(Treize heures vingt-trois minutes)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, bonjour, tout le monde et bienvenue à la commission spéciale sur l'évolution
concernant les soins de fin de vie. Avant de commencer officiellement la
captation... donc, ça, ce bout-là, on l'a déjà fait avec vous, M. Blain.
Auditions (suite)
Donc, nous accueillons maintenant Les Usagers de
la santé du Québec avec son représentant, M. Pierre Blain,
président-directeur général. Donc, M. Blain, merci d'être avec nous cet
après-midi. Je vous cède la parole. Donc, vous avez 10 minutes pour nous
faire votre exposé, et, par la suite, il y aura un échange avec les membres de
la commission d'une période de 35 minutes. Je vous cède maintenant la
parole.
Les Usagers de la santé du Québec (LUSQ)
M. Blain (Pierre) : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Mmes les députées, MM. les députés, c'est la troisième fois
que je me présente devant vous pour exprimer les souhaits des Usagers de la
santé du Québec et mes réflexions sur l'aide médicale à mourir. Les Usagers de
la santé du Québec vous expriment ce que nous entendons des usagers et ce
qu'ils nous demandent de vous transmettre. Nous exprimons les craintes de
personnes handicapées qui ne voudraient pas
être contraintes de la subir s'ils n'expriment pas clairement leurs intentions.
Nous exprimons aussi les sentiments
de personnes qui ne voudraient pas vivre la déchéance de ne plus être vivantes
sans en avoir les bienfaits.
L'usager, en tant que personne libre, a le droit
de demander l'aide médicale à mourir comme l'ont reconnu les tribunaux. Les
usagers ont des droits et doivent pouvoir les faire valoir, y compris dans
l'aide médicale à mourir.
Votre document de réflexion nous demande de nous
prononcer sur les enjeux soulevés par l'élargissement potentiel de l'aide
médicale à mourir pour les personnes en situation d'inaptitude ou celles dont
le seul problème médical est un trouble
mental. Vous comprendrez que ces deux enjeux ne sont pas du tout... sont
différents et demandent des réponses différentes.
Suite au jugement de la cause Truchon et Gladu,
le Parlement fédéral a revu sa loi. Encore une fois, il est apparu,
malheureusement, des disparités entre la loi fédérale et la loi provinciale
votée par l'Assemblée nationale. En effet, malgré la recommandation du groupe
d'experts mandaté par le ministre de la Santé qui proposait que l'aide médicale
à mourir soit administrée même si l'usager devenait inapte entre le moment de
l'acceptation de la demande et le moment de l'administration, il a fallu une
disposition spéciale pour que cela puisse s'appliquer au Québec.
D'autres points divergent entre la loi fédérale
et la loi adoptée par celle du Québec. Nous recommandons donc que le Québec
harmonise sa loi pour correspondre à la loi fédérale afin d'éviter toute
confusion. Je ne vous dis pas que la loi
fédérale est la meilleure, entre autres, avec le délai de 10 jours qui
doive s'appliquer entre l'administration, ce que... ce n'est pas ça que je vous dis. Mais au moins, il faut faire
en sorte que, dans la majorité des cas, nous puissions avoir... qu'on...
que ça puisse être un peu semblable.
D'ailleurs,
si nous vous donnons cet exemple, c'est pour soulever que les critères
d'admission à l'aide médicale à mourir demeurent encore très flous et
sujets à interprétation des médecins, des infirmiers et des infirmières ou de
l'administration.
L'avis des experts diverge sur la notion
d'inaptitude car leur avis se base sur des critères différents. Pour le
Curateur public, une personne est inapte lorsqu'elle est incapable de prendre
soin d'elle-même ou d'administrer ses biens. Le Collège des médecins met de
l'avant l'aptitude à consentir aux soins. Le consentement doit être libre,
éclairé et donné à une fin spécifique. Pour Les Usagers de la santé du Québec,
ces notions d'inaptitude n'ont rien à voir avec le droit de l'usager de faire
respecter ses droits, même en cas d'inaptitude. En effet, les travaux de cette
commission est d'établir si une personne qui a exprimé ses volontés de demander
l'aide médicale à mourir en cas d'inaptitude pourrait être admissible à l'aide
médicale à mourir.
Les jugements des tribunaux et la loi fédérale
ont ouvert la porte à une interprétation beaucoup plus large de ce qui pourrait
être admissible comme critères pour demander l'aide médicale à mourir. Ainsi la
notion de fin de vie est disparue jusqu'à un certain point. Pour nous, l'usager
a le droit de déterminer à l'avance ses volontés de recevoir l'aide médicale à
mourir lorsqu'il sera inapte. La loi devrait donc lui permettre cette possibilité.
Nous recommandons donc que la loi sur l'aide
médicale à mourir reconnaisse les domaines d'aide médicale à mourir anticipée.
La première implication que vous avez en tant
que législateurs, c'est de protéger les plus vulnérables. Par conséquent,
seules les personnes qui auraient exprimé clairement leur volonté de demander
l'aide médicale à mourir dans un document pourraient y être admissibles. Cela
exclut donc les personnes qui n'auraient pas consigné leurs volontés, les
mineurs et les personnes inaptes de facto.
Nous avons tous été émus
récemment, bien sûr, par l'appel de grands-parents qui souhaitaient que leur
petit-fils né avec une condition médicale difficile puisse recevoir l'aide
médicale à mourir. Malgré notre sympathie, nous ne croyons pas que cela devrait
être permis. Et le cas Latimer illustre assez bien la situation. Il en est de
même pour les personnes handicapées.
Par conséquent, seules les personnes aptes
pourraient signer une demande d'aide médicale à mourir anticipée. Cette demande devrait se retrouver dans un registre
facilement accessible. Il existe déjà, au Québec, un registre sur les
directives médicales et, à notre avis, ce registre devrait également inclure
les demandes d'aide médicale anticipées, et nous reviendrons plus tard, bien
sûr, sur les modalités. Un seul registre éviterait toute confusion. C'est
pourquoi nous recommandons donc que le Registre des directives médicales
anticipées inclue également les demandes d'aide médicale à mourir anticipées.
Qu'en est-il des mineurs? Pourraient-ils faire
une demande d'aide médicale? Dans leur cas, il ne s'agirait pas d'une demande
anticipée puisqu'ils sont déjà là. Un mineur peut être émancipé, toutefois,
s'il l'est, il pourrait faire une demande. Dans tous les autres cas, nous ne
croyons pas que les mineurs devraient être autorisés.
• (13 h 30) •
Toutefois, maintenant, on doit parler d'un processus.
Quand devrions-nous enclencher? Protéger les plus vulnérables consiste également
à s'assurer du processus qui conduira à l'exécution de la demande d'aide
médicale à mourir anticipée.
Votre dilemme en tant que législateurs sera de
déterminer quand on enclenchera l'aide médicale à mourir anticipée. Cela
soulève de très nombreuses questions, et est, en réalité, au coeur de cette commission.
Il y a d'ailleurs deux aspects à considérer : Qui enclenche, et quand? Si
je vous pose... si je vous donne ces choses-là, c'est parce qu'on a... j'ai eu
dans ma vie à prendre une décision semblable, et pour moi, ce qui est
important, c'est le respect de la personne et aussi le respect de sa volonté.
Les experts s'entendent généralement sur le fait
que les personnes rendues au stade sept de la maladie d'Alzheimer n'ont plus vraiment conscience de la réalité, c'est la seule
certitude que nous avons. Certains s'interrogent : Doit-on donner
l'aide médicale à mourir à une personne inapte et qui ne semble pas souffrir?
Pour moi, c'est de la rhétorique, il faut plutôt respecter la volonté de la
personne. Mais quand déclencher le processus, et qui devrait le faire? Tout
devrait se retrouver, à notre avis, dans la demande d'aide médicale à mourir anticipée.
Il faut que la personne qui signe ce document puisse identifier un mandataire
qui agira en son nom lorsqu'elle le jugera nécessaire. Ce mandataire devrait obligatoirement accepter cette charge et signer
également le document. Sans mandataire, il ne devrait pas y avoir d'aide
médicale à mourir. Le mandataire devient la personne qui enclenche la demande
d'aide médicale à mourir au nom de la personne inapte. Et, j'insiste, il est
hors de question pour nous que l'équipe soignante ou un de ses membres puisse
enclencher le processus.
Nous
recommandons donc que la personne signe une demande et désigne un mandataire,
et nous recommandons que le mandataire désigné accepte sa charge et
signe la demande d'aide médicale à mourir.
De plus, il faut aussi prévoir un mécanisme au
cas où le mandataire ne pourrait plus exercer sa charge. Si la personne a signé
la demande est toujours apte, elle pourrait désigner une autre personne. En cas
d'inaptitude, je pense que le mandataire pourrait lui-même désigner une autre personne.
Et surtout le mandataire devrait être présent tout au long du processus qui
conduira à une demande d'aide médicale anticipée. L'équipe médicale posera un
diagnostic qui influencera le mandataire à enclencher le processus de demande
d'aide médicale à mourir.
Naturellement, vous qui êtes avocats dans
beaucoup de cas, vous allez sûrement me dire : Oui, mais le Code civil
fait en sorte que la famille... etc. Vous avez tout à fait raison, et c'est
pour ça que je suggère qu'il y ait plutôt un mandataire, parce que les chicanes
peuvent commencer à s'exercer dans les familles pour dire : Oui, on
devrait, non, on ne devrait pas. Par conséquent, si on veut que la
responsabilité d'une personne soit... la volonté d'une personne soit respectée,
bien, il faut qu'il y ait une seule personne qui puisse prendre la décision au
moment opportun.
Et nous suggérons que l'ajout d'un organisme
extérieur indépendant dans le processus qui conduira à l'aide médicale à mourir
devrait être une façon de faire. Nous pensons que ce regard extérieur... parce
que jusqu'à présent, les usagers ont des défenseurs un peu partout, jusqu'à
présent, il n'y en a aucun dans le cas des personnes qui enclenchent l'aide
médicale à mourir.
Je vais aller rapidement, parce qu'il reste
l'autre partie, qui est la partie maladie mentale. Présentement, l'aide
médicale à mourir n'est pas vraiment fermée aux personnes présentant des
troubles de maladie mentale. En effet, plusieurs personnes y ont eu recours. Il
y a une différence, bien sûr, entre santé mentale et maladie mentale. La
maladie mentale couvre plusieurs diagnostics qui ne se ressemblent pas et qui
peuvent même s'opposer. Sur le site du gouvernement du Québec, on retrouve une
définition de la santé mentale... de la maladie mentale, plutôt : «La maladie mentale se définit par des changements qui
affectent la pensée, l'humeur ou le comportement d'une personne et qui
lui causent de la détresse ou de la souffrance.» Je crois que la réponse à vos
interrogations se retrouve dans cette définition. En effet, si la condition
d'une personne en est une de souffrance, nous croyons que cette personne
devrait être admissible à l'aide médicale à mourir. D'ailleurs, c'est une des
conditions qui s'appliquent lors de la demande d'acceptation de l'aide médicale
à mourir.
Nous croyons, d'ailleurs, que ça a... c'est
l'avenue qui a été privilégiée dans tous les cas jusqu'à présent. Un psychiatre
devrait-il établir un diagnostic? C'est aux médecins à décider entre eux.
Chacun a sa spécialité, toutefois, la prise en charge d'un médecin est
normalement faite par son médecin traitant. Si ce dernier a besoin d'un avis,
il pourrait le demander. D'ailleurs, la loi actuelle indique qu'un deuxième
avis médical est nécessaire. Par conséquent, nous croyons qu'il serait difficile,
sinon impossible, pour cette commission de trancher. La loi actuelle, et
surtout celle qui a été revue pour répondre aux jugements des tribunaux, couvre
la problématique de santé mentale.
Nous
n'aborderons pas les idées suicidaires car nous n'en avons pas la compétence.
Répondent-elles aux critères de la loi? À vous d'en juger dans votre sagesse et
dans... et votre avis... et les avis d'experts.
Merci, mesdames et
messieurs. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci beaucoup, M. Blain.
Donc, avant de
continuer avec les questions venant des membres de la commission, je fais un
petit retour en arrière, donc, pour le bien de la télédiffusion. La commission
est réunie aujourd'hui, virtuellement, afin de procéder aux consultations
particulières et aux auditions publiques sur l'évolution de la Loi concernant
les soins de fin de vie.
Mme la
secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire :
Non, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci. Et j'aimerais avoir le consentement pour
permettre au député de Chomedey de pouvoir participer aux séances.
Des voix :
...
La Présidente (Mme
Guillemette) : Ça va à tous? Donc, nous passons maintenant à la
discussion avec les membres de la commission. Donc, est-ce que... Bien, en
fait, je vais y aller, si je peux me permettre. M. Blain, merci de votre
présentation aujourd'hui. Vous êtes la voix des usagers, donc c'est d'autant
plus important pour nous. Vous parliez, au niveau de l'Alzheimer... Au niveau
de l'Alzheimer, c'est facile parce qu'il y a le stade 7. C'est plus cadré.
Mais, si on parle d'autres troubles cognitifs qui ne sont pas aussi bien
définis, de laisser un membre de la famille ou un mandataire seul prendre cette
décision-là, est-ce que vous ne trouvez pas que c'est lourd? Est-ce qu'on ne
devrait pas le... qu'il soit accompagné par une équipe médicale pour ne pas
qu'il sente cette charge-là toute sur ses épaules?
M. Blain
(Pierre) : Vous avez tout à fait raison, Mme la Présidente, et c'est
entendu qu'il faut que l'équipe médicale assiste tout au long du processus.
Mais, comme je vous ai dit, le problème vient du fait du moment qu'on va
déterminer. Dans beaucoup de cas, plusieurs personnes disent : C'est quand
je ne reconnaîtrai plus les miens. Personnellement, je ne pense pas que c'est
la bonne façon de le faire. Donc, quand vous parlez de troubles cognitifs
autres, vous avez tout à fait raison. La seule, en réalité, qui amène la mort
jusqu'à un certain point, c'est l'Alzheimer. J'ai rencontré énormément
d'experts, j'ai assisté à énormément de conférences et, comme vous le savez,
bon, j'ai un peu d'expérience dans ce domaine-là, et c'est ça qui m'amène à
dire : Je préfère faire très attention, et j'aimerais mieux qu'une seule
personne prenne la décision.
Le problème qui est
soulevé, cependant, c'est est-ce qu'il n'y aura pas d'autres
considérations extérieures. Genre, ça coûte trop cher de garder quelqu'un,
etc., vaut mieux... Et l'autre problème que j'entrevois aussi, c'est plutôt la
douleur que la personne a elle-même, pas la personne qui a demandé l'aide
médicale à mourir, souvent, c'est la personne qui dit : Ah! moi, ça me
fait trop souffrir de la voir dans cet état-là. Donc, je pense que c'est
préférable que ce soit une seule personne qui prenne une décision semblable, le
mandataire, mais, bien sûr, conseillé par une équipe médicale.
La Présidente (Mme Guillemette) : Parfait, merci. Je crois que j'ai le député de
Mégantic. Je vous cède la parole.
M. Jacques :
Merci, Mme la Présidente. M. Blain, bonjour. Je veux revenir, là, sur
votre présentation, là, parler de demandes anticipées. Est-ce que, votre
demande anticipée, vous la faites avant la maladie ou au moment de la maladie,
au moment que la maladie est commencée?
M. Blain
(Pierre) : Excusez-moi, j'ai manqué la fin, j'ai fait un mouvement
brusque.
• (13 h 40) •
M.
Jacques : Il n'y a pas de problème.
Ce que je disais, on parle de demandes anticipées. Est-ce que
la demande anticipée se fait au moment de l'apparition de la maladie ou
elle peut se faire avant l'apparition d'une maladie?
M. Blain
(Pierre) : À mon point de vue, ça devrait être au moment où il y a
l'apparition d'une maladie, effectivement, où on a justement des vraies raisons
pour le faire. Sauf qu'actuellement, avec la loi, et c'est ça qui est un peu
ambigu, est-ce que n'importe qui pourrait la demander pour n'importe quelle
raison? Alors, pour moi, c'est plutôt, quand arrive une maladie qui est
dégénérative et qui amène, justement, éventuellement la mort, je pense que
c'est le meilleur moment pour la faire.
M. Jacques :
Donc, quelqu'un, là, qui est en parfaite santé ne peut pas faire... ne pourrait
pas faire... pas un testament, mais une demande anticipée pour un événement qui
pourrait se produire dans le futur, exemple, un ACV massif qui rend la personne
inapte à tout. Vous ne pensez pas que les gens... ce n'est pas de la dignité
aussi, cette façon-là de vivre, si on ne peut pas s'accepter d'une telle façon,
bien, de pouvoir dire qu'est-ce qu'il va se passer par la suite si jamais il
nous arrive un accident? Puis ça peut être un accident de la route, là, qui
crée des lésions permanentes, irréversibles et qui nous empêche, là, de ne
prendre aucune décision.
M. Blain (Pierre) :
Merci de cette précision-là, sauf qu'il existe déjà, justement, des demandes de
refus de soins. Ce que vous me dites, dans
le fond : Ce n'est pas suffisant la demande de refus de soins. C'est qu'il
pourrait y avoir également
l'enclenchement, et c'est là, je pense, vous, comme parlementaires,
législateurs, que vous pouvez justement faire ce genre de travail là.
Moi, je n'ai pas d'objection à ce que ce soit fait. La seule chose, c'est
plutôt comment on va le faire.
M. Jacques : Et avez-vous des idées
comment on peut le faire?
M. Blain (Pierre) : Oui,
effectivement, c'est qu'il faut que ce soit enregistré dans un registre, et,
par la suite, comme je vous ai dit, à mon point de vue... Alors, quand vous
dites : Vivre dans la dignité, vous avez tout à fait raison. D'ailleurs, c'est une des phrases que j'ai
dite dès le début de ma présentation, quand j'ai parlé que les gens ont...
voudraient être vivants sans en reconnaître
les bienfaits. Alors, oui, je pense que c'est quelque chose qui peut être
fait.
La seule problématique, c'est est-ce qu'on est
sûrs, à ce moment-là, que c'est le bon moment d'enclencher. Et c'est là où moi,
j'ai eu un petit peu de... Je vais vous raconter une anecdote qui n'est pas
drôle. J'étais dans un salon funéraire avec quelqu'un, et la personne souffrait
d'Alzheimer, son mari venait de décéder, elle était en délire, son mari était à
l'hôtel, puis elle avait un ami qui s'appelait Roméo maintenant. Et là, jusqu'à
un moment donné, elle se retourne vers moi et elle dit : Tu sais, il est
bien mieux là que vivant. Donc, il y a ces moments de lucidité aussi qui
peuvent exister. Si la personne avait fait une demande anticipée d'aide
médicale à mourir, c'est au mandataire de déterminer c'est le bon moment
d'enclencher, et je pense qu'ils auraient toute l'autorité. Et vous avez raison
aussi, c'est Mme la Présidente qui parlait ou c'est vous, je ne me souviens
pas, de la lourdeur d'une tâche d'un cas semblable, et je vais vous dire que,
dans le premier mémoire que j'ai présenté à l'Assemblée nationale en ce
sujet-là, j'avais fait le tour d'à peu près toutes les communautés culturelles,
de toutes les religions également. Les seuls qui n'avaient pas voulu signer le
mémoire recommandant l'aide médicale à mourir, c'étaient les peuples autochtones,
parce que, pour eux, ce qui était difficile, c'était le moment... c'était la
personne qui enclenchait, justement, qui donnait la piqûre, et qui
disaient : Pour cette personne-là, ça va être trop difficile. D'ailleurs,
Mme Hivon, qui vient d'arriver, était à cette commission, et c'était un
des arguments que j'avais fait valoir pour dire : Les seuls qui n'avaient
pas voulu, c'étaient les peuples autochtones.
M. Jacques : O.K. Vous avez parlé
des personnes vulnérables, bon, on s'entend, là, que si on veut avoir des
mandats ou des choix de fin de vie signés ou écrits... avant la maladie, quelle
qu'elle soit, les personnes vulnérables vont avoir beaucoup de difficulté à
avoir accès à ça aussi. Vous avez soulevé un petit peu le point. J'avais... je
ne m'étais attardé à ça puis je n'y avais pas pensé, à cette problématique-là.
Est-ce que vous avez des solutions pour que l'accessibilité soit égale pour
tous?
M. Blain (Pierre) : Moi, je n'en
vois pas de solution à ce niveau-là. Je pense que, dans tous les cas, il faut
que la personne soit apte et puisse exprimer ses volontés de façon libre avant.
Autrement, je ne vois pas.
Je vais vous donner un autre cas aussi qui m'est
arrivé, je l'ai mentionné un petit peu dans le mémoire, mais une personne
lourdement handicapée m'avait fait venir pour me dire : Je... et elle
avait de la difficulté à s'exprimer, elle ne pouvait pas s'exprimer, elle
avait... tout ça, mais elle avait peur que, justement, on prenne une décision
pour elle, un moment donné, et qu'on fasse l'aide médicale à mourir à son
endroit alors qu'elle disait : Moi, je veux vivre, même si c'est difficile
pour moi, je veux vivre. Donc, pour moi, je ne vois pas d'autre solution que la
volonté, quand on est apte de pouvoir le faire. Ça veut dire que, justement,
toutes les personnes qui ne sont... qui sont déjà inaptes en naissant ne
pourront jamais avoir... et c'est là où c'est extrêmement dangereux, si jamais
on en venait à une conclusion semblable.
M. Jacques : Oui, je suis
d'accord... je suis tout à fait d'accord avec vous. Bien, merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Je céderais maintenant la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert : Merci,
Mme la Présidente. Merci, M. Blain, pour votre intervention. J'ai
retenu que vous avez recommandé que le Québec harmonise la loi pour qu'elle
corresponde avec la loi fédérale, pour qu'on évite toute confusion. Par contre,
l'approche québécoise en matière d'aide médicale à mourir est basée sur une
continuité de soins, puis l'approche canadienne, elle, c'est un droit
fondamental. Alors là, puisqu'on parle de droit fondamental puis de soins, on n'est pas du tout... c'est deux
approches qui sont, je pense, difficilement conciliables, alors comment
vous pensez qu'on peut l'harmoniser?
M. Blain (Pierre) : Vous avez tout à
fait raison, et c'est la problématique d'un pays comme le Canada où, d'un côté,
c'est plus basé sur certains droits individuels, si je peux dire, et de l'autre
côté... Sauf que les tribunaux nous ont ouvert... ont ouvert la porte à ça. Par
conséquent, moi, je pense que ce n'est pas incompatible, la notion de soins,
de... et qu'on peut le constater. C'est plutôt... c'est dans les mécaniques,
comme celle que je vous ai dite tantôt. Au niveau du Québec, quand le groupe
d'experts avait recommandé qu'on administre tout de même l'aide médicale à
mourir si une personne devenait inapte entre le moment où elle... la demande
avait été acceptée et le moment... C'est là. À mon point de vue, c'est plutôt
des petits ajustements comme ça.
