Journal des débats de la Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie
Version préliminaire
42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Le
jeudi 20 mai 2021
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Vol. 45 N° 4
Consultations particulières et auditions publiques sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie
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Intervenants par tranches d'heure
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Guillemette, Nancy
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Ouellette, Guy
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Hivon, Véronique
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Guillemette, Nancy
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Picard, Marilyne
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Girard, Éric
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Montpetit, Marie
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Montpetit, Marie
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Guillemette, Nancy
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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Ouellette, Guy
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Guillemette, Nancy
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Jacques, François
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Hébert, Geneviève
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Birnbaum, David
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Guillemette, Nancy
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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Hivon, Véronique
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Guillemette, Nancy
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Blais, Suzanne
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Blais, Suzanne
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Guillemette, Nancy
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Hébert, Geneviève
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Montpetit, Marie
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Maccarone, Jennifer
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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Hivon, Véronique
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Guillemette, Nancy
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Maccarone, Jennifer
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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Hivon, Véronique
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Hivon, Véronique
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Guillemette, Nancy
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Jacques, François
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Guillemette, Nancy
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Hivon, Véronique
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Blais, Suzanne
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Hébert, Geneviève
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Picard, Marilyne
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Picard, Marilyne
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Guillemette, Nancy
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Birnbaum, David
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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Guillemette, Nancy
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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Hivon, Véronique
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Guillemette, Nancy
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Hivon, Véronique
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Jacques, François
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Hébert, Geneviève
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Birnbaum, David
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Guillemette, Nancy
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Birnbaum, David
9 h (version révisée)
(Neuf heures une minute)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Bonjour, tout le monde. Donc, bienvenue à cette séance de la Commission
spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie. Ayant
constaté le quorum, je déclare la séance ouverte.
Donc, la commission est réunie
virtuellement afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions
publiques sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La Secrétaire
: Non,
Mme la Présidente.
Auditions (suite)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, ce matin, nous entendrons par visioconférence le Dr Judes Poirier et, par la suite, le Dr Félix Carrier. Donc,
bienvenue avec... parmi nous ce matin, Dr Poirier. Comme on vous l'a déjà
mentionné, vous avez 20 minutes pour nous présenter votre exposé, et, par
la suite, il y aura un échange avec les membres de la commission pour une
période de 40 minutes. Donc, je vous cède la parole.
M. Judes Poirier
M. Poirier (Judes) : Merci, Mme la Présidente. Bien le bonjour à tout le monde ce matin. Je
suis très, très heureux et très honoré d'avoir été invité et accepté à cette
commission, vous allez voir, un petit peu plus tard, pourquoi, parce
qu'essentiellement je porte trois chapeaux distincts.
D'une part, je suis, donc,
chercheur généticien qui étudie la maladie d'Alzheimer depuis 35 ans. Donc,
c'est mon champ d'expertise. Et, dans la période des questions, je vous
suggérerais d'en profiter si vous avez des questions de toutes sortes sur la
maladie d'Alzheimer. C'est mon champ d'expertise.
Deuxièmement, je suis un
enfant de deux parents alzheimer. Donc, j'ai non seulement eu à vivre la
maladie comme chercheur, mais aussi comme aidant naturel dans les deux cas, mon
père en premier, ma mère quelques années plus tard. Donc, j'ai fait le parcours
avec eux qu'on voit dans les livres. Je l'ai vécu de près et de façon très
émotive.
Troisièmement, étant
chercheur, bien, je ne vous cacherai pas que je connais les facteurs de risque
de la maladie d'Alzheimer et de mon héritage personnel familial. J'ai un risque
qui est triplé à cause de ma double histoire parentale. Et mes petits problèmes
cardiovasculaires liés au diabète doublent ce chiffre. Donc, j'ai 600 %
plus de risque d'avoir la maladie d'Alzheimer que quelqu'un qui n'a pas ces <facteurs
de risque. Donc...
M.
Poirier (Judes) :
...personnel,
familial. J'ai un risque qui est triplé à cause de ma double histoire
parentale. Et mes petits problèmes cardiovasculaires liés au diabète doublent
ce chiffre. Donc, j'ai 600 % plus de risques d'avoir la maladie
d'Alzheimer que quelqu'un qui n'a pas ces >facteurs de risque. Donc,
trois chapeaux : chercheur, enfant de parents... aidant naturel et
personne hautement à risque. Donc, les travaux de votre commission me sont...
me tiennent très à coeur.
Si vous me permettez, je pensais diviser
ma présentation en trois segments distincts. Un petit rappel de ce qu'on
connaît de la maladie d'Alzheimer en 2021. Je vais être assez bref. Et, comme
je vous dis, je vous laisse le soin, dans la période des questions, de cibler peut-être
plus les questions sur des choses qui vous apparaissent pertinentes au dossier
qui nous intéresse. Je vais vous glisser un petit mot sur l'expérience
hollandaise, belge et suisse sur l'aide médicale à mourir, mais dans le
contexte bien spécifique de la maladie d'Alzheimer.
Vous pouvez peut-être diverger un petit
peu vers les problèmes de santé mentale, parce que je travaille dans un hôpital
psychiatrique depuis 35 ans et je suis professeur de psychiatrie, mais
j'ai pensé me contenter de me cibler sur la maladie d'Alzheimer. Et, comme je
vous l'ai dit, ayant été... ayant eu une expérience personnelle double de maladie
d'Alzheimer, et puis elle n'est pas double, je vais être franc avec vous, j'ai
des oncles et des tantes dont j'ai dû aider les cousins, et les cousines, et
les beaux-parents à gérer la situation, donc j'ai une très, très bonne
connaissance de la réalité, la fin de vie des alzheimers.
Cela dit, la maladie d'Alzheimer,
en 2021, c'est quoi, c'est un petit groupe de gens qui sont fortement,
génétiquement liés à la maladie. On parle de 2 % à 3 % de tous les
cas de la maladie d'Alzheimer qui ont une cause génétique clairement établie
avec des gènes causatifs. Donc, nous connaissons les causes de ses formes
extrêmes, agressives et jeunes. Et je pense que vous avez eu ou vous allez
avoir le témoignage d'une de ces personnes ayant hérité d'une anomalie
génétique qui la met essentiellement à 100 % de risque, ce qui est pas mal
plus que moi.
Cela dit, le reste de ce qu'on appelle la maladie
d'Alzheimer, la forme commune de la maladie d'Alzheimer, elle est
essentiellement multifactorielle. Il y a une composante génétique qui
représente 60 % à 70 %, mais qui n'est pas causative. Donc, ça vous
met à risque d'avoir la maladie, mais on doit avoir ce risque génétique combiné
à autre chose. Les plus communs de ces autres facteurs de risque, qu'on
qualifie d'environnementaux ou liés au style de vie, on a des choses comme
l'hypertension, qui est un facteur de risque alzheimer. On a des choses comme
le cholestérol élevé non contrôlé, facteur de risque alzheimer. Le diabète, je
vous l'ai <mentionné...
M.
Poirier (Judes) :
...les plus
communs de ces autres facteurs de risque qu'on qualifie d'environnemental ou
liés au style de vie. On a des choses comme l'hypertension, qui est un facteur
de risque alzheimer, on a des choses comme le cholestérol élevé non contrôlé,
facteur de risque alzheimer. Le diabète, je vous l'ai >mentionné. L'obésité
a joint la liste il n'y a pas tellement longtemps, facteur de risque bien
établi pour la maladie d'Alzheimer. Donc, c'est cette interaction gènes, et
facteurs environnementaux, et/ou liés au style de vie qui vont déclencher une
maladie dite de forme commune, sous un chapeau où on hérite de nos parents des
facteurs de risque qui augmentent ou diminuent le risque d'avoir la maladie.
Les traitements, en 2021, c'est
terriblement triste. Le dernier approuvé date de 2003. Ce n'est pas qu'on n'a
pas essayé d'en mettre au point. Il n'y en a pas un qui a fonctionné dans les
175 qui ont été testés depuis 2003. Et quatre médicaments qu'on possède
aujourd'hui sont des médicaments dits symptomatiques. Ce ne sont pas des
médicaments qui visent des processus fondamentaux de la maladie. Ils font
simplement stimuler la mémoire à travailler un peu plus fort. Donc, on les
appelle symptomatiques parce qu'ils aident les symptômes, mais souvent pendant
une période qui va varier de quelques mois à un an et demi, deux ans dans les
meilleurs des cas.
Généralement, quand on regarde les gens
qui répondent aux médicaments et ceux qui ne répondent pas, il y en a à peine
30 %, que ce soit n'importe lequel des quatre médicaments, 30 % chez
qui on va voir une légère amélioration au niveau de la mémoire, mais en rien
cela ne ralentit ou retarde la progression de la maladie d'Alzheimer. Et les
70 % restants, c'est soit une stabilisation relative pendant quelques mois
et le retour du déclin ou, littéralement, chez 30 % des patients,
absolument aucun bénéfice de ces médicaments-là. Donc, on voit, dans ce
contexte-là, c'est assez triste, le développement médicamenteux dans le
contexte de la maladie d'Alzheimer. Les effets bénéfiques sont faibles, de
courte durée et, essentiellement, ne permettent pas de dire : Bien, on va
retarder la maladie jusqu'à mourir d'autre chose. On n'est pas, mais vraiment
pas rendus là.
Je suis aussi impliqué dans le
développement médicamenteux. Donc, vous allez peut-être me demander qu'est-ce
qui en est des médicaments en développement. Ce n'est pas plus rose. On a
perdu, depuis 2018, 14 médicaments intéressants. Chaque fois qu'on en perd
un, on parle de quelques centaines de millions de dollars d'investissement, là,
pour développer. Donc, ce n'étaient pas des candidats douteux. C'étaient des
candidats prometteurs, mais qui se sont tous écroulés, qui ont tous échoué les
uns après les autres. Et ce qui reste présentement dans le tuyau, pour faire un
mauvais jeu de mots anglais, ce n'est pas grand-chose, et rien qui, à court
terme, va nous donner un médicament qui va soit <reporter soit...
M.
Poirier (Judes) :
...douteux.
C'était des candidats prometteurs, mais qui se sont tous écroulés, qui ont tous
échoué les uns après les autres et ce qui reste présentement dans le tuyau,
pour faire un mauvais jeu de mots anglais, ce n'est pas grand-chose et rien qui,
à court terme, va nous donner un médicament qui va soit >reporter soit
stopper la maladie. Et la renverser, bien, c'est encore moins probable, je
dirais, même, c'est quasi impossible à court terme.
• (9 h 10) •
Donc, on est pris avec des vieux
médicaments qui ne fonctionnent pas terriblement bien, ce qui nous laisse quoi
entre les mains? Ça nous laisse une maladie qui progresse lentement, mais
inexorablement. C'est une maladie qui progresse en forme de «s». Elle est très
lente dans son début. Elle décline très lentement. C'est pour ça que, quand on
a un diagnostic de maladie d'Alzheimer, souvent, les patients, ou les conjoints
de patients, ou les enfants des patients vont nous demander : Oui, mais
vous avez donné un diagnostic d'Alzheimer à papa, il faut lui enlever sa
voiture. Non, absolument pas. Les gens qui sont en début de maladie sont tout à
fait fonctionnels. Le déclin, au début, c'est surtout la mémoire, mais le
déclin qui, je dirais, affecte des centres un petit peu plus importants, comme
le jugement, vont être atteints vers le milieu de la maladie.
Donc, au début, c'est très lent et ça
décline très lentement. Et, à partir de ce qu'on appelle la phase légère à
modérée, là, on tombe vraiment en bas d'une pente de ski. Le déclin se veut
très rapide, très constant, presque linéaire. Et, finalement, quand on arrive
dans la portion que je qualifierais sévère, là, on a sept stades qu'on
utilise pour quantifier la progression de la maladie, les stades 6 et 7,
donc, les derniers, redeviennent très lents. Certains patients peuvent étirer
ça sur plusieurs années, d'autres, ça va être un petit peu plus court. Bref, c'est
la combinaison des facteurs de risque qui vont dicter la vitesse de progression
une fois que la maladie se déclare.
Donc, de façon typique, on parle d'une
progression qui varie de huit à 11 ans, mais qui, comme je vous
l'ai dit, dans sa phase du milieu, est très rapide. Quand on parle de capacité
à prendre des décisions, je vous dirais qu'il n'y a pas de problème dans la
phase légère. C'est quand on arrive à la phase un petit peu plus modérée où là
on peut remettre en question les capacités de jugement d'une personne, de là
l'importance de toute la notion de directive anticipée, surtout dans le
contexte de la maladie d'Alzheimer, et, ça, on pourra s'en reparler dans la
période des discussions.
Donc, ça vous brosse une espèce de tableau
général. Donc, c'est une maladie qui, présentement, est incurable. On ne voit
pas, à court terme, de solution au problème. Donc, on va vivre sûrement, les
10 ou 15 prochaines années, avec des décisions qui ont un impact
direct sur les travaux de la commission. On a une maladie qui progresse
inexorablement, et ce qui est un peu triste, et j'en suis un des témoins. Et,
comme c'est une maladie qu'on retrouve <beaucoup...
M.
Poirier (Judes) :
...
sûrement
les 10 ou 15 prochaines années avec des décisions qui auront un
impact direct sur les travaux de la
commission. On a une maladie qui
progresse inexorablement, et ce qui est un peu triste, et j'en suis un des
témoins, et comme c'est une maladie qu'on retrouve >beaucoup dans la
famille, parce qu'il y a une forte composante génétique, les gens qui sont
susceptibles d'invoquer soit des directives anticipées ou demander l'aide
médicale à mourir, ce sont des gens qui ont généralement eu l'expérience de la
maladie de très proche, et surtout en fin de vie. Donc, c'est par expérience et
non pas par philosophie souvent que ces gens-là font la demande ou espèrent
avoir l'opportunité de pouvoir faire la demande.
Ça m'amène à la deuxième portion de ma
présentation qui est un petit survol des dernières avancées du côté des pays
européens, qui ont inclus la maladie d'Alzheimer dans la liste des maladies
susceptibles d'être utilisées dans le contexte de l'aide médicale à mourir.
On commence avec les Pays-Bas, qui a mis
en place une loi en 2005, mais, on ne se le cachera pas, pendant une dizaine
d'années, a eu beaucoup de difficultés à appliquer la loi dans... au sein des
maladies mentales de façon générale, et en particulier avec la maladie d'Alzheimer.
En 2018, l'Association médicale royale a finalement établi des directives très,
très claires. Et, très récemment, en avril 2021, la Cour suprême des Pays-Bas a
reconfirmé le droit aux directives anticipées dans le contexte spécifique de la
maladie d'Alzheimer.
Je vous donne des chiffres qui m'ont un
peu surpris puis, en même temps, qui m'ont un peu rassuré. En 2018, on parlait
de 6 126 patients qui ont demandé l'aide médicale à mourir aux
Pays-Bas, et, de ce nombre, des 6 126, 144 ont fait une demande alors
qu'ils étaient diagnostiqués avec la maladie d'Alzheimer en phase légère à
modérée. Donc, je vous expliquais tout à l'heure, dans la phase légère, il n'y
a pas vraiment de problème de jugement. Il y a surtout des petites absences,
des problèmes cognitifs, donc, des capacités de se rappeler, de retrouver un
petit peu son chemin dans l'espace à trois dimensions, mais on ne parle pas
d'un jugement compromis.
Quand on arrive à la phase modérée vers le
sévère, là, ce n'est plus la même situation. Donc, 144 sur 6 126 ont eu
l'autorisation d'avoir l'aide médicale à mourir, et, de ce groupe, deux ont eu...
ont fait appel à des directives anticipées. C'est-à-dire que les directives
avaient été écrites, et la famille a demandé à ce qu'on les respecte. Donc, 144
sur 6 000 d'Alzheimer, et deux sur 144 ont fait appel aux directives <anticipées...
M.
Poirier (Judes) :
...on fait appel
à des directives anticipées, c
'est-à-dire que les directives avaient été
écrites, et la famille a demandé à ce qu'on les respecte. Donc, 144 sur 6
000
d'Alzheimer et deux sur 144 ont fait appel aux directives >anticipées,
et ce, évidemment, par l'intermédiaire des familles car ces gens-là, eux, ils
étaient dans le modéré-sévère. Ils avaient été très fermes dans leur vouloir de
terminer leur vie avant de finir leurs jours de la façon habituelle, et je vais
vous glisser un mot de ce qui est de la façon habituelle de mourir d'une
maladie d'Alzheimer.
En Belgique, pour la même période, 2018...
Donc, pour les Pays-Bas, c'est... 2,4 % de toutes les demandes d'aide
médicale à mourir provenaient du groupe Alzheimer et maladies apparentées. En
Belgique, c'est aussi 2,4 %. On ne différencie pas ceux qui avaient des
directives médicales anticipées de ceux qui n'en avaient pas. C'est un
phénomène très, très récent en Belgique, les directives anticipées. Donc, je
suspecte que ce n'est pas comptabilisé ou ce n'est pas encore rendu public. La
Belgique fonctionne beaucoup par unités, par entités administratives régionales.
Donc, je pense que c'est un peu plus difficile de colliger les chiffres, mais
ce qui est rassurant, c'est que, dans ces deux pays...
Et j'ai aussi sorti les chiffres de la
Suisse, en excluant les étrangers, parce qu'en Suisse, évidemment, il y a
beaucoup de Canadiens qui ont recours à l'aide médicale à mourir et peuvent le
faire, ce qui n'est pas possible du côté de la Belgique ni des Pays-Bas. Il
faut être un résident natif du pays en question. Donc, la Suisse, pour ses
résidents, on parle aussi, dans le cas des troubles mentaux et du comportement,
donc, une espèce de grande catégorie qui inclut la santé mentale et la maladie
d'Alzheimer, on est aussi autour de 2 % à 3 %.
Donc, on voit, à tout le moins, moi ça a
été ma perception et un peu ma surprise, que ce n'est pas beaucoup de monde
quand on fait le tour de la situation. Je ne vous cacherai pas, là, 65 %
de ce groupe qui fait la demande anticipée, c'est le cancer, on ne s'en
surprend pas, suivi des maladies cardiaques, suivi, après ça, des maladies
neurologiques classiques, qui sont maintenant autorisées avec la nouvelle loi.
Donc, ça nous laisse 2,4 %, 3 % des gens qui ont fait la demande et
qui ont reçu l'aide médicale à mourir.
Le Luxembourg a aussi une situation
similaire, mais je n'ai pas été capable de trouver des situations spécifiques
au niveau de la santé mentale et de la maladie d'Alzheimer. Ils ont des
chiffres globaux qui ne nous en disent pas tellement.
Je vais finir peut-être avec une dernière
observation qui m'a surpris, en parlant des collègues américains. Bon, vous
savez qu'aux États-Unis il y a quelques États qui permettent l'aide médicale à
mourir. C'est un véritable combat du <soldat de...
M. Poirier
(Judes) :
...qui ne nous en disent pas
tellement.
Je vais finir
peut-être avec une
dernière observation qui m'a surpris en parlant des
collègues
américains. Bon. Vous savez qu'aux
États-Unis il y a
quelques
États
qui permettent
l'aide médicale à mourir. C'est un véritable combat du >soldat
de passer au travers des étapes. Il faut avoir rencontré deux médecins. Il faut
avoir pris un mois de réflexion. Il faut faire la demande par écrit. Ça va à un
comité, ça revient. Je parle de l'Oregon, de l'État de Washington. Bref, on s'est
arrangés pour que ça soit terriblement compliqué, et pour ne pas que ça arrive,
et l'Alzheimer est généralement exclu de la législation dans les États
américains.
Cela dit, il y a un chiffre qui est assez
désopilant, qui existe. Les Américains ont 300 millions d'armes. Donc, le
suicide par arme à feu, il est commun aux États-Unis. Or, il s'avère qu'aux
États-Unis 8 % des suicides par arme à feu sont des gens avec maladie
d'Alzheimer. Donc, vous voyez que, dans une situation où il n'y a pas vraiment
de paramètre nolisé, il n'y a pas de... balisé, je veux dire, il n'y a pas, je
vous dirais, de support, d'aide formelle bien structurée, bien, les gens font
ce qu'ils peuvent grâce à la facilité des armes à feu, et, à 8 %, bien, on
est à trois fois les taux qu'on observe dans les pays européens où c'est permis
et c'est bien structuré.
Donc, je pense que c'est un peu
révélateur. Bien sûr, ça n'a rien à voir avec le Canada, mais ça nous montre à
quel le désespoir, quand les opportunités se présentent... sont nettement plus
désagréables à constater que ce qu'on observe dans les pays européens, où les
structures sont en place et de l'accompagnement se fait de façon tout à fait
correcte.
• (9 h 20) •
La dernière portion de ma présentation,
essentiellement, vise à vous parler, en partie, de mon expérience personnelle,
mais aussi ce que je sais et je connais de la maladie d'Alzheimer comme
chercheur, c'est la fin de vie. On ne meurt pas de maladie d'Alzheimer. L'Alzheimer
vous amène à un état de dégradation sévère tel que vous devenez vulnérable à
n'importe quelle infection. La cause la plus fréquente de décès chez les
patients alzheimer, c'est la bronchopneumonie. Vous vous en doutez, dans la
dernière année, la bronchopneumonie a été supplantée. Les chiffres que j'ai
vus, c'est que 70 % des gens décédés dans les CHSLD de la COVID étaient
des alzheimer, parce que l'alzheimer vous amène à un état de faiblesse tel,
dans les dernières années, surtout les derniers mois, que ce sont les
infections qui vous tuent.
Et ça, ça veut dire quoi en termes
concrets? Ça veut dire que, dans les derniers mois de votre vie, vous n'êtes
plus capable de vous nourrir vous-même. Donc, un certain temps, on va vous <nourrir,
mais...
M.
Poirier (Judes) :
...dans les derniers... la dernière...
les dernières années, surtout les derniers mois, que ce sont les infections qui
vous tuent.
Et ça, ça veut dire quoi, en termes
concrets?
Ça veut dire que, dans les derniers mois de votre vie, vous
n'êtes plus capable de vous nourrir
vous-même. Donc, un certain temps,
on va vous >nourrir, mais il y a une atrophie au niveau de la gorge et
la capacité d'avaler disparaît. Ça veut dire que, si vous n'avez pas donné de
directive anticipée, on va vous insérer des tubes et on va essayer de vous
faire vivre un bon bout de temps. Si vous avez donné des directives — pas
d'acharnement thérapeutique — bien, on va tout simplement supprimer
ces opportunités-là, et vous allez effectivement mourir de faim et de soif
jusqu'à ce que l'infection vous tue. C'est ça que les gens qui ont vécu la maladie
d'Alzheimer connaissent de leurs parents, de leurs oncles, de leurs
grands-tantes, et qui est au coeur de ce débat.
J'ai toujours eu beaucoup de difficulté,
et je vais terminer là-dessus, avec la notion qu'on ne reconnaisse pas la
douleur psychologique. Cette douleur psychologique, elle n'est pas seulement
vécue au moment où on a un diagnostic et dans les années qui suivent, mais elle
est présente tout au long de la maladie. Et, mon expérience personnelle, à
plusieurs reprises, mon père et ma mère, deux fois, m'ont demandé de les aider
à mourir, ce que je ne pouvais évidemment pas faire parce qu'on n'était pas
rendus là comme société, et je les ai vus mourir de la façon dont je viens de
vous décrire. Donc, j'espère qu'on va maturer suffisamment comme société pour
tenir compte des souhaits et de la volonté des gens qui vivent cette terrible
maladie.
Je vais arrêter ici et répondre à vos
questions si vous voulez bien.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dr Poirier. Donc, je céderais maintenant la parole au député de
Chomedey.
M. Ouellette : J'ai deux
minutes, Dr Poirier. Je vais avoir une question. Vous êtes membre de notre
commission ce matin. Vous recommandez quoi aux membres de notre commission avec
vos 35 ans d'expérience? Tout ce que vous en avez vu, ce que vous venez de
nous dire, qui est éclairant, vous n'avez pas d'idée, mais vous nous
recommandez quoi, comme membres de la commission, y aller complètement, ouvrir
complètement? J'ai besoin d'avoir votre expertise à matin.
M. Poirier
(Judes) : Pour ce qui est des cas de santé mentale, je vais me
réserver une petite gêne, parce que la situation est complexe. Dans le cas de
la maladie d'Alzheimer, c'est très clair, c'est une maladie neurologique aussi
grave et aussi biologique que la sclérose latérale amyotrophique, qui est
maintenant... fait partie des maladies qu'on peut invoquer pour l'aide médicale
à mourir. L'Alzheimer devrait faire partie. L'Alzheimer devrait faire partie
sur une base volontaire quand on est dans les phases léger à modéré, comme je
disais, alors que le jugement est toujours là. Évidemment, on ne devrait pas
faire <comme les...
M.
Poirier (Judes) :
...fait partie des maladies
qu'on
peut invoquer pour
l'aide médicale à mourir, l'alzheimer devrait faire
partie. L'alzheimer devrait faire partie sur une base volontaire quand on est
en dans les phases léger à modéré, comme je disais, alors que le jugement est
toujours
là.
Évidemment, on ne devrait pas faire >comme les Américains,
multiplier à outrance des duplications de confirmations de médecins. On devrait
faire ça simple avant qu'ils ne perdent la capacité de donner un consentement
éclairé. Et les directives anticipées devraient être disponibles pour les gens
qui veulent utiliser cette voie-là. Comme je vous ai montré avec les chiffres
européens, ce n'est pas la catastrophe. Ce n'est pas tant de monde que ça qui
utilise l'avenue. Je suspecte les gens, compte tenu du petit nombre... que c'est
des gens qui connaissent la forme familiale, agressive, mortelle et de très
courte durée. Ils ont cinq ans de qualité de vie une fois qu'ils ont le
diagnostic. Donc, eux, ils ont d'autant plus le droit d'avoir accès aux aides
médicales... aux directives anticipées. C'est ma position.
M. Ouellette : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée
de Joliette.
Mme
Hivon
: Oui,
bonjour. Merci beaucoup, Dr Poirier. C'était une excellente présentation,
très éclairante et très humaine.
Moi, je voudrais vous amener sur la question
de la souffrance. Donc, en ce moment, dans les critères de l'article 26 de
la loi, au moment de la demande, il faut, donc, répondre à tous les critères,
dont celui de la souffrance, qui peut être autant physique, hein, que
psychique. Donc, elle est déjà admise, mais quand la maladie est d'abord
physique. Et, dans le cas d'une demande anticipée, est-ce que, compte tenu de
toute votre expertise, vous pensez qu'une personne devrait pouvoir dire, avec
beaucoup de détails, à l'avance ce qu'elle ne veut pas vivre, donc, comme
situation? Beaucoup nous amènent des éléments, je dirais, liés, dans notre
conception générale, avec la dignité, hein, ne plus être capable de
m'alimenter, de prendre soin de moi, de reconnaître mes proches. Certains
disent, par ailleurs : Est-ce que ça, ça rencontre, en temps contemporain
de l'administration, le critère de souffrance?
Est-ce que, donc, on devrait penser à
quelque chose, si on allait de l'avant, qui détaille les circonstances ou,
plutôt, dire : Moi, si je suis dans un état de souffrance psychologique ou
physique de manière générale, je voudrais recevoir l'aide médicale à mourir? Et
peut-être en précisant le stade... Mais j'aimerais vous entendre là-dessus,
l'aspect souffrance versus l'aspect de dignité qui peut faire aussi partie de
la souffrance, mais comment vous voyez ça. Comment on pourrait le définir à
l'avance?
M. Poirier
(Judes) : C'est un point fondamental. Je vous remercie de la
question. Écoutez, quand on arrive dans les stades modérés, non seulement notre
capacité <d'effectuer...
Mme
Hivon
:
...comment on pourrait le définir à l'avance?
M.
Poirier (Judes) :
C'est un point fondamental. Je vous
remercie de la
question.
Écoutez, quand on arrive dans les stades
modérés,
non seulement notre capacité >d'effectuer, je vous
dirais, des jugements éclairés est fortement amochée, et la capacité de
s'exprimer, que ce soit autant exprimer les émotions que d'exprimer
cohésivement une idée, est aussi gravement affectée. Donc, si vous vous
attendez à ce qu'il puisse vous offrir une réponse claire, sans ambiguïté, ça
n'arrive pas, parce que c'est la nature même de la maladie, et la souffrance,
elle est là. Elle est là dans le sens où, et je vous le rappelle, c'est une
maladie incurable, neurologique, neurodégénérative.
Donc, elle répond sensiblement au même
descriptif que la maladie de Lou Gehrig, qui, elle, par contre, affecte peu ou
pas le cerveau, la conscience, le jugement, mais dégrade les fonctions
musculaires puis, éventuellement, vous étouffe parce que vos muscles
s'atrophient, mais ce sont deux maladies neurodégénératives. C'est juste que,
dans le cas de l'Alzheimer, ça frappe les centres du cerveau qui vous
rassureraient en vous donnant la réponse que vous voulez entendre comme
médecin, à savoir : Je veux mourir là. Le patient ne peut pas et ne peut
plus le faire, mais la souffrance est là. La dégénérescence est là.
Et là je vous parle du scientifique qui
vous dit : On fait des scans, on voit les fameuses plaques amyloïdes. On
sait que la personne est rendue à tel stade. Cette année, vous allez voir
apparaître sur le marché des tests sanguins qui permettent non seulement
d'identifier les gens à risque à l'avance, avant même l'arrivée de la maladie,
mais la progression de la maladie dans le temps, et on pourra, avec les tests
sanguins, mesurer des changements biologiques bien particuliers qui vont vous
dire : Ah bien! Vous êtes en milieu, ou en début, ou à la fin. Donc, je
vous dirais, d'ici peut-être deux, trois ans, vous aurez même des outils diagnostics
qui vont vous dire où se situe le patient dans le spectre, mais c'est sûr que,
si vous mettez comme condition que le patient doit pouvoir contribuer à la
décision, c'est impossible. C'est impossible parce que c'est à ce moment-là
qu'on ne peut plus avoir de réponse claire.
Pour ce qui est de la dignité, je vais
vous dire, pour moi, c'est 80 % de l'histoire, parce qu'on ne meurt pas
dignement de l'Alzheimer.
• (9 h 30) •
Mme
Hivon
: O.K.,
ma question, ce n'était pas... Parfait, merci beaucoup. C'est excellent, tout
ce que vous nous dites, mais, justement, moi, je me projette. Je viens de
recevoir un diagnostic. Je veux inscrire dans mes directives anticipées ce qui,
pour moi, est intolérable comme souffrance ou comme souffrance existentielle à
cause de perte de dignité. Vous nous recommandez quoi? Est-ce que la personne,
au début de sa maladie, devrait, alors qu'elle est tout à fait apte, écrire
dans le détail : Quand je suis rendu là, je veux qu'on m'administre l'aide
médicale à mourir, ou, plutôt, de dire : Quand je vais démontrer des
signes de <souffrance qui...
>
9 h 30 (version révisée)
<27
MmeHivon: ...Vous nous recommandez quoi? Est-ce que la
personne, au début de sa maladie, devrait, alors qu'elle est tout à fait apte,
écrire dans le détail : Quand je suis rendu là, je veux qu'on m'administre
l'aide médicale à mourir, ou, plutôt, de dire : Quand je vais démontrer des
signes de >souffrance qui peuvent être mesurés par l'équipe traitante,
je veux qu'on m'aide à mourir?
La raison pour laquelle je vous pose cette
question-là, c'est qu'on nous amène la notion, puis encore hier, Félix Pageau
l'a amené, de démence heureuse. Donc, une personne pourrait avoir multiplié les
dires à l'effet qu'elle va vouloir l'aide médicale à mourir rendu à un stade
plutôt avancé, mais qu'elle a encore des moments, je dirais, de sérénité,
qu'elle aime la musique, qu'elle démontre de la joie quand elle voit des gens.
Et donc qu'est-ce qui doit avoir préséance, ce qu'elle nous a dit ou, si elle
est dans un état ne semble pas souffrir, on laisse tomber la demande parce que
le critère serait moins respecté?
M. Poirier
(Judes) : Bien, c'est... vous demandez essentiellement au
médecin qui interprète cette douleur ou ce bonheur abstrait, avec lequel, je
vais être franc avec vous, je n'adhère pas. C'est l'euphorie. Vous savez, il y
a des drogues qui vous stimulent les mêmes régions du cerveau. Ne croyez pas
que cette bienheurosité que vous me décrivez, ce n'est pas un changement
neurochimique clairement défini lié à la maladie. C'est... Il y a des
dégénérescences, il y a des compensations, il y a des changements, certains
vont l'avoir, d'autres ne l'auront pas, mais cela dit, à partir du moment où le
jugement n'est plus là, et que là... et on ne peut plus exprimer la détresse,
l'anxiété ou la peur, et comme je vous ai dit, quand on a vécu ça déjà, on sait
exactement où on s'en va, on va mourir étouffé dans des liquides qui
remplissent nos poumons, bien, probablement qu'à l'époque où nous étions très
éveillés ou, à tout le moins, avions toutes nos facultés, nous avions un
jugement et une portée de jugement qui était beaucoup plus sereine que ce que
sont des changements dus aux bouleversements de la maladie.
Vous savez, en dépression, ou je prends,
par exemple, la bipolarité, tu sais, vous avez des gens, si vous leur parlez,
ils sont en phase dépressive, ils vont vouloir mourir le lendemain matin, mais
vous attendez quelques semaines et puis là, ils vont être dans le «high», puis
là ils vont être d'un bonheur parfait. Bon, bien, si vous choisissez toujours
les «high», bien, il n'y aura jamais vraiment de discussion à savoir est-ce
que, ou non, on devrait accorder l'aide médicale à mourir. Ça fait partie de la
maladie, il faut le sortir de l'équation. La seule façon de le faire, c'est de
reculer dans le temps et de voir ce que les gens veulent. Oui, il y a, comme
vous dites, le pseudobonheur, je ne crois pas que c'est du bonheur, et il y a
la dignité, et ça... En tout cas, ça, c'est mon biais à moi personnel, je ne
veux pas mourir comme mes parents.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Dr Poirier. Merci, Mme la députée. Donc, si je peux me
permettre, vous rendriez la demande exécutoire.
M. Poirier
(Judes) : Bien, je pense que, je vais <encore une fois
reculer...
M.
Poirier (Judes) :
...
ça, c'est
mon biais à moi personnel, je ne veux pas mourir comme mes parents.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Dr Poirier. Merci, Mme la députée. Donc, si je peux me permettre,
vous rendriez la demande exécutoire.
M.
Poirier (Judes) :
Bien, je pense que, je vais >encore
une fois reculer, les Belges, les Hollandais ont 15 ans d'avance sur nous.
La famille fait «partie de», c'est-à-dire que, si c'est exécutoire, je dirais
qu'il faut qu'il y ait quand même... il faut que ce soit endossé par, si ce
n'est pas la personne elle-même, la famille proche, un peu de la même façon que,
dans un testament, on délègue à un mandataire le soin de disposer de nos objets
selon nos volontés. On peut très certainement faire la même chose et apparier
ça, essentiellement, avec un dernier... je ne sais pas si c'est un droit de
veto ou un droit de regard, à quelqu'un qui a été désigné. C'est... écoutez,
dans le livre que j'ai écrit, qui est paru l'année passée, le chapitre IX,
c'est exclusivement les grandes décisions à prendre dans la maladie
d'Alzheimer, puis la première, c'est : Parlez donc à votre famille pour
dire comment vous voulez que votre fin de vie se passe, de même que les
directives anticipées mais non liées à l'aide médicale à mourir. Faites votre
testament s'il n'est pas fait. Essentiellement, je dis aux gens qui ont un
diagnostic, là : Ce n'est plus le temps d'attendre. Bien, on peut exiger
la même chose, je pense, à ce niveau-là, au niveau d'un mandataire dont le rôle
serait, je dirais, idéalement d'endosser la décision qui a été mise de l'avant
il y a longtemps, et, à moins que les circonstances changent.. mais, là encore,
il faut quand même que le corps médical soit clair. Comme je vous disais, le
cerveau dégénère. Il y a peut-être une expression, un sentiment de bonheur
chimique qui se manifeste, mais ça ne veut pas nécessairement dire que c'est un
vrai bonheur, comme l'ecstasy n'est pas du vrai bonheur.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je céderais la parole à la députée de Soulanges.
Mme Picard : Dr Poirier, vos
raisons sont vraiment éclairantes ce matin, elles nous apportent vraiment
beaucoup de questionnements. La question que j'aurais, c'est : Sur le
terrain, les gens qui sont atteints d'Alzheimer, est-ce que vous pensez que
c'est en majorité, en totalité des gens qui aimeraient se prévaloir de l'aide
médicale à mourir? La plupart des gens, ou comment vous quantifiez un peu, là,
le...
M. Poirier
(Judes) : Oui. Écoutez, moi, je vous dirais que, expérience
personnelle familiale, j'en ai beaucoup, dans ma famille, mais aussi je dirige
un centre de prévention de la maladie d'Alzheimer, un centre de recherche, où
je côtoie, essentiellement, 400 enfants de patients Alzheimer. Donc, on ne
se cachera pas que j'ai souvent ces conversations-là. Je ne vous dirais pas que
c'est une majorité, je vous dirais que c'est une minorité. La minorité qui l'a
eue, je suspecte, dure, les <soins en fin de vie ne sont pas...
M. Poirier
(Judes) :
...
côtoie,
essentiellement, 400 enfants de patients Alzheimer. Donc, on ne se cachera
pas que j'ai souvent ces conversations-là. Je ne vous dirais pas que c'est une
majorité, je vous dirais que c'est une minorité. La minorité qui l'a eue, je
suspecte dure, les >soins en fin de vie ne sont pas uniformes partout.
La dernière période peut être difficile, dépendant de l'institution où se
trouvent les gens.
J'ai des gens qui ont eu... qui ont
accompagné leur parent jusqu'en fin de vie à la maison, avec beaucoup de
sédation, là, on ne se le cachera pas, et qui ont vécu ça moins difficilement
qu'en CHSLD. Le CHSLD, bon, c'est particulier, je pense que tout le monde s'en
doute, là. Cela dit, je ne pense pas que c'est une majorité, et je pense que
c'est une minorité qu'on voit se refléter dans les chiffres européens que je
vous ai donnés. C'est pour ça que j'ai insisté, ce matin, pour mettre ça dans
ma présentation. On est à 2,4 %, 3 % de tous les cas qui ont fait une
demande, la majorité étant des gens de cancer, où, là, on sait que la douleur
physique, elle est très claire. On peut supposer que la douleur émotionnelle,
psychique des gens qui restent, dans le cas de la maladie d'Alzheimer, elle est
claire, elle est réelle.
Et il y a cette notion qui, je pense, est
plus importante que la douleur, la notion de dignité. Et celle-là, elle emporte
beaucoup de votes, je dirais, peut-être plus que la notion de douleur. Je vous
rappelle que le cerveau est incapable de détecter la douleur physique à l'intérieur,
donc ces milliards de neurones qui meurent chaque jour, quand on a l'Alzheimer,
on ne le perçoit pas, mais pas du tout. Donc, ce qui nous reste, c'est
l'absence de choses qu'on connaissait. C'est ça, dans le fond, c'est la perte,
il n'y a pas d'autre façon de voir. C'est qu'avant, je sais que je pouvais
faire ça, maintenant, je ne peux plus, mais c'est pour ça que ce n'est pas
blanc et noir, hein? C'est un gradient, c'est un spectre, et c'est très
difficile à gérer, dans ce sens-là, pour une décision finale, là.
Mme Picard : Merci beaucoup.
Merci. Je vais laisser ...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je passerais la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Poirier. C'est très intéressant
parce que vous nous avez fait, aussi, un préambule de statistiques et aussi des
recherches. J'ai une petite question, vite, comme ça. Quand vous dites :
La recherche, là, ce n'est pas très, très avancé, hein? Il n'y a pas de
médicament miracle. C'est d'un point de vue mondial?
M. Poirier
(Judes) : Oui, oui, malheureusement, c'est... Je peux... très,
très brièvement. On avait identifié une cible, un processus biologique
particulier qui, depuis 2003, là, on assaille avec des vaccins, avec des
agents chimiques, avec plein de choses, et puis, finalement, ces dernières
années, on a réussi à faire exploser l'anomalie biologique, là, qui est dans
notre cerveau, et ça ne change absolument rien. Donc, ça a été long, de se
rendre là, on a réussi à faire exploser, on les appelle les <plaques
séniles, on les enlève, on...
M.
Poirier (Judes) :
... on assaille
avec des vaccins, avec des agents chimiques, avec plein de choses, et puis,
finalement, ces dernières années, on a réussi à faire exploser l'anomalie
biologique, là, qui est dans notre cerveau, et ça ne change absolument rien.
Donc, ça a été long, de se rendre là, on a réussi à faire exploser, on les
appelle les >plaques séniles, on les enlève, on les foudroie, et ça ne
change rien.
Donc, c'était une conséquence de la
maladie et pas une cause et ça nous force, je vous dirais, presque à retourner
à la case départ depuis deux ou trois ans et, en moyenne, un nouveau médicament
prend entre 10 et 12 ans de développement. Donc, je peux vous dire, avec
ce que je vois là, il n'y aura rien sur le marché, s'il y a quelque chose,
avant 10 ou 12 ans et probablement plus.
• (9 h 40) •
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
O.K. puis je vais revenir un peu, parce qu'on l'a abordé tout à l'heure, les
collègues en ont parlé, on a des groupes qui ont... des experts aussi en
médecine puis, vous savez, la fameuse démence heureuse, hein, elle est
ressortie, puis de quelle façon la quantifier, tout ça. Puis, je suis content
de vous entendre dire que, oui, d'un point de vue chimique, mais, c'est toute
la question, est-ce que la personne le ressent par la suite, d'un point de vue
psychique, donc, parce qu'on avait Mme Demontigny, hier, qui en a parlé,
et c'est toute la question aussi : Est-ce que c'est de voir un de ses
proches assis sur une chaise toute la journée ou promener une poupée dans ses
bras, c'est-tu ça être heureux, tu sais? C'était cette question un peu, aussi.
Puis, vous, bien, vous dites que dans vos recherches, c'est prouvé que, d'un
point de vue psychique, c'est impossible qu'une personne, un moment donné,
quand elle est rendue à des stades d'inaptitudes, le ressente.
M. Poirier
(Judes) : C'est-à-dire, biochimiquement, elle ne le ressent
pas. Donc, il n'y a pas de douleurs physiques. Du point de vue psychique, on a
détruit des centaines de milliards de neurones. Donc, on a un débalancement,
physique et chimique, qui se produit dans le cerveau, et puis je vous ai donné
l'exemple de l'ecstasy, on pourrait parler de la cocaïne, c'est qu'on provoque
un débalancement du côté des centres de récompense et puis bang! c'est avec une
molécule chimique, on vient de chambouler le cerveau puis on a des gens qui
sont terriblement heureux.
Bon, la maladie fait la même chose, mais à
un niveau moindre et ça, il faut le dire. Chez certaines personnes, dépendamment
de l'endroit qui est le plus affecté par la maladie, ça va varier. C'est pour
ça qu'on a des gens chez qui la perte de mémoire elle est très, très importante
et les problèmes de jugement apparaissent plus tard puis des fois c'est
l'inverse, chez un autre patient avec la même maladie, problèmes de jugement
apparaissent puis la perte de mémoire, ça va être un petit peu plus secondaire.
Il y a des gens, qui, dans la forme modérée sévère, vont développer des sérieux
problèmes psychiatriques. Là, je parle vraiment, là, la désinhibition, des
envies d'ordre sexuel, des choses... vous allez dire : Aïe! le monsieur a
91 ans, là, c'est quoi ça? C'est un balancement chimique qui active des
zones du cerveau qui en principe dorment probablement depuis 30 ans. C'est
ça, la maladie d'Alzheimer. C'est, <contrairement à une...
M.
Poirier (Judes) :
... la désinhibition, des envies
d'ordre sexuel, des choses... vous allez dire : Hey, le monsieur a
91 ans, là, c'est quoi ça? C'est un balancement chimique qui active des
zones du cerveau qui en principe dorment probablement depuis 30 ans. C'est
ça la
maladie d'Alzheimer. C'est, >contrairement à une maladie de
Parkinson ou une sclérose latérale amyotrophique qui affecte un petit bout du
cerveau qui est à peu près la grosseur de mon pouce, là, la région du cerveau
de ces deux maladies-là, l'Alzheimer, c'est votre cerveau au complet, au
complet sauf le milieu, qui est notre... ce qu'on appelle notre centre
dinosaure, là, nos neurones de base qu'on a hérités, là, il y a très, très,
très longtemps dans l'évolution. Tout ce qui est sur le dessus qui fait qu'on
est des humains, la pensée, la réflexion, tout ça, c'est récent dans l'histoire
de l'évolution humaine, et c'est ça que la maladie d'Alzheimer frappe, mais à
différents degrés, à différents moments, avec différentes symptomatologies,
dont parfois, chez un petit groupe, ce n'est pas la majorité qui fait ces Alzheimer
de bonheur, là, comme moi, je les appelle, ce n'est pas commun, là, c'est quand
même plutôt rare, mais ça fait partie de tout l'ensemble des symptômes liés à
la destruction massive de milliards de neurones.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, parce que c'était... Bien, moi, pour moi, c'est intéressant de
comprendre aussi d'un point de vue, là, médical, là, qu'est-ce que tout ça peut
apporter. Et puis je vais terminer là-dessus, le fameux formulaire de la RMAQ,
tu sais, on en a parlé, c'est fastidieux, tout ça. Pouvez-vous me dire...
Donnez-moi votre opinion, là, qu'est-ce qui faudrait... comment faudrait...
Est-ce qu'il devrait être revu et de quelle façon?
M. Poirier
(Judes) : Je n'oserai pas me prononcer spécifiquement. Il n'y a
aucune raison que ce soit compliqué de même. Vous avez senti mon ton quand j'ai
parlé des États-Unis, ça fait que je vais retourner aux États-Unis, si vous me
permettez bien, pour m'antagoniser plein de gens au Québec. On peut... Puis
c'est les républicains qui font ça systématiquement dans les États où c'est
devenu hypercompliqué de demander l'aide médicale à mourir, on peut créer des
étapes, rajouter des mois de réflexion, une discussion avec un deuxième, un
troisième médecin, un délai par-ci puis un délai par-là. On peut faire ça très
simplement aussi, là.
En Belgique, si je ne me trompe pas, c'est
discussion avec deux médecins, et ils remplissent un formulaire qui va à un
comité régional. Le comité régional fait du «rubber stamping», essentiellement,
puis il tient les données, les statistiques.
Moi, je me suis informé de la Suisse,
parce que, si jamais on n'arrive pas à rien faire ici, moi, je veux un endroit
où je vais pouvoir le faire, et c'est deux médecins, très simple, très clair,
on remplit quelques formulaires très basiques, le patient qui demande, les
médecins qui endossent. Et ça peut être fait de façon très, très, très simple.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, M. le député. Dr Poirier, je sais que ce n'était
pas votre propos ce matin, mais je ne peux pas m'empêcher de faire appel à
votre expertise. Au niveau de la <santé mentale...
M. Poirier
(Judes) :
...
les médecins qui endossent. Et ça
peut être fait de façon très, très, très simple.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Merci.
La Présidente (Mme
Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, M. le député.
Dr Poirier, je sais que ce n'était pas votre propos ce matin, mais je ne
peux pas m'empêcher de faire appel à votre expertise. Au niveau de la >santé
mentale, j'aimerais vous entendre un petit peu plus là-dessus. Je sais que ce n'était
pas votre sujet de prédilection ce matin, mais, étant donné votre parcours, là,
j'aimerais vraiment vous entendre un peu là-dessus.
M. Poirier
(Judes) :D'accord. C'est une situation
qui va être beaucoup plus au cas par cas. Et je pense que ça sera impossible,
dans le cas de la santé mentale, où, dans ce cas-là, il n'y a pas mort
neuronale observable. Il y a des débalancements chimiques qui sont parfois
d'origine génétique et parfois d'origine environnementale, et généralement une
interaction de l'environnement et de la génétique qui va créer ces fameux
débalancements dont je parlais tout à l'heure mais, cette fois-ci, pas causés
par la mort des cellules, mais par des mécanismes de survivance face... bon,
souvent ces maladies mentales là ont été déclenchées par des épreuves terribles
dans l'enfance et l'adolescence où ils ont une vulnérabilité.
Je vous donne l'exemple précis de la
schizophrénie. Il y a une vulnérabilité de ces fameuses régions du plaisir que
je vous parlais tout à l'heure, les régions de la dopamine, et, malheureusement,
un schizophrène qui ne l'est pas encore et qui va s'aventurer avec les drogues,
même des drogues douces, va tranquillement changer l'équilibre de cette région
du cerveau qui est impliquée dans les récompenses, et ça, ça serait de façon
permanente, et de ce fait il va passer d'un état... un adolescent tout à fait
heureux et en santé à un schizophrène irréversible pour le reste de ses jours
simplement par l'utilisation des drogues qui ont créé ce débalancement chimique
temporaire, bon, des fois, avec la consommation de drogues plus dures, ça vient
plus rapidement, mais ces très souvent un facteur déclenchant. Donc, il y a une
susceptibilité génétique, et le facteur déclenchant, c'est l'utilisation de
drogues type dopaminergiques, là, cocaïne, héroïne, même le pot. Le pot, quand
on fait les études épidémiologiques, là, comme le Dr Arruda nous explique
souvent, quand on prend des grands nombres, il y a un lien entre l'apparition
de la schizophrénie, collectivement, et l'utilisation du pot. Ça fait que c'est
la réalité, et, dans ce sens-là, ces changements, qui sont peut-être moins
biologiques, mais quand même neurochimiques, moins de morts neuronales, mais
plus biochimiques, sont réels, sont souvent irréversibles.
