Journal des débats de la Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie
Version préliminaire
42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)
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Le
vendredi 28 mai 2021
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Vol. 45 N° 7
Consultations particulières et auditions publiques sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie
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Intervenants par tranches d'heure
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Guillemette, Nancy
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Hivon, Véronique
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Guillemette, Nancy
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Hivon, Véronique
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Montpetit, Marie
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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Blais, Suzanne
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Hébert, Geneviève
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Picard, Marc
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Picard, Marilyne
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Guillemette, Nancy
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Guillemette, Nancy
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Montpetit, Marie
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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Blais, Suzanne
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Guillemette, Nancy
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Hivon, Véronique
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Guillemette, Nancy
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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Girard, Éric
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Girard, Éric
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Guillemette, Nancy
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Maccarone, Jennifer
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Guillemette, Nancy
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Hivon, Véronique
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Hébert, Geneviève
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Hébert, Geneviève
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Guillemette, Nancy
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Picard, Marilyne
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Jacques, François
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Montpetit, Marie
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Maccarone, Jennifer
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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Guillemette, Nancy
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Picard, Marilyne
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Hébert, Geneviève
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Hébert, Geneviève
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Guillemette, Nancy
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Blais, Suzanne
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Montpetit, Marie
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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Guillemette, Nancy
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Hivon, Véronique
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Guillemette, Nancy
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Maccarone, Jennifer
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Hivon, Véronique
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Hivon, Véronique
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Guillemette, Nancy
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Girard, Éric
9 h (version révisée)
(Neuf heures une minute)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Bonjour, tout le monde. Donc, bienvenue à la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi
concernant les soins de fin de vie. Ayant constaté le quorum, je déclare la
séance ouverte.
La commission est réunie aujourd'hui,
virtuellement, afin de procéder aux consultations particulières et auditions
publiques sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La Secrétaire
: Non, Mme
la Présidente.
Auditions (suite)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, ce matin, nous entendrons par visioconférence les groupes suivants,
donc : Dre Michèle Marchand, Dr Louis Roy et le groupe
interdisciplinaire freudien de recherche et d'intervention publique.
Donc, sans plus tarder, bienvenue,
Dre Marchand. Merci d'avoir accepté notre invitation et d'être avec nous
ce matin. Comme prévu, vous avez 20 minutes pour nous présenter votre
exposé, et, par la suite, il y aura un échange avec les membres de la commission
pour une période de 40 minutes. Donc, je vous cède immédiatement la
parole, Dre Marchand.
Mme Michèle Marchand
Mme Marchand (Michèle) : Oui,
bonjour. Je voulais d'abord vous remercier, d'abord, de tenir le débat public
et ensuite pour l'invitation. Ce n'était pas obligé du tout parce que je
représente moi-même seulement et je ne représente personne d'autre.
Je me présente. J'ai travaillé 22 ans
comme médecin de famille dans un quartier populaire de Montréal et je n'ai pas
fait particulièrement de soins palliatifs, j'ai fait de la pratique générale.
Comme l'aspect social de la médecine et l'éthique m'intéressaient, et l'éthique
médicale, je me suis donné une formation en philosophie et je me suis rendue,
sur une période de 22 ans aussi, au doctorat en philosophie, et ma thèse
portait sur la métaéthique et l'éthique médicale.
De 1999 à 2015, j'ai travaillé au Collège
des médecins comme secrétaire du groupe de travail en éthique et conseillère en
éthique auprès de la direction générale. J'ai quitté en 2015, mais c'est à ce
titre que j'ai participé très activement au débat sur l'euthanasie au Québec et
à la... qui a abouti à la Loi concernant les soins de fin de vie. Même si
j'étais retraitée, j'ai continué à suivre religieusement le débat. J'ai publié,
en 2017, un petit livre sur l'AMM au Québec : Pourquoi tant de
prudence. Et, depuis 2017, je trouve que ça va bien, bien vite, <et
je suis...
Mme Marchand (Michèle) :
...
qui a abouti à la
Loi concernant les soins de fin de vie. Même
si j'étais retraitée, j'ai continué à suivre religieusement le débat. J'ai
publié, en 2017, un petit livre sur l'AMM au Québec : Pourquoi tant de
prudence. Et, depuis 2017, je trouve que ça va bien, bien vite >et
je suis un peu inquiète. Et c'est pour ça que je suis contente d'être ici pour
exprimer mes opinions. J'ai longtemps représenté le collège sur le sujet de
l'euthanasie, mais là je représente moi-même. Le collège va présenter sa
position cet après-midi.
Le plan : Je voudrais d'abord vous
parler de... pas nécessairement des deux questions très pointues qui sont dans
votre mandat — je sais que vous avez un mandat assez précis — mais
j'aimerais parler un peu, d'abord, de l'éthique, de l'éthique médicale et particulièrement
du principe d'autonomie, parce que c'est ça, mon expertise. Je voudrais ensuite
toucher l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, parce que c'est
mon expérience, j'ai suivi le développement depuis le début jusqu'à aujourd'hui.
Et ensuite je reviendrai aux deux questions qui vous occupent. C'est sûr que ça
va peut-être aller un peu vite, mais là on pourra poursuivre avec les questions.
La première, l'autonomie, l'éthique et
l'éthique médicale, c'est sûr que, dans nos sociétés libérales, l'autonomie a
pris... libérales au sens philosophique du terme, là, l'autonomie a pris une
place prépondérante, au point où on pense que c'est à peu près le principe... le
seul principe pour guider nos actions, alors qu'il y a beaucoup, beaucoup
d'autres valeurs et d'autres principes qui peuvent nous guider et qu'on doit
mettre en équilibre avec l'autonomie. Quand on doit décider d'une politique
publique comme vous avez à le faire, là, il me semble que c'est un peu court de
dire que l'objectif principal, c'est de respecter les décisions des individus,
comme s'il n'y avait pas, comme dirait Margaret Thatcher, quelque chose comme
une société. Je pense qu'on peut avoir des objectifs un peu plus ambitieux au
plan social. D'ailleurs, les individus eux-mêmes sont souvent prêts à faire des
compromis dans l'intérêt public. Par contre, ils veulent participer à
l'élaboration des compromis, et c'est pour ça que le débat public est si important.
Dans le domaine des soins en particulier,
on sait très bien que tous ceux qui participent à une décision doivent faire
des compromis : le médecin qui propose le plus objectivement possible le
soin qu'il juge le plus approprié, le patient qui peut refuser ou accepter le
soin ou faire une nouvelle demande, auquel cas le médecin va reprendre tout le
processus. Ce qui est visé, finalement, c'est une décision partagée et c'est
faux de penser qu'on répond toujours positivement à la demande d'un patient.
Ici comme ailleurs, l'encadrement des
soins ne repose pas sur le principe d'autonomie, mais sur une autonomie bien
relative qu'on appelle le consentement. Le consentement, c'est que le patient
peut accepter ou refuser le soin proposé, mais jamais, ni ici ni ailleurs, il
ne peut en exiger. Le Code civil <est très clair...
Mme Marchand (Michèle) :
Ici comme
ailleurs, l'encadrement des soins ne repose pas sur le
principe d'autonomie, mais sur une autonomie bien relative
qu'on appelle
le
consentement. Le consentement, c'est que le patient peut accepter ou
refuser le soin proposé, mais jamais, ni ici ni ailleurs, il ne peut en exiger.
Le Code civil >est très clair, le Code de déontologie des médecins est
très clair à cet égard-là. Et on s'est donné un dispositif légal très sophistiqué
pour que même les patients qui ne sont plus autonomes, qui sont inaptes,
puissent avoir des soins, bénéficier de soins, même s'ils ne sont plus capables
d'exercer leur autonomie. Là, on pense au consentement substitué, au mandat de
protection, aux directives médicales anticipées, et tout ça. Bref, il me semble
qu'on a réussi, au Québec, à sortir du paternalisme médical, sans s'en aller
vers l'autonomie à tous crins, qu'on appelle aussi la médecine de boutique, où,
finalement, on répond toujours oui aux demandes des patients.
Pour moi... J'en viens à la question de
l'euthanasie. Pour moi, donc, l'euthanasie, ce n'est pas une question
d'autonomie. La question de l'euthanasie, au plan moral et au plan social, c'est :
Doit-il être permis de mettre fin à la vie d'une autre personne pour soulager
ses souffrances? Bien sûr, choisir de mourir plutôt que de souffrir est une
décision déchirante et hautement personnelle. Mais de savoir si on va avoir de
l'aide ou non, ça, c'est une décision à laquelle une personne ne peut répondre.
C'est à la société de répondre si on va accorder de l'aide ou si on n'en
accordera pas. Il ne faut pas oublier que, jusqu'en 2005, au Canada, l'aide à
mourir était considérée comme un crime dans toutes les circonstances. La question,
donc, s'adresse surtout à vous, les législateurs, qui devez trancher sur ce qui
va être permis ou non. Maintenant qu'on a ouvert pour les personnes qui ne sont
pas en fin de vie et qu'on doit, semble-t-il, ouvrir plus largement, comment on
va faire ça au Québec? Je pense que c'est ça, la question morale que vous avez
à vous poser.
J'en viens à l'évolution sur les soins de
fin de vie. Les précisions que je viens de faire me semblent importantes parce
que le débat sur l'euthanasie est un débat extrêmement polarisé, avec, d'un
côté, les gens qui sont très, très contre, qui pensent que la mort doit
toujours être naturelle. Ce n'est pas toujours pour des raisons de convictions
religieuses, là. On peut penser que la vie a un caractère sacré et que c'est toujours
un meurtre que de mettre fin à la vie d'une personne, même si c'est pour
soulager ses souffrances. Il y a aussi ceux qui sont contre parce qu'ils
pensent qu'il y a une pente glissante — on y reviendra — et
aussi que la déontologie médicale ne devrait pas permettre aux médecins
d'accomplir un tel acte euthanasique. De l'autre côté, il y a ceux qui sont
très, très, très pour, et leur argument, quasiment le seul et le principal, c'est
l'autonomie.
La loi sur les soins de fin de vie, <c'est
comme une...
Mme Marchand (Michèle) :
...
ne devrait pas permettre aux médecins d'accomplir un tel acte
euthanasique. De l'autre côté, il y a ceux qui sont très, très, très pour, et
leur argument, quasiment le seul et le principal, c'est l'autonomie.
La loi sur les soins de fin de vie, >c'est
comme une troisième voie. On a essayé, au Québec, de ne pas tomber dans cette
polarisation-là et d'aller vers une troisième voie. Pourquoi? Parce qu'on
savait bien que la mort naturelle, ce n'est plus naturel du tout. La majorité
des... Maintenant que la médecine a progressé et que l'espérance de vie augmente,
on sait très bien que la mort est rarement naturelle et qu'elle arrive après
une décision humaine. Donc, il faut savoir qui va décider, mais on fait déjà ça
couramment quand on arrête des traitements. On fait déjà ça, on a une
expérience, on a un encadrement légal, au niveau des soins, pour arrêter les
traitements.
• (10 h 10) •
Donc, on s'est dit : Pourquoi... et
ce sont les médecins qui ont lancé le débat au Québec : Pourquoi on
n'utiliserait pas la même philosophie, le même encadrement? Il n'y a pas eu de
dérapage tellement pour les arrêts de traitements, même pour les traitements
vitaux. Pourquoi on n'utiliserait pas la même chose pour l'euthanasie? On a voulu
considérer... On a proposé de considérer l'euthanasie comme un soin de dernier
recours pour les personnes en fin de vie. C'est pour ça que ça s'appelle l'aide
médicale à mourir. Ce n'est pas de l'aide à mourir pour des gens qui pourraient
vivre, c'est de l'aide médicale pour des gens qui sont déjà en train de mourir.
Donc, la loi sur les soins de fin de vie,
c'est une loi sur les soins de vie, et non seulement sur l'euthanasie,
contrairement à ce qu'il y a dans le Code criminel. Et ça veut dire que l'aide
médicale à mourir peut maintenant faire partie du continuum de soins, si on
respecte les trois critères. Les trois critères, là, on ne les a pas inventés,
hein? Le critère de fin de vie, il est déjà là dans tous les États américains
qui ont libéralisé le suicide assisté. Il faut un pronostic de moins de six
mois pour avoir droit au suicide assisté. Le critère de souffrance et d'aptitude
de consentir... Les deux autres critères, la souffrance, l'aptitude à
consentir, c'est dans tous les pays qui ont libéralisé... européens surtout,
les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, qui ont libéralisé l'euthanasie.
Donc, le modèle québécois, la Loi
concernant les soins de fin de vie, là, c'est une ouverture assez limitée. C'est
vrai, c'est une ouverture, mais c'est une ouverture assez limitée. Par rapport
à la majorité des pays qui n'ont aucune ouverture, qu'il y a une prohibition
totale, c'est une ouverture, mais c'est vrai qu'elle est limitée. C'est une
solution de compromis après des débats publics. C'est une solution de compromis
qui a été assez bien acceptée, même par les opposants qui étaient très, très
contre, qui a été tolérée et qui s'est implantée partout au Québec de façon... assez
bien, là. Ça fonctionne assez bien. Mais je me demande si on n'est pas victime
de notre succès, là, finalement.
Donc, ça a été assez bien <accepté,
sauf...
Mme Marchand (Michèle) :
...
même par les opposants qui étaient très, très contre, qui a été
tolérée et qui s'est implantée partout au Québec de façon... assez bien, là. Ça
fonctionne assez bien, mais je me demande si on n'est pas victime de notre
succès, là, finalement.
Donc, ça a été assez bien >accepté,
sauf par les partisans de l'autonomie, qui, eux autres, dès le départ,
voulaient une ouverture beaucoup plus large. Donc, ce qu'ils ont fait, ces
partisans-là, même au Québec, même les partisans du Québec ont contesté le
critère de fin de vie. Ils se sont appuyés sur l'arrêt Carter. C'est un détail,
là, mais ils se sont appuyés là-dessus pour contester le critère de fin de vie,
qui, pourtant, était au coeur de notre loi.
Eh bien, ils ont gagné. Ils ont gagné
parce que le critère de fin de vie a été considéré comme anticonstitutionnel à
l'encontre des droits protégés par la constitution, le droit à la vie... le
droit à la vie, à la sécurité et à l'égalité. Et ça a été considéré comme une
discrimination pour les personnes qui ne sont pas en fin de vie — comme
si ça constituait un groupe, là, je ne sais pas pourquoi ça constitue un
groupe — et que cette discrimination-là n'était pas justifiée parce
qu'on pouvait protéger les personnes vulnérables autrement qu'en leur... les
personnes qui sont... les personnes n'étant pas en fin de vie qui sont
vulnérables, je ne le sais pas trop, là, autrement qu'en les privant de ce
soin.
Moi, je vais vous expliquer, là, je vais
essayer de le faire rapidement, pourquoi le critère de fin de vie est important.
C'est assez simple, mais c'est tellement intuitif qu'on n'en a pas tellement
discuté. C'est qu'écourter la vie de quelqu'un qui est en train de mourir puis
arrêter la vie de quelqu'un qui pourrait vivre, théoriquement, c'est deux
actions qui n'ont même pas du tout le même poids moral. Pour écourter la vie
qui pourrait se poursuivre, là, pour arrêter la vie de quelqu'un, même si c'est
son désir, il faut que la souffrance soit pas mal forte pour qu'on accepte
qu'on en est rendu là, puis qu'on renonce à ce que la vie puisse se poursuivre,
et qu'on puisse aider encore la personne à vivre. Donc, la balance est
difficile à faire quand les gens sont déjà en fin de vie. Quand ils ne le sont
pas, là, c'est difficile, là. Il faut que la souffrance soit vraiment majeure
pour qu'on pense qu'on n'a pas d'autres moyens, là, qu'on est rendu au bout du
rouleau, là.
Quand les personnes sont en fin de vie, on
avait déjà les soins palliatifs. On savait... Les soins palliatifs n'étaient
peut-être pas aussi développés qu'on voulait, mais on savait quel processus, le
continuum à suivre et quand est-ce qu'on en venait à n'être plus capable de
soulager des gens, on le savait assez bien. Mais, pour le reste des gens qui ne
sont pas en fin de vie, quand est-ce qu'on va être sûr qu'on les a assez aidés
pour dire : Bon, bien là, je pense que c'est vrai qu'on ne peut plus rien
faire et que la meilleure solution, c'est de renoncer à la vie? Voyez-vous, c'est
pour ça que le critère de fin de vie était central dans ce <raisonnement-là...
Mme Marchand (Michèle) :
...
des gens qui ne sont pas en fin de vie, quand est-ce qu'on va être
sûr qu'on les a assez aidés pour dire : Bon, bien là, je pense que c'est
vrai qu'on ne peut plus rien faire et que la meilleure solution, c'est de
renoncer à la vie? Voyez-vous, c'est pour ça que le critère de fin de vie était
central dans ce >raisonnement-là.
C'est clair, là, je vais parler de... c'est
clair qu'en enlevant le critère de fin de vie on venait de saper la loi québécoise
à sa base, là. Je ne sais pas si c'était le but, mais, en tout cas, c'est ça
qui est arrivé. Et là on venait s'en remettre au Code criminel, qui lui aussi
devait être modifié, parce que le critère de fin de vie avait été mis dans la
loi C-14... dans le projet de loi C-14, en 2016.
Mais surtout, ce qu'on a fait en enlevant
le critère de fin de vie, là, c'est qu'on a ouvert une véritable boîte de
Pandore, parce que du monde qui souffre, là, et qui parfois aimerait mieux
mourir que souffrir, là, il y en a pas mal. Et les cas que vous avez... dont
vous discutez, là, les cas de malades... de problèmes de santé mentale ou de
démence, c'est deux exemples, mais il y en a plein, d'autres secteurs où les
gens souffrent, plein d'autres secteurs de soins où les gens souffrent et qui,
parfois, aimeraient mourir. Donc... et là, c'est comme s'il fallait régler ça
très rapidement parce que l'ouverture est déjà faite. La question qui se pose,
là, c'est : Comment on va faire ça, ouvrir si rapidement, alors que ça
nous a pris beaucoup de débats publics, beaucoup de temps pour s'organiser dans
le secteur assez limité, finalement, des soins de fin de vie?
Par contre, ce qu'il faut dire, c'est que
le projet de loi C-7 et les modifications qui ont été apportées au Code
criminel vont un peu dans le même sens. Ils ont gardé la distinction entre la
fin... la mort raisonnablement prévisible et la mort non raisonnablement
prévisible. Les critères qu'on exigeait dans la Loi concernant les soins de fin
de vie sont assez semblables à ceux qui ont été mis dans le Code criminel. Je
ne pense pas qu'il y ait d'incohérence majeure de ce côté-là, là.
Donc, le Code criminel semble aller dans
le même sens. Pourquoi il y aurait un problème? Le problème que je vois, là,
c'est que ce qu'on avait mis comme procédure et comme façon d'assurer les soins
palliatifs pour en arriver à ce soin... avant d'en arriver aux soins de
derniers recours, ça, là, ça a été mis comme des mesures de sauvegarde. Ça a
été mis comme des mesures de sauvegarde. Il me semble clair que des mesures de
sauvegarde, comme une deuxième opinion d'un psychiatre, un délai de
90 jours, ça ne peut pas remplacer tout le continuum de soins dont on a
besoin... qu'on a besoin de faire, là, dans lequel il faut passer à travers
avant d'arriver à une solution de dernier recours comme l'aide médicale à
mourir.
Et quand on regarde bien les modifications
qui ont été apportées au Code criminel et le projet de <loi C-7, là,
on...
Mme Marchand (Michèle) :
...
dont on a besoin... qu'on a besoin de faire, là, dans lequel il faut
passer à travers avant d'arriver à une solution de dernier recours comme l'aide
médicale à mourir.
Et quand on regarde bien les
modifications qui ont été apportées au
Code criminel et le projet de >loi C-7,
là, on rend se compte qu'ils n'ont pas mis seulement des mesures de contrôle,
ils ont mis aussi ce qu'ils appellent un examen parlementaire, qui, lui... Ils
savent bien qu'on ne pas se fier juste à mesures administratives comme des
délais. Eux autres, là, ils ont comme mandat de regarder les protocoles de
soins, l'organisation des soins palliatifs, la prise en charge de la maladie
mentale au niveau canadien.
À mon avis, là, on s'en va tout droit vers
des normes nationales par le biais du Code criminel, qui est censé gérer l'aide
médicale à mourir. On s'en vient vers des normes de soins nationales. Bon,
est-ce qu'il faut y voir un problème? Je ne veux pas en faire un problème, là,
fédéral-provincial, là. Dans le fond, quand on a dit qu'on ouvrait à l'aide
médicale à mourir, on a joué dans le champ du fédéral. Mais il y a quand même
un problème là, parce qu'en général on organise nous-mêmes notre système de
soins, et on a la régulation de nos pratiques professionnelles, et on ne fait
pas ça comme dans le reste du Canada, et, en général, je pense que ça marche
assez bien.
• (10 h 20) •
Alors, qu'est-ce qu'on fait? Moi, je pense
qu'il y a trois scénarios possibles. Je vais en venir à vos questions
pointues, mais avant, je pense que je veux... je pense qu'il y a
trois scénarios possibles. Je pense qu'il faut absolument garder nos
acquis dans le domaine des soins de fin de vie. Moi, je pense que la Loi
concernant les soins de fin de vie, là, il faut la garder. Il faut éviter de la
tuer en essayant de toutes rentrer les autres considérations. Il faut la garder
pour les soins de fin de vie, c'est ça qu'elle était. Il faut lui apporter,
selon moi, des modifications mineures pour ne pas venir en contradiction avec
le Code criminel, mais je pense que c'est tout à fait possible. Et je pense
qu'il faut aller de l'avant, comme on voulait aller pour... comme on voulait
aller et comme le groupe d'experts sur l'inaptitude voulait, ouvrir,
possiblement, une demande anticipée d'aide médicale à mourir, rester dans ce
champ de... parce que, là, c'est envisageable quand le critère de fin de vie
est là, mais ça ne l'est pas nécessairement quand il n'est plus là.
Le deuxième scénario, c'est que, si on
garde cette loi-là, bien, il faut quand même s'occuper de ce qui, de facto, est
ouvert. Et je pense qu'il faut travailler avec Ottawa. Je pense qu'on n'a pas
nécessairement intérêt à faire la chaise vide, là, mais en gardant tout à fait
le contrôle de nos pratiques professionnelles et de notre organisation des
soins. Là, là, ça veut dire qu'il faudrait très rapidement avoir vraiment un
plan pour la maladie mentale, par exemple, ou pour la prise en charge des
personnes qui ont des troubles cognitifs, rapidement, avoir un plan qui n'est
pas nécessairement une loi, où là l'aide médicale à mourir <pourrait
s'inscrire...
Mme Marchand (Michèle) :
...
des soins. Là, là, ça veut dire qu'il faudrait très rapidement avoir
vraiment un plan pour la maladie mentale, par exemple, ou pour la prise en
charge des personnes qui ont des troubles cognitifs, rapidement, avoir un plan
qui n'est pas nécessairement une loi, où là l'aide médicale à mourir >pourrait
s'inscrire, mais qui... comme soin de dernier recours, et non comme une entité
qui flotte, là, et que ça nous prend juste des mesures de sauvegarde, là, et
que ça va bien aller.
Ça, là, c'est un projet de société, mais c'est
un projet qui est très ambitieux. Je ne sais pas si c'est ça qu'on va faire.
Et, dans l'immédiat, il faut faire attention, parce que, là, c'est ouvert de
facto, et il faut au moins s'organiser pour que les critères qui sont dans le Code
criminel et les pratiques professionnelles soient... les critères soient
respectés et que les bonnes pratiques aussi soient respectées. Je pense qu'il
va y avoir beaucoup de personnes éligibles, et il faut absolument s'organiser
dans l'immédiat pour ne pas que ça dérape.
Le troisième scénario... j'achève. Le
troisième scénario, c'est qu'on pourrait se dire qu'on va, de toute façon, vers
une ouverture de plus en plus large. Alors, je pense qu'il serait plus réaliste
de se donner un modèle complètement différent, qui ressemble au modèle suisse,
qui, là, s'adresse seulement aux personnes aptes et qui privilégie le suicide
assisté, qui fait ça en marge du système de soins et avec une contribution des
médecins qui est minimale. Ça, c'est le modèle suisse. Eux autres, ils ont une
longue histoire avec le suicide. Nous autres, on en a une qui n'est pas longue,
mais qui n'est pas drôle non plus, et c'est ça.
Ça fait que je pense qu'il faut souhaiter
que le débat public nous permette de dire où les Québécois veulent aller
exactement. Est-ce qu'ils veulent aller vers un modèle de plus en plus libéral
comme ça ou s'ils veulent aller... s'ils veulent continuer dans le sens de la
Loi concernant les soins de fin de vie? Est-ce qu'il me reste un peu de temps?
La Présidente (Mme Guillemette) :
On peut continuer les échanges avec les discussions des collègues, si vous
voulez.
Mme Marchand (Michèle) : Oui,
oui, parce que je pense que, dans chaque scénario, on peut voir comment on
répond à vos deux questions pointues, celle des maladies mentales et celle des...
J'aurais aimé mieux le dire, mais peut-être je vais le dire en répondant à vos
questions.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Sûrement que la question va vous être posée, Dre Marchand. Donc, je
céderais la parole à la députée de Joliette.
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour, Dre Marchand. C'est un plaisir de vous entendre. Je suis très
heureuse qu'on vous ait invitée parce que vous amenez le débat dans une
perspective beaucoup plus large qu'on n'a pas entendue jusqu'à maintenant.
Donc, votre connaissance de tout le dossier est évidente. Écoutez, j'ai très
peu de temps, et j'aurais des tonnes de questions. J'ai
4 min 30 s.
Donc, je voulais savoir... d'abord, si on
prend la question des troubles mentaux, je comprends exactement ce que vous
dites, là, parce qu'effectivement on est forcés de faire ces réflexions-là
parce que le critère de fin de vie a sauté via les tribunaux. Et donc je veux
donc vous entendre <sur la question...
Mme
Hivon
: ...
d'abord,
si on prend la question des troubles mentaux, je comprends exactement ce que
vous dites, là, parce qu'effectivement on est forcés de faire ces réflexions-là
parce que le critère de fin de vie a sauté via les tribunaux. Et donc je veux
donc vous entendre >sur la question des troubles mentaux, parce que vous
nous amenez toute la question de, oui, l'autonomie, mais il y a d'autres
valeurs aussi, puis que, comme société, il faut voir comment on fait
l'équilibre. Vous êtes consciente, donc, que ce critère-là, bien sûr, a sauté.
Donc, si on jugeait que, compte tenu de l'ensemble des éléments dans le
dossier, les troubles mentaux ne peuvent pas, comme ça, être intégrés, pour
vous, quelles seraient les justifications possibles pour dire qu'on fait une
distinction entre les maladies physiques et les maladies mentales?
Et je vous pose tout de suite ma deuxième
question, qui est toute autre, c'est sur... vu que vous avez beaucoup, beaucoup
réfléchi, là, c'est sur la question de la demande anticipée. Puis vous, ce que
vous nous dites, c'est que, dans le fond, elle, elle cadre vraiment déjà avec
la philosophie de notre loi, parce que c'est juste une question, dans le fond,
de prévoir de manière anticipée. Comment on évalue, dans une telle
circonstance, le respect du critère de la souffrance?
Mme Marchand (Michèle) : Oui,
je vais répondre... je vais essayer de vous répondre rapidement. C'était exactement...
Si j'avais eu le temps, j'aurais fait ça. La distinction entre la maladie
physique et la maladie mentale, on ne l'a jamais faite. Dans la Loi concernant
les soins de fin de vie, on prend en compte la souffrance psychique aussi bien...
et existentielle aussi bien que la maladie physique, et je pense qu'il faut
continuer dans ce sens-là. Ce qui est difficile avec la maladie mentale, là, il
y a deux difficultés, et je pense que tout le monde s'entend pour dire qu'il y
a vraiment deux... il y a trois difficultés, finalement.
La première, là, c'est que ça prend un
suivi à très long terme pour être capable d'évaluer l'aptitude et la
souffrance. C'est fluctuant, dans une maladie mentale, ce n'est pas comme...
Puis là on n'est plus dans une période donnée, là, on est dans une grande
période. On n'est plus en fin de vie, on est au cours de la vie, et ça prend un
suivi très prolongé pour pouvoir bien évaluer ça. Ce n'est pas vrai que
quelqu'un va être capable d'évaluer ça à un moment donné et ce n'est pas vrai
qu'un patient prend des décisions... quand il prend cette décision-là, qu'on
peut l'évaluer là, là. Ce n'est pas vrai, ça. Donc, ça prend... Donc, ce n'est
pas vrai pour la souffrance et ce n'est pas vrai pour l'aptitude. Donc, c'est
ça qui fait un grand... qui pose problème aux psychiatres. Il y a des
psychiatres qui pensent qu'on peut quand même le faire et qu'il va finir par y avoir
des cas qu'on va juger réfractaires et qui devraient y avoir droit. Il y a en
d'autres qui disent qu'on ne peut jamais abandonner.
Et la troisième difficulté, c'est que ça
prend un suivi pas juste pour être capable d'évaluer, ça prend un suivi pour aider
le monde à vivre. Et là on sait que la maladie mentale est l'enfant pauvre de
notre système de soins. Donc, il faut se donner... il faut rendre les soins
accessibles, il faut être capable de prendre en charge ces patients-là avant
qu'ils en viennent à la décision de choisir de mourir. Comprenez-vous? Et c'est
ça qui est difficile. On ne peut pas se donner ça en un tournemain. Mais c'est
quand même comme ça qu'il faut réfléchir le problème, <comme on a
réfléchi...
Mme Marchand (Michèle) :
...il faut se donner... il faut rendre les soins accessibles, il faut être
capable de prendre en charge ces patients-là avant qu'ils en viennent à la
décision de choisir de mourir. Comprenez-vous? Et c'est ça qui est difficile.
On ne peut pas se donner ça en un tournemain. Mais c'est quand même comme ça
qu'il faut réfléchir le problème, >comme on a réfléchi les soins de fin
de vie.
On ne va pas apporter l'aide médicale à
mourir... Le modèle suisse, là, c'est qu'on apporte l'aide médicale à mourir,
bang, puis là c'est ça. Et c'est du suicide assisté aussi, là, parce que les
soignants, là, répugnent à proposer l'aide médicale à mourir à moins d'avoir
essayé tout le continuum de soins, qui ne sont pas juste des soins médicaux. C'est
du soutien social, c'est... Comprenez-vous?
Il y a toute une job de société à faire,
là, avant de penser que la mort est la meilleure solution, et c'est pour ça
qu'il faut intégrer ça dans un plan. Ce n'est peut-être pas dans une loi, comme
on a fait pour les soins de fin de vie, mais, dans notre plan de maladie... bien,
pour le soutien à la maladie mentale, là, eh bien, il faut voir où va se situer...
mais à mon avis, c'est en dernier recours. Et ça, il faut prévoir, il faut être
capable d'assumer... d'assurer l'accessibilité aux soins, il faut être capable
de le faire, sinon, ça va être un désastre. Comprenez-vous, là, un peu mon
idée? Je pense que c'est ça, le principal problème avec la maladie mentale.
Si on en vient aux demandes anticipées
maintenant, là, il faut voir que les demandes anticipées, là, ça touche juste
une catégorie de personnes inaptes, hein? C'est des personnes qui ont déjà... bon,
mais dont on sait... et c'est vrai que ça touche surtout les patients déments,
là, qui sont atteints de démence, là, qui ont des troubles neurocognitifs, et
c'est vrai que c'est beaucoup de monde, et c'est vrai que c'est inquiétant, et
c'est vrai qu'il faut trouver une réponse. Mais la réponse, là, ce n'est pas
juste d'ouvrir à l'aide médicale à mourir. C'est la même chose que pour la
maladie mentale, il faut se donner un plan. Il faut se donner un plan. Tu sais,
il y a du monde, là, ils ne veulent pas aller en CHSLD, ils veulent mourir.
Donc, il faut s'assurer que les soins, dont les CHSLD font partie, les soins à
domicile, les soins... tout ça, sont adéquats avant, sinon, les gens vont aller
direct là, et c'est ça que les gens craignent avec les demandes anticipées.
Bon, si je viens à votre question plus
pointue, évaluer la souffrance, ça veut dire que, quand on... mettons, les
directives médicales anticipées, si le critère de fin de vie est là, comme dans
mon premier scénario, on garde notre soin en fin de vie, moi, je pense qu'on
peut tout à fait imaginer ça. Et c'est ça que le groupe d'experts propose, mais
la fin de vie est là. On sait que ça va être applicable seulement en fin de
vie. S'il n'y a plus le critère de fin de vie, bien là, il reste juste la
souffrance. Et là le discours, là, c'est que la souffrance est complètement
subjective, là, hein? À mon avis, là, ce n'est pas vrai, là, on ne peut pas
faire une politique publique comme ça, de dire : Là, vous allez
déterminer, dans vos directives médicales... dans vos demandes, à quel moment
vous trouvez que la souffrance est trop grande. On ne peut pas faire ça. Les
critères sont déjà... Il faut avoir quelque chose d'objectif, là.
• (9 h 30) •
Je pense qu'en démence, il y a quand même
des stades d'évolution. Contrairement à la maladie mentale, il y a des stades
d'évolution qui sont bien connus, qui, habituellement, se confirment, et là on
pourrait jouer... on pourrait avoir des moyens objectifs de dire, là : Je
pense que, maintenant, ça s'applique. Donc, ce n'est pas exclu, mais il faut
faire bien attention. Et c'est hors de question que <chacun décide de sa
mort...
>
9 h 30 (version révisée)
<
Mme Marchand
(Michèle) :
...maladie mentale, il y a des stades d'évolution
qui sont bien connus qui, habituellement, se confirment. Et là on pourrait
jouer... on pourrait avoir des moyens objectifs de dire : Là, je pense que,
maintenant, ça s'applique. Donc, ce n'est pas exclu, mais il faut faire bien
attention.
Et c'est hors de question que >chacun
décide de sa mort, là. Si chacun veut décider de sa mort, c'est pour ça qu'il
faut aller vers le suicide médicalement... le suicide assisté, là, parce que,
là, c'est un autre enjeu, là, c'est complètement un autre enjeu. Mais, si on
veut faire un encadrement de l'euthanasie, il faut vraiment avoir des critères
le moindrement objectifs.
La deuxième chose, je pense que ça ne peut
pas être contraignant. Ça ne peut pas être contraignant, parce que, bien, il
n'y a aucune demande qui est contraignante, on le dit, là. Les refus de soins
sont contraignants, c'est ça qu'on a mis dans les DMA. D'ailleurs, je pense que
les DMA devraient... on devrait revoir la rédaction des DMA pour que ce soit
fait avec l'équipe de soins, avec les proches. De cette façon-là, on pourrait peut-être
étendre un peu les situations et les soins, là, les situations qui pourraient
être touchées par des DMA. D'ailleurs, il ne faut pas oublier les DMA, parce
que ce n'est pas tout le monde qui va avoir accès à l'aide médicale à mourir,
et il faut qu'ils aient accès à d'autres façons s'ils veulent que leur vie ne
se prolonge pas, là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup.
Mme Marchand (Michèle) : Personne
ne veut parler des arrêts de boire et manger, mais il faut en parler.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dre Marchand.
Mme Hivon : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Je céderais maintenant la parole à la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, Mme la Présidente. Bonjour, tout le monde. Bonjour, Dre Marchand.
Merci d'être avec nous ce matin. C'est fort intéressant, vous écouter. Honnêtement,
vous amenez... comme le disait ma collègue de Joliette, vous amenez une
perspective aussi qui est très différente de ce qu'on a entendu jusqu'à
maintenant. Puis ce que je retiens, puis c'est vrai que ça nous amène dans un...
bien, ça doit être aussi l'aspect... Je trouve ça intéressant, c'est l'aspect
philosophique et médical en même temps. Mais vous nous amenez vraiment dans un
débat où vous soulignez la différence fondamentale entre le fait d'écourter
l'agonie chez quelqu'un, la souffrance chez quelqu'un, versus provoquer la mort.
Je pense que c'est un peu là-dessus que vous... tu sais, provoquer la mort chez
quelqu'un qui veut mourir mais qui n'est pas en fin de vie.
Et là je pense que ça nous amène beaucoup
dans nos réflexions de, justement, la souffrance versus la fin de vie, versus
comment c'est exprimé chez quelqu'un qui fait de la démence. Puis j'aimerais ça
vous entendre davantage là-dessus, parce que moi, j'ai encore beaucoup de
questionnements sur... justement, sur l'aspect, je veux dire, peut-être un
petit plus philosophique. Puis c'est pour ça que je suis contente que vous
soyez là ce matin.
Le groupe d'experts l'avait bien dit,
hein, la maladie neurodégénérative ne devrait pas priver quelqu'un du droit de
choisir une fin de vie qui est conforme à ses valeurs. Et ils parlaient
vraiment de valeurs, notamment, là, c'est bien la formulation qui avait été
utilisée. Puis tout l'enjeu, <vous l'avez un peu souligné, que...
Mme Montpetit : ...
maladie
neurodégénérative ne devrait pas priver quelqu'un du droit de choisir une fin
de vie qui est conforme à ses valeurs. Et ils parlaient vraiment de valeurs,
notamment, là, c'est bien la formulation qui avait été utilisée. Puis tout
l'enjeu, >vous l'avez un peu souligné, que l'aspect de la souffrance
pour quelqu'un qui est en situation de démence, il peut quand même être
subjectif. Oui, vous nous avez dit : Il y a des critères assez définis, mais,
encore là, dans les experts qu'on a vus, puis on verra comme on avancera dans
les prochaines consultations qu'on fera, mais il y a encore une certaine
ambiguïté sur est-ce que c'est si clair que ça, la souffrance de quelqu'un qui
est dans une situation de dégénérescence neurocognitive, sa souffrance
psychologique, entre autres, au-delà de la souffrance physique.
Donc, j'aimerais ça vous entendre sur ce
concept-là de souffrance versus d'est-ce que quelqu'un pourrait faire une
demande sur... davantage sur ses valeurs, sur la volonté, bien, d'une mort dans
la dignité, sans le critère de la souffrance.
Mme Marchand (Michèle) : Bien,
je pense qu'on ne pourra pas enlever le critère de la souffrance, là. Ce qui se
pose, c'est le caractère très subjectif de cette souffrance-là. Moi, je ne
doute aucunement que les gens, même si on ne considère pas ça de la souffrance,
n'apprécient pas la vie des derniers stades de la démence. Ce n'est pas
considéré comme de la souffrance, mais je pense que... je comprends très bien
que quelqu'un aimerait mieux écourter sa vie... par anticipation surtout,
écourter sa vie que de vouloir vivre ça.
Et c'est pour ça que je n'exclus pas le
troisième scénario, où là il faudrait envisager comme un suicide assisté, parce
que, là, il faudrait que ça soit... Là, là, c'est la décision de la personne
qui décide qu'elle n'en peut plus, et là on n'est plus tellement dans un soin, là.
Comprenez-vous? On n'est plus tellement dans un soin, on est dans un choix de
fin de vie, on est dans un choix de choisir sa mort. Mais ça n'a jamais été
l'optique qu'on a pris quand on a mis ça dans le domaine des soins. Et je doute
qu'on puisse dire que quelqu'un qui ne veut pas vivre ça... par exemple,
Mme Demontigny, là, qu'on va prendre au Dr Poirier, là, je doute
qu'on puisse intégrer ça dans un système de soins. En tout cas, moi, il
faudrait que je sois bien, bien sûre qu'il y a eu une très, très bonne prise en
charge pour prendre sur ma conscience professionnelle d'écourter la vie de
quelqu'un qui ne veut pas se rendre jusqu'au dernier stade de la démence, là.
Je peux comprendre, et, comme société, on
pourrait penser... mais là je pense qu'on se rapproche vraiment, vraiment du suicide
assisté, où il faut que ça soit la personne apte elle-même qui prend cette
décision-là, qui le fait et que, là, ce n'est pas du tout une décision de
soins, c'est une... là, c'est une décision de vie, de choix de vie.
Et c'est pour ça que le troisième scénario,
<d'aller plutôt vers...
Mme Marchand (Michèle) :
...
du suicide assisté, où il faut que ça soit la personne apte elle-même
qui prend cette décision-là, qui le fait et que, là, ce n'est pas du tout une
décision de soins, c'est une... là, c'est une décision de vie, de choix de vie.
Et c'est pour ça que le troisième
scénario, >d'aller plutôt vers le suicide assisté, je ne pense pas qu'il
faut l'exclure. Mais je ne pense pas qu'on peut faire ça comme on a fait pour
les soins de vie, où là tout le monde était prêt à contribuer. C'était un
projet, et tout le monde a voulu contribuer à ça. Mais mettre fin... Là, pense
que les gens seraient peut-être prêts à contribuer à une meilleure prise en
charge des gens qui ont des troubles neurocognitifs, mais je ne pense pas qu'on
est rendus à vouloir régler le problème... C'est un problème immense, hein, et
je ne pense pas qu'on veuille le régler par l'euthanasie.
Peut-être qu'on peut permettre le suicide
assisté. C'est vers ça que le Code criminel, d'ailleurs, penche. Le suicide
assisté est là, mais là je pense qu'à ce moment-là il va y avoir une contribution
minimale de la profession médicale. Il y a sûrement des médecins qui sont prêts
à le faire, on en a entendu, mais c'est une contribution minimale de la
profession médicale et une intégration minimale dans notre système de soins,
parce que, là, ça devient de moins en moins une chose qui se justifie par les
soins... par le biais des soins. Comprenez-vous?
C'est le modèle... En fait, là, je ne
pense plus qu'on est dans le modèle... D'ailleurs, là, aux Pays-Bas, là... il y
a juste les Pays-Bas, hein, qui permet les directives médicales anticipées. Ça
ne se fait quasiment pas, parce que les médecins veulent difficilement
contribuer. On a peur. Écourter... pas écourter la vie, mais cesser la vie
d'une personne qui ne peut plus nous dire, là, si elle est d'accord, là, tout
le monde a peur de ça. Et dans toutes les instances où ça a été permis... Ce
n'est pas pour rien qu'ils ont mis le suicide assisté aux États-Unis, hein, c'est
parce que les médecins ne voulaient pas rentrer là-dedans. Ils ne veulent même
pas rentrer en fin de vie, là, ça fait qu'ils ne rentreront pas dans le fait
d'écourter la vie de quelqu'un qui a fait une demande il y a longtemps, sans
pouvoir vérifier que ce n'est pas contre son gré.
Et c'est pour ça, je n'exclus pas, moi,
ça, là, mais ça, c'est une tout autre chose. Et je pense qu'il faut
s'inspirer... il faut garder notre loi sur les soins de fin de vie, il faut
s'en inspirer le plus qu'on peut. Mais quand on en fait un choix comme ça, là,
je pense que c'est plutôt du suicide assisté. Comprenez-vous un petit peu la
différence que je veux faire?
Mme Montpetit : Non, non, je
comprends très bien. Ce n'est pas une question simple, hein, donc, c'est...
vous l'évoquez bien. C'est peut-être simpliste comme...
Mme Marchand (Michèle) : Mais
est-ce que j'ai répondu, minimalement, à votre question ou...
Mme Montpetit : Ah! absolument,
absolument. Mais j'aurais une... Quand vous dites, justement : Vous ne
seriez pas capable de le faire, comme professionnelle, c'est peut-être
simpliste, comme question, mais juste pour bien comprendre, c'est une question
de valeurs ou c'est une question déontologique, dans votre... comme médecin?
Mme Marchand (Michèle) :
Bien, moi, je pense, là, c'est une décision de politique publique. Je pense
qu'on ne devrait pas mandater les médecins pour faire... qu'on ne devrait pas
compter sur la profession médicale, un, pour le faire, et, deux, pour
l'encadrer, parce que, là, <ce n'est plus une...
Mme Marchand (Michèle) :
...c'est une décision de
politique publique. Je pense qu'on ne devrait
pas mandater les médecins pour faire... qu'on ne devrait pas compter sur la
profession médicale, un, pour le faire, et, deux, pour l'encadrer, parce que,
là, >ce n'est plus une décision qui demande une... C'est une décision de
politique publique, d'ouvrir au suicide assisté, ce n'est plus une... ce n'est
plus... Et d'ailleurs, ça se fait en marge du système de soins, ce qui pose un
immense problème ensuite, parce que les gens sont obligés de sortir des
institutions, nous autres... ils sont obligés de sortir des institutions
publiques pour aller réclamer le suicide assisté dans une instance extérieure
au système de soins.
• (9 h 40) •
Mme Montpetit : O.K., parfait.
Toujours sur la question de la démence, est-ce que je comprends que quelqu'un
qui serait en... J'essaie juste de voir aussi le... Vous n'excluez pas,
justement, toute la question du critère de fin de vie, de... Donc, à partir de
quel... Tu sais, j'imagine que vous avez été en contact... vous n'avez pas fait
de soins palliatifs, là, vous nous l'avez bien mentionné, mais vous avez été en
contact avec des gens qui font de la démence. Puis, encore là, j'aimerais ça
vous entendre sur la souffrance physique versus la souffrance psychologique.
Est-ce qu'on est... Est-ce qu'un médecin
qui est en relation avec un patient qui a une démence, une dégénérescence
neurocognitive, il est capable d'évaluer... parce qu'on nous a parlé,
justement, des stades plus sur la souffrance physique. Mais est-ce que la
souffrance psychologique, justement, qui est peut-être reliée, notamment, à la
détresse, au fait de ne pas reconnaître ses proches, au fait de la perte de
dignité, est-ce que cette souffrance psychologique là, il est possible de
l'évaluer pour un médecin?
Mme Marchand (Michèle) : Je
ne sais pas, là, ça dépasse mon champ de compétence, là. Je ne sais pas. Je ne
suis pas capable de vous dire ça. Je ne sais pas, ça dépasse mon champ de
compétence. Mais vous avez entendu des opinions contradictoires, hein, le Dr
Carrier, je pense, qui vous disait que c'est possible, là, et Dr Poirier qui
vous disait que ce n'est pas une souffrance comme les autres, et c'est plutôt
être dans un état plutôt second. Bon, je ne le sais pas.
Mais je pense que, de toute façon, c'est
dur d'évaluer ça selon des critères de souffrance comme on en utilise dans les
autres soins. Et je ne suis pas sûre qu'on est dans une affaire de soins, là, et
je pense que c'est plutôt une décision de dire : Est-ce que les gens ont
le droit de décider du moment de leur mort? Mais, s'ils ont le droit de décider
du moment de leur mort, sans que ce soit intégré dans un continuum de soins, eh
bien, là, on est dans... on est plutôt dans du suicide assisté.
Mais je pense qu'on pourrait faire les
deux. Je pense... Peut-être qu'il faut deux régimes qui vont... peut-être qu'il
faut tout ça, peut-être qu'il ne faut pas en exclure. Je ne pense pas qu'il
faut mettre le modèle suisse, là, pour tout le monde, là, hein? On fait déjà de
l'euthanasie en fin de vie, et je pense qu'on pourrait... si c'est possible,
qu'on en fasse aussi pour les gens qui ont des maladies mentales et qui sont
des cas très réfractaires. Ça se pourrait qu'on en fasse pour des gens qui sont
handicapés et... Comprenez-vous, là? <Ça se pourrait qu'on...
Mme Marchand (Michèle) :
...
pense pas qu'il faut mettre le modèle suisse, là, pour tout le monde,
là, hein? On fait déjà de l'euthanasie en fin de vie, et je pense qu'on
pourrait... si c'est possible, qu'on en fasse aussi pour les gens qui ont des
maladies mentales et qui sont des cas très réfractaires. Ça se pourrait qu'on
en fasse pour des gens qui sont handicapés et... Comprenez-vous, là? >Ça
se pourrait qu'on en fasse pour des gens qui sont handicapés et...
Comprenez-vous, là? Ça se pourrait que ce soit dans un continuum de soins sur plusieurs
secteurs de souffrance, on va dire, là. Mais, je pense, quand on en vient à des
jugements comme : Moi, je ne veux pas vivre ça, là, on est plutôt...
Moi, je ne veux pas qu'on laisse les gens
se suicider tout seuls, hein? Ce n'est pas ça, l'idée, là. D'ailleurs, je suis
une partisane, moi, des arrêts de traitements, des arrêts de boire et manger.
Je pense qu'il... c'est une avenue qui a l'air cruelle, mais qu'il faudrait
envisager, là, parce qu'on veut aider ces gens-là. Les gens qui ne veulent plus
vivre, là, on ve veut pas non plus les laisser se suicider dans leur cabanon,
là. Donc, on veut les aider, mais c'est difficile à intégrer dans un système de
soins, et, à la limite, il faut mettre ça comme un peu en marge, je pense, du
système de soins, quand on en vient à des choix complètement personnels, là, complètement
personnels, qui ne cadrent pas avec le continuum de soins qu'on essaie de
donner, là. D'ailleurs, ces gens-là ne veulent pas toujours rentrer dans un
continuum de soins, hein? Puis je les comprends, des fois, parce qu'ils ne
veulent pas finir leur vie en CHSLD.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Dre Marchand. Donc, je passerais la parole au député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme
la Présidente. Merci, Mme Marchand, de votre contribution lumineuse à nos
travaux. Je pense que votre présentation a la grande vertu de nous rappeler
quelle est la logique, l'économie générale de la législation québécoise en
matière d'aide médicale à mourir. Et, personnellement, ça me permet de
positionner les différentes contributions qu'on a reçues depuis le début de la
commission sur une espèce de carte, là, des différentes conceptions.