Comme je vous ai dit,
l'autre chose, moi, qui me dérange un peu dans la loi fédérale, c'est les
10 jours qui ne sont pas supposés... Mais je suis sûr que personne ne nous
écoute, mais c'est très rare que les médecins le suivent, cette partie-là. Ça
se fait souvent assez rapidement pour répondre, justement, à la volonté des
personnes.
Mme
Hébert : O.K.
Parce qu'au Québec, vous savez, tu sais, c'est... on a le droit de le demander
mais ça ne veut pas dire que ça va être automatiquement offert, cette... ce
soin de fin de vie là, qui est l'aide médicale à mourir, donc ça fait qu'il y a
comme une disparité entre les deux. Parfait.
J'ai une question, aussi. Vous dites que c'est
de... le moment où déclencher l'aide, le processus d'aide médicale à mourir
anticipée, là, donc quand on a fait notre demande, le moment entre le
déclencher par notre mandataire, là, vous dites qu'il va falloir qu'il y ait
des bonnes balises, que ça soit clair, mais avez-vous fait des réflexions?
Parce que, là, vous lancez ça comme ça, mais... Parce qu'il dit, là, le moment
de déclencher, quand le déclencher, le «quand», est-ce que vous avez déjà
réfléchi un peu à...
M. Blain (Pierre) : À mon point de
vue, c'est exactement comme maintenant que ça devrait s'appliquer.
Présentement, une personne fait une demande, une équipe médicale vérifie si
c'est quelque chose qui est admissible et, à ce moment-là, rend une décision.
Ça ne veut pas dire que la personne ne peut pas revenir pour faire... si elle
est refusée. À mon point de vue, le mandataire devient la personne, et, à ce
moment-là, l'équipe médicale devrait juger pour voir si c'est le... si c'est
correct et si ça répond aux critères.
Cependant, maintenant, les tribunaux ont fait en
sorte que la notion de fin de vie, elle disparaît. La preuve, M. Truchon a
demandé l'aide médicale à mourir sans qu'il soit en fin de vie, suite au
jugement de la Cour du Québec. Donc, à ce moment-là, le même principe s'applique.
Pour moi, la demande doit être faite, elle est faite par un mandataire qui, à
ce moment-là, agit au nom de la personne, c'est tout.
Mme
Hébert : Parfait.
Mais est-ce que la demande, elle est exécutoire, ou la personne pourrait
revenir en arrière, ou reporter? Est-ce que c'est la mandataire qui décide ou
la personne a toujours le dernier mot?
• (13 h 50) •
M. Blain (Pierre) : La personne, si
elle n'est plus apte, ne pourra pas avoir le dernier mot. C'est là où, plus
tôt, quand j'ai dit, et que Mme la Présidente l'a souligné : On a une
seule certitude, c'est le stade 7 de la maladie d'Alzheimer. Dans tous les
autres cas, bien, c'est l'interprétation d'une équipe médicale et
l'interprétation du mandataire qui peut le faire, parce que la personne ne sera
plus apte pour prendre la décision elle-même.
Mme
Hébert : Parfait.
Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
...(panne de son) ...non, ne m'entendent plus. Oui, vous m'entendez bien? Donc,
je céderais maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente, et merci, M. Blain, pour vos interventions toujours lucides et
très pertinentes au débat à chacune des étapes qu'on aura franchies... pardon,
ensemble au Québec.
Quand on parle de la demande anticipée et la
suite d'un mandataire, je me permets de comprendre qu'on aimerait quand même,
évidemment, donner le plus de clarté à ce mandataire pour que sa responsabilité
déjà assez lourde soit balisée par une demande claire et précise. Auriez-vous
des suggestions pour nous en ce qui a trait à comment baliser la demande? C'est-à-dire,
quel genre de critères devrait être cité? Comment est-ce qu'on aide l'individu
atteint d'un diagnostic, à définir la souffrance, l'horizon, qualité de vie et
tout ça? Comment est-ce qu'on assure des demandes d'où les voeux sont très...
le plus clair possible.
M. Blain (Pierre) : Oh là là! C'est vraiment
une bonne question que vous me posez là. Et les experts nous amènent justement,
jusqu'à un certain point, à certaines réponses.
La première des choses pour moi, il y a... Une
chose est claire. Cette demande-là anticipée, quand y arrivera l'exécution, ne
doit pas être différente des autres demandes qui sont faites. C'est-à-dire, on
doit les étudier de la même façon qu'on les étudie. La différence maintenant,
c'est plutôt... c'est que la loi fédérale et les tribunaux ont fait en sorte
que ce soit un petit peu plus large.
Le seul autre problème, que j'ai soulevé aussi
tantôt, concernait le Code civil au Québec. D'habitude, c'est le conjoint, les
enfants qui doivent prendre des décisions. Alors, à mon point de vue, il va
falloir faire en sorte... Il existe cependant un conseil de tutelle, mais le
conseil de tutelle qui existe actuellement est plutôt pour les biens. Moi, je
pense que peut-être un conseil de tutelle devrait aussi être partie prenante à
ces choses-là.
Mais surtout la chose la plus importante,
c'est : il faut éviter des chicanes inutiles et il faut surtout éviter de
ne pas respecter la volonté de la personne. Comme je vous ai dit tantôt, moi,
je l'ai entendu souvent, et c'était les premiers critères qu'on a entendus
quand on voulait faire des demandes d'aide médicale à mourir, elles étaient de
dire : Oui, mais je ne reconnaîtrai plus les miens. Et ça, là, c'est
presque impossible, sauf au stade 7 de la maladie d'Alzheimer qu'on est
certains que ça, ce n'est plus là.
Donc, autrement, pour moi, c'est suivre... et je
pense qu'aussi le mandataire, s'il veut vraiment bien remplir son travail,
devrait tenir la famille au courant. Je pense que c'est une étape extrêmement
importante pour qu'il y ait, dans le fond, une espèce de consensus qui
s'établisse alentour de ça. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question,
monsieur?
M. Birnbaum :
C'est intéressant. Nous avons entendu parler ici et là de la démence heureuse,
je ne sais pas si c'est le bon terme, mais ça peut être quelqu'un qui aurait signé
une demande d'admission pour l'aide médicale à mourir, qui donne des critères
tout à fait compris — je
ne reconnais plus mes enfants, je n'ai pas la capacité d'autonomie dans mes
fonctions, et tout ça. Est-ce que vous avez des conseils en ce qui a trait à ce
scénario-là?
M. Blain (Pierre) : Oui, M. le
député. D'ailleurs, j'ai une belle-soeur qui est infirmière et qui, pour elle,
la mémoire affective ne disparaît jamais. Elle, quand elle... elle fait
beaucoup de cas d'Alzheimer, et pour elle, la famille, la meilleure des choses
qu'ils ont à faire, c'est de toucher les personnes qui sont souffrantes et
d'établir, comme ça, une espèce de lien. On l'a vu, récemment, dans certaines
vidéos qu'on a vues sur Internet où une dame âgée, tout à coup, s'est mise à
jouer du piano et interprétait la... elle était redevenue la grande interprète
qu'elle était. Par conséquent, il n'y a pas de réponse claire là-dedans.
Quand vous parlez, justement, des deux formes,
parce qu'effectivement, il y a deux formes, la forme heureuse et la forme un peu
plus agressive, et je les ai vécues toutes les deux dans ma famille, alors,
effectivement... Et il y a le fameux cas qu'on a eu, aussi, en Belgique, où, au
moment d'administrer l'aide médicale à mourir, il y a une personne qui a réagi.
Bon, je pense que le cas est allé devant les tribunaux et ça s'est soldé sans
suite. Mais il va y avoir toujours des cas semblables. Moi, je me dis,
cependant, dans le doute, vaut mieux s'abstenir.
M.
Birnbaum : Merci beaucoup,
M. Blain. Mme la Présidente, je crois que ma collègue de Westmount—Saint-Louis aurait d'autres questions.
Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Blain. Je ne connais pas beaucoup l'organisme que
vous représentez mais je comprends que vous avez déjà passé, lors de la
première consultation, pour offrir votre témoignage. Pouvez-vous nous dire s'il
y a eu une évolution lors de... les premiers départs, quand vous avez
participé, dans le passé, et aujourd'hui? Et combien de gens ont été consultés
lors du dépôt de votre mémoire et votre témoignage aujourd'hui?
M. Blain (Pierre) : Notre organisme,
les usagers de la santé... Dans les témoignages que j'ai faits, dans les années
précédentes, j'étais avec une autre organisation de défense des droits aussi.
Dans ce cas-ci, notre organisme est un organisme qui est plus présent depuis, et
on compte environ 1 000 personnes qui sont membres de notre
organisation. Et à ce moment-là, on agit surtout par Facebook. On prend
maintenant les réseaux sociaux plus pour faire les consultations. Certains,
dans certains cas, n'étaient pas du tout d'accord, ils trouvaient que mon
mémoire n'allait pas assez loin. Moi, je pense qu'au contraire, j'ai pu établir
un certain équilibre pour préserver justement les plus vulnérables.
Et c'est toujours difficile d'essayer d'aller
trop loin. Le Québec justement est allé déjà très loin quand il a autorisé
l'aide médicale à mourir, entre autres, on a été la première société ici, en
Amérique du Nord, à le faire, et ça a été un large consensus. Et le résultat a
été cependant que beaucoup de demandes étaient refusées, et on ne savait pas
pourquoi. Il y avait encore cette espèce de barrage culturel ou religieux qui
existait dans certaines régions et qui faisait en sorte que certains
hôpitaux...
Je pense que tranquillement, parce que j'ai
regardé les dernières statistiques, les dernières statistiques ont fait en
sorte que c'est en train de se résorber. Donc, oui, il y a une évolution, oui,
on en est rendus maintenant qu'on veut, mais, comme je vous disais tantôt, il
faut faire attention entre juger la souffrance de la personne qui te fait une
demande d'aide médicale à mourir et la souffrance de la personne qui, elle,
souffre de voir quelqu'un souffrir. C'est ça qui est la problématique.
Et c'est pour ça que j'essaie autant possible de
le mettre, cette façon, dans des mains extérieures, d'une personne de confiance
qui aurait été choisie par la personne et qui pourrait le faire. C'est pour ça
que je ne suis pas d'accord, moi, avec des... certains experts qui disent que
le moi évolue pendant l'année, pendant une période. Pour moi, c'est pareil,
comme pour dire : Si je fais un testament à 20 ans puis que je ne le
change pas, bien, mon testament n'est plus valable. Bien sûr, on parle de vie
et de mort ici, là, mais, d'un autre côté, je pense qu'il faut respecter la volonté
de la personne, peu importe le moment où ça s'est produit.
Mme Maccarone : Je pense que c'est
une belle porte d'entrée pour ma prochaine question en ce qui concerne le
mandataire : Est-ce que le mandataire, dans votre scénario, peut-être le
Curateur public? Parce qu'on a plusieurs personnes qui ont perdu leurs
aptitudes, qui vont être sous la responsabilité du Curateur public, mais, ce
n'est pas un proche aidant, ce n'est pas nécessairement un membre de la
famille, malgré que c'est des gens qui sont très compétents. Selon vous, est-ce
que cette personne qui serait le mandataire au nom de Curateur public devrait
avoir cette responsabilité aussi?
• (14 heures) •
M. Blain (Pierre) : En tout respect,
Mme la députée, je crois que non, parce qu'il faut que ce soit le respect de la
personne. Si la personne est inapte et n'a pas fait une demande, je ne crois
pas que ça devrait se faire. Et, surtout, avec le Curateur public, ça
apporterait une charge beaucoup plus grande. Ça ne serait... Parce que j'ai eu
des discussions avec certains médecins qui disaient : C'est le médecin qui
est le mieux à même de décider. Oui, d'accord, mais, si c'est le médecin qui
enclenche, bien, la population pourrait dire : Oui, c'est vrai, il avait
besoin d'un lit. Alors, je pense que c'est un peu la même
chose qui devrait se produire avec le Curateur public. Je sais qu'il a une
charge de travail extrêmement grande, mais j'espère que ça... Non, je
préférerais non.
Mme Maccarone : Puis, en ce qui
concerne les demandes anticipées et les personnes qui sont dans une situation
de vulnérabilité ou les personnes qui sont vulnérables, selon vous, comme
représentant des comités d'usagers, est-ce qu'on devrait moduler le programme
ou s'assurer que le programme est adapté pour que tout le monde peut avoir une
compréhension de c'est quoi, l'aide médicale à mourir, quand on parle de soins
de fin de vie? Par exemple, une personne qui souffre d'un handicap mental, une
déficience intellectuelle, est-ce que nous devons aussi moduler le programme
pour eux pour que ça soit vraiment éligible pour toutes les personnes?
M. Blain (Pierre) : Oui, je pense
que vous avez raison. La seule différence, c'est qu'il faut faire attention,
quand on arrive justement avec la maladie mentale, parce qu'il y a toutes sortes
de conditions qui peuvent s'offrir. Je ne sais pas, probablement que, vous
aussi, vous avez eu... avoir des suicides dans l'entourage de personnes que
vous aimiez, et c'est là qu'il s'agit de voir la différence. Si une personne
est rendue assez souffrante pour vouloir se suicider, il faut voir si c'est
pour les bonnes raisons, à mon point de vue, dans ce temps-là. Alors, c'est là
où, en réalité, j'ai de la difficulté. Mais, oui, il faudrait que ce soit bien
encadré, il faut que ce soit bien balisé, et c'est pour ça que, pour moi, les
mêmes demandes... la même demande d'aide médicale à mourir doit être celle
qu'on suit régulièrement, de façon générale, mais, en même temps, il faut
peut-être l'adapter un petit peu mieux pour les autres.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Je céderais maintenant la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. M. Blain, merci d'être là. J'ai très peu de temps, alors je
vais quand même rapidement souligner votre contribution, elle est appréciable
et appréciée.
Comme j'ai à peu près quatre minutes, je vais y
aller rondement. Qui pourrait être mandataire ou, je vais poser la question à
l'envers, en fait, qui ne devrait pas être mandataire?
M. Blain (Pierre) : Un médecin, un
membre de l'équipe soignante. Les autres, ça peut être n'importe qui.
M. Marissal : Y compris la famille
très proche.
M. Blain (Pierre) : Y compris la
famille très proche, mais une seule personne, mais sauf qu'il devrait être
consulté pour éviter, justement, les conflits de famille.
M. Marissal : D'accord. Vous ne
voyez pas une certaine contradiction là-dedans? Puisqu'en ce moment ce qu'on
chercherait, idéalement, c'est des directives exécutoires. Vous parlez d'un
mandataire qui pourrait, là je me fais l'avocat du diable, là, mais, pour plein
de raisons, ne jamais enclencher. Donc, on prive la personne qui avait pourtant
demandé d'en finir, on la prive donc de cette dernière volonté.
M. Blain (Pierre) : Oui, mais je
pense que ça pourrait être encadré dans la demande qui est signée, hein, de
façon antérieure. Je pense qu'à ce moment-là... Et c'est là qu'il y a une
discussion qui doit être faite entre la personne qui signerait une demande et
le mandataire pour s'assurer que la volonté soit vraiment respectée et... Parce
qu'autrement on ne pourra jamais enclencher. Qui enclenche? C'est impossible.
M. Marissal : On pourrait enclencher
comme ça se fait en ce moment, par une équipe médicale qui décide. Mais vous
n'êtes pas... je comprends que vous n'êtes pas...
M. Blain (Pierre) : Non.
M.
Marissal : ...et je ne juge pas, là, vous n'êtes pas d'accord avec ça.
Vous savez, de la théorie à la pratique...
M. Blain (Pierre) : Mais ce n'est
pas l'équilibre.
M. Marissal : Je m'excuse de vous
interrompre. De la théorie à la pratique, on peut parfois avoir des retours de
sentiment puis, tout d'un coup, ne pas avoir envie de porter ce choix final qui
mènera quelqu'un à la mort. Ça se peut, ça. À ce moment-là, donc, d'emblée, la
personne n'enclenchera pas le processus ou retardera indûment, selon la demande
qui lui avait été faite et le mandat qu'elle avait, non?
M. Blain (Pierre) : Vous avez tout à
fait raison. C'est un... Il faut prendre ce risque-là, tout de même. La
différence, c'est : Est-ce qu'il va y avoir 1 % de cas semblables? Il
va y en avoir 30 %? Je pense qu'à partir de ce moment-là la probabilité
que la personne ne remplisse pas son mandat est plus faible que celle qu'elle
vont le faire, parce que ça va être bien clair entre la personne qui ferait la
demande et le mandataire.
M. Marissal :
Très bien. Vous parlez d'un organisme extérieur pour protéger les personnes
vulnérables. Peut-être définir «vulnérable» ici, parce qu'il me semble que
quelqu'un qui est totalement inapte et n'est plus en mesure de prendre des décisions cadre assez parfaitement dans la
définition de vulnérabilité. C'est même la vulnérabilité extrême, quant à moi. Cet organisme, il est... quelle
forme prend-il? Est-ce un organisme gouvernemental, paragouvernemental,
privé? Comment... Quelle forme prend-il et quels sont ses pouvoirs?
M. Blain (Pierre) : À mon point de
vue, c'est quelque chose un peu comme les comités des usagers qui sont à l'intérieur
mais qui n'ont pas ce genre de pouvoirs là. Ça peut être dans une organisation
comme la nôtre, qui est plus dans le milieu. Il y a aussi un groupe de mourir
dans la dignité, etc. C'est le regard extérieur pour nous assurer que ce sont les bonnes... le bon moment de
déclencher et surtout que c'est les bonnes raisons de le faire. Pour moi, ça
sera probablement toujours le bon moment,
mais, comme je vous ai dit, il y en a plusieurs qui ont des craintes, dans
certains cas, de savoir : Est-ce que c'est pour le... Est-ce que,
justement, on... ça coûte trop cher, de garder quelqu'un vivant?
M.
Marissal : Effectivement, il y a toujours cette... ce spectre
au-dessus de toutes ces discussions. Cet organisme, donc, aurait-il
un...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M. Marissal : Très bien, Mme la
Présidente. Désolé.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. C'est tout le temps que nous avions. Donc, je
céderais maintenant la parole à députée de Joliette.
Mme
Hivon : Oui.
Bonjour, M. Blain. Merci beaucoup de votre présentation. J'avais d'autres questions,
mais je vais poursuivre rapidement — moi
aussi, j'ai juste quatre minutes — sur
la question de mon collègue.
Tantôt, je vais faire un peu l'avocat du diable,
vous avez répondu à la question de ma collègue de Westmount—Saint-Louis que vous ne pensez pas que le
Curateur public pourrait être mandataire parce qu'il n'est pas collé, si j'ai
bien compris, là, sur la personne comme telle, si, par exemple, une personne
aurait été apte et deviendrait inapte. Mais là vous nous dites qu'un organisme
extérieur pourrait venir aider à situer le moment pour déclencher l'application
de l'aide médicale à mourir. Mais est-ce qu'on n'est pas dans le même type de
situation où l'organisation n'a pas une connaissance fine des volontés de la
personne?
M. Blain (Pierre) : Vous avez
raison. L'organisme dont je parle ne serait pas là, lui, pour enclencher. Il
serait là après que l'enclenchement est fait et s'assurer que tout se déroule
comme c'est supposé et dans le respect des droits de la personne qui a demandé
l'aide médicale à mourir.
Dans le cas
du curateur, vous avez raison, si les législateurs veulent leur donner cette
possibilité-là, mais il y aura toujours une crainte d'être partie, en
même temps, de...
Mme
Hivon : Parfait.
O.K., donc, dans votre scénario, vous avez votre mandataire qui est désigné,
puis, encore une fois, je cherche une petite
précision, il est désigné mais seulement pour appliquer la volonté, donc
déclencher le moment en disant : À la lumière de ce que ma conjointe, ma
fille, mon père a écrit dans sa demande anticipée, on est rendus à ce moment-là. Donc, comme mandataire, je souligne que nous
devons enclencher le processus, et non pas me substituer à la personne pour dire : Voici, elle voudrait
maintenant l'avoir. On se comprend bien? C'est juste pour enclencher.
M. Blain (Pierre) : Absolument.
Mme
Hivon : Parfait.
Autre petite question. Dans votre mémoire, vous, vous nous dites que... à
savoir, le critère de la souffrance, est-ce
qu'on doit l'évaluer au moment où on donnerait l'aide médicale à mourir, vous
qualifiez ça un peu de faux débat. Et puis c'est un débat qui nous a occupés et
qui nous occupe encore beaucoup, dans la mesure où on veut... si on veut garder
le critère de la souffrance.
Donc, je vous soumets un cas d'une personne qui
aurait mis dans ses directives anticipées simplement : Moi, quand je ne
reconnaîtrai plus mes enfants ou, moi, quand je ne pourrai plus manger par
moi-même, je veux avoir l'aide médicale à mourir. Est-ce que cela, en soi, pour
vous, devrait être suffisant, même si, au moment d'appliquer, la personne
chante à longueur de journée, est heureuse, à l'air bien, ne fait pas
d'errance, pas d'anxiété? Comment on juge ça alors?
M. Blain (Pierre) : Vous posez la
bonne question, Mme la députée, c'est-à-dire, tous les experts que j'ai écoutés, que j'ai rencontrés n'ont pas de réponse
à ça. Pour beaucoup de ces experts, ce n'est pas une réponse de
dire : Je ne répondrai... je ne
reconnaîtrai plus les miens ou je ne peux plus manger. Pour eux autres, ce
n'est pas nécessairement suffisant.
Est-ce que, justement, avec le fait que,
maintenant, on a peut-être cette possibilité-là de mourir dans la dignité, à ce
moment-là, peut-être que ça pourrait devenir un critère que vous pourriez
évaluer et qui pourrait être fait? Étant donné que la loi fait en sorte,
maintenant, qu'on n'a pas plus la fin de vie immédiate, mais c'est peut-être la qualité de vie, c'est peut-être
quelque chose qui peut être introduit dans la loi québécoise
en parlant de qualité de vie.
Mme
Hivon : Est-ce qu'il me reste du temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme
Guillemette) : 30 secondes.
Mme
Hivon :
Oui. Donc, pour vous, peut-être que le critère de la souffrance ne devrait plus
être là, mais juste le critère de la qualité de vie. Je résume ça simplement,
mais vous nous amenez à réfléchir là-dessus.
• (14 h 10) •
M. Blain
(Pierre) : Les deux. Pour moi, la souffrance va toujours rester parce
qu'elle est là présentement dans la loi. Et maintenant on pourrait peut-être y
rajouter quelque chose de plus, qui est la qualité de vie.