Le défi, c'est la médication. Je vous
donne l'exemple bien particulier des maladies bipolaires. Il y a des gens qui
font des «highs», donc ils sont hyperheureux, et tout est beau, ils pourraient
grimper l'Everest, et deux semaines plus tard, ils sont en dépression sévère,
et ils oscillent comme ça. C'est pour ça qu'on appelle ça «bipolaire», ça se
promène d'un <pôle à l'autre. Il y a des gens qui vont très, très bien...
M.
Poirier (Judes) :
...
qui font des «highs», donc
ils sont hyperheureux, et tout est beau, ils pourraient grimper l'Everest, et
deux semaines plus tard, ils sont en dépression sévère, et ils oscillent comme
ça. C'est pour ça qu'on appelle ça «bipolaire», ça se promène d'un >pôle
à l'autre. Il y a des gens qui vont très, très bien répondre à la médication,
et ils vont vivre des vies tout à fait normales. Et vous avez des célébrités québécoises
qui l'ont dit ouvertement, et que vous connaissez probablement, qui passent très
bien au travers, mais il y a toujours un groupe, et ça varie selon la maladie, c'est
vrai en schizophrénie, c'est vrai en dépression, et c'est vrai aussi en
bipolarité, il y a toujours un groupe 100 % résistant aux médicaments
qu'on a, qui ne peuvent pas s'en sortir, et, par exemple, des gens qui sont
bipolaires, mais où, un jour, la portion dépression devient le thème central de
leur vie. Et on parle de dépression sévère avec envie de suicide, là, presque
quotidienne.
Je pense qu'il faut comprendre que c'est
une situation de douleur psychique extrême, que je qualifierais au pire des
maladies physiques. Et pour moi, ces situations-là, parce que nous, la
communauté médicale, on n'a pas de solution à offrir, ni aujourd'hui ni dans le
court terme, puis je ne suis pas certain qu'on va les avoir dans le long terme,
je pense que c'est des situations comme celles-là qui méritent une évaluation
individuelle, mais qui devraient être permissibles à l'aide médicale à mourir.
Dans un cas où ça oscille, puis c'est sous contrôle, là, j'ai de la difficulté.
La Présidente (Mme Guillemette) :
O.K. Merci beaucoup, Dr Poirier. Je céderais la parole à ma collègue de Maurice-Richard.
• (9 h 50) •
Mme Montpetit : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Dr Poirier, merci d'être là ce matin. C'est vraiment
extrêmement intéressant, ce que vous nous apportez comme... votre expertise. Je
m'en voudrais de ne pas le mentionner, mais je trouve ça non seulement très
rigoureux, très précis, très nuancé. Je pense que, spontanément, vous avez
répondu à beaucoup de nos questions. Vous en ajoutez aussi, évidemment, dans
notre réflexion. Mais je vous remercie de vous mettre ainsi à notre disposition
pour répondre à nos questions, notamment sur la démence, sur la maladie
d'Alzheimer. Vous avez une précision dans vos réponses qui est très, très
appréciée.
Je commencerais d'abord... Donc, vous
allez avoir l'impression qu'on est peut-être obsédés par la question de la
démence heureuse, là, mais je pense que c'est parce qu'il y a plusieurs experts
qui sont venus nous parler de cette question-là. Vous avez appelé ça la
bienheurosité. Moi, je veux juste bien comprendre. Est-ce que c'est un concept
clinique, la démence heureuse? Est-ce que ça veut dire que quelqu'un qui a une
démence heureuse n'a pas de souffrance? Parce que vous avez aussi dit que la
douleur, elle est présente tout au long de la maladie.
Donc, je voulais vous entendre, vraiment,
sur cette question-là, à quel point, tu sais... Parce que vous avez dit aussi :
Des fois, ça peut être une journée, ça peut être un <moment dans une...
Mme Montpetit : ...
la démence heureuse? Est-ce que ça veut dire que quelqu'un qui a une démence
heureuse n'a pas de souffrance? Parce que vous avez aussi dit que la douleur,
elle est présente tout au long de la maladie.
Donc, je voulais vous entendre,
vraiment, sur cette question-là, à quel point, tu sais... Parce que vous avez
dit aussi : Des fois, ça peut être une journée, ça peut être un >moment
dans une évolution clinique. Donc, comme vous avez... vous êtes l'expert en
Alzheimer, là, je voulais bien entendre là-dessus.
M. Poirier
(Judes) : Oui. Bon, écoutez, la démence heureuse, c'est un
constat médical qu'on voit à l'occasion. C'est vraiment, mais vraiment pas tous
les patients qui évoluent vers une démence heureuse. Si c'était le cas, honnêtement,
on n'en parlerait même pas ce matin. Ce qu'on... L'expérience qu'on a, puis je
vous dirais, de mes collègues sur le terrain, là, dans les CHSLD, collègues
médecins qui interagissent, ce qu'on m'a dit, c'est que la progression lente,
mais inexorable de la phase légère à modérée s'accompagne, à cette période-là,
d'une espèce d'éveil. S'il y avait, dans leur histoire personnelle, un parent,
un oncle, une tante avec qui ils ont vécu de près les derniers jours de la
maladie, là, on en revient à l'aspect dignité et cette douleur intangible, mais
qui est : Je ne veux pas mourir étouffé dans mes excrétions. Ceux qui
n'ont pas l'expérience n'auront probablement pas cette vision-là.
Et puis, bon, il y bien des gens, puis je
vais être franc être vous, c'est une des difficultés de mes collègues
cliniciens qui voient, par exemple, un conjoint puis une dame souffrant d'Alzheimer,
puis le conjoint dit au médecin : Dites-le pas à ma femme qu'elle a l'Alzheimer.
Bon, on est obligés de respecter ce voeu-là, mais ce n'est pas correct, c'est
de mentir, essentiellement, à la personne. Il y a des gens comme ça qui vont
longtemps évoluer dans un Alzheimer et qui n'ont absolument pas conscience
qu'ils en ont une, pour les raisons que je viens d'expliquer ou parce que, très
tôt, la déficience au niveau de la cognition puis de la mémoire fait qu'ils ont
oublié qu'ils ont eu un diagnostic d'Alzheimer.
C'est sûr que dans cette situation-là, la
perception, la notion, le stress lié au diagnostic, bien, il n'est pas là. Et
de ce fait, ce qu'ils voient, c'est, bon, une perte progressive de leurs
fonctions, mais on ne se le cachera pas, avec une perte progressive de la
fonction... des fonctions cognitives, fonctionnement de tous les jours, bien,
vous allez avoir beaucoup de gens qui s'intéressent à vous soudainement, des
gens qui, si vous vous en allez vers de soins intermédiaires, bon, bien, ils
vont vous aider, ils vont vous aider à vous alimenter, tu sais. Essentiellement,
là, vous allez vivre une vie sociale, je ne parle pas de CHSLD, là, les gens
vont s'occuper plus de vous que dans les périodes avant votre diagnostic, mais,
si vous ne savez pas que vous avez un diagnostic Alzheimer, vous allez dire :
Mon Dou! les gens sont donc fins.
Ça fait qu'il faut faire attention, c'est...
la perception de la personne qui a sa maladie va dépendre beaucoup de son
expérience personnelle et comment elle a vécu son <diagnostic...
M.
Poirier (Judes) :
... les gens vont
s'occuper plus de vous que dans les périodes avant votre diagnostic, mais, si
vous ne savez pas que vous avez un diagnostic Alzheimer, vous allez dire :
Mon Dou! les gens sont donc fins.
Ça fait qu'il faut faire attention,
c'est... la perception de la personne qui a sa maladie va dépendre beaucoup de
son expérience personnelle et comment elle a vécu son >diagnostic, et la
façon dont les gens autour d'elle l'ont caché ou pas, et, de ce fait, perçoivent
ou pas qu'ils sont en pleine maladie neurodégénérative. Je ne jugerai pas si
c'est correct ou pas de le faire. Moi, j'ai tendance à dire : On devrait
savoir ce qui nous concerne même si on n'est pas toujours apte à bien réagir.
Et ça, c'est mon opinion.
Mme Montpetit : Parfait. Puis
je voudrais essayer de... encore là, tu sais, je reprends ce que vous aviez
mentionné, vous avez dit, c'est ça : La douleur, elle est présente tout au
long de la maladie. Vous avez dit ça, tout à l'heure, dans votre introduction,
donc je veux juste essayer de bien comprendre les interventions que vous avez
faites entre ce que vous qualifiez de... vous nous avez parlé de douleurs
psychologiques...
M. Poirier
(Judes) : Oui.
Mme Montpetit : ...vous avez
parlé de souffrances physiques aussi. Donc, sur l'évolution de la maladie, est-ce
que... la douleur elle est présente. Comment elle se ... Je ne veux pas dire :
Comment elle se quantifie, mais, dans le fond, est-ce que la douleur, elle est
là jusqu'à la fin? Est-ce qu'elle est nécessairement liée à la maladie ou il y
a une douleur, comme vous disiez, quand on arrive à la fin de la maladie qui va
être liée au fait d'arrêter de boire, d'arrêter de manger, qui n'est pas
directement liée? Parce qu'on essaie de faire la part des choses, aussi, entre
souffrance et dignité, mais, si on y va vraiment sur la question de la
souffrance, est-ce qu'elle est présente dans... est-ce qu'elle est uniforme ou
est-ce qu'elle est présente dans tous les cas de démence ou d'Alzheimer?
M. Poirier
(Judes) : Alors, on va commencer par la faim. Si vous me
demandez : Est-ce que mourir de faim ou de soif, qui est, à peu près, la
situation en fin de vie... Vous avez vu des gens dans des — comment
ce que je dirais ça? — contestations politiques se priver de soif ou
de faim pendant... Dans le cas de la faim, ce n'est jamais long parce que vous
êtes mort après deux semaines. Dans le cas de la soif, bien, le record, je
pense, c'est 30 ou 32 jours. Si vous avez vu ces gens-là, à la
fin de leur jeûne ou de leur... je veux dire, ces gens-là étaient terriblement
amochés et avaient vécu et vivaient, pendant plusieurs mois, une terrible
souffrance. Parce qu'ils ne peuvent pas l'exprimer dans la fin de la maladie,
ça ne veut pas dire qu'ils ne le vivent pas.
Pour ce qui est des stades avant ça, je
vous amène mon expérience personnelle quand ma mère m'a demandé à deux reprises :
Peux-tu m'aider à mettre fin à mes jours? Mon père, à trois reprises. Ce n'est
pas parce qu'il est heureux, c'est parce qu'il souffre. Ça, c'est mon
expérience personnelle. Comment est-ce qu'on peut quantifier la souffrance
psychique? Bien, je vous donnais l'exemple, tout à l'heure, des bipolaires,
bien, ça dépend du moment que vous allez choisir. Dans le cas de l'Alzheimer,
bien, ça dépend littéralement de la situation de la dégénérescence, la portion
du cerveau. Quel aspect de leur personnalité a été dissous? Lequel, il reste?
Et, dans ce sens-là, je veux dire, c'est très variable d'un individu à l'autre,
mais ils s'en vont tous à la même place, avec sensiblement la même <vitesse...
M.
Poirier (Judes) :
...
littéralement de la situation de la dégénérescence, la portion du cerveau. Quel
aspect de leur personnalité a été dissous? Lequel y reste? Et, dans ce sens-là,
je veux dire, c'est très variable d'un individu à l'autre, mais ils s'en vont
tous à la même place, avec sensiblement la même >vitesse, sauf la forme
jeune agressive génétique, et ils vont tous souffrir de la même façon à la fin.
Mme Montpetit : Puis vous
m'amenez... je ne veux pas vous mettre en porte-à-faux avec des collègues, mais
vous avez peut-être entendu hier l'audition de Dr Pageau, Dr Durand qui sont
tous les deux gériatres, qui nous disaient... Bon, ils nous disaient, en fait,
je les cite, là, ils nous disaient : Avec des soins adaptés, puis avec des
soins empathiques, ça peut enlever la douleur des gens qui ont de l'Alzheimer.
Donc, leur posture était vraiment sur si l'encadrement de soins est présent, la
souffrance peut être contrôlée au niveau de la maladie d'Alzheimer. J'aimerais
ça vous entendre réagir à cette posture-là.
M. Poirier
(Judes) : Est-ce qu'on a les moyens? Moi, écoutez, je me suis
battu avec une infirmière qui avait décidé de mettre des tubes à oxygène dans
le nez de ma mère, en dépit de ses directives anticipées de ne pas avoir
d'acharnement thérapeutique. Le médecin n'était pas au courant, le médecin de
l'unité sur le CHSLD, et je me suis chicané avec l'infirmière en question pour
finalement demander à voir le directeur adjoint de l'hôpital, qui m'a amené au
médecin, qui n'était à peu près jamais sur place, qui a finalement... il a eu
une bonne discussion avec l'infirmière en question. C'est super beau de...
Écoutez, je travaille avec la Fondation
MIRA, on a mis au point un programme fabuleux avec des chiens d'aide
spécifiquement pour la maladie d'Alzheimer. Les effets, honnêtement, sont
fabuleux. J'aimerais ça donner un chien MIRA à chaque Alzheimer. L'effet, là,
croyez-moi, il y a des reportages qui ont été faits là-dessus, c'est incroyable.
Est-ce qu'on peut donner 35 000 $ de chiens à tous les Alzheimer, les
126 000 Alzheimer du Québec? Bon, écoutez, en théorie oui, on peut
faire plein de belles choses, mais la réalité du système québécois, c'est qu'on
tire de la patte, on tirait de la patte avant, puis on continue de tirer de la
patte pour ce qui est des soins offerts aux personnes âgées. Et c'est bien beau
ces choses-là, là, mais ça n'arrivera pas.
• (10 heures) •
Mme Montpetit : Ça m'amène...
Merci. Une dernière question, je vois le temps qui file très rapidement. On
parlait tout à l'heure, justement, de l'évaluation de cette douleur-là, par
exemple, s'il y avait une demande d'aide médicale à mourir pour respecter les
directives d'un patient. Est-ce que la compréhension de la maladie, de la
souffrance, est-ce qu'au niveau des médecins, justement, est-ce qu'elle est
uniforme, parce qu'on le voit déjà dans les témoignages que la réception, elle
n'est pas du tout la même, là. Donc, je souhaiterais vous entendre là-dessus <également...
>
10 h (version révisée)
<15369
Mme
Montpetit : … d'un patient. Est-ce que la compréhension de la maladie,
de la souffrance, est-ce qu'au niveau des médecins, justement, est-ce qu'elle
est uniforme, parce qu'on le voit déjà dans les témoignages que la réception,
elle n'est pas du tout la même , là. Donc, je souhaiterais vous entendre
là-dessus >également.
M. Poirier
(Judes) : Oui. Écoutez, vous avez un excellent point. Je vous
donne un exemple concret. Il y a à peu près une quinzaine d'années, on estimait
que 60 % des cas d'Alzheimer au Canada n'étaient pas diagnostiqués. Les
médecins de famille ne savaient pas quoi faire, et c'était le bon vieux :
Ah! bien ça, ça vient avec le vieillissement, inquiétez-vous pas, les pertes de
mémoire, c'est normal, vous avez 70 ans. C'était la réponse universelle.
Ça nous a pris 15 ans d'efforts, de formations pour améliorer la situation,
et je vous dirais que les médecins de famille aujourd'hui sont excellents pour
ce qui est de faire du diagnostic, bon, pas très précoce, mais précoce.
L'expertise, c'est vrai qu'elle est
spécialisée, et les outils dont je vous parlais tout à l'heure, je vous donne
l'exemple de l'imagerie cérébrale, bien, ils sont très coûteux, mais ils sont
très utiles. Tous ces outils-là nous permettent, nous, les experts, d'avoir une
meilleure compréhension de la maladie, mais qui n'est pas disponible aux
médecins de famille, par exemple, ou qui va se faire, mais dans les années à
venir, avec une formation adéquate. Ça fait que j'ai bien peur que… on en
revient toujours à la même chose, c'est qu'il y a formation et investissement
en formation.
Mme Montpetit : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Donc, je céderais maintenant la parole au député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Il y a quelque chose que vous venez… Bien,
d'abord, merci, Dr Poirier, pour votre contribution à nos travaux ce
matin. J'ai trouvé ça bien intéressant. Mais il y a quelque chose que vous
venez de dire qui m'interpelle. Ma collègue de Maurice-Richard
vous demandait de vous positionner sur certaines… sur certains types de
traitements dont on nous a parlé un peu plus tôt dans… durant la commission, et
vous avez dit : C'est bien beau, tout ça, mais on n'a pas les moyens. Si
on avait les moyens ou si on s'arrangeait pour avoir les moyens de mettre en
place l'ensemble de ces traitements-là, notamment du type dont vous venez de
donner en exemple, là, les chiens Mira d'accompagnement, est-ce que ça
changerait votre position sur l'aide médicale à mourir pour les gens qui ont
une maladie d'Alzheimer?
M. Poirier
(Judes) : Ce serait fabuleux pour tous les patients. J'aimerais
qu'on puisse offrir ça à tous les patients. Est-ce que ça veut dire qu'on
maintiendrait le fait qu'on ne leur donne pas le droit de décider de leur fin
de vie? Ça, ma réponse est non. Et là c'est moins le chercheur qui vous parle
que celui qui est à haut risque et qui a vécu la maladie deux fois comme aidant
naturel jusqu'à la fin. Je veux ce choix-là. Si je ne l'ai pas ici, je vais
aller le chercher en Europe, mais je veux ce choix-là. Je ne dis pas que je
vais le faire, mais je veux <avoir le choix…
M.
Poirier (Judes) :
…fin de
vie? Ça, ma réponse est
non. Et là c'est moins le chercheur qui vous parle que celui qui est à haut
risque et qui a vécu la maladie deux fois comme aidant naturel jusqu'à la fin.
Je veux ce choix-là. Si je ne l'ai pas ici, je vais aller le chercher en
Europe, mais je veux ce choix-là. Je ne dis pas que je vais le faire, mais je
veux >avoir le choix. Et je souhaite, si j'en arrive là, qu'on aura ces
beaux programmes en place. Mais mon expérience des 35 années qui viennent
de passer me laisse perplexe quant aux possibilités que quelque chose comme ça
arrive.
M. Nadeau-Dubois : La raison
pour laquelle je vous pose cette question-là, c'est qu'on a un intervenant,
hier, qui nous disait, au fond : On n'est pas en train de faire, comme
société, tout ce qu'on pourrait faire pour accompagner les gens avec démence
dans une fin de vie qui soit confortable, qui soit digne, on ne met pas en
place tout ce qu'il faut comme personnel, comme programmes, comme traitements,
et c'est un gériatre, il nous disait : Bien là, on est en train d'adopter
un raccourci en mettant en place des possibilités d'aide médicale à mourir
anticipée, alors qu'on n'a même pas, disons, d'abord, mis tout en place pour
accompagner ces gens-là dans une fin de vie confortable et digne. Qu'est-ce que
vous répondez à cet argument-là?
M. Poirier
(Judes) : Écoutez, je ne peux pas être contre la vertu, plus on
en fera, mieux ce sera. Mon expérience est basée sur le système québécois des
dernières années, que j'ai vécu de l'intérieur du CHSLD, de longues semaines en
accompagnement de mes parents. Oui, non, je ne suis pas contre la vertu, mais
je suis réaliste. Je travaille dans un CIUSSS, et un CIUSSS, je ne vous
cacherai pas, c'est une bête. Et c'est dur, de faire des changements de
philosophie et d'implémenter des changements, même au niveau des CHSLD.
J'aime beaucoup le nouveau concept des
maisons, mais ça ne va tellement pas avec la démographie que... Qu'est-ce qu'on
va faire avec les gens qui ne pourront pas rentrer dans les nouvelles maisons
des aînés, là? Il va y en avoir un méchant paquet, là. Vous savez qu'on est à
peine au milieu de la vague des baby-boomers qui ont pris leur retraite. Il t'a
un monstre qui s'en vient, là. On parle de 125 000 alzheimers aujourd'hui,
on parle de 300 000… 250 000 à 300 000 en 2035.
On n'est pas capables de gérer ceux d'aujourd'hui, ça fait que je ne sais pas
comment on va s'y prendre pour le reste.
M. Nadeau-Dubois : Je vous
entends bien. Néanmoins, ça… je vous soumets que c'est un argument qui est un
peu à double tranchant. Parce que les opposants à l'extension de l'aide
médicale à mourir pour des demandes anticipées, c'est également l'argument
qu'ils font, c'est-à-dire qu'on est en train… socialement, on serait en train
d'adopter un raccourci pour affronter ce défi-là. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Poirier
(Judes) : Bien écoutez, prenons le cas de la Hollande, prenons
le cas de la <Suisse…
M. Nadeau-Dubois : ...
aide
médicale à mourir pour des demandes anticipées, c'est également l'argument
qu'ils font,
c'est-à-dire qu'on est en train… socialement, on serait en
train d'adopter un raccourci pour affronter ce défi-là. Qu'est-ce que vous en
pensez?
M.
Poirier (Judes) :
Bien écoutez, prenons le cas de la
Hollande, prenons le cas de la >Suisse, ça fait depuis 2005, ils ont
aiguisé leurs épées, ils ont appris, se sont enfargés, se sont relevés. Je vous
ai dit, il y a une loi approuvée en 2005, la première fois, pour ce qui est de
la Hollande, et, finalement, dans le cas de la maladie d'Alzheimer et les...
les demandes anticipées ont passé l'étape de la Cour suprême, bien, il y a deux
ou trois semaines. Donc, ça a pris pas mal de temps avant qu'on fasse ce bout
de chemin là.
La Belgique et la Hollande sont
sensiblement, démographiquement, soumis aux mêmes changements, aux mêmes
ouragans démographiques des personnes âgées que nous. Non, les autres ont
réussi à faire le passage, et, comme je l'ai clairement démontré, ce n'est pas
un raz-de-marée de gens qui se sont précipités vers l'aide médicale à mourir. Mais
je pense qu'en bout de ligne c'est une combinaison, oui, de dignité de fin de
vie, oui, de problèmes de... de douleurs psychologiques, mais, pour moi,
au-dessus de tout ça, il y a le droit personnel de choisir, et puis, si vous
voulez ne pas le choisir, vous ne le choisissez pas puis vous vivez le système
comme il est.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député. Merci beaucoup, Dr Poirier, c'est très, très
éclairant, les propos de ce matin. Donc, merci pour votre contribution à la commission.
Et nous suspendons maintenant les travaux
pour quelques instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités.
M. Poirier (Judes) :Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci à vous encore une fois.
(Suspension de la séance à 10 h 08)
(Reprise à 10 h 09)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous sommes de retour, merci. Donc, pour ce deuxième bloc d'échange,
aujourd'hui, nous accueillons le Dr Félix Carrier. Donc, bienvenu parmi
nous, Dr Carrier, merci d'avoir accepté l'invitation de ce matin. Donc,
vous aurez 20 minutes pour nous faire votre exposé, et par la suite il y
aura un échange de 40 minutes avec les membres de la commission. Donc, dès
maintenant, je vous cède la parole.
M. Félix Carrier
M. Carrier
(Félix) : Merci beaucoup. Puis, je remercie aussi la commission
de permettre que je prenne la parole pour quelques minutes pour exposer,
finalement, certaines réflexions par rapport à l'évolution du cadre de l'aide
médicale à mourir.
Je suis personnellement psychiatre puis
j'exerce sur la Rive-Sud de Québec, à l'Hôtel-Dieu de Lévis. Je fais aussi de
l'intervention au niveau de l'Université Laval, au niveau de l'enseignement, et,
dans les dernières années, là, il y a eu des occasions nombreuses, avec des
collègues, de réfléchir puis d'avoir des discussions sur la question de l'aide
médicale à mourir puis son extension qui est anticipée, là, pour la
psychiatrie. Donc, j'ai des collègues qui ont cosigné le mémoire que j'ai
soumis en appui à la présentation puis qui ont été cruciaux, là, pour souligner
les points qu'on veut remarquer aujourd'hui. Je vais juste mentionner leurs
noms : Drs Antoine Bertrand-Duchesne, David Boivin-Lafleur,
Jessika Roy-Desruisseaux puis aussi François Primeau, donc, que je
remercie.
• (10 h 10) •
Dans les prochaines minutes, en fait, je
vais faire quelques remarques préliminaires juste pour situer le propos, voir
de quel angle mon intervention aborde la question de l'évolution de l'aide
médicale à mourir. C'est certain que l'on s'intéresse beaucoup, de mon côté, à
la question de la médecine et de l'aide médicale à mourir et de voir comment
les enjeux qui se suivent en médecine vont se répercuter en psychiatrie. On va
conclure avec quelques précisions, là, sur ce qu'on croit qui pourrait être des
remarques ou des préoccupations à souligner, certaines propositions aussi pour
la suite des choses.
Pour nous, ça, ça va de soi, là, la
société québécoise, depuis quelques années, elle autorise que la mort de
personnes puisse être provoquée à leur demande, dans des contextes de
souffrance associée à des conditions médicales terminales. Mais on constate
aussi que les conditions recevables s'élargissent. Ça suit un mouvement de
société, ça suit aussi l'interpellation des tribunaux. Alors, pour notre intervention
aujourd'hui, c'est acquis que, dans une forme ou une autre, l'ouverture à
provoquer la mort d'une personne qui en fait la demande est là pour rester, au
Québec. On n'est pas dans une logique de remettre ça en question.
L'aide médicale à mourir, elle suit aussi
sa propre logique, puis ça mène, selon nous, à son extension, qui est
prévisible, avec des balises qui deviennent souvent puis rapidement des
discriminations, et on voit qu'actuellement on est à l'étape où les troubles
psychiatriques vont être recevables comme une qualification, évidemment, là, si
ça s'accompagne d'une souffrance qui va être jugée inacceptable par la
personne, si c'est conforme aux autres balises qui sont existantes. Mais
l'évolution, l'extension, on croit qu'elle est inéluctable.
Donc, c'est à ce compte-là qu'on regarde
la psychiatrie, de notre point de vue, comme vraiment au même titre que les
autres spécialités ou les autres disciplines médicales. On a l'impression que
les enjeux soulevés par l'aide médicale à mourir, en psychiatrie, ne sont pas
fondamentalement différents de ceux soulevés dans d'autres contextes, mais on a
l'impression aussi que les difficultés sont rehaussées, en psychiatrie,
qu'elles doivent être confrontées d'une façon plus <explicite…
M. Carrier
(Félix) :
…inéluctable
.
Donc, c'est à ce compte-là qu'on
regarde la psychiatrie, de notre point de vue, comme vraiment au même titre que
les autres spécialités ou les autres disciplines médicales. On a l'impression
que les enjeux soulevés par l'aide médicale à mourir, en psychiatrie, ne sont
pas fondamentalement différents de ceux soulevés dans d'autres contextes, mais
on a l'impression aussi que les difficultés sont rehaussées, en psychiatrie,
qu'elles doivent être confrontées d'une façon plus >explicite. Et tout
ça tourne beaucoup autour de la question, finalement, de la rationalisation
médicale des raisons de vouloir mourir, au-delà de ce qui est légitime pour la
médecine à endosser, selon nous.
Et puis, là où on voit peut-être une chose
intéressante à souligner, c'est… en fait, si on accepte les prémisses de l'aide
médicale à mourir dans son cadre actuel, les réflexions qui suivent en sont
passablement prisonnières puis produisent des conclusions qui vont l'étendre
ainsi que les problèmes qu'elle soulève. On en vient souvent réduit à discuter
seulement de la logistique pour les prochaines étapes. Puis c'est là qu'on
pense que l'extension à la psychiatrie, c'est une occasion de questionner la
logique actuelle, le cadre actuel, au niveau de sa terminologie, de son intégration
à la pratique médicale puis de son assimilation en soins, finalement.
Notre critique n'est pas juste
limitée, finalement, à l'extension de l'aide médicale à mourir à la
psychiatrie, mais on pense qu'elle est plus nécessaire, en fait. D'autant plus
nécessaire si l'aide médicale à mourir doit s'étendre, dans sa forme actuelle,
aux maladies qui ne seraient pas terminales, donc aux troubles mentaux, par
extension, aux situations aussi diverses qui interpellent les psychiatres.
Notre souci vient aussi du fait qu'on voit
cette transition-là comme un prélude, aussi, à des demandes où la médecine
n'aura probablement plus grand-chose à dire, légitimement, bientôt. Puis à ce
moment-là on croit qu'elle ne devrait effectivement plus rien en dire, si ça ne
l'interpelle pas directement. Donc, on va préciser cette préoccupation-là dans
les prochaines minutes, mais, disons, c'est la séquence de préoccupations sur
ce qui concerne la médecine, la psychiatrie, éventuellement, ce qui sortirait,
même, de la psychiatrie.
Nos remarques, on ne s'en cache pas, hein,
ça interpelle une relecture qui serait substantielle, là, du cadre puis de la
conceptualisation actuelle de l'aide médicale à mourir, mais on pense qu'elle
peut effectivement être repensée substantiellement pour le mieux, en respectant
quand même les choix de société qui ont amené l'ouverture actuelle, provoquer
la mort de personnes qui en font la demande, mais, de notre point de vue, en
protégeant mieux puis en distinguant mieux la profession médicale, son rôle
puis son intégrité, puis pas juste pour son propre bénéfice, pas juste pour le
bénéfice de la profession médicale, mais pour le bénéfice aussi de la société
qui doit être servie par la profession médicale.
Donc, depuis sa mise en place, notre
lecture de la situation, c'est que l'aide médicale à mourir, elle a lié le
destin à la médecine, ce qui ne devrait pas être choquant, selon nous, vraiment
pas, d'appeler l'euthanasie. Ce n'est ni plus ni moins, pas plus, pas moins, qu'une
action qui vise intentionnellement à provoquer la mort d'une autre personne.
Clairement, aussi, la déontologie médicale a suivi rapidement le cadre qui
était proposé puis, à notre connaissance, ne l'a jamais réellement requestionné.
Et ce cadre-là, la lecture qu'on en fait, c'est qu'il rend nécessairement…
sûrement que les médecins renseignent les états du processus, mais ça les
oblige aussi, au moins implicitement, quand ce n'est pas explicitement, à
valider l'option puis, ultimement, convenir s'il s'agit d'une avenue médicale
qui est appropriée pour les patients qui en font la demande.
Autrement dit, le cadre actuel inscrit l'euthanasie
dans la pratique médicale, dans une logique de soins, et c'est ça qu'on croit
qui doit être examiné de façon plus attentive puis critiqué, de notre point de
vue, parce que c'est une situation qui compromet, selon nous, le rôle des
médecins, psychiatres comme non-psychiatres. Ça les met dans des situations qui
sont paradoxales, qui risquent de gêner leur mission première, selon nous. Et
puis l'extension des contextes autres que terminaux à des situations où il y
aurait des considérations psychosociales qui peuvent devenir prépondérantes, à
notre sens, ce n'est pas des nouvelles difficultés, mais ça exacerbe les
difficultés, ça les rend plus <criantes…
M.
Carrier (Félix) :
...ça
les met dans des
situations qui sont paradoxales, qui risquent de gêner leur mission première,
selon nous. Et puis l'extension des contextes autres que terminaux à des
situations où il y aurait des considérations psychosociales qui peuvent devenir
prépondérantes, à notre sens, ce n'est pas des nouvelles difficultés, mais ça
exacerbe les difficultés, ça les rend plus >criantes.
De notre point de vue, faire mourir, même
avec compassion puis même avec bienveillance, ça ne se réduit pas à soigner, ça
ne soulage pas réellement. On a plutôt une lecture que l'option de mourir,
c'est une rupture avec les soins. Une rupture pas dans un sens péjoratif, mais
dans le sens que c'est une option qui est existentielle, d'abord et avant tout,
peu importe que la souffrance qui anime ce souhait-là provienne de l'expérience
stricte de la maladie, ou d'un sentiment d'indignité, ou d'une perte, ou de dépendance,
ou un sentiment de ruine, ou un mélange de tout ça, finalement. Pour nous,
l'enjeu central reste toujours qu'il s'agisse de faire mourir des personnes qui
jugent leur situation inacceptable puis, au final, que la société juge aussi
suffisamment pénible, ou pathétique, ou méritoire pour rendre cette mort-là admissible.
On dit ça d'une façon qui ne se veut pas
du tout péjorative, mais on pense que c'est une lecture qui est plus juste de
ce qui est en jeu. Et comme la maladie atteint les personnes d'une manière où
leur existence entière est bouleversée, il ne faut pas s'étonner que la gravité
et que la persistance de la maladie, ça induise des états puis des crises où
l'existence elle-même est questionnée. Et il y a un risque de penser de là que
tout ce qui remet l'existence en question, ça puisse ou ça doit être
médicalisé. Et on croit que ce risque-là est bien réel.
Donc, l'euthanasie, ou l'aide médicale à
mourir, ou qu'on l'appelle même autrement, pour nous, ça supprime l'existence
et ça supprime, en fait, la possibilité de souffrance comme de soulagement. Puis
en parler comme une réponse médicale adaptée, comme un soin ultime, comme une
modalité de soulagement, encore une fois, pour nous, ça relève plus de
l'analogie que de la logique, à ce stade-ci. Et ça ne se veut pas péjoratif de
le présenter comme ça.
On comprend que l'interpellation de la
profession médicale, elle peut se comprendre pour un ensemble de raisons
pratiques, mais ça reste, selon nous, comme une instrumentalisation qui devrait
être circonscrite, devrait être nommée pour éviter que la pratique médicale en
tant que telle soit assimilée à la pratique de l'aide médicale à mourir ou de
l'euthanasie, sortir d'une logique puis évacuer ce qui pourrait être une
confusion, actuellement, évacuer aussi les paradoxes, les dédoublements de rôles
qui risquent de miner la profession médicale, certainement la profession
psychiatrique dans son rôle auprès des patients puis auprès de la société.
Pour le résumer simplement, notre
remarque, c'est que seulement la médecine s'occupe de santé puis de maladie. L'aide
médicale, ce qu'elle met en jeu... l'aide médicale à mourir, ce qu'elle met en
jeu, c'est la vie puis l'existence. Puis on est dans deux ordres, dans deux
registres différents... (panne de son) ...qu'il ne revient pas à la médecine
d'endosser, pour une personne, que sa mort soit une réponse adaptée à sa
condition, à sa situation, pas médicalement, en tout cas.
On croit que la psychiatrie doit être particulièrement
vigilante quant à la voie dans laquelle l'aide médicale à mourir risque de
l'entraîner. C'est une discipline où le normal, le pathologique doivent être
constamment réévalués. Les problèmes proprement médicaux puis ceux, plus
généralement, de la vie se chevauchent, s'influencent constamment, en
psychiatrie, et il y a plusieurs des détresses, finalement, qui reflètent des
crises personnelles, des crises psychosociales, bien plus que médicales, quand
on les prend en charge puis qu'on les suit sur des semaines, des mois, voire
des années.
Et la psychiatrie est régulièrement
sollicitée pour porter un regard sur les situations qui sont complexes puis
d'où émergent des pensées de mort, des souhaits de mort et des demandes
d'euthanasie ou d'aide médicale à mourir. Même avant que le cadre l'autorise,
c'est déjà le cas. Et c'est le terrain où il y a des <réactions...
M.
Carrier (Félix) :
…on les prend en
charge puis
qu'on les suit sur des semaines, des mois, voire des années.
Et la psychiatrie est
régulièrement
sollicitée pour porter un regard sur les
situations qui sont complexes
puis d'où émergent des pensées de mort, des souhaits de mort et des demandes
d'euthanasie ou
d'aide médicale à mourir. Même avant que le cadre
l'autorise, c'est déjà le cas. Et c'est le terrain où il y a des >réactions
émotionnelles difficiles, il y a des circonstances difficiles, il y a des
traumatismes, il y a des enfances carencées, des échecs, des abus, des pertes,
donc c'est un terrain extrêmement dense où il y a plusieurs enjeux simultanés
qui vont souvent faire émerger les pensées, les souhaits de mort.
Et finalement les conditions
psychiatriques majeures, celles qui sont le plus intenses quand elles sont
actives, bien, elles risquent, en fait, de disqualifier les patients qui en
sont atteints, parce qu'elles interfèrent tellement dans le jugement, tellement
dans le fonctionnement mental, qu'elles vont compromettre la capacité à faire
une demande qui va être recevable, à moins qu'elles fassent éventuellement
l'objet de directives anticipées, évidemment, ou de demandes qui viendraient de
tiers. Puis ça, c'est des scénarios dont il ne faudrait pas se surprendre, dans
une logique, en fait, qui veut que personne ne soit laissé de côté puis
qu'aucune souffrance ne soit discriminée. On n'en est pas encore là, à notre
sens, mais il ne faudrait pas se surprendre qu'on y soit plus tôt que tard,
alors on est déjà soucieux de ça.
Et les maladies psychiatriques sévères,
majeures, quand elles sont stabilisées pleinement ou partiellement, elles
restent quand même des conditions complexes sur lesquelles il va peser des
risques de rechute, des symptômes résiduels, des limitations, stigma. Alors,
clairement, comme psychiatres, on reconnaît puis on veut souligner, en fait, le
fardeau des troubles psychiatriques, qui est immense, la souffrance associée à
la perte de sens, la perte de contrôle, tout ça se greffe sur l'espérance de la
maladie psychiatrique.
On juge aussi que la maladie
psychiatrique, elle est marquée d'un double stigma : celui qui vient de
l'extérieur, celui qui vient de la société, qui porte un regard sévère, qui
valorise souvent la santé, la performance, au point des fois, même, de ne plus
savoir nommer la maladie mentale. Mais il y aussi un malaise plus insidieux,
celui qui est plus internalisé, qui mène, pour la propre personne... qui mène pour
le regard de la propre personne envers elle-même à la honte, à la culpabilité
puis à la détestation de soi. Ça, c'est les réalités qui interpellent la
psychiatrie à chaque jour. Et à ça s'ajoute le sentiment d'impuissance puis de
frustration, souvent, dans les moyens d'intervention puis des ressources qui
sont limités.
Il ne faudrait pas se surprendre, encore
une fois, si, dans des contextes comme ceux-là qui sont très denses, très
complexes, très chargés, que de demander la mort puisse apparaître comme une
option qui est légitime, qui est honorable, qui est responsable, à plusieurs de
nos patients, comme une voie qui permet de résoudre une impasse ou même
plusieurs des impasses dans lesquelles ils se trouvent. Et puis c'est une
réalité qui est fréquente en psychiatrie de voir un apaisement qui est associé
par la perspective de la mort puis l'accès à des moyens de la provoquer. Et
demander à ce que cette option-là soit validée par les psychiatres, par la
profession, ça, c'est relativement inédit. Ça nous place dans une situation qui
va être intenable pour plusieurs.
• (10 h 20) •
Pour nous, clairement, l'exercice de la
psychiatrie doit être porteur d'espoir, doit assumer la chronicité puis la
récurrence, doit maintenir un accompagnement, aussi, à travers l'adaptation, le
rétablissement puis la recherche de sens. Alors, que la psychiatrie soit
interpellée pour endosser ce qui pourrait être, justement, la suppression d'une
partie de ses patients, ça nous apparaît réellement en contradiction avec le
rôle thérapeutique premier que les psychiatres doivent jouer. Et c'est un rôle
qui risque de se vider de sa substance, en étant obligé de se cliver soit dans
une posture d'endossement ou d'antagonisme face à des demandes d'aide médicale
à mourir ou d'euthanasie, comme on souhaite les nommer, <finalement. Dans
aucun des deux cas la relation de…
M.
Carrier (Félix) :
...d'une partie de ses patients, ça
nous apparaît réellement en contradiction avec le rôle thérapeutique premier
que les psychiatres doivent jouer. Et c'est un rôle qui risque de se vider de
sa substance, en étant obligé de se cliver soit dans une posture d'endossement
ou d'antagonisme face à des demandes d'
aide médicale à mourir ou
d'euthanasie, comme on souhaite les nommer, >finalement. Dans aucun des
deux cas la relation de soins n'est réellement préservée, selon nous.
Alors, pour nous, ça fait du sens qu'un
patient qui souhaite l'euthanasie, en psychiatrie, demande à son psychiatre
d'attester d'un diagnostic, des essais thérapeutiques antérieurs, de ceux qui sont
envisageables, d'un pronostic global, même s'il est réservé, même s'il est
limité. Mais, pour la suite, on pense qu'il y a... la réception des demandes,
l'arbitrage, à savoir si c'est recevable ou non, devrait relever d'un avis
extérieur au suivi psychiatrique, un avis où les institutions, la société vont
être représentées de façon plus claire, puis laisser les médecins traitants
jouer leur rôle dans l'accompagnement puis le soutien inconditionnel, la
disponibilité puis l'ouverture, vraiment, des... (panne de son) ...de soins
proprement dites, sans que ce soit une opposition, nécessairement, mais
clairement distinct de l'euthanasie ou de l'aide médicale à mourir, pour que
les psychiatres ne se retrouvent, idéalement, jamais dans une situation ou dans
un rôle où ils auraient à dire à leur patient que la mort, c'est une avenue
indiquée, proportionnée ou justifiée médicalement pour lui. Même si,
socialement, ça peut être endossé ou... (panne de son) ...même si, socialement,
ça peut être reflété comme ça. Il faudrait que le psychiatre puisse avoir un
rôle qui est distinct, qui puisse le préserver d'avoir à endosser une mort
comme celle-là, la justifier médicalement.
En ce qui nous concerne, l'ouverture à la
psychiatrie, c'est vraiment l'occasion de réaliser que l'aide médicale à
mourir, conceptuellement, n'a jamais été réellement une réponse proprement
médicale à des problèmes proprement médicaux. Selon nous, il s'est, en fait,
toujours agi d'une option qui pouvait être admise socialement, mais juste médicalisée
accessoirement. Puis c'est une option qui répond à un jugement, on le répète,
existentiel négatif par rapport à soi, à sa situation et à ses perspectives.
Dans un contexte où l'ouverture à la
psychiatrie pourrait aussi être le prélude à des demandes où le contexte
médical va être de moins en moins exclusif, ou évident, ou prépondérant comme
motivation, que cette évolution-là soit souhaitable ou non, on pense que c'est
impératif de renoncer à un ensemble de contorsions, actuellement, qu'on peut faire
pour faire répondre une aide médicale à mourir à une logique de soins. On pense
que cette démarcation-là nous prémunirait mieux d'un glissement logique qui
pourrait faire passer de la balise sociétale qui donne accès à une option de
mourir à une indication médicale d'être euthanasié.
Et puis, encore là, je ne le dis pas de
façon choquante, mais le raisonnement médical, la logique de soin, c'est comme
ça que ça fonctionne : en termes d'indications. C'est comme ça que ça se
raisonne. C'est un pli qui est très, très fort. Et puis un scénario où l'aide
médicale à mourir commencerait à se raisonner en termes d'implications, ça nous
rend, évidemment, extrêmement inconfortables. Donc, de là vient notre prise de
position que l'euthanasie, même si on... lorsqu'on l'appelle l'aide médicale à
mourir, ne devrait pas se raisonner en termes médicaux, ne devrait pas
participer à une logique de soins ni en emprunter les termes. On pense que
c'est... il y a un risque de glissement dangereux pour la profession médicale,
certainement pour la psychiatrie, par rapport à la mission qu'elle doit honorer
pour la population.
Ce qu'on croit, c'est qu'éventuellement il
y aurait une place pour qu'il y ait des comités, commissions, tribunaux qui
représentent plus formellement la société ou les institutions québécoises, qui
devraient recevoir puis valider si les demandes sont conformes au cadre légal, si
elles sont recevables dans ce sens-là, puis manifester ainsi clairement que les
demandes interpellent la société d'abord. Et la médecine, elle se verrait
instrumentalisée dans un rôle beaucoup plus circonscrit, qui <pourrait
être tout à...
M.
Carrier (Félix) :
...comités,
commissions,
tribunaux qui représentent plus formellement la société ou les institutions
québécoises, qui devraient recevoir puis valider si les demandes sont conformes
au cadre légal, si elles sont recevables dans ce sens-là, puis manifester ainsi
clairement que les demandes interpellent la société d'abord. Et la médecine,
elle se verrait instrumentalisée dans un rôle beaucoup plus circonscrit, qui
>pourrait être tout à fait légitime pour renseigner les demandes qui
requièrent des qualifications médicales, attester l'aptitude des personnes dont
elle serait remise en question, mais sans avoir à endosser la mort comme une
réponse médicale appropriée, ou indiquée, ou adaptée médicalement.
Ça serait une façon, à ce moment-là, dans
la relation thérapeutique, que le patient n'ait jamais à convaincre son médecin
qu'il vaudrait mieux pour lui d'être mort puis, pour le médecin, ne jamais
avoir à dire à son patient qu'il serait approprié pour lui d'être mort. Le
médecin pourrait être à l'écoute, pourrait être sensible à cette option-là,
mais ne serait pas dans le rôle de l'endosser. Puis il y a une différence
importante entre endosser cette option-là dans son for intérieur versus
l'endosser dans son rôle professionnel, médical puis à l'intérieur de cette
mission-là, thérapeutique, qui est différente.
Puis finalement les patients avec des
troubles psychiatriques, comme citoyens qui peuvent revendiquer leur droit à
l'option d'aide médicale à mourir ou d'euthanasie, si leurs circonstances puis
leurs autres options ne sont pas acceptables, ils devraient avoir une voie vers
l'euthanasie qui est distincte de leur suivi psychiatrique, qui interpelle
directement la société, qui préserve la mission des psychiatres auprès des
personnes, selon moi, qui sont parmi les plus souffrantes puis les plus
vulnérables de notre société.
Et, si on regarde un peu plus loin, pour
ceux dont les psychiatres n'auraient éventuellement même plus grand-chose à
dire médicalement, il ne faudrait pas se surprendre s'ils se tournent quand
même vers les institutions, vers les tribunaux pour revendiquer l'accès à
l'aide médicale à mourir ou à l'euthanasie. À ce moment-là, la société, elle
devra assumer si elle endosse ou non d'ouvrir l'euthanasie à des contextes ou à
des motifs où les enjeux médicaux ne seront plus présents puis renoncer, selon
moi, à ce moment-là, à chercher des prétextes psychiatriques qui pourraient
masquer la nature profondément existentielle de cette option-là.
Et puis donc c'étaient les principales
remarques que je souhaitais faire. On a fait un mémoire, là, qui étaye un peu
plus ces remarques-là. L'ensemble des commentaires que je fais, je les fais de
façon très sereine, sans qu'ils se veuillent provocateurs ou sans qu'ils se
veuillent choquants. Et puis, bien, je vous remercie de votre attention puis du
temps qui m'a été consacré.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dr Carrier. Je céderais la parole au député de Chomedey.
M. Ouellette : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Dr Carrier. Je pourrais résumer, puis c'est parce que
moi, je n'ai vraiment pas beaucoup de temps, je pourrais résumer votre
présentation : vous hésitez et on le sent. Et, dans votre mémoire, dans
vos conclusions, vous nous dites : Validons à l'extérieur toutes ces
autorisations-là, ça va nous permettre, nous, comme médecins, d'être beaucoup
plus, un, légitimes et de travailler de façon beaucoup plus sereine. Est-ce que
j'ai bien résumé votre position, là, des 20 dernières minutes? Et, vous
savez, vous avez sensiblement la même position que les médecins avaient il y a
six ans, quand on a commencé à parler de l'aide médicale à mourir. Ça fait
que je veux vous entendre <là-dessus...
M. Ouellette :
…Est-ce que j'ai bien résumé votre position, là, des 20 dernières minutes?
Et, vous savez, vous avez sensiblement la même position que les médecins
avaient il y a six ans, quand on a commencé à parler de l'aide médicale à
mourir. Ça fait que je veux vous entendre >là-dessus.
M. Carrier
(Félix) : Merci. Oui, votre résumé, je pense qu'il est très
juste. Finalement, on souhaiterait qu'il y ait une meilleure distinction entre
ce qui est un jugement médical sur une condition médicale puis un jugement
global sur une situation existentielle difficile. Puis on pense que le
dédoublement ou la superposition de ces deux rôles-là créent des difficultés puis,
peut-être pas toujours, peut-être pas dans tous les cas de figure, mais dans
plusieurs scénarios peuvent rendre le rôle thérapeutique puis le rôle médical
en difficulté face à un patient qui fait une demande d'aide médicale à mourir puis
que valider cette option-là, endosser cette option-là, ça devient un paradoxe
par rapport à la disponibilité puis l'ouverture aux soins que le médecin
devrait recommander.
Et puis on pense que de porter un jugement
médical sur une situation globale qui remet en question l'existence globale, on
pense que c'est au-delà de ce qui est légitime pour un médecin d'endosser, on
pourrait dire, philosophiquement, et puis c'est au-delà de ce qui est légitime
pour un médecin de porter comme jugement. Plus qu'on s'éloigne, finalement, des
conditions médicales terminales, plus que ce jugement-là devient moins
légitime, selon nous.
Et puis c'est la société qui rend
admissible cette option-là. On pense que les personnes qui veulent s'en
prévaloir devraient pouvoir avoir aussi… faire face à l'institution et à la
société, qui peut l'autoriser, et que les médecins puissent renseigner, être
disponibles, pas se braquer ou antagoniser le processus, avoir un rôle qui peut
être dans l'accompagnement jusqu'à l'option d'euthanasie ou de l'aide médicale
à mourir, mais qui reste distinct, puis que cette distinction-là soit claire,
soit explicite, pour ne pas qu'on ait l'impression, finalement, que toute
situation ou qu'une demande d'aide médicale à mourir, finalement, relève d'un
jugement médical. Parce que, dans bien des cas, ce qui fait intervenir cette
demande-là est très peu médical, finalement. Très important, la souffrance est
majeure, on est dans un registre qui est beaucoup plus existentiel, puis la
médecine n'a pas l'autorité sur les questions existentielles, selon nous.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, M. le député. Donc, si je peux me permettre, Dr Carrier,
vous ne verriez pas la nécessité que… s'il y avait une équipe
multidisciplinaire, qu'un psychiatre soit inclus dans la prise de décision ou
dans l'accompagnement, là, sauf médical?
