mais l'office, son rôle, c'est d'assurer
une pleine participation des personnes handicapées. Donc, on n'est pas des
spécialistes de l'approche médicale, mais ce qu'on dit, nous, c'est que les
personnes handicapées ont le droit d'avoir une place au soleil, puis, si elles
souffrent, elles devraient avoir les mêmes droits que tous les autres citoyens.
Mme Hébert :
Parfait. J'ai terminé, Mme la Présidente. Merci, M. Jean.
M. Jean
(Daniel) : Plaisir.
La Présidente
(Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup. Ça met fin à notre présentation pour cet après-midi.
Merci
beaucoup, messieurs, à vous deux, d'avoir été présents aujourd'hui. C'est très
formateur pour la suite de nos travaux et ça
va nous éclairer grandement, j'en suis certaine. Donc, sur ce, je vous remercie
de votre collaboration.
Et,
compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain,
mercredi 11 août, où nous reprendrons notre mandat, à 9 h 30.
Merci. Bonne fin de journée, tout le monde.
(Fin de
la séance à 16 h 44)