Mme
Hivon :
O.K. Mais, pour vous, la souffrance doit demeurer comme critère.
M. Blain
(Pierre) : La souffrance doit demeurer. Et c'est là, entre autres, en santé
mentale, que ça existe.
Mme
Hivon :
Oui, O.K., merci beaucoup.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci, Mme la députée. Donc, je céderais maintenant la
parole au député de Chomedey.
M. Ouellette : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Blain. J'ai encore moins de temps
que mes deux derniers collègues. Je veux vous amener sur la dernière
partie de votre mémoire, la maladie mentale, où vous nous mettez, dans votre
mémoire, ce qu'il y a sur le site du gouvernement sur la santé mentale, sur la
maladie mentale, et vous nous suggérez de garder le statu quo ou vous nous
suggérez le statu quo parce que c'est déjà prévu dans la loi. J'aimerais ça,
que vous soyez un petit peu plus explicite.
M. Blain
(Pierre) : M. le député, pour moi, c'est un peu ce que je viens de
discuter avec Mme la députée, c'est-à-dire la souffrance. Pour moi, dans le cas
de la santé mentale, justement, dans la définition qu'on a, on parle de
souffrance, et, pour moi, justement, la souffrance doit être un des éléments.
Et, jusqu'à présent, les demandes qui ont été faites concernant l'aide médicale
à mourir pour des personnes en santé mentale, le critère de souffrance s'est
fait. D'ailleurs, le Curateur public a autorisé, dans certains cas, une demande
semblable.
M.
Ouellette : Donc, si je vous suis, ce qui existe présentement devrait
être assez pour qu'on n'ait pas besoin de... pas légiférer, mais qu'on n'a pas
besoin d'en tenir compte dans notre rapport ou dans notre réflexion actuelle.
M. Blain
(Pierre) : Vous avez raison. Pour moi, c'est pour ça que je parle de
statu quo à ce niveau-là. Je pense qu'on a déjà des critères au niveau de la santé
mentale. Si on veut les étendre et si on veut justement aller autrement, c'est
là qu'il peut être très difficile... et c'est pour ça que j'ai dit que je
n'étais pas spécialiste au niveau des idées suicidaires, bon, alors, comment
pouvons-nous le juger? À ce moment-là, est-ce que c'est un psychiatre? Moi, je
pense que c'est le médecin, c'est l'équipe médicale qui peut. Et dans tous les
cas, la même chose va être faite, la demande
va être évaluée et jugée de la même façon pour voir si l'aide médicale à mourir est acceptable ou pas.
M.
Ouellette : Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci. Merci beaucoup. Merci, M. Blain, d'avoir
accepté d'être ici avec nous aujourd'hui et de répondre à nos questions. C'est
très éclairant pour les travaux de la commission.
Donc, nous allons
suspendre quelques instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités, mais,
comme on est un peu en retard, on n'aura pas le 10 minutes, on va
reprendre immédiatement les travaux. Donc, je demanderais aux membres de rester
branchés, on va débuter tout de suite. Merci encore, M. Blain.
M. Blain
(Pierre) : Merci et bonne journée.
(Suspension de la séance à
14 h 14)
(Reprise à 14 h 18)
La Présidente
(Mme Guillemette) : Donc, bonjour, Mme Poirier. Merci d'être
avec nous aujourd'hui. Donc, nous entendons l'organisme Carpe Diem du Centre de
ressources Alzheimer et sa représentante, Mme Nicole Poirier. Donc, je
vous rappelle que vous avez 10 minutes pour nous présenter votre exposé,
et, par la suite, il y aura un échange avec les membres de la commission pour
une période de 35 minutes. Donc, je vous cède la parole.
Carpe Diem — Centre de
ressources Alzheimer
Mme Poirier (Nicole) : Parfait.
Merci beaucoup. Merci d'échanger, d'accepter d'échanger avec moi aujourd'hui. Donc, effectivement, je suis
directrice de Carpe Diem, un organisme que j'ai contribué à fonder il y a
35 ans. J'ai fait aussi des études en psychologie,
en gérontologie puis une maîtrise en administration publique. Ma mère a eu
l'alzheimer dernièrement. Elle est décédée en 2015. Et j'ai pu vivre aussi ce
qu'un proche vit lorsqu'on a des décisions à prendre pour une personne qui
devient progressivement... qui perd son aptitude.
Alors, ce que je vais vous échanger aujourd'hui,
c'est beaucoup le fruit de mon expérience à Carpe Diem, mais aussi toutes ces
années de recherche. La première recherche remonte à 1989 avec... lorsque
Mme Lavoie-Roux, qui était ministre de la Santé, m'avait reçue puis
m'avait dit : Bon, votre projet est intéressant, mais il faudrait faire
une recherche pour comprendre les besoins de personnes, les familles, le
réseau. Et elle avait investi 1,2 million à ce moment-là dans cette
recherche-action que j'avais accepté de faire parce que c'était une
recherche-action, justement, puis qu'on pouvait offrir des services en même
temps qu'on faisait de la recherche. Et, au terme de cette recherche, j'ai
réalisé que, bon, il y avait la maladie qui causait des souffrances, mais il y
avait aussi des souffrances causées par les conditions de vie, par les manques
de formation, par de la médication mal adaptée, de l'enfermement, et tout ça.
Alors, ça, ça fait partie de mon cheminement puis de ma réflexion, ainsi que différents
comités, comme le comité sur le plan d'action pour la maladie d'Alzheimer avec
le Dr Bergman . J'ai fait aussi des visites d'appréciation dans les CHSLD.
Puis j'ai été beaucoup en Europe aussi pour partager notre approche.
• (14 h 20) •
Alors, en 2010, j'ai écrit un mémoire dans le
cadre de la commission Mourir dans la dignité. Et à l'époque, bien, c'était un
peu nouveau qu'on entende parler d'ouvrir l'aide à mourir aux personnes qui
allaient devenir inaptes. Alors, moi, mon
mémoire, à ce moment-là, c'était de dire, bien, il y a la maladie qui cause des
souffrances, mais il y a tellement de conditions de vie aussi qui
causent des souffrances. Comment peut-on faire un choix éclairé et sans
pression si on n'a pas plus d'options pour nous plus tard, si on n'a pas plus
de perspectives intéressantes autres que l'aide à mourir? Alors, moi, c'était
de dire : C'est démontré par les recherches, il y a de l'abus de
psychotropes dans des milieux d'hébergement, il y a des souffrances causées par
le fait d'être enfermé, il y a de la dénutrition, c'est démontré aussi par les
recherches, il y a un manque d'accompagnement des familles. Alors, moi, je
proposais de travailler là-dessus, sans nécessairement être contre l'idée
d'offrir éventuellement une aide à mourir.
Ensuite, bien là il y a eu ma mère que j'ai
accompagnée, puis à toutes mes réflexions s'est ajouté celle d'une fille, avec
ses frères et soeurs, qui doit prendre des décisions, puis sans que j'aie pu
m'imaginer, des petites décisions aux grandes réflexions de tout le monde,
alors que je pensais que c'était simple.
Je donne juste un exemple. Il y a un médicament
contre l'alzheimer qui causait des effets secondaires à ma mère bien évidents, et puis moi qui pensais que ça
prendrait peut-être une heure, ensemble, à prendre la décision,
bien, ça a pris des mois, alors que chacun... On est sept enfants à décider
selon nos expériences, nos valeurs. Puis parfois, bien, on s'éloigne, on n'a
pas toujours conscience de ce que les autres frères et soeurs font dans la vie.
Puis parfois, bien, ils arrivent avec des réflexions qui étaient assez
inattendues. Et ça, c'est pour le médicament.
Ensuite, on a eu à décider des traitements pour
ma mère, qui a eu le cancer, un cancer des intestins. Est-ce qu'on continue les
tests? Est-ce qu'on fait des investigations? Est-ce qu'on traite? Est-ce qu'on
opère? Est-ce qu'on va aux soins palliatifs? Ce n'est pas simple comme
décision, puis je l'ai vécu à fond. Alors, ça, ça m'a amenée à me dire :
Bien, c'est compliqué, confier à une tierce personne des décisions. Et celle,
ultime, de mourir, pour moi, je pense que c'est une grande marque de confiance,
mais je prévois qu'il y aura beaucoup de risques de conflits et risques de
vivre cette situation-là de façon difficile.
Alors, ça, c'est ce qui m'a amenée à en ce
moment, aux travaux du comité, que j'ai suivis. J'ai lu le rapport du comité,
j'ai aussi lu le document de consultation et je vous partage, aujourd'hui, mes
réflexions suite aux documents de consultation. On dit, dans le document, qu'il
faut avoir un diagnostic pour pouvoir rédiger des demandes ou des directives
anticipées. Donc, la question du diagnostic, je la comprends, il faut l'avoir,
mais, quand j'en ai parlé à des familles qui ont accompagné un parent, on m'a
dit : Oui, c'est correct, mais moi, ma mère n'aurait pas pu signer un
document comme celui-là parce que lorsqu'elle a eu le diagnostic... ça fait
partie de la nature de la maladie, c'est long, poser un diagnostic, puis
souvent il y a des personnes, en fonction du type de maladie... Si vous avez une maladie frontotemporale, ça se peut que
vous ayez vite perdu votre capacité à juger de votre situation versus un
autre type de maladie. Donc, il y a des personnes qui m'ont dit : C'est
injuste, et même qui m'ont dit : C'est discriminatoire,
parce que moi, je serais... Il y a des gens qui ont appris qu'il fallait poser le diagnostic
pour y avoir accès.
Donc là, je sais qu'il y a une campagne de sensibilisation
qui pourrait être offerte, mais, en même temps, je me disais : Juste concrètement, s'il y a
10 000 personnes par année qui reçoivent un diagnostic
de maladie d'Alzheimer, qu'il y en a
la moitié qui signe des demandes ou des directives, ça va faire beaucoup
de dossiers à traiter. Concrètement, est-ce qu'on aura les médecins — qu'on
a de la difficulté à avoir en ce moment pour avoir une prescription d'antibiotiques — est-ce
qu'on va avoir les médecins puis les professionnels
pour analyser correctement ces demandes ou ces directives? Donc,
quand... si on parle de demandes, pour moi, c'est clair que, si c'est des
demandes... la question de reconnaître ses proches, être incontinent puis
pouvoir manger ou gérer sa vie, il faut que ce soient des demandes, parce que
ça peut tellement varier dans le futur qu'il faut pouvoir avoir une évaluation
en temps réel. Par contre, là, j'y vois beaucoup, beaucoup d'interprétations puis de contre-exemples. Elle reconnaît qui?
Elle ne reconnaît pas untel, elle ne reconnaît pas ses enfants. Elle
mange, mais elle mange de quelle façon? Il y a tellement d'interprétations que
je vois ça difficile.
Les directives, pour moi, les directives, ça
pourrait être une option, à la condition que le seul critère, ce soit la
souffrance, si la personne souffre. Et il y a vraiment des personnes avec la
maladie qui ont des souffrances qui ne sont pas en lien avec les conditions de
vie, comme je vous le disais tout à l'heure. Il y a des personnes que la
maladie provoque des troubles de la pensée, des troubles perceptuels. Dans leur
tête, c'est le chaos total, peu importe ce qu'on fait, c'est souffrant, et on
n'arrive pas ni avec de l'aide médicamenteuse ni avec de l'aide
environnementale. Alors,
qu'est-ce qu'on fait avec ces personnes-là lorsqu'elles sont
dans cet état-là? Bien, moi, je me dis : Si on me disait que c'est des directives, c'est exécutoire, c'est
quand la personne souffre, parfait, ça, pour moi, ça pourrait
fonctionner, mais le seul critère, ce serait la souffrance.
Ensuite, les recherches ont démontré qu'il y a
80 %... pas les recherches, mais on sait qu'il y a 80 % des personnes
qui se retrouvent en CHSLD qui ont une maladie qui touche les fonctions
cognitives. Parmi tous les troubles qu'on parle, des troubles du comportement, il
y a en a 85 % qui seraient liés à autre chose que la maladie, et 15 %
seraient liés à ce que je viens de vous dire, des souffrances ou des troubles
liés carrément à la maladie. Donc, je me dis : Ceux qui n'auront pas signé
des directives pour être épargnés de la souffrance, bien, ils vont souffrir quand
même. Comment on peut faire pour les soulager s'ils n'ont pas signé leurs
intentions au préalable?
Donc là, c'est là qu'il m'est venu, en discutant
avec l'équipe aussi puis en analysant des situations concrètes vécues à Carpe
Diem et ailleurs, de me dire : Bon, bien, moi, si... mon
autodétermination, ce n'est pas de confier à mes enfants ou à un proche ce qui
va m'arriver plus tard. D'abord, je ne veux pas leur mettre ce fardeau-là puis
je ne veux pas le confier à des personnes que je ne connais pas. Je veux
pouvoir moi-même choisir de ma fin de vie puis de qui va décider.
Donc, est-ce que... Je me demande pourquoi, dans
le rapport, il n'a pas été question davantage de la sédation profonde et continue. Quand quelqu'un
souffre, au lieu de lui donner des neuroleptiques qui ont des effets
secondaires puis qui me font souffrir, pourquoi
on n'irait pas plus vers carrément endormir la souffrance dans... Pour mes
enfants, pour le monde autour, c'est beaucoup
plus simple par rapport à l'intention. Mon intention... L'intention,
c'est de soulager la souffrance, ce n'est pas de mettre fin à mes jours.
Donc, c'est une question. Pour moi, ce serait une option.
Ensuite, une autre option que je trouve que
j'aimerais avoir si jamais je souffrais d'alzheimer, ça serait la possibilité,
si je suis apte, à avoir accès à l'aide à mourir en restant apte. Maintenant
que le critère de fin de vie n'est plus exigé, pourquoi on ne pourrait pas,
quand on est aptes, avoir accès à l'aide à mourir? Souvent, les gens
disent : Je ne veux pas être obligé d'aller en Suisse. En Suisse, il faut
être apte pour avoir l'aide à mourir. Pourquoi on n'ouvre pas à une assistance à mourir au moment où on est apte? Pour
moi, ça aussi, ça fait partie de l'autodétermination, puis
l'autodétermination à l'état pur pour moi, parce que c'est moi qui décide
jusqu'en fin... jusqu'à la toute fin. Donc, ça, c'était aussi une question.
Alors, si j'ai l'alzheimer... Je termine avec
ça. Je me suis posé la question parce que tous vos travaux nous amènent à
réfléchir puis à pousser toujours plus loin la réflexion. Je me suis dit :
Qu'est-ce que je fais si j'ai l'alzheimer? J'ai des bons risques parce que, du
côté de ma mère, ils sont quatre à l'avoir eu, donc je veux y penser dès
maintenant. Donc, si on me diagnostique une maladie d'Alzheimer, d'abord, je
vais essayer de voir quelle maladie j'ai. Parce que, là, dans tous les écrits
qu'on voit, on donne des grandes étapes, mais on ne définit pas les différentes
maladies. C'est différent d'avoir la maladie à corps de Lewy, qui,
physiquement, nous donne une impression d'être très avancés dans la maladie,
mais on est encore capables de parler puis de s'exprimer, une aphasie primaire
progressive, où je n'ai plus les mots, ça me pénalise beaucoup dans les tests,
mais ma pensée reste claire, une maladie d'Alzheimer classique, une
dégénérescence frontotemporale, qui va vite évoluer, peut-être. Donc, qu'est-ce
qui m'attend? Je veux le savoir puis de façon précise.
• (14 h 30) •
Ensuite, je veux savoir si je suis apte à l'aide
médicale à mourir en restant apte. Ça, c'est mon deuxième point. Je veux
pouvoir avoir accès à ça. Parce que les craintes... On parle souvent des
craintes d'être incontinent. Moi, ce que je
crains le plus, c'est d'être privée d'aller aux toilettes. On parle souvent de
la crainte de ne pas reconnaître ses proches. Bien, moi, la grande
crainte que j'ai, c'est d'être entourée de gens qui ne me reconnaîtront pas,
qui ne connaîtront pas mes habitudes puis qui ne connaîtront pas mes désirs.
Alors, mes enfants, bien, eux, ils vont
continuer de me reconnaître, mes proches vont continuer de me reconnaître. Il y
a d'ailleurs Christian Bobin qui a écrit un texte sur la maladie d'Alzheimer
que son père a vécue en France, et puis son père, il ne le reconnaissait pas,
mais il lui a dit un jour : Je ne sais pas qui vous êtes, mais vous êtes
celui que j'attendais. Et, dans... Ça, c'est quelque chose qu'on vit beaucoup.
Puis il est démontré dans les neurosciences... J'ai écrit un livre avec Roger
Gil, un neuropsychiatre de Poitiers, sur la neuropsychologie, puis c'est
démontré par les recherches que les gens qui sont prosopagnosiques, qui ne
reconnaissent pas les visages, ont une émotion quand ils sont devant leurs
proches, et ça, ça a été démontré avec des capteurs qui démontrent l'émotion.
Donc : Je ne sais pas qui tu es, mais je sais que je suis bien avec toi.
Puis ça, ça se vit aussi avec les intervenants, quand il y a de la stabilité.
Ensuite, on parle beaucoup de la crainte de ne
plus manger. Oui, j'ai peur de ça, mais j'ai encore plus peur qu'on me prive de
manger puis que je devienne dénutrie parce qu'on ne sait pas comment
m'accompagner, parce qu'on n'a pas le temps de m'aider à manger et/ou soit
qu'on me nourrisse supervite puis que ça ne soit pas à mon rythme. Peur de me
perdre. Souvent, on dit ça : J'ai peur de me perdre. Mais, moi, j'ai
encore plus peur, puis ça, c'est vraiment une grande angoisse pour moi, d'être
enfermée, d'être privée de ma liberté, de ne pas pouvoir aller dehors et de...
Et ça, pour moi, c'est une des plus grandes privations de liberté, puis il n'en
est pas beaucoup question dans les échanges. Peur de... ma vie. Oui, j'ai peur,
mais j'ai encore plus peur que mes enfants n'aient plus de vie parce qu'ils
sont obligés de s'occuper de moi. Alors, ça, pour moi aussi, ça fait partie de
mes peurs.
Donc, en conclusion, bien, je pense qu'on a un
chantier important à faire au niveau des conditions de vie. Pour ce qui est de
vos travaux, bien, j'aimerais que soit évaluée la question de la sédation au
lieu de l'aide à mourir, carrément, et, en ayant la possibilité d'une sédation,
c'est un soin, ça peut être inscrit dans nos directives médicales anticipées,
je crois, ou dans notre mandat d'inaptitude. On peut demander un soin, on peut
en refuser un autre. Moi, je voudrais refuser les neuroleptiques. Lorsque tout
aura été tenté pour me soulager, je ne veux pas que ça soit des neuroleptiques qui donnent des effets secondaires et qui
font plus, à ce moment-là, plus de mal que de bien, je veux plutôt un
médicament pour me calmer et que ça m'emporte tout doucement. Puis, comme ça, tout
le monde sera égal devant la souffrance, pas juste ceux qui ont signé des
directives avant, mais tout le monde qui vont souffrir puis qui n'auront peut-être
pas eu la possibilité de l'écrire. Voilà.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme Poirier. Je céderais la parole au député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente, et merci, Mme Poirier, pour votre témoignage basé sur votre
grande expérience et ainsi que l'humanité de votre propre expérience. Je crois
que votre témoignage ajoute à nos réflexions, mais, il faut le dire, ajoute à
la complexité des grandes questions devant nous.
Vous parlez beaucoup... Vous avez parlé beaucoup
de l'état du traitement pour les gens atteints d'Alzheimer, toutes les
conditions de vie autour de ça. En contrepoids, nous, nous sommes en train de
parler de l'aide médicale à mourir. Est-ce que vous êtes en train, en quelque
part, de faire un lien entre les deux? C'est-à-dire, est-ce que, si je vous
entends bien, vous avez une inquiétude que de mettre une plus grande ouverture
envers l'aide médicale à mourir, on risque de délester la recherche, le
travail, les services offerts aux gens atteints d'Alzheimer? Est-ce que vous
faites un lien de cet ordre-là?
Mme Poirier (Nicole) : Je pourrais
faire un lien, mais déjà, je me demande... du réalisme puis de la possibilité de le faire. Avec les moyens qu'on a en ce moment, on n'y arrive
pas, à soigner correctement. Concrètement, où allons-nous trouver les professionnels,
les soignants qui vont être capables d'évaluer des personnes qu'ils ne
connaissent pas? Parce qu'en théorie, oui, une équipe multidisciplinaire
pourrait peut-être évaluer la personne en fin de
vie, voir... ça correspond à ses directives. Mais il n'y en a pas, de ressources
en ce moment, puis on va prendre des ressources
précieuses pour évaluer si la personne correspond à ce qu'elle avait déjà
mentionné? Je trouve qu'on pourrait mieux utiliser notre humanité et nos ressources.
Puis je pense que c'est déjà difficile... Les
médecins qui font le diagnostic en début de maladie ont de la difficulté à vraiment
évaluer l'état de conscience de la personne, les gens qui sont privés des mots
sont vraiment pénalisés dans les tests. J'ai de la difficulté à croire qu'on va
avoir des évaluations qui ne seront pas contestées par les familles.
M. Birnbaum : Vous avez dit, dans un
temps, qu'il faut évidemment respecter l'autonomie de l'individu et sa volonté
et que, si on exige un diagnostic préalable, ça risque d'être peut-être trop
tard pour plusieurs qui auraient aimé exprimer cette volonté lors d'une demande
d'aide médicale à mourir. Après, vous avez dit que, ça se peut, si on ouvre
trop le chantier, on va se trouver avec de multiples demandes pour l'aide
médicale à mourir. Alors, en quelque part, c'est deux constats contradictoires.
Dans un premier temps, est-ce que vous pouvez
nous dire si vous êtes en train de dire que l'accès à une demande d'aide
médicale à mourir devrait être possible même en absence d'un diagnostic? Et, dans
un deuxième temps, si oui, comment est-ce qu'on balise les critères afin que la
demande ne soit pas irréaliste ou trop élevée?
Mme Poirier (Nicole) : Ce que les
familles m'ont dit, puis ça vient d'elles, les idées, cette idée-là, c'était de
dire : On n'est pas comme dans les cancers où, lorsque... si je n'ai pas
le cancer puis que je reçois mon diagnostic, c'est possible que, là, ma vision
change, des choses. Avec l'Alzheimer, lorsque tu as le diagnostic, c'est déjà un
petit peu avancé, puis c'est possible que des personnes ne soient plus en état.