• (10 h 30) •
M. Carrier
(Félix) : Oui. Je verrais que les psychiatres puissent être
sollicités pour ce que j'appelle renseigner le processus, renseigner la demande,
si elle exige des qualifications médicales. S'il faut qu'un diagnostic
psychiatrique soit nommé, le psychiatre peut le faire. S'il y a une opinion
psychiatrique sur la complexité des enjeux où est-ce que la souffrance peut
intervenir, le psychiatre peut tout à fait donner une opinion, souvent
compétente, sur cette question-là. Mais endosser la demande puis dire que,
finalement, faire mourir, c'est une réponse médicale appropriée à une <situation
humaine difficile…
>
10 h 30 (version révisée)
<
M.
Carrier (Félix) :
...une opinion psychiatrique sur la
complexité des enjeux où est-ce que la souffrance peut intervenir, le
psychiatre peut tout à fait donner une opinion, souvent compétente, sur cette
question-là. Mais endosser la demande puis dire que, finalement, faire mourir,
c'est une réponse médicale appropriée à une >situation humaine difficile
où la maladie peut être très présente, ou centrale, ou accessoire, on pense
qu'il y a un pas que la médecine ne doit pas franchir dans l'endossement et la
validation puis, encore là, dans leur rôle médical, parce qu'au plan personnel
on pourrait tout à fait juger qu'effectivement, si je suis à la place de telle
personne, ou je comprends, ou... Mais là on est dans un registre différent,
dans le registre d'une relation où il y a une relation médecin-patient qui est
en place. Tu sais, ce qu'on pense dans notre for intérieur est à distinguer,
des fois, de ce qu'on a à mettre de l'avant dans notre mission que d'une
personne qui est en souffrance, puis cibler ce qu'on a à dire par rapport à
notre expertise, puis à notre compétence, puis à notre champ d'exercices. Et
puis on pense que, finalement, la question de l'aide médicale à mourir déborde
de ce qu'un médecin peut endosser vu que ça englobe la vie puis l'existence
complète d'une personne, pas juste sa situation médicale.
La Présidente (Mme Guillemette) :
O.K. Et on sait que la souffrance psychologique est dure à évaluer, ne s'évalue
pas, en fait. Donc, j'aimerais... Vous préconiseriez la sédation plutôt que
l'aide médicale à mourir, de ce que je comprends de votre discussion.
M. Carrier
(Félix) : Je vois la sédation, donc, palliative, même terminale
vraiment comme quelque chose qui peut se comprendre puis se raisonner comme un
continuum ou une extension des soins dans la palliation. Je vois l'aide
médicale à mourir ou l'euthanasie — à mon sens, il y a vraiment un
chevauchement de ces deux concepts-là — comme vraiment une décision
où il y a une sortie d'une logique de soins, qui peut être légitime, qui peut
être compréhensible, qui peut être rationnelle, ce n'est pas ça la question,
mais vraiment qu'il y a une option qui implique de sortir d'une logique de
soins.
Et puis peut-être certains cas de troubles
mentaux sévères pourraient répondre à une logique de sédation palliative
terminale, peut-être d'autres pourraient relever d'une ouverture à
l'euthanasie, mais c'est le moment où il y a une ouverture à l'euthanasie qu'on
pense qu'il y a une rupture d'avec une logique strictement de soins, puis que
ça ne peut pas reposer juste sur la profession médicale d'arbitrer, puis de
juger, puis d'endosser ça. On pense que ça crée vraiment... ça assimile à des
soins quelque chose qui est plus un jugement qu'on n'en veut plus, de ces
soins-là, et on veut une intervention qui est dans un registre différent, puis
qui interrompt l'existence, et tout ce qui vient avec, souffrance, comme option
thérapeutique, comme possibilité de soulagement, parce que ce n'est pas
acceptable, parce que c'est trop lourd, parce qu'on n'y croit pas.
Mais la souffrance psychiatrique, elle est
énorme, elle va certainement générer des demandes de mourir. En fait, c'est des
gens, statistiquement, qui se suicident fréquemment. Et, pour plusieurs, ça
peut être une façon d'avoir accès... une façon de mettre fin à leur vie sans
être dans la clandestinité, sans être dans des conditions qui sont sordides,
sans risquer que les proches les retrouvent. Donc, il y a plein de raisons puis
plein de rationnel à ça. Mais l'endossement d'en faire une décision médicale ou
une question médicale, on pense vraiment qu'il y a une délimitation à faire et
on pense que la conceptualisation de l'aide médicale à mourir devrait
reconnaître qu'il y a un... on tombe dans un registre différent. Là, on tombe
dans une superposition de rôles qu'il faut mieux circonscrire, selon moi.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M. Caron (Félix) : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Je <céderais...
M.
Carrier (Félix) :
...mais
l'endossement
d'en faire une décision médicale ou une question médicale, on pense vraiment
qu'il y a une délimitation à faire et on pense que la conceptualisation de
l'aide médicale à mourir devrait reconnaître qu'il y a un... on tombe dans un
registre différent. Là, on tombe dans une superposition de rôles qu'il faut
mieux circonscrire, selon moi.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M. Caron (Félix) : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Je >céderais la parole au député de Mégantic.
M. Jacques : Bien, merci, Mme
la Présidente. Dr Carrier, je vais continuer un peu dans la même veine,
là, que ma collègue, là, de Roberval. On parle de gens qui... bon, on parle de
suicide. Tu sais, si les gens sont rendus à ce point-là, c'est difficile pour
eux. C'est qu'ils ne sont plus capables de vivre, là, dans leur maladie. Vous
dites, de l'autre côté... et j'ai entendu hier aussi qu'il y a des... les cas
liés à la psychiatrie, il y a un psychiatre qui nous a dit : Je ne connais
pas aucun de mes patients qui pourrait requérir à l'aide à mourir, à l'aide
médicale à mourir. Donc, c'est quoi, le juste milieu entre tout ça?
M. Carrier
(Félix) : De mon côté, j'ai en fait plusieurs de mes patients,
je pense, que, souvent, ce que je comprends du cadre actuel de l'aide médicale
à mourir, pourraient se qualifier sur la base qu'ils souffrent énormément,
qu'ils ont des conditions médicales psychiatriques bien diagnostiquées avec
déjà un long recul d'interventions qui sont partiellement efficaces, ou des
rechutes, ou des traitements, des fois, qui ont des effets, même, indésirables
qui ne sont pas acceptables et qui ne sont pas dans des états complètement
perturbés au point où il y aurait une altération de jugement ou inaptitude.
Donc, je pense que, dans les faits, il y a certainement une partie des gens en
psychiatrie qui pourrait satisfaire aux qualifications d'avoir une maladie
sévère, réfractaire, une grande souffrance et puis avoir un jugement qui est suffisant
pour faire une demande, qui est apte.
Là où je vois une difficulté, c'est que ça
soit au psychiatre traitant de dire à la personne qu'effectivement la mort va
être une réponse médicale adaptée à cette situation-là. C'est une réponse ou une
option qui va être admise socialement, qui va être endossée socialement. On
pense que c'est des conditions qui ont le mérite puis qui ont ce qu'il faut
pour être admissibles. Et puis le psychiatre peut attester de tout ce qu'il
faut pour que cette demande-là puisse suivre, mais il ne devrait pas, dans son
rôle de psychiatre, dire à la personne qu'effectivement son état justifie une
réponse médicale qui est d'être supprimé, finalement.
L'ouverture, la disponibilité, le soutien,
l'accompagnement, les options thérapeutiques restantes, le psychiatre devrait
rester en disponibilité pour ça. Et je ne parle pas d'antagoniser ou
d'argumenter contre l'option de l'aide médicale à mourir ou l'euthanasie, si le
patient en fait une demande qui est légitime, mais ces demandes-là, finalement,
finissent par être arbitrées puis reçues par une instance différente qui ne
sera pas le psychiatre traitant. C'est vraiment là que je vois
une confusion de rôles, un dédoublement de rôles puis des jugements, en fait,
qui ne s'articulent pas très bien sur ce qui relève de la médecine puis sur ce
qui relève de, finalement, dire : Ce que la médecine peut m'offrir par
rapport à ma situation n'est pas suffisant, ne me convient pas, puis je cherche
une voie différente qui va mener à ce que je n'existe plus dans cet état-là, <finalement...
M.
Carrier (Félix) :
...c'est vraiment là que
je vois une confusion de rôles, un dédoublement de rôles puis des jugements, en
fait, qui ne s'articulent pas très bien sur ce qui relève de la médecine puis
sur ce qui relève de, finalement, dire : Ce que la médecine peut m'offrir
par rapport à ma situation n'est pas suffisant, ne me convient pas, puis je
cherche une voie différente qui va mener à ce que je n'existe plus dans cet
état-là, >finalement. Puis je ne pense pas que ça
serait aux psychiatres de dire : Effectivement, médicalement, c'est la
bonne réponse à vous donner. Ce n'est pas une réponse qui est médicale. C'est
une réponse, techniquement, qui peut être médicalisée : le geste, la
procédure, la paperasse, il y a plein de choses que le cadre médical peut tout
à fait rendre efficaces, prévisibles, imputables, mais c'est une question qui
est plus au niveau philosophique, au niveau conceptuel. Est-ce que c'est une
réponse médicale adaptée à un problème médical? En fait, c'est une réponse
existentielle qui supprime l'existence à une évaluation globale négative qu'une
personne fait de sa situation, qui est juste un morceau de ça qui est
réellement médical, finalement.
Moi, je parle plus d'aller
distinguer ces rôles-là, distinguer qui endosse, pour que le psychiatre puisse
se réserver une place qui reste entièrement thérapeutique face au patient, puis
qui peut l'accompagner jusqu'au bout d'une démarche d'aide médicale à mourir,
parce que, finalement, le médecin traitant n'a pas besoin de dire : Si
vous voulez l'aide médicale à mourir, je ne vous vois plus, je ne vous suis
plus, je ne donne plus de rendez-vous. Il y a plein de choses qui peuvent se
passer que le psychiatre doit rester pleinement présent puis disponible. Mais
l'endossement, envoyer le signal, le regard, le reflet que... à un patient que
vous êtes une personne, effectivement, que... je regarde la situation puis je
pense que, médicalement, la chose qui s'impose, c'est que vous soyez mort à ce
stade-ci, à mon sens, c'est quelque chose qui est une rupture par rapport au
raisonnement médical. Puis appliquer une logique de soins, une logique
d'indication à des situations comme celles-là, je crois que c'est une zone où
on est mieux de ne pas aller, tout simplement.
M. Jacques : Je
voulais aller du côté... Vous avez parlé de regard externe de la population,
des autres... des gens de la famille, aussi. Est-ce que vous pensez qu'il
pourrait y avoir des gens qui sont victimes de maladie mentale, je peux le dire
comme ça, qui pourraient être forcés ou qui pourraient être influencés par leur
famille, par leurs proches, par la communauté de dire : Tu es... tu sais,
on n'est plus capables de s'occuper de toi, on ne veut plus s'occuper de toi,
tu es... arrête ça, là? Vous ne pensez pas que ça pourrait être un débat
dangereux ?
M. Carrier (Félix) : Bien, j'ai mes préoccupations, évidemment, de ce côté-là. Ce n'est pas...
Je ne cherche pas à voir de la malveillance ou des mauvaises intentions plus
qu'il faut, mais je parlais tout à l'heure du double stigma qui pèse sur la
maladie en général, mais sur la maladie psychiatrie peut-être encore plus, à la
fois du regard externe, du regard des collègues, des proches, parfois même des
soignants, hein? Je ne vous cache pas qu'il y a des situations où, à force de
se sentir impuissant, à force que ça rechute, à force que ça ne fonctionne pas,
parfois, le sentiment d'impuissance peut devenir lourd. Mais il y a aussi tout
ce que la personne elle-même va internaliser, de ces regards-là, de ces
reflets-là, des fois même de ses propres préjugés sur la maladie psychiatrique,
avant que la personne devienne malade, hein? Ça peut arriver que tout ça,
finalement, suit puis hante la personne, et puis, à ce moment-là, qu'il y ait
une <pression...
M.
Carrier (Félix) :
...peut
devenir
lourd. Mais il y a aussi tout ce que la personne elle-même va internaliser, de
ces regards-là, de ces reflets-là, des fois même de ses propres préjugés sur la
maladie psychiatrique, avant que la personne devienne malade, hein? Ça peut
arriver que tout ça, finalement, suit puis hante la personne, et puis, à ce
moment-là, qu'il y ait une >pression
explicite, peut-être, là on tomberait dans quelque chose qui est franchement
malveillant, mais qu'implicitement il y ait un regard, des reflets, un momentum
qui souligne que ça pourrait être intéressant, que ça pourrait être adapté, que
ça pourrait être à considérer, que finalement, peut-être, ça... On peut facilement
être dans une logique ou dans une... dans des dialogues où cette option-là est
moussée.
• (10 h 40) •
Et ça peut se faire de façon très
insidieuse, très implicite. Ça peut être très rationnel aussi, mais, encore là,
il y a un risque d'une pression qui pourrait être forte, peut-être indue. Mais,
rendu là, est-ce que c'est des raisons de refuser un accès mur à mur à des gens
qui ont des troubles de santé mentale? C'est là que, dans mon rôle de
psychiatre, je me vois aussi dans le rôle d'essayer de représenter, de faire
valoir les droits des patients que je suis, leur autonomie puis la reconnaissance
de leur souffrance.
Donc, de dire que ce serait un non strict
sur la base que c'est... il y a des risques qu'il y ait une pression indue sur une
partie des gens, au total, ce ne serait pas un argument suffisant, mais les
préoccupations sont quand même là. Puis d'avoir des mécanismes pour être à
l'affût de ça, être vigilant, lever... signaler s'il y a des situations où on
pense le moindrement qu'il y a quelque chose de malsain ou il y a une pression,
ça, je crois que ce serait une prudence... élémentaire à avoir. Mais, face à
ça, il y a des gens qui vont vouloir faire des demandes légitimes qui ne sont
pas contraints plus que ça, puis je ne crois pas que ça puisse être un frein
complet pour l'extension, moi, je pense, qui est prévisible à la psychiatrie.
Puis, encore là, je parle d'un dédoublement
de rôles qui est un peu compliqué. C'est que, même pour protéger mon rôle auprès
de mes patients, j'aurais tendance à dire que ce serait mieux qu'on ne
s'embarque pas du tout là-dedans. Mais, en même temps, j'en ai, des patients
dans ma clinique, qui me demandent régulièrement où c'en est, est-ce qu'ils
sont admissibles, où est-ce que ça s'en va, et je ne me vois pas non plus leur
dire qu'on ne peut pas avoir la discussion sous prétexte que ce n'est pas
encore ouvert, là. C'est des discussions que j'ai avec des patients depuis déjà
quelques années, finalement. Puis il y a des gens dans tout ça qui n'ont pas
l'air d'avoir des pressions plus que ça, sinon que celles qu'elles-mêmes se
mettent.
Puis le sentiment d'être un fardeau, le
sentiment d'avoir une perte de perspective, pas accepter un état où il y a de
l'invalidité ou de la récurrence, ça, c'est fréquent, ça, c'est très, très,
très fréquent, puis ça ne pèse pas beaucoup dans les décisions ou dans les désirs
de mourir. Le sentiment d'être un fardeau, perte de perspective, perte de sens,
beaucoup.
M. Jacques : Dr Carrier, je
vais vous arrêter parce que j'ai des collègues, là, qui veulent prendre... qui
veulent vous poser certaines questions. Donc, je vous remercie. Et merci, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Donc, je céderais la parole maintenant à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
: Merci,
Mme la Présidente. Merci, Dr Carrier. Vous êtes très éclairant ce matin. Et j'ai
une petite question par rapport à... Je comprends très bien le rapport du
psychiatre, toujours l'espoir de trouver une solution par rapport à une
situation que le patient vit avec sa santé <mentale...
Mme
Hébert
: ...j'ai
une petite
question par rapport à... Je comprends très bien le rapport
du psychiatre, toujours l'espoir de trouver une solution par rapport à une
situation que le patient vit avec sa santé >mentale. Advenant qu'il y
aurait un élargissement de l'aide médicale à mourir pour les personnes qui sont
atteintes de troubles mentaux, je comprends très bien aussi que peut-être que
ce n'est pas le psychiatre qui est traitant qui devrait prendre... peut-être
encourager le patient parce qu'il est toujours dans l'espoir de l'accompagner
puis de trouver une solution. Qui que vous pourriez suggérer qui pourrait voir
s'il y aurait possibilité que le patient soit admissible?
M. Carrier
(Félix) : Il y aurait probablement moyen que... En fait, ça n'exclut
pas que ça soit un médecin ou peut-être même un... je parlais de comité,
commission, un tribunal. Psychiatrie, on est... on fait souvent face, par
exemple, au Tribunal administratif pour des gestions de dangerosité, où,
finalement, il y a des personnes qui prennent un rôle très formel,
administratif, souvent qui vont recouper un avocat, un travailleur social, un
psychologue ou un psychiatre, et puis qui vont aviser, par rapport à leur
mandat, si certains critères sont remplis, si certaines conditions sont
requises ou ne le sont plus. Ils prennent un rôle où ils ont une autorité, ils
ont la légitimité aussi pour faire cet arrimage-là puis cet arbitrage-là entre,
des fois, de l'information médicale, des contextes médicaux complexes puis
certaines missions que la société ou que les institutions leur donnent.
Et puis ils ont un rôle qui est détaché du
patient, au sens où ils ne sont pas impliqués dans une démarche de soins, mais
ils ont à représenter des institutions, représenter un cadre légal, être à
l'écoute des différents enjeux, voir si les éléments qui sont soumis sont
conformes. Et puis il n'y a pas de confusion dans leur rôle à ce moment-là. Ils
ont une mission qui est pleinement axée sur la bonne administration puis la
bonne détermination de qu'est-ce qui doit être fait dans des cas de
dangerosité, comme on l'a mentionné, mais dans un cadre qui serait
l'admissibilité à l'aide médicale à mourir ou à l'euthanasie. Ce ne serait pas,
probablement... Ça pourrait être une instance qui répondrait à ce rôle-là avec
beaucoup moins de confusion, beaucoup moins de dédoublement de rôles, beaucoup
moins de risque de paradoxe.
Et puis le psychiatre pourrait être appelé
à témoigner à une audience comme celle-là et dire ce qu'il en est,
médicalement, de la situation de cette personne-là. Mais cette personne-là
aurait aussi, la personne concernée, à dire ce qu'il en est de sa situation
globale puis de l'ensemble des raisons qui motivent son option. Et je ne
verrais pas beaucoup d'antagonisme à ça non plus. Le psychiatre n'aurait pas à
se mettre pour ou contre la démarche. Il pourrait la renseigner, si elle a
besoin de l'être, refléter ce qu'il pense qui est pertinent, médicalement, à
dire de la situation et respecter qu'il y ait une zone où, finalement, ce n'est
pas à lui de juger, où ce n'est pas un regard médical qui est éclairant, mais
un regard qui est beaucoup plus global, puis que la personne concernée et
peut-être d'autres personnes qu'elle souhaiterait faire intervenir pourraient mieux...
mieux transmettre, finalement. Il y aurait une réserve, il y aurait une pudeur
sur ce que le psychiatre se permet de dire ou non sur ce qui n'est pas médical
par rapport à son patient, finalement, ou ce qui l'est peu, ou ce qui l'est
moins.
C'est un exemple qui me vient en tête,
mais ça pourrait être un psychiatre aussi qui agit à titre, en <fait...
M.
Carrier (Félix) :
...un regard qui est beaucoup plus
global, puis que la personne concernée et peut-être d'autres personnes qu'elle
souhaiterait faire intervenir pourraient mieux... mieux transmettre,
finalement. Il y aurait une réserve, il y aurait une pudeur sur ce que le
psychiatre se permet de dire ou non sur ce qui n'est pas médical par rapport à
son patient, finalement, ou ce qui l'est peu, ou ce qui l'est moins.
C'est un exemple qui me vient en tête,
mais ça pourrait être un psychiatre aussi qui agit à titre, en >fait, de...
d'évaluer si une demande est admissible ou recevable, mais qui serait dans un
rôle distinct, qui ne serait pas le psychiatre traitant. Et il y a probablement
plusieurs cas de figure qui pourraient être adaptés, qui seraient à discuter ou
à travailler, et qui permettraient de dénouer le dédoublement de rôles, qui
pourraient prendre la forme d'un premier avis, deuxième avis, troisième avis,
mais qui finissent toujours, en fonction de cette façon-là, par être un avis
médical qui confirme que l'indication, elle est là. Et c'est de ça, je crois,
qu'il serait souhaitable de se sortir, de cette logique-là.
Mme
Hébert
:
Parfait. Puis, dernière petite question, êtes-vous d'avis que ça soit une
option seulement dans des circonstances exceptionnelles? On a entendu
Dr Gupta, qui nous disait que c'était minime, le nombre de personnes
qu'elle pouvait envisager que, peut-être, ils pourraient recourir à ce genre de
demande là puis qu'il y aurait une suite. Êtes-vous de cet avis-là aussi?
M. Carrier
(Félix) : C'est difficile pour moi d'avoir un avis là-dessus
parce que mon opinion, c'est qu'il y a plusieurs situations qui pourraient
probablement rentrer dans les balises. Parce que des gens qui ont des
conditions pénibles, difficiles, récurrentes, invalidantes, avec des
diagnostics psychiatriques, il y en a plein nos hôpitaux, plein nos cliniques.
Donc, de penser qu'il y aurait juste certains de ces cas-là qui pourraient être
admissibles, peut-être à court terme, mais, si on voit le mouvement actuellement,
le momentum où... Je mentionnais que les balises deviennent, personnellement,
des discriminations. Si on pense un tout petit peu à l'avance, je ne verrais
pas que ça soit exceptionnel tant que ça. Puis je pense qu'il faut plutôt se
préparer à voir qu'il y aurait... il va y avoir plusieurs demandes qui vont
nous apparaître légitimes, recevables, rationnelles. Et, de proche en proche,
je ne verrais pas pourquoi cette extension-là s'arrêterait tout d'un coup à
quelques cas exceptionnels ou quelque cas peut-être qui sont exemplaires de ce
qu'on pense être un cas d'aide médicale à mourir pour la psychiatrie. Le
mouvement des dernières années n'est pas dans ce sens-là, de toute façon.
Donc, réserver ça à des cas exceptionnels,
j'ai l'impression que ces cas exceptionnels là vont être ceux dont d'autres
vont suivre, finalement. Je pense qu'il faut avoir une vision qui prévoit la
suite logique des choses, la suite prévisible des choses. Puis je ne veux pas
être... Je ne dis pas cela avec un caractère aggravant ou pour se faire des
peurs, j'ai l'impression qu'on est dans un mouvement, qui est assez rapide puis
assez prévisible, d'extension, puis qu'il faut voir s'il y a un... probablement
que ça sort de la médecine un petit peu plus que maintenant, pas parce
qu'initialement c'était pleinement une question médicale, mais parce
qu'actuellement, peut-être, cette contorsion-là, que j'appelle, pour que ça
fitte dans une logique médicale va être de plus en plus difficile à maintenir
puis plus problématique à maintenir.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dr Carrier. Merci, Mme la députée. Nous continuons nos
échanges avec le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente, et merci, Dr Carrier, pour vos interventions. Deux choses qui
m'interpellent. Dans un premier <temps...
La Présidente (Mme Guillemette) :
...merci beaucoup, Dr Carrier. Merci, Mme la députée. Nous continuons nos
échanges avec le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente, et merci, Dr Carrier, pour vos interventions. Deux choses qui
m'interpellent. Dans un premier >temps, c'est connu, maintenant, que
nous sommes devant l'obligation de répondre à l'absence du critère «fin de vie»,
ce qui nécessite, en quelque part, au moins une discussion étoffée sur les cas
très graves de maladies mentales. L'autre réalité, nous sommes devant une loi
au Québec, actuelle, qui situe l'aide médicale à mourir à la fin, mais bien
insérée dans le continuum du soin. Ça, c'est un fait, actuellement. Devant ces
deux faits, nous sommes confrontés par l'obligation, et vous l'avez dit,
l'obligation très sérieuse de nous imposer une prudence très, très réelle en
tout ce qui a trait à la santé mentale. Et nous sommes conscients que tout ça
impose un fardeau et une responsabilité très réels sur les médecins, dont les
psychiatres, qui sont médecins.
Je vous invite à clarifier, pour moi et peut-être
pour mes collègues, comment ce fardeau et cette responsabilité devant un cas de
santé mentale très grave, les critères qui restent pour l'instant, la
souffrance, l'horizon d'une moindre possibilité de guérison, consensus, peut-être,
autour de la famille que cette personne veut, clairement et lucidement, avoir l'aide
médicale à mourir... pouvez-vous clarifier pour nous pourquoi et comment vous
voyez le fardeau du médecin psychiatre de façon très différente que
l'oncologue, l'omnipraticien qui accompagne son client, son patient?
• (10 h 50) •
M. Carrier
(Félix) : Personnellement, je ne vois pas le fardeau comme
étant fondamentalement différent. Puis, au contraire, hein, ma réflexion sur l'aide
médicale à mourir vis-à-vis la médecine en son ensemble n'est pas différente de
ma réflexion par rapport à la façon dont elle interpelle la psychiatrie. Je
crois plutôt que les difficultés sont rehaussées en psychiatrie. Elles sont peut-être
plus saillantes en psychiatre. Mais, à mon sens, le malaise, pour un oncologue,
de déterminer pour son patient qu'être mort est une réponse médicale appropriée
à son état est tout aussi problématique que pour un psychiatre de le dire à son
patient. Mais le type d'enjeu, le type de contexte, probablement, peut nous
faire penser que, dans un cas, c'est plus simple, puis, dans un cas, ça l'est
moins, probablement, peut nous faire penser que dans un cas, c'est médical,
c'est clair, et dans un autre cas, ce l'est peut-être moins, mais, au final,
c'est toujours un jugement sur l'existence <globale...
M.
Carrier (Félix) :
...pour un psychiatre de le dire à son
patient. Mais le type d'enjeu, le type de contexte, probablement, peut nous
faire penser que dans un cas, c'est plus simple, puis dans un cas, ça l'est
moins, probablement, peut nous faire penser que dans un cas, c'est médical,
c'est clair, et dans un autre cas, ce l'est
peut-être moins, mais, au
final, c'est toujours un jugement sur l'existence >globale, c'est toujours
un jugement sur la perte de sens, perspective, un sentiment global d'indignité,
de dépendance ou de perte d'option. Et puis, encore là, à mon sens, l'oncologue
ne devrait pas être plus à l'aise ou moins à l'aise qu'un psychiatre de
déterminer, médicalement, que mourir est une réponse médicale pour son patient
qui est adaptée. On est à une étape qui est conceptuelle. On est dans une
délimitation qui est vraiment au niveau de c'est quoi, qui est médical, qu'est-ce
qui ne l'est pas.
Si on va du côté de la psychiatrie, là, au
niveau de la psychiatrie, les gens qui vont faire des demandes qui pourraient
être recevables ne seront pas dans des états psychiatriques complètement
désorganisés ou en perte de contact avec la réalité. Ça va être dans des états
trop gravement altérés pour qu'un jugement puisse être formulé. On tombe, dans
tous les cas, dans des situations où, maladie grave ou plus ou moins grave, il
va y avoir un niveau de stabilité puis un niveau de jugement qui va être
suffisant pour qu'une demande puisse être formulée, raisonnée. Donc, les
maladies sévères, instables, psychotiques vont disqualifier les gens d'emblée,
quand elles sont actives, pour être admissibles, ça, ça me semble assez clair,
à moins, comme je le disais pendant ma présentation, qu'il reste l'objet de
directives anticipées ou de demandes qui viendraient d'un tiers. Donc, à ce
moment-là, on va avoir des gens qui sont dans des situations où les symptômes
sont relativement stables, ou, en tout cas, contrôlés suffisamment pour qu'ils
puissent juger de leur situation, juger de leur état, juger de leurs options,
juger de leur traitement puis déterminer si c'est une existence, une situation
globale qui est acceptable ou pas pour eux. Donc, nos demandes vont toujours
intervenir des gens qui sont, au minimum, dans un état assez stable pour
exprimer des choix, des préférences puis raisonner sur leur situation. Que la
maladie soit sévère ou pas, le niveau de stabilité qui doit être requis va être
quand même important pour qu'une demande puisse être formulée puis puisse être
recevable.
Et puis là on va tomber dans les jugements
qui deviennent très personnels. La personne avec la même dépression récurrente,
réfractaire, même type de symptômes, même type de réalité au quotidien, l'une
pourrait juger que cet état-là est inacceptable pour elle puis que l'option de
mettre fin à son existence est la suite logique, acceptable pour elle, et une
autre, avec des symptômes, d'un point de vue psychiatrique, relativement dans
le même registre, pourrait avoir une opinion différente. Et je pense que ça
reflète bien à quel point, rendu là, on est dans quelque chose qui n'est pas
tant une détermination médicale de qu'est-ce qu'est le diagnostic, qu'est-ce qu'est
l'état actuel, mais comment la personne voit son état global, juge ses
perspectives, juge ses options et puis formule un jugement sur son existence, à
ce moment-là. Et puis, que le cadre légal...
M. Birnbaum : Docteur, comment
c'est un jugement sur l'existence si on parle d'un constat validé de
souffrances interminables, peut-être une constance lucide et apte d'une vie où,
malgré des traitements de toutes sortes, malgré, peut-être, une volonté de
subir des traitements de toutes sortes, l'horizon de... est <négatif...
M. Birnbaum : ...peut-être
une
constance lucide et apte d'une vie où, malgré des traitements de toutes sortes,
malgré, peut-être, une volonté de subir des traitements de toutes sortes,
l'horizon de... est >négatif? Les constats, peut-être, dans l'exemple du
psychiatre présent, serait que cette personne est résistante à tout traitement,
et je ne vois aucunement une possibilité d'amélioration, consensus de la
famille... On n'est pas dans le conceptuel.
Dans cette situation, j'essaie de
comprendre si vous voyez une distinction dans... en ce qui a trait à vos
responsabilités vis-à-vis un oncologue, devant quelqu'un dont la souffrance,
l'expérience, est pareille pour des raisons dites physiques.
M. Carrier
(Félix) : Le fardeau au niveau de l'opinion psychiatrique
devant quelqu'un qui a une condition bien diagnostiquée puis assez claire, des
traitements appropriés qui ont donné peu de résultats, va pouvoir dire avec un
bon niveau de certitude que le pronostic est réservé ou mauvais. Peut-être pas
avec le même niveau de certitude qu'un oncologue pourrait dire qu'un cancer
d'un certain type, à certaines phases, va entraîner la mort dans un délai très
court, pas avec ce genre de certitude là, mais avec un bon degré de certitude.
La distinction que je fais, c'est qu'à
aucun moment où un psychiatre aurait à déterminer qu'un pronostic va être
réservé ou vraisemblablement mauvais pour un patient, il va pouvoir dire :
De là, sa mort devient une réponse médicale adaptée. Ce jugement-là revient au
patient à faire, et il revient à la société de décider si elle l'endosse ou non.
Mais on sort de ce qui est un jugement médical. C'est ça qui est conceptuel, à
mon sens. C'est qu'on est dans deux ordres différents, dans deux niveaux
différents, dans deux logiques différentes. Et puis, de conclure que la mort est
une réponse médicale adaptée, ce n'est pas un jugement qui revient au médecin
de faire, logiquement. C'est vraiment ça qui est le centre de mon argument.
Mais qu'un médecin puisse renseigner le
processus ou un psychiatre puisse dire d'un patient qu'il a une maladie sévère,
difficile à traiter ou pas possible à traiter de façon réaliste avec les outils
qui ont déjà été déployés, ça, je pense qu'il va pouvoir le déterminer avec un
bon niveau de certitude, avec tout le poids de sa responsabilité professionnelle,
comme il doit émettre ce genre de jugement là dans une variété d'autres
contextes. Ça, c'est ce que j'appelle renseigner le processus. Donc, il va
renseigner le processus de façon, je pense, très adéquate puis faire les
nuances, mettre les zones d'incertitude, là, qui sont requises en évidence,
mais il ne devrait pas arbitrer si, de là, la mort est une réponse adaptée. C'est
le patient qui doit exprimer cette demande-là, et puis la réponse doit venir,
selon moi, d'une instance qui est hors du suivi psychiatrique.
M. Birnbaum : Alors, est-ce
que je comprends que vous écartez, en quelque part, la possibilité d'un
jugement médical d'un psychiatre? Que, compte tenu de l'absence de traitements
raisonnables, compte tenu de l'absence d'une façon de palier à la souffrance de
la <personne, compte tenu de...
M. Birnbaum : ...la possibilité
d'un jugement médical d'un psychiatre? Que, compte tenu de l'absence de
traitements raisonnables, compte tenu de l'absence d'une façon de palier à la
souffrance de la >personne, compte tenu de ses volontés, et dans un cas
où cette volonté, son aptitude d'exprimer cette volonté soit claire, vous
écartez la possibilité qu'un psychiatre médecin pourrait faire un jugement que,
sur le soin continu, c'est de mise et c'est une option légale, qu'une telle personne
soit accompagnée par un psychiatre dans ses voeux d'avoir recours à l'aide médicale
à mourir.
M. Carrier
(Félix) : Oui. Je pense que le psychiatre va être en mesure
d'attester, d'affirmer si le critère médical est rempli ou non. À ce moment-là,
c'est sûr que ça va... il y a un engrenage où la conclusion que le patient va
être admissible risque d'aller de soi, à moins qu'il y ait d'autres enjeux
majeurs qui le disqualifieraient par rapport aux autres balises qui seraient
applicables. Et ce que je dis, c'est que ce jugement-là, qu'au-delà de dire que
le critère médical qui est requis légalement est rempli, de dire que c'est une
indication médicale appropriée, on tombe dans ce que moi, je considère être un
jugement qui est hors de la médecine. Qu'un médecin, je le disais, hein, ou un
psychiatre, dans son for intérieur, peut avoir... à titre de citoyen, à titre
de personne humaine, il pourrait avoir bien des opinions sur bien des choses, mais
est-ce qu'il peut le dire, médicalement, légitimement par sa profession, son
expertise? C'est limité, finalement, à ce que... la qualification médicale, est-ce
qu'elle est remplie ou non. S'il y a une qualification médicale qui est requise
puis si on vient à un moment où l'extension de l'euthanasie nous entraîne à une
étape où il n'y aura pas de qualification particulière qui est requise, je
pense que le médecin ne devrait pas avoir à dire qu'il y a des raisons
médicales s'ils n'en ont pas attesté.
Mon argument anticipe des situations où la
médecine n'aurait pas grand-chose à dire, de toute façon, à des demandes. Et
puis, à ce moment-là, on pense qu'elle ne devrait rien dire du tout.
M. Birnbaum : Si je peux... Comment,
dans l'éventualité que les critères soient, avec grande prudence, élargis pour,
en quelque part, permettre le recours à l'aide médicale à mourir dans les circonstances
très, très graves, comme médecin, comme psychiatre, comment vous vous
comporterez devant un de vos clients qui auraient indiqué son souhait? Est-ce
que vous le référerez à un autre psychiatre pour qu'il soit accompagné? Et,
compte tenu que vous ne serez pas en mesure de décharger vos responsabilités de
continuer à accompagner cette personne, comment vous réagirez? Et comment vous
conseillerez vos collègues de réagir?
• (11 heures) •
M. Carrier
(Félix) : Comme la forme que prendra... puis comme les balises
qui seront requises pour les personnes qui feraient une demande...
11 h (version révisée)
<15371
M.
Birnbaum : ...de continuer à accompagner cette personne, comment vous
réagirez? Et comment vous conseillerez vos collègues de réagir?
M.
Carrier (Félix) :
Comme la forme
que prendra... puis comme les balises qui seront requises pour les personnes
qui feraient une >demande d'aide médicale à mourir ou d'euthanasie en
contexte de troubles psychiatriques n'est pas encore, disons, si claire, je ne
veux pas trop spéculer sur ce que je ferai ou ce que je ne ferai pas. Mais ce
que je fais actuellement, c'est que j'ai des discussions avec plusieurs de mes
patients qui sont déjà actives depuis déjà plusieurs semaines, plusieurs mois,
même des années, sur l'opportunité, le scénario où ils souhaiteraient que leur
mort soit provoquée dans un contexte médical pour ne pas avoir à se suicider de
façon clandestine ou de façon un peu sordide chez eux. Ces discussions-là sont déjà
présentes, sont déjà très ouvertes, en fait, sont incluses puis évidemment
elles sont invitées dans le suivi que j'ai avec mes patients pour ne pas qu'il
y ait de tabous d'aucune façon, pour ne pas qu'il n'y ait rien qui soit
impossible à discuter ou à aborder. Et le défi que je perçois depuis déjà plusieurs
mois et des années par rapport à ça, c'est d'arriver à délimiter ce qui est une
démarche de soins, une démarche thérapeutique, un rôle psychiatrique au sens
fort du terme, et puis le reflet que l'endossement de cette option-là envoie au
patient, et puis comment ça devient difficile d'articuler à la fois de valider
une option de cesser de vivre, de mourir, ce qui serait essentiellement la même
chose que de valider un patient dans son souhait de se suicider, à ce stade-ci,
en psychiatrie.
Là, on parle d'une étape où il y aurait
une possibilité pour le patient que son souhait de mourir puisse être encadré
puis mené à terme dans un contexte plus encadré, plus officiel, avec un
meilleur décorum, certainement, puis pas tout le côté clandestin ou sordide, là,
que les suicides prennent parfois. Mais actuellement le regard qui est porté et
le reflet qui est porté reste quand même de valider quelqu'un dans un choix de
mettre fin à son existence, et puis ça, c'est extrêmement difficile de bien
articuler ça avec l'ouverture puis la disponibilité pour des soins.
Une voix : ...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député. Merci beaucoup, Dr Carrier. Je passerais
maintenant la parole au député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme
la Présidente. Merci, Dr Carrier, pour votre contribution cet avant-midi.
Elle est intéressante, elle est essentielle, puis elle est complémentaire à
d'autres expertises que nous avons entendues.
Je veux, d'entrée de jeu, vous
sensibiliser au fait qu'on travaille ici, à la commission, avec un mandat qui
est circonscrit par une motion qui a été votée par l'Assemblée nationale. Et
donc nos travaux se concentrent sur deux questions, celle des demandes
anticipées en cas d'inaptitude, puis celle des gens souffrant de troubles
mentaux. J'accueille avec beaucoup d'ouverture votre commentaire plus général
sur la structure conceptuelle de l'aide médicale à mourir, mais mes questions
vont porter sur des enjeux qui sont plus précisément à l'intérieur de notre
mandat.
Une des représentations qui nous a été
faite, et j'aimerais entendre votre avis de psychiatre sur cette <question-là,
c'est que les gens qui font des demandes...
M. Nadeau-Dubois : ...
précisément
à l'intérieur de notre mandat.
Une des représentations qui nous a été
faite, et j'aimerais entendre votre avis de psychiatre sur cette >question-là,
c'est que les gens qui font des demandes anticipées d'aide médicale à mourir,
et là je suis davantage dans le volet inaptitude de notre mandat, à un moment
où ils sont, disons, en pleine possession de leurs aptitudes, là, de leurs
capacités, qui font donc une demande anticipée d'aide médicale à mourir, le
font en ayant une idée, font une projection de quel sera leur état au moment de
recevoir l'aide médicale à mourir. Cet état-là change dans le temps, et vient
un moment par la suite où il faut exécuter la demande ou la directive de la
personne, puis, à ce moment-là, la personne n'est plus apte à vérifier si c'est
véritablement ce qui s'est passé, autrement dit si sa projection de son état,
c'est ce qui s'est réalisé.
Et un des arguments qu'on nous a présentés
dans les derniers jours, c'est l'idée selon laquelle, puisque la personne qui a
fait la demande de consentement anticipée n'existe plus, entre guillemets, puis
qu'elle est remplacée par une nouvelle... un nouveau soi qui existe dans les
nouvelles circonstances qui sont celles de l'inaptitude, que donc le
consentement donné à l'avance n'est plus valide, puis qu'on en revient à
substituer le consentement à, au fond, on pourrait dire une autre personne.
Qu'est-ce que vous pensez de cet argument-là, êtes-vous d'accord avec ça,
est-ce qu'on est dans une situation de consentement substitué?
M. Carrier
(Félix) : Je crois que c'est délicat parce que, finalement, il
y a... il faut être de bonne foi, je pense, dans tout ça, puis l'enjeu que vous
soulevez par rapport aux directives anticipées, c'est un enjeu qui s'applique à
toute situation où il y a des directives anticipées, c'est que c'est toujours
très difficile de se projeter avec exactitude puis dans des circonstances
précises de ce que sera la situation qu'on anticipe. Finalement, on anticipe un
morceau ou un aspect de cette situation-là, puis il y en a plusieurs autres, en
fait, qui peuvent évoluer, qui peuvent être différents ou que... Et puis à ce
moment-là ça devient compliqué de déterminer à l'avance, exactement, comment
est-ce qu'on jugerait d'une situation qu'on anticipe du mieux qu'on peut, mais
peut-être pas parfaitement ou peut-être pas avec tous les détails qu'on
souhaiterait, d'anticiper exactement ce qu'on dirait puis ce qu'on déciderait à
ce moment-là.
Et puis ça vaut la peine, éthiquement, de
réfléchir à ça, que parfois, quand la demande qui est faite de façon anticipée,
elle fait l'hypothèse ou elle assume beaucoup, beaucoup de choses puis plus que
ce qu'on peut raisonnablement penser qu'on peut anticiper, peut-être que ce
n'est pas approprié d'ouvrir une directive anticipée à quelque chose qui est
trop incertain. Mais il faut être de bonne foi aussi, il faut accepter que,
dans le fond, c'est vrai pour toute situation où il y a des directives
anticipées, puis il faut voir que, finalement, il faut essayer d'avoir un degré
de certitude qui est proportionné aux enjeux, finalement. Puis, si la
projection que la personne fait, elle est quand même limitée, très, très
prévisible, très circonscrite, probablement que cette directive anticipée là
peut être recevable, parce que finalement le saut qui est fait, la projection
qui est faite est relativement limitée. Dans d'autres cas, la projection qui
est faite va être très lointaine, très <hypothétique, va prendre pour
acquis plusieurs choses, puis là...
M.
Carrier (Félix) :
...Puis, si la
projection que la personne fait, elle est quand même limitée, très, très
prévisible, très circonscrite, probablement que cette directive anticipée là
peut être recevable, parce que finalement le saut qui est fait, la projection
qui est faite est relativement limitée. Dans d'autres cas, la projection qui
est faite va être très lointaine, très >hypothétique, va prendre pour
acquis plusieurs choses, puis là on peut dire que, finalement, c'est tellement
incertain, c'est tellement hypothétique que d'accepter que c'est une directive
anticipée, ça va être, disons, problématique, puis peut-être ça serait mieux de
s'en abstenir en disant qu'il y a trop de choses qui peuvent changer, trop de
choses qui peuvent évoluer, puis que la projection ne permet pas d'être un
minimum certain que ce serait encore ce que la personne penserait, à ce
moment-là, dans les circonstances qu'elle a anticipées. Donc, c'est plus une
question de prudence, mais je ne pense pas que ça disqualifierait l'option des
directives anticipées, mais je pense que la difficulté est énorme.
Puis dès que la projection est moindrement
lointaine ou hypothétique, disons, quelqu'un dit : Si je fais une rechute
de ma dépression ou d'une manie psychotique, mettons qu'on parle de
psychiatrie, puis que ça arrive 20 ans plus tard, puis qu'on n'a pas
rediscuté, reprécisé, puis regardé c'était quoi, l'idée de la personne par
rapport à quand elle avait fait la directive anticipée puis au moment où c'est
rendu, je pense qu'à ce moment-là c'est difficile à tenir comme mandat. Mais,
si la projection est très, très limitée, puis là on tombe dans des situations
qui sont peut-être moins pour la psychiatrie, on parle plus d'un certain niveau
de déclin cognitif, là, la projection peut être assez précise, les paramètres
un peu plus objectifs, je n'endosserais pas nécessairement plus que ça, mais,
disons, le saut à faire serait beaucoup moins lointain. Puis de dire que cette
directive anticipée là est recevable, ça tiendrait mieux éthiquement,
certainement, que quelque chose qui est très incertain, très lointain,
plusieurs années d'avance, puis sans qu'on sache trop la forme que ça prendrait,
puis là de s'arrêter à ça. Puis, disons, quelqu'un dirait : Si je fais une
rechute de dépression, je veux qu'on me supprime, si ça arrive 10 ans plus
tard dans un contexte personnel très différent, je ne pense pas que c'est
approprié de sauter sur l'occasion pour dire : C'était ça, le souhait,
puis on procède.
Une voix : ...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dr Carrier. Merci beaucoup, cher député de Gouin, c'est
tout le temps que nous avions. Et je passerais la parole à la députée de
Joliette. Mais avant, j'aurais besoin du consentement de tout le monde, on
dépassera de peut-être une minute ou deux, là, donc j'ai besoin du consentement
de tout le monde.
Des voix : ...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Consentement. Donc, Mme la députée, vous pouvez y aller, la parole est à vous.
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour, Dr Carrier. Je veux bien comprendre votre propos quand vous dites
que le médecin doit avoir un rôle beaucoup plus extérieur dans le processus.
Est-ce que, pour vous, c'est quelque chose qui serait applicable uniquement
dans les situations de demande d'aide médicale à mourir en contexte de troubles
mentaux ou si c'est une recommandation générale que vous faites, y compris dans
le type de cas qu'on a vécu depuis plusieurs années?
M. Carrier
(Félix) : Mes remarques s'appliquent, d'après moi, de façon
plus importante à des cas de maladies qui sont dans la durée, qui sont sans le
critère de mort raisonnablement prévisible, qui ne sont pas limités à la
psychiatrie, mais à des conditions pénibles, persistantes avec le sentiment de
perte, déchéance, indignité, où il y a une durée qui permet probablement aussi
de passer par des <instances différentes...
M.
Carrier (Félix) :
...
de
maladies qui sont dans la durée, qui sont sans le critère de mort
raisonnablement prévisible, qui ne sont pas limités à la psychiatrie, mais à
des conditions pénibles, persistantes avec le sentiment de perte, déchéance,
indignité, où il y a une durée qui permet probablement aussi de passer par des
>instances différentes, comme je disais, pas pour que le psychiatre ou
le médecin se dégage du processus, mais plutôt qu'il le renseigne là où il doit
le renseigner, qu'il accompagne son patient dans tout le processus s'il le
souhaite, je pense que ce serait même souhaitable, mais que l'arbitrage puis
l'endossement de la décision d'être... de cesser d'exister, on assume que c'est
quelque chose qui sort du... qui sort de la détermination médicale puis que ce
ne soit pas au médecin de l'endosser ou de le valider, même si ça peut avoir
bien du bon sens puis que ce soit très rationnel.
• (11 h 10) •
Il y a un momentum qui fait que pour les
maladies terminales, où le pronostic est de quelques heures, quelques jours, de
passer par trop d'administratif, trop d'étapes, trop de logistique, peut-être
c'est impraticable mais, à ce moment-là, ce n'est pas parce que ça serait moins
pertinent, mais c'est parce que ça va... ça reviendrait probablement à empêcher
le processus. Puis là je comprendrais que ce n'est pas... ça ne peut pas se
gérer dans des délais très courts comme ceux-là. Mais, quand on parle, de toute
façon, d'un besoin de recul puis d'évolution sur des mois, voire des années, de
penser que des instances différentes pourraient avoir le rôle d'endosser ce qui
est socialement le cadre qui a été voté, ça, je crois que c'est réaliste de
l'envisager. Même si je ne suis pas juriste, puis le détail de ça, puis la
bonne articulation de ça serait certainement un gros dossier, je pense que c'est
quand même ce qui serait souhaitable.
Et puis je ne me cache pas que
l'intervention que j'ai faite aujourd'hui est dirigée aussi sur les prémisses
de l'aide médicale à mourir dans sa formulation puis son cadre actuel, puis la
façon dont c'est intégré puis assimilé à des soins. Je comprends que c'est un point
de vue qui est exigeant par rapport au cadre actuel puis qui est critique du
cadre actuel, mais pas pour le mettre de côté dans le sens que ça ne doit plus
arriver, on prend pour acquis que le processus, il est là, mais de l'articuler
différemment pour mieux circonscrire ce que les médecins ont à en dire et pas à
en dire dans... surtout dans la façon dont ça évolue.
Mme
Hivon
:
Donc, vous, en fait, c'est un peu le critère est-ce qu'on est en fin de vie, ou
mort raisonnablement prévisible, ou si on ne l'est pas qui serait l'élément
déclencheur, je dirais, d'une approche un peu différente, même si vous remettez
à la base même, de ce que je comprends, le contexte du continuum de soins de
fin de vie. Puis là-dessus je veux juste porter à votre attention que c'était
une notion qui avait d'abord été amenée ici par le Collège des médecins, donc,
cette idée d'un continuum de soins appropriés quand on est en fin de vie.
Et moi, je comprends que, quand on sort
d'un contexte de fin de vie, ça amène beaucoup de questionnements différents.
Donc... Mais je comprends que vous n'êtes pas tant sur la philosophie des
choses, mais sur l'aspect pratico-pratique, parce que vous remettez en cause
l'ensemble de l'oeuvre, mais sur l'aspect pratico-pratique, vous dites : Faisons
une distinction, peut-être, quand on est en fin de vie versus pas en fin de vie
pour cette approche que vous nous soumettez aujourd'hui. J'ai bien compris?
O.K.