J'aimerais revenir avec vous sur la... Vous
avez identifié trois enjeux, là, sur la question de l'ouverture potentielle de
l'aide médicale à mourir aux gens souffrant de troubles mentaux sévères. Puis
la deuxième difficulté que vous avez indiquée, si j'ai bien capté, c'est la
notion d'incurabilité ou non du trouble de santé mentale.
Depuis le début de la commission, il y a
des psychiatres qui sont venus nous dire les deux choses : certains qu'il
y a toujours de l'espoir et que, donc, par définition, c'est antithétique que
de parler d'un trouble de santé mentale incurable, et d'autres qui nous ont dit :
Non, après un certain temps, un certain suivi, on peut avoir un degré
raisonnable de certitude que la personne est arrivée au bout des traitements.
Comme législateurs, là, si on décidait de rester à l'intérieur de la logique de
la loi québécoise actuelle, comment trancher cette <question-là...
M. Nadeau-Dubois : ...
au
bout des traitements. Comme législateurs, là, si on décidait de rester à
l'intérieur de la logique de la loi québécoise actuelle, comment trancher cette
>question-là? Voilà, comment trancher cette question-là? J'avoue que, personnellement,
ça me rend perplexe.
Mme Marchand (Michèle) : Je
vais vous répondre un peu à côté, mais je veux vous dire que c'est à peu près la
même chose qui s'est passée avec les soins palliatifs. Comprenez-vous? Il y
avait des gens... Quand on voulait ouvrir aux personnes en fin de vie, et
c'étaient les gens qui s'occupaient des soins palliatifs qui étaient comme les
experts de ce secteur, et c'est... beaucoup de gens étaient extrêmement
réticents, parce qu'ils disaient : Il y a toujours quelque chose à faire,
il y a même une expérience positive dans la fin de vie. Et je pense que ce
qu'on a fait, finalement, là, c'est qu'on n'a pas tranché carré. Comprenez-vous?
On n'a pas tranché, justement, là, on a permis qu'il y ait des gens qui pensent
qu'il y a toujours quelque chose à faire et d'autres qui pensent qu'on peut
arriver à certaines situations exceptionnelles, bien, on a dit... où ce serait
envisageable.
Bien, on a dit, là : O.K., il y en a
qui ne le feront jamais et qui pensent qu'on pourra toujours faire quelque
chose, mais faisons minimalement quelque chose, par exemple, pour que ceux qui
veulent le faire en fin de vie le... pas en fin de vie, mais in extremis, comme
dernier recours, le fassent en dernier recours. Et là tout le monde est capable
d'accepter ça et tout le monde est capable, je veux dire... Bien, tout le monde
n'est pas content, là, mais c'est un compromis acceptable, même pour les gens
qui pensent qu'on peut toujours offrir quelque chose. Ils vont continuer de
toujours offrir quelque chose, mais ça va être possible pour certains de
dire : Moi, je pense qu'on est arrivés là, là, et ça ne sera pas interdit
comme ce l'était avant, et ça va même...
Mais ça ne veut pas dire que ça va être
encouragé de faire ça très précocement ou obligé pour tout le monde de le
faire. Ce n'est pas parce que quelque chose devient permis... Écoutez, ce
n'était pas permis avant, là, l'aide médicale à mourir. Ce n'est pas parce que
quelque chose devient permis que c'est la plus... la chose la plus appropriée à
faire, là. Je pense qu'il faut garder en tête que c'est un soin de dernier
recours. Et ça nous donne une charge sociale vraiment lourde, parce que, si c'est
un dernier recours, il faut que les premiers recours soient corrects, là.
Comprenez-vous? Et ça, je pense qu'on peut faire un certain compromis, même
pour des soignants ou des gens qui, au départ, étaient très... avaient des
opinions très polarisées. Vous comprenez un peu le...
M. Nadeau-Dubois : Oui, tout à
fait, tout à fait. Qu'est-ce que vous répondez... Parce que votre troisième
difficulté que vous avez indiquée, sur cette question-là, c'est la question de
l'insuffisance des soins à l'heure actuelle. Vous avez dit : La santé
mentale, c'est le parent pauvre de notre système de santé. À cet argument-là,
beaucoup d'experts à la commission ont répondu : C'est un faux dilemme, on
peut faire les deux. On pourrait ouvrir à l'aide médicale à mourir pour les
troubles de santé mentale sévères et, en même temps travailler, comme société, <sur
l'amélioration...
M. Nadeau-Dubois : ...
système
de santé. À cet argument-là, beaucoup d'experts à la commission ont
répondu : C'est un faux dilemme, on peut faire les deux. On pourrait
ouvrir à l'aide médicale à mourir pour les troubles de santé mentale sévères et,
en même temps, travailler, comme société, >sur l'amélioration significative
des soins en santé mentale. Qu'est-ce que vous pensez, vous, de cet
argument-là?
Mme Marchand (Michèle) : Moi,
je pense que c'est vrai. C'est ça qu'on a fait avec les soins palliatifs, on
n'a pas attendu que le réseau des soins palliatifs soit parfait. Les soins
palliatifs, là, c'est loin d'être parfait, hein? C'est loin d'être parfait, mais
il faut travailler sur les deux plans en même temps. Et c'est pour ça qu'on a
une loi sur les soins de fin de vie et non une loi sur l'aide médicale à mourir.
D'ailleurs, c'est ça que le fédéral veut faire, par la voie de l'aide médicale
à mourir, il veut rentrer dans l'organisation des soins. Comprenez-vous? Nous
autres, on a fait le processus inverse, on a essayé d'intégrer l'aide médicale
à mourir dans un continuum de soins. Je pense que c'est plus intelligent. Bien,
en tout cas, pas plus intelligent parce que c'est une autre façon de porter ça,
là, mais...
Et puis je pense qu'il faut faire la même
chose pour les autres types de problèmes. C'est beaucoup plus difficile pour la
démence, me semble-t-il, que pour les maladies mentales, mais je pense que ce
n'est pas impossible de maintenir les deux positions et de faire une espèce
de... C'est un compromis, finalement, où ces deux positions-là sont capables de
vivre ensemble, à condition qu'entre les deux positions il y ait quelque chose,
comprenez-vous, il y ait quelque chose comme prise en charge. Et ça, c'est un
gros... c'est un projet très ambitieux de vouloir qu'il y ait quelque chose
entre les deux pour une société.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député. Merci beaucoup, Dre Marchand. Je passerais maintenant
la parole à la députée d'Abitibi-Ouest.
• (9 h 50) •
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci
beaucoup, Mme Marchand. Très intéressant. Moi, j'aimerais que vous parliez
de l'aide médicale à mourir via la sédation palliative, parce qu'on sait que,
dans la population et sur certains camps médicaux, c'est flou. Alors,
j'aimerais vous entendre sur ce point-là. Et le deuxième point, c'est que, si
la sédation palliative serait plus connue, pensez-vous qu'on aurait moins de
demandes d'aide médicale à mourir... de demandes, excusez-moi, de soins de vie?
Mme Marchand (Michèle) : Oui,
je suis très contente de votre question parce qu'effectivement... Bon, je veux
répondre à ça avec beaucoup d'enthousiasme, là. La sédation, c'est un des
problèmes qu'on avait, justement, avec les soins de fin de vie. Comprenez-vous,
là? C'est ça, le problème qu'on avait. La sédation palliative est un moyen...
c'est très utile, c'est très utile.
Le problème qui se posait avec la sédation
palliative, c'est que, quand on met quelqu'un en sédation palliative, c'est
évident qu'il ne peut plus boire et manger et qu'il va mourir, et les gens ont
très peur que ce soit identique à de l'euthanasie. Ce n'est pas identique du
tout, mais c'est sûr... mais plus... Au fur et à mesure qu'on discutait des
soins de fin de vie, on a été capables de clarifier ça, que la sédation
palliative n'est pas de l'aide médicale à mourir. Mais on avait tellement peur <que
ce soit...
Mme Marchand (Michèle) :
...ce soit identique à de l'euthanasie. Ce n'est pas identique du tout, mais
c'est sûr... mais plus... Au fur et à mesure qu'on discutait des soins de fin
de vie, on a été capables de clarifier ça, que la sédation palliative n'est pas
de l'aide médicale à mourir. Mais on avait tellement peur >que ce soit l'aide
médicale à mourir, on avait peur de parler de toutes ces choses-là avant. On
avait tellement peur qu'on réservait la sédation palliative à des périodes in
extremis, là, on voulait faire ça très tardivement, parce que c'est sûr que,
finalement, ça va tuer le patient parce qu'il ne mange pas puis il ne boit pas.
Donc, comprenez-vous? Ça fait que, là, on retardait l'utilisation de la sédation
palliative.
Moi, je pense qu'il faut utiliser la
sédation palliative quand on peut et quand les gens, c'est ça qu'ils veulent. Et
c'est très utile, mais il ne faut pas exclure pour autant l'aide médicale à
mourir. Mais la sédation palliative, c'est différent. C'est différent, on
endort le patient, mais c'est évident qu'on ne peut pas le faire très
précocement parce qu'il va en mourir, parce qu'il n'est pas hydraté, il n'est
pas... Donc, c'est ça, mais c'est quelque chose qui est très, très utile. Et
quand quelqu'un est en sédation palliative, il n'a pas besoin d'aide médicale à
mourir. Quand quelqu'un va mourir calmement, sans trop de souffrances, on en a...
il ne faut pas penser à l'aide médicale à mourir.
Les gens disent : Moi, je veux
choisir le moment de ma mort. Là, ce n'est pas ça, là, c'est que c'est des gens
qu'on avait de la misère et on réservait la sédation palliative à des... on les
laissait souffrir parce qu'on ne voulait pas mettre la sédation palliative
précocement, donc... Ça fait que, comprenez-vous, c'est tout ça qui s'est
clarifié et que, je pense, ça fait du bien à tout le monde, de pouvoir utiliser
la sédation palliative sans avoir peur de faire de l'euthanasie, de pouvoir
utiliser l'euthanasie quand les gens ne veulent pas de sédation palliative,
mais que ça va mal, mais pas utiliser l'euthanasie parce que je veux choisir ma
mort. Comprenez-vous, là?
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
J'ai juste une petite dernière question. C'est que... considérez-vous que,
lorsqu'on demande une sédation palliative, que le patient doit être apte à
choisir la sédation palliative?
Mme Marchand (Michèle) : La sédation
palliative, je pense qu'en général les patients sont aptes à choisir, oui.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Je céderais la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
: Merci,
Mme la Présidente. Bonjour. Bon matin, Dre Marchand. Très intéressant, ce
que vous nous apportez ce matin. Moi, j'aimerais revenir sur quand vous avez
parlé qu'il y avait trois scénarios. Et, dans le premier, vous avez dit : Ce
qui serait important, c'est de garder nos acquis pour les soins de fin de vie.
Ensuite, vous avez dit : Si on ouvre, bien, il faudrait que ce soit des modifications
mineures. Qu'est-ce que vous voulez dire par modifications mineures?
Mme Marchand (Michèle) : Les modifications...
Bien, je pense que, bon, la Loi concernant les soins de fin de vie, la loi québécoise,
on va l'appeler comme ça, là, a des critères, des procédures, là, que vous
connaissez probablement, là, qui sont assez détaillés, et tout ça. Le Code
criminel, là, a aussi des critères qui sont sensiblement, à mon avis, <les
mêmes...
Mme Marchand (Michèle) :
...la Loi concernant les soins de fin de vie, la loi
québécoise, on va
l'appeler comme ça, là, a des critères, des procédures, là, que vous connaissez
probablement, là, qui sont assez détaillés, et tout ça. Le Code
criminel, là, a aussi des critères qui sont sensiblement, à mon avis, >les
mêmes, mais que, bon, vous voyez, là, des ajustements mineurs, à mon avis... Puis
il a déjà conservé une branche pour les personnes qui sont en... dont la mort
est prévisible, et c'est à peu près les mêmes critères. Il faut que les...
soient souffrants, il faut qu'ils soient aptes à donner leur consentement, puis
là il y a des procédures précises. Bon, mais, par exemple, le handicap n'est
pas considéré. Tu sais, il y a des affaires, là... Moi, je ne pense pas que...
Les gens disaient que la loi fédérale
était beaucoup plus permissive pour les personnes en fin de vie ou les
personnes... mais je ne pense pas. Je pense que c'est à peu près la même chose.
Les procédures sont à peu près les mêmes aussi pour les personnes qui sont en
fin de vie, et donc je ne pense pas, là, qu'il y ait de gros problèmes là. Et
je pense que des modifications mineures, là, il faudra regarder, là, dans la
précision de la formulation des choses, voir si ça correspond à la façon dont
c'est formulé dans le Code criminel et ne convient pas à...
Bon, il y a certaines choses qui seraient
plus difficiles, par exemple, comme ouvrir les demandes anticipées, les
demandes anticipées d'aide médicale à mourir. Ça, là, je pense que le Code
criminel exige que les gens soient aptes. On pourrait plaider que les gens sont
aptes au moment où ils font la demande, là, mais c'est sûr que, là, on ne
pourrait plus avoir l'aptitude au moment où l'acte est posé. Et ça, je ne le sais
pas, si ça pose des problèmes juridiques, c'est hors de mon champ de
compétences, mais ça pourrait être un ajustement, là, qu'il faudrait surveiller.
Et il ne faudrait pas se lancer dans d'autres batailles. On l'a perdue, là, la
bataille au plan juridique, et il ne faudrait pas se lancer, je pense, dans
d'autres batailles sur le fait qu'on va ouvrir à des demandes anticipées, alors
que le Code criminel ne l'avait pas prévu.
Mme
Hébert
:
Donc, ce que vous dites, c'est qu'on ouvre aux demandes anticipées, mais là
c'est... puis on enlève le critère d'aptitude de la fin...
Mme Marchand (Michèle) : Bien,
ça se trouve... Tu sais, c'est ça, les demandes anticipées, là, c'est comme
enlever le critère d'aptitude, oui et non. Dans le fond, les gens sont aptes
quand ils font la demande, mais, quand on l'applique, ils ne le sont plus.
Donc, je ne sais pas si ça poserait un problème, là, au niveau de la
concordance avec... parce que Me Ménard nous disait que c'est le Code
criminel qui a prépondérance, là, sur les autres lois, mais je pense que notre
loi sur la fin de vie, là, les soins de fin de vie, là, je ne pense pas qu'elle
soit sur plusieurs points en contradiction avec le Code criminel. Celui-là, la
proposition des experts qui proposent qu'il y ait déjà un diagnostic et tout
ça, là, je pense que ça... Je ne le sais pas. Il faudrait voir avec des
juristes, voir si il y a une... si ça va être contesté constitutionnellement.
Mais à mon avis, quand le critère de fin de vie est là, je pense qu'on pourrait
intégrer ça <dans notre loi...
Mme Marchand (Michèle) :
...
la proposition des experts qui proposent qu'il y ait déjà un
diagnostic
et tout ça, là, je pense que ça... Je ne le sais pas. Il
faudrait voir avec des juristes, voir si il y a une... si ça va être contesté
constitutionnellement. Mais à mon avis, quand le critère de fin de vie est là,
je pense qu'on pourrait intégrer ça >dans notre loi. Je pense que c'est
possible de penser à des directives médicales anticipées quand le critère de fin
de vie est là, parce que, là, on sait quand l'appliquer, ça va être en fin de
vie, ça va être quand les gens sont souffrants. Si le critère de fin de vie
n'est pas là, il nous reste juste la souffrance, et là c'est un petit peu plus
compliqué.
Mme
Hébert
:
Puis, dans cette optique-là, qui serait apte à prendre la décision pour la personne
qui est rendue inapte?
Mme Marchand (Michèle) :
Bien, si c'est une demande anticipée, bien là, je pense que l'idée du groupe
d'experts... là, je me réfère au groupe d'experts. Je pense, l'idée d'avoir une
espèce de mandataire, qui n'est pas le mandataire au sens courant et judiciaire
du terme, là, d'avoir quelqu'un qui va voir à l'application... mais ce n'est
pas cette personne-là qui va l'appliquer, je pense que, les critères étant déjà
déterminés, eh bien, ça va être comme quand on applique un consentement, là.
C'est un consentement qui a... Le consentement anticipé, là, il a comme la même
valeur, mais la demande, elle ne peut pas être exécutoire. Il n'y a pas une
demande qui est exécutoire.
Donc là, il va falloir voir si c'est quelque
chose qui est approprié et que le patient a d'avance demandé ou consenti... à
laquelle il a déjà consenti. Il faut voir ça sous l'angle d'une demande. La
demande est indicative, mais on va voir si ça a la même valeur... c'est ça
qu'on a dit dans les directives médicales anticipées, là, si ça a la même
valeur qu'un consentement d'une personne apte, ni plus ni moins. Donc, ça ne
donne pas ouverture à l'aide médicale à mourir, mais, si les conditions sont
remplies, ça va donner une ouverture, si les conditions sont remplies.
Mme
Hébert
:
Merci, Dre Marchand.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Je céderais la parole à la députée de Soulanges.
M. Picard
: Bonjour, Dre Marchand. Merci pour... Vos
échanges sont vraiment constructifs. Je vais revenir un petit peu sur l'élément
que vous avez mentionné à ma collègue à propos des Pays-Bas. Vous dites qu'ils
n'entrent pas dans le bain, là, de... il y a plusieurs médecins, en fait, qui
ne veulent pas... ou qui font avec une grande hésitation les soins de fin de
vie ou qui ne veulent pas les faire. On sait qu'en ce moment au Québec, là,
vous savez qu'il y a des directives médicales anticipées, il y a des papiers de
niveaux de soins qui font qu'avec un consentement substitué, aussi, une
personne pourrait décider qu'une telle personne, un proche aidant, ou un parent,
ou un frère, ou bien, peu importe qui peut décider de ne pas faire de
réanimation, peut décider de ne pas faire d'intubation.
• (10 heures) •
Je comprends que, pour un médecin, c'est
contre-intuitif, parce que les médecins se doivent d'être là pour soigner
jusqu'au bout, doivent faire tout en leur possible pour sauver leurs patients.
Qu'est-ce qui fait, selon vous, que les <directives médicales anticipées,
les niveaux de soins...
>
10 h (version révisée)
<
Mme Picard : ...comprends
que, pour un médecin, c'est contre-intuitif, parce que les médecins se doivent
d'être là pour soigner jusqu'au bout, doivent faire tout en leur possible pour
sauver leurs patients. Qu'est-ce qui fait, selon vous, que les >directives
médicales anticipées, les niveaux de soins... est plus acceptable? Pourquoi un
médecin est plus confortable à faire ces demandes-là qu'il ne le serait avec la
directive médicale anticipée?
Mme Marchand (Michèle) : Bon,
si je comprends bien votre question, là, c'est : Pourquoi, même aux
Pays-Bas, où c'est permis, les médecins ont des réticences? Il y a beaucoup de
demandes qui sont refusées, mais c'est des demandes d'euthanasie. C'est des
demandes d'euthanasie, ce qu'on appelle ici des demandes d'AMM. Pourquoi? Parce
que tout le monde a peur d'écourter la vie de quelqu'un, d'enlever la vie à
quelqu'un contre son gré, alors que la personne ne peut pas... Sur le coup, on
ne peut pas être sûr que c'est ce qu'elle veut. C'est ça qui fait que les gens
ont peur. Et le cas qui nous a été rapporté des Pays-Bas, où on a été obligé de
forcer une personne, qui était devenue inapte, à la sédationner ou la
contentionner pour y donner l'aide médicale à mourir, c'est horrible, ça. Il
n'y a personne qui veut vraiment faire ça.
Parce que ça, là, c'est difficile. C'est
une situation difficile pour tout le monde, c'est difficile pour un soignant. Ce
n'est pas parce que les gens veulent absolument faire de l'acharnement
thérapeutique, parce que, contrairement à ça, les DMA, les refus de soins... Les
DMA, là, c'est des refus de soins, puis ça, là, les médecins, là, ce n'est pas
vrai qu'ils sont inconfortables avec ça. Les gens qui sont inconfortables avec
l'arrêt des soins, là, c'est les proches, et c'est pour ça que les DMA sont
contraignants pour les proches. C'est contraignant parce que c'est les proches
qui ont de la misère à faire ça. Les médecins font ça couramment parce qu'ils
sentent une certaine responsabilité. Ils ont prolongé la vie de ces gens-là, et
là ça ne marche pas, là, et ça fait que... Comprenez-vous, là? C'est de
l'acharnement thérapeutique, là.
Donc, je pense que les DMA... Moi, je suis
tout à fait d'accord avec les DMA. Comme je disais, là, il faudrait voir, là,
pour qu'ils soient rédigés de... On a réduit les situations où les DMA
pouvaient s'appliquer parce que les gens peuvent faire ça tout seuls chez eux,
là, puis là ils connaissent ce que c'est que d'être en fin de vie. Ils
connaissent ce que c'est que... de ne plus avoir de fonction cognitive. Ils
peuvent s'imaginer ça, mais il y a plein d'affaires qu'ils ne peuvent pas
s'imaginer, là, puis qu'il faudrait discuter voir si ça s'applique à eux autres,
puis s'ils peuvent prévoir ça de façon libre, éclairée. Comprenez-vous, là?
Donc, il faudrait peut-être les rédiger
autrement. Mais ça, c'est des refus de soins, et ça, je vous le dis, là, les
médecins en général font ça. On fait des arrêts de traitement régulièrement et
même des arrêts de boire et manger, là. Les médecins seraient prêts à
accompagner les... mais de là à... d'écourter activement la vie d'une personne,
<alors là...
Mme Marchand (Michèle) :
...
refus de soins, et ça, je vous le dis, là, les médecins en général
font ça. On fait des arrêts de traitement régulièrement et même des arrêts de
boire et manger, là. Les médecins seraient prêts à accompagner les... mais de
là à... d'écourter activement la vie d'une personne, >alors là, ce n'est
pas pareil, là. Comprenez-vous, là? Parce que la personne, elle n'est plus
capable de nous dire que c'est ça... et c'est ça qui rend les médecins si
réticents. Je ne dis pas que c'est impossible de le faire, là, mais si les gens
vont le faire avec beaucoup, beaucoup et de réticence et de prudence, là, parce
qu'on ne veut pas...
Et partout où ça a été libéralisé... Et
puis là il faut s'enlever de la tête que c'est libéralisé partout, là. Mais
partout où ça a été libéralisé, l'aide médicale à mourir, là, c'est pour des
personnes aptes, et, quand on en vient à des personnes inaptes, là, on a de la
misère. Et même dans la loi... Je veux dire ça... même dans la Loi concernant
les soins de fin de vie, là, le scénario 1, mettons qu'on la garde, ce
qu'on avait dit, c'est qu'il y a quand même des gens qui sont inaptes puis qui
sont souffrants en fin de vie, et ça, là, peut-être qu'il faut ouvrir pour eux
autres, là.
Et ce qu'on avait suggéré au moment où on
avait fait... au moment de... Ça n'a pas été mis dans la loi, là, mais ce qu'on
avait suggéré, c'est qu'il y ait une autorisation du tribunal, une autorisation
préalable à l'acte pour que les personnes qui sont inaptes, il n'y ait pas de
consentement substitué, parce que tout le monde a peur de ça, comprenez-vous? Il
n'y a pas de consentement substitué pour l'aide médicale à mourir, mais il
pourrait y avoir une autorisation pour que, dans les cas extrêmes, et je pense
que ça va être la même chose pour les mineurs, jusqu'à un certain point, vraiment
des personnes, là, qui souffrent, là, puis qu'on... Ils ont autant le droit
d'arrêter de souffrir que les autres, mais il faut faire extrêmement attention,
parce qu'il n'y a personne qui veut écourter la vie de quelqu'un contre son
gré. On a peur de l'euthanasie involontaire et on a raison.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Merci infiniment, Dre Marchand, de votre...
de nous avoir présenté votre point de vue ce matin. C'est très important pour
la suite de nos travaux.
Mme Marchand (Michèle) : Avec
plaisir.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nos échanges sont terminés. Donc, nous suspendons les travaux pour
accueillir nos nouveaux invités. Et encore une fois, Dre Marchand, merci,
vraiment.
(Suspension de la séance à 10 h 05)
>
(Reprise à 10 h 10)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous reprenons les travaux. Bienvenue, Dr Roy. Donc, merci d'avoir
accepté notre invitation, merci d'être avec nous aujourd'hui.
Donc, vous avez 20 minutes pour votre
exposé, et, par la suite, il y aura un échange avec les membres de la
commission pour 40 minutes. Donc, je vous cède la parole.
M. Louis Roy
M. Roy (Louis) :
Je vous remercie. Merci à tous les membres de la commission de m'avoir permis
et de m'avoir invité à me présenter à vous aujourd'hui dans les travaux sur la
Loi concernant les soins de fin de vie.
Tout d'abord, juste, dans la mise en
place, vous dire une chose importante. Depuis le 17 mai dernier, j'ai
cessé ma pratique clinique comme médecin en soins palliatifs pour me joindre à
l'équipe du Collège des médecins du Québec à la Direction de l'inspection
professionnelle. Donc, je suis ici à titre personnel et non pas à titre de
représentant du Collège des médecins, vous l'aurez compris.
Donc, je vous présente ici mes constats de
mes 22 dernières années de médecin en soins palliatifs en milieu
universitaire et à domicile. La première chose sur laquelle je voudrais attirer
l'attention... Évidemment, je sais que les travaux de la commission portent
beaucoup, beaucoup autour de l'élargissement de l'accès à l'aide médicale à
mourir, mais la Loi concernant les soins de fin de vie inclut aussi les soins
palliatifs, entre autres choses. Et, lors des travaux qui avaient mené à cette
loi, j'avais été amené à deux reprises de pouvoir rencontrer les parlementaires
et présenter devant eux, et, à chaque fois... À ce moment-là, j'avais insisté
sur le fait que, oui, si on va vers l'aide médicale à mourir... mais il y a une
chose importante, c'est celle d'avoir accès à des soins palliatifs.
Force est de constater que les soins
palliatifs se sont améliorés dans les dernières années, mais pas autant qu'on
aurait pu peut-être le souhaiter. Il y a encore des difficultés d'accès en
termes de rapidité, en termes de qualité aussi. C'est variable d'un endroit à
l'autre, d'un établissement à l'autre. Donc, je... simplement faire un rappel
aux membres de la commission qu'il y a cet élément très, très important. C'est
une minorité de gens qui vont, en fin de vie, <demander...
M. Roy (Louis) :
...
le souhaiter. Il y a encore des difficultés d'accès
en termes de rapidité, en termes de qualité aussi. C'est variable d'un endroit
à l'autre, d'un établissement à l'autre. Donc, je... simplement faire un rappel
aux membres de la commission qu'il y a cet élément très, très important. C'est
une minorité de gens qui vont, en fin de vie, >demander l'aide médicale
à mourir, et même, lorsqu'ils demanderont l'aide médicale à mourir, ils auront
eu, je l'espère, accès à des soins palliatifs, et que leur choix, s'ils vont
vers l'aide médicale à mourir, ne sera pas parce qu'ils n'auront pas eu accès à
des soins palliatifs en temps et lieu et en qualité.
D'ailleurs, à ce niveau-là, on remarque...
j'ai pu remarquer dans ma pratique, dans la dernière année, suite à la
pandémie, qu'il y a eu un effet qu'on n'avait peut-être pas attendu, c'est de
voir que les gens, face à la pandémie et aux contraintes que... qui étaient
imposées lorsque les gens entraient dans les établissements de santé, les gens
sont restés beaucoup plus longtemps à leur domicile. On a vu même plus de décès
à domicile. Je l'ai... On l'a constaté avec certaines de mes collègues qui font
beaucoup de soins palliatifs à domicile, le nombre de gens à suivre, les durées
de suivi, le nombre de décès ont augmenté.
Donc, il y a là quelque chose qui est
intéressant. C'est que, oui, les gens pourraient... et on en a souvent parlé,
au fil des années, d'augmenter l'accès à domicile et les décès à domicile. Oui,
les gens pourraient le faire, mais il y a tout cet élément de l'offre et la
demande, dans le sens où, lorsque le fardeau devient trop lourd à domicile, les
gens ont tendance à se tourner vers les établissements qui sont des
institutions avec des structures plus lourdes, donc plus chères, et que, si on
a une accessibilité augmentée facilitée à domicile avec plus de ressources, on
va probablement permettre d'avoir des gens qui vont rester plus longtemps chez
eux, ce qui... (panne de son) ...une amélioration.
J'ai parlé... Je vais glisser un mot sur
la qualité des soins palliatifs. Il faut continuer à faire la formation,
s'assurer que les gens ont accès à des soins de qualité de... quels que soient
les professionnels. Et, à ce niveau, il y a deux éléments, et je sais bien que
ce n'est pas les membres de la commission qui vont mettre ça, mais ils peuvent
avoir une influence pour inciter des instances à mettre des choses en place.
Il y a une plateforme qui se met
actuellement en place au niveau du ministère de la Santé, qui s'appelle la
plateforme eConsult, ou consultation électronique, qui est un mécanisme qui se
met en place pour permettre aux médecins de première ligne d'avoir un accès
rapide, de façon électronique, pour un avis qui peut mener à... oui, écoutez,
il faut qu'on voie votre patient en consultation ou voici ce que je vous
suggère. Cette plateforme-là n'est actuellement pas prévue dans... au début de
son implantation pour inclure les soins palliatifs, mais je suis convaincu que
les soins palliatifs seraient une méthode... ce serait une sphère
d'intervention où la plateforme serait très, très utile, très utilisée. Donc,
il y a là une possibilité.
La création aussi de communautés de
pratique virtuelle qui pourraient permettre, justement, de favoriser l'échange
entre des gens qui en font beaucoup, qui ont une expertise en soins palliatifs,
et les médecins de première ligne qui en font peu et qui ont <besoin...
M. Roy (Louis) :
...utile, très utilisée. Donc, il y a là une possibilité.
La création aussi de communautés de
pratique virtuelle qui pourraient permettre, justement, de favoriser l'échange
entre des gens qui en font beaucoup, qui ont une expertise en soins palliatifs,
et les médecins de première ligne qui en font peu et qui ont >besoin, justement,
de pouvoir avoir... aller chercher rapidement de l'information et du soutien.
Donc, je me permets de passer ici cet élément qui m'apparaît important et...
les soins palliatifs étant un élément vraiment essentiel lorsque les personnes
arrivent en fin de vie.
Dans les autres considérations de la loi,
il y a les directives médicales anticipées. Je passerais rapidement, mais
simplement pour vous dire que, dans mon expérience clinique, ça demeure
vraiment très méconnu, peu utilisé. Il y a donc encore du travail à faire,
entre autres, au travers de campagnes d'information auprès du grand public.
Le troisième chapitre au niveau de la loi,
c'est la sédation palliative continue, qui a été incluse dans la loi afin de
pouvoir baliser des pratiques qui étaient parfois assez divergentes ou, à tout
le moins, pas toujours semblables. Ce qui reste de ce côté-là, c'est qu'il y a
des flous. Les gens ne comprennent pas nécessairement qu'est-ce que la sédation
palliative continue, même au niveau des milieux cliniques et encore plus au
niveau de la population. Est-ce que la sédation palliative continue, c'est une
aide médicale à mourir, qui fait qu'on décède en quelques heures ou quelques
jours au lieu de quelques minutes? C'est souvent perçu comme ça. Donc, là aussi,
il y a de l'information à transmettre, il y a de l'éducation, particulièrement
au niveau des professionnels de la santé, pour s'assurer que ce soin, qui est
très utile, qui est très... qui peut être bien utilisé, soit utilisé à bon
escient, mais bien compris de...
Alors, j'en arrive au sujet le plus
crucial de vos travaux, c'est celui de l'aide médicale à mourir. Je dois vous
avouer que j'ai été rapidement... lorsque la loi a été implantée, rapidement
mis dans le bain pour avoir été invité à coprésider le comité au ministère sur
l'implantation de l'aide médicale à mourir. On a travaillé pendant près d'un an
et demi. Les choses se sont mises en place, et j'ai été moi-même surpris, suite
à nos travaux et avec l'implantation de l'aide médicale à mourir, de voir que
le nombre de demandes est nettement supérieur à ce que l'on pouvait... on avait
pensé, hein? On s'était dit qu'il y aurait un certain nombre, mais c'est
vraiment du double ou même au triple des chiffres auxquels on pensait. Et j'ai
même été étonné, entre autres... mais là sans tomber dans un âgisme, là, qui
pourrait avoir l'air de mauvais aloi, mais j'avais comme une espèce de
présomption personnelle de dire : Peut-être que les gens plus âgés vont,
pour différentes raisons, peut-être aussi culturelles, avoir moins recours
et... Mais non, la demande d'aide médicale à mourir ne connaît pas d'âge. J'ai
vu des demandes, dans les dernières années, jusqu'à 100 ans avec des gens
très lucides et très déterminés. Donc, vraiment, ça n'a pas d'âge et ça vient
couvrir toutes les tranches de notre <population...
M. Roy (Louis) :
...
avoir moins recours et... Mais non, la demande d'aide médicale à
mourir ne connaît pas d'âge. J'ai vu des demandes, dans les dernières années,
jusqu'à 100 ans avec des gens très lucides et très déterminés. Donc,
vraiment, ça n'a pas d'âge et ça vient couvrir toutes les tranches de notre >population.
Dans tous les changements qui arrivent, il
y a des éléments qui font en sorte... qui demeurent flous. C'est sûr que, pour
avoir accès à l'aide médicale à mourir pour une personne qui est atteinte d'une
maladie néoplasique, un cancer avec une évolution connue, c'est beaucoup plus
facile, c'est beaucoup plus simple dans le sens où, pour le côté clinique, le
côté médical, on a plus facilement une idée de ce qui s'en vient, vers quoi on
va par rapport à des maladies d'insuffisance organique, comme l'insuffisance
cardiaque, par exemple.
Et ce qui vient en plus s'ajouter, c'est
cette notion, qui était à l'origine dans la loi, du pronostic de survie, notion
qui, suite au jugement de la Cour supérieure, a été invalidée, mais qui reste
ancrée. Donc, vous savez, lorsqu'on apprend une notion, c'est difficile de la
désapprendre. Je peux vous dire que, dans les derniers 18 mois, dans mon
milieu, dans le CHU de Québec, j'étais quelqu'un qui était une des figures de
référence pour les demandes d'aide médicale à mourir, et c'était à répétition.
J'avais des questions : Qu'est-ce qu'on fait avec ça, le pronostic? Est-ce
que ça tient encore ou est-ce qu'on va... Donc, il y a des notions qui font
que, puisque la loi évolue, puisqu'il y a des changements, il y a des choses
qui sont comme... restent incertaines. Les gens ne sont pas certains de comment
bien faire... et être certain de bien faire.
• (10 h 20) •
En plus, il y a des éléments, avec les
récents changements qui ont été faits au gouvernement fédéral, qui amènent
encore plus de questionnements. La notion des 10 jours, qui était dans la
loi au niveau fédéral, maintenant, la notion du 90 jours compte tenu du
diagnostic, là aussi, il y a... ça amène... Tous ces éléments amènent des flous
qui font en sorte que beaucoup d'intervenants, particulièrement mes collègues
médecins, vont se sentir un peu insécurisés. À quelle loi je dois faire
référence? Quels critères je dois suivre? Le fait d'avoir deux lois dans deux
juridictions différentes, les gens sont dans un élément qui les rend insécures.
Donc, une nécessité d'avoir une harmonisation, de s'assurer qu'il y aura... que
ce sera plus simple de comprendre, et que les critères, finalement, quel que
soit... j'ose faire une image, quel que soit du côté de la rivière des
Outaouais qu'on est, les critères demeurent les mêmes pour tout le monde.
Alors, ça, c'est un élément qui, à mon avis, est vraiment fondamental, et qui
va faciliter l'accès, et il va faciliter le travail en clinique pour l'évaluation
de l'accès à l'aide médicale à mourir.
Il a été beaucoup question de l'accès pour
les personnes qui ont un handicap. Et ça, c'est <vraiment...
M. Roy (Louis) :
...
un élément qui, à mon avis, est vraiment fondamental, et qui va
faciliter l'accès, et il va faciliter le travail en clinique pour l'évaluation
de l'accès à l'aide médicale à mourir.
Il a été beaucoup question de l'accès
pour les personnes qui ont un handicap. Et ça, c'est >vraiment... on l'a
vu, dans la loi fédérale, c'est mentionné. Au Québec, ce ne l'était pas, donc
ça demeure difficile. Mais personnellement, dans les dernières années, j'ai eu,
à un certain nombre de reprises, des gens atteints d'un handicap physique, mais
qui ne compromettait pas leur survie dans un temps qui était prévisible, qui
m'étaient référés pour avoir un avis. Est-ce que cette personne pourrait
recevoir l'aide médicale à mourir puisqu'elle m'en parle? Et vraiment ici... En
me préparant pour vous rencontrer aujourd'hui, me revenait cette question qui
m'était apparue lors des travaux qu'on avait faits pour la mise en place de l'aide
médicale à mourir, et cette question, c'était : Qui suis-je pour décider
qu'une souffrance n'est pas assez importante pour justifier une demande d'aide
médicale à mourir? Ce n'est pas ma souffrance à moi, mais c'est un jugement que
moi, je porte sur la souffrance de l'autre. Et ça, c'est vraiment difficile,
cliniquement, de se retrouver devant quelqu'un et de lui dire : Écoutez,
selon les termes de la loi actuelle de... moi, comme je les comprends, comme je
les interprète, je ne peux accepter votre demande. Et c'est une... On ne veut
pas dire oui à toutes les demandes, parce qu'il ne faut pas qu'il y ait des
demandes qui soient frivoles, mais c'est difficile de voir quelqu'un qui a une
souffrance qui... visiblement, le handicap, il est lourd, il cause des
souffrances physiques, psychiques, et que ça devient intolérable pour la
personne.
Alors, il y a là un élément important à
regarder pour s'assurer que ces gens-là ne se retrouvent pas dans une situation
d'inconfort et aussi ne se retrouvent pas dans la situation où la seule
solution, lorsqu'on a dit : Bien, écoutez, dans les termes actuels, je ne
peux pas accepter votre demande, mais vous pouvez toujours vous adresser à la
cour pour voir si, au niveau juridique, vous pourriez avoir un jugement qui
vous y autoriserait... Ça fait que vous voyez bien et vous le comprenez très
bien, ce recours judiciaire va être un fardeau pour le patient qui déjà est
pris avec une maladie, avec plein de choses. Et, à chaque fois que j'en ai fait
la mention, j'ai rarement eu des... quelqu'un qui disait : Ah oui! Je vais
faire ça, je vais aller vers ça. Les gens n'ont pas cette énergie. Donc, je
pense que la loi doit être assez claire pour permettre, justement, qu'on n'ait
pas besoin d'aller vers ce recours de type juridique.
J'aborde brièvement la notion des
personnes qui sont atteintes d'une maladie psychique ou de... au niveau de
l'état de santé mentale. Je n'ai pas du tout l'expertise à ce niveau-là pour
faire une évaluation juste et claire... mes collègues de la psychiatrie sauront
mieux vous informer. Mais il faut se rappeler encore une fois : Qui
suis-je? Qui suis-je pour décider de la souffrance de l'autre, lorsque la
souffrance, elle est là, <elle est...
M. Roy (Louis) : ...du tout
l'expertise à ce niveau-là pour faire une évaluation juste et claire... mes
collègues de la psychiatrie sauront mieux vous informer. Mais il faut se
rappeler encore une fois : Qui suis-je? Qui suis-je pour décider de la
souffrance de l'autre, lorsque la souffrance, elle est là, >elle est
intense, elle est persistante? Il faut faire la différence entre une situation
aiguë de stress et qui a un potentiel de guérison, par rapport à une situation
qui est chronique. Mais je pense que ces gens-là méritent d'avoir une oreille
attentive.
Il y a des situations que j'appelle comme
litigieuses ou limites. Peut-être qu'avec les changements législatifs qui s'en
viennent il y en aura moins, ce sera plus facile. Mais il est arrivé, il m'est
arrivé à un certain nombre de reprises de me retrouver devant une situation de...
bon, est-ce que oui, est-ce que non, même si je connais bien la loi, même si
j'en ai déjà discuté avec beaucoup de gens, est-ce que la personne est admissible
ou non puis de voir vers qui je peux me tourner pour en discuter, donc en
parler avec mes collègues, et tout. Et, à titre anecdotique, je peux vous dire,
j'ai déjà... une fois, entre autres, j'étais embêté, alors je parle avec
quelqu'un du comité d'éthique clinique qui... J'ai fini par me faire dire :
Ah! tu vis un dilemme moral intérieur. J'ai dit : Bien, ça, ça ne m'aide
pas beaucoup parce que...
Est-ce que j'ai un dilemme moral intérieur
ou j'ai quelqu'un de souffrant devant moi? Et finalement, ce qui arrive, c'est
que, finalement, si on a une situation qui semble un peu limite, on va être
porté... on va dire : Bien, puisque je suis incertain, je me sens dans une
zone grise, je vais donc dire : Non, ce n'est pas admissible ou
adressez-vous à quelqu'un d'autre. Et, à ce niveau-là, ce serait vraiment
intéressant qu'il y ait, justement, une instance à laquelle le clinicien
pourrait se référer.
Dans le document que je vous ai fait
parvenir, j'ai fait mention... une instance qu'on pourrait appeler la table
nationale d'accès à l'aide médicale à mourir, là — je me suis permis
d'inventer quelque chose — mais une instance où le médecin, le
clinicien ou une équipe pourrait dire : Écoutez, nous, on a une situation,
on n'est pas trop sûrs, on est... on reste dans notre zone grise et on aimerait
ça, plutôt que de dire on va de l'avant... mais au risque de se faire taper sur
les doigts en se faisant dire : Vous n'aviez pas le droit de faire ça ou
on n'y va pas puis on prive la personne de peut-être... d'un soin qu'elle
aurait eu droit, de dire : Bien, on pourrait s'adresser... Est-ce que
c'est la Commission des soins de fin de vie qui devrait le faire? Est-ce que ça
devrait... sous l'égide de la commission, avec un groupe d'experts et qui
pourrait donner une autorisation préalable?
Et je reviens à la notion, tout à l'heure,
de dire à la personne : Bien, adressez-vous à la cour, et si la cour dit :
Oui, vous devriez avoir droit à l'aide médicale à mourir, revenez me voir avec
votre jugement, et on pourra aller de l'avant. Bien, cette table d'accès aurait
cette espèce de rôle plutôt que de dire : Adressez-vous à la cour. C'est
du côté clinique qu'on s'assure qu'on y va puis que... être capable de dire :
Écoutez, on est allés jusqu'à l'instance la plus élevée d'un groupe d'experts
qui dit : Écoutez, non, actuellement votre demande ne peut pas être
acceptée, ou oui, dans les circonstances, compte tenu du dossier qu'on a
présenté, votre <demande...
M. Roy (Louis) :
C'est du côté clinique qu'on s'assure qu'on y va puis que...
être capable de dire : Écoutez, on est allés jusqu'à l'instance la plus
élevée d'un groupe d'experts qui dit : Écoutez, non, actuellement votre
demande ne peut pas être acceptée, ou oui, dans les circonstances, compte tenu
du dossier qu'on a présenté, votre >demande, elle devient acceptable. Et
ça permet de soulager tout le monde. Le médecin va se sentir appuyé, que ce
soit un oui ou un non, va se sentir... Bien, je suis appuyé, ce n'est pas juste
ma décision à moi, ou je me sens appuyé d'en dire un, oui, parce que j'ai eu
d'autres gens qui sont venus confirmer mon impression. Donc, à ce niveau-là, il
y aurait quelque chose. Je ne pense pas que c'est un groupe qui va être
sollicité toutes les semaines, mais un certain nombre de fois par année aurait
des demandes et pourrait faciliter, justement, cet accès.
Finalement, la notion du consentement à l'aide
médicale à mourir, on en a parlé, le consentement préalable d'avoir une autorisation
d'aller vers l'aide médicale à mourir, même suite à la perte de l'aptitude à
consentir, une fois que tout a été évalué. Et là-dessus, mon expérience
clinique, c'est qu'il y a beaucoup de patients qui ont très peur de perdre leur
aptitude et qui vont soit devancer la date, soit refuser certains soins propres
à les soulager par peur de ne plus avoir l'aptitude nécessaire, parce qu'ils
s'étaient dit : Bien, je voudrais attendre la semaine prochaine, j'ai des
choses à régler, je veux revoir quelqu'un de ma famille, mais là, dans les circonstances,
je pense que je vais aller plus rapidement parce que je vais me retrouver dans...
je peux me retrouver dans une situation où je ne pourrai pas avoir accès à l'aide
médicale à mourir. À ce niveau-là, il y a lieu de s'assurer d'avoir un mécanisme
organisé, sécuritaire, fiable. Est-ce que c'est une entente entre le patient et
le médecin? Est-ce que c'est un consentement que le... une délégation du
consentement que le patient fait à une personne qu'il a choisie et clairement
identifiée? C'est une chose qui est à préciser, mais je pense qu'il faut le
faire pour éviter que les gens, justement, aillent plus rapidement vers l'aide
médicale à mourir que nécessaire.
Et, entre autres, par rapport aux gens qui
sont atteints de troubles neurocognitifs, qu'on parle des démences, de maladie
d'Alzheimer, bien, écoutez, je ne vous apprends rien en disant que notre population
est de plus en plus vieillissante, et plus on vieillit dans notre population,
plus il y aura de gens qui auront ce diagnostic. Et je pense qu'on aura une
pression de plus en plus pour que ce soit possible de faire une demande, comme
préalable, de prévoir, là. Rendu à un certain moment dans l'évolution de ma
maladie, je veux qu'on puisse aller de l'avant vers l'aide médicale à mourir,
de pouvoir faire une demande vraiment anticipée, et ça, je pense qu'il faut
l'examiner. Si on ne le fait pas cette fois-ci, ce sera peut-être dans une
prochaine révision de la loi, mais inévitablement, à mon avis, dans notre société,
on s'en va vers là.
• (10 h 30) •
Mon tout dernier point, c'est simplement
un point... et je sais que ce n'est pas la commission qui peut changer ça, mais
sur le protocole de soins utilisé actuellement au Québec. Il y a des situations
où, <compte tenu de la santé globale...
>
10 h 30 (version révisée)
< M. Roy
(Louis) :
...mais inévitablement, à mon avis, dans notre
société, on s'en va vers là.
Mon tout dernier point, c'est
simplement un point, et je sais que ce n'est pas la
commission qui peut
changer ça, mais sur le protocole de soins utilisé
actuellement au
Québec.
Il y a des situations où, >compte tenu de la santé globale de la
personne, son état cardiopulmonaire peut être encore très bon, malgré une
maladie très avancée. Le protocole de médicaments utilisé actuellement est très
efficace, va assurément s'assurer... il y a aura le décès et il n'y aura pas de
souffrance pour la personne. Mais, si le coeur de la personne est encore
solide, j'ai vu des moments où il y a eu jusqu'à presque 20 minutes entre
le début et la fin de la procédure. Alors, quand on est rendu à 15,
16 minutes après la fin de la dernière injection, il y a... la personne
elle-même ne souffre pas, mais il y a un état émotionnel, il y a un état de stress
sur les proches, sur les soignants aussi.
Il y a moyen de raccourcir ce temps-là.
Cependant, actuellement, au Québec, de la manière dont on a formulé nos choses,
c'est que ce moyen, qui est de donner un médicament supplémentaire, n'est comme
autorisé que dans la situation particulière... s'il y a don d'organes qui va
faire suite à l'aide médicale à mourir. Et le principe, c'est qu'on veut
préserver autant que possible la qualité des organes à transplanter.
Mais personnellement je ne vois pas
pourquoi, si on s'attend que le décès peut être retardé parce qu'on a une
condition cardiaque qui est plutôt solide, qu'on ne puisse pas donner ce
médicament supplémentaire pour accélérer l'arrêt cardiaque, pour accélérer le
processus du décès. C'est une accélération, là, on parle de minutes, mais je
peux vous dire que, pour les proches, 12 minutes au chevet à attendre que
le médecin ne dise : Oui, là, c'est bien fait, c'est terminé, le coeur
vient d'arrêter de battre, c'est très long, le temps peut paraître très, très
long. Et je pense que c'est une modification qui est relativement mineure. Ça
se fait déjà dans les autres provinces canadiennes, lorsque c'est justifié,
d'ajouter un médicament supplémentaire.
Alors, ce sont mes commentaires. Dans le
document que j'ai fait parvenir à la commission, vous trouvez le résumé des
recommandations que je fais... que je faisais pour aller vers une amélioration.
Et j'en profite pour vous remercier à nouveau de votre écoute, de votre
accueil, et aussi de l'ensemble de votre travail.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dr Roy. Je passerais la parole à ma collègue la députée de
Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Bonjour,
Dr Roy. Merci. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Je vois que vous avez
plus de 20 ans de pratique en soins palliatifs, en plus d'avoir été
président de l'Association québécoise de soins palliatifs, d'avoir siégé sur
l'Association canadienne des soins palliatifs. Donc, de toute façon, à vous
écouter on voit la longue expérience et expertise que vous avez dans le domaine.
Donc, c'est certainement très éclairant pour nous de pouvoir échanger avec vous
aujourd'hui.
J'aimerais ça vous entendre. <Vous
avez parlé de...