Puis ce qu'on m'a dit, c'est : Pourquoi ça ne serait pas des demandes
dans... par exemple, le mandat en cas d'inaptitude, que les personnes puissent
les inscrire, leurs demandes, à ce moment-là, quand ils ne sont pas touchés par
la maladie puis qu'ils peuvent réfléchir, un peu comme je l'ai fait, moi, en ce
moment? C'était ça, la question.
Puis vous avez... C'est vrai aussi que c'est
contradictoire, ce que je vous dis, mais c'est deux réalités : des gens
qui peuvent être privés de cette option, plus, peut-être, beaucoup de monde...
si on fait de la publicité puis on encourage les personnes à signer des
directives, c'est vrai, effectivement, qu'il y a peut-être beaucoup de monde
qui vont les signer, mais c'est un et l'autre, et c'est un fait que je vous
soumets.
M. Birnbaum : Est-ce que vous avez
des commentaires sur ce phénomène dont on parle, qui est la démence heureuse? C'est-à-dire
que, si on était devant... On est devant une demande d'aide médicale à mourir
où on parle de souffrance, d'inaptitude, et tout ça. Et, advenant un moment où
c'est clair que les symptômes sont très aggravés, mais la personne ne démontre
pas une grande souffrance, dans le sens plus facile à comprendre de ce
terme-là, qu'est-ce qu'on fait?
Mme Poirier
(Nicole) : Oui, bien, moi, je pense que les gens qui... Je ne parle
pas de démence heureuse. Bien, je dis que c'est une situation moins souffrante
ou, en tout cas, où il n'y a pas vraiment de souffrance apparente. Et il y en a
beaucoup, de personnes, qui vivent comme ça, où est-ce qu'elles développent...
Hier encore, quelqu'un m'a dit : Ma mère a eu une maladie d'Alzheimer,
puis elle s'est fait un petit ami, puis elle rit tout le temps. Bon, les personnes...
Moi, ma mère n'était ni l'un ni l'autre. Avant d'avoir son cancer, elle n'était
pas souffrante. Et je pense qu'à ce moment-là, s'il n'y a pas de notion de
souffrance, comme j'ai dit tout à l'heure, je ne vois pas... je trouve que ça
serait très compliqué, à ce moment-là, de prendre la décision d'aller...
d'offrir l'aide à mourir. Mais oui, il y en a. Je ne vous
dis pas que c'est beau, la maladie d'Alzheimer ou les formes de démences, mais
il y en a effectivement qui sont moins agressives chez la personne, qui ne
rendent pas le cerveau complètement chaotique.
• (14 h 40) •
M. Birnbaum :
Finalement, je crois entendre de vous une importance éventuelle d'assurer une
vulgarisation de l'opportunité, c'est-à-dire d'assurer qu'il y ait un accès
équitable en région, partout, chez les plus pauvres, les moins éduqués à cette
demande d'aide médicale à mourir. Est-ce que je vous entends bien là-dessus,
puis il y a un avertissement dans votre message à nous là-dessus?
Mme Poirier
(Nicole) : Oui, parce que c'est sûr que seules... il ne faudrait pas
que ce soit seules les personnes qui ont les moyens de se payer un notaire, qui
sont assez informées, assez éduquées, qui sont capables de rédiger et d'y avoir
accès. Mais, malgré tout ça, il y aura encore de l'iniquité. Moi, pour moi, la
façon d'être la plus équitable, c'est de trouver une façon, comme société, de
soulager les souffrances. Et puis soulager des souffrances, ce ne se fera pas
nécessairement avec des directives ou des demandes anticipées. Ça va être,
comme société, d'avoir accès à un soin qui consiste à être celui de... qu'on
endorme la souffrance au lieu de me donner des médicaments qui me font souffrir
aussi.
M. Birnbaum :
Merci beaucoup.
Mme Poirier
(Nicole) : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Donc, est-ce qu'on continue avec la
députée de Westmount—Saint-Louis?
Mme
Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Mon collègue a posé toutes les questions pour notre formation
politique.
La Présidente (Mme Guillemette) : Parfait. Merci. Donc, je céderais maintenant
la parole au député de Rosemont.
M. Marissal :
Merci, Mme la Présidente. Mme Poirier, bienvenue. Merci de votre
témoignage. On sent effectivement l'humanité là-dedans, puis c'est quand même
bon de se rappeler qu'on est là pour ça surtout ici. Ce n'est pas purement
mécanique, là, ce qu'on fait ici.
Je ne suis pas du
tout spécialiste, en tout cas, certainement pas autant que vous dans ces questions
de fin de vie, de maladie ou de sédation, ça fait que je suis allé faire un peu
de devoirs pendant que vous parliez, tout à l'heure, tout en vous écoutant,
rassurez-vous, et je suis tombé sur un site, par exemple, Fin de vie, Soins
palliatifs, le Centre national français, une source parmi d'autres, là. Je les
cite : «Toute personne a droit d'avoir une fin de vie digne et accompagnée
du meilleur apaisement possible de la souffrance. Cet accompagnement peut
nécessiter une sédation profonde et continue
jusqu'au décès, associée à une analgésie, pour soulager une personne malade qui
présente une situation de souffrance
vécue comme insupportable alors que le décès est imminent et inévitable.» C'est
de ça dont vous parlez?
Mme Poirier
(Nicole) : Oui, exactement. Mais maintenant, la fin de vie n'est plus
un critère obligatoire, il n'existe plus. Donc, moi, je me dis... Ce que je
trouve, c'est que, dans le rapport d'expert, il y a trois, quatre phrases
là-dessus. Ça n'a pas été creusé, ça n'a pas été élaboré. J'aurais aimé ça, que
ce soit... que les pour et les contre soient fournis dans le rapport.
M. Marissal :
Je comprends, Mme Poirier. Mais là vous me voyez venir, là : ici, là,
le centre national de fin de vie et de soins
palliatifs français parle de décès imminent et inévitable. Je comprends que le
débat, ici, là, juridique... j'en connais les tenants et aboutissants.
Combien de temps on peut garder quelqu'un en sédation prolongée, sachant que
des gens, parfois, meurent après six, sept, huit ans d'Alzheimer, de maladies
dégénératives? Combien de temps garde-t-on les gens sous sédation? Mais est-ce
qu'on peut alors parler de qualité de vie et de dignité?
Mme Poirier
(Nicole) : C'est effectivement... Moi, les personnes auxquelles je fais
référence, là, c'est vraiment des personnes... puis je l'ai vécu récemment, là,
dans la dernière année, trois personnes pour qui, là, c'était insupportable, il
n'y avait rien à faire. Et qu'est-ce qui s'est passé? Ils se sont retrouvés à
l'hôpital sous contention physique, chimique et ils sont morts dans le mois qui
a suivi. Mais ils ne sont pas morts de la bonne façon. Ils sont morts dans des
conditions inacceptables.
Alors, c'est sûr
qu'il faut que la souffrance soit vraiment évaluée, là. Je ne parle pas des
personnes qui ont des «downs» ou qui sont... qui ont besoin d'être réanimées
pour être heureuses, là. Je ne parle pas de ça. Je parle des 15 %, là, que
c'est vraiment grave, là, puis qui peuvent se frapper sur les murs, qui peuvent
crier, qui peuvent frapper puis que chaque attention pour eux est mal décodée.
Je parle de ces situations-là. Puis, en général, ces personnes-là ne vivent pas
longtemps, en tout cas, pas longtemps quand ils vont à l'hôpital.
M. Marissal :
Donc, la sédation, pour vous, ça s'appliquerait dans un pourcentage assez mince
de cas, là, de toute évidence?
Mme Poirier
(Nicole) : Oui. Quand, avec les médecins, là... Puis ça, c'est des
situations où ça fait des mois qu'on essaie avec les médecins. On essaie une
médication. Ça ne fait pas. On en essaie une autre. On cherche, là. Il faut vraiment avoir éliminé toutes les autres causes
possibles. Ces personnes-là, habituellement, ne sont pas... ne vivent pas longtemps.
M. Marissal :
Merci.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci. Merci beaucoup, M. le député. Je
céderais maintenant la parole à la députée de Joliette.
Mme Hivon :
Oui. Bonjour, Mme Poirier. Je suis très heureuse de vous revoir et de vous
entendre. Vous nous amenez beaucoup d'éléments de réflexion que seule une
personne qui a votre expérience peut le faire. Donc, merci de votre générosité.
Je vais poursuivre sur la même question de la sédation palliative continue.
C'est intéressant. Vous êtes la première personne, effectivement, à amener ça.
Dans la loi sur les soins de fin de vie, c'est un soin précis, prévu dans
certaines circonstances. Le défi, c'est que les médecins, en fait, peuvent
respecter des directives de refus de soins, mais les médecins... Comme patient,
moi, je ne peux pas dire : Aïe! Je veux tel traitement, telle affaire.
C'est-à-dire que, quand on m'offre des choses, évidemment, je peux dire oui ou
non, mais je ne peux pas exiger quelque chose. Et, sur la sédation continue, ce
qu'on nous a beaucoup dit lors des premiers travaux, c'est que les indications
médicales, pour que ce soit un soin approprié, c'est quand on estime, puis là
on revient à ce que vous discutiez avec mon collègue, qu'il reste quelques
semaines à vivre, parce que le fait d'induire une sédation continue... En fait,
vous ne pouvez pas continuer à être alimentée et à être hydratée. La bonne
pratique, là, de ce qu'on a compris dans les premiers travaux, c'est que c'est
antinomique. Donc, dans les faits, on arrête de vous nourrir et de vous
hydrater. Donc, évidemment, vous allez mourir. Dans les personnes qui sont en
pleine santé, des fois, ça peut prendre jusqu'à trois, quatre semaines de
sédation continue. Les gens qui sont très fragilisés, ça peut être plus court.
Mais donc ce serait difficile, de ce que je comprends de ce que les experts
médicaux nous disent, de pouvoir exiger un tel soin parce qu'il doit être
approprié à la circonstance.
Donc, est-ce que
vous, ce que vous nous dites, c'est que ça devrait être une possibilité dans
les directives anticipées de le dire, mais évidemment sous réserve que ce soit
un soin approprié, puisque les gens, les patients ou les familles ne pourraient
pas, comme tel, l'exiger?
Mme Poirier
(Nicole) : Bien oui. À tout le moins, que ce soit... que ça fasse
partie des réflexions puis qu'une personne ne meure pas, en fait, de
neuroleptiques, mais bien d'un traitement qui va avoir réellement soulagé sa
souffrance. C'est surtout ça qui m'importe.
Mme Hivon :
Oui. Je comprends. C'est dans des situations désespérées, un peu comme celles
auxquelles vous faisiez référence, que l'option devrait arriver, pour quelqu'un
qui ne l'aurait pas demandé ou si ce n'était pas possible de le demander.
Ensuite, l'autre
point que je trouve intéressant, c'est que vous dites que vous, vous estimez
qu'une personne qui a un diagnostic, qui a la maladie d'Alzheimer ou une forme
de maladie neurocognitive comme ça, neurodégénérative, pourrait pouvoir...
devrait pouvoir le demander avant d'être inapte. De la compréhension puis de ce
qui se fait, là, depuis quelques mois, depuis que le jugement Gladu-Truchon est
pleinement appliqué, c'est effectivement une possibilité. C'est-à-dire que, si
vous répondez aux critères, donc déclin avancé et irréversible de la maladie,
souffrance constante, inapaisable, vous seriez admissible. Mais qu'est-ce qu'on
fait avec les gens qui disent : O.K.,
ça, ça me soulage en partie, mais, en
même temps, je ne veux pas devancer à
outrance le moment en ayant toujours peur que, dans trois jours, dans
une semaine, dans deux semaines, je n'en aurai plus du tout, d'aptitudes, et
donc je ne pourrai plus me qualifier? Et donc est-ce que, dans cette
optique-là, ça vous semble opportun de le prévoir, la possibilité de le
demander de manière anticipée?
• (14 h 50) •
Mme Poirier
(Nicole) : Avec toutes les réserves que j'ai dites tout à l'heure, que
ça va être difficile à appliquer. Et je pense que c'est une maladie qui est quand
même progressive et qui nous donne du temps, du temps devant nous, quand on a
une forme... comme d'aphasie primaprogressive ou une maladie classique.
Mme
Hivon :
O.K. Et donc je vous amène à vos... justement, à votre encadrement de tout à
l'heure. Vous disiez que vous envisageriez
la directive anticipée pour des raisons de souffrance. Et là, si je... J'ai
deux sous-questions par rapport à ça. Est-ce que ce que vous envisagez,
dans le fond, c'est que la personne dise, dans ses directives, dans sa demande
exécutoire ou sa directive anticipée : Si j'ai des souffrances, qu'elles
sont objectivables, et tout ça, sans spécifier le type de circonstance de
souffrance, je voudrais pouvoir avoir accès à l'aide médicale à mourir, aussi
large que ça?
Et, deuxième
question, ça revient un petit peu sur la démence heureuse, mais c'est un peu
plus large, c'est qu'il y a des gens, des experts, qui sont venus nous
dire : Vous savez, on ne peut pas dire qu'une personne ne souffre pas. Ce
n'est pas parce que tu souris aux gens, puis que tu es encore poli parce que tu
es bien élevé, puis que tu as encore des moments où tu as l'air bien que tu ne
souffres pas. Donc, pour certains experts, c'était comme de venir nous dire : Vous savez, l'Alzheimer, c'est
toujours souffrant, alors qu'au contraire il y a des gens qui nous
disent : Il y a des gens qui ont l'Alzheimer qui ont une bonne
qualité de vie. Donc, avec votre expérience, le continuum, le curseur, on le
met où, entre ces deux opposés-là qu'on a entendus?
Mme Poirier
(Nicole) : O.K. Bon, la première, sur la souffrance, je pense
qu'objectiver la souffrance, ce serait de dire : Lorsque la souffrance est
vraiment la souffrance de la personne et non pas celle de ses proches. Déjà,
c'est tout un cheminement à accompagner les familles, il faut le prévoir, c'est
complexe. Que la souffrance n'est pas causée par un manque de soins ou des conditions
de vie, ça serait un critère pour moi. Donc... Et ensuite, bien, si tout ça est
confirmé, oui, je pense que, dans des directives, si on le disait comme ça, ça
pourrait peut-être être quelque chose que je trouverais possible, en ayant fait
tout ce cheminement-là, en étant capable d'éliminer les autres causes qui nous
amènent à une souffrance puis de le rédiger dans des directives, oui. Est-ce
que ça répond?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme Hivon : Oui.
Je n'ai pas de temps pour ma deuxième. Ce n'est pas grave. Merci.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup. Donc, je céderais la parole à la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci, Mme Poirier. Moi, j'aimerais qu'on parle de neuroleptiques. Vous
avez parlé de neuroleptiques. Vous avez parlé de sédation continue. Sédation
continue, pour moi, c'est continu, hein? Alors,
c'est installé avec un soluté, et puis on injecte une médication régulièrement
et on augmente la dose. Au niveau des patients qui... Ces patients-là
ont un certain âge, habituellement. Alors, vous comprendrez qu'il va avoir
d'autres effets secondaires. On parle des neuroleptiques qui peuvent avoir des
effets d'agressivité, ces choses-là, tandis que la sédation continue, elle,
endort le patient. Alors, le patient est alité. Il dort. Il ne mange plus, hypersalive.
Alors, elle est où, la dignité du patient dans tout ça?
Mme Poirier (Nicole) : Bien, je
trouve que ce que vous décrivez, c'est ce qu'on voit plutôt chez les gens qui
ont des neuroleptiques : d'être crispé, d'avoir de l'hypersalivation,
d'avoir de la souffrance aussi. C'est ce qu'on... Moi, je trouve que...
J'observe plus... Je n'ai pas d'expérience dans la sédation palliative. Je ne
sais pas comment ça pourrait être administré. C'est une idée qui m'est venue
récemment en parlant avec les personnes. Je trouve que c'est plus... C'est plus acceptable, en tout cas, pour
moi d'éteindre la souffrance, quitte à ce que la personne soit dans un
coma ou un semi-coma, que de vivre avec des neuroleptiques qui... que c'est
démontré que ça amène de la souffrance et vraiment pas une vie digne.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Puis, si je vous parle de soin de confort, est-ce
que c'est mieux qu'un soin continu?
Mme Poirier (Nicole) : Ça
serait... Ça serait dans cet ordre-là, là, d'un soin de confort. Effectivement,
ça pourrait être plus acceptable que sédation palliative, qui est un terme que
j'ai utilisé, mais que je ne suis pas une spécialiste du tout, là. L'idée,
c'est de dire que j'ai vu des gens où on s'est dit, en équipe : Il
faudrait l'endormir. C'est juste ça qu'on peut imaginer.
Donc, que ce soit un soin de confort, c'est
peut-être mieux, ce que vous dites, mais c'est toujours mieux que des
neuroleptiques.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Puis la
dignité? J'aimerais vous entendre un petit peu sur la dignité d'un malade, d'un
patient alzheimer ou en phase terminale. Pour vous, c'est quoi, la dignité d'un
individu?
Mme Poirier (Nicole) : Bien, la
dignité... il y a plusieurs formes de dignité. Il y a celle... Il y a la
dignité qu'on retrouve dans le regard des autres. Moi, pour moi, la dignité,
c'est beaucoup le regard des autres, comment on va agir avec moi. C'est ce que
je vous expliquais tout à l'heure. Pour moi, c'est d'être vue comme une
personne à part entière, d'avoir encore de l'autodétermination.
Parce que, le principe d'autodétermination, je
ne sais pas combien de fois on le voit, on le lit dans le rapport, mais, quand
vous êtes en institution, l'autodétermination, là, il faut la chercher, et...
parce que c'est souvent l'institution qui décide de tout pour la personne,
puis, pour moi, ça, c'est une perte de dignité, de ne plus pouvoir décider de
ce que je porte, de ce que je mange, de l'heure que je me couche. Puis souvent
l'autodétermination, dans des milieux très rigides, c'est perçu comme un
trouble du comportement : la personne, elle ne s'adapte pas. C'est ça...
c'est comme ça qu'on interprète l'autodétermination, bien souvent, alors que
c'est juste un désir de contrôler sa vie. Donc, pour moi, c'est beaucoup là, la
dignité.
Et je trouve un peu questionnant qu'on ressorte
l'autodétermination en fin de vie alors qu'on en a beaucoup perdu en cours de
route. Ça me questionne. Alors, pour moi, c'est beaucoup ça, comment les autres
vont agir envers moi, dans quel milieu je vais vivre. Puis, si je n'ai pas ce
regard digne envers moi, bien, je vais perdre ma dignité.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Je vous
remercie beaucoup. Je vais laisser place à un de mes collègues.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, je céderais la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, Mme Poirier. J'ai... Écoutez, c'est
intéressant, là, quand vous parlez, parce que, là, vous amenez toute la qualité...
les traitements, tu sais, pour rendre la personne... qu'elle souffre moins.
Mais c'est parce que c'est difficile aussi, là, puis je veux bien comprendre,
là, ce que vous dites. Mais, moi, ce que je comprends de
ce que vous dites, c'est que... On a une Mme Demontigny qui est venue à la
commission, et elle, elle a mentionné : Savoir partir quand c'est encore
beau. Mais ça veut dire, ça... Partir quand c'est encore beau, ça ne veut pas
dire que tu souffres nécessairement physiquement. Puis là vous semblez, bien,
en tout cas, ce que je comprends, dire : Ça ne veut pas dire, tu sais, de
partir plus quand on souffre, tout ça, mais elle, elle disait vraiment de
choisir le moment. Mais, choisir son moment à elle, ça ne veut pas dire qu'aux
yeux des médecins... qu'elle souffre. Vous comprenez, là, toute la question
scientifique, puis ces choses-là.
Puis on a eu aussi le docteur Judes Poirier,
vous devez sûrement connaître, qui est un chercheur et un généticien sur la
maladie, qui, lui aussi, amenait cet aspect-là, de dire : C'est quand, le
moment que tu souffres, le moment que tu ne souffres pas? Là, autrement dit, est-ce
qu'on peut laisser le choix de... la personne décider de partir quand elle veut
partir? Mais ça veut dire qu'elle peut partir... d'un point de vue médical,
qu'elle ne souffre pas nécessairement, là.
Je veux savoir un peu votre point de vue, parce
que vous semblez dire qu'il faut quand même aller peut-être plus loin avant de
dire : Oui, laisser la personne encore peut-être voir comment ça va...
Mais, si la personne... Ces gens-là, qui sont atteints, ils disent : Moi,
je veux choisir le moment. Oui, il peut y avoir des moments d'émotion, tu sais,
c'est variable d'une personne à l'autre. Vous pensez quoi de ces deux
témoignages-là, là?
Mme Poirier (Nicole) : Oui, puis
j'ai écouté les deux témoignages. Pour Mme Demontigny, je comprends très
bien son point de vue. Ce que je me dis : Pour elle, l'idée, ce serait
de... c'est un prix à payer, hein, c'est un prix à payer. Mais d'être apte et
de décider, ça serait de décider au moment où je reste apte. Je sais qu'il y a
un prix à payer, c'est peut-être des années de vie, mais c'est... pour moi,
l'autodétermination, c'est ce qu'il serait possible de faire. Puis, si ce n'est
pas ça, bien, quel... la suite des choses, ce sera... Effectivement, ça va
devenir difficile de décider c'est quoi, le beau moment. Là, on va ouvrir une
grosse porte, là, où tout le monde peut interpréter.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Mais je
m'attarde vraiment à la maladie de l'Alzheimer, là. Il faut faire la différence
avec tout le reste, O.K., parce que la maladie de l'Alzheimer est vraiment quelque
chose d'incurable. Puis, tu sais, on n'en meurt pas, on meurt des suites, mais
c'est vraiment...
Parce que la commission, là-dessus, là, au
niveau de l'Alzheimer, je pense qu'il y a quand même... c'est quelque chose d'important,
là, ceux qui sont atteints de la maladie d'Alzheimer, ça fait que, tu sais,
c'est vraiment à ce niveau-là. Puis je pense qu'il faut peut-être apporter une
attention particulière au niveau de la maladie de l'Alzheimer. Parce que, là,
on rentre dans la dignité puis on sait qu'il n'y a pas d'issue, là, en ce
moment.
• (15 heures) •
Mme Poirier (Nicole) : Bien, je suis
tout à fait consciente de ça. Ce que je trouve de difficile, c'est de pouvoir espérer imaginer évaluer un état qui
serait «quand je ne reconnaîtrai plus mes proches», ou «quand je ne
mangerai plus par moi-même», ou «quand je ne
pourrai plus gérer»... ou «je vais être incontinent». Bien, tu sais, ça, je
trouve que... Je comprends ce que
vous dites puis je suis complètement d'accord avec la problématique. L'Alzheimer, c'est un gros problème. Mais les autres maladies apparentées
sont aussi très souffrantes, là. Ce n'est pas juste l'Alzheimer. Donc,
je le comprends, mais, pour moi, c'est... pour elle, ça serait une option. Puis
d'ailleurs je l'ai entendue aussi dire : Je ne voudrais pas être obligée
d'aller en Suisse. Mais là cette question-là n'est... elle pourrait ne pas être
allée en Suisse.