Donc, ça m'amène juste à ce qu'on avait
beaucoup entendu. Parce que, dans le fond, ce que vous dites par rapport à en
ce moment, c'est que les médecins vont continuer à jouer ce rôle-là, dans ce
cas-ci, troubles mentaux, les psychiatres, mais au lieu, eux-mêmes, avec le
premier avis, le deuxième avis, peut-être même un <troisième avis, si on
suit...
Mme
Hivon
:
...Donc, ça m'amène juste à ce qu'on avait beaucoup entendu. Parce que,
dans
le fond, ce que vous dites par rapport à en ce moment, c'est que les médecins
vont continuer à jouer ce rôle-là, dans ce cas-ci, troubles mentaux, les
psychiatres, mais au lieu, eux-mêmes, avec le premier avis, le deuxième avis,
peut-être même un >troisième avis, si on suit la suggestion qui nous est
faite par l'association, vous dites, dans le fond, ça pourrait être la même
chose, mais, ultimement, il faudrait qu'il y ait une instance externe, un
comité, un tribunal qui vienne le dire. Mais où je suis moins, c'est quand vous
dites que, si vous le faites, si vous portez jugement sans instance externe,
c'est comme si vous endossez, comme s'il y avait un jugement moral sur le fait
que ça puisse être approprié ou non, alors que, dans les faits, vous allez
faire le même geste, à savoir, devant une instance, au bout, avec votre
deuxième ou votre troisième collègue, est-ce que les critères sont remplis ou
non. Donc, c'est là que je veux comprendre, pour vous, où est la différence
fondamentale.
M. Carrier
(Félix) : C'est la différence entre dire que les critères sont
remplis pour que vous soyez admissible et les critères sont remplis pour que ce
soit une réponse adaptée puis appropriée pour vous. C'est un signal qui est
fondamentalement différent qu'on envoie au patient, entre accepter de
renseigner médicalement ce qui est leur état médical, en fait, c'est de faire
un constat, puis entre partir de ce constat-là puis envoyer le signal que, de
là, la mort est une réponse médicale appropriée. Il y a vraiment un saut, à ce
moment-là, qui est très différent, puis un saut puis une différence qui prend
tout son sens dans la façon dont les relations de soins se mettent en place
puis s'entretiennent, puis la façon dont les options sont reflétées, sont
validées, sont endossées, de la façon dont on a une logique aussi d'aborder les
choses en termes d'indications puis d'options thérapeutiques.
D'inclure l'option de mourir comme une option
thérapeutique, ça envoie littéralement, réellement un signal que ça peut être
une réponse médicale adaptée à une problématique médicale, alors qu'on est dans
une réponse qui est dans un autre ordre. Et puis c'est une subtilité peut-être
de loin, mais de l'intérieur de la relation de soins, c'est, en fait, une
différence énorme sur la posture qu'on a dans notre intervention et sur le
respect qu'on a, la tolérance qu'on a, l'ouverture à cette option-là qu'une
personne peut discuter avec nous. Mais sans dire que, dans mon rôle médical, je
crois que c'est une réponse médicale appropriée, c'est une... vous êtes dans un
état médical qui est admissible, et puis... mais je suis là, encore là, pour
vous, je vous suis, je suis disponible, que ce soit cette option-là que vous
preniez ou pas, mais, dans mon rôle médical, je ne vous refléterai pas que la
mort est une réponse adaptée à votre situation. Médicalement, dans la relation
de soins, c'est une différence qui est majeure, pour en faire l'expérience
régulièrement.
Mme
Hivon
:
Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Merci beaucoup, Dr Carrier, merci de votre
contribution à nos travaux aujourd'hui.
Et, compte tenu de l'heure, je suspends
les travaux jusqu'à 13 h 30. Merci, Dr Carrier.
M. Carrier
(Félix) : Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 11 h 15)
13 h 30 (version révisée)
(Reprise à 13 h 31)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Bon après-midi à tous. Donc, la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi
concernant les soins de fin de vie reprend ses travaux.
Donc, la commission est réunie
virtuellement afin de procéder... afin de poursuivre les consultations
particulières et les auditions publiques sur l'évolution de la Loi concernant
les soins de fin de vie.
Cet après-midi, nous avons l'honneur
d'accueillir M. Simon Courtemanche, qui sera accompagné du
Dr Guillaume Barbès-Morin, ainsi que la professeure... le Pr Jocelyn
Downie, Dr Pierre Gagnon, accompagné de Dr Bertrand Major, et le
Pr Brian Mishara.
Donc, accueillons, sans plus tarder,
M. Simon Courtemanche et le Dr Guillaume Barbès-Morin. Merci beaucoup
d'avoir accepté notre invitation aujourd'hui. Donc, vous disposez de 20 minutes
pour nous faire part de votre exposé, et, par la suite, il y aura un échange de
40 minutes avec les membres de la commission. Donc, je vous cède la
parole.
Association des médecins psychiatres
du Québec et M. Guillaume Barbès-Morin
M. Courtemanche (Simon) :
Merci, Mme la Présidente. Je tiens aussi à remercier les membres de la commission
pour l'invitation à recevoir mon témoignage, et j'aurai le plaisir de partager
avec le Dr Barbès, avec qui, entre autres collègues, nous avons élaboré la
réflexion à l'AMPQ.
Je me présente, Simon Courtemanche, et je
suis usager partenaire depuis 2017 avec le CISSS de Laval. Rapidement, un
usager partenaire, c'est une personne qui a un parcours significatif dans les
services de soins et de santé. J'ai été impliqué notamment dans le projet de
démonstration Aire ouverte et au développement du volet santé mentale du site
Discutons Santé. Je suis aussi actif avec l'équipe du Bureau du patient
partenaire de l'Université de Montréal pour l'animation des cours de collaboration
en sciences de la santé et aussi un atelier d'éthique pour les étudiants en
médecine. J'ai été interpelé par le bureau du partenariat patient, qui
connaissait mon parcours et mon intérêt sur le sujet de l'aide médicale à
mourir, pour la santé mentale, et ils m'ont référé à l'Association des médecins
psychiatres du Québec, l'AMPQ.
Je suis présent aujourd'hui à titre de
collaborateur à la réflexion produite par l'AMPQ sur l'AMM, une réflexion qui a
été présentée notamment au Sénat et au Forum national sur l'évolution de la loi
concernant les soins en fin de vie. Notre réflexion a inclus la production d'un
sondage auprès des médecins psychiatres, une recension des écrits pertinents,
une <revue...
M. Courtemanche
(Simon) :
...la réflexion produite par l'AMPQ sur l'AMM,
une réflexion qui a été présentée notamment au Sénat et au Forum national sur
l'évolution de la Loi concernant les soins en fin de vie. Notre réflexion a
inclus la production d'un sondage auprès des médecins psychiatres, une
recension des écrits pertinents, une >revue des législations et du cadre
réglementaire des autres juridictions, une réflexion éthique et clinique. Les
collaborateurs à la réflexion ont été la Dre Gupta, que vous avez reçue
vendredi dernier, qui présidait le comité aviseur, le Dr Barbès, qui est
avec moi aujourd'hui, Dr Kolivakis, Dre Roy-Desruisseaux,
Dr Villeneuve et M. René Cloutier, qui est directeur général du
Réseau Avant de craquer. Je suis aujourd'hui heureux de vous présenter le fruit
de cette réflexion en compagnie de Dr Barbès, psychiatre et président par
intérim de l'AMPQ, à qui je cède la parole.
M. Barbès-Morin (Guillaume) : Oui,
bonjour. Bonjour, Mme la Présidente. Bonjour, les membres du comité. Juste vous
mentionner... Moi, je suis psychiatre généraliste à Rouyn-Noranda, puis c'est
un peu en cette qualité-là que j'étais sur le comité de l'AMPQ. Au-delà d'être
président intérimaire, j'ai une expertise qui fait en sorte que, des fois, je
permets de ramener dans la vraie vie, là, hors des grands centres
universitaires, les décisions qui sont prises, puis les enlignements.
Alors, rapidement, je vais vous parler du
contexte légal, là. Je ne vais pas trop m'étendre trop longtemps là-dessus,
dans l'évolution du contexte légal récent, parce que probablement qu'il y a
plein de gens qui vous en ont parlé déjà, et que vous êtes, de toute façon,
plus experts que moi en la matière. Quand même mentionner qu'à l'origine notre
démarche, de l'association, vient d'une demande du Dr Michel Bureau, de la
commission des soins de fin de vie, en décembre 2019, puis ensuite du
Dr Yves Robert, du Collège des médecins du Québec.
Lors de son dépôt, là, en février 2020,
juste avant la pandémie, là, le projet de loi C-7 excluait d'emblée les
gens qui avaient uniquement des problématiques de santé mentale. Alors, le
travail de notre comité s'est amorcé dans ce contexte-là, avec l'objectif,
d'une part, de réfléchir aux balises, advenant que le législateur change de
position à cet égard-là, mais aussi d'essayer de voir dans quelle mesure c'est
pertinent qu'il y avait ce genre de discrimination. Comme de raison,
maintenant, les choses ont changé à l'égard de la mise à l'écart des gens qui
ont seulement une problématique de santé mentale, mais ça ressort de notre
rapport, cette préoccupation-là. Le rapport, comme Simon l'a...
M. Courtemanche l'a mentionné tout à l'heure, a été déjà déposé à
différents endroits, incluant le forum de la commission des soins de fin de
vie, là, en décembre dernier.
Aujourd'hui, notre objectif, ça va être
d'essayer d'illustrer de façon plus clinique, là, compte tenu de nos expertises
complémentaires, les éléments fondamentaux de la discussion, soit, en
particulier, la distinction entre une demande rationnelle de cesser de souffrir
et la suicidalité, par ailleurs, l'évaluation de la souffrance constante et
insupportable, la notion d'incurabilité et irréversibilité, mais, tout d'abord,
M. Courtemanche va débuter avec la notion fondamentale de l'aptitude à
prendre des décisions dans le contexte de l'AMM.
M. Courtemanche (Simon) :
Oui, et, pour l'aptitude, on avait identifié une grande question, qui est comment
est-ce qu'on <s'assure...
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
...par ailleurs, l'évaluation de la souffrance constante et insupportable, la
notion d'incurabilité et irréversibilité. Mais tout d'abord,
M. Courtemanche va débuter avec la notion fondamentale de l'aptitude à
prendre des décisions dans le contexte de l'AMM.
M. Courtemanche
(Simon) :
Oui, et pour l'aptitude, on avait identifié
une grande question qui est : Comment est-ce qu'on >s'assure...
s'assurer qu'une personne aux prises avec des troubles mentaux puisse consentir
de manière éclairée, libre et éclairée, ce qui nous amène à avoir certaines
valeurs, des craintes différentes, qui sont compatibles. Il y a, d'un côté, la
peur de victimiser la population vulnérable, mais ce sur quoi j'aimerais
attirer votre attention, c'est qu'encore une fois il y a un grand danger de
stigmatiser la maladie, de stigmatiser la maladie mentale, de bafouer
l'autonomie, de bafouer l'autodétermination, et surtout de délégitimer la
souffrance. Puis on ne veut pas aller vers ça en disant que la santé mentale,
en fait, cette souffrance-là est moindre que d'autres types de souffrance. Pour
ce faire, il faut pouvoir exercer un jugement libre et éclairé. Le côté libre,
je vais y revenir un peu plus tard, mais il faut que l'idée initiale vienne de
la personne puis ne pas qu'il y ait des pressions extérieures. Le côté éclairé,
c'est que ça doit amener l'aspect de réflexion que la personne doit avoir avec
cette idée-là, puis toute la notion d'aptitude, que je vais laisser le soin au
Dr Barbès de bien définir pour nous.
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
Merci. L'évaluation de l'aptitude à consentir aux soins, c'est déjà un
processus qui est omniprésent puis déjà bien balisé dans la pratique médicale
courante au Québec, là, comme ailleurs aussi, et ce, tant dans les problèmes de
santé physique que dans les problèmes de santé mentale, qui sont, de toute
façon, souvent entremêlés. Ça fait que, fondamentalement, on présume que les
Québécois de 14 ans et plus sont en mesure de prendre des décisions, sont
aptes à prendre des décisions éclairées pour eux-mêmes.
Par contre, dans certaines situations
cliniques, on va vouloir évaluer de façon formelle, à l'aide de critères
cliniques qui sont déjà bien décrits dans nos guides de pratiques, là, que ce
soit le guide du Collège des médecins ou d'autres guides, comment faire ça. Les
approches qui sont connues et utilisées jusqu'à maintenant mettent beaucoup
l'emphase sur les habiletés cognitives. Donc, comment la personne est-elle
capable de comprendre l'information et d'apprécier l'information? Donc,
l'apprécier, ça peut vouloir dire comment la personne est capable d'appliquer,
là, ce qu'elle sait à sa propre situation, à sa propre personne, pas juste un
modèle théorique, en plus d'être en mesure... Est-ce qu'elle est capable de
raisonner adéquatement, de soupeser les risques, les bénéfices relatifs, et
justifier son choix, et, finalement, d'exprimer son choix de façon constante?
Dans le contexte de l'AMM, c'est un peu
différent, parce qu'on évalue d'emblée l'aptitude au lieu de présumer qu'elle
est présente. Lorsqu'il y a une problématique significative en santé mentale,
ça doit aussi teinter l'évaluation de l'aptitude, et on doit prendre en
considération d'autres facettes, comme par exemple les réactions émotionnelles,
les dynamiques interpersonnelles, les valeurs personnelles ou encore une
perception de soi qui a pu être <façonnée au fil des ans...
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
...de présumer qu'elle est présente. Lorsqu'il y a une problématique
significative en santé mentale, ça doit aussi teinter l'évaluation de
l'aptitude, et on doit prendre en considération d'autres facettes, comme par
exemple les réactions émotionnelles, les dynamiques interpersonnelles, les
valeurs personnelles ou encore une perception de soi qui a pu être >façonnée
au fil des ans, au fil des épisodes de maladie, puis qui viennent teinter de
façon significative l'évaluation de l'aptitude. Tout ça peut avoir, donc, cette
perception de soi puis avoir un impact significatif, négatif, positif parfois,
sur la vision des options qu'on propose puis la capacité à porter un jugement.
• (13 h 40) •
Au sein de notre comité, il y avait une
chose qui était très claire, c'est que, dans le doute, lors de l'évaluation de
l'aptitude, on devrait d'emblée ne pas aller de l'avant. Lorsque les
évaluateurs ne sont pas d'accord, il ne faut pas procéder, comme c'est déjà le
cas actuellement, de toute façon. Présentement, les personnes qui ont des
comorbidités entre un trouble mental et des problématiques physiques ne sont
pas exclues d'emblée de l'aide médicale à mourir. Elles sont déjà évaluées
actuellement.
Ce sont des situations cliniques complexes,
par contre, souvent plus complexes que lorsqu'il y a seulement qu'une
problématique de santé mentale, mais on considère que nous avons actuellement
les outils pour faire ces évaluations, et, déjà, on considère qu'on est en
mesure de statuer sur l'aptitude dans des situations complexes comme ça. Comme
de raison, c'est nécessaire que les évaluations soient faites par des personnes
qui ont les compétences spécifiques à le faire et dans un contexte approprié. À
nouveau, je réitère que, dans le doute, vaut mieux s'abstenir.
Je vais céder maintenant la parole à
M. Courtemanche, qui nous parlera plus précisément de la
notion de choix libre et éclairé.
M. Courtemanche (Simon) : Oui, pour le... Là, je vais revenir évidemment sur le côté libre,
parce que, le côté éclairé, je crois qu'il a été très bien expliqué par docteur...
par l'éminent Dr Barbès. Le libre, là, c'est vraiment... simplement, c'est...
Il ne faut pas que ça soit une idée qui vienne de l'extérieur. Il ne faut pas
que ça soit parce que la personne se sent comme un fardeau pour les proches,
pour le système, qu'il y ait un manque d'accès au traitement ou un manque
d'accès... d'alternatives d'hébergement. Qu'est-ce qu'on ne veut surtout pas
qui arrive, c'est que l'AMM devienne une option par dépit en raison d'un manque
de ressources. Ce n'est pas parce qu'il y a un manque d'accès aux ressources
que, de facto, tous les patients n'auront pas eu accès à des soins. Certains
pourraient demeurer souffrants même en ayant eu accès aux meilleurs traitements
qui existent.
Qu'est-ce qui nous amène à
une autre question... Cette question-là, c'est comment déterminer le désir de
mourir exprimé par un patient atteint d'un trouble mental... est une décision
mûrement réfléchie et non pas le symptôme de sa... — oups! J'ai sauté... Non, je... désolé pour cette erreur, j'étais dans
la bonne question — pas le symptôme de la
maladie elle-même, puis cette question-là, dans le fond, c'est la question qui
a fait que j'ai eu envie de participer à la réflexion, puis je vais venir
l'expliquer un peu plus tard durant notre présentation, comment on distingue
une personne suicidaire versus une demande <rationnelle...
M. Courtemanche
(Simon) :
...puis cette
question-là,
dans
le fond, c'est la
question qui a fait que j'ai eu envie de participer à
la réflexion, puis je vais venir l'expliquer
un peu plus tard durant
notre présentation, comment
on distingue une
personne suicidaire
versus une demande >rationnelle de cesser de souffrir.
Le premier élément pour répondre à cette question,
c'est comment distingue-t-on une personne suicidaire d'une personne qui a fait
une demande rationnelle de cesser de souffrir? Je la répète souvent, la question,
mais elle est importante. Je dirais simplement que la façon de formuler la question
va être révélatrice. Et les raisons utilisées pour faire cette demande-là, que
ça soit dû à des événements qui sont circonstanciels, relationnels, une rupture
amoureuse, admettons, des syndromes psychiatriques, si c'est une hallucination
qui demanderait à la personne de faire cette demande-là, bien, c'est dans le
justificatif de la personne, puis c'est là que se place toute la délicatesse
pour la personne ou le psychiatre. Cette demande-là doit être prise au sérieux
par le psychiatre, et il doit faire en sorte de faire une analyse de la
souffrance, une évaluation aussi, ce qui n'est pas une mince tâche, et
Dr Barbès va nous donner quelques pistes en ce sens.
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
Merci. Très rapidement, quand même, c'est ça, c'est une évaluation quand même
complexe, qui demande cette expertise spécifique là. Mais, tu sais, dans les
grandes lignes, tout d'abord, il faut s'intéresser à comprendre c'est quoi, le
contexte de la demande.
Dans certaines situations, c'est assez
simple de départager les deux types d'enjeux, là. Une personne qui se présente,
qui a une dépendance à l'alcool déjà connue, qui arrive, aux urgences, ivre et
qui demande l'AMM, il vient de sortir de désintox, puis il a rechuté, puis là
c'est la catastrophe, c'est la crise, c'est assez clair, dans ce cas-là, qu'on
ne fait pas face à une situation rationnelle de cesser de souffrir, mais bien
une période de crise. Même chose chez quelqu'un de dépressif, qui vit une
rupture amoureuse, ou encore une personne atteinte de schizophrénie qui a des...
qui est convaincue que la mafia le cherche pour le torturer ou encore qu'il
reçoit une commande de l'au-delà qui lui dit que, pour sauver la terre, il faut
absolument mourir, tu sais, c'est des situations assez claires, mais ce n'est vraiment
pas toujours le cas.
On s'intéresse à savoir qu'est-ce que ça
changerait de mourir, hein? Qu'est-ce que vise la personne à travers ça? Est-ce
que c'est le désir de soulager une honte, une culpabilité, la solitude, la
peur, éviter des sentiments de deuil, d'être un... le sentiment d'être un
fardeau pour ses proches ou autrui? C'est-tu une expression de colère? Est-ce
que ça se peut aussi qu'il y ait une demande derrière ça pour le psychiatre ou
l'équipe traitante, tu sais, demander : Est-ce que vous avez perdu espoir
que j'aille mieux? Est-ce que... Êtes-vous prêts à m'abandonner à travers ça?
Est-ce qu'il y a déjà eu des idées suicidaires? Est-ce que c'est un discours
qui est nouveau? Est-ce que c'est chronique? Est-ce qu'il y a déjà eu des
agirs, etc.? Ça fait que c'est une évaluation complexe, faire la différence
entre les deux, mais c'est des choses qui sont possibles d'être faites par des
gens qui sont formés.
Maintenant... Ce qui nous mène, finalement,
à parler de l'évaluation de la souffrance qui est liée à une maladie mentale.
Ça, non plus, ce n'est pas nécessairement une mince tâche. Puis, au niveau
conceptuel, quand on ne baigne pas toujours dans ce genre de problématique là,
ça peut <sembler très difficile à...
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
...maintenant, ce qui nous mène finalement à parler de l'évaluation de la
souffrance qui est liée à une maladie mentale. Ça non plus, ce n'est pas nécessairement
une mince tâche. Puis, au niveau conceptuel, quand on ne baigne pas toujours
dans ce genre de problématique là, ça peut >sembler très difficile à
conceptualiser. On est généralement beaucoup plus familiers avec l'idée de
percevoir la souffrance physique, hein? Tu as mal à quelque part. Il y a des
neurones qui font monter l'information avec des influx nerveux dans le cerveau.
Le cerveau... les autres neurones vont interpréter cette douleur-là d'une façon
extrêmement complexe.
Et, malgré tout ce qu'on peut imaginer,
évaluer ça, pour une personne, ça demeure extrêmement subjectif. Il y a
plusieurs facteurs qui vont influencer la douleur, même physique : les limitations
fonctionnelles qui y sont associées, situation familiale, sociale, l'état de santé
général, les deuils, etc. C'est la même chose pour la souffrance physique. Ça
se passe dans les mêmes neurones. C'est des processus neurologiques...
neurobiologiques similaires. Alors, définir ce qui est intolérable, ça demeure
subjectif dans les deux cas et ça demande expertise et délicatesse.
J'ai un cas clinique, mais là je pense
qu'on va manquer de temps, là, peut-être, on pourra y revenir, mais
malheureusement c'est un cas... c'est malheureux de le sauter, c'est un cas qui
illustre très, très bien le genre de situation dans laquelle ça peut prendre
tout son sens, différents facteurs dont on a discuté. Je vais peut-être y aller
très rapidement, là. Ça fait qu'on a un homme dans la... Pardon?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Allez-y, Dr Barbès. On va prendre le temps qu'il faut.
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
Merci. En passant, c'est un cas qui est réel, hein, qui n'a pas été maquillé,
comme on fait souvent, pour ne pas pouvoir identifier les gens. La famille a
accepté que nous le présentions.
Alors, c'est un homme dans la soixantaine
qui vit, depuis l'adolescence, avec une problématique de trouble
obsessif-compulsif. D'emblée, on peut imaginer, bon, un trouble obsessif-compulsif,
ce n'est peut-être pas si pire. Mais, dans son cas, il avait réussi à gérer ça,
à travailler, mais, à la faveur d'une chirurgie, à un moment donné, tout ça a
décompensé. Il est devenu incapable de faire face aux conséquences du trouble
obsessif-compulsif et est devenu dysfonctionnel dans l'ensemble des sphères de
sa vie, complètement paralysé pendant plusieurs années. À certaines périodes,
ça a été tellement difficile à tolérer qu'il a fallu qu'il reçoive des grosses
doses de certains médicaments avec des effets secondaires significatifs juste
pour réussir à fonctionner minimalement dans le quotidien. Compte tenu de
l'ensemble, tous les déficits que ça a amenés, éventuellement, il s'est mis à
présenter des épisodes dépressifs assez importants, qui étaient liés à des
idées suicidaires significatives, qui ont nécessité des hospitalisations à
plusieurs reprises.
Dans le cadre de l'ensemble du cheminement,
qui a duré sur des décennies, ce patient-là a été exposé aux meilleurs
traitements qu'on pouvait imaginer au niveau pharmacologique ainsi qu'au niveau
psychothérapeutique. En plus de ça, il y a des efforts qui ont été faits dans
plein de sphères de sa vie, mais il a aussi eu accès à des traitements
novateurs, pas toujours indiqués dans les guides de pratique. On s'est mis à
essayer un peu tout ce qu'on pouvait imaginer qui pouvait l'aider compte tenu
de sa souffrance, son désir d'aller mieux, mais, malgré tout, là, que ce soient
les électrochocs, les psychochirurgies, là — ça existe, là, c'est de
la haute technologie, mais ça existe — la stimulation magnétique
transcrânienne, la kétamine, malgré tout ça, il n'y a jamais eu de bénéfice. Le
patient est demeuré très, très souffrant. Lors de la dernière hospitalisation,
il a dû être placé en famille d'accueil compte tenu que le milieu n'était plus
en <mesure...
M. Barbès-Morin (Guillaume) : ...que
ce soit les électrochocs et les psychochirurgies, là, ça existe, c'est de la
haute technologie, mais ça existe, la stimulation magnétique transcrânienne, la
kétamine, malgré tout ça, il n'y a jamais eu de bénéfices, le patient est
demeuré très très souffrant. Lors de la dernière hospitalisation, il a dû être
placé en famille d'accueil compte tenu que le milieu n'était plus en >mesure
de le recevoir à la maison.
Malgré tout ça, monsieur ne présente pas
un tableau dépressif, n'a pas d'idées suicidaires, mais est quand même très
souffrant. Éventuellement, un traitement avec des narcotiques a réussi à
améliorer un tant soit peu le tableau, puis, depuis quelques mois, il a réussi
à revenir à la maison. Par contre, sa dysfonction est quotidienne. C'est
l'histoire d'une vie. Et, éventuellement, il fait assez confiance à son
psychiatre, là, ceci étant dit, ce n'est pas moi, là, mais un de mes collègues,
pour aborder, avec son épouse, l'idée que, si, à un moment donné, ça devenait
possible, il voulait ouvrir la discussion, à savoir si ça serait envisageable
qu'il puisse avoir accès à l'aide médicale à mourir. Alors, je trouve que c'est
un cas clinique qui illustre que certaines situations dans lesquelles le niveau
de dysfonctionnement et de souffrance, quoiqu'il soit... c'est toujours
subjectif, est clairement associé avec quelque chose d'intolérable, compte tenu
de la situation.
Alors, je passe le flambeau à M.
Courtemanche.
M. Courtemanche (Simon) :
Merci. Merci, Dr Barbès. Qu'est-ce que je veux amener de mon côté, là,
c'est vous expliquer un peu pourquoi j'ai pris part à cette réflexion-là avec
l'association des psychiatres, puis tout qu'est-ce qui m'a... C'est une
question qui m'a vraiment perturbé de plusieurs façons, parce que c'est une
demande... Si ça avait existé, dans mon parcours, au moment que je n'allais pas
bien, c'est une demande que j'aurais faite. J'aurais fait la demande de l'aide
médicale à mourir à ma psychiatre.
• (13 h 50) •
Au final, mon parcours n'aurait pas été
différent parce que j'aurais été refusé au moment que j'aurais fait cette
demande-là parce que je n'avais pas encore essayé tout qu'est-ce qui était...
en fait, tout qu'est-ce qu'il y avait comme services. Il y avait plusieurs
choses que je n'avais pas essayées. Il y avait plusieurs services. Mais ça
faisait quand même sept ans que je vivais avec une souffrance que je jugeais
quand même intolérable, où à chaque jour... presque à chaque jour, quand je me
réveillais puis que je m'endormais, une des premières pensées, c'était de
mettre fin à mes jours parce que j'avais mal, j'avais vraiment mal puis j'étais
tanné puis fatigué de vivre avec cette douleur-là.
À la fin de mes 24 ans, les choses
ont changé. Puis, au début de mes 18 ans, qui a été ma première tentative
de suicide, le jour, en fait, où que... de mon anniversaire, qui avait été ma
première tentative, il y a eu une évolution de toute la souffrance, de toute,
aussi, la façon que j'aurais pu formuler une telle demande. Puis, si ça avait existé,
en fait, ça m'aurait probablement facilité la vie pour demander de l'aide, pour
le formuler, tout le côté... En fait, dire que tu veux t'enlever la vie, le
dire à voix haute, là, ce n'est pas quelque chose qui est facile. C'est quelque
chose qui est vraiment compliqué à <faire...
M. Courtemanche
(Simon) :
...ça m'aurait
probablement facilité la vie pour demander de l'aide pour le formuler. Tout le
côté... en fait, dire que tu veux t'enlever la vie, le dire à voix haute, là,
ce n'est pas quelque chose qui est facile, c'est quelque qui est vraiment
compliqué à >faire. Puis là j'aurais eu une opportunité d'en parler plus
rapidement avec ma psychiatre. Ça a pris sept ans avant que je sois capable de
vraiment tout verbaliser parce que j'étais tellement fatigué, j'étais tellement
épuisé à la fin, là, que j'ai fait comme : Je vais essayer comme une
dernière fois, là, puis je vais tout donner pour que ça marche. Mais j'aurais
vraiment aimé ça pouvoir verbaliser tout ça avant. Puis je pense qu'une demande
comme ça... Puis je n'aurais pas eu accès à l'aide médicale à mourir, mais j'aurais...
ça aurait quand même facilité la voie de passage, en fait, pour le verbaliser.
Ça nous amène aussi à comment on confirme
l'aspect incurable, irréversible d'une maladie ou d'un trouble mental. À ça,
suite à mon histoire, tu sais, j'avais quand même sept ans de vie avec la
souffrance qui était très, très longue. En dehors d'une fin de vie prévisible,
puis c'est difficile de prévoir l'évolution d'une maladie physique ou d'une
maladie mentale, on peut évaluer la chronicité de la souffrance, la sévérité
des symptômes, l'évolution dans le temps puis aussi les tentatives de
traitement. Qu'est-ce qui amène à la question de qu'est-ce que... Est-ce que
tous les traitements possibles doivent avoir été essayés avant d'administrer l'aide
médicale à mourir? Et, pour cette question, je vais laisser Dr Barbès y
répondre.
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
Merci. Merci pour ton témoignage à nouveau. C'est un témoignage qui illustre
des facettes très complexes de toute cette histoire-là, mais qui illustre
tellement bien une... En tout, on y reviendra un peu plus tard.
Donc, est-ce qu'on doit avoir tout essayé?
Qu'est-ce qu'on doit avoir essayé? Encore là, on est arrivés à une position d'équilibre,
dans le cadre du comité, qu'il fallait à nouveau considérer l'ensemble des
circonstances cliniques. Qu'est-ce qui existe? Qu'est-ce que la personne a déjà
essayé? Qu'est-ce que la personne est prête à faire, à la lumière des
probabilités de succès, des effets secondaires et différents paramètres qui
entourent la situation? C'est sûr qu'il nous semble essentiel que la personne
ait eu accès à plusieurs traitements de façon adéquate, là, pas juste un petit
essai, mais que les traitements ont été essayés de façon adéquate, de façon
soutenue, et que l'essai a eu... a pu être réel, que l'essai a pu être réel.
Par contre, on ne peut pas se positionner
dans la perspective de dire : Ah! tout d'un coup qu'on développe quelque
chose de nouveau dans deux ans, dans trois ans, parce qu'à notre avis
ça fait juste faire en sorte qu'on se retrouve dans une situation d'attente
perpétuelle, puis c'est l'équivalent, finalement, de nier l'existence du
processus dont on parle aujourd'hui. Ça mène, par contre, à dire quelle
pourrait être la trajectoire de soins vers l'aide médicale à mourir pour un
patient qui a une problématique de santé <mentale, surtout si c'est la
seule...
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
...
situation d'attente perpétuelle, puis c'est l'équivalent,
finalement,
de nier l'existence du
processus dont on parle
aujourd'hui.
Ça
amène,
par contre, à dire quelle pourrait être la trajectoire de soins
vers
l'aide médicale à mourir pour un patient qui a une
problématique
de
santé >mentale, surtout si c'est la seule problématique qui
est mise de l'avant. Combien de fois il faudrait qu'il soit vu par le
psychiatre? Combien de médecins psychiatres il faudrait qu'il ait vus, d'autres
types de traitements, des psychologues, etc.? Ce serait quoi, un délai
sécuritaire?
D'emblée, il faut dire que l'expérience de
d'autres juridictions où c'est possible de le faire démontre qu'il y a une très
faible proportion de l'ensemble des cas, de demandes d'aide médicale à mourir,
qui concernent des demandes où le problème de santé mentale est le seul élément
invoqué, le seul trouble invoqué. Ça nous amène à penser que probablement que
ça risque d'être la même chose au Québec et que, dans ce contexte-là, l'immense
majorité des gens qui en feront la demande vont déjà avoir eu des contacts
répétés et soutenus avec les services psychiatriques.
Le comité a quand même essayé de mettre en
place une espèce de... pas d'organigramme, mais d'approche, une tentative
d'approche pour essayer de voir comment ça pourrait être fait. Une chose qui
nous apparaît importante, ce serait la création... qu'on a appelé un bureau
régional pour l'AMM, mais, en fait, qui serait plus une structure provinciale
de coordination, d'une part, de coordination des demandes, mais de l'accès à
l'évaluation et de suivi prospectif du processus, parce que ça pourrait
s'avérer extrêmement problématique si les gens sont pris eux-mêmes à faire
l'ensemble des démarches comme... pratiquement un déni de soins dans ce
contexte-là.
Ensuite, on pense qu'il faut une
évaluation prolongée, plus que dans d'autres types de problèmes, quatre mois,
cinq mois. On croit qu'il faut qu'il y ait un minimum de deux... bien, qu'il
faut qu'il y ait deux psychiatres différents qui connaissent les enjeux, qui
soient impliqués dans la démarche, et que l'implication des proches importants
de la famille ou d'autres proches soit centrale. La prise de décision doit être
multidisciplinaire, collaborative, parce que, souvent, il va falloir intégrer
d'autres intervenants, d'autres évaluations. Une troisième... Advenant qu'il y
ait un désaccord entre les deux premiers psychiatres, on croit que ce serait
nécessaire qu'une troisième évaluation ait lieu pour statuer.
Donc, voilà. M. Courtemanche.
M. Courtemanche (Simon) :
Oui. Dans le fond, la position de l'Association des médecins psychiatres du
Québec est assez simple. L'AMPQ n'entend pas promouvoir l'aide médicale à
mourir, mais plutôt reconnaître la souffrance des patients et leur autonomie,
enrayer la discrimination. Ce sont des circonstances cliniques et non le
diagnostic spécifique qui doivent déterminer si la personne va être acceptée ou
pas. Plutôt que d'exclure, l'AMPQ propose la mise en place des conditions
nécessaires pour assurer une évaluation rigoureuse des demandes. Puis c'est
normal que cette possible ouverture-là fasse peur, suscite de l'inquiétude, puis
c'est important qu'on ait cette réflexion-là qu'on est en train de faire
aujourd'hui, puis qu'on émette des balises cliniques par rapport à tout ça.
Je tiens à remercier les membres de la
commission de m'avoir donné cette opportunité de <m'exprimer...
M. Courtemanche
(Simon) :
...cette possible ouverture là fasse peur,
suscite de l'inquiétude. Puis c'est important qu'on ait cette réflexion-là,
qu'on est en train de faire
aujourd'hui, puis qu'on émette des balises
cliniques
par rapport à tout ça.
Je tiens remercier les membres de la
commission
de m'avoir donné cette opportunité de >m'exprimer et d'avoir été... nous
avoir écoutés tous les deux et d'avoir été indulgents. C'est une situation quand
même anxiogène, mais je suis toujours content d'affronter cette anxiété-là pour
me surpasser. Puis, maintenant, j'imagine qu'on est rendus à la période des
questions. Donc, Dr Barbès et moi allons être heureux de répondre à vos
questions et de prendre vos réactions.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Merci, M. Courtemanche, de votre passage et de votre
témoignage aujourd'hui. C'est vraiment important pour nous, les membres de la
commission. Donc, nous débuterions les échanges avec la députée
d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci, M. Courtemanche. Dr Barbès, contente de vous revoir. Cela me
rappelle de bons souvenirs à la salle des plâtres à Amos. Alors, il fallait que
je fasse un petit...
Permettez-moi de vous poser une question
un petit peu abrupte. Nous pouvons dire que, jusqu'à présent, une majorité
d'intervenants semble en faveur d'un élargissement de l'aide médicale à mourir
au niveau des demandes anticipées et pour personnes souffrant d'un trouble
mental grave, par exemple. Croyez-vous que l'appui serait le même si le vocable
était celui d'euthanasie pour les personnes n'étant pas en fin de vie? Le
vocable d'aide médicale à mourir n'a-t-il pas l'effet, peut-être malgré lui,
d'euphémiser le débat autour de l'acte auquel renvoie, particulièrement pour
les personnes n'étant pas en fin de vie?
M. Barbès-Morin (Guillaume) : Écoutez,
c'est une excellente question. Puis je ne pourrai pas répondre pour qu'est-ce
que ça pourrait avoir comme impact dans la population en général. Je pense que
vous recevez un psychiatre de Québec demain, là, qui va parler plus de ça, au
niveau de la sémantique puis des mots utilisés.
• (14 heures) •
Ce que je peux vous dire, c'est qu'à
l'intérieur du comité, bon, on comprend qu'il y a comme tout eu un débat autour
des termes à utiliser, euthanasie versus aide médicale à mourir et concept de
soins versus autre chose. Fondamentalement, dans notre comité, ça n'a pas fait
l'enjeu d'un débat. Puis, personnellement, je pense que, dans le corps médical,
ça ne ferait pas un débat très important, quel terme on utilisait, parce
qu'ultimement ce qu'on cherche, là, ce n'est pas de mettre fin à la vie, c'est
de soulager des souffrances. Puis je crois... Quel que soit le terme qu'on
utilise ou... concept de soins, pas concept de soins, etc., si on arrive à
mettre le focus sur l'intensité de la souffrance de la personne qui est devant
nous, quelle que soit la nature de cette souffrance-là, de faire une évaluation
adéquate, de s'assurer que les choses qui doivent être essayées ont été
tentées, que le lien est bon, qu'on a fait le tour, si on <arrive à
mettre le...
>
14 h (version révisée)
<
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
... si on arrive à mettre le focus sur l'intensité de la souffrance de la
personne qui est devant nous, quelle que soit la nature de cette souffrance-là,
de faire une évaluation adéquate, de s'assurer que les choses qui doivent être
essayées ont été tentées, que le lien est bon, qu'on a fait le tour, si on >arrive
à mettre l'accent sur le soulagement de la souffrance, je pense que ça ne
devrait pas causer de problème. Mais, comme de raison, vous comprendrez que je
ne peux pas répondre comment la société québécoise qui, soit dit en passant, a,
à mon sens, beaucoup évolué depuis le début de tout ce débat courageux qui a eu
lieu, là, à la fin des années 2000, 2009, je crois, je ne sais pas comment
la population réagirait, mais je n'ai pas l'impression que ça ferait une
immense différence.
M. Courtemanche (Simon) :Si je peux me permettre aussi, Dr Barbès, c'est tout le
côté de la souffrance qu'il est important de prendre en considération dans
cette question-là, puis c'est là-dessus qu'on s'est concentrés durant notre... bien,
en fait, dans cette réflexion-là. Puis en fait c'est aussi d'offrir une fin
digne à des personnes qui ont une problématique en santé mentale. Puis, pour
moi, la réponse simple à toute cette réflexion-là, pour la santé mentale, c'est
de dire non. Si on dit non, c'est la réponse qui est la plus simple, mais les
personnes qui ont tout essayé les traitements, qui ont eu tous les traitements
de pointe puis qui continuent à vivre avec une supergrande souffrance parce qu'ils
n'ont pas le bon diagnostic, parce que ce n'est pas un cancer, bien, on leur
dit : Non, ta souffrance, continue à toffer avec ça puis tant pis, quand
tu vas avoir une maladie physique, reviens nous voir, par exemple, là on va
faire quelque chose pour toi. Il y a ça aussi qu'il faut prendre en
considération.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : À
ce que je comprends, M. Courtemanche, c'est, lorsqu'on est diagnostiqué
maladie... avec un diagnostic de maladie mentale, on vient brimer, lorsqu'on
s'en va à l'urgence, on vient brimer le diagnostic d'une douleur physique ou
d'une pathologie, d'une maladie.
M. Courtemanche (Simon) :
Bien, selon ma perception, ce n'est pas, en fait, ce n'est pas nécessairement
le recevoir, parce que dans notre réflexion, le diagnostic, il importe peu, mais
c'est que, pour la maladie physique, les critères sont beaucoup mieux établis,
sont plus simples, sont plus simples aussi à concevoir. Ça fait que c'est là
que ça va venir jouer contre la personne si, pour cette demande-là…
Dr Barbès?
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
Oui, bien, écoutez, je me plais à imaginer que quelqu'un qui se présente avec
une grande souffrance x, y, z à l'urgence, même s'il a un diagnostic
psychiatrique clair, je me plais à imaginer qu'il va être écouté adéquatement
puis qu'on va soulager ses souffrances adéquatement.
C'est clair que dans l'état actuel des
choses, là, bien, disons, avant les changements actuels, pour ce qui est de
l'aide médicale à mourir, effectivement, comme M. Courtemanche le disait,
si la souffrance est liée à une problématique de santé mentale, bien, ce n'est
pas <possible…
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
...je me plais à imaginer qu'il va être écouté adéquatement puis qu'on va
soulager ses souffrances adéquatement.
C'est clair que dans l'état actuel des
choses, là, bien, disons, avant les changements actuels, pour ce qui est de
l'aide médicale à mourir, effectivement, comme M. Courtemanche le disait,
si la souffrance est liée à une problématique de santé mentale, bien, ce n'est
pas >possible. Par contre, si cette personne-là demeure très souffrante,
n'est pas déprimée et développe un cancer du cerveau, elle peut refuser, si on
juge qu'elle est apte, un traitement pour le cancer du cerveau et, qui plus est,
peut demander l'aide médicale à mourir par la suite, et là on va considérer que
c'est adéquat, même si fondamentalement il y a eu une dépression, une
souffrance qui a été là, au long cours, à cause d'une dépression majeure ou quelque
chose d'autre. Si, au moment où elle fait la demande, on considère qu'elle est
apte et que la situation ne vient pas teinter l'appréciation de la douleur ou
de la situation, ce sera accepté.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Bien, merci beaucoup, M. Courtemanche et puis Dr Barbès. Contente de
vous avoir revus. Merci.
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
Plaisir partagé.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Moi, j'aurais une question pour vous,
Dr Barbès. Dans votre pratique, combien de patients, outre celui... le cas
de figure que vous nous avez expliqué tout à l'heure, combien de patients qui
auraient été admissibles si la loi était passée?
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
C'est une question tellement pertinente et tellement complexe parce que, comme
de raison, les gens qui auraient été admissibles... Il y a des gens, des
patients que j'ai suivis ou que je suis encore qui, s'il fallait qu'ils me
fassent une telle demande et que c'était possible, bien, il faudrait l'évaluer,
et je me dis que possiblement d'autres psychiatres que moi qui évalueraient ça
en arriveraient à la conclusion qu'effectivement ce serait admissible. C'est
peu de gens, hein? Là, comme ça, là, je peux peut-être penser à deux personnes.
Par contre, il y a d'autres gens que j'ai
vus, qui étaient très souffrants, avec qui on a travaillé très fort pendant des
années de temps, et qui finalement ont décidé de s'enlever la vie, et des fois
dans des situations d'indignité avec des impacts tellement terribles sur leur
entourage que, ces gens-là, est-ce qu'on aurait pu faire mieux? Je pense qu'on
a déjà travaillé énormément, mais ces personnes-là ont pris une décision, et je
crois que si ça avait été possible de demander l'aide médicale à mourir, ils
l'auraient peut-être fait, l'auraient peut-être eue. Je ne sais pas ce qui se
serait passé. Mais il y a des gens qui sont extrêmement souffrants. Mais je ne
peux pas vous dire exactement c'est combien, mais c'est très peu. Sur la masse,
sur le volume de personnes que j'ai pu évaluer au fil des années, c'est quand
même très peu de gens, là, à qui ça s'adresse.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je céderais la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
: Merci,
Mme la Présidente. Dr Barbès, M. Courtemanche. On parle beaucoup de
la souffrance. J'aimerais savoir est-ce que la souffrance, on peut considérer
ça, à un moment donné, comme intolérable et pratiquement incurable.
M. Courtemanche (Simon) :
Bien, je dirais... je vais me permettre une réponse, puis vous compléterez de
votre savoir immense et scientifique. Mais je pense qu'une personne qui l'a
vécu <pendant 20, 30 ans puis qui a vécu ça...
Mme
Hébert
: …
incurable?
M. Courtemanche (Simon) :
Bien, je dirais... je vais me permettre une réponse, puis vous compléterez de
votre savoir immense et scientifique. Mais je pense qu'une personne qui l'a
vécu >pendant 20, 30 ans puis qui a vécu ça, une souffrance, lui
dire que ce n'est pas… que ça va se terminer bientôt, ce n'est pas… en fait,
oui, ça peut être… Bien, j'ai de la misère à bien le verbaliser, mais on ne
peut pas venir dire à quelqu'un qu'il ne souffre pas assez ou que cette
souffrance-là n'est pas légitime. Il y a l'élément de la chronicité qui est
important dans tout ça, puis c'est là-dessus qu'on va venir miser, puis c'est
plate, là, mais c'est combien de temps que ça fait, puis qu'est-ce qu'on a fait
pour que les choses s'améliorent. Puis je vais laisser la suite à
Dr Barbès.
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
Merci. Donc, je veux juste être sûr, là, que je suis à la bonne place, là. Vous
dites : Est-ce qu'à un moment donné la souffrance, quelle que soit sa
source, peut devenir chronique et… Pouvez-vous…
Mme
Hébert
:
Oui, bien, c'est ça. En réalité, c'est… quand on parle de souffrance, là, qui
devient comme intolérable, est-ce qu'elle peut… est-ce que ça peut être
considéré comme incurable? Donc, tu sais, ce que vous dites, là, c'est qu'il y
a certains cas que vous avez… dans votre vie, vous dites : Probablement,
j'en ai eu deux, cas, que je pourrais considérer qui auraient pu demander l'aide
médicale, ça aurait pu, peut-être, être admissible. Dans cette situation-là,
vous pensez que c'était… est-ce qu'on peut utiliser le mot «incurable», comme
une maladie, comme un cancer? Voilà. C'est ça…
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
D'accord. Bien, une autre excellente question. En psychiatrie, bien, comme dans
bien d'autres sphères de la médecine, ce qui est important, là, c'est que le
diagnostic n'est pas garant ni du pronostic, donc de l'évolution, ni de la
souffrance associée, que ce soit la souffrance physique, la souffrance mentale
ou encore la dysfonction du handicap qui va être associée. Ça fait que deux
personnes qui auraient un diagnostic de maladie affective bipolaire peuvent
avoir des évolutions extrêmement différentes, selon un paquet de paramètres,
donc, propres à leur maladie, à leur biologie, à leur génétique ou à leur
milieu de vie et des expériences en bas âge, les opportunités, etc. Donc, c'est
très important, un diagnostic n'est pas garant de la suite des choses et ni de
la souffrance associée.
Donc, quand vous dites : Est-ce que
la souffrance, à un moment donné, peut ne plus être traitable? Bien, je vous
dirais que ça dépend un peu de qu'est-ce qui fait que la souffrance est
présente. Parce que c'est sûr qu'on va essayer de trouver un diagnostic qui va
satisfaire notre compréhension des choses, puis travailler pour essayer d'aider
les gens au mieux qu'on peut. Des fois, ça arrive qu'on a un diagnostic précis,
qui est clair, puis que les gens s'entendent autour pour dire que c'est ça,
puis, malgré tous les traitements qu'on met en place, les gens continuent à
avoir… les patients continuent à avoir un niveau de dysfonction associée à un
sentiment de souffrance tellement grand que, quoi qu'on essaie, on n'arrive pas
à changer quoi que ce soit à ce niveau-là.
D'autres <personnes…
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
...
qui est clair, puis que les gens s'entendent autour pour dire que
c'est ça, puis, malgré tous les traitements qu'on met en place, les gens
continuent à avoir… les patients continuent à avoir un niveau de dysfonction
associée à un sentiment de souffrance tellement grand que, quoi qu'on essaie,
on n'arrive pas à changer quoi que ce soit à ce niveau-là.
D'autres >personnes, par exemple,
entre autres chez les gens qui ont un trouble bipolaire, c'est que dans
certains épisodes de maladie, ils sont tellement mal, puis ça entraîne des
conséquences catastrophiques, ils vont un peu mieux pendant un certain temps,
mais ça repart à nouveau vers un épisode, puis de l'alternance de ça, même s'il
y a des épisodes où ils se sentent un peu mieux, ils continuent à traîner une
espèce de souffrance qui est reliée au constat de tout ce qu'entraîne la
répétition des épisodes. Ça fait que je vous dirais que c'est très complexe.
L'autre affaire, c'est que ce n'est pas le
propre des maladies mentales. Vous avez raison, en santé physique, c'est
souvent un peu plus simple, parfois très simple, mais souvent, ce n'est pas
clair. Il y a des types de maladies, des types de maladies neurologiques, pas nécessairement
dégénératives, là, mais qui sont chroniques, la fibromyalgie, des problématiques
de douleurs chroniques complexes, qui font en sorte que c'est tout aussi
difficile. On fait face aux mêmes enjeux, donc, premièrement, de départager c'est
quoi, le diagnostic précis, c'est-tu vraiment ça, c'est-tu d'autre chose, même
si c'est purement physique, puis qu'est-ce qu'on peut offrir, qu'est-ce qui va
fonctionner, qu'est-ce qui ne va pas fonctionner. Puis des fois,
malheureusement, on se retrouve avec des gens qui se retrouvent avec un niveau
de fonctionnement, une perception d'eux-mêmes, une souffrance physique ou même
psychologique, dans l'ensemble du tableau, ils vont considérer que ça ne vaut
pas la peine de vivre ainsi.
Ça fait que, donc, c'est ça, c'est ce que
je vous dirais. On peut traiter la souffrance comme telle. En fait, c'est à
quel point on arrive à traiter qu'est-ce qui fait que la souffrance est là,
mais des fois on en arrive à constater que, malgré tout ce qu'on a pu imaginer,
tout ce qu'on a pu tenter, il n'y a malheureusement pas moyen de faire mieux.