Mme Montpetit : ...d'avoir
siégé sur l'Association canadienne des soins palliatifs. Donc,
de toute
façon, à vous écouter on voit la longue expérience et expertise que vous avez
dans le domaine. Donc, c'est certainement très éclairant pour nous de pouvoir
échanger avec vous aujourd'hui.
J'aimerais ça vous entendre. >Vous
avez parlé de situations litigieuses ou de situations limites. Puis, bon, je
sais que c'est un peu hors de notre mandat, mais ça va nous retrouver de toute
façon, parce que je pense qu'il faut clarifier cet élément-là. Vous dites que,
comme professionnel, vous vous êtes retrouvé dans des situations où
l'admissibilité d'un patient aux soins de fin de vie n'est pas toujours claire,
elle était ambiguë pour vous, comme patient. Puis je souhaitais vous entendre
davantage là-dedans, parce que je trouve ça quand même assez perturbant de voir
que vous vous êtes fait répondre : Si vous pensez que le patient répond
aux critères, allez-y, on verra par la suite si on vous donne raison ou pas, avec,
évidemment, des risques de sanction, ce qui est quand même une plus que
curieuse façon de fonctionner, là, on s'entend là-dessus. Donc, je voulais vous
entendre sur qu'est-ce qui fait que vous vous êtes... il y a des situations qui
sont ambiguës. Est-ce que c'est la clarté de la loi actuelle?
M. Roy (Louis) : En fait, les situations ambiguës, c'est, en fait, le fait d'avoir
retiré, dans les critères, au niveau de la loi québécoise, la notion du
pronostic... en fait, la notion du pronostic était mise dans les critères comme
étant être en fin de vie. Bon, être en fin de vie, on en a débattu beaucoup, entre
autres, dans le comité que j'avais coprésidé. Qu'est-ce que c'est, être en fin
de vie? Est-ce que c'est deux jours, deux semaines, deux mois,
deux ans? À l'usage, il y a eu une espèce d'entente, de consensus, de se
dire : Bien, si on pense raisonnablement que le décès... on ne serait pas
surpris que le décès survienne dans la prochaine année, on disait : Bien,
on va considérer que c'est admissible, mais, si on pense que ça serait
surprenant que le décès survienne dans la prochaine année, on disait :
Bien, la personne, on ne la considère pas en fin de vie et qu'elle ne serait
pas admissible. Donc, on a des situations comme ça, alors, du fait que ce
critère est disparu.
Dans la loi fédérale, on
avait la notion, là, sans pour autant que le décès soit... je ne me souviens
pas exactement des termes, là, mais que le décès soit comme attendu, sans pour
autant qu'un pronostic de survie n'ait été établi, alors, encore plus ambigu
que ce qui était dans la loi québécoise. Alors, ça nous donnait des situations
où : Est-ce que la personne répond entièrement à tous les critères? Et,
compte tenu de ça, et c'est celui qui était le plus difficile, là, est-ce qu'on
est vers la fin de vie? Est-ce qu'on n'est pas vers la fin de vie?
Alors, c'est sûr qu'une fois
que ça disparaît, ça permet de simplifier des choses, mais parfois il y a des
situations ou des gens... Est-ce qu'on est vraiment dans tous les critères?
Est-ce que... Les notions de maladie, de souffrance, et tout, est-ce qu'on est
tous là? Ça reste... <parfois, ce n'est pas...
M. Roy (Louis) :
Alors,
c'est sûr qu'une fois que ça
disparaît, ça permet de simplifier des choses, mais parfois il y a des
situations ou des gens... Est-ce qu'on est vraiment dans tous les critères?
Est-ce que... Les notions de maladie, de souffrance, et tout, est-ce qu'on est
tous là? Ça reste... >parfois, ce n'est pas
aussi clair qu'on le voudrait.
La majorité des situations, il y a des
gens qui m'ont été... J'en ai vu, là, de nombreux, j'ai fait de nombreuses
aides médicales à mourir dans les dernières années. Il y a des gens où,
dès le moment où j'avais la référence, je voyais la personne, qu'elle soit
hospitalisée ou en clinique externe, puis ça ne me prenait pas deux minutes
pour être convaincu : Bien oui, cette personne-là, elle répond à
l'ensemble des critères. Mais je n'arrêtais pas mon entrevue là parce que je
voulais voir quel était l'ensemble de sa motivation et aussi est-ce que tous
les autres soins ont été possibles, est-ce qu'on a offert tout le reste,
incluant les soins palliatifs.
Mais d'être capable d'évaluer tout ça,
parfois, on reste dans une zone qui est un peu floue, qui est une zone grise. Et
de pouvoir, justement, s'adresser à une instance qui va donner un consentement
préalable... Quand vous disiez : Allez-y, puis on verra après, bien, c'est
qu'il n'y avait aucune instance qui n'a cette autorité actuellement, de pouvoir
dire si... Je me souviens d'avoir déjà parlé à quelqu'un à la commission,
dire : Écoute, on n'a pas ce mandat de donner comme notre sceau, a priori,
on est là juste après, on reçoit votre déclaration. Donc, d'avoir, justement,
l'élément, a priori, de dire : Bien, dans certaines situations, vous
pouvez vous adresser à tel endroit, soumettre la situation et ce sera comme
l'endroit où on viendra résoudre le questionnement, donc, c'est autour de ça
que je voulais qu'on puisse clarifier, que ça puisse simplifier le travail des
gens qui sont en clinique et qui, parfois, se retrouvent dans des situations un
peu plus ambiguës.
Mme Montpetit : Puis quand
vous parlez d'une... vous l'avez nommée, justement, la table nationale d'accès
à l'aide médicale à mourir, je comprends, c'est une proposition que vous faites.
Mais quand vous parlez, justement, d'un endroit où un médecin pourrait se
référer pour avoir un consentement de conformité, vous parlez de professionnels
qui seraient réunis. Encore là, juste pour le clarifier, est-ce que vous parlez
de professionnels qui seraient plus d'un point de vue juridique, dans le fond,
de conformité à la loi, ou qui pourraient venir vous valider comme au niveau
médical aussi, ou un juste mélange des deux?
M. Roy (Louis) :
Moi, je pense que c'est le juste mélange des deux. Dans ma tête à moi, mais
dans ma petite tête, je verrais bien que ça puisse être un mandat qu'on ajoute
à la Commission des soins de fin de vie, qu'il pourrait se créer un comité
auquel le clinicien peut s'adresser, dire : Je vous envoie une demande,
j'ai besoin de votre réflexion, je vais vous présenter une situation clinique. Et
j'aimerais avoir deux, trois médecins, un, deux juristes, un éthicien qui vont
pouvoir entendre ça et dire : Bien, dans cette situation-là, nous, <ou
notre consensus...
M. Roy (Louis) :
...envoie une demande, j'ai besoin de votre réflexion, je vais
vous présenter une situation clinique. Et j'aimerais avoir deux, trois
médecins, un, deux juristes, un éthicien qui vont pouvoir entendre ça et
dire : Bien, dans cette situation-là, nous, >ou notre consensus, on
dit oui, on dit non, mais... Donc, je pense que ce serait assez simple, et je
ne pense pas que ce serait une surcharge pour les travaux de la Commission des
soins de fin de vie.
• (10 h 40) •
Mme Montpetit : Merci.
Concernant les personnes en perte d'aptitude, vous, bon, vous soulignez
l'élément que la personne devrait pouvoir prendre soit une entente avec son
médecin en cas de perte d'aptitude, ou déléguer son consentement à la personne
de son choix en cas de perte de sa capacité à consentir. Puis je voulais vous
entendre davantage là-dessus, parce qu'on a entendu différentes opinions aussi
sur est-ce que ce consentement-là devrait être laissé à quelqu'un de sa famille,
à quelqu'un de proche : certains professionnels qui étaient pour, justement,
ou certains, même, patients qui disaient : Ça peut être intéressant
d'avoir quelqu'un qui nous connaît très, très bien, à qui on délègue ce consentement-là,
d'autres qui nous ont dit : Il faut faire attention, justement, au niveau
de l'implication émotionnelle que peut avoir la famille. J'aimerais ça vous
entendre davantage, parce que vous avez pu voir vraiment toutes sortes de situations,
là, comme médecin.
M. Roy (Louis) :
Oui, en fait, lorsque je faisais la notion de l'entente entre le patient et le
médecin, je référais, vous l'avez bien compris, à ce qu'on voit qui a été écrit
dans la loi fédérale récemment modifiée, qu'on retrouve ça. C'est une manière intéressante...
Je pense que c'est une manière intéressante, qui s'applique bien lorsque l'administration
de l'aide médicale à mourir est prévue dans un délai relativement court en
termes de jours ou de semaines, de dire : Bien, écoutez, comme je vous ai
fait mention, écoutez, moi, j'ai encore quelques affaires à régler, il y a mon
fils qui va revenir de Vancouver que je veux revoir une dernière fois, mais
rendu la semaine prochaine, là, je vais être prêt à recevoir l'aide médicale à
mourir parce que, là, ça devient intolérable, donc, d'avoir le moment, il est
proche. Donc, l'entente avec le médecin, elle est simple et facile.
Si on est dans une situation plus longue,
dans le sens, si on va, entre autres, avec une personne... si je reviens avec
les gens avec un diagnostic de démence, et qu'une personne voudrait faire une
demande anticipée d'aide médicale à mourir, dire : Lorsque j'arriverai à
telle situation d'évolution de la maladie, de décrire dans quelles
circonstances je veux... voici mes volontés, là, c'est plus difficile que
l'entente soit avec le médecin parce qu'est-ce que c'est dans trois mois,
est-ce que c'est dans trois ans, est-ce que... Si on a cette permission-là,
est-ce qu'il y a un délai? On dit : Bien, ce n'est pas plus que six mois,
ce n'est pas plus qu'un an, ce n'est pas plus que deux ans? Je ne suis pas
juriste, je ne suis pas... je ne peux pas vous le dire.
Mais je pense que, si les gens peuvent
faire une demande anticipée, que la délégation... ou de dire : <Je
demande, je...
M. Roy (Louis) :
...
permission-là, est-ce qu'il y a un délai? On dit : Bien, ce
n'est pas plus que six mois, ce n'est pas plus qu'un an, ce n'est pas plus que
deux ans? Je ne suis pas juriste, je ne suis pas... je ne peux pas vous le
dire.
Mais je pense que, si les gens peuvent
faire une demande anticipée, que la délégation... ou de dire : >Je
demande, je remets à une certaine personne le devoir de faire mettre ça en
application, bien là, ça va être plus facile avec une personne... un tiers, une
personne proche qu'avec un médecin. Parce que le médecin, sera-t-il toujours là?
Est-ce qu'il va avoir changé de lieu de travail et puis cessé son travail?
Donc, je pense que les deux peuvent être des versions utilisables, dépendant
des circonstances. Mais je suis d'accord avec vous que, pour un proche, un
membre de famille, ça peut être émotivement difficile. Donc, il faut que tout
ça soit bien préparé, qu'on puisse être capable de se sentir confortable et que
la personne ne se sente pas déchirée affectivement.
Mme Montpetit : J'aurais une
dernière question. Je sais qu'il me reste très peu de temps, je vais vous la
poser brièvement. Pourriez-vous nous décrire, justement... Parce qu'il y a un
médecin qui nous disait, justement : Les gens ne meurent pas d'Alzheimer. Pourriez-vous
nous décrire, nécessairement, ce que vous avez vu comme professionnel, c'est
quoi, la fin de vie, les derniers jours, les derniers mois, ce que ça veut
dire, quelqu'un qui est inapte et à qui on ne donne pas les soins de vie, il faut
qu'il puisse consentir, ce que ça veut dire en termes de souffrance pour un
patient?
M. Roy (Louis) :
Bien, en fait, si on prend l'exemple de la personne qui est rendue inapte, qui
a une démence en phase avancée, on va lui prodiguer des soins palliatifs — enfin,
j'espère qu'on va lui prodiguer des soins palliatifs, c'est ce qu'on fait dans
le milieu où j'ai travaillé pendant de nombreuses années — mais cette
personne se retrouve en situation où elle est là, mais elle n'est plus capable
de volonté d'elle-même. Donc, on va devoir l'alimenter, on va devoir la vêtir,
on va devoir lui faire son hygiène. Donc, c'est une personne qui est là,
mais... où il y a encore un corps qui est vivant, mais on n'a plus le contact
psychique.
Et alors, ça, peut-être, tout le monde ne
l'a pas vu autour d'eux, dans leurs familles, mais c'est quand même difficile
pour des membres de famille, d'aller revoir, visiter sa mère une fois par
semaine au centre d'hébergement et qu'elle ne reconnaît personne, que... donc,
se retrouver dans une situation où on est un étranger. Puis même, à la limite,
puisqu'on ne voit pas nécessairement les personnes qui étaient proches régulièrement,
cette personne-là peut même devenir un peu anxieuse, parce qu'elle est habituée
à certains visages, qui sont les visages quotidiens du lieu où elle est
soignée. Donc, il faut voir que c'est une personne qui va être là, il faut
s'occuper de tous ses besoins fondamentaux. Elle est parfois alitée, dans les
derniers jours ou dernières semaines, va être alitée 24 heures par jour
parce que trop faible, même, pour être installée au fauteuil. Donc, c'est vraiment
une personne humaine qui est là, mais à qui on n'a plus accès, à son état
cognitif.
Mme Montpetit : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, <Mme la députée. Je...
M. Roy (Louis) :
...dans les derniers jours ou dernières semaines, va être alitée 24 heures
par jour, parce que trop faible, même, pour être installée au fauteuil. Donc,
c'est
vraiment une personne humaine qui est là, mais à qui on n'a plus
accès, à son état cognitif.
Mme Montpetit : Merci.
La Présidente (Mme
Guillemette) :
Merci, >Mme la députée. Je passerais la
parole au député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme
la Présidente. Merci, Dr Roy. J'aimerais qu'on parle ensemble de la question
de la souffrance. C'est d'ailleurs le titre de votre mémoire. Et il y a un
débat auquel on fait face ici, à la commission, depuis le début de nos
auditions, c'est le débat entre, disons, une conception subjective de la
souffrance, donc la personne est la seule capable de dire si elle souffre ou
pas, puis il y a peut-être des conceptions plus objectivantes, là, où le
médecin serait appelé... ou l'équipe traitante serait appelée à contribuer à ce
jugement-là : est-ce qu'il y a réellement souffrance ou pas. Je pense que,
déjà, le titre de votre mémoire indique clairement dans quel camp vous logez. Vous
logez vraiment dans le... Disons, sur le spectre, vous êtes assez proche d'une
conception très subjective de la souffrance. Ça revient à plusieurs moments
dans votre mémoire d'ailleurs.
Qu'est-ce que vous répondez aux gens qui
diraient qu'en insistant autant sur l'aspect subjectif de la souffrance on
court le risque de sortir de la logique de l'aide médicale à mourir et qu'on
entre davantage dans une logique de suicide assisté, c'est-à-dire une logique
où la personne, de manière 100 % autonome, peut dire : Moi, je juge
que, soit maintenant, soit dans quelques années, je suis dans une situation de
souffrance intolérable, moi, je définis souffrance intolérable comme, par
exemple, le fait de ne plus être capable de m'alimenter, de ne plus être
capable de reconnaître mes proches, et, si c'est ma conception de la
souffrance, la société doit le reconnaître, personne ne peut juger de ça, et
donc je devrais avoir accès à l'aide médicale à mourir? Certaines personnes
nous disent : Quand on rentre là-dedans, on sort un peu de la logique de
l'aide médicale à mourir puis on rentre davantage dans une logique de suicide
assistée. Qu'est-ce que vous répondez? Qu'est-ce que vous pensez de cette
idée-là?
M. Roy (Louis) :
Bien, écoutez, d'abord, lorsqu'on parle de souffrance, là, on peut mettre
clairement... souffrance physique, c'est l'aspect, entre guillemets, le plus
facile pour un clinicien d'être capable de dire... de reconnaître. Ça m'est
arrivé plusieurs fois de voir des gens qui ont des douleurs, qui sont à
l'hôpital, et puis, écoutez, on essaie de trouver comment ça se fait que ça
vous fait si mal, on vous fait des examens, des imageries, puis ils retournent
nous voir, les gens : Écoutez, vous avez bien raison de vous plaindre, là,
parce que ce que j'ai vu à l'imagerie, ça doit faire très, très, très mal.
Donc, sur la souffrance physique, on a des éléments objectifs, on est capable
de dire : Oui, oui, je suis capable de voir que, écoutez, vous êtes
toujours à bout de souffle, là, vous avez toujours l'impression que vous allez
étouffer d'un moment à l'autre, c'est objectivable.
Quand on tombe dans la souffrance
psychique, là, <on tombe dans...
M. Roy (Louis) :
...
ça doit faire très, très, très mal. Donc, sur la souffrance physique,
on a des éléments objectifs, on est capable de dire : Oui, oui, je suis
capable de voir que, écoutez, vous êtes toujours à bout de souffle, là, vous
avez toujours l'impression que vous allez étouffer d'un moment à l'autre, c'est
objectivable.
Quand on tombe dans la souffrance
psychique, là, >on tombe dans une sphère qui est autre. On n'a pas
d'imagerie de résonnance magnétique qui est capable de nous montrer que le
cerveau est en souffrance psychique. C'est vraiment... Alors là, c'est vraiment
la relation qu'on peut avoir d'une personne à une autre, d'être capable de
raconter quelle est mon histoire, qu'est-ce que je vis, qu'est-ce que je vis à
l'intérieur, et pourquoi ça devient intolérable pour moi, pourquoi,
personnellement, là, cette situation-là, elle est intolérable.
Évidemment, il faut différencier la
situation aiguë — je viens d'apprendre que ma mère est malade puis
qu'elle va mourir dans les prochains mois, puis je trouve ça intolérable parce
qu'on était très, très proches, là, on a une situation aiguë, puis on va
travailler ça — par rapport à une situation qui est chronique. Donc,
dans la souffrance psychique, il faut s'adresser à la notion de la chronicité,
dans le sens où c'est quelque chose qui est perdurant dans le temps. Ce n'est
pas juste nouveau de la semaine dernière, ça perdure dans le temps et ça vient
perturber le fonctionnement quotidien, le fonctionnement global de la personne.
La personne devient incapable de vraiment être à son meilleur de ce qu'elle
conçoit d'elle-même dans son fonctionnement quotidien, dans son fonctionnement
au travail, dans son fonctionnement en société, dans ses relations
personnelles.
• (10 h 50) •
Donc là, l'évaluation, elle est plus
longue, elle est plus complexe. Ce n'est pas en deux minutes que je peux me
faire une idée de ça. Mais il y a des gens qui, après une longue entrevue, ou
parfois trois, quatre entrevues, vont dire : Oui, je sens... je comprends
la souffrance que vous vivez, je dirais, le désarroi psychique qui est là et
sur lequel il ne semble pas y avoir rien sur lequel se raccrocher, donc, ça... et
là il faut faire attention. Est-ce que c'est une dépression non traitée? Il y a
tout plein de choses, il faut que ça soit médicament bien évalué.
Mais il y a des gens chez qui on trouve...
J'ai vu des gens avec des cancers avec très, très peu de douleur physique
dire : Écoutez, je pense que je ne pourrai pas avoir l'aide médicale à
mourir parce que je n'ai pas de douleur, peut-être qu'il faudrait que je me
mette à prendre de la morphine pour vous convaincre que j'aurais droit. Je veux
dire, écoutez, non, vous n'avez pas de douleur physique, mais vous me parlez,
depuis qu'on se voit, les dernières semaines, que vos journées sont
intolérables, que vous êtes physiquement fatigué, que vous n'avez plus aucune
perspective positive de temps, que, pour vous, vos livres sont terminés, que
vous avez fait vos adieux et que tout ce que vous attendez, c'est que cette
maladie finisse par venir à bout des forces de votre corps pour pouvoir être
délivré. Et ça, c'est de la souffrance psychique, c'est-à-dire d'être face à
une maladie mortelle qui va mener <à un décès...
M. Roy (Louis) :
...vous avez fait vos adieux et que tout ce que vous attendez,
c'est que cette maladie finisse par venir à bout des forces de votre corps pour
pouvoir être délivré. Et ça, c'est de la souffrance psychique, c'est-à-dire
d'être face à une maladie mortelle qui va mener >à un décès, à une
échéance plus ou moins courte, et de ne pas avoir aucun contrôle.
Donc, la vie a perdu tout son sens. La
personne qui était hyperdynamique, hyperfonctionnelle, qui travaillait
beaucoup, qui avait 1 000 activités et qui, du jour au lendemain, se
retrouve... apprend qu'elle a... je reste toujours avec le cancer, c'est le
plus rapide. Maintenant, elle a un cancer, et, tout à coup, je ne suis plus
capable de travailler, je n'ai plus l'énergie pour le faire, j'ai ceci, on a
regardé toutes les possibilités, il n'y a pas de traitement, j'ai... on a fait
le tour, ça fait trois mois que j'ai appris ça, et ma vie ne fait plus aucune
forme de sens, il ne me reste qu'attendre la mort.
Et c'est là où la notion de la souffrance
psychique peut devenir vraiment très, très intense et va prendre le dessus sur
tout le reste, des gens à qui on a soulagé les douleurs physiques, mais qui
disent : C'est correct, là, la douleur, ça va, ça se tolère, mais je n'ai
plus de raison, je n'ai plus d'attente, parce que la seule attente que j'ai,
c'est de ne pas me réveiller demain matin, puis chaque matin est comme un matin
de trop, parce que toute ma journée n'est qu'à penser à ça. Je ne sais pas si
je réussis à répondre à votre question, à clarifier.
M. Nadeau-Dubois : Oui, oui.
Il me reste... Est-ce qu'il me reste du temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Non, malheureusement.
M. Nadeau-Dubois : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci, M. Roy. Très intéressant. 22 ans d'expérience à côtoyer la
mort, je vous admire beaucoup. J'ai une question concernant... Comment on fait
pour s'assurer que le choix que le patient a fait, le choix de partir, il est
clair, il est bien... il n'a pas de points d'interrogation vers la fin? Comment
on fait pour valider si on a... si tout est correct?
M. Roy (Louis) :
Écoutez, c'est... j'ai peut-être le défaut d'avoir été longtemps en soins
palliatifs. À un moment donné, il y a des choses qui sont devenues plus... pas
instinctives, mais disons que, les avoir côtoyés, des gens qu'on va voir, qui
vont parler d'aide médicale à mourir, et c'est à répétition, je peux vous dire,
des gens, de les avoir vus, revenir le lendemain ou le surlendemain, puis la
première chose qu'ils disent : Vous savez, hein, Dr Roy, je n'ai pas
changé d'idée. Ça, c'est l'entrée en matière. Oui, d'accord. Vous, avez-vous
changé d'idée, Dr Roy? Je dis : Bien, moi, je ne suis pas là pour
changer d'idée, mais moi, je viens voir comment, vous, ça va aujourd'hui,
comment ça se passe. Les deux dernières journées, comment ça s'est passé? En
fin de semaine dernière, vous aviez vos petits-enfants qui venaient vous voir,
comment ça a été? Vous me dites que <vous n'avez pas changé...
M. Roy (Louis) : ...changé
d'idée. Ça, c'est l'entrée en matière. Oui, d'accord. Vous, avez-vous changé
d'idée, Dr Roy? Je dis : Bien, moi, je ne suis pas là pour changer
d'idée, mais moi, je viens voir comment, vous, ça va
aujourd'hui,
comment ça se passe. Les deux dernières journées, comment ça s'est passé? En
fin de semaine dernière, vous aviez vos petits-enfants qui venaient vous voir,
comment ça a été? Vous me dites que >vous n'avez pas changé, mais, suite
à cette visite, est-ce que... Non, ma visite est faite. Il y a une espèce de
certitude.
Je peux vous donner l'exemple contraire.
Il m'est arrivé, c'était pas mal dans les débuts de l'aide médicale à mourir, peut-être
la deuxième année, une dame qui a fait une demande d'aide médicale à mourir,
puis c'était clair qu'elle était admissible en termes de diagnostic, et tout,
mais, à chaque fois qu'on venait pour réaborder le sujet, il y avait une
angoisse qui montait, ça devenait angoissant. Elle avait de la difficulté à en
parler avec ses proches. Je disais : Bien, il faut quand même... Non, mais,
vous savez, vous aurez juste à leur dire après. J'ai dit : Bien, non, on
ne peut pas faire ça.
Donc, on travaillait beaucoup ça, mais, à
un moment donné, il y a un jeudi, j'y vais, il y a une de ses filles qui est à
son chevet, puis il y a encore de l'angoisse qui monte, puis là je m'assois,
puis je lui dis : Écoutez, moi, là, je sens qu'à chaque fois qu'on en
parle que ça vient... ça fait monter de l'anxiété chez vous, puis, j'ai
l'impression, comme si vous vous sentez obligée d'aller vers ça. Puis moi, là,
tout à coup, dans mon coeur, ça ne marche pas. Ça fait que, là, si vous voulez,
là, ça va être un long week-end de congé, on va mettre ça sur la glace, on n'y
pense plus puis on va prendre le week-end, là. Puis la semaine prochaine, on
verra si vous voulez qu'on en parle. On va mettre ça de côté. Puis la personne
dit : Bon, c'est correct. Bon, puis à part ça, vous mangez? Je viens pour
sortir de la chambre, et sa fille dit : Docteur, elle veut vous reparler.
Je reviens, et la dame m'a regardé avec un grand sourire, puis elle me
dit : Merci beaucoup. Parce que, tout à coup, je sentais... Puis moi, je
ne voulais pas qu'on mette une date tout de suite, parce que je ne la sentais
pas prête, puis elle m'a dit un gros merci beaucoup.
Je vous ai dit, c'était un long week-end.
Quand je suis revenu le mardi suivant, le lundi étant férié, la dame était
décédée pendant le week-end de l'évolution de sa maladie. Mais son «merci
beaucoup» a été signifiant, dans le sens où si moi, comme clinicien, ou si j'ai
une infirmière ou quelqu'un d'autre qui travaille avec moi qui dit : Ah! Mme
Unetelle, là, il me semble qu'elle a l'air ambivalente, bien, s'il y a
quelqu'un dans l'équipe qui dit : Il me semble qu'elle a l'air
ambivalente, on va regarder ça pour s'assurer qu'il n'y a pas d'ambivalence,
parce que, si on va vers l'aide médicale à mourir, il n'y a pas de retour.
Donc, il faut être certain. Le jour où on le fait, pour que moi, je me sente
bien en le faisant, il faut que je sois convaincu que c'est la bonne et la
seule bonne solution pour cette personne-là actuellement et qu'il n'y avait pas
d'autre alternative qui pouvait être une bonne solution.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Et,
si vous aviez une recommandation à faire en soins de vie, quelle serait cette
recommandation-là pour le projet de loi des soins de fin de vie?
M. Roy (Louis) : Ah! grande
question, mais je reviens au début de ma présentation, c'est que les gens aient
<accès aux soins...
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : ...
soins
de vie, quelle serait cette recommandation-là pour le projet de loi des soins
de fin de vie?
M. Roy (Louis) : Ah! grande
question, mais je reviens au début de ma présentation, c'est que les gens aient
>accès aux soins palliatifs et qu'ils y aient accès rapidement, qu'on
n'attende pas à trois jours de la fin pour dire : Ah! là, on va vous faire
voir par les soins palliatifs.
J'ai vu des gens... Dans le CHU de Québec,
entre autres, on a une clinique externe de soins palliatifs oncologiques, donc,
qui est attenante à la clinique de chimiothérapie, d'hémato-oncologie, et il
s'est développé une certaine habitude : relativement rapidement, des gens
qu'on voit que leur maladie semble... on peut continuer à les traiter, mais
leur maladie va éventuellement évoluer, de les référer rapidement, dans le sens
de faire une prise de contact. Et de savoir qu'il y a quelqu'un qui sera
disponible, il y aura une équipe qui va être disponible, d'avoir ça, ça rassure
les gens puis, quand ils ont un malaise, quand ils ont un symptôme, quand ils
ont un questionnement, ils peuvent aller refrapper à cette porte-là pour
dire : Écoutez, j'aimerais ça vous revoir, j'ai mal ici, ou je me pose des
questions, ou, là, ils viennent de me dire qu'il va falloir changer de
chimiothérapie parce que le traitement n'a pas l'air de bien fonctionner ou je
ne le tolère pas, puis là je me pose la question : Est-ce que je dois
aller encore là ou non? Je dis : Bien, vous devriez en parler avec
l'oncologue. Oui, mais j'aimerais ça en parler aussi avec vous.
Donc, d'avoir un accès rapide aux soins
palliatifs, je vous ai parlé beaucoup de cancers, mais ça peut être une
personne qui arrive avec un problème cardiaque qui évolue, qui s'en va vers
l'insuffisance cardiaque terminale, d'avoir, en plus de son équipe de
cardiologie qui la suit et qui fait le maximum pour l'aider, d'avoir aussi le
suivi avec l'équipe de soins palliatifs qui va pouvoir rassurer de :
Avez-vous des malaises? Avez-vous des symptômes? Avez-vous besoin de soutien?
Est-ce que votre entourage a besoin de soutien? Est-ce qu'on peut faire quelque
chose? Est-ce qu'on devrait mettre les soins du CLSC à domicile dans le
portrait? Cette portion-là va être beaucoup mieux faite par une équipe de soins
palliatifs dûment en place, qui va être en lien... si on est, comme moi j'étais,
dans un hôpital, qui va pouvoir être en lien avec les équipes du domicile, mais
pour que la personne soit vue dans un global, et non pas seulement juste une
maladie... de regarder juste la portion maladie au lieu de regarder le global.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci beaucoup, Dr Roy.
M. Roy (Louis) :
Merci. Ça fait plaisir.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Dr Roy, je vais me permettre. Vous avez
pratiqué longtemps. Les principales causes pour lesquelles, présentement, là, aujourd'hui,
avec la loi qu'on a, outre le cancer, les gens ont accès à l'aide médicale à
mourir?
• (11 heures) •
M. Roy (Louis) :
Bon, le cancer c'est vraiment beaucoup de gens, là, dans ceux qui ont demandé l'aide
médicale à mourir. Dans les autres, on voit beaucoup des gens, bon, avec
certaines maladies neurologiques, entre autres la très connue sclérose latérale
amyotrophique, qui a eu, bon, des cas un peu <célèbres dans les médias...
>
11 h (version révisée)
< M. Roy (Louis) :
...vraiment
beaucoup de gens, là, dans ceux qui ont demandé l'
aide
médicale à mourir.
Dans les autres, on voit
beaucoup
des gens, bon, avec certaines maladies neurologiques,
entre autres la
très connue sclérose latérale amyotrophique, qui a eu, bon, des cas un peu >célèbres
dans les médias, mais que les gens... et ça, c'est assez fréquent que les gens,
dès l'annonce du diagnostic, vont en parler, vont dire : Ah! bien, moi, je
vais probablement demander l'aide. Ils viennent d'apprendre le diagnostic, on
n'a pas fini de leur expliquer c'est quoi, la maladie, puis... et tout : Je
vais probablement demander l'aide médicale à mourir, à un moment donné,
j'aimerais ça que vous me donniez de l'information. Donc, il y a du travail là.
Dans les autres maladies qu'on voit, c'est
des gens qui ont des atteintes organiques, donc des insuffisances cardiaques,
des maladies pulmonaires sévères, des gens qui sont rendus avec de l'oxygène
24 heures par jour à domicile, des gens qui sont sous hémodialyse, parfois
depuis un certain temps, des fois, c'est nouveau. Mais un traitement comme
l'hémodialyse, là, trois fois par semaine, quatre heures d'hémodialyse, c'est,
pour en avoir vu plusieurs, c'est à peu près comme de courir trois fois un
marathon par semaine. Les gens sortent de la dialyse, là, puis ils ne s'en vont
pas manger au restaurant, ils s'en vont se coucher. Puis, s'ils sont le moindrement
un peu plus malades puis un peu plus âgés, ils vont se coucher, puis ils ont
leur dialyse lundi, puis mardi ils s'en remettent, puis mercredi ils reviennent
à la dialyse. Donc, à un moment donné, ils arrivent, là, puis ils disent :
Bien là, ça ne fait plus aucun sens. Alors, c'est des gens qui arrivent en bout
de course de l'évolution d'une insuffisance d'un ou de plusieurs organes.
Dans celles qui sont plus... qui étaient
plus difficiles, c'est des gens qui arrivaient avec un handicap physique pour
lequel... de se retrouver, dire : Bien, écoute, je suis vraiment désolé,
la loi ne me permet pas, je reconnais le handicap, je reconnais les souffrances
qui sont là, autant physiques que psychiques, mais je ne peux pas, parce que la
maladie qui est là, c'est un handicap, et elle ne mène pas vers un décès
prochainement, ce qui est une notion qui est incluse dans la loi fédérale. Dans
ces gens-là, j'ai déjà vu quelqu'un qui... j'étais à l'urgence, puis la
personne a dit : Bien, moi, si je n'ai pas l'aide médicale à mourir, je
vais aller régler ça. Puis finalement j'ai dit : Bien, O.K., on va rester
à l'hôpital. Puis on est resté à l'hôpital le temps qu'on puisse parler puis
comme réussir, là, à calmer la pression qui est trop montée suite à des
éléments autour... dus au handicap, mais...
Puis là j'étais en dehors de mon créneau,
hein, je n'hospitalisais pas quelqu'un en soins palliatifs, mais j'avais dit à
la directrice des soins... des services professionnels, j'ai dit : Écoutez,
je ne peux pas laisser partir cette personne-là, je vais être trop inquiet, je
l'admets, puis je la prends à ma charge, là, je vais l'assumer au complet, ce
ne sera pas l'équipe de soins palliatifs. Ça a permis de refaire le tour puis
de replacer la personne dans son contexte puis de retourner dans son milieu de
vie.
Mais on a des gens qui arrivent dans des situations
difficiles. La vie, parfois, devient intolérable. Donc, il faut <vraiment...
M. Roy (Louis) :
...l'assumer au complet, ce ne sera pas l'équipe de soins palliatifs. Ça a
permis de refaire le tour puis de replacer la
personne dans son contexte
puis de retourner dans son milieu de vie.
Mais on a des gens qui arrivent dans
des
situations difficiles. La vie, parfois, devient intolérable. Donc,
il faut >vraiment qu'on le voie sur le global puis de voir la personne
dans son global.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. On a entendu beaucoup souffrance versus dignité. Là, ce que j'entends,
c'est la prise de décision versus la sérénité, donc on a aussi cet aspect-là à
regarder. Et on a eu une intervenante tout à l'heure, Dre Marchand, qui
nous disait qu'il faudrait revoir les DMA, les demandes médicales anticipées, et
vous nous avez fait la remarque aussi qu'en fait c'est très méconnu puis ce
n'est pas vraiment utilisé. Qu'est-ce qu'on pourrait faire pour...
M. Roy (Louis) :
Qu'est-ce qu'on pourrait faire? Il y avait eu, lorsque la loi avait été
adoptée, il y avait eu cette notion qu'il devait y avoir une campagne grand
public d'information. Il y a ça. En même temps, une campagne, c'est... si on
fait une série de spots publicitaires trois fois dans l'année pendant que les
Canadiens de Montréal sont en finale pour avoir un maximum de cote d'écoute, ce
n'est pas assez pour entrer une notion aux gens, de dire : Ah oui! il
faudrait que je fasse mes directives médicales anticipées, là. Je pense qu'il
faut que l'information soit disponible.
Peut-être qu'il faudrait aussi que les
intervenants en santé de première ligne l'aient dans leur créneau, la personne
qui va voir son médecin de famille, que ça fasse peut-être partie, une fois par
année, dire : Est-ce qu'on a déjà parlé de directives médicales anticipées?,
pour que ça vienne de quelqu'un. Est-ce que les notaires pourraient aussi en
parler, lorsque les gens vont vouloir faire un testament, dans certaines
situations où justement ça pourrait être... l'information se donne plus un pour
un que de penser... que de faire des spots publicitaires, là, comme je vous
dis.
Il y a de nombreuses années, là, avant
même la loi sur les soins de fin de vie, il y avait eu, au plan canadien, il y
avait une compagnie... la fondation d'une compagnie pharmaceutique avait dit :
On va vous soutenir, les soins palliatifs. Ils avaient pris une page complète,
quatre couleurs, dans tous les grands quotidiens du Canada un samedi. Ça leur a
coûté une fortune, bien sûr. Et moi, je reviens, j'étais au conseil
d'administration de l'association canadienne, puis là on nous dit ça, puis ça
va être le samedi telle date. Ça fait que moi, je laisse passer. Et mon
conjoint lit quatre à cinq journaux par jour de... français, anglais. Là, je
laisse passer la date, je dis : As-tu vu quelque chose sur les soins
palliatifs dans les journaux? Non. J'ai dit : Bien, une pleine page dans
tous les journaux? Ah! non, bien, je ne lis pas ces choses-là. Donc, la notion
du spot publicitaire...
Alors, moi, je <pense...
M. Roy (Louis) :
...
lit quatre à cinq journaux par jour de... français, anglais. Là, je
laisse passer la date, je dis : As-tu vu quelque chose sur les soins
palliatifs dans les journaux? Non. J'ai dit : Bien, une pleine page dans
tous les journaux? Ah! non, bien, je ne lis pas ces choses-là. Donc, la notion
du spot publicitaire...
Alors, moi, je >pense qu'il faut
y aller vraiment sur le terrain, de dire... il faut que l'information soit là,
il faut que les professionnels de la santé la connaissent et l'amènent. Alors,
si je vous parlais des gens en insuffisance cardiaque, bien, ils sont suivis à
la clinique d'insuffisance cardiaque. Bien, c'est peut-être un bon endroit où
l'infirmière clinicienne pourrait dire : Est-ce que vous avez déjà pensé à
vos directives médicales anticipées? S'il arrive une complication, on fait
quoi, on va jusqu'où? Pour que ces choses-là entrent dans le collimateur puis
dire : Et votre mari, lui, en avez-vous parlé avec lui? Pour que
l'information roule un peu sur...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Lui, il pourrait être, à ce moment-là, une courroie de transmission à laquelle
on pourrait...
M. Roy (Louis) :
Absolument.
La Présidente (Mme Guillemette) :
D'accord. Je vous remercie beaucoup. Donc, je céderais la parole, pour la
dernière intervenante, à la députée de Joliette.
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour, Dr Roy, heureuse de vous revoir.
M. Roy (Louis) :
Bonjour. C'est un plaisir.
Mme
Hivon
: Écoutez,
j'ai un gros cinq minutes environ. Donc, j'aurais deux questions, ça fait que c'est
pour vous donner un ordre de grandeur du temps que vous avez à peu près pour y
répondre.
La première, c'est vraiment, vu que vous
êtes vraiment aux premières loges puis vous administrez beaucoup d'aide
médicale à mourir,...moi, j'ai entendu, au cours des dernières années, en lien
avec une demande anticipée pour des personnes, donc, qui auraient une maladie
neurocognitive dégénérative, que le niveau de confort du médecin changerait
dramatiquement s'il devait administrer l'aide médicale à mourir à quelqu'un qui
est inapte parce qu'il a une démence, la maladie d'Alzheimer. Donc, j'aimerais
vous entendre là-dessus, le jour même où vient le moment d'administrer l'aide
médicale à mourir à quelqu'un qui n'est plus là et peut avoir l'air
relativement encore là mais qui ne peut rien vous dire.
Puis le deuxième élément, c'est un peu en
lien, c'est un sujet qu'on aborde beaucoup ici, mais, vu que vous parlez
beaucoup de la souffrance, comment on fait... comment on réconcilie le fait que
certains nous disent : Moi, si j'écris a, b, c dans ma demande anticipée
d'aide médicale à mourir, c'est ça. Donc, si j'ai dit que c'est quand je ne
reconnaissais plus mes proches, je veux l'aide médicale à mourir, vous me le
donnez, versus le fait que la personne peut, au moment où cette condition-là se
réalise, ne pas avoir de souffrance et, puisqu'elle n'est plus exactement la
même personne, ne pas nécessairement avoir de souffrance psychique non plus.
Donc, comment on réconcilie ça avec l'existence du critère de la souffrance?
• (11 h 10) •
M. Roy (Louis) :
O.K. Écoutez, par rapport aux médecins, je pense qu'on est dans un processus
continu. Il y a 10 ans, on aurait demandé aux médecins : Quel est
votre niveau de confort d'administrer l'aide médicale à mourir à quelqu'un? Les
niveaux auraient été très, très, très bas, parce que ce n'était pas présent.
Même lorsque l'aide <médicale...
M. Roy (Louis) :
...je pense qu'on est dans un processus continu. Il y a
10 ans, on aurait demandé aux médecins : Quel est votre niveau de
confort d'administrer l'aide médicale à mourir à
quelqu'un? Les niveaux
auraient été
très, très, très bas, parce que ce n'était pas présent.
Même lorsque l'aide >médicale à mourir est devenue officiellement accessible,
on avait très peu de médecins qui... ça a été un des enjeux, au début, d'avoir
des médecins qui répondent ou qui acceptent de prendre les demandes. Et
progressivement il y en a de plus en plus, de médecins, qui acceptent de
prendre les demandes, qui se sentent confortables. Je vois, pour avoir été en
milieu universitaire, des jeunes médecins en formation qui veulent tous au
moins en voir une, une fois, puis qu'on puisse en parler. Et je pense que tout
ça, cette génération-là qui monte va aussi être plus à l'aise.
Donc, la société évolue, la société
change, les gens changent, les perceptions qu'on a changent. On a de moins en
moins de gens qui s'y opposent. Je peux vous dire, dans mon milieu où je suis,
de Québec, je ne me souviens pas... je me souviens d'un médecin qui m'a dit :
Bon, vous avez réussi à gagner votre affaire, vous allez faire de l'aide
médicale à mourir. Mais ça a été une seule personne. Tous les autres ont dit :
Écoute, je ne me sens pas, moi, prêt ou capable de le faire, mais je reconnais
que, si j'étais dans la situation de cette personne-là, peut-être que je le
demanderais.
Donc, c'est une question de... que ça soit
présent, que ça existe, de perception. Alors, je pense que pour le médecin qui
arriverait devant une personne qui est devenue inapte, mais devant un concept
très clair d'une demande qui a été clairement établie, que c'est vraiment... je
pense que là, à ce niveau-là, si c'est fait d'avance, il faudra que ce soit
juridiquement inattaquable, que la chose soit vraiment bien claire et que ça
soit révocable tant et aussi longtemps que la personne est apte, que ça soit
révocable en tout temps. Ça, c'est aussi clair. Je pense qu'il y aura au début
peut-être moins de médecins qui vont être confortables, mais il va y en avoir,
et progressivement la chose va devenir acceptée, même plus qu'acceptable.
Par rapport à la seconde portion de votre
question, si on est face à ça, c'est comment on réussit à déterminer... en
fait, la personne qui reçoit... Je vais prendre... moi, là, je reçois un
diagnostic, là, la semaine prochaine : Dr Roy, vous avez l'alzheimer,
stade 1, mais on sait que ça va évoluer, puis que je décide de faire ça,
bien, au moment où je fais ma demande, je dis : Bien, moi, aujourd'hui, en
toute conscience de moi-même, voici quelle est la limite à laquelle je ne
voudrais pas être. Je ne voudrais pas être comme j'ai vu telle personne qui
était rendue grabataire, donc voici la limite où je ne voudrais pas être. Une
fois que je suis arrivé à cette limite-là, je ne suis plus apte, mais j'ai
atteint cette limite que j'avais fixée par avance. C'est un concept, là, qui
peut être un peu difficile, mais j'ai moi-même fixé ma limite et je <demande...
M. Roy (Louis) :
...
personne qui était rendue grabataire, donc voici la
limite où je ne voudrais pas être. Une fois que je suis arrivé à cette
limite-là, je ne suis plus apte, mais j'ai atteint cette limite que j'avais
fixée par avance. C'est un concept, là, qui peut être un peu difficile, mais
j'ai moi-même fixé ma limite et je >demande à quelqu'un d'actualiser
cette notion de quand je vais... si j'arrive là, vous arrêtez. Et j'ai dit à
mon conjoint, je dis : Moi, si je suis inapte, là, bon, l'aide médicale à
mourir, ce n'est pas... ce n'est pas possible, mais, si je deviens inapte, là,
puis je suis grabataire, comme on a vu ton père, là, j'ai dit, là, tu dis au
docteur d'arrêter les pilules pour le cholestérol, puis l'hypertension, puis le
diabète, puis vous me servez de la tarte au sucre, puis, si j'ai l'air d'aimer
ça, vous m'en redonnez, puis on s'en fout de ma glycémie puis du reste. Donc,
j'ai donné une directive anticipée à mes proches, dire : Vous ne faites
rien pour me retenir. À partir du moment où je n'aurai plus mon raisonnement,
ma conscience de moi-même, vous ne faites rien pour me retenir. Si je tombe
puis que je me blesse, oui, vous faites tout pour me sauver, si je suis
sauvable, mais sinon...
Alors, quand la personne donne un moment,
en pleine conscience : Moi, je vous fixe quel est mon point limite, bien,
comment on peut arriver, quand on arrive à ce point limite là, remettre en
question sa décision qui avait été faite?
Mme
Hivon
:
Bien, en fait, juste... si je peux me permettre, donc, ça veut dire que le
critère de souffrance, pour vous, dans un cas comme ça, on l'enlève. C'est
comme le critère de souffrance anticipée qui compte ou juste de limites de la
personne.
M. Roy (Louis) :
Bien, écoutez, si on veut regarder la souffrance, c'est, si, par baguette
magique, pendant cinq minutes, je pouvais prendre cette personne-là et la
ramener puis dire : Bien, voici, là, je veux savoir, là. Là, vous êtes
rendue à ce stade-là, on est rendu à ça, vous aviez dit, si vous êtes là, on
vous fait l'aide médicale à mourir, est-ce que c'est toujours ça que vous
voulez? Oui? Non? Puis ensuite vous allez retourner à votre état où vous étiez
avant. Quelle est la probabilité que la personne qui peut sortir d'elle-même
puis se regarder, dire : Ah! non, finalement, j'ai envie de continuer
comme ça, alors qu'elle avait donné...
La notion d'être dépendant des autres,
d'être grabataire, d'être incontinent, ça peut nous sembler non souffrant, mais
moi, je pense qu'il y a une forme de souffrance. Le nombre de personnes avec
des démences qui sont... qui ont des gestes agressifs parce qu'ils se sentent
comme attaqués, parce que tout ce qui est autour d'eux est un élément comme une
attaque, ça, c'est un élément qui peut faire en sorte... bien, il y a une forme
de souffrance. Est-ce que... C'est quoi, la conscience de cette souffrance-là?
Je ne le sais pas, on n'est pas capable de le dire, mais je pense qu'il y a un
élément où cette... on n'est pas obligé de se tordre de douleur pour dire qu'on
est dans une souffrance ou dans une situation qui devient inacceptable.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, Mme la députée. Merci beaucoup, Dr Roy, pour votre partage
ce matin.
Donc, nous suspendons les travaux quelques
instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités. Merci encore infiniment,
Dr Roy.
(Suspension de la séance à 11 h 15)
M. Roy (Louis) :
...une situation qui devient inacceptable.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, Mme la députée. Merci beaucoup, Dr Roy, pour votre partage
ce matin.
Donc, nous suspendons les travaux
quelques instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités. Merci encore
infiniment, Dr Roy.
(Suspension de la séance à
11 h 15)
>
(Reprise à 11 h 25)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous pouvons reprendre les travaux. Merci. Donc, nous accueillons maintenant
le Groupe interdisciplinaire freudien de recherche et d'intervention clinique,
Mme Lucie Cantin, M. Willy Apollon et Dre Danielle Bergeron.
Donc, je vous cède la parole pour votre présentation de 20 minutes.
Groupe interdisciplinaire freudien de recherche et
intervention clinique (GIFRIC)
M. Apollon (Willy) : Bonjour,
Mme la Présidente, et bonjour à vous tous, membres de la commission. Nous
tenons d'abord à vous remercier de nous donner l'occasion de témoigner aux
audiences de cette commission. Je suis Willy Apollon, docteur en philosophie,
Paris-Sorbonne, et psychanalyste. Je suis l'auteur, concepteur du traitement
psychanalytique des psychoses et de son développement clinique au centre de
traitement psychanalytique pour psychotiques, Le 388.
Dre Danielle Bergeron est psychiatre
et psychanalyste. Elle est professeure agrégée de clinique au Département de
psychiatrie de l'Université Laval. Elle est responsable médicale du 388. Elle
se joindra à la discussion après la présentation.
Mme Lucie Cantin est psychologue et
psychanalyste. Elle a été professeure de clinique et est actuellement superviseure
clinique pour l'internat au doctorat à l'École de psychologie de l'Université
Laval. Elle est psychanalyste au 388.
Nous sommes donc les trois psychanalystes
qui ont créé et mis en oeuvre ce traitement spécialisé pour les psychoses à Québec
il y a 40 ans. Nous sommes membres d'un groupe d'une trentaine de professionnels
de différentes disciplines, j'ai nommé le GIFRIC, qui, en collaboration avec le
CIUSSS de la Capitale-Nationale, rend possible ce traitement autre à Québec.
Le GIFRIC est responsable de l'orientation
psychanalytique du centre, du maintien de l'encadrement clinique qui
conditionne ses résultats, de la formation du personnel et de l'évaluation
continue des résultats cliniques qui sont publics et vérifiables.