Donc, ça, c'est pour elle, puis, pour le
Dr Poirier, ce que j'en retiens, c'est que, lui, ce qu'il dit, c'est...
Bien, ce que j'ai retenu, c'est que les conditions de vie... Il a parlé des
chiens Mira qui peuvent aider aux conditions de vie des personnes, mais qu'on
n'a pas des moyens d'avoir des chiens pour tout le monde, mais il y a quand
même, là-dedans, une ouverture sur les conditions de vie. Puis, quand M. Gabriel
Nadeau-Dubois lui a demandé si on avait toutes
les ressources pour donner une bonne qualité de vie, est-ce que ce serait différent, puis il a répondu : Je
n'y crois pas, ça serait différent,
mais je n'y crois pas, parce que c'est comme s'il baissait les bras déjà sur
la possibilité d'améliorer les
conditions de vie. Donc, lui, c'est son... Il est peut-être fils unique, je ne
le sais pas, mais, quand tu es plusieurs enfants dans une famille... Oui?
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Si
vous me permettez, mais, le Dr Poirier, il parle aussi de la capacité de
jugement, quand les capacités de jugement sont affectées, comment on... Tu
sais, c'est difficile à évaluer, la capacité de jugement, à un certain stade,
là, ça fait que c'est... Lui, il semblait dire : Bien, regarde, à un
moment donné, les gens peuvent décider le moment aussi...
Mme Poirier (Nicole) : Oui,
mais c'est ça qui va être... Moi, ce que je dis, c'est que ça va être extrêmement
compliqué d'essayer de mesurer est-ce que
l'état de la personne correspond à ce qu'elle avait écrit. En principe, ça
semble possible, mais je suis convaincue que, dans les faits... Peut-être pour
certaines personnes, comme Mme Demontigny ou M. Poirier, mais elles
sont rares, les personnes comme Mme Demontigny. Il y a peut-être Blandine
Prévost, en France, que j'ai connue, mais des personnes qui sont capables
d'analyser comme ça puis de le décrire... Il ne faut pas penser que tout le
monde qui ont l'Alzheimer ont ces capacités-là. Donc, on fait l'option...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
C'est sûr, mais, vous savez, quelqu'un... se promener avec une poupée toute la
journée, là, tu sais, quand on se promène dans des centres, c'est ça, est-ce
que c'est ça, de la dignité, tu sais?
Mme Poirier (Nicole) : Bien, je
suis d'accord avec vous que... mais ça, il faut faire la différence entre la
souffrance des autres puis la souffrance de la personne. Il va falloir qu'on
avance dans ça.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : C'est le consentement, toute la question du consentement.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Merci, Mme Poirier, d'avoir été avec nous et de répondre à
nos questions aujourd'hui. C'est très formateur pour nous, pour la suite des
décisions de la commission.
Donc, nous
allons suspendre quelques instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités.
Et je demanderais aux membres de la commission
de rester connectés parce qu'on va reprendre très rapidement. Merci. Merci,
Mme Poirier.
Mme Poirier (Nicole) : Merci.
Au revoir.
(Suspension de la séance à 15 h 03)
(Reprise à 15 h 04)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous sommes de retour, et nous accueillons maintenant les représentants du réseau citoyen Vivre dans la dignité, Mme Julie Senécal et
M. Jasmin Lemieux-Lefebvre. Bienvenue. Merci d'être avec nous cet après-midi.
Donc, vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé. Il y aura un
échange avec les membres de la commission pour une période de 35 minutes.
Je vous cède maintenant la parole.
Vivre dans la dignité
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
Bonjour. Alors, tout d'abord, je tiens à vous lever mon chapeau, parce que,
depuis le début de vos travaux, et jusqu'au 24 août, ce sera près de
70 groupes et individus que vous aurez eu la chance de rencontrer. C'est
un temps de réflexion important. Merci beaucoup. C'est très apprécié. Je vais
prendre la première moitié de notre temps alloué et, par la suite, je vais
céder la parole à Julie. Et je tiens à vous souligner que c'est la première
fois qu'elle prendra la parole publiquement pour partager son expérience. Merci
beaucoup, Julie.
Alors, je représente le réseau citoyen Vivre
dans la dignité, fondé à Montréal en 2010, en amont de la Commission spéciale
sur la question de mourir dans la dignité. Alors, notre mission, c'est de
promouvoir la protection de la vie, la dignité inhérente et l'accompagnement
des personnes rendues vulnérables par la maladie, la vieillesse ou le handicap.
On représente près de 5 000 personnes qui ont signé notre manifeste
au fil des ans.
Un mot sur les défis de poursuivre la
mobilisation contre les effets néfastes de l'aide médicale à mourir. En fait,
c'est ce que l'on croit. Évidemment, les organismes qui militent pour le droit
de mourir dans la dignité ont le beau jeu, depuis l'adoption de la législation
au Québec et au Canada, tant par l'attention médiatique que les subventions. Ce
n'est pas notre cas, mais, bien que nous soyons en profond désaccord sur... de
repousser les limites de l'aide médicale à mourir, bien, on constate et nous
croyons qu'ils sont animés d'une volonté de bien faire. Mais, comme c'est le cas
depuis le début des débats, en 2010, il y a une fracture philosophique entre
nous, et c'est cette façon de voir, des regards différents sur la dignité.
Pour le réseau citoyen Vivre dans la dignité et
pour une portion encore significative de Québécois, cette dignité, bien, elle
ne se perd jamais. Pour les deux enjeux les plus importants de votre
commission, l'aide médicale à mourir par directive anticipée pour des personnes
devenues inaptes, on ne peut l'envisager d'aucune façon. Ces personnes-là ont toujours
bénéficié de protections spéciales de l'État et de la société. On ne peut pas
envisager de placer un professionnel de la santé dans une situation où il
aurait à enlever la vie à une personne qui ne comprendrait pas l'impact du
geste que l'on s'apprête à poser sur elle.
Le gouvernement doit combattre le sentiment de
perdre la dignité sociale par des campagnes de sensibilisation auprès des gens
rendus vulnérables au capacitisme, à l'âgisme. On le sent avec la médiatisation
répétitive que la perte de facultés entraînerait une perte de dignité. Il y a
de nos concitoyens qui peuvent se sentir comme des fardeaux.
Nous sommes aussi fortement opposés à l'aide
médicale à mourir pour des questions de troubles mentaux, mais on connaît le
contexte canadien. En mars 2023, ce sera ouvert, et on vous invite à une
démarche de prudence, un peu comme le Québec, qui a choisi, dans sa loi sur le
cannabis, d'avoir le régime le plus strict au pays. Vous pouvez avoir un rôle de précurseur et inspirer
d'autres provinces. Et il faut investir massivement en santé mentale,
vous le verrez dans le témoignage de Julie, et aussi améliorer l'accès des
soins palliatifs pour des cas de troubles mentaux.
Rapidement, quelques autres enjeux. Pour nous,
il faut s'assurer qu'un médecin puisse toujours se retirer de faciliter
activement l'aide médicale à mourir, qu'il pourrait considérer comme une
euthanasie, également que les maisons de soins palliatifs qui le souhaitent
puissent continuer à ne pas offrir l'aide médicale à mourir, sans pression
financière ou autres. Et on tient vraiment à vous remercier d'avoir choisi,
dans votre consultation, de ne pas aborder la question des mineurs matures.
Donc, les soins palliatifs, il faut le répéter
et répéter, ce n'est pas juste une question de fin de vie. Et on a fait une
vidéo qu'on vient de lancer, Le trésor des soins palliatifs, pour
rappeler cet élément, et j'espère que vous aurez la chance de la regarder parce
que je pense que la vidéo exprime bien le ton avec lequel on veut mener le
débat et le dialogue. Alors, je cède tout de suite la parole à Julie.
• (15 h 10) •
Mme Senécal (Julie) : Merci beaucoup,
Jasmin. Merci à vous de m'accueillir. Je tiens à préciser que mon témoignage
est le mien, mais j'ai fréquenté énormément de gens, lors de mes thérapies, qui ont eu des
défis, de vouloir se suicider, etc., et mon témoignage
inclut le témoignage de plusieurs personnes ainsi que de mon ergothérapeute,
qui est spécialisé en santé mentale.
Donc, je suis
Julie Senécal, 48 ans, j'ai quatre filles, épidémiologiste de formation.
Mon témoignage s'oriente beaucoup dans la région de l'Outaouais parce
que c'est ici que je vis et c'est ici que je vis les défis de manque de ressources en santé mentale. J'ai fait une
dépression majeure, en 2013, qui a duré presque huit ans. Je suis encore
fragile aujourd'hui malgré les thérapies et les ressources qui ont été
faiblement disponibles, mais qui ont été disponibles. Au cours de mes huit ans,
j'ai été hospitalisée à cinq reprises pour des tentatives de suicide. C'est à
ma quatrième hospitalisation seulement, en
2021, que le personnel médical m'a référée à des ressources dans la communauté
afin de bien m'encadrer à ma sortie
de l'hôpital, mais, avant ça, on me retournait dans mon milieu, sans
ressources, sans aide.
Les personnes qui souffrent de défis de santé
mentale, qui ont des pensées suicidaires ou qui ont des... ou qui font des tentatives de suicide, elles sont
prédisposées à demander l'aide médicale à mourir lors de périodes de
détresse, dépression, anxiété, sont souvent influencées par leur état
psychologique, leur détresse, la stigmatisation ainsi que le manque de ressources. Souvent, les personnes qui
sont dans une situation telle ont... sont sous l'influence de
stupéfiants.
Ceci dit, l'aide médicale à mourir pour les
personnes ayant des défis de santé mentale est alors une question très complexe
et un challenge éthique. C'est aussi un défi de manque de ressources
appropriées. Les défis de santé mentale, s'ils sont pris en charge rapidement
par des spécialistes et des thérapies, peuvent souvent mener... s'ils ne sont
pas pris en charge, je m'excuse, peuvent mener à la dépression majeure,
l'anxiété généralisée, et, justement, des pensées suicidaires, et même passer à
l'acte de suicide. Lorsqu'une personne qui a des défis de santé mentale a des pensées
suicidaires ou fait une tentative de suicide, c'est immédiatement, même en
amont, qu'elle a besoin d'aide et de ressources. Pour l'instant, il existe des
lignes téléphoniques qu'on peut... auxquelles on peut appeler à l'aide, mais,
une fois qu'on a raccroché, on est retournés à nous-mêmes, dans notre milieu,
dans notre désespoir, et il n'y a pas d'aide qui vient à notre secours.
Si on est... Si on a la recommandation d'aller à
l'hôpital, à l'arrivée à l'hôpital, on est carrément mis dans une chambre, en
attente, sans ressources. Il n'y a pas de psychologues. Il n'y a pas de travailleurs
sociaux. Il n'y a personne qui vient venir voir la personne qui a des... qui
est en détresse. Puis, moi, ça m'a même pris jusqu'à une semaine, à
un moment donné, pour voir un
psychiatre à l'hôpital. Donc, j'ai été hospitalisée une semaine sans...
à attendre, puis ça a pris une semaine avant qu'un psychiatre me voie.
J'ai dû être hospitalisée jusqu'à cinq fois, ça, je l'ai dit un petit peu tôt,
pour qu'on me donne un filet de sécurité puis qu'on me donne de l'encadrement
en sortant de l'hôpital.
Je vais vous avouer qu'avec le manque de ressources
disponibles pour les gens qui souffrent en santé mentale, quand les gens sont
en détresse et qu'ils sont près de l'acte, tentative de suicide, ça serait très
facile d'accepter l'aide médicale à mourir, parce que, dans ces situations de
détresse là, on ne voit pas d'issue. Par contre, avec un bon support, un bon
soutien en amont et pendant la crise, on s'en sort. Aujourd'hui... Oui, j'ai
fait cinq tentatives de suicide, mais aujourd'hui je vois la vie superbelle. Je
profite de mes quatre enfants. Puis c'est... Si je n'avais pas eu l'aide que
j'ai eue, je ne m'en serais probablement pas sortie, mais le manque de ressources
pour prévenir, c'est vraiment ça, mon message, dans un sens, pour prévenir que quelqu'un
qui souffre de santé mentale se rende jusqu'à vouloir se suicider. Le manque
est criant. Le manque est criant, et je vais terminer avec ça.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, Mme Senécal, pour votre témoignage. Merci, M.
Lemieux-Lefebvre. Donc, nous passons maintenant à la période d'échange avec les
membres de la commission, en commençant par le député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. M. Lemieux-Lefebvre, Mme Senécal, merci pour le
témoignage assez touchant. Je pense qu'il n'y a personne ici, là... Puis je ne
me ferai pas le porte-parole de mes collègues, mais je pense qu'il n'y a
personne ici qui oserait se lever publiquement puis dire que tout va bien, dans
le meilleur des mondes, dans le système de santé au Québec, qu'on ne manque pas
de ressources, que tout le monde est vu super rapidement,
qu'on n'échappe jamais personne dans les mailles du filet. Il n'y a personne
qui oserait dire ça, en tout cas, certainement
jamais moi. Les journaux sont malheureusement remplis d'histoires de gens qu'on
échappe tous les jours.
Moi, dans ma circonscription, vous allez
comprendre pourquoi je vous dis ça, là, j'ai l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont. Alors, il n'y a jamais personne qui va
me faire... que tout va bien dans le système de santé. Et je comprends
et je respecte tellement votre préoccupation de vivre dans la dignité et
d'avoir accès à des soins de qualité, accès à des soins. Ça veut dire pas
juste se faire hospitaliser, ça veut dire voir un psychiatre quand on est
hospitalisé en psychiatrie. Je suis avec vous là-dessus, Mme Senécal.
Tout cela
dit, est-ce qu'on ne pourrait pas banaliser... bien, baliser, pas banaliser,
pardon, excusez-moi le lapsus, baliser l'aide médicale à mourir dans les
cas de santé mentale, en excluant justement les épisodes psychotiques dont vous parliez, Mme Senécal? Par exemple, en
période de tentative de suicide ou de grande, grande détresse
psychologique, pour moi, il va de soi que nous devrions, d'emblée, exclure.
Est-ce que ce n'est pas possible de le faire, et qu'à ce compte-là le dernier
recours d'aide médicale à mourir, de soins de fin de vie, soit réservé à
d'autres types de problèmes beaucoup plus graves, qu'ils soient neurologiques,
psychologiques ou physiologiques?
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) : Je te
laisse y aller, Julie, pour commencer.
Mme Senécal
(Julie) : Les troubles de santé mentale... Je comprends très bien
votre question. Moi, mon expérience est au niveau des crises, mais je peux
donner l'exemple... ma soeur. Ma soeur a failli mourir plusieurs fois
d'anorexie, qui est une maladie qui se contrôle, mais qui ne se guérit pas, et
on a essayé à plusieurs reprises de lui sauver la vie,
mais maintenant, aujourd'hui, elle vit avec ce qu'on appelle la dyskinésie
tardive, qui est comme l'effet secondaire sévère de médicaments qu'elle a pris
pendant qu'elle était malade. Elle n'est pas fonctionnelle aujourd'hui. Ma mère
doit prendre soin d'elle. Elle ne... Je ne peux pas dire que c'est une personne
fonctionnelle.
Par contre, par
contre, avec les soins qu'elle a eus, elle a été capable de trouver, à
l'intérieur de son mal-être puis de ses défis physiques... Elle a été capable
de trouver une joie de vivre puis, aujourd'hui, elle profite de... bien, de ses
nièces, de mes quatre filles. Et c'est une situation très difficile parce
qu'elle ne peut pas sortir publiquement. La dyskinésie tardive fait en sorte
qu'elle fait des crises à répétition. Elle n'a pas une qualité de vie, mais, par
contre, à l'intérieur de ça, avec l'aide et l'encadrement, elle est capable de
trouver une joie de vivre quand même.
Donc, ça, je vous
donne un exemple de cas graves, puis c'est ma soeur, mais il y a moyen, avec
les ressources, d'aller chercher un désir de vivre puis un désir d'apprécier la
vie malgré le fait qu'on n'est pas comme les autres, parce que ma soeur ne peut
pas sortir. Elle ne peut pas prendre soin d'elle. C'est ma mère qui fait tout
pour elle. Elle peut à peine se faire à manger, mais c'est ça.
M. Lemieux-Lefebvre
(Jasmin) : J'ajouterais un...
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci.
M. Lemieux-Lefebvre
(Jasmin) : Puis-je ajouter un point?
La Présidente
(Mme Guillemette) : Oui, allez-y.
• (15 h 20) •
M. Lemieux-Lefebvre
(Jasmin) : Le message qu'on va lancer à la population générale... des
personnes avec défis en santé mentale, je pense, est primordial. Alors, bien
que l'on pourrait se dire, bon, alors, pour les cas limites, on va avoir des
balises, mais laisser un certain espace, bien, le message que ça va lancer à
toutes ces personnes-là qui... Et, on le
voit, là, déjà, on entend des messages de psychiatres qui... On entend :
L'aide médicale à mourir s'en vient, pourquoi faire des efforts
thérapeutiques quand je pourrais simplement laisser aller, et puis on y aura
accès bientôt.
Et c'est pour ça,
l'important... Vivre dans la dignité, on a choisi de ne pas donner de... quel
est le temps de thérapie. Vous entendrez des gens qui vous demanderont
10 ans, certains c'est six mois de thérapie fermée. Pour nous, c'est
vraiment la volonté... Sur cette question-là, sachant que le vase est troué de
partout dans la question des soins en santé mentale au Québec, il y a une responsabilité
d'y aller avec les balises les plus strictes possibles que vous discernerez
avec les travaux de la commission.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci beaucoup, M. le député. Je céderais
maintenant la parole à la députée de Joliette.
Mme Hivon :
Oui, bonjour à vous deux, et merci beaucoup de la présentation et du témoignage
très, très concrets, très humains, que vous nous avez livrés, qui, certainement
va nous alimenter. Les médecins qu'on a vus, les psychiatres, les spécialistes
qu'on a eus, nous auraient dit...
Mme Senécal,
évidemment, je vous dirais, comme aparté, que c'est toujours périlleux de
commencer à commenter le cas personnel de quelqu'un. Donc, merci beaucoup de
commenter votre propre cas. Puis, dans tout ça, il y a beaucoup de respect dans
ma question. Les psychiatres... Puis moi, je ne voudrais pas qu'un cas comme le
vôtre puisse être admissible, là, bien honnêtement. Ce que les psychiatres nous
disaient, c'est qu'eux non plus, dans la mesure où ils voudraient que... et là
je généralise, parce qu'il y a des opinions totalement divergentes au sein même
des psychiatres, mais, mettons, l'association qui est venue présenter, qui nous
a dit qu'il faudrait que, vraiment, la maladie soit incurable, qu'elle soit
irréversible, ce sont les critères actuels de la loi, et que, la souffrance, on
sache qu'elle soit absolument constante et inapaisable.
Et là il y a énormément
de débats, à savoir si on est capables d'arriver avec ces critères-là,
appliqués, on se comprend, mais est-ce que, pour vous, vous dites : Il
faut fermer la porte absolument en toutes circonstances ou si vous dites qu'il
y a des situations où l'incurabilité de la maladie est établie, des cas, par
exemple, de schizophrénie très grave, et que l'irréversibilité, aussi, et que
ça pourrait être envisageable?
Et le deuxième élément
de ma question, c'est que, pour certains, compte tenu que le critère de fin de
vie a sauté avec les décisions des tribunaux, on ferait face à un deux poids,
deux mesures et on mettrait, en quelque sorte, les personnes qui ont un trouble
mental ou qui souffrent de maladie mentale dans une catégorie autre en les
excluant d'emblée par rapport aux personnes qui souffrent de maladies
physiques. Vous, comme personne qui avez souffert de ces problèmes-là, comment
vous réagissez à cette affirmation-là?
Mme Senécal
(Julie) : Moi, ce que je pourrais dire, c'est qu'en ce moment les
soins en santé mentale sont très compartimentés. Il n'y a pas d'approche...
J'ai étudié un peu en biologie. Donc, je vais utiliser le terme
«écosystémique». Il n'y a pas d'approche écosystémique pour bien chapeauter les
personnes qui ont des problèmes en santé mentale. Donc, j'ai de la difficulté
avec votre question parce que je ne suis pas convaincue que les gens... Vous
avez parlé d'un cas de schizophrénie grave, ou peu importe. Je ne suis pas convaincue
que les soins soient assez disponibles. On n'est pas rendus là, encore, au
niveau de la qualité des soins pour ces personnes-là. Donc, j'aurais plus
tendance à dire qu'il faut miser sur une approche...
Les problèmes de santé mentale, ce n'est pas un problème
de coeur, ou un problème d'artères, ou un problème qui est isolé. Il y a la
communauté qui est impliquée. Il y a les familles qui sont impliquées. Il y
a... C'est un tout. En Afrique, ils disent qu'on crée une
personne avec une société. Donc, j'ai de la difficulté avec votre question,
parce que c'est le manque de ressources qui est le problème. Donc, je ne me
sens pas apte à répondre à une question, si, oui ou non, l'aide médicale à
mourir devrait être offerte à une personne qui est... que ça fait 25 ans
qu'elle souffre de schizophrénie majeure puis qu'elle n'a aucune qualité de
vie, parce que les soins de santé ne sont pas encore rendus là. Il n'y a pas
d'approche écosystémique.
Je vais juste donner un exemple. Là, c'est mon
cas encore, mais c'est une première qui s'est faite avec ma psychiatre. Elle a
fait une réunion avec ma travailleuse sociale, avec ma psychologue et avec elle
dans son bureau, puis ça, c'est quelque chose qui ne se fait pas, là. C'est
vraiment quelque chose de nouveau qui s'est fait pour pouvoir me procurer un
filet de sécurité. Ça, c'est à ma sortie de l'hôpital quand j'ai fait une
tentative de suicide le printemps passé. Bien, ça, c'est un exemple de services
et de soins, parce que, là, je peux téléphoner à ma travailleuse sociale. Ma psychiatre sait exactement qui je dois
téléphoner, quand, dans quel ordre de priorité, et tout, là.
Donc, je m'éloigne peut-être un petit peu de la
question...
Mme
Hivon : Non, ça
va.
Mme
Senécal (Julie) : ...mais, pour moi, l'approche comme... C'est le
système, il faut que le système fonctionne ensemble. C'est trop
compartimenté en ce moment. Tu vas voir ton psychiatre pour des médicaments.
Là, tu as ton psychologue pour certaines
thérapies. Puis là il y a le travailleur social pour... Mais, comme, ils ne
travaillent pas ensemble... Donc, je vais m'arrêter là parce que j'en aurais
long à dire.