• (14 h 10) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait, merci. Merci, Mme la députée. Je céderais maintenant la parole à la
députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. Bonjour,
M. Courtemanche. Merci de prendre le temps de venir échanger avec nous, c'est
vraiment très apprécié. En tout cas, si ça générait de l'anxiété, je peux vous
rassurer, ça ne paraissait pas du tout. Et c'est vraiment précieux d'avoir un
partage comme ça d'une expérience vécue. Je pense que ça ajoute beaucoup à
notre compréhension puis aux nuances qu'on veut apporter à toutes nos
réflexions, à tout notre débat aussi. Bonjour, Dr Barbès-Morin.
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
Bonjour.
Mme Montpetit : Merci à vous de
prendre le temps. Je sais que vous avez certainement un horaire bien occupé
aussi, mais c'est certainement très aidant pour nos travaux. Je commencerais
par vous, si vous me permettez. Vous aviez évoqué tout à l'heure la question de
l'importance de faire ça... de faire... d'utiliser des équipes
multidisciplinaires. Un, je voulais savoir, est-ce que vous suggérez
l'utilisation des équipes multidisciplinaires pour l'évaluation, ou pour la
prise de décision, ou pour les deux?
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
Dans le cadre de l'évaluation, ce qui est certain, c'est que les psychiatres
qui vont faire cette évaluation-là avec les personnes vont devoir être en
mesure, à mon sens, là, de consulter les dossiers médicaux, puis d'être en
mesure de <connaître tout ce qui a pu être fait et de s'assurer...
Mme Montpetit : …
ou
pour la prise de décision, ou pour les deux?
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
Dans le cadre de l'évaluation, ce qui est certain, c'est que les psychiatres
qui vont faire cette évaluation-là avec les personnes vont devoir être en
mesure, à mon sens, là, de consulter les dossiers médicaux, puis d'être en
mesure de >connaître tout ce qui a pu être fait et de s'assurer que… parce
que c'est très rare qu'une maladie mentale ne nécessite pas une intervention
d'équipe, ne nécessite pas l'intervention d'un psychologue, ergothérapeute,
etc., puis de s'assurer que ce qui avait à être offert à ce niveau-là l'a été.
Et parfois c'est clair, parfois c'est très évident, parfois ce l'est beaucoup
moins. Et on peut s'imaginer qu'à l'occasion on puisse avoir besoin de demander
l'avis d'une autre personne, là, qui a une expertise spécialisée, que ce soit
un ergothérapeute, etc. Mais fondamentalement je ne pourrais pas vous dire que
ça prend absolument une évaluation multidisciplinaire dans une ou l'autre des
deux évaluations dont on parlait. Mais chose certaine, c'est que, compte tenu
de la nature même des problématiques de santé mentale, il va falloir
éventuellement qu'on s'assure que ce qui devait être fait soit fait.
Ça ouvre un peu la porte à la question de
l'accessibilité des services. Tu sais, moi, je suis en région éloignée, à
Rouyn-Noranda, puis, comme bien des psychiatres partout au Québec, on a
l'impression qu'il n'y en a pas assez, de services, qu'on travaille avec des
trop petites équipes, surtout avec les clientèles de patients qui ont des
grands, grands besoins, mais c'est quand même… tu sais, il ne faut quand même
pas se cacher derrière ça pour ne pas avoir le débat qu'on est en train
d'avoir. À mon sens, c'est deux enjeux bien importants, mais qu'on doit un peu
séparer.
Alors, je ne pense pas qu'il faut d'emblée
dire : Il faut absolument que le patient soit vu par un ergothérapeute,
ta, ta, ta, mais il faut que, dépendamment de la situation, les évaluateurs
gardent ça à l'esprit puis ne ménagent pas leurs efforts pour s'assurer que les
choses qui devaient être faites, telles que reconnues dans les guides de
pratique, là, ont été faites.
Mme Montpetit : Au niveau de...
Quand vous dites équipe multidisciplinaire, justement, vous aviez quels
professionnels en tête?
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
Bien, ça va varier en fonction des situations. C'est sûr que lorsqu'il y a des
situations familiales, des situations qui nous paraissent complexes au niveau
familial avec plein d'enjeux, la présence de travailleurs sociaux va être
importante. Lorsqu'on évalue qu'il y a des situations de dysfonctionnement
significatif, par exemple, à la maison, etc., l'évaluation en ergothérapie peut
s'avérer importante, là. Tout ça, ce dont on n'a pas parlé, là, mais, dans
notre document, à l'AMPQ, on insiste beaucoup sur une approche à deux voies,
puis là j'ouvre la… je ne sais pas si d'autres gens en ont parlé, mais
l'approche à deux voies, là, c'est quelque chose de fondamental. C'est,
autrement dit, la personne arrive puis dit : Bonjour, je n'en peux plus,
veuillez, s'il vous plaît, évaluer cette possibilité-là. Lorsqu'on reçoit cette
demande-là, l'idée, ça serait de dire : Très bien, nous allons faire ça,
mais, dans ce contexte-là, on va s'assurer que vous avez eu accès à ce qui
aurait été nécessaire puis, si ce n'est pas le cas, bien, on va vous le
proposer. Ça fait que c'est comme s'il y avait une voie vers l'aide médicale à
mourir qui allait de pair avec une voie vers la vie ou vers <évaluer les
différentes possibilités. Ça, ça…
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
…
va s'assurer que vous avez eu accès à ce qui aurait été nécessaire
puis, si ce n'est pas le cas, bien, on va vous le proposer. Ça fait que c'est
comme s'il y avait une voie vers l'aide médicale à mourir qui allait de pair
avec une voie vers la vie ou vers >évaluer les différentes possibilités.
Ça, ça... on a l'impression que ça assurerait de ne pas passer à côté d'un gros
truc qui n'aurait pas été fait, mais, en plus, dans bien des situations, de
redonner l'espoir. Des fois les gens ne voyaient plus différentes possibilités
ou les choses n'avaient pas vraiment été essayées, ça fait que c'est dans ce
contexte-là que différentes évaluations peuvent mener à ce que, tout d'un coup,
on ait une nouvelle idée, quelque chose de nouveau puisse être mis en place ou
imaginé, et que ça puisse faire du sens, que ça puisse avoir un sens, là,
significatif pour la personne qui est souffrante.
Mme Montpetit : D'où votre
recommandation aussi que ce soit fait sur un certain laps de temps pour laisser
le temps, si on veut, aux idées d'évoluer. Je comprends.
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
Oui. À notre avis, il ne faut pas qu'on voie ça comme des situations d'urgence
dans un état de crise, là. Ça ne serait pas approprié. Ça doit s'inscrire dans
une durée, ça doit s'inscrire dans une démarche prolongée, ça ne va souvent pas
vite, et il faut voir ça comme ça.
Mme Montpetit : Est-ce que,
puis ça va être ma dernière question... on n'a jamais beaucoup de temps, comme
vous le savez, puis j'ai ma collègue de Westmount—Saint-Louis qui souhaite
échanger avec vous deux également, est-ce que, dans votre expérience, il y a
eu… Est-ce qu'il y a des situations, par exemple... Parce que vous nous disiez :
Les gens, dans le fond, sont aptes à prendre… les personnes qui ont un problème
de santé mentale sont aptes à prendre une décision par elles-mêmes, elles sont
aptes, dans une relation avec un professionnel justement, à nommer la souffrance,
à nommer la douleur, on est capable de l'évaluer cliniquement. Est-ce qu'il y a
des situations où ce n'est pas possible sur... même sur un continuum de temps,
là, si on sort d'une crise? Est-ce qu'il y a des états qui ne reviennent jamais
à une certaine stabilité dont vous parliez?
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
Oui, tout à fait. Ça peut avoir lieu dans différentes problématiques, mais je
peux vous donner le cas de quelqu'un que j'ai vu hier, là, qui est atteint
d'une schizophrénie extrêmement sévère, là, des… c'est rare, là, des états
aussi sévères, qui, lui, ne demande pas l'aide médicale à mourir. Mais, s'il le
demandait, compte tenu qu'il est toujours aux prises avec des intrusions dans
sa pensée, des idées délirantes qui amènent à des changements constants de ses
perceptions, de ses positions face à son environnement, et ce, pour l'immense
majorité des choses dans sa vie, là, qui sont… finalement, son libre arbitre
est tellement diminué, ne serait-ce que pour le choix des céréales le matin, de
l'habillement, c'est constamment des phénomènes intrusifs dans son cerveau, alors
je ne peux pas imaginer que cette personne-là puisse en arriver un jour à
formuler une demande qui serait exempte, un peu, de tous ces phénomènes-là et
qui perdurerait dans le temps sans être constamment associée à… tout à l'heure,
l'impact des extraterrestres, du complot contre le COVID, là, en tout cas, etc.,
là.
Alors, je... il y a des... ça, je vous
donne une situation extrême, là, ce n'est pas... toujours dans les extrêmes,
dans les exemples qu'on donne, alors que c'est beaucoup plus subtil que ça.
Mais, oui, clairement, à mon sens, il y a des situations dans lesquelles
l'aptitude ne peut pas être trouvée, malheureusement, <malgré tout…
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
…du complot contre le COVID, là, en tout cas, etc., là.
Alors, je...
il y a des... ça,
je vous donne une situation extrême, là, ce n'est pas... toujours dans les
extrêmes, dans les exemples qu'on donne, alors que c'est beaucoup plus subtil
que ça. Mais, oui, clairement, à mon sens, il y a des situations dans
lesquelles l'aptitude ne peut pas être trouvée, malheureusement, >malgré
tout ce qu'on essaie.
Mme Montpetit : Donc,
l'aptitude n'est pas… ne peut pas être retrouvée, mais la souffrance, vous êtes
capable de l'évaluer, par contre.
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
Oui, je pense que ce serait possible. La personne dont je vous parle, il y a
une souffrance qui est associée à ça, qui, chez cette personne-là, n'a jamais
débouché vers une demande de mourir ou même d'agir suicidaire. Cette
personne-là ne veut pas mourir, même si ça fait plus de 15 ans qu'elle est
extrêmement souffrante, elle veut aller mieux, elle veut survivre. Mais la
souffrance est là, mais, à mon avis, l'aptitude à faire une telle démarche ne
serait pas présente.
Mme Montpetit : O.K.
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
Et je ne peux pas voir qu'est-ce qui pourrait faire… qu'est-ce qu'on pourrait
faire pour cette personne-là qui ferait en sorte qu'elle atteindrait
l'aptitude, le niveau d'aptitude nécessaire.
Mme Montpetit : Je vous
remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je céderais maintenant la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour à vous deux. J'ai trouvé votre témoignage très, très, très
intéressant. Je vais renchérir un peu sur les questions de ma collègue la
députée de Maurice-Richard. On a entendu des témoignages
de, mettons, Mme Chalifoux, qui est passée hier. J'aimerais savoir, selon
vous, devons-nous clarifier les termes de c'est quoi, une maladie mentale, le
trouble mental? Et, si oui, devons-nous inclure, par exemple, les personnes qui
souffrent d'une déficience intellectuelle ou le trouble du spectre de
l'autisme? Est-ce qu'ils devront être admissibles? Si on entend Mme Chalifoux,
elle, elle nous dit que nous ne devons avoir aucune discrimination. Alors,
j'aimerais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.
• (14 h 20) •
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
Est-ce que la question s'adresse en particulier à M. Courtemanche ou...
Mme Maccarone : C'est comme
vous voulez. Vous pouvez tous les deux partager un peu votre réflexion, si vous
voulez.
M. Courtemanche (Simon) :Bien, moi, j'irais simplement avec l'aspect de la souffrance
qui devrait être évaluée plus que la condition. Puis là c'est sûr qu'on tombe
dans des situations complexes qui vont directement avec l'aptitude. Mais,
encore là, je pense que si la personne est capable de bien justifier ou de bien
comprendre le fait… sa demande, puis, tu sais, c'est quelque chose… en fait,
c'est à explorer. Puis, encore là, la réponse facile, c'est de dire : Non,
on ne le fait pas, c'est trop compliqué, il y a… mais de venir encadrer, puis
de mettre des balises, puis mettre des balises qui sont plus restrictives ou un
chemin qui est plus restrictif en partant, puis, au pire, tu recules puis tu
dis : Bien, ça ne marchera pas ou on ne peut pas aller vers là, mais au
moins de le considérer puis d'aller vers une recherche de solution. Est-ce
qu'il y aurait une demande? C'est d'aller <explorer tout ça, je pense,
qui est à faire…
M. Courtemanche
(Simon) :
…puis, au pire, tu recules puis tu dis :
Bien, ça ne marchera pas ou on ne peut pas aller vers là, mais au moins de le
considérer puis d'aller vers une recherche de solution. Est-ce qu'il y aurait
une demande? C'est d'aller >explorer tout ça, je pense, qui est à faire.
Dr Barbès?
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
Pour ce qui est des problématiques de déficience intellectuelle et d'autisme,
là, je ne suis pas la meilleure personne pour vous répondre à ce niveau-là et
parce que je n'ai pas une expertise particulière dans aucune de ces deux
problématiques-là, et il y a des gens sûrement beaucoup mieux placés que moi
qui vont faire ces questionnements-là. Par contre, ce qui est clair, c'est que,
d'une part, dans l'autisme, il faut faire attention, parce que c'est un spectre,
et je pense qu'on ne peut pas mettre tout le monde dans… au même niveau à cet
effet-là. Ça fait que ça illustre le danger d'y aller par diagnostic, à mon
sens.
Pour ce qui est de la déficience
intellectuelle, c'est un peu la même chose. Puis fondamentalement ça revient
beaucoup à la notion d'évaluation de l'aptitude. Dans notre société, on
considère qu'il y a des gens dont, malheureusement, les capacités
intellectuelles ne leur permettent pas d'être en mesure de prendre des
décisions à certains niveaux pour eux-mêmes. Ils ont besoin d'un régime de
protection, d'être accompagnés dans toutes sortes de décisions.
Pour moi, il me semble que ça devrait
aller dans le même sens. Ça ne devient pas, je crois, une question de
discrimination en tant que telle. Probablement qu'on devra évoluer dans notre
perception de ces gens-là, là, face à la souffrance, mais, bon, je réitère qu'on
n'a pas étoffé, au sein de l'association, dans le cadre de notre démarche, on
n'a pas étoffé cette facette-là des choses.
Mme Maccarone : Mais, selon
vous, s'il y avait un accompagnement... Parce que je pense que c'est ça, la
question, c'est : Comment pouvons-nous accompagner des personnes qui vont
avoir un chemin qui sont totalement différents un envers l'autre? Une personne
qui souffre d'une déficience intellectuelle ou une personne sous le spectre de
l'autisme peut très bien comprendre, mais avec des mesures d'accompagnement
qu'il faut peut-être moduler et adapter pour eux. Si c'était le cas, mettons,
comme psychiatre, puis que vous avez un patient qui a ce diagnostic puis qu'il
y avait un accompagnement qui a été modulé puis adapté pour eux, est-ce que
vous seriez peut-être à l'aise de faire une identification de l'aptitude et la
compréhension? Parce que c'est ça, la difficulté : Comment déterminer si
la personne concernée, s'il souffre d'une déficience intellectuelle ou de
l'autisme, ont bien compris c'est qui qui va prendre la décision finale, parce
que la compréhension, ça peut tellement être différent puis c'est subjectif.
La Présidente (Mme Guillemette) :
En 30 secondes, Dr Barbès, s'il vous plaît.
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
Bien, je vais avoir une réponse très plate, là, mais, malheureusement, on n'a
pas fait la démarche puis on n'est peut-être pas les mieux placés non plus
comme psychiatre. Il y a des psychiatres qui sont des spécialistes de l'autisme
et des spécialistes de déficience intellectuelle, mais on n'a pas fait cette
démarche-là. C'est une démarche qui est très importante, mais je ne pourrai
malheureusement pas donner un avis <pertinent aujourd'hui là-dessus…
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
...la démarche puis on n'est peut-être pas les mieux placés non plus comme
psychiatre. Il y a des psychiatres qui sont des spécialistes de l'autisme et
des spécialistes de déficience intellectuelle, mais on n'a pas fait cette
démarche-là. C'est une démarche qui est très importante, mais je ne pourrai
malheureusement pas donner un avis >pertinent aujourd'hui là-dessus.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, Mme la députée. Donc, je céderais maintenant la parole au député
de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, MM. Courtemanche et Barbès. Merci beaucoup de vos
contributions aux travaux de notre commission. Deux questions pour vous, et j'ai
peu de temps, donc je vais vous les poser en rafale, si vous voulez bien y
répondre.
D'abord, vous nous avez parlé de trouver
un équilibre entre exiger que la personne ait fait tous les traitements et que
la personne... En fait, vous nous avez dit : Le point d'équilibre, c'est,
avant d'accepter une demande d'aide médicale à mourir, de s'assurer que la
personne se soit... disons, ait participé à tous les traitements qui sont
acceptables pour elle.
Qu'adviendrait-il, Dr Barbès, d'une
personne qui a une définition très, très, très réduite de ce que sont les
traitements acceptables pour elle, tant et si bien qu'on en aurait fait, au
fond, très, très peu, mais c'est... en vertu de votre définition, on ne serait
pas dans une situation où la personne deviendrait admissible à l'aide médicale
à mourir puisqu'elle, elle a décidé qu'il y avait seulement deux, trois
traitements qui, pour elle, étaient acceptables. J'en conviens que c'est un cas
limite, mais c'est comme ça qu'on teste les définitions que l'on écrit,
n'est-ce pas, en les confrontant à un cas limite. Je vous soumets celui-là.
Deuxième question, dans le cas des
demandes anticipées pour des personnes souffrant de troubles mentaux,
qu'advient-il si une personne apte fait une demande anticipée en disant : Si
ma maladie me rend inapte et me met dans une situation x, y z, je souhaite
recevoir l'aide médicale à mourir, et que c'est bel et bien ce qu'il advient,
cette personne-là devient inapte, parce que sa maladie devient trop
envahissante, et donc elle perd sa capacité à consentir et qu'au moment, donc,
d'appliquer ses volontés puis de procéder avec sa demande anticipée d'aide
médicale à mourir, la personne exprime, même si elle n'est plus apte, un refus
et dit : Non, j'ai changé d'idée, j'ai changé d'idée, je ne veux plus, je
ne veux plus, et que pourtant elle est censée ne plus être apte. Quel
consentement devrait prévaloir, à ce moment-là, celui qu'elle a donné en état
d'aptitude ou son non-consentement qui est donné en situation d'inaptitude?
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
Oui, deux excellentes questions. La première, c'est un peu un extrême, mais c'est
un extrême qu'on risque de voir, là, et l'idée, c'est de dire : Si les
gens n'ont pas eu accès ou n'ont pas accepté des traitements qu'on considère
standards, et ça, ça peut impliquer quand même plusieurs essais
pharmacologiques ou plusieurs choses, bien, on pense que la demande ne peut pas
être acceptée. Dans le doute, il vaut mieux <refuser la demande que
d'aller de l'avant, parce que...
M. Barbès-Morin (Guillaume) :
...
accès ou n'ont pas accepté des traitements qu'on considère standards,
et ça, ça peut impliquer quand même plusieurs essais pharmacologiques ou
plusieurs choses, bien, on pense que la demande ne peut pas être acceptée. Dans
le doute, il vaut mieux >refuser la demande que d'aller de l'avant,
parce que probablement qu'éventuellement on va se rendre compte qu'il y avait
un paquet d'enjeux autour du fait de refuser les traitements.
Par contre, si c'est des traitements qui
sont loin, des traitements de troisième ligne, des traitements inusités qui ont
souvent une grande morbidité, je vais vous donner l'exemple de la
psychochirurgie, ça peut fonctionner, mais, tu sais, c'est quand même associé à
un haut taux de risque d'infection cérébrale, en tout cas, il faut avoir une
longue discussion à savoir si c'est vraiment pertinent ou pas, alors là on
pense que la ligne serait possible d'être tracée. Mais, vous avez raison, on
risque d'être confronté à des situations dans lesquelles il y a des gens qui
vont dire : Moi, pour toutes sortes de raisons x, y, z, je refuse des
traitements même considérés comme ordinaires et standards qui ont une bonne
chance d'aider. Dans ces cas-là, il faudrait simplement dire que ce n'est pas
acceptable, même si la personne disait : Moi, il n'en est pas question.
Il y a des problématiques un peu limite,
là. Là, je m'étire un peu, mais, par exemple, vous voyez, si vous êtes en Abitibi-Témiscamingue
et que votre psychiatre considère que quelqu'un a besoin... bien, pas vous,
mais si quelqu'un a besoin d'un traitement spécialisé qui ne se donne qu'à Montréal
et qui dure un an en psychothérapie, bien là, qui implique un déménagement, qui
implique un paquet d'affaires, est-ce que c'est un traitement inusité dans
votre cas ou est-ce que, non, on devrait considérer que c'est un traitement
standard? Alors, il y a plein de cas de figure extrêmement pertinents qu'on
pourrait avoir dans ces situations-là. Et l'important, ça va être d'être
capable de faire une évaluation adéquate, d'être créatif puis d'en arriver avec
des solutions constructives.
Pour votre deuxième question sur les
demandes anticipées, à nouveau, ce n'est pas un sujet qu'on a traité
spécifiquement, à l'association, la question des demandes anticipées. Une des
raisons, c'est qu'on voit très peu de situations dans lesquelles on puisse
imaginer qu'il y ait une inaptitude reliée à la maladie mentale qui soit
durable et irréversible. Ça peut toujours arriver, mais en général ça va être
plus d'ordre neurologique, comme dans les maladies neurodégénératives, la maladie
d'Alzheimer, etc. Pour ce qui est des troubles mentaux que les psychiatres
traitent habituellement, là, généralement, on en arrive à faire en sorte, grâce
aux traitements, que les gens vont retrouver un état d'aptitude qui va leur permettre
de prendre des décisions. Dans ce contexte-là, je pense qu'il faut absolument
travailler en ce sens-là et se fier à la dernière demande, là, à la dernière
affirmation, là, de leur souhait, là, et non pas...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Dr Barbès. C'est tout le temps que nous avions. M. le député, merci
beaucoup. Je céderais la parole à la députée de Joliette.
• (14 h 30) •
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour à vous deux. Vraiment très intéressant. Je dois vous dire que j'aurais
tellement d'éléments sur lesquels je voudrais échanger, mais j'ai un gros cinq
minutes, donc je vais faire comme mon collègue de Gouin, je vais vous nommer
les trois éléments sur lesquels j'aimerais que vous me répondiez, et puis vous
irez avec ce que vous jugez le plus pertinent pour vous.
Le premier élément, pour continuer dans la
même <veine, sur la question du refus...
>
14 h 30 (version révisée)
<27
Mme
Hivon
:
...j'aurais tellement d'éléments sur lesquels je voudrais échanger,
mais j'ai un gros cinq minutes, donc je vais faire comme mon collègue de Gouin,
je vais vous nommer les trois éléments sur lesquels j'aimerais que vous me
répondiez, et puis vous irez avec ce que vous jugez le plus pertinent pour
vous.
Le premier élément,
pour continuer dans la même >veine, sur la question du refus de traitement, si on fait
le parallèle avec une maladie physique, une personne peut recevoir un
diagnostic de cancer. On lui dit : Si tu fais des traitements de
chimiothérapie, tu as vraiment 50 % de chances de
rémission. La personne dit : Non, c'est des traitements trop agressifs, je
ne veux pas, a le droit tout à fait, de son libre arbitre, de refuser les
traitements, et, si sa maladie évolue et qu'elle a des souffrances, elle va
pouvoir demander l'aide médicale à mourir.
Donc, je comprends que,
de votre point de vue, on ne peut pas faire le même raisonnement dans le cas
d'une maladie psychiatrique. Il faudrait donc avoir des balises dans
l'encadrement qui diraient qu'une personne qui refuse certains traitements ne
pourrait pas, dans le cheminement de sa maladie, ensuite demander l'aide
médicale à mourir. Donc, ça, c'est... j'ai un souci par rapport à ça parce
qu'il y aurait comme une différence entre maladie physique et maladie
psychiatrique. Ça fait que je voudrais juste que vous me clarifiiez ça.
Le deuxième élément, c'est
en lien avec Dr Carrier qu'on a entendu tout à l'heure, qui nous a
beaucoup parlé de la relation patient-médecin. Puis là j'aimerais vous
entendre, M. Courtemanche, parce que je trouve ça
vraiment intéressant ce que vous avez dit, que le fait que ça existe aurait pu
faciliter vos échanges avec votre psychiatre sur votre désir de suicide et de
mort. Et, en fait, Dr Carrier disait l'inverse. C'est-à-dire que lui, il disait que le fait que ce soit le psychiatre qui puisse
analyser une demande d'aide médicale à mourir, le psychiatre traitant, pourrait
nuire à la relation patient-médecin et puis il faudrait donc sortir ça un peu
de la relation et que ce soit éventuellement une instance neutre qui puisse juger d'une telle demande. Donc,
j'aimerais vraiment vous entendre là-dessus.
Puis, dernier point, si
jamais il reste du temps, c'est sur le caractère incurable, mais pas de la
souffrance, mais de la maladie. Donc, c'est les critères actuels, et j'ai bien
lu votre présentation, votre PowerPoint, il est excellent, et je comprends
qu'on est capables de déterminer si une maladie psychiatrique est incurable ou
si, dans son processus, dans le fond, elle le devient, comme un cancer qui ne l'est peut-être pas au début, mais qui va le
devenir dans l'évolution de la maladie.
M. Courtemanche
(Simon) : Je peux répondre rapidement pour la
deuxième parce que c'est un élément qu'on avait abordé, qui était la relation
patient-médecin, pour ne pas la mettre à risque, mais, par
rapport... En fait, chaque demande doit être unique
d'une certaine façon. Dans certains cas, cette demande-là devrait être traitée
par le médecin traitant puis, dans d'autres cas, non. En fait, le médecin
traitant devrait avoir le choix de faire partie de cette évaluation-là, mais, tu
sais, de toute façon, le choix final ne va pas revenir au médecin traitant.
Donc, ça, je pense que c'est un <élément...
M. Courtemanche
(Simon) :
...le médecin traitant
devrait avoir le choix de faire partie de cette évaluation-là, mais de toute
façon le choix final ne va pas revenir au médecin traitant. Donc, ça, je pense
que c'est un >élément important, puis, Dr Barbès, vous me compléterez. Je ne vois pas, personnellement, là, je ne vois pas tant de
risques que ça, puis c'est sûr qu'il faut que le médecin soit à l'aise dans
toute cette évaluation-là puis
dans la relation, là, parce que
la relation thérapeutique, on veut la préserver au final, elle est importante. Moi, j'aurais, de façon personnelle, aimé que, quand
j'avais fait cette demande-là, le médecin fasse... en fait, soit partie
prenante de cette évaluation-là, mais j'aurais probablement aussi compris si
elle ne voulait pas embarquer là-dedans puis juste rester comme... Bien, en
fait, c'est de l'expliquer, la raison du refus, à la personne puis d'être
complètement transparent. Dr Barbès.
M. Barbès-Morin
(Guillaume) : Bien, oui, bien... Ça dépend beaucoup de notre
perspective comme médecin. Je pense que, fondamentalement, il faut respecter la
position du médecin traitant à l'égard de cette situation-là. Autrement dit,
s'il n'est pas à l'aise avec le processus, s'il n'est pas à l'aise avec la
situation, il faut qu'il puisse référer à quelqu'un d'autre pour la suite des
choses.
Maintenant, est-ce qu'il
faudrait faire en sorte que jamais le médecin traitant ne soit impliqué
là-dedans? Pour moi, ce n'est absolument pas clair, puis pour notre comité non
plus, ce n'est pas clair que c'est préférable. Parce que, souvent, le médecin
traitant, lorsque le lien est bon, est généralement très bien placé pour être
en mesure de donner un premier avis sur la situation.
Et même je vous dirais,
moi, mon expérience depuis que tout ça est dans l'air du temps, tu sais, j'ai
des patients qui m'ont abordé à ce niveau-là, et, comme M. Courtemanche
l'a dit, jusqu'à maintenant, ce n'est que positif. Ce n'est pas facile, mais
c'est positif.
Ça donne des occasions
fantastiques, entre autres, de demander aux gens : Bien, est-ce que vous
seriez d'accord pour qu'on l'aborde avec votre famille, avec votre mère, avec
votre père, qu'on s'assoit ensemble puis qu'on en discute? Puis ça amène à des...
jusqu'à maintenant, là, ce que moi, j'ai constaté dans ma petite clinique, là,
que ce n'est peut-être pas partout comme ça, là, mais ça amène à des situations
d'apaisement importantes puis ça nous permet de travailler sur d'autres choses
en attendant. Qu'est-ce que ça va donner? Je ne le sais pas. Puis si un
psychiatre n'est pas confortable avec ce genre de démarche là, bien, c'est
important qu'on le respecte. Par contre, je pense que c'est important qu'il
soit référé.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci beaucoup, Dr Barbès.
Merci beaucoup, M. Courtemanche. C'est tout le temps qu'on avait,
malheureusement.
Donc, nous suspendons les
travaux quelques instants, le temps d'accueillir notre nouvelle invitée. Donc,
merci encore une fois d'avoir accepté notre invitation <aujourd'hui.
(Suspension de la séance à
14 h 36)
La Présidente (Mme
Guillemette) :
...>aujourd'hui.
(Suspension de la séance à
14 h 36)
(Reprise à 14 h 43)
La Présidente (Mme
Guillemette) : Donc, nous sommes de retour.
Bonjour, tout le monde. Donc,
nous avons le plaisir d'accueillir cet après-midi la Pre Jocelyn Downie. Donc, bienvenue parmi nous, Mme Downie,
merci d'avoir accepté l'invitation aujourd'hui. Vous aurez 20 minutes pour votre exposé, et 40 minutes
d'échange avec les membres de la commission. Donc, je vous cède immédiatement la parole.
Mme Jocelyn Downie
Mme Downie (Jocelyn) : Oh! good afternoon and thank you for the opportunity to speak with
you today. As you just heard, my name is Jocelyn Downie, and I'm the James
Palmer Chair in Public Policy and Law and university research professor at
Dalhousie University in Nova Scotia. So, that's who I am, but of course, it
doesn't tell you why I'm here.
I believe I'm here for a
few reasons. First, because I've been researching and writing on medical
assistance in dying for a very long time, so I've seen the arc of progress,
with all of its many fits and starts. Second, because I bring you a perspective
from outside Québec, but having
followed Québec very closely
and with great regard. Third, because I work at the intersection of law ethics
and policy, and if ever there was an issue that needed that approach MAID is it.
Fourth, because I've been intimately involved in many of the prior processes
relating to the topics that are before you, as a committee ranging from special
consultant to the very first Special Senate Committee on Assisted Dying in the
early 1990s, to being a member of the plaintiffs legal team in Carter to being
a member of the Royal Society of Canada expert panel on... (panne de son) ...territorial expert
advisory group on physician-assisted dying, the Council of Canadian Academies
expert panel on medical assistance in dying, specifically the mental disorder
working groups, and finally because I led an independent process of experts exploring
what the Federal and the QuébecGovernments should do in
response to the Truchon decision and the removal of reasonably foreseeable and end
of life from their respective laws, especially with respect to where MAID and
mental disorder is the sole underlying medical conditions. So, I offer my
comments against that backdrop.
Now, to prepare for
today, I looked at your committee mandates, I, then, went to my files and
pulled all out of the Government committee and expert panel reports and court cases in Canada that dealt with mental illnesses as a
sole underlying medical conditions and requests for MAID made in advance of law decision-making
capacity. And I made a table : Who said what about the issues that are
before this <committee? It is really...
Mme Downie
(Jocelyn) :
... files and pulled all
out of the
Government
committee and expert panel reports and court cases in
Canada
that dealt with mental
illnesses as a sole underlying medical
conditions
and requests for MAID made in advance of law
decision-making capacity. And I made a table : Who said what about the
issues that are before this >committee? It is really stark when it's on one piece of paper. Support from
MAID MD-SUMC, which I'll use as the acronym for mental disorder as the sole
underlying medical condition, and advance requests is overwhelming from the
very groups that have reviewed and assessed all of the evidence and the
arguments and had the mandate to make policy recommendations or decisions.
So, my first message to
you today is it's time, in fact, it's past time. It's past time to stop debating
whether we should allow each of these, and instead we should focus on how to
regulate and implement them both, especially in Québec, as you are uniquely positioned to take the step. You had your
original Special committee of
the National Assembly followed
by a legal expert's report. When you took the first brave step along the MAID
path, then recently you had another expert panel report, that dug deep into the
evidence and the arguments about MAID and decisional incapacity, and of course
the Truchon case, and you also had the AMPQ committee report that dug deep into
the evidence and the arguments about MAID and mental disorders. You can also
draw upon the work done outside Québec, including the Royal Society of Canada expert
panel, the Provincial-Territorial Expert Advisory Group, the special joint
committee of the House and the Senate, and The Halifax Group, all groups that
have studied and made recommendations on the issues that are before you.
So, let's turn first to
mental disorders. Now, before moving to the questions of how to regulate and implement MAID MD-SUMC, I do want to make
one quick point about the whether. You will hear arguments against allowing
MAID MD-SUMC, but one thing that doesn't get enough attention is the extend to
which these arguments were heard and roundly rejected in Truchon. Of course,
the plaintives in the Truchon case were not individuals with mental disorders,
however the issue of MAID MD-SUMC was before the court because of the
implications for MAID for mental disorders of striking down the illegibility
criteria of reasonably foreseeable or end of life.
Justice Baudouin heard
considerable evidence about the experiences in other jurisdictions with MAID
MD-SUMC and indeed most, if not all of the arguments you will hear against MAID
MD-SUMC. These include the impact on suicide, suicide prevention and suicide
contagion, the relationship between suicide and MAID, clinicians' ability to
assess capacity in persons with mental disorders, the role of cognitive
distortions, whether clinicians can ever say that a person's condition is
irremediable, the possibility of errors, the normalization of MAID, the impact
on the perceived value of the lives of vulnerable groups, including persons
with mental disorders, slippery slopes, and importantly the social determinants
and vulnerability. Justice Baudouin considered and weighed the evidence against
MAID MD-SUMC and she found... (panne de son) ...decision and we recalled that
unlike the people appearing before you or publishing their opinions, the <witnesses...
Mme Downie
(Jocelyn) :
... importantly the social
determinants and vulnerability. Justice Baudouin considered and weighed the
evidence against MAID MD-SUMC and she found... (panne de son) ...decision and
we recalled that unlike the people appearing before you or publishing their opinions,
the >witnesses in Truchon were under oath and
more importantly they were cross-examined in court.
With that, let's look at
the how. I imagine you will have already generated a comprehensive list of
recommendations that have been made with respect to the how to regulate and
implement MAID in the presence of mental disorders. Allow me to engage with
some of them.
First, systems level
recommendations. Recommend improving and increasing access to mental health
services and social supports and services especially in rural, remote,
underserved and marginalized communities, and particularly for persons with
chronic, difficult to treat, mental disorders. It's important to note that this
not a motherhood and apple pie call for increased supports and services for
mental health services and social supports. Of course, we would all love to see
such increases. But your process is about MAID and mental disorders, and it is very specific and small cohorts of individuals with mental
disorders who will be eligible for and want MAID. So, this is a very targeted
call for better access. We need not remedy all of the deficiencies in the
system in order to ensure adequate protections are in place for MAID for mental disorders.
Next, recommend
supporting the development of
training and continuing education programs for clinicians who are willing to be
involved in MAID MD-SUMC. It's important to emphasize that this recommendation
is not being made because this is about mental disorders per se. It is
essential to avoid exceptionalizing mental disorders in all that you do,
because exceptionalizing leads to stigmatizing and discriminating. Rather, it's
because this is a novel category for MAID in Canada. And so, as with all novelties, it warrants training and education
efforts.
• (14 h 50) •
Next, recommend
supporting the establishment of one or more consultation services for providers
and assessors. The idea is that a service to which clinicians can turn for
prospective guidance with respect to specific challenging cases. They may be
province-wide, and or at the level of hospitals. I'm agnostic as to which would
work better, and consultation with assessors and providers would be essential
for the design. But I do want to argue that consultation services must be independent of the oversight system, the CSFP. I
would also recommend that this service be for all complex cases in recognition
of the fact that mental disorders do not have a monopoly on complexity.
Now, the AMPQ committee
recommended the creation of a new clinical administrative entity to insure
appropriate access to psychiatrists and a structure for prospective oversight.
You're very lucky in Québec to
have a culture of seeing access to MAID as a social obligation, not a responsibility resting solely on the shoulders of individual clinicians. It would
be great to have this formalized in an entity with the <responsibility to...
Mme Downie
(Jocelyn) :
... and a structure for prospective oversight. You're very lucky in
Québec
to have a culture of seeing
access to MAID as a social
obligation
, not a
responsibility
resting solely on the shoulders of individual clinicians. It would
be great to have this formalized in an entity with the >responsibility to ensure that each request is addressed within a
specified time frame, so recommend this. I also think that the administrative
functions proposed by the AMPQ committee make good sense, so recommend them.
However, I do have a
concern about what they characterized as the substantive roles. I don't believe
that prospective oversight is justifiable. First, the recommended role is
limited to checking documents, yet clinicians doing MD-SUMC are no more likely
to not do the documents right for MAID MD-SUMC, idem for other types of MAID. Furthermore,
I fear a repeat of the Morgentaler situation : A legally mandated
bureaucratic requirement put in place ostensibly to protect women, but the
therapeutic abortion committees turned into an instrumentable and indefensible
barrier to access, and they led to the law being struck down. It seems to me
that the benefit of prospectively checking documents is outweighed by the
burden of delays that can result in absolute barriers.
I would also urge you to
pay attention to MAID in jails and recommend ensuring that there's a mechanism
for provision of MAID in jails. According to the Mandela rules, the State must
provide access to health care in jails that is available in community, and some
people will not want to leave MAID... leave the jails for MAID. But even more
important is to recommend that the government work on the mechanism for
compassionate release from provincial jails. I have reviewed the federal
approach to release, and it is profoundly flawed. And I'm afraid I don't know
enough about the Québec system, but I would like the AMPQ committee flag this
as needing special attention.
Again, this
recommendation would apply to MAID for physical disorders too, but it warrants
special mention here, and your special attention in the context of your mandate,
given the disproportionately high rates of mental illness among people in
jails.
Let's now look to some
individual case level recommendations. First, I would encourage you to
recommend requiring that one of the assessors be a psychiatrist, where a mental
disorder is the reason for request or is tied up with a physical disorder as
the reason for a request. Now, I have to tell you that when I first heard this
suggestion, I objected to it. Why exceptionalize mental disorders in this way?
People aren't suggesting requiring that assessors be specialists in MAID for
physical disorders. However, I have come to understand that this recommendation
is grounded in a concern that does map onto mental disorders. These are cases
in which the assessments of eligibility are inextricably linked to the
different training that psychiatrists receive, compared to other clinicians.
The requirement is a recognition of the professional competencies required in a
specific instance of MD-SUMC or whether a mental and physical co-morbidities,
because of the interdigitation of the <features being assessed...
Mme Downie
(Jocelyn) :
... linked to the different
training that psychiatrists receive, compared to other clinicians. The requirement
is a recognition of the professional competencies required in a specific
instance of MD-SUMC or whether a mental and physical co-morbidities, because of
the interdigitation of the >features being
assessed for MAID eligibility and the unique professional training and
competencies of psychiatrists.
Note that I am not here
endorsing the recommendation that others have made that both assessors must be
psychiatrists. I haven't been persuaded that that level of expertise in both
clinicians is necessary.
Now, in assessing my
recommendation, it's important for you to bear in mind that if the
non-psychiatrist does not have the self-assess professional competency to
conduct the required assessments, they have already a professional obligation
to consult someone with the expertise or to transfer the process to another
clinician, and we already rely on clinicians to be self aware with respect to
their competencies and to not act outside of them.
Now, some people have
also suggested, directly or indirectly, that a person has to have tried
treatment before being given access to MAID. One example given here, in an
effort to illustrate the concern motivating this requirement, is a 19 year-old
who shows up in the emergency room, is depressed, his girlfriend just broke up
with him, he refuses all treatment and asks for MAID. But this person won't
meet the existing eligibility criteria for MAID. For instance, the advanced
state of the irreversible decline in capability. You don't need to create or
rely on an additional obligation to have tried treatment or make that a
condition of a find in giving curability to prevent him from getting MAID.
Another example given is
a person who has had a diagnosis for a couple of years, just tried a few
things, hasn't had a lot of success, is demoralized and pessimistic about the
future and refuses further treatment. Again, though, there are criteria other
than a requirement to try more treatment that would preclude this person
accessing MAID.
Now, I would note that
given the potential for spontaneous remission or the potential for improvement
as a part of the natural history of certain mental disorders, if a person is
not willing to try any or the recommended treatments, it may nonetheless be
impossible for the clinician to form the opinion, as required by law, that
their condition is incurable and that their suffering is irremediable, because
it might remit. Furthermore, I would note that the refusal of established
treatments should be a red flag for extra caution about decision making
capacity.
This doesn't justify
excluding the person, but it does justify a very careful assessment of
capacity. And it's likely that someone who refuses any reasonable treatment or
any treatment at all for a mental disorder will not be found capable and will
therefore be ineligible for MAID. Now, this will of course not resolve all
cases, but it will resolve some.
Now I would argue that
you could only require that a person have tried treatment for mental disorder
if you are also prepared to require the same thing for physical conditions, for
instance, cancer. But doing that flies in the face of <established...
Mme Downie
(Jocelyn) :
... Now I would argue that
you could only require that a person have tried treatment for mental disorder,
if you are also prepared to require the same thing for physical conditions, for
instance, cancer. But doing that flies in the face of >established law, reasonable interpretation of the Canadian Criminal
Code MAID provisions and Carter, where the Supreme Court of Canada expressly
said that you're irremediable : «Does not require the patient to undertake
treatments that are not acceptable to the individual.»
In some here I believe
that the concern about patients refusing treatment doesn't justify additional
eligibility criteria or procedural safeguards or need anything in the
legislation, rather it justifies good education and training to alert assessors
to what refusals may signify and the need to make sure that the eligibility
criteria are actually met, but also training and how to explore refusals of
treatment in a way that uncovers what is going on without imposing one's own
values on the patient.
And finally, here on
mental disorder, some have suggested that family involvement should be a
requirement of access to MAID. I would definitely agree that the involvement of
family and friends is usually very important and should usually be encouraged
and facilitated. However, consistent with the well-established principals and
precedents in our legal system, it requires the consent of the person making
the request. One need only consider requiring a patient to involve a father who
sexually abused her as a child to see that involvement should not be a
precondition for accessing MAID.
Now, let's turn to
advance requests. Some people will no doubt ask you to reject all forms of
advance requests for MAID. I encourage you to reject this for at least the
following reasons. First, your own expert committees have studied the issue and
recommended that you do so, most recently, the 2019 Québec expert panel on the
question of incapacity and MAID. Their research was thorough, their analysis
was rigorous, and the recommendations are sound.
Second, Québec public
opinion supports it. For instance, the January 2020 DWDC Ipsos poll showed that
89 % of Quebeckers support advance requests. I note, also, that, for what
it's worth, these Québec based recommendations and opinions on whether to allow
advance requests align with the views and positions taken in the rest of
Canada. The Government, the expert committees, the federal government and
federal expert committees, the Provincial-Territorial Expert Advisory Group,
all support it. Canadian public opinion also supports it, for instance 79 %
of Canadians express support for advance requests in the very recent and huge
federal consultation. And of course, the recently passed Bill C-7,
amending the Federal Criminal Code, permits two forms of advance requests made
after the person has lost decision making capacity. That is for final consent
waver, for those who have been assessed and approved, and the advance consent
for failed self-administration.
• (15 heures) •
Now, in relation to the
question of when rather than whether advance requests should be permitted, I'd
encourage you to adopt the position that advance requests should be permitted
after diagnosis with a serious and incurable condition. This <recommendation...
>
15 h (version révisée)
< Mme Downie
(Jocelyn) :
...for those who have been
assessed and approved, and the advance consent for failed self-administration.
Now, in relation to
the question of when rather than whether advance requests should be permitted,
I'd encourage you to adopt the position that advance requests should be
permitted after diagnosis with a serious and incurable condition. This >recommendation is supported by the 2019 Québec expert panel as well as the pre-C-14 special joint committee of the
House and the Senate. The Provincial-Territorial Expert Advisor Group, indeed,
all post-Carter expert panels and committees who have
been tasked with making recommendations have made this recommendation.
Now, again, because I actually anticipate you will land on
allowing advance requests made after diagnosis with a serious and incurable
condition, I'm not going to go into the arguments and the evidence, here. You
can read the relevant very persuasive reports. What deserves most of your time
and energy is the consideration of how. The usual approach taken to date has
been to fight about whether and when, leaving no time for the how. But the
devil is in the how. I would encourage you to really dig into the how and
develop the most nuanced and sophisticated system in the world for advance
requests and MAID. One that accurately maps philosophical justifications for
access and for protective measures onto the requirements for clinical
practices.
So, on the how, here is
what I'd recommend. First,
immediately make an interim recommendation to the Government
to allow Quebeckers to make use
of the federal Criminal Code final consent waiver. You do not need to have
completed your deliberations on the broader category of advance requests to
know that this is the right thing to do. You only need to know that, without
the final consent waiver, Quebeckers will die earlier than they would otherwise want to because they
fear losing decision-making capacity and thereby their access to MAID. Quebeckers will decline or reduce pain
medications in order to retain their decision-making capacity long enough to
access MAID. Quebeckers will
loose decision-making capacity waiting for arrangements for MAID to be
finalized — for
instance, finding a time in their provider's schedule, and thereby be condemned
to live on in a state of, by definition, intolerable suffering. There is a
mechanism to avoid these harsh consequences. It has been thought through,
debated in Parliament and is
already being implemented throughout the rest of Canada. I hope you will encourage the Government to allow Quebeckers
who already meet all of the eligibility criteria for MAID and whose natural
death has become reasonably foreseeable to make arrangements for MAID to be
provided at a time in the future after they have lost decision-making capacity
using the final consent waiver from the Criminal Code.
And finally, I will just
make a few comments about the development of a Québec advance request regime :
Require the diagnoses
with serious and incurable condition before the request can be made.
Require decision-making
capacity at the time of making the advance request.
Require that people are
informed. This should include specifics about the trajectory, taking into
account all of the circumstances of the person. This is a reason to require the
diagnosis because it's only at that point that we can be sufficiently informed.
Require that the document
spells out what the person considers will be intolerable <suffering and...
Mme Downie
(Jocelyn) :
... Require that people are
informed. This should include specifics about the trajectory, taking into
account all of the circumstances of the person. This is a reason to require the
diagnosis, because it's only at that point that we can be sufficiently informed.
Require that the
document spells out what the person considers will be intolerable >suffering and conditions for triggering the advance request. These
should be subjectively chosen but able to be objectively determined by the
provider whether they're met. So, for example, if I am given a diagnosis of Alzheimer's
disease, I could ask for MAID to be provided when I'm found to be stage 6. Or,
I could say : When I have not been able to tell you the name of my spouse
for two consecutive weeks, or if I'm unconscious. This approach preserves the Québec law's commitment to the subjectivity
of the assessment of suffering, but it avoids uncertainty about whether the
person's conditions for suffering have been met.
Establish what to do if the
person appears to have changed their mind — specifically follow what the person said should happen if they
appear to have changed their mind — and require, as a part of the informed consent process, the
disclosure that this situation
might arise.
Similarly, establish what
to do if the person doesn't appear to be suffering — specifically follow what the person said should happen if that
happens — and require
again, as a part of the informed consent process, the disclosure of this kind
of scenario.
Recognize that what is
being permitted is the making of a request and acting in accordance with the
request, not the creation of an obligation on the part of someone to follow a person's direction. This point
was made by the expert panel, excellent point, and it reflects respect for the
moral agency of clinicians and recognizes the potential for moral distress
associated with acting upon some request, particularly where the person doesn't
seem to be suffering or may have changed their mind.
And finally, don't
combine or allow any conflation of advance requests for MAID with advanced
directives with respect to cessation of treatment. Avoid combinations or conflations
in relation to language, forms, processes for registering forms, education and
so on.
With that, my time is up,
and I thank you for your attention, and I welcome your comments and questions
on anything that I've said or on any other matters that are of interest to you.
La Présidente (Mme
Guillemette) : ...
Mme Downie (Jocelyn) :
Translation is not on.
La Presidente (Mme
Guillemette) : Est-ce que vous m'entendez
mieux comme ça? Parfait, merci. Donc, un petit problème technique. Donc, je céderais
la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone :Merci, Mme la Présidente. Hello, Ms. Downie, it's a pleasure to have you with us today.
Thank you very much for your presentation. I think that you brought up some
elements that were very interesting in terms of your recommendations and thank
you very much for respecting the mandate of the commission. I think that you were very precise in what you shared with us and
also very concise. I <regret that we don't...
Mme Maccarone :
...today. Thank you very much for your presentation. I think that
you brought up some elements that were very interesting in terms of your
recommendations, and thank you very much for respecting the mandate of the
commission
. I think you were very
precise in what you shared with us and also very concise. I >regret that we don't have a «mémoire», that we don't have a brief
from you because... I'm hoping everybody took some very good notes because I
think that what you've shared will be extremely pertinent.
One of the questions that
I have for you is the idea of aptitude. I think it's something that we struggle
with and I know that we have the medical conclusions that... pertain to
aptitude. But I'd like to hear from you and from your legal expertise in terms
of how this should be identified and recognized, specifically since in Québec,
as you know, we have a civil code, we're unique in that. So, maybe you could illuminate
us a little bit on that perspective.
Mme Downie (Jocelyn) :
You're wandering in relation to...