Nous sommes donc ici en tant qu'experts
dans le traitement de la schizophrénie et des psychoses, c'est-à-dire ces
maladies que la psychiatrie appelle des troubles mentaux sévères et
persistants. Notre propos aujourd'hui portera essentiellement <sur la...
M. Apollon (Willy) :
Nous sommes donc ici en tant qu'experts dans le traitement de la schizophrénie
et des psychoses, c'est-à-dire ces maladies que la psychiatrie appelle des
troubles mentaux sévères et persistants. Notre propos aujourd'hui portera
essentiellement >sur la notion d'incurabilité de cette maladie que notre
expérience clinique et les résultats du traitement ne nous permettent pas de
soutenir.
Nous définirons ce qu'est la psychose, précisons
ici que la schizophrénie est une forme de psychose, et qu'implique la psychose
comme type de souffrance. Nous présenterons les résultats cliniques qui
montrent que les problèmes sérieux que présentent les patients psychotiques ne
sont pas irréversibles moyennant un traitement adéquat qui leur permet
d'évoluer jusqu'à retrouver une vie satisfaisante de citoyen actif dans la société.
Ensuite, un mot sur les conséquences anticipées à l'élargissement de la loi.
Nous tenons à préciser que notre propos ne concerne nullement les maladies
végétatives, maladie d'Alzheimer, maladie de Parkinson, etc., les maladies
physiques incurables ou encore les maladies...
La psychose. Bien sûr, on reconnaît qu'il
s'agit de troubles mentaux graves pour lesquels il est important qu'une société
comme la nôtre puisse offrir une diversité de services adéquats. Dans cette
gamme de services, nous offrons, quant à nous, un traitement spécifique et
spécialisé qui suppose l'adhésion du patient, parce qu'il s'agit de
psychanalyse.
Il faut savoir qu'un jeune de 18 à 22 ans
qui reçoit un diagnostic de schizophrénie se fait souvent dire qu'il doit
désormais éviter les situations de stress, donc abandonner ses projets de vie,
et qu'il devra prendre des médicaments toute sa vie parce qu'il s'agit d'une
maladie incurable. Ces jeunes adultes auront ainsi à gérer les effets
débilitants de la médication neuroleptique : effets secondaires parfois
irréversibles, prise de poids importante, troubles sexuels, etc. Ils vivent
donc ce diagnostic comme une condamnation, comme si leur vie à peine commencée
était irrémédiablement hypothéquée au point où plusieurs d'entre eux ne voient
d'autre solution que le suicide.
• (11 h 30) •
C'est ainsi que le ministère de la Santé et des
Services sociaux, dans son Plan d'action en santé mentale de 2015‑2020, nous
indique que <10 % de ces jeunes se...
>
11 h 30 (version révisée)
< M. Apollon (Willy) :
...hypothéquée au point où plusieurs d'entre eux ne voient d'autre solution que
le suicide.
C'est ainsi que le
ministère de
la Santé et des Services sociaux, dans son Plan d'action en santé mentale de
2015‑2020,
nous indique que >10 % de ces jeunes se suicident dans les cinq
années qui suivent ce diagnostic de psychose. Ceci sans compter tous les autres
qui, sans mettre fin à leurs jours, ne trouvent plus aucun intérêt à vivre. Ils
ne prendront plus aucune précaution pour protéger leur santé et leur vie. Ils
ont perdu l'espoir de réaliser les projets de vie qu'ils avaient imaginés au
cours de leur adolescence.
Quand nous offrons aux psychotiques un
cadre de traitement où ils peuvent parler librement, dire vraiment ce qu'ils
sont en train de vivre au plus intime d'eux-mêmes, parce qu'ils sont enfin
écoutés, entendus au-delà de la symptomatologie qu'ils présentent, nous
apprenons d'eux que, depuis l'enfance, ils ne se sont jamais reconnus dans les
discours tenus sur eux, pas plus qu'ils n'ont adhéré, comme adolescents, à
l'organisation de la société. Non pas parce qu'ils sont antisociaux, mais parce
qu'ils sont préoccupés, comme nous devrions l'être tous, par ce qui ne
fonctionne pas dans l'humanité : les injustices sociales, les guerres, le
racisme, la violence faite aux femmes, la pauvreté grandissante, la destruction
de la planète, tous ces problèmes qui nécessiteraient que toutes les nations et
tous les pays travaillent ensemble pour les régler.
Le psychotique a le sentiment d'être seul
à se rendre compte de ce mal qui détruit l'humanité, tel ce patient dont on
réalise en le visitant chez lui que son domicile est rempli d'une vingtaine de
boîtes d'écrits qu'il a passé son temps à rédiger pour développer une solution
qui consisterait à mettre sur pied un gouvernement mondial. L'échec à pouvoir
réaliser seul un tel projet est la source d'une souffrance psychique spécifique
dont l'origine est éthique, c'est-à-dire liée à ce qu'il estime devoir faire
pour l'humanité et à l'impossibilité où il se trouve de le réaliser,
impossibilité à laquelle il est confronté.
Ainsi, la souffrance du psychotique est un
enjeu éthique. Tous nos patients ont eu, à un moment ou un autre de leur vie,
des idées sérieuses de suicide. Pour beaucoup d'entre eux, ce n'est pas la
souffrance physique <insupportable...
M. Apollon (Willy) :
...la souffrance du psychotique est un enjeu éthique. Tous nos patients ont eu,
à un moment ou un autre de leur vie, des idées sérieuses de suicide. Pour
beaucoup d'entre eux, ce n'est pas la souffrance physique >insupportable,
ce n'est pas non plus une souffrance psychique intolérable qui commande ces
idées de suicide. Ces citoyens, schizophrènes ou psychotiques, vivent dans un
univers intime où la préoccupation de l'humain est au centre de leur vie.
Aussi, quand ils se sentent accueillis dans leur différence et décident de
parler vraiment, ils nous disent que certains de ces projets d'avenir sont pour
eux plus importants que leur propre vie et que, s'ils doivent les abandonner,
ils pensent plutôt mourir, soit parce qu'ils se sentent en faute de ne pouvoir
les réaliser, soit parce que la société telle qu'elle est organisée ne leur
permettra jamais de réaliser ces choses qu'ils estiment nécessaires pour
l'humanité.
Je laisse la parole à ma collègue Lucie
Cantin pour continuer.
Mme Cantin (Lucie) : Alors,
voici, je vais vous donner quelques exemples cliniques pour illustrer ce dont
on vient de parler. Par exemple, tel de nos patients qui, engagé dans des
recherches universitaires, apprend que les résultats risquent d'être utilisés à
des fins militaires contraires aux idéaux humanitaires qui l'avaient motivé à
participer à ces recherches. La découverte de ce à quoi pourra servir son
travail le précipite dans une crise psychotique importante qui l'a amené au
388. Au cours de sa cure, il décidera d'abandonner son domaine de recherche
pour se consacrer à une formation professionnelle qui l'habilitera à aider les
personnes âgées dans les hôpitaux. Ainsi, la souffrance qu'il éprouvait à
l'idée de devoir renoncer à son projet l'aura amené à créer pendant la cure une
nouvelle solution éthique qui répondait à son souci d'aider l'humain, ce qui
lui a redonné une raison de vivre.
Tel autre patient hospitalisé à répétition
depuis l'adolescence et pour lequel la famille démunie songeait à un placement
à long terme, parce qu'il présentait depuis des années des symptômes
réfractaires au traitement psychopharmacologique, continuant à être envahi par
les hallucinations, à s'isoler pour prier jour et nuit, à errer dans les rues
et qui, au cours de son traitement au 388, a réussi à ne plus jamais être
hospitalisé, à vivre seul de façon autonome en appartement et à reprendre des
études qu'il avait abandonnées à 16 ans tout en travaillant à temps
partiel pour payer ses études.
Pendant que nous préparions ce document,
un patient a résumé mieux que nous pourrions le faire l'effet du traitement. Il
nous <disait...
Mme Cantin (Lucie) :
...
à vivre seul de façon autonome en appartement et à reprendre des
études qu'il avait abandonnées à 16 ans tout en travaillant à temps
partiel pour payer ses études.
Pendant que nous préparions ce
document, un patient a résumé mieux que nous pourrions le faire l'effet du
traitement. Il nous >disait, et je le cite : «Quand je réussis à
trouver les mots pour dire ce que je vis intérieurement, je ne suis plus
schizophrène...»
La Présidente (Mme Guillemette) :
Excusez, Mme... Dre Cantin, on va suspendre quelques instants parce qu'on
a vraiment un problème à vous entendre, là. On essaie plusieurs choses, puis ça
ne fonctionne pas.
Donc, on va suspendre pour essayer de
régler ce problème-là, quelques secondes.
(Suspension de la séance à 11 h 37)
(Reprise à 11 h 39)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous reprenons avec la Dre Cantin. Donc, je vous cède la parole, et
vous pouvez recommencer dès le début.
Mme Cantin (Lucie) : D'accord.
Alors, je commençais, à la suite de M. Apollon, en vous donnant des
exemples cliniques de ce qu'il vient d'aborder. Tel de nos patients, par
exemple, qui est engagé dans des <recherches...
La Présidente (Mme Guillemette) :
...avec la Dre Cantin. Donc,
je vous cède la parole, et vous pouvez
recommencer dès le début.
Mme Cantin (Lucie) :
D'accord. Alors, je commençais, à la suite de M. Apollon, en vous
donnant des exemples cliniques de ce qu'il vient d'aborder. Tel de nos
patients, par exemple, qui est engagé dans des >recherches
universitaires et qui apprend que ses résultats risquent d'être utilisés à des
fins militaires qui sont contraires aux idéaux humanitaires qui l'avaient
motivé à participer à ces recherches. La découverte de ce à quoi pourra servir
son travail le précipite dans une crise psychotique importante qui l'a amené au
388. Au cours de sa cure, il décidera d'abandonner son domaine de recherche
pour se consacrer à une formation professionnelle qui l'habilitera à aider les
personnes âgées dans les hôpitaux. La souffrance qu'il éprouvait à l'idée de
devoir renoncer à son projet l'a amené ainsi, pendant la cure, à créer une
nouvelle solution éthique qui répondait à son souci d'aider l'humain, ce qui
lui a redonné une raison de vivre.
Tel autre patient, hospitalisé à
répétition depuis l'adolescence et pour lequel la famille démunie songeait à un
placement à long terme, parce qu'il présentait depuis des années des symptômes
réfractaires au traitement psychopharmacologique, continuant à être envahi par
les hallucinations, à s'isoler, prostré, pour prier de façon continue jour et
nuit et à errer dans les rues et qui, au cours de son traitement au 388,
réussit à ne plus retourner à l'hôpital, à vivre seul de façon autonome en
appartement et à reprendre des études abandonnées depuis l'âge de 16 ans
tout en travaillant à temps partiel pour payer ses études.
Pendant que nous préparions ce document,
un patient a résumé mieux que nous pourrions le faire l'effet du traitement. Il
a dit, et je le cite : «Quand je réussis à trouver les mots pour dire ce
que je vis intérieurement, je ne suis plus schizophrène, ça me ramène à mon
humanité.» Il faut noter que ce patient avait passé trois années à l'hôpital
avant de venir au 388 et qu'actuellement il vit de façon autonome, seul en
appartement, tout en faisant du bénévolat dans un CHSLD.
Aussi, alors, est-ce qu'on va leur donner
accès à l'aide médicale à mourir parce qu'on ne leur donne pas les services
adéquats pour reprendre leur vie en main? Est-ce que ce serait une nouvelle
forme de discrimination parce que ce sont des schizophrènes et des
psychotiques, eux qui sont les parents pauvres de nos services de santé et qui
souffrent déjà des préjugés négatifs les plus tenaces dans notre société?
Notre centre accueille plus d'une centaine
de personnes souffrant de schizophrénie ou de psychose. La plupart d'entre eux
ont vécu plusieurs hospitalisations en psychiatrie avant leur arrivée au centre.
Dans un milieu ouvert, nous offrons un traitement global, 24 heures par
jour, sept jours-semaine, toute l'année, y compris un traitement intensif de la
décompensation psychotique sur place pour lequel nous disposons de six lits de
traitement, évitant ainsi l'hospitalisation et le recours à l'urgence.
Le traitement psychanalytique des
psychoses a des résultats qui sont connus non seulement au Québec, mais en <Europe...
Mme Cantin (Lucie) :
...
y compris un traitement intensif de la décompensation psychotique sur
place pour lequel nous disposons de six lits de traitement, évitant ainsi
l'hospitalisation et le recours à l'urgence.
Le traitement psychanalytique des
psychoses a des résultats qui sont connus non seulement au Québec, mais en >Europe,
aux États-Unis et en Amérique du Sud, où plusieurs spécialistes s'y intéressent
à la fois pour les résultats obtenus ou parce qu'ils s'en inspirent pour créer
des services semblables chez eux.
Les données actuelles témoignent que nos
usagers opèrent des changements majeurs dans leur vie, tels que la gestion des
épisodes aigus sans le recours à l'hospitalisation et la modification et/ou la
disparition des symptômes psychotiques. Ceci se vérifie par une diminution
significative du taux de suicide à un taux de 1 %, comparativement au
10 % mentionné dans le plan de santé mentale pour ce type de clientèle. Ça
se manifeste aussi par une diminution significative des hospitalisations et la
reprise d'une autonomie qui se concrétise par l'autonomie du lieu de vie et un
retour au travail, aux études ou à une activité sociale significative qui les
engage dans la société.
On vous présente, dans le mémoire,
quelques tableaux. J'en commenterais quelques-uns seulement, d'abord le premier,
qui présente un groupe de 197 patients qui sont traités pendant... qui ont
été traités pendant trois ans et plus au 388. La ligne verte au milieu du tableau
indique, là, le moment de leur arrivée au 388. On y compare donc le nombre de
jours d'hospitalisation pour ce groupe de patients au cours des trois années
qui ont précédé leur arrivée au centre avec le nombre de jours
d'hospitalisation pendant leur traitement au 388. On voit qu'avant leur arrivée
au 388 les hospitalisations augmentaient de façon importante d'année en année,
atteignant 7 300 jours d'hospitalisation dans l'année précédant leur
arrivée au 388, et que ce chiffre chutait à 944 au bout de trois ans.
Dans le deuxième tableau, toujours pour le
même groupe, la colonne rouge vous indique qu'à l'arrivée au 388 51 % de
ces usagers vivaient dans un lieu de vie autonome, alors qu'au bout de trois
ans notre chiffre atteignait 81 %.
De la même façon, le troisième tableau qui
concerne leur participation active dans la société, toujours dans la colonne
rouge, on voit que 25 % seulement d'entre eux étaient actifs au moment de
leur arrivée au 388, alors qu'au bout de trois ans on avait 73 % de ces
gens qui étaient actifs.
Je m'attarderai aux trois derniers
tableaux qui sont dans le mémoire parce que ces trois derniers concernent un
groupe de 83 patients qui ont été traités pendant huit ans et plus. Sur le
tableau des hospitalisations, on voit aussi qu'avant leur arrivée au 388
le nombre de jours augmentait d'année en année, atteignant 3 400 jours
dans l'année qui a précédé leur arrivée au 388, et que ce <chiffre...
Mme Cantin (Lucie) :
...
patients qui ont été traités pendant huit ans et plus. Sur le tableau
des hospitalisations, on voit aussi qu'avant leur arrivée au 388 le nombre
de jours augmentait d'année en année, atteignant 3 400 jours dans
l'année qui a précédé leur arrivée au 388, et que ce >chiffre
diminuait constamment au cours des années jusqu'à arriver à 284 au cours
de la huitième année de traitement.
Quant à l'autonomie par rapport au lieu de
vie, elle passe de 49 %, quand ils sont arrivés au 388, pour
atteindre 90 % au bout de huit ans.
Concernant leur participation à la vie
sociale, je vous rappelle, c'est le retour aux études, au travail, au
bénévolat, 17 % seulement étaient actifs au moment de leur arrivée, et ce
chiffre atteignait 75 % au bout de huit ans.
Ces derniers tableaux, qui illustrent
l'évolution clinique sur huit ans de traitement, sont importants parce qu'ils
montrent une amélioration de leur vie qui non seulement se maintient, mais qui
continue de progresser au fil des ans, confirmant ainsi la permanence de la
diminution des symptômes. Et ces données longitudinales pour ce genre de
clientèle viennent donc contredire l'irréversibilité des symptômes chez les
patients souffrant de troubles mentaux sévères et persistants.
Je voudrais ajouter qu'en 2002 un
groupe d'experts a été mandaté par le ministère de la Santé pour venir évaluer
le programme. À cette occasion-là, les experts ont rencontré quelque
42 patients, ils ont rencontré les familles, ils ont rencontré les
proches, ils ont rencontré les partenaires du réseau. Je vous cite brièvement
une de leurs conclusions : «Les parents apprécient particulièrement que le
traitement permette d'optimaliser les capacités de chacun jusqu'à un niveau de
rétablissement dont ils avaient cessé de rêver. Les partenaires — eux,
c'est-à-dire les gens du CLSC, des autres centres hospitaliers, les psychiatres
du réseau, organismes communautaires — signalent que la clientèle
référée et observée au 388 présente des troubles graves et persistants que
plusieurs psychiatres hésiteraient à traiter en dehors du cadre hospitalier
formel. La démarche personnelle d'engagement exigée du patient pour son
admission au 388 ne biaise en rien la sélection de la clientèle qui se révèle
lourde objectivement. Les partenaires ont constaté des améliorations qu'ils ne
pouvaient pas obtenir eux-mêmes antérieurement avec les mêmes clients.» Fin de
la citation.
Je soulignerais, finalement, que ce
traitement coûte à l'État 50 $ par jour par patient, et ça, c'est sans
compter les économies liées à la diminution des hospitalisations et des coûts
sociaux.
En conclusion, trois points. Ces cas et
bien d'autres nous ont portés à nous poser la question si l'aide médicale à
mourir ne vient pas se substituer à des services adéquats qui aideraient les
personnes à reprendre leur vie en main.
Deuxièmement, <l'aide...
Mme Cantin (Lucie) :
En conclusion, trois points. Ces cas et bien d'autres nous ont portés à
nous poser la question si l'aide médicale à mourir ne vient pas se substituer à
des services adéquats qui aideraient les personnes à reprendre leur vie en
main.
Deuxièmement, >l'aide à mourir
pourrait devenir une voie de sortie encouragée à leur insu par les spécialistes
qui ont posé un diagnostic fatal aux jeunes psychotiques, consacrant une
impasse indépassable pour leur avenir. L'aide médicale à mourir pourrait ainsi
être accordée pour des raisons tout autres que celles pour lesquelles la loi la
rendrait accessible.
Finalement, le psychotique, et on veut
être clair sur ça, est un citoyen de plein droit. S'il a accès à l'aide
médicale à mourir, ce doit être pour les mêmes raisons de maladies physiques
incurables, comme tout autre citoyen, et non pas parce qu'il est psychotique et
que cette maladie serait incurable. Avec les résultats que nous venons de
montrer, à savoir que les personnes retrouvent une vie de citoyen actif comme
nous tous et une vie satisfaisante pour eux-mêmes, notre expérience clinique ne
nous permet pas de parler des psychoses comme des maladies incurables. Je vous
remercie.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dre Cantin. Donc, nous allons maintenant procéder à la
période d'échange avec les membres de la commission en débutant par le député
de Gouin.
• (11 h 50) •
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, messieurs dames. J'ai à peu près six minutes. Donc, je
vais vous poser quelques questions, mais je vais vous demander de faire le même
effort que moi en termes de concision.
D'abord, vous nous dites et vous n'êtes
pas les premiers à nous le dire qu'il y a un danger à ouvrir l'aide médicale à
mourir pour les gens souffrant de troubles mentaux dans un contexte où les
soins ne sont pas suffisamment disponibles et qu'il y a énormément de
discriminations qui s'abattent encore sur les gens qui souffrent de ces
maladies-là. C'est un argument similaire qui avait été présenté lors de la
première commission sur l'aide médicale à mourir au sujet des soins palliatifs.
Beaucoup de gens disaient : On ne peut pas ouvrir l'aide médicale à mourir
dans un contexte où les soins palliatifs sont particulièrement déficients au
Québec.
Et depuis le début de nos travaux ici, à
la commission, beaucoup d'experts sont venus répondre à cet argument-là en
disant : C'est un peu un faux dilemme. On pourrait faire les deux, on
pourrait ouvrir l'aide médicale à mourir pour les gens souffrant de troubles
mentaux sévères et persistants tout en... en même temps, sur une voie
parallèle, travailler avec énergie à améliorer les soins puis l'acceptabilité
dans la société des gens qui souffrent de troubles mentaux sévères. Qu'est-ce
que vous répondez à cet argument-là?
Mme Cantin (Lucie) : C'est
difficile de voir qui <est-ce qui...
M. Nadeau-Dubois : ...
souffrent
de troubles mentaux sévères. Qu'est-ce que vous répondez à cet argument-là?
Mme Cantin (Lucie) :
C'est difficile de voir qui >est-ce qui... Est-ce qu'on m'entend?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, on vous entend bien.
Mme Cantin (Lucie) : Est-ce
que, M. Apollon, vous voulez... Je vous laisserais, M. Apollon,
parler de la différence entre cette souffrance physique et psychique.
M. Apollon (Willy) : Je crois
qu'il faut faire une différence claire entre souffrance physique et souffrance
psychologique. La souffrance physique peut devenir irrémédiable, et, à ce
moment-là, l'aide à mourir est certes un apport. La souffrance psychologique...
on ne peut pas dire que la souffrance psychologique est irréversible parce que
la souffrance psychologique, et en particulier chez le psychotique, est une
souffrance liée à un sentiment d'éthique. C'est une souffrance qui est liée au
fait de penser qu'on ne pourra pas accomplir quelque chose que l'on considère
comme un devoir plus important que sa vie même. C'est ça, l'enjeu, c'est une question
d'éthique.
Par ailleurs, la souffrance psychologique,
même quand ce n'est pas dans la psychose, on ne peut pas dire qu'elle est
irréversible comme la souffrance physique biologique. C'est ça, le point.
M. Nadeau-Dubois : Merci. Deux
questions pour vous, en rafale, vous pourrez y répondre l'une à la suite de
l'autre.
D'abord, vous nous... D'abord, sur la question
de l'incurabilité, vous nous dites... vous affirmez quand même quelque chose de
fort, puis d'ailleurs, vous n'êtes pas le premier, hein, mais c'est quand même
une affirmation forte, devant la commission, vous nous dites : Aucune
souffrance psychologique n'est incurable. Je comprends que, dans votre
expérience clinique à vous, vous avez des résultats convaincants. Qu'est-ce qui
vous permet de faire ce saut-là et de dire, même dans des cas, par exemple, de
troubles obsessionnels compulsifs, des cas de dépression chronique, des cas
extrêmement lourds qui nous ont été présentés, notamment par l'association des
psychiatres du Québec, qu'est-ce qui vous permet d'affirmer avec une telle
certitude qu'il n'y a aucun cas <incurable? Et...
M. Nadeau-Dubois : ...
saut-là
et de dire, même dans des cas, par exemple, de troubles obsessionnels
compulsifs, des cas de dépression chronique, des cas extrêmement lourds qui
nous ont été présentés, notamment par l'association des psychiatres du Québec,
qu'est-ce qui vous permet d'affirmer avec une telle certitude qu'il n'y a aucun
cas >incurable? Et pourquoi... Et seriez-vous mal à l'aise avec un
compromis qui dirait : Bien, laissons les professionnels de la santé juger
de ça et permettons l'aide médicale à mourir pour les situations où les gens et
leurs professionnels de la santé jugent qu'on est devant... qu'on a un degré raisonnable
de certitude que le cas est incurable? C'est ma première question.
Et la deuxième, la loi québécoise sur
l'aide médicale à mourir, actuellement, n'exclut pas les gens qui ont des
troubles mentaux. Si je suis votre raisonnement, c'est la recommandation que
vous nous faites. Vous nous dites : Vous devriez exclure nommément dans la
loi les gens souffrant de troubles mentaux sévères. Que répondriez-vous à
quelqu'un qui dirait, et c'est des représentations qui nous ont été faites à la
commission, que, ce faisant, on inscrirait une discrimination dans la loi
québécoise sur l'aide médicale à mourir, une discrimination qui est, selon eux,
injustifiable? Qu'est-ce que vous répondriez à cet argument-là? Donc, vous
pouvez répondre à mes deux questions dans le temps qu'il nous reste.
Mme Cantin (Lucie) : Dre Bergeron,
est-ce que vous voulez répondre?
M. Apollon (Willy) : Allez-y,
Lucie.
Mme Bergeron (Danielle) :
Oui, je pense que je peux répondre. Pourquoi on enlèverait... vous dites :
Pourquoi on enlèverait le droit d'avoir l'aide médicale à mourir de gens qui
ont un... qui souffrent d'un TOC sévère ou d'une dépression qui ne guérit pas.
Le point de vue qui amènerait à l'aide médicale à mourir, ce serait que ce sont
des maladies d'origine biologique. Et ça, quand on parle de la dépression, de
la psychose ou d'un trouble obsessif compulsif comme une maladie biologique, c'est
un argument qui est trompeur. C'est trompeur parce que c'est... en fait, le
trouble émotif peut apporter des modifications dans la biologie, mais actuellement
il n'y a rien qui prouve que la maladie elle-même est d'origine biologique.
Quand on rencontre des... moi, je reprends
le domaine où je suis la plus spécialisée, quand même, quand on rencontre des
psychotiques depuis... ça fait 40 ans, moi, que j'en écoute, et que je les
entends, et que je les accompagne. Quand on les rencontre et qu'on entend ce
qui leur fait problème, on se rend bien compte que, d'une part, une fois qu'ils
ont pu parler, retrouver qu'est-ce qui est à l'origine de leurs difficultés,
mais retrouver en eux-mêmes <l'origine...
Mme Bergeron (Danielle) :
...et que je les accompagne. Quand on les rencontre et qu'on entend ce qui leur
fait
problème, on se rend bien compte que, d'une part, une fois qu'ils ont
pu parler, retrouver
qu'est-ce qui est à l'origine de leurs difficultés,
mais retrouver en eux-mêmes >l'origine de leurs difficultés, il y a
beaucoup de symptômes qui deviennent caducs, qui tombent, les hallucinations
arrêtent, les idées de suicide cessent, et ils peuvent à nouveau reprendre une
vie. Et c'est le... Si c'est réversible parce que la personne a trouvé un lieu
pour retrouver en elle-même ce qui a été la cause psychologique, la cause
intérieure, la cause humaine de ses difficultés, elle va pouvoir trouver de
meilleures solutions, pour traverser ces difficultés-là, qu'elle a trouvées
quand elle était enfant, ou adolescente, ou au début de sa vie adulte. Donc,
l'idée que les maladies psychiatriques seraient d'origine biologique, c'est... (panne
de son).
Par ailleurs, de quel droit avons... de
quel droit un être humain enlèverait la vie à un autre être humain? De quel
droit on prendrait la vie d'un autre être humain? Quand... moi, je crois
que c'est encore comme ça, quand j'ai fait... quand j'ai terminé mon cours
de médecine, avant de faire la spécialité, j'ai fait un serment, le serment
d'Hippocrate, qui date du IVe siècle avant Jésus-Christ, mais qui est
encore tout à fait adéquat. Et, dans ce serment, du temps d'Hippocrate, parce
qu'il est un petit peu modifié maintenant, Hippocrate disait qu'il ne
remettrait à personne du poison, même si on m'en demande, que ça va à
l'encontre du serment du médecin que de donner, par exemple, un cocktail de
médicaments qui le ferait mourir. Et, dans le cas de la maladie dite mentale,
c'est inapproprié.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, je céderais maintenant la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Bonjour à vous trois. Vous m'entendez bien?
Une voix
: Oui,
bonjour.
• (12 heures) •
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Bon, écoutez, je vais revenir un peu sur le sujet de mon prédécesseur. Et
peut-être que je n'ai pas bien saisi le sens, puis je vais vous poser la
question, mais je vais... Vous mentionnez, dans votre mémoire, que d'élargir
l'accès aux personnes atteintes d'un trouble mental pourrait être considéré
comme de la discrimination en regard de <l'accès déficient aux soins et
aux...
>
12 h (version révisée)
<17957
M.
Girard (Lac-Saint-Jean) : ...vous mentionnez dans votre mémoire que
d'élargir l'accès aux personnes atteintes d'un trouble mental pourrait être
considéré comme de la
discrimination en regard de >l'accès
déficient aux soins et aux mesures d'accompagnement. C'est bien le cas, n'est-ce
pas?
Mme Cantin (Lucie) : Oui.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Bon, O.K. Or, l'Association des médecins psychiatres du Québec, l'AMPQ, devant
la commission, a affirmé, elle, que de refuser l'aide médicale à mourir
serait... sur la base qu'il est atteint d'un trouble mental, serait, au
contraire, une forme de discrimination. Donc, j'aimerais ça... qu'en
pensez-vous?
Mme Cantin (Lucie) : Je
voudrais... D'abord, on est très conscients, en disant ce qu'on a dit à propos
de la discrimination, de prendre l'argument tout à fait à l'envers de la façon
dont il est pris habituellement, à savoir que ce serait discriminant pour les
personnes souffrant de trouble mental grave que de leur refuser l'aide médicale
à mourir.
Quand on écrit ce qu'on a écrit à propos
de la discrimination, il y a deux choses. Je reprendrai un peu ce que Dre Bergeron
vient de dire. C'est sûr qu'à partir du moment où la maladie mentale, la
psychose en particulier, la psychose et la schizophrénie, parce que c'est quand
même notre secteur d'expertise, à partir du moment où c'est posé comme une
maladie d'origine biologique, à ce moment-là, l'argument de la discrimination,
effectivement, se pose de la façon dont vous l'avez posé : Puisque ce
serait une maladie d'origine biologique, bien, pourquoi ils seraient exclus de
l'aide médicale à mourir?
Mais quand, justement, on considère et
qu'on voit qu'il n'y a aucune preuve à ça, que la maladie mentale, y compris la
schizophrénie et la psychose, sont d'origine biologique, personne n'a fait la
preuve de ça, bien, on se demande... il reste quand même que c'est pour ces
patients-là, les patients schizophrènes et psychotiques, c'est pour ces
patients-là qu'on offre le moins de services dans les services publics — c'est
vraiment les parents pauvres des services de santé — et c'est surtout
les gens qui sont les plus discriminés sur le plan social.
Vous savez, dans les médias et partout,
vous entendez facilement parler des gens qui sont déprimés, qui ont des
troubles anxieux, qui ont des TOC, qui ont des maladies bipolaires, mais, dès
le moment où il s'agit de schizophrénie ou de psychose, il y a une discrimination
sociale importante. Par exemple, aussitôt qu'il va y avoir un crime dans la
société, bien, tout le monde va conclure que c'est quelqu'un qui est un malade mental.
Nos patients, à ces moments-là, justement, sont toujours très affectés et ils
nous disent : <On va dire...
Mme Cantin (Lucie) :
...
il y a une
discrimination sociale
importante. Par
exemple, aussitôt qu'il va y avoir un crime dans la société, bien, tout le
monde va conclure que c'est quelqu'un qui est un malade mental. Nos patients, à
ces moments-là, justement, sont toujours très affectés et ils nous
disent : >On va dire encore que c'est des psychotiques et des
schizophrènes. Alors, le poids de la discrimination sociale est immense sur les
psychotiques et sur les schizophrènes. S'ils essaient de se trouver un emploi,
il ne faut pas qu'ils disent qu'ils ont ce diagnostic-là, ce qu'on n'aura pas
comme discrimination à propos d'une dépression ou d'un trouble anxieux.
Et donc, à partir de ce moment-là, c'est
sûr que, pour nous, l'important, là, c'est : Alors, est-ce que ces gens-là
ne souffrent pas plutôt du fait de ne pas avoir de traitement adéquat, de ne
pas être entendus comme des humains? C'est ça qu'on appelle le poids de cette discrimination,
et de penser, donc, que c'est simplement d'origine biologique et qu'il n'y a
rien à faire pour eux. D'ailleurs, c'est ce qu'on... les internes en
psychologie, ce qu'ils nous disent, c'est qu'à l'université, c'est ça qu'on
leur apprend. Ils peuvent travailler avec des déprimés, des troubles anxieux,
des TOC, mais, pour les psychotiques et les schizophrènes, il n'y a rien à
faire. C'est ça qu'on leur enseigne et c'est ça qu'on appelle la discrimination.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme Cantin (Lucie) : ...aller
dans le même sens jusqu'à, justement, les aider à se suicider.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Dre Cantin. J'aurais une question complémentaire. Premièrement, félicitations,
là, pour les résultats du 388 . C'est impressionnant, vous avez 90 %
de résultats. Mais qu'est-ce qu'on fait avec, justement, ceux auxquels on n'a
pas de résultat, le 10 % qui... parce qu'on sait qu'il y a une grande peur
d'engagement personnel aux patients qui ne veulent pas s'engager, qu'il n'y a
pas de rémission ou de rétablissement. Donc, c'est plus, je vous dirais, cette
portion-là qui nous intéresse particulièrement pendant les travaux.
Mme Cantin (Lucie) : Bien, ce
que je répondrais... Je ne vois pas mes collègues, alors je ne vois pas s'ils
ont...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Allez-y, Dre Cantin.
Mme Cantin (Lucie) : Ce que
je dirais de ce 10 % là... Quand on dit 90 % des gens qui
redeviennent actifs, bien, il y a des gens, oui, certains de nos patients, qui
ne sont pas capables de reprendre une activité sociale... pas du bénévolat, ni
des études ou du travail, mais qui vont réussir à vivre en dehors de l'hôpital,
alors qu'ils étaient... je dirais qu'ils s'en allaient vers non seulement des hospitalisations
à répétition, mais de plus en plus longues, avec, éventuellement, une
chronicité qui faisait qu'ils n'étaient pas capables de vivre dans la société.
Je dirais que, pour ces gens-là, le seul fait de <vivre dans la...
Mme Cantin (Lucie) :
...je dirais qu'ils s'en allaient vers non
seulement des
hospitalisations
à répétition, mais de plus en plus longues, avec,
éventuellement, une
chronicité qui faisait qu'ils n'étaient pas capables de vivre dans la
société.
Je dirais que, pour ces gens-là, le seul fait de >vivre dans la société
et non plus dans... à l'hôpital, bien, c'est déjà quelque chose. Et, je ne sais
pas, si on prenait la population en général puis qu'on regardait le pourcentage
de gens, justement, qui ne travaillent pas ou n'ont pas d'études ou du
bénévolat, mais qui vivent chez eux, avec des activités quotidiennes, je ne
sais pas si on aurait un autre... un pourcentage semblable. C'est ce que je
répondrais en premier : c'est déjà une amélioration que de ne pas passer
sa vie enfermé à l'hôpital.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Je suis d'accord. Et vous disiez tout à l'heure... Je ne me souviens plus qui a
dit qu'il y aurait des conséquences anticipées à l'élargissement de la loi.
Quelles conséquences? Et très rapidement, là, il nous reste quelques minutes,
là, quelles conséquences ça aurait, l'élargissement de la loi? Vous avez peur à
des dérives?
Mme Bergeron (Danielle) :
Moi, je peux en dire un mot. Ce qui me préoccupe le plus, c'est d'augmenter le
nombre de décès. Il y a un certain nombre de personnes qui vont se suicider,
mais qui ne demanderaient pas nécessairement l'aide médicale à mourir et... Mais
là on va leur dire : Maintenant, vous avez le choix, ou bien vous vous
engagez à faire un travail sur vous, vous allez travailler avec les travailleurs
sociaux, avec un clinicien, un psychologue, un psychanalyste, ou bien vous vous
engagez, puis il va y avoir des moments où ça va être difficile, ou bien c'est
vrai que, maintenant, là, vous pourriez demander de mourir, parce que vous avez
des problèmes très graves.
Cette possibilité de demander l'aide
médicale à mourir, pour un psychotique, selon moi, ça va augmenter le nombre de
décès, le nombre de morts. Il y a ceux qui se suicident, il y a ceux qui vont
demander l'aide médicale à mourir et qui auraient pu faire une autre vie si on
leur offrait un autre type d'approche qui leur convient bien. Donc, je trouve...
moi, je trouve ça très, très dangereux que d'offrir ça. Et, pour un médecin, un
psychiatre, ça va complètement à l'encontre de ce qu'on doit faire quand on
reçoit un patient, c'est-à-dire chercher toutes les formules, toutes les
solutions pour l'aider à sortir de son marasme, à sortir de ses difficultés, de
ses problèmes.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. C'est tout le temps que nous avions. On va continuer les échanges avec
la députée de Westmount—Saint-Louis. Donc, Mme la députée, la parole est à
vous.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Bienvenue à vous tous. Merci pour votre témoignage et votre
partage. Je veux mieux comprendre, parce que vous parlez beaucoup des maladies
d'origine biologique et que nous avons quand même une marge de manoeuvre pour
venir aider ces personnes, mais en ce qui concerne comme, par exemple, la
schizophrénie, mais en ce qui <concernepeut-être...
Mme Maccarone : Bienvenue à
vous tous. Merci pour votre témoignage et votre partage. Je veux mieux
comprendre,
parce que vous parlez
beaucoup des maladies d'origine
biologique et que nous avons
quand même une
marge de manoeuvre
pour venir aider ces personnes, mais
en ce qui concerne comme,
par
exemple, la schizophrénie, mais
en ce qui >concerne peut-être
aussi les problèmes neurologiques, pour les problèmes de santé mentale des
personnes, qui... c'est sûr, je sais qu'il y a aussi, peut-être, un débat en ce
qui concerne la schizophrénie puis l'impact que ça soit génétique, neurologique
aussi.
• (12 h 10) •
Par exemple, si on parlait d'autres
diagnostics neurologiques comme l'autisme, selon vous, est-ce que ça, c'est
quelque chose que nous devons considérer, comme une extension puis des
paramètres pour offrir l'aide médicale à mourir à ces personnes? Puis à
l'intérieur de quelles balises? Parce que, si on parle de choses qui ne sont
pas réversibles, bien, il y a en a plein, plein, plein, de maladies de santé
mentale qui ne sont pas réversibles. Alors, selon vous, ça serait quoi, vos
recommandations en ce qui concerne ce type de diagnostic?
M. Apollon (Willy) : Il y a
des maladies mentales, il y a des troubles mentaux qui accompagnent des
troubles qui sont neurologiques ou biologiques ou physiques, et ces troubles
qui sont neurologiques ou biologiques ou physiques peuvent être incurables,
irréversibles, et, dans ces cas, l'aide à mourir, c'est quelque chose... si le
patient le demande et si les médecins trouvent qu'effectivement il n'y a pas de
guérison possible, l'aide à mourir, à ce moment-là, est tout à fait normale.
L'enjeu, c'est quand on part d'une maladie
vraiment psychologique, des troubles mentaux dont l'origine n'est pas
biologique. Il y a des conséquences biologiques, mais ce n'est pas l'origine.
Là, à ce moment-là, il faut faire la différence entre ce qui est d'une origine
vraiment psychologique, une souffrance qui est une souffrance, encore une fois,
qui est d'ordre éthique... parce que la souffrance psychologique est toujours
d'ordre éthique, alors que la souffrance physique, la souffrance biologique, ce
n'est pas une question d'éthique, c'est vraiment une question de... c'est une
santé qui se défait, qui se dégrade. Alors, ça, c'est tout à fait autre chose.
Il faut bien faire cette différence entre une souffrance psychologique qui est
d'ordre éthique et une souffrance physique qui peut devenir, qui peut être liée
à une <maladie incurable...
M. Apollon (Willy) :
...une santé qui se défait, qui se dégrade. Alors, ça, c'est tout à fait autre
chose. Il faut bien faire cette différence entre une souffrance psychologique
qui est d'ordre éthique et une souffrance physique qui peut devenir, qui peut
être liée à une >maladie incurable. Je pense qu'il faut bien faire cette
différence.
Mme Maccarone : Je vous
entends en ce qui concerne... qui est un enjeu éthique, en ce qui concerne des
difficultés psychiques que les gens peuvent subir. Alors, nous avons entendu
certains experts qui nous ont dit que personne ne devrait être exclu selon la
souffrance, selon eux, et non le diagnostic. Alors, qui devrait juger la
souffrance, d'abord, selon vous? Parce que même si... Puis ça, c'est question,
peut être, numéro 1 : Qui devrait juger la souffrance?
Puis, question numéro 2, en ce qui
concerne... pour rester à l'intérieur de votre argument enjeu éthique... parce
que, si, mettons, je vous donne un exemple pour la personne qui va offrir ce
type de jugement et si je vous soumets que la personne qui souffre, après des
années de tentatives de traitements, souffre encore, ou juge que lui-même
souffre encore, ou, après le refus de traitement, c'est qui qui devrait juger
de la souffrance, en termes enjeu éthique?
M. Apollon (Willy) : Seul le
patient peut décider. Ce que le spécialiste fait, il évalue. Il évalue en
fonction de la science, en fonction des thérapies existantes, en fonction de la
loi, mais seul le patient peut décider s'il veut mourir ou pas. Ce n'est
certainement pas à un spécialiste de décider à la place du patient.
Mme Maccarone : Sauf que vous
dites que, mettons, votre programme... Puis je partage les beaux mots de notre
présidente... de vous féliciter pour le succès que vous avez à l'intérieur de
votre programme, sauf que ça ne peut pas fonctionner pour tout le monde. On
comprend que la santé mentale, c'est tellement varié. Et si, mettons, on a un
patient qui dit... C'est complexe comme enjeu éthique, parce que, si on dit que
nous allons élargir... puis c'est tellement final que, si, mettons, on est face
à une personne qui dit : Bien, moi, ça ne me tente pas à avoir ce type de
traitement, même s'il peut avoir accès à votre traitement, est-ce qu'il y a des
balises que nous devons prendre en considération pour bien protéger cette
personne, qui peut être très vulnérable aussi, parce qu'il souffre d'un
problème de santé mentale, pour avoir un accompagnement en ce qui concerne
l'accès à l'aide médicale à mourir, pour s'assurer que nous protégeons les
personnes, les professionnels dans la santé qui vont l'administrer puis pour
s'assurer que la décision qui est prise est vraiment <bien réfléchie...
Mme Maccarone : ...problème
de santé mentale, pour avoir un accompagnement en ce qui concerne l'accès à
l'aide
médicale à mourir, pour s'assurer que nous protégeons les personnes, les
professionnels dans la santé qui vont l'administrer puis pour s'assurer que la
décision qui est prise est vraiment >bien réfléchie?
M. Apollon (Willy) : Aussi,
vous voyez, dans votre question même, l'enjeu, c'est la qualité des services et
la qualité de la formation des professionnels.
Mme Maccarone : Oui, mais je
ne veux pas nécessairement faire un gros débat. Mais, de l'autre côté, c'est
ça, on comprend que, si on veut respecter les droits civils des gens, on a adopté,
à l'Assemblée nationale, par exemple, le projet de loi n° 18 en ce qui
concerne, par exemple, le Curateur public, hein? Puis on veut protéger les
droits civils des gens, mais ça ne peut pas toujours être l'accès aux soins. Je
pense que le collègue de Gouin a très bien fait l'exposition dans le sens qu'on
peut faire deux choses en parallèle, ce qui...
Mettons, nous allons attaquer notre système
de santé et services sociaux pour s'assurer que les personnes qui souffrent ont
accès à des soins, mais en parallèle aussi avoir un programme qui est bien
armé, qui peut bien protéger les personnes vulnérables, mais aussi leur donner
accès à l'aide médicale à mourir avec des balises pour les protéger. Qu'est-ce
que nous devons faire pour faire les deux? C'est quoi, vos recommandations face
à une personne qui dit, comme j'ai dit, par exemple : Je refuse ce
traitement, malgré que j'ai accès à votre programme, mais je refuse le
traitement? Qu'est-ce que nous devons faire pour bien protéger les
professionnels et aussi protéger les personnes vulnérables?
Mme Cantin (Lucie) : Je pense
que la question même que vous nous posez, là, la question de fond, me
semble-t-il, c'est : Qui va déterminer la souffrance? Qui va déterminer le
niveau de souffrance? Et ce qu'on est en train de dire, c'est que seul le
patient, seule la personne, au fond, peut déterminer son niveau de souffrance.
Mais il ne faut pas demander à des professionnels de la santé, qui sont là,
eux, pour offrir, pour travailler avec le patient à trouver des solutions, il
ne faut pas lui demander à lui de venir donner sa bénédiction au fait
que : Non, monsieur, il n'y a plus rien à... ou non, madame, il n'y a
plus rien à faire avec vous. Il ne faut pas demander ça à un professionnel de
la santé. En tout cas, dans mon expérience, depuis 40 ans, puis même
depuis qu'on entend parler de cet élargissement de la loi, il n'y a aucun de
nos patients qui nous ont parlé de ça.
Parce qu'il ne faut pas... il ne faut vraiment
pas minimiser ce point qui est que, si on offre des services adéquats, là, puis
par services adéquats, là, on parle vraiment de tenir compte, justement, de
leurs souffrances, mais en travaillant avec eux, si on leur donne des
services adéquats, là, je ne suis pas sûre qu'il y aurait tant de gens comme ça
à <demander l'aide...
Mme Cantin (Lucie) :
...
minimiser ce point qui est que, si on offre des services adéquats, là,
puis par services adéquats, là, on parle vraiment de tenir compte, justement,
de leurs souffrances, mais en travaillant avec eux, si on leur donne des
services adéquats, là, je ne suis pas sûre qu'il y aurait tant de gens comme ça
à >demander l'aide à mourir.
Mais la question de fond, vous avez
raison, c'est : Mais qui va déterminer, tu sais, cette souffrance-là?
Quand vous nous la posez, je la retournerais aux législateurs, justement :
Qui va déterminer que son niveau de souffrance psychologique est tel que c'est...
qu'il n'y a plus rien à faire? C'est ça, la vraie question, mais qu'on ne peut
pas demander à des professionnels de la santé qui travaillent avec eux de
décider de ça à leur place.
Mme Maccarone : Selon vous,
est-ce qu'il y a des troubles mentaux ou problèmes de santé mentale qui
devraient être d'emblée considérés comme non admissibles, d'abord? Parce que,
selon votre argument, si on peut offrir des soins puis s'ils reçoivent des
soins, bien, on peut leur aider. Alors, est-ce que, selon vous, nous devons
avoir des exclusions, par exemple? Puis, si oui, deuxième question liée à ça,
c'est : Comment déterminer le consentement avec des personnes qui
souffrent de tels problèmes de santé mentale?
Mme Bergeron (Danielle) :
Encore là, ce sont des bonnes questions. J'ai un peu de difficulté, moi, à vous
entendre... à entendre parler de soins quand il s'agit de donner la...
c'est-à-dire de terminer des soins. Une fois que la personne demande l'aide
médicale à mourir — là, je vais le prendre dans le champ de la
médecine générale — c'est la fin des soins, ce n'est pas un soin.
• (12 h 20) •
Mme Maccarone : Tout à fait.
Je suis d'accord.
Mme Bergeron (Danielle) : Je
comprends qu'il faut que quelqu'un s'offre pour faire ce travail
d'accompagnement de la personne à qui on a accordé l'aide médicale à mourir,
mais, si je regarde ça du point de vue de la... parce qu'elle est en souffrance
physique intolérable, bon, mais, si on regarde ça du point de vue de la
psychiatrie, c'est vraiment offrir la fin des soins. On ne peut pas faire ça,
nous, offrir la fin des soins. On doit chercher si, quelque part, ailleurs, il
y a d'autres services. Ça peut être à l'extérieur de notre province, ça peut
être dans un autre pays. Est-ce qu'ailleurs cette personne-là pourrait recevoir
le type de soins qui lui permettraient de reprendre sa vie en main?
Moi, j'ai des exemples comme ça, d'un
patient schizophrène, il y a longtemps, que les parents avaient envoyé en
France, dans un service qui s'appelait La Borde. Il était très malade, ce jeune
homme là. Il avait 20, 22 ans. Il est resté là pendant deux ans et puis il
a été soigné. Mais, avant d'y aller, sa vie était bien mal foutue, il n'était vraiment
pas bien.
Donc, c'est parce qu'il <faut se le
dire...
Mme Bergeron (Danielle) :
...avait 20, 22 ans. Il est resté là pendant deux ans et puis il a été
soigné. Mais, avant d'y aller, sa vie était bien mal foutue, il n'était
vraiment
pas bien.
Donc, c'est parce qu'il >faut se
le dire, en psychiatrie, il ne devrait pas y avoir une fin des soins, parce
qu'il y a toujours quelque chose à faire, un angle sous lequel on pourrait
aller solliciter la créativité propre de la personne pour... aussi pour, avec
nous, trouver quelque chose qui va lui redonner la vie.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, Dre Bergeron. Merci, Mme Cantin,
M. Apollon. Ça a été très instructif, ce matin, notre échange avec vous.
Donc, c'est tout le temps que nous avions.
Nous suspendons les travaux. Et nous... la
commission reprend ses travaux à 13 h 30. Donc, merci à tout le monde.
(Suspension de la séance à 12 h 22)
13 h (version révisée)
(Reprise à 13 h 29)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, bon après-midi, tout le monde, et bienvenue à la Commission spéciale sur
l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie.