Mme
Hivon : Merci
beaucoup.
Mme Senécal (Julie) : Je ne sais pas
si ça répond à votre question, mais...
Mme
Hivon : Oui, ça
répond très bien. J'avais une autre... J'avais l'autre volet, là, mais je pense
que je n'ai plus de temps, Mme la Présidente? Ça fait que...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. On y reviendra peut-être à la fin, Mme la députée de Joliette. Donc, je
céderais maintenant la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert :
Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Lemieux-Lefebvre et Mme Senécal,
pour votre témoignage. C'est très touchant. Et, de voir que vous le
vivez aussi autant personnel que dans votre famille, avec votre sphère, ça
vient teinter encore plus votre intervention.
Moi, j'aimerais vous poser la question... Ce
sera soit un de vous deux qui pourra répondre, là... Vous recommandez, là... Puis je sais que vous l'avez
dit, M. Lemieux-Lefebvre, que c'étaient nous qui devions déterminer
les balises ou, en tout cas... dans les
recommandations, mais est-ce que vous avez réfléchi... parce que vous
recommandez que le Québec se dote de balises très strictes, le plus strict
possible, mais, dans le cas de l'aide médicale à mourir, là, qu'elle serait
disponible pour les personnes qui ont des troubles mentaux, c'est quoi qui
seraient les balises nécessaires pour
encadrer la pratique, là? Avez-vous commencé quand même à y réfléchir, même si
vous nous mettez ça comme : Faites des balises très strictes?
Est-ce que vous avez comme des lignes qui pourraient nous enligner?
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
Alors, dans tout ce que j'ai vu présentement, l'appel à 10 ans de suivi thérapeutique adéquat semble la formule avec
laquelle nous sommes les plus confortables. Alors, c'est certain qu'il y
a des personnes qui vont dire : Bien voyons! 10 ans, ça n'a aucun bon
sens, mais il est question de vie ou de mort, et, dans l'environnement que l'on
connaît au Québec... nous oblige à y aller avec une proposition de balises
aussi strictes parce qu'on ne veut pas voir un cas où la personne n'aurait pas
eu tous les soins adéquats qu'elle mérite.
Et, je tiens à le répéter, la question... parce
que, quand on parle de soins palliatifs pour des cas de troubles mentaux,
souvent, les gens disent : Quoi, des soins palliatifs pour troubles
mentaux, qu'est-ce que c'est? Alors, on est encore au tout début de ce
traitement, de la façon dont c'est offert au Québec. Il y a tellement de choses
à faire. Je vous dirais, juste travailler
sur la façon dont on peut aider les personnes en soins palliatifs pour troubles
mentaux, il y a tout un chantier à
faire, et, bien sûr, nous, on vous proposerait de faire ce chantier-là avant
celui de l'aide médicale à mourir. On connaît le contexte de 2023. Donc,
c'est pour ça que ce qu'on vous propose, c'est les balises les plus strictes.
Mme
Hébert : Parfait.
Puis je vais juste ajouter... On a entendu Pre Vrakas, puis elle-même partageait
son expérience personnelle. Puis je crois que, si je n'exagère pas, c'est
au-delà d'une vingtaine d'années avant qu'on trouve vraiment son diagnostic. Ça
fait que même quand vous dites 10 ans, ça aurait pu... dans son cas à
elle, on aurait pu passer à côté. Donc, c'est quand même une balise qui, je ne
le sais pas, là, mais...
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) : Non,
vous avez raison. On mentionne 10 ans, mais là vous mentionnez le cas de
Georgia Vrakas, et là c'est un exemple clair, là, que 10 ans n'auraient
pas été suffisants.
Mme
Hébert : C'est
bien. Merci beaucoup. Merci, Mme la Présidente.
• (15 h 30) •
Mme Senécal (Julie) : Est-ce que je
peux juste...
La Présidente (Mme
Guillemette) : Oui, allez-y, Mme Senécal.
Mme Senécal (Julie) : C'est tout
court, ce que je veux rajouter, mais mon ergothérapeute, qui est spécialiste en
santé mentale, m'a mentionné que l'accompagnement dans les besoins, à tous les
niveaux, sur le très long terme sont nécessaires pour les gens qui ont des défis
en santé mentale, puis, comme... ça renforcit ce qui vient d'être dit, puis...
Mais lui, c'est sa profession, c'est ça qu'il fait tous les jours, donc il en
voit énormément, de patients, là. Donc, je voulais juste rajouter ça.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait, merci, c'est très pertinent.
Mme Senécal (Julie) : Son nom, c'est
Carl Brouillette, et il m'a sauvé la vie à plusieurs reprises, oui.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, je céderais la parole à Mme la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Bonjour,
Mme Senécal. Merci beaucoup du beau partage que vous nous faites. Ça
demande beaucoup de courage, je vous admire. Merci.
M. Lemieux, on parle de soins palliatifs
chez les gens souffrant de problèmes de santé mentale. Selon vous, quel serait
l'idéal pour avoir des soins palliatifs? Parce qu'on parle de soins palliatifs.
Sûrement que vous avez un gabarit, vous avez un idéal pour que les patients en santé
mentale soient bien.
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) : Bien
sûr. Alors, de pouvoir, un, le faire connaître, parce qu'il y a une
méconnaissance totale de la possibilité d'avoir un accès, et ça, même dans la communauté
médicale. Alors, le premier chantier, c'est de faire connaître, et, par la
suite habiliter, donner les ressources pour pouvoir l'offrir dans les
différents milieux. Et là bien sûr, au Québec, il y a une grande disparité
quand on parle de soins palliatifs pour des personnes
qui souffrent de troubles mentaux. Donc, ça, c'est la première étape, et, par la suite, d'y aller étape par étape.
Et je laisserais... Il y a tout plein d'experts
qui réfléchissent à cette question-là. Alors, nous, on est un réseau citoyen
qui vont chercher, qui vont glaner les meilleures expériences. Je leur
laisserais à eux de vous exprimer dans le détail comment le faire. Mais,
vraiment, il y a un beau chantier qui, je trouve, serait motivant et, à tout le
moins, quelle que soit votre décision, je trouve que ce chantier-là, pour le Québec,
on devrait le démarrer aussi.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci,
Mme la députée. Si je peux me permettre, tout à l'heure, vous avez parlé de 10 ans
de suivi thérapeutique adéquat. On sait qu'il y a des gens qui font des refus
de traitement. On gérerait ça comment? Je ne sais pas si c'est
M. Lemieux-Lefebvre ou Mme Sénécal...
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
Julie, veux-tu dire un mot là-dessus?
Mme Senécal (Julie) : Par
expérience, puis c'est juste mon expérience, je ne suis pas professionnelle
dans le domaine, mais quelqu'un qui fait un refus de traitement, c'est qu'il
est vraiment rendu dans... J'essaie de parler en bon français. Il est vraiment
rendu dans le désespoir total. Puis c'est difficile pour quelqu'un qui n'est
pas arrivé dans un niveau de détresse maximal à ce niveau-là de comprendre,
mais je vais le dire en bon québécois, vous m'excuserez pour mon langage...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Ça va. Allez-y. Allez-y comme vous le sentez.
Mme Senécal (Julie) : ...mais
quand tu veux mourir puis qu'il n'y a plus rien dans ta tête qui peut te
motiver à continuer à vivre, même de l'aide de la part d'un professionnel de la
santé ou même de l'aide d'un proche de la famille, tu la refuses. Tu ne veux
plus rien savoir. Tu veux juste mourir.
Donc, moi, j'ai de la difficulté avec les refus
de traitement parce qu'il y a une condition psychologique qui fait en sorte que
la personne va refuser un traitement. Puis elle a besoin d'aide pour cette
condition psychologique là. Et moi, je parle pour les défis de santé mentale,
là, je ne parle pas pour d'autres problématiques de santé, là, ce n'est pas mon
domaine, mais, quand on est rendu à un point où on refuse l'aide, où on refuse
les traitements, où on refuse tout, c'est que, là, le système nous a laissés
aller comme vraiment trop loin.
Puis c'est pour ça que je parlais du besoin
d'aide en amont, en amont, quand les personnes commencent à ne pas aller bien.
Il manque de ressources en amont pour permettre aux personnes d'éviter de se
rendre jusque là.
Donc, moi, ça, ça serait ma réponse. Un refus de
traitement, c'est que la personne est rendue tellement creuse, là, qu'elle ne
voit même plus que l'aide est possible. Puis je ne suis pas la seule à... Ce
n'est pas juste moi, là, qui témoigne, là, c'est plusieurs personnes que j'ai
consultées aussi.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Parfait. Merci. Aussi ma question s'adresserait peut-être à
M. Lemieux-Lefebvre. On parle beaucoup de santé mentale, mais vous êtes
contre également l'aide médicale à mourir dans les cas d'inaptitude où il y a des problèmes
cognitifs comme l'Alzheimer ou... Donc, j'aimerais vous entendre un peu
plus, là, sur cet aspect-là, parce que les gens sont... il y a des gens qui
sont vraiment venus témoigner pour avoir accès à cette
aide médicale à mourir là. Il y a des gens qui étaient en situation,
présentement, là, qui sont présentement en situation... donc j'aimerais vous
entendre un petit peu plus au sujet de l'inaptitude et des troubles cognitifs.
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) : Tout
d'abord, je pense que c'est important de le dire, le respect profond de la réalité
de ces personnes, et que notre approche, même si nous sommes contre, on
respecte et on accueille les personnes qui ont vécu des expériences familiales,
qui ont vraiment des craintes. Alors, ça ne veut pas dire... il n'y a pas
aucune adéquation entre opposition contre cette ouverture et l'accueil des
personnes.
Alors, ceci étant dit, juste à penser à une
situation où un professionnel de la santé qui a reçu les directives anticipées
où toutes les balises ont été soigneusement suivies, et là il se retrouve
devant une personne qui n'a aucune idée de ce qui va se passer, là. Et le
professionnel de la santé va devoir lui faire les trois injections, et la
personne ne sait pas ce qui se passe. Et je dois regarder du côté de la
Belgique où on a les témoignages de professionnels de la santé qui en ont eu
des cauchemars, et là ce n'est pas des caricatures que je fais, ce sont des
histoires de personnes, et des personnes qui se sentaient habilitées à le
faire.
Alors, à partir du moment où on ouvre la porte à
l'aide médicale à mourir pour des personnes devenues inaptes, là, c'est une
situation que, pour nous, de demander à des professionnels de la santé, même
s'ils seraient parfaitement... ils sont prêts à le faire, ils vous
disent : Nous, on veut suivre... c'est une démarche autonome de personnes
qui nous l'ont demandé lorsqu'elles étaient aptes. Mais on ne peut pas, en âme
et conscience, et je vous demande de vraiment penser, de voir un peu la
démarche, là, qui se passerait, et elle existe, là, du côté de la Belgique et
des Pays-Bas, et, en âme et conscience, et avec le témoignage de professionnels
de la santé et de familles de Belgique et de Pays-Bas, on ne peut pas
l'imaginer pour le Québec.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup à vous deux. Je céderais maintenant la parole au député
de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente, et merci, Mme Senécal, pour votre courage, votre franchise et
votre sagesse. Merci, M. Lemieux-Lefebvre aussi. Écoutez. Moi, je reçois
de vos témoignages, des mises en garde solennelles et archi-importantes sur
l'importance d'améliorer, de bonifier, pas juste de maintenir nos services de
santé mentale, nos services de santé en général. L'interpellation primordiale
que tout ce qu'on ferait n'aurait pas un impact négatif sur les soins
palliatifs, je comprends qu'il faut agir avec la plus grande prudence, mais
j'ose croire, je comprends et je respecte que ce n'est pas votre message. Et je
vous mets devant le défi que, moi, je reçois un message de complémentarité
totale avec la possibilité d'élargir l'aide médicale à mourir, c'est-à-dire
avec des balises très sérieuses, très responsables, avec une compréhension que
le Québec et l'État a l'obligation d'améliorer ses services, qu'un
élargissement balisé comme il faut serait fidèle à vos préoccupations. Je vous
invite de réagir à ma façon de recevoir vos propos.
• (15 h 40) •
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) :
Julie, j'ai parlé un peu. J'aimerais que tu puisses parler un peu.
Mme Senécal (Julie) : Oui, c'est
beau. Quand j'entends parler de balises, moi, je ne suis pas professionnelle de
la santé, je ne peux pas vous guider, en termes de balises, ou quoi que ce
soit, mais je pense que c'est un domaine de recherche qu'il serait très noble
d'entreprendre. Il y aurait des études en santé publique, il y aurait des
études en sociologie. Il y aurait plusieurs études, des équipes
multidisciplinaires qui pourraient vraiment se pencher sur la question et
pousser les consultations beaucoup plus loin. Parce que les balises dont on
parle, c'est des défis très éthiques, très complexes. Et, comme on a entendu,
il y a des défis en santé mentale qui peuvent être résolus, mais sur une
période de 10 ans, 20 ans, peut-être plus. Moi, j'ai une tante qui a
70 ans, qui vient juste d'apprendre qu'elle a un trouble de personnalité
limite. Elle, elle l'a appris à 70 ans. Mais je crois que votre question,
c'est une question académique qui doit être soulevée par une équipe
multidisciplinaire, en santé publique, en santé mentale, en santé sociale. Je
ne sais pas quoi dire de plus. Excusez-moi, je bouge mon écran parce que je
suis émotive quand je parle.
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) : Bien
oui. J'ajouterais un point. C'est que vous allez entendre, bien sûr, des appels
à la complémentarité, et je crois que c'est important aussi de rappeler qu'il y
a encore beaucoup de Québécois qui ont cette vision, je l'ai dit en
présentation, que la dignité, elle ne se perd pas avec les facultés qui
disparaissent tranquillement. Alors, c'est sûr que c'est fondamental pour nous.
C'est sûr que, depuis le début des débats en 2010, ça vient ponctuer nos
interventions.
Il y a encore beaucoup de personnes qui ont
vraiment au coeur le fait que, quand les gens nous disent : Bien la dignité, je la perds... Non, non, non, puis on
veut vous le rappeler. Bien sûr, il y a toutes les questions
d'autonomie, etc., mais comme société, de rappeler... Et vraiment, il y a un
appel, il y a un message qu'on doit lancer aux personnes. Les facultés que vous
allez perdre, les craintes que vous avez... bien, votre dignité, là, elle sera
toujours avec vous.
Donc, vous avez des appels d'un côté, vous avez
des appels aussi d'autres personnes qui pensent vraiment qu'il y a une fracture
philosophique. Alors, on le voit. On respecte les différents points de vue,
mais si on ne vous disait pas, et puis on entend ces échos-là un peu partout
sur le terrain, qu'il y a encore des personnes au Québec qui croient en la
dignité qui ne se perdra jamais, bien, on manquerait à notre mission.
M. Birnbaum : Donc, avec respect,
vous suggérez que c'est à nous, et pas à l'individu, disons, l'individu devant un diagnostic d'Alzheimer précoce, c'est à
nous, c'est à l'État de juger et d'évaluer la dignité, et ça
n'appartient pas à cet individu-là, avec des balises très
strictes, d'avoir l'opportunité, fidèle à la loi actuelle, à quelque part, à
prendre sa décision. Est-ce que je vous comprends bien?
M.
Lemieux-Lefebvre (Jasmin) : Oui, vous me comprenez bien. Parce que,
suite à ce choix, bien là il va y avoir un mur, celui de placer un
professionnel de la santé à procéder à une aide médicale à mourir devant une
personne qui sera inapte, et même, et je le répète, même s'il y a eu le choix
avant, il y a une situation que, pour nous, on ne peut tolérer, qui... À travers le monde, là, il y a seulement
deux endroits qui ont ouvert la porte. Et on voit trop d'histoires qui
nous brisent le coeur, de personnes, même si c'est quelques cas, et pour nous
ce n'est pas la quantité de personnes, là, chaque cas est important. Et on ne
peut pas mettre... Et en tout respect pour les personnes qui le demandent, avec
leur choix autonome, on ne veut pas mettre des professionnels de la santé au Québec
dans cette situation, ce choix qui, pour nous, ne nous apparaît pas opportun du
tout.
M. Birnbaum : On va s'entendre
que la loi actuelle est basée sur la vision d'une continuité de soins de santé
où s'insère l'aide médicale à mourir dans les circonstances très balisées. Et
on va en convenir qu'un médecin individuel peut se désister de pratiquer cette
intervention-là. Par contre l'obligation de l'État actuel, c'est d'assurer la
disponibilité, selon ces balises actuelles, la disponibilité du recours à l'aide
médicale à mourir. Est-ce que vous croyez que cette assurance, même sur le plan
institutionnel, ne devrait pas exister ou vous voulez protéger le droit de
désister d'un individu, un médecin individuel?
M. Lemieux-Lefebvre (Jasmin) : Bien
sûr, on veut protéger... protéger la conscience des médecins, au point de vue
personnel, mais le choix de société de se dire qu'évidemment... On le
reconnaît, là, il y a des balises qui ont été données avec la Loi concernant
les soins de fin de vie. Mais jamais la question d'enlever la vie de personnes
inaptes n'a été abordée. Il y a un choix au niveau fédéral de ne pas ouvrir la
porte, même s'il y avait des pressions importantes. Et vous avez la possibilité
aussi de prendre ce choix que, dans votre cadre, dans la loi québécoise, pour
des questions d'une personne qui est devenue inapte, bien, malheureusement, on
fait ce choix-là de ne pas mettre nos professionnels de la santé dans cette situation.
M. Birnbaum : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci. Donc, merci à vous deux pour le témoignage et pour la
présentation. Ça nous aide grandement pour la suite de nos travaux de la commission.
Donc, merci pour votre contribution.
Et nous, nous suspendons quelques instants, le
temps de recevoir nos prochains invités. Et je demanderais aux membres de la commission
de rester avec nous. Merci encore.
(Suspension de la séance à 15 h 48)
(Reprise à 16 heures)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous sommes de retour, et la commission reprend ses travaux. Donc...
(Interruption) Excusez. Nous accueillons maintenant la Commission
des droits de la personne et des droits de la jeunesse avec leurs
représentants, donc Me Philippe-André Tessier, président, et Me Marie Carpentier,
conseillère juridique. Donc, vous disposez de 10 minutes pour faire votre
exposé, et, par la suite, il y aura un échange avec les membres de la
commission pour une période de 35 minutes. Je vous cède maintenant la
parole.
Commission des droits de la personne et
des droits de la jeunesse (CDPDJ)
M. Tessier (Philippe-André) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente, Mmes et MM. les députés. Philippe-André Tessier,
donc président de la commission, accompagné de Me Marie Carpentier, conseillère
juridique à la direction de la recherche de la commission.
Je rappelle que la commission a pour but
d'assurer le respect et la promotion des principes énoncés dans la Charte des
droits et libertés de la personne. Elle assure aussi la protection de l'intérêt
de l'enfant et le respect et la promotion des droits qui lui sont reconnus,
notamment par la Loi sur la protection de la jeunesse.
Conformément à notre mandat, la commission a
pris connaissance du document de consultation produit par la commission
spéciale. Évidemment, comme plusieurs autres intervenants devant vous, on salue
la nécessaire réflexion entreprise sur l'élargissement de l'accès à l'aide
médicale à mourir aux personnes en situation d'inaptitude et celles souffrant de troubles mentaux. On salue,
évidemment, l'étendue de vos travaux, le document de consultation, la qualité des interventions devant vous, et on pense
que cette approche-là, pour laquelle le Québec a fait preuve
d'innovation, mérite d'être soulignée et saluée à nouveau.
En 2014, la commission a participé aux
consultations, évidemment, concernant le projet de loi n° 52. Depuis, la Cour
suprême a rendu sa décision dans l'affaire Carter, et la Cour supérieure, dans
la cause Truchon et Gladu. Ces décisions,
fondées sur les droits et libertés garantis par la charte canadienne,
convergent avec plusieurs des recommandations formulées
à l'époque par la commission. Plus récemment, la commission a assisté au forum
sur l'évolution de la loi tenu en janvier et en décembre 2020.
Nous estimons utile de vous rappeler ici les
grandes lignes de la position de la commission avant de soumettre nos
observations quant aux demandes explicites du cahier de consultation. D'abord,
nous tenons à rappeler que le cadre sous lequel nous nous fondons et nous
fondons notre analyse est celui des droits et libertés garantis par la charte
québécoise, dont le respect s'impose notamment aux législateurs. La commission
était d'accord et continue de l'être avec l'introduction de l'aide médicale à
mourir en droit québécois et avec le principe que cette aide s'inscrit dans un
continuum de soins. Elle maintient que les droits et libertés doivent
s'inspirer... doivent inspirer, pardon, la prestation de soins, notamment dans
le respect de la dignité de la personne. De l'avis de la commission, l'aide
médicale à mourir est de nature à favoriser la mise en oeuvre de certains
droits et libertés garantis par la charte. Des conditions actuellement prévues
dans la loi pourraient donc avoir effet d'en compromettre la réalisation, bien
que, nous en convenons tous, la prudence doit servir de guide en la matière.
Ainsi, le droit à la vie des personnes
concernées est compromis par le fait qu'elles ne puissent accéder à l'aide
médicale à mourir. En effet, face à cet empêchement légal, certaines personnes
pourraient hâter le moment où elles décident de mettre fin à leurs jours avant
d'en être incapables. On peut d'ailleurs considérer la mort comme faisant
partie intégrante de la vie, comme le soulignait le juge de la Cour suprême
Cory dans l'affaire... Sue Rodriguez, pardon. À ce titre, le droit de mourir
dans la dignité serait partie du droit à la vie garantie par la charte. De
l'avis de la commission, le caractère sacré de la vie n'exige pas que toute vie
humaine soit préservée à tout prix, car le choix de mettre fin à ses jours
relève de la morale personnelle. Il est donc protégé par la liberté de
conscience.
Comme l'avait indiqué la Commission spéciale sur
la question de mourir dans la dignité en 2012, et j'ouvre les guillemets :
«les croyances de certains ne sauraient servir de base à l'élaboration d'une
législation applicable à tous», fermeture des guillemets. Le fait de ne pas
avoir accès à l'aide médicale à mourir compromet également le droit à la
dignité, lequel est lié à l'autonomie et à la maîtrise de son corps. Il est
porté atteinte à ce droit quand on empêche la personne de faire les choix
fondamentaux le concernant... la concernant, pardon. Le droit au respect de sa
vie privée, dans la mesure où il garantit une certaine forme d'autonomie, est également
en cause quand l'aide médicale à mourir est inaccessible.