Mme Maccarone :
Consent, right, you talked a lot about it, you know, consent is important. And
it's a lead-in to my second question in terms of... You mentioned that we
shouldn't necessarily categorize because it potentially leads to
discrimination, for example, right? We don't necessarily want to separate. So,
if I'm thinking that it should apply to everybody, because suffering, as you
mentioned, is very subjective, what if it's somebody who suffers froman intellectual disability, for example, how will we identify
consent and therefore aptitude for that person, from a legal perspective, to
make sure that we're respecting the law?
Mme Downie (Jocelyn) : Right. OK. Thank you. So, I think it's crucially important to ask
yourself always, as somebody who is trying to draw a line and create categories :
Is there a morally significant, or clinically significant, or legally
significant difference between the groups? And they aren't legally significant
differences between these groups, and I would argue there aren't morally significant
or legally significant either, in terms of categories. It's case by case.
And that's certainly what
Justice Smith said in the Carter decision at trial and certainly what Justice
Baudoin said in Truchon as well, it's : We need to pick careful attention
to capacity. But it's the same issue for these different groups. They just may
have different kinds of compromise on them, and we always need to be attending
to potential compromises. But we always need to go in with the presumption of
capacity and then we see whether there is anything that would indicate that the
person does not have the decision-making capacity... from a legal perspective
here, I'm saying, to understand the nature and the consequences of the very
specific decision that is in front of them here being made.
So, people with
intellectual disability can have capacity for this kind of decision. People
with mental disorders, a psychiatric illness also can have capacity. So, I know, often, you'll hear people say : You shouldn't have
MAID for mental disorders because psychiatrists can't assess capacity. And my
response to that is somewhat defensive... (panne de son) ...the part of
psychiatrist, many that I know that... I mean, that's what they do all the
time. They are very specifically <trained in the...
Mme Downie
(Jocelyn) :
...capacity. So, I know,
often, you'll hear people say : You shouldn't have MAID for mental
disorders because psychiatrists can't assess capacity. And my response to that
is somewhat defensive... (panne de son) ...the part of psychiatrist, many that
I know that... I mean, that's what they do all the time. They are very
specifically >trained in the assessment of capacity, especially in the face of
mental disorders.
So, I think we do, and
Justice Smith and Justice Truchon pointed that out, clinicians assess capacity
all of the time, from a legal perspective and a clinical perspective. We need
to trust them to continue to do that job, and there's no reason not to trust
them to continue to do that job well. So, I guess, yes, it's just... it's case
by case. Clinicians can assess capacity in all of these categories. And so what
we need to do is ensure that people are well trained to do capacity
assessments. There is room for better training, particularly outside the
context of psychiatry, around capacity, and that's something that is being
developed as MAID in general, is being developed across... is being rolled out
across the country.
• (15 h 10) •
Mme Maccarone : O.K. You also made a recommendation that, I think, is really smart,
that in terms in the... when we're putting in the request and we're identifying
for somebody that's requesting an advance access to MAID, that we make it very
clear... Because one of the questions that we've been asking people that have
been coming in commission is : What to do if that person changes their
mind? And so I do think that it was a great recommendation on your part that we
make sure that it's clear in advance of... I think that that's going to be very
helpful.
So, my question to you is :
What if it's not all documented? We also had a researcher who has presented to
us this week that a lot of the requests happen to be verbal and not necessarily
documented and written... (panne de son) ...distinction be made for that and,
if so, what should that be?
Mme Downie (Jocelyn) : I absolutely think it should be documented. I think that we should
have an advance request, a formal advance request process. I think it should be
completely distinct, as I said at the end, from the advance directive, for the
mandate. That whole thing is different. And it needs to be very clear, and we
can work together on developing the form and the checklist, in a sense of all
the things you need to go through when you are talking with a clinician. I do
believe it should be done with a clinician, unlike a lot of advance directives.
Outside Québec, at least, they're done with lawyers, which is... doesn't make
sense. This is a clinical decision. So, I would have forms.
Now, there are some forms
for the final consent waiver, and that can be much, much simpler. Because
you're not anticipating out in the same way at all. You have met all of the
eligibility criteria, you are already experiencing intolerable suffering, so I
do believe that form is rightfully simpler and I think you could pretty readily
adapt it for Québec. And I would have a different form than I would for what
we're calling an advance request, I would have it be written, I would have it
lay all those things out.
Many people have <argued...
Mme Downie
(Jocelyn) :
...simpler and I think you
could pretty readily adapt it for Québec. And I would have a different form
than I would for what we're calling an advance request, I would have it be
written, I would have it lay all those things out.
Many people have >argued... not argued, have suggested that you do video, and I think
that can be incredibly helpful too because what you are trying to get out is
the clearest sense you can have of what the person considers to be intolerable
suffering, what do they value in life, what do they see as being suffering. And
then clinicians and everybody who is around the person, when they go to trigger
the advance request, can feel confident that what they are doing is they are
respecting what this person wanted, and there is no sense of what do we do
here. We need to learn from the experience with advance directives and that...
very often they are very badly done. And people don't know what they mean, you
know... (panne de son) ...used to be... (panne de son) ...say : No...
measures. What's that? Right? So, don't... we can learn from that and we need
to be specific.
And that's why I was
making the point, too, where it's important for the individuals to articulate
what constitutes suffering for them but then to say : These are the
conditions, this is how you can tell whether I'm experiencing this. Because
what's not helpful is if you say : If I'm suffering. Because how is a
clinician supposed to know whether you are suffering or not? And that's
precisely why advance requests have not been particularly useful in the
Netherlands, because they actually have the blend of : the physician has
to believe that the person is suffering, and how can you do that? So, what you
have to do is you have the person articulate what constitutes suffering, what
will be the objective measures for that, and then a clinician can definitely do
the objective assessment.
So, yes written forms,
long answer to written forms. And I'd also...
Mme Maccarone :
No, it's...
Mme Downie (Jocelyn) : ...throw in the video. I've seen that. A friend of mine, his mother
has one, and I thought it was superb.
Mme Maccarone :
I think these are excellent recommendations. I appreciate your feedback. So,
you also mentioned... I have two last questions and then I'm going to ask my
colleague of D'Arcy-McGee, because I know he's eager to ask you some questions
as well. You mentioned that we should be paying special attention to
compassionate release from guilt, for example, the situation of prisoners. And
somebody else has brought up that we should perhaps be looking at consideration
for minors and pediatric care. Is that also something that you think that we
should be giving consideration to?
And my second question,
so that we... time so that he can get in his, is... One of the things that was
also recommended to us is that we should perhaps be considering a center of
excellence and that we should be inspiring ourselves, for example, for
practices that they have in place for MAID in B.C. Is this where you think that
we should be looking? Or do you have other recommendations for inspiration for
us going forward in terms of that type of support for the individuals that will
be providing the care, that will be executing the care and to make sure that we
are also accompanying the individuals that would be making requests?
Mme Downie (Jocelyn) : Sure. OK. So, mature minors is something I do have an opinion on. I
went <looking at your mandate, I couldn't see it there, so...
Mme Maccarone :
...forward
in terms of that type of
support for the individuals that will be providing the care, that will be executing
the care and to make sure that we are also accompanying the individuals that
would be making requests?
Mme Downie (Jocelyn) :
Sure. OK. So, mature minors is something I do have an opinion on. I
went >looking at your mandate, I couldn't see it
there, so I didn't work it into my remarks, but I
absolutely believe that we need to deal with mature minors and don't believe that
the exclusion of mature minors is consistent with the charter.
And so, I think, if you
could recommend to the Government to change the requirement of... that the person be an adult, that
would be a very wise move. I think the easiest way to get... Because people, at
first, go : Minors, you can't have... you can't possibly have that. And my
response to that is twofold. One is : They make life and death decisions
all the time already, in Canada,
because we have the mature minor rule for refusals of treatment. And the second
is : Picture a... somebody who's 17 years old, 361 days, and they're dying
of cancer, and they're in intolerable pain, and you're going
to tell them to wait a week because they're going to turn 18? It just shows the
absurdity of a birth date. So, yes, I would strongly recommend that.
There is some useful
information in a piece that the SickKids put out, out of Toronto, when they
were... They weren't advocating, they got sort of... with, as if they were
advocating for this, but they were actually just being responsible and saying :
This may come, so if this comes, we think people should be ready. And so, they
have some really interesting, important reflections in there, as does the Canadian
Council of Academies' report on mature minors. But yes, I would strongly
advocate and would be happy to talk at length on why mature minors should... And
Constance MacIntosh has written a very good piece on this. I could send that to
you, if that would be helpful.
So, on the center of
excellence, I am a huge believer in the value of research and the value of a bridge
from research to practice and I think centers of excellence can do that. I'm
agnostic on the actual mechanism for it and what would be best in the context
of Québec for that, but the
idea of the functions, of following what is actually going on on the ground,
doing the research. Partly why we were able to get assisted dying in Canada is because the Netherlands did the
research and Belgium did the research. They did their five-year reviews and we
had the evidence that showed there's no slippery slope.
So, yes, and people are
turning to us, now, and they're looking very much to Québec, and they're looking also to the rest of Canada. And so doing that kind of creative... doing creative research as
well as robust research will be very helpful for us to ensure that we're both
providing the access we should provide and not providing it where we should not
provide, how we can do it better, where we can find the gaps, things like... I
know this is a tricky issue in Québec, but the self-administration. There are
real gaps in self-administration. I do believe it should be <available...
Mme Downie
(Jocelyn) :
...will be very helpful for
us to ensure that we're both providing the access we should provide and not
providing it where we should not provide, how we can do it better, where we can
find the gaps, things like... I know this is a tricky issue in Québec, but the
self-administration. There are real gaps in self-administration. I do believe
it should be >available, but there are simple
gaps, like getting the drug. So those are the things you can figure out, I
agree with you. I think you added the notion of consultation, and so ways in
which the providers can come together, the assessors, and talk with each other,
it's hugely important. And we've seen that be beneficial in the Benelux
countries.
Just to your... where you
started, about a brief, I'd be happy to submit a written document of brief. I
wanted to see where your interests lay. And I will convert my remarks and, you
know, supplement them based on where your interests are.
Mme Maccarone : Thank you very much.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Pour ce qui est du document, Mme Downie,
si vous avez quelque chose à nous faire parvenir, peut-être l'envoyer au
secrétariat de la commission, et nous le transmettrons aux membres. Ce serait
bien apprécié, merci. Donc, je céderais la parole au député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme
la Présidente. Thank you a lot, Pr Downy, for your
insights today. I wanted to thank you in English, but my question will be
formulated...
Mme Downie (Jocelyn) : I'm not hearing anything.
M. Nadeau-Dubois : You're not hearing? Mme la Présidente, est-ce que la
traduction fonctionne?
Mme Downie
(Jocelyn) : Yes, now I can hear you.
M. Nadeau-Dubois : O.K., cool.
So, I just wanted to thank you for your insights this
afternoon. I will thank you... (Interruption)... Are you hearing me?
Mme Downie (Jocelyn) : He's saying in my ear to you to change channel. I can't change the
channel.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Il faut que vous mettiez les deux écouteurs, Mme Downy.
Mme Downie (Jocelyn) : O.K.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Ça va mieux comme ça?
• (15 h 20) •
Mme Downie
(Jocelyn) : I've got you. My apologies. I have
two separate headsets going here.
M. Nadeau-Dubois : Ah! That's why. O.K.. So... Mme la Présidente, j'imagine
qu'on va débuter au début de mon bloc?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, oui, tout à fait, sans problème, M. le député.
M. Nadeau-Dubois : Magnifique.
Merci de votre contribution ce matin, Pre Downy. Je vais vous poser des
questions en français, puisque je maîtrise davantage les termes techniques du
débat en français.
Vous avez pris position en faveur, si j'ai
bien compris, d'une demande anticipée plutôt que d'une directive anticipée.
Donc, c'est un débat que nous allons devoir trancher dans le cadre de nos
travaux. Que répondez-vous aux gens qui voient dans ce compromis d'une demande
anticipée une <infraction...
M. Nadeau-Dubois : ...demande
anticipée plutôt que d'une directive anticipée. Donc, c'est un débat que nous
allons devoir trancher dans le cadre de nos travaux. Que répondez-vous aux gens
qui voient dans ce compromis d'une demande anticipée une >infraction au
principe d'autonomie de la personne? Que répondez-vous aux gens qui sont venus
nous dire que ce compromis-là, en fait, est... ne devrait pas être fait et qu'on
devrait plutôt, pour contourner les situations où une personne dit qu'elle a
changé d'idée, procéder à de l'aide médicale à mourir par d'autres techniques,
des techniques plus douces? C'est une des solutions qui nous a été proposée
pour contourner cette difficulté-là.
Mme Downie
(Jocelyn) : So, let's see if I'm getting this
right. The concern being, when a person changes their mind, that you should
take what they are asking for at the latter date over what they have said
before? That's a... Or is it the different debate of not going from calling an
advance request versus directive, because directive creates an obligation on
the provider to provide, whereas the request is literally a request, and so the
provider can decline? Can I just... to be clear, which of those questions you
are asking?
M. Nadeau-Dubois : Les deux
questions sont liées dans la mesure où, si c'est une directive obligatoire, il
n'y a plus de... c'est une décision, donc, finale et sans appel, et, si la
maladie évolue différemment et que la personne soit semble heureuse soit
exprime, alors qu'elle n'a plus sa capacité à consentir, qu'elle ne souhaite
plus recevoir l'aide médicale à mourir, on se retrouve devant le même dilemme,
celui de devoir choisir entre la directive obligatoire qui a été faite lorsque
la personne était en situation d'inaptitude et la situation présente où soit la
personne semble ne pas souffrir ou elle exprime un refus de l'aide médicale à
mourir. Ça nous ramène au même dilemme fondamental. Puis je veux savoir comment
vous tranchez cette question-là. Qu'est-ce que vous répondez aux gens qui
disent qu'en en faisant une demande et non une directive on enfreint le
principe d'autonomie de la personne?
Mme Downie (Jocelyn) :So, I mean, one of the things I would say is, of course, autonomy is
not unbridled. My right to swing my fist ends at the tip of your nose. And I
think that's particularly relevant in the context of advance requests for MAID,
whether is this apparent happiness, the situation of the happy demented person,
because it can create a greater sense of moral distress on the part of the
provider. And that's what I think we're having to wrestle with in this kind
of... in this context.
So I think, one of the
things you do when we have what appears to be a dilemma, you want to respect the
autonomy that was expressed in the <request...
Mme Downie
(Jocelyn) :
...a greater sense of moral
distress on the part of the provider. And that's what I think we're having to
wrestle with in this kind of... in this context.
So I think, one of the
things you do when we have what appears to be a dilemma, you want to respect
the autonomy that was expressed in the >request.
Somebody is saying something different now, but they don't have autonomy, so
it's not about violating their autonomy to give them MAID when they appear to
be happy, because they don't have autonomy. If they had autonomy, if they had
the capacity for self-determination, the advanced request wouldn't have kicked
in yet. So, by definition, if we're talking about an advance request, in the
circumstance you've described where there is apparent change or apparent
happiness, they don't have autonomy, so you're not violating autonomy there.
The potential harm is
actually the moral distress to the provider. So, I don't think you have a
dilemma about two kinds, two moments of autonomy and which autonomy do we
respect. By definition, you do not have autonomy where the person... where you
have an advance request being triggered, because you have to... by definition,
you have to have lost capacity for the request to be triggered. And so, then,
what you are contrasting... you're caught is between respecting the autonomy of
the person who made the request and the moral distress on the provider for
providing MAID when the person appears to have changed their mind or be happy.
And I think that's
relevant and I think the expert report grappled with that. And I think it's
different from a circumstance of MAID when the person is in front of you.
Because, when the person is in front of you and they're capable, you don't have
that moral distress because you have no sense of who am I, what am I doing, I'm
respecting autonomy but here is this happy person who is going to end up dead.
So, it's only in the circumstance that you have this potential for the dilemma,
being on the horns of the dilemma with respect to : respect autonomy or
cause moral distress.
And I think one of the
things I was trying to do is to suggest that there is a way off the horns of
the dilemma, for most cases, which is : you have that conversation
up-front, so the clinician... And this is where, you
know... The best-case scenario is the person who is
ultimately the provider, in the context of an advance request, is the person
who had that really robust conversation with the patient, before, because then,
they know. And then, if I know that the person says : Here are my... you know, to use Dworkin's language, which is
covered beautifully in the report, you know, the critical interests : Here is what I believe and value,
such that, if I am in this state, over here, where maybe even you think I'm
content, that is intolerable suffering, that is not consistent with my critical
interests, then I think the clinician can comfortably, much more comfortably,
with less moral distress, provide MAID in that circumstance.
Now, that will not work
every time. So, there will be circumstances in which I think the clinician
would still feel moral distress. And that's the point at which I think we, as a
society... What I would be arguing for in the <law is that...
Mme Downie
(Jocelyn) :
...clinician can
comfortably, much more comfortably, with less moral distress, provide MAID in
that circumstance.
Now, that will not
work every time. So, there will be circumstances in which I think the clinician
would still feel moral distress. And that's the point at which I think we, as a
society... What I would be arguing for in the >law
is that the person... the clinician is not under an obligation to provide MAID.
Of course, no clinician is ever under an obligation to provide MAID. But this
is an enhanced kind of situation where you are saying you are not obliged and,
if no other clinician is prepared to provide it, then you will not get it. And
the person will have been informed of that at the beginning, right, when I
write my advance request. That's part of what I was saying, the whole
information process about... We have to talk about this exact scenario, so that
when I write my advance request, I'm informed and I know : Look, if we get
to this place, and it looks completely different than what you thought it was
going to look like, and it doesn't seem... you're not going to get MAID. The
clinician can say : I'm not... you know, we're making an arrangement
between us, I'm not comfortable doing that. Then, I'm going to know that and I
either go with this clinician or I try and find another clinician.
So, I don't think we have...
I think it's important no to see it as a conflict of two autonomous entities.
That's really important to set that aside and to recognize that what's really
going on is autonomy and moral distress and then work with those concepts.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, M. le député. Merci, Mme Downie. Donc, je céderais la
parole à la députée de Joliette.
Mme
Hivon
:
Hello, Prof. Downie. It's been quite some time that we talked to each other,
but I've been keeping following your work. And, from now on, I will switch to
French, so you'll have to plug back your headphones.
O.K. Est-ce que vous m'entendez bien?
Mme Downie (Jocelyn) : Yes, I
do.
• (15 h 30) •
Mme
Hivon
:
Donc, pour poursuivre vraiment dans la même veine que ce que vous discutiez,
là, je pense qu'on est vraiment au coeur, vraiment au coeur du défi qui est le
nôtre pour les demandes anticipées. Et vous l'exprimez tellement bien. Parce
qu'il y a les deux éléments qui sont très difficiles : la directive, donc,
qui donnerait pleine place à l'autonomie versus la demande, et la question de
la souffrance qui est au coeur de ça.
Et moi, je ne sais pas si je fais erreur,
mais je trouve que c'est un peu artificiel de faire une si grande distinction
entre une directive et une demande, dans la mesure où il me semble qu'il y a toujours
une marge de manoeuvre, et c'est le cas actuellement. Il n'y a pas un droit de
recevoir l'aide médicale à mourir, il y a le droit d'en faire la demande à un
médecin, et, si on répond aux critères, on va recevoir l'aide médicale à mourir.
Et pour moi, c'est la même logique avec
une demande anticipée. C'est une demande, et, si on répond aux critères, y
compris à celui de la souffrance, on va avoir droit de le recevoir, et là
après, bien sûr, il y a <l'objection de...
>
15 h 30 (version révisée)
<27
Mme
Hivon
:
...demande à un médecin, et, si on répond aux critères, on va recevoir l'aide
médicale à mourir.
Et pour moi, c'est la même logique avec
une demande anticipée. C'est une demande, et, si on répond aux critères, y
compris à celui de la souffrance, on va avoir droit de le recevoir, et là
après, bien sûr, il y a >l'objection de conscience, les défis des médecins.
Et c'est pour ça que j'ai du mal à réconcilier pourquoi, dans le rapport et
vous aujourd'hui, vous faites une telle distinction sur l'importance que ce
soit une simple demande et non pas une directive avec une expectative qui a une
bonne chance qu'elle soit appliquée.
Et ça m'amène à l'autre petit élément qui
est l'évaluation de la souffrance. Je dis «petit élément», mais qui est plutôt
complexe. Vous, vous semblez vraiment prendre la position... et je trouve ça
très intéressant quand vous dites : On va l'écrire d'avance, si j'ai l'air
heureuse, qu'est-ce que ça veut dire; si j'ai l'air de ne plus vouloir, qu'est-ce
que ça veut dire. Je trouve ça vraiment éclairant. Mais, admettons qu'on n'est
pas dans ce cas de figure là, est-ce que je comprends bien que, dans le fond,
pour vous, la souffrance qui vaut le plus, c'est la souffrance anticipée de la
personne apte qui se projette dans la situation x, et non pas la souffrance
contemporaine à l'administration potentielle de l'aide médicale à mourir? Et comment
on respecte alors le critère de souffrance qui est prévu à la loi?
Mme Downie
(Jocelyn) :OK, Great, great questions. So, the first thing to say about the reason for embracing the
report's enthusiastic just drawing a distinction between a directive and a
request is in part because of the power that that language has and to… So, it
is… it is symbolic. It is messaging to have different words for two different
things.
But, I think, what's
really important is when I was flagging that as such an important thing to
separate, it was because I was trying to separate the advanced directives,
which are the refusals of treatment or demands for treatment in advance of a
circumstance where there is an obligation that goes with that document. Right? So, I thought the language of directive fits there because
the doctor is simply not allowed to treat me, as you well know, that it's
assault and battery if they touch me after I have said : No, I don't want
that blood, or I don't want that treatment, or so on.
So, it is this language
of… It does create an obligation. It's an obligation
to not, as opposed to an obligation to. And so, I really think it's important, especially as we have a
regime of advance directives that is mandatory, and it's established, and is,
in many ways, not very good because it's not very clear. People don't respect
them. We don't want this to get blurred with that. We don't want people
thinking that, you know :
Oh! I've got an advance directive. I know what that's like. I'm going to do
that for MAID too. I mean, I certainly get calls from <people who say :
Hey! I have this…
Mme Downie
(Jocelyn) :
...many ways, not very good
because it's not very clear. People don't respect them. We don't want this to
get blurred with that. We don't want people thinking that,
you know
: Oh! I've got an
advanced directive. I know what that's like. I'm going to do that for MAID too.
I mean, I certainly get calls from >people who
say : Hey! I have this living will, I'm going to put MAID in it. Right?
And we don't want that to happen.
And so, by using… So, it's
not just a notion of request versus obligation, it is… these are two categories
of documents and processes, and we don't want them to bleed together because we
need the process for MAID to be very well done, better done than we do advance
directives. And I think, by having it have a different name, and a different
set of forms, and all that kind of thing distinguished, we won't run the risk
of the bad things about the weaknesses of the advanced directive regime bleeding
over into the advance request regime. That's just about language and people
understanding.
There is something though
also about this notion of the obligation in the request, and I agree with you
there. There isn't an obligation to get MAID, whether it's a contemporaneous,
autonomous request or an advanced request. So, it doesn't do the work. That
distinction doesn't do that work for you. It does a little bit of this… It's
almost symbolic, maybe, in the context of the situation where… There are a number of people who, I think, are MAID
providers who actually feel almost a sense of obligation to provide MAID for a
patient who is eligible and requests it. They feel it is the person's right to
have it and that, as a clinician, I have a moral obligation to provide the care
that my patient wants.
Some of those people are
uncomfortable with the scenario of someone where they cannot fathom that this
is suffering, the person seems happier, is not suffering, and so on, and that
will create a sense of moral distress for them, I think, because they'll feel,
on one hand, an obligation to their patient, on the other hand, unlike the
circumstance where the person has capacity, they will feel a tension in not
wanting to provide that service to their patient. And so, if we characterize
this as a request, I think we are… it's tipping our hat to that. So, I guess
it's not doing any profound conceptual work, and I agree with you, it's not as
distinct as maybe… as I was describing it in the context of MAID alone. It is
strong when I'm trying to distinguish it from the refusals to treatment, but
it's this recognition of the difference of the moral distress that, I think,
providers may feel and that we, then, as a society, are somehow respecting that
through our language and through <acknowledging it.
It's… That's as so far
as I am on…
Mme Downie
(Jocelyn) :
…of the difference of the
moral distress that, I think, providers may feel and that we, then, as a
society, are somehow respecting that through our language and through >acknowledging it.
It's… That's as so far as
I am on this concept. I'm still wrestling with it too. I just… I thought it
was… I appreciated what they said in that report, and it really got me
thinking. So, I think I'm still… Once you start to parse it out, you realize, OK,
even just that, making that linguistic move operates on different levels. Right?
It operates… We… It has… in terms of directives, it has important terms of
MAID, and so on.
Mme
Hivon
: Mais
en fait, déjà dans le langage actuel, c'est une demande…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, Mme la députée.
Mme
Hivon
: C'est
beau.
La Présidente (Mme Guillemette) :
C'est tout le temps que nous avions. Donc, je céderais maintenant la parole au
député de Mégantic.
M. Jacques : Merci, Mme la
Présidente. Hi, Mrs. Downie. It's a pleasure to meet you here
today. Like my colleagues, I will take the… I will ask the questions in French
because my English is not so good, but I can understand what you say.
Écoutez, vous avez parlé plus tôt de
l'accès pour les personnes avec des troubles mentaux dans les communautés
rurales à, peut-être, moins d'accès à des… certains services, entre autres, peut-être,
pour les soins de fin de vie ou autres. Mais pouvez-vous élaborer là-dessus? Parce
que, moi, je vis dans un milieu rural, et il y a quand même beaucoup de gens,
là, qui bénéficient de beaucoup de services, quand même, chez nous. Juste me
revenir là-dedans… Wrap… Maybe wrap all the… your… votre
pensée là-dessus.
Mme Downie (Jocelyn) : Sure. Yes. So, it's a constant refrain from people who are opposed
to MAID for mental disorders as a sole underlying condition, that people with
mental illness do not have access to services. And that… that is particularly
acute in rural and remote communities.
You know, one of the
things that we said in The Halifax Group report, was : That's simply not
true of everyone. And many people do have access to the supports and services,
and they still want MAID. So, it's a real mistake to think : OK, rural,
remote equals no services, therefore justification for not having access to
MAID.
That said, there are
still gaps in our services, our supports and services, and there are people who
don't have access to supports and services. And what you want to do is ensure
that people have meaningful choice. I mean, autonomy is... the relational concept
of <autonomy which…
Mme
Downie (Jocelyn) :
...gaps in our
services, our supports and services, and there are people who don't have access
to supports and services. And what you want to do is ensure that people have
meaningful choice. I mean, autonomy is... the relational concept of >autonomy which flags that, you know, just... If I have a and b in front of me, if c is not on the table
for me, the fact that I choose between a and b doesn't entirely make it a free
choice if c would be in fact something that I wanted. So, what we have to do is
think about... You know, a
robust sense of autonomy involves reflecting on what choices people actually have available to them.
So, I would say, it's... there's…
the element of... That is why I said, sort of, motherhood and apple pies, we
want to improve mental health services and supports and social supports for
people with mental disabilities and disorders, and also physical disabilities,
but that is not a reason to not allow MAID in those circumstances, because it's
case, by case, by case. That is what Justice Smith, Justice Baudouin said, it's
case by case. You have to look at : Does the actual person in front of you
have access? If so, they may still be requesting MAID. If not, then you do what
you can to get them access.
• (15 h 40) •
M. Jacques : …(panne de son)
La Présidente (Mme Guillemette) :
On ne vous entend plus, M. le député. Votre micro est fermé.
M. Jacques : Excusez-moi.
Donc, ce n'est pas une raison de le permettre ou de ne pas le permettre. Puis
il ne faut pas se fier au fait qu'il pourrait y avoir moins de services en quelque
part, dans une région quelconque, pour donner accès aux soins de fin de vie,
alors qu'il n'aurait pas besoin d'avoir recours à ça en développant les
services, là, ou que les gens aient les services nécessaires à leurs
conditions.
Mme Downie
(Jocelyn) :Absolutely. The other thing I would add, which… Justice Smith used the
powerful language of hostage. This is the same argument that was used around
palliative care, when we were first getting MAID, which was : You can't
have access to MAID until everybody has access to palliative care. And the
point was : No, you can't hold individuals hostage to the failings of the
system. We have to operate on parallel tracks. We have to walk and chew gum. We
have to improve access to palliative care, as Québec has done. And I remember, Mme Hivon, this was a part of what you
did at the time, was you do parallel tracks. So, similarly, if there are
deficiencies in our system with respect to mental health services, we do those
parallel, we develop, we work better. But you don't hold the individuals
hostage to the failings of the system.
And you also don't assume
that pouring on services is going to mean that people don't want MAID. Many
people would… Many people with mental health problems who are coming for MAID,
these are serious, complex scenarii. They've had full access to mental health
services and supports and are supported in their family, they don't have the
gaps in social <determinants...
Mme
Downie (Jocelyn) :
…is going to mean
that people don't want MAID. Many people would… Many people with mental health problems
who are coming for MAID, these are serious complex scenarios. They've had full
access to mental health services and supports and are supported in their
family, they don't have the gaps in social >determinants
in health, and so on. They don't have it. So, you can't use the lack of
services for the person down the street to say : That person can't have
MAID.
M. Jacques : Parfait. Merci.
Thank you. J'aimerais ça, revenir, là, par rapport au refus de traitement. Je
sais que les collègues en ont parlé, pour certains. Mais, quand on parle de
maladies mentales, ou les cas de psychiatrie, ou… bien, j'ai compris ce que
vous avez dit, là, mais le simple refus de traitement... à un traitement, puis
comment on fait pour s'assurer que c'est le dernier traitement qui peut être
disponible avant d'arriver à la fin complètement ou en soins de fin de vie, à
ce moment-là, de quel… qu'est-ce qui peut apporter… pour dire : Bon, soit
le refus de traitement ou la fin des traitements, comment on peut l'évaluer?
Comment on peut voir qu'est-ce que c'est?
Mme Downie
(Jocelyn) : So, I wouldn't naturally say that
the standard is the person has to have reached the last available treatment. What
we should have is : they have reached the last available treatment that is
acceptable to them. And that may not be the last available treatment, but we
can't force people to go through treatment or say to them : You have to
have treatment. Otherwise, we're not going to give you access to MAID. I think
that's a violation of their autonomy. And I agree with the Supreme Court of
Canada, and also the various ministers, and councils who appeared… which is
well established under Canadian law that we can't force people to have
treatment, and it would be unreasonable.
So, you definitely… it's
not all treatments, because we don't do that for physical disorders. People can
say : I've had enough. There may be three other kinds of chemotherapy they
could try, but, you know, they've tried seven, and we say : You don't have
to try anymore. Or, you know, they may be Christian scientists and be refusing
any. And so, there's treatment available, but they're not taking it because
they object to it on religious grounds. So, what we… I think, we want to do is
avoid getting into judging, imposing our view of what's reasonable onto the
individual.
Now, if they are making a
decision that is incapable or if they don't have autonomy, they don't have the
capacity for self-determination, and their decision is rooted in that, then we
can intervene. But we intervene because we're saying : This is not an
autonomous decision. And so when we say : We're not respecting this, we're
not <disrespecting autonomy, we are…
Mme Downie (Jocelyn) :
...a decision that is incapable or if they don't have autonomy,
they don't have the capacity for self-determination, and their decision is
rooted in that, then we can intervene. But we intervene because we're saying :
This is not an autonomous decision. And so, when we over… when we say :
We're not respecting this, we're not >disrespecting
autonomy, we are protecting somebody who actually isn't exercising autonomy at
that time versus saying : OK, we think your… yes, your judgement about what's reasonable is not
so good. Well, you know, we're really pretty bad at that. And it's a moral
judgement, not a medical one.
And so, I would say that,
if we ever were to go to the position where we're going to say : We
actually are going to require patients to have tried x, y or z, that the
determination of what's x, y or z needs to be a social one, not a purely
clinical one, because there is no purely clinical way of determining what is
reasonable, when is enough, enough. Because that's the question, right? When is
enough, enough? Well, that's moral. And it's true that society can decide, you
know, what we actually do want to intervene and we're going to do it, but then
you're into a tribunal that, I think, has law, ethics, the civil society
participating in it, saying : Where is it that we want to say : We're
going to assess reasonableness, not at the bedside and not… It isn't a clinical
concept, this notion of enough is enough. Right?
M. Jacques : Each person has his…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Merci, M. le député. C'est vraiment tout le temps que nous
avions. Donc, merci beaucoup, Pre Downie, d'avoir été avec nous aujourd'hui.
Et nous suspendons les travaux quelques instants,
le temps d'accueillir nos nouveaux invités. Merci, et thank you very much.
(Suspension de la séance à 15 h 47)
(Reprise à 15 h 50)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Bonjour. Nous sommes de retour pour la suite de nos travaux.
Donc, nous accueillons maintenant le Dr
Pierre Gagnon. Donc, Dr Gagnon, merci d'être ici avec nous et d'avoir accepté
l'invitation. Vous avez 20 minutes pour nous présenter votre exposé, et
par la suite il y aura un échange avec les membres pour une période de 40 minutes.
Je vous cède la parole.
MM. Pierre Gagnon et Bertrand Major
M. Gagnon
(Pierre) : Merci beaucoup. Bonjour, mesdames, messieurs, les membres
de la commission. Alors, je suis Pierre Gagnon. Je suis psychiatre spécialisé
en psycho-oncologie. Je suis professeur titulaire et directeur du Département
de psychiatrie et de neurosciences à la Faculté de médecine de l'Université
Laval et directeur du Réseau québécois de recherche en soins palliatifs. Alors,
ça me fait plaisir de pouvoir échanger avec vous.
Et il y a le Dr Bertrand Major, qui est
psychiatre à Joliette, qui m'accompagne aussi, et c'est lui qui va commencer la
période de 20 <minutes. Alors, je laisse Dr Major…
M.
Gagnon (Pierre) :
…directeur du Réseau québécois de
recherche en soins palliatifs.
Alors, ça me fait plaisir de pouvoir
échanger avec vous.
Et il y a le Dr Bertrand Major, qui est
psychiatre à Joliette, qui m'accompagne aussi, et c'est lui qui va commencer la
période de 20 >minutes. Alors, je laisse Dr Major présenter.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci. Bienvenue, Dr Major.
M. Major (Bertrand) : Bonjour
à tous les membres de la commission. Merci de l'invitation de pouvoir
témoigner. C'est un honneur pour nous deux.
Alors, je suis Bertand Major. Je suis un
psychiatre qui travaille à l'hôpital de Joliette depuis une quinzaine d'années.
J'avais travaillé 15 ans auparavant dans un hôpital tertiaire de Montréal,
l'Hôpital Douglas. Et donc je suis un psychiatre généraliste dans un... donc en
région, et je fais de tout, c'est-à-dire que je travaille à l'urgence
psychiatrique, je travaille à l'unité interne de psychiatrie, en externe sur
les étages médicaux, parce qu'on demande l'avis du psychiatre fréquemment, je
travaille également avec des patients chroniques. À Joliette, nous avons des
unités de patients qui demeurent à l'hôpital durant des mois, sinon des années.
Donc, je suis un homme de terrain, et c'est
à ce titre que je témoigne. Je dois vous dire que le témoignage n'est pas à la
mode, celui que l'on fera, dans la mesure où nous croyons que c'est une erreur
d'élargir l'aide médicale à mourir pour les patients souffrants de troubles
mentaux. Et je vais m'empresser et je vais tenter d'expliquer pourquoi.
Jusqu'à tout dernièrement, il y avait eu
exclusion de ce type de malades pour des raisons bien claires qu'il faut
comprendre. Les malades qui souffrent de troubles mentaux souffrent de
pathologies graves, mais ils ne souffrent pas de pathologie physique dont la
physiopathologie est connue et va se dégrader jusqu'à un état
d'irréversibilité. L'évolution de nos pathologies est tout à fait... je ne
dirais pas erratique mais est, d'une certaine façon, capricieuse, dans la
mesure où on ne peut jamais dire qu'un patient est arrivé à un niveau
irréversible d'atteinte de ses facultés. Il y a toujours des revirements, il y
a toujours une grande incertitude par rapport au pronostic, ce qui fait en
sorte que la décision d'euthanasier des patients souffrants de troubles mentaux
est très lourde de sens, très lourde de sens dans la <mesure où les…
M. Major (Bertrand) :
...par
rapport au pronostic, ce qui fait en sorte que la décision
d'euthanasier des patients souffrants de troubles mentaux est très lourde de
sens, très lourde de sens dans la >mesure où les erreurs de pronostic
que feront les décideurs sont très lourdes de sens.
Donc, l'irrémédiabilité est le concept clé
pour comprendre la réticence des psychiatres, à tout le moins un bon groupe de
psychiatres, parce que j'en appelle au CAC, au groupe des psychiatres canadiens
qui avait fait une longue réflexion sur la possibilité d'étendre aux troubles
mentaux et qui n'arrivait à aucune conclusion précise.
Il y a un point qui est très important
aussi, c'est qu'au coeur de l'aide à mourir pour les patients souffrant de
troubles mentaux il y a un chevauchement majeur avec ce qui fait le fin
quotidien des psychiatres, c'est-à-dire l'élan suicidaire, les idées de
suicide, le goût de mourir. Et le suicide, comme vous le savez, c'est un
problème grave de santé publique.
Ce qu'il faut savoir aussi, c'est que le
suicide arrive le plus fréquemment possible chez des gens qui ne sont pas
traités, des gens qui ne sont pas investis dans une équipe traitante. Il est
déterminé que la grande majorité des suicidés sont des gens qui n'ont même pas
été pris en charge. À l'inverse, bien sûr, il y a une minorité de patients qui
sont pris en charge et qui se suicident, mais ce qu'il faut comprendre, c'est
que, malgré cet élan suicidaire, qui est la manifestation très fréquente de
troubles mentaux graves, elle répond au traitement, elle répond à la prise en
charge, elle répond à l'instillation de l'espoir par une équipe traitante. Et
ça, c'est les... c'est une donnée très dure de la psychiatrie de ceux qui sont
sur le terrain. On est demandés tellement souvent pour des gens qui veulent
mourir, et je suis encore ébahi du fait qu'on peut faire des retournements
importants avec ces malades qui veulent mourir.
Et donc, cet élan suicidaire, bien, on
pourrait le... on pourrait tenter de le séparer entre l'élan suicidaire du
malade qui présente un symptôme et l'élan suicidaire du patient qui veut
rationnellement mourir.
Soit dit en passant, avant qu'il y ait
l'aide médicale à <mourir...
M. Major (Bertrand) :
…on
pourrait tenter de le séparer entre l'élan suicidaire du malade qui
présente un symptôme et l'élan suicidaire du patient qui veut rationnellement
mourir.
Soit dit en passant, avant qu'il y ait
l'aide médicale à >mourir, nous n'avions pas cette espèce de
questionnement. Pour nous, le malade qui voulait mourir, bien, on devait
l'aider puis on l'aidait. Et, encore une fois, on l'aidait, en général, très,
très bien. Bien sûr, le rôle du psychiatre, c'est de déterminer qu'est-ce qu'on
doit faire avec le patient suicidaire, comment doit-on faire pour l'aider, quel
est le niveau de soins qu'on doit apporter pour modifier cette donne-là. Parce
que, bien sûr, il y a plusieurs pathologies qui entraînent cela. Il y a des
patients qui sont déprimés gravement qui doivent demeurer à l'hôpital. Puis,
encore une fois, puis là c'est très… ça peut être très sévère et ça nécessite
l'hospitalisation. Il y a d'autres genres de patients pour lesquels il faut
s'investir à l'externe. Il faut investir une équipe de soins.
Et donc, plus souvent qu'autrement, si le
patient se sent épaulé, la donne change. Et la donne change rapidement. C'est
ça qui est formidable. Parce qu'il faut savoir que la personne qui veut mourir,
elle est toujours ambivalente, hein, par rapport à son désir de mourir. Il y a
toujours une forme, une place dans le coeur du patient, si je peux m'exprimer
ainsi, qui veut que ça change, qui veut se sentir mieux. Vouloir mourir, pour
nos patients, ça veut dire : Je me sens très mal, je n'en peux plus,
faites quelque chose pour moi. Alors, c'est ça, le rôle du psychiatre chez le
patient suicidaire. Donc, on traite, on aide.
Il y a un autre point aussi, c'est que la
maladie mentale, fréquemment, entraîne des conséquences sociales importantes :
stigmatisation, isolement, conflits avec les proches, et souvent ces
complications entraînent les idées de suicide. Des revirements sont toujours
possibles, et c'est là qu'est le coeur de notre message. Il y a d'autres
personnes qui se sont associées à nous, mesdames et messieurs de la commission,
des hommes et des femmes qui sont des praticiens dans nos hôpitaux, qui
s'occupent de pathologies graves et qui, de fait, ne baissent pas les bras et
qui sont étonnés de ce qui se passe actuellement.
• (16 heures) •
Il y a un point aussi qui est très
important, puis là je céderai la parole à mon collègue, Pierre Gagnon, c'est
qu'il faut <s'assurer qu'un traitement adéquat…
>
16 h (version révisée)
< M. Major (Bertrand) :
...ne baissent pas les bras et qui sont étonnés de ce qui se passe
actuellement.
Il Il y a un point aussi qui est
très important, puis là je céderai la parole à mon collègue, Pierre Gagnon,
c'est qu'il >faut s'assurer qu'un traitement adéquat soit offert et
tenté par le patient. Et, ça, dans la nouvelle législation, il semble que ce ne
sera pas un critère demandé, et c'est ce qui ferait qu'ici, au Canada, la médication
serait la plus permissive, et ça, ça nous pose problème. Je laisse la parole à
mon collègue.
M. Gagnon
(Pierre) : Alors, bonjour. Je tiens aussi à préciser que, bien,
moi, ça fait 30 ans que je suis psychiatre et que je m'exprime en tant que
psychiatre ici, là, et non pas au nom des organisations auxquelles je suis
affilié, l'université, les établissements ou le réseau de recherche. Je suis
vraiment comme psychiatre, avec le groupe de signataires.
On tenait à préciser que le refus de
traitement est également une composante intrinsèque des troubles mentaux. Il
n'y a aucune discipline médicale où on obtient aussi fréquemment des
ordonnances de traitement de la cour pour obliger les patients à se faire
soigner et à recevoir des traitements contre leur gré. Les patients s'en voient
souvent grandement améliorés et, dans certains cas, peuvent reprendre une vie
quasi normale. Le devoir de proposer un traitement approprié est intrinsèque à
la déontologie du médecin. Il est surprenant que les autorités, dont le Collège
des médecins du Québec, nous demandent de surseoir à ce devoir lorsque le
patient demande à mourir. Pourquoi il faut toujours appliquer un traitement
proportionné et indiqué, alors que, dans ce cas-ci, on fait fi de tout le
reste?
Évidemment, aussi, il y a l'opinion
subjective du patient qui est, certes, centrale et très importante, mais on va
souvent contre l'opinion du patient en psychiatrie. Mais ce n'est pas le seul
point dans les critères de décision thérapeutique. Il est inconcevable de
laisser le patient décider qu'un médecin doit mettre fin à ses jours, alors que
la science confirme jour après jour que ces personnes peuvent être soulagées,
améliorées et même relancées sur une trajectoire de vie gratifiante. On
n'autoriserait pas un patient à recevoir une lourde chirurgie avant d'avoir
essayé d'autres traitements beaucoup plus légers.
Par exemple, un patient qui présente un
diagnostic initial de diabète et qui dit : Moi, je veux une greffe de
pancréas, il ne pourra pas l'avoir. Le médecin va dire : Oui, c'est un
traitement possible après qu'on ait essayé l'exercice, la perte de poids, des
médicaments, et, après ça, l'insuline, et, après, une pompe à insuline. Éventuellement,
on va arriver à la greffe, mais pas du jour au lendemain parce que, le patient,
c'est ce qu'il veut. Donc, on doit respecter les normes de soins, «standards of
care» en anglais, soit des pratiques qui sont généralement admises par la
profession pour le traitement de certaines maladies. Ceci est respecté dans l'ensemble
de la <médecine et ceci...
M.
Gagnon (Pierre) :
...c'est ce qu'il
veut. Donc, on doit respecter des normes de soins, «standards of care», en
anglais, soit des pratiques qui sont généralement admises par la profession
pour le traitement de certaines maladies. Ceci est respecté dans l'ensemble de
la >médecine et ceci doit être surveillé et sauvegardé par les ordres
professionnels. Il est surprenant, quand vient le temps d'invoquer la procédure
la plus radicale, la mise à mort d'un patient, que l'on puisse faire fi de ces
normes.
Au cours de ma carrière, en fait, comme
psychiatre, de 30 ans, je travaille beaucoup avec les patients qui ont des
maladies physiques aussi, on m'a demandé d'évaluer des patients qui voulaient
obtenir des procédures déraisonnables selon les normes. Des patients ont
demandé d'avoir des amputations sans justification médicale, des électrochocs,
des ablations des organes génitaux, l'ablation de l'utérus, l'ablation de la
vessie. Des cas que j'ai évalués étaient déraisonnables et relevaient de
facteurs psychosociaux. Dans tous les cas, le chirurgien n'a jamais procédé à
la chirurgie même si le patient ne voulait que ce traitement et refusait tout
le reste.
Alors, pourquoi, quand vient le temps de
mettre à mort le patient, on ne tiendrait pas compte des normes de pratique?
Alors, on constate ici que c'est davantage une décision idéologique et
politique, en fait, et non pas thérapeutique. On fait un bond astronomique
entre la demande du patient et le traitement extrême, en oblitérant
complètement toute la gamme de procédures thérapeutiques entre les deux. Ainsi,
si le Collège des médecins du Québec ne fait pas respecter les normes de soins,
qui va protéger nos patients atteints de maladie mentale, qui? Les associations
québécoises ne semblent pas le faire. Au moins, l'association psychiatrique
américaine, qui demeure le leader dans l'établissement des normes de soins en
psychiatrie moderne occidentale, a pris une position clairement contre l'aide
médicale à mourir pour les personnes atteintes de troubles mentaux.
De plus, au Québec, il n'y a pas de
procédure ou de protocole pour traiter les patients qu'on appelle résistants au
traitement en les référant vers des spécialistes qui détiennent des expertises
spécifiques et qui pourraient les aider. Quand vous contactez ces
spécialistes-là, souvent, qu'est-ce qui se passe, on connaît notre système, ils
sont débordés, ils sont peu accessibles. Il n'y a pas de protocole de transfert.
Il y a un manque flagrant de financement, contrairement à la médecine physique,
qui est un milieu dans lequel j'évolue aussi, parce que, comme je vous disais,
je suis psychiatre en psycho-oncologie.
Je vais vous donner un exemple. Je suivais
une patiente avec une tumeur extrêmement rare, qui a demandé un traitement très
lourd aussi, une intervention chirurgicale d'une vingtaine d'heures, et qui
avait besoin d'un traitement de radiothérapie spécialisé qui ne se donnait
nulle part au Canada, même pas à Toronto, seulement à l'Université Harvard. La
patiente a été transférée à Harvard, a eu des traitements de plusieurs semaines
de radiothérapie spécialisée, toutes dépenses payées, évidemment, autant pour
la patiente que pour sa mère qui l'accompagnait, ce qui est excellent.
Bien, souvent, ici, en <psychiatrie,
un...
M.
Gagnon (Pierre) :
...la patiente a été transférée à
Harvard, a eu des traitements de plusieurs semaines de radiothérapie
spécialisée, toutes dépenses payées
évidemment, autant pour la patiente
que pour sa mère qui l'accompagnait, ce qui est excellent.
Bien, souvent, ici, en >psychiatrie,
un pauvre psychiatre traitant qui traite un patient complexe en région, en
Abitibi ou, même, simplement dans un autre secteur de la ville de Montréal, ne
pourra même pas transférer son patient à un spécialiste parce qu'il n'y a pas
de protocole, il n'y a pas de procédure. Alors, il y a tout un réseau de
psychiatrie spécialisée, de deuxième et troisième ligne, à l'instar des autres
secteurs de la médecine, à formaliser et à développer avant de considérer cette
procédure extrême.
De plus, il est reconnu que les
maladies... les troubles mentaux représentent la classe de maladie causant le
plus grand fardeau humain, social, économique, tout en subissant encore
beaucoup de stigmatisation et de préjugés, ce qui a nui à son financement et au
développement de nouvelles thérapeutiques. Par exemple, et par opposition à la
psychiatrie, l'oncologie, dans laquelle j'ai évolué depuis quelques décennies
aussi, il y a eu des pas de géant dans la thérapeutique et le pronostic de
plusieurs cancers, en développement des traitements comme l'immunothérapie et
la thérapie génétiquement ciblée.
Donc, je pense qu'il serait temps de
placer les efforts, l'énergie, les ressources vers le développement de
thérapies innovantes pour nos patients atteints de troubles mentaux avant de
plonger vers une solution radicale et irréversible. Il semble que le
législateur québécois semble ici le seul rempart raisonnable pour freiner, ou,
au moins, ralentir, ou harnacher ce «runaway train», ce train fou qui emporte
tout sur son passage.
Je laisserais Dr Major dire un mot.
M. Major (Bertrand) : On a un...
(panne de son)... laboratoire en Europe, c'est-à-dire, ce qui s'est passé en
Belgique, aux Pays-Bas, parce que, là, depuis près de 20 ans, bien, il y a
des patients souffrant de troubles mentaux qui ont été euthanasiés, et il est
utile de connaître ce qui s'est passé là-bas. Bien entendu, à beau mentir qui
vient de loin. Si on est pro, on dit : Tout est bien, tout est correct, ça
se fait bien. Si on est contre, bien, on parle de pente glissante.