Avant de commencer officiellement la
captation, je vous demanderais de vous nommer… non, désolée, ce bout-là, on l'a
fait. Donc, cet après-midi, nous avons le plaisir d'accueillir avec nous Me Jean
Lambert et Me Antoine Fafard. Donc, bienvenue, merci d'avoir accepté notre
invitation. Et vous avez, comme on vous a expliqué, vous avez 20 minutes
pour faire votre exposé, et, par la suite, il y aura un échange avec les
membres de la commission pour une période de 40 minutes. Donc, je vous
cède la parole. Je ne sais pas qui commence, mais je vous cède la parole.
Chambre des notaires du
Québec (CNQ)
M. Lambert (Jean) : Alors,
Mme la Présidente, c'est notaire Lambert qui va débuter. Alors, je vous
présente rapidement le notaire qui m'accompagne, Me Antoine Fafard, qui
est un juriste à la Direction des affaires juridiques de la chambre et s'occupe
de recherche et d'affaires législatives.
• (13 h 30) •
Quant à moi, Jean Lambert, alors, très
rapidement, président de la Chambre des notaires de <1984 à l'an 1990…
>
13 h 30 (version révisée)
< M. Lambert (Jean) :
...le notaire qui m'accompagne, Me Antoine Fafard, qui est un juriste à la
Direction des affaires juridiques de la chambre et s'occupe de recherche et
d'affaires
législatives.
Quant à moi, Jean Lambert, alors, très
rapidement,
président de la
Chambre des notaires de >1984 à l'an 1990. Donc, j'ai
participé intensément à tous les travaux de la réforme du Code civil et, en
1988, j'ai amené cette innovation, le concept du mandat en prévision de...
pardon, de l'inaptitude, donc le mandat de protection. Et je suis revenu à la
chambre comme président de 2009 à 2014 et j'ai donc encore une fois été
impliqué dans les travaux, d'abord, premièrement, la commission Mourir dans la
dignité, et ensuite les travaux du projet de loi n° 52,
avec Mme Hivon, et j'étais membre aussi de la table interprofessionnelle
du Collège des médecins du Québec.
Alors donc, ça vous donne un petit peu
l'idée pourquoi ces questions... et j'ai aussi un petit point, une parenthèse à
faire. Alors, mon intérêt pour ces questions vient du temps de mes études
collégiales, universitaires, où j'ai été, pendant cinq ans, un aide-infirmier,
c'était le terme de l'époque des préposés aux bénéficiaires, à l'Hôpital
Notre-Dame-de-la-Merci, au nord de Montréal, un hôpital, à l'époque, de 600 lits
pour malades chroniques, donc des gens qui venaient finir leurs jours là. Donc,
j'ai été familiarisé, dès mon jeune âge, à ce monde souffrant dont nous allons
parler aujourd'hui.
J'aimerais faire une précision. Plusieurs
d'entre vous savent sans doute que je suis un des 11 commissaires de la
Commission des soins de fin de vie. Alors, en aucun cas, aujourd'hui, je ne
vais parler, à quelque titre que ce soit, au nom de la commission. Je suis
vraiment ici au nom de la Chambre des notaires, puisque j'ai toujours occupé
une fonction importante dans ces questions à la Chambre des notaires, et
notamment j'ai présidé le groupe de travail sur l'aide médicale à mourir qui a
été instauré dans la foulée du jugement Truchon-Gladu. Alors donc, voilà pour
cette précision.
Alors, voici donc, nous allons parler de
personnes souffrantes et de la nécessaire mise à jour de la Loi concernant les
soins de fin de vie. Alors, notre présentation sera quand même assez concentrée...
d'abord, le rôle du notaire, et ensuite les questions de consentement et de
demande anticipée. Et nous terminerons en parlant un petit peu des DMA, qui, à
mon point de vue, sont malheureusement un échec de la loi n° 2.
Alors, tout d'abord, peut-être rappeler
que la chambre a toujours été impliquée dans ces travaux. Premièrement, dans la
commission Mourir dans la dignité, elle a déposé un mémoire, également, comme
j'ai mentionné tantôt, tout le processus législatif, avec Mme Hivon, là,
que je connais et salue, donc le projet de loi n° 52,
et par la suite, évidemment, comme membre de la commission, évidemment, vous
pouvez deviner que je suis resté bien au fait, et j'ai été <désigné...
M. Lambert (Jean) :
...
dignité, elle a déposé un mémoire, également, comme j'ai mentionné
tantôt, tout le processus législatif, avec Mme Hivon, là, que je connais
et salue, donc le projet de loi
n°
52,
et par la suite, évidemment, comme membre de la commission, évidemment, vous
pouvez deviner que je suis resté bien au fait, et j'ai été >désigné par
la chambre pour être représentant du notariat à la commission.
Donc, la chambre a mis sur pied, en 2019,
dans la foulée du jugement, un groupe d'experts qui a produit son rapport sur
cette question de la demande anticipée, du consentement anticipé, qui a remis
son rapport un mois avant le groupe d'experts gouvernemental Maclure-Filion.
Et, assez curieusement, nous sommes arrivés à des conclusions tout à fait...
pas identiques, mais assez semblables.
Alors, je me permets de vous dire, rapidement,
le notaire, qui il est, parce que c'est généralement un professionnel assez peu
connu. On sait qu'il est là, on l'associe maisons, contrats de mariage, mais c'est
à peu près tout. Évidemment, on ignore que c'est le seul professionnel au Québec
qui détient le statut d'officier public, c'est-à-dire qu'il a une parcelle de
l'État, une partie de l'autorité de l'État pour conférer aux documents qu'il
instrumente, donc qu'il rédige pour les citoyens du Québec, une force
juridique, une sécurité inégalée. Donc, les actes notariés sont rarement, très
rarement et difficilement contestables en raison des devoirs que le notaire
doit suivre et respecter, et tout un formalisme très contraignant, qui fait en
sorte que, lorsque, par exemple, un consentement est donné, bien, il est
véritablement, valablement donné. Et on parlera de ça un peu plus tard.
Donc, le législateur impose l'acte
notarié, par exemple, pour le contrat de mariage. Il l'impose pour l'hypothèque.
Il l'impose, par exemple, dans le cas d'une succession, lorsque les droits des
mineurs sont impliqués, également pour la renonciation à une succession,
déclaration de copropriété. Bref, on voit des actes qui sont importants et on
comprend que, pour le bien-être d'une personne, et particulièrement lorsqu'il
est question d'aide médicale à mourir et surtout, comme on parlera tantôt, de
demande anticipée, eh bien, on comprend que le meilleur outil, le meilleur
écrit, c'est l'acte notarié.
Je prends une minute ici pour faire une
distinction entre le consentement anticipé et la demande anticipée. Malheureusement,
là, le Code criminel, en bon... en bon résultat de juristes de common law, on
va parler d'une renonciation, alors que, dans le fond, ici, au Québec, notre
culture juridique parle plutôt de l'autonomie d'une personne. Et c'est en vertu
de cette autonomie qu'une personne peut donner un consentement ou le refuser.
Alors, on va se situer, nous, dans cette
culture juridique et parler du consentement anticipé lorsque la mort est à
court terme. Et on voit... on va parler ici des personnes qui sont souffrantes,
qui vont refuser de prendre la <médication...
M. Lambert (Jean) :
...
personne peut donner un
consentement ou le refuser.
Alors, on va se situer, nous, dans
cette culture juridique et parler du
consentement anticipé lorsque la
mort est à court terme. Et on voit... on va parler ici des
personnes qui
sont souffrantes, qui vont refuser de prendre la >médication de peur de
perdre la capacité de donner un consentement terminal. Alors, on pense ici
qu'il faut faire droit à cette demande des gens de pouvoir obtenir ce soin. On
parle évidemment ici de court terme, je dirais peut-être moins d'un mois. Et, à
ce moment-là, la personne, en vertu de l'autonomie qu'on lui reconnaît, elle
dit : Bien, j'ai fait une demande, vous m'avez jugé admissible à l'aide
médicale à mourir, voici, je voudrais continuer de prendre ma médication, je
voudrais prolonger ma vie pour donner une chance à mes proches qui sont à
l'extérieur de venir me retrouver, et je ne voudrais pas, donc, manquer, si
vous me permettez, le bateau parce que j'aurai perdu ma capacité de consentir à
la dernière minute, au moment des injections.
Remarquez que c'est une question d'interprétation.
On est quelques juristes qui croyons que l'article 29... là, on ne voit
pas pourquoi l'article 29 n'impose pas qu'il y ait un consentement répété
à la toute fin. Bon, je pense que ça a été l'interprétation de départ qui a été
confortée par C-14, la modification au Code criminel qui a suivi l'arrêt
Carter, mais, en réalité, dans notre loi, on ne le voit pas. Probablement,
cette interprétation vient de cette précaution du médecin de s'assurer que le
demandeur n'a pas retiré sa demande. Mais on pense qu'on peut aménager ça, en
tout cas, du moins, si on ne peut pas l'aménager, qu'on modifie rapidement la
loi.
Pourquoi? Parce que sur les
7 300 aides médicales à mourir qui ont été administrées jusqu'à mars
2020, il y en a au moins 30 %... et ça, c'est très conservateur. Il y a
plus que ça, parce que cette préoccupation-là, on la voit dans tous les
rapports que les médecins font après qu'ils ont administré l'aide médicale à
mourir. Mais prenons le chiffre de 30 %. Et là, là-dessus, on a un chiffre
certain, quant à moi, c'est un plancher, mais ça veut dire
2 110 personnes qui vont refuser de prendre leur médication pour ne
pas perdre leur capacité de consentir à la fin ou vont devancer l'aide médicale
à mourir, le soin, l'administration du soin, et, ce faisant, ne permettent pas
à des proches éloignés de pouvoir arriver à temps. Alors, on pense que ça, c'est
beaucoup de souffrance que l'on peut corriger. Bon.
Alors, on parlera rapidement tantôt de la
modification au Code criminel, qui parle de renonciation par entente
contractuelle, hein? Ça, là, on est dans le monde de la common law, ça ne peut
pas être plus ça. Alors, on pense qu'on peut ici, au Québec, aménager, tout en
respectant... parce que, bien évidemment, il faut respecter le Code criminel,
mais on pourrait, avec un addendum au formulaire de demande <actuel...
M. Lambert (Jean) :
...
par
entente contractuelle, hein? Ça, là, on est dans le monde de la common law, ça
ne peut pas être plus ça. Alors, on pense qu'on peut ici, au Québec, aménager,
tout en respectant... parce que, bien évidemment, il faut respecter le Code
criminel, mais on pourrait, avec un addendum au formulaire de demande >actuel,
avoir cette formule et respecter, faire cette entente contractuelle. Puis, bon,
on peut comprendre qu'une entente contractuelle de court terme, on s'assure que
le médecin qui aura contracté, si je puis dire, donc convenu d'administrer,
soit encore dans le paysage, sera actif. Encore là, que... on sait qu'il y a
toujours un risque puis on se pose bien des questions là-dessus, mais on
pourrait au moins aménager ça. On pense que, dans la plupart des cas, on pourra
au moins satisfaire ce besoin des gens, qui est un besoin très, très, très
réel.
• (13 h 40) •
Alors, maintenant, au niveau de la demande
anticipée, malheureusement, l'amendement de Mme Wallin, sénatrice, n'a pas
été retenu, la demande que la chambre a faite, parce qu'on a participé aussi
souvent aux travaux de C‑7, et ça n'a pas été retenu. On a dit : Bien, on
y verra plus tard. Malheureusement, plus tard, au fédéral, on a vu ce que ça
donne, c'est beaucoup de temps, hein, on l'a vue, là, demande de prolongation
au tribunal, une fois, deux fois, trois fois. Écoutez, là, pendant que les gens
souffrent, pendant que les gens sont pris avec cette préoccupation-là, ils
viennent de recevoir un diagnostic de problème de maladie affectant leur
neurocognitif d'une façon grave, incurable, on sait qu'on est sur une
trajectoire qui est bien connue, là... On va parler, par exemple, du cas de
Mme Demontigny, avec l'alzheimer. Elle voudrait, Mme Demontigny,
pouvoir coucher sur papier sa demande. Alors, la Chambre des notaires demande,
effectivement, qu'on fasse droit à ça. Bon, actuellement, ce n'est pas permis
au niveau du Code criminel. Est-ce qu'on peut essayer d'aménager quelque chose
à partir des critères de l'article 241.2(3), etc., du Code criminel pour
fonctionner à l'intérieur de ce délai de maladie naturelle... mort naturelle
raisonnablement prévisible?
Là-dessus, évidemment, je trahis un petit
peu le fait que je suis un des commissaires de la Commission des soins de fin
de vie. La commission a fait une analyse très poussée du délai entre la demande
et l'administration de ce soin, et, dans 98 % des cas, c'est un an ou
moins, puis 1 % ou 2 %, allé à 18 mois. Donc, on pourrait, comme
la commission l'a suggéré, regarder cette période temporelle comme étant une
période où on pourrait aménager ce consentement anticipé, qu'on pourrait
appeler «demande anticipée», et je vais vous dire pourquoi à l'instant, et
ainsi satisfaire au Code criminel. Alors, on serait dans une période, donc, de
mort naturelle raisonnablement <prévisible...
M. Lambert (Jean) :
...une période où on pourrait aménager ce consentement anticipé, qu'on pourrait
appeler «demande anticipée», et je vais vous dire pourquoi à l'instant, et
ainsi satisfaire au
Code criminel. Alors, on serait dans une période,
donc, de mort naturelle raisonnablement >prévisible.
On pourrait l'aménager en satisfaisant, évidemment,
à la demande du Code criminel que ce soit une entente contractuelle, malheureusement,
mais qu'on pourrait évidemment aménager de façon à, par exemple, s'assurer que
le demandeur a eu toute l'information, divulguera, comme on l'a proposé, nous,
dans la demande, que cette personne-là a consulté et qu'on mentionne ces
consultations, l'existence de ces consultations à l'acte, qu'on détermine
également les critères et les conditions, les circonstances dans lesquelles la
personne voudra que le soin lui soit administré, ce qu'on appelle, nous, «le
moment venu». Alors donc, toujours dans le respect du Code criminel, on peut
aller plus loin avec... en aménageant.
Et, de plus, comme le conseil canadien des
académies, qui a fait un travail formidable sur toutes ces questions-là, alors,
particulièrement, le conseil suggérait fortement qu'un tiers de confiance soit
impliqué dans le processus, et c'est aussi la position de la chambre. Alors
donc, dans le document qui serait confectionné, on demande toujours qu'il soit obligatoirement
notarié, pour des raisons que j'expliquerai tantôt, que ce document, effectivement,
s'assure que tous ces points-là soient mentionnés. D'abord, c'est le rôle du
notaire de s'assurer, hein, que la personne sait très bien ce qu'elle fait. Le
seul fait qu'on exige un acte notarié, c'est déjà une première mesure de
sauvegarde très importante.
Deuxièmement, le notaire a un devoir de
conseil qui est très directif dans les obligations professionnelles du notaire,
et c'est d'ailleurs à peu près le seul élément qui, souvent, revient dans les problèmes
de déontologie, où le notaire, quelques notaires, parfois, en prennent un peu
large avec le devoir de conseil. Donc, le devoir de conseil est crucial ici.
Et on va même plus loin, un peu comme pour
les procédures devant notaire pour mettre à exécution un mandat de protection
ou encore d'ouvrir un régime de protection, les notaires qui seront appelés à
recevoir ces demandes devront avoir suivi une formation particulière,
particulièrement concernant les éléments médicaux impliqués, de sorte que le
notaire qui aura suivi ça aura une accréditation. Donc, pour la protection du
public, on voit... on va plus loin et on veut s'assurer que le notaire qui
recevra ces demandes saura de quoi il s'agit, saura comprendre le diagnostic,
saura comprendre... sera capable de discuter avec les professionnels de la
santé de la personne pour bien la conseiller.
Le notaire, c'est un <spécialiste...
M. Lambert (Jean) :
...
et on veut s'assurer que le notaire qui recevra ces demandes saura de
quoi il s'agit, saura comprendre le diagnostic, saura comprendre... sera
capable de discuter avec les professionnels de la santé de la personne pour
bien la conseiller.
Le notaire, c'est un >spécialiste
du consentement, hein? Je vous disais tantôt que c'est très rare qu'un acte
notarié est contesté. Pourquoi? Parce que le notaire a développé, évidemment,
au cours, je dirais, presque des siècles, puisque la profession est plus que
millénaire, donc, les outils pour être capable de s'assurer qu'un consentement
est valablement donné puis il est donné d'une façon éclairée. Alors, je vous
disais tantôt que, dans l'acte, on propose qu'effectivement les démarches
d'information de la personne soient bien mentionnées d'une façon très claire,
identifier ses sources d'information, au besoin, même, d'avoir un échange avec
le médecin de la personne.
L'autre grande qualité de l'acte notarié,
c'est la précision de sa rédaction. Le conseil canadien des académies mentionne
qu'effectivement, pour le personnel soignant, pour le professionnel qui sera
appelé à administrer l'aide médicale à mourir, il a besoin d'être rassuré quant
à la détermination, la volonté, l'expression de la volonté de la personne, également
des circonstances et conditions dans lesquelles devra se produire
l'administration de l'aide médicale à mourir, ce qu'on appelle «le moment
venu». Alors donc, la rédaction précise est absolument primordiale.
Alors donc, encore une fois, on pense que
le notaire est, là-dessus... a prouvé depuis bien longtemps qu'il était un
expert dans la rédaction des documents juridiques. Alors donc, le notaire
prendra soin, effectivement, de faire un... dresser un état de situation de la
personne et s'assurer des conditions. Par exemple, la personne pourrait dire :
Lorsque je ne reconnais plus mes proches, quand elle ignorera son état,
ignorera même son identité, qu'elle ne sera plus capable de voir à ses
activités domestiques, aux activités de la vie quotidienne... Bref, cette
description viendra conforter le soignant qui sera appelé à administrer l'aide
médicale à mourir.
On ajoute, nous, la présence d'un tiers de
confiance, j'en ai parlé tantôt. Pourquoi? Bien, d'abord, c'est une façon de
partager un peu le fardeau de cette décision qui sera difficile, parce qu'on
sera appelé à l'appliquer peut-être un an ou deux... Là, actuellement, on
essaie de demeurer dans le cadre d'une mort raisonnablement prévisible, mais on
espère que le gouvernement du Québec fera des représentations au niveau de ses
homologues fédéraux, le ministère de la Justice fédéral pour justement modifier,
mais, dans l'instant, travaillons dans le cadre qui nous est donné. Alors donc,
d'avoir ce tiers de confiance qui sera un proche, qui aura accompagné pendant
toute cette période entre la signature de l'acte et le moment venu pour <conforter...
M. Lambert (Jean) :
...
ministère
de la Justice fédéral pour justement modifier, mais, dans l'instant,
travaillons dans le cadre qui nous est donné. Alors donc, d'avoir ce tiers de
confiance qui sera un proche, qui aura accompagné pendant toute cette période entre
la signature de l'acte et le moment venu pour >conforter l'équipe
soignante, pour dire : Oui, cette personne n'a jamais retiré cette volonté
qu'elle a exprimée, elle a toujours dit : Écoute, quand je ne serai plus
là dans ma tête, là, vas-y, et je te demande de voir à ce que ça soit fait.
Il faut comprendre que ce n'est pas le
tiers qui prend la décision, en bout de ligne, c'est le professionnel de la
santé. Ici, au Québec, c'est le médecin, mais on comprend que ce tiers sera
celui qui allumera, en quelque sorte, la mèche pour dire au personnel soignant,
au médecin : Bien, voici, le moment est venu, quant à nous, vous êtes à
même de constater que les conditions, les circonstances que le demandeur a
faites sont bien présentes.
Alors, je pense qu'encore une fois la
présence de ce tiers est un élément très important. Et ce tiers, pour éviter
qu'il se décharge un peu, en disant : Savez-vous, moi, je ne savais pas ce
que c'était, quand j'ai accepté ça, on va demander qu'il ait fait... qu'il ait
eu une rencontre, une consultation psychosociale pour qu'il comprenne ce que ça
va impliquer pour lui émotivement, à un moment donné, de dire : Vous
savez, médecin, je pense que c'est le temps qu'on respecte puis on mette à
exécution les volontés. Alors, il y a toujours une charge émotive importante,
et donc on aura soin, donc, de s'assurer que le tiers aura fait cette
consultation et qu'il viendra s'engager à voir au respect de cette volonté dans
l'acte ou dans un acte subséquent, s'il n'est pas disponible au moment de la
signature de l'acte par le demandeur.
• (13 h 50) •
Alors, voilà pour la demande. Rapidement,
je termine avec les directives médicales anticipées. Je ne l'ai pas mentionné
tantôt, mais j'étais un des membres du groupe de travail ministériel qui a
défini le fameux formulaire. Alors, on a travaillé avec la connaissance qu'on
avait à l'époque, mais aujourd'hui plusieurs estiment qu'on devrait l'élargir.
En tout cas, on peut constater que c'est presque un échec monumental, après plus
de cinq ans, qu'il y ait à peu près 60 000 inscriptions au registre de la
Régie de l'assurance maladie du Québec. On comprend, là, que ça n'a pas levé.
Et il y a des secteurs, d'ailleurs, comme, par exemple, dans la région
métropolitaine de Montréal, ça ne lève pas fort non plus. Alors, il y a
probablement des problèmes de culture pour les communautés ethnoculturelles,
etc., donc il y a un travail à faire. Et malheureusement, à l'époque, le
gouvernement devait allouer certaines ressources financières pour faire
connaître, parce que dans le projet de loi n° 2 ou n° 52, c'est la
seule mesure qui touche vraiment tout le monde, qui touche tous les citoyens.
On leur dit : Planifiez vos soins, ce que vous voulez faire, qu'on vous
fasse, qu'on prenne soin de vous, qu'on... les soins que vous ne voulez pas
avoir, que vous refusez, et on donne une valeur contraignante à ça. Alors,
j'imagine, tantôt, dans la discussion, on aura à <savoir...
M. Lambert (Jean) :
...
c'est la seule mesure qui touche vraiment tout le monde, qui touche
tous les citoyens. On leur dit : Planifiez vos soins, ce que vous voulez
faire, qu'on vous fasse, qu'on prenne soin de vous, qu'on... les soins que vous
ne voulez pas avoir, que vous refusez, et on donne une valeur contraignante à
ça. Alors, j'imagine, tantôt, dans la discussion, on aura à >savoir est-ce
qu'on est contraignants ou pas pour la demande, là. Alors, ça, je laisse ça à
notre discussion tantôt.
Ce qui est certain, c'est qu'il faut, Mme
la Présidente, il faut qu'on revienne sur cette question des DMA pour qu'on
puisse vraiment en faire un outil abordable et qui soit, dans le fond, non pas
dans un registre de la RAMQ mais dans le DSQ, donc le Dossier de santé du
Québec. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci beaucoup, Me Lambert. Je céderais la parole à la députée de
Joliette.
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour, Me Lambert, heureuse de vous voir, Me Fafard. Donc, j'ai un
gros cinq minutes, on va y aller rondement. Effectivement, pour les DMA, je
suis bien d'accord avec vous, donc, ce n'est pas au coeur de notre mandat. On
pourrait en jaser longtemps, mais autant sur le formulaire qui devrait être
revu et repensé que sur l'importance de faire connaître ce mécanisme-là pour
les refus de traitement, c'est vraiment essentiel, selon moi, et je partage
complètement vos conclusions, mais ce sera pour un autre débat.
Aujourd'hui, c'est ça, je veux vraiment
vous entendre, je pense que c'est très intéressant ce que vous nous dites.
Comment s'assurer... Je voulais vous amener vraiment sur la question de la
demande anticipée, là, potentiellement, pour l'aide médicale à mourir. Donc, on
a entendu plusieurs experts avant qui nous ont dit : Il faudrait un
diagnostic, un peu comme le groupe, donc, Maclure-Filion, là, d'experts le
recommande, et il faudrait vraiment impliquer un médecin pour que quelqu'un
vienne préciser avec le plus de détails possible ce qu'il entrevoit pour la
suite. Vous allez dans le même sens en nous disant : Il faut vraiment que
ce soit détaillé.
Moi, je veux juste comprendre. Pour moi,
il y a comme un trio, là, c'est-à-dire, si un notaire joue un rôle dans tout
ça, évidemment, ce n'est pas lui qui a la science médicale. Ça fait que, là,
vous nous dites aujourd'hui : Ça serait des notaires spécifiques qui
pourraient avoir une accréditation, mais ça ne leur donne pas nécessairement
leur cours de médecine, on se comprend.
M. Lambert (Jean) : Tout à fait.
Mme
Hivon
:
Donc, dans votre compréhension, comment on articule ce travail-là, je dirais,
avec le médecin, là, très concrètement, là? Parce que je veux comprendre aussi
comment vous le voyez. Là, vous nous avez dit : On pourrait consulter un
médecin au besoin. Mais les gens nous disent souvent, les experts médicaux nous
disent : Il faut vraiment connaître le détail de la maladie, là, pour être
capable de bien guider la personne. Donc, comment on articule ça?
M. Lambert (Jean) : En fait,
ce qu'on... on l'a mentionné, mais, encore une fois, comme je vous dis, on est
perfectibles dans notre proposition. Ce qu'on veut, c'est qu'il y ait eu
vraiment une connaissance poussée, fine du diagnostic et aussi des conséquences
de la pathologie, que le demandeur, donc, ait eu cette consultation.
Est-ce que le notaire a besoin <d'être
là...
M. Lambert (Jean) :
...dans
notre proposition. Ce qu'on veut, c'est qu'il y ait eu vraiment une
connaissance poussée, fine, du diagnostic et aussi des conséquences de la
pathologie, que le demandeur, donc, ait eu cette consultation.
Est-ce que le notaire a besoin >d'être
là et présent? Je n'ai rien contre le fait qu'un médecin soit... accompagne son
patient ou sa patiente au moment de la signature de l'acte de demande d'administration
de l'aide médicale par anticipation, mais je ne crois pas que les médecins se
rendent facilement disponibles, parce qu'ils sont déjà débordés. Alors, un peu
comme nous le faisons pour les DMA pour l'acte notarié, contrairement au
formulaire du ministère, là, du ministre, prescrit par le ministre, nous, le
notaire doit d'abord, avant de procéder à la signature de ces DMA, il doit
avoir une conversation, un échange sérieux avec son client, lui demander de
consulter des sources, de consulter des professionnels de la santé avant de
dire : Je refuse la dialyse, ou je refuse d'être réanimé, ou... bon,
voilà. Et, lorsque nous recevons l'acte, ces démarches-là spécifiques doivent
être énoncées à l'acte, on veut être certain que ça a été fait, et la personne,
donc, nous le donne.
Si c'est... on n'a pas ça et que la
personne, qui sait, n'est pas elle-même une professionnelle de la santé, bien,
le notaire refuse, il ne va pas plus loin. Donc, déjà là, c'est une mesure, je
pense, de sauvegarde intéressante. Donc, on applique le même principe, à la
demande d'aide médicale par anticipation, que la personne ait reçu vraiment
toute l'information. On peut même demander au médecin, comme ça arrive des fois
dans le cas des ouvertures de régime de protection, que le médecin nous fasse
rapport dans une lettre, nous dire quelle... de quelle pathologie il s'agit et
quelles sont les conséquences. Et ça, ça pourrait être annexé à notre acte.
Donc, on voit ici que, contrairement à
toute autre forme où ça peut se faire sur le coin d'une table ou rapidement par
du monde qui sont pressés, nous, on dit : Un instant, c'est extrêmement
important, c'est un acte très sérieux, et on va prendre le temps, il y a des
démarches préalables. On ne fera pas ça à la sauvette, évidemment, après qu'il
y aura un diagnostic. Est-ce qu'on parle d'un 90 jours? Je pense que ça ne
dérange pas grand monde, là, ce délai-là de 90 jours n'est pas pertinent,
je pense, dans notre affaire. Mais, lorsque la demande sera faite, il y aura eu
des démarches, et la personne, comme Mme Demontigny, aura une très bonne
connaissance de quoi il s'agit. Et le notaire aura aussi, par sa formation,
comme on l'a fait, par exemple, pour les régimes de protection...
Moi, j'avais dit à l'époque que les
notaires, arriver auprès d'une personne vulnérable qui est en institution et
qui, des fois, on lui demande : Comment allez-vous?, qui nous répond :
La planète Mars est verte, on comprend que ce n'est pas habituel comme situation.
Alors, moi, pour l'avoir vécu dans ma pratique, c'est... j'avais souhaité que
la chambre et le ministère imposent <cette...
M. Lambert (Jean) :
...
des fois, on lui demande : Comment allez-vous?, qui nous répond :
La planète Mars est verte, on comprend que ce n'est pas habituel comme
situation. Alors, moi, pour l'avoir vécu dans ma pratique, c'est... j'avais
souhaité que la chambre et le ministère imposent >cette condition, et ça
a été le cas. Et, pendant deux jours, les notaires qui sont accrédités ont reçu
une formation d'un psychiatre. Et ils n'ont pas fait des psychiatres, bien sûr,
mais au moins le notaire est outillé pour comprendre, pour avoir... être
capable de comprendre ce que le travailleur social met dans son rapport d'évaluation
psychosociale, est capable de comprendre le diagnostic que le médecin lui
transmet dans sa lettre qui est requise par la loi. Alors, on applique le même
principe pour que le notaire sache de quoi il en retourne.
Et on veut que ce soient des notaires
aussi qui vont avoir le goût de s'impliquer dans ce genre d'affaires là. Ce n'est
pas tout le monde, là, qui est prêt. Il y en a qui sont très mal à l'aise parmi
les notaires, comme toute autre personne dans la société, avec ces sujets-là.
Mais ceux qui auront l'accréditation, c'est parce qu'ils auront le goût, ils
auront également l'intention de se perfectionner, de savoir, de se tenir au
courant de ce qui se passe dans ce domaine-là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Merci, Me Lambert. Je céderais maintenant
la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
: Merci
beaucoup, Mme la Présidente. M. Lambert, juste pour revenir, là, sur la
réponse que vous avez donnée à ma collègue la députée de Joliette, je veux
juste être sûre, vous avez besoin d'une preuve écrite que la personne a fait
ses démarches quand qu'elle va rédiger...
M. Lambert (Jean) : Bien oui,
parce que la... c'est le meilleur moyen, parce que quelqu'un peut arriver, nous
dire : Oui, oui, notaire, je l'ai fait, ça. Bon, on a vu ça dans d'autres circonstances
aussi, et on exige d'avoir un écrit, on l'exige pour plein de choses. Par
exemple, quelqu'un qui se présente pour dire : Je représente une entité,
un club, une société, une entreprise, bien, on demande d'avoir des documents,
prouvez-nous que vous avez cette autorité.
Alors, par contre, là, il arrive parfois, par
exemple, lorsqu'on nous demande d'intervenir auprès de personnes qui sont très
malades pour recevoir leurs dernières volontés, et là on va demander que le
médecin traitant, le médecin qui suit cette personne-là nous certifie que,
d'après lui, cette personne-là a encore la maîtrise de ses neurones, qu'elle
comprend, qu'elle a encore une capacité. Ça n'empêche pas le notaire que la
journée, comme ça m'est déjà arrivé, où j'ai rencontré la personne, elle ne
savait même pas ce que j'étais venu faire dans sa chambre. Alors, je n'ai pas
besoin de vous dire qu'on n'a rien signé.
Alors donc, d'avoir un écrit, bien sûr que
ça fait... on le demande dans toute autre question d'ordre patrimonial, à plus
forte raison lorsqu'il s'agit de la santé et surtout de la mort d'une personne.
• (14 heures) •
Mme
Hébert
:
Parfait, merci. Puis je vous amène... Vous demandez d'imposer l'acte notarié
pour faire une demande anticipée d'aide médicale à mourir, mais pensez-vous que
ça va ajouter un <fardeau aux patients qui doivent...
>
14 h (version révisée)
< M. Lambert (Jean) :
...lorsqu'il s'agit de la santé et surtout de la mort d'une personne.
Mme
Hébert
:
Parfait. Merci. Puis je vous amène... Vous demandez d'imposer l'acte notarié
pour faire une demande anticipée
d'aide médicale à mourir. Mais
pensez-vous que ça va ajouter un >fardeau aux patients qui doivent
passer à travers tout ce qui est les complications bureaucratiques, techniques par
rapport à ces conditions-là? Puis je me questionne à savoir, les coûts, est-ce
qu'on ne va pas restreindre à une certaine clientèle?
M. Lambert (Jean) : Bon,
alors, premièrement, pour la lourdeur, je ne crois pas qu'il y ait de lourdeur,
hein? On comprend... Prenons le cas de Mme Demontigny, parce je pense
qu'il est très utile. Alors, je suis certain que Mme Demontigny, si on lui
dit : Votre notaire peut recevoir votre demande, alors il va vous
expliquer tout ce que vous avez à faire, et, lorsque ça sera fait, vous allez
revenir le voir, et là on va consigner dans un acte, et ça va vous permettre
d'atteindre l'objectif que vous voulez... Alors, moi, je ne vois pas de
lourdeur là-dedans. De toute façon, il devra y avoir un écrit quelconque.
Alors, prenons... au Québec, on a cette
richesse d'avoir un écrit qui est incomparable au Canada. Il n'y a pas d'autre
écrit qui a cette force juridique, de sécurité juridique, que l'acte notarié
qui... soit dit en passant, les notaires est la seule véritable particularité
du Québec. On parle français ailleurs au Canada, il y a des sapins, des lacs,
mais des notaires, il y en a seulement qu'au Québec. Alors donc, utilisons cet
outil-là.
Maintenant, la question des coûts, d'abord,
premièrement, on ne parle pas de milliers de dollars, on parle de sommes quand
même relativement raisonnables par rapport à l'objectif visé. Deuxièmement, les
personnes qui n'auraient pas les moyens pourront se prévaloir, je pense bien,
de l'aide juridique. Il faudrait aménager cette... la loi d'aide... (panne de
son).
La Présidente (Mme Guillemette) :
On va suspendre quelques instants. On a un petit pépin technique.
(Suspension de la séance à 14 h 02)
>
(Reprise à 14 h 03)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Vous pouvez continuer, Me Lambert.
M. Lambert (Jean) : Alors
donc, je mentionnais, au moment où la technique nous a quittés, que l'aide
juridique pourrait, à ce moment-là, être mise à contribution. On ne parle pas,
quand même, de dizaines de milliers de personnes, là.
Maintenant, l'État pourrait aussi décider
que c'est un intrant au même titre, par exemple, que les coûts du pharmacien ou
d'autres professionnels qui sont... qui entourent l'aide médicale à mourir.
Alors, ça, je pense qu'on pourra discuter ça, mais je ne crois pas que les
coûts soient un élément qui prive la sécurité que peut apporter l'acte notarié
dans la demande d'aide médicale à mourir par anticipation, alors que c'est la
sécurité et conforter plein de personnes, y compris, c'est très important,
le personnel médical qui aura à respecter et avoir à administrer le soin,
conformément à la volonté de la personne.
Mme
Hébert
:
Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Donc, je passerais la parole à la députée de Soulanges.
Mme Picard : Bonjour, Me Lambert.
Vous recommandez d'avoir un tiers qui, au moment précis, peut déterminer que le
soin pourrait être prodigué. Qu'arriverait-il si ce tiers, cette tierce
personne là, décide d'ajourner ad nauseam le moment de l'aide médicale à
mourir? Est-ce que vous, vous pourriez être mis à contribution? Est-ce que vous
seriez interpelé ou... Comment vous voyez cette situation-là?
M. Lambert (Jean) : Bon, premièrement,
en titre préventif, on demande que, justement, le tiers de confiance ait
consulté une ressource psychosociale pour savoir exactement à quoi il s'engage.
Deuxièmement, lorsqu'il va s'engager à respecter les volontés de la personne
qui lui demande d'être son tiers de confiance, d'abord, premièrement, c'est
certainement un proche, une personne qui a un intérêt très particulier pour
cette personne qui lui demande de lui rendre ce service. Alors, déjà là, c'est
un peu comme...
Par exemple, au départ, on croyait
beaucoup qu'il y aurait des familles qui se seraient opposées aux demandes
d'aide médicale à mourir. Or, ce qu'on voit dans les formulaires des médecins,
qu'ils nous envoient à la commission, c'est... au contraire, c'est l'appui de
la famille. Alors, on avait cette appréhension-là au départ, puis c'était
compréhensible, mais maintenant, cinq ans plus tard, on s'aperçoit que ces
craintes n'étaient <pas fondées...
M. Lambert (Jean) :
...
se
seraient opposées aux demandes d'aide médicale à mourir. Or, ce qu'on voit dans
les formulaires des médecins, qu'ils nous envoient à la commission, c'est... au
contraire, c'est l'appui de la famille. Alors, on avait cette appréhension-là
au départ, puis c'était compréhensible, mais maintenant, cinq ans plus tard, on
s'aperçoit que ces craintes n'étaient >pas fondées.
Je reviens toujours à votre question. Dans
l'hypothèse, tout de même, où un tiers de confiance déciderait de ne pas suivre
les instructions et la volonté de la personne, bien, d'abord, un, il y a des
proches qui sont au courant, parce qu'on va demander à la personne, et ça, ça
fait partie des déclarations qui devront être à l'acte, qu'elle a bien informée
son entourage de cette demande. Il reste aussi le médecin, parce qu'actuellement
on comprend qu'on sera à l'intérieur des balises du Code criminel, donc ça sera
un médecin qui sera identifié, hein? On parle de notre demande dans le cadre
des 18 mois, là. Alors donc, le médecin ou le médecin et un substitut...
parce qu'on proposera qu'il y ait également un substitut pour essayer d'éviter
la difficulté du médecin qui est malade la journée où il doit s'exécuter, alors
donc, on aurait un substitut... alors donc, déjà là, des gens qui pourront
intervenir et, au besoin, de s'adresser au tribunal. On comprend qu'on sera
dans de rares cas d'exception, de s'adresser au tribunal, justement, pour que
le médecin puisse procéder.
Mais, encore là, et ça reste à étudier,
allons-nous avoir besoin de ce recours au tribunal? Parce que, comprenons-nous bien,
le tiers de confiance est un rouage très important, mais il n'est pas l'essentiel,
le rouage essentiel. En bout de ligne, c'est le médecin et, si jamais on
élargit, l'infirmier et l'infirmière clinicienne. La décision, elle leur
appartient. Alors donc, le tiers de confiance qui n'exécute pas son engagement
n'empêche pas la réalisation des volontés de la personne. Mais on comprend
encore qu'on sera dans de très rares cas.
Mme Picard : Dans le cas d'un
mandat d'inaptitude que vous faites en ce moment, là, avec vos personnes qui
viennent à vos bureaux, est-ce qu'il y a une tierce personne aussi qui est
impliquée dans votre mandat d'inaptitude?
M. Lambert (Jean) : C'est le
mandataire et, souvent, le mandataire et un mandataire substitut, alors... et
c'est toujours un proche ou une personne qui a manifesté, pendant de longues
années, un intérêt pour le majeur qui fait son mandat, parce qu'il arrive quand
même des cas où le mandant n'a pas de proche, de famille, des gens qui, par
exemple, sont des immigrants ici et qui n'ont pas de famille proche. Alors, on
comprend que, pour être mandataire, ça se passe assez difficilement, si la
personne est en Afrique ou en Europe, alors que la personne est ici et a besoin
de soins, par exemple, de décisions médicales.
Mme Picard : Donc, vous voulez
vraiment qu'on se colle au mandat d'inaptitude en ce moment, là, un petit peu
la même formule.
M. Lambert (Jean) : Bien, ça
a prouvé que ça fonctionnait depuis... Regardez, c'est entré en vigueur le
2 avril 1990, puis je ne pense pas qu'il y ait eu de drame. Et la
procédure devant <notaire qui a été...
Mme Picard : ...qu'on se
colle au mandat d'inaptitude en ce moment, là, un petit peu la même formule.
M. Lambert (Jean) :
Bien, ça a prouvé que ça fonctionnait depuis... Regardez, c'est entré en
vigueur le 2 avril 1990, puis je ne pense pas qu'il y ait eu de drame. Et la
procédure devant >notaire qui a été adoptée par le législateur en 2002,
qui est entrée en vigueur, là non plus, le ciel n'est pas tombé sur la tête de
personne. Et là on évite le tribunal aux gens. Tout se passe dans notre bureau,
c'est le notaire qui va interroger la personne plutôt que ça soit un greffier,
une personne qui est généralement inconnue de la personne en cause, de la
mandante.
Alors donc, la formule a bien fonctionné.
Elle a même été adoptée ailleurs, en France, qui nous a copié... qui nous ont
copiés là-dessus. Alors, je pense que c'est... on doit, à ce moment-là,
effectivement, faire hommage à ce précédent.
• (14 h 10) •
Mme Picard : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Je céderais maintenant la parole au député de Mégantic.
M. Jacques : Oui, bonjour, maître.
Je veux revenir encore sur le mandat d'inaptitude, là. Vous avez parlé de
Mme Demontigny, entre autres, qui pourrait faire, dans le fond, dans un
genre de mandat, une demande anticipée. Pour vous... Ce n'est pas comme ça que
vous l'avez dit?
M. Lambert (Jean) : Non,
c'est un acte à part.
M. Jacques : Un acte à part?
M. Lambert (Jean) : Oui, oui,
oui. Je pense qu'actuellement notre loi est claire, on ne peut même pas le
faire dans des DMA, c'est un acte qui... la demande d'aide médicale à mourir,
c'est un acte distinct, et je pense qu'il est bon que ça demeure. Je sais qu'il
y en a qui voudraient inclure ça dans des DMA. Bon, on peut toujours voir, mais
je pense que les DMA devraient demeurer ce qu'ils sont, en les élargissant, et
que la demande médicale à mourir par anticipation...
Il faut comprendre, là, on s'en vient dans
un contexte qui est très particulier, hein? C'est une volonté qui va s'exécuter...
bon, actuellement, on parle d'à peu près deux ans ou 18 mois. On
espère qu'un jour ça pourra être un peu plus large pour, par exemple, faire
droit à une demande comme celle de Mme Demontigny. Mais actuellement,
donc, vu la spécificité, le caractère tout à fait particulier, je pense que,
pour ceux qui auront à exécuter, ils n'ont pas à se mêler de savoir que la
personne va aussi faire les affaires bancaires, qu'elle pourra vendre le
chalet, qu'elle pourra aller ouvrir le coffret de sûreté. Je pense que non, on n'a
pas besoin de mêler ces choses-là. Il faut que ça soit un document distinct,
solennel et par une personne, un notaire accrédité, ce qui n'est pas le cas
pour le mandat de protection.
M. Jacques : O.K., bon, je
continue là-dessus. Moi, personnellement, O.K., je ne suis pas malade
aujourd'hui. J'aimerais faire... Bon, là, vous dites que ce n'est pas un
mandat, là. J'aimerais faire une demande d'aide médicale à mourir dans le cas <particulier
que j'aurais...
M. Jacques : Moi,
personnellement,
O.K., je ne suis pas malade aujourd'hui. J'aimerais faire... Bon, là, vous
dites que ce n'est pas un mandat, là
. J'aimerais faire une demande
d'aide médicale à mourir dans le cas >particulier que j'aurais une
maladie ou un accident cérébral vasculaire qui ne me permettrait plus de rien
faire. Comment vous voyez ça? Est-ce que ce serait possible? Est-ce que c'est
une idée qui pourrait être avancée? Est-ce qu'on pourrait avancer dans tout ça,
ou vous pensez que ce n'est vraiment pas là qu'il faut aller?
M. Lambert (Jean) : Bon,
actuellement, évidemment, puis là j'aime toujours ça donner ça d'une façon
colorée, ce n'est pas en jouant aux cartes le samedi soir puis dire : Aïe!
écoute, là, t'as-tu fait ta demande anticipée? Non, non. Je pense que,
justement, le sujet est tellement particulier et précis qu'il doit être balisé.
Et la première balise, c'est que la personne doit avoir reçu un diagnostic, et
un diagnostic d'une maladie qui affecte son cognitif, une maladie grave, une
maladie irréversible, incurable, et qui reçoit toute l'information relative à
cette pathologie et ses conséquences. Et c'est à ce moment-là qu'on ouvre la
possibilité à cette personne de faire la demande.
Je sais que bien des gens trouvent que
c'est chinois, probablement parce que l'acceptation sociale de l'aide médicale
à mourir a été surprenante au Québec, mais il demeure que quelqu'un met fin à
la vie d'un autre. Alors, il ne faut jamais oublier qu'en arrière-plan, là,
c'est toujours là, là. Et, si on ne respecte pas un cadre formel, solennel, on
se retrouve à tuer une personne. On devient, comment dirais-je, un client du Code
criminel. Je ne pense pas qu'il n'y ait personne qui est intéressé à ça.
M. Jacques : Oui, bien, je comprends
votre position, là. Par contre...
M. Lambert (Jean) : Ce n'est
pas juste la mienne, si vous me permettez. Entre autres, le conseil canadien
des académies et nous aussi, à notre groupe d'experts de la chambre, on a
discuté de cette question-là et on a vu qu'il y avait beaucoup de difficultés.
Peut-être que, dans quelques années, M. François, on y viendra, mais, pour
le moment, déjà, de permettre à Mme Demontigny de faire cette démarche, là,
ça va être déjà un progrès énorme.
M. Jacques : Oui, parfait.
Bien, je ne sais pas si... je pense qu'il y a d'autres collègues qui voulaient
parler, là. Je vais les laisser...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, effectivement. On continue nos échanges avec la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, maître. Très heureuse de vous entendre, de vous rencontrer
aujourd'hui. Très clair, votre mémoire est limpide, comme on pourrait
mentionner. J'ai plusieurs questions, en fait, qui ont été... qui me sont
venues à l'esprit, en fait, en vous écoutant aussi, dans les échanges que vous
avez eus avec mes collègues, <entre autres sur...
Mme Montpetit : ...votre
mémoire est limpide, comme on pourrait mentionner. J'ai plusieurs questions, en
fait, qui ont été... qui me sont venues à l'esprit, en fait, en vous écoutant
aussi, dans les échanges que vous avez eus avec mes collègues, >entre
autres sur la question de la tierce personne, du tiers de confiance, comme vous
l'avez appelé, tiers décideur ou... plusieurs, plusieurs questions à cet effet-là.
Puis vous me ferez la différence entre le tiers décideur et le tiers de
confiance. Je vous vois hocher de la tête.
Premièrement, il y a certaines personnes
qui peuvent se retrouver dans des situations, justement, où... puis là je sais
que vous avez mentionné, bon, des personnes qui pourraient être isolées, qui
n'ont pas ce tiers de confiance là ou qui pourraient se retrouver dans une situation
où les gens qui sont autour d'elles ne sont pas à l'aise de jouer ce rôle-là.
Je comprends bien que vous recommandez que c'est souhaitable qu'il y ait cette
tierce personne là dans la relation, mais que ce n'est pas obligatoire, parce
qu'il y a des situations où ça pourrait ne pas être possible ou ça pourrait
amener un fardeau supplémentaire à la personne, là.
M. Lambert (Jean) :
Effectivement, il peut arriver qu'une personne qui formule cette demande n'a
pas de proche, n'a pas de personne qui lui manifeste un intérêt. Alors, est-ce
qu'à ce moment-là on devrait demander au Curateur public d'être le tiers? Je ne
suis pas certain. En tout cas, actuellement, dans sa loi, il ne pourrait pas
accepter ce mandat. C'est pourquoi qu'on dit que la présence d'un tiers, très
souhaitable, n'est pas essentielle.
Deuxièmement, ce n'est pas le tiers qui
décide. C'est pour ça que j'ai hoché de la tête, là, ce n'est pas un tiers
décideur. Je donne l'image de dire : Il allume la mèche, c'est-à-dire que
lui, il suit, hein? On dit : On souhaite que ce soit une personne qui soit
dans une certaine intimité avec la personne qui a demandé l'aide médicale par
anticipation, donc qui suit, qui lui parle régulièrement, etc., et qui, à un
moment donné, va dire au personnel soignant et, disons, au médecin de la
personne : Je pense qu'on est arrivés au moment venu. Vous êtes à même de
voir qu'elle ne reconnaît plus personne, elle n'est plus capable de s'alimenter
elle-même, elle ignore tout à fait qui elle est, ne connaît pas son état, pas
capable de pourvoir à ses besoins sanitaires, etc., alors... mais c'est, en
définitive, le professionnel de la santé qui va confirmer si, effectivement,
ces circonstances, ces conditions-là sont présentes, et c'est celui qui va
administrer, qui, en définitive, prend la décision.
Alors, le tiers est là, dans le fond, pour
partager, parce qu'on reconnaît que, pour une seule personne, médecin ou
infirmière ou infirmier clinicien, de prendre cette décision, c'est une
décision qui est lourde, et c'est une décision qui sera plus facile à prendre
pour ce professionnel de la santé si une personne proche de la personne à qui
on veut lui administrer pour respecter ses volontés qui... puisse lui <dire :
Non...
M. Lambert (Jean) :
...
infirmier
clinicien, de prendre cette décision, c'est une décision qui est lourde, et
c'est une décision qui sera plus facile à prendre pour ce professionnel de la
santé si une personne proche de la personne à qui on veut lui administrer pour
respecter ses volontés qui... puisse lui >dire : Non, elle n'a pas
varié, elle a toujours maintenu, tant qu'elle était assez lucide, elle m'a
toujours dit : Là, n'oublie pas, là, quand ça va être le temps, là, je
veux que tu leur dises, là, qu'ils passent à l'action.