Étant donné
les atteintes potentielles aux droits et libertés garantis par la charte
qu'elle implique, la commission était et est toujours préoccupée par
l'inaccessibilité de l'aide médicale à mourir à certaines personnes, notamment
les personnes mineures et les personnes inaptes à consentir aux soins. Dans le
cas des personnes inaptes à consentir aux soins,
outre que cela entraînerait potentiellement une violation de certains droits et
libertés fondamentaux, cette exclusion pourrait également être
considérée discriminatoire sur la base d'un handicap prévu à l'article 10
de la charte.
La faculté de consentir ou non aux soins est
protégée notamment par le droit à l'intégrité garanti par la charte. L'aptitude à consentir aux soins doit être
distinguée de la capacité juridique. En d'autres termes, cette faculté
ne se rattache pas nécessairement au fait que la personne soit soumise à un
régime de protection. L'aptitude de la personne à consentir aux soins
s'apprécie en fonction de son autonomie décisionnelle au moment où elle doit
consentir aux soins et être évaluée pour chaque soin.
En vertu du
Code civil du Québec, les personnes inaptes à consentir aux soins sont soumises
au consentement substitué. Notons qu'il est possible, par consentement
substitué, de demander la fin d'un traitement, même si cet arrêt signifie la
mort. On peut également demander la cessation de l'alimentation et de
l'hydratation.
Or, ce n'est pas le cas pour l'aide médicale à
mourir. Rappelons que la Loi concernant les soins de vie exige que la personne
ait elle-même consenti à recevoir cette aide. Depuis cette année, il est
possible pour une personne en fin de vie d'obtenir l'aide médicale à mourir si elle
devient inapte après que sa demande ait été acceptée. Il n'est cependant pas
possible d'opérer par consentement substitué ni même d'avoir recours à des
directives médicales anticipées. La différence entre une demande de cesser les
traitements et une demande d'aide médicale à mourir apparaît difficilement
justifiable.
Je constate que ma caméra a des difficultés et
je m'en excuse.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Il n'y a pas de problème.
M. Tessier (Philippe-André) :
La consultation... C'est ça...
La Présidente (Mme Guillemette) :
C'est peut-être la diffusion aussi. Il n'y a pas de problème.
M. Tessier (Philippe-André) : Donc,
l'important, c'est que vous m'entendiez bien.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait.
M. Tessier (Philippe-André) : La
consultation ne porte pas sur l'aide médicale à mourir pour les personnes
mineures. Elles sont cependant exclues de la loi, puisque la loi, évidemment,
indique que seules les personnes majeures peuvent la recevoir. Outre les droits
énumérés précédemment, cette exclusion serait susceptible de compromettre
l'intérêt de l'enfant et le respect de ses droits, qui devraient être au coeur
des décisions le concernant. Or, le Code civil prévoit que la personne mineure
de plus de 14 ans dispose d'une autonomie décisionnelle restreinte en
matière de consentement aux soins. Quant aux personnes de 14 ans, elles
sont, tout comme on le mentionnait pour les personnes majeures inaptes à
consentir aux soins, soumises aux règles du consentement substitué.
L'objectif derrière les
conditions légales est simple : protéger les personnes éventuellement en
situation de vulnérabilité, soit les personnes mineures ou inaptes à consentir
à ce soin. Cet objectif est louable. Cependant, s'il est raisonnable de baliser plus étroitement l'accès à
l'aide médicale à mourir pour les personnes en situation de
vulnérabilité, il nous semble déraisonnable de leur refuser d'emblée tout
accès.
Rappelons que, comme l'indiquait la juge
Baudouin de la Cour supérieure dans l'affaire Truchon, l'aide médicale à mourir est un soin parce qu'elle
soulage les souffrances. La possibilité pour voir les personnes en
situation de vulnérabilité... de voir leurs droits respectés et leurs
souffrances allégées doit pouvoir exister, quitte à ce que chaque cas soit
soigneusement étudié d'un point de vue individuel.
En 2014, la commission avait invité le
législateur à aménager des règles plus en phase avec les règles de consentement
des personnes mineures et qui tiennent compte du caractère spécifique et
irréversible de l'aide médicale à mourir.
Elle avait également demandé que des règles plus en accord avec celles qui
prévalent actuellement à l'égard des personnes majeures inaptes à
consentir aux soins soient aménagées moyennant le développement de mécanismes
de consentement approprié, y compris par le biais de nouvelles possibilités de
consentement anticipé.
La commission considère de plus que les demandes
d'aide médicale à mourir des personnes dont le seul problème médical invoqué
est un trouble mental doivent être évaluées au cas par cas, notamment au
chapitre de l'aptitude à consentir aux
soins. Une exclusion systématique de ces personnes serait susceptible, comme je
le mentionnais précédemment, d'être discriminatoire car ces personnes
font partie du groupe protégé par le motif de discrimination de handicap
prohibé par la charte.
En somme, la commission estime nécessaire que
des solutions soient apportées à l'exclusion des personnes inaptes à consentir
aux soins. Elle souhaite également que l'encadrement de l'accès à l'aide
médicale à mourir respecte tous les droits des personnes dont le seul problème
médical invoqué en est un relevant de la santé mentale. Elle invite finalement
la commission spéciale de se pencher sur l'exclusion des personnes mineures et,
évidemment, elle réserve cependant son jugement sur les solutions concrètes qui
seront apportées par le législateur à ces problèmes complexes, en précisant que
ce n'est pas le rôle de la commission aujourd'hui.
Nous vous remercions de votre attention, et je
demeure disponible pour répondre à vos questions avec ma collègue, tout en
tentant de régler le problème de caméra.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Pour la caméra, Me Tessier, de notre côté, ça va bien maintenant. Donc, merci
pour votre exposé.
Nous passons maintenant à la période d'échange
avec les membres de la commission. Donc, Mme la députée de Joliette,
la parole est à vous.
• (16 h 10) •
Mme
Hivon : Oui, merci
beaucoup. Bonjour à vous deux. Merci de votre présence. Donc, évidemment, puis
ce n'est peut-être pas surprenant, c'est le rôle de la commission, mais je
comprends que votre position en est une d'ouverture complète, sous réserve,
évidemment, de balises qui pourraient, elles, être très strictes, mais que
l'admissibilité, la possibilité de demander l'aide médicale à mourir devrait
autant concerner les personnes qui ont une maladie dégénérative en le demandant
de manière anticipée, les personnes qui sont inaptes de naissance par le
consentement substitué, les mineurs, par le même mécanisme. Donc, c'est bien
votre position de base, qu'il y ait une ouverture à toutes les catégories
possibles et qu'il n'y ait aucune exclusion, d'emblée?
M. Tessier (Philippe-André) : Oui,
bien, tout à fait. Donc, il faut comprendre que les modalités de consentement
dans l'aide médicale à mourir, c'est une exception au régime général, hein, de
consentement aux soins, et les exceptions en droit doivent être justifiées et
le plus limité possible. Donc, on s'entend aussi que les balises, comme vous nous le disiez, doivent être, compte
tenu du caractère spécifique de l'aide médicale à mourir, évidemment,
doivent être aménagées spécifiquement en lien avec ce type de pratique là.
Puis il faut rappeler aussi que, compte tenu des
jugements, tant Carter que Truchon, dans lequel les démonstrations ont été
faites factuellement, qui ne remettent pas en cause l'application des mesures,
donc, on a quand même un vécu, un historique. Donc, en 2014, évidemment, nous
n'avions pas ce regard-là. Maintenant, on dispose
de données, on dispose d'éléments factuels qui nous permettent, encore une
fois, d'avancer ces propositions-là.
Mme
Hivon : O.K. Je
vais vous amener sur une question assez pratique puis peut-être à la fois
théorique, mais, si on crée les droits les plus extraordinaires et une égalité
de droit de tout le monde, mais que, dans les faits, il n'y a personne pour les
appliquer... Je m'explique. C'est beaucoup plus difficile pour un médecin de
donner l'aide médicale à mourir à une personne qui n'est pas là pour le
demander, encore plus dans un cas, par exemple, où elle ne l'aurait pas
demandée de manière anticipée, mais que ce serait via un consentement substitué
d'un tiers qui pense que c'est ce qui est bon pour la personne. Déjà, au début
de la loi, sur le terrain, ce n'était pas si simple de trouver des médecins
prêts à offrir l'aide médicale à mourir. S'il y a une ouverture,
éventuellement, et que, dans le fond, ces droits-là existent en pratique... en
théorie, mais qu'en pratique c'est extrêmement difficile de les appliquer,
est-ce qu'on ne crée pas de nouvelles discriminations qui ne sont pas
théoriques, mais qui sont très pratiques, selon le degré d'ouverture du
médecin, que vous allez avoir la chance ou non de rencontrer sur votre
parcours?
M. Tessier (Philippe-André) : Évidemment,
on... c'est une excellente question, donc l'application des droits, donc, pour
que ceux-ci existent dans le réel, dans le concret, et encore faut-il qu'il y
ait des professionnels qui soient disposés à prodiguer cet acte-là, ce soin-là,
ce qu'on peut peut-être avancer comme élément d'hypothèse ou comme
réponse, c'est qu'il y a présentement toutes sortes de consentements substitués
qui sont mis en place pour une panoplie de mesures, certaines qui mènent jusqu'à
la mort. Il y a, dans ce contexte-là, des critères et des contraintes qui
existent et des contraintes qui ne viennent aussi pas tellement... bien, qui
ont plusieurs fonctions, qui ont plusieurs finalités. Une de ces finalités-là
de ces contraintes-là, soit l'intervention du tribunal, vise notamment à
s'assurer que la personne est bel et bien protégée, que la décision est prise
dans le meilleur intérêt de la personne. Mais, lorsque l'on parle d'intervention
du tribunal aussi, on parle de fournir aussi une certaine sécurité à l'ensemble
des professionnels qui participent à l'acte, en ce sens qu'il y a ici des
décisions, et aussi à la famille. Donc, on a la famille, les proches, on a
l'équipe médicale, donc on a un paquet de personnes impliquées. Et donc il y a,
dans le consentement substitué, certaines règles qui font en sorte que l'intervention
du tribunal peut venir donner une certaine sécurité par rapport à ces questions-là.
Mais il est évident que la question... Et, encore une fois, comme la commission
l'avait dit en 2014 sur le projet de loi n° 52, on comprend la nature de
vos travaux, on comprend que la prudence est
de mise parce que, justement, il faut encore s'assurer que lorsqu'un
régime est mis en place, ce régime-là soit applicable et effectif pour
toutes les Québécoises et tous les Québécois.
Mme Hivon : Donc, si je vous comprends bien, face à votre
position, vous dites que l'intervention du tribunal devrait pouvoir être envisagée
dans certaines circonstances. Est-ce que vous pouvez préciser ces
circonstances-là? Est-ce qu'on parle de personnes, donc, qui devraient avoir
recours au consentement substitué ou l'envisager également pour, par
exemple, les demandes anticipées?
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, écoutez, c'est sûr et certain qu'à ce moment-ci, compte tenu de la nature
du mandat de la commission, nous n'en sommes pas à l'étape, comme je le disais d'entrée
de jeu, là, dans nos commentaires, donc on se réservait la possibilité
d'évaluer les propositions qui allaient être faites. Ce qu'on vous dit, cela
dit, puis parce qu'en toute transparence, c'est sûr et certain que si on vous
parle de consentement substitué, si on parle de s'assurer qu'il y a
effectivement des professionnels qui administrent ces soins-là, bien, il faut
tenir compte aussi du cadre dans lequel ça s'inscrit. Et donc je souligne à la
commission, on porte à l'attention de la commission que le consentement
substitué va s'accompagner de l'intervention d'un tribunal dans certaines
circonstances, et cela peut inspirer les travaux de la commission, oui, effectivement.
Mme
Hivon : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci
beaucoup, Mme la députée. Donc, je céderais la parole au député de Mégantic.
M. Jacques : Merci, Mme la
Présidente. Merci et bonjour, Me Tessier. Vous avez parlé, là, que les
exceptions en droit, c'est un... ça devient des problématiques. Je comprends très
bien, là, que plus que c'est cadré, plus que c'est facile à être appliqué. Est-ce
qu'il y a des exceptions qui pourraient quand même être envisageables où on ne
touche à rien de ça?
M. Tessier (Philippe-André) : Bien, écoutez,
l'idée étant ici que ce qu'on comprend, et ce qui est le principe même de l'aide
médicale à mourir et des jugements qui sont venus l'appliquer, et du cadre dans
lequel cela s'inscrit, c'est que ça s'inscrit dans un continuum de soins. Donc,
il s'agit ici d'un soin, et ce soin-là, son objectif, c'est de mettre fin à la
souffrance, oui, par la fin de la vie, mais son objectif premier, c'est de
mettre fin à la souffrance. Je pense que vous avez entendu d'autres
intervenants aussi vous parler de ça. Donc, il est sûr et certain que, lorsque
l'on parle de créer des exceptions à un soin dont l'objectif est d'éviter la
souffrance, il faut que ces exceptions-là soient justifiées, soient balisées,
soient le plus limitées possible. C'est un peu le sens du propos qu'on tient
devant vous aujourd'hui.
Et donc c'est pour ça, par exemple, qu'on vous
donne un exemple du mineur de 17 ans et six mois versus 18 ans et six
mois. C'est sûr et certain qu'on peut se poser la question : Qu'est-ce qui
fait en sorte que l'être humain qui a 17 ans et six mois, qui est en...
Puis là, évidemment, oublions le critère de fin de vie, parce qu'on s'entend,
il n'est plus là, mais prenons le cas de figure où est-ce que cette personne-là
est en fin de vie. Là, avant l'arrêt Truchon, cette personne-là se voyait
refuser l'aide médicale à mourir. Alors, son choix, c'était effectivement de
s'en prendre à lui-même ou de procéder à la fin des traitements, donc par
hydratation, nourriture, etc. Alors, il faut se poser la question : Dans
ce contexte-là, qu'est-ce qui est le plus humain dans les deux approches?
Et puis c'est un petit peu ça aussi, le regard
qu'on porte sur l'enjeu. On tente de prendre ce pas de recul là. Puis on
comprend les travaux de votre commission, on entend les intervenants, on
entendait les intervenants précédents. C'est extrêmement sensible. Il y a des
questions, ici... C'est pour ça que, d'entrée de jeu, on saluait votre travail. Mais ce qu'on veut juste rappeler, c'est
que ces exceptions-là, c'est aussi des êtres humains, et ces
exceptions-là, ces êtres humains là, ils ont
ces droits-là, et comment on aménage... puis c'est ça, le défi du législateur
dans le cas présent, c'est comment on aménage l'exercice de ces balises,
comment on crée ces balises-là pour protéger ces personnes-là.
Puis je termine là-dessus en vous disant, M. le
député, que la décision Truchon, la juge Baudouin a analysé la preuve, et les
données, tant au Québec qu'au Canada, puis même les données étrangères, elles
ne font pas état de dérives, de dérapages. Donc, les médecins sont capables de
distinguer les patients suicidaires de ceux qui recherchent l'aide médicale à
mourir. Donc, on a ces données-là qui nous aident aujourd'hui à prendre des
meilleures décisions, et c'est tant mieux pour l'exercice dans lequel vous
êtes.
M. Jacques :
Parfait. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Donc, si je reviens un peu, vous dites que ça fait partie
d'un continuum de soins, c'est de mettre fin à la souffrance. Donc, pour vous,
le critère de souffrance doit toujours être omniprésent. Si on parle de
quelqu'un avec un trouble cognitif, il y a la souffrance réelle, mais, quand on fait une demande anticipée ou une demande
d'aide médicale à mourir, il y a la souffrance anticipée aussi. Peut-être
qu'elle ne sera pas au même titre qu'elle est réellement, là. Donc, pour vous,
le critère de souffrance doit toujours être présent?
• (16 h 20) •
M. Tessier
(Philippe-André) : Bien,
peut-être que ma collègue peut compléter, mais la notion de souffrance,
elle est au coeur de la dignité humaine, elle est au coeur du jugement de la Cour
supérieure, dont la Procureure générale n'a pas fait appel, donc qui a passé... qui a
force de droit. Donc, essentiellement, c'est pour ça que, pour nous, ce
critère-là... et c'est aussi ce qui ressort en doctrine chez beaucoup
d'experts, c'est ce qui a été mis de l'avant pas la commission. Je ne sais pas
si ma collègue veut compléter.
Mme Carpentier (Marie) : Oui, merci,
merci beaucoup. Il reste que, même si on procédait, par exemple, par consentement substitué, il reste les autres
critères de la loi sur les soins de fin de vie à l'article 26 qui sont
applicables, qui sont un déclin avancé et
irréversible de ses capacités, des souffrances physiques ou psychiques, c'est
des critères qui demeurent présents, même si on élargit, par exemple, aux
personnes mineures. Donc, ces critères seraient toujours là.
Puis il y a aussi les critères du consentement
substitué qui font que la décision doit être prise dans le meilleur intérêt de
la personne concernée. Et, dans certaines circonstances, le meilleur intérêt de
la personne concernée, c'est d'interrompre ses souffrances. Donc... Mais on est
d'avis que les balises qui sont en place, la façon dont est exercée, par
exemple, le contrôle sur le consentement substitué, quand on observe la
jurisprudence autour de ces questions-là, bien, nous, on est rassurés par le
processus. Si, par exemple, il y a une mésentente entre les médecins et les
parents puis qu'il y a une intervention d'un juge, bien, cette intervention va aller dans le sens du meilleur
intérêt de la personne concernée.
Puis, s'il y a un doute que ce n'est pas l'aide médicale à mourir, la meilleure solution, bien, on est
conscients que ça ne sera pas accordé comme
solution, que les mécanismes en place vont servir suffisamment pour protéger les personnes qui sont dans une situation de vulnérabilité.
Puis c'est sûr que, si on parle des personnes qui sont incapables de consentir,
bien, les précautions, on est convaincus que les précautions vont être encore
plus grandes.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Et, au niveau de la santé mentale, on sait qu'il y a des gens qu'après 10,
15 ans de soins, on trouve enfin la lumière au bout du tunnel, qui ont
fait plusieurs tentatives de suicide ou qui ont des idées suicidaires, finalement,
on trouve la bonne molécule ou le bon soin, puis ils vont remercier les gens de
les avoir sauvés. Donc, quelles balises on peut mettre en place pour protéger
ces gens-là? Ou jusqu'où on doit aller dans le soin et dans l'offre
thérapeutique?
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, écoutez, c'est sûr et certain que, là, encore une fois, aujourd'hui, on
n'est pas, devant nous, avec un projet de loi qui nous propose des modalités.
Ce qu'on comprend, c'est qu'il y aura vraisemblablement un dépôt d'un projet de
loi. Je ne voudrais pas commettre un outrage aujourd'hui devant vous, mais je
comprends qu'il y aura dépôt d'un projet de loi et qu'on pourra effectivement,
à ce moment-là, commenter et revenir devant
la commission appropriée pour regarder quelles sont les modalités qui sont
présentées. Mais rappelons-nous la chose suivante, puis en réponse à
votre question, oui, c'est sûr et certain qu'il peut toujours y avoir ce genre
de situation là, mais encore faut-il regarder lorsque... les critères qui sont
mis de l'avant pour l'aide médicale à mourir. Un des médecins qui témoignait
devant le tribunal dans l'affaire Truchon disait qu'il n'y a aucun soin, même
des soins entraînant la fin de vie, qui est aussi réglementée, régimentée,
contrôlée que l'aide médicale à mourir. Et donc il est certain que, ça, c'est
les éléments qui ont été retenus, qui ont été mis en preuve et qui sont
factuellement présents, c'est que l'encadrement juridique prévu par la loi n° 52, là, par la loi telle qu'elle est aujourd'hui, est
venu créer ces balises-là. On est venus développer une pratique. Et c'est sûr
et certain qu'on veut s'assurer que les cas et la distinction qui se fait entre
les gens qui sont peut-être... qui pourraient présenter une ambivalence, qui
pourraient avoir des pensées suicidaires, ce sont tous des éléments qui
relèvent... qui reviennent devant. Et ce que la preuve a démontré, c'est qu'on
fait la distinction. Présentement, les médecins sont en mesure — et
c'est les termes du tribunal — avec toute la diligence requise, de faire
cette distinction-là, compte tenu des critères établis par le
législateur. Alors... Et, comme je le répète, là, c'est le soin le plus
encadré, le plus réglementé qu'il y a.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci beaucoup. Je céderais la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert : Merci,
Mme la Présidente. Merci, M. Tessier et Mme Carpentier. J'ai une
petite question par rapport à la souffrance. Souvent, la souffrance, ça peut
être objectif, ça peut être... ou subjectif. Donc, c'est... vous dites, par
rapport à, tu sais, l'aide médicale à mourir, c'est par rapport à alléger les
souffrances d'une personne, puis c'est le soin de fin de vie qui vient comme
arrêter la souffrance. Mais dans un cas... D'une personne à une autre, la
souffrance, elle est différente. Puis souvent on a entendu parler, par rapport
à l'alzheimer, les gens anticipent la souffrance parce qu'ils l'ont vue, ils
ont eu une expérience de vie. Mais quelqu'un qui ne l'a jamais vécu, comment il
va être capable de déterminer sa souffrance dans une demande anticipée, à
savoir : Moi, ça... Tu sais, c'est... je ne sais pas si vous voyez ce que
je veux dire par rapport à déterminer c'est quoi, la souffrance qui pour être
un critère.
M.
Tessier (Philippe-André) : Oui, bien là, dans le cas où vous parlez,
on parle aussi de directives anticipées. C'est ce qui fait... C'est ce
qui est mis de l'avant un peu, là, par la consultation, la commission, etc.
Donc, c'est sûr et certain qu'on se retrouve dans une situation où on fait
appel aussi à... il y a un aspect d'autonomie de la personne. Puis la personne,
elle décide à l'avance, compte tenu d'une situation de fait qui se produit, qui
est cette maladie-là, par exemple, de donner une directive anticipée. On
parlait de directives médicales anticipées, maintenant on dit directives
anticipées pour tenir compte de certaines... d'une évolution de la maladie.
Mais, encore une fois, il faut être conscient que ça, ici, le principe auquel
on fait appel, c'est qu'on permet à cette personne-là... on donne à une
personne une certaine forme de sécurité. Cette personne-là dit : Moi, je
me vois. Et il faut faire attention lorsqu'on fait des généralités parce que,
vous l'avez bien dit, Mme la députée, on va y aller dans le cas par cas, on va
évaluer de façon individuelle chacun des cas. Alors, c'est sûr et certain que
lorsqu'on prévoit ce genre de mécanisme là, bien, il faut aussi respecter ce
que la personne en elle-même dit ou déclare être.
Et c'est un des principes aussi qui est retenu
dans l'affaire Truchon, c'est cette approche individualisée là. Cette
approche-là, c'est de dire : On ne peut pas prendre les personnes inaptes,
disons, comme un bloc monolithique. Vous allez entendre des cas de différentes
façons.