Cela dit, il y a des articles qui ont été
écrits là-dessus, sur ce qui s'est passé aux Pays-Bas. Il y avait une grande
transparence dans les... chez les personnes qui étaient euthanasiées. Alors,
là-dessus, il y a un excellent article qui a été publié par le Dr Kim, un
chercheur américain, et qui faisait état des pathologies dont souffraient les
patients qui avaient été euthanasiés. Et c'est assez révélateur, parce
qu'encore une fois il y avait nombre de pathologies hautement traitables,
facilement traitables, mais ce qui <ressortait de l'étude...
M. Major (Bertrand) :
...et qui faisait état des pathologies dont souffraient les patients qui
avaient été euthanasiés. Et c'est assez révélateur
parce qu'encore une
fois il y avait nombre de pathologies hautement traitables, facilement
traitables, mais ce qui >ressortait de l'étude, c'était beaucoup plus
qu'une pathologie lourde qui était devenue intraitable, c'est que c'étaient des
stigmates de la maladie mentale ou des difficultés d'adaptation de personnes
qui faisaient en sorte qu'elles étaient euthanasiées, qui se sentaient isolées
socialement, souffraient de solitude.
Je vais vous donner un exemple, vraiment,
ça fait mal, là, une patiente qui vit seule avec un retard mental léger, qui
souffre d'acouphène, c'est-à-dire qui entend des bruits d'une façon trop
sensible, qui a demandé et qui est refusée par le premier examinateur, qui a
été acceptée par le deuxième, qui est euthanasiée. Ça vous donne quelque chose
à réfléchir, j'espère. Certaines personnes, tellement seules, qui ont demandé
l'aide à mourir après avoir perdu leur animal domestique, ça parle, encore une
fois, du retrait social, de l'isolement social de ces gens.
Alors donc, c'est une solution attristante
pour bien des gens qui sont laissés pour compte, qui sont marginalisés, qui
sont isolés, et il faut se demander : Ferons-nous différemment,
serons-nous capables de faire différemment? C'est à se le demander.
• (16 h 10) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, messieurs. Donc, nous commençons maintenant nos échanges avec
la députée de Joliette.
Mme
Hivon
: Oui.
Bonjour, Dr Major et Dr Gagnon. Merci beaucoup pour votre
présentation.
Je veux vous rassurer tout de suite. Vous
avez dit : On ne sera pas à la mode. Bien, je veux dire que, pour nous, il
n'y a pas de mode pour l'instant. Il y a l'obligation de se pencher sur ces
enjeux-là. Celui des troubles mentaux nous est arrivé, évidemment, comme vous
le savez, parce que le critère de fin de vie a été jugé inopérant par les
tribunaux. Donc, on doit se pencher là-dessus, comme vous le savez, puis je
vous remercie des éléments que vous apportez. C'est très intéressant,
aujourd'hui, d'apprendre des points de vue complètement différents entre les
présentations, et c'est ce qui fait que le débat est si riche.
Moi, je veux vous amener sur la question,
là, de l'élan suicidaire, comme vous nommez, ou, évidemment, de tout ce
questionnement-là lié au fait que le désir de mourir est souvent partie
prenante du trouble mental. Vous nous avez dit que les personnes qui se
suicidaient sont souvent des gens qui sont non traités. Donc, évidemment, j'en
prends bonne note. Je voulais savoir si on est capables de savoir si ce sont
majoritairement des gens qui ont un épisode, je dirais, ponctuel de trouble <mental
ou si ce sont, généralement, davantage des...
Mme
Hivon
: ...qu'évidemment
j'en prends bonne note. Je voulais savoir si on est capable de savoir si ce
sont majoritairement des gens qui ont un épisode, je dirais, ponctuel de
trouble >mental ou si ce sont, généralement, davantage des gens qui ont
une maladie mentale chronique. Je ne sais pas si je m'exprime bien, là. Est-ce
qu'on est capables de faire cette distinction-là, genre, une crise, soit, parmi...
bien, évidemment, un trouble chronique, j'imagine que ce serait dans ces
circonstances-là, mais... ou quelqu'un qui n'a pas un trouble chronique, et
c'est davantage ces gens-là qu'on voit passer à l'acte, ou, non, on n'est pas
capables de faire de distinction?
M. Major (Bertrand) : La
plupart de ceux qui se sont suicidés sans traitement sont, de fait, des gens
qui vivent des crises, qui n'ont pas été rejoints par l'équipe traitante, qui
souffrent, donc, isolés, de n'avoir pas été rejoints, même s'ils ont pu en
parler, hein, parce que les études sont assez claires là-dessus. La plupart des
gens qui vont se suicider en parlent à des proches, et c'est la raison pour
laquelle on est tellement vigilants maintenant. Mais, cela dit, encore
une fois, la proportion... je n'ai pas des chiffres exacts, mais la proportion
des gens qui se suicident est majoritairement les gens qui ne souffrent pas de
pathologie lourde. Quel pourcentage, je ne pourrais vous le dire, mais, chose
certaine, c'est que le patient très lourd se suicide très rarement... (panne de
son) ...qu'il a raison, mais la première étant, je crois, qu'il y a une équipe
traitante qui est présente.
Deuxièmement, il y a aussi une autre
chose, c'est que pathologie lourde ne veut pas dire non plus élan suicidaire.
Il y a des gens qui ont des symptômes très graves et puis qui, ma foi,
s'adaptent à la vie, n'ont pas envie de mourir du tout, Dieu merci, alors donc,
et puis qui, donc, s'adaptent à leur maladie. Donc, de fait, les grandes
maladies peuvent parfois y conduire, mais c'est très, très rare. Et, encore une
fois, ceux qui parlaient de la nécessité d'établir l'aide à mourir étaient
surtout pour les graves maladies, mais, à ce niveau-là, les études de ce qui se
fait en Europe ne le démontrent pas du tout.
Mme
Hivon
: O.K.,
bien, c'est pour ça que je vous pose cette question-là, parce que c'est extrêmement
complexe. Et donc les arguments de ceux qui voudraient, donc, qu'il y ait cette
possibilité-là sont beaucoup des arguments de : Sur quel bord
pourrions-nous discriminer, donc, entre la maladie mentale, la maladie
physique, tout ça?
Et la raison pour laquelle je vous amène
ça, c'est... Est-ce qu'il y aurait... Si on devait aller de l'avant ou on
décidait d'aller de l'avant, est-ce qu'il y aurait un moyen de mettre des
garde-fous supplémentaires, du fait que... Comme vous le dites, un épisode... Donc,
une crise, ou quelqu'un qui n'a pas une maladie chronique, pourrait
difficilement se qualifier parce qu'elle ne rencontrerait pas les critères de
déclin avancé irréversible, de maladie incurable, parce qu'elle serait... Ce
n'est pas comme si on arrive à l'urgence, qu'on dit : Bon, bonjour, je
veux l'aide <médicale à mourir, et donc...
Mme
Hivon
:
...que, comme vous le dites, un épisode, donc une crise ou
quelqu'un qui
n'a pas une maladie chronique, pourrait
difficilement se qualifier parce
qu'elle ne rencontrerait pas les critères de déclin avancé irréversible de
maladie incurable parce qu'elle serait... ce n'est pas comme si on arrive à
l'urgence puis on dit : Bon, bonjour, je veux l'aide >médicale à
mourir. Et donc il faudrait cette chronicité-là, auquel cas, si je vous suis
bien, quand on est bien pris en charge, qu'on a une maladie constante, cette
réalité-là, de demander rationnellement l'aide médicale à mourir, va être beaucoup
moins présente. Donc, est-ce qu'il y aurait là une espèce d'élément qui nous
permettrait d'approcher la problématique différemment?
M. Gagnon
(Pierre) : Il y a des... Moi, pour vous donner des exemples,
j'ai eu des... J'ai suivi des patients, pas énormément, avec ces conditions-là,
avec des conditions chroniques, dont je peux nommer deux exemples.
Un patient qui était... que j'ai suivi une
vingtaine d'années, et qui a vraiment commencé par une dépression, et, finalement,
c'est un trouble de personnalité, et... personne qui était suicidaire chronique,
avec une pathologie très lourde, sa vie sociale, psychosociale, malheureusement,
s'est délitée. Il s'est passé toutes sortes de choses, des hospitalisations à
répétition. Toutes les urgences de Québec connaissaient le patient. C'est sûr
qu'il arrive... des résidents nous en parlent. Ils le connaissent. Sur des
années... L'évolution a été sur deux décennies... et qui a eu des traitements
par-dessus traitement, et qui s'en est sorti, et qui n'a même plus besoin de
suivi psychiatrique aujourd'hui, après 20 ans. Moi, je l'ai suivi
20 ans. Je l'ai libéré à son médecin de famille avec une médication. La
personne a un emploi et n'est plus suicidaire, alors qu'elle a été suicidaire
au moins 15 ans, cette personne-là.
Si j'avais arrêté... l'aide médicale à
mourir, après cinq ans, après 10 ans... Bien là elle est heureuse. On
parle d'une personne de 55 ans, peut-être. Alors, tu sais, je l'ai suivie
de 25 à 45 ans, et, à 45 ans... Et c'était un trouble... Entre autres,
les troubles de personnalité limite, on sait que c'est long. Et, avant ça, il
n'y a pas si longtemps, en fait, nous, quand on était résidents, Bertrand et
moi, c'était comme : Bon, c'est à vie, c'est un trouble de la personnalité.
Maintenant, on sait, avec les reculs, que ces gens-là s'améliorent beaucoup.
Ça, c'est un exemple que j'ai.
J'ai eu un autre patient comme... J'ai un
autre patient que j'avais vu plus dans mon rôle de psycho-oncologue, qui...
encore même type, vraiment, là, pauvre patient avec beaucoup de... des idées
suicidaires, mais, encore, des hospitalisations à répétition, prolongées, tout
le monde le connaît, depuis 20 ans. Et moi, je l'ai vu comme consultant,
parce que cette personne-là a développé un cancer métastatique et m'a dit :
Woup... elle dit : Ça fait 20 ans que j'essaie de me tuer, et là,
maintenant, je veux vivre, je viens de comprendre le sens de la vie... qui a
vécu quand même une phase palliative de deux ans très, très riche, etc.
Alors, ça peut changer même après des
évolutions extrêmement longues. Alors, quand vous dites... Des sauvegardes,
c'est sûr qu'on parle de décennies minimum, il me semble, parce que ça... On a
tellement d'exemples où les gens changent complètement et vivent une vie
gratifiante après pendant des décennies aussi. <Simplement, comme je vous...
comme je disais, c'est qu'on...
M. Gagnon
(Pierre) :
...ça peut changer même
après des évolutions
extrêmement longues. Alors, quand vous dites des
sauvegardes, c'est sûr qu'on parle de décennies, minimum, il me semble,
parce
qu'on a tellement d'exemples où les gens changent complètement et vivent une
vie gratifiante après pendant des décennies aussi. >Simplement, comme je
vous... comme je disais, c'est qu'on manque de traitements. On manque d'équipes
spécialisées comme on a dans les autres domaines, parce que c'est une clientèle
qui n'est pas facile, qui est marginalisée, qui est souvent pauvre
économiquement, qui n'est pas très à la mode.
Je relisais le journal aujourd'hui. Il y
avait deux levées de fonds pour le cancer, là, des vedettes ou des gens connus,
Michel Louvain et compagnie. On n'a pas ça souvent pour la maladie
mentale. Donc, nos traitements traînent de la patte, mais on a quand même des
traitements. Mais, même ceux qu'on a, les équipes spécialisées ne sont pas
structurées pour faire face à ces patients qui sont plus difficiles à traiter. Alors,
c'est pour ça que des sauvegardes, je dirais, on va dans le 10 ans, là,
facilement, là, d'évolution de traitement. Moi, c'est mon expérience, à tout le
moins. J'ai vu des gens sortir, après 20 ans, de façon... Tu sais, c'est
des cas extraordinaires. Et je ne suis pas le seul, là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup.
Mme
Hivon
:
Merci. Il ne me reste plus de temps? O.K.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Merci beaucoup. Donc, nous passons la parole maintenant
à la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci, M. Gagnon. Merci, M. Major. Ma question, c'est : Comment
la souffrance des patients peut-elle être observée ou constatée objectivement
dans un contexte de troubles mentaux, et quels sont les experts médicaux qui
devraient être autorisés à évaluer la souffrance?
M. Major (Bertrand) :
C'est une très bonne question, une question difficile, parce que c'est sûr
qu'on met beaucoup d'accent sur la souffrance subjective, mais, en même temps,
le médecin a un certain devoir d'évaluation, parce que, de fait, certaines
personnes vont parler d'une grande souffrance et d'autres moins. Ça ne veut pas
dire que celles qui en parlent moins ou... Vous savez, le fameux dicton, les
grandes souffrances sont muettes, et il y a une part de vérité, pas tout le
temps. Et donc la façon de l'objectiver, pour le psychiatre, en tout cas, en
général, c'est l'observation, pas seulement une photographie, c'est-à-dire pas
seulement une entrevue, parce qu'on peut se... On est biaisés, c'est très
difficile, c'est faire un film...
• (16 h 20) •
Par exemple, garder le patient à l'hôpital
et avoir l'observation pendant quelques jours, quelques semaines, on a une
meilleure idée, parce qu'encore une fois ce que nous dit le patient est très
important, mais on va voir évoluer le patient, parce que le patient de type
borderline, dont parlait mon ami Pierre, de fait, c'est ceux qui vont nous dire
qu'ils souffrent le plus atrocement. Ils souffrent, c'est vrai, c'est évident,
mais, par ailleurs, il y a une fluctuation importante de leur souffrance. Ils
vont aller mieux. Ils le disent eux-mêmes, ils disent : C'est les
montagnes russes, je me sens en enfer puis je me sens au ciel le lendemain.
Alors donc, la façon la meilleure
d'objectiver, c'est d'avoir une période d'observation. Une façon, aussi,
importante, c'est des <informations collatérales...
M. Major (Bertrand) :
...ils vont aller mieux. Ils le disent eux-mêmes, ils le disent : C'est
les montagnes russes, je me sens en enfer puis je me sens au ciel le lendemain.
Alors donc, la façon la meilleure
d'objectiver, c'est d'avoir une période d'observation. Une façon aussi,
importante, c'est des >informations collatérales, savoir de... savoir ce
que disent les proches sans leur parler, parce qu'encore une fois on a des
problèmes de confidentialité, mais on peut toujours parler aux proches, sans
parler du patient, pour... (panne de son) ...un son de cloche, parce que ça
nous prend un regard à 360 degrés pour prendre... pour avoir une idée
précise.
Cela dit, les plus grands souffrants,
encore une fois, c'est le point de vue du médecin, mais c'est les grands
déprimés. Il y a des souffrances atroces chez des gens que, de fait, on admet à
l'hôpital, et puis, Dieu merci, avec, quand même, une meilleure accessibilité
qu'auparavant, ces grands déprimés là, on en voit moins parce que les médecins
de famille les traitent plus rapidement. On en a encore, c'est certain, puis c'est
ceux qui nous impressionnent le plus, mais c'est ceux aussi, paradoxalement, qu'on
peut les mieux aider, parce que nos thérapeutiques pharmacologiques sont
efficaces, et le soutien de l'institution l'est aussi, parce que ces
épisodes-là sont aigus, durent des semaines, mais ne durent pas pendant des
années. Alors donc, c'est une autre donne.
Donc, encore une fois, bien, ça demeure un
problème important, l'évaluation objectivée de la souffrance, parce que... Puis
je devrais aller plus loin. Bien sûr, la souffrance est importante, mais je
reviens au caractère fluctuant des pathologies. On peut souffrir pendant
longtemps, mais, si on en sort, la vie reprend ses... reprend les rênes, hein,
et puis on peut la goûter encore plus. Songeons à la fameuse chanson de Ferrat,
C'est beau la vie, c'est après un épisode dépressif, hein? Donc, il faut
avoir ça aussi à l'intérieur de soi.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Donc, je céderais la parole à la députée de
Saint-François.
Mme
Hébert
:
Merci, Mme la Présidente. Dr Major, Dr Gagnon... Je crois que c'est
vous, Dr Major, qui avez parlé qu'il n'y avait pas de questionnement avec
l'opportunité de l'aide médicale à mourir. Donc, avant qu'il y ait la... que
les gens puissent faire une demande d'aide médicale à mourir, il n'y avait pas
de questionnement, à savoir de le demander. Et on a entendu tantôt
l'intervention de M. Courtemanche, qui nous a dit que, lui, juste de
savoir que c'était accessible, bien, ça lui amenait un apaisement puis que ça
pouvait amener à une ouverture, peut-être, même, à des traitements, parce qu'il
savait que, si jamais on ne trouve pas de traitement, il avait comme une
finalité, mais c'est un... Je résume peut-être mal sa pensée, mais c'est ce que
je m'étais pris comme note.
Alors, ma <question...
Mme
Hébert
: ...ça
lui amenait un apaisement puis que ça pouvait amener à une
ouverture
peut-être
même à des traitements,
parce qu'il savait que, si jamais on ne trouve
pas de traitement, il y avait comme une finalité. Mais c'était un... Je résume
peut-être mal sa pensée, mais c'est ce que je m'étais pris comme notes.
Alors, ma >question est quelles...
Advenant, là, que ce serait possible, quelles balises, là, qu'il faudrait
vraiment mettre? Parce que je vois, aux histoires que vous nous avez contées,
puis qui sont très enrichissantes, en passant, que vous avez... suite à votre
expérience, vous gardez toujours espoir de traitement. Et, contrairement,
peut-être, à l'Alzheimer, où est-ce qu'on est revenus à la case départ pour les
traitements qui semblent ne pas fonctionner, dans la santé mentale, il y a une
multitude de traitements, puis ça évolue continuellement. Donc, je pense, c'est
dans cette vision-là que vous dites que, de le rendre accessible, c'est comme
si on baisse les bras. Est-ce que c'est... Est-ce que j'ai bien cerné votre
vision?
M. Major (Bertrand) : Bien, votre
question est très, très pertinente et très bonne parce qu'elle souligne plusieurs
aspects.
Le premier, d'entendre le malade dire
qu'on fera tout... Puis, même de permettre de dire : J'ai envie de mourir...
On ne met pas le patient au silence, hein, parce que ça n'a pas de sens, là,
c'est... Quand je dis : Je veux mourir, ça veut dire : Ça fait mal,
ou je suis inquiet, ou je me vois dégradé. Et puis le patient qui vit, par
exemple, une dépression très sévère a l'impression que ça ne changera jamais, comprenez-vous?
Il a l'impression qu'il est pris là-dedans, que le temps n'existe plus, et puis
qu'il va souffrir jusqu'à la fin de ses jours, c'est atroce, alors que le
médecin, lui, il sait que c'est une illusion, cette perception-là. Cette
idée-là est une illusion, et c'est dans notre rôle de dire au patient, écoutez,
là, de le dire et de le répéter : Oui, c'est vrai, vous souffrez atrocement,
mais, je vous le dis, ça va changer, ça va se modifier... (panne de son) ...et
l'alliance est tellement importante, comprenez-vous? C'est terriblement
important.
Mais, pour venir à votre question, à
savoir : On n'y pensait pas auparavant, pourquoi... Parce qu'encore une
fois vous avez bien saisi. On a toujours quelque chose à offrir. Comprenez-vous?
Puis, ça, le patient, il le sent. Si le patient sent, là, qu'on n'a plus...
qu'on est dépassé, là, écoutez, c'est très angoissant. Si on sent que le
médecin dit : Bien, écoutez, d'accord, baissons les bras, ouf! ça fait
trop mal. Inversement, quand on sait que le médecin veut, là... Il y a une
communication là-dedans, une communication humaine, hein, parce que ce n'est
pas seulement du traitement, c'est le lien, c'est le... et ça a un effet bœuf. Ça
a un effet bœuf qui permet encore une fois d'instiller l'espoir, là, et de
permettre de tolérer la grande souffrance, parce qu'encore une fois, on le
sait, nos patients souffrent, peuvent souffrir atrocement, mais on sait
qu'encore une fois il y a <toujours une...
M. Major (Bertrand) :
...ça a un effet boeuf, ça a un effet boeuf qui permet,
encore une fois,
d'instiller l'espoir, là, et de permettre de tolérer la grande souffrance,
parce
qu'encore une fois on le sait, nos patients souffrent, peuvent
souffrir atrocement, mais on sait qu'encore une fois
il y a >toujours
une thérapeutique. Et, ça, quand on est convaincus, bien, on est convaincants,
et ça permet, là, de modifier la donne, en tout cas, plus souvent qu'autrement.
Mme
Hébert
: Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Je céderais la parole à la députée de
Soulanges.
Mme Picard : Bonjour,
messieurs. Dans le fond, moi, ma question, je voudrais savoir... Il n'y a aucun
diagnostic de trouble de santé mentale qui nous... que vous justifiez d'avoir
recours à l'aide médicale à mourir. Dans tout le spectre des maladies mentales,
il n'y en a aucune, selon vous, qui se qualifierait, qui se justifierait
d'avoir recours à l'aide médicale à mourir?
M. Gagnon
(Pierre) : Bien, c'est parce que ce n'est pas une question de
diagnostic, hein? C'est une question d'état, d'état de la situation. Et, comme
disait Dr Major, on a... Et, comme j'expliquais plus tôt, il y a beaucoup
de thérapeutiques. Il y a beaucoup de traitements, en fait, qui ne sont pas
développés, mais il y en a aussi qui sont présents et qui ne sont pas utilisés.
Alors, il faudrait, premièrement, que les gens aient accès à tous les traitements
de deuxième ligne, troisième ligne. Et, comme je vous mentionnais dans le
mémoire aussi, il y a différents traitements émergents qu'on pourrait...
Puis on pourrait avoir aussi une phase
palliative, même, en psychiatrie. C'est pour ça que ça peut faire peur aux
patients, peut-être, s'ils pensent que c'est... ah! c'est tout ou rien. Il y a
d'autres traitements possibles, hein? Il y a des méthodes de neurostimulation,
maintenant, l'utilisation de la kétamine, différents types de traitements qui
peuvent apaiser, qui peuvent soulager le patient. Et c'est sûr que, si le
patient n'a pas accès à ces traitements-là, bien, c'est... Il voit simplement
son état qui peut se détériorer, mais c'est... Il n'y a pas... effectivement
pas de diagnostic qui le dirait nécessairement : Voici, c'est un... Comme
on a en médecine physique, là, un cancer métastatique à tel stade, il n'y a pas
ça en psychiatrie.
Je ne sais pas si Dr Major a des...
• (16 h 30) •
M. Major (Bertrand) : On peut
quand même parler de certains diagnostics... non pas qui vont nous faire dire :
Oui, on va... et ça peut conduire à ça, mais certains diagnostics peuvent
conduire plus à des idées suicidaires, pas seulement à des dépressions. On a
parlé de schizophrénie. Certains patients sont à risque de... (panne de son) ...et,
paradoxalement, souvent, en début de maladie, parce qu'encore une fois c'est un
petit peu comme pour certains patients avec une démence. Ils apprennent qu'ils
souffrent de schizophrénie, et, quand ils viennent d'un milieu où la
performance est très importante, c'est une catastrophe.
Donc, il y a un risque plus grand au
début, et, le sachant, bien, on porte attention, de fait, d'une façon
importante, à être prévoyants, mais on en échappe, des fois, c'est dramatique,
c'est triste, les dépressifs, bien sûr, puis aussi les patients avec <troubles
de personnalité borderline...
>
16 h 30 (version révisée)
< M. Major (Bertrand) :
...il y a un risque plus grand au début, et, le sachant, bien, on porte
attention, de fait, d'une façon importante, à être prévoyants, mais on en
échappe, des fois, c'est dramatique, c'est triste, les dépressifs, bien sûr,
puis aussi les patients avec >troubles de personnalité borderline, dont
a parlé mon collègue, de fait, est une problématique compliquée, parce qu'il y
a des idées suicidaires qui sont chroniques, qui sont variables. Et la prise en
charge est terriblement importante. On sait que quand la prise en charge est
efficace, est acceptée, la pathologie s'améliore, ça, on le sait. Inversement,
quand il n'y a pas de prise en charge, quand il n'y a pas d'alliance, c'est
plus dangereux. Quand il y a une prise de drogue, c'est plus dangereux. Donc,
il y a un paquet de variables, là, importantes. Mais il faut rajouter aussi que
des gens peuvent souffrir beaucoup sans avoir de pathologies très lourdes, pour
les raisons que j'ai mentionnées, l'isolement, là, puis ça, c'est souvent... c'est
compliqué à... c'est compliqué, c'est complexe, mais il faut aussi avoir des
fonds pour ça, il faut aussi être déterminé à les aider, parce qu'il y en a une
grande proportion.
M. Gagnon
(Pierre) : Et pour continuer sur l'idée du diagnostic, Mme Picard,
c'est que les études à date, en Belgique, à tout le moins, révèlent... C'est
ça, effectivement, quand les gens qui font un peu la promotion de cette
procédure-là en Amérique du Nord ou au Canada parlent toujours des pathologies
très sévères, pathologies psychiatriques, qui ont eu tous les traitements,
etc., très sévères : schizophrénie, psychoses, troubles obsessifs
compulsifs. Malheureusement, les études, les données, en fait, en Belgique,
démontrent que ceux qui subissent la procédure de l'euthanasie, c'est des cas
très courants, très... notre pain quotidien : l'anxiété, dépression,
deuil, pauvreté socioéconomique avec isolement, etc. Est-ce qu'on serait bien
meilleurs que nos collègues belges? C'est à se poser la question, mais je pense
qu'au niveau de l'euthanasie physique on a pris pas mal la même tangente, c'était
d'ailleurs notre modèle, alors je pense que ça risque de finir pareil. Les
études, à date, les seules données qu'on a, c'est des syndromes extrêmement
courants de psychiatrie, là, anxiété, dépression, isolement. Alors, ce n'est
pas les cas extrêmement sévères, qui ont eu des électrochocs et des psychochirurgies,
qui ont vu tous les grands spécialistes de la planète, ce n'est pas ces cas-là.
Mme Picard : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Je céderais la parole maintenant au député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup, les Dr Gagnon et Dr Major, pour votre
exposé ainsi que votre mémoire pour nous aider à mieux comprendre et à
contextualiser vos interventions. Je me permets de vous poser deux questions. Dans
un premier temps, est-ce que vous êtes d'accord et vous acceptez le constat <collectif
et légal, en quelque part, actuel, que...
M. Birnbaum : ...que votre
mémoire pour nous aider à mieux comprendre et à contextualiser vos
interventions. Je me permets de vous poser deux questions. Dans un premier
temps, est-ce que vous êtes d'accord et vous acceptez le constat >collectif
et légal, en quelque part, actuel, que l'aide médicale à mourir se situe dans
un continuum de soins médical? C'est là où on est actuellement. Et, deuxièmement,
est-ce que vous allez convenir avec nous qu'il y a des circonstances, balisées évidemment,
physiques graves où l'aide médicale à mourir est une option légitime et nécessaire?
M. Gagnon
(Pierre) : Pour les patients psychiatriques, vous voulez dire,
ou pour les patients, premièrement, primairement atteints de troubles mentaux?
M. Birnbaum : Non, premièrement
atteints de problèmes physiques. J'essaie juste de comprendre où vous vous
situez sur la grande question de l'aide médicale à mourir. Est-ce que c'est un
soin médical, dans un premier temps? Et, deuxièmement, y a-t-il des circonstances,
on est en train de vérifier ça, mais balisées légitimement et de façon... et disciplinée
où c'est un traitement, un soin indiqué et légitime en cas physiques graves ou
combinaison de physiques et symptômes mentaux?
M. Gagnon
(Pierre) : Bien, aux cas physiques, c'est-à-dire que c'est...
Bien, premièrement, on ne s'était pas préparés pour cet aspect-là, honnêtement,
moi, je m'étais vraiment préparé pour les aspects de troubles... pour les
troubles psychiatriques, là. Pour les troubles physiques, bon, on était déjà
intervenu, j'étais déjà intervenu, moi, avant, là, pour essayer d'aider
l'Assemblée à mettre des balises.
Comme je vous dis, moi, ici, si je m'en
tiens aux troubles mentaux, ça me semble être une procédure qui n'est pas en
continuité, en tout cas, à tout le moins présentement, avec les... pour les
troubles mentaux. Comme je vous dis, moi, je ne m'étais pas préparé à parler
des troubles physiques, là. Les troubles mentaux, troubles mentaux et
physiques, bien, ça dépend lequel est prédominant, là. Mais, quand c'est pour
le trouble... premièrement, troubles... ce pour quoi on s'était préparés, les troubles
mentaux, il semble y avoir, comme je vous dis, un peu ce qu'on appelle un
«quantum leap», il y a un bond extrêmement important, alors qu'on n'a pas une
continuité de soins, première ligne, deuxième ligne, troisième ligne, soins
palliatifs. En psychiatrie, on n'a pas ça du tout, on n'a pas ce continuum-là.
Alors, oui, il y a une cassure, pour les soins psychiatriques, il y a
clairement une cassure. Pour moi, c'est ce que je pourrais répondre, là.
M. Major (Bertrand) : La même
chose pour moi, là. Quant à moi, ce n'est pas un traitement légitime pour les
troubles mentaux. Il faut aussi faire attention à... Bien sûr, notre position
est claire, mon collègue et moi. D'autres ont certaines autres positions. Puis,
encore une fois, ce qui s'est passé en Belgique et aux Pays-Bas est informatif.
Avec des mêmes... avec des balises semblables, vous allez avoir des praticiens
qui, eux, considèrent que c'est légitime, puis ils vont le faire, puis ils vont
<influer...
M. Major (Bertrand) :
...
D'autres ont certaines autres positions. Puis, encore une fois, ce
qui s'est passé en Belgique et aux Pays-Bas est informatif. Avec des mêmes...
avec des balises semblables, vous allez avoir des praticiens qui, eux,
considèrent que c'est légitime, puis ils vont le faire, puis ils vont >influer
d'une façon importante sur la praxis dans un coin de pays, et ça, ça peut... ça
entraîne des changements majeurs.
Écoutez, je viens d'admettre une patiente,
là, que je suis depuis des années, qui souffre d'une schizophrénie, puis qui
était très mal dernièrement, puis je suis content qu'on l'ait admise, parce
qu'écoutez c'est une dame très simple, là, puis très... Savez-vous ce qu'elle
m'a dit? Elle dit : Aïe! Dans deux ans, on va pouvoir le faire, là, qu'est-ce...
Enfin! ou elle était comme : Wow! Ça montre à quel point elle se sentait
mal, mais on l'a admise, elle n'en parle pas, mais ça colore la psyché des
gens, c'est clair, sûr.
Vous savez, en Belgique et aux Pays-Bas,
il y a beaucoup de sauvegardes qui sont mises sur le papier. Ça ne marche pas.
Sur le papier, c'est marqué, mais il n'y a aucune évidence, puis là-dessus il y
a beaucoup de papiers, ça ne marche pas. Il n'y a pas d'arrêt. Il y a des gens
qui démissionnent de groupes de surveillance, même qui sont proeuthanasie, qui
trouvent que ça n'a pas de sens. Il y a une espèce de collusion chez des
groupes proeuthanasie, et là-dessus, c'est... ça donne froid dans le dos.
Puis, encore une fois, je ne veux pas nous...
qu'on se casse du sucre sur notre dos à nous, mais c'est l'être humain, ça, M. Birnbaum,
il va... si c'est présent là-bas, ça va être présent ici, c'est un danger, puis
les sauvegardes ne fonctionnent pas. Bien sûr, on veut les sauvegardes les plus
strictes possible, mais quand c'est permis, mettre une digue, là, essayez.
Essayez, ça ne marche pas. Ça ne marche pas. C'est ça qui nous rend si
inquiets, c'est pour ça qu'on est alarmistes comme ça, puis on veut vous le
dire, on est heureux de vous le dire.
M. Birnbaum : Oui, évidemment,
on respecte et on partage votre préoccupation fondamentale de respecter le
bien-être et de protéger chaque citoyenne et citoyen.
Le Dr Gagnon, vous avez offert un
exemple déchirant, très humain, de quelqu'un de 20 ans de vie très, très difficile
avec des symptômes très graves de maladie mentale qui, après ces 20 ans,
de toute évidence, sombres mur à mur, sans indication d'une grande
possibilité d'amélioration, j'imagine, sans circonstance où il y avait des
moments de bonheur... Est-ce que vous admettrez qu'un tel exemple très rare de <sortir
d'une telle...
M. Birnbaum : ...sans
indication d'une grande possibilité d'amélioration, j'imagine, sans
circonstance où il y avait des moments de bonheur. Est-ce que vous admettrez
qu'un tel exemple très rare de >sortir d'une telle condition, premièrement,
est assorti de plusieurs exemples où cette période noire de 20 ans probablement
se répète pour 20 ans? Est-ce qu'il n'y a pas cette circonstance de très
possible aussi? Et est-ce que tout ce phénomène n'est pas tout à fait semblable
à la situation, une autre fois déchirante et réelle, qu'un faible, faible,
faible pourcentage des gens avec des diagnostics... fin de vie, d'un cancer du
sein, dans un cas sur, j'invente, 100 000, se trouve devant une guérison
presque spontanée? Y a-t-il une différence dans le phénomène que vous avez
décrit au phénomène physique possible de cette exception qui ne fait pas la
règle?
• (16 h 40) •
M. Gagnon
(Pierre) : Oui, oui, oui, je... Oui. Bien, désolé de vous
répondre comme ça, il y a un abîme. Parce que travaillant moi-même en
oncologie, les cas dont vous me parlez, j'en ai vu un. J'aime toujours en
parler dans... J'ai vu, évidemment, des milliers de patients, là. J'ai vu un
cas, un miracle oncologique. J'en ai vu un qui avait vraiment un cancer
métastatique, avec biopsie, et qui, 15 ans plus tard, était vivant.
Des cas de psychiatrie, en fait, les
études... La patiente dont... Le type de patient dont je vous ai parlé, atteint
de personnalité limite, je ne dirais pas que c'est la règle, mais maintenant,
justement, les études maintenant démontrent qu'avec des traitements appropriés,
c'est... on est dans le 30 %, 40 %, 50 %, 60 %.
Et l'autre point que j'aimerais par contre
modifier à votre discours, M. Birnbaum, c'est quand vous dites : Ça a
été 20 années noires. Je ne peux pas réduire cette personne-là à sa
maladie. Moi, je l'ai suivie, il y a eu des très beaux moments. Malgré la
maladie, il y a eu des très beaux moments. Cette personne-là est devenue
grand-père, a eu des bonnes périodes... ce n'est pas 20 ans à l'hôpital
psychiatrique et attaché, là, il a eu des belles périodes productives. Et c'est
ça, en fait, le respect de chaque individu, le respect de la maladie, le
respect de la différence. Donc, il y a eu des périodes de lumière pendant ces
20 années là. Et contrairement, peut-être, à un cancer où ça aurait
peut-être fait ça, mais même ça, même ceux-là peuvent avoir...
Puis, comme je vous dis, l'issue est
beaucoup plus fréquemment positive dans le cas de la psychiatrie que dans le
cas des autres maladies. Ça serait ma réponse, là, mais je comprends l'analogie,
puis c'est vrai qu'il faut l'amener, vous avez raison d'amener cette... mais ce
n'est pas l'exception, ce n'est pas l'exception. Je dirais que c'est très près,
c'est... Il y a une différence logarithmique entre le genre de... entre
l'évolution du patient avec trouble mental, premièrement, et trouble physique.
M. Major (Bertrand) : ...
M. Birnbaum : Comme vous...
M. Major (Bertrand) : Je
m'excuse, allez-y. Je vous écoute.
M. Birnbaum :
O.K. Merci. Comme vous, <évidemment, notre préoccupation, c'est le
patient....
M. Gagnon (Pierre) :
...
patient avec trouble mental, premièrement, et trouble physique.
M. Major (Bertrand) :
...
M. Birnbaum : Comme vous...
M. Major (Bertrand) :
Je m'excuse, allez-y. Je vous écoute.
M. Birnbaum :
O.K. Merci.
Comme vous, >évidemment, notre préoccupation,
c'est le patient dans chacune de ses conditions. Compte tenu, comme a été
constaté, que nous sommes devant, en quelque part, une espèce de vide, là, le
critère de fin de vie est enlevé, ce qui amène nécessairement un questionnement
sur le plan de symptômes très graves de santé mentale. Comment, si on était
pour suivre votre logique... Est-ce que vous recommandez que nous, on aborde la
difficulté, la possibilité que de ne pas pencher sur la question, en ce qui a
trait à la santé mentale, serait jugé comme discriminatoire, c'est-à-dire que
les droits fondamentaux des personnes atteintes ainsi ne seraient pas
respectés? Qu'est-ce qu'on fait avec ce phénomène-là?
M. Gagnon
(Pierre) : Bien, c'est...
M. Major (Bertrand) : Vas-y,
Pierre.
M. Gagnon
(Pierre) : Bien, peut-être rapidement, si tu veux compléter.
Bien, c'est justement, au contraire d'être discriminatoire, c'est le respect de
la différence, tu sais. On parle beaucoup de médecine personnalisée. Vous avez
peut-être déjà entendu ça. Bien, ça, c'est le meilleur exemple. Les troubles
mentaux, c'est différent. Le désir de vivre, les idées suicidaires, ça fait
partie, ça fait partie intrinsèque de la maladie, et c'est fluctuant, c'est
fluide. Donc, on ne peut pas s'arrêter à ça autant que pour d'autres pathologies,
un.
Deuxièmement, bien, c'est ça, c'est de
la... c'est une attention particulière, différente pour la maladie mentale, qui
est différente, qui est catégoriquement différente. En médecine, on est habitué
à ça, on ne donne pas le même traitement à tout le monde. Moi, je veux une
greffe de moelle osseuse, peut-être, si c'est indiqué. Moi, je veux tel
traitement si c'est indiqué. Si ce n'est pas indiqué, on ne le donne pas, les exemples
que je vous ai donnés. Alors, ce n'est pas indiqué pour ces personnes-là, tout
simplement. Et justement, là, on les respecte, on respecte leurs spécificités,
leurs différences. Bertrand, est-ce que tu avais des points?
M. Major (Bertrand) : Bien,
écoutez, nous ne sommes pas des hommes de loi. La discrimination, c'est un
concept qui m'apparaît plus légal, mais cela dit, encore une fois, j'abonde
dans le sens de mon collègue, à savoir que si on permet cela à des patients qui
ont la chance plus souvent qu'autrement de s'améliorer, c'est là qu'est la
vraie discrimination, de dire : Oui, on y va. On y va, mon ami, là.
Puis, encore une fois, c'est les laissés-pour-compte,
hein, qui vont payer. Quand on vient d'une bonne famille, là, puis qu'on est
malade, hein, puis qu'on sait où sont les soins, on va les chercher. Mais vous
savez, nous, on voit les gens démunis, hein, les gens qui vivent de la misère.
Et puis c'est eux qui... c'est eux qui sont discriminés à propos de leur... du
manque de traitements. Puis, on parle de discrimination, quand on dit : On
ne peut pas leur donner l'aide à mourir, bien, premièrement, donnons-leur le
traitement comme pour les autres. Mon collègue <parlait de...
M. Major (Bertrand) :
...
c'est eux qui sont discriminés à propos de leur... du manque de
traitements. Puis, on parle de discrimination, quand on dit : On ne peut
pas leur donner l'aide à mourir, bien, premièrement, donnons-leur le traitement
comme pour les autres. Mon collègue >parlait de subventions pour le
cancer, mais il n'y en aura jamais autant pour la schizophrénie puis les
troubles limites, hein, ça, c'est évident. Ça fait qu'on devrait commencer par
l'autre côté. Battons-nous pour la vie, là, battons-nous contre la
discrimination dans les traitements que pour l'aide à mourir, quant à moi. Parce
qu'encore une fois la pathologie est tellement fluide qu'il est clair qu'on va
se tromper que si on décide pour telle personne, il est clair, c'est là qu'est
le drame.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Merci, M. le député. Je cède maintenant la parole au député de
Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Merci,
Dr Gagnon, Dr Major. J'ai peu de temps, donc je vais y aller
rondement. Si vous êtes capables de me donner des réponses courtes, ça va me
faciliter la vie. Est-ce que vous diriez que ça existe, un trouble mental
incurable?
M. Major (Bertrand) : Non.
M. Nadeau-Dubois : Dans aucune
circonstance?
M. Major (Bertrand) : Dans
aucune circonstance.
M. Nadeau-Dubois : Qu'est-ce
qui explique votre désaccord sur cette question-là avec d'autres collègues
psychiatres, voire l'association des psychiatres du Québec?
M. Major (Bertrand) : Parce
que c'est leur vision qui est changée, leur angle de vision. Moi,
M. Dubois, je suis un gars de terrain, j'ai toujours quelque chose à
offrir. Quand je regarde la question d'un point de vue philosophique, il y a des
grands malades, il y a un patient avec un trouble obsessif compulsif sévère qui
est malade, qui a des symptômes pendant 20 heures sur 24, oui, c'est peut-être
très grave, mais je sais que d'habitude il n'est pas déprimé, ce patient-là, paradoxalement.
J'ai toujours quelque chose à offrir puis je n'ai pas vu de patient incurable,
encore une fois, dans la mesure où ce n'est pas seulement des symptômes qui
peuvent... Il y a des symptômes qui sont très résistants aux traitements, mais
ce n'est pas seulement une question de traitement de symptômes, c'est
d'adaptation à la maladie, d'aide auprès du malade, d'aide auprès des proches.
À ce niveau-là, la cure est importante, à ce niveau-là aussi. Donc, moi, mon
angle, il est, je dirais, plus large pour me permettre de l'affirmer aussi
crûment.
M. Nadeau-Dubois : Merci de
votre réponse claire. Un autre des arguments que vous nous présentez, puis je
le trouve intéressant, c'est de dire : On ne peut pas ouvrir la porte à
l'aide médicale à mourir dans un contexte où on n'est même pas en mesure
d'assurer la disponibilité des traitements pour les troubles mentaux sévères.
La chercheure qui vous a précédés nous disait que ce n'était pas nécessairement
faux, mais que c'était un faux dilemme, et qu'on pouvait faire les deux et
travailler sur des voies parallèles. On pouvait, d'un côté, permettre l'aide
médicale à mourir pour les gens souffrant de troubles mentaux, et de l'autre,
en même temps, aller de l'avant avec une bonification <significative...
M. Nadeau-Dubois : ...
La
chercheure qui vous a précédés nous disait que ce n'était pas nécessairement
faux, mais que c'était un faux dilemme, et qu'on pouvait faire les deux et travailler
sur des voies parallèles. On pouvait, d'un côté, permettre l'aide médicale à
mourir pour les gens souffrant de troubles mentaux, et de l'autre, en même
temps, aller de l'avant avec une bonification >significative des
traitements, puis de l'accompagnement, puis des services pour les gens qui
souffrent de troubles mentaux. Et elle nous disait que ce faux dilemme là,
qu'elle qualifiait, elle, de faux dilemme, avait été présenté lorsqu'on a
initialement eu le débat sur l'aide médicale à mourir avec les soins palliatifs,
et qu'avec l'évolution des années on s'est bien rendu compte que l'un n'allait...
l'un n'était pas contradictoire avec l'autre et qu'on pouvait faire les deux en
même temps. Qu'est-ce que vous répondez à cet argument-là, qui dit : On pourrait
faire les deux en même temps, ouvrir la porte à l'aide médicale à mourir pour
éviter la discrimination et en même temps, de l'autre côté, travailler à
améliorer les services puis les traitements disponibles?
M. Major (Bertrand) : Je ne
sais pas comment qu'elle peut faire ça, je ne suis pas capable, je ne suis vraiment
pas capable. Je suis moins bon qu'elle. Vraiment, là, c'est... je ne suis pas
capable de le concevoir.
M. Gagnon
(Pierre) : Bien, c'est ça, c'est-à-dire qu'on a tellement peu...
présentement, c'est... il y a tellement peu de cliniques spécialisées pour
faire face aux traitements... aux traitements... c'est-à-dire aux patients qui
ont des symptômes résistants que je ne vois pas comment ça pourrait se faire.
Puis il y a tellement aussi une gamme possible. Tu sais, l'accompagnement... l'accompagnement,
en fait, du thérapeute, et du psychiatre, et de l'équipe traitante est tellement
important que des fois c'est un changement d'équipe, tout simplement. Mais on
n'est pas là du tout, là, alors il va y avoir nécessairement un court-circuit,
un shunt vers l'aide médicale à mourir sans avoir utilisé les traitements, qui
sont vraiment loin d'être disponibles, là, partout, on parle des... il y en a
très peu. Il y a des choses qu'on détient seulement un petit peu à Québec, un
petit peu à Montréal, ce n'est vraiment pas disponible. Et je n'ai pas vu de
traitements, moi, de patients qui ont reçu toute la gamme des traitements et
qui, au bout de ça, comme dit le Dr Major, on n'aurait rien d'autre à
proposer. On n'est pas rendu là, on est en... Malheureusement, en psychiatrie,
on n'est vraiment pas rendu là.
• (16 h 50) •
M. Major (Bertrand) : ...je
parle d'un des signataires de la lettre, là, David Bloom, écoutez, c'est
le schizophrénologue du Québec, c'est lui qui a la cohorte des patients les
plus malades du Québec. Je lui ai parlé il y a deux jours, j'ai dit :
Qu'est-ce que tu en penses, de ça? Il dit : Je suis défavorable. J'ai dit :
Aurais-tu des cas? Il dit : J'ai quatre, cinq cas très lourds. Mais j'ai
dit : Les enverrais-tu? Bien, il dit : C'est trop facile. C'est la
réponse de l'homme de terrain.
M. Nadeau-Dubois : Et c'est
quoi, la différence, entre ça et ce que certains qualifieraient d'acharnement
thérapeutique?
M. Major (Bertrand) : Ce
n'est pas de l'acharnement, parce que nos patients sont libres, encore une
fois, de dire : J'abandonne tout, comprenez-vous, c'est... On veut
toujours le convaincre, comprenez-vous, quand on est vraiment allié au patient,
là, et on est proches, hein, on est vraiment proches de nos <patients...
M. Major (Bertrand) :
...
parce que nos patients sont libres, encore une fois, de dire :
J'abandonne tout, comprenez-vous, c'est... On veut toujours le convaincre,
comprenez-vous, quand on est vraiment allié au patient, là, et on est proches,
hein, on est vraiment proches de nos >patients qui sont les plus
souffrants. C'est... À la différence, là, du médecin physique, qui, bon, écoutez,
c'est... différemment, là, c'est...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions. Merci, Dr Gagnon,
Dr Major.
Donc, nous suspendons les travaux le temps
d'accueillir nos nouveaux invités. Merci encore.
(Suspension de la séance à 16 h 52)
(Reprise à 17 heures)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, bonjour, tout le monde. Nous sommes de retour avec notre dernier
intervenant de la journée, le Pr Brian Mishara. Donc,
bienvenue parmi nous, merci d'avoir accepté l'invitation. Vous aurez, on vous
l'a expliqué, vous aurez 20 minutes pour faire votre exposé. Il y aura un
échange avec les <membres de la commission...
>
17 h (version révisée)
<18247
La
Présidente (Mme Guillemette) :
...Donc, bonjour, tout le
monde. Nous sommes de retour avec notre dernier intervenant de la journée, le
Pr Brian Mishara. Donc, bienvenue parmi nous, merci d'avoir accepté
l'invitation. Vous aurez, on vous l'a expliqué, vous aurez 20 minutes pour
faire votre exposé. Il y aura un échange avec les >membres de la
commission pour une période de 40 minutes. Donc, M. Mishara, je vous
cède la parole.
M. Brian L. Mishara
M. Mishara (Brian L.) :
Merci. Mmes, MM. les commissaires, je tiens d'abord à vous remercier
sincèrement de m'offrir l'opportunité de partager avec vous le présent mémoire.
Je suis directeur du Centre de recherche et d'intervention sur le suicide,
enjeux éthiques et pratiques de fin de vie, le CRISE, et professeur de
psychologie à l'Université du Québec à Montréal. En 1996, j'ai eu la bourse
nationale Bora-Laskin pour étudier des pratiques d'euthanasie et suicide
assisté aux Pays-Bas et j'ai travaillé pas mal. Je fais des recherches en
prévention du suicide.
Mon intervention d'aujourd'hui porte sur
la façon de mieux garantir un juste équilibre entre le respect d'autonomie des
personnes admissibles à l'aide médicale à mourir, d'un côté, et, de l'autre, la
protection des personnes vulnérables et l'obligation de prévenir les décès
évitables par suicide. Le système de santé a comme responsabilité d'offrir les
soins de qualité adaptés aux besoins des personnes souffrantes. Par conséquent,
je propose d'ajouter un amendement à la loi ou un règlement supplémentaire qui
permettrait de restreindre l'aide médicale à mourir aux seules personnes pour
qui il n'existe aucun autre traitement permettant de soulager leurs
souffrances.
Le Québec a une longue histoire d'actions
en amont afin d'éviter le plus possible les effets négatifs des interventions
médicales sur ses citoyens. Par exemple, dans le contexte de la pandémie de la
COVID-19, la Santé publique et le ministère de la Santé ont pris soin d'instaurer
des mesures de précaution et des restrictions liées au vaccin d'AstraZeneca,
qui semble être associé à un petit nombre de thromboses et quelques décès parmi
les millions de personnes vaccinées.
En effet, malgré une incidence peu élevée,
le fait que cette conséquence soit grave et potentiellement irréversible dans
un contexte où ces risques sont largement inconnus faisait en sorte que l'État
avait l'obligation d'agir avec prudence dans le but de protéger la population.
Alors qu'au Comité consultatif national de l'immunisation du gouvernement
fédéral on recommande le vaccin d'AstraZeneca aux <personnes...