Mme Montpetit : Puis dans
cette... je ne sais pas si on peut l'appeler une triade : notaire, proche
et professionnel, comment on peut... Parce que j'imagine qu'on peut supposer
qu'il pourrait y avoir des situations, justement, où le point de vue ou
l'évaluation du tiers de confiance n'est pas nécessairement la même que celle
du professionnel de la santé, là. Je sais, on a échangé tout à l'heure sur
qu'est-ce qui arrive si un tiers ne souhaitait pas, justement, ou, en tout cas,
reportait la décision. Je pense vous avez été bien clair là-dessus. Mais
comment l'arbitrage se fait, ou comment on réconcilie, justement, une
évaluation qui ne serait pas la même?
Parce que vous avez cité à plusieurs
reprises Mme Demontigny. Puis vous avez sûrement eu l'occasion, peut-être,
d'entendre son témoignage quand elle est venue jeudi dernier. Puis elle nous
parlait vraiment, elle, de sa relation avec son tiers de confiance, qui est une
amie qu'elle connaît depuis 20 ans. Puis elle a dit : Elle me
connaît, yeux dans les yeux, même quand je ne serai plus apte, elle sera
capable, elle, par la proximité qu'on a, d'indiquer le moment où... le moment
venu, comme vous l'appelez, les circonstances dans lesquelles elle souhaite...
Et, si, dans une situation comme ça, justement, le professionnel n'avait pas la
même lecture, est-ce que c'est au niveau, justement... c'est le notaire qui...
Comment vous voyez ça, en fait, une situation comme ceci?
• (14 h 20) •
M. Lambert (Jean) : Rendu à
ce moment-là, le notaire n'a pas de rôle à jouer, là. Lui, là, ce qu'il avait à
faire, c'est, si je peux dire, mettre la table et s'assurer que tous les éléments
pour que... lorsque le temps venu sera effectivement arrivé, à ce moment-là,
que les gens qui auront à agir et prendre les décisions seront outillés pour le
faire. Donc, pour le cas de situations que vous mentionnez, Mme Montpetit,
il reste que c'est le professionnel, en bout de ligne, qui doit poser ce geste
professionnel et prendre la décision. Donc, ce n'est pas le tiers de confiance
qui peut peut-être dire : Moi, je pense que c'est le temps de l'arrivée,
c'est le professionnel.
Ceci étant dit, c'est qu'actuellement, à
cause de cet article du Code criminel qui demande que ça soit une entente
contractuelle qu'on va aménager, évidemment, parce qu'on va la bonifier, mais
il reste qu'en bout de ligne, c'est une entente entre le demandeur ou la demanderesse
et un médecin, ou un médecin et un médecin substitut, qui devront procéder à
telle date, encore là, que je pense qu'il y a moyen d'aménager, hein? Moi, j'ai
toujours été admiratif du travail qui a été fait sous l'égide de Mme Hivon.
C'est d'avoir trouvé qu'on était dans le domaine du soin, alors qu'on n'avait
pas encore l'arrêt Carter, hein, je vous le rappelle. Donc, je pense qu'il y a
moyen d'aménager ces dispositions du Code criminel.
<Mais, pour le...
M. Lambert (Jean) :
...
toujours été admiratif du travail qui a été fait sous l'égide de
Mme Hivon. C'est d'avoir trouvé qu'on était dans le domaine du soin, alors
qu'on n'avait pas encore l'arrêt Carter, hein, je vous le rappelle. Donc, je
pense qu'il y a moyen d'aménager ces dispositions du Code criminel.
>Mais, pour le moment, on a ça,
et le professionnel qui sera partie à cette entente, s'il décide qu'il ne
procède pas, je pense qu'à ce moment-là il y aura peut-être des recours de
demander au tribunal de prendre la décision et d'indiquer à un autre médecin de
procéder. Alors là, ça devient l'intervention du tribunal. Comme on le fait, par
exemple, pour la protection du malade mental, c'est le tribunal, à un moment donné,
qui va prendre certaines décisions, mais on comprend qu'on sera dans des cas
très rares. Donc, il ne faudrait pas priver la grande majorité des gens juste
parce que, peut-être, on va avoir un ou deux cas d'exception.
Mme Montpetit : Parfait. Je
voudrais revenir aussi à la formation du notaire. C'est ça que vous nous avez
parlé. Puis ma collègue de Joliette l'a évoqué précédemment, mais je voulais
continuer l'échange avec vous sur... Vous avez parlé d'avoir des notaires qui
auraient une accréditation spécifique, une formation particulière pour bien
comprendre le diagnostic, donc là, bien comprendre les diagnostics, parce qu'il
n'est pas question seulement, nécessairement, de la maladie d'Alzheimer, là, il
y a d'autres formes de démence ou de maladies graves, incurables,
dégénératives. Vous voyez quoi comme formation? Donc, une formation qui serait
faite a posteriori, c'est ce qu'on comprend, mais quel type de formation, quel
type d'accréditation?
M. Lambert (Jean) : Alors,
très simplement, si la loi québécoise est modifiée pour effectivement faire
droit à la demande anticipée et que l'acte devra être obligatoirement notarié,
alors ça fera partie de la mise en application de cette disposition de la loi
que des notaires devront être accrédités, tout comme on l'a fait lorsqu'on a
confié aux notaires les ouvertures de régimes de protection ou de mise à
exécution des mandats hors du tribunal. Donc, même principe.
Maintenant, pour définir quel sera le
contenu de cette formation, évidemment, la chambre vous communiquera... va
échanger avec ses partenaires, dont le Collège des médecins, des professionnels
qui sont particulièrement au fait de ces maladies et de ses évolutions. Et ce
que le notaire aura besoin de savoir, c'est d'abord de se familiariser avec la
terminologie médicale, d'aisément être capable de comprendre des conséquences
qu'une pathologie peut avoir pour être capable d'échanger avec la personne pour
s'assurer que... à l'aide de quelques questions, que cette personne-là a bien
consulté, qu'elle est bien informée et qu'elle va donner un consentement
éclairé.
Mais, comme Mme Hivon l'a bien
souligné, il ne s'agit pas de faire un médecin du notaire, hein? Alors, ce
n'est pas avec une formation de trois ou quatre jours qu'on va atteindre cet
objectif-là. Et d'ailleurs ce n'est pas ce qui est souhaité. Ce qui est
souhaité, c'est que le notaire sache de quoi on parle, de quoi il s'agit,
quelles sont les conséquences pour cette personne, d'être capable d'échanger
pour être sûr que cette personne-là comprend ce qu'elle fait et <connaît
les conséquences...
M. Lambert (Jean) :
...qu'on va atteindre cet objectif-là. Et d'ailleurs ce n'est pas ce qui est
souhaité. Ce qui est souhaité, c'est que le notaire sache de quoi on parle, de
quoi il s'agit, quelles sont les conséquences pour cette personne, d'être
capable d'échanger pour être sûr que cette personne-là comprend ce qu'elle fait
et >connaît les conséquences pour cette personne, d'être capable
d'échanger pour être sûr que cette personne-là comprend ce qu'elle fait et
connaît les conséquences de son geste, alors la même chose que pour l'aide
médicale à mourir.
Mme Montpetit : Parfait. Puis
vous... un élément qui me questionnait dans ce... quand vous avez parlé, justement,
de la relation du notaire avec le médecin, bon, vous faisiez référence aux
directives médicales anticipées, mais encore là c'est des... aux DMA, pardon,
qui vont être... quand elles sont... Elles ne sont pas faites dans le contexte
d'une maladie, alors que, quand on parle de consentement anticipé, elles sont vraiment
dans le contexte où la personne vient vous voir, elle a un diagnostic de
maladie grave, par exemple, incurable, dégénérative. Est-ce qu'il n'y a pas une
notion de secret professionnel aussi? Quand vous dites : Le notaire
pourrait être amené à avoir une discussion avec le médecin du patient pour
valider certains éléments... puis je ne veux pas mal vous citer, là, mais
j'avais l'impression que c'était un peu à ça que vous référiez quand vous
disiez : Il va venir valider la gravité, il va venir valider la situation.
Est-ce qu'il n'y a pas un enjeu de secret professionnel entre le patient et son
médecin?
M. Lambert (Jean) : Alors,
écoutez, le secret professionnel, quel que soit le professionnel au Québec, le
secret professionnel est la propriété du client, du demandeur, du patient, pas
du médecin, pas du notaire. Donc, si le patient dit à son médecin :
J'aimerais ça que tu participes à une rencontre avec le notaire parce qu'il
veut s'assurer que je comprends bien, alors il n'y en a pas, de problème, il
n'y a pas de problème de secret professionnel. L'acte qui va être rédigé par la
suite demeure encore un acte privé, doté de... couvert par le secret
professionnel, et il appartient à la personne, le client, d'en faire part à qui
cette personne-là souhaite, parce que le secret professionnel lui appartient,
pas au notaire.
Mme Montpetit : Parfait. C'est
limpide. Je vous remercie. J'ai ma collègue de Westmount—Saint-Louis qui
souhaiterait également échanger avec vous. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Mme la députée.
Mme Maccarone : Je sais qu'il
reste très peu de temps. Alors, bonjour, maître. Ma question, parce que j'ai du
temps peut-être juste pour une question, c'est : Quelles mesures
supplémentaires devront être mises en place pour protéger des personnes
vulnérables lors de l'élargissement de l'aide médicale à mourir, comme, par
exemple, pour les personnes en situation d'inaptitude, comme une personne qui
souffre d'une déficience intellectuelle, par exemple? Parce qu'on veut
s'assurer, évidemment, de la protection de ces personnes puis on ne veut pas
les remettre dans une situation où ils sont encore plus vulnérables malgré qu'on
aurait peut-être une tierce personne qui va s'impliquer à l'intérieur de ce
dossier.
M. Lambert (Jean) : Bon,
j'essaie de comprendre votre question. C'est qu'il est bien évident que, si la
personne est déjà frappée d'inaptitude, d'incapacité mentale, là, il n'y en
aura pas, de demande anticipée, là. Puis le notaire n'est pas dans le tableau,
là, parce qu'il ne peut pas agir s'il n'est pas convaincu que le consentement
est donné d'une <façon éclairée...
M. Lambert (Jean) :
...j'essaie de comprendre votre
question. C'est qu'il est bien évident
que, si la personne est déjà frappée d'inaptitude, d'incapacité mentale, là, il
n'y en aura pas, de demande anticipée, là. Puis le notaire n'est pas dans le
tableau, là, parce qu'il ne peut pas agir s'il n'est pas convaincu que le
consentement est donné d'une >façon éclairée, d'une façon... donné en
toute connaissance de cause. Alors donc, ça, on met ça de côté.
Par contre, la protection d'une personne
qui deviendra vulnérable par la suite, bien, écoutez, c'est le principe du
mandat de protection. En 1988, quand j'ai proposé ça aux législateurs dans le
cadre des travaux de la réforme du Code civil, à peu près tous les juristes, y
compris les juristes de la Chambre des notaires, ont dit : Ça n'a pas
d'allure, votre affaire, M. le président. Mais ils ont dit : Vous êtes le
président, vous avez l'opportunité. Pourquoi? Parce que la procuration, celui
qui la donne doit en tout temps être capable de vérifier si celui à qui il l'a
donnée exécute bien. Dès l'instant qu'il perd cette faculté, le droit fait que
la procuration cesse d'avoir une validité. Et là on proposait quelque chose qui
prenait naissance, justement, lorsque l'inaptitude arrivait, puis ça a
fonctionné.
Alors, je pense que c'est le même
principe, actuellement, avec une demande anticipée. Et on n'est pas les seuls,
les notaires, à être en faveur de ça. Je pense que, ce matin, dans le journal, le
Collège des médecins... D'ailleurs, dans le temps du projet de loi n° 52, quand on discutait avec Mme Hivon, le collège
avait déjà mentionné qu'il était d'accord avec ça, et il y a beaucoup de gens
qui sont d'accord avec ça. Donc, je pense qu'on satisfait une très grande majorité
de la population, hein? La Chambre des notaires a fait faire un sondage en
2019, au printemps, par Léger, et c'est 85 % des gens, des Québécois qui
disent que, oui, on devrait pouvoir faire une demande anticipée dans ces circonstances-là.
Alors donc, pour les quelques rares cas
d'exception, bien, on essaiera d'aller peut-être plus loin dans les mesures de
sauvegarde, mais, déjà là, le fait que ce soit obligatoirement notarié, avec
toutes les obligations du notaire et le formalisme auquel il est tenu, je pense
que ça sera une mesure de sauvegarde bien suffisante.
Mme Maccarone : Alors, à votre
avis...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Donc, je céderais maintenant la parole au
député de Gouin.
• (14 h 30) •
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme
la Présidente. Merci, maître. Mes collègues ont posé plusieurs des questions
que je souhaitais poser, alors je vais vous en poser une seule, et, si mes collègues
souhaitent vous en poser d'autres, mon temps est à leur disposition.
Qu'en est-il de la question du délai? Vous
avez, un peu plus tôt dans votre témoignage, mentionné clairement que, pour
vous, la demande anticipée d'aide médicale à mourir ne devrait pouvoir être
faite que lorsqu'il y a un diagnostic clair, avec une maladie connue et une
évolution relativement prévisible, donc maladie dégénérative grave et
incurable. Dans ce sens-là, vous vous situez dans la continuité de la loi
actuelle. Qu'en est-il de la question du délai? Est-ce que cette demande d'aide
médicale à mourir anticipée pourrait être faite n'importe quand après
l'obtention du diagnostic? Est-ce qu'elle devrait être <réitérée...
>
14 h 30 (version révisée)
<
M. Nadeau-Dubois : ...
ce
sens-là, vous vous situez dans la continuité de la loi actuelle. Qu'en est-il
de la
question du délai? Est-ce qu'une demande
d'aide médicale à
mourir anticipée pourrait être faite n'importe quand après l'obtention du
diagnostic? Est-ce qu'elle devrait être >réitérée par la suite? Est-ce
qu'il devrait y avoir des balises temporelles ou si, peu importe le délai, dans
le fond, entre le moment où la demande est faite et le moment où l'aide
médicale à mourir est administrée, il ne devrait pas y avoir de limite? Est-ce
que ce délai-là importe ou pas pour vous dans un contexte où ce sont des
maladies dégénératives, où la condition des gens peuvent évoluer dans le temps,
que leur propre perception de leur maladie pourrait également évoluer dans le
temps?
M. Lambert (Jean) : Bon, on a
discuté ce point-là dans notre groupe d'experts, et on s'est dit peut-être
qu'annuellement on devrait demander qu'il y ait une espèce de renouvellement.
Mais les gens autour de la table, il y en a qui... entre autres, en éthique
médicale, ils ont dit : Mais de toute façon la personne qui va avoir un
tel diagnostic va être suivie, va avoir des contacts réguliers avec le
personnel médical, avec son médecin, ses spécialistes. Donc, elle est en mesure,
continuellement, par le fait même, de retirer ce consentement-là parce que...
ou cette demande, c'est-à-dire, parce que là on parle de demande, pour bien se
situer dans ce que j'ai dit au tout début, donc peut retirer sa demande en
aucun temps. Donc, le seul fait qu'elle ne le retire pas, dans le fond, c'est
une façon de réitérer sa volonté.
Maintenant, s'il faut... s'il y en a qui
disent : Bien, on veut blinder l'affaire encore plus... qu'il y ait une
espèce de renouvellement qui se fasse, il faudra quand même que ça soit assez
simple, il ne faut pas que ça soit trop lourd, mais, à ce moment-là, oui, c'est
possible. Mais, encore là, je vous dis, la conduite même de la personne va
inférer qu'elle n'a pas retiré sa demande.
Maintenant, vous avez... on parle de temps.
Évidemment, actuellement, on fonctionne à l'intérieur de ce que le Code
criminel nous permet. On parle de mort raisonnablement prévisible, et le législateur
fédéral a bien pris soin de ne pas préciser ce que c'est. J'ai même entendu
parler de gens au Canada anglais, où ils disent : Nous autres, la mort
prévisible, ça peut être même quatre, cinq ans, hein, on connaît la
trajectoire, imaginez, alors que ce n'est pas ça, là. La renonciation dans le
temps, c'était un peu comme notre consentement. On travaillait dans le court
terme, mais on sait qu'il y en a qui vont être imaginatifs, qui vont étirer
l'élastique. Nous, on pense que l'intervention du législateur québécois doit
justement empêcher que cet élastique se tire et donc de mettre au moins des
balises.
Actuellement, on sait que la mort
raisonnablement prévisible, si on regarde les demandes d'aide médicale à mourir
qui ont été faites et administrées au Québec au cours des dernières cinq
années, c'est un maximum de 18 mois, donc on est capable de fonctionner là-dedans.
Idéalement, il faudrait que ça soit plus large, mais actuellement on va devoir
fonctionner dans cette période temporelle.
M. Nadeau-Dubois : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le <député...
M. Lambert (Jean) :
...
au
Québec au cours des dernières cinq années, c'est un maximum de 18 mois...
on est capable de fonctionner là-dedans. Idéalement, il faudrait que ça soit
plus large, mais actuellement on va devoir fonctionner dans cette période
temporelle.
M. Nadeau-Dubois : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le >député. Merci beaucoup, Me Fafard et
Me Lambert, pour ces précieuses précisions que vous nous avez faites
aujourd'hui.
Donc, nous suspendons les travaux quelques
instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités.
(Suspension de la séance à 14 h 33)
>
(Reprise à 14 h 40)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, la commission reprend ses travaux, et nous accueillons maintenant le Collège
des médecins du Québec avec le Dr Mauril Gaudreault et le Dr André
Luyet.
Donc, merci et bienvenue. Vous aurez 20 minutes
pour faire votre exposé. Par la suite, il y aura un échange avec les membres de
la commission d'une période de 40 minutes. Donc, je vous cède la parole,
messieurs.
Collège des médecins du Québec
M. Gaudreault (Mauril) :
Merci. Merci, Mme Guillemette, chère présidente de la commission; Mme Marie
Montpetit, vice-présidente; vous tous, membres de la commission, merci de
prendre le temps d'entendre le point de vue du Collège des médecins du Québec.
Je suis son président, Mauril Gaudreault, médecin de famille, ex-doyen associé
à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l'Université de
Sherbrooke. Je compte 40 ans de pratique médicale en soins hospitaliers,
en soins ambulatoires et de longue durée, notamment au Saguenay.
À mes côtés, Dr André Luyet, directeur
général du collège, médecin psychiatre, professeur agrégé de clinique à la Faculté
de médecine de l'Université de Montréal... cumule 30 ans de pratique et
d'implication médico-administrative, notamment comme directeur des services
professionnels et il a prodigué l'aide médicale à mourir.
Le Collège des médecins du Québec salue la
mise sur pied de cette commission, étape préalable à une révision de la Loi
concernant les soins de fin de vie. Adoptée en 2014 puis entrée en vigueur en
2015, cette loi requiert une révision en profondeur, mais, entretemps, il faut
l'amender pour corriger une situation qui n'a actuellement aucun sens. Depuis
l'entrée en vigueur du projet de loi C-7 en mars dernier, tous les
Canadiens dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible, à l'exception
des Québécois, peuvent renoncer au consentement final à recevoir l'aide
médicale à mourir au moyen d'une entente formelle écrite entre le médecin et le
patient sous certaines conditions.
Au Québec, la Loi concernant les soins de
fin de vie exige que la personne soit apte à consentir au moment de recevoir l'aide
médicale à mourir. Or, des patients sont actuellement lésés par la loi
québécoise parce que, dans le seul but de demeurer aptes à fournir leur
deuxième consentement, ils peuvent endurer des souffrances souvent
intolérables. Certains se suicident, d'autres se laissent mourir de faim,
refusent de <prendre leur...
M. Gaudreault (Mauril) :
Or, des patients sont
actuellement lésés par la loi
québécoise parce que, dans le seul but de demeurer aptes à fournir leur
deuxième consentement, ils peuvent endurer des souffrances souvent
intolérables. Certains se suicident, d'autres se laissent mourir de faim,
refusent de >prendre leur médication ou, contre leur gré, se soumettent
à une profonde sédation jusqu'à leur mort. Ils souffrent à en mourir, et, pour
le Collège des médecins, pour nous, médecins, cette situation est inacceptable.
Sur le plan déontologique, les médecins ne peuvent accepter que certains
Québécois en fin de vie meurent dans une telle indignité.
Depuis 2008, le collège a pris position en
faveur de l'aide médicale à mourir, car c'est un soin, un soin dont sont
cependant privés les patients en raison de la confusion, du fouillis juridique
et politique actuel. On n'accepterait pas que les médecins tiennent un dialogue
de sourds au pied du lit de leur patient souffrant, le temps de convenir de la
conduite à tenir. Nous en avons parlé au ministre de la Santé et aux trois
partis d'opposition. Tous ont eu une bonne écoute, mais maintenant, il faut
sortir de cette impasse au nom des patients.
Nous comprenons qu'il y a la loi, qu'il y
a la politique, mais il y a aussi la médecine, et notre devoir de médecin nous
impose d'utiliser la loi pour soulager nos patients. On est chanceux, il y en a
deux, mais elles doivent être harmonisées pour que les médecins puissent
travailler sans la menace très claire à leur endroit de poursuite par la
justice québécoise ou encore à l'endroit de leur ordre professionnel. Ces
menaces découragent des médecins de prodiguer l'aide médicale à mourir, et, en
bout de ligne, c'est le patient qui écope, encore. D'ici à ce que les
parlementaires québécois harmonisent les deux lois, le collège ne découragera
pas les médecins d'utiliser l'une ou l'autre des lois, selon la situation
médicale, et la volonté claire de leurs patients, et dans le respect de tous
les aspects déontologiques. Voilà notre position.
Depuis l'adoption des nouvelles
dispositions fédérales, les Québécois n'ont plus le même accès à l'aide
médicale à mourir que les autres citoyens du pays. C'est la clause dérogatoire
à l'envers. Certains patients québécois doivent souffrir davantage aux derniers
moments de leur vie que les autres Canadiens. Faudra-t-il aider les patients à
traverser de l'Outaouais vers l'Ontario ou de longer la Matapédia pour qu'ils
obtiennent, dans une autre province, les soins réclamés, en tout respect de leur
choix et du rétablissement de leurs droits?
Pourtant, il y a, au Québec, acceptabilité
sociale sur la question de l'aide médicale à mourir, comme en témoigne la
demande croissante pour ce soin. Cela se reflète aussi par l'évolution du droit
à la suite de deux jugements importants de la Cour suprême et de la Cour
supérieure du Québec. Le consensus entourant ce soin se retrouve aussi très
largement chez les médecins. À preuve, un sondage SOM, réalisé pour le compte
du collège en mars dernier auprès de l'ensemble des médecins québécois, révèle
que 89 % des répondants sont soit <totalement d'accord...
M. Gaudreault (Mauril) :
Le consensus entourant ce soin se retrouve aussi très
largement chez les médecins. À preuve, un sondage SOM, réalisé pour le compte du
collège en mars dernier auprès de l'ensemble des médecins québécois, révèle que
89 % des répondants sont soit >totalement d'accord ou plutôt
d'accord pour que l'aide médicale à mourir soit offerte à des patients en fin
de vie qui la réclament.
Depuis le départ, le collège a encadré la
pratique de l'aide médicale à mourir au moyen de guides d'exercice et de lignes
directrices pharmacologiques. Il a été actif sur le plan des représentations,
des formations et des inspections professionnelles. Il participe à la
surveillance de la qualité de l'exercice de concert avec les CMDP, des
établissements et la Commission sur les soins de fin de vie, qui étudient les
formulaires des déclarations. Il soutient les CMDP et souhaite que tous les
médecins qui administrent l'aide médicale à mourir détiennent des privilèges
dans l'établissement de leur région pour que les CMDP endossent pleinement la
responsabilité de l'évaluation de la qualité de l'aide médicale à mourir. Le
collège accompagne les médecins pour une prise de décision mettant de l'avant
une logique de soins.
Après plus de cinq années d'existence,
après plus de 7 000 aides médicales à mourir par plus de 750, 800 médecins,
force est de constater qu'il faut revoir la loi cependant car, bien que
l'opinion publique à l'égard de l'aide médicale à mourir ait évolué rapidement,
la loi québécoise, elle, n'a jamais fait l'objet d'une révision en profondeur.
D'ailleurs, le collège est favorable à
l'élargissement de la pratique de l'aide médicale à mourir aux infirmières
praticiennes spécialisées, comme le prévoit la nouvelle législation fédérale,
et ce, de l'évaluation jusqu'à l'administration.
Nous sommes heureux de prendre part à la
conversation sur l'évolution de cette loi. Le collège a mis sur pied récemment
un groupe de réflexion, constitué notamment de trois experts médecins. Ce
groupe entendra plusieurs points de vue au cours des prochains mois pour
permettre à son conseil d'administration de prendre position sur un ensemble
d'aspects. Je vais laisser là-dessus le Dr Luyet les aborder.
M. Luyet (André) : Alors,
bonjour. D'abord, l'aptitude à consentir aux soins doit demeurer un critère
essentiel d'admissibilité à l'aide médicale à mourir. Pour être valide, un
consentement doit être libre, éclairé, donné à une fin spécifique et pouvoir
être retiré à tout moment.
Toutefois, les modalités de consentement
peuvent se transformer pour refléter plus précisément les volontés d'une
personne dans les différentes situations cliniques rencontrées et l'importance
qu'accorde désormais notre société aux valeurs de dignité, d'autodétermination
et d'inviolabilité de la personne.
Trois situations particulières suscitent
un questionnement pour le collège sous l'angle de l'aptitude à consentir à l'aide
médicale à mourir.
En premier lieu, dans le cas d'une mort
raisonnablement prévisible, le risque de perdre l'aptitude à consentir en phase
terminale ou <préterminale...
M. Luyet (André) :
Trois
situations particulières suscitent un questionnement pour le collège sous
l'angle de l'aptitude à consentir à
l'aide médicale à mourir.
En premier lieu, dans le cas d'une mort
raisonnablement prévisible, le risque de perdre l'aptitude à consentir en phase
terminale ou >préterminale et de ne plus être en mesure de confirmer son
consentement au moment de recevoir le soin. Malgré certains avis légaux
divergents, nous retenons pour l'instant qu'au Québec la personne doit
obligatoirement reconfirmer son consentement à recevoir l'aide médicale à
mourir au moment de son administration, alors que le Code criminel autorise le
renoncement à ce consentement final au moyen d'une entente formelle, écrite et
signée pour les personnes dont la mort naturelle est raisonnablement
prévisible.
Dans les faits, il nous apparaît que les
autres options actuellement offertes sont souvent moins acceptables sur le plan
humain. Par conséquent, le collège souhaite que la loi québécoise permette la
renonciation au consentement final. De notre point de vue, il n'y a pas
d'entorse déontologique au fait de permettre la renonciation au consentement
final chez une personne apte à consentir au moment de formuler une demande d'aide
médicale à mourir basée sur ses choix, ses droits et ses valeurs et pleinement
informée des possibilités de perdre son aptitude au moment de recevoir l'aide
médicale à mourir en raison de l'évolution de sa maladie et/ou de ses
traitements. Une telle modification de la loi pourrait être apportée dans un
très court délai en attendant une révision en profondeur de la loi.
• (14 h 50) •
En second lieu, toujours sur le thème du consentement,
le risque de perdre l'aptitude à consentir, inhérente aux troubles
neurocognitifs majeurs. Le collège est favorable à la possibilité de formuler
une demande d'aide médicale à mourir anticipée au moyen d'une directive médicale
anticipée, ce qui n'est pas permis dans la loi québécoise actuelle. La personne
demanderait ce soin à un stade d'évolution précis et prédéterminé d'un trouble
neurocognitif majeur portant atteinte à ses valeurs et à sa dignité. Il est
possible d'encadrer et de baliser cette avenue pour atteindre l'objectif, dans
le respect des personnes et du droit, par une réflexion, un formulaire
spécifique, une pleine connaissance de l'évolution et des alternatives
offertes, une reconfirmation périodique, la prédétermination du moment, la
nomination d'un <mandataire...
M. Luyet (André) :
...par une réflexion, un formulaire spécifique, une pleine
connaissance
de l'évolution et des alternatives offertes, une reconfirmation périodique, la
prédétermination du moment, la nomination d'un >mandataire, etc.
Enfin, l'acquisition du droit de consentir
à ces soins pour le mineur émancipé. Ce sujet est très sensible, et la
réflexion sur cette question doit se poursuivre en profondeur. Le collège n'a
pas de position arrêtée sur le sujet, mais souhaite ardemment y participer et
offre toute son expertise à la commission.
Sur la question, maintenant, du critère de
fin de vie, le collège considère positivement son retrait. Discriminatoire, il
sous-entendait une prévisibilité de la mort basée sur un pronostic. Les
pronostics comportent une grande variabilité sur le plan individuel, et les
personnes les ayant déjoués sont légion en clinique. Bien que le retrait du
critère de fin de vie rende les deux lois conformes et superposables sur ce
point, elles ne le sont pas sur les conditions qui permettent d'avoir recours à
l'aide médicale à mourir. Ainsi, le Québec ne permet pas d'inclure, dans la
compréhension de «maladie grave et incurable», les handicaps qui peuvent aussi
entraîner une souffrance inapaisable et une atteinte importante et irréversible
du niveau de fonctionnement.
Par ailleurs, le maintien du concept de
prévisibilité de la mort pour déterminer la série de mesures de sauvegarde
applicables, selon la nouvelle loi canadienne, ne devrait pas inciter à fixer
un point de bascule précis en termes de mois. Selon nous, il faut privilégier
une discussion avec le demandeur et prendre en compte une logique de soins
plutôt que les pages du calendrier.
En terminant, dans une vision inclusive,
exempte de discrimination basée sur le diagnostic et fondée sur une
compréhension globale de l'humain, le collège croit que la réflexion sur l'aide
médicale à mourir doit aussi porter sur la situation des personnes dont le
motif prépondérant de demande serait un trouble mental. Une personne atteinte
d'une pathologie psychiatrique sévère et réfractaire peut ressentir une
souffrance tout aussi intense et une atteinte tout aussi grave de son autonomie
fonctionnelle sinon plus que les personnes souffrant de pathologies dites
physiques. L'évolution de certains troubles mentaux pourrait rendre une
personne admissible à l'aide médicale à mourir étant donné le retrait du
critère de fin de vie des lois <provinciales...
M. Luyet (André) :
...aussi grave de son autonomie fonctionnelle sinon plus que les personnes
souffrant de pathologies dites physiques. L'évolution de certains troubles
mentaux pourrait rendre une personne admissible à l'aide médicale à mourir
étant donné le retrait du critère de fin de vie des lois >provinciales
et fédérales. Il faudrait toutefois, dans le cas de demandes d'aide médicale à
mourir motivées par un trouble de santé mentale, seul ou en comorbidité,
établir certaines balises pour éviter un glissement qui irait à l'encontre de
l'esprit de la loi et conduirait vers l'administration de soins inappropriés.
Aux critères déjà... existants, pardon,
s'ajouteraient les cinq conditions suivantes : premièrement, décision
prise au terme d'une évaluation globale et juste de sa situation par le
demandeur et non uniquement inscrite dans un épisode de soins; deuxièmement,
exclusion d'une idéation suicidaire s'inscrivant dans la symptomatologie
décrite d'un trouble mental, comme l'idéation suicidaire caractéristique d'un
état dépressif; troisièmement, sévérité des symptômes et de l'atteinte du fonctionnement
global présente sur une longue période, ce qui empêche la personne de se
réaliser dans un projet de vie et enlève toute signification à son existence; quatrièmement,
exigence d'un long parcours de soins avec suivi approprié, essais multiples de
thérapies disponibles, reconnues efficaces et soutien psychosocial soutenu et
approprié; finalement, évaluation multidisciplinaire des demandes avec la
présence essentielle du médecin ou de l'infirmière praticienne spécialisée
ayant pris en charge le suivi de la personne avec la pathologie psychiatrique
et d'un psychiatre consulté dans le cadre de la demande d'aide médicale à
mourir.
En conclusion, Dr Gaudreault.
M. Gaudreault (Mauril) :
Donc, les personnes souffrantes sont donc dans l'angle mort des parlementaires québécois
depuis le 17 mars. Chaque jour, des patients font des grèves de la faim
pour mourir plus rapidement et refusent leur médication pour ne pas perdre leur
aptitude à consentir à recevoir l'aide médicale à mourir lors de la dernière
visite du médecin. L'avancée de l'accès à l'aide médicale à mourir au Canada ne
doit pas créer un recul au Québec. Les patients québécois n'ont pas à tolérer
plus de souffrance qu'ailleurs au pays, on s'entendra tous là-dessus. Ils ont
le droit de mourir, eux aussi, dans la dignité.
Voilà. Nous vous remercions de votre
écoute. Dr Luyet et moi sommes maintenant prêts à répondre à vos
questions. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, je céderais la parole pour débuter à la députée de <Soulanges...
M. Gaudreault (Mauril) :
...
là-dessus. Ils ont le droit de mourir, eux aussi, dans la dignité.
Voilà. Nous vous remercions de votre
écoute. Dr Luyet et moi sommes maintenant prêts à répondre à vos
questions. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, je céderais la parole pour débuter à
la
députée de >Soulanges.
Mme Picard : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Dr Gaudreault et Dr Luyet.
J'aimerais savoir... Vous l'avez mentionné
un petit peu dans votre allocution du départ, mais j'aimerais savoir, est-ce
que, vous, vous pensez qu'on devrait statuer sur certains diagnostics ou bien
ce serait plus sur des conditions en général? Parce qu'on l'a vu dans le passé,
des fois, de s'attarder à certains diagnostics, ça peut rendre inadmissibles
certaines personnes dans des programmes ou peu importe quoi d'autre. Donc,
j'aimerais avoir votre opinion sur si on devrait utiliser le mot «diagnostic».
M. Luyet (André) : Bien, pour
le collège, on ne devrait pas y aller sur la base du diagnostic et on ne
devrait pas non plus chercher à faire une différence entre les maladies
mentales et les maladies physiques sur ce point-là. Il y a des maladies qui
méritent le même diagnostic et qui vont connaître des évolutions très
différentes, et je pense qu'il faut baser notre prise de décision sur
l'évaluation clinique, sur la situation de la personne et sur la rencontre des
critères d'admissibilité.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, je céderais la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
: Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, Dr Luyet et Dr Gaudreault. Si je résume,
donc, vous, vous dites qu'on... quand on a l'aptitude à consentir pour un soin,
ça, ça doit rester. Mais dans quelle condition qu'on abolirait le deuxième
consentement? Comprenez-vous?
M. Gaudreault (Mauril) :
Bien, dans les...
Mme
Hébert
:
Bien, dans le sens que, tu sais, vous dites : Ça prend l'aptitude, je
comprends, mais ensuite, il n'y aurait pas besoin de... parce que là,
présentement, c'est ça, là, qu'on a besoin, c'est... on a besoin du
consentement de la personne à la fin pour... quand on donne l'acte médical à
mourir. C'est un acte. Donc, dans...Alors, ce que vous dites, c'est
qu'on... ça ne devrait plus être enlevé, c'est ça? Il devrait être enlevé, ce
deuxième consentement là de la personne.
• (15 heures) •
M. Gaudreault (Mauril) :
Alors, merci pour votre question, Mme la députée. Bien, en fait, actuellement,
au moment où on se parle, on a besoin d'un deuxième consentement lucide de la
part du patient ou de la patiente pour procéder à l'aide médicale à mourir, et,
dans les situations où le patient n'est plus lucide, ne peut plus donner son
consentement, le médecin ne peut pas pratiquer ce soin d'aide médicale à
mourir.
Donc, ce que nous demandons, c'est que
tant que la personne est lucide, elle fait un premier consentement éclairé,
tout ça, c'est <parfait, mais elle doit...
>
15 h (version révisée)
< M. Gaudreault
(Mauril) :
...ne peut plus donner
son consentement, le médecin ne peut pas pratiquer ce soin d'
aide
médicale à mourir. Donc, ce que nous demandons, c'est que tant que la personne
est lucide, elle fait un premier consentement éclairé, tout ça, c'est >parfait,
mais elle doit avoir la possibilité, comme ailleurs au Canada, de signer ou de
s'entendre sur un formulaire au cas où elle ne deviendrait plus lucide, cette
personne-là. Et ça, ça peut être plus ou moins prévisible dans l'évolution,
selon les problèmes de santé, selon l'état de la personne.
Donc, nous, ce qu'on prétend, ce qu'on
veut dire par là, c'est qu'il ne devrait plus être obligatoire qu'un deuxième
consentement dit final soit signé par la personne de façon lucide, mais plutôt,
selon les situations cliniques, qu'elle puisse signer un formulaire qui
l'abstiendrait de devoir signer ce dernier consentement au cas où elle
deviendrait non lucide, la personne.
Et c'est pour ça qu'on dit que... puis
c'est des vraies situations, là. On n'a pas inventé ça, là, tout à coup. C'est
des vraies situations rapportées par plusieurs médecins de patients qui, de
peur de perdre leur lucidité, vont demander à diminuer leur médication
analgésique ou encore vont choisir d'autres moyens, ce qui est inacceptable
pour nous, vous aurez compris.
M. Luyet (André) : Ou encore
qui vont perdre leur capacité à exprimer leurs volontés et qui vont voir leurs
soins prendre la forme d'une sédation prolongée, alors que ce n'était pas le
choix qu'ils exprimaient alors qu'ils étaient en état de le faire, et vont voir
leur agonie se prolonger. Et ce n'est pas du tout le scénario qu'ils avaient
envisagé et prévu pour vivre ces derniers moments de vie accompagnés de leurs
proches.
Mme
Hébert
:
Puis dans le continuum de soins, parce qu'on appelle... ici, au Québec, on
appelle ça un... ça fait partie des soins de fin de vie. Donc, dans le
continuum de soins, est-ce que, vous, vous le voyez plus comme à la fin de tout
ce qu'on a tenté ou ça peut être encouragé dès le début? Parce que ce qu'on
sait, c'est que... ce qu'on voit, c'est que, bon, il y a la sédation
palliative, il y a différentes options, puis des fois les gens vont peut-être
plus rapidement à l'aide médicale à mourir que d'envisager tous les soins.
Est-ce que ça, il y a... Il y a d'autres
médecins qui ont rapporté qu'il n'y avait pas assez d'information aux patients
sur... puis souvent ils en venaient vite à l'aide médicale à mourir, puis des
fois, même, ça pouvait créer une certaine anxiété chez des patients parce que...
Ça fait que je veux juste voir...
M. Gaudreault (Mauril) :
Bien, c'est clair que ça crée une certaine anxiété, une anxiété plus que
certaine, là, une anxiété, c'est clair. Mais vous savez, tout cela aussi réside
dans la relation du médecin avec le patient, du médecin avec les professionnels
de l'équipe. Le médecin n'est pas tout <seul dans...
Mme Hébert :
...
je
veux juste voir...
M. Gaudreault
(Mauril) :
Bien, c'est clair que ça crée une certaine
anxiété, une anxiété plus que certaine, là, une anxiété, c'est clair. Mais vous
savez, tout cela aussi réside dans la relation du médecin avec le patient, du
médecin avec les professionnels de l'équipe. Le médecin n'est pas tout >seul
dans... il y a toujours une équipe d'autres professionnels de la
santé autour de cette personne. Donc, la relation de toute l'équipe avec le
patient, elle, elle est souvent... elle est fréquente, elle est régulière. Et
les patients, patientes qui manifestent le désir d'avoir ce soin ne le font pas
qu'une fois, discutent de cela de façon régulière, fréquente avec les membres
de l'équipe soignante. Donc, c'est dans ce sens-là.
À quel moment ça doit être
signé, là, peut-être, le formulaire de renonciation au consentement final, on
pourra discuter de cela, mais l'état, l'évolution de la situation d'une
personne puis de son état est examiné de façon régulière et souvent même
quotidienne par rapport à l'état de situation dans lequel est rendue
l'évolution de la maladie. Donc, à ce moment-là, le médecin et les autres
équipes soignantes peuvent décider d'un moment avec le ou la patiente, idéal,
pour la signature d'un tel formulaire de consentement ou de renonciation au
consentement final. Voilà. Je ne sais pas si ça répond à votre question.
M. Luyet (André) : Bien,
j'ajouterais un complément, peut-être, avant que... C'est une très bonne
question, puis le consentement demeure une valeur cardinale, quelque chose de
très, très important. C'est essentiel, et, pour qu'il soit valable, il faut
qu'il soit éclairé. Donc, on ne peut pas prendre une décision comme celle-là
puis donner son consentement avec une information tronquée ou incomplète. Donc,
c'est important d'avoir l'ensemble de l'information pour un consentement libre
et éclairé. Et j'aime aussi le fait qu'on parle beaucoup d'aide médicale à
mourir parce que c'est le thème de la rencontre, là, mais de revoir ça puis de
le placer dans une programmation de soins de fin de vie globale, c'est aussi
très intéressant aussi.
Alors, on ne doit pas envisager l'aide
médicale à mourir par défaut, parce qu'on n'est pas en mesure de bénéficier des
autres soins. Je pense qu'il faut faire la promotion d'une programmation
complète de soins de fin de vie, qui donne un choix à la personne puis qui lui
permet, justement, de consentir de façon libre et éclairée, en tenant compte de
sa volonté, de ses valeurs et de ses droits.
Mme
Hébert
:
J'ai juste une dernière petite question qui me trotte depuis toutes les
consultations qu'on fait puis depuis qu'on a eu cette... excusez-moi, la
statistique. Ça m'inquiète, alors... Puis on a su la semaine passée qu'en
Belgique, aux Pays-Bas, ils avaient atteint 2,4 % des morts qui avaient
été par euthanasie, parce que c'est le terme qu'ils utilisent, après près de 40 ans
et 30 ans, là, d'existence de la loi. Puis nous, ici, <seulement...
Mme
Hébert
: ...qu'en
Belgique, aux Pays-Bas, ils avaient atteint 2,4
% des morts qui
avaient été par euthanasie, parce que c'est le terme qu'ils utilisent, après
près de 40 ans et 30 ans, là, d'existence de la loi. Puis nous, ici,
>seulement après quatre ans, on a déjà atteint le 2,4 %. Alors, je
vous demande : Pensez-vous que ça va augmenter encore de beaucoup? Parce
que, là, si on parle d'élargissement, donc c'est encore plus plausible. Donc,
c'est une question que je vous pose comme ça.
M. Luyet (André) : Bien, pour
l'instant, on est sur une pente ascendante, je dois le dire, là. Il y a un taux
de croissance assez important, autour de 30 %, mais c'est... Mais
évidemment je ne pense pas que ça va continuer sur cette progression-là, parce
que ça finirait par englober presque l'ensemble des décès du Québec, là, si on
pousse le curseur jusqu'à l'extrême, là. Mais, pour l'instant, on est dans une
phase ascendante, puis la tendance n'est pas vers un aplatissement à court
terme, là, de cette croissance-là.
M. Gaudreault (Mauril) :
Et je le répète, ça... si je peux me permettre, merci encore pour la question,
mais c'est un soin, hein? Le collège a toujours vu l'aide médicale à mourir
dans une logique de soins, et c'est dans ce sens-là qu'on est là avec vous cet
après-midi aussi et qu'on participe à la conversation, à l'évolution de cette
loi. C'est un soin. C'est un soin, maintenant, qui est disponible pour le
patient, qui est disponible dans la conduite à tenir dans le cadre de la
discussion entre l'équipe soignante et le patient. Donc, le soin, quand on le
voit de cette façon-là, il n'est pas surprenant qu'il y ait une pente ascendante
par rapport à l'accessibilité à ce soin.
Moi, ça ne me préoccupe pas,
personnellement. Ça me préoccuperait que ce soin-là ne soit pas disponible,
tout en l'encadrant de façon tout à fait correcte, comme c'est le cas
maintenant.
Mme
Hébert
: Merci,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
...
M. Gaudreault (Mauril) :
On ne vous entend pas, Mme la Présidente. O.K.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Donc, vous m'entendez bien?
Des voix : Oui.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait, merci. Donc, tout à l'heure, on a entendu la Chambre des notaires qui
nous faisait part, et là je vous pose la question bien candidement, qu'une
balise qui pourrait être intéressante soit que les demandes soient notariées,
en collaboration avec l'équipe médicale, bien entendu. Mais vous pensez quoi de
ça, que toutes les demandes devraient être notariées, avec un diagnostic
médical, en collaboration avec l'équipe de soins, le médecin, là? Est-ce que ça
pourrait être une balise intéressante?
M. Luyet (André) : Bien, il
faudrait le regarder plus <attentivement, mais...
La Présidente (Mme Guillemette) :
...
de ça, que toutes les demandes devraient être notariées, avec un
diagnostic médical, en collaboration avec l'équipe de soins, le médecin, là?
Est-ce que ça pourrait être une balise intéressante?
M. Luyet (André) :
Bien, il faudrait le regarder plus >attentivement, mais il ne faudrait
pas que ça amène une discrimination, que ça amène des... deux types de citoyens :
ceux qui sont en mesure de pouvoir faire notarier leur décision et leur choix
et d'autres qui n'y auraient pas accès peut-être... ou un accès équitable à ce
genre de service professionnel.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait, merci. Donc, je vais céder la parole à ma collègue d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Votre micro, chère collègue.
• (15 h 10) •
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Syndrome du micro. Alors, il reste combien de temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Quatre minutes.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Parfait, merci. Dr Gaudreault, Dr Luyet, merci pour la belle
présentation. Alors, il semble y avoir une confusion dans la population et les
professionnels de la santé sur l'aide médicale à mourir et la sédation
palliative. Comment peut-on clarifier ça pour avoir un message clair dans la
population et sensibiliser aussi les professionnels de la santé?
M. Luyet (André) : En fait,
la sédation palliative continue, c'est un choix qui est offert aux personnes
qui sont soit très anxieuses ou très inconfortables et qui acceptent d'être
soulagées tout en étant bien informées qu'ils... possiblement qu'ils ne vont
pas connaître un retour vers un état plus vigile et qui vont possiblement
s'éteindre de cette façon-là mais d'une façon confortable. Donc, c'est un peu
la différence que je vois, là, pour essayer de le définir le plus clairement
possible.
Mais c'est certain que l'aide médicale à
mourir a, dès l'adoption de la loi n° 2, a
attiré beaucoup de... l'attention. Les autres importants volets de la loi ont
moins pénétré, je dirais, dans la population, sont moins connus, autant les
directives médicales anticipées que la sédation palliative continue. Donc, il y
aurait certainement un effort à faire pour mieux renseigner la population sur
l'existence de ces modalités de soins.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je me permettrais une autre question. Ça va? On m'entend bien? Tantôt,
vous nous parliez des troubles de santé mentale et qu'il y avait... vous nous
avez fait mention de cinq balises, la dernière balise étant l'évaluation par
une équipe multidisciplinaire, dont un <psychiatre...
La Présidente (Mme Guillemette) :
...une autre question. Ça va? On m'entend bien? Tantôt, vous nous parliez des
troubles de santé mentale et qu'il y avait... vous nous avez fait mention de
cinq balises, la dernière balise étant l'évaluation par une équipe
multidisciplinaire, dont un >psychiatre. Et on a entendu des psychiatres
plus tôt, dans les auditions, et qui nous disaient que, pour eux, c'est dur de
dire qu'on va mettre fin à la vie de quelqu'un pour cause de seul trouble de
santé mentale, parce que, pour eux, il y a toujours une option, il y a toujours
un traitement, il y a toujours une solution à essayer. Donc, s'ils font partie
de l'équipe de soins dans l'évaluation, comment voyez-vous cet aspect-là?
M. Luyet (André) : Bien, c'est
une équipe de soins... En fait, l'avis du psychiatre, on voulait un avis
externe, hein? Il y a le médecin traitant, qui n'est pas toujours un
psychiatre, il faut bien le mentionner. Il y a énormément de patients qui sont
aux prises avec des troubles de santé mentale, qui sont suivis par des médecins
de la première ligne, par des omnipraticiens, et puis il y en aura de plus en
plus qui seront suivis également par des infirmières praticiennes spécialisées.
Donc, il y a l'équipe, je dirais,
nucléaire autour du suivi puis de la prise en charge de cette pathologie-là, et
puis on rajoutait un avis externe, un tiers plus neutre qui avait une expertise
en santé mentale pour participer également à la discussion. C'est certain que...
Je peux comprendre le point de vue exprimé par plusieurs intervenants en santé
mentale. C'est une... c'est quelque chose de très important en termes de
traitement puis de réadaptation, de réhabilitation et de rétablissement, la
notion d'espoir, mais il arrive certains... (Panne de son)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Ah! on est gelés, ça fait comme tantôt.
Donc, on va suspendre le temps de
reconnecter, on va suspendre.
M. Luyet (André) : Oui?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Ah! vous êtes revenu, d'accord.
M. Luyet (André) : C'est
revenu. Alors, je poursuis sur ma lancée sans qu'il y ait trop de rupture, là,
mais donc ils ont épuisé tous les recours, toutes les possibilités
thérapeutiques et, malgré tout ça, ils sont... ils répondent encore à l'ensemble
des critères de grande souffrance puis d'intolérabilité de leur situation avec
incapacité d'entrevoir un projet. Parce que l'espoir, c'est ça aussi, c'est de
pouvoir jouer éventuellement son rôle de citoyen, de prendre sa place dans la
société, d'avoir des contacts, d'avoir des proches, d'avoir un projet d'études,
d'avoir un logement, d'avoir un emploi.