Et c'est un peu ça, la leçon et la morale de
l'histoire de la saga judiciaire qu'il y a eu : c'est qu'il faut traiter
l'être humain, chaque vie humaine de façon importante. Et ça, ça veut donc dire
cette approche-là, individualisée, à laquelle vous faites référence. Et c'est
là où est-ce qu'on met des balises, mais qu'ultimement, à la fin de la journée,
il va y avoir du cas par cas et il va y avoir ces cas d'appréciation là, mais
qui, je vous le soumets respectueusement, se produisent déjà. Il y a des cas
où, effectivement, l'aide médicale à mourir est refusée pour les critères actuels.
Donc, cet exercice-là, ce balisage-là... ma
collègue faisait référence à l'article 26, il y a des critères qui
existent. C'est présent, présentement. Et il y a des décisions des tribunaux
qui vont, des fois, permettre les soins, d'autres fois non. Ça va dépendre,
encore une fois, de la situation factuelle de chaque cas.
Mme
Hébert : Parfait.
Mme Carpentier (Marie) : Si je peux
me permettre d'ajouter, vous aviez, tout à l'heure, la discussion par rapport à
la dignité aussi. C'est que je pense que, comme... et la souffrance et la
dignité, c'est peut-être vain d'essayer de faire une définition universelle qui
s'appliquerait à tout le monde de la même façon et de la souffrance ou de la
dignité. Donc, je rejoins mon collègue sur cette question-là, là, l'idée qu'il
faut que ce soit une évaluation individualisée. Puis la conception que la
personne et ses proches se font de la souffrance et de la dignité est importante
dans l'équation.
Mme
Hébert : Parfait.
Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Donc, je céderais maintenant la parole à la
députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci beaucoup.
Bonjour, Me Tessier, bonjour, Me Carpentier. Toujours un plaisir d'échanger avec vous. Je vais changer un peu de
propos. J'aimerais parler du potentiel d'exploitation, de maltraitance.
On ne l'a pas abordé encore, mais, dans le rôle que vous jouez actuellement,
comment prévoyez-vous de protéger les citoyens
quand on parle de l'exploitation des personnes âgées, handicapées au sens de la
charte québécoise? Et il y a la maltraitance
selon la Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute
autre personne majeure en situation de vulnérabilité. Que devons-nous
prévoyer pour assurer que ce ne sera pas le cas pour protéger les citoyens?
• (16 h 30) •
M. Tessier (Philippe-André) : Bien
oui, bien, c'est une très bonne question, effectivement. Donc, puis c'est pour
ça que je le rappelais d'entrée de jeu, la commission, tant en 2014, encore aujourd'hui,
rappelle le principe de prudence, le principe de précaution par rapport à ces
questions-là. Il ne s'agit pas ici, puis il ne faut pas faire dire... Il ne
faut pas exagérer tout. Oui, bien qu'on propose de déverrouiller ces
limitations qui sont présentement là pour les majeurs inaptes et les personnes
mineures, il faut comprendre que ce n'est pas, genre, «let's open the
floodgates», ce n'est pas un accès tous azimuts. Il faut vraiment bien le
baliser, même le mettre... l'astreindre à des conditions plus strictes, parce
qu'effectivement on comprend pourquoi, d'entrée de jeu, ces personnes-là
avaient été exclues, parce qu'elles sont présumées plus vulnérables, on les
juge vulnérables. Comme société, on vise à la protéger, mais ici, ce dont on
parle, on parle... rappelons-nous, on est dans un contexte d'aide médicale à
mourir. Donc, on est dans un concept, puis je reviens là-dessus, où est-ce que
la personne est dans une situation de souffrance. Il y a quelque chose qui fait
en sorte que, cette personne-là, il y a... pour des raisons tout à fait
personnelles, impérieuses, bien, veut mettre fin à ses jours, où il y a des
raisons de mettre fin à ses jours, parce que la souffrance de la personne, ce
n'est pas une façon de vivre pour cette personne-là. À ce moment-là, on le
décrit souvent en littérature, on parle d'être relationnel, la personne, par
les contacts qu'elle a, par les gens qui s'occupent d'elle, que ce soit au
niveau de la famille ou du personnel soignant, lorsque ces personnes-là se
rendent compte que cette personne-là souffre et... On la place devant ce
mur-là, présentement, il n'y a pas de... «there's no way out», il n'y a pas de
possibilité pour la personne d'avoir accès à quoi que ce soit. Donc, on dit à
cette personne-là : Compte tenu de ton statut, bien, un peu, tu es
condamné à souffrir. On est désolés, mais parce que tu es un mineur, parce que
tu es inapte, bien, tu vas souffrir. Puis la seule autre possibilité, pour la
famille proche puis l'équipe médicale, il faut se le dire, il faut se le dire
entre nous, la seule possibilité pour mettre fin aux souffrances, c'est la
déshydratation, arrêter l'alimentation. Ça, c'est permis
par consentement substitué, présentement, en droit. Donc, on place l'équipe
médicale et la famille devant le choix de dire : Je veux abréger les
souffrances de la personne mineure ou de la personne majeure inapte, bien, la
seule solution, ça va être d'arrêter l'alimentation et l'hydratation. Il faut
se poser la question : Est-ce que c'est ce qu'on veut comme résultat,
compte tenu de l'expérience qu'on a de l'aide médicale à mourir, au Québec et
ailleurs, à l'international, compte tenu des études qui ont été faites, compte
tenu de l'approche qui a été développée, compte tenu de l'ensemble des
témoignages que vous allez entendre? C'est ça, une des questions fondamentales
à laquelle vous avez à répondre et à proposer une solution.
Et c'est pour ça que
nous, on vous dit : Prévoyons des règles, prévoyons des règles strictes,
prévoyons des règles très, très contraignantes. J'ai évoqué puis je vous
dis : On réserve notre jugement lorsqu'il y aura projet de loi. J'évoque
la possibilité de l'intervention du tribunal, qui peut être un autre verrou,
une autre façon de protéger le majeur inapte, personne en vulnérabilité, pour
assurer qu'il n'y a pas de situation d'exploitation, pas de situation de
maltraitance, que cela est fait dans le seul et unique intérêt de la personne,
de la vie humaine qui est devant nous, et que le seul motif, c'est d'abréger
les souffrances de la personne qui est devant nous et aucune autre
considération.
Mme
Maccarone : Alors, je comprends, nous n'avons pas un projet de loi
devant nous, alors ça va être difficile peut-être pour vous de vous exprimer en
ce qui concerne votre rôle, mais c'est ça qui me préoccupe. Parce que, là, on
parle qu'on devrait avoir le droit à la dignité, on parle de... on devrait
avoir un accès très large, selon vous, parce que, tu sais, le droit à la
dignité, le droit de mettre fin à la souffrance, ça appartient à tous et à
toutes, mais ne devons-nous pas prévoir peut-être... Mettons, le rôle des
proches, des proches aidants, ça va être quoi? Parce que, je me mets dans vos
souliers, suite à une adoption ou des recommandations que ce comité se fera, ne
devons-nous peut-être pas prévoir votre rôle à l'intérieur de ceci? Parce que,
là, on parle d'avoir un accès très large. Alors, le rôle de la commission sera
quoi face à plusieurs personnes qui vont peut-être se plaindre au CDPDJ pour
dire : Mon accès... j'ai été refusé un accès à cause de... Alors, comment
allez-vous agir pour représenter ces personnes, en pensant qu'il y aura peut-être
des gens qui vont dire : Bien là, ils ont dit non à cause d'eux, peut-être
parce que je souffre de déficience intellectuelle, parce que je souffre de
l'autisme, mais je milite pour moi-même, j'ai une compréhension de qu'est-ce
que je demande. Que ferez-vous face à ces demandes de représentation pour
protéger les droits de ces citoyens?
M. Tessier
(Philippe-André) : Bien, c'est sûr et certain que... là, vous évoquez
le mécanisme de plainte à la commission. Là, évidemment, moi, je vous dirais
que les questions qui se posent devant nous, que ça soit par le biais de la
commission, que ça soit par un recours au tribunal, comme ça a été dans le cas
de Truchon et Gladu, ce n'est pas passé par le filtre de la commission, là.
C'est des... Les gens ont saisi les tribunaux de cette question-là. Donc, la...
et c'est ce qu'on avait dit en 2014, hein, lorsque... sur certaines des
questions qui ont été mises, la question de fin de vie, et autres. Donc, on avait,
à ce moment-là, indiqué à la commission qui était chargée d'étudier le projet
de loi, c'est-à-dire : Il y a ici un risque potentiel que certains
éléments du projet soient mis de côté, parce qu'il y a ces exclusions-là qui
sont potentiellement discriminatoires. Et donc, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il
y a ce potentiel-là de recours, de contestation, vous y faites référence. Nous,
le rôle de la commission, dans un contexte comme ça, c'est toujours un rôle,
dans l'intérêt public, de s'assurer que les éléments qui sont mis de l'avant
sont là dans le meilleur intérêt de la personne.
Lorsqu'il y a situation
d'exploitation, puis là je sors un peu du propos, mais vous m'amenez là, nous,
ce qu'il faut s'assurer, c'est que la personne qui est victime d'exploitation
ne pose pas des gestes de son plein gré, bien qu'ils peuvent, en apparence,
sembler un peu bizarres. Nous, ce qu'on fait, c'est qu'on va faire une enquête,
on va s'assurer que, dans les faits particuliers devant nous, ce qu'on a, c'est
bel et bien quelqu'un qui est victime d'une situation où il y a une mise à profit. Donc, il y a des
critères juridiques, encore une fois, qui ont été élaborés, on est venu établir
des critères pour s'assurer qu'on distingue
le cas où la personne est vulnérable et véritablement exploitée du cas
où la personne vulnérable, elle, décide de poser des gestes parce que
c'est le geste qu'elle souhaite faire, malgré sa vulnérabilité.
Donc, qui dit vulnérabilité
ne veut pas dire inaptitude. Qui dit vulnérabilité ne veut pas dire incapacité
de prendre des décisions, et il faut
respecter aussi cette zone-là d'autonomie. C'est aussi le principe du projet de loi n° 18,
qui a été adopté avec le Curateur public, là. Donc, c'est toute cette question-là de la
convention de Paris, des
principes internationaux qui rattachent ces éléments-là aussi de l'autonomie
décisionnelle de la personne.
Mme
Maccarone : Alors, est-ce que ce serait de la discrimination de
refuser une demande anticipée de l'aide
médicale à mourir à une personne qui souffre d'une déficience intellectuelle,
ou de l'autisme, ou d'un handicap?
M.
Tessier (Philippe-André) :
C'est la question qu'on soulève, c'est la préoccupation... une des préoccupations qu'on soulève, tout comme, en 2014, on
soulevait des préoccupations, on le réitère devant la commission actuelle, et
c'est pour ça que je vous dis, là : Nous, pour le moment, on n'a pas de projet
de loi devant nous, donc on n'a pas pu analyser le projet de loi, mais ce qu'on
vous dit, c'est qu'en 2014 on a parlé des mineurs, on a parlé des majeurs
inaptes, on a parlé de ces questions-là, et on nous a dit : Attention!
Ici, il y a des zones dans lesquelles la compatibilité de ces exclusions-là...
Puis, encore là, on se répète, là, c'est des exclusions blindées mur à mur, il
n'y a pas d'exception possible, et on dit : Attention! Quand il n'y a pas
d'exception possible, quand il n'y a pas de possibilité pour ce faire, surtout
quand on parle d'un soin, il faut se rappeler, là, la loi québécoise parle de
soins ici, donc c'est là aussi qu'il faut être très prudent dans... lorsqu'on
vient décrire et discerner ces exceptions-là.
Mme Maccarone :
O.K. Merci, Mme la Présidente. S'il me reste du temps, je céderais la parole à
mon collègue de D'Arcy-McGee.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci. Oui, M. le député, pour 1 min 30 s
M. Birnbaum : Oui. Merci. Écoutez,
je comprends, vous mettez devant nous une exigence qui est difficile à ignorer.
En même temps, dans la même ligne de questionnement de mes collègues, je me
préoccupe de la façon de faire... de rendre ça réel. Je vous avoue que je ne
crois pas qu'un seul expert témoin ou les autres témoins aujourd'hui auraient
abordé cette question tout à fait légitime. Alors, je vous invite, si vous avez
des pistes de réflexion davantage sur les comment... Parce que je ne vous cache
pas que je trouverais ça très difficile d'éviter de nous adresser à la question
primordiale que vous mettez devant nous.
• (16 h 40) •
M. Tessier (Philippe-André) : Bien, écoutez,
puis, encore une fois, là, dans un souci... vous avez entendu des
représentations devant vous de la part de différentes associations, ou groupes,
ou experts qui sont venus vous parler. Bon, premièrement, il y a des comités
d'experts qui vont se pencher sur la question des mineurs et des majeurs
inaptes. Vous êtes bien au fait de ça, le cahier de consultation en parle, donc
je ne fais pas de la redite, là, vous le savez, vous savez très bien de quoi je
parle. Il y a des associations qui ont parlé de mettre en place un comité
d'experts pour commencer à regarder la question des mineurs puis des... puis on
parle des mineurs, donc, de 14 à 18.
Alors, il y a toute sorte de choses qui
pourraient être faites par le comité, mais, encore une fois, je ne... loin de
moi l'idée d'usurper le rôle de cette commission et de vous... mais vous me
posez la question, et donc c'est sûr et certain que vous avez entendu de
nombreux témoignages qui évoquent ces questions-là. On voit ce que le fédéral
fait de son côté. On rappelle que le Québec a été un précurseur sur ces questions-là,
donc il y a aussi quelque chose d'intéressant à voir et à mettre de l'avant, parce
qu'on pense qu'on a une bonne loi au Québec. On a fait un bel exercice en 2014,
bien, 2012 à 2014. On en fait un autre intéressant. Et ces éléments-là méritent
d'être soulevés puis d'être traités, parce que, bien, sinon, si on ne les
traite pas, bien, finalement, ils viennent à nous de l'autre façon. C'est que,
là, il y a intervention, il y a contestation, et là on se retrouve en «réaction
à».
Écoutez,
c'est sûr et certain que ces questions-là vont être là, vont demeurer, existent
ailleurs, à l'étranger, il y a
des modèles, il existe des alternatives. Est-ce que le Québec serait
précurseur? Oui, mais, comme je vous le dis, ça ne serait pas la première fois
et ce n'est peut-être pas une mauvaise chose, compte tenu de l'expérience de l'aide
médicale à mourir des sept, huit dernières années.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme Carpentier (Marie) : Si je peux
me permettre.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui. Allez-y, Me Carpentier.
Mme Carpentier (Marie) : Bien,
observez ce qui se disait, en termes de consentement substitué au Québec, ailleurs,
donc partir... Parce que, pour notre part, on a démarré l'analyse à partir du
droit à l'intégrité, qui comporte le droit de consentir aux soins, et puis donc
on a examiné comment ça se passait quand la personne n'est pas apte à consentir. Donc, je pense que ça serait un
meilleur point de départ d'analyse de partir avec le principe de
consentement puis le principe de consentement substitué, de voir comment on
peut le verrouiller encore plus, puisqu'on est dans un chemin qui est plus
poussé, mais je pense que ça serait un bon point de départ de la réflexion.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, je céderais maintenant la parole au député de Rosemont.
M.
Marissal : Merci, Mme la Présidente. Si jamais je déborde un petit
peu, je vous soumets respectueusement que le député de Chomedey a laissé
deux belles grosses minutes sur la table qu'on devrait...
La Présidente (Mme Guillemette) : On
l'a quand même réparti, mais allez-y, M. le député.
M. Marissal : C'est bien. Bien,
bonjour, maîtres, au pluriel, merci d'être là. Il y a eu beaucoup, beaucoup de
questions avant les miennes, donc je ne ferai pas exprès de répéter ce qui a
été demandé. Une question, d'abord, purement technicopratique, là. Je n'ai pas
vu de mémoire de votre part. Il n'y en a pas, donc. Y en aura-t-il un?
M. Tessier (Philippe-André) : Comme
je le disais, le mémoire suivra lorsqu'il y aura projet de loi.
M.
Marissal : O.K. Donc, il n'y
a pas eu de mémoire pour cette deuxième phase. C'est bien, très bien, alors
je n'ai pas eu la berlue. De quel article
parlez-vous, à quel article référez-vous de la loi de protection des droits des
enfants quand vous dites que de ne pas leur accorder, par exemple, le droit de
mourir dans la dignité serait discriminatoire et brimerait leurs droits? Juste
pour ma compréhension puis me le mettre sous la dent, là, de quels articles on
parle ici?
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
on ne parle pas de la Loi sur la protection de la jeunesse, on parle ici de la charte
québécoise des droits et libertés qui s'applique à toute personne, et les
enfants sont des personnes et sont titulaires des droits,
sont sujets de droits. La commission, comme défenseure des droits de l'enfant,
au Québec, depuis plus... depuis sa
création, s'assure que les droits des enfants sont dûment représentés et
respectés, non seulement dans le cadre des interventions de la
protection de la jeunesse puis, il faut se rappeler, qui vise 2 % des
enfants du Québec, mais pour les 98 %
autres des enfants qui, eux, ne sont pas assujettis au régime d'exception qui
est la Loi sur la protection de la jeunesse, le régime général des
droits, qui est celui de la charte québécoise des droits et libertés,
s'applique à eux aussi, tant le droit à la dignité et à l'intégrité, etc. Et
c'est sur cette base-là qu'on est devant vous aujourd'hui, comme on l'était,
en 2014, dans... sur le p.l. n° 52.
M. Marissal : O.K. Vous avez en
partie répondu à ma seconde... à ma troisième question, tout à l'heure, je
pense, là. On parle bien d'enfants de 14 ans et plus, hein? Bien, 14-18,
puisqu'on devient majeur à 18 ans. Quand vous revendiquez, par exemple,
l'élargissement de la loi, c'est... on parle d'enfants de 14 ans et plus?
M. Tessier (Philippe-André) : Là...
Puis merci beaucoup pour votre question, ça me permet de préciser. Ce que la
commission vous présente, ce ne sont pas des revendications, ce sont des
recommandations ou des avis. Ce que nous avons dit, dans notre mémoire
de 2014, c'est que ce que nous constatons, c'est que la règle de
l'exclusion absolue des enfants, donc les moins de 18 ans, à première vue,
est problématique, pour les raisons que j'ai évoquées plus tôt. Et notamment,
un des arguments, c'est sûr et certain que le Code civil prévoit, pour
les 14 à 18, certains droits pour ces enfants-là et même une
question... il y a aussi une question de consentement substitué, il y a aussi
le rôle des parents lorsqu'il y a des refus injustifiés, je ne veux pas rentrer
dans le détail. Mais pour les moins de 14 ans, et là je réfère aux propos
de ma collègue, très justes, à... qui... juste avant moi, les enfants de moins
de 14 ans, on revient au régime de consentement substitué, qui est la même
chose que pour les majeurs inaptes. Donc, c'est pour ça que ma collègue,
tantôt, vous disait : Comme piste de réflexion, regardez la question du
consentement substitué, parce que la question du consentement substitué vient
régir les enfants de 14 ans et moins et les majeurs inaptes. Les enfants
de 14 à 18, mettons, c'était comme... c'est comme un hybride, là, je
ne veux pas... on ne rentrera pas dans les détails, je vais vous permettre de
vous... poser votre autre question.
M. Marissal : Merci. Non, donc on
irait plutôt, dans votre interprétation, vers le consentement substitué pour ce
qui est des enfants de moins de 14 ans, c'est ce que... vous nous invitez,
en tout cas, à regarder de ce côté-là, c'est ce que je comprends de votre intervention.
M. Tessier (Philippe-André) : Oui, effectivement,
c'est cette question-là qui est au coeur de la question des mineurs et des
majeurs inaptes.
M. Marissal : Peut-être une dernière
question. Elle est un peu plus large et philosophique. On débattait d'ailleurs
ce matin du terme «dérive», puisqu'il y a beaucoup de témoins qui craignent, à
tort ou à raison, puis je comprends que le débat puisse se faire, des dérives
si on élargit la loi, puis là je ne parle pas seulement des enfants, je parle
de l'élargissement de la loi en général.
Vous avez dit à plusieurs reprises : Non,
elle est super encadrée, cette loi-là, c'est la loi la plus encadrée de tous
les encadrements. Dans votre esprit, donc, tous les garde-fous sont là, il n'y
a pas de dérive possible. Bon, là, on ne définira pas «dérive», on n'aura jamais
assez de temps, là, d'ici à demain matin, là, mais qu'est-ce que vous répondez,
donc, à ces gens qui disent, de façon légitime : Wo! Attention, là, vous
êtes en train d'ouvrir une porte de grange, là, le vent va rentrer là-dedans
puis ça va être... Allez-y, je vous en prie.
M. Tessier (Philippe-André) : Oui,
bien...
La Présidente (Mme Guillemette) :
J'imagine... Deux petites minutes, peut-être, Me Tessier, 30 secondes.
J'imagine que j'ai le consentement de tout le monde pour avoir la réponse de Me
Tessier? Parce qu'on déroge un peu de notre temps. Donc, allez-y, Me Tessier.
M. Tessier (Philippe-André) : Très
court.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Prenez votre temps.
M. Tessier (Philippe-André) : Puis
je veux juste préciser, la commission, on ne se pose pas en experte de l'aide
médicale à mourir ou du consentement au soin. Ce qu'on vous dit, c'est qu'il
faut regarder le cadre des droits et libertés de la personne qui s'impose à
nous dans cette discussion-là. Et pour être plus exact, plus spécifique, je
réfère au paragraphe 259 de la décision Truchon, dont je suis convaincu
que vous avez copie ou que vous pouvez avoir copie facilement, et je réfère au
Dr Naud, cité par la juge, qui dit : «Aucun autre acte médical, même
irréversible — comme
une amputation ou le retrait d'un traitement vital, par exemple — ne
fait l'objet d'une évaluation de l'aptitude de manière aussi constante,
rigoureuse et assidue que l'aide médicale à mourir.» Donc, ce ne sont pas mes
propos, ce sont ceux du Dr Naud, témoin qui était devant la juge Beaudoin
dans l'affaire Truchon. Et cela met fin à mon intervention. Merci, Mme la
Présidente, pour le temps.
M. Marissal : Merci.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Me Carpentier et Me Tessier, pour votre contribution aux travaux de la commission, c'est très apprécié, et ça va nous
aider grandement pour la suite des travaux de la commission.
Donc, compte tenu de l'heure, la commission
ajourne ses travaux au mardi 10 août, à 9 h 30, où elle
poursuivra son mandat. Merci et bonne fin de soirée, tout le monde.
(Fin de la séance à 16 h 48)