M. Mishara (Brian L.) :
…en sorte que l'État avait l'obligation d'agir avec prudence dans le but de
protéger la population. Alors, au Comité consultatif national de l'immunisation
du
gouvernement fédéral, recommande le vaccin d'AstraZeneca aux >personnes…
toute personne de 30 ans et plus, le Québec a cessé d'utiliser ce vaccin
en raison des faibles risques de thrombose. On peut décrire plusieurs autres
situations semblables.
Je suis d'avis que les mêmes précautions
prises pour assurer qu'un vaccin contre la COVID-19 n'ait pas d'effet négatif
grave même pour une petite proportion de la population doivent s'appliquer aussi
à notre considération des protections nécessaires pour l'application de l'aide
médicale à mourir. L'aide médicale à mourir n'est pas un traitement médical
comme un autre. Il s'agit du seul traitement qui termine définitivement et
délibérément la vie d'un être humain. Le risque encouru dans le cas d'un
pronostic erroné est la mort de la personne, et on ne peut penser plus grave et
plus irréversible que cela face à une vie qui aurait pu être épargnée par un
traitement approprié.
Par conséquent, l'État a une obligation
envers ses citoyens d'assurer qu'on ne donne pas la mort comme traitement
contre la souffrance s'il existe d'autres interventions qui peuvent permettre à
la personne de continuer à vivre tout en allégeant ses souffrances. À tout le
moins, l'État devrait avoir des mécanismes en place pour assurer que l'aide
médicale à mourir est considérée en tout dernier recours.
Dans les discussions parlementaires lors
de l'adoption de la loi sur l'aide médicale à mourir au Québec, on se vantait
d'être en mesure de prévenir la pente glissante, c'est-à-dire le risque que l'aide
médicale à mourir devienne une solution au manque de soins palliatifs. Or,
plusieurs intervenants cliniques sur le terrain rapportent que les patients
reçoivent l'aide médicale à mourir à la demande… sont souvent en premier
recours, alors que même qu'ils n'ont jamais vu une équipe de soins palliatifs
pour la gestion de leurs symptômes physiques ou psychologiques.
Ailleurs dans le monde, dans tous les
autres pays qui ont légalisé l'aide médicale à mourir, il est interdit
d'arrêter la vie d'une personne s'il existe un autre traitement qui peut
potentiellement soulager la souffrance. En Belgique, le médecin doit arriver,
avec le patient, à la conviction qu'il n'y a aucune autre solution raisonnable
dans sa <situation. Aux Pays-Bas…
M. Mishara (Brian L.) :
…s'il existe un autre traitement qui peut
potentiellement soulager la
souffrance. En Belgique, le médecin doit arriver avec le patient à la
conviction
qu'il n'y a aucune autre solution raisonnable dans sa >situation.
Aux Pays-Bas, le médecin doit attester du fait qu'il y a une absence
d'alternatives raisonnables pour traiter les souffrances psychiques et
physiques du patient.
Cependant, au Canada et au Québec, le
médecin a seulement le devoir d'informer et de discuter avec le patient des
moyens raisonnables pour soulager ses souffrances. Le médecin et le patient
doivent ensuite s'accorder sur le fait que le patient les a sérieusement
envisagés. Le diable est dans les détails. Alors qu'au Canada le patient doit
considérer sérieusement les traitements autres que la mort qui sont
disponibles, partout ailleurs dans le monde, si d'autres traitements existent,
le médecin a l'obligation de refuser d'arrêter la vie du patient.
Ainsi, le patient n'est pas obligé de
suivre ces traitements, mais on ne permet pas à l'État d'arrêter la vie de la
personne si les médecins croient que d'autres traitements existent. Au Québec
et au Canada, on oblige le patient à prendre une décision rationnelle sur la
meilleure façon d'arrêter sa souffrance. En privilégiant à tout prix le respect
de l'autonomie de la personne, l'État québécois agit ici contre le principe de
précaution en faisant en sorte que cette autonomie individuelle prime le risque
d'une mort prématurée suite à un pronostic erroné.
Au surplus, on peut se questionner sur l'autonomie
et la capacité du patient à fournir un consentement à la fois libre et éclairé
sur l'acceptabilité des traitements proposés dans un contexte où ce patient est
dans un état de souffrance. On peut se demander qui choisirait la mort pour
arrêter ses souffrances quand il existe, selon l'avis des experts médicaux,
d'autres traitements possibles qui pourraient permettre à la personne de ne
plus souffrir autant et de continuer à profiter de la vie malgré ses
limitations ou handicaps associés à une maladie grave.
Les personnes qui travaillent en prévention
du suicide connaissent très bien les personnes qui pensent que la mort est la
bonne solution pour arrêter leurs souffrances. Les gens qui souffrent sont
souvent aveuglés par leurs souffrances. Ils ne voient pas le potentiel des
traitements ou leur raisonnement est compromis par les symptômes d'une maladie
mentale ou la panique dans une situation de souffrance aiguë. Ils ne réalisent
pas qu'ils <peuvent se…
M. Mishara (Brian L.) :
…sont souvent aveuglés par leur souffrance. Ils ne voient pas le potentiel des
traitements ou leur raisonnement est compromis par les symptômes d'une maladie
mentale ou la panique dans une situation de souffrance aiguë. Ils ne réalisent
pas qu'ils >peuvent se sentir mieux et conçoivent la mort comme la seule
vraie solution. C'est le propre des maladies mentales, comme la dépression, que
d'altérer le jugement des personnes qui en sont atteintes.
En l'absence de données probantes
permettant de déterminer hors de tout doute que ces éléments n'affectent pas la
capacité de prendre des décisions sur des traitements à privilégier, il me
semble donc prudent de ne pas accorder plus de poids que nécessaire au respect
de l'autonomie dans la balance avec la protection de la vie. Ici aussi, le
principe de précaution doit s'appliquer.
• (17 h 10) •
La grande majorité des personnes qui ont
commencé une tentative de suicide et qui appellent à un centre de prévention du
suicide acceptent l'aide proposée et seront contentes d'être toujours en vie
par la suite. Même les personnes qui disent n'absolument pas vouloir d'aide et
qui sont traitées contre leur volonté font rarement une deuxième tentative de
suicide. Il arrive même régulièrement que ces personnes rappellent le centre
qui a initié l'intervention pour les remercier. Ceci est vrai même pour les
personnes qui sont suicidaires à cause d'une maladie dégénérative incurable.
Cela devrait nous rappeler que, si certaines maladies sont encore incurables,
le suicide est la conséquence de souffrances psychiques qui sont tout à fait
évitables si on offre de l'aide et qu'on tend la main.
Au Québec, en 2019, 2,4 % de tous les
décès ont été par l'aide médicale à mourir à peine quatre ans après la
légalisation de cette pratique. J'ai entendu, dans les témoignages à la
commission, qu'en 2020 le pourcentage a augmenté à 3 %. La Belgique a
atteint 2,4 % des décès par aide médicale à mourir en 2019, 15 ans
après la légalisation de cette pratique, et ce, même si l'aide médicale à
mourir en Belgique est permise pour les personnes qui ont une maladie mentale et
qu'il n'y a pas d'obligation que la mort soit prévisible. Aux États-Unis, dans
l'État d'Oregon, le premier pays… le premier État aux États-Unis à légaliser le
suicide assisté, seulement 0,5 % des décès sont attribuables à <l'aide…
M. Mishara (Brian L.) :
…et qui n'a pas d'obligation que la mort soit prévisible. Aux
États-Unis,
dans l'État d'Oregon, le premier pays, le premier État aux
États-Unis à
légaliser le suicide assisté,
seulement 0,5
% des décès sont
attribuables à >l'aide médicale à mourir.
Comment est-ce qu'on peut expliquer que le
Québec ait si vite atteint cette proportion de décès? Le seul pays au monde qui
a proportionnellement plus de décès par aide médicale à mourir est les
Pays-Bas, où le premier cas a été sanctionné par les cours en 1973. Je fais
l'hypothèse… c'est parce que la protection qui existe en Belgique et dans tous
les autres pays qui ont légalisé l'aide médicale à mourir, soit l'obligation
d'assurer qu'il n'existe pas d'alternative, n'est pas présente au Québec. Dans
ce contexte, il y a certainement des personnes qui meurent par aide médicale à
mourir au Québec qui auraient pu arrêter de souffrir grâce à des traitements
psychologiques, une meilleure maîtrise de leur douleur par les soins
appropriés, l'accès aux soins palliatifs ou des interventions psychosociales.
Moi, je dirige un centre de recherche et
je crois fermement à la recherche scientifique. Je dois donc poser la question :
Peut-on déterminer si une personne qui souffre de maladie mentale va continuer
à souffrir ou si, plutôt, elle cessera éventuellement de souffrir et être
heureuse d'être en vie? Les recherches indiquent clairement qu'on se trompe
très souvent quand on essaie d'identifier les cas sans espoir de guérison.
Les recherches sont résumées dans un
document, Le Canada à la croisée des chemins :Recommandations
concernant l'aide médicale à mourir pour les personnes ayant un trouble mental,
2020, que je vous invite à lire. Même si certains professionnels peuvent croire
qu'ils sont capables d'identifier les personnes dont la maladie mentale est
irréversible et sans espoir, les recherches indiquent que les maladies mentales
ne progressent pas de façon prévisible et que ces professionnels se trompent
souvent.
D'ailleurs, il n'existe aucun test
diagnostique qui permet de déterminer que l'état d'un patient atteint de
maladie mentale ne s'améliorerait pas et qu'il continuera à vouloir mourir dans
l'avenir. Pour cette raison, l'American Psychiatric Association soutient qu'un
psychiatre ne devrait pas prescrire ou administrer à une personne atteinte d'une
<maladie…
M. Mishara (Brian L.) :
…vouloir mourir dans l'avenir. Pour cette raison, American Psychiatric
Association, soutient qu'un psychiatre ne devrait pas prescrire ou administrer
à une personne atteinte d'une >maladie qui n'est pas en phase terminale
toute intervention dans le but de causer sa mort. Le Royal Australian and New
Zealand College of Psychiatrists a statué que les maladies psychiatriques ne
doivent jamais être le fondement du suicide médicalement assisté. Des
traitements alternatifs doivent être aussi ou voire plus accessibles que la
mort par aide médicale à mourir.
Actuellement, au Québec, les patients qui
ont besoin de consultations ou de traitements psychiatriques dans le système
public, par exemple en CLSC, doivent attendent plus d'un an souvent sur une
liste d'attente, mais, bientôt, ces mêmes personnes peuvent avoir accès à l'aide
médicale à mourir dans 30 ou 90 jours ou moins.
La question à laquelle vous devrez
répondre dans votre âme et conscience est la suivante : Combien de morts
prématurées de personnes qui auraient pu continuer à vivre grâce aux
traitements disponibles, être contentes d'être toujours en vie, sommes-nous
prêts à accepter? Est-ce que c'est 100 par année, ou 50 est un nombre
acceptable, ou seulement trois, comme le cas du vaccin d'AstraZeneca? Dans
toute prise de décision, le risque de faux positif n'est jamais nul, mais,
lorsque la mort est en jeu, je propose que ce seuil soit réduit au minimum en
appliquant le principe de précaution.
Aux Pays-Bas, le pays le plus libéral par
rapport à l'accès à l'aide médicale à mourir, on refuse à peu près 45 % de
toutes les demandes, généralement parce que le médecin est d'avis que le
patient, même dans le cas où il souffre d'un cancer terminal, peut avoir le
goût de continuer à vivre s'il essaie certains traitements. On n'a pas cette
obligation au Québec pour les personnes qui sont en phase… qui ont une maladie
mortelle. On ne l'a pas non plus actuellement pour les personnes qui ont une
maladie non mortelle avec l‘élargissement de l'aide médicale à mourir, et, à
moins qu'il y ait des propositions nouvelles pour les personnes ayant une maladie
mentale, comme ceux… problème <médical, on risque de ne pas l'avoir pour…
M. Mishara (Brian L.) :
…on ne l'a pas non plus
actuellement pour les
personnes qui ont
une maladie non mortelle, avec l'élargissement de l'accès à l'
aide
médicale à mourir. Et, à moins qu'
il y ait des
propositions
nouvelles pour les
personnes ayant une maladie mentale comme ce
problème
>médical, on risque de ne pas l'avoir pour elles non plus.
Dans une telle situation, il est évident
qu'un certain nombre de personnes vont mourir, malgré leur potentiel
d'amélioration, par erreur de jugement du patient, par manque de connaissance
de la nature des soins palliatifs ou simplement par un désir personnel de
mourir par aide médicale à mourir. Il est fort probable qu'avec l'élargissement
de l'accès à l'aide médicale à mourir le Québec ait bientôt le plus haut taux
de décès par aide médicale à mourir au monde, avec un taux deux ou trois fois
plus élevé qu'ailleurs.
Je crois qu'on doit faire mieux pour
protéger les personnes vulnérables qui souffrent, qui peuvent profiter d'autres
traitements et qui ont le potentiel de profiter de leur vie sans souffrance et supportable
pour le temps qui leur est accordé. Il faut donc agir avec prudence et ajouter
l'obligation de refuser l'aide médicale à mourir aux personnes qui, selon
l'avis des médecins experts, peuvent potentiellement profiter suffisamment des
traitements, de ne plus pouvoir mourir plus tôt. Même avec ces précautions, on
risque de se tromper souvent quand on accepte d'accorder l'aide médicale à
mourir aux personnes qui souffrent d'une maladie mentale. Merci beaucoup.
• (17 h 20) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dr Mishara… Pr Mishara. Je céderais maintenant la
parole au député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme
la Présidente. Merci, M. Mishara, pour votre contribution aux travaux de
notre commission. J'ai quelques questions pour vous et j'ai peu de temps.
Alors, je vais y aller rondement.
D'abord, sur la question de l'incurabilité
ou non des troubles mentaux, il y a des psychiatres qui sont venus nous dire à
la commission que c'était possible d'arriver à ce jugement-là, c'est-à-dire
arriver à la conclusion, à partir d'une série de critères, qu'un trouble mental
sévère est, grosso modo, incurable. Les invités qui vous ont précédés étaient
d'un avis différent, eux aussi psychiatres, avaient une réponse catégorique et
disaient : Non, ce n'est pas possible d'arriver à ce jugement définitif.
En Belgique, vous semblez avoir étudié ce qui se passe là-bas… en Belgique ou
aux Pays-Bas?
M. Mishara (Brian L.) :
Pays-Bas.
M. Nadeau-Dubois : Est-ce que
ce débat-là, également, existe au sein de la psychiatrie ou s'il y a, dans ces
endroits-là, un consensus plus fort?
M. Mishara (Brian L.) : Le
débat existe, mais c'est légal pour quelqu'un qui a seulement une maladie <psychiatrique…
M. Nadeau-Dubois : ...
est-ce
que ce débat-là
également existe au sein de la psychiatrie ou s'il y a,
dans ces endroits-là, un consensus plus fort?
M. Mishara (Brian L.) :
Le débat existe, mais c'est légal pour quelqu'un qui a seulement une maladie >psychiatrique.
Je pense que l'enjeu n'est pas est-ce que la maladie est incurable, mais
est-ce qu'on peut diminuer ou éliminer la souffrance de la personne. Il y a
plein de maladies qui vont continuer, mais la souffrance associée à cette
maladie… Quelqu'un qui a un diagnostic de schizophrénie va probablement
toujours avoir un tel diagnostic, mais il y a des traitements pour faire en
sorte que cette personne peut avoir peu ou pas de symptômes.
Aux Pays-Bas et en Belgique, quand même,
le nombre de personnes… accordées l'aide médicale à mourir est très petit. Ils
reçoivent, aux Pays-Bas, plus de 3 000 demandes par année, ils
accordent à peu près, 2019, 67 cas, et un tiers de ces personnes changent
d'avis après avoir eu l'approbation et refusent de l'avoir, mais il y a
certainement un débat là-dessus.
La recherche scientifique, qui essaie de
voir… qui demande aux psychiatres qu'est-ce qui va se passer avec cette
personne et ensuite de voir qu'est-ce qui se passe, indique que c'est quasi
impossible de prévoir qui va s'améliorer à un moment donné et qui va continuer
à souffrir. Aussi, la souffrance, ce n'est pas continu. Ce n'est pas toujours
au même niveau. Il y a des personnes qui ont une souffrance aiguë pour quelques
jours, quelques semaines, mais, il y a des moments de la journée, il y a moins
de souffrance. C'est très compliqué.
M. Nadeau-Dubois : Si je peux
me permettre une deuxième question dans le peu de temps dont je dispose...
Pardon, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, allez-y, il n'y a pas de problème.
M. Nadeau-Dubois : Ah! O.K. Le
fait d'exiger que la personne se soit prêtée à tous les traitements disponibles
avant d'être admissible à l'aide médicale à mourir, et là je me fais
volontairement l'avocat du diable, là, ce n'est pas nécessairement mon opinion
personnelle, mais est-ce que ça n'en revient pas à, indirectement, forcer les
patients ou, en tout cas, mettre une pression indue sur les patients pour
recevoir ces traitements-là?
M. Mishara (Brian L.) : C'est
au patient d'accepter ou refuser des traitements. L'enjeu n'est pas est-ce
qu'on doit obliger quelqu'un à suivre un traitement, l'enjeu c'est est-ce que
l'État a l'obligation d'arrêter la vie d'un être humain qui <peut...
M. Mishara (Brian L.) :
…d'accepter ou refuser des traitements. L'enjeu n'est pas est-ce qu'on doit
obliger
quelqu'un à suivre un traitement, l'enjeu, c'est
est-ce
que l'État a l'obligation d'arrêter la vie d'un être humain qui >peut
profiter des traitements. Et c'est un autre enjeu. La personne est libre de les
suivre ou non, mais, si on se fie sur l'expérience aux Pays-Bas, où la majorité
des refus sont parce que le médecin pense qu'il y a un traitement à essayer, c'est
très rare que des patients qui essaient ces traitements reviennent avec une
demande de mourir.
Il y a beaucoup de monde qui pense que :
Je dois absolument mourir. En Oregon, il y a un petit pourcentage de personnes
qui convainquent des médecins qu'ils ont une maladie grave, habituellement un
cancer, ils souffrent tellement qu'ils doivent mourir. Ils reçoivent des
médicaments qu'ils peuvent prendre pour se suicider, le suicide assisté, seule
pratique légale. Plus qu'un tiers, 36 %, des personnes qui ont convaincu
des médecins qu'ils doivent mourir ne prennent pas le médicament. Ils changent
d'avis et ils ont une mort naturelle éventuellement. Quand on parle de
l'ambivalence par rapport au suicide, ce n'est pas juste par rapport au
suicide, ça existe aussi dans le cas de l'aide médicale à mourir.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, M. le député. Je céderais la parole à la députée de Joliette.
Mme
Hivon
:
Bonjour, Pr Mishara. Merci, pour votre présentation. D'abord, juste une petite
remarque avant d'entrer dans le vif du sujet. Vous avez dit tout à l'heure
qu'il y avait plusieurs patients en ce moment, dans l'état actuel des choses,
dont c'était le premier soin de l'aide médicale à mourir. Et par ailleurs nous…
la commission des soins de fin de vie nous a dit que c'était plus de 80 %
des gens qui avaient l'aide médicale à mourir qui étaient passés par les soins
palliatifs. Donc, je ne sais pas si vous avez des données plus précises, mais
juste vous dire qu'on serait très intéressés à les avoir, parce qu'il semble y
avoir, là, un discours différent sur cet enjeu-là.
M. Mishara (Brian L.) : O.K.
Je ne suis pas expert là-dedans. On a une chercheuse au CRISE, Mélanie Vachon,
qui a fait des publications là-dessus, et il y a une référence, dans mon
mémoire, d'une de ses publications.
Mme
Hivon
:
Parfait.
M. Mishara (Brian L.) : Mais
l'enjeu… Il y a un enjeu. Est-ce qu'on doit traiter la mort comme traitement…
comme vraiment spécial? Même si c'est 10 % qui n'ont jamais vu quelqu'un
en soins palliatifs et c'est… si ces 10 %, ou 5 %, la moitié de ces
10 %, 5 %, ont pu profiter des soins palliatifs, est-ce qu'on veut <permettre…
M. Mishara (Brian L.) :
…même si c'est 10 % qui n'ont jamais vu quelqu'un en soins palliatifs, et
si ces 10 % ou 5 %, la moitié de ces 10 %, 5 % ont pu profiter
des soins palliatifs, est-ce qu'on veut >permettre à ces personnes d'avoir
la mort comme traitement? Combien de décès est-ce qu'on peut accepter dans la
société qu'on peut éviter avec les bons soins? Nous sommes très prudents et
conservateurs quand on parle d'un vaccin ou d'autres types de traitements des
maladies infectieuses, où on va vacciner tout le monde parce qu'un enfant,
quelque part, est mort d'«encephalitis» ou quelque chose comme ça. Donc, il y a
une question, et je pense qu'il faut faire très attention quand, le traitement,
ça arrête la vie d'un être humain.
Mme
Hivon
:
Parfait. Je vais aller voir l'étude de Mélanie Vachon. Merci de la référence.
Là, je veux vraiment réconcilier quelque
chose… C'est très intéressant, parce que vous nous dites que vous vous êtes
beaucoup penchés sur ce qui se passe en Europe, et vous nous invitez à regarder
éventuellement leur modèle qui dirait que les autres traitements doivent avoir
été essayés et qu'il n'y a pas d'alternative. Les deux psychiatres qu'on a eus
juste avant vous, donc, il faut essayer de réconcilier ça, nous ont dit :
Faites attention, Belgique, Pays-Bas, en quelque sorte, c'est la catastrophe en
matière de maladies psychiatriques. On voit des cas où quelqu'un avait perdu
son animal domestique, a pu avoir l'aide médicale à mourir, quelqu'un se
sentait trop isolé, trop seul, a pu avoir l'aide médicale à mourir. Et vous,
vous nous dites plutôt : Inspirez-vous de ce modèle-là, parce que tous les
autres traitements doivent avoir été essayés. Donc, vous comprenez qu'on est un
petit peu dubitatifs, parce que les deux, un après l'autre, ont deux points de
vue. Donc, est-ce que vous pouvez nous aider à réconcilier ça?
• (17 h 30) •
M. Mishara (Brian L.) :
Malgré tous les contrôles qui existent dans ces pays, il y a un problème par
rapport aux personnes qui ont une maladie mentale et qui en font la demande. C'est
très controversé. Aux Pays-Bas, ils ont pris un an pour tout revoir leurs
critères, et c'est controversé. Il y a certainement des cas qui semblent être
inappropriés. Il y a une différence entre Pays-Bas et Belgique. Il y a beaucoup
plus de transparence. Il y a des enquêtes plus en détail. Donc, il y a des
chercheurs, comme Scott Kim, à Washington, qui ont pu avoir accès à toutes les
transcriptions des enquêtes de chaque cas où quelqu'un avec une maladie mentale
a reçu l'aide médicale à mourir, et le problème, c'est… le <système est
basé…
>
17 h 30 (version révisée)
< M. Mishara (Brian L.) :
...Washington, qui ont pu avoir accès à toutes les transcriptions des enquêtes
de chaque cas où quelqu'un avec une maladie mentale a reçu l'aide médicale à mourir,
et le problème, c'est... >le système est basé sur les décisions de deux
médecins, des fois, un troisième médecin consulte aussi. Et les êtres humains
ne sont pas parfaits dans la prise de décision, particulièrement quand on n'a
pas un test sanguin pour dire que c'est une maladie mortelle. On n'a pas une vue
d'un cancer qui grandit à tous les mois, on n'a pas le diagnostic. On a les
paroles de la personne, et ce n'est pas très fiable, des diagnostics en
psychiatrie. Et la question, c'est vraiment : Combien d'erreurs? Parce qu'il
y en a, des erreurs et, en psychiatrie, beaucoup plus qu'un diagnostic d'un
cancer. Combien est-ce qu'on est prêt à accepter, si on se trompe, qu'il y a
quelqu'un qui va mourir qui peut profiter de continuer à vivre?
Et, moi, je suggère que la barre doit être
très haute si on le permet. Et, dans le cas de la maladie mentale, on risque de
faire des erreurs, et, personnellement, moi, je ne veux pas voir des personnes
mourir qui peuvent profiter à continuer à vivre. Et je vous invite à trouver
une recherche qui indique que les psychiatres sont capables de prévoir quelle
personne va toujours souffrir et quelles personnes vont profiter de la vie, ne plus
vouloir mourir dans l'avenir. On est toujours étonné par ce qui se passe, et la
maladie mentale ne suit pas un cheminement prévisible.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Pr Mishara. Merci, Mme la députée.
Mme
Hivon
: Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, je vais me permettre une question, Pr Mishara. On parle de santé mentale,
mais, au niveau des troubles de dégénérescence cognitive, votre position,
est-ce qu'elle aussi tranchée?
M. Mishara (Brian L.) : Mais
le problème encore, c'est, quand on une dégénération cognitive, la personne
n'est plus apte à prendre des décisions. Donc, on est dans le domaine des
demandes anticipées. Et le problème, c'est qu'on a de la <misère à
prévoir...
M. Mishara (Brian L.) :
...
c'est : quand on dégénération cognitive, la personne n'est plus
apte à prendre des décisions. Donc, on est dans le domaine des demandes
anticipées. Et le problème, c'est qu'on a de la >misère à prévoir nos
souffrances dans l'avenir et moi je peux avoir très peur de devenir sénile, d'avoir
une démence, mais il y a des personnes qui sont dans une situation avancée de
démence qui ne souffrent pas. Donc, si on accorde l'aide médicale à mourir pour
la souffrance, il faut vérifier que la personne souffre et le problème avec
souffrance, il y a des personnes qui ont des démences, qui ont des périodes de
souffrance pour une heure ou deux par journée, et des périodes être bien
contents. Ça peut fluctuer, un mois plus tard ils peuvent arrêter de souffrir.
Par rapport à la souffrance, ça ne suit
pas un cheminement prévisible. Ça se peut que les capacités cognitives vont
continuer à diminuer, ne vont pas à long terme s'améliorer, même s'il y a des
fluctuations, même dans une journée, mais ce n'est pas le cas pour la
souffrance. Donc, ce n'est pas quelque chose où on peut facilement déterminer,
et, aussi, il y a les souffrances qu'on peut traiter. Donc, il y a toujours ce
critère qui, pour moi, est crucial. S'il y a un traitement qui permet à la
personne de vivre, je ne pense pas qu'on doit accorder la mort.
La Présidente (Mme Guillemette) :
On a entendu des gens qui nous disaient que la souffrance, c'était aussi dans
la dignité. Donc, c'est dur à évaluer, mais on ne prendrait pas en compte cet
aspect-là de la volonté de la personne qui dit : Peut-être que je ne
souffrirai pas psychologiquement, peut-être je ne souffrirai pas physiquement,
mais rendu à cette étape de ma vie, je n'aurai plus conscience du monde qui
m'entoure, je demande l'aide à mourir?
M. Mishara (Brian L.) : O.K.,
mais il faut évaluer la personne au moment de sa mort ou mort possible ou
potentielle. On ne peut pas se fier sur les prévisions de quelqu'un. Il arrive
très souvent que quelqu'un pense : Oh, si ça m'arrive, je ne peux pas
continuer à vivre. J'ai fait une recherche sur les personnes <atteintes
du sida...
M. Mishara (Brian L.) :
... pas se fier sur les prévisions de quelqu'un. Il arrive très souvent que
quelqu'un pense : Oh, si ça m'arrive, je ne peux pas continuer à vivre. J'ai
fait une recherche sur les personnes >atteintes du sida et j'ai fait
cette recherche avant qu'il y avait des bonnes combinaisons de médicaments pour
traiter le sida. Donc, les gens allaient mourir. Et j'ai essayé de suivre les
personnes et voir ce qu'ils prévoyaient faire au moment de leur mort. Et, après,
j'ai demandé à tout le monde le nom de quelqu'un qui allait l'accompagner vers
la fin de leur vie, et j'ai demandé qu'est-ce qu'il s'est passé. Et il n'y
avait aucune corrélation entre ce que les personnes prévoyaient vouloir et ce
qu'ils ont voulu, rendus proches à la mort.
Il y a une personne qui a dit : Si je
ne suis pas capable de faire mes tâches quotidiennes, je veux absolument
mourir. Il a même caché des médicaments, il avait une entente avec quelqu'un
qui les donnait. Il est devenu aveugle, incontinent, il a eu des douleurs, des
métastases, du cancer cérébral. Et, tous les jours, son copain a demandé :
Est-ce que tu veux mourir aujourd'hui? Il faisait tout pour continuer à vivre
juste une autre minute.
Il y avait une autre personne très
croyante, pratiquante, qui disait : Je ne vais jamais penser à l'aide
médicale, à l'euthanasie, aide médicale à mourir, et il a demandé, jusqu'à la
dernière minute, au médecin d'arrêter sa vie.
On a de la misère à prévoir comment on va
se sentir dans l'avenir. Il faut évaluer la personne à ce moment-là pour la
souffrance, et c'est bien compliqué parce que la souffrance, ça fluctue, et il
y a des interventions. Et comme on parle de dignité, on peut créer des
environnements où c'est plus digne, et c'est ça un des objectifs des unités de
soins palliatifs et les soins à domicile qui permettent aux personnes de mourir
chez eux avec un bon soulagement de la souffrance physique et psychique.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Pr Mishara. Je céderais maintenant la parole au député de Mégantic.
M. Jacques : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Pr Mishara. Je veux revenir un peu, là, même dans le
temps, peut-être même en 2009, 2013, 2015. Vous considérez, là, que la
recherche... Est-ce que je comprends bien que, pour vous, la recherche serait
un traitement qui devrait être tenté même s'il n'y a plus <rien de
possible pour une...
M. Jacques : ... même en
2009, 2013, 2015. Vous considérez, là, que la recherche... Est-ce que je
comprends bien que, pour vous, la recherche serait un traitement qui devrait
être tenté même s'il n'y a plus >rien de possible pour une personne? Là,
on parle d'une cause de cancer. Moi, je dois vous dire, là, mon épouse est
décédée d'un cancer du cerveau, elle a été malade 18 mois, du diagnostic jusqu'à
la fin. Et, dans ce 18 mois-là, les 10 derniers mois ont été vraiment
que de la recherche. Mais elle voulait vivre, même si l'aide médicale à mourir
n'existait pas à ce moment-là, elle voulait vivre. Bon, la question ne se
posait pas. Par contre, moi, le conjoint, à ce moment-là, et la famille, on l'a
supportée dans ce qu'elle voulait faire, mais c'est très difficile pour les
gens qui l'entourent. Moi, si ça m'arrivait aujourd'hui, je sais que je peux
bénéficier de l'aide médicale à mourir. Par contre, j'ai comme senti que, pour
vous, la recherche était un traitement. Est-ce que je comprends bien?
• (17 h 40) •
M. Mishara (Brian L.) : Pour
moi, on peut utiliser la recherche pour déterminer si un traitement fonctionne,
est fiable et... Mais, non, quand on parle des traitements disponibles, on
parle des choses qui sont prouvées, qui sont acceptées comme pratique courante.
On ne parle pas d'essayer quelque chose qui n'est pas prouvé.
Ma mère est décédée d'un cancer du cerveau
aussi et, elle aussi, elle voulait absolument vivre malgré une situation qui,
pour moi et pour la famille, était épouvantable. Mais il faut respecter et
balancer la volonté de la personne contre l'obligation qu'on a de protéger les
personnes vulnérables. Quand on souffre, on a tendance à ne pas voir clair, il
y a des recherches là-dessus. Quand on vit de la douleur, on ne prend pas des
bonnes décisions.
Et c'est la même chose pour quelqu'un qui
a une maladie mentale. Quand on souffre de dépression, ça peut aller bien, mais
tout a l'air noir, sans espoir, et ça peut colorer nos impressions. Et, si on
ne connaît pas les soins palliatifs, on peut... Ça ne m'intéresse pas, ça.
M. Jacques : Pr Mishara,
je vais vous arrêter parce que vous avez très bien répondu à ma question, puis
il y a d'autres collègues qui veulent poser certaines questions, là. Donc, je
vous remercie. Je voulais avoir une précision, là, parce que je n'avais pas
bien compris, puis <vous m'avez éclairé. Merci...
M. Mishara (Brian L.) :
...
nos impressions. Et, si on ne connaît pas les soins palliatifs, on
peut... : Ça ne m'intéresse pas, ça.
M. Jacques :
Pr Mishara, je vais vous arrêter parce que vous avez très bien répondu à
ma question, puis il y a d'autres collègues qui veulent poser certaines
questions, là. Donc, je vous remercie. Je voulais avoir une précision, là,
parce que je n'avais pas bien compris, puis >vous m'avez éclairé. Merci
beaucoup.
M. Mishara (Brian L.) :
Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Je céderais la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert
:
Merci, Mme la Présidente. Bonsoir. Rendu à cette heure-là... Bonsoir,
M. Mishara. Je vais revenir un petit peu sur l'angle qu'a pris la députée
de Joliette par rapport aux pourcentages qu'on vit au Québec. Vous me dites
qu'après quatre ans, on est à 2,4 % des décès par l'aide médicale à
mourir, contrairement en Belgique. En Belgique c'est... si je me souviens bien,
que c'était 15 ans qu'on est arrivé à 2,4 %. Est-ce qu'en Belgique,
dans le 2,4 %, on inclut aussi les gens qui sont décédés de... parce qu'il
y avait... ils ont fait l'aide médicale à mourir à cause de la santé mentale?
M. Mishara (Brian L.) : Tout.
Mme
Hébert
: Tout?
M. Mishara (Brian L.) : Oui,
tout.
Mme
Hébert
:
Alors, ma question et ma préoccupation, vous allez le comprendre, si vous me
dites qu'ils ont atteint, après 15 ans, 2,4 %, on nous dit que les
intervenants précédents... qu'en Belgique, bien, que les sauvegardes sur
papier, bien, ils n'ont pas été suivis en entier, puis qu'on est arrivé à ce
nombre-là. Donc, c'est inquiétant, selon vous, d'élargir la loi parce que le
nombre risque de monter encore plus. C'est ce que vous... votre prévision?
M. Mishara (Brian L.) : C'est
en train de monter à chaque année au Québec, et je ne vois pas ça diminuer. Et,
si on élargit... Maintenant, c'est permis pour les personnes pour lesquelles la
mort n'est pas prévisible. Ça va sûrement augmenter le pourcentage des
personnes. Le seul pays au monde qui a un pourcentage plus élevé, c'est les
Pays-Bas qui, après combien d'années... ça fait 20, 40, presque 50 ans,
ils sont rendus à 4 %. Et, si on continue, dans deux, trois ans, on va
dépasser facilement le 4 %. Qu'est-ce que... et ce n'est pas parce qu'on souffre
plus au Québec. Je ne peux pas croire qu'on souffre plus au Québec qu'aux
Pays-Bas, ou au Luxembourg, ou ailleurs dans le monde. C'est parce qu'il y a un
contrôle qui existe partout ailleurs qu'on n'a pas au Québec. On a décidé de
permettre aux personnes de choisir, même si le médecin dit : Il y a un
très bon traitement, votre souffrance peut diminuer énormément. Vous allez
arrêter de souffrir, je <suggère que vous l'essayiez. L'obligation au
Québec...
M. Mishara (Brian L.)
:
...
un très bon traitement, votre souffrance peut diminuer énormément.
Vous allez arrêter de souffrir, je >suggère que vous l'essayiez. L'obligation
au Québec, c'est de l'expliquer à la personne. Et si la personne dit :
Non, ce n'est pas acceptable, on est obligé d'accorder l'aide médicale à mourir.
Le médecin ne peut pas dire : Non, il y a un traitement, je le refuse. C'est
interdit. C'est à la personne. Donc, on a opté pour mettre l'emphase sur
l'autonomie des personnes, et ces personnes qui prennent ces décisions
souffrent, souffrent énormément. Et ce n'est pas un bon moment de toujours voir
clair. Donc, je me demande comment ça se fait qu'on n'a pas ce genre de
contrôle.
Mme
Hébert
:
Puis là, vous avez mentionné avec... Je reviens encore avec l'intervention de
ma collègue la députée de Joliette, de s'inspirer de qu'est-ce qui se fait en
Europe. Alors, suggérez-vous d'être encore plus... de mettre des balises encore
plus restrictives? Parce que si on voit que, nous, déjà, on a des balises un
petit peu plus élargies présentement, si jamais on élargit la — on
est dans l'élargissement, finalement — si on élargit, est-ce que si
on s'inspire de qu'est-ce qu'ils font pour la santé mentale puis... est-ce
qu'on doit être encore un peu plus restrictif? C'est ce que vous suggérez ou
pas?
M. Mishara (Brian L.) :
O.K. En général, je crois qu'il y a une chose qu'il faut ajouter, et c'est
quelque chose qui existe partout ailleurs, et c'est cette obligation de
déterminer est-ce qu'il y a des traitements disponibles. On ne parle pas des
recherches que quelqu'un veut essayer, qui n'est pas prouvé, mais des
traitements disponibles pour soulager la souffrance ou les raisons pour
lesquelles la personne fait la demande. Je ne parle pas de guérir la maladie,
je parle de soulager la souffrance ou les raisons pour lesquelles la personne
veut mourir. C'est une question de dignité. Est-ce qu'on peut rendre sa vie
plus digne ou sa fin de vie plus digne? Si la réponse est non, c'est non. Mais,
si la réponse est oui, il faut l'essayer et s'assurer que ça ne fonctionne pas
avant d'utiliser la mort comme traitement. Ça, je veux... c'est partout le cas,
et je pense qu'on doit l'inclure pour toutes les personnes.
Par rapport à la question de la santé mentale,
c'est beaucoup plus compliqué. <Personnellement...
M. Mishara (Brian L.) :
...
comme traitement. Ça, je veux. C'est partout le cas. Et je pense qu'on
doit l'inclure pour toutes les personnes.
Par rapport à la question de la santé
mentale, c'est beaucoup plus compliqué. >Personnellement, je me fie sur
les recherches qui indiquent que les êtres humains vont se tromper quand ils
essaient de prévoir qui va continuer à souffrir et qui va s'améliorer. Même
sans traitement, plusieurs maladies graves — quelqu'un qui souffre de
schizophrénie, des personnes déprimées qui ont une dépression clinique
profonde — vont vivre des moments avec peu de symptômes en général.
Donc, puisqu'on ne peut pas prévoir ça, moi, je ne suis pas en faveur d'accorder
l'aide médicale à mourir aux personnes qui souffrent d'une maladie mentale.
• (17 h 50) •
Plus tôt, j'ai entendu Dr Barbès, qui a
décrit tout un système, a étudié des options pendant quatre ou cinq mois, faire
un suivi par deux psychiatres, s'assurer que tous les traitements ont été
assurés. Si on fait ça, moi, je vais commencer à dire à toutes les personnes
suicidaires que je côtoie, qui ont de la misère à avoir un premier rendez-vous
avec un psychiatre ou qui ne peuvent pas payer pour une psychothérapie, pour
voir un psychologue en privé et qui n'ont pas les moyens, d'aller demander de l'aide
médicale à mourir et, comme ça, quelqu'un va être préoccupé par vous, vos
problèmes et déterminer comment vous pouvez avoir les soins qu'il faut. Parce
que c'est bien beau de faire ce genre de diagnostic, mais ce n'est pas ça, le
problème de notre société. Le problème, c'est l'accès aux soins. Quelqu'un qui
fait une tentative de suicide reste à l'hôpital entre un et trois jours maximum
d'habitude et, ensuite, il va en sortir avec un rendez-vous dans une ou deux
semaines et la moitié ne se présente pas au rendez-vous parce qu'ils n'ont pas
confiance dans le système.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, professeur Mishara. On va pouvoir continuer les échanges avec le député
de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente, et merci beaucoup, Pr Mishara, de partager votre grande expertise
avec nous.
Vous avez oeuvré dans le domaine depuis
longue, longue date et vous êtes en mesure de nous aviser de l'importance,
comme société, qu'on fasse beaucoup plus pour <diminuer les chiffres...
M. Birnbaum : ...
partager votre grande expertise avec nous.
Vous avez oeuvré dans le domaine
depuis longue, longue date et vous êtes en mesure de nous aviser de
l'importance, comme société, qu'on fasse beaucoup plus pour >diminuer
les chiffres très tristes au Québec, où l'incidence de suicide est beaucoup
trop élevée. Et, peu importe comment on va se positionner, l'importance que des
balises solennelles, claires et vérifiables soient en place, on en convient
tous, et puis qu'on fasse plus pour que les traitements appropriés soient en
place. Mais, en même temps, je vous ai entendu, votre propre exemple de cette
personne atteinte de sida, et vous avez parlé de façon élégante de son
autonomie, son droit à la détermination, à quelque part, de son avenir, sa
dignité.
Qu'est-ce que vous proposez qu'on fasse
devant les gens où l'horizon évalué par des psychiatres qualifiés, son horizon
de moindre guérison, de moindres possibilités de regagner une vie dite normale?
Je ne parle pas de quelqu'un devant une dépression épisodique majeure qui est
une souffrance épouvantable, mais évidemment qui ne devrait pas être assujettie
à la possibilité de l'aide médicale à mourir, il n'y a personne qui propose ça.
Mais comment est-ce qu'on... sans discriminer, comment on peut nous adresser à
cette personne-là, dont l'horizon est sombre, dont l'individuel, lui-même, de
façon jugé apte, évalue que ces derniers 30 ans, malgré toutes sortes
d'interventions thérapeutiques, malgré l'appui de sa famille, n'a pas trouvé le
moment de vie normale, peut-être être isolé à 100 %, se cache dans son
apparte depuis 30 ans, n'a jamais connu le bonheur, dont l'évaluation
professionnelle, c'est que c'est une continuation qu'il attend? Sur quelle base
cette personne devrait être traitée différemment? Et je vous rappelle qu'on
n'est plus dans l'horizon d'une attente de fin de vie imminente. Pour quelle
raison cette personne ne devrait pas avoir, dans les conditions très, très
balisées, la possibilité de choisir l'aide médicale à mourir comme quelqu'un
devant un diagnostic incurable d'un cancer?
M. Mishara (Brian L.) : Moi,
je travaille en prévention du suicide. Quand j'ai fait des interventions,
travaillé à Suicide Action Montréal comme bénévole, j'ai travaillé dans un <hôpital
psychiatrique quatre ans...
M. Birnbaum : ...
incurable d'un cancer?
M. Mishara (Brian L.) :
Moi, je travaille en prévention du suicide. Quand j'ai fait des interventions,
travaillé à Suicide Action Montréal comme bénévole, j'ai travaillé dans un >hôpital
psychiatrique quatre ans, j'ai... chaque personne qui a fait une tentative de
suicide que j'ai rencontrée était convaincue, à ce moment — presque
tout le monde — était convaincue, à ce moment, qu'il n'y avait aucun
espoir, que la seule façon d'arrêter ma souffrance est de me tuer. Quand même,
les statistiques indiquent que seulement 10 %, peut-être 12 %, des
personnes qui ont fait cette tentative vont faire une deuxième tentative parce
qu'ils changent d'avis, ils reçoivent des soins, ils réfléchissent à tout cela.
10 %, c'est élevé, c'est beaucoup de décès ou beaucoup de tentatives parce
qu'il y en a très peu qui vont mourir de leur deuxième tentative, mais, quand
même, je ne peux pas me fier sur le point de vue de quelqu'un qui veut mourir
pour déterminer que c'est justifié parce que toute personne suicidaire, au
moment de sa tentative, a des bonnes justifications. Et souvent, ils seront
très convaincants, mais j'ai l'expérience en intervention de prévention du
suicide qui m'indique que même des personnes qui souffrent d'un cancer
terminal, qui ont une espérance de vie de quelques mois, peuvent changer
d'avis, vouloir continuer à vivre s'ils reçoivent des bonnes interventions. Ça
arrive tellement souvent, et c'est la norme, la prévention du suicide fonctionne
en général.
Et quand vous me dites qu'il existe des
professionnels qui sont convaincus par... ça se peut, mais les recherches
indiquent clairement qu'ils vont souvent se tromper. Et ici, se tromper, ça
veut dire la mort.
M. Birnbaum : Oui, une autre
fois, je comprends l'importance capitale de la prudence. Avec respect, je vous
mets devant la situation de Mme Demontigny, qui a témoigné devant nous,
atteinte d'un Alzheimer précoce dans un moment... une période de sa vie où son
aptitude, sa lucidité est complètement claire, hors de question. Et je vais
utiliser un terme parce que j'insiste que le parallèle est exact pour <poser
ma question...
M. Birnbaum : ...
précoce dans un moment... une période de sa vie où son aptitude, sa lucidité
est complètement claire, hors de question. Et je vais utiliser un terme parce
que j'insiste que le parallèle est exact pour >poser ma question,
Mme Demontigny nous dit, en pleine connaissance de cause, qu'elle veut se
suicider une fois ses symptômes rendus très, très, très graves et
irréversibles. Donc, vous êtes médecin, vous allez convenir avec moi qu'il y a
toujours une espèce de doute. Et j'utilise le terme parce que c'est ça, elle
indique son intention d'avoir de l'aide pour se suicider. Est-ce que son
souhait est légitime, lucide? Et est-ce qu'il n'y aurait jamais un parallèle
pour quelqu'un atteint d'une maladie grave de santé mentale?
M. Mishara (Brian L.) : Un
souhait... Et on a toutes sortes de souhaits, j'ai beaucoup de souhaits dans la
vie, mais la question, c'est vraiment : Rendue là, est-ce qu'elle va soit
penser de même ou est-ce qu'elle va être dans un état de souffrance où il y a
des indications qu'elle va vouloir mourir?
Il y a beaucoup de recherches sur
l'évolution des maladies dégénératives et il y a aussi des recherches sur les
personnes qui ont un accident, par exemple un accident d'auto, ils sont
paralysés gravement, et d'habitude les gens diraient : Si je suis
paralysé, je passe le reste de ma vie en chaise roulante, je ne voudrais pas
vivre. Presque tout le monde pense ça, beaucoup de monde pense comme ça. Quand
quelqu'un apprend qu'il ou elle est paralysé, très souvent, ces personnes
désirent mourir, ne peuvent pas concevoir de vivre comme ça. Six mois, un an
plus tard, les personnes qui sont gravement handicapées sont, selon toutes les
recherches, moins suicidaires et désirent moins mourir que les personnes sans
handicap. Je ne pense pas qu'on est très bon à prévoir notre état dans
l'avenir.
• (18 heures) •
Si quelqu'un souffre, et la souffrance est
démontrable et évidente, et il n'y a pas... et on essaie d'intervenir pour
diminuer sa souffrance, et on ne réussit pas, ça, c'est une situation où je ne
peux pas... et on est certain que ça va continuer, moi, comme tout le <monde,
je...
>
18 h (version révisée)
< M. Mishara (Brian L.) :
...essaie d'intervenir pour diminuer sa souffrance, et on ne réussit pas, ça,
c'est une situation où je ne peux pas... et on est certain que ça va continuer,
moi, comme tout le >monde, je ne veux pas voir souffrir pour toujours
quelqu'un, mais, si on peut diminuer cette souffrance ou s'il y a des données,
des recherches qui indiquent que, fort probablement, la personne va arrêter de
souffrir, ça peut changer ou ce n'est pas certain, je crois qu'il faut, dans le
cas où le traitement, c'est la mort, il faut ne pas l'accorder si on n'a pas
des vraies preuves que c'est interminable. Et souvent on est étonnés. C'est le
cas, c'est certainement le cas par rapport aux handicaps et plusieurs maladies
dégénératives.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je vais avoir besoin du consentement de tout le monde pour dépasser de
deux minutes l'heure... pour continuer. Parfait. Consentement. Vous pouvez
continuer, M. le député.
M. Birnbaum : Merci,
Mme la Présidente. Je vous avoue que j'entends des mises en garde très
sérieuses et importantes qui pourraient et devraient s'appliquer aux cas
physiques ainsi que mentaux. Ce qui m'amène à une dernière question. Il ne nous
reste pas grand temps. L'amendement que vous proposez, comment ça pourrait se
déclarer, se manifester? C'est quoi, les critères? Bon, y a-t-il un traitement
au Mexique qui aurait été réussi dans un cas ou deux? Comment on peut
opérationnaliser votre suggestion d'un amendement?
M. Mishara (Brian L.) : Mais
les mots utilisés ailleurs sont des mots comme «traitements prouvés», ou les
traitements qui sont agrégés, ou qui sont... ou «habituels», des choses comme
ça, pour... Par rapport à la dépression, il y a des recherches qui indiquent qu'il
y a certains médicaments qui peuvent fonctionner. Il y a certains types de
psychothérapies qui sont efficaces à deux tiers des personnes qui suivent ces
traitements. On ne parle pas d'essayer quelque chose ou envoyer quelqu'un à
quelque part où il y a un gourou qui propose de faire quelque <chose...
M. Mishara (Brian L.) :
...deux tiers des personnes qui suivent ces traitements. On ne parle pas
d'essayer quelque chose ou envoyer quelqu'un à quelque part où il y a un gourou
qui propose de faire quelque >chose. On parle des traitements qui sont
prouvés, qui ont une preuve scientifique que ça fonctionne, et c'est tout. Et
d'habitude c'est ça qu'on fait, et on se fie sur les experts là-dedans. Si le
problème, c'est psychiatrique, on se fie sur des psychiatres, leur avis
là-dessus. Mais, dans le cas d'un problème psychiatrique, c'est plus compliqué
parce que leur avis n'est pas très fiable, selon toutes les recherches. Ils se
trompent. Et la question : Est-ce qu'on doit permettre que les personnes
meurent parce que ce n'est pas très fiable, les jugements dans les cas de
maladie mentale? Et moi, je ne veux pas que les personnes meurent si elles
peuvent continuer à vivre.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, Pr Mishara. Merci de votre contribution à nos
travaux.
Compte tenu de l'heure, la commission
suspend ses travaux, et nous nous retrouvons en séance virtuelle dans quelques
instants. Donc, merci de votre présence aujourd'hui avec nous.
(Fin de la séance à 18 h 05)