Alors, quand toutes ces portes-là se
ferment, et qu'on est souffrant, puis qu'on est très mal... Je comprends la
réticence, mais je peux vous dire qu'il y a des gens qui se retrouvent dans des
impasses comme celles-là. Et, pour eux, il ne faudrait pas minimiser ou <comparer...
M. Luyet (André) :
...
toutes
ces portes-là se ferment, et qu'on est souffrant, puis qu'on est très mal... Je
comprends la réticence, mais je peux vous dire qu'il y a des gens qui se
retrouvent dans des impasses comme celles-là. Et, pour eux, il ne faudrait pas
minimiser ou >comparer leur situation à celles qu'on rencontre et qu'on
accepte un peu mieux maintenant du côté de la santé physique, là. Ils ont un
état de détresse tout à fait comparable avec une souffrance aussi intense et
les mêmes difficultés.
Et je le dis souvent, là, comme psychiatre
à l'origine, moi-même, on est mal à l'aise de voir une différence entre la
santé physique puis la santé mentale puis de croire que les individus ont deux
santés, là. On essaie de voir la personne globalement et de la considérer comme
un tout. Et ça, ça s'inscrit en ligne droite avec les écrits de l'Organisation
mondiale de la santé, là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Je vous remercie beaucoup.
M. Gaudreault (Mauril) :
Et moi, comme médecin de famille, vous allez me permettre d'appuyer encore sur
plus d'importance par rapport à tout l'aspect d'équipe soignante et vraiment,
vraiment de traitement interdisciplinaire, toute l'importance de l'équipe et
tous les autres professionnels de la santé qui gravitent autour du ou de la
patiente, que ce soit dans une situation de problème de santé mentale ou de
problème de santé physique, là. Il y a toujours, toujours, toujours... On sait
que l'aide médicale à mourir, c'est fait par un médecin, et bientôt ce sera,
j'imagine, fait aussi par une infirmière praticienne spécialisée, mais tout
cela, la conduite, le traitement, la décision, est beaucoup, beaucoup discuté
en équipe avec le patient et sa famille.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Je vais maintenant céder la parole à la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, Mme la Présidente. Bonjour, Dr Gaudreault. Bonjour, Dr Luyet.
Bien heureuse de vous revoir, deux fois en deux jours.
Vous avez abordé plusieurs éléments dans
votre mémoire. Je vais m'en tenir à ce qui concerne le mandat de notre
commission, dont notamment, bon, la question, évidemment, de la directive ou de
la demande médicale anticipée. Vous nous dites que vous êtes favorable, ça,
j'entends bien ça, mais vous avez très peu, pour ne pas dire pas élaboré sur
comment encadrer puis venir baliser cette avenue. C'est sûr que, comme Collège
des médecins, dans votre rôle d'assurer, de bien protéger le public, moi, c'est
sur cet élément-là que je souhaiterais vous entendre... Peut-être que vous
n'aviez pas le temps, vous avez fait des choix de restreindre, ce n'est jamais
très long, 20 minutes, pour présenter, non plus. Mais vous avez élaboré
certains éléments sur la période de réflexion, un formulaire... en tout cas,
vous avez la nomination d'un mandataire, vous avez juste fait une liste non
exhaustive de certains éléments, mais j'aimerais ça vous donner le temps de
nous les expliquer. Parce qu'au-delà d'aller de l'avant dans cette avenue, ce
qu'on souhaiterait aussi entendre, c'est comment on s'assure, justement, que le
public est bien... que les patients sont bien <protégés...
Mme Montpetit : ...
vous
avez la nomination d'un mandataire, vous avez juste fait une liste non
exhaustive de certains éléments, mais j'aimerais ça vous donner le temps de
nous les expliquer. Parce qu'au-delà d'aller de l'avant dans cette avenue, ce
qu'on souhaiterait aussi entendre, c'est comment on s'assure, justement, que le
public est bien... que les patients sont bien >protégés aussi, que le
cadre, si d'aventure, on a des recommandations en ce sens, que le cadre qui est
mis en place soit adéquat, là.
M. Luyet (André) : Cette
section a été laissée volontairement peu développée. On voulait surtout énoncer
certaines pistes qui pourraient être approfondies pour arriver à aller sur
cette voie-là. On n'a pas de protocole ou de choses très bien formalisées, mais
on ouvre des portes pour dire : Il y a des façons de le faire, de le faire
de manière respectueuse, de le faire de façon déontologique, de le faire de
façon correcte, de façon légale, et il y a différents moyens qui devront être,
je dirais, explorés, puis développés, puis testés. Et, parmi ceux-là, on en
évoque quelques-uns, qui est loin d'être une liste complète ni exhaustive, là,
et il y aurait certainement lieu d'approfondir, comme vous le soulignez, là,
lors de travaux subséquents, mais pour l'instant, c'est surtout une porte qu'on
voulait ouvrir pour dire qu'il y avait une possibilité de le faire et de le
faire de façon correcte.
Mme Montpetit : Je m'en
voudrais d'insister, mais vous comprendrez que notre mandat, il est... on a un
rapport à rendre au mois de novembre, donc notre phase de consultations... la
première phase de consultations, elle se termine aujourd'hui.
Donc, je comprends, vous n'avez pas, comme
collège, de recommandation à nous faire sur des balises précises qui devraient
être mises en place. Juste pour bien comprendre, vous nous en ferez suivre par
la suite, mais je pense que c'est important, au-delà de savoir que vous êtes en
accord ou pas sur les... je ne veux pas utiliser le mot «sauvegardes», là,
encore là, mais sur les balises, sur les remparts qui doivent être mis en place,
bien respectueusement, je m'attendais à ce que vous arriviez avec ce genre de
recommandation là aujourd'hui, là.
• (15 h 20) •
M. Luyet (André) : Oui, mais
le collège a mis sur pied un groupe de réflexion sur l'aide médicale à mourir
et les différentes formes que ça peut prendre, et le groupe de travail a été
mis sur pied tout récemment, et déjà il se réunit à une fréquence soutenue, là,
hebdomadaire, pour justement avancer et préciser ce genre de question là.
Alors, il nous fera plaisir, là, d'approfondir la question que vous nous
adressez et de vous revenir avec plus de précisions à court terme.
Mme Montpetit : Dr Gaudreault,
je pense que vous aviez quelque chose à ajouter.
M. Gaudreault (Mauril) :
Oui. Bien, en fait, c'est dans le même sens, Dr Luyet l'a dit, il y a un
groupe de réflexion que nous avons créé au niveau du conseil d'administration,
avec des <médecins...
M. Luyet (André) :
...
de
vous revenir avec plus de précisions à court terme.
Mme Montpetit :
Dr Gaudreault, je pense que vous aviez
quelque chose à ajouter.
M. Gaudreault
(Mauril) :
Oui. Bien, en fait, c'est dans le même sens,
Dr Luyet l'a dit,
il y a un groupe de réflexion que nous avons créé
au niveau du
conseil d'administration, avec des >médecins experts qui font partie du groupe, afin de proposer au conseil
d'administration un positionnement par rapport à ces directives médicales
anticipées. On a parlé beaucoup d'aide médicale à mourir, il n'y a pas que ça,
mais il y a des directives médicales anticipées. Et, pour être fidèles à la
vision du collège, nous allons, avec nos membres, donc plusieurs médecins, mais
peut-être d'autres professionnels aussi de même que d'autres organismes,
prendre des décisions et poser des actions pour nous rapprocher du public et
lui assurer des soins de qualité, évidemment.
Mme Montpetit :
Parfait. On attendra ça avec impatience, plus tôt que tard, évidemment. Vous
connaissez les délais et l'échéancier dans lequel on travaille à l'heure
actuelle.
Toujours sur la question de
la directive, puis vous utilisez vraiment le mot «directive» plutôt que
«demande», là, je me permets de vous poser la question : Est-ce que c'est
intentionnel, dans le sens que vous... parce que, bon, il y a eu certains
débats sur est-ce que ça devrait être une directive dans le sens qu'elle est
exécutoire, versus une demande qui pourrait être... où un proche, ou un tiers,
ou un professionnel pourrait décider de ne pas appliquer la demande qui est
faite ou la directive qui est faite par la personne. Est-ce que vous l'entendez
de cette façon-là?
M. Luyet (André) : Bien, on l'associe, en quelque sorte, à une directive médicale
anticipée, mais inversée. Au lieu de refuser certains soins dans certaines
conditions, on revendiquait, comme citoyen, un soin dans une situation clinique
bien particulière. C'est dans ce sens-là qu'on l'a associée aux... comme une
directive médicale anticipée, mais techniquement on parlait davantage... on
aurait dû parler de demande anticipée.
Mme Montpetit :
De demande anticipée. D'accord, parfait. Non, mais les mots ont un sens, sont
bien importants aujourd'hui, donc je voulais être sûre de bien valider ce que
vous... comme vous avez mis du temps dans ce mémoire, certainement, de bien
valider ce que vous nous recommandez.
Vous parlez aussi, à la page 8,
quand vous parlez de... donc, de la... pas la directive, mais bien la demande
anticipée, que, bon, que vous êtes favorable dans un contexte, justement, où ça
porterait atteinte aux valeurs et à la dignité de la personne. Encore là, vous
parlez de valeurs et de dignité, la phrase s'arrête là. Est-ce que... Donc, je
comprends, vous excluez complètement la question ou vous séparez la question de
la souffrance versus la question des valeurs et de la dignité telle qu'établie
par la personne lorsqu'elle est apte à déterminer la façon dont elle souhaite
terminer ses jours.
M. Luyet (André) : ...
Mme Montpetit :Je
peux peut-être préciser, ça n'a pas l'air... je vois des...
M. Luyet (André) : Oui, s'il
vous plaît.
Mme Montpetit : Bien, c'est
que dans votre... Je vous la lis, là, le haut de la page 11, vous dites :
«La personne demanderait un soin à un stade d'évolution précis, <déterminé...
Mme Montpetit :
Je peux peut-être préciser, ça n'a pas l'air... je vois des...
M. Luyet (André) :
Oui, s'il vous plaît.
Mme Montpetit : Bien, c'est
que dans votre... Je vous la lis, là, le haut de la page 11, vous dites :
«La personne demanderait un soin à un stade d'évolution précis, >déterminé
d'un trouble neurocognitif majeur portant atteinte à ses valeurs et à sa
dignité.»
Est-ce que vous, quand vous parlez de
valeurs et de dignité... parce qu'il y a des experts et des patients qui sont
venus nous voir en disant : On pourrait avoir accès... Par exemple, quelqu'un
qui a la maladie d'Alzheimer, maladie... dégénérescence neurocognitive, qui
souhaiterait avoir accès à l'aide médicale à mourir, non pas dans un contexte
de souffrance, mais bien dans un contexte de dignité, justement, où elle dit, par
exemple : Moi, je souhaite que... selon mes valeurs, je souhaite qu'on me
donne l'aide médicale à mourir dans tel contexte. Donc, dans votre mémoire,
vous faites référence aux valeurs et à la dignité et non à la souffrance.
M. Gaudreault (Mauril) :C'est ça.
Mme Montpetit : Juste pour
être... qu'on interprète bien ce que vous nous déposez aujourd'hui.
M. Gaudreault (Mauril) :
Oui, oui, c'est tout à fait dans ce sens-là par rapport à, exemple, je ne sais
pas, moi, une démence, une démence de type alzheimer à un stade avancé, il y a
là une atteinte aux valeurs et à la dignité de la personne lorsque le stade est
pas mal avancé, même si la personne n'a pas l'air à présenter des souffrances
importantes, mais il y a là... C'est dans ce sens-là qu'on parlait de cette recommandation
d'un trouble cognitif majeur avec... je n'ai pas besoin de vous faire
d'explication ou de dessin par rapport à ça, dans toutes nos familles on a vécu
ça maintenant par rapport aux démences avancées et, je dirais, une mort
psychique avant la mort. Donc, c'est dans ce sens-là, par rapport à porter
atteinte, là, aux valeurs et à la dignité de la personne.
M. Luyet (André) : Mais il
faut peut-être avoir une réflexion large aussi sur le thème de la douleur.
Parce que la douleur, ce qui est bien dans la loi québécoise, c'est la douleur
telle qu'évaluée et ressentie par la personne qui fait la demande. Alors,
qu'est-ce qui... Il y a la douleur physique qu'on peut ressentir, mais la
personne qui serait capable d'anticiper que... avec toute l'information qu'elle
possède, dans l'évolution d'un trouble dégénératif, neurodégénératif, va se
retrouver... ou neurocognitif, va se retrouver dans une situation de
dégradation qui est tout à fait inacceptable pour elle, qui va se retrouver
dans des états qu'elle appréhende, qu'elle ne souhaite pas, qu'elle ne veut pas
vivre, qui, si elle était en mesure de porter un jugement sur ce dysfonctionnement-là,
lui rendrait la situation insupportable.
Mme Montpetit : Et vous
pensez... parce qu'encore là on a eu des témoignages divers, mais, comme vous
représentez aussi, en plus du public, les médecins, vous pensez que... Comment ce
serait reçu, <cette...
M. Luyet (André) :
...
de porter un jugement sur ce dysfonctionnement-là, lui rendrait la
situation insupportable.
Mme Montpetit : Et vous
pensez... parce qu'encore là on a eu des témoignages divers, mais, comme vous
représentez aussi, en plus du public, les médecins, vous pensez que... Comment
ce serait reçu, >cette question-là, par les médecins? Comment est reçu
votre positionnement d'exclure la situation de souffrance pour s'en tenir à une
question de valeurs et de dignité? Parce que c'est quand même une posture, je
ne sais pas si c'est philosophique, ou éthique, ou médicale, encore bien
différente de ce qui est en place à l'heure actuelle, là.
M. Gaudreault (Mauril) :
Alors, pour le médecin qui est en contact avec de tels patients et qui soigne
de tels patients, ce que nous tentons de vous expliquer, c'est clair, là, par
rapport à tout l'aspect de dignité de la personne et de respect de ses valeurs,
d'habitude, les médecins connaissent les patients depuis x temps, ont déjà
partagé avec ces patients-là. On a une bonne idée des valeurs et des souhaits
des patients qui, lorsqu'arrive à un moment donné, dans l'évolution de la
maladie... je reprends toujours le cas de la démence de type alzheimer à un
stade avancé. C'est clair que le patient qui a suivi au long cours ce ou
cette... le médecin qui a suivi au long cours ce ou cette patiente est bien au
fait des volontés qu'elle a pu exprimer. Et il y a certainement une souffrance
là-dedans, même si ce n'est pas une souffrance d'allure physique.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. On va devoir continuer la discussion avec le député de Gouin. Merci
beaucoup, Mme la députée. Donc, M. le député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, Dr Gaudreault, Dr Luyet. Je vais aller dans
la continuité de la question de ma collègue de Maurice-Richard.
Vous avez été très clair sur votre adhésion à l'idée selon laquelle l'aide
médicale à mourir doit être considérée comme un soin. Et c'est tout l'esprit,
dans le fond, de la loi québécoise qui repose sur cette notion-là.
Par contre, j'essaie de comprendre votre
position sur le critère de souffrance. Est-ce que, pour vous, il doit être
maintenu? Et c'était la conversation que vous étiez en train d'avoir avec ma
collègue, comment faut-il l'évaluer, ce critère de souffrance là, dans des cas,
par exemple, de maladie neurodégénérative où la souffrance n'est peut-être pas
perceptible de l'extérieur par le médecin, puis ces patients-là sont dans une
situation où ils ne sont plus nécessairement en mesure non plus de l'exprimer?
Donc, comment on réconcilie la persistance du critère...
• (15 h 30) •
Bien, en fait, parce que pour que
l'aide... Je perçois qu'il y a conceptuellement un lien entre le critère de
souffrance et le fait de concevoir l'aide médicale à mourir comme un soin. C'est
bien le cas, ça me semble être logique l'un avec l'autre. Si on veut rester
dans une logique de soin, c'est ce que <vous dites vouloir faire, j'en
suis...
>
15 h 30 (version révisée)
<16827
M.
Nadeau-Dubois : ...bien, en fait, parce que, pour que l'aide... je
perçois qu'il y a conceptuellement un lien entre le critère de souffrance et le
fait de concevoir l'aide médicale à mourir comme un soin. C'est bien... En tout
cas, ça me semble être logique l'un avec l'autre. Si on veut rester dans une
logique de soin, c'est ce que >vous dites vouloir faire, j'en suis,
comment on réconcilie ça avec le fait que, la souffrance, elle est pratiquement
invisible chez quelqu'un qui est dans un stade avancé, par exemple, de l'alzheimer,
puis même que cette personne-là pourrait, de l'extérieur, sembler plutôt
sereine?
Donc, est-ce que c'est seulement la
souffrance projetée de la personne qui était apte à l'époque, ici, qui nous
permet de remplir le critère, ou est-ce qu'il ne faudrait pas trouver un
mécanisme pour le valider à nouveau, là, avant... ce critère de souffrance là,
avant d'administrer l'aide médicale à mourir?
M. Gaudreault
(Mauril) : Bien, pour moi, là... Dr Luyet pourra
certainement renchérir, mais, pour moi, la souffrance, elle doit être vue de
façon globale, à la fois psychique et physique, et aussi par rapport à la
perte, je dirais, de plusieurs facultés ou fonctions cognitives de la personne.
C'est pour ça que je dis que c'est important, le suivi au long cours d'une
telle personne par une équipe de soins ou par, idéalement, quelques personnes
qui ont pu avoir un contact... quelques professionnels, je dirais, qui ont pu
avoir un contact au long cours avec ces patients-là afin de bien déterminer ce
dont on parle par rapport au fait que...
Vous savez, même au premier stade de la
maladie, de la démence de type alzheimer, les patients, ils sont conscients des
pertes qu'ils sont en train de vivre. Et même s'il n'y a pas là de souffrance
physique, la prise de conscience de ces pertes-là entraîne des difficultés puis
des souffrances d'ordre psychique qui, même si elles sont difficiles à déceler
à un stade avancé de la maladie, sont certainement encore présentes. Mais
effectivement ce n'est pas quelque chose, là, qu'on peut diagnostiquer avec
précision, contrairement à d'autres diagnostics pour lesquels c'est plus facile
en médecine.
M. Luyet (André) : C'est
embêtant, mais juste en complément de réponse là-dessus, je dirais, c'est l'évaluation
par la personne de son état de souffrance qui est centrale. Puis il arrive des
périodes d'évolution de la maladie où on n'est pas en mesure d'exprimer
clairement cette souffrance-là. Mais il y a quand même des évolutions assez...
il y a des prototypes d'évolution, je dirais.
Par exemple, si on prend la démence de
type alzheimer, on sait qu'il y a peut-être sept, huit, neuf,
10 variations d'étapes d'évolution de la maladie puis d'évolutions
différentes. Mais, si on n'était en mesure, lorsqu'on est au début d'une
maladie, qu'on est encore capables de consentir, ou même avant, de dire :
Bien, moi, si j'ai des pertes de mémoire légères, je peux vivre avec, ce n'est
pas une souffrance pour moi, mais, si je suis <rendu complètement...
M. Luyet (André) :
...puis
d'évolutions différentes. Mais, si on n'était en mesure, lorsqu'on est au début
d'une maladie, qu'on est encore capables de consentir, ou même avant, de
dire : Bien, moi, si j'ai des pertes de mémoire légères, je peux vivre
avec, ce n'est pas une souffrance pour moi, mais, si je suis >rendu complètement
impotente, plus capable de bouger, plus capable de m'exprimer, plus capable de...
ce n'est pas bien, si je suis rendu à avoir de l'anxiété de catastrophe, je
refuse ça.
M. Nadeau-Dubois : Merci. Donc,
je comprends que, pour vous, c'est la souffrance anticipée qui suffit. Est-ce
que j'ai le temps pour une deuxième question, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Allez-y, on va s'ajuster.
M. Nadeau-Dubois : ...est compté.
Donc, j'essaie de...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, allez-y, on va s'ajuster.
M. Nadeau-Dubois : Ma deuxième
question... Il y a des psychiatres qui viennent nous dire : Des maladies
psychiques incurables, ça n'existe pas, et d'autres qui viennent nous dire que
ça existe. Il y a des gens... Et donc on est devant, comme législateurs, une
situation où, au sein même du champ de la psychiatrie, il y a des opinions
contraires. Certains nous disent : Ce n'est jamais incurable, une maladie
psychique, donc un trouble mental sévère. D'autres nous disent : Oui,
parfois, on peut avoir un degré raisonnable de certitude que c'est incurable.
Comme législateurs... Alors, vous savez
comme moi que le critère de l'incurabilité est inscrit en toutes lettres, là,
dans la loi québécoise. Comme législateurs, comment devrions-nous trancher un
débat comme celui-là, où, au sein même du champ de la psychiatrie, il semble y
avoir débat?
M. Luyet (André) : Bien, pour
ma part, la plupart des maladies mentales sont traitables, contrôlables, mais
demeurent des états chroniques dans bien des cas. Même la dépression, on se
rend compte, après un premier épisode, que les chances d'en faire un deuxième
sur une période de cinq ans est probablement de l'ordre de 50 %, puis ça
va... après le troisième épisode, on est rendu à au-delà de 90 %. Puis
c'est des gens qui vont prendre des traitements d'entretien pour plusieurs
années, mais c'est contrôlable, on peut vivre normalement, on peut...
Mais est-ce qu'on guérit un bipolaire?
Est-ce qu'on guérit un schizophrène? Est-ce qu'on peut le déclarer guéri? Non.
Je pense qu'on traite de mieux en mieux, je pense que la gamme thérapeutique
s'est grandement enrichie, je pense qu'on arrive à bien contrôler. Il y a des
gens qui arrivent à bien vivre leur vie en dépit de leur diagnostic et de leurs
traitements et il y a des gens qui ont des états sévères et réfractaires, qui,
malgré toutes les avancées jusqu'à ce jour, vont présenter des évolutions
vraiment très négatives.
M. Nadeau-Dubois : Merci
beaucoup, messieurs.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup. Je céderais la parole à la députée de Joliette.
Mme
Hivon
: Oui,
bonjour, Dr Gaudreault, Dr Luyet. Juste un petit commentaire en
débutant. Je pense que vous avez, à escient, fait une conclusion assez
provocante en disant que les parlementaires québécois avaient dans leur angle
mort des personnes souffrantes. Je veux juste vous rassurer, ce qui nous anime
à tous les jours en ayant créé cette commission-ci, c'est de s'occuper de
personnes souffrantes. Et je veux dire que, depuis qu'on a fait la loi et la <démarche
au Québec...
Mme
Hivon
:
...
que les parlementaires québécois avaient dans leur angle mort des
personnes souffrantes. Je veux juste vous rassurer, ce qui nous anime à tous
les jours en ayant créé cette commission-ci, c'est de s'occuper de personnes
souffrantes. Et je veux dire que, depuis qu'on a fait la loi et la >démarche
au Québec, qui a influencé la Cour suprême et ensuite le fédéral avec le Code
criminel, qui a repris notre terminologie, jusqu'à nos critères, c'était d'être
là pour les personnes souffrantes. Donc, je veux vous rassurer, on est là pour
ces personnes-là.
Je veux... Je voudrais continuer, justement,
ça fait le lien, sur la souffrance. Vous en avez parlé avec mes deux collègues.
Vous allez trouver qu'on est obsédés par ça, mais moi, je voulais comprendre le
degré de confort. Vous êtes le Collège des médecins, donc vous êtes là pour, évidemment,
que les actes soient bien faits. Mais vous êtes en constant contact avec ces
médecins-là qui pratiquent ce type de soin. Le degré de confort des médecins
d'administrer l'aide médicale à mourir à une personne qui serait inapte, qui
aurait fait une demande anticipée, et qui ne serait plus là pour pouvoir donner
son avis, et qui pourrait être dans un état qui fluctue beaucoup, où il est
difficile d'évaluer certaines choses, j'aimerais que vous me parliez un peu de
comment vous pensez qu'il va être. Parce qu'au début de la loi il y avait très
peu de médecins ouverts, et beaucoup de médecins nous disent : Oui, ça a
évolué, heureusement, mais là c'est toute autre chose de penser, comme médecin,
comme soignant, d'administrer l'aide médicale à mourir à quelqu'un qui n'est
pas là avec toute sa conscience, donc pour manifester sa volonté. On parle de
demande anticipée, là.
Et l'autre élément, c'est la souffrance,
justement. Je veux bien que vous me clarifiiez ça, là. La souffrance, c'est un
critère incontournable de l'article 26 de la loi. Là, ce que vous nous
dites, vous, c'est que vous jugez que cette souffrance-là, dans le fond, elle n'a
pas à être évaluée au moment de l'administration de l'aide médicale à mourir
dans le cas d'une demande anticipée, mais bien de ce qui aurait été anticipé
par la personne. Et donc on se fie à cette souffrance anticipée là et non pas à
la souffrance au moment même de l'administration de l'aide médicale à mourir.
Donc, c'est mes deux questions. Je vous
lance ça, parce que j'ai un gros cinq minutes. Ça fait que, si vous pouvez
répondre, ce serait très apprécié.
M. Gaudreault
(Mauril) : Un début de réponse de ma part, puis complété par le
Dr Luyet, j'en suis certain. Écoutez, c'est pour ça que je disais tout à
l'heure : un suivi au long cours, c'est important, tu sais, pas un suivi
pendant un an, pendant, nécessairement, deux mois, etc. C'est un médecin, une
équipe qui aura le suivi d'un patient pendant x temps. À mon avis, c'est ça qui
est important d'abord et avant tout par rapport à bien évaluer, je dirais, les
volontés de ce ou cette patiente par rapport à la situation qu'elle vit. C'est
pour ça, là, dans ce sens-là... Et je pense qu'il y aura toujours des médecins
qui seront mal à l'aise avec ça puis il y aura toujours des médecins qui le
seront plus. Et notre code de déontologie le dit aussi, lorsqu'il y a une <objection
de conscience...
M. Gaudreault
(Mauril) :
...les volontés de ce ou cette patiente
par
rapport à la
situation qu'elle vit. C'est pour ça, là, dans ce sens-là...
Et
je pense
qu'il y aura toujours des médecins qui seront mal à
l'aise avec ça puis il y aura toujours des médecins qui le seront plus. Et
notre code de déontologie le dit aussi, lorsqu'il y a une >objection de
conscience, on n'a pas de problème avec ça, mais, à ce moment-là, le médecin
qui ne peut pas aller dans ce soin-là doit référer son patient à un médecin qui,
lui ou elle, est d'accord pour administrer ce type de soin, toujours dans le
cadre de la logique de soin.
• (15 h 40) •
Mais, pour bien répondre à votre question — c'est
important, merci de la poser d'ailleurs — bien, oui, je pense
que les médecins, il y en a un bon pourcentage qui vont être à l'aise avec ça
parce qu'ils auront connu la personne de façon intime au long cours, c'est ça
que je veux dire, sur x temps, par rapport à avoir échangé avec elle, par
rapport à bien connaître ses volontés, ses valeurs, etc., le médecin, mais
aussi les autres professionnels qui font partie de l'équipe. Dr Luyet.
M. Luyet (André) : Bien,
exactement dans le même sens, pour dire que ce qu'on ouvre comme porte, là,
c'est de dire : On ne peut pas dire, à ce moment-ci, que c'est contre nos
principes déontologiques, là, d'aller dans le sens d'une demande anticipée.
Donc, il faut le regarder. On pense qu'il y a des façons de le faire qui
seraient correctes et on ouvre des portes, là, pour explorer cette
éventualité-là. Je pense qu'il y a une façon de le faire et de le faire
correctement. Et, si c'est fait correctement, je pense que les médecins vont
endosser cette... je dirais, cette nouvelle façon là, là, cet élargissement-là
des choix qui sont offerts aux personnes.
Mme
Hivon
: O.K.
Puis avec le petit peu de temps qui me reste, je comprends donc que mon analyse
de votre positionnement sur la question de la souffrance était la bonne puisque
vous n'avez pas réfuté. Ça fait qu'en tout cas vous pourrez me dire si j'errais
dans l'interprétation de vos propos.
Mais ma dernière petite question, c'est...
J'imagine que vous avez pris connaissance, là, du rapport d'expert sur la
question de l'inaptitude et donc de l'aide médicale à mourir, là, Maclure... le
rapport Maclure-Filion. Et je voulais savoir si, globalement, les balises
qu'ils ont mises, là... comme un diagnostic préalable, un tiers désigné pour
alerter l'existence d'une demande anticipée, est-ce que ces balises-là, vous
êtes en accord avec, donc, ce qui est recommandé?
M. Gaudreault
(Mauril) : Oui, tout à fait.
Mme
Hivon
:
Parfait. Merci.
M. Gaudreault
(Mauril) :Et je voulais vous dire, Mme Hivon,
que ce n'était pas... ce n'est pas dans un sens de confrontation qu'on utilise
de tels mots par rapport aux parlementaires, mais c'est plus un appel à l'aide
de la part des patients puis des médecins qui s'en occupent pour faire en sorte
de prendre des décisions rapidement. C'est dans ce sens-là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Merci beaucoup, <Dr Gaudreault et...
M. Gaudreault
(Mauril) :
...
qu'on utilise
de tels mots par rapport aux parlementaires, mais c'est plus un appel à l'aide
de la part des patients puis des médecins qui s'en occupent pour faire en sorte
de prendre des décisions rapidement. C'est dans ce sens-là.
La Présidente (Mme
Guillemette) :
Merci beaucoup. Merci beaucoup, >Dr Gaudreault
et Dr Luyet, d'avoir été avec nous cet après-midi et d'avoir partagé votre
expertise et celui de vos collègues.
Donc, nous suspendons les travaux quelques
instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités.
(Suspension de la séance à 15 h 42)
>
(Reprise à 15 h 51)
La Présidente
(Mme Guillemette) : Donc, nous sommes de retour. Nous accueillons
maintenant le Curateur public du Québec avec Me Denis Marsolais et Me Julie
Baillargeon-Lavergne. Donc, merci d'être avec nous cet après-midi, d'avoir
accepté cette belle invitation. Nous allons débuter les échanges. Vous allez
avoir 20 minutes pour nous présenter votre exposé. Par la suite, il y aura
un échange avec les membres de la commission pour une période de
40 minutes. Donc, je vous cède la parole dès maintenant.
Curateur public du Québec
M. Marsolais (Denis) :
Alors, bon, merci, Mme la Présidente. <Je salue...
La Présidente (Mme
Guillemette) :
...
cette belle invitation. Nous allons
débuter les échanges. Vous allez avoir 20 minutes pour nous présenter
votre exposé. Par la suite, il y aura un échange avec les membres de la
commission pour une période de 40 minutes. Donc, je vous cède la parole
dès maintenant.
M. Marsolais (Denis) :
Alors, bon, merci, Mme la Présidente. >Je salue aussi tous les membres
de la commission, dont je connais plus particulièrement certaines personnes
d'entre vous. Je tiens à vous remercier de nous donner l'occasion de participer
à la réflexion sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie et,
plus particulièrement, sur l'élargissement potentiel de l'aide médicale à
mourir aux personnes en situation d'inaptitude et celles souffrant d'un problème
de santé mentale. Est-ce que vous m'entendez bien? Ça va? Merci.
Bien évidemment, tout ce qui touche la
protection des personnes inaptes interpelle particulièrement le Curateur public.
C'est l'essence même de notre mission depuis près de 75 ans. Au fil des
années, notre organisation s'est développée et s'est aussi modernisée. Nous
avons toujours placé l'intérêt de la personne inapte, le respect de ses droits
et la sauvegarde de son autonomie au coeur de nos interventions. Nous faisons
un pas de plus dans cette direction avec la nouvelle loi adoptée à l'unanimité
à l'Assemblée nationale le 2 juin 2020, loi qui rentrera en vigueur
en juin 2022, donc dans près d'un an. Il est inscrit clairement dans cette
loi que les volontés et les préférences de ces personnes doivent être prises en
compte dans toutes les décisions qui les concernent. Vous constatez que le Curateur
public évolue au même rythme que celui de la société québécoise. C'est aussi ce
que nous entendons faire cet après-midi avec vous concernant la question de l'aide
médicale à mourir.
Je souhaite brosser un bref tableau de l'organisation
que je dirige. Le Curateur public, c'est plus de 800 employés qui oeuvrent
dans des domaines d'expertise très variés. Nous sommes présents dans 11 villes
au Québec. Nous jouons trois rôles principaux, soit sensibiliser la population
à l'inaptitude, aux mesures de protection, accompagner les familles qui
prennent charge d'un proche inapte et, en dernier recours, bien, agir comme
représentant légal pour les personnes inaptes lorsqu'il n'y a aucun proche pour
les présenter.
On estime qu'au Québec il y a plus de 175 000 adultes
qui seraient inaptes. La très grande majorité d'entre eux n'ont aucune mesure
de protection juridique. Les quelque 33 000 adultes qui ont une
mesure de protection juridique sont majoritairement pris en charge par leur
famille, à savoir 9 200 personnes qui sont sous régime privé, donc un
tuteur ou un curateur, un proche, 11 400 personnes que c'est suite à
un mandat homologué. Les autres, soit environ 13 000 personnes, bien,
ces 13 000 personnes-là sont sous notre responsabilité, donc une
représentation légale par le Curateur public.
Les causes d'une inaptitude des personnes
que nous représentons sont, à 41 %, déficience intellectuelle, problèmes
de <santé mentale...
M. Marsolais (Denis) : ...
environ
13 000 personnes, bien, ces 13 000 personnes-là sont sous
notre responsabilité, donc une représentation légale par le Curateur public.
Les causes d'une inaptitude des
personnes que nous représentons sont, à 41 %, déficience intellectuelle;
problèmes de >santé mentale, 30 %; maladies dégénératives,
21 %; et traumatismes crâniens et autres causes, 8 %. Nous pensons
que c'est important de vous préciser ces statistiques-là dans l'objet de la
commission qui nous intéresse cet après-midi.
Auprès des personnes que nous
représentons, il y a une équipe de 146 curateurs et curatrices délégués
qui sont mes yeux et mes oreilles sur le terrain. Ces professionnels engagés et
empathiques prennent quotidiennement des décisions qui ont un impact dans la
vie des personnes inaptes. Dans cette prise de décision, nous sommes toujours
guidés, et ça, c'est important, par l'intérêt de la personne, le respect de ses
droits et la sauvegarde de son autonomie.
Pour les personnes représentées par le Curateur
public ainsi que pour toute personne isolée, une de nos responsabilités est de
traiter les demandes de consentement aux soins lorsqu'il est établi que ces
personnes ne peuvent consentir elles-mêmes. Notre Direction médicale et du
consentement aux soins, sous la direction du Dr Jean-Victor Patenaude, est
formée de médecins et d'infirmières. Cette direction traite annuellement plus
de 10 700 demandes de consentement de toute nature. C'est énorme.
En matière de consentement aux soins, en
vertu du Code civil du Québec, le Curateur public est tenu d'agir dans le seul
intérêt de la personne qu'il représente, en respectant, évidemment, dans la
mesure du possible, les volontés qu'elle a pu manifester. Si une personne
inapte, sous la responsabilité du Curateur public, a rédigé des directives
médicales anticipées en application de la loi, lorsqu'elle est encore,
évidemment, apte, ces directives seront respectées si les soins visés sont
jugés requis par le médecin traitant.
C'est fort de notre expertise et de notre
expérience que nous abordons aujourd'hui avec vous une question, comme vous en
conviendrez, complexe et délicate. À ce stade-ci, les certitudes n'ont sans
doute par leur place, mais nous souhaitons transmettre néanmoins à la
commission certaines réflexions, et ce, en toute ouverture.
Tout d'abord, le Curateur public est en
faveur de l'élargissement des critères d'admissibilité pour l'aide médicale à
mourir aux personnes qui prévoient perdre leurs facultés mentales en raison d'une
progression d'une maladie neurodégénérative. Le Curateur public est d'avis que
les personnes ayant reçu un diagnostic de cette maladie devraient pouvoir
préparer une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Pourquoi? Parce que,
pour nous, encore une fois, le respect de l'autodétermination de la personne
est fondamental. Il est clair pour nous que les souhaits de fin de vie que des
personnes ont exprimés en toute connaissance de cause doivent être respectés
une fois qu'elles sont <devenues inaptes.
M. Marsolais (Denis) : ...mourir.
Pourquoi? Parce que, pour nous, encore une fois, le respect de
l'autodétermination de la personne est fondamental. Il est clair pour nous que
les souhaits de fin de vie que des personnes ont exprimés en toute connaissance
de cause doivent être respectés une fois qu'elles sont >devenues inaptes.
Pour assurer que la volonté du patient est
bien traduite dans les demandes anticipées d'aide médicale à mourir, nous
croyons que cette démarche devrait faire l'objet de discussions avec le médecin
traitant. Nous recommandons donc que la demande anticipée d'aide médicale à
mourir soit signée, évidemment, par le patient en présence de son médecin et
que cette demande fasse l'objet de discussions périodiques. Je pense que le Collège
des médecins a suggéré le même aspect, d'avoir des discussions, de façon
périodique, patient et médecin pour voir l'évolution aussi et pour s'assurer
que la situation déterminée dans la demande soit toujours évolutive... que le
patient, pardon, puisse moduler ou préciser davantage, avec le médecin traitant,
cette situation-là. De plus, les observations et les notes du médecin
concernant ces discussions devraient, à notre avis, être consignées dans le
dossier du patient pour assurer une pérennité des informations.
De façon générale, nous appuyons donc les
initiatives qui visent à assurer une meilleure prise en compte de la volonté
exprimée par une personne lorsqu'elle est encore apte. De plus, nous affirmons
qu'aucune prise de... qu'aucune forme de prise de décision substitutive n'est à
envisager pour demander l'aide médicale à mourir au nom d'une personne inapte.
Il est inconcevable pour nous qu'une personne autre que la personne concernée
puisse décider du sort de cette personne.
Le Curateur public estime également que,
sur la base de l'égalité des droits, les personnes qui ont une déficience
intellectuelle devraient aussi pouvoir formuler une demande d'aide médicale à
mourir si elles sont atteintes d'une maladie grave et incurable et qu'elles
sont aptes à consentir à leurs soins au moment de leur demande, évidemment, en
respectant les critères de l'aide médicale à mourir.
Nous prônons également le droit à
l'autodétermination et au respect des volontés des personnes atteintes de
troubles mentaux et aptes à consentir à leurs soins. Toutefois, et le
«toutefois» est important à notre avis, nous croyons qu'il est primordial
que les experts en santé mentale balisent les critères d'admissibilité en
considérant la nature de la maladie et les traitements disponibles, des experts
en santé mentale ou une équipe multidisciplinaire qui gravitent autour de la
santé mentale, pour être bien sûrs de bien encadrer et baliser cette maladie
qui est particulière et qui touche malheureusement plusieurs personnes de notre
société.
• (16 heures) •
Parlons maintenant de la façon
d'enclencher le traitement d'une demande anticipée d'aide médicale à mourir au
moment opportun en suivant les critères établis par la <Loi concernant
les soins de fin de vie...
>
16 h (version révisée)
<
M. Marsolais (Denis) :
...cette maladie qui est particulière et qui touche malheureusement plusieurs
personnes de notre société.
Parlons maintenant de la façon
d'enclencher le traitement d'une demande anticipée d'aide médicale à mourir au
moment opportun en suivant les critères établis par la >Loi concernant
les soins de fin de vie.
Le Curateur public croit que le traitement
d'une telle demande devra être enclenché, et ce n'est pas hiérarchique, c'est
un ou l'autre, par le patient lui-même évidemment, par une personne qu'il
désigne ou par les membres de l'équipe soignante. On a entendu que les
statistiques, notamment aux Pays-Bas sur le... il y a deux ans, il y avait
162 demandes. Il y en a 160 demandes qui ont été formulées ou
demandées, le déclenchement, par la personne... même, par le patient. Il y en a
seulement que deux qui a été demandé par une tierce personne. Alors, on voit que
c'est des cas quand même assez rares, mais quand même...
Si le patient le désire, il devrait
pouvoir désigner son représentant légal, actuel ou futur, incluant le Curateur
public. Le législateur pourrait envisager de leur accorder un rôle dans le
suivi des traitements des demandes anticipées d'aide médicale à mourir pour les
personnes isolées. Nous sommes donc ouverts à jouer un rôle auprès des
personnes que nous représentons, si un besoin est exprimé en ce sens. À cet
égard, je tiens à souligner que nous encourageons fortement la présence de
proches auprès des personnes sous notre responsabilité et que nous favorisons
toujours la collaboration avec eux.
J'aimerais également préciser que la
préparation d'une demande d'aide médicale à mourir est un geste personnel et
qui implique la personne elle-même et son équipe médicale. Le Curateur public
n'est donc pas partie prenante dans la préparation de cette demande, et nous ne
sommes pas non plus nécessairement informés lorsqu'une telle demande est
acheminée ou existe. Nous exprimons une préoccupation particulière à l'égard
des traitements des demandes formulées par des personnes qui seraient isolées
et du respect de leur volonté. Le rôle précis que le Curateur public pourrait
jouer dans ces situations reste à définir, mais je tiens quand même à vous
préciser que nous sommes ouverts à mettre notre expertise à profit et à jouer
un rôle de défense des intérêts de ces personnes. Nous poursuivons évidemment
notre réflexion et nous sommes disposés à participer à des échanges sur ce
sujet.
Le cas où une personne, qui aurait préparé
une demande anticipée, soit incapable de déclencher elle-même la demande au
moment choisi risque d'être rare, comme je vous l'ai expliqué. Cependant,
évidemment, chaque cas est important. Nous avons le devoir, je pense, comme
société, d'assurer à la population que les choix qu'ils ont faits en toute
lucidité seront respectés au moment venu.
Finalement, le Curateur public... pour le
Curateur public, la réflexion sur la question de l'élargissement de l'aide
médicale à mourir doit être basée sur l'importance de la légalité des droits
pour tous, du respect du droit à l'autodétermination et des volontés exprimées
par les personnes. Cela constitue, membres de la <commission, la...
M. Marsolais (Denis) :
Finalement,
le Curateur public... pour le Curateur public, la réflexion sur la question de
l'élargissement de l'aide médicale à mourir doit être basée sur l'importance de
la légalité des droits pour tous, du respect du droit à l'autodétermination et
des volontés exprimées par les personnes. Cela constitue, membres de la >commission,
la base de notre mission et le reflet de nos valeurs et du respect de
l'empathie.
Donc, notre positionnement peut se résumer
de la façon suivante : le Curateur public est en faveur de l'élargissement
des critères d'admissibilité de l'aide médicale à mourir. Nous sommes en faveur
du droit à la renonciation au consentement final afin d'éviter que des
personnes souffrant inutilement ou demandent l'aide médicale à mourir trop
hâtivement de peur de perdre leurs capacités, le deuxième consentement, le
fameux deuxième consentement. Nous sommes en faveur aussi des demandes
anticipées pour des personnes ayant reçu un diagnostic de maladie
neurodégénérative et nous sommes, et je le répète, en désaccord, profondément,
sur le consentement substitué concernant les demandes d'aide médicale à mourir.
Nous sommes maintenant disposés à répondre
à toutes vos questions. Alors, évidemment, Me Baillargeon est à l'emploi
du Curateur public depuis 14 ans à titre d'avocate. Elle est évidemment
mon adjointe exécutive depuis mon arrivée, mais, pour les questions
opérationnelles, je lui laisserai le plaisir de répondre à vos questions, s'il
y a des questions plus précises. Maintenant disposés, Mme la Présidente, à
répondre à vos questions.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci beaucoup pour votre présentation. Donc, je céderais maintenant
la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, Me Marsolais. Toujours un plaisir d'échanger
avec vous et de vous entendre par rapport à le rôle du Curateur public, surtout
en ce qui concerne maintenant les soins de fin de vie.
J'aurais des questions, c'est sûr, je vous
entends, par rapport à l'autodétermination. Je pense que ça fait bien suite à
la loi n° 18, qui a été adoptée, puis ce que nous
aimerons mettre en vigueur par rapport au respect des droits civils des
personnes qui sont peut-être sous curatelle avec des mandataires ou autres.
Mais je veux vous entendre un peu par
rapport à une distance éthique. Est-ce qu'il y a une distance éthique à
respecter en ce qui concerne peut-être le rôle du... ou la personne responsable
pour une personne vulnérable? Parce qu'on a entendu plusieurs experts qui nous
ont dit qu'il faut toujours faire attention à la... ou une mal interprétation d'une
personne qui souffre peut-être d'une déficience intellectuelle ou qui est sous
le spectre de l'autisme, parce qu'on sait que souvent ils ont une tendance de
vouloir nous dire ce qu'ils pensent qu'on veut entendre, puis on sait aussi que
ça se peut que ça va être un niveau de compréhension qui va se différer d'une
personne qui n'a pas une difficulté neurologique, par exemple.
Alors, est-ce qu'il y a une distance
éthique à respecter? Et, si oui, comment pouvons-nous la mettre en place pour s'assurer
qu'on <protège...
Mme Maccarone : ...
ce
qu'ils pensent qu'on veut entendre, puis on sait aussi que ça se peut que ça va
être un niveau de compréhension qui va se différer d'une personne qui n'a pas
une difficulté neurologique, par exemple.
Alors, est-ce qu'il y a une distance
éthique à respecter? Et, si oui, comment pouvons-nous la mettre en place pour s'assurer
qu'on >protège ces personnes qui sont souvent très vulnérables déjà et déjà
marginalisées?
M. Marsolais (Denis) : Je vais
me permettre... réponse, puis Julie pourra compléter.
Écoutez, un des premiers critères importants
et incontournables, c'est le consentement libre et éclairé. Il faut s'assurer
qu'une personne soit qui a un diagnostic de déficience intellectuelle ou
atteinte de maladie mentale, et là on parle d'élargissement, ne soit pas privée
de faire une demande d'aide médicale à mourir du seul fait qu'elle est déficiente
intellectuelle ou qu'elle a une maladie mentale. Ça, c'est la première
prémisse.
Maintenant, il faut s'assurer du
consentement. Il faut s'assurer que cette personne-là comprend bien la portée
de sa demande et de son geste. J'aime à penser et je suis convaincu qu'il y a
une foule de personnes, même qui sont inaptes, déclarées inaptes, qui ont cette
capacité, qui ont la capacité d'être en mesure de décider de demander, dans
telle circonstance, d'avoir l'aide médicale à mourir. Évidemment que c'est un
sujet délicat et que les balises doivent être importantes. C'est pour ça qu'en
ce qui concerne les maladies mentales, qui est une maladie, c'est important que
les balises soient établies de façon très serrée, sans ambiguïté pour qu'on
puisse déterminer ou donner l'opportunité à ces personnes-là, mais aux bonnes
personnes, pas que ça soit une possibilité donnée à toutes les personnes
atteintes de maladie mentale.
Pour des personnes atteintes de déficience
intellectuelle, là aussi, je pense qu'il faut agir de façon prudente, mais ça
ne veut pas dire qu'on doit nécessairement, pour éviter... Comment dirais-je?
Ce n'est pas en balisant puis en empêchant ces personnes-là d'avoir cette
opportunité-là qu'on va régler la situation. Je pense qu'il faut avoir une
ouverture. La société, je pense qu'elle est rendue là. Il faut avoir une
ouverture, donner cette possibilité-là à ces personnes-là, mais il faut qu'elle
soit balisée. Ça, c'est le premier volet.
Deuxième volet, c'est que la... Bon, pour
l'aide médicale à mourir, une décision... un consentement anticipé, là, je
pense que toute l'équipe soignante a un rôle fort important. Je discutais avec
le président du Collège des médecins, cette semaine, il était tout à fait
d'accord avec... Bon, en fait, on a la même position, il faut absolument que la
situation qui va être identifiée dans la demande du patient ou de la personne
concernée, il faut que cette situation-là, évidemment... Puis je pense qu'aux
Pays-Bas ils demandent même que ça soit écrit de la main de la personne et non
pas que ça soit une question, réponse, là, ou un choix multiple, d'une part. Puis
il faut aussi que cette situation-là soit claire pour le patient, pour la
personne qui fait la demande, mais aussi et surtout, je vous dirais, pour le
médecin traitant, pour que les deux s'entendent sur la <clarté de la...
M. Marsolais (Denis) : ...
de
la main de la personne et non pas que ça soit une question, réponse, là, ou un
choix multiple, d'une part. Puis il faut aussi que cette situation-là soit
claire pour le patient, pour la personne qui fait la demande, mais aussi et
surtout, je vous dirais, pour le médecin traitant, pour que les deux
s'entendent sur la >clarté de la situation, pour ne pas qu'il y ait
d'ambiguïté le jour où cette situation-là arriverait et le jour où l'administration
devra être traitée par le médecin.
• (16 h 10) •
Alors, la meilleure façon... Je vais
essayer d'être plus court dans mes réponses. La meilleure façon de s'assurer de
ça, bien, il faut que ce libellé-là soit entériné ou soit vérifié par le
médecin traitant et non seulement soit vérifié lors de la demande, à notre avis,
mais il faut qu'il soit à toutes les rencontres ou périodiquement dans les
visites du patient et du médecin, que le médecin puisse reparler de... bien, d'abord,
pour voir si la personne est toujours consentante puis peut-être pouvoir
bonifier, moduler ou peaufiner la circonstance que cette personne-là a donnée
et de le noter dans le dossier. Moi, je pense qu'avec ces balises-là, je pense
qu'on vient mettre un encadrement qui va permettre de s'assurer que ça va être
les bonnes personnes qui vont pouvoir faire l'aide médicale à mourir.
Mme Maccarone : Ça fait qu'en
parlant des bonnes personnes... Je m'excuse, je veux juste interrompre, parce
que peut-être vous pouvez élaborer dans votre réponse complémentaire à ce que
Me Marsolais vient de partager. Ce serait quoi, le rôle du Curateur public?
D'abord, si c'est une personne qui est sous la responsabilité du curateur, comment
cette personne va militer, va accompagner cette personne? Est-ce qu'on devrait parler...
penser à élargir le rôle du curateur à cet égard? Parce que des fois, pour
quelques personnes, comme vous le savez très bien, vous êtes le seul
intervenant qui représente une personne vulnérable.
M. Marsolais (Denis) : Et on
ne veut pas se défiler dans nos responsabilités, au contraire, mais on veut
être en mesure de bien rendre ces responsabilités-là. C'est pour ça qu'on est
encore dans la réflexion quel rôle précis on pourrait jouer.
La chose que je peux affirmer aujourd'hui,
c'est que vous avez vu, dans notre mémoire, la recommandation de dire que le
patient ou la personne qui est sous notre responsabilité peut nommer un tiers...
Elle peut soulever sa demande elle-même, nommer un tiers ou nommer le personnel
soignant. Lorsqu'elle nomme un tiers, on s'inclut dans ce tiers-là, parce qu'il
y a des personnes... On parle de la demande anticipée, par exemple, là. Une
personne qui fait une demande anticipée puis qui dit : Bien, le jour... si
jamais je deviens inapte, et donc je devrais avoir un tuteur privé ou un tuteur
public, bien, j'aimerais ça que ça soit mon tuteur qui fasse... le suivi de ma
demande. Il y en a que c'est complètement le contraire, qui ne voudrait
absolument pas que le tuteur, qui est public, qui est le gouvernement, puisse
interagir dans cette démarche-là. Mais, si c'est le voeu et le souhait de la
personne, je ne peux pas contredire tout ce que je viens de vous dire depuis
les 20 dernières minutes. Nous, on va respecter les <volontés de
la...
M. Marsolais (Denis) :
...
absolument pas que le tuteur, qui est public, qui est le
gouvernement, puisse interagir dans cette démarche-là. Mais, si c'est le voeu
et le souhait de la personne, je ne peux pas contredire tout ce que je viens de
vous dire depuis les 20 dernières minutes. Nous, on va respecter les >volontés
de la personne puis on va s'assurer que ces volontés-là soient respectées en
tout temps.
Alors, si elle souhaite, cette personne-là,
qu'on soit la personne qui... le tiers de confiance, bien, on le sera, puis là,
à ce moment-là, il y aura des modalités à établir avec... Évidemment qu'on a
des curatrices déléguées qui suivent toutes les personnes qui sont sous notre responsabilité.
On connaît le dossier, on sera... on établira des relations avec les médecins
traitants aussi pour être sûrs de participer à l'évolution des discussions
que... évidemment, avec l'autorisation initialement du patient pour qu'on
puisse être en mesure de connaître la situation. N'étant pas un proche, ça va
être plus difficile. C'est là qu'il faut essayer de développer des modalités
pour faire en sorte qu'on puisse avoir connaissance au bon moment... mais,
entre vous et moi, là, on va toujours privilégier un proche de la famille. Pour
une personne qui désire l'aide médicale à mourir, un proche de la famille a beaucoup
plus de proximité. On n'aura jamais autant de proximité, nous, qu'un proche de
la famille. Et s'il n'y en a pas, là... Julie.
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Il faut aussi faire la distinction entre les personnes qu'on représente, qui
pourraient être isolées, les personnes qui ne sont pas sous régime de
protection, qui sont aussi isolées. Là, il y a vraiment des enjeux... On n'est
pas fermés, là, on est ouverts aux discussions là-dessus, mais, pour nous, on
voit des problématiques. Dans la mesure où on ne connaît pas ces personnes-là,
il y a une impossibilité pour nous de suivre l'évolution de la maladie, comment
même être au courant qu'il y aurait eu une demande faite en ce sens-là.
Donc, ça, c'est... Il y a un besoin de
réflexion à ce niveau-là, et je ne sais pas quel rôle, nous, on pourrait jouer
pour ces personnes-là.
M. Marsolais (Denis) :
Assurément qu'il y a un groupe de personnes qui connaît... qui va connaître en
temps réel la situation de la personne concernée, c'est l'équipe soignante.
Mme Maccarone : ...circonstances
vraiment favorables, mais on sait que, dans plusieurs cas, ce n'est pas la
réalité de plusieurs personnes. Alors, que pouvons-nous faire vraiment pour
s'assurer qu'on protège ces personnes?
Ça fait que ça m'amène à une réflexion.
Lors des échanges que nous avons eus, à l'intérieur des changements pour le
projet de loi n° 18, est-ce que nous avons manqué une
opportunité de venir protéger les personnes encore plus quand nous parlions
peut-être d'un élargissement de l'aide médicale à mourir puis des soins de fin
de vie? Parce qu'on n'a pas eu ce débat par rapport au rôle de Curateur public.
Alors, est-ce qu'on a des considérations
légales à penser aussi en ce qui concerne peut-être les recommandations qui
vont venir suite... à la fin de cette commission?
M. Marsolais (Denis) :
Écoutez, moi, je pense que, lorsqu'on a parlé du projet de loi et qu'on a
présenté, article par article, toute la question des soins était écartée des
discussions, était écartée des discussions parce que ça concernait les
dispositions qui relèvent du ministère de la Santé, d'une loi qui relève du
ministère de la Santé.
Par <ailleurs...
M. Marsolais (Denis) :
...
que, lorsqu'on a parlé du projet de loi et qu'on a présenté, article
par article, toute la question des soins était écartée des discussions, était
écartée des discussions parce que ça concernait les dispositions qui relèvent
du ministère de la Santé, d'une loi qui relève du ministère de la Santé.
Par >ailleurs, toujours dans la
foulée du respect des volontés d'une personne, bien, il n'est pas... je veux
dire, ce n'est pas antinomique aujourd'hui de dire que, si une personne désire
que, le jour où elle deviendrait inapte, que ça soit... à mon avis, idéalement
un proche, là, mais que ça soit le curateur... on va agir, il n'y a pas de
souci. Ça fait qu'on n'est pas... pas parce qu'on ne l'a pas traité, parce que
c'est un autre... vraiment, c'est un autre chantier, bien, qu'on ne peut pas le
traiter indirectement par la commission qui fait l'objet des discussions qu'on
a aujourd'hui, là. Ce n'est pas...
Mme Maccarone : Bien, vous,
vous êtes prêt aussi... Tu sais, c'est sûr, on a parlé beaucoup de formation
puis, dans cette commission-ci, on parle beaucoup de formation. Ça fait que
vous êtes d'avis que ça va prendre une formation, évidemment, assez précise
pour le curateur.
Puis on a aussi eu une question par
rapport à... qu'on devrait peut-être mettre tous les cas publics des gens qui
font des demandes, des gens qui ont accès à l'aide médicale à mourir.
Pensez-vous que c'est le chemin que nous devons prendre pour que les personnes
comprend mieux? Puis est-ce qu'il y a aussi une question éthique en ce qui
concerne les personnes sous la responsabilité du curateur, si on y va vers un
registre public de ces demandes pour mieux comprendre les soins de fin de vie?
M. Marsolais (Denis) :
Moi, je vous avoue que notre réflexion concernant l'existence ou non d'un
registre public n'est pas terminée. Mais, pour l'instant, je ne suis pas
convaincu aujourd'hui que le registre public pourrait amener... pourrait être
d'une utilité dans le cadre de l'aide médicale à mourir. Moi, encore une fois,
je reviens, c'est une relation patient-médecin traitant. C'est là... L'importance,
c'est bien plus dans le dossier médical du patient ou de la personne que dans
un registre public, là.
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Bien, surtout considérant qu'on... Tu sais, il faut qu'il y ait des discussions
périodiques. Les volontés peuvent évoluer dans le temps, les modalités aussi,
notre perception sur notre maladie. Je pense que le fait d'avoir des
discussions fréquentes avec l'équipe médicale, ça peut difficilement se
refléter dans un registre.
M. Marsolais (Denis) : Tu
sais, il y a des personnes... Je peux présumer que des personnes aujourd'hui
qui reçoivent un diagnostic de maladie dégénérative puis là qui disent :
Je veux faire une demande anticipée, je ne veux jamais me rendre à telle
situation, que le jour où mes enfants ne me reconnaissent pas, etc., je vais me
retrouver en chaise roulante, peu importe... Aujourd'hui, je pense, ça, peut-être,
au fil des années... maladie d'Alzheimer, c'en est une, là, au fil des années,
je ne trouve pas ça si pire que ça, puis ce que je pensais il y a deux ans,
quand j'ai formulé ma demande, bien, ma tolérance a évolué et ma pensée a
évolué avec les discussions avec le médecin, puis j'aurais le goût de moduler
un peu, de modifier un peu la situation x que j'ai mentionnée dans ma
demande. Je pense <qu'il faut...
M. Marsolais (Denis) : ...
au
fil des années, je ne trouve pas ça si pire que ça, puis ce que je pensais il y
a deux ans, quand j'ai formulé ma demande, bien, ma tolérance a évolué et ma
pensée a évolué avec les discussions avec le médecin, puis j'aurais le goût de
moduler un peu, de modifier un peu la situation x que j'ai mentionnée dans
ma demande. Je pense >qu'il faut laisser absolument cette possibilité-là
de faire évoluer le consentement, d'un côté comme de l'autre, avec la meilleure
personne, le meilleur conseiller... Bon, je dis le médecin traitant, c'est
l'équipe qui entoure aussi... Je pense que le Dr Gaudreault nous l'a
mentionné, parce que... Je ne l'ai pas écouté nécessairement après-midi, mais
des discussions que j'ai eues avec lui... Toute l'équipe qui entoure un
médecin, là, bien... évidemment que ces personnes-là aussi ont un contact avec
certaines personnes de l'équipe.
Alors, il faut vraiment qu'il y ait du
dialogue continu puis que le dialogue aussi puisse être colligé dans le dossier
médical pour laisser des traces, parce que le médecin peut prendre sa retraite,
la personne peut changer de district, puis son dossier suit. Il faut absolument
qu'il y ait des traces, et je ne pense pas... Pour essayer de faire une réponse
courte quand j'en fais une longue, je ne pense pas que le registre... qu'un
registre quelconque pourrait pallier à ça. Je réponds bien à votre question?
Mme Maccarone : Oui. C'est
sûr, ça répond bien à ma question, mais ce que... c'est plus dans le sens que
je cherche des précisions. Je pense que tous les membres de la commission cherchent
des précisions. Même j'aurais voulu vraiment entendre votre avis en ce qui
concerne le rôle du curateur puis comment que vous voyez comment que le
curateur va soit accompagner... puis si nous avons des changements vraiment à
faire qui sont précis à l'intérieur des recommandations finales. Je pense que c'est
le moment puis je pense que c'est ça que nous avons besoin d'avoir en ce qui
concerne les personnes vulnérables.
L'autre question que j'aurais... Puis je
comprends que vous êtes en train de faire la réflexion, tout à fait, je pense
que nous avons du temps à peut-être revoir... Si vous avez une réflexion plus
mûre à partager avec les membres plus tard, je pense que ce serait le bienvenu
puis ça va sûrement faire partie de notre réflexion.
• (16 h 20) •
Mais ça m'amène à... autre question comme :
Est-ce qu'il y a des... Quand on parle d'autodétermination, est-ce qu'il y a
des cas où il y aura des exclusions puis est-ce que nous devons aussi avoir
cette réflexion à quelque part? Parce que, là, on parle de consentement libre
et éclairé, mais souvent les personnes qui sont sous la responsabilité du
curateur... Bien, c'est la question que nous avions, tellement que... leur
donner le droit de vote, on a plusieurs questionnements. Et, si on a cette réflexion...
puis là c'est les demandes d'avoir accès aux soins de fin de vie. Est-ce qu'il
y a des moments où nous devons avoir une réflexion de... ces personnes ne
devront pas faire partie, malgré que nous voulions respecter une
autodétermination?
M. Marsolais (Denis) :
Assurément. Assurément qu'il devrait... mais c'est les balises qui vont être
établies qui vont permettre... qui vont permettre, qui vont peut-être exclure
la <possibilité...
Mme Maccarone :
Est-ce
qu'il y a des moments où nous devons avoir une réflexion de... ces personnes ne
devront pas faire partie, malgré que nous voulions respecter une
autodétermination?
M. Marsolais (Denis) :
Assurément. Assurément qu'il devrait... mais c'est les balises qui vont être
établies qui vont permettre... qui vont permettre, qui vont peut-être exclure
la >possibilité, pour tel type de personne, à faire une demande d'aide
médicale.
Mais moi, je pense... Comment dirais-je?
Vous me dites que vous voulez avoir des précisions. Moi, la précision la plus
importante que je vous dis, que je suis en mesure de vous dire aujourd'hui,
c'est que nous, on va être le gardien de respecter les volontés de la personne.
Ça, c'est du côté du Curateur public.
Quant à établir les balises qui vont
permettre à une personne de le faire ou ne pas le faire, moi, je pense qu'il
faut donner ouverture à le faire, mais baliser ces opportunités-là. Puis ça,
bien, c'est une équipe multidisciplinaire qui va faire en sorte de faire
certaines balises, là.
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Bien, je veux peut-être juste préciser, ce n'est pas parce qu'on est sous
régime de protection et déclaré inapte par le tribunal qu'on est nécessairement
inapte à consentir à ses soins.
Donc, à chaque fois qu'on prodigue un
soin, le médecin doit évaluer, selon les critères de la Cour d'appel, si tu es
apte à consentir à ce soin-là, puis ça va être la même chose pour l'aide
médicale à mourir. Et ça, c'est vraiment l'équipe médicale qui va juger si tu
as l'aptitude nécessaire à donner un consentement libre et éclairé. Donc, ça,
c'est une chose, et il y a plein de gens qui sont sous régime, qui sont aptes à
consentir à leurs soins, et d'autres ne le sont pas. Donc, ça, c'est vraiment
la base.
Pour ce qui est de la demande anticipée
puis le tiers de confiance, là, on ne parle pas d'un consentement substitué ici.
C'est vraiment juste lever le drapeau puis de dire : Cette personne-là,
elle a formulé une demande à une certaine époque, on pense qu'elle est
peut-être rendue là puis on laisse le soin à l'équipe médicale de juger de...
Mme Maccarone : Ça fait que
c'est qui qui devrait mettre en vigueur, peut-être, des règles modulées, de
façon modulée pour avoir ce consentement? Le curateur qui a un rôle à jouer à
l'intérieur de ça? Parce qu'on a entendu, tu sais, c'est pour avoir des
balises... Vous avez dit qu'il faut que ça soit libre et écrit, mais, si une
personne n'a pas les moyens d'écrire, est-ce que verbal, ça y va? Tu sais,
est-ce qu'on devrait avoir... autres moyens d'accompagnement? Puis, si oui,
est-ce que le curateur a un rôle à jouer à l'intérieur de... le mettre en
vigueur?
M. Marsolais (Denis) :
Assurément que le curateur est sûrement une personne qui va avoir un rôle
important dans cette démarche-là, mais ça ne sera pas le seul, parce qu'on n'a
pas toutes les expertises. On a beau avoir une équipe médicale ici... Nous,
c'est clair que, si on aura à statuer pour faire le suivi suite à une demande...
puis c'est clair qu'on va former une équipe multidisciplinaire à l'intérieur de
notre organisation, puis il va y avoir un certain nombre de personnes
d'expertise qui vont évaluer, est-ce que le moment est arrivé pour faire en
sorte d'aviser l'équipe soignante pour dire : Bien, ce qui a été souhaité
par la personne, le moment précis, bien, c'est le temps d'aviser l'équipe
médicale.
Mais, en même temps, il faut toujours
avoir à l'esprit, et Julie l'a précisé, le consentement anticipé, le
consentement a été donné. Le reste de la démarche, c'est le tiers, là, soit le
tiers proche ou le tiers Curateur <public...
M. Marsolais (Denis) :
Mais,
en même temps, il faut toujours avoir à l'esprit, et Julie l'a précisé, le
consentement anticipé, le consentement a été donné. Le reste de la démarche,
c'est le tiers, là, soit le tiers proche ou le tiers Curateur >public,
et il ne fait... juste soulever à l'équipe soignante ou au médecin traitant que
la situation qui avait été décrite dans la demande, selon les informations
qu'il a, cette situation est arrivée, et c'est le moment peut-être de voir à l'administration
de l'aide médicale à mourir. Après, là, c'est le médecin qui va décider s'il y
a une corrélation entre la situation qui est soulevée par rapport à la situation
souhaitée.
C'est pourquoi c'est tant important qu'il
y ait une communication, à la base, entre le patient, le demandeur et le
médecin traitant pour que le langage utilisé dans la description de la situation
soit un langage, certes, qui soit compris par le demandeur, mais aussi qui soit
clair pour le médecin traitant ou pour tout autre médecin qui aura à traiter du
suivi de cette demande-là. Moi, je pense que...
Mme Maccarone : Notarisé?
M. Marsolais
(Denis) :
Je ne suis pas là puis, écoutez, je suis un peu mal
placé pour vous donner une opinion là-dessus, ayant été président...
Mme Maccarone : Vous, vous
êtes mal placé? Vous êtes l'ancien...
M. Marsolais (Denis) : Non,
mais pourquoi pas? Pourquoi pas, mais je pense que...
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Ça devrait faire partie d'un éventail d'options, je pense, pour le citoyen.
M. Marsolais (Denis) : Là,
vous me posez une belle question, là, difficile à répondre. Mais moi, je pense
qu'il faut que... je pense qu'un acte notarié pour recevoir le consentement, j'en
suis, il n'y a pas de souci, mais quid de l'évolution de la situation après,
parce que la... peut-être que le consentement va être modulé, et tout, ça... Je
ne suis vraiment pas dans ces modalités-là pour l'instant, là, de la façon de
faire le consentement.
L'important, pour moi, là, c'est qu'il y ait
un consentement éclairé, qu'on soit certain que la personne, qu'elle soit
atteinte de maladie mentale ou de déficience intellectuelle, qu'elle puisse
faire cette demande-là si elle est en mesure de le faire puis y consentir.
Parce qu'il y a plein de personnes qui ont ces pathologies-là puis qui sont en
mesure de donner un consentement aux soins. Ça reste un soin. Évidemment, c'est
un soin particulier, puis, comme c'est un soin particulier quand on parle de
maladie mentale, tout particulièrement, bien, il faut que ce soin-là soit
encadré avec des balises qui soient la suite de réflexions de l'équipe médicale
multidisciplinaire qui va faire en sorte qu'on ne fasse pas n'importe quoi. C'est
important, là, mais il ne faut pas brimer les gens d'avoir la possibilité de le
faire. Ils sont assez... Parfois, les personnes atteintes de maladie mentale ou
de déficience intellectuelle, qui sont un peu considérées... qui, en général,
ne sont pas aptes à dire ou à donner leur opinion, que... dans la vraie vie, ce
n'est pas vrai.
Alors, il faut donner la chance, cette possibilité-là
si la personne est en mesure de consentir à.... Comme le consentement aux soins,
nous, il y a des gens qui sont sous notre juridiction puis qui sont en mesure,
selon le médecin, de consentir aux soins. On n'intervient pas. On intervient
seulement dans <le cas où...
M. Marsolais (Denis) : ...donner
la chance, cette
possibilité-là si la personne est en mesure de
consentir à.... Comme le consentement aux soins, nous, il y a des gens qui sont
sous notre juridiction puis qui sont en mesure, selon le médecin, de consentir
aux soins. On n'intervient pas. On intervient seulement dans >le cas où
cette personne-là, selon l'équipe médicale, n'est plus en mesure de consentir
aux soins.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, Mme la députée. Je céderais la parole à la députée de Joliette.
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour à vous. Merci beaucoup pour votre présentation et votre réflexion sur
tout ça. On tenait vraiment à vous entendre.
Merci d'abord de la précision, là, ou du
rappel que vous faites sur l'importance que la situation quant à l'aptitude de
la personne à consentir à ses soins doit se faire à chaque fois, pour chaque
demande, et qu'il n'y a pas d'a priori qu'on doit avoir parce qu'une personne
est sous un régime de protection. C'est déjà le cas en ce moment, la personne
qui peut fluctuer dans son aptitude peut faire une demande d'aide médicale à
mourir si, quand elle le fait, elle est apte. Donc, je pense qu'il y a encore
beaucoup de pédagogie à faire dans la société par rapport à ça, pour enlever
ces stigmates-là et ce paternalisme-là. Ça fait que merci de le faire à
nouveau.
Et l'autre chose sur laquelle je vous
remercie d'emblée, au-delà, là, de la prise de position, c'est que vous êtes
très clairs, mais on voulait vous entendre là-dessus. Donc, des personnes qui
sont inaptes, en quelque sorte, de naissance, qui ont une déficience profonde,
qui ne peuvent consentir, donc, à aucun soin, à aucun élément de leur vie, vous
nous dites : jamais de consentement substitué pour ces personnes-là. Donc,
ça, c'est très clair.
M. Marsolais (Denis) : En tout
cas, tant que je serai Curateur public, ça va être non. On ne peut pas prendre
la place de ces personnes-là.
Mme
Hivon
:
Parfait. Parce que, même si certains en théorie pourraient dire qu'il y a une
discrimination, je comprends que vous mettez le curseur vers la protection,
parce qu'il pourrait y avoir des dérives trop importantes. Parfait. C'est très
clair.
Là, je veux qu'on aille sur le tiers ou
l'équipe traitante qui serait la personne qui agite le drapeau. On a bien
compris, ce n'est pas cette personne-là qui décide, mais elle a accompagné la
personne, elle sait qu'il y a une demande anticipée qui a été faite.
Donc, je veux juste bien, là... J'ai lu
votre mémoire, tout ça, là. Ce que vous nous dites, c'est que, quand il y a un
tel tiers qui est désigné dans la demande potentielle, c'est cette personne-là
qui agite le drapeau auprès de l'équipe soignante. Quand il n'y en a pas, ça
pourrait être l'équipe soignante. Évidemment, vous dites : Nous, on
pourrait peut-être jouer un rôle là-dedans, le curateur. Mais, quand il y en a
une personne de désignée, c'est ça que je veux clarifier avec vous, là, dans
votre hypothèse, il faut que ça soit cette personne-là ou vous dites :
Bien, ça pourrait aussi être l'équipe soignante, puis on pourrait passer outre
ou, en tout temps, c'est la personne qui est désignée?
• (16 h 30) •
M. Marsolais (Denis) : Encore
une fois, en prémisse de la réponse que je vais vous donner, ma plus grande
préoccupation, c'est le respect de la volonté de la personne.
Donc, le monopole donné au tiers, nommé
par la personne, je pense qu'il ne faut pas que cette personne-là ait le
monopole. Le <meilleur exemple...
>
16 h 30 (version révisée)
< M. Marsolais (Denis) : ...
encore
une fois, en prémisse de la réponse que je vais vous donner, ma plus grande
préoccupation,
c'est le respect de la volonté de la
personne. Donc, le monopole de
donner au tiers nommé par la
personne... je pense qu'il ne faut pas que
cette
personne-là ait le monopole.
Le >meilleur exemple, je nomme
ma conjointe ou je nomme... peu importe la personne, et cette personne-là, le
moment venu, elle ne veut pas... elle ne veut pas pour toutes sortes de raisons,
éthiques, religieuses, ou peu importe, et là, alors que l'équipe soignante...
et son consentement était très clair, la description de la situation était très
claire. Moi, je veux faire en sorte, autant que faire se peut, de donner un
éventail de possibilités à faire en sorte que la volonté clairement exprimée en
toute lucidité d'une personne puisse être réalisée, si cette situation-là
arrive. Évidemment que la prémisse à tout ça, c'est que la situation soit
claire autant pour le médecin traitant que pour le patient. C'est pour ça que
l'importance... qu'il y ait une connexion. Et moi, j'irais même à dire...
Mme
Hivon
: ...
M. Marsolais (Denis) : Oui,
j'irais même à dire, on ne l'a pas dit dans le mémoire, que les médecins
devraient signer la demande avec le patient. Je ne vois pas, une fois que... Puis
donc, s'il signe la demande, c'est qu'il... la meilleure personne placée pour
dire que cette personne-là est capable de donner un consentement, c'est son
patient, et qu'il constate aussi que le libellé de la situation est clair pour
lui. Ça fait que, pour les tiers, la meilleure preuve, ça serait que le médecin
et le patient signent cette demande-là. De toute façon, cette demande-là va être
dans le dossier médical, et ça va se suivre. Alors, je pense que, si on veut
blinder les choses, là, c'est ça...
Et pour répondre plus précisément à votre question,
qu'il y ait un tiers de confiance ou qu'il y ait un proche, tant mieux, mais de
faire une hiérarchie de consentement, s'il n'est pas là, puis après tu vas à
là, puis après tu vas à l'autre, moi, je pense que le sujet est trop sérieux, et
l'enjeu de respecter la volonté d'une personne, c'est trop important pour nous
que de le limiter seulement à une personne. C'est et/ou, là, ce n'est pas...
c'est cumulatif, ce n'est pas...
Puis... donner l'exemple des dons
d'organes, O.K.? Je me souviens, moi, quand j'étais à la chambre, on a fait des
dons d'organes, tout était beau, avec le Dr Pierre Marsolais, à
Sacré-Coeur, puis c'était important. Puis on a même... on pouvait même faire le
don d'organes au sein d'un testament, peu importe, bon, il y a différentes
façons, il y avait une panoplie de façons. Consentement libre et éclairé, si
jamais j'étais en mesure de... que mes organes, à mon décès, là, clinique,
puissent servir, c'est ça que je veux. Vous remplissez tout, votre permis de
conduire, c'est un consentement.
Dans la pratique, ce qui se passe encore aujourd'hui,
là, le réflexe, c'est de demander à la famille pour voir s'ils sont d'accord.
Moi, je ne souhaiterais pas, en tout respect avec la famille, que s'il y a un consentement
libre et éclairé, qu'on se sente obligé, quand c'est clair, là, le médecin a
signé, c'est consenti, tout <est beau...
M. Marsolais (Denis) : ...le
réflexe, c'est de demander à la famille pour voir s'ils sont d'accord. Moi, je
ne souhaiterais pas, en tout respect avec la famille, que s'il y a un
consentement
libre et éclairé, qu'on se sente obligé, quand c'est clair, là, le médecin a
signé, c'est consenti, tout >est beau, qu'on se sente obligé, comme société,
d'aller s'assurer que la famille est d'accord. Souvent, dans ces situations-là,
vous le savez, Mme Hivon, que... Véronique, qu'il y a certaines personnes
qui ne veulent même pas en parler à leur famille, parce que ce n'est pas bien
vu, puis tout ça. C'est sûr que, si elle fait une demande, cette personne-là, et
la chose arrive, bien, la famille... puis si on consulte la famille, la
décision, là, c'est de savoir si la situation qui est décrite, qui est claire,
on est là.
Mme
Hivon
: Oui.
Parfait.
M. Marsolais (Denis) : Ça a
l'air drastique, là, mais... Puis ce n'est pas parce que je vais ouvrir la
machine à ce qu'il y ait un nombre effarant de... il faut que ce soit fait sérieusement.
Mme
Hivon
:
C'est beau. C'est parce qu'il me reste une question, puis j'ai très peu de
temps, ça fait que je pense que c'est une nuance très, très importante. Vous
dites, en fait, le tiers, il sert à lever le drapeau, mais ce n'est pas lui qui
va se tourner vers la famille élargie pour dire : Finalement, on est-tu
d'accord ou pas d'accord? C'est la personne qui l'avait demandé, c'est elle
qu'on doit suivre. En fait, vous avez amené un point, là, puis vous avez
beaucoup insisté sur l'évolution de la maladie, l'évolution, la fluctuation des
volontés de la personne, donc l'importance, évidemment, ça, ça va de soi, c'est
déjà dans la loi, que la personne peut changer d'idée en tout temps. Ça fait
que, là, vous dites : Ça, c'est important, d'où l'importance qu'elle
puisse en parler périodiquement avec son médecin. On comprend ça.
Mais ça, justement, ça m'amène à quelque
chose qui est quelque chose qui nous occupe ici beaucoup, du moins, certains
membres de la commission, on est presque obsédé avec ça, c'est la question de
l'évaluation de la souffrance entre l'anticipation de la situation et la
situation telle qu'elle se vit. Puis à la page 10 de votre mémoire, là,
vous dites bien, vous encouragez à ce que ce soit décrit, là, avec détail, la
nature des souffrances que la personne juge intolérables. Mais évidemment on se
comprend que c'est la personne, dans son anticipation, qui décrit : Ça,
ça, ça, pour moi, ça n'a pas de sens.
Vous savez aussi que, dans la loi, on dit
qu'il faut qu'au moment où il y a une demande d'aide médicale à mourir ou qu'on
l'administre la souffrance est là. Alors, je veux juste savoir si vous qui êtes
très soucieux de l'autonomie de la personne, mais, en même temps, qui
connaissez les fluctuations de la personne... Certains sont venus nous dire :
La personne qui est démente, elle peut avoir une démence heureuse, en quelque
sorte, on se comprend. On pourrait faire un grand débat de trois jours
là-dessus, mais elle ne témoigne pas, elle ne montre pas de signe de souffrance
perceptible, évaluable, objectivable.
Donc, certains nous disent : Ce n'est
comme plus la même personne. Ça fait que, oui, on se fie à ce qu'elle nous a
demandé, mais est-ce qu'il faut évaluer aussi qu'il y a une souffrance, qu'elle
soit psychique ou physique, mais qu'il y en a une au moment où on donnerait
ouverture parce que les conditions sont remplies?
M. Marsolais (Denis) : Bien,
si moi, aujourd'hui, je vous dis : Si jamais j'arrive à telle situation,
que j'ai une maladie dégénérative, d'abord, c'est le premier critère, il faut
d'abord que j'aie une <maladie...
Mme
Hivon
: ...
qu'il
y a une souffrance, qu'elle soit psychique ou physique, mais qu'il y en a une
au moment où on donnerait ouverture parce que les conditions sont remplies?
M. Marsolais (Denis) :
Bien, si moi, aujourd'hui, je vous dis : Si jamais j'arrive à telle
situation, que j'ai une maladie dégénérative, d'abord, c'est le premier
critère, il faut d'abord que j'aie une >maladie dégénérative, et que je
dis : Si jamais j'arrive au jour où je ne suis plus capable de reconnaître
mes enfants, je suis alité, je ne suis plus capable de me nourrir, etc., puis
évidemment que le médecin va m'aider à capsuler ça pour que ça soit clair,
bien, à ce moment-là, moi, j'aimerais qu'on... j'aimerais, parce que je ne suis
plus là. Probablement, je vais être... je vais avoir de la démence à ce
moment-là. Démence heureuse, bien, moi... Il y en a, des gens qui,
psychologiquement parlant, d'être inconscients, là, d'une démence heureuse, eux
autres disent : Bien, de toute façon, je ne le sentirai pas, il n'y a pas
de problème. Mais, encore là, ça va être l'évaluation du médecin qui va être en
mesure d'évaluer ce que la personne avait décrit dans sa demande. L'importance
de la révision périodiquement de ça, c'est que ma pensée, dans deux ans, peut
changer avec l'évolution de ma maladie, et c'est là que c'est important.
C'est pour ça qu'un registre avec une
demande x, moi, je pense que c'est le dossier médical qui est le coeur...
qui est le nerf de la guerre là-dedans, puis c'est ça, vraiment, qui est
l'entité, qui est la source d'information la plus importante à conserver parce
qu'il y a une pérennité dans le dossier de santé aussi. Julie.
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Il y a aussi toute une notion de... pour plusieurs personnes, en tout cas, de
mourir dans une certaine dignité. Donc, je sais qu'il y a un débat sur la
démence heureuse. Si elle est réellement heureuse ou pas, là, moi, je ne suis
pas experte en médecine pour trancher cette question-là, mais je pense qu'on
est capable, quand même, comme personne, d'anticiper des situations où on se
dit : Moi, je ne veux pas me rendre jusqu'à ce point-là.
Mme
Hivon
: En
terminant, je vais juste vous soumettre... c'est juste que c'est un vrai débat
existentiel et social. Parce que, là, vous avez énuméré une liste d'éléments, mais,
si quelqu'un disait : Moi, dès que je ne reconnais plus mes enfants, par
exemple, je veux l'aide médicale à mourir, on est loin de la situation où elle
est grabataire, où elle est alitée, où elle n'est plus capable de se nourrir.
Donc, c'est ça que nous... c'est pour ça qu'on vous pousse dans ces
questions-là, parce que c'est une question très difficile. Est-ce que c'est la
mort sur demande au moment qui a été demandé ou c'est l'anticipation avec des
critères de souffrance?
M. Marsolais (Denis) : Puis vous
avez entièrement raison, parce que ce n'est pas simple, d'où l'importance de la
discussion avec son médecin traitant. Parce que le médecin traitant, lui, va
être en mesure d'allumer des lumières rouges puis de dire : Oui, bien,
peut-être, etc. Mais je pense que toutes les réponses sont bonnes dans ce type
de questionnement là, il faut juste mettre une ligne en quelque part, mais une
ligne qui soit acceptable au plan sociétal... avec la société.
Alors, il ne faut pas que ça soit trop
large, mais il ne faut pas que ça soit restrictif puis il faut surtout être en
mesure de respecter la volonté de la personne, en autant que ses volontés
soient assez précises et acceptables pour qu'on puisse <procéder...
M. Marsolais (Denis) : Alors,
il ne faut pas que ça soit trop large, mais il ne faut pas que ça soit
restrictif puis il faut surtout être en mesure de respecter la volonté de la
personne, en autant que ses volontés soient assez précises et acceptables pour
qu'on puisse >procéder à l'administration de l'aide médicale à mourir...
• (16 h 40) •
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Et que ça rentre dans le critère de souffrance physique, psychique, constante,
insupportable. Il faut quand même rentrer dans les critères de la loi. Est-ce
que le fait de ne plus reconnaître ses enfants seulement rencontre ce critère-là?
M. Marsolais (Denis) : Je ne
suis pas capable de répondre à ça, mais on parle de souffrance existentielle,
là. Le rapport des experts a parlé de souffrance existentielle. Ça fait que ça
va être une bonne définition dans la loi.
Mme
Hivon
: Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Je céderais maintenant la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. Merci d'être là en ce vendredi après-midi.
Bon, écoutez, j'ai entendu un peu, là, les
questions qui ont été posées, tout ce que vous avez pu aussi expliquer. Moi,
j'aurais une question, parce qu'en fait, c'est sûr et certain, je ne connais
pas beaucoup nécessairement le rôle que le Curateur public peut faire et c'est
quoi... jusqu'à quel point le Curateur public a des droits par rapport à la
famille. Et je sais aussi que parfois c'est la famille qui est le curateur,
dans certains cas. En tout cas, si ce n'est pas exact, vous me le réexpliquerez
comme il faut.
Mais dans le cas où est-ce qu'il y a des
gens qui n'ont pas de famille ou la famille n'est pas présente, mais c'est vraiment
le Curateur public qui a la gestion de la personne, lorsqu'il arrive une situation,
en fait, que le médecin doit prendre, en fait, la décision, mais qu'il a encore
un doute, un doute s'il doit exécuter ce que le patient voulait, il y a
plusieurs personnes qui nous ont recommandé d'avoir un comité, une table
nationale d'experts qui, justement... pour aider, épauler le médecin, là, dans
la prise de décision.
Je voudrais savoir ce que vous en pensez
de cette table-là. Je sais, là, que je sors un peu, peut-être, là, de votre...
mais ce n'est pas grave, vous êtes quand même le Curateur public du Québec,
puis c'est venu à plusieurs reprises. Donc, les gens qui n'ont pas de famille,
qui n'ont pas... que c'est vous... dont vous avez la responsabilité, bien, qui
demandent, exemple, l'aide médicale à mourir, puis que le médecin a des doutes,
alors là, il y a des interventions de votre part. Donc, j'aimerais ça avoir
votre point de vue là-dessus, un peu, là, sur cette <table...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Donc, les gens qui n'ont pas de famille, qui n'ont pas... que c'est vous...
dont vous avez la responsabilité, bien, qui demandent, exemple, l'aide médicale
à mourir, puis que le médecin a des doutes, alors là, il y a des interventions
de votre part. Donc, j'aimerais ça avoir votre point de vue là-dessus, un peu,
là, sur cette >table-là d'experts, provinciale.
M. Marsolais (Denis) : Écoutez,
vous parlez d'une personne isolée, qui n'a pas de proche, puis qu'il y a
l'équipe médicale qui est là, et que la situation a été... la situation que
cette personne-là a décrite au moment où elle était apte, elle est devenue
inapte, puis on est arrivé là, le médecin considère que cette situation-là
n'est pas exactement... on n'est pas rendu à ce stade-là. C'est ça, votre
question?
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Oui. Bien, en fait, c'est quand le médecin a encore des doutes. La personne
l'avait demandé, mais il a encore des doutes. Puis il y a plusieurs personnes
qui ont intervenu, des spécialistes, des médecins puis qui recommandent une
table d'experts pour aider, pour épauler le médecin dans la décision quand il a
encore des doutes.
M. Marsolais (Denis) : Moi, je
pense que, d'abord, ultimement, la décision appartient au médecin. Si le
médecin n'est pas en mesure de prendre une décision parce que ce n'est pas
clair ou qu'il a besoin de faire appel à un expert... parce qu'un médecin de
famille, par exemple, il peut avoir des connaissances bien pointues, bien
précises, notamment concernant la maladie mentale, mais il...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Je
vais repréciser plus ma question, c'est qu'il aurait des doutes par rapport à
l'admissibilité du patient. Désolé, je n'ai pas... j'aurais dû éclairer, j'ai
manqué...
M. Marsolais (Denis) : Je vous
avais compris dans ce sens-là.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Oui, éclairer, l'admissibilité du patient.
M. Marsolais (Denis) :
L'admissibilité au patient de recevoir l'aide médicale à mourir.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Oui, désolé, monsieur et madame, là.
M. Marsolais (Denis) : Pas de
souci, on est là pour ça. Puis ce n'est pas... Les certitudes, je vous l'ai dit
dans mon allocution, ça n'a pas leur place, aujourd'hui, hein? Je pense qu'on
est tous un peu en... exploratoire, on a tous des opinions, mais je pense que
ces opinions-là vont évoluer avec le temps, assurément.
Bon, moi, le cas où le médecin ne sait pas
trop puis il ne veut pas se prononcer parce que ce n'est pas clair dans sa
tête, même si... par rapport à la situation décrite, la situation actuelle, bien,
je pense que... Une table nationale, je ne le sais pas, j'en sais trop, là, je
pense qu'il ne faut pas... C'est assez complexe comme ça, je ne suis pas sûr
qu'une table nationale ça serait nécessaire, mais qu'il y ait une équipe
multidisciplinaire qui soit en mesure de... pas réviser, parce qu'il n'y a pas
eu de décision du médecin, mais de faire une recommandation au médecin,
supplémentaire, pour le conforter dans sa prise de position ou le conforter
dans son indécision, bien, je pense qu'à ce moment-là il faut faire appel à un
groupe tiers d'experts, pas n'importe qui... ils auront une expertise certaine
dans différents domaines. Et, si on est dans, par exemple, dans un cas d'une
personne qui est atteinte de maladie mentale, par exemple, bien, assurément
qu'il y a des experts qui ont une expertise très pointue concernant ce domaine
de... ce domaine, pas de droit, mais ce domaine <médical là...
M. Marsolais (Denis) : ...
ils
auront une expertise certaine dans différents domaines. Et, si on est dans, par
exemple, dans un cas d'une personne qui est atteinte de maladie mentale, par
exemple, bien, assurément qu'il y a des experts qui ont une expertise très
pointue concernant ce domaine de... ce domaine, pas de droit, mais ce domaine
>médical là, et donc, à ce moment-là, il pourra y faire référence. Mais
au moment où on se parle, M. Girard, tout est ouvert, là. L'important,
c'est de donner des voies d'accès pour permettre à un médecin qui n'est pas
trop sûr d'avoir... d'être supporté par une équipe... puis je pense que le
Collège des médecins serait très favorable à ça aussi, parce qu'on n'a pas...
tous les médecins n'ont pas toute la même expertise dans tous les domaines,
comme tous les juristes n'ont pas toute la même expertise dans tous les
domaines de droit. Ça fait que le parallèle, je pense que ce serait important
de le faire. Une table nationale, je ne le sais pas, mais assurément une équipe
multidisciplinaire, assurément.
Mais la question qui se pose davantage
puis... d'avoir la question, mais je vais la... (panne de son) ...si le médecin
ne veut pas, puis le tiers de confiance, là, qui est nommé, lui, il dit :
On est vraiment rendu là, là, certains ont parlé, bien là, à ce moment-là, on
pourrait s'adresser aux tribunaux pour... Moi, je ne suis pas très favorable à
ça. On travaille activement, le système de justice, pour déjudiciariser, pour
faire en sorte de donner une plus grande accessibilité puis ne pas compliquer
les affaires. Moi, je pense qu'à ce moment-là la loi à venir devrait prévoir un
mécanisme d'arbitrage, là... je ne parlerais pas d'arbitrage dans ce
contexte-là, mais un mécanisme auquel on pourrait faire référence, peut-être au
même groupe externe qu'on parlait tantôt, là, l'équipe multidisciplinaire, qui
pourrait faire une révision du refus du médecin, puis de soit dire après, mais
pas une seule personne, une équipe, vraiment, là, dire, bien : Le médecin
est d'accord de ne pas vouloir parce qu'on n'est pas rendu à la situation qui
était décrite, ou la situation qui était décrite, malheureusement, n'est pas
assez claire pour qu'il y ait... avoir un consentement du médecin, clair, ou il
a tort, mais essayer d'éviter — puis je suis sûr que Me Véronique
Hivon va être d'accord avec moi — essayer d'éviter, dans la réflexion
de la loi, qu'on soit... qu'on ait le réflexe que, si ça ne marche pas, on va
aller devant les tribunaux. On ne peut pas l'écarter complètement, mais il faut
trouver des mesures alternatives de résolution des conflits, là, parce qu'il y
aurait un conflit entre l'appréciation de la personne tierce puis le corps
médical.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
O.K. Je trouve ça intéressant, parce que c'était ça que je voulais vous poser,
puis vous m'avez devancé complètement.
M. Marsolais (Denis) : J'ai lu
dans vos pensées.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Quand le médecin ne veut pas, puis quand on parle d'un tiers... mais des fois,
le tiers, ce n'est pas la famille, puis on sait que des fois il y a des gens
qui n'ont pas... tu sais, ils ont des familles, mais qui n'ont pas... tu sais,
ils sont sous curateur public puis la famille n'est pas là. Mais moi, je
voudrais savoir, quelqu'un qui ne veut pas le dire à sa famille, est-ce qu'il
va... est-ce qu'ils vont être devant le fait accompli quand <même...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
...
la famille, puis on sait que des fois il y a des gens qui n'ont pas...
tu sais, ils ont des familles, mais qui n'ont pas... tu sais, ils sont sous
curateur public puis la famille n'est pas là. Mais moi, je voudrais savoir,
quelqu'un qui ne veut pas le dire à sa famille, est-ce qu'il va... est-ce
qu'ils vont être devant le fait accompli quand >même?
M. Marsolais (Denis) : Le
tiers, là, sa seule responsabilité, hein, la seule chose que la loi va lui
donner, présumément, c'est de, comme disait tantôt quelqu'un, lever le drapeau.
Parce que le consentement, là, il est déjà donné. Il ne consent à rien, le
tiers, il fait juste lever le... bien, juste... il fait lever le drapeau, il
veille à ce que lorsque la situation qui est décrite, qui est connue du tiers,
j'espère, que lorsque cette situation-là arrive, si l'équipe autour, qui
entoure le patient, et tout, est moins alerte ou peu importe les raisons, à
lever le drapeau puis à dire au corps médical : Je pense qu'on est rendu
là. Mais le tiers n'a pas à dire : Je suis d'accord, je ne suis pas
d'accord, là.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Non, non, mais il va être informé après.
M. Marsolais (Denis) : Oui,
oui.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
O.K. Je vais laisser... je vais terminer là, je pense, j'ai des collègues qui
ont des questions. Merci.
M. Marsolais (Denis) : Ça fait
plaisir.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, cher collègue. Bien, oui, je vais prendre la balle au bond. Ça m'a fait
un peu sourciller, tout à l'heure, quand vous avez dit que... parce qu'au
niveau des équipes de soins il y a plusieurs idées qui s'affrontent, de dire :
Bien, on inclut un membre de la famille ou on n'inclut pas un membre de la
famille. Vous, vous nous dites de ne pas inclure de membres de la famille. Mais
là où j'ai sourcillé, c'est quand vous avez dit qu'ils ne sont pas obligés
d'être avisés. Donc, on pourrait procéder à l'aide médicale à mourir et aviser
la famille juste après? J'ai besoin de vous entendre là-dessus.
M. Marsolais (Denis) : Vous
m'avez mal compris, là, vraiment mal... ce n'est pas ça que j'ai dit. Julie,
vas-y donc.
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Non, évidemment que c'est un cheminement que tout le monde fait ensemble. Je
pense que le cas que Denis soulevait, c'est, s'il y a discordance au sein de la
famille, puis je pense que c'est des cas très, très rares, de faire primer la
volonté de la personne d'abord. Mais il n'est aucunement question de ne pas...
M. Marsolais (Denis) : ...de
cacher ça à la famille, absolument pas, là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
On va chercher un consensus.
• (16 h 50) •
M. Marsolais (Denis) :
Consensus sur quoi?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Sur, en fait, la décision, si...
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Le consentement est déjà donné.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Le consentement est donné.
M. Marsolais (Denis) : Le
consensus, là, en fait, l'approbation, la décision d'administrer l'aide
médicale à mourir, dans le cadre d'une demande anticipée, là, le consentement
est déjà donné, la situation est claire. Il y a quelqu'un qui est mentionné
dans la demande, le tiers de confiance, on peut l'appeler comme ça, un proche,
peu importe, pour veiller au grain puis voir... être sûr que les volontés de ma
mère, là, que moi, là, je vais m'assurer que le jour où la situation va
arriver, parce que je suis plus proche puis je vais être en mesure de... puis
je l'accompagne quand elle va voir le médecin, et tout, ça fait que je dis...
N'oubliez pas, il y a une demande d'aide médicale à mourir, puis je pense qu'on
est <rendu là...
77 - - - Imprimé
le 1 juin 2021 à 6 :00 Fin
être R-172
M. Marsolais (Denis) : ...le
tiers de confiance, on peut l'appeler comme ça, un proche, peu importe, pour
veiller au grain puis voir... être sûr que les volontés de ma mère, là, que
moi, là, je vais m'assurer que le jour où la
situation va arriver,
parce
que je suis plus proche puis je vais être en mesure de... puis je l'accompagne
quand elle va voir le médecin, et tout, ç
a fait que je dis... N'oubliez
pas,
il y a une demande
d'aide médicale à mourir, puis
je
pense qu'on est >rendu là.
À mon humble avis, là, puis avec toute la
déférence que je peux avoir... de la famille, puis je me mets là-dedans, j'ai déjà
vécu une situation semblable, la décision, rendu là, de savoir la corrélation entre
la situation décrite non souhaitée et la situation arrivée, c'est le médecin.
Sinon... quoi faire des demandes anticipées?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait.
M. Marsolais (Denis) : Sinon,
ça n'a pas de sens de faire des demandes anticipées. Un consentement anticipé,
ça dit ce que ça dit : Je consens à l'avance parce que j'ai une maladie
dégénérative, qui va forcément m'arriver à, in extremis, je suis alzheimer, à
une situation x, si j'arrive au degré 7. Écoutez, je dis ça, puis je
ne connais rien là-dedans, là, mais, au degré 7 de l'alzheimer, si c'est
ça, puis degré 7, c'est ça que je vais être comme personne humaine, je ne
veux pas être là. Bien, c'est un consentement anticipé.
Puis c'est important, évidemment... puis
habituellement ça va être comme ça aussi, là, que je vais informer les membres
de la famille ou ma mère va nous informer, tous les enfants, pour dire :
Si jamais j'arrive là puis... Écoutez, moi, je connais une personne, il y a
plusieurs années, qui était atteinte d'une maladie dégénérative importante puis
qui disait — c'était un de mes amis — qui disait :
Écoute, Denis, si jamais j'arrive là, je ne veux pas être là, c'est-tu clair, je
ne veux pas être là. Bien, cette personne-là, sur le bord d'arriver là, bien,
elle a fait autrement pour ne pas arriver là. Alors, quand... si cette même personne
là... puis peut-être cette personne-là, s'il y avait eu des demandes
anticipées, là, hein, elle n'aurait peut-être pas posé ce geste-là à ce
moment-là. Elle aurait peut-être fait un an, deux ans, trois ans, quatre ans.
Moi, ça me touche. C'est tout.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup pour la précision. Donc, avec votre intervention, ça met
fin à la première phase des travaux de la commission. Je vous remercie, encore
une fois, au nom de tous les membres de la commission, de votre présence cet
après-midi. Ça a été très éclairant pour nous.
Documents déposés
Donc, avant d'ajourner les travaux, je
dépose les mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus.
Je vous remercie, tout le monde, de votre collaboration.
Et, compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux pour se réunir en
séance de travail dans quelques minutes. Merci encore, Me Marsolais,
Me Baillargeon-Lavergne.
(Fin de la séance à 16 h